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Full text of "Nouveau recueil : ou, Mélange littéraire, historique, dramatique, et poétique, a l'usage des écoles et des amateurs de la langue française ; le tout réunissant l'agréable, le curieux, et l'utile"

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1] 


GENERAL  UfiRÀRY 

ÔP 

University  of  Michigan 


Presented  by 


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-Risf^in^n^r^jpu^^  ^.f^JF'.r^j^rsi^r^j'^j^ir^fî^irsi^ifSJT^jE'j  '^isrF'r^r^.'^j^j^i^r^. 


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,^   MELANGE  LITTERAIRE, 

"^n'J^     HISTORI  QJ^  E, 


r 


DRAMATIQUE  et  POETIQUE, 

A  L'USA  G^E   DES    ECOLES, 

ET    I>ES 

AMATEURS  oi  la  LANGUE^WàNCOISE. 


*^.'~*r*«'• 


LE    TOUT    RE  U>ï  I  S  S  A  N  T 
JL*A0R£ABL£,   LE   CURIEUX,    ET   L'UTILT 


■nr 


Par  a.  BCOT,  A.  M. 

MXMB&K     DR    L^UnIVXSIT£'    D£     PAaik. 


QUATRIEME  EDlflfcfc^ 

S0IGNEUS£M£N'Ç;.  RJEVUE     £T     COmiG 


IGE'£. 


•!*■  I 


Fhrifiris  ut  apet  infaltlhus  omnia  îllant^ 
Onrnia  nos. 


ALONDRES: 

Imprimé  pour  THO.  KAY,  332,  dans  le  Straad* 

&  GUIL.  CREECH, 
à  EDINBOURG. 


1798. 


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^f^ïïum  ini^mm»  ta». 


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AVIS 

.  .      .  -        » 

Sûr  utie  Nouvelle  Edition.- 

T  'ACUEIL  favorable  que  le  Public  à  fait 
"^"■^  à-trcMS-  Imprdfions  de  cet  ^Ouvrage,  ^ 
engagé  les  Editeurs  à  lui  en  prcfenter  une 
Quatrième. 

On  a  lu  et  corrigé  avec  toute  l'cxaôîtudc 
pbflible  cette  Nouvelle  Edition  ;  ainfi,  on  a  lieu 
de  préfumer  qu^ellc  fera  trquvéc  plus  ^  cor- 
rêâe^que  les  précédentes,  dans  Icfquelles  plu» 
ficurs  fautes  s'etoîent  glifées. 


♦  • 


J  Edinbourg^ 
h  I  Awt 


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^/••^rmmr-^ 


PRE  F  A  G  E. 


9 

Ç«  I  le  dcfirtlc  plaire  au  Public,  en  iâcha!|t- 
*^  de  rendre  quelque  fervice  à  la  Jeunclle,  . 
eft  un  titre  pour  mériter  ibs  fuffragesy  P£di« 
TEU&  de  ce  Recueil  ôfe  fe  flatter  de  n'être' 
pas  tout  à  fait  indigQe  de  fou  Approbatiçk^^^. 


TABLE 

DES 

MATIERES 

CONTENUES  dahs  lm   RECUEIL. 

Histoire  Jkjxaefk.    Tirée  des  Beller  Lettres, 

par  M.  Rollin,                 •               -.             .  r 

fUJUire  de  Cyrut.     Ttrée  du  dit  livre,               -  8 

Sfgondt  Guerre  Pmmqut^     Ibîd»             -            -  25 

Du  Luxe  de  ta  Table.     Ibicf,              •         •         •  3^ 

Xc  Diable  Bekeux^               -               -               -  35 
Les  Deux  Premiers  Livres  des  Aoantures  de  Télé» 

maque^             -             -             -                  -  38- 

L£5  AVANTDRES  de  GIL  BLAS. 
PREMIER    LIVRE. 

CHAR     L 
De  lm  uaifim^^Gil  Bios  et  drjkn  Alacatmv^  ^  8g 

C  H  A  P.     IL 
Des  aUarmes  qu^'d  eut  eu  étant  à  P^fmiflor  ;  de  ce  çu^U 
Jk  emufrrmea^dtmiutu^hf  §( mon  gÊsd^bmÊne  it 
finpa^  -  -  -  -  90 

CHAP    m- 

De  la  MWÊakom  çm^eim  le  nuJeàerfite'  lm  HSâ^  ;  qaeUe 
etsfut  lafiàu  /  et  comment  Gil  Bios  ktmha  dam 
Carybde  en  voulant  éviter  Scyila,  -  •  gS 

C  H  A  P.     IV. 

Defcriptkn  et  S&uierminy  ei  quelles  cbafes  y  vit  Gil 

CHAF.    V. 
De  t* arrivée  de  pbijîeurs  autres  P' ôleurs  dans  le  Sauter^' 
rain^  et  de  PagréàbU  convetfaïion  quHls  eurent  em- 
/efttèle,  -  •  .        lOU^ 

CHAP.    Vt. 
De  la  tentativ*  que  Jit  Cil  Blas  pour/e/auver^  et  quel 
en  fut  lefucch^  -  -  icS' 

CHAP.    VIL 
De  ee  que  fi  Gil  Blas^  ne  pouvant  faire  meux^  11.0 

CHAP. 


fur  Ut  Grmd^^tiètànf^'-  V.      w.--^-:^  ,;,  ^;:^  v>  v.ua^xa 

C  H  A  P»     jX«  ^^--vci 

Dr  t^EvinemeM  firitui  gmtjuM  ^ttè  Avantun^  tlj 

•  C  H^A-B.*^^X.*-^"'-r*.'^  :•  .lue 
IV  queffe  firânÙfé  h$  WktÈrt  en  infrriîrîrtrrr  ^nr  iDïMtf^, 
Du  grand  Jeffein  fue  for)»u^Oil  BUu^  it  quel  enfui 
i  êvinttntnt^   ■  •••  ''-^x   »*    ^«c*.--  "^',«*\i^7^ 

^C  ri  A  P«  '  Xl«-    "\/-\,  '  '^w.'.  t-u 
Hiftoirt  df  Donna  tÊntcta  dk  MQfyiha^  «  1 22 

^GHAP-     XÎL  i^v^x^^^ 

De  (piiiie  maniire  dtJnfréaBk  Cil  Bios  tt  la  Damtfiâ*  " 
r£ni\nÏ9r¥impût^  '  •    .    ^         «v^  ^     iOl^O 

far  quihhpssàri  QitBlasfrnk  m^jm  de^ft^bm^  ^'^M^ 
aUa^  -  -  -  -        -   T^z 

'    •  •    ••     -  ChAÏ^    XIV-  ■  •    ••;••;  ..'t.I 
De  /a  réciûiwn  qiie  Dottnn  Menàa  Ini^'à  JSlm^       .-i  Xjc 

C  H  A  P.     XV. 
De  quelle  façon  t^hahiffù  GilSlaf,     DntMmnmft^^X 
,  fetit  quW  refut  dé  la  Dafne.     SfdktÊf  ^t^ftufajrgs^l 
dpartùdi  Burgot^^  -  .    nru  \    jag 

CHAP.     XVL     "^0      ...     .y.t'' 

^ifait  voir  qu^an  nf  diàifas  trtf  c^ffterJit^'ktfrnjH 

CHAP.    XVII. 
^uel partUftit  Cil  Blaf  oprh  l^avaniwtê  d$  Pininf^! 


».r    >      .'  V  -  ,.;<^ 


.      LIVRE   SECOND*  ^   . 

C  H  A  P»   r.'    '     '    "^  *'^ 

«  f^rtce  miat  èfjhtt  recevoir  Cil  Bios  ch%  ^e^LtûiniU 
Sédilio,  Dans  quti  éiûiéîoii  ce'  ChanOhie,  Fot^. 
irait  di/a  GouvernatJej  "-      ^'    *   ^  -'  "*^  ''''iÇT 

en  h  p.  ïir  Y   :■'-•  '^-•■'^.- 

.D/  fi/^/&  manière  le  Chanoiniy  /tant  tàmè^iTntiadt^r^^if^ 
traités    a  qu^ii  en  arriva  ;  jt  ce-  qu^iliai^  }>àr 
tejlatncnf^à  GdBIai,  '-    ^     >-^^.-       >  ^vô -wjgj 

CHAP.     HT.  -  ;v-  — ^ 
(ji/  B/01  *^engage  anftrvùe  du  Do&tue  Sangrado^  tt 
devient  un  cfUire  M/dedn,  •  •    <        i6^ 

CHAP. 


^^^.  -\.uv   .    c^OKAPt.  yi*     ^ ', 

r JQtf&  fMite  î/  /riir  M  ^itfitf  it  Valladoûd^  t.qm 
hummt  Ujuigwk  eà  dmlt,      ^  «      •  •  x8j 

•^^^  zCHAtLVllt   ,     .  ..  .  ^,<    . 

JS/hin  4b  Garfom  Bêriiirp  »  •  '    188 

w\  :--     :        CHAP,    Vill. 
^^t  U  remcmtrt  fu  Gil  Bios  iifon  comf0^nof^reit 
d^mm  bêtmmê  qmltrgfipoâ  éri  €rmtejt  Jêfam  Mai  Me 
Jf^mmmfrWt  4k  nmintiem  if^ili  ttmm  fjg  bd^ .         209 

CHAP.     IX. 
Dans  quêi  éisi  Di^o  niratitta/ufimillÊ^  H  afrh  qiùU 

»        . 
ILoL  MffmMfi-Mkr»    Cmtf  ltf>nd.    Par  Mcrmontel,  2 1 7 

Xuhi^é^l^^ikf  dU^u    Coou  Morah    Far  le  môme'  - 
^fi    Auteor,  -  -  -        *      •    ,.         ^28 

imY^IXti^.        -         -,     ^48 

»  ^Voysge  dt  VAnàrd  jÉièfim  cutàur  du  Ghhi.    Târ  le 

même,  -•  «*    ^     t    %  -  261 

Ckn^'i^^^dyu    Cmtit^.    Par  MoUere»        -         ^68 
^  %d£  Mikriûgi  Forci,     Comédie,     Par  le  roêine,  "3^9 

Macbeth.     Conie  Moraf.     Tiré  de  Shakefpeare.  '  Psir 

M.  Perrirty'  V  i       .  .  ;  -  33a 

Sur  let  SpcQaclet  dec  Aitgîms.  .^  LeHre  '^du  Bûr<m  de 
JUm^^^  M^k:B^ron'K^**à  Bcrim,  544 

-,^ur  le  Commerce.^  Parlé  mêînê,  -  •  i*  '  .  '  3S^ 
Fortrmt  de  CromweU.  par  VolXalre,^  ^  ^  •  "  367 
^Dikot^Jje^Jdk  dey.\lt0^relàfa  retepûon  à Ï^Acndewùe 

-^'•^'««52'r..  .;/-,>;,   . -.  :  .  -'      -  -*  '-372 

x>iiJiiboHe.     tragédie.     Par'M.  Racmc^-    *      -     ^'     383 
Le  Coeu  Imagùutitr*     Cofedie^,  Pàf  Ql^  Molière^' -    439 

U     r..  .  -.'         -    .Â'  .      *'      '     '.  CHAP. 


«       « . 


•-•*.. 


viii  TA&LE  DBS  MATIERES. 

EXTRAITS  DES  VARIE'TE'S  HISTORIQUES.^ 

Chartes  XII.  Roi  de  Suède ^               .               .  462 

Stan^as  /.  Roi  dk  Pologne^               .               -  467. 
Pierre  ^lexiovàisSf  C%ar  .de  Ma^vie^  furnomme   le 

Grande            .             ....  473 

Catherine  ^exo-^na,  Epoufo  dé  Pierre  le  Grànd^  48 1 

Lettres  de  Madame  du  Bocage %fnr  t*[taUiy  48  J 

Chant  Premier  Des  Jardine.     2ûi  M.  L'Abbé  d« 

Lille,            -             •             -  '           i.  495 

EGLOGUES  DE  VIRGILE.    Par  M.  G&tsset. 

Eglog.  I.  Tityre^            -              •               -      '  507 

,,.,,,    M.  Il,  Irie^.               -               -               '•  5»0 

'     ■,   m.  PeJetmn.     Comtai  FqPoral<^         -  J'5 

Satyre.     Par  BoHeau^          -             •             •  5^9 

Epure.     Pkr  le  ukimt^            »             -             •  f^S-- 

FABLES  par  La  FONTAINE. 

VHirondeile  et  les  petifs  OtfeauXy           -           -  529--* 

Le  Rai  de  yyie  e^  le  Ra$^  dct  Cbast^i        -         -  531 

Le  Lwfie^^.^igMaff         -          -          -          «:  Uii» 

ODES  par  ROUSSEAU 

A k  Fortune^                -  .            -               -  532 

A  M.  le  Conte  de  ^insmdorf,        .        »          •  J3(5 

€^  Sacrée,'-^lùée  du  Pfeaume  Ti\v^         .           .  539 

I'                     Tirfif  A  Pfiaume  »»îîr.        -        -  540- 

M>YLLES  DE  THE'OCRITE,             .  54a 


RECUEIL 


A  L'USAGE  D£S 


Ecoles   Françoise  s. 


jgBaaHaBapBBHBBaBBKSiesaaaatBsaBsaHXBa^assBEaBasBsasBqsaBasaitaaEs: 


HISTOIRE  i>E  JOSEÎP.H» 


Jo^h  vendu  parfit  Frères  :  Caidnit  en  Egyf^te  che%  Pur 
t^éir  :  Mutnprifin,     G^ni,  tua  p.  57,^^9,  et  40. 


JACOB  avoh  doaze  «Khms.  i-ort  Joseph  f.t  Berjji^ 
mmétoïent.lcs  p'!us  jciincî  :  5'  avoit  ea  ces  deuv 
derniers  de  Kachel.  f/rrr.ï'jir  f.îii-ici.lier  tjc  I'îcoU 
tèinoignoit  à  Joseph,  !a  t-jtriJ  f '.c  celui-c  i  p'U  ^-'ac- 
<mfor  devsmt  luîfts  fr**.c5  c*\iii  f  ••.'i:  vue  rKcriture  ne 
jiomme  point,  et  L-ïï  i\v!:  f:u'li  i. iir  iit  des  (^ingcs  qui 
jnarquoieut  fa  fiatiue.gc:.;.u;-v..*,  c.\caiiiciU  leur  jaloulie 
et  leur  haine. 

Un  jour  qu'ils  le  virent  \  ir.it  r  euv  dansla  campsgiié 
où  ils  paifibient  leurs  troupe  ^s:,  ;!â  ie  dirent  l'un  à  Fautrei 
Voici  notre  fongeur  qui  vient  >  aijons,  tuons-ie,  et  Je  jet- 
ions dans  une  vieille  citerne  :  après  cela  on  verra  à  quoi 
*iui  auront  l'crvi  fe«  fonges.  Sur  la  remontrance  de  Ru- 
ben,  ils  le  contentèrent  de  le  jetter  dans  la  citerne,  aprè« 
lui  avoir  ôtc  fa  robe.  Bientôt  même  ils  l'en  retitèren;, 
pour  le  vendre  à  des  Marchands  Ifmaélttes  qui  alloient 
en  Egypte,  à  qui  en  effet  ils  le  vendirent  vingt  pièces 
xl'argeot  Après  cela  ils  prirent  fa  robe,  et  l'ayant 
trempée  dans  U  fang  d'un  chevreau,  iîs  l'envoyèrent  à 
Jacôb,  et  lui  firent  dire:  Voici  une  robe  que  nous, avons 
trouvée  ;  «voyez  G  ce  n'eft  pas  celle  de  vc*tre  fils.  11  la 
reconnut,  et  dit  :  C'eft  la  robe  de  mon  fils.  Une  béte 
cruelle  l'a  dévoré,  une  bcté  a  dévoie  Joseph.    11  déchira 


ft  HISTOIRE  DB  JOSEPH. 

iti  vête^ens  \   et  s^étant  couvert  d^un  cUice,  il  pleuia 
foD  fils  fort  longtcms. 

Les  Ifmaéjites  amenèrent  Joseph  en  Egypte,  où  ils 
le  vendirent  à  un  des  premiers  Officiers  de  la  Coar  de 
Pharaon  nommé  Putiphar.  Le  Seigneur ^  dit  PËcriture, 
éioù  avec  Joùpb^  et  tout  lui  rèujpjfoit  heureufement.  Son 
Maître,  qui  vojoit  bien  que  Dieu  étoit  avec  lui,  le  prît 
en  afFeflion.  11  le  fît  intendant  de  fa  maifon,  et  il  fe  repofa 
abfolument  fur  lui  du  foin  de  toutes  fes  affaires.  Auflt 
I3îeu  bénît  la  raaifon  de  Putiphar,  et  il  multiplia  fes 
biens  de  tous  côtés  à  caufe  de  Joseph. 

il  y  âvoit  déjà  lon|;tems  qu'il  étoit  dans  cette  maîfon, 
lorfque  fa  MaîtreiTe  Payant  regardé  avec  un  mauvais  dé^ 
fîr,  le  follîcita  en  Pabfènce  de  fon  mari  à  commettre  le 
crime.  Mais  Joseph  en  eut  horreur,  et  lui  dit  :  Com« 
ment  ferois-je  aifez  malheureux,  pour  abufer  de  la  con- 
fiance que  mon  Maître  a  en  moi,  et  pour  pécher  contre 
mon  Dieu  ?  Elle  continua  ainfî  pendant  plufîeurs  jours  à 
Je  folHclter^  fans  pouvoir  rien  obtenir.  £nfîn,  un  jour 
que  Joseph  étoit  feul,  elle  le  prit  par  le  manteau,  et  le 
preflbît  de  confentir  à  fon  mauvais  defir.  Alors  Joseph, 
lui  laiflant  le  manteau  entre  les  mains,  s^enfuit.  Cette 
femme,  outrée  de  dépit,  jetta  un  grand  cri,  et  ayant 
appelle  les  gens  de  fa  maifon,  elle  leur  dit  que  Joseph 
a  voit  voulu  lut  faire  violence,  et  qu'il  avoit  pris  la  fuite' 
suffitôt  qu'il  Tavoît  entendue  crier.  Lorfque  fon  mari 
fut  de  retour,^  elle  lui  perfua'da  la  même  chôfe,  en  lut 
iTiOntrant  le  manteau  comme  une  preuve  de  ce  qu^elle 
difoit.  Putiphar,  trop  crédule  aux  paroles  de  fa  femme, 
entra  dans  une  grande  colère,  et  le  fit  enfermer  dans  la 
prifon,  où  étoieot  ceux  que  le  Roi  fcfoit  arrêter.  Mais  - 
le  Seigneur  fat  avec  Joseph  :  11  en  eut  compaffion,  et  il 
lui  fit  trouver  grâce  devant  le  Gouverneur,  , 

Pendant  que  Joseph  étoit  en  Prifon,  deux  des  grands 
Officiers  de  la  Cour  de  Pharaon,  favoir  le  grand  Echan- 
fon  et  le  grand  Pannetîer,  y  furent'  conduits  par  ordre 
du  Roi.  Le  Gouverneur  en  confia  le  foin" à  Joseph, 
comme  de  tous  les  autres  prîfonnîers.  Quelque  tems 
après  ils  eurent  tous  deux  dans  la  même  nuit  un  fonge 
qui  les  jetta  dans  de  grandes  inquiétudes.  Joseph  leur 
en  donna  Texplication.  Il  prédit  à  l'Echanfon,  que 
dans  trois  jours  il  feroit^écabli  dans  ■  l'exercife  de  fa- 

charge) 


HISTOIRE  DE  JOSEPH.  3 

cbarge  \  et  au  ^and  Pânnetîer,  que  dans  ^trois  jours 
Pharaon  le  feroît  attacher  à  une  croix,  où  fa  chair  lerolt 
dschlrée  par  k$  oifeauxt  Les  chofes  arrivèrent,  comme 
U  Tavoit  dit.  Le  grand  Pannetier  fut  mis  à  mort,  et 
i'autte  rétabli.  Joseph  avait  prié  r£chanfon  de  fe  fou- 
venir  de  lui,  et  d'obtenir  du  Roi  (on  élargiHeroent  :  car 
j^ai  été  enlevé,  dit-il,  par  fraude  et  par  vioknce  du  pnys 
des  Hébreux^  et  j^ai  été  renfermé  dans  cette  prifpn,  fan»^ 
être  coupable».  Mais  cet  Officier  étant  rentré  en  faveur' 
ne  penfa  plus  à  foa  Interprète. 

Ekvaiîon  de^o^eph.     Premier  Voyage  de  fes  Ftircs  e/r 
Egy/>ie  -  Gcn.  ch.  4r,  &  42. 

Dsox.  ans  fe  pafsèrent  depuis  que  PKchanfon  eut 
été  rétabli,  après  lefqucls  Pharaon  eut  deux  fonges  en- 
^ae  même  nuit.'  Dans  l'un,  il  vit  fept  vaches çràlTe»  qui 
*&rtoîeat  du  Nil,  et  qui  furent  dévorées  par  iept  autres 
vaches  maigres  forttes  après  elles  du  même  fleuve.  Dans 
le  fécond,  U  vit  fept  épis  plein»^  qui  furent  audl  dévores 
par  fept  autres  épis  fort  maigres.  Aucun  des  Sages  de 
l'Egypte  n'ayant  pu  expliquer  ces  fonges,  l'Echanfon  fe 
fouvint  de  Joseph^ et  eu  parla  au  Rt)i,  qui  le  fit  aufli-tôt 
fortir  de  prifon,  et  lui  raconta  fes  fonges.  Joseph  ré- 
pondit, que  les  fept  vaches  gra(l*es  et  les  fept  épis  pleins 
%ni€oient  fept  années  d'abondance  f  et  que  les  vaches- 
et  les  épis  maigres  marquoicnt  fept  années  de  (lérilité  et 
àe  famine  qui  viendroient  enfuite.  Il  coofcilla  au  Roi 
d^étabiir  un  homme  fage  et  habile,,  qui  eût  foin,  pen- 
dant les  fept  années  d'abondance,  de  faire  ferrer  une  par- 
tie des  grains  dans  des  greniers  publics,  a  fin  quePEgypte 
y  trouvCit  une  reffourcc  pendant  la  Aéiillté,  Ce  conceil 
•  plut  à  Pharaon,  et  il  dit  à  Joseph:  C*ell  vous  même  que 
j'établis  aujourd'hui  pour  commander  à  toute  l'Egypte-: 
tout  le  monde  vous  obéira,  et  il  n'y  aura  que  moi  au- 
defîus  de  vous.  Ko  même  tems  il  ôta  fa  bague  de  foa 
"^oigt,  et  le  mit  au  doigt  de  Joseph  :  il  le  fit  monter  fur 
fon  fécond  char,  et  fit  crier  par  un  héraut,  que  tout  le 
Hjoiidc  fléchît  le  genou  devant  lui.  11  changea  auITi  foa 
^om,  et  lui  en  donna  un  qui  fignifioit  Sauveur  du  Monde^ 
^tz  fept  années  d*abondance  arrivèrent,  comme  Joseph. 
Pavoit  prédit.  Pendant  ce  tems,  îl  fit  mettre  en  léferv^ 
une  grande  quantité  de  blé  dans  les  greniers  du  Roi. 

A  Z  La 


4  HISTOIRE  BS  JOSEPH. 

*La  flcnlité  vînt  ébruite,  et  la  famine  éîoit  dans  tom  Tes 
3&nys  :  maïs  îl  y  avôit  du  blé  en  £g;ypte.  Le  peuple 
vvé-ié  de  la  faîm,  demanda  à  Pharaon  de  quoi  vivre. 
il  kar  dît  :  AWct  à  Joseph,  et  faites  tout  ce  qu'il  vous 
dira,  Joseph  donc,  ouvrant  tous  les  greniers,  vendoit  du 
blé  aux  Egyptiens  et  aux  autres  peuples. 

Jacob  Payant  appris,  commanda  à  Tes  enfàns  d'y  aller.  • 
J4s  partirent  au  nombre  de  dix  :  car  Jacob  avoit  retena 
Benjamin  auprès  de  lui,  de  peur  qu'il  ne  lui  arrivât  queU 
que  accident  dans  le  chemin.  £tant  arrivés  enî  Egypte, 
ils  parurent  devant  Joseph,  et  l'adorèrent.  Joseph  les 
reconnut  d'abord;  et  en  les  voyant  proHeiné» devant  lui, 
il  fe  fou  vint  des  fonges  qu'il  avoit  eiïs  autrefois  :  mais  il 
ne  fe  fît  point  connaître  à  eux.  Il  leur  parlimème  fort 
durement,  et  les  traita  d'cfpions  qui  ven<!>ient  pour  ex^* 
aminer  le  pays.  Ils  •  Inî  repartirent  :  Seig^neor,  nous 
iommes  venus  ici  pour  acheter  du  blé*  Kuus  femmes 
douze  frères,  tous  enfans  d'un  même  homme,  qui  demeure 
dans  le  pays  de  Chanaan.  Le  dernier  de  tous  efl  de« 
meure  avec  notre  père,  et  l'autre  n'eft  plus  au  monde» 
Hé  bien,  reprit  Joseph,  je  m'en  vais  éprouver  fi  vous 
dites  la  vérité.  Envoyée  l'un  de  vous,  pour  amener  ici 
l^B  plus  jeune  de  vos  frères  :  et  cependant  les  autres  de* 
xhcureront  en  prifon.  11  fe  contenta  néanmoins  dVn  re- 
tenir un  feul.  Pénétrés  de  frayeur  et  de  regret,  ils  le 
difoient  l'un  à  l'autre  en  leur  langue  ;  C'cft  avec  ju- 
flice  que  nous  fouifrons  tout  ceci,  parce  que  nous  avons 
péché  contre  notre  frère.  Nous  le  voyions  accablé  de 
douleur,  îôrrqu'il'taous  prîoît  d'avoir  pitié  de  lui  ;  mais* 
nous  ne  voulûmes  pas  l'écouter.  C'eft  pour  cela  que  ce 
malheur  nous  eft  arrive.  Ruberl,  l'un  d'entre  eux,  leur 
difoit  :  Ne  vous  le  dis-je  pas  ^lors,  de  ne  point  corn» 
mettre  un  fi  grand  crime  contre  cet  enfant  ?  Cependant 
vous  ne  m'écoutates  point.  C'cft  fon  fang  maintenant 
que  Dieu  vous  redemande.  Joseph,  qui  les  entendoif^. 
l'ans  qu'ils  le  fûifent,  ne  put  retenir  fes  larmes.^  Il  fe  te- 
tîra  pour  un  moment,  et  revin;t  cnfuite  kur  parler.  'Alors 
il  fit  prendre  Simeon,  et  le  6t  lier  devant  eux  :  puis  il 
cômmand*!  fécrètteraent  à  fcs  OfHclers  de  remettre  leur 
argent  dans  leurs  facs.  ils  partirent  donc  avec  leurs 
&nes  chargés  de  blé. 

2.  Second 


HISTOIRE  DK  JOSEPH.  5 

Second  Ff^agf  ia  Enfiau  de  Jaccb  en  EiypU.    yoièph 
'  reconnu- Jtarjes  Frères.     Oen.  ch.  43,  44,  45* 

I^oasQUE  lea  eiifans,  de  Jacob,  rji  retour  de  leur 
?o}rage,  lui  eurent  raconté,  tout  ce  qui  leur  étoit  ar«* 
livé,  remprifonnement  de  bimeon,  et  Tordre  exprès 
qu'ils  avoient  reçu  de  mener  Benjamin  en  Egypte^  cette  ' 
trifte  nouvelle  le  perça  de  douleur,  et  renouvella  celle 
qu9  la  perte  de  Joseph  lui  avoit  caufée.'  Il  refufa  long- 
tems  de  Uiâer  partir  fon  cher  Benjamûii'  qui  feul  fefoit 
toute  fa  confolation.  Mais-enôn^  voyant  que  c'étoit 
une.  nécefSîé)  et  qu!autrement  il  le  vérroit  périr  de  faim 
avec  lui,  il  con&ntit  à  fon  départ  fur  les  alTurances 
réitérées  que  lui  dçnnèrent  fes  autres- enfans  de  le  lui 
ramener.  Ils  partirent  donc  tous  cnfemble  avec  des 
piéfens  pour  Joseph,  et  le  double  de.  Pargcot  qu'ils 
^voient  trouvé  dans  leurs  facs. 

Etant  arrivés  en- Egypte,  ils  fe  préfcutèrent  devant 
Josèpb.  Loriqu^il  •  les  eut  '  aperçus,  et  Eenjaroin  avec 
eux,  il  dk  à  fon  intendant:  Faites  entrer  ces  gens-là  chez  ^ 
jBoi^  et  préparez  un.Te(lin,'  parce  qu'ails  mangeront  à  midi 
avec'moi^  LUntendant  exécuta  l'ordre,  et  les  fît  entrer. 
Eux,  tout  furpris'  d^un  -  tel  traitement,  s'iroaginoient 
qu'on  alloit  lcur>  faire  un  crime  de  l'argent  qui  s^étoît 
trouvédans  leurs  fac».-  Ils  commeocèrent  donc  par  fe 
jiiftiôer  auprès,  de  l'intendant,  difant  Qu'ils  ne  favoiect 
pas  comment  cela  étoit  arrivé^  et  que,  pour  preuve  de 
leur  bonne -foi,  ils  leportoient  cet  argent,  L'intcndact 
les  raiTura,  en  leur  difant  :  Ne  craignez  rien  :  c'eft  votre 
X>ieu  çt-leDieu  de  votre  père  q^i  vous  a  fait-  trouver 
I^^rgent  dans  vos. facs  :  Car  pour  moi,  j'ai  reçu  celui  que 
vous  avez  donné*  Auflîlct  aprc?,  iMeur  amena  SiiTieoii 
leur  frère.  On  leur  appotta  de  Peau  :  ils  fs  lavèrent  Its 
pies,  et  attendirent  l'anivée  de  Joseph»'. 

Des  qu'41  parut,  ils  fe  profternèccnt  devant  lui,  et  lui 
offrirent  leurs  prélcDS.  Jobcpb,  après  les  avoir  falués  avec 
bonté,  leur  dit  ;  Votre  fère,xe  bon  vieillard  dont  vous 
xn-'avîez  parlé,  vit-il  encore  ?  Comment  fe  pprte-t4î  ?  lïs^ 
répondirent  :  Notre  père,  votre  ferviteur,  eft  encore  en 
vie,  et  il  fe  porte  bien.  En  même  tems  ils  fe  profter* 
Itèrent  de  nouveau.  Joseph  ayant  aperçu  Bcnjaruin  :  Eft- 
OC  là,  leur  dit-il,  votre  jeune  fière,  dont   vous   in'avitx 


6  HISTOIRE  DE  JOSÉ ÈH. 

parlé  ?  Mon  fils,  ajouta-l-îl,  je  ptîe  Dîetx  qfù'îi  Vdtli  be- 
niiTc.  Et  il  fc  bâta  de  fortrr,  parcfe  qnt  k  we  de-fon 
frère  rattendriffoit  fi  fort,  qu'il  ne  pouvoît  plu»  retenir 
fes  larmes.  Quelques  tnomens  après  îl  Vint  retrouver  fes 
frères,  et  ajant  commandé  qu'on  fervît  à  manger,  îl  fe 
mit  à  table  avec  eux. 

Après  que  Joseph  eut  mang;é  avec  fcs  frères,  il  donna 
fécrèttement  cet  ordre  à  foo  IntendMit  :  Mettez  du  h\ë 
dans  les  facs  de  ces  gens-là,  et  l'argent  de  chacun  d'yeux 
à  l'entrée  de  leurs  facs  5  et  mettez  ma  coupe  d'argent 
dans  le  fac  du  plus  jeune.  L'Intendant  fit  ce  qui  lui 
ctoit  ordonné.  Le  lendemain  matin  ils  partirent  avec 
leurs  ânes  chargés  de  blé.  Mais  à  pcînc  étoic:nt-îIs  fortîs 
de  la  ville,  que  Joseph  envx)ya  fon  in tenxtafit  auprès  eu3r, 
pour  leur  faire  des  reproches  de  ce  qu'ils  avoîent  volé  fa 
coupe.  Ils  furent  fort  furpris  de  fe  voir  accufés  dHinè 
aélion  fi  noire,  à  laquelle  ils  n'avoient  pas  feulement 
,  penfé.  Nous  vous  avons  reporté,  dirent-ils,  Pargent  que 
nous  avions  trouvé  ^  l'entrée  de  nos  faCs  :  comment  fe 
pourroit-il  fa?re  que  nous  euâîons  dérobé  dans  la  maifon 
de  votre  Maître  de  l'or  ou  de  l'argent  ?  Que  celui  qui  fe 
trouvera  coupable  de  ce  vôl,  meure;  et  nous  demeurerons 
tous  cfclaves  de  votre  Maître.  L'Intendant  les  prîtira 
Tnot.  On  les  fouilla  tous  en  commençant  par  les  plus 
^gés  ;  et  enfin  la  coupe  fut  trouvée  dans  le  fac  de  Ben*; 
jamin. 

Ils  retournèrent  à  la  ville  fort  afflfgés,  et  allèrent  fe 
jet  ter  aux  pies  de  Joseph.  Après  quelques  reproches,  il 
leur  déclara  que  celui,  dans  le  fac  de  qui  on  avoît  trouvé 
la  coupe,  dcmeureroît  fon  efclavtf.  Alors  Juda  aérant 
demandé  permidion  déparier,  repréfenta^  Joseph  que 
s''ils  retournoient  vers  leur  père  fans  irriener  avec  eux 
ce  hls  qu'il  aimcic  tendrement,  ils  le  fercîcr.':  mourir  de 
chagrin,  C'eft  moi,  ajouta-t-il,  qui  ai  répondu  de  Inî 
à  mon  père  :  que  ce  ioit  moi,  s'il  vous  plart,  qui  de- 
meure efclave  en  fa  place.  Car  je  ne  puis  retourner  fans 
lui,  de  peur  d'être  témuin  de  l'extrême  afflidlion  qui  ac* 
câblera  notre  père. 

A  ces  paroles,  Joseph  ne  put  plus  fe  retenir.  Il  com- 
manda qu'an  fît  ibrtir  tout  le  monde.  Alors,  les  larmes 
lui  tombant  des  yeux,  il  jetta  un  grand  cri,  et  dit  h  Cts 
frères  ;  Je  fuis  Joseph.  Mon  père  vît-il  encore  ?  Aucun 

d'eux 


■  <i-' 


HISTOIRE  B«  JOSEPH.  -j 

\ 

dVax  ne  lui  répondit,  tant  ils  éoient  faifis  d'étonnement. 

Jl  Jeur  ptftla  iiyéc  ioineur,.  et  Unt  Ht  :    A4>prochez« 

vous  de  moi.     Lorfqu'ils  fe  furent  approchés/  il  dit  :  Je 

fais  Joseph  Totre  fé^c^  que  vou«  avenz  vend  a  pour  être 

amené  en   Egrypte.     Ne  crai|3rnez  point,    et   ne   vous- 

afilTgez  f  oint  de  ce  que  woni  m^avez^iriiîlédift^:  car  c^e(k 

DteiA  t}ui  m'a  'envoyé îcidevant  tous  pôtlr  vous «onferver 

1m  vie.     Ce  a^efl  pokic  car  i^tre  eootdil  que  cçla  «il  ar« 

nipé^  mkis  ftar  la  vcilotilié  de  Dieu.    -Alke  dird  Vipoa 

père  que  Dieum^a  établi  fur  toute  VEgffU-    .Qu^ilie 

kâ.te  de  ircAîr.  Il.demea^ra  aoprès  de  moi  ;  et  je  le  Bouff<« 

wai,  kii»  /et  tooite  fa  fanmile  t  «car  il  refte  eacoré  oinqi 

années  de  lamim.  VoosToyea  deinos  yeux  que  cVii  mm 

qnî  -vous  parle.     Anmmcea  à  «on  pèje  le  kawt  rang  où 

je  fus  élevé,  et  tout  ce  que  voua  avez  vu  dans  VE^gjptëê 

Hâtez  vous  de   me  ramener..    Après  leur  arcHr  parlé 

ciofi,  il  ie  jetta  an  cou  de  Benjamin,  et  l'embraflài  en- 

|>ieurant3  il  embra&i  de  même  totts fes  antres  frères^  ^t 

sprès  cela  ils  fe  xaflorèrent  pour  lui  parler.     '  ^ 

'    Cette  nouvelle  fe  répandit  au(fit6tdans  toute  la  Coi 

Pharaon  en  témoigna  &  joîe  à  Joseph,  et  lul.dîttle  faire 

Tenir  au  plutôt  tonte  fa  famille  «n  Egypte.     Jjîosèph  fit 

partir  fes  frères  avec  des  vhrnes  pour  le  voyage,  et  dra 

Toitarts  paur  tranfporter  leur  père,  leurs  femmes,  et  leura 

enfans.     LorfqtiHh  dorent  arnivés  daos  le  pays  de  Cha* 

naen.  Ha  dirent  à  Jacob  :  Votre  fils  Joseph  eft  vivant,  et 

il   a  aotorité  dans  tcute  Pflgypte.     A  ces  mots,  Jacob 

£s  léwilla  comme  d^ua  profond  fommell  ;  et  il  n'en  vou« 

loh  rien  croire.     Mais  enfisi,  ayant  enteodu  le  récit  de 

tout'  ce  qui  s^étôit  pafie,  et  voyant ,  les  chariots  et  les 

antres  choies  que  ion  fih  lui  euvoyoît,  il  dît  :  je  n'ai 

plus  rien  à  ibuhaiter,  puifque  mon  fils  Joseph  vit  encore  : 

j^^iraî,  et  je   le  verrai   avant  jqu«  dé  mourir.     Jl  partit 

bientôt  après  iivec  toute  fa  famille,  et  arriva  en  Ilgypte* 

i^près  qu'il  eut  falué  le  Roi,  Joseph  rétablit  dans  le 

pày«  de  Gcflcn  4e  plus  fertile  de  l'Egypte,  où  Jacob  vé* 

«at  «ncore  dix'fept  am« 


m  Si 


c  -8.  y 


•  :■■■■    H  I  S  T  O  I  R.  E   on   C  Y  A  US»  - . 

**     '    *  Education  dir  Çytitsi.  '       -  . 

CY  RUS  étoîj  fih  ât  Càmbyfe  Ror  dePérfe  et  de  Mail*- 
danc  fille  df  Aftyag c  Roi  des  Mèdcs,  Il  étoît  bien  faîtr 
^e=  corps,  «t  encore' pltiseiHiiniblê  paT.les  qaalités'de- 
P^fyvk  t  p!tf!wdc  douceur-  et  d^'humaaié:/  de  deiir  4'ap-* 
éprendre,  d^ardeur  poar  làgloirë.^   Il- ne  fat  jamais  ef« 
rayé  d^aùcun  péril^  ni  r^baté  d'aucim  travail,  qaand  iL 
^^agiâlbit  d'acquérir  de  Thooneur.  :  IKfufétev^  ftlôn  1* 
èo&ttnae  des' Perfes^  q\ii  pour  lors  éioit  exeeilentev-    • 
i-h^  bien  public,-  PotiHté  commune,  étoit  le-princîpe- 
êt  le  but  de  toutes  leuis  loix.     L'éducatton^des  enfans  • 
étoit  règttvdée  comme  le.  devoir  le  plus  important,  et  la 
partie  la  pluk  efiesifliélle  du  gouvernements  «  Qn  ne  s'ri»% 
îepofoit  pîis  fur  Pattention  des-pères  et  des  mères,  qu'- ' 
non^^'^gie  citoollç  tetodreiljB  rend  fou  vent  incapables  d&  ' 
4       ^n:  l'Etat  s-eii  chargeoit--    Ils  étoîent  ék^'és^en; 
co*ntnun  d'aune  manière  uniforme»     Tout  y  étoît  réglé  >.> 
le  lieu   et  la  durée  des  exercices,-  le  tems  des  repà»,   ht' 
^qualité  du  boire  et  du -manger^  le:  nombre  des -Ma  itree^. 
les  différentes,  fortes  de  châtimens^.    Toute  leur  nourri-p 
ture,  auifi^-bien  pour  les  enfans  que  pour  les  jeunes  gens/, 
étoit  du  pain, .  du  crefibn,  et  de  i'cau  :  car  on.vouioit  de- 
bonne  heure  les  actoiatumer  à  la  tempérance  et  à  la  fo'^ 
briécé;  et  d'*aillèurs  celte  forte  de  noBrritureiimpîe  et 
frugale,  fans   ajicun   mélange  de  fautes   ni  de  ragoûts/ , 
leur  fortifîoit  le  corps,  et  leur  préparoît  un  fond  de  Tante» 
capable  de  foutenir  les  plus  dures  fatigues  de  la  «guerre,, 
jufque  dans  l'âge  le  plus  avancé,  comme  on  le  reraar— - 
que  de  CyfUs^  qui  dans  la  vieilleife  fe-trouvâ  auffi  fort- 
ct  auffi  roboite  qu'il  ravoît  été  dans  fes  premières  an-» 
Bées.     Ils   aîloîcnt  aux   écoles  pour  y.  apprendre  la  Juf- 
tict,  comine  ai.Ueurs;  on  y..va  pour  y  appvendre  les  Let- 
tres :  et  le  crime  qu'on  y  puniflait  le  plns/évèremeQtf- 
étoit  l' ingratitude. 

La  vue  des  Ferfes,  dans  tous  ces  fages  établiffcmenv 
4<oit  dVller  au  devant  du  mal,  perfuadcs  qu'il  vaiit  bien 
fiîîeux  5'appliquer  à  prévenir  les  fautes  qi^'à  les  punir  :  et 
au  lieu  que|dans  les  autres  Etats  on  fe  contenté  d'établir. 

des 


HISTOIRE  M   CYHUS.  f 

à&  punitions  contre  les  méchants,  ils  tftchoient  de  faire 
en  lortç  que  parmi  eux  il  n'y  eût'point  ^  méchants. 

-On  étoit  dans  la  clafle  drs  enfans  jnfqu'h  ieize  ou  dix* 
fe^  tas:  apiès  cela  on  entroit  dans  celle  des  jeunes  g^ens. 
€'eft  alors  qu*on  les  tenoit  de  plus  court,  parce  que  cet 
âge  en  a  plos  de  befoîn.  lis  étoient  dix^annérs  dans 
cette  claSe  et  paflbient  toutes  les  nuits  dans  les  corps  de 
garde,  tant  pour  la  fûrêté  de  la  ville,  que  pour  les  ac- 
coutumer à  û  fati^e«  Pendant  le  jour  ils  venoîent  re« 
ccToir  les  ordres  de  leurs  gouverneurs,  accompagnoient 
le  Roi  lorfquHl  alloit'i  la  chafle,  ou  fe  perfeéHoonoieat 
dans  les  exeitnces. 

La  troifième  clafle  étoit  compofée  des  hommes  faits  \ 
tx  ils  j  demeuroîent  vingt-cinq  ans.  Od  de  là  qu^on 
tîroit  tous  les  Officiers  qtti  dévoient  commander  dans  let 
troupes,  et  remplir  les  différents  pofles  'de  l'Etat,  les 
Charges,  les  Dignités.  Enfin  ils  pafibient  dans  U  der- 
nière claffe,  où  l'on  choîfifibit  les  plu»  feges  et  les  plus 
expérimentés  pour  former  le  confeil  public. 

Par-là  tous  les  Citoyens  pouvotent  afpirer  aux  premi- 

ères  Charges, de  l'Etat:  mais  aucun  a^y  pou  voit  arriver 

qu''après  avoir  paffé  par  ces  différenteè  elafies,  et  s*en  être 

rendn  capable  par  tous  ces  exercices.  -    •  • 

'    Cyras  fut  élevé  de  la  forte  jufqu'a  ^ge  de  douae  ans, 

et  furpafia  toii^urs  fes  égaux^  foit  par  la  fadlité  à  ap» 

prendre,  (bit  pac  le  courage,  ou  par  l'addreâe  à  exécuter 

tout   ce  qu'il  entreprenoit.     Alors  ià  mère  Maâdane  le 

inena  en  Médie  chez  ÂHyage  fon  grand- père,  ^  qui  tout 

le  bien  qu'il  entendoit  dire  de  ce  jeune  Prince  aroît  donné 

une  grande  envie  de  le  voir.     11  trouva  dans  cette  Cour 

àcs  mœurs   bien  '  différentes  de  celles  de  (on  pays.     Le 

fàâe,  Iç  luxe,  la  magnificence  y  régnoî^nt  partout,     il 

n*ea  fut  point  ébloui,  et  fans  rien  critiquer  ni  condam«« 

ner,  il  fut  fe  maintenir  dans*  les  pri^iéi^ies  qu*tl  avoit  re<^ 

çus  dès  fon  enfance.    11  charYnoit  fon  graad*père  par  des 

faillies  pleines  d'cfj^rit  et  de  vivacité,  et  gagnoit  tous  leà 

cœurs  p^r  fes  manières  nobles  et  engageantes.     J'en  ra* 

jiorterai  nn.feul  trait  qui  pourra  flaire  juger  du  refte. 

*    Aftyage,  Voulant  faire  perdre  à  fon  petît-fils  Tenyie  de 

retourner  en  fon  pays,  £t  préparer  un  repas  Ibmptueux, 

dans  lequel  tout  fot  prodigué,  foit  ^our  Èi  qu^atitéy  foit 

pttur'h  qualité  et  la  déiicatcâe  des  mètsi    Cytus  regard 

doit 


i«  HISTOIRE    DB   CYRUS. 

4ott  avec  des  yeux  aiTex  Sodlfférents  tout  ce  fafteeux  ap<-k 
pareil.     Et  comme  Ailyage  en  paroiûbit  furprîs  :  Li^s- 
Perfes,  ditiU  au  lieu  de  tant  de  détou-rs  et  de  circuits  pour 
appaifer  la  faim,  prennent  un  chemin  bien  plus  court 
pour  arriver  au  même  but  :  un  peti  de.  pain  et  de  crelTofl 
]es  y  conduifent.     Son  grand-père  lui  ayant  permis  de 
dirpofer  à  fon  gré  de  tous  les  mets  qu'on  avoit  fervisj-il 
les  di()ribua  fur  le  champ  aux  Officiers  du  Roi  qui  fe. 
trouvèrent  préfents  :  a  l'un^  parce  quHls  lui  apprenoit  à. 
monter  à  cheval  ;  à  l'autre,  parce  qu'il  fer  voit  bien  Afty-^ 
âge  ;  à  un  autre,  parce  qu'il  prenoit  grand  Coin  dç-  ùt 
xnère.    Sacas,  Echanfon  d'Aftyage,  fut  le  feul  à^quiil  ne 
donna  rien.     Cet  Officier,    outre  fa  charge  d'Echanfon, 
avoit  celle  d'introduire  chezie  Roi  ceux  qui  dévoient  étr-«  ^ 
admis  à  fon  audience  î  comme  il  ne  lui  étoit  pas  |>o$ble 
d'accorder  cette  faveur  à  Cyrus  aiuffi  fouvejit  q'^'il  la  de* 
mauduit,  il  eut  le  malheur  de  déplaire  à  ce^eune  Prince|. 
qui  lui  marqua  dans  cette  occaûonfon  reiT^^^imçnt..  Alli- 
age fémoignafit  quelque  peine  qu'on  eut  fait  cet  affront  ^ 
un  Officier  pour-qui  il  avoit  une  confédération  particulière, 
et  qui  la  méritoit  par  l'adreite  merveilleafe  avec  laquelle 
il  lui  fervoit  à.bgire  :  Ne  faut-il  que  cela,  mon  Papa,reprit- 
Cyrus,  pour  mériter  VOS,  bon neSi.  grâces  fje  les  aurai  bâça-» 
tôt  gagnéfes  r.carj^  me  fais  fort  de. vous fcryir  mieux  que 
lui.     Auffit!5ton  équipe  le  petit  Cyrus  en  Ecbanfon.   11» 
s'avance  gravement  d'un  air  férieux,  la  fccviètte  fur  l'e- 
peule,  et  itenant  la  coupiC  délicatement  des  trois  doigts.  11* 
la  préfe ntîi  au  Roi  avec  une  dextérité  et  une  grâce  quL    ' 
charmèrent  Afiyage  et  Mandane.     Quand  cela  fut  fait, 
îl  fe  jetta  au  cou  de  fon  gran'd-pere^et  en  le  baifant  il 
s'écria  plein  de  joie  :   O  Sacas,  pauvre  Sacas,  te  voilai 
perd ui  ?  j'aurai  ta  charge.     Aflyage  lui  témoigna  beau- 
coupe  d^amitié.   Je  fuis  très^cpatent,  mon  fils,  lui  dit-il  : 
an  ne  peut  pa3  ini^u^i  fervin     Vous  avez  cependant  ou« 
fclié  une.cérén^aie.qui  eft  elTentièlle  :  c'eft  défaire  l'ef, 
faî.     £n  enet  l'Ëchanf^^n  avx^it  coutume  de  verfer  de  la 
liqueur  daus^f^  main  gauçh.e^  et  4^cn  goûter  avant  que  de 
préfenter  la  coupe.au  Prince.     Ce  n'efl  point  du  tout 
par  oubli;  reprit  Cjtrus,  que  j'en  ai  ufé  ainfi.     Et  pour-; 
{juoi  dcmc^  dit  Ai^yage  ?  G'cft  quç  j'ai  a|)p^:èheud4  quç 
jpette  Jiqaeu.r  T>e  fût  duippifon.    Du  poifon  î  et.comipe/^. 
ptlz^^Û^lyigpiQx^J^^^J^^ÇsiX  iLti'Y  a  pas  longten^ s.  qvie:-  , 

<Ian$i 


HISTOIRE  PK  CYRUS.  i» 

^^  "-dans  Un  repas  que  vous  donniez  aux  grands  Seigneurs 

^     de  votre  Cour,  je  ni'apperças  qu^àprâ   qu^on   eut   uti 

peu  bu  de  cette  liqueur,  la  tête  tourna  à  tous  les  cou* 

▼ires.     On  crîoit,  on  chantoit,  on  parloit  à  tort  et  à  tra* 

Ters.     Vous  paroîflîez  avoir  oublié,  vous,  que  vous  étiez 

^Roi,  et  eux  qu'ils  étoient  vos  fujets.    Enfin,  quand  vous 

Toulîèz,  vous  mettre  à  danfer,  vous  ne  pouviez  pas  vous 

foutenir.     Comment,  reprit  Aflyage,  n*arrîve-t-il  pas  la 

'  même  chofe  à  votre  père  î  Jamais,  re pondit  Cyrus».    £t 

quoi  donc  ?  Quand  il  a  bu,  H  ceffe  d'avour  foif  ^  et  voilà 

tout  ce  qui  lui  en  arrive* 

Sa  mère  Mandane  étant  fur  le  point  de  returner  ea 
Perfe,  il  fe  rendit  avec  joie  aux  inilances  réitérées  que 
lui  fit  fon  grand-père  de  reâer  en  Médic  j  Afin,  difoit-il, 
que  ne  fâchant  pas  encore  bien  monter  à  cheval,  il  eût  le 
teoîs'de  fe  perfe6lîoûner  dans 'cet  exercice,  inconnu  en 
Perfe,  où  la  fécherefie  et  la  fitoation  du  pays,  coupé  par 
des  montagnes,  ne  permettpient  pas  de  nourir  des  che- 
vaux. 

Pendant  cet  intervalle  de  tems  qu'il  pafla  à  la  Cour,  il 
s'y  fit  infiniment  eftimer  et  aimer.  Il  étoît  doux,  affable, 
officieux,  bîenfaifant,  libéral.  Si  les  jeunes  Seigneurs 
avoient  quelque  grâce  h  demander  au  Prince,  c'étoit  lui 
qui  la  foUicitoit  pour  eux.  Quand  il  y  avoit'contfe  eux 
quelque  fujet  de  plainte,  il  fe  readoît  leur  médiateur  au* 
près  du  Roi.  Leurs  affaires  devenoient  les  fiènnes,  et 
il  s'y  prenoit  toujours  fi  bien,  qu'il  obtenoit  tout  ce 
qu*il  vouloit. 

Cambyfe  ayant  rappelle  Cyrus  pour  lui  faire  achever 
fon  tems  dans  les  exercices  des  Perfcs,  il  pirtit  fur  le 
champ,  pour  ne  donner  par  fon  retardement  aucun  lieu 
de  plainte  contre  lui,  ni  à  fon  Père,  ni  à  fa  Patrie.  Ce  fut 
.  alors  qu'on  connut  combien  il  étoit  tendrement  aimé. 
A  fon  départ  tont  le  monde  l'accompagna,  ceux  de 
fon  âge,  les  jeunes  gens,  les  vieillards  :  Aftyage  même  le 
conduifît  à  cheval  affez  loin  ;  et  quand  il  fallut  fe  féparer, 
il  n'y  eut  perfonne  qui  ne  verfât  des  larmes. 

Ainfi  Cyrus  repaffa  en  Perfe,  où  il  demeura  encore  un 
an  au  nombre  des  eufans.  Ses  compagnons,  après  le  fé- 
jour  qu'il  avoit  fait  dans  une  Cour  aufll  voluptucufe  et 
remplie  de  fafte  qu'  étoit  celle  des  Mèdes,  s'attendoient 
à  voir  un  grand  changement  dans  fes   mœurs.     Mais 

quand 


,t2  HISTOIRE  Di  ÇYR US; 

quand  ils  virent  quUl  fe  contieotoit  de  leur  table  .oxdîoaii^ 
et  qae  s*il  fe  rencontroit  dans  quelque  felUn,  il  ctQÎt  plt^s 
fobre  et  plus  retenu  que  les  auties,  ils  le  reg^i4^rent  av^c 
un^  nouvelle  admiration. 

Il  pafla  de  cette  première  clafle  dans  la  ièconde^  qw 
cft  celle  des  jeunes  gens  ^  où  il  £t  voir  quUl  4>'av«î£ 
point  (on  pareil  en  adre^ei  en  patiepq^  en  obciflÀoce» 

Fremiret  Campagnes  et  Confites  de  Cyrus: 

AsTTAGE  Roi  des  B^èdes  étant  mort,  Cyaxar«  fon  fil^, 
frère  de  la  mère  de  Cyrus,  lui  fuccéda.  A  peine  fut-il  mo9* 
té  fur  le  trôoei  qu'ail  eut  une  rude  guerre  à  foutenir.  ,11  ap- 
prit que  le  Roi  des  Afîyriens  armoit  puiSkmmer^t  contre 
lui,  et  qu'il  avoit  déjà  eng^gé  daps  fa  quéfèlle  piufîeufs 
Princes,  entre  autres  Créfus  Roi  de^  Lydie.  Aufll-t^t 
ildépêcha  vers  Cambyfe  pour  lui  demander  du  fecouxs^ 
et  chargea  fes  députés  de  faire  en  ibrte  que  Cyrus  eut  le 
commandement  de  Parmée  qu^on  lui  envcrroit.  IJs 
n^eurent  point  de  peine  à  Pobtenir.  Ce  jeune  Prince -éto^t 
alors  dans  Tordre  des  bomme«  faits  après  avoir  pafie  dis 
années  dans  la  féconde  claiTe.  La  joie  fut.  univerfeile 
quand  on  fut  que  Cyrus  marcb<er9Xt  à  la  tcte  de  l'ar* 
mée.  £lle  étoît  de  trente  mille  hommes  d'infanterie 
feulement  :  car  les  Perfes  n^avoient  point  encore  de  ca- 
valerk.  Dans  ce  r^ombre  a'étoient  point  compris  mille 
jeunes  oÔiciers,  rélite  de  la  nation^  tous  attachés  ^ 
Cyrus  d'une  manière  particulière* 

il  partit,  fans  perdre  de  tems:  maïs  ce  ne  fut  qu^apr^s 
avoir  invoqué  les  Dieux.  Car  fa  grande  maxime^  et  il  la 
tenoit  de  fon  père,  étoit,  qu'on  ne  tlevoit  jamais  former 
aucune  entreprife,  foit,>  .'ai^ie^  foit  [:ccite,  fans  confulterles 
Dieux.  Cambyfe  lui  ai  oîi  (• . C\  ;'t i\ :  «  cpr/érenté  que  la  pru- 
dance  des  hommes  eftfon  c..".!..?,  1  urs  vues  fort  bornée^*, 
qu'ils  ne  peuvent  pénétrer  iï^.-.-:.  i\.Viiiiir,  et  que  fc^vtrenC 
ce  qu'ils  croient  devoir  te  ...<r  ii  ko.t;  :.«ar.t.  .  c,  (lf:;:..ût 
la  caufe  ce  leur  ruine  :  ai;  !■•  -.  c;.-.;  îN.à  L':Ov:.w  J'.-!.lU  citi- 
nels  favent  tout,  l'av-enir  c^':...i>o  Ij  paiTé,  t\  aii'.;i:fîot  .à 
ceux  qu*iis  aiment,  ce  qu'il  ..••»:  I:  ivopos.d'ei-.u  prendre: 
protection  qu'ili:  ne  doivent  à  p:.i;oiinc,  et  ijuMs  u'ac*- 
cordent  qu^à  cçux  qui  les  invoque. it  et  les  cct.iVjittnt. 

CamDyfe  voulut  accompagner   fon    fils   juiques  aux 
ironticre  s  de  la  Feife.      Dans  le  cheœia  il  lui  donoa 

d'ex- 


HISTOIRE   DE    CYRUS,  13 

dVzceUeates  idftraâîoas  fur  les  devoirs  d^un  Général 
d'Armée.  Cyrus,  qui  croyoit  n'ignorer  rien  de  tout  ce 
^uî  regarde  le  métier  de  la  guerre  après  les  longues  le- 
^ns  qu'il  en^avoit  reçues  des  maîtres  les  plus  habiles 
qui  fuflent  de  fou  tems,  reconnut  pour  lors  qu'il  igno« 
lOft  abfolumcDt  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  effentiel  dans 
4'art  militaire,  mais  qu'il  en  fut  parfaitement  inAruit 
dans  cet  entretien  familier,  qui  mérite  bien  d'être  la 
avec  foin,  et  d'être  férieufement  médité  par  quiconque 
eft  deftiné  à  la  profe(fion  des  armes.  Je  n*efk  rapoite- 
xai  qu'un  feul  trak,  par  lequel  on  pourra  juger  des  au- 
tres. 

11  s'agifibit  de  fa  voir  comment  on  pouvoit  rendre  les 
ibldats  foumfi  et  obéiiTants.  Le  moyen  m'en  pafoît 
bien  facile  et  bien  iûr,  dit  Cyrus  :  il  ne  faut  que  louer 
et  récompenfer  ceux  qui  obéîffent,  punir  et  noter  d'in- 
iamie  ceux  qui  refufent  de  ]e  faire.  Cela  e(l  bon,  re- 
prit Cambyfe,  pour  fe  faire  obéir  par  force  :  mais  IHln- 
portant  cft  de  fe  faire  obeïrvolontaîremeDt.  Or,  le  moyeti 
le  plus  fur  d'y  téuffir,  c'eft  de  bien  convaincre  ceux  % 
qui  l'on  commande  qu'on  fait  mieux  ce  qui  leur  eit  utile 
qu'eux-mêmes:  car  tous  les  hommes  obéiifent  fans  peine 
à  ceux  dont  ils  ont  cette  opinion.  C'eft  de  ce  principe 
que  part  la  foomiûlon  aveugle  des  malades  pour  le  Mé- 
decin, des  Voyageurs  pour  un  guide,  de  ceux  qui  Ibnt 
dans  un  vaîffeau  pour  le  pilote.  Leur  obéiffance  n'eft 
fondée  que  fur  la  perfuafîon  où  ils  font  que  le  Médecin, 
le  guide,  le  pilote  font  plus  habiles  et  plus  prudent* 
qu'eux.  Mais  que  faut-il  faire,  demande  Cyrus  à  fou 
père,  pooT  parxïitre  plus  habile  et  plus  prudent  que  les 
autres?  il  faut,  reprit  Cambyfe,  l'être  efFeélivemcut  :  et 
pour  l'être,  il  faut  fe  bien  appliquer  à  fa  pfofeflîon,  eu 
étudier  férieufement  toutes  les  règles,  confulter  avec  foin 
et  avec  docilitp  le*  plu's  habiles  Maîtres,  ne  rien  négliger 
de  ce  qui  peut  faire  téuffir  nos  entreprifes,  et  fur-tout 
implorer  le  fecours  des  Dieux,  qui  feuls  dominent  la  pru- 
-dencc  et  le  fuccès.       -  • 

Qnand  Cyrus  fut  arrivé  en  Médîe  près 'de  Cyaxare,1a 
'première  ehofe  qu'il  fit  après  les  compliments  ordinaires^, 
fut  de  s'inf>rmer  de  la  qualité  et  àa  nombre  des  troupjes 
de  part  et  d'autre,  il  le  trouva,  par  le^ticnombrcmcpt 
^''ou  en  fit,  que  Tarmée  des  ennemis  montoit  à  foîxantc 

B  mille 


14  HISTOIRE    D»    CYR.U3. 

milU  chevaux,  et  à  deux  cent  mille  homhies  dft  pté  ;  et 
que  par  coaféquent  il  s'en  falloît  plus  des  deux  tiers  que 
les  Mèdes  et  les  Perfes  joints  enfemble  n'euiTent  autant 
de  cavalerie  qu*eux,  et  qu'à  peine  avoient-ils  la  moitic 
d'infanterie.  Une  û  grande  inégalité  jetta  Cjaxare  dans 
un  grand  embarras  et  une  grande  crainte»  Il  n'txnagi- 
noit  point  d'autre  expédient  que  de  faire  vonir  de  nou- 
velles troupes  de  Perfe,  en  plus  grand  nombre  encore  que 
les  premières*  Mais,  outre  que  le  remède  auroît  été 
fort  lent,  il  paroifioit  impraticable^  Cjrus  fur  le  cbamp 
propcfa  un  moyen  plus  fur  et  plus  court  :  ce  fut  de  faire 
changer  d'armes  *aux  Perfes  ^  et  au  lieu  que  la  plupart 
ne  fe  fer  voient  prefque  que  de  l'arc  et  du.  javelot,  et  ne 
combattoîent  par  conféquent  que  deloin,^enre  de  com- 
bat où  le  grand  nombre  l'emporte  facilement  fur  le  petit, 
îl  fut  d'avis  de  les  armer  de  telle  forte  qu'ils 'puiTent  tout 
d'un  coup  combattre  de  près,  et  en  venir  aux  mains  avec 
les  ennemis,  et  rendre  ainû  inutile  la.  multitude  de  leurs 
groupes.  On  goûta  fort  cet  avis,  et  il  fut  exécuté  fur  le 
champ. 

Un  jour  que  Cyrus  fefoit  la  revue  de  fon  Armée,  il 
lai  vint  un  courier  de  la  part  de  Cyaxare  l'avertir  qu'il 
lui  étoît  arrivé  des  ambafTadeurs  du  Roi  des  Indes,  et 
qu'il  le  prioit  de  le  venir  trouver  premptement.  Pour  ce 
fujet,  dit-il,  je  vous,  apporte  un  riche  %'êtement  ;  car  il 
fouhaîte  que  vous  paroi(îiez  fuperbement  vêtu  devant  les 
Indiens,  afin  de  faire  honneur  à  la  nation.  Cyrus  ne 
perdit  point  de  tems  :  il  partit  fur  le  champ  avec  fes 
troupes  pour  aller  trouver  le  Roi,  fans  avoir  d'autre  ha« 
bit  que  le  fien,  qui  étoît  fort  iirople  à  la  manière  des 
Perfes*  ILt  comme  Cyaxare  en  parut  d'abord  un  peu 
mécontent  :  Vous  auroîs-je  fait  plus  d'honneur,  reprit 
Cyrus,  fi  je  m'étois  habillé  de  pourpre,  fi  je  m'étois  chargé 
de  brafi'tlets  et  de  chaioes  d'or,  et  qu'avec  tout  cela 
j'eufie  tardé  plus  longteros  à  venir,  que  je  ne  vous  en 
fais  maintenant  par  la  fueur  de  mon  vifage  et  par  ma  di- 
ligence, en  montrant  à  tout  le  monde  avec  quelle  prom« 
titude  on  exécute  vos  ordres  ?' 

La  grande  attention  de  Cyrus  étoît  de  s'attacher  les 
troupes,  de  gagner  le  cœur  des  oIHciers,  de  fe  faire 
aimer  et  eilimcr  des  foldats.  Pour  cela  il  les  traitoit 
tous  avec  bonté  et  douceur,  fc  rendoit  populaire  et  a£Fable, 

les 


HISTOIRE    M    CYRUS.  15 

les  învhôit  fouve&t  à  manger  avec  1h!,  fortoiit  ceux  qui 
ie  diflingaoîent  parmi  leurs  égaux.  11  ne  fefoit  aucun 
cas  de  Targeat  <jue  pour  le  donner.  Il  diftribucit  avec 
larj^efle  des  préfens  à  chacun  felon  Ton  méike  et  fa  coa« 
dition.  A  Tun  c^étoit  un  bouclier,  à  l'autre -une  épée, 
où  quelque  cbofe  de  pareil,  C'étoît  par  cette  graodeuY 
d'ânae^  cette  générofitéi  et  ce  penchant  à  faire  du  bien^ 
qu'il  croyoit  qu^ua  Géaéral  de  voit  fe  didinguer,  et  non 
par  le  luxe  de  la  table,  ou  par  la  magnificence  des  ht« 
bits  et  des  équipages,  et  encore  moins  par  la  hauteur,  et 
la  fierté. 

Voyaot  toutes  fes  troup<*s  pleines  d'ardeur  et  de  bonne 
TOÎonté,  il  propofa  à  Cyaxarc  de  les  mener  contre  l'en- 
nemi. On  fe  mit  donc  en  marche,  après  avoir  oiîért  des 
^crifices  aux  Dieux.  Quand  les  armées  furent  ?i  la  vue 
l'une  de  l'autre,  on  fe  prépara  au  combat.  Les  Affyri« 
cas  s'étoient  campés  en  rafe  campai^ne  :  Cyrus,  au  con- 
traire, s'étoit  couvert  de  quelqujss  villages  et  de  quelques 
petites  collines.  On  fut  de  part  et  d'autre  quelques 
jours  à  fe  regarder.  £nfin,  les  AiTyriens  étant  îbrtis  les 
premiers  de  leur  camp  en  fort  grand  nombre,  Cyrus  fît 
avancer  fes  troupes.~^  Avant  qu'elles  fuSent  à  la  portée 
du  trait,  il  donna  le  mot  de  guet,  qui  fut,  ^MpUer/tf' 
eourabU  ti  cotiduBeur*  Il  fit  entonner  l'hymne  ordi* 
naire  en  l'honneur  de  Caftor  et  de  Pollux,  et  les  fol* 
dats  pleins  d'une  teligieufe  ardeur  y  répondirent  à 
haute  voix.  Ce  .n'étoit  dans  toute  l'armée  de  Cyrus 
qu'allégreffe^  qu'émulation^  que  courage,  qu'exhorta- 
lions  mutuelles,  que  prudence,  qu'obéififance,  ce  qui 
jcttoit  une  étrange  frayeur  dans  le  cgsur  des  ennemi8.r 
Car,  dit  ici  l'biftorien,  on  a  remarqué  qu'en  ces  occa* 
dons  ceux  qui-  craignent  plus  les  Dieux,  ont  moins  de 
peur  des  hommes.  Du  côté  des  Afly riens  les  archers,, 
les  frondeurs,  et  ceux  qui  lançoient  des  javelots,  firent 
Xeurs  décharges  avaiit  que  l'ennemi  fût  à  portée.  Mai» 
les  Perfes,  animés. par  la  préfence  et  l'exemple  de  Cyrus, 
eu  vinrent  tout  d'un  coup  aux  mains,  et  enfoncèrent  les 
premiers  batsiillons.  Les  Afîyriens  ne  purent  foutenir  un 
choc  fi  ];ude,  et  prirent  tous  la  fuite.  La  cavalerie  des 
Mèdes  s'ébranla  ea  même  tems  pour  attaquer  celle  des 
ennemis,  qui.  fut  aufli  bientôt  mife  en  déroute.  Ils  fu* 
scDt  vivement  pptufuivis  jufques  dans  leur  camp.     11 

S-  %  s'ea 


J*  HISTOIRE  M  CYRUS. 

•Vn  fit  un  effroyable  carnage,  et  le  Roî  des  Affyrîcns  j 
perdit  la  vie.  Cyrus  ne  fe  crut  pas  en  état  de  les  forcer 
îians  leurs  retranchements,  et  il  fit  fonner  la  retraite. 
'  Cependant  les  AfTyriens  après  la  mort  de  leur  Roi, 
et  la  perte  des  plus  braves  gens  de  PArméc,  étoient  dans 
une  étrange  confternatîon.  Créfus,  et  tous  les  autres 
filliés,  (Perdirent  auflî  toute  efpérance.  Aînfi  ils  ne  pen« 
sèrent  plus  qu^à  fe  fauver  à  la  faveur  de  la  nuit. 

Cyrus  Ta  voit  bien  prévu,  et  îl  fe  préparoit  à  les  pour» 
j(uÎTE£  vivement.  Mais  îl  avott  befoîn  pour  cela  de  Ca- 
valerie, et  comme  on  l'a  déjli  remarqué,  les  Pcrfes  n'en- 
avoient  point.  11  alla  donc  trouver  Cyaxare,  et  lui  pro- 
pofa  fon  deffeln.  Cyaxare  Timprouva  fort,  et  lui  rcpré« 
fenta  le  danger  qu'il  y  avoît  de  pouficr  à  bout  des  enne- 
mis fi  puiiTants,  à  qui  Ton  infpireroit  peut  être  du  courage 
en  les  réduifant  au  dcfefpoir  :  qu^il  étoit  de  la  fagêflfe 
d'ufer  modérément  de  la  fortune,  et  de  ne  pas  perdre  le 
fruit  de  la  viâoire  par  trop  de  vivacité:  que  d'ailleurs  W 
ne  vouloit  pas  contraindre  les  Mèdes,  ni  les  empêcher 
de  prendre  un  repos  qu'ils  avoient  fi  juilement  mérité» 
Cyius  fe  réduifit  à  lui  demandet  la  peimKTion  d'ame- 
ner ceux  qui  vcudroicnt  bien  le  fuivre,  s^quoi  Cyaxare 
confentit  fans  peine  \  et  il  ne  fongea.  plus  qu'à  pafier  le 
tems  en  iMvk  et  en  joie  avec  fes  OfEciers,  et  à  jouir  de 
la  vi£loîre  qu'il  veuoit  de  remporter. 

Prefqne  tous  ks  Mèdes  fuivirent  Cyrus,  qui  fe  mît  en 
marche  pour  pourfuivre  les  ennemis.  11  rencontra  en 
chemin  des  couriers  qui  venolent  de  la  part  des  Hyrca- 
niens  qui  fervoient  dans  l'armée  ennemie,  lui  déclarer 
que  dès  qu'il  paroîtroit  ils  fe  rendroient  à  lui»  et  en  effet 
ils  le  firent,  il^ne  perdit  point  de  tems,  et  ayant  marché 
toute  Ja  nuit,  il  ai  riva  près  des  AfTyriens.  Créfus  avoit 
iait  partir  les  femmes  durant  la  nuit  pour  prendre  le  frais; 
car  c'étoit  en  Eté,  et  il  les  fuivoit  avec  quelque  cavale* 
île.  La  défolation  iut  extrême  parmi  les  Aifyriens, 
quand  iis  virent  l'ennemi  fi  près  d'eux.  Plufieurs  furent 
tués  dans  la  fuite  :  tous  ceux  qui  étoient  demeurés  dans 
1^  camp  fe  rendirent  :  la  viéloire  fut  complette,  et  le  butin 
îmmenfe.  Cyrus  fe  réferva  tous  les  chevaux  qui  fe  trou- 
Tètent  dans  le  camp,  fongeant  dès  iocs  à  former  parmi 
les  Perfes  un  corps  de  cavalerie,  c»  qui  leur  avoit  man- 
,qué  jufqaeslà.      11  fit  mettre  ^part  pour  Cyaxare  tout 


Hr&TOÏBLË   Dt   CVHUS/         if 

ae  qnHl  j  tvoh  de  pins  précieux»  Quatid  les  Mèdei  et 
lits  Hyrcaniens  furent  revenus  de  la  pourfuîte  des  enne<« 
mis,  il  leur  fit  prendre  le  repasquî  leur  avoit  été  préparé» 
CD  Jes  avértHTant  d'énToyer  feulement  du  pain  aux  Perfes, 
qui  avoient  d'ailleors^  iott  pour  les  ragoûts,  foit  pour  la 
boi&n»  tout  ce  qui  leu^  étott  néceffaire«  Leut  râgout 
^t<Mt  la -faim»  et  leur  boifibn  Peau  de  la  rivière-.  C'étoit 
la  manière  de  vivre  àlarquelle  ils  étoteot  accoutumés  dès- 
leur  enfance. 

La  nuit  mêaiequer  Cyros  étoît  parti  pour  aller  à  la 
pourfiike  des^  ennemis,  Cyaxare  Tavoit  pafiee  dans  la  joie 
et  dan^  les  feftîas,  el  s^étoit  enyvré  avec  fes  principaux 
Officiers.  Le  lendemain  à  (on  réveil  il  fut  étrangement 
^otmé  dèTe  v4Hr  prelquefeulr  Plein  de xolère  et  de 
{cireur  îl^épècfaa  fuc  le  champ  un  Couder  à  P Armée  avec 
ifrfdse  défaire  de 'violents  réproclfes  à  Gyrus,  et  de  faire 
Kvenirtou^  les  Mèdes  fans  aucun  délai.  Cynis  ne  sVf- 
€raj«  point  d^nn  commandement  fi  injufte.  11  lui  écrivit 
pne  lettre  refpeélueufe,  mais  pleine  d'une  généreufc  li- 
berté, où  il  juftifîoit  fa  conduite,  et  le  fefoit  reiTouvenir 
de  la  permiflion  qu'il  lui  avoit  donnée  d^amener  tous 
cetix  des  Mèfks  qui  voudroientbicn  le  fuivre.  11  en- 
voya en  même  tems  en  Pcrfe  pour  faire  venir  de  nouvel- 
les troupes,  dans  le  de llein  qu'il  avoit  de  poufler  plus 
ibin  fes  conquêtes. 

Parmi  les  prifonniers  dé  \guèrre  qtji'on  avoit  faits,  il 
ft  trouva»  une  jeune  Prîncefîfe  d'une  rare  beauté,  qu*on 
«voit  réfcrvée  pour  Cyrws. .    Elle  fe   nommoit  Panthée, 
^t  étoit  femme  d'Abradate  Roi  delà  Sufiane;     Sur  le 
-récit  qu'on  lit  â  Cyrus  de  fa  beauté,  il  refufa  de  la  voir  ; 
dans  la  crainte,  difoit-il,  qu'un  tel  objet  ne  l'attachât 
plus  qu'il  ne  voudroit,  et  ne  le  détournât  diîs  grands 
■defléins  qu*ii  avôit  formés.     A rafpe,  jeune  Seigneur  de; 
•Mèdie,  qui  l 'avoit  en  garcje;  ne  fe  défioit  pas  tant  dis  fa 
-fûiblèfîe,  et  prétendoit  qu'on  cft  toujours  maître  de  foi- 
•même.     Cyrus  lui- donna  de  i'flgcs  avis,  en  lui  coiifi?int' 
*.de  nouveau  le  foin  de  cette  Princcfife.    Ne  craignez  rein, 
^reprit  Atafpe  j  je  fui«  fur  de  moi,  et  je  vous  réponds  fur' 
.^ma  vie  que  je  ne  ferai  rien  de  contiaîrc  à:  mon  devoir. 
Cependant  f^  paffion  pour  cette  jeune  Princefîc  s'alluma 
;peu  à  peu  jufqu'à  un  tel, point»  que  la  trouvant  invinci- 
blement Oppolée  à  fes  defirs,  il  ©toit  près  de  lai  faire 

£.3;  violence. 


i8  HISTOIRE  DE  CYRUS, 

violence.  La  pnnccffe  enfin  en  donna  aTÎs  à  Cyrus,  qyS 
chargea  auiTitôt  Artabaze  d'aller  trouver  Arafpfc  de  f» 
part.  Cet  Officier  lai  pgrla  arec  la  dernière  dureté,  et 
lui  reprocha  fa  faute  d^une  manière  propre  à  le  jctter 
dans  le  dcfefpoir.  Arafpe,  outré  de  doulçur,  ne'  puir 
retenir  fes  larmes,  et  demeura  interdit  de  honPtc  et  de 
crainte.  Quelques  jours  après  Cyrtis  le  manda.  Il  ynixt 
tout  tremblant.  Cyrus  le  prît  à  part,  et  «u  lieu  de» 
violents  reproches  auxquels  il  s'attendoit,  il  lui  parla  avecr 
la  dernière  douceur,  reconnoiffant  que  lui-même  a  voit 
eu  tort  de  Tavoir  imprudemment  enfermé  avec  une  en* 
|lemie  û  redoubtable.  Une  bonté  fî  inefpérée  rendit  la 
vie  ,à  ce  jeune  Seigneur.  La  confûiion,  la  joie,  la  re- 
connoiffance^  firent  couler  de  fes  yeux  une  abondance 
de  larmes.  Ah  !  je  me  connoîs  maintenant,  dît-il,  et 
j'éprouve  fenfîblemcnt' que  j'ai  deux  âmes,  Tune  qui  me 
porte  au  bien,  l'autre  qui  m'entraîne  vers,  le  mal.  L» 
première  l'emporte,  quand  vous  venez  à  mon  fccours,  et 
que  vous  me  parlez  j  je  cède  à  l'autre,  et  je  fiws  vaincu  j 
quand  je  fuis  feul.  Il  répara  avaiitageufement  fa  fautes 
et  rendit  un  fervice  confidécable  à  Cyrus,  en  fe  retirai*» 
comme  efpion  chez  les  Affyriens  fou«  prétexte  d'uo 
prétendu  mécontentement. 

Cependant  Cyrus  fe  préparoît  à  avancer  dans  le  payr 
ennemi.     Aucun  des  Mèdes  ne  voulut  le  qtùtter,  ni  re^- 
tourner  fans  lai  vers  Cyaxare,    dont  ils  traignoîent  la 
cojère  et  la  cruauté.     L'Armée  fe  mit  en  marche.     L,é 
bon  tr»itement  que  Cyrus  avoit  fait  aux  prtfonniers  de 
guerre,  en  les  renvoyant  libres  chacun  dan^  fon  pays^. 
avoit  répandu  partout  le  bruit  de  fa  clémencç.     Beau»- 
coup  de  peuples  fe  rendirent  à  lui,  et  grôfTirent  le  nom» 
bre  de  fes  troupes.     »Vétant  approché  de  Babjlône,  il- 
fit  faire  au  Roi  des  Affyriens  un  défi  de  terminer  leur 
querelle  par  un  combat -fingulier/    Son  défi  ne  fut  p»5«, 
accepté.     Maisj  pour  mettre  fes   Alliés  en  fureté;  pen- 
dant fou  abfcncô,  il  fit  avec  lui  une  efpèce  de  tvève  et  de 
traité  par  lequel  on  convint  de  part   et  d'autre  de  ne 
point  inquiéter  les  laboureurs,  et  de  leur  laiffer  cultiver 
les  terres  avec  une  pleine  liberté,.     Après  avoi^r  reconnu 
le  pays,  examiné  la  fituation  de  Babyîone,  et  s*être  fait 
un  grand  nombre  d'amis  tt  d'alliés,  il  reprit  le  chemin 

rfelaMèdie. 

Quand 


HISTOIRE  DE   ÇYRU.S.  i^ 

QuÀBd  il  fut  près  de  la  frontière,  il  députa  auffitôt 
tF«rs  Cyaxare,  pour  lui  doimer  avis  de  Ton  arrivée,  et  pour 
recevoii:  fès  ordres»      Celui-ci  ne  jugea  pas  à  propos  de 
roDevoir  dans  fon  pays  une  Armée  II  cdnlidérable,  et  qui 
ailoxt  encore  être  augmentée  de  quarante  mille  hommes 
Bouvellement  arrivés  de  Perfe*     Le  lendemain  il  fe  mit 
ea  chemin  avec  ce  qui  Im  étoit  reflé  de  Cavalerie.     Cy- 
rus  alla  au  devant  de  lui  avec  la  iienne,  qui  étoit  fort 
nombreuse  et  fort  lefle*     A  cette  vue  la  jaloufîe  et  le 
mécontentement  de  Cyaxare  fe  reveillèrent  *     11  fit  un 
accueil  très  froid  k  fon  neveu,  détourna  fcn  vîfage  poui^ 
ne  ■pqkit  recevoir  fon  baifer,  et  laifla  mcme  couler  quel^ 
.ques  larmes-     Cyxus  commanda  à  tout  le  monde  de  s^éi- 
ifoigner»  et  entra  avec  lui  en  éclaircifleftient.     11  lui  par- 
ia avec  tant  de  douceur,  de  foumîdiôn,  de  raifon  ',  lui 
4onoa  de  û  fortes  preuves  de  la  droiture  de  fon  cœur,  de 
fon  refpeâ,  et  d^un  inviolable  attacheibent  à  fa  perfonne 
«t  à  fes>  intérêts,  quHl  diflipa  en  un  moment  tous  fes 
ipupçonsy  et  rentra  parfaitement  dans  fes  bonnes  grâces» 
.lu  s^embraf&èrent  mutuellement,  en  répandant  des  larmes 
^4e  part  et  d'autre.     On  ne  peut  exprimer  quelle  fut  la 
Joie  des  Perfcs  et  des  Mèdes,  qui  attendoient  avec  21^ 
quiétude  et  tremblement  de  quelle  façon  fe  terrûiaeroit 
;«ette  entrevue.    A  l'inBaht  Cyaxâre  et  Cyrus  remonté- 
;peQt  à  cbeval  :  et  alors  tous  les  Mèdes  fe  rangèrent  h  I91 
.  Alite  de  Cyaxare^  comme  Cyrus  leur  en  avoit  fait  iigne. 
.  iéts  Periês  fuiviient  Cyrus,  et  les  autres  Nations  leur 
Prince  particulier.  Q^and  ils  furent  arrivés  au  camp,  ils 
conduiiîrent  Cyaxare  dans  la  tente  qu'on  lui  avoit  drtfîee* 
11  fut  auilitôt  viiité  de  la  plupai^t  des  Mèdes,  qui  vinrent 
Je  faluer,  et  luifaire  des  préieusf,   les  uns  de  leur  propre 
*  mouvement,  les  autres  par  ordre  de  Cyrus.     Cyaxare  tti 
.  lut  extrêmement  touché^  et  commença  à  reconnoître  que 
Cyrus  ne  lui  avoit  point  débauché  fes   fujets,  et  que  les 
Mèdes  ne  luir  étolent  pas  moiob  â^béclionnés  qu^aupara* 
•van  t. 

Cfiniinmtîpn  de  la  Guerre,     Prife  de  Bchykne^  nouvel/es 

Conquêtes.     Monde  Cyrus^ 

Dans  le  confeil  qui  fe  tînt  en  préfence  de  Cyaxare,  îl 
tut  réfoluMe  continuer  la  guerre.  On  travailla  aux  pté« 
|iaratifs  avec   une  ardeur    infatigable.     L* Armée  des 

ennemis 


»  HISTOIRE  Ds  GYRUS. 

enDeiots  étoît  encore  plus  oombreufe  quMle  ne  l'àvoic^ 
été  dans  la  première  campagae,  et  l'£gypte  feule  leur 
Rvoit  fourni  plu»  de  iîx  vingts  mille  hommes.  IJ^eur 
irendeKWOs  étoit  à  Thymbrée,  ville  de  Ljéie.  Oyxias^ 
après  avoir  pris  toutes  les  précautions  néoef&tres  pour  que- 
ion  Armée  ne  manquât  de  rien,:  et  après  être  defcesdci 
dans  ua'  détail  rurprenant,  que  Xenopbon.  rapocte  fort  att> 
Iong,ibngea  11  fe  mettre  en  marcbe»  Cyaxare  ne  le  fuîvit 
pofnty  et  demeura  avec  la  traiiième  partie  ét%  Mèdes  feu» 
letnënt,  t>our  ne  pas  laîfler  fon  pays  eatièrement  degrami* 

Abfadate,  Roi  de  la  Sufiane,  fe  préparant  à^prendr**^ 

(on  armure,  Panthée  fa  feronre  lut  vint  prefenter  4n  cai^ 

^ue,  des  brafiars,  et  des  brafielets,  tout  cela  d^or  inaâlf, 

iEivec  une  cotte  dermes  de  fa  hauteur  plîffée  pax»  eu  bans^- 

^t  im  grand  panache  couleur  de  potirppe,     £lle  ararit' 

iait  k  plupart  de  cea  ouvrages  elle-même  à-rînfçu  dcfon* 

^tfri,  pour  lui  ménager  le  plaifir  de  la  furprîTe.     Qoei^ 

-que  tendreffe qu'elle  eût  pour  lui,  eUe  Texl^ta  à  mourir' 

plutôt  les  armes  à  la  main,<]^ue  de  ne  pasfe  iîgnaler  d'une 

manière  digne  de  fa  naîfiknce  et  digne  de  IHdée  qu'elle 

avbit  tâchée  de  donner  de  lui  à  Cyrus»    Nous  loi  :avons^ 

dtt-^lte)  dès  oyigations infinies.     J>î  étéfa  prifenuière,. 

-et  oemme  tifclie  deUînée  pour  lui:  mais  je  ne  me  fuis  poin& 

trouvée  delavt  enti^e  fes  mainS)  nr  ne  mt  fuis  point  Toe 

•livrée  lldeâ  conditions  hontieufes.    U  m'a -gardée  comme 

Il  aurait  gardé  la  fen^ne  de  fon  propre- frère  ;  et  je  lui  ai 

bien  promis  que  vous  fauriez  reconnbîfrre  une  telle  grâce* - 

Ne  l'oubliez  point.*    O  Jupiter,  s'écria  Abradate,  et  le- 

"vant  les  yeux  vers  le  Ciel^  fa>ts  que  je  paroiflè  aujourd^kfti* 

digne  mari  do  Panthée,-  et  digne  ami  d'un  fi  gé^féreu^c 

bienfaiteur.     Cela  dit^  il  montai  fur  fon  char.      Panthée 

ne  pouvant  plus  l'embrafTer,. voulut  encore  baifer  le  char' 

où  il  etoit,  et  le  fuivlt  quelque   tenis  i>  pié^  après-  quoi 

elle  fe  retira.    * 

Quand  les  Armées  furent  en  préfence^tout  fe  prépara^ 
pour  le  c^ombat.  Après  les  prières  publiques  et  générales,- 
Cyrus  fit  des  libations  en  particulier,  et  pria  encore. de 
nouveau  le  Dieu  de  fes  pères  de  vouloir  être  fon  guide, 
et  de  venir  à  fon  fecours.  Ayant  entendu  tin  coup  de 
tonnere^  Nous  ie  Juivonty  fQuvet^m  5^«^flrfr,'s'écria-t  il; 
et  ^  l'inilant  même  s'avança  vers  les  eniKmis.  Comsïc 
le  froat  de  leur  bataille  forpaflbit  de  beaucoup  cialle  éts^ 

Pcrfcj, 


HISTOIRE  Di  CYRUS.  21 

ferki^  ils  firent  ferme  dans  le  milieu,  tandis  que  les  deux 
ailes  s^avancèrent  en  fe  courbant  à  droite  et  à  gauche  dans 
le  deffeind*enveloperrArmée  de.CjruSy  et  de  raffailliren 
même  teras  par  plufieurs  endroits.  Il  s^y  attendoit,  et 
v^  fut  pas  furpris.  IKparcourut  tous  les  rani^s  pour 
animer  fes  troupe»  ^  et  lui  qui  en  toute  autre  occafioa 
étoît  fi  modefte»  et  fi  éloigné  de  tout  air  de.  vanité,  aa 
moment  du  combat  parloit  d^un  ton  ferme  et  décifif  : 
Suivez-moi,  leur,  difoit-il,  à  une  -viéloire  aflurée  *,  les 
Dieux  font  pour  nous.  Après  avoir  donné  tous  les  ordres 
neceâaires,^  et  fiiît  cantonner  par  toute  P Armée  Phymne 
du  combat,  il  donna  le  fignal. 

Cyrus  commença  par  attaquer  Paile  des  ennemis  qui 
s'étoit  avancée  furie  flanc  droit  de  fon  Armée  ^  et  Payant 
prîie  elle  même  en  flanc,  la  mit  en  defordre.  On  en  fit 
autant  de  Pautre  c6té,  où  Pon  fit  d^abord  avancer  PEfca- 
dron  destchameaux.  La  Cavalerie  ennemie  nel^atteodit 
pas,  et  de  fi*  loin  que  les  chevaux  Papperçurcot  ils  fe  ren» 
versèrent  les  uns  ïur  les  autres,  et  pluSeurs  k  cabrant 
jcttèrent  par  terre  ceux  qui  les  montoient.  Les  cha- 
riots armées  de  faulx  achevèrent  d*y  mettre  la  confufion* 
Cependant  Abradate*  qui  commandoit  les  chariots  plâ<- 
eési.  à  la  tête  de  PArmée,  les  fit  avancer  à  toute  bride» 
Ceux  des  ennemis  ne  purent  ibutenir  un  choc  fi  rude,  et 
furent  rais  en  delbrdre.  Abradate  les  ayant  percés,  vkit 
aux  bataillons  des  Egyptiens.  Mais  fon  char  s^étant 
malbeureufement  renverfé,  il  fut  tué  avec  leS'fiens,  après 
avoir  fait  des  efforts  extraordinaires  de  courage.  Le 
combat  fut  violent  de  ce  cèté-là»  et  les  Perfcs  furent 
contraints  de  reculer  juiqn*à  leurs  machines.  Là  Ua 
égyptiens  fe  trouvèrent  fort  incommodés  des  flèches 
«qu'on  leur  tiroit  de  ces  tours  roulantes  et  les  battoillons 
(le  Parrière -garde  des  Perfes  s^avançant  Pépée  à  la  main, 
empêchèrent  les  gens  de  trait  de  paiTer  plus  avant,  et  les. 
contraignirent  de  retourner  à  la  charge.  Alors  on  ne 
vit  plus  que  des  ruiiTeaux  de  fang  couler  de  tous  côtés» 
Sur  ces  entrefaites  Cyrus  arrive,  après  avoir  mis  en  fuite 
tout  ce  qui  s'étoit  préfentédevant  lui.  11  vit  avec  douleur 
que  les  Perfes  avoient  lâché  le  pié,  et  jugeant  bien  que  les 
Egyptiens  ne  ceiTèroiçnt  de  gagner  toujours  du  terrain,  il 
léfolut  de  les  aller  prendre  par  derrière,  et  en  un  iu fiant 
ayant  pafle  avec  fa  troupe  à  la  queue  de  leurs  battaillons,. 

il 


a2  HISTOIRE  Dï  CYRUS. 

îl  let.cliàrgea  îudemeat.  La'  Ca^krîe  furvint  efl  nêfloe 
tems,  et  pouiTa  vivemeot  les  ennemis.  Les  Ëg^^ptietis  at- 
taqués de  tous  côtés  fefoient  face  partout,  et  fe  dtffen* 
doîeat  avec  un  cojrage  merveilleux.  A  la  fin  Cyrus  ad- 
mirant leur  valeur,  et  ayant  peine  à  laifîer  périr  de  &  bra- 
ve» gens,  leur  £t  offrir  des  conditions  honnêtes,  leur  re» 
prefeotant  que  tous  leurs  Alliés  les  avoient  abandcinnés. 
Ils  les  acceptèrent,  et  fervirent  depuis  dans  (es  troupea 
avec  ude  fidélité  inviolable. 

Après  la  perte  delà  bataille,  Créfus  s^enfuit  en  diligence 
avec  (es  troupes  %  Sardes,  où  Cyrus  le  fuivît  dés  le  len- 
demain, et  fe  rendit  maître  de  la  ville  fans  y  trouver 
aucune  réflDance. 

De  là  il  marcba  droit  vers  Babylone,  et  iubjugua  en 
pafiant  la  grande  Phrygie  et  la  Cappadoce.  Quand  il 
fut  arrivé  devant  celte  ville,  et  qu'il  en  eut  examiné 
avec  foin  la  (itualion,  les  murailles,  les  fortification  s, 
chacun  jugea  qu'il  étoit  inspoûTible  de  s'en  reridre  maître 
par  la  force*  il  parut  donc  fe  déterminer  au  deSeiil  de 
la  prendre  par  famine.  Pour  cela  îl  fit  creufer  tout 
autour  de  la  ville  des  foffés  fort  larges  et  fort  profonds» 
pour  empêcher,  difoit-il,  que  rien  ne  pût  y  entrer  ou  tn- 
fortir.  Ceux  de  la  ville  ne  pouvoient  s'empêcher  de  rire 
du  deiïein  qu'il  avoit  formé  de  les  afiîéger  ^  et  comme 
ils  fe  voy oient  des  vivres  pour  plus  de  vingt  ans,  ils  fe 
mocquoient  de  toute  la  peine  qu'il  fe  donnoit.  Tous  ceS' 
travaux  étant  achevés,  Cyrus  apprit  que  bientôt  on  de« 
voit  célébrer  une  grande  folemnité,'dans  laquelle  tous  les- 
Babyloniens  paUoient  la  huit  entière  à  boire  et  à  fe  re- 
jouir. Cette  fête  étant  arrivée,  et  la  nuit  commençant 
de  bonne  heure,  il  fit  ouvrir  l'embouchure  de  la  tran- 
chée qui  aboutifibit  au  fleuve,  à  l'inilant  même  l'eau 
entrant  avec  impétuofité  dans  ce  nouveau  canal,  laiifa  à 
fec  fou  ancien  lit,  et  ouvtitvà  Cyrus  un  pafiage  libre  dans- 
la  ville-  Ses  troupes  y  entrèrent  donc  fans  trouver  au« 
cun  obftacle.  £lles  pénétrèrent  jufques  dans  le  Palais^ 
où  le  Roi  fut  tué.  Dès  la  pointe  du  jour  la  Citadelle 
fe  rendit,  far  les  nouvelles  de  la  prife  de  la  ville  et 
de  la  mort  du  Roi.  Cyrus  fit  publier  dans  tous  les^ 
quartiers  que  ceux  qui  voudroient  avoir  la  vie  fauve,  dé« 
xneuraifent  dans  leurs  maifons,  et  lui  envoyaiTent  leurs 
armes  :  ce  qui  fut  fait  fur  le  champ»    Voilà  ce  que  coûta 


HISTOIRZ  DK  CYRUS.  aj 

^  ce  Prince  la  priis  de  la  Ville  la  |ilii8  riche  et  la  plut 
&ite  qui  fut  alors  dans  l'univcrs. 

Cyros  commença  par  remercter  les  Dieux  de  l'be u« 
reax  fuccès  qu'ils  yenoîent  de  lui  accorder  ;  il  aiTembla 
la  principaux  Officiers,  dont  tl  loua  publiquement  le 
courage  y  la  fagefle,  le  zèle  et  rattachement  pour  fa  per- 
fonne»  et  deilribua  des  récompenfes  dans  toute  PArmée. 
Il  Içur  cemotttra  enfuîte  que  Punique  moyen  de  confer- 
ver  ce  qu'ils  avoient  acquis,  étoit  de  perfévérer  dan« 
leur  ancienne  yertu  :  Que  le  fruit  de  la  riél^ire  n 'étoit 
pas  de  s'abandonner  aux  délices  et  à  l'oifîveté  : 
Qu'après  avoir  vainca  les  ennemis  par  la  force  des 
armes,  il  feroit  honteux  de  fe  laiiTer  vaincte  par  les 
attraits  de  la  volupté  :  Qu'enfin,  pour  conferver  leur 
ancienne  gloire,  il  falloit  tnaintenîr  à  Babylone  parmi 
les  Perfes  la  roême  difcîpline  qui  étoit  obfervée  dana 
leur  pays,  et  pour  cela  donner  leurs  principaux  foins  à 
la  bonne  éducation  des  enfans*.  Par-là,  dit-il,  nous 
deviendrons  nous-mêmes  plus  vertueux  de  jour  en  jour, 
en  noas  efforçant  de  leur  donner  de  bons  exemples,  et 
il  fera  bien  difficile  qu'ils  fe  corr<fmpent,  lorfque  parmi 
nous  ils  ne  verront  et  n'entendront  rien  qui  ne  les  porte 
à  la  Vertu,  et  qu'ils  feront  continuellement  dans  une 
pratique  d'exercices  louables  et  honnêtes. 

Cyrus  confia  à  différentes  perfonnes,  félon  les  taleoB 
qu'il  leur  coonoiffoît,  différentes  parties  et  différents  foins 
du  Gouvernement  :  mais  il  fe  réferva  à  lui  feul  celui  de 
former  des  Généraux,  des  Gouverneurs  de  Province*», 
des  Minières,  des  Ambaffadeurs,  perfuadé  que  c'étoît 
proprement  le  devoir  et  l'occupation  d'un  Rôi,  et  que 
de  là  dépendoit  la  gloire,  le  fuccès  de  toutes  les  affaires, 
le  repos  et  le  bonheur  de  l'Empire.  Il  établit  un  ordre 
merveilleux  pour  la  guerre,  pour  les  finances,  pour  la  po* 
lice.  Il  avoit  daas  toutes  les  Provinces  des  perfonnes 
d'une  probité  reconnue,  qui  lui  rendoient  compte  de  tout 
ce  qui  s'y  paffolt,  on  les  appeI}oit  les  yeux  et  les  oreilles 
du  Prioce.  11  étoit  attentif  à  honorer  et  à  recompenfer 
tous  ceux  qui,fe  diftinguoîent  par  leur  mérite,  et  qui  cx- 
celloient  en  quelque  chofe  que  ce  fût.  11  préféroit  in« 
finiment  la  clémence  au  courage  guerrier,  parce  que 
celui-ci  -entraine  fouvent  la  ruine  et  la  défolatîon  des 
Peuples,  au  lieu  que  l'autre  eft  toujours  bienfaifante  et 

{a- 


M  HISTOIRE  DE  CYRUS. 

falutaire.  Ilfavoit  que  les  loix  peuvent  beaucoup  coa* 
tribuer  au  règlement  des  mœurs  :  mais,  félon  lui,  le 
JPrince  devoit  être  par  fon  exemple  une  loi  vivante  ;  et  il 
ne  croyoît  pas  qu'il  fût  digne  de  commander  aux  autres» 
s^il  n^avoit  plus  de  l\jmières  et  plu  dés  vertu  que  fes  fu- 
jèts.  La  libéralité  lui  paroiflbit  aine  vertu  véritablement 
Koyale  ;  mais  il  fefoit  encore  plu^  de  cas  de  la  bonté^ 
de  l'affabilité,  de  rhumanité,  qualités>propres  à  gn^ner 
les  coeurs  et  à  fe  faire  aimer  du  Peuple,  ce  qui  eft  pro- 
prement régner^  outre  que»  d'aimer  plus  que  les  autres  % 
donner  quand  on  cfi  io&niment  plus  riche  quVux,  e(t 
une  chofe  moins  furprenante,-  que  de  deCcendre  en  quel  • 
que  forte  du  trône  pour  s'égaler  à  fes  fujets»  Mais  c« 
qu'il  préféroit  à  tout,  étoit  le  culte  des  Dieux,  et  le  re« 
fpefl  pour  la  Religion  \  perfuadé  que  quiconque  étoît 
fincérement  religieux  et  craignant  Dieu,  ëtoit  en  roême 
tems  bon  et  fi^lèîe  ferviteur  des  Rois,  et  inviolablemenC 
attaché  il  leur  perfonne  et  au  bien  de  l'£tat. 

Quand  Cyrus  crut  avoir  fùiîifamfnt  donné  ordre  aux 
Affaires  de  Babylone,  il  fongea  à  faire  un  voyage  en 
Perfe.  Il  paifi  par*la  Médie  pour  y  faluer  Cyaxare,  à 
qui  il  fît  de  grands  préfens,  et  lui  marqua  quUl  trouve- 
roit  à  Babylone  un  Palais  magnifique  tout  préparé  quand 
il  voudroit  y  aller,  et  qu'il  devoit  regarder  cette  ville 
comme  lui  appartenant  en  propre.  Cyaxare,  qui  n'avoit 
point  d'enfant  mâle,  lui  offrit  fa  fîUe  en  mariage,  et  la  Mé^ 
die  pour  dot.  il  fut  foirt  fenfible  à  une  offre  ii  avantageufe^ 
tuais  il  ne  crut  pas  devoir  l'accepter  avant  que  d'avoir  eu 
le  confentemeot  de  fon  père  et  de  fa  mère  ;  laiffaot-pour 
tous  les  iiècles  un  rare  exemple  de  la  rerpe(^ueufe  foumif" 
iion,  et  de  l'entière  dépendance  que  doivent  montrer  en 
pareille  occafîon  %  l'égard  des  pères  et  des  mènes  tous  les 
en  Fan  s,  quelque  âge  qu'ils  puiffcnt  avoir,  et  à  quelque 
degré  de  puiîfance  et  de  grandeur  qu'ils  foîcnt  parvenus. 
Gyius  éjKjufa  donc  cette  Priwccfie  à  fon  retour  de  Perfe; 
et  ramena  avec  lui  h  Babylone,  où  il  avoit  établi  le  ûhgQ 
de  fon  Empirer 

Il  y  allembla  fes^  troupes.  On  dit  qu'il  s'y  trouva  fîx 
vingts  mille  chtvaiix,  deux  mille  chariots  armés  de 
faujx,  et  fiK  cent  mille  hommes  de  pié.  11  fe  mit  en 
campagne  avec  cette  Armée  nombreufe,  et  fubjugua 
toutes  les  Nations  qui  font  depuis  la  Syri.e  jufqu'à  la  mcjr 

des 


r 


SECONDE  GUERRE  PUNIQUE.         25 


ûcs  Indes  :  Après  quoi  îl  tourna  vers  Vl^gyptCf  et  U 
-Tangea  pareillement  feus  fa  domination* 

Il  établît  fa  demeure  au  mîHeu  de  tous  fes  pays,  paf- 

tant  ordinairement  fept  mois tlBabylone  pendant4^yver, 

carcequele  cflimat  y  cft  diaud  y   tr«s  mois  à  Sufe,  pen- 

-^dant  le  printems  ;  et  deux  mois  à  Echataoe,  durant  les 

fraudés  tbaleurf  de  Tété. 

Plufîeurs  années  s^étant  aînfi  .écoulées,  Cyrus  vint  en 
"Perfe  poiir  la  feptfême  fois  depuis  rétablîflement  de  fa 
monarchie.  Cambyfé  et  Mandane  étoient  morts  il  y 
avoît  déjà  lengtem«,  et  lui  même  étoît  fort  ^îeux.  Sen« 
tant  approcher  fa  fin,  il  a£remblaie&  enfans,  et  les  grands 
de  Pempire  ;  et  après  avoir  remercié  les  Dieux  de  toutes 
'ies  faveurs  qu'ails  lui  avoient  accordées  pendant  fa  vie,  eÇ 
ieur  avdir  demandé  une  pareille 4>rote6lion  pour  fes  en- 
fans,  pour  Ass  amis,  et  pour  fa  patrie,  il  déclara  Cambyfe 
ion  fils  aine  fan  (ucceffeur,  et  laiflaf^  l'autre  plufieurs 
j;ouveFnements  fortconiidérables.  Il  leur  donna  à  Tua 
et  à  l'autre  d'excellente  avis,  en  leurfefant  entendre  que 
le  plus  ferme  appui  des  trônes  étoît  le  refpeék  pour  le:; 
Dîenx,  Ja  bonne  intelligence  entre  les  frères,  et  le  foin  de 
ie  faire  et  de  Te  conferver  de  ^dèles  amis.  11  mourut^ 
également  regretté  de  tous  les  peuples. 


SECONDE  GUERRE  P  U  N  I  QJLJ  E.^»4^4^ 

Commencement  deJagiùrre^xt  heureux  Jucch  i^Antiibaî. 


T    E  commencement  de  la  féconde  guerre  Punique,  \ 

' %  J  ne  la  conGcîércr  qu'à  b  date  xles  tcms,  fut  la  priCe  de 

SHgonte  pax  Annibal,  et  l'irruption  qu^'il  ït  fur  les  terres 

des  peuples  (îtués  au-delà  de  l'Ebrc,  et  alliés  du  peupîs 

*Romaîn  :   Mais  U  véritable  caufe  de  cette  guerre  fu»  le 

dépit  des  Cartliaginpis  de  s'être  vu  enlever  la  tiîcile  et  la 

'^.irdaigne  par  dc«  traités  auxquels  la  feule  néctfîiîé  deis 

-teins  tt  le  mauvais  état,  de  leurs  affairjes  les  avoîcnt   fait 

•confentir.       La  mojt  préuiaturte'd*Amîkar  Tenipécha 

d'exécuter  le  defîein  qu'il  avoit  fdrmé  depuis   longtenrs 

de  fe  venger  de  ces   injures.       Son  fils  Annibal,  à  qui, 

lorfqu'il  n'ayoit  encore  que  neuf  av.»,  il  avoit  fait  jurer 

kir  les  Autel-s  qu^il  fe  dtclareroit  ernemi  du  peuple  Ro- 

C  main 


SUj 


a.6        SECQNDl^  GUERRE  PDNIQP&. 

r 

«main  dès  quHl  feroit  en  l^^e  de  le  fajir^  et^^a  da|i^t^a,tcj[i 

fes  vues,  et  fut  Phéntier  de  fa  haine  contre  les  Romain^ 

.    aufll  bien  q«e  de  foo  courage,      Il  prçp^rst  tQU.t  4e  loin 

Î^our  ce  grand  dcfleinf:  £t  qu9n4  il  (e  crut  e?  état  d^ 
exécuter,  il  le  fit  eclore  par  le  fiége  de  S^gqntç,.  Soi^ 
parefie  et  lenteur,  foit  prudence  et  Ulgefle,  le?  Rç^njaii» 
confunièrent  le  tems  en  différentes  ai^baSad^s^  tX  \si\r 
sèrent  k  Annibal  celui  de  prendre  I4  vlllç. 

Pour  lui,  il  fut  bien  mettre  le  tenct9  ^  profit*  Apr^ 
avoir  donné  ordr^  à  tout,  et  laifle.fou  frèi;e  Afdrub^l  e^ 
Efpagne  pour  défendre*  le  pays,  il  partit  pour  l'Italif 
avec  une  arnaée  de  quatre- vingt  dix  mille  hompgieç  de 
pié,  et  dix  ou  douze  mille  de  cfivàlo^ie*  X*^^  plus 
^grands  obftacles  ne  furent  point  capables  de  Peffr^yç^y 
iii  de  Parrêter.  Les  Pyrénées,  le  Rhône,  ane  loqgue 
Tnarche  au  travers  des  Gaules,  le  pacage  des  Alpe?  tem- 
pli  de  tant  de  difiicultés,  tout  céda  à  fon  ardeur  et  ^  fa 
confiance  infatigable.  Vainqueur  des  Alpes,  et  en  quel- 
que forte  de  la  nature  même,  il  entra  doipc  eu  Italie» 
qu'il  avoît  réfolu  de  rendre  le  théat.re  de  la  guerre.  Ses* 
troupes  étoient  extrêmement' diminuées  pour  le  noipbre, 
ne  montant  plus  qu^  à  vingt  mille  hommes  de  pié,  et  fix 
mille  chevaux  j  mais  elles  étoient  pleines  de  courage  et 
de  confiance. 

Une  rapidité  fi  inconcevable  étonna  et  déconcerta  les 
Romains.  Ils  avoient  compté  de  faire  la  guerre  au-de- 
"  ïibrs,  et  qu'un  de  leurs  Confuls  tiendroît  tête  â  Annibal 
en  £fpagne,  pendant  que  Paître  iroit  droit  en  Afriq^ue 
pour  attaquer  Carthage.  Il  falut  changer  de  mefures» 
et  fonger  à  défendre  leur  propre  pays.  Publius  Scipîon 
,Conful,  <iui  croyoit  Annibal  encore  dans  les  Pyrénées, 
Jorfqu'il  avoit  déjà  paffé  le  Khone,  n'ayant  pu  l'atteindre, 
fut  obligé  de  revenir  fur  fes  pas  pour  l'attendre,  et  Pa^- 
taquer  ^  la  defcente  des  Alpes  j  et  cependant  il  envoya 
.  fon  frère  Cneius  Scipion  en  Ëfpagne  contre  Afdrubal.  . 

La  première  bataille  fe  donna  auprès  de  la  petite  rivière 
du  Tefîn.  Les  Carthaginois  remportèrent  la  viéloire. 
Le  conful  Romain  fut  bleffé  dans/ le  combat  5  et  fon  fils, 
âgé  pour  lors  à  peine  de  dix  fept  ans,  lui  fauvala  vie.  C'eft 
le  même  qui  vainquit  dans  la  fuite  Annibal,  ejt  qui  fut 
{urnommé  l'Africain* 

Sur 


SECCnïÔK  GUERRE  PUNiQyE.         17 

Sur  la  première  nouveUe  àe  cette  défaite,  Sempronîus 

Fautre  coafol,  qui'étbît  en  Sicile,  accourut,  prointempnt 

psit    r^rdre   du   féiiat   au  fecours  de  fon  coîlèjrue,  qui 

la^étoît  pas  encore  bieft  remis  de  fa  bleflure.  Ce  fut  poar 

lui  une  taifou  de  hâter  le  combat  contre  le  fentîment  de 

Sicipton,  parce  qu^il  efpéroit  en  avoir  feul  toute  la  gloîie . 

Aïknîbal,  bien*  informé  de  tout  ce  qui  fe  paffoit  dans  le 

cariDp  des  Roraâios)  et  ayant  exprès  l^iifie  emporter  un 

lei^er  avantage  à'SÎsmproiiius,  pour  amorcer  fa  témérité, 

hn  donna  fi<u  d^engagei;  la  bataille  près  de  la  rivière  de 

Trébie.     Il  avoît  placé  fon  frère  Magon  en  embufcade 

ëan»  un  lieu  ibrt  fftTOrable-,  et  avoît  fait  prendre  à  fon 

année  toutes  ies^  précautions    néccilaîrrs  contre  la  faim 

at  contre  le  froid,  qui  étoit  alors  extrême^     On   n'avoît 

fongé  à  rien  de  tout  cela  chez  les    Romains. ,   Leurs- 

ttotipee  furent  donc  bientôt  rertverfées,  et  mifes  en  fuite  ; 

et  Magoa  étant  forti  de  fon  embufcade  en  €t  un  grand 

carnage. 

Anaibal,  polir  profiter  du  tcms  tt  de  fcs  premières  vie* 
toires»  alloit  toujours  en  avant,  et  s^approchoit  de  plus 
an  plus  du  centre  de  l'Italie.  Pour  arriver  plus  prorople- 
meat  auprès  de  Pennemi,  il  falut  paiTer  un  marais^- 
•ù  fon  armée  cfTuya  des  fatigues  incroyableii,  et  où  lui- 
xaéme  perdit  ua  oti!.  FlaTmimtSj  l*un  des*  deux  ConfuTr 
^u'on  avoit'  nommés  depuis  peu  étoit  parti  de  Rome» 
C'étoit  ua/homme  vain,  temérairei  entreprenant,  plein 
de  lui-même,  et  dont  la  fierté  naturelle  s'étoit  beau- 
coup accirue  par  les  heureux  fuccès  de  fon  premier 
confulat,  et  par  la  faveur  déclarée  du  peuple.  Ou 
jugeoit  aiféinent  qu'il  fe  laifTeroit  aller  à  fon  génie  im- 
pétueux et  bouillant  y  et  Annibal,  pour  féconder  en* 
eore  fon  penchant,  ne  manqua  pas  de  piquer  et  d'irriter 
ta  témérité  par  les  dégpits  et  les  ravages  qu'il  fit  faire  à; 
£sL  vue  dans  toutes  les  campagnest  11  n^en  falat  pas  da- 
vantagepour  déterminer  le  Conful  au  combat,  malgré  les 
xemontrances  de  tous  les  officiers,  qui  le  prioient  d'at- 
tendre fon  collègue.-  Le  fuccès  fut 'tel  qu'ils  a  voient  ^ 
]^évu.  Quinze  mille  Romains  demeurèrent  fur  la  place 
avec  leiir  chef,  et  rendirent  célèbre  à  jamais  par  leur 
fiiDglaste  défaite  le  'Lac  de  Thrafymène,     ^ 


^         SECONDE  GUERRE  PUNIQyE. 

lahlut  "DlBateur^ 

Cbttjs  trîfle  nouvelle,  quand  ^on  Peut  appnfis  à 
Rome,  y  jetta  uoe  grande  aîanne*  On  s'attendoit  ^ 
tout  moment  d^y  sovc  arriver  Annibal.  Fabius  Maxî- 
znus  fgt  nommé  Diâateur.  Après  avoir  donné  le9 
ordres  néceSaires  pour  la  fureté  de  la  vîUe,  il  fe  renr 
dit  à  l'armée,  bien*  réfolu  de  ne  pokit  bazarder  de 
combat  fans  y  être  forcé,  ou  faas  être  bien-  afluré.  da 
fucc^.  11  conduifoit  fes  troupes  par  des  hauteurs, 
fans  perdre  de  vue  Anoibal,  ne  s^approchant  jamais 
aflfez ,  de  Pennemi  pour  en  venir  aux  mains  ;  mais  no 
s*en  éloignant  pas  non  plus  tellement,  qu^il  put  lui  é« 
chapper..  11  tenoit  axaâiement  fes  foldats  dans  fon  camp^ 
ne  les  laiflanljauMiis  forty:  que  pour  les  fourages^  où  il 
ne  les  envoyoit  qu'avec  de  fortes  eicortes.  11  n'eng^a* 
geoit  que  de  légères  efcar mouches,  et  avec  tant  de 
précaution,  que  fes  troupes  y  avoîent  toujours  l'avantage» 
]^ar  ce  moyen  il  rendoit  inCenfiblement  au  foldat  la  con* 
fîanee  que  la  perte  de  trois  batailles- lui  avoit  ôtée,  et  le 
mettoit  eu  état  de  compter  comme  autrefois  fur  ion 
courage  et  fur  fon  bonheur.  L'ennemi  s*apperçut  bien- 
tôt  que  les  Romains,  inilruits  par  leurs  défaites,  avolent . 
enitn  irouvé  un  chef  capable  de  tenir  tête  ^  Annibal  ,. 
et  celui-ci  comprit  dès-lors  qu'il  n'auroit  point  à  craindre 
de  la  part  du  Diétateur  des  attaques  vives  et  hardies^ 
mais  une  conduite  prudente  et  mefurée* 

Minuciu5)  général  de  la  cavalerie  des  Romains,  fouf«» 
Croit  avec  plus  d?impatîence  encore  qu'  Annibal  même  1^ 
fage  conduite  de  Fabius.  Emporté  et  violent  dans  fes 
difcûurs  comme  dans  fes  defîieins,  iJ  ne  ceiïuit  de  décrier 
le  diâateur  :  11  le  txaitoit  d'homme  irréfolu  et  timide,  au. 
lieu  de  prudent  et  de  circon(pie£l  qu^il  étoit,  donnant  à. 
fes,  vertus  le  nom  dçs  vices  qui  en  approcboient  le  plus^ 
et  par  un  artifice  qui  ne  réuflit  que  trop  Couvent,  il  éta- 
blifloit  fa  réputation  en  ruinant  celle  d&  fon  fupérieur.. 
£nfln,.  par  fes  intrigues  et  Tes  cabals  auprès  du  peuple- 
il  vint  à  bout  dé  faire  égaler  fon  autorité  à  celle  du  die* 
tateur,  ce  .qui  étoit  fans  exenxplè.-  Fabius  bien  perfuadé 
que  le  peuple,  en  les  égalant  dansle  commandement,  ne^ 
Iqs  égaloit  pas  de  même  dans  l'art  de  commander,  fouf« 
if\K  ente  injure  avec  UQç  «oderatioPé  qui  fit  bien  voir 

quiL 


-  SECONDE  GCERÏCÏ  PUfîtQpK,        39 

^^  h^étoit  pat  nitMttt  intincible  à  fts  cottchoyens,  qu'à 

MliiBcifit8,en  côA^tfoeiice  de  l'égarHté  do  pouvoir  qu^on 
^^enoit  de  mettfe  entre  !c»  et  Fabius,  lui  propofadecom- 
tomnéer  ehacon  leur  jour,  ou- même  un  plus  long  efpace. 
^e  teiBs.  Eabms  refu&  te  pwcti^  qui  expofott  toute  l'ar- 
mée au  danger,  pendant  le  teass  qu'elle  Csroît  commaa« 
dée  par  MinuctuB  }  et  il  aima  mieux  partager  les  troupes 
pour'  fe  mettre  en  état  de  conferver  au  moins  la  partie 
qm  lui  feroit  échne. 

Ce  qae  Fabius  aroif  prévu,  arriva  bientôt*  Son  collé* 
g^e,  avide  et  in^altent  de  conrbattre,  avoit  donné  tête 
fci&iffé  dans  des*  embuehes  que  lui  a  voit  dreffé  Antiibal,  et 
Im  armée  alloit  être  entîèremient  défaite.  Le  dtélateur, 
f*Bs  perdre-  du  tem^  en-  d^nutiles  treprocbes  ;  ^*  Mar« 
^  cAôîw,*'  cKt-îl  à  fes  foldats,  "  au  fecours  de  MinucîUs,  et 
**  arrachons -aux  ennemis  la  vi^oîre,  et  à  nos  eohcitoyens 
♦•  ^rcu'dé'lcur  faute."  Il  arriva  fort  à  propos,  et  ob^ 
îîgca^  Anntbal  de  ionner  la  retraite.  Ce  dernier  en  fe 
retirant  difoît,  •*  que  cette  nuée,  qui  depuis  longteins 
•*  paroiffbit  fur  le  haut  des  montagnes,  avoit  enfin  crevé 
•*  avec  un  grand  fracas j  et  cauféuTi  grand  orage." 
-,  Un  ferTÎce  fi  important,  et  placé  dans  une  telle  acon» 
jÂpéture,  ouvrît  lés  ycua  à  Minucitisy  et  lui  fit  recon- 
noître  fa  faute.  Pour  la  réparer  fans  délais  îl  alla  dans 
le  moment  même  arec  fon  armée  à  la  tente  de  Fabins,  et 
Pappellant  fon  père  et  fon  libératcttr,  lui  déclara  qu'il  ve* 
non  îe  remettre  fou*  fon  obériTâncei  et  qu'il  caflbtt  lui- 
même  un  décret  dont  il  fe  trouvolt  plus  chargé  qu'  ho-- 
àoré.  Les  Soldats  de  leiir  côté  en  firent  autant,  et  ce  n'e 
&t  plus  de-part  et  d'acitre  qu'cmbrafiements  et  mar- 
ques.de  la  reconnoifiWnce  îa  plus  vive  ;  et  le  verte  de  ce 
jour,  qui  avoit  penfé  être  fi  funefte  à  la  république,  ic 
paSa  dans  la  joie  et  les  divprti'fiements, 

BûtailU  (le  CanmsJ' 

•    L*ACTiOîl  la  jpUis  célèbre  d'Annibaî,  et'qni  devoit,  ce  - 
fexobley   renverfer  pour  toujours  la  puiâance  Romaine, 
ÂttT  Ja  •  bataiUe   de    Cinees.     On  avoit  nommé  à  Rome 
pour  confals  L»  .^Unilius  Paulus,  et  C.  Terentius  Varron. 
Ce  dernier  d'une  baffe  et  vil«  naiffaivce,  par  lef  grands  . 
biens  qi^e  fon  père  lui  avoir  laifféis,  et  par  fon  adrefie  à  . 

C  3.  gî^gncf 


SECONDÉ  GtJ£RR£  PUNIQyB* 


j^agner  les  bonnes  grâces  du  peuple  en/c  6écltam^n%  eoii«^ 
tre  les  grands,  a  voit  trouvé  le  mojei^  de  pprveokTati  coa-^ 
fulat  fans  y  jporter  d'autre  mérite  ^jw  celui  (^!uae  mm^ 
bition  dém^furée  et  d'une  eftîme  de>  lui  même  Cips  boc^ 
lies.     Il  difoit  hautemfnty  **  que  }e  jaoyeo  de  pierpétaev- 
**  la  guerre»  étoit  de  mettre  des*  Fabius  à  1%  téte^dfit 
''  armées  1    Que  pour  lui,  dès. le^  premier  jpur  ^t^U  jrér^ 
''  roit  rennemif  il  fauroit  bien  k  term^er..''     «Son .  col* 
lègue,  qui  £avoit  que  la  témérité,  outre  cfu'elle  e(t  d«^ 
ilituée   de   raiOon,    avolt   toujours   été  juTques-là    très<v 
malheureufe,  penfoit  biea  autrement.     Fabiusiie  Foyant' 
près   de   partir  pour  la  campagne^  le  ^oofirm»»  encore. 
dans  ces«  fentimentSy  et  lui  répéta  biea  des  fois  que  le 
feul  moyen  de  vaincre  Annibal  étoit- , de*  ten^pprifer»  et  do 
traîner  la  guerre  en  longueur. .  *'  MftîSt'^  liiLditoîl»  rf ^  le» 
*^  citoyens,,  encore  plus  que  les  ennemisi  trA^^î^i^croat  à: 
^*  vous  rendre  ce  moyen  impraticable.    Vosfoldats  ea 
V  cela  confj^reront  avec  ceux  desCartbagînoift^:  V»itoh 
*^  et  Annibal  penferont  de  même  (ur  ce  points     II  Êiut. 
*^  que  vous  feul  teniez,  tête  et  réfiûiez  à  ces  deux  chefs* 
*^  Le  moyen  de,  le  fsire,  c?eft  deLdemeuper  ferme  contre 
**  les  bruits  et  les<lifcours  populairest  et -de  ne  vous  laif« 
*^  fef  ébranler  ni  par  la  fauiTe  gloire  de  votre  collègvte*  nî^ 
*'  par  la  faufle  bonté  dont  on  tàcbera  de  vous' couvrir» 
'*  Souffrez  qu'au  Heu  d'homme .précautîonné».€irconfpeâ, 
**^  et  habile  d^s  le  méiiec  de  la  guerre,  on  vouft  fafle  pa£* 
*^  fer  pour  un^chef^timide,  lenti^fanscoonoifiance  de  l'art 
-    *^  militaire.     J^^aiae  mieux  vous^>voir.  craint  par  un  en* 
*^  nemi  fage,  qi^e  loué,  par  des  citoyens  imprudents^" 

Chez   les    Romains^  en.  tem^  de,  guerre,. .  on   levoit' 
chaque  année  qpatre  légions^  dont  cbacune  étoit  coiuf 
pofée  de  quatre  mille,  hommes^de  p,Ié^  et  de  trois  cena 
cavaliers..    Le&  alliés^  c*eiîL  à^ire  les  peuples  voiilns  d& 
Rome,  fournifibient  un.pftreil  aombse  de  fantaSins^  avec 
le  double  et  quelquefois  le  triple  de  cavalerie.     £t  pour 
rordixiaire. OR  partageoît  ces-troupes^  entre. les  deux  con— 
iuls,  qui  f^foient  la  guerre  féparétn^nt,  et.en  dii£érenU 
pays.     Ici,'  comme  l'affaire  étoit  dcclûve,  les  ^ux  con^ 
&]&  marchèxent  enfemble,  et  le  nombre  def  troupes,  tant^ 
Romaines  que  Latines  fut  doublé^et  les  légions  augmeo*»^^ 
tées  chacune  de  mille  hommes  de  pié^  tt.de  cent  de  ca^ 
valrrie.. 

.14 


SÊCÔOTfiE  <ÎUEltltE  PONIQUE.         3^ 

Le  fiiH  de  Famée  dP Airtiibal  ëtoît.dans  1»  cavidefie  t 
C^mà  potnquoi  Li  Paolus  vouloît  éviter  de  combattre  et» 
rafe -campagne.  D's^lkim  les  Cattha^iaots  manquoient 
abfelumeUt^  vmes^  et  ne  poiivoient  pas  encore  fubfiflet 
féix  -  jonrs'  d*iis  le  pays,  de  forte  que  les  troupes  Efpag- 
Aoles  étoteat  près  de  (c  débander.  Les  armées  furent 
qaek|'y«^  joots-ife  regarder  :  Enfîo^  après  divers  mouva«^ 
meata^.Varron,  malgré  les  remomtrances  de  foft  colique,. 
^o^S^a 'lu -battaâle  près  d»  petit  village  de  Canoës.  Le 
terrain-  étoH  fort  favorable  aux  Carthaginois  v  et  Annibal, 
qui  fa vok 'profiter  de  tout^  avoit  rangé  Tes  troupes  de 
forte  qmt  le  vent  Vokprae,  qui  fe  lève  dans  un  certain 
tema.  réglé,  dèvoit  fooffler  «Hreâement  contre  le  vîfage 
des  Romains  pendant  le  combat,  et  les  inonder  de- 
poufiière^'  La  viâef re  fut  longtems  difpoiée,  et  tournis 
enfin  pieineiBenl  du  côté  des  Carthaginois^  Le  conful* 
L.^Faolns  fut  bleflîé^  à  mort,  et  plus  de  cinquante  mille 
bomnies  deniënrèrent  fiir  la  place,  parmi  lefquels  étoit 
4'^te  de^- officiers*  Varron  l'autre  conful,  fe  retir» 
li.Venottfeav^c  foixante  et  dix  cavaliers  feulement. 

Ms^ârbaJj  t^o-des  généraux  Carthaginois,  vouloir 
que  (ans  perdre  de  ^ems  l'on  marchât  droit  1^  Rome^ 
promettant  à  A-nnibalde  le  faire  fouper  à  cinq  jours  de- 
là dans'le  capitole;.  Et* (us  ce  que  cfelui-ci  répliqua  qu'ili 
faloît  prendre  du  temS'pour  délibérer  fur  cette  propofi-  . 
tîon  :  -*  Ja  vois  bien,.  ^  dit  Maharbal;'  ^  que  les  DieuXi 
"n'ont  pas  donné  au  même  homme  ^us  les  talens  à  la^ 
V'fbis.  Vous  favez  vaincre^  An»ibal,  mais^  vous  n» 
*^  favcz  pas  profiter  de  la  vtâoSre."  £n  effets  plufieurs*^ 
croyent  que  ce  délai  fauva  Rome,  et  l'£mptre. 

Il  eâ-aifé  de  comprendre  quelle  fut  la  confternattoi»; 
à  Rome^  quand  cette  funefte  nouvelle  s'y  fut  répandue; 
Cependant  on  n'y  perdil  point  courage.  Après- avoir 
im^oré  le  fecoursdcs  Dieux  par  des  prières  publiqne^t^ 
et  par  des  fa^ifioes^les  Magiilrats,^rafiurés  par  les  iages^ 
confeils»  etpar  la  ferme  contenance  de  Fabius^  donnèrent 
ordre  a. tout,  et  pourvurent  à  la  fureté:  de  là  ville.  On^ 
leva  -fur^  le  champ  quatre  légions^  et  mille  cavaliers,.cn 
accorda At<.difpenre  d^âge  à  plulleurs^  qui  n'a^^oient  paS' 
d^s-reptansv'  Les  alliés  firent  aàdî  de  nouvelles  levées^ 
I^ix  Officiers  Romains,  qu'Ânnibal  avoit  laifie.  (ojrtir  fur 
]e4c  parole^  arrivèrent  h  Rome,  pour  demander  qu^on 

racbetâf 


iZ         SECONDS  COOLKI  l'ONfOyE. 


rachetât  les  prHbmnevs.  Qotiqttr'liefirift  t(uVA%  là  ré- 
publk|tte  de  iolAatt,  elle  vtéHm  'COftftamdieftt  «le  rsclietet 
rettz«-d,  pour  ne  pomt  diMièer  d^Éttdinte  à  lé  difeiplin* 
Ronaine,  qui  panifibit  &»»•  pitié  qoîeon^oe  fe  rend  oit 
^roloiitaircnciit  à  ren^w  ;  et  «lie  Mnnt  miettx  amer  des  - 
tSdMV)c9  ^'ellc  «chet6L4  det  perticoUers  jeifqu'aa  nombre 
de  huit  mttie,  ce  diês  prtlbniiief  s  ont  étaieiit  srrètés  pour 
dettes  «a  po«r  crisDeii  qui  «nontereiit  joiiqa*à  ûx  aitlle  | 
/'âoruAf,  dit  l^Uftorien^  cédaat  ài*aitolSf'di»9<»e»  trifte^- 
coojmâunsî 

A  Rome,  le  cèle  dés  perticoHcn  eti^aifioar  da  biens 
pvblic  éclatèrent  «lors  d'ùoe  manière  «Mrteilleitfci.     11  - 
B*^  fut  pes  eiall  dee  aUfét.     Les  défaites  précédentes - 
avivaient  pu  ébranler  Jeiir  fidélité  f  mais- ce  derttier  coup» . 
^ui  feloa  eax  devait  «battre  l^£Bifjire^  les  renvetfiiy  et 
pittfieitrs  fe  rangèrent  du  côté  do  ^foiofveur,    Cepen^ 
dant,  m  la  perte  de  tant  de  troupes,  ni  la  défeâi on  d^ 
tant  d'alliés,  ne  purent*'  porter  le  peuplé  Ronmîn  à  en-*  - 
tendre  parier  d'acoommodemenU  ■    Loin  de  perdre  cou**  • 
jage,  jamais  il  ne  iit  paroitre  tant"  de-  grandeur  d^ftnè^  • 
et  lodque  le  Confui,  aprè«  une  fî  grande  défaite  dont  il  • 
avoft  été  la  principale  cauie,  revint  à 'Rome,  tous  les  • 
eorps  de  TËtttt  allèrent  au.  devant  de  lui,  et  lui  rendirent 
grâces   dè^'^èè  qu'il  n^avùû    peint  dejrfpéré  éi  la  Rtfith*  - 
.  ^fi^  ;  au'. 'lieu  qu'à  Carthage,  après  une  telle  <dirgrace, 
il  n'y  ayoît  point  de  fnpplice  auquel  un  généra}  n'eût  dû  ' 
s'attendre.  »^ 

'  Capoue  fut  uqe  der  villes-alliées t}uS  le  rendît  à  Annl«  - 
luL     Maïs  le  (cjour  quV  firent  ies  troupe^  pendant  les  * 
quartiers  d'Jbyvèr,  leur  devint  bien  funefle.     Ce  courage 
xnàlc,  que  nub  aâux,  nulles  fatigues  n'avoient  pu  vaincre,  . 
fut  entièrement  énéi?vé  par  les -délices  de' Capoue  ;  où  les? 
foldats  fe  plongèrent  avecd'autant  plu&  ^'avidité,  qu'ils 
y  étoient   moins  accoutunoés.    Cette  faute  d'Anniba),  • 
félon  les  connoiâ'eurs,  fut  plus  grande  que' celle  qu'il  a- 
voit  commife,  en:  ne  marchant  pas  droit  contre  Rome  a- 
près  la  bataille  de  Cannes.  -    Car  ce  délai  pouvoit  pa- 
rcitre  n'avoir  qlie  différé. la  vidoire  :  Au  lieu  que  cette  ' 
dernière  faute  le  mit  abfolumeot  hors  d'état  de  vaincre. 
Ainfi  Capoue  fut  pour  Annibal,  ce  que  Cannes  a  voit  été 
pour  les  Romains 


<  '33    ) 

*  •  • 

Du  LUXE  DE  LA  Table. 

Y  L  &t  porté  à  Rome  dans  les  derniers  tems  de  la  té^ 
1     poblique  à  un  excès  qui  paroit  à  peine  croyable  :  Et 
nus  les  Empereurs  on  enchérit  encore  fur  ce  qui  s^étoit 
pratiqué  jafques-là. 

Ltuculle,  qui  d^ailleurs  ayoît  dVxcellentes  qualité9, 
crut  au  retour  de  fes  campagnes  devoir  fubûituer  îl  la 
gloire  des  armes  et  des  combats  celle  de  la  magnificence, 
et  il  tourna  tout  fon  efprit  de  ce  côté-là.  11  employa 
des  iommes  îmmenfes  pour  fes  bâtimens  et  pour  fes  jar- 
dins :  11  fit  .encore  de  plus  grandes  dépenfes  pour  fa  ta- 
ble. Il  rottloit  que  chaque  jour  elle  fût  fervie  avec  la 
snênM  fomptuofîté,  n'y  eût  il  perfonne  de  dehors.  Com- 
me fon  maître  d^bôtel  s*excufoit  un  jour  de  la  modicité 
à^ixn  rçpas  fur  ce  quSl  n*y  avoit  point  de  compagnie  : 
**  Ne  favois-tu  pas,''  lui  dit- il,  "  que  LucuUe  de  voit  man* 
**  gtt  aujourd'hui  chez  Luculle  V^  Cicéron  et  Pompéei 
ne  pouvant  croire  ce  qu'on  difoit  de  la  magnificence  or- 
dinaire de  fes  repaSy  voulurent  un  jour  le  furprendre,  et 
f'aflurer  par  eux-mêmes  de  ce  qui  en  étoit.  •  L'ayant 
rencontré  dans  la  place  publique,  ils  lui  demandèrent  à 
diner,  et  ne  Cbufifrirent  pas  qu'il  donnât  pour  cela  auCun 
ordre  à  (es  gens»  il  fe  contenta  donc,  d'ordonner  qu'oa 
les  fît  manger  c^s  ^a  fale  d'Apollon.  Le  repatfut  fer*. 
vl  avec  une  promptitude,  une  opulence  qui  furprlt  et 
effraya  les  conviés.  Ils  ne  fa  voient  pas  que  la  fait  d*A'* 
poilon  étoit  le  mot  de  guet,  et  figolfioit  que  le  feflin  de* 
voit  monter  à  cinquante  mille  drachmes* 

Si  la  bonne  chère  et  le  luxe  de  la  table  peuvent  pro-' 
curer  quelque  folide  gloire,  Luculle  étoit  le.  plus  grand 
homme  de  fon  tems.  Mais  qui  ne  voit  quelle  petiteiïc 
d'efprit,  et  même  quelle  folie  il  y  avait  à.  faire  conûftee 
fon  honneur  et  fa  réputation  à  perfuaderle  public  que 
tous  les  jours  il  ftfoit  pour  lui  feul  des  dépenfes  énormei 
et  infen^es  P  Voila  pourtant  de  quoi  il  fe  repaiifoit. 

Voici  une  autre. efpèce^de  folie.  Une  perfonne  en* 
trant  dan&  la  cuifine  d'Antoine,  fut  furprife  d'y  voir  huit 
faogliers  qu'on  fefoit  rôtir  en  même  tems.  Elle  crut 
que  le  nombre  des  convives  devoit  être  fort  grand  ;  ce 
n'en  étoit  point  là  la  raifon.  C'èft  que  chez  Antoine,, 
pendant  qu'il  écpit  1^  Alexandrie,   il  falloit  que  vers 

l'heure 


34  I>ir  LUXE  tz  hi  TABLE. 

rbeure  du  fouper  il  yièûttaqoôct  nti  ttpbis  magnifique 
prêt  à  fervir,  afin  qu'au  moment  qu'il  plaîroît  au  msiîcre 
4t  la  ifaaifeto  de.fe  mettre  à  taîrléy  il  trout^âl  tés  ^andft»- 
ks  plus  e^^miès,  cultes  Tk  propcs-. 

]t  ne  parle  peint  éé  ce«  dépetifes  poufféef  juiqu^à  Pet« 
travagance  et  à  la  fureur  :  Un  plat  cGMpofé  de  langues 
d€S  oifeaux  les  plus  raines  qui  fntiient  dans  Tunivers^  plu- 
fienrs  perks  d'un  prix  infini  f>nduês,  et  infufées  âààs 
une  liqueur,  p^or  avok  le  plaifit  d'aval«f  en  un  féal 
coup  un  millîofi, 

A  ces  monl^rta  de  fefte  et  de  Inxe,  qui  delbon^rent 
Phumanité,  oppofons  la  modêftie  et  la   frogftliré  d'un 
Caton,  llionncmr  de  fon  fiècle  et  de  fa  i<épublique  :  Je 
parle  de  Tancien,  fumommé  ordrnafrement  le  Cetiieur* 
Il  fc  gioritoit  de  n-'avoîr  jamais  bu  d'autte  vki  ^uie  celui 
de  fcs  ouvriers  et  de  fes  domefliques,-  de  n'avoir  jamais 
hH  acbetcr  de  viande  pour  fon  (^upec  qui  fnrfsât  trente 
feilercesy  de  n'arott  jamais  porté  de  robe  qui  eûtr  coûté' 
plus  de  cent  drachmes  d'argent.     Il  a  voit  appris;  difo,it« 
itf  à  vivre   aiiifi,  par  Pexample  du  célèbre  Curius»  ce 
grand  homme  qui  cbafla  Pyrrbus  d'Italie^  et  qui  rem- 
porta trois  fols  l'honneur  du  tridGbpbe*    La  nlaffon  qu'il 
«voit  habitée  dans  le  pajs  des  Sabins,  éteit  voifine  de 
eelle  de  Ca.ton,.  et  par  cette  rai&n  il  le  regardait  C0«^ 
me  un  modèle  que  le  tîtttt  du  voifitvage  ^vott  eneore  lui 
tendre  plus  refpeâabte,      C'eft  ce  Curîus  que  les  am* 
baflsrdeurs   des   Samnrtes  trouvèrent  dans  une  maifoa* 
petite  et  pauvre  aflis   an  coin  de  fen  feu  où  il  fefint 
cuire  des  racines  \  et  qui  refufa  avec  hauteur  leurs  prév- 
iens, ajoutant  que  quiconque  fe  penvok  contenter  d'un 
tel   repas,  n'avoit  pas  befoin  d'or;    et   que   pour   lui,, 
il  edimoit  plus  honorable  de  commander  à  ceux  qui  a* 
irotent  de  l'or,  que  de  l'avoir  foi  même. 

Ces  exeàiples,  comme  trop  anciens,  pourront  faire 
peu  d'impreâion  fur  la  plupart  des  hommes  de  notre 
fiècle  :  Mais  ils  en  fefoient  une  fi  profonde  fur.plufieurs. 
des  plus  grands  Empereurs  Romafns,  que  quoiqu'ils  fu fu- 
ient au  comble  des  rîcheâes  et  de  la  pui&nce,  qu'ils  duf* 
fent  fouteoir  la  majeflé  d'un  vafte  empire,  et  qu'ils  euf* 
fent  devant  les  y  eux  les  profufions  en  tout  genre  de  leurs 
prédécéffcttrs  >  ils  croyoient  ne  pouvoir  afpirer  à  devenu* 
Véritablement  granids,  qu'MHnnt  que  «'éievani;  au  defltH 

de 


LE  9|49S'l^  ?plTEUXk         35 

40  U  cocTuptÎQQ  i»  Ifiur  fi^kf  ib  &  raproçhcroient  dtw 
c§a^  vépéfaUès  madc^  de  VantîqyaUé*  focipés  fur  Ict 
il^gl^  d«  U  r^oa  la  plu9.  pujrcy  et  £uc  Iç.  goût  le  plus 
jp5ç.  de  b  ibUde  gloiiie.  ^  > 

C^eft  e9- étudiant  ce&  gpuida  Qiîgia«ttx  quc  V^rpaiiefii 
(À  dé<^9i:a,rei9ii«aûdtt  fade»  des  d^^ces,  de  la  bo^«e  chèrei 
et  qu^il  voulut  daos  tpttt  fosi  extérieuc  imiter  la  modeftî^ 
et  W  frugalité  des  ^ncieuau  C^eft  pv  Tes^  vertus  qu^ii  ar« 
rêt^  le  cours  àfx  Ivt^xc  public  et  des  déneofesi  exceffives» 
fur-tout  celles  de  la  ta.ble«  ï^t  ce  defordre^  qui  a.vQit 
p^a  k  Tibère  aurdeflus  des  ren^èdes,  q^i  s^étoit  tnfini* 
9içQt  ^ccTu  depuis  ipus,  les  mauvais  prîjuccs,  et  que  Icf 
loix  a.i;0iées  de  tqute  la  terceur  dçs  peines  n^avoieat  pi» 
l^çpnmei',  céda  ^  Te^emple  l«uL  de  ffi  fobriété  et  de  fa 
£9g^plî<;it£  çjt  HU  defir  q^^Qu  ejut  dç  lui  plaire  en  l'imir 
tant.  Il  dégrada  de.  ipéme .  et  deflictoora  le  luxe  et  1^ 
ipAUeSe  en  ôtaQt.le  brevet  d'une  charge  à  Un  jeune 
hoipipe  qui  étoit  vCnn  tout  parfumé  pour  Peu  remercier^ 
et  ei)  ajoutant^:  J'a^pnerou  mieux  que  vfmsfontiffie^  taîL 


tjç  d.iasi-ï:  boiteux. 

ITNE  nuÂt  du  mois  d'Oflobce  couyroit  d'épaiifes  té- 
}  nebres  la  célèbre  Ville  de  Madrid  :  Déjà  le  peuple 
retiré  ch^z  l^i,  laiâbît  les  rues  Ubr^s  aux  ayants  qui  vou« 
loient  chanter  ]^uts  peîf^es  ou  leur«  plaifîrs  fous  les  baU 
cons  de  leurs  niaitfe;fl^&  :  Déjà  le  fçn  des  guitarçs  caufoit 
de  rinqui/çtudje  aux  pères^  et  a]arm<;^it  les  m^ris  jaloux  3 
£nfi|;i  il  étoit  près  de  minuit^  Iprfque  J^ç^n  Cléof»s  Lé. 
^fidro  Pércz  Za^mbuUo,  geôlier  d'Â^Icala,  ibrtit  brufque* 
ment  par  une  lucane  dHine  maifon,  où  le  fils  indifcret  de 
la  D^eHe  de  Citbere  Tavoît  fait  entrer.  Il  tâchoit  de 
coin&rver  fa  vie  et  fon  hon/ieur»  en  sVffbrçant  d'échapper 
à  trois  ou  quatre  fpadaffins  qui  le  fui  voient  de  près 
pour  le  tuer,  ou  pour  lui  faire  époufer  par  force  une 
Dame  avec  laquelle  ils  venoieot  de  le  furprendre. 

Quoique  feul  contf:e  eux  il  s^toit  défendu  vaillament, 
et  il  n'avoit  pris  la  fuite  que  parce  qu^ils  lui  avoient  en. 
levé  îoxk  épée  dans  le  combat.  Ils  le  pourfuivir^t  quel- 
que temps  fur  les  toks  ;  mais  il  trompa  leur  pourfuite  à 
la  faveur  de  Tobfcurité.      Il  maicha  vers  une  lumière 

qu'il 


,§6         LE  BIABiE  BOITEUX. 

qu^n  apperçttt  de  loin»  et  qui»  totite  fbibk  qtiMIe  êHAtf 
lui  fervit  de  faoal  dans  une  conjotoéinre  fi^  ^étlïtetfe» 
Après  avoir  plus  d^une  fois  -couru  rifqut  de  fe  rompre  le 
cou,  U  arriva  près  d'un  grenier  d'où  fertoient  les  riayons 
de  cette  lumière,  et  il  entra  dedans  par  la  feixêtre,  auffi 
tranfporté  de  joie  quSin  pilote  qui  ?r«il^lieureixfe aient 
furgir  au  port  fon  vaifleau  menacé  de  naufrage; 

11  regarda  d'aboxd  de  touteapafts,- et  fort  etdtiné  de 
ne  trouver  perfonne  dans  ce  galetas,  qui  lui  parut  un  ap* 
parteihent  affez  iîngulî«r,  il  fe  mit  à  le  confîdérer  avec 
beaucoup  d'attention;  H  vit  une  lampe  de  cuivre  at- 
tachée au  plafond)  des  livres  et  des  papiers  en  confofîon 
lur  une  table»  une  fphére  et  des  compas  d^n  côté,  des 
phioles  et  des  cadrans  de  Pautre  :  Ce  qui  lui"  fît  jtig^t 
quMI  demeuroît  arutleifous  quelqite  Afirélogoe,  qui  venolt 
^ire  fes  olfervations  dans  ce  réduit* 

11  revoit  au  péril  que  fon  bonheur  lui  avoit  fait  éviter, 
et  délîbérott  en4ui-raême  s^îl  demeureroit  làjufqu^aulen- 
dtmain,  ou  s^il  prendroit  un  autre  parti,  quand  il  entend- 
,  dit  poufier  uo  long  kJj^r  auprès  de  lut.  Il  s^imagina 
d^abord  que  t^étoit  quelque  fantôme  de  fon  efprit  agité, 
une  illufion  de  la  tiuit  5  cVft  ^pourquoi,  fans  ^7/  arrêter, 
il  continua  toutes  fes  réfleélions. 

Mais  ayant  oui  foupirer  pour  la  féconde  fois,  îl  ne 
douta  plus  que  ce  ne  fût  une  chofe  réel^  ;  et  bien  qu^ 
ne  vit  perfonne  dans  la  chambre,  il  ne  laifia  pas  dé 
s'écrier  :  Qui  diable  foupire  ici  ^  C'eft  ifioi,  Seîgneuè 
écolier,  lui  répondît  auffi-tôt  un^  voix  qui  àvoît  quelque 
chofe  d'extraordinaire.  Je  (vis,  depuis  ûk  mois,  dans 
une  de  ces  phiolet^  bouchées.  Il  loge  iérif  c^te  rûnîhh 
,4in  favant  Aftrologue,  qui  eft  Magicien*  '*C*&ftî\aî  quf, 
par  le  pouvoir  de  fon  art,  me  tient  ettfcfritté  dans  cttte 
étroite  prifon.  Vous  çtes  done  un  efprit,  dit  Don  Cleo- 
fas  un  peu  troublé  de  la  nouvesuté  de  Pavanturc.  Je  fufs 
un  Démon,  répartit  k  voix.  Vous  vcnct  ici  fort  "à  propos 
pour  me  tirer  a'efclayage.  Je  languis  dans  IVifivétié -,  car 
je  fuis  le  Diable  de  iVnfer  le  plus  vif  et  le  plus^borîeux* 

Ces  paroles  causèrent  quelque  frayeur  au'  Seigneur 
Zambullo  ;  mais,  ccmme  il  étoit  naturellement  couraV 
geux,  iUe  raâjura,  et  dit  d'un  tun  ferme  à  PËfprit  :  Seig- 
neur D.ablc,  apprenez  moi,  s'il  vous  p'àît,  quel  rang 
vous  te  lez-parœi  vos  Confrères,-  ù  vous  êtes  un  J^çitaorC 
noble  ^j  roturier*     Je  fuis  un  piable  d'impçrtance,  ré« 

peu 


LE  DIABLE  BOITEUX.  37 

^pondit  la  vmn^  et  cèltii  de  totxs  qui  a  le  plus  de  répota* 
fjon  dMH  Ton  et  Pautre  Monde.  Serîez-vous  par  ha- 
sard, v^fiqaa  Boa  Cfêofas,  le  Démon  qu^on  '  appelle 
Jiocifer  ?  Non,  rep&rtit  TEfprit  :  C'eft  le  Diable  des 
Cbarlatatts.  Etes-'VOQS  Vdel  ?  i^prit  PecoHer.  FI  donc, 
Mttevroflipît  krafqueoiçBt  la  roix,  c*eft  le  Patron  det 
MarchMMky  des  Taillears,  des  Bouchers,  des  Boulan- 
gers, et  des  autres  ^rolcsifs  du  Tiers- Etat.  Vous  êtes 
peat-ètre  fielaebut,  dit  Léandro.  Vous  moquiez- vous, 
«époadft  PEfprit  ?  C'eft  le  Démon  des  Duègnes  et  det 
Ecujers.  Cela  m^étonne,  dît  Zaœbullo  ;  je  croyoîs  Bel-' 
sébptufl  des  plus  grands  perfonnages  de  rotre  conpag* 
BÎe.  C'eft  un  de  fies  moindres  fujets,  repartit  le  Dé- 
SBOB.     Vous  fi*aTeK  pas  des  idées  juftes  de  notre   Enfer. 

11  hmt  donc,  reprit  Don  Ciéofas,  qne  voCks  foye z  Lé- 
^tlitn,  Belphégor  ou  Afiarot.  Oh  !  pour  ces  trois-là, 
idit  la  ym%f  ce  font  des'  Diables  du  premier  ordre  ce  font 
des  Efprits  de  Coor.  Ils  entrent  dans  les  confeils  des 
Piinces,  animent  les  MiniRres,  forment  les  ligues,  exci« 
teut  les  foulevements  dans  les  Etats,  et  alument  le^  flam« 
beaux  de  la  guerre*  Ce  ne  font  pas-l?i  cfès  maroufles^ 
comme  les^  premiers  que  vous  avez  nommés.  Eh  !  dîteS'* 
moi,  je  vou^  prie,  répliqua  Tecolier,  quelles  font  ^les  fane* 
rions  de  Flagel  f  il  eft  Pâme  de  la  Chicane  et  Pefprît  du 
Barreau,  repartil  le  Démon.  C'eii  lui  qui  a  compofé  le 
Protocole  des  Huiffîers  et  des  Notai re?/  II  infpirelea 
Plaider»,  poflede  les  Avocats,  et  obfede  les  Juges. 

Pour  moi,  j*ajvd 'autres  occupations  ;  je  fais  des  ma-* 
liages  ridicules  :  J'unis  des  barbons  avec  des  mineures, 
des  aialMi  avec  leurs  fervantes,  et  des  filles  mal  do* 
aées  aveo  de  aradfes  Amants  qui  n'ont  point  de  fortune^' 
iC*eftmoi  qtJt  ai  tuttoduit  dans  le  monde  le  luxe,  la  dé- 
bauche, les  jeux  de  haicard  et  la  Chymîe,  Je  fuis  Tin-  " 
menteur  de  4a  Danfe,  de  la  Mu(îque,  de  la  Comédie,  et 
4ic  toutes  les  modes  nouvelles  dé  France.  En  un  mot» 
Je  m^appelle  Aimodée,  furnommé  le  Diable  lioiteux. 

Hé  q««  î  sMcria  Don  Clcofas,  vous  ferirz  ce  fa- 
meux Afaaedée,  dont  Û  Vit  fifit  uœ  (i  glorieufe  men- 
tioa  dams  Agrippa  ?  Ah!  vraiment  vous  ne  m'avez 
pas  dit  tous  vos  amufements.  Vous  avez  oublié  le 
meilleur.  Je  fais  que  vous  vous  dîvertiiïez  quelque^ 
iiûéi  i»'fi)rulager  les  Amants  malheureux.      A  telles  en. 

D  f-igntfS 


58         L£   DIABLE   BOIT£U!3C 

'fiûgnet  que,  l'année  paflKe,  i»  Biidielier  de  .mt»  ««[!• 
obtint,  par  votre  fecours^-dansla  Ville  d^.Alcahi,]M.hfui« 
fies  grâces  de  la  femme  d'un  Doébear  àe  l'Unniesfitéri 
Cela  eft  vrai|  dlt*Pefprlt.-  Je  tous  gardois  ceiui*là  pour 
le  dernier.  Je  fais  le  .Dieu  Capîdoo,  car  les  Poëtea 
m^ont  donné  ce  joli  nom,  <et  ces  MeÛieurs  sae  peig« 
nent  fort  avantageuCsment.  Il  dîfeat^  que  j'ai  4es  tâïtê. 
dorées,  un  bandeau  furies  yeux,  un  Aiac  à  la  aaatn,  im 
carquois  plein  fie  flèches  (ur  les  épaules,  et  /arec  cola  uae 
•beauté  raviflante.  Vous  ailes  voir  toute/àPhèttie  oc 
qui  en  eft,  û  vous  voulez  me  mettre  tn  liberté. 

Seigneur  Afmodée,  répliqua  Léaadro  Ferez  ^  il  y» 
long-temps^  comme  vous  ÎWvez«  que  je  vous  fuis  entière^ 
ment  dévoué.  Le  péril  -  que.  je  vien«  -de  couiir  ea  peut 
faire  foi.  Je  fuis  bien  aife  de  troav«r  Poceaâon  de  vous 
fervir*  Mais  le  vafe  qui  vous>  recèle  eft  uns  doute  nit 
vafe  enchanté.  Je  tenterois  vainement  de  le  déboucher» 
Qu  de  le  brifer^  Ainfî  je  ne  fais  pas  trop' bien  de  q«^e 
inanière  je  pourrois  vous  délivrer  de  prifon.  .Je  n'ai  pat 
un  grand  ufage  de  ces  fortes  de  délivrances  :  et  entre 
nous,  fi  tout  Un  Diable  que  vous  êtes,,  vous  ne  faurics^ 
vous  tirer  d'affaire,  comment,  un  chetif  mortel  en  pour* 
•ra*t'il  venir  à  bout^  Le&  hommes  ont  c^  pouvoir,  répons- 
dit  le  Démon.  La  phiole  où  je  fuis  retenu  n'eil  qu'une 
iîraple  bouteille  de  verre,  facile  à  brifes»  Vous  agaves 
^qu^à  la  prendre,  et  qu'à  la  jetter  par  terre  ;  j^'apparoitrat 
•tout  auâi-t6t  en  forme  humaine.  Sur  ce  pied-1^  dit  l'e- 
coUer,  la  chofe  eft  plus  aifée  que  je  ne  penfois.  iVppre* 
nez-moi  donc  dans  quelle  phiole  vous  êtes  î  J'en  vois-un 
aiTez  grand  nombre-  de  pareilles,  et  je  ne  puis  la  démêler» 
C'eft  la  quatrième  du  côté  de  la  fenêtre,  répliqua  IVfprit* 
C^oique  l'empreinte  d'un  cachet  magique  foit  fur  le 
bouchon,  la  bouteille  ne  laiffera  pas  de  fe  cafler.     - 

Cela  fufHt,  reprit  Don  Cléofas.  Je  fuis  prêt  à  faire  ce 
que  vous  fouhaitez.  Il  n'y  a  plus  qu'une  petite  difficul- 
té qui  m'arrête.  Quand  je  vous  aurai  rendu  le  fervice 
dont  il  s'agit,  je  crains  de  payer  les  pots  cafTés.  Jl  ne 
vous  arrivera  aucun  malheur,  répartit  le  Démon.  Au 
contraire,  vous  ferez  content  de  ma  reconnoiffance.  Je 
vous  apprendrai  tout  ce  que  vous  voudrez  favoir.  Je 
vous  inftruirai  de  tout  ce  qui  .fe  palTe  dans  le  monde. 
Je  V9US  découvrirai  les  défauts  des  hommes,     Je  ferai 

votre 


LK  DIABLE  BOITEU32.  99 

voÉn&Dosmn.tQtél^re';  et  .plus  éoiaifé  qve  le  Gétnt  âé' 
âorzaitav  jiâ  ipnaleods  vous:  renéœ  eooore  plos  favaot  que- 
ces  gcaod  Phikfophe.  £n  un  tssutf  je  me  doiMie  à-  vour 
jureo  nics:beiiftefi«t  irumMBtfes  quelitéâ  ;  elles  ne  vous  fe« 
vont  pas  noms  utiles  les  unes. que* lés  autres. 

Voilà) . de- beiieVipnxQeficF,.  eefliqua  l'eooiter.     Maïs 

«tios  aBiusi  Meffieftss  les  Diable»^  on  vou»"  accufe  de 

A?être  pas  foit  rdigîeusL  â^^teoir  fe  que  vous  nous  pro* 

«Mttexi     C«tte*acoiièrstloii*n'èd  pus  fans,  fondement,  ré« 

fBKÎt'  A'finodée.  *     I»»  plupart  de  mes  confrères  ne  f^ 

font  pa»>ua  ienipoiede  vous:TOanq«ieT  de  parole.     Pour 

sioiy.  outre  que  jetnerpnî^  trop.payev  Lefervice  que  j'at« 

%oaàA  de  ^iwus^  j&  fiiis>«iiclave  de  mes  fennecs^  et  je  youf 

jure  par 'tout  c^  qai-Jee  rend  kivîolables^  que  je  ne  vouf 

tronaperal  point.     Conirter  far  >  l'ffffùrance  que  je  vous 

en  donner     Mt  ce  qui  doit  vous  6tre  bien  agréable,  j^ 

jn'éfire  sbvous  Tfingeo  dès  cette  miit'de  Donna  Thomoui 

Ae  cfitte  perfide  Dame  qui  avoit  cacbé  chez  elle  quatre 

^lérats  peur  mous  furprendre  et  vous  forcer  à  Tépoufen 

îte  jeune  ZonibuUor:  fut»  particulièrèmcat  charmé  de 

«ettc:(feniîere:pnHDeffe* ^  Pouren  avancera 'aacomplifle* 

mettt^il  ie.  bâtarde  prendre?  1«  phîoie  où  éttHt  l-erplit,  et 

iaoe  sfembfltrradTer  davantage  de  ce  qu-il  en  pourroit  ar» 

«tver^  il  la  laiila  tomber  rudement»    £lle  fe  brifa  en  mille 

^eesv  et^'XA<>nd»  le  plan%)tei'  d'une4iqueur  noirâtre^  qui 

fi^évapAnif peu  à.' peu,,  et  fe  convertît  en  une-  fumée,  la« 

^elle  venant  à  fe  diffîper  leut-à  coupv  fit  voir  à  l'écolier 

iàrprifi  une  figure  d^homme  en-  manteau^  de  la  hauteur 

jâ^enairea  deux:. pieds  et  demi,  appuyéfur  deuK  béquilles* 

£e  petit  .menâre  boiteux  avait  des  jambes  de  bouc,  le' 

^tfageJong,  le  menton  pointu^  le  teînt  jaune  et  noîr^  le 

nez  fort  écrafé  }  le8<ye&x  qui  paroifibient  très-petits,  ref- 

fembl<Hent  à  deux  charbons:' allumés-^  fa  bouche  excei^ 

âvement  fendue,  étoit  iurmohtée  de  deux  croc»  de  mouf'» 

4acbe  roufie,  et  bordée  de  deuaL  Upes  fans  pareilles. 

-    Ce  gracieux^  Cupidon  a-voit  la  tête  envelopée   d'une 

^péce  de  turban  de  crépon  rougé,  relevé  d'un  bouquet^ 

«le  plumes-  de  coq,  et  de-  paoïié     11  portoit.au  cou- un 

Jarge  collet  de  toile  jaune,  fur  lequel  étoient  deffinés  dî» 

vers  modèles  de  colliers  et  de  pendans  d'ûteilles.     Il 

^oit  revêtu  d*4Uie  robe  courte  de  fatin  blanc,  ceinte  par 

Je  milliea  d'une- largue  bande  de  parchemin'  vier^  toute 

.       .  jy  Z  marquée 


^o         LE   DIABLE   BOITEUX. 

marquée  de  Caraâeres  Tftlifinsmtqiies*  On  TOjrmt  peinty 
fur  cette  robe  pluficurs  corps  à  Vu&gt  des  Dîmes,  très 
avantageux  pour  la  gorge  i  des  écharpesy-  éts  tabliers 
Inganés  et  des  coiffures  nouvclleSi  toutes  plus  extncva- 
gantes  les  unes  que  les  autres. 

Mais  tout  cela  n'étoit  rie»  en  comparaifon-  de  ion 
auateau,  dont  le  fond  étoit  auffi  de  iàtin  blanc.  Il  j 
a  voit  deflus  une  infinité  de  figm'es  peintes  à  Pencce  de  ht 
.Cbine»  avec  une  fi  grande  liberté  de  pinceau,  et  des  ex* 
preflîoas  fi  fortes,  qu^on  jug^eoit  bien  qu*tl  ffiUoit  que  le 
Diable  s'en  fût  mêlé.  On  y  remarquoit  d'un  c6té  une 
Dame  Efpagnole  couverte  de  fa  mante,  qni  agaçoit  um 
étranger  à  la  promenade  >  et  de  Pantre  une  Dame 
Fran^oife  qui  ctudioit  dans  un  miroir  de  nouveaux  airs  de 
vifage,  pour  les  effayer  fur  un  jeune  Abbé,  qui  paroîflbit 
à  la  portière  de  fa  cbambre  avec  des  mouches  et  du 
rouge.  Ici  des  Cavaliers  Italiens  cbaotoient  et  jouoient 
de  la  guitare  fous  les  balcons  de  leurs  mahreffes  ;  et  là^ 
des  Allemands  déboutonnés,  tout  en  défordre,  plus  pris 
de  vin  et  plus  barbouillés  de  tabac  que  des  Petits- Mai« 
très  François,  entouroient  une  table  inondée  des  débris 
de  leur  débauche.  Oo  appercevoit  dans  un  endroit  uu 
Seigneur  Mufulman  ibrtant  du  bain,  et  environné  de 
toutes  les  femtàes  de  fon  Serrail^  qui  s'emprcfloient  à 
lui  rendre  leurs  fervices.  On  découvroit  dans  un  antre 
un  Gentilhomme  Anglots,  qui  préfentmt  galaœœDt  à  fa 
Dame  une  pipe  et  de  la  bière. 

On  y  démêloit  audi  des  joueurs  nxerveilleulemeot  bien 
repréientés:  les  uns,  animés  d'une  joie  vive,  remplifiibieoft 
leurs  chapeaux  de  pièces  d^or  et  d^argent  ;  et  les  autres 
ne  jouafit  plus  que  fur  leur  parole,  lançoient  au  Ciel  dts 
regards  facriléges,  en  mangeant  leurs  cartes  de  défefpoîr. 
Enfin,  Poa  y  voyoit  autant  de  choies  curieufes,  que  fur 
Padmirable  Bouclier  que  le  Dieu  Yukain  fit  à  la  prier* 
de  Thétis.  Mais  il  y  avoit  cette  différence  entre  les 
ouvrages  de.  ces  deux  Boiteux,  que  les  figures  du  Bouc»  ' 
lier  n^avoient  aucun  rapport  aux  exploits  d'Acbile,  et 
qu^au  contraire,  ceUes  du  manteau  éioicnt  autant  de  vi« 
ves  images  de  tout  ce  qui  fe  fait  dans  le  monde  par  Ut 
fuggedioa  d'Afmodée. 

Ce  Démon,  s'appercevaot  que  fa  vue  ne  prévenoit  pas 
eu  fa  faveur  PecoUer^  lui  dit  eu  fouriant;  Hé  bien,  Seig^ 

neur 


WBm-ï^mm&éoÙLS  LhadtaFétet  ZatAbuSioT,  vont  yfoytz 
]^«hanaa«^tf  Dkixdes  Ammvn,  ce  foo^tain  Mitti^e  deii 
«ewr&p.    Qoe  tw^s^fenibis  d«  inofiai»  et  ée  ma  beauté  ? 
Lea  Poctes  nje  fcnt-ils  pas  d^excellents'  Peintrei^  ^    Ftah«  - 
c^em«Dty  répoadit  Don  Cléoân^  Us^font  ufpptu  âatteors. 
Jq  onair  ^ixe-voat  ne  pamteer  paa  fdut  ces  traits  devant  • 
Wfyché,'  Qh!  fQ«rT»la'iieo>tlrpartit  le  Diaible.    J'em- 
{Tuatat  cèajt  d*â«  petit  Màr^câs  François,  pour  me  fair^' 
amer  brorqaeaacBt,     W  frat  bien»  couvrir  le  vice  d'unb"* 
«l^pairenec  agréàbber  ;  -  anlttimcut  îl  oe  pkriroît  pas.     Je 
pneads  toattfales'fonatr  queje  veux,  et  j'aurois  pu  tae.- 
ttootrér  d'VoayeuotibiiS'UtrplM  be«u  corps  fantaAique  y  • 
puifi|oe  je  )BB(e  &u>  doavé  tOiit  à  vous,  et  que  j^ 
de  ne  v«ia4ritii  déguîfev,  j-ai  voulu  que  vous  me  - 
finm  là  Ûgatt  la-plias  convenable  ^  PopîniOD  qu^oa  > 
a-Kle'Bioi  et'de  mes  exercices. 

-■  Je  n«  faifpas  farpris,  dit  Léandro,<pie  vousfoyez  ua  ' 
ffaa  laiJ,>pardonn<z,  s^il  «vous  pMt^  le'terme:  le  corn- - 
ttercè-  que  nous   allons  avoir  enfemble  demande  de  la 
'  ^ncbife;    Vos  tnnts  s'aceordefat  fort  avec  Pidée  que 
î^avois  de  vous.     Mais- appreneVriULOî,.^de.gT|K;e,  ppur^- 
^(À  jfous  êtes  boiteux  ^ 

*  C'eft,  répondît  le  Démon,  poûf  -avoir  eu  autrefois  en  ' 
Rranceun  différend  avec  Pillâiidoc, le  Diable  de  Pintérêt. 
il'sVgtfibit  de-fslvolr  qui' de  nous-  pofledtroit  urï  jeune 
Mancearu^'  qui^venoit  à'Patts-tslieffcher  fortune.'  •  Comme  ^ 
c'étoît  êa  excellent  fuj<t,-Uff  gatçon  qui  a  voit  de  graiidiJ" 
talen^^^  sens  nous  en  difputsimes  vivement < la  pofl*e{Hon«  - 

'_Nous.  nouf  battimeS-dafnfs-  I»-  raoyenite^région  de  l'air. 
Fillardo^'  fct  le  plus  fort,'  et  *ne  jetta  fur  k  terre,  de  H 
H^ême -façon  quo  Jupiter,  !l  te  que  difent  les  >Poëres,  cul- 
buta Vulcaîo.  -  L^- conformité  <le  ces  a  van  turcs- fut  caufe  ' 
<ju€  mes  camarades  nie  fumommèreutle.'Diable  Boiteuse» 
Us  me  donnèrent  en  raiHant  te  fobriquef,  qui  m'eft  rcftè 
depui*  •ce's  t««ips4à-"  Néiin moins,,  tcut  eftropié  qt^e  je 
fuis,  je  ne  laiff«  pas  d'aller  bon  train.  Vous  ferez  témoia 
de  mon  agiKté, 

•  MttiSj  ajouta- t'>^l,-fîmflbns  cet  entretien.    Hâtons-nous* 
éi  fortk  de  ce  galetas.     Le  Magicien  y  va  bientôt  mon* 
ffr,  pour  travailler  à Timmortalité^d'uue  belle  Sylphide,. 
^i  le-  vient  «trouver  ici  toutes  les  nuits.     S'il  nous  fur- 
prcn<»it)  il  njs  man^aeroit  pas  de  me  remettre  en  bouteille, . 

D  3^  etr. 


4à  LE   DIABLE    BOITEUX. 

et  îl  pourroic  bien  vous  j  mettre  auffi.  Jettons  aupa- 
ravant par  la  fenêtre  les  morceaux  de  la  phiole  brifée^ 
afin  que  PEnclianteQr  ne  s^apperçoive  pas  de  mon  élar--^ 
glfiement* 

Qaand  il  s'en  appcrceTrott  aprè»  notre  départ,  dît 
ZambuUo,  qu^n  arriveroit-il  ?  Ce  qu'il  en  arriveroit,. 
repondit. le  Boiteux.  11  paroit  bien  que  rous  n'avez  pas- 
lu  le  Livre  de  la  Contrainie.  Quand  j'irois  me  cacher 
aux  extrémités  de  la  Terre,  ou  de  la  Région  qu'habitent 
les  Salamandres  enflammées  y  quand  je  deCbendroia  c^es» 
les  Gnomes,  ou  dans  les  plus  profonds  abymes  des  Mers^- 
je  n'y  ferois  point  à  couvert  de  fou  rcflcnliaent;  Il  fe-^ 
joit  des  conjurations  fi  .fortes,  que  tout  l'enfer  ea  trente 
bieroit.  J'aurois  beau  vouloir  hii  défobéir,  je  leroia- 
obligé  de  paroitre^  malgré  moi,  devant  lui,  pour  fubir  1» 
peine  qu'il  voudroit  m'impoier. 

Cola  étant,  re^it  I'eci>lier,  je  crains-fort  que  notre* 
lîaifon  ne  foit  pas  de  longue  durée.    Ce  redoutable  Né^ 
gromancier  découvrira  bientôt  votre  fuite.     Ceil  ce  que^ 
je  ne  iais  poipt,  répliqua  t'efprît,  parce  que  nous  neiia*< 
von>.  pas  ce  qui  doit  arriver.    Comment,  sMcria  L6ér« 
dro  Pérez,  les  Démons  ignorent  l'avenir  î     Affurémëot^ 
départit  le  Diable  *,  lesperfonnes  qui  fe  fient  à  nbu^  là^ 
deiTus  font-  de  grandes  dupes.     C'eft  ce  qui  fak  que  le» 
I>evins<  et  les  Devinereflcs  dUènt  tant  de  Ibtiife»,  et  eoi 
font  tant  faire  aux  femmes  de  qualité  qui  vont  les  eotlw 
imiter  fUr  les  événemens  futur»»     Nous  ne  favon^  que  le 
paffé  et  le  préfent^    J.^ignore  donc  fi  le  Magicien  s'a ppeN- 
cevfa  bieqtêt  de  mon  abience  ;.mais  j'efpere  que  non.  *  11^ 
a  plufieurs  pbioles  fiemblables  à  celle  où  j^étois  en^mé| 
il  ne  foupçannera  pas  qu'elle  y  manque.     Je  vùU^  dirai 
de  pluS|  qu'il  ne  penfe  point  à. moi)  et  quand  {ly-penfe» 
roit^  il  ne  me  fait  jamais  l'honneur  de  m'entreteair  -,  c'eft> 
le   plus   fier   Enchanteur  que  je  connoifle.     Depuis  le 
temps  qu'il  me  tient  prifonoier,  il  n'a»  pas  daigné,  me  par^ 
1er  une  iî&uU  fois.. 

(^el  homme  •  dit  Don  Cléofas.  Qu''ave»-i^oûS-  ddilb 
fait  pour  vous  attirer  fa  haine  ?  pai  uavërO^uhdè  fès 
dcfieins,  repartit  Afmodée.  11  y  avott  une  place'va^ante 
dans  une  certaine  Académie  :  il  prétendoit  qu'un  de  (èa 
amis  Ttùt  \  je  voulois  la  faire  donner  à  un  autre.  Le 
nSagicicn  fit  un  Talifinau  compofé  des  pltis  puifiants  ea^ 

raâeré 


1 


LE  DIABLE  BOITEUX.  4| 

ndeits  de  la  cabale  ^  mci^yt  mis  mon  homme  au  fenrîee 
d'un  grand  MiniHrey  dqnt  le  nom  l>mporta  fur  le  TaliTt 


Après  avoir  ÎMrlë  de  cette  (orte,  le  Démon  rimaflk 
toutes  les  pièces  de  la  phiole  caffée,  et  les  jetta  par  la  fe- 
nêtre. * 

Seigneur  Zambullo»  dît-il  enfoîte  ^  l'ecdlier,  fauvoos» 
Boos  au  plut  vite  >  prenez  le  bout  de  mon  manteau,  et 
Be  cra^nez.  rien.  C^eique  périlleux  que  parût  ce  parti 
à .  I>oa  CléofaSy.  il  aima  mieux  Taccepter,  que  de  de* 
sneurer  expofê  au  refleotlment  du  Magicien,  et  il  s^accro* 
cIhi  le  rnieu^  qu^il  put  au  IHable,  qui  l'emporta  dans  lu 
ni^ment^  ... 

-  A(modée.  ji?ayQit  pas  vanté  fans  ratfon  fon  agilités  B 
ft^dk  rair,  comme  une  6éche  décochée  avec  violence,  et 
s*alla  percher  for  la. Tour  de  San  Sahador*  Dès  qu^il  yf' 
eut  pris  fâed,  il  dit  à  fon  Compagnon  :  VHp  bien,  Seig^ 
nfffix  Iféandro,  quand  on  dit  d^uue  rude  voiture,  que  c*elt 
Ufie  voiture  de  Diable,  n^eft  il  pas  vrai  que  cette  façoa* 
de  p$^fle^.eft  £^uflie  ?  Je  viens  d^en  vérifier  la  fauSeté,  ré* 
Wfh^\  poliment  Z^buUo.  Je  puis  aiOturer  que  c'eft  une 
^ft'^M.'yiP^M.doucc  qu^uue  litière,  et  avec  cela  iS  diligentei 
q}l?oa.o\  pas.  le  .temps  de  s'ennuyer  fuf  la  route. 
.r  ,Pji.ça,  tt^tit  le  Démon,  vous  ne  favez  pas  pourquoi 
^-  vous  :améne  ici.  Je  prétends  vou»  montrer  tout  ce 
qilè-f^^l^aSe  dans  Madrid*  £t  comme  je  veux  débuter 
^arçe  quartier-ci,  je  ne  pouvofs  choiâr  un  endroit  plus 
^q^t'%  .Pexéctilion  de  mon  defièin.  Je  vais,  ^r  mon 
fqi) voir, .4i9^U<^c>^^^^ varies  toits  des roaîfons,  et  maK 
g$ç-^  )e8^  tçoebres  de  la  nuit,  le  dedans  va  fe  découvrir  it 
HP^  je^^  A  ces  mots,  il  ne-  fit  llcnplemént  4u^étendre 
J4;  bcasjdroit,  et  aufl^-tôt  tous  les  toits  difparurent.  Alors 
1^'ecolier  vit  comme  en  plein  midi  Pin térirur  des  maifons-^ 
^  même,  qu!oa  voit  le  dedans  d'un  pâté  dont  on  vient 
A^.Çt^jn  la.  croûte. 

Le  fpeâacle  étoît  tr<ïp  nouveau,,  pour  ne  pas  attirer 
lie^^jfitjtj^nliQA  toi^te  entière.  11  promena  fa  vue  detoutet 
^ai4f^,/^tùfdiyevûté4eschorerqui  renvironttoieat,  eut  de 
jllfQi^  occuper,  4pug.-tems  fa  curiofité  Seigneur  Don 
.Çléç^^a^  \}^\  ^le  Piable,  cette  confuiion  d^objets  que 
.ITDUs  i;^g4fdeZs  avec  tant  de  plaiflr,.  èft,  ^1a  vérité,  très* 
-9gté^!ible,  %  cQUtcuij^ler  ;  mais  ce  n'c&  qu'un  amufemeat 
-i.  .  ""  .  -  '.  frivole» 


4t.         LZ  BIAJBXE  BOiTE 

fcivok.   Il  Iftiit  ^vc  je  vons'  k  rende  i^ileii  et  ^^onr  roiw 
dônoer  une  parfake  canaoîffanee  ile.la  vie  faumaine  je 
▼eux  1F0US  expliquer  ce  que  font  toutes  ce$  perfoonesi^iiur 
yous  voyez;    Je  vab^  vous  découviit  kir  notîfs  de  leurs 
ftftions^  et  VGU8  révélez  jttiq^^  letx^.pltt»  {ecrèeesr  peiu- 
fées  ?  *  .     ^    , 

'  .]Paf  où  eoixiœe'îàc^n»i5*noUsl  Obferrans  d'i^ovd,  daaa^ 
«ette  maifon^  ^  main  droite,  ce  vieillard  qui  compte  da 
Por  et  de  l?ai;|^t«^    C'eâ  ua  Bourg^eots  avave«,     Son  - 
carrofle,  qu^il  a  eu  prefque  pour  rien  à  l'iaventaire  cUuh*' 
tjikade  de  CûttCj  eft  tînS  par  jden»  OMuvai&s  mu  Les  qui  < 
font  dans  fon  écttrie^  et  qa^il  noaavît  fiiivant la  Im  de#' 
douze  Tables,  c*efl-à-dire,  qu^il  Uur  donne  tous  lers  joiirS'> 
lu  chacune  un  lî-Tte  d'orge.^    ^1  ks^  traàu  comme  les  Ho-- 
siains  traitoicnt^  leturs  £{ekTes4   II  y  ar  deux. an»  qu'il  éA^ 
vev«nu  dcrs  Indes,  cbargé-  d'une  grande  quantité  de  1ki-  - 
gotSy  qiiSl  a  changés  e»  eCpeces.-  Admirez  ^e  vieux,  fou4 
Avac  quelle  4ti8fa61ion^  parcourt  dés  yeux  iesrkke&sl- 
Il  ne  peut  sVn  rafiaû^*     Mais  prenex  garde,  en  nêttie- 
temps,  a  ce  qui  Tepefiedans  une  petite  (aile  de  la  même- 
naifon.     Y  remarquez* vous  deux  jimnes  -  garçon   »¥pt' 
ime  vieille  fem«le^  Oui,  répondît  Don  Cléofa».  •  Ce 
font  apparemment  Tes  enfans  ?  Non,  reprit-k  Diable,  ce-' 
font  ies  neveux-  qui  doivent  eo^  hériter  et  qui  dsii»  IHm-  - 
patiente  où  ils  font  de  partager  fes  dépouilles,  ont   fai't'- 
ycmr  fecrètementune  Sorcière,  pour  favei^  d^lk  quâcid  - 
il  mcHurra^ 

J-apperçois  daos:là  maîTan  voiiiâe  deux'^taMeattxafiec*' 
plaifants.  L^un  ett  une  Coquette  furanée,  que  fe  C4>ueh#- 
*  après  avoir  laifl&fes  chèveuxi  fes  foutfcilsi  et  ies  dents  fur 
fà  tsoilette^     L'autre,  un  Galant  fexagéaaire,  qui  revieot- 
d^  faire  Pamour.      11  a  déjà  ôté  fon  oail  et  fa  mouAacbe' 
poâiche»  avec  fa  perruque  qui  oaehoit  une  tête  cbairve«  - 
il  attend  c^e  fon  vakt^  lui  ôite  fon  bras  et  fa  jambe  de 
bois  pour  le  mettre  au  lit  avec. le  rede. 

Si  je  m'en  fie  à:  mes  yeux,  dit  ZambuUo,  je  vois  dans^  • 
cette  maifoti  une  grande   et  jeune  fille,  faite  à- peindrew 
Qu'elle  a  Tair  mignon  I  Hé  bien,  reprit  le  Boiteux,  cette 
jeune  beauté  qui  vous  frappe,  eu  fœur  aînée  de  ce  galant^ 
q>ui  va  fè  coucher.     On  peut-  dire  qu'elle»  fait^  la  paire 
avec  la  vieille  coquette  qui  loge  avec  elle.    Sa  taîMeque-' 
vpufi  admirez^e^  une  machine  qui  aicpiûfé  les  jnéehaoi'*' 


LE  DIABLE  BOITEUX.         4J 

4ues.  Sa  pirgt  et  fes  hanches  font  artificielles,  et  il  n*f 
a  pas  long-temps  qa^étant  allée  mu  Sermon,  elle  laiffa 
tomber  fes  fcffes  dans  l'Auditoire.  Néanmoins,  conune 
elle  (e  donne  un  air  de  Mineure,  il  3^  a  deux  jeunes  Cava* 
Irers  qui  fe  dlfputent  fes  bonnes  grâces.  Ils  en  font 
même  venus  aux  mains  pour  elle.  Les  enragés  !  Il  me 
femble  que  je  vois  deux  chiens  qui  fe  battent  pour  un 
05. 

Jettez  les  jeux  fur  cet  Hôtel  magnifique,  pourfuiyit  le 
I>émon  }  TOUS  y  yérrez  un  Seigneur  couché  dans  un  fu<- 
perbe  appartement.  lia  près  de  lui  une caflette remplie 
de  billets  doux.  Il  les  lit  pont  s*endormir  voluptueufe- 
aient  ;  car  ils  font  d'une  Thme  qu'il  adore,  et  qui  lui 
fait  faire  tant  de  dépenfe,  qu'il  iera  bientôt  réduit  à  foU 
Uciter  une  Vice- Royauté. 

Si  tout  repofe  dans  cet  Hôtel,  ii  tout  y  eft  tranquille, 
en  réeompenfe  on  fe  donne  bien  du  mouvement  dans  la 
s&aifen  prochaine,  à  main  gauche.  Y  démêlez-vous  une 
Dame  dans  un  lit  de  Damas  rouge  ?  C'eft  une  peribnne 
de  condition.  CTefk  Donna  Fabula  qoi  vient  d'envoyer 
chercher  un  Sage-femme,  et  qui  va  donner  un  héritier 
ati  VitvOi  Don  Torribto  fon  mart,  que  vous  voyez  auprèir 
d'elle.  N'êtes-vous  pas  charmé  du  bon  naturel  de  cet 
Epotix  ?  Les  cris  de  ta  chère  moitié  lui  pereent  Itme. 
IL  efl  pénétré  de  douleur.  Il  fouffre  autant  qu'elle» 
Avec  quel  foin  et  quelle  ardeur  il  s'emprefie  à  la  fe* 
courir  1  ££Feâivement,  dît  Léandro,  voilà  un  hommo 
bien  agité.  Mais  j'en  apperçois  un  autre  qui  me  paroit 
dormir  d'un  profond  fommeil  dans  la  même  maiibn, 
fans  fe  foncier  du  fuecès  de  l'affaire.  La  chofe  doit  pour« 
tant  l'intéreflcr.  reprit  le  Boiteux,  puifque  c'eft  un  do« 
meiiique  qui  eft  la  caufe  première  des  douleurs  de  fil 
Maitrefie. 

Ezaminoiis,  dit  Don  Cléofias,  ce  qui  fe  préfente  à  no« 
tre  vue*  Que  fignifient  ces  éiinceiles  de  feu  qui  fortent 
de  cette  cave  ?  C'eft  une  des  plus  folles  occupations  des 
hommeSf  répondit  le  Diable.  Ce  perfonnage  qui,  dans 
cette  cave^  eft  auprès  de  èe  fourneau  embrafé,  eft  uÀ 
Souffleur.  Le  feu  eonfnme  peu-  à- peu  fon  riche  patrî* 
moine,  et  il  ne' trouvera  jamais  ce  qu'il  cherche.  Entre 
nous,  la  pierre  philofbphale  n'eft  qu'une  belle  chimère', 
que  j'ai  moi-même  forgée  pour  me  jouerde  l'efprit  hu» 

maiay 


L£  DIABLE  BOITEUX. 
Bitîiiy  qui  veut  paflw  l^^bomes  quilm  oat  été'  prefii 

tVB»  .... 

J.'apperçois  daix  la  m^iha  qoi  fftît  face  &  ceile  d?tt» 
Apothicaire^  dît  ZtmbullOf  lui  homme  qui  Oe  levte    eC 
«^habille  à  la  hâte.     Malepefle,  répondit  Teiprît  $>  c'eil 
un  Médecin  qu^o»  appelle  pour  un  affairebiea'pce&atc*. 
Ou  vient  le  chef  cher  de  la  part  d'un  Prékty  qui  dcpiiis 
une  heure  qu'il  eft  i^u  lit  a  touffe  deux  ou  trois  fois. 
'    Porter  le.vue-flu-delà'iur  ladroîte,  el  tâcher  de  dé- 
couvrir dans  un  ^enter)  uft  hotniDe  qui'ié  promené  mtk' 
chemife,  à  Ift  fombre  clsM>té  d?u(ie  lampe.     J'y-  fuis^.  s^«« 
cria  l'ecoHer,-à  telles  efifeignes,  que  jeferois  l'inventairo 
des  meubles  qui  font  dans  ce  galetas.     Il  n?y  a^qtt'utr 
grabat^  un  ploceti  et  une  table,  et  les  murs  me  paroiûcnt 
tout  barbouillés  de  noir.    Le  perfonoage  qullogo  il  haat 
eA  un  Poète,. reprit  Afmodétf,  et  ce  qui  voaspacoît  noir, 
ce  font' de»  vers  tragiques  de  fa  fisçon^  dont  H  a.  tapiiie' 
ia  chambre,  étant  obligé^  faute  de  papier^  d'éerircs  fe» 
Poàmetf  fur  le  mur. 

A  le  voir  s*agiter  et  fe  démener  comme  il  le  fait  en  & 
prome-ivanti,  dit  Don  Cléofa»,  je  juge>  qu'il  compefe  ({ueU- 
que  ouvrage  d'importance.  Vous  n?avez  pas  tort  d'a« 
voir  cette  penfée^  répliqua  le  Botteaux  :  II  mit  hier  la^ 
dernière  main  à  une  tragédie  intitulée,  .LrD«/f(^«firerr* 
J^/.  Oii:.Bf  £uireft  kit  reprocher  cpi'il«n'à  point  ob^èrvé^ 
l'Unité  de  lieu,  puifque  toikte  Paââeafe  paJQTe  dans  PAxn 
ehe  de  ^ioé.. 

Je  vousaOTure  que  c'ed- une  Pièce  excellente-;  toutes 
le^  Bâtes  y  parlent  comme  des   Doâeurs.     Il  a  deileiii: 
de  le  dédier  :    il  y  a.ûx  heures  cpi'il  travailla  à  l'Ëpître 
I^édicaitoire.     Il  en  efl  à  la  dernière  phrefe  en  ce  mo4^ 
mentk     Oft  peut  dire  que  c'eH  ua  chef-d^œuvre,  que- 
cette  Dédicace  :   toutes  les  vertus  morales  et  poUtiques» 
teutes  les  louanges  qn^oa  peut  dooiier  à  un  homme  il-r 
luftre  parce»  Ancêtres  et  par  lui-même,  n'y  font  poiat 
épargnées  :  jamais  Auteur  n'a  tant,  prodigué  l'eactne» 
A  qui  prétend-il  adrefier  un  éloge  fi  magnifiquo^  repiit 
l'écolier  ?  Il  n'en  fait  rien  encore^  repartit  le  Diable  ;  iib 
^  latAé  le  nom  t%  blatie.   Il  chercbt  quelque  riche  Se^* 
seuri  qui  feit  plus  libéral  que  ceux  à  qui  il' a  déjà  dédié 
d'autres  livres.     Maia  les  gêna  qui  payent  des  Epîtret' 
jDédicatoires,  fon^  biea  vares  aujpusd'hni*     C'eil  un  dé^ 

fauti 


I>IA3I.£^  JIOIT<£U0C         iifp 

« 

£raft  fhmt  lu  iSeîgpunrs  fe  ibat  cerrigis  ;  et  'par  1^  Hr 
ont  rendu  un  grand  fervice  au  public,  qui  étbit  accabla 
de  ftftayables  prodnâioo»  d'èfprit,  attendu  que  la  plupart 
ÔAS  îAvxtA  ne-fe  Sefoint  «utreféis  que  pour  le  produit 
4es  X>édieacc8* 

.  A  pjapoatl'£pkreiJ>édiGatoires,  ajouta  le  Démon,  îl^ 

fa»t  fpie  je  vjousL  rapporte  im  trût  atte»  finguHer.     Une 

^Bmaae  de  la  Cour  ayant  permis  qu!on  loi  d^dîàt  un- 

<»ftvr?9e,«n  Toukit  voir  la  Dédioace  -avoRt  qu^on  l'îni' 

pEsm^  ;    et  ne  .%*y  taouvant  pat  «ffez  bien  louée  à  (on 

Igné,  elle  prit  la  peane  d^ea  compofer  une  de  fa  façon,  et 

<ks  renvoyer  ^  TAuteisr  pour  la  lacCtrei  à  la  tête  de  fon* 

Ouvrage.         ,  ^  • 

s  ILaefemble,  a^éoria  Léatidro,  que  voilà  des  v^ieur» 

:qui  s^întroduilent  dan»  une  maiibn,  par  un  baloon^  Vous* 

ne  Toua  trompez  point,  dit  A6auiéée  \  ce  ibnr  de«  vôleurr 

^  nuit,     ils  entrent  ckex  un  Banquier.    Suivons-les  de- 

IteîL    Voyons  ce  qu'ils  feront.    Ils  vUiteat  le  comptoir» 

Ils  fouillent  partout.    Mais  le  Banquier  les  a  préveoos:^ 

li  partit  hier  pour  la  Hollande,  avec  tout  ce  qu^il  avoit 

4?argenil  dans  ît^  coffres. 

'  ConfidéoBz  dans  cette  maîfon  bourgeoife  ce  gros  fia* 
^e^elîer.     Il  n\i  pas.ibn  pareil  au  monde  pour  plaiianter. 
Volumnitts,  (I  vanté  {lar  Ciceron  pour  fcs  traits  piquant» 
et  pleins  de  fel,  n^étoit  pas  6  fin  railleur.     Ce  baobeHer,* 
sommé  pat  excellence  dans  Madrid  le  Bachelier  Dtmùfo^ 
«Â  recherché  de  toutes  les  perfonnes  de  la  Cour  et  de  la 
Ville  qui  donnent  à  mangcn     CVft  à  qui  Paura.     Il  a- 
m étalent  tout  particulier  pour  réjouir  les  Convives.     Il* 
fait  les  délices  d'une  table.     Aufii  va>t-il  tous  les  joues- 
dîner  dans  quelque  bonne  maifon,  dWi  il  ne  revient  qu'^ 
deux  heures  après*mxnuit.     Il  •  eft  aujourd'hui  chez  le* 
Marquis  d^Alcanizas,  où  il  n^eft  allé  que  par  hazard. 
Comment,  par  hazard,  interrompit  LéandFO  ^   Je  vais^ 
sn'expUquer*  plus  clairement,  repartit  le  Diable.     Il  y 
avoit  ce  matin  fur  le  midi,  à  la  porte  du  Bachelier,  cinq 
oa  fir  carrofies,  qui  venoient  le  chercher  de  la  part  de 
différents  Seigneurs.     Il  a  fait  monter  leur&  pages  ■  dan» 
fon  appartement,  et  leur  a  dit,  en  prenant  un  jeu  de 
oaTtQ4  Mes  amis,  comme  je  tae  puis  contenter  tous  vos' 
Maîtres  à  la  ^is^  et  que  je  n^en  veux  point  préférer  uit' 

au» 


|8         X£  DIA|(L£  MOITEVX. 

wa%  autres,  cm  cutet  en  fffit  décider.  JPmdîMr' 

le  Roi  de  trèfle.  '        ^ 

Q^el  deffeini  dit  Don  Cléofi»»,  .peut  •voir,  d»I%Mt*e 
côté  de  la  rue,  ceitain  Cavalier  f ni  fe  tient  «&  rttr4e 
feuil  d^uae  porte  :  Atteadril  qi^Juiiff  SqijJmmti  vietatam, 
^introduire  dans  la  «naifon  i  Non,  non, 
dée.  CVfl  un  jeune  CaûiUan  qui  fil^  Tanooc 
H  veut  par  pure  galanterie,  à  Pexaiafile  des  Aamto  <ie 
rAntîquitét  paffer  la  nuit  à  la  porte  de  (a  Mater^ffie«  11 
racle  de  temps  en  temps  une  guitarre,  en  chantant-  des 
iComances  de  fa  compoGtion  ^  mais  fon  In&nte»  ooiicfaée~ 
au  fécond  étage,  pleure^  en  Pécoutunt,  Vabhoec  de  fian 
rival. 

Venons  ^  ce  bâtiment  neuf,  qui  contient  deux  cœ^ 
de  logis  séparés.     L'un  eft  occupé  par  le  peopi^tatic, 
qui  elt  çç  vieux  Cavalier,  qui  tantôt  ie  promené  dantfca 
appartement,  et  tantôt  fe  laifle  tomber  dans  un  £aut«iaiL 
J^  i^g^9  dit  ZambuUo,  qu'il  roule  dans  fa  tête  quelque 
grand  projet.     Q^i  eil  cet  homme-là  ?  Si  l'on  s'en  rap- 
porte à  la  ricbeiïe  qui  brille  dans  fa  mas(bn,  ce  doit  énm 
un  grand  de  la  première  clafTe.    Ce  n'eA  pourtant^n'im 
Contador,  répondit  le  Démon.    Il  à  vieiUj  dans  des  em- 
plois très  lucratiEs.     11  %  quatre  millioi^  de  bien.  Cosi- 
me  il  n'eft  pas  fans  inquiétude  fur  les  mojrens  dont  il 
s'eft  fervi  pour  les  amaifer,  et  qu'il  fe  voit  fur  le  point 
d^aller  rendre  fes  comptes  dans  l'autre  monde,  il  elt  de- 
venu fcrupuleux.     Il  fonge  à  bâtir  un  Monaûeie.     il  fe 
flatte  qu'après  une  fi  bonne  oeuvre,  il  aura  la  confcieace 
en  repos.     11  a  déjà  obtenu  la  permiffion  de. fonder  un* 
Couvent  :  tnais  il  n'y  veut  mettre  que  des  Religieux  qui 
foîent  tout  enfemblechafies,  fobres,  et  d'un  extrême  hu- 
milité.    11  eft  fort  embarreffé  fur  le  choix. 

Oh  !  oh  !  sMcria  l'écolier,  j^entends  retentir  l'air  de 
cris  et  de  lamentations.  Viendroit-il  d'arriver  quelque 
malheur  ?  Voici  ce  que  c^eft,  dit  l'efprit  :  deii:|  jeunes 
Cavaliers  jouoient  enfemble  aux  cartes,  dans  ce  tripot 
où  vous  voyez  tant  de  lampes  et  de  chandelles  allumées^ 
Ils  fe  font  échauffés  fur  un  coup,  ont  mis  l*épée  à  la  main, 
et  fe  font  blefies  tous  deux  mortellement.  X^  plus  îgé 
eft  marié,  et  le  plus  jeune  efl  fils  unique.  Ils  voft^jreii- 
dre  l'âme.  La  femme  de  ^un,  et  le  père  de  Pautre, 
jiyertis  de  ce  f^neâe  accident,  viennent  d'arriver.    Ils 

jiempliiTeQt 


L£   DIABLE   lOITEUX.  49 

i|IM«nt^tlecsbt<H^  le  v^ttifinage.  Marlfaeuréux  tm^ 
fMit,  dit  le  père  en  apoftropiiant  fon  fils,  qui  ne  faurôît 
P<nBt«odre,'C(Mnbiendeibhi*a].je  exhorté -à  renoncer  au 
yen?  ^OMsbkm  àt  fmê  t*ai*je  priédit  -qu'il  te  coûteroît  la 
9»  ^  f  e  déelave  que  oe  n'eit  pas  ma  faute  û  tu  pcrit 

-  De  ion  côté,  !a  femme  fe  défefpere. 
le  fan  époim  ait  pordu  an  jeu  toot  ce  quelle  lui  a 
wipf&néèrï  marine,  qnotqnHl  ait  vendu  tontes  les  pier« 
vexîes  qiiVlle  «voit  et  jttfqû^â  fes  habits,  elle  tû  inconfol- 
wkfie  é»À  perte.  Elhs  aaiidit  leY  cartes  qui  en  font  la 
«aofe  z  elle  maudit  celtâ  qui  les  -a  in^^ntées  >  die  mau« 
ék  letrifot,  et  tous  ceux  qin  Phabîttnt. 

Je  plains  fort  les  gens  que  la  fureur  du  jeu  poiïede, 
àkt  Don  Ciéofas:  ih  ont  fouvent  Teiprit  dans  une  ter» 
vible ^liMtîoâ*  Graceaati  Ciel,  |e  ne  fuis  point  adonne 
il  ee  vîce-Ift.  Vous  en  *vtz  un  autre  qui  le  vaut  bien, 
«c^t  k  I>é«Bon.  £â-il  plus  raifon«able/ à  votre  avis, 
lè^asflDer  les  courtifanes  ?  Et  n^avez-vous  pas  ce  foir 
cottm  rifqtte  d'être  tué  par  des  fpadâfîins  ?  J'admire 
Aledieurs  les'bocnmes  1  Leurs  propres  défauts  leur  pa> 
roiifMkt  des  mîntttids,  au  Ueu  qu'ils  regar-deat  ceux  dyu« 
ttrui  avec  un  mîerofcope, 

•  Il  fent  encore,  t^^mla-t-il,  que  je  vous  prcfente  des 
«mages  trifiesi  .  Voyez  dans  une  maifpn  à  deux  pas  du 
trtp^,  ce  gros  homme  éteridn  fu  Ain' lit.  C'eft  un  mal- 
keuretiK  Chanoîme,  qui  vient  de  tomber  en  apoplexie. 
Sjn  valet  et  fa  petite  nîece,  bien  loin  de  lui  donner  du 
feoouiv,  le  îaiffeiît  mourir,  et  fe  faififfent^de  fes  mtillciiri 
«ffetlH*-  qi^iJs  vofti?  porter  cher,  des  reccle«rs  )  après 
^\Xoky  ilà  ^éiiËcmi  tout*  le  loifir  de  pleû/c^r  et  Ut*îainèiv 

ter,..^     '■'•—•■•        '■  :•■    •  ""'■].,,  '        '    ., 

Remarqnez-'vous  près  de  Th  deuTt  hotaàîes  que  Toa 
«nfévelit #  Ge  font' deux  frères.  Ils  étoîent  malades  de 
ia^lbéiiie  iMladîe  5  mais  ils  fe  gouvernoieht  diiTércmment  : 
IHmavôk  Or^e  eonfîànce  aveugle  *n  fon  médecin  y  l'au- 
tiPA^a^vouln  kiûeir  agir  la  natufe.  Ils  fant  morts  tous  les 
dcux'-î  ccîoi'lày  pcu^  avoir  prîfe  tous  les  remcdcs  de  foi 
l^tit^Hi-*^  €lici;lui<f,  pour  n'avoir  rien  voulu  prendrv-, 
Ceia-eâ: 'foit  embarsfiaat,  dît  Léandr.>.  Lb  !  qui 
ftut-îV=donc  que  fafie  un  pauvre  malade  ?  C'eft  ce  que  je 
lîc  fiiis  vous  apprc-adre,  répondit  le  Diable.   Je  fais  bica 

.       .  •-    '  •       ..    ,      E  ■       qv'il 


S«         LE   DIABLE   BOITEUX^ 

^qu^fl  y  a  de  bons  remèdes  )  mais  je  ne  fins  t*û  ]ra  ^  b^n« 

médecins. 

Changeons  de  fpeâacle9'pourfitivIt41.  JVn  «t  de  fkéB 
^ivertîffants  à  vous  montrer.  Entendez* vova  dano  la  rue 
iin  Charivari  i  Une  veuve  de  foixante  ans  a  épouft  C9 
matin  un  CavaHer  de  dix-fiept*  Tons  ke  riftoss'  da 
quartier  fe  font  ameutés  pour  célébrer  ^eesnecee  pania 
jconcert  bruyant  de  ba€ins,  de  pœks  et-  de  chaudiEpos;» 
Vous  m'avez  dit,  thterromint  IVcolier,  ^oe  c'étoit  troua 
iqui  fêliez  les  mariages  ridkuleafi  dépendant  voaa  n^a* 
vez  point  de  part  à  celni-là.  Non  yraiment,  repartit  le 
Boiteux  j  je  n'avois  garde  de  le  faire,  puifi|ne  je  o^étoia 
'pas  libre,  Msxs  quand  je  ranrds  été,  je  ne  m^ea  ferois 
pss  mêlé,  -Cette  femme  eft  icrupukofe.-  £Ue  ne  s^eib 
remariée,  que  pour  pouvoir  goûter  fiins  remords  des 
plaifîrs  qu'elle  aime.  Je  ne  forme  point  de  parciitea 
unions.  Je  me  pkis  iMen  davantage  à  troobler  les  coa« 
fciences^  qu*à  ks  rendre  tranquilles. 

Malgré  le  bruit  de  cette  buTlefque  férénade,  dit  Zam^ 
buUo,  un  autre,  ce  me  fembk,  frappe  mon  oreille.  Ce- 
lui que  vous  entendez  en  dépit  du  Charivari,  répondit 
le  Boiteux,  part  d'un  cabaret,  ou  il  y  a  cm  gros  Capi« 
taine  Flamand,  un  Chantre  François,  et  un  Officier  de 
}a  Garde  Allemande,  qui  chantent  en  irw*  Ils  font 
à  table  depuis  huit  heures  du  matin  ;  et  chacun  d'euië 
s'imagine  qu'il  y  va  de  l'4ioneur  de  fa  nation  d'enivrer 
)es  deux  autres. 

Arrêtez  vos  regards  fur  cette  maifon  ifolée  vis -à -via 
celle  du  Chanoine  ;  vous  verrez  trois  fameufes  Gallicien^i* . 
nés,  qui  font  la  débauchîe  avec  trois  hommes  de  la  Coun 
Ah  i  qu'elles  me  jjaroiffcnt  jolies  !  s'écria  Don  Çléofas^ 
Je  ne  m'fetonne  pas  fi'lcs  Gens  de  qualité  les  conrent* 
(!^'elIcS  font  bien  amoureufes  d'eux  !  C|ue  vons  êtea 
jtutîe^Tcpîîqua  l'Efprit  !  vous  ne  connoiiTez  gueres  ces 
^orteVde  Dame?.  Elles  ont  le  cœur  encore  plus  fardé 
que  k  vifage.  Quelques  démonftrations  qu'elles  faflenr, 
elles  n'ont  pas  la  moindre  amitié  pour  ces  Seîgn^cs» 
Elles  en  ménagent  un  pour  avoir  fa  proteéiion,  e4  ks 
deux  autres  pour  en  tirer  des  contrats  de  rente.  Il  en 
efl  de  même  de  toutes  les  coquettes.  I^es  hommes  ont 
beau  fe  ruiner  pour  elles,  ils  n'en  font  pas  plus  aimés» 
Au  contraire,   tout  payeur  eft  traité  comme  un  mari, 

C'eft 


JLE  NIABLE   BOITSUX.         51 

Ccft  ime  cegfafi  que j'«i  étuWvs  d»ii9  k9  inkrigutB  amou- 
rcuics.  M«M  laàG»a9  ce»  Seigneurs  f^vourer  des  plaifirs- 
«fu'tk  ftokefeenft  il  ch«c;s,  pcod^ot  qu«  levrs  i^kt^,  qui  Us 
»ttQiid«ift  daaa  la  Tilffi  ïp'Qpn&lcat  daof  la  douce  efpc* 
Bvio«  de  les  avotf  graiù* 

.  Chaiigeoat  d«  ijpcâacle»  dit  Âfmodéc.  Toumoos^ 
«OBSr  d»vooiia^s  p«îA>9$9  wjl  y  a  UA  grand  nombre  do 
cof^ftbles  et-^d'îaooctfiiaa»  il  fa))i,  que  je  vous  montra 
ijiielquct  iMrifoaiMffM.dt  ces  deAut  efpèees^  et  que  je  vou3* 
Âfe  pourquoi  «n  ks  relKxil  dans  les.ferA» 
'  Frimèccaiom»  il  y.  o  dans,  celte  grande  cl^ambre  ^ 
diotte»  q,uiice  faoauAes  couchés  d^nsce?, deux  mauvais 
HUë'  1/uo  eâ  ifD  eabftfif ûer,*  acouAf  d'avoir  empoifonnié 
ao  étranger  qui  creva  l'amro  joue  dans  b  taverne.  Oa 
prétcttdqué'latqufdito  du  via  a  fiiit  mourir  le  défunt^ 
PMâÊe  (bùtkai  q^c  <o'efl  U  quajititi  v.  «t  il  («ra  cru  ea 
juâûse^  cosr  l^eUtaiiges  .é^ok  «AHemaud»  £h  !  qui  a  rai* 
iof^  du  Csbacetiei  QVL.à/i  tea  accu&teuis»  dit  Don  Cléo'* 
£9$^  i^a  cbofe  eft  problématique»  répondit  le  Diable.  Il 
•ft  blea  vrai  que  le  via  otoît  frélai^é  i  mab  ma  foi»  le 
Seigneur  >ftilcsnaod  eu  a  taM  bu,  qiue  les  ju^s  peuvent 
•o  confciienpe,rei»et:t(re  eu  libexté^  le  cabaxetiei?. 
.  Le  Second  paifoufijef  eft  un  aflafliQ  de  profeffioni  ua 
df  ce»icelof  tits  qu'on  appelle  V0ëf9fcs^  et  qui,  pour  quatre 
n»  cinq,  p^les,  prêtent  obligeamment  leur  mîoiftere  è' 
lotts^  €eu«  qiMr  vpaÏGa^  faire  cecie  dopenfe  pour  fe  débsr* 
raffer  de  quelqu'un  fecrètemeat.  Le  troiâems  uu  Maî« 
tie  à  daai«r,  qui  s^faabille  comme  un  Petit^Maîtro,  et  qui 
a  £ait  fa^reun  mauvais  pas  à  une  da  £bs  ecoliçres*  £t  le 
quatrième»  Un  galant  qpï  a  été  furpris  la  lemaioe  pafféo 
par  la  Roml^^  dans  le  temps  q,u*il  montoit  par  un  balcon 
à  raparleoient  d'uçe.  femiixe  qu^il  conaplt^  al  dont  le 
nafi  eft  abfenl.  11  ne. tient  qu^à  lui  de  fe  tiror  d'affsiire^ 
ea  déclar^at  fon  commerce  amoureux  j  mais,  il  aime 
-mieux  pa&r  pour  un  voleur,  et  s'expofer  à  perdre  la  vie^ 
que  de  cQm|)renieltre  rhoaneur  de  fa  Dame, 

Voilà  un  Amant  bien  difcret,  dit  PecoJier  I  II  faut 
avouer  q.ue  notre  Nation  remporte  fur  les  autres,  en  fsit^ 
de  galantecie«  Je  vai»  parier  qu^un  Français,  par  ex* 
empiae^ae  fcroit  pas.  capable,  comme  nous,  de  fe  laiflef  * 
^eudce  |iar  dticretioa.     Non,  je  voue  affitre,.-  dit  le  Dia-^ 

£^  ^  ble; 


SZ         LE   DIABLE    BOITEUX. 

hk  'r  tl  «onterott  plutôt  exprSt  ^  «»  bttlc^n,  fmxt  dciC* 
koQorei:  uac  famine  qui  aoi-oît  dei  boatés  pour  lui»-. 

.  Dana  ua  cabinet  auprès  de  ces  %aatre  komae»*  pQUr^ 
faîvît-il,  eft  tuM  fameufe  f<K€Îer«,  qui  »  1»  xéputatipp  d^ 
favoir  fatcc  des  cbc^es  Iipippffiblefi  Pat  le.  pouiK>ir  da 
fon  art, de  vieilles  Douairières troay#iitf^dit-^y.Aiejc)ii)^ 
geas  qui  les  aiment  but  à  but  f  le»;  maos  devieaii|ent 
£deles  à  hurs  femmes, -et  les  ^MqoetUt  véritable^pcM 
amoureafes  des  riches  cavaliers  qui  8*attàcl»eAt  ^'  |el|«% 
Mais  il  n^y  a  .rien  de  plus  faa&  que  tout  cela*  £lle  n^ 
pofliede  point  d^autre  Tecret,qu««el«i  de  periuadf:r  ^ii*«lle 
eoaretd'a  vivre  cdi;AmodémeDt  df  celte  oj^ion.  I»« 
3aiot  QiBce  réclame  cette  créature<piày  qui.poarroit  hiefk 
«tre  brûlée  au  premier  A£fae  de  Foi.  ^  •  -, 

Au  defibus  du  cabinet,  il  y  a  un  ca^«t  jadr,  4|yi;'j&rt 
de  gîte  Ik  uo  jeiinj&  cabaretien  Encorf  un  H6te  del  ta^ 
iècx«e,  s^écria  Léandro  l  Ces  (brtes  de  ge0s4à  veulant-îls 
donc  empolfonner  tout  le  moQde  ?  Celui*ci,  reput  AC» 
modéé,  n'eft  pas  dans  le  même  cas.  On  arrêta  <^e  xoî- 
férable  avant  hier,  et  rinquifitian  le  réclame  auffi.  Je 
vais  en  peu  de  mots  vous  dire  le  fojet  de  fa  détention. 

Un  vieux  Soldat,  parvenu  par  fon  courte,.,  ou  plutôt 
par  fa  pam'ence»  à  Pemplot  de  Sergest  dansia  cômpag^ 
nie,  vint  faire  des  recrues  à  Madrid.  |i  alla  demwdnt 
un  logement  dans  un  cabaret.  On  lui  dit  qu'il  y  avoir 
à  la  vérité  des  chambres  vuides,  mais  qa*on  ne  pouvolt 
lui  en  donner  aucune^  parc equ^il  reveu4>it  toutes  les 
nuits  dans  la  maiibn  un  eiprit  qui  malt;rait04t  fort  Us 
étrangers,  quand  ils  ^voient  la  témérité  d'y  vouloir  cou* 
cher.  Cette  nouvelle  ne  rebiita  point  le  Sergent  ;  Que 
Von  me  mette,  dit-il,  dans  la  chambre  q^'on  voddra. 
Donnez-mot  de  la  lumière,  du  vin,  une  pipe  ^t  du  ta,» 
bac,  et  foyez  fans  inquiétude  fur  le  re(lev  Les-  efprita 
ont  de  la  coniidération  pour  les  gens  de  guèsxe,  qui  ont 
blanehi  fous  le  harnois«  .   .  ^ 

On  menli  le  Sergent  dans  une  chambre,  puifquUl  pa?« 
r/oiiToît  fi  réfolu,  et  on  lui  porta  tout  ce  qu'il  a  voit^de^ 
mandé.  •  11  fe  mit  à  boire  et  H-  f4m)Kr.  ,  Il  étoit  déjà*p]tt. 
jic  minuit,  que  r£i*prit  n'avoit  point  encore  troublé  le 
^profond  fîlençe  qui  regnoit  dans  la  maifon.^  On^eût  dit 
quVifeélivemctttil  refpeâoit  ce  nouvel  hôte.  ^M  en^ 
Ue  une  heure  et  deux,  le  grivois  entend^jt  tout-â  cQUp  un 

bruit 


'Mh  koflnblt;  c^mme  die  IbnUlef,  et  vit  bi«ntAt  entier 
étmà  &  chambre  ub  futtttec  épouTantiible;  vètii  de  drtp  ' 
iM^^  et  teM'efetertHlé  de  ckaîne»  defen  '  *Not#e  fueaeur 
Wtm  ^t  tndteiBeirt  teu^de  cette*  epjMirftIoR*  11  tire  ion 
épécy  yfcvança  ^efs  l'écrit,  et  hii  ea  déchargea  du  plat 
Air  "lA^ttit^tm  afec^tndé^coup* 

fi&'ftiitôttfeV  pe«'  aocoofwtté  à'  trocrtev  dee  Hôte^  fi 
liAtdic,-  it  M  cHy  «t*reinftffq»anfi  que  lé-  foldat  fe  prépa* 
xtiic  è  reeoaUftefacef,  Il  fe  prc^ènia  trds  huaiblemént  de* 
v^uat  hiff  enf  difitti;  De|(«iee,  Seifriieur  Sergent,  tto^ 
wk^n  doteév'  |>si^'  dàvaniige.    Ayea  pitié  dH»  pauvre  ' 
ékble,  qttè-fis  jette  irVoe^*piâ»'poor  implorer  votre  clé- 
fliteee;    Je'  vôttt  en  con^îre par  Saint  Jacques,  qui  étoir» 
eomme'  vovt»  oo^  gftsd  '  beroa.     Si  |a  ireiix  cenferver 
là 'vie,  répondit  le  foMttt;  il'£M2t  que  to  ne  diTes  qui  tu  ' 
CB»  etqtiettafne^rle»  fins  déguifenseat:  Ouf  bien,  je 
vt^s  te  fendre  e»  deuy,  comme  les  Chevaliers  du  temps 
p^K^  fcmlàîént'  les  Géaas  qu'ils^rencontNnent.     A  ces 
rtota,  réfpritj  voyaat  à.  qpi  ilavoit  affaise,  pnt  le  pa4i' 
d'avoQtt^'t^ilt. 

Je  fuis,  dit-ilau  Sergent,  le  Mâitffé  garçon  de^e  ca« 
baret  %  je  m^appellie  Gnittaome^'  *  J*aime  Juanilla,  qui  efl  -' 
là  fiHe  unique  du^ogis,  et  je  lae*  lui  déplais  pas/    Mais  ' 
BOmme  fisa  pèos  et^a  mère.cnt  en  vue  uue^alliante  plus  ^ 
fèkvée  que  la  miemM,  p9Ut(  les  obliger  â^me-^boifîr  pour 
fietidre,  noue  &miiieexoavettuaj  là  petite  fille  eltuôi,  que  ' 
je*  feroîs  ^  toutes  'les  nuits  le-  perfenilage  que  je  fiis.^    Je 
sé^envéloppe  M^  corps  -d'un  loag  mïimeara  noir,  rct  je  ihc 
pends  iluxau^  une  chaîne  de  tourne^roehé,  avec  laquelle  * 
je  benrs-toute  la  maif<hi,*  depuis >f a  ciye  jufqu'au  grenier, 
en  feûint  tout  le^breit  que  vtm»  a^rea  entendu.  -  Quand  • 
ji^  fuis  à  la  porte  de  la  chanubredu-  Maître  et  de  la  Maî^ 
treflfc,  je  m^rôte,  et  m'écfrk  :  N^efpérâ%  pat  çveje  vous 
iâ^e  en  rt^ty  tjfuê  voui-  u-ayf&^narié  JuwiiUa  4tvéc  votre  ' 
j£n^e*gttrppnf 

Après  avoir  ptottoncé-ces  "ptârolcs  -d'une*  voix -que  j'âf- 
£tôe  grofie  et  eafiee,  je  continue  .mon  carrillon,  et  j'entre 
en  fuite  par  une  fertétre  dans- div  cabinet  où  Juanilîa» 
ebuche-  feule,  et  j^  -  la»  rends  xonvpte  de  ce  «que  j'ai  fait* 
Seigneur  Sergent,  continuia  Guillaume,  vous  jugez  bien - 
que  je  vous  dis  la  vérité."  Je  fais  qu^ap'rës  cet  aveu, tou s 
Ipuvcz^me  pprdre;  en  apprenant  à  mon  Maître  ce  qi^i  le 


M        -LE   DIABLE   BOITEUX. 

p^fle  ;  nais  &  vout  voulez  ràt  femr^  an  lieu^de  me'  mq^ 
4re  ce  mauvais  office,  je  tous  jure  -qne  ma  Te9QWltoi(^ 
fançe— £b  !  quel  ferviee.  peux-«tu  attei^e  d«Mftai£^^'iiite«« 
xoropît  le  foJdat.  Vousn^avez,  reprit,  le  jéi^^  bommé» 
^if  à  ^ixt  demain,  que  vous  avez  vu  l^efjirtt»  et  qu^Ml-iEotis 
a  fait  il  grande  peur^-rCoininent,  VeQtrfVlcu«'|^^il|i^  P^ix^t 
interroropît  encore  le'grivoîs  !  Vous  vouUà  <|9e',hsr4Sf»^ 
gent  Annibal  Antonio  Quebrantadoc  ailie  dir^^u/ifi>a  eu 
Î3eur  î  J'aimeroti  nûeux  que  £eot  mille  dîaMea  «i-^^isC- 
fent — Cela  n'eft  pas  a^Cblu ment  néceflaircv'iatc^TOfltpiC 
.à  fon  tour  Guillaume;  et  après  tout,  il  m*iq^p€Hrt«.pea 
de  quelle  façon  vous  parliez,  |>ourvu  que^  vous  i<ecQttfÛ«£ 
mon  deffeîn.     Lodque  j^aurai  époifdev  Juanilkii  cttJ^Jfet  /js 

.  ferai  établi,  je  promets  de  vous  régpaler.  tous  les  joues 
pour  rien,  vous  et  tous  vos  a«û».  Voua  ^«s^cSédoiâ^st^ 
Moufîeur  Guillaume,  s'écria  le  grivoi»  L.  Vous^pae-pfe^ 
pofez  d'appuyer  une  fourberâe  ;  Taffaîre  .n^  IhkŒp  pas 
d'être  férieufe;  mais  vous  vous  y  preojez.dVo^  mmrfest 
qui  m^étourdit  Air  les  conféquences»  ^  All^^  ^i^n^kiuest'. 
de  faire  du  bruit,  et  d'en  rendre  compte  à  JuaiûUflu.^j  Jicr 
me  charge  du  refle«.  .    ?     r.  «    .».  .f    'iJ 

.   £n  effet,  dès  U  .Jtendtmaiii  .matin  ^l<>r$9l9e€|t  nBtjà- 
rbàte  et  à  l'bôtefle  :  J'ai  vu  Pe^it^.     J^Vdi^oottcteaOé 
Il  eil  très  ralTonnablc^    Je  fui^  m«'af4-i!l  dit»^lè  bMa^^ul- 
du  Maître  de  ce  cabaret.    J*avois  uAofiUe  que  je'proaais  ^ 
au  père  du  grand  père  de  fon  garçon.     Néaomokis^  au 
mépris  de  mf  ipi,.  je  la  mariai  à  un  autr*  ^  ett  Je  iiioums 
peu  dç  temps  après»     J^  (oufiEre  depuis -ce.tempt^fô.^     Re- 
porte la  peine  de .  mon  parjure^  et  je  ne  (erat  point  e|^ 
repos  que  quelqu'un  de  ma  race  n'ait •  épot^ie^unerpterdani 
ne  de  la  fam>U^  de  Guillaume^  C'eft>  pourquoi  j«.reiâens 
toutes-  les  nuits^  dans  cttxe  maîfon.     Cependant  j?at  «bewa  - 
dire  que  l?on  marie  enfeinbl^^  Juanillà  et  le  Mal^rer^ar» 
fon^  le  fils  de  mon  petiti^âls-fait  la  fourde  oreiUe^  auffi 
bien   que  fa    femme.     Mais  diteS-leur,  s'il  vousi  plaaf^ 
Seigneur  Sergent,. que   s'ils-  ne  faut  8U-p)utàt  oe  que  j;e 
délire,  j'en  viendrai  avec  eux  ai>x  voies •  de  f<ak.    Je  1^ 
lourmfnterRi  l'un  et  l'autre  d'une  étrange  &^n!4>;  , 

L'hôte  étoit  un  homme  aff<^z  fimple,  il  fut  ébranlé*  de 
ce  diicours  ;  et  l'hoteiTe  encore  plus  foible  q^e  fbn  ma- 
ri, croyant  déjà  voir  le  Revenant  à.fes  trouffes,  confentit 

'^  ce  mariage,  qui  ie  Et  dès  le  jour  fui-vant^     GuiUaumt 

peu 


t£  DIABLE  BOITEU3d  .fj 

pm  ^  tilitft>^%fiï^9'1s*éb!3^  dâtis'  un  autre  quâttier  fy 
Ii»>l^tlse;{  "t^e  'Serg^ent  Qoebrantador' né  manqua  pas  de 
ieJA€ttfi'fré^ûétenieDt  ;  ti  le  nouveau  cabarecSer,  par  re» 
«cnflOîffsMvj  kii^  donna  d*abord  da^in  à  dKcrétion  :  ce 
^^^lalfek^fi^rt  au  ^fîvûi^y  qu*il  menoit  tous  ïtt  araiV 
àii%«^è«ibtfm4  irjf'feiott  même  Tes  enrôlements^  et  y 
etAmitH  féèirtte.  -    ••  '     -    • 

'.Mik^tâti,  t»H6(éfelaSaâ*abrecnrer  taàt  dé  gofiérè 
«kér^/'f'll'ditfur  cela  fa  penfée  au  Soldat,  t{ui,  fans'fon» 
gfr-qu^^e^^vemetit  SI  pafibit  la  convention,-  fut  "aflcz  in'- 
2tkû&  pmr  traiter  Guillatime  *  de  petit  ingrat.  Célui-d 
répondît^:  f*autt«  repHquÂ,  et  hr  cofirerfation,  finit  pat 
çtml^es  i^l«||i^'du  {^at  d¥péé,  que  le-Cabaretièr  reçùtv 
Fliiicms'  tmàMs  votilûreot  prendre  le  partie  dû  bour« 
g9éU\^  <^èbrahht^r  eti  hleffa  trois  oh  quatre,  e^t\t'eil 
ieroit<fa«  demeuré  1^  fi'tout-à  coup  iluVût'été  affailli 
par  Txtm  fotile  ^'ilrcheirs  qui  Par  réfèrent  conne-'un  per« 
awbat^ur  en  repos  pub!ie.^  ils  le  conduifirent  en  ptifôn^ 
•à^â^a  déclaré  tout  ce  que  je  viens  de  vous  dire  ;  et  ftur 
h  déj^fitio»^  kt>  JoAice  9^'*eft  aufli  emparée  de  GuîUauiae* 
Xe  beau'pere  demande  que  le  mariage  A»ît  'caffê-,  et  le 
Safiiitt>te6iBft»rmé,'qtte  Guilîàume  a  de  bons  effet»,  veut 
mcoBl^hr^àé  cette  sti^âtt. 

1  Vm  Keuf  (^  Don  Cléefa»  la  feinte  Inquifition  eA 
Ira»  alerta  ^Sitét-qu\Ue  voit  le  moindre  jour  à  tirejT 
quelque  prefit— Doucement,  interrompit  leBoiteuk)  gar* 
ëezivoû^bîèa  ^  vous  lâcher  contre  ce  Trtbudak  lia 
&s  eipidtts^^r'tout;  On  lut  rapporte  jufqu^^  de^  chofes 
quiin^int  Jamfe^  éié  <fites»  Je  n^ôle  ea  parler  moi<* 
âéme  qu^n  «remblant;    •'      • 

•  AiMdtfiiit  de  l'iâfortuné  Guillaume,  dàn»  la  première 
a^^mbre  à  ^Utibe;  il  f-deua  hommes-  dignes  de  votr^ 
^tféi  L.^un  êk  un  jevne  valet  de  chambre,^  que  la  femme 
de  ibo^maiiTe  traitoir  en  particulier  comme  un  amante 
Un  jour  le  mari  les  iurprit  cnfemble.  L»  femme  auâ[î<« 
tot>re'met-k»erter'au-  fecour^,  et  dit  que  le  valet  d^  ebam* 
tHTc  lui  a  lait  videncer  On-arrêta  ce  pauvre  malheureux-, 
qui,  félon  toutes  les  apparences,  feraiacaaBé  à  laréputa» 
tion  de  ià  maitreflè. 

Le  eompagnoB  du  valet  de  ehambre,  encore  moins 
coupable  qut^ïuî,  eft  fur  le  point  de  perdre  auffi  la  vie* 
il  eft  Ecuycr  d'une  Duchcffc  à  qui  l*on  a  volé,  un  prro» 

diamant} 


^         LE  BIA&LE  BOITEU:^. 

dBamaot.    On  Paoctsie  de  Vmrmt  pris»    Il  Mim  étmmfi 
la  queftion,  où  il  (en  totir«iefité  jûfqjii'è  ce  qu^I  coôlefle' 
«Toir  fak  le  toI  ;.  et  toutefois  la  pcifimne  qeJ  es  eflPaa- 
teuT^  eil  tUM  femme  de  cba»bre  £iTorite  qii^dn  n'^ferokr 
&ttpçMiDer. 

Ah  I  Setgbesr  Afinodée,  dit  L^mdro,  resdex,  je  voud  • 
prie,  fervice  K  cet  Ecuyer.  Son  mnoeettce  lÀ'iniféreflB  ' 
{lout  hit*  Déirobex-lèy  ^r  votre  peilTbiry  aux  ÎBJttftè^* 
et  eruels  fîippHce»  qui  k  atebaceiit»  Il  tûéûtt^nt^*^^ 
Yoos  n'y  peniez  pat,  Seigneur  Ecolier^  krterromptt  iç  * 
Diable  :  pouvez-ifcms  demander  que  j^  m'oppefe  ^  une 
sftion  inique,,  et  que  j'enipécbe  ua  innoeeUt  de  périt  ? 
Ceâ  prier  ua  procureur  de  ne  pat  ruiner  titte  TCfire  €m  - 
«a  orpheUn.  ,.*-,'* 

Oh  f  »S1  vous  plsdt,  ajdttta-t-i}y.  il^esîg^pat  de  nx>f  ^ 
40e  je  fifle  quelque  ckofe  qtrî  foit  contraire  â^  nerioté-* 
rets,  à  moânt  qUe  vous  n'en  tiriez  un  avantaf  e  coofiden»  - 
able.  IX'aiUeursi  quand  jà  voudrob  «^MvrelFee'p^^oa«-- 
1lier.  le  pourroi«*je  ^  Comment  donc,  rrplîqtia-Zâmbullo^ 
cfUce  que  vous' n'avez  pat  la  pux&nce  d'enlever  tin  bomw> 
ne  de  la  prifon  ?^Non  certainement^  repartit  le  Boitèuar*  - 
Si  vous  avîez'ltt  l'Enchtridion,  ou  Albert  le  Grand,  vous  «^ 
auriez  que  ^  ne  puisi  non  plusqne  mes  conireres;  met*  - 
re  un  prifoonier  en  libertés-  Moi-^éme  Â  j'avoie  le' 
«lalheur  d'être  entte  léi  griffes  dé'la  Juftice,  je  nrponr*' 
rois  m'en  tirer  qu'en  finançant. 

Dans  là^' chambre  predmine^  du  nêae  cèté;  loge^uti^ 
Chirurgien    convaincu  d?av6if^  p;ir  jaloufie,..&f4  à  &' 
femme  une  faignée  conime  ceDe  de  âéneqùe.     Il'a  eu^ 
aujourdurla  ci^eftioR^  et  après  avenir  confefiS- le' crime  ' 
dont  on  Paccufoit,  il  a  déclarértjise  deputs'dix  ans,  ils^if);^ 
fervi  d'un  moyen  -  a&Zt  nouxrcau  pous  fè  £liré<  des 'pràtiÀ^ 
ques;    11  :ble£bit -la'nutt  les  paffînts  avec  une  bayonnette^  • 
ct^ie  fauvott  chez  loi -par  une-^  petite  pixte  de  derrière*- 
Cependdnt^  le  blefle^  pouffoit  des  oris,.  quf  atttroient  les-^ 
voifins  ^  Ton  fècous*      Le  Chirurgien  yaccouroit  ]ui« 
même  comme  les'  autres,  et  trouvant  u«  homme  noyé  • 
dans  Ton  iang.,  il  le  feibit  porter  dans'^fa  boutîqttey  où  îl/ 
le  panfoit  de  là. même  main  dont  il  l'avoit  frappé» 

Quoique  ce  Chirugien  cruel  ait  fait  cette  déclaration;  < 
et  qu'il  mérite  mille  morts,  il  ne  laifie  pas^de  fe  âatfer 
qu'on  lui  fera  g^ace^  et  .c'eft  ce  qui  pourra  fort  bien  ar<*- 
'  V  river,,. 


LE    DIABLE    BOITEUX.         57 


riYCTy  jiarce  qa*U  eft  parent.de  Madame  le  Remuieufe  de 
VSn&Lnt*  Outre  cela,  Je  vous  dirai  qa^il  a  chez  lui 
une  eau  qui  a  la  .vertu  ae  blaochir  la  peau,  et  de  faire 
d'un  vîfage  décrépit  une  face  enfantine  :  et  cette  eau  in* 
comparable  fert  de  fontaine  de  jouvence  ^  trois  .Dames 
du,  ^al^is,r^ui  fe  fpnt  joiatea  eofeinble  peur  le  fauver.  Il 
compie  fi  fort  for  leur  crédit,  ou  fi  vous  voulez,  fur  foa 
ea»,  QU^il  s;*çft  endormi  tranquillement,  dans  refpéraQce 
qu\à  foa  réveil,  il  receyra  Tagréable  nouvelle  de  Ton  élar* 
giSemest. 

Jlappcxçois  fur  110  grabat,,  dans  .la  même  cbambre,  âtt 

l'ecpUer^. un  autre  bomme. qui  jdort»  ce  me  femble«  aulQ 

dt^un^fofiunetl  paifible.    Il  faut  que  fon  affaire  ne  foit  paa 

bten  mauvaife.     Llle  eÛ  fort  délicate,  répondit,  le  Dé- 

moa.    ,  Ce  Cavalier  eft  un  Gentilhomme  Blfca^ren,  qui 

s^e&^oxiclii  d^un  coup.d*e^copette^:  et  voici  coiiiment. 

Il  y  a  quinze.  jottr5  que,  eb^fiani^  dans  upe  forêt  av.ec  (ou 

frère  aîné,  qui  jouiubit  d'un  revenu  .confidérable,  il  le 

ttta^t»ar  malheur,  en  ùrai^  fur  des  perdreaux.  L'heurea^c 

quîpr^oquo  pour  un  Cadet,  s^écrla  Don  Cléofas  en  rîant  î 

O^î^  .repsit^^modé^  \  mais  les  Collatéraux,  qui  voudroi« 

eut  l;iieQ,4!appi;,oprier  ]a  fuccelfion  du  défunt,  pourfuivenC 

.en,  Jlf d^ce  JGhi  ise^Ctrier^  qu^ils  accufent  .d^avoir  fait  le 

cou|i  ^Qur.  djÇVçjQiii  unique  héritier^  àp,  fa  famille.     11  s^eil 

deXui.m^e  con()itué  prifonnier  )  et  ilparoît  fi  affligé  de 

la  mort  de  foi^  frère,  qu'on  ne  fauroit.  imaginer  qu'il  ait 

eu  û^tfunaa  de  lui-ôter  la  vie.     £t.n'a-t  il  effedivement 

rien, à  (e  reprocher  làdeiTus, que  Ton  peu  d^adrefle,  replî-^ 

qu|  Léandrq  ?  Non  repartit  le  Boiteux  :  il  n*a  pas  eu 

unçt  mau  vaif(B  vploQté.     Mais  lorfqu'un  Hlsainé  poâfeda 

iQut  je  bien  d'une  maifoa,  je  ne  lui  confeille  pas  d«  c1ia£r 

fer  avec  fou  cadet. 


AVANTITRES 


■  \ 


AVENTURES  DE  TEI-EMÀQJJE^ 

F  I  L  S    B*U  LYS  S  B, 

LIVRE    PREMIER. 

T^éUmaquê  cénduùpar  Mineme^  fm$U  J^ti^  de  MenUr^ 
^fèùrje^  apn^h  un  naufrage^  iens^  i*tk  de  la  Déefiè  Ûa» 
fypfo^  qui  rêgreiiwt  encort  /e^  dépëfi  d^lRs^^  l^  lÀé-^ 
ijfe  le  reçoit  favorablemeni^  conçoit  de  la  fnjj^n  f^ur  M^ 
Imc^e  i'^imm&rfaKté^  ei  Itu  demande  fés  afwmtur<fi.  Il 
lui  rœonPe^fif^  voyage  a  Bjips^  êi^ù  Laiedêmcme  ;  fùn^mm» 
frage  fur  la  cote  de  Sicile  s  lepêrileèiljv^d^etrê  #«i* 
moiâûux'mami  d^Anchife  ;  le  Jecomr^  qm  iâmiom  ei-dm 
doim}rêntà  Actflè  dans  tme  hwmpjkn  d^  harharni  et  ée 
foin  que  ce  Roi  eut  di  reeonnoitre  ce  firifice^  m^leun  don^ 
nant  un  'oaiffiau  Tyrien  fiour^  retourjtep^m  iàêr  ft^u 

CALYPSO  t  »«  potiVok  fe  eonfofor  A*  é^pwt 
d^Ul^F^  X.  Dans  fa  douleur  elle  h  fti^uyain 
malhaureufe  d'être  îmmorteile.*  Ss  grotte  «le- téfon^r 
aoit  pli»  de  foti  ehaiit.  Lc«  nyrof>he»^  qoi  la»  fer- 
i^oient,  n*ôfeleiit  Itri  parler.  EUe  tt  |>nH0tfioH' (ouvert 
feule  fur  les  gazons  âeuris,  dont  uii  prkrteâM  éte^ptiei' 


'■     ■  -     .{    i. 


t  Calypib,  déeffe,  fille  d» Atlas  et  de  Tbais,  étoît 
Rcifle,  de  l'ilè  Ogygîe,  où  elle  reçut  Ulyffb  après  îoït 
naufrage.  Son  nom  vient  âa  verbe  ««Xv^rruy,  cacher,  c^ 
£gnîfie  Dëeffe  duficrtt  \  ce  qui  marque,  ou  qu'^Ulyffc,  s'eft- 
e«core  pêrfeé^tonn^  chez  Calypfe  da^s  Tait  de  dUTimuIer^ 

,  qu^il  pafièdoitdèjà  \  ou  fimplement,  qu'il  y  eâ  defueur4 
caché  long-teros»  fans  qu'on  fût  ce  quHl  etoît  devenu. 
X  Ulytte  iîls  de  Laerte  et  d'Anticlée,  étoh   Roi  d'I« 

^  tbaque.  Il  époufa  Pénélope  fille  d'Icare,  dont  il  eut  l'é« 
lémaqoe.  Après  le  fiége  de  Troie,  il  erra  dix  ans  fur 
jes  merSj  avant  que  de  revoir  fa  patrie  \  et  ce  fut  dans- 
ée voyage  qu'une  tempête  le  jetta  contre  les  rochers  de 
l'île  Ogygie.  Calypfo  l'y  retint  fept  ans,  foubaitant  de 
Pavoir  pour  mari  \  maïs'  un  ordre  fupérieur  l'ayant  o* 
bligée  de  le  renvoyer,  elle  ne  pou  voit  le  confoler  de  fon 
départ,  dont  elle  attribuoît  l'ordre  à  la  jaloufic  des  au*.- 
très  Dieux*    Homcr^  Odiffl  liv.  5. 


T  EX  El!  A  QJJ  E,  Ltv,  ^I.  59 


r 

Il  iKirioil  fou  Ue  *,  Mais  ces  beaux  Utox,  loia  àe  mo* 
m  dérer  (a  douleur,  loi  fefoieiit  rafipelter  le  trifte  fotivenit 
I  d*lHyfie,  qu^dk,  y  avoit  mi  tbnt  de  Ibis  auprès  d'elle; 
'  Souvent  elle  deflieuroît  immobile  for  le  rivage  de  la  mer, 
^*«lle  mnabik  de  fiis  lanoee,  et  elle  étoit  fans  eéilib 
totfmée  Tefs  le  côté  où  le  vai&aa  d'Ulyfe,  fendant  lee 
ondes,  avMt  difparu  à  fes  yeux»  Tout  à  «eup  -elle  «p* 
perçut  ks  défaiis  d*on  navire  qui  venoit  de  faire  aau* 
ficage,  des  bance  de -rameurs  m»  en  pteoes,  des  ntmes  é* 
cartée»ça  et  la  fur  le  fable,  ua  gonverBaîl^  un  mât,  dH 
cordages  flotant  far  la  eôte.  Puis  elle  découvrit  de  loiâ 
deux-bommes,  dont  l'un  patoiflbit  âgé^  l'aide  quoique 
jeutte^-reffemUoit  à  Ulyfi^  Il  av^eic  fa  douceur  et  fa  fi» 
érté,  avec  fa  taille  et  h  démarche  maje(lueu(e«  La  Dé- 
cffe  comprit  que  «^étoît  Télémaque  fils  de  ce  héros  | 
mau  quoique  les  Dieux  furpafieat  de  Imn  en  connoif* 
iaoce  tous  les  hommes,  elle  ne  put  découvrir  qui  étoit 
«et  bomme  vénémble,  dont  Télémaque  étoit  aceom- 
pagnéb  C'eft  que  les  Dieux  fupéHeurs  cachent  tLWx  in* 
férieurs  tout  ce  qu'il  leur  plait  ;  et  Minerve,  quî  accom» 
pagn^t  Télémaque  fous  la  figure  de  Mentor  f,  ne  wn* 
loit  pas  être  connue  de  Calypfo.  Cependant  Calypfo  fe 
séjouifloit  d'un  naufrage,  qui  mettoit  dans  fon  île  le  fils 

d'Ulyffè 

<  '         I  ■         '  I    ■  ■      ■  I  IJI»l.      I  .1         !■        I    ■         ,  I  Il  I      >' 

*  L'Île  Ogygic,  appellée  auiîi  Gaté/oj^  tfl  un  peu  au^ 
defîus  de  Malîte  ou  Malte,  entre  lej-ivage  d'Afrique  et  le 
promontoire  de  Sicile  appellée  Pacbme.  Il  ne  faut  pas  la 
confondre  avec  File  de  Caude  ou  Goude,  qui  eft  voifîne 
de  Crète.' 

"i*  Mentor  étoit  un  des  amis  d'Homère,  quî,  pour  éter- 
nifer  fon  nom,  l'a  placé  dans  l'Odyflee  par  reconnolf* 
fance,  parce  qu'ctant  abordé  à  Ithaque  à  fon  retour  d'Ëf- 
pfigiie,  et  fe  trouvant  fort  incommodé  d'une  fluxion  fur 
lés  yeux,  qui  l'empêcha  de  continuer  fon  voyage,  il  fut 
reçu  chez  ce  Mentor  qui  prît  beaucoup  de  foin  de  lui, 
Homère  en  fait  un  des  plus  fidèles  amis  d'Ulyfiis,  et  ce- 
lui à  qui,  en  s'embarquant  pour  Troie,  il  avoit  confié 
le  foin  de  fa  maifon.  L'auteur  de  Télémaque  continue 
la  i^ême  fidion^  et  comme  cet  ouvrage  étoit  deftiné  à  i*in* 
(lru6lîon  du  Duc  de  Bourgogne,  dont  il  étoît  précepteur, 
il  dit  f^ue  Mentor  étoît  Minerve  elle  mcme,  deguîfée  fous 
la  forme  de  ce  vieillard,  pour  donner  plus  de  poids  à  fe$ 
f  rcceptcs,  quî  font  dignes  en  cfFct  de  la  plus  haute  fageffc. 


tfo  AVANT U RE s   DE 

d*U1jffe  fi  femUaUe  à  foo  père.  Elle  t'avance  Tm  lu? 
et  laos  faire  femblaot  de  favoîr-  qui  il  eft  :  D^oà  vous 
yieat  lui  dit  elle,  cette  témérité,  d^aboirder  eo  1000  ile  ? 
Saches,  jeune  étranger,  qu'on  ne  vient  point  impuné* 
ment  dans  mon  empire.  Elle  tâchoit  dé  couvrir,  fous 
CCS  paroles  menaçantes,  la  joie  de  ion  coeur,  qui  éclatoit 
malgré  .elle  fur  fan  vifage. 

Télémaque  lui  repondit  :  O  vous  !  qui  que  vous  hytZt 
mortelle  ou  DécAe,  (quoiqu'à  vous  voir  on  ne  puifle 
vous  prendre  que  pour  une  Divinité) ,  feriez  vous  iofen* 
iible  au  malheur  d'un  fils,  qui,  chercliant  fon  père  à  la 
merci  des  venti  et  des  ilôts,  a  vu  brifer  fon  navire  contre 
vos  rochers  ?  Quel  eft  donc  votre  père  que  vous  cher* 
chez  ?  reprit  la  DéeiTe.     Il  fe  nomme  Ul^fie,  dit  Télé* 
maque.     C>(1  un  des  rpls  qui  ont,  après  un  fiége  de  dix 
ans,  revetfé  la  famcufe  Troie.     Son  nom  fut   célèbre 
dans  toute  la  Grèce  et  dans  toute  l'Afîe  par  fa  valeur 
dans  les   combats,  et  plus  encore  par  fa  fagefie    dans 
les   confeils.       Maintenant   errant  dans   Tétondue  des 
mers,  il  parcourt  tous  les  éeueils  les  plus  terribles.     Sa 
patrie  femble  fuir  devant  lui.     Pénélope  fa  femliae,  et 
moi  qui  fuis  /on  fils,  nous  avons  perdu  l'efpérance  de  le 
revoir.     Je  cours  avec  les  mêmes  dangers  que  lui,  pour 
apprendre  où  il  eft  :  mats,  que  dis- je  1  peut-être  qu'il  eA 
maintenant  enfeveli  dans  les  profonds  abymes  de  la  mer. 
,  Ayez  pitié  de  nos  malheurs  ^    et  fi  vous  favez,  ô  Détffc^ 
ce  que  lesdeilinées  ont  fait  pour  fauver  ou  pour  perdre 
Ulfïe,  daignez  en  infl foire  fon  fils  Télémaque. 

Calypfo  étonnée  et  attendrie  de  voir  dans  une  (i  vive 
Jeunfiîe  tant  de  {agcffc  et  dVloquence,  ne  pouvoit  raf- 
iafi<r  ces  yeux  en  le  regardant,  et  elle  demcuroit  en  fi- 
Jence.  Enfin  elle  lui  dit  :  Télémaque,  nous  vous'ap- 
prendrons  ce  qui  ed  arrivé  à  votre  père  j  mais  Phidoire 
en  cil  longue..  Il  eft  tems  de  vous  délaffer  de  tous  voS 
travaux.  Venez  dans  ma  demeure,  où  je  vous  recevrai 
coQane  mon  fils.  Venez,  vous  ferez  ma  confolation  dans 
cet|«  folitude,  et  je  ferai  votre  bonheur,  pourvu  que  vous 
iachiea  en  jouir. 

1  élémaque  fuivit  la  DéefTc  environnée  d'une  foule 
4c  jeunes  nymphes^  au  defîus  defquelles  elle  s'élevoit  de 
toute  la  tête,  comme  vtn  grand  chêne  dans  une  forêt  é- 
le^e  fes  branches  épaiffes  au  dcffus  de  toas  les  arbres  qui 
l'cnvironncxU,     il  admiroit  Téclat  de  fa  beauté^  la  riche 

pour- 


T  s  L  E  M  A  QJJ  E,  Ur.  L  6i 

|w>Ufy e ^  fiiirabc  ktogue  e^  flotante,  fcs  cheveux  noiiés 
l»as  derrière  tiégligemeot,  «nais  avec  grâce }  le  feu  qoi 
fiwtoil-de  £i8  yeux^  et  la  douceur  qui  tempéroît  cette 
vivacité.  IVfentor  les  3^ecix  baiffiés,  gardant  un  filence 
iDodeûe,  ./oîvoit  Télémaque^ 

Ob  arriva  à. èa  porte  de  la  grotte  de  CalypTo,  où  Té<* 
lémaque  fut  furprU  de  voir,  avec  une  apparence  de  fim- 
plîcîlé  riiûîi^uey  tout  ce  qui  peut  charmer  les  y«ux .     11 
.eft   vraî  qa^oo  a^  vojoit  ni  or,  ni  argent,  ni  marbre» 
ni  coloooes,  ni  tableaux,  ut.  Aatues:  mais  cette  grotte* 
«toit^aîli^e  dans  le  roc  en  voûtes  pleines  de  rocailles  et 
de  coquilles*     £.llo  étoit  tapiflee  d^-une  jeune  vigne,  qui 
ét^doit  également  fes  branches  (bup les  de  tous  côtés* 
Les' doux    zéphyrs  confervoient  en  ce  lieu,  malgré  les 
ardeura^  dur  foieil,  une  délîcieufe   fraîcheur.      Des  fon* 
taines  coulant  avec  un  doux   murmure  fur  *des  prés  fe* 
mes   d'amarantes  et--de  violettes,  formoient  en  divers 
lieux  des  bains  auGTi  purs  et   au!!i  clairs  que  le  crydaU 
l^lille  fleurs  naiflantes  émaîlloient  les  tapis  v.erds  dont  la 
grotte  étoit  aa^ironnée»     Là,  on  trouvuit  un  bois  de  ces 
srbri^  touffus  qui  portent  des  pommes  d^or,  et  dont  la 
âeur,  qui  k  renouvelle  dans  toutes  les  faifons,  répand 
le  plus.doux  de  t<|as  les  parfums.      Ce   bois    fembloic 
couronner  cts  belles  prairies,  et  formoît.une  nuit  t{ue 
les  rayons  dq  ^ieîl  ne  pouvoîent  percer.       Lîi  on  n^en- 
tên doit  jamais  que  le  chant  des  oifeaux,  ou  le  bruit  d'un 
roi^Teau,  qu»,  £e  précipitant  du  haut  d'an  rocher,  toinboit 
à  gros  bouillons  pleins  d^écume,  et  s'enfuyoit  au  tratr'ers 
de  la  prairie*  '  * 

•  La  grotte  de  la  DédTe  étoit  fur  le  penchant  d^uns 
colline.  De  là  on  découvroit  la  mer  quelquefois  «^hr^ 
ex  unie  comme  une  giace,  quelquefois  follement  irritée 
contre  les  r^) chers,  où  elle  iè  brifoit  en  gémiff'int,"€T^- 
levant  Tes  vagues  comme  des  montagnes.  D'un  alitre 
côté  on  voyoit  ûne.rivierc,  où  fe  formoient  des  îl^  bor- 
dées M  tilleuls  fleuris,  et  de  ^  hauts  peupliers,  quf  ^or^ 
toient  leurs  tctes  fuperbe«  jufques  dans  les  nues.^  ^.es 
divers  canaux,  que  formoient  les  îles,  fembloîent^fe  jjt|[(. 
er  dans  la  campagne.  Les  uns  rouloient  leurs  eaux 
claires  avec  rapidité  ^  d'autres  avoient  une  eaa  paifibfs 
et  dormante^  d'autres,  par  de  longs  d itou  s,  levenof. 
C0t  fur  leurs  pas,  comme  pour  remonter  vers  leur  fourr^^ 


6z  AVANTURESDE 

et  fembloUnt  ne  po\ivolr  quitter  ces  hord$  eockantés^ 
Oa  apperceroît  de  loin  des  collines  et. des  montagnes, 
.qui  fe  perdoient  dans  ks  nues»  et  dont  la  fiqure  bizarre 
formoit  un  horizon  à  fouk9it  pour  le  pkîiir  des  yeux» 
Les  montagnes  voifînes  étoient  couvertes  de  pampres 
Terds,  qui  {>endoient  en  feAons.  ht  railin,  plut  ccla- 
*tant  que  la  pourpre^  ne  pouvoit  fe  cacher  fous  les  feu* 
illes,  et  la  vigne  étoit  accftblce  fous  Ton  fruit.  Le  figuier, 
Tolivier»  le  grenadier,  et  tous  les  autres  arbres,  couvroi- 
«nt  la  campagne,  et  en  fefoieQt  un  grand  jardin. 

Calypfo  ayant  montré  à' Télémaquc  toutes  ces   beau- 
tés naturelles,  lui  dît  :  Repo&z-yous  >    vos   habits    fout 
xnouiirés  9  il.efttems  que  vous  en  changiez.  •    Ëufuite 
nOQS  vous  revérrons,  et  je  vous  raconterai  des  hidoires 
dopt  votre  coçur  fera  touché.     £o  même  tems  elle  le  fit 
entrer,  avec   Mentor,  dans  le  lieu  le  plus  fecret  et  le 
plus  rçculc   dVne  grotte  voifine  de  celle  où  la  Déefîe 
demeuroit.     Les  n jmphcft  avoîent  eu  foin  d'allumer  eu 
ce  lieu  un  grand  feu  de  bois  de  cèdre,  dont  la   bonne 
odeur  fe  répandott  de  tous  côtés,  et  elles  y  avoient  lai^Té 
des  habits  pour  les  nouveaux  hôtes.     Télémaque  voyant 
qu'on  lui   atoît   dcflinc  une  tunique  d'une  laine  âne, 
dont  la  blancheur  éffaç oit  celle  de  la  neige,  et  une  robe  de 
pourpre  avec  une  broderie  d'or,  prit  le  plaifîr  qui  efV natu- 
rel à  un  jeune  homme  en  coniiderant  cette  magnificence. 

Mentor  lui  dit,  d'un  ton  grave  :  Eft-ce  donc  là,  ô  Té- 
limaque,  les  pénfées  qui  doivent  occuper  le  cœur  du  £ls 
d'Ulyâe  ?  Sofigez  plutôt  à  fouteair  la  réputation  de  vo- 
tre père,  et  à  vaincre  la  fortune  qui  vous  perfécute* 
Un  jeune  homme  qui  aime  ^  fe  parer  vainement  comme 
une  femme,  e(l  indigne  de  la  fageiïe  et  de  la  gloire.  La 
gloire  n'eft  due  qu'à,  un  cœur,  qui  fait  fouffiir  la  peine, 
et  fouler  aux  pieds  les  plaifîrs. 

Télémaque  répondit  en  foupirant  :  Que  les  Dieux  me 
faûent  périr,  plutôt  que  de  fouffrir  que  la  moleife  et  la 
volupté  s'emparent  de  mon  cœur.  Non,  non,  le  fils 
d.'Ulyife  ne  fera  jamais  vaincu  par  les  charmes  d'une  vie 
lâche  et  eâferoinée  :  mais  quelle  faveur  du  Ciel  nons  a 
fait  trouver,  après  notre  naufrage,  cette  I>éefle,  ou 
cette  moitelle,  qui  nous  comble  de  biens  ^ 

Craignez^  répartit   Mentor,  qu'elle  ne  vous  accable 

âe-xaiûiL,     Craignez  fes  tcorapeufes  douceurs  plus  que 

^  les 


TELEMAQUE,    Lîr.  I.  €3 

les  ccueils  qnî  ont  brîTé  Votre  navire.  Le  naufrage  et 
2a  mort  font  motts  funelies  que  les  plaifirs  qui  atta- 
quent la  Terta.  Gardez- vous  bien  de  croire  ce  qu^ellb 
vous  raeontert.  La  jennefTe  eft  préfomptuetife.  Elle. 
fe  promet  tout  d'elle-même*  Quoique  fragile,  ell^  croit 
pouvoir  toùty  et  n'avoir  jamais  rien  ^  craindre.  Elle  fe 
confie  légèrement  et  fané  précaution.  Gardez- vous  d'c« 
Goruter  les  paroles  douces  et  flateufes  de  Calypfo,  qui  h 
grHfTerodt  comme  mm  ferpent  foiis  les  fleurs.  Craignes 
ce  poifon  caché.  De£ez-tous  de  vous-même,  et  âtten-« 
dex  toujours  mes  c-pnfeîU. 

nnfuke  ils  retournèrent  auprès   de  Calypfo,  qui  les 
atteiidoît.     Les  nymphes,  avec  leuri  cheveux  trèfles  et 
des  habits   blancs,   (ervirent  d'abord   un  repas  fimple, 
nais  exquis  pour  le  ^ovt  et  pour  la  propreté.      On  n'y 
voyoit  aucune  autre  viande  que  celle  des  oifeaux  quel- 
les «voient  pris  dans  les  filets,  bu  des  bêtes  qu'elles  a« 
voient  pencées  de  leurs  Eechts  â  la  chs%.     Un  vin  plus 
doux  ^|ae  le  neâar  couloit  de»  grands  vafts   d'argent 
dans  les  taffes  d'or  couronnées  de  fleurs.      -On  apport» 
dans  des  corbeilies  tous  les  fruits  que  le  printems  pru^ 
xnet^  et  que  Tautomiie  répand  fur  la  terre.      ÏLti  tùùmc 
teitrs  quatre  jeunes  nymphes  fe  mirebt  à  chanter.     D\t« 
bord  elles  chantèrent  le  combat  des  Dieux  contre  lei 
géants^  puis  les  amours  de  Jupiter  et  de  Semété,  la  naif- 
fàneie  de  BacchUs,  et  fon  éducation  conduite  par  le  vieux 
Sikhe,  Ta  coutfe  d'Atalante  et  de  ilippomene,  qui  fut 
tuinqueur  par  le  xhoyen  des  pommes  d'or  cueillies'  au 
jardih    dés   Hefpérides,      Enfiu  la  guêtre   de   Troie  fut 
■ufli  chantée  •,  les  côtnbati  d'Ulyffe  et  fâ  fâgèffe  furent 
élevés  j'ufqu'ank  cienx.    La  première  des  nymphes,  qui 
s'appëiloh  LeucotHoé,  joignît  les  aiqpords  de  fa  lyre  aux 
douces  vohc  de  toutes  les  autres.      Quand    Télémaque 
éntendk  le  ndm  de  fbh  père,  les  larihes,  qui  couler edt 
le  lohg  dfe  f«j(>ue$i  donnèrent  un  ttouveâu  luftre  à  fa 
beauté.     Mais  cbmme  Caîyfo  apperçut  qu'il  ne  pou- 
voit  raahger,  et  qu'il  étoit  faifi  de  douleur,  elle  fît  fignc 
aux   nytinphfcs.     A  lUndant  on  chanta  le  combat  des 
Cetttâurés  avec  ks   Lapithes,  et  la  defcente   d'Orphée 
aux  enfers  jpo^r  tn  retirer  Eurydice. 

Quand  le'repasfut  fini,  la  Dé'efFe  prit  Télémaque,  et 
itti  parla  àiiift  :  Vous  voyez,  fils  du  grand  Ulyffe,  avec 

F  2  quclliai 


y^jf^u^îs.  "avantures  de 

qu«lle  faveur  je  vous  reçois.  Je  fuis  immortelle.  _  Nul 
mortel  ne  peut  eutrer  dans  cette  Me,  fans  .être  puni  de  ùl 
témérité  ;  et  votre  naufrage  même  ne  vous  gavantiroit 
pas  de  mon  indignation  fi  d^aiUeurs  je  ne  vous  aimoi»» 
Votre  père  a  eu  le  même  bonheur  que  vous.  Mais  hé* 
las  !  il  n'a  pas  fu  enr  profiter.  Je  Pai  gardé  lon^-tems 
datis  cette  âe.  Il  n'a  tenu  qu'à  lui  d'y  vivre  avec  moi 
dans  un  état  immortel.  Mais  l'aveugle  paffian  de  re« 
tourner  dans  fa  miférable  patrie,  lui  fit  rejetter  tous  ces 
^avantages  *.  Vous  yoyez  tout  ce  qu'il  a  perdu  pour  Ith* 
aque,  qu'il  n'a  pu  revoir.  Il  voulut  me  quitter,  il  par- 
tit, et  je  fus  vengée  par  la  tempère.  Son  vaifieau,  au- 
près avoir  été  loog-tems  le  jouet  des  vents,  fut  énfeveH 
dansJes  pndcs.  .  Profitez  d'un  fi  triile  exemple.  Après 
ion  naufrage  vous  n'avez  plus  rien  à  efpérer,  ni  pour  le 
-revoir,  ni  pour  régner  jamais  dans  l'île  d'Ithaque  après 
,  lui.  Confolez<vous  de  l'avoir  perdu,  puifque  vous  trou« 
vcz  une  Divinité  prête  à  vous  rendre  heureux,  et  un. 
royaume  qu'elle  vous  offre.  La  Déefie  ajouta  à  ces  pa^  ^ 
Toles  de  longs  difcours,  pour  montrer  combien  Ulyfle  a-  ' 
voit  été  heureux  auprès  d'elle.  £lle  raconta  fes  avan« 
tures  dans  la  caverne  du  Cyclope  Polypheme  f,  et  chez 
Antiphates  Roi  des  LeDrigons  %.     £lle  n'oublia  pas  ce 

qui 

*  La  caufe  de.  fon  impatience  étolt  fon  amour  pour  fa 
femme  Penrlope,  dont  l'image  l'occupoit  nuit  et  jour.    H 
I*aimoit  fi  éperdument,  qu'il  contrefit  l'infenfé,  pour  ne  - 
pas  aller  au  fiege  de  Troie  j  mais  fa  rufe  fut  découverte» 

f  Ou  peut  voir  dans  le  pme  livre  de  l'Odyfîee  la  dtC' 
cription  de  cette  caverne,  qui  étoic  dans  la  Sicile  :  Conif 
ment  Ulyfie  et  fes  campagnons  s'y  trouvèrent  enfermés  : 
De  quelle  manière  ils  crevèrent  l'oeil  au  géant  PoIy« 
pbeme,  après  avoir  lié  fes  forces  par  le  vin  ;  et  corne 
ment  ils  en  fortirent,  en  fe  liant  eux*mêmes  fous  le  ven* 
tre  des  plus  forts  béliers  de  fon  troupeau. 

j:  Les  Lefirigons  fèfoient  leur  demeure  dans  la  ville 
de  Lamus,  anciennement  Formies,  fur  la  côte  de  la 
Campanie  ^  on  croit  qu'ils  avoietit  auparavant  habité  la 
Sicile.  Leur  nom  figliifie  dé^rateur^  étant  tiré  de  laha^ 
ma,  qui  veut  dire  dévorer.  Ulyfie  perdit  chez  eux  quel- 
ques uns  de  fes  compagnons,  qui  kirent  dévorés  par  ces  . 
peuples.    Od^/f,  liv,  lo. 


TELEMACLÛÉ,  tAv.L 

qtà  lui  .étmt  artivé  dans  Tile  de  CÎTcé  fiUe  du  Soleil  •; 
et  les  dangers  qa?ii  ayoit  covrus  entre  Scylle  et  Charyb* 
de  *{-.  Elle  repréfenta  la  dernière  tempête  que  Neptune 
avoit  excitée  contré  lai,  quand  il  partit  d^auprès  d^elle. 
£lie  Toulùt  faire  entendre  qu'il  étoit  péri  dans  ce  nau- 
frage, et  elle  fupprtifaa  fon  arrivée  dans  l^ile  des  Phéa- 
cieas  j:. 

Téiédiaqae,  qui  Vétoit  d'abord  abandonné  trop  promp* 
tement  à  la  jme  d*etre  fi  bien  traité  de  Calypfo,  Recon- 
nut enfin  finr  artifice^  et  la' faiçefife  d€5  conieils  que  Men- 
tor vènott  db  loi  donner.  Il  répondit  en  peu  de  mots  : 
O.  Déeffe,  pardonnes  à- idadbttleur.^  Maintenant  je  ne 
pois  que  ni^affliger*  Peut-être  qurdans  la  fuite  j*aural 
plus  de  force  pour  goûter  la  fortune  que  vou9'niV>ftrez.' 
Laîflez-moi  en  ce  moment  pleurer  ztion  père:  Vous  fa« 
rez  mieux  que  ihoi  combieir  il  mérhè  d^étre  pleuré. 

Calypfo  n'ofa*  d^abotd'  le'  prefier  davantage.  Elle 
fergoît  même,  d^êntrer  daUs- fa  douleui-,  et  de  s'attendrit 
pour  UfyEe;*  Ilidis  pour  intènjc  connokrê  les  moyens  de 
toucher  le  cdStir  du  jeune  hdtnme,  elle  lui  demanda  com- 
ment il  av^oit  fait  naufrage,  et  par  quelles  ava»tu,Fes  il 
étott  fur  fc s  côtes.  Lé  récit  ('*  mes  malheurs;  dit-il,  fç- 
pok  trop  long.     Non,  non,    tépondit-ellej  il-  me  tardé 

F  3  de 


•  Lnie  de  Giréé  s'iippelloît  JEœa  on  C^teij  qui  efti 
tfne  montagne  fort  voifîhede  Fdrmies  ;  Hbmere  l'appelle 
ùh  île,  parce  que  la:  mer  et  ks  marciis  qui-  l'environnett-t 
fcn  fcJnt  une  prefquc  ile.     Les  coitjpagnons^d*Ulyffe  y*fu* 
rent  changés  en' pourceaux".     lèid,  /ivi  12» 

•f  Scylle  et  Gharybde  font  deux  roches  pUcés  à:  l'entrée 
dxl  détroit  de  là  Sicile,  du  càté  de  Pelore  j  la  î.  fur  la- 
côte  d'Italie,  et  h  2;  fur  celle  de  Sicile^  Cétoicnt  aa- 
tredrtcm^ot  dés  ëcuciîs  fort  dangereux  à  caotc  de  la 
qualité  des  vaifîeaux  qu'on  avoît  alors,  mais  on  s'en  mo- 
ulue aujourd'hui  que  la  navîgiation  efl  beaucoup  plus  per- 
feâionée.    Ulyffe  y  perdit*  encore  fix  de  ces  eompàgûoas. 

-  J  L'île  des-  Phéacièns  eft  GorCyre  ou  Corfou,  appellée 
sÀciennement  Scberte,  Elle  eft  vis-à-vis  du  continent 
d'Epi re.  Les  Phehiciens  l'avoitnt  nomriiée  Schârie  de 
Jcharay  qui  fignifie  Heu  de  négoce. 


66     "      ~    AVANTURES    DE. 

ie  Us  fa  voir,  hâtez- vons  de  inc  le»  raconter.  Elle  le 
prefTa  long-tems.  En&a  il  ne  put  lui  réfidec,  et  xi  {mrl» 
ainfl  : 

.   J^étois^arti  d^Ithaque  poar  aller  demander  aux^utres» 
Rois  revenus  du  fiége  de  Troie,  des  nouvelles  de  motx. 
père.     Les  aroaats^  de  ma  mère  Pénélope  furent^  furprisi 
de  mon  départ  *.  J*avois  pris  foin  de  le  leur  cacher,  con* 
nojffant  leur  perfidie.     Neftor  fi  que  jr  vis  à  Pylo»^  m 
Mèneras  j:,  qui  me  reçut  avec  amitié1dan«  Lacedenaone^ 
ne  purent  ra'apprendre  fi.  mon  père  étoit  encore  en  vie» 
Lafle  de  vivre  toujours  en  furpens  et  dans  IHneertitude^ 
je  roerefolus  d^aller  dans  la  Sicile,  oùj*avoi»oui  dire 
que  mon  père  avoit  été. jette  par  les  vents.     Mats  le  fâge 
Mentor,  que  vous  voyez  ici  préfent,  s'bppofoit  à  ce  té* 
xnéraire  deflein.     Il  me  repréfentoit  d'un  coté  les  Cj-^ 
clopcs,  géants  monilreux  qui  dévorent  les  homAieS  ;  de 
l'autre  la  flotte  d'£née  et  des  Trqyens,  qui  étoient  fur- 
ces  côtes.     Ces  Troyens,  difoit-il,  font  animés  contre 
tous  les  Grecs  :  maïs  furtout  ils  répandroient  avec  plaifîv- 
le  faog  du  £]s  d'Ulyfle.     Retournez,  conttnuoit-il,  en 
Ithaque;  peut-être  que  votre  père,  aimé  des  Dieux,  y 
£trB.  audîtôt  que  vous.     Mais  û  les  Dieux  ont  réfolu  fa 
perte,  s'il  ne  doit  jamais  revoir  fa  patrie,  du.  moins  il 
£aut    que  vous   alliez  le  venger,  délivrer  votre    mère,, 
montrer  votre  fagefle  à  tous  les  peuplés,  et  faire  voir  en 
vous  à  toute  la  Grèce  un  Roi  au (11  digne  de  régner,  que 
le  fut  jamais  UiyiTe  lui-même.     Ces  paroles -étoient  ralù*-- 
taires  ;    mais  je  n'étois  pas  aflez  prudent  pour  les  écou» 
ter.     Je  nMcouiai   que    ma  piidion.     Le  fage   Mentoc 
m*ainia  jufqu^à  me  fuivre  dans  un  voyage  téméraire  que  ' 
jVntreprenois  contre  fes  confeilsj  et  les  Dieux  permi» 

sent 

*  L'Extrême  beauté  de  Pénélope  avoit  attiré*  auprès 
d^elIe  pluQeurs  princes,  qui  prétendoient  l'epoufer,.  croy- 
ant ULyfTe  mort. 

f  Nelior,  fils  de  Nelée  et  de  Chloride,  fut  un  des 
Rois  qui  allèrent  au  fiége  de  Troie  y  il  y  mena  une  flotte 
de  XC  vaiflèaux. 

i  Menchs  étoit  fils  d*A.trée  et  d'iEurope  :•  il.  avoit 
cpoufé  Hélène,  fille  de  Jupiter  et  de  Lcda,  doût  Vea^ 
levcmcnt  fut  caufe  de  la  guèrtc  de  Troie, 


vmt  <fM  je  fifle  une  ùute,  qm  devoit  femr  h  me  corri* 
^er  de  ma  préfomption* 

Pendant  que  Télémaque  parlott,  Çaljpfa  regardoît 
Mentor.  £lle  étoit  étôonée  :  elle  croyoit  fentir  en  lui 
«luelqne  cfaqfe  de^  divin  :  nais  elle  ne  pouv-oit  démêler 
les  penfées  confîifes.  Aînû  elle  demeuroit  pleine  de 
crainte  et  de  défiance  à  la  vue  de  cet  inconnu.  Alote 
elle  appréhenda  de  lâfier  voir  Ton  trouble.  Continueaw 
^it-elle  à  Télémaquei  et  fatisfaites-  ma  curiofité*  Télé- 
maque tef^it  aînii  : 

Noos  eûmes  aflez  Ibng-tems    un  vent  favorable  pour 
ftUer  en  Sicile  ;  mais  enfulte  une  noire  tempête  déroba 
le  ciel  tt  nos  yeux,  et  nous  fumes  enveloppés  dans  une 
profonde  nuît»^    A  la.  lueur  des  éclairs  nous^  apperçumee  • 
4'autres  vaiff«auz  expofés  au  même  péril,  et  nous  recon- 
xnimes^  bientôt  que  c'étoicnt  les  vaiflèaux  d*£oée.     lia 
B^étoient  pas  moins  ^  craindre  pour  nous  que  les  ro- 
chers.    Alors  je  comftt'îs,  mais  tr<^  tard,  ce  que  Ta»- 
deos  d'une  jeuneffie  imprudente  m^avoit  empêché  de  cox»« 
fidérer  attentivement.   Mentor  parut  dans  ce  danger,  non 
feulement  ferme  et  intrépide,  mais  encore  plus  gai  q\x%' 
Vordinaire.    C'étoit  lui  qui  m'^eocouiageoit.     Je  lentois 
qu'il  m'iorpiroit  une  force  invincible.     11  donnoit  tran« 
quillement  tous  les  ordres,  pendant  que  le  pilote  étoîc 
troublé*     Je  lui  diCbi»  :  Mon  cher  Mentor,  pourquoi  ai* 
je  refufé  de  fuivre.  vos  confeils  ?  Ne  fuîs-je  pas  malheu* 
leox  d'avoir  voulu  me  croire  moioroeme  dans  un  âge  où 
l'on  n'a  ni  prévoyance  de  l'avenir,    ni    expérience  du- 
paiTé,  ni  modération  pour  ménager  le  préCent  ?  0>!  fi  j»« 
mais  nous  échappons  de  cette  tempête  je  me  défierai  de 
moi-même  comme  de  mon  plus  dangereux  ennemi»  C'eil 
vous,  Mentor,  que  je  croirai  toujours^ 

Mentor  en  fouriant  me  répondit  :  Je  n'ai  garde  de 
vous-  reprocher  la  faute  que  vous  avez  faite,  il  fufEt 
que  vous  la  fentiea,  et  qu'elle  vous  fcrve  à  être  une  autre 
~  ^is  plus  modelé  dan^  vos  defirs  \  mai$  qiaand  le  pétil 
fera  pafTé,  la  prefomption  reviendra  peut-être.  Mainte- 
nant, il  faut  fe  foutenir  par  te  courage.  Avant  que  de 
fc  jetter  dans  le  péril,  îl  faut  le  prévoir  et  le  craindre. 
Mais  quand  ou  y  eft,  il  ne  rede  plus  qu'à  le  méprifer* 
Soyez  donc  le  digne  fils  d^Ulyfie,  uiontrez  un  coeur  plas 
grand  que  tous  les  maux  qui  vous  menacent. 

La 


68  .  AVANTU'RES   BÊ 

La  doacèizr  et  le  cwiitLg^  du  fagé.Meiitôt  me  cfa»r  mér^ 
ent.     Maïs  je  fus   encore  bien  plus  furprîs,  quand  jer 
tis  avec   quelle  adJreffe  il  nous  délivra  des  ^^ïoyéas^ 
Da^s  le  moment  où  le  ciel  commençott  à  s'éclaircxr,  et 
DÛ  les  Troyens  nous  voyant  de   près^  n'aiiroient   pas 
manqué  de  nous  reconnokre,  il  remarqua:  un  de  iearè 
vaifleauxt  qui  était  prefqoe  ^mblable. au  nôtre,    et   quer 
ItL  tempête   a  voit  écarté  \  la  poupe  en  et  oit  couronnée" 
«de  certaines  âeturs.     Il  fe  hâta  de  mettre  fnc  notre  poUf  c^ 
des  couronnes  de  fleurs  feroblables.     Il  les  attacha  lui- 
même  avec  des  bandelettes  de  la  même  coolenr   que 
celles  des  Troyens.     Il  ordonna  à  tous  nos  rameucs  de^ 
le  baiiTér  le  plus  quHh  poûrroient  k  long  de  leurs  bancS| 
pour  n^être  point  reconnus  de»  ennemis*  £1)  cet  état  noua^^ 
paffames  au  milieu  de  leur  âotte»  il»poufsèrent  des  crl&^ 
-de  joie  en  non's  voyant,  comme  en  voyant  les  compag^'* 
nôns  qu'ils  avoient  cru  perdus.     Nous  fàmes  mâdK  con- 
-traints  par  la  vîblence  de  la  mer  d'aller  afiez  loojç-tem» 
avec  eux.     Ënlin  nous  demeurâmes  un  peu  derviete  ^  et 
pendant  que  les  vents  impétueux    les  pouflbient   ver^ 
l'Afrique^  nous  fîmes  les  derniers  efforts  poo^r  aborder  à^ 
force  jde  rames  fur  la  c6te  voifiiie  de  Sicile.  ' 

Nous  y  arrivâmes  en  effet.     Mais  ce  que  now?  cher- 
chions n^étoit  guères  moins  funeile  que  la  fk>tte  qui  notK* 
fcfoit  fuir.     Nous  trouvâmes  fur  cette  tôte   de  Sicile 
d'autres   Troyens  ennemis   des  Grecs  ;    c'étoit-1^    qmc 
regnoit  le  vieux  Acefte  f  forti  de  Troie.  A  peine  fiitties- 
nous  arrivés  fur  ce  rivage,  que  les  habitants  crurent  que' 
^nous   étions,  ou  d'autres   peuples  de  l'île  armés   pour 
les  fiirprendre,  ou  des.  étrangers  qui  venoient  s'emparer 
de  leurs  terres,     lia  brurent  notre  vaifleau  dans  le  pre- 
mier emportement,  ils  égorgent  tous  nos  compagnons  >- 
ris  ne  refervtnt  que  Mentor  et  moi^  pour  noua  pré£eoter 
%  Aceile,  aÊn  qu'il  pût  fa  voir  de  nous  quels,  étoient  nds^ 
'deiTeins,  et  d  où  nous  venions.     Nous   entrons  dans  k^ 
ville  les  mains  liées  derrière  le  dos^*  et  notre  mort  n'é» 

toit 


f  Acelle  fils  de  Crinîfe,  fleuve  de  Sicile,  et  d'Egefte, 
Dame  Tro^ennc.  11  re^ut  chez  lui  Anchife  et  £«éc 
loirqu^ils  allaient  en  Italie.     Vir^ii^  Eneùi.  liv*  5. 


T  E  L  E  M  A  Q^U  E,  LÎ7. 1.  €9 

tcnt  retardée  que  pour  nous  faire  fervir  de  fpeé^acle  li  un 
peaple  cruel,  quand  on  fauroît  que  nous  étions  Grecs. 

On  nous  préfenta  d'abord  1^  Acefte,  qui,  tenant  foa 

Sceptre  d'or  en  naîo,  jugeoît  les  peuples,  et  fe  prépa« 

roît  à  un  grand  facriSce.     11  nous  demanda  d'un  ton 

ievere  quel  étôit  notre  pays,  et  le  fujet  de  notre  voyage. 

Mentor  fe  bâta  de  répondre,  et  lui  dit  :    Nous  venons 

des  côtes  de  la  grande  Hefperie,  et  notre  patrie  nVil  pas 

loin  de  là.     Ainii  il  évita  de  dire  que  nous  étions  Grecs. 

Maïs  Acefie/fans  ré.couter  d'avantage,  et  nous  prenant 

pour  des  étrangers  qui  cachoient  leur  deCein,  ordonna 

qu'on  nous  envoyât  dans  une. furet  voifîne,  où  nous  fer« 

virions  en  efclaves  fous  ceux  qui  gouvernoient  fes  trou* 

peaux.    Cette  condition  me  parut  plus  dure  que  la  mort. 

Je  m'écriai  :    O  Roi  !    faites  nous  mourir  plutôt  que  de 

nous  traiter  fi  indignement.     Sachez  <que  je  fuis  Télé- 

maque  fils  du  fage  Ulyfie  Rot  dti  Ithaciens  :  je  cherche 

mon  père  dans  toutes  les  mers  $  fi  je  ne  puis  le  trouver, 

ni  retourner  dans  ma  patrie,  ni  éviter  la  fervitude,  ôlez 

.moi  la  vie  que  je  ne  faurois  fupporter. 

A  peine  eus-je  prononcé  ces-4Qaots,  que  tout  le  peuple, 
ému  s'ecrîa  quUl  faloit  faire  périme  fils  de  ce  cruel  U- 
lyâe,  dont  les  artifices  avoient  renverfé  ia  ville  de  Troie. 
O  fils  d'Ulyfle  !   médit  Acefte,  je  ne  puis  refufer  votre 
fdog  aux  mânes  de  tant  de  Troycns  que  votre  père  a 
précipités  ûir  les  rivages  du  noir  Cocyte  ^   vous,  et  ce- 
lui qui  vous  mené,   vous  périrez.     En  même-tcms^  un 
vieillard  de  la  troupe  profofa  au  Roi  de  nous  immoler 
fur  le  tombeau  d'Anclïife  f .     Leur  fang,  difoit-il,  fera 
agréable  à  Tômbre  de  ce  héros  :  Enée  même,  qu-and  il 
faura  un  tel  fàcrifîce,  fera  touché  de  voir  combien  vous 
aimez  ce  qu'il  âvoit  de  plus  cher  au  monde.     Tout  le 
peuple  applaudît  à  cette  propofition,  et  on  ne  (bnirea 
plus  qu^à  nous  immoler.     Déjà  on  nous  menoit  fur  le 
tombeau  d'Anchife  :    on  y  avoit  drefifé  deux  autels^  où 
le  feu  facré  étoit  devant  nos  yeux  ^  on  nous  avott  cou- 
ronnes de  âeurs^  et  ni^le  coœpafiioa  ne  pouvoit  garantir 

nottx 


f  Le  tombeau  d'Anchife  étoit  fur  le  Mont  Eryce>  cet 
furent  Acede  ttt  Enée  qui  l'y  enfevelirent. 


^9  AVANTURESDE 

notre  m«    G*étoît  fah  dé  bou»^  quand  Medfor  tietn^ir* 
dant  tranquillement  à  parler  au  Rcâ,  fut  dit, 

O  Aceàe  2  file  malheur  du  jeune  Télémaque,  qui  n'a 
jamais  porté  les  armes  contre  les  Troyens^  ne  peut  vous 
toucher,    du    moins    que    votre   propre   intérêt     vous 
touche.     La  fcîence  que  j^ai  acquîfe  des  {tréfages   c:t  de 
la  volonté  des  Dieux,  me  fait  coUBoilre  qu^avant   que 
trois  jours  foieut   écoulés»   vous  ferez,  attaqué   pur  dea 
peuples  barbares^  que  viennent  comme  un  torrent  du 
haut  des   montagnes  *  pouc  inoqder  vbtre  ville,  et  pour 
ravager  tout  Votre  pay».     Hâtez-Vous  de  les  prévenir  s 
mettez  vo^  peuples  fous  ks  armes»  et  ne  perdes  p«4  uts 
momeAt   pour   retirer  au-dedaus  de  vos    murailles    le» 
fiches  troupeaux  que  vous  avez  dani  la  campagne.      Si 
ma  prédié^îon  eft  faufîe,  vous  ferez  libre  de  nous  immo- 
ler dans  trois  jours  ^    fi  au  contraire  elle  eft  véritsible-, 
fouvenez-vous  qu'on  ne  doit  pat  ôter  ki  vie  à  ceux  de 
qui  on  la  tient. 

AceAe  fut  étonné  de  ces  paroles,  que  Mentor  lui  dî^ 
foit  avec  une  aiTurance  qu^il  h^avoit  jamais  trouvée  es 
aucun   homme.     Je   vois  bien,  répondit- il,  ô  étranger, 
que  les  Dieux  qui  vous  ont  d  mal  partagé  pour  tous  les 
dons  de  la  fortune^  vous  ont  accordé  une  fageffe  qui  eft 
plus  eillmable  que  toutes  les  profperités.   £n  même-tems 
il  retarda  le  facrifîce,  et  donna  avec  diligence  les  ordres^ 
néceffaires  pour  prévenir  Pattaque,  dont  Mentor  l'avoit 
menacé.     On  ne  voyoit  de  tous  cotés  que  des  femmes 
tremblantes,    des .  vieillards  êourbés,   de   petits  enfants- 
les  larmes  aux  yeux,  qui  fe  retirotent  dans  la  ville.    Les 
bœuffs   mugiflants  et  les   brebis   bêlantes   venoieUt    en 
foule,  quittant  les  gras  pâturages,  et  ne  pouvant  trouver 
afTez  d^étables  pour  être  mis  à  couvert.  C'étoit  de  toutes 
parts  des  bruits  confus  de  gens,  qui  (e  po^fibient  les  uns 
les  autres,   qui  ne   pouvoient  s'entendre,  qui  prenoient 
dans  ce  trouble  un  inconnu  pour  leur  ami,  et  qui  conroient 
fans  favoir  où  tendoient  leurs  pas.     Mais  les  principaux 
de  la  viile^  fe  croyant  plus  fages  que  les  autres,  s4magi^ 
noient  que  Mentor  étoit  un-impoticur,  qui  avoû  fait  une 
faufle  prédîétion  pour  fauver  fa  vie. 

Avant  la  fin  dû  troifîemé  jour,  pendant  qu'ils  é« 
loient  pleins  de  ces  penfées,  on  vit  fur  le  penchant  des 
montagnes  voifines  un  tourbillon  de  pôuffiere  >    puis  -on 

apperçut 


T  E  L  E  M  A  QJJ  E,   LIv.  I.  ft 

appetçBt  une  troupe  kinombrable  de  barbares  armés; 
C'étoîent  les  Hîménens  *,  peuples  féroees,  avec  les  na- 
tions qui  habitent  far  les  monta  Nebsodes,  et  fur  le  fom-i 
taet  d*Jigng^s,  où  règne  un  hjrer  que  kg  Zepliyrs  n'ont 
}aixiaîs  ailoucî.  Ceux  qui  avotent  foéprifé  la  prédi|B]on 
de  Mentor,  perdirent  leure  elclaves  et  leurs  troupeaux. 
Le  Roi  dît  à  Mentor,  J ^oublie  que  ¥ous  êtes  des  Grecs  ; 
nos  ennemis  deviennent  nos  amis  fidèles;  les  Dieux  vous 
ont  envoyés  pour  nous  fauver  :  je  nVttendi  pas  moins  de 
votre  valeur  oue  de  la  fagefie  de  vos  oooCeils  \  hàcez« 
vous  de  nous  iecourir* 

IkCentor  montre  (hms  fes  yeux  une  audace  qui  étonne 
les  plus  fiers  combatants.  11  prend  un  boucUer,  on  caf* 
que,  une  épée,  une  lance  :  il  range  les  foldats  d'Acefte  : 
11  marche  à  leur  tête,  et  s'avance  en  bon  ordre  vers  les 
enj^emis.  Aceile,  quoique  plein  de  'courajge,  ne  peut  dans 
{a  vieîlleffe  le  fuivre  que  de  loin.  Je  le  mis  de  plus  près  s 
Biais  je  ne  puis  égaler  fa  valeur.  Sa  cuiralTe  refembloit 
dans  le  combat  à  l'immortelle  £gide  f  •  La  mort  cou* 
roit  de  rang  en  rang  par-tout  fous  les  coups.  Sem- 
blable à  un  lion  de  Numidie  que  la  cruelle  fa^ime  dévore, 
et  quj  entre  dans  un  troupeau  de  £oîbles  brebis,  il  de« 
chire,  il  -égorge,  il  nage  dans  le  iang  }  et  les  bergers, 
loin  de  fecourir  le  troupeau,  fuyent  tremblants,  pour  fe 
dérober  à  fa  ÎFureur. 

Ces  barbares,  qui  cfpéroîent  de  furprendre  la  ville, 
furent  eux-mêmes  furpris  et  déconcertés.  Les  fujets 
d*  Aceile,  amenés  par  l'example  et  par  les  paroles  de 
Mentor,     eurent  une  vigueur  dont  ils  ne  fe  croyoîent 

point 


*  La  Ville  d'Himere  étoît  en  Sicile,  au  couchant  du 
fleuve  de  même  nom.  Elle  fut  très  HorifTante  pendant 
cent  quarante  ans,  au  bout  defquels  elle  fut  •  ruinée  par 
les  Carthaginois  fous  la  conduite  d^Annibal,  environ 
quatre  cents  ans  avant  J.  C. 

f  L'Egide  étoit  le  bouclier  de  Jupiter,  ainfi  nomme 
d'un  mot  Grec,  qui  flgnifie  chèvre^  parce  que  ce  Dieu  fut 
nourri  par  la  chèvre  Amalthée,  et  qu'il  couvrit  cnfuite 
fon  bouclier  de- fa  peau.  11  le  'donna  depuis  à  Pallas, 
qui  y  attacha  la  tête  de  Medufe,  dont  le  fcul  afpc6l  mé- 
tamorphofoit  les  hommes  en  rochers, 


»j2  AVANTURES   DE 

point  capables.     De  ma  la^e  je  renverfai  le  fiTs  du  Roî 
de  ce  peuple  ennemi  :  îl  écoit  de  mon  %gt^  mais  il  et  oit 
plus  grand  que  moi,  car  ce  peuple  Tenoit  d^une   race   de 
géants,  qui  etoient  de  la  même  origine  quje  les  Cyclopes. 
Jl  méprifoit  un  ennemi  auffi  foible  que  moi  :    mais   fans 
m^étonher  de  fa  force  prodigieufe»  ni  de  fon  air   fauvage 
et  brutal,  je  pouffai  ma  lance  contre  fa  poitrine,  et  je  lui 
fit  vomir  en  expirant  des  torrents  d^un  fang  noir.      Il 
penfa  m'écrafer  dans  fa  chute.     Le  bruit  de  fes   armes 
retentit  jufquVux  montagnes.     Je  pris  fes  dépouilles,  et 
je  revins  trouver  AceQe.  Mentor  ayant  achevé  de  mettre 
ks  ennemis  en  défordre,  les  tailla  en  pièces,  et  pouiTa  les 
fuyards  jufque  dans  les  forêts. 

Un  fuccès  fi  inefperé  fit  regarder  Mentor  comme  ua 
bomme  chéri  et  infpiré  des  Dieux.     Acefle  touché  de 
reconnoiifance   nous  avertit,    qu'il  craignoit  tout  pour 
nous,  fi  les  vaifleaux  d^Enée  revenoient  en   Sicile.      11 
nous  en  donna  un   pour  retourner  fai!s  retardement  en 
notre  pays,  nous  combla  de  préfents,  et  nous  prefia   de 
partir  pour  prévenir  tous  ks  malheurs  qu'il  prévoyolt» 
Mais  il  ne  voulut  nous  donner  ni  un  pilote  ni  des  ra- 
meurs de  fa  nation,  de  peur  qu'ils  ne  fuifent'trop  expo- 
fés  fur  ks  côtes  de  la  Grèce.     Il  nous  donna  des   mar- 
chands Phéniciens,  qui  étant  en  commerce  avec  tous  les 
peuples  du  monde,  n'avoient  rien  h.  craindre,  et  qui  dé- 
voient ramener  le  vaiiTeau  à  Acede,  quand  ils  nous  au- 
rolent  laides  en  Ithaque  :    maïs  Itis  Dieux,  qui  fe  jouent 
des  dt  (Teins  des  hommes,   nous  réfervoîent  à  d^iuirov 
dangers. 

Fin  du  Premier  Livre, 


LIVRE 


TELEMAQJJE.    Lîv.  IL    -        73 

LIVRE     SECOND, 

Télemaque  raconte^  ^qu*'ti  fut.  pris   dans  le  vciffhau  Tyriett 

:/»ar  ia  Jlotte  dt  Sefoftris^   et  emmené  captif  en   Egyi'fe. 

Il  dépeint  la  teavté  de  ce  pays^  et  la  faf^ejjc  du  ir-uvcr- 

fument    de  fin    Rot,     Il  ajoute ^  que  Mentor  fut  envoyé 

efcloroe  en  Ethiopie  ;  que  lui-même  Télemaque  fiât   réJuli 

à  conduire  un  troupeau  dans  le  defert  dH)ajis  ;  que   Ter^ 

mofirts   prêtre   d^Apolloti  le  confola^  en  lui  apprenant  à 

imiter  J^poUon^  qui  avoit  été  autrefois  berger  cke%  le  Rot 

^dmete  ;    que   Sefoflris   avoit   enfin  apris  tout  ce   qu'ail 

fefoît    de  merveilleux  parmi  les  bergers;   qu'ail  l^avcit 

rapelléy  étant  perfuadé  de  fon  innocence ^  et    lui  avoit 

promis  de  le  renvoyer  à  Ithaque  :  mars  que  la  mort  de  ce 

Roi  l^cpooit  replongé  dans  de  nouveaux  malheurs  :  qu'ion 

le    mit   en  prifon  dans  vne  tour  fur  le  lord  de  la  mer^ 

"d^où   i/  vit  h  nouveau   Roi  Bocbons-  qui  périt  dans  wt 

combat  contre  frs  ftfjets  révoltés  et  fe courus  par  les  Ty^ 

riens* 

LESTyricns,  par  leur  fierté,  avoicnt  irrité  contre  eux 
le  Roi  SefoÂris,  qui  regnoit  en  Eo;ypie,  et  qui  avoîc 
conquis  tant^de  royaumes.  Les  rîcheffc»  qu'ils  ont  ac- 
qui.fes  par  le  commerce,  et  la  force  de  l'imprenable  ville 
de  Tyr,  iîtuée  dans  la  mer,  avoient  enflé  le  cœur  de  ce.i 
peuples.  Ils  avoient  refulé  de  payer  à  Sefoftris  le  tribut 
qu"*!!  leur  avoît  impoic  en  revenant  de  Tes  conquêtes  ;  et 
ils  avoient  fourni  des  troupes  à  Ton  frère,  qui  avoit  youlii 
le  maffacrer  à  fon  retour,  au  milieu  des  réjou  ffanccs 
d'un  grand  feilin. 

Selbftris  avoit  réfolu,  pour  abattre  leur  orgutîl,  de 
troubler  leur  commerce  dans  toutes'les  mers.  Ses  v.îif- 
fcaux  al'oieut  de  tous  cô.és  cherchant  les  Phenicicni. 
Une  flotte  Egyptienne  rods  rencontra,  comme  noui» 
commencions^  p^rdre.de  vue  les  montagnes  de  la  S:c!l  . 
Le  port  et  la  terre  fcmbloient  fuir  derrière  nous,  e:  fc 
perdre  dans  les  nues.  En  Tnêm-e-tcms  nous  voyons  ap- 
procher les  navires  des  Egyptiens  feaiTalables  à  une  vliii 
tlotante.  Les  l"heni(-icns*ies  reconnurens,  et  v^  u'urent 
s'tn  éloigner  :.  mais  il  n'étoit  plus  tcms,  L  urs  vo  îfs 
•cuieiit  meilleures  que  les  p^'^TeS;  le  vent  ks  favoriloit  ; 

G  '  '       ie-u-ts 


74  AVANTURES    DE 

leurs  rameurs  étoient  en  plus  grand  nombre.  Ils  nous 
abordent,  nous  prennent,  et  nous  emmènent  prifonniers 
eu  Egypte. 

En  vain  je  leur  repréfentai,  que  nons  n^étions  pas 
Phéniciens  :  à  peine  daignèrent  ils  ra^écouter.  Ils  nous 
regardèrent  comme  des  efclaves  dont  les  Phéniciens  tra- 
fquoient,  et  ils  ne  fongerent  qu^au  profit  d^une  telle  prife. 
Déjà  nous  remarquons  les  eaux  de  la  mer  qui  blanchif- 
ff  nt  par  le  mélange  de  celles  du  Nil,  et  npus  voyons  la 
côte  d^Egypte  prefqùe  aufll  bafle  que  la  mer.  Enfuîte 
nous  arrivons  à  Hle  de  Pharos,  voiine  de  la  ville  de  No. 
De  là  nous  remontons  le  Nil  jufqu^^  Memphis. 

Si  la  douleur  de  notre. captivité  ne  nous  eût  rendus  in* 
fenfibles  à  tous  les  plaifîrs,  nos  yeux  auroient  été  charmés 
de  voit'  cette  fertile  terre  d'Egypte  femblable  à  un  jardin 
délicieux  arrofé  dVn  nombre  infini  de  canaux.  Nous 
ne  pouvions  jetter  les  yeux  fur  les  deux  rivages,  fans 
appercevoir  des  villes  opulentes,  des  maifons  de  cam- 
pagne agréablement  fituées,  des  terres  qui  fe  couvroiedt 
tous  Us  ans  d^une  moliTon  dorée  fans  fe  répofer  jamais, 
des  prairies  pleines  de  troupeaux,  des  laboureurs  qui, 
étoint  accablés  fous  le  poids  des  fruits  que  la  terre  épan* 
choit  de  fon  fein,  des  bergers  qui  fefoient  répéter  les 
doux  fons  de  leurs  flûtes,  et  de  leurs  chalumeaux  à  (ous 
les  échos  d'alentour. 

Heureux,  difoit  Mentor,  le  peuple  qui  e(l  conduit  par^ 
un  fage  Roi  !  il  eft  dans  Pabondance  ;  il  vit  heureux,  et 
liime  celui  à  qui  il  doit  tout  fon  bonheur.  C^elt  ainfi,  . 
:ijoutoit-il,  ô  Télémaque,  que  vous  devez  régner,  et 
faire  la  joie  de  vos  peuples,  ù  jamais  les  Dieux  vous 
font  pofieder  le  royaume  de  votre  père.  Aimez  vos 
peuples  comme  vos  enfants,  goûtez  le  plaiilr  d'être  aimé 
d'eux,  et  faites  qu'ils  ne  puiflent  jamais  fentir  la  paix  et 
la  joie,  fans  fe  rcflbuverir  que  c'eft  un  bon  Roi  qui  leur 
a  fait  CCS  riches  préfents.  Les  Rois  qui  ne  fongent  qu'à 
fe  faire  craindre,  et  qu*à  abattre  leurs  fujcts  pour  Its 
rendre  plus  fournis,  font  les  fléaux  du  genre  humain.  Ils 
font  craints  comme  ils  le  veulent  être  \  mais  ils  font  haïs, 
détedés  V  et  ils  ont  encore  plif»  à  craindre  de  leurs  fujets, 
que  leurs  fujets  n'ont  à  craindre  d'eux. 

Je  rèpondois  à  Mentor,  Hélas  I  il  n'eft  pas  quefiicn 
de  k>nger  aux  maximes  fulvant  Icfquelles  on   doit  reg« 

ncr. 


TELEMAQJJE.    Lîr,  II.  75 

ner.  Il  n^y  a  plus  d^hbaque  pour  iious>  nous  ne  re« 
verrons  jamais  ni  notre  patrie  ni  Pénélope  :  et  -quand 
même  Ulyfîe  retourneroit  plein  de  gloire  dans  Ton  roj« 
aoxne,  il  n'aura  jamais  la  joie  de  m'y  Toir  ;  jamais  je 
n'aurai  celle  de  lui  obéir  pour  apprendre  à  commander. 
MauTons,  men  cher  Mentor,  nulle  autre  penfée  ne  nou»  ' 
eéi  plus  pcrmife  ;  mourons»  puîique  les  *Dîeux  n'ont  au- 
cune pitié  de  nous, 
.  £n  ferlant  aiafi,  de  profonds  (aupirs  entrecoupoient 
ttutes  mes  paroles.  Mais  Meo^or,  qui  craïu^noit  les  maux 
avant  qu'ils  arrivaSent,  ne  favoit  plus  ce  que  c'étoit  que  . 
de  les  craiodre  dès  qu'ils  étoîcnt  arrivés.  Indigne  iils 
du  faige  UlySe,  s'écrioit-il  i  Qnoî  donc,  vous  vous  laiilez 
vaincre  à  votre  malheur  !  Sachez  que  vous  revérrez  un 
jour  Pile  d'Ithaque  et  Pénélope  :  voua  verrez  même  dans 
h  première  gloire  celui  que  vous  n'avez  janws  connu, 
l'i&vincihle  Ulyfle,  que  la  fortune  ne  peut  abatre»  et  qui, 
dans  fes  malheurs  encore  plus  grands  que  les  vôtres,  voua 
apprend  à  ne  vous  décourager  jamais.  O  !  s^il  pouvoit 
apprendre  dans  les  terres  éloignées  où  la  tempête  Ta  jette,- 
que  £00  fils  ne  fait  imiter  ni  fa  patience  ni  fon  courage, 
cette  nouvelle  l'accableroit  de  honte,  et  lui  feroit  plus 
rude  que  tons  les  malheurs  qu'il  foufiro  depuis  û  long<- 
teœa. 

.  Ktifuite  Mentor  me  fefoit  remarqner  la  joie  et  l'abon* 
dance  répandue  dans  toute  la  'campagne  d'£gypte,  où 
l'on  comptoit  jufqu'à  vingt-deux  mille  villes^  li  admi* 
mt  la  bonne  police  de  ces  villes,  la  juftice  exercée  en 
faveur  du  pauvre  contre  le  riche»  la  bonne  éducation 
des  enfants  qu'on  accoûtumoit  à  l'obeifTance,  au  travail^ 
à  la  fobrieté,  ^  l'amour  des  arts  ou  des  lettres  y  l'exaâi- 
tude  potfr  toutes  les  cérémonies  de  la  religion,  le  defin- 
térefleroent,  le  deûr  de  l'honneur,  la*  fidélité  pour  les- 
hommes,  et  la  crainte  pour  les  Dieux,  que  chaque  père 
înfpiroit  à-  fes.  enfants.  11  ne  fe  lafibit  point  d'admirer 
ce  bel  ordre.  Heureux,  me  dif<ùt-il  fans  ceCe,  le  peupla 
qu'on  fage  Roi  conduit  ainû  !  mais  encore  plus  heureux: 
le^  Rci  qui  fait  le  bonheur  de  tant  de  peuples,  et  qui 
trouve  le  fien  dans  fa  ver^u  !  Il  tient  les  hommes  par  un 
Hen  cent  fois  plus  fort  que  celui  de  lacrainte  y  c'e  celui 
de  l'amonr.  Non  feulement  on  lui  obéit  ^  mais  encore 
•n  aime  à  loi  obéir»   Il  règne  da^^s  tous  les  cœors  >  cha- 

G  2.  cun* 


J6  AVANTURES    DE 

cun,  bien  loîn  de  vouloir  it^en  déFairCt  cïaint  de  le  per-« 
^re,  et  donneront  fa  vie  {x>ur  lui. 

'  Je  remarquois  ce  que  difoit  Mentor,  et  je  fentoîs  re« 
naître  mon  courage  au  fond  de  mon  cœur,  à  méfurc  que 
ce  fage  ami  me  parloit.     AttlH^tôt  que  nous  fumes    str» 
xhfés  à  Mcmphis,  ville  opulente  et  magnifique,  le  gouver- 
neur ordonna  que   nous  irions  jufques  à  Thebes,   pour 
être  préfentés  au  Roi  Sefoflrîs,  qui  vouloit  cxanâiner  les 
cbx)fes  par  lui-même,  et  qui  étoit  fort  animé  contre    les 
Ty riens.     Nous   remontâmes   donc  encore  le  long-  du 
Nil,  jufqu'à  cette  fameufe  Thebcs  à  cent  portes,    où>ha^ 
bitoît  ce  grand  Roi.     Cette  ville  nous  parut  d^une  éten- 
due immenfe,  et  plus   peuplée  que  le»  plus  fiorîflantes 
villes  de  h  Grèce.     La  police  y  eft  parfaite  pour  la  pro- 
preté des  rues,  pour  le  cours,  des  eaux,  pour  la  commo- 
dité des  bains,  pour  la  culture  des  arts  et  .pour  la  fureté 
publique.     Les  places  font  ornées  de  fontaines  et  d^obe- 
lifques  y  les  temples  font  de  marbre,  et  d'une  architeâure 
fircplt,  mais  xnajeilueûfe.    Le  palais  du  Prince  ell  lui  feul 
.comme  une  grande  ville  :  on  n'y  voit  que  colomnes  de 
marbre,  que  pyramides  et  obelifques,  que  ilatues  colofla-^ 
les,  que  meubles  xi'or  et  d'argent  mafiîfs. 

Ceux,  qui-  nous  avoient  pris  dirent  au  Roi,  que  nous 
avions  été  trouvés  dans  un  navire  Phénicien.     11  écou-^ 
toit  chaque  jour,  à  certaines  heures  réglées,  tous  ceux 
de  fes   fujets  qui   avoient  ou  des  plaintes  à  lui  faire,  oa 
des  avis  à  lui  donner^     11  ne  méprifoit  ni  ne  rebutoit 
perfonne,  et  ne  croyoit  être   Roi  que  pour  faire  du  bien 
^>fes  fujets,  qu^il  aimoit  comme  fes  enfants.      Pour  les 
étrangers,  il  les  recevoit  avec  bonté,  et  vouloit  les  voir^ 
.parce  qu'il  croyoit  qu'on    apprenoit    toujours   quelque 
chofe  d'utile,  en  s'indruifant  des  mœurs  et  des  manières  • 
des  peuples  éloignés.      Cette  curiofité  du  Roi  fit  qu'on 
nous  prefepta  à  lui.     11  étok  fur  un  trône  d'y  voire,  te« 
nant  en  main  un  iceptre  d'or  ^  il  étoit  déjà  vieux,  mais 
agréable,  plein  de  douceur  et  de  majeflé.       11  jugeoit 
tous  les  jours  les  peuples  avec  une  patience  et  une  fa- 
gefîe  qu  on  admiroit  fans  ilaterie.     Après  avoit  travaillé-, 
toute  la  journée  à<  régler  les   ^ffiaires,  et  à  rendre  une 
exacte  judice,  il  fe  délaffoit  le  foîr  à  écouter  des  hommes 
f»vants,  ou  à  ct>nverfer  avec  lés  plus  honnêtes  gens,  qu'il 
idrVQÏt  bien  clioifir  pour  If^  admettre  dans  fa  familiarité. 

Oa 


TELEMAQJJE.    LW.IT.  77 

€>a  ne  pouvoit  lui  reprocher  en  toute  fa  vie,  que  d^avolr 
tTMiaphé  avec  trop  de  fafte  des  Roii  qu^il  avoit  vaincus^ 
et  de  s'être  confié  à  un  de  fcs  fujett  que  je  vous  dépein- 
drai tout- à  l'heure. 

Quand  il  me  vit,  il  fut  touché  de  ma  jeuneffe  et  de 
ma    douleur.     11  me  demanda  ma  patrie  et  mon  nom  ; 
nous  fumes  étonnés  de  la  fageffe  qui  parloit  par  fa  bouche.  - 
Je   lui   répondis:    Og^andRoi!  vous  nMgnorez  pas  le 
iiég^e    de  Troie,  qui  a  duré  dix  ana^  et  fa  ruine,  qui  a 
eouté  tant  de  fang  à  toute  la  Grèce  :  UljriTc  mon  pt re  a 
été  un  dct  principaux  Rois  qui  ont  ruiné  cette  ville.     11 
erre  .  lîir  toutçs   les   mers,  fans  pouvoir  retrouver  Pile 
d'Ithaque,  qui  eft  fon  royaume  :  je  le  cherche  j  et  un  ' 
malheur,  femblable  au  fien,  fait*  que  }'ai  été  priSé     Ren- 
dez-moi à  mon  père  et  ^  ma  patrie.     Ainfi  putflent  les 
X>îeux-  vous  conferver  à  vos  enfanti^  et  leur  faire  fentir 
la  joie  de  vivre  fous  un  û  bon  père. 

Seibdrts  continuoit  2^  me  regarder  d*ùn  œil  de  com- 
padion  :  mais  voulant  favoir  fi«  ce  qvye  jç  difois  étoit 
▼rai,  il  nous  renvaya  2k  un  de  fes  ofBeiers^  qui  fut  chargé- 
de    s^informer  de  ceux   qui  avoient  pris  notre  vaiffeau^ - 
fi    nous  étions  effedivement*  ou  Grecs  ou  Phéniciens* 
S'ils  font. Phéniciens,  dit  le  Roi,  il  faut  doublement  les 
punir  ;  pour  être  nos  ennemis,  et  plus  encore  pour  a*- 
Yoir  roula  nous  tromper  par  un  lâche  menfonge •     Si, 
au  contriare,  ils  font  Grecs^  je  Veux  qu^on  les  traite  fa- 
"Kïrablement,.  et  qu'on  les  renvoie  dans  leur  pays  fur  un 
de  mes  vaifleaux;  car  j^aime  la  Grèce  )  plufîeurs  £gyp« 
tiens  y  ont  donné  des  ]oix  *,  je  cotiaok  la  vertu  d'Her- 
eule  'y  la  gloire  d'Achille  e(l  parvenue  jufqu'à  nous,  et- 
j^admire  ce  qu'on  m'a  raconté- de  la  fageflie  du  malheu- 
reux Ulyfle.'    Mou  plaiûr  eH  ae  fecourîr  la  vertu  mal- 
beureufe. 

L-.ofEcier  auquel  le  Roi  renvoya  l'examen  de  notre 
affaire,  avoit  Pâroe  aufli  corrompue  et  auili  arti6cieufe,. 
que  Sefùilrts  étoit  fincere  et  généreux.  Cet  officier  fe 
nommoit  Mctophis.  11  nous-interrogea,  '  pour  tâcher  de 
BOUS  furprendre,  et  conune  il  vit  que  Mentor  répondoit 
avec  plusde  fagefle  que  moi,  il  le  regarda  av<c  averfîon 
et  avec  défiance  ;  car  les  méchants  s'irritent  contre  les 
bons.  11  nous  fépara,  et  depuis  ce  tems-là  je  ne  fus 
goint  ce  qu'étçit  devenu  Mentor.     Cette  féparation  fuc 

G  3  ua 


7»  AV  AN  TU  RE  S    DE 

un   coup  de  foudre  pour  rapi.     Metophîs  erpéroît  ton^ 
jours,  qu^en  nous  queftionuant  féparémcnty  Û  pourroie 
nous  faire  dire  des  chofes  contraires  ^  fur-tout,  il  croyoît 
xn^éblouir  par  Tes  promtfiTes  flateufes,  et  me  faire  avouep 
CG  que  Mentor  lui  nuroit  caché.     Enfin  il  ne  cherchoîc 
pas   de   bonne   foi    la   vérité  :    mais  .il  vouloît  trouver 
quelque   prétexte  de  dire  au  Rot,  que  nuQs  étions  de» 
Phéniciens,  pour  nous  faire  fes  efclavcs.     En  effets  mal- 
gré notre  innocence,  et  malgré  la  fagcfie  du  Roi,  il  trou- 
va le  moyen  de  le  tromper.     Hélas  l  à  quoi  les  rois  font-» 
ils  expofés  ?     Les  plus  fages  mêmes  font  fouvent  farprîs** 
Des   hommes   artificieux  et  intéreffés  les  environnent  f 
les   bons   fe   retirent,   parce  qu^ils  ne  font  ni  emprefTé» 
iii  flateurs  :  les  bons  attendent  qu^on  les  chsiche,  et  le» 
princes   ne    fa  vent  gueres  les  aller  chercher.     Au  cpn« 
traire,  les  méchants  font  hardis,  trompeurs,  empr-eilés  X 
s'infinuer  et  à  plaire,  adroits  à  diflimuler,  prêts  à  tout 
faire  contre  Phonneur  et  la  confcience,  pour  contenter 
Jes  paffions  de  Cflui  qui  règne.     O  !  qu'un  roi  eft  raal-»- 
beùreux  d'être  expofé  aux  artifices  des  méchants  !  il  e(t 
perdu  s'il  ne  repouflc  la  flaterie,  et  s'il  n'aime  ceux  qui* 
dâfent  hardiment  la  vérité.      Voilà  les  réflexions  que  je- 
lefois   dans   mon    malheur,  et  je  rappellois  tout  ce  que^ 
j*avois  oui  dire  à-  Mentor. 

Cependant  Metophis  m'envoya  vers  les  zDontaG:nes  dur 
d^fcrt  d^Oafis  avec  fes  éfclaves,  afin- que  je  ferviïïe  avec* 
eux  à  conduire  fes  grands  troupeaux.     £a  cet  endroit* 
Calypfo  interrompît  Télémaquc,  diiant,.  Eh^ bien  !  que» 
fîtes   vous   alors,  vous   qui    aviez   préféré:  en   Sicile  Ift" 
mort  à  la  fervitude  ?     'l'élémaque  répondit,  Mon  mal- 
Iveur  croififoit  toujours  :  je  n'avois  plus  la  miferable  eon* 
f^latîon  de  choifir  entre^la  fervitude  et  la  moxt  *,  il  falut^* 
Être  eiclave,  et  épuifer,  pour  ainfi  dire,  toutes  les  rî-i 
loueurs  de  la  fortune*,  il  ne  me  redoit^  plusiaocuue  efpé- 
ij»Dce,  et  je  ne  pouvots  pas  même  dire  un  mot  pour  tra^i 
vaiiler  à  me  délivrer.    Meqtcr  m'a  dit  depuis,  qu'on  Va^ 
irait  vendu  i^  des  Ethiopiens)^  tt  qu'îLles  avoit  fuivis  en^ 
iËlhiopie. 

Pour  Rxoi,  j 'arrivai  dafls  dts  defcrts  aSVeux.  On  y: 
voit  des  fables  brûlants  au  milieu  des  plaines,  des  niâ£es> 
qui  ne  fondent  jamais^  et  .qui  font  un  hyver  perpétuel 
&r  le  fomiç-e-t  cle5  montagnes  ;  tt  on  .trouve  feulement,^ 

£pur 


-  » 


TELEMAQJ/E,     Liv;  II.  ?<) 

pour  nourîr  les  troupeaux,  des  pâturag;es  parmi  des  ro- 
ebers.  Vers  le  milieu  du  penchant  de  ces  monta çnc» 
efcarpées,  les  vallées  font  fî  profondes,  qu'à  peine  le  fo* 
icil  y   peut  faire  luire  fes  rayons. 

Je  ne  trouvai  d'autres  hommes  dans  ce  pfly«,  que  des» 
bergers  auffî  fauvages  que  le  pays  m>ôme.     Là  je  pafîbi» 
les  nuits  à  déplorer  mon  malheur,  et  les  jours- à*  fui vre  un» 
troupeau,    pour  émcr  la  fureur  brutale  d*un^ premier 
-efclave,  qui,  éfperant  d'obtenir  fa  liberté,  accufoit  fans* 
oeffie  .les  autres,  pour  faire  valoir  à*  fon^  maître  fon  zèle- 
et  fbo~  attachement  â  hs  intérêts.     Cet  efclave  fe  nom- 
aïoît  iButfs.     Je  devois  fuccomber  dans  cette  occafion. 
La  douleur  me  prefïknt,  j*6ubliai  un  jour  mon  troupeau,. 
et  je  ffn 'étendis  fur  l'herbe  auprès  d'une  caverne,  où  j'at- 
tendois  la  mort,  ne  pouvant  plus  fupporter  mes  peincs.i 
£a  ce  moment  je  remarquai  que  toute  la  montagne  trem« 
blolt^  les  chênes  et  les  pins  fembloient  defcendre  du^ 
&minet  de-  la  montagne  ;  les  vents  retenoient  leurs  ha- 
leines-^ une  voix  mugiilante  fortit  de  la  caverne,  et  me^ 
fit  entendre  ces  paroles  :  Fils  du  fage  Ulyffe,  il  faUt  quê- 
ta devieniie»,  cpmme  lui,  grand  par  la  patience.     Les» 
princes»  qui  ont  toujours  été  heureu»,  ne  iont   guères 
dignes  de  l'être*;  la  molefftf  les  corrompt,  rorgueiljes»' 
enyvre.     Que  tu  feras-heureux,  fi  tu  furmontcs  te»  maU 
heurs,  et  fi  tu  ne  les  oublies  jaçiais  !  Tu  reyérras  Itha-^ 
que,  et  ta  gloire  montera  jufqu'au»  aftres.     Quand  tu  fe- 
^s  le  maître  des  autres  hommes,  fouviens^toi  que  tu  ass^* 
«té  foible,  pauvre,  et  fouffrant  comme  eux  ;  prens  plailîr 
nies  fauîager,  aime  ton  peuple,  détefte  la^  flaterie,  et' 
fâche  que  tu  ne  feras  grand  qu'autant  que  tu  feras  mo- 
déré et  courageux  pour  vaincre  tes  paHions». 
-  Ces  garoles'  divines  entrèrent  jufqu'aa  fond  de  mon* 
»cceuT  ;  elJef  y   firent   renakre  la  j\aic  et  le  courage  :  je*^ 
ne  fentis*  point  cette  horreur  qui  glace  le  fang  dans  leS' 
veines,  quand  les  Dieu^c  fe  communiquent  aux  mortels*- 
Je  me  levai  tranquille,  j'adorai  à  genoux,  les'maios  le« 
\jécs  vers  le  ciel,  Minerve,  à  qui  je  crus  devoir  cet  ota»- 
€3e.     En  mô  ne-tems  je  me  trouvai  un  nouvel  homme, 
la  Ç^gtSe  éclairoit  mon  crprit,  je  fentois  une  douce  force  - 
pour  modérer  toutes  mts  p-^flîons,  et  pourarrêtcr  ^ira-• 
pécuo£té  de  ma  jeuneiTe.     Je  me  fis  aimer  de  tous  les 
/    largers  div  dciert  5  ma  douceur,  -ma  patience,  -mon  lex- 

adiitude 


«o  AVANTURESDÊ 

aâttuile  appaiferent  enfin  lé  cruel  Btttis,  qui  étoit  en  atT# 
tûrîté  fur  les  autres  enclaves,  et  qui  avoit  voulu  d'abord^' 
me  tourmenter. 

Pour  mieux,  fupporter  Pennui  de  la  captivité  et  de  la 
folitudei  je  cherchai  des  livres,  car  j^étoîs  accablé   de 
triilefie»   faute  de  quelque  inftruâion  qui  pût  nourir- 
mon  efprit  et  le  fou  tenir.     Heureux,  difois-je,  ceux  qui 
fe  dégoûtent  des  plaifirs  violents,  et  qui  favent  fe  con*^- 
tenter  dés  douceurs  d'une  vie  innocente  !  Heureux  cear 
qui  fe  divertiffent  en  s'in Wuifant,  et  qui  fe  plai&nt  à«. 
cultiver  leur  efprit  par  les  fciences  !  £n  quelque  endroit, 
que  la  fortune  ennemie  les  jette,  ils  portent  toujoura 
avec  eux  de  quoi  s'entretenir,  et  Tennui  qui  dévore  les- 
autres  hommes^  au  milieu  même  des  détices,  eil  inconnu 
à  ceux  qui  favent  s'occuper  par  quelque  leâure.     Heu- 
reux ceux  qui  aiment  %  lire  j  et  qui  ne  font  point  comme 
moi  privés  de  la  leélure  !  Pendant  que  ces  penfées  rou- 
loîent  dans  mon  efprit,  je  m'enfonçai  dans  une  fombre^ 
forêt  où  j'apperçus  tout  à  coup  un  vkillard  qui  tenoir. 
un  livre  à  la  main. 

Ce  vieillard  avoit  un  grand  front  chauve,  et  un  peu> 
vidé  ^  une  barbe  blanche  pendoit  jufqu'à  fa  ceinture  >  fa* 
taille  étoit  haute  et  mftjeflueufe,  fon  teint  étoit  encore, 
iî-ais  et  vermeil,  fes  yeux  vifs  et  perçants,  fa  voix  douce,, 
fes  p'aroles  ^impies  et  anpables.     Jamais  je  n'ai  vu  un  fi 
vénérable   vieillard  :  il   s'appelloît  Termofiris,  il  était: 
prêtre  d'Apollon,  qu'il  fervoit  dan»  un  temple  de  marbre^ 
que  les  rois  d'Egypte  avoient  confacré  au  Dieudans^cette- 
forêt.     Le  livre  qu'il  tenoit  étoit  un  recueil  d'hymnes  à>^ 
l'honneur  des  Dieux,     Il  m'aborde  avec  amitié;  nous^ 
nous  entretenons  *,  il  racentoit  fi  bien  les  chofes  paSi^es, 
qu'on  croyoit  les  voir  ^  mais  il  les  racontoit  cour^ement, 
et  jamais  fes  hifioire»  ne  m'ont  laiTé.    11  prevoyoit  l'ave»- 
liîr  par  la  profonde  fagefle  qui  lui  fefoit  conaoître  les> 
hommes,  et  les  d6fi]ein&  dont  ils  font  capables.     Avec: 
tant  de  prudence,  il  étoit  gai,  complaifant,  et  la  jeunefle- 
la  plus  enjouée  n'a  pas  tant  de  grâce  qu'en  avoit   cet 
homme  dans  une  vieilleâe  fi  avancée  :  aufil  aimuit^il  les 
jeunes  gens,  lorfqu'ils  étoit  dociles-,  et  qu'ils  avoient  le 
goût  de  la  vertu. 

fiien-tôt  il  m'aima  tendrement,  et  me  donna^deslivres' 
pour  me  confoler  i  il  m'appelloit  fan  fils.     Je  lui  difoit' 

fou  vent,. 


T  E  L  E  M  A  QJJ  E,  Lnr.  IL  h 

fouveot.  Mon  père»  les  Dîeuîc  qui  m^ont  ôté  Mentor, 
ont  ea  pitié  de  mot  ^  ils  m^ont  donné  en  vous  un  autre 
foutîen.  Cet  homme,  femblable  à  Orphée  *  ou  à  Li« 
nus  -f-y  ctoit  fans  doute  infpiré  des  Dieux.  11  me  récî» 
toit  les  vers  qu'il  avolt  faits,  et  me  donuolt  ceux  de  plu- 
fieurs  excellents  poètes  ^favorîfés  des  Mufes.  LorfquUi 
ctoit  revêtu  de  fa  longue  robe  d'une  éclatante  blancheur, 
et  qu'ail  prenoit  en  main  fa  lyre  d'y  voire,  les  tigres,  les 
cHirSy  les  lions,  venoient  le  flater  et  lécher  fes  pieds.  Les 
fatyres  fortoient  des  forets  pour  danfer  autour  de  lui, 
les  arbres  mêmes  paroifToient  émus  ;  et  vous  auriez  cru 
que  les  rochers  attendris  alloient  defcendre  du  haut  des 
montag^nes  aux  charmes  de  fes  doux  accents  11  ne  chan* 
toit  que  la  grandeur  des  Dieux,  la  vertu  des  héros,  et  la 
Sage€Ïe  des  hommes  qui  préfèrent  la  gloire  aux  plailirs. 

11  me  difoit  fouvent,  que  je  devois  prendre  courage, 
et  que  les  Dieux  n'abandonn croient  ni  Ûlyfle  ni  fon  Âls. 
£nfia,  il  m'afîura  que  je  devois,  à  l'examplè  d'ApoU 
loQ,  enfeigner  aux  bergers  à  cultiver  les  Mufes.     Apol- 
lon, difoit'il,  indigné  que  Jupiter  par  fes  foudres  trou* 
bloit  le  ciel  dans,  les  plus  beaux  jours,  voulut  s'en  ven- 
ger   fur    les   Cyclopes,   qui  forgeoient  les   foudres,    et 
il  les  perça  de  fes  flèches.     Auffitôt  le  Mont  Etna  celTa 
de  vomir  des  tourbillons  de  âames  :  on  n'entendoit  plus 
les  coups  des  terribles  marteaux  qui  frappant  Tcnclume 
fefoient  gémir  les  profondes  cavernes  de  la  terre,  et  les 
abymes  de  la  mer.     Le  fer  et  l'airain,  n'étant  plus  polis 
par  les  Cyclopes,  coinmençoient^à  fe  rouiller.     Vulcaîn 
furieux  fort  de  (a  fournaife  v  quoique  boiteux,  il  monte 
en  diligence  vers  l'Olympe  5    il  arrive  fuant  et  couvert 
de    pouifiere   dans  l'affemblée  des    Dieux  :    il  fait  des 
plaintes  ameres.     Jupiter,  s'irritant  contre  Apollon,  le 
chaiïe  dit  ciel,  et  le  précipite  fur  la  terre.  Son  char  vuide 

fefoit 


*  Orphée  étoit  fils  d'Apollon  et  de  Calliope   une ,  des-* 
Mufes.     il  excella  dans  l'art  de  jouer  de  la  lyre. 

f  Linus  étoit  aufli  fils  d^ApoUon  et  de   Terpfichore.. 
Il  furpaffa  encore  Orphée  dans  la,  fcience  de  la  mufique^ 
puifqu'il  lui  donna  des  leçons.  On  dit  que  s'étant  mpqué 
d?Hercule,  à  qui  il  enfeignoità  jouer  de  la  lyre,  parce  qu'il 
en  jou'oit  mal,  ce  héros  lulcaffa  la  têteavcccct  inftrumcnt* 


«y  A  V  A  N  T  U  R  E  5  D  E 

fefoit  de  loi^mièflcie  (on  cour»  ovdinairev  pouf  dfinQCf  avtx 
hommes  les  jours  et  les  nuits  avec  Ic^clûiDgement  fé^u*» 
lier  des  Tufons*  Apollon  dépouillé  d«  tous  Ces  ttyoïM» 
fut  contraint  de  fe  faire  berger,  et  de'  garder  les  trou* 
peaux  du  Roi  Admete.  Il  jouoit  de  la  flûte»  et  tous  les 
autres  bergers  veaoieat  à  Pombre  des  ormeaux  fur  1« 
bord  d'une  claire  fontaine  écouter  fes  ebanfons.  Jufques- 
là  ils  avoient  mené  une  vie  fauvage  et  brutale^  Us  ne  fa- 
voient  que  conduire  leurs  brebis,  les  tondie,  traire  leur 
lait,  et  faire  àt%  fromage  ;  toute  la  campagne  étoit  com- 
me un  defert  affreux. 

Bien-tôt  Apollon  montra  à  tous  les  bergers  les  arts  qui    . 
peuvent  rendre  leur  vie  agréable*     il  chantoit  les  fleurs 
dont  le  printems  fe  couronne,  les.  parfums  qu'il  ré{>a9d» 
et  la  verdure  qiû  naît  fous  fes  pas  :    puis  il  chantoit  les 
délicieufes  nuits  de  r£té,  où  les  zepbyrs  rafraichiSent  les 
hommes,  et  cù  la  rofée  déUtere  la  terre.     Il  mêlcit 
aufli  dans  fes  chaiifoos  les  fruits  dorés  dont  TAutomn^ 
récompenle  les  travaux  des  laboureurs,  et  le  repos  do 
rH^rver,  pendant  lequel  la  jeuneilè  folâtre  danfe  auprès 
du  feu.     Enfin,  il  repréfentoit  les  forêts   f&mbres,  qut 
couvrent  les  montagnes,  et  les  creux  vallons,  où  les  rt«  - 
vieres,  par  mille  détours,  femblent  fe  jouer  au  milieu. 
des  riantes  prairies.     Il  apprit  ainô  aux  bergers  quels 
font  les  charmes  de  la  vie  champêtre,    quand    on  fait 
goûter  ce  que  la  fimple  nature  a  de  gracieux.     Bien-tôt 
les  bergertf  avec  leurs  flûtes  f^  virent  plus  heureux  que 
les  rois,  e:  leurs  cabans  attiroîent  en  foule  les*  plaifirs 
purs  qui  fuyent  les  palais  dorés  :    les  jeux,  les  ris,  les 
grâces,  fuivolent  par  tout  les  innocentes  bergères.    Tous 
les  jours  étoient  des  fêtes*     On  n^entendoit  plus  que  le 
gazouillement  des  oifeaux,  ou  la  douce  baleine  des  ze« 
phyrs,  qui  fe  jouoient  dans  les  rameaux  des  ^  6res,  ou 
le  murmure  d^uae  onde  claire  qui  tomboit  de  quelque 
rocher,  ou  les  cbanfons  que  les  Mufes  infprroient   aux 
bergers  qui  fuivoient  Apollon.     Ce  Dieu  leur  enfeignoit 
à  remporter  le  prix  de  la  courfe,  et  à  percer  de  âéches 
les  daims  et  les  cerfs.     Les  Çîcux  mêmes  devinrent  ja- 
loux des  bergers  ;    cette  vie  leur  parut  plus  douce  que 
toute  leur  gloire,  et  Us  rapelkrent  Apollon  dans  rO«- 
lympe. 

Mon. 


»  1 
/ 


TELE  MA  QJtJ  E,  Lîv.  IL  83 

Mon  fils,  cette  liiftoire  doit  tous  iaXtraîre»  puîfque 
vous  êtes  dans  l^état  où  fut  Apollon  ;  défrichez  cette 
terre  iativag^e^  faites  fleurir  comme  lui  le  defert  ^  appre- 
nez à  tous  ces  bergers  quels  font  les  charmes  de  Thar* 
monie  >  adoocîfiez  les  cœurs  farouches  $  montrez  leur 
Pai niable  venu  ;  faites  leur  fentir  combien  il  eft  doux  de 
jouir,  dans  la  folitude,  des  plaifirs  innocents  que  rien 
ne  peut  ôter  aux  bergers.  Un  jour,  mon  61s,  un  jour, 
les  peines  et  les  foucîs  cruels  qui  environnent  les  rois, 
vous  feront  regretter  fut  le  trône  là  vît  paftorale. 

A.yant  ainfî  parlé,  Termofiris  me  donna  une  flûte  il 
douche,  que  les  échos  de  ces  taontagnes,  qoi  la  firent  en- 
tendre de  tous  côtés,  attirèrent  bien-tôt  autour  de  moi 
tous  les  bergers  voifios.     Ma  voix  avott  une  harmonie 
divine  ^  je  me  fentots  ému  et  comme  hors  de  moi*même 
pour   chanter  les  grâces  dont  la  nature  a  orné  la  cam- 
pagrne.     Nous  paflîons  les  jours  entiers,  et  une  partie 
des  nuits,  à  cbantet  enfemble.      Tous  les  bergers  ou- 
bliant leurs  cabanes  et  leurs  troupeaux,  étoient  fufpen- 
dus  et  immobiles  autour  de  moi  pendant  que  je  leur  don- 
nots  des  leçons*     11  fembloit  que   ces  deferts  nVuflent 
plus  rien  de  fauvage  *,  tout  y.étoit  doux  et  riant  :  la  po- 
litefle  des  habitants  fembloit  adoucir  la  terré. 

Nous  nous  aâemblions  fou v^eni  pour  offrir  des  facrifi- 
ces  dans  ce  temple  d^ApoUon,  où  Termofiris  étoit  prêtre. 
Les  bergers  y  alloient  couronnés  de  lauriers  en  Phon- 
neur  du  Dieu.  Les  bergères  y  alloient  aufli  en  danfant 
'avec  des  couronnes  de  fleurs,  et  portant  fur  leur  tête^ 
dans  des  corbeilles,  les  dons  facrés.  Après  le  facrifice, 
nous  feiions  un  feiHn  champêtre.  Nos  plus  doux  mets 
étoient  le  lait  de  nos  chèvres  et  de  nos  brebis,  que  nous 
avions  foin  de  traire  nous-mêmes,  avec  les  fruits  fraîche* 
•ment  cueillis  de  nos  propres  mains,  tels  que  les  dattes, 
les  figues,  et  les  raiûns  :  nos  fiéges  étoient  les  gazons  ; 
les  arbres  toufiis  nous  donnoîent  une  ombre  plus  agré* 
able  que  les  lambris  dorés  des  palais  des  rois. 

Mais  ce  qui  acheva  de  me  rendre  fameux  parmi  nos 
bergers,  c'eft  qu'un  jour  un  lion  affamé  vint  fe  jetter 
■  iur  mon  troupeau  ;   déjà  il  commençoit  un  carnage  af- 
freux, je  n'avois  en  main  que  ma  houlette,  je  m'avance 
hardiment.     Le  lion  hériffe  fa  crinière,  me  montre   fes 

dents  et  fes  griffes^  ouvre  uue  gueule  feche  et  enfiâmée  ; 

Us 


%     _ 


A  V  AjNi  T  U>  R-jES  f  Bf  B 

fes  ycvLK  paroiflbient  pUîos^ile  bng  t%  de  l'eu  ^.ilrttMit-  (es 
Hancs  avec  fa  longue  queue  ;  je  le  terraiTe^  «{«^flefttee 
cotte  de  mailles  donc  j'écois  ^evêtU|  'felps  la-  oputucne 
.  des  bergers  d*£gypte,  Tempê^ha  de  me  déchûrrtv  Xrcûs 
fois  je  Tabatis^  trois  fois  il  fe  jpeleva  :  il  pou&î^.  ^en^  r«« 
.  gîiTeiiients  qi^.i  fefoient  ret^tir  toutes  les  içKèt»^  JtjMéoéitx 
je  rétoulFai  entre  m£s  bras  v^  9^  ^^  berjgjiK^  .téotdÎQs^e 
ma  viéloire  voulurent  que  je  me  f^ypûiS^  ^eUa  rpémi  de 
ce  terrible  animal.  «.'.-.     •  ^Z 

Le  bruit  de  cette'aélion,  et  jK^eUii  du  beau  cbaog^^cneat 
de  tous  nos  bergers  fe  répandit  da^f  t«ute  i'Ëf^ypte^  ^  >il 
parvint  même  jufqu^aux  oreilles  de  Séibftsb.»     IL.-iDt 
qu^ua  de.  cçs  deuijL  captifs»  qu^on  av&it.  'pris  'po«u^«ties 
Pheulcîens,  ^volt  ramené  Tâge,  d'às  dan^  ota    dvfioKts 
prefque  inhabitables •     11  voulut  me  voir^  çiï  il   aûnoit 
les  Mufes  ^  et  tout  ce  qui  peutlaiUuice.les,  bcMonies  1mki« 
choit  ion  grand  cœur.  11  me  vit/il  m^éc^uta  avec  plai&r, 
et  découvrit  que  Metopbis  l'a  voit  tronipé  par>  zvsuficm  : 
il  le  condamna  à  une  prifon.  perpétuelle,  crt  lut  6^  .toutes 
les  richeife  qu'il  poiTédoit  injuÛement.r    O  !- qu'^â  e/l 
malheureux,  difolt-il,  quand  on  eft  au  deffus- du   «-eue 
des  hommes  !    fouvent  oj\  ne  peut  voir  l»,  y^rk^rpAsfes 
propres  yeux  ^  on  ed  environné, de  gens  qui l^'mpeobeflit 
d'arriver  jufqu'à  celui  qui  commande  i^  chacun  ^11  ia- 
téreâe  à  le  tromper  ;    chacun ,  fous  une  appnt ence  de 
zèle,  cache  fou  ambition.      On  fait  remblantd'aiiner.  le 
Roi,    et    on    n'aime   que  les   rîcheiTes  qu'il  donne  ;   &n 
l'aime  (i  peu,  (}ue,  pour  obtenir  fes  faveufs,.»oiLie  Ûatté 
et  on  le  trahit.  ♦     ,      . 

lùnfuite  Sefoiiri»  me  traita  aj^ec  un<e  tendre  amitié^  et 
rérolut  de  me  renvoyer  en  Ithaquç  avec  des  vaiireauH>'et 
.  des  troupes  pour  délivrer  Pénélope  de  tou3  fes  amant*. 
La  tlote  étoit  déjà  prête,  nous  ne  iungioas  qu^à  nous 
embarquer.  J'admirois  les  coups  de  la  forUiue,  quire- 
levq  tout-à  coup  ceux  qu'elle  .«Je  plus  abaiffési.  -Cette 
expérience  me  fcfoit  cfpércr,  qu'Ulyffe  pourrolt  bien  re- 
venir enfin  dans  fon  Royaume  après  quelque  longue  fouf- 
francé.  Je  penibis  aulll  en  moi-mêmç^  que^je  pourroîs 
encore  revoir  Mentor,  quoiqu'il  eut  éié  emmené  dans 
les  pays  les  plus  inconnus  de  l'Ethiopie.  Pend^^t  que 
je  retardois  un  peu  mon  départ,  pour  tâcher  d'tn  la- 
voir  des  nouvelles,  Seforfris,  qui  éïoit  fort  âgé,  OiOirut 

fub.'t.msnt, 


TELEMAQJÏE,   Liv.  ir.  8; 

MS^tVMut^  et  fa  |iort  me  replongea   dans  de  nouveaux 
matheorf. 

Toute  l'Egypte  parut  îivconfblablc    de  cette  perte. 
diaqnc  famine  croyoit  avoir  perdu   foo   meilleur  ami, 
ion    protcAeury   fon   père.      Les  vieillards,   levant  les 
giiiiia  au  ciel,  s^écrfoient,  Jamais  TËgypte  n^eut  un  ii 
tNm  Roi,  jamais  elle  n'en  aura  de  fcmblable.    O  Dieux  ! 
il  fal.oit  au  ne  le  point  montrer  aux  hommes,  ou  ne  le 
leor  ôter  jamais  i  pourquoi  faut-îl  que  nous  furvivions 
an  ^rand  Sefoftris  î  Les  jeunes  gens  difoient,  L^efpé* 
tance  de  r£gyptè  eft  détruite,  nos  pères  ont  été  heu'« 
rcnx  de  pafier  leur  tîe  fous  un  (i  bon  Roi  ;  pour  nous, 
nom  ne  Pavons  vu  <jue  poUr  feotîr  fa  perte*     Ses  do- 
iBeiltques  pleuraient  nuit  et  jour.     Quand  on  fit  les  fu* 
nemiles  du   Roi,  pendant  quarante  jours,  les  peuples 
les  plus  teculés  y  accouroient  en  foule.     Chacun  vou- 
loît  voir  encore  une  fois  le  corps   de   Sefoftris  :  chacun 
▼ouloit  en  conferver  Tîmage  :  pluficiiVs  vouloîent  ctrc 
mis  avec  lui  dans  le  tombeau. 

Ce  qui  augmenta  encore  la  douleur  de  fa  perte,  cVft 

que  (on  fils  Boccliorts   n^avoît  ni  humanité  pour  les  é- 

trangers,  ni  curiofité  pour  les  fciences,  ni  eftime  pour  les 

hommes  vertueux,  ni  amour  pour  la  gloire.  La  grandeur 

de  fbn  père  avoît  contribué  à  le  rendre  fi  indigne  de  reg- 

tier.       Il   avoft  été  nourri   dans  la  moleffe  et  dans  une 

fierté  brutale.  Il  comptoît  pour  rien  les  hommes,  croyant 

qu'ils  n'étôtent  feîts  que  pouV  lui,  et  qu'il  éto-t  d'une 

autre  nature  qu'eux.     Il  ne  fôngeoît  qu'à  contenter  fcs 

pidions,  qu'à  dîflîper  les  fréfors  imnoeufes,   que  fon  peie 

a  voit   ména<»és   avec  laftt   de    foin,  qu'^  tonnpenter  les 

l^eupîes,  et  qu'à  fucer   le   fang  des    malheureux  ',    enfin, 

qu  à  fuivre  les  confeils  flatteurs  des  jeunes  infenfés  qui 

Peivironrtoîent,  pendai^t  qu'il  écartoit  avec  mépris  tons 

isî    fages    vrelUardJ  qui   avolent  eu   la  confi;ince  de  foa 

p^re.     C'étoit  un   roonftre  et  non  pas  un  Roi.     Toute 

l'iigypte  gérariffoit  ;  et  quoique   le   nom   de  SsfoftMs.  li 

cher  aux  Egyptiens,  leur  fît  fopporter  \h  conduite  lach<: 

et   cruelle   de  fon  fils,  le  fils    couroit  à  fa  perte,  et  ui 

prince  fi  indigne  du  trône  ne  pouvoit  long-tcms  régner. 

il  ne  me  fut   plus   permis    d'ef|)érer    mou   Tttour   en 

lihaqne.      Je  demeurai  dans  une  tour  fur  le  bord  âf  ^a 

mer  auprès  de  Peiufe,  cii  notre  embarquemnt  devnt  \<s. 

H  faii*, 


86  AVANTURKS  PE, 

faire,  fi  SefoRrls  oe  fût  psis  mort.  .  Met^bis^  ^.voit  ei| 
raddreffe  de  fortîr  de  prifon,  et  de  fe  Kftablir  ao|u:es  du 
nouveau  Roi  :  il  m'avoît  fait  renfermer,  dans  cette  tour 
pour  Te  venger  de  la  difgrace  q^ue  je  lui  Avolis  cauiee.  Jfo 
pafiois  les  jours  et  les  nuits  dans  nne  profanée  triftefle* 
Tous  ce  que  Terpaofiris  mVvoit  prédit»  et  tout  ce  que 
j^avois  entendu  dans,  la  ça:verne,  oe  me  paroiSbît  plus 
qu^un  fonge.  J^étois  abymé  dans  la  plus  amece.  dout 
leur  :  je  voyoîs  les  vagues  qui  venaient  battre.  Iç^  pied 
de  la  tour  où  j^étois  prifonnier.  Souyeat.  je  m.^occU'* 
pois  à  confidérer  des  vaifleaux  agitéç  par .  la  tempête^ 
qui  étoiient  en  danger  d'être  brifés  contre  lesTXUifaera  fuV 
lefquels  la  tour  étoit  bâtie.  Loin  de.plaindre  ces  liommcs 
menacés  du  naufrage,  j^enviois  leur-  fort.  3î<3nttiâ^« 
difois-^e  à  moi  même,  ils  finiront  les.  maUieuia  de;  iear 
vie,  ou  ils  arriveront  en  leur  pays:  bêlas  1  je.hepttls 
cfpérer  ni  l'un  ni  l'autre. 

Pendant  que  je  nie  confumois  ainfi  en  regrets  iuutileSf 
j^àpperçus  comme  une  forêt  de  mâts  de  vaiffeanx,  .  J»ii 
mex  étoit  couverte  de  voiles  que  les  vents  eoâmeitt': 
l'onde  étoit  écumante  fous  des  rames  incombxsibles^ 
J'entendois  de  toutes  .parts  des  cris  confus  r  j'appevee* 
vois  fur  le  rivage  une  partie  des  £gyptmns  effrayéa  qui 
couroient  aux  armes,  et  d'autres  qui  fembloient  aller  afi 
devant  de  cette  flote  qu'on  yoyoit  arriver.:  Bien^tôt^  je 
reconnus,  que  ces  vaifleaux  étrangers  étoie&t  les  uas..de 
Phenicie,  et  les  autres  de  l'île  de  Cypre  ;  car  mes  mal- 
heurs  commençoient  à  .me  rendre  expetimenté  fur  ce-qul 
regarde  la  navigation.  Les  Egyptiens  me  parnccot  di« 
vifés  entre  eux.  Je  n'eus  aucune  peine -à  croire  tpM 
rinfenfé  Bocchoris  avoit,  par  fes  violence»,  cauie  une 
révolte  de  fes  fujets,  et  allumé  la  guerre  civile.  Je  iuA 
du  haut  de  cette  toor  fpeâateur.d^un  fanglant  combat.. 

Les  Egyptiens,  qui  avoient  apellé  à  leur  fecours  des 
étrangers,  après  avoir  favorifé  leur  defçeate,  attaquereat 
les  autres  Egyptiens  qui  avoient  le  Roi  il  leur  tête.  Je 
voyois  ce  Rot  qui  animoit  les  fiens  par  Ion  exemple,  il 
patoiffoit  comme  le  Dieu  Mars  j  des  miâeau;x  de  lang 
couloient  autour  de  lui,  les  roues  de  fon  char  étoient 
*tein.te8  d'un  fang  noir,  épais,  et  â:umant,  à  peine  pou- 
voient-ellcs  paffer  fur  des  tas  de  corps  morts  écrafés. 

Ce  jeune  Roi  bien  fait,  vigoureuxi  d'une  mine  «  haute 
"^  et 


T  E  L  E  M  A  QJ7  E,    Lîv.  II.  87 

et  fiere,  «voitoitfns Tes  ytux  la  &u«ur  et  le^dcfefpoir.    Il 

était  comme  un  beau  cheiral  qaî  n^a  point  dç   bouche  ^ 

ion-  coorage  U  pûiaSàit  mvl  hnzârd,  et  la  fagclTe  ne  ino« 

déroit  point  h  ynleun     II  ne  favoit  ni  réparer  Tes  fautes, 

ni  donner  écs  ordres-  préds,  ni  prévoir  les  maux  qui  le 

nenaçotent,  ni  ménager  ïts  gens  dont  il  avoit   le   plus 

grand  bcùntu     Ce  a'âdbt  pas  qu'à  manquât  de  génie, 

les  lummres   é^loient  fon  courage  :  mais  il  n^avoit  ja- 

nw^  iété  mânât  pav  l^.maÙTâire  ^tuite.      Sts  maîtres 

BToient   empoifonné,  par  la  âaterie,  fon  beau  naturel. 

Il -étjaH.  tmyj^i  de  ifk  puiffimQC  et  de  Fon  bonheur  5  il 

fLC03Kiit.qveiaat,fib«ait  céder  à  fes-  defirs  fougueux  ;  la 

voioifid?»  ré6Aa0oe>£nflÂmoit£i  coilere.     Alars  il  ne  rai» 

£Ml9^ût 'Jplus  1  ii  ét»\t  mmmo  hors  de  lui-.même*,  l'on 

9Cf^a^  aimax  :én  ieibît  u«e  béte  fiafouche  ^  fa  bontd 

f^;ajM^iacd)e:ei>4JijdfQite.  raî£sa  r«bâadoAnôîent  en  sm  in* 

ftaAt  :  £^  pli}4  fidèles  £rcviteurs .  étoient  redukt  à  s'eti« 

»  faille  il  n'«i90tt  phut  qsierceuji  tfpi  ilatoieot  iêi  pafTions. 

Aij»fi>ilL(irçiml  ttittjoiirs   des   partis  «xtrèmes   contre. 

SeetvésâlaÛf  s  intérêts,  d  il  îor^it  toms-les  gtm  de  bien 

à.  -délHEftcr  fa  folk  icooduite.     Long-tems  fa  vakur  le 

iMifiiii. contre  l|ijiimltkude  de  fes  «menas*»  mats  en« 

fiaiL^aeeayé.     Je  le  vis  périr  :  le  dard  d'«n  Fhenî« 

•ievs  pATÇA.  fa.^itriise^  les  rèoes  lui  échappèrent   des 

«MtkiiE  }.il  tomba  Jie  û>n  char  fous  les  pieds  dee  «hevauz* 

Uq  fbtdaid^  i?ikjde€cfpre  lui  coupa  la  tète  ^  et  la  f^e- 

9»Pt4»£jce.Éh€ffieus»  i}  la  montra^  iconune  en  triomphe^ 

à  toute  Tarmés  viâorieufe* 

.Je:a»c  fett«ic«dm  toitfe  ma.  vie  d'avoir  vu  cette  tète^ 
%m  ftagiioit  dan^  le  fang^  les  yeux  fermés  et  étients,  ce 
vi£ig«  pile  et  défiguré,  cette  bouche  eutr^oaverte,  qui 
iwbloit.ffOttlotf  eseosB  Achever  des  parokacd^umencées^ 
€«friaîr:(iifMxfae  etnienajçant,  que.  la  mort  mênîe  n'avoit 
pu .  tStfO^f*  .  Tourte  ma  vie  il  &m  peîmt  devant  mes 
y»iS]c$  :Qt  &  ^MPaîs  Ici  Dieux  me.  font  régner,  je 
n'oubliems  jpointy  après  un  fi  funede  exemple,  qu^un 
xoirn'ieft  digftt  et  commander,  et  n'eft  kenreux  dansia 
pttî&ace^  qaVmtaa*  qu-îl  Ja  Caumet  à  la^raifon.  He  ! 
qudl  malheur  ^iw  un  homme  defitné  à  faire  le  bonheur 
publifi»  4e  A^être  le  dsiakcè  de  ^taae  d'hoaitn«S  que  pour 
les  ireodre  malbieareux  ! 

Fia  4ù  Sùtênd  Liyne^       ». 

H  2  -  LES 


.»> 


(    88  .) 
LES   AVANTURE5 

D  £    G  I  L    B  L  AS. 

LIVRE  PREMIER.  - 

CHAPITRE  L 
De  k'  Naifanci  de  OIL  £LA8^  itiefin  Edaemhtt. 

•  f    * 

B  LA  S  de  Santtllanè,  non  père,  «pfès  avoir  loti|f* 
tems  porté  les  arinéft  pour  le  ferfke  de  hr  noMitckie 
£ljpagnole,  fe  retira  dans  la  ville  où  il  avoît^rîê  naîâkftetê 
Il  7  épouia  une  peUte  boof^eoife  ^ut  i»*ét4it  plus- ^hitMi 
&  première  jeuneile,  et  je  vins- au  mpode-dfji'moiv^Iirrès 
leur  mariage.  Ils  allèrent  eftAiîte  de»e«*er  àJOtiido^ 
QÙ  ma  mère  fe  fit  femme  de  ckaaibte  et  mo»  père  ^écuTe»» 
Comme  ils  n'avoient  pour  tout  bien  que  ieors  ^agee^, 
yanrois  couru  rifqtied^être  afles  m»I  él^ré^  fi  jcu^ettâé 
pas  eu  dans  la  ville  un  oncle  Cbanoiae.  il  i^  iMmHiM 
Gii  Pérez.  il  étoit  frère  aîné  de  ma  mè^e,  «et  awapar* 
zeîn,  Reprèfentex-vous  un  petit  liOflMtte  iiaat  «Icbtrob 
pies  et  denM,  extraordinairement  gros,  a«Eec>iaBee^e  eiap* 
foncée  entre  les  deuj&  épaules  ;  voilà  i»o»on^*'i  A« 
leile^  c'étoit  «n.  eccllfiaâk|ue  qui  n«  feng^oit  ^u'àbiea 
vivre,  c*e(l-à-dire»  qu'à  faire  booifte  clwre  )  et.&  ^éc 
bende^  qui  nMtok  pas  Baauvaife^  lai  cn.&mrmSok'les 
xnoyens.  . .     • 

11  me  prit  ckez  lui  dès  mon  ««faneeV  et^fit«lMigcm  lie 
mon  éducatios;  Je  lui  parus  fi  éveillé,  qtt^l  réiî»fttttf.(i& 
Cjutltiver  mon  efput^i  il  m^acketa  nn  alplMtet^cKOt^entrè* 
prit  d^m'apprendre  lui*même  àlii«t  ce  qsi  ne'hii'fuCpOB 
lonoins  utile  qu'à  mot  \  car  en  me  {efant  cooaokra  mes 
lettres,  il  £e  lemtt  à  la  leâure,-  qu^il  avoit  tofujeuis^  fort 
négligée-:  et  à  force  de  i*j  aplîquer  il  parvint!^ lire  cou- 
lamment  Tons  Bréviaire,  ce  qoUl  n*avoit  jamais  ^it  au» 
paravant.  11  auroit  encore  bien  vouks  m^enfeigoer  ia 
langue  .  Latine,  cVût  été  autant  d'angent  d^épai  gîté 
pour  lui  :  mais,  hélas,  le  pautre  Gil  Pérès  i  il  n'en  avoît 
de  fa, vie  fu  les  premiers  principes^}  c'étoit  peut-ctte 
(car  je  n'avance  pas  cela  comme  :u»  fait  certain)  1^ 
Cbanoine  du  Chamtce  le  plus  ignorftnt»^    Auffij'aîoui 

dU» 


BZ  Olh  HLAS.  89 

dîre^uHl  tk^zreH  {KMfit«obft€É9  ion  btnrfiœ  par.fon  éru« 
ditîoa  :  Si  le  devoît  uvîquciMtQt  à  la  reconnoiffance  de 
quelles  faoîmer.  J^itgiieafes,.  dent  il  »voit  été  le  difcvet* 
ccdmaifficHuÛFe,  et  qui  avaient  en  k. crédit  de  lui  faire 
donnée  r.ocdf»  de  ftf^iiieians  esèintn. 

Il  fat  donc  obligé  de  me  mettJW  fous  la  férule  d^m» 
maître  :  il  mVnvoya  cbéa-  le  Doreur  Gordînez,  qui  paC- 
foit  pour  le  plus  habile  p édant-d^Ovîédo.  Je  profitai  (t 
bien  dea.^nfttuâiofis.  q^'oh  jtne  donn^,  quSiu  bput  de 
çin<{  à  %ïi  années  j'entendais  un  peu  les  auteurs  Grircs, 
et  dfeZ'^lqn  les  poètes -^LatiftS.  Je  m'apHqoai  anfli  |  la 
}^îq4»e^  «qui  iti^apfirîl  à  rmfonner  beaucoup.  J^aimo!» 
tMit  iirÀifi^leiiq^e  J?acr^9i«  }e«  p^^ts »  coniiu^  o»  îo- 
«tl9il«r'cjp9ttie  leur  pr^9^i(F.  des  w^^çiOf^.     Jp  m'adref- 

(^9[ÉfldqiK^ii§ixi^4m^ï^^^^^^^i^  qui  »«  çiepuan* 

â«)t>Âii)p49:r9iiiWMc«  fl  il  fuloit  alpss  imos  v«iHr  difpuuir; 
Qtldt^fftsffi.jq^lU^l^i^faacefi»  qnc^lles  contorfions  I  aos 
^ux  jéifml  plein»  4^  ^reiir^  et  nqs  bnaf hes  écuipantesv 
ià»:Mm  dieyo»^ -piDy^t.  peadre  {>o^  des^  ppS^ésr  <l<ie 

«  -  Jerflttlftcqxûslipgtc;^^^  pai>1â  dat^s  la  ville  la  répiitatiom 
doii^a»9ti^..  iliù»-md^P^  ^^  r>v^i  P&r<tO  qu'il  ât  rérï«- 
«^«^qveî^GfiScr^iirbîemât  de  lui  être  à;  cbarge.  Ho  ça, 
£K1  Bteséi:  «EUS jiiik*ii  «n  jçiu^  )e  temsdetoA  aniance'eft 
jfptâé^    Tu  aibdéji^  dii^-'ftpt  ^n«,  et  te  yoili  devcpti  jbabiie 
jgnvçQa.  ,Al  tl^i  fonger  à  tç  pauQery  je  fuif  d^avis  de 
^efmki^cur:^  l'Dfiêrei^é  de  jS^al^x^anque^  .avec  TeTpHiqui^ 
je  te.vQÎs^.tjU  ne . manque  ras  pas  de  trouver  un  bon'pofte* 
Jle  iii^0ÉlMaS:<{^elqiie3'.ducats  f<>\if  fatce  ton  voyage,  a* 
9tf  C4ttal»uli^^i  vai^t  biea  dix. à  duni^  piOiolca  ;  ta  la  sren- 
«^la^^^SalafltfMuitie,.  et  tu  en  employérat  l'aj^gent  à  tVa- 
ttaftaifiîr  îufqu^à'Ce  qae>t»  fota  placé.  ^ 
v^  /lililie.'pousipît  rien  «e -proftofer  qui  me.fi^  plus  agré* 
jaUc^  «or  je  mousois  dVnviè  de  voir  le  pays'.    Cependant 
>j?e99&  afltz.  .ide  ^cce  fur  »pi  p.ot>r  cadier  ma  jqie  ^  et 
•iiir&)tili):£giJHat, partir,  nev  pafoifiantiènûble.qu^  la;  douleur 
j^dQi|uittea.«un  aflcirà^qtiiif  j'aaoisj  taittidlobligafiioa,  j/at- 
ac^dxis  le  boa  homme v^qut  roe^onna  plus  4?argeQt  qu?il 
::!!£•. •jns's H}  an roitwddnné^  s^il.ciat.pu  lise  ^it.£und  de  mon 
tàme;    sAvant  mou  dppa«t»j '«liai  embcafliec  mon  pèie.'et 
^4  4a9ière^7qui  .ne  .m'épargnèrent  pas  les. remontrances,, 
'  Il  aft'exhoflèreiit  àçprier  Dîeu  pour  mo<)  onck»  à  vivre  eu 

H  3  bcu-^ 


l»9Aii4te*ho«meVà  mt  me  pomt  cngisgor  iliinv^cr jiiianitiaSB 
ik&  Afaîr«^,  «t  fav  to«i»cholr  àtsepjit^liseddTele  biendtei^ 
Vut*  Âpre»  qu^ilrm'ciipeat  tcei  lQii^p.SéiABJuiniiig««f ili» 
xm  £rcAt  préfettt.de  lieur  bâiédiabn,  <|in  clidt:  k  fcnib 
lt>i«ia  qn«  j.'aUcndoî»  d^éuxw    Jku&tck:  îc  Àoèin  fimuift 


9101^  f  t  ron»  de  Im  ville* 


E'   j     ,î. 


CHAPITRE  ES,      :     -  > 


-  n 


i>«  akrnut  fu^il  eui  (iialkin^.à  Pfinnûjôri,dâ  cà  qfà!il 
.  ^/  ^m  arrivant  dam  cetu  vi&p  €i  ayeçquel  ho^^  il' 
.   foupa^  *  ...... 

£  Tdfô  d(»fie  1M«  dt>tiétftf jT  ftiv  l^ndu^tBiH^dë^i^llii 
n»â^)  «a  MHSêu  d^ltf€aliflpaglK^i^txMKtré^ë'tii4i# 
eélkins,  d^uâe  mativàiie  nitile^  «tdc^i^ariillfé  l4»ttî^d>«(««^ 
Ms  corepuerqueliquès  réaux,  qbe  j*««»oié  ^»Vtéls^nft»l  tf^ 
fondre  oiicfe.  La  pcf  mîeve  chëfé  que  je  fis,  lto4e4eiÂt 
stia  iBUle  alltr  ddifcréticm^  e*«ft^à  dk«;a«i  p«tit^#«    -J«r 
loi  mis  k  bride  for  fe  eou,  e%  tiMAt  m#»  4écacv  d»  !»# 
poche,  je  commençai  aies  compter  et reé^mi^r^dli^ 
moft  chapeau.    Je  n^éiois  pas  maitie  d%«i»  jôîé.  «^'^ 
li^avois  j^ktttâs'vu  tant  d'argetit.,  Jf^  Ae  péMWhfttlé'fiffei» 
d«  le  regarder  et  de  le  marner.    jiele>coiftpi<^)Mife^tréi^ 
pour  la  vingtième  fois,  quand  tottt-^-eo«ip  taa'miftb^è^ 
i^ant'la  tête   et  les  oreilfo»,  s^artéta  au  tifiiîêU'dii' gffâb^ 
chemin..    Jpé  jugeai  qoe  quelquechofe  V-nfitij^x  yyètt^ 
reganiat  ee  que  ce  pouvoit  être»   Jffcppereus^*ftrrtii*tefr^ 
ua  chapeau  renverfé;  fur  lequel  Rr  7  avoir  ua^' ¥ëfdlw^  tr? 
gro9  ^in^v  et  en  mime  tems  j'eBtc«dîë.tin^'%^:^nM^ 
table,  qui  pirotooflç»  ces  paroles'?  8étgiK&iir -pafibnt^  4t 
grâce  ayciB*  pitié  d*Un  pauvre  foldat  aftropii^'  jpHtet^/Vii 
vous  plait,  qùelquespleces  d^irgentdan»c«  tbape^  |'VOtf»> 
en  feres'  rccompenfé  dans  ràutre  moade^    Jè'toarniift 
«uflitAt  les  yeux-  du  e-ôté-qu'e-pattoitrla^vtfîx;    J^^i  auFî 
pféd  d^uh  butffoii,  î  %4ffgt  o«r trente  pfl»de  liioi^4lne  efpèoii 
de  foldat^  qui  fur  deux bftons^erotfids-oppiftyOTiljB  boni:, 
d^une  eftopete,.  qui  me  parut  plus-IbogUe^j^^oiM^'piqttie^^ 
et  a4^c  laqViellè  11  tWe  ccttchoit^e»  jduet  '  À«^««  ^ii«y 
qui  me 'fit  tfembli^r  (  ourle  bieti  de  l'JKgliôf)  je^ao^r^^iiii 
teut  court,  je  fcrtai  proratemeot  m>ee  dttoata,  je  lîm» 
quelques  îéaux^.etin^aptochant  ducbapéau  dii*pofô^  àrt'^ 
«.vair  la.  charitiJ  des  fidelet  affrlky<s,  je  le«  y  jtttal  Tudn 

a£rèsi 


.n£h  G  II;    Bi^'AS;  f« 


UanBotjr'  lbiit*iatifMt  de  m»  Kénévoité,  tt  ttra  domit* 
«at«t  :  de.  îbéatfnltfliifi  «^  je*deflmat  de  cewps  de- piée 
éane  iés;flttict;4e.  mUetolei  pour  tn^oifnerpr<niiU«iftit 
âB«itxti|^  eMf>lm  mciidke  Mte^  tfoiiipantlxneii  iaspetience,' 
n*en  aâa  pas  plus  vite  :  la  longue:  iiaUtiid»qo*èH«  a^oit 
de  mareher  pat  à  pas  feue  mon  oacle^  lut  avMt  fiiit  pen> 
dUe  IWai^  du  gakip>  ~ 

Je  ne  ikai  paa  de  cette  avanture  un  augure  trop  hrot» 
yaâé^  pour  mon  To^age.  Je  mereprefeotai.qne  te  n.'^éton 
.  ^as  ^idicorc*  'à«  Sàlafnâa^e,  et  que  je  pourrbis  bien  faire 
une  plus  mauvaife  rencontre-  Mon  oncle  me  parut  très- 
hmti^i^i^ydf^m  m^aviik  pa»  mk  eiitreJesijnMitiia^d'vii 
9Hà^Mi%i i.C^loil  S$m  d«tit<!^  ce  «ya'ii  autok  dû.  friff  «; 
mmilb^imii  fiNiffé.^Vm  me^doonaàtira  mule,  mon  rofm 
9^1  moi^wtcfeit.moiiif  I  et  il  avott  pluf  pen(«è  ^  ccte» 
^?^|E<^p4rib  qvm  je  poûvoît^  counr  en  ohenrin.  AinS^ 
^  pour  réf  af  ea.  fa .  faute,  ^  je  téfoku,  fi  j^avoif  Le  b«»lieur 

4^^9Î?er^JEViMiaflQV  ^^y  v^ndi^  ma  mule»  et  dé  preodi« 
Airff^i^-cfaKavrieti^rpttur  aller  h  Aftocga,  dVù  je  me  ren* 
4l!ois|^.Sfilftma9(|U«  pa#  l»  mâne  ^îture..  Qj^oique  je 
Mâfe4^â>^mii%  fqfAî  4H3viedo,  je  ji^îgnaroii  («la  k  aem 
4f9àJ9il^'|iaff;/iH!kje  defois- ;paàer  :  je  mVn  «tcisfait  ift^» 

JVNrrivuliiirUBéufemeftt  à»  Penoaflor»  je  m^anietai  1^  ia 

f9ft«.d!u|ie;)iâr(eHeMe  d^aflez  bonne  apparence.   Je  n'eus 

faS'  mi^  gi^  à^  't^^ree,  «yyie  Tbôle  vint  me  recevoir  foft 

«^EÎli;m^t^  :  lV4^taeba  kiirmème  m»VAlif<r,  la  ohargea' 

fiK^ftm^ffbdefi)  et^tt^.f^isdujik  ?Uuni»  cbambrcj^  pendaat 

ff^^u^i-dl^ies*  valeta  menek  mA  miUe  à  recucîe*  .Qet  Mxpt 

if  /^h^:gfaod  .b^WUi^it  des^  iUturies,  et  auliî  prorat.à> 

f09(er  (iiMM'  ae«eflîté'  frs-  |fr<3ipres  affaires  que  curieux  de 

t^PoiriCeUes^  d^autruî^  m'apprit  quUlfe  nommoit  Andfé 

Cowaéâa  :  qu?il'  a.voil  {tml  lông-trms  dans-  les  armées  du 

.  SLot 'ei^  qiuîiâf  de  (ergcnt,  et  que- depuis  quinaernois-ii^ 

avoit  (fuiltttrk  JÎRrvioe  p0U|^^p^^cr  une  fille  de  Caûiopoli 

^tttf>ibieA<  (^-itant^feit  peu  bafiwée^.  ne  laî.fibft.pas  de 

&ife  ^dMv'.lt'  bvuehaab,.  vU  <»e  dit  encore  une  inanité 

d^Mitire^icliorQa^.qae  je  roeTerQi&  fort  Uen  pafied ^entent 

dfCk)    Api:&h0ette*eonfidençe,  fe  croyant  en  droit  de  tout 

•aig^rdemoî^U  me  demanda  d'où  je  venoîs,  oùj'allois. 

Ci  qjii  ^^oi^     A  quoi  ÎL me.  falut. répondre  aitîcle  par. 

V  article  :> 


99'  LE.S\A-VArICTUJt£S 

«rtiele  ;  parée  ^vlH  aocoiofMjgfMk  iHttfle  (wrfasâK  lévA  ' 
req^  cha^qvut  qaeH^àa  ^o^l  me  fcftitv  ^^a  issiecprûiiitidStMi 
ftir  fî  r«fpe4Sbiettx  é^cuccufer  &<8»o6té,  ifBe  ffe  »einKiiro«» 

joniir  lentretiëii  ayec  tifif-et  Inecéftiimi'liLeîiddi^parier  du 
4]«ffbtii"et  ^t«'  ralfeti»  o^pic  jHiVoBd*  né<;d飻nardr  OMl 
nulle,  ^oiir^  piibiidte  ia  rdue  d*  oiulHfar. .'  iGft  «qtt-^ii  aip* 
prouva  fort,  non  fuccintement  ;  dar  iîrtiKe^ttpnMBiftariki^ 
•ddKis  itovs  le«^â«ndei»  'fM)ibwiv't{tH  tfMkvoîeoit  ftf*axriv«r 
^ar  1a  iùutp.  Il  tv^  vapotta  ntéme  plufievrslifilotfei^ 
^fmffires^e  TO^Agpars.  Je  xïioypit  ^fiï  ««/fittiisok  poiMfw^ 
Jl  -fiitit  powttaot^  iêfi  tff&nt,  «^n^fi^e  Toalak 9tiiAie<M' 
^mAe,  il  eomKfi&it  «ir  lici|ii}ètC'nui^«t^iM>B  nfoi  Vudkd-^ 
tcrbit.  J4  lut  «éflftoigaaixpi^  aneferoît  pàiàtiéi^l^Mf^ 
•Toyer  dlefclk^t*  f  il  y  feAlaf '  â»  le  «x^Mp  l^é^Qiéaii  «t<c 

Am|»Xie&iMpt;  ♦       ,»r  a^^i^-^utuioC 

Il  rei^fat  bieii-tât  acco«Bpaçiié4c'fo>k^)M>llitMV^«lf&l^ii|ir 
préfimtâ,  «t  dtfnt  il  louafoirt  la  pràbité.  Mo«iii  4il|tr««É0# 
tous  troî»  dans  la  cour,  où  l'on  ^mtvtk  mtt  iftul^t  Oliki 
lit  paffer  et  repaffer  devant  le  «aâqttign^ff^^qui:  lft>  «mil  ^ 
Pékamiiier  depti.ts  les  pies  jufqu^à  la  lète;  'Ik  '4t#  ««MM 
pat  d^cn  dîre  beaucoup  de  itodt.  JV'«oUtt>^\]^itonuW 
pou9oit  pas  dn-'e  beaucoup  de  bien  ^  '>tà^  ^uand-^VliAMit 
été  la  tnule  du  Pape,  il  y  aurott  trouvera  rèdii^.  '  ftsoi^ 
iupdit  doiic  qu^elle  aV'On  tous  lea  d^UU^du  «l<Mi4e'$  et 
pbUr  ùie  le  luieux  -perfuader,  il  en  Mtell#it  I*ii6f«)  <|fl 
'  fans'  dottt4s  avoit  ces  raifons  pour  eii  convenir;  Hé  Metf, 
xpc  dit  froidement  le  maquifuen,  coiiil4eUf(irél««d#t-«9t)a» 
vendre  ce  vilain  aniniai-l>à  ?  Aptèai'él^e  qu^H^  efr'a^C 
Ikit,  et  Taiteftatron  du  Setgtie>iT  Corouéloi,  qn't  j^  efdj^ib 
I)T>tâmfe£iicère  et-bon  cotincfffeurvj^rittl-eis'difnoé  fua«l4l« 
pour  ri^fi  ;  c*eft  pourquoi  je  dtn  au  ma^dhatid,-  <p3Pe  te 
m'en  rapportois  ^i-fa  ))onne-foi  ;  quHI  n'avôit  qu^^prvwr 
labéte  en  confcience,  et -que  je  m*en  tiendrais  i  H-fitifé^, 
Al<]rrs  fêlant  Phomme  d^bouneur,  il  ulie  tépooi^t  q<u^èt^ 
întereiTant  ià  confeience,  je  -le-  prenoîs^  ^par 'fou- foibie. 
Ce  n'étoit  pas  efibétivement par  foulofl f  <ar«u4i)iu^de 
faire  monter  l'èfliniation  àdix^ou  douae  ,pf ftolt^,  eoulniè 
mon  oncle,  il  n'eut  pas  bonté  de  la  ûx^r  à  troiiï-dtiPcan^ 
que  je  reçus  avec  autant  de  joie  "que  fi 'j'eufiî^ga|^né  à  ce 
marcbé-i^.  ■  ' 

Après  m-étr<  &  avautageufeo^enl  défait  dt  na  mule^ 

rh6tc 


lliôta  mo-  m/^oà^ahm  un  muletier  qui  devait  partir  le 
loBidefluiisi  pour  Aftorga.  Ce  muletier  me  dit  qu'il  par-» 
tkoit  -^vft»!  le  jotM^,  et  qu^il  auroit  foin  de  me  veorr  ré^ 
veiller*  .  Non»  lOPiiviiimes  du  prix,  taat  pour  le  lottagç: 
dîum^mulo»:  que  1  pour  19a  a^atriture;  et  quand  tout  fut 
resléftQtbfie  âoua^je  m>B  reiouraaiverf  rhôfielerie  arec 
C^naiolfs  i<|\jâ  chraiio.fefaBt  I4  mit .  à.  me  «acooter  Vhiù 
toiir»  4^  «ejnMilfliscr.  Il  m'i^ppnt  tout  ce  qu^oa  ^n  difoit 
d(Mif  "la  ▼illeé-  £#fin  il  alloii'de  nouveau  m'étourdir  de 
fiMlbabii  knporten,'  fi.par  boaheur  «a  homme  affez  biea 
fait  oip  £ut  .veau'PÎQterromprc,  en  Pabordant  avec.  beau<* 
cmijb'de  €xvïlit(^'  Je  lea  laifiai  eofemble,  et  continuai  mon 
^i^MMii^  .fprfi$  .feupçooaec  que  î^ufle  la  moiadre  part  k 

^Jfi  émùmiM  l^ifiMi^r.dèa  qvtftyt  fus  dans  rhôtelerÎQ^ 

C*étoit  un  jour  ma^re»  On  m'accommoda  des  oeufs.  Pea« 

évw  iqah^a  •me-lcstapr^toitt  je  liai  conreifation  avec  l^âàv 

HttCy-qiieîe4»'avob:piûat  encore  vue.     Elle  me  partit 

tfes  Joli«y  et  je  trouvai  fes  allures  fi  vives,  que  j'aarois 

b^^ji^^f'qnand  Ton  aiari  ne  me  rauroxt  pas  dit»  que  ce 

ci^lN<ia|'  ài^W  être  £091%  achalandé.     Lorlque  romelette 

4)l^otiraM>fei^«>fct  en  éiat  de  m'<kre  fervie^  je  m'ai&s 

lQlN|;&|lltà4ine  table,     je  a?a vois  pas.  encore  mangé  le 

Pl^liiier  norcegtt,  que  l'hôte  «ntra,  fuîvi  de  l'homme  qu» 

IVi «oit  «fi^té*  dans  la  sue»  Ce  Cavalier  portoit  une  loogqc 

^piècei  et  ppuvoit  biea  avoir  trente  ans.     II  s'aproch» 

4ttiflaqîi4^ttO>air  empreffé;.  Seigneur  £colier,  me  dit-il^ 

jo^ie$i«4'4ipfeB4rft^%ae>votts  ctcs  le  Seigneur. G  il  Blas  de 

ifaotiU^n^y  l'ofuement.  d*Oviedo,  et  le  flambeau  de  la 

jPiûlofophie»     £Aril  bien  poflible  que  vous  foyez  .ce  fa» 

vvuûflltma^  €Ctl>4l  efprity  doat  la  réputation  êft  â  grande 

«U'^e  paysrci  2  .Vous  ne  favcz  pas,  continua-t-il  en  s'a- 

dcefiaat  à  PhôteCcf  et  ^  l'hôtf,  vous  ne  favez  pas  ce  que 

vous  pofledeaf     Voua  avea  v^n  treiôr  dans  votre  maifon* 

VcAis  Toyc9.daas  ce  jeune  gentilhoouae  la  huitième  mer- 

irtàUe  du  mo^de*-  -  Puis  k  tournant  de  mo<t  cûté^  et  me 

jettant^lff  br^  au  cou  ;  Ëxçulê?  met  tianfports,  ajouta-^ 

Util  j«  nf  .&i$  poiat  maître  d«  la  joîc  que  votre,  préfencc 

.  Jo  ne  pur  lui  répondre  fur  le  chaipp,  parce  quSl  me 
tenoit  il  ferré,  que  je  n'a  vois  pas  la  refpiration  libre  }  et 
ce  oe  fiu  qji'apfès  fue  j^eus  la  t6te  dégagée  de  i'embra£* 

fade>, 


$4  LES  AYANTUmiES 

U4tt  <lttie  jft  kû  dis  :  Sdgnetir  Cavtlitr,  je  «e  €««y4jii»pàif 
mon  nom  connu  à  Penaâor*     Comment  coonu-^    vmptit» 
ilTurle^nême  ton:    Nous  tenoos  ccgtio'e  de   tmtutéBê 
grands  perfo«i»tges  qui  Sont  i  vinft .  limes  à  la  ^  roode; 
Vous  paSÎNS^pdur  ua  .prodî^,  et  je  ne  douts  |ms'  jqiu» 
r£if  a^ne  ne  fe  trouve  un  joor  aufii  v«lae  de  tous  avoir 
pzoduit,  que  la  Grèce  :di^a voir  vu  :aaitve  fes  Sages^   ■  C>e4 
paroles  furent  fuîvîes  d'un  nmivelle  -moooiadei  qivir'H  ^tné 
£alut  encore  eiTuyer^  au.  baetcd 'd'avoir :1e  ibrtd^Âatlféir*> 
Pour  peu.que  j'ie4i£re  eu i^tmpérwn^é^  je  a^ums  p«i»^ié  ia 
dupe  de  les  desaoïiftratîan^  m  defst  b^perbobes  ^  j^uiloié 
Igîea  connu  à  fe»  ^teries  eutiaéeSr  ^^  aUyàt.  tt»vde  ceê 
parafî^es  que  IW  tzxiUve  daaf  tentes  ks.9t21e»y)etq4iè<tèe 
qu'un  étranger  arrive,  s'introduifcnt  auprès  <dr  loi  pour 
rempilir  leur  ventre  à  ie3jdépei»$  ;  avais  ma  jcnafifie^ct  tmz 
vanité  m'en  £r€nt  juges  tant  autsenwatrf  .J)lo|i>adaiirai 
teuf  me  pftrtrtpn  ^ort  lsMmfiê5e:'faottft^^;et4<  IfiiMritai  d 
(ouper  avtec  moi.     Ah  i  .très  vx>lôa|iaisv  ^!éedia*:^<4L:  ;  tie 
&i  trop  bon  gf4  à  moa  jétoile  de  an'aaoir  fiik  rentooflÉBsee 


rilluAre  Gil  Blas  deSanlilkne^fiaua  ne  pas  jouir  da 

bonne  fortuae  le  plus  longtems  qae  jepQunmi,     fm.  Jtkk 

pas  grand  appétit,  pourfuivit-îl,  je  aaisrjttO.Dieltffcriàtalsii» 

pour  vous  tenir  x:aaiipagBÎe  feiilemeiut)  ei.  J^e  loastgaaai 

quelques  œorœauac  p^r  coœplalfanea.     .    ^.     .«  ?:   :i.> 

£n  parlant  Ataû,  mon  pajiagjsjâe  i?aflit.  vis'ià'ivîe  de 

moi.    *On  lui  apporta  un  ooua^it*     Il  fe  jetta  d^abcfid 

fori^omdLette  tvtc  tant  d'avidité,  4|a'îj[»reasbèkùt-  nWûiv 

xnaagé  de  trois  }^ujFe«   .  A  i'atr  ^cayplnjfmt  dont  il.  s!y 

pienoit,  je  via  bien  qa'^le  ferait  bieajfcâi  expedjéc^    J'e» 

ordonnai  une  feconde,  >qui  &ii  faite  4  pKoaateaiuaiity  ^qa^b» 

BOUS  la  lervit  .comme  nous  achevions»,  ou  fdntàt;  coaome 

il  achevait  de  noao^r  la  pcemiere.     il  y  allait  pouftaoe 

d'une  vilefle  to§oart  «gale,  ox  trouvoi^t  noo^en,  Taas.  pe;s« 

dre  ua  caup.de  dent,  de  .me  doaacr  louaages  fur  louants* 

ce  qui  jne  rendoit  fort  oontent  de  ma  peâ;ite  per fonnis»  U 

buvoit  auffi  fort  ibuveat  ^   tantôt  cMtojt  à  ma  fiuiit^i .  et 

tantôt  à  celle  de  moa  père  et, de  aoa  mi^Ai,  dai«t  il  .'ii<a. 

pouvait  affez.  aantefr  le.  i>oabiau;  d'avoir  aa  fils  lel  que 

moi.     En  même  tems  il  verfoit  du  via  dans  mon  vfirfa^ 

et  m?excitQst^  lui  faLoe  •raifoQ>    .Je  .ne  ireptondpis  point 

mal  aux  fautes  qpa^il  me  pos^teii  :  ce  qui,  a^çc  fiss^  6ate£ie9#^ 

me  mit  bièafiblpmeut  jde  fi  battf  hameur,  i|ue  Toy^a^ 

notre 


niÉ^fe  £icon4f  9«^ette  àaioitîé  smmfrét,  je*  deitandsi  à 

Pift^e  »'il  a'atoît  poa  de  poiffoo  à  nous  donner.      Le 

Scigrueur  Corcnélo,  qoî  feW  toutes  les  appttceocés  s'en-* 

teodott  avec  le  pmraâte»  me  répondît  :  J'aî  une  truiteex* 

6ç,l^i>tc^  mais  eUe  eoi^tera  <^ker  à  ce«x  qui  la  mangeront» 

€^c£t  ua  ssorosam  uep  friand  peiHr  ve^s.     Qn^sippeller» 

▼»ils  tr»p  friand  ?  dà  fllcv»  mon  fiaCew  d^nn  ton  de  w>ix 

41evé  :   voua  n'y  pen£»  foa^  mon  amL     Aprener  que 

vwsjs  n'avez  rien- de  trop  bon^|K)mi  Iç;  Seigoeirr  Gil  JBàas 

db  -Saatîlkiie,  qtii  mérite  d'^éâre  tvake  coatme  un^Prinee* 

«   Je.fîis  biea'-aife  ^u^U  eât  relevé  lea  derniers  paroles 

dri^bôtr^  et  U'Oe  -fit  en  !Bela'4{|ie  me  prévenir^     Je  m'en 

fefitîa  offenfé^  etrjedia  fiéteitient  à  €e]icnélo  :  App<H;tez« 

nous  votce  truiley  et*  ne  veur  embarrafies  pas  du  refïe« 

It%ote|  ^.«e  dmaadoit.pQf  mieux»  £e  mit  à  Papprêter^ 

et  tie<  tarda  gueaec  ^'Doe^  la  ièrvif  •   A  la  vue  de  or  nou* 

vea&  piat,.i  je  vk  briller  une- grande  joie  dans  les  yeux  du 

parafite»  qai  fit  paraître  une  nouvelle  complaifence,  c^cft 

a-<firey  qu'il  donna  Hir  le  poiflon  comme  il  a  voit  fait  fur 

lea^œufs.     il  fut  pourtant  obligé  de  fe  rendre,  de  peur 

d^Cféentf  car  il  en  «voit  jufqlî'il  la  gorge.     £nfin,  à- 

psic8^a9<Âf  imet  maxig^é  tout  fon  iaool,  il  voulut  finir  la 

camojiiev     Sei§nei»r 'Gil  Blas,  me  «fit- il  en  fe  levant  de 

table^  je  fuis  trop  Qonteât  de  la  bonne  chère  que  vous 

m.'^vi^  fake,  pour  vous  quitter  (ans  vbus  donner  un  avis 

importanti  dont  vous  me  paroifiez  avoir  befoin.     Soyez 

dtéormaîs  en  garde-  contre  les  louange».    .  Defkz  vous 

d^s  gens  que  vous  ne  connokrez  point.      Vous  en  pour- 

tea  rencontrer- d^autr  es  «  qui  voudront  comme  moi  fe  dî- 

votts  de  votre- crédulité,  et  -  peut-être  poufier  les  cbofes 

encore  plus -loin*  ^  Wen  (oytz  point  la  dupe,  et  ne*vous 

croffezpoint,  fur  leur  parole,!»  huitième  mer  veille  du  mon* 

de.  <£n  achevant  fes  mots,  il  me  rk  au  nez,  et  sVn  alla. 

Je  fus-auâi  f^nfible  à  cette'baje,  que  je  Pai  été  dans 

la-îuke  aux  plus  grandes  dii'graces  qui  me  font  arrivées. 

Jene  pouvots  me  oonfoler  de  m^être  laifi<E  tromper  fi. 

gz«(3îèremeAt)  ou,  pour  mieux  dire,  de  fentirmon  orgu. 

fil  butoriliéi     Hé^oi,  dis-je,  le  traître  s'eft  tlonc  joué 

de  moi  ?  Il  n'a  tantôt  abordé  mon  hôte  que  pour  loi  tirer 

les  vers  du-  nez,  ou  plutôt  ils  étoient  d'intelligeiure  tous 

àfiû%  I  -Ah  !    pauvre   Gî\  £hs,  meurs  de  honte  d*avoir 

doQué  à  crfr  fripoiïs  un  jude  fujet  de  te  tourner  en  ridi- 

*  culc. 


0  LES    AVA^fT0RES 

cule»  II9  vont  compdfer  de  tout  ceci  une  belle  hîâ^ihri 
qui  pourra  bien  âller  jufqu^à  Oviédo,  et  qui  t'y  fera  beau- 
coup  d'^honneur*  Tes  paréns  fe  repentiront  fans  doute 
d'avoir  tant  harangué  un  fot.  Loin  de  m'eaborter  à  ne 
troniper  perfonne,  ils  dévoient  me  recommender  de  ne 
roe  pas  laîfler  duper.  ^  Ag^té  de  ces  penféei  mortifiantes, 
et  eafiammé  de  dépit,  je  mVnfermai  dans  ma  chàmbrt, 
et  me  mis  au  lit  :  mats  je  ne  puç  dormir,  et  je  n*avoîs  pas 
encore  fermé  l'oeil^  lorfque  le  muletier  me  vint  avertir 
qu'il  n^attendoit  plus  que  moi  pour  partir.  Je  me  levai 
auffitot  *f  et  pendant  que  je  m'habilloîs,  Corcuélo  arriva 
avec  un  mémoire  de  la  dépenfe,  où  la  truite  n^étoit  pas 
oubliée  :  et  non  feulement  il  m*en  falut  pafler  par  où  S{ 
voulut,  jVus  même  le  chagrin,  en  lui  livrant  mon  argent, 
de  m'appercevoir  que  le  bourreau  fe  reffôuvenott  de  mon 
avantvire*  Aprèa  avoir  bien  payé  un  fouper  dont  j'avois 
fait  fi  defagréablemeqt  la  dî^eftion,  je  me  rendis  chez  le 
muletier  avec  ma  valtfe,  en  donnant  à  tous  les  diables,  le 
parafite,  Phôte,  et  Thôtelerie. 

CHAPITRE  III. 

r 

Dâ  la  ienlafion  qu'eut  h  muletier  fur  ia  route  i  qu^'elh  en 
fut  la  fuite  ;  et  comment  Cil  Blas  tomba  dans  CaryMe 
en  voulant  éviter  Scyila^ 

JE  ne  me  trouvoî  pas  fcul  avec  îc  muletier.  Il  y  avok 
deux  enfans  de  famille  de  Pennaflor,  un  petit  Chan- 
tre de  Mondonédo  qui  couroit  le  pays,  et  un  jeune  bour- 
geois d'Âûorga  qui  s'en  retournoit  chez  lui  avec  ure 
jeune  perfonne  qu'il  vepoît  d'époufcr  à  Verco.  Noi  s 
fîmes  tous  connoiûance  en  peu  de  tems,  et  chacun  eut 
bientôt  dit  d'où  il  venoit  et  où  il  alloif .  La  nouvelle 
mariée,  quoique  jeune,  étoit  fi  noire  et  ^  peu 'piquante, 
que  je  ne  prenois  pas  grand  plaifîr  î\  la  regarder  ;  cepen- 
dint  fa  jeuneiTe  et  Ton  embonpoint  donnèrent  dans  la  vue 
du  muletier,  qui  réfolut  de  faire  une  tentative  pour  ob- 
tenir fes  bonnes  grâces.  Il  paifa  la  j.ournée  à  méditer  ce 
beau  defî*ein,  et  il  en  remit  Inexécution  à  la  dernière 
couchée.  Ce  fut  à  Cacabélos.  Il  nous  fit  defcendre  h 
la  première  hôtelerie  en  entrant.  Cette  'maîfon  étoit 
plus  dans  la  campagne  que  dans  le  boarg,    et  il  en  con- 

noiffoit 


I>  E    G.I  L  vB  L  A  S.  97 


r  ■ 

■  '  eiiti^io  de  i^ous  fair-e  conduire  dans  une  chambre  éear- 

■  «t^c^l^QÙ  il  DQUS  laifla  ipupcr  tranquillement  ;  mais  fur  la 
I  ^£ivdurep^Sy  nous  le  vîmes  eotrer  d^un  air  furieux.  Par 
f  JlL  mort,  $!^f ia-tôl,  '  on  m%  volé  !    J'avois  dans  un  hc 


vpu&,9]^f3^  c^nfe£Si  k  crime  et  rendu  Pargent.  Kn  diianc 
,(;el^  d^ooair  fort  oaturej,  il  fartit,  et  bous  dejnccrames 
^d^p^  un  extiênie  ^lonnement» 

^.  [H  {Le  nouf  vint  pas  dans  reiprlt  que  ce  pouFroit  être 
i^Qe.feîqt  emparée  que, nous,  ne  doms  connoiffions  point  les 
vv§  les  Au\r6«,^ .  Je  ioupçoDAai  même  le  petit  Chantre 
4X^*^¥f  ^^1^  ^^*W"p^**®*  *^  ^***  pcut-étr^  de  moi  la 
méxpQ  .oej^Té^v  B'diJleura  nous .  étions  tous  de  jeunes 
içi§,^  :  .Nou$,nc  favions  pas  queliey  formalttés  s'obfcrvent 
pa  papeilcas!  xk>us  crûmes  de  bonne  foi  qu'on  commen- 
ceroit  par  nous  mettre  à  la  gcne.  Ainfi,  cédant  h  notre 
frayeur,  nous  fortimes  de  la  chambre  fort  brufquemcnt. 
Les  uns  f^agnent  la  rue^  les  autres  le  jardin,  chacun 
cherche  fon  falut  dans  la  fuite.^  jet  ]e  jeune  bourgeois 
4IAftp^a,  aufllt^ublé  que  nous  de  Pidée  de  la  queiiion, 
^  fauv^  COpame  un  autre  Ënée,  lans  s'embarrafler  de  £a 
lemme.  Alors  le  muletier,  à  ce  que  j'appris  dans  la  faite, 
plus  incontinent  que  fes  raulets^ravi  de  voir  que  fon  âra- 
tag^me  produifoit  l?eSet  qu'il,en  a  voit  attend  o,  alla  vaO- 
ter  cette  rufe  iogénieufe  à  la  bourgeoife,  et  tâcher  de 
profîteç.dc  Poccafion  y  mais  cette  Lucrèce  des  Alhiries, 
à  qui  la  rûîipvaire,m.iue.dc  fon  tentateur  prêtort  de  nou- 
velle^ iorc^f  fit  une  vi^puucufe  rélirtance,  et  pouflW  dt 
g^rands  eus.  .JL.a  patrouille,  qui  par  hazard  en  ce  mo- 
xnunt  fe  trouva  pics  de  Phutelctie,  qu^ll%  connoKToit  pour 
un  lieu  digne  de  ^on  attention,  y.  entra,  et  demanda  U 
ciufe  de  ct$  cris.  L'hôte,  qui  chantoit  dans  fi  Cui*finc, 
et  qui  fçiçnoit  de  ne  rien  ei^tendre,  fut  obligé  de  conduire 
le  Co99]9a3n4dnt  ti  fes  Archers  h  la  chambre  de  l.i  jwrfoa- 
ne  qui  çriojt.  Ils  arrivèrent  bieu  à  propos,- PAU u rien  13 f 
n^çnpouvoit  plus-  Le  Commandant,  homme  groHieret 
brutal,  ne  .vit  pas  plMtôt  de -quoi  il  s'agiflbit,  qu'il  donna 
cinq  ou  fix  coups  du  bois  de  fa  halebarde  à  Pamoureu:c 
O^ûletier,  et  Papogroph?  danjs  des  tctmes  dont  Iji  pu«. 

1  de  ti 


$8  LES    AVANTURES 

deur  n*étoît  guères  moins  bleffée,  que  de  Pa^ion  mêtue 
t}uî  les  lui  fiiggéroît.  Ce  Be  fut  pas  tput*  11  fe  faîfît 
du  coupable,  et  le  xoena  devant  le  Juge  avec  raccufatrîcey 
qui,  malgré  le  difordre  où  elle  étoit»'  voulut  aller  elle- 
même  demander  juûice  de  cet  attentat.  Le  Juge  Tccouo 
ta,  et  Payant  attentivement  cooiidérée,  jugea  que  raccufé 
étoit  indigne  de  pardon.  Il  le  fît  dépouiller  fur  le  champ, 
et  fuilîger  en  fa  préfence  :  puis  il  ordonna  que  le  lende- 
main, û  le  mari  de  PAllurienne  ne  paroiflbit  point,  deux 
Archers,  ^ux'frais  et  dépens  du  délinquant,  efcorteroient 
ia  complaignante  jufqu^à  la  ville  d'Aftorga. 

Pour  moi,  plus  épouvanté  peut-être  que  tous  les  autres, 
je  gagnât  la  campagne.  Je  traverfai  je  ne  fai  combien 
de  champs  et  de  bruyères  -j  et  fautant  tous  les  foffés  que 
je  trouvois  fur  mon  paffage,  j^arrivai  enfin  auprès  d'une 
forêt.  J'aliois  m'yjetter,  et  me  cacher  dans  le  plus 
épais  halller,  lorfque  deux  hommes  ^  cheval  s'ofiTrirent 
tout-àcoqp  au  devant  de  mes  pas.  Ils  crièrent,  Qui  va<- 
là  ï  et  comme  ma  furprife  ne  me  permit  pas  de  répondre 
fur  le  champ,  ils  s^àprochérent  de  moi»  et  me  mettant 
chacun  le  piftolet  fur  la  gorge,  ils  me  fommèrent  de  leur 
appfendre  qui  j'étoîs,  d'où  je  venois,  ce  que  je  voulois  al- 
ler faite  dans  cette  forêt,  et  fur-tout  de  ne  leur  rien  de- 
guiffsr.  A  cette  manière  d'interroger,  qui  me  parut  bien 
valoir  la  queiiion  dont  le  muletier  nous  avoit  fait  fête, 
je  leur  répondis  que  j'étois  un  jeune  homme  d'Oviéda  qui 
alloit  à,  Salamanque  :  je  leur  contai  même  Pallarme 
qu'on  venoît  de  nous  donner,  et  j'avouai  que  la  crainte 
d^être  apliqué  à  la  torture  m'a  voit  fait  prendre  la 
fuite.  Ils  firent  un  éclat  de  rire  à  ce  difcours,  qui  mar- 
quoit  ma  fimplicité,  et  l'un  des  deux  me  dit  :  Raifure- 
toi,  mou  ami  :  viens  avec  nous,  et  ne  crains  rien,  nous 
allons  te  mettre  en  fureté.  A  ces  roots,  il  me  fit  monter 
en  croupe  fur  fon  cheval,  et  nous  nous  enfonçâmes  dans 
la  forêt. 

Je  ne  favoîs  ce  que  je  devoîs  penfer  de  cette  rencontre. 
Je  n'en  r.ugurois  pourtant  rien  de  linillre.  Si  ces  gens- 
ci,  difois  je  en  mt>î-mêmc,  étoient  des  voleurs,  ils  m'au- 
Toient  volé  et  peut-être  affafliné.  11  faut  que  ce  foit  de 
bons  gentilshommes  de  ces  pais- ci,  qui  me  voyant  effrayé, 
ont  pitié  de  moi,  et  m'emmènent  chez  eux  par  charité. 

Je  ne  fus  pas  long-teras  dans  l'incertitude.     Ajptès  quel- 
ques 


DEGILBLAS.  99 

«fties  détours,  que  nous  fîmes  dans  un  grand  filence,  qou9 
TOUS  trouvâmes  au  pîé  d^une  colline,  où  nous  defccn* 
dfmcs  de  cheval.  CVll  ici  que  nous  demeurons,  me  die 
un  des  Cavaliers.  J'avois  beau  regarder  de  tous  côté»,  je 
n^appercevois  ni  mi'ifon,  ni  cabane,  pas  la  moindre  ap* 
parence  d'habitation.  Cependant  ces  deux  hommes  le- 
"«èrent  une  grande  trape  de  boiv  couverte  de  terre  et  de 
broflailles,  qui  cachoit  l'entrée  d'une  longue  allée  en 
pente  et  fouterraine,  où  Its  chevaux  fe  jcttèrent  d'eux- 
mêmes,  comme  des  animaux  qui  j  étoient  accoutumés. 
Les  Cavaliers  m*y  firent  entrer  avec  eux  \  puis  baiffant 
la  trape  avec  des  cordes  qui  y  étoient  attachées  pour  cet 
tffety  voilà  le  digne  reveu  de  mon  oncle  Pétez  pci» 
comme  un  rat  dans  une  ratière. 

CHAPITRE    ;V. 

.  JDtfiription  du  Souterrain^  et  quilles  eho/èt  j  vit  Gii  Blar» 

JE  connus  alors  avec  quelle  (brte  de  gens  j'étois,  et  Ton 
doit  bien  juger  que  cette  comioiffance  m'ôta  ma  pre- 
mière crainte.  Une  frayeur  plus  grande  et  plus  jufte  vint. 
6''empafer  de  m/es  fens.  Je  crus  que  j'allois  perdre  la  vie 
itvec  mt%  ducats.  Ainfî,  me  regardant  comme  une  vic- 
time qu'on  .conduit  â  l'autel,  je  marchois  déjà  plus  mort 
que  vif  entre  rares  deux  cooduéteurs,  qui  fcntant  bien  que 
je  trembloî«,  m'exhortoîeotÎQutilement  à  ne  rien  craindre •- 
Qiiand  nous  eûmes  fait  environ,  deux  cens  pat  en  tour- 
nant et  en  defcendant  toujours»  nous  entrâmes  dans  une 
écurie,  qu'éclairoient  deux  gro&s  lampes  de  fer  pendues 
à  là  voûte.  11  y  avoit  une  bonne  provifion  de  paille,  etr 
pluileurs  tonneaux  remplis  d'orge.  Vingt  chevaux  y 
pou  voient  être  à  Paife,  mais  il  n'y  avxHt  alors  que  les* 
«ieux  qui  venoient  d'arriver.  Un  vieux  Nègre,  qui  pa« 
KoifToit  pourtant  encore  aflez  vigoureux,  s'occupoit  à  les 
attacher  au  râtelier.  Nous  fortimeS  de  l'écurie,  et  à  la 
trille  lueur  de  quelques  autres  lampes^  qui  fembloient 
n^éclairer  ces  lieux  que  pour  en  montrer  l'horreur,  nous 
parvînmes  à  une  cuiûne,  où  une  vieille  femme  fefoît  rôtir 
4ies  viandes  fur  des  braziers,  et  preparoit  le  (buper.  La 
cuifine  étoit  ornée  des  utenfilesnéceffaires,  et  tout  auprès 
on  voyoit  une  ofBce  pourvue  de  toutes  -  fortes  de  previ- 
£ons«  La  cuifiniere  (il  faut  que  j'en  £afie  le  portrait) 
étok  une  peribn&e  de  foixantt  et  quelques  années.    Elle 

X-  2  avcit 


loo  LES    AVANTURES 

avoît  eu  dans  fa  jeuneiTe  les  cheveux  d^un  blond  très  ar« 
dcDt  ;  car  le  tetns  ne  les  avoit  pas^fi  bien  blanchis,  qu^ils 
/iVuiTent  encore  quelques  nuances  de  leur  première  cou- 
leur. Outre  un  teint*  olivâtre,  elle  avoit  un  menton 
pointu  et  relevé  avec  des  lèvres  fort  enfoncées  ^  un  grand 
nez  aquilin  lui  defcendoit  fur  la  bouche,  et  fes  yeux  pa- 
ToiiToient  d^un  très  beau  rouge  pourpré. 

Tenez,  Dame  Léonarda,  dît  un  des  cavaliers  en  me 
préfentant  à  ce  bel  Ange  de  ténèbres,  voici  un  jeune 
garçon   que   nous  vous   amenons.     Puis  il  fe  tourna  de 
mon  côté,  et  remarquant  que  j^étois  pâle  et  défait  :  Mon 
âmî,  me  dit-il,  reviens  de  ta  frayeur,  on  ne  te  veut  faire 
aucun  mal.   Nous  avions  befoin  djun  valet  pour  foulager 
notre  cuilînicre.     Nous.t'avons  rencontré,  cela  eà  heu- 
reux pour  toi.     Tu  tiendras  ici  la  place  d^un  garçon  qui 
s'eft    laiffé   mourir   depuis   quinze  jours.      C'étoit    un 
jeune  homme  d^une  complexion   très  délicate.       Tu  me 
parois  ploi  robufle  que   lui,  tu  ne  mourras  pas  fltôt. 
Véritablement  tu  ne  revérras  plus  le  Soleil,  mais  en  ré- 
compeofe  tu  feras,  bonne  chère  et  bon  feu.     Tu  pafleras 
tes  jours  avec  Léonarda,  qui  efi  une  créature  fort  hu« 
maine.       Tu  auras  toutes  tes  petites  commodités.      Je 
veux  te  faire  voir,   ajouta-t-il,  que  tu  n'es  pas  ici  avec 
des  gueux*     En  même  tems  il  prit  un  flambeau,  et  m'or- 
donna de  le  fuivre.    11  me  mena  dans  une  cave^où  je  vis 
une  infinité  de  bouteilles  et  de  pots  de  terre  bien  bouchés, 
^ui  étoient  pleins,  difoit  il,  d'une  vin  excellent.    Enfuîtc 
il  me  fit  traverfer  plulîeurs  chambres.     Dans  les  unes  il 
y  itvoît  des  pièces  de  toile,  dans  les  autres  des  étoffes  de 
laine  et  de  foie^    J'apperçus  dans  une  autre  de  l'or  et  de 
l'argent,  et  beaucolip^de   vaiiTelIe  à  diverfes  armoiries* 
Après  cela  je  le  fuivis  dans  un  grand  falon,  que  trois  lu- 
flres  de  cuivre  éclairoient^et  qui  fervoit  de  communication 
à  d'autres  chambres.    Jl  me  iît  là  de  nouvelles  quedions» 
11  roc  demanda  comment  je  me  nommois  ;  pourquoi  j'é- 
tois  forti  d'Oviédo;  et  lorfque  j'eus  fatisfak  fa  curiolité. 
Mé  bien,  Gil  JBlas,   me  dit-il,  puifque  tu  n'as  quitté  ta 
paiiifc  que  pour  chercher  quelque  bon  poûe,  il  faut  que 
tu  fois  né  coefTé  pour  être  tombé  entre  nos  mains.     Je  te 
l'ai  déjà  dit,  tu  vivras  ici  dans  l'abondance,  et  rouleras 
fur  Tor  et  fur  l'argent.     D'ailleurs,  tu  y  feras  en  fureté. 
Tel  cû  ce  foutcrrain,  que  les  Officiers  de  la  Sainte  Her- 

maudad 


DE   GTi;    lîtAS,  ict 

tsandâd  inendroient  cent  fois  dans  cette  forêt  fans  le  dc« 
eouvrir.  L'entrée  n'e»  èft  connue  que  de  moi  feul  et  de 
mes  camaradei.  Peut-être  me  demander«s«tu  tomraent  - 
nous  l'avons  pu  faire,  fans  que  les  habitans  des  environs 
9'en  foient  apperçus  :  mais  apprends»  non  âmi,  que  ce 
si'eft  point  notre  ouvrage,,  et  qu'il  eu  fait  depuis  long« 
tenus.  Après  que  les  Maures  £e  fxirent  rendus  maîtres  de 
là  Orensde,  de  l'Arragon^  etde  prefque  toute  TEfpsgne^ 
les  Chrétiens  qui  ne  voulurent  point  fubir  le  joug  des 
Infidèles,  prirent  la>  fuite,  et  vinrent  fe  cacher  dans  ce 
pays-ci,  dans  la  Bifcaje,  et  danS' les  A*ilu ries,  où  le  Vail« 
lânt  Don  Pelage  s*étoit  retiré.  "  Fugitifs  et  difperfés  par 
pelotons,  il  vivoîent  dans  les  montagnes  eu  dans*  les  bois» 
Les  uns  dcœeuroient  dans  des  cavernes,  et  les  autres  firent 
plulreurs  fouterrains-,  du*  nombre  defqueis  eil  celui-ci.- 
Ayant  enfuke  eu  le  bonheur  de  chafl*er  d'Efpagne  leurs 
•nnemis,  ils  retournèrent  dans  les  villcsi  Depuis  ce  tems^ 
là.  leurs  retraites  ont  fervi-  d^afyle  aux*-  gens  de  notre 
profeffion*  Il  èd  vrai  que  la  Siiînte  Hernrindad  en  a 
découvert  et  détruit  quelques-unes  v  mais  il  en  refte 
encore,  et  grâces  au  Ciel  ii  y  auprès  de  qaînze  ans  que 
j'habite  impunément  celle-ci«  Je  m'appelle  le  Capitaine  - 
Rolande,  je  fuis  Chef  de  ia  Compagnie,  et  l'homn^  q^e- 
to  as  vu  avec  moi  eft  un  de  mes  cavaliers.. 

e» A. PITRE  v;. 

J^â  I^arnrvée  de  fxhtfieurs  auitfs  Voleurs  d^m  h  SôutétTain^ , 
et  de  PagréabUcomierfation  qu'ils  eurent  enfembie^ 

COMME  le  Seigneur  Rolando  achevoit.de  parler  de 
cette  férte,  il  parut  dans  le  falon  fix  nouveaux  vi*- 
fâges.     C'écoit  le^  Lieutenant  avec  cinq  hommes,  de.la: 
troupe,  qui   rcvenoiènt  chargés  de  butin,     llsapportoi- 
ent  deux  manequins  remplis  de  fucre,  de  canelle,  dé  poi- 
vre,^ de  figues,  d'amandes,  et  de^  railins  fccs*     Lç  Lieu- 
tenant adreifa  la  parole  au  Capitaine,,  et  lui  dit  qu'il -y^»- 
noit  d'enlever  ces  maneq\iins  à>  un  Epicier  de  Bénévemc,. 
dont  iî  avoit  auDi  pris  le  mulet.     Après  qu'il  eut  rcndut 
oompte   de  fun  expédition  a\i  Bureau,  les  dépouilles  de- 
PEpicier  furent  portées  dans  l'oiîioe.    Alors  il  ne  fut  plus- 
^ueÛion  que  dîe  fé  rejouir..    On  drtfla  dans  le  falon  un^^ 
grande  table,  et  l'on  me  renvoya  dans,  la  cniûne,  o«^/a 

I  a     '  ^  ^ûame 


»a4  XES   AVANTURES 

«aces  de  mon  précepteur,  ou  bien  les  larmes  *ux  yèuvy^. 
j^allois  m^en   plaindre  à  ma  mère  ou  S  mon  ayeul,  et  je- 
leur  dtfoîs  quHl  m^avoit  maltraité.     Le  pauvre  diable  a« 
▼oit  beau  venir  me  démentir^  il  paffoît  pour  uti  brutal,  et 
l?bn  me  crûyoit  toujours  plutôt  que  lui.     Il  arriva  mê«- 
xae  u^  jour  que  je  m^^ratîgnai  moi-même,  puis  je  me 
mis  à  crier  comm«  fi  l^bn  mîeut  écorché;.     Ma  mère  acs> 
courut,  et  chafla  le  makre  fur  le  champ,  quoiqu'il  pro*- 
UÛât  et  prît  le  Ciel  à  témoin  qiki^l  ne  m'avoit  pas  touché. . 

Je  me  àeûs  aînd  de  tous  mes  précepteurs,  juCqu'^  ce^ 
qu^'l  vînt  s'en  préfenter  un  tel  i^^iï  me  le  falott.     C'é^ 
toit  un  Bachelier  d' Alcaîa.    L'excellent  maître  pour  ua. 
enfant  de  famille  1  il  aimoit  les  femmes,  le  jeu  et  le  ca« 
baret  ;  je  ne  pouvoîs  être  en  meilleure  main.     II  s'atta- 
cha d'abord  à  gagner  mon  éfprit  par  la  douceur.     11  j 
reuflit,'  et  par-là  fe  fit  aimer  de  mes  parens,  qui  m'aban» 
donnèrent  k  fa  conduite.     I]s<  n'^eurent  pas  fujet  de  s'en 
ïepentîr.     Il  me  perfeélionna  de  bont^  heure  dans  la. 
iciencedu  monde.-    A  força  de  me  mener  avec  lui  daur 
tous  les  lieux  qu'il  aimoit,  il  m'en  iofpira  û  bien  le  goût^ . 
qu'au  Latin  près  je  devin»  un  garçon  univerfel.     Dès>^ 
qu^il  vit  que  je  u^avois  plus  befotn  de  fespréceptei»^  il  al« 
la  les  offrir  ailleurs*. 

Si  dans  mon  enfance  jWois  vécu  au- logis  fort.  libre* 
ment,  ce  fut  bien  autre  c1iofe«  quand  je  commençai  à  de- 
venir maître  de  mes  aâiofis.   Je  me  moquois  à  tous  nK)^ 
ments  de  mon  père  et  de  ma  mère.      Ils  ne  fefolent  que 
rire  de  mes  faillies  -,  et  plus  elles  étoient  vives,  plus  ils  let- 
tTOuVoient  agréables»     Cependant  je  ^fois  toutes  fortes 
de  débatiches  avec  de  Jeunes  gens  de  mon  humeur;  et: 
comme  nos  parents  ne  nous  don  noient  point  afl*ez  d'ar« 
vgent  pour  cohtînuer  une  vit  fi  déiicieufe,  chacun  deroboit: 
^liea  lut  ce  qu'il  pouvoit  prendre,  et  cela  ne  fuiEfantt 
point  encore,  nous  commençâmes  à  voler  la  nuit.     Malr 
beureufement  le  Corrégidor  apprit  de  nos  nouvelles.     Il: 
voulut  nous  faire  arrêter,  mais  on  nous  avertit' de  fon- 
mauvais  de iïèin.     Nous  eûmes  recours  à  la  fuite,  et^rtious 
nous  mimes  à.  ex^ploiter  fur  les  grands  chemins.     JDepuis' 
ce  tems-la,  Mefficurs^  Dieu  m'a  fait  la  grâce  de  vieillir 
dans  U'profeiTion,  malgré  les  périls -qui  j  font  attachés^ 

Le  Capitaine  cefla  déparier  en  cet. endroit,  et  le  Lieu^ 
tenant  prit  ainû  la  parole»    Meffieurs  Une  éducation 

tout 


D  E   G  I  L    B  L  A  s.  105 

tout  oppofée  ^  celle  du  Seigneur  Rolando  a  produit  le 
même   e£Fet.     Mon  père  étoit  un  boucher  de  Tolède. 
Il  pafibit  avec  juûice  pour  le  plus  grand  brutal  de  la  vil- 
le, et  ma  mère  n^avoit  pas  un  naturel  plus  doux,     lis 
rae  fouettoîeot  dans  mon  enfance,  comme  à  IVnvî  Tun  de 
Tautre.     J'en  recevois  tous  Its  jours  mille  coups.     Ls 
moindre  faute  que  je  commettois,  étoit  fuivie  des  plus 
xudes  châtîmens.     pavois  beau  demander  grâce,  les  lar« 
mes  aux  yeux,  et  protefler  que  je  me  répentois  de  ce  que 
j 'a  vois  fait,  on  ne  me  pardon  n  oit  rien,  et  le  plus  fou  vent 
on  me  frappoit  fans  raifon.     Quand  mon  père  me  bat- 
toit,  ma  mère,  comme  s'il  ne  s'en  fut  pas  bien  acquitté^ 
fe  mettoit  de  la  partie,  au  lieu  ^  d'intercéder  pour  moi. 
Ces  traitements  m'infpirèrent  tant  d'averûon  pour  la  mai* 
fon  paternelle,  que  je  la  quittai  avant  que  j'eufle  atteint 
sua  quatorzième  année.     Je  pris  le  chemin  d'Arragon^ 
et  me  rendis  à  Saragoce  en  demandant  l'aumône.     Là 
je  4ne  faufilai  avec  des  gueux,  qui  menoient  une  vie  afiez 
heureufe.     Ils  m'apprirent  à  contrefaire  l'aveugle,  à  pa- 
xoitre  eflropié,  à  mettre  fur  les  jambes  des  ulcères  poti- 
ches, <t  catera*     Le  matin t  comme  des  adleurs  qui  (e    ' 
préparent  à  Jouer  une  comédie,  nous  nous  difpofions  à 
faire  nos  perlonnages,  chacun  couroit  à  Ton  poAe  \  et  le 
foir,  nous  réuniffant  tous,  nous  nous  réjouiilions  pendant 
la  nuit  aux  dépens  de  ceux  qui  a  voient  'eu  pitié  de  nous 
pendant  le  jour.     Je  m'ennuyai  pourtant  d'être  avec  ces 
miférables,  et  voulant  vivre  avec  de  plus  honnêtes-gens, 
je  m'aflbciai  avec  des  Chevaliers  d'Induflrie.    *Ils  m'ap- 
prirent à  faire  de  bons  tours  \  mais  il  ngus  falut  bientôt 
fortir  de  Saragoce,  parce  que  nous  nous  brouillâmes  avec 
un  homme  de  jaûice  qui  nous  avoit  toujours  protégés. 
Chacun   prit  fon  parti.     Pour  moi»  j'entrai  dans    uud 
troupe  d*homme$  courageux  qui  fefoient  contribuer  les 
voyageurs  i  et  je  me  fuis  (i  bien  trouvé  de  leur  façon  de 
vivre,  que  je  n'en  ai  pas  voulu  chercher   d'autre  depuis    , 
ce  tems-Ià.     Je  fai  donc,   MeflTieucs,  très  bon  gré  à  mes 
parents  de  m'avoir  û  maltraité  j  car  s'ils  m'avoiciit  élevé 
un  peu  plus  doucement,  je   ne  ferois  préfentement  (ans- 
doute  qu'un  malheureux  boucher,  au  lieu  que  j'ai  l'hon- 
neur d'être  votre  Lieutenant.  c. 

Mefiieurs,  dit  alors  un  jeune  voleur  qui  étoit  aills  entre 
U  Capitaine  et  le  Lieutenant^  les  hlAoires  que  nous 

"  venons» 


io6  LESAVANTURES 

venons  dVnteî^dre,  ne  font  pas  fi  corapofées  riî  fi  curieu* 
fes  que  la  mienne.  Je  dois  le  jour  à  une  payfanne  dea 
environs  de  Séville.  Trois  fematnes  après  qu^elle  m'eut 
mis  au  monde  (elle  étoît  encore  jeune,  propre,  et  bonne 
nourrice),  on  lui  propofa  un  nourrtffon.  C'ctoit  un  en- 
fant de  qualité,  un  fils  unie^ue  qui  venoit  de  naître  dan4 
Séville.  Ma  mère  accepta  volontiers  la  proportion,  et 
alla" chercher  Penfant.  On  le  lui  confia,  et  elle  ne  Teat 
pas  fitôt  apporté  dans  fon  village,  que  trouvant  quelque 
refiemblance  entre  nous^  cela  lui  inipira  le  defiein  de  me 
faire  pafler  pour  Tenfant  de  qualité,  dans  refpérance 
qu'un  jour  je  reconnoitrois  lûen  ce  bon  ofike.  Mon 
père,  qui  a^étoît  pas  plus  fcrupuleux  qu'un  autre  payfan, 
aprouva  la  fupercherîe.  Deforte  qu'après  nous  avoir  fait 
changer  de  langes,  le  fils  de  Don  Roderigue  de  Herréra 
fut  envoyé  fous  mon  nom  à  une  autre  noarricç,  et  ma 
mère  me  nourrit  fous  le  fien. 

Malgré  tout  ce  qu'on  peut  dire  de  l'inftinét  et  de  la 
force  du  fang,  les  parents  du  pptit  gentilhomme  prirent 
aifément  le  change,     ils  n'eurent  pas  le  moindre  foup« 
çon  du  tour  qu'on  leur  avoit  joué,  et  jufqa'à  l'âge  de^ 
iept  ans  je  fus  toujours  dans  leurs  brar.     Leur  intentioa 
étant  de  me  rendre  un  cavalier  parfait,  ils  me  donnèrent 
toutes  fortes,  de  maîtres  ^  mais  j 'a vois  peti  de  difpolîtioit 
pour  les  exercices  qu'on  m'apprenoit,  et  encore  moins  de- 
goût  pour  les  fciences  qu-'on  vouloit  m'enieîgner.     J'ai*  . 
mois  beaucoup  mieux  jouer  avec  les  valets,  que  j'allots 
chercher  à  tous  moments  dans  les  curfînes  ou  dans  les. 
écuries.      Le  jeu  ne  fiit  pas  toutefois  longtems  ma  paf^ 
£on  dominante;     Je  n'a  vois  pas   dix   fept  ans  que  je* 
xn'envyrois  tous  les  jours.    J'aga^pis  auffi  toutes  les  fem- 
mes du  logis.     Je  m'attachai  principalement  à  une  fer* 
vante  de  cuifîne,  qui  me  parut  mériter  mes  premiers  foins»^ 
C'étoit  une  grofie  jouffluot  dont  l'enjouement  et  Tembon- 
point  me  plaifoient  fort.     Je  lui  i'efois  l'amour  avec  A 
peu  de  circonfpeétioa,   que  Don  Rodrigue  même  s'en 
apperçut.     11  m'en  reprit  aigrement  j    me  reprocha  la 
bafieile  de  mts  inclinations  ;    et  de   peur  que  la  vue  de 
l'objet  aimé  ne  rendit  fes  remontrances  inutiles  il  mit 
ma  princeffe  à  la  porte. 

Ce  procédé  me  déplut.     Je  refolus  de  m'en  venger. 
Je  volai  les  pierreries  de  1»  ^cnuM  de  Dom  Rodrigue  -,  et 

couranfr 


DE   G  IL   Bt  AS.  107 

courant  cliercber  ma  belle  Hélène,  qui  t'étoit  retirée 

chez  un  blanchîfleufe  de  fes  amies,  je  ^enlevai  en  plein 

xnidiy    afin  que   perfonne  n'en   ignor&t*     Je  paâai  plus 

avant.      Je  la  menai  dans  fon  pays,  où  je  Pépoufai  folem- 

nellement,  tant  pour  faire  plus  de  dépit  aux  Herréras^ 

que  pour  laiffer  aux  enfants  de  famille  un  û  bel  exemple 

8  fut vre.     Trois  mois  après  ce  mariaf^,  j^apris  que  Don 

Koderigue  étoit  mort.     Je  ne  fus  pas  infenfîble  H  cette 

nouvelle,    Je  me  rendis  promptement  à  Sevîlle,  pour  de* 

laauder  fon  bien  j  mais  j^  trouvai  du  changement.    Ma 

mère  n^étoit  plus,  et  en  inourant  elle  a  voit  eu  Tindifcre- 

tîon  d^'avouer  tout  en  préfence  du  Curé  de  fon  village  et 

d^autres  bons  témoins  :    Le  fils  de  Don  Rodrigue  te- 

noît    ^éjà  ma  place,  ou  plutôt  la  iienne  ;  et  il  venoît 

d^ètre  reconnu  avec  d'autant  plus  de  joie,  qu'on  étoit 

moins  fatisfait  de  moi.     De  manière  que  n'ayant  rien  à 

efpérer  de  ce  côté-là,  et  ne  me  Tentant  plus  de  goût  pour 

ma  grofle  femme,  je  me  joignis  à  des  Chevaliers  de  for-* 

.tune,  avec  qui  je  commençai  mes  caravanes.  J 

L«e  jeune  voleur  ayant  achevé  fon  hifloire,  un  autre 

dit  qu'il  étoit  fils  d'un  marchand  de  Burgos  ^    que  dans 

fa  jeuneffe,  poufiTé  d'une  dévotion  indifcrétte,  il  a  voit  pris 

l'habit  et  fait  profeifion  dans  un  ordre  fort  auftere,  et 

que  quelques  années  après  il  avoit  apoftafié.     Enfin,,  les 

lâuit  voleurs  parlèrent  tour  à  tour,  et  lorfque  je  les  eus 

tous  entendus,  je  ne  fus  pa&furprîs  de  les  voir  cnfemble. 

Ils  changèrent  enfuite  de  difcours»     Ils  mirent  fur  le 

tapis   divers   projets  pour  la  campagne   prochaine:  et 

après  avoir  formé  une  réfolution,  ils  le  levèrent  de  table 

pour  s'aller  coucher.     Ils  allumèrent  des  bougies,  et  fe 

retirèrent  dans  leurs  chambres.     Je  fuivis   le  Capitaine 

Rolando  dans  la  fiènne,  où  pendaiic  que  je  l'aidois  à  fe 

déshabiller,  He  bien,  Gîl  Bîas,  me  dit- il,  tu  vois  de 

quelle  manière  npus  vivons.   Nous  fommes  toujours  dans 

la  joie.     La  haine  ni  Tenvîe  ne  fe  gb'fient  point  parmi 

nous.  Nous  n'avons  jamais  le  moindre  démêlé  enfemble^    . 

Nous  ipmmes  plus  unis  que  des  Moines,     Tu  vas,  mon 

enfant,  pourfuivitJl,  mener  ici  une  vie  bien  agréable  j 

car  je  ne  te  crois  pas  afTez  fot  pour  te  Êiire  une  peine 

d'être  avec  des   voleurs.     Hé  )    voit>on  d'autres  gens 

dans  le  monde  ?   Non,   mon  ami,  tous  les  hommes  ai*. 

ment  à  s'approprier  le  bien  d'autrui*    C'èH  un  fentiment 

geaéiaL 


io8  LES    AVANTURES 

général*  La  manîefe  feule  en  è(l  dîfierente»  Les  Cou* 
(]uérantSy  par  exemple,  s^emparent  des  états  de  leurs 
Toinns.  Les  perfonnes  de  qualité  empruntent  et  ne 
rendent  point.  Les  banquiers,  Treforîers,  Agcns  de 
Change,  Commis  et  tous  les  Marchands,  tant  gros  que 
petits,  ne  font  pas  fort  fcrupuleux.  Pour  les  Gens  de. 
Juftice,  je  n^en  parlerai  point,  on  n^lgnore  pas  ce  'qu^lls 
favent  faire.  11  faut  pourtant  avouer  qu?îls  font  plus 
humains  que  nous  ;  car  fouvent  nous  ôtonsla  vie  aux  in- 
nocents, et  eux  la  (auvent  quelquefois  aux  coupables. 

CHAPITRE    VI. 

Dt  la  tentative  que  fit  GU  Blas  'pour  Je  fawoer^  et  quel  en 

fui  Ufuccès. 

APRES  que  le  Capitaine  des  .voleurs  eut  fait  aînfi 
Papologie  de  fa  profeAion,  il  fe  mit  au  lit  ;  et  moî^ 
je  retournai  dans  le  falon,  où  je  deffervis  et  remis  tout 
en  ordre.  J'allai  enfuite  à  la  çuifine,  où  Domingo  (c^é« 
toit  le  nom  du  vieux  Nègre)  et  la  Dame  Léonarda  fou* 
poient  et  m'attendoient.  Quoique  je  n'euife  point  d^ap* 
.petit,  je  ne  laiiTai  pas  de  m'affeoir  auprès  dVux.  Je  ne 
pouvois  manger  ;  et  comme  je  paroiflois  auifi  trifte  que 
j'avoîs  fujet  de  l'être,  ces  deux  figures  équivalentes  entre- 
prirent de  me  confoler.  Pourquoi  vous  affligez-vous, 
mon  fîls  \  me  dît  la  vieille  \  vous  devez  plutôt  vous  ré- 
jouir de  vous  voir  ici.  Vous  êtes  jeune,  et  vous  paroiifez 
j&cîle.  Vous  vous  feriez  bientôt  perdu  dans  le  monde. 
Vous  y  auriez  rencontré  des  libertins,  qui  vous  auroient 
engagé  dans  toutes  fortes  de  débauches  \  au  lieu  que  vo- 
tre innocence  fe  trouve  ici  dans  un  port  afîuré.  La  Dame 
Léonarda  a  raifon,  dit  gravement  à  fon  tour  le  vieux 
Nègre,  et  l'on  peut  ajouter  à  cela  qu'il  n'y  a  que  des 
peines  dans  le  monde.  Rendez  grâces  au  Ciel, 'mon 
ami,  d'être  tout  d'un  coup  délivré  des  pérîles,  des  em- 
barras, et  des  affljéUons  de  la  vie. 

J'effuyai  tranquillement  ce  difcours,  parce  qu'il  ne 
m'eut'  fervi  de  rien  de  m'en  fâcher.  Enfin  Domingo, 
après  avoir  bien  bu  et  bien  mangé, -fe  retira  dans  fon 
écurie.  Léonarda  prit  aufïitôt  une  lampe,  et  me  con« 
duifît  dans  un  caveau  qui  fervojt  de  cimetière  aux  vô- 
leurs  qui  mouroienl  de  leur  mort  naturelle,  et  cù  je  vis 
un  grabat  qui  avoit  plus  Pair  d'un  tombeau  que  d'un  lit. 

Voilà 


r 


i 


t>  £    G  I  L   B  L  A  S.  109 

Voilîk  Vôtre  chambre,  me  dît.elle.    Le  garçon  dont  vous 
■avez  le  bonheur  d^occuper  la  place,  y  a  couché  tant  qu^il 
a  vécu  parmi  nous,  et  il  y  repôfe  encore  après  fa  mort. 
Il    s'^e^  laifie   mourir  à  la  fleur  de  foa  âge.      Ne  foyez 
pas  afTez  firople  pour  fuivre  fon  exemple.     £n  achevant 
ces  paroles,  elle  me  donna  la  hmpe,  et  retourna  dans  fa 
cuîfine.      Je  pofai  la   lampe'  à  terre,  et  me  jettai  fur  le 
grabat,  moins  pour  prendre  du  repos,  que  pour  me  liv- 
rer tout  entier  à  mes  réfleâions.       O  Ciel  I  m*écriaje,  • 
cft-il  une  deilinée  auflii  affreufe  que  la  mienne  !  On  veut 
que  je  renonce  à  la  vue  du  foleil  ;  et  comme  (i  ce,  n'étoit 
pas  afiez  d'être  enterré  tout  vif  à  dix-huit  ans,  il  faut 
encore  que  je  fojs  réduit  à  fervir  des  voleurs,  à  pafler  le 
jour  avec  des  brigands,  et  la  nuit  avec  des  morts  !  Ces 
penfées,   qui   me   fembloient   très   mortifiantes,   et  qui 
Pétoient  en  effet,  me  fefoient  pleurer   amèrement.     Je 
maudis  cent  fois  l*envie  que  mon  oncle  avoit  eue  de  m*en- 
voyer  à  Salamanque.      Je  me  repentis  d'avoir  craint  U 
jufttcé  de  Cacabélos.     J'aurois  voulu  être  à  la  queflion. 
Mais  coniîderant  que  je  me  confumois  en  plaintes  vaines^ 
je  me  mis  à  rêver  aux  moyens  de  me  fauver.    lié  quoi, 
dis- je,  e(l-11  donc  impofltble  de  me  tirer  d'ici  ?  les  vô« 
leurs  dorment.     La  Cuilinère  et  le  Nègre  en  feront  bi- 
entôt autant*     Pendant  qu'ils  feront  tous  endormis,  ne 
puis-je  avec  cette  lampe  trouver  l'allée  par  où  je  fuis  de* 
fcendu  dans  cet  enfer  !  Il  eft  vrai  que  je   ne  me  croîi; 
point  affez  fort  pour  lever  la  trape  qui  eR  à  l'entrée. 
Cependant  voyons.     Je  ne  veux  rien  avoir  ?r  me  repro- 
cher.    Mon  deféfpoîr  me'  prêtera  des  forces,  et  j'en  vi»- 
endrai  peut-être  à  bout. 

Je  formai  donc  ce  grand  delTein.  Je  me  levai,  quand 
•  3^  j^S^^^  9°^  Léonarda  et  Domingo  rcpôfoient.  Je  pris 
la  lampe  et  fortis  du  caveau,  en  me  recommandant  ^  tous 
les  Saints  du  Paradis.  Ce  ne  fut  pas  fans  peine  que  je 
démêlai  ks  détours  de  ce  nouveau  labyrinthe,  j'arrivai 
pourtant  à  la  porte  de  l'écurie,  et  j'apperçus  entin  Pal- 
îée  que  je  cberchois.  Je  marche,  je  m'avance  vers  la 
trape  avec  autant  dé  légèreté  que  de  joie  :  mais,  héhs  ! 
au  milieu  de  l'allée  je  rencontrai  une  maudite  grille  de 
fer  bien  fermée,  et  dont  les  barreaux  «étoient  fî  près  Pun 
de  l'autre,  qu'on  y  pouvoit  à  peine  pâfler  la  main,  j  e 
me  trouvai  bienfôt  à  la  vue  de  ce  ftouvel  obflacle,  dont 

K  je 


xio  LES'AVANTURES 

je  ne  m'étois  point  apperçu  en  entra nt,  parce  que  la 
grille  étoît  alors  ouverte.  Je  ne  laiffai  pas  ppiirtaiit  de 
tâter  les  barreaux.  J^examiflai  la  ferrure.  Je  tâcboîs 
même  de  la  forcer,  lorfque  tout-à-coup  je  me  fentis  ap- 
liquer  entrer  les  deux  épaules  cinq  Ou  ûk  bons  coups 
fie  fouet.  Je  pouflài  un  cri  fi  perçant,  que  le  fou- 
terrain  en  retentit  ^  et  regardant  aum»tôt  derrière  moi, 
je  vis  le  vieux  Nègre  en  chemiiê,  qui  d^une  main  tenoîc 
une  lanterne  fourde,  et  de  l'autre  l'inflrunent  de  mon  fu- 
plice.  Ab,  ab,  dît-îl,  petit  drôle,  vous  voulez  vous  fau- 
ver  !  bo  i  ne  peufez  pas  que  vous  puîflkz  me  furprendre. 
Je  vous  ai  bien  entendu.  Vous  avez  cru  la  grille  ou- 
verte, n^efl«ce  pas  !  Aprénez,  mon  ami,  que  vous  la 
trouverez  déformais  toujours  fermée.  Quand  nous  rete- 
nons ici  quelqu'un  malgré  lui,  il  faut  qu'il  foit  plus  fin 
que  vous  s'il  nous  écbappe. 

Cependant  au  cri  queJ'avMS  f«it,  deux  ou  trois  vô- 
fleurs  fe  réveillèrent  ^en  ftiifaut;  et  ne  facbant  fi  c^étoit 
la  Sainte  Hermandad  qui  venoit  fondre  fur  eux,  ils  fe 
levèrent  et  appellèrent  leurs  camarades.  Dans  un  in- 
ilant  ils  font  tous  fur  pié.  Ils  prennent  leurs  epées  et 
leurs  carabines,  et  s'avancent  prefque  nods  jufqu'à  l'en* 
droit,  où  j*étois  avec  Domingo.  Mais  fitôt  qu'ils  furent 
la  caufè  du  bruit  qu'ils  avoiént  entendu,  leur  inquiétude 
fe  convertit  en  éclats  de  rire.  Comment  donc,  G  il 
Blas,  me  dit  le  voleur  apofiat,  il  n'y  a  pas  fix  heures  que 
tu  es  avec  nous,,  et  tu  veux  déjà  t'en  aller  ?  Il  faut  que 
tu  ajes  .bien  de  Paverfion  pour  la  retraite.  He  !  que 
feroîs-tu  donc  fi  tu  étois  Chartreux  ?  Va  te  coucher,  tu 
en  feras  quite  cette  fois-ci  pour  les  coups  que  Domingo 
t'a  donnés  ^  mais  s'il  t'arrive  jamais  de  faire  un  nouvel 
effort  pour  te  fauver,  par  Saint  Bartjbéléroi!  nous  t*é- 
corcberons  tout  vif.  A  c^s  mots  il  fe  retira.  Les  autres 
voleurs  s'en  retournèrent  aufTi  dans  leurs  chambres.  Le 
vieux  Nègre,  fort  fatisfait  de  fon  expédition,  rentra  dans 
fon  écurie  >  et  je  regagnai  mon  cimetière,  où  je  pafiai  le 
reile  de  la  uuit  à  foupirer  et  à  pleurer. 

CHAPITRE    VIT. 
De  ce  que  fit  GU  Bias^  ne  pouvant  faire  mieux, 

JE  penfai  fuccomber  les  premiers  jours  au  chagrin  qui 
me  dévoroit.     Je  ne  fefois  que  traîner  une  vie  mou- 
rante ) 


i 

f  DE    GIL   BLAS.  in 

rante  ;  maû  enfin  tnon  bon  gétiie  xn^infpîra  la  peafée  de 
di/Hnialer.  J^afFe^lai  de  paroître  mqîns  triftc.  Je  corn* 
meoçai  à  rîrc  et  à  chanter,  quoique  je  BVn-  eulTc  aucune 
envie.  £n  un  mot,  je  me  contraîjjfnîs  fl  bien,  que  Léo* 
Barda  et  Domingo  y  f^rent  trompes.  Us  crurent  qus 
Poifeau  s'^accoutumoît  à  la  cage.  Les  voleurs  s'inutgi* 
nèx:eB,t  la  même  chofe.  Je  prcnoîs  un  air  gai  en  leur 
verfant  à  boire,  et  je  me  mêlais  à  leur  entrcticui  quan4 
je  trouvais  occafîon  d'y  placer  quelque  plai(antcrîe.  Mar 
liberté,  loin  de  leur  déplaire,  les  divertiâfoit.  Gil  Blas^. 
me  dit  le  Capitaine  un  foir  que  je  fefois  le  plaifant,  tu 
as  bien  fait,  mon  ami,  de  baiinir  la  mélançboHe.  Je  fuii 
charmé  de  ton  humeur  et  ds  ton  efprjt.  On  ne  connoit 
pas  d^abord  les  gens.  Je  ne  te  crovois  pas  ii  Jpirituel  ni  il 
enjoué. 

Les  autres  me  donnèrent  attfli  mille  louanges*    Ils  m  3 

parurent  û  contents  de  moi,  que  proiîtant  d'une  Ci  bonne 

dîfpofitîon  5  Meffi€ur5,lcur  dis-je,  permettez  que  je  vou$ 

découvre   mes   fentimcns.     Depuis  que  je  demeure  ici, 

^,      je  me  fens  tout  autre  que  je  n'étois  auparavant.     Vous 

X      m'avez   défait  ,(^es  préjugés   de   mon   éducation.     J'ai 

J?"'    pris  înfeniïblcmerit  vot-re  efprit.     J'ai  du  goût  p9ur  votre 

profeffion.  Je  meurs  d'envie  d'avoir *i>b|»|?g)^W^j[|'j^j|;e'^^''?T:i 
-un  de  vos  confrère»,  et  de  partager  avec  vôîis  les  périls 
de  vos  expéditions.  Toute  1»  compagnie  applaudit  à  ce 
difcouTS.  On  loua:  ma  bonne  volonté.  Puis  il  fut  ré« 
iolu  tout  d'une  voix,  qu'on  me  laiiïèroit  fervir  encore 
quelque  tems  pour  éprouver  ma  vocation  ^  qu'enfuit e  oa 
me  ferQÎt  faire  mes  caravanes  ^  après  quoi  on  m'accorde* 
roit  la  place  honorable  que  je  demandois. 

II  falut  donc  continuer  de  me  contraindre,  et  d'exer- 
cer ,mon  emploi  d'echanfon.  J'en  fus  très  mortifié  ; 
car  je  u'afpirois  à  devenir  voleur,  que  pour  avoir  la  li- 
berté de  fortijr  comme  les  autres  y  et  j'efpéroîs  qu'en  fe- 
fant  des  courfes  avec  eux,  je  leur  écbapperois  auelque 
jour.  Cette  feule  efpéranCe  foutenoit  ma  vie.  L  attente 
néanmoins  me  paroifToit  longue,  et  je  ne  lai^aî  pas  d'ef- 
fayer  plus  d'une  fois  de  furprendre  la  vigilance  de  Dg« 
mingo,  mais  il  n'y  eut  pa^  moycos.    11  étoit  trop  fur  fcs  i 

gardes.     J'aurois  défié  cent  Orphées  de  chariper  ce  Cer*  l 

bere.     Il  eil  vrai  auHli  que  de  peur  de  me  rendre  fufpeé^, 
|b  ne  fçfois  pas  tout  ce  que  j'aurois  pu  faire  pour  le 

K  a  tromper. 


"*i2  LESAVANTURES 

tromper.  Il  m'obfervoît,  et  j'étois  obligé  d*agir  avec 
beaucoup  de  oircoQfpeâion  pour  ne  pas  me  trahir.  .  Je 
m^en  remettois  donc  au  tems  que  les  voleurs  m'a  voient 
prcfcrît,  pour  me  recevoir  dans  leur  troupe  9  et  je  rat-i* 
tendois  avec  autant  d'impatience,  qute  û  j*cuffe  dû  entrer 
dans  une  compagnie  de  Traitans. 

Grâces  au  Ciel,  ce  tems  arriva  fix  mois  après.  L.e  Sei- 
gneur Rolando  dit  à  fes  Cavaliers  :  Meffieurs,  il  faut 
tenir  la  parole  que  nous  avons  donnée  à  Gil  filas.  Je 
n'ai  pas  mauvaife  opinion  de  ce  garçon-lik  ;  je  cjoîs  que 
nous  en  ferons  quelque  chofe.  Je  fuis  d'avis  que  nous 
le  menions  demain  avec  nous,  cueillir  des  lauriers  fur  les 
grandscbemÎDS.  Prenons  foin  nous-mêmes  de  le  drefier 
ft  la  gloire.  Les  voleurs  furent  tous  du  feniiment  de 
leur  Capitaine  ^  et  pour  me  faire  voir  qu'ils  me  regar- 
doient  déjà  comme  un  de  leurs  compagnons,  dés  ce  mo« 
ment  ilr  me  difpensèrent  de  les  fervir.  Ik  rétablirent  la 
Dame  Léonardu  dans  l'emploi  qu'on  lui  a  voit  ôté  pour 
m'en  charger.  Ils  me  firent  quitter  mon  habillement, 
qui  couiiftoit  en  une  fimple  foutanelle  fort  ufée,  et  ils  me 
parèrent  de  toute  la  dépouille  d'un  Gentilhomme  nouvel- 
lement volé.  Après  cela,  je  mje  difpofai  h  faire  ma  pte» 
.  mière  campagne. 

CHAPITRE  VIII. 

GilBIasaceompagneles    Vôleuru     ^el  escpkît  il  faît  fu/f 

les  Grands -chemins. 

CE  fut  fur  la  fin  d'une  nuit  du. mois  de  Septembre, 
que  je  fortis  du  fouterraîa-  avec  les  voleurs.  J'étois 
armé  comme  eux  d'une  carabine»  de  deux  piftolèts,  d'une 
épée,  et  d'une  bayonette  •,  et  je  montois  un  affez  bon 
cheval;  qu'on  avoit  pris  au  mêine  Gentilhomme  dont  je 
portois  les  habits.  Il  y  avoit  ^  longtéms  que  je  vivois 
dans  les  ténèbres,  que  le  jour  naiffant,  ne  manqua  pas  de 
m'éblouir  \  mais  peu  à  peu  mes  yeux  s'accoutumèrent  à 
le  foufPrir. 

Nous  paflames  auprès  de  Ponferradà,  et.  nous  allâmes 
nous  mettre  en  ambofcade  dans  un  petit  bois,  qui  bor- 
doit  le  grand  chemin  de  Léon.  Là.  nous  attendions 
que  la  fortune  nous  oflFtit  quelque  bon  coup  à  faire^ 
quand  nons  appcrçumes  un  religieux  de  Tordre  de  Saint 
■*  '  Dominique»; 


DE    Gît    6tAS.  113 

It^oviûiquey  mont^,  contre  l'ordinaire  de  ces  bons  pères' 
&r  une    mauvaife  ni]ale«     Dfeu  foît  loué,  a^écria  le  Ca« 
pîtaînfi  en  riant,  voici  k  chef-d'œuvre  de  Gil  Blas.     U 
£ittt  qu'il  aille  détroufler  ce  Moioe,  voyons  comment  il 
a*7   prendra.     Tous  les  voleurs  jugèrent   qu'efFcftîve- 
ment  cette  comcniffion  me  convenoit,  et  ils  m^exbortè- 
rent  à  m'en  bien  acquitter.     Meffieurs,  leur  dis-je,  vous 
fierez   coatens*     Je  vais  mettre  ce  père  nud  comme  la 
main«  et  vous  amener  ici  fa  mule;     Non,  non,  dit  Ro- 
lando,  elle  n'en  vaut  pas  la  peijir.^    Apporte  rous  feule* 
ment  la  bo^rfe  de  fa  Révérence^  c'èd  tout  ce  que  bous 
ciLÎgeoiis  de  toi.     L^'»defius  je  fprtis  du  bois,  et  pouffai' 
vers   le    Religieux,  en  priant  le  Ciel  de  me  pardonner 
Talion  que  j^allois  faire;     J*ai^oîs  bien  v«oulu  m'échap* 
per  dès  ce  moment*!^^  mais  la  plupart  dès  vôKurs  étoi'^ 
eut  encore  mieux  montés  que  mot^     S^ils  m'eufiVnt  vu' 
fuir,  ils  fe  feroient  nûs  à  mes  troufliesy  et  m'auroicnt 
bientôt    ratrapé  ;  ou'  peut-être   aurofent-ils^  fait  fur  moi^ 
une   décbarg-e  de  leurs*  carabines,  dont  je  me  Geroîs  fort 
mal   trouvé.     Je   n^ôfai  donc  bazarder  une  démarche  iî>' 
délicate.     J^  joignis  le  père»  et  lui  demandai  la  bourfe- 
en  lui  pré£entant  le  bout  d^un  ptftoleti-  U  s'arrêta  tout 
court  pour  me  confiderer,  et  fans  paroitre  fort >e£Prayés' 
Mon  enfant-,  me  dit-il^  vous  êtes  bien  jeu oe^^  vous  faites^ 
de  bonne  beure  un  vilain  métier.     Mon  Pare, -lui ^epon- 
dis-je,  tout'viiain  qu'il  e A ,. je  voudroisPavoir  commencé 
plutôt.     Ab  !  mon  fils^  répliqua  le  boa    Religieux,  qui 
n'avoit  garde  de  comprendre  le  vrai  fens  de  mes  paroles^^ 
que  dites  vous  ?  quel  avei^lement  !  fouffrea  que  je  vous 
repr^fente  Pétat  malbeureox.    ■     On,  mon  Père,  inter^i 
rompis-je*  avec  précipttatsoa,  ttêve  de  morale,  s'il  vous* 
plait.'    Je   se  viens  pasfurles  grands-^cbeminspour  en* 
tendre  des  fermons,  jç  veux  de  Tardent.'    De  l'argent  !• 
me  dit  il  d'un  air  étonné:  vour  jugez  bien  mal  de  la 
cbarité  des  £fpagiiols,  fi  vous  croyez  que  les  perfonnes 
de  mon  caractère  ayent  bcfoin  d  argent  pour  voya>;v^r  en 
£fpagoe;     Détrompça^vous»     On  nous  reçoit  agréable* 
ment  par-tout  \  on  nous  loge,  on  nous  nourrit,  et  1  on  ne 
aous*  demande  que  des  prières.     Enfin,  nous  ne  portons 
print  d^rgent  fur  la  route,  nous  nous  abondonnons  à  la 
Providence.     Hé!  non,  non.  lui  repartis-je,  vous  ne  vous 
y  abandonnea^  pas.     Vous  avez  toujours  de  bonnes  pif- 

K  3  tôles, 


fi4  LES    AVANTURES^ 

tôles,  pour  être  plus  fûrs  de  la  Providence;  Mait^  mon^ 
père,  ajoutai -je.  finirons.  Mes  camarades,  qurfonidan^ 
ce  bois,  s'impatrentent.  Jettertout  à  l^eme  votre  bourfe 
à  terre,  ou  bien  je  vous  tue. 

A  CCS  mots,  que  je  prooonçii  d^ûn  aîr  menaçant,  le 
Helrgieux  fembla  craindre  pour  fa  vie  :  Attendez,  me* 
dit-il^  je  vais  donc  vous  fatisfanre^  put^u'îl  le  faut  abfo- 
himent  :  Je  voi»  bien  qu'avec  vobs  autres*  les  figures  de 
rhétorique  font  inutile^.     En  difa^t  cela,  il  tira  de  def- 


répéter.  11  preflar  les  ^nçs'de  fa  mole,  qui  démentant 
Poplnion  que  j'avois  dMle,  c«r  je  ne  la  croyois  pas  meil*- 
leure  que  celle  de  mon  oncïe«  prit  tout-à^coup  un  affea 
bon  train.  Tandis  qu^l  ft'é)oig;noîty  jt  mis  pié  à  terre* 
Jt  ramaifai  là  bourfe  quvme  parut  pefante.    Je  remontai 

'  lur  ma  bête,  et  regagna  promtemenrt  le  bois,  où  les  vô* 
leurs  m'attendoient  avec  impatience;  pour  me  ftHciter 
de  ma  viâoire.  A  peine  me  donnèrent*îls  le  tems  de 
defcendre  de  cheval,  tant  ris  s^empreflbient  de  m'èmbraf- 
^r.  Courage;  Gîl  filas,  me  dit  Rolando,  tu  viens  dé- 
faire des  merveilles.  J'ai  eu  Tes  yeux  fur  t«>i  pendant* 
ton  expédition)  j^*ài  obiervérta  contenance,  je  te  prédit^ 
que  tu  deviendras  un  excellent  voleur  de  grands  chemins^ 
Xe  Lieutenant  et  les  autres  applaudirent  k  la  prédiâion^ 
et  m'aflùrèrent  que  je  ne  pouvois  manquer  die  raccom- 
plir  quelque'  jpur.  Je  les  remerciai  de  îir  haute  idée 
qu'ils  avoîent  de  moi,  et  leur  promis  de  faire  tous- me» 
efforts  pour  la  foutenir. 

Après  qa'iis  m'eurent  d'autant  plus-  loué,  que  je  nié» 
rîtois  moins  de  l'être,  il  leur  prit  envie  d^examiner  le  bu* 

'  tin  dont  je  revenoi»  chargé.  Va3rons,  dirent -ils,  voyons- 
ce  qu'il  y  a  dans  la. bourfe  du  Religieux.  Llk  doi^t  être 
bien  garnie,  continua  l'un  d'entre  eux,  car  ers  bons 
pères  ne  voyagent  pas  en  pèlerins.  Ee  Capitaine  délra- 
la  bouife,  l'ouvrit  y,  et  eh  tira  deux  ou  trois  poignées  de- 
petites  médailles  de  cuivre,  entte-mélées  d'Agnus  Dci 

Jhà^vec  quelques  Scapulaires..  A  la  vue- d  un  larrcia-fi  nou- 
veau, tous  les  voleurs  éclatèrent  en  ris  immodérés.  Vive 
pieu  !  s'écria  le  Lieutenant,  nous  avons  bien  de  l'bbh- 
fcatioa  ^  Gil  filas»    H  vient,  pour  fon  coup  d^cffai,  de 

&ire 


DE    GIL    BLAS. 


itj 


faire  un  vôl  fort  falutaîre  à  la  compagoîe.  Cette  plat^ 
isnterie  en  attira  d'autres.  Ces  fcékmts,  et  parties* 
lièrement  celât  qui  avoît  apoflafié,  commencèrent  à  8^6* 
gajtr  fur  la  matière.  Il  leur  échappa  mille  traits,  qui 
siarquotent  bien  le  dérèglement  de  leurs  mœurs.  Mci 
feul,  je  ne  rioxs  poîat.  Il  eft  vrai  que  les  railleurs  m>a 
ôtoient  l'envie,  en  fe  r^ouiflant  ainfi  à  mea  dépena. 
Chacun  me  lança  fon  trait,  et  le  Capitaine  me  dit  :  M«. 
fi>î,  Gil  BlaSy  j«  te  confeille  en  ami  ;de  ne  te  pllis  jouer 
aux  Moines»  ce  font  des  gens  trop  fias  et  trop  rufés  pour 
toi. 

CHAPITRE    IX. 

Z7<r.  t  Evénement  ferteux  qmfuruU  cett9  Jhanture» 

*  9 

NOUS  demeurâmes!  dans  le  bots  Ta  plus  grande  partie 
de  la  journée,  fafbs  a pperce voir  aucun  voyageur  qui 
fût   payer  pour  le  Religieux.     Enfin  nous  en  foriîmeS' 
four  retoorncr  au  fouterraÂn^  bornant  nos  exploits  t  C€ 
lifible  événement,  qui  feibit  encore  le  fujèt  de  notre  eai- 
tretîen,  lorfqrue  nous  découvrîmes  de  loin  un  carofle.  àL 
quatre  mules.   Il  venoit  k  nous  au  grand  trot,  et  il  étoit 
accompagné  de  trois  hommes  à  cheval;  qui  nous  paru* 
leot  bien  armées.     Rolande-  fit  faire  halte  à  la  troupe^ 
pour  tenir  confeil  la  defibs,  et  le  réfultat  fut  qu^on  atta- 
queroit.    Anffitôt  il  nous  rangea  de  la  manière  qu^il^  vou«» 
hit,  et  nous  marchâmes  en  bataille  au  devant  du  carofie*. 
Malgré  les  applaudifiiementsque  j'avois  reçus  dans  le  bois»- 
je  me  fehtis  failir  d'un  grand  trerableroenit,  et  bientôt  il 
fortit  de  tout  mon  corps  une  fueur  froide,  qui  ne  me 
f  réfageoit  rien  de  bon*     Pour  furcroit  de  bonheur,  j'é*^ 
tois  au  front  de  la  bataille  entre  lé  Capitaine  et  le  Lieu- 
tenant,  qui  m^avoient  placé  là  pour  m'accoutumer  au  fea 
tout  d*VLï^  coup.   Rolando  remarquant  jjafqu'à  quel  point 
nature  pâti&it  chez  moi,  me  regarda  de  travers,  et  me 
dit  d'un  air  brufque,  EIccoute,  Gil  Blas,  fonge  à  faire 
ton  devoir»     }c  t'averti«,  que  fi  tu  recules,  je  te  cafierai 
la  tête  d'nn  coup  de  piitolet.     J'étois  trop  perfuadé  qu'il 
le  feroit  comme  il  le  difoit,  pour  négliger  l'avertiâemcnt»^  - 
C'eil  pourquoi  je  A  penfai  plus  qu'à  recommander  roe 
ame  à  Dieu. 

Pendant  ce  tcms-là  le  carofle  -et  les  Cavaliers  s'apro* 

choient» 


11(5  LÇS  AVANTURES 

xslioienté    Ils  connurent  qjuejle  forte  de  gens  ooas  étioas  ^ 
.et  <)^vînant  notre  deifeîn  à  notre  cooten^Mace,  ils  5*arrS<^- 
tèrept  %  k  portét*  <l*une  efcopete.     ils  avoîent  aufli-bîciir' 
que  nous  dea  carabinier  et  <}es  piftolfcts.    Ts^ndis  qu'ils  fe 
préparpîent  ^  cous  receiroîr,  il  fortit  d^  çarojQTe  tui  hon^jpic  ' 
bien  fait  et  i^îchemçio^  vétu^     H  monta  ft^r  ^n  cheval  de 
9iain  dont  un  des  Cavaliers  tenoit  ^a  b^ride,  et  il  fe  mit  ^  : 
1^  tête  des  autres.     1:1  n'a.voit  pour  armes  qju«  Ton  épée- 
'  iCt  4eui!C  piAplets,     encore  qyi^ils  ae  fufleat  que  quatr^^ 
contre  oeuff  çajr  le  cppher  dcmejura  fur  fou  fiege»  Hs  A'iar' 
vancèrent  vers  nous  avec  une  audace  qui  redoubla  mgn 
effroi.     Je  ne  laîiTai  pas  pourtant,  quoique  tremblant  de  ' 
tous  «tnes  membres,  de  me  tenir  prêt  à  tirer  mon  coup  : 
mais  pQur  dire  les  çboCes  comme  elles  font,  je  fermai  les  - 
yeux,  et  tournai  la  tête  en  déchargeant  ma  carabine  :  et^ 
de  la  maotère  i|ue  je  tirai,  je  n^  doi$  point  $iyoir  ce  coup«- 
H  fur  la  conCcîence.  « 

Je  ne  ferai  point  un  détail  d.e  Faâion.     Qlioîqtie  pr^-^- 
fent,  îe  ue  Toyois  rien  ;  et  mapeur,  en  me  troublant  l*i«- 
roa^ination,  me  cachoit  Thorreur  du  (peétaclc  même^ 
qui  m*effrayoit.     Tout  ce  que  je  faîs,  c^eftv  q^r^après  ua^ 
grand  bruit  de  mouiquetades,  j'entendis  mes^oompagnon» 
crier  à  pleine  tête,   ViBoire  f  viéfaire  l^  A>  cette  accla* 
mation,  la  terreur  qui  s^étoit  emparée  de  mes  fens  fe  diiV 
(ipa,  et  j^apperçuâ  fur  le  champ  de  batïdlle'les  quatre  Ca- 
valiers étendus  fans  vie.     De  notre  oâté,  nous  nVâme»^ 
qu'un  homme  de  tué.     Ce  fut   l'apoftat,  qui  n^eut  en 
cette  occaiibn  ^que  ce  qu^H  mérîloît  pour  fon  apoltafîe^ 
et  pour  fes  mauvaifes  plaifan taries  &t  le»  Scapulaires» 
Le  Lieutenant  reçut  au  bras  une  bleSure  ;  mais  elle  fe 
trouva  très  légère,   le  coup  n^ayànt  fait  qu'effleuier  la> 
peau. 

Le  Seigneur  Rolando  courut  d'abord  à  la  portière  du- 
caroiTe.  Il  y  a  voit  dedans  une  Dame  de  vingt  quatre  à- 
vingt-cinq  ans,  iqui  lui  parut  très  'belle,  malgré  le  triâe 
état  où  il  la  voyoit.  Elle  s'étpit  évanouie  pendant  le 
combat,  et  fon  évanouiflement  dareit  encore.  Tandis 
qu  il  s'occupoit  à  la  regarder,  nous  fongeames  nous  au- 
tres au  butin  Nous  coromençnmes  par  nou^  aflurer  des^ 
chevaux  des  Cavaliers  tués;  car cestlnîmaux,  épouvantée- 
du  bruit  des  coups,  s'étoient  un  peu  écartés,  après  avoir 
perdu  leurs  guides.  .  Pour  les  mules^  elles  n'avoient  pas- 

branlé,. 


DE    GIL   BLA8.  117 

branlé,  quoiqoe  doraot  Taâion  Ih  cocher  eût  quitté  foa 
Cège  pour  fc  fauver^  Nous  mîmes  pîé  à  terre  pour  les 
dételer,  et  nous  les  chargeâmes  de  plufîeurs  malles,  que 
nous  trouvâmes  attachées  devant  et  derrière  le  carofTe. 
Cela  fait,  on  prit,  par  ordre  du  Capitaine,  la  Dame  qut 
n'avoit  point  encore  rapellé  fes  efprits,  et  on  la  mit  si 
cheval  entre  les  mains  d'un  voleur  des  mieux  montés  } 
puis  laiflant  fur  les  grands-chemins  lecaroffe  et  les  morts 
dépouillés,  nous  emmenâmes  avec  nous  la  Dame^  les 
mules,  et  les  chevaux. 

CHAPITRE  X. 

De  quelle  manière  les  voleurs  en  usèrent  a^ec  la  Dame,  Du 
grand  dejfsin  que  forma  Gil  Blas^  et  quel  en  fut  revenez 
meni» 

IL  y  avoit  déjà  plus  d'une  heure  qu'il  étoit  nuit,  quand 
nous   arrivâmes  au  fouterrain.     Nous  menâmes  d'a- 
bord les  bêtes  li  l'écurie,  où  nous  fumes  obligés  de  les 
attacher  nous-mêmes  au  râtelier  et  d'en  avoir  foin,  paice 
que  le  vieux  Nègre  étoit  au  lit  depuis  trois  jours.  Outre 
que  la  goûte  l'avoit  pris  violemment,  un  rhumattfme  le 
tenoit  entrepris  de  tous  fes  membres.     11  ne  lui  relloit 
rien  de  libre  que  la  langue,  qu'il  employoit  à  témoignée 
•  fon  impatience  par  d'horribles  blafphêmes.     Nous  lai& 
famés  ce  miferable  jurer  et  blafphémer,  et  nous  allâmes 
a  la  cuifîne,  où  nous  donnâmes  toute  notre  attention  à  la 
Dame.     Nous  fîmes  û  bien,  que  nous  vinxhes  à  bout  de 
la  tirer  de  fon  évanouiifement.     Mais  quand  elle  eut  re- 
pris l'ufage  de  fes  fcns,  et  qu'elle  fe  vit  entre  Us  bras 
de  plufîeurs  hommes  qui  lui  étoient  inconnus,  elle  fentit 
-  fon  malheur,  elle  en  frémit.     Tout  ce  que  la  douleur  et 
le  défefpoir  enfemble  peuvent  avoir  de  plus  affreux,  pa- 
rut peint  dans  fes  yeux,  qu'elle  leva  au  Ciel,  comnre 
pou'r  lui  reprocher  les  indignités  dont  elle  étoit  menacée. 
Puis  cédant   tout-à.coup    à  ces  images  épouvantables, 
elle  retombe  en  défaillatce,  fa  paupière  fe  referme,  et 
les  voleurs  s'imaginent  que  la  mort  va  leur  enlever  leur 
proie.     Alors  le  Capitaine,  jugeant  plus  à  propos  de 
l'abandonner  à  elle-même  que  de  la  tourmenter  par  d^ 
nouveaux  fecours,  la  tt  porter  fur  le  lit  de  Léonarda,  oà 

oa 


xiS  LES    AVANTURES 

on  la  laî£&  toute  feule  au  hazdrd  de  ce  qu!ll  eq  pouvait 
arrirer. 

Nous  paflames  dans  le  falon,  où  un  des  voleurs,  qui 
avoit  été  Chirurgien,  vilîta  le  bras  du  Licutenarit»  et  Iç 
frotta  de  baume.  L'opération  faite,  on  voulut  voir  ce 
qu^il  y  avoit  dans  les  malles.  Les  unes  fe  trouvèrent 
remplies  de  dentelles  et  de  linges,  les  autres  d'habits  ; 
mais  la  dernière  qu'on  ouvrit  renfermoit  quelques  facf 
pleins  de  piiloles,  ce  qui  réjouit  infiniment  Meflfîeurs  le$ 
mtérefles.  Après  cet  examen,  la  Cuifinière  dreiTa  le 
buffet,  mît  le.  couvert  et  fervit.  Nous-nous  entretinmes 
d^abord  de  la  grande  vi^oire  qvie  nous  avions  remportée, 
fur  quoi  Rolando  m'adrefTant  la  parole  :  Avoue,  Gll 
Blas,  me  dit-il,  avoue  que  tu  as  eu  grand  peur.  Je  ré« 
pondis,  que  j'en  demeurois  d'accord  de  bonne  foi  ;  maïs 
qu<ï  je*  me  battrois  comme  un  Paladin,  quand  i'àuroîs 
fait  feulement  deux  ou  trois  campagnes.  Là  deiîus  toute 
la  compagnie  prit  mon  parti,  en  difant  qu'on  devoit  me 
le  pardonner  j  que  l'âélion  avoit  été  vive  ;  et  que  pour 
un  jeune  homme,  q«i  n'avoit  jamais  vu  le  feu,  je  ne  m'é- 
tois  point  mal  tiré  d'affaire. 

La  converfation  toinba  enfuîte  fur  les  milles  et  les  che« 
vaux  que  nous  venions  d'amener  au   fouterraîn.      I^^  fu|; 
arrêté  que  le  leifdemain  avant  le  jour  nous  partitions  ^ous^ 
pour  les  aller  veiidre  à  Manfîlla,  où  probablement  on- 
n'auroit  point  encore  entendu  parler  de  notre  expédition» 
Cette  refoltttion  prife,'  nous  achevâmes  de   fouper,  puis 
nous  retpurnames  à  la  cuifîne  pour  voir  la  Dame.     Noua 
la   trouvâmes    dans    la    même  fîtuation*       Néanmoins, 
quoiqu'elle  parût  à  peine  jquir  d'un  refte  de  vie,  quelques 
voleurs  ne  laiffèrent  pas  de  jctter  fur  elle  un  œil  pro- 
fane, et  de  témoigner  une  brutale  envie  qu'ils  auraient 
fatisfaite,  fi  Rolando  ne  les  en  ei^t  empêchés,  en  leur 
repréfentant   qu'ils    devoiejit  du-moins  attendre  que  1^ 
Dame  fût  foxtie  de  cet  accablement  de  triileffe  qui  Iiit 
ôtoit  tout  fentiment.    Le  refpe^  qu'ils  ^voient  pour  leur 
Capitaine^  retint  leur  incontinence.     Sans  ce!?,  rien  nc- 
pouvoit  fauver  h,  Dame  >   fa  lïîort  même  u'auroit  peut- 
être  pas  mis  fon  honneur  en  furetjé. 

Nous  laiffames  encore  cette  malbeureufe  femme  dàns^ 
J'état  où  elle  étoit.     Rolando"  fe  content^  de  cba^gCjr  . 
Léonard»  d^eo  avpir  foio^  et  çh^fi^iit  fe  reûra  dans  fa^ 

chambre^ 


i^»^ 


DE   GlI,  BLAS.  tté 

eYiatobte,.  Pour  moî,  lorfque  je  fa*  couché,  au-Iî<u  de 
me  livrer  au  fommeil,  je  ne  £s  que  m^occuper  du  mal- 
beur  de  la  Dame.  Je  ne  doutois  point  que  ce  ne  fut 
une  perfonne  de  qualité,  et  j'en  trouvois  fon  fort  plus 
déplorable.  Je  ne  pouvoîs,  fans  frémir,  me  peindre  Its 
horreurs  qui  Pattendoient  \  et  je  m'en  fentois  auffi  vive- 
ment  touché,  que  fi  le  fang  ou  Pamitié  m'euflent  attaché 
^  elle.  Bnfin,  aprè^.  avoir  bien  plaint  fa  deftinée,  je  re. 
^aî  aux  moyens  de  prèfervrr  fon  honneur  du  péni  où  il 
^toit,  et  de  me  tirer  en  même  tems  du  fouterraîn.  ^  Je 
fongcaî  que  le  vieux  Nègre  ne  pouvoit  fe  remuer,  et  que 
depuis  fon  zndifpofîfion,  la  '  Cuifiniere  avoit  la  clé  de'  la 
grille.  Cette  penfée  m'echauffa  l'imagination,  et  me 
fit  concevoir  un  projet  que  je  digérai  bien  j  puis  j'en 
commençai  fur  le  champ  l'exécution,  de  la  manière  fui-  ys 
vante.  ^  ..L 

Je  feignis  d'avoir  la  colique.     Je  pouflai  d'abord  àt%    <v 
plaintes  et  des  géroifiemens.     Enfuite,  élevant  la  voix, 
je  jettai  de  grands  cris.     Les  voleurs  fe  réveilleat,^  et 
font  bientôt  auprès  de  moi.     Ils  me  demandent  ce  qui 
m'oblige  à  crier  ainfi.     Je  répondis  que  j*avois  une  co- 
lique horrible  \  et  pour  Te  leur  mieux  pe^fuader,  je  me 
mis  à  grincer  les  dents,  à  faire  des  grimaces  et  des  con- 
torfioos  effroyableSt  et  à  m'agiter  d'un  étrange  façon. 
Après  cela  je  devins  tout-à-coup  tranquille  comme  lî 
mes  douleurs  m'eufTent  donné  quelque  relâche.     Un  in- 
i^ant  après,  je  me  remis  à  faire  des  bonds^  fur  mon  gra-' 
bat,  et  à  me  tordis  les  bras.     £n  uii  mot,  je  jouai'  fi 
bien  mon  rôle,  que  les  voleurs,  tout  fins  qu'ils  étoient, 
s'y  kifsèrent  tromper,  et  crurent  qu'en   eifet  je  fentois 
des  tranchées  violentes.  '  Aufli-tôt  ils  s'empreffcnt  tous  à 
me  foulager.     L'un  m'apporte  une  buuteille  d'eau  'de 
vie,  et  m'en  fait  avaler  la  moitié;   l'autre  me  donne  mal«        ^ 
gré  moi  un  lavement  d'huile  d'amandes  douces  ;  un  autre 
va  chauffer  une  ferviette,  et   vient  me  Tapliquer  toute 
brûlante  fur  le  ventre.     J'avoîs  beau  crier  miiéricorde  ; 
ils  imputoient  mes  cris  à  ma  colique^  et  continuoient 
à  me  faire  fouffrîr  des  maux  véritables,  en  voulant  m^en 
ôter  un  que  je  n'avois  point.     Enfin,  ne  pouvant  plus  y 
fefifter,  je  fus  obligé  de  leur  dire  que  je  ne  fent«)is  plus 
de  tranchées;  et  que  je  les  conjurois  de  me  donner  quar^ 
tiçr.     Ils  cefîerent  de  me  fatiguer  de  leurs  renolèdesj^^t 

je 


120  LES    AVANTU|LÈS 

je  me  gardai  bien  de  me .  plaindrez  4^i^ptage,  de^e«r 
d^éprouvcr  encore  leur  fécpurs,    ,       .  ,  a 

Cette  fcèoe  dura  près  de  trois  bfures»  après  quoi  le% 
v61curs,  jugeant  que  le .  jour  ne  dcvpit  pas  être  fort 
éloigné,  le' préparèrent  à  partir  pourMan^la.  -Je  voulus 
me  lever,  pour  leur  faire  croire  que  j^aypîs  j^f^tnlft  envie 
de  les  accompagner.  Mais  ils  m^en  emp^^rcja^  s  Non, 
non,  Gil  filas,  me  dit  le  Seigneur  Rol^dq^  demeure 
ici,  mon  fils  ;  ta  colique  pourroit  te  reprendre,  ,tu  vien* 
dras  une  autre  fois  avec  nous,  pour  aujourd^iui  tu  Xk^es 
pas  en  état  de  nous  fuivre.  Je  ne  crus  pa^  devoir  in- 
fiiler  fort  fur  cela,  de  crainte  qu^on  ne  fe  pendit  à  mes 
inftances.  Je  parus  feulement  très  mortifié  de  «e'poti* 
voir  être  de  la  partie  :  ce  que  je  fis  dUu)  aiir  fi  nsHiusel, 
qu'ils  fortirent  tous  du  foutterraîn,  fans  a^oir  le  moindre 
foupçon  de  mon  projet.  Après  leur  départ,  que- j^avois 
tâché  de  hâter  par  mes  vœux,  je  me  dis  à  moi-même; 
Oh  ça,  Gil  Blas,  c'eft  à  prefent  qu'il  faut  avoir  de  la 
refolutlon.  Arme-toi  de  courage,  pour  ce  que  tu  as  il 
heureuferoent  commencé  :  Domingo  nVft  poiat-  çn  état 
de  s^oppofer  à  ton  entreprife,  et  Léonarda  ne  pQU^  (lem- 
pêcher  de  Pexécuter  :  Saîfîs  cette  occafion  de  t'éc.htppec, 
tu  n'en  trouveras  jamais  peut-être  une  plus  favorable. 
Ces  réflexions  me  remplirent  de  confiance.  Je  me  levai, 
je  pris  mon  épée  et  mes  pîftolets,  et  j^allai  d^abord  à  la 
cuiiine  ;  mais  avant  que  <l^y  entrer,  comme  j^entendis 
parler  Léonarda,  je  m'arrêtai  pour  l'écouter.'  Elle  par- 
loit  à  la  Dame  inconnue,  qui  a  voit  repris  fes  efprits,  et 
qui  confideraht  toute  fon  infortune,  pleuroit  alors  et  Ce 
defeipéroit  :  Pleurez,  ma  fille,  lui  dlfoit-elle,  fondez  en 
larmes.  N'épargnez  point  les  foupirs,  cela  vous  foula* 
géra.  Votre  fainffement  étoit  dangereux  ;  mais  il  n^y 
a  plus  rien  à  craindre,  puifque  vous  verfez  des  pleurs. 
Votre  douleur  s'appaifera  peu  à  peu,  et  vous  vous  ac- 
coutumerez  à  vivre  ici  avec  nos  Meflîcurs  qui  font  d'hon- 
nêtes gens»  Vous  ferez  mieux  traitée  qu'une  PrinceiTe» 
Ils  auront  pour  vous  mille  complaifances,  et  vous.  te« 
moigneront  tous  les  jours  de  l'affeélion.  .  Il  y  a  bien  jics 
femmes  qui  voudroient  être  à  votre  place. 

Je  ne  donnai  pas  le  tems  à  Léonarda'  d'en  dire  d'avianf 
.tage.  JVntrai,  et  lui  mettant  un  piilolet  fur  la  go^gft 
J^  la  preSai  d'un  air  menaçant  de  me  remettre  la  clé  de^ 

la 


I 


DE    GIL    BLAS.  121 

'la  gnlle^      £Ue  (ut  troublée  de  mon  aélîon,  et  quoique 
"  très  avancée  dans  fa  carrière,  elle  fe  feutit  encore  aUez 
attachée   à  la  vie  pour  ^fcr  me   refufer  ce  qae  je  lui  de- 
»  niaodois.      Lorfque  j'eus  la  clé,  j^adreiTii  la  parole  ^  U 
Dame  affligée  :  Madame,  lui  dis-je,  le  Ciel  vous  envoie    ■ 
UQ   libérateur,  levez-vous  pour  me  fuivre,  je  vais  vuu.s 
mener  où  il  vous  plaira  que  je  vo^s  conduife^     La  Dame 
ne   fat    pas'fourde  à  ma  voix  ;  mes  paroles  firent  tant 
•4Mmpre(&oo  fur  foiL  efprit,  que  rapellant  tout  ce  qui  lui 
reftoit  de  -force,  elle  fe  leva,  vint  fe  jetter  h  mes  pîés,  et 
-me. conjura  de  conferver  fou  honneur.     Je  la  relevai,  et 
Pafiurai    qu'elle    pouvoit    compter  fur  moi.     £nfulteje 
pris    des    cordes,  que  j'apperçues   dans  la  cuifine  3  et  à 
4'aide  de  la  Dame,  je  liai  Léonarda  aux  pîés  d'une  f^roITc 
4able,  en  lui  pioteftant  que  je  la  tuerois  li  elle  pouffoit  le 
jnoiodre  cri.     Après  cela  jMlumai  une  bougie,  et  j'allai 
avec  l'Inconnue  à  la  chambre  où  étoient  les  efpèces  d'or 
-et  d'argent.     Je   tah  dans  mes  poches  autant  de  pidoies 
et  de  double-piftolcs,  qu*il  y  en  put  tenir  :  et  pour  obli- 
ger la  Dame  à  s'en  charger  auffi,  je  lui  repréfentai  qu'elle 
Jie  fcfoit^ju;;  reprendre  fon  bien.     Quand  nous  en  eûmes 
une  bonne  provxûon,  nous  marchâmes  vers  Tccurie,  où 
j'entrai  feul  avec  mes  piltolcts  en  état.     Je  comptois  bien 
que  le  vieux  Nègre,  mslgré  fa  goûte  et  fon  rhumaiifme, 
ne   me  laifîVroit  pas  tranquillement  feller  et  brider  mon 
cheval  ;  et  j'étois  dans  la  réfoîution  de  le  guérir  pour 
jamais   de  fes  maux,  sM  s'avifoit  de  voaiair  faire  le  mé- 
chant j  mais  par  bonheur  il  éroit  alors  il  accablé  des  dou- 
leurs  qu'il  avoît  fouffertes,  et  de  celles  qu'il  fuffroit  en- 
core, que   je    tirai    mon    cheval  dv:  Técuiie,  fans  même 
qu'il    parût   s'en  apperccvoir.     La   Dame  m'aUcndoit  U 
la   porte.     Nous    eaniaincs    proniptemcnt  i'aUée  par  oii 
l'on  fortolt  dii  fuuterrain.  Nous  arrivons  à  la  grille,  nous 
rouvrons,  et    nous    parvcn«ins    enfin  .à  la  trape.     Nous 
tumts   beaucoup  de  peirc  à  L»  lever,  ou  pluiùr,  pour  en 
venir  }l  bout,  nouî.  eûmes  befoin  de  ia  force  nouvelle  que 
n^us  prêta  l'ciîvie  de  nous  fauvtr. 

Le  jour  coramsnç  )it  à  paroitrc,  lorfque  nous  nous 
vîmes  hors  de  cet  abîme.  Nuus  forgeâmes  auifnôt  ù 
nous  en  éloigner.  Je  me  jettaî  en  fellc,  la  Dame  monia 
derrière  moi,  et  fuîvant  au  gnlop  le  premier  fcniicr  qui  fc 
préfcnta,  nous  fortimes  bîen»-qt  de  la  fqiCt.  Nous  tn. 
-^   '  Xj  t»  u  ^:.  es 


I 


Î22  LES    AVANTURES 

trames  dans  une  plaine  coupée  de  plu  fiecrsrout^ft.  Nous 
en  primes  un  au  hazàrd.  Je  mourois  de  peur  ^^^lle  ne 
nous  conduiilt  à  MaofUla,  et  que  nous  ne  rencontraffioÏM 
Rolando  et  fes  camarades^  Heoreufement  nsa  crainte 
fut  vaine*  Nous  arrivâmes  n  la  ville  d^AAorga,  Air  les 
deux  heures  après  midi.  J'apperços  des  gens  qui  nous 
re^rdoîent  avec  n^e  eytrênpe  attentîoti,  comme  û  cVût 
été  pour  eux  un  fpeé^açle  nouveau  de  voir  une  femme  à 
cheval  derrière- un  homme.  Nous  defce&dimes  à  la  pro» 
mîère  hôtellerie.  J'ordonnai  d^abord  qu^on  mit  à- la 
broche  une  perdrix  et  un  lapreau.  Pendant  qu'on  exé- 
cutoit  mon  ordre»  je  conduits  la  Dame  à  une  chambre 
joà  nous  commençâmes  à  nous  entretenir  j  ce  qux  noua 
n'avions  pu  faire  en  chemin,  parce  que  noua  étions  v&* 
nus  trop  vite.  Elle  me  témo%«a  combien  elle  é^t  feo->^ 
£ble  au  fervice.que  je  venois  de  lui  rendre;  et  me  dit, 
qu'après  une  aAion  fi  généreufe,  elle  ne  pou  voit  fe  per-* 
fuadet  que  je  fufie  un  compagnon  des  brigands  à  qui  je 
l'avois  arrachée*  Je  lui  contai  mon  faîAoîre,  pour  con- 
firmer la  bonne  opinion  qu'elle  avoit  conçue  de  mos^ 
Par-]à  je  l'engageai  à  me  donner  Ai  confiance,  et  àfn'dp«n 
prendre  fes  malheurs,  qu'elle  me  ranconfa  comme  je  yais^ 
}e  dire  dans  le  chapitre  iuivant. 

CHAPITRE    Xr. 
Hf/ioîre  de  Donna  Mencia  de  Mofquêra* 

JE  fuis  née  à  ValladoHd,  et  je  m'appelle  Donna  Mencia 
de  Mofquéra.     Don 'Martin  mon   père,  api  es  avoir 
confumé  prcfque  tout  fon  natrimoîne  dans  le  fcrvice,  fot 
tué  en  Portugal  îi  la  tête  oHin  Régiment  qu'il  comman- 
''Joit.     U   me   laiifa  iî   peu  de  bien,  que  j'étois  un  aifez  ' 
mauvais  parti,  quoique  je  fuffe  fille  uniquCé     Je  ne  man* 
quai  pas  toutefois  d'amants,  malgré  la  médiocrité  de  ma  ' 
fortune.     Plufîeurs  CavaUers  des  plus  coufidérables  à!*^" 
ijpagne  me  recherchèrent  en  mariage.     Celui  qui  s'attira 
mon   attention,  fut  Don  Aîvar  de  Mello.     Véritablif-'' 
ment  H  ctoit  mieux  fait  que  fes  rivaux,  mais  des  qualités   * 
plus  foîides  me  déterminèrent  en  fa  faveur,     Il  avoit  de' 
i'efptît,  de  U  difcréiion,  de  la  valeur,  et  de  la  probité. 
D'ailleurs,  il  pou  voit  pâfler  pour  l'homme  du  monde  le 
plus   galant.     Faloit   il   donner  une  fête  ?  rien  n'étoît 

jiiicu::   entendu  \  et  s'il  paroiflbit  dans  des  joules,  il  y 

fefail 


Û  E    G  1  L    »  L  A  S.  i2f3 

lefb!t  tonjbtir^adAiîfcr  Ar  (ôrtfi  et  Ton  addfelTé*     Je  le 
préfërat  donc  ik  Wus  les  autres,  et  je  Pépoufai. 

Peo  de' jours  après  notre  raariaj^e,  il  reireontra  daùs 
im  endrett  écarté  Don  André  de  Baâa»  qui  aroit  été  un 
de  fet  rWa^uki  Ils  fè  pfquèretie  Tan'  Tautre,  et  mirent 
i'épée^la  laeiiT.  Il*  en  coûta  \tt  vie  à  Don  André. 
Coîntne  iiétotf  neveu  du  Cor/égtdor  de  Valhdolid, homme 
vîolboty-  et  mortel  ennemr  dé  la  IVIaifon  de  Mello;  Don' 
ATHrar,  c^ot  ne  pouvoir  fortîf  aflez  lot  de  ISi  ville,  II  re» 
vint  pronptement  au  logis,  oià-,  pendant  qu^on  lui  prépa- 
roit  un  chevat,  îl  me  conta  ce  qui  venoit  de  lui  arViver. 
Ma  èftere  Mencki-,  ine  dicil  enfuite,  ii  faut  nous  fepa- 
ret^.  Voii^  coiinoii&sï  le  Corrégvdor.  Ne  nous  f^âtons 
poîtit/  H' va  t»e  porfuivre  vivement".  Vous  n^ignorcr 
pas  quel  hft  fon^éiédrt  ;  }t  tte  ieraf  pas  en  fux^té  dans  le 
xtijraittne.  H  étoir  €  pénétré' de  fadouleur,  et  de  celle" 
ddnt  tl-me' voyoit  ftfiûe,.  qu^il  nVn  put-  dire  davantage. 
Je  Tqî  fis  prendre  de  Tor,  et  quelques  pierreries-.  Puis  il 
m^  tendît  les-  bras,  et  nous  ne  fîmes  pendant  un  quart- 
fl*heBFe  qoe  confondre  nos  foupirs  et -nos  larmes-.  Enfin, 
en*  viht  l^ertk  que  Ife  dlevnl  étoît  prêt.  Il  s^arrache 
d*iaipf^s>de  moi,  îl  part,  et  me  ïaiffe  dans  un  état  qu^on 
ne  fautoit  représenter^  Heureufe  1  fi  l^excès  de  mon  âf« 
fliéHon  m'eût  alors  fait  mourir.  Que  ma  mort  m^au- 
roît  épargné  de  peines  et  d'ennuisT  (piques  heures* 
après  que  J3on  AÎvar  fut  p«rti«  le  Corrégidor  apprit  fa 
fuite.  Il  le  fit  pourfuivre,  et  n^épargna  rien  pour  l'a-- 
voir  en  fa  putiTance.  Mon  époux  toutefoit  trompa  fa 
pooHuite^  et  fut  fe  mettre  en  fureté.  De  manière  que 
le  ju^e  fe  voyant  réduit  à  borner  fa  vengfeaoce  à  la  feule 
f;a^fa£lk>n  d'âcec  les  biens  à  un  homme  dont  il  auroit 
voulu  verfer  le  fang,  il  n'y  travailla  pas  en  vain.  Tout  ce 
que  Don  Alvar  pouvoit  avoir  de  fortune  fut  confilqué. 

Je  demeurai  dans  une  fituàtion  très  affligeante  >  j'a-- 
vois  à  peint  de  quoi  fabiider.  Je  commençai  à  mener 
vmfi  vie  seUrée,  n'ayant  qu'une  femme  pour  tout  dome-^ 
^iquf..     Je  paSbis  les  jours  à  pleurer,  non  u^ie  indigence 

ri  jeXupportOis  patiemment^  mais  l'abfence  d'un  époux- 
ri  dont  je  ne  recevois  point  de  nouvelles.  Il  m^avoit 
pourtant  pomls  dans  nos  triftes  adieux,  qu'il  aoroit  foin- 
de  m'înfofmer  de  fon  ibrt^  dans  quelque  endroit  du 
n^adcoù  fa^mauvajjCe  étoile  pût  le  cood^ire^     Cepen* 


i24  LES    AVANT'UkES 

cîant  frpt  années  s'écoulèrcrft,.fan«que  j»eniei5dîffe  Wleir 
He  loi.     L'incertitude  où  j'étois  de  fa  dcftiné*,  me  eau- 
foit  Hne  profonde  trîftirffe.     Eafin^  j'appns,  qû^en  com- 
battant  pour  le  Roi  de  Portugal  dans  le  royaume  de  Fez^ 
il   avoît  perdu  la  vie  dans  une  bataîlje.    Un  homme  fe-^ 
venu  depuis  peu  de  T Afrique  me  fit  ce  rapport  j  erMïi'af-^ 
mrant,  quM  avoit  parfaitement  connu   Dàtï  Alvaf  de 
McUo,  qu'il  avdît  fervidans  l'armée  Portugaîfc  avec  !uî,> 
et  qu'il  l'avoit  vu  périr  dans  Tâélion.     Il  ajoutoit  à  Cela 
d'autres  circonftances^  encore,  qui  achevèrent  de  me  per- 
suader que  mon  époux  n'étoit  plus. 

pans  ce  tems-la  Don  Ambrofio  Méfia  Carillo  Ma r*' 
q^is  de  la  Guardia  vint  à  Valladolid.  C'étoit  un  de 
ces  vieux  Seigneurs^  qui  par  leurs  manières  ^alafiteà  et 
polier  font  oublier  leur  âge,  et  fàvent  encore  pjaîre  aux 
icmmes.  Un  jour,  on  lui  conta  par  hazard  î*hirtoîte  de 
Bon  Alvar  ;,  et  fur  le  portrait  qu'on  Iw  fit  de  moi,  il 
eut  envie  de  me  voir.  Pour  fatisfaire  fa  curio(?té,  il 
gagna  vme  de  mes  parentes  qui  m'attira  chez  elle.  11 
&'j  trouva,  me  vît,  et  je  lui  plus,  malgré  î'impreflïon  de 
douleur  qu'on  remarquoit  fur  mon  vifage'.  Mais  que 
dis  jetnalgré  ?  peut-être  ne  fot-îl  touché  quê  de  moh 
aîr  triOe  et  languiffant,  qui  le  pré v^ oit  en  Faveuf'  de  ma 
fidélité.  Ma  mélancolie  peut-être  fit  uaitre  fon  amour» 
AulTï  me  dit-il  plus  d.^une  fois  qu'il  me  rcgardoît  c6mme 
\in  prodige  de  conûance,  et  même  qu*il  envîoit  le  fort? 
tie  mon  mari,  quelque  déplorable  qu'il  fût  d'ailleurs.  Ea 
lip  mot,  il  fut  frappé  de  ma  VAie,  et  îl  n'eut  pas  befoîn  de 
ïtifi  voir  une  féconde  fois  pour  preûdrc  la  refolùtion  de 
m'é^oufer.  '  *  '   ^ 

.11  choifît  l'entrcmife  de  ma  parente,  pour,  me  faire 
hgrécr  fon  deffein.  Elle  me  vint  trouver,  et  nae  repré» 
fenia  que  mon  époux  ayant  achevé  fon  dMn  dans  le  roy-*- 
îiumc  de  Fez,  comme  on  nous  l'a  voit  rapporté,  il  n'é- 
t6it  pas  raifonnable  d'enfevelir  plus  lon^tems  mes  chaf- 
ixics  :  que  j'avoïs  aflc»  pleuré  un  homme  avec  qui  je  n'a* 
Tiîis  été  unie  que  quelques  momens,  et  que  je  devoîs  pfo-^ 
Ùitt  de  l'occaûon  qui  fe  préfentoit  '^  que  je  ferois  la  pluf 
heurenfe  femme  du  nionde.  La  defilis  elle  me  vanta  la 
îîoblelfe  du  vieux  Marquis,  fes  grands  biens,  et  fcn  bon 
caractère.  Mais  elle  eut  beau  s'étendre  avec  élôquencîs^ 
fîjr  tous  les  avantag.cs.  qtt*il.  poffédoit,  elle  ne  put  »« 

.    perfuadcr. 


PS  G  ri.  Bi^As:  tâjv 

H^iiSidcv.    Cf  n^ift  pa$  quf  je  d^uttiiTé 4e  là  mon  de' 
I>on  Alvat»  m  que  la  crainte  de  le  scToit  tout-à-coup,' 
lâriqiie  yj  penfetoU  1«  mains,  m^ariêtât.     Le  peu  cU 
penchants  on  pluiôt  la  répugnance  que  je  xne  fentaîs 
poi}F  un  ftcond  reartace,  après  tous  les  malheurs  du  pre« 
nicr«  kioit  le  feul  onftacle  qaa  ma  parente  eut  ^  lever. 
AuSi  ne  je  relmta-treUe  point.    Au  oontrairci  Ton  zèle- 
INHir^Do&.Ambrfiifio  en- re4aiubla,     £lie  engagea  toute 
n^  fam^e.  dan»  les^intér^s  de  c^  vîçux  Seigneur*     Mes 
jlaitents.  commencèrent  à  me  prafiéc  d^aocepter  un  parti 
5  avantageox.  J^en  étoîs  )ltoi>t  moment  obfedée,  impor* 
tiuYft,  tourmentée.     11  «fi  vrai  que  ma  mîfere,  qui  de-- 
Venoît.de.jour  en  jour  pliia  grande^  ne  contribua  pas  peu-^ 
^  laifleiT  vaincre  n^  xédâaace. 

•  le  s^  pua.ckitBo  n^^en  détcodre,  je  cédai  à  Jeurs  pref^ 
Àntcs  înAano^  t%  j'épouiai.  le  Marquis  de  la  Guardia, 
qui  dès  le  lendemain  de  mes  nôees  mVnunena  à  ut^' 
très  k^U  châteauf  qo^ll  araUjItèf  dt  Burgos  entre  Gra^ 
j^  et  Rpdillaa»  11  çofiçut  pour  moi  un  amour  violent. 
J<^  rçiparquo^s  dans  tpuies  fj^s  aérions  une  envie  de  m« 
|]tlaire.  Il  s^ftudioit  ^^pi^eveuir  mas  mi4)îndres'  deiîr$. 
J^^fii^.  éfo}ix  a'a  eu  tant  d^égards  pour  une  f^mïne,  cti 
jamais  amantt  n^a  fail  voir  tant  de  complai{ance'  pour  une 
aiaîtreflé..  j!auroîs  paffiokinément  aimé  Don  Ambroiîo, 
nalgré  la  disproportion  de  nos  âges,  fi  j^eufle  été  ca« 
fiable  d'akper'  quelqu'un  après  Don  Alv^r.^  Ma's  les 
cœurs  c<>nftanta^  ne  faurotent  av^ir  qnVne  pafHon.  Le  ' 
feu  venir  dé  mon  premier  époux  rendoit  inuiâes  tous  lea^ 
feias  qiii^  le  (tçonch  prenoh  pour  me  plaire,  je  ne  pou- 
vois  doi)€.pay«i-fa.tendri£Ce  que  de  purs  fentinnns  de  re- 
^anoj^fici;*  • 

pétois.  daA&  efttiî  dîfpo6tïon,  quand  preirant  Pair  un 
Jour  à-uoe  feqêtre  de  mjo  app^^rtexnent,  j'apperçus  dant; 
le  jardin  une  manière  de  payfan,  qpi  me  regardoit  avec 
nitention*  Je  cru?  qfie  c'était  un  garçpn  jardinier,  jç 
pris  peu  garde  à  lui  ;  mais  le  lendemain  m'étant  re- 
mife  à  la  fenêtre,  je  le  vis  au  même  eridroit,  et  il  me 
parut  encore  fort  attaché^  à  me  cqnHdér.er.  Ceja  me 
frappa.  Je  l'envifageai  à -mon  tour  j  et  après  l'avoir  ob- 
servé quelque  tcm?,  il  me  fenrbla  leconnoitre  les  traits  du- 
malheureux  Don  Alvar.  Cette  apparition  excita  dans 
|Ous   mes   fcBS  ,un  trojiblc  inconcevable,  je  pouiTai  un 

L  3  ^  grand 


ii6  LES    AVAtO^TUllîS 

gtfinà  cru     Par  boirliedr  j[¥toîs  alôrt -fcrië  avtt<^îftl«?^ 

celle  de  toutes  mes  femmes  qtn  àvott  le  p\\ii  dt  pàtt  U^ 

nia   confiance.     Je  lui  dis  lie  fcWpçon  quî 'agkok  mes 

efprits.     Elle. ne  fit  quVn  rire,  et  s*ima:g^*na*qtf*ûnc-Ws-- 

j;jere   refTemblance   avoit  trompé^  iflés  yeux.     Raffiniez*- 

vous,  Madame,  me  dît-elle,  et  ne  penfez^pal  q««  vètfSi 

ayez'  vu  votre  premier  époux.     Qheîlea^p^t*cnt:feya-tS'î^ 

qu'il  foit  ici  fous  une  forittc  de  p^yfift  ?'    Êft^îl  ài^ftftf 

croyable  qu'il  vive  encore  ?     Je  vais,  aj<>tft airelle,  «de-*' 

icendre  au  jardin,  et  parler  à  ce  vîlî^geoî^.     ]c  ftmtê^ 

quel  homme  c'èft,  et  je  reviendrai  vbu%  en  iuftttiifc'^ëli^^ 

un  moment.     Inès  alla  donc  au  j&rdf!j,et  pctrde  t«nâ«' 

après  je  la  vis*  rentrer  fort  émue  dans  mon*  appartcmeift"f 

Madame,  dît  elle,  votre   foupçon   n'èiî   que   tffop'^Stfft' 

^clarrci.     Cèft  Don  Alvar  luiihème  q^e  vôu»  vwne±  dô 

voir.     Il  s'èrt  découvert  d'abord,  et  il'voinrdeman<kUtt< 

entretien  fécrèt.  *       »  -   :      .! 

'    Comme  je  pouvoîs'  â  l'heure  mt^me  neccvoîr '^oA  A!^ 

var,  parce  que  le   Marqtiis  étoit  à  Burgos,  Je  chargjéât 

rha   foivante  de  rhe  Tanwncr  dans  mon  cabitieC  par  uo 

efcalîer  dérobé.     Vous  juger  bien  que  j^étoîs  dan*  tt«*r 

terrible  agitation.     Je  ne  pus  foutetatrla  vuédSin  Ifbftt^de 

^jUi  et  oit  en  droit  de  m'accabler  de  reproches.    Je  ùt^ê^--^ 

inouïs  dès  qu'il  fe  préfenta  devant  n^i.     Ils  me  fecourli- 

icnt  proTPptement  Inès  et' lui,  et  quand  ils  m'eurent f*ît 

te  venir   de    mon    évanoarflement,  Don-  Alvar  me!  'dit  x 

Madame,  remettez^ vous  de  gTace.     Que  ma  préfertce  n* 

foit   pas  un  lupplice   por.f  vous      Je  n'ar  pa«  defftîn  d* 

.vous  faire  la  moindre  peine.    Je  ne  vrens  pdint  es  é^ctlst 

fmîcux   vous  demander  compte  de  la  foi  jurée,  étT'voôs 

faire    un    crime   du   fécond    engagement  que  troui  avea 

irontradlé.     Je   n'ignore  pas  que  c'èft  ^'ouvrage  de  vôtre 

famille.  Toutes. les  pcrféfeutions  que  vous  avez  fouffertes 

^  ce  fujêt,  me   font   connues.     D'ai^leur^,  on  a  répandu 

dans  Valîadolîd  le  bruit  de  ma  mort  ;  et  vous  l'avet  cru 

avec  d'autant  plus  de  fondement,  qu'a«cune  lettre  de  ma 

part   ne   vous    affuroit   du   contraire./ Enfrii,  je  fais  de 

quelle   rtaniere  vqus  avez  vécu   depuis  nowe  cruelle ir- 

Tjaratioo,  et  que   la  nécelïïté  plutôt  que  ramour-T^oas^  a 

ejstîée  dans  les  bras. —  Ma,  Seigneur  î  interrompis-jcen 

pleurant  j  et  pourquoi  voulei-voùs  excufcr  votre  épôu"fe;> 

tlle  èft  coupable,  puifque  veus  vivez.     Quetie  fui^i* 

encore 


D  £  rO  I  L*  B?LA  8.  nj. 

eiit0f6r4;^BS  la  mifémble  fitoation  w  j*étms  avant  que 
àiépQv:^  Don   AmbirôÛQ  ?  Faocde.  bjjneoée  ?    HéUs  l 
jUiiKM^  <^  moins  dans  ma  miferé  1»  confolation  àc  rout, 
cevoîffiap  s  rougir.       ..  ... 

.-  M^- cjière  Muici^  reprît  Don  Alyar,  d'an  air  qui 
Bftp^qu^f  jtL(qu*>&  ^el^poiot  ilitoit  p^n^tré  dé  vit^Urm. 
9fei^:  ji^  4K-  me  plain»  pat  de  vous  'p  et  bien.  loin  de  voua 
j^dfffpfiber  IVtat  briilant  où  je  vous  retrouve»  Je  jure.que 
y^aà  rends  gvaces  au.  Ciel»  Pépuis  le.triâe  jour  de  taotk 
départ  de  ValladoUdt  j^aî  toujours  eu  la  fortune  coa* 
,  tcaûrey.ma  vie  n'a  été  qu'un  eacb^inement  d'infortunes^ 
%  ^^pour  comble  de  malheurs,  je  n'ai  pu  voua  donner  de 
mesA  nouvelles.  Trop  fur  de. votre  amour^  je  me  repré- 
ieqtois  fàns^ceffe  la  fituation .  ou  ma  fatale  tendrefie  ?ou» 
avoit  jrédutte»  Je  me  peîgnois  Donna  Mcnciâ  dans  les 
^ears.;:  Voua  fefiez^  le  plus  grand  de  m^s  maux.  ,  Quel^ 
qncfois,  je  l'avoneraf,  je  me  furs  reproché,  comme  un 
mimef  îk  bonheur  de  vous  avmr  plu.  J'ai  foubaité  que- 
^osus  eui^ez  penché  vers  qaeiqu^un  de  mes  rivaux^  pul£> 
t^uc  la  préférence  que  vous  ro'aviez^  donnée  fur  eux,  vont' 
•e^utoit  À  cher.  Cependant  après  fcpt  années  ^e  ibuf^ 
£raaces,  j)b;is  épris  dîe  vous  que  }amais«  j'ai  voulu  vous 
jrevoir.  ..<Je  a'ai  pu  réfîûer  à  cette  envie  i  et  la  fin  d'un 
Jfong  elclavage  m'a)rant  permis  de  la  fatisfaîré,  j'ai  été 
£»Bs  (Ct  àéguj^mtnt  à  Valladolid,  au  hazard  d'être  dé- 
couvert. Là  j'ai  tout  apris,  je  fms  venu  enfuite  à  ce 
~  «bateau, «et  j'ai  trouvé  moyen  de  ro'introduire  chez  le 
jrardinier,  qui  n>'a  retçnu  pour  travailler  dans.  les  jardins* 
>yoilà  de  quelle  manière  je  me  fuis  condi^it  pour  parvenir 
à'Vous  parler  fécrèttement.  .  Mais  ne  vous  imaginez  pas 
«qUf  j^^ye  deflcin  de  troubler,  pa*r  mon  féjour  ici,  la  fe- 
•licite. dont  vous  jouîlTez.  Je  vous  airac  plus  que  moi* 
^«l^e»  J-c  refpeâe  votre  repos  î  et  je  vais,,  après  cet  en* 
tr^tien,  achever  loin  de.  vous  de  triiies  jours  que  je.*vou$ 

,  .r  Non,^  Don  Alvar,  non  !  m'éoriiti- je  à  ces  paroles  : 
nje>ne  fonfFârai  pas  que  vous  me  quittiez  une  féconds  fois, 

je  jreult  par^r  a\wc  vous,  il  n'y  a  que  lu  mort  qui  puifTe 
vdéformaUr  noms  .fé parer.      Croyez  moi,  rcpiit-il,   vivez 

av<c  'Doo  Aoibrofio,  ne  vous  alTociez  point  à  jnaes  mil- 
,  bçurf,  iaifl'çz..^m'en  fouteuir  tout  le  pL;ids.  îi  me  dit 
-encore  d'autres  cbofcs  fcmbk.bîcs  :  mais  plus  il  paroilToît 

voulaîr 


n8  LES   AVANTURa>S 


TOttloir  »*nimioIér  à-raon  benheiir'^  àioînS'je  «lefOstitoi» 
difpofiâe  à  y  coftfeotir.     Lorfqa'îl  n»  vk  ferme  dan»  la, 
réfohitioa  de  le  fvÀvrtf  ri  cBa&^Bft'  touK-st  cotip  dé>  tda^  et 
prenant  lin  air  plUs  content  :  Madamei  me  dit*U,  puHqu« 
vous  tàmtz  encore  aflez  Don  Ahaar  pom  préférer  fi^  tAî- 
feie  à  la»  profpertté  ou  voua  êtes^  alla«3  dttnc  demeurer  à;- 
Bétaoeos,  dant  le  ionà  du  loyanme  de  Galke.     J^*ai  ll^« 
tmeretarabc  afiir^.     Si  a^s  difffcacc4l»'o6t^t(é^la«••i 
nMa  bteaa,  elles  ne  m^oat  point  tait  perdre  t^^tts  r^eâ, 
ftmis.     Il  rn^a  refte.eaopre  de  fldele^i  qiû.io^oct  mb  en 
cM  de  TOUS,  enlever,  pai  lait  fme  un  carrofie  t^Za^BMrjarr 
par  leor  (eocurs*     Pai  acheté  des  malea  cl  dei  cheraaxt 
•fe  fois,  aocoflopagné  de  trota  Galteiens  de»  pkta  réjbluau 
lia  fiukt  9smi$'  de  carabiitea  et  de  piflidl^a^^i ils  titeii;^ 
dent  mesordirea  dan»  le  village  de  B:acfilla9«    Ero^tooa, 
ajxmla^t-îly  de  Fab&ace  de   Doa  Ambro^e^    Je  ùaJb;- 
faire  lEcoir  le  oaro&  jufqa^s  la  porte  de  Cftckâ^eaiUy  et- 
nous   paitsTons  dans  le  momeàit^     J^j  confeatii^   ,  «Daar, 
Alvar  yok  vers  Rodillas,  et  revint  en  peut' de  tcms.aveçp- 
fea  trcûa  Cavaliers  m  ^enlever  au  aaillieu  de  mes  femmeS|K^ 
qui  me  làchaat  gqe  penfer  de  cet  eole^^nteot,  &  fai^vèç^ 
ent  fort  effraya.     Inès  fetde  éioit  au  <£iit .;,  ^ïfâ$  tîHcf 
sefufa  de  lier  hn  fort  au  mien^ parce  qu^eile  auuGtit.uA' 
^et  dfî  chambre  de  Don  Ambrt^iio» 

Je  moulai  donc   eu  caroâi^  avec  Don  Alvar,  nVmriiQiH- 
taut  que  mes  hardec^et*  quelques-  pierreries  que.  j!ay.c(is^ 
avant  mou  fécond  mariage  ;   car  je  ne  voulus  rien  ^srendce 
de  tout,  oe  q>ue  le.  Marquis  m^àvoit  donné  en  m^époufant.^ 
Mous  primes  la  route  da  ro; aume  de-  Galice,  faos^favoir- 
fi  nous-ferionsalTeZ' heureux  pour  y  arriver.  Nousaviopa 
iujet  de  craindre  que*lJ|OQ  Ambroikk,  à^oa  re.tpur^  ne 
i#  mit'f^r  nos  traces  avec  uu  graud  nombre  de  perfoane$»^ 
et  ne  nous  .joignit.     Cependant  nous  marchâmes- peu-* 
dant  deux  jours^,  fans   voir  paroître  à  oostrouffesaucuo^ 
Cavalier.     Nous   efpérions  que  la   troifieme  journée  {& 
j^fierott  de  même,  et  déjà  nous  nous  entretenioiis  £prt 
Uauqui  lie  ment..    Dén  Alvar  me  contoit  la  triâe  avan*- 
turc  qui  a  voit  donné  lieu  au  bruit  de  fa  mort  et  cpcn* 
xnervt,  après  cinq  années  dVCclavage,  il  avoit  recouvra  la 
.liberté,  quand    nous  rencontrâmes  hier  fur  It  chemin  de-, 
Léon  les.  valeurs  avec  qui  vous  étie;u     C^hSL  lui  qu'ils-- 

006 


yf    -^ 


*   ff 


Ï>E   Gît   BtAS.     ■  129- 

•nt  tué  arec  totas  fcs  gens,  et  c'èft  luî  qu!  fait  couler  Icf  ' 
pleucs  que  vous  me  voyez  répandre  en  ce  moment. 

CHAPITRE   XU: 

Dét  qutlk  nùmuri  de/agréaVe  G'd  Bl^i  et  U  D^mf  furent  , 
.        "         iruerrùfnfius. 

DOÏÎNA  llf encia  fondit  en  larme»  après  avoîf  acheva 
ce  récit.     Je  la  laîffai  donner  un  libre  c ouïs  h  ftrt^ 
fpupîrsl\  Jfc  pleurai  mime  aûffi  :  .tant  il  èft  natarel  de  • 
'sfnlefê'ffer  pour  le^ malheureux,  et  partîcuUèrcment  pour 
uife  belle  pcrfonne  affligée,     j'allois  lui  demander  quel 
paHt  ellè'veuloît  prendre  dans  la  conjon^uré  où  elle  fe 
trouvoît;  et  peut-être  alloît-cUe  me  confuher  là-deffu!l,  ' 
fi- 'notre  donvetfation  n*cut  pas  été  interrompue:'  c«t. 
DOiiif  entendîmes  dans  l*bôtellexie  un  grand  bruit,  quiat«' 
tnrâ  n'ûti'e  attention  malgré  nous.     Ce  br»it  étoit  caufé- 
pit  farrî^ée^du  Corrégidor,  fiiivî  de  dkux  Alguazils  et 
de  plusieurs  Archers.     Ils  vinrent  âans  la  chambre  où- 
ndus étions.     Un  je^ne  Cavalier  qui  les  accompagnoil^ - 
s^approcbià  de  moi  le  premier,   et -le  mit  à  regarder  -moHii^ 
hàbre  de  près.     Vt  n'ait  pas  bcfoin  de  ^examiner  long- 
tcttir.  '   Pïr  Saint  Jaques,  s'écrta-t-il,  vbilîk  mofi  pour-» 
point,  c'èft  lui  même,  il  nVft  pas  plus  difficile  à  reco»-* 
ndftre  que  mon  cheval.     Vou^  ppuyez  a):rêter  ce  giilant, - 
for  ma  parole.     C'èil  un  de  ces  voleurs,  qui  ont  tine  re- 
traite inconnue  eti  ce  pays- ci.  .   *  • 

-  À  ce  difcours,  qui  ro'apprenok  que  ce  Cavalier  ^étolk^ 
le  gémilhomme  volé  dont  j'avois  par  malheur  toute  la 
dépouille,  je  demeurai  fijrpris,  confus,  déconcerté-     Le' 
CôrréÉJÎdor,  que  fa  charge  obligeoit  plutôt  è  tirer  iiile^' 
mauvàitê  confequence  de  mon  embarras,  qti'à  Pexpliqttcif' 
favorablement,  jugea  que  l'aceufation  n'çtoit  point  ma^ 
fondée  :    et  prél'umant  que  la  Dame  pouvoit  être  com- 
plice, il  nous  fit  emprifonner  tous  deux  féparément.    Ce^ 
Jugfe  n'^étoît  pas  de  ceux ^  qui  ont.  le  rejg^atd  terrible,  il 
avoit  Pair  dotix  et  riant      Dieu  fait  s^il  en  valoit  mieux' 
priûur  cèh.     Sitôt  que  je  fus  en  prifon,  W  vint  avec  fe*. 
deux  furets,  c^èft-à  dire  fés.  Alguazils.     Ils  n'oublièrent 
pas  leur  bonne  coutume,  îls  commencèrent  par  me  foutl« 
îei*.  '  Qjrelle  aubaine  pour  ces.  Mcflicursl   jamais  peut- 
^re  ils  n'avfiteut  fait  ua  û  beau  coup*     A  chaque  poig« 

...  -       '       née 


t^ô,  LES    AVANTURES 

née  de  pîftoles  qu'ils  titptent,  je  voyoii  Icufs  yeûr  étin^ 
celer  de  joie^  Le  Coriégîdor  fux*tout  paF&îfîblt  lu>rs>  de 
]uî-méme.  Mon  enfant,  me  difoît-tl  dVn  ton  de  voix 
plein  de  douceur,  nous  fefoni  notre  churge^  niais  ne 
crains  rien.  Si  tu  n'es  pas  coupable,  on  ne  te  fera  point 
de  ma!.  Cependant  ils  vuidèrent  tout  doucement  met 
poches,  et  prirent  ce  que  les  voleurs  mêmes  avoient  re« 
îpeétë,  je  veux  dire  les  quarante  ducats  de  toûn  Onélê^ 
lu  nVn  <if  nenrèrent  pas  là.  Leurs  mains  avides  et  iaf^^ 
tv^ables  me  parcourtirent  éepiùs  la  tête  juiqu^aux  pies. 
Ik  me  toiurnèrent  de.^tous  côtés,  et  irie  depotnllèrènt 
pour  voir  (i  je  n^avois  pc^nt  d'argent  entre  la  peau  et  Is. 
cbemife.  Après  qu'ils  eurent  il  bien  fait  leur  charge,  1« 
Corrégidor  m'interrogea.  Je  loi  contai  iagétiumènt  tblit 
ce  qui  m'-étost  ftrt>ivé.  Il  fit  écrive  tma  'dcpdfît^ti^  *p4it^ 
il  fortit  avec  fes  gens  et  mes  efpèces,  et  me  latffii'  t6Ut 
Bud  fur  la  paille. 

O  vie  humaine  1    ni'écfîai-je  qoànd  je  me  vfsieûl  trt 
dans  cet  état  :  que  tu  es  remplie  d'av*3ntu4^es  bizarres,  et 
de  cootretems  1    Depuis  que  je  fois  fortl  d^Ov^édo;  je. 
n'éptxïure  que  des  diigraces*     A  peine  fok-jé  hors  dHiiV^ 
péril,  que  je  retombe  dans  un  autre.     En  arrivant  datis- 
cette  vÂlé^yi^i  bieft  éloigné  de  penfer-^ftie  fy  htdit'' 
blenrtôt  con^otflanee  avre  le  Corrégidor.    En  fehnrt  ce^* 
réâexîon»  inutiles^  je  remis  le  maudît  pOttrpoixït,.  et  le 
irefte  de  l'habiilonéat  qui  m'avoit  porté  maÔieur  ^    piii» 
m'exhortant  moi-même  à  preodrc  courais,  Allons,  dis^ 
je,  Gîl  Blas,  ay^  de  h  lerœeté.     Te  fiedil  bien  de  te^ 
dtfefpérer  dans  uœ  prâibn  ordioaiiDe,  après  avoîr«faic  «tt- 
û  pénible  eâaî  de  putience  dans  le  footevntin  ?    M»îs,. 
hélas  \    ajoutai-^je   triâeinent,  je  m'abufe*      Comment 
p^unat^je  fortlr  dSei  l  oa  vient  de  m'e»  ôter  les  moy- 
em^     £.n   efiet^  j'avois  taiion  de  parler  ain£:    ttii  pri* 
fonnier  fans  argetit  èft  un  câfeao  à  qui  l'oft  a  coupé  les 
ailes. 

Au  lien  de  la  perdrix^  et  du  lapreau  que  J^sTois  fait 
mettre  à- la  broche,  un  m'appocta  un  petit  pain  bili  aTec 
u«e  cruche' d^eau,  et^on  me  laifia  ronger  mon  frein  dans- 
mon  cachot.  J^y  demeurai  cpin^se  jours  emiess  ian»-^ 
voir  perienne  <fue  le  Concâerge,.  qui  a  voit  feân  de  venir 
teus  les  mâtins  reiio«veUer  ma  pravifion.  Dès  que  je  le 
^joivj'^^&^oû  de  kl»  panier,  jetâ(ctots.  de  lier  coo— 

verCitioiii 


DE    GIL    BLAS.  151 

^perMoQ  vnc  lui  pour  me  defeniMiyer  un  peaa  j  mma 
ce  periboaage  ne  répoodott  rien  '  à  tout  ce  qoe  je  lui 
clHbîs;     11  ne  me  ^fut  pas  pofllble  4^en  4Îrer  une  parole» 
Il  entroît  mène  et  fortoit  le  plus  fouvent  fans  roi  regar* 
•dcr*  '  ÎJf  Cetz^eoBe  joai^  le  Corrégidor  panit,  et  «ae  41%  : 
Tju  peut.  t'atMindonaer  à  la  joie,  je   viens   t^aononcer 
une   agréable  nouvelle.     J^ai  fait  conduire  à  Burgot 
la  Dame  qm  4toit  avec  toi.     Je  l'ai  interrogée  avant 
ion  d^art,  et  (es  réponfes  vont  à   ta  décharge.     Tu 
feras  élargi  dh^    aujourd'hui,    pouvu  que  le  ronletitr 
avec  qui  tu  es  venu  de  Peqnaflor  \i  Cacabélos,  comme 
tu  me  l*as  dit,  confirme  ta  dêpofition.  Il  è(l  dans  Aftorga,  - 
je  Taî  envoyé  chercher,  je  Tattens.  S'il  convient  de  l'avan- 
tttre  de  la  quefUon,  je  te  mettrai  fur  le  champ  en  liberté» 
Cts  paroles  me  réjouirent.  Des  ce  moment  je  me  crus 
liora  d*afFaire.     Te  remerciai  le  juge  de  la   bonne  et 
brieve-juftice  quM  vouloit  me  rendre»  et  je  n'a  vois  pas 
encore  achevé  mon  compliment,  que  le  muletier,.  con« 
duit  par  deux  Archers,  arriva.    Je  le  reconnus  auffi*tôt  ; 
mais  le  muletier,,  qui  fans  doute  avoit  vendu  ma  valiTe, 
avec  tout  ce  qui  étoit  dedans,  craigpsant  d'être  obligé  àt 
reftituer  l'argpnt  qu'il  en  avoit  touché,  s'il  avouoit  qu'il 
me  recoonoiflak,  dît  effrontément  qu'il  ne  favoit  qui  j'é« 
toîs,  et  qu'il  ne  m'avoit  jamais  vu.     Ah  traître  I    m'o* 
criai-je,  confefîie  plutôt  que  tu  as  vendu  mes  bardes,  et 
rends  témoignage  à  la  vérité.     Regarde-moi   bien.     Je 
fois  un  de  ces  jeunes  gens  que  tu  menaças  de 'la  quef« 
tion  dan«  le  bourg  de  Cacabélos,  et  à  qui  tu  £s  grande 
peur*     Le  muletier  répondit  d'un  air  froid,  que  je  lui 
parlpîs   d'une  chofe   dont  il   n'avoit    aucune    connoif^ 
fance  }  et  coiQme  il  foutint  jufqu^au  bout  que  je  lui  étois 
inconnu,  mon  élargifîemtnent  fut  remis  à  une  autre  fois. 
Il  falut  m'armer  d'une  nouvelle  patience,  metéfoudre  à 
être  encore  au  pain  et  à  l'eau,  et  ^  voir  le  'ûJentieux 
concierge.     Quand  je  fongeois  que  je  ne  pouvois  me  ti- 
rer des  gKJffes  de  la  Juâice,  quoique  je  n'euiTe  pas  corn* 
mis- le  moindre  crime,  cette  peafée  me  mettoit  au  defef;. 
poir^    Je  tégrèttois  le  fou  terrain;     Dans  le  fond,  difois- 
je^  j'y  a  vois  moins  de  defagrément  que  dans  ce  cachot. 
Je  hicMS  bonne  chère  avec  les  voleurs.     Je  m'entrete-*  ^ 
nois  avec  eux,  et  je  vivois  dans  la. douce  efpérance  de 
m^échapper  ^  au  lieu  qoe,  malgré  mon  innocence,  je  fe- 
rai 


xjz  LES    AVANJURES 

rai  peut.iêtre  trop  heureux  de  fortir  4^ici.pauc  allek^SMx 

galères. 

CHAPITRE    XÎII. 

I^ar  quel  haTSMril  GU  Bios  fortk  Mnfk  de  pr^fty  et  où   il 

alla,  '  *• 

TANDIS  que  jepâflbis  les  jours  à  m^égayer  daos  mes 
réflexions,  mes  avantures,  telles  que  je  les-  avo!s 

diélées  dans  ma  dépoiitloD,  fe  répandireiit  çans  la  vil  If. 
Plufieurs  peifonnes  me  voulurent  voir  par  curiofité.  -  Us 

«venoient  Tun  après  Tautre  fe  préfenter  ù  une  petite  fenê- 
tre, par  où  le  jour  éotroit  dans  ma  prifon  \    et  lorfqu'Us 

.  xn^avoient  conlldéré  quelque  tems,  ils  s'en  alloieDt.     Je 
fus  furpris  de  cette  nouveauté.     Depuis  que  j^étois  pii- 

fonnîer,  je  n'a  vois  pas  vu'^un  feul  homme  fe  montrer  à 
cette  fenêtre,,  qui  donnoit  fur  une  cour  où  regnoicnt  le  û- 
lence  et  l'horreur..  Je  compris  par-là  que  je  fcfoîs  du 
bruit  dans  la  ville,  et  je  ne  favois  fi  j'en  devois  cooi^evoir 
un  bon  ou  un  mauvais  prcfage. 

Un  de  ceux  qui  s'offrirent  des  pr«mîers  à  ma  vue,  fut 
le  petit  Chantre  de  Mondonnédoj  qui  auflî-bien  que  moi 
a  voit  craint  la  quefiion  et  pris  la  fuite.     Je  le  reconnus, 

'et  il  ne  feignit  point  de  me  méconnoitre.  Nous  nous 
faluames  de  part  et  d'autre,  puis  nous  nous  engageâmes 
dans  un  long  entretien.  J-e  fus  obligé  de  faire  un  nouveau 
détail  de  mes  avantures.  De  Ton  côte,  le  chantre  me  con- 
ta ce  qui  s'étoit  pafle  dans  l'hôtelcrîc  de  Cacabélos  entre 
le  muletier  et  la  jeune  femme,  après  qu'une  terreur  pa- 
nique nous  en  eut  écartés.  En  un  mot,  il  m'apprit  tuut 
ce  que  j*cn  ai  dit  ci-devant.  Enfuite,  prenant  congé  de 
moi,  il  me  promit  que  fans  perdre  de  tems  il  alloit  travail- 
ler à  ma  déliverance.  Alors,  toutes  If  s  perfonnes  qufé- 
toient  venues  là,  comme  lui  par  curiofité,  me  témoignè- 
rent que  mon  malheur  excitoit  leur  compaflîon.  11^  lo'af- 
furèrent  même  qu'ils  fe  joindroient  au  pttit  cliantre, 
et  qu'ils  feroieirt  tout  leur  pofTible  pour  me  procurer  U 
liberté. 

Ils  tinrent  effeâîvemcnt  leur  promefle.  Ils  par'èrert 
en  ma  faveur  au  Corrégîdor,  q.ui  ne  doutant  plus  de  mon 
innocence,  fur-tout  lorfquo  le  chantre  lui  eut  co^té  ce 
qu'il  fa  voit,  vînt  trois  fcmaines  apiès  dans  ma  piifou.: 

Cil 


DE6ILBLAS.  153 

^tl'^Bbt;  fnt  dît-it,  je  ne  veux  pas  traîner  les  cKoics  en 
longueur.  Va,  tu  es  libre»  tu  peus  fortir  quand  SI  te  plaira* 
Mais  dis-moi,  pourfutTÎt-îl,  fi  Ton  te  menoit  dans  la  fo- 
rét  où  èft  le  fouterrain,  ne  pourrois-tu  pas  le  découvrir  ! 
Nonr  Seigneur,  li^t  répondîs-je  :  comme  je  n'y  fuis  en- 
tré que  la  nuit,  et  que  j'en  fuis  fortt  avant  le  jour  il  me. 
ierott  impoflîble  de' reconnoitre  Peadroit  où  il  eft.  L^. 
clefifus  le  Juge  fe  retira,  en  difint  qu'il  alloit  ordonner  au 
^conci^rgfe  de  m^'ouvrir  les  portes.  En  rffet,  un  moment 
après,  le  géoHer  vint  dans  mon  cachot  avec  un  de  Tes 
ffuichetiers,  qui  portoit  un  paquet  de  toile,  Ils  m'ô* 
tèrenf  tous  deux,  d'^uo  air  grave,  et  fans  me  dire  un  feuL 
ttiot  mon  pourpoint  et  mon  haut  de  chauffes,  qui  étoi« 
ent  d^un  drap  Bn  et  prefque  neuf;  puis  m'ayant  revèta 
d\iiie  vieille  fouquenîUe,  ils  me  mirent  dehors  par'  le» 
épaulés. 

La  confdfion  que  j -avoit  de  me  voir  fi  mal  équipé,  mo« 
déroît  la  joie  auront  ordinairement  les  prifonnièrs  de  re- 
couvrer leur  lioerté.  J*étots  tenté  de  fortij:  de  la  ville  à 
l'heure  même,  pour  me  fouftraire  aux  yeux  du  peuple, 
dont  je  ne  foutenois  les  regards  qa^avec  peine.  Ma  re- 
connoiffance  remporta  pourtant  fur  ma  honte.  J'allai 
remerciée  le  petit  chantre  à  qui  j'avois  tant  d^obligation. 
f\  ne  put  sVmpêcher  de  rire  lorfqu*il  m^apperçut.  Cora« 
me  vous  voilà  1  me ' dit- il ^  la  JulHce,  à  ce  que  je  vois, 
vous  en  a  donné  de  toutes  les  façons.  Je  ne  me  plains 
^as  de  la  Jultice,  lui  répondis  je,  elle  èft  très  équitable. 
Je  voudroîs  feulement  que  tous  fes  officiers  fufient  d*bon- 
fiâtes  gens.  Ils  dévoient  du  moins  me  laiffer  mon  ha- 
bit, î]  me  femblc  que  je  ne  l*avdis  pas  mal  payé.  J'en 
conviens,  reprit-il  ;  mais  on  v^ous  dira  nue  ce  font  des 
formalités  qui  s*obfcrvent.  Hé  !  vous  imigincz-vou?, 
pîir  exemple,  que  votre  cheval -ait  été  rendu  à  fon  pre- 
mier maicre  ?  Non  pas,  s^il  vous  plait.  Il  èft  adluelle- 
ment  dans  les  écuries  du  GrefHsr,  où  il  a  été  dépofé 
comme  une  preuve  du  vôi.  Je  ne  crois  pas  que  le  pauvre 
gentilhomme  en  rétire  feulement  la  croupière.  Mais 
changeons  de  difcours,  continua-t  il.  Quel  eft- votre  def- 
fein,  que  prétendez- vous  faire  préfentennent  ?  ].Wi  envîc, 
lui  dis-je,  de  prendre  le  cheitiîn  de'Barg6s.  J'irai  trou- 
ver la  I)ame  dont  je  fuis  le  libérateur,  elle  me  donnera 
que^ucs  piâoles,  j'achèterai  une  foatancllc  neuve,  et 

.M  roc 


4  34  L  i:  S    A  V  A  N  T  U  R  E  S 

tne  rendrai  ^  Salamaoque,  où  je  tâcherai  de  ttettns  ittôA 
Latîa  à  profit,.  Tout  ce  qui  m^embarafle,  c*e(l  que  je 
ne  fuis  point  encore  ù  Burgos  ^  il  faut  vivre  fur  la  route. 
Je  vous  entends,  repliqua*t-il,  et  je  vous  o£Fre  ma  bourieb 
£11%  è(l  un  peu  platte  à  la  vérité,  mais  vous  favez  qu^uli 
chantre  n^èd  pas  un  Evèque.  £n  naéme  teias  il  la  tira^ 
et  me  la  mit  entre  les  mains  de  fi  bonne  grâce,  que  je  ne 
pus  me  défendre  de  la  retenir  telle  quelle  étoit.  Je  le 
remerciai  comme  s^il  xhVut  donné  tout  Tor  du  monde^  et 
lui  fis  mille  proteAations  de  fervice  qui  n^ont  jj(mais  ea. 
d^effet.  Après  cela  je  le  qnittai  et  fortis  de  la  ville  iàns 
ttller  voir  les  autres  perfonnes  qui  avoient  contribué  à 
m'en  élargiifement.  Je  me  contentai  de  leur  donner  ea 
moi-même  mille  bénédiâions. 

Le  petit  chantre  avoit  eu  ralfon  de  ne  me  pas  vanter 
fa  bourfe,  j'y  trouvai  fort  peu  d'argent.  Par  bonbeu^^ 
j^étois  aceoutumé  depuis  deux  mois  à  U4ie  vie  très  fru- 
gale, et  il  me  reltoit  encore  quelques  r^aux^  lorfque  j'aN 
livai  au  bourg  de  Ponte  de  Mula,  qui  n'èit  pas  éloigné 

^de  Burgos.  Je  m'y  arrêtai  pour  demander  des  nouveUes 
de  Donna  Mencia.  J'entrai  dans  une  hôtellerie,  doitt 
l'bôtefTe  ctolt  une  petite  femme  fort  fec^e,  vive*  et  ha- 
garde. Je  m'apperçus  d'abord,  Il  la  mauvaife  imne 
qu'elle  me  fît,  qae  ma  iouqucnille  n'étoit  goères  de  fdn 
goût  ce  que  je  lui  pardonnai  volontiers.  Je  m'adis  à 
une  table,  je  mangeai  du*  pain  et  du  ff-oeaage,  et  bus 
quelques  coups  d'un  vin  detedable  qu^on  tn'ap]k>rtaw 
Pendant  ce  repas,  qui  i^accordoit  afifezavec  mon  habille- 
ment, je  voulus  entrer  en  converfation  avec  l'hèteffe.  Je 
la  priai  de  me  dire  fi  elle  connoiflbit  le  Marquis  de  )a 
Guardia,  fi  fon  château  étoit  éloigné  du  bourg,  et 
fuTtout,  fi  elle  favoit  ce  que  la  Marquife  (à  feitme  p«u- 
^voît  être  devenue.     Vous  demander  bien  des  chofes,  me 

•  répondit-elle  d'un  air  dédaigneux,  iille  m'apprît  pour- 
tant quoique  de  fort  mauvaife  grâce,  que  le  château  de 
Don  Àmbrofio  n'étoit  qu'à  une  petite  lieue  de  Ponte  de 
Mula. 

Après  que  j^eus  achevé  de  boire  et  de  m  ange  r^  comme 
il  étoit  nuit,  je  témoignai  que.  je  fouhaitois  de  me  repo» 
fer,  et  jê  demandai  «uq.  ch^bçe.  ^Vî^,,yo[i%  ^ui^e  cham- 
bre !  me  dit  rhOreil'e  en  me  lançant  up  regard  plein  de 
mépris  cl  de  ficné  ;  je  n'ai  polat  de  chambre  pour  1^*^ 

gens 


DE    GIL    BL  AS.  133* 

^ens  qui  font  leur  fooper  d^un  morceau  de  fromage. 
Xous  mes  Hts  font  reteaus.  patte»s  des  C.ivallers  d^im" 
portnoce  qui  doivcst  Tenir  loger  ui  ce  foîr.  Tout  ce* 
que  je  pois  faire  pour  votre  fervice,  c^èft  de  vous  mettre^ 
dans  ma  grange.  Ce  a«  f^ra  p«6,  je  poafe,  la  première 
fois  que  vous  aurez  couché  fur  t^  paille.  £lle  ne  croy- 
oit  pas  fi  bien  dire  qu*elle  difolt.  Je  ae  répliquai  point 
à -Ton  difcDurs,  et  pris  fagcment  le  parti  de  gagner  lef 
pailler,  où  je  m*eQdormis  bieniôt,  comme  un  homme  qu^ 
depuis  longtems  étoît  fait  à  la  fatigue.* 

CHAPITRE   XïV. 

De  la  réctphan  que  pomia  tiUncia  lui  fit  à  Bifrgos. 

J£  ne  fus  pas  pareffeux  à  me  lever  le  lendemain  mt^tm, 
jyilai  compter  avec  l'hôteffe,  qui  étoit  déjji  fur  plé,- 
et  qui  me  p»irut  on  peu  laoins  fièré  et  de  meilleure  hu- 
meur que  le  foir  précédent.  Ce  que  j'attribuai  à  la  pre- 
&oce  de  trois  hoaiiôtes  Arcbers  de  la  Saint»  Herman- 
dibd,  qui  s'entrelenoient  avec  elle  d^une  façon  très  farni« 
Hère.,  ils  avaient  couché  dans  l'kateUer,ie,  et  c^étoit 
.  IdAi-doute  pouf  ces  Cavaliers  d'importance  que  tous  let 
lits  avaient  é\é  retenus. 

Je  demandai  dans  le  boorg  le  clumin  du  château  ou 
je  voolois  me  rendre.'     Je  m^addrefiai'  par  hazai'd  n  un 
boforoe  da  caraélère-  de  mon   hôte  de  Pennaflor.    ^  Il  nd 
ie  contenta  pas  de  répondre  à  It- queflion  que  je   lui  fe->- 
fois.     Il  m*apprit  que  Don   Ambiofio  jétoit  mort  députât 
trots  demaines,  et  que  la  Marquife  fi  femme  avoit  pfis  le 
parti  de  fe  retirer  dans  un   couvent  de  Burgos  qu^il  me 
nomma.  '  Je  marchai  aufl[U6t  vers  cette  ville,  au-Heu  de 
fyûvre  la  route  du  château,  comme  j^en  avois  deffein  au- 
p«ravant^  et  je  volai  d^abord-  au  Monaflere  où  demcu<. 
roit  ûoona   Mencia.     Je   priai   la  Tourière  de  dire   h 
cette  JDame,  qu^ua  jeune^hamme  nouvellement  forti  des' 
prifons  d^Aflorga  foubaitoit  de  lui  parler..     La  Tourière 
alla  fur  le  champ  faire  c«  que  je  d'eiirois.     Elle  revint  et 
lae  fit  entrer  daxts  un  parloir,  où  je  ne  fus  pas  longtems 
fans  voir  .paroi Cfe  en  grand  deuil  à  la  grille  la  veuve  de 
JDon.  Amb^ofio. 

Soyez  le  biçn<venu,  me  dit  cette  Dame.    Il  y  a  quat- 
jse  jours  que  '^,2k  écrit. à  ene  perfonne  d** Aftorga.     Je  lui 

M  2  maniois 


136  LES  AVANT  UR  ES 

inandois  de  tous  aller  trouver  de  ma  part,  et  de  tous 
dire  que  je  vous  prioîs  luftammciit  de  me  venir  chercher 
au  fortit  de  votre  prifon.  Je  ne  doutois  p«s  qu'on  ne 
vous  élargit  bientôt.  Les  chofes  que  j^avois  dites  au 
Corrégidor  à  votre  décharge,  fuffifoient  pour  cela.  Auf- 
û  m*a-t-on  fait  réponfe  que  vous  aviez  recouvré  la  liber* 
té,  mais  qu'on  ne  fa  voit  ce  que  vous  étiez  devenu.  Je 
craignois  de  ne  vous  plus  revoir,  et  d'être  privée  du  plai- 
ûr  de  vous  témoigner  ma  reconnoiflance.  Confblez- 
vous,  ajouta-t-elle,  en  remarquant  la  honte  que  j'avoîs 
de  tne  préfenter  à  fes  yeux  fous  un  miferable  habille- 
ment. Que  l'état  où  je  vous  vois,  ne  vous  fafle  point  de 
peine.  Après  le  fervice  important  que  vons  m'avez  ren- 
du je  ferois  la  plus  ingrate  de  toutes  les  femmes,  fi  je 
ne  fefois  rien  pour  vous.  Je  prétcns  vous  tirer  de  la 
mauvaife  fituatîon  où  vous  êtes.  Je  le  dois,  et  je  le  puis.. 
J'ai  d«s  biens  aflez  confidérables  pour  pouvoir  m'aquiler 
envers  vous  fans  m'incoromoder. 

Vous  favez,  continua  t  elle,  mes  avantures  jufqu'aor 
jour  où  nous  fumes  emprîfonoés  tous  deux  ;  je  vais  vous 
conter  ce  qui  m'èil  arrivé  depuis.  Lorfque  le  Corrégidor 
d'AAorga  m'eut  fait  conduire  ^  Burgos,  après  avoir  en- 
tendu de  ma  bouche  un  fidèle  récit  de  mon  hifioire,  je 
sue  rendis  au  château  d'Ambrofîo*     Mon  retour  y  eau  fa 

*  une  extrême  furprife,  mais  on  me  dit  que  je  revenois  trop 
tard }  que  le  Marquis,  frappé  de  ma  fuite  comme  d'un 
coup  de  foudre,  étoit  tombé  malade,  et  que  les  Méde- 
cins defefpéroient  de  fa  vie.  Ce  fut  pour  moi  un  nou» 
veau  fujet  de  me  plaindre  de  la  rigueur  de  ma  dcftinée» 
Cependant  je  le  fis  avertir  que  je  venois  d'arriver,  puia 
j'entrai  dans  ia  chambre  et  courus  me  jet  ter  à  genoux  au 
chevet  de  fon  lit,  le  vifage  couvert  de  larmes,  et  le  cœut 
prefie  de  ta  plus  vive  douleur.  Qui  vous  ramené  ici,  me 
dît*il,   dès  qu'il   m'appercut  i   venez  vous   contempler 

*  votre  ouvrage  ?  ne  vous  fuflit-il  pas  de  m'ôter  la  vie  ; 

faut- il,  pour  vous  contenter,  que  vos  yeux  fuient  té^ 

moins  de  ma  mort  ?  Seigneur,  lui  répondis  je^  Inès  a 

dû  vous  dire  que  je,fuyois  avec  mon  premier  époux  ^  et 

fans  le  trîde  accideiit  qui  me  l'a  fait  perdre,  vous  o» 

m'auriez  jamais  revue.     £n  même  tems  je  lui  apris  que 

I>on  Alvar  avoit  été  tué  par  des  voleurs,  qu'enfuîte  oti 

m'avoit  menée  dans  un  fouterrain.    Je  racontai  toujt  le 

refte  y 


DE    GIL    BLA.S.  137 

tE£be;ct  lotfque  j'eus  achevé  dep^kr,  Don  Ambrofio 
me  tendk  la  main.     Cèû  aiïtSf  me  d\t/û  tCRdrement,  je 
ce£e  dems  plaiftdre  de  Vous*     lié  !  dois- je  en  effet  vous 
faire  d«t  7«pEr.ochc&^  Vcuis  retrouvez  un  époux  chéri,  vous 
m'abandonnez  pour  le  âtivre  \.  puis- je  biamer  cette  con«  • 
dulte;  Non,  Madame,  j'àurois  tort  d^en  murmorer,  au(ll 
jcL  n'ai  point  voulu  qu^on  vous  pourfuivit.    je  rcfpeâoU 
dans  vdtse  raviffeur  fies. droits  facr.és^,  et  le  penchant  mè« 
mej(}U£  TOUS  aviez  pour  kÉi«     iln£n  je  vous  rends  juiHce, 
et  par  vo|oe  retour  ici  vous  vegagaez  toute  ma  teodreiTe. 
Oui,  ma  okoae  Menda,  irotre  preCence  me  comble  de 
joie.     Mais  hâasi  }e  n'en  jouira? pas  longtems.     Je  feas 
appCDchser  ma.  dernière  lieuiifp*     A  peine  m'êtes- vous  ren<- 
due,  (pi'iLfaut  vous  dire  on  éternel  adieu.     Mes  pleurs 
redoublèrent  à  ces  paroles  tovchaates*     Je  reffentis  et  ^s^ 
•clatecuae  affîéUon  immodérée.     J«  doute  auela  mort 
de  Dca  AWar  que  j'adoceâ»,  m'ait  feît  vcrter  plus  d^ 
larmes.    'Dou  Ambrofio:  ni'avott  pa^  un  |aa¥  prfâeati« 
ment  de  fa  mpit.     11  mourut  dès  le  lendemain,  et  jc.de-^ 
meurai  maltrefTâ  du  bien  confidérahle  dont  il  ui^avoit  a-  ' 
vantagée  en  m'epoufant.     Je  n  en  prétetîds  pas  faire  un 
mauv^is^uf^gCî.     Qn  ne  m^e  verra  point.,  quQi4:il^e  je  fpiif 
jeune  encore,  pai]^r  d^ns  les  bras  d'ijip  troifîèine  époux. 
Outre  que  cela  ne   convient  ;.  ce  roc  Tembiç,  qu'à  des 
femmes  fans  pudeur  et  faus  délicatefTe,  je  vous  dirai  que 
îe  'o'ai  plus  de,  goût  «pour  le  monde»     Je  wux  &nir  me^ 
jaurs  dans  ce  cooveot,  et  en  deveair  mie  bienfaitrice. 

T«l  fut  le  difceurs  que  mrtint  DoAna  Mencia^  p.uî» 
elletin^;  dedefibiM  fa  cèbe^uœ  bourle,  q^*^«Jle.me  fiut 
entre  le»  main%,  en  me  dîfant  y  Vaila  een«ts  ducats  q^  je 
vou$  domine,  feulement  pour  vous  faire  habiller  u  reveuec 
-soe,  v<yr  a|irès  cela^  je  n^ai  pis  deiieia  de  borner  ma  re« 
•connoHance  à. fî  ppu  de x^b'^îe.-  Je-  rei|4ts^  mille  grâces  à 
la  Pâme,  et  lui  jur»i  que  je  ne  foriirois  point  deâivcgo» 
.fana  prendre  xougé  d^êlle.  •  ILo fuite  de  eeCermeiit,  qae 
je  n'a^iKÛs  pa^  envie  de  vialef^  j^allai^cIfterGhex  une  bckeU 
lerie.  •  J'enti^ai  dans  la^em^cre  que  je  refwxmtrai,  .  Je 
4ic mandai,  une  çbambref-.et  pour  prévenir  la  mau^aiie 
opinion  que  ma  fonquenilU  pouvoit  encore:  doaoeir  tlè 
moi,  je  dis  è  l^iôte  ,que  tel  qu^il  me  vnyoit  j'iéwis  eo 
..état  <Jc  bien  payer  mon  gîte..  A  ces  mots,  l'hùte,  ?pei- 
-ié  Majt^ia^^e^  gf^Çc^  cwlleur^^eâ}»  natujrfi^  ma  parcp^^. 
—  ^  M  3  rânt 


^S^  LES  AVAN:TU*j;S 

rant  des  yeux  depuis  le  haut  jufqu^en.ba»»  mer  répondit 
d'un  air  froid  et  malin,  quUI  aVvoil  pas  beibia  de  cetW^ 
alTuraiice  pour  être  perfuadé  que  je  ferais  •  beanconp  dcr 
d^pcniè  chez  lui  :  qu'au  travers  de  mon  liabilleiiieDt^.îl 
démêloit  m  moi  quelque  cbofe  de  noble  ^  et  qu^etifiii  %k 
né  doutoit  pas  que  je,  ne  fufle  un-  gentilhomme  Art  aiféi 
Je  vis  bien  que  le  traitro  me  raîlloit  ^  et  ponrmettnrfin 
tout-â-coup  à  Tes  pkifanterie»»  je  loi  montrai  ma  bonsfifié 
Je  comptai  m^me  devant  Inf  mes  ducats  fur  une  table,  ee 
je  m'aperçus  que  mes  efpêces  le  difpo&irnt  à  joger  de 
moi  plus  favorablemeot.  Je  le  priai  de  me  iWire  venir  itor 
tailleur.  Il  vaut  mieux ,  me  dit-il»  envoyer  ckercher  oi» 
fripier.  11  vous  appottera  toute  fotte  d'babila,  et  von» 
fcre*  habillé  fur  le  champ.  J'approuvai  ce  conleil,  etm^ 
fi>lus  de  le  fuivre  j  mais  comme  le  jour  étoit  prêt  à  le 
fermer^  je. remis  l'emplette  au  lendemain,  At  je  ne  fon^ 
geai  qu'à  bien  fouper,  pour  me  dédommager  dca  mau^ 
vais  repas  que  j'avois  fait»  depuis^oa»  ibrtic  du  ib«ttec4 
rain.  **" 

CHAPITRE  XV, 

'Dû  qttttte façon  s*hàbiUa  Gii  Bhs,  Du  nouveau  présent 
qu^il  reçut  de  la  Dame.  Et  dam  quel  equij>age  U  parlîi 
de  Burgosm 

ON  me  fervit  noe  copieufe  fricaffée  de  pîés  de  mpoutoo, 
que  je  mangeai  prefque  tout  entière.  Je  bus  ^  pro» 
portion  ;  puis  je  me.  couchai.  J'avots  un  aflez  bon-  lit^ 
et  j^e%éroî&  qu'un  profond  femmeil  ne  taideroit  guères  <à 
s^emparer  de  mes  feos.  Je  ne  pus  toutefoi»  feimerl'cjeik 
Je  ne  fis.  que  rêver  à  l'habit  que  je  devols  prendre.,  Qge 
faut-il  que  je  fafle,  difois-je^  Suivrai-jcmon  prea^^erdeK' 
&in  ?  '  Acheterai-jè  une  fontanelle,  peur  aller  à  Sala^ 
manque  chercher  une  place. de  précepteur!  Pourquoi 
m'habille r  un  Lt«entîé?  Ai>je  envio  de  me  confacser  & 
l'£tat  «Ëcc^fîaâique  î  Y  fuis  je  entnâcé  par  mon  pen« 
^haot  î  Nou.  Je  me  feas  même  des  indÎAa^îoBf  trèsiopii> 
pofcea  il  ce  patti-la*  Je  veus  porter  i'épée^  et  tacher  de 
ikire  fortune  dans  le  mtttide.  ^       .   .   . 

Je  me  réfolus  à  prendre  un  babîtde  Cavalîei.  J'attèi»» 
dis  le  jour  ayec.la  dermère  impatience,  et  fts  premieis 
layoas  oe  ii^pjièreat  pas  jpluiot.  oks  fcvuL^  xffut  je  me  le* 

vai» 


Z>£   CIL   BLAS.  tj^ 

u  Je  fil  tant  de  bnut  daos  PfaÔteltcrie,  que  je  rémP 
l^^oiM  oeox  qot  donttoieDt.  J'appeUai  les  valets,  qui 
étoieat  %ocote  aRtUt,  et  qui  ne  répondirent  à  ma  vxA% 
^!«a  me  elattgetmt  de  «laiédiélioirs.  lia  Ibréot  pour* 
tant  oblrgés^de  felei«r,  et  Je  ne  leur  donnai  point  de'rt^ 
pm  q&*ib  »e  aa'^adfent  mt  Tenir  nnr  fripier.  jVn  via 
lncntôt«fai«iitfe  tm  q«^bn  «(l'amena.  Il  étoltfuividt 
dsax  gffçons,  qui  portoieac  chacnn  nn  gr6s  paqnet  dé 
toile  verte.  11  me  fidua  fort*  civilement»  et  me  dtt« 
Scîgnenr  Gawaliery  votM  êtet  bienkeuMuz  qu*ôa  fefoit 
wAàxeÊé  à  moi  plutôt  qu'à  un  autre.  Je  ne  veux  point 
décner-iei  mec  confrères.  A  I^e»  ne^plaife  que  je 
liaffs  lei  moindae  ton  à  leur  réputation  I  Mais,  entre 
Bfiiia,  Jl  a^' en-»  pas  un  qui  ait  de  la  confcience,  île 
ibnt  tous  ^01  durs' que  des  juifs.  Je  fuis  lé  feul  friplef 
^ui  ait  de  k  moeale.  Je  me  borne  à  un  profit  rai^i»^ 
^iAùi  Je:me>eontente  de  la  livre  pour  fol,  je  veux  dire  du 
ibl.pàer  livrew  Crtaoés  au  Ciel,  j'ex^ce  rondement  ma 
profeffion» 

Le  fripier,  après  ce  préambule,  que  je  pris  forte«  ^ 
.ment  au  pié  de  U  lettre,  dit  à  ie9  garçons  de  défaire 
)ettrs .  paquets. ,  On  me  montra  des  habits  de  toute  .fort* 
,|de  couleurs.  On  m'en  fit  voir  plufîeurs  de  drap  tout 
uni.  '  Je  les  rejettai  avec  mépris,  parce  que  je  les  trbu« 
vai  trop  modeftes  :  mab  ils  m'en  fixent  eâayer  un  qui 
feinbloît  avoir  été  faîtexprè»  pour  ma  taille,  et  qui  m*é* 
blouit»  quoiqu'il  fât  un  peu  paifé.  C'âx>tt  un  pour- 
^int^à  manches  tailladées,  avec  uuh  baut^de  cbaoÂes  et 
«n  'numteaor  le  tout  de  velours  Ueis  et  bvodé  d'or.  >  Je 
m^tcadmi  ^à  «elui-là^  et  je  le  marcbandaî.  Le  fripier, 
'qtti>s'4sippefj^Ut^<|o*il  me  plaSfoit,  nie  dit  que  j'avois  le 
goût  déiixsit.^  Vive  I>icu  !  s^ecria^iK  on  voit  bien  que 
^oua  vous  j  conuoiflex.  Apprenez  que  cet  habit- a  été 
fait  pour  un  des  pkts  grands  SeigneorS' du  Royaume, 
qui  no  l'a  pat-pocté- trois  ieis^  iLalàolmez-ea  le  velours, 
Û  '^n'y  .>ea  a.  peint  de  plus  boa» ;  et^  pour  la^^broderie,  -  a« 
viiuex  que  ruu»  a Vâhxmeiix  travaillé..  Combien,  lui  di»> 
je^  '  voaiezHVOUS  <  le:  vendire^  disante  ^ucat»  répondit,'- 
il  ;  je  les  .  ai  refufés,  ou  je  ne  .fuis  paSibonnÔto  ^bofflmO* 
l:»^hernatjve .^étoit  convaincante.  ;  J^cn  ol^ris  quarante* 
cinq,  il  ea>Valoitf>0Uti4tre  la  moitié. .  Seigneur  Géfitii- 
jEMimme}',]»|^iL*&oîdemKot  Ifi  fripseri  je  ce  fttr£RÎs.poiat, 
.     >  je 


<4*  LES   AVANT,URëS 

t 

je  n'ai  qu^un  mot.  Tcfics,  «ootioo«»t  il  t»  ne*  préfcn^ 
tant  Ids  h^biu  ^ne  j^avois  rcètutéa,  pefoe^deovxoc^  ym 
TOUS  en  ferai  meiUenr  marché.  Xi  wm  Msk  qa^irikcr 
pOTrlà  PcDTÎe  que  j'avoit  d'acbeterisfiliii.qoe'jo  match^ 
«ndeia  ;  et  comme  je  n^tnaa^nai  qn^R  nVa  "vosiidroît  rian 
nabattie,  je  ivi  .coin^tafr  foixant»  littCBla.  Qttami.il  rh 
que  je  les  donnoîs  fi-finciiemMit,  je  croâaqne  toal^é  iiiai 
snorale  îi  fut  bien  laebé  de  -n'en  «voir  pai  demandé  da» 
viiotag».  A&x'fattaSût  pauttant  d^oir  ga^é  la  Uvrtr 
.pour. (bi,  il  i'oDtk:.«9oà  6»  •garfon.que  je.'nVi«oi9  pa» 
JDubljés, 

J'ayoat  idono  mv  taanfeeau,  «n  pooapoisfty  ftiun  hoot* 
:ide-c)iaii&»  fort  ptopinat.  .  il  falot  fonder  ««  refte  Ats 
IHiabrUemeat,  ce  qiii  iD*4M;ciipa  t«tite:l«inatinât,  J?a^ 
«bctaî  dn  ItfigVy  un  chapeau,  dat  Ims  de  fais^  des  fbulieia^ 
^t  une  épée,  après  quoi  je  m^habiUai*  Quel  plaifir  j'a- 
vais de  ne  vcnr  (i  bien  équipé  I  Mes  yeux  ne  p04| voient, 
pour  ainfi  •dire,  ie.  mflWier  ^e  mon  a|arfteoieat«  Jamaia 
prion  n'a  jegardé  fon  plumage  avec  plus  de  cooaplaî- 
-fknce.  Dés  ce  joui:4^  je  as  une  Seconde  vifite  à  Donna 
Mencta,  qui  me  reçut  cocorc  d*un  air  très  gracieux» 
£lle  me  remercia  de  na«rreau  du  fenriee  que  je  lui  a^ois- 
xendu.  Là  defius,  grands  compHsiens  de  part  et  d'autre. 
Puis  me  ibuhaitant  toute  forte  de  pra(périié8,.eUe  m.e4it 
adieu  et  fe  retira,  fans  .me  donner  autre  xhoCe  qu'uoe 
bague  de  trente  psitoles,  qu'elle  matpria  de  gacder  pour 
ne  fou  venir  d'elle.. 

Je  demeurai  bien  iot  avec  ma  bague»  j'avoîs-  comp^ 

iur  un  préTent  plus  co(i£dérable«.  •  Ainii^.pciuciuitent4e 

.la  genéirofité  deiaxiame,  je  regagnai  aiou  hèulkrie  en 

élevant;  mais  eomme.j'y  entrais,  il  y  arriva  ^n  homme' 

qui  marchoit  itir  mes  pas,  et  qui  lia  débara%Bt  tout-.^« 

coup  de'^fon  ma-nteau 'qu^l  avoit  (ar  ila  nea,  laifla  voir  un 

.  grâsi^c  qu'il  psrtoit  fou»  l'iiiirelle.  ,A  l'apparttioa«du: 

iâc  qui  avoit  ta<tt.LHû&d*étie  pkio  dT^fp^ces^  j^'ouvris  de 

grands  yeuic^  auffiibien  fque*  quelques  periooars   qai«écoi« 

cnt  pré^ailes,'  et  je.xni9  «atendKela  voix  d'un  Séraphin, 

borique  ctt  homaae  me.  dit,    en  porantlefâc   fur   ^oe 

table  :   Seigneur  ïGU  £Iasv  .^vx^H^  ce  .que.  Mgdanie  la 

Marquife  vous  envoie.*  Je  ira  de  profondes,  léyéfe  ace  s  au 

•porteur,  je  l'accablai  de.cWilités»etidès  qu.'il  fux  bç^rsde 

i'bôielladai  je  me.jettai^ûu:  leia&t^aauna  v^f^ucaB^fur 

fa 


DE   GIL   BLAS,  141 

&  proie,  et  l^empoitai  dans  mm  cbambre.  Je  le  déUai 
faos  perdre  de  tems,  et  jY  trouvai  mille  ducats.  JV 
chevoîs  de  les  compter,  quand  Thôte,  qui  avoît  «nten- 
da  les  paroles  du  porteur,  entra  pour  favoir  ce  qu'il  7 
avoit  dans  le  fac.  La  vue  de  mes  efpèces  étalées  fur  une 
table  le  -frappa  vivement.  Comment  diable,  s'écria-t-il,. 
voilà  bieu  de  l'argent  !  11  faut,  poorfuivit-il  en  fouriint 
d'un  air  mallcieujr,  que  vous  iachiez  tirer  bon  parti  de» 
fetnmes.  Il  n'y  a  pas  vingt  quatre  heures  que  vous 
êtes  à  finrgos.  et  l'ous  avez  déjà  des  Marquifes  fous  con* 
tnbotton. 

-  Ce  ^icours  ne  me  déplut  point.  Je  fus  tenté  de  laiC- 
ier  Majuélo  dans  fon  erreur,  je  featois  qu'elle  me  fefoit 
plaifir.  Je  ne  m'étonne  pas  fi  les  jeunes-gens  aiment  à 
pa&r  pour  hommes  à  bonnes  fortunes.  Cependant  l'in* 
nocence  de  mes  moeurs  l'emporta  (îir  ma  vanité.  Je  de* 
fabulai  mon  hôte.  Je  lui  contai  l'hiftoire  de  Donna 
Mencia,  qu'il  écouta  fort  attentivement.  Je  lui  dis  eu- 
fuite  l'état  de  mes  affaires  ;  et  comme  il  paroiflbit  entrer 
dans  mes  intérêts,  je  le  priai  de  m'aider  de  fes  confeils. 
Il  rêva  quelque  tems,  puis  il  me  dit  d'un  air  féricux  : 
Seigneur  Giî  Blas,  j'ai  de  l'inclination  pour  vous  \  et 
puîique  vous  avea  *anez  de  con6ance  en  moi  pour  me 
parler  à  cœur  ouvert,  je  vais  vous  dire  fans  flaterie  à 
quoi  je  vous  crois  propre.  Vous  me  (emblez  né  pour  la 
CoDr.  Je  vous  eoofeîlle  d'y  aller,  et  de  vous  attacher  à 
quelque  grand  Seigneur.  Mais  tâchez  de  vous  mêler  de 
fes  a&ires,  ou  d'entrer  dans  fes  plaiôrs,  autrement  vous 
perdrez  votre  tems  chez  lui..  Je  connois  les  grands. 
Ils  comptent  pour  rien  le  zèle  et  l'attachement  d'un 
bonoête  homme.  Ils  ne  fe  fûucient  que'  des  perfonnes 
qur  leur  font  néceffaires«  Vous  avez  encore  une  ref- 
iburce,  cotttioua.t-il  :  vous,  êtes  jeune,  bien  fait  *,  et 
quand  vous  n'auriez  pas  de  l'efprit,  c'èft  plus  qu'il  n'ea 
faut  pour  entêter  une  riche  veuve,  ou  quelque  jolie  fem* 
me  mal  mariée.  Si  Tamour  ruine  des  hommes  qui  ont 
du  bien,  il  en  fait  fou  vent  fiibfifter  d'autres  qui  n'en  ont 
point.  Je  fuis  donc  d'avis  que  vous  alliez  à. Madrid,  joais 
il  ne  faut  pas  que  vous  y  pasoiffiez  fans  fuite.  «On  juge* 
là  comme  ailleurs  fur  les  apparances,  et  vous  n'y  feres 
confidéré  qu^è  proportion  de  la  figure  qu'on  vous  vétxm 
£M^e*    Je  veux  vous  donner  Min  valet»  un  domefiique  &• 

dcle^ 


-144  LES    AVANTURES 

bougies  éclaîrotent.  Il  j  tvoit-là  plufîcurs  domeftiqimy 
à  qui  la  Dame  demanda  d^abord  fi  Don  Raphaël  et  oit 
arrivé.  Ils  répondirent  que  non.  Alors  m^addreflant  la 
parole:  Seigneur  Gil  Blas,  me  dit*elle,  j^attens  moti 
frère,  qui  doit  revenir  ce  foir  d'un  cbàteao  que  nou9 
avons  à  deux  lieues  d^ici.  Quelle  agréable  furprife  pour 
lui  de  trouver  dans  fa  maifon  un  homme  à  qui  toute 
notre  famille  è(l  fi  redeval^e  !  Dans  le  moment  qu*ei1e 
achevolt  de  par|er  ainfî,  nous  entendîmes  du  '  bruit,  et 
nous  apprîmes  en  même  tems  qu^il  étoit  caufé  par  Parri- 
vée  de  Don  RaphaeL  Ce  Cavalier  '  parut  bientôt*  Je 
vis  un  jeune  homme  de  belle  taille  et  de  fort  bon  air.  Je 
fuis  ravie  de  votre  retour,  mon  frère,  lui  dit  la  X>ame* 
Vous  m^aiderez  à  bien  recevoir  le  Seigneur  Gil  Blas  de 
Santillane.  N4>us  ne  faurions  afîcz  reconnoitre  ce  qu^il 
a  fait  pour  Donna  Mencia  notre  parente.  Tenez,  ajcHitaf>- 
t^elle,  en  lui  préCentant  une  lettre,  lifez  ce  qu'elle  m'é- 
crit. Don  Raphaël  ouvrît  le  billet,  et  lut  tout  haut  ces 
mots.  **•  Ma  chère  CâtoîUe,  le  Seigneur  Gil  Blas  de 
**  Santillane;  qui  m'a  fauve  Phonneur  et  la  vie,  vient  de 
*'  partir  pour  la  Cour.  11  pafiera  fans-doute  par  Vall'a- 
**  dolid.  Je  vous  conjure  par  le  fang,  et  plus  encore 
^  par  Pamitié  qui  nous  unit,  de  le  régaler  et  de  le  rete- 
**  nir  quelque  tems  chez- vous.  Je  me  fiate  que  vous  me 
^*  donnerez  cette  fatisfaâion,  et  que  mon  libérateur  res- 
'*  cevra  de  vous  et  de  Don  Raphaël  mon  coufin  toute 
**  forte  de  bons  traitements.  Votre  alFcélionée  coufine, 
-•  Donna  Mjsncia.*'  A  BURGOS,  &c. 

Comment,  s'écria  Don  Raphaël,  après  avoir  lu  la  let- 
tre ;  c*è(l  à  ce  Cavalier  que  ma  parente  doit  Phonneur 
et  la  vie!  Ah  !  je  rends  grâces  au  Ciel  de  cette  heureule 
rencontre.  En  parlant  de  cette  forte,  il  s^approcha  de 
:inoi,  et  me  ferrant  étroitement  entre  fes  bras  \  Qu'elle 
joie,  pour  fui  vit'^il,  j'ai  de  voir  ici  le  Seigneur  Gil  Blas 
de  Santillane  !  Il  n'étoit  pas  befoin  que  ma  coufîne  ia 
Marquife  nous  recommandât  de  vous  régaler.  Elle  n'a- 
voit  feulement  qu'à  nous  mander  que  vous  deviez  pafier 
par  ValladoUd,  cela  fuflifoit.  Nous .  favoOs  bien,  ma 
îceur  Camille  et  moi,  comme  il  en  faut  ufer  avec  un 
homme  qui  a  rendu  le  plus. grand  fervîce  du  monde  à  la 
perfoone  de  notre  famille  que  noufii  aimonsde  plttsitendt»- 
ment.     Je  répondis  le  mieux  qu'il  me  fut  foffible  à  ces 

difcouri 


•      BE    6IL    BLÀS.  145 

'fllCcourSy  qm  furent  fuivîs  de  beaucoup  à^autres  Terabla. 
bifs,  et  entremêlés  de  mille  careflès.  Après  quoi,  s'ap- 
percevant  que  j^ayois  encore  mes  bottines,  il  me  les  fit 
ôter  par  fes  valets. 

'  Nous  paffames  enfuite  dans  une  chambre  où  Ton  avolt 
*4ervL  ,  Nous  nous  mimes  à  table,  le  Cavalier,  la  Dame, 
et  inoî.  lis  me  dirent  cent  chofes  obligeantes  pendant 
'  Ic^  ibuperV  II  me  m'échappoit  pas  un  mot  qu'ils  ne  le  re« 
levaflérit  comme  un  trait  admirable^  et  il  £alloit  voir  Tat» 
tention  qu^ils  avoient  tous  deux  à  me  prefenter  de  tous 
les  mets.  l3on  Raphaël  bouvoit  fouvent  à. la  fanté  de 
Donna  Mencia.  Je  fuivois  Ton  exemple.  £t  il  me 
Tembloît  quelquefois  que  Camille,  qui  trinquoit  avec 
ilour^  me  lançoit  des  regards  qui  fîgnifioient  quelque 
«hofé.  Je  crus  même  remarquer  quMle  prencit  fon 
tems  pour  cela,  comme  (i  elle  eut  craint  que  fon  frère  ne 
s^en  apperçût.  II  nVn  fallut  pas  davantage  pour  me  per- 
fuader  que  la  Dame  en  tenoit,  et  je  me  ilatai  de  proBtcr 
de  cette  découverte,  pour  peu  que  je  demeuraffe  à  Val- 
ladolîd.  '  Cette  efpérance  fut  caufe  que  je  me  rendis  fans 
peine  à  la  prière  qu^ils  mè  firent,  de  vouloir  bien  paf- 
f^r  quelques  jours  chez  eux.  Ils  me  remercicrer»!  de  ma 
complaifancè.  £t  la  joie  qu'en  féoioigna  Camille,  coq- 
fîrma  fopinîon  que  j'avpis  quelle  me  trou  volt  fort  a  foa 
gré. 

Don  Raphaël,  me  voyant  déterminé  h  faire  quelque 
féjoiir  chez  lui,  me  propofa  de  me  mener  à  fon  château. 
irm^en  fit  une  defcription  mngniGque,  et  me,  parla  dts 
y        plaiûrs  qu'il- prétendoit  m'y  donner.     Tantôt,  difoitii, 
^        nous  prendrons  le  divertifiement  de  la  chafie^  tantôt  ce- 
i         lui  de  la  pêche:  et  fi  vous  aimez  la  promenade,  nous 
I         avons  des  bois  et  des  jardins  délicieux.    D'ailleurs  nous 
aurons  bonne  coropagoie,  j'e{j;ière  que  vous  ne  vous   en- 
nuyerez  point.     J'acceptai  la  propofîtron,  et  il  fut  réfolu 
que  nous  irions  |i  ce  beau  château  dès  le  jour  fuivant» 
Noui  nous  levâmes  de  table,   en   fbrniaDt  un  li  agréable 
"^     deflein.'   Don  Raphaël  en  p^rut  tranfporté  de  joie.     Sei- 
gneur Gil  Blas,  dit-il  en  m'embraflant,  je  vous  laiffe  avec 
ma  foéur.     Je  vais  de  ce  pas  donner  les  ordres  neceiTaifcs, 
et  faire  avertir  toutes  les  perfonnes  que  je  veux    mettre 
de  la  partie.      A   ces  paroles  il  fortit  de  la  chambre  où 
hitts   étioc,  et  je  continuai  tic  m'entretcJr    avec  1^ 

N  Dam^ 


146  LESAVANTURES 

'Dame,  qui  ne  démentît  poin^  par  fes  dîfcouxs  les  douces 
œilades  qu'elle  m^âvoit  jettécs.  Elle  me  prit  la  maîq, 
et  regardant  ma  bague  :  Vous  avez  1^,  dit-elle,  un  dia- 
mant affez  joli,  mais  il  èfk  bien  petit.  •  Vous  connoîfiez- 
vous  en  pîçrreriesj?  Je  repondis  que  non.  J'en  fuis  fâ- 
chée,  reprit  elle,  car  vous  mç  diriez  ce  que  vaut  celle-cii« 
En  achevant  ces  mots,  elle  me  montra  un  gros  rubis 
qu'elle  avoît  au  doigt»  et  pendant  que  je,  le  confîdérois  elle 
me  dit  :  Un  de  mes  oncles,  qui  à  été  gouverfieur  dans 
les  habitations  que  les  Efpagnols  ont  aux  lies  Philip* 
pines,  m'a  donné  ce  rubis.  Les  jouailliers  (te  Valladoli4 
l'eftiment  trois  cens  piftolés.  Jfe  le  croirois  bien,  lui  dis- 
je  ;  je  le  trouve  parfaitement  beau.  Puifqu'il  vous  plaî^ 
repliqua-t-elle,  je  veux  faire  un^  troc  avec  vous.  Aufli- 
tôt  elle, prit  ma  bague,  et  me  mit  la  Henné  au  petit  doig^* 
Aprèç  ce  troc,  qui  me  parût  une  manière  galante  dç  faire 
un  préfent,  Camille  me  ferra  la  main,  et  me  regarda 
d'un  avr  tendre  :  puis  rompant  tout- a-cou jp  l'entretien^ 
elle  me  donna  le  bon  foir,  et  fe  retira  toute  confufe, 
comme  û  elle  eut  eu  honte  de  me  faire  trop  connoître 
fes  fentiVnents. 

Quoique  galant  des  plus  novices,  je  fehtis  tout  ce  que 
cette  retraite  précipitée  avoit  d^obligeant  pour  moi,  et 
je  jugeai  que  je  ne  paflerois  point  mal  le  tems  à  la  cam^ 
pagne.  Plein  de  cette  idée  flateufe,  et  de  Tétat  brillant 
de  mes  affaires,  j«  m'enfermai  dans  1^  chambre  où  je  de- 
Yois  me  coucher,  après  avoir  dit  à  mon  valet  de  me  venir 
réveiller  de  bonne  heure  le  lendemain.  Au-lieu  de  fon« 
ger  à  me  repofer,  je  m'abandonnai  aux  réfleâions  agré- 
ables, que  m'a  valife,  qui  étoit  fur  une  table,  et  mon  ru-^ 
bis  m'infpifèrent.  Grâces  au  Ciel,  difois-je,  fi  j-ai  été 
malheureux^  je  ne  le  fuis  plus.  Mille  ducats  d'un  côté, 
une  bague  de  trois  cens  piûoles  de  l'autre,  me  voUà  pour 
longtems  en  fonds.  Majuélo  ne  m'a  point  flatté«  je  le 
vois  bien.  J'enflammerai  mille  femmes  à  Madrid,  puif- 
que  j'ai  plu  û  facilement  à  Camille»  Les  bontés  de  cette 
généreufe  Dame  fe  préfentoient  à  mon  efprit  avec  tous 
leurs  charmes,  et  je  goutois  au(ïï  par  avance  les  dîvertif- 
fements  que  Don  Raphaël  me  préparoit  dans  fon  château. 
Cependant,  parmi  tant  d'images  de  plailir,  le  fomroeil 
se  laiiTa  pas  de  venir  répandre  furxQoi  fes  pavots.      Des 

que 


D  Ê    G  I  L    B  L  A  s.  147 

qîie  je  me  fentis  afibupir,  je  lâe  de(habUlâî  et  me  cou* 
chai. 

JLe  lendemain  matin,  lorfque  je  me  réveillai,  je  m^ap- 
perçus  qu^il  étoît  déjà  tard»  Je  fus  alTtz  furprîs  de  ne 
pas  voir  paroitre  mon  valet,  après  l'ordre  qu'il  avoit  reçu 
de  moi.  Ambioife,  dis-je  en  moi  mêmr,  mon  Hdele 
Ambrolfe  èft  à  l'cjjlîfe,  ou  bien  il  èft  aujourd'hui  fort 
pareficux.  Mais  je  perdis  bientôt  cette  opinion  de  lui, 
pour  en  prendre  une  plus  mauvaife  ^  car  m'écant  levé,  et 
^  ne  voyant  plus  ma  Valîfe,  je  le  rounçonnai  de  l'avoir  vo- 
lé^  pendant  la  nuit.  Pour  écîaircir  mes  foupçons,  j'ou- 
vris la  porte  de  ma  chambre,  et  j'appclhi  Tliypocrite  à 
pluHeurs  reprife».  Il  vînt  à  ma  voix  un  vieillard,  qui  me 
dît  :  Que  louhaitez  vous,  Seigneur  ?  tous  vos  gens  font 
fortis  de  ma  maifoa  avant  le  jour,.  Comment  de  votre 
maifon  !  m'écriai-je.  £{l-ce  que  je  ne  fuis  pas  ici  ches^ 
Don  Rapbael  ?  Je  ne  fais  ce  que  c'èfl  que  ce  Cavalier, 
dit- il.  Vous  êtes  dans  un  hôtel  garni,  et  j^en  fuis  l'Hôte 
Hier  au  foir,  une  heure  avant  votre  arrivée,  la  Dame 
qui  a  foQpé  avec  vous  vint  ici|  et  arrêta  cet, appartement 
pour  un  grand  Seigneur,  difoît-el)e,  qui  voyage  incognitg 
elle  m'a  même  payé  d'avance. 

Je  fus  alors  au  fait.  Je  fus  ce  que  je  devois  penfer  de 
Camille  et  de  Don  Raphaël  :  et  je  compris  que  mon  va- 
let, ayant  une  entière  counoiflance  de  mes  affaire»^  m'a- 
voit  vendu  à  ces  fourbes.  Au-lieu  de  n'imputer  qu'à 
mot  ce  trlHe  incident,  et  de  (bnger  qu'il  ne  me  feroit 
point  arrivé  fî  je  n^eufîe  pas  eu  Tindifcretion  de  m'ouvrir 
à  Majuéio  fans  neçe(rité>  je  m'en  pris  à  }a  fortune  inno« 
cente,  et  maudis  cent  fois  mon  étoile.  Le  maître  de 
ITiôtel  garni,  à  ^^ui  je  contai  Pavanture,  qu'il  favoit 
peut-être  aufli  bien  que  môî,  fe  montra  fenil'ble  à  ma 
douleur.  Il  me  plaignit,  et  me  témoigna  qu'il  étoic 
très  mortifié  que  cette  fcene  fe  fût  pafiee  chez  lui  \  mais 
je  crois,  malgré  fes  démonftratlons,  qull  n'avoit  pas 
moins  de  part  à  cette  fourberie  que  mon  hôte  de  Burg0S| 
à  qui  j'ai  toujours  attribué  l'hooneur  de  Finvention. 


M  il  C  H  À. 


j.^S  LES    AVANTURES 

CHAPITRE    XVn. 

^tei partit  prit  Gil  Bios  après  tavanture  de  Vlitel garni. 

LORS»QTJ£  j>U8  bien  déploré  moo  malheur,  je  fis  ré- 
flexion qu^au-lieu  de  céder  à  mon  chagrin,  je  devois 
plutôt  me  rôîdir  contre  mon  mauvais  fort.  Je  rapellai 
mon  courage,  et  pour  me  confoler  je  difois  e(i  m'habil- 
la nt  :  Je  fuis  encore  trop  heureux,  que  les  fripons  n'aj- 
ent  pas  emporté  mes  habits,  et  quelques  ducats  que  j'ai 
dans  mes  poches.  Je  leur  tenois  compte  de  cette  difcré- 
tîon.  Ils  avotent  même  été  affcz  généreux  pour  me  laif- 
fer  mes  bottines,  que  je  donnai^  Thôte  pour  un  tiers  de 
ce  qu'elles  m'avoient.  coûté.  £nfin,  je  fortis  de  l'bôtel 
garni,  fans  avoir,  Dieu  merci,  befoîn  de  perfonne  pour 
porter  mes  bardes.  La  première  chofe  que  je  £s,  fiis- 
d'aller  voir  fî  mes  mules  ne  feroient  pas  dans  l'hôtellerie 
cm J'étoi»  defcendu  le  jour  précédent.  J^jugeois  bîea 
qu^  Ambroîfe  ne  Ves  y  a  voit  pas  laiffées  j  et  plût  au  Ciel 
que  j'euflfe  toujours  jugé  auffi  fainement  de  lui  !  J'appris 
que  dès  le  foir  même  il  avott  eu  foin  de  les  en  retirer» 
Ainfî,  comptant  de  ne  les  plus  revoir,  non  plus  que  ma 
valile^  je  marchoîs  triftement  dans  les  rues  en  rêvant  ait 
parti  que  je  dfvoîs  prendre.  Je  fus  tenté  de  retournée 
H  Burgos,  pour  avoir  encore  une  fois  recours  à  Donna 
Iviencia  ,  mais  eonfidérant  que  ce  feroit  abufer  des  bon- 
tés de.  cette  Dame,  et  que  d'ailleurs  je  pafferois  pour 
une  bête,  j'abandannai  cette  pcnfée.  Je  Jurai  bien  aufli 
que  dans  la  fuite  je  ferois  en  garde  contre  les  femmes. 
JB  me  ferois  alors  défié  de  la  chafte  Suzanne.  Je  jettois 
ce  tems  en  tems  les  yeux  fur  riia  bague  ;  et  quand  je  ve- 
nais à  fonger  que  c'éloit  un  préfent  de  Camille,^  j'en  fou- 
pirois  de  douleur.  Hélas  !  difob-je  en  moi-même,  Je 
ne  me  connois  point  en  rubiis"»  mais  Je  connois  les  gens 
qui  les  troquent.  Je  ne  crois-  pas  qu'il  foit  néccflaîre 
que  j'aille  chez  un  jouaillîer,  pour  être  perfuadé  que  je 
fuis  un  fot. 

Je  ne  ferffai  pas  toutefois  de  vouloir  m'écîaîrcîr  de  ce 
que  valoit  ma  bague,  et  j'allai  la  montrer  à  un  lapidaire, 
qui  Teftima  trois  ducats.  A  cette  edimation,  q.uoiq,u'elIe 
ne  m'étonnat  point,  je  donnai  au  diable  la  nièce  du  gou* 
yerneur  des  lus  PhilippineS|  ^ou.  plutôt  je  ne  fis  que  lui 

ea 


I>  Ë    G  I  L   B  L  A  6.  -  f  49 

(i!k  tUnM^èllei'  k  dofi»  Comièe  je  fortois  déceliez  le  k« 
f^àûhtf  il  piafla  prè^  de  iftoi  cm  jettùc-bomifoe  qui  s^arrê-* 
ta  poUr  Ihè  t^tiùàéttf.  Je  ne  me  le  remis  pM  ii'abord, 
quoique  je  '  le  côdftirfê  j^arfftuetnent.  Comiùent  donc, 
Gîl  Bîaé,  ibé  dU-U)  fcigntt-voui  d*f|;notef  qtei  je  fuis  ? 
<îù  éc\xx  aittiéês  ùnt-tWti  û  fort  châtf^  le  fils  du  barbier 
l^urtYtet^  qoe  vdûs  le  méédnnoUfiez  ?  ReAbovenez-vou»- 
de  FabHcê,  thttë  coitttmnote  et  votre  cddpagnon  d^é- 
odIè«  Nous  avob^  fi  feaveiit  4îfpttté  chut  le  Docteur 
Goàttkt'z  fut  Us  ùivi^«rfauj[  et  Ui  degi^s  tttétapbyâquts.  . 
]'é  le  tiÊÇoWtiiii»  àvaftt  qà^il  eût  achevé  ces  paroles,  et 
méùi  inyuê  ëMbmS^tbep  tous  deux  «Ve6  tranfpOTt«  Hé,. 
Abtt  Qfbi»  Tèpflt-il  enfuite,  <jiaé  je  fais  t^avi  de  te  ren- 
contre^ !  je  ne  puii  ^Wpriftlt^  U  joie  que  j'en  reffeDs, 
Mai^,  p^Hiffuivil-il  d'titl  ^if  fitrptîs,  dafis  qubl  état  t'of« 
hts^ïVL  h  iniL  Vue  ?  Vive  Dieu,  te  voilî^  Vêtu  comme  utt 
^ocèl  One  belle  épée,  des  ba^  de  foie,  un  |M«irpotf)t 
et  nn  tûanteau  de  velours  relevé  d*uiie  broderie  d'ar- 
£e^t.  Malepèlte  !  cela  fent  dIabkmeAt  les  bonnes  for- 
tubes*  Je  l^iâ  papier  qtie  quelque  vieiUfe  femiAe  libérale 
te  hik  part  de  fes  largiffes,  Tû  le  trompes,  lut  dis-je  > 
me^  adirés  ne  (otft  pas  fi  fic^fiWntes  que  tii  te  Pitnaj^ihel» 
A  d^a^tre»,  repliqiMr't-il^  à  d^afutres  ^  tu  veux  faire  le 
difcrèt.  £t  ee  beaâ  r^bis  que  je  Vous  vois  ati  doigta 
Môtifieur  Gil  Blas,  d'où  Vous  vietît-it,  sSl  vous  plait  f 
U  ttie~  vient,  lui  repaitVje,  d'une  (i'^aebe  iFriponne*  Fa- 
brice, mon  cher  Fabrice,  bien  loin  d'être  la  cocluch# 
.  des  femmes  dé  ValladoKd^  ap))rens,  to'on  ami,  que  j'eil 
fuis  W  du^e. 

Je  pr<>honçaî  ces  dernîèVcs  pttroles  û  trîftement  que 
Fabrice  vit  bien  qu'on  m'avait  joué  quelque  tour.  Il  . 
toit  prrefla  de  loi  dire  pourquoi  je  me  plaignois  aînfî  du 
beau-fexe.  Je  me  refolus  tans  peine  à  contenter  fa  eu* 
tïoïîté  :  maïs  comme  j'avois  un  aifcz  long  récit  à  faire,  ^^ 
et  que  d'ailicurs  nèivs  u^  Voulions  p»s  nous  féparer  fitôt, 
n<mi  eUtYataes  dans  un  cabaret  pcnir  nous  entretenir  plus 
tommodértient.  Là,  je  lui  contai  en  déjeunant  tout  ce 
qui  m'étoit  arrivé  depati  ma  fortie  d'Oviédo.  Il  trouva 
ifaes  aventures  affct  bizarres  j  et  après  m'avoir  témoigné 
qu'il  prenoît  beaucoup  de  paît  à  h  f^cheulc  fituation  oà 
j'étois,  il  me  dit  :  Il  faut  fe  confoler,  mon  enfant,  de 
Xou%  les  malheurs  de  la  vie.     Un  homme  d'eCp rit  èll4l  / 

N  3  dans 


X50  L'ES    -«VA  NT  ORES 

dans  la  misère?  Il  attend  avec  patience  «n*  temt  pli^ 

heureux.     **  Jamais,**  cmnme  dit  Cicérone  **  it  ne  doîtr- 

^'  fe  laîiTer  abattre  jufqu'à  ne  fé  plus  fouvenir  ^}sM\  è(t 

**  homme/'     Pour  moi,  yt  fuis  de  ce  caraâère-lSt,     Met > 

difgracesne  m^^ccablenf  point*  Je  fais -toujours  au^'defibt- 

de  la  mauvaîfe  fortune.     Par  exemple,  j^^aixlioîs  une  fille 

-de  famille  d'Oviédo,  jVn  étois  aimé;,  je  la  demandai  en' 

mariage  à  fon  père  !  il  me  la  refufa,  un  autre  .eiFferoifr< 

mort  de  douleur.     Moi,   admire  la  force  de  mon^  efprît,. 

j'enlevai  la  petite  perfonne.     Elle  étoit  vive,  étourdie^ 

coquette  >  le  plaiiîr  par  confé<}uent  la  determinoît  tou* 

jours  au  préjudice  do  devoir.     Je  la  promenai  pendant. 

iix  mt>ts  dans  le  royaume  de- Gatîoe  ;  de-là^  comme  jer-^ 

l'avoir  mife  dans  le  goût  de  voyager,  elle  eut  envie  d'al«^ 

1er  en  Portugal^  mais  elle  prit  un  autre  compagnon  de* 

voyage^     Autre  fujèt  de  defefpoirr    Je  no  fuccombal^ 

poiQt  encore  fous  le  poids  de  ce  nouveau  malheur  ^  et; 

plus  fage  que  Ménélas,  au- lieu  de  m^armer- contre  le  F»* 

lis  qui  m'a  voir  fouiié  mon  Hélène,  je  lui  fui  bon  gré  de? 

mVn  avoir  défait.     Après  cela,  ne  voulant  plus  retour» 

ner  dans  les  Aduries^pour  éviter  toute  dtfcufTion  avec  \» 

Judice,  je  ra*avanç:ai  dans  le  royaume  de  Léont-depea- 

iant  de  vlUe  eiv  vijle  l^argent  qui  me  refloit  de  Penleve- 

ment  ds  mon-  enfante:  ear  nous  avion s-tous'* deux  fait 

notre  main   en  partant  d'Oviédo.     J^arrivat  âPalcnciar 

avec  un  feul  ducat,  fur  quoi  je  fus  obligé  d'acheter  uner 

paire  de  fouliert*     Le  relie  ne  me  mena  «pas  bien  loin.- 

Ma  (ituatîon  devint  embarraffante.  Je  cpmmençof»  même 

déjà  a  faire  diète.  Il  fallut  prorote  ment  prendre  un  partir 

Jc^réfolus  de  miB  mettre  dan  y  le  Cerviee.  ;   Je  me  plaçai' 

d^abprd  chez  un  gros  n^rcbaod  de  drap,  qui  avoit  uiT 

Ws  libertin.     J'y  trouvai  un-afile  contre  l'abftioenGc,  et 

mn  même  tcros  un  grand  embarras.     Le  père  m-'ordonn4 

d'épier  fon  fiîr.    Le  fiîs  me  pria  de  l'aider  â  tromper  fon 

père;     Il  falloit  opter.     Je  préférai  la-  prière  au  côra» 

i»ai) dément,  et  cette  préfère r>€e  me  ht  don>uer  mon  coQ« 

fié».     Je  paifai  cnfutte  au  fcrvice  d*un  vieux  peintre,  qui 

voulut  par  amitié  m'enfeigner  ks  princip<fs  de  fon  art  y 

«iiTiis  tn  me  les  montrant,  il  me  laiiToît  mourir  de  faim]» 

Cela  me   léjçouta  de  la  peinture  et  du  féjour  de  Palcncia, 

Je  vins  à  Valîadolid,   où  par  le  plus  grand  bonheur  du 

>inoBde,.  yentriû  dans  la  maifon  d^un  adminiQrateur  de 

..  >  ^   l'hdpital. 


9E   GIL   BLA9»  F^t 

Fliôfntal.  J'y  d«ttear€'eile«re^  &'je  fuis  charmé  ée  tiia- 
condîtion.  Le  Seigneur  MaoUel  OrdoipieBy  mon  tnaitre^, 
è£t  VM  iioinme  d^tme  piété  profonde.  11  marche  toujottrt 
les  yeux  baiffës  avec  no  gros  rofaire  à  la  main.  On  dhp 
<]ttè  dès  (à  jevAeffe,.  n^lya1lt  en-  vue  qoe  le  bte»  de»  pan* 
vresy  il  s*y  èft  attaché  avec  un  zèle  infatigable.  AnA 
fes  foin»  se  font^ila  pas  demeurés  fan»  récompenfe,  tout 
loi  a  profpéré.  Quelle  béoédiôion'  !  il  9l*hÙ,  caricht  e». 
fefant  les  afl^ires  des  pauvres. 

Quand    Fabrice  n^iBot  tenu  ce  dîfcoufs^  je  lut  dits. 
Je  f«ûs  lMien*aile  que  tu  fois  (atîsfait  de  ton  fort  ;  mais^ 
entre  nous,  tu  pourroisy  ce  me  fiemble,  faire  un  plus 
beau  rôle  dens^  le  monde.  ^  T» ji'y  peafes  pas,  Gil  Bks^ 
me  répondk-iL     $acbe  c{ue  pour  un  homme  de  mon  bu,, 
meor,  il  i>*y  »  point  de  fitoation  plus  agréable  que  1». 
aienae.     Le  métier  de  laquaie  e(t  pénible,  je  rkvooe^- 
pour  un  iiaabecille  ;  maïs  il  n'a  que  des. charmes  pour  wt' 
garçon  d^efprît.     Un  génie  fttpérieur  qui  fe  met  en  con* 
dîtion,;  ne  fait  pas.  foo- fer  vice  matériellement  comme  un 
i^îgaud.  .  XI  entre  dans  one  maîibn,  pour  oommander 
plutôt  <{ue  pour  fervir.     11  commence  par  étudier-  foiv 
Maître.     11  fe  prête  àfes  de&uts,  gagne  fa  confiance,  et 
le  mené  enfuite  par  le  nez.     CèA  aînfi  que  je  n»e  fuia^ 
conduit  chez  mon  Admioiftrateur.     Je  connus  d^abord 
k  pèlerin.     Je  mVipperçu^  qju^il  voiuloit  pafler  poue  oou 
&int  perfoftoage.     Je  feignis  d^enétre  Udupe,  cela  ne 
coûte  rien.    Je  &s  plus»     Je  le  copiai,  et  jouant  devant 
lui  le  mè^ie  r4le  q^a'tl  &ît  devant  les  atitres,  j.e  trOmpiii^ 
le  tronapeiK»  tt  je  fut»  devenu  peu  »  peu  feA  fa3otUfttn 
J'efpèxe  que  quelque  jour  jjC  pourrai,  Tous  (es  auTpicesf 
lie  mêler  des  affaires  des  pauvres.     Peut-être  ferat-jer 
auilî  fortune,  car  ^e  me'fens  autant  d'amour  que  lui  pour 
Isur  bien. 

VoiÙà  de  bellea  efpéraoce»,  repris- je,  mon  cher  Fa» 
brice,  et  je  t'en  félicite.  Pour  moi,  j^e  reviens  à  morf 
prenâer  deffein.  Je  vais  convertir  mon  babit  brodé  ea 
ibutaoelie,  me  rendre  à  Salamanque,  et  là,  roe  rae^geant^ 
ibus  les  diapeaux  de  rUaiverûté>  remplir  Pemploi  de 
précepteur.  J^au  projet,  s'écria  Fabrice  !  Taiçrcable  i» 
matçlnation  !  Quelle  folie  de  vouloir  sV  ton  âge  te  fatre 
pédant  1  S^iis-tu  bien,  malheureux  l  à  quoi  tu  t'engages 
en  prenant  ce^pasti^  Sitôt  que  tu  ferais  placée  toute  la 

-  roaifon 


is^  LES   AVAKTUUÏS 

fâtKott  t^obfcrvftm.  Ttes  ittottixlrci  «éHoAs  ferolit  lèta^ 
poleufenieitt  etattiiâét^  Il  fftudfâ  <|^ttt  ttt  t)e  coattftSf^tt^» 
filas  cefibf  qu«  tu  te  ftrè«  d*an  Isîtfefhnif  k^|K9^ite,  «t 
pardifles  poffédér  toUtH  iH  venosi  Tu  &*aurti8  pttefquê 
pas  un  inoMèiit  &  d»Qii«lr  à  tes  plftififlt.  CHlféur  éte)rAèl 
de  ton  £eolfeir,  tu  |)ii«ta!l  l€é  jcfvLPnéit^  ^  loi  eiifti^ncr  I^ 
Lttib,  et  il  le  rèi^reïKlré  qulilld  il  dira'  du  feta  tfcl  chofi» 
cofitre  la  brèfiféatioeb  A^rè»  tatit  dte  peifM  et  de  eon- 
traînte,  quel  fera  le  fruît  de  tes  Mtis  f  Si  U  j^etit  geâtiU 
hominb  èft  un  inaiavals  fùjèt,  oA  d'im  qoé  ta  Tantes  Mal 
élevé;  et  le»  patènti  te  renvérrètit  (htift  rétoflapenfe^  fMàut^. 
éire  mètnfe  (âta  té  payeit  tcè  a|)poiiit^lkiétitsi  Me  iti<$' 
pa^e  doikic  poiilt  d'un  pofte  de  préc^^tfUr^  è*èft  uli  bé^-- 
néfict  ^  ehafgt;  d^âilifcâ.  Mail  )Mirl^niet  de  lVlbph>l 
d*un  laqnais.  C^éft  ta6  béùéHcè  iiAipte,  qui  n'eilgagt  % 
n«a%  Un  Maître  é-'t^il  dés  tict^l  f  le  gétitfe  (Upérieur  qui 
le  feit,  les  flatê,  et  fouVfcnl  teètne  lès  feit  tôUi*Aei-  ?k  ibil 
p«i>fit.  Un  valet  tk  fans  inquiétude  dà^s  ube  boim^  itoaf* 
fnn.  Après  avôir  bu  et  mangé  tout  ftm  faool,  î4  %'ehdott 
tiranquillenTent  cémtiie  un  enfant  de  la  faMille>  faitis 
ft^ertibarairev  du  boudier  ni  du  boulanger. 

Je  ne  ififtiroîs  point,  mon  tnfant,  po^rfuftît-U|-  fi  jt 
youlois  dire  tous  lés  iiVaYitaf  ès  dès  vttléts.  Crbîs<-«io{, 
Gil  Bias^  perds  p6ar  jamais  Penvie  d*6tt^  précepteur,  tt 
Aiîs  mon  exemple^  Oui  ;  niais,  Fabrice,  loi  repaitîs<>je, 
on  ne  trouve'  pas  tbus  lès  jours  des  admioiftfiiteat'Sy  et  Û 
j«  me  réfol^is  à  fèrVir,  je  voudrais  du  in<»ins  ft^étrè  pai 
HmiI  plaèé.  Ob  l  tu  as  k'aiibn,  ikie  dit>-îl,  et  jVn  fais  mon 
«ftaîre^  Je  tè  répondis  d^une  bonne  condition,  qUand  ce 
ne  fisroit  que  'pour  arracber  un  galant  hôiAfllki  à  PUâi 
v'erfîté. 

La  'mirèlrè  prochaine  dont  j'écoîs  (UéAaeé,  et  Pair  fii* 
tisfait  qu'a  voit  Fabrice,  me  perfuadant  plus  que  fes  ni^ 
fbns«  je  me  déterminfcl  9  nie  mettre  datïs  le  ferviee.  Lh* 
deffus  nous  fortiAit^s  du  (Cabaret,  et  mon  compàt^i^fcè  me 
dit  :  Je  vais  de  dé  pas  te  conduite  chez  un  hoftime-lqui 
a^adre&nt  la  plupart  dès  làcquais  qui  font  fur  ïe  pavé.  Il 
a  des  grifofis,  qui  i^nforment  de  tout  ce  qui  iepaife 
dans  les  familles.  11  fait  où  Ton  à  befoin  de  valets,  ef 
il  tie'nt  un  régit re  exaéi,  non  feulement  des  places  va-r 
cantes,  mais  mélue  des  bonnes  et  des  mauvaifcs  qualités 
des  mnîtires.     C^  uu  bo&nne  qui  ^  été.  frère  dans  je? 

ne 


\ 


D  £   G  I  L    B  L  A  s.  153 

ne  fats  quel  couvent  de  religieux*     Enfin^^^cèft  lui  qiû 
m'a  placé. 

Ea  noua  entretenant  d'un  bureau  d'adreiTe  fi  fingulier, 
le  fils  di.  Barbier  Nunucz  me  mena  dans  un  cul  de-fac.^ 
Nous  entrâmes  dans  une  petite  maifon,  où  nous  trouvâ- 
mes un  homme  de  cinquante  ans,  qui  êcrivoit  fur  une 
table.     Nous  le  fàluames  affez  refpeéiueufement  ;  maîa 
foît  qu^il  fût  fier  de  fon  naturel,  foit  que  n'ayant  cou* 
tume  de  voir  que  des  laquais  et  des  cochers,  il  eut  pris 
l'habitude  de  recevoir  fon  monde  cavalièrement,  il  ne  fe 
leva  point*     Il  fe  contenta  de  nous  faire  une  légère  in« 
clinatioxL  de  tête.  Il  me  regarda  pourtant  avec  attention. 
Je  vis  bien  qu'il  étoit  furpris  qu^un  jeune  homme,  ea 
habit  de  velours  brodé,  voulut  devenir  laquais.  •  11  avoît 
plutôt  lieu  de  penfer  que  je  venoîs  lui  en  demander  un* 
Il  ne  put  toutefois  douter  longtems  de  mon  intention, 
puifque    Fabrice  lui  dit   d'abord  :    Seigneur  Arias  de 
Itondonna,  vous  voulez  bien  que  je  vous   préCente   le 
meilleur  de  mes  amis.  Ç'èll  un  garçon  de  famille  que  fes 
malheurs  réduifent  à  la  néceifilé  de  fervir.     Enfeignez* 
lui,  de   grâce,  une  bonne  condition,  et  comptez  fur  fa 
reconnoifiance.     Meflieurs,  répondit  froidement  Arias^ 
voilà  comme  vous  êtes  tous.     Avant  qu^on  vous  place, 
vous  faites  les  plus  belles  promeiTes  du  monde.     £tes- 
vous  placés  ?  vous  ne  vous  en  fouvenez  plus.    Comment 
donc,  reprit  Fabrice  ?  vous  plaignez-vous  de  moi  !  n'ai* 
je  pas  bien  fait  les  chofes  ?    Vous  auriez  pu  les    faire 
encore  mieux,  repartit  Arias.     Votre  condition  vaut  un 
emploi  de  coromîs,  et  vous  mHivez  payé  comme  ii  je 
vous  euffe  ipis  chez  un  auteur.     Je  pris  alors  la  parole,^ 
et  dis  au  Seigneur  Arias,  que  pour  lui  faire  connoitre 
que  je  n'étais  pas  un  ingrat,  je  voulois  que  la  reconnoif- 
fance  précédât  le  fervice.  £n  même  tems  je  tirai  de  mea 
poches  deux  ducats  que  je  lui  donnai,  avec  promeâfe  de 
n'en  pas  demeuter-là,  fi  je  me  voyois  dans  une  bonne 
maifon. 

Il  parut  content  de  mes  manières.  J'aime,,  dit-il,  qu'oa 
enufe  de  la  forte  avec  moi.  Il  y  a^  cominua-t-îl 
d'excellens  poftes  vacants.  Je  vais  vous  les  nommer,  et 
vous  choifirez  celui  qu'il  vous,  plaira.  £n  achevant  ces. 
f  arolesy  il  mit  (es  lunettes^  ouvrit  un  régitre  qui  étoit 

fvir 


154  LES    AVANTUlttS 

fur  fâ  tablé,  toama  qaelqu«s  feuillets,  et*  toifirmenÇà  \ 
lire  dans  ces  termes  :  11  faut  un  laquais  au  Capitaine 
Torbcllino,  hotntne  empotté,  btutàl,  fatitafque.  Il 
gronde  (ans  teffe,  juré,  frappe,  tt  le  plus  fouVcnt  eftro- 
ph  {ti  dôtncftîqdcs.  Paffons  à  un  autre,  itt'ettiaî-je  à 
ce  portrait,  ce  Capitaine  n*èft  pà«  de  taoti  gôut.  Ma 
vivacité  fit  foutire  Arias,  qui  ponrfuîvît  ainfî  fâ  levure. 
Dontia'  Mïinuélà  d'e  8andoval,  doùairiète  furànnée,  baf* 
gnetife  et  bifarre,  eft  aAuellemeklt  faiis  laquais.  Elle 
n'en  a  qu'un  d*ordiuàîi^,  cticôre  hc  k  petit^elle  garder 
un  jour  entier.  Il  y  n  dans  fa  i/iaifon,  depuis  di^  ans, 
un  btibit  qui  fert  à  tous  Us  valets  qui  entrent  chtt  elle, 
àe  quelque  taille  qu'ils  foient.     On  peut  dire  qu'ils  ne 

,  font  que  IVffayer  ;  car  il  èft  encore  tout  neuf,  quoique 
deux  mille  laijuais  Payent  porté.  Il  manque  un  valet  &u 
Doélcur  Alvar  Fannez.  Cèft  un  Médecin  Chyniifte.  II 
nourrit  bien  fes  domeftiqUeS,  les  entretient  proprement, 
leur  donne  même  de  gr6s  -  gages  ;  mzh  il  fait  fur  eux 
Pépreuve  de  fes  Vetftedcs,  il  y  a  fouveût  des  plates  de 
l&quats  à  remplir  cbcz  tet  bomme-là. 

Oh  !  je  le  crois  bien,  interrompit  Fabrice  en  riant. 
Vive  Dieu  !  vous  nous  enfeignet-là  de  bonnes  condî« 
tion^.  Patietice,  dit  Ariâs  de  Londonna,  nous  ne  fôm- 
ilies  pas  au  bout,  il  y  a  dé  quoi  vous  eontenter.  Là-' 
defluï,  il  tontinua  de  lire  de  cette  fotte  :  Donna  Al- 
fbnfa  de  Solis,  vieille  dévote,  qui  pafie  les  deuit  tiers 
de  la  journée  dans  Péglife,  et  qui  veut  que  fdn  valet  y 
foit  toujours  auprès  d^elle,'  n*a  point  de  laquâîs  depuiis 
trois  femaines^  Le  Lictntié  Sédillo,  vieux  Cbanoine 
du  Chapitre  de  cette  ville,  cbaffâ  bier  àu  fôîr  fûn  valet 
'■  •  '--'Alte  l?i,  Seigneur  Arias  de  Londonna,  s'écria  Fa- 
brice en  eet  endroit,  nous  nouS  en  teAôns  à  ce  dernier 
pt)fte.  Le  Licentié  Sédillo  èît  des  amis  de  mon  maître, 
et  je  le  coonoîs  parfaîtetnent.  Je  fais  qu'il  a  pour  gou- 
vernante une  vieille  Béate,  qu'ott  nottitne  la  Dame  Ja- 
cinte,  et  qui  difpofe  de  tout  chez  lui.  C*é{ï  une  des 
lâeillêures  maiibns  de  Valladôlid,  on  y  vit  doucement, 
et  l^od  y  fàît'très  boirnr  chère.  D^ailltUins,  le  Cbanoini; 
èft  un  homme  infirme,  uii  vieux  goûteux,  qui  fera  bien- 
tôt fort  teftafbettt,  il  '  y  a  un  legs  à  efpérer  :  La  thar- 
mante  perfpeâive  pour  un  valet!    Gîl  Blas,  ajouta-t-il, 

'eti  fe  tournant  de  mon  côté^^  ne  perdons  point  de  tems 

mon 


t 

qM>9  tmu  A3lon$.  ton!  ^  Tbeure  cliiez  Ifi  làccntié,  j# 
vçuic  te  prcreatçr  çioi-ioâme»  et  te  Cprvir  de  xépoAdaQt* 
A  ces  ipotff,  êc  ctainte  du  nuQ<)uer  uae  &  beUe  occar 
£oQ^  odas  prtuoes  bruTquemeat  congé  du  Seigneur  Ariac, 
qui  m^afluru^  pour  «M'Jft  fugeot  que  ii  eet(^  çoudîtion 
Jii^écb^ppoît,  iç  pouvoU  oQiuft^r  <}U^il  yi^a  feroît  Xxqmt 
▼er  u^^p  fiujQl  Goaue^ 

^SS   AVAMTURES 

DE    O  I  L    B  L  A  S. 

LIVRE  SECOND. 

CHAPITRE    I. 

Rfirice  trine^  et  fait  recevoir  GU  Bhs  cbesp  U  IkentU 
BédiUo,     Dan^  quel  êjai  é:où  ce  Ci^ifoine^     foriraii  dç 
fa  GouvernanU* 

NOUS  savions  fî  grand'  peur  d'arriver  trop  tard  chez 
le  vîçux  Lîcentîé,  que  nous  ne  fimes  qu'un  faut  du 
cul-de-fac  à  fa  maifoi^  Nous  «n  trouvaoïjes  la  porte 
fermée^  nQ,u$  frappâmes.  Une  fille  de  dix  ans,  que  la 
Çouveraante  £efoit  paiTer  pour  fa  nieçe  en  depît  de  la 
médifance,  vîat  ouvrir  \  et  comme  nous  lui  demandions 
£  Pojo  pouvoit  parler  au  Chanoine,  la  Dame  Jacinte  pa<» 
rut.  C'étolt  une  perfonne  déjà  parvenue  à  Tâge  de  dif< 
crétion»  mais  belle  encore,  et  j'admirai  particulièxement 
la  fraîcheur  dp  fou  teint.  Elle  porteit  une  longue  robe 
d'une  étoffe  de  laine  la  plus  commune,  avec  une  large 
ceinture  de  cuir,  d'où  pendait  d'un  côté  nn  trouflieau  de 
clés,  et  de  l'autre  un  chapelet  à  gros  grains.  D'abord 
^ue  nous  l'apperçuraes,  nous  la  faluaraes  avec  beaucoup 
de  refpei^,  £lle.Rpus  rendit  le  falut  fort  civilement,  maia 
d'un  air  modeUe  et  les  yeux  baiifés. 

J'ai  apprît,  lui  dit  mon  caup^arade,  qu'il  faut  un  hon- 
nête garçon  au  Seigneur  Licêntié  SédiUo^  je  viens  lui 
en  pi;efentèr  un  dont  j'efpère  qu'il  fera  content*  La 
Sourecnante  leva  le^  yeux  à  cçs  paicoIeSy  me  regarda 

fixement. 


«i6  LESAVANTURES 

fixement,  et  ne  pouvant  accorder  ma  broderie  avet  l«s 
difcours  de  Fabrice,  elle  demanda  û  c^étoit  moi  4)ui  re- 
cherchoîs  la  place  vacante.     Oui,  lui  dit  le  fils  de  Nan- 
nezy  c*hà  ce  jeune-homme*     lel  que  vous  le  vojez,  il 
lui  èft  arrivé  des  difgraces  qui  ^obligent  à  fe  mettre   en 
condition.     Il  fe  confolera-de  Tes  malheurS|  ajouta-t-il 
d^un  ton  doucereux»  s^il  a  le  bonbeift  d'entrer  dans  cette 
maifon,  et  de  vivre  avec  la  vertueufe  Jacinte,  qui  ώri-  , 
teroit  d'être  la' gouvernante  du  Patriardie  des  Indes.   A 
ces  mots,  la  vieille  Béate  cefia  de  ma  regarder,  pour  con- 
fidérer  le  gracieux  peribnnage  qui  lui  parloit  j    et   £rap« 
pée  de  fes  triûts,  qu'elle  crut  ne  lui  être  pas  inconnus  ; 
J^ai  une  idée  confufe  de  vous  avoir  vu,  lui  dit-elle,  aidez- 
moi  à  la  débrouiller.     Chaile  Jacinte,  lui  répondit  Fa- 
brice, il  m'en  bien  glorieux  de  m'étre  attiré  vos  regards. 
Je  fuis  venu  deux  fois  dans  cette  maifon,  *avec   mon 
Maître  le  Seigneur  Manuel  Ordognez,  adminiftrateur  de 
rhôfpital.     Hé  jugement,  répliqua  la  gouvernante,  je 
m'en  fouviens,  et  je  vous  remets.    Ab  !  puifque  vous  ap-  - 
parte^ez  au  Seigçeur  Ordognez,  il  faut  que  vous  {oyez 
un  garçon  de  bien  et  d'honneur.     Votre  conditioii  faît- 
votre  éloge,  et  ce  jeune-bomme  ne  fauroit  avoit  un  meil- 
leur répondant  que  vous.    Venez,  pourfuivit-elle,Je  vais 
•vous  faire  parler  au  Seigneur  SédiÛo,  je  crois  qu'il  fera 
bien-aife  d'avoir  un  garçon  de  votre  main. 

Nous  fuivimes  la  Dame  Jacinte.  Le  Chanoine  étoîc 
logé  en-bas,  et  fon  appartement  confiHoît  en  quatre  piè- 
ces de  plein  pie  bien  boîfées.  Elle  nous  pria  d'attendre 
un  moment  dans  la  première,  et  nous  y  laîfla  pour  pafler 
dans  la  féconde,  où  étoit  Iç  Licentié.  Après  y  avoir  de- 
meuré quelque  tems  en  particulier  avec  lui  pour  le  mettre 
au  fait,  elle  vint  nous  dire  que  nous  pouvions  entfen 
Nous  apperçumes  le  vieux  podagre  enfoncé  dans  un  fau- 
teuil, un  oreiller  fous  la  tête,  des  couflins  fous  les  bras, 
et  les  jambes  appuyées  fur  un  gros  carreau  plein  de  du- 
vet. Nous  nous  approchâmes  de  lui  fans  ménager  les 
révérences  ^  et  Fabrice  portant  encore  îa  parole,  ne  fe 
contenta  pas  de  redire  ce  qu*il  avoit  dit  à  la  gouver* 
nante  :  il  fe  mit  à  vanter  mon  mérite,  et  s'étendit  prin- 
cipalement fur  l'honneur  que  je  m'étois  acquis  chez  le 
Doéleur  Godinez  dans  les  difputes  de  philofuphie,.  com* 
me  i^à  eut  falu  que  je  fuffe  un  grand  philoli>j[*he  pour 

ct:e 


D  E    G  Ile  B  L  A  s.  157 

être  'Videt  d*oii  Chanoine.  *  Cependant,  par  le  bel  éloge 
qu^  fit- de  moi,  il  ne  laiffa  pas  de  jetter  de  la  poudre  aux 
yeux  du  Lîcenlié,  qnt  remarquaut  d^ailleurs  que  je  ne 
âéplailbis  pas  \  la  Dame  Jacinte,  dit  à  mou  répondant  : 
I«*amî,  je  reçois  à  mon  (èrYÎce  le  garçon  que  tu  m'amè- 
nes. Il  me  revient  aflez,  et  je  juge  favorablement  de 
fes  moeurs,  puîfqu'tl  m*eft  préfenté  par  un  domeftique  du 
Seigneur  Ordognez. 

I)ès  que  Fabrice  vit  que  j'étois  arrêté,  il  fît  une  grande 
révérence  au  Chanoine,  un  autre  encore  plus  profonde 
\  la  gouvernante,  et  (e  retira  fort  (atisfait,  après  m'a- 
▼oir  dit  tout  bas  que  nous  nous  revérrions,  et  que  je 
n'avoîs  qu^à  reâer-là,  Après  qu'il  fut  forti,  le  Liceotié 
me  demanda  comment  je  m'appellois,  pour  quoi  j^avois 
quitté  ma  patrie,  et  par  {t%  queftîons  il  m'engagea  devant 
la  Dame  Jacinte  à  raconter  mon  hiftoire.  Je  les  diver- 
tis tous  deux,  fur-tout  par  le  récit  de  ma  dernière  avan« 
ture.  Camille  et  Don  Raphaël  leur  donnèrent  une  (i 
forte  envie  de  rire,  qu'il  en  penfa  coûter  la  vie  au  vieux 
goûteux  \  car  comme  il  rioit  de  toute  fa  force,  il  lui  prit 
une  toux  fi  violente,  que  je  crus  qu'il  alloit  trépafler.  11 
n'avoit  pas  encore  fait  fon  teftameot.  Jugez  li  la  gou- 
vernante fut  allarroée.  Je  la  vis  tremblante,  éperdue;' 
courir  au  fécours  du  bon  homme,  et  fefant  ce  ^u'oii 
fait  pour  foulager  les. enfants  qui  touffeot,  lui  frotter  le 
front  et  lui  taper  le  dos.  Ce  ne  fut  pourtant  qu'une 
faufie  allarme.  Le  vieillard  cefia  de  toufler,  et  fa  gou- 
vernante de  le  tourmenter.  Alors  je  voulus  achever 
tnon  récit  :  mais  la  Dame  Jacinte^  craignant  une  féconde 
toux,  s'y  oppofa*  £lle  m*emmena  même  de  la  cham<* 
bre  du  Chanoine  dans  une  garderobe,  où  parmi  plufîeurs 
habits  étoit  celui  de  mon  ,  prédécefleur.  £lle  me  le 
fit  prendre,  et  mit  \  fa  place  le  mien,  que  je  n'étoik 
pas  fâché  de  conferver,  dans  l'éfperance  qu'il  me  fervi« 
roit  encore.  Nous  allâmes  enfuite  tous  deux  pf  éparer  le 
dîner.  ,.    ^ 

Je  ne  parus  pas  neuf  dans  l'art  de  èiirc  la  cuifioe.  U 
è(l  vrai  que  j'en  avoîs  fait  l'heureux  apprentiflage  feus  la 
Dame  Léonsrda,  qui  pouvoit  paflçr  pour  une  bonne 
cuifîoîère.  Elle  n'étoit  pas  toutefois  comparable  à  la 
Dame  Jacinte.  Celle-ci  l'emportoit  peu- être  fur  le 
cuifînîer  même  de  l'Archevêque  de  Tolède.     £Ue  ex. 

O  celloît 


^58  LES    AVANT  UR  ES 

cellolt  en  tout.  On  trouvôit  Tes  bîfquc^  txqûîfts,  tant 
elle  îévbit  bien  bboîfir  et  taèltt  les  fucs  des  viandes  J)uVll« 
y  fefoît  entrer  ;  et  fcs  hachis  étoîent  àffarfenhés  d^nnfc 
inànièrb  qui  les  rbndoit  très  agréables  au  gb&.  Quand 
le  diner  fut  prêt,  nous  retourniiniies  dans  la  chambre  dii 
Chanoine,  où  pendant  que  je  drèflbis  une  table  auprèà 
de  Ton  fauteuil,  la  gouvernante  paffa  fous  le  xnentoh  du 
vieillard  une  ferviette,  et  la  lui  attacha  aux  épaules.  U'â 
inoment  après  je  ftrvîs'un  potage,  qu*»n  auroît  pu  pré- 
lénter  au  plus  Fameux  Dircélêur  dé  Madrid,  et  deux 
entrées  qui  auroient  eu  de  quai  plqiier  la  fenfualîté  d^uh 
Viceroî,  û  \\à  Dame  Jâcinte  n'y  eut  pas  épargné  lès  epî- 
icesç  de  peur  'd*irritcr  la  goûte  du  Lîccntié.  A  là  vue  de 
ces  bons  plats,  mon  vieux  maître,  que  je  c'rèjôis  perclus 
de  tous  fes  membres  me  montra  qu'il  n'avoit  pas  en- 
core entièrement  perdu  l'ufàge  de  fes  bras.  Il  s'en  àiâa 
pour  fe  débaraÏÏVr  de  fon  otenler  et  de  fès  ébuffins,  et  fe 
difpofa  gayètilent  à  manger.  Quoique  la  main  lui  trem- 
blât, elle  ne  fcfùfa  pas  le  .fer^cé.  il  là  fefôît  aller  et 
venir  aSez  librement,  de  façon  pourtant  qu'il  répandbh^ 
fur  la  nape  et  fur  fa  ferVîette,  la  moitié  de  ce  qu'il  por- 
toit  à  la  bouche.;  J'ôtai  la  tifqtte  lorfqu'il  n^cn  voulut 
plu9,  et  j'apportai  une  përdris  flanquée  de  deux  cailles 
rôties  que  la  Dame  Jàcînte  lui  dépeça.  Elle  avoît  autÇ 
foin  de  lui  faire  boire  de  tèms  en  tëms  de  grands  coups 
de  vïn  un  peu  trempé,'  dans  une  coupe  à'argent  large  et 
profonde,  qu'elle  lui  tenoit  comme  'à  un  enfant  de  quinze 
mois.  Il  s'acharna  fur  les  ;entrées,  et  tit  fit  pas  moins 
d'honneur  aux  petits  liîés.  Quand  fl  fè  fut  bien  empî- 
fré,  la  Béate  loi  détacha  fa  ferviette,  lui  remit  fon  ore- 
iller et  fes  couflins  ^  puis  le  laiflaot  dans  fon  fautueil  goû- 
ter tranquillement  le  repos  qu'on  prend  d'ordinaire  après 
le  diner,  nous  defietvimes,  4t  nous  allâmes  manger  à  no- 
tre tour.  ■   ''  ■ 

Voiiâ  de  qùtlle  manière*  dînôit  tôiis  les  jours  noire 
Chanoine,  qui  é(oit  peut-être  le  plus  g^rand  inangeur  du 
chapitre.  Mais  A  foupoit  plus  légèrement.  Il  fe  con- 
tentoi^  d'un- poulet  et  de  quelques  compotes  de  fruits. 
Je  fefois  bon  rie  chère  dans  cette  maifon;  j'y  mehois  une 
vîe  très  doucei  ^Je  n'y  avoîs  qu'un  defagrément  :  c'êlt 
qu'il  me  faloil  veiller  mônulaîtrc,  et  paflcr  la  nuit  corn- 
wc  une  garde-malade)  'oùtte une  recèntidft  d*urine  qui  Tb- 
*  '  ;   blîgeoit 


n  E    G  I  L   B  L  A  s.  xjji 

blΣ^eojt  \  demander  dix  fois  par  heurf  fpo  pot  de  cham- 
bre, i\  étoit  fujêc  à  fuar  \  et  cjuand    cela  airivoît,  je  lut 
chang;eoîs  de  chemife.     Gil    Bhs,  me   dît-il   dès  la  fé- 
conde nuit,   tu    as   de    TaddreiTe   et    de    l'aélîvité.     Je 
prévois  <juc  je  m^accomrooderaî  bien  de  ton  fervîce.     J« 
te    recommande  feulemtnt  d'avoir    de  la   compiaifanca 
pour  la  Dame  Jacinte.    C'èO  une  611e  qui  me  fçrt  depuia 
quinze  années,  arqc  un  zèle  tout   partiçitlier.     £lle  a  un 
fbîn  de  mi  perfonne,  que  je   ne   puis   iiiïez  'reconnoitre« 
A,u(îî  je  te  l'avoue  elle  m'èft  p!u8  chère  que  toute  ma  fa- 
ir.îllc.    J*ai'chaffé  de  cîicz  moi,  pour  Tamour  d'elle,  mon  ^ 
neveu,  le  fils  de  ma  propre  fueur.    II  n'a  voit  aucune  con- 
fideration  pour  cette  pauvre  fîlle,   et  bien  loin  de  rendrtf 
juflicc  à  rattacîicment  fincere  qj'clle  a  pour  moi,  Tinfo» 
lent  la  traîtoît  de  fauffe  dévote  \  car  aujourd'hui  la  ver- 
Xyx  ne  parôrt  qu'  hjp<:)crine  aux  jeunes  gens.     Grâces  au. 
Ciel,  je   me  fuis  défait  de  ce  maraud- ià,     Je  préfère  au 
droit  du  fang  Taffcélion  qu'un  me  témoigne,  et  je  ne  me 
Ija^lTé  prendre    que  par    le  bfen  .qu'on    me    fait.     Vous 
avez    rarfon,  Monlîear,  dis  je  alors   au    Licentiét    La 
i^econnoiffance  doit  avoir  plus  de  force  fur  nous  que  les 
loix  de  la  Nature.     Sans  doute^  reprîtol  et  mon  teAa« 
ment  fera  bien   Toîr'que  je  ne  me  fpucîe  guères  de  mes 
parents.      Ma  g^ouvernante  y  aura   bonne  part  ^    et  tu 
n'y  feras  point   oublié,  Il  tu  cQ|[vtinues  comme  tu  com- 
mences à  me  fc>vîr.     Le  valet  que  j'ai  mis   hier  dc- 
l^orsy  a  perdu,  par  fa  faute,  un  bon  legs»     Si  ce  mife- 
rable  ne  m'eut  pas  obligé  par  fes  manières  à  lui  donner 
fon  con6;é,  je  l'aurois  enrichi  ;  mais  c'étoit  un  orgueil* 
leux  qui  manquoit  de  refpeâ  à  la  Dame  Jacinte,  un  paref. 
-    feux  qui  craignoit  la  peinç.    11  n'aimoit  point  à  me  veil- 
ler, et  c'ctoît  pc^ur  lui  une   chofe  bien  fatigante,  que  de 
paiTcr  les  nuits  à  me  foulager.     Ah  le  malheureux,  m'é- 
criai-je,  comràe  fi  le  génie  de  Fabrice  m'eut  înfpiré  !  il 
ne  méritoit  pas  d'être  auprès  d'un  auflTi  honnète-homme 
que  vous.     Un  garçon  qui  a  le  bonheur  de  voi^s  appar- 
tenir, doit  avoir  un  zèle  infatigable.     Il  doit  fe  faire  U9 
plaifîr  de  fon  devoir,  et  ne  le  pas  croire  occupé,   lors 
même  qu'il  fue  fang  et  eau  pour  vous. 

Je  m'apperçus  que  ces  paroles  plurent  fort  au  Licentîé* 
Il  ne  fut  pas  moins  content  de  l^aflurance  que  je  luf  don- 
nai d'êtj:e  toujours  parfaitement  fournis  aux  volontés  de 
*  O  *  1* 


i6o  L£S    AVANTUS.es 

la  Dame  Jacînte.  Voulant  donc  pafler  pour  un  valet  que 
la  fatigue  ne  pouToit  rebuter,  je  fefoîs  mon  fervice  de 
la  meîljeure  grâce  qu^îl  n'étoit  pofiîble.  Je  ne  me  plaig- 
nois  point  d'être  toutes  les  nuits  fur  pié.  Je  ne  laiiToi» 
pas  pourtant  de  trouver  cela  très  défagréable  y  et  fans  le 
legs  dont  ye  repaiflbis  mon  e/pérance  je  me  îérois  bien- 
tôt dégoûté  de  ma  condition.  Je  me  repofois,  à  la  vé* 
rite,  quelques  beures  pendant  le  jour*  La  gouvernante^, 
je  lur  dois  cette  juflice,  avott  beaucoup  d'égards  pour 
moi  ;  ce  quMl  falloit  attribuer  au  foin  que  je  prcnois  de 
gagner  fes  bonnes  grâces  par  des  manières  complaifantes 
et  refpeélueufes.  Ëtois-je  à  table  avec  elle  et  fa  nièce,, 
qu-on  appelloit  Inéfîlle  ?  je  leur  cbangeoîs  d'aâîéttes,  je 
leur  ver  foi  s  à  boire,  j*avob  uoe  attention  toute  partica* 
lière  à  les  fervir.  Je  m'infinuai  par*là  dans  leur  amitié^i 
Un  jour  que  la  Dame  Jacînte  étiHt  fortie  pour  aller  à. 
la  provifion,  me  voyant  feul  avec  InéfîUe,  je  commen* 
f  ai  à  Pentreteoir.  Je  lui  demandai  ù  fon  père  et  f» 
mère  vivoient  encore  ?  Oh  que  non,  me  repondit-elle.  It 
j  a  bien  longtems,  bien  longteras,  qu'ils  font  morts  ^ 
car  ma  bonne  tante  me  l'a  dit,  et  je  ne  ks  ai  jamais  vus» 
Je  crus  pieufement  la  petite  fiUe,  quoique  fa  réponfe  ne 
fut  pas  catégorique  ;  et  je  la  mis  fi  bien  en  train  de  par* 
1er,  qu'elle  m'en  dit  plus  que  je  n'en  voulois  favoîrw 
£lle  m'apprit,  ou  plutôt  je  compris  par  les  naïvetés  qui' 
lui  échappèrent,  que  fa  bonne  tante  avok  un  bon  ami^ 
qui  demeuroit  aum  auprès  d'un  vieux  Chanoine,  dont  ïî 
adminiilroit  le  temporel  j  et  que  ces  heureux  domefiique» 
comptoient  d'afîenîblejr  les  dépouilles  de  leurs  maîtres^ 
par  un  hyroenée  dont  ils  groutoient  lesdouceurs  par  a« 
vaoce.  J'ai  déjà  dit  que  la  Dame  Jaciate,  quoiqu'un, 
peu  furannée,  avolt  encore  de  la  fraîcheur.  11  èil  vrai 
qu'elle  n'épargnoît  rien  pour  fe  confervcr.  Outre  qu'- 
elle  prenoit  tous  les  matins  un  clîdère,  elle  avaloit  pen- 
dant le  jour  et  rn  fe  couchant  d^excellents  coulis.  De 
plus,  elle  dormoit  tranquillement  la  nuit,  tandis  que  je 
veilloîs  mon  maître.  Mais^  ce  qui  peut-être  contribuoit 
cncore^plus  que  toutes  ces  chofes  à  lui  rendce  le  teint 
frais;  c'étoit  à  ce  que  me  dit  InéfiUe,  *  une  fontaine  qu'- 
elle avoir  à  chaque  jambe. 


0E  CXC  tt.A^.-  itt 


CHAPITRi    IL 


Jpê  qufUç  manière  le  Cbahoii^t^  étant  tomii  malade^  fat  ' 
trfiùi i  ce  qu^îl  e^  atrfïvà  /  et  ce  qu^ilîaijja  par  ttftamen^' 
mGtlBlat. 

TE  fervîs  pcndSint  tîoî^  mpîs  le  Lîctntîé'SédîlIoy  fan«' 
J[   jo^  plaindre  de«  noAUvaifes  nuits*  qu^il  me  fefbît  pa{* 
Alçr.     Au  bout  d;e  ce  tepas 4a  il  tomba  malade.'    L'a  fièvre 

tppjit  :  .et  ave.c  le  m^L^uMIe  lui  caufuit»  il  fcntit  irriter 
gp^tç.     Pour  la  première  fois  de  ia  vie,  qui  avoit  été 
longue»  il  eut.rêcour^  aux   Médecins,     li  demanda  Iç 
jD.o^euT  S^gr^do»  que  tout  Valladôlid  regardoit  comme 
un  Htpp9çrate.     La  Dame  J^icinte  auroit  mieux  aimé 
S{Kip  lé  Chanoine  eût  commencépar  faire  ïoxx  teftament» 
elle  \yX  en  toucha  meci^e  quelques  mots  \  imis  outre  qûMl 
ne  fc  croyolt  pas  encore  prqcKe  de  £a  fin,  il  a  volt  de 
yopiniitrçt,é  en  certaines  chofcs.  J^allaî  donc  chercher  le  - 
^>pft^^r    .Sa»  '   adà,  j^  ramenai  au  logis.      CTétoit;  ua» 
j(£^4,h(>{iin|.e  (èc  çt  pale,  et  qui  depuis  quarante'  ans- 
Ipçu^  le  .inoia$  oçcupoit  le  ciseau  des  Parques.   Ce  fa  van  t 
Médecin  avoit  ^^exterieur  gi^àue.     11  pefbit  fes  difcour^^.. 
..et.  40Bnpit  de  la  çioblçflè  ^  fês  expreilions.    Ses- l'aifonne- 
j|]^nt9,p^f9ifl'oieot  ;B[é9,métr|^es,  et  les  opinions  fort'  fin- 
:\g^îé.réjr.       ^       '  *,         .        ;     . 

.^^pres  avoir  pbferyé  mon  maître,  il  lui  dit  d'^un  aîr" 
(do^oraU  H^^'azit Ici  de  fupîéer  au  défaut  de  la  tranfpîra- 
tipn  arrêté?,     Ô^autres^  ^  m<i  place,  ordonnerotent  fans— 
,  dou^e  des  remèdes  falins,   urlneux;  volatils,  et  qui  pour 
]e  plupart  participeai  du.  fouÔVe  et  du  mercure.'     Mais 
lés  p^fgatlfs  et  les  fudorifiques  font   des.  drogues  perni^ 
lyieîifes.    Toutes  Içk  préparations 'oHyj^niques  ne  femblenti 
fajtçs.qyé  ppùjr  nuire.  '^J'^era ploie' des  moyens  plus-fimples^ 
et  plu^  ïjjri,,  ^'quelle  nourriture,  coritînua-t-îl,  êtes  vou8« 
àdtioutui^é'^  Jem,ange  or  dînai  renient,  ré^okdltleChanoiney, 
dcshifqu^s  et  des  viand-s  fucculentcs.  Des  bifqaes  et  deg 
vîandes.fucçulentes,  s'écria  le  Do6teuravec  fururife!  Ah^ 
vr^inxent  je  ne  m'^étonnc  jibint  û  vdus-êtés  malade  !   Les. 
mets  délicieux  font  de^  pUiiîrs.empoifonnéi,  ce  font  dej 
pièges  que  l,a  volupté   tend  aux  hommes  pour  les  faire 
£jériJr  plus  fajt^meùt*     V\  faut  (^ue-  vous  renonciez  aux. 
'O3     •   '•      '     '     '     âfii^eiits 


Ï8z  LES   AVANTURES 

aliments  de  boo  goût.  Les  plut  fades  font  lès  meîlîetir^ 
pour  la  fanté.  Comme  le  fang  èft  ihfîpidc,  il  veut  des* 
mêtJt  qui  tiennent  de  (à  nature.-  Et  buvêx-TOUs  du  via» 
ajoutât  il?  Oui,  dît  Ik  Licentié,  du  vin  trempe.  Oh 
trempé,  tant  qu*il  %'ous  plaira,  reprît  lie  Médecb  !'  Quel- 
dérèglement!  Voil^  un  régime épourantable!  Iljrlougr 
tems.que  vous  devriez  être  mort.  Quel  âge  avea-votts  t 
jVhtre  dans  ma  foixante  et  neuvième  année,  répondit  le 
Chanoine.  Jullement,  reliqua  Te  Médecin»' une  vieil- 
lefle  anticipée  èil  toujours  le  &uît  de  rintempérance.  Siv 
vous  n^euffiez  bu  que  de  Teair  claire  toote  votre  vie,  et 
que  vous  vous  fuffiez  contenté  d''une  nourriture  finple,. 
des  pommes  cuites  par  exemple,  vous  ne  férier  pas  pré- 
fentement  tourmenté  de  k.  goutte,  et  tous  vos  membrer^ 
feroîent  encore  facilement  leurs  Ibnélions.  Je  ne  dé& 
efpére  pas  toutefois  de  vous  remettre  fur  pié,  pourvu  qtie^ 
vous- vous  abaiidonniez  à  mes  ordonnances.  Le  Lîcentîë' 
promit  de  lui  obéir  en  toute»  chofés. 

Alors  Sangrado  m Vnvoya  chercher  un  Jiihirgiên  qu^ 
me  nomma  ^  et  fit  tirer  à  mon  maitre  fîx  bonnes  pahrttea 
de  fang,  pour  commencer  ^  fupléer  au  défaut  de  là  ttao» 
fpiration..    Puis  il  dit   au   chirurgien  :    Maître  Martlit: 
On  nez,  revenez  dians  trois  heures*  en  faire  autant,  et  de- 
main vous  recommencerez.     C^hû  tmc  erreur  de  penfër 
que  le  (ang  fott  nécéflaire  Si  la  confervàtion  de  Ta  vfe.  Ob 
.  ne  peut  trop  (a^ner  un  malade.     Comme  il  n^èll  obligé^ 
'â  aucun  mouvement  ou  exercice  confidérable,  et  qu'il  n'a- 
lien  â  faire  que  de  ne  point  mourir,  iPne  lui  famt  pas  plu». 
de  fang  pour  vivre  qu^S  un  &omme  endormi.     La  vie 
dans  tous  les  deux  ne  eoniî(!e  que  dan»  le  pouh  et  dans  la< 
jefpiratîon.     Lorfque  le   Doéleixr  eut  orcfunné  de  hé* 
qucntes  et  copTeufes  fasgnés,  il  dit  qull  falToit  auffî  doD« 
per'au  Cbarolne  de  Feau  chaude  à  tout  moment  \  aflu- 
ranc  que  Peau  bue  en  abondance  pou  voit  paiTer  pour  le 
véritable  fpécifîque  contre  toute»  (ortet  de  mahidies.     li 
{oTÛt  enfuite,  en  drfant  d^un  air  de  confiance  %  la  Dame 
Jacinte  et  ^  moi,  qu^il  répondoît  de  la  vie  du  malade,  fi 
on  le  traitoit  de  la  manière  qu^l  vcnoit  de  preferire..  La 
gouvernante,  qui  jugcoit  peut  être  autrement  que  lui  de 
fa  méthode,  proie  (la  qu'on  la  fuivrbit  avec  exa^Htude* 
!£n  tfiet,  nous  mlroés  promtcment  de  l'eau  à  chanfTer  \ 
et  çominç  le  Médecin  nous  avoit  recommandé  far  toutes 

cbt>fcs 


DE   6IL   BLAS.  16$ 

idKrfétf  de  nela  tK)i&t  épsTgaêr,  nous  en  fimes  dVH^rd 
boire  a  mon  nmitre  deox  ou  tfob  pinte»  à  long»'  traits; 
Une  iMure  a|>rèsf  lions  Tétterame»^  pnis  retournant'  en«i 
cote  de  tcms  en*  tems  &  la  charge,  nons  verfamet  dans  fi>ti^ 
êftomac  un  déluge  dVao*  0^un  autre  côté»  le  chirUr« 
^ien  ncnis  Secondant  par  Ta  quantité  ic  fang  qu^l  tiroît^ 
aott*  rédvif  îmes  ea  moîtts  de  deux  jonrs  le  vienx  Chanoine  / 
à  reatrémité.  V 

Ce  bon  e6clci!aftïq[iie  s^en  pouvant  pTtr»,  comme  je 

vouloîs  loi  faire  avaler  encore  nn  grand  verre  dû  fpéci» 

-Êqnvt  me  dit  d^one  Voix  foiUe:    Arrête^  Git^Blas,  ne 

m*ea  dbnne  pas  davantage^  mon  a^.   Je  vois  bien  qu*i{ 

faut  iBOorir,  midgré  la  vertu*  de  Peau  >   et  quoîqnll  me 

xefté  à  pmm  une  goutte  dé  fiing,  je  ne  me  porte  pat 

snîeux  pour  cela;    Ce  q^i  prouve  bien  qoe  le  pins  habite 

Médecin  du  monde  ne  fiinroit  prolonger  nos  jpur»,  quand 

leur  terme  fatal' èft  arrivé.   Va  me  chercher  mr  Notaire, 

je  veux  ùm  mou  teftàment*    A  ces  derniers  mots,  que 

§e  a'étois  pas  flkfaé  d'^ntendre^  j*affeSai  de  paroitre  fort 

trifhr,  et  cachant  Penvie  que  j'avots  de  m^acquiter  de  le 

commtffion  qu'il  me  donnoit  ;  Hé  !  mais^  Monfieur,  lui 

•dU'jei    veiis  n'êtes  pas  fi  bat»   IMtu    merci,  que  vous 

Be  poiffiez-  vous  relever.     Non  non,  rep^rtit-il,  mon  est* 

rfiint,  c'en  èû  hïu  Je  feat  que  la  goutte  remonte,  et  que 

la  moit  s*approche^  hâte-tor  d^alkr  où  je  t^ai  dît.     Jb 

>m^apperçus  efieélivement  qu'il  changeoit  à  vue  d'oeil,  et 

la  chofe  me  parut  fi  preflante  que  je  fortis  vite  pour  faire 

ce  qu'il  .m'^urdonpoîty  laîffant  auptès  de  lui  FaDîime  Ja- 

cinte,  qur  cra%noit  encore  {dus  que  moi^u'il  ne  mourût 

fans,  teller.     J'entrai  dans  la  manbn  du  premier  Notaire 

dont  on.  m'enfeigna  la  demeure,  et  le  trouvant  cher  lui  : 

Monficur,  im  dis-je,  le  lâceutié  SédîUo  mon  maître  tire 

S  fa  fin,  il  veut  faire  écrire  fes  dernières  volontés,  il  n'ja 

.  pas  un  moment  âr  perdre.     Le  Notaire  et  oit  un-  petit 

vieillard  gai  qui  fe  pkîfoît  à  railler.     11  me  demanda 

quel  Médecin  voyoit  le  Chanoine.     Je  lui  répondis  que 

c'étoît  le  Do^eor  San>grado.     A  ce  nom,  prenant  bruf- 

^ement  fon  manteau  et  Ton  chapeau  ^  Vive  Dieu  !  s'é« 

cria«-t-il,  partons  donc  en  diligence  ^  car  ce  Doéleur  èft 

fi  expédîtif)  qu'il  ne  donne  pas  le  tems  à  fes  malades 

d'appeller  des  Notaires.     Cet  hommb-là  m*a  fouilé  bien 

dea  teûamens. 

En 


tiA  tES  AVANTURES 

En  yatUnt  dc.cetU  fotu^  H  s^cmisf^$%dp  fqstîr  .*y»ç 
TÇkoif  cl  pendant  que  nQu^  ff^arctlo^»  tou5  deux  ^^randf 
pa$  pour  pré^jCnir  Vagonie,  je  lui  ils  :  Monfkur^  vpu^ 
îave;^  qu^un  tçilatpur  mourant  manque,  fg^vcnt  ^le  me* 
;iioire.  Si  pat  hazard  moa  matxrfi  vîcot  ^  oa^oubUer,  jç 
vous  prie  de  le  faire  lôuvesir  de  mpii  zçlp.  Je  le  veu^ 
bien,  mon  cnfatUi,  me  répoudit  U  pc^ît  Notaire,  tu  peux 
compter  lll-deflus.  Je  l'exborterai  même  11  te  .donipe^* 
igiuelquc  choJft  de  cQnfidcraj;Ugy,  ppur-peu  q^\\%  &it  dif- 
poiié  à  xqcoaop/tre  tes  (er.vLces«  ^e  I^iceaûc^  quaod  nou^ 
ÀcrîvaixKcsidanSria  chambrerS-Toit  encgix  tou^foo  bonfenau- 
l*a  DaJDoie  Jacluilse,  le  vUage  hsâffiâ  de  ^urs  de  x:.9«v- 
laande,,  éto^t  auprès  de  lui.  Ëlle^yenoit.  de  jou^  ibo 
xâle,  et  de  préparer  le  ^ata-Homme  ^  lui  faire  beaui^up 
fie  bien.  Nous  lalfiEu&es  le  Notaire  feul  avec  mon  «taZ- 
tj^y  et  pafiàmc:&  elle  et  mpi  dans  PaAtichiMEÙbi^e,  où  iv>«rs 
xeocoiUrames-le  Chir^gien,  que  ItMé^cijx  en  voyoix  pour 
^ire^  UQC  nouvelle  et  deroière  faignicr .  Nous  Ps^iç> 
Xam^i.  .  AttendeZi  Maîtne  Martin,  lui  dît.  la.  gqaveiy 
Aante,  tous  ne  faurîex.entter  préTenteqient  dan^  la  ci^a9EV-~_ 
bre  du  Se^neur  Sédillo.  Il  va  diplex  fes  deriwbrcs  .yjû^, 
ioatés  à  un  Notaire  qui  èHavec  lui.  .  Vous  jle  faig;nere^ 
quand  il  aura  fait  foU'  teiUn^nt. 

Nqus  avions  gran4*  p^u^»  l^  Béat(  et  mqi»  que  le  Xa«- 
xentié  ne  mourût  en.  tei^ant;   mais  par  bonheur,  raâe- 
.qui  caufoit  notre  inquiétude,  fe  Et..   Nqut  v'm^  fprtir  1^ 
Notaice,  qui  me  trou)/ant.  fur  Ton  paflage,.  me  frappa  fu^- 
répaule,  et  me  d^t  çn  fouriant,  on  n^a  point  oublid  Q\l 
3las*     A  ces  mo^,  je  reffentisune  joie  toute  des  plus- 
viveSi  ^t  je  ,fus  û  bon  gré  ^  mon  maître  de  s^être  fouvenvi' 
de  moi,  que  je  me  promis  de  bien  prier  Dieu  pour  li^i 
après  Ta  9iort,  qui  ne  mapqua  j^as  d'arrivé;:  bieiuot  ;  car 
Je  chirurgien  l'ayant  encpre  faigné,  le  pa^vr^  vIcDlard, 
qpi  nVtoit  déj!k..q)ie  ttopi  aiFoibli,  ex.pira  prefqAe  di^ns  1^ 
jnomen^.     Comme  il  rendqitles  derniers  Joupirs,  le  Mé* 
^ecin  parut  et  (demeura  un  peu  fot,  mjilgr^é  l'habitude 
qu^il  avoit  de  dépêcher  Tes  malades.     Cependant,  loi(\  . 
d^tmputer  la  mort  du-Chanoine  à  la  boiiI»n  et  aux  faig- 
jiées,  îl'fortiten  difant  d'un  air  froid,  qu-on  ne  lui  avoit" 
j^as  tire  HÛ*ez  de  fan  g,  ni  fait  boire  a  fiez  d  Vau  chaude* 
L^executeur.  de  ]a  kh^  inéd^ci^e^  j^;  i^u^  .diire  le  Chi-- 


DE    G  IL    B  las;  165 

nirgien,  vojaat  suffi  qu^on  n^avoit  plus  befoia  de  fo|i 
minîfière,  fuîvit  le  Doâear  Sangrado. 

Sitôt  que  nous  vîmes  le  patron  fans  vie,  nous  fimes. 
Dame  Jacinte,  Inéfille,  et  moi,  un  concert  de  cris  fo* 
aèbres,  qui  fut  entendu  de  tout  le  voifînage.     La  Béate 
fur  tout,  qui  avoit  le  plus  grand  fujèt  de  fe  réjouir,  pouf* 
foit  des  accents  û  plaintifs,  qu^elle  fembloit  être  la  per« 
foone  du  monde  la  plus  touchée.     I>ans  un  inftant  la 
chambre  fie  remplit  de  gens,  moins  attirés  par  la  corn- 
paffioa  que  par  la  curiofîté.   Les  parents  du  défunt  n^eu- 
lent  pas  phitôc  veut  de  fa  mort,  qu'ils  vinrent  fondre  au 
logis,  et  faire  mettre  le  (celle  par- tout,     lis  trouvèrent 
la  gouvernante  fi  affligée,  qu^ils  crurent  d'abord  que  la 
Chanoine   n'avoit  point  fait  de  teftament.     Mais  ils  ap- 
prirent bientôt  qu'il  y  en  a  voit  un,  revêtu  de  toutes  les 
fernulités  né^cfiaires  )  et  lorfqu'on  vint  à   l'ouvrir,  et 
quils  virent  que  le  teftateur  avoit  difpofé  de  fes  meiU 
leurs  effets  en  faveur  de  la  Dame  Jacinte  et  de  la  petite 
£lle,  ils   firent  fon  oraifon  funèbre  dans  des  termes  peu 
honorables  à  fa  mémoire.     Ils  apofirophèrent  en  même 
tems  la  Béate,  et  me  donnèrent  auifi  quelques  louanges. 
Il  faut  avouer  que' je  les  tneritois  bien.     Le  Licentié^ 
devant  Dieu  foit  ion  âme,  pour  m'engagei*  ^  me  fouve-; 
nir  de  lui  toute  ma .  vie,  s>xpliquoit   ainfî  pour  mon 
copuptc,  par  ûa  artjcie  de   fon  tefiament,:  Jkemy  putfque 
Gil  Blas  efl  un  garpon  ^1  a  dej^  de  ta  Lîttéraiurt^  pour* 
achever  de  le  rendre  Javant^  je  ht  iaiffe  ma  BibâQtbeque^  totiê 
met  livres ^  et  mes  manufcrits  fans  aucune  exception* 

J'ignorois  où  pouvoit  être  cefte  prétendue  Biblîotbe» 
^ue,  je  ne  m'étots  point  apperçu  qu'il  y  en  eut  nae  dans 
la  maifoii.  Je  favois  feulement  qu'il  y  avpît  quelques  pa* 
pîers  avec  cinq  ou  fix  volumes  fiir  deux  petits  ais  de  fa» 
pin,  dans  le  cabinet  de  mon  maître.  C'étoit.Ià  mon  lèg^,. 
Encore  les  livres  ne  pouvoient-ils  xn^être  d'une  grande 
utilité.  L'un  avoit  pour  titre,  Le  Cuifinier  Parfait  i 
Pautre  tr^itoit  de  V Indtgefiion^  et  de  la  Manière  de  la  gué^ 
fir;  et  les  autres  étolent  les  quatre  parties  dii  Bréviaire^ 
que  les  vers  avoient  rongés  à  demi.  A  l'égard  des  ma* 
nufcrits,  le  plus  curieux,  contenoit  toutes  les  pièces  d'un 
procès  que  le  Chanoine  àvoît  eu  autrefois  pour  fa  Pre« 
»ende.    Après  avoir  et.aaûné  mon  legs  avec  plus  d'iat- 

tentioa 


i66  LESAYANTURES 

I  - 

tentiop  qttUl  nVn  m'éritoit,  je  l'abandono ai  aux  parants, 
qui  me  l'avoient  tant  envie.  Je  leur  remis  même  Tha- 
bit  dont  j^étois  revêtu,  et  je  repris  le  raieoi  born^»t  à 
mes  gages  le  fruit  de  mes  Services,  pallai  chercher  eiw 
fuite  une  autre  maifun.  Pour  la  Dame  Jacinte,  outre 
les  fommes  qui  lui  avolent  été  léguées,  elle  eut  encore  de 
bonnes  nippes,  qu^  Palde  de  fon  bon  ami  elle  a  voit  4ç- 
tournées  pendant  la  maladie  du  Llcentiè. 

CH  APIT  RE  m. 

viait  un.  eékhrje  Médpçiu», 

JE  réfolus  d'aller  trouver  îe  Seigneur  Arîaç  de  Loa- 
donna,  et  de  choîHr  dans  fon  t^itre  une  nouvelle 
condition  :  maïs  comme  j'étoîs  prêt  d'entrer  dans  le  cul- 
<fe-.fac  où  &  .demeuroit,  je  repcontrai  le  Doétcur  San^ 
grado,  que  je  n'avois  point  vu  depuis  le  jour  de  la  mort 
de  rooii  maître»  et  je  pns  la  liberté  de  le'faluer.  .11  m^ 
remit*  dans  le  moment,  qu^oîque  j'eurfc  changé  ditabltn 
et  témoignant  quelque  joie  de  me  voir  :  Hç  !  te  voi]?^,^ 
mon  enfant,  me  ditril,  je  penfois  à  toî  tout-à-l^heure, 
J*aî  befoîn  d'un  bon  garçon  pour  me  fervir^  et  je  fon- 
eeoîs  que  tu  Jetoîs  bieri  mon  fak^  1?  tû  iavoîs  Iirç  et  écrire^ 
MonCi 


je  te  traiterai  avec  diftmdlion,  je  ne  te  donrterai  poiat  de 
gages,  mais  rien  ne  te  manquera.  J'aurai  foin  de  t'^n^ 
tretenir  proprement,  et  je  t'cnfeignerai  le  grand  art  de 
guérir  toutes  les  maladies.  £n.  un  mot,  tu  feras  plutôt 
mon  élevé  que  mon  valtt» 

J'acceptai  la  propoiïtiôn  du  Doélcur,  dans  l'efpérance 
que  je  pourrois,  fous  uq  fî'favant  maître,  me  rendre  îl- 
Aiilre  dans  la  médëc^inel  11  me  mena  chez  lui  fur  le 
champ,  pour  m'îaiialler  dans  Remploi  qu'il  me  dedînoit  \ 
et  cet  emploi  condftoît  11  écrire  le  nom  et  la  demeure  des 
malades,  qui  l'envoyoieat  chercher,  pendant  qu'il  étoit 
en  ville.  Il  y  avoit.pour  cet  eflPet  au  logis  un  régitré, 
dans  lequel  une  vieille  fervante,  qu'il  awît  pour  tout  do- 
ineflique»  marquoit  les  adrefies  \  mais  outre  qu'elle  ne 
&voit  point  l'ortographe,  elle  écrîvoit  fi  mal  qu'on  ne 

pouToit 


D  £   C  I  L    fi  L  A  s.  16:7 

pôUT&tt  le  |3tu)  ferrent  âééhïfrer  ton  écriture.  Il  me 
châtgea  chl  foin  âe  tenir  ce  liVre,  qu^on  pou  voit  juRe« 
Vient  appellér  un  régître  fkiôrtuaire,  puKquc  les  gens 
ïlôÀt  je  prehôîsiès  noms  mouroient  prefque  tous,  pîp^ 
fctivôby  ^dùr  kinfi  parlet,  ies  pérfonnes  qui  voulolent 
partir  pour  l^àutre  monde,  comme  un  cdromis  dans  un 
Duréàû  de  voiture  put)nqûe'  écrit' le  irom  de  ceux, qui  re« 
tiennent  dès  places.  J'avôis  fouvent  la  plutqe  à  la  main 
Jarcé  qu^îl  n'y  javôît  podnt  eh  ^e  tems-]^  de  Médecine 
VaUaâoiid  plus  accrëdite  que  le  l3e^eûr  fiangrado.  Il 
s^étoit  tels  en  réputation  dans' le  public  par  ua  verbiage 
TpécieuxTckitënu  d'un  /air  Impolant.,  .et  par  quelques 
cuf es  heiireufes  qui  loi  âvbiènt  fait  j>Iù>  d^lionneur,  qu^U 
hVh 'méntbit. 

Il .  ne  inanquoit  pas  de  pratique,  ni  ,par  conséquent  de 
bien,  il  n'en  féfoit  pas  touteiois  meilleure  cbère.  On 
vivbît  chez  lui  très  frugalement.  Nous  ne  mangions 
d^ordinairç  que  dès  pois,  des  feve^,  dès  pommes. cuites^ 
ou  du  fromage.  Il  difoit  que  ces  aliments  etoient  les  plus 
convenables.  »  l^eilomac»  comme  étant  les  plus  proprel 
\l  la  trituration,  c^èft  à-dire»  à  être  broyés  plus  àilément. 
Néanmoins,  qubiqu^il  les  crût  de  facile  degeilion,  il  ne 
voulbit  point  qu^oh  s'en  raflaCât,  en  quoi  certes  il  ^e 
montrait  fort  raifonnable..  Mais  s'il  nous  d«fendoit,  à^Ia 
fervante  et  à  moi,  de  ms^ngçr  beaucoup,  en  tiécompenfe 
il  nous  permettoit  de  boire  de  l'eau  à  diTcrétion. ,  l&ietk 
loin  de  nous  prefcrirê  des  bornes  là-deSus,  il  nqus  difoit 
quelquefois  :  Buvez,,  mes  enfants*  La  fanfé  conûlle  dans 
la  foupleife  et  l'hnmedlation  des  p^irtlesi  Buvez  de  l'eau 
abondaàiment, .  c'èfl  un  diffolFant  ûnîverfel,  l^e&u  fond 
tous  les  féls«  Le  cours  du  fahg  éil-il  ralenti  ?  elle  le 
précipite.  Xft-il  trop  rapide  ?  elle  en  arrête  l'impétuo- 
fité.'  Notre  Doéleur'étoît  de  fi  bonne  fol  là«deffus,  qu'il 
ne  buvoit  jamaxi  lui*mênie  que  de  TeaUj  quoiq^u'îi  fût 
dans  un  âge  a^nce.  Il  definifloit  la  vieiile^e,  une 
phtifîe  naturelle,  qui  nous  defleche  et  nous  confuine  ;  et 
iur  cette  définition,  il  d^ploroit  l^îgnorance  de  ceux 
qui  nomment  le  vin  le  lait  des  vieillards^.  •Il.fbuto 
hoît  que  le  vin  les  ufe  et  les  détruit  ^  et  diroit  fort  élo* 
qu^eoiment,  que  cette  liqueur,f une  lie  èftpôur  eux,  coin,  me 
pour  loutle  monde,  un  ami  qui  traliit,  et  i^p  plaiiir  qui 
trompe. 

'         '  Malgré 


U6i  LES   AVANTURES 

Malgré  ces  beaux  raifonnciifeiif,  après  avoir  été  luit 
Jours  dans  cette  maîron,  il  me  prit  un  cours  de  ventre,  et 
je  commençai  à  fentir  de  grands  maux  d'eftomac»  que 
jVus  la  té'mérité  d^attribuer  au  diflblvant  univerfel,  et  à 
la  mauvaife  nourriture  que  je  prenois.  Je  m^en  plaignis 
^  mon  maître,  dans  la  penfée  qu^il  pourroit  fe  relâcher, 
et  me  donner  un  peu.  de  vin  à  mes  repas.^  mais  il  étoît 
trop  ennemi  de  cette  liqueur  pour  me  Paccorder»^  Si  ttt 
te  fens,  me  dit^ii' quelque  dégoût  pour  Teau  pure,  il  7 
ft  des  fécours  innocents  pour  foutenir  Peftomac  contre 
la  fadeur  des  boifllbns  aqueufes.  Là  fat:^e,  par  ex- 
emple, et  la  véronique,  leur  donnent  un  goût  délec- 
table ;  et  fi  tu  veujc  les  rendre  encore  plus  délicieufes,  tu 
n^ks  qu^H  y  mêler  de  la  fleur  d^œîllet,  du  romarin,  ou  du 
coquelicot. 

11  avoit  beau  vanter  Peau,  et  m'enfeigner  le 'fécrèt^ 
dVn  compofer  des  bruvages  exquis,  j'en  buvois  avec  tant 
de  modération  que  s^en  étant  apperçu  il  me  dit  z  Hé 
vraiment,  Gil  Blas,  je  ne  m^étonne  point  fi  tu  ne  jouis 
pas  d'une  parfaite  fanté.  Tu  ne  bois  pas  afiez,  mon 
ami.  '^  L'eau  prife  en  petite  quantité  ne  fert  qu'à  deve* 
]opper  les  parties  de  la  bille,  et  qu'à  leur  donner  plus 
d'aétivité  ;  au  lieu  qu'il  les  faut  noyer  par  un  délayant  co* 
pieux.  Ne  crains  pas,  mon  enfant,  que  l'abondance  de 
l'eau  affbiblîfie  ou  refroidifie  ton  efiomac.  Loin  de  toi 
irehe  terreur  panique,  que  tu  te  fais  peut-être  de  la 
boiflbn  fréquente.  Je  te  garantis  de  l'événement  ;  et  & 
tu  ne  me  trouves  pas  ,bon  pour  t'en  irépondre,  Celfe  même 
t'en  fera  garant.  Cet  Oracle  *LatSh  fait  un  éloge  admi- 
rable de  l'eau.  £nfuité  il  dit  en  termes  exprès,  que  ceux 
qui  pour  boire  du  vin  s'excufent  fur  la  foîblefie  de  leitr 
edomac,  font  une  injufiice  manifefte  à  ce  vifcère,  et 
cberchent  à  couvrir  leur  fenfuaHté. 

Comme  j'aurois  eu  mauvaife  grâce  de  me  montrer  in- 
docile en  entrant  dans  la  carrière  de  la  ^^nédecine,  je  pa- 
ras perfuadé  qu'il  avoit  raifon.  J'avouerai  même  que  je 
le  crus  efieâivement.  Je  continuai  donc  à  boire  de  l'eau 
fur  la  garantie  de  Celfe.  Ou  plutôt  je  con^mençai  à 
noyer  la  bile,  en  buvant  copiéufement  de  cette  liqueur  ; 
et  quoique  de  jour  en  jour  je  m'en  fentiffe  plus  incom- 
modé, le  préjugé  l'emportoit  fur  l'expériente.  J'avoîs, 
comme  on  voit,  une  hcureufe  difpoûtion  à  devenir  mé- 
decin. 


D  £    6  I  L   B  L  A  s.  169 

dccîii.      Je  ne  pus  pourtant  réfifler  toujours  à  la  vio* 
lenee  de  mes  maux,  qui  s^acc'rurent  à  un  point,  que  je 
pris  enfin  la  Téfolution  de  fortir  de  chez  le  Doâeur  San» 
grado.     Mais  il  me  chargea  d'an  nouvel  emploi,  qui  «e 
^tcbangerde  fentiment.     Ecoute,  mon  enfant,  me  dit« 
il  on  jour,  je  ne  fiiis  point  de  ces  maîtres  durs  et  ingrats, 
qui  haSfmt  viciUîr  leurs  domeftiques  dans  la  fervitude, 
•vant,  que  de  les  récompenfer.     Je  fuis  content  de  toi. 
Je  t^aîme  ^  et  fans'  attendre  que  tu  m^ayes  fervi  plus  long- 
tenas,  je  ^ais  faire  ton  bonheur.     Je  veux  tout-à-Pheure 
te  découvrir  le  fin  de  l'art  falutaire  que  je  profeffc  de- 
puis tant  d^années.     Les  autres  médecins  en  font  con- 
finer la  connoifiance  dans  mille  fcîences  pénibles  \  et  moi, 
je  prétends,  t'abréger  un  chemin  fi  long,  et  t ^épargner 
la  peine  d^étudier  la  phyfique,  la  pharmacie,  la  botani- 
que,  et  Tanatomie.     Sache,  mon  ami,  qu^il  ne  faut  que 
faîgner,  et  fa^re  boire  de  Peau  chande.  Voilà  le  fécrèt  de 
guérir  toutes  les  maladies  du  monde.     Ouï,  ce  merveil- 
leux fécrèt  qtK  je  te  révèle,  et  que  la  Nature,  impéné- 
trable à  mes  confrèrea,  n'a  pu  dérober  à  mes  obf<;rva« 
tiens,  èlt  renfermé  dans  ces  deux  points,  dans  la  faîgnée 
et  dans  la  boifibn  fréquente.     Je  n*ai  plus  rien  h  t'^ap- 
prendre.     Tu  fais  la  médecine  à  fond  j  et  profitant  du 
fruit  de  ma  longue  expérience,  tu  deviens  tout  d'un  coup 
sufiî  habile  que  mot-.     Ta  peox,  continua-t-il,  me  fou- 
lager  piéfentement.     Tu  tiendras  le  matin  notre  regitre, 
et  l'après-midi  tu  fqrtiras  pour  aller  voir  une  partie  de 
mes  malades.     Tandis  que  j'aurai  foin  de  la  Noblefle  et 
du  Clergé,  tu  iras  pour  moi  dans  les  maifons  du  tiers 
^tat  où  l'on  m'appellera  ^  et  lorfque   tu  auras  travaillé 
quelque  tems,  je  te  ferai,  agréger  à  notre  corps.     Tu  es 
£ivant,  Gil  Blas,  avant  que  d'être  médecin;  au4ieu  que 
les  jBUtres  font  longtems  médecins^ et  1<  plupart  toute  leur 
vit,  avant  que  d'être  favants« 

Je  remerciai  le,  Doâeur  de  m.'avoir  ù  prompteroent 
sendu  capable  de  lui  fervir  de  fubûitut  j  et  pour^^^recon- 
aoître  les  bontés  qu'il  avoit  pour  moi,  je  l'aflurai  que  je 
(iiivrois  toute  ma  vie  fes  opisiions,  quand,  elles  feroient 
contraires  à  celles  d'^ippocrate.  Cette  afiurance  pour- 
tant n'étoit  pas  tout  à-fait  fincere«  Je  dcfapprouvois  fon 
fentiment  fur  l'eau,. et  je  me  propofots  de  boire-  tous  l«s 
jours  du  via  en  allant  voir  mes  ma.ades.     Je  pendi5  au 

P  croc 


( 


ijo  JLESAVAMTURES 

croc  une  {ÎBcande  fois  mon  btUt^  pour  en  prendre  tin  et 
non  noaitre,  et ,  me  donner  l'aû:  d^un  MédQctn^     i^près 
quoi  je  me  difpofai  h  exercer  la  médecine  aux  dépens  de 
qui  il  appartiendroit.     Je  débutai  par  un  Alg^uazil,  qui 
avoit  une  pleureiie.     j'ordonnai  qu^on  le  faignât  latis 
miféricorde^  et  qu'on  ne  loi  fdaignit  point  Pieau.     J'en- 
trai enfuitechez  un  pâiîlEer,  à  qui  la  goutte  fefoit  pouffier 
de  grands  cris.  Je  ne  ménageai  pas  plus  Ton  fang  que.  eeloi 
de  l'Alguazil,  et  je  ne  loi  défendis  point  la  boi&m.     Je 
reçus  douze  seaux  pour  mes  ordonnances-^  ce  qui  me  fit 
prendre  tant  de  goût  à  la  profeâton,  que  je  ne  deasandai 
plus  que  plaif  et  boSe,      £n  fortant  de  la  maifon  du 
pàtidîer,  je  rencontrai  Fabrice,  que  je  n'ayois  point  va 
depuis  la  mort  du  Lîcentié  SédîHo.     XI  me  regarda  pea* 
dant  quelques  moments  avec  furprife,  puis  il  ie  mirltrire 
de  toute  fa  force  en  fe  tenant  les  côtés.     Ce  n'étoii  pas 
fans  raîfon.    J'avois  un  manteau  qui  tralnoit  à  terre,  avec 
un  pourpoint  et  nn  haut-dc-cbanfle quatuefois  plus  longs 
et  plus  larges  qu'il  be  falloit.   Je  pouvois  paffer  pour  une 
£gure  originale.    Je  le  laîâiêii^ s'épanouir ia  rate^^non  fans 
être  tenté  de  fuivre  fon  eaLjNmple  ^  mais  je  me  confraignts, 
pour  garder  le  iiecorum  dans  la  rue,  et  mieux  contrefaire 
le  Médecin,  qui  n'èft  pas  an  animal  rifible.     Si  mon  air 
ridicule  avoit  excité  les  ris  de  Fabrice,  UM^n  ferievx  l«s 
redoubla,  et  lorfqu'il  s^en  fat  bien  donné:.  Vive  Dieu, 
.  Gil  Blas,  me  dit-il^  te  voilà  plaifamment  éqoipé  I  Qui 
diable  t'a  deguifé  de  la  forte  ?  Tout  beau,  won  ami^   lui 
répondis-je,  tout  beau,,  refpèéle  un  nouvel   Hîppocrale» 
Apprends  que  je  fuis  le  fubâitut  du  Doâeur  Sangrado, 
qui  èfl  le  plus  fameux  Médecin  de  Valladolîd.     Je  de- 
meure chez  lui  depuis  trois  femaincs.     11  m'a  montré  la 
médecina  à  fond  ;  et  comme  il  ne  peut 'fournir  à  tous  les 
malades  qui  le  deaUandent,  j'en  vois  une  partie  pOurie 
foulager.     Il  va  dans  les  grandes  maifons,  et  moi  dans 
les  petites.     Fort. bien,  reprit  Fabrice  :  c'èil^à-^îre,  ^n'il 
t'abandonne  le  fiung  du  peuple,  et  fe  referve  celui  des 
pecfonnes  de  qualité»     Je  te  félicite  de  ton  partage.     11 
vaut  micu^   avoir   affaixe  à  la  populace  qu'au  grand* 
monde.     Vive  un   Médecin   de  faux-bourg  !  {%s  fautes 
font  moins  en  vue,  et  fes  aûa&nats  n>e  font  point  de  bruit. 
Oui,  mon  enfant,  ajquta^t-il,  ton  fort  nïe'paroit  digne 

î  d'envie  > 


D  £    G  I  L    B  L  A  s.  171 

^^envSe  ;  et  pour  pnrler  comme  Alexandre,  fi  je  n^étoîs 
pas  Fabfîc*,  je  voodrow  ètfc  Gil  Bios. 

Pour  fiiire  voir  «u  fiU  diEi  bsrbîer  Nufinez  qu^ll  nVvoit 
pas  ton  de  vanter  le  bonheur  de  m»  condition  préfente, 
je  Itiî  montrai  les  réaux  de  P  Alguazil  et  du  pàtifBer  ;  puis 
BOUS  entrâmes  dans  un  cabaret,  pour  en  boire  une  partie. 
On  nous  apporta  d'affez  boti  vin,  que  l'en  fie  dVn  goû- 
ter me  #t  trouver  encore  merlleur  qu'il  n'étoit.  J'en  bus* 
à  kvwjî?  traits,  et  n'en  crjr-^ife  îH  l'Oracle  Latin,  à  me- 
fareque  j*en  verfois  dans  rftoti  «ftomac,  JA  fentots  que 
ce  vffcère  ne  me  fa  voit  pas  mauvais  gré  des  injuîrict-ft. 
que  je  lui  fcfois.  Noirs  demeurâmes  longtems  dans  ce 
cabaret,  Fabrice  et  moi.  Nous  y  rimes  bien  aux  dé« 
-pens-de  nos  makfvSy  comme  cela  fe  pratiqua  entre  ks 
vakts.  Ënfuite,  voyant  qœ  la  nuit  approchoit,  nous 
nous  {^parâmes,  api^s  nous  être  promis  mutuellement 
-qoc  Paprès-dînéa  du  jour  fuivant  nous  nous  retrouverions 
Wi^  même  ^it^u» 

CHAPITRE  IV. 

dV  Blés  ctmtimit  d* exercer  la  Médecine  avec  autant  defuc» 
ces  que  d^  capacité.     Jhiomure  de  ia  Bague  retrouvée^ 

J£  ne  fus  pas  fitôt  an  logi»^  que  le  Do£leur  Sangrado 
y -avrif*.  Je  Xxà  piarlaî  des  malades  que  j'avois  vus,< 
et  lui  remis  entre  les  mains  huit  réaox,  qui  me  reftoient 
des  douée  qoe  j^avoîs  reçus  ponr  mes  ordonnances.  Huit 
réanx  !  me  dit-il,  après  les  avoir  comptés,  c'èft  peu  de 
chofe  pour  deux  viâtes  \  mais  il  faut  tout  prendre,  auiU 
les  prft*il  prefque  tous*  Il  en  garda  iix,  et  me  donnant 
les  deux  autres:  Tiens,  Gil  Hlas,  pourfuivit-il,  voilà 
pour  ccmmencer  à-te  faire  un  fond,  je  t'abandonne  le 
quart  de  ce  que  tu  m'apporteras.  Tu  feras  bientôt  riche, 
tnoa  ami  \  car  il  y  aura,  s'il  plaît  à  Dieu,  bien  des  ma- 
iadies  cette  année^ 

J'avois  lieu  d'être  content  de  mon  partage,  puifqu-ay- 
ant  deflein  de  retesir  toujours  le  quart  de  ce  que  je  re- 
eevrois  en  ville,  et  touchant  encore  le  quart  du  refte  ; 
c'étoit,  fi  l'Arithmétique  èft  une  Science  certaine,  la 
moitié  do  tout  qui  me  rerenoit.  Cela  m'infpira  une  uou« 
-«elle  ardeur  pour  la  médecine.  Le  lendemain,  dès  que 
j'élis  diaéy  je  leprû  ia%n  habit  de  fubftituty  et  me  remis 

P2  eu 


17*  LES    AVANTURES 

en  canpag^ne.  Je  vifitai  plufieurs  malades  quej*aroî« 
inicritSy  et  je  (es  traitai  tous  de  la  même  maDière,  quoi* 
qu'ils  euffeot  des  maux  différents.  ^  Jùfqttes^à  les  chofes 
j'étoîeot  paffées  faos  bruit,  et  perfonne,  grâces  au  Ciel, 
ne  s'étoit  encore  révolté  contre  mes  ordonnances.  Mais 
quelque  excellente  que  foit  la  pratique  d^un  Médecii^ 
•lie  ne  fauroit  manquer  de  ccnfeurs.  J'entrai  chez  ua 
marchand  épicier,  qui  avoit  uo  fils  bjdropique.  J'y 
trouvai  un  petit  Médecin  brun,  qu^on  nommotl  le  Doc* 
teur  CuchiUo.  et  qo*un  parent  du  maître  de  la  maifei» 
venoit  d'amener.  Je  fis  de  profondes  révérences  à  tout 
le  monde^  et  particulièrement  au  perfonnage  que  je  ju- 
geai qu'on  avoit  appelle  pour  le  oonfulter  fur  la  maladie 
dont  il  s'agiffoit.  11  me  falua  d'un  air  grave,  puis  m'ay- 
»nt  en  vifagé  quelques  moments  avec  beaucoup  d'attention-. 
Seigneur  Doâeur,  me  dit-il,  je  vous  prie  d'excufer  ma 
curîofité  :  je  croyois  connokre  tous  les  Médecins  de  VaU 
ladolid  mes  confrères,  et  je  vous  avoue  que  vos  traits  m% 
font  inconnus  :  il  faut  que  voUs  foyez  venu  voUs  établir 
dans  cette  ville  depuis  très  peu  de  tems.  Je  répondis- 
que  j'étois  un  jeune  praticien,  et  que  je  ne  travailloîs 
encore  que  fous  les  aufpîces  du  Doâeur  Sangrado.  Je 
vous  félicite,  reprit-il  poliment,  d'avoir  embraffé  la  mé^ 
thode  d'un  ù  grand  homme.  Je  ne  doute  point  que 
vousi  ne  foyez  déjà  très  habile,  quoique  vous  parmffiex 
fort  jeune.  U  dit  cela  d'un  aix  û  naturel,  que  je  ne  fa^ 
vois  s'il  avoit  parlé  férif  ufenoent^  ou  s'il  s'ét6it  moqué  de 
moi  i  et  je  revois  à  ce  que  je  de  vois  lui  répliquer,  lorfque: 
l'epîcler  prenant  ce  moment  pour  parler,  nous  dit  :  Mef* 
fieurs,  je  fuis  perfuadé  que  vous  faveac  parfaitement  l'ua. 
et  l'autre  l' Art  de  la  Médecine..  Examinez,  s'il  vous. 
'  plait,  mon  fils,  et  ordonnez  ce  q.ue  vous  jugerez,  à  propos- 
qu'on  fafle  pour  le  guérir* 

Là  deiTua  Le  petit  Médecin  fe  mît  à  oblerver  le  malade, 
et  après  ro'*avoir  fait  remarquer  tous  les  fymtomes  qui 
découvroient  la  nature  de  la  maladie,  il  me  demanda  de 
quelle  manière  je  penfuis  qu'on  dût  le  traiter.  Je  fuir 
d'avis,  répondis-je,  qu'on  le  faigne  tous  les  jours,  et 
.qu'on  lui  fafie  boire  de  l'eau: chaude  abondatnment*  A 
ces  paroles,  le  pelit  Médecin  me  dit,  en  fouxiant  d'un  air 
plein  de  malice,  Et  vous  croyez  que  ces  remèdes  lui* 
iauveront  la  vie  l  N7ea  doutet  paS|  m'écxiaije  d'un  toat 

fexme  ;;. 


DE   G  IL   B  LAS.  173 

lerae  :  ik  dokeiA  produi«e  <ret  effet»  fuifquo  ce  (ont  des 
^çifiques  contre  toutes  fortes  de  maladies;  demander- 
le  au  Se%neur  Sa^j^rado.     Sor  ce  pié-là,  reprît- il,  Celfe 
a  gniod  tort  d^aflUrer  que  p04ir  |;aerir  plus  facilement 
Uft  h^dropîque,  îl.èH  à  propos  de  l^î  faire  fouffrir  la  foif 
et  la  faim.      Ok  !  Celfe,  loi  repartis-jet  n^èft  pas  raoa 
ocaçle.     Il  fe  troaapoit  comme  on  autre,  et  qu^lquefoie- 
je  me  fait  bon  gré  d'aller  contre  fée  opinions*   Je  recon«i 
noie  à  vos  difeonrs»  ine  dit  Cucbillo»  la  pratique  fure  et' 
fatisfatiante  dont*  le  Do^Ekar  Sangrado  veut  inûnuer  fa 
sttéthode  aux  jeunes-  pratieîenfi^     La  (àignée  et  la  boif- 
ibn  font  (a  médecine  univerfeUe^  je  ne  fuis  pas  furpris  il 
Claat  d*boBa^tes  genf  péfîlfeat  entre  fes  mains. — N'en 
tenons  point  aux  inve^ivcs,  interrompis,  je  aâez  bruf- 
^nement.     Un  homme  de  votre-  profeffîîm  a  bonne  grâce  : 
4e  faire  de  pareils  reproches.-    Allez^   Alhzr,  Moniieur 
Je  Doéieur,   fane  £»igBer  et  fans  faîre>  boire  de  Teau 
eba4id«,  on  envoie  bien  des  malades  en  IWtre  monde,  et 
xT009  en  a^X' peut* étc>e  vous-même  expédia  plus  qu'un' 
stnire.     Si  v4>ueea  voule«  au  Seigneur  S^iogrado^-  écri^ 
▼ex  contre  lui, il  vous  répotvdra,  et  nous  verrons ^e  quel' 
oôté  feront  les  rieurs;     Par  Saint  Jaques  et>par   Saint 
l>enis  !     interrompit-il  à  fon  touF  avec-  emportement, 
vous  ne  connoi&X'guères  le  Doreur  Cuchiilo^  Sachez, - 
aaon  ami,  que  j!a*  bec  et  ongles,  et  que  je  ne  crain«  nul- 
.Icment  Sangrado^  qui,  malgpré^fa  préibmptioo  '  et  fa  va«- 
silé,  n*è^  qu^un  oei^ÎMkL     La  fif^ure  du  petit  Médecin  • 
me  fit  mépriier  fa  colore.     Je  lui  répliquai  avec  aigreur. 
Il  me  repartit  de  aèoie»  et-  bientôb  nous  en  vinooes  aux 
goarmades.       Nous   eûmes    le    tems   de    nous    donner 
quelques  coups  de   poing«  et   de   nous  arracber^run  à 
Pavtre  oae  poignée  de-  cheveux,  .avant  q^e  Pepicier  et. 
fbn  parent  puffent  nous- ie^arer.     Lorfqu'ils^eo-  furent- 
i^nus  à  IkiiU,  ils  me   payèrent  ma  vlâte,  et   retinrenc 
aaanantaganifte,:quiJkurpai ut. apparemment  plus  habile 
que  mou 

Après  cette  avanture,  pru  sVn  filfut  quM  ne  m'en' 
arrivât  uae  autre.  J'ailai  voir  un  giôs  Cban're,  qui  avoit 
la  fièvre.  Sitôt  qu'il  m^'entendtt  parler  d'eau  chaude,  il 
le  montrai  récalcitrant  contre  ce  spécifique,  qu'iH^:  mit 
abjurer.  11  me  dit  un  million  d'injures,  et  me  menaça 
aaéme.de  ntejettcr  paf  It^s  fecêtres.    }^  fortis  de  cb«z. 

P  3  lui 


174  LES   AVANTUKES 

lai  plus  vite  que  je  ii*y  étoit  entré.    Je  ne  voulor  plcrf^ 
voir  de  malades  ce  jùur-là,  et  je  g^agoai  l^ôtellerie  où- 
j*avoîs  donné  renfde£-vou9^  à  Fabrice.^    Il  y  étoît  déjà*- 
Comme  nous  nous  tfonvames  en  hameur  ëeboire^  nous- 
fîmes  la  débaucBe,  et  nous  nous  eir  retournâmes  cheA- 
nos  maîtres  en  Bon  état,  c^j^ft  à-dire  entre  deuxTÎps.-  Le 
Seigneur  Sangrado  ne  s^apperçvt  point  de  mon  yTreffe,, 
parce  que  je  lui  racontai' avec  tant  d^iâion  le  démêlé  que 
j*avoîs  eu  avec  le  pefit  Doél^eur,  qu'il  prît  ma  vivacité 
pour  un  effet  de  Témotion  qui  me  reftok  cnc6i*  de  mon 
combat.     D'aillenrs^,  U  entroit  pour  foii'  compte  dans  le 
'rapport  que  je  lui  fefois,  et  fe  Tentant  piqué  contre  Cvh 
chtiloy  Tu  as  bien  fait,  GH  Blas^  me  dit-il^  de  dâFendrè 
rhonireur  de  nos  remèdes  contre  ce  petit  avorton  de  lft« 
faculté.    11  prétend  donc  quf*oii  ne  doit  pas  permettre  les 
boiflbns  aqueufes  aux  hydropiques -^  Ir^g^orant  !  Je  foi»- 
tiens,  moi,  qu'il  faut  leur  en  accorder  Ihdage.     Ouï, 
^  Teau,  pourfbivit-il,  peut  guérir  toute  ferte  d^bydropifies,. 
comme  elle  eft  bonne  pour  les-rhumatHmes  et  pour  !«»- 
pâles  couleurs.  £lle  eft  encore  exeellente  dans  ces  fièvres- 
ou  Ton  brûle  et  glace  tout  à  la  fois*,  et'mcrveilleufe  mém« 
dans  ces  iiiala<lies  qu^on  impute  à  des-  humeurs  froides, 
féreufes,  phkgmatiques,  et  pîtuiteufes.     Cette  opinion 
•  paroit  étrange  aux  jeunes  médecins  tels  que  CuchillOy.  - 
mais  elle  eft  très  foutenable  en  bonne  médecine  y  et  û  ees 
gens-là' étoient  capables  de  raifcjnner  en  philofophes,  au. 
'lieu  qu'il»  me  décrient,  ile>.devieBdroient  mes  plus  zélés 
partifans. 

Il  ne  me  fbupçonna  donc  point  d^avoir  bv,  tant  il  étoît 
en  colère  ;  car  pour  Paigrir  encore  davantage  contre  le' 
petit  doâeur,  j^àvois  mis  dans  mon  rapport  quelques  cir*^  . 
con (tances  de  mon  crâi.  Cependant,  tout  occupé  qu^ii 
étoît  de  ce  que  je  venois  de  lu»  dire,  il  n^  laifla  pas  de 
s'appcrcetioîc  qtie  je  buvots  ce  foir^là^plus  d'eau  qu'à  Por- 
dinctire.  £ffedîvemeot,  le  vin  m^avoit  fort  altéré.  Tout 
autre  que  Sangrado  fe  feroît  défié  de  la  foif  qui  me  preT- 
foît,  et  des  grands  coups  que  j'avalob.  Mais  lui,  il  s*K 
magtva  bonnement  que  je  commençois  à  prendre  goût 
aux  boiff:)rjS  aqueufes.  A  ce  que  je  vois,  Gil  fila»,  me 
d)t  il  en  fouriant,  tu  n^as  plus  tant  d^averfion  pour  l'eati. 
Vive  Dieu  !  tu  la  bois  comme  du  ncâar  :  cela  ne  m  bé- 
tonne point,  mon  ami,  je  favoîs  bien  que  tu  t'acoouiu, 

merois 


SEGILBLAS.  tjf 

mttoU  &  eett'e  lîiqaeiin  Monfievr^  loi  repondîs-je,  chtqu« 
thoie  a  (on  temt  y  je  donneroîs^  à  Theure  qii^il  èi^  ui^ 
nuid  et  rin  poiir  une  pinte  d^e«u»  Cette  réponfe  «faar^ 
ram,  le  Doâeur,  qui  ne  perdit  par  une  &  belle  œcaiion  de 
relever  Ter^ellenoe  de  Teau,  Il  entreprit  dVa  faire  ua 
nouvel  éloge,  non  en  orateur  froid,  maïs-  en*  enthoufiaftei 
Mille  fois,  s'écria^t-il,  mille  et  mille  fols  plus  eftimables 
et  plus  innocents  que  les  cabaxets  de  nos  jours-,  cet  Tlier« 
mopoles  des  fiècles-  paffés,  oà  l'on  n^auoit  pas  hontenfe*- 
ment  proÛitner  iba  bien  .et  fa  vie  en  fe  gorgeant  de  vin^ 
mais  où  Ton  s'àfiembloit  pour  s^amufev  honnêtement^  et 
£ins  rilque  l^  boire  de  l'eair  chaude.  On  ne  peut  trop 
admirer  la  (âge  prévoyance  de  ces  anciens-  maitrer  de  la 
vie  civile,  qui  avoient  établi  des  lieux  publics-  où  Von 
donnoit  de  Peau  à  boire  à  tout  venant,  et  qui  reofermof^i 
ent  les  vin  dans  les  boutiques  des  apotîcaires,  pour  nVa 
permettre  Pcrfagè  c^e  par  ordonnance  des  Médecins» 
Quel  trait  de  fagefle  l  Cèà  fans  doute,  ajouta-t-il,  par 
BU  heureus  refte  de  cette  ancienne  frugalité,  digne  du 
fiècle  d^or,  qu'il  fe  trouve  encore  aujourd'hui  desvper- 
feones  qui,  comme  toi  et  moi,  ne  boivent  que  de  Teatv 
et  qui  croient  fe  piéferverou  £t  guérir  de  tous  maux,  en 
buvant  de  Peaa  chaude  qui  n*à  pas  bouilli  ^  car  j?ai  ob* 
fervé  que  Peau,  quand  elle  a  bouilli,  èft  plus  pefante,  et 
moins  commode  à  Pe&omac. 

Tandis  quHl  ttnoit  ce  difeours  bloquent,  je  penfai  plus 
d^une  fois  éclater  de  rire^  je  gardai  pourtant  mon  feri* 
eux.  Je  hs plus.  J'entrar dans lesfentiments du Dodleur. 
Je  bl^nai  Pufage  du  vin,  et  plaignis  le»^  hommes  d'avoir 
malheureuferoent  ptts  golk  à  une  boiilbn  fi  peraicieufe» 
Sufaite,  comme  fi  je  ne  me  fentois  pas  encore  bien  defaU 
téré,  je  remplis  il'eau  un  grand  gobelet,  et  après  avoir 
bu  à  longs  traits  :  Allons,  Monficur,  dis  je  h  mon  ma:-- 
tre,  abrei»vons  nous  de  cette  liqueur  bienfaifante,  fefons 
revivre  dans  votre  maifon  ces  anciens  Thermopoles  que 
vous  regrette:^  fi  fort*.  Il  applaudit  h  ces  paroles,  et 
m'exhorta  pendant  une  heure  entière  à  ne  boire  jamais 
que  de  Peau.  Pour  m 'accoutumer  à  cette  boifibn,  je 
lui  promis  d'en  boire  une  grande  quantité  tous  les  foirs  : 
.  et  pour  tenir  plus  facilement  ma  promefie,  je  me  couchai 
dnos  Ta  réfolution  d'aller  tous  les  jours  au  cabaret. 
IaC  defagrénent  que  j 'a vois  eu  chez  l'Epicier,  ne 

m'etnr 


W1«  LES"  ATANTUlR.ES 

m'emipéofaa  paa  dVwdôntttr  dès  le  hoà^takMi'  d%s  fatgaée^- 
et  de  Vewt  chaixle.  Au  foctif  d'une  ixMitioQ/où  je  venw 
de  voir  an  poète  qui  avoit  la  phséné&t,  je  reocontraji 
dans  la  rne  ope  vletile  femme,  qot  m^aborda  pMar  mt  àe-r 
mander  fî  j*étois  nédccîà.  Je  lui  répondu  q^t'out»  CeU 
étante  reprit-elle,  j.e  toos  iupplte  très  btimbleaaeot  de 
venir  avec  mai  ;  m»  oîèce  eft  malade  depulii'Jiîcry.el  j^ig^ 
note  qAelle  èft  fa  maladie.  Je  fuîv»  la;  TÎeiUe,  qui  me- 
condikifit  à  &  roaifoB,  et  imefit  entrer  dans,  uae  cbiuBbffe 

-  affez  propre,  oà  je  vis  une  perfbnne.  alitée^     Je  m'a^ 
prochai  d'elle  pôar  l'ob&rTer*     D'abofd  (ea  traîcs-  me 
frappèrent  ;  et  après  Kavoir  eoviiagée  (^èlques  momenta,. 
je  recoanus^  à-  n'en  poctroir  douter,  que  c'étoit  Pavantu» 
rière  qui  avoit  &  bien  £att  le  râle  de  Camille.    Poarelle,^ 
il  ne.  me  parut  ■  point  quelle  me  remit,  ibît  qu'elle  fur 
accablée  de  fou-  mal,  £ftît  qt^e  mon  habit  de'  médecin  me 
vendit  reéconnotâabîe  ii  fe9  yeux.  Je  laîpeis  le  braapf»u: 
loi  tâter  le  pou^  et  j'apperçus  ma  bague  h  Ton  doi|;e..  - 
Je  fus  Jterriblement  ému  à  ht  vue  d'un  bien  dont  j^étoês-^ 
en  droit  de  me  faifir,.  et  j'eus  grande  envie  de  £itre  un 
effort  pour  le  reprendre  ;  m«s  conôdérant  que  ces  fiena- 
œes  fe  mettroient  à  crier,  et  que   Don   Raphaël,   ou^ 
^queJq^i'autre  défendeur  du  beau^féxe,  pourroît  accourir  à 
leurs  cris,  je  me  gardai  de  céder  a  la  tentation.     Je  fon* 
gcàl  qu'il  valoit  mieux  dHUmuler,  et  coniulter  là^deâoa- 
Fabrice.     Je  to'arrètài^  à  ce  dernier  psrd»     Cependant 
la  vieille  me  preâbit  de  lui  apprendre  de  quel  mal  fa  nièoe 
étoît  atteinte.     Je   ne  £d«   pas-  affisz.  iat  pour  avouer- 

'  que  je  n'en  favois  rien.    Au  contraire,  je  fis.  le  capable  y^ 
et  copiant  mon  maître,  je  dis  gravemeot  que  le  mal  pre- 
venoit^dè  ce  que  la  maîade  ne  tranfpiroit  point  ^    qu'il> 
falloit  par  conféquent  fe  hâter  de  la  faii^ner^  parce  que 
la  faignée  étoit  le  fubditut  naturel  de  la  tranfptration  ; 
et  j^ordonnai  aoiTi  de-  Teau  «haudé,  pour  faire  les  chofes  • 
fuivant  nos^^regles. 

J'abrégeai  ma  vi^te  lé  plu^^qu^fl  me. fût  poffible,  et  je 
courus  chez  le  fils  de  Naon-ez,  que  je  rencontrai  comme 
il  fortoit  pour  aller  ^ire  ime  commitlion  dont  fou  maître 
v^noit  de  le  charger.  Je  lui  contai  ma  nouvelle  avaa* 
ture,  et  lui  demandai  s'il  jogeoit  à  propos  que  je  fiâfe  ar«. 
rêter  Camille  par  des  gens  de  judice.  Ué  non,  me  repon* 
dit'il)  ce  ne  fej»>it>£a«'le.moj,ea4e  ravotf  ta  iMijSuc*^  Ces^ 

gens* 


D  £  G  I  L  B  L  À  s.  177 

gens-là  B^aûiomt  point  à  Caire  des  redit utions^  Souvieof • 

toi   de  ta  priibn  d'Aflorg^.     Ton  cheval,  ton  argent, 

juiqtt^il  ton  habit,    tout  n^èû  il  pas  demeuré  entre  leurs 

mains  ?  Il  faut  plutôt  nous  fervir  de  notre  induitrie  pour 

mtrapper  ton  diamant.     Je  me  charge  du  foin  de  trouver 

quelque  rnfe  pour  cet  effet.     Je  vais  y  rêver  en  allant  à 

Phôpitaly    où  j'ai  deux  mots  à  dire  au  pourvoyeur  de  la 

part  de  mon  maître.     Toi,  va  m'attendre  )  notre  cabaret^ 

et  ne  t'impatiente  point,  je  t'y  joindrai  dans  peu  de  tems« 

11  y  a  voit  poiutant  déjà  plus  de  trois  heures  que  j'és- 

tois  au  f endex- vous,  quand  il  y  arriva.     Je  ne  le  recon- 

nos   pas  d'abord.     Outre  qu'il  avoit  changé  d'habit,  et 

natté  Tes  cheveux,  une  mouftache  pofticbe  lui  couvrait 

la  moitié  du  vifage.     11  portoit  une  grande  épée,    dont 

la  garde  avoit  pour  le  moins  trois  pies  de  circonférence, 

et  marchoît  à  la  tête  de  cinq  hommes,  qni  avoient  comme 

lui  l*air  d^erminé,  des  mouftaches  épaiffes  avec  de  loa« 

gués  rafûères»     Serviteur  au  Seigneur  G  il  Blas,  dit-il 

en  m'abordant.     Il  voit  en  moi -un  Alguazirde  nouvelle 

^  fabrique,  et  dans  ces  braves  gens  qui  m^accompagnent^ 

des  archers  de  la  même  trempe.     Il  n'a  qu'à  nous  menés 

chez  la  femme  qui  lui  a  volé  un  diamant,  et  nous  le  lui 

ferpns  rendre  fur  ma  parole.     J'embraflai  Fabrice  à  ce 

diicours,  qui  me  fefoit  connoitre  le  (Iratageme  qu'il  pré*  ' 

tendoi»  employer  pour  moi,  et  je  kii  témoignai  que  j'àp« 

prouvois  fort  Téxpédient  (}u'il  avoit  imaginé.     Je  faluai 

atiffi  les  faux  afcbers.     C'étoient  trots  dumefliques  et 

deux  garçous  barbiers  de  fes  amis,  qu'il  àvoit  engagés  à 

^Eiire  CCS  perfoonages.     J'ordonnai  qu'on  apportât  du  via 

pour  abreuver  la  brigade,  et  nous  allâmes  tous  enfemble 

chez  Camille  à  l'entrée  de  la  nuit.     Nous  frappâmes  ^ 

la  porte,  que  nous  trouvâmes  fermée.    La  vieille  vint  ou* 

vrîr  ^  et  prenant  les  peribnnes  qui  étoient  avec  moi  pour 

des  lévriers  de  judice,  qui  n'entroient  pas  dans  cette 

maifon  fans  fujèt,  elle  fut  effrayée.     Raflurez  vous,  ma 

bonne  mère,    lut  dit  Fabrice,  i)ou8  ne  venons*  ici  que 

pour  une  petite  affaire,  qui  fera  bientôt  terminée.     A  ces 

mots  nous  nous  avançâmes,  et  gagnâmes  la  chambre  de  la 

malade,  conduits  par  la  vieille  qui  marchoit  devant  nous^ 

et  à  la  faveur  d'une  bougie  qu'elle  teaoit  dan»  un  flam* 

beau  d'aigent.     Je  pris  ce  flambeau,  je  m^approchai  da 

lît^  et  feiaot  remarquer  mes  tçaits  à  Camille  :  Perfide^ 

lui 


t78  LES    AV  ANTURES 

lui  cEis^j«,  reconttoîffez  ce  trop  crédule  Gôl  Blat  qae  vfm* 
avei:  trofD)3é  ?  Ah  fcélérate  !  je  tous  rencontre  enfin •- 
Le  Corrégidor  a  reçu  ma  plainte^  et  il  a  chargé  cet  AU 
guazil  de  tous  arrêter*  AHoai,  Mowfiear  l'officier,  dis^ 
je  à  Fabrice,  faites  votre  charge.  11  n^èft  pas  befaûiy 
répondît- il  en  grôfitflànt  la  voix,  de  m'exhorter  %  rem» 
plir  mon  deroir.  Je  me  reanets  cette  creature-Ët.  Il  y 
a  longtenis  qu'elle  èft  marquée 'en  lettres  rouges  fttr  me» 
tablettes.  LeTcai-vous,  ma  prinCeffe,  4r^outa*t41.  Ha^ 
biUez-vous  pron^tement.  Je  vais  toos  fervir  d'écuyer,  et 
vous  condetre  aux  prîfoiis  de  cefte  ville,  fi'voas  l'avex 
pour  agrédble. 

A  ces  paroles,  Cammille,  toute  roakde  qu'elle  étoît^ 
tVppercevant  qae  deux  archers  à  gcandes  moudaches  fe 
piéparoient  à  la  tirer  de  fon  lit  par  force,  ie  mit  d'elle-- 
méme  fur  fon  féant,  joignit  les  :a9:rinfi  d'une  manière  &ip*- 
pliaiit€^   et  me  regardant  at«o  de»  y^cux  où  la  fmfeur 
étoit  pei«Me  :  Seigiseur  Gîl  Bhis,  nyd  dit  elle,  a^eK  pitié 
de  moi.     Je  vou5  en  congiare  p$r  talbhaile  mère  à  qui 
vo«»8  devcK  le  jour,  Qjoique  je  ibis  très  cbupable,  je  ^a 
encore  plus  malheuireule.    Je  vais  vous  rendre  votre  dta»> 
mant,  et  ne  me  perdez  point.   £n  parlant  de  cette  forte^ 
elle  tira  de  fon  doigt  ma  bague,  et  me  la  doasnaw     Mâia 
je  lui  répondis  que  ntoa  dB^ansant  '  n«  Ydf&foit  point,  et 
que  je  voak»is  qu'on  me  reftrtuât  encwre  iee.iiaiiieduc&tt- 
qui  m'avoient  été  violés  dansTh^tel  ga[ral.  Oli!  pour  vos 
ducats^  Seigneur,  repliqua-t-ellci  ne  me  les  demander 
point.     Le  tf&itre  Don  Raphaël,  q)>e  jts  n'ai  pas  vu  de«> 
puis  ce  tems-là,  les  emporta  dès   la  nuit  même.     Hé,, 
petite  mignonne,  dit  alors  Fabrice,  n*y  a-t-il  qu'^  dire^ 
pour  vous  tirer  d'intrigue,  que  vous  n'avez  pas  en  de 
part  au  gâteau^  Vous  n'en  (evt^  pas^. quitte  à  fi  bon 
marché.     C'èil  aiSèz  que  vous  (ojevàts  oompitces  de 
Don  Raphaël,  pour  n»é citer  qu'on  voua  demande  compte 
de  votre  vie  pafiee.     Vous  devez  avoir  bien  dc9  cho^a 
fur  la  confcience.  Vous  viendrez,  s'il  vous  plait,  en  prî- 
fon,  faire  une  confelEoo  générale.   J'y  veux  mener  auffi,. 
continua-t.il,  cette  bonne  vieille*,  je  juge  qu-'elle  fait 
une  infinité  d'biftoices  cvrieufes,  quo  Monfieor  k  Cott- 
ségidor  ne  icra  pas  faehé  d'eptendite. 

Ltê  deux  femmes,  à  ces  mots,  mirent  tout  «il'  niage 
pour  nous  atteiidtlrr    £Ues  remplirent,  la.  chambre  de 

cri^ 


DE    GIL   BLAS.  tjf 

ctîst  de  phiiitcty  et  de  laoïeiitatioos.     Tané»  qee  la 
tneilie  ^genoox,  Uiatôt  devant  VAlgxsatW  et  tantôt  de* 
yant  les.«vdler«,  tâchok  d^exeilier  leur  oompaffioo,  Ca- 
mille me  prîoit,^  /df  la  maoière  du  monde  la  plus  tou- 
chante, de  la  iauyei:  des   mains  de  la  ju(lice«     Je  feignit 
de  me  laifier  fléchir»     MonGeur  POmcier,  dîs-je  au  fils 
de  Nunnez,  puifque  j^aî  mon  diamant,  je  me  confole  du 
refte.     Je  ne  foubeke  pas  qu'en  fafle  de  la  peine  à  cette 
pafoi^e  femme,  je  ne  veux  pcnnt  la  mért  du  pécheur*. 
Fi  denc,  i^ponélt-il,   tou9   avez  de  Thumanîté,   vous 
ne  ieriet  pas  bon  h  être  exempt.     Il  faut»  pourfuivît* 
ily  que  je  m'acquitte  de  ma  commfffion,  il  m'èft  exprel^ 
lement  ordonné  d^arrêter  ces  Infantes,  Monfîeur  le  Cor- 
ridor en  veut  faire  un  exemple.     Hé  de  grâce,  repris* 
je,  ayec  quelque  regard  à  ma  prière,  et  relâchez- vous 
«n  peu  de  votre  devoir,  en  faveur  du  préfent  que  ces. 
Dnmesvont  vous  offrir.     Oh$  c'èft  une  autre  a£Faire, 
repartit-fl,  voilli  ce  qui  s'appelle  une  figure  de  rhétorique 
biea  placée  :  ça,  voyons.     Qu'on t^elles  à  me  donner  ? 
J'ai  un  collier  de  perles,  lui  dit  camîUe,  et  des  peadans 
d'oretlles  d'un  prix  conlîdéralxle.    Oui  :  mais,  interrom- 
pit-tl  brufquementy   û  cela  vrent  des  Iles  Philippines,  je 
n'en  veux  point.   Vous  pouvez  les  prendre  en  aÀTuranjce, 
leprit-elle,  je  vous  les  garantis  fines.     En  même  tems 
elle  fe  ût  apporter  par  la  vieille  une  petite  boète,   d'où 
elle  tira  le  collier  et  les  pendans,  qu'elle  mit  entre  les 
mains  de  Monfieur  l'Alguazil.  Quoiqu'il  ne  fe  connût 
guères  mieux  que  moi  en  pierreries,  il  ne  douta  pas  que 
oeHes  qui  compofotent  les  pendans  ne  fufTent  fines,  auffi« 
bien  que  les  perles.     Ces  bijoux,   dit-il,   après  les  avoir 
confidérés  attentivement,  me  parotfTent  de  bon  alloi  ;   et 
fi  Ton  iijoute  à  cela  le  fiambeau  d'argent  que  tient  le 
Seigneur  Gil  filas,  je  ne  réponds  plus  de  ma  fidélité.  Je 
ne  crois  pas,  drs-je  alors  à  Camille,  que  vous   vouliez 
pour  une  bagatelle  rompre  un  accomodement  fi  avan- 
tageux pour  vous.    £n  prononçant  ces  dernières  paroles, 
j'dtai  la  bougie,  que  je  remis  à  la  vieille,   et   livrai  le 
flambeau  à  Fabrice,  qui  s'en  tenant  là,  peut-être  parce 
qu'il  n'appercevoit  plus  rien  dans  la  chambre  qui  fe  pût 
tfifément  emporter,  dit  aux  deux  femmes  :  Adieu^   mes 
princeffès,  demeurez  tranquilles.     Je  vais -parler  à  Mon- 
fieurle  Corrégidor;  et  vous  rendre  i^las  blanches  que  la 

oeige. 


ï8o  LES    AVANTORES 

fieîge.  Nous  favons  lu!  tourner  les  cbofes  comme  11  nous 
plaît,  et  nous  ne  lui  fefons  des  rapports  fidèles»  que 
quand  rien  ne  nous  oblige  à  lui  en  £ure  de  faux. 

CHAPITRE    V. 

iSttiie  df  l^j^vanture  de  la  Bague  retrouvée.      GU  Blas 
abandonne  la  Médecine^  et  le/ijour  de  Valladoîid. 

APRES  avoir  exécuté  de  cette  munière  le  projet  de 
Fabrice,  nous  fortimes  de  chez  Camille,  en  nous 
applaudîflant  d*un  fuccés  qui  furpaflbit  notre  attente  ; 
car  nous  n^avions  compté  que  fur  la  bague.    Nous  enn* 
portions  fans  façon  tout  le  ce  de.  Bien  loin  de  nous  faire 
un  fcrupule  d*avoir  volé  des  courtifanes,  nous. nous  Jnig- 
ginions  avoir  fait  une  aôion  méritoire.  MelSeurs,   nous 
dit  Fabtice,  lorfque  nous  fumes  dans  la  rue,  je  fuis  d^a- 
vis  que  nous  regagnions  notre  cabaret,  ou  nous  paflèrons 
la  nuit  à  nous  rejouir*     Demain  nOus  vendrons  le  âam- 
beau,  le  collier,  les  pendans-d^orcilles,  et  nous  en  par- 
tagerons Targent  en  frères  )  après  quoi  chacun  repren** 
dra  le  chemin  de  fa  roalfon,  et  sVxcufera  du  mieux  qu'il 
lui  fera  podible   auprès  de  fon  maître,    I.a  penfée  de 
Monfieur  PAlguazil  nous  parut  très  judicieufe.  Nous  re« 
tournâmes  tous  au  cabaret,  les  uns  jugeant  qu'ils  trou- 
veroient  facilement  une  excufe  pour  avoir  découché^  et 
les  autres  ne  fe  fouciant  guères  d'être  chaffés  de  chez  eux. 
Nous  fîmes  apprêter  un  bon  fouper,  et  nous  nous  mi- 
mes à  table  avec  autant  d'appétit  que  de  gayeté.  Le  repas 
fut  aâaifonné  de  mille  difcours  agréables.     Fabrice  fur- 
tout,  qui  fa  voit  donner  de  l'enjouement  à  la  converfatioo, 
divertit  fort  la  compagnie.   11  lui  échappa  je  ne  fais  com-  ' 
bien  de  traits  pleins  de  fel  Caftlllan,  qui  vaut  bien  le  fel 
Attique.     Dans  le  tems  que  nous  étions  le  plus  en  train 
de  rire,  notre  joie  fut  tout-à>coup  troublée  par  un  évé- 
nement imprévu.    11  entra  dans  la  chambre  où  nous  fou*- 
pîons  un  bomme  afîez  bien  fait,  fuivi  de  deux  autres  de 
très  mauvaife  mine.     Après  ceux-là  trois  autres  paru- 
rent, et  nous  en  comptâmes  jufqu'à  douze,  qui  furvinrent 
aind  trois  à  trois.     Ils  portoient  des  carabines  avec  des 
épées  et  des  bayonnettes.  Nous  vimes  bien  qui  c'étotênt 
àts  archers  de  la  patrouille,  et  il  ne  nous  fut  pas  diffi- 
cile de  juger  de  leur  intention.     Nous  eûmes  d'abord 
quelque  envie  deréfifteri  zp^is  ils  nous  envelopèrent  dans 

'    ua 


DE  iGIL  fi  LAS.  i8i 

^n  V^ant^^t  nous  tinrent .eiijR«rp€A,:tant {mr  ienr  nom« 
b^ç.q^  par  leius  «fines  à. feu.     dM^eflîeui^,  .nous  dk  le 
1  .QMnmfindapt.(Pttn  ai^cxtiMtut^  je:ûibipaik-><pel  ingénieux 
nrtiQoc  jrpjis  Tencc  de  «tîfer  Aine 'bague  des  mains  de  cer- 
-  taîne  avsm&uctère.     Gestes  le  trait  èH  .excellent,  et  mé. 
^rile  bien  .une  irécompenfe  .publique,  auiii  ne  peut-elle 
.!r0USi4cfaapppr.    X«a  Juftioe,  qui  vous  deftine  chez  elle 
>ttiiik>gflnient«  ne  .suuiqueia .pas.de  reconooltre  un  û  bel 
-<ff(}rttdeigé««e.     Toutes  les  ^pecfonnes  à  ()ui  ^edifcours 
)sVidd«effpit,  ieaiurent  déconoertéss.    i^Inus  cbangeames 
^âe  Qontfiuanoe,  ct^fentîmes.  à  notce  tour  (la  même  fray- 
'  coa  que  nous  tavions  ânfptrée  .cbee  Camille.     Fabrice 
Mpouatant,  .quoique  pâle  et.déffth,  .voulut  nous  jutlifier. 
.  Seigneur,  (Ût-il,  nous  n'avons  .pas  -eu  une  mauvaife  in- 
dication, et 'par  oonféquent  on  doit  nous  pardonner  cette 
Apcâite  fttpercbecie.     Comment  diable  !  répliqua  le  Corn- 
.mandant  avec  colère,  vous  appeliez  cela  une  petite  fuper- 
.chenerf  .-Savezwous  bien  quHl  jr  va  de  la*corde'?  'Outre 
.qa'ilii!èftpaS;pe*mis  de^fe  xendce.juftice  ibi-mém«,  vous 
-Mee.émpmrté  un  ilaipbeau,  un  collier,   et  des  pendans- 
•d^OfieiUes  i  et  qui  pis  èft,  pour  faire  ce  -vôl  vous  vous 
rêtes  tiaweflis  en  e^rcbers.     ï^s  .miférables  fe  déguifer  en 
jbcmnêtes.gens  pour. mal  faice  !    Je  vous  trouverai  trop 
-heureux,  ffi: Ton  n^  vous. condamne  qu'à  faucber  le  grand 
.pié..    LodquHl  nous  eut  fiait  4;omprendre  que  lacbofe 
»-étoit  encore.pUis  CirieuTe  que  pous  ne  l'avions  penfée  d'à* 
(bord,  nous^nous  «jettames  tous  à 'Tes  pies,  et  le  priâmes 
,d!avoir.iRtié  de. notre  jeunefie^  mais  nos  piîères  furent 
(inutiles.-    IL  rcjetta  de  plusla  propqfîtion  que  nous  fîmes 
de  lui  abandonner  le  collier,  les-pendans,  et  leflambeau. 
ill,teSa£à  même  ma  bague,  parce  .que  je  la  lui  offroîs^ 
;peut-êto'e,  en^tFppbonne  compagnie.    'Enân^il  fe  mon- 
ftra  inexorable,      il  'ât  d^fanner  mes  compagnons,  et 
.BOus;emniena;tous.<çs^nible.^ux' pfKbns  de  la  ville. 
^Comase:  onnous  y-^conduifoit,  un  des  archers  ,m^apprit 
.que  :1a  .vieille. qui demeuroit  avec  Camille,  nous  ayant 
ioupçona^..de>n'4tFe-pa4i  de  véritables  valets  de  pié  .de  la 
.Juftice,«Ue.nous.avoit:ruivis  jufqu'au  cabaret  ;  et  que  ]à< 
.fes  foupçoQs  &'étant  tournés  en  certitude,  elle  en  avoit 
Averti  la.patTotiille.pour  ie  venger  de  nous. 

.Qn  .nons..£ouiUa{id^abord  par^tout.     On  nous  ôta  le 
<oollier,.lespe<idans,.etj«iiaaibeau.     On  mVracha  pa- 

Q^  reilkxncat 


ïfa  LES   AVANT  URES 

reUlemetot  ma  bague,  avec  le  rubis  des  Iles  PhîIippîiieSf 
que  j'aveîs  par  malheur  dans  mes  poches.     On  ne  t&e 
laifla  pas  feulement  les  réaux  que  j'avois  reçus  ce  jour-là 
pour  mes  ordonnances.     Ce  qui  me  prouva  que  les  gens 
de  juftîce  de  ValladoUd  favoîent  auflî-bien  faire  leur 
charge  que  ceux  d'AHorga,  et  que  tous  ces  Meflieurs 
avoient  des  manières  uniformes.     Tandis  qu^on  me  fpO« 
lioit  de  mes  bijoux  et  de  mes  efp^ces,  ^officier  de  la  pa- 
trouille qui  étoît  préfenti  contoit  notre  avanture  aux  nn- 
:i[iîftres  de  la  fpoliation.     Le  fait  leur  parut  û  grave  que 
,  la  plupart  d^entre  eux  nous  trouvoîent  dignes  du  dernier 
fupplice.     Les  autres,  moins  féveres,  difeient  que  nous 
pourrions  en  être  quitte  pour  chacun  deux  cens  coups  de 
fouet,   avec  quelques    années  de  fervice  fur  mer  en  at- 
tendant la  décifion  de  Monfieur  de  Corrégidor,  on  nous 
enferma  dans  un  cachot,  où  nous  pous  couchâmes  fur  la 
paille,  dont  il  étoit  prefque  aufli  jonché  qu'une  écurie 
où  Ton  a  fait^la  litière  aux  chevaux*     Ncus  aurions  pu 
y  demeurer  longtems,  et  nVn  fortir  que  pour  a}ler  aux 
galères,  fi  dès  le  lendemain  le  Seigneur  Manuel  Ordog- 
.  nez  nVut  entendu  parler  de  notre  affaire,  et  réColut  de 
tirer  Fabrice  de  prifon,  ce  quUl  ne  pou  voit  faire  fans 
i^ous  délivrer  tous,  avec  lui..    C^étoct . un  homme  fort 
^ftimé  dans  la  ville.     Il  n'épargna  point  les  foDicita- 
tions  p  et  tant  par  fon  crédit  que  par  celui  de  ces  amis, 
il  obtint  au  bout  de  Uois  jours  notre  élargiflem^t.  Mais 
nous  ne  fortîmes  point  de  ce  lieu-là  comme  nous  j  étions 
entrés.     Le  dambeau,  le  collier,  les  pendans,  ma  bague,^ 
et  le  rubis,  tout  y  reila.   Cela  me  fit  fouvenir  de  ces  vers 
de  Virgile,  Sic  ms  non  vobù^  &c. 

D'abord  que  nous  fumes  en  liberté,  nous  retournâmes 
chez  nos  maîtres.  .  Le  Doâeur  i>angrado  me  reçut 
bien.  Mon  pauvre  Gil  Blas,  me  dit-il,  je  n'ai  fu  ta 
difgrace  que  ce  matin.  Je  me  préparois  à  foUiciter  for-  ^ 
tement  pour  toi.  11  faut  te  confoler  de  cet  accident,, 
mon  ami,  et  t'attacher  plus  que  jamais  à  la  médecine. 
Je  répondis  que  j^étois  dans  ce  defiein,  et  véritablement 
je  m'y  donnai  tout  entier.  Bien  loin  de  manquer  d'oc« 
cupatiôn,  il  arriva,  comme  mon  maître  Pavoît  fi  heu- 
'  reufement  prédît,  qu'il  y  eut  bien  des  maladies.  La  pe- 
tite-vérole et  des  fièvresmalignes  commencèrent  à  régner 
(dans  la  ville  et  dans  lc%  fauxbourgs.   Tous  les  Médecins 

'de 


DE    GIL    BLAS.  ,183 

de  Valladolîd  eurent  de  ]&  pratique,  ef  nous  particulière*     * 
ment.     Il  ne  fe  paflbît  point  de  jour  que   nous  ne  vif* 
fions  chacun  huit  on  dix  malades,  ce  qui  fuppofe  bien  de 
IVau  bue  et  du  fang  répandu.     Mais  je  ne  fais  comment 
cela  fe  fefoit.     Ils  mouroient  tou$«  foit  que  nous  les 
tiattaâîons  fort  mal,  fnt  que  leurs  maladies  fofîent  in- 
curables.    Nous  fefioas  rarement  trois  vifîtes  à  un  une* 
me  malade.  .  Dès  la  féconde,  ou  nous  apprenions  qu'il 
▼enoit  d'être  enterré^  ou  nous  le  trouvions  à  l'agonie* 
Comme  je  n'étoi?  qu'un,  jeune  Médecin,  qui  n'avoit  pas 
encore  eu  le  temsde  s'endurcir  au  nneurtre,  je  m'afHîgeois 
des  éveoemens  funeiles  qu'on  pouvoit  m'impnter.    Mon* 
iîeuT,  dis'je  un  foir  au  Doâeur   Sangrado,  j'attefïe  ici 
le  Ciel  que  je  fuis  exaÛement  votre  méthode.     Cepen- 
dant tous  mes  malades  voiit  en  l'autre  monde.     On  di*    - 
rpit  qu'ils  prei^nent  plaiiir  à  mourir  pour  décréditer  notre 
médecine.     J'en  ai  rencontré  aujourd'hui  deux  qu'on- 
por toit  en  terre»     Mon  enfant,  me  répondit-il,  je  pour* 
rpîs  te  dire  \  peu  près  la  même  '  chofc.     Je  n'ai  pas 
fouvent  la  fatisfaâion  de  guérir  les  perfonnes  qoi  tom* 
beat  entre  mes  mains  ;  et  fi  je  n'étois  pas  auflî  fur  de 
Ts^%  principes  que  je  le  fuis,  je  croirois  mes  remèdes  con- 
traires à  preique  toutes  les  maladies  que  je  traite,     bi 
vous  m'en  voulez  croire,  Monfîeur,  repris-je,  nous  chan* 
^    gérons  de  pratique.     Donnons  par  curiofité  des  prépa« 
rations  chymiques  \  nos  malades.     Le  pis  qu'il  en  puifier  • 
arriver,  c'èil  qu'elles  produisent  le  même  eâet  que  notre 
cgu  chaude  et  nos  faignées.     Je  feroîs  volontiers  cet  efiai, 
repliqua-til,  iî  cela  ne  tiroit  point  à  cooléquetice  ;  mai«    - 
j'iii  publié  un  livre  où  je  vante  la  fréquente  faignée  et 
l'ufage  de  la  boiflbn  ?  veux-tu  que  j'aille  décrier  mon 
'  ouvrage  \  Oh  !  vous  avez  raîlbn,  lui  repartis-je,  il  ne 
faut   point  accorder   ce   triomphe  à  vos  ennemis.      Ils 
diroîent  que  vous  vous  laifTez  defabufer,  ils  vous  perdroi* 
ent  de  réputation.    Périment  plutôt  le  Peuple,  la  NobleiTe 
et  le  Clergé.     Allons  donc  toujours  notre  train.,  Après    . 
t9ut,  nos  confrères,  malgré  l'averfion  qu'ils  ont  pour  la 
faignée,  ne  favent  pas  faire  de  plus  grands  miracles  que 
nous  ;  et  je  crois  que  leurs  drogues  valent  bien  nos  fpé* 
ci6que5» 

Nous  continuâmes  \  travailler  fur  nouveaux  ft-ais,  et 
nous  j  proccdavies  de  manière  qu'en  moin»,  de  Gx  fe*  « 

Qjj  naines 


a 

»! 


it4  LESAVANTURES 

maiiMs-  nous  fiôw*  autant  de  veuves- et  d'orpHelins^que'le 
iîege  de  Troye.     IV  fembloit  que  la  peAe  fût  daûf  Valla-* 
delid*,  tatit  on  y  Mmt  de  fànerailks.     Il  vetiôk  tou6  ks 
jours  au  li^gl»  quelque  père  nous  demander  compte  d'un 
£lf  que  ttû\»  lui  avions  enlevé,  ou  bien  quelque  oincle 
qui  noua  risprochoit  la  mort  de  foa  neveu.    Pour  les  no«» 
veUjret  les  fils  dont  1er  oncles  et  les  pères  s'étoîent  mai" 
trouvés»  de  nos  remèdes,  ils  ne  paroiflbient  point  cbes 
nousb     Lef  maris  étoient  auffi*  fort  dirctèts,  ils  ne  noua 
cbîcanoient  point  fur  lia  perte  de  leur»  femmes.     Les 
perfonnes  aéRîfées  dont  il  nous  fblloit  eflbyer  les  re- 
proches, a  voient  qaieiquefois-  une  douleur  brutale.     lia 
BOUS  appelloient,  ignorante,  aflafiinf.  lia  rte  raénag^eoient 
peint  les  termes.     J'étois  ému  de  leurs  éf^tbeter*,  ms&s^ 
mon  mdjtrey  qui  étoit  fait  ^  cela,  le^  écoutoit  de  fà^' 
£roîd.     Jaurois  pu  comme  lui-  m^accoutumnr  aux  injures^' 
û-  le  CieV,  p6ur  6ter  iant^ioàte  aux  malades  de  Varlladolid' 
un  de  leurs  âéauxv  »Vut  fait  naître  une  ocôaâom  de  Ai€' 
dégoûter  de  la  médecine,'  que  je  pratiquoia  tv€c  fi  pCli 
de-^uccés. 

Il  y  avoît  dans  notre  voîiioage  un  jcuf  de  paume^  e^'à^ 
les  faînéans  de  1»  vi^e  s'aflembloient  tou»  les^ jfeurs.-  On- 
j  voyoit  nif  de  ces  bravea  ée  profefiMw  qui:  4'éri^nt  ett 
niii^kt'es  et  décident  les  dîfiétends  d«ns  Ids  trîpotlSr  lit  é* 
toit  de  Bîfeaye>  et  fe  fefbit  appeller  I>on  Rodrtgi^  dé 
Mondrag^A.  Il  paroifibit  avoir  trente  an^Sr  GMtdh  utf 
bonune  d*and  taille  orditiaiee,.  maie  feo  et  nervetnté 
Outre  deux  peths  yeux-étindelants  qui  lui  iNDilkiieitt  dant 
la  tête,  et  qui  femblorent  '  menoâer  t«o^  deux  qu^il  re-^ 
gardbit,  un  nez  fort  épatté  lui  tombott  fur  une  mou« 
fiache  rooiTey^qui  s^élevoit  en  esoC' jùfqu^à  k  ten^ple.  II 
avoit  la  parole  fi  riade  et  fi-  brinfque,  qu'il  n'avoit  qu^à 
parler  pour  infpirer  de  IVfi&oiv  Ce^  cafieuT  de  i<aqaiet(efS' 
s'étoft  rendu  le  tiran  du'  jeu  de  paun^e.  Il  jugeoit  ittt* 
périelafemertt  lea  cont^ation»  qui  Ayrve noient  entré  lea 
J9aeu/s,  ea  il  ne  falk>h  point  qu'on  ^ppellôt  de  Ces  ju^e* 
nmnts,  à  moins-  que  PappeUairt  ne  Voalû%  fe  refondre  à 
^recevoir  de  bii  le  lendemiaî»  un  cartel:  dé  déû*  Tel  qoe 
je  viena  de  re|>rérénter  le  Sei^rneur  Don  R<i^#}gtte,  que 
le  Don  qu'il  mettoit  à  la  tête  de  fon  nom  n'empêcbott 
pM  d^être  roturier ,i  il  fit'  ulvtf  ttfAd^é  kàpté^tc  (ut  la 
«aaitreffe  du*  tripet^    C'cwit  UM  fUMM  de  quarante 

anst 


-.     I*" 


B£   GIL   BL  AS;  iSj 

ttâs,  riclie,  aSet  tgréMt^-  et  weïtrt  depuis  quinze  mois* 
J'^ignore  comment  il  put  lut  plaira.     Ce  ne  fut  pti  fsnv 
doute  fovLT  fa  beauté.     Ce  fut- apparemment  par  ce  je  ne 
fats  quoi  qu'on  ne  fauroît  dire.     QuoiqaHl  en  foit,  elle 
eut  de  gont  pour  lui,  et  forma  le  deflein  de  Pépoufer  ; 
mais  dans  le  temt  qu^^eiTe  fe  pr^paroit  à  confommee  cetto  ^ 
affaire,  elle  tomba  malade,  et  malheureufement  pour  elle 
je  divins  fon  Médeein.     Quand  fa  maladie  n'aurok  pas 
été  une  fièvre  maligne,  mes  remèdes  Tuffifoient  pour  la 
rendre  dangereuCe.     Au  bout  de  quatre  jours  je  remplis 
de  deuil  le  tripoT.     La  paumière  alla  où  j'enyoyots  touii» 
mes  malades^  et  Tes  parents  s'emparèrent  de  (on  bien* 
Don  Rodrigue,  au  défefpoir  d'avoir  perdu  fa  maltreffe,  . 
ott  plutôt  Péfpérance  d'un  mariage  tit^  avantageux  pour 
kii,  ne  fe  contenta  pas  de  jetter  feu  et  flamme  cootro 
mot  y  il  jura  qu'il  me  pa&roit  fon  épée  au  travers  dok' 
corps,  et  m'extermtneroit  à-  la  première  vue.     Un  voifià 
diaritable  m^vertit  de  ce  ferment,  et  me  confeilla  de  ne 
point  fortir  do  logis,  de  peur  de-  rencontrer  ce  diablo 
d'homme.     Cet  avis,  quoique  je  n'eufle.  pas  envie  de  )e^ 
■églfger,  me  remplit  de  trouble  et  de  frayeur»     Je»rm'i<» 
maginois  fans  cefle  que  je  voy ois  entrer  dans  notre  mai* 
(fon  le  Biicayea  furieux,  je  ne  poov<^s  goûter  un  mo<' 
siçnt  de  reposa     Cela  me  détacha  de' la  médecine,  et  j^  ■ 
tie  fongeaî  plus- qu'à  m'affrancbir  de  mon  inquiétude.  Jo- 
repris  mon  habit  brodé,  et  après ^  avoir  dît  adieu  à' mon - 
maître  qui  ne  put  me  retenir,  je  fortis  de  la^  ville  à  la 
pointe  du  jour,  noaians  crainte  de  troa  ver  Don -Rodrigue, 
en  mon  chemm% 

CHAPITRE    VL 

^ueile^rwteUprit  cm  fbrta^t  de  Valladdii^  et  quei  îhmme 

lejoignùeaehemh* 

JE  marcbois  fort  vite,  et  regardais  de  téms  en  tems 
derrière  moi,  pour  voir  fi' ce  redoutable  Bifcayen  ne 
fui  voie  point  mes  pHS.  pavois  l'imagination  fi  remplie 
de  cet  homme-là,  que  je  prenois  pour  lui  tous  les  arbres 
et  les  b^iil&ns.  Je  fentàis  à  tout  moment  mon  cœur  - 
treflaiilir  d'effroi.  Je  me  raflùrai  pourtant  après  avoir 
fait  tt^e  baiiivi  lieue,  et  je  coutinuaiplu^  doucement  moa. 

0^3  chemia 


j8«  les    AVANTUJtES 

ckemîft  vers  M«drid^<rà  je  me  pfopefois  é^^ïitr»  Jeqah^ 
tois  fim»  peine  le  féjotif  de  Valladolld.  Tout  mon  vew 
gret  étott  de.  me  fépdrer  de  Fabrice,  mon  cbere  Pj^làde^ 
à  qui  je  n'avois  fin  même  faire  mes  adieux*  Jo  a'éloi^ 
nuileraeDi  fâché  ^'avoir  renoHoé  ^  1»  m6dciniic  ^  ao  c<m* 
tfaire^.  je  demandoîs^  p^rcloD  à  Dieu  de  Tauroir  exercée^ 
Je  ne  laifiaî  pas  de  compter  vvec  plii&r  Tardent  qnc  j Pa- 
vois dans  mes  pocbes,  quoique  ce  fût  le  faiairc  d«  mes 
stfiTaf&fiats.  Je  refieic^lMS  aux  femmes  qm  ce&nt  d^ècr^ 
Hbertines,  mais  qdi  gsitdent  t«UJour<s  à  bon  compte  la 
f  toiit  de  Irar  UbUfimatge.  J^aroU  en  réanx  à  peu  près 
iarvalear  de  cîtiq  dvicats,  e^étoil-Uk  tout  mon  bien.  Je 
me  promettois  arec  cela  ât  vue  féùàta  à  Madtid,  oà  je 


Tabrégé  de  tovites  les  merveilles  dU  monde* 

Tandis  que  je  me  rap6lloistout  ce  que  jVnavoisouîdiref 
et  quie  je  jouiflbis  par  avance  des  plaiôrs  qu'on  y  preii<d^ 
J'entendis  lar  vtnx  d'un  bomme  qui  marcboît  fur  mes  pas^ 
et  quF  ehautoit  II  pltfai  goÂer.  li  afoit  fur  U  dos  tin  fM 
éa  eurr,  «ne  gukaTtt  pendue  du  toù,  et  il  povtoit  une  al^ 
ièz  lofigui  épée>.  Ila^loît  fi  boâ  train,  qu^il  me  joignit  eti 
ftxt  de  tems.  C'étoit  uft  des  deux  gar^on^  batbiers  av«o 
qtû  j*avotf  été  en  pyifon  pour  Pavubture  de  la  bftgui»^ 
Nous  nous  recontiûmes  d'abord,  Quoique  nous  eu(rion$ 
changé  d'b&bit,  et  ftous  denféufâmes  hft  etcmnôs  de  UDUtf 
imncotittût  inopinément  fur  un  grand  ebemitf*  Si  je  M 
témoignai  qoe  j'étois  ravi  de  l'avoîi:  pour  tiompagnon  dé 
voyage,  il  me  parut  de  fon  côté  fentir  une  extrême  joîe^ 
de  me  revoir.  Je  luix^outai  pourquoi  j'abasdonnois  Val- 
ladolid  y  et  lui,  pour  me  faire  la  même  confidence,  m'ap- 
prit qu^il  avott  ^u  du  bruit  avec  fou  ma!«r<^  «t  qu'ils  s'é« 
toient  dit  tous  deux-^ileiproi^emcntun  éternel  adîeu.  Si 
j'euiTe  voulu,  aJQuù^t-^l,  demeurer  plus  longtems  à  Valla- 
dolîd,  J'y  anirois  trouvé  dix  boutiques  peur  un^^  ear^&as 
Tanite^  j*o&  dire  Jqu^il  n'èft  point  de  barbier  en  Ëfpagn# 
qui  fâche  mieUx  que  moi  raferà  poil' et"  à»  CofiU'e-poii,  et  ^ 
jcettre  une  mouilache  en  papillote.  Mtfis  je  n'ai  pu  ré« 
liRer  davantage  au  violent  delir  que  J'at  de  retourner  daua^ 
ma  patrie,  d^où  il  y  a  dix  années  entières  que  je  fui»  focf  i. 
Je  t«ox  rcfpii«t  un:  ptu^rair  dup^y^i^at^fevakdansqueUe 
V  •■   ..  -  iituatioix^ 


DEGILBLAS.  iSy 

fitoadoii  (àvt  ttti  paittntê.  Je  ferai  chtz  eux  sprSs  de« 
naio,  puifque  l'endroit  qu'ils  habitent,  et  qu'on  appçll0 
Olmédo,  eft  un  gros  village  en  deçà  de  Ségovîe. 

Je  réfolus  d'accdmpagner  le  barbiet  jofques  chez  lu!» 

et  d'aller  à  Ségovit  chercher .  quçlque  commodité  pour 

Madrid.  Nous  commençâmes  à  nous  entretenir  de  chofes 

hkâîMirëti^tÉ,   en  poutfutt^nt   notre  route.     Ce  jeune 

h^Êome  éteit  de  bonne  hameur,  tt  avoit  l'efprit  agréable» 

Au  bètit  d^uire  heure  de  converfiition,  il  me  demanda  û 

j€  me  fentois  de*  l^appétit.  Je  lut  repondis  qu'il  leTerroit 

à  la  pren^ere  hdteOefie*     En  attendant  que  nous  y  zxrU 

▼ioiiSy  me  dit-il,  nous  nouons  faire   une   pau£s.     J'ai 

^ftis  mon  (ad  de  quoi  déjeuner.    Quand  je  voyage»  j'ai 

tOQJoan  §tÂn  déporter  des  prdvifiofis.    Je  ne  me  charge 

p^nt  d'habits,  delingfe,  ni  d^utres  bardes  inutiles;  je  na 

veox  rien  de  fuperflu  $  }t  ne  mets  dans  mon  fac  que  d«$ 

inanitions  de  bouche,  avec  mesrafoirs  et  une  favonnette* 

Je  louai  fa  prudence,  et  confentis  de  bon  coBurà  la  paufe 

qu'il  propofoît.     J^vois  faim,  et  je  me  préparoii  à  faire 

SB  bon  tepas.    Après  ce  qu'il  venoit  de  dire,  je  m'y  at« 

teodoif.     Nous  nous  détournâmes  un  peu  du  grand  che« 

ttki,  pdur  nous  affeoir  fur  l'herbe.  '  Ld,  mon  garçon* 

bftfbiér  étala  fes  vivres,  qui  coniiftoient  en  cinq  ou  fiic 

^ngnons,  avec  quelques  morceaux  'de  pain  et  de  fromage;^ 

ttftis  ce  qu^il  produifit  comme  la  meilleure  pièce  du  (ac, 

tat  une  petite  outré  remplie»  cËfoit-il^  d'un  vin  délicat 

et  friand.     Quoique  les  mets  ne  fuffent  pas  bien  favour* 

eux,  là  fsim,  qui  nous  preiToît  l'un  et  Tautre,  ne  nous  per- 

aift  pas  de  les  ttouver  ntiiuvais  ;    et*  nous  vuidames  auds 

Poutre,  où  il  y  avoit  envîrdn  deux  pintes  d'un  vin  qu'il 

ie  feroit  fort  bien  pafié  de  me  vanter.     Nous  nous  le-> 

Vsmes  après  cela,  et  nous  nous  remîmes  en  marche  avec 

beaucoup  de  gaieté.     Le  barbier,  à  qui  Fabrice  avoit 

dit  qu'il  m'étoit  arrive  des  avantures  très  particulières, 

Bie  pria  de  les  lui  appirendrèf  xÂoi-méme.  Je  crus  ne  pou» 

voir  rieii  refufer  à  un  homme  qui  m'avott  û  bien  régalé* 

Je  lui  donnai  la  fattsfaôion  qu'il  demandoît.     Enfuiteje 

lut  dis  qoe,  pour  rcconno^tre  ma  complaifance^  il  falloit 

qu'il  me  contât- auffi  l'htftoire  de  fa  vie.    Oh  !  pour  mon 

hifloire,  s'écria-tôl,  die  ne  mérite  guères  d'être  entendue» 

elle  ne  contient  que  de  fimplés  faits.  Néanmoins»  ajouta. 

t<il|  pttifiliie  ifOttS'tt'avottS  riett  et  meilleur  à  faire^  je  vais 

-  vous 


i88  LES    AVAN.TURES 

TOUS  la  raconter  tellç  qu'elle  eft.     £n  nême  tema  E  cK 
fit  le  lécît  à  peu  près  de  cette  forte. 

CHAPITRE   VIU 

t 

tljftùirt  du  Garçon  Barèier». 

FERNAND  Perés  de  la  Fuente  non  ^and-pere,  jè- 
prends  la  cbûfe  de  loin^  après  a?oîr  été  pandanti 
cinquante  ans  barbier  du  village  d'Olmodo,  mottrut,  et 
IniOa  quatre  fils.     L^ainé,  noînme  Nicolas,  s'empara-  de' 
fa  boutique,  et  lui  fuccéda  dans  la  profeflîon.     Bertrand^- 
k  puiné»  Ce  mettant  le  cooMueree  on-  tête,  devînt  mar- 
chand mercier.     Thomas,  qui  étoit  le  troifieme,.  fe  fit 
maître  d'école.     Pojir  le  quatrième,  qu'on  àppelloit  Pe- 
dro, comme  il  fe  featoit  né  pour  les  bel) es- lettres,  il 
Tendit  une  petite  portion  de  terre  qu^l  avoit  eue  pour  foiv 
partage,  et  alla  demeurer  à  Madrid,  où  il  efpérott  qu'un 
jour  il  fe  feroit  difttn^uer  par  fon  fa  voir  et  par  (on  efprît. 
Ses  trois  autres  frère», ne  fe  féparèrent point .-    Ils  s'éta«^ 
blireot  à  Olmédo,  en  fe  mariant  avec  des  filles  de  la- 
boureurs, qui  leur  apportèrent  en  mariai^e  peu  de  bien,, 
mais  en  rpcompenfe  une  grande  fécondité.     Elle»  firent 
des  enfans  comme  Si  l'envi  l'une  de  l'autre.     Ma  tdere,. 
femme  du  barbier,  en-  mit  au  monde  fix  pour  fa  part  dana^ 
les  cinq  premières  années  de  fon   mariage.     Je  fus  do^ 
nombre  de  ceux  là.     Mon.  père  m'apprit  de  très  bonne 
heure  à  rafer  ;    et  lorfqu'il  me  vit  parvenu  à  l'âge  de 
quinze  ans,  il  me  cbaigça  les  épaules  dé  ce  fae  que  vous- 
voyez,  me  ceignit  d'une  longue  épée,   et  me  dit.  Va, 
Diego,  tu  es  en  état  piéfenteroent  de  gagner  ta   vie,  va 
courir  le  pays.     Tu  as  befoin  de  vo;^ager,  pour  te  dé- 
gourdir, et  te  perfe^ionner  dans  ton  art.     Pars,  et  ne 
reviens  à  Olméda  qu'après  avoir  fait  le  tour  de  i'Efpagne. 
Q^e  je  n'entende  point  parler  de  toi  avant  ce  tems-là. 
En  achevant  ces  paroles,  il  m'embrafla  de  bonne  amitié,- 
cyt  me  pouiTa  hors  du  logis. 

Tels  furent  les  adieux  de  mon  père.  Pour  ma  mère,- 
qui  avoit  moins  de  rudrfle  dans  fes  inœurs,  elle  parut 
plus  fenfible  à  mon  départ.  Elle  laifla  couler  quelques 
larmes,  et  miQ  glîiïa  même  dans  la  main  un  ducat  à  la 
dérobée.  Je  forlis  donc  ainfi  d'Olmédo,  et  pris  le  che- 
min de  Ségovie.    Jo  n'eus  pas  fait  deux  cens  pas,  quc;  j®; 

in^ictai 


i 


DX:    GIL    BLAS.  lêy 

in^aD^fttai  pour  vîfiter  mon  fne»     J>*eus*  envie- de*  voir  oe 
qa'fi  )r  avok  dedans,'  et  de  counoStre  pTécH^wernce  que 
jepoffédok^  Pf  trouvai» utra  trôtiffe  où  édâeta tdmi sff  t^Ax r»,  • 
<^  fimiilbientarroîr  rafé  dnc  généraLtront,.  tantîU  étoient 
ufé),  avec  une  bandelette. de  cm  pour  ks  repafièr,  et  un 
zoorceaa  de&fvn.'    Oatri  ceU,  unrcheiuife^de  cbaa'vrre 
toote  neu^e^  oor  vietlk  paire  de  fauUers»  de^  mon  père, 
et  oe  q^i  me  réjouil!  plus  cfit  tout  le  refte,  ime  vingtaino 
de  réaujc  enveloppé»  dâirs  un  ciiiiiea  de  Itngec^    Voîiài 
^ptUûs  èteôent  mes  faealc^s.^    Voofi  jifg^  bie»  par^^^^ 
que  Mâkre   Nicolas^  le  barbier,  cemptok  beaucoup  fuv' 
noe  âfyottf<'fiEih:(e,  puî%tt^ll^  ftfé  hMok  piartîr  aii^eo*  ft  pea> 
dfc'  clioiW  Cependant  la^  poffeiliQa  d\in  dvcat  et  de  vligt- 
réauat,   ne  nuanqua  pais  t^'ébiduir  unr  jtfuwe  homme  qui 
m^atvoit  ja'aifâis  en  d^arg^ent.    Je  cvus' mesfinawcies' iivépttf*' 
fable^r  et  traiurporté  de  joie  je  contitluaf  mon  cfavxnm,  e« 
regardant  dé  momewt  en  msomtnt  la  garde  de  m»  raj^ie^e, 
dont  la  lame  me  battok  à  cllaqoe  pas  le  mollet^  ou  sVm- 
bnrrbColv  danf  mes.  jsiraibesl, 

J^r-ivarî  fuY  le  foîr  au  vUkge^^Âtaquityés,  avec  im 
très  ^ikle  appétit  $  }*aliai  loge):  à  Phôtellene  :  et  ctMttm<^ 
ù  jeufie*  été  eA  étal  de  fat«e  de  la'  dépenfe,  je  demandai 
d'^un  ton  haut  à-  fouper^  L'hète  me  confidér»  quelque 
teiBSy  e8  toyant  ?ï  qiâfi  ii  a^oitàâblpe,  H  me  dit  d^im  atff 
d^ttt  :  ç^r  ^>)^M  geiitîlke«ii&e»  vous<'  feret^  fatitffsnc;.  oa 
V»  vous  tvaileï  eomiÀe  U4l  prince.  En  pariant  de  cettw 
fort^  îl  me  meào-daAf  une  petite  ohambfe,  o^<il  tn^tp« 
pKArtSa,  uff  quart  d^b;eute  a^èsy  tfir  clvé  de  matou,  qiïe  je 
lâangeai  àvee  14  même  arvidîté  quer  $'il  eût  ^é  de  ii<Bvre 
ovdehipîn.  il  dcoompagitaï  cet  excellent  ragoût  d^ua 
vin  qui  étiéh  &  bon^,  d^foit-îH  que  le  Roi  n^en  bÂi^oit  paa 
de  meifMe«ir«  Je  mt^ap^ev^us  pourtant  qtie  ê^étoit  div  vîa 
gâté,  jriafe  cela  ne  la'efflpêrba  pa$  d^  faire  autant 
d'bOAifeur  qu^aru  matou.  11  falut  enfuîte,  pour  «chtirtt 
d*être  trarifé  comnle  un  prince,  que  je  me  eouchaiTe  dan» 
un  Ik  plt3rt  propre  à  caufer  ^inibmnie  ?{ft^»  Pètc^r.  Peig'* 
ireï*vous  lio  gïabat  fort  étroit,  et  fi  court  que  je  ne  pou^ 
voi»  étendre  les-  jjambes,  tout  p«trt  que  j^étof»*  D'aile 
leuris^  il  n^ftvoh  pcMir  msieelars  et  Ht  de  phime,  qu'une 
fimplé  {iaî^tla&  piquée^-  et  couverte  d'un  drap  mie  ea 
doiiible>.  qui  depuis  k  éettàtt  bkiscfaiflflge  »voit  fervî  peiit«i» 
^  .  ■  être 


190  LES  AVANTURES 

■ 

être  à  cents  voyageurs.  Néanmoins,  dans  ce  lit  qiie  je 
viens  de  repréfenter,  Peftomac  jplcin  du  civé  et  de  ce  vin 
délicieux  que  Pbôte  m^avoit  donné,  grâces  â  ma  jeuncfle 
et  à  mon  tempérament,  je  dormis  d^un  profond  fomsacil,^ 
et  paflaî  la  nuit  fans  indigeAlon. 

X»e  jour  fuivanty^rfque  j*eu8  déjeuné  et  bien  payé  la 
bonne  chère  qu'on  m'avoit  faite,  je  me  rendis  tout  d'une 
traite  à   Ségovie.     Je  n'y  fiis  pas  fîtôt,  que  j'eus  le  bon- 
heur de  trouver  une  boutique,  où  Ton  me  reçut  pour  ma 
nourrit  are  et  mon  entretien»  mais  je  n^y  demeurai  que 
itx  mois.     Un  garçon  barbier  avec  qui  j'avois  fait  ccm- 
noiflance,  et  qui  vouloît  aller  à  Madrid,  me  débaucba,r 
et  .je  partis   pour  cette  ville  ^vec  lui.     Je  me  plaçai  là 
fans  peine  fur  le  même  pied  qu'à  Ségovie.     J'entrai  dans 
une  boutique  des  plus  achalandées.     II  èft  vrai  qu'elle 
é^oît  auprès  de  régliTe  de  Sainte  Croix,  et  que  la  proxi- 
mité du  Théâtre,  du  Prince  y  attirott  bien  de  la  pratique» 
Mon  maître,  deux  grands  garçons  et  moi,  nous  ne  pou« 
vions  prefque  fulTire  à  rafcr.     J'en   voyois  de  toutes  for« 
tes  de  conditions,  mais  ei^tre  autres  de.^  comédieos^  et 
des  aut.«urs.     Un  jour  deux  petfonnages  de  cette  demi* 
ère  efpeceh'y  trouvèrent  enfemble.     ils  commencèrent  \ 
s'entretenir  des  poètes  et  des  poélles  du  tems,  et  je  leur 
entendis  prononcer, le  nom   de  mon  onele«     Cela  me 
rendit;  plus  attentif  à  leur  çliicours  que  je  ne  Pavois,  été» 
Don  Juan  de  Zavaléta,  difoit  l'un,  èd  un  auteur  fur  le- 
quel il.  me  paroit  que  le  pubUe  ne  doit  pas*  compter* 
C'èil  un  efprit  froid,  uo^  homme  (ans  imagination  ^  (à 
dernière  pièce  Pa  furieufement  décrié.     £t  Louis  Vêles 
de  Guévara,  difoit  l'autre,  ne  vient-il  pas  de  donner  un 
bel  ouvrage  au  public  l  A-ton  jamais   rien  vu  de   plus 
ipiferable  \  Ils  nommèrent  encore  je  ne  fais  combien  d'au*- 
très  poètes  dont  j'ai  oublié  les   noms  \   je  me  fou  viens 
feulement  qu'ils  en  dirent  beaucoup  de  mal.    -Pour  mon 
Qocle,  ils  en  firent   une  mention  plus  honorable,     lis 
convinrent  toua  deux   que  c'étoit  un  gai çon  de  mérite* 
Oui,  dit  l'un.  Don  Pedro  de  la  Fuente  eft  un  auteur  ex- 
cellent.   Il  y  a  dans  fes  livres  une  fine  plaifanterie  n^lée 
d'érudition,  qui  les  rend  piquants  et  pleins  de  fel.   Je  ne 
fuis  p&s  furpris  s'il^èft  eAimé  de  la  cour  et  de  la  ville,  et 
fi  pluûeuis  grands  lui  font  des  peniions.  11  y  a  déjà  b^ea 
•/    /  "        •       dci 


D  E    G  I  L   B  L  A  s.  iji 

éts  aaoées,  dît  l'autre,  qa'il  jouit  d'un  aflez  g^ros  reve- 
nu. 11  a  fi  nourriture  et  fon  lo^einent  chez  le  Duc  de 
Médina  Céli,  îl  ne  fait  point  de  dépenfe,  il  doit  être  fort 
bien  dans  fes  affaires. 

Je  ne  perdis  pas  un  mot  de  tout  ee  que  ces  poètes  di« 
rent  de  mon  oncle.     Nous  avions  appris  dans  la  Camille 
^a'il  fefoît  du  bruit'  ^  Madrid  par  Tes  ouvrages.     Quel* 
qoes  perfonnes,  en  paiTant  par  Olmédo»  nous*  Tavoient 
dit  ;  nais  comme  il  oégUgeoit  de  nous  donner  de  fes 
nouvelles,  et  quHl  parroiiToît  fort  détaefaé  de  nous,  de  no* 
tre  cOté  nous  vivions  dans  une  très  grande  indifférence^ 
pour  lui.     Bon  iang  toutefois  ne  peut  mentir.     Dès  que 
j^entendis  dire  qu'il  étoit  dans  une  belle  paffe,  et  que  je 
fus  où  il  demeuToity  je  fus  tenté  de  l'aller  trouver.     Une. 
cbofe-m'embarraffuit,  le^  auteurs  Tavoienl  appelle  Don 
,    Pedro.     Ce  Don  me  fit  quelque  peine,  et  je  craignis  que 
ce  ne  fut  un  autre  poète  que  mon  oncle.     Cette  crainte 
pourtant  ne  m'arrêta  point.     Je  crûs  qu'il  pouvoît  être 
devenu  noble  ainfî  que  bel-efprit,  et  je  réfolus  de  lavoir» 
pour  cet  effet,  avec  la  permtâion  de  mon  maître,  je  m'a- ^ 
jttûai  un  matin  le  mieux  que  je  pus,  et  je  fortis  de  notre 
bqutique«  un  peu  fier  d'être  neveu  d'un  homme  qui  s'é- 
toit  acquis  tant  de  réputation  par  fon  génie.     Les  b»r« 
blers.ne  font  pas  les  gens  du  monde  les  moins  fufceptibles 
de  vanité.  •   Je  commençai  à  concevoir  une  grande  opi- 
nion de  moi,  et  marchant  d'un  air  préfomptueux,  je  me  fis 
enfeigner  l'Hôtel  du  Duc  de  MédinaCéli.     Je  me  pré- 
fentois  à  }a  porte,  et  dis  que  je  fouhaitois  de  parler  au  Sei- 
gneur Don  Pedro  de  la  Fuente.     Le  portier  me  montra 
du  doigt,  au  fond  d'une  cour,  un  petit  efcalier,  et  me  ré* 
pondit  ;  Montez  par  là,  puis  frappez  à  la  première  porte 
que  vous  rencontrerez  à  main  droite.  Je  fis  ce  qu'il  me 
dit*  Je  frappai  à  une  porte.   Une  jeune  homme  vint  od- 
vrir,   et  je  lui  demandai  fi  c'étoit  là  que,logeoît  le  Sei- 
gneur Don  Pedro  de  la  Fuente.     Oui,  me  répondit- il, 
inais  vous  ne  fauriez  lui  parler  préfentement.     Je  fercds 

.  bien  aife,  lui  dis*je,  de  l'entretenir,  je  viens  lui  apprendre 
des  nouvelles  de  fa  fanîiille.  Quand  vous  auriez,  repar- 
tit-il, des  nouvelles  du  Pape  à  lui  dire,  je  ne  vous  intrp- 

.  duirois  pas  dans  fa  chambre  en  ce  moment.  Il  compofe» 
«t  lorfqu'ii  travaille)  il  faut  biea  fe  garder  de  le  diûrai^e* 

de 


'4ic  foncAiiyflRge*    J1>ne  fera'l^i^leiqu^  lîirje^.wtft    Al- 

•  kz  iauit  uiifUur,  («t  ^vonczjdaA^ice  tem^-ll^.  .    . 

J«  fodjb|)et  q^epiom^nni  iiWi^  la  jruftlînep  4^9  dà  .ville; 
en  fongeant  fans-cefTe  à  la  rëceptiop  qur  laPU  .Ql\c]ie;iQie 

•  fcroit.    Je  -crois,  >diibb«j$  eainoÂimmc»  jqu^til.fe»  ravi 
•dé  ne  voir.     Je^iigcolB  4e  d^  fantinifiM  pftr  J4fijiPÂm<9 

•  Jet  je  me  pfépocois  à  une  iveiQQnQoiflaiiOf  ifort  tORcb^l^* 
Je  vetoutDai  chez  hSx  ttk^^WigKMifi  ^rbfittro.qu^ooiiiia- 

:  voit  marquée.     V!OUA>am«ec  'à-propos^  rmeniïtlfM  y^Iot. 

JMon  maître  .ira > bientôt  fortir,.aU0m)e9i  iQijttninftftyit,  je 

•vais  vous  i  annoncée  ^jAioos  mQl$,il|i>e  lalflii>iltsi<i  T^li- 

•  chambre.  11  tyire.vmt  <un>mom^t  c^rà»  et  Joe  fit:f|i- 
-  trer  >dans  ila  chambteide  libnimaitrc,  4oAjt  Je  :yifag^:ipe 
'  frappa  id^bord  par  iuii  }aK ide  fomillç.  Il:Qie  .feo^blacque 
'  c^étoit  rffion  .oode  Xhomafi*  :tfint  îk  fej^efiembloienttQiis 
.deu-x.  Je  le  :raliiai  «vep^uo  profond  ffe(iie&i  et^iuidîs 
que  j^étois 'iils.de  MRitfe-J!))ic olas.de. la .JËaent.e,  bvbier 

-^d^Ohnédo.  ije  lui  appris: aufTt  que  jîe^fticois -à: Mndrid ^de- 
puis trois  liîsmainesile  vnéiKx  de, mon  pereicniquaUi^  de 
:gaTçon,7et(qtK.3'avois.deffeln4e  fatre.le  v>ur  de  TtËfpagne 
pour  me  peifeâÎDnr>er.     Tai^dis  que  je  parloit,  je  m'ap- 
.. perçus  que :mon  oncle  ,r]êyoit.    JLdoutoît  appMremineiit 
s^il  me.de(asroûeioit:pour  ton  n«««n,  ,QÛ  s?il  fe  àébtolt 
adroitement  de  .moi.    .IlcQboifîttce  dernier  parti,     ll.df- 
ffifla   de. prendre  un  jair triant,  et-.meidit,  Hé.biea,  •  mon 
ami,  comment  (e  .portent  !ton  pere^et  :le54  0i)cks'?  ;^ans 
quel  état  font  leurs  affaire  &  ?  Je  commençai  ila^deffus- à 
lui  repréfenter  la  propagation  copieufe-de  notre  Emilie. 
Je  lui  en.  nommai  tous  Içs  .enfants^  mâles  .et  fendilles,  :et  je 
compris  dans  £ettelifte.ju(qu'à.kui;s.j>auiins  4t  leurs  «u- 
raines.  Il  ne  parut  pas  s7intéréiler  inénisnent.^  cedétajl, 
'  et  venant  à  fes  fins  :  I)iégQ^repritfil,ij^appri9U>?e.fQrtq^e 
tu  cours  lot  pa^s  pour  ^te  rendre. parfait  jdaasc ton  avt,  et.je 
-teconfeille  de.ne  pOint  tfarrêter.plus.longtems  à.Madiid 
C'èftnnfcjour  pernicieux  pour  laj^uneffe,  tu,t*y  perdrpis, 
fnpn  enfant..  Tu  feras  mieux.d'àUer  dans  les- autres  ..villes 
-duroyaume,  les  mœurs:  n^y.foiit  pasi  û  cortomp,ueA«    -.Va* 
t*en,  pourfuivit:il,  etquand  tu  feras,  prêt  àj  partir,  viei^s 
-lae  revoir,  Je  te  donnecai  une  piitole  pour  t'taider  affaire 
|«  tour  de  PËfpftgne.    (£n  di&ntiC^s  paroiks,  il^me  mit 
doucement  bois  delà  chanibie^  et  ^e.reavoya. 


D  £    G  I  L   B  L  A  s.  193 

• 

Je  nVus  pas  l'erprit  de  m'appercevoîr  qu^îl  ne  cherchoit 
"qu^  m^éloigner  de  lui.  Je  regagnai  notre  boutique,  et 
rendis  compte  ii  mon  maître  de  la  vîfîte  que  je  venois  de 
faire*  11  ne  pénétra  pas  mieux  que  moi  Pintentit>n  du 
^Seigneur  Don  Pedro,  et  il  me  dît  :  Je  ne  fuis  pas  du  fen- 
timcnt  de  votre  oncle.  Au  lieu  de  vous  exhorter  à  cou- 
rir le  pays,  il  devoit  plutôt,  ce  me  femble,  vous  engager 
à  demeurer  dans  cette  ville.  Il  voit  tant  de  perfonnes 
de  qualité,  il  peut  aifément  vous  placer  dans  une  grande 
maîfbn,  et  vous  mettre  en  état  de  faire  peu  à  peu  une 
^offe  fortune.  Frappé  de  ce  difcours,  qui  me  préfentoîc 
de  fiatteufes  images,  j^allai  deux  jours  apr^s  retrouver 
mon  oncle,  et  je  lui  propofai  d'^em ployer  (on  crédit  pour 
me  faire 'entrer  chez  quelque  Seigneur -de  la  Cour.  Mais 
la  proportion  ne  fut  pas  de  fon  goût.  Un  homme  vain» 
qui  entroit  librement  chez  les  grands,  «t  qui  mangeoit 
tous  les  jours  avec  eux,  n^toit  pas  bien-aife,  pendant  qu'il 
feroit  à  la  tablé  des  maîtres,  qu^on  vît  fon  neveu  à  celle 
des  valets.  Le  petit  Diego  auroit  fait  rougir  le  Seigneur 
Don  Pédi'o*  11  ne  manqua  donc  pas  de  m'éconduire,  et 
même  très  rudement.  Comment,  petit  libertin»  me  dit^îl 
d*un  -sur  furieux,  tu  veux  quitter  ta  profeflion  !  Va,  je  t'a- 
bandonne aux  gens  qui  te  donnent  de  €1  pernicieux  con- 
feils.  Sors  de  mon  appartement,  ^  n^y  remets  jamais  le 
pied,  autrement  je  te  ferai  châtier  comme  tu  le  mérites.  Je 
iuis  bien^étouFdi  de  ces  paroles,  et  plut  encore  du  ton  fur 
le  quel  mon  oncle  le  prenoit.  Je  me  retirai  les  larmes  aux 
yeux,  et  fort -touché  de  la  dureté  qu*il  avoît  pour  moi. 
Cependant,  comme  j^ai  toujours  été  vif  et  fier  de  mon  na- 
turel, j^effuyai  bientôt  mes  pleurs.  Je  paffat  même  de  la 
douleur  à  l'indignation,  et  je  refolus  de  kilTer-là  ce  mau» 
vais  parent,  dont  je  m'étois  bien  paffé  jufqu'à  ce  jour.  * 
'.  Je  ne  penfai  plus  qu^à  cultiver  mon  telent.  Je  m'at- 
tachai au  travail.  Je  rafoîs  toute  là  journée  ^  et  le  foir, 
pour  donner  quelque  récréation  à  mon  efpiit,  j'apprcnois 
à  jouer  de  la  guitarre.  J'avois  pour  maître  de  xet  in- 
irburoent  un  vieux  Segnor  Efiudéro^  à -qui  je  fefoîs  la 
barbe.  11  me  montroit  auâl  la  mufîque,  qu'il  favoit  par* 
faiiement.  H  èd  vrai  qu'autrefois  il  avoît  été  chantre 
dans  une  cathédrale.  11  fe  nommoit  Marcos  d'Obré-  . 
gon;  C'^loit  une  homme  fage,  qui  avoît  autant  d'cfprit 
^ue. d'expérience,  et  qui  m'aimoit  comme  fî  j'eufl'c  été  foa 


>^6  LES    AVANT  URE  s 

manque  de  refpeô.  Enfin,  il  lui  écbappa  tant  d^imper** 
tinenccs,  que  je  ne  pus  mVmpècher  de  lui  dire  tout  ce.^* 
que  je  penfoi»,  au  hazard  de  lui  déplaîre.  Je  lui  repré- 
kntai,  avec  le  plus  de  ménagement  toutefois  qu^tl  me  fut 
polfible,  qu'elle  fefoit  tort  à  la  nature»  et  gâtoit  mille 
bonnes  qualités  par  fon  humeur  fauvage  9  qu^uoe  femme 
douce,  et  polie  pou  voit  fe  faire  aimer  fan&le  fécours  de  la 
beauté,  au  Heu  qu'une  belle  perfonne  fans  la  douceur  et 
la  politefle  dei^noit  un  objet  de  méprit.  J'ajoutai  à  ces 
ralfcnnements  je  ne  fais  combien  d'autres  femblables,  qui 
a  voient  tous  pour  but  la  correélion  de  fes  rooiurs*  Après 
^voir  bien  moralifé,  je  craignis  que  ma  francHifé  n'excitât 
\sL  colère  de  ma  maîtrefle,  et  ne  m'attirât  quèlqpe  défa« 
gréible  repartie  }  néanmoins  elle  ne  fe  révolta  pas  contre, 
ma  remontrance,  elle  fe  contenta,  de  la  rendre  inutile, 
de  même  que  celles  qu'il  me  prit  ibttement  envie  de  luL 
faire  les  jours  fuivants. 

Je  me  laifai  de  l'avertir  «n  vaîù  dr  £cs  défauts,  et  je 
l'abandonnai  à-  la-  férocité  de  fon  natureL  Cependant 
le. croiriez- vous  ?  cet  efprit  farouche,  cette  orgttciUeuiÎEi 
femme  èil  depuis  deux  nbiois  entièrement  changée  d'hu- 
meur. Elle  a  de  Thonnêteté  pour  tout  le  monde,  et  deau 
manières  très  agréables.  Ce  n^èâ  plus  cette  même  Mer* 
gélina,  qui  ne  répondoit  qpe  des  fottifes  aux  hommes  qui 
lui  tenaient  des  dlfcours  obligeants.  Elle  ell  devenue  fen* 
iible  aux  louanges  qu'on  lui  donne«  Elle  aime  qu'on, 
lui  dife  qu'elle  è(l  belle,  qu'uo  homme  ne  peut  la  voir, 
impunément.  Les  Ealteries  lui  plaifent  ^  elle  èll  préfente- 
ment.comme  une  autre  feinme.  Ce  changement  èfl  ^ 
peine  concevable  ;  et  ce  qui  doit  encore  vous  étonner 
davantage,  c'èxt  d'apprendre  que  vous  êtes  l'auteur  d'un. 
il  grand  miracle.  Oui,  n)on  cher  Diego,  continua  l'écuj. 
er.  c'èit  vous  qui. avez  ainii  métamocphofé  Donna  Mer- 
gélina  ^  vous^ave^  fait  une  brebis  de  cette  tig^elfe.  £a 
un  mot,  vous  vous  êtes  attiré  fon  attention  'y  je  m'en  fuis 
apperçu  plus  .d'une  fois,  et  je  meconnois  mal  en  femmes,^ 
ou  bien  elle  a  Conçu  pour  vous  un  amour  très  violent* 
Voilà,  mon  fils,  la  trifte  nouvelle  que  j'av<ys  à  vous  an- 
noncer, et  la  fâcheufe  conjonâure  où  jious  nous  trouvons. 

Je  ne  vois  pas,  dis-je  alors  au  vieillard,  qu'il  j  ait  là.- 
dedans  un  û. grand  fujet  d'affliction  pour  nouS}  ni  que  ce. 

foiti 


DE   Gît   fit  A&  1^7 

k\t  uft  malheur  pour  mol  d^étre  aimé  d'îsne  jolie  dame; 
Ah  Diego  !  repliqua*t*il,  vous  raiibnBe2  en  jeune  hom« 
ibe.     Vous  ne  voyez  que  l'appât^  tous  ne  prenez  point 
l^arde  à  l'hanieçon«     Vous  ne  reg;9rdez  que  le  plaifir,  et 
fiioi  j^envifa^e  tous  les  défagréments  qui  le  fui  vent.  Tout 
éclate  à  la  6n.     Si  vou»^  eominuez  de  Tenir  chanter  %- 
notre  porte»  vous  irr itérer  la  pafHon  de  M ergélîna,  qui 
perdant  peut-être  tout' retenue,  laifiera  voir  fa  foibleiTs 
au  Doâeur  Olorofo  Ton  mari  ;   et  ce  mari  qui  fe  montre 
aujourd'hui  û  oomplaifant,  parce  qu^il  ne  croit  pas  avoir 
fujet  d'être  j^Tôux,  deviendra  furieux,  fe  vengera  dVlle, 
et  pourra  nous  faire  à  vous  et  3  moi'  un  fort  mauvais- 
parti.    Hé  bien,  repris-je.  Seigneur  Marcos,  je  me  rends  - 
ft  VOS"  raifons,  et  m'abandonne  !k  vo^'confeils.    Prefcri* 
T^es'-moi  la  conduite  qne  je  dois  tenir;  pour  prévenir  tout 
fidiilre  accident.     Nous^  n'avons  qu*k  ne  plus  faire  de 
concerts,  repartft.il.     Ceflez  de  parohre  devant  ma  maî<- 
f^clfe.     Quand  «lie  ne  vous* verra  plu^s,  tçllè  reprendra  fa 
tranqi:^!itc.     Demeurez  chez  vtïtre maître;  j'irai- vou«* 
f  trouver,  et  nous  jouerotis-lâ'de  la  guîtarre  fans  péril. 
J*y  Confens,  lui  dis-je,  et  je  vous  promets  de  ne  pluS' 
«ttettrè  1%  pfcd  ehez  vous;    Effeftîve^ent  je  réfolus  de  ttè  ■ 
plus  aller  chanter  à  la  porte  du*médecin,  et  de  mr  tenir  ' 
déformais  renfermé  dans  ma  boutiq\>e,  puifque  j'étois  aa* 
homme  £i  dangereux  à  voir. 

Cependant  le  bon  écuyer  Marcos,  avec  toute  ia  pru- 
dence, é|>rouva  peu  de  jours  après,  que  le  moyen  qu'il' 
avmt  imaginé  pour  éteindre  les  feux*  de  Donna  Mergéli* 
îia,  prodttifoit  un^  effet  totrt  contraire.     La  dame,  dès» 
la  féconde  nuit,  ne  m'tntend«nt  point  chanter,  lui  de» 
manda  pourquoi  nous  avions*  difcontinué  nos  concerts,- 
erpour  quelle  raifon  elle  ne  me  vojoit  plus.     Il  lépon- 
dit  que  j'étois- fi  occupé;  que  je  n'avois  pas  un  moment' 
il  donner  à  mes  plaifirs;     £He  parut  fe  contenter  de  cette^^ 
excufe,  et  pendant  trois  autres  jours  encore  elle  foutint 
mou  abfeiice  ave«  afifez  de  fermeté*,  mais  au  bout  de  ce 
tems-là  ma  princefie  perdit  patience,  et  dit  I^Ton  écuy- 
er.  Vous   me   trompez,  Marcos.      Dîégo  n^a  pas  ceffé- 
fans  fujet  de  venir  ici  ;    il  y  a  là  deffous'un  myiîere  que 
Je  veux  éclaircîr.     Parlez,  je  vous  l'ordonne,  ne  me  ca« 
ohez  rien.     Madame,  lui^  répondit-il  en  la  payant  d'une 
autre  défaite,  puifque  vous  fouhaitez  de  favoir  les-chofes, 

R  3  j^ 


joo  LES    AVANTURES 

fa  maitreflV.  D^abofé  qu«  cette  dzrat  fut  mon  atftifw 
ture,  et  me  vit  tel  que  j^'étois,  e^le  tne  i^ij^nk  autctnt  que 
fi  les  plus  grandi  maibeuts  me  fuileiit  arrivés  ;  ptattipoCm 
tropbant  la  perfonne  qut  n^avoît  ttccommadé  de  eetfe* 
roaniere,  elle  lui  dônntr  nitllt  aialédi^ioda.  Hé,  f^a- 
dame!  Jur dhr Mareds,  modère*  vos  trafifp^nt», ooitfidé. 
rez  que  cet  événement  èft  ua  pur  e^  du^  hgLtstrd^  il  nVn 
faut  point  avoir  un  reflentimeiit  fi  vif.  Pourquoi  ne  vou- 
lez vous  pas  que  je  teifenté  vivêvmit  roffeofe  qu'en  a- 
imite  à  ce  petH  agneau,  à  cette  colombe  fans  fiel,  qui  ne» 
fe  pliiint  feuleBMnt  pas  de  routrttg^e  quHl  à  ^u  f  Ah  !' 
que  ne  fuîs*je  homme  en  ee  moment  po»r  le  ¥ehger  ! 

£lle  dît  une  infinité  d'autre^  cbtffes  tpà  marquoient  bi« 
en  Pexcès  de  fon  amour,  qu'elle  ne  fit  pas  moins  éclatei»' 
par  ces  a^ion»  :  Cfrr  tandis  que  Mtoeoa  s\)tcnpoit  k  m*ef« 
fuyet  avec  une  ferviette^  elle  coiirut  dan^  fa  t;batnbre,  et 
en  apporta  une  botte  remplie  de  toutes  forte»  de  parfumsi- 
£lle  brûla  des  drof  «es  odoriférante»,  et  en  ^rfuma  me^^ 
habitSY  après  quoi  elle  répandit  fur  eux  des  effenoe^eti'aw- 
bondance,    La  fumig^atiotl  et  Pafptfrfion  finies-,  cette  cbaJ- 
rîtàble  femme-  alla-  chercher  elle-même  daAs  là  emime,, 
du  pain,  du  vin,  et  quelques  robreeanx  de  mouton  rfttt^. 
qu'elfe  avoît  mis  X  part  pour  moi*     Elle  m'obligea  de 
manger;   et  prenant  plaifir  ^  me  ferrir,  tantôt  elle  me* 
cou poit  ma  viande^  et  tantôt  elle  me  verfoît  à  boire,, 
malgré  tout  ce  que  nous  pouvions  faire»-  Marcos  et  moi, 
pour  IVn  empêcher.    Quand  j*eiss  foùpé,  me(?îeurs  de  Isi" 
fymphonie  fe  préparèrent  à^bien  accorder  leurs  Toijt avec 
Bîurs  guitarres  -y  nous  fîmes  un  concert  qui  charma  Mer- 
gélina.     tl  èft  vrai  que  nous  affe^ions  de  chanter  def- 
airs  dont  les  paroles  flattoient  fon  amour,  et  il  faut  re* 
marquer  quVn  chantant  je  la  regardois-  quelquefois  du- 
com  de  l'osi],  d'une  manière  qui  mettoit  le  feu  au^  é^^ 
toupc»;  car  le  jeu  oommençoit  à  me  plaire.  Le  concert^ 
quoiqu'il  durât  depuis   longtems,  ne  m'ennu)rott  point; 
Pour  la  dlime,  à  qui  lès^  heures  paroiiToient  des*  moments^- 
eller-auroit  volomîcrs  paffé  la  nuit  à  nous  entrndre,  fi  le 
vieil  écuyer,  à  qui  les  moments  paroi&ient  des*  heures^ 
ne  l'eût  fait  fouvcnir  qu'il  étoit  déjà. tard.     £llè  lui  don*. 
na  bien  dix  foi»  la  peine  de  répéter  cela  :  mais  elle  avoit 
affaire  à  un  homme  rnfatigable  là^delTus,  il  ne  la  laifî^ 
point  en  repos  que  je  né  &fle  fort!»  Comme  il  étoit  fage 

et 


I>E  GIL  BL  AS.  ooi 

et  prudent,  et  qu^îl  voyoit  fa  maltrefle  abandonne  à 
Vne  folle  paffîon,  ,îl  craignit  qu^il  ne  nous  arrivât  quel* 
que  traverfe.  Sa  crainte  fut  bientôt  juilifîée.  Le  mé- 
decln,  foit  qu^l  fe  doutât  de  quelque  intrigue  feccete, 
fbit  que  le  démon  de  la  jalouse,  que  Tavoit  refpeélé  juT- 
qu'alors,  voulût  Pagiter,  fr^avifa  de  blâmer  nos  concert^» 
11  fît  plus  y  il  les  défendit  ^n  maître,  et  fans  dire  les  rai* 
fons  qu^il  avoit  d'en  ^fer  de  cette  forte,,  il  déclara,  qu^il 
ne  fouffiriroit  pas  davantage  qu'on  reçut  des  étrange rs^ 
cbez  lui. 

Marcos  me  iîgniôa  cette  déckration,^  qui  me.regardoit 
pariculieremeut,  «et  dont  je  fus  très  mortifié,  pavois 
conçu  des  afpécanpes  que  j'étots  jBsché  de  perdre.  Néao- 
n}oins,pour  rapporter  lescbofes^cn  fidèle  luftorien,  je  vous, 
avouerai  que  je  pris  mon  mulhaux  ei^  patience.  .11  n^en- 
fat  pas  de  même  de  Mergélioa,  fes  fentiments  en  devin- 
rent plus  vifs.  IVIon  cher  Marcos,  dit -elle  à  fon  écuj^er^i 
c^èd  de  vous  feul que  j ^attends  du  fécours.  Faites  en  forte,, 
je  vous  prie,  que  je  puiffe  voir  fecretement  I>iégo.  Qup 
me  demandez- vous,  répondit  le  vieiHard  avec  colère  t 
Je  n^ai  eu  que.  trop  de  complaifance  pour  vous.  Je  na 
prétends  point,  pour  Satisfaire  votre  ardeur  infenfée,  con^ 
trîbuer  à  deshonorer  mon  maître,  à.  vpus  perdre  de  ré* 
putation,  et  à  me  couvrir  d'infamie,  mfii  qui  ai  toujours 
paâié  pour  un  dom^ique  d'une  conduite  irréprochable.. 
J'aime  inieux  fortir^e  votre  maifon,  que  d'y  fervir  d^une 
manière  fi;  ho nteufe. ,  Ah,  MarcpsJ  interrompit  la  dame 
toute  effrayée  de  ces  dernières-  paroles^  vous  me  percez. 
le  cœur  quand  vous  mé  parlez  de  vous  retirer.  Cruel  l 
v<ous  fongez  à  m?abandpnner,  après  m'^avoir  réduite  dans 
Vétat  où  je  fuis  !  Rendez>moî  donc  auparavant  mon  or- 
gueil, et  cet  efprit  fauvage  que  voas  m^avéz  ôté  !  Que. 
n'ai'je  encore  ces  heureux  défauts  !  Je  ferois  aujourd'hui 
tranquille,  au  lieu  que  vos  remontrances  indifcrettes 
m'ont  ravi  le  repos  dont  je  jouiffois.  Vous  avez  corrom* 
pu  mes  mœurs,  ei^  voulant  les  corriger. — Mais,  pour* 
fuivit-elle  en  pleurant,  que  dis-je  malhcureufe  !  pour*. 
quoi  vous  faire  d'injufUs  reproches?  Non,  mon  père, 
vous  n''êtes  point  l'auteur  de  mon  infortune,  c'èÛ  mon. 
mauvais  (brt.qui  me  préparoit  tant  d'eunui.  Ne  prenez 
point  garde,  je  vous  en  conjure,  ^ux  difcpurs  extra  va-, 
gaùts  imi  m'échappent.    Helas  i  ma  pailîon  m^e  trouble^ 

l'efpritj,. 


âo»  LES   AVANTURES 

r 

refpînt  ^  ayez  pitié  de  ma  fbtbleffe,  vous  êtes  toute  ma 
confolatîon  >  et  fi  ma  vie  vous  eft  cfaere,  ne  me  refufez 
point  votre  adîftance. 

Ses  pleurs  redoublèrent  à  ces  mots,  de  forte  qu'elle  ne 
put  continuer.     Elle  tîrti  fon  mouchoir,  et  s'en  couvrant 
le  vifage,  elle  fe  laifia  tomber  fur  une  cbaife,  comme  une 
perfonne  qui  fuccombe  à  fon  affliâion.     Le  vieux  Mar- 
cos,  qui  étoit  peut-être  la  meilleure  pâte  d'écuyer  qu'on 
vit  jamais,  ne  réfifta  pe^nt  à  un  ipe^aele  fi  teuchsrnt.    lit 
en  fut  vivement  pénétré  *,  il  confondit  même  Tes  larme» 
avec  celles  de  fa.  maîtrefie,  et  lui  dit  d'un  air  attendri, 
Ab,  Madame,  que  vous  ^ètés  féduif^nte  1  je  ne  puis  tenir 
contre  votre  douleur,  elle  vient  de  vaiiicre  ma  vertu,  je 
vous  promets  mon  fécoars.     Je  ne  m'étonne  plus  fi  l'a« 
mcur  a  la  force  de  vous  faire  oublier  votre  devoir,  puis- 
que la  coropaflion  feule  eft  capable  de  m'^écarter  du  mien. 
Afnfi  donc  Pécuyer,    nralgré  fà  conduite  irréprochable^ 
fe  dévoua  fort  obligeamment  à  la  p^rdîon  de  Mergélîna. 
11  vint  un  matin  m'indruîre  de  touT  cela,  et  il  roe  dit  ea 
me  quittant,  qu'il  concertait  déjà  dans  fon  efprit  ce  qu'il 
avoit  à  faire  pour  me  procurer  une  lecrete  entervue  avec 
la  dame.     Il  ranima  par -là  mou  efpérance  )  mai^,  deux 
heures  après,  j'apris  une  trè^mauvaife  nouvelle.     Un 
garçon  apoticaire  du  quartier,  une  de  nos  pratiques,  entra 
pour  fe  faire  faire  la  barbe.    Tandis  que  je  me  difp^foîs  à 
le  rafer,  il  me  dit,  Seigneu^  I^iégo,  comment  gouvernez'* 
vous  le  vieil  écuyer  Marcos  d'Obregon  votre  ami  ?  Sa- 
VC2-VOU8  qu'il  va  fortir  de  chez  le  Doâeur  Olorofo  ?  Je 
répandis  que  non.     C'èft   une  chofe  certaine,  reprit-iL 
On  doit  aujourd'hui  loi  donner  fon  congé.     Son  maître 
et  le  mien   vietment,  toutà-l'hcure,  de  s'entretenir  de- 
vant moi  i  ce  fujet,  et  voici, ^pouffuitrit- il,  quelle  a  été 
leurconverfation.     Seigneur  Apuntador,  a  dit  le  méde- 
cin, j'ai  une  prière  ^  vous  faire  :  je  nre  fuis  pas  content 
d'un  vieil  écuyer  que  j'ai  dans  ma  maifon,  et  je  voudrois 
bien  mettre  ma  femme  fous  la  conduite  d'une  duègne  fi- 
dèle, févere,  et  vigilante.    Je  vous  entends,  a  intcrompu 
mon  maître.     Vous  auriez  befoin  de  Ta  Dame  Méhmcia» 
qui  a  fcrvi  de  gouvernante  à  mon  époufe,  et  qui  depuis 
fix  fématnes  que  je  fuis  veuf,  demeure  encore  chez  moi. 
Quoiïju'elle  me  foit  utile  dans  mon  ménage,  je  vous  Ja 
cède,  à  caufe  de  l^érct  paiticulxtr  que  je  prends  à'  votre 

honneur* 


.    DEGILBLAS,  ^o$ 

faoniiear.  Vous  pourrez  vous  f  epofcr  fur  elle  de  U  fureté 
àe  votre  front.  C*èft  la  perle  des  dueg«es,  un  vrai  dran 
£oa  pour  garder  la  pudîcîté  du  fexe*  Pendant  doU2« 
années  entières  qu'elle  a  été  auprès  de  ma  femaoe,  qui 
comme  vous  favez  avMt  de  la  jeuaefle  et  de  la  beauté  je 
n'ai  pas  vu  Pombre  d'un  galant  dans  ma  raaifon.  Oby' 
vive  I>iett9  il  ne  falloit  pas  s'y  jouer  !  Je  vous  dirai  même 
que  la.défunte  avoit  dans  les  commencements  une  grande 
propenfion  à  U  coquetterie  ;  mais  la  Dame  Mélancla  la 
refendît  bientôt,  et  lui  infpÎFa  4u  goût  pour  la  vertu* 
£nfin  c'èfl  un  tréfor  que  eett«  gouvernante,  et  vous  me 
remercierez  plus  d'une  fois  de  vous  avoir  fait  ce  pxéfent. 
Là-deflus  le  Doâeur  a  témoigné  que  cedîfcours  lui  don- 
noit  bien  de  la  j<Me,  et  ils  font  convenus,  le  Seigneur  A* 
puatador  et  lui,  que  la  duègne  iroît  dès  ce  jour  remplir 
la  place  du  vieil  écuyer. 

Cetle  nouvelle,  que  je  crus  véritable,  et  qui  Pétoit  en 
effet,  troubla  les  idées  de  plaiiir  dont  je  recommençois  à 
me  repaître  ;  et  Marcos,  Tapirès  dinée,  acheva  de  les 
coa fendre,  en  confirmant  le  raport  du  garçon  apotioaire* 
Mon  cher  Diego,  me  dit  le  bon  écuyer,  je  fuis  ravi  que 
le  Doékeur  Olorofe  m'ait  chafîé  de  fa  maifou  ^  il  m'épar« 
gne  par-là  bien  des  peines.  Outre  que  je  me  voyots  h 
regret  chargé  d'un  vilain  emploi,  il  m'auroit  fallu  ima* 
gioer  des  rufes  et  des  détours  pour  vous  feire  parler  en 
fecret  à  Mergélina.  Quel  embarras  !  grâces  au  Ciel,  je 
fuis  délivré  de  ces  foins  fâcheux»  et  du  danger  qui  les 
accômpagnott»  De  votre  côté,  mon  fils,  vous  devez  vous 
Goofoler  de  la  perte  de  quelques  doux  moments  qui  auroi* 
eut  pu  être  fuivis  de  mille  chagrins.  Je  gontai  la  morale 
de  MarcoSy  parce  que  je  n'eipérois  plus  rien,  et  je  quittai 
la  partie.  Je  n'étois  pas,  je  l'avoue,  de  ces  amants  opi- 
niâtres qui  fe  roidifTeot  contre  les  obClacles  ;  mais  quand 
Je  l'aurois  été,  la  Dame  Mélancia  m'eut  fait  lâcher  ptife. 
Le  caraâere  qu'on  donnoit  tl  cette  duègne,  me  paroifibit 
capable  de  de&fpérer  tous  les  galants.  Cependant,  a* 
vec  quelques  couleurs  qu'on  me  l'eût  peinte,  je  ne  laîflai 
pas,  deux  ou  trois  jours  après,  d'apprendre  que  la  femme 
do  médecin  avoit  endormi  cet  Argus,  ou  corrompu  fa  fi- 
délité. Comme  Je  fortois  pour  aller  rafer  un  de  nos  voi- 
fins,  une  bonne  vieille  m'arrêta  dans  la  rue,  et  me  de* 
manda  û  je  ni^ppellois  Diego  de  la  Fuente*     Je  rép on« 

dis 


ip4  LESAVANTURES 

dis  qu^ou!.  Cela  étant»  reprit»  elle,  c*èft  à  tous  que  j>ai 
affaire.  Trouvez-vous  c€tt«  nuit  à  la  porte  de  Donna 
Mergélrna,  et  quand  vous  j  ferez,  faîtes  le  connoîtrepar 
<]uelqtie  fignal,  et  Ton  vous  introduira  dans  la  maifon. 
Hé  bien,  lui  dis-je,  il  faut  couvenir  du  fîgne  que  je  don*^ 
nerai.  Je  fais  contrefaire  le  chat  à  ravir  je  miaulerai  à 
diverfes  reprtfes.  C*èft  aflez,  répliqua  la  n^eflagere  de 
galanterie,  je  vais  porter  votre  réponie.  Votre  iervante, 
Sçigneur  Diego,  que  le  Ciel  vous  conferve  !,  Ab  que  vous 
êtes  gentil  !  Par  Sainte  Agnès,  je  -voudrois  ii*avoîr  que 
quinze  ans,  je  ne  vous  chercberois  pas  pour  les  autres  ! 
À  ces  paroles,  PofRcieufe  vieille  s'éloigna  de  moi. 

Vous  vous  imaginez  bien  que  ce  mefiage  m^gita  fu- 
rieufement.^  Adieu  la  morale  de  Marcos.     J^attendis  la 
Duît  avec  impatience,  et  quand  je  jugeai  que  le  Doéieur 
Olorofo  repofoit,  je  me  rendis  à  fa  porte.     Là  je  me  mis 
^  faire  des  miaulements  qu'on  de  voit  entendre  de  loin,  et 
qui  fans  doute  fefoient  honneur  au  maître  qui  m'avott 
enfeigné  un  iibel  art.  Un  moment  après,  Mergéliba  vint 
elle-même  ouvrir  doucement  la  porte,  et  la  referma  àhs 
que  je  fus  dans  la  maifon.     Nous  gagnâmes  la  ialie  où 
notre  dernier  concert  avolt  été  fait,  et  qu'une  petite  lampe^ 
qui  bruloît  dans  la  cheminée,  éclairoit  foîblement.    Nous 
nous  afsîmes  à  côté  l'un  de  l'autre  pour  nous  entretenir, 
tous  deux  fort  émus  ^  avec  cette  différence,  que  le  plai/îr 
feul  caufoit  toute  fon  émotion,  et  qu'il  entroit  un  peu  de 
frayeur  dans  la  mienne.     Ma  princeiTe  m'affuroit  vaine* 
^ent  que  nous  n'avions  rien  à  craindre  de  la  part  de  fon 
mari,  je  fentoîs  un  friffon  qui  troubloit  ma  joie.  Madame, 
lui  dis-je,  comment  avez- vous  pu  tromper  la  vigilance  de 
votre  gouvernante  !  Après  ce  que  j'ai  oui  dire  de  la  Dame 
Mélancia,  je  ne  croyois  pas  qu'il  vous  fût  poflîble  de  trou* 
ver  les  moyens  de  me  donner  de  vos  nouvelles,  encoremoins 
de  me  voir  en  particulier.     Donna  Mergélîna  fourit  à  ce^ 
difcours,  et  me  répondit  :  Vous  cefferex  d'être  furpris  de 
\'A  fecrete  cniervue  que  nous  avons  cette  nuit  enfcmble, 
lorfque  je   vcus  aurai  conté  ce  qui  s'èfl   paffé  entre  ma 
duègne  et  moi.     Lorfqu'ellc  entra  dans  cette  maifon, 
mon  mari  lui  fit  mille  careflcs,  et  me  iit,  Mcrgélina,  je 
vous  abandonne  à  la  conduite  de  cett\^difcrette  dame, 
qui  èft  un  précis  de  toutes  les  vertus,     (l'èû  un   miroir 
que  vous  aurez  inceflammeut  devant  vota,  pour  vous 

foriaçr 


•     I>B    Gît    BtAS.  ^3j 

'Ibmerlila  fagcffle.  Cette  admîr^fble  perfonné  a  gon* 
-vemé,  pendant  douze  années,  la  femtne  d'un  apottcaire 
•de  mes  amis,  mais  gouverné  comme  on  ne  gouverne 
{KHirt,  elle  en  ^a  fût  tine  efpece  de  faînte. 

Cet  élog^,  <)ue  la  4nf  ne  févere  de  la  Dame  Mélancia 
ne'démentdit  point,  me  coûta  bien  ^es  pleurs  et  me  mh 
-^u  défefpoir.  Je  me  repréfentaî  les  leçons  quMl  me  fau- 
^foît  écouter  depuis  le  matin  jufqù'au  foir,  et  les  répri* 
•mandes  que  j^auroîs  à  ei&jyer  tous  les  jour^.  Eufin,  je 
n'attendois  à  devenir  la  femme  du  monde  la  plus  mal* 
lieureufe.  TIt  ménageant  rien  dans  une  fi  cruelle  atten- 
te, je  dis  à^vm  air  brulque  à  la  duègne,  d'abord  que  je 
tne  Vis  feule  avec  elle,  Vous  vous  prépares  fans  doute  à 
«le  bien  faire  fooffrir,  mais  je  ne  fuis  pas  fort  patiente, 
je  vous  en  avertis.  Je  vous  donnerai  de  mon  côté  toutes 
ies  mortifications  poâîbles.  Je  vous  déclare  que  j'ai  dans 
le  coeur  «ne  paffion  que  vos  remontrances  n'en  arracbe- 
Tont  pas,  TOUS  pouvez  prendre  vos  méfures  làdefTus.  Re- 
•doublez  V09  foins  vigilants,  je  vous  avoue  que  je  n'épar« 
fanerai  rien  pour  les  tromper.  A  ce«  mots,  la  duègne 
^efrognée  (je  crus  qu^elîe -m^alloît  bien  haranguer  pour 
fon  coup  d'efifaî)  fe  dérida  le  front,  et  me  dit  d'un  air 
riant,  VouS'étes  d'ooe  humeur  qui  me  charme,  et  votre 
•franchife  excite  la  mienne  )  je  vois  que  nous  fommes  faites 
l'une  pour  l'autre.  Ah,  belle  Mergélina,  que  vous  m^ 
connoiflez  mal,  û  vous  jugez  de  moi  par  le  bien  que'  le 
Do61eur  votre  époux  vous  en  a. dît,  ou  fur  ma  vue  re« 
barbaratîve  !  je  ne  fuis  rien  moins  qu'une  ennemie  des 
plaifirs,  et  je  ne  mie  sends  mtniflre  de  la  jalouiîe  des 
maris,  que  pour  fervîr  les  jolies  femmes.  Il  y  a  long- 
tems  que  je  poUede  le  grand'art  de  me  mafquer  ;  et  je 
puis  dire  que  je  fuis  doublement  heurenfe,  puifque  je 
jouis  tout  enfemble  de  la  commodité  du  vice,  et  de  la  ié- 
putation  que  donne. la  vertu.  Kntre  noos,  le  monde  n'èit 
guères  vertueux  que ide  cette  façon,  il  en  coûte  trop 
fiour  acquérir  le  fondées  vertus,  on. fe  contente  aujourd'- 
bui.dVn  avoir  les  apparences* 

Laiffez  mol  vous  conduire,  pourfuivit  la  gouvernante, 
nous  allons  bien  en  faire  accroire  au  vieux  Doéleur  OIo« 
rofo.  Il  aura,  par  ma  foi,4e  même  dcilin  que  le  Seigneur 
Apuntador.  Le  front  d'un  médecin  ne  me  paroit  pas 
plus  re/peâable  .que  jCelui  d^un  apoticaîre.     Le  pauvre 

S  ApuQ- 


so6  LZS   AVANTURXS 

Apuotador,  gue  nous  lui  stoos  joué  de  tours  fii  Cennift 
«t  moi  !  Qoe  cette  dame  étoit  aimable  !  Le  bon  petit 
naturel  !  le  Ciel  lui  -faSe  paix.  Je  wmm  réponds  qu^dile 
a  bien  paffé  &  jeuneflTe.  £lle  a  eu  je  ne  fids  combiew 
d'amants  que  j^i  introduits  dans  fa  maifoot  iaas  que  foa 
mari  s*ea  foit  jamais  apperçu*  Regardes^moi  dooc.  Ma» 
dame^  d'un  oeil  plus  ÂToraUe,  et  Ibjes  perfiiadée,  qud* 
•que  talent  quVût  le  vieil  écvjer  qui  vous  terroitt  que  voas 
jie  perdrez  rien  au  change.  Je  iFOOS  ferai  peut-^tre  en- 
core plus  utile  que  lut. 

Je  TOUS  laifle  à  penfer»  Diego»  continua  Mergélina,  fi 
je  fus  bon  gré  à  la  duègne  de  fe  découvrir  ^  moi  fi  franche* 
ment.     Je  la  crojots  d'une  vertu  anftere*  Voilà  comme 
on  juge  mal  des  fenunes*  Elle  me  gagna  4^bord  par  ce 
caraâere  de  fincérité.    Je  TembraCai  avec  im  tranfport 
de  joie,  qui  lui  marqua  d!avance  que  j'étois-  chacmée  de 
l'aVoir  pour  gouvernante.    Je  hù  fis  enfuîte  une  confi- 
dence entière  de  mes  fentiments  ;  et  je  la  priai  de  me  mé- 
nager au-plutôt  un  entretien  fecret  avec  vous.     Elle  n*y 
a  pas  manqué.      Dès  ce  matin  elle  a  mis  en  campagpe 
cette  vieille  qui  vous  a  parlé,  et  qui  eft  «ne  intriguante 
qu'elle  a  fouvent  employée  pour  la  femme  de  I^apotî- 
Caire.     Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  plaibnt  dans  cette  a* 
vaoture»  ajouta-t-elle  en  riant,  c'eft  que  Mélaocia,  fiif 
le  rapport  que  je  lui  sd  fait  de  l'habitude  que  mon  époux 
a  de  pafler  la  nuit  fort  tranquiUeasentt  4'èft  couchée  au* 
près  de  lui,  et  tient  ma  place  en  ce  moment.     Tant  pist 
Madame,  dis-je  alors  à  Mergélina,  je  n'applaudis  point 
^  l'invention.    Votre  mari  peut  fort  bien  fe  réveiller, 
et  s'appercevQÎr  de  la  fiiperchene.    Il  ne  ^'en  appercevra 
point,  répondi^elle  avec  précipitation.     Soyez  fur  cela 
fans  inquiétude,  et  qu'une  vaine  crainte  n'cmpoifonoe 
pas  le  plaifir  que  vous  devez  avoir  d'être  avec  une  jeune 
dame  qui  vous  veut  du  bien. 

La  femme  du  vieux  Doâeur  remarquant  que  ce  difcours 
ne  m'empêchoit  pas  de  craindre,  n'^oublia  rien  de  tout  ce 
qu'elle  crut  capable  de  me  raflurer }  et  elle  s'y  prit  de 
tant  de  façons  qu'elle  en  vint  a  bout.  Je  ne  penfai  plus 
qu'à  profiter  de  l'occafion  :  Mais  dans  le  tems  que  le  Dieu 
Cupidon,  fuivi  des  ris  et  des  jeux,  fe  difpofott  à  foire  mon 
bonheur,  nous  entendîmes  frapper  rudement  à  la  porte  de 

la  rue.     AuOîtôt  l'Amour  et  la  fuite  s'envolèrenti  ainfi 

q,ue 


BEGILBLAS»  aoy 

qiredcs  oiCnntz  timides  quitta  grand  bruit  effarouche 
toat-a-coup.  Mergélina  me  ciacfaa  promptement  fous 
«ilc  table  <{tti  étoît  dans  la  ialle  ;  elle  fouffla  la  lampe, 
comme  elle  en  étoît  convenue  avec  fa  gouvernante,  en 
caa  que  ce  contre*tems  arrivâty  et  elle  fe  rendît  à  la  porte 
de  la  chambre  où  repofoit  (bn  mari.  Cependant  on  con- 
timott  de  fopper  à  grands  coups  redoublés,  qui  fefoient 
X!et«ntîr  toute  la  matfon.  l«e  médecin  sVveîlle  en  furfaut, 
et  appelle  Mélancia«  La  duègne  sMlance  hors,  du  lit, 
^oîque  le  Doéieur,  qui  la  prenoît  pour  fa  femme,  lut 
criât  de  ne  ie  point  lever*  Elle  joignit  fa  maîtrefie,  qui 
la  fentant  à  fes  c6tés  appelle  aufû  Mélancia,  et  lui  dit 
dédier  voir  qui  frappe  h  la  porte..  Madame,  lui  répoud 
la  gouvernante,  me  voici  \  recoiidiei-vous,  sUl  vous 
plah,  je  vais  faveur  ce  que  c^èil.  Fendant  ce  tems-lâ, 
Mergélina,  s'étaot  deshabilée,  ît  mit  au  lit  aupriès  du* 
X>oâeua,  qui  n^eut  pas  le  moindre  foupçon  qu^on  le  trom- 
pât* 11  èft  vrai  <|ue  cette  iceae  venoit  d^étre  jouée  dans 
VcAiictttité  par  deox  aéWces,  dont  l'une  étott  incompara^ 
ble,  et  Pautie  avoit  beaucoup  de  dtfpofition  à  le  devenir. 
La  duègne,  couverte  d*uim  robe  de  chambre,  parut 
bientôt  après,  tenant  uci  âambeau  àla  main  :  Seigneur 
Doâeur,  dk<dllc  h  (bn  maître,  pa?eoez  la  peine  de  vous 
iever..  Ze  fibraire  Femandea  de  Bocndia,  notre  voifin, 
èft  tombé  on  apoplexie  ^  oa  v<ms  demande  de  £i  part  ; 
courez  à  fim  wcoars*  Le  médecin  s'babîUa  le  plutôt  qaHl 
lui  fut  poffible,  et  ibrtit.  '  Sa  femme  en  robe  de  cham- 
bre vint  avec  U  duègne  dans  la  falle  où  j'étMs«  £lles  me 
retirèrent  de  deffous  la  table  plus  mort  que  vif.  Vous 
a*afez  rien  -à»  craindre,  Diego,  me  dit  Mergélina,  remet- 
tes vous*  £n  même  tems  elle  ro'aprit  en  deux  mots 
ooiament  les  cho&s  s'étoient  pafiees.  £lle  voulut  enfuite 
renouer  avec  moi  Tentretten  qui  avoit  été  interrompu^ 
mais  la  gouvernante  s'y  oppofa.  Madame,  lui  dit-elle,, 
votre  époux  trouvera  peut  être  le  libraire  mort,  et  re- 
viendra fur  fes  pas*.  D'ailleurs,  ajouta*t-elle  en  me  voy- 
aat  tranfi  de  peur,  que  feriez-vous  de  ce  pauvre  garçon- 
Hl?  Il  n'eft  pas  en  état  de  ibuteair  la  converfaticn.  Il 
vaut  mieux  le  renvoyer,  et  remettre  la  partie  à  demain. 
X>(»iaa  Mergélina  n'y  con£entit  qu'à  regret,  tant  elle  ai- 
moit  le  préfeot)  et  je  crois  qu'elle  fut  bien  mortifiée, 

S  4  de 


aoi  LESAVANTURES 

I 
I 

de  n'avoir  pu  faire  pttnàte  à  foQ  Doâeur  le  nouTectt 
bonnet  qu'elle  lui  deàiooit. 

Pour  moîy  moins  affligé  d^avotr  manqué  les  plus  pré^ 
cîeufes  faveurs  de  Tamour,  que  bien  aife  d'être  bors  de 
péril,  je  retournai  chez  mon  maître,  où  je  paiïai  le  reAe 
de  la  nuîtà  faire  des  réfleâions  fur  mon  avanture  $^  je  dou- 
tai quelque  tems  fi  j'irois  au  rendez- vous  la  nuit  fuivante,. 
je  n'avois  pas  meilleure  opinion  de  cette  féconde  équipée- 
que  de  l'autre.    Mats  le  diable,  qui  nous  obfede  toujours,, 
ou  plutôt  nous  poflède  dans  de  pareilles  conjonâures,  me^ 
repréfenta  que  je  ferois  un  grand  fot  d'en  demeurer  en  fl 
beau  chemin.  Il  offrit  même  à  mon  efprit  Mergélina  avec 
de  nouveaux  charmes,  et  léleva  le  prix  des  plaifiis  qui 
m'attendoit.     Je  réfolos  de  pourfuivre  mon  point,  et  me- 
promettant  bien  d'avoir,  plus  de  fermeté,  je  me  rendis  le* 
lendemain  dans  cette  belle  difpofitton  à  la  porte  du  Doc*' 
teur  entre  onze  heures  et  minttît.   Le  Ciel  étoit  très  ob^ 
fcur  ;  je  n'y   voyois  pas  briller  une  étoile.     Je  miaulai- 
deux  ou  trois  fois,  pour  avertir  que  j.'étots  dans  la  rue  v 
et  comme  perfonne  ne  vcnoit  ouvrir,  je  ne  me  contentai^ 
pas  de  recommencer,  je  me  mis  à;  contre  faire  tous  les  dif- 
férents cris  de  chat  qu'un  berger  d'Olmédo  m'avoit  appris,. 
«t  je  m'en  acquittai  fi  bien,  qu'un  voifin  qui  rentroitchez 
3iii,  me  prenant  pour  un  de  ces  animaux  dont  j'imitois^ 
le»  miaulements,  ramafia.un  caillou  qui  fe  trouva  fous  fes' 
pieds,  et  me  le  jelta  de  toute  fa  force,  en  difant,  Maudit 
loit  le  matou  1  Je  refus  le  coup  à  la  tête,  et  j'en  fus  fi  é- 
tourdi  dans  le  moment,  que  je  penfai  tomber  à  la  renverfe.. 
Je  fentis  que  j'étois   bieiS'  blefîe.     Il  ne  m'en  falut  pas. 
davantage   pour  me  dégoûxer  de  lar  galanterie,  et  per- 
dant moa  amour  avec  mon  fang,  je  regagnai  notre  mai- 
loo,  où  je  reveillai  et  fis^  lever  tout  le  mondée     Moq> 
xyiaitre  vifita  et  panfa  ma  bkffure,  qu'il  jugea  daagereufe*. 
f.lle  n'eut  pas  pourtant  de  mauvaises  fuites,  et  i)  n'y  pa- 
roiflbit  plus  trois  femaines^après.  -  Pendant  tout  ce  tems*^ 
1^  je  nVntendis  point  paxlei^de  Mergélina.  Il  èft  à  croire 
que  la  Dame  Mélancia,   pour  la  détacher  de  moi,  lui  fit 
fjHire  quelque  bonne  connoiSance^     Mais  c'èH  de  quoi  je 
De   m'embarraffuis  guères,  puifque  je  fortis  de  Madrid,, 
pour  continuer  mon  toux.  d*£fppgne,  d^abord  que  je  m^ 
\k  parfaitement  guéri.. 


DE    GrI  L  BI«  AS.  90^ 

CHAPITRE  vril. 

tk  U  rmieontre  qut  Gii  Bios  et  fmt  com^ûinon  Jurent  d^un 
bommê  qui  $ran^t  dts  croutts  tU  pain  dtmune  fufOûine^ 
§t  de  iUmreiien  ^iU  eureiu  ûvec  /ui» 

LE  Seigneur  Diego  de  la  Faente  me  raconta  encore 
d^autre»  avantureft  qui  lut  étoieat  arrivée»  depuisr|f 
mais  elle  me  femblcnt  fi  peu^  dignes^  d'être  rapportées» 
^ue  je  les  pafferai  four  filence*  Je  fus  pourtant  obligé 
d^en  entendre  le  récit;  qui  ne  laiffapas  d^être  fort  long. 
Il  nous  mena  jiilqu*à  P«A/#'Dff/rD.  Nons  nous  arrêtâmes- 
dans  ce  bourg  le  reile  de  la  journée.  Nous*  fimes  faire 
dans  Phôtellerie  une  loupe  au»  ckonx>  et  mettre  à  la 
broche  une  lièvre»  que  nous  eumes^grand  foin  de  vérifier» 
Nous  pourfiHvimes  notre  chemin  dès  la' point  du  jour 
fuivanty.  après  avoir  rempli-  notre  outre  d^un  vin  aflez 
bon,,  et  notre  fac  de  quelques -morceaux  de  pain,  avec  la 
flioitié  du  lièvre  qui  nous  reftoit  db  notre  foupen- 

Lorfque  nous  eûmes  fait  environ  deox  lieoes,  nous- 
ttOtts  fentimes^de  l'appétit  ;  et  comme  nous  appeiçumes» 
Jk  deux  cens  pas  du  grand  chemin^  plufieurs  gros  arbres 
^ui  formoient  dans  la  campagne  un  ombrage  très  agré* 
»ble,  nour  allâmes  finre  halte  en  cet  endroit»     Nous  y 
rencontrâmes  une  homme  de  vtngt-fept  à  vingt^hiiit  ans» 
^ui  trempoit  des  croûtes* de  pain  dans  une  fontaine.    Il 
•voit  auprès  de  lui  une  longue  rapière  étendue  fur  l'herbe^ 
ftvec  un  havrefac  dont  il  s'éioit  déchargé  les  épaules.     Il 
sottspart^  mal  vêtu,  mais  bienfait  et  de  bonne  mine* 
Nous  l'abordâmes  civilement-;    il  nous  falua  de  même. 
Enfttite  il  nous  préfénta  de  fes-croutes^  et  nous  demanda ' 
d'un  air  riante  nous  voulions  être  de  la  partie.     Noua^ 
hn  répondîmes  qu'ouij  pourvu  qu'il  trouvât  bon,  que  pour 
tendre  le  repas  plus  folide,  nous  joigniilions  notre  déjeu^ 
oéau  fien*     U  j  confentit  fort  volontiers,  et  nous  exhi* 
bames  auffitôt  nos  denrées  ;  ceqiki  ne  déplut  point  à  l'in« 
connu.     Gomment  dotic  MefiWurs;  s'écria  t-il  tout  tran* 
fporté  de  joie,  voilà  bien'  des  raunitioas  f  Vous  êtes,  à  ce- 
q|ie  je  vois,  (ks  gens  de  prévoyance.     Je  ne  voyage  pas 
avec  tant  dé  précaution,  moi.     Je  donne  be^ceup  au 
hazard.     Cependant,  malgré  Tétat  où  vuus  me  trouvez». 
^t  puis  dire  fans  vanité  que  je  fais  quelquefois  une  figure 

S  3      .  affc:^ 


jtio  t  E  s   A  V  A  N  T  U  R'E  S 

aflez  brillante*     Sayez*vous  bien  qa^oa  ne  traite  ordî^- 
nairemcnt  dé  prince,  et  que  j^i  des  gardes  à  ma  fuite  i' 
Je  vous  entendsi  dit -Diego  ^  vous  Toukz-noas  faire  comv 
prendre  par-la  que  vous  êtes  comédien»     Vous  l'ayez  de- 
viné, répoûdit  Tautre.     Je  fais  la  comédie  depuis  quinze  - 
sinnées  pour  le  moins.     Je  n^étois  encore  qn^un  enfant, 
que  je  jouoîs  déjà  de  petits  rôks.  Francbement^  répliqua 
]  *  barbier  en  branlant  la  tête,  jVii  delafjeine  à  vous  croire. 
Je   connoic   les  comédiens».    Ces   rae(Ikurs*là    ne  font- 
pas,  comme  vous^  à^z  voyages- à  pied,,  nv  des  repas  de 
Saint  Antoine  \  je  doute- mâne  que  vousmoucluez  les  • 
c()andellesé  Vou»  pouvez^  repartit  Tbilirion,  pcnfcr demoi  * 
tout  ce  qu'il  vous  plaira,  maïs  je  ne  laifle  pas  de  joues, 
les  premiers  rôles,  je  faia«]es  amoureux.     Cela  étante  dit 
mon  camarade,  j&  vous  en  félicite^ .  et  fuis  ravi  que   lor 
Seigneur  Gil  filas  et  moi  nous  ayons  Ubonneur  dedejea*- 
ncr  s^vec  un  perfonnage  d'une  fi  grande  importance» 

Nous  coounen cames  alors  à' ronger  no^-girignons  et  le» 
relies  précieux  du  lièvre, en  donnant  ài'outre.< de  fi  rude» 
accolades,  que  nous  l'eûmes -bien  tût  vuidée.  Nous  étions  - 
ix  occupés  tou&  troîshde  ce  que  nous  fefîons^  que  nous  no 
parlâmes  prefque  point  pendant  ce  tems^à  \    mais  après 
^voir  mangé^  nous  reprimes  ainfi  ia  converfation.     Je 
Cuis  furpris^  dit  le  barbier  aucomédien^  que  vous  paroif^ 
fiez  fi  mal  dans  vos  a&ires* .   Boux.  un  héros  de  théâtre^ 
vous,  avez:raîrbiei)  indigent.  P^rdonnez^  ik  je  vous  dis  fi 
librement  ma  penfée.     Si  librement^  s'écria. l'auteur!  ah* 
vraiment!  vous-necûfinoifiez  guères  Melchior  ZLapata* 
Grâces,  à  Dieu^  je  n'ai  pxûnt  un  efprit  àx:ontre.ppil.  Vous 
me  faites  pUifir  de  me' parler  avec. tant  de  fcaDchifei  car 
jVime  àjdire; aufil  tout  ce  que, j'ai  fur  le  cœur.«     J'avoue. 
d«  bonne  foi.,queje  ne  fuis-pas  licbe^    Tencz^  pourfuivit'» 
il,  éo   nous  icfaot  remacquer  que  fon  pourpoint  étoit 
^  doublé  d*afEcbes  de  corr.édiej  voilà  TétofFe  ordinaire  qui  ; 
nie  ftrt  de  dou'&lurev^  et  fi.  vous  êtes  curieux  de^voir  m^ 
g^ai  dérobe,  j^   vais  fatrsfaite  vat^e  cuiiofité*     £.n  rocnae. 
lems  il  tira  de  fon  havre fac. un  habit  couvert  de>vieux  paf* 
fcmens  d'brgcut^fauK,   une  roauv&ife . cape li ne* avec  qutU 
qucs  vieilles  plumes,  des  bas^de  ibie  tous  {pleins  de  trous^ 
et  dts  fouJiers  de  maroquin  rougefort  ufés.  Vous  voyez,  , 
fUQUs  dit-il  cnfuite,  qjieje  fui^  paffablc ment  .gueux •  Celai 
«j'étonne,  répliqua  Diégp,  vous   n'avez. donc  ni  femme, 
ni.iille.?  J'ai  jiné  femme  belle  .et  jsune,  repartit  Zapata,.^ 

et^ 


D-E   ffIL  B'IiAîS.  r&ir 

irtjenVn  fuis  pas*  plus  avaacé.  Admire^  la-  fatalké  de 
non  étoile;  J'époufc  une  aimable  aârice,  dans-  l'efpé- 
zmçe  qu^èlk  ne  me  laificra  pas  mourir  de  faim,  et  pour 
mon  malheur  elle  a  une  fageffe  incorruptible.  Qui  diable 
n*y  auroit  pas  été  trompé  comoie  moi  !  II  faut  que  parmi* 
les  comédienne» de  campagne  il  »*en  trouve  une  vertueufe» 
et  qu^elle  me  tombe  en  partage.  C^èd  affurément  jouer 
de  malheur,  dit  le  barbier.  Aulli,  que  ne  preniez^,  vous 
une  aftricedela  grande,  troupe  de  IVladri.d  ^  vous  auriez. 
éié  fur  de  votre  fait.  J*e»  demeure  d'accord^  reprit^ 
l!hiftrîon;  mais^  malpej^e!  il  n^èft  pa$  permis  h  un  pe- 
tit comédien. de  campagne- d^éle ver  fa  penfée  jufqu^à  ces^ 
&meufes  héroïne»*  Oèft.  tout  ce  que  pourroit  faire  un. 
aiéteur  même  de  la  troupe  du  prinee,  encore  y^  en.  a«t-ii. 
^tti  font  obligé»  de  fe  pourvoh:  eH  ville.  Heureufement^ 
]W>ur  eux  la  ville  èd  bonne,  et  Ton  y  rencontre  fouvent. 
des  fujets  qui  valent  bien  les  princefies  de  coulilfes. 

Hé  !  n^ave2-vous  jamais  fongé,  lui  dit  mon  compag*- 
XKHEiy  à  vous  introduire  dan»  cette  troupe?  è(l-il  befoîn 
d!un  mérite  infini  pour  j  entrer  ?  Bon,  répondit  Melchior^ 
vous. moquez  vous  avec  votre  mérite  infini  !  il'y  a-vingt»* 
aâeurs.  Demandez,  dt  leurs  nouvelles  au  public,  vous 
en  entendrez  parler  dans  de-jolis  termes.  11  y  en  a  plu» 
de  la  moitié  qui  mèriteroîent  de  porter  encore  le  havre<- 
iac.  Malgré  tout  cela  néanmoins,  il  n^èll  pas  aifé  d'être 
^  reçu  parmi  eux.  Il  faut  des  efpeces,  ou  de  puiSants  amis, 
ppur  fuppléer  à  la  médiocrité  du  talent.  Je  dais  le  fa  voir, 
puifque  jç .viens  de  débuter  à. Madrid,  où  j'ai  été  hué  et 
jGriQé  comme  tous  les  diables,  quoique  je  dulTe  être  fort 
applaudi  y  car.  j^ai  cxié,  j'ai  pris  des  tons  extravagants,  et 
je  fuis  forti  cent  fois  de  la  nature.  De  plus,  j'ai  mis  en 
déclamant  le  poing  fous  le  menton  de  ma  princeife.^  £a 
un  mot,  j'ai  joué  dans  le  goût  des  grands  a éleurs  de  ce 
pays-ià>  et  cependant  le  même  public  qui  trouve  en  eux. 
ces  manières  fort  agréables,  ohi  pu*  les  fouffrir  en  moi« 
Voyez  ce  que  c'èii  que  la  prévention.  Ainii  donc,  ,ne 
pouvant  plaice  par  mon  jeu,  ei  n^ayant  pas  de  quoi  me 
fàise  recevoir  en  dépit  de  ceux  qui  m'ont  ûfHé,  je  m^en 
retourne  à  Zamora.  J'y  vais  rejoindre  ma  femme  et  mes 
camarades,  qui  n'y  font  pas  trop  bien  leurs  aifaires.  Puif-. 
ÛDns-nous  n.'êtire  pas  obligés  d'y  qdêter»  pournous  mettre 
en  état  de  nous  reodre  dans  une  autre  ville,  comme  cela 
mus  èll  aittivé  plus  d'une. fois. . 

A 


«S^  LES  AVATUTVJLZS; 

A  CM  mots,.  !•  pribce  dranatique  &  levs^  reprît  Taife 
btvrefac  et  Ton  épée^  et  nous  dit  d*un  air  grave,  en  nouai 
quittant,  Adieu,  M^Reurs*  puiflent  Ici  Dieux  épnifer  fiir 
irou«  leurs  fiivears!  Et  vous,  lui  rendit  Dîéga du  même 
ton,  pui(fiez*voua  retrouva  à  ZaacioT»Totre  femme  clian* 
fée  et  bien  établie  !    Dès  que  le  Seigneur  Zapata  noua* 
eut  tourné  les  talon«,  il  fe  mit  2L.geâicu]er  et  à  déclameff 
en  marchant.     Auffitôt  le  barbier  et  moi  neua  conmen» 
çàmes  à  le  fiflTer,  pour  lui  rapeller  foa  début.    Nos  ûf* 
lemeas  frappèrent  fes  oretlks,  il^eiut  entendre  encore  le» 
fifHeurs  de  Madrid..    11  regarda  4<rnere  lui,  et  voyant 
que  nous  prenions  pluftr  &  noos  égaj^er  à^cei'<lépens^lotfi- 
de  s'offenter  de  ce  trait  bo^bo,  ilratrm  de  bonne  graoe> 
dans  la  plaifantcrie,  et  eontinua  foo  cbemia  en  fefanfe 
et  grands  éclata^de  rire.     De  noire  côté^  noue  nous  eut 
donnâmes  à  cœur  joie»  pui»  nous  legagiiamer  le  grand»- 
oheaÛDi  et  pourfuivimes  notre  route. 

CH.APITRS    IX, 

jOam  qiêelhat  Dhgo  retrouva  fa  fomllt^  et  afirèf  çue/l^tf 
réJQUtffancti  Gil  Blat  et  îukjefeparermt^ 

NOUS  allâmes  Ce  jôur-1^  concHer  entre  M eyados  eV 
Valpuefta»  dans-  un  petit  village  dont  jVi  oublié  le^ 
nom  ;  et  le  lendemain*  nous  arrtvames-fur  lès  onze  heures* 
du  Matin  dans  la  plaine  d^ltnedo^     Seigneur  Gil  Blas^ 
me  dit  mon  camarade,  voicile  lieu  de  ma-naiffance.     Je 
ne  puis  le|revoîr  fans  tranfport,  tant  il  èR  naturel  d^aimer 
£i  patrie.     Seigneur  Diego,  lui  répondis^je,  un  homme- 
qui  témoigne  tant  d'amour  pour  fon  pays^  ea  devoit  par« 
1er,  ce  me  femble,  un  peu  plus  avantageuiement  que  vou»« 
n'avez  fait.     Olmédo  me  paroît  une  ville,  et  vous  m'^a^ 
▼ez  dit  que  c'étoit  un  village.    Il  fallott  du  moins  le  trai# 
ter  de  gros  bourg.     Je  lui  fais  réparation  d'honneur,  re- 
prit le  barbier  ;    mais  je  vous  dirai,  qu^après  avoir  vu 
Madrid,  Tolède,  Saragofie,  et  toutes  les  autres  grandes 
villes  où  j'ai  demeuié  en  fefantle  tour  de  l'Ëfpagne,  je 
regarde  les  petites  comme  des  villages.     A  méfure  que 
nous  avancions  dans  la  plaine,  il  nous  paroifibit  que  noua^ 
appercevîons  beaucoup  de  monde  auprès  d*01médo  ;  et 
lorfque  nous  fumes  plus  à  portée  de  difcemer  les  objets, 
nous  trouvâmes  de  quoi  occuper  tkos  regards. 
II  y  avoit  trois  piivillons  tendus  à  quelque  diflance  Tun 

de 


DE    GIL    BLAS.  aij 

ûe  Vautre,  et  tout  auprès  un  grand  nombre  de  tuifînier» 
et  de  notarmitons  qui  préparoitnt  un  fellin.  Ceux-ci  met- 
trient  des  couverts  fur  de  longues  table»  drefiees  fous  le» 
tentes  ;  ceux-là  rempltfibknt  de  vin  de»  ctuches  de  terre  ^ 
les  autres  fefoient  bouillir  des  marmites,  et  les  autres  en* 
ûa  tournoient  des  brbcbes  où  il  y  avoit  toules  fortes  de- 
mandes. Mais  je  confidérai  plus  attentivement  que  tout 
le  refte,  un  grand  théâtre  qu^on  avoit  'élevé.  Il  étoit  orné, 
d'une  décoration  de  carton  peint  de  diver&s  couleurs,  et 
chargé  de  devifes  Grecques  et  Latines.  Le  barbier  n'eut 
pas  plutôt  vu  ces  in&rîptions,  quMl  me  dit.  Tous  ces 
mots  Grecs  ienlent'  fuxieulemcist  mon  oncle  Thomas,  je 
vais  parier  qu*il  y  aura  mi»  la  maio  ^  car  entre  nous  c'èft 
uo  habile  homme,  îl  fait  par  coeur  une  infinité  de  livres^ 
de  collège.  Tout  ce  «qui  me  fâch«,  c'èft  qu'il  en  rap«- 
|K>rtc  fans  ceffe  de»  paflages  dans  la  converfation,  ce  qui- 
ne  plaît  pas  à  tout  le  motilde.  Outre  cek.  continua-t-il, 
mon  oncle  a. traduit  des  poète»  Latins  et  des  auteurs. 
Grecs.  11  poiTede  Pantiquité,  comme  on  le  peut  voir  par 
les  belles  remarques  qu'il  a  faites.  Sans  lui  nous  ne 
faurions  pas  que  dans  la  ville  d^Athènes,  les  enfants  pieu*- 
7oient  quand  on  leur  donnôit  le  fouet.  Nous  devons 
cette  découverte  à  fa  profonde  éruditiod; 

Après  que  mon^  camarade  et  moi;  nous  eûmes  fegardd 
toutes  les' choies  dont  je  viens  de  parler,  il  nous  prit  en- 
vie d'apprendre  pourquoi  l'on  fcfoit  de  pareils  préparatifs^ 
Nous  allions  nous  en  informer,  lorfque  dans  un  homme 
^ui  àvoit  l'air  de  l'ordonnateur  de  la  (ëte,  Diego  recQn<» 
nut  le  Seigneur  Thomas  de  la  Fuente,  que  nous  joignî<- 
nes  avec  empreffement.  Le  maître  d'école  ne  remit  pas 
d'abord  le  jeune  barbier,  tant  il  le  trouva  changé  depuis/ 
"dix  années.  Ne  pouvant  toutefois  le  méconnoître,  il 
l'embrafla  cordialement,  et  lui  dit  d'un  air  affeâueux^. 
Hé  !  te  voil^  Diego,  mon  cher  neveu,  te  voilà  donc  de 
retour  dans,  la  ville  qui  t'a  vanaitre  l  Tu  viens  revoir 
tes  dieux  pénates,  et  le  Ciel  te  rend  fain  et  fauf  à  ta  fa- 
mille. O  jour  trois  et  quatre  fols  heureux  !  jour  digne 
d'être  marqué  d'une  pierre  blanche  !  11  y  a  bien  des  nou* 
yelles,  mon  tm^  pourfuîvit-il  ;  ton  oncle  Pedro  le  bel- 
efprit  èlt  devenu  la  viétioie  de  Pluton,  il  y  a  trois  mois 
fu'il  èit  mort.  Cet  avare,  pendant  fa  vie,  craigjnoit  de 
inanquet  des.  e hofas  le^  pl^is  nécefiaiies,  argenti  paîlebâi 


ar4  LES  AVANTÙEES 

mtiore.  Outre  les  gro&s  penfions  que  quelques  [^aiid» 
lui  fefdetit,  il  ae  d^ofoit  pas  dix  piftoles  chaque  âaoé« 
pour  fon  entretien.  Il  étoh  même  fervi  par  ua.Talet 
qu'il  ne  nourrîffoit  point.  Ce  fou,  plus  infenfé  que  le 
Grec  Ariftippe,  quifit  jetter  au  milieu  de  la  Lybtte  toute» 
les  richeflcs  que  portoient  fes  elclaTes,  comme  un  fardeaii 
qui  les  incommodmt  dans  leur  marche,  entaflbit  tout  l^or' 
et  Pargent  qu'il  pouvoit  amaffer.  Hé  pour  qui  ^  pou«r 
des  hériticïs  quMi  ne  Toulmt  point  voir.  Il  étoit  riche  de 
trente  mille  ducats,  que  ton  père,  ton  oncle  Bertrand^et 
moi,  nous  avons  partagés.  Nous  femmes  en  état  de  bie^ 
établir  nos  enfants.  Mon  frère  Nicolas  a  déjà  difpofé  de 
ta  foeur  Thérefe.  Il  vient  de  la  marier  avec  le  fils  d'ui» 
de  nos  Alcades.  ConnuhioJuttHitJlabiRj  frtpntmque  Mca'^ 
mi.  C'èft  cet  hymen,  formé  feus  les  plus  heureux  aulpi^ 
ces,  que  nous  célébrons  depuis  deux  jours  avec  tant  d'ap* 
pareil.  Nous  avons  fait  drefier  ces  pavillons  dans  1» 
phiae.  Les  trois  héritiers  de  Pedro  onj^  diacun  le  icn, 
et  font  tour  à  tour  la  dépenfe  d'une  jeumée.  Je  voudroi» 
que  tu  fufies  arrivé  plutôt,  tu  aurois  vu  le  c^umnence^ 
ment  de  nos  r^oui&nces.  Avant-hier,  jour  du  mariage^ 
ton  père  fefett  les  frais.  Il  donna  tm  fefiin  fuperbe,  qu» 
fut  fuivi  d'une  courfie  de  bague*  '  Ton  oncle  le  mercier 
mit  hier  la  nape^  et  nous  régala  d'une  fête  paftorale.. 
11  habilla  en  bergers  dix  garçons  des  mieux  faits  et  dizî 
jeunes  tlles.  Il  employa  tous  les  rubans  et  toutes  le» 
sngniUettes  de  fa  boutique  à  les  parer.  Cette  brillante 
jeunefle  forma  diverfes  danfes,  et  chanta  mille  ehanfon* 
nettes  tendres  et  légères.  NéanraoiiM,  quoique  rien  n'aîft 
jiimais  été  plus  galant,  cela  ne  fit  pas  un  grand  effet.  Ilr 
£iut  qu'on  n'àîme  plus  la  pailorale» 

Pour  aujourd'hui,  continuait*!!,  tout  roule  fur  mûo^ 
compte,  et  je  dois  fournir  aux  bourgeois  d'Olmédo  un» 
fpeâacle  de  mon  inve»tion,,/înRr#  corotmlnt  ofês*  l'ai  fait 
élever  un  théâtre,  fur  lequel,  Dieu  mdant^  je  Mrai  re-^ 
préfenter  par  mes  difciples  une  pièce  que  j'ai  compofée.. 
Elle  a  pour  titre,  Ln  j^mufemenU  de  Mulei  Rtigtntuf^  Roi 
de  Maroc.  Elle  fera  parfaitement  bien  jouée,  parce  que 
j'ai  des  écoliers  qui  déclament  comme  les  comédiens  de 
Madrid.  Ce  font  des  enfants  de  famille  de  Pennafiel  et 
de  Ségovie,  que  j'ai-  en  penfîon  chez  moi.  Les  exceUent»^ 
aâeurs  !  Il  ift  vrai  (jue  je  ki  ai  exercés.  Leur  déclama*» 

tto» 


DX  GIL  BLAS.  itg 

m 

tkm  pnoitni  frappée  au  coin  da  maître»  ui  àa  Scêm.  A 
r^ird  de  la  pièce»  je  ne  t'en  parlerai  point»  je  veux  te 
lai&r  le  plaifir  de  la  fnrprifie  j  je  dirai  amplement  qoVUe 
4<nt  enlever  tons  les  fpeâateurs*  C*èft  un  de  ces  ibjetf 
tragiques  qui  remuent  rftme,  par  les  ima|*es  de  m<nt 
qu^s  offrent  I  Pefprit.  Je  fuis  du  fentiment  d'Ariftoto» 
â  faut  exciter  la  terreur.  Ah  !  fi  je  m*étois  attaclié  au 
tliéatre,  je  n'aurois  jamais  mis  fur  la  fcene  que  des  prin* 
ces  faoguinaires,  que  des  héros  affiiflîns»  Je  me  ferom 
hsâgo^  cfoss  le  îmg*  On  aormt  toujours  tu  périr  dana 
mes  tragédies,  non  fimlement  les  principaux  perfonnages^ 
maïs  les  gardes  mêmes.  J*aur<Ms>égorgéjufqu^au  foufieur. 
£nfin  je  n^aime  que  l'effîroyable»  c'èft  mon  goût.  Auffi 
ces  foctes  de  poèmes  entraînent  la*  multitude»  entretien* 
sent  le  luice  des  comédiens»  et  font  rouler  tout  douces 
ment  les  auteurs. 

Dans  le  tems  qu*U  achevott  ces  paroles»  nous  vimes  for* 
tir  du  viUage,  et  entrer  dans  la  plaine,  un  grand  concours 
ût  perfonnes  de  l'un  et  de  Pautre  fexe.  C'étoient  lés  deux 
•époux  accompagnés  de  leurs  parents  et  de  leurs  amis,  et 
précédés  de  dix -à  douze  joueurs  d'inftrnmènts,  qui  jouant 
tous  enlèmble  formoient  un  concert  très  bruyant.  Nous 
allâmes  au  devant  d'eux,  et  Diego  k  fit  connoître. 

Des  cris  de  joie  sMlevèrent  auflîtât  dans  Paflemblée, 
«t  chacun  s^emprefla  de  courir  à  lui.  Il  n*eut  pas  peu 
•d'affiiirçs  à' recevoir  tous  les  témoignages  d'amitié  qu'on 
hn  donna.  Toute  fa  fiimille,  et  tous  ceux  même  qui  é* 
toient  prefents»  l'accablèrent  d'embraiTades,  après  quoi 
ion  père  lui  dit»  Sois  le  bien  venu»  Diego.  Tu  retrouves 
tts  parents  un  peu  engraiffés,  mon  ami.  Je  ne  t'en  dis. 
|>iS  davantage  préfentement,  je  t'expliquerai  cela  tantôt 
par  le  menu.  Cependant  tout  le  monde  s'avaoça  dans 
la  plaine,  fe  rendît  (bus  les  tentes»  et  s'affit  autour  des 
tables  qu'on  y  avoît  dreffées.  Je  ne  quittai  pas  mon 
compagnon»  et  nous  dinames  tous  deux  avec  les  nou* 
veaux  mariés,  qui  me  parurent  bien  afibrtis.  Le  repas 
£it  aflez  long,  parce  que  le  maître  d'école  eut  la  vanité 
de  le  vouloir  donner  à  trois  feryices,pour  l'emporter  fur  fes 
frères,  qui  n'avoîent  pas  fait  les  choies  fi  magnifiquement* 

Après  le  fefiîn,  tous  les  convives  témoignèrent  une 
grand  impatience  de  voir  repréfenter  la  fuece  du  Seigneur 
Thomas }  ne  doutant  pas,  difoient-ils,  ^ue  la  produâîon 
ià'unauflî  b^tt  génie  que  le  fien  nemén^t  d'être  enten* 

^    duc. 


^i<  LES  AVANT  URES 

due.  Nous  nous  approchâmes  du  théâtre^  au  devant  ém^ 
«juel  tous  les  joueurs  dMnftr^aoents  sVtoient.déjà  plae^ 
pour  jouer  dans  les  entr^aâes.  Comme  chacun,  dam  jufi 
^rand  filence,atteadoit  qu^on  commençât,  les  a£Uurs  pa.. 
Turent  fur  la  fcene  ^  et  l'auteur,  le  poëme  à  la  ,maîn,,  s'aîCt 
dans  les  couliflies  à  portée  de  foufflor*  Il  avolt  eu  raîiaii 
de  nous  dire  que  la  pièce  étcût  tragique  ;.car  daoa  le  |;r^ 
mier  aôe,  le  Roi  de  Maroc>  par  manière  de  récréation^ 
tua  cents  efclaves  Mores  à  coups  de  fléchas  f  ijaa^.le  fe^ 
condy  ii  coupa  la  tète  à  trente  officiers  Portugais,  qu'un 
de  Tes  capitaines  avoit  £ait  prifoaaîera  de  guerre  ^  etdana 
Je  troifieme  enfin,  ce  monarque»  faoul  de  fes  femmes,  mît 
lui>mêmele  feuànn  palais  tfelé  où  elles  étolent  enfermées, 
et  le  réduîfit  en  cendres  avec  eUes.  .  Les  efclaves  .Mores, 
de- même  que  les  officiers  Portugais»  étoient  des  figures 
d^ofier  faîtes  avec  beaucoup  d'art  j  et  le  palak,  otHnpole 
de  carton,  parut  tout  embraie,  par  uu  feu  d'artifice»  Cet 
embrafejiient,  accompagné  de  mille  cris  plaintifs,  qui  fem«i 
bloient  fortîr  du  milieu  des  flammes,  dénoua  la  pièce,  et 
ferma  le  théâtre  d'une  façOn  très  divertiflante.,  Toute 
la  plaine  retentit  du  bruit  des  applaudifl*ements  que  reçut 
une  fi  belle  tragédie.  Ce  qui  juflifia  le  bon  goût  du  poëU:, 
et  fit  connoître  qu'il  favoit  bien  choifir  fes  fujets. 

Je  m'imaginois  qu'il  n'y  avoit  plus  rien  à  voir  après 
[Les  amufem^nts  de  Muléi  Bugentuf^  mais  je  me  trompois» 
Des  tymbales  et  des  trompettes  nous  annoncèrent  ua 
nouveau  fpeétacle.  C'étoit  la  diftributîon  des  prix  ;  cac 
l'homas  de  la  Fuente,  pour  rendre  la  fête  plus  folemne}le, 
avoit  fait  compofer  tous  ces  écoliers,  tant  externes, que 
peniionnaires  :  et  il  devoit  ce  jour-la  donner  à  ceux  qui 
avotent  le  mieux  reuffi,  des  livres  achetés  de  fes  propres 
deniers  à  Ségovie*  On  apporta  donc  tout  à  coup  fur  le^ 
théâtre  deux  longs  bancs  d^école,  avec  une  aripoire  à 
livres  remplie  de  bouquins  proprement  reliés.  Alors  tous 
les  aé^eurs  revinrent  fur  la  fcene,  et  fe  rangèrent  tout  aur 
tour  du  Seigneur  Thomas,  qui  tenoit  aufli  bi<n  fa  morgue 
qu'un  préfet  de  collège.  Il  avoit  à  la  main  une  feuills 
de  papier  ou  étoieot  écrits  les  noms  de  ceux  qui  devoi'*. 
ent  remqorter  des  prix.  11  la  donna  au  Roi  de  Maroc, 
qui  commença  de  la  lire  à  haute  v.oix.  Chaque  écolier 
qu'on  noromoit,  alloit  refpeélueufemeut  recevoir  un  livri» 
des  mains  du  pédant  :  Puis  il  étoit  couronné  de  laurier^ 
et  çn  le  fefoit  affeoir  fur  un  des  deux  bancs  pour  Te^f^* 

fer 


DE   GIL    BLAS.  217 

i^r  «nx  regards  de  Taffiftance  adxnîrative.  Quelque  en« 
vre  toutefois  qu'eut  le  maître  d'école  de  renvoyer  les 
fpeélateurs  contents ,  il  ne  put  en  venir  à  bout  *,  parce 
qu'ayant  diftribué  prefque  tous  les  prix  aux  peniion- 
naîres,  aînfi  que  cela  fe  pratique,  les  mères  de  quelques 
externes  prirent  feu  là-defias,  et  acculèrent  le  pédant  de 
partialité.  De  forte  que  cette  fêtCi  qui,  jusqu'à  ce  mo- 
mtnty  avoit  été  û.  glorieufe  pour  lui,  penfa  finir  auQi  mal 
que  le  feftio  des  Lapithes* 

Fin  du  Second  Livre. 


LA  MAUVAISE  MERE.     Cùnle  Moral. 

PARMI  les  produéHonsmon(lrueures  de  la  Nature^on 
peut  compter  le  cœur  d'une  Mère  qui  aime  l'un  de 
fes  enfantSf  à  l'exclufion  de  tous  les  autres.  Je  ne  parle 
point  d^uné  tendreue  éclairée  qui  diflingue  entre  ces  je- 
Bncs  plantes  qu'elle  cultive,  celle  qui  répond  le  mieux  h 
fes  premiers  foins  ;  je  parle  d'une  tendrcife  avcuf>,]e,  fou* 
▼enV  cxclufîve,  quelquefois  jaloufc,'  qui  fe  chorfit  une 
idole  et  des  viétimes  parmi  ces  petits  innocents  qu'on  a 
înis  au  monde,  et  pour  qui  l'on  èft  également  obligé  d'a- 
éoucir  le  fardeau  de  la  vie.  C'èil  de  cet  égarement  (i 
commun  et  fi  honteux'^pour  l'humanité,  que  Je  vais  don« 
fier  un  exemple. 

Dans  l'une  de  nos  Provinces  maritimes,  un  irrtendant 
qui  s'étoit  rendu  recommandable  par  fa  févérité  à  repri* 
mer  les  vexations  de  toute  efpêce,  ayant  pour  principe 
d'appliquer  la  favenr  au  foible,  et  la  rigueur  au  fort  :  cet 
homme  de  bien,  appelle  M  de  Carandon,  mourut  pauvre 
et  prefque  infolvable.  Il  avoit  laiifé  une  fille  que  per« 
fonne  n'époufoit,  parce  qu'elle  avoit  beaucoup  d'orgueil,, 
peu  d'agréments,  €t  point  de  fortune.  Un  ricfee  et  hon- 
nête Négociant  la  rechercha  par  confideration  pour  la 
mémoire  de  fon  père.  Il  nous  a  fait  tant  de  bien,  di» 
foît  le  bonhomme  Coréâl  (c'étoit  le  nom  du  Négociant) 
il  «ft  bien  jufte  que  quelqu'un  de  nous  le  rende  à  fa  fiUe^ 
Corée  fe  propofa  donc  humblement,  et  Mademoifelle  de 
Carandon,  avec  beaucoup  -de  répugnance,  confentit  "^ 
Wi  donner  la  main,  bien  entendu  qu'elle  aurait  dans  fa 
SBftîfoa  «kne  autorité  abfolue.     Le  refpeô  du  bon-homme 

T  pour 


ai8  LA  MAUVAISE  MJÎRE, 

pour  la  mémoîro  du  père  s^étendott  ju(quei  fiir  ]a  fiUe  : 
îl  la  cohfultoit  comme  Ton  oracle  j  et  fi  quelque  Ibis  il 
lui  arrivoit  d^avoîr  ua  oyîs  diiTérent  du  fîen«  elle  n'avoit 
qu'à  proférer  ces  paroles  impofantes  :  feu  M»  de  Caimn- 
don  mon  père.  .  •  Corée  n'attendolt  pas  qu^elle  acliev-it» 
pour  avouer  qu'il  avoit  tort. 

11  mourut  aâfez  jeune,  et  lui  lailTa  d'eux  eofantf»  dont 
elle  avoit  bien  vquIu  lui  permettre  d'être  le  père.  £a 
mourant  il  croyoit  devoir  régler  le  partage  de  Tes  bieii9  ; 
mais  M.  de  Carandon  avoit  pour  maxime,  lui  dit-elle» 
qu'afin  de  retenir  les  enfants  fous  la  dépendance  d'une 
mère,  il  falloit  la  rendre  dirpenfatrice  des  biens  qui  leur 
ctoient  deftinés.  Cette  loi  fut  la  règle  du  teilament  de 
Corée»  et  fon  héritage  fut  mis  en  dépôt  dans  les  mains 
de  ia  femme,  avec  le  droit  fatal  de  le  diftribuer  à  fes 
enfants  comme  bon  lui  fembleroit.  De  ces  deux  en* 
fants  Tainé  fefoit  fes  délices }  non  qu'il  fût  plus  beau, 
plus  heureufement  né  que  le  cadet,  mais  elle  avoit  cou« 
ra  le  dang^er  de  la  vie  en  le  mettant  au  monde  y  il  lut 
avoit  fait  éprouver  le  premier  les  douceurs  et  la  joie  de 
l'enfantement  ;  il  s'étoit  emparé  de  fa  tendrefle  qu'il 
fembloit  avoir  epuiii^e  ;  elle  avoit  enfin,  pour  l'aimer  u« 
niquement,  toutes  lies  mauvaifes  raifoos  que  peut  avoir 
une  mauvaife  mère. 

Le  petit  Jacquaut  étoît  l'enfant  de  rebut  :  (a  mère  ne 
daignoit  prcfque  pas  le  voir,  et  ne  lui  parloit  que  pour 
le  gronder.  Cet  enfant  intimidé  n'ôfoit  lever  les  yeux 
devant  elle,  et  ne  lui  répondoit  qu'en  tremblant.  Il 
avoit,  difoit^elle,  le  naturel  de  fon  père,  une  âme  du 
peuple,  et  ce  qu'on  appelle  l'air  de  cei  gens-là. 
'  Pour  l'ainé,  qu'on  avoit  pris  foin  de  rendre  aufli  vo- 
lontaire, atidi  mutin,  au(li  capricieux  qu'il  étoit  po& 
flble,  c'étoit  la  gentileffe  même  :  fon  indocilité  s'appel* 
loit  hauteur  de  caraélere  ;  fon  humeur,  excès  de  îen* 
iibilité.  On  s'applaudififoit  de  voir  qu'il  ne  cédoit  ja* 
mais  quand  il  avoit  raifon  :  or  il  faut  favoir  qu'il  n'a« 
voit  jamais  tort.  On  ne  ceifoit  de  dire  qu'il  fentoit 
fon  bien,  et  qu'il  avoit  l'honneur  de  reffembler  à  Madaîifc 
(a  mère.  Cet  aine,  appelle  M.  de  l'£tang,  (car  on  ne 
crut  pas  qu'il  fût  convenable  de  lui  laiffer  le  nom  de 
Corée)  cet  sine,  dis-je,  eut  des  maîtres  de  toute  efpèce  : 
les  l^çSs  ctoient  pour  lui  fcul,  et  le  petit  Jacquaut  en 
A  recutilloit 


m 

tWtfêînolt  îft  ftoit  ;  d<  tBRmcre  qu'au  bout  de  quelques 
mii}é«s,  jac^oaut  favoît  tout  ce  qu^)û  avoît  enfeîgné  à 
M.  de  rEtaftg,  qui  en  revanche  ne  fa  voit  rien. 

Les  bc^neB,  qui  fbnt  dans  l'ufage  d'attribuer  aux  eii- 
fM^s  tout  le  peu  d'efprit  qu'èllts  ont,  et  qui  rêvant  tout  le 
matin  aux  gemilefles  qu'ils  doivent  dire  dans  la  journée  v 
ies  bonutà  avoiënt  fait  croire  à  Madatne,  dont  elles  con« 
xioiffoient  le  foible,  que  foa  aîné  -étott  un  prodige.  Les 
tnatires  tt(»Mls  âOmplatft^ntSf  eu  plus  mal  adroits,  en  fe 
Iplftigitant  de  ^indocilité,  de  1  inattention  de  cet  enfant 
cbérij  ne  tal-?flbîent  point  fur  les  louanges  de  Jacqunùt  : 
ils  ne  diroîe-nl  pfts  précrfémcrnt  que  M.  de  l*Etang  fût  ua 
£at  j-  mkis^ils  difoicnt  que  le  petit  Jacquaut  avait  de  Véi'^ 
prit  comme  un  ange.  La  vanitié  de  la  mère  en  fut  bler- 
fée}  cft  pilt  une  inju()icé  qu^ôn  ne  croiroit  pas  être  dans 
kl  nature^  û  ce  vice  à^s  mètes  étoit  mains  à  la  mode, 
elle- redo&bia  d^âvetfîoii  pour  ce  petit  malheureux,  devint 
jalotife  de  fes  progiès,  et  réfolut  d'ôter  à  foû  enfant  gâté 
l'humiliation  du  partillele.  «  '\ 

«fhUne  avaature  bien  touchante  réveilla  cependant  en  elle 
les  fentimetits  tie  la  âature-,  mais  ce  retour  fur  elle  même 
rhtnaîiiaiinis  la  ee^rriger.  Jacquaut  a  voit  dix  ans,  de  VE^ 
iv&g  en  avoit  près  de  quinac,  lorfqu'*elle  tomba  ferieufc- 
lïieftt  malade.  L^aihé  s'occupoit  de  fes  plailîrs,  et  fort  peu 
de  la  hxtité  de  fa  mère.  C^èll  la  punition  des  mères  folles 
d^atmerdeseafant» dénaturés.  Cependant  on  commençoit 
à  s'inquiéter  y  Jaequaut  s'en  apperçut,  et  voilà  fon  petit 
cœur  iaifi  de  douleur  et  de  crainte  :  l'impatience  de  voir 
fa  mèr«  ne  lui  permet  plus  de  fe  cacher.  On  Pavoit  ac« 
coutume  h  ne  paraître  que  lorsqu'il  étoît  appelle  -,  mais 
enfin  fa  teadretife  lui  donna  du  eourage.  11  faiiît  l'inûant 
où  la  porte  de  îa  chambre  èft  cnlr'ouverte,  il  entre  fans 
bruit  tt  à  pas  tremblants,  il  s'approche  du  lit  de  fa  mère. 
Eft  ce  vous,  mon  fils  ?  demanda-t-elle.  Non,  ma  mère, . 
c'eft  Jacquaut.  Cette  rép  on  fe  naïve  et  accablai)j:e  péné. 
Ua  de  honte  ft  de  douleur  l'âme  de  cette  femme  injuile  ; 
suais  quelque»  carefles  de  fon  mauvais  fils  lui  rendirent 
bientôt  tout  ion  afeeodantj  et  Jacquaut  n'en  fut  dans  la 
fuite  ni  mieux  aimé  ni  tnoins  digne  de  l'être. 

A  peine  Madame  Corée  fut-elle  rétablie,  jnu'elle  re- 
pfit  le  «kffcitt  et  i,éloigner  de  la  maifon  :  folr^rétexte 
Âtt,  que  de  l'£tang,   naturellement   vif^   étoit  trop  fuf- 

T  Z  yceptible 


Mt 


<5< 


120  LA  MAUVAISE  MERE, 

ceptible  de  dîffipation  pour  a^oir  tui  com{>agnon  d^étude, 
et  que  les  impertinentes  prédileâions  des  maîtres  pour 
Tenfaot  qui  étoit  le  plus  humble  ou  le  plus  careflant  avec 
eux^  pouvoient  fort  bien  décourager  celui  dont  le  carac» 
tère  plus  baut  et  moins  flexible  exigeoit  plus  de  mê^ 
na^ement  :  elle  voulut  donc  que  PÊtang  fût  Panique 
objet  de  leurs  foins,  et  fe  défit  du  malheureux  Jacquaat 
en  Pexilant  dans  un  collège* 

A  feîze  ans  TEtang  quitta  fes  maîtres  de  matbéma* 
tjque,  de  phyfîque,  de  mufique,  &c*  comme  il  les  avoît 
pris  'y  il  commença  fes  exercices,  qu^il  fit  à-peu  près 
comme  fes  études }  et  à  vingt  ans  il  parut  dans  le  monde 
avec  la  fuffifance  d'un  ibt  qui  a  entendu  parler  de  tout, 
et  qui  n^a  réfléchi  fur  rien. 

De  Ton  côté  Jacquaut  avoît  fait  fes  humanités,  et  fil 
mère  étoit  ennujée  dts  éloges  qu^on  lui  donnoit.  Hé 
bien,  dit-elle,'puirqu'il  èil  fi  fage,  il  réuf&ra  dans  P£* 
glife,  il  n'a  jqu  à  prendre  ce  parti. 
^  Par  malheur  Jacquaut  n'avoit  aucune  inclination  pont 
Tçiat  ecléfiadique  ^  il  vint  fupplier  fa  mère  de  Pendit* 
penfer.  Vous  croyez  donc,  lui  dit-elle  avec  une  hauteur 
froide  et  fevère,  que  j'ai  de  quoi  vous  foutenir  dans  le^ 
inonde  ^  Je  vous  déclare  qu'il  n'en  è(l  rien.  La  fortune 
de  votre  père  n^étoît  pas  auffi  considérable  qu'on  l'ima» 
gine  9  à  peine  fuffîra-t-elle  à  l'établiffement  de  votre  aîné. 
Pour  vous,  Monfieur,  vous  n*avez  qu'à  voir  fi  vous  vou- 
lez courir  la  carrière  des  bénéfices  ou  celle  des  armes, 
vous  faire  tonfurer  ou  cafler  la  tête,  accepter,  en  un  mot^ 
un  petit  collet  ou  une  lieutenance  d'infanterie  ;  c'è(b 
tout  ce  que  ie  puis  faire  pour  vous.  Jacquaut  lui  répon- 
dit avec  rcfpèét,  qu'il  y  avoit  des  partis  moins  violents  ^ 
prendre  pour  le  fils  d'un  négociant.  A  ces  mots  Made* 
xnoiielle  de  Carandon-faillit  à  mourir  de  douleur  d'avoir 
icîs  au  monde  un  fils  fi  peu  digne  d'elle,  et  lui  défendit 
de  paroître  à  fes  yeux.  Le  jeune  Corée,  défolé  d'avoir 
encouru*  Tindignation  de  fa  mère,  fe  retira  enfoupirant^ 
et  réfoluf  de  tenter  ii  la  fortune  lui  ferûit  moins  cruelle 
que  la  nature.  11  apprit  qu'un  vaifieau  étoit  fur  le  point 
de  faire  voile  pour  Us  Antilles,  où  il  avoit  deffieîn  de  fe 
lenJre.  11  écrivit  ^.  fa  mère  pour  lui  demander  fon  aveu» 
fa  bqnédiâionyCt  une  pacotille.    Les  deux,  premiers  ar« 

ticleft 


Coi»tX     Mo%KU  221 

ticfes  lat  furent  tmpkmeBt  mccotâés }  mais  lé  dernier 
«rec  économie* 

Sa  xnère,  trop  h^ureafe  <î*#n  ôtrd  délivrée,'  voulut  le 
Voir  avant  toit  départ,  et  ca  PembrafTant  Im  donna  queU 
que»  kifn^es.'  Son  frère  rut  au(iî  la  bonté  de  lui  fouhai* 
ter  un  heureux  voyage.  C'étoîént  les  premières  carefîes- 
qu'il  aroit  reçues  de  fes  p^refita  *,  fon  cœur  fenflble  en  fut 
pénétré  :  cependant  il  n'àfa  leur  demander  de  lut  écrire  ^ 
itms  il  avoii  uo  camarade  de  collège  dont  il  étoît  tendre- 
ment aimé  :  il  le  conjura  eu  partant  de  lui  donner  queU 
quefoii  des  nouvelles  de  fa  mère; 

Gelie-cî  ne  fut  plus  oeçupée  que  du  fom  d^établir  font 
enfant  cbérî.     Il  fe  décWra^  pour  la  robe  :  on  lui  obtînt: 
des  difpenfes  d^études  :    6t  bientôt»  il  fut' admis  dans  le 
&néluaire  des  loÎJd>     Il  ne  fallôit  plus  q^'un  mariage 
mvantsgeux  :    on  propofa  ui^  riche  héritière  ^    mais  o^' 
e-xigep  de  la  veuve  la  donation  dei  fes  biens.'    £Ile  eut  la' 
liDÎblefle  d'y  confentir,  en^fc  réfi*rvant  ii- peine  de  quoi/ 
vivre  décemment;  bien  afUirée  que  la  lo rtuoe  de  fon  fils  • 
feroit  toujours  en  fa  .difpoôiionr  ^«       -  -       ^      - 

\A'^   A  l'âge  dcf  vingt»cinq  ausy  M*  de  l'Etang'  fe  trouva  i 
donc  un  petit  ctonfeiller  tout-'rondi- négligeant  fa  femme' 
autant  que  (a^  nrère  ayant  grand  foin  de  faperfonne, 
et  fort  peu  d^  fotiei  des  adirés  d^i  Pakîs.      Comme 
U  étoit  an  bon  atv  qu'un   itiari  eut  qtaelqu'une  qui  «ne 
fttt  pas  fil  femme,   l'Etang  crut  devoif  s'afivjher  pour 
homme  Ul  bonne  fortune.     Une  jeune   perfonne   qu'il  ' 
lorgna  au  fpeélacle  répondit  à  fes  agaeeries^  le  re^ut- 
chez  elle  avec   beaucoup  de  poI>t<?iré,  raâurn  qu^il  é* 
toit  charmant,  ee  qa:'il  n'e«^  point  de>  peine  à  croire, 
et  dans*  peu*  de  temps  le  débarrafla  d'un  porte- feuille 
de  dijt'  mille  écas.-    Mais  comme  il  n'y*  a  point  d'a- 
litotfFs  éternelles,  cette  beauté  parjure  le  quitta  au  bout 

*  dt  trots  nrc^is  pour  un  jeune  L-ord- Anglois  au'li  lot 
ét^  pliis  magnifique.  L'Etang,  qui  ne  conocvoit  pas  * 
comment  on^  renvoyoit  un  homme  comme  lui  réla- 
latde<s'en>  venger  en  nrenani;  une  raaitrefle  plus  fa- 
meufe  encore^,  et  en'  la  rcomblant  de  bién^its.  Sa  nou« 
velle  conquête  lui- fefoit  mi41e  jaloux  ;  et  q'>and  4I  fe 
eompar(Mi  à  cette  foule  d'«doraU"urs  qui  foupiroicnt  en 
vaio  pour  elle,  il  avo'vt  le  {ii-ailir  de  fc  cruii  c  pms  aimable 
ootame  il  fc  tfeuvoit  plu6  iieureux.  v  Cependant  la  Dame 

T3  s'éiant 


9ii  LA  MAUVAISE  MERE, 

f*étftiitâpperçiiequHl  n*étott  pas  fan»  ioquiétttde^voiilttthS 
prouver  qu^il  n'étoit  rien  au  monde  qu'elle  ne  fàt  ^Or 
lue  à  quitter  pour  lui,  et  pr6pofa  pour  fiiîr  l«t  lfi9<u> 
tuns,  de  venir  enfemble  à  Paris,  oublier  tout  Puolvers,  et 
▼ivre  uniquement  l'un  pour  l'autre.    L'£tas|r  fut  tranf- 
porté  de  cette  marque  de  teodreile.      Tout  oe  prépare* 
pobr  le  voyage  $  ils  partent,  ils   arrivent^  et  duâfiflcnt 
leur  retraite  aux  environs  du  Palais  Royal,  Fatime  (c'é- 
toit  le  nom  de  cette  beauté)  demanda,  et   obtint  fiias 
peine,  un  carofie  pour  prendre  l'ah>^  L'£tatng  fut  fur«^ 
pris  du  nombre  d'amis  qu'il  trouva^  dans  la  bonne  ville.. 
Ces  amis  ne  l'avoient  jamais  vu  ^  mais  fian  .mérbe  les  at« 
tiroit  en  foule.     Fatime  ne  recevort  cfaes^elle  que  la  f(^ 
ciété  de  l'£tang,  et  il  étoit  bien  sûr  de  ce^ amis  et  d'elle^ 
Cette  femme  charmante   avoit  cependant  une  £Ditileffie  : 
'  elle  croyoit  aux  longes.     Une  nuit  elle  en  a«oit  fait  ua^ 
qui  ne  pouvolt,  difoit-elle,  s'e&cer  de  (baeipiît«    .  L'E»- 
tang  voulut  favoîr  quel  étoit  ee  fonge  qui  î'occttpoît  fr 
férieufement.      J.'ai  lâvç,  lui  dit- elle,.,  que  j'étois  dans 
un  appartement  délicieux  ;  c'étoit  un^  lit  de  damas  dt 
trois  couleurs^  UM  tapififerie  et  des  Tophas-  aflbrtis  à  ce- 
]it  fuperbe-,  des  trumeaux  cblouiiTanta  de  dorure^  des  ca»- 
bîoet&  de  boule,  des  porcelaines  du  Japon,  des-mag^s  de 
la  Chine  les  plus  jplis  d^  monde  ^  mai»  tout  cela  n'èfl 
TÎett.     Une  toilette  étoit  dreffée,.  je  la'appioche  ^  qu'ai* 
je   apperçu  !    le   eœur  m'aa  palpite  :.  un  écrin  de  dia« 
mans  j  et  quels  diamans  encore  !  Paigrette  la- mieux  deA 
iînée,  les  boucles  d'oreille  lesplos  bnllantes^  le  plus  bel: 
efclavage,  une  rivière  qui  ne  finiflbit  pas.    Oui»  Mon* 
iieur,  je  vous  le  dis,  il  m'arriTera  q^el^oe  cbofe  de  iin« 
gulier.      Ce  fonge  m'a^  taop  vivement  frajipée,.  et  mes^ 
fonges  ne  me  trompent  jamais.. 

M.  de  l'Etang  eut  beau  emploj^,  toute  fotv éloquence^ 
h  lui  perfuader  q^e  ies.  fanges  ne  fignifioient  rien  j  elio 
Iqi  foutint  que  celui-lli  devoit  ôgniâer  quelque  dioie»  et 
il  finit  par  craindre  que  quelqu'unde  fes  rivavucne  pro- 
posât de  Peffeâuer.  il  fallut  donc  capituler,  et  auquel* 
j^ues  cîrconftances  près,  fe  réfb'udre  à^  i'accon^pHr  lui* 
même,  L'an  juge  bien  que^  cette  épreuve  ne  la  suèrit 
pas  de  l'habitude  de  fonger:  elle  y  prit  goût,  et  (ongea 
tant,  que  la  fortune  du  bon^hotnme  Cotée  n'écoit  pref* 
\ae  plus  elle-même  qu'un  fonge.     }^a  jeune  époufe  de. 

M- 


ige  avoit  d^u,  deaiandR 
ici  qui  rabandonnoit  ;  et 
it  eocoïc  plus  mal  à  Ton 

'Etuig  pf£t«ndoit  exctU 
Efoient  bourfe  commune, 
]ue  1*UD  deus'jouoît  con- 
tre.- A'CbaqtLefcnS' qu'il  écartott,  M»  fi»,  difoît  l'un 
dea  pericnn,  c'èft  biwv  Jouer  !  On- ne  joae  pu  mieux| 
«Uroit  l'autrt.  £»6a,  M.  de  l'Etang  jouoit  le  mieux  dy 
monde  ;  mùi  il  n'avoit  janiRis  lei  M.  Tandis  qu'on 
l'eipédimt  inleoribleBirDt,  lafidelle  FatimCi  qui  s'appei- 
çut  de  la  dicidence,  râva-une  nuit  qu'elle  le  quittoit,  et 
le  quitta  le  Icadeiaain  :  cependant  comme  il  \â  bumili- 
ant  de  il6oheoir,  il  lie  piqua  d'hoooeur,  et  ne  voulut  riea 
rabattre  de  fou  &Ae,  en  forte  que  dam  quelques  année» 
il  fe  trouva  qu'il  étoit  ruiné. 

Il  en  Btoît  aux  eupédiens,  lorlque  Madame  fa  mire, 
qm  n'avait  pa»naieuK  ménagé  fa  téférve,  lui  écrivit  pour- 
hii  demander  de  l'aigejit.  11  lui  répondit  qu'il  étoit  défe» 
Spété,  mais  que  loin  de  pouviur  luhenTojerdetleciHirs,  il 
■oarait  btloio-lui-mâme.  Déjà  l'alarraes'étoii  répandue 
parmi  l*iu&  créancier»,  et  c'était  &  qui  fe  faifiroit  le  pte> 
saier  des  débris  de  leur  fortune.  Q^'ai-je  fait  !  (tifoit 
cette  mère  déiolée:  je  me  fuis  dépouillée  d»  tout  pour 
nn.fils  qui  ■  tout  dimpé.- 

Cependant  qu'éuit  devenu  l'rafortané  Jacquaut  !  Jac- 
.  quaut  arec  de  l'efp[it,.la  meillure  âme,  la  plus  jolie  6- 
.."'ffU'^  du  monde,  et  fa  petite  pacotille,  étoit  arrivé  heu- 
leitfement  ît  Siint  Demiogue.  On  fait  combien  un 
Français  de- bonnes  ma»irs  et  de. bonne  mine  trouve  aifé- 
ment  it  s'établir  dam  les  Idei.  ,Le  nom  de  Corée,  fou 
intelUgenee  et  fa  figefle,  lui  acquirent  bicntât  la  confi*  ' 
ance  des  hilpitaotii  Avec  les  lécour;  qui  lui  furent  of- 
fertt,  il  acquit  luî-mËme  une  habitatioii,  la  cultiva,  la 
''  rendit  floriSaaic.i  le  commerce,  qui  étoit  en  vigueur, 
L'eniicbit  en- peu  de  tompi  ;  et  dans  l'cfpacedécinq  ans, 
U  étoit  devenu  l'objîf  de  la  jalouHe  des  veuves  et  des 
fillei  les  plus  beUcs  et  ks  plus  licbcs  de  la  Colonie'. 
Mais,  hélaj  !  (on  camarade  de  collège,  qui  jufquc&'là  ne 
lui  avoit  donné  que  des  nouvelles  fatîifaifjntcs,  lui  écri- 
vit que  Ton  fièic  étoit  ruiué,  et  que  fa  mère,  iibiadoanc>i 


i 


Z2Si  LA  MAUVAISE  MERE, 

de  foot  le  monde,  éisok  têiuht  swc  pks.  id&ètfTvt  ^xtté^ 
tnîtés.  C«tte  lettre  faitftlé  futr  arrMée  du  ^^»^«  Akv- 
m»  pawre  »ère  !  »^éci:i«-t«}],(  j'irii  v«»â  {«wurln  II- 
ne  voulut  sVn  fier  à  perfonneii  Un  accident,  |Ae  in6dé» 
lité,  ]»  néj^Ugeilice  ou  la  lenteBr  d'une  ttaîo  ârrao^ère,^ 
pouvoîeât  la  prfi^r  des  fecours  d^  foa  fils«  it  la  laiîfier 
mourir  dass-  Pindig^enee  et  \é  àeSafpoit,     Rietv  ae  deit  j 

retenir  un  ôlSf  fe  dtfott-il  li<  lu^niêtôey  q^naiidil  j  va  d«' 
l%anitear  et  de  la  vie  d\ine  nkère^j^ 
^  Avco  de  tels  fentimtota,  Corée  rt^  fut  plus   occupé  - 
qu^  du  Ço'm  de  rendre  fe»  rîcheffes  portative».     Il  vendit 
tout  ce  qu'il  pofl'édeit,  e%  ce  facrifictf  ne  eouta  rka  â  fou 
coeur  ;  maïs  tl  ne  put  refufer  des  régrèt»  21  uiY  tréW  plu«- 
I»<éci(tux  qu'il  li^îâoit    en  Aa^^rtqse*      Lncelle^  jeune 
iwfive  d'un  vieux  colon,  qui  lui  avok  laiâï  dc^  biens  im»- 
mtnké,  avoft  jttté  far  Corée  Uf»  de  ce^  regard»  qui  icmm. 
blent  pénétrer  jofqu'au  fond  de  râsaé  et  en  déméléf  It* 
caradère  -y    Tun  de  cas  regafd»  qtii  decideitt  rôpinion» 
qjii  déterminent  le  peirchant,  et  dont  re#èt  ê^bit  et^cOà*- 
^8  èft  pris  le  plus  ibutent  pour- un  mouvement  fyinpsi^ 
tbiqiie.     £]le  a  voit  cru  voit  dans  ce  jeune  homme  tout 
ce  qui  peut  rendte  heureufe  une  femme  honnête  et  fen« 
iible  ;  et  fon  amour  pour  lui  n'avoit  pa»  attendu  la  ré^ 
flexion  peur  naître  et  fe  développer.     Corée  de  fûàr  tàté' 
l'avoit  diftinguée  entre  fe»  rivales^  cchnme  la  plus  dig:ne' 
de  captiver  le  ccsor  d'un  bomme  fage  et  vertueux.    Lu>' 
celle,  avec  la  figure  la  plus  noble  et  la  plus  intéfefiantCi» 
Pair  le  plus  animé,  et  cependant  le  plu^  modefte^n  tein 
bru»,  maiir  plus  frais  que  les^rofes,  des  cbeveux  d'u 
noir  dtébène,  et  des  dents  d'une  blancheur  et  d'un  émail 
^  ôblouK,  la  taille  et'la  démarche  des  Nymphes  de  Diane, . 
le  fourire  et  le  regard  des- compag^ses  de  Vénus  ;  Lucclle 
avec  tous  ce»  charmes  étoît^  douée  de  ce  courage  d'^fprit" 
de  Cette  élévation  de  caraétère,  de  celte  jufteffe  dans  le»- 
idées,    de  cette,  droiture  d^ns  les  ftintiments,  qui  nour 
font  dire  aSt2&  mal  à-propos  q^'une  femme  a  l'âme  dVa^ 
"^bomme.     41  n'étoit  pas^dans  les  principes  de  Lucelte  de 
rougir  d'une  inclination  vertueufe.1lt*A   peine  Corée  lui 
cujfrïil  avoué  le  choix  de  fdn  cœur,  qu'il  obtint  d'elle 
fans  détour  un  pareil  aveu  pour  réponfe  j  ttieur  incH-- 
•nation  mutuelle  deVe  nue  plus»  tendre  à.  mcfute    qu'elle* 
étoit  plus  réâécbte^  tvWpiroit  plu»  qu'au  moment  d'être - 

'  confacréc 


;efeHanTC|» 

eux  d'ui^VMl 

».,-.    Â ZV;  ^T 


\y  tune. 


Conte  Moral.  22; 

eon&crée  au  pied  des  autels.     Qir^lques  démêlés  far 
Vhéritzg^  de  Tépoux  de  Lucelle  a  voient  retardé  leur 
boaheor.     Ces  démêlés  alloient  finir  lorfque  la  lettré  de 
Pami  de  Corée  vtât  tout- à-coup  l'arracher  à  ce  qu'il 
avoit  de  plus  cher  au  monde,  après  fa  mère.     Il  fe  reiv« 
dit  chez  la  belle  veuve,  lui  o^ntra  la  lettre  de  Ton  ami, 
et  lai  demanda  coufeil.     Je  me  flatte,  lai  dit-ellei  que 
vous  n'en  avez  pas  befoin.     Fon^jBZ  votre  bien  en  effets 
commerçableSy  allez  au  fecdlilrs*  de  votre  mère,  hhcs 
honneur  à  tout,  et  revenez,  ma  fortune  vous  attend.  ""Si 
je  meurs,  mon  teftameut  vous  l'afiurera  ^  û  je  vis,  au-lteu 
d'un  teâament,  vous  favez  quels  feront  vos  titres.     Co- 
rée pénétré  de  reconnaiffance  et  d\idmtration,  faiât  les 
mains  de  cette  femme  généreuie,  et  les  arrôfa  de  fea 
pleurs.  Mais  comme  il  fe  répandoit  en  «loges,  Allez,  loi 
dit-elle,  vous  êtes  un  enfant  :  n'ayez  donc  pas  les  pré- 
jugés de  l'Europe.      Dès  qu'une  feo^me  fait  quelque 
cfaofe  de  pafiablement    honnête,    011  crie   au  prodige^ 
comme  û  la  nature  ne  nous  avoit  pas  donné  une  âme.  A 
ma  place  (erîez*vous  bien  fkté  de  me  voir  d»as  l'étonné* 
ment,  regarder  en  vous  comme  un  phénomène  le  pue 
iBoavemfiiit  d'un  boa  cœur  l  Pardon,  lui  dit  Corée  je  dé- 
vots m'y  attendre  ^  mais  vos  principes,  vos  fenttmeois^ 
l'aifance,  le  naturel  de  vos  vertus  m'enchantent  ;  je  les 
admire  fans  en  ^tre  furpris.     Va,  mon  enfant,   lui  dit*' 
elle  en  le  baifant  fur  les  deux-  joues,  je  fuis  à  toi  telle 
ue  Dieu  m'a  fiûte*     Remplis  tes  devoirs,  et  reviens  au 
tôt.,^1^ 
s'enmarque,  et  avec  lui  il  embarque  toute  fa  for- 
tune.   XtC  trajet  fut  afiez  heureu^i;  jufques  vers  les  Cana* 
ries;  mats  là,  leur  vaifieau  poorfuivi  par  uacorfaire  de 
Maroc,  fut  obligé  de  chercher  foa  falut  dans  fes  voiles. 
Le  Cor  faire  qui  le   chaflbit  étoit  fur  le  point  de  le  join- 
dre ',  et  le  Capitaine,  e&ayé  du  dac^er  de  Tabordage,. 
alloit  iè  livrer  au  pirate.     Ah  ma^Kvremère!   s^écria. 
Corée  en  embrasant  la-caiTette  ou^toit  reirfermée  toute 
£on  efpérance  ;  et  puis  s^arrachant  les  cheveux  d»\  dbu» 
leur  et  de  rage,  Not^  dit-il,  ce  barbare  Afriquata  me 
dévorera  plutôt  le  cœur.     Alors  s'addreflant  au  Capi- 
taine, à  l'équipage,  et  aux  paifagtrs  cooileui^s,  fÀi  quoi^ 
mes  amb,  leur  dit-il^  nous  rendronsAtrafT  Ifichement  f 
Sottffcirons-nous  que  ce  brigand  nous  mhas  à  Maîroc 

chargés 


y.  v^*•*5^*» 


lit.  Un  étranger»  dltMl»  demande  à  voir  Madtme.-— 
Uélas  !  et  quel  èft  cet  étranger  ?— Il  dit»  qu^il  s^apprlle 
>  AMcquaat.  A  ce  non  fes  entrailles  furent  û  violemment 
r^muest  qu'elle  faillit  à  expirer.  Ah,  mon  fils  !  dît-elle 
d'une  voix*éteinte  et  en  levant  fur  lui  fa  mourante  pau^ 
pierei  Ah>  mon  fils  !  dans  quel  moment  vtnez«vou8  re- 
voir  votre  mire  i  votre  main  va  lui  fermer  les  yeux» 
Qiiellc  fut  la  douleur  de  cet  enfant  fî  bon,  fi  pieux, 
de  voir  cette  mère  qu'il  avoit  laiffée  au  fein  du  luxe  et 
de  Topulence,  de  la  voir  dans  (un  lit  étouré  de  lam- 
1»eanx,  et  doat  l'image  attendriroit  le  cœur  le  plus  ia- 
fenfible  :  O  ma  mère  !  s'écria- t>il  en  fe  précipitant  fur 
ce  lit  de  douleurs  :  fes  fanglots  étouffèrent  fa  voix,  et 
les  f  ttifleaux  de  larmes  dont  il  inondoit  le  fein  de  fa  mère 
expirante,  furent  longteme  la  feule  exprefiîon  de  fa  dou« 
leur  et  de  fon  amour.  Le  Ciel  me  punit,  reprit* elle» 
d'avoir  trop  aimé  un  fils  dénaturé  ;  d'avoir-— -**I1  l'inter- 
rompit :  Tout  è(l  réparé,  ma  mère,  lui  dit  ce  vertueux 
jeune. .homme,  vivez  :  la  fortune  m'a  comblé  de  biens  ^  je 
vient  les  répandre  au  fein  de  la  nature  :  c'èil  pour  vous 
qu'ils  me  iont  donnés.  Vivez  :  i'al  de  quoi  vous  iaire 
aimer  la  vie.-— Ah  !  mon  cher  enfant,  fi  je  défire  de  vi* 
vre,  c'èft  pour  expier  mon  injuftice,  c'en  pour  aimer  un 
6h  dont  je  n'étois  pas  digne,  un  fils  que  j'ar  déshérité. 
A  ces  mots  elle  fe  couvroit  le  vifage,  comme  indigne  de 
Toir  le  jour.  Ah,  Madame  !  s'écria*t-il  en  la  prefiant 
'dans  fes  bras,  ne  me  dérobez  point  la  vue  de  ma  tohrcwJI^  ^ 
^^■^  viens^'à  travers  les  mers  la  chercher  et  la  fécourir» 
^^^ans  ce  moment  le  Prêtre  et  le  Médecin  arrivent.  Voi- 
là, dit-elle,  mon  enfant,  les  ieules  confolations  que  le 
Ciel  m'a  laififées  ;  fans  leur  charité,  je  ne  fecois  plus. 
Corée  les  embrailè  en  fondant  en  larmes.  Mes  amis  ! 
leur  dit-il,  mes.bienfaîteurs  !  que  ne  vous  doîs-je  pas  ^ 
Sans  vous  je  n'aurois  plus  de  mère  :  achevez  de  la  rap- 
peller  à  la  vie.  Je  fuis  riche,  je  viens  la  rendre  heureufe* 
Kedoublez-vos  foins,  vos  conlblations,  vos  fécours  )  ren- 
dez*la  moi.  Le  Médecin  vit  prudemment  que  cette  fî- 
tuatton  étoit  trop  violente  pour  la  malade.  Allez,  Mon- 
iieur,  dit'âl  à  ^Corée;  repofez  vous  fur  notre  zèle,  et 
-n'ayez  plus  d'autre  foin  que  de  faire  préparer  un  loge- 
ment coounode  et  faln.  Ce  foir,  Madame  y  fera  tranf- 
portée. 

Le 


^ii  LA  BERGERE  DES  ALPES. 

t 

Le  changement  d^str,  la  bonne  nourriture,  on  pkitAt 
la  révolution  qu*aT<Nt  £aite  la  joie,  et  le  calsae  qui  lui  fam 
cédai  ranimerait  ipfenfiblenient  en  elle  let  organes  de  li^ 
yie.  Un  chaif  in.  profond  avoit  été  le  f»incîpe  du  .mal  y  ** 
la  confolation  en  fut  le  remède*  Corée  appfit  quefen 
malheureux  frère  Tenoit  de  périr  miférablemeot.  Je  tire 
le  rideau  fur  le  tableau  effrayant  de  cette.mort  ^#p  mé» 
TÎtée.  On  en  déroba  la  connoiflance  à  une  mère  fenfiMe^ 
et  trop  foible  encore  pour  foutenir  fans  expirer  un  nouyel 
accès  de  douleur.  £lle  l'apprit  enfin  lorfque  Ùl  fanté 
fut  plus  affermie.  Toutes  les  plaies  de  ton  cœur  s^ouvri-* 
rent,  et  les  larmes  maternelles  coulèrent  de  fea  yeuxt 
Mais  le  Ciel,  en  lui  ôtant  un  fils  indigne  de  fa  tendreffe, 
lui  en  rendoit  un  qui  Tavoit  méritée  par  tout  ce  que  la 
Bature  a  de  plus  fenfible,  et  la  vertu  de  plua  touchant. 
Il  lui  confia  les  défirs  de  fon  âme  :  c'étoit  de  pouvoir •ré'- 
unir  dans  fes-bras  fa  mère  et  fon  époufe.  Madame  Co« 
rée  faîfit  avec  joie  le  protêt  de  paffer  avec  fon  fils  en  A- 
mérique.  Une  viUe  remplie  de  its  folies  et  de  (es  mal- . 
heurs,  étoit  pour  elle  un  «féjour  odieux  ^  et  Tinilant  où 
elle  s'embarqua,  lui  rendit  une  nouvelle  vie.  -  L/t  Cièl| 
qui  protège  la  piété,  leur  accorda  des  vents  favorables* 
Lucelle  reçut  la  mère  de  fon  amant,  comme  elle  auroîf 
reçu  fa  mère«  L^hymèn  fit  de  ces  amants  les  époux  les 
plus  fortunés,  et  leurs  jours  coulent  encore  dans  c:ette 
paix  inaltérable,  dans  ces  plaifiis'purs  et  ferct0S|  qui  font 
^le  partage  de  la  vertu. 


LA  BERG£R£  D£S  ALPES.    Cont^  Moral. 

DANS  les  montagnes  de  Savoye,  non  loin  de  la  route 
de  Briançon  à  Modane,  è(l  une  vallée  folitaîre,  doist 
l'afpeâ  înfpire  aux  voyageurs  une  douce  mélancolie. 
Trois  collines  en  amphithéâtre  où  font  répandues  de  loin 
en  loin  quelques  cabanes  de  pafteuri,  des  torrents  qui 
tombent  des  montagnes,  des  bouquets  d^arbres  plantés 
ça  et  là,  des  pâturages  toujours  verds,font  Pomement  de 
ce  lieu  champêtre. 

La  Marquife  de  Fonrofe  retournott  de  France  en  I- 

talie 


C  O  («  T  1     M  O  R  A  !.•  229 

% 

tftlîe  zwtc  ion  épovx.  LVffieu  d€  leur  voiture  fe  rom- 
fâc;  et  icomme  ]«  jour  étoit  fur  Ton  déclin,  il  fallut  cher* 
cher  <fans  cette  tuïïét  un  afyle  où  paffer  la  nuit.  Com- 
tne  il  éHivan^oient  vers  l\ine  des  cabases  qu^ils  avoient 
«^|>erçue^,  îls  virent  un  troupeau  qui  en  prenoit  la  route, 
conduit  par  «ine  bergère  dont  !a  démarche  les  étonna, 
lu  approchent  encore,  et  ils  entendent  une  voix  célèfte 
^oot  \t%  accents  pkintifiFs  et  touchants  fefoient  gémir  les 
échos. 

*•  Q«€  le  foleîl  couchant  brilîe  d^une  douce  lumière  î 
**  C'èft  ahîij  (dtfoit  elle)  qu'au  terme  d'une  carrière  pé- 
^^  nible,  Fàme  ^puîiee  va  fe  rajeunir  dans  la  fdurce 
**  pure  de  rimnortalfté.  Mais  hélas,  gue  k  terme  èft 
•*  loîa,  et  que  la  vie  èfV  lente  !"  En  difant  ces  mots 
la  bergère  siéloignoit,  la  tête  inclinée  !  mais  la  né* 
gligence  de  fon  attitude  fembloit  donner  encore  à  fa 
taille  et  è  fa  démarche  plus  de  hobleiTe  et  de  ma« 
jefté. 

Frappés  de  ce  qu'ils  voyoîent,  et  plus  encore  de  ce 
qu'ils  venoient  d'entendre,  le  Marquis  et  la  Marquife  do 
Fonrofe  doublèrent  le  pas  pour  atteindre  cette  bergère 
^Hls  admîroient.  Mais'  quelle  fut  leur  furprife,  lorfque 
fous  la  coéffure  la  pkis  fimpk,  fous  les  plus  humbles  vé'* 
tements,  iis  virent  toutes  les  grâces,  toutes  les  beautés  re- 
«nîes  !  ma  fille,  lui  dit  la  Marquife,  en  voyant  qu'elle  les 
évîtoit,  ne  craignez  rien  ^  nous  fommes  des  voyageurs 
GU?un  accident  oblige  à  chercher  dans  ces  cabanes  un  re- 
«dfage  pour  attendre  le  jour*?ifoulezvous  bien  nous  fcrvîr 
de  guide  ?  Je  vous  plains,  Madame»  lui  dit  la  bergère 
en  baiflant  les  yeux  et  en  rougîffaat  j  ces  cabanes  font 
habitées,  par  des  malheureux,  et  vous  y  ferez  mal  logée. 
Vous  y  log«z  fan«  doute  vous-même,  reprit  la  Marquife  ; 
et  je  puis  bien  fiipporter  une  nuit  les  incommodités  que 
vous  fOuffrez  toujours.  Je  fuj«  faite  pour  cela,  dit  la 
bergère  avec  une  modeftie  charmi2inte.^:Npn,  certaine- 
ment, dit  Monf.  de  Fonrofe,  qui  ne  put  difflmulcr  plus 
longtems,  l'émotion  qu'elle  Jui.caufoit  y  non,  vous  n'ê. 
tes  pas  lîaite  pour  fou^rir,  et  la  fortune  èfl  bien  injude  i 
£(i>il  poflîble,  aimable  perfonne,  que  tant  de  charmes 
(oient  enfcvelis  dans  ce  défert,  fous  ces  habits?  La  fur- 
tune,  Monficur,  reprit  Adélaïde  (c'étoît  le  nom  de  Ja 
bergère,)  la  fortancr  n'èft  cruelle  que  loriqu'cllc  nous 

U  4  ^ta 


230  LA  BERGERE  DES  ALPES, 

ôte  et  qu^elU  nous  a  don&«4     Mon  étftt  a  (ûs  douceur k 
pour  qui  n'en  connoit  point  d^autr^,  o^ Û'babîtvd*  voua 
fait  des  befoîns  que  n'éprouvent  pa»  les  paâeurs^     Cela 
peut  ètrel  dît  le  Marquis,  pour  ceux  que  le  Ciel  a  fait 
naître  dans  cette  condition  obfcute;  .mais  vous,  61le  éton- 
nante, vous  que  j ^admire,  vous  qui  la^chantes,  vcmt 
n^êtes  pas  née  ce  que  vous  êtes  ;  cet  ain  cctttf  dém^rcbe^ 
cette  voix,  ce  laog^age,  tout  vous  tra.bit«  "    Deux  mots 
que  vous  venez  de  dire,  annoncent  un  efprit  cjultivé,  un« 
âme  nob]e.{    Achevez^  appreoe^-nottt  cuel  malbcttr  a  pu 
vous  réduire  à  cet  étrange  abaiffement^^Ppur  un  homme 
dans-  riufortune,  répondit  Adélaïde,  ii  y  a  milje  moy* 
cns  (d'en  fortir  :  pour  une  femme,  vous  le  &ves,  il-n'y  a 
de  reiburce  honnête  que  dans  la  fervitade  ^  et  dans  le 
choix  des  maîtres  on  tait  bien,  je  croîs,  de  piéfércr  les 
bonnes   gens.      Vous   ailea  voir  les  mteds  *^  vous  feres^ 
charmés  4^  Tinnocençe:  de.  leur  vie,  de  la  candctkr,  de  la 
iimpllcîté,  de  Phonnêteté  de  leurs  mœurs. 
1    Comme  elle  p^irloit  ain(i,  on  arrive  à  la  cabane»     Elle 
étoit  réparée  par  une  cloifon  de  Tétable  où  Tineonue  fit 
entrer  its  moutons,  en  les  comptant,  avec  Tattention  la 
plus  férieufè,  et  fans  daigner  s^occuper  davantage  des  é^* 
trangers  qui  la  contemploient»     Un  vieillard  et  fa  feiii« 
me,^tels  qu^on  npus  peiot  Philemon  et  Baucîs,  vinrent; 
av^evant  de  leurs  hôtes  avec  cette  honnêteté  villagcoîro 
qui,  nous  rapelle  Tàge  d'or»  *. Nous  n'avons  à  vous,  offrir, 
dit  la  bonne  femme  que  de  la  paille  fraîche  pour  lit,  du> 
laitage,  du  fruit  et  du  pailt^Alê  feîglé  pour  nourtkur.e  ; 
mais  le  peu  qac  le  Ciel  nous  donne,  nous  le  partagerons 
avec  vous  de  bon^  coeur/  Les' voyageur»,  en  entrant  dans^ 
la  cabane,  furent  furpris  de  Talr  d'arrangement  que  t«ut 
y  refpiroit.     La  table  étoit  d'une  feule  planche  de  noyer 
le  mieux  poli  ;  on'fe  miroit  dans   l'émail  des   vafes  de 
terre  deftinés  au  laitagc^aTout  préfentpit  l'image  d'une 
pauvreté  riante,, siEt   dès  premiers  befoins  de  la  nature  a« 
gréablemçnt  fatisfaits.     C'cft    notre   chère   fille,   dit  la. 
bonne   femme,    qui    prend  foin  du  ménage.     Le  matin 
avant  que  fon   troupeau   s'éloigne  dans  la  compagne,  et 
tandis    qu^il    commence    à    paître    autour  de   la  maifon 
rhcrbe  couverte  de   roféo,   elle  lave,   nettoie,    arrange 
tout  avec  une  addreffe  qui  nous   enchante.     Quoi!    dit 
la  Marquife,  ceUc  bergère  èfl  votre  ûllc  ?    A)î,   Ma-. 
;         i-  daioc  ! 


C  0  N  T  E      M  O  R  A  L.  ij  t 

dame  !  P!ût  nu  Ciel,  s'écrik  la  bowne  vfeille  !  C-èft  mon 
cetjt  qui  la  nomme  ainfî,  car  j^ïR  pouf  elle  Pamour  d^ane 
nèré':  snatsje  né  fuîs  pas  sflVz  heureufe  pour  l'avoiï" 
portée  dans  mon  iein  ;  nous  ne  femmes  pas  dignes  de  l*a« 
Wf -fait  naître.—- Qin  èft-clle  donc  ?  d'où  vient  elle  ?  et 
euel  malheur  l'a  «éduite  à  la  condition  des  bergers  :— * 
Tout  cela  nous  èll  inconnu.  Il  y  a  quatie  ans  cn^elle 
vint  en  habit  de  payfaniji  s'off^  pour  garder  nos  trou- 
peaux :  ndus  Saurions  prife  pour  nen,  tant  in  bonus 
mine  et  la  douceur  de  fa  parole  nous  ga^noient  le  cœur 
à  l'o»  et  ^l'autre.  Nous  nous  dcuturaes  Qu'elle  n'éujitf 
pas  une  villageoire  j  mais  nos  quellioris  l'alHigeoient,  et 
nous  crurats  devoir  nous  en  abilcnir.*NCe  rcfpci^^  n'a  lait 
qu'itugnrïenter  h^tnefure  (juc  nous  avons  mieux  connu 
ùa  âme  \  maii^  plus  nous  voulons  nous  a.baiiïer  de.» 
irant  elle,  plus  elle  s'humilie  devant  nous»  Jamais  frU 
li:  n'a  eu  pour  Ton  père  et  fa  mère  dès  attentions 
plus  foutenue»,  ni  d«s  etnprefieiuents  plus^  tendres. #*  Kl- 
le  n«  peut  nous  obéir»  car  nous  n'avons  garde  de  lui 
«anaxnatuler  ^  mats  il  ièmble  qu'elle  nous  devine,  et 
-tout  ce  que  nous  pouvons  fouhaiter  èfl  .fait  avant  que 
irons  noua  appcrce^vions  qu'elle  y  penfe^  C'èft  un  Ange 
de(cendu  p«rai  nous  pour  confoler  notre  vielllefTe.  Kt 
que  fait-elle  aâuelUmrnt  dans  l'étal^le,  demanda*  la 
Mat-qui&  f-i^Ëlle  donne  au  troupeau  .une  litière  fraîche  y 
elle  trftit  le  lait  des  brebis  c%àc&  c&èvfes..^ll  femble  que 
ce  laîtagr^  prefTé  de  fa  tilain,  en  deviemie  plus  délicat  ; 
mol  qui  vais  Le  vendre» k  la  ville,  je^ife^pu^s  fuffîre  au  dé- 
bit :  on  le  trouve  délicieux.  Ce tlè  chère  enfant  s'occupe 
en  gardant  fon  troupeau^  à  des  pii^rages  de  paille  et* 
d'oMMv  q^p.to^^triJ'é^nnoim'  admire,%».Je  voudrois  que 
vous  viâiez  avec  quelle  addrefTe  elle  eotrelrxe  le  jonc 
âéxible.  Tout  devient  précieux  fous  fes  doigts.  Vous 
voyez,  Madame,  pourfuivit  la  bonnè^vieille,  vous  voyez 
-ici  l'image  d'une  vie  aifée  et  tranquille  :  c'èll  elle  qui 
nous  la  procure.  Cette  fille  céîfefte  li'èîl  occupée  qu'à 
nous  rendue  heureux.  ^£ft*elle  hcureufe  elle  même,  de- 
-manda  Monf.  de  Fonrofe  ?  Elle  tâche  de  nous  le  perluader, 
reprit  le  vieillard  ^  mais  j'ai  fait  fouvjnt  appercevoir  à 
npa  femme  qu'en  revenant  du  pâturage  elle  avoit  les  yeux 
mouillés  de  larmes,  et  l'air  du  monde  le  plus  afHigé.  Dès 
qu'elle  oou$  vdit,  elle  affefte  de  fourire-j  mai^  nous  voy% 

U  2  on» 


23»  L.\  BERGERE  DES  ALPES. 

i 

ons  bien  qu'elle  a  quelque  perae,  qui  la  confame  :    non» 
ii'ôfons  la  lui  demander)!}^  A&  Madarae  !    dit  la  vieille 
femme,  quelle  pitié  me  fait  K||f  en&nt  lorfquVlle  s^ob» 
iline  à  mener  paître  fes  troupBrex  malgré  la  pluie  et'  la 
gelée  !    Cent  ïpîs  je  me  fuis  mife  à  genoux  pour  obtenir 
qu'elle  me  laîoat  prendre  (aolace  :  ma  prière  a  été  inu« 
tile.|^  £lle  s'en  va  au  lejÉr  du  foleil,  et  revient  le  foir 
tranfîe  de  froid.'     Jugesa^ne  difèlle  avec  tendrcfie,  ii  je 
vous  laiâerai  quitter  votre  fover»  et  vous  cxpofer  à  votre 
âge  aux  rigû^rs  de  la  fatroi|.|dA  peicie  y  puîs-je  r^fifter 
2noi-méme.  '  Cependant  elDe  apporte  fous  fon  bras  le  boîs' 
dont  nous  nous  chauffons;  et  quand  je  me  plains  de  la  fa*- 
tigue   quMle   fe   donne  :X  laitfez,   laiflez,    dit-rlJe,    m»~ 
bonne  mère»-  c'èft.par  rexercj|iie,  que  je  me  garantis  dtt> 
froid  :  le  travail  èft  fait  pour  Alon  âge.|i(Ln&n,  Madame,, 
elle  èd  bonne  autant  quelle  âfV  belle,   et  mon  mari  et 
moi  nous  ^en  parlons  jamaîâpyQe  les  larmes  aux  yeux.  £t- 
fi  on  .vous  renlevoit  î  demaMfla.Marquife.    Nousper^» 
drions,  interrompit  le  jneillipa^  tout  ce  que  nous  avons« 
de.  plus  cher  au  mondé' ;   mais  û  elle  deifpit  être   faeii- 
reufe,   nous  mourrions  contents  avec  cette  confolatiori^ 
Mêlas  !    oui»  reprît  la  viaîlle  en.  verfant  des  pleurs,  qu^ 
le  Ciel  lui  acoérde  une  fortune  Signe  dMle,  s'il  èH  pof- 
/ibie  L  M9n  efpérance  étoit  que  cette  main  fi  cbère  nïe- 
ieimeroit  les  y^xi,  mais  je  Taime  plus  que  iq|i  vie.    Soiv 
arrivée  les  interrompit.         f"^-    •  »       r         • 

Elle  parut  av«Q  un  féau  de  lait  d'une  maih^  4lp;rautre:' 
un  panier  Je-frftifç  ^  et  après  les^^ofr  falvés  avec  uhe 
grâce  charmAte,  e)le  ft  mît  S'Vacqûer'aU  fuin  du  mé* 
nage,  comm^fi  perÇ>nne  ne  s'occupoît  d'elle.  Vous* 
vous  donnez^^eT)  ^ê  la  peÎ0^,nna  cher e»e/i fan t^  luL^t  la 
Marquife.  Jjjj^  tâcnc^  Madatûi;,  répondit-elle,  de  rem*- 
plir  l'intention  de  mes  makra^:  qui  délirent  vous  recé« 
'Voir  de  leur  mîeux.-r'Vous  ïtuz,  pourfuivit-elle  ;cn  dé- 
ployant fur  la  table  uu.  lingdigrôJier,  mais  d'une  ex« 
trame  biancbeur,  vous  f^rez  un  repas  frugal  et  champê- 
tre. Ce  pain  n'èft  pas  le  plus  bMu  du  monde,  mais  il 
a  beaucoup  de  faveur;  les  œufs  font  frais,  le. laitage  èft 
bon,  et  les  fruits  que  je  viens  de  cueillir  font  tels  rque  la 
faifon  les  donne^  La  diligence,  l'attention,  les  grâces, 
uobles  et  décentes  avec  les- quelles  cette  bergère  misr«- 
Ycilleufe  leur  rendoittous  les  devoic&de  i'bofpitalité^  le 


CoitT£     MoRÀt.  '.  Û33 

refpeé!  qa^èllc  ma^quoit  à  tes  maîtres,  foit  quVlle  Uut 
jaàdrthkt  Im  parole.  Toit  qu^elle  cherchât  à  lire  dans  leurs 
yeux  ce  qu^ib  déilroient  qu^cllc  fît,  tout  ceU  pénétroit 
d'étonné  ment  et  d'admiration  Monf.  et  Madame  de  I'^on« 
rof«."5MLlès  qu'ils  furent   couchés   fur  le  lit  de   paille 
fraîche  qu'elle  avoit  préparé  elle-même.  Notre  avanture 
tient  cki  prodr|^e«  fe  direat^Us  Tun  à  l'autre.     Il  faut  c- 
clsiroir  ce  mydère,  il  faut  amener  avec  nous  cet  enfantai 
Au  point  do  jour,  l'an>  des  gens  qui  a  voient  paiTé  la 
naît  à  faire  réparer  leur  voiture^^  vint  les  avertir  qu'elle 
vtoAt  en  état.   ^  Madame  de  Fonrofe,  avant  de  partir,  iît 
sipprfler  la  bergère.^  Sans  vouloir  pénétrer,  lui  dit-elle, 
3e  fénèt  de  votre  haiiTance ,- et  la  çaufe  de  votre  in  for-   . 
.  tune,  tout  ce  que  je  vois,  tout  ce  que  j*enten<Js  m'inté» 
*^ffe  à  vousé  Je  vois  que  votre  courage  vous  a  élevée  au« 
defîas^du  &i;alheor,..  et  que  vou»  vous  ttes  fait  des  fenti« 
i&ents  conforme»  à  volr^  condition  préfeiHe  :  vos  charmes 
et  vos  vertus  la  rendent  refpeâablcy  mais  eHe  èfl  indigne  ' 
•de  vous.     Je  puis,  aimabler-inoonnu|5;irouf»  faire  un  meil-      • 
leur  ^rt  ;  les  iatcntions  de  n}#n  <nari  s'accordent  parfai- 
temeiït  avcc.les  mteanes^Je  tkns  à  Turia  un  état  confia 
dérable  9  il  aofe  manque  une  amie,  et  je  croîm/empor-^^^ 
ter  àp  ces  lieux  an*  tcéttôr  ineClimable,  fi  vous  vouliez  -       * 
:aa' accompagner.     £cartez-de  la  propoiition,  de  la  prière' 
(fue  je  vous  fats.:  touite  idée  defervit]^e  :  je -ne  vous  ctois^ 
pas  Faite  pour  cet  état  ;  ma^is  quand  ma   prévention  me 
trOmpermt,  jVime  mieux  vous  q|^ve^u  defTas  de   votre 
BaîiTAnce,  que  de  vous  laii&r  au  dej^sf^  Je  vous  le  ré- 
pète, c'èli  une  amie  que  je  veux  m*'àttacher.     Du   refte 
*»e  foycz  pas  en- peine  du' fort   de»  ces   bonnes  gens  :  il 
n'èft  rien  q|ie  je  ne  faffe  pour  les  dédommager  de  votre 
perte;^  au  moiasaîiiroat-ils  de  quoi  fi«ir  doucement  leui?' 
•état,  et  c'èft  de  vos  itwins  qu'ils- recevront  les  bienfaits^ 

iuurs, 
à  fes 
genoux,  oonjuroient  la  j.^une  Inconnue  d'accepter  ces  of- 
fres génère  u  fes  •,.  lui^  rcpréfentoieîit,  en  verfant  des 
larmes,  qu'ils  étoieot  au  powi  du  tp;nbeau,  qu'elle  n'a- 
voit  autrt:  confolation  que  de  les  rendre  heureux  dans 
-leur  vi€tUcirr,,et  qu'à  kur  mort,  livrée?  à  elle- même,  leur 
^icmeure.dcviendioit  pour  eïle  une  elFiayante  ioîitilde, 
JLa  bergère,  en  les  cmbiaiTant^  mê4 a  fes  larmes  avec  les 


«./ 


?/  ?. 


quA  je-ieur  deftine.4jLes  vitrillards-préfents  à  cedîfcu 
baiUot  les  m^ins  de  la  Marquife  et  le  proftetnant  à 


234  LA  BERGERE  DES  ALPES, 

leurs  ;  elle  readU  glaces  aux  bontés  de  Moof.  et  de  Ma4 
dame  de  Fonrdfe,  avec  une  ieiifibtitté  qui  l'embeUîffoitr 
encore.     Je  ne  puis,  dit  elle,  accepter  vos  bien  faits.    L»- 
jhClèl  a  marqué  ma  place,  et  fa  volonté  s'aecomplitv  mai» 
J^vos  bontlç?  ont  gravé  dans  mon  âme  des^  traits  qiit.'ifé  »*ea 
F  effaceront^ros^is.     Le  nom'  refpeâablo-de  Fonrofe  fera 
v4   fans  ceiTé  pl||fent  à  mon  erpnt.)^  H  ne  me  reiU  tqu*im8 
^^    grâce  à  TOu^|eTnander;  dit-el]e-en  rottgiffaot  et  en  baif« 
iant  les  yeux,v^(l  de- vouloir  bien  renfermer  cette  avan* 
ture  dans  un  éKrnel  fileoce^  etiafffer  à  jamair  ignorer  au 
monde  le  fort  «ineJnconmne  qui  iwut  vivre  cr  mourir 
dans  Poubl^f   W^^*  «t  Madame  de  Fonrof»,  attendris  et 
affligés,  red<^ubj^cnt  mille  foh  leurs  indanees;  elle  fut  in^ 
^   «branlable,  et  les  vieîlisrrds^  1er  voyageurs  et  li^^rgè 
■     r    £t  réparèrent  leS'  larme»  aux  yeu 

^  *»     Pendant  la  routes  Mbnf.  et  MaSame  de<^OBrdlê^ne 
.    Ç    «'occupèrent  que  de  cette  avanture.    llsr  croyoient  avoir 
\^    fait  u»  fotïge,    L^imagioatîon  rempliede  cette  efpècc  de 
S      roman,  ils  ariîvenr  à  Turin;     On  fe  doute  bien  que  le 
fîlence  ne  fut  pas  gardé,  et  ce  fnt  uff  fojèt  iaéfnairable 
de  réflexions  et  de  conjeéture^f-    I^e  jeune  Footuie,  fré^ 
0ji^  lent  Mi^Ant retien  s,  n^en^  perdît  pas  ume^ciscooftance^ii 
étoit  dans  l'âge  où  l'imagtuatiott  èft  la  plus^  vive,  et  le 
«œur  le  plus  fufceptible  d^attendriilement -,    mais  c'étoic 
un  de  ces  caraéfère»  dont  la  feBfibilité  ne  &  manifefte 
point  au'dthors,  d^autant  plus  violemment  agités,  quanif 
ils  viennent  h  Pâtre,  qi|e  le  ieotiment  qukks  affeé^e   ne 
^'aifoiblit  par  aeeuife  efpèce  de  difllipation;'  Tout^ce  que 
Fourofe  entend  raconter  des  charreesi  des-  vertu»  «t  des 
ir.alheurs  de  la  bergère  de  Savoye»  allome  dans  (on  àme 
le  plus  ardent  dé6r  delà  valrj|(il.s-^en  èflfak  une  image 
'^    qui  lui  è(t  fansctffe  préfente*,  îMui  compare  tout  cequ^il 
^       voit,  et  tout  ce  qu'il  voit  sVfiace  auptès  dVlle.  M«is  pltt* 
fi)n  impatience  redouble,  plus  il  a  (oin  de  la  diffimukr.  Le 
féjour  de  Turin  lui  è(i  odieuJt.     La  vallée  qui  caehe  aa 
X         monde  Ton  plus  bel  ornement,  attire  fen  âme  toute  entière^ 
G'èft  là  que  le  bonheur  l'attend<jjj(  Mais  li  foff  projet  èft 
connu,  il  y  voit  les  plus  grands  obAacles:  on  ne  Goafciuira/ 
jamais  au  voyage  qu^il  médite;    c^èfl   une  "folie  déjeune 
homme  dont  on  appréhendera  les  conféquences  \  ]a>  ber- 
gère elle-même  e£Fra3rée  de  fes  pourfuites,  ne  manquera 
|)as  de  s^y  dérober  )    il  la  perd  s'il  en  èA  ccnnu.     A- 

t         y  près 


^ 


•^^: 


Coirrs   MoKAL»  23} 

f  rès  toutes  ces  téû6xkm%  qui  Tocttipotent  depuis  trois 
fllioîs,  il  prend .  ia^  râblutîoa-  de  to«t  quitter  pour  elle» 
d'aller,  fous  Phabit  de  padeur,  la*  chercher  dans  fa  folU 
tilde,  et  d'y  mourir,  ou  de  l'en  tirer. 

Il  difparoitv  on  ne  le  rerM  point*     Ses  ftorents  qui 

^attendent,  en  ont  d'«bord  de  l'inquiétude  :  leur  crainte 

augmente  chaqœ  jour*    4^ewc  attente  trompée  jetta  la' 

dé£blatîon  dans  la  famille  },  l'inutilité  des  recherches  met 

le  comble  àleoar  défefpoir.     Une  querelle,  un  aflaffinat^ 

tout  ce  qu'il^y  a  def^us  fîniftre  fe  préfente  à  leur  penféef 

ot  œs-parents  infortunés fintffent  par  pleurer  la  mort  de  ce 

i|lsy4ettr  voiquo  efpéranee.-f^Tandis  que  fa  famille  èft 

d^s  le  deuil,  Fonrofe,  fous^Phahît  d'ufv.  pfttfe,  1é  pré* 

fente  aux  habitants  dcsjiameauxvoifins  de  la^vallée  qu^a 

ne.  lui  avoit  que  tr<^  bien  d^nte.  ^^ScSi^juxibition  èfk 

xcmplie  i:  on  lui  eonfie  le  foin  dhin  troupcHp»    "^ 

V  JLcs  premiers  jours  il- le  latfie  errer  à  l'avanture,  uni* 

9aenient  attentil  à  découvrir  les  lieux  où.  la  bergère  me* 

iM>itlefien.     Ménageons,- difott*tl,  la  timidité  de  cette 

belle  £alîtaire':  û  elle  èit  malbeureufe,  Çf^a  cœt\r  a  befoin 

de  qonfolaâton  :  fi  elle  n'sC  que  de  l'éloignement  pour  le 

monétr  et  que  le^^gout  d'une  vie  tranquille  et  innocente 

lu  retitBiie  dan3  ces  lieisz,  elle  y  doit  éprouver  des  mo* 

anents .d'ennui,  et  déârer  une  focieté  qui.l'amufe  ou  qui  la 

«anible  :  laifîofls  lui  rechercher  la  mienne  A  Si  je  par- 

mos  à  là  liû  rendre  ak^éable,  ce  fera. bientôt  pour  elle 

un  befoin  >  alors  je  prendrai  confeil  de  la  (îtuatior)->de  foa 

âcae.     Après  tout^  nous  voilà  feuls  dans^  l'univers,  et 

nous  ferons  tout  l'un  pour  l'autre.     De  la  confiance  ?k 

llamitiéil  n'y  a  pas  loin,  et  de  l'amitié  à  l'amour  le  pas 

èft  encore  plus  gliiTant  U  notre  âge.     £t  quel  âge  avolc 

Fonrofe  quand  il  raifonnoit  ainfî?  Fonrofc  a  voit  dix^huit 

aios  *f  mais  trois  mois  de  rédéjiion  fiir  le  même  objet,  dé« 

\ieloppent  bien  des  id^ks  idu^ndis  quHl  Çq  livroit  h  fes 

penfées,  les  yeux  errrants  (&ns  la  compagne,  il  entend  de 

l^n  cette  voix-  dont  on  lui  avoit  vanté  les^ charmes.  L^é« 

aàotion  quelle  lui  caufa,  fut  aulTi^  vive  que  fi  elle  avqit 

é;é  imprévue.     '*  C'èft  ici/'  difoit  la  bergère  dans  fes 


'vbicn  qui  lui  reileJ^^Ma  douleur  a  des  délices  pour  mun 


ohants  plaintifs,  *'  c'èft  ici  qiie  mon  cœur  jouit  de  Tunique 

JrMa  dm 
âme  y  je  préfère  ^n^  amertume  aux  douceurs  trompe< 
^*  ufes  de  la  joie.^'  Ces  accents  déchiroient  1^  cœur  fcn^. 

fibie 


53^    ^     LA  BERGERE  DES  ALPES, 

fible  de  Fonrofe»  Qwelle  peut  «trà,  dirpit-îl^lst  catCife 
du  chagrni  qui  la  c«i&ime  î  Qu^îl  frrett  doux  de  la  ccamr 
Met  l  Un  cfpoîr  plgs  doux  encore  ôfoit  à  .  peîifê ,  fkttec 
fes  déHrs.  Il  craignit  d^aHarmer  la  beigète  s'il  fe  ILvroit 
imprudemment  ^  rimpAtieace  de  la  voie  d(  pràs^  et  pour 
lia  première  fois  c'était  afTez  de  Pairoir  enteiHdue.J[l«e  len- 
demain il  fe  rendit  au  paturag^v  et  après  avoir  oblervé  la 
toute  qu'elle  avoit  prifte,  il  fut  ie  placer  au  pied  d^un  ro« 
cher,  qui  le  jour  précédent  lui  répétoit  les  é>û»  de  cette 
voix  touchante.  J'ai  oublié  de  dire  que  Fonrofe»  à  la  plus 
jolie  ftgMTt  du  monde,  joigrnoit  des  talents  que  ne  négiigtr 
.  pas  la  jeune  nobieâe  d^ltalicf^'lljouoitdttbautboîs  oOmitie 
Befm^s%iy  àwM  il  avait  pria  les  leçons,  et  qui  fe&it  alors  les 
plaifirs  de  l'Europe»  Adélaïde,  plus  profondément  en» 
fevelie  dans  fes  sfBigeantes  idées,  nHrrttt  point  encore 
fait  enter) dn^  fa  voix,  et  les  échos  gardolent  le  filencc« 
Toutra-coup  ce  (Uence  fut  îotexrompu  par  les  ions  plain- 
tifs du  hautbois  de  Fonrofe.  >Ces  fous  inconnus  ex* 
citèrent  dans  PâYne  d'Adélaïde  une  furprife  mêlée  de 
trouble.  Les  gardiens  des  troupeux  errants  foc  ces  coU- 
line»,,  ne  lui  avoient  jamais  fait  enteodre  que  les  fons  à%M 
trompes  ruftiques.  immobile  et  attentive,  elle  çhefcb'e 
des  yeux  qui  peut  former  de  ii  doux  accords.  Elle  ap^ 
perçoit  de  loi»  un  jeune  pâtre  aflis  dans  le  creux  d'un  ra<- 
cher,  au  pied  duquel  paifibit  fou  troupeau;,  elle  ap« 
proche  pour  le  mieusc  6mcndre«Myoye^,^it-eHe,  ce  quc^ 
peut  le  feul  inflifrâ  de  la  natureT^ L'oreille  indique  à  ce 
berger  toutes  les  fiîieiTes  de  l'art. ^  Peul'-oo  donner  des 
fons  plus  purs  ?  Quelle  delicatefle  dans  les  inBexions  ! 
Quelle  variété  dans  les  nuances  1  Que  l'on  dife  après  ce- 
la que  le  goût  n'èil  pas  un  don  naturel.  Depuis  qa^A^ 
delà ï  Je  babitoit  celle  (blitucie,  c'ètoit  la  première  fois- 
que  fa  douleur  fufpendue  pair  une  difiraélion  r^gréable, 
livroit  fon  âme  ?k  la  douce  potion  du  plaiiir.  Eonrofe 
qui  l'avoit  vu  s^appxocher  et  s'èiffeoir  aupied  d'une  faule 
pour  l'entendre,  n-avoit  paî  fait  femblanrt  de  s'en  ap# 
percevoir.  il  fa^fît  fans  affedation  le  moment  de 
fa  retraite,  et  mesura  la  marche  de  fon  trpupe^u  de^ 
manière  »  à'  la  renco^itrer  far  la  p^tc  de  la  colline 
ou  fe  croifoient  leurs  chemins'.  M  ne  fit  qjie  jettex'^ 
un  regard  fur  elle,  et  continua  fa  route  comme  n'étant 
occupé  que  du  foin  de  fon  tro»peau.  Misii  que  de 
beautés  ce  regard  avoit  parcourues  !,  Quels  ycuji  !  quelle 

bcuehc; 


CoNTJc  Moral*      -  237 

boncbe  divine!  que  ces  tniîts  fi  nobles- et  fi  touchants 
dans  leur  langueur,  feroient  plus  ravifi^nts,  fi  l'amour  les 
ranimoit  !  On  voyoit  bien  que  la  douleur  feule  a  voit  terni 
dans  leur  printemps  les  rofes  de  Tes  belles  joues  ;  mais  de, 
tant  de  charmes  celui  .qui  Tavoit  le  plus  vivement  ému^ 
étoît  rélégance  noble  de  fa  taille  et  de  fa  démarche  :  h  la 
foupleffe  de  fes  mouvements,  on  croyoit  voir  on  jeune  cè- 
dre dont  la  tige  droite  tt  ilexible  cède  mollement  aux  zé« 
phyrs.     Cette  image,  que  l'amour  venoit  de  graver  ea 
traits  de  flamme  dans  fa  mémoire,  s'empara  de  tous  fes 
efprits.       Qu'ils    me  l'ont  peinte  foiBlement,  difoit-il, 
cette  beauté  inconnue  à  la  terre,  dont  elle  mérite  les  a* 
dorations  !  et  c^èd  un  defert  qu'elle  habite  !   et  c'èft  le 
chaume  qui  la  couvre  :  elle  qui  devroit  voir  les  Rois  à 
fes-  genoux,   s'occupe  du  foin  d'un  vil  troupeau  !  Sous- 
quels   vêtements  s*èft*elle  o£Ferte  à  ma  -  vue  !  £lle  em<- 
bellit  tout,  etiien  ne  la  dépare.     Cependant  quel  genre 
de  vie  pour  un  corps  aufii  délicat  !  des  aliments  greffiers, 
un  climat  &uvagè,  de  la  paille  pour  lit,  grands  Dieux  !  et 
pour  qui  fotit  faites  les  rofes  ?  Oui,  je  veux  la  tirer  de 
cette  condition  trop  malheureufe  et  trop  indigne  d'elle*. 
l»e  fommeil  interrompit  fes  réflexions  ;  mais  n'effitça. 
point  cette  image.     Adélaïde  de  fon  côté,  fenfiblemcot 
frappée  de  la  jeunefle,  de  la  beauté  de  Fonrofe,  ne  cef- 
foît  d'admirer  les  caprices  de  la  fortune.     La  nature  où 
va-t-elle  rafiembler,  difoit-eUe,  tant  de  takns  et  tant  de 
grâces  !  Mais,  hélas  !  ces  dons  qui  ne  lui   font  qu'inu- 
tiles, feroient  peut-être  fon  malheur  dans  un  état  plu» 
élevé.     Quels  maux  la  beauté  ne  caufet-elle  pas  dans  le 
inonde  !  malheureufe  !  hà-ct  à  moi  d'y  attacher  quelque 
prix  >  La  rédéxion  défolante  vint  eropoifonner  dans  fon 
âme  le   plaifir  qu'elle  avait  goûté  5  elle  fe  reprocha  d'y 
avoir  été  fenûble,  et  réfolut  de   s'y  refufer  à  l'avenir. 
Le  lendemain  Fonrofe  crut  s'appercevoir  qu'elle  éritoit 
fon  approche  ;  il  tomba  dans  une  triilefie  mopl^Ue.     Se 
douteroît-elle  de  mon  déguifemcnt,   difoit-il,  ne  ferois- 
je  trahi  moi-même^  C^^tte  inquiétude  l'occupa  tout  le 
long  du  jour,  et  fon  hautbois  fut    négligé.     Adélaïde  a 

n'étoit  pas  fi  loin  qu'elle  ne  put  bien  l'entendre,  et  for>        ^ 
filence  l'étoona.     Elle  fe  mit  à  chanter  elle-même.  *^  Il 
"  femblc,"  difoit  fa  chanfon,  **  que  tout  ce  qui  m'en- 
"  vironne  partage  mes  ennuis  ;  les  oiieaux  ne  font  en- 

"  tendre 


/ 


238  LA  BERGERE  DES  ALPES, 

**  tendre  que  de  trifie$.aoceots,  Técho  tnt  rcpood  par 
*^  des  plaintes,  les  zéphyrs  géltaîûeii-t  paraû  cet  feii« 
'*  îUaSts«  le  bruit  des  rui£reaux  imite  mes  fbapris,  on^ 
**  diroit  qu'ils  roulent  des  pleurs."  Fonrafe,  attendri: 
par  ces  chants,  ne  put  sVmpéchei:; d^  répondre.  Jamais 
Qoncert  ne  fut  plus  touchant  que  ««loi  de  fan  hautbota 
avec  la  voix  d'Adelalkie.  O  Ciel  !  dit-elle,  «ft-ce  u» 
enchantement  ?  je  n'ôfe  en  croire  non  oreille  :  ce  n'èil 
pas  un  berger,»  c'èéi  im  Dieu' quA  je  viens  d'^entesdre» 
Le  featrment  naturel  de  l'harmonie  peut^l  itifpirer  cci» 
accords  ?  Copum^  elle  parloît  ainiî,  une  mélodie  cham- 
pêtre, ou  plutôt  céieâe,  fit  retentir  le  vallon.  Adélaïde 
crut  voir  réalifer  les  prodiges  que  la  Poefîe  attribue  à  la 
Mufique,  fa  brillante  fœur*  ConfiïTe,  interdite,  elle  se 
fa  voit  ù  elle  de  voit  fe  dérober  ou  fe  livrer  à  cet  énchMi" 
tement.  Mais  elle  apperçut  le  berger  quVlle  venoît 
d'entendre,  raffemUànt  foo  troupeau  pour  rrgafpaèr  fa 
cabane*  11  ignore,  dit-elle,,  le  charme  qu'il  répand  auf 
tour  de  lui  ;  fon  âme  Simple  n'en  èil  pas  .plus  vaine;  il 
n'attend  pas  même  les»  éloges  que  je  loi  dois.  '  Tel  èft  le 
pouvoir  de  la  mulique  :  c'èd  le  i^ul  des  talents  qui  jouifie 
de  lui-même  tous  les  autres  veulent  des  témoin».  Ce 
don  du  Ciel  fut  accordé  à  l'homme,  dans  l'innocence^^ 
c'èft  le  plus  pour  de  tous  les  plaiiirs.  Hélas  !  c'èft  le 
feul  que  je  goûte  encore,  et  je  regarde  ce  berger  coiœme 
un  nouvel  écho  qui  vient  répondre  à  ma  douleur» 

Les  jours  fuivants  Fonrofe  affeé^a  de  s'éloigner  a  fan. 
tour:  Adélaïde  en  fut  affligée.  Le  fort,  dit- elle,  fem- 
bloit  m'avoir  ménagé  cette  foible  coniolation  ;  je  m'7 
fuîs  livrée  trop  aiféiitent,  et  pour  me  punir  il  m'en  prive 
Un  jour,  enfin,  qu'ils  le  rencontrèrent  fur  le  penchant  de 
la  colline,  berger,  lui  dit-elle,  mèiiet*vous  bien  loin  vos 
troupeaux  ^  Ces  premières  paroles  d'Adélaïde  causèrent 
à  Fonrofe  un  faiflifement  qui  lui  6ta  prefque  Tufage  de 
la  voix.^^e  ne  fais,  dit-il  en  hefîtant  \  ce  n'èR  pas  moi 
qui  conduis  mon  troupeau,  c'èd  mon  troupeau  qui  me 
conduit  moi-même  ;  ces  lieux  lui  font  plus  connus  qu'à 
moi  :  je  lui  laiâe  le  choix  des  meilleurs  pâturages.  D'où 
êtes  vous  donc  ?  lui  demanda  la  bergère.  J'ai  vu  le  jour 
^U'delà  des  Alpes,  répondit  Fonrofe.  Etes-vous  né  par^ 
roi  les  payeurs,  pourfuivit-clle  ?  Puifque  je  fuis  paâeur; 
dil-il  en  baiffant  ks  yeux^  il  faut  bien  que  je  fois  né  pour 

.    l'être.. 


CoNTxMaiiAL*     *    '  239 

Pètre»  C'èl^  de  qwn  je  cbcmte,  repftt  Adélaïde,  et)  I*o!y« 
fiérvtnt  avec  sttenfi*».  Vôt  talents,  votre  langaeis,  Totrè 
air  mette,  tOBt  m^nnonce  que  le  ibrt  vous  avilit  mieux 
placé*  Vous  ête&  bien  bonne,  rerprît  Fonrofe  ;  mais  èft*. 
ce  3i  voua  de  croire  qiie  Ja  nature  réfute  toet  au^  ber- 
gers ^  £tee.voiis  aée  pour  être  Reine  ?  Adélaïde  roug^ît 
h  cette  réi^ofife }  et  cban^ant  de  propos»  L^autre  jour, 
dit-«lle,  aip  (ea  du  hautboè»^^  vou»  aves^  accompagné  mes 
chants  avez  un  art  qui  feroit  Un  prodige  dans  un  f!mpl6 
^edien  âe'''troupeauoc«  C*èft  votre  Voix  qui  en  èfl  un,  re- 
prit Foorefe,  daas  Unrfimpk  bergère.— Af aïs  perfonne 
ne  voua  a-t-il  iaflniit  ?î— Je  n*ai,  comme  vou»,  d'^autres 
guides  (qat  mon  cœur  et  mon-  oreille.  Vous  chantiez. 
j'étoit  attendri  ;  ce  que  mon  cœur  lent,  mon  hautbois 
l'exprime  \  je  lut  în(pke  nion  âme  ;  voilà  tout  mon  fé- 
erèt;  riett  au  monde  n^èft  plus  facile.  Cela  èft  incroy- 
able^  dit  Adélaïde.  -  C*è(l  ce  que  j'ai  dit  en  vous  écou- 
tatity  ref^rtt  Fonrol^  \  cependant  il  a  bien  fallu  le  croire. 
Que  voules-TOus  f  la  nature  et  Vamour  fe  font  un  jeu 
quelquefois  de  reunir  tout  ce  qu^il^  ont  de  plus  précieux 
dam  la.  plat  humble  fcirttine,  pour  faire  voir  qu'il  n^y 
a  point  d'état  qu'ils  ne  puifi^nt  ennoblir.  Pendant  cet 
entretien  ils  avançoientdans  la  vallée^  et  Fonrofe,  qu'un 
rayon  d'efpérance  linimoît,  fe  mit  à  faire  éclater  dans 
iea  airs  les  foni  brillants  que  le  plaifir  infpire.  Ah  !  de 
^race,  dit  Adélaïde,  épargnez  à-  mon  âme  Pimage  im- 
portune d\in  fentiment  qu'elle  ne  peutgoutier.  Cette  fo« 
litude  èft  confacrée  à  la  douleur  ^  ces  échos  ne  font  point 
accoutumés  à  répéter  les  accent»  d^une  joie  profane  ;  ici 
tout  gémit  avec  mot,  '  J'ai  de  quoi  m'y  plaindre,  reprit 
le  jeune  homme  *,  et  ces  nK>ts  prononeés  avec  un  foupir, 
furent  futvis  d'un  long  filence.  Vous  avez  à  vous  plain- 
dre, reprît  Addaïde  !  Efl-ce  des  hommes  î  £(i^ce  dU 
fort!  Je  ne  fais^  dit-il,  mais  je  ne  fuis  pas  heureux  :  ne 
m'en  demandez  pas  davantage*  Ecoutez,  dit  Adélaïde  -, 
le  Ciel  nous  donne  à  l'un  et  à  l'autre  une  confolatîoa 
dans  nos  peines  *,  les  miennes  font  comme  un  poids  acca- 
blant dont  mon  cœur  cil  opprimé.  Qui  que  vous  foyez, 
fi  vous  connoiffez  le  malheur,  vous  devez  être  compatif- 
fant,  et  je  vous  crois  digne  de  ma  conBance  ;  mais  pro- 
mettez-moi  qu'elle  fera  mutuelle.  Hélas  !  dit  Fonroie, 
mes  maux  font  tels  que  je  ferai  peut-être  condamne  ki\c 
les  révéler  jamais.     Ce   myllère  ne  fit  que  redoubler  la 

curiofité 


N 


£40  LA  BE&GERE  DES  ALPES. 

curioifité  d'Adélaïde.  Rendec-vous  demsia^  lut  dît*el]e, 
au  pied  de  cette  colline  fouf  ce  vkiix  cbêoe  -tpoffu,  où 
vous  iD^avez  entendu  gémir.  Là  je  vous  apprendm  des 
cbofes  qui  exciteront  votre  pitié.  Fonrofe  pafla  la  nuit 
dans  une  agitation  mortelle.  Son  Ibrt  dépendait  de  ce 
qu^il  alloit  apprendre.  Mille  penfécs  effrayantes  yenoîcnt 
Pagiter  tour  à  tour.  11  appreliendoit  fur- tout  la  confi- 
dence défefpérante  d^un  amour  malheureux  et  fidèle.  Si 
elle  aime,  dit-il,  je  fuis^  perdu. 

11  fe  rendit  -au  lieu  indiqué.  Il  vit  arriver  Adélaïde, 
Le  jour  étoit  couvert  de  nuages,  et  la  nature  en  deuil 
fembloit  préfager  la  trifteffe  de  leur  entretien.  J)è$  qnSIs 
furent  afiis  an  pied  du  cbêne.  Adélaïde  parla  ainfi  x 
*^  Vous  voyez  ces  pierres,  que  Pberbe  commence  à  cou» 
**  vrir  'y  c^èîl  le  tombeau  du  plus  tendre,  du  plus  vertu* 
««  eux  des  hommes,  à  qui  mon  amour  et  mon  impru* 
**  dence  ont  coûté  la  vie.  Je  fuis  Françoife,  dhiae  fm« 
*'  mille  distinguée  et  trop  riche  pour  mon  malheur.  Le 
'*  Comte  d^OreiUn  conçut  pour  mm  l^amour  le  plus  ten- 
'*  dre  ;  j^y  fus  fenfible  :  je  le  fus  à  Pexcès.  Mes  parentt 
**  s'oppofèrent  au  penchant  de  nos  cœurs,  et  ma  paiTion 
**  infenfée  me  fit  confèntir  à  un  hymen  facré  pour  les 
**  âmes  vertueufes,  mais  défavoué  par  les  loix.  L^I* 
"  talîe  étoit  alors  le  théâtre  de  la  guerre.  Mon  époux  y 
*'  alloit  joindre  le  corps  qu^il  dcvoit  commander  :  je  le 
^*  fuivis  jufqu^à  firiançon  :  ma  folle  tendreffe  Py  retint 
'^  deux  jours  malgré  lui.  Ce  jeune  homme  plein  d*hon- 
**  ncur  n'y  prolongea  fon  fejour  j^u'avcc  une  extrême 
**  répugnance.  11  me  facrifioit  fdn  devoir  ;  mais  que  ne 
*^  lui  avois-je  pas  facriéé  moi-même  ?  En  un  mot,  je 
^  Pexigeai,,  il  ne  put  réfifler  à  mes  larmes.  11  partit  a- 
*^  vec  un  prciTentîment  dont  je  fus  moi-même  effrayée  : 
**  je  raccompagnai  jufques  daas  cette  vallée  où  je  reçus 
'*  fes  adieux  *,  et  pour  attendre  de  fes  nouvelles,  je  re- 
**  tournai  à  £riançon.  Peu  de  jours  après  fe  répandît 
**  le  bruit  d'une  bataille,  je  doutois  fi  d'Oreftan  s'y  et' 
**  toit  trouvé  •,  je  le  fouhaitois  pour  fa  gloire,  je  le  craigi» 
*'  nois  pour  mon  amour,  quand  je  reçus  de  lui  une  let^ 
**  tre  que  je  croyois  bien  confoknte  1  Je  ferai  tel  jour  à 
**  telle  heure,  me  difoit  il,  dans  la  vallée  et  fous  le  chê- 
*^  ne  où  nous  nous  fommes  féparés  :  je  m'y  rendrai  feu); 
"  je  vous  conjure  d*allcr  m'y  attendre  feule  j  je  ne  ris 

♦'encore 


encore  <|u«  pour  yoas.    ,Q(iel  étoît  tnon  égartment  l 


^  et  après  le  plus  tendre  acoueii  :    Vous   Vttvcz   voulu/ 
^  laa  chère  Adélaïde,  me  dît«îl,  j*ai  manqué  h  mon  de« 
^  Toîr  dans  le  moment  le  plus  important  de  ma  vie.   Ce 
**  que  je  cnd^noît'  èft  atrîfé.     La  bataille  t*èft  donnée  ; 
**  mon  régiment  a  chargée }  il  a  fait  des  prodiges  de  va* 
'^  lexir^  et  je  n^y  étoî^   pas.     Je  fuis  deshonoré,   perdu 
^^fans  refiiorce.  Je  ne  vons  rtprocfae  pas  mon  malheur  ; 
^  maïs  je  n'ai  i^t^»  qu^on  iàccifice  à  vous  f»ref  et  mou 
^  ceeuv  vient  le  conibmraer.    A  ce  dîfcours,  pâle,  trem- 
**  blante,  et  cdfpirante  à  peine,  y  reçus  mon  époux  dans 
'*  BDkes  hras.     Je  fentis  oion  iaog  le  glacer  dans  mes 
**  veines^  mes  genouK  plièrent  ib os  root,  et  je  tombai 
**,  fans  connoiflance.     Il  profita  de  mon  évanouifTement 
**  pour  s*arracher  de  mon  feîn,  et  bientôt  je  fus  rappellée 
**  h  la  vie  par  le  bnait  du  coup  qui  lut  donna  la  moit« 
V  Je  ne  vous  peindrai  point  la  fitnatton  où  je  roe  trou- 
^  vai,  elle  èft   inexprimable  ^  et  les  larmes  -que  vous 
*'  voyez,  couler,  les  fânglots  qui  étouffent  ma  voîx,  ca 
^  font  une  trop  foîble  image.     Après  avoir  paifé  une 
"  nuit  entière  auprès  de  ce  corps  fanglant,  dans  un 5 
**  douleur  ftupîde,  mon  premier^bin  fut  d^enfévelir  avec 
^  lut  noa  honte  ',  mes  mains  creusèrent  fon  tombeau.  Je 
^  ne  cherche  point  à  vous  attendrir  ;  maïs  le  moment 
^  où. il  fallut  que  la  terre  me  féparât  des  trilles  redes  de 
^  mon  époux,  fut  mille  fois  plus  affreux  pour  moi  que 
**  ne  peut  l'être  celui  qui  fèparera  mon  corps  de  mon 
**  âme.    £put(ee  de  douleur  et  privée  de  nourriture,  mes 
"  défaillantes  mains  employèrent  deux  jours  à  creufer  ce 
'*  tombeau,  avec  des  peines  inconcevables.     Quand  mes 
•*  forces  m'abandonnotent,  je  me  repô(bis  fur  le  fem  li- 
"  vide  et  glacé  de  mon  époux.     £nfîn)  je  lui  rendis  les 
^  devoirs  de  la  fépuUnre,  et  mon  cœur  lui  promit  d^at* 
**  tendre  en  ces  lieux  que  le  trépas  nous  réunît.    Cepen- 
•^  dant  la  faim  cruelle  commençoit  à  dévorer  mes  en* 
"  t railles  deiféchéés.     Je  me  fis  un  crime  de  rcfii fer  à  la 
^*  nature  les  foutiens  dVne  vie  plus  doulaurçufe  <]ue  la 
*^  mort.     Je  changeai  mes.  vêtemens  en  un  fimple  habit 
**  de  bergère,  et  j'en  ^mbraifal  l^état  comme  mon  vn« 

X  ,  *•  îquc 


242  LA  BE11G£R;E  'DES.  ALPES, 


< 


f 


*  îque  refuge*  Depuis  er  temps^  toute.-  ma  confolattùtr 
V  èitde  venir  pleurer  fus  ce  tombeau  <}ui  (ent  le  miem 
*'  Voos  voyez,  po^rfuivit-eile»  arec'  ^[ueUe  fineérité  je 

vous  ouvre  mon  âme.      Je   puis  -  avec  vous  déibrmais 

pleurer  en  liberté*:  c'èft.  ua ioulagjMiictKi  dont  j^avoîs 
*t  befoia  ;  maîsj^attftndsdc-viottfla  même'confiancei  Ne 
'^  croyez  paa  m^a voir  abufée.  Je.  vots^  clairement  que 
**  Veux  de  pafteur  vous .  è(l  auffi  étranger  et^  plâ»  noa« 
**  veau  qu*à.  moi.,  Vons^ète»  jeune,  peat-éirefcafibie; 
**  et  fî  j*en  crok  mea  coDJedlores,  nos  malbeursont  eu  là' 
*'  même^  fource^^  et  comme  moi  vous  avez^  BÎmé,  Nous 
''  n!*eiii  ferons  que'pluy-cojispâtiflajits  Tua  pour  i'âatrc^.  Je 
'*  vous  regarda  comme  un  .am  que  le  Ciel,. touché  de 
^^  mts  roauxi  daig^M  mVïivoyar  duns  ma  iblitudei  Re« 
*^  gardez  moi  comme  une  amie  capable  de  vous  donner^ 
*^  ii  non  des  conieîls  falutaires^.  au  moins  des  exemples 
**  confolants.2^ 

Vons  mp  pénétrez,  lut  dit  FonroTe»  accablé  de  ce:quMl 
▼enoîtd^entendre:  et  quelque  fenâbilité  que  vousmeTup* 
poûez,.  Yous  êtes-  bien  loin  dUmaginer  rirapredion  que 
m'a  fait  le  récit  de. vos  malheurs^  Hélas  !  que  ne  puîs-je 
y  répondre  avec  ceHe  confiance  que  vous  me  témoignez, 
et  dont  vous  êtes  H  dtgpe  !  Mais  je  vous  Tai  dit^  je  Pavoi? 
prévu  :  telle  èft  la  nature  de  mes  peines,  qu'un  filence  ' 
éternel  doit  les  renfer rogp  au  fonâ  de  mon  cœur;     Vous 
êtes  bien  malbeureuCe,  ajouta-t-il  avec  un  profond  foU'' 
pir  !  Je  fois  enoore  plas  malheureux  :  c'èft  tout  ce  que 
je  puis  vous  dire.     Ne  vous  offenfez  pas  de  mon  (ilence  : 
il  m'en  afixeux  d'y  ^tre^condamné.  Compagnon  a ffîda. de 
tous  vos  pas,  j'adoucirai  vos  travaux,  je  partagerai  xtoute? 
vos  peines  :  je  vous  verrai  pleurer  fur  cette  tombe  :  j'y 
mêlerai  mes  larmes  à  vos  pleius.    Vous  ne  vous  repen- 
tirez point  d'avoir  dépoîe  vos- ennuis  dans  un  cœur,  hé- 
las !  trop  fenfl^ble.v  Je  m'en  repens  dès*à-preft^nt,  dit-elle 
avec  confufion  y  et  tous  Us  deux,  les  yeux  batfTés,  fe  re- 
tirèrent en  fîleuce*     Adélaïde,  en  quittant  Fonroie,  crut 
voir  fur  Ton  vjfage  l'empreinte  d'une  '  douleur  profonde. 
J'ai  ret|ouvellé,  difoit-elle,  le  fentiment  de  Tes  peines;  et 
quelle  en  doit  être  Thorreur,  puifqu'il  fe  croit  encore  plus 
malheureux  que  moi  ! 

Dès  ce  jour,  plus  de  chant,  plui  d'entretien  fuivî  en- 
tre Fonrofe  et  Adélaïde*  Ils  ne  fe  cherchoient  ni  ne  s'é- 

vito* 


iC  O  N  T  £   IfffiH.A  L.  24} 

^vkiOÎcxit  l'jUQ  Tauti»::  ides  itegards  où  la  conflernttîon  é- 
tqit  peifirte,  fefpKDt  prcrque^lexir  uoK^tte  langage  ^  s^il 
.la  tcoiivojt  ^l^umot  farletombeui  de  ion  i poux,  le. cœur 
faifî  de  .pttté,  de  jaloufie  «et  .de  douleur,  il  la  jcantemplpit 
«n  iîleaocyje^  r^p^jadoit  à  Tes  f;inglQ(ts  par  de  profonds 
géwifkxQitviU. 

J3.cuK.:inQiss^.^ oient  écoulés  dans  jctttK  iîtuation  pc« 
iilbicy  et  Adelatde  vo^ott  k  jcunelTe  de  Fonrofe  ie  Bs- 
}U'kr  comfoe  une  ikiir.      X>e  chugrin:  qin  le  .<coa(bm&it 
Pa(Higeoit;cUe>i9émed^atitantpâtts  vivement  que  la  caufe 
:IU!i  fe.n  était  incpRnoe.    £llie.ctai.t  bien  éloignée  de  foup-* 
çonaer  qu*«Ue  en  fàt  Tobjet.     Ceptndsot,  conaxx  il  èd 
naturel  que  deux  feutimeets  qui  part»genl..une  â^ne  ^^af* 
foiibliiT^t  l'ujQ  VAUtse^  les  regrètJ  d'Aâfilfe'ûlc  ùxr  la  mort 
de  d^Oxeflflin  deirenoteut jaaoinsYJfs ebu^ue^ur, à inefuror 
^ul-elle  :i*e..b^J9Ît  dsKanta^erà  la  ^tîé  que  lui  tnfptroit 
Fonrofe.    Elle  étoit'hjtn  sûxe^ueœtteipitién'aroit  rien 
^i^  jd^ipaocènt  4  il  ne  lui  viat  pas  «aéme  dans  Pidée  de 
ft^er»  défendre  ;  et  l'job|et  de  .oe  ^fn timon t  g^oépeux,  f^fis^ 
cetie  pr^feo^  ji  fa  vue»  le  rév«îlk>it'  à  chajque  iailant.'   La 
langueur  où  étoit  .tombé  ce  jeune  homme  devînt  telle, 
qu'  Adelaà'de  ne  crut  pas  .devoir  le  laifler  plus  longtems 
}>vfé  ^  JiH'»xi%ême«     Vous.pérîffes,  ^i^dit-elie,  et  :vous  it* 
jpmfei:  .à  mC9  douleur. celle  de  vous  voûr  coofumer  d'en- 
nui fous  mes  yeux,  fans  pouvoir  y  .apporter  remède.     Si 
le  r<écit  d^  ifloprudeoces  jdè  ma  Jeuoc£e  ne  vous  a  pas 
înj^piré  ipoiif  m^i  du  tpoprîs^  fi  l*aiaitié.la  plus  pure  etia 
plus  tendre  vous  èft  chère  >  enâu  fi  vous  ne  vouler  pas 
me  Ttndzç  plus  malbeurettfe  que  je  ne  l'étols  avant  J 
vous  avoir  conau»  confiez  snoi  la  caufe  de  vos  pehies  : 
vous  n'a%'eK  quéc  moi  dans  le  tni>adepour  vous  aider  à  les 
fovitisAir.    Votre  .fécrèt  fût  il  plus  important  que  le  mien, 
ne  craignez  point  que  jse  le  répande.     .  La  mort  de  tuoa 
épouic  a  mis  un  aby  mie  .entre  Je:  jnonde,  et  moi  et  la  con« 
^dence  que  j^xig.e  iera  bientôt  enfévelie  dans  cette  tombe 
où  la  douleur  mue  ciMiduit  à  pas  lents.     JVfpère  vous  y  . 
préc^ejy  dit  Fonroiè  ea  iondaat  en  lannes.     Laîflez- 
imoi  finir  ma  dépiotable  vie  ians  arous  lai flêr  après  moi  le 
reproche  d'en  -  avoir  abrégé  le  cours,*v^O  Ûel,  qu'eo- 
ieads'ie  i  ^^écna^t-elle  éperdue  !  Qui^.moi!  j'aoroiscan* 
-.  tr^bu^  aux  maux  qui  vous  aceisblent'^^Acheyci,  vous  me 
P^ixcx  b  cœur. .   QgVi*jé  fak  ^  (^''ai'j&  dît  î  :Hélas,  je 

>  X  2  tremble  1 


2^6  LA.  BERGERE  BES  ALPES. 

chaffîînt  qne  nous  a  donnés  ce  jeune  fou.-   Oui,  Motf-^ 
ileur,  je  Tai  été,  dit  Fonrofe  à  foa  père  qui  le  menoît 
par  la  main.     11  ne  falloit  pas  moins  que  ré^arement  de 
nia  raifon  pour  fufpendre  dans  mon  cœur  les  mouvements 
de  la  nature,  poor  me  faire  oublier  les  devoirs  les  plus 
facrès,  pour  me  détacher  enfin  de  tout  ce  que  j^avois  de 
plus  cher  au  monde  ;    mais  cette  folie,  tous  Pavez  fait 
naître,  et  jVo  fuis  trop  puni.    J^aime  fans  efpoir  ce  qu^il 
y  a  de  plus  accompli  fur  la  terre  :    vous  ne  voyez  rien^ 
vous  ne  connoiiTez  rien  de  cette  femme  incomparable  : 
c'èft  rbonnéteté,  là  fcnfîbilité,  la  vertu  même  :  je  Taime 
.  jalqu^à  l'idolatrtc,  je  ne  puis  être  heureux  fans  elle,  et  je 
fais  qu'elle  ne  peut  être  à  moi.    Vous  a- 1- elle  confié,  de- 
jnanda  le  Marquis,  le  fécrèt  de  (â  naifTance  ?  J^en  ai  ap« 
pris  aflez,  dit  Fonrofe,  pour  vous  aflixrer  qu^clle  ne  le 
cède  eu  rien  à  la  mienne,  elle  a  même  renoncé  à  une  for* 
tune  confidérable  pour  sVnfévelir  dans  ce  défert.— £t 
favez.vous  ce  qui  l'y  a  engagée  ?       ■  Oui,  mon  père, 
niiiîs  c'èA  un  fécret  qu'elle  feulé  peut  vous  révéler.—      ■ 
l«He  èft  mariée  peut  être  ?         Elle  èft  veuve,  mais  fon 
cœur  n'en  èil  pas  plus  libre  -,  fes  liens  n'en  font  que  plus 
forts.     Ma  fille,  dit  le  Marquis  en  entrant  dans  la  ca* 
bane,  vous  voyez  que  vous  faites  tourner  la  tête  à  tout 
ce  qui  s'appelle  Fonrofe.    La  paffion  extravagante  de  ce 
jeune  bomme  ne.peut-^tre  juftifiée  que  par  un  objet  aufii 
prodigieux  que  vous.  Tous  les  vœux  de  ma  femme  fc  bor« 
noient  à  vous  avoiç  pour  compagne  et  pour  amieî  cet  en« 
fant  ne  veut  plus  vivr<  s'il  ne;Xo#s  obtient  pour  époufe^ 
je  ne  deûre  pas  moins  de  vous  a>^oir  pour  fille  ;   voyex 
combien  de  malheureux  vous  feriez  avec  un  refus.    Ah  l 
MonCeur,  dît  elle,  vos  bontés  me  confonde  nt  ;  mais  é» 
coûtez  tt  jugczmpit     Alors  en  préleace  du  vieillard  et 
de  fa  femme,   Adélaïde  leur  fit  le  jécit  de  fa  déplorable 
avaoture.     Elle  y  ajouta  le  nom  de  fa  famille,  qui  h'é« 
toit  pas  inconnu  à  M.  de  Fonrofe,  cjt  finit  par  le  pren- 
die  ^témuin  lui-icême  de  la  fidélité  inviolable  q^u^elle 
devoitàfon  époux,     A  ces  mots,  la  confternation  fe 
lépaodit  fur  tous  les  vifages.     Le  jeune  Fonrofe  que  le» 
Ir  laoglots  étou£FoicDt,  fe  précipita  d»ns  un  coin  de  la  ca- 

bane pour  leur  donner  un  libre  cours.    Le  (ère  a*tendiîi 
I  vola  au  fécours  de  fon  enfant:  Voyez,. difoit- il,  ma  chère 

I  AdeUxdC|  dans  (^uel  étal  vous  l'avez  mis.     Madame  de 


C0NTK     MoHALt  247 

Fonrofe»  qui  étoit  auprès  d^^delaïde,  la  preffoit  dans  fes 

bras  en  la  btîgDiat  de  Tes  larmes.     £h  quoi,  ma  fille, 

dît-elle,  nous  ferez- vous  pleurer  une  féconde  fois  la  mort 

de  notre  cher  enfant  ?  lie  vieillard  et  fa  femme,  les  ycox 

remplis  de  pleurs,  et  attachés  fur  Adélaïde»  att^doîent 

qu^elle  prît  la  parole.     Le  ciel  m*è(l  témoin,  dit  Ade« 

ûïde  en  fe  levant,  que  je  donnerois  ma  vie  pour  recon- 

noître  tant  de  bontés.    Ce  feroit  mettre  le  comble  à  met 

malheura  que  d'avoir  à  me  reprocher  le  v6tre  ^  mais  je 

veua  que  Fonrofe  lui-même  foit  mon  juge  :  Uîflez-mot 

de  grâce  lui  parler  un  moment.     Alors  fe  retirant  feule 

avee  lui,  E^utez,  lui  dit-elle,  Fonrofe,  vous  favez  quels 

liens  facréa  me  retiennent  dans  ces  lieux.     Si  je  pouvois^ 

cefler  de  chérir  et  de  pleurer  un  époux  qui  ne  m'a  que 

trop  aimée,  je  férois  la  plus  méprifable  des  femmes.  L*é* 

■  fiime,  Tamitié,  la  reconnoifllance,  (ont  des  fentiments  que 

je  vous  dois  ;    mais  rien  de  toot  cela  ne  tient  lieu  d'a« 

mour  :  plus  vous  en  ayez  conçu  pour  mot,  plus  vous  avez 

droit  d*en  attendre  :   c'èil  TimpoiEbilicé  de  remplir  ce 

devoir  qui  m'empêche  de  me  Timpofer.     Cependant  je 

vous  vois  dans  une  fituation  qui  attendriroît  le  cœur  le 

moins  feoûble  ;   il  m^èft  affreux  d'en  être  U  caufcf,  il  m« 

feroit  plus  affreux  d'entendre  vos  parents  m'accufer  de 

TOUS  avoir  perdu.    Je  veux  donc  bien  m'oublier  dans  ce 

moment,  et  vous  laiffer,  autant  qu'il  èft  en  mot,  l'arbitre 

de   notre  deflinée.     C'èli  à  vous  de  choifir  celle  des 

deux  fituàtions  qui  vous  pardlt  la  moins  pénible,  où  de 

renoncer  à  moi,  de  vous  vaincre  et  de  m'oublie r,  ou  de 

poflejer  une  femme  qui»  le  cœur  ^ein  d'un  autre  objet» 

ne  pourroit  vous  accorder  que  des  fentiments  trop  foibles 

pour  remplir  les  vceux  d^un  amant.     C'en  èi\  afftz,   s'é* 

cria  Fonrofe,  et  d'une  âme  comme  la  votre  l'amitié  doit 

tenir  lieu  d'amour.    Je  ferai  jaloux  fans  doute  des  pleurs 

que  vous  donnerez  a  la  méihoire  d'uii  autre  époux  ^  mai$ 

la  caufe  de  cette  jaloufie,  en  vous  rendant  plus  rcfpec* 

table,  vous  rendra  plus  chère  à  mes  yeux. 

Elle  ètt  à  mot,  dit-il,  en  venant  fe  jetter  dans  les  bras 
de  fes  parents  ;  c'èA  à  fon  refpeét  pour  vous,  à  vos  bontés 
que  je  la  dois,  et  c'èil  vous  devoir  une  féconde  vie.  Dès 
ce  moment  leurs  bras  furent  des  chaînes  dont  Adélaïde 
ne  put  fe  dégager. 
Ne  céda-telle  qu'îi  la  pitié,  %  la  reconcoiSance  ?   Je 

veux 


048         BATAILLE  DE  FONtENOY. 

«▼eux  le  créirepour  Vsdmwet  encore:  Addaide  le  etefdk 
eUe-tnêine  î  C^KÛquUl  «n  foît,  aYtotiie  pirtir  elle  iitoa- 
Jttt  revoir  ce  tombean  xpi^elle  ne  ^okt«it  ^'àregset.  O 
«don  cher  d'OoéftMi«  lUt-elle»  £  do  feki  4ies  inoits  tu 
.peux  lire  au  fond  de  non  âine«  :taa  jenbre  n<*a  point  ^* 
murmurer  du  iàcnôce  que  je -fus  :.  je  le  dois  aux  fènti- 
ments  ginoreux  de  «cette  'wrtueMfc  fMuUle  ;  mais  moa 
«esiur  te  reûe  à  jmaBÎs.  |e  vais  taches  de  feure  dee  lieu- 
yeux»  fans  aucun . e%ojx. d'être  heureufe.  On  pe  l^asraoiia 
de  ce  tieu  qu^atcc  une  .«%èce  de  violeiice  ;  mats  elle  exi- 
gea qu'on  y  .élevât  un  monument  à  la  suémbîre  de  ibo 
4poiix,  et  qae  la.  cabane  de  fes  vieuoi  nsattaes,  qui  la  fuîvi-- 
. lent  k  Turin,  fût  ohnngée  en  une  mai&n  de  4:a«kpajg^, 
Muffi  'Smple  que  folitatre,  où-  çtie.  le  popofo'it  de  venic 
•quelqneioîs  pkorer  ks  éfarenienta  et  le»  malkenrs  de  & 
jeuneffe.  Le  temps,  les  ioins  «Ifidus  do  FeoiGkfe,  les 
frurits  de  fan  fooond  ihyunènv  ont  depuis  onvert  fim  âiae 
«ux  împrc^fion»  dHine  noa^peile-  tendrefie  \  et  on  ia  cite 
poux  exemple  d'un  femme  iatereiIaa4o  et  x«rpedl»Ue- 
jurques  dans  (en  înôdcdité. 

aiEGE  DE  TOURNAT,    BATAILLÉ  DE 

JFONTENOY. 


L 


£  Mvéqkftl  de  Sexe  éttût  en  Flandre  i  la  tAte  de 
Ta^mâe  compofoe  de  cem  fix  b^^iilons  oomplets^ 
et  de  cent  fc^ixajite  et  douze  efcadroDS.  Tonmaf,  cet« 
te  aopienne  capitale  de  la  doimoatiofl  Fraaçoifie,  ^toit' 
înv,e{lî.  Oitoit  la  plus.foite  pUice  de  la  .barri«2*e«  La 
ville  et  la  citadelle  étoieot  «ncore  un  dts  chefs  d'œuvre 
du  Maréchal  de  Vaubati  ;  cariLo^y  avoiit  guèrcs  de  place 
en  Fl^pdre  doot  Loub  J£IV.  n^€Ûi  fait  coollrttîre  les 
fortifications. 

Dès  que  les  Etats  Généraux  des  Sept  ProTÎxiort  apprîs' 

rent  que  Tournaj  étoit.tn  danger,   ils  mandèrent,  ^'il 

£alloit  has^arder  une  bataille  pour  féeourir  la  ville.     Ces 

républicains  malgré  leur"  circonfpeâLoo  tareat  alors  les 

\.  premiers  à  prendre  des  sélolutions  hardits*     Au  ii  Mai 

t  1745  les  alliés  avanctreut  à  Cambron,  à  fept  Jieui^s  de 

f  .  Tourna/. 


._,-•*< 


BATAILLE  DE  FONTENOY-  249 

Tournay*  Le  Roi  (Kirtît  le  6  de  Paris  avec  le  Dauphfn. 
X»es  Aides-de-caiDp  du  Roi,  les  Méains  du  Dauphin  les 
accompagooteot. 

I^a  principale  force  de  l'armée  ennemie  confiftoît  en 
TÎngt  bataillons,  et  vingt*fîx  efcadrons  Angloit,  fous  le 
jeaae  Duc  de  Camberland,  qui  a  voit  gagné  avec  le  Roi 
fon  père   la  bataille  de  Dettingue  :  cinq   bataillons  et 
feize  efcadrons  Hanovriens  étoient  joints  aux  Angloîs. 
Le   Prince  de  Valdeck,  à  peu-près  de  Tâge  du  Duc  de 
Cumberland,  impatient  de  fe  fignaler,  étoit  à  la  tète  de 
quarante  eficadrons  HoUandois,  et  de  vingt- fîa  bataillons» 
Les  Autrichiens  n'avoient  dans  cette  armée  que  huit  ef- 
cadrons.    On  feibit  la  guerre  pour  eux  dans  la  Flandre, 
qui  a  été  fi  long  tems  défendue  par  les  armes  et  par  Tar* 
gent  de  l'Angleterre  et  de  la  Hollande  :  mais  à  la  tête 
de  ce  petit  nombre  d'Autrichiens  étoit  le  vieux  Général 
.  Konigîecky.  qui  avoit  commandé  contre  les  Turcs  en 
Hongrie^  et  contre  les  François  en  Italie  et  en  Allemagne. 
Ses  confeils  dévoient  aider  l'ardeur  du  Duc  de  Cumber- 
land,  et  du  Prince  de  Valdeck.     On  comptoit  dans  leur 
armée  au  delà  de  cinquantccinq  mille  combatants.     Le 
Roi  laifia  devant  Tournay  environ  dix-huit  mille  hommes, 
qui  étoient  poâés  en  échelle  jufqu'au  champ  de  bataille; 
iix  mille  pour  garder  les  ponts  fur  PEfcaut,  et  les  com* 
moaications. 

L'armée  étoit  foos  les  ordres  d'un  General  en  qui  on 
àyoit  la  plus  jufte  confiance.  Le  Comte  de  Saxe  avoit 
d^  mérité  fa  grande  réputation,  par  de  favantes  re- 
traites en  Allemagne,  et  par  fa  campagne  1744  ;  il  joig« 
Doit  une  théorie  profonde  à  la  pratique.  La  vigilance, 
le  fécrét,  Tatt  de  favoir  différer  à  propos  un  projet  et 
celui  de  l'exécuter  rapidement,  le  coup  d'oeil,  les  reflbur- 
ces,  la  prévoyance  étoient  fes  talens^  de  Taveu  de  tous 
les  Officiers:  mais  alors  ce  Géoéral  confumé  d'une  ma- 
ladie de  langueur  étoit  prefque  mourant.  Jl  étoit  parti 
de  Paris  très  malade  pour  i*arnr.ée.  L'auteur  de  cette 
hilloire  l'ayant  même  rencontré  avant  fon  départ,  et 
n'ayant  pu  s'empêcher  de  lui  demander  c(^mment  il  poùr« 
roit  faire  dans  cet  état  de  foiblefle,  le  Maréchal  lui  répon» 
dit  :  //  m  t*éigû  pat  de  uvn,  mais  Je  partir» 

Le  Roi  étant  arrivé  le  9  à  Douai,  fe  rendit  le  lende- 
main ^  Pontachin  auprès  de  l'Êfcaut,  à  portée  des  tran- 
chées 


^50  BATA}«-l-ï  PS  F0NTÎS;NPY. 

cbiéir«  de  To^raty.  'Pe  ]à  il  alla  reciMiji^oître  le  tevrain 
qui  jdevoit  fçryîr  4^  cba<x\p  de  bAUÎUc*  T^irtc  r*»wéc«<ii 
voyant  le  Roi  et  le  Dauphin  fit  entendi^e  jdes  ^e<jUifnsi- 
tion«  de  joie.  {,if8  alliés  paffièrcBt  Ifi  iio,.et  la  nuk  du  1 1, 
k  faire  leurs  liermèices  difpoûtloiD^.  Jamais  le  Kqî  iie 
marqua  plus  :(lc  j^ayeté  .que  la  ineiUe  ilu  combat.  !•» 
eonverfatÎQn  roula  &r  )<s  bfit^lle^  où  Us  iRois  •s^étK>iei>t 
trouvés  en  peifonne.  ^  Jloi  dit  j^ue  idepiiis  la  bataille 
de  Poitiers,  ;aucun.R(M  d^  .Fx:8«ce.'nl4yott  eoixihatt.a  avec 
£oii  Hls,  et  q.tt'ajicvnDVvolit  gagné  .^  viâçÂre  figpnftlée 
P0i>tre  les  A.Xig\ai»  :  «qu!!!  f fpéroit.âtre  le  ppejnîer.  Jil  &t 
iéveiJlé  le  premier^ le  jour^e  Talion  ;  11  léi^ilU  lul-fnto^ 
^  qUfitce  heuxos  le  Cosete  d^Âr^nroo  Riiniil£e  «le  la 
guerre,  qpi  daiQS  rinftant  envoya  •deœasijder  au  Maréchal 
de  S^xe  Tes  dejnî^jrs  or.di;es.  Qn  iroovg  le  MarécJi^ 
jiatvs  une  i^oiture  .d'qzier,  :qulIuJ.fci-vott.de.lîty  <et  .dstn^ 
laquelle  il  ie  fQTpît  irauKr  quand. Tes  forces  épui^s  ^ne 
]<;ki  peiiiiettoi«iit  iiIusd^^U-^  i  ^eral*  ht  Roi  et  fon  ê\»^ 
s^ypusnt  ;déjà  :paffé  an  :p90t  /ur  i^££:aj»t.à  •Calonne,  .Us  air 
Içren^  prendre  lejir  jpoifle  .par-delà  '^t*fi%çfi  Idâ  JN.aîre'^Dame*^ 
iit4pc  bois  à  mille  icû&s  .de  ce  p.Qnt«  et  f  técifémeot  à  l'en^ 
tr«e  du  cj^anop  de  b^itaille;. 

.  La  fuïte  du  Koi.et  d«  Paupbû),  qui  cinnpofolt  une 
ttPApe  noxnbreub»  é.tQÎjt  fuivie-  d!une  jFtmle  4e  perfofi&es 
de  toute  efpèce  qu^attiroit  cette  jourr«ée,  et.dont  <|AK^ 
quGSMiïs  inâaie  'étaient  «Qontés  (ur  dés  arbaesLpjour  voir 
la  Cpeâacle  d^u^e  bataille. 

En  jtttant  les  ye\4X  f^ir  les , captes /)ixt  î&nX.  fort  coflv 
munes,  on  voit  d^un  coup  d^oeil  la  diîporitîon  Ât%  .d«;UX 
armées.  -  Un  rcmatque  Antoin  aflez  près  de  FEfcflut  ^ 
ja  droite  de  r armée  Frai) çpl Ce,  àneufcenJt  to;fes  de  ce 
pont  de  Colonne,  par  où  le  Roi  et  le  Dauphin  s'étoienjt 
avancés.  Le  yillege  de  Fontcnoy  pax^delà  Antolpprefque 
i'ur  la  même  lîgi>e,  An  e^ace  éuoit  de  qnatre  cent  cin- 
quaivte  toif^s  de  Urge,  entre  Fanteooy  et  un  petit  boi$ 
:qu'on  appelle  le  bois  fie  BerrL  Ce  ,bois,  ces  yUlages, 
«toient  garnis  de  canons  conune  ua  camp  r^tranoibé.  X^e 
JVIaréchal  de  Saxe  avoit  établi  des  re.dontes  cntte  Antoia 
.et  iFootânoy  :  d'autses  redoutes  auxezttâpailés  du  boi^ 
deËarri,  fortiâoien.t  cette>enaeinte«  Le  phsuaap  dehat^iUe 
Jo!avait  pas  plus  deicinqxcn^  toi&s  àa  longueur  depuis 

.rciwlrQifc 


BATAittE  DE  FOîiTtKN'OtY.         ajt 

I 

Veaégoit  oàr-  ét(Atld'R«>i  auprès  de  Ebntetfoy,  jufqu^à  ce 
bois  de  Barri,  et.  tï^avoit  guèr«^- pilo»:  ({•*  rieuf  cent  tôîfM 
ècrUwge'y  d*  {bft«  qnePotfallok^eoàibattrtefiehatiQtpclos 
«omrae  à  DettiogtMi  ttokU  dand  uiieJ6UA)<6â  pluaxnéAô» 
sable; 

Le  Général  de  Uarmè»  fi^ançdfe  avèît  pourvu  à  la 
▼i£h>isie,  et  à'  la  défsiM,  Le  pont*  de  Calonne  lAoni  dé 
canon,  foitifié  de  retramctements;  et  défendu'  paï*  queU 
qaes  bataiiloire^  devtfit  (tt^h  de'retilihfc  au  Roi  et  au 
Daupbitt<  en  ca»  de  malbeur.  *  Le  téÛ^  dt  Ihtttiée  du^cîf 
dégié  alcïv  par  d^àutrea  ponts  fur  le  Bas^Ëfcaut  par-delli 
Toumay»- 

On'  prit  toutes  les^  ffiéfures  qui  fe'ptétoient  un  ré<îdurs 
mutuel  fana  qu^'eilei  pufl^nt  fe  tranrverfer*  L^armée  de 
France  femblott  inabordable  ;  ear  le  îtix  croifé  qUt  par« 
toît  des  redoutes  dU' bois  de  Battif  et  du  villa^^e  d(^  Fon- 
tenov^défeiidoit  toute  approche.  Outre  ces  précautions 
on  airKîr  encore  phcé  fisc' canon s^d 6  feize  livre!»  d^â  bblle 
au-docà  de  TËfeaut  pour  JFoudrojer  le»  troupe»  qui  àtta- 
>queroient  le  village  d*  Antoîrt. 

On  ooiwmençoit  à  le  cànonnei*  dé  paft  et  d'^aùtre  à  fix 
heures  du  matin»  Le  Marcthal  de  Noailletf  étoit  alofa 
siaprès  de-*  Fontenoy,  et-  rendoit  comte  aU  Marétb'al  de 
Saxe  d'un  ouvrage  quHl  avoit  fait  à  l'eïitrée  dé  la  nuit 
pour  joindre  le  vliUge  de  Fbntenoy  àla  pr6<nièfe  des 
trois  redoutes,  entre' Fontenoy  et  Antôin  :  il  lui  fervoit  de 
premier  aide-de^camp,  faorî€ant  lajalOûfîé'du  comman- 
dcmant  au  biea  de  Pétar^  et  s'oubliant  foi-uiôiiie  pour  uit 
Général  étranger  et  ntoins  ancii^n.  Le  Maréchal  de  Saxe 
fentoit  tout  le  prix  de  cette  magnanimité,  et  jamais  on 
ne  vit  une  union-  fi  grande  entre  deux  hommes  que  la 
fotblefTe  ordinaire  du  ctttfr  humain  pouvoît  éloigner  Tun 
dc'l»a«tre. 

-  Le  Maréchal  de  Noailles  embrafia  le  Duc  de  Gràm« 
mont  foin  neveu  \  et  ils  fe  TépaToient,  l'un  pour  retour* 
aer  auprès  du  Roij  l^autrepOUr  aller  à  fon  pofle,  lorf* 
qu?uii  boulet  de  canon  vint  frapper  le  Duc  de  Graminont 
'  à  mort  :  il  fut  la  première  viétime  de  cette  journée. 
Les  Anglois  attaquèrent  trois  fois  Fontenoy,  et  les 
Hollandois  fe?  préfentèrent  à  deux  reprîtes  devant  An« 
toin.  A  leur  féconde  attàqUe,  on  vit  un  efcadron  Hbl* 
Jandois  emporté  prefque  tout  entier  par  le  canon  d'Ani 

toin  ^ 


f 5*        BATAILLE  DE  FONTENOY. 

toîn  ',  îl  nVn  rcfia  que  quinze  henuncty  et  les  HolIandoU 
ne  fe  préfentèrent  plus  dès  ce  moment. 
.  Alors  le  Duc  de  Cumberland  prit  une  réfolutîon  qui 
pouv-oit  lui  affurer  le  fuccès  de  cette  journée.  Il  ordon- 
na à  un  Major 'Général,  nommé  Ingoljhi^  dVntrer  dans  le 
bois  de  Barri,  de  pénétrer  jalqu'à  la  redoute  de  ce  boîs 
vis-à-vil  Fontenoy,  et  dé  remporter.  IngoUbi  marche 
avec  les  meilleures  troupes  pour  exécuter  cet  ordre-  :  il 
trouve  dans  le  bois  de  Barri  un  bataillon  du  régiment 
d*nn  partifan  :  c^étoit  ce  qu^on  appellbit  les  Gr^fffins^  du 
pom  de  celui  qui  les  avoit  formés.  Ces  foldats  ét(4eot 
en  avant  dans  le  bois  par-delà  la  redoute,  couchés-  par 
terre.  Ingolibi  crut  que  c'étoit  un  corps  confidérabîe  : 
il  retourne  auprès  du  Duc  de  Cumberlandi  et  demande 
du  canon.  Le  temt  fe  perdott.  Le  Ppnce  étoit  au  de- 
fefpoir  d*une  défobéîfiance  qui  dérangeoit  toutes  les  me- 
fures,  et  qu'il  fit  enfuite  punir  à  Londres  par  un  colifeîi 
de  guerre  qu'on  appelle  Court  martiol  en  Aoglois.)Ç 
.  Il  fe  détermina  lur  le  champ  à  pafler  entre  cette  re- 
doute et  Fontenoy.  Le  terrain  étoit  efcarpé  *,  il  â^Tloit 
francbir  un  ravin  profond,  il  falloit  eflujcr  tout  le  feu  de 
ïonteooy  et  de  là  redoute.  L^entreprife  étoit  audaci- 
cufe  ;  mais  il  étoit  réduit  alors  ou  à  ne  point  combattre 
pu  à  tenter  ce  paiTage. 

Les  Anglois  et  les  Hahoyrîens  s^svancent  avec  loi 
fans  prefqtte  déranger  leurs  rangs,  traînant  leurs  canons 
à  bras  par  les  fentiers:  il  les  forme  fur  trois  lignes  afiez 
preflees,  et  de  quatre  de  hauteur  chacune,  avançant  entre 
]es  batteries  de  canon  qui  les  foudroyoient  dans  un  ter* 
rain  dVnvirons  quatre  cent  toifes  de  large.  Des  rangs 
entiers  tomboient  morts  à  droite  et  à  gauche;  ils  étoi« 
ent  remplacés  auilî-tôt  ;  et  les  canons  quHls  amenoient 
à  bras  vîs-à'vis  Fontenoy,  et  devant  les  redoutes,  répon* 
doient  à  Partillerie  Françoife»  £n  cet  état  ils  marchoî- 
cnt  fièrement  précédés  de  iîx  pièces  d^artiilerie,  et  en 
ayant  encore  fix  autres  au  milieu  de  leurs  lignes. 

Vis  à- vis  d^ax  fe  trouvèrent  quatre  bataillons  dtt 
Gardes- Françoîfcs,  ayant  deux  bataillons  des  Gardef^ 
SuilTes  à  leur  gauche,  le  régiment  de  Courten  à  leur 
droite,  enfuite  celui  d'Aubeterre  et  plus  )oîn  le  régi«> 
ment  du  Roi  bordoit  Fontenoy  le  long  d-'un  chemin 
creux. 

Le 


BATAILLE  DE  FONTENOY.  233 

Le  temija  s^éleTait  à  Pendroit  où  étoient  les  Gardes- 
Françoifes  jufqu'^  celui  où  les  Anjçlois  fe  forraoient. 
*  Les  Officiers  des  Gardes-Françoifes  fe  dirent  alors  les 
uns  au<  autres  ;  il  faut  aller  prendre  le  canon  des  Âng« 
lotst  Ils  y  montèrent  rapidement  avec  leurs  grenadiers  ; 
mais  ils  furent  bien  'étonnés  de  trouver  une  armée  devant 

^  eus.    L'^artilierie  et  la  moufqueterie  en  coucha  par  terre 

-près  de  foixante,  et  le  rede  fut  obligé  de  revenir  dans 
îes  rangs. 

Cependant  les  Anglois  avançoient  ;  et  cette  ligne  d^în- 
fanterie  compofée  des  Gardes- Fra^oifes  et  Suifles  et  de 
Courten^  ayant  encore  fur  leur  droite  Aubeterce  et  ua 
bataillon  du  régiment  du  Roi»  s*appr^choit  de  rennemi* 

^  Oq  étoit  à  cinquante  pas  de  diftance.  Un  régiment  des 
Gardes- Angloifes,  celui  de  Campbel  et  b  Royal-£coflbis 
étoient  les  premiers  :  Monfieur  de  Campbel  étoit  leur 
Lieutenant-général  j  le  Comte  de  Albemarle  leur  Ma- 
jor-Général 'f  et  Monfîeur  de  Churchij,  petit-fils  naturel 
du  grand  Duc  de  Marlboroug,  Brigadier  :  Les  Officiers 
Attfflois  faluèrent  les  François  en  ôtant  leurs  chapeaux* 
LeT^omte  de  Chabanne^  le  Duc  de  Biron,  qui  s'étoîetit 
avancés,  et  tous  les  Officiers  des  Gardes- Françoifes, 
leur  rendirent  le  falut.  My  lord  Charles  Hay,  Capitaine 
aux  Gardes  Aogloifes,  crîai  Mejj^urt  des  Gardes- tran* 
colfes  tire». 

Le  Comte  d'A'nteroche,  alors  Lieutenant  de  Grena- 
diers^ et  depuis  Capitaine,  leur  dit  à  voix  haute  :  Me/- 
fieurSf    nous    ne    tirons  jamais  les  premiers^  tire%  vous- 

'  mêmes.  Les  Anglois  firent  un  ^eu  roulant,  c^èfl-àdire 
quUls  tiroient  par  dtvifions  ;  de  forte  que  le  frontd^uQ  ba- 
taillon iur  quatre  hommes  de  hauteur  ayant  tiré,  un  au- 
tre bataillon  fefoit  fa  décharge,  et  enfuUe  un  troifième 
tandis  que  les  premiers  rechargoîent.  La  ligne  d^infan- 
terie  Françoife  ne  tira  point  ainfi  :  elle  étoit  feule  fur 
*  quatre  de  hauteur,  les  rangs  alfez  éloignés,  n^étaut 
foutenue  par  aucune  autre  troupe  d^infanterie.  Dix-neuf 
Officiers  des  Gardes  tombèrent  blefies  à  cette  feule 
^^#sharge.  Meffieurs  de  Cliifon,  de  Langey,  de  la  Peyre^ 
y  perdirent  la  vie  \  quatre-vingt-quinze  foldats  demeu- 
rèrent ùf  la  place,  deux  cent  quatre^* vingt  cinq  y  reçu- 
rent des  bleiïures;  onze  Officiers  SuiiTestombèrent  blef- 
£isy  aiofi  que  deux  cent  neuf  de  leurs  foldats,  parmi  lef- 

Y  quels 


i254  BATAILLE  DE  EONTENOY. 

quels  foîxante  et  quatre  farent  tuéi.  Le  Colonel  de  Cour« 
ten,  Ton  Lieutenant-Colonel,  quatre  OiHcîers,  foîxante 
et  quinze  foldats  tombèrent  morts  :  quatorze  Officiers, 
et  deux  cens  foldats  bleffés  dangereu&ment.  Le  premier 
rang  ainfî  emporté,  les  trois  autres  regardèrent  derrière 
eux  ;  et  ne  voyant  qu'une  cavalerie  à  plus  de  trois  cens 
toifes,  ils  fe  difpersèrent.     Le  Duc  de  Grammont  leur 
Colonel  et  premier  Lieutenant   Général,  qui   auroit  pu 
les  faire  foutenir,  étoit  tué.     Monfieur  de   Luttaux,  fé- 
cond Lieutenant  Général,  n'arriva  que  («ans^ leur  déroute. 
Les  Anglois  avançoîent  à  pas  lents,  comme  fefant  Pex- 
crclce.     On  voyoit  les^ajors  appuyer  leurs  cannes  for 
les  ful61s  des  foldats  pour  les  faire  tirer  bas  etdroit.  Ils 
débordèrent  Fontenoy  et  la  redoute.     Ce  corps  qui  au- 
j^'aravant  étoit  en  trois  di vidons,  fe  pre fiant  par  la  nature 
de  terrain,  devint  une  colonne  longue  et  épaifle  prefque 
inébranlable  par  fa  maiTe  et  plus  encore  par  fon  courage  ; 
elle  s^avança  vers  le  régiment  d'Aubeterre.     Monfieur 
de  Luttaux,  premier  Lieutenant- Général  de  Parmée,  à 
la  nouvelle  de  ce  danger,  accourut  de   Fontenoy,  où  il 
venojt  d'être  bleflié  dangereufement.  Son  Aide-de-camp 
le  fupplioit  de  commencer  par  faire   mettre  le  premier 
appareil  à  fa  blefiure  :  Le  fervice  du  Roi ^  lui  répondit 
Monfieur  de  Luttaux,  m^çfl plus  cbèr  quê  ma  vie.     Il  sV 
vançoit  avec  le  Duc  de  Biron  à  la  tête  du  régiment  d' Au^* 
beterre,  que  conduifoit  fon   Colonel  de  ce  nom.     Lut« 
taux  reçoit  en  arrivant  deux  coups  mortels.     Le  Pue  de 
Biron  a  un  cheval  tué  fous  lui.  Le  régiment  d'Aubeterre 
perd  beaucoup  de  foldats  et  d'Officiers.  Le  Duc  de  Biron 
arrête  alors  avec  le  régiment  du  Roi  qu'il  commandoit, 
la  marche  de  la  colonne  par  fon  flanc  gauche*     Un   ba- 
taillon des  Gardes-Angloifes  fe  détache,  avance  quelques 
pas  à  lui,  fait  une  décharge  très  meurtrière,   et  revient 
au  petit  pas,  fe  replacer  h  la  tête  de  la  colonne,  qui 
avance  toujours  lentement,  fans  jamais  fe  déranger,   re- 
pouflant  tous  les  régimens  qui  vienneat  Tun  après  l'autre 
îc  prefentcr  devant  elle. 

Ce  corps  gagnoit  du  terrain,  toujours  ferré,  toujours  «%V 
ferme.     Le  Maréchal. de  Saxe,  qui  voyoit  de  fang-froid 
combien  TafFaire  étoit  périlleufe,  fît  dire  au  Roi  par  le 
Marquis  de  Mcuze,  qu'il  le  conjuroit  de  rcpafier  le  pont 
avec  le  Dauphin,  qu'il  fcroit  ce  qu'il  pourroit  pour  re- 

mediei: 


BATAILLE  DE  FONTENOY.  255 

iBcdîer  au  défordre.  Oh  je  fuîs  bien  fur  quUl  fera  ce 
qu^il  &udra,  repondît  le  Roi,  maïs  je  referai  où  je  fuis. 

il  y  avoitde  rétonncinent  et  de  la  confuilon  dahs  Tar- 
irée  depuis  ]e  moment  de  la  déroute  des  Gardes-Fran« 
coites  et  Suifles.  Le  Maréchal  de  Saxe  veut  que  la  Ca- 
valerie fonde  fur  la  colonne  Angloiffe.  Le  Comte  d*£^ 
tiécs  y  court.  Mais  les  efFotts  de  celte  Cavalerie  étoient 
peu  de  chofe  contre  une  niaiTe  d'infanterie  <î  réunie,  fi 
difciplinée,  et  û  iiitrépide.  dont  le  feu  toujours  roulant 
et  footcnu  écartoit  néceffairement  de  petits  corps  fépa- 
rés.  On  fait  d'ailleurs  que  la  Cavalerie  ne  peut  guèto 
entamer  feule  une  infanterie  ferée.  Le  Maréchal  do 
Saxe  étoit  au  milieu  de  c«  fi^u  :  fa  maladie  nç  lui  laiiïbit 
pas  la  force  de. porter  une  cuirafTe  \  il  portoit  une  efpèce 
de  bouclier  de  pluûeurs  doubles  de  tafifctas  piqué  qui  re- 
pôfoit  fur  l'arçon  de  fa  felle.  Il  j^rtta  fon  bouclier,  et 
courut  faire  avancer  la  féconde  ligne  d«  Cavalerie  contre 
la  colonne. 

Tout  l'Etat-Major  étoit  en  mouvement.  Monlîeur 
de  •  Vaudreuil,  Major-Génèral  de  l'armée,  alloit  de  la 
droite  à  la  gauche.  Monfîeur  de  Puifégur,  ^fe(Ceur9 
de  Saint  Saveur,  de  Saint  George,  de  Mezières;  Aide» 
Marécbaux-de-logis,  foirt  tous  bleiTé».  Le  Comte  de 
Longatmac^y  Aide  Major- General,  ëft  tu^.  Ce  fut  dans 
ces  attaques  que  le  Chevalier  d'Aché,  Lieutenant-Gc« 
fierai,  eut  le  piedfracaflfé.  H  vint  enfuite  rendre  conte 
au  Roi,  et  lui  parla  longtems  fans  donner  le  moindre 
figne  des  douleurs  quHI  refieutoit,  jufqu'à  ce  qu'enfin  il 
tombe  évanoui*. 

Plus  la  colonne  Angloife  s'avançoît,  plus  elle  devenoît 
profonde,  et  en  état  de  réparer  les  pertes  continuelles  que' 
lui  caufoient  tant  d'attaques  réitérées.  Elle  marchoit 
feréa  au  travers  des  morts  et  des  blcifés  des  deux  partis, 
et  paroifToit  former  un  feul  corps  d'environ  quatorze  mille 
hommes. 

Un  très  grand  nombre  de  cavaliers  furent  poufîes  en 
défordre  juiqu'à  l'endroit  où  étoit  le  Roi  avec  fon  fils. 
Ces  deux  Princes  furent  féparés  par  la  foule  des  fuyards 
qui  fe  précipitoient  entre  eux.  Pendant  ce  défordre,  les 
brigades  des  Gardes -du- corps  qui  étoient  en  réferve,  s'a- 
vancèrent d'elles-mêmes  aux  ennemis.  Les  Chevaliers 
de  Suzi,''et  de  Saumeri  j  furent  blefTés  ^  mort.     Quatre 

Y  2  cfcadrons 


2j6         BATAILLE  DE  FONTENOY. 

efcadrons  de  la  Gen^anDcrie  arrivoient  prefque  en  ce 
moment  de  Douai  5  et  malgré  la  fatigue  d'une  marche 
de  fept  lîeuet ,  ils  coururent  aux  ennemis.  Tous  ces 
^  corps  furent  reçus  comme  les  autres,  avec  cette  nnéme 
intrépidité  et  ce  même  feu  roulant.  Le  jeune  Comte  de 
Chevrier  guidon  fut  tué.  C^étoît  le  jour  même  qu'il 
avoit  été  reçu  à  fa  troupe.  Le  Chevalier  de  Monaco,  fils 
du- Duc  de  valentinois,  y  eut  la  jambe  percée.  Monfîeur 
du  Gueiclin  reçut  une  bleflure  dangereufe.  Les  carabi- 
niers donnèrent  \  Ils  eurent  fîx  Officiers  renvcfrfés  morts^ 
et  vingt  et  un  de  blefifés. 

Le  Maréchal  de  Saxe  dans  le  dernier  épuifement  étoît 
toujours  à  cheval  fe  promenant  au  pas  au  milieu  du  feu. 
n  pa0a  fous  le  front  de  la  colonne  Angloife,  pour  voir 
tout  de  fes  yeux  auprès  du  bois  de  Barri  vers  la  gauche* 
On  j  fefoit  les  mêmes  manœuvres  qu'à  la  drpite.  Ou 
tâcboit  en  vain  d'ébranler  cette  colonne.  Les  régimens 
fe  préfentpient  les  uns  après  les  autres  ;  et  la  mafle  An- 
gloife  fefant  face  de  tous  côtés,  plaçant  à  propos  Ton  canon 
et  tirant  toujours  par  dîvifion,  nourriflbit  ce  feu  continu^ 
quand  elle  écoit  attaquée,  et  après  l'attaque  elle  reiloit 
immobile,  et  ne  tiroit  plus.  Quelques  régimens  d'Infan^ 
terie  vinrent  encore  affronter  cette  colonne  par  les  ordres 
£buls  d«  leurs^  commandans.  Le  Maréchal  de  Saxe  ea 
vit  un  dont  les  rangs  entiers  tomboient,  etqui  ne  fe,de«' 
rangeoit  pas.  On  lui  dit  que  c'étoit  le  régiment  de 
Vaiiteaux,  que  commandoit  Monfîeur  de  Guerchi.  Com* 
nunl/e  peut  il  faire^  s'écria-t-il,  f^e  de  telles  troupes  ne 
foiènt  pas  vîBorieufei ,  P 

Hajnxiult  ne  fouffrit  pas  moins;  il  avoit  pour  Colo- 
nel le  fils  du  Prince  de  Craon,  gouverneur  de  Tofcane. 
Le  père  fer  voit  le  Grand  Duc,  les  enfans  fervoient  le 
Roi  de  France.  Ce  jeune  homme  d'une  très,  grande 
efpérance  fut  tué  à  la  tête  de  fa  troupe  ;  fon  Lieutenant;* 
Coionel  bkifé  à  mort  auprès  de  luL  Normandie  avança  ^ 
il  eut  aT3.tan,t  d'OfBcievs  et  de  foldats  hors  de  combat,^ 
que  celui  de  Haiiiault  \  il  étolt  mené  par  fon  Lieutenant«>' 
Colonel  MoiUieur  de  Solenci,  dont  le  Roi  loua  la  bra- 
voure fur  le  champ  de  bataille,  et  qu'il  récompenfa  en- 
fuite  en  le  fefant  Brigadier.  Des.  bataillons  Irlandois 
coururent  au  Hanc  de  cette, colonne  ;  le  Colonel  Dîllon 
tombe  mort  ;  aiafl  aucua  corpSi^  aucune  attaque  n'avoit 


BATAILLE  DE  TONTENOY.         sj^ 

jm  entamer  la  colonne,  parce  que  nen  ne  s*étoit  fait  de 
concert  et  à  la  fois. 

Le  Maréchal  de  Saxe  repalTe  par  le  front  de  la  co« 
lonne,  quî  s^^olt  déjà  avancée  pluide  trois  cens  pas  au- 
delà  de  k  uedoute  d^£u  et  de  Fontenoj.  Il  va  voir  û 
Fonteooy  tenoit  encore  :  on  n^y  a  voit  plus  de  boulets, 
on  ne  répondoît  à  ceux  des  ennemis  quVvec  de  la  poudre. 

Monfieur  dn  Brocard,  Lieutenant-Général  d'Artille- 
rie, et  plulieurs  Officiers  d^Artillerie,  étotent  tués.  Le 
Marécbal  prit  alors  le -Duc  d^Harconrt  qu'il  rencontra 
d'afler  conjurer  le  Roi  de  s^éloîgner,  et  il  envoya  ordre 
au  Comte  de  la  Mark  qui  gardoit  Antoin  dVn  fortir  avec 
le  -régiment  de  Piémont^  la  bataille  parut  perdue  fans  ref« 
Iburce.  On  ramenoit  de  tous  côtés  les  canons  de  cam* 
pagne  ;  on  étoit  prêt  de  faire  partir  celui  du  village  de 
Fontenoy,  quoique  des  boulet»  fu-Ûfent  arrivés.  L'intea* 
tien  du  Marécbal  de  Saxe  étoit  de  faire  fi  on  peu  voit  unr 
dernier  effort  mieux  dirigé  'et  plus  plein  contre  la  co- 
lonne Angloîfe.  Cette  ms(&  d'infanterie  avoit  été  eii- 
donimagée,  quoique  fa  profondeur  parut  toujours  égale  ^ 
elle  même  étoit  étonnée  de  fe  trouver  au  militu  des  Fran- 
çois fans  avoir  de- Cavalerie;  la  colonne  étoit  immobile,  et 
fembloit  ne  recevoir  phis  d^ordre  ^  mais  elle  gardoit  une 
contenance  fière,  et  paroiflait  être  maftreilfe  du  champ  de 
bataille.  Si  les  HoUandois  avoient  paffé  entre  les  re- 
doutes qui  étoient  vers  Fontenoy  et  Aotoin,  s^ils  étoient 
venus  donner  la  main  aux  Anglois,  il  n'y  avoit  plus  de 
reflburces,  plus  de  retraite  même,  ni  pour  l'armée  Fran- 
çoife  ni  probablement  pour  le  Roi  et  fon  fils.  Le  fuc- 
cès  d'une  dernière  attaque  étoit  incertain.  Le  Maré- 
cbal de  Saxe,  qui  voyoit  la  victoire  ou  Tentière  défaite  dé- 
pendre de  cette  dernière  attaque^  fongeoit  à  préparer  une 
retraite  fûre  :  il  envoya  un  lecond  ordre  au  Comte  de  la 
Mark  d'évacuer  Anloin  et  de  venir  vers  le  pont  de  Ca- 
lonne  pour  favorifer  cette  retraite,  en  cas  d^un  dernier 
malheur.  11  fait  fignific?'  un  troiâéme  ordre  au  Comte 
depuis  Duc  de  Lorgea,  en  le  rendant  rcfponfable  de  l'ex- 
écution ;  le  Comte  de  Lor/i^es  obéit  à-  régrèt.  On  dcfer* 
péroit  alors  du  fuccè«  de  la  journée. 

Un  confcil  affez  tumultDtitx  fe  tenoit  auprès  du  Rorj 
on  Je  preffoit  de  la  part  du  Général  .et  au  nom  de  la 
Fiance  de  ne  pas  s^expofer  davantage. 

Y  3  Le 


2sS         BATAILLE  DE  FONTENOY. 

« 

Le  Duc  de  Richelieu  Lieutenant-Général,  et  que 
fervoit  en  qualité  d* Aide. de-camp  du  Roi,  arriva  en 
ce  moment.  Il  venoit  de  reconiroUre  1»  colonne  près 
de  FoDtenojr.  Ayant  ainfi  couru  de  tous  côtés  fans 
être  blefféy  il  fe  préfente  hors  d^haletne  Tépée  à  la 
main  et  couvert  de  pouflTière.  Quelle  nouvelle  âppor- 
tez*vou8  ?  lui  dit  le  Maréchal  ^  quel  èft  votre  avis  ? 
Ma  nouvellcy  dit  le  Duc  de  Richelieu,  èft  que  la  ba^ 
taille  èd  gagnée  fi  on  le  veut,  et  mon  avis  è(V  qu^en  faffe 
Kvancrr  dans  Pinftant  quatre  canons  centre  le  front  de  la 
colonne  ;  pendant  que  cette  artillerie  Pébranlera,  la  Mai- 
fon  du  Roi  et  les  autres  troupes  Pentoureront  ;  ii  faui 
tontherfur  elle  comtfi^  Jet  fourageurê.  Le  Rot  fe  rendit 
le  ptemier  à  cette  idée. 

Vingt  perfonncs  fe  détachent.  Le  Duc  de  Péquigni,. 
appelle  depuis  le  Duc  de  Chaulnes,  va  faire  pointer  ces 
quatre  pièces  ;  on  les  place  vis-à-vis  la  cplonne  Angloifo* 
I.e  Duc  de  Richelieu  court  à  bride  abattue  au  nom  du 
Roi  faire  marcher  fa  Maifon,  il  annonce  cette  nouvelle  à 
Monfieur  de  Montefibn  qui  la  commandoit.  Le  Prince 
de  Soubîfe  rafiemble  fcs  gendarnseS|  le  Duc  de  Chaulnes 
fes  chevaux  légers,  tout  fe  forme  et  marche  \  quatre 
efcadrons  de  la  Gendarmerie  avancent  àr  la  droite  dé 
la  Maifon  du  Roi,  les  gtènadiers  à.  chenal  font  à  la 
tête  fous  Monâeur  de  Grille  leur  Capitaine  ;  les  mou& 
quetaires/comroandés  par  Monfîcur  de  Jumillac  (e  précis 
pitent.  ■X^ 

Dans  ce  même  moment  important  le  Comte  d^Eu  et 
le  Duc  de  Bîron  à  la.  droite  voyoient  avec  douleur  lej 
troupes  d^Antoîn  quitter  leur  poAe,  fclbn  l'ordre  pofittf 
du  Maréchal  de  Sa&e.  Je  prends  fur  moi  la  défobéiC- 
fance,  leur  dit  le  Duc  de  Biron  n  je  fuis  fur  que  le  Roi 
Papprouvera,  d^ns  un  iol^ant  où  tout  va  changer  de 
face  'y  je  réponds  que  Moafîeur  le  Maréchal  de  Saxe  le 
trouvera  bon.  Le  Maréchal,  qui  arrivoit  dans  cet  endroit, 
infornQé  de  la  réfolution  du  I^oi  et  de  la  bonne  volonté 
écs  troupes,  n^eut  pas  de  peine  à  fe  rendre  \  il'changea 
de  fentiroent  lorfqu'il  en  falloit  changer,  et  fît  rentrer  le 
régiment  de  Piémont  dans  Antoin  ^  il  fe  porta  rapide- 
ment malgré  i*a  foiblefTe  de,la  droite  à  la  gauche  vers  la 
bi ig ade  des  IrlandoiS|  recommandant  à  toutes  les  trouj^s 

qu'il' 


BATAILLE  Dfi  FONTENOY.         25 y 

iqa^ll  renconttok  en  clMmia  de .  ne  plus  faire  de  fauflef 
charge»  et  d^agir  de  concert. 

Le  Due  de  Biron»  le  Comte  d'Etrées.  le  Marquîa 
de  Croifli,  le  Comte  de  I«OTendhal,  Lieutenant-Gé<- 
néraux,  dirigent  cette  attaque  nouvelle.  Cinq  efca» 
drons  de  Penthièvre  fuirent  Monfîeur  de  Croiflî.  Les 
régiments  de  Clibbxillant,  de  Braiicas,  de  Brionne,  Au* 
betcrre,  Courten^  accoururent  guidés  par  leurs  Colonek^ 
le  régiment  de  Normandie,  les  Carabiniers  entrent  dans 
les  premiers  rangs  de  la  colonne»  et  vengent  leurs  cam- 
arades tués  dans  leur  première  charge.  Lt^s  Iriandois 
les  fecondentr  La  colonne  étoit'  attaquée  à  la  fois  de 
front,  et  par  les  deujt  ftancs. 

En  fept  ou  huit  minutes  tout  ce  corps  formidable  èffc 
ouvert  de  tous  c6tés  }  le  Général  Pofomby,  le  frère  du 
Comte  S^Albemarle,  cinq  capitaines  aux  Gardes,  ua 
nombre  prodigieux  dV>fiîciers  étoient  renverfés  morts. 
Les  Anglois  fe  raillièrent,  mais  ils  cédèrent  ^;ils  quitté* 
rent  le  champ  de  bataille  fans  tumulte,  fans  confiiûoni  et 
furent  vaincus  avec  honneur. , 

Le  Roi  de  France  alloit  de  régiment  en  régiment  ^let 
cris  de  Viâoire  et  de  Vive  le  Roi,  les  chapeaux  en  Pair, 
les  étendarts  et  les  drapeaux  percés  de  balles,  les  félict'- 
tations  réciproques  des  Oâiciera  qui  s'embraflbiçnt,  «for- 
moient  un  fpeâacle  dont  tout  le  monde  jouiflbît  avec  une 
joie  tumultueufe.  Le  Roi  étoit  tranquille,  témoignant 
fa  fatisfEiâion  et  {à  recoanoîfiance  à  tous  l^^yf£cier&« 
Généraux  et  à  tous  les  Commandants  des  corps  ;  il  or* 
donna  qu'on  eût  foin  des  bleifés,  et  qu'on  traitât  les  enne- 
mis comme  fes  propres  fujets.. 

Le  Maréchal  de  Saxe,  au  miljeu  de  ce  triomphe,  fe  fit 
porter  vers  le  Roi  *,  il  retrouva  un  refte  de  force  pour 
embraser  fes  genoux,  et  pour  lui  dire  ces  propres  paroles, 
SirCy  fai  qffèpi  vécu^  je  nefoubaitoit  dg  vivre  aujourd'hui 
que  pour  voir  votre  Majefté  vlBorieufe,  Vous  VQye%  a* 
jouta-t-il  énfuite,  à  quoi  tiennent  les  batailles»  Le  Roi 
le  releva,  et  l'embraila  tendrement.;)^ 

Il  dit  au  Duc  de  Richelieu,  Je  ^'oublierai  jamais  le 
fervice  important  que  vous  m'avez  rendue  il  parla  de 
même  au  Duc  de  Biron.  Le  Maréchal  de  Saxe  dit  au 
Koi,  Sire,  il  faut  que  j'avoue  que  je  me  reproche  une 
faute*     J'aurois  dû  mettre  une  redoute  de  plus  entre  les 

bois 


à€o         BATAILLE  DE  FONTENOY. 

boîs  de  Barri  et  de  Fonienoy  v  i&ftîs  je  ji^aî  pas  cru  qu^ît 
y  eût  des  Généraux  afîez  hardis  pour  bazarder  de  paâier 
CD  cet  endroit. 

Les  -Alliés  avaient  perdu  neuf  mille  homme»;  parmi 
lefqaels  il  y  ayoit  environ  deux  mille  prlfooiûets.  Ils  n'eft 
firent  prefqite  a^cun  fur  lés  François. 

Pair  le  c  aStfc  xaétement  rendu  au  KTajor-Général  de 
.rinfanterîe  Françoife,  fl°c^^>^<^u^2<l^c  (eïz-e  cent  quatre- 
vingt-un  foldats  ou  ièrgens  dUnfanterte  tués  far  la  plac^, 
et  trois  mille  deux  cent  quatre-vingt-deux  blefles.  Pkr- 
mi  les  OiBders  cinquante  trois  feulement  étoient  mert^ 
fur  le  champ  de  bataille,  trois  cent  vingt-trois  étoîent  en 
danger  de  mort  par  leurs  bleffures.  La  Cavalerie  perdit 
environ  dix  huit  cens  hommes* 

Jamais  depuis  qu^on  fait  la  guerre  on  n^avott  pourvtt 
avec  plus  de  foin  à  foulage r  les  maux  attachés  à  ce  iîéau; 
JI  y  avoit  des  hôpitaux  préparés  dans  toutes  les  villes* 
voifines,  et  furtout  à  Lille  y  les  églifes  mêmes  étoitnt  em« 
ployécs  à  cet  ufage  digne  d'elles  ;  non  feulemeltkt  aucun 
fécours,  mais  encore  aucune  commodité  ne  manqua,  ni 
aux  François,  ni  à  leurs  prifonniers  bleffés.  Le  zèle  mê« 
me  des  citoyens  alla  trop  loin  :  on  ne  ce&)it  d'appottet 
de  tous  côtés  aux  malades  des  altmens  délicats  :  et  les- 
médecins  ^d^s  ^hôpitaux  furent  obligés  ^e  mettre  Man 
frein  à  cet  excès  dangereux  de  s^onae  volonté  En- 
fin les  hôpitaux  étoient  fi  i>ien  fervis^  que  preique 
tou»  les  Officiers ,  aimoieot  mieux  y  être  traités  que 
chez  des  particuliers  ^  et  c'èft  ce  qu'on  n^avoit  point  va 
encore. 

On  hA  entré  dans  les  détails  fur  cette  feule  bataille  àt 
Fontenoy.  Son  importance,  te  danger  du  Roi  et  du 
Dauphin,  IVxîgeoicnt.  Cette  aâion  décida  du  fort  de 
la  guerre,  prépara  la  conquête  des  Pays-Bas,  et  fervit  de 
contrepoids  à  tous  les  événement  malheureux.  Ce  qui 
rendencorecettebataille  h  jamais  mémorable",  c'èil  qu'elle 
fut  gagnée  lorfque  le  Général  aiîoibli  et  preique  expi- 
rant ne  pouvoit  plus  agir.  Le  Maréchal  de  Saxe  avoit 
fait  la  difpoficion,  et  les  Ofhciers  François  remportèrent 
la  viéicire.    jr 

VOY. 


VOYAGE  Di  L'AMIRAL  ANSON.     261 


VOYAGE  j>E  L'AMIRAL  ANSON 
AUTOUR,  pu  Globe, 

LA  Frasce  ni  l'Efpagne  ne  peuvent  être  en  guerre 
avec  PAngleterre,  que  cette  fecoufle  donnée  à  l'Eu- 
rope  ne  fe  faâfe  fentir  aux  extrémités  du  inonde.  Si 
rinduftrîe  et  l'audace  de  nos  nations  modernes  ont  un 
avantage  fur  le  refte  de  la  terre,  et  fur  tout  Tantiquité, 
c'èfl  par  nos  expéditions  maritimes.  On  n'èft  pas  affez 
étonné  peut-être  de  voir  fortir  des  ports  de  quelques  pc-  ' 
tttes  provinces  inconnues  autrefois  aux  anciennes  nations 
^  civilifécs,  des  flottes  dont  un  féul  vaîâeau  eût  détruit 
tous  les  navires  des  anciens  Grecs  et  des  Romains.  D'ua 
côté  ces  flottes  vont  au-delà  du  Gange  fe  livrer 'des  com- 
bats à  la  vue  des  plus  puifiants  empires,  fpeâateurs  tran« 
quilles  d'un  art  et  d'une  fureur  qui  n'ont  point  encore 
paâfé  jufqu^à  eux.  De  l'autre  elles  vont  au-delà  de  l'A* 
xnerique  fe  difputer  des  efclaves  dans  un  nouveau  monde; 

Rarement  le  fuccès  èfl-il  proportionné  à  ces  entre» 
prifes,  non  feulement  parce  qu'on  ne  peut  prévoir  toua 
les  obftacles,  mais  parce  qu*oa  n'emplQyeprefque  jamais 
d'aiïez  grands  moyens. 

LVxpéditioo  de  l'Amiral  Anfon  èfl  une  preuve  de  ce  . 
que  peut  un  homme  intelligent  et  ferme,  malgré  la  foi* 
blefTe  des  préparatifs  et  la  grandeur  des  dangers. 

Toiit  le  monde  fait  que,  quand  l'Angleterre  déclara  la 
guerre  à  l'Efpagne  en  1739,  le  miniftère  de  Londres 
envoya  l'Amiral  Vernon  vers  le  Mexique,  qu'il  y  détru« 
ifît  Porto- Bello,  et  qu'il  manqua  Carthagène.  On  de» 
flînoit  dans  le  même  tems  George  Aiifon  à  faire  une  ir- 
ruption dans  le  Pérou,  par  la  roèr  du  Sud,  afin  de  ruiner 
&  on  pou  voit,  ou  du  moins  d'affoiblir  par  les  deux  extré- 
mités le  vafle  empire  que  l'Efpagne  a  conquis  dans  cette  ' 
partie  du  monde.  On  fit  Anfon  Commodore,  c'èll-îl  dire 
Chef  d'efcadre  ;  on  lui  donna  cinq  vailTeaux,  une  efpèce 
de  petite  frégate  de  huit  canons,  portant  environs  cent 
hommes,  et  deux  navires  chargés  de  provilions  et  de 
inarchandifes  :  ces  deux  navires  étoient  ^^eflinés  à  faire 
le  commerce  à  la  faveur  de  cette  entreprife  ;  car  c'èll  le 
propre  des  Anglois  de  mêler  le  négoce  à  la  guerre. 

L'efcadre 


262      VOYAGE  DE  l^AMIRAL  ANSON. 

L'efcadre  portoit  quatorze  cens  hommes  d'équipage,  par- 
mi lefquels  il  y  avoît  de  vieux  tovalides,  et  deux  cens 
jeunes  gens  de  recrue  ;  c^étolt  trop  peu  de  forces»  et  ou 
les  fit  encore  partir  trop  tard.  Cet  armement  ne  fut  en 
haute  mèfy  qu*à  la  fin  de  Septembre  1740.  Il  prend  fa 
route  par  J^lHe  de  Madère,  qui  appartient  au  PortagftL 
11  s^avance  aux  liles  du  Cape-Verd,  et  range  tes  côtes 
du  firefil.  On  fe  repôfa  dans  une  petite  ifle  nommée 
Sainte  Catherine,  couverte  en  tout  tems  de  verdure  et  dé 
fruits,  à  vingt-lept  degrés  de  latitude  auArale  -,  et  après 
avoir  enfuite  côtoyé  le  pays  froid  et  inculte  des  Pata- 
gODs,  fur  lequel  on  a  débité  tant  de  fables,  le  Commo- 
dore entra  fur  la  fin  de  Février  1741  dans  le  détroit  de 
le  Maire,  ce  ^ui  fait  plus  de  cent  degrés  de  latitude, 
franchis  en  moins  de  cinq  mots.  La  petite  chaloupe  de 
huit  canons,  nommée  the  Trwl^  (J* Epreuve j')  fut  le  pre- 
mier navire  de  cette  efpèce,  qui  ôfa  doubler  lecapHom» 
iLlle  s^empara  depuis  dans  la  mer  du  Sud,  d'un  bâtiment 
Efpagnol  de  fix  cens  tonneaux,  doirt  Téquipage  ne  pou- 
voir comprendre,  comment  il  avoit  été  pris  par  une^barque 
venue  d'Angleterre  dans  POcean  Pacifique. 

Cependant  en  doublant  le  Cap-Horn,  après  avoir  pafTé 
le  détioit  de  le  Maire,  des  tempêtes  extraordinaires  bat* 
tent  les  vaifleaux  d'Anfon,  «t  les  difperfent.  Un  (cor* 
but  d*une  nature  aifreufe  fait  périr  la  moitié  de  IMqui- 
page  ',  le  feul  vaifleau  du  Commodore  aborde  dans  rific 
déferte  de  Fernandez,  dans  la  mer  du  Sud,  en  remon*^ 
tant  vers  k  tropique  du  Capricorne. 

On  le6leur  raifonnable,  qui  voit  avec  quelque  horreur 
ces  foinr  prodigieux  que  prennent  les  hommes  pour  fe 
rendre  malheureux  eux  et  leurs  femblablcs,  apprendra 
peut-être  avec  fatisfaètion,  que  George  Anfon  trouvant 
dans  cette  lile  déferle  le  climat  le  plus  doux,  et  le  terrain 
le  plus  fertile,  y  fema  des  légumes  et  des  fruits,  dont  il 
avoit  apporté  les  femences,  et  les  noyaux,  et  qui  bien- 
tôt couvrirent  Tifle  entière.  Des  £fpagnols  qui  y  relâ- 
chèrent quelques  ^nées  après,  ayant  été  faits  depuis* 
prifonniers  par  les  Anglots,  jugèrent  qu'il  n'y  avoit  qu 'An- 
fon qui  eût  pu  réparer,  par  cette  attention  génèreufe;  le 
mal  que  fait  la  guerre  \  et  ils  le  remercièrent  comme  leur 
bienfaiteur.  V^ 

On  trouva  (ur  la  côte  beaucoup  de  lions  de  mer,  dont 

les^ 


VOYAGE  OK  i^AMIRAL  ANSON.        263 

l«s  m&les  fe  .battent  e&tre  eux  pour  les  fetHAlles  ;  et  on 
fut  jétonnéd'y  voir  daas  les  plaines  des  clièv;i«s,  qui  avoU 
eût  les  oreilles  coupées^  et  qui  par  là  fervirent  de  preuve 
aux  avaotiures  d^an  Eçoffois,  nommé  Selkirè^  quîy  ahaa* 
donné  dans  cette  ifle,  y  avoît  vécu  feul  plufieurs  années. 
Qu'il  (bit  permis  d'adoucir  par  ces  petites  cireonsftances 
la  iiriAeâe  d'une  kiftoire  qui  n'èft  qu'un  récit  de  meur- 
tres et  de  calamités.  Une  obTervation  plus  intérefiante 
fut  celle  de  la.  variatien  de  la  bouitiale,  qu'on  trouva  con- 
forme air  fynêœe  de  Hallej.  L'aiguille  aima«itée  fui- 
voit  exaéleraent  la  route  que  ce  grand  aftronome  lui  avoit 
tracée.  Il  donna  des  loix  à  la  matière  magnétique, 
comme  Newton  en  donna  à  toute  la  nuture.  Cette 
petite  efcadre,  qui  n'allott  franchir  des  mers  inconmies 
que  dans  l'efpéraace  du  pillage,  fer  voit  la  pbîlofopfaie 
fans  le  favoir, 

Anfon,  que  montoît  un  vaifleau  de  foîxante  canons, 
ayant  été  rejoint  par  un  autre  vatfleau  de  guerre  et  par 
cette  chaloupe  nommé.  l'Epreuve ^  fit  en  croifant  vers 
cette  lile  de  Fernandez,  plufieurs  prifes  aflez  conildé. 
râbles.  Mais  bientôt  après  s'étant  avancé  jufques  vers 
là  ligne  équinoxiale,  il  ôfa  attaquer  la  ville  de  Paita,  iur 
cette  même  cote  de  l'Amérique.  11  ne  fe  fervit  ni  de 
fes  vaifièaux  de  guerre,  ni  de  tout  ce  qui  lui  reftoit 
d'hommes  pour  tenter  ce  coup  hardi.  Cinquante  foldats 
dans  une  chaloupe  à  rames  firent  l'expédition  ;  ils  abor« 
dent  pend«int  la  nuit  ;  cette  furprife  fubite,  la  confufîon 
et  le  defordre,  que  l'obfcurité  redouble,  multiplient  et 
augmentent  le  danger.  Le  Gouverneur,  la  garnifon,  les 
habitants  fuient  de  tous  côtés.  Le  Gouverneur  va  dans 
le^  terres  rafTembler  trois  cens  hommes  de  cavalerie,  et 
}a  milice  des  environs.  Les  cinquante  Angldis  cepen« 
dant  font  tranfporter  paifîblement  pendant  trois  jours, 
les  tré(brs  qu^îls  trouvent  dans  la  douane  et  dans  les  mai* 
fons.  Des  efcUvcs  nègres  qui  n'avoient  pas  fui,  efpèce 
d'animaux  appartenant  au  premier  qui  s'en  faifit,  aident 
à  enlever  les  ricbefTes  de  leurs  anciens  maîtres.  Les  vaif- 
feaux  de  guerre  abordent.  Le  Gouverneur  n'eut  ni  la 
hardielTe  de  redefc^ndre  dans  la  ville  et  d'y  combatte,  ni 
la  prudence  de  traiter  avec  les  vainqueurs  pour  le  rachat 
de  la  ville  et  des  effets  qui  revoient  encore,  Anfoh  fit 
jreduire  Paita  en  cendre  et  partit,  ayant  ^jépouillé  audl 
^i{émeot  les  Lfpagnols  que  c^iix-ci  avoieut  autrefois  di- 

\  pouillé 


i64       VOYAGE  n  t*ÂMIRAL  ANSON. 

pouîUé  les  AnéricatOf  •  Lt  perte  pour  rEfptgoe  &t  àe 
plut  de  quinze  cent  mille  pîaftres  ;  le  gain  pour  les  An- 
glois,  d^Dviron  cent  quatre- vingt  mille.  Ce  qiû  joint 
aux  prifes  précédentes  enricbifibit  déjà  Tefcadre.  Le 
grand  nombre  enlevé  par  le  fcorbut,  laiflbit  encore  une 
plus  grande  part  aux  furvivans*  Cette  petite  efcadre  re- 
monta enfulte  vis- à* vis  Panama,  fur  la  côte  où  l'on  pécbe 
les  perles,  et  s^avança  devant  Acapulcoi  au  revers  du 
Mexique.  Le  gouvernement  de  Madrid  ne  fa  voit  «pas 
alors  le  danger  qu^il  courohje  perdre  cette  grande  pajUe 
du  monde.   |C.       ^^.^""^       3 —       *  -**""'       "^"^ 

Si  l'Amiral  Ver  non,  qui  a  voit  affiégé  Cartbagène  fur 
la  mer  oppofée,  eût  réuffi,  il  pouvoit  donner  la  inain  au 
Commodore  Anfon.  L'iftbme  de  Panama  étoit  pris  à 
droite  et  à  gauohe  par  les  Anglois,  et  le  centre  de  la 
domination  £fpagnole  perdu*  Le  miniftère  de  Madrid 
averti  longtems  auparavant,  avoit  pris  des  prccautiosa» 
qu^un  malbeur  prefque  fans  example  rendoit  inutiles, 
Jl  prévint  Pefcadre  d'Anfon  par  une  flotte  plus  nom- 
breufe,  plus  forte  d'bommes  et  d'artillerie,  fous  le  com« 
mandement  de  Don  Jofepb  J^izarro.  Les  mêmes  tem« 
pétes  qui  avoient  afTailli  les  A^lois,  difpersèrent  les  Ef- 
pagnols  avant  qu'ils  puficpt  atteindre  le  détroit  de  le 
Maire.  Non  feulement  le  fcorout  qui  fit  périr  la  moitié 
des  Anglois,  attaqua  les  £fpagnols  avec  la  même  furie  ; 
mais  des  provifions  qu*on  attendoit  de  Beunos- Aires 
n'étant  point  venues,  la  faim  fe  joignit  au  fcorbut. 
Deux  vaiiTeux  £fpagnols  qui  ne  porioient  que  des  mou« 
rants,  furent  fracafles  fur  les  côtés,  .deux  autres  échouè- 
rent. Le  commandant  fut  obligé  dé  laiffer  fon  vaiffeau 
amiral  à  Buenos- Aires  ^  il  n'y  avoit  plus  aflez  de  mains 
pour  le  gouverner,  et  ce  vaiffeau  ne  put  être  réparé  qu'au 
bout  de  trois  années  \  de  forte  que  le  commandant  de 
cette  flotte  retourna  en.  £fpagne  en  1746,  avec  moins 
de  cents  hommes,  qui  refloient  de  deux  mille  fept  cent 
dont  fa  flotte  étoit  montée  \  événement  funeUe  qui  liert 
à  faire  voir  que  la  guerre  fur  mèr  cH  plus  dangereqfe 
que  fur  terre,  puifque  fans  combattre  on  efTuie  prefque 
totijours  les  dangers  et  le  s  ^extrémités  ks  plus,  horribles. 

Les  malheurs  de  Pizarro  laifsèrent  Anlbn  en  pleine 
Jiberté  dans  la  mèr  du  Sud  \  niais  les  pertes  qu'Anfon 
avoit  faites  de  fon  côté,  le  mettoîent  hors  d'état  de  faire 
de  grandes  entreprifes  fur  les  terres,  et  furtout  depuis 

qu'il 


VOYAGE  D«  L'AMIRAL  ANSON.       265 

^uHl  eut  appris  par  les  prifonniers  le  mauvais  fuccès  du 
,  fiège  de  Cartbag;ène,  et  que  le  Mexique  étoit  raflTuré. 
•    Anibo  réduîfit  donc  Tes 'enterprîfes  et  Tes  grandes  ef- 
pérancés  à  fe  faifir  d^un  galion   immenfe,  que  le  Mexî« 
que  envoyé  tous  les  ans  dans  les  mers  de  la  Chine  àPlUe 
de  manille  capitale  des  Philippines,'  ainfî  nommées  parce 
quMles  furent  découvertes  fous  le  régne  de  Philippe  11, 
i.  Ce  galion  chargé  d'argent  ne  feroit  poiot  parti,  ù  on 
avoit  Tù  les  Anglois  fur  les  côtes,  et  il  ne  devoit  mettre 
à  la  vcale,  que  long  tems  après  leur  départ.     Le  Com- 
modore va  donc  travcrfer  l'Océan  Pacifiiq'ûe  et  tous  les 
climats  oppoCés  à  TAfrique,    entre  xuotre   tropique    et 
l^quateur.     L'avarice  devenue  honorable  par  la  fatiguç 
et  le  danger,  lui  fait  parcourir  le  globe  avec  deux  vaif- 
iieaux  de  guerre.     Le  fcorbut  pourfuît  encore  l'équipage 
ftirces  mers,  et  l'un  des  deux  vaiiTeaux  fefant  rau  de  tous 
côtés,  on  èft  obligé  de  l'abandonner,  et  de  le  brûler  au 
milieu  de  la  mèr,  de  peur  que  fes  débris  ne  foient  portés 
dans  quelques  Ifles  des  Ëfpagnols,  et  ne  leur  deviennent 
utiles.     Ce  qui   rcftoit  de   matelots  et  de  foldats  fur  ce 
vaiiTeau,  paffe  dans  celui  d' Anfon  ;  et  le  Commodore  n'a 
plus  de  fon  efcadre  que  fon  feul  vaifTeau»  nommé  le  Cen- 
turion, monté  de  foixante  canons  fuivi  de   deux   efpèces 
de   chaloupes.      Le   Centurion  échappé   feul   à  tant  de 
dangers,  mais  délabré  lui-même,   et   ne   portant  que  des 
naalades,  relâche  pout  fon.bonheur  dans  une  des  Ifl:s  Ma- 
riannes,  qu'on  nomme  Tinian,  alors  prefque  entièrement 
défertc  ;    peuplée  n'agu^res  dé  trente  mille  âmes,  mais 
'dont  la  plupart  des  habitants  avoient  péri  par  une  mala- 
die épidémique,  et  dont  le  r^fte  avolt  été  tranfporté  dans 
une  autre  lÛe  par  les  Lfpagnols. 

Le  féjour  de  Tinian  fauva  l'équipage.  Cette  Ifle  plus 
fertile  que  celle  de  Fernandez,  offroit  de  tous  côtés  en 
bois,  en  eau  pure,  en  animaux  domt^iliqùcs,  en  fruits  en 
-légumes,  tout  ce  qui  peut  fervir  à  la  nourriture,  aux 
commodités  de  la  vie,  et  au  radoub  d'un  vaiiTeau.  Ce 
qu'on  trouva  de  plus  fuigulier,  èft  un  arbre  dont  le  fiuit 
•  r^flembV  pour  le  goût  au  meilleur  pain,  tréfor  rcel  qui 
tranfpknté,  s'il  fe  pouvoit,  dans  nos  climats,  feroit  bien 
préTcrable  à  ces  richclTes  de  convention,  qu'on  va  ravir 
j^arnii  tant  de  périls  au  bout  de  la  terre.  De  cette  liîe 
<iu  raogcoit  celle  de  Formofe  :  On  cingle  vers  la  Chint-  k 

Z  Macoa,* 


266       VOYAGE  vt  l'AMIRAL  ANSON. 

Macoa^  à  Pcntrée.de  lariviire  4c  CantoOi  pcoir  radoiu 
ber  le  fcul  vtUftau  qui  rcfter^  >[ 

Macao  appartient  depuis  éaot^inqaaate  aos  aux  Por- 
tugais.    L^Éflapereur  de.  la  Chino  leur  permit  de  bâtir 
Mne  ville  dans  cette  petite  ifle  qui  n'èft  qaHin  rocher,  maia 
qui  leur  étoi^néceffaîre  pour  leur  commerce.    Les  Chi* 
nois,  o^ont  jamais  violé  depuis  ce  tems  les  privilégea 
accordées  aux  Portugais»    Cette  fidélité  devroit,  ce  me 
femble  délarmer  Pauteur  Aogloîs,  qui  a  donné  au  pu- 
blie Pbifloîre  de'  Texpédîtion  de  P Amiral  Anfoa»     Cet 
hidoriea,  d'ailleurs  judicieux,  inâruâif^  et  bon.  citoyen, 
ne  parle  des  Chinois  que  comme  d'un  peuple  mépiiiable, 
fans  foi,  et  fans  induftrie.     Quant  à  leur  induftrie,  elle 
n'èft  en  rien  de  la  nature  de  la  nôtre  j  quant  à  leurs 
moeurs,  je  crois  quUl  faut  plutôt  juger  d'une  puiflante 
nation,  par  ceux  qui  font  à  la  tête,  que.  par  la  populace 
des  extrémités  d^uoe  province.     Il  me  paroit  que  la  foi 
des  traités,  gardée  parle  Gouvernement  pendant  un. ijè« 
'  cle  et  demi,  fait  plus  d?honneur  aux  Chinois,  qu'ils  ne 
reçoivent  de  honte  de  Tavidité  et  de  via  fourberie  d'un 
vil  peuple  d'une  côte  de  ce  vafle  £mpire.     Faut* il  in* 
fulter  à  la  nation  la  plus  ancienne  et. la  plus  policée  de  la 
terre^  parce  que  quelques  malheureux  ont  voulu  dérober 
à  des  Anglois,  par  des  larcins  et  par  des  gains  illicites,  la 
vingt  millième  partie  tout  au  plus  de  ce  que  les  Anglois 
allaient  voler  par  force  aux  £fp3gnols  dans  la  m/èr  de  la 
Cbine  ^  Il  n'y  a  pas  long*tems  que  les  voyageurs  éprou- 
voient  des  vexations  beaucoup  plus  grandes  dans  ploa 
d'un  pays  de  r£urope«      Qu'auroit  dit  un   Chinois,  fi 
ayant  fait  naufrage  lur  les  côtes  de  PAngleterre,  il  avoit 
vu  les  habitants  courir  en  foule  s'emparer  avidement  à 
fes  yeux  de  tous  fes  e£Fets  nauffragés  ? 

île  Commodore  ayant  mis  fon  vaifleau  en  très  bon 
état  à  Macao,  par  le^iécours  des  Chinois,  et  ayant  reçu 
fur  fon  bord  quelques  matelots  Indiens,  et  quelques  Hol* 
landoîs  qui  lui  parurent  des  hommes  de  fervîce  î  il  remet 
à  la  voile,  feignant  d'aller  à  Batavia,  le  difant  même  à 
foa  équipage,  mais  n'ayant  en  efifet  d'autre  objet  que  de 
tetourner  vers  les  Philippines,  à  la  pourfuite  de  ce  galion, 
qu'il  préfumoit  être  alors  dans  ces  parages.  Uès  qu'il 
èd  en  pleine  mèr,  il  fait  part  de  fon  projet  à  tout  fon 
monde.  L'idée,  d'une,  fi  riche  prife  les  remplit  de  joie 
«|r  d'eipérance,  et  redoubla  leur  courage* 

Enfin, 


VOYAGE  BE  L'AMIRAL  ANSON        267 

Enfin,  le  6  Juin  1 743,  on  découvre  ce  vnîfleau  tant 
deiiré;  il  a vaiLÇoit  vers  Manille,  monté  de  foixante  et 
quatre  canons,  dont  vingt-huit  ji^étoient  que  de  quatre 
livres  de  balle  à  cartouche.  Cinq  cent  cinquante  hom- 
mes de  combat  compofoient  réquipage«  Le  tréfor  qu^il 
port  oit.  û'étoît  que  -dViiViron  quinze  cent  mi  He  t)ia(lres  en 
argent  avec  de  la  cochenille,  parce  que  tout  le  tréfor 
qui  èft  d'ordinaire  le  double,  ayant  été  partagé,  la  moi* 
tié  avoit  été  portée  fur  un  autre  galion. 

Le  Cdoithodore  n^aVoit  fur  fon  vàifleou  le  Centurion, 
que  deux  cent  quarante  hommes.  Le  Capitaine  du  ga- 
lion ayant  apperçu  Perinemr,  ^irlià  inieux  bazarder  le 
tréfor,  que  perdre  fa  gloire  en  fuyant  devant  un  Anglois, 
et"  fît  force  de  voiles  hardiment 'pour  ie  vchîr  combattre. 

La  fureur  de  ravir  des  richeires,  plus  forte  que  le  de«» 
Toirdc  les  conferver  pour  fon  Roi,  IViperiêtice  des  An- 
glois,  et  les  maoieuvres  fairantes  du  Comknodore,  lui  don- 
nèreat  la  viâoire.  11  n*eut  que' deux  hommes  de  tués  dans 
le  combat  ;  le  galion  perdit  foixante  et  fept  hommes  tués 
fur  les  ponts,  et  ileut  quaire-^ringt  quatre  de  blcITés.  Il' 
lui  refloit  encore  plus  de  monde  qu'au  Commodore.  Ce 
pendant  il  fe  rendit.  Le  vainqueur  retôUrtia  à  Cantoa 
avec  cette  riche  prîfe.  il  y  fbuttot  Thotineur  de  fa  na- 
tion en  refttFaût  de  payer  à  P  Empereur  de  la  Chine  les 
impôts  que  doivent  tous' les  étrangers,  il  prétendoit 
qu^n  vaiiTcâU  de. guerre  n^én  devoit  pas  :  Sa  conduite  eii 
impofa.  Le  Go\;^rneur  de  Canton  lui  donna  une  au- 
dience, à  laquelle  il  fut  conduit  à  travers  deux  bayes  de 
foldats,  au  fiombr<K  de  dix  mlHe  ^  après  quoi  il  retourna 
dans  fa  patrie  par  les  lOes  de  la  Sonde,  çt  par  le  Cap  de 
Bonne  Ëfpérancne.  Ayant  ainfi  fait  le  tour  du  monde 
en  victorieux,  il  aborda  en  Angleterre  le  4  Juin  17441 
après  un  voyage  de  troi»  ans  et  demi»  ^ 

Il  &t  porter  à  Londres  en  triomphe  fur  trentfe-deux 
chariots,  au  fon  des  tambours  et  des  tfompettes,  et  des 
«cclamatioBS  de  la  multitude,  les  rtclieffes  qu'il  avoit 
eonquifes*  Ses  prifes  fe  montoienft,  en  argent  et  en  or, 
è  dix  millioii  monnoie  de  France,  qui  furent  le  prix  du 
Cpfnmodofe,  de  ces  Officiers,  des  matelots  et  des  foldats, 
fans  que  le  Roi  éiHTât  en  partage  du  fruit  de  leurs  fati- 
gues, et  de  leur  valeur.  Ge^  ricbefles  circulant  bientôt 
dans  la  nation  •contribuèrent  à  lui  £atcc  fapporter  les  frai'x 
mmenfes  de  la  guerre»  Z  z         G£OR.G£ 


268 


GEORGE    DANDIN. 


Ac 

IZOKS, 


GEORGE    D  AND  IN, 

i 

o  u 

LE    MARI     CONFONDU. 

COMEDIE. 


"Georgb  Dândin,  riche  payfaiii  mari  d'An- 
gélique. 

AhG£LiQi9i,  femme  de  George  Dandin,  et 
£21e  de  M.  de  Sontenville.  » 

MoNsi£UK    DK    SoT£NViLLE,    gentilhoi&me 
cempagnard,  père  d'Angélique. 

Madame  de  Sontenville. 

Clit ANDRE,  amant  d'Angélique. 

Claudine^  fulvante  d'Angélique. 

LuBiN,  payfan,  fecrant  Clitandre* 
.Colin,  valet  de  George  Dandin. 


La  font  ejî  devant  la  malfon  de  George  Dandm^  à  la 

campagne. 

ACTE     PREMIER. 
SCEÎ^E  PREMIERE. 

George  Dandin. 

AH.  qu'une  femme  Dcmoîfèllc  èft  une  étrange  af- 
faire, et  que  mon  marrîage  è(l  une  leçon  bien  par- 
lante à  tous  les  payfans  qui  veulent  s'élever  au-defius  de* 
leur  condition,  et  s^allier,  comme  j'ai  fait,  àlamaifoii 
d'un  Gentilhomme  !  La  NobleiTe  de  foi  èft  benne,  c'èfl 
une  chofe  confidérable  apurement  ;  mais  elle  èft  accom- 
pagnée de  tant  de  mauvaifes  circonftances,  xyi^il  èft  très- 
bon  de  ne  s'y  point  frotter.  Je  fuis  devenu  là-deflus  favant 
a  mes  dépens»  et  coanois  k  ûyle  des  bobles,  lors  qu'ils. 


C    0    M    £    &    I    &  .  sèg 

nous  font,  nous  autres,  entret  énns  leur  fatnîUe.  L^al- 
Ikocc  quHfe  font  èft  fifetîlte  ttv(ïC  nos  perfocmes,  c^fl  no- 
tre bien  féal  qu^ils  époufent  ;  «t  j^aurois  bien  mieux  fait, . 
•retft  riche  que  j«  fuis,  de  m^^ilie^r  en  bonne  et  fraache 
payfannerie^  que  de  prendre  une  femme  qui  fe  tient  au« 
deflus  de  moi,  s^ofienfe  de  porter  mon  nom  \  et  pcnfe 
iqu^avee  tout  ikïon  bieïr,  je  n'ai  pas  aifez  aobeté  la  qualitii 
et  ion  iroarî.  George  Dandîn,  George  Dandîn,  vous 
avez  fait  une  fottife  la  phA  i^rande  du  monde.  Ma  mar« 
ion  m'èft  efiirojable  maintenant,  et  je  ti^7  i^ntre  point 
&bs  y  tromrer  quelque  chagrin  r 

SCENE    IL 

Ga^aoK  Da«dii«,  Lubim* 

<T,  Dandifî^  (S  pan,  voyant  Jbniir  Lubin  de  ché%  lui) 
Que  diantre  ce  drôle-I^  vient-tl  faire  chez  mot  ? 

Lulnn,  (à  part^  apperccDanf  Gearge  DaniRn.)    Vtti% 
un  iiotnme  qui  me  regarder 

G>  Dandin  (à part,)  il  ne  me  connoSt  pas. 

Lubin  (à  fin»)  11  fe  doutîe  de  quelque  chofe. 

G.  Dandin^  (à  part,)  Ouais  !   Il  a  grand*  peine  à  fa«^ 
luer. 

Lnhtn,  (à  part.)  paî  peur  qtiHî  tt'ailk  dîrcf  qu'il  mV 
TU  fortîr  de  la  dedans. 

G.  Dandin^  Bon  jour» 

Lubin,  Serviteur. 

G,  Dandin,  Vous  n'êtes  pas  d*îcî,  que  je  croîs  ? 

LuSin,  Non,  je  n^y  fuis  venu  que  pour  voir  la  fête  de 
demain» 

G.  Dandm»   Ile  !  Dites*tiibî  un  peu,  s'il  vous  plait, 
TOUS  venez  de  là-dedans  î 

Lubin.  Chut. 
-  G,  Dandtn.  Comment  ? 

Lubm,  Paix. 

G,  Dandin,  Q^oi  donc  ? 
'  Lubin,  Motus,  il  ne  faut  pas  dire  que  vous  m^ayet  vu 
fortir  de  là. 

G,  Dahdin^  Pourquoi  ? 

Lubin,  Mon  dieu  î   Parce— 

G,  Dandin.  Mais  encore  ? 

Lubin.  Dottcemeat^    J^aî  peur  qu'on  ne  nous  écoute* 

Z3  G. 


-70  GEORGE    1>ANDIN. 

'  G.  DanAn,  Point,  point. 

Lubtn.  C'èft  que  je  ▼î«os  de  parler  â  la  maîtrefle  dit 
logis,  de  la  part  d^un  certain  Monfîeur  qui  lui  fait  Ics^ 
doux  yeux,  et  il  ne  faut  pas  qu'on  fadie  cela*  Entent 
dez-vous  ? 

G,  DanJin^  Oui. 

Lubin.  Voilà  la  raifon.  On  m'a  chargé  de  prendre 
^arde  que  perfonne  ne  me  vît;  et  je  vous  prie^  au  moins, 
de  ne  pas  dire  que  vous  m'ayex  vu. 

G.  Danditi.  Je  n'ai  garde. 

Lutin,  Je  fuis  bien-aife  de  faire  le»  chofes  fécrètte« 
ment  ^  comme  on  m'a  recommandé. 

G.  Dandin.  C'èA  bien  fait. 

Luhin,  Le  rnarî,  à  ce  qu'ils  difènt,  èll  un' jaloux  qui 
ne  veut  pas  qu'on  fafie  l'amour  ^  fa  femme  ;  et  il  le- 
Toit  le  diable  à  quatre^  fi  cela  v^noit  à  fe&  oreille*-.  Vous 
comprenez  bien. 

G.  DaruBn.  Fort  bien. 

jLubin,  Il  ne  faut  pas  qu^i  fâche  rie  a  de  tout  ceci* 

G,  Dandhu  Sans  doute* 

Lubin,  On  le  veut  tromper  tout  douceaoent,  Vou&> 
entendez  i)]eA  ? 

G,  Dandin.  Le  mieux  du  monde. 

Luhln.  Si  vous  alliez*  dire  que  vous  m^avez  vu  fortir  de 
chez  lui,  vous  gâteriez  toute  ^affaire.  Vous  comprenez, 
bien  ? 

G.  Dtmdin,  Affurément.  Hé,  comment  nommez* 
vous  celui  qui  vou&  à  envoyé  là  dedans  ? 

Lubin,  C'cft  le  Seigneur  de  notre  pays^  Moniieur  le' 
Vicomte  de  chofc — Foin,  je  ne  me  fou  viens  jamais  conf- 
inent diantre  ils  baragouinent  ce  nom  la^  Monfîeur  Cli— 
Clitandre. 

G,  Dandîn,  £(l  ce  ce  jeune  coartlfan,  q^i  demeure  ? 

Lubin,  Oui,  aupiès  de  ces  arbres*. 


ce 

bon 

quelque  foupçon, 

Lub'm>,  Teiligué,  c'feft  le  pLus  honnête   homme  que 


COMEDIE.  27t 

Toyez  s^îl  y  a  là  une  fi  grande  fatigue  pour  me  payer  £ 
bien  ^  et  ce  qu'èft,  au  prix  de  cela,  une  journée  de  tra^ 
.▼ail,  où  je  ne  gagne  que  dix  fols. 

G,  Da/u^tt,  Hé  bien,  avez  vous  fait  votre  meflage  ? 

Lubin,  Oui.  J^ai  trouvé  là-dedans  une  certaine  Clau- 
.dine  ^  qui,  tout  du  prèn^er  coup,  a  compris  ce  que  je 
.Toulois,  et  qui  m'a  fait  parler  à  fa.  mahrefîe* 

G.  fiandim^  (à  port,^  Ah,  coquine  de  fer  van  te  ! 

Lubin.  Morguienne,  cette  Claudine-la  èd  tout-à^falt 
jollie,  elle  a  gagné  mon  amitié,  et  il  ne  tiendra  qu^à  elle 
^ue  nous  ne  foyons  mariés  enferoble* 

G.  DûfuTm^  Mais  quelle  répdnfe  a  fiait  la  maîtreffe  à  ce. 
Monfîeur  le  courtifan  ? 

Lubin.  Elle  m'a  dit  de  lui  dire  Attendes,  je  ne 
fais  ii  je  me  fbuvîendrai  bien  de  tout  cela,  qu'elle  lui  èft 
tout-à-fait  obligée  de  l'afiFeétton  qu'il  a  pour  elle,  et  qu'il 
caufe  de  fon  mari  qui  èft  fantaique,  il  fe  garde  d'en  rien  faire 
paroitre  \  et  qu'il  faudra  fonger  à  chercher,  quelque  in- 
Tcntion  pour  îe  pouvoir  entretenir  tous- deux. 

G.  Dandm^  (à  part,)  Ab,  pendarde  de  femme  ! 

Lu^.  Tediguiènne,  ceU  fera  drôle;  car  .le  mari  ne 
fe  doutera  point  de  la  manigance,,  voila  ce  qui  èll  de 
bon.;  et  il  aura  un  pied  de  nez  avec  fa  jalouiie.-  Elt* 
ce  pas  ?    « 

G.  Doadim  Cela  èd'vrai» 

Lubin,  Adieu.  Bouche  coufiie  au  moins»  Gardes 
bien  le  fécrèt,  afin  que  le  mari  ne  le  fâche  pas.. 

G.  Dandtn,  Qui,  oui. ,  ^ 

Lulnn^  Pour  moi,  je  vais  faire  femblànt  de  rian.  Jo 
&is  un  fin  matois,  et  l?on  ne  dira  pas  que  j'y  touche^. 

aC  E  NE     IIK. 

G£.ORGE    DanDIN,  ^^/.. 

Hé  bien,  George  Dandin,  vous  voyez  de  quel  air  vo- 
tre femme  vous  traite.  Voilà  ce  que  c'èft  d'avoir  voulu 
érppufér  une  DemoifcHe.  \J}oyk  vous  accommode  de 
toutes  pièces,  fans  que  vou&  pui(fîez  vous  venger,,  et  la 
'  gentiihommerie  vous  tient  le*  bras  lié».  li'égaîîté  de 
,  condition  laiiFe  du  moins  à  l'honneur  d'un  mari  liberté  du 
reffentimcnt;  et,  li  c^étoit  une  payfanne,  vous  auriez 
maintenant  toutes  vos  coudéçs  franches  à  vous  en  faire 

là 


27i  G£ORG£   D  ANODIN. 

la  jttfticé  %  bons  coofH'^e  bâton.  Iftir^rous  avez  V'talif 
lâter  de  h  noiblëfficy  et  îl  Voras'CfrBiifok  tf'étre  nïkré  chec 
vous.  Ah,  j^eilrage  de  tout  iabn  cèeor,  «t  je  wt  -^n« 
nerok  vdlontters  des  fovfflets  ?  Quoi,  Ecouter,  impo- 
demtnetit  IHnnour  d*cm  DamoifeaUt  et  lui  {nfbmettre  en 
luéme  temps  de  la  correfpondance  !  Moifbku,  je  ne  v«iMc 
point  laiffer  -paÏÏertine  occsrfion  de  la  forte.  Il  tne  fmit^ 
de  ce  pas,  Mtt  tkire  loes  -plaintes  'au  «pèrt»  et  li  'H  mère } 
«t  les  rendre  témoins  des  Tujèts  de  x^gnn  cft  et  Tef« 
fenttmefit  que  leur  fille  me  donne.  Mais  les  voici  IHil^ 
et  Taotre  fort  à  propos. 

SCENE    !V. 

KoNSiEVu   DE   S0TXNVILX.E,  Madame  de  ^tenvzlle^ 

George  Dandin. 

if.  *A  SèimnHfft.  Qo'Àft  ce,  «k»  gendi^,  t»o«s  «ne  pa^ 
Toiflèz  t«Qt  troublé  ? 

G.  Dandin.  AtHB  en  aî-je  du  fujèt,  et-— >^ 

Madame  de  Soêetiviiie^  Mon  Dieu,  notre  cendre,  «que 
vous  avez  peu  de  ciTÎlité,  de  ne  pas  faloer  les  gens  quand 
vous  les  appToebez  ! 

G.  Dandin.  Ma  fst,  ma  beHe-mère,  «^ft  que  j^^i 
4*autres  cbofes  en  tète  \  et 

Madame  de  Sotenwile.  Encore  ?  EAôl  poffible,  notre 
gendre,  que  vous  facbîet  fi  peu  votre  monde  :  £t  <{u4l 
tk^j  ait  pas  moyen  de  vous  ififtmîre  de  la  manière  qu'il 
faut  vivre  parmi  lés  perfonnes  de  qualité  ? 

G.  Danain.  Comment  ! 

Madame  de  SoUnvii/e.  Ne  vous  déferez  vous  jamnî», 
avec  moi,  de  )a  familiarité  de  ce  mot  de,  ma  belle* 
mère,  et  ne  fauriez  vous  vous  accoutumer  à  me  dire, 
Madame  ? 

G.  Dandin,  Parbleu,  fi  vous  m^appellez  votre  gen- 
dre, il  me  femble  que  je  puis  vous  appeller  ma  belle- 
mère. 

Madame  de  SoteitùiUe,  11  7  a  fort  à  dire,  et  les  chofés 
ne  font  pas  égales.  Apprenez,  s^il  vous  plaît,  que  ce 
n'en  pas  à  vous  k  vous  fervir  de  ce  mot-là  aVec  une  per- 
fonne  de  ma  condition  ;  que,  tout  notre  gendre  que  vous 
êtes,  il  y  a  grande  différence  de  vous  à  nous,  et  que 
vous  devez  vous  connoîue» 

M.  de 


COMEDIE  273 

M,  de  Sotenville,  Otn  éft  aflez,  in^aroour,  laiflbns 
cela. 

Madame  de  Sotenvîlk,  Mon  Dieu,  Mon  Heur  de  Soten- 
viHe,  vous  avez  des  indulgences  qui  n'appartiennent  qu^2t 
vousy  et  vous  ne  favez  pas  vous  faire  rendre,  par  les  geRs^ 
cç  qui  vous  èft  dû,  ^ 

M.  de  Soùnviiie.  Carbleu,  pardonnez-moi,  on  ne  peut 
point  me  faire  de  leçons  là-defîus,  et  j'ai  fa  montrer  en 
ma  vie,  par  vingt  aélions  de  vigueur,  que  je  ne  fuis 
point  homme  à  démordre  jamais  d*une  partie  de  mes 
prétentions  y  mais  il  fufBt  de  lui  avoir  d^né  un  petit  a« 
vcrtifleroent.  Sachons  un  peu,  mon  gendre,  ce  que  vous 
avez  dans  Pefprit. 

G.  Dandin.  Puîfqu^îl  faut  donc  parheï  catégorique- 
xnent,  je  vous  dirai,  Moniieur  de  Sôtenville,  que  j'ai 
lieu  de— - 

M.  de  Sotenvîile,  Doucement,  mon  gendre.  Appre- 
nez qu'il  n'èll  pas  refpeâueux  d'appeller  les  gtM  par 
leur  nom  ;  et  qu'à  ceux  qui  (ont  audeflCis  de  nous  il  faut 
dire,  Moniieur,  tout  court. 

G.  Dandin.  Hé  bien,  Monfienr  Tout  court,  et  non  plus 
Moniieur  de  Sotenville,  j'ai  à  vous  dtre.que  ma  femme 
zne  donne 

M,  de  SotenwHe,  Tout  beau.  Apprenez  auffi  que 
vous  ne  devez  pas  ^ixt  ma  femme,  quand  vous  parlez  de 
notre -fille. 

G.  pandin.  J'enrage.  Comment,  ma  femiâe  n'èd  pas 
ma  femme  ? 

Madame  de  Sotenvil/e,  Oui,  notre  gendre,  elle  èft  votre 
femme  ^  mais  il  ne  vous  èft  pas  permis  de  l'appeller  air\(>, 
et  c'èd  tout  ce  que  vous  pourriez 'faire,  û  vous  aviez  é- 
poufé  une  de  vos  pareilles. 

G,  Danditt,  (a  part,)  Ah,  George  Dandin,  où  t'és- 
tu  fourré  l — (Haut.)  Hé,  de  grâce,  mettez,  pour  un  mo- 
ment, votre  gentilhommerie  à  côté,  cffouffrez  que  je 
vous  parle  maintenant  comme  je  pourrai — (a  part.)  Au 
diantre  foit  la  tyrannie  de  toute  ces  hiûoires  \^-^(à  M, 
de  Sotenville,)  Je  vous  dis  donc  que  je  fuis  mal  fatistait 
de  mon  mariage, 
r    M.  de  Sotenville,  Et  la  r^ifon»  mon  gendre  l 

Madame  de  Sotenville.  Quoi,  parler  aioii  d'une  choie 
dont  vous,  avez  tiré  de  û  grands  avantages  ! 
.1  G». 


274  cJEOR^GE    D&N'DIN. 


&•  iDoHdm.  -St  tpibis  avantages,  IVIacdame,  .piufque 
Madame  y  a?  L'avanture  n'a  pas  été  mauvaîfe  pour  voirs^^ 
car,  6o8  moi,  vos  affaires,  »vec  vbtre  permi^îon,  étbient 
fort  ééhbféas,  et  mon  argent  a  ferri  ^  Tefoondier  û^f^ 
fez  4>oos  trous  :  Mats,  moi,  de  quoi  ai  je  profité,  je  Toa» 
prie,  que  d'un  allongement  de  nom,  et  au Ireu  de  George 
Dandio,  d'avoir  reçu  ptor  "voiis  le  titre  de  Monûeur  ée  la 
Dafidinière  ? 

M,  de  SolenviUê»  Ne  comptez'Vons  -pour  Tien,  vaiaa 
gendre,  l^vamtage  d^tre  allié  ù'  la  maifon  de  Sotenvillc  ? 
Mékiétme  de  SotetiviUe.  IHt  à  celle  de  la  Prudoterie^ 
dont  j^ai  rhonneur  d'être  tflTue^  tnaifon  où  le  ventre  -en«- 
noblît,  et  qui  par  ce  beau  privilège  Rendra  vos  -enfeas 
gentilshommes  ? 

G,  DandU,  Ouî,'vofUi  qui  èfl  èîea,  mes  eo^nts  feront 
gentilshommes  )  mais  je  ferai  cocu,  moi,  il  l'on  n'y  met 
ordre. 

ta 

AL  de  SohnviSe.Qwt  vent  dire  cela,  mon  gendre  V 

G,  Dnndm^  Cela  veut  dire  que  votre-fiilene  vit  pas 
comnle  il  faut  qu'une  femme  vive^et  qu^Ue  £dt  des  c^o* 
les  qni  font  contre  -Phonn«ùr. 

Madame  de  SoteHW&.  Tout  beau.  Ppenez  garde  à  oè 
que  vous  dîtes..  Ma  fille  èll  d'une  race  trop  pleine  de 
vertu,  pour  fe  porter  januiis  à  faire  aucune  ohofe  dont 
l'honnêteté  foit  blefiee.;  vt,  de  la  ma ^n  de  la  Prado» 
tede,  il  y  a  plus  de  trois  cens  ans  qu'on  n'a  point 're* 
marqué  qu^ily  astSeu  uneiemmef  Dieu  merci,  qui 'ait 
fait  parler  d'elle. 

M.  de  SoienvUIe.  Cerbleu,  daQ«  la  «laifon  de  Soten- 
ville,  on  n'a  jamab  vu  de  «coquette^  et  la  bravoui>e  n'.y 
èit.pas  :pltts  iiéreditoâre  aux  mâles,  que  la  chaAeté  aux 
femelles. 

Mad&nu  de  Sétenvdle,  Nous  avons  eu  une  Jacqueline 
de  la  prudoterie,  *qui  *ne  voulut  jamais  être  la  -ihaîtreffe 
d'un  duc  et  pair,;gouvecncuf  demotre  ;province. 

M*  de  SotenwUe.  11  y  a  eu  une  MatHurinede  Soten- 
ville,  qui  refufa  vingt  mille  écos  d'un  favori  du  roi,  qui 
ne  lui  «tenundoit  {eulenient  que  la  faveur  de  lui  parier. 

G.  Dandin.  Oh  bien,  votre  fille  n'èfl:  pas  (i  difficile 
que  cela  >  et  lelk  l'èâ  apprivotfée  depuis  qu'cUe  èft  cher 
moi. 

M*  de  SotennàUe»  £spliqtte&>vouSf  taon  gendre*    Nons^ 

ne 


276  GEORGE   DANDIN. 

,S  C  E  N  E    V. 

Monsieur,    ds    Sotbnville,    Clit André,    Gsorgi 

Dandin. 

M.  de  SotenvUîc,  Menfleur,  fuîs*je  connu  de  vous  l 

Clàandre,  Non  pas,  que  je  fâche,  Monfieur. 

M,  Je  Sottiwil/e.  Je  m'appelle  le  Baron  de  Sotenvilk. 

Cluandre.  Je  mVn  réjouis  fort. 

M,  de  Sotenvïlle,  Mon  nom  èft  connu  à  la  cour  ^  et 
j'eus  rhonneur,  dans  ma  jeunefle,  de  me  figcialer,  des 
premiers,  à  l'arrière  ban  de  Nanc^t 

Clitandre,  A  la  bonne  heure» 

M,  de  Soienvîlle,  Mon  (leur  mon  père»  Jean  Gilles  de 
Sotenville,  eut  la  gloire  d'^alMer,  en  perfonne,  au  grand 
iiége  de  Montauban. 

Clitandre,  J'en  fuis  ravî. 

M,  de  SotenvMe.  lu  j'ai  eu  un  ayeul,  Bertrand  de  So« 
ten ville,  qui  fut  fi  confîdérc,  eu  fon  temps,  que  d'avoir 
permiflTion  de  vendre  tout  Ton  bien  pour  le  voyage  d'ou- 
tre-mer. 

Clitandre,  Je  le  veux  croire, 

M,  de  Sotenvi/Ie^  11  m'a  été  rapporté,  Monfieur,  que 
vous  aimiez  et  pourfuîvîez  une  jeune  perfonne,  qui  èd 
ma  fille,  pour  laquelle  je  m'intérelTe  :  et  pour  l'homme 
que  vous  voyez,  (Montrant  George  Dandin,^  qui  a  l'hon- 
neur d^être  mon  gendre. 

Clitandre.  Qui,  moi  l 

M*  de  Sotenville,  Oui  ;  et  je  fuis  bien -ailé  de  vous 
pjirler,  pour  tirer  de  vous,  s'il  vous  plait,'  un  éclairciiTe- 
ment  de  cette  aiTairc. 

Clitandre,  Voilà  une  étrange  médifance  !  Qui  vous  a 
dit  cela,  Monflcur  \ 

M,  de  ^oteifoille.  Quelqu'un  qui  croit  le  bien  favoir. 

Ciiiandre,  Ce  quelqu*un-là  en  a  menti.  Je  fuis  hon« 
nète  homme.  Me  croyez  vous  capable,  Moufieur,  d^une 
adion  aufTi  lâche  que  celle-là  ?  Moi  aimer  une  jeune  et 
belle  perfouce,  qui  a  rhonneur  d^ctre  la  fïlle  de  Mon- 
licur  le  Baron  de  Sotenville  !  Je  vous  révère  trop  pour 
cela,  et  fuis  trop  volie  f«fi  viteur.  Quiconque  vous  l'a 
dit  èll  un  fot. 

M,  de  Sotenville,  Allons,  mon  gendre. 

G. 


COMEDIE.  277 

C  DanJin.  Quoi  > 

Clitandre.  C'èft  un  coquin  et  un  maraud . 

M,  de  Sotenvilie.  (à  George  Dandin.)  Répondez. 

G.  Danditt,  Réppndcz  vous-même. 

Ciitandre,  Si  je  favois  qui  ce  peut  être,  je   lui  donne* 
roîs  en  votre  préfence,  de  répée  dans  le  ventre. 
-  M.  de  Sotenvi/ie,  (à  George  Dandin,)  Soutenez  donc 
la  cbofe. 

G.  Dandin.  Elle  èft  toute  foutenue.     Cela  èft  vrai. 

Ciitandre.  Eft-ce  votre  gendre,  MonGeur,  qui  ? 

M.  de  Sùtenvdie.  Oui,  c'èll  lui- môme-  qui  s'en  èll 
plaint  à  moi. 

-Cùiandre.  Certes,  il  peut  remercier  l'avantage  qu'il 
a  de  vous  appartenir  \  et,  iâns  cela,  je  lui  apptendroîs 
bfen  à  tenir  de  pareils  drTcours  d^uoe  pcifonne  commie 
moi. 

/S  C  E  N  E   VI. 

M0N$IEt7R      DE      SôTENV.iLLE,      MaDAME    DE     SoTENVILLK, 

.  Angélique,    Clitandrb,     Geokog    Danx>in,     Clau- 
dine. 

Madame  de  Sofenvi/Ie,  Pour  ce  qui  èft  de  cela,  la  ja- 
ioîifie  èft  une  étrange  chofe  !  J*amcne  ici  ma  Elle  pour 
èclaîrcir  raiTaire  en  piéfencc  de  tout  le  monde. 

yCruandre.  (à  Angélique.^  Eft-ce  donc  \6us,  Madame, 
^ui  avez  dit  à  votre  niari,  que  je  fuis  amoureux  de  vous  ? 

Angélique.  Moi  !  Hé,  comment  le  lui  aurois-je  dît  ?  £ft» 
ce  que  ceta  èft  ?  Je  voudrois  bien  le  voir,  vraiment,  que 
vous  fuflîez  amoureux  de  moi.  Jouez-vou5-y,  je  voi.s 
en  prie,  vous  trouverez  à  qui  parkr;  c'èft  une  chofe  que 
yc  vous  confcille  de  faire."  Ayez  recours,  pour  voir,  à' 
tops  les  détours  des  amants  -,  effayez  un  peu,  par  plaifîr, 
à*'m'enyoyer  des  ambaffades,  à  m  écrire  fécrèttemcnt  de 
petits  billets-doux-,  à  épier  les  moments  que  mon  maiT 
n'y  fera  pas,  ou  le  temps  que  je  foitirai,  pour  me  parler 
de  votre  amour  j  vous  n'avez  qu'î^  y  venir,  je  vous 
paoïr.ècs  que  vous-  ferez  rcçU  comme  il  faut. 

'Ciitandre.  Hé,  là,  là,  Madame,  tout  doucement.  Il 
n'èiè  pas  néctffaire  de  me  faire  tant  de  îeçf;ns,  et  de 
vous  taat  Ccandalifer.     Qui  vous  dit  que  je  longe  à  vo-us 


a^mcir  ? 


A  a  ^n. 


278  G£ORG£    DANDIN. 

Angélique*  Que  iais-je»  moi,  ce  qa^oa  «e  mat  coBter 
ICI  r 

Ctttanèpe.  On  dira  ce  que  Ton  vopdra;  mtis  voai 
favez  fi  je  vous  ai  parlé  d'amour,  lorfque  je  ¥opa  ^  ren- 
contrée. 

jingeRque.  Vous  n'iriez  qn*à  le  iairç,  vous  auriez  ^ 
bien  veou« 

Gitandre.  Je  vous  affare  qu^avec  moi  tous  n^vTtsL  nei| 
à  craindre,  que  je  ne  fuis  point  homme  à  donaer  da 
chagrin  aux  belles  ;  et  que  je  vous  rcfpeâe  trop,  «t  ^oasy 
et  Meffieurs  vos  parents,  pour  avoir  la  peniée  ii!étrc  i- 
moureux  de  vous. 

Madame  de  SoteamUk^  Ci  GiorgM  lûmdin.)  Hé  Ueo, 
TOUS  le  voyez* 

jlf .  de  Sotemklle.  Vous  voilà  fatisfiûti  mon  |fendffe« 
fQue  dites-vous  \  cela  ? .  ^ 

G.  Dandin,  Je  dis  que  ce  font  là  ^t%  contes  à  dor- 
mir debout  ;  que  je  fait  bien  ce  que  "je  fais  :  et  que  tan- 
•tôty  puifqu'il  faut  parler  net,  elle  a  reçu  une  ambaflade 
.de  fa  part. 

Angélique^  Moi?  JHii  reiçu  «ne  ambafladef 
'  Ciiiandre,  J'ai  envoyé  une  ambaffade  ? 

jingeiiouem  Claudine. 

CRtandre.  Ça  JÊngeUfue )  £ft-il  vrai? 

Claudine»  Par  ma  foi,  voilà  une  étrange  faufleté. 

Cr.  Dané&H,  Taifez-vous,^  carogne  que  vous  êtes.  Je 
^îm  de  vos  nouvelles  \  et  c'^Il  yous  qui,  tantâ^  avez  ioi>» 
t  réduit  le  courier. 

Ctauâme.  Qui,  moi  I 

G.  Dandtu.  Oui,  vous.  Ne  faites  pçHot  tant  la  Cdcrée. 
Claudîni*  Hélas,  que  le  monde  aujourd'hui  èâ  rempli 
de  méchanceté,  de  m'aller  foupçonaer  ainii,  moi  que  fiais 
l'innocence  même  I 

G,  Dandin,  Taifcz* vous,  bonne  pièce«  Vous  faites  la 
fournûife,  mais  je  voui»  connois  il  y  a  long-tems  )  et  vous 
êtes  une  deffalé^. 

/  Claudine,  (à  j^ngeUque,)  Madame,  ^ft  ce  quci-    i  ■ 

G.  Dandm.  TalFez-vous,  vous  dis-je^  vous  pourriez 
bien  porter  la  folle  enchère  de  tous  les  autres,  et  vous 
\  n'avez  point  de  pire  gentilhomme. 

jlngeUquè.  C'èft  une  impoAure  fî  grande,  et  qui  me 
touche  il  fort  au  coeur,  que  je  ne  puis  pas  même  avoir  la 


COMEDIE.  279 


irct'é^f  répondre;     Cela  èrft  bien  horrible,  d*étt€  accu- 
h  par  un  mari,  lorfqu^on  ne  lui  fait  rien  qui  ne  foit  à 


^1 

fée  ^ 

faire.     HéUs,'^fi.  je  fuis  blâmable,  de  quelque  chofc,  c^cH 
dl^en  ufef  ttop  bien  av«c  lui  ! 
Claudine,  Affurétnent. 

^gehqué.  Tout  mon  malbeur  èft  de  le  trop  confiderer  ; 

et  plftt  au  cîelqu0  je  fuffe  capable  de  joufFrir,  comnie  il 

dit,  les  galanteries  de  f^uelqu^un,  je  ne  ferais  pas  tant  à 

^plaindre  !  Adieu,  je  me  retire,  je  ne  puis  plus  endurer 

qà'ofl  m'ont  rage  de  cette  forte. 

SCENE   vir. 

Monsieur   de    Sot,enville,    Madame    i^f   Sotbnvilll, 

CUTANORE^    GraORGK    DANj>fN,    ClAUDINS* 

Madame  de^  $9ten^/e  (à  George  Dùndm,)  Allez; 
rbus  tie  méritez  pas  rhi>n«cte  femme  qu^on  vous  a 
donnée. 

Ciaudifii,  Far  ma  fol,  îl  meriterort  quVlle  lui  fît  dire 
vrai  ;  et,  fi  j^âtois  en  fa  place,  je  n^y  marcbanderois  pas. 
(à  C&tandre,)  Oui,  Mônlîeur,  vous  devez,  pour  le  punir, 
faire  Pamour  à  ma  maîtreffe.  Poufiez,  c^èil  mol  qui  vous 
lè  dî»,  ce  fêta-  bbn  employé  j  et  je  m*offre  avons  y  fervîr, 
ptttfquHl  mVn  a  d^  taxée.     (Claudine fort.) 

M,  de  SofenviBe,  Vous  méritez,  mon  gendre,  qu*oa 
TOUS  dtfe  ces  chofes-là,  et  votre  procédé  met  tout  le 
xnonde  contre  vous. 

Madame  de  Sounvtlle.  Allez,  fongez  }i  mieuit  traiter 
tme  Denraifelle  bien  née,  et  prenez' garde  déformai^  à  ne 
plus  faije  de  pareilles  bévues.  ^ 

G*  Dandin.  (^  part.)  J'enrage  de  bon  coeur  d'avoir 
tort,  lorfque  j'ai  raifon. 

SCENE    VIII. 

M^MSIRUR'   DE     SeTIMVILLE,      CLXTAlfZ>iLK;      GbORGÏ 

Danoim. 

CHiandre^  (à  M.  de  Sotenw'iJe.)  Mon^cut^  vous  voy tt 
eomnae  j'ai  été  fauffement  accufé,  vous  êtes  bomme  qui 
fàvez  les  maximes  du  point  d'honneur,  et  je  vous  de- 
HMnde  raifon  de  l'affirônt  qui  m*a  été  fait. 

M,  de  Sotenville.  Cela  èH  jufte,  et  c'èft  Pordre  des 


28o  GEORGE    ÛANDIN. 

procédés.      Allons,  mon  gendre,  faites    fatisfaélion  à 
iWonficur. 

G.  DanJin.  Comment  fatisftâion  ? 

M.  de  Sotenville.  Ouï,  cela  iè  doit  dans  les  règles» 
pour  Pavoir  à  tort  accufé. 

G,  Dandln.  C^èd  une  chofe,  moî,  dont  je  ne  demeure 
pas  dHiccord,  de  Tavoir  à  tort  accufé  \  et  je  fais  bien  ce 
que  j'en  peofe. 

M,  de  SotenwlU,  Il  n^împorte.  Quelque  penfée  qui 
vojt  puiiTe  refler,  il  a  nié,  c^èd  fatisfaire  les  perlbnnes,^ 
et  roQ  n^a  nul  droit  de  fe  plaindre  de  tout  homme  qui  fe 
dédit. 

G.  Dandin,  Si  bien  donc  que,  fî  je  le  trouvois  couché 
ayec  ma  femme,  il  en  feroît  quitte  poiK  fe  dédire. 

M.  de  SotewoilU,  Point  de  raifonnement.  Faites-lui 
les  excufes  que  je  vous  dis. 

G,  Dandin.  Moi!  Je  lui  ferai  encore  desezcufes  a<» 
prés 

M.  de  Sotenville^  Allons  vous  dis-je,  il  n^y  a  rien  à 
balancer,  et  vou&  n'avez  que  faire  d'avoir  peur  d'en  tro£^ 
faire,  puifque  c'èil  moi  qui  vous  conduis. 

G.  Dandin.  Je  ne  faujois    ■■ 

M.  de  Sohnvdie.  Corbleu,  mon  gendre,  ne  m^échauffes 
pas  la  bile,  je  me  mettrai  avec  lui  contre  vous.  Allons,, 
laiiT^'z-vous  gouverner  par  moi. 

G.  Dandiny  (à  part,y^  Ah,  George  Daodln  ! 

M,  de  SotenvU/e^  Votre  bonnet  à  la  main,  le  premier  ^ 
Monfieur  èil  Gentilhamme,  et  vous^ne  l'êtes  pas. 

G.  Dandm.  (à  pari  le  bonnet  à  la  main.J  J'enrage. 
'  M.%/e  SotenviUe.   Répétez  après  moi.     Monûeur. 

O.  Dandin,  Monfieur. 

M.  de  Siotinvi/le,  Je  vous  demande  pardon.  (Voyant 
que  Gcirge  Dandin  fait  difficulté  de  lui  obéir  :)'  Ah  ! 

G.  Dandin,    Je  vous^d^niaode  pa-tdon. 

M^  de  Sotenvil/e,  Des  mauvaifcs  penfées  que  j'ai  eues 
de  vous  ; 

G.  Dandin.  Des  mauvaîfes  peufées  que  j'ai  eues  de 
vous. 

A/,  de  Sotenville,  CTèfl.  que  je  n'avoîs  pas  l'honneur  do. 
vous  connoitre. 

G.  Dandin.  C'èl!l  q/ie  j^e  n?avois  pas  l'honneur  de  vous« 
coonoîtfe. 


COMEDIE.  âSi 

Ml  dt'SotenvUkm  Et  je  vous  prie  de  croire. 

G.  Dandht,  £t  je  tous  prie  de  croire. 

Médf  SoitnviUré  Que  j«  fuis  votre  ferviteur*  ^ 

Gi  Dtfiu/m. .  Voulez- vous  que  je  ibis  ferviteur  d*uii 
homme  qui  me  veut  faire  cocu  ? 

AT.  A  Souttvilie  (k  menaçant  entwi.)  Ah  ! 

Cliiandri.  II  fuffit,  Monfieur.  , 

M.  de  SvtemnUe.  Non'^  je  veut  quUl  achève,  ^t  que 
tout  aille  dans  les  formes.     Que  je  fuis  votre  ferviteur. 

G.  Dàndin.  Que  je  fuis  votre  ferviteur.' 

Ciitandrt^  (à  Cêorge  Dandin^y*  Monfieur;  je  fuis  le 
vôtre  de  tout  mon  cœur,  et  je  ne  fonge  plus  à^ce  qui  s^èft 
paffé.  (à  M*  de  Stàemnlle,) ,  Pour  vous,  Monfieur,  je*  vous 
donne  le  bon  jour,  et  fuis  fâché  4a  petit  chagrin  que  vous 
avez  eu. 

M*  de  SotewoUk»  Je  vçus  i>aife  lés  màins^j  et»'quafldll 
▼ous  plaira,  je  vous  donnvrai  le  divertiiTemedt  de  courre 
un  lièvre. 

C/ùandre,  C*hà  trop:  de  grtiCes  que  vous. ^ me <  faites. - 

ÇCiàandrefari,). 

M»  dé  S^eamMê*  VoiUî  mon  gendre,  connie  il  faut 
poufler  les  chofes.^    Adieu.    Sachez  que  vous  êtes  entré  * 
dans  une  famille  qui  vous  donnera  de  l*appui|  et  ne  ibuf* 
frira  point-qiss  i'oii  vou»  fafle  au^im  «front. 

se  E  NE    IX.- 

Ah,  que  je— -Vous  IVyez  voulu,  vous -l'ayez  voula 
GjTorge  Dan4in,'v0us  Pavez  voulu  \   cela  vous  iied  fort 
bien,  et  vous -voilà -ajunévcbmme  il  firot,  Vous  avezjuôe- 
naent  ce  que- vous  méritez/    Allbnsv    11  s'agit  feulement  - 
de  delabufer  le  père  et  la  mère  ;  et  je  pourrai  trouver^  > 
pfsut-^tfe,  quelque  moyen  d^y  réuflîr.  • 

A  C  TE    II. 
se  ENTE    PR  BMI  E  Rv 

CfaudMe.  Oui,  j'ai  bien  deviné  qu'il  falloîi  que  celai 
vint  deto),  et  que  tu  reuffcsdit  à  quelqu'un  qui  Paît /ap* 
porté  à  notre  maStre. 

A  a  3  Itfiirf, 


482  GEORGE   DAN^DIN. 

Luhin,  Par  ma  foi,  je  n*cn  ai  toocbé  qu^un  petîf^Qnot 
f  n  paflaivt  à  un  homme,  afin  qu'il  ne  dît  point  qu^îl  m'a 
voit  vu.  fortir  \  et  il  faut  que  les  gens,  en  ce  pay«-ci, 
fotent  de  grands  babillards. 

Claudine,  Vraiment,  ce  Monteur  le  Vicomte  a  biet 
choîd  Ton  monde,  que  de  te  prendre  pour  Ton  ambafladeurv 
et  il  s^èd  allé  fcrvîr  11^  d'mi  homme  .bien  chanceux. 

Lubln.  Va,  une  autrefois  je  ferai  plus  fiS)  et  j^  prea«' 
d/al  mieux  garde  à  moir 

Claudine,  Oui,  oui,  il  iêratems. 

Lub'mJ  Ne  parlons  plus  de  ctla.     Ecoute. 

Claudine,  Que  veux -tu  que  j'écoute  ? 

Lubin.  Tourne  un  peu  ton  vifage  devers  moi. 

Claudine,  Hé  bien,  qu'èft  ce  l 

I.ub'n,  Claudine. 

Claudine.  Quoi  ? 

Lub.n,  Hé,  là,  ne  fais>tu  pas  bien  ce  que  je  veux  dire? 

Claudine,  Non. 

Lubin,  Morgue,  je  t'aime. 

Claudine,  Tout  de  bon  ? 

Lt^in.  Oui,  le  di«bl«  m'emporte  \  ta  me  peu»  croire, 
puifque  j'en  jure. 

Claudine.  A  la  bonne  heure. 

Liàb'in,  Je  me  fens  tout  trsbouiller  le  cœur  quand  je  te 
regarde. 

Claudine,  Je  m^co'  réjoui».. 

Lubin,  Comment  èftce  que  tu  fais  pour  être  fi  jolie  l 

Claudine.  Je  fais  comme  font  le»  autres. 

Lubin.  Vois  tu,  il  ne  faut  point  tant  de  beurre  pour 
faite  un  quarteron.  Si  lu  veux,  tu  feras  ma  femtDe, 
je  ferai  ton  mari  ^  et  nous  ferons  tous  deux  mari  et 
femme. 

Claudine.  Tu  Itrcis^  peut  être  jaloux  comme  notre 
maître. 

Lub'n,  Point. 

Claudme,  Paur  moi,  je  Lais  les  maris  fouf^onneux  5  et 
j'en  veux  urr  qui  ne  s'épouvante  de  rien,,  un  ^  plein  de 
coniiaiice,  et  ii  lûr  de  ma  chafteté,  qu'il  me  vit,  fans  id* 
quiétude,  an  milieu  de  trente  homme«. 

Luhin    Hé  bien,  je  ferai  tout  comme  cela. 

Claudine.  C'èd  la  plus  fotte  chofe  du  monde  que  de  fe 
dêHer  d-une  femme,  et  de  la  tourmenter.     La  vérité  de 

l'affaire 


Cr    O    M    E    D    I    E.  2% 

I^affiiire  èft  qu'on  n'y  S^ag^ne  rien  de  boo,  cela  nous  fait 
forcer  à  mal  9  et  ce  font  fouvent  les  msrs»  qui  avet 
inirs  vacarmes,  fe  font  eux-mêmes  ce  quUls  font. 

Luhin.  Hé  bien,  je  te  donnerai  la  liberté  de  faire  tout 
ce  qu'il  te  plaira^* 

Ciaufiae,  Voilà  comme  il  faut  faire  pour  n^étre  point 
trompé.  Lorfqu-^un  mari  fe  met  ^' notre  difcrétion,  nous 
»e  prenons  de  liberté  que  ce  qu'il  nous  en  faut  \  et  il  e« 
èit,  comme  avec  ceux  qui  nous  ouvrent  leur  bourfe».  ot 
nous  difent,  Prenez.  Nous  en  ufons  honnêtement  ;  et 
nous  nous  contentooe  de  la  raifom  Mais  ceux  qui  nous 
chicanent,  nous  nous  efforçons  de  les  tondre,  et  nous  ne 
les  épargnons  point. 

Lubin,  Va,  je  ferai  de  ceux  qui  ouvrent  leur  bourfe, 
et  tu  n'as  qu'à- te  maxier  avec  moi. 

ClaudiM,  Hé  bien,  nous  verrons. 

Lubin,  Viçns  donc  ici,  Claudine* 

Claudine»  Que  veux -tu? 

Luhin,  Viens,  te  dis-je. 

Claudine*  Âb,  doucement.  -Je  n^aime  pas  les  {atl^ 
neurs. 

Lubin.  Hé  !    Un  petit  brin  d'amitié. 
,  ~    Claudine,  Laiffe-moi-là,  te  dis  j,r,  je  n'entens  pas  ^ail* 
lerie. 

Lubin.  Claudine. 

Claudine.  (ref>oujffani  Luhin.)  Haï  f 

Lubin.  Ab,  que  tu  es  rude  à  pauvres  gène  !  Fi,,  que 
cela  è!l  maillon nête   de   reiufer   les  perfonnes  !    N'as-tu 
poÎQt  de  honte  d'être  belle,  et  de  ne  vouloir  pas  qu'on 
te  carciTe  ?  Hé,  là. 
'    Claudine.  Je  te  donnerai  fur  le  nez. 

Lubin.  Oh  !  La  farouche  l  La  lauvage  !  Fi,  pouas, 
la  vilaine  qui  èi  cruelle  P 

Claud.ne.  Tu  t'énfi<)ncipes  trop. 

Lubin,  Qu'èd  ce  que  cela  te  coûteroît  de  me 

Claudine.  Il  faut  que  tu  te  donnes  patience. 

Luhin,  Un  petit  baifer  feulement,  en  rabattant  far 
cotre  mariage. 

Claudine,  Je  fuis  votre  fer  vante. 

Lulin.  Claudine,  je  t'en  prie,  je  t*en  prie. 

Claudine.  Hé,  que  neuni  1    J'y  ai  déjà  été  attrapée. 

Adieu. 


•% 


\ 


2»4  GEORGE   DANDIN. 

Adiea.  Va«t.eii|  et  dk  à  Monfteiiff  le  Vicomte  qttt  f  aonl: 
fera  de  rendfe  foa  billet. 

Lttèin*  Adltvtf  beauté  rodaiiière/ 
'  CUntdmf,  Le  mot  èil  atfMMireux^ 

Liiàm,  Adîeu,  rocher,  caillou,  pierre^  de  taBle^  «t.toilt 
ce  qu*il  y  a  de  plus  dur  au  iftonde. 

Clawéimei  (feule.)  Je  mis  remettre  aox  nnns  de  n«^ 
maîtreffe.*-— Mms  la  voici  avec  fott  mwi,  <MgBotiOi' 
nous }  et  aitendoBs  quMle  feîi  feule. 

S  C  £  N  £   IL 

GÎDiioa  Dandin,  AnoiLimi. 

G,  Dûniin-,  Non,  ooti^on  ne  m'abufe  potnt'aveé  lanf^^ 
de  fiicîlité^  et  jç  ne  fois  que  trop  certain  qoe  le  rapport* 
que  Ton  m^a  fait  èft  véritable,  pei  de  meîltèars  yeux' 
^'on-  ne  penTci  et  votre  gaHmatias  ne  m'a  poiot  tantôt' 
ébloui. 

SCENE   IIL 

CLiTAHDiur^  ANe£u<^t,  Gioaoa  Dahooi» 

Cîiiê9uh0^  (àf^rîdàtu  lefindésthiétrij  Ah,  la  voi*- 
Vk%  mais  le  mari  eft  avec  elle. 

G,  Ddndtfif  (fi^  voir  CRuuuin.y^  Au^  travers  de 
toutes  vous  grimaces,  i^ai  vu  la  vérité  de  ce  que  l*on  m^a  * 
dit  et  le  peu  de  re(jpeâ  que  vous  avec  pour  le  noend  qui  - 
nous  joint.  ÇCUtundre  et  yiàgeii^fui  fi  fakent.).  Mon  - 
Dieu  ^  Laiflei  là  *  votre  révérence  ;  ce  n'èft  pas  dé  ces  - 
fortes  de  refpeéls  dont  je  vou9  parlci'et  vous*  nVvez-que' 
faire  de  vous  moquer. 

jfagelique»  Moi,  me  moquer!   En 'aucune  fsçon. 

G  Dandin.  Je  (àis   votre  penféé,  et  connois.'     ■   ÇCtf* 
tondre  ei  jidgèhqm fi fêktent  encore.):  Encfore  ?    Ah,  ne^ 
ratUonii  pas  davantage  !    Je  n'ignore  pas  quHi  caufe  de^ 
votre  noblefle,  vous  me  tenez  fort  au  defious  de  vou»;  et 
le  reipeâ  que  je  vona  veux  dire,  ne  "regarde  point  ma 
perfonoe.     J'entens  parler  de  celui  que  vous  devex^à  des 
noeuds  auili  vénérables  que  le  font  ceux  du  mariage.  (An* 
gelique fait  figne  à  Clàûndre,)     Il  ne^fsut  point  lever  les- 
épaules,  et  je  ne  dis  point  de  fotttfes. 

^fygelique.  Qui  fonge  à  lever  les'  épaules  ^ 

G. 


C    O'.M    E    D    I    E  285 

G,  DanJm,  Mon  Dieu,  nous  voyons  clair.  Je  vous 
dis  encore  une  fois,  que  le  mariage  éà  une  chaîne  à  la- 
quelle on  doit  porter  toute  forte  de  refpeâ  :  et  que  c^èd 
fort  mal  fait  à  vous  d^en  ufer  comme  vous  faites,  fj^/t- 
geRque  fait  figne  de  la  tête  à  Clitandre,)  Oui,  oui,  mal 
fait  à  vottSy  et  vous  n'avez  que  faire  de  hocher  la  tète,  et 
de  me  faire  la  grimace. 

Angehque.  Moi  !  Je  ne  fais  ce  que  vou4  voulez  dire. 

G.  Dandin,  Je  le  fais  fort  bien»  moi  ;  et  vos  mépris 
me  font  connus.  Si  je  ne  fuis  pas  né  noble,  au  moins 
fuis-je  d'une  race  où  il  n'y  a  point  de  reproche  \  et  la  fa- 
mille  des  Dandins.   1 

Clitandre,  (derrière  j^ngeRçue^  fans  être  appercu  de 
Xx.  Dandin,)   Un  moment  d'entretien. 

G,  Dandin,  (fans  voir  Clitandre. J  Hé  ? 

y^ngeliçue  Quoi  ?  Je  ne  dis  mot. 
(^George  Dandtn  tourne  autour  de  fa  femme  ;  et  Chtandre 

fe    retire^    en  fefant    une   grande   révérence  à   Géorgie 

Dandin.y 

SCENE    IV. 

CSOKGE    DanDIN,    AnO£LI(^. 

G»  Dandin*  Le  voilà  qui  vient  roder  autour  de  vous.* 

jltÊgeiiçue,  Hé  bien»  èftce  ma  faute  !  Que  voulez- vous 
que  j'y  fafle  l 

G.  Dandm,  Je  veux  que  vous  y  Aflîez  ce  qoe  fait  une 
femme  qui  ne  veut  plaire  qu^àfon  mari.  Quoi  qu'on  et> 
puifie  dire,  les  gabnts  n'obfedent  jamais  que  quand  on 
ht  veut  bien  :  il  y  a  un  certaio  air  doucereux  qui  les  at« 
tire,  ainfi  que  le  miel  fait  les  mouches  ;  et  les  honnêtes 
femmes  ont  des  manières  qui  les  favent  chafler  d'abord. 

j^ngelique.  Moi,  les  chaâer  >  £t  par  quelle  raifon  !  Je 
ne  me  fcandalife  point  qu'on  me  trouve  bien  faite,  et  ce« 
la  me  fait  du  plaiiir. 

G.  Dandin-,  Oui  \  Mais  quel  perfonnage  voulez-vous 
que  joue  un  mari  pendant  cette  galanterie  ^ 

Angélique,  Le  perfonnages  d'un  honnête  homme,  qui 
«û  bien-aife  de  voir  fa  femme  conGderée. 

D,. Dandtn,  Je  fui»  votre  valet.  Ce  n'èfl  pas  11k  mea 
conte,,  et  ks  Dandins  ne  font  point  accoutumés  à  cette 
mode-là. 

An*» 


aS6  GEORGE   DAIfOIIT: 

j^gdique*  0\  les  Dandins  s*y  aecoutumeront»  s*îlir 
veulent  \  car^  poar  mot»  je  voas  déclare  q^t  ttOQ  dtflein 
n^èft  pas  de  renoaeer  au  monde^  et  de  m'enterter  teute- 
▼îve  dans  un  marû  Goanment!  Paroe  qu^uo  hetnaie 
s'avife  de  nous,  épaiiier>  il-  faut  d'abord'  que  toutes  ohofe» 
ibîent  Bnieapour  nous^  et  qvc  noua  xxMnpi0asjtOBt  eo«i-' 
merce  avec  tes  vivants  ?  C'èft  unecbofemetveîHeUitîqUê 
cette  tyrannie  de  Meffieurs  les  mari»^  et  je  les  troami  boas 
do  vouloir  qu'on  foît  morte  à  tous  les<  dtverlifiementSi  et 
qu'on  Bc  vive  q]at  pour  eux.  J)s  Mt  moque  de  cela,  et 
ne  veux  point  mourir  û  jeuite. 

G,  Dandin,  C'èft  ainfî  que  vous  facisfeftes  aux  en^^ 
fçAgements  de  la  foi  que  vous  m'avex  dùiinée  publique-- 
ment.  * 

Angélique.  Met  ?  Je  ne  vous  l'ai  point  donnée  de  bon 
coeur,  et  vous  me  l'aves  arracbée.     M^avet  vouVi  avanr 
le  mariage»  demandé  mon  cotifeotemeiit,  et  i  jj^  voiiloîe 
bien  de  voua?  Vous  n'avoir  eoafulté  pouf  celk  que  oion* 
père  et  ma  mère  ;  ce  (ont  eux,  proprement,  qui  tous  ont 
époufé  ;  et  c'èft  pourquoi  vous  ferez  bien  de  vous  plain*^ 
dre  toujours  à  eux  des  torts  que  l'on  pourra  vous  faire* 
Pour  moi,  qui  ne  vous  ai  point,  dit  de  voiis  marier  avec 
moi^  et  que  vous  ave^  prife  fans^confulter  mes  fenttments,' 
je  prétens  n'être  point  bbUgée  i^me  foumettre  en^  efel^ve 
à  vos  volontés  ^  ejt  je  veuy  jo.uïr>  s'il  vott$  plaît;  de  quel- 
que nombre  de  beaux  jours  que  m'o^ffre  la  jéuotfie^  pren^ 
dre  les  douces  libertés  que  l'âge  mc^  permet,  voir  uapeu-^ 
le  beau  monde,  et  goûter  le  plàifir  de  mWir  dire  dea- 
douceurs*    Préparez^vousoj  pour  votre  punition  ;  et  ren^ 
dee  grâces  au  Cîèl  de  ce  que  je  ne  fais  pas  capable  de- 
quelque  chofe  de  pis. 

Gm  Ddtkdin,  Oui!  C'èft  âinfi  que  vobsle  prcnex"?  Je 
fuis  votre  mari,  et  je  vous  dis  que  je  n'entens  pas  cela. 

Angélique,  Moi,  je-  fuis  votre  femme,  .et  je  vous  dis  que  ■ 
j^e  l'ente ns. 

Cr.  Dantlku  (àfiari,)..  Il  me  prend  des  tentations  d'ac*^ 
coromoder  tout  fon  vi(àge  à. la  compote,  et  lar  mettre  en 
état  de  ne  plaire  de  fa  vie  aux-difeuvs  de  fleurettes.  Ab  i 
Allons.  George  Daodin,  je  ne  pottxross  me  retenir,  et  iU 
vaut  mieux  quitter  la  place.  • 


C    O    M    ES    I    E.  aSy 


SCENE   V. 

ANGXLiqoB,  Claudine* 

O/fMffiM.  |'avm«,  Madane,  isipstîenoc  qa*U  8l*cn  al« 
l&t  pour  vous  rendre  ce  mot  de  la  part'  que  vous  favee^ 

Jlngil^.  Voyons/ 

CUwÂm^  (àp^^.y  A  ce  que  je  pvis  remarquer,  ce 
-qu^on  l«i  éctît  no  lui  déplaît  pas  trop. 

Angélique,  Ah!    ClaudioCy   que  ce  Ulet  sVxplique 

^hine  £»gan  galante  ?  Que,  dans  tons  leorv  difeoursi  et 

idaas  toutes  leurs  aâions,  les  gens  de  cour  ont  un  air 

agréable!  £t  qu'èft-ce  que «^ift,  auprès 4*enx,  que  nos 

^ens  de  proTÎnce  ? 

Claudine.  Je  crois  qu'après, les  {ivQlr  ^rus,  les  Dandint 
«e  vous  piaifent  guères. 

Angélique.  Demeure  ici»  je  a^en  vais  faire  la  réponfe 

Claudine^  (feule,')  Je  n'ai  pas  befoin,  que  je  penfe,  de 
loi  recommander  de  la  fsire  agréable*     Mais  voici-— 

jBCENE    VL 

CuTAmNlBf   Ll7BIN,   ClAODINK* 

ClmuTme.  Vraiment,  Monsieur,  vous  avez  pris  là  uir 
liftbile'mèffager. 

CUtandre.  Je  n'ai  pas  6fé  envojer  de  mes  gens  \  mais, 
ma  pauvre  Claudine»  il  &ut  que  je  te  récompenfe  des  bons 
-^ïfiîces  que  je  &is  que  tu  m'as  rendus.    (U fouille  dans  fa 
focbe.) 

Clcmimi.  Hé  !'  Monfieur,  tl  n'èft  pas  nécefiaire.  Non^ 
MoDÛeur»  vous  n'avez  que  faire  de  vous  donner  cette 
;peine-là  \  et  je  vous  rends  fervice»  parce  que  vous  le  mè« 
rttèZy  et  que  je  me  fens  au  coeur  de  Pinclinatioa  pour 
urous. 

CRtaudre^  (donnarU  deVargentù  Claudine»)  Je  te  fuis 
'Obligé. 

£Mif  (à  Claudine,)  Puiique  nous  ferons  mariés^ 
donne-moi  ce^a  que  je  le  mette  avec  le  mien« 

Claudine,  Je  te  le  earde  auffi-bien  que  le  baifer. 

Cliiandre.  (à  Claudine.)  Dis  moi»  as-tu  rèndU  mon  bil- 
let à  ta  belle  maîtreffe  ? 

Claudm  Oui.    £llc  èft  allée  y  répondre. 

CR* 


2S8  GEORGE   DANDIN. 

C/itandrâ,  Maïs,  Qaudioe,  n^y  a*t-il  pas  moyen  que 
je  la  poiffe  cotretenir  ? 

Claudine,  Oui,  venez  avec  moi,  je  vous  ferai  parler  à 
elle. 

Ciitandre,  Mats  le  trouveca-t  elle  bon,  et  n  V  ^-t-il  rien 
^  rifquer  ? 

Claudine,  Non,  non.  Son  mari  n^èfl  par  au  logis  ;  et, 
puis,  ce  n'èâ  pas  lui  qu'elle  a  le  plus  ^  ménager  ^  c^èft 
fon  père  et  fa  mère  ^  et  pourvu  qu'i^  foîent  prévenus, 
tout  le  refte  n^èft  pas  à  craindre. 

Clâandre.  Je  m'abandonne  à  ta  conduite. 

Luînn^  (feuL)  Teftiguenne,  que  j'aurai4à  une  habile 
femme  !  £lle  a  de  refprit  comme  quatre. 

SCENE    VIL 

George  Danbin,  Lubin. 

G.  Dandîn,  (bas  à  part.)  Vpici  mon  bomme  de  tatt« 
t6t.  FWt  au  ciel  qu'il  pût  fe  réfoudre  à  vouloir  rendre 
témoignage  au  père  et  à  ]a  mère  de  ce  qu'ils  ne  veulent 
point  croire  ! 

Luhin.  Ab,  vvous  voilà,  Monfléur  le  babillard,  ?i  qui 
j'avois  tant  recommandé  de  ne  point  parler  et  qui  me 
Taviez  tant  promis.  Vous  êtes  donc  un  çaufepr,  et  vous 
allez  redire  ce  que  l'on  vous  dit  en  fécrèt. 

G,  Dandin,  Moi? 

Luhin,  Oui.  Vous  avez  été  tout  rapporter  au  mari,  et 
vous  êtes  caufe  qu'il  a  fait  du  vacarme.  Je.  fuis  bien-aife 
de  fa  voir  que  vous  avez  de  la  langue,  et  cela  m^appren- 
dra  à  ne  vous  plus  rien  dire. 

G,  Dandin,  £coute,  mon  ami. 

Lubin,  Si  vous  n'aviez  point  babillé,  je  vous  aurois 
conté  ce  qui  fe  paiTe  à  cette  heure  j  mais,  pour  votre  pu* 
lûtton,  vous  ne  faurez  rien  du  tcut. 

G,  Dandin.   Comment  ;  qu'cftce  qui  fe  paffe  ? 

X^ubin,     Rien,    rjcn.     Voilà  ce  que  c'èft  que  d'avoir 
cau^é  i  vous  n'en  taterez  plus,  tt  je  vous  laiffe  fur  la  bon- 
ne boucha,  y    . 
.  G,  DanJîn.  Arrête  un  peu. 

Lubin,  Point, 

G.  Dandin,  jt  ne  te  veux  diic  qu'un  mot. 

Lu* 


COMEDIE.  2^9 

Lutm.  N/snoio,  nennin.  Vous  avex  envie  de  me 
tîrei!  ]es  vers  du  née. 

(?.  Ijfm4in,  Noo,  ce  H^èfl  p^B  cela. 

Lubtn^  Hé,  quel  fot.     Je  vous  vois  venir/ 

G,  Daadà^    C'èd  autre  chofe.     Ecoute. 

Lîtlnn,  Point  d'affaire.  Vous  voudriez  que  je  vous 
dife  que  MonCeur  le  Vicomte  vient  de  donner  de  Par« 
gen't  à  Claudine»  et  qu'elle  l*a  mené  chez  fa  maîtrefife. 
Mais  je  ne  fiâs  pa«  fi  bête. 

G,  Dandin»  ^  De  grace< 

Lubin,  Non. 

G,  Dandin»  Je  te  donnerai.- 

Lubiu^  Tarare* 

se  E  N  E    VIIL 

< 

"  Je  n'ai  pu  me  fervir,  avçc  cet  innocent,  de  la  penf^e 
que  j^avois.  Mais  le  nou^el:avis  qui  lui  è()  échappé  fe- 
roit  la  même  chofe  ;  et,  (i  le  galant  èH  chez  moi,  ce  fr-/ 
roit  pour  avoir  raifon  aux  yeux  du  père  et  de  la  mère,  et 
les  convaincre  pleinement  de  TefFrontefie  de  leur  fille.  Le 
aal.de  tout  ceci,  c'èft  que  je  ne  fais  comoïent  faire  pour 
profiter  de  cet  avis.  Di  je  rentre  chez  nioi,  je  ferai  éva« 
der  le  drôle  i  et  quelque  chofe.  que  je  puiiTe  voir  moi- 
même,  de  mon  déshonneur,  je  nVn  ferai  point  cru  à  mon 
ferment,  et  Ton  me  dira  que  je  lêve.  Si  d^autre  part, 
je  vais  quérir  beau  père  et  belle-mère,  fans  être  fur  de 
trouver  chez  moi  le  galant,  ce  fera  la  même  chofe  >  et  jâ 
retomberai  dans  l'inconvénient  de  tantôt.  Pourrois-je 
point  m'éclaircir  doucement,  s'il  y  èft  encore  ?  ÇAprèf 
^voirtté regardtr par  le  trou  de ia ferrure.)  Ah,  ciel  î  il 
n'en  faut  plus  douter,  et  je  viens  de  l'appercevoîr  par  le 
trou  de  la  porte.  Le  fort  me  donne  ici  de  quoi  confon- 
dre ma  partie  ;  et,  pour  achever  l'avanture,  il  fait  venir, 
à  point  *hommé,  les  juges  dont  j'avois  befoin. 

SCENE    IX, 

MoNSIEUa     Dfe     SoTËNVILLEj     MaDAME     BK      SOTENVILLE, 

George  Danbin.  * 

G,  Dandln,  Enfin,  vous  ne  m'avez  pas  voulu  croire  tan- 

B  b  tôt, 


i^o  GEORGE   D^NOIN. 

ioty  et  votre  fille  Ta  emporté  fsr  moi  :  Mas  j^ai  en  maîn  de 
quoi  vous  faire  voir  comme  elle  m*accommode  ;  et,  Dieu 
merci,  mon  déshonneur  èft  fi  claâr  maintenant,  que  vous 
nVn  pourrez  plut  douter. 

AL  de  SotenviÛe.  Commenti  mod  gendre  vous  en  èkt% 
encore  là  4eflu4  ? 

G.  Dandin.  Oui,  j^j  fuis  ^  et  jamais  je  n^eua  tant  de 
fujèt  d'y  être. 

Madame  de  Soienville.  Vous  nous  venez  encore  étour* 
dir  là  tête. 

G,  Dottdln,  .Oui|  Madame  \  et  Ton  fait  bien  pis  à  la 
mîeune. 

Jlf.  de  Sotemnile,  Ne  vous  laflez^voua  pcûnt  de  vous 
rendre  importun  ? 

George  Dandin,  Non.  Mais  je  me  laflè  fort  d'être  pris 
pour  dupe. 

Madame  de  Soiemtlle.  Ne  voulez-vous  point  vous  dé- 
lire de  vos  penfées  extravagantes  f 

G,  Dandin*  Non  madame  \  mais  je  voudrois  bien  me 
défaire  d'une  femme  qui  me  deshonore. 

Madame  de  SotetiviUe.  Jour  de  Dieu,  notre  gendre^ 
apprenez  à  parler. 

M.  de  SoUnviUe.  G>rbleu,  cherchez  des  termes  moîn!; 
offenfans  que  ceux-là. 

G.  Dandin,  Marchand  ^tli  perd,  ne  peut  rire. 
.  Madame  de  Soienville,  .Souvenez  vous  que  vous  avez 
époufé  une  Demoifelle. 

<r.  Dandin,  Je  m'en  fouviens  aflez»  et  ne  mVn  fouvi« 
epdrai  que  trop. 

M,  de  Sotenvïîle,  Si  vous  vous  en  fouvenez,  fonge^ 
donc  a  parler  d'elle  avec  plus  de  refpeâ. 

G.  Dandin^^  Mais  que  ne  fonge-t-elle  plutôt  à  roe  trai* 
ter  plu9  honnêtement  ^  Q^oi,  parce  qu'elle  èil  Demoi- 
felle, il  faut  qu'elle  ait  la  liberté  de  me  faire  ce  qu'il  lui 
plaît,  fans  que  j'ôfe  fouffler  ? 

M,  de  Sotenviile,  Qu'avez- vous  donc,  et  que  pouvez- 
vous  dire  ?  N'avezvous  pas  vu  ce  m^tîn  qu'elle  s'cft  dé- 
fendue de  connoîire  celui  don.t  vous  m'étiez  venu  parler? 

G.  Dandin.  Oui.  Mais,  vous,  que  pourrez- vous  dire, 
fi  je  vous  fais  voir  maintenant  que  le  galant  èll  avec  elle? 

Madame  de  Sof!enviI/e,  Avec  elle  î  i 

P. 


COMEDIE.  ip 

O,  Dcndtn^  Oui,  arec  elle,  et  dan»  tira  maifon« 

M,  éiê  Sofethfiilt.  Dans  votre  maifon  ? 

G,  Dandin.  Ouï,  dans  ma  propre  roaifon. 

Madame  de  Sotenviile»  Si  cela  èrit,  nous  ferons  poui? 
TOUS  contre  elle. 

M,  de  Sotenville,  Ouï,  L^honneur  de  notre  famille 
BOUS  è(l  plus  cher  que  toute  chofe  ;  et  fi  vous  dites  vrai, 
nous  la  renoncerons  pour  DOtre  faag,  et  Tabandonnerond 
à  votre  colère. 

G.  Dandin,  Vous  n'^avcz  qu'^  me  fgîvre. 

Madame  di  Sotefeuiile,  GsKÎrdez  de  vous  tromper. 

M*  de  SotetiviUi,  N^allez  pas  faîre  comme  tantôt. 

Q.  Dandm.  Mon  Dieu  ;  vous  allez  voir  !  Ç  Mont  font 
Cliiûndre  qui  fort  avec  ^geUquc^y  Tenez.  Ai-je  menti  ? 

S  C  E  N  E     X. 

Al7GELI(^£,    ClITANXMLE,  ClAUDINE,    M'oNSIZUR  DB  SoT£lf-i 

VILLE,   ET  Madame  oe    Soten ville,    avec    George 
Dandin,  dans  le  fond  du  théâtre, 

AngeVtqnep  KàClitandre^  Adieu.  J'ai  peur  qu'on  ne 
vffus  forprènne  iei  ;  et  j'ai  q^ielqties  mefurcs  à  garder. 

Cfiiandre.  Promettez-moi  donc,  Madame,  c^ue  jo 
pourrai  vous  parler  cette  nuît. 

Angélique.  J'y  ferai  mes  efiTorts. 

G,  Dandin,  (à  M,  et -ù  Madame  [de  Sotenfvtlle*')  Ap* 
procbons  doucement  par  derrière  ^  et  tâchons  de  n'être 
point  vus. 

C/audinc.  Ah,  Madame,  tout  èft  perdu  î  Voilà  votre 
p^re  et  votre  mère  accompagnés  de  votre  mari. 

Clitandre.  Ah,  Ciel  ? 

Jingeliquê^  {bas  à  CRtandre  et  à  Claudine,^  Ne  faites 
pas  femblant  de  rien,  et  me  laiifez  faire  tous  deux.  {Haut 
à  Câtandre,^  Quoi,  vous  Ôfez  en  ufer  de  la  forte,  après 
l'affaire  de  tantôt,  et  c'èâ  ainfi  que  vous  diilimulez  vo^ 
fcnttments  ?  On  me  vient  rapporter  que  vous  avez  de  l'a^ 
mour  pour  moi,  et  que  l'ous  faites  des  deffeins  de  me  fol- 
liciter  \  j'en  témoigne  mon  dépit,  et  m'explique  à  vous 
clairement  en  préfence  de  tout  le  monde  \  vous  niez 
hautement  la  chofe,  et  me  donnez  parole  de  n'avoir  au- 
cune penfée  de  m'ofifenfer  \  et  cependant,  le  même  jour 
Yous  prenez  la  hardiéfie  de  venir  chez  moi  me  rendre  vi- 


59a  GEORGE   D  A  N  D  1  N. 

£tey  et  de  tôt,  dire  que  vous  m'tiîmet»  deme  fiiirr^nt  fbts 
contes,  pour  me  peHiiftder  de  répondre  à  Tosextnry^gftn- 
ces,  comme  fi  j'étois  femme  à  violer  hi  foi  que  j^âi  doa- 
née  à  un  mari,  et  m?éloigner  jamMs  de  la  ^rtu  que  mes^ 
parents  m^ont  enfeignée  ?  Si  mon  père  favoit  ceU,  il  vous 
appi'endroît  bien  à  tenter  de  ces  entreprtfes  ;  âiais  une 
honnête  femme  n'aime  point  les*  éclats,  je  n^ai  g^rde  de 
lui  en  rien  dire  :  (û^it  ûvoir  Jaii^gm  v  Claudine  d^àpm 
forter  un  hdton,)  et  je  veux  vous  mont  Ver,  que  toute  fem- 
me que  je  fuis,  j'ai  afles  de  courage  pour  me  venger  moi* 
même  éts  offenfrs  que  Ton  me  fait.  L'aélion  que  vous 
avez  faite  n'éft  pas  d'un  gentilhomme  ^  et  ce  n'èft  par 
en  gentilhomme  auflî  que  je  veux  vous  traiter. 
{^^ngelique  prend  ie  haten^  tt  le  ihxe  fur  CVttandre^  qui  fe 

range  de  façon  que  les  coups  tondent  fur  George  Dan>' 

din. 

Cittandre^  {criant  comme  til  avpit  ité  fiappé^  Ah» 
^1i,  afay  ahy  ahy  doucement  1 

SCENE     XL 

Monsieur,  os   Sotsk ville.  Madame  de  Sotkmville^ 
Ang£liqi7s,  GeobcGE  Danoin,  CLAimiNE. 

Claudine,  Fort,  Madame,  frappez  comme  il  faut. 

Angélique  y  {fefant  fèmBIant  de  parler  v  ClitondreJ)  S'il 
vous  demeure  quelque  chofe  furie  coeur,  je  fuis  pourvous^ 
icpondre. 

Claudine.  A  pprenez  à  qui  vous  vous  jouez. 

Ang^ique^  (jefant  P étonnée J)  Ah,'  mon  père,  vous- 
êtes  là  ? 

M.  de  Sùtenriîle.  Oui,  ma  fille  *,  et  je  vois  qu'en  fageflô 
et  en  courage  tu  te  montres  un  digne  rejetton  de  Ta  mai»» 
ion  de  SotenTÎHe.  Vicns-çà,  approche  toi  que  je  t'cra- 
br  a  iTe. 

Madame  de  Sôtenville.  Bmbraffe-moi  auffi,  ma  fille. 
Las  ;  je  pleure  de  joie,  et  reconnôis  mon  fang  aux  chofes 
qire  tu  viens  de  faire.  * 

M.  de  Sotenville,  Mdn  gendre,  que  vous  devez  être 
lavf,  et  que  cette  avaoture  èft  pour  vous  pleine  de  dou- 
ceurs !  Vobs  aviez  un  juflc  fujét  de  vous  allarmer  ;  mais 
lîos  foupçonsfe  trouvcnt-difligésleplus  ayantageufcment 
dumo^dp  , 

Mor 


COMEDIE.  â93 

Muldme  A  SotemÀlit.  Sans  doute,  notre  gmàtt^  vou» 
devez  maintenant  être  le  plus  content  des  hommes. 

Claudine.  Aflurément.  Voilà  une  femme  celle-là,- 
TOUS  êtes  trop  heureux  de  Tavoir  \  et  vous  devriez  bai» 
(er  les  pas  par  où  elle  paâe. 

G.  Dandin  (à pari.)  Hé,  trakreffc  F 

M,  de  Sotenvilie.  Qu^èft-ce,  mon  gendre  ?  Qie  ne  re- 
merciez-vous un  peu  votre  femme  de  ^amitié  que  vous 
voyez  qu'elle  montre  pour  vous  l 

jh^ehtpie.  Non,  non,  mon  père,  il  n^èi^  pas  néceflarrc» 
Il  ne  m*a  aucune  obligation  de  ce  qu?il  vientde  voir^  et 
tout  ce  que  j'en  fais,  n'èft  que  pour  l'amour  de  moi- 
même. 

M^  de  SoiermUe.  Ou  allez -vous,,  ma  fille? 

j^ge&gue.  Je  me  retire,  mon  père,  pour  ne  me  point 
voir  obligée  à  recevoir  Tes  compliments. 

Ckudinè^  (à  G,  Dandin,)    Elle    a  raifon   d'être   en^ 
colère.     C'èft  une  femme  qui  mérite  d'être  adorée,  et 
vous  oe  là  traitez  pas  comme  vous  devriez. 
^     G.  Dandin  (à  part,)  Scélérate  !• 

S  CE  N  E    XII. 

MoKSIEUR   I»    SOTSN VILLE,     MadAME   DE    SoTEKVILLS,< 

George  Dandin.- 

M,  dé  SotenvUie.  C'èd  mv  petit  relTentiment  de  l'a£Faire  ' 
de  tantôt,  et  cela  fe  paiïcra  avec  un  peu  de  careiFe  que 
Vous  lui  ferez.  Adien,  mon  gendre,  ■  tous  voilà  en  état 
de  ne  vous  plus  inqui^er*-  Allez  vous  en  faire  la  paix 
enfemble,- et' tâcher  de  l'appai&r  par  des  excufes,  de 
Votre  emportement. 

Mndamt  de  Sotenvdte,  Vous 'devez  confidérer  que  c'èfl^ 
ttne  jeune  fille  élevée  à  la  vertu,  et  qui  n'è(l  point  ac- 
coutumée à  Te  voir  foupçonner  d-aucune  vilaine  aâion# 
Adieu.     Je  fuis  ravie  de  voir  vos  defordres  finis,  et  deS' 
t):&t)rports  de  joie  qu^  vous» doit- donner  f^  conduke. 

S.C  E  NE     Xîlh 

George  Dàndïn,  y2W.- 

Je  ne  dis  mot  •,  car  i>  ne  gagncroîs  rien  à  p-^rler.  Ji* 
■*»is  îLnc  s'èilrîén  vu  d?  :gal  à  ma  difgrace.     Oui,  j'ad- 

B  b  3^  mirfi' 


t94  GEORGE    DANDIN; 

mire  mon  malheur,  et  la  fubtlle  addrcfie^  ma  carogiie  de 
femme  pour  fe  donner  toujours  raifoo,  et  me  faire  avmr 
tort.  £(b-îl  poflîble  que  toujours  j^aurai  du  deS^as  avec 
elle,  qoe  les  apparences  toujours  tourneront  contre  moi  l 
et  que  je  ne  parvîenfirai  point  à  convaincre  mon  effron- 
tée^? O  Ciel,  féconde  mei  defleins,  et  m*accorde  la  gracc: 
de  faire  Totr  aux  gens  que  Ton  me  déshonore  ^ 

ACTE     IIL 
SCENE   PREMIERE. 

CLITAMOaE,   LUBIN. 

CHtandre.  La  nuit  èft  avancée,  j'ai  peur  qu*tl  ne  feît. 
trop  tard.     Je  ne  vois  point  àme  conduire^  Labio. 

Lulnn,  Monfîeur. 

Clîtandre»  Eft-ce  par  ici  ? 

Lubin.  Je  penfe  qu*oui«  Morgue  voilà  une  fotte  nuit,, 
d^être  fi  noire  que  cela. 

Ctuaadre,  Elle  a  tort  affu rément;  mais^  fi  d^un  côté* 
elle  nous  empêche  de  voir,  elle  empêche  de  l'autre'  que- 
nous  ne  fojons  vas. 

Lub'm,  Vous  av^z^  raifon,  elle  n^à  paa  tant  de  tort.  Je 
voudroîs  bien  favoir,  Monfieur,  vous  qui  êtes  favant, 
pbur-qaoi  il  ne  fait  point  jour  la  nuit. 

CÏHandr^,  C'èfl  une  gtande  question,  et  qui  èdft  difii* 
cite.     Tu  es  curieux,  Lubin. 

Lulnn,  X)ui.  Si  j^avois  étudié,  j^aurois  été  fonger  à. 
des  chofes  où  Ton  o*a  jamais  fongé. 

CUtandre,  Je  le  crois.  Tu  as  la  mine  d^avoir  Tefpnt 
fublil  et  pénétrant. 

Luhin*  Cela  cft  vjraî*.  Tenct^  J'explique  du  Latin,. 
quoique  jamais  je  ne  l'aye  appris  ;  et  voyant  l'autre  jour 
écrit  fur  une  grande  porte,  colltgium^  je  devinai  que  cela 
vouloît  dire  collège. 

Chancre,  Cela  èll  admirable  !  Tu  fais  donc  lire,  Lc- 
bîn  ? 

Luhtn.  Ouï  je  fais  lire  la  lettre  moulée  \  mais  je  n^ai> 
jamais  fu  apprendre  à  lire  l'écriture. 

Clitandre^  (après  avoir  frappé  dans  f es  mains.)  Nous 
voici  contre  la  maifon.  C'èit  le  Cgnal  que  m'a  donné 
Claudine*. 

£ttp 


COMEDIE.  agp 

Latm.  Par  n»  £m,  c!èft  «ne  £lle  <iui  vaot  4e  Parant  y 
«t  je  Taîme  de  tout  mon  cœur. 

4  CSkutéfre^  Auffi  t*ai  je  aaaené  avec  moi  pour,  l^nttre• 
tenir. 
.  JLmèm.  MoniieuTi  je  vous  fnii  '  i  ■ 

Ciûandre*  Chut,    penteiu  quelque  bruit. 

SCENE    IL 

Angeliqpb,  Claudins,  Clitandre,  LufilN. 

Angélique»  Claudine. 

Claudine»  He  bien  l 

Angélique,  Laifie  la  porte  eatr^buverte. 

CUué&ne»  Voilà  cpû  èft  fait.. 

(Scène  Je  nmi.  Les  aQeurtJe  cberdietU  la  tau  les  outra ^^ 
dant  l'obfcurité* 

CTttandre^  (à  LâMn  ^  Ce  font  elles».  St. 

Angélique,  St.. 

Lâthitt,  St. 

Claudine,  St. 

Clitundre^   (â  Claue&ne^  qu*3  prend  pour  Angetique.y. 
Madame. 

Angélique^    {à  Lubin^    qt^e/k  prend  pour   CRtandre,) 
Quoi  ? 

LubtUy  {à  Angélique^  qu^fl  prend  pour  Claudine*^   Clau- 
dine ? 

Claudine f    (jà    Ciitandre^    qu^elk  prend  pour    Luùin*) 
'    Qu'èftHîc  ? 

C/iiandre,    («.  Claudine^   croyant  parler  à  Angélique.^ 
Ah,  Madame,  que  j*ai  de  joie  ? 

Lutin ^  (^  Angeliquey  croyant  parler  â  Claudine,)   Clau^ 
d:ine,  ma  pauvre  Claudine  ? 

Claudine^  {à  Clitundrè)  Doucement,  Monfieur. 

Angélique^  (à  Luiin,)  Tout  beau,  Lubin. 

Cliêandre,  Èft-ce  toi,  Claudine  ? 

Claudine,   Oui. 

Lubin,  Ëil-ce  vouf.  Madame  \ 

Angélique,  OuL 

Claudine  [à  Clïtandrt^    Vous   avez   prfs  Pune   pour 
i?àutre. 

Lub\n  (à  Angeftque)    Ma  foi|    la   nuit  on  D*y  voit 
goutte.. 

Ah- 


2^6  GEORGE    DANDIl^. 

j^nge/iqve,  NVft-ce  pas  vouj-,  Clkandse  ? 

Ciitandre,  Oui,  Madame. 

Angeli^.  Man  masî  Moufle  comme  il  faut,  ef  j'a!  prin- 
ce temps  pour  nous  entretenir  ici. 

Clitandre.  Cherchons  quelque  Heu  pour  nooi^  afleoîr» 

Claudine^  C'èil  fort  bien  avîfé. 
{Angélique^  CVitandrCy  et  Claudine   vont  f^qffeohr  dans  le' 

fond  du  théâtre» 

Luhin^  (cberebatU  C/audine,),  Claudine,  où  èft-ce  quc^ 
ta  ès«. 

S  c  E  îf  E   nr. 

Ang£liqj7I,  CbiTANDUE,  et  Claudinx,   o/^i  OU  fôid'  i» 
théâtre^  George  J^ih^ik^  à  moitié  df/haàiliéf  Lubin* 

G*  Dandin,  (japart)  paî  entendu  defeendrc  ma  f^m- 
me,  et  je  me  fuîâ  vite  habillé  pour  defcendre  après  elle*- 
Où  peut-clle.étre  allée  ?  Seroit  elfe  fortie  ? 

Lubin    cherchant    Claudine^    (^prenant    George  Dandin^ 
pour  ClaudifieJ)    Où-  ès-tu  donc,  Claudine  l    Ah;  te  vot- 
là*     Par  ma  foi,  ton  maître  èft  plaifamment  attrapé,  et 
je  trouve  ceci  au flî  drôle  q^e  les  coups  de  bâton  de  tan« 
tôt,  dont  on  m^a  fait  récit.    Ta  maitretTe  dît  quUl  ronile- 
à  cette  heure,  comme  tous  les  diantres  ;  et  il  ne- fait  pas 
quQ  Monfîèur  le  Vicomte  et  elle  font  enfemblé  pendant 
qu^il  dort.     Je  voudrois  bien  favoir  quel  fonge  il  fait 
maintenant.     Cela  èfl  tout-à-fait  rîiible.     De  quoi  s'a» 
vife-t-il  aufli  dîêtre  j.aloux  de  fa  femme,  et  de  vouloir 
qu'elle  Toit  à  lui  tout  fcul?  C'èft  un  impertinent;  et  Moa- 
fieur  le  Vicomte  lui  fait  trop  d'honneur.  Tu.  ne  dis  mot^ 
Claudine.     Allons,  fuivons  les,  et  me  donne  ta  petitç 
menotte  q;^e  je  la  baife.-    Ah,  que  cela  èft  doux  *,  il  me 
femble  que  je  mange  des  confitures  !  (ja  George  Dandin^- 
quUi  prend  toujours  pôuf  Claudine^  et  qui  le  repoujfe  ru* 
dément,^    Tu   Dieu,  comme   vous  y  allez  ?   Voilà  uiM- 
petite  menotte  qui  éft  un  peu  bren- rude.' 

G.  Dandin    Qui  va  là  \ 
.  Lubin»  Pcrfonne. 

G.  Dandin.  IL  fuît,  et  me  laiffe  informé  dé  la  nou* 
velle  perfidie  de  ma  coquine.  Allons,  il  faut  que,  fans 
tarder,  j'envoie  appeJler  foa  pè^e  et  fa  mère,  et  que  cette 

avaa»- 


COMEDIE.  297 

avaotttte  me  ferre  ^  me  faire  féparer  dVlle.  Holla,  Coliiv, 
Colin  • 

SCENE    IV. 

Angblîq^  et  Ci,rTANi>AE,  anyec  Claudine  et  Lubin,  q/Jtsatt 
fùHddu  théâtre^  George  Dandin,  Colin» 

€din.  (à  iaf/nêtre,)  MottCttVkt. 

O,  ÙaïuHn.  Allons,  vite  ici  bas. 

Colin^  (/autant  pur  la  fenêtre.)  Wj  Toîlà,  otl  n«  peut 
pas  plus  vite* 

G.  Dandin.  Tu  es  là  ? 

Cofm.    Ouï  Bjjonfîeuf.     {^Pendant  que  George  Dandin 
va  chercher  Colin  dû  coté  où  il  a  entendu  fa  voixf  Colin 
paffe  de  tautre,  et  t^endort.) 
G,  Dandin,  (fe  tournant  du  coté  où  il  croit  qt^èfl  Cotin?) 

Doucement»  Parle  ba«»  Ecoute.  Va-t-en  chez  qioa 
beau  père^  et  ma  belle  mère,  et  dis  que  je  les  prie  tràs« 
indamment  de  venir  tout-à  rhcure  ici»  Enteoi^  tu  ï  Hé  ? 
Colin,  Colin.  ^ 

Cohn^  (jk  Vautre  câté^^fe  réveillent.)  Monfieur» 

G,  Dandin.  Où,  dia:ble,  èstu  l 

CoSft,   Ici* 

G.  Dandin,  Pefte  fôît  du  marouffe^  qu!  s'éloigne  dé 
mdî.  (^Pendant  que  George  Dandin  retourne  du  côté  oH 
if  croit  que  Colin  efl  re/le^  Colin^  à  fnottie  endormiypaffh  de 
Vautre^  et  fe  rendort,")  Je  te  dis  que  tu  ailles  de  ce  pas 
trouver  mon  beau-père,  et  ma  belle-mère,  et  leur  dire 
^e  je  les  Conjure  de  fe  rendre  ici  tout-à^l'hcure.  M'cri?» 
lendstu  bien  \  Réponds.     Colin,  Colin. 

Colin ^  {de  Vautre  cote ^fe  réveillant,)  JVfoniîcur. 
'  G,  Dandin.  Voilà  un  pendard  qui  me  fera  cnragef. 
Vîens.t-en  à  moi,  {^l^  fi  rencontrent^  ^et  tombent  tout 
deux.  Ah,  le  traître  !  Il  m*a  cftropié.  Où  èlt-ce  que 
tu  es  ?  Approche  ^ue  je  te  donne  mille  coups.  Je  penfe- 
^0*11  me  fuit. 
-    CoRn,  AiTurément. 

G.  Dandin,  Veux,  tu  venir  ^ 

Colin.  Nenni,  ma  foi. 

G.  Dandin.,  Viens,  te  dis  je, 

Cpiin.  Point,    Vous  me  voulez,  battre» 


%' 


298  GEORGE    D  A  ND  IN. 

(r.  DauAn.  Hé  bien»  noa»     Je  ne  te  ferai  rien. 

Co!tn.  Apurement  ? 

G,  Dandin^  {à  Colmqu'il  tient  par  U  brasJ)  Ooû 
Aproche,  Bon.  Tu  es  bien  beureux  de  ce  que  j^ai  be<" 
foin  de  toi.  Va-t-en  vite,  de  ma  part,  prier  mon  beau- 
père  et  ma  belle>mère  de  fe  rendre  ici  le  plutôt  qu^ik 
pourront,  et  leur  dis  que  c*è(l  pour  une  affaire  de  la  der- 
nière conféquence  !  et,  s'ils  fefoient  quelque  difficulté^ 
à  caafe  de  l'heure,  ne  manque  pas  de  les  prefler,  et  de 
leur  bien  faire  entendre  qu'il  èft  très- important  qu'ils 
viennent,  en  quelque  état  (j^u'ils  fuient*  Tu  m'enrens 
bien  maintenant. 

Colin,  Oui.  Monfieur. 

G.  Danditt^  (^fe  croyant  feul,)  Va  vite,  et  reviens  de 
même.  Et  moi,  je  vais  rentrer  dans  ma  maiibn,  atten- 
dant que— -Mais  j'entens  quelqu'un.  Ne  feroit^ce  point 
ma  femme  ?  Il  faut  que  j'écoute,  et  me  ferve  de  l'ob- 
fcurité  qu'il  fait.  {G.  Dandmfe  range  prh  de  ia  porte 
de  fa  rnaifon) 

SCENE    V. 

* 

Angelk^s^  Clitand&i,  ClaudimEi  LuBiNy  G.  Danmn.^ 

Angélique^  [à  Ctitandre^  Adieu»  Il  èd  temps  de  6 
retirer. 

Clitandre,  Quoi,  fî-tôt  ? 

jittgettque.  Nous    nous  fommes  aOez  entretenus* 

Clitandre^  Ah,  Madame,  puis  je  aiTez  vous  entretenir, 
et  trouver  en  fi  peu  de  tems,  toutes  les  paroles- dont  j'ai 
befoin  ?  11  me  faudroit  des  journées  entières  pour  me 
bien  expliquer  à  vous  de  tout  ce  que  je  fens  ;  et  je  ne 
ou  s  ai  pas  dit  encore  la  moindre  paaie  de  ce  que  j'ai  à 
vous  dire. 

jdngelique.  Nous  en  écouterons  une  autre  fois  davaft'* 
tage. 

£îitandre.  Hélas»  de  quel  coup  me  percez-vous  l'âme^ 
lorfque  vous  me  parlez  de  vous  retirer,  et  avec  combien 
de  chagrin  m'allez^vous  laiiTer  maintenant. 

Angélique,  Nous  ttouverons  moyen  de  nous  revoir. 

Clitandre,  Oui  \  mais  je  fonge  qu'en  me  quittant,  vqus 
allezi  trouver  un  œaii.      Cette  penfée  m'affalTme  y  et  les> 

pri* 


COMEDIE  299 

privilèges  qu'ont  les  maris,  font  d^s  chofes  cruelles  pour 
ua  amant  qui  aime  bien» 

Angélique,  Serez-vous  affez  foible  pour  avoir  cette  in* 
quiétude,  et  pènfez-vous  qu'on  foit  capable  d'aimer  de 
ce'rtains  maris  quUl  y  a  ?  On  les  prend  parce  qu'on  ne 
s'en  peut  défendre,  et  que  l'on  dépend  de  parents  qui 
n'ont  des  yeux  que  pour  le  bien,  mais  on  fait  leur  rendre 
jndice,  et  Ton  fe  moque  fort  de  les  confîdérer  au  delà  de 
ce  qu'ils  méritent. 

G,  Daadin^  (à  pari.)  Voilà  nos  carognes  de  fem« 
mes» 

Clùandren  Ah,  qu'il  faut  avouer  que  celui  qu'on  vous 

A  donné  étoit  peu  digne  de  l'honneur  qu'il  a  reçu,  et 

.qpe  c^èH  une  étrange  chofe  que  l'aiTemblage  qu'on  a 

&it,  d'une  perfonne  comme  vous,  avec  un  homme  corn* 

me  lui  ! 

G.  IkauRn^  (à part,)  Faùvres  maris  ^  voilà  comme  on 
vous  traite  l 

CRtandre.  Vous  méritez,  fans  doute,  une  toute  autre 
deftinée  \  et  le  Ciel  ne  vous  a  point  faite  pour  être  la 
femme  d'un  payfan, 

G.  Dandin,  Plût  au  ciel,  fut-elle  la  tienne  \  tu  chan- 
gcrois  bien  de  langage  !  Rentrons  c'en  èH  aflez, 
^tQrge  Dandin  étant  rentré ^  firme  la  porte  en-deians,) 

SCENE    VI. 

Amgilique,  Clitanor.e,  Claudine,  Lubtn» 

Claudme,  Madame,  iî  vous  avez  du  mal  à  dire  de  vo» 
tre  mari,  dépéchez  vîte,  car  il  èû  tard. 

Cliiandre,  Ah,  Claudine,  que  tu  es  cruelle  ? 

Angeliçuef  (à  Clitandre.)  Elle  a  raifon.  Séparons- 
nous. 

Clilandre,  Il  faut  donc  s^y  refondre,  pnifque  vous  le 
voulez.  Mais,  au  moins,  je  vous  conjure  de  me  plaindre, 
un  peu,  des  méchans  moments  que  je  vais  paiTer. 

Angélique,  Adieu. 

Luhin.OxjL  ès-tu,  Claudine,  que  je  te  donne  le  bon  foir  ? 
.  Claudine,  Va,  va,  je  le  reçois  de  loin,  et  je  t'en  ren- 
irole  autant. 

SCENE 


300  GSORGE   DANDIN* 

5ÇUNII  VU- 

Anoij.i()!>c,  Clacoini. 

jfti^iCçvf*  RmljTonf  (ans  faîr«  du  boiîu 
C/audÎM,  La  parte  s*èft  ftrmèeé 
jiiùe/ioue*  J'ai  le  pafle-par-tottt* 
Claudmié  Ouvres  donc  dovcemeoti 
jUgiliqti9*  Oo.  a  fariné  en  dedam,  et  je  ne  faîa  coiiK 
ment  nous  ferons. 

Claudifie,  .Af^peUea  le  garçon  qui  ceiiche  iSu 
uifigeliquf.  Colini  Colin,  Colin. 

SCENE  viii: 

G.  DanJîny  f â /û  fenêtre,  J  Colin,  Colîp?  Ah,  je  vous 
y  prens  dbnc»  Madame,  ma  femme  ^  et  vous  faîtes  des 
tfcampatpoet  pendant  que  je  dprs.  Je  fuis  bicn-aife  de  ce- 
la, et  de  vous  voir  dehors  à  l'heure  qu'il  èft. 

Angtiique,  Hé  bien  ?  Quel  grand  mal  èft  ce  qu'il  y  a 
^  prendre  le  frais  de  la  nuit  ? 

G.  Dandin.  Oui  oui.  L'heure  èft  bonne  11  prendre  le 
frais.  C'èll  bien  plutôt  le  chaud,  Madame  la  coquine  ; 
et  nous  favon»  toute  l'intrigue  du  rendez -vous,  et  du  Da- 
moifeau.  Nous  avons  entendu  votre  galant  entretien,  et 
les  beaux  vers  h  ma  louange  que  vous  avez  dits  l'un  et 
l'autre.  Mais  ma  confolation  c'èft  que  je  vais  être  ven- 
gé ;  et  que  Votre  père  et  votre  mère  feront  convaincus 
maintenant  ile  li)  juftîce  de  mes  plaintes,  et  du  dérègle- 
ment de  votre  conduite.  Je  les  ai  envoyé  quérir,  et  ils 
vont  être  ici  dans  un  moment. 

j^ngeiique.  (à  part,)  Ah  ciel  ! 

Ciaudine,  Madame. 

G.  Daftdtn.  Voilà  un  coup,  fans  doUte,  où  vous  ne 
TOUS  attendiez  jpas.  C'èft  maintenant  que  je  triomphe, 
et  j'ai  de  quoi  mettre  à  bas  votre  orgueil,  et  détruire  vos 
«  artifices.  Jufques  ici  vous  avez  joué  mes  accufatîons,  e- 
blouî  vos  parents,  et  plûtré  vosmalvcrfatîons.  J*ai  eu  beau 
voir  et  beau  dire,  votre  addreflc  toujours  l'a  emporté  fur 
mon  bon  droit,  et  toiyours  vous  avez  trouvé  moyen 
d'avoir  raiibn  )  mais,  à  cette  fois^  dieu  metci;  les  chofes 

vont 


COMEDIE.  301 

;font  être-é(laircks,  et  votre  effronterie  fera  pleinement 
confondu.  ' 

Angelqui,  Hé,  je  vous  prie,  {aîtes-moî  ouvrir  la  porte. 

G,  Dan£n,  Non,  non,  il  faut  attendre  la  venue  de 
ceux  que  j'ai  mandés,  et  je  veux  <|uUls  vous  trou* 
vent  dehors  à  la  belle  heure  qu^îl  èft.  £n  attendant 
quUls  viennent,  iongez,  fi  vous  voulez,  à  chercher  dans 
votre  tète  quelque  nouveau  détour  pour  vous  tirer  dp 
cette  affaire  \  à  inventer  quelque  naoyen  de  rabiller 
votre  efcapade  ;  a.trouver  quelque  belle  rufe  pour  éluder 
ici  les  gens  et  paroître  innocente,  quelque  prétexte  fpé- 
cîeux  de  pèlerinage  nodurne,  ou  d*amie  en  travail  d^en^ 
fant  que  vous  venez  qe  fécourir. 

jùigiltqùe.  Non.  Mon  inten|ion  n^èft  pas  de  vous  rien 
déguifer.  Je  ne.prétens  point  me  défendre,  ni  vous  ni- 
er les  chofes,  puifque  vous  les  (avez. 

G«  Dandin.  C^èH  que  vous  voyez  bien  que  tous  les 
moyens  vous  en  font  fermés  ^  et  que,'  dans  cette  affaire, 
vous  ne  fauriez  inventer  d^excufe,  qu^il  ne  me  foit  facile 
de  convaincra  de  fauffeté. 

Angélique,  Oui,  je  confeffe  que  j^ai  tort^  et  ^ue  vous 
avez  fujèt.de  vous  plaindre.  Mais  je  vous  demande,  par 
grâce,  de  ne  m'expofer  point  maintenant  à  la  mau- 
vaife  humeur  de  mes  parents^  et  de  me  faire  prompte- 
ment  ouvrir. 

G\  Dandm.  Je  vous  baife  ks  mains^ 

Angélique.  Hé,  mon  pauvre  petit  mari,,  je  vous  en 
conjure. 

G.  Dandin,  Hé»  mon  pauvre  petit  mari  !  Je  fuis  votre 
petit  mari,  maintenant,  parce  que  vous  vous  Tentez  prîfe. 
Je  Uiis  bien  aife  de  cela  ;  et  vous  ne  vous  étiez  jarosls 
avifée  de  me  dire  ces  douceurs. 

Angélique.  Tenez  je  vous  promets  de  ne  vous  plus 
donner  aucun  fujèt   de  déplaifir  \  et  de  me  ■  ■   '   > 

G.  Dundin,  Tout  cela  n^èft  rien.  Je  ne  veux  point 
perdre  cette  avanture  \  et  il  m'importe  qu^on  foit  une 
fois  écalirci  à  fond  de  vos  dèportements. 

Angélique.  De  grâce,  laiiTez-moi  vous  dire.  Je  vous 
demande  un  mome^nt  d'audience. 

G.,  Dendin,  lié  bien,  (|uoi  ? 

Angélique.  Il  èft  vrai  que  j'ai  failli,  je  vous  Tavoue  en- 
coi;e  une  fpis,  que  votre  reiïcntimebt  cl)  juile,  que  j'ai  pris 

Ce  1(3 


302  GEORGE    DAND1N. 

le  temps  de  fortÎT' pendant  qne  vtnis  dcmniès,  êtx[iie  cettb 
fortie  èft  un  rendez-yeus  que  j^avois  donné  à  la  perlbnne 
que  TOUS  dites*  Mab  enfin  ce  ibnt  dès  aâfîons  qae  vous 
devez  pardonner  à  moh  âge,  des  emportements  d^nne 
jeune  perfonne  qui  n*a  encore  rien  vu,  et  nv  fait  qtte 
d^entrer  au  monde  \  des  libestés,  où  l^on  s'abandinrae, 
fans  y  penfer  de  mal,  et  qui  ikns  doute,  dans  te  fofidi 
n'ont  rien  de  ^ 

G,  Datu&n.  Oui,  vous  le  dites,  et  ce  fout  des  cliXJiftl 
qui  ont  befoin  qu^on  les  croie  pteofement. 

j^ngelique^  Je  ne  veux  point  m^ârcufer  par  là  d'être 
coupable  envers  vous,  et  je  vous  prie  feaiement  d'ôtt^ 
blîer  une  offence  dont  je  vous  demande  pardon  de  tOfit 
mon  coeur  \  et  de  m'épargner,  en  cette -rencontre,  le  dé* 
plaîfir  que  me  pourroient  caufer  les  reprochPes  fftchetiSc  de 
mon  père  et  de  ma  mère.  Si  vous  m*accordez  géné- 
reufement  la  grâce  que  je  vous  demande,  ce-procéde  oblî« 
géant,  cette  bonté  que  vous  ihe  fere?  voir  we  gsrgaeta 
entièrement  ;  cÂle  touchera  toùt-à*fait  mon' coeuv,  et  f 
fera  naître  pour  vous  ce  que  tout  le  pôuvroir  de  mes  pa* 
rents,  et  les  liens  dix  '  mariage  n^avoient  pu  y  jetter.  £n 
un  mot,  elle  fera  caufe  que  je  renoneerai  à  totrtes  îeS 
galanteries,  et  n'aurai  de  Rattachement  que  pour  vous« 
Oui,  je  vous  donne  ma  parole  que  vous  m'allex  voir  dé- 
formais la  meilleure  femme  du  monde  \  et  que  je  VOUS 
témoignerai  tant  d'amitié,  que  voa;is  en  feree  fatîsfait* 

G,  Dandin*  Ah,  crocodile,  qui  flatte  les  gei^s  pour  les 
étrangler  ! 

Angei*que^  Accordez  mot  cette  faveur. 

G.  Dandin.  Point  d'affaires.     Je  fuis  inexorable. 

Angélique.  Montrez  vous  généreux. 

G.  Dandtn,  Non. 

Angtlique,  De  grâce. 

G.  Danditt.  Point. 

AngeTiqiu.  Je  vous  en  conjure  de  tout  mon  coeur. 

G.  Dcmdin,  Non,  non,  non.  Je  veux  qu'on  foit  dé- 
trompé de  vous,  et  que  votre  confufîon  éclate. 

Angélique,  Hé,  bien,  (i  vous  me  réduifez  au  deferpoîr, 
je  vous  avertis  qu'une  femnie  en  cet  état  èft  capable  de 
tout,  et  que  je  IJprai  quelque  chofe  ici  dont  vous  vous  re^ 
pentîrez. 

G. 


C    O    M    £    D    I    £•  303 

.0.*  Bandk.  Et  que  ittt%  \tou9,  '»^îl  vous  pkît  ? 

JÎngeliqw.  Mon  coeur  fe  portera  jufqu^aux  extrêmes 
lélblutions  >  et  de  ce  couteau  que  voici,  je  me  tuerai  fut 
la  place. 

(?.  Dandin,  Ah,  ah  !  A  la  honne  heure 

^ngeiiqoe.  Pas  tant  à  l^i  bonne  heure  pour  vous  que 
vous  vous  imaginez.  On  fait  de  tous  cotés  nos  différends 
et  les  chagrins  perpétueUque  vous  concevez  contte  moîé 
Lorfqu'on  me  trouvera  morte,  il  tCy  aura  perfonne  qui 
mette  çn  doute  que  ce  ne  foit  vous  qui  m^aurez  tuée  ^  et 
Vie%  parenjts  ne  font  pas  gens,  afîurement,  à  laiffer  cette 
mort  impunie,  ct'ils  en  feront,  fur  votre  perfonne,  toute 
}a  punition  que  leur  pourront  offrir  et  les  puurfuites  dô 
la  Jutilice,  ^t  la  Chaleur  de  leur  reffentiment.  C'èft  par  \^ 
que  je  trouverai  moyen  de  me  venger  de  vous  >  et  je  n^  fui^ 
pas  la  première  qui  ait  fu  recourir  à  de  pareilles  ven« 
geances,  qui  n'ait  pas  fait  difficulté  de  fe  donner  la  mort, 
pour  perdre  ceux  qui  ont  la  cruauté  de  nous  pouffer  à  la 
dernière  extrémité. 

G.  D'anditim  Je  fuis  votre  valet.     On  ne  s'avife  plus  ' 
de  fe  tuç^  foi-memje  y  et  ls(  n\ode  en  è(t  paffée  il  y  a  long-» 
tcms; 

^f^gfiMquc»  C'èâ  une  chcie  dont  vous  pouvez  vous. te- 
i)U  ïfxx\  et  S  vous  perfiftez  dans  votre  refus,  â  vo^8  ne 
me  faites  o^uvrir,  je  vaus  iive  quc^  tout-à- l'heure,  je  yaîs 
vous  faire  voir  jufques  ou  peut  aller  là  refolution  d'una 
perfonne  qu^o^  met  au  defefpoir. 

Cr,  pandin.  Bagatelles,  bagatelles,  c'èjft  pour  me  faire, 
peur. 

AngeTtquen  Hé  bien,  puifqu'tl  le  faut  voici  qui  nous 
çQdtentera  tous  deux,  et  montrera  û  je  me  moque.— ^C^- 
prêt  avoir  fait  jemblant  de  fe  tuer  :J  Ah,  c'en  èft  fait  ! 
Faffe  le  ciel  que  ma  mort  foit  vengée  comme  je  le  fou- 
haite,  et  que  celui  qui  en  è(l  la  caufe,  reçoive  un  ju(id 
châtiment  de  la  dureté  qifjl  a  eue  pour  moi  ! 

G,  Dandin,  Ouais  !  Seroit  elle  bien  il  malicieufe,  que 
de  s'être  tuée  pour  me  faire  pendric  !  Prenons  un  bout 
ëe  çh«ndellç  .pour  aller  voir. 

SCENE    IX. 

Angeliqjjb,  Claudini, 

AMgel$qui^  (à  Claudine.)    St.    Paix»     Rangeons-nous 

C  t%  chacune 


304  GEORGE   D  AND  IN. 

chacaoe  immédiatement  contre  un  des  côtés  de  It  jiorte»        1 

'    .1 

s  C  E  N  E    X. 

•       ■  .       •  •  -       .  --   .    -1 

^NGBLiqus  et  ChAsnivit  entrent  dont  la  mat/on^  au  m*itmiU 

.   que  Geougb  Danpin  en  fort^  et  ferment  la  porte  en»         \ 

dedans  Gzokqï  Dulndin  un^  chandelle  à  la  maiué         ^    , 

•  * 

G.  Dandîn,  La  méchanceté  d^une  femme  Iroit-elle  bien 
.jufques  là  ?  (fi^l  après  avoir  regardé  par  tout.)  Il  n'y 
a  perfounc.  Hé,  je  m'en  étois  bien  douté,  et  la  pen- 
darde  s'èft  retiiée,  voyant  qu'elle  ne  gagnoit  rien  auprès 
de  moi,  nî  par  prières,  ni  par  menaces.  Tant  mieuxf  cela 
rendra,  fes  affaires  encore  plus  mauvaifes  ^  et  te  père  et 
la  mère  qui  vont  venir,  en  verront  mieux  fon  cr,ime# 
(-^;r^/  avoir  été  à  /a  porte  de  fa*  maifSon  pour  rentrer. y 
Ah,  ah  !  La  porte  s'èd  fermée.  Hola^  oh|  quel<|a^uO|. 
qu'on  m'ouvre  promtement. 

'    '  »     SCENE    XL. 

'Angeli^k  et  Claudine  à  la  fenêtre^  Geokgs  Dandîn» 

Angélique,  Comment  |  C*è{l  toi  ?  D'où  viens- tu,  boa 
pcndard  ?  Eft  il  Vhcurc  de  revenir  chez  foi,  quand  le  jour 
èfl  prêt  â  paroiître,  et  cette  manière  de  vie  èil-elte  celle 
que  doîtTfiivrc  un  honnête  mari  ?  \  ' 

-  Claudine,  Cela  èft-il  beau  d'aller  yvrogncr  toute  la 
nuîtj  et  de'laiiler  ainfî  toute  feule  $lne  pauvre  jeune  fcm- 
xne^dans  la  maifon  ?       *  ^ 

G.  Dandin.  Comment  î  Vous  avez  ' 

Angélique.  Va,  va  traître,  je  fuis  laifle  de  tes  déporte- 
mens;  et  je  veux  m'en  plaindre,  fans  plus  tarder,  à  moft 
père  et  à  ma' mère.  * 

G.  Dapdin.  Quoi  î  C'cfl  ainfî  que  vous  ôfez"  ■ 

SCENE  xn. 

Monsieur  de  Sotenvills,  er  Madame  de  Sotenvzlle,  eip 
de/hahillé  de  nuit^  Cchiv  portant  unelanterneyAnGEhïQ^ft 
et  Claudine  à  la  fenêtre,  George  Dandîn. 

Angfi&que*  \à  M.  et  Madame  de  S(afnviUe,y.  Ajppro- 

chca; 


p 


COMEDIE.  30J 

cfaerds  frace,  «t  vcoea  me  faûre  tutut  d«  Pinfolencv  Ift 
plus  grande  du  inonde,  d'un  mari  à  qw  le  via  et  la  j^^ 
loufie  ont  tconUéi  de  ti^e  (ôrtet  la  cervelle^  qu'il  ne  &it 
plus  ni  ce  quUl  dit;  ni  ce  qu'il  fait  >  et  vous  a,  lui-même»  f 
envoyé  q^cnt  poutvqus  iairâ  témoins  de  ^extravagance 
la  plus  étrange  dont  on  ait  jamais  ouï  parler.     Le  voilà 
qui  revient,  comme  vous  voyez,  après  s'être  fait  atten- 
dra tout  1b  nuit  'y    et,  fi  vous  voulez  l'écouter,  il  voua   . 
dira  quHl  a  les  plus  grai^des  plaintes  du  monde  â  vous 
faire  de  moi  ;  que,  durant  qu'il  dohnoit,  je  me  fuis  dé^i 
robée  d'auprès  de  lui  pour  m'en  aller  courir,  et  ceût  au*   ' 
trfs  contes  de  même  nature  qu'il  èit  allé  rêver» 
-  G,  Dam/ÙÊf  (à  part.)  VoiU  une  méchante  carogne* 

Qaudwk*  Oui,  ii  nous  a  voulu  faire  accroire  qu'il  é« 
toit  dans  la  maifon,  et  que  nous  étions  dehors  ;  et  c'èCk 
une  folie  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  lui  ôter  de  la  tête. 

M.  dt  SotewoUk^  Comment  !  Qu'èft.ce  à  dire  cela  ? 

Madame  de  SoienviUe,  Voilà  une  fùrieufe  impudence 
que  de  nous  envoyer  quérir. 

G.  pandin.  Jamais     ■  ■■ 

Ange^ue.  Non,  m<)n  père,  je  ne  ^uis  plus  foufFrir  un 
mari  de  la  forte,  ma  patience  èd  pouffée  à  bout  î    et 
vient  de  me  dire  Cf  nt  paroles  injurieufes.  a 

M.  de  Sôienvd/e,  (à  George  Dandin.)  Corbleu,  vous 
êtes  un  mal  honnête  honune. 

Claudine,  C'èft  une  confcience  de  voir  une  pauvre 
jeune  femme  traitée  de  la  façon,  et  cela  crie  vengeance 
au  ciel. 

G.  Dandtn.  Peut- on  l-p—— 

M.  de  Sotemnlle.  Allez,  vous  devriez  mourir  de  honte* 

G.  Oatu&i,  Laiflez  moi  vous  dire  deux  mots. 

jingelique.  Vàus  n'avez  qu'à  l'écouter  >  il  va  voul  en 
conter  de  belles. 

G.  Dandêfty  Je  l'efpère. 

Claudine.  11  a  tant  bu,  que  je  ne  penfe  pas  qu'on  puifle 
durer  contre  lui  ^  l'odeur  du  vin  qu'il  fouffle  èft  montée 
jufqu'à  nous. 

G.  Dan£u*  Monfieur,  mon  .beau-père,  je  vous  con- 
jure—*-^ 

M,  de  'Sotenvtl/é^  Retirez-vous,  vous  puez  le  vin  % 
pleine  bouche. 

G.  Dandin»  Madame,  je  vous  prie*— «> 

C  c  3 .  jMtf- 


3o6  Gt'Ë  O  R  G  E   D  A  N  D  IN. 

Madame  di  SàUmnik.  H^  ne  n^approchez  pat,  voir» 
haleine  èft  empeftée. 

G,  DatuStt*  (à  31;  di  S^enmile^)    Souffrex  que  je^ 
,    vous— «^ 

AL  de  SotennfSie.    Retires^vouv»  vtnit  dis-je^   on  ne 
peut  vous  fouft-îr. 

G.  DundiHy  (à  Madame'  de  SoteiewUe,y  Permettex-a&oîf. 
de  grâce,  que. 

Madame  de  SoteuvUIe.    Pouas,  vous  m^engloutifiez  le 
coeur.     Parlez  de  loin,  fi  vous  voulez. 

^  G.  Dandtn.  Hé  bien,  oui,  je  parle  de  loin^  Je  voosr 
jure  que  je  n^ai  bougé  de  chez  mot,  et  que  c'èft  elle  qui 
èft  fortie.      . 

jingel.'que-  Ne  Toîlâ  pas  ce  que  je  voua  ai  dît. 

Claudine,  Vous  voyez  quelle  apparence  il  y  a^ 

M.  de  SotenviUty  (à  G/  Danàin,)    Allez,  vous  vous 
noqoez  des  gêna.     Deftendez,  ma  fille,  et  venez  icL 

SCENE    XIII. 

'MoNStSVH    DB    SOTENVILLX, /MaPAMB    DB    SoTINVILLTy 

Gborgi  Dandin,  Colin. 

n  G.  Dandftu  J^attefte  le  eièL  que  j'étois  dans  la  mai* 

Ibn,  et  que     ■       — 

.  M,  de  SotenviUe.  Taifez-veus,  c'èft  une  e&travaganct 
qui  n^èft  pas  fupportable. 
'    .     (r.  Dandin.  Qpe.la  foudre  m^écrafe  tout-àPhenre,  fi-— 
M.  de  Sotenvtliey  Ne  nous  rompez  pas   davantage -la 
ttte,  et  fongez  à  demander  pardon  à  votre  femme. 
G,  Dandin.  Moi,  demander  pardon  ? 
M.  de  SoienvU/e,  Oui,  pardon  ^  et  fur  le  obarap. 
G^  Dandin.  Quoi  !  Je    ■ 

M,  de  StninviUe,  Cgrblc.u,  î\  vous  me   répliquez,  .jj5 
vous  apprendrai  ce  que  c'èd  de  vous  jouer  à  nous.   • 
6'.  Dàmiin',  Ah,  George  Dandin. 

SCENE    XIV. 

MoNsiiTiR  D«  SoTENViLLE,  Madame  d«  Sotenville,  Air 
L  GELic^E,  George  Dandin,  Claudine,  Cot.iN. 

•  * 

'  M,  de  Sôtenville,    Allons,,  venez,  ma  fille,  que  votre 
mari  vous  demande  pardon. 
.  An» 


COMEDIE^  So^f 

jt^eSque.  Mo!,  loi  pardonner  tout  ce  qu'il  ni*a  dît  ? 
Non,  non,  mon  père,  il  m'èft  îropoâîble  de  m^  ré* 
foudre  ;  et  je  .vous  prie  de  me  fépaier  d'on  mari  avec 
lequel  je  ne  fauroîs  plus  vivre. 

Cioiuiine*  Le  moj^en  d'j  rtfifter  i 

M,  de  Sotemnlle^  Ma  fille,  de  femblablei  fôptratlofift^ 
Be  fe  font. point  &ns  grand  feandaleç  «et  vous  devez  vous 
montrer  plus  fage  que  lui,  et  patienter  encore  cette  fois» 

Angeaque.  Comment  patienter- après  de  telles  iodig- 
nîtés  ?  Non^  mon  père,  c'èft  une  chofe  où  je  ne  puis 
eonfentir.  .     . 

M*  dt  SoteHviUe»  Il  le  faut,  ma  fille,  et  c'èft  moi  qui 
vous  le  comm9nder 

jingeUque.  Ce  mot  me  ferme  la  bouche  \  et  vous*  avez 
fur  moi  une  puiffimce  nbfolne» 
'  Claudine^,  Quelle  douceur  ! 

ÀngeUque,  11  èft  fâcheux  d*étre  contrainte  d'oublîeir 
de  telles  injtrres';  mais,  quelque  violence  que  je  me  faffc) 
c'en  à  moi  de  vous  obéir» 

Claudine,  Pauvre  mouton  ? 

M.  de  SotermlU^  (à  j^hgeRque.)  Approchez* 

Angélique.  Tout  ce  que  vous  me  faites  faire  ne  fer« 
vira  de  rica  ;  vous  verrez  que  ce  fera  dés  demain  \ 
recommencer. 

-    ML  de  SotenvUki  (a  George  Dândin.)  Nous  7  donne* 
roBs  ordre.     Allons,  mettez-vous  à  genoux. 

G,  Dandin,  A  genoux  \ 

M,  de  SotenviUè.  Oui»  à  genoux,  et  fans  tarder. 

G.  Dandin  à  genoux^  ane  cbandellt  à  la  main,  (à  pari) 
O  Ciel  »  (à  M.  de  Scient. Ile,)  Que  faut-il  dire  ? 

M.  de  Soienville*  Madame,  je  vous  prie  de  mè  par- 
donner. 

G.  DandiH»  Madame  je  vous  prie  de  me  pardonner. 

M,  de  Sotenville,  L^extravagance  que  j'ai  faite. 

G,  Dandin.  L'extravagance  que  j'ai  faite  (à part  )  de 
^ous  époufer. 

M.  de  SoUni^aie.  Et  je  vous  promets  de  mieux  "^Ivxq 
à  l'avenir. 

G.  Dandin,  ".  Et  je  vous  promets  de  mieux  vivre  h 
l'avenir 

M,  de  SatetwUle^  (à  George  Dandta.)  Prenez-7  garde, 

et 


\ 


So8 


GEORGE   DANDIN. 


et  fiiehaz  que  c*èft  ici  la  deniiire  de  vos  jn^ierttaaiicer 
que  «ous  (ooffrîrons. 

Madùou  de  Sotêttwfii*  Jour  de  Dieu  I  Si  voms  y  rè« 
tournez,  on  vous  apj^endsa  le  rdpeft  que  rois  devez  1 
votre  femme,  et  a  ceux  de  qui  el\c  fort* 

M.  de  Soûtmûe^  VoiUl  le  jour  qui  va  paroître.  A- 
dieu  (à  Cteorge  Dandm  i)  Rentrez  chez  vouf,  et  fongect 
bien  à  6tre  fiige.  (à  Madame  de  Satmtnik  :J  Et  nous, 
m'amour,  allons  nous  mettre  M^  Ut. 

SCENEDERNIERE. 

GlORGS  DANDIN,y^. 

Ah  !  Je  le  quitte  maint.e^int,  et  je  n^  vois  plus  de 
remède.  Lorfqu*on  a»  conime  moi^  ^pf¥fé  une  mé« 
chante  Cemme,  le  meilleur  parti  qu'oin  puifle  prendre, 
c*ift  4ç  ^VliejT  jetlei;  imai  V^?u  la  tête  ^  preoûèxe. 


X« 


(    3^9    ) 

■  "^i— *— ^—        Il      III        ■  I       —^^l» ^— .— — —— .^M        ,1,1  , 

* 

MARIAGE 
'     F    O    R    C    E'. 

COMEDIE. 

''SoANAREtLB,  amant  dc  Dorîioèae* 
Geronimo,^  ami  de  Sganarelle. 
Do&iMENE,  jeune  coquette  promife  2l  Sganai»^ 
relie. 

P^MO-     i  Alcantor»  père  de  Dorimène. 
MA6£s.    ]  Alcidâs,  frère  de  Dorixi^ène. 
Lycaste,  amant  de  Darinène. 
PAMC&ACEy  Doâeur.Ariftotelicien* 
Marpbuhius,  Doâeur  Pyrrhoai«n» 

DlUX  BOBXMIXNNBS* 

SCENE   PREMIERE. 
S6AMAUEU.I9  f/trlant  à  ceux  qui/ont  dam  fa  mat/m» 

JE  fuis  de  retour  dans  un  motnent.  Que  Pon  ait  bien 
foin  du  logîsy  et  que  tout  aille  comme  il  faut^  St 
Ton  m^apporte  de  l'argent,  que  Ton  me  vienne  querîc 
vîtc  chez  le  Seigneur  Geronimo,  et  fi  Ton  vient  m'en  , 
demander,  qu^on  dife  que  je  fuis  forti^  et  que  je  ne  dois 
revenir  de  toute  la  journée. 

SCENE     IL 

Sganarelle,  Geronimo» 

GerommOf  f  ayant  entendu  ht  dernièret  paroUs  de  Sga» 
narelle,)     Voilà  ua  ordre  fort  prudent. 

Sganarelle*  Ah,  Seigneur  Geronimo,  je  vous  trouva 
^  propos,  et  j^allois  chez- vous  vous  chercher. 

GsrùHmo.  Et  pour  quel  fujèt,  s'il  vous  plaît  \\ 

SganareÛe»  Pour  vous  communiquer  une  affaire  que 

jf'ai  en  tête^  et  vous  prier  de  m'ea  dire  votre  avis. 

Gim 


Al»  LE  MARIAGE  FORCE'. 

1 

'  S^4mantte»,  C'èft  une  fille,  qui  me  plait»  et  que- j?aime 
de  tout  mon  coeur* 

Geronimo,  Vous  l'aimez  ëe  tout  votre  coeur  î 

Sganarelîe,  Sans  doute  ;  et  je  l'ai  demandé  à  ion  p^re. 

Cer(immo\  Vous  Pavez  demandée  ? 

Sganareile.  Oui,  C^èft  un  mariage  qtfi  fe.doit  conclure 
K%  fo  ;  et  j'ai  donné  ma  parole*  • 

Cerommo.  Oh!  Mariez- vous,  donc*  Je'  ne  dis  plus 
mot. 

Sgauraelle.  Je  quitterois  le  deffein  que  j'ai  fait  ?  Vous 
semble-t-iU  Seigneur  Geronîmo,  que  je  ne  fois  plus 
propre  ^  fonger  à  une  femme  ?  Ne  parlons  point  de  Tâge 
que  je  puia  avoir  ^  mais  regardons  feulement  les  cho&s. 
Y^a-t-îl  homme  de  trente  ans  qui  paroifle  plus  frais. et 
plus  vigoureux  que  vouf  me  voyez  l  N*ai-je  pas  tous  les 
mouvements  de  mon  corps  aufli  bons  que  jamais, et  voit« 
on  que  j  V  hefoin' de  carofle  ou.  de  cbaife  !  N'ai-je  pas 
encore  toutes  meis  dents  l^es  meilleures  ÇUfwmire/ei  dents) 
du  mjoj^de  ^  Ne  fais-je  pas  vigoureufement  mes  quatre 
repas  par-  jour,  et  peut-on  voir  un  eftomac  qui  ait  plus 
de  (il  toyjffe)  force  que  le  mien  ?  Hem,  bem,  hem»  Héi 
Qu^en  dites  vous  ? 

Geronimo.  Vous  avez  raifon,  je  m'étois  trompé.  Vous 
ferez  bien  de  vous  marier. 

SgatatreiU,  Vj  ai  répugné  autrefois  :  Mais  j'ai  main* 
tenant  de  puiUantes  raifons  pour  cela»  Outre  la  joye  que 
j^aurai  de  pofféder  une  belle  femme  qui  me  dorlotera,  et 
me  viendra  frotter  loi:fque'je  ferai  las  ^  outre  cette  joye^ 
dis-Je,  je  confidère,  qu'en  demeurant  comme  je  fui?,  je 
laiiie  périr  dans  le  monde  la  race  des  Sganarelles  \  et, 
qu'en  me  mariant,  je  pdurraiis^e  vT>ir  revivre  en  d'autres 
moi  mêmes  ?  que  j'aurai  le  pljiifîr  de  voir  des  créatures, 
que  feront  forties  de  moi,  de  petites  figures  qui  me  ref- 
fembleront  comme  deux  goûtes  d'eau,  qui  fe  joueront 
continuellement  dans  la  maifon,  qui  m'appelleront  leur 
papa  quand  je  reviendrai  de  la  Ville,  et  me  diront  de  pe- 
tites folies  les  plus  agréables  du  monde.  Tenez,  il  me 
femble  déjà  que  j'y  fuis,  et  que  j'en  vois  une  demi- 
douzaine  autour  de  moi. 

Geronimo,  Il  n'y  a  rien  de  plus  agréable  que  cela  5  et 
je  -vous  confeille  de  vous  marier  le  plus  vite  que  votts 
pourrez. 

*  .Sga- 


.'N 


COMEDIE.  313 

SganareUe*  Tout  de  bon  ?  Vous  me  le  conftfîllez  i 

Geronlmo.  Aflurément.     Vous  ne  f^uriez  mieux  faîte. 

Sgatiarelie.  Vraiment,  je  fais  ravi  que  vous  me  don« 
niez  ce  conltil  en  véritable  amL 

Geronimo»     Hé  quelle  èft  la  perfonhei  s^il  vous  plaît, 
avec  qui  vous  allez  vous  marier  ? 

Sga^ardk.  Dorîmène. 

Gertmimo,    Cette  jeune  Dorimène,  fi  galante,  et  fi 
bien  paré^  ! . 
'    Sgmariile,  Oui.  . 

Ger^ttimo.  Fille  du  Seigneur  Alcantor  ? 

Sgonarelk,  Jiiftement. 

G^rêmmo^  Et  foeur  d'un  certain  Aicidas,  qui  fe  mêle 
de  f  ofter  Tépée  ? 

SganattlU,  C^èft  cela. 

Geranwio»  Vertu  de  ma  vie  I 

Sganare/ie.  QuVn  dites  vous  ?  ' 

Gerommo^  Bon  parti  !  mariez -vous  prompt  em'ent. 

Sgafiarel/e.  N'ai-je  pas  raifon  d^avoir  fait  ce  choix  ? 

Gerommo,  Sans  doute.  Ah  !  Que  vous  ferez  bien 
B»sirié  t  Dépêchez- vous  de  Têtre. 

Sganareiie,  Vous  me  comblez  de  joye,  de  me  dire  ce- 
la. Je  vous  remercie  de  votre  conieH,  et  je  vqus  invite 
ce  loir  à  mes  nôces. 

Geronim».'  Je  n^y  manquerai  pas  ;  et  je  veux  7  aller 
en  mafque,  afin  de  les  mieux  honorer. 
Sgéntarê^,  Serviteur* 

Ggronimo^  {à  part.)  La  jeune  Dorîmène,  fille  da 
Seigneur  Alcantor,  avec  le  Seigneur  Sganarelle,  qui  n^a 
^ue  cinquante-trois  ans  \  O  le  beau, mariage  !  O  le  beau 
mariage  !  (^Ce  qu'il  rifiite fiuficurs  fois  s^en  aJIant,) 


SCENE     iil. 

V 

ScANAiiXLLS,  /euL 

Ce  mariage  do't  être  heureux,  car  U  donne  de  \% 
jcyc  à  tout  le  moidc  j  et  je  fais  rire  touî  ceux  à  qui 
jVn  parle.  Me  voilà  maintenant  le  plus  content  des 
hommes. 

Dd  SCENE 


••  * 


314  I<K  MAKRIAGB  FORCE'. 

SCÈNE    IV. 

Dorimeru^  (dans  Ufind  du  Théàu^^  à  tm  pHi"^  hfomi 
cm  k'  fuU*)  Allons,  petit  gâr^N^  qa^te  tWMe^  Meta 
nu  queue,  et  qu'on  ne  s^amufe  pai  à  badiner. 

SgQnarelk^  (à  part^  ûf^ereewtm  DoriMené^)  Voici 
at  miitrefle»  qui  vienu  Ah  I  Quelle  tinMe  I  PAf^a  j 
avoir  un  hommey-  qui  n'ait,  en  la-  TOfaui,  dvs  éemm* 
geaiiiHit  de  fe  marier  ? .  fjf  JXoth$iè»ê)  Oà  ^ttefM^û&s» 
belle  mîgnone,  chère  époufe  future  de  yntte'éj^t 
futur  ? 

Dormunê.  Je  vait  faire  quelques  'emplettes. 

Sgtinarelle.  Hé  bien,  ma  belle,  c^H  maintenant  que 
nous  allons  être  heuceux  l\in  et  )^tfe.  Vonn  ^  al^ 
être  à  moi/cmi  tous  allez  être  à  noi  \  «A  je  fêtai  ittiritre 
de  vos  petite  yeux  éveillée,  de  votre  fetit  nec  ffipeif,  de 
vos  lèvres  appertifiantes,  de  vos  oreilles  amoureuies,  et 
de  votre  petit  menton  joli,  et  je  fersi  ^  inémrei  pour 
vous  careffer  comme  je  voudrai*  N'êtes  voos  pas  bicat 
aife  de  ce  mariage,  mon  aimable  pouponne  ? 

Don'mene^  Tout-à-feit  aîlè,  je  vous  jure.  Car  en£n  la 
févérité  do  mon  pêrc  m'a  tenue  juiqaes-ici  dans  une  fu* 
jel^ion  la  plus  fâcheûfe  du  monde.  11  y  a  yint  fais 
combien  que  j'enrage  dn  peu  dé  liberté  q«f'il  ifift'dofine^ 
et  j'ai  cent  fois  foubaité  qu^il  mè' mariât,  'pour  fonir 
promptemeot  de  la  contrainte  où  j'étois  ff^ee'lÉ»,^  er  me 
voir  en  état  de  faire  ce  que  je  voudrai*  I^îeumercf,  votis 
êtes  venu  heureuferoent  pour  cels/^et  je  me  prépare  dé- 
formais à  me  donner  du  divertiflement,  et  i  réparer, 
comme  il  faut,  le  tenis  quej'ul  perdu. "^ Comme  vousl  êtes 
un  fort  galant  homme  et  que  vqus  favez  camYne  il  faut 
vivre,  je  crois  que  nous  ftkQ09  le  meilleur  ménage  du 
monde  enfemble  ^  et  que  vous  ne  rere2  point  de  ces  ma- 
ris incommodes,  qui  veuUat  quo  leur-s  iemnles  vivetit' 
comme  des  loups^garout.  Je- vous  avoue  que  je  ne-m'ac-' 
commoderois  pas  de  cela,  et  que  la  folitude'tfie  dê^perel 
J^aîme  le  jeu,  les  viiites,  les  affemblécs,  les  cadaHx,  et 
les  promenades  ',  en  un  mot,  toutes  lés  cbofcs  de  plaifir  ; 

Et 


e    0    M    E    D    î    3E.  315 

.£t  MOtt«  devez  êti»  ravi  d^«vojiff  vtat  femine  de  moa  hu- 
meur. Nous  n'aurons  jamais  aucun  démêlé  enCemble,  et 
je  lue  ^rous  casatcaindrai  poiat  idans  y«s  aâîons,  ooinme 
JVfpèce  ^ue  de  votre  côté  vou»  neflie  contraindrez  point 
dans  le^  mtennes  >  car,  peur  nu»,  je  iiens  qù*îl  faut  avoir 
,u^e  -<of9^kiGw>c«  mu^^Ue,  jU  qu^on  «le  Ce  «doit  point  ma« 
xjeç  ,p9u,r  fc  fair^  enrugtv  Tuo  l'attfre.  JUnfiti^  notiff  viv« 
j^c^ifi  éM9t  loairîéff  C9i»nic  deux  .ptarfpafies  qui  faveiM 
Jkur  moade.  Aucun  feupçaa  j^l^vx  ot  nous  trottbkrala 
jQCi^viûlt'y  €.t -c!àil .aflc«  <^  vo«t#  ferezaSucé.dema  £dé* 
.  lité,  comme  je  ferai  pçrfjAadée  de  la  v^otre.  Mais  >qu^avee« 
TOUS  r  J>e  vo^>s  •vois  tsout  changée  de  vifinge. 

Sganorelk'  Ce  fpot  j%u«lqur s  .vapeurs  qui  me  viennent 
de  monter  à  la  tête. 

Dorimene.  C^èîl  un  mal  aujoiurd'hui  qui  attaque  beau- 
coup de  gens  >  mais  notre  mariage  vous  didipera  tout 
cela.  Adieu.  Il  me  tariJe  dcjà  que  je  n^aye  des  habiis 
râifonnables^  pour  quitter  vite  ces  guenilles.  Je  m^ea 
vais  de  ce  pas  achever  d ^acheter  toute»  les  cboû«  qu'il 
snp  fa^t^  et  je  vous  enverrai  ks  macchjiads. 


SCÈNE    V, 

Xxerùmmo.  Ah  !  Seigneur  Sganai^lle»  je  fois  ^ravi  de 
TOUS  trouver  encore  ici,  et  j'ai  rencontré  un  orfèvre  qui, 
fur4e.hruit.que  vau3  cherclûez  qpelqve  beau  diamant  ert 
bague  pour  faire  un  préfent  ^  votre  époufe^  m^iort  prié 
>de  vous  renir.  parler  p0ur  lui^  ^  de  vqii»  dire  qm^ii  en  a 
un  a  vendre^  le  ^1^3  par&it  du  mopde» 

Sg4inareUe.  Mon  Dieu  !  Cela  n'èd  pas  preffé. 

Geronw^  Comment  ï  Que.  vent  dire  cela  ?  Où  èit 
Tardeur  que  vous  montriez  tout-à- l'heure  ? 

SgQaaréH^»  li  ot'èâ  venu,  depuis  uii  momeatt^  de  pe- 
tit^ forupuJ^»  fur  le  49»ri^e.  Avant  qu£  de  paffer  Jilns 
avant  je  voudrois^  bien  agiter  à  fond  cette  matière,  et  que 
J'oa. m'èxpUqi}^  un  <£ong6,que  j'ai  fait  cette  nuit,  etqut 
vient  tout  à  Tbetfre  de  me  revenir  dans  l'efprit»  Vous 
ifticez  q^e  les  {ooges  ipnt  comme  des  aaîroirs,  oà  lV>n  dé- 
couvre quelquefois  tout  ce*qui  nous  doit  amideT»    H  me 

D  d  2  fem* 


3i6  LE  MARIAGE  FORCE'. 

I 

fcmbhlU  qut  fêtots  dans  un  vaîjjeau^fur  une  mir  Hen  agi^ 
iéts  et  que 

Geronimo.  Seigneur  Sganarelle,  j^ti  maintenant  quel- 
que petite  affaire,  qui  mVinpêche  de  vous  ouir.  Je 
nVntends  ritn  du  tout  aux  fonges  ;  et,  qnant  au  raîfon- 
nement  du'marîage^  voua  avez  deux  Savants,  deux  Pkîlo* 
fopbeê  vos  voîfins^  qui  font  gens  ^  vous  débiter  tout  ce 
qu'on  peut  dire  for  ce  fujèt.  Comme  ils'  font  de  iééles 
différentes,  vous  pouvez  examiner  leurs  diverfes  opfitions 
làdcffus.  Pour  moi,  je  me  contente  de  ce  que  je  vous  ai 
dit  tantôt,  et  demeure  votre  ferviteur. 

SganareHe,y  {feul)  Il  a  raifon.     Il  faut  que  je  confulte 

«n  peu  ces  gens-là  fur  l'ince^itude  où  je  fuis. 

.     > 

SCENE  yr. 

Pancrace,  Scanaulle» 

Paneraee^  {fe  tournant  du  côté  par  où  ii  èft  entrée  ei 
fans  voir  Sganarelle.)     Ailes,;  vous  êtes  un  impertinent, 
mon  ami,  un  homme  ignare  de  toute  bonne  difclfdine^ 
banniffable  de' la  république  des  iettfes. 

Sganarelle»  Abl  fion.     £n   voici  un  fort  à  propos. 

Pancracel  {de  même,  fans  voir  SganareUe,)  Oui,  je  te 
foutiendrai*  par  vives  raisons,  jeté  montrerai  par  Ari- 
ftote,  le  Philofophe  des  Philofophes,  que  tu  es  un  igno- 
rant, ignorantîfiime,  igaorantîfiant,  et  ignorantifîé  par 
tous  les  cas  et  modes  imaginables. 

Sgonarelhy  {à  part,)  Il  a  pris  querelle  contre  quel- 
qu'un.—  (j^ Pancrace,)  Seigneur——— 

Pancrace  (de  même  fans  voir  SganarelkJ)  Tu  te  veux 
mêler  de  raifonner,  et  tu  ne  fais  pas  feulement  les  élé- 
ments  de  la  raifon. 

Sgonarefie^  {è  part,)  La  colère  Pemf^êchc  de  tnè  voir. 
•^{y^  Pancrace.)  Seigneur— 

Pancrace  {tfe  mente,  fans  voir  SganareBe)  C*èft  une 
propofîtion  condamnable  dans  toutes  les  terres  de  la:  phi- 
lofophie.    • 

Sganareliey  (à  part.)  Il  feut  qu'on  Pait  fort  irrîtc.— 
(^  Pancrace,)  Je 

Pancrace,  (de  même^  fans  voir  SganareBe,)  T^tà  tcdo^ 
iota  via  ahcrras 

Sga^ 


M'eiJ     Stiiîsitii/bimxe  que  tu  as  fi^ît  l    Un  fyliogifaie  i/i 

Sjjranarçlle,  Je  vou» 

jpmfrmtt  {de  mêm.)  Xa  jn?|euti5  icn  èft.Jttcpte,  la 
mineure  impertinentCi  et  la  conclufîon  ridicule» 
[Sgofmtth.  Je-"  ■  ■ 

Pancrac4>(Jà  mémf,}  Je.creveroîs  plaitôt  que  d!avouçr 
.ce  que  tu  dis  \    et  je  footiendr^i  iiyioa-oftmoa  ^A^^u'à  la. 
derniève^goulte  de.mon.eAQfe»  .    r. 

Sganaretîe.  Riis-jc— — 
Pûncrace^Çdemimi.)  Ouj,.je;dié&ndm  «et-te  {MTOpo* 

Sgo/MPéik.  Seigneur  Ariftotè,  peut»on  favoir  ce  .qQï 
vous  met  û  fort  en  colète-? 

!iPmfrm:e^  Un  iftijèt  i  le  {dus  j^fte  4»  nondcr 

. $gfinareJIe,  £t  quoiencdre  ^ 
...  Pancrace,  Un  ignorant ^m^a ,  vo]i||)i  fournir  îiîie  prppo-' 
'  f tkm  «rroaée^  une  ^p)?ap0fitioo>  4|>Qi^anta^le,  /es^^yable, 

.    i%|i>wv^<!E*  Pbit-jei4«m9nder  ce  que  c^M.^ 

.fPimctraeé.  Ah!  Seigneur  ^gianarelle»  tojiit.è(lxç9Ycrr<^ 

,  ftujeosd'iioî,.  et  le  mo^e  èd  tombé'  dans  jui^e  corriiptiaa 

^  Ipéoénale.     Une  licence,  ^ouvantable  regoe,  par  tout.^  ^et 

ks  M^tftratSy  qtti  .fbnt  établis  rpour  maintenir  1-ordre 

«dans  cet  étàty.devroient  meiKir  de  ho^ie,  ^n  Toi^Srant 

un  ican^ie  auffi  intoléf a^e  que! celui jdoni  j^  veux  p^- 

.  'lier.  ','.-•        .  •    •  #' 

.  Sgantetnslfe^  Q^uh  donc  ?       , 

.PoherêCt»  N'èft-ce.pas  uoë  cWehtrriWe,  m^  cliofe 
qui  crie,  vengeance  au  Ciel,  que  dVndUrer  qu'on  .dite  pu* 
h\\^i»vanrit  h  forme  J\un  ehnffieau  ^ 
àgoMmreUe,  Comment  \ 

Pancrace.  Je  fautieps  qu'il  faut  dîfe  \^  Jîguré  tf^un 
^tapmui^  -et  n<Mk  pas  la  firme.  D'autant  qu  il  y  a  «cette 
dt0âri;nee  entre,  la  ^/foi»B«  et.  la  figure^  que  la  firtJ^  èft  la 
jdifpofition  extérieuce  des  corps  qui  font  anim^»  el  ]a^» 
gure  la  difpoiitian  «xté^rieure  des  corps  qui  font  jjnani. 
-mes  ;  et,  puifque  le  chapeau  èil  un  corps  inanimé^  il  faut 

D  d  3  dire 


!"» 


3i8  ££  MARIA6£  FORCIX 

dire  la  ^rt  Jhifi  dd^am^ét  non  pas  la>3ri9ir,    fSéhre-^ 
tournant  encore  du  cité  par  où  il  èft  entré. )^    Oar,  ignowiitt 
que  vous  êtes,  c^èft  ainfi  qu'il- ^t  p»rler,  et  ce  font  les. 
termes  exprès  d'AriOote  dans  )e  chapitre  de- lu  qaàlké^. 

SganareUe^  (à  port^).  je  penfoîs  q«te  tout  fttb  pexdin 
(à  Pancrace.)  âeigaeuf  Doâeur^  ae  feagez  plmrà  lout 
cela.     Je  ■ 

Pancrace.  Je  fois,  dans  une  colère  que  je  ntne  fem 
pas. 

Sganercffe,  Laiflez  \z  forme  et  le  cbapea»  en  paix»     J'at^ 
quelque  ohofe  91  vous  communiquée,     fc  ■     ' 
•    Pancrace^  Impertinent  1 

Sganartlle*  De  grâce,  remettes^-vous»    Je    ■■  ■- 

Pancrace.  Ignorant  i 

SganarelU,  Hé,  mon  Ûieu  !'  Je 

Pancrace,  Me  vouloir  foutenfr  une  fropofittoa.  de  I&. 
forte? 

Sganarette.  Il  a  tort.     Tb   ■ 

Pancrace.  Une  proportion  condannée  par.  Artftotc  ? 

SganareUe.  Cela  èft  vrai.    Je     '  ■ 

Pancrace.  £n  ternies  exprès? 

SgananelU,  (fe  tournant  du  cité  par  où  Pttnetaca  efl- 
entré.)     Vous  aves  raifon.    Oui,  vous  ^tes  uo  fWt,  et  un 
impudent,  de  vouloir  difputer  contre  un  Doâeor-qnl  fait 
lire  et  écrire.     Voilà  qui  èft  fait.     Je  vous-  prie  <k  m'é* 
coûter.  Je  viens  vous  confulter  Air  une  affiiire  qui  m*em« 
barrafle.     J*ai  defiein  de  prendre  une  femme,  pour  me 
'  tenir  compagnie  dans  raon^  ménage.     La  per&mne  èd 
belle  et  bien  faite;    elle  nre  plaît  beaucoup^  et«ft  ravie- 
*  de  m'épou&n     Son  père  me  Pa  accordée:  Mais.je  crains^ 
un  peu. ce  que  vous  favez,  la  difgrace  dont  on  ne  pkiat 
perfonne  9  et  je  voudrois  bien  vous  prier,*  comme  pbiloo.. 
fophe,  de  me  dire  votre  fentimont..    Hé  ?  quel  èft  irotre 
avis  là  diffus  V 

Pancrace.  Plutôt  que  d'accordor  qu^il  faille  dire  As 
forme •d^un  chapeau^  j'accordcrois  que  datmr  tfocuttm  itt,^ 
rtrum  naturâ,  et  que  j«  ne  fuis  qu^une  béte.~ 

Sganarelky  (-aparté)  La  pelle  fdit  ée  l^bemme.— f^r 
/  Pancrace.)  Hérl    Mônfieur  le  Doôeur,  écoute»  on  peu. 
-  lès  gens.     On  vous  parle  une  beure  durant,  et  vous 
ue  ié;^ondez  point  1^  ce  qu'on  vous- dit» 

Pam$ 


\ 


"JNnirracer  J0  twu.itmsmèc  ^^ùn.'  Une  jafte*«ol«r^ 
ai^icciipe  l'efprit, 

SgBmar^ilê.  He,  kiffev*  tout  àslh^  ^  pfeocx  -k^^ine 

, .    .^SsoAhftv. /Soiu    Qae  wa\tz*^ans  nie  dite  f    • 
'^  Sganatdht  Je  veux  voos  parlerde qaeique ciiofe.' 
Fancract.  £t  de  <}uélle  laagne  ¥Oiile2«vous.  TOUSwièr> 

SgpfÊoreBt^  De  queUe  langue  ^ 
.  Pancnui.  Oui* 

Sganarelle,  Parbleui  de  h  langue'  qui  .j'ai  éw  pft 
bouche*  Je  arcdt  que. je  n'irai  paa*  tat^ruiiter  celle  de 
mon  voîfia.  - 

Pafuroct^  Je  tous  dis,  de  quel  idldne^  .ée  queiiaxw 

gage?  "     .'■     '      •   "' 

Sgaimrdie.  Ah  !  c'èil  nue  autfe  aSaire^.  .. 

Paturace.  Voulez  vous  me  parler  Italien  ï 

Sganarelli.  Non.  ' 

Pmtcrace.  £fpagnol  ^    ■■   - 

SganarfUe*  Non; 

Pancrace,  Alleroand'fv 
'.  ^anaroBt,  Non^. 

pancrace^  Angloisf  i 

.  Bgtmarelh.  Non. 

Paàeràcc.  ÏMÛul. 
^  SgûnareiU*  Non 

Pnùuracci' Gt^l^.  -   ■■\i 

SganartUe,  Non.  • 

PahcrafiCi,  Hébreu  T 
,  SganareUê^  Non. 

Pancrace^  Syriaque  ^ 

Sganarellc*  Non. 

Pancrace  Turc*f 

Sganarelle,  Non. 

Pancr-ùce.  Arabe  ?" 

Sganarelle*  Non,  non^  François,  François^  Fiaaçpisk. 

Pancrace^  Ahi  Françoia. 

Sganareih*  Fort  bi eu. 

Pancrace^  Pâflezdooc  de  Tautret^ôte  ;-  Gar  cette  ore- 
ille-ci èd  deilinée  pour  les  langues  fcienttfiqueaet  ctran« 
gères  j  et  l'autre  M  pour  la  vulgaire  et  la.  matera  elle.    \ 

Sgana^ 


^0  LE  MARIAGE  TOaCEf. 

ces  fortes  de  gens-ci. 

J'isarrAetf, 'Que^TcnâcK-voii»  ? 

Sgûnarelle*  Vous  confuUer  fur  une  petite  dî&uUé. 

Pancract.  Aki  «h  !  fiirtnedlSeuké4lefIiîJbDfi9phtey 
£ins.daute? 
.Sg99tttmlêm  < HudamesHBot* ■  .Je  ■■  ■!■ 

Pancrace^  Vous  roulez  peut-être  faToîr,  fi.bi  &d»âail«c 
et  Paoeident  fcMit  tenikei'1^aoiignB*f^'Ji^  équivoqpics  à^ 
regard  de  l'être  ? 

^jWHffV/Kr,  iPoint.da  tout.    Je^'n»» 

'Pmetaee.  6t  la  logiqoe«M  «n  «rt»  emoue:  fdencft  ^ 

SimuureRe.  Ce  n^èft  pu  cela»    Je    ■ 

lAMp-^nr.  <Sf  elle  «  %four}obfet  lcs>traî»  opénfetoAs  de 
refpiity  on  la  troiffème  feulement  ? 

SgamardU*  H»a«^    :feii«  n. 

Pancrace^  ^It  j  %idk(  «arégoBcs^  <jao  «41  .i^  -ta  » 
qu'ose  l 

SganardU.  Point*     Je-— 

Puneract.  Si  la  candufion  èft  de  refiaaeda'fîidtagHiDi^ 

SganareUe.  Nenai*     J««— —  ' 

Pûncrû€t.  Sr  refience  du  bien  èfttasBkdana.lifqpéti* 
bîlité»  ou  dan»  fa  convenance  ? 

SganerelU.  Non.     Je 

PûmcrBct^  SI  le  bien  fie  réc^>roqxse:^vae  l»^^^ 

SganareHê.  Hé^  non  1  Je— — «^ 

Pancracr.  Si  la  fin;  nous  peut  êttumvèinpar^fiMk.  être 
réel,  ou  par  fon  être  intentionnel  ?  . 

Sganarelli,  Non,  non,  non,  non,  nati,^  de  par  tous  les 
diables,  non. 

Pancrace.  Expliquer  donc  votre  penfér,  xar  je  ne 
puis  pas  la  deviner. 

h  Sganareile*  Je  vous-  la  veux  expliquer  atbffi  ;  mais  ti' 

•  faut  mVcouter.    (Pendant  que  Sgauardie  dû  :)    U^àixc 

que  j'ai  à  vous  dire,  c'èâ  que  j^i:eovie  rie'^niegnarier 

*aveciiae'fille  qui  è'ft  jeune  «tbdle*     Je  Paime  ;lbrt,  et 

Fai  demandée  à  fon  père  ;  .Mais^rcomme  j^appréhcade — ^^ 

^     Pancrace^  (dit  en  mêtne^  tcmpi^  fitnt  'écouter  SgamfrdUJ^ 

La  parole- a  été  donnée  à  Hhoinme,  pour  arpi^uec  ^ies 

penfét»^  et,  tout'.aini>  que  ks  penfées  (ont  les.p«rti:aî^  des 

chofes,  de  aaftmc  nos  pacoles  i£aat*eUefi:  ki  .portraits  ^dc 

aos- penféc9«- 

Sgjam 


COMEDIE.  32X 

'  (SganariUe  mtpaîimté  ferme  la  bouche  du  DoShur  avec 
Ja  main  à  pîufieurs  re^rtfeSy  et  le  DoQeur  continue  de 
parler  dÇ abord  que  SganateUe  6tefa  main,) 
Mais  ces  portraits  différent  des  «utres  portrt^îts  en  ce 
qtre  les  autres  portraits  font  dfftingués  par  tous  de  leurs 
originaux,  et  que  la  parole  enferme  en  foi  fon  original, 
puifqu'elle  n^èft  autre  cliofe  que  la  penféj  expliquée  par 
un  fîgne  extérieur^  d^où  vient  que  ceux  qui  penfent 
biert  (bnt  aufli  ceux  qui  parlent  le  mieux;  Expliqirez-moi 
donc  votre  penfée  par  la  parole,  qui  èfl  le  plus  intellrgi» 
ble  de  tous  les  figues. 

Sganareile^    (pouffe  le  Do&ew  dans  fa  matfon^  et  tire  la 
porte  pour  Penitêcber  defortirS\  Pefte  de  Phomme* 

-  Paner acCy  {^au 'dedans  de  fa  ma^on.)  (^i,'.la  parole 
éft  animt  inde:c  et  Jpeculam.  C'èft  le  truchement  du 
coeur,  c'èft  l'image  de  l'âme*  (//  motke  à  kfenétrt^  et 
continue  A  C'èd  un  xalroir  qui  nous  repréfeùte  nâîvemept 
les  fécrets  les  plus  arcanes  de  nos  individus  ;  et  puifque 
vous  avez  la  faculté  de  ratiociner,  et  de  parler  tout  en- 
femblé,  ^.  quoi  tîent-il  que  vous  ne  vous  ferviez  de  la  pai* 
rôle  pour  me^faire  entendre  votre  penfée  ? 
^  SganareHe.  C^èft  ce  que  je  veux  &ire  %  nuit  vous  ne 
voulez  pas  m'écouter, 
'     Pancrace,  Je  vous  écoute,  parlez, 

Sganarette,  Je  dis  donc,  Monfieur  le  Doâeur^  que— - 

Pancrace.  Mais,  fur^tout,  foyez  bref* 

SganareUe  Je  le  ferai. 

Pancrace.  Evitez  la  prolixité. 

SganartHe  Hé  \  Monfi-- — 

Pancrace.  Tranchez- moi  votre  difcours  d'un  apoph* 

♦ ,  '^^gtnjc  ^  I3  Laconienne. 
Sganàrelle  Je  vous— — 

.  Pancracetf  Point  d'ambages,  de  circonlocution.  {Sga" 
nareile  de  défit  de  ne  pouvoir  parler^  ramaffe  des  ^rrei 
pour  en  cajfer  la  tête  du  Do&eur.)  Hé',  quoi  ?  Vous  vous 
emportez  au  lieu'  devons  expliquera  AUex-,  vous  êtes 
plus  impertinent  que  celui  qui  m'a  voulu  foatenir  qu'il 
faut  dire  Informe  d^un  chapUu  /  et  je  vou»  prouverai  e«r 
tbute  rencontrei  par  raifons  démdnftratives  et  convain- 
cantes, et  par  arguments  in  Barbara  ;  que  vous  n'êtes  et 
ne  ferez  jamais  qu'une  pécore,  et  que  je  Aiis»  et  ferai 
loxQovLxt,  in  tttroquejure^  le  Dodeur  Panerace 

Sga^ 


522  LE  MARIAGE  VOBJCW, 

i  t 

^anMreUt.  Quel  jdUble  de  b8bUlj9x4  !  - 

Pancrace^  (m  revirani  Jur  k  tbâtlr^.^  KonKoe  de 
lettre,  homme  d^éruditioa. 

SganarelU»  Encore  ? 

Pancrace,  Homme  de  fudlGMice,  bomme  de  capacité-, 
'(iS'itfii  allant  :)  Homme  coafommé  dans  toutes  Ic^  Scien- 
ces, luttKelléf,  morales»  ci  politk^xus*.  (;R^V0nfiii  :)  Hqx|^- 
zne  favant^  favantiflime,  fier  fmnes  .mc^oi  ^.caufiu*  S'*.en 
allant  :  Homme  qui  .po9edc«  Juftrlûtivi^.  bA^lt^  mjthQ- 
lo^es,  et  hifloires,  (revenant)  grammaire»  4)péûe^  rbéu>- 
rique,  dialeélique,  et  fophiftique,  (.iV^  ^»*^)  xn^Ltkéma- 
tîque,  aritbmeûque,  optîqixe,  onirocrilique,  pbyfîqiie  et 
mathématique,  (revenant)  'coimommétfie,  géométrie,  ar« 
chlLt£^ure,  fpéculojre,  et  (péculaloire^,  (/V/ijaZi!e7a/)  oné- 
decîne,  agronomie,  aArologie,  ph/iiQOoinle,  melOf  ofco- 
pie^  chii»i^ftiicie>  iiéomancie,  &c. 

SCmNE    VIT.    .  ' 

Sganarelle,  (feuh) 

Au  diable  les  favant^,  qui  ne  teukat  petiot  écouter  Icts 
^  nsJ  On  ,me  Ta^oit  ,bien  ^ît,  que  Ton  niaUre  AriHote 
n*étaît  rien  qu'un  bavard.  Il  faiit  que  j^ailk^roaver  Tai^- 
tre,  peut-être  qu^il  Xeia  x)i^s,na£é,  i^t.pli^s  raironpatbîe» 

^tlolà.  \  -         . 

SCENE  vtir. 

MaRPHDKIUS,  ^OikNAR£Ll.e.      . 

Marphwxm,  Qoe  voolc^z-vous  de  moi,- Seigneur  Sga-r. 
narellc  ?  .     '         .      ^^ 

Sganarelh,  Seigneur  Douleur,  j'auroîs  befoin  de  vo- 
.tce  confieil.iur  une  p^ tlle  affaire  dont  il  s^^git,  et  je  fuîs 
venu  ici, pour  cela.  (-^/><ir/)  Ah!  Voilà  qui  va  bien.  J^J 
jécoute  le  monde»  celui*ci. 

,  Marpuriui.  Seigneur  S^ganarelie,  changez,  s^!l  vous 
plaît,  cette  façon  fit  parler.  Notre  .pbilofc^hie  ordpnn^ 
^  ne  point  énoncer  de  prapioiitian  dédfive,  çte  narler  de 
tout  avec  .incertitude,  de  fufprendre  toiJQ\irs  fon  J.uge- 
•ment  >  et  par  cette  raifQn,^ous«ne.devçz  pAS  ixrtfjejuis 
venu^mzh.il  me/embU  queje/uu  venu» 

Sganarelle^  Il  jqe  JCemUe  ? 

Mot* 


:S"s 


C    O    M    E    D    I    E.  523 

• .  •       -  "    • 

Marphnriur.  Ôo!. 

8j[âmweik.  Pnblem,  3  hwt  bien  qu^  tôt  femUe,  pu« 
ifque  cela  èll. 

Marpburius.  Ce  n'èft  pas  vae  conleqtreocre  ^  et  il  peut 
vous  le  femUer,  ikifs  que  la  dïbfe  fott  reritable. 

SganareUe.  Comment?  Il  tr^èft  pas  vrai  que  je  fuis 
T^nu  ? 

MarpUmrÎHs*  Cela  èfi  mcerttua;  et  nou^devoùât  douter 

àt  tout. 

Sganatelie.  Quoi!  Je  ne  fuis  pars  ici^. et  vous  ne  me 
parlez  pas  ? 

'  MarfhéiTÎttf.  H  me  paroît  que  vous  ête^  là,  et  il  me 
femble  que  je  vous  parle;  mais  il  u^il.  pas  affiuré  que 
cela  foît. 

SgafiarMf.  HTé,  que  iÏMc  f  Vous  vous  moquez.  Me 
voilà,  et  vous  voilà  bien  nettement,  et  il  n^y  a  point.de 
il  itie  femble-  à  tout  celSb  Laiffbns  des  fubtilités;  je  yous 
pite^  et  parlons  démon  affidre.  Je  viens  vous  dire  que 
j'ai  envie  de  me  marier* 

Marphariiis*  Se  n'en  (aïs  rien. 

Sganûreîle,  Je  vous  le  dis. 

j&ar^i&z/ri^x.  H  fe  peut  faire. 

Sganar fille,  La  fille  que  je  veux  prendre)  èft  fbrtf  jeune 
et  forte  belle. 

Marphunus,  Il  n^èft  pas  impoflible. 

Sganarelle,  Ferai  je  bien  ou  mal  de  T^poufèr  l  ' 

'M.afpburius.  L'un  ou*  l'autre. 

Sgënarelle^  (à  part,)  Ab  !  ah  !  Vofci  une  autre  mu« 
£què.  (^  Matplmrius.)  Je  vous  demande,  £  je  ferai  bien 
xi^époufer  la  fille  dont  je  vous  parle. 

Marpburtu*.     Selon  la  rencontre» 

SgMnarelh,  Fairc-je  mal  ? 

Starphutws,  Par  avanture. 

Sganarelle,  Ds  gra^ce,  répondez-mot  comme  il  faut* 

Marpburms,  C'èil  mon  déflcin, 

Sganarelle,  J'ai  une  grande  inclination  pour  la  fille. 

Marphurtus,  Cela/peut  être» 

Sganarellt.  Le  pèrç  n^  Ta  accordée* 

Marpburijft,  Il  fe  pourroît.^ 

Sganarelle,  Mais  en  répoufant,  je  crains  d'être  cocu. 

Marphurms.  La  cbofe  èft  fefàble* 

S^gattcrclk.  Qu'en  pcnfcz  vous  ?  • 


324  LE^  MARRI  AGE  FORCE . 

MarphtÊrmtm  II  n'y  a  point  dMmpoflîbiBté* 

SganânUe,,  Mais  que  {erî€z>\rouS|  fi  vous  étiez  à  ma 
place? 

Marfburf4t»  Je  ne  fais.      . 

Sgnanûrette*  C^e  me  confeillez-vous  de  faire  ? 

Marphurius,   Ce  qu^il  vous  plaira. 

Sganarelie.  J^enrage* 

Marpburlui,  Je  mVn  lave  les  mains. 

SgëfiarelU.  Au  diable  foit  le  rêveur  ! 

marfburius»  11  en  fera  ce  qui  pourra. 

SganarelU, ,(^à paru)  La  pcfle  du  bourreau  !  Je  te  fe- 
rai changer  de  note,  chien  de  Philofophc  enragé.  (Il 
donne  des  coupt  de  bâion  à  Marpburius.) 

Marphurîus.  Ah,  Ah,  Ah  ! 

Sganorelie.  Te  vpilà  payé  de  ton  galimathias,  et  me 
voilà  coQteot. 

Marpburius.  Comment  !  Quelle  infolence  !  M^out- 
rager  de  la  forte  !  Avoir  eu  Paudace  de  battre  un  Phîlo- 
fuphe  comme  moi  ? 

Sganarelie,  Corrigez,  s*il  vous  plaît,  cette  manière  de    ' 
parler.     Il  faut  douter  de  toutes  chofes  'y  et  vous  ne  de- 
vez pas  dire  <\}xtje  %ous  ai  battu^ja^ls  qu^il  vous  femùle 
gueje  vous  ai  battu, 

Marpburius,  Ah  !  Je  m^en  vais  faire  ma  plainte  au 
CommiiTaire  du  quartier  des  coups  que  j^ai  reçus. 

Sganartlle,  Je  m^en  lave  les  mains. 

Marpburius,  J'en  ai  les  marques  fur  ma  perfonnc» 

Sganareile.  Il  fe  peut  faire. 

Marpburius.  C'èft  toi  qui  m^as  traité  ainii. 

Sganareile,   Il  n'y  a  point  d'iropofTibîHté.    -■ 

Marpburius.  J'aurai  un  décret  contre  toi. 

Sganareile,  Je  n'en  fais  rien. 

Marpburius,  £t  tu  feras  condamné  en  juftice. 

Sganareile,  11  en  fera  ce  qui  pourra* 

Marpburius.  Lalfie  moi  faire. 

SCENE     IX. 

Sganauelle,  feuU 

Comment  î  On  ne  fauroit  tirer  une  parole  de  ce  chîèn 

•   d'homme  là,  et  l'on  èft  auflî  favant  â  la  fin  qu'au   com. 

fuencement*     Que  doîs-je  faire  dans  l'incertitude  des 

fuites 


C    O    M    E    D    I    E;  325 

fuites  de  mon  mariage  ?  Jatnats  hoinni«  ne  fut  plus  em* 
baraffî  que  je  fuis*  Ab  i  Voici  des  Bohémiennes  :  Il 
faat  que  je  xne&ffe  dire  par  elles  ma  bonne  a^anture. 

SCENE    X-. 

Deux  Bohémiennes,  Sganarelle. 

Les  Jeux  Bobèmùfmet^  ûv£t  Ifurs  tambour t  de  bûfftte^  entrent 

en  chantant  et  en  danfant* 

Sganareiie.  Elles  font  -jg^aillardes.  Ecoutez,  vous 
autres,  7  a«t-îl  moyen  de  me  dire  ma  bonne  fortune  ? 

1  Bohémienne,  Oui,  mon  beau  Monfîeur,  nous  voici 
deux  qui  te  la  dirons. 

2  Bohem/ennâ,  Tanças  feulement  qu^^  nous  donner  ta 
inain,  avec  la  croix  dedans  )  et  nous  te  dirons  quelque 
cbofe  pour  ton  bon  profit. 

'  Sganare/U,  Tenez.,  Les  voilà' toutes  deux  avec  ce  que 
TOUS  demandez. 

I  BohemrettBf,  Tu  as  4ine  bonne  pbyfionomie  *,  mon 
bon  Monfieur,  une  bonne  pbyfionomie; 

^  Bohémienne,  Oui,  une  bonne  pb'yfîonomie,  pbyfio- 
jiomîe  d'un  bomme  qui  fera  un  jour  quelque  cbofe. 

1  Bohermenne.  Tu  fer<i$  marié,  avant  qu^il  foît  peu^ 
mon  bon  Monfieur,  tu  feras  marié,  avant  qu*îl  foit  peu« 

2  Bohémienne,  Tu  épou feras  une  femme  gentille,  une 
fcTrime  gcntiHe.  "*    .  _ 

1  Bohémienne,  Oui,  une  femme  qui  ferachcrle  et  aimce 
<de  tout  le  monde. 

2  Bohémienne,  Une  femme  qui  te  fera  beaucoup  d'a- 
mis, mon  bon  Monfîeùr,  qui  te  fera  beaucoup  d*amis.     ^ 

1  Bohemiennei  Une  femme  qui  fera  venir  l'abondance 
cbez  toi.  ■' 

2  Bohémienne,  Une  femme  qui  te  donnera  une  granic 
réputation.  '  ^   - . 

1  Bohémienne,  Tu  fçras  confîdei^Vp'àr  elle  mon  boa 
Monfieur,  tu  feras  confidéré  par  elle. 

Sganareile,  Vo\W  qui  èft  bien.  Mais  dites  moi  un  peu  j 
fois  je  menacé  d'être  cocu  ? 

2  Bohémienne,  Cocu  ? 
Sz^narelle,  Oui. 

I  Boh:mienne,  Cjcn  f 

E  e  Sga. 


326  LB  MARRIAGX  FOKCSf. 

SgafiéVêlb.  Oui)  fi  je  fuit  menacé  «Tâlffecoeu»  (Lé§ 
Jkux  Bohtwdnims  cbéuUHH  H  4a*ffini.J  ,Q^  ëwbk  !  Ce 
n^èâ  pM  là  me  ré|>oo4re.  Vcnec-fAt  )fi  Viou»  demaïKk 
à  toutes  deux  .fi  je  ferai  cocu. 

2  Boèéfttùttne.  Coca  ^  Vour  ? 

Sganarelîe,  Oui,  fi  je  ferai  cocu  ^ 

I  Bohémienne.  Vous  cocu  ? 

SgaHoreile.  Oui,  fi  je  le  ferai,  ou  noo.  ^Zr/  deux  Bê* 
iemennes/àrieni  ea  toantûtU  et  em  danpÊté.y 

SCENE    XI. 

SGANARJEU.X,  ftfJ* 

Pefle  foit  des  c^rognes,  qui  me  laiiêot-  dans  Fiu^uîé* 
tude  !  il  faut  abSoliimeât  tjue  je  fa«he  la  deftioee  de  mon 
mariage  ;  et,  pour  cela,  je  reux  aller  trouver  ce  grand 
Magicien  dont  tout  le  monde  parle  ta»f  >  et  qui  par  foo 
art  admirable  iv^  voir  tout  ce  eue  Ton  IbuKaite.  Ma 
foi,  je  crois  que  je  n^ai  que  faire  d^alier  au  Magicien-i  et 
voici  qui  me  inontf  e  toot  ce  que  je  puis  deaaa&der. 

SCENE  xir. 

DoiUM£N&y     LtCASTX. 

(Sganartlîe^  retiré  dans  un  coin  du  théâtre  fans  élre  vu-) 

Lycajîe.  Quoi  I  belle  Dorimèoe,  c^èll  faas  raillerie 
que  vous  parlez  \ 

Dorimme.  Sans  raillerie. 

Lycqfte,  Vous  vous  mariez  tout  de  bon  l 

Dorinune^  Tout  de  bon, 

Lycqfle.  Et  voB  noces  fe  feront  dès  ce  foir  > 

Dorimene.  Dès  ce  foir. 

Lycqfte.  Et  vous  pouvez,  cruelle  que  vous  êtes,  oublier 
de  la  forte  Tamour  que  j*aî  pour  vous,  et  les  obligeantes 
paroles  que  vtfus  pi'avlriz  données  l 

Dorimene,  Moi  ?  Point  du  tout.  Je  vous  confidère 
toujours  de  même  ;  et  ce  mariage  ne  doit  point  vous  in- 
quiéter. C^èil  un  homme  que  je  n^époufe  point  par  a- 
mour,  et  fa  feule  richefie  me  fait  léioudre  à  Paccepter. 
Je  n'ai  point  de  bien,  vous  n'en  avez  point  auffi,  et  vous 
favez  que  fans  cela  on  pafFe  mal  le  tems  au  œo;ide  ^  et, 

qu'à 


COMEDIE.  327 

qn^qoclif^w  |mv  q«e  ecifok,  it  fuit  *tAcbeT  dVn  avoir. 
J'ai  embraffé  cette  occ8fîofi>ci  de  me  mettre^  mon  aife  } 
et  je  IHiî  fait  iur  réfpenmce  de  me  voir  bien-tôt  délivrée 
eu  ^rbon  q«e  jt  prends.  C'èil  xiù  homme  rjaî  moarraC 
avant  quSl  îbit  peu  et  qui  n^a,  tout  au  pluï,  que  fin  mois 
dans  le  ventre'.  Je  vous  le  grarantis  défunt  dans  )e  tems 
que  je  dis  ;  et  je  n*auraî  pas  long  tcms  à  drmandcr  pour 
moi  au  Ciel  rhenfeitfc  état  de  v^xxyt,  ÇA  Sgnnarâïie  qu^lk 
tippercott.^  A&  !  Nous  parlions  de  vous»  et  nous  en  difîr 
«mtMU  le  bien  qu^on  en  ftoroit  dire. 

Lycqfie.  Eftcc  là  Monlîeur— — 

Dorinunt*  Oui,  c^jbft  Moaûcur  qui  me  -prend  pour 
femme. 

Lycqfte,  Agréez,  Moniteur,  que  je  vous  félicite  de 
%Gtre  m«ri4g«,  .et  vonsr  préfente  en  même  tems  mes  très* 
kumbles  fervices.  Je  vou«  aifirre  que  vous  époofez  Xk  une 
Hès  boaiiête^r^nne  \  et  tous,  MademorfeÛe,  je  me  ré- 
jouis, avec  vou»  aufli,  de  Pbeureux  choix  que  vous  avez 
fait.  Vous  oe  poqviez  pas.mtetix  trouver,  et  Monfîeur  a 
toute  la  mine  d*être  un  fovt  bon  mari.  Oui»  Monfienr, 
j«  veux  faire  amitié  avec  vous,  et  lier  enfcmble  un  petit 
commerce  de  vifites  êt^de  divertiffements. 

Dorimefu.  C*è(t  trop  d^honneur  que  vous  nous  faites 
2^  tous  deux.  Mais  allons,  le  tems  me  prefle,  et  nous  au- 
rons tout  le  loifîr'^de  nous  entretenir  cnfemble. 

SCENE    XIIL 

r  Scan  AR  ELLE,  feuU 

Me  voilà  tout  à  fait  dégoûté  de  mon  mariage  \  et  je 
crois  que  je  r^e  ferai  pas  mal  de  m'aller  dégager  de  ma  pa- 
role, il  mVn  a  coûté  quelque  argent  ;  mais  il  vaut  mieux 
encore  perdre  cela,  que  de  m^expofer  à  quelque  cbofe  de 
pis  Tâchons  adroitement  de  nous  débaraiTer  de  cette  af- 
&îre.  Holài  (Il frappe  à  la  porie  de  la  mai/on  d'A/cantor,) 

SCENE    XIV. 

Alcantor,  Sganar.elle. 

Alcantor,  Ah  !  mon  gendre,  foyez  le  bien  vçou* 
SganareÛe,  Monlîeur,  votre  ferviteur. 
Âtcantor.  Vous  «bnez  pour  conclure  le  mariage  \ 
Sganarelk*  Eseufiez-moî. 

£  e  z  Jt' 


328  ,  LE  MARIAGE  FORCE'. 

Alcanior.  Je  tous  pramets  quie  j^en  ai  autant  dUmpa- 

tience  que  vous. 

Sganarelle,  Je  viens  ici  pour  un  autf e  fpjèt*       * 

Alcantor,  J'ai  donué  ordre  à  toutes  les  chofes  aécer. 
iàires  pour  celte  fête. 

Sganarelle,  Il  n'èft  pas  queftioo  de  cela. 

Alcautor,  Les  violons. font  retenus,  le  iieftin  èû  corn* 
xcaadé  et  ma  fille  èft  paréct  pour  vous  recevoir. 

Sanarelle,  Ce  nid  pas  ce  qui  m'amène. 

Alcantor.  Eofin,  vous  allez  êtrç  fatisfait  \  et  rien  ne 
peut  retarder  votre  contentement. 

Sganarellti.  Mon  Dieu?  C^èil  autre  choie. 

jîlcantar.  Allons.     Entrez  donc,  mon  gendre 

SganartUe*     J'ai  un  petit  mot  X  vous  dke.  . 

Alcantor^  Ah^  mon  Dieu  !  Ne  fefonS' point  dé  oéré-* 
monie.     £ntre;i  vite,  s**!!  vous  plait. 

Sganarellt,  Non,  vous  dis  je.  Je  veux  vous  paxier  au«> 
parivant. 

Akanlor.  Vous  voulez  me  dire  quelque  chofe  l 

S^anarelîe^  Oui. 

A/cantor,  Et  quoi  ? 

b'gnnarel/e.  Seigneur  Alcantor.  *j -ai  demandé  votse 
fille  en  mariage,  il  è(l  vrai,  et  vous  me  Ta vez. accordée  \ 
mais  je  me  trouve  Uji  peu  nvancé  en  âge  pour,  elle,  et  je: 
conHdère  que  je  ne  fuis  point  du  tout  fon  fait, 

AUantor,  Pardonnez-moi.  Ma  fille  vous  trouve  bien 
comme  vous  êtes,. et  je  fuis  fur  qu*eHe  vivra  fort  con- 
tente avec  vous, 

Sganarelle.  Point.  J'ai  par  fois  des  bizarreries  épou- 
vantables, et  elle  auroit  trop  à.  foufFrir  de  ma  mauvaife 
iiumeur. 

Alcantor.  Ma  fille  a  delà  comp1aîfance,.et  vous  vér- 
jcz  qu'elle  s'accommodera  entièrement  àvouSé 

Sganarelle,  J'ai  quelques  infirmités  fur  mon  corps,  qui. 
pburroient  la  dégoûter. 

Alcantor,  Cela  n'èllrien.  Ui^honnite  femme  ne  fc 
dégoûte  jamais  de  Ton  mari 

Sganarelle.  Enfin,  voulez- vous  que  je  vous  dife  ?  Je 
ne  vous  confeille  point  dé  me  la  donner. 

Aicantor,  Vous  moqucz/vous  ?  J'aimeroîs  mieux  mou* 
^ir,  que  d'avoir  manqué^  ma  parole.   ^ 

Sganarelle*  Mon  Dieu!  je  vous  eQ-drTpenfe,  et  je-— - 

Ai* 


COMEDIE.  329 

jtkaHi^r.  Point  do  tout*  Je  vou»  l'ai  promife  ;  et 
YODS  Paurez,  en  dépit  de  tous  ceux  qvà  j  préteDdent. 

Sgimûreilêj  (^àpart,)  Que  diable i 

Ahi^mor.  Voyez*Tous?  J*ai  une  eftime,  et  une  «mitîé 
pour  vous  toaie  particulière  \  et  je  refuferoîs  ma  filW  à 
un  Prince,  pour  voui  la  donner. 

SgtmttrtiU,  Seigneur  Alcantor,  je  vous  fuis  obligé  dé 
riloooeiir  que  tous  me  faîceSj  mais  je  vous  déclare  que 
je  ne  veus  point  me  marien 

Akûntori  Qni  ?  Vons  i 

Sganarflk,  Oui,  moi. 

Alcantor.  £t  la  raiibn  ? 

SganërelU,  La  raiP)o  ?    C*^  que  je  ne  me  fens  p^int 
propre  pour  le  mariag«»  et  que  je  veux  imiter  mon  père^ 
et  tous  ceux  de  ma  race,  qni  ae  fe  font  jamais  voulu* 
marier. 

yîîcantor.  Ecoute»;  Les  volontos^fent  libres  \  et  je 
fuis  liomme  à  ne  contraindre  jamais  perfonoe.  Vous  vous 
êtes  engsgé  avec  moi,  pour  épouler  ma  fillet  ^t  tout  è(l 
préparé  pour  cela-:  Mais,  putique  vous  voulez  retirer  vo« 
Ire  paroj^^  Je  vaia  voir  ce  qo-il  y  a  àr faire  ><  et  vous  au* 
xez^bien^tôt  de  mes  nouvelle». 

S  C  E  N  E    XV; 

Sganarslls,  fetii. 

Encore  èft-îr plus  raifonnable  que  je  lïr  pen(bîs;  et  je 
croyois  avoir  bien  plus  de  peine  à  m'en  dégagçr.  Ma  fot, 
quand  j^y  fonge,  j'ai  fait  fort  fagenicrit  de  me  tirer  de. 
cette  aîFaîre;  et  j'allois-  faire  un  pas,  dont  je  me  feroia 
pent-être  long,  tems  repentie  Maisvotcile  fils  qui  me  vient 
rendre  réponfe. 

se  E  N  E    XVI. 

Alcioas,  Sganarsllb. 

Alcidaiy  (parlant  d^un  ion  doucereux.)  Monfîcur,  je 
fuis  votre  fervîttur  très  humble. 

Sg^nanil^,  Monlieur,  je  fuis  le  vôtre  de  tout  rooa 
coeur, 

Aîddas,  (iotfioua  0vec  le  même  i^n,)    Mon  père  m'a 

£.  e  3  dit 


J 


l 


536  LE  MAKIA'GE  FORCI?: 

dît,  Monficur,  qu«i  vôu»  voul'  étiez  venu  votM'dcgager 
de  la  parole  que  vous  aviez  donnée. 

Sganarelle.  Oui,  Monfieur.    Oèft  aVfecrégrè:t  ;  "mars— 

y^lcidas.  Oh  !  Mqniîeur,  îl  rf'y  pa$  de  mal  à» cela., 

Sganareile,  J'en  •fuis  fâché,  je  toujfuffure  \  -  et  }c  fou* 
balte roîs  '        ^    ■/   . 

jikidas.  Cela  n'èft  rien,  vous  dis  je.  (  Alât£ai  préfif^e 
à  ^gftnûrelU  deux  épées,)  MonHeuf,  prenez"  là  peiné  de 
choifîr  de  ces  deux  épées,  laquelle  vous  Votdczv 

SgonareUe.  De  ces  deux  épées  \ 

Jficiefat.  Ouï,  s^il  vous  plaît. 

Sganarei/e,  A  quoi  bon  ? 

ytlàdàs,  Monlieur,  comme  vous  refufez  d'époufcr  m* 
foeur  après  la  parole  domiée,  je  crois  que  vous  ne  trou- 
verez pas  mauvais  le  petit  cofiiplîment  que  je  viens  vous 
faire. 

Sgarmrelle,  Contmcnt  ?      ' 

Alcidas,  D'autres  gens  feroient  plus  de  bruît,  et  s'em* 
porteroîent  contre  vous  ;  mais  nous  fommes  perfonnes  à 
traiter  les  chofes  dans  la  douceur,  et  je  viens  vous  dire 
civilement  qu'il  faut,  fi  vous  le  trouvez  bon,  que  nous 
nous  coupions  la  jijorge  enfemblc. 

SganartUe,  Voilà,  un  compliment  fort  mal  tourné. 

Àicïdas,  Alldns-,  Monâeur,  chof(i0<frz,  je  vous  prie. 

Sganareîîe.  Je  fuis  votre  valet,  je  n'ai  point  de  gorgé  à 
couper.— ('tf  port.y  La  vilaine  façon  de  parler  que  voilà  l 

Àlcidas,  Monfieur,  il  faut  que  cela  foît,  s^il  vous 
plaît. 

Sganarelle,  Hé,  MonGeur,  rengainez  ce  compliment, 
je  vous  prie. 

Alàdas^  Dépêchons  vke,  Monfieur.  pài  une  petite 
affaire  qul/m'attepd.   4 

Sgarsarelîe,  Je  ne  veux  point  dexelâ,  vous  dîs-je. 

j^lcidas.  Vous  ne  voulez  pasïftous  battre  ?. 

S^ûncre/ie,   Nenni,  ma  ^o\,Jfm 

Alcidas,   Tout  de  bon  ?  ^\ 

Sganarelie,  Tout  de  bon. 

Alctdas^  (atrès  lut  avoir  dchpe  des  roufs  de  hdton  ) 
Au  moins,  Monfieur,  vous  n'avez  pas  lieu  de  vous 
plaindre  ;  vous  voyez  que  je  fais  les  chofes  dans  l^ordre. 
Vous  nous  manquez  de  parùle,  je  me  veux  battre  contre 
vous,  vous  refufez  de  vous  battre,  je  vous  donne  des 

coups 


COMEDIE.  jjf 

eopps  be  bâtoii^  tout  cela  èft  dant  les  formes  \  et  vou9 
êtes  trop  honDete  homme,  pour  ne  pas  approuver  mon 
procédé. 

SganarelU^  (à  part.)  Q^el  diable  d'homme  èft  ceci  ? 
Aicidas^  (lui  firéfente  encore  les  deux  êpéee,)     Allonf, 
Moniieur,  faites  les-  chofes  galantmeut,  et  fans  vous  faire 
tir^r  l'oreille. 

Sganarelle.  Encore  ? 

Jllcidas*  Monfieur,  je  ne  contrains  peribnne*,  mais  x{' 
faut  que  vous  vous  battiez,  ou  que  vous  époufiez  ma  fœur. 
Sganarelle,  Monfieur^  je   ne   puis   fake   ni  Pub,   ni 
l'autre,  je  vou»  aflure* 

j^lcidas.  Afitiréipent? 
*    SgtmarelU,  Affu rément. 

Alctdas,  Avec  vptre  permiflioa  donc.      ■     (jtlcldaf 
hit  donne  encore  des  an^s  de  bâion,^ 
Sganartlle.  Air  t  Ah!   Ah  P 

Atcidas.  Monfieur,  j'ai  tous  les  regrets  du  monde 
d'être  obligé  d'en  ufer  aînii  avec  vous  \  mats  je  ne  cefie* 
rai  point,  s'il  vous  plaît,  que  vous  n^yez  promis  de  vous 
i>attre.ou  d'époufer  ma  fœur.  ÇS  ieve  le  bâton'. y 
Sganarelle,  Hé  bien,  j^épouferai,  j'épouferai. 
Âlcidas.  Ah  !  Monfieur,  je  fuis  ravi  que  vous  vous 
mettiez  à  la  raifon,  et  que  les  chofes  fe  paflcnt  douce- 
ment. Car  enfin,  vons  êtes  rhomme  du  monde  que 
j.'eftime  le  plus,  je  vous  jure  ;  et  j*auroîs  été  au  AéM-> 
poir,  que  vous  m'eufliez  contraint  h,  vous  maltraiter. 
Je  vais  appeller  mon  père,  pour  lui  dire  que  tout  èlt 
4*acord.     (Il  'ya  frapper  à  la  porte  d'^Alcant^r,) 

SCENE    DERNIERE. 

ÂLCANTOR,   DOMMENE,    AlCIDAS,    ScANÂKELLE. 

Aictdas.  Mon  père  ;  voîîà  Moniîcur  qui  èft  tout  a-faît 
raîfonnable.  Il  a  voulu  faire  les  chofes  de  bonne  grâce, 
et  vous  pouvez  lui  donner  ma  fœur. 

jilcantor.  Monfieur,  voilà  fa  main,  vous  n^avez  qu'à 
donner  la  vôtre.  Loué  foit  le  Ciel  !  M'en>  voilà  dé- 
chargé, et  c'èil.vous  déformais  que  regarde  le  foin  de  fa 
conduite.  Allons  nous  réjouir,  et  célébrer  cet  heureux 
mariage. 

MAC- 


(    33»    > 

M   A  C  B  E   T   H  î 

CoNT£  Moral,  tiré  de  Suaskspbai^e*  . 

SoMMAllE. 

MACBETH,  GoftvMiettr <}«  Gbnî^en  £cQflf,s^é^ 
toit  diftingué  dans  un  cottbat  contre  les  Norvégieii' 
ailîftés  par  le  Gouverneur  de  Cador,  qui*  s^étoit  révolte 
contre  Duacan,  fea  légitime  Souveram.  Daps  le  ipo- 
ment  quUl  rcveooît  du  champ  4c  batailW,  acpomjpagfié  de 
Baoquo,  pour  readre  comité  au  Roi  de  foo  Aiccèi»  il 
rencontra  dans  des  près  trois  forcières,  qui  lui  prédirent, 
qu^l  feroit  Gouverneur  de  Cador,  et  enfiike  Roi  d'£« 
cofle.  Elles  prédirent  à  Banquo,  qu^îl  j  auroit  des  Rois 
de  fa- race,  quoique  lui-même  ne  le  fat  pas. 

La  première  prédiâîon  ff^accoroplit.  Dancan  nommik 
Macbeth,  Gouverneur  de  Cador.  Voyant  que  leç  Tôt' 
cières  avoîent  fi  bi^n  prédit,  et  de  peur  qpe  la  féconde' 
prédiction  ne  s'accomplit  pa^,  à  rio^igatioa  de  foo  é^ 
poufe,  femaae  cruelle,  fanguinaire,  et  ambitieufe^  il  aflaf« 
£na  Buncao  pendant  (bo  fommcil.  Un  crime  eu  attire 
un  autre.  Il  y  avott  dans*  la  chambre,  où  le  Roi  ct>u« 
choit,  deux  chambellans.  Le  meurtrier  Macbeth, frotta - 
leurs  mains,  et  leurs  vîfaget  de  fang  »  et  pour  couvrir  fou 
meurtre,  il  les  affaffina,  et  dit  qu^il  Tavôît  lait , parce 
qu^ils  avoient  aifaflTiné  leur  makre  et  leur  Roi. 

Malcolm  et  Donalbain;  fils  de  Duncao,  après  la  mort 
de  leur  père,  craignant  le  mâme  fort,  fe  réfugièreot,  le 
premier  en  Angleterre,  et  Pautre  en  Irlande.  Le  fidèle 
Macdufi^,  Gouverneur  de  Fife,  et  attaché  à  la  famille 
royale,  ne  tarda  pas  à  fuivre  le  premier  :  Ils  furent  bien 
accueillis  par  le  Roi  Edouard. 

Après  leur  départ,  Macbeth  fut  élu  Roi.  Pour  em- 
pêcher, que  la  prédiâion,  que  les  foi  cières  avoient  faite 
k  Banquo  et  à  fa  poilérité,  ne  s^accomplît,  il  Tinvita  avec 
fon  fils  Fléance  ^  louper,  et  eng^agca  des  meurtriers  à  les 
affainner  Pun  et  Tautre  à  Centrée  de  la  nuit,  quand  ils- 
viendroient  au  palais.  Ses  ordres  fan^uinaircs  furent 
exécutés  fur  le  père  y  mais  le  fils  eut  le  bonheur  d'écha- 
per  des  rotins  des  meartjuTS. 

Après  tant  de  crimes  et  de  meurtres,  lies  remords  eom-. 
mencèreot  à  bouneler  Tâme  du  meurtrier  Macbeth  ^  ils 

î'ac. 


\ 
\ 


MACBETH.  333 

l'accompagnoîent  paf  tout.  Ne  fâchant  que  faire,  pour 
fe  rcneltte  Téfprit  en  repos,  il  alla  confulter  les  forciè- 
res  :  Elles  firent  paroitre  devant  fes  yeux  trois  différentes 
8p[Mintk>09. 

L^une  lui  dît  de  prendre  garde  à  Macduff  ;  la  (econde, 
d'être  fanguinaîre,  hardi,  et  dérerroiné  *,  et  la  troifiénoe, 
d'avoir  un  coeur  de  Hon,  elle  ajouta  qu'il  ne  feroît  jamais 
vaincu,  que  quand  la  grande  forêt  de  Bîrnam  viendroit 
joindre  la  haute  montagne  de  Dunfinane«  Après  avoir 
dit  ces  mots,  les  foncières  et  les  apparitions  difparurent. 
Le  Roi  fangoinàire  jura  vengeance  contre  MacdufE^  et 
crut  qu'il  ne  feroit  jamais  vaincu,  parce  qu'il  étoit  im-r 
poffible  qu'une  forêt  fe  joignît  à  une  montagne  à  quel- 
que diDance. 

Dans  le  temps  qu'il  fe  préparoît  à  mettre  ^  mort  le 
Gouverneur  de  Fife,  on  vînt  lui  dire,  qu'il  a  voit  pris  la^ 
fuite,  et  quSl  s'étoit  réfugié  en  Angleterre.  Ne  pouvant 
verfer  le  fang  du  père,  Macbeth  prit  la  réfolution  diabo- 
lique de  détruire  le  château  de  Fife,  de  faire  mourir  par 
le  glaive  là  femme  de  MacdufF,  eci  enfants,  et  tous  fes 
inrortunés  parents.  11  députa  potir  cet  effet  des  meur* 
triers,  qui  poignardèrent  le  jeune  Macduff  et  fa  mère. 

Sur  ces  entrefaites,  Malcolm  et  Macduff  fe  prépa« 
rèrent  à  venir  aflièger,  avec  une  armée  Angloife,  l'ufur- 
pateuretle  meurtrier,  et  à  tirer  une  vengeance  écla- 
tante de  tous  fes  crimes.  Ils  parlent  bientôt  devant 
le  château  de  Dunfinane  avec  des  rameaux  coupés  dans» 
la. forêt  de- fiirnam,  qurétoît  fur  leur  paflWefe  ;  ce  qui 
vérifia  la  prédiélion.  Macduff  attaqua  avec  fon  épée  le 
Meurtrier  Macbeth  j  il  lui  perça  le  coeur,  et  lui  ayant 
coUpé  la  tête,  il  la  montra  à  toute  l'armée  viélorieufe,  et 
proclama  Malcolm,  Roi  d'Ecoffe  à  la  place  de  PuTùrpa- 
tcur. 


<».-- 


Lb  Roi  Ducnan  s'entretenoit  de  la  guerre  avec  Mal* 
colm  et  Donalbain,  fe^deux  fils,  lorfqu'un  OfBcier  vint 
lui  dire,  que  le  rebelle  Màcdonel  avoit  été  défait  et  tué 
par  le  brave  Macbeth,  et  que  S  wenâ  Roi  de  Norvège,  avec 
dts  armes  reluifantes,  et  renforcé  d'un  nouveau  fécour» 
d'hommes,  avoit  commencé  une  nouvelle  attaque.  A 
.peine  avoit-il  fini  de  parltr,.quc  le  Gouverneur  de  Rofie 
^«t  iàitc  foà  rapport  au  Roi,  qu^  ks  Norvégiens,  aP» 

fiftcf 


S54  MACBETH. 

Mé9  par  le  Gouviemeur  de  Cador«  «▼cnent  ^élé  deliits,  et 
^tie  l'en  avait  xempoisté  une  viâetre  complètte.  Le  Roi, 
ponr  fécompcnfer  fon  .btave  géaénJy  k  aoroa^  fur  k 
champ  Go^rerneur  de  Cador,  et  ordonna  qac  £cm  pé- 
d^ocfleor  fût  mk  i  mort. 

Macbeth,  qui  étoh  en  efaeanUi  avec  fi^sqi»  ffiur  lake 
fi>n  rapport  en  propre  perfonne,  rencontra  tcDis  loixicm« 
La  première  le  ialna  par  Smi  ncm^  et  PappeU*  ^zonver* 
neur  de  Glamis,  ce  qu^îl  étoh  ^  la  fecoMlePappclla  GtMu 
vernviir  de  Ctdor,  ce  qn^H  ne  crojrok  |iat  être  j  et  ktro^ 
iiîème  ioi  préiKt,q»Sl  ferait  Roi^xe  ^u^  ne  pôui«ât  pat 
crpérer  d'être. 

il  fut  £ort  fiirprit  de  s'cMeadne  appellev  Gouverneur 
de  Cador  ^  parce  qu'il  favoit,  que  ce  Gouverneur  étoit 
en  yîe  ^  nuk  il  ignosoît,  que  le  Rm  lui  avok  .d^noé  ce 
gouvernement.  Ëanqno^  qui  aceompa^oît  Madbeehr 
entendant  que  ks  fbficières  a^roicnt  fak  une  prédîôion  & 
agréable  et  û  eatraordînaire,  ks  prk  de  lui  dti«  &  boiar 
avamtvre  au£. 

**  V<ous  Cerez  snotna  ^ne  Macbctli,''''  Im  dirent-cliea 
dans  Un  entonfia&ne  prophétique*,  **  nais  voas  feres. 
plus  grand  q»e  ltti.«*-Vou8  ne  fenez  pas  fi  li^reua  }  ce-^ 
pendant  vo»»  fevtm  pkis  kenrcux,  >■>■  Des  &oîa  fertiront 
de  votre  race,  quoique  voos  ne  k  fojex  pas." 

A  ces  mots  îea  forctèces  «'év^nakent,  et  les  dsux  Oé» 
néraiix  dcflae«irè»Bt  ioct  furpris  de  œ  qu^  asioknt  «n«r 
tendu. 

^  Vos  enfants^feront  Rok,'^  dît  Mocbetk ^  Eanquo. 

**  Vous  ferez  Roi  voas. même,"  lui  répliqjua  l'iiutre. 

Sur  ces  entreâisl>e«  le  Gouverneur  de  Rofle  vînt  dàxe: 
'h  Macbeth,  que  le  Roi  avtnt  <été  ia^vah  de  ies  ùiccés. 

**  Je  fuis  envoyé  par  lui,  pour  vous  rendre  gr^wea,'* 
ajouta-t-il,  ^*^  et  pour  vous  introduire  en  fa  prefence. 
Pour  gage  d'un  plus  gjpand  hfoaneuT,  H  m'a  ordonné  de 
vous  donner  le  tkre  de  Gouvemei;rr  de  Cadoir. 

*^  Quoi  !"  s'écria  BanquOi  **  le  diaMe  pents^il  dire  lap^ 
vérité  r 

**  Le  Gouverneur  de  Cador  èll  en  vie,"  âk  Macbetk 
ai^ec  furprik  au  aaefl&ger^  ^  PburqiUM  me  xknae^votn 
ce  titre  ?" 

"  Celui  qui  était  Gouverneur,'^  répondit-ii,   "  èft  en« 

core  V4«am }  maïs  il  médite  ^c  perdre  la  vk.* Dca 

trahirons^ 


M   A    C    B    1    T    h;  331 

irahS&iif»  «fiMéci  et  ptoairées  Vc^t  culbuté  dé  fett  ^ùû^ 

*'  N^èfpÀeai-routf  (ms,*'  ddONiiKk  Mftâbetky  tn  k  tbur» 
nant  du  côté  de  Banquo,  "  qu;ei  Wê  ea&fis  deviendront 
Eoîs  ?  Gelley  qui  mie  doûnèrèiM  le  lidni  de  Gdu^roeuc 
ie  Cador,  fle  Iciur  pAMmtt  {«si  itirâff /^ 

Dès  ce  moment,  pour  s'affurer'  la  cofironne^  il  cOBÇttt 
liMyrrible  ^effen»  d^affitfBntfV  le  Roi.  Cependant  lui  et 
Banque  fe  rttifdiveot  tfU  pahâi».  Ditf  quel  Dunean  les  vit, 
B  addhefti  1«  j^eoie  ^  Maebeih. 

*'  O  iftois  trèi  digne  tionfin^!  Le  péthéde^Trag^i-àthude 
dôMûiençoif  à  me  dt^mk  j^farot  2  Votts  me  devance^ 
avec  tant  de  célérité^  que  ja  plus  grande  vîteiTe  de  tû^ 
reconnotfiance  me  pam«  lente.  Je  ▼^udroitf  prefque, 
que  T^dttNf  tsai&ët  tùémé  mdnsy  afitf  qtie'1a>(ifo;^tti<>n  des 
«emerctmeats  ec  dtt  payment  eût  été  de  mon  c6té.  Il 
ne  me  refte  €fa^  dire»  que  vous  iBAétkei  même  plus  que 
^mtt  ce  que  }e  pttis  payer/* 

"  Le  iervice,  et  la  loyauté  q«e_je  vous  doîs#  fe  pay- 
ent d^eux-mêmes  tn  YChx%  ksfipbndaiit.  Cèft  à  votre  Ma- 
jefté  à  reoevcvr  me»  devoirs,  et  mes  devoirs  s'étendent 
Jnfqu^à  votre  tr^e,  votre  goùvernémeAt^  et  Vos  enfants* 
Vos  fujèts,  ta  lîriknt  tottt  ce  qu'ils  peuvent,  ne  fbnt  que 
«e  qu'ils  doivent." 

*'  Soyez  le  biea  venu  ici,''  dit  enfnit^e  h  Roi,  addreC 
fant  l^pài«>ie  ^  B^mquo*  ;  **  vbus  n'avez^pas  mérité  moins, 
et  ne  devez  pas  être  moins  connu." 

Le  Roi,  pour  témoigner  de  plvts  en  pl'u?  fa  reconnoif- 
famee  à  fon  Général  Macbeth,  lui-  promît  et  fe  rendre  à 
fon  cèâteaa  d'Invemefs  dès  le  ibir  même,  d'y  fouper,tt 
d'y  eottcher.  Le  malheureux  Prince  ne  favoit  pat,  que 
^'étoie  alkr  à  fa  deftruôiort. 

"  JLrorks  î"  s'écria  le  fangutnaire  Macbeth,  en  allant 
avertir  fa  femme  de  la  vifîce  du  Roi,  **  étoiles  î  cachez 
vos  fetfx  !  Qg»  la  lumière  ne  voye  pas  mes  noirs  defle« 


las  !» 


Quoiqu'il  fût  fort  réfolu  à  commettre  le  régicide, 
quand  iï  arriva  au  logis,  les  remords  commentèrent  i 
s'emparer  de  fa  confcience  ;  mais  fa  femme,  à  qui  il  avott 
communiqué  fon  deâein,  le  raffura. 

"  La  belle  efpérance,"  lui  damattda  t  elîp,**  que  vous 
iWfiez  conçue  d'être  Roi,  èft  elle  endormie  i  Avez  voua 

peur 


1 


ii6  MACBETH. 

peur  d^ètre  le  même  dans  cvo»  aÔipn^.  et  4aM  votie  v^ 
leur,  que  vous  êtes  dans  vos  déûrs  ?  voudrîe2>*vo|ia avoir 
ce  fuie  V9US  regardez  comioe  l'ornement  de  la  v^j  a 
vJÎto  comme  un  poltron  J"  .,  t  ■ 

^jpc  grâce,"  lui  i=époixdîl-îU  "  taifcz^vous.  J*6fe  6ke 
tout  ce  qui  convient  à  un  komme  j  celui  qui  ô(e  faUt 
davantage,  ne  Tèft  pas/'  *...,.».. 

**  Quelle  bète  yous  a  donc  engagé  h  me  çommupiqueif 
votre  entcrprtfe  i  Quand  vpus  ôfîex  la  mettre  en  e^^çpur 
tlon,  vous  étiez  bomme.  Ni  temps  ni  place. ne  ^'oppp- 
foit  alors  à  votre  deffein  ;  Tun  et  l'autre  fe  préfieQt^t 
à  préfent;  cependant  celle  occafion  favorable  xeticat 
votre  bras."  ^ 

**  Mais  û  nous  manquions  notre  coup  ?'? 

*^  Manquer  !  Soyez  courageux,  et  nous  ne  naaiiqu£« 
rons  pas«  Pendant  que  Duncan  fera  endormi»  j'eny^re- 
rai  Tes  deux  Cbambellans  de  vin,  de  telle  manière,  qu'ils 
perdront  la  mémoire  et  Ja  raifon  ;  quand  ils  (eront.e^* 
fevelis  dans  le  fommeîl  comme  dans  la  mort,  que  ne 
pourrons-nous  pas,  vous  et.  moi,  entreprendre  furJDuo* 
can  fans  garde»  et  jetter  le, blâme  fur  Tes  officiers  yvses? 
Ne  croira-t'On  pas,  quand  nous  aurons  marqué  ces  deux 
dormeurs  de  fang,  et  que  nous  nous  ferons  feivis  de  Jeuis 
dagues,  que  ce  font  eux  qui  ont  commis  le.QxurU^e  ^" 

*'  Allons^  je  fuis  déterminé  Eaveloppoos  l'^ccafion 
de  la  plus  belle  apparence.  Il  faut  qu'un  vifage  faux  ca- 
che ce  que  fait  un  coeur  faux." 

Cependant  à  l'apparence  d'un  poignard  qM'il  crut  voir 
par  bafard^.  il  s'arrête,  les  remords  fe  faiiîflent  de  lui, 
Ion  coût  âge  l'abandonne,  il  cbancèle,  .il  è(l  in^folu. 

'*  £ft  ce  une  dsgue,"  dit  il,  *'  que  Je  vois  ici  devant 
moi,  dont  la  poignée  èft  vers  ma.  main  ?  Vifns^  que  je 
t'eropoignC'-^Je  nç  t'ai  pas,  cependant  je  te  vois  encore. 
N'cs-tu  pas,  fatale  viâqn,  fentible  au  IslOl  commiQ  à  la 
vue  ?  Ou  ii'ès-tu  qu'uue  dague  imaginairei  ou  un  ctre 
faux,  qui  procède  d'un  cerveau  échauffé  ^^  Je  te  vojs  en- 
core dans  une  forme  auiTi  palpable,  que  cellqque  jp  lire 

î)  préfent. Tu  me  guides  dans  le  chemin,  que  j^aUoif» 

fuivre,  et  îoe  dis  que  je  dois  me  fervir  d'un  tfl  ini^inr 
ment.  Mes  yeux  font  les  dvipes  àts  autres  fenj,  ou  les 
valent  tous.    ;  -  Je  te  vois  encore,  et  ûix  tji   lame  des 

gouues 


MACBETH.  337 

goutttt  de'firtÉg,  ce  qui  n*étoît  pas  tinfî  auparavant.——-* 
Il  ti*y  a  rien  de  réel  en  cela.  ■iC*è(l  Tentreprife  fan* 
^uîoair^  qui  fe  préfente  ainfi  à  mes  yeux.-^-— l|^'f(é« 
fent  la  nature  femble  être  morte  daos  la  moitié  du  rnowe, 
et  les  mauvais  rêves  interrompent  le  ibmmeil.  A  pré- 
feift  h  forcèiefte  célèbre  les  facrifices  de  la  pâle  Héca\e  } 
et  le  meurtre  avec  fes  pas  fécrèts,  comme  ceux  de  Tar* 
qi^n  le  raviffeur,  roarcbe  comme  une  apparition  pour  ac- 
complir foA  de&in.  '  ■  Terre,  n^entends  point,  où  ten- 
dent mes  pas,  de  crainte  que  les  pierres  mêmes  ne  dé- 
couvrent où  je  fats»  et  ne  privent  de  la  prèfente  hori;eur  ce 
tempSt  qii>  ^^^  ^  convenable.  Pendant  que  je  menace» 
il  vit.— -Je  Tais  et  c'eft  fait.— Une  clochette  m^'nvite  : 
ne  l*cntends  pas,  Duncau  -,  c^èft  un  figne,  qui  te  fomme 
de  comparohre  au  ciel  ou  en  enfer. 

Il  dit,  et  dés  le  moment  il  entra  fécrèttement  dans  la 
chambre  où  couchoit  le  Roi,  et  lui  enfonça  un  poignard 
dans  le  fein.  Macduff,  que  avoit  ordre  de  venir  joindre 
fon  Prince  le  lendemain  matin,  furpris  de  ne  le  pas  voir 
parohre,  en  demanda  la  raifon  :  le  meurtrier  prétendit 
ne  pas  fàvoir  pourquoi  fon  maître  n^étoit  pas  levé.  Mac- 
daff  alla  à  la  chambre,  et  le  trouva  nageant  dans  fon 
fang,  et  étendu  fans  vie  dans  fon  lit. 

Màlcolm  et  Donalbain,  les  deux  fils  du  Roi  affafTiqé  ' 
craignant  le  même  fort,  pensèrent,  que  le  meilleur  moyeu 
de  mettre  leurs  vies  en  fureté  étoit  de  prendre  la  fuite  : 
ils  la  prirent  :  le  premier  fe  retira  en  Angleterre,  et  Tau- 
tre  en  Irlande.  Le  fidèle  Macduff  ne  tarda  pas  à  fuivre 
Malcolm.  Ain 6  débarraffé  de  fon  Prince,  et  des  héri- 
tiers de  la  couronne,  le  régicide  v parvint  au  fommèt  de 
fon  ftlkl^tion,  et  fut  élu  Roi. 

•  Ses  cfîmes  n^étoient  pas  encore  à  leur  comble  :  il  fe 
fouvenoît  de  la  prophétie  des  forcières,  que  la  poftérîté. 
de  Ban'quo  monteroit  fur  le  trône.  Pour  lui  en  fermer 
le  paflage,  il  conçut  nu  autre  deflein  diabolique,  qui 
éjoit  de  rinvîter  à  un  fouper  avec  (on  fils  Fléancç,  et  de 
l^s  faire  aflaffiner  à  leur  entrée  au  palais. 

^nquo,  ne  foupçoanant  aucun  complot  contre  fa  vie, 
accepta  Pinvîtationr,  et  il  fut  convenu  qaUl  fe  rendroit 
chez  le  Roi  à  fept  heures  du  foir.  Cependant  Macbeth 
etoit  agité  ide  ©ijdl^ craintes,  de  peur  que  fon  "projet  n'è. 

F  f  chouât  ; 


SjS  M    A    G    B    £    T 

cbouât  :  îl  envoya  un  domeftiqueftree  ordre  de^ulj 
ner  deux  meurtriers.  Pendant  que  fonmeffigeriStok.oc^ 
cupé  }k  la  recherche  des-  deux  bommes  dont  (bn^maîtce 
avok  beibin,  il  s^abandonna  à  fes  fombrei  réflexions  ;  car 
il  n'y  a  point  de  paix:  pour  ceux. .qui  afpkent  à  remfMres 

^*  Mes  raiibnâ  de  craindre  Banquo  font '.gravées  dans, 
mon  âme/^  dit-iU  **  il  J  adins(a  nactuee  oe  qui  devtok  étn» 
craint  :  il  èlt  entreprenant.  Au  tempéament  îodempt'^ 
ablede  fon  efprit,  fe  joint  la  {nrudence,  qui  guide  fa  valrâc* 
pour  agir  en  fureté»  Je  n^apprehende  perfonne  que  lui  ; 
en  fa  préfence  mon  génie  fe  plie^  oomaae  on  dir.qœ  le 
fefoit  celui  d'Antoine  devant  Cèfar*  11  tribut  a  les,  forci* 
ères  quand  elles  me  dcmnèrent  le  titre  de  Roi,  et  leur 
qrdonna  de  lui  parler.  Alois,  comnio  des'prophéteffes, 
elles  l'appellèrent  pèred'oneracedé  Rois.  SUes'oot  im» 
fur  ma  tête  une  courronne^et  entre  mes maîns'unfâieptre 
ilérile.  Si  la  cho(<i  arrive  ainfi,  c'èftr  pour 'fes  ;en£sn%  que- 
j'ai  alTafTuié  Duncan,  et*  ce  n^èft-  que  pour  evX'qtie'j'ai 
troublé  ma  paix.— Quoi  !  les  enfaos-de  Banquo^Rôîs  i^ 

Dans  ce  moment  J  es 'deux  meurtries»  qu?il'avoît'  en- 
voyé chercher,  fe  prefen.temnt  à  lui  :  et  les  ^afyasitrtrowrés 
difpbfés  à  exécuter  fes  ordres  fangvtinaires,  îMenr  dk  : 

^*  Je  \^us  informerai,  où  •  vous  devez  l'attendre  ;  ne 
manquez  pas  votre  coup*  Poor  ne  pdinttlaifier  do  vnide 
dans  votre  adion,  il  faut^  que  Fdéance  fon  fils,  dontla' 
deâruâion  m^èil  aufll  neceffiitre  que  celle' de  fon  père, 
partage  fon  fort." 

*'  Nous  ferer.s  ce  que  vous  commandez,*'  lui  'rcpon* 
dirent  les  meurtriers. 

Ih  ne  perdirent  pas  un  moment;  et 'allèrent  fé  placer 
ù  Tufurpateur  leur  aveit  dit  que  dévoient  pafiier  Banquo 
et  fon  fih  :  ils  pâturent  bientôt. j  les  meurtriers  fe  jettéteiit 
d'abord,  fur  .le  père  et  le  percèrent  de  coups  :  ils  ne  pu- 
rent atteindre  je  fils,  qui  s'apperçut'  de  ia  trahifon,  et 
prit  la  fnke.  Cependant  le  cruel  et  fanguinaire  Macbeth 
et  oit  déchiré  dé  remords  le  foir  même  qii'ii  attcndoit  com- 
pagnie. La  Retn<)  aulii  cruelle,  auIRiangoinaire  que  fon 
mari,  fit  des  efforts  pour  nwttre  fon  efprit  en  repos. 
i  "Pourquoi,    lui   demanda- telle,"    reftei'.vous   fetfl 

^  abandonne  à  vos  fombres  idécsi  tjui  devroicnt  être  éva- 

nouies nvcc  cenxqut  en  fom  les. objets  ?  Les  chofcs,  qui 

font 


ou 


.    M    A    e    B    E    T    p.  I3J 

£»at9faiisîei|Qiède,'dcvroîeBt'êt£e  oubliées.  Ce  qui  éû  fait 

•  *'  'NouS;avQas,'Muî  répondît  le  mari,  '*  ècorché  k  cou- 
leuvre: 'ikQusi[ie.l?a>voBs..{ia$  tuée  -,  tuais  que  le  monde 
tombe ;en  ckaosy  pki(ôt  que  bous  *  mangions  nés  repas"^ 
en  x;ratnte,  et  .que  nous  dormions  dans  ces  terribles  rh' 
ves' qi^i  .uous  agitent  -  peodant  la  nuit.— '**-*-Duncan  è(l 
dans  foQ  togabçau  }  il  dort  (ans  înterraption.  Ni  le 
^:lai4re,  îsi^le  pwfon,  Tienne  fniuroit  le  toucher." 

*'*  AUoBs,  aHons,  adouciiïez  vos  regards  farouebes: 
fo^z  gaiet  jovial  .ce  ioir  parmi  vos  convives." 

**^  Je  le  ferai  ;  foyez-le  aufii.:  fefpos  de  nos  vïfagfes 
des  maries  .pour  nos  cûcuis^.ftDur  dégutrer-ceqti^ns' 
font." 

,  tiVprcSiOette  converfation,  ns  fe  rendirent  dans  la  falle, 
oàiletellin'etoit  préparé.^  pendant  que  chacun  prévoit  fa 
place,  .Pf  pparf  ti9t><de  .fiaoqao  prit  .celle,  du  JRoi.  A  cette 
vue  Je  jregtcide  fe  tf  emouSa,  |i»r«bt .  commt  hors  de  lul« 
Bteme^-iet  Bc-pcit  j?a&oir.  Lol  con^agnie  crutd'abord- 
qu?il  ne  Je'portoU  pas  bien  :  la  ^femme  entreprit  de  faire 
iiQe:^p(443gfe,  en  dîÊ&ntf  qaie.  cela  lui  ariivoit  fouvent,  et 
SDcnie  dès  fa  jeuntefîè  ^  q^icPaccès  n!etoit  que  momeivta^ 
xvéy  et  qufU.Ëe  ttouiremit  mieux  dans  Pin  liant. 

.,A  la.  difpiffitioQ  ^de  JBasquo,  le  meurtrir  reprit  fes 
feos^  demanda  un  verre  de  vin,  et  but  à  lafanté  de  toute 
la  table,  etiâ  eeliedefoQ^.dbèr  ami  Banque.  A  cies  mots,- 
lWpritTeparizt,ret  plongea  le  Roi  dans  fa  première  mé* 
laocholte  ;  .laxttttleur.'de  fon  vtfage  fe  changea  ;  il  de- 
vînt pâle  etftfeemblaot^  comme  ii  une  fièvre  Pavolt  faiii* 
Tout  le  B>Qnde  futdâns  le  plus  graudétonnemeo^t  :  per- 
iidnaejie  tB.volt.que:peafer. 

La  Rieine,  pour  ôter  toute^occaâan  de  ibupçon,  fou- 
baitA  le  bon  foir  à  la  compagnie,  et  fe.  retira  »vec  £dn 
mari.  Ils  fe  couchèrent  >  mais  le  malheureux  Prince  ne 
put  prouver  du  repos  enti»  les  bras  du  fommeil.  11  ré- 
fplut  d'aller  .le  kndamain  trouver  ks^forcières  :pour  fe 
tra.nquillifer  Pefprit  :  il  les  trouvia  dans  un  Jombre  caveau, 
autour  d'un  xhaudtoa  bouillaBt,^où  elles  avoient  jette  plu-* 
Jieurs  iogrédiens,  qui  devotent  iiervlr  .à  leur  .fbctilège. 
J&l les  ne  firent  point  de  reponfe  à  fes .  queilions  j  maïs 
^lles  fisedt  paroitre  devant  .lui  :pluâeurs  aptparîtiims.  La 
||i^emière  qui  fe  préfenta,  fut  une  tête  :  il  voulut  lui  faire 

rf2  une 


340  ,  M    A    C    B    E    T    H. 

une  que  A  Son  :  maïs  une  Ibrcîère  ]oi  dît,  qu^  cela  n'^t^ît 
pas  néce  flaire  ',  que  l^apparition  fa  voit  fes  peofées. 

**  Macbeth,  Macbeth,  Macbeth!  prenez- garde  à  Mac- 
duff,  Gouverneur  de  Fife.**     Elle  dit,  et  dîfparut. 

La  féconde  apparition  fut  uu  enfant  eofanglan^é. 
^'  Macbeth,  Macbeth,**  lui  dit-elle,''  fojez  fangutnaire, 
hardi  et  déterminé  :  moquex  vous  du  ^pouvoir  def  hom- 
mes."    Elle  dît,  «t  dîfparut. 

La  troifième  apparition  fut  un  enfant  couronné,  avec 
un  arbtîfleau  à  la  main.  '*  Ayez  le  coeur  d'ua  lion  } 
foyez  fier»  et  ne  prenez  garde  à  rien,  Macbeth  ne  fera 
jamais  vaincu,  que  quand  la  grande  forêt  de  Birnam 
viendra  à  la  haute  montagne  de  Dunfinane  contre  loi.** 
Elle  dit,  et  dîfparut. 

*'  Je  ne  ferai  donc  jamais  vaincu,*'  dit  Macbeth,  ua 
peu  fatisfait.  **  Qui  peut  donner  du  mouvement  à  la  forât  ? 
commander  aux  arbres  de  ce  déraciner  ?  Doux  préfagt  ! 
Placé  au  foœmet  des  grandeurs,  Macbeth  n'aura  rien  à 
craindre  d'une  faâion  rcbtDe  :  il  finira  le  bail  de  la  na« 
ture,  et  rendra  fon  dernier  foupir  au  temps  et  à  la  covh 
tume.  Cependant  mon  cœur  poufle  des  fanglots,  pour 
favoir  une  chofe.  Dites  n>oi,  fceurs  iofpiséeai  tes  enlants 
de  Banquo  regneront-iU  jamais  dans  ce  loyfiume  î'    . 

**  Ne  cherchez  pas,"  lui  répondirent- elle  s,  *'  ^  en  ik-. 
YoLr  davantage,"  . 

A  rinAant  le  chaudron  s'e9fonce  en  terre*  Le  R^i 
déconcerté  aux  paroles  ambiguës  qu'il  avoit  entendues, 
ne  favoît  pas  s'il  devoit  en  tirer  ua.  bon  ou  un  mai^va^ 
augure.  Une  conicîeiice  gangrenée,  comme  la  £^nnc, 
le  rendojt;  trifie,  méfiant,  et  mélancolique.  Tout^e  qvi 
l'envîronnoit  lui  portoit  ombrage  ;  fon  ombre  l'efir,a]r- 
oit.  Pendant^qu'il  étott  d«n»  les  plus  violentos  agjtatiojBi), 
Lénox  vînt  lui  dire,-  que  Macduff  s'étoît  retiré  en  A^ 
glcterxe. 

'*  £n  Angleterre,"  s'écria  le  Roi  furieux  !  O  tejap^ 
tu  anticipes  mes fuaeiies explpttsi  P^ur  joindra maa peu* 
fées  à  mes  allions,  je  vais,  dès  ce  aornén^^  allai;  fui?* 
prendre  le  château  de  |4acduff|  ma.&îfir  de  Fifo,  et  fisire 
\  pâfier  au  fil  de  l'epécfa  femme, iès  enfants»  e^i^u^ xei^^ 
de  fa  race."  .^  .    •      , 

De  fon  côté  la  femme^  4e  Macduff,  fui|)cife  4e  la  f«îte 


:M    a   «C   13    £   T    H.  -3j|ï 

jAè'^fH)  fiiarj,  eh  -dômAndR  k  raifon  au  Gouverneur  de 
'RoiTe  ;  fNa  ^k'd'ftvoir  patience. 

•♦'  ILn^en  arott  point,*^  s.'écrîa*t-elle  5  **  fa  fufte  «ft  une 
fdlie.     Quand  nos  adiîons  ne  nous  rendent  pas  traîtres, 
afescwkitfcs  ile  iqnr  fouvem." 
.   .*»  Vottô^'jie  favez'pas,  iî  o'étoît  -fogeffc  ou  crainte." 

^•^S^geffe.l  tkiâer-  fa  fcroine,  .laiffer  fes  enfants  «fa  -maî- 
:fôn  et  fes  titres  dans  une  place^  d*où  -il  -s^enfuit  !    Il  n« 
-nous  aifûepas-:  il  ti^a  pas  la  peeuve,  qae.Ia  nature  même 
.foumit)  car  le  ^uvre  roitelet,  le  plus  petit  des  oifeaux,  • 
-o^fend  ^jeunes  dans  fon  nid  contre  le^hilj#u—— -Tout - 
èft  crainte  dans  fa  fiiîte,  ricmj'èft  athour.'* 

'^  Ma  èhère  coiiiîi>e,'de  grâce  -tnoralife2:*vous  Vous- 

.vaètttû.     Quant  à  votre  mari,  il  èft  Ao^fle^fage,  judt- 

-eteuliffet'COnnoît  mieux  que  vous  les  oeeaiiolis  favorables*  • 

jfe^tr^Àfe  ^as  eii  dîve  davantage  j    mais  les  temps  (ont 

'  G#ùels,'  qisiâd  -'-nous  -fommes  des  -  ira  htes;-    Nous  ne  npu  s  - 

coiiPAoîilbns  pas  notis -même*,  quand  nouS  écoutons  les - 

•  biruîès'de'Ce-que'îious  craignons..  ■■  ■  Je  ptens  congé  de  ' 

A  J)etQëfiïMl  parti,  qti^  *m«Ffla^er'vint  à  la  hâte  a-  - 
:ivtnii  la^mtiie  de  Macdu£F de  fou  danger,^  de  s^loig- 
.ner  avet'Coii'fils,'  le  plus  pnMBtement^  qu^il  l&t'frroilpof<* 

•'  Où  ftiirai.je  ?«^  s'oeria-t^elle.  "  Je  aVl  poîftt  fak^ 
^taélS  «lais'je'mèfouviensll  préfént,  qoe-jefuis  'dans  ce 

siioi^de;  où  Ml  è(l  fouvent  louable  dfe  fafre-4u  -âiali  et 
H^ueiquefoistt^anget^ux  de 'faire  du  bien. '^  '         -        •  '- 

*  •EU«'ii'eut'*f)â4  plutôt  acbevé  ceè  ta«t5,  qùMle  vit  en- 
.^rer  deux  meurtiCicrs/  qui  s'inforiùèreiït  «d^abèrd  où  ^tôit 
'fon^Trfari^'ct^'ayant  appris  qu'ita'ctoit  pas  au  lo^is,  l'uti 
i^é^éVLX  fê  jétia  for  1er  fils  et  le  tua.  La  ooère  n'eut  que  le 
.*feâip9  3de  sUa^tt<4r  Lcs'theti««ferf  la  pourfut^rifent,  Pat- 

téignirent,  et  la  firent  tomber  fous  leur  coups.    Le  Go^^. 

•  irtrti«iir.de 'Raffe,  ayant  appris  tant  d'b^nwrts,  fe  hâta 
de  iê-  rertdre  -en  A ngîeterf e*  pdur  en  c^lnmUnlqi^r  4k  ' 
-nOuvéUfe- à  î^ftfortàaé'Maoduiffv- 

•»♦  Votre  ch!lt€aU'*f!priif,«**  Itrî^dîtMl,  *'^^tre  fttAifae  et 
••^^i^^eiifai^fis  iMtiî-été  tti^;tcrés  d'une  matiî et e  fafuvag^j"*' 

**  Quoi  !   ma  femme  et  mes  cnfans  !" 
"'    **  Femmes,  Jénfants,  di>me4iique«,  tout  ce  qli'on  a  pu  ' 


tfouvci/' 


^Ff3  "  Lfr 


S4^  M    A    C    B    E    T    HJ 

'^  Le  barbare  n'a  point  d^enfînitg.  ■    ■  Toiis  mes  betuv 

enfants  l     ■■  Avez  vous  dît/ow/- »  Quci»!'  4«at^K)bê 

tifon  d'enfer!    Tous  ?   Quoi  I  T<Hu-ines  beaisx  enfastoy 
inêroe  leur  mère  enlevée  T' 

*^  Confolez-vous,*'  dît  Màlcolai  ^'^ft  notre  gr^wàm 
vengeance  nous  prépare  de»-  remèdes-  pour  gué^r  ce  c!ïa« 
grin  mortel  !  Allons^  partons'  d)ias  TivAunt.  «L-* Angle* 
terre  nous- prête  le  bon  Général  Siward  avec  ëcx  jniUe 
hommes.  L'aniversne  nous  fournît  pas  un  metHenr  ioh 
dat,  ni  plus^  expérimenté.  Combattes- le  tiraniiiQ»  titre, 
avec  un  feejftre  enfanglanté/  comme  ii  coavteat  à  u» 
homme  de  le  fairo»," 

*^  Je  le  ferai  ^  mais  il  faut  au(fi«  que  je  fente/  comme 
ua  bomme«  .  Je^ne-  faurok  m'empéchcr  de  19e  ibuvcnîri. 
que  c'èil  par  rapport  ^  moi,  qu'ils^  firent  /totta>  mal!^ 
faorés.  Ce  ne  demi  pas  leurs  propret,  démérites*  ce  font 
les  miens,  qui  les  ont  f|it  tomber  fous  les  poignardasdc» 
meurtrier»^ 

'^  Que  cette  confîdéradoD  foit  uite  pieire  poUf  aiguii* 
fer  votre  épée.  Changez  le  chagrin  en  courroux^  a'»i 
moufiez'pas  votre  valeur ^  augmentea^en  la  ragé.'*    ... 

'' Oh  i  je  po\irroîs^  rcpré&nter  le  .rôle  d'iniei  femme 
avec  mes  yeux^  et  faire  le  fanfaron  avec  m»Jangue«  Mass^ 
ô  Dieux  !  abrégez  toute  interruption.  Faite»  paroitm 
cet  ennemi' de  TËcoffe  et  le  mien^faceàface^  MettezJe* 
à  la  diilance  de  mou  épée  *y  s^il  échappe»  que  le  Ciel,  alois' 
hii  pardonne*" 

**  Voilà  un  difcours'  maie  et  ncrv^x.  AlloBs^fans  âé« 
I2Î  trouver  le  Roi  d^Angleterre  :  Nbs£ar ces- font  prêtes;, 
Nous  n'avons  befoin  de  rieu,  que  de  prendre  «oogé  de 
lui.  Macbeth' a  nus  le  comble  à  (escrimes.^  il  chasi* 
cèle;  il  èfVfur  le  point  d^être  ébranlé,  Pabifne  èâ  ceebie 
fous  hs  pies,  et^  les<  puîâaoces  d^eni>h2ut  nous;  founùflent 
les  «05^  ens^  de  l'y  faire  tomber,'*  ....       ?i 

Ils  né  petdirent  pa^  un  nioment  de  temps  ]  Uufofpaii 
leur  fut  fort  furpris,  quaikl  oa  vint  laL  dbe  quales  An< 
glois  avancoient  avec  dix. mille  Jiommcst:  .  li^oa-  fut'|xà» 
eSmyé  de  leur  appsocbe  ;  H*  &  fdi^f&t  de;  lai  piredii^a^ 
qu^il  ne  (tfoïXr  pas  vaincu,  X  jnotns  que;laioi^ètMe  Au^ 
nam  ne  vint  à  Dunfin'ane.  •. .-    . .  :*,  :.^ 

Cependant  ks  Anglois.  f^^foîani  desr  progrès.dâns ,  leui^ 
flaacche,  et  arrivèrent  dans  la  forêt. de  Birttaqsu  ^i*« 
brave  Malcolm  ordonna  à  chaque  foldat  de  couper  un  e 

l^ancbey 


Macbeth.  3^ 

Iremetie,  et  ide  la  p€Mrter  devant  lai,  pour  cather  le  nom«- 
bre  des  tfoopet,  et  peur  fatre  prendre  le  change  à  Pen» 
nemù  Macbetb,  fâchant  \  n?en  pouvoir  pas  douter 
que  rennemi  approchoit,  prit  Ton  confeil  dans  le  défeC* 
potr^  e|  fomfia  à  la  hâte  le  châteaa  de  Dunfinane. 

**  Que  l'on*  déployé,"  $*écrrs-t-ir,  *•  nos  drapeaux^  for 
les  murs  extérieurs.  Le  bmk  court  encore,  fis  wntient  ; 
maîsia  Ibrce  du  ébfttcan  peut  braves  un  êhge*  Que  le» 
Anglott  k  préièntent  ici,  et  qnlils  y  reftent,  ju^u^à  ce 
que  h  ^nnîne  ks  ait  fait  périr/* 

c  pans  le  temps  qu'il  parloit  avec  tant  d'intrépidité^ 
Seyton,  un  de  cet  officiers,,  vint  lui  dire,,  que  la  Reine  é- 
tint  morte.^^  Pour  fiircroit  de  mauvaife  nouvelle,  un  mef* 
fàgtr  Jui  aanonça»  que  regardant,  ver»  Birnam,  il  lut 
fembloit  que  la^  forêt  étpit  en  mouvement*  '  Le  régicide 
commença  à  entrevoir  i4  vrai  liens  des  paroles  de  Pappa« 
ntion*  et  devint  furieux* 

**  Aux  armes,  aux  armes  !*^  s'écria* t-tl  >  **^  fi  ce  que 
dit  lemeflager  èSL  vrai,  je  ne  faurois  prendre  la  fuite,  ni 
iir*arrêtcr  ici.  Je  (buiiaiterois,  que  l'univers  fût  un 
chaos. — Q^  Vùn  fonne  la  trompctte.-^Vents  l  foufHex* 
I>eftnB(lMiit' venez«^— An  moins  mourrai- j,e  avec  fer« 


Cependant  Macdufi^  Malcoîm  et  leur  armée  avançaient^. 
avec:d^  branches  à  la  mais,  vers  le  château  du  Dunfi-' 
nane  ^  et  quand  ikfiitnettt  plu^  pi^Sy  Malcolm  ordonna 
aux  '  foldats  de  les  jetter  à  terre,^  et  de  fe  montrer  tels 
qo'iUétoicnt.  Macbeth,  voyant  q^'sl  ne  pourroit  pas 
f aise  tête  à.  tant  de  fosces  réunies,,  ne  voulut  pas  attendre' 
Hiflue.d'un  'fiège  :«-  Il  foi^tit  dé  (on  château^  et  réfolut 
4HrtC9quer  le  plus  brave,  qui^fe  préfentecoit.  ^ 

Lie  vaillant  Macdu£de  Ton  côté  fut  impatient. de  reQ« 
cSontRcrJe  meuj^rier  de?&  femme:  et  de  (es  enfants.  Ils  (e 
vencantrèrent  bientôt  :  L^WEt  et  l'autre,,  également  furieux 
rasent-  Tépée  ^ia;  mainv  Macbeth,  le  cruel  Macbeth, 
péstt.  *'Ainûyûtnt£at  vie,,  tîflued^  crimes  les  plus  hos*^ 
iâb^es.4.  dîgacuchâitimentid'un.monâr&ea  fqpne  humaine  y. 
ft^i:£em|>loSt>bravsc;le  Gièi  et  bi  Tcisse.  Macduff^  le 
bstàce  jÉlaedijEfï^'loi  jpoupa.isi  iête^.  la.  montra  à  toute  l'ar« 
snée,  et  proclama  Malcolm  Roi  d'Ëcofle*  La  proclamar. 
tîoQi  psfkai^de  r;^og.  en  rang  ;  L^atr  rçtcâtlt  de  cris  de: joie: 

V4irjs  uc  Roi  MALcabitt-l  *  .on 


^  <  *  ^        •* 


344  LETTRE»» 


.  A  M*  le  BarçndeX  »^»  *  VBefirn; 


AIMABLE  Âmif  ybu«  iïïc  flattez  bien  agréAlcrtcnt' 
en  me  dUaot  <]ixe  mes  lettres  ne  vous  i>ar<»flènt 
pAs  trop  longues,  et' rnr-mVn  demandant  la;  continua-^ 
tioo.    Je  .fatîsferai  à  Vos  d^firs,  aidant  quc*^  lés  affaire?  fç- 
lieufes  que  j'aî  à'  traiter  ici  nie  Jb^  pcrmt^tront.  '  Tous- mes  - 
moments  de  loifir  vous  feront  eonfacrés. 

La  nation  Angloife  a  b^^uço»^  de  €onf6nnitê<  a  verdies 

.anciens  Komgins.  Ceuxrci  tie^déinsu'ddient  qùt  du  pain 
etdesJpeBaçUsj  îï  femble  qve  les;  Angloîs  né  fdrincnt 

•  dVutres  voeux*     C^èft»  pour  Te;  praç^urer  le  pâîtt'^et  les  be- 

'  foins  d'une  vieaifée  qu'ails  perftâionncntTindoflrî'e^  qu'ils^ 
font  avec  tant  de  chaleur  le  tonimerce^èt  Isi  navîgâlîbn, 
qu'ils  nouriflent  un  petit   fond   d^ayarSce  qui  leur  fait' 

^ aimer  lejlc»,  et  lespûns*  Les  arts  et  les  Icîences  tnéfnes 
ne  font  cultivés  ici. que  dan»  un  point  de  vu^  d^ntc- 
rét.  Le  fécond  objet  ctpital  des-Ànglôîs  'c'èft  IcsYpcç- 
tacles.-  Ih  ne  peuvent  affèz  les  varier,  nî  en  mûltîpFîer 
affez  les  efpèces.  Indépendaroment  de  ceux -dont  je  vour 
ai  fait  la  defcription  dans  une.  autre- Lettre,  if  ^  a  du* 
rant  l'Eté  par  toute  l'Angleterre  des  coiiffes  de  che- 
vaux, cfpèce  de  di  vertifle ment  public  qui  réunit  le  J^f- 
fatf^e  ti]€pan\  et  pour  lequel  par  confequent  le  goût  de 
la-  nation  ne  s'emouffera  jamais,  pai  vu  pendant  nron 
premier  voyage  ces  courfes  h  îièwnwrhet  auffî*  bien*' qu'à 

''Torck\ex  je  vous  avoue  que.  le  coup  d'oeil  m'en  à  frappé. 
J'admire  moÎQs  la  ehofc  même,  le  légèreté,  la  force  et- 
la  vélocité  des  chevaux',  que  l'appareil  dont  elle  èft  ac- 
compagnée ^  la  foule  innombrable  de  fpeélâteurs^  la  quan- 
tité d'équipages  à  fîx,  à  quaire,àdcux  chcraux,  Te  nombre 
de  domeftiques laplupait  à  cheval, des  chevauxde  maios, 
des  cavaliers,  &c.  les  tribunes  remplies  de  daméV  palmés 
f  de  leurs  plus  beaux  habits  et  de  leur  splus  magnifiques 

dia- 


i 


.* 


BA    RON  DK    BIÉLFIELD. 


34i 


^iatnans,^jit  en  ad  mot  tout  ce  qui  peut  rendre  un  pareil 
fjpeftacle  éclatante  .  ^. 

Je  ne  vous  parlerai  point  des  combats  de  bêtes  féroces^ 
de  dogues,  et  de  toutes  fortes  d'autres  animaux  qu*oti  voit 
Mm  Ces  .combats  k  doiuient  afliez  fréquemment  ait 
peuple,  qui  ta  èft  fort  avide,  mais  je  ne  puis  me  difpen- 
fer  d«  vous  dire  quelques  mots  des  combats  que  les  honr- 
xnes  font  entre  eux  %  la  bonté  de  Thumanité.  Tantôt  ce 
ibnt  des  lutteurs  nuds  jufqu^à  la  ceinture,  qui  s^attaquent 
-à  coups  de  poing,  que  fe  portent  des  coups  affreux,  qui 
fe  jettent  à  terre,  que  leurs  fecondans  relèvent,  efiuyent, 
excitent  de  nouveau  au  combat  comme  des  dogues,  et 
qui  quelquefois  s'étouffent  ou  s'étranglent  ;  tantôt  ce 
font  des  e^donneors  qui  fe  battent  a  coups  de  fabre, 
mais  auxquels  on  a  foin  d'enfermer  les  pîés  dans  des  fan* 
dales  attachées  au  plancher,  de  mainère  qu'ils  ne  peuvent 
bouger  de  leur  placer  Leurs  fabres  font  extraordinaire* 
ment  affilés  et  fort  légers  vers  la  pointe,  de  manière  que 
Its  bleffurcs  qu'ils  fe  Mot  ne  f6&t  jamais  bien  profondes  ; 
mais  le  fang  ruiffele  bâtntôt,  et  le  peuple  bat  des  mains« 
Tantôt,  enfin,  ce  font  d'autres  gladiateurs,  armés  de  bâ« 
tons  ferrés  par  les  bouts,  qui  s'afibmment  on  fe  font  des 
copta^ons  énormes*  Ce  qu'il  y  a,  t^  mon  fens  de  fcanda- 
leux,  c^èd  que  ces  combats  fe  font  fous  l'autorté  du  G  on* 
vernementy  fous  les  yeux  d^un  officier  de  hi  police,  fur 
un  théâtre  public,  oà  rentrée  fe  paye,  où  le  parterre,  et 
qui  plus  èft  les  loges  fopt  remplies  d'honnêtes  gens  corn- 
me  elles  pourroient  Pctre  à  l'opéra.  On  m'a  mené  l'ao- 
tre  jopr  à  une  pareille  fcène  au  petit  théâtre  du  ffay" 
mûrket.  Jamais  je  né  vis  un  fpeclacle  fl  dégoûtant,  ni 
fi  honteux  pour  l'efprit  et  le  coeur  humain.  Mes  conduc- 
teurs  me  donnèrent  quelques  mauvaifes  raifons  pour  ex- 
cufer  une  férocité  ù,  barbare  ^  mais  elles  font  iifoibles^ 
quVlles  ne  valent  pas  la  peine  d'être  ni  rapportées  ni  re« 
futées^ 

On  diroit  que  les  combats  des  coq9  apartiennent  au 
g;enrededivert^fiementqoi  èil  refervépour  l'enfance  \  mais 
}c\  c'éft  un  fpfpâapl^  férieux,  qui  a  fes  théâtres,  et  dont 
des  perfpnnes  coniïdé  râbles  dans  r£tat  s'amufent  quelque^ 
fois.  Comme  il  donne  lieu  à  des  paris,  il  a  beaucoup  de 
jHUtifans.  Plufieurs  particuliers  élèvent  et  entretiennent 
ces  fortes  de  coqs,  et  les  partent  dans  les  arènes  publiques 

pour 


f 


94d  X    lE    T    iT    S.    £   a>D 

pour  les  fabfeeomhsttrt  coàti3t.d^aitlres:iittie«rs  fanUft* 
blés,  pai  été  furpris  de  ^  valeur  «de.  cc«.aiiij»flax»  A 
petite  les  a»t-on  lâcliés  faarj  de  Jeucs  facs,  t^Wils  is^laa- 
cent  fiiujdaineinent.runiàir  Factitre,  «t  fe  iiattcnt  fiiiis>%tt« 
cua  ohfj^hl^  jufqu^à  ce  que  le  pla$  foihlii;«oâe  élesdu.^ 
la  place.  .  Avaat .le  combat  les  coBnoî&ur»  jvgeot  de  la 
force  et  de  la  raiOanoeiics  coqsrpar  leur^rcaups^  xyoeil,'et 
examineût  pour  cet.cffet:fortattcntiv:eaieBt  UauiB-yeiucf 
apfès  quoi,  les  pacis  fe  font, 'et  la:bataiUe'GOQanncnc9C*  :K^ 
tiré  l'autre  joue  par  U  curtofité  à  unif)ar«»Ue  fpeétaclc,^ 
tenols  en  main  oioe  joraoge,  lors  qutto.'desroo(|s>terrsu- 
faut  fon  advcrfaîre  retendit  far. le  carreau,  où  il  refta  ua 
-moment  fans  donner  figne  de- vie.  Un  volfio  inconnu  xstt 
dit  alors  avec  vivsLc\té,.AhnJiettr  Je  fiarie  ^atre  guméet 
contre  votre  orange.pour  Je .caq  tmunletmnPwiéhrjetéX»  je 
iuî  répondis,  'Mon/iettr^  vaHà  qui  èfi^fiit, ,  Le  coqJterraSe 
ramafiîe  fes  forces,  remaote  iur  fes  ergots»  et  remporte 
la  viâoire.  Je .  gardai  :jnoa  :oras»ge,  mais  ;  je  *  xdEuiai  de 
prendre  1  es  quatre,  gain ées.dupaiièur>jqiii  m«  pacutégak- 
ment  fenfible  à.fa  perte  eti^  jna.|^erQfité. 

On  m*a  raconté  qaVn  .Italien  iadu  Au  eux  s'^i&de 
donner  il  y  a  cpielquesiannées-un  fpeébacle  fis^ulierfà 
Londres.  C'étoit  d^abord  un.OLiicert<.iifi  chaCs.qa'il^a- 
voit. rangés  icloa  leur  âge,  ieur.;groireur  et. leur,  voix  plus 
ou  rnoin^  forte,  fur.dea  graûiiBs,  en>focœed!aa:ipbitb«atr6. 
Tqas  \t%  chats .  étqteat ' ajuâes  :de*frax(es-:et:dc  mmichettes 
de  papier.  Ils  a<Toieatdevaxit:eiix  des ipupi très  ou. leurs 
pattes  étdent  attschées.  Ckaque  cbat  .avoit  devant  fioi 
une  feuille  de  muiique  et  deux  bougies*  L'cin.jmia  âffaié 
que  cette  aifemblée  dé  mirtuofes: tniftigr'u  fiotmoît  un  coup 
d'oeil  bien  comique  au  moment  quluu  le^oit  la  tcâle,  qu'ii 
y.avoit  parmi  ces  chats  des. phyûonomies' fort  plaifanteSi 
que  chacun  d'eux  ffembloit  rouler.  les  yeux  d'une  manière 
différente  ;  qu.e  la  mufîque;et  les  iniiruments  doot.oivac* 
Goropagnoit  leur  voix»  étoient  également  bizarres  \.%\.f^t 
toutes  leurs  queues  étaRt-^nêiéesdans  des.7pinaes^  le^m^î* 
ti'e  .de  cette  chapelle  /Ingulière  n^ayoit  qu'à,  ferrer  ees- 
pinces  pour  faire^niauler.  et  crier  iés;cbanteuxs;^U^  en- 
droits où  il  en  a^oit  helbio'. 

La  féconde  partie,  de  ce  fpedacle  .b^ldque;étoit,|bro 
mée  par  des  coqsd^lnde  qu^ôn  fefoit.jnMrcher.dans  des 
«fpèces  At.  ipnUciics  idaatjL»  ibnd  jétoit  de .  fer  ou  laUan 

batto^ 


B  A  R'O  N  d;r  »1  EL  F l^E L D.         347 

ê  • 
battn*  ^  On  plsçoîr  finis  ces  gallvries  des  brafier»  allu* 
mes,  qui  éekatt&ient'peu  à  peu  le  fèr.  Les  coqs>  d^Iode 
xBaichoîcnt  d'afaotd  à 'pas  graves  et  mefurés  aa  fon  d^ûne 
mafiquèqui  jotioit  desTarabaDdes^  des  Idures,  &c.  A. 
TÊcSnte  que  te- parquet  s'échaofibît,  les  coqs  d'Inde  dou<* 
bloieat  le<pas,  et  la  mulîqiie  alloit  plus  vite  }  jufi^u*à  ce 
quVnfiir  le  fèr- venant'  prefque  3tfe  rougir»  ces  pauvres 
aaimaoX'fte  feTôîent-i^tiS'  que  fauter^  cabrioler  et  faire 
des  contorfion«  qui-  fepMent- pâmer  de  rire  les:  badauta 
Anglois.  On  prétend  que  cet  Italien  s^èft  enrichi  à  Lon- 
joxc9f  par  cette  inTention  comique* 

Mais  que  dtrezvvous  de  lafougue  d'un  peuple  qui,  fe- 
duit  par  fa'paffibnpourle  fpeéhtcle  et  pour  le  fingulier, 
/e  laîfla  periSiHer  par  un  mauvais  plaifant,  qui  a  voit  fait 
afficher  aux  coins  d(s  rues  de-  Londres»  ^^à  tel  jour,  à 
teih^  heurt i  et  '  à  Jgl  thiatfây  un  homme  fauteroit  dimt  une 
àùutèilk  cm  fut  eôntenir  urte  pinte»  Ottt,  moniieur,  les 
jslttS  honnêtes' gens  d^ÀCtiglet^rrefe  rendirent  à  ce  fpec- 
trclev  payèscof  l'entrée,  là  fallè  étoît  remplie  comnae  un- 
oeuf:  Mais  tous  furent- attrapés  ;  car  ap  bout  d'une  heure 
d'atterite^  le  mauvais^  pliifânt  fé  prefenta  fur  le  bord  du 
théatre,-'et^t  qu'on-n^'àvoit  pu  trouver  dans' tous  les  ca« 
barets  deLondres^ua& bouteille  qui  contint'  IVxade  me« 
ùtré  d'Une  pinte,  qu'àinU  on  demandait*  pardèn  aux  fpec- 
-tatetrrsi  et  qu'on  étoit  prêt  ^leur'  rendre  l'argent  à  la 
potte^s^ls  l'exigeoient.  11  difparut  au  même  ihlTànt.  Le 
parterre  fer  voyant  atnfi  leurre  entra  en  fureur,  fititapage» 
brifales  bancs,  les  décorations  ^  etil^  eut  un  tumulte  fi* 
grand,  que  ^s> uns -y- perdirent- leurs  épées,  d'autres  les 
perruques, -îelirs  chapeaux,  ^Ci.  maïs  Targent  -  ne  peut- 
,être  rettdô,  'etle  fburbeavoit  trouvé  moyen  de- s'évader 
fâhs  qu'on  ait  jamais  pu  le  découvrir. 

Je  ne  vous  raconte  ces  babioles  que  pour  vous  faire 
connoître  le  génie  du  peuple  Anglois,  et  fon  goûtdécicîé 
pour  tout  ce  qui  s'appelle  fpeéliacle.  Il  me  femblc  que 
leur  trop  grande  multiplicité  caufé  trop  de  dîflra^îon'à 
la  nation,  et  enlèvetrop  de  tcms  à  nnduftrie.'  Les  cour* 
fes  de  bhevaux  fourtout  font  d'une  dangereufé  confé- 
quencç,  parce  qu'elles  occupent  trop  la  multitude  et 
donnent  anx*  Grands' tomme  au  peuple  un  certain  ton  d^ 
libertinage,  et  Mû  élorgnement  pour  la  vie  fédentaîre  et* 
^our  l'^ppUcattcm  aux  principaux  objets  de  hur  devoir. 


j4S  S  U*  R    LA    MARIN£« 

• 
Je  se  fais»  cbèr  Ami,  fi  m»  lettre  rom  reneotitren  em* 
^core  à  Berlift.  Vom  êtes  fans  doute  ^arti  avec  le  Roi 
pour  la  Silcfie  ;  et  Je  croit  que  vous  futvm  feu  ^aaèt 
blanc  dans  la  route  de  rhonoeor  et  de  la  gloire*  PiMiêc- 
votts  y  cueillir  des  laoriera  qui  ne  foieni  pas  ttinta  de  vokte 
propre  fang.  J*élevei«iy  comatic  Moileî  mes  imôtta  «èts 
le  Ciel  fur  Ta  plus  haute  montagne  d'Angleterre,  et  je 
ferai  des  voeux  pour  votre  confervatiôn,  tandis  que  vous 
jouerez  des  conteaox  dans  les  plaines  de  Sîlefie. 


^mm 


SUR   LA  MARINE. 

LES  ^Anciens  noua  ont  tranfmîs  prefque  tous  les  arts, 
qui  font  refluicités  avec  les  lettres  j  mais  nous  Tem* 
portons  fur  eux  dans  la  marine  militaire.  Tyr  et  Sydon, 
Carthage  et  Rome,  n*ont  prefque  vu  que  la  Méditerranée  ; 
et  pour  courir  cette  mèr,  il  ne  falloit  que  des  radeaux,  des 
gajères,  et  des  rameurs.  Les  combats  alors  pouvdient  être 
fanglants  ;  mais  Tart  de  la  conftruéHon  et  de  ^armement 
des  flottes  ne  devoit  pas  être  favant.  Pour -traverfer  de 
l^£urope  en  Afrique,  il  ne  falloir,  pour  ainfi  dire,  que 
des  batteaux  plats,  qui  débarquoient  des  Carthaginois  ou 
des  Romains  :  Car  ce  furent  prefque  les  fculs  peuples 
qui  rougirent  la  mèr  de  leur  fang.  Les  Athéniens  et  les 
républiques  de  l'Aûe,  firent  hcurcufement  plus  de  com- 
merce que  de  carnage. 

Après  que  ces  nations  fameufes  eurent  laiffé  la  terre  et 
la  mèr  à  des  brigands  et  à  des  pîratej»  la  marine  refla  do- 
>rant  douze  fiècùs  dans  le  néant  on  étoient  tombés  tous 
les  autres  arts.  Ces  afiaims  de  barbares,  qui  dévorèrent 
le  cadavre  et  le  fquélettede  Reine,  vinrent  de  la  mèr  fiai- 
tique  fur  des  racieaux  ou  des  pirogues,  ravager  et  piller 
nos  côtes  de  roc éan,  mais  fans  s*écarter  du  continent. 
Ce  n'étoient  point  des  voyages,  mais  des  defcentes  qui 
fe  renouvelloient  chaque  jour.  Les  Danois  et  les  Nor- 
mands n'etoient  point  armés  en  coùrfe,  et  ne  favotent 
guerres  fe  battre  que  fur  terre. 

Enfin,  le  hafard  ou  la  Chine  donna  fa  bouifole  ^ 
r£urOpe,  et  la  boufîble  lui  donna  TAmérique.  L'ai- 
guille aifflar,tée  montrant  aux  navigateurs  de  combien  ils 

s'pa- 


s  tJ  R   LA   M  A  R  I  N  £.  "^519 


.  s\t^proe1st»«iit  en  t^âoigfioîent  du  Nord,  les  raiiardît  à 
€«ittMr  Imphst  longues  contTes»  à  perdre  1  a  terre  de  vue 
'dvrmt  des  mais  entiers.     La  géométrie  et  ratlronomie 
^pprirant  d  fiieforer  la  marche  des  aflres,  h  fixer  par  eux 
an  kligitadesy  et  à  eftimer  à-peu  près  de  combien  on 
-  svmoçost  à  F£ft  ou  ti  POoeft-.   Dès  lors  on  devoit  fa  voir 
•à  ^nette  ^atiteur  Ik  quelle  didance  on  fe   trou  voit  de 
«tptttes  les  côtes  de  la  terre.  QucHque  la  connotffance  des 
iongittidei  foît  beauoimp  plus.iuexaâe  que  celle  des  Ia< 
titudes,  Tune  et  Pautre  eurent  bientôt  afîez  hâté  les  pFO« 
^vès4c  kl  navigation,  pour  faire  éclorre  Part  de  la  guerre 
navale.     Cependant  elle  débuta  par  des  gallères  qui  éto- 
î«nt  e^  poieifion  de  la  Méditerranée.     La  plus  fameufe 
bataille  de  la  marine  moderne  fut  celle.de  Lepante,  qui 
ftxjivrèe  il  y  a  deux  cents  ans,  entre  deux  tent  cinq  ga- 
lères des  Chrétiens,  et  deux   cent  foixante  des  Turcs. 
I^^Italie  qui  a  tout  trouvé  et  n^a  rien  gardé,  Pltalie  feule 
âvok  0D«i4lruit  ce  prodigieux  armement  i   mats  alors  elle 
aipoit  le  double  du  commerce,  des  richeiTeSi  de  la  popo- 
latioa  qui  lui  redent  ajourd'hui.      D^aillcurs,  ces  ga- 
•lè^res  n^étoient  ni-  fi  longues,  ni  fi  larges,  que  celles  de  nos 
jours,  comme  Tattefient  encore  d'anciennes  carcaôes  qui 
4e  cooiervent  dans  Parfenal  de  Venife.       La  chiourn^e 
«oonfiâoit  en  cent  cinquante  rameurs,  "^t  les  troupes  n^é- 
4Qient  que  dé  quatre-vingts  honnmes  paV  bâtiment*   Au- 
jourd'hui -Venife  a  de  plus  belles  galères,  et  moins  de  pu^ 
i&oce  fur  cette  mèr,  qu'elle  époufe^  et   que  d'autres  fil* 
lonnent  et  labourent. 

Mais  les  galères  étoient  bonnes  pour  des  forçats  :  îl 
fialloit  de  plus  forts  vaiiTeaux  pour  à^^  foldats.  L'art  de 
ia^oniirué^iofl  sViccrut  avec  celui  de  la  navigation.  Pht*^ 
lippe  IL  Roi  de  toutes  les  Efpagnes  et  des  deux  Indes, 
employa  tous  les  chantiers  d'£fpagne  et  de  Portugal,  de 
Na[4es  et  de  Sicile,  qu^il  pofTédoit  aloi^,  à  conflruire 
<|6S  navires  d'une  g^raudeur,  d'une  force  extraordinaires  ; 
^t  fa  iioite  prit  le  jîom  de  Vlmmcilde  Armada,  Elle 
etoit  compoféii  *de  cent  trente  vaiiTeaux,  dopt  près  de  ccnc 
4toi^ot  les  plus  gros  qu'on  eût  encore  vus  fur  l'Océan. 
Vingt  caravelles,  ou  petits  bâtiments,  fuivoient  cette 
flotte)  vogudent  et  combattoietit  fous  fes  ailes,  L^enOure 
JBfpagnole  dutfei^ieme  £ècU  s'èft  prodigieufement  ap- 
pvlàutie  fur  une  defcription  exagérée  et  pooipeufe  de  cet 

G  g  ar- 


350  SUR    LA    MARINE. 

armement  fi  formidable.  Mais  ce  qui  répandit  la  terreur 
et  Padmîration  il  y  a  deux  fiècles^  fervîrott  de  rîfée  au- 
jourd'hui. Les  plus  grands  de  ces  yaifleaux  ne  feroîcat 
que  du  troîfieme  rang  dans  nos  efcadres.  Ils  étoient  fi  pe- 
famment  armés  et  fi  mal  gouvernés,  qu'ils  ne  pouvoîent 
prefque  fe  remuer,  ni  prendre  le  vent,  ni  venir  à  l'abor- 
dage,  ni  obéir,  à  la  manoeuvre  dans  des  temps  orageox* 
Les  matelots  étoient  auflî  lourds  que  les  vai&aux^  é- 
toîent  mafTifsy  les  pilotes  prefqu'auiû  îgnoranls  que  les 
matelots. 

Les  Anglois.  qui  connoîSbient  déjli  toute  la  foîblefle 
et  le  peu  d'habileté  de  leurs  ennemis  fur  la  mèr,  ie  repo« 
•sèrent  du  foin  de  leur  défaite  fur  leur  inexpérience.  Con- 
tents d'éviter  Tabordage  de  ces  pefantes  machines,  ils  en 
brûlèrent  une  partie.  Quelques-uns  de  ces  énormes  ga- 
lions furent  pris,  d'autres  defemparés.  Une  tempête  fur- 
vint.  La  plupart  avoient  perdu  leurs  ancres  }  ils  furent 
abandonnés  par  l'équipage  à  la  fureur  des  vagues,  et  jet- 
tés,  les  uns  fur  les  cotes  occidentales  de  l'£cofle,  les  au- 
tres fur  les  côtes  d'Irlande.  A  peine  la  moitié  de  cette 
invincible  flotte  peut  retourner  en  Efpagne,  où  fon  déla- 
brement, joint  à  l'eiFroi  des  matelots,  répandit  uoe-con- 
iternatîon  dont  la  nation  ne  fe  releva  plus  ^  abattue  è  ja- 
mais par  la  perte  d'un  armement  qui  lui  avoit  coutétrois 
ans  de  préparatifs  où  fes  forces  et  fes  revenus  s'étoient 
comme  épuifés. 

La  chute  de  la  marine  Efpagnole  fît  paiFer  le  fceptre 
de  la  mèr  aux  maiiis  des  HoUandois.  L'orgueil  de  leurs 
anciens  tyrans  ne  pouvoit  être  mieux  puni,  que  par  la 
profpérité  d'un  peuple  forcé,  par  l'oppre^Eon,  à  brifer  le 
joug  des  Rois.  Lorfque  cette  République  le  voit  la  tête 
hors  de  ces  marais,  le  relie  de  l'Europe  étoit  plongé  dads 
les  guerres  civiles  par  le  fanatifme»  Dans  tous  les^tats, 
la  periécution  lui  préparoît  des  citoyens.  L'inquîfîtion, 
que  la  Maifon  d'Autriche  vouloit  étendre  dans  les  pays 
de  (a  domination;  les  bûchers,  que  Henri  IL  allumoit  en 
France  ;  tout  concourut  à  donner  à  la.  Hollande  un 
peuple  immenfe  de  réfugiés.  Elle  n'avoit  ni  terres,  ni 
m  ifloQS  pour  les  nourrir.  Il  leur  fallut  chercher  une 
fuLiiflance  par  mèr,  dans  le  monde  entier;  Liibonne, 
Cadi?  et  Anvers,  fefoieni  prefque  tout  le  commerce  de 

r  Europe 


SOR    LA    MARINE;-  351^ 

I*Europc  fôui  «n  même  Souverain,  que  fa  puîiTance  et 
fan  ambition  wndoient  l'oljjèt  de  la  haine  et  de  l'envie. 
Jjes  nouveaux  Répabitcatns,  échappés  à  fa  tyrannie,  ex- 
cités par  le  reffèntiment  et  le  befoin,  fc  firent  corfaires, 
et  fe  JFormèrent  une  marine  aux  dépens  des  Ëfpagnols  et 
àes  Portugal*,  qu'ils  détcftoient.  La  France  et  l'Au" 
gleterre,  qui  ne  voyoient  que  rhumfîiation  de  la  MaifonT 
d'Autriche  dans  lc«  progrès  de  la  république  naiiTante^ 
l'aîdércnt  à  garder  des  conquêtes  et  des  dépouilles,  dont 
elles  ne  connoiiïbicnt  pas  encore  tout  le  prix.  Ainfî  les 
Hollandois  s'aflurèrent  des  étab^iiTtments  par  tout  où  ils 
voulurent  porter  leurs  armes  )  î^'a (Fer mirent  dans  leurs 
aequifions,  avant  qu'on  pût  en  être  jaloux  5  et  fe  rendirent 
inreniiblement  les  maîtres  de  tout  le  commerce  par  leui' 
i»du(lrie,  et  de  toutes  l«s*mèrs.  par  la  force  de  leurs  ef- 
cadres. 

•  L.CS  troubles  d©me(lîques  de  TAngleterfe  favorisèrent 
quelque  temps  cette- pFor{)éri té,  fourdement  acquife  dans 
des  pays  éloignés^  Mais  enfin  Cromwel  éveilla  dans  fa 
patrie  la  jaloufie  du  commerce.  £lle  étoit  naturelle  îl 
un  peuple  iofiilaire.  Partager  l'empire  çle  la  mer,  c'étoit 
la  céder.  Les  Hollandois  réfolurent  de  le  garder.  Au« 
lî«u  des'ftllîcf  avec  l'Angleterre,  ils  s'exposèrent  coura- 
^ufement  àr  la  guerre*  Ils  combattirent  long-temps  avec 
des  forces  inégales  ,  et  cette  opiniâtreté  contre  les  revers, 
leur  conferva,  du  moins,  une  honorable  rivalité.  La 
fupériorité  dans  la  conllrué^lon,  dans  la  forme  des  varT- 
feaux,  donna  fouvent  la  vif^oire  ?l  leurs  ennemis  \  roaîs' 
lâs  vaincus  ne  firent  point  de  pertes  déciGves. 

Cependant,  ces  longs  et  tciribles  combats  avolent  e- 
puifé  du  moins  rallentî,  la  vigueur  des  deux  nations, 
lorfque  Louis  XIV.  voulant  profiter  de  leur  afFoibliffs- 
meut  réciproque>4kfpiraikvrémpîrc  des  mers.  En  prenant 
les  rênes  de  fon  Royaume,\e  prince  n'avoit  trouvé  dans^ 
fes  ports  que  huit  ou  neuf  va^ffcaux  demi  pourris  j  en- 
core n'étorent  ils  ni  du'prena^er,  ni  du  fécond  rang.  Rî« 
clielieuavoit,  f»  jett«r  une  digue  devant  la  Rochelle,  mais 
Bon  créer  une  marine,  do^t  Henri  IV.  et  fon  ami  tiuUy 
devpient  pourtant  avoir  c4smçu  le  projet  ;  mais  tout  ne 
pouvoit  aattrc  à  la  fois  que  dans  le  beau  fiècle  de  la  na- 
tion* Fracçoife*     Louis,  qui  faifiSbit,  du  moins,  toutes 

G  g  a      -  le» 


352  SUR   LA    MARINE. 

hs  Idées  de  grtodeiir  quHl  n^enÀatoit  {MM^  -établit  im 
confeil  de  conAruétion  dans  chaéttn  des  cîaq  pocU'qu*»! 
ouvrît  à  la  marine  royale  ou  mtHtalre*   il  créa  des  ckaa-' 
fiers  et  des  arfeoaux.    £n  moins  de  vin^t  ans^  la  S'rance 
eut  cent  vaîflèaux  de  ligne. 

Ses  forces  sVfiayèrent  d'abord  contre  les  Barbarefqnefy 
qui  furent  châtiés.  Ënfuite  elles  firetit  baiffer  le  pavillon 
à  l*£rpagne.  Delà,  fe  mefurant  avec  les  âottes,  tantôt 
feparées,  tantôt  combîoées,  de  P Angleterre  et  ût  la 
Hollande,  prefque  toujours  elles  emportèrent  Phonneuf 
et  Tavantage  du  combat.  La  première  défaîte  mémo* 
rable  qu'eiîuya  la  marine  Françoife,  fat  en  1692,  lorf* 
qu'avec  quarante  vaîlfeaux  elle  attaqua  vis^-à-vis  de  la' 
Hogue  quatre- vingt  dix  vaifleaux  Anglois  et  Hollao* 
dois,  pour  donner  à  l'Angleterre  ua  Roi  qa'elle  ne  vou* 
loît  pas.  Le  parti  le  plus  nombreux  eut  la  vi61otrc«, 
Jacques  II.  feutit  un  phiifir  in  volontaire  1  en  voyant  tri- 
ompher le  peuple  qui  le  repoufioit  >  comme  li,  dans  ce 
moment,  Ta  mou  r  aveugle  de  la  patrie  l'eût  emporté  coar* 
tre  lui  dans  fon  cceur,  fur  l'ambition  dû  trèoe.  Depuîa 
cette  journée,  la  France  vit  décliner  fes  force»  n»val«s. 

L'Angleterre  prit   dès-lors    une  fupétiofité,   qui  l'a- 
portétr  au  comble  de  la  proTpérité^  -    Une  nation,  qui  As 
voit  aujourd'hui  la  preraièM  iur  toutes  les  ttèrs«  s'hanglne 
\  aifément  qu'eÛe  y  a  eu  toujours  l'empire.     TaatM  elle 

'  fait   remonter   (a   puiianee  maritioie  jufqu'au  temps  de 

Céfar  -,  tantôt  elle  veut  avoir  régné  fur  l'Océan, du  miMirs 
s}u  neuvième  iiècle.  Peut-être  un  jour,  les  Cories,  qui 
ne  font  rieo,  quand  ils  feront^devenus  un  peuple  mariti* 
me,  écriront  et  liront  dans  leurs  falles,  qu'ils  ont  toa« 
jours  dominé  iur  la  Méditerranée,  Telle  èil  la.  vanité 
de  rhorome  ,  il  a  befoin  d'aggrandir  fon  néjot  dans  le 
palTé  comme  dans  l'avenir.  La  vérité  feule,  qui  vit  a* 
vaot  et  après  les  nations,  dit  qu'il  n'y  a  point  eu<te  m»^ 
TÎne  en  £urope  depuis  l'ère  Chrétienne  jeifqii'au  fcistème 
fiècle.  Les  Anglois  eux-mêmes  n'en  avoient  pas  be^ 
loin,  tant  qu'ils  furent  ks  maîtres  de  la  Nonnandte  et 
des  côtes  die  la  France. 

Loifque  Henri  VI IL  voulut  éqi^per  ime  ft^tte,  il  fut 
obligé  de  louer  des  yaiffeaux  de  Hamboiùrg,  de  Lurbeek, 
de.  DanuicKi  mais  fur«tout  de  Gênes  et  de  V^nife,  qui 

fa>' oient 


SUR   LA   MARINE.  35J 

&vo'eat  feules  coDftruire  -  et  conduire  une  marine  ;  qui' 
fEMinûffoient  les  navigateurs  et  les  Amiraux  'y  qui  don«r 
noient  à  P Europe  un  Colomb,  un  Améric,  un  Cabot, 
une  Verezani,  ces  hommes  divins^  par  qui  le  monde  èit 
devenu  fi.  g^and.  £Ufabeth  eut  befoln  d^une  force  na- 
vale contre  l*£fpagne«  Elle  permit  à  des  citoyens  d^ar« 
mer  des  vaifTeaux  pour  courir  fur  les  ennemis  de  i^Etat. 
Cette  permtifion  forma  des  foldats  matelots.  La  Reine 
alla  voir  un  vaiiTeau  qui  avoit  fait  le  tour  du  monde;  ello 
y  embraiïa  Drake,  en  le  créant  Chevalier.  Elle  lallfa 
quarante- deux-  vaââeaux  de  guerre  à  fes  fuccefleurs.  Jac- 
ques I.  et  Charles  I.  ajoutèrent  quelques  navires  aux 
forces  navales  qu-*ils  avoient  reçues  avec  le  trône  *,  mati 
les  Commandants  de  cette  marine  étoient  pris  dans  U 
Boblefie  qui,  contente  des  honneurs*,  laiflbît  les  travaux 
à  des  pilotes.     L^art  ne  fefoit  point  de  progrès. 

Lt  parti  qui  détrôna  les-Stuarts,  avoit  peu  de  Nobles* 
Les  vaiiïieaux.de  ligne  furent  donnés  à  des  Capitaines 
d'une  naiifance  commune,  mais  d^une  habileté  rare  dans 
la  navigation.  lU  pexfeâionèrent,  ils  illudrèreiit  la  ma« 
Tin«  Angloife. 

Charles  11,  im  remontant, fur  lé  trône,  la  trouva  forte- 
éc  cinqaante-fix  vaiiTeaux»     Elle    s'augmenta   fous*  foa^ 
regqe,  jufqu'au^nombre  de  quatre  vingt  trois'  bruiment*', 
dont  cinquante-huit  6toient  de  ligne.     Cependant  elle 
déclina  vers  les  derniers  jours  de  ce  Prince.     Mais  Jac- 
ques II.  fon  frère,  la  i établît  dans  fon  premier  éclat,  Té- 
IfVâ  même  àplus  de  fplendeur.     Grand   Amiral,  avant 
d^être  Roi,  il  avoit  inventé  Tart  de  commander  la  ma- 
noeuvre  fur   les    flottes,  par  les  (ignaux  des  pavillons. 
Quand  le  Prince  d  Orange^  fon  gendre,  prit  fa  Couronne, 
la  marine  Angloife  étoit  compofée  de  cent  foixante  et 
ti-ois  vaiiTeauxde  tou^  grandeur,  armés  de  fept  mille  ca« 
Dons,  et  montés  par  quarante  deux  mille  hommes   d'é- 
quipage.    Cette    force  donbla  p,sndant  la  guerre  pour 
ia  fucccdîon  d^Efpagne.     Elle  a  fait  depuis   des  pi  ogres 
t«ls,  que  l'Angleterre  fc  croit  en  état  de  balancer  feuk, 
par  fcs  forces  navales,  toute  la  marine  de  l'Univers.  Cet- 
te puiiTance  èii  fuft  mèr,  ce  qvt'étoit   Rome   fur  la  1er  te 
quand  elle  tomba  de  fa  grandeur. 

r    La  nation  Angloiie  regarde  fa  marine  comme  le  rem- 

G  g  3  pa-t 


J54  SUR  tA   KARIWEL 

part  de  fa  fureté,  comme  k  fource^e  fei  riobcflcs»  OèH 
dans  la  paix,  comme  ëtB§  la  «guerre,  ie  fitTOt  ^  les  «1^ 
pérances.  Auffi  Icve-t-eHe,  et  plus  Totootièrs,  et  plu» 
promptem«nt,  ime  ilotte  qu^uo  batatUon.-  £ile  n'épargne 
aucun  moyen  de  dèpenfe,  aucune  rtSbufee  de  politique, 
pour  avoir  des  homlncs  de  mèr«    /  . .  , 

Elle  y  employé  d^abord  Tattrait  éK  fécompen^.  Le 
Parlemeut,  en  1744,  déclara  ^oe  tonte*  ieeiprifês  ^e 
ferolt  un  vaifleeo  de  .^oèrre,  appaTtiendvmcBt.BUx.Oâ»*- 
ciers  et  h  l*équipage  du  navke  vainqueur.  Il  accorda  de 
plus  cinq  livres  Sterling  de  grati£caties  à  «haqne  Afi* 
glois  qui,  dans  le  combat,  fe  fereît  élancé  fBr^exevtre 
ennemi^  pris  on  coulé  à  fond.  A  l^^appât  du  gato«  ie 
Gouvernement  ajoute  les  voie»  de  k  force,  û  la  «eceffité 
Texige.  Dans  les  temps- de  giièrs:ey  on  enlevé* lea  mdte* 
lots  de  la  marine  marchande* 

Rien  n^ll  plus  eontraire  en  apparenee  ^  la  Hbefté  na*- 

tionale,  que  oes  coups  d^autorké  qui  firsppeat  à  àa  Soi^- 

fiir  les  hommes  et  êat  le  commerce.     Cependant  qnasd 

ces    aâes    de   violence  n^nt  Iku-  quVn   eoi^éqi;»noe' 

des  befoins  de  Tetat,  on  ne  peut  les   regarder  xaomaae 

des  attentats  contre  la  liberté^  ipaiee  qu'ils  ont  pont  obw 

jet  la  fureté  publique,  Pintérêt  pm'ticuWer  de  «ceus  «méaw 

qui  parotflent  en  i^re  les  viâimes  y  et  qne  IVtat  de  fe» 

^  ciété  exige  que  chaque  volonté  pnrtîcolière  feit  ^uaîib 

i         «  la  volonté  générale.     D'ailleurs,  le  matelot  \n'èâ  à  la 

I  charge  du  public,  que  locfqn'il  le  fcrt»   Les  expéditions 

en  font  plus  -féeries  et  pins  promptes  y  les  éfpiîpages 

ne  font  jamais  olAfs»     iËnfin,  -f^it-ce  un  Jnconveniecn» 

eft-il  pire  que  la  fervitisde  perpétuelle  oià  les  claflès  tî^- 

ennent  les  matelots  de  tonte  l'Europe  f 

La  marine  èà  ua  nouveau  genrre  de  puiflance,  quidoîit 
•changer  la  fece  du  monde.  £Ile  a^  fait  tomber  l'ancien  fyf>- 
t^êm^  d^équîlibre.  L''Alleinagney  qui  tenoît  la  balance- 
entre  les  Maifûns  d'Autriche  et  de  Bourbon,  l'a  cédée  A 
PAngleterfe.  C'«il  cette  iâe  qui  difpofe  aujouird'hui  du 
contiuent>  Comme  elleèfl  voifine,  par  ces  va>fieaux,.de 
tous  les  pay^  qui  tiennent  à  la  mèr,  elle  peut  faire  dia. 
bien  et  du  mal  àplus  d'un  Etat.  £lie  a  donc  plus  d'alliés, 
plus  de  confidéxation  et  d'infiuenceé  C'èï^  elle  qui.do^ 
mine  en  Axnéfique,  parce  qu'elle  y  poffede  des  hommes - 
et  dt^s  artS;  au  lieu  d'or  et  de  matières  de  luxe*  £ilo  feule 

èii 


.   S'Jfm  t&   MARINE.  ssS. 

^  » 

èA  de  levier  da  monde*.  Voye»  comme  elle  prépare  les 
irévol«lMMM4  -oomBe  elle  pcomeoe  fur  fea  flottes  le  deâiyi 
des  nations  l  On  TRCcufe  de  vouloir  être  feule  maitrelTe 
de  la.mèf  et  du  commerce.  Cet  empire,  dont  elle 
pourcoit  '»'èm|»rer  pour  un  moment  ipeut^re,  entrai» 
neroît  fa  perte.  La  monarchie  nniverfelle  des  mèrs^ 
B?èft  pas  fi#  «{MO^èt  aiomt  viam  que  aelte  de  la  terre. 
}  |«a  FnHSœ  crie  et  répète  ^Ul  faut  établir  un  équilibre 
de.  pttiffikBoe  fur  mèr::  Mais  on  la  ibupçonne  de  n'y  vou- 
loir 4p0int.de  «mahres,  pour  n*avmr  plus  de  rivaux  fur  le 
«ofi(tîneot;  iâu  moins  elle  iiVrf»érfuadéjur<|u'àpréfeot  que 
F£fpagne.  C^l>un  /bonheur  pour  l'£urope^  que  les  for* 
oc»  de  la  màr  fafftat  une  diverfion  à  celles  de  la  terre. 
XJttit  puîâance  qoî  a  des  câtea  à  garder,  ne  peut  aifément 
&«nofair  les  barrières  de  iês  voifins.  11  lui  faut  des{>re-i^ 
por^ifs  immenfes  ^  da  troupes  innombrables  ^  dts  .aric« 
naux  de  tïout«  e^ièce  ^  «n  doiible  pnyvifion  de  moyens- 
Ot  de  reflburces*  pour  ciéotfter  dca  projets  <de  conquête* 
Depuis  'que  l'«£urope  oavigosr  elle  'jouit  d^une  plus 
grande  £écurité  au-dedans,  d'une  înâuence  prépondé* 
ffuite  au  dehors.  Ses  guerres  ne  font  peut-être,  ni  mo» 
îns  fréquentes,  ni  moios  dsinglantes  ;  mais  elle  en^èfl  mo« 
ios^  ravagée^  «soins  affaiblie.  Les  qperatîoas  y  font  cou» 
disitce  aved  .plus  de  caacert>  4e  çombinaiion,  et  moina 
de  ces  gronda,  effets  qui  d^aogent  tous  ks  fyÀémes.  14 
f  aiph»  d*effbrt8i^  et  moins: de  fécou^ôs.  Toute)»  les  paf* 
iions  dfcs  hommes  foat  entrai  nées  vers  on  certain  bien 
géaéraly  un  grand  but  apolitique,  un  heureux  «emploi  de 
toutes  les  fatuiltés  phyfîques^t  morales.  Qoel  èft-U^  Le 
oommerce* 


SUR 


35^^         SUR   LB    COMMERCE. 


•^^mmm,mmm 


SUR    lE    COMMERCE. 


S 


1  la  navigation  èft  née  de  la  pëthe^  comnm*  la 'guerre 
de  la  cbafie,  la  marine  è(l  fortîe  du  eommcrce.  On  a 
d^abord  voyagé  fur  mèr,  pour  pofféder  ;  on  aconqBktin> 
ifaonde,  pour  enrichir  l^autre,  Cer  objet  de  conquête 
a  fondé  le  commerce  ',  et  pour  fouttnîr  le  commerce,  il  a 
fallu  des  forces  navales,  qui  font  elles-mêmes  le  produit 
de  la  navigation  marchande.  Les  Phéatciensv  fitu^s  fur 
Tes  bords  de  la  mèr,  aux  confins  de  PAfie  et  de  TA- 
frîque,  pour  recevoir  et  répandre  toutes  les  richeffes  de 
l'ancien  monde;  les  Phéniciens tie  fondèrent  àes  eolooies^ 
lie  bâtirent  des  villes,  que^ourle  comffirerce.  A  Tyr,  ils 
étoient  les-  maîtres  de  là  Méditerranée;  à  Canhage, 
ilsr  jettèrent  les  fondements  d*une  République  qiri  com* 
merça  par  l'Océan  fur  les  meilleures  côtes  de  l'Europe. 
•  Les  Grecs  fuccédèrent  aux  Phéniciens  5  It^  Romains 
aux  Carthaginois  et  aux  Grecs  :  Us  furent  les  maîtres  de 
la  mèr  comme  delà  terre;  mais  ils  ne  firent  d^mitTecom* 
merce  que  celui  d^apperter  pour  eux  en  Italie*  tootes  Itr 
richeffes  de  l'Afrique,  de  l'Àfîe,  et  du  monde  conquis 
Quand  Rome  eut  tout  envahi,  tout  perdu,  le  commerce 
retourna,  pour  ainfi;  dire,  à  fa  fouree  vers  l'Orient. 
G'èd -là  qu'il  fe  fixa,  tandis  que  les  Barbares  inondoient 
l'Europe;  L?£mpire  fut  devifé  :  Les  armes  et  la  guerre 
refièrent  dans  l'Occident  ;  mais  l'Italie  conferva  du'œo« 
1^  inS'  une   communication   avec  le  Levant,    où  couloient 

toujours  les  tréfôvs  de  l'Inde. 

Les  Crorf^des  épuisèrent  en  Afie  toutes  les  ftireurs  de- 
zèle  et  d'ambition,  de  guerre  et  de  fanatiûne,  qui  circu» 
loient  dans  les  veines  des  Européen^  :  Mais  elles  rappor- 
tèrent en  Lurope  le  goût  du  luxe  Afiatique-;  et  elles  ra^^ 
chcièrent  par  un  germe  de  commecce  et  d'induflrie,  le 
fang  et  la  population  qu.'ellts  avoîent  coûtée  Trois 
iiècles  de  guerre  et  de  voyages  en  Orient»  donnèrent 
I  à  l'inquiétude  de  l^£urope,  un  aliment  dont  elle  avoit 

j  befoin  pour  ne  pas  périr  d'une  fortû  de  confomption  in» 

[  terne:  Ils  préparèrent  cette  cffervcrceoce  de  génie  et  d'ac- 

livité, 


su  R   i,«   C  O  M  M  E  R  C  E.  357, 

tWtté,  qui,  dèputSy  sVxhala  çt  fe  déploya  dans  la  con- 
quête et  4e  ceflMBerce  des  Indes  orîeû taies  et  de  PA- 
mérique. 

Xes  Portugais  tentèrent  de  doubler  PAfrîque,  mais' 
pas  à  pas.  lll  s^Etnpà^èf*ent  facceOivement  de  toutes  les 
pointes,  de  tous  les  ports  qui  dévoient  les  conduire  au 
Cap  de  Bilmie«>£rpéFanCe.  ils  employèrent  quatre-vingts 
ans  à  fe  readre  maîtres  de  (onte  la  côte  occidentale  où 
finit  ee  grand' Cap.  En  1497,  Vafco  de  Gamà  franchît 
cette  -barrière  ^  et  remontant  la  côte  orientale  de  T  Afrî- 
€^e,  il:  alla,  par  un  trajet  de  douze  cents  lieues,  aboutir 
à'  ia  côte  de  Malabar,  où  dévoient  fondre  les  tréfôrs  des 
plus  riches  pays  de  PAlle.  Ce  fat-là  le  théâtre  des  con- 
quêtes des  Portugais. 

'  Tandis  que  cette  nation  avoit  les  marchandifes,  PEf- 
pagae  s'emparait  de  <ee  qui  les  acheté,  des  mines  d'or  et 
d*arg^n!t.  Ces  métaux  devinrent  non  feulement  un  véhî^ 
cale,  mais  encore  one  matière  de  commerce,  ils  atti- 
rèrent d'abord  tout  le  refte,  et  comme  ligne,  et  comme 
maTchandire.  Tootes  les  nations  en  «voient  befoin  pour 
faciliter*  l'échange  de  lears  denrées,  pour  s'approprier  les 
jauffance»  qui  leur  manquoient.  L'épanchement  du  \\x\6 
et  de  Kargent  du  Midi  de  l'Europe,  changea  la  face  et 
la  dif  e^lît>fî  du  comaierce^  en  même-temps  qu'il  en  éten- 
dit ks  limites. 

Cependant,  le»  dénie  nations 'conquérantes  des  deux 
Indes,  négligèrent  les  arts  et  la  culture.  Pcnfant  que 
I^r  d«voit  tout  lenr  donner  fans  fonger  au  travail  qui 
feul  attire  l'or,  elles  apprirent  ùn^peu  tard,  mais  à  leurs 
dépens,  qae  l'in^uftrie  qu'elles  perdoîeot  valoit  mieux 
que  les  riclwffcs  qu^'elles  acquéroient  :  Et  ce  fut  la  Hol- 
lande qui  leur  fit  cette  dure  leçon. 

Les  Efpagnols  devinrent  ou  reftèrent  pauvres  avec. 
tant  l^or  du  monde  *y  les  Hollandais  furent  bientôt  ri- 
ches, fans  terres  et  fans  mines.  C'èft  une  nation  au  fer- 
vice  de  toutes  les  autres,  mais  qui  s'èft  louée  'à  très  haut 
prix.  Dès  qu*elle  fe  fut  réfugiée  au  fein  de  la  mer,  aveu 
l'induilrie  et  la  liberté,  qui  îont  fes  Dieux  tutélaires,  elle 
s^pperçut,  qu'elle  n'avoit  pas  même  aifez.de  terre  pour 
nourrir  le  fîxième  de  fa  population.  Alors  elle  jetta  les 
yeux  fur  la  face  du  glob«,  et  fc  dît  t\  elle-même  :  "  Mon 

^'  domaine. 


338  S  UR   LE   COMMERCE. 

"  comajne  èd  le  monde  entier;  j'etijouirnî  par  ma  na^ 
**  vtgation  et  mon  commerce.  Toutesles  terres  fourniront 
'*  à  ma  fubliûence  ;  tous  les  peuples  à  mon  aifance.?' 
Entre  le  Nord  et  le  Midi  de  TEurope,  elle  prit  la  place 
de  la  Flandre  dont  elle  s'étoît  détachée,  pour  n^appar*» 
tenir  qu^à  elle-même.     Bruges  et  Anvers  a  voient  attiré 
ritalic  et  P  Allemagne  dans  leurs  ports  ;  la  Hollapde  de- 
vint à  fon  tour  l'entrepôt  de  toutes  les  PuîiTances,  riches 
ou  pauvres,  mais  commerçantes.   Non  contente  d*appel< 
1er  le!i  auttes  nations,  elle  alla  chez  ellez  acheter  de  Tune 
ce  qui  manquoit  à  Tautre  ;  apporter  au  Nord  les  fub- 
(illances  du    Midi  ;  vendre  aux   Efpagnols  des  nawes 
pour  des  cargaiibns  *,  échanger  fur  la  Baltique  du  vin  pour 
du  bois.     Elle  imita  les  intendants  et  les  fermiers  des< 
grandes  maifoos,  qui,  par  le  gaid  et  les  profits  qu^ils  y 
font,  fe  mettent  en  état  de  les  acheter  tèt  ou  tard.  C'èt)^ 
pour  ainfi  dire,  aux   fraix  de  rEfpagne  et  du  Portugal, 
que  la  Hollande   vint  à  bout  dVnlever  ^  ces  Putfiances 
une  partie  de  leurs  conquêtes  dans  les  deux  Indes,  et 
piefque  tout  le  profit  de  leurs  colonies.   Elle  fut  endor- 
mir la  pareiFe  de  ces  conquérants  fuperbes  ;  et  par  fon 
adivité,  fa  vigilance,  fuprendrc  le  clef  de  leurs  tréfôrs 
doiit  elle  ne  leur  laiffoît  que  la  câffctte,  qu'elle  avoîtfoin 
de  vuider  à  méfure  quUls  la  rempUfioient^  '   C'èll  ainli. 
qu^un  peuple  retùrier,  ruina  des  peuples  gentilshommes  ^.. 
mais  au  jeu  le  plus  honnête  et  le  plus  légitime  qui  foit 
dans  les  conibiaalfons  de  la  fortune. 

l'out  favorifa  la  naifiance  et  les  progrès  du  commerce 
de  la  République  :  Sa  poûtion  fur  les  bords  de  la  mèr,  à> 
^embouchure  de  plufteurs  grandes  rcvières  *,  fa  proximité 
d^s  terres  les  plus  abondantes  ou  les  mieux  cultivées  de 
l'Europe  j  fes  liaifons  naturelles  avec V Angleterre  ctTAI- 
Icmagne,  qui  la  défendoient  contre  la  France  *,  te  peu 
d'étendue  et  de  fertilité  de  fon  terrein,  qui  forçoit  fes 
habitants  à  devenir  pêcheurs,  navigateurs,  courtiers, 
banquiers,  voituriers,  commidlonaires  >  à  vivre,  en  un 
mot,  d'induilrie,  au  défaut  de  doroaiiie.  Les  caufes 
morales  fe  joignirent  à  celles  du  climat  et  du  fol  pour 
établir  et  hâter  fa  proipérité  :  La  liberté  de  fon  Gou- 
vernement, qui  ouvrit  un  afyle  à  tous  les  étrangers  mé- 
coAteras  da  leur  >  la  liberté  de  fa  religion,  qui  laiffoit  t 

toutes 


SUR    LB    COMMERCE.  359 

toutes  les  autres  un  exercice  pub&c  et  tranquille,  c'èil- 
à  dire  raccord  du  cri  de  la  nature  avec  celui  de  la  con- 
fcience,  des  intérêts  avec  les'  devoirs,  en  un  mot,  la  tolé« 
rance,  cette  Religion  univer felle  de  toutes  les  âmes  ju« 
il'es  et  éclairées,  amies  du  Ciel  et  de  la  terre,  de  Dieu 
comme  leur  père,  des  hommes  comme  leurs  frères.  £n- 
£n,  la  République  commerçante  fut  tourner  à  fon  profit 
tous  les  événements,  et  faire  concourir  à  fon  bonheur  les 
-calamités  et  les  vices  des  autres  nations. 

Cette  indnllrie  de  la  Hollande,  où  fe  mêla  beaucoup 
de  cette  finelTe  politique  qui  feroe  la  jaloufie  et  les  diffé- 
rends entre  les  nations,  ouvrit  enfin  les  yeux  à  d^autres 
Puiflances.  L^Angleterre  fut  la  première  à  s^apperce- 
voir  qu'on  n^avoit  pas  befoin  de  rmtreraife  des  Hollan- 
dois  pour  trafiquer.  Cette  nation,  chez  qui  les  attentats 
du  defpotifme  avoient  enfanté  la  liberté,  parce  qu'ils  pré- 
cédèrent la  corruption  et  la  moleffe,  voulut  acheter  les 
richeâes  par  le  travail  qui  en  èil  le  contrepoifon.  Ce  fat 
elle  qui,  la  première,  envifagea  le  commerce,  comme  la 
fciencie  et  le  foutien  d'un  peuple  éclairé,  puiiTant  et  même 
vertueux.  Elle  y  vit  moins  une  acquifition  de  jouiiïan* 
ces,  qu'une  angmentation  d'induilrie  »  plus  d'encourage- 
ment d'aâivité  pour  la  population,  que  de  luxe  et  de 
magnificence  pour  la  tepréfentation.  Appellée  à  com- 
merce par  fa  fîtuatîon,  ce  fut-là  Vefprit  de  fon  Gouver- 
nement, et  le  le^ttr  àt  fon  ambition.  Tous  fes  refforts 
tendirent  à  ce  grand  objet.  Mais  dans  les  autres  monar- 
chies, c'èft  le  peuple  qui  fait  le  commerce  ;  dans  cette 
heureufe  conftitution,  c'èR  l'Etat  ou  la  nation  entière  : 
toujours  fans  doute  avec  le  defîr  de  dominer,  qui  renferme 
celui  d'affervir,  mais  du  moins  avec  des  moyens  qui  font 
le  honneur  du  monde,  avant  de  le  foumettre.  Par  la 
guerre,  le  vainqueur  n'èft  guère  plus  heureux  que  le  vain- 
cu, puifqu'il  ne  s'agit  entre  eux  que  de  fang  et  de  plaies  : 
Mais  par  le  commerce,  le  peuple  conquérant  introduit 
néceffaireraent  Tindulirie  dans  un  pays  qu'il  n'auroit  pas 
conquis  fi' elle  y  avoit  été,  ou  qu'il  ne  garderoit  pas,  fi 
elle  ia'y  étoit  point  entrée  avec  lui.  C'cit  fur  ces  princi- 
pes que  l'Angleterre  a  fondé  fon  commerce  et  fa  domi- 
nation, et  qu'elle  a  réciproquement,  et  tour-à-tour,  éten- 
du l'un  par  1  autre. 

jLcs  François,  fitué^  fous  un  Ciel  et  fur  un  fol  égalc- 

meuC 


36p  SURx.«COMM£RC£. 

neot  beureux,  fe  font  long  fempi.  flattés  d*<voîr  b«a«^ 
coup  à  donner  aux  autres  nations,  et  prfeqve  lien  à  l^irr 
demander.  Mais  Colbert  fentit  que,  dans  la  fenaettCt- 
tîon  où  fe  trouvoft  de  fon  temps  toute  l'Europe,  il  y  nu- 
roît  un  gain  évident  pour  la  culture  et  les  pnidaélioiisd'ttn 
pays  qui  travaîlleroit  fur  celles  du  monde  entter*  11  ou« 
vrit  des  manufaâures  à  tous  les  arts.  Les  laines,  les  iîs- 
îeries,  les  teintures,  les  brodericSi  les  étoffes^  d*or  et  d'ar 
gent,  acquirent  dans  les  mains  des  François  une  raffine- 
ment de  luxe. et  de  goût,  qui  les  fit  recbercber  par  tout 
de  cette  noblefle  qui  poflede  les  plus  riches  fonds  de  terre. 
Pour  augmenter  le  produit  des  arts,  il  fallut  pofféder  les 
matières  premières,  et  le  commerce  dtreâ  pouvoit  icul 
les  fournir.  Les  hafards  de  la  navigation  avoient  donné 
des  poSedions  à  la  France  dans  le  nouveatt-mond««  com- 
me à  tous  les  brigands  qui  avoient  couru  la  roèr.  L'am- 
bition de  quelques  particuliers  y  avoit  formé  des  colo» 
nîesy  qui  s'étoîent  nourries  d'abord  et  même  agrandies 
par  le  commerce  des  HoUandois  et  des  Anglois.  Une 
marine  nationale  devoit  rendre  à  la  métropole  cett«  lial<- 
fon  naturelle  avec  fes  colons.  Le  Gouvernement  éleva 
donc  fes  forces  navales  à  l'appui  de  fa  navigation  com* 
merçante.  La  nation  dut  faire  alùrs  un  double  profit  fur 
la  matière  et  l'art  de  fes  manufactures.  £lle  pouffa  cette 
branche  précaire  et  momentanée  avec  une.  vigueur,  une 
émulation  qui  devoit  laiilèr  long-temps  fes  rivaux  en 
arrière  ^  et  la  France  jouit  encore  de  la  fupériorité  far  les 
autres  nations,  dans  tous  les  arts  de  luxe  et  de  décora* 
tîon  qui  attirent  les  richeffes  à  l'înduilric. 

,La  mobilité  naturelle  du  caraâère  national,  fa  frivo* 
lité  même,  a  valu  des  tréfors  ^  l'£tat,  par  l'heuivuia  con- 
tagion de  fes  modes.  Semblable  à  ce  fexe  delleat  et  lé<' 
ger,  qui  nous  montre  et  nous  infpire  le  goût  de  la  parure, 
le  François  domine  dans  les  Cours,  au  moins  par  Ja  tM* 
Ictte  :  et  fon  art  de  plaire  èfl  un  des  fécrèts  de  fa  for* 
tune  et  de.  fa  puifTance.  D'autres  peuples  ont  inaitrifé  le 
inonde  par  fes  lAoeurs  fimples  et  tufiîquesy  qui  font  les 
vertus  guerrières  >  lui  fcul  y  devoit  régner  par  (et  vices* 
Son  empire  durera,  jufqa'à  ce  qu'avili  fous  les  pieds  de 
(t»  maîtres  par  âts  coups  d'autorité  iàns  principes  et  fatia 
bornes,  il  devienne  meprifable  à  fes  propres- yeux.  Alors 
avec  la  confiance  en  lui-même, -il  ^perdxa  cette  ioduHrie, 

qui 


SUR   LE   COMMERCE.  36c 

qui  èft  uneMet  fources  de  fou  opulMice  et  des  reilbrts  de 
fun  aéHvité,  Bientôt  il  n^aara  plus  ni  manufadvtres,  ni 
colonies,  01  commerce. 

Cette  nouvelle  âme  dtt  monde  moral  s'èft  inflnuée  de 
proche  en  proche,  jufqu^à  devenir  comme  eflenti#ie  à 
t^ifganifatioo  00  <i  t*exiftence  des  corps  politiques.  Le 
gOQt  du  *tuxe  et  des  commodités  a  donné  l'amour  du  tra- 
Tsdl,  qui  fait  aujourd'hui  la  principale  force  des  Etats.  A 
la  Térilé,  les  occupations  fédentaires  des  arts  mécha« 
niques,  rendent  les  hommes  plus  fenfîbles  aux  injures  des 
faifons,  moins  propres  au  grand  air,  qui  èft  le  premier 
aliment  de  la  vie.  Mais  enfin,  on  éft  encore  plus  heu. 
Yeux  d'énerver  refpèce  humaine  fous  les  toits  des  attelie^^, 
que  de  Tagucrrir  fous  les  tentes,  puifque  la  guerre  dé- 
truit quand  le  commerce  crée.  Par  cette  utile  révolu- 
tion dans  les  moeurs,  les  maximes  générales  de  la  poli- 
tique ont  changé  l'Europe;  Ce  n'èft  plus  un  peuj>]e  pau- 
vre qui  devient  redoutable  à  une  nation  riche.  La  force 
è(l  aujourd'hui  du  côté  des  richefîes,  parce  qu'elles  ne 
font  plus  le  fruit  de  la  conquête,  mats  l'ouvrage  des  tra- 
vaux alTidus  et  d'une  vie  entièrement  occupée.  L'or  et 
l'argent  ne  corrompent  que  les  âmes  oifives,  qui  jouiiTent 
des  délices  du  luxe,  au  fejour  des  intrigues  et  des  baâef- 
fes,  qu'on  appelle  grandeur.  Mais  ces  métaux  occupent 
les  bras  et  les  doigts  du  peuple  ;  mais  ils  excitent  dans 

.  les  campagnes  àréproduîre  ;  dans  les  villes  maritimes,  à 
naviguer  ;  dans  le  centre  d'un  Etat,  à  fabriquer  des  ar- 
mes, des  habits,  des  meubles,  des  édifices.    L^homme  èll 

^  aux  prifes  avec  la  nature  :  fans  cefiTe  il  la  modifie,  et  fans 
ceflie  il  en  èft  modifie.  Les  peuples  font  tailVés  et  fa- 
çonnés par  les  arts  qu'ils  exercent.  Si  quelques  métiets 
amoUiflent  et  dégradent  l'efpèce,  elle  s'endurcit  et  fe  re- 
pare dans  d'autres.  S'il  èd  vrai  que  l'art  la  dénature,  du 
moins  elle  ne  fe  repeuple  pas  pour  fe  détruire,  comme 
chez  les  nations  barbares,  des  temps  héroïques.  Sans 
doute,  il  ètl  facile,  il  èâ  beau  de  peindre  les  Romains, 
avec  le  feul  art  de  la  guerre,  fubjugant  tous  les  autres 
arts,  toutes  les  nations  oifives  ou  commerçantes,  poli- 
cées ou  féroces  ^  brifant  ou  méprifant  les  vafes  de  Co- 
rinthe,  plus  heureux 'fous  fes  Dieux  d^argille  qu'a\fcc 
les  ilalues  d'or  de  leurs  Empereurs  :  Mais  il  èfl  en- 
core plus  doux,  et  plus  beau  peut  être,  de  voir*  tojce 
l^Europe  peuplée  de  nations  larborieufes,  qui  roulent  (uns 

Hh  ceii'- 


36a  SUR  LK   COMME  RC£« 

cefle  autour  du  globe,  pour  le  défricher  et  l'approprier  î 
rhoœme  ^  agiter  par  le  fouffle  vivifiant  de  Pinduilrîei 
tous  les  germes  réproduâîfs  de  la  nature  ^  demander  aux 
abymes  de  l'Océan^auz  entrailles  des  rochers,  ou  de  nou- 
veau)^ foutîens,  ou  de  nouvelles  jouiffances  5  remuer  et 
fottlever  la  terre  avec  tous  les  leviers  du  génie }  établir 
entre  les  deux  hémîrpheres,  par  les  progrès  heureux  de 
Part  de  naviguer,  comme  des  ponts  volants  de  communi* 
cation,  qui  rejoignent  un  continent  à  l'autre  ;  iuivre  tou« 
tes  les  routes  du  foleil  j  franchir  les  barrières  annuelles, 
et  pafler  des  tropiques  aux  pôles  (bus  les  ailes  des  vents  i 
ouvrir,  en  un  mot,  toutes  les  fources  de  la  population  et 
de  la  volupté,  pour  les  verfer  par  mille  canaux  fur  la  fac« 
du  monde.  C^èd  alors,  peut-être,  que  la  Divimté  cpi&« 
temple  avec  plaifir  Ton  ouvrage,  et  ne  fe  repent  pas  d'à* 
yoîr  fait  l'homme. 

Telle  èfl  rimage  du  commerce,  Admirez  ici  le  gên» 
du  négociant.  Le  même  efprit  qu'avoit  Newton  pour 
calculer,  la  marche  des  aftres,  il  l'employé  à  fuivre  la  mar« 
che  des  peuples  commerçants  qui  fécondent  la  terre.  Ses 
problêmes  font  d'autant  plus  difficiles  à  réfoudre,  quje  les 
conditions  n'en  font  pas  prifes  dans  les  loix  invariable» 
de  la  nature,  comme  les  hypothefes  du  géomètre  \  mais 
dépendent  des  caprices  des  hommes  et  de  l'inftabilité  de 
mille  événements.  Cette  juftefiè  de  combinaiions  que 
dévoient  avoir  Cromvrel  et  Richelieu,  l'un  pour  détruire, 
l'autre  pour  cimenter  le  difpotifme  des  Rois»  il  la  jK>f<- 
fede  et  va  plus  loin  ;  Car  il  embrafle  les  deux  mondes  dans 
fon  .coup  d'ceil,  et  dirige  fes  opérations  fur  une  infinité 
de  rapports  qui  n'èft  donné  que  rarement  à  Thomme 
d'£tat,  ou  même  au  philofophe,  de  failir  et  d'apprécier* 
Rien  ne  doit  échapper  à  fa  vue*  Il  doit  prévoir  TioBu* 
ence  des  faifons,  fur  l'abondance,  la  difette,  la  qualité  des 
denrées,  fur  le  départ  ou  le  retour  des  vaifleaux  ^  l'in- 
âuence  des  affaires  politiques  (ur  celles  du  commerce  > 
les  révolutions  que  la  guerre  ou  la  paix  doivent  opérer 
dans  le  prix  et  le  cours  its  roerchandiies,  dans  la  mafie 
et  le  choix  des  approvLSonéments  dans,  la  fortune  des 
places  et  des  ports  du  monde  entier  ^  les  fuites  que  peut 
avoir  (eus  la  Zone  Toride  l'alliance  de  deux  nations  du 
Nord  *,  les  'progrès,  foit  de  grandeur  ou  de  décadence, 
des  différentes  compagnieide  commerce  ^  le  contre-coup 

qac 


s  U  R  LE   C  O  M  M  E  R  C  E.  363 

que  portera  fur  l'Afrique  et  fur  PAmérîque,  la  chute 
d'une  Puîflancc  d'Europe  dans  Tlnde;  les  Ôagnations 
que  produira  dans  certains  pays  l'engorgement  de  quel- 
ques canaux  d*îndulhie  ;  la  dépendance  réciproque  eiltre 
la  plupart  des  branciies  de  commerce,  et  le  fécours  qu'el- 
les fe  prêtent  par  les  torts  paffagers  qu'elles  femblent  fc 
faire  ;  le  moment  de  commencer,  et  celui  de  s'arrêter  dans 
toutes  les  ente  rprifes  nouveUes;  en  un  mot,  Tart  de  rendre 
toutes  les  nations  tributaires  de  la  Tienne,  et  de  faire  ia 
fortune  avec  celle  de  fa  patrie,  ou  plutôt  de  s'curichîr, 
en  étendant  la  profpérité  générale  des  hommes.  Tels 
fon\  les  objets  qu'cmbrafle  la  profeflion  de  négociant. 
'  C'ért  à  fui,  fur-tout,  qu'il  appartient  d'approfondir  le 
coeur  humain,  et  de  traiter  avec  les  égaux,  en  apparence, 
comme  sMls  étoient  de  bonne  foi,  niais  au  fond,  comme 
s'ils  n'avotent  point  de  probité.  Le  commerce  èft  une 
fcience  qui  demande  ?^  la  fois  la  connoiffance  des  hom- 
lues  et  des  chofes.  '  La  difficulté  de  la  fcience  vient,  il 
faut  Tavoucr,  moins  encore  de  la  multiplicité  des  objètf^ 
qile  de  l'avidité  de  ceux  qui  la  pratiquent.  Si  l'emulatioti 
augmeate  le  concours  des  efforts,  la  jaloufîe  en  arrêté  le 
fuccès.  Si  l'Intérêt'  èft  le  vice  rongeur  des  profelfions^ 
que  doît-il  être  pour  celle  qu'il  enfante  ?  Sa  propre  faim 
le  dévore  lui-même.  La  pailion  de  l'argent  répand  dans 
le  commerce  une  avarice  qui  rétrécit  tout,  jufqu'aux: 
moyens  d'amafler. 

Faut-il  accufer  ici  les  commerçants  de  cette  rivalité, 
des  Gouvernements,  qui  gêne  l'induftrie  générale  par  des 
prohibitions  réciproques  ^  ou  la  tyrannie  de  l'autorité, 
qui,  pour  gagner  fans  commerce,  gêne  toutes  les  clafTes 
de  l'induflrie  par  des  corporations  ?  Oui,  toutes  ces  corps 
étouffent  l'àme  du  commerce;  la  iiherlê  !  Ordonnera 
l'homme  indigent  de  payer  pour  travailler,  c'èft  le  con- 
damner en  même-temps  à  l'oifîveté  par  l'indigence,  à  l'In- 
digence par  l'oifîveté  5  c'èft  diminuer  la  mafîe  du  travail 
national  )  c'èft  appauvrir  le  peuple  pour  enrichir  le  fifc  j 
c'èft  les  anéantir  l'un  et  l'autre. 

La  jaloofîe  du  commerce  n'èft  entre  les  Etats,  qu'une 
confpiration  fécrète  de  fe  ruiner  tous,  fans  qu'aucun  s'en- 
richifle.  Ceux  qui  gouvernent  les  peuples,  mettent  la 
même  addreife  à  fe  défendre  de  l'induftrie  des  nations, 
qu'à  fe  garantir  des  foupleftes  des  Grands.       Un  feùl 

U  h  z  hommey 


3^4         SUR   LE    COMMERCE. 


\ 


bommey  bas  et  méchant,  faffit  p«ar  întroduire  cens  cou* 
traiotes  ^n  Earope.  Les  cb aines  s*j  nmltlplient,  com- 
me 1er  armes  dcftmélives.  L*art  des  prohibitions  dans 
le  commerce,  Part  des  extorfiont  de  la  finance,  ont  fait 
les  coBtrebandicrs  et  1rs  forçats,  les  douanes  et  les  mo- 
nopoles, les  corfaires  et  les  roaltotiers.  La  terre  et  Peaa 
font  couvertes  de  guérites  et  de  barrières.  Le  vôjageur 
n^a  pomt  de  repos,  le  marchand  point  de  propriété  f 
Tan  et  Tautre  font  expofés  à  tous  les  pièg^^s  cruDe  légî- 
flation  artificieufe,  qui  sème  les  crimes  avec  les  défenfes, 
les  peines  avec  les  crimes.  On  fe  trouve  coupable,  fans 
le  favoir  ni  le  vouloir  :  on  èft  arrêié,  dépouillé,  taxé, 
fans  cefler  d*étre  innocent.  Le  droit  des  gens  èd  violé 
par  fes  protecteurs  ;  le  droit  du  citoyen  par  le  citoyen } 
ï^bommedu  Prince  ne  cefle  de  tourmenter  lliomme  de 
r£tat,  et  «le  traitant  vexe  le  négociant.  Tel  pft  le  com- 
merce en  temps  de  paix.  Qne  relier t-il  à  dire  des  guèrres^ 
de  commerce  ? 

Qu^uD  peuple  eonfine^  dans-  les  glaces  de  POurfe,  arri\» 
rhe  le  f  èr  aux  entrailles  de  la  terre,  qui  lui  refufe  la  fubr 
Êdance,  et  qu^l  aiUe  le  glaive  à  la  main  couper  les  molf? 
fons  d'un  autre  peuple  j  la  faim,  qiiî  n^ayant  point  de 
loîx,  n'en  peut  violer  aucune,  femble  excufer  fes  hoflilî-^ 
tés.  il  faut  bien  qu'il  vive  de  carnage,  lorfqull  n'a  point, 
de  grail^s.  Mais  quand"  une  nation  jouit  d'un  grand  com-. 
nierce,  et  peut  faire  fubfiHer  plufîeurs  £tats  du  fuperSu 
de  ces  richefles,  qael intérêt  l'excite  à  déclarer  la  guerre, 
à  d'autres  nations  induflrieufes  ^  à  les  empêcher  de  na^ 
viguer  et  de  travailler  :  en  un  mot,  â  leur  défendre  de 
vivre  fous  peine  de  m.ort  ?  Pourquoi  s'afroge-t-elle  y  ne. 
branche  exclufive  de  commerce,  iin  druit  de  pêcTie  et 
de  navigation  à  titre  de  propriété,  comme  Ç  la  mer  de-, 
voit  être  divifée  en  arpents  de  même  que  la  terre  ?  Sar.s 
doute,  on  voit  le  motif  de  ces  guerres  j  ou  fait  que  la 
jaloufie  de  commerce  n'èft  qu'une  jalouile*  de  puilTauce. 
Mais  une  nation  a-t-elle  droit  d'empêcher  le  travail  qu'- 
elle ne  peut  faire  elle-même,  et  d'en  condamner  une  au- 
tre à  l'oîfiveté,  parce  qu'elle  s'y  dévoue  î  ^ 

Des  guerres  de  commerce  :  quel  mot  contre  nature  !. 
Le  commerce  alimente^  et  la  guerre  détruit.  Le  com- 
merce peut  bien  enfanter  et  nourrir  la  guerre  ^  mais  la 
guerre  coupe  toutes  les  veines  du  commerce.     Tout  ç& 

qu'une 


StJK  LK  COMMERCE.  3^5 


pilla^i^  ,         „        ,  _„ 

res,  ni  les  hommes.  LeS' guerre»  de  coiomerce  font  d^au* 
tant  plus  funeftev  que  par  TlniïueQce  aôuèllo  de  la  mèr 
fur  la  terre,  et  de  l'EuTopc  fur  les  trois  autres  parties  du 
mondé,  reo^rafement  devient  général  ;  et  que  les  d^. 
fentîon^  ât  deux  peuples  maritimes  répandent  la  difcorde 
chez  tous  leurs  alliés,  et  Pinertic  darks  le  parti  même  de 
la  neutralité. 

Toutes  les  côtes  et  toutes  les  mers  rougîes  de  fang  et 
couvertes  de  cadavres  j  les  foudres,  de  la  guerre  tonnant 
d'un  poîeâ  l'autre,  entre  l*Afrique,  l'Afîe,  et  l'Amérique, 
fur  rOcéan  qui  nous  fépare   du  nouveau  monde,  fur  I». 
vafte  étendue  de  la  mèr  Pacifique  :.  Voilà  ce  qu'oaa  vu 
dans  les  deux  dernières  guerres,  où  toutes  les  FuifSinces 
de    l'Europe  ont   tour-à-tour  éprouvé  de&'  fecqufîjes  et 
frappé  de  grands  coups.     Cependant  la  terre  fe-dépeu-» 
ploît  de  foldats,  et  le  commerce  ne  la  rcpeuploit  pas  ^ 
les  campagnes  étoîcnt  deîTéchées  par  les  irapdtSi,  et  les 
canaux  de  la  navigation   n'arrofoient.  pas  IWricuJture. 
Les  emprunts  de  l'Etat  ruinoient  d^avance  la  fortune  des- 
citoyens  par  les  bénéfice»  ufuraïres,  proc^âics  des  ban? 
qucroutes.    Les  nations  même  viâorîeafes  fuccoroboient 
fous  le  faix  dés  conquêtes  5  ets'emparant  de  plus  de  pays 
cju'elles  n'en  pouvoicnt  g^det  ou  cultiver,  s^anéantif- 
foient,  pout  ainfi  dire,  dans  la  ruine  de  leurs  ennemis. 
JLts  nations  neutres^  qui  vouloient  ^enrichir  en  paix 
au  milieu  de  ttt  incendie,  recevoient  et  fpuffroicnt  des 
incultes  plus  flétiiiEintcs  qui  les  défaites  d'une  guerre 
ouverte. 

Quel  fyflême  înfenfé  que  ces  guerres  de  commerce,, 
également  nuifibles  à  toutes  les  PuifTances  qui  les  font, 
fans  être  avantageufes  aux  Etats  qui  n'y  fqni  point 
compris  •  que  ces  gucTres,  ou-  les  matelots  font  chan- 
gés en  foldats,  «t  hs  vaiffeaux  maichands  en  corfaires  : 
où  les  métropoles  et  les  colonies.  fouEent  de  l'intcrrup- 
tion  de  leurs  échanges,  et  de  la  cherté  réciproque  de 
leurs  denrées  ! 

Quelle    fource   d*abus  politiques,  que  ce»  traités  de 
commerce  qui  deviennent  autant  de  femenccs  de  guerre! 

Hh3  .c^.s 


366^  SUR  LB  COMMERCE. 


CCS  privilèges  cxclufifs  qu'une  nation  obtient  cfccx  nne 
autre  pour  un  trafïîc  de  luye,  on  pour  tin  aproTifimmei^ 
ment  de  fûbfîftance  t  La  liberté  générale  de  Plnduf^rîe 
et  du  commerce  :  Voilà  le  feul  traité  quVne  nation  m*a- 
ritime  devroît  établir  chez  elle,  et  négocier  Atz  lés  «u* 
très.  Ce  peuple  feroit'le  bienfaiteur  du  genre  Eutnain» 
Plus  il  y  aurelt  de  travail  fur  la  terre,  de  vaiffeaux  (iir  la 
inèr«  plus  il  lui  reviendroit  de  ces  jouiiTances  qu'il  recher- 
che et  par  des  traités  et  par  des  guerres.  Car  il  n'y  a 
poÎQt  de  progrès  de  richeffes  dans  un  pays»  s'il  n^y  a 
point  d'indu flrie  chez  fes  voifîns.  Ceux-ci  ne  peuvent  les 
acquérir  que  par  des  matières  d'échange,  ou  qu'avec  de 
VoT  et  de  l'argent.  Mais  on  n'a  ni  métaux,  ni  ouvrages 
précieax,  fans  commerce  et  fans  tndullrîe  ;  ni  ces  detfx 
fources  de  richefles,  fans  liberté.  L^oîfiveté  d'une  tm- 
tion  nuit  à  toutes  les  autres,  ou  parce  quVUe  les  con- 
damne à  plus  de  travail,  ou  parce  quMIe  les  prive  4cs 
produélîons  d'un  pays.  L*ordre  èft  inverti  par  le  (y- 
ilême  aélucl  du  commerce  et  de  l'induftrie. 

On  retrouve  les  belles  laines  d'Efpagne  dans  les  trov* 
peaux  de  l'Angleterre,  et  les  foteries  d'Italie  font  culti- 
vées jufques  dans  l'Allemagne.  Le  Portugal  peurroit 
perfedionner  fes  vins,  fans  le  commerce  exclufif  qu'il  en 
donne  à  une  compagnie  protégée.  Les  montagnes  du 
Nord  et  du  Midi  fuâîroient  pour  àpprovifîonner  l'Eu- 
rope de  bois  ou  de  métaux,  et  les  plaines  en  prèduhaient 
plus  de  grains  et  de  fruits.  Les  manufaé^ures  s-'ékt^e- 
roient  dans  les  terres  arides,  fi  la  circulation  y  verfott'  l'a*- 
"bondance  des  chofes  communes.  On  ne  laiSeroit  pas- 
dès  Provinces  incultes  au  milieu  d*un  Ëfat,  ^ur  fertîUi* 
fer  des  marais  mal-fains,  où,  quand  la  terre  v«as  («b- 
ffante,  Tair  et  la  met  vous  con fument.  On  ne  vérroit 
pas  toutes  les^icheffes  du  commerce  dans  qu^qiïes  vî^es 
d'un  grand  Royaume,  comme  on  y  voit  tons  les  droits  et 
tous  les  biens  du  peuple  dans  quelques  familles.  La  cir- 
culation fcroit  plus  vive,  et  la  confommatioti  plus  abon* 
dantc.  Chaque  Province  cultiveroil  fa  prodt^krn  fa» 
vorite,  et  chaque  famille  fon  petit  chitnp.  Soos  chaque 
toit,  il  naitroit  un  enfant  de  plus  pour  la  navigation  et 
pour  les  arts.  L'^Europe  devicndroît,  comme  la  Cinn^ 
un  edaim  innombrable  de  population  et  d'induilfie#  En- 
fin,  la  liberté  du  commerce   amènerait  infenfibletaent 

cette 


PORTRAIT  ojE  CROMWELL.    3^^ 

cette  paix  uahrerfelle,  qu*un  Ro!  gyèrrier,  luaîs  humain^ 
ne  crpj^t  pas  dûmérique.  L^efpnt  de  calcul  et  d^iil- 
térét  fondecoît  le  f^ftême  du  bonheur  des  nations  fur  le 
dêv.elQPptçnient  de  la  raifon,  qui  feroit  une  belle  et  glo- 
xUufe'^.uvfr-garde  de  nioeurs. 


.  t  , 


■PORTRAIT  DE  CROMWELL» 

NptlntCromweir  comme  un  nomme  qui  a  été  fourbe 
(QU^  fa  vie,  JVi  de  la^ieine  à  le  croire*  Je  penfci 
i|uHl  fiit  d'abord  éntouiialle^  et.qu^enfuite  il  fit  (ervir  fon 
£iRatirm«.méme  à  fa.  grandeur.  Va  novice  fervent  ^ 
▼tngt  ans  devient  fouvent  un  ^fripon  habile  à  quarante* 
On  coQ^mence  par  être  dupe,  et  on  finit  par  être  fripon, 
dans  le  grand  jeu  de  la  vie  humaine*  Un  hpmme  d'état 
ftrend  pour  aumônier  un  mobe  tout  paît  ri  des  petitçfies 
dft  ion  cof  vçnt»  dévot,  crédule»  gauche^  tout  neuf  pour 
>p:  monde  V  le  moine  s'inllruit,  fo  forme,  s^lntrigué,  et 
fupplante  Cba  maître^. 

Cron^well  ne  favoit  d'abord  s'il  fe  feroît  ecctéfîaflîqae 
oufoldat»     Il  fut  l'un  et  l'autre.     Il  ikr  en   1622  une 
campago^:  dans^  l'armée  du  pçinçe  d'Orange  rrederic'- 
Henrir  grand  homme»  frère  de  deux  grands  homme  ;  et 
quand  il  revint  ea   Angif terre»  il  fe  mit  au  £erviee  de 
«  V-évêque   Williams»   et    fut  le  théologien  de  ihonfeîgr 
Djeur, .  l£34|dis  que  mouie jgiieur  paffoit  pour  l'amant  de 
b  femme*     Ses  principes  étoient  ççux  des   Puritains  ; 
RÎnii  il  devoit  haïr  de  tout  fon  cçeur  \\n  évêque,  et  ne 
.  )pA»  aimer  les  rois»      On  le   chaffa    d^   la   maifon    de 
l'4vêque  Williams»  parce  qu'il  étoit^  Puritain  ^    et.  voilà 
l'origine  de  fa  fortune.     L^  Parlement  d'Angleterre  fe 
déclara  cçptr^ la  Royautéet contre  l'Epifcopat  ^  quelques 
;ami$  qtt'il  avoit  danj^  <;j5    ParlcDwnl  lui  procurèrent  la 
npmiaaûon  d'un  ^onrg.    Il  ne  commença  à  exiger  que 
dati^e^^t^ms'l^.etil  avpit  plus  de  quarante  ans  fans  qîTil 
:eut  jatnais  fait  parler  de  lui.     Il  avoit  beau  polTéder  l'E- 
criture faint^^  difputer  fur  les  droits  des  prêtres  et  des 
'  4itaçr6S|  faire  quelq'&es  mauvais  fermons  et  quelques  H- 

belles. 


i69    PORTRAIT  DE  CROMWELX, 

belles,  il  étoit  ignoré,  J^a!  ^ndt  loi  en  fertnan  qui  èfl 
fort  ioiîpîde,  et  qui  reiTemble  a&s  atix  prédications  des 
Quakers  ;  on  n*7  découvre  afsûrément  aucune  trace  de 
cette  éloquence  perfuafive  avec  laquelle  il  cntraina  depuis 
les  Parlements.  C'èft  quVn  eflfet  il  étoît  beaucoup  plu» 
propre  aux  affaires  qu'à  reglife.  C'étoît  fartout  dans  (on 
ton  et  dftns  fnn  air  que  confîâoit  fou  éloqnence;  un  geile 
de  cette  main  qui  avoît  gagné  tant  de  batailles,  et  tué 
tant  dé  royaliftes,  perfuadoit  plus  que  les  périodes  de 
Ciceron.  11  fant  avoixer,  qne  ^t  fut  fa  valeur  incooipa- 
rable  qui  le  fit  connoive,  et  qui  le  mena  par  degr^  aa 
faite  de  la  grandeur.^i 

Il  commença  p^r  k  jetter  en  volontaire  qut  voaloit 
faire  fortune,  dans  la  ville  de  HuU  affiégée  plkr  le  Roi.  Il- 
y  fit  de  belles  et  d^heureufes  aéHons,  pour  lefquelles  il 
reçut  une  gratification  d'environ  ûz  mille  francs  du  Par* 
lement.     Ce  préfent  ^it  par  le  Parlement  à  un  avacto- 
rîer,  fait  voir  que  le  parti  rebelle  dévoit  prévaloir.     Le 
Roi  n^toit  pas  en  état  de  donner  à  fes  Odrcièrs  Gène» 
reaux  ce  que  le  Parlement  donnoit  à  des  volontaires.  A<k 
vec  de  ^argent  et  du  fanatiTme  on  doit  à  la  longue  être 
maître  de  tout.     On  fit  Cromwell  Colonel.     Alors   fea 
grands  talents  pour  la  guerre  fe  développèrent  au  point 
que  lorfque  le  Parlement  créa  le  Comte  àe  Mancbeiler 
Général  de  ces  armées,  il  fit  Cromwell  Lieutenant  Gé^ 
néral,  fans  qu^il  eût  pa(fô  par  les  autres  grades.     Jamais 
liomme  ne  parut  plus  digne  de  commander  $  jamais  oii^ 
ne  vît  plus  d'aé^ivité  et  de  prudence,  plus  d^andace   et 
plus  de  reflburces  que  dans  Cromwell.     Il  èii  blefie  ^  l^ 
bataille  d'York  $    et  tandis  que  Ton  met  le  premier  ap» 
pareil  à  fa  playe,  il  apprend  que  fun  Général  Manchefter 
fe  retire,*  et  que  la  bataîHe  èft  perdue.     Il  court  à  Man-- 
chefter;  il  le  trouve  fuyant  avec  quelques  Oâ^ciers^  il  le 
prend  par  le  bras,  et  lui  dit  avec  un  air  de  confiance  et 
de  grandeur,   F^out  vous  méprene%^   tnylorâ^  ce  n^è^  pat 
de  ce  côié'Ct  que /uni  les  ennemis.     Il  le   ramène  près  du^ 
champ  de  bataille,  rallie  pendant  la  nuit  plus  de  douze 
mille  honimes,  leur  parle  au  nom  de  Di£u,  cite'Moiie, 
Gédéon  et  Joiué,  recommence  la  bataille,  au  point  i\k 
jour  contre  l'armée  royale  vîétorieufe,  et  la  défait  entière- 
ment.    Il  falloit  qaS^n  tel  bomme  périt  ou  fût  le  maî« 

tr« 


PORTRAIT  DE  CROMWELL.    369 

*  \ 

^e«  Prefque  tous  les  Officiers  de  fon  armée  étoient  des 
eotoufiailesy  qui  portoieot  la  Bible  à  ParçoQ  de  leur 
felle  :  On  ae  parloît  à  Parmée,  comme  daos  le  Parle- 
jnent,  que  de  perdre  Babîlooe,  d'étahltr  le  culte  dans 
Jèruialemi  de  brifer  le  coloiTe,  Çromwell  paixiM^  tant 
de  four  cefla  de  TètrCf  et  penfa  quMl  valoit  mieux  lesi 
gouverner^  que  d^être  gouverné  par  eux.  L'kabitode 
de  pcâcher  en  inrpir4.1ui  reftoit.  Figurez  «vous  un  far 
quir,  qui  s!*hQ.  mis  aux. reins  une  ceinture  de  fèr  par  pé- 
nitence^  et  qui  enfuite  détache  (a  ceinture  pour  en  don- 
ner fur  les  oreilles  aux^^uires  faauirs»  Voilà  CromwelL 
Il  devient  iàûffi  intriguait  qu^il  etoit  intrépide  y  il-s^aflb- 
cie  avec  fous  les  ^Colonels  de  l'armée,  et  forme  ainfi  dan& 
les  troupes  une  republique,  qui  force  le  Géoéraliflime  i^  fe 
démettre.  Un  autre  GénéraliiRme.èit  nommé,  et  'ûH 
dégoûte.  Il  gouverne  Parmée,  et  par  elle  il  gouverne  le 
Parlement;  U  met. ce  Parlement  dans  la  néceiïïté  de  le 
faire  enfixTCréaéraliiiinae.  Tout  cela  èft  beaucoup  ^  mais 
ce  qui  èft^ilenHèly  c'èil  quHl  gagne  toutes  les  batailles 
qu^il  donne  en  Angle  te  ne,  en  ËcoiTe,  en  Irlande  ;  et  ii 
les  gagne,  non  en  voyant  combattre,  et  en  fe  ménage* 
ant,  mais  toujours  en  çlwrgeant  Teonemif  r^l liant  iès 
troupes,  courant  partouty  iouvent  bleflé,  tuant  de  f* 
main  pluileurs  Officiers  royalifUs,  coipme  un  grenadier 
furieux  et  acharné.  ••  ..^~ 

Au  milieu  de  cetfi  guerre  afifreufe  Cromwell  £efoit  l'a- 

'  mour  >  il  alloit,  la  Bible  fous  le  bras^  faire  (a  cour  à  la  fem< 
me  de  fon  Major  général  Lambert.  Elle  aimoit  le  Com^^e 
de  Holland,  qui  fervoit  dans.  Tarmée  du  Kui«  Cromwell 
lefirend  priibnnier  dans  une  bataille,  et  jouit  du  plaîûr  de 
faire  trancher  la  tête  à  Ton  rival.  3a  maxime  étoit  de  ved> 
fer  le  fang  de  tout  ennemi  important,  ou  fur  le  champ 
de  bataille,  ou  par  la  main  des  bourreaux.  Il  augmenta 
toujours  fon  pouvoir,  en  ofant  toujours  en  abufer  ;  la 
profondeur  de  fes.defleins  n^ôtoit  rien  à  fon  împetuo* 
iit^  féroce.  Il  entre  dans  la  chambre  du  Parlement,  et 
prenant  fa  montre^,  qu^il  jette  à  terre,  et  quHl  brife  en 
morceaux  i  Je  vousicaiferai,  dit-il,  comme  cette  montre* 
Il  y  revient  qudque  tems  après^  chaffe  tous  les  membres: 
Pun  après  Pautre,  en  les  fefant  défiler  devant  lui.^    Cha- 

.  cua  d'eux  è(i  obligé  en  paflant  de  lui  faire  une  profonde 
révérence.   Un  d'eu2  paiïe  le  chapeau  fur  la  tête  ^  Cronv 

wcll 


37b    PORTRAIT  DB  CROMWELL. 

y^tll  luî  prend  fou  cliapeau,  et  le  jette  par  terre  :  Âppce* 
nés,  dit- il,  à  me  refpeÂ^er. 

Qu^nd  il  eut  outragé  tous  les  Rois  en  fefant  couper  k 
tête  à  Ton  Roî  légitime^  et  qu^îl  commença  luî  même  % 
régner,  il  envoya  Ton  pSVtratt  I  une  tête  couronnée,  c^é* 
tort  à  la  Reine  de  Suède  Cbrlflîne.  Marvel,  fameux 
poète  Angloîs,  qui  {efoit  fort  bien  des  vers  Latins»  ac» 
compa^na  ce  portrait  de  ûx  vers,  où  il  fait  parler  Crom- 
"well  lut-meme.  Cromwell  corrigea  les  deux  dernicTSi 
ç][ue  voici  :  '  - 

y^/  tthî  fuhmUlet  frontem  rev^renAor  vm^ra, 
Nonfunt  Aï  n)uUut  regibus  ufque  iruces. 

Le  fens  hardi  des  fix  vers  peut  fe Tendre  alE^û  : 

Les  armes  à  la  main  j*ai  défendu  les  loix  ; 
D'un  peuple  audacieux  j'ai  vengé  la  querelle* 
Regardez  fans  frémir  cette  iiinare  Bdelle  ; 
Mon  froin  n*èft  pas  toujours  repliante  des  Rois«J 

Cette  Reine  fut  la  première  à  le  reconn!9lfec|B  dès  qu^il 
fut  proteétcur  des  trois  royanœes.  Prefque  lûUS  les  Soa- 
verains  de  TËuiûpe  envoTèrcnt  des  Ambafiadeurs  à  leur 
frire  Crûfnwel!^  à  ce  don^eflique  d'u|i  évèquc,  qui  veooit 
de  faire  périr  par  les  mains  du  bourreau  un  Souverain 
leur  parent.  Ils  briguèrent  à  Penvi  fon  alliance.  Le 
cardinal  Mazarin,  pour  lui  plaire,  chafîa  de  France  les 
deux  fils  de  Charles  1.  les  detix  petits  fils  de  Henri  IV. 
les  deux  coufins  germains  de  Louis  XIV.  La  France 
conquit  Dunkerque  pour  lui,  et  on  lui  en  remit  les  clefs. 
Après  fa  mort  Louis  XIV.  et  toute  fa  cour  portèrent  U 
deuil,  excepté  Mademoifelle,  qui  eut  le  courage  de  ve- 
nir au  cercle  en  habit  de  couleur,  et  foutint  feule  PhoO' 
neur  de  fa  race. 

Jamais  Roi  ne  fut  plus  abfolu  que  luî.  Il  difoit,  qu*il 
avoit  mieux  aimé  gouvexner  fous  le  nom  de  Proteâeur 
que  fous  celui  de  Roi,  parce  que  les  Angloîs  favoieot 
jufqu'où  sVtend  la  prérogative  d'un  Roî  d'Angleterre, et 
ne  favoient  pas  jufqu'où  celle  d'un  Protefteur  pouvoît  al- 
ler. C'étoit  connoître  les  hommes,  que  l'opinion  gou» 
Terne,  et  dont  Poptnion  dépend  d'un  nom*  11  avoit  con- 


PORTRAIT»»  CROMWELL.     871 

Î'u  un  profond  mépris  pour  la  religion,  qui  aVoit  fervi  à 
a  fbrtane»  Il  y  &  utie  anecdote  certaine  conferrée  dans 
la  maifon  de  St  Jean,  qui  prouve  afl*ez  le  peu  de  cas  que 
Ctoton^èU  fefoit  de  cet  inftrumeot,  qui  avoit  opéré  de  (1 
grands  effets  dans  Tes  mains.  11  buvoit  un  jour  avec  Ire« 
ton,  Fletwood»  et  St  Jean^  bifayeul  du  célèbre  Milord 
BoKngbrooke  ^  on  voulût  déboucber  une  bouteille,  et 
le  tîreboucbon  tomba  fous  la  table  j  ils  le  cfaerchoient 
tous,  et  ne  le  trouvoient  pas.  Cependant  une  députation 
des  églifes  Prefbytériennes  atteadoit  dans  l'antichambre, 
et  un  huiffier  vint  les  annoncer.  Qu'on  leur  difê  que  je 
fuis  retiré,  dit  Cromwell,  et  que  jf  cherche  le  Seigneur. 
C'étoit  Tcxpreflion  dont  £e  fervoîent  les  fanatiquesi 
quand  ils  fefoîent  leurs  prières.  LorfqnUl  eut  ainfi  con- 
gédié la  bende  de  miniilres,  il  dit  à  Tes  confidents  ces 
propres  paroles  \  Cet  faquïm^là  cràyent  que  nous  cher» 
cbons  te  Seigneur^  et  nOui  ne  cherchons  que  le  tirehoucbonm 

11  n'y  a  guères  d'example  en  Europe  d'aucun  homme, 
qui  Tenu  de  fi  bas,  fe  foit  élevé  fi  haut.  Mais  que  lui  fa* 
loit-il  abfolument  avec  tous  Tes  grands  talents  ?  La  for- 
tune* Il  Peut  cette  fortune  \  mais  fut-il  heureux  ?  11 
vécut  pauvre  et  inquiet  jufqu'à  quarante  trois  ans  )  il  fe 
baigna  depuis  dans  le  fang,  paffa  fa  vie  dans  le  trouble, 
et  mourut  avant  le  tems  à  cinquante  fept  ans.  Que  l'on 
compare  à  cette  vie  celle  d'un  Newton,  qui  a  vécu 
quatre-vingt-quatre  années,  toujours  tranquille,  tou- 
jours honoré,  toujours  la  lumière  de  tous  les  êtres  pen- 
fants,  voyant  augmenter  chaque  jour  fa  renommée,  ia  ré- 
putation, la  fortune,  fans  avoir  jamais  ni  foins  ni  re« 
mords  ;  et  qu'on  juge  leqimel  a  été  le  mieux  partagé. 

O  curas  bominum^  o  quantum  èQ  m  rébus  inang  ! 


DIS. 


372  DISCOURS  Ds 


.^ ; 

DISCOURS  DE  M  DE  VOLTAIREf 

A'^  SA  Rkciption  a  L^ACADEMIE  FRANÇOISE. 
Prononcé  le  lundi  9  Mai  I746« 

McssisuM, 

VOTRE  fondateur  mît  dans  votre  étabUffement  toute 
la  nobleffe  et  la  grandeur  de  Ton  âme  :  Il  voulut  que 
vous  fulTiez  toujours  libres  et  égaux.  En  effet,  il  dut 
élever  au  defius  de  la  dépendance,  des  hommes  ^ui  éto^ 
ient  au-deflus  de  Pintérêt,  et  qui  auffi  généreux  que  lui, 
{efolent  aux  lettres  Thonneur  qu^elles  méritent, de  lescul* 
tîver  pour  elles-mêmes.  Il  étoit  peu^être  Ik  craindre 
qu^un  jour  des  travaux  fi  honorables  ne  fe  rallenti&ot. 
Ce  fut  poi^r  les  confervèr  dans  leur  vigueur,  que  vous 
vous  fites  une  lègle  de  n^admettre  aucun  académicien 
qui  ne  réiîdât  dans  Paris.  Vous  vous  êtes  écartés  fage« 
ment  de  cette  loi,  quand  vous  avez  reçu  de  ces  génies 
rares  que  leurs  dignités .  appelloient  ailleurs,  mais  que 
leurs  ouvrages  touchants  ou  fublimes  rendoient  toujours 
préfents  parmi  vous  :  Car  ce  feroit  violer  Pefprit  d'une 
loi,  que  de  n'en  pas  tranfgreiTer  la  lettre  en  faveur  des 
grands  hommes.  Si  feu  Mr  le  prêûdtnt  Bouhîer,  après 
s'être  flatté  de  vous  confacrer  fes  jours,  fut  obligé  de  les 
pafier  loin  de  vous,  Pacadémie  et  lui  fe  confolèrent, 
parce  qu'il  n'en  cultiva  pas  vK^ins  voa  fciencea  dans  la 
ville  de  Dijon,  qui  a  produit' ftnt  d'hommes  de  lettres, 
et  où  le  mérite  de  Pefprit  femble  être  un  des-  caraélères 
des  citoyens. 

11  fefoit  refouvenir  la  France  de  ces  tems  où  les  plus 
auHères  magiftrats,  confommés  comme  lui  dans  l'étude 
des  loix,  fe  déladoient  des  fatigues  de  leur  état  dans  les 
travaux  de  la  litérature.  Que  ceux  qui  méprifent  ces 
travaux  aimables,  que  ceux  qui  mettent  je  ne  fais  quelle 
mîferable  grandeur  à  fe  renfermer  dans  le  cercle  étroit  de 
leurs  emplois,  font  à  plâinire  !  Ignorent-ils  que  Cicéron, 
après  avoir  rempli  la  première  place  du  monde^  phaidoit 

encore 


M.   »«  VOLTAIRE.  373 

«ncore  lès  caufc»  des  cÂtoyens,  écrivoh  for  la  nature  des 
Dieuj(,  conférait  avec  des  philofophes  ;  qaMl  alloît  au 
•thé&tre  ;  qa*U  daignoit  cultiver  ramitié  d^Ëfopus  et  de 
R<»(cms,  et  laxfibît  aux  petits  efprits  leur  coftfbinte  gra« 
^îté,  qui  n^èft  que  le  mafque  de  la  niéiiocrité.  y 

Monficur  le  Préûdent  BouHier  étoit  trèsfavant  $  mais  il 
4ie  refiembloit  pasti  ces  favants  infocîables  et  inutiles,  qui 
x^égligent  Pétude  de  leur  propre  langue  pou^  fa  voir  im-i 
fiaifaitement  des  langue«  anciennes  ;  qui  fe  croyent  ea 
droit  dt  méprifer  leur  fiècle,  parce  qu'ils  fe  dattent  d^a- 
vmi  qùelquef  connoiffaoces  des  iîecles  paffés  ;  qui  fe  ré- 
•crient  fur  un  paffage  d^Efeb^^le,  et  n^ont  jamais  eu  le 
plaifir  de  verfer  des  larmes  à  nos  ^eflacles.  Il  traduifit 
le  poème  de  Pétrone  fur  la  guerre  dviie,  non  qu^il  pen- 
sât que  cette  déclamation  pleine  de  penfées  faufies,  ap« 
•prochât  de  la  fage  <t  élégante  noblcffe  de  Virgile  :  H 
Jatroit  que  la  fatyre  de  Pétrone,  quoique  femée  de  traits 
charmansy  n^èft  que  le  caprice  d^ua  jeurfe  homme  obfcar, 
4]ui  n*eut  de  frein  ni  dans  fes  mœurs,  ni  dans  fon  flile* 
I>es  hommes  qui  fe  font  donnés  pour  des  maîtres  dé  goût 
et  de  volupté  eftiment  tout  dans  Pétrone  -,  et  Mr  Bou- 
hier  plus  éclairé,  n^eftîme  pas  même  tout  ce  qu^il  a  tra- 
duit :  c*èft  un  des  progrés  de  la  raifon  humaine  dans  ce 
fiécle,  qu'un  tradttâeur  ne  foit  plus  idolâtre  de  fon  au- 
teur, «t  qtt*il  faohe  lui  rendre  juAice  comme  à  un  contem- 
porain, il  exerça  fes  talents  fur  ce  poème,  fur  Phymne 
i  Vénus,  fur  Anactéon,  pour  montrer  que  les  poètes 
doivent  ètie  traduits  en  vers  :  c'ètoit  une  opinion  qu'il 
défendoit  avec  chaleur,  et  on  ne  fera  pas  étonné  que  je 
me  range  à  fon  fentimentV 

Qu'il  me  foit  permb,  rKèOieurs,  d'entrer  ici  avec  vous 
dan&  ces- difeuflions  itttéraîres  ;  mes  doutes  me  vaudront 
de  vous  des  décrions.  C'èft  ainfi  que  je  pourrai  contri- 
buer au  progrès  des  arts  ;  et  j'aimerois  mieux  prononcer 
devant  vous  un  difcours  utile,  qukm  difcours  éloquent* 

Pourquoi  Homère,  Théocrite,  Xiucrèce,  Virgile,  Ho- 
race, font-ils  heu reufe ment  traduits  chez  les  Italiens  et 
chez  les  Anglois,  pourquoi  ces  nations  n'ont-elles  aucun 
grand  poète  de  l'antiquité  en  profe»  et  pourquoi  n'en  a- 
vons-nous  encore  vu  aucun  en  vers  ^  ^  vais  tâcher  d'eu 
démêler  la  raifon. 

X*a  difficulté  furmontçe  dans .  queL<|ue  gelire  que  ce 

1  i  puifi^ 


374  msCOVRS   DE 

fj^UTe  être»  £ttt  wsm  gnnje  partie  du  nérile*    Pomt  de 
gcmndes  chofes  (kas  de  grandes  peioes  :  et  il  n'y  a  ppuit 
de  aation  au  moiidey  cbec  laquelle  il  foit  plus  difficile 
4iue  chez  la  noue  de  rendre  une  véritable  mie  à. la  poeôe 
aneieune*    1m  premieri  foctea  fermèrent  le  génie  de 
leur  langue  j  les  Grèct  et  X«atint  employèrent  d'abord 
la  poefîe  à  peindre  les  objets  fenfiblea  de  toute  la.  nature. 
Homère  exprime  tout  ce  qui  fra^e  lea  yeux  :  k»  Frmi>« 
çois  qui  n'ont  guerres  commencé  à  porCeâionner  le 
grande  poefie  qu!au  théâtre,  n'ont  pu  et*  n'ont  du  ex* 
primer  alors  que  ce  qiù  peut  toucher  IMune*    Nous  nous 
îbmmes  interdits  nous-mêmes  infeafiblement  prelquetoue 
les  objets  que  d'autres  nations  ont  àtè  peindre.     Il  n^ft 
rien  que  le  Dante  n'exprimât,  à  l'exemple  des  anciens  2 
Il  accoutuma  lés  ItaKens^^  tout  dire  ;  mais  nous,  coaa*- 
nent  poorions-nous  aujourd'hui  imiter  Fauteur  des  Géor^ 
giques,  qui  nomme  fans  d^étour  tous  les  inArumeats  de 
l'ajçricultuse  ?  A  peine  les  conno^ns-nous,  et  notre  nOf 
lefle  orgueilleufe  daj^  le  feia  du  repos  et  du.hixe  de  nos 
vîileSy  attache  malheureufement  une  idée  baffe  à  ces  tr»* 
vaux  champêtres,  et  au  détail  de  ces  arts  utiles,  que  les 
maîtres  et  les  légiflateurs  de  la  terre  «ultivoient  de  leura 
mains  viâorieufcs.    Si  nos  bons  poètes  avoient  fu  expri* 
xner  heureufement  les  petites  chofes»  notre  langue  ajou* 
teroît  aujourd'hui  ce  mérite,  qui  èft  tsès  grand,  à,  l'a* 
vantage  d'être  devenue  la  première  langue  du  monde  < 
pour  les  charmes.de  la  converfation,  et  pour  l'expreffioa 
du  fentiment.  Le  langage  du  coeur  et  le  il«le  du  théâtre 
ont  entièrement  prévalu  :  Ils  ont  embelli  la  langiue  Fnm^ 
çoife  ;  mais  ils  enontrefferré  les  agréments  dans  des  bornes 
un  peu  trop  étroites.^ 

£t  quand  je  .dis  ict,  Meffieurs,  que  ce  font  les  grands 
poètes  qui  ont  déterminé  le  génie  des  langues,  je  n^'avance 
rien  qui  ne  foit  connu  de  vous*  Les  Grecs  n'écrivirent 
l'hiftoire  que  quatre  cens  ans  après  Homère.  La  langue 
Grecque  reçut  de  ce  grand  peintre  de  la  nature  la  fupé- 
rioiité  qu'elle  prit  che2  tous  les  peuples  de  l'Aiie  et  de 
l'Europe  :  CVft  T.érence  qui  chez  les  Romains  parla  le 
premier  avec  une  pureté  toujours  iiégante  :'c'èft  Pé- 
trarque qui  après  le  Dante  «donna  à  la  langue  Italienne 
'  cette  aménité  et  cette  grâce  qu'elle  a  toujours  confervécs. 
C'èft  à  Lofiès  de  Vega,  que  r£Cpagiu>I  doit  fa  nobleffe  et 

^  la 


M.;  »B   VOLTAIRE.  J75 

ik.  |Mrai|)e  ;  c^èft  Sbttkefpeur»  qui  tout  bwbare  qu^il  ^oit, 
uît  dans  PAnglois  cette  force  et  cette  énergie  qu'on  n'a 
jamais  pu  augmenter  depuis,  fan«  l'outrer,  et  par  conie» 
quent  fans  l'affoiblir«  D'où  vient  ce  grand  effet  de  la 
poefîe,  de  former  et  fixer  enfin  le  génie  des  peuples  et  de 
leurs  langues?  La.caufe  en  è(l  bien  fenfible  :  les  premiers 
bons  versy  ceux-mêmes  qui  n^en  ont  que  l'apparence^ 
»^imprii!Vent  dans  la  mémoire  à  l'aide  de  rharmonie^' 
i^eurs  tours  naturels  et  hardis  deviennent  familiers  \  le» 
hommes  qui  font;tous  nés  imitateurs,  prennent  infenfible« 
ment  la*  manière  de  s^xprimer,  et  même  de  penfer,  des 
premiers  dont  l'imagination  a  fubjugué  celle  des  autres^ 
Me  défa vouerez- vous  donc»  Meilleurs,  quand  je  dîrar, 
que  le  vrai  mérite  et  la  réputattxui  de  notre  langue  ont 
commencé  à  l'auteur  du  Cid  et  de  Cinna.?>ik 

Montagne  avant  lui  étoit  le  feul  livre  quiattirâtl'atten** 
tîon  in  j^tit  nombre  d'étrangers  qui  pouvoient  favoir  le 
l'rançois;  n»ais  Jç  iiîle  de  Montagnea'èH  ni  pur  ni  correét,» 
si  précis,  ni  noble.  11  éft  énergique  et  familier)  il  exprime 
naïvement  de  grandes  chofes  ^  e^^ft  cette  nsuveté  qui 
plait  'y  on  aime  le  caraéière  de  l'auteur  ^  on  fe  plaît  à  fc 
tetrouver  dans  ce  ^u'il  dit  de  lui-même,  à  cou  ver  fer,  ^ 
ckanger  de  difcours  et  d'opinion  avec  lui.  J'entens  fou* 
vent  regrettes  ic  langage  de  Montagne,  ç'èfl  fon  imagi- 
nation qu'il  faut  regretter  :  £lle  étoit  forte  et  hardie  ^ 
mais  fa  langue  étoit  bien  loin  de  l'êtlre.' 
'  Marot  qui  avoit  formé  le  langage  de  Montagne,  n'a 
prefque  jamais  été  connu  horsde  fa  patrie  j  il  a  étié  goûté 
parmi  noua  pour  quelques  contes  na^s,  pour  quelques  é«* 
pigrammes  licentieufes,  dont  le  fuccès  èft  prefque  toujours 
dans  le  fujèt  j  mais  c'éft  par  ce  petit  mérite  même  que 
la  langue  fut  longtems  avilie  :  On*écrivit  dans  ce  Hile  leS' 
tragédies,  les  poèmes,  l'hiûoire,  les  livres  de  morale.  Le 
judicieux  Defpréaust  à  dit  i  ImiUz  de  Marat  VéUgant 
hadinagt.  J'ofe  croire  qu'il  auroit  dit  le  naif  hadtnage^ 
fi.ce  mot  plus  vrai  n'eût  rendu  fon  vers  moins  coulant.' 
Il  n'y  a  de  véritablement  bons  ouvrages,  que  ceux  qui 
paflent  chez  les  nations  étrangères,  qu'on  y  apprend^ 
qu'on  7  traduit  et  chez  quel  peuple  a-t-on  jamais  traduit 
Mafot. 

Notre  langue  ne  fut  longtems  après  lui  qu^un  jargoa 


37C  DISCOURS   »B 

fiiniliery  daoi  leqiMl  od  réoffiffciit  qoelqucfins  à  &lfr 
d'heureufes  plaifaotriet  :  Mais  quand  on  n'éft  que  plaU 
fanty  on  n'éft  point  admiré  des  autres  nations. 

Enfin  Malberîe  vint,  a  le  fremier  en  France 
Fafenùr  dant  hs  vers  unejufie  caJance^ 
D*Mn  mot  nui  en  fa  fdace  tn/eigna  le  pouvoir. 

Si  Malherbe  montra  le  premier  ce  ^e  peut  lé  grand 
art  des  ezpreflions  placées,  il  éft  dene  le  premier  qui  fut 
élégant.  Mats  quelques  fiances  hannonieufes  fuffifoient^ 
elles  pour  engager  les  étrangers  ï  cultiver  notre  lan* 
gage?  Ils  lifoirnt  le  poème  admirable  de  la  Jérufalem,. 
POrlaDdo,  le  PaAor  Fido,  les  beaux  morceaux  de  Pé- 
trarque. PouToit-on  aflbcier  ^  ces  thèfs  dœurre  un- 
très  petit  nombre  de  vers  François,  bien  écrits  à  la  vé*^ 
rîtéy  mais  foîblcs  et  prefque  fans  imagination. 

^  La  langue  Françoift  refloit  donc  il  jamais  dans  la  mé- 
diocrité, fans  un  de  ces  génies  faits  pour  changer  et  pour 
élever  réfpril  de  toute  une  nation.  C*èft  le  plus  grand- 
de  vos  premiers  accadémicicns,  t*h9t  Corneille  feu!,  qui* 
commença  à  faire  refpefler  notre  langue  des  étrangeTS^' 
précifémcnt  dana  le  tems  que  le  Cardinal  de  Richelieu^ 
commençoit  à  faire  refpeflcr  la^  couronne.  L*un  «%  Tau--- 
tre  portèrent  notre  gloire  dans  l'Europe.  Après  Corneille 
font  venus,  je  ne  dis  pas  de  plus  grands  génies,  mais  de' 
meilleurs  écrivains.  Un  homme  s^éleva,  qui  fut  à  la  fois- 
plus  padionné  et  plus  correâ  ;  moin»  varié,  mais  moins 
inégal  ;  auffi  fublime  quelquefois,  et  toujours  noble  fans^ 
enflure  ;  jamais  déclaroateur  parlant  au  cœur  avec  plosr 
de  vérité,  et  plus  de  charmes. 

Un  de  leurs  contemporains,  incapable  peut  être  dû  fu- 
blime qui  é'ève  Pâme,  et  du  fentiment  qui  Pattendrit» 
mais  fait  pour  éclairer  ceux  à  qui  la  nature  accorda  Fun-^ 
et  Tautre,  laborieux,  févère,  preci»;  pur,   harmonieux, 
qui  devint  enfin  le  poète  de  la  raifon,  commei^ça  mal- 
Leureufcment  par  écrire  des  fatyres,  mais  bientôt  après 
il  égala  et  furpaflfa  peut  être  Horace  dans  la  morale  et 
dans  Part  poétique:    11  donna  les  préceptes  et  lésez** 
emples  ;  il  vit  qu'à  la  longue  Part  dMoUruire,  quand  il  ' 
«Q  parfait,  reuflit  mieux  que  Part  de  médire,  parce  que-' 
îa  fatyre  meurt  avec  ceux  qui  en  font  les  viéiimes,  et  que  • 
la  raifon  et  la  vertu  font  éternelles.    Vous  eûtes  en  tous 

les 


M.  OB   voit  AIRE.  jn, 

"im  georef  «étte  foule  4c  grands  liomiiles,  que  la  nature 
tt  naître,  comme  4aBS  le  fiècle  ^le  Léon  X«  et  d^Auw 
gufte.  C^èft  aWt  que  1er  autter  peuples  ont  cherché  a^- 
videment  dans  vos  auteur»  de  quoiVkiftruire  :  £t  grâces 
en  partie  aux  foins  du  Cardinal  de  Rtchelîeuy  ils  ont  a-^ 
dopté  votre  langue  ;  comme  ils  fe  ^ont^  emprefles  de  fe 
parer  des  travaux  de  nos  ingénieux  artiHes^.  grâces  auic 
foins  du  grand  Cblhert» 

.   Un  Mojiafque  illaftre^hee  tous  les  Hdmmes  par  cîna 
viâoiresy  et  plus  encore  ches  les  feges  par  Tes  tailes  con. 
^oifiances,  fait  de  notre  langue  la  fîenn^  propre,^  celle  de' 
ta  fxiur  et  de  ces  états  î  il  la  parle  avec  cette  force  et 
cette  fine^  que  la  feule  étude  ne  donne  jamais,  et  qui 
èd  le'  caraâère  du  génie  :    Non-  feulement  il  la  cultive, 
mats  il  Pembellit  quelquefois^  pvree  que  lès  âmes  fupé* 
fleures  faîfiflènt  toujours  cer  tours  et  ces  expreflions  dig- 
ses  d'elle»,  qui  ne  fe  préfentent  point  aux  âmes  foifoles* 
Il  èR.  dan»  Stockholm  une  nouvelle  Chriftine,  égale  à  la 
première  en  efprit,  fupérieure  dans  le  refte  ;   elle  fait  le 
même  honneur  à  notre  langue*     Le  François  èd  cultivé 
dans  Home,  où  il  étoît  dédaigné  autrefois  ;   il  è(l  aulli' 
&iBÛlier  au  SojBverain  Pontife,  que  les  langues  fa  vantes 
éans  leiquelles  il  écrivoit,  quand  il  infbruiiit  le  monder 
Chrétien  qu'il  gouverner  Plus  d'un  Cardinal  Italien  écrit 
en  Franco!»  dans  le  Vatican,  comme  s^il  étoit  né  a  Ver- 
fouies.      Vo»  ouvrages»  Meffieur»,  ont  pénétré  jufqu'à^ 
^ette  capitale  de  l'empire  le  plus  reculé  de  l'Europe  et 
de  P Afie^  et  le  plus  va(le  de  l'univers  :  Dans  cette  ville,. 
qui  n'étoît,'  il  y  a  quarante  ans,  qu'un*  défert  habité  par 
4fs  bêtes  fauvages  :    On  y  repréfente  vos  pièces   drama- 
tiques ;    et  le  même  goût  naturel  qui  fait  recevoir  dans 
]a  ville  de  Pierre  le  grand,  et  de  fa  digne  fille,  la  mud- 
que  des  italiens,  y>fait  aimer  votre  éloquence. 

Cet  honneur  qu'ont  £att  tant  de  peuplés  ^  nos  excel- 
lents écrivain»,  èll  un  avertiû'emcnt  que  l'Europe  nous 
donne  d«  ne  pas  dé;;éaerer.  Je  ne  dirai  pas  que  tout  fe 
prçcîpite  vers  une  honteufe  décadifncr,-  comme  le  crient 
fi  fouvent  des  fatyriques  qui  prétendent  en  fécrèt,  julii- 
fier  leur  propre  foibUffè,  par  celle  «ju'îls  imputent  en^ 
public  à  leur  iiècle.  J'avoutrque  la  g^loric  de  nos  armes 
fe  fouticnt  mieux  que  celle  de  nos  lettres:  Mais  le  fca- 
^i  nous  éclairoit,  n'è.t  pas  encore  éliect.     Cc^s^der* 

113.  ,  mèxcs 


37»  DISCOURS»* 

nîères  années  o*on{-dks  pas  prodmt  le  feUl  If^ré  dti  ctiroa^ 
Dologi^y  dans  lequel  on  n*a  jamais  mieux  peint  les  noeur»- 
^es  hommes,  le  caraôèrc  des  court,  et  êts  fîècles  ?  Ôuir- 
rage^  qui,  s'il  étolt  féchement  inftruAif,  comme  tanr 
d'autres,  feroît  le  meilleur  dt  tou»,  et  dans  lequel  Tau* 
teur  a  trouvé  encore  le  fécrèt  de  plaire  ^  partage  t^fer- 
vé  au  très  petit  nombre  d'hommes  qui  font  fupérieurs  ^ 
leurs  ouvrages. . 

On  a  montré-  la  caufe  du  progrès  et  de  la  chute  de 
Tempire  Romain  dans  un  livre  encore  plus  -  court,  écrit 
par  une  génie  n&ït  et  rapide,  qui  approfondit  tout  eri 
paroifiaut  tout  effleurer.  Jamais  nous  n'avons  en  de  tra- 
duâeurs  plus  élégants  et  plus  fidèles*  De  vrais  philoib- 
phes  ont  enfin  écrit  l'hiftoire.  Un  homme  éloquent  ^r 
profond  s'èft  formé  dans  le  tumulte  des.  armes.  Il  hft 
plus  d^un  de  ces  efprits^  aimables,  que  Tlbulle  et  Ovide 
cuflent  regardés  comme  leurs  drfciples,  et  dont  ils  euf- 
fent  voulu  être  les  ami».  Le  théâtre,  je  l'avoue,  éû  me- 
nacé d'une  chute  prochaine;  mais  au  moins  je  vois  ici 
ce  génie  véritablement  tragique  qui  m'a  fervt  de  maître, 
quand  j^ai  fait  quelques  pas  dans  la  même  carrière  ;  je  le 
regarde  avec  une  fiitisfaâion  mêlée  de  douleur;  cdmme 
on  voit  fur  les  débri»  de  fa  patrie  un  héros-qui  l'a  défend- 
due»  Je  compte  parmi  vous  oeux  qui  ont  après  le  grand" 
Molière  achevé  de  rendre  la  comédie  une  école  de  mœ- 
urs et  de  bienféànce  :  école  qui  méritOft  chez  les  Frad- 
çois  la  confidération  qu'un  théâtre  moins* épuré  eut  dans 
Athènes.  Si  l'homme . célèbre,  qui  le  premier  orna  I3 
pLilorophie  des  grâce»  de  l'imagination,  appartient  à  un 
tems  plus  reculé,  il  èft  encore  l'honneur  et  III  confolatioit 
du  vôtrCi 

Les  grands  talents  font  toujours  neceflairement  rares  ;- 
furiout  quand  le  goût  et  l'efprît  d'une  nation  font  formés* 
Il  en  èft  alors  des  efprits  cultivés^  comme  de  ce|  foiêts,. 
où  les  arbres  preffés  et  élevés  ne  iouffrent  pas  qu'aucunr 
porte  fa  tête  trop  audefius  des  autres.  Quand  le  com- 
merce èd  eu  peu  de  mains,  on  voit  quelques  fortunes 
prodigieufes^tt  beaucoup  de  misère;  lorlqii'enfin  il  èft 
plus  étendu,  Topulence  èil  géiiérale,  les  grandes  fortune» 
rares.  C'éft  précifcraent,  MeHieuis,  parce  quHl  y  » 
beaucoup  d'efprit  tn  France  qu'on  y  trouvera  dorénavant 
moins  de  gérâes  fupéiieurs. 

Mais 


I 


M.  •«   V  O  t  T  A  I  R  E.  jy^ 

Maiff  enfin,  malgré  cette  culture  anivcrfeBe  de  la  na* 
lioD»  je  ne  nierai  pas  que  cette  langue  devenue  ii  belle; 
et  qui  doit  être  fixée  par  tant  de  bons  ouvrages^  peut  fe 
corrompre  aifément.  On  doit  avertir  les-  étrangers, 
quVlle  perd  déjà  beaucoup  de  fa  pureté  dans  prefque  tous 
les  livres  compofés  dans  cette- célèbre  république,  fi  long- 
tems  notre  alÛée,  ou  le  François  èft  la  langue  dominante, 
au  milieu  des  faÔions  contraires  à  la  France.  Mais  fi  ' 
elle  s^altère  dans  ce  pays  par  le  mélange  des  idiomes^, 
elle  èft  prête  a  fe  gâtée  parmi  nous  par  le  inélange  di  s- 
ililes*  Ce  qui  déprave  le  goût,  déprave  enfin  le  langage* 
Souvent  on  a&âe  d'égayer  des*  ouvrages  ferieux  et  în* 
Uruâifs  par  les  exprefiions^  familières  de  la  converfation» 
-Souvent  on  introduit  le  ftile  marotique  dans  les  fujèts  lis> 
plus  nobles  ;  c'èfl  revêtir  un  prince  des  babits  d^un  far- 
ceur. On  fe  fert  de  terme»  nouveaux,  qui  font  inutiles, 
et  qu'on  ne  doit  bazarder  que  quand  ils  font  néccifaires. 
Il-èft  d'autres  défauts,  dont  je  fuis  encore  plus  frappé, 
parce  que  j'y  fuis  tombé  plus  d'une  fois.  Je  trouverai 
parmi  vous,  Mefiieurs,  pour  m'en  garantir,  les  fecours 
que  Pbomme  éclairé  à:  qui  je  fuccéde,  s^étoît  donne  par* 
fcs  études.  Plein  de  la  levure  de  Cicéron,  il  en  avoit  tiré 
ce  fruit  de  s^étudier  à>  parler  (a  langue,  comme  ce  conful 
parloit  la  fienne.  Mais  c'èft  furtout  à  celui  qui  a  £»'^ 
ibn  étude  particulière  des  ouvrages  de  ce  grand  orateur, 
et  qui  étoit  Tamie  de  Mr  le  Préfîdent  Boubîer,  à  faire  re- 
vivre ici  l'éloquence  de  l'un,  et  à  vous  parler  du  roérîte 
de  l'autre.  11  a  aujourd'hui  à  la  fois  un  ami  à  regretter 
et  à  célébrer,  un  ami  à  recevoir  et  à  encourager.  11  peut 
vous  dire  avec  plus  d'éloquence,  mais  non  avec  plus  de 
fenfibilité  que  moi,  quels  cbarmes  l'amitié  cépand  fur  les 
travaux  des  bommcs  coniàcrés  aux  lettres,  combien  elle 
fert  à  les  conduire,  h  les  coniger,  à  les  exciter,  à  les  con- 
foler  ;  combien  elle  infpir.e  à  l'âme  cette  joie  douce  et  re- 
cueillie, fa  os  laquelle  on  n'èfi  jamais  le  maître  de  ces  idées» 

C^èft  ainfi  que  cette  académie  fut  d'abord  formée. 
KUe  a  une  origine  encore  plus  noble  que  celle  qu'elle  re- 
çiit  du  Cardinal  de  Richelieu  même^  c'èft  dans  le  fein  de 
1  aflQÎtié  qu'elle  prit  naifl*ance.  Des  hommes  unis  en* 
tie  eux  par  ce  lien  refpeélable  et  par  le  goût  des  beaux 
arts,  s^aâeràbloient  fans  fe  montrer  à  la  renommée  j  ils 
furent  moins  brillans  que  leurs  fuccefieurs,  et  non  moins 

hcurèu^. 


3»<»  DISCOURS  mm 

keorevz.  Li  bienfibnce»  rnmoii,  kcandetsr,  là  ftine 
critique  û  o^ipotèt  à  la  fatyre,  fermèrent  leuis  afièn^ées.^ 
£lles  animeroot  toujours  les  TÔtict,  eUcaièropt  Téteruft 
exemple  des  gent  de  lettres,  et  ferviroot  peut- être  à  cor- 
riger ceux  qui 'ce  rendent  indignes  de  ce  nom.  Les  vrai» 
amateurs  de»  arts  font  amis.  Qui  hù  plus  que  moi  en 
droit  de  le  dire?  J'ôfèroî»  m^etendre,  MeiSeurs,  fur  les- 
bontés  dont  la  plupart  d^enlre  tous  m^onorent,  fî  je  oc 
derois  ra^oubKer  ponr  ne  vous  parler  que  du  grand  ob^ 
jet  de  vos  travaux,  des  intérêts  devant  qui  tous  les  au^ 
très  s'évanoutffenty  de  la  gloire  de  1»  nation. 

Je  fais  combien  Pefpiit  fe  dégoûte  aifément  des  éloges? 
Je  fais  que  le  public,  toujours  avide  de  nonreautés,  penic 
que  tout  èft  épuifé  ûac  votre  fbndatcsuc  et  fur  vo»  protec*^ 
tears;  mais  pourrois-je  refnfer  le  tribut  que  je  dois,  parcer 
que  ceux  qui  l'ont  pajré  avant  moi«  ne  m*ont  latffé  riei» 
de  nouveau  à  vous  dire  ?  li  en  èû  de  ces  éloges  qu^oo' 
xépètei  comme  de  ces  folemnités  qui  font  toujburs  Us- 
mêmes,  et  qui  réveillent  la  mémoire  des  erênemcnts  ebèr% 
à  an  peuple  entier  ^  eUcs  ibnt  néceflàires.  Célébrer  dc»^ 
liommes  tels  que  le  Cardinal  de  Richelieu»  et  Loub  XIV* 
tui  SegoîeTi  un  Colbert,  un  Turenne,  un  Coudé  :  C^èft 
dire  à^haute  voix,  Roù^  mimfireSf  généraux  i  vemty  im»^ 
êe%  as  grands  bwtmes.  Ignore-t-on  que  le  panégjrîque 
de  Trajan  anima  Antonin  à  la  vertn  ?  et  Marc-Aurâe, 
le  premitr  des  empereurs  et  de»  bomnses,  n^avoit^ii  pa» 
dans  iês  écrits,  Peinulation  que  lui*  infpirèrent  les  vertu» 
d'Antootn  ?  Loriqu^Henri  iV.  entendit  dans  le  parle- 
ment nommer  Louis  XII.  le  Père  du  peuple,  il  fe  îca* 
tit  pénétré  du  délir  de  l'imiter,  ettl  le  furpafla. 

Penfez-vous,  Meflîeursi  que  les  honncu<»  rendus  par- 
tant de  bouches  à  la  mémoire  de  Louis  XIV.  ne  fe  Po^ 
ieot  pas  fiait  entendre  au  coeur  de  fon  fucceflèur,  dès  fa 
première  enfance?  On  dira  un  jour  que  tous  deux  ont  été^ 
à  l'immortalité,  tantôt  par  les  mêmes  chemins^  tantôt 
pav  de»  routes  différente».  L'un  et  Tautre  feront  fem- 
blablc»,  en  ce  qu'ils  a'ont  diâeié  tlfe  charger  du  poids 
des  affaires  que  par  reconnoiiTauce  ;  et  peut  être  ç^èii  en 
cela  qu'il»  ont  été  plus  grands.  La  poflérité  dira  qur 
tous  deux  ont  aimé  la  juiiice,  et  ont  commandé  leurs  a/- 
inécs.  L'un  recherchoît  avec  éclat  la  gloriç  qu'il  méri« 
toit  ;  il  Tappelloit  à  lui  du  haut  de  fon  trône  \  il  en  fy 
toit  fuivi  dans  fes  conquêtes,  dans  £es  entreprifes  ;    il  en 

r^mpiiiïoit 


M.  M    VOLTAIRE.  383c 

jremplîSbit  lemond«  \  il  déployoit  une  âme  fubllme  daos 
le  boaheur  et  dans  i'advcrfité>  dans  Tes  camps,  dans  Tes 
palais,  dans  le»  cours  de  l'Europe  et  de  l*A6e  :  le»  terres 
et  les  mers  rendoient  témoignage  à  fa  munificence,  et  le» 
plus  petits  objets^  fi-tôt  qu^ils  a  voient  è  lui  quelque  rap* 
port,  prenoient  un  nouveau  cara^ère,  et  recevoîent  l'em*- 
preinte  de  ia  grandeur*  L^autre  protège  des  empereur»* 
et  des  rois,  fubjuguedes  provinces,  interrompt  le  cours  da^ 
fes  conquêtes  pour  aller  fécourir  fes  fujèts  et  y  vole  dur 
lein  de  la  mort,  dont  il  é(l  à  peine  échappé.  It  remporte 
des  vidoires  \  îl  fait  les  plus  grandes  ehofes  avec  une  fim*' 
plicité^  qui  feroit  penfer  que  ce  qui  étonne  le  rede  de» 
hommes,  èil  pour  lui  dans  Perdre  le  plus  commun  et  Xt,- 
plus  ordinaire.  11  cache  ht  hauteur  de  fon  àme,  fans 
s^etudîer  même  à  la  cacher  \  et  il  ne  peut  en  aflFoiblir  lea 
rayons,  qui  en  perçant  malgré  lui  le  voile  de  fa  modeflîe, 
j  prennent  un  éclat  plus  durable. 

Louis  XIV.  fe  fîgnala  par  des  monuments  admirables^. 
par  l'amour  de  tous  les  arts,  par  les  encouragements  qu'il 
leur  prodiguoît  :  O  vous,  son  Auguste  Suocessevr,» 
voits  l^avez  déjà  imité,  et  vous  n'atrendez  que  cette  paix 
Que  vous  cherchez  par  des^^viéloires,  pour  remplir  tous  vos 
projets  bienfe&nts,  qui  demandent  des  jours  tranquilles. 

Vous  avez  commencé  vos  triomphes  daiis  la  même  pro 
TÎnce  où  commencèrent  ceux  de  votre  bifayeul,  et  vou» 
les  avez  étendus  plus  loin*  Il  regretta  de  n'avoir  pu» 
dans  le  cours  de  fes  glorieufes  campagnes  forcer  un  en- 
nemi digne  de  lui,  à  mefurer  fes  armes  avec  les  fîennes  ei» 
bataille  rangée.  Cette  gloire  qu'il  déûra,  vous  en  avez 
joui.  Plus  heureux  que  le  grand  Henri,  qui  ne  ramporta 
presque  de  vi^oires  que  fur  fa  propre  nation,  vous  avez 
vaincu  les  éternels  et  intrépides  ennemis  de  la  votre. 

Votre  fils  après  vous,  l'objet  de  nos  voeux  et  de  notre 
crainte  apprit  à  vos  côtés  à  voir  le  danger  et  le  malheur 
même  fans-  être  troublé^  et  le  plus  beau  triomphe  fan» 
être  ébloui.  Lorfque  nous  tremblions  pour  vous  dan» 
Paris,  vous  étiez  au  milieu  d'un  champ  de  carnage^ 
tranquille  dans  les  moments  d'horreur  et  de  confiifion^ 
tranquille  dans  la  joie  tumultueufe  de  vos  foldats  viétori* 
eux  :  vous  émbraiuez  ce  Général  qui  n'avoit  fouhaîtédet 
vivre  que  pour  vous  voir  triompher  ;  cet  homme  que  vos 
vertus  et  les  Sennes  ont  fait  votre,  fujét^  que  la  France 

comptera 


1 


3ta  DISCOURS,    9u. 

comptcn  toujours  parmi  (et  cnÊmts  les  phts  cUrs  et  le» 
plut  iUuftret.  Vout  récompenficz  d^i  pur  irotre  témoig- 
nage et  par  vot  éloget  tous  eeux  qui  avoient  contribué  à 
la  viôoire  ;  et  cette  lécompenfe  èft  la  plut  belle  pour 
des  François. 

Mait  ce  qui  fera  eonferve  à  jamait  dant  kt  fefies  de 
PAcadémie»  ce  qui  èft  précieux  à  clmcoii  de  vous.  Mef- 
£eur8,  ce  fut  Tua  de  vos  confrères  qui  (ervit  le  plus  ?  o- 
tre  proteéleur  et  la  France  dans  cette  journée  :  ce  fut 
lui,  qui,  après  avoir  volé  ds  brigade  en  brigade,  apré» 
avoir  combattuen  tant  d'endroits  différents, courut don« 
ucr  et  estécuter  ce  con&il  fi  protnpt,  fi  ialutaire,  fi  avi- 
dement reçu  par  le  Roi,  dont  là  vue  difcernoit  tout  dans 
des  moments  où  elle  peut  s'égarer  fi  aifément.  Jouiffc^i 
Meflieurs,  du  plaifir  d'entendre  dant  cette  aflémblée  ces 
propres  paroles,  que  votre  proteé^eur  dit  au  neveu  de 
votre  fondateur  fur  le  champ  de  bataille  :  Je  n^o&Uhrai 
janms  Ufirntice  important  que  vous  m^avem  rendu.  Mais 
fi  cette  gloire  particulière  vous  èft  c^ère,  combien 
font  chères  à  toute  la  France,  combien  -le  feront  un  jour 
à  l'Europe,  ces  démarches  pacifiques  que  fit  Louis  XV« 
après  fes  viâoires  !  11  les  fait  encore»  il  ne  court  à  fis» 
ennemis  que  pour  les  défarmer,  il  ae  veut  les  vaincre  que 
pour  les  fléchir.  Slb  pouvoieut  connottrele  fond  de  fou 
cotur,  ils  le  feroient  leur  arbitre  aulieu  de  le  combattre  ; 
et  ce  feroit  peut-être  le  feul  moveu  d'obtenir  fiir-lui  dea 
avantages.  Lt»  vertus  qui  le  rout  craindre,  leur  ont  été 
connues^  dès  qu'il  a  commandé  j  celles  qui  doivent  ra- 
mener leur  confiance,  qui  doîveat  être  le  lien  des  nati- 
ons, demandent  plui  de  tems  pour  être  approfondies  par 
des  ennemis. 

Nous  plus  heureux,  nous  avons  connu  fon  âme  dès  qu'il 
a  régné*  Nous  avons  penfé,  comme  penferont  tous  les 
peuples  et  tous  les  fiècles  :  jamais  amour  ne  fut  ci 
plus  vrai,  ni  mieux  exprimé  :  Tous  nos  coeurs  le  fentent,  et 
vos  bouches  éloquentes  en  font  les  interprètes.  I)è» 
médailles  dignes  des  plus  beaux  tems  de  la  Grèce,  éter* 
nifent  fes  triomphes  et  notre  bonheur*  Puifiai-je  voir  dans 
nos  places  publiques,  ce  Monarque  humain,  fculpté  des 
mains  de  nos  Praxitèlcs,  environné  de  tous  les  fymbolea 
ée  la  félicité  publique  !  Puifiai-je  lire  aux  piedsde  (a  fiatur 
cet  mots  qui  font  dans  nos  cœurs.  Jim  pin  de  iafiairu! 

A  T  H  A- 


A   T    H    A    L    I    E. 


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A    T    H    A    L    I    E. 


Pf^-mt/k 


TXVUS. 


T    R    A    G    E    D    I    E. 

f  JoAs,  roi  de  Joda,  fils  d*Ocofiaâ. 
An»W4«,  itcwrc  djc  Joram^  ajeiile  d^  JfMS. 
Jo4i>,  auUrmem  Jqiapa,  Grand^Prétre, 
JosABiT,  taate  de  Joas,   femme  du  Grand" 

Prêtre 
Zachaius.  fib  de  Joad  et  de  Jo&bet. 
SALOMrm,  ibeur  de  Zacbarîe. 
4BiaK,  l^ttu  des  principaux  Officiers  des  Rph 
de  Juda»' 

AZARIAS» 
4lSHASL« 

£t  \^^  trois  autres  Chefs  des  Prêtres  et  des 
Lévites. 

Matbaw»    Piètre    Apofiat,    Sacrificateur    de 

Baal. 
.Nab^l»  confident  de  Mathan. 
AoAa,  femme  dc^  la  fuite  d^Athalie* 
Troupe  de  Prêtres  et  de  Lévites. 
Suite  d'ATHAUx. 
La  NouiuucE  de  Joâs» 

Cvojtmi  de  jeunes  filles  de  la  tribu.de  Lérl. 
JUa  fient  ift  dans  le  Vemplé  de  Jêrufalemdims  un  v^ikile 
dePaf^artemerA  du  Grand  Frétre. 

A  C  T  E    P  R  E  M  1  E  R  E. 
SCENE   PREMrSRE. 

JoAD,   Asi«Ell« 

ABNÈa. 

OUI,  je  viens  dans  fon  temple  adorer  PEtemel.     ' 
Je  viens,  fclpu  Pufage  antique  et  folemoei^ 
Célébrer  avec  vous*  la  fameufe  journéci 

OA 


.1194  A    T  'H    A    L    I    E. 

Gà  fur  le  mont  Stna  la  loi  iioiit'fut  donnée» 
Que  les  temps  font  changés  I  fi-tôt  que  de  ce  joar 
La  trompette  fwxée.amiooçoit  le  feloor. 
Du  temple  orné  par  tout  de  fefions  magmfi<|aeS| 
Le  peuple  faint  en  fbttle  ioOQdoit  les  pocliqnet } 
£t  tous  devant  l'autel  avec  ordre  inUdduks»    : 
Se  leurs  champs  dans  lenri  mains  poitaat  lea  nouTtaux     ; 
fruité  '  '  î 

Au  Dieu  de  l^nivers  conracat>ie«t  ces  pr émicos* 
Les  prêtres  ne  pouvoiènt  fùSire  aux  facrîficct.    . 
L^audace  d'une  femme  arrêtant  ce  coneoors, 
£n  des  jours  ténébreux  a  changé  ces  beux^uft. 
D'adorateors' zélés  i  peine  un  petit  nombre  - 
Ofe  des  premiers  temps  nous  retracer  «quelque  ombre  t 
Le  Relie  pour  foa  Dieu  naontre  «n  oubU  fatal,    ~ 
Ou  même  s^empreflànt  aux  autds  de  Bad, 
Se  fait  initier  à  fes  honteux  myilères,  •  j 

£t  blafphême  le  nom  qu^ont  invoqué  leurs  pètes*  ' 

Je  tremble,  qu*Athalie,  il  ne  vous  rien  caeher,  < 

Vous  même  de  l'autel  vous  fefant  pracher^- 
N'acheye  enfin  fur-voos  fes  vengeances  fnnefles, 
£t  d'un  refpcâ  forcé  ne  dépouille  les  reftcs. 
^<Mu/«  D'où  vous  vienr.  aujourd'hui  ce  noir  preffentî- 

ment  i 
Abner»  Penfez^vous  être  iàint  et  juile  impasément  \ 
Dès  longtcms  elle  hait  cette  fermeté  rare  j 

Qui  rehaufie  en  Joad  l'éclat  de  la  tiare. 
Des  longtems  votre  amour  pour  la  religion  { 

£{l  traité  de  révolte  et  de  fédition.      . 
Du  mérite  éclatant  cette  Reine  jaloufe^- 
Hait  fur-tout  Jofabet  votre  fidelle  époufi». 
Si  du  grand  ^être  Aaron  Joad  èft  fiicceflear, . 
De  notre  dernier  roi  Jofabet  èft  la  ibeor* 
Mathan»  d'ailleurs* .  Mathan,  ce  prêtre  facrill^e, 
Plus  méchant  qu'Athalie,  à  toute  heure  l'affiege, 
Mathan  de  nos  autel»  inâLme  défendeur, 
£t  de  toute  vertu  zélé  periecuteur. 
C^èil  peu  que  le  front  ceint xi'une  mitre  étrangère^ 
Ce  Lévite  à  Baal  prête  fon  mini  Aère. 
Ce  temple  l'importune,  et  fon  impiété 
Voudroit  anéantir  le  Dieu  qu'il  a  quitlé» 

Pour 


TRAGEDIE.  ^«5 

Pour  Totis  p«idre,  îl  n^èfl  point  de  reflbm  qvL*tl  n^n*  .1 

T«atc  \ 
<^e1qaefois  H  vous  plaint»  fouvent  mcme  £1  vous  vante, 
11  affeâe  pour  vous  mie  fauffe  douceur  i 
"Et  par-là  de  fou  fiel  colorant  la  noirceur, 
Tantôt  à  cette  Reine  il  vous  peint  redoutable*, 
Tantôt,  vojrint  pour  Tor  fa  foif  iofaftbble. 
Il  lui  feint  quVn  un  lieu,  que  vous  feul  eonnoiflet. 
Vous  caches  dts  tréfors  par  Oavid  amaffés. 
jEnfin  depuis  deux  jours  la  fuperbe  Athalie 
'iDans  un  (ombre  chagrin  paroit  enfévelie« 
Je  Pobfervois  likr,  et  je  voyoîs  fes  yeux 
Ijancer  fiir  le  lieu  faiat  des  regards  furieux  ^ 
-Comme  fi,  dans  le  fond  de  ce  vafte  édifice, 
Dieu  -cachott  on  vengeur  zrmé  pour  fon  fupplice* 
Croyez-moi,  plus  j'y  penfe,  et  moins  je  puis  douter 
-Que  fur  vous  fon  courroux  ne  foit  prêt  d^éclater  ^ 
Et  que  de^Jezabel  la  fille  fanguinaire, 
Ne  vienne  attaquer  Dieu  juiqu^n  fon  fanéliiaîre. 

Joad.  Celui  qui  oset  un  freki  ^  la  fàreur  des  ûois^ 
Sait  auffi  det  méchants  arrêter  les  complots. 
-Soumis  avec  refpeék  h  fa  volont^-fainte, 
Je  crains  Dieu,  cher  Abner,  et  n^ai  point  diantre  craîate* 
Cependant  je  rends  grâce  au  zèle  officieux 
Qui  fut  tous  mes  périls  vous  fait  ouvrir  les.  jeux. 
Je  vois  que  llnjuÂice  en  fécrèt  vous  irrite, 
Que  vous  avez  encore  le  coeur  Ifraelîte. 
Le  Ciel  en  foît  béni.     Mais  ce  fécrèt  courroux, 
Cette  oifive  vertu,  vous  en  contentez- vous  ^ 
La  foî  qui  n^agit  point^  è^-ce  une  foi  fincère  ? 
Huit  ans  déjà  paffés,  une  impie  étrangère 
Du  fceptre  de  David  ufurpe  tous  les  droits, 
&t  baigne  impunément  dans  le  fang  de  nos  rois. 
Des  enfants  de  fon  fils  déteilables  homicide» 
£t  même  contre  Dieu  lève  ion  bras  perfide. 
Et  vous  l*ùn  des  foutieni  de  ce  tremblant  état. 
Vous,  nourri  dans  les  camps  du  Saint  Rot  Jofapbat^ 
Qui  fous  fon  fils  Joram  commandiez  nos  armées. 
Qui  raflurates  feul  nos  Villes  allarmées, 
l-orfqae  d^Ocofias  ie  trépas  imprévu    • 
Di/perfa  tout  fon  camp  ?^  Tafpeâ  de  Jébu^ 
,  .  Kk  Je 


SW  A    T    H    A    L    I    E, 

Te  cnôai  Dtcu^  dhes-youi,,!»  TÛité  i^c  toadier . 
Voici  comme  ce  Dieu  vous  répond  pai  ma  hoodit  i 
Du  zèle  de  ma  lot  que  Cext  de  vous  p^J^cr  P 
Par  de  ilériles  vœux  |»eiife^*vous  m^bpa^rer  i 
Quel  fruit  me  xevient-il  de  tous  vos  facrifices  ?    .     • 
Ai-je  befoin  du  (ang  des  boucs  et  de^  géni&s  ? 
Le  fang  du  vos  ftois  crkf  et  m'èft  poiat  éçp«té« 
Rompez,  rompez  tout  paâe  avec  lUmplété. 
Du  milieu  de  mon  peuple  eaiterminez  les^^rimen 
£t  vous  viendrez  alors  m^immokv  vo^  viftimes, 

jibner»  Hé  que  puts*je  au  miUeu  de  ce^ipfle  iiballil| 
Benjamin  ^ft  fans  force,  et  Juda  faos  vestu» 
Le  jour  qui  de  leurs  Rois  vit  é(^eindi£  la  race, 
Eteignît  tout  le  feu  de  leur  antique,  asdai^c» 
Dieu  même,  difcnt*ils,  s^èâ  retiré  de  noiMU 
De  rbonneur  des  Hébreux. autrefois  fi  ialouK» 
Il  voit  fans  intéfêt  leur  grwdeur  terra^ee» 
£t  fa  mîfcrîcorde  à  la  fin  s'èft  laflfée* 
Oa  ne  voit  plus  pour  nous  £»  redoubtables  maiaf» 
De  merveilles  fans  nomj^re  effrajer;les.btti»ainf. . 
L'Arcbe  fainte  èil  muette  et  ne.  rend  plus  d'oracles* 
,    Joad.  £t  quel  temps  fut  jamais  pl^s  fîertile  ea  a&r 

racles  ? 
Quand  Dieu  par  plus  d'effets  montra«t-U  (ou  pouvalr? 
Auras-tu  donc  toujours  des  yeux  pour  uc;  point  vWt 
Peuple  ingrat?  Qioi  toujours  les   plus  grande^  mer- 
veilles, 
Sans  ébranler  ton  coeur,  frapperont  tes  oreilles  i   , 
Faut-11,  Abner,  faut>il  vous  rappeller  le  cours  -,    .  ..    ' 
lÙts  prodiges  fameux  accomplis,  em  nos  joura:  .  ,     ^, 
Des  tyrans  d'Ifrael,  les  célèbres,  di^raçes»  , 
!Et  Dieu  trouvé,  fidelle  eu  toutes  fes  menaces  l        .     . 
L'impie  Acbab  détruit,  et  de  fon  fang  trempé 
Le  cnamp  que  par  le  meurtre  il  avoit  ufucpé  \ 
Près  de  ce  champ  fatal  Jézabel  immolée, 
Sous  les  pieds  d.es  chet^s^ux  cette  reine  foulée  j     . 
Dans  [on  fang  inhumain  le.S  chiens  défiJtéré^  .... 
£t  de  (on  corps  ^ideux.lès.  n^embxes  déchûrés.,  ... 
Des  prophètes  menteurs  la  troupe  confondue^  . 
£t  la  flamme  du  Ciel  fur  l'autel  deic^ue  j 
£lie  aux  éléments  parlant  en  fouvçrain. 
Les  deux  par  lui  fermés  et. devenus  .d>irajm^ 

fit 


T   *    A    G    E    ©    I    E.  ^ 

t 

Jlt  la  tcprt'fytifs  atfl^  fiins  ploîe  et  fans  rofét  \ 

Les  morts  ie  ràiiînisaiit  %^  la  voix  d*£ltfée  ? 

RecoTinoiffez',  Abner,  H?  cei^  traits  éclatans^ 

Un  Dieu,  tel  aujtE^ttydHiui  qu'il  fut  danstous  les  temps« 

11  lait»  quand  il  lu!  plak,  faire  éclater  fa  gloîre,  ' 

£t  fon  peuple  èft  tchijours  prèfent  ^  far  mémoire^* 

j^bfur,  "NLm  où  font  ces  bonneûrs  ^  Oavid  tant  pFO'« 
mis, 
£t  prédits  «uême  tncore^  â*  Suloakm  <bn  'firls  ? 
Hélas  t  nous  efpérîons  que  de  leur  race  heurcufe 
De  voit  ftfrtif  dSe  Rdis  une  fuite  notiibrcufe  ? 
Que  fur  toute  tribu,  fur  toute  lïation, 
JL^un  d'eux  étabiiroit  fà  domrnation, 
Feroit  ceflfer  par-tout  la  dîfcorde  et  la  guerre, 
lit  vérroit  à  fcs  pfeds  toui  les  rois  de  la  terre. 
.    Joad.  Au*  profsé^fe»  du  Ciel  pbuTqiîoî  renoncez* vous  l 

jibner»  Ce  Roi,  fils  de  David,  où  te  chefchero&S'* 

BOUS  f 

Le  CiM  même  peut*n  répafer  ksr  ruines 

De  cet  arbre  fecbé  juiques  dans  fes  racines  ? 

Athalie  étouffa  l^eofant  zn^me  au  berceau. 

Les  morts,  après  btik  aiAs^  fiorte-nt-îh  du  tonskbeau  } 

Ah  !  fi  ddas  &  fureur  elle  s'éroît  trompée  \ 

Si  dtt  fang^detios  Rois  quelque  goûte  échappée  

Joad.  Hé  Ken,  xçit  fet'xex-vous  > 

j^mr.'  Ojour  heureux  moi  ? 

De  quelle  ardeur  j'irois  recennoitre  mon  Roi  ! 
Doutez  vous  qu'à  fes  pieds  nos  tribus  empréffees    >■■■  ■ 
Mais  pourquoi  me  flatter  de  ces  vaines  peoffées  l 
Déplorable  héritier  de  C^^s  Rois  tiiomphantSj; 
Ocofîas  reftoit  feul  avec  fes  enfants. 
Par  lés  traits  de  Jéhu  je  vis  percer  le  père  j  ' 
Vous  avez  vu  les  fih  maSacrés  par  la  fnèré*    ' 

Joad»  Je  ne  m'explique  poiiic.     Mais  quand  l'adre  du» 

Aura  fur  rbonrîfon  fait  le  tier«.de  fon  tour, 
Lorfque  la  ttoifi'ème  heure  îfcuX  prières  rappelle, 
Retrouves-vous  au  temple  avec  ce  mêtné  zèle^ 
Dieu  pourra-  vous  montrer,  par  d'importants  bienfaits. 
Que  fa  parole  ^  ihible,  et  ne  trompe  jamais» 
Allez,  pour  ce  grand  jour,  il  £aùt  4ùe  je  m^apprête, 
£t  du  lempk  di^l  l*aube  blancliit  U  &it^  -^ 


9»  A    T    H    A    L    I    £. 

Abner.  Qod  fera  ce  bienfait  que  je  ne  comprends  pas  ^ 
X«^îllufire  JoTabet  porte  vers  vous^  les  pas* 
Je  fors,  et  vâh  me  joindre  !k  la  troupe  fidelle 
Qu'attire  de  ce  jour  la  pompe  folomnelle* 

SCENE      II. 

JOAiai,  JOSABIET. 

Joaih  Les  temps  fon  aecomplis,  Princefièy  il  faut  pa^ 
ler. 

Et  votre  heureux  larcin  ne  fe  peut  plus  celer. 
Yit%  ennemis  de  Dieu  la  coupable  in  faïence, 
Abufant  contre  lui  de  ce  profond  filence, 
Accufcnt  trop  longtems^fes  promeffes  d'erreur. 
Que  disje  ?  Le  fuccès  anÎJiAant  leur  fureur, 
jufques  fur  notre  autel,  votre  injufte  marâtre, 
Yeut  offrir  \  Ba^l  un  encens  idolâtre. 
Montrons  ce  jeune  Roi,  que  v6s  mains  otX  fauvé^,. 
Sous  Taile  du  Seigneur,  dans  le  tem'ple  étev6. 
De  nos  princes  Hébreux  il  aura  le  çourage„ 
£t  déjll  fbn  efprit  a  devancé  fon  Ige. 
Avant  que  fon  deflia  sVxpliqUi^  plar  i;i69(.votXi 
Je  vais  l'offrir  au  Dieu  par  <^i^egnént  les  Rois. 
Aufli-tôt  affeaûblant  nos  Lévites,  nos  prêtres, 
Je  leur  déclartraî  rhéritîcr  de  leurs>  maîtré's. 

Jofahet.  Sait-îl  déjà  fon  nom,. et  fon'noble  deftîn  t 

joad,  II  ne  répond  encore  qu^aunom  d'Eliacin^ 
Et  fç.  croit  quelque  enfant  rejette  par  fa  mère ^ 
A  qui  j'ai  par  pitié  daigné  fervir  de  père. 

Jofabk.  Hélas  !  de  quel  pcrîl  je  PaVdîi  fu' tirer  ! 
Dans  quel  péril  encore  èft-il  prêt  de  rentrer  ! 

Joad.  Quoi,  déjà  votre  foi  s^affoîblît  et  s'étonne  ? 

Jojabtt.  A.  vos.  (âges  confeils,   Seigneur,  je  m'aban* 
donne 
De  jour-que  j'arracbai  cet  enfant  a  la  mort^ 
Je  remis  en  vos  main  tout  le  foin  de  fon  fort. 
Même  de  mon  amour  cra)^nant  la  violence, 
Autant  que  je  le  puis,  j'évite  fa  préfence. 
De  pciit  qu'^a  la  voyant,  quelque  trouble  indifctèt. 
Ne  faife  avec  mes  pleurs  échapper  mon  fécrèt. 
v>ur-tout  j^ai  crii  devoir  aux  larmes,  aux  prières 
Confacrei;  ces',  trois  jours  et  ces  trois  nuits  entières* 

Ce.r> 


T   «L    AiG    Z    ï}    ï   £.  3JB9 

C^fNtndant  ^joiurd*)iui  puis«je.yous  demander 
Quels  amis  vou!|  jiye»  prdta  à  vo4$  féconder  ? 
Abner,  le  brave  Abn^r,  vieadra*t-Il  nous  défendre  î 
A-t-il,  près  de  fidû  Hoi^  int-fermeot  de  fe  rendre  ? 

Joad,  Abner,  quoiqti^on  fe  pût  aflurer  fur  fa  foî. 
Ne  fait  pas  même  encore  fi  nous  avons  un  Roi. 

JofaSef.  Mais  à  qui  de  Joas  confiez-vous  la  garde  ? 
£ft-ce  Obede,  èû-ce  Antaion  q«e  cet  honneur  regarde  f 
De. mon  père  for  .ea;c  les  bien&îts  répandus...  -p 

yoaJ.  A  rinjùfte  Athalie  ils  fe  font  tous  vendue. 

Jofabet.  QjAi  donc  oppofe^^vous  contre  fes  fatellites  ? 

Joad*  Ne  vous  Tat-je  pa«  dit  i  Nos  prêtres^  noi  Le», 
vîtes» 

Jofabet.  Je  fais  qtse  prés  de  vous  en  I^crèt  aflejnb]^ 
Par  vos  foins  prévoyants  leur  nombre  éft  redoublé  \^ 
Qiie  plein  d'amour  pour  vous»  d^horreur  pour  Athalie» 
Un  ferment  folemnel  par  avance  les  lie 
A  ce  fils  de  David  qo^on  leur  doit  révéler. 
Mais  qnelque  noble  ardeur  dont  \\t  puifient  brûler. 
Peuvent' ils  de  leuy  Roi  venger  feuls  la  quérqlle  ? 
Pour  un  fi  grand  ouvrage  èft-ce  aSi^z  de  leur  zèle  i 
I>outez- vous  qo'Athalie  au  premier  br»it  femé . 
Qu'un  fils  d^Ôcpfias  èft  ici  rçnfçrmé. 
De  fes  fiers  étrangers  aSem^Un^  les  cobortes. 
N'environné  le  temple  et  n'en  brife  les  portes.?- 
Snffira-t-fl  contr'eux  de  vos  minières  faints^ 
Qui  levant  au  Seigneur  leurs  innocentes  mains,- 
Ne  favent  q^  gémiri  et  prier  pour  nos  crimésy 
£t  n'ont  jamais  verfç  que  lefang  de^  viâimes  ? 
Peut-êti;e  d?«*  leurs,  bras  Joas  percé  de  coups 

Joad,  £t  comptez  vous  potK  Hen  Dieu  q^ui  comba$; 
pour  nous  ?       .  . 

Dieu  qui  de  l'orpheliof  protège  l'innocence, 
£t.fait  dans^  ta  foiblefie  éclater  fa  puifiance  \ 
Dieu,  qui  baittcs  tyrans,  et  qui  dans  Ifraêl  " 
Jura  d'exterminer  Achab  et  Jé^abcl  *, 
Dieu,  qui  frappant  Joram»  le  mari  de  leur  fille^ 
A  juiques  fur  foQ  fils, pourfuivi  leur  famille  j 
Dieu,  dont  Ic.bta^  vçagcur,  pour  un  temps  fulpèpdu, 
Sur  cette  race,  impie  èit  toujours  étendu. 

Jofabet.  Et  c'èÙTur  tous  ces  Rois  fa  juÛice  févèrc 
Que  je  crains  pour  le  fils  de  mon  malheureux  frère. 

Kk3  Qui 


3^  ATHALIE. 

Qaî  fait  fi  cet  enfant,  par  leur  cri  Ae  entratoe^'. 

Avec  cuXy  en  naiifiint»  ne  fût  pas-condamné  l' 

Si  Dieu,  le  féparant  d'une  odieufe  race, 

£n  faveur  de  David  voudra  lur  faire  jjfrace  f 

Hélas,  r£tàt  fanrrible  on  lé  Ciel  me  Toffrit, 

Revient  à  tout  moment  effirayer  mon  ^prk  ! 

De  princes  éfçorgéi^  la  chambre  étoit  remplie» 

Un  poignard  à  k-maih  Timplacable  Atlialie 

Au  carnage  antmoit  fes  barbares  foldats. 

Et  pourfuîvoit  le  cours  de  fes  ai&(finats« 

Joas,  laiffé  pour  mort;  frappa  foudain  ma  vûe.- 

Je^  mè  6^f  e  encore  fa  nourrice  éperdue, 

Qui  devint  les  "bonreaux  s'étoît  Jcttée  en  vaîn,^ 

Kt  foîble  le  tenoit  renverfé  fur  fon  fein. 

Je  le  pris  tout  faAj^artt.     £tt  bâi|j;nant  fon  vîfage,. 

Met  pleurs  du  fentiment  lui  rendirent  l'ùlâge^- 

£t  foit  friijeur  eBCore,  ou  pour  me  carefler,. 

De  fes  bras  Innocents  je  me  IcntîrpreSen 

Grand  Dieu,  que  mon  amour  ne  lui  foit  point funeftol^ 

Du  fidelle- David  c^èft  le  précieux  leile. 

Nourrr'dans  ta  maîfon  en  l^amour  de  ta  loî|. 

11  ne  connoii' encore  d^àutre  pète  que  toi.- 

Sur  le  point.d'attaquer  une  Reine  homicide,. 

A  Tàfpeâ  du  péril  fi  ma  foi  s'intimide, 

Si  la  chairerle  (àng  le  troublant  aujourd'hui^ 

Ont  trop  de  part  aux- pleurs  que  je  répands  pour  lui  ! 

Conferve  rhérîtier  de  tes:  faintes  promeffes^ 

£t  ne  puoîs-que  moi  de  toutes  mes  foi'bUflfés^ 

^oai^  Voslapmes,  Jtfabet,  n'ont  rien- de  criminel -;  ■ 
Mais  Dieu  veut  qu'on  efpère  en  ion  foin  paternel,. 
14  ne  rechefche  poin^,  aveugle  en  fa  colère^ 
Sur  le  fils  qui  le  craint,  Plmpiété  du  père« 
Tout  ce  qui  reile  enepre'  de  fidelle»  Hébreuxv 
Lui  viendront  aujourd'hui  renouveller  leurs  vœuK.. 
Autant  que  de  David  lâ-race  c^  refpeâéè, 
Autant  de  Jéxabel  la  fille  éà  déteiiée» 
Joas  les  touchera  par  fa  noble  pudeur, 
Où  femble  de  fon  fanj^  reluire  là  fplendetir.- 
Et  Dit'U,  par  fa  voix  même  appuyant  notre  exemple,^. 
De  plus  près  à  leur  cœur  parlera  dans  fon  temple* 
Deux  infidclles  Rois  tour  autour  Pont  bravée 
Il  faut  que  fur  le  trône  un  Rai  foit  élevé, 

Qai 


T.R   A    G    EDI    £.  35^ 

Qui  fe  fouvieiuie  m  jour  qu^au  rang  de  et»  ancêtre»^ 

X)iett  Ta  fait  remonUr  par  la  mam  de  (es  prêtres^ 

XJ'a  tiré  par  leur  main  d^  l'oubli  du  tombeaui 

£t  de  David  éteint  rallumé  le  flambeau. 

Grand  Dieu,  G.  ta  prévois  qn'bdigne.de  fa  race^ 

Il  doit  de  David  abandonner  la  ^raca  ^ 

Qu'il  foit  coiame  le  fr^ôt  en  naii&uit  arraché;  . 

OU  qu'un  fouffle  ennemi  dans  fa  fleur  a  feché» 

Mais  û  ce  même  enfant  à  %er  ordres  docile^  * 

Doit  être  à  tes  defléîns  un  inflrument  utile,. 

!Fais  qu'au  jufte  héritier  le  fceptre  foit  remî^» 

Iiîvre  en  mes  foibles  mains  /es  puifiants  ennemis; 

Confonds  dans  fts  con&ilè  une  Reipe  cruelle. 

Daigne^  daigne,  mon  Dieu,  fur  Mathan  et  fiir  elle 

Répandre  cet  efprit  d'imprudence  et  d'erreur. 

De  la  chute  àts  Rois  funeile  avant  çoùreun 

L'heure  me  preffe-  Adieu.    Dea  plus  Iftîntes  familles 
Votre  fils  et  fa  foeur  vous  .amènent,  les  ftlljBS». 

5  C.E.N  E:  lil. 

JbSABBTy   ZACHARtB^   SAl^OMrTil,   Lf  ChOKVK^- 

Jofabet,  Cher  Zaèliarie,  allez^  ne  vous  arrêtezrpas^. 
De  votre  augufle  père  accompagnez  les  p%s.. 

O  fiUes  de  Lévl,  troupe  jeune  et  fidelle^ 
Que  dqà  le  Seigneur  embraie  de  fon  zèle. 
Qui  venez  fi  fouvent  partager  mes  foupirs^ 
Knfants,  ma  feule  joie  en-  mes  longs  déplaifîrs  ; 
Ce  feitons^dans  vos  mains,  et  cés^  fleurs  fur  vos  tê'ies^ 
Autrefois-  con venoient  k  nos  pompeufes  f ètes« 
Maisv  hélas  !  en  ce  temps  d'opprobre  et  de  douleurs,     . 
^Qnelle  offrande  lied  mieux,  que  celle  de  nos  pleurs  ^ 
pentends  déjà;  j'entends  la  troÀpette  facrée». 
Et  du  temple  bientôt 'on  permettra  l'entrée.- 
Tandis  que  je  me  vais  préparer  â  marcher, 
CbanteZ|  louez  le  Oieii  que  vous  venez  chercher; 


SCENE 


3(;3  A    T    H    A   L   X    E,  . 

SCENE    IV.  ' 

Zf  CaosuRr 

Toirf  le  Cboeur. 
Tout  Puniven  èft  pleia  de  fa  magnificence. 

Qu'on  Padore  ce  Dieu.  qn*on  rinvoqm*  I  jamais. 
Spn  empire  a  des  temps  précédé  la  naiffaoce. 
ChantOQSi  publions  (es  bienfaits* 

Une  Fohc  feule. 
En  vain  IHnjufte  TÎalence 
Au  peuple  qui  le  loue,  tmpoferoit  filence» 

Son  npm  ne  périra  jamais. 
Le  jour  announce  au  jour  fa  gloire  et  îk  puifiaoce.^ 
Tout  Tunivers  èft  plein  de  fa  magnificence. 
Chantons,  publions  fes  bienfiaits^ 
Toêd  le  Choeur  répète. 
Tout  Tunivers  èft  plein  de  fa  magaificcnce. 
Chantons,  publions  fes  bienfaits. 
l/iu  Poiùc  feule. 
Il  donne  aux  fleurs  leur  aimabie  peinture» 
Il  fait  naître  et  meurir  les  fruits. 
11  leur  difpettfe  avec  méfure, 
Et  la  chaleur  des  jours  et  la  fraîcheur  des  nuits tr 
Le  champ  qui  les  reçut,  les  rend  avec  ufure; 

Vmt  JÎtOrt, 
Il  commande  au  Ibleil  d'animer  la  nature  \ 

Et  la  lumière  èft  un  don  de  fes  mains. 
Mais  fa  loi  fadnte,  fa  loi  pure, 
EU  le  plus  riche  don   qu^il  ait  fait  aux  humains. 

Une  j^utre. 
O  mont  de  Sinai,  conferre  la  mémotre 
De  ce  jour  à  jamais  augure  et  renommé, 

Quand  fur  ton  fommet  enflammé 
Dans  un  nuage  épais  le  Seigneur  renfermé. 
Fit  luire  aux  yeux  mortels  un  rayon  de  fa  gloire. 
Dis  nous  pourquoi  ces  feux  et  ces  éclftirs. 
Ces  torrents  de  fumée,  et  ce  bruit  dans  les  airs, 

Ces  trompettes  et  ce  tonnerre  ? 
Venoit-il  renverfer  l'ordre  des  éléments  î 
Sur  fes  antiques  fondements, 
Venoit-il  ébranler  la  terre  i 

Vn9 


TRAGEDIE.  393 

Une  Antre  • 
If  venoît  révéler  aux  enfants  des  Hébreux 
De  ces  préceptes  faints  la  lumière  tmnu>rtelle. 

Il  venoit  à  ce  peuple  heureux 
Ordonner  de  Taimcr  d'une  amour  éternelle* 

7ô<r/  le  Choeur. 
O  divine,  6  charmante  loi  I 
^  O  juftice  !  6  bonté  fopréme  ! 
Que  de  raifons,  qu'elle  douceur  extrême. 
D'engager  à  ce  Dieu  fon  amour  et  fa  foi  1 

Vnt  Voix  feule* 
D'un  joug  cruel  il  fauva  nos  ayeux  \ 
X.es  nourrit  au  defert  d'un  pain  délicieux. 
11  nous  donne  fes  loix,  ô  bonté  fuprême  ! 

Pour  tant  de  biens,  il  commande  qu'on  l'aîme* 

Le  Choeur. 
O  justice  I  6  bonté  fuprême  ! 
Le  Même  Voix. 
Des  mers  pour  eux  il  entr'ouvrxt  les  eaux  \ 
D'un  aride  rocher  fit  fortir  des  ruifieaux. 
Il  nous  donne  fes  loix,  ô  bonté  fuprême  !  • 

Pour  tant  de  biens^  il  commande  qu'on  l'aime». 

Le  Choeur. 
O  divine,  ô  charmante  loi  \, 
Que  de  raifons,  queUe  douceur  extrême. 
D'engager  à  ce  Dieu  fon  amour  et  fa  foi  t 

Une  Autre  Voix  feule. 
Vous,  qui  ne  connoiilez  qu'une  crainte  fervîle, 
Ingrats,  un  Dieu  (i  bon  ne  peut -il  vos  charmer  ^ 
Ed-il  dottc  à  vos  coeurs,  ètt-il  (î  difficile 
£t  fi  pénible  de  l'aimer  \ 
L'efclave  craint  le  tyran  qui  l'outrage. 
Mais  des  enfants  l'amour  èft  le  paitage» 

tout  le  Choeur.. 
O  divine,  ô  charmante  \<A  \ 
Que  de  raifons,  quelle  douceur  extrême^ 
D'engager  sLce  Dieu  fon.  amour  et  ia  foi? 


9$6  A    T    H    A    L    I    £, 


Ici  tout  les  objtef  ▼««•  bMIkte/voa»  Srfkette. 
Abandooacx  ce  toople  mis  prèttet  ^  l%ahfiait*  ^ 
Fujcz  toutce  tiHD«h0|  «t  itaiii-i^lre^pftl*!^ 
A  Yosfesstgités  ^e«€S rendre l»^je»  •«•  -^' « 
jiibJiê»  Noo,  je  ne  puti,  tu  voit  mon  «rottUe»  et  ma 
foifa^fiê*  1 

Vi  dire  \  Matban  ^«^  WeMM,  ^irtlfe  prcft; 
Heureufe,  fi  je  puit  trourer  par  m  fl^nHi  <  '-  j    • 
Cette  paix  que  je  ckccchret  qui  «m  iAt  totâonra  !  ' 


il  * 


8  C  £  N  E    IV.' 

Ahner.  Madame,  pardonnez  fi  j^Orp  le -^élebdriB. 
Le  zèle  de  Joad  n*a  point  dû  vous  fyrprendrf  •     \ , 
Du  Dieu  que  nous  fervoQs'tel  eft  l^ordre  éj^eriv^L 
Lui-même  il  nous  traça  fou  teçiple^  et  fon  autel, . 
Aux  feuls  enfants  -d.'Aaron  commit  (es  iâcrîfÎG^s,  '  ^  ^ 
Aux  Lévites  marqua  lèur^  placés  rt,lei^,:çs  office^^.     ^ 
Et  fur-tout  défcDdîi  \  %r  poftétî.é;^  ,V,.     '        „  '  ^   „ 
Avec  tout  autre  Diça  to,utç  locKîfç.  ,    ; 


3ns» 


Voîcî  votre  Matban»  je  vous  iRiffc  avec  i^«^  V^'  j^  - 

j^tbaUe*    Votre  préièncç,  Abncr»  ^èft  ici.^ec^^îre^ 
Laifibns-là  de  îoad ^audace téméraire, , T        \'S*.     . 
Kt  tout  ce  vam  amas  de  luperUitions,,   ,    .^    ^^ 
Qui  ferment  votre  temple  aux,4Utrês^i^à.tiQl}S)> 
Un  fujèt  plus  prciTant  excite  i^es.  âllarmesV 
Je  fais  que,  dès  enfance,  élcve  dans  les  armes,' ,  ^    , 
Abner  a  le  coeur  noble,  et 'qu*II  rend  à  là  fois  , 
Ce  qu^îl  doit  à  fon  Dîeu«  ce  qù'U  doit  à  ici.  Rois.     ^ 
Demeurez. 

Mathan,  Athalie,  AbnA,  yî/.V^  d^^hqtît^ 

Maihan.  Grande  Rcioe,  èft  ccîcî  v^tre-îifilré  ^  •     ^^ 
Quel  trouble  vous  agite,  et  quel  ciFroî  vont  glace  ? 

Parmi 


TRAGEDIE.  ^97 

Patmi  vosenneiaif  ^t  vtuurrQiÊi  chescher  ? 
De  çt  temiplr  fif^&ae  ôfeK^voui  aprocker  ?  : 

A  vtZ'YQx»  dépOitiiUé  crt|e  hûac  ii  vire 

AtbgË0*  Prêtes  liftai  l'a^  ei  l'autre  une  oreille  •tteli'^ 

Je  ne  veux  point  ici  nppeller  le  paffi«  > 
Ni  vous  rendre  raifon  du  (ang  que  j'ai  veri&' 
Ge  que  j'ai  failp  Abnêr^  j'ai  eni  le  devoir  faire. 
Je  ne  prends,  foinc  pour  juge  ufi  peuple  témécaire« 
Qlioiqne  ^  4of<4eoce  ait  6(é  publier, 
L.e  Ciel  même  a  pris  foin  de  me  judifier. 
Sur  d'eclatjints  fuccèi  roi|  pniflance  établie, 
A  fait  jufau'aux  deux  roèrs  refpeâer  Athalie* 
Far  moi  Jerufalem  goiUe  un  cainie  probnd*; 
Le  Jourdain  ne  voit  .plus  l'Arabe  vagabond. 
Ni  l'altîer  Philiâin  par  d'étiernels  ravages. 
Comme  au  temps  de  vos  Rois,  défoler  fes  r!vagcs« 
L.e  Sjrieà  me  traita  «t  de  reine  et  de  fœur» 
Enfin  de  ma  uaasfon  le  perfide  on preifeury  . 
Qui  devt^it  jufqu'  à  moî  poufîer  ta  barbarie, 
Jéhu,  le  fier  Jébu,  tremble  dansSamarie.    ^ 
De  toutes  parts  preffé  par  un  puiffant  voiliQ, 
QQt  j'ai  fu  Soulever  contve  cet  iKOafîn, 
Il  me  Uffe  en  ces  lieux  fouveraine  maîtrefle. 
Je  jouiflbis  en  paix  du  fruit  de  ma  fagefle. 
Mais  un  trouble  imnortun  vient,  depuis  quelque  jaur^ 
De  met  pr^fpérités  interrompre  le  cours. 
Un  fonge  (me  devrois  je  inquiéter  d'un  fonge  i)       ^ 
Entretient  dans  mon  coeur  un  cbagrin  qui  le  ronge. 
Je  résrite  par-tout,  par -tout  il  me  pourmit» 

C\étmt  pendant  l^iorreur  d'une  profonde  nuit, 
Ma  'mère  Jézàbel  devant  moi  s^èft  montrée, 
Comme  au  jour  de  fa  mort,  pompeufement  parée, 
Ses  malbeurs  n'ament  point  abattu  fa  fierté. 
Même  elleavoit  encore  cet  éd^  emprunté,  %, 

Dont  elle  eut  foin  de  peindre  et  d^orner  fon  vifage. 
Pour  réparer  des  ans  l'irréparable  outrage» 
Tremble,  «i'a*t-olle  dit,  fille  digne  de  moi» 
Le  cruel  Dieu  des  Juifs  l'emporte  aufli  fur  toi* 
Je  te  plabs  de  tomber  dans  (es  mains  redoutables, 
Jtfn  fiUe*  En  afiheiant  ces  mots  éponvanubic», 

'  L 1  Son 


39>  A    T   H    A    L    I    S. 

Son  ombre  ven  «Mm  Ut  t  pftm  ie  btifler  ^ 
Et  moi  je  loi  tendoit  le«  imiioe  pour  l'enliniCHr* 
Mais  je  ii*ai  phu  trauré  <{0*im  hatiibit  aïolki^^, 
D^os  et  de  chût  meuftm»  et  traÎBédsaa  fai  fcnse. 
Des  lambeaux  pleins  de  &ng;,'  et  dei  Membres  affreux 
Que  des  chiens  déférants  fe  dif|mloifeBt  ^atse  muu  ' 

Abnèr.  Grand  Dieu  !  .  ; 

AthàHe.        Dans  ce  dllbrdve,  à  moi  ]r«ix  iè  ftéfcnte 
Un  jeune  enfimt  convert  d\iae  fobe  édat«iite. 
Tels  qu'on  voit  des  Hébreux  les  prêtres  revêtos* 
Sa  vue  a  ranimé  mes  esprits  abattna* 
Mais»  lorfque  revenant  de  mon  trouble  junefte^ 
J*admirois  fa  4ouee«lr|  fou  air  noMe  et  moMut^ 
J'ai  fenti  tout-l  coup  «m  homicide  adcr. 
Que  le  traître  en  mon^fein  a  plongé  toiit  entier. 
De  tant  d'objets  divers  le^  bixaive  aflemUage, 
Peut-être  du  baxard  vous ^roit  un  ouvrage 
Moi-même  quelque-temps  kootenfe  et  ma  peutf 
Je.  Uai  pris  pour  Pefet  d'fime  fombre  "wapeur» 
Mats  de  ce  fouvenir  lÉon  ftlne  fwffédéé^ 
A  deux  fois  en  donnant  revu  \k  même  idée. 
Deux  fms  mes  liiftes  ^ux  ib  foift  Vu  retsacei^ 
Ce  même  enfant  toujours  tbut  prétà«vpevter»~' 
XafH^  'enfin  des  horreurs  dont J'etois  pourfuivîef 
J'allois  prier  Baal  de  veiller  mr  ma  "viey 
£t  chercher  tn,  repos  «ux  pieds  de  fes  auteb» 
Que  ne  peut4a  frayeur  fur  l'efprit  des  mortels  ! 
Dans  le  temple  des  Juifs  un  iniliii6t  m^a  ebufle,  . 
£t  d'appaifer  leur  Dieu  j'ai  «onçu  la  pwilee, 
Jai  cru  que  des -prefetils  calmeroient  foncourroiix^ 
Que  ce  Dieu,  quel  qu'il  foh,  en  deviendrait  plus  douit. 
Pontife  de  Baal,  excufefe  ma  (bîblefib. 
J'entre;     Le  peuple  fcdt.     Le  fiicrîlîce  eefle. 
Le  grand-prêtte  vers  moi  s'avance  aif«c  fureur. 
Pendant  quHl  me  parloit,  h  furprife  I  ^  terreur  ! 
J'ai  vu  ce  même  enfant  dont  y^  fuis  aoenacée, 
Tel  qu'ui^  Fonge  affrayant  l'a  peint  à  ma  penfée. 
Je  l'ai  vu.     Son  même  air,  fon  même  babit  de  lin, 
Sa  démarche,  fes  yeux,  et  tous  fes  traits  enfin. 
C'èlt  lui  même.    Il  m«rchrà  \  c6té-du  grand^prêtre* 
Mais  bientôt  3l  ma  vue  on  Ta  fait  dffpafottre/ 

Voilîk 


i;    R    A    G    E    D    I    E. 

Voilà  qacl  tfoulde  ici  m'oblige  à  m'anéter, 

£t  fur  qttol  j^tf»  vouKi  tous  deux-  vous  confalter. 

Que  préfiig<c,'  Mai)u»|^t  ptcMiigc  tsccoyable  î  ^ 

jMatbmu  C%  feogi»,  et  ce  rapport»  toikt  me.feoible  ef« 
ft^«bk« 

j4ibê6ê.  Makvet  ettiast  fatal,  Abner,  vcos  Pavez  vu. 
Quel  èft.a  ?  De  quel  fang  l  £t  de  facile  tribu 7 

Mêèré    J>iDoa- venlRot»  à  l'autel  pcétoieot  leor  mim- 

Li'un  èft  fil«  de  Joad,  Jofabet  «â  fa  flM^re. 

L'autre  m'èft  iuconail.. 

Maibw^  :  Poiftr  quoi  deUbérer  2  . 

'  Se  tous  les  deox,  Madame^  W  ù:  faut  afiJûver 

Voas  favez  poujr.  Joad  mes  i^^rdâ»  cm««  méfures  ; 

Que  je  ne  checokr  poiet  à  vengèr^iReP  ioj^ws, 

C^e  la  feolejéqubéiégoe-ett^  tiAis  me>ayîs.     .. 

Mais  Ini-mênie  après  touty  fû$-eefeii  prppre  fiU, 

Voudroit-il  liomoeieel  Jaiflcr  YÎ,v»et  m^  coupable  ? 
Aimer.  Deqpi|ri<cmie*tilie«jfoit<p#tttrUâtxecap8Ue^ 
Bîatban.  Le  Cièirttsoit  Jk  feU:  vpii^  ,HP  po^aard  âi  la 
matmr.  ■). ,    •.  ^  -,  ;  . 

Le  Cièl  ^jafttt^.ei&fiige.eliifi!p^^j^:fU.vi|4i^  . 

Que  cherefa»>t9O0a. défaut  j: 

Abnerp      w  v..      Jifaîf. fur  la  fQÎ  d*uo  fange. 

Dans  le  faog  d'i»  cafimtvoiilez^vout  qu'on  fe  ploogei 
Vous  ne  favcx-eiuDose  de.i|ttel  père  U  ^iin^  r 
Quelilèft*  .         .  . 

Matban.  Qvt  le  cnûi^t  tout  èft  czamîoé. 
A  d 'illu  (Iret  paccets  .9ri\  doit  fou-  9$îgînf  t  -  ■ 
La  fptendeur  de  ion  &ct  dojt  hAter  fa  ruine* 
Dan»  k  vulgaire  ôbfcur.^  W  fo>t  Pa  placé»    m,  ^  ^  -    v 
Qu^uaporte  qu'au  hazavd  un  fsMEig  vil  foit.Tfrie  i^r    '  ^ 
Ld-ce  aux  R.of s. à  garder  eette^  lente  juiUcei!*    ^^.    . 
Leur  fureté  fouvviit  dépend  d'uu  pso^opt  fuppllce^l 
N'allons  ponit  les  géoef  d'un  (oj»cmbaftauknt..         '; 
Dès  qn'on  kur  èA  fu|peâ<  oiv  n'èft  plus.  inu<>cent«    . 

Abner,    Hé  quoi^  Atatl^ia  D'uo  prêtre  cftrce;!^  te 
^    .-.     ^  .langage»'     ■  t      ...,-. ^  •'.,.. p 

Moi  nourri. dans  le-guèrse*  ^ux  bortcurs  du  carn^^ei^; 
Des  VeniteaiieeflL  de»  IUîs.mkiiî(bi^e  rigouràix»  ;  .  /  - 
C'èft  moi  qui  prête  ici  mavoia  «aximaUieareÙK*    ^ 


400  A    T    H    A    L    I    E, 

■ 

£t  vous,  qui  leur  devez  des  entrftiltcs  de  père  ^ 
Vous,  miûîffre  de  paix  dans  les  tenps  de  colère, 
Couvrant  d'un  zèle  faux  votre  reffentiment. 
Le  fang  à  votre  gré  coule  trop  îeDiemeDt  ^  ' 

Vous  in^avez  commandé  de  vous  parler  fans  feiDt^y 
Madame.   Qtfel  hfk  donc  ce  grand  fujèt  de' crainte  ^ 
Un  foDge,  un  folMe  enfant  que  Votre  oeil  prévenut 
^ut  être,  fans  raifon,  croit  avoir  reconnu. 

JÎtbarie  Je  te  veux  crotte,   Abner,  -je  puis  m*4tre 
trompée. 
Peut-ctre  un  fonge  vain  m'a  trop  préoccupée, 
lié  bien,  il  faut  revoir  cet  enfant  de  plus  près } 
II  en  faut  ^  loifîr  eitamîner  les  traits^ 
Qu^on  les  fafle  too'i  deux  paroitrê  e»  ma  préfeuce. 

jîtner.  Je  crains  ■ 

jtitbaltf.  Ma  n <|^ueroît-  ou  poux  moi  de  coxb- 

pHifance  ? 
De  ce  refus  bizarre  où  ieroient  les  raifons  ? 
Il*  pourroit  me  jetter  en  d'étranges  foupçons  ? 
Que  Jofabet,  vous  dîs.je/où  Joad  les  amené. 
Je  puis,  quand  je  voudrai,  parler  en  fooveraine. 
Vcs  prêtres,  je  veu;c  biçi\,  Abner»  vous  Tavottcry.     . 
JDcs  bontés  d'Âthalie  ont  Heu  de  k  louer. 
Je -fais.  Air  ma  conduite  et  contre  ma  puiffance^ 
JufquVù  de  leurs  difcours  ils  portent  hi  licence. 
Ils  vivent  cependant,  et  leur  temple  èft  debout. 
Mais  je  fens  que  bientôt  ma  douceur  èft  à  Bout..  ^ 

Que  Joad  mette  un  frein'  à  fon  zèle  fauvage, 
ht  ût  m^iirite  poiut  par  un  fecood  outrage. 
Allez. 

..SCENE    Vî. 

AxHAiiB,  Mathan,  /uiig  if^yffbalie* 

Mûthan,  Enfin  jo  puis  parler  en  liberté. 
Je  puis  dans  tout  ion  Jour  mettre  la  vérité. 
Quelque  monflre  nainant  dans  le  temple  s'élève^. 
Reine.     N'attendez  pas  que  le  nuage  crève. 
Abner  chez  le  grand- prêtre  a  devancé  le  jour. 
Pour  le  fang  de  fcs  Rois  vous  fàvez  Ton  amour. 


Et  qui  fait  Ôl  Joad  ne  veut  point  en  leur  place» 
iSubRîtuer  Tenfaut  dont  k  Ciel  vous  menace/ 


&iiti 


T    K    A    Ô    K    Ii\  I    Ê.  4<ir 

Soît  fon  fils^  folt  quçk|ii*aiitrc-*-*-« 

Aihûli0.  V  .  Oui,  vous  m'ouvrez  les  yeux. 

Je  commence  à  voir  clair  dans  cet  «vis*  desr  CieuXè 
Mais  je  veux  de  mon  doute  être  4ébarraflee, 
Un  enfant  èft  peu  propre  a  trahir  fa  penfée. 
Souvent  d'un  grand  defieln  un  mot  nous  fait  jugcf^       " 
Xi^iflez-moi,  cher  Mathan,  le  voir,  Pinterroger. 
Vous  cependant,  allez,  et,  (ans  jetter  d'allaroieS|« 
A  tous  mês>T]friens  fartes  prendre  les  armes^ 

SCENE    t^II. 

JbAS}  JosAiiT,  ArRaLiE,  .Zacharie»- Abnkk,   SALOMfnr; 
D£dx  LsviTxSy  Le  Choeur,  Jmte  d'Atbalû. 

Jofabet^  (amx  deux  Levùèi.}'  O  Vous,  fur  ces  epfants  fi 
cbèrsy  ii  précieux, 
Minières  du  Seigneur,  ayez  toinours  les  yeux» 

j^tner^  (à  Ji^bet.y  Princeue,    aSurez  vous,   je  les  • 

prends  fous  ma  garde. 
jAbidù.  OCxèl  !   plus  j*e)^amine,  et  plu$  je  le  re- 
garde î 
G'èft  lui!  B'borretir  encore  tbus  mes  lens  (ont  faiiis. 

ÇMontrant  Joasty 
Epoufe  de  Joad,  èft.ce  là  votre  fils  ¥•' 
JofiAet.  Qui  ?  Lui,  Madame  \ 
Atbalie.  JELu!.- 

y^faket.  Je  ne  luis'  point  fa  mère.- 

Voilà  mon 'fils.  (MontrarU  TSûcbarie.Jt 

j^baliâ,  (à  ^OM./  Et  vous,  quel  èit  donc  votre  père  3' 
Jeune  enfant,  répondez. 

yofalfet.  Le  Cièî  jofqu^aujourdbut 

jiibalie^  (à^Jo/abet.}    Pourquc4  vous  pj:eflèz-vous  dcp^ 
répondre  pour  lui  b 
C^èft  à-lm  de  parler»  ... 

Jofabci,  Dtens^  un  âge  fi  tendre. 

Quel  éclaircifltment  en  pouvez-vous.  atténd^'e  ^     .  .^ 

Atbalii,  Cet  âge  èft  innocent.     Son  iugenulté 
N-^altère  point  encore  la  (impie  vérjtél 
Laîffèz  le  s'expliquer  far  tout  ce  qui  le  tpuche. 

Jofabet^  (bqi  àj>art,)^  Daigne  mettre,  grand  Dieu,  ta 
fag^efle  en  fa  bouche. 

L  1  3  Atbùlic* 


492  A    T    tt,  A^    L'   I    E. 

j^tbaUe,  CommfBt  f^iM  «MMBai^vous  1 

Joat,  J*aî  nom 

jltbaRt.  Votre  pêrc  ?  v 

Jms^  Je  Grfs,  dit-on.  Un  orpfaelîni- 

Entre  les  brai-  de  Dieu  jetlé  d^  m«r  naîffaiioey :j   ^ 
£t  qoî  de  noes  p^ronl»  n'tus^^nBab  cnnnnifftnccrf. 

Aibaùe.  Vq9  êUfl  f»ns  parents  ^ 

^o<i/.  ^Is  tti'ont'nbBndoiMiBé. 

jithalie.  Comment  ?  £t  depuis  quand:  \ 

Joat,  Depuis  .^oe  je  faîs  ném 

jiltbûlii.   Ne  faxt-on ,  pas   au   moins  -(^uel  pajs  èft  le 
vôtre  ? 

Jaas»  Ce  temple  èft  mon  pa js^  je  ii^âi  coanots  point 
d^autre. 

j/^ibalie.  Où  dit-on  que  le  fort  tous  a*  fait  fonoon- 
trer  !         •  '  • 

Joas,  Parmi  des  loups^  oruels  pr^  arme  dévorer. 

jithûÏK,  Qui  vous  mit  dans  ce  temple  ?      * 

Joas.  Ufieiemme<tncoamie, 

Qui  ne  dit  point  ion  nomr<^  ^^'on  n*a  point  revue. 

jitbalie.  Mais  de  vos  premiers^  ans  quelles  mains  ont 
pus  foin  } 

Joas.  Dieu  Hiâai*il  jamais  fes,enl!uits  au^beibin  >'  - 
Aux*  petits  des  oifi^ux  il  donne  leur  pàtuve» 
Et  ia  bonté  s'étend  {or  toute  la  nature/ 
Tous  les  jours  je  Tinvoque,  et  d^un  foin  paternel' 
11  me  nourrit  des  dons  offerts  fur  ion  autel* 

j^bufîe.  Quel  prodige-nouveau  mê  trouble,  et  m^«m*^ 
barrai.  ,    '    . 
La  douceur  de  fa  voix^  fon  cn£anc0y  h-  gtaer, 
Font  infenfîblement  à  mon  inimitié 
Suc<  éder         Je  ferois  fen&ble  à  la  ^tié  • 

^^ner.  Madame,  voilà  donc  cet  ennemi  terrîbler   - 
De  vos  fonges  menteurs  Timpoilurt.^  vifible,- 
1%  moins  que  la  pitié  qui  femble  voustroublery 
N.e  foît  ce  coup  fatal  qui  vous  MoxX  trembler. 

^thalie^  (à  Joa4  ^P  à  jQfibHw)  VoUs  fi>rtea  > 

JofabeL  Vous  avez  entendu  fa  fortune, 

S.i  préfence  à  la  fin  pourreit  être  imp(^UAe.  v 

^Itbaiie,  Non.  Revenu.  Quel  èft  tous  les  jours  votre*  - 
emploie 

^ûs.  J'adore  la  Seigneur^     Oa  m'^pliquc  fa  loi;» 

Dans 


T    R    A    G    S    D*   I    E.  4^ 

Bans  fou  livre  dlm^  on  n/éfprtué  à  ia  Ure, 
«£l  défà  de  jna  loain  je  commence-à  récrire. 

j^tlahe.  Que  vous  dit  cette  loi  ^ 

Joas*  '   •■    -■••  Que  Dieu  veut  être  aîmé^j^ 

Qu^il  venge  tôt  ou  tard:  fbn^  faillit*  nom  bhfphliDé. 
Qu'il  èftie  diiNi&ot  del^orpfa«lhi  timîdd  ^ 
Qu'il  léfifte  au  fuperbe,  et  pmiit  Phonnetdfr. 

^«6aâr»^JVi^efid9«  :  Mais  tout  ce  peuple  enferaoé  dani 
ce  lîeo, 
A  quoi  s'occupe-tbil  î 

Joas.     '  Il  loue,  il  bédii  Dieu. 

jitba/ie»  Dieu  veut-il  qu'à^  toute  heure  oh  prie,  on  U 
coa^enijfrie  ? 

^oas.  Tout  profane  exercice  èft  banni  de  fon  temple* 

j^ài«//>.  Quels  ibot  donc  vos  phiSrs  i- 

yotfx.  Quelquefois  lif  Tautcl    ^ 

Je  préfente  W  grand^préttie  l»ti*  l'en^ns,-ou-  lé-  sèl». 
Pentends  chanter  de  Dieu  lés  grandeurs- infinies. 
Je  voit  l'ârdre^ompeux  de  fes  cérémonies^ 

j^tbûSé^  Hé  qiM>i^.vou«  n^aves  point  de  jpaffe-temp$' 

t/iJ  ..    plutdoirx^ ' 

Je  plains  le  trifte  fort  d'un  enfant  tel  que  vous. 
Vene^idans  mon  |Nilait,  vous  y  vérres'^ma'gioire. 

J^aat.  Moi  dtfs^bien^Mt^  de  Dlifu  je  pe^droislamémoiref 

jAba&i.  Non,  je  ne  vous  veux  pas  contraindl-e  ^  l'otU 
blicr. 

yoat,  Vom  n^  le  pnes  poiîitv 

^balii»  '  '  Vous  potirrea' le  ptfer.-^^ 

Joas.  Je  vérrois  cependant  en  invoquer  un  autre. 

AtbaUi.  J'ai  mon  Dieu  <|ue  je  (ors.     Voos  ^Érvirez  Iç 
votre. 
Ce.  font  deux  puiflants  DieusTr 

^oàg.  11  faut  oraindre  le  mien  }: 

Xui  feul  èdDieu,  Ma<^me,  et  le  v5tre  n'èû  rien. 

jùbalic,  he^  pkifirs  près  de  moi  vous  chercheront  en 
.    foiile«   i    * 

yôûfi.  Lé  bônbeui!^  des  i6é«lialits-  domm'e  un  torrent 

-.. :î  ^  i    »%eoiilé.  V 

Jtbaliê,  Ces  fbéÊhatKs,  qjui  (bnt-»ls  ^ 

JofabeL        \    «^  Hé, Madame!  excufcz, 

Un  enfant—-— 

j^^iaUe^  (à  Jt^n.)  J'ainM:>  voircomme  vous  Pin* 
flruifez»  En. 


\ 


4S4  A    T    H    A    L    I    E, 

Enfiiit  Eliacitt^  vout  tvoz  fa  ne  pkrrCw: 

Vous  n^étes  poidt«^  Cutis  dome^  mfeafiibt  orâlâufr. 

Vous  voycs,  je  fttîs  Reine,  et  n^ei  point  ë^béiriticàr;' 

Laiflirt-lIlP  cet  bsbit,  qvittev  ce  vil  métier* 

Je  veux  r»n«  fcire  psît  de  toute»  mes  rfcliWes.  >^ 

Eflayex  dès  ce  jotiri*eAc  de  itter  ptetileffesw 

A  ma  table,  par-teot,  il  mes  c6tés  aâis, 

Je  préttodir  TOUS  traiter  comme  mott  propre  fi^s^    ' 

yoM.  Comme  votre  ûUl 

JÛbatie.  Ouï,     Vont  Vois  mi&zf     ' 

Je  quitterotsf  Et  poot  wi»  ■  ' 
jitMie.  Hé  bien  >     '  :  ^ 

Jooi.  PborQueffi^mère^'^  ^ 

Aibalh,  (àjqfiièrt.y  9«  mâlMire  èft  U^Vky  ttUm 
tottt  ce  qixHI  dît, 
De  vous  et  de  Jo»d  je  recotsaeis  Pefpfic; 
Voil&  comme  iiifeâliftt  cette  fimple  jeu  ne&. 
Vous  employés  tous  deuoc  le  calioe  où -je  vous  laiffr. 
Vou»  cultives  dé^à'leur  kaidc  et  leur  tereur. 
Vous  ne  leur  prononcez  mon  nomi  qu'avec  borreun 
J^fiAîU  Peut^ofi  de  nas  malhevir»(  leur,  dérobée  F}û^ 
Adîte? 
Tout  Tunivers  le  fait.     Vous>'méffie  enfaîtcr]^i^^..f.   ^ 

jfAab't.  Oui,  ma  jttfte  ftircurvet  j'en  fais^vaoitéjt^  ^ 
A  vengé  mes  parents» fur  ma  poftérîté;   .     /,    .     /■    \ 
paurofs  vu  maflacrer  et  mon  pière  et^  mon  -ft^e^  ,    . 
Da  haut  de  fon  palavs  précipiter  ma  mère. 
Et  danr  un  mtoe  jour  4gor^r>  la  fois*  .  ,  ^ 

(Quel  fpcôacle- d'horreur*  \)  quatrtfwvii»gt  fijs  de  JUisf , 
Et  pourquoi  ?  Pour  venger  je  ne  fars  quekProjphètés^  . 
X><>nt  elle  avoit  puni  les  fureurs  indîfeiettcs* 
Et  moij  Reine  fan)  Cùt^t^  filte  fans  amitié^ 
Efclave  à'^ixxie  lâche  et  frivole  pitié.  1 
Je  n^auroî»  pas-,  du  moinfty  \k  ceUe,  aveugle  rage. 
Rendu  meurtre  pour  meurtre,  outrage  pour  outrage  |- 
£t  dé  votre  Dïtvid  traité  tous  les  neveu x> 
Comme  on  traitoit  d'Achab  les  reftes  malheureuz'^ 
Où  (ieroîs  Je  aujourd'hui,  ii  domptant  ma>fbiblei&^ 
Je  n'eufife  d'une  mère  étoufifé  la  tendrefle  ,, 
Si  de  mon  propre  fang  ma  main  verlan  t  des  ilbt), 
N'eût,  par  ce  couf^bàrdi^  réprkné  vos  complots  t 


TRAGEDIE.  40^/ 

Enfin,  de  votre  Dieu  Hiaplacable  vengeance 
Entre  nos  deux  maifons  rompit  toute  alliance. 
David  m'èft  en  horreur  ;  et  les  fils  de  ce  Roi»  ^ 

Quoique  nés  de  1^91^  ^^S*  font  étrangers  pourxnoî. 
Jofûhtt.  Tout  vous  a  réttfli^  .  (^e  JDleu  voie»  et  nous 

j^bam»  Ce  Diei^  depuis  loi^gtems,  votre  unique  xe< 

Que  deviendra  Teffet  de  Tes  prédiâions  l 

Qu^il  vous  donne  ce  Roi  promis  aux  nations. 

Cet  enfant  de  David,  votre  éfpoir,  votre  attente—— 

Mais  nous  nous  reyérrpns.     Adieu,,  je  for s^  contente» 

J'ai  voulu  içoir.  J'ai  vu. 

-^^herf  {à  JoJûêfâiJ  Jt.  vou*  l'avpîs   promis  ;. 
Je  vous  rends  le  dépôt  que  vous  m^ave^  cpimnis. 

S'è  E  NÉ    VUL 

JOÂDÎ  JoSÂBtTy   TOAS,  ZuiCBAKlEf  AbI9£R|    SaLO^TB)^ 

'^^     £evites,  k  Chozvr. 

Jôfab^f  (à  Jàaâ,)  Avez- vous'  entendu  cette  ûperbe 
Rein*,  ■    ' 

Seigneur? 

'    Joad.  pentendoiij,  et  plaîgnois  votre  peine  : 
Ces  Lévites  et  moi  prêts  \  vous  fécourir,  ^ 
Nous  étions  avec  vous  refolus  de  périr. 

[àjoas  en  Vtmbrojfanf.y 
Que  pieu  veille  fur  vous,  enfant,  dont  le  courage 
Vient  de  rendre  à  Ton  nom  ce  noble  témoignage. 
Je  reç.Qnnojs,  Abner,  ce  fervice  impartant. 
Souvenez- vous  de  Theure  où.  Joad  vous  attend. 
Et  nous,  dont  cette  femme  impie  et  meurtrière, 
A  fouillé  les  regards  et  troublé  la  prière, 
Rentrons,  et  qu^un  fang  pur  par  mes  mains  épanché^ 
Lave  x^fques  auk  marbres  où  fes  pas  ont  touché. 

S  C  E  N'-  %. 


4«â  ATHALIE» 

S  C  EN  E    IX 

Li  Ci«}XUll« 
Viu  de  FiBii  ivL  €bontr. 

Quel  aftrt  à  dm  jeux  vient  de  luire  ? 

Quel  fera  quelque  jour  cet  eirfiiit  Memeinfax  > 

Il  brave  le  fafte  orgueilleux, 

£t  ne  ie  laifle  point  fiéduîre 

A  tout  fet  sttraits  périlleuxc 

Pendant  que  du  Dîcn  d*  Atfaalie 
Chacun  court  enccnfer  Tautel, 
Un  enfiint  courageux  publie 
Que  Dieu  lui  feul  èft  èttriiel, 
Et  parle  comme, un  autre  £lîe«^ 
Devant  cette  autre  JéaabeL 

Uiu,  Autre. 
Qui  nous  révélera  ta  naiflaorce  fécr^tte»   . 
Cher  eo£ant  ?  £s«ta  fih  de  qoelqne  faînt  prophète  \ 

Une  Autre. 

Ainii  Ton  vît  raimable  Samuâ 

Croître  à  Tombre  du  tabernacle. 

Il  devint  des  Hébreux  refpéranjce  et  Poracle»  | 

Pttifle*tU|t  comme  lui,  coefoler  Ifracl  f  \ 

Une  Autre  chante. 
O  bienheureux  mille  fois 
L^enfant  que  le  Seigneur  aime. 
Qui  de  bonne  heure  entend  fa  voix. 
Et  que  ce  Dieu  daigne  indruire  lui-même  ! 
Loin  du  monde  éleyé>  de  tous  les  dons  des  Cieux 
Il  èft  orné  dès  fa  naiflance  ; 
Et  du  méchant  l'abord  contagieux 
N^altère  point  fon  innocence^ 
T^ft/  le  Chœur, 
Heureufe,  heureufe  Tenfance 
Que  If^  Seigneur  ladruit  et  prend  fous  fa  défenfe  \ 

Xj9u  Même  Voin  feule. 
Tel  en  un  fécrèt  vallon. 
Sur  le  bord  d^une  onde  purci 
Croît,  à.  Pabri  de  TAquilon, 
Une  jeune  Lys,  Tamour  de  la  nature. 

I«oi& 


TRAGEDIE.  4fi7 

do  monde  élcv^,  de  tout  les  dons  des  Cieux 
11  èà  orné  dès  fa  uuiffance, 
£t  du  méchant  Tabprd  cantagieuz 
N^altère  point  (on  innocence. 
To&i  le  Cbomrm 
Heureux,  heureux  nulle  fois 
LVnfimt  que  le  Seigneur  rend  docile  i  oes  loix  ! 

Onè  F&è6  fenk. 
Mon  Dieu,  qn^une  vertu  naMBinte 
Parmi  tant  de  périls  marche  i  paf  incertains  ! 
Qu'une  ftme  qui  te  eherdic,  et  veut  être  innocente. 
Trouve  d^obftacles  à  ces  deffeins  ! 
Que  d'enfiemts  lui  font  la  guerre  I 
Ou  fe  peuvent  cacher  tes  laints  ? 
Les  pécheurs  couvrent  la  terre. 

O  palais  de  David,  et  fa  chère  cité. 
Mont  £imeux»  que  Dieu  même  a  longtems  habité. 
Comment  as  tu  du  Gèl  attiré  hc  colère  f 
Sion,  cher  Ston,  que  dis- tu  quand  tu  vois 
Une  impie  étrangère 
AflîTe,  hélas  !  au  trône  de  tes  Rois  î 
Tout  le  Choeur, 
Sion,  cher  Sion,  que  £s-tu  quaAd  tu  vois 
Une  impie  étrangère 
Affife,  hélas  !  au  trône  de  tes  Rois? 

La  Même  Voix  continue, 
Au  lieu  des  cantiques  charmants. 
Où  David  t^exprimpit  Tes  faints  ravifiements, 
£t  Béniflbît  fon  Dieu,  fon  Seigneur  et  foh  Père  ; 
Sion,  cher  Sion,' que  dis-tu  quand  tu  vois 
Louer  le  Dieu  de  Pimpie  étrangère, 
Et  Blafphémer  le  nom  qu'ont  adoré  te^  Rois  ? 

Une  Vcix  fenle. 
Combien  de  temps,    Seigneur,  cembien  de  temps  en« 

corc 
Verrons- nous  contre  toi  les  méchants  s^élever  \ 
Jufques  dans  ton  falnt  temple  ils  viennent  te  braver. 
Ils  traitent  d^tnfenle  le  peuple  qui  t'adore. 
Combien  de  temps,  Seigneut,  combien  de  temps  encore 
Vérrons-notts  contre  toi  les  médiaats  s^éUvcc  ! 


408  A    T    H    A  ,  Lj^  I  ^.  • 

knÊi  Jtmtriit    .,        »        .1  '    *u 
Que  vous  fert,  dîfentoli,  crtie  vertu  ftuvagft-  . 

De  tsat  de  pUifirs  &  doux  ^  "    ^ 

Pourquoi  fuyez  vous  Tùfage  ?    . .  .  . 
Votre  Dieu  ne  fait  rien  pour  trous. 

Um  jiiitre. 
Riots,  chtntotiSy  dit  cftte  troupe  impie. 
De  fleurs  en  fleurs»  de  plaifirt  en  plaifirs 

Promenons  nos  défirs  ) - 
Sur  Pavenir,  infenK  qui  Ce  fie* 
De  nos  ans  pafiiigers  le  nombre  èft  toctrtm  y   ,.    . 
Hâtons-nous  aujourd'hui  de  jouir  de  la  yiej  .  ^ 

Q\xi  fait  il  nous  ferons  demfûa  ^  / 
Sout  U  Cbfeur. . 
Qu'ils  pUurent,  ômoo  Dieu  !  qu'ils  fremi2eM4e  crainte^ 
Ces  malheureux,  qui  de  Xa^  cité  fainte  ' 
Ne  verront  point  .Pçteroelle  fptendcuc.  ; 

C'èft  à  nous  de  chanter,  nous,  \  qui  tu  révèles 

Tes  clartés  immortelles,    - 
C^éft  à  nous  de  chanter  tes  dons  et  ta  grandeur. 

Une  Voix  feule* 
De  tous  ces  vains  plaifirs  où  leur  âme  fe  plonge^ 
Que  leur  reftera-t-il  !  Ce  qui  refie  d^un  fonge 
Dont  on  a  reccHWti  l'erreor. 
A  leur  réveil,  Cô  réveil  plein  d%orreur  ?) 
Pendant  que  le  pauvre  à  ta  table 
Croutera  de  ta  paix  la  douceur  ineffable  ; 
Ils  boiront  dans  la  coupe  affreufe,  inépuifable^ 
Que  tu  préfenteras  au  jour  de  ta  fureur 

A  toute  la  race  coupable.  '.^ . 

Tout  le  Choeur.  ^  ^ 

O  réveil  plein  d'horreur! 
O  fonge  peu  durable  ! 
O  dangereuiè  erreur  \ 

ACTE     III. 

SCÈNE    PREMIERE.- 

MiTRuir,  Nabal,  Le  Cnosmcs 


Matban  Jennes  filles  allez.     Qu^on  diie  è  Jolkbet 
Que|Mathan  veut  ici  lui  parler  ea  féciot. 


Uit£ 


TRAGEDIE.  409 

CW  dfi  FUfei  du  Choiur.     MaAui  1  6  Ditu  du  Ciel, 
miifles-tu  le  confondre  ! 
Uèku,  Hé  quoi|  tout  fe  difpeî&  et  fuit  fiins  tous  ré- 

pondre? 
Uaibam.  Approchons. 

SCENE    II. 

Zachaux,  Mathak,  Nabal. 

Zêcbêrîê.  Téméraire,  où  Toulez-vouii  paffer  !  . 
Au  delà  de  ce  lieu  gardez. vous  d*ayancer. 
C^^ft  des  nsiniflres  laints  la  demeure  facrée. 
I*es  loix  à  tout  profiint  en  défendent  l'entrée. 
Qui  cherchéz-vous  ?  Mon  père,  en  ce  jour  folemnely 
De  rîdolÂtre  impur  fuit  rafpeâ  criminel. 
£t  devant  le  Seigneur*  maintenant  prodemée. 
Ma  mère  en  ce  devoir  craint  d^être  détournée. 

MéUlkm,   Mon  fils,  nous  attendrons,  ceiTez  de  vous 
troubler. 
C'èft  votre  illuftre  mèrc'ti  qui  je  veux  parler. 
Je  viens  ici  chargé  d^un  ordre  de  1^  Reine. 

S  CE  NE    lîL 

Matban,  Nabal. 

Nêhai»  Leurs  enfants  ont  déjà  leur  audace  hautaine. 
Mais  que  veut  Athalie  en  cette  occalion  f        ' 
I>*où  nait  dans  £ts  confeils  cette  coofufion  ? 
Far  l^niblent  Joad  ce  matin  offenfée. 
Et  d^un  enfant  fatal  en  fonge  menacée, 
Elle  alloie  immoler  joad  à  Ion  courroux. 
Et  dans  ce  temple  enfin  placer  Baal  et  vous. 
Vous  m^en  aviez  déjà  confié  votre  joie, 
Et  j'efpérm  ma  part  d Vne  fi  riche  proie. 
Que  (ait  changer  ainfi  fes  voeux  irréfolua  ? 

Matban,  Aaà^  depuis  deux  jours,  je  ne  la  connoîs  phis, 
Ce  n*èft  plus  cette  x<eiiie  écktrée,  intféfide. 
Elevée  au  defliis  de  fon  fexe  timide, 
Qui  d'abwd  acoahloit  fes  ennemis  fttrpvts,  ^ 
£t  d^un  inâmt  pétrin  connoîâiaittoùt  le  prix. 

Mm  La 


4it  A    T    H    A    L    I    E, 

La  peur  d^oa  yaÎD  rcAOi;dt  trpuUc  cette  f  x|«d«  ^fiik/e-v 

Elle  flotte,  elle  héfite,  en  un.  9»%^  olU  èft  £im9ie. 
J'avoia  tantôt  rempli  d*a«a«rtiu)»q  «t  dc^  fi«l 
Son  coeur  déjà  faifi  des  menaces  du  Cièl« 
Elle-même  à  mes  foîns  confiant  (a  venj^^aase» 
M'avoît  dit  d^affcmbler  £a  garde  en  diligence. 
Mais,  foît  que  cet  en&nt  devant  elh  amène, 
De  ces  parents,  dit-on,  rebut  infortuné, 
Eût  d^un  fonge  cfifrajant  dimimié  TsUWme, 
Soit  qu'elle  eût  même  en  lui  vu  je  ne  fais  quel  çliasme;^ 
J'ai  trouvé  foo  courroux  chaotelant,  inciurtaîn, 
Jît  déjà  remettant  (a.  vengeance  à  dem^ûoi* 
Tous  fes  projets  fembkôeiit  TuA  Pautrc  ie  d^mci. 
Du  fort  de  cet  enfant  je  va»  fiiia  failt  iaOrutre, 
Ai-je  diu     Ou  cogmience  à  vantcar  £b^  a^<u«i» 
Joad  de  temps  en  temps  le  ipontre  aux  f;^ieu^ 
^   Le  fait  attendre  aux  juifs  çommp  auue  MoïlÀ, 
£t  d^orlcl  es  menteurs  «'^pujflB^  et  Vautoxi&». 
Ces  mots  ont  fait  montier  la  roi^eur  bx  bm  front* 
Jamais  menfonge  heureux  n'itût  un  effet  S  prompt. 

£ftce  à  moi  de  languir  dMs.cotte  incertitude  l    .  < .  ; 
Sortons,  a*t-elle  dit,  forloiia  d'iu^vi^tWi;*    .% 
Vous-même  à  Jofabet  prononcez  cet  arrêt.   . 
Les  feux  vont  s'allomur,  et  le  far  èft  tout  prêt»  .  .  -    v 
Kien  ne  peut  de  leur  temple  empêcher  le  ravage. 
Si  je  n'ai  de  leur  foi  cet  enfast  pour  otage. 

I^abaL  Hé  bien,  pour  un  enfant  qi^'ils  n&  cojanoiflei^ 

Que  le  hasard  peut-être,  a  jette  dans  leurs  bc«s,  .  -<.  •   ,s 
Voudront-ils  que  leur  temple,  enfévcli  fo.ua  Ul^bf;.  my^^ 
Matban,  Ah  !  de  to^f  les  ifmteU  çonf  oî^  le.ipjl^sj  fli^ 
perbe.  .  .     .,  ^  . 

Plutôt  que  dans  mes  mains  cet,epfantibîf;  livré,!^.,  ..^^ 
Un  enfant  qu'à  Cou  Dieu  Joad  a  qoqfaqré^^,      ^    i<^  ,jt/. 
Tu  lui  verras  fubir  la  mort  la  plus  terrible*   -  .      « .    ^  L 
D'ailleurs  pour  cet  eo£aut  leur  attache  èft  vi(îb]ç*,;     t, 
Si  j'ai  bien  de  la  Reine  entendu  le  técit|^    .     ^    •  :^m( 
Joad  fur  fa  naiiTauce  eu  {^  plus  qu'il  fM^^dit-     '  ^ 
Quel  qu'il  foit«  je. prévois  qu'il  ieur  fiçra.^oefte.    ,  .^    , 
lis  le  refuferont.     Je  prends  fur  moi  le  rei^e* 
Et  j'efpère  qu''eii£io.de  ce  temple  odieux,^ 
"Sx  la  flamme  et  le  Qx  vont  délivrer  me^  ye^x»  .   ' 


T    R    A    G    E'   D    I  'E.  ^^t, 

NûbaL  Qttî  peut  vous  rnfjpîter  ntie  liaîne  fi  fotte  ? 
£ft-ce  que  'de  Èaa!  le  ^ek  ^ous  tratifijot^c  ? 
Pour  mùî,  VOU5  le  favfez,  'ëdTctttdu  d^finaël, 
Je  ne  fçre  ni  Baal,  ni  te  Dieu  d'irraël. 

Àlûiban,  Atnî,  peux^tu  pc*i'fcr  <ju«  d'un  tèlc  frivK>lc,. 
Je  me  laifle  aîreogler  pour  une  v^ine  iàbïe, 
Pour  un  fragile  bois,  que  malgré  mon  fécoun. 
Lies  vers  fur  Ton  autel  confumeut  tous  les  joufs  ? 
Né^mîniftre  du  Diieu  qu'en  ce  temple  on  adore. 
Peut-être  qoe  Mathan  le  fcrvuett  encore^ 
Si  Pamour  des  grandeurs,  la  folf  de  commander, 
Avec  ion  joug'étrdîtpDovoîent  s^accommoder. 

Qa'èft'înje^foîn,  Nabaî,qu'3i  tes  veux  je  rappelle 
De  Joad  et'dt  moi  la  fameufe-qucrdle, 
Quand  j'ôfaî  cOhtre*  lot  difput^r  renccnfoîr, 
Mes  brigttes,  mes  cbmbats,  tnrs  pleurs,  tnon  défefpoî»' 
Vaincu  par  iui/j'cottai  d^ns  «lît  autre  câmèfc, 
£t  mon  ame  à  la  cour  s'attacha  toute  entière, 
J'approchai  par  degrés  de  i%3iieillc  des  rois, 
Ht  bientôt  en  oracle  on  érig-ea-jna  voix. 
J'étudîaî  leur  coeur,  jcjflattai  leurs  caprices. 
Je  leur  femai  de  fleurs  1«  bord  dts  précipices. 
Près  de  leurs  paffions,  rten  nt  me  Ait  facté, 
De  méfure  et  de  poids  je  ehen^ois-à  leur  gré. 
Autant  que  de  Joad  ^nflexiblie  rndefie 
De  leur  ftipext>e  oreille  ofi^foît  hi  mollefie. 
Autant  je  les  cbatttiois  par  ma  dextérité, 
Dérobant  à  leurs  yeux  la  trifte  vérité. 
Prêtant  à  letirs  ftwretrts  destouleurs  favorables, 
Et  prodigue 'loT-tptit  du'  fang  des  tniférabks. 
-    Enfin,  au  Dièti  nouveau  qu'elle  'avoit  introduit, 
Par  les  mains  d^Àthalie  un  temple  fut  conÛiuit. 
Jérufalem  pleuta  de  'fe  voir  profanée. 
Des  «ftfanti  de  Lévi  la  troupe  confternée,    •» 
JUn  pouffa  vers  le  Ciel  des  hurlements  afiteux. 
Moi  feul'daftnint  Pextfmpléimx  timides  Hébreux, 
Déferteur  de  leur  Roi,  j'approuvai  î'cntcrprifc, 
Et  pair-là  éer  *aal  tOétftaf  la  trêtrîfe. 
Par-là  je  ^c  rendis  terriWt*^  mon  TÎvai, 
Je  ceignis  la  tiare,  et  taanchài  tah  "égal. 
Toutefois  je  l'a^foue,  en  ce  comble  de  gloire, 
Du  Die»  que  j'ai  iquîttc-Ktnp6tftme  mémoire;  '' 

M  »  z  Jett^ 


4U  A    T    H    A    I.    I    E, 

1 

Jeite  tmcùit  en  nifto.  â««  un  Mâe  de  Uponur.  <  - 

£t  c'èft  ce  qui  redouble  et  nourrit  ma  lai(»r. 

Heureux  !  fi  fur  feu  temple  acbeiaut.m»  «ep|eflMic^ 

Je  puif  convaincre  cofia  îa  bame  d^mpuiflançc  > 

Et  parmi  les  débris,  le  ravage»  et.  les  «aorts, 

A  force  d^atteatâts  perdre  tous  mes  refiMrds*: 

Mail  voici  Joiabet.  t.:.,' 

S  C  E  N  E    IV^ 

JOSABETy   MiLTHANi    NàBAL. 

Mathan.  Envoyé  par  la  Rcinc^ 

Pour  cétablir  U  ealme  et  dîflîpcr  la  hapne  ; 
Prinçeffet  en  qui  le  Ciel  mit  w  efprît  &  doux» 
Ne  vous  étonne;»  pas  fi  je  m*adrefle  2b  vous» 
Un  bruit»  que  j'ai  pourtant  foi/ipçoi|i|é.de  éoienlbBgc'^ 
Appuyant  les  avis  qu Vile  a. rr^us  en  fongé^ 
Sur  Joad  accufé  de  dangereiHL  complots» 
Alloit  de  fa  colore  attirer  tons  les  âoti»    . 
5e  ne  veux  point  ici  vous  vaiUer  mes  CgtinGfilë    - 
De  Joad  contjre  i^oi  jis  fais  Le»  ittj)iâiçes« 
Maici  il  faut  à  roffenfe  opposer  les. bien AiitSt 
Enfin,  je  viens  chargé  de  pari6les  de  paix^     . 
Vivez,  fblemài^ea  vos  lètca  faas  ombrage. 
De  votre,  obélfiance,  elle  no  veut  qu?tto  gaf  e. 
C*èn»  pour  Ten  détourner»  j Vi  fait  ce  que  j?ai  pu^ 
Cet  enfant  fans  parents»  q)iVUe  dil;  qu'elle  a  vu» 

yiifiiôet,  Eliacin  !  t      - 

matban,.         ,       J'en  ai  pour  eUe  quel<|ue  honte*. 
D'un  vain  fonge  peut  être  eÛe  fail.ti^jp  de  conte  ^ 
îi^lais  VQUS.xion^  déclare»  fes  murte^Is  CAiiainis^ . 
Si  cet  infant  fur  l'houre  en  mes,  mains  n^èft  remis. 
La  R.cina  impatiente  attend  votre  réponfe. 

^b/aheU  £t  voili  de  fa  part  la  paix  qu'on  nous  an» 
nonce  ?  : 

Matha».  Pourriez>vous.  ua  moment  douter  de  Taccep^ 

ter?.'  '     •     •/       ^-  •   • 

D'un  peu  de  «ompldi&oce  èll-ctf  arop  l^echetef»  t. 

Jo/ahet'.  J'admicerois  fi  Matban^  dépouillant  l'artifice». 
Avoit  pu  de  fon  coeur  &trmonteri'injufUçe»^ 
Et  &  de  tant  de,  maux  le  funeâe  inventeur, 
De  quelque  QmbseLde>bftea  pouvoltêue.rauletir.. 


■-AHîè--'    •    -■-     '    ^        .  •       -  •     ■ 

Quel  èft .  oèt'  ^râCce^^tifiiTvt'  ^  ebèr  'i^^oti^e  «ttour  ? 

Ce  ^and  attactitiilBnt-i^iUr^elKl  à  «Km  tooré- 

JBft.ce  un  tré&rf^iii^'imiis  fi  |}«âcieii«^ 

EH-ce  on  libérateur  que  le  Ciel  voin  »p|téf«re  f 

Songez*!^.     ^^^  i*^^  poimToi^nt  me  confirmer     ^  ; 

Un  bruit  (oTurd,  qiiç  déjà  Vùù,  AÔmtQence  à  femer, 

.Ti^ânfot.  Qvel  btmt  l 

Matban,  Que  ttt  en£a»t  vient  jdHlkifire  t>rigî«e^ 

Qii'à  quelque  ^âiHl  ^ôjèt  votre  «pouK  le  d£fi>ike.  - 
'  Jofolet.  £t  Malfba»  piir«fe  bi^t^quî  ^attte  f&lureo^^-^ 

Matban.  V^tk^it,  e^éft  à^^rUtif  à^iAe  «èt^f  ii^efTt«r«   ' 
Je  fais  que  du  «a^&«gé  inlpkcqibhtecikiieiaie/ * 

6'it  faUwt^&^iéià  fiiikc^rtté,  : 
Coùtât4e  moindt^  mot  coni«»4a4^it>é; 
Du  fort  de  cet  enfàiVf  on  nSà-^Orfic  il«lWltP»c6^ 
Un  profoiide^fM»9Mi«l!lii|ye^^ad^e?  :  '< 

Xt  vous  même  i|;arMi«  {ité  mel]^  parrùili'  ^!ti. 
De  quelle|^iiftflfi8;!j<ad  ^^69  im^^lV^eçu'i  -- 
Parlez,  je  vou.»  éèout^  «t  fak^prôt  ^  Vous  xîtoire.  ^ 

AttvDieu  que  vt»tts?forve2^:^t^é(re,>reâde£  gtoife.  '* 
Jofahet.  Médidfit^'ô^  bitfn  à'vouê  d^fét  fltnfi  àomv 
V-  :  .^-miîr"   '    -  ''  •^^■"   ••    •"  •  •     '  -' 

Un  Dicu^qfu^  trôtrer  boucla»  enObîgné  â^^blarphètnék  '  * 
Sa  vérité  par  vous  prat-elle  èm  attèlMe.v   ~^    ' 
Vous;iiktAh«V«<hiy.  "i^dtMis  ift  ekains  empeflé^         ' 
Où  le^ilMMfon|^««^ièt»opaillifoïlfpt>%flf '^  '    ''•■   -^ 
Vous,  nouitf»4»l^ia'#feiUiëi  ftt'dtttyS'k  trablfbnf^'    <  .  ^: 

c.  «.  ;..-.'    'Ctp    x.iî;    i:    ^'.:~\    *;    .*..i.    y     .*    r.'i-'-...  * 
JOAIV,    JoftABET,  MatHANJ^N^ÂBAL^ 

Joad.  Oàfuis  je  l  De  Baal  ne  voîa-^e  pas  le  prêtre  T 
Quoi,  fifieadôiiElscvtcipitoM  J«rteit<tJ*r;tïsaàri^^i  •  ^  -i 
■%>A;faiii&a»iqu^4ll)uic^efel^/>£t^«i«.tt«.ciaî^^ 
C^  du  foQdsdcr.i^M'm«y':feaiU?o«i^tn^<fou>9^e$ipaSy  *  "  *'^ 
Il  ne  forte  à  lU«â«atée&ti4OiiK.qtiÎ4Uitti!ë0iilii#dA;iW;  ''  ^-^ 
Ou,  qu^(iai9lUB!)«cn0iac'Jiiif:>f  oa^attuté^  tv«'iv4Ms^'é^a^nt  ^ 
?i^t  M  01.3  .  Quç' 


4X4  "JL  l  T  ht:  AS  LA  r  ;ïE.T 

Qvie  vent-tl  ?  De  ^el éttit-^*ean«fea|3e  B&or  2?l>  )\ 
Vient-il  ia^râtt Tsif  t|Q?«tiief|^iMr ce  oe^fiftf  1^:  lo  i&^ 

Maihan.  On  fepoM»ii  Jô>é<rcett»<FÎitoic«gib^\i  ^ri 
Toutefois  il  detnNt.«Doat*er  ^i^ide.fniA0ete^ceb  !£i''  [ 
Refpeâertin* Reiae, et atriar witnigmc a  ^i^«/;;7dd3  j«ï 
Celui,  que  de  fe«  ciéte  eHè  m  diîg»^èlntt|ft«:/  i>  biTsCI 

7mm^  Hébien,xm.noiirliât«ctte^mM«net<dè4Mi^^ 
Q^el  fera  Pordrowneux  qtt*^|nw>ilg  eartelottiaifti»^^^'^ 

Maiban.  J*ai  Sûrà  Joftbet  fMkt4ê^spii^aa$Si  '  :^' >/  9l[ 

7(uu/.  Sort  donc  de  devaneaoi,  tnMiAsr  d^im^iétâ^  i 
X)e  toutes  tes  hortenriy  va^  comblé  lnp«iéfiir«r  j  ^tv^  « 
Dieu  s^ap^âte  àte  joindre  ft  IJkraenpnrjiireîv::  a:^  si  ?^ 
Abirouy  e(  Dathan^Jdœfy  AofaitDylitL  >;  :'  ^  »^i  i^r-è^ 
Le» chiens,  à  qnl-iasi^Mia^livflér^JéUiel^  /:  :i'<>3\l  ^(1 
Attendant  que  raftMrfcAtienriedéfdoaBi.  :  hS  -  ilVùA 
Déi^  font  ft  ta  pottc,  «i  dtnhwdwrtjleèg' f  tbtep  *  ^ït-n  A 

Matban,  (tnkUkJh  Afnnt  la:fin^dnjmtgr  .it  ag'iy<|0: 
.  qui ^ mot»"'  ^  '   ■  *';  '-    '  *  ^^hb^  lC 

Dott<i^*^ii*lilaît^ Jottois,  Nabnl;  :•  .v  ^'^'^K, 

fie  vioe£mr.éCkmtfé^qMttMMiib«%«q^^   ^^<^^^^lK. 
Voilà,  voti^  obeitmK  -  •  m.  *?  ->;  3.i    r?    loj-r'^asBo'I  bK 

^'  .     'î8:*6':E  W-'''E'"'^i- -^   ''^  îs^  ii-î  «'^* 

Athalie.  en .forcui  àcxmBàé  Wpmké^L  r^  t  «à  >î  /csb  ùuà 
Déjà^d^  &  iiB3fla«iceieriâeoKOtrei4e|pSa«.:^h  v^iQ  iîv  vil        \ 
On  commence,  :SeigOaBi9  k  fieccerik  nqiâèjnBl  il^  udè\        I 
Peu  9 Va  fetà  qoe  MfiHian  lielœ^it  'noaméifiu^pârajU 

STmi'.  Air  <  perftdr Matfcan  jfçà.  Psucdiic  séeiléJ^  q  ,  s' W 
Votre  t rouble >.M«tlinanVi-il'p0iBt!iiaD^>paiàé3^  »1  ill 

JoJkéeL  J^ai  ^k  xe 'qi|B  i|*ai^;/pi^ip6i^>'m2èiiflrfadlrfc^^ 

Cependant.  croji«>aKnioi(:âeîgîit«lv^l^f^û^^bnffi.iib  s^        l 
^    liéfer van»  çer enfant: {)OUciiR>Aëbipafèttabfiaârcu^  f 

Tatvdi»  que4«rinéfchftoCS|lttkii>èdenfeieiiâ(l^ebxv:/p  ta£vA 
Ay^int  (ju/on  renvironne,  avant  qn^oo  nous  rarvache^ 
.0n^  ficofiiie  fois  fouffrez  que  je- le  cache. 
.  Les  poxtcs,  les  chemins  lui  font  encove  ouvèrtsw. 
iFàm-il  Is  txaDfportec  aux  plua  affreux  defexu  • 

h 


v>  ) .    ;  -  *  '  J' 


Je  fats  ffèSL  ^fitAkmnt^UniAMi^y:^  V  :>-  ^ -^^  >.  V; 
]rar  où*  &bft^^if*«o  ki  wiçV^&kisrêtrr  apfétfgaa^^i  :.  '^  • 
De  CëdrQKiBvlttJm.tsaWiâl«of  kâotn»!    i         :'  i 

£t  chercluint  coiBf^iiQiiti£m:ftittt^B&s:l»im 

IXurîd  d^2aE^âvtt»dle^;étitAlaçe«ÉfiHteu.  *    u^.  ..lî^j 

Mail  fiÉÛc^iioitider  |éiiu  .^^c^fer  b  iS^âm»  ?  : 
Je  TOtts  oinartt;}»Bitf^tre  «îi  am  fiiliitaitt»^^.  , 
Fefei»'4fi9ÊrfrâGw. j^o  d^pofi^m  . 
Oa  peot  dsiof  (&a»«Ufta»]e :coa<}ak^  aNfonnlliiî; 
£t  le  chcfniftoàft  cMiift^uiim^  jiili|»^diit«  ..  a  /. 
Jéhtt  n'a  pQÎot  iiiikCiKpDEisdr#|iç|ievili^aoml»I*  |;>  ^  '  uA 
De  David  à  fe^fiÉxJejioiii jèiL£dir«aaUbp  ;  ,^^^^.1.^ .  .  kI 
Hélas!  èft4l|acI^&U«f9et£«ènMljL.)  . v;'  :  ;r:.;  o?A 
A  moins  qii?ïyaAt;pnitpnèceaiiie.»st0q  |éfiibe}^  «;  v.- 
Qttd'mM^li&fipUaMfMK^liis^  Hi^^  ^  '  ^  '  • 
Sa  çaofe  à  tous  les  Rois  n^èA^eHe.paa  «îDaunuoe  ? 

yàoii.  Q^ls  timides- €oifMlj|'ln^âfesr««piia:ly|g^<f«rèJ 
Xn  Vàippviémj]€kmif9ikmic»'iK»à  efyéxtt  l       M:^'A 

Ne  roftofe-l-on  point  par  trop  de  toÉdbdce;è^  >v  <(;^v.  V 
A  Ces  deâeins^  facréS' employant  des  humains. 
N*a  t-il  pas  de  J^il  iuiiiiételf  rSté^Jcs  maias  ^ 
Joad.  Jiéha  q!».'avoit  choifi  fa.  fageffe  profonde». 
Jéfci,  fur  qui  j^  vois  qt|ai««ire<.  fi^ir  fe  fonde,. 
D*un  oubli  trop  ingrat  a  pa  jfé  fes  bienfaits. 
Jéku  laifle  d' Ackab  .]hgxtMf9m^  enpatx  ;        ....  X 
Suit  des  Rois  d'Ifraëllni^o&tecSieÉevpiesi^n?  .s:..^iA 
Du  vil  J^eufdo^lE^ylitetaûqoB&tvé^ilesctèapInsi^L  h.;"  x 
Jéba  (ur  iailiiii|tt  HèuB^nfir^lknt;^BSHr,;)  .Tj.arr^  ^  ./> 
Un  lâqesairêieKens  qtfcirDteir /nè^ut^Xouf&â'yr!  ^  ^  i.  ^^ 
N'a,  pdurlImDffx&dQauiefiniîven^  fèsUn^sc]^    ^...V 
Ni  le  ooftOKf&i» dtfoiri'.  ili-let  maia^  aSes:  piicas.  :  ^  >  ?  7 
fdbnqmoD^iO'èii  %Eé^:£^  ^^  nous Jaol  |U$e]«r^; 
.  Montron»  filiaoio  v^  et  loitv  de  le  caâies)^.  ^ 
Q^e  du.  iâMd}Bàn  îr^^l,f»  ié)|è.t&îtt  œnoe.^  :^  -:  ?  K  ^  o  :  ?  q  3  *! 
Je  veu»;mâBi«i  avaçoqr.  i-tkcurc  .i^tormlnée  1    ^n   ^1  il  .^  >f 
Avant  quo'.d9MaiAan:i«PGOàipio^foit  &»nac«<^.p    ^  ibT 

..^tf ;2TZ4;  r  ':C'~  '  i>v'-"";>  J-'cvù   ."'.T.:-  î-.'    ->"]  n    '...      j    .y A 


4\S  ,  A    T    h:  a-    L^  I  ^.  i 


SCENE    VIL  ,:'^i» 

:   '      "'      *  'j'îï  3;  Jw 

LÉVYTtos:       ''^-  -•  '2^   ••>  se  î£ 

^Mu/.  Hé  bien,  A«ftrm,  l^t^ttfAê  M  Usfiévé^       >\ 

j^zariasm  JVn  ai  ùAt  devant  moi  fermer  tontes  k» 
portes» 

yoaii,  N*7  refte*t«ll  q«re  vo«r«  et  ivo»  fiantes  «olurtes  ? 

./hutrias.  De  les  ^^irn%  ^rés  jf*sî  detfx^  4bts  fut  le  toor.- 
Tout  a  fui.     Tous  lê4oitCïé|)ftrés^fiMiv7ecloarr     j^ 
Miférablc^tfonpgafr, *qny»di^[tfféfii^'Cwtnte*^: .     1^   ; 
£t  Dtcn  tt^ètl<p}ifs^ftn^^etd«iisljt«i«|M4'^^  >.<  '9  ' 
Depuis  qu^à  P1»A6«  ce ti^«  ^ft  éeliayp^      .  : .r^rfr^  "I 
Une  égale  terreur  ne  Paiwit  point  frappé. 

Joékf.  Fetei>t<e'HkiW'«tt'éiiBt;^et*4iie«pnU«4^ef^ 
Hardi  contre  Dieu  ieul  !  pouifuivoos  notre  ouvrage. 
Mais,  que  'retient  encore  ibi^'  enliMîis  ^armi  nnuf  4^  -^  t.  -. 

Une  des  fUfri^^ûkMr»*  ilé  !   f<iiMiâoQ»^«9i^i£ti^ 

enr,  neHsriffepager  de-^?^<»  fr.î •  ' C  l» ; :j [   î5tu3 .SI 

Bans  le  temple* ée^DievIbaaaeii^nnnâiétlMgèi^     29a 

Vous  avc«  pT«è«  <le  vonsnc^' pères 'et  tm»^ffècdl&  .n&j  sQ 

r/iff  Autre.  Hâas1'*fi  ^nr  tenge»lfnpp«$»bi9^|frtël]f 
Nos  mains  ne  paivent  pas9.cotnmestttiKibi9:.jîiîlld^rO 
Des  ennemis  de  Dieu f^recr 4a 4êt«{snD|ae^  -rtinnfdS  ^j 
Nous  lui  pouvons  liu  motn^icunoinr^tfeHîrte^T-rèiq  i^c 
Quand  Vos  bvfts  t:ombsfttTOat'pone'lon^inpie3«t%iq«o^Q 
Par  nos  lârFkhes/dû  mdki9, ii -^ut-êtiênaWaiVM?  t^lqn^T 

Joad.  Voîlà  d^HKi''<}to«â»  ftkgetxie  ^Si^néSlciitl^pour  ta 

Des  p?êtTès,  éèsv#nf»tHft^'6^fiig«ai  éter«dl«tl^%;fifir^..  iip 
Mais  fi  tu  les  foutiei»s,jqui'pcutleB*^iaffafik».  ?•.  ^ 

Du  tombeau  quand  tu  veux'td  fats^miiis:  t^ppcike^K 
Tu  Frappes,  et  çuérîs;  tttt'pès<kî  et  reffufoitcs,    Vv'^i^.Ç 
l(s'ne-8''affurenl«p6lltt'en  leurs  propres  mérites^O,;\  ^Ji^ 
Mais  en  ton*oWiW'^tAt'lffeécfiiot«btîliorfw»^iI?  .-^ 
En  tes  ferincnts  jurés  au  plus  faint  de  Icufs  Rois, 
En  ee  tèft)plié*»d  ttf 'fats ^taNienTeoae;>faw^, v r^yli^^r- ^\^  ^1 
Et  qui  doit  du  foleil'^^ler^ia.duré^ 

j^Mais  d'où  vient  que  mon  éœur  frémit  d'un  feint  effroi? 

'tSÛ-cc  l'cfprit  divin  qui  s'empare  de  moi  l 

C'èft 


T    R;  A*^  G;  E:  DIE.  417 

C'èft  lui^méine.  Il  m'échauffe.  II  parle.  Mes  yeux  s'oo- 

▼reiit  j 
Et  les  fièclet  obfcurs  devant  moi  fe  découvrent^ 
-L^rilcSyds  1N>»  foui  pr^ez-moi  les  accords, 
£t  de  ces  mouvements  téiOOQiez  les  tranfports. 

Le  CbomrtitinU  mf9h4i  t^ufw  lAjympbonu.  des  kfirumenUé 

Que  du  Seigneur  la  voix  fe  faflis  entendre^ 
£t  qu'à.  Dot  coeurs  fon  oracle  dÎTin, 

.  Soit  ce  qu^à  Pherbe  tendre 
£ft  au  priûtems  la  fraîcheur. du  matin» 
Joad.  Cieoxy  écoutez  ma  voix»  Terre,  pr,ète  l'oreille» 
NiB  dis  plus^'  6  Jacoh»  ^m  ton  Seigneur  fommellle. 
Pécheurs,  difparoiffeZy  le  Seigneur  fe  léveîUe» 

I^  rêeùmmmi  kfjmfhaùe^ètjaai  mtffkii  rffnndtû  paraît^ 

Comment  en  un  plomb  vil  lH»r  pur  s'è(l*il  changé  ? 
Qocl^  éa«9  «c  Ûeu  ialnt  ce  pontife  égorgé  ! 
Pleure^  Jérufalem,  pleore^  cité  pci£de« 
JOes  pr<^)lièt0i^divinifmaHiCttrenie  homicide.    . 
De  Ton  aÉtour.pour  tm  ton  Dieu  t^èH  dépouillé» 
Tout  cttcttftS  à  fesyeux  èft  on  encens  fouillé» 

OàtMnez^iNn»  ces  enfants,  et  fes  femmes  2^ 
Le  Seigneur  a  détruit  la  reine  des  cités. 
Ses  prêtret  ibat  captife,  fe»  rois  font  rejettes. 
Die«.tte^^ttt:pkis  qu*on  vienne  à  fes  folemnités» 
Temple  reniferfe  toi»    Cèdres  ^Uez  des  fiâmes. 

4  JtoiUem,  objet  de  mndoulcurt 
Quelle  main  en  un  jour  t'a  ravi  toua  les^  charmes  %. 
Qui  changent  mes  yeux*  en  deux  fourocs  de  larmes 
Pourplextrcy  ton  -malheuf. 

A&&nttt^  O  iatnt  temple  ! 

JofiUt.  ODavid  i' 

Le  Cimur.  Diev  dr  Sion,  rappelle, 

Rappelle  «H  notre  fiiveuf  tes  antiques  bontés. 

La  fynfbanU'  re^^mmetue'  ettewre  ;  eà  Jimi^   si»  moment 

àfrh^  tmUvromfU 


i(ta  À  T  H  A  L  I  ï: 

Quelle  Jérufalem  nouvelle 
Sort  du  îonà  do  ëéfcit  btvtlBiitte  de  ctftfiés* 
£c  porte  fur  le  iwm,  une  mafr^ue  immoneOte  î 

Peuples  Ât  U  ttttve,  ^^bànttfz. 
Jérufalem  *  renaît  plus  charmante,  et  plus  belle. 

D'où  inî  vîeiNieiit  de  touv  câtés 
Ces  f  enfants  qu'en  fop  fein  elle  n'a  point  portés  ? 
Lève,  Jéraffrlem,  lève  ta  tâte  altière. 
Regarde  tous  ces  Rois  de  ta  §W)ire  «étacwésy 
Les  Rois  des  nattoos  devant  toi  proâernés, 

De  Vt%  ineds  bn^nt  la  pouffièiie. 
Les  peuples  à  l'cnvi  mardrent  à  ta  fattsièse. 
Heureux  1  qai  po«T  'Srîon  dlHttie  fftint<e  fctveur 

Sortira  fou  âitte  «ttbtafée. 

deux,  répandes  votre  rofée, 
£t  que  la  tefw  enfante  foa  Sauveur. 
jfofabet.  Hélas  !  d'où  nous  viendra  cette  infîgne  f»' 
veut, 
Si  les  Roîs  de  qtû  ^àcik.  4elcesdfe  ce  Siiiveori  ■    *■     - 

Joad,  Préparez,  Jofabet,  1^  riche  diadêine. 
Que  fur  fon  front /aci^  David- porta  luvAiême. 

(jiux  LeviiesX 
£t  vous,  pour  vous  MfMfi  Atîvcfe-ovoî  dtns*  ocs  iieux 
Où  fe  garde  cacké,  loin  des  ^ofanes  yeux. 
Ce  formidable  anMs  da  Isanoes  et  d^épées• 
Qui  du  fang  PbtUAtn  jadis  iurent  trempées, 
£t  que  David  vainqueur,  d'an»  et  *d'bottfrtass  -diei^gé. 
Fit  confacrer  au  Dieu  qui  l'avoît  protégé* 
Peut-on  les  emploij^erpour  un  plus  noble  ufagef 
VeneSy  je  veux  moi  même-en-  ùârc  le  partage. 

SCENE    VIII. 

SALONTCi^  Jr  ChOXUR. 

[ue  de  craintes,  mes  foeurs,  que  de  troubles  mortels  ! 
Dieu  tout-fnjdfiÎMt  ibtft-^ce  li  lt«  ^p«éiiîces> 
Les  parfums,  et'  foa  Tacrtfi^es 
Qu'ott  devoit  en  ce  jour  oflFrir  fur  tes  autels  l 

Une 
•  L'Eglife.  f  Les  Gentiles; 


T    R    A    6    £    D    I    *£.  «xj| 

Vm  des  lUkt  Al  Ckoeur. 
Qoel  fpfiâack;  à  not  yotu  liaU^f  ! 
Qui  Peut  cstt  ^*o«  dftt  voir  Jamais 
I^ies  glaives  meurtriers,  les  lances.' hall rtdcsy 
Briller  dans  la  mm^m^  àa.  paix  l 

Une  ji^ére» 
D^où  vient  que,  pouc  ioa  Dteu^  pleine  d^indiSerencei 
Jêrufalem  fe  tait  en  ce  preffant  dsi^erî 

D^où  vient,  mes  (bttursi,  .quA  peur  nous  protège r^ 
3Le  brave  Abocr.att»moîas  ne  sompc  j^as  le  fUence  l  ^ 

}]£ba  !  dass^une  cour  où  Fou  ik'4^  d^autres  luis 

Que  la  £mvq«:  et  1»  yi okacc^ 

Où  les  hoaxkenf  s  el  les  .emplois 
:Sont  le  prix  d^une  avQugie'.et  l>aifle  ohéîfhnctp 

Ma  foeur,  poua  la  ttifte  âoneeence, 

Qui  voudroît  ^kv«tr  fa  voîx  ? 

DanS'OS  pérsl,.  dana  ee  dé&rdfre  c^cUAiiie) 
Four  quipiépanB^lKoa  le  fiiciaévdîadêfAc  ^ 

SaJmnkfK 
Le.ScigiuHic  a  dasgné  pai^eie. 
JMais  ce  qu^  bit  psbpbète  U  vient  de  sévéler, 
Qui  p<^ttrca  jmx»  Im  iair e-^ntcndre, 
S'arnie»t-il  pour  nous  défendre  î  ^ 

S'arroert'îli  jpoiir  noiis  accabkr  î 
Tout  le  Choeur  chante 
O  pi«»nefie  1;  ô  spipqaee  1  6  ^ésiébrsfttx  m^Bèv*  ! 
Que  de  maux,  que  de  biens  font  prédits  tour  à  tOur  ! 
Cofi(imeDgt  p^ut*OA  avec  tant  4o  colct«t 
Accorder  tant  d^amoui  ^ 
Z7ff^  ^(îlv  fcul. 
JSioa  ne  Ceva  plus.     Une  â^oTinte  cruelle 

Ditruira  tou:i  fes  ornaments« 
Une:  j(Uure,  Voix. 
Pieu  protège  Sion.     Elle  a  poi^r  fondements 

Sa  parole  éternelle. 
JLa  Première, 
Je  vois  tout  Ton  éclat  diipaikQÎ^i:<^  à  mes  yçu^. 

La  Seconde, 
Je  vois  de  toutes  parts  fa  clarté  répandue. 

La  Première, 

Bans  un  gouffre  profond  Slon  èH  defcenduf . 

Le 


"H 


|29  A    T    H    A    L    I    r,  > 

Sioa  ft  fi»  fciot  dMft  Im  citnx* 

Qael  triAe  abuffonMit  I 

QmIW  wiMorltUe  claire  S 

Qoe  de  cris  de  doolear! 

Qgc  de  cheotf  de  YÎAeife  1 

Ccffont  de  aovs  IravAikr.    Netre  IKto,  gmlgui  joar|  ^ 
Déretieni  ce  fpraad  «yftèie* 
TmI^  TWfir. 
Rêveront  fii  colère, 
£fpéroiis  en  £mi  unoar*. 
Um  Autn^ 
D*un  coeur  qui  traîne, 
•  Mon  Dieu,  qui  peut  troubler  la  |»lix.^ 
Il  cherdieett  tout  ta  volonlé  feftéÎBey 
£t  ne  fe  cheiche  jasais. 
Sur  la  terre,  dans  le  ci^  SBème, 
£ft»il  d'autie  bonheorigoe  la  tn^nquille  pns 

D*ttn  coeur  qui-t*aine  ? 

ACTE      IV. 

SCENE    PHEMIERE. 

JOAS,  JoSAlETy  ZACRARte;  SALOMlTBy  Ml  LtoT% 

Ir  C&osvR. 

Sûkmài.  D*ttii  pasms^floeoxy  It  c&té  de  ma  nère. 
Le  jeune  Efiacin  s!*avaiice  avec  UKm  frère. 
Dans  ces  voiles,  mes  foeers,  que  porteut-ils  tous  deux, 
Quel  hà  ce  gisrve  eofin  qui  marche  devant  eus  ? 

JqfiièH^  (à  Zoeèêtrip.)  Bfon  fils,  avec  refpefi,  pofcz  fur 
cette  table 
De  notre  falnte  loi  le  Hvre  redoutable. 
£t>ous  auflî,  pofcz,    aimable  Eliacio, 
Cet  angufie  baudeau  près  du  livre  divso. 

Le- 


T  IR    A  >G>^  E    D    I    E.  42a 

Lévite»  n  faat  -placer,  Jcmd  fttiili  râ^doone, 
lie  glaive  de  Davié^imprè^  éê^fa  côofonlie. 

yoai,  Princeflei  quel  èft  dolic  ce  fpéAacle  nouveau  ? 
Pourquoi  ce  livre  (aint,  ce  glaive,  ce  bKâdotfu  ^ 
I>epaÎA  que  le  Seigneur 'iw*»  reçu -dans  fon  temple, 
D'u n  fe mblablc  aj^f ètl^-  n*t4  pofiift  vu  d V x  e mple . 

yp/abeî.  Tous.  VM  dotîéi%  mcm  fils,    bientôt  s^éclaîr* 
ciront. 

JiMs.  Vous  voulez  eSk^er  ce  bandeau  fur  mon  front? 
Ab,  princefiel  gardez  d'eu  profaner  la  gloire. 
Du  Roi  qui  Ta  porté  refpeékcz  la  mémoire. 
Un  maUicttraux  leaftiit  mis  ours  abandonné;     ■■  ■ 

Laifîez,  mon  fils,  je  fais  be  qui  m^èâ  ordonné, 
^oas^    Mais   j^entends  les  fangiots  fortir   de   votre 
-  bouchei  .    . 

Prînceffe,  vous  pleurez  ?  Quaik  pitié  vous  touche  ? 
-£ft<e  quVa  holpcaofte  aijJQurd'bui  prefenté 
Je  dois,  comme  aJa^e£ois4a  fîUe  de  J^pbté,  . 
JDu  Seignewr  i^r  aasittoirt  appaifer  la  colère  > 
Hélas  !  un  fils  n*a  rîii»  qui  »e  ibit  à  (on  père, 

Jùfabet.  Voîeî  qu&  vons^dita^  les  ^'olontés'des  Cîeus, 
Ke  craignez  mu.  n  Etamss^r&r^ns  ious.de>ce&  lieux* 

se  ENE    IL 

JOAS,   J'ÔAD. 

Joa^^  (couroMi  Sans  h*  (ff^u  Eu  Grand  Pnitre.) 
Mon  père  ! 

Jout^.u  ,  Hé  bien,  mon  ijls  ?  *.  ^■. 

Joas.  Qu'plt  c^.^nc  qu*on  prépare  ? 

Joad,  Il  èft  jufte,  mou  âls,  que  je  vous  le  déclare, 
\       11  faut  que  vous  £»yez  iiillrttif,<jnêAç  avan|;^tous,:    ^ 
Des  grands  defîeios  de  DicM  fur  fon  peuple  et  fur  vous* 
Armez  vousd*ua.ppurage.et  d!ans.foi  Aouye^le», 
il  èd  temps  de  montrer  cettç  ardeuç  et  c^  .zèle,j      .    . 
Qu'au  fond  4ç  ^otrc  coeur  mes  foins  ont  çultîyév. . 
,        Et  de  payer  à  Dîeù  cc*que  vous  liiî  devez*     -,,, 

Vous  fcntez-vous  cette  noblç  et  gpncréufê  eny^.?,*  ,- 

Joas,  Je  me  fcns  prêt,  sUl  veut,.cte  lui  donner  ma^vie» 

Joad.  On  vous  a  lu  fouvcnt  \'bjftciîre  de  fios  i8.pi|^.     , 
li^qiM  £qu vient-il,  mon  fils,  quelles  étroites  îoijc 

N  A  Doit 


1. 

4i%  A    T    H    A    L    I    I, 

I 
I 

Doit  s'HDpoTev  ttd  ftoi  dîgtte  èû  êhâémt  ?  1 

yooi.    Un  Rot  fikgf,  aôifi  Dîea  Vx  pnmoncc  1«k      1 


Sur  la  ricBeffie  et  l*or  n«  ttèt  point  fan  aplNÛf 
Craint  Ifc  Seigneur  Ton  Dien,  eus  ceft  a  devant  In 
Ses  préceptesi  fes  loix,  jagements  fiévèrei, 
£t  d'iBJaftes  fardeaux  n'accable  poîM  fes  frcrea. 

yosX  Mais  far  Pan  de  ces  Rois  s^il  £illdit  voos  régler^ 
A*  qui  ehoifiriez-voos,  mon  fils,  de  réfiêmblet  ? 

Joiu.  Davîdy  pour  k  Seigneur  pleîft  d*an'  attour  fi« 
deUe, 
Me  pannt  ées  grands  Rois  le  pins  parftit  iflodelle* 

^oad^  Ainfi  dans  ledrs  excès  vona  n^niteriez  pas 
L'infidelle  Joraip,  t*injpie  Oeoiîas. 
'  y^ài,  O  inon  père  ! 

J^oaJ,  Acbevex,  dites,  que  vous  en  fêmble  i 

Joat.  Puifle  périt  coâiiliê  ciâ  qtlîcohcpie.  leur  rie£- 
fen^le.  (^Jif&éfi  fitôfierke  m  fis  pitih^J 

Mon  père,  en  qoél  état  vous  ▼bk'.je  devant  moi  \  I 

Joadn  Je  votis  rends  lë  refpeâf,  qne  je  dots  ft  itton  Rdu      ^ 
De  votre  ayeul  David,  Joas,  rendez-vbua  <figne« 

ytit^.  Joas  !  Moi  ? 

jf^.  (fi  rekwnt.)  Vous  (kmet  par  qâeite  grâce  iû* 
*figne, 
D^nne  mère  en  fureur  Dien  trompant  le  deflein, 
Quand  déjfi  fon  poignard  étoit  dans  votre  feîn. 
Vous  choiilt,  vous  faova  du  milieu  du  carnage. 
Vou5  n'êtes  par  eneôre  éc1iapt)é  et  (a  ^gt. 
Avec  la  même  ardeur  qu'elle  voulut  jadis 
Perdre  en  vois  le  dernier  dies  etifants  de  feofih, 
A  vdus  faire  pénr  fa  cruautiS  s*attacbe, 
Et  vous  pourfuit  encore  fous  le  tfom  qui  vous  cache» 
Mais  fous  vos  étendants  j'ai  déjà  fù  ranger 
Un-  peuple  obéiflant  et  prompt  à  vous  venget, 
Entrez,  généreux  chefs  des  familles  facrési 
Du  minilij^re  faint  tour  à  (out  honotééSé 


SCENE 


TRAGEDIE.  423 

S  Ç  JE  NE    m. 

JoAS,  ■  JoAJû,    A^AicriVSi   IsMÀELj  tt^ts  /ititret  Cbèfi  des 

Joad,  Jtt^i,  vqU^  jrps  .wengcurs  .contre  vas' ennemis. 
Prêtres,  voil^  le  Rot  que  ]«  vous  ^1  procnis. 

IJmaeL  Quoi  !  cet  enfant  {ilmiabh 

Joad.  Eft  de«  Rois  de  Juda  .l'héritier  véritable; 
IDernier  né  àt&  en&nts  flu  Trifte  Opofids, 
l<Joj[irri^  vous  le  favez,  fojas  le  nom  do  Joâs* 
I>e  cette  fleur  fi  tendre  et  Si6t  moîfIbiTée, 
Tout  Juda  commç  vou^,  pl^tgn^uit  la  de^née. 
Avec  Tes  fribr^s  sports. le  cnxX  enveloppé* 
Du  perfide  çeute{>tt  çpm^ipe  eux  il  ^X  frappé. 
Mais  Dieu  du  coup  mpstel Tut  détourner  l^tteînte,- 
Conferv^  4£U)s  fons  coeur  \à  chaleur  prefq.ue  étçinte  y 
Permit  que  des  baurêaux  trompant  r.oeil  vigilant, 
Jolabet  d^ns  fçnyfein  l^^&portât  tout  £inglant  \ 
£t  n'ayant  de  {an  vôl  que'  moi/eul  pour  complice. 
Dans  le  temple  cacha  Penfatvt  et  la  nounice. 

Joas,  Hélas  !  de  tant  d^amour  et  de  tant  4<:  bienfaits^' 
Mon  père^  quel  ineyen  de  m^.acquitter  jamais  ? 

Joa^*  Gar.deiK  pour  d'autres  tempr-cettereconnoiffanci»» 
Voilà  donc  votre  Roi»  votre  unique  efpérance* 
J'ai  pfîs  (oln  jufqu'içi  de  vous  \t,  conferver. 
Minières  du  Seigneur,  c'èfi  à  vous  d'acKever*  , 

£ientôt  ({e  Jézabel  la  fille  meurtrière, 
Inttniitc  qye  ^s  vok^  fi^si^o^^  Ja  luiuièjE^f 
jD^ns  l'-borpeur  du  tofnbeau  yÎQn.dfîi  le  replonger,- 
Déjà  fans  le  connoitre,  elle  veut  l'égorger. 
Pr^tres.C^iiitSj  ^?è;(l  à  vous  de  prévenir  (a. rage. 
Il  faut  finir  des  Ju^fs  le  honteux  efcUvage, 
Venger  vos  prinoes  motttS,  rel^ev^er  votre  loi, 
£t  faire  aux  4euy  ^l'ibùs  reconnoîtxe  kur  Roi. 
L'enterptife,  .f?tivs  doute^  lèû  grande  «t  -périlleufe. 
J'attaque  iur  (on  tr6;>e  Uine  Reine  orgueilleufe. 
Qui  voit  fous  £es^9pejauic4nsirçhef  .U9  Q^p  nombreux^- 
De.  hardis  otraiigersi  d'ija$d€)«s  fieferc^t^* 
Mais  ma  fbcc^  èll  au  DieUi  4ont  l'intéf ^  me  guide. 
Songez  q^!<B9  Gfjt  M&Qt  jtout  J,fr^l  xéfiAe* 


4H  A    T    H    A    L    I    £/ 

Déjà  ce  Dtco  vcnfçtur  conincocc  à  I«  troubler. 
D^à  trompant  (et  foins»  j'ai  fu  vous  raflcmblef  i 
Zlle  nous  croit  ici  fans  armes,  fans  défenfe  ; 
Couronnons,  proclamons  Joas  en  dilif;ence. 
De  lày  du  nouveau  prince  intrépides  foldats  ; 
Marchons,  en  invoquant  Parbitre  des  combat*^ 
£t  réveillant  la  foi  dans  les  coeurs  cndormiéy 
Jufques  dans  fon  palais  cherchons  tfotre  ennemie. 

£t  quels  coeurs  fi  plongés  dans  un  lâche  fommeif^ 
Nous  voyant  avancer  dans  ce  faim  appareil, 
Ne  sVmprefleront  pas  à  fuîvre  notre  exemple  î 
Un  Rq},  que  Dîtu  lui-même  a  nourri  dans  fon  temple^ 
Le  fuccclTeur  d*Aaron  de  fes  prêtres  fuivi, 
Conduifant  au  combat  les  enfants  de  Lévî, 
£t  dans  ces  mêmes  mains  des  peuples  révérées,. 
Les  armes  au  Seigneur  par  David  confacrées. 
Dieu  fur  fc$  ennemis  répandra  fa  terreur. 
Dans  l'inFdelle  fang  baigncz-vous  fans  horreur; 
Frappez  et  Tj riens,  et  même  Ifraélites,  I 

Ne  defcendez-vous  pas  de  ces  famcoz  LéviteSt  ^ 

Qui  lorfqu'au  Dieu  du  Nil  le  volage  Ifra^,. 
Rendît  dans  le  desèrt  un  culte  criminel. 
De  leurs  plus  chèrs  parents  faintement  homieides, 
Confacrèrent  leurs  mains  dans  le  fang  des  perfides  p 
Et  par  ce  noble  exploit,  vous  acquirent  Thonneur 
DYtre  feuh  employés  aux  autels  du  Seigneur  ? 

Mais  je  vo^8  que  dé^^  vous  bt&lez  de  me  fuivre. 
Jurez  donc>  avant-  tout,  ftir  cet  augufte  livre, 
A  ce  Roi,  que  le  Ctèl  vous  redonne  ajourd^huî, 
IH  rfirrr,  de  combattre,  et  de  mouTTr  pour  lui. 

j^zarias^  (^u  bùut  àt  la  tahle^  ayant  la  main  fur  ie  lî^>rtt 
JàintJ 
Oui,  nous  jurons  ici  pour  nous,  pour  tous  nos  frères^ 
De  rétablir  Joas  au  tiône  de  fes  pères. 
De  ne  pôfer  le  fèr  entre  nos  mains  rerois, 
Qu^après  Tavoir  vengé  de  tous  (es  ennemis. 
Si  quelque  tranfgTefiVur  enfremt  cette  promefi«y 
Qu^il  éprouve,  Graivd  Bieu,  ta  fureur  vengerefie  : 
Qu^avec  lui,  ^ts  enflants  de  ton  partage  exclus, 
Soient  au  rang  de  ces  mcrts,  que  tu  ne  connois  plus. 

yoaJ,  Et  vOBSi  ^  cette  loi^  votre  règle. éternelle, 
Koi,  ne  jures*«(^us^  gas  d^être  toujouri  ôdelle  f 


T    R    A    O    Ç    D    I    E.  4^ 

^fr.  IPocrcoîs-^e  à  QOtt^  loi  i>«  œe  p^s  Gonfoyxavxf  ' 
Joad,  O  moB  fils,  de  ce  oetm  j^ôfe  Aikoore  vous  aooH 


.mer) 


^Qu&ez:cette  tendreffe^  etpaJvioiiti^eK  aux  Urme^, 
Que  ra^arracbeiit . pouy  vdus  <  de  trop  juftes  cilarmes»  - 
JLoin  du  ttofié  oMam^.dcjoe  fatal  boa  neuf  9 
Kélas  !  vous  ignorez  le  charme  empoii^atteuf* 
X)e  11abf(^  pouvoiff  .V0114  •  igm»ei(  i^YreSe, 
JEt.iiesJâchftsâatteurs'la/V.QÎx  poGh0<kteve&«,  ^ 

£îen-tôt  ils  vous  diront,  que  les  plus  feîoles  l^jr^  - 
Maîtrefifes  iia^U  peopk,  ol]eetfient  «ox  Aejs  ; 
Qu^uft  roi  Q^a  d'autre  frein >(|aejGi  vqloftré  itiéme;  ^ 
<^*il  doît'tmmoler' tout  à  fa  grandeur  fuprême; 
f^^«uic  IftTBOjss^sjaxivtravaîl  le  peuple  èft  condamnéf^ 
Et  d'un  fceptre  de  fèr  veut  être  gouverné  v 
Q^e  s'il  n'èâ  op|>niDé|  tôt  ou  tard.il  opprime. 
Amfi  de  piège  en  piège, 'et*  d'abîme  «en-abîmei  / 
Corrompant  de  vos  mceurs  l'aimable  purelé,  • 
Z-ls  "VOUS  ?&xmit  «enfin  4mr  :1a  «éiitév' 
Vxius  petndaottt  laiveittt  ,£aua  -mii^  asSipeufe JmvgtC - 
Hélas  !  ils  ont  des  Rois  égaré  le  plus  fage. 

rPr^ojgietteïTur  ce  Xvrvç^  e|  àcil^nt  ^isa^  t^pif)«|  1 
Que  Dieu' fera  toujours  lepremief 'de  vOI./bins»  - 
Que  (evère;ftux  vmeçlwMit^  f 1 4es  i^on*  le  ^ref^ig^v  ^  '  ^ 
£ntre  le^pauvse-et  vous,  veua^  prendrez-iDieu  pour J«ge^>^ 
Vous  fou vçnant,'rooti^s,.qu0  caché  ^Ous^  ce  liq. 
Gomme  eux .>v0tus  .fûtes  pauvre,  et  cOmrae  eux  or.pbeUu. 

Joùê^  (au  fmliiu  ^/k^îh- ' uAU^ 4^(tnit  la^molm  Jur  k  iivrc 

Jç  pr4>mèts  .d'obfervKt  ee^ûe  la  ieÎTinj2;ord0Di)e:k  ;  >     •    - ' 
Mon  Dieu,  punlflez-moiv  fî-je  vo^  .abandonne.; 

3ïWi/  Venez;,  de  Diuile  lainte  ilfaut  vousscon&cfen  - 
Biroifleiij  j9iab9t,i.vO)US';pQuvez  voiis^moBtrerv  v-r    < 

,    ♦  .  .     .   ■   ■ 

•  •-'■- 

JjiAS>  JÔA9;  fàMMMX^ZAISAÂKÎ^   SAL^mWr  A&ÂKXAÎjJs*- 

MABL,  roÂr  tffi//'^  6%^  </!?#  iiiSvi'Ras;.  U  Ghoeuiç. 

3fqfiiéir{^i^aMt^oa^rM  ^«  4e  David  ? 

Joas.  .  .    Q  mon  .unique  mèfe  ?. 

'V^nez^  cher  Zaduori^^  eiBtbr^fler.Yo^je.&èjrc. 

■Mn  ^       '  JpfyhiU- 


'  .'j 


1 

■H 


426  A    T    »   A    L    I    E;- 

Jofabei^  (à  Zacbarie.).  A«ui  pieds  de  voXm  ^Roî,  [fro^ 
ileraoK-vous,  smii  61stf 

(Z0€beriefo  jetée  énfiffùdê-  de  Jeas»)- 

Joady  (pendant  qu'oui  j^embraffii^O  £ofiints|  atsâ  tou- 
jours pttîffie^vooàf'  être  unis  1 

Jofûhtt  (à  J9ae*y  Vous-  iavc»'  donc  ^tt«l  iang  vous  a 
mnoé  la'-vie  ^ 

7(7ir/.  Et  je  fais  quell^maio  fuit  vous  me  Peut  rarie. 

JofabeL  De  voUe  qoib^  J<mw^  J€  puis  doao^vout  oom»- 
mer  ?    • 

^oiTf.  Joas  ne  ceffera  jamais  d4»iro«s  aimer4 

Le  Choeur.  Qqoi|.C*èft4»"  '    «t.; 

JnfabeU  .  ÇcA  Joas* 

Jca(/.  '    ^    Ecoutant  ce  Lévite;- 

,  S  C  E  N  *Ë    'V.. 

J0AS9  JOSABBT,  JoAI>,ZACBAftiJS,3ALOBfia^  AXARUS,  IstfAKI,,. 

trait  autres  Chefs  des  Lsvtlms,  «aLkvi'Es,  ^Cboeur. 


I 


£/«  Lévite,  ptgnore  contre  ^cu  quel  projet  on  me^ 

dite.  /.' 

MaM  l'aîraînineDaçant  frémît  de  tentes  parts»- 
On  voit  luire  des  feux 'parmi  d^s  étehdarts,- 
Et  faos  doute,  Atballe  afibmble  fon-  armée. 
Déjà  même  au  fécours,  toute  vote  èft  fermée*. 
Déjà  le  facré  moat,  oùle  temple  «A^bâtî» 
D^nfolents  Tyriens  èll  par- tout  invefli.  | 

L\in  d'eux  en  bkifphëmant^  vient  de  nous^  faire  en« 

tendre,      «  S 

i^u^Abner  èO  dans  le»  fers,  et  ne  peut  nous  défendre. 
Jefabet^  (à  Joas^J  Cbcr  cn&nt,  que  le  Ciel  en   vaîir 

m'avoit  rendu. 
Hélas  !  pour  vous  iâuver^-  j'ai^  fait  oe  que  j^ai  pu* 
pieu  ne  fe  fouvient  plus. de  David  votre  père. 

yoad^  (à  "Jofkbet.y^X^^  !  Vous^ne  craigne»  pas  d^àt»      1 

tirer  fa  coière 
Sur  vous,  et  fur  ce  Roi  fi  cbèr  à  votre  amour  ?" 
"^i  qtiand  Dieu  de  vos  bras  l'arraobant  Î8Lm  retour^ 
Voudroit  que  de  David  la  maifon  fût  éteinte,. 
N'êtes  vous  pas  ici  fur  la  montagne  fainte^ 

'     i 


X    R    A    G    E    &   I    E.  4^Tr 

0£^  k  père  des  Juifs  )ur  lUi-  fib  innocent 

Xicva  fans  inurmurer  un  b^as  obéifltnt)  ' 

£t  mît  fur  un-  bucber  ce  fruit  de  {»  vieilleffe, 

JLaIffaDt  à^Dieu  le  roîa*  d'accomplir  fa  prômefle^. 

^t  lui  facrifiant,  avec  ce  fils  aimé^ 

"Tout  Pèfpoir  de  fa  race  en  lui  feule  renfermé  ï 

Amis,  partageoDS*nous.    Qu'lfmaëlenfa  garde 
I^nne  tout  le  côté  que  l'értent  regarde. 
Vous  le  côté,  de  l?ounê|.et  vou»  de  Toccident 
Vous  le  mî<y.     QgHracun^par  un  zèle  imprudent» 
I^écouvrant  me»  deffeinS)  folt  prêtre,  foît  Lévite  y 
Ne  forte  avant  le  temps»  et  ne  fe  précipite  ;  ' 
£t  que  chacun  enfin  d\ui  même  eiprit  pouffé^^   ' 
Garde  en  mourant  le  pofte  où. je  Taurai  placé* 
L'ennemi  nous  regarde  en-  (on  aveugle  rage 
Comme  de  vils  troupeaux  réfervés  au  carnage, 
£t  croît  ne  rencontrer  que  défordre  et  qu'effroû 
Qu'Azarîas  par-tout  accompagne  le  Roi. 
. V«oeZy  cbèc - rcjetf oa*  d'usé  vai llairt e  race,        C^  J^as.y 
Remplir  vos  défenieurs  d'une  B^uveUe  audace.  * 
Venez  du  diadème  à  leurs  yeux^  vous  couvrir, 
£t  périffiez  du  moins  en  IkA  s'il  faut  périr..    * 
Suivez  le,  Jofabet.     Vous,  donnez%>moi  ces  armes. 

(^àun  Leviti,): 
Enfants,  offre»  à  Dieu*  vos  innocentes  larmes.* 

Çjéi  Chœur.) 

S-  G  E  N  E    VF. 
SalomctHi  U  Guosur.^ 

Le  Gboeurtiiwcitt. 
]Partes,  enfants  d'Aaron,  paUer,. 
Jamais  plus  illuftre  querelle,; 
De  vos  aycux  n'arma  le  zèle, 
Partez,  enfants  d'Aaron,  partez, 
C^èd  votre  Roi,  c'èft  Dieu,  pour  qui  vous  colid)attez« 

Uni' Voix  feule. 
Où  font  les-  traits  qqe  tu  lances, 
Grand  Dieu,  dans  ton  jufle  courroux  I 
N'es  tu  plus  le  Dieu  des  vengeaifcer  \ 

♦  Abiiaitam; 


41211  'A    T    H    A    t    I    R^ 

OùTont,  Dieu  d«' Jàcwb,  tt»  «atiqQes  àont^^  ' 
DansPimMur  ^uino»  «nviraonei  > 
NVntend^^o  ^«e  la  V9kxr4trmm  kiiqiméf  i 
N'ès-tu  plu»le  Dfeu  qoiTiaràoflfief- 

Où  foat^Divu  de  Jacdb,  tdi  antiques  ^bonlés/^ 

Oèft  Ik  toi  que  dent'Ccttt^g^èa»^ 
Les  fiidies  des'Médhttnts'pvétendeiitQ^iddréflBar.' 
'FeANi«,  dîfent  ilf,  ceffer/ 

Les  «ftiet^.  IDîett  4«r4a  ^erre^ 
I>e  fon  jong  îfliport<sii>déiivi«ns«lès  mortels. 
MaflkcroDS'tèttsfts'fakits.     Rèiii9e»lbos4faftj«ittls^ 

Q^e  de  'ion'  nom,  que  dé^ fa^gtoney  • 

Il  -ne  >fefte  {dtrs  'de^tdéinBm; 
Qj^e  ni  M;  ïm  lôn>C^îft  'ne-ref  aeufe  plnrfnr  uoaar  - 

Où -feot  les:  tntft'S'iqitte*  Ut-^knccii,' 
'Grand  Bieo/thios'ton  jtfftecouvreuK  ?  ' 

l^ès^nr'pln^^e'^Dnn  jalooK  *?  - 
N*^s^lu4)lttsle  S^îeii'des  ^ogoanoes^* 
•^dip-^tfiV'feule. 
'TrfiVê  refte  de  nosTois,^' 
Cbire  et  demtère  ^èém  <Puae  t^e  û  bèllei 
Hélas  !  Tous  lé  coûteao  d*une'ntère  crnelley 
Te  vérron s -ti ous  -tomber  '  un e  féconde  foî$  ? 
Prince  aimable,  dis^nous^fi  quelque  ange  au^idrceaiç. 
Contre  tes  aiHlâins'prH  loin  de  te  défendre  >  ^ 

Oo  '  Ç  dans 'la 'nuit  du  >to tobeau ^^ 
La  voix  du  Dieu  vivant  a  ranixné-ta  cendrer - 

Une  AàiPi. 
D*un  père  et  "d'un'tiyeni  contre  toi-réTohés;-- 
Grand  Dieu;  les  attentais- luKiîtfnt-tWJmputés^'. 
JEUl-ce  que  fans  retour  taf»Hte  l*ttbaiido0ne^  - 

htCbêeur.' 
OùTont,  Dieu  de  Jacobj'tes  notiques  bontés  ? 
N'es  tu  plus  4e  Dîeu^qùî  pardonne  ?  ^ 
Vn€  dès  Fihét^M  €hù9ur»^  âms xbanCfer.^     ^ 
Chères  fdcnrs,  n^«nlendez-vous  pas, 
JDes  cruels 'TjTiaïs  )a.:trompette  qui  fonae  l 


TRAGEDIE.  4Z9 

< 

Sêhmithm 
J*eotcnds  néme  les  cris  des  barbares  feMats, 
£t  d*horreur  j*co  frifibnne. 
Courons,  fuyons  ;  retîroas»BOu» 

A  Pombre  falutaire 
Du  redoutable  fauéhiaire» 

ACTE    V. 

SCENE    PREMFERE. 

Zacrakik»  Salomit»,  h  Choeur» 

Sahmth.     Cbêr  Ziscbarie,  hé  bien  ?  Que  nous  atipre* 
nez  vous  ?    • 

Zacharie.  Redoublez  au  Seigneur  votre  ardente  prière» 
Peut-être,  nous  touchons  à  notre  heure  dernière* 
Pour  l^horribfe  eotebat,  ma  foeur,  l'ordre  èft  donnée 

Sahmth.     Qie  £att  Joaa  } 

Ztictûrie,  Jbas  vient  d'être  couronné* 

Le  grand  prêtre  a  fur  îut  répanda  Thuile  fain-te. 
O  Ciel  !  dans  tous  les  yeux,  quelle  joie  étoit  peinte 
A  Pafpe^  de  œ  Roi,  racheté  du  tombeau  ! 
Ma  foeur,  on  voit  encore  ia  marque  du  couteau» 
On  voit  paroStre  auili  fa  fideHe  nourrice. 
Qui,  cachée  en  un  coin  de  ce  vafte  édifice, 
Gardoit  ce  cher  dépôt,  et  n^avott  de  ces  foins, 
Que  les  yeux  de  ma  mère,,  et  que  Dieu  pour  t^moins^ 
Nos  Lévites  plettroivot  de  joie  et  de  tetidi>eâe,. 
Et  mêloient  leurs  fanglots  à  leurs  cris  d'allegrefle  ^ 
Lui,  parmi  ces  tranfports,  affable,  et  fans  orgueil, 
A  l'un  tendoit  la  main,  flattoit  l'autre  de  Toeil,. 
Juroit  de  fe  régler  par  leurs  avis  fincères, 
11  les  appelioit  tous  fes  pères  ou  fes  frères. 

Saiomitb.     Ce  fécrèt  au  dehors  èft-il  audî  feroé  ? 

Zacbarie.     Ce  fécrèt^  dane  le  temple^  èll  encore  rtW' 
fermé. 
.Des  enfants  de  Lévi,  la  troupe  partagée, 
Dans  un  profond  filence,  aux  p'ortes  s'è(l  rangée* 
Tous  doivent  à  la  fois  précipter  leurs  pas, 
£t  crier  pour  fîgnal  ;.  **  Vive  le  Roi  Joas.7' 


430  A    T   H    A    L    I    £,^ 

Mais  noii  père  dâSend  que  le  JLoi  fe  Inizarde»^ 
£t  veat,  qu^Azamsy  deineiive  pour  fa  g»r4e» 
Cependant  i^thalîe»  impoignaid  à  U.inaiii, 
Rit  des  foîblet  sampartf  de  noapoxde»  d'uirain; 
Four  les  rompre,  elle  attend  ka  fatale»' maçhiact^. 
£t  ne  refpire  enfin  qiie<fang  tat  que  rmot^i 
Quelques  prêtres,  bm  fœur,  ont  d^abord  propofé^ 
Qp^en  un  Heu  fouteirtaini  |»at  nos  pères  creufé^ 
On  renfermât  du  moins  notre  arche  précieufe, 
O  crainte,  a  ditaDApère^  iodignCy'îojufîeïkfa  l 
L^arcbe,  qui  fit  tomber  tant  de  fiiperbes  tours, 
£t  força  le  Joutdam  de  rébrouffer  fpn  x:outs. 
Des  dieux  des  nations  tant  de  fois  triomphante,  > 
Fuirait  donc  h  Palpée  d'une  faouae  iafolonte  t 
Ma  mère,  auprès  du  Itoi,  dans-  un  trouble  mortel^ 
.L'oeîl  tantôt  fur  ce  pnnoe,  ettantdtvcrrs  Taiïtel, 
Mueate,  et  fuccombant  fous  Je  poîfls  drs  allarmea^ 
Aui^  yeun  des.plus  orufls,  arrachcsoît  des  lanpesk 
Le  Roi  de  temps  en  temps  la  preile  «ntre  iea  b^as^ 
La  flatte«*««-^faètes  ibeurs,  fui vez  toutes- mes  .paa  ; 
£t  s'il  faut  aujourd'hui  que  notre  JLoi  pjéviffe, 
Allons,  qu^on  même  ibrt  Avec  lut-^QQUs.uoîfle* 

SalomUb.    Quelle  tofoleate  v^aîn  frappe  ^COU^a  ro* 
:doublés  ^ 
Que  fait  courir  aiofi  ces  Lévites  tnoubl^  ? 
Quelle  précaution  leur  isit  cacher  leurs  armes  î 
Le  temple  èft^L^.foi>Gé  ? 

Jimbatie.  J>tQipez  vos  alliuiiies*- 

Sien  nous  envofe  iUmen 

SCENE    IL 

fl 

AbnKR^    JoAD|    JbWFBT,    ZaCHARTE,    SALOMfTH,    TsMAXI^ 

'Deux  Lévites,  le  Choeuh* 

'y^od.  En  croirai; je  mes  yeux»  ' 

€her  Abner  ^  Q^el  chemin  a  pu  julqu^èn  «ces  lieux 
Vous  conduire  eau -travers  d'^vn  camp  qui  ^nous  affiège  l  ' 
On  difeit.que  d^Acbabla  fille  facrilège, 
Avott  pour  aflurer  les  projets  inhun^aios, 
Chargod^indignes  tiers  ^os  «énéreufes  mains. 


T    R    A.   G    R   D-   I    £•  43h 


Ahner.  Oiif^  Stf^iiicus^eSiemtccMflt  monxèle  et  Okoa 
éoiinige  $ 
Mais  c^èft  \t  moitidre  ytm  C|oe  aie  g-atrdoit  &  rage« 
Dans  rhorreur  .ilii  cadiot^  par.  foa  onbre  en£enné| 
J^attcndots  que  le  tct»^  en  cè&dres  eonfiimé» 
De  tant  de  â^ôtsiiB  là»g^  non  ene^^re  aiiouviey 
Elle  viot  m?»ffiranalfeir  d'un  impditiHie  vie^ 
£t  retrancher  des  joifet»,  ({aHmreft  dâ^  mille  loi» 
Terminer  la  doukiiK  de  fertiTit  à*  me^  Koss* 

y^a^.  Par  qtieliliiitecle  »*l«oft  obtenu  votre  i^rfacr 

Abner.  Dieu  dans  eeeoearcraelAttt  Seul  ee>quîie  paffe» 
Elle  xii(?a  iait  vienic,  et  d'un  air  égihré^  • 

Tu  Tois  de  mes  fddats^  t»u)t  ce  teml^kentoinrop 
Dît-elle.    Unieu  veofear  va  lé  râiuite  ^  ctndsts 
£t  ton  Dieu  contsts  moi  ne  le  faisroie  déftndxe*. 
Ses  prêtres  toutefois»  mais  il  faut  fe  hâter, 
A.  deux  conditions  peuvent  fe  racheter. 
Qu'avec,  £liacia  on  mette  en  ntepviffance 
Un  tréfor,  dont  je  £ik  qu'ils  ont  la  oon»aiffam:e^ 
Par  votre  Roi  Duvidi  autrefbb  amaffé, 
Sods^^  le  ficeau'  do  féo^  a«  grand  prêtre  laiffé,. 
Va,  dît-lectfj  qu^  ce  prix  je  leUrpécmèts  de -vivre* 

Joad.  Quel  confeiiy  cher  A^oer,  croyez  vou9  qa.'oti 
dottâuivi>ef 

jUner.  £t  tout  Tor  de  David,  s'il  èft  vrai  qu'en  effet 
Vous  gardiez  de  David  quelque'  tréibr  fécrèt, 
£t  tout  ce  que  des  maius  de  cette  Reine  avare 
Vous  avea  pu  ibuver  et  de  riche  et  de  rare. 
Donnez  le.     Voulez«.vous  que  d'impures  afiàffins 
Viennent  brîfeY  l'aotel,  brûler  les  Obèrùbins, 
£t  portant  fur  -notre  ardhe  une  main  téméraire^ 
De  votre  propre  Cang  fouiller  le  fanâuaire  l 

Joad,  Mais  fieroit-il,  Abner,  à  ces  cœurs  généreuat 
„De  livrer  »u  fuppHce  un  enfant  malheureux. 
Un  enfant  que  Dieu  même  à  ma  garde  confie, 
£t  de  nous  racheter  aux  dépens  de  fa  vie  ? 

Abner.  Hélas  !  Dlta  voit  mon  cœur.  Plût  à  ce  Dieu 
puiflant, 
Qtt'Âthalie  oubliât  un  eafant  iniuicetit, 
£t  que  du  faag  d' Abner  fa  auauté  contet^te, 
Crûtoaflmcr  par  ma  morti  It  Ciel  qui  la  louràente. 

Mais 


J. 


44a  A    TvH    A>  L    I    E, 

Ma»  qae  peuvent  pour  lui  woampiilp^-Saliiiêill  «r  ^\)nV 

Outnd  yotts  périrez  tous,  en  périra-t-ilk  «M»  ^ 

i>ieu  xros  oidoiiiiê-t*il  de  tenter  lUmpoffibû  ? 

Pour  obéir  eux  loix  d^on.tyraa  ioflexiblcw     *-.  »  ^  U 

Moïfe,  par  fa  mère,  au  Nil  abandonné,.      i» 

Se  vity  prefque  en  naiffant,  à  périr  condamné. 

Mais  Dieu  le  confervant,  contre  tonte  efpéradcoit  ■*   «1 

Fit  par  le  tyran  même  élever  ion  içnfance» 

Qui  fait  ce  quSl  réferve  ?l  notre  ËiiacÎD.  ....  n  >.  \ 

£t  fi,  lui  préparant  un  ièmbkble  defUn,  « 

U  n*a  point  de  pitié  déjà  reodu  capable,     .        ^ .  } 

De  nos  malheureux  Roîs,  rhomicide  implacable  2 

Du  moins,  et  Joiabet»  comme  moi.  Ta  pu  votr^ 

Tantôt  à  Ton  afpeft,  |e  l'ai  vu  s^émouvoic. 

J^ai  vu  de  Ton  courroux  tomber  la  violence.  .    . 

Princefle,  en  ce  péril  vous  gardez  le  filencc  ? 

Hé  quoi  ?  pour  un  enfant  qui  vous  ett  étranger. 
Souffrez-vous  que  fans  fruit,  Joad  laiile  égorgejTg. 
Vous,  fon  fils,  tout  ce  peuple,  et  que  le  feu  dév#cc#     .  ? 
Le  feul  lieu  fur  la  terre,  où  Dieu  .veut  <)tt^onriKl#rei  -. 
Que  feriez-vous  de  plus,  fi  des  JRois  yot  jyeuxy    ...    ^i 
Ce  jeune  enfant  étoit  un  reile  précieux  t 
Jofaiet^  (ha*  à  Joad,)  Pour  le  iang  de  fes  Roif^  TOUf 
voyez  fa  tendrefle. 
Que  ne  lui  parlez  vous  ï 

iJoad,  Iln^èft  pas  temps,  Princefle* 

jibner*  Le  temps  èft  cher,  Seigneur,  plus  que  vous  ne 
penfez.  .'  .- 

Tandis  qu^à  me  répondre  ici  vous  balancez, 
Matluin  p(ès.d*Athalie  étxQcelanjt  dci^gei . .     .*        «:  ' 
Demande  le  fignal,  et  preiTe  le  carnage. 
Faut-il  que  je  me  jette  à  vos  facrés  genoux  ? 
Au  nom  du  lieu  fi  fatnt  qui  n*èû  ouvèft  qu^à  Spus^  , . 
Lieu  terrible,  ou  de  Ôieu  la  majeHé  repoîe. 
Quelque  dure  que  foit  la  loi  qu^ojEi'VOUS  impofct    >      >•  . 
De  ce  coup  imprévu  fongeons  à  nous  parer.        .     ..vi'f* 
Donnez-moi  feulement  le  temps  de  refpirer*  » 
Demain,  dès  cette  nuit,  je  prendrai  des  méjurc^      .  .  r 
Pour  aiTurer  le  temple,  et  vengei;  fes  in^res. 
Mais  je  vois  que  mes  pleurs  et  que  mes  jirain|^|iiJcO]||:f, 
f^our  vous  peifuadcr  (ont  un  foible  £ecburs« 

Votre 


TRAGEDIE.  433 

Votfe  aiiftèfH  ^ertU  «Va  fenk  être  frappëe* 
Hé  bien,  tÊpnPtt^mdi  donc  quelque  arme,  quelque  éçée^ 
£t  qu*aux  p«rte)  du  temple,  où  l^ennemi  m^attead, 
Abner  puiffe,  4ix  ftioins,  mourir  en  combattant. 

JoaJ,    Je  me  retuls.      Vous  m^ouvrez  un  avit  que 

j^tmbffafie. 
|>e  âant  de  mat»,  Abner/détournons  la  menace. 
11  èft  vrai,  de  David  un  trefor  èft  itM, 
XêM  gatde  en  fut  commife  ^  ma  fidélité. 
C'étoit  des  trifles  Juifs  Pefpérance  detnière. 
Que  met  foins  vigUaots  cacborent  à  la  lutnicre. 
Mais  putfque  .à  votre  Reine'  il  hut  le  découvrir. 
Je  vaii  la  «contenter^  nos  portes  vont  s'ouvrir  j 
De  fes  plus  braves  chefs  qu'elle  entre  dccompagrée  ^ 
Mais  de  nos  faînts  autels  quVIle  tienne  éloignée, 
D^un  ramas  d'étrangers  Pindifcrétte  fureur. 
Du  pelage  du  temple  épargnez.moi  rborrcur. 
Des  prêtres^  des  épiants  lui  feront  iU  quelque  ombre  f 
De  la  fuite  avec  vous  qu'elle  régie  ]e  nombre, 
lit  quant  à  cet  cttfant  fi  craint,  lî  rêd';uté. 
De  voUre  cotur,'  Ahntr,  je  Connofs  Péquité, 
Je  vous  veux  devant  Y^lle  expliquer  fa  naiiTànce, 
Vous  verrez,  s^il  le  fan t  remettre  en  &  puiffance* 
£t  je  vous  ferai  jugi:  entre  AthaUe  et  lui. 
.  -l^JMT.  Ah^!  je  le  prends  déjà,  Seigneur,  fous  mon 

appui. 
Ne  craignez  rien.     Je  cours  vers  celle  qui  m'envoie. 

SCENE    III. 

JOM,    JOSABCT, .  ZLlCHAUrg,     SâLOMITH,  ,  IsMAEL,     DkvjL 

Lévites,  U  Cboeiàr. 

,    ^oad^    Grand  Dieu,  voici  ton  leure,  on  t^amène  t» 

proie.       '     •  > 

1  fraël,  écoutet;.        (^H  lui  parte  bas.) 

J^fàhet,  PuiCiiit  maître  des  d'eux, 

]^eœèt8-luî  le  bandeau  dont  tu  couvris  fes  yeux, 
Loifque  lui  dérobant  tout  le  fruit  de  fon  crime, 
l'u  cachas  dans  mon  fein  cette  tendre  viorne» 

Ji»d.  Alkz,  h^t  Ifraël,  ne  perdez  point  dé  tcnps.     , 
Suivez  (|t}  point  en  point  ces  ordres  im^ortant$. 

Oo  Sur 


•^^^^^i^^-^i^^-^rï^-^^^^i»-:- 


434  AT    H    A-L'  I   ï, 

» 

Sur-tout,  qu'à  ion  entrée,  et  que  fur  ion  psAge, 
Tout  d^un  caUne  profond  Ini  piéiènle  l'image. 
Vou$,  enfantff  préparez  un  trône  pour  Joat« 
Qu'il  s^avance  fnîri  de  nos  facréf  fcddan, 
Faites  venir  aofiî  fa  édeUe  nourrice^    • 
f  rinceffe,  et  de  vos  pleurs  que  la  (burcc  tarifle. 

fjî  un  Le^ke.) 
Vous,  dès  que  éette  Reine  ywe  d^un  Morgnetl^  ^ 

De  la  porte  du  temple  aura  paffS  k  feoîl, 
Qu^clle  ne  pourra  plus  retourner  «n  arrîèl<e, 
Prenez  foin  qu^3i  Ticiftant  la  tiompette  gncrfièv*. 
Dans  le  camp  ennemi  jette  v«  fubit  cfffroî. 
Appeliez  tout  le  penple  au  fécoora  de  fott  lUâ» 
Ht  faites  retentir  jufquesJt  fon  oreille,     ' 
De  Joas  con&nré  Tétoimante  mervctllê. 
11  vient. 

s  C  E  N  E    IV. 

JoASy/JoAD,     |0SAB£T.     ZaCBAIUX,     Sa^OMITB,   AzA^IAff 

Trou/iu  de  Pket&es  tt  dt  Lévites,  U  Cuo£ua. 

'Joad.  Lévites  faîttts,  pt>êtrea  ^  nctffe  i^os/ 

Par-tout,  fans  vous  montrer,  environnez  ce  lieu.  - 
Pour  paroitre,  attendes  que  4Ba  voia  vous  appelle. 

/lu  Je  cûcbeut  tùui,J 

Roi,  je  crois  qu^à  vos  vœux  cet  elpoir  èft  permis». 
Venez  voir  à  vos  pieds  tomber  vos  ennemis.. 
Celle  dont  la  fureur  pourfuivît  votre  enfance. 
Vers  ces  lîeux  It  "grisAds  pas  pour  votis  perdre  s^avance* 
IVIais  nela  craignez  point.     Songez  qu^autour^le  voua 
li^Ange  exttroûaareur  èil  debout  avec  nous. 
Montez  fur  votre  ttône,  et  ■■  i»  nMaiè  la  porte  s^ouvre 
Permettez  un  moment  que  ce  voile  vous  couvre. 

^H  être  tm  ridnttt.) 
Vous  changez  de  couleur,  Ptinceffe  > 

Jofahet.  Akî  fans!  pâlîr,      '  • 

Puîs-je  voir  d*afla(fnis  le  temple  fe  remplir  ?- 
Quoi  î  Ne  voyez -vous  pas  quelle  nombrcufe  cfcorté— i— • 

'Joad,  Je  vois  que  dtt  faint  ttmplt  on  renferme  là  porte^ 
Tout  èft  en  foretié. 

SCENE 


T  :ai:A^G/   K    D    I     E.  ^3| 

'    S-CENE    V. 

Athalix^  Joas  ipaché  derrière  le  rideau^  Joad,  JosAnny 

A^tfZKj  fuite  d'^j^ba&e, 

\  JêbëT»,  {â  Joad,')  Te  voîlà,  féduaeur. 

De  ligues,  de. complots  pemicleus  auteur,  . 

Qui  dans  le  trouble  feulas  mis  tes  efpéraQces^ 

Eternel  ennemi  des  iuprêmes  puiiTances. 

En  Tappuideton  Dieu  tu.t^étois  repofé. 

De  too  éfpoir  frivole  es-tu  defabufé  ? 

Il  laîfle  en  mon  pouvoir  et  Ton  temple  et  ta  vîe# 

Je  dcvrois  fur  Tautel,  où  ta  main  facrîBe, 

Te  ■     ■  Mais  du-piî»  qu'on  ro  ofifre,  il  faut  Te  contenter» 

Ce  que  tu  m^as  promis,  fonge  à  Pexécutcr. 

Cet  enfant,  ce  tréfor^qu'it  faut  qu^on  me  remette, 

Où  font-ils? 

\  ^ad*  Sur  le  cliamp  tu  feras  fatisfalte. 

j^e  té  les  vais  montrer  1*uq  et  l'autre  à  la  fois. 

(Le  •  rideau  Je  tire.} 
Paroiflez»  çlièr  e^fitint,  digoe  fang^  de  nos  Roi?.-  « 

fLe  rideau  étant  tiré,  onvoUJoaffar/ôn  trône  ;  fa  nour' 
rice  èfl  à  genoux  àfh  drinie  ;  Azarîas,  Vépée  à  la  main^ 
eft  debout  à  fa  gauche  ;  et  prh  de  lui  Zacharie  et  Sah^ 
mitb  font  à  genoux  Jïtr  les  degrés  -du  trône  ;  plu/teurs 
Lévites f  Vépée  à  la  main^fonf  rangés  dans  les  côtés») 

Connoi^tu  l'héritier  du  plus  faint  desjnonarqucs, 
Reine?  De  ton  poignard  connois, du  moîns^  ces  marqiies» 
Voilà  ton  Roi,  too  fils,  le  fils  d'Ocofîas. 
Peuples,  et  vous,  Abnar^econnoiflez  Joas» 

j^ner.  Ciel  î 
,  ^ibalie,  (à  Joad.)  Pcîfidei 

Joad.  ^        '        Vois  tu  cette  Juive  fidclle, , 

Dont  tu  fais  bien  qvt'alors  il  fuçoit  la  mamelle  ? 
Il  fut  par  JoQ»bet  à  ta  tage  enlevé^ 
-Ge  temple  le  reçut*  et  Dieu  Ta  confervé. 
^  Des  trefprs  de  David  voilà  ce  qni  me  refie. 

Athalie.  Ta  fourbe  à  cet  enfant,  traître^  fera,  funeftç. 
D'un  fantôme  odieux ,.foldats,  délivrez  moi. 
Joùd^  Soldats  du  Dieu  vivant,  défendez  votre  Roi.  - 

O  0  2  (Ici 


^$  A    T    H    A  ,LvI  /I,r 

Ici  le  fond  4»  ihééirê  #*tf«ir#«    0«  «a/ï  Ir  4b4fa«r  dâ 
tempU^  ei  ki  Lévite*  mrmi4  enùiMi  ilê  t9w  €9tii  iScr 
la  fcine,) 
Abalk,  Où  fuis  je  !  O  trabifoo  !  &  Rme  B|ifitflo»«»! 
Drames  et  d'eoQtiDis  je  io%  voit»  e^v^rénaée  I 

Joad,    Tes  yeux  chercheAl  en  vain»  tu  ne  peux  €• 
chappti» 
Et  Dieu  de  toutes  paits  a  fu  iVnvelopper,. 
Ce  Dieu  qgc  tu  bravois  eo  nos  mains  t*a  liviée. 
Rends-lui  conte  du  fang  dont  tu  t^ès  eo^r^. 

^thal.$.  Quoi,^  La  peur-a*  glacé  mes  indignes  foldata  ? 
Lâche  Aboer,  dans  quel  pi«ge  as*tu  conduit  mes  pa»^  l 
Ahner,  Reine,  Dieu  la^M  témoin**— ^ 
JÊthaiie.  L«iffis-là  ton  IKea,  traktc  \ 

£t  vcoge-œoi. 

Abner^  (fejMant  au»  pieJi  dt  Jeës^y  S«r  i|ut  ?  Sur 
Joas  ?  Sur  mon  maître  ? 
'  jitbaîle.  Lui  Joas  ?  Lui  ton  Roi  ?  Songez^  mccbaots, 
iongcz. 
Que  mes  arma  encore  vous- tiennent  afii^és.   • 
3*eDtend»  à  haute  voix  tout  mon  camp  (|ui  m*appelle. 
On  vient  à  mon  fécourSf»     Tremble^,  troupe  xebelle. 

S  C  E  N  E    VL 

IsuASL,  Joas,  Joad,  Athalib,  et  iaïuUsaBmri  dé  U  fient 

précùltntt. 

Jtfmaéi^  (â  Joad.)  Seigneur,  le  temple  èft  libre,  eVn'a 
plus*  d'ennemis. 
L'étranger  cil  en  fuite,  et  le  Juif  èft  fournis. 
Comme  ]e  vent  dans  Pair  diflîpe  la  funoée, 
La  voix  de  Tout-PuiiTant  a  chaifê  cette  armée*. 
Nos  Lévites,  du  haut  de  nos  facrés  parvis, 
D*Ocofias  au  peuple  ont  annoncé  le  fils. 
Ont  conté  fon  enfance  au  glaive  dérobée, 
lit  la  fille  d'^Achab  dans  le  piège  tombée. 
Par-tout  en  mênxe  temps  la  trompette  a  fodné  ; 
Et  ces  fons,  et  leurs  cris  dans  fon  camp  étonné, 
Ont  répandu  le  trouble  et  la  terreur  fubite, 
Dont  Gédéon  frappa  le  fier  Madlanite. 
Les  Tyricnsjettant  armet-et  boucliers, 
Ont  par  divers  chemins  difparu.  lés  premiers. 

QucU 


'l 


•  xi 


l 


V. 


'iîs^t6''Di«tf  lâc|oi«  adfflirtintlacenâtiît^,     .      ;" 
Lc-refte  à  haate  voix  s'èft  pour  lui  déclaré  y 
£tftotd^Wie  lOèiB^lciprife  tout  le  peuple  infpîré,  ' 
Femmes,  v\d\Uvds^  enfants,  s^einforafieiit  aVet  jbtç^ 
BéDi&m  ltti6eigiM\ir;  et  ëd«ii  qu^l  ^lii^ie.  ' 
Tons  chantent  de  David  le  fils  refiuficitâ»   ^ 
Baal  èll  en  horvetic  llftitâ  la  foinU  dté,         - 
De  Ton  temf^le  profane  on  ib  btîCé  l-es  portes. 
Mathan  èft  égorger^ 

'  Jithalk*  Dieu  des  Jut£i^  tif  Pemportes  ! 

Coi,  d^  J<Mr<»  j<e  ebercbe  e&  vain  à  me  tromper. 
Je  reconnois  l'endroit  OÙ  je  lé  fi^  fra{>ptr« 
Je  vois  d^Oo^b^  (H  lo  piott^^t  le  gefte^ 
Tout  me  trace  enfin  un  (f  ng  que  )e  détefte*  '  ^ 
Datid;  Dayid  triob{A^  Acka.lE»ferul  èft  detmîè.' 
Impitoyable  Dieu^  toi  ienl  as  tout  conéuit. 
C^â^toi  qui,,  nte  âattant  d'^Oie  vengesincè  aSfée,  ' 

M'as,  vingt  fol&  en.  un  jour,  à  moi-n>êaie  oppoféei  > 
l^antôt  pour  en  enfant  excitant  mes  remords, 
Tantôt  m*éblomi|n^t.de«e«  ridhejttéfdis,  -■  ' 
Que  j!cii  caaint.de  li vnev  &<ix'  flammés,  an  pillage. 
Qa'il  cegne  donc  ce  fils,  ton  ^jn^.  et  ton  ouvragew- 
£t  que  pour  fignaler  fèn  emprf^  nouveau, 
On  lut  faiïie  en  mon  fein  enfoncer  le  couteau« 
Voiiâ  oeM^^c»naoittant  lui  foulisriOefa.âAère..  •  ^^ 

Que  dis'je,  fouhaiter  ?  Je  me'  âatta^  j^efpère, 
<i^'in4<'cBe  Mon  joiig;,»fatigaé  de.ta  lol^       .       ^'   ^ 
Fidelle  au  fang  d'Ac&b,  qu'il  à  j:eçn  d«  moi,*. 
Conforme  à  fou  9.yeul«  à^on  pcre  £eI^UUb]e,^  .     ^^ 
On  verra  de  David  rtéjiiticr  déccftabicj.  ,  -     *  i -i 

Abolir  tes'  honneurs,  proEaner  ton  aatet,  • 
Et  venger  Athalic,  Acbab,  ei  Jéfabel. 

ÇAthalicJr*rty  les  Levius  Îafu}vier4:')^  » 
'jcrad,  Qu'àl'înUant  hors  du  temple  elle,  foi^  emmené»,, 
Et  que  la  faintcié  n'en  foit  point  profanée. ,  V 

Allez,  facrés  vengeurs  de  VQu^princies  meurtris, 
De  leur  fang  par  fa  mort  faire  celTer  l<s  cris. 
.  Si  quelque  audacieux  ensbr^iTe  fa  querelle, 
Qu'Sila  fureur  du  glaive  on  le  livre  avec  elle. 

O03.  SCENE 


438  A    T    H    A*   L    I    E, 


SCENE    vir. 

JoAS|  JpAO,  JosABST,  Abnsk,  et  touf  Ut  AS^etÊTs  de  lajhène 

frécéàemc. 

jfoas,  Çdefcendu  de  fan  iront,)  Dieu,  qui  Toycz  moir 
trouble  et  mon  affiAio», 
Détournez  lom  de  moi  fa  malédiâioii, 
lit  oe  fouffrez  jamais  quelle  (bit  accomplie. 
Faîtes  que  Joa»  tdeui^  avant  qu^il  vous  oublie. 

yoad*  faux  L/vites,}  Appelles,  tout  le  peuple^etmon^ 
trons  lui  fon  Roi,. 
Qu^il  lui  vienne  en  fes  mains  renoore^Fer  fa  foi. 
Roîy  prêtres,  peuple,  nllonv,  pleins  de  recoaootfliuice. 
De  Jacob  avec  Dieu  confirmer  lUilHance  ^ 
Et  (aintement  confus  de  nos  ^^rements. 
Nous  regagner  à  lui  par  de  nouveaux  ferments* 
Abner^  auprès  du  Roi  reptenex  votre  place. 

SCEIi^E   DERNIERE. 

U»  Lévite,  Joas,  Jioad,  et  t^us  kt  jlQeure  de  la  fciae 

frécidtnie, 

Joad^  (au  Levîtê,):  He  bien  >   De  cette  impie  a-t-oz^ 
puni  Taudace  l 

Vn  Levke,  Le  fèr  a  de  ià  vie  ex^é  les  horreurs^ 
Jéfufakm  t'onirtems  en  proie  ll-fes  fureur». 
De  fon  joug  odieux  ^  la  (in  foulagée, 
Avec  joie  en  fon  fang  la  reg^ardé  plongée. 

Jûad.  Par  celte  fin  terrible*  et  due  îl  les  for&it?,. 
Apprenez,  Roi  des  Juif^  et  n*o)^Iiez  jamais,  '      / 
Que  les  Rois  dans  le  Clèl  ont  un  Juge  févère,'    /   ':, . 
L*iQB'JcenGe  un  vengeur,,  et  TorphcUa  un  père* 


ILE 


C    439^  0 


•««■«■*4m 


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u 


LE  COCU  IMAGINAIRE. 


C    O    M    E    D    I    E. 


jfCTEfJRSL 

..  .  ■  ^  .    , 

Go&GiBTJS»  Bourgeois  de  Patîs- 
•  ■•CELrE/faïTîTe.   ..  :'\  ^  ["[ 
Lelie,  Amàht  de  Çeîfé.'  '   '   '      ^ 

Gros- Renb',  Valet  de  Lcïie. 
ScANAiLEtLEy  'Boargeor^,  de  Pan$,  et  Cocu  Ain^gpEf 

naîre..  ^ 

Sa  Femme. 

ViLLEBUEqpiN,  Pète  Se  Vakrer 
Là  Suivante  de  Celle. 
Un  Parent  de  Sganarellë. 

La  Scène  èft  à  Partie 

JSCENE    PREMIERE. 

••-♦-■.- 1     .  - .       -^  -  ■ . 

GoROi0<»/;C(^d%,^.  Sa  SUIVANTE.      . 

Civtt/ottani.ipttie  éfihré^ytt  fin  JP^re  iafuwanfér. 

AH  !  iiVrpeKez:  jai^^s  que  isipn  coeur  j  xionfent*. 
Gargibuf^,  (^fi.  màrxqQt^ez-^vou9  1^  (.petite  imper* 

Vous  pretéodcx  choquer  ce  que  j^ai  rcfolu  > 
Je  n'aurai  pas  fur  vous  un  pouvoir  abfblu  ^ 
l£t  par  fottes  raifons-  votre  jeune  cervelle 
Voudrolt  régler  ici  la  raîfon  paternelle  ? 
Qui  de  nous  deux  à.  Tautre  a  droit  de  faire  loi  l 
A  votre  avis,  qui  mieux,  ou'  de  vous,  ou  de  moi^ 
O  fotte;  peut  juger  ce  qui  vous  èA  utile  l 

Pat 


Par  le  corbleu,  ^rd«z  4!é^ks»ufft<^  tji;op^n,a  ]bi!^f>  mp  il 
.Vqqs  pQuaie£:é{u:aav£jr».li|ip8.b€%itC/»up^  l^iOgMftSfii  •.  .V 
'  '  Si  mon  bras  fait  encore  niontrer  quelque  riguMir.         .r/ 
Votre  plus  court  fera'i  Madame  lanuitUie»        ...      ;  ; 
B^accepter  faQS.^  ii^çoosk  V£9<9!^  qi^^^n,  V9U^  4!&âM^r     i:i 
y  ignore^  dhes^veus,  Je  ^dklmmfurjï  f^f .;.-,.  i .     al  ". 
i?/  é/oi/  aufaratwU  c9t^u(t€r^ ■  s*il  vtmsflaîK    .  _  .• .. ^.  . ,  -.{,  ;  .; 
Informé  du  gi;%|)d  l^iea  qui.^  tomhf  «QJN^^s^L^r  '       _   1 
Doîs-je  prendre  le  foin  d*ea  (iiToîr  davantage  r   .      -, 
£t  cet  Époux  ayant  vingt  mille  bons  ducats, 
Pour  être  aimé  de  voua  doit*il  manquei:  d^appas  ?• 
Allez,  tel  qu^il  puifle  êftre,.avecque  cette  fpmme,    *  ^ 
Je  vous  fuis  caxttion  qu!*!!  èft  tres-bonnête  bomine*      ■,'  ^ 

Celle.  Hélas!  ^* 

GorgUnu^  Ha  bien  lielas  {•  que  veut  dire  ceci  ?' 

Voyez  le  bel  Hélas  quMle  nous  donne  ici  ! 
Hé  \  que  fî  la  colère  une  fois  me  tti^nl^rtei 
Je  vous  ferai  cbantér  hélas»  de  belle  forte, 
voîl^,  voilà  le  fruît  de  ces  emprefiements;  \  . 
Qu^oo  vous  voit  nuit  ft  jour  à  lire  vos  Romans.  \^ 
De  quolibets  d^amour  Votre  tête.  è(i  i;empli|B^ 
£t  vous  parlez  de  Dieu»  bien  moins  que  de  CleUe*        .  . 
Jettcz-moi  dans  le  feu  tous  ces  mécHanta  écrits. 
Qui  gâtent  tous  les  jours  tant  de  jeunes  èfprits  \ 
Lifez-moi  comitoe  il  faut,  an  lieu  de  ces  fornettes^ 
Les  Quatrains  de  Fibrac»  et  les  do£)es  Tablettes 
Du  confeiller  Mattbieuy  ouvrage  de  valeur, 
£t  plein  de  beaux  dré^ona  %  rocher  par  co^ur, 
La  Guide  dçs  Pécheurs  ètl  encore  un  bon  livre; 
C^èll-la  qu*en-  peu  de  tems  on  apprend  à  bien  vivre': 
Et  fi  vous  n^aviez  lu  que  ces  Moralités,,     ^ 
Vous  fauiiez  un  peumieu»  fuivte  mes  volontés. 

Cettû^  Quoi,  vous  prétendez  donci  mon  Père,  que  Uou» 
blie 
La  confiante  amitif  que  je  dois  ^  Lclîe  ! 
J'aurois  tort,  fi  fans. vous  je  difpofoi^  de  moi; 
Mais  vous-même  à  fes  voeux  engageâtes  ma  foi. 

Gorg'ibuf.  Lui  fui  elle  engagé  encore  divantagei- 
Un  autre  èft  furvenu  dont  le  bien  l'en  dégage  : 
Lelie  èft  fort  bienfait^  mais  apprens  qu'il  n'èlt  rien 
Qui  ne  doive  céder  au  loin  d'avoir  du  bien  : 
Que  l'ox  donne  aux  plus  ùids  certain  charme  pour  plaîre,- 

.  Et 


i 


I  Wr  A  G  f  N.A  I  R  E.  44t 

Et  que  fans  loi  !e  Tcftecft  une  trîfte  affaire, 

Valere,  je  croîs  bien,  n*èil  pas  de  toi  chérir^ 

Mais  s'il  ne  l'èfl  Amant,  il  le  fera  Mari. 

Plus  que  Ton  ne  le  croît,  ce  nom  d^Epoux  e»gage^ 

£t  TamOttr  èti  Ibarcnt  un  fruit  du  mariage. 

Mais  fuis-je  pas  bien  fat  de  vouloir  rdfonner. 

Où  de  droit  abfolu  j*ai  pouvoir  d^ordonner  ? 

Trêve  donc,  je  vou^frlc,  à  vos^impertinencer^' 

Que  je  n^entende  plus  vos  fûttes  doléances. 

Ce  Gendre  doit  venir  vous  vi5ter  ce  fbir, 

Manquez  un  peu,  manquer  à  le  bien  recevoir  ^ 

Si  je  ne  vous  lui  vois  faire  fort  bon  vifage,   .  '   '  - 

Je  vou5*-je  ne  veux  pas  en  dire  davantage. 

SCENE    II. 

Cttit,  Sa  SoivANTE. 

Sa  Suivante.  Quoi  rcfufer,  Madame,  avec  cette  f îgueiir. 
Ce  que  tant  d^autres  gens  voudroieiÀ  de  tout  leur  coeur  t 
A  des  offres  d*Hymen  répondre  par  des  larmes  î 
£t  larder  tant  à  dire  un  oui  fi  plein  de  charmes  î 
Hélas  !  que  ne  veut  on  aulH  me  marier  ! 
Ce  ne  feroft  pas  moi  qui  fi:  feroit  prier  ', 
£t  loin  qu'un  pareil  oui  me  donnât  de  pei'ne. 
Croyez  que  j^en  diroîs  bien  vite  une  douzaine» 
Le  précepteur,  qui  fait  repeter  la  leçon 
A  votre  jeune  frère,  a  fort  bonne  raifon, 
Lors  que  nous  difcourant  des  cbofes  de  la  terre, 
11  dit  que  la  femelle  è(l  ainQ  que  le  Lierre, 
Qui  croît  fceau  tant  qu'à  IVtre  il  fe  tient  bien  ferré^\ 
Kt  ne  profite  point,  s'il  en  èll  feparé. 
Il  n'èft  rien  de  plus  vrai,  ma  très  cbere  Maîtreffc^ 
Et  je  l'éprouve  en  moi  cbetivc  pechereife, 
Le  bon  Dieu  faile  paix  à  mon  pauvre  Martin  ; 
Mais  j'avois,  lui  vivant,  le  teint  d*un  Chérubin, 
L'embonpoint  merveilleux,  VotW  gai,  l*âme  contente  ; 
Et  maintenant  je  fuis  ma  Commère  dolente. 
Pendant  cet  heureux  te  m  s  pafle  comme  un  éclair,. 
Je  me  couchoîs  fans  feu  dane  le  fort  de  THyver 
àecher  même  les  draps  me  fembloit  ridicule  : 

Et  je  tremble  à  prefent  dedans  la  Canicule. 

Xxsfîtt 


44*  L    Ê      ,C    O    C    U 

fnfin  il  n^èft  mn  te]«  Madame^  ero^cK-inoi, 
Que  d'avoir  un  mari  la  nuit  aupré»  de  (bi. 
Ne  fût*ce  que  pour  Vhextt  d*avoir  qui  vous  fakre, 
JDVff  Z)«rir  wmi/on  eu  aide^  alors  qt^on  éteftiue. 

Celte,  Peux  tu  me  confeiller  de  coiçmcttre  un  fotfût, 
D'abandonocr  Lelie,  et  prendre  et  maî  fàîit  ? 

La  Suivante,  Votre  Ldie  auffi  n^èff  ma  foi  qo^une  bêUy. 
Paifque  fi  hors  de  ttm»  fbir  voya^  l^arréte  ; 
£t  la  grande  longoeor  de  foo  éloignement 
Me  le  fait  foupçonner  de  quelque  ckangemenN   ^  -^ 

Çelie  fkti  montrant  le  PûTtràii  de- Lcik.)    - 
Ah  !  ne  m'accafole  point  par  ce  triftc  préfag^  *y 
Vois  attentivement  les  traits  de  ^e  viiage, 
ils  jurent  à  mon  coeur  d^éternelles  ardeurs  f 
Je  veux  croire  après  tiout  qu^ls  ut  font  pas  menteur»! 
Et  que,  comme  c'èft  lut  que  l'art  y  reprefente,  *  ^ 

Il  conCcrve  à  mes  feux  une  ainSlideonîtante. 

La  Suivante,  H  èû  vrai  que  ces- trahi  marquent  m» 
digne  Amant, 
£l  que  vous  ave«  lieu  de  l'aimer  tendrement.  . 

Celte.  £t  cependant  il  faut— -ah!  fouliens' moi,  \ 

(lajffinl  Umber  ie  Portrait  de  Leiie.J 

La  Suivante.  Madame,  . 

D'où  vous  pourroit  venir— *ah  !  bona  Dieux  !  elle  pâme* 
Hé  ?  vîtei  hol^  quelqu'un. 

S  C  E  w  E  nu 

s 

CXLR,    Sït^  SUTVANTB,  ScANAftlLlr*» 

SganarelU,  Qu'èft-cc  dorrc  F  me  voîlft. 

La  Suiifantt.  Ma  Maîtrefle  fe  roeuttw 

S^anareUe,  Q««i  ?  n*èft  ce  que  cela  ? 

Je  croyois  t(nit  perdu,  de  crier  de  laforie  : 
Mais  approchons  pourtant  :  Mad»r<re,  êtes-vous  morte  f 
Ouais  !'  elle  ne  dit  fhot.  - 

La  Suivantes         Héla^l'  <laîgne:8  ttié  IVpptJrter, 
tl  lui  faut  du  vinaigre,  et  L'en  cours  appréte^r.   * 

• SCENK     . 


1 


IMAGINAIRE.  44) 

S  C  E  N  E    IV. 
:  Cklïz^'  Sgawahsixb»  Sa  Fxmmx. 

Sganârefkf  {en  luj  fqffml  h.m^^n  fitr  te  fetn.") 
Silo  èd  froidt  par  KDUt,  et  je  nt  fais  qu'en  dire. 
Approcbons-QOils  pour  voir  û  fa  bouche  refpîre  ; 
Ma  foi  je  ne  fats  pas  ;  mais^  j^  trouve  ettcore  mot 
Quelque  figne  de  vie 

'-^Za  Femme  de  Sgûmfrelle  freg^irJaot  fior  UJenAn.') 

Ah  î  qu'cft-cc  que  je  vois  ? 
Mon  Mari  dans  ces  bras-*Mais  je  mVn  vais  defcendre^ 
lime  trahit  fansâoute,  et  je.yeux  lefurpreûdre. 

Sgatiarftie,  11  faut  fe  dépêcher  de  Paljet  fécourir. 
Certes  elle  aiiroh  tort  de  fe  laifier  aoiDrir  ^ 
Aller  en  Tautre  ssondeèft  très  grande  fottife, 
7^91  ^ae  daftscelttl-ci  Pon  peut  être  de  mife. 

(Il  remporte.") 

$  c  E  N  E  V. 

La  Vemmé  de  Sganaii£lls,  feui. 

m 

11  s'èft  fdAement  éloigné  de  ces  lieux,  "  - 
%t  fa  fuite^  trompé  mon  defir -curieux  : 
Mais  de  fa  trahifon  je  ne  fuis  plus  en  doiute, 
£t  le  peu  que  j'ai  vu  me  la  découvre  toute. 
Je  ne  m*étqiuie  i).)p$  oe  Tétrange  froid t  ur. 
Dont  je  le  vois  réponire  à  ma  pudique  ardeur  \ 
Il  refervc,  l'ingrat,  fes  careffes  à  d'autres, 
£t  riourrit  leurs  plaiius  par  le  jeûne  des  nôtres*. 
Voilà  de  nos  maris  le  procédé  commun  ; 
Ce  qui  leur  èft  peroais  leur  devient  importun* 
J^ans  les  commencements  ce  fg^nt  toutes  merveilles» 
Us  témoignent  pour  nous  des  ardeurs  non  pareilles  \ 
Mais  les  traîtres  bien  tôtfelafleut  de  nosieux,  . 
Et  portent  autre  part  ce  qu!il^  doivei^t  chez  eux* 
Ah  !  que  j'af  de  dé;)it«  que  la  loi  n'autorife 
A  changer  de  mari  comtnê  on  fait  de  chemifè* 
Cela  feroit  commode^  et  j^en  fais  telle  ici 

Qui 


.^  Ir  £     G  :0    Ç    Vi 


Qui  cofliiDeiBoi,  nu  foi,  le  voudmt  !»••  aiiSi.      •    ^ 
{£n  ramaffont  U  Portrait  fut  CelU  avoii  \aiffi  «Bnrftn) 
S4»is  quel  èft  ccbîjon  que  leibrt  ne  pceientel 
LVn  ail  en  cftfon  béaUr  k  gn^^^  ^f^l¥>tc> 
OaTroos.  .      .        , 

s  C^  HE   VI. 

ScAKJi&xLLs.  #1  Sa  Fmaui*    .  "< 

r 

SgMërelle.  On  la  czo^roit  aïoitc,  et  et  n^^uit  licft^ 
Il  n*en  faut  plus  qu^autapt,  «llc-fc  porte  bien* 
I\ilats,Vapperçoi9ma  Femme: 

Sa  Femme.  .  ^  O  Cia)  1  c^èft  ont  nûgfMlQrey 

Et  Toilà  d*un  bfl  hoipinç  une  vi?e  pcintnre. 

Sganareie  Ça  part  et  regardant  fur  t  épaule  Je/a  FemmeJ) 
Q^  e  confidere-telle  avec  atteatfMii 
Ce  portrait,  non  honneur»  ne  nous  dit  rien  de  bon* 
jD^un  fort  vilain  foupçon  je  ne  fens  Tame  émue*  f 

Sa  Femme^  (fane  tafpereewàr  ttmtmaa,) 
Jamais  rien  de  plus  beau  Qc.  a^ôffrît  2^  ma  vue  ;  j^ 

Le  travail  plus  que  Tor  s^en  doit  encore  prifec  t 

Ho  que  cela  fent  bon  ! 

SganareUe,  (à  part»)        Quoi,  pefiti  le  bnifer  !. 
Ha  !  j'enAiiens. 

Sa  Femme^  ipour/mt,')  Avouons  qu'on  doit  être  Mvio^ 
Quand  d'un  homme  ainli  fait  on  fe  peut  voir  icrvici 
Lt  que  s'il  en  contoit  avec  attention. 
Le*  penchant  ferait  grand  à  la  tentation. 
Ab  !  que  n'ai-je  un  Mari  d*nn  auflî  bonno  mine. 
Au  lieu  de  mon  pelé,  de  moo  rudre.-*- 

Sganareib^  (hi  arracèaai  le  Portraif.)  Ab  !  m%ûti% 
Nous  vous  j  furprenons  en  f^utc  contve  .oone» 
£t  diffamant  rbonneur  de  votre  eber  £pot}x  \ 
Donc  Si  votre  calcul,  6  ma  trop  digne  Femme  1 
Moniieuf ,  tout  bien  compté,  ne  vaut  pas  bien  Mndbnif  î 
£t  de  par  Belzebut  qui  voua  poiffe  emporter» 
Quel  plus  rare  parti  pourriez- vona  (buhalter  t 
Qgi  peut  trouver  en  moi  qi^lque  cbofe  %  tedîre  l 
Cette  taille*  ce  port  qne  tout  le  monde  «dm^re,. 
Ce  vifage  fi  propre  %  donner  de  i*«mp^r. 
Pour  qui  miÛe  beautés  foupirent  nuit  et  joor  ; 

Bref. 


l 


Bref  eti'*^^  €t  ^A  tout,  ma  prrfotme  cliarmdiSftè*  ^    • 
(t^^êttâoiit  "^a^ùn  morceàt»  donc  vous'foyez  dôntentë  ?. 
£t  pourVafifîei^^ôlTe  appétit  "gourmand, 
11  faut  ijéiiMr«-é«  Mari  lii  «à^Out  d'ûn^fatid  f 

Sa  Femme.  JVnteads  à  demi  mot  -ou  va  la  raillerie^ 
Ttt  croi»  par  ^e  moyen  i 

Sgtmarelli.  •-'*      '  A  d^Anires^  je  vous  prie, 

La  chofe  èft  avetée,  et  je  tiens  dans  m^ss  mains 
Un  bon  certificit  da  mal  dont  je  iÀ«  plains. 

Sa  Femme,  Mon  courroux  n^a  déjà  que  tropde^iolence, 
SM^Ic  «liiM'ger  eaeor  d'une  nonvtlle  offenfe* 
£coute,  «0  cfoîf  pte  HBlonir  mfon  -bijoui 
£t  fonge  un  peu—* 

*  '  AfmqiMKrw  ^  '  je  Tbn^  %  te  rompre  le  cou* 
(^e  ne  puivje»  au  A  bien  que  je  tiem  Ir  copie. 
Tenir  l'origîoàl  ^  . 

Sa  Femme.        Pourquoi? 

Sgemêreêk.  Four  rien^mamicy 

Doux  objet  de  mes  voeux,  j^ai  grand  tort  de  crier, 
£t  mon  front  de  vos  dons  vous  doit  remercier. 

(Regardant  le  Portrait  de  LeSeJ 
Le  voiHl  le  beau  ihf  le  naigeon  de  couchettci 
Le  malheureux  tifon  de  ta  flamme  fecrette, 
Le  drdie  avec  lequel  ■■     ■ 

Sa  Femme.  Avec  lequel  i  pourfuis. 

^4tgâiutrei/éà^v^  lequel, te  dis-je  et  jVn  crève  dVnnms. 

Sa  Femme*  Que  me  viéltt  donc -compter  par  là  ce  mai. 
trc  y*rre^te'  > 

Sgaaareile.  Tu  ne  mVnteods  qse  trop,  Madame  la  C<ù 

Sganarelle  ■èft  un  "ttoati  ^*oft  ne  tne  dira  p?ds  : 
£^  IW  via  m^apjieUef,  txlgHeor  Coroêliits  : 
J'en  fuis  poer  mon^Mmoeur,  mais  k  toi  ^oi  mre  Tôtes, 
Je  t'en  ferai  du'  moîiv^  fcnet  im^as  o«  denx  côte-s. 

Sa  Fefrtme*Extii  «eWeeféufr  de  iemi^lablts  difcours  ? 
^:ggahae!elia,Jin^tn  m^^es  joeèt  de  ces  diables  de  toar^  ? 

Sa  Femme,  fil^qiteklftiiblea  de  ceurs-f- parlé  donc  fans 
*  .?#ian^ii4N«s  ^^^'' 

SgaaareUe^  Ab!  >^i^'rt^  y*im^i/îl1^  peîrt«  de  fe  plaindre, 
I»Ba  paa«ebe^de»CetlfaHef4Soeriné 'pourvoit»  -' 
Hélas!  voilà  vraiwamHm  feeàtt  wntfja^jr  wir/  •  *  ^ 


-«274 


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fe*^  *^     ^ 


E.    N 


Vilx. 


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oa.  til  ^a 


fUtJBk^^'^y    X-»«.^*1 


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1 


fi(<  JL-'£     X  O  CJU 


Sa  Fmme.  Bonc^prèt  «i%woxr>£ût  b  {dut  icnlMje  o& 
ficjifc 
Qui  puîfle  d'ane  Femnie  cxctter -la  veuftaBçe^  '  ~. 
Tu  prens  d Va  feint  courroux  ie  ▼ain  amufement,  ^ 
F4uf  [)réveiitf  kVfieC  4e  mon  ocfiniMKSt? 
D*un  pareil  procédé  rîik(blen«e«ièâ'B«tt«ril9« 
Celui  qui  fait  roffea(è  èû  cekà  qui  quereUe.' 

SganariUfi,  £ii  U  faofuic  «ffrontiéei  %  roir  ce  ikr  neift» 
iieo»  • 
^e  U  croifoît^oci  pM  une  Eemme  de  -bien  ^ 

Sa  Femme.  V^,  va,  fui  t«a  ehcimn|XaJ9le*trt  siastrcflSef^ 
Addrtfie4eur  tes  vo^x^etfais  feu»  dieticaccflec» 
jÙais  rends-moi  mon  Portrait,  fans  te  j^ttfr  de  moi« 

-  /;^J/#  ivkstmt^tieht  lie  Fûrirml  «e  4^ntfià.J 

SgananUe.  Oui«  tu  cnMS  ftt;^du|f)srv|e.iîti«nai  onUgr^ 


'  X 


SCEN'^B    VU. 
•JLftciCyGiaisSi^lUMib'   *    .  v  .  :. 
GinoinReni'%x^^9  oottsjf  «Aïoi  ;*  Mftîfl^  ]UbHifi«Br>£jft 

l'ofe. 
Je  voudrois  vous  prier  de  me  dire  une  cbofe. 

Xf//>.  Hé  bîeDy  pafle*  . 

ûros  Ren/.  Avez-vouf  le  D)EA>k  dana  k  o»r|^^ 

Pour  ne  pas  fuccomber  â  dep^K^ls  «Âorts  ? 
Depuis  huit  jours  entiers,  avec  vos  iongues  traites, 
'  Nous  rpai««&  à  pi^uerdei  chiennes.  de.|Bd(i£tte»y 
Dont  ]e  train  araudit  nous  a  tan^  icconéaf 
Que  jerm'en  fins»  pour  moi  twsikaanejnbies  toiiés^ 
Sons  préjudice  encor  d^un  accident  bien  pire, 
Qui  m'a%i^;e  un  endroit  que  j.e  ne  v^ux  pas  dire  ', 
Cependant  arrivé,  vous  foPtez  Jbîien.  et  beau^ 
Sans  prendre  du. sepcisr^t  manger. un  roorcean, 

Le/ie,  Ce  grand  empreffement  n^èft  pfrs  digne  de  blâme, 
'_  Cte  PHjm«n  de  Çelîe  iHi.^Urjne  mon  4m»| 
Tu  fais  q^eje  Padore,  et  je  veux  4tre  tnlkait 
Avant  tout  autvc  ibin  de  ce  funefte  bruit» 

Grùj'Reui,  OvLÎf  mais  un  bon  repas  vo^ns  ferait  nece&i 
faire. 
Poux  s'aller  cçlair.cîr,  Monficur,  de  cette  affaire  ) 


I  M  AGI  N.  A  I  H  £.  4ta 

£t  votre  coeur,  (aas  deutev  ctt.ëevîcEtËdroil  plas  dbtt» 

Pour  pouvoir  refîftcr  aux  attaques  du  fort. 

j('««  jtt^  pm.WfAfWêiat  et  ki  moindse  dirgnbc«^  . 

Lorfque  je  fuis  ^jeoo,  me  &iât,  me  terrace  ; 

Mais  ^«and  'f^i  hk»maa^é  mon^  Ime  M  farine  à  toi^^ 

£t  les  plus  gMMiis  Mr«f«'0^en  viendroîent  pas  à  bout.    '. 

Çro]rez<>iiiovbo»rrezrV<9M>etiWa«  tefecve  aucaae^  : 

Contre  les  coups  que  peut  vous  pqrtev  la^For tuue, 

£t  potar  £i^mec  cke»  v^his  l'entrée  à  lflr<douleuri  ^ 

De  vingt  verrçr die  v^ineatonifea:  votM  «QijWfi^. 

JLeiie,  Je  ae  f^uroia  manger*    •  .  ,  ■    ,    t 

Gros-René,  (^à  part  té  dnm  th^r/ .)  Si  fait  bieSi  nai,.|cr 
iatuffe,>  • 
Votre  diaé  povitaftt  fercÀ  prêt  tout-à  l^heure^ 

LeHf*  Tftt«t^j«-te'l^daQoe. 

GrasmR^n^*  Ab  !  quel  ordre  inhumaia  ! 

Letie^  J*aî  de  rioquiefudé,  et  non  pas  de  la  fjiiro* 

Gr^s^Reni.  Et  moi  j'ai  de  la  faioi^et  de  Tinquietude, 
De  voir  qa'un  fot  amour  fait  toute  votre  étude. 

Leiie^  l.àiffe^m«à  mUofQri^er  de  Tobjet  de  mes  voeux» 
£t  fans  mUmportuaer»  va  naQger  &  tu  veux» 

Grêt^MmL  Je nenepilque  potnt  à  ce  qu'un  Makie  or* 
denae* 

S  C  E  N  m    VilL 

Non,  non^à  trop  de  peur  moa  am«.£:abiindQO!ie, 

l*e  Père  m'a  psomîs,  et  la  fille  a  fait  voir 

J}ts  preuves  d'un aiaouf  qui.foutie&ti  moa  éipok. 

5  C  m  N  10    IX. 

Seâlf AMELIE,  Lsusu 
SganareUâ.iiQVis  l'avonsi,  et  je  puis  voir  k  l'aiic  b  trogne 


Sganarellc  (continue,)  Ahi  pauvre  Sgaaarelle,  à  quelle 
deûiaée.      * 

P  p  2  Ta 


44$  X.   £      C    O   C  U 


»■« 


Ta  repoution  èll*eUe  condunoéc  f 
Faut — 

^jifpercivçm  Le!ie  qui  le  T0^trig^  tijk  ntaurtui  d'm  sMit^ 

cot/.J 

J^Iie  (àpéH^y  C»  gaj^  oe  peut  pts.  fim»  atannct  «»£oî 
EtTc  forti  des  mains  qui  le  tenotent  -ëe  mm. 

Sj'ttnûreHe.  Faut-il  que  déformai» ) dcwidMsCt aa te 
maotre. 
Qu^on  te  mette  en  cVanfbos,  et  qu^n  toata  reiKODtze, 
On  te  rejette  au  nea  le  fcaudaleua  affront, 
Qu'une  Femme  mal  née  imprime  lur  ton  fîroBt  h 

Leiie.  (à part,')  Me  trompai^je? 

Sganarelie.  Ab  !  Truande,  as-tu  bien  le  conia^ 

De  m'avoir  fait  Cocudans^U  âîrar  de  mon  ftgc  l 
£t  feo^me  d'un  msri  qui  peut  paSer-poturbeau,    • 
Faut- il  qa'uo  Marmouset-,  un  maudit  Etourneat»-^ 
LeJie,  (à  pw^^  eirtgardimt  emortf&n  Pmtrmi^) 

Je  ne  m'abufe  point,  c^è(l  mon  Fortvaît  lut  méracé 
Sganarelie^  {lui  ffwme  h  ii^i,)  Cet  &ommc  èft  curieux» 

JLciie^  (à  part.)  •     Ma-furprifeèft^vstréae. 

i^ganortlie^  A  qui  donc  en  a*t  iW' 

Lclie  (à  part.y  •  Je  l»  v#o3i  aocofier. 

(//au/)— huis  je — be  î  dé  grâce  un  mou 

Sganarelie  {^lefuït  encore  )  Que  me  veut-îl  conter  t 

Lelie,.  Puis  je  obtenir  de  vous^  de/atoir  Pavaotuxe, 
Qui  fait  dedans  vos  mains  trouver  cette  peinture? 
Sganarelie^  (àfart^  et  exëmiimni  h  PortrMÙ  qu^il  tiett^  de 
Ltli't») 

D'où' lui  vient  ce  defir  ornais  je  ra'àvîfe  îcî— ^ 
Ab  !  ma  foi  me  voilà  de  fon  trouble  éclairci, 
Sa  furprHè  h  prefent  n'étonne  pins  mon  âme, 
C'èR  mon  bomme,  ou  plutôt  c'èft  celui  de  ma  femme. 

Le/t'e,  Retirez-moi  de  peine,  et  éitas  d'où  vou»  vient— -^ 
Sganarelie,  Nousfavons,  Dieumerci^lefouciqui  vous  tient* 
Ce  portrait  ^i  vous  fiche  èft  votre -i>effemblance| 
Il  étoit  en.  des  mains  de  votre  coonoifiiince.    . 
ï'.t  ce  n'èft  pas  un  fait  qui'  (bit  fecret  pour  nous* 
Que  les  douces  ardeurs  de  la  Dame  et  de  vous. 
Je  ne  fais  pas  fî  j'ai,  dans  fa  galanterie,  ^ 
L'honneur  d'être  connu  de  votre  Seigneurie  y 
IVIais  faites  moi  eelui  de  cciFer  déformais 
Un  amour  qu'un  Mari  peut  trouver  fortmauvaisi 


I  M  M  (SI  K  A^I  K  £.  ^ 

£t  Çongez  qu«  les  noeud»  ^'feeré  v^âriàge*^  ■  ' 

Le/ifi^  Quoi,  celle,  dites* vot»^  govcoitTervoît  ce  gagc-^ 

^^^SganûMk:  îEiSt'  an  Ftmttei  et  je  fiiîs  foif  miri.  » 

/-^Aip.  Son  nwii  ? 

l^î%dWMdijp.<)fa^]bM»a»iVv(>tts  dls-Je  j  élAari  très  marri; 

Vous  en  favez  ilr  csnle»  et  je  m^en  vais  l^pprendre         * 


<^  ' ,  -" 


j 


Ah^  que  yie»s-je  d^utcndre  f 
On  me  l?av«4t  bien  dit  j  «t  qoe  c*étoit  de  tô^ 
L'Homme  le.fltts  mal  fitt;  qii*ell«.>TOt  |>oKr  %^fit\        ' 
Ah  !  c^Mtnd  mîUe  feimciiits  à%  \^  boiiche  Iflfidellé 
Ne  m'^itt«m€^paft.'{Nro]«U  mie^flj^me  |f^^  - 

I-e  feni  m^$  d'juji  choix,  â  bas,  et  £1  honUUK, 

BevQÎtbîen  rQuteiiût  Pkitexét  de.m«t.|eyx» 

Ingrate^ ut  qne)qii«  bkn^Màis  ce  f€niit>Ie  outrage 

Se  mêlant  aux  travaux.dhia  afliez- kiug.  j^oyage,   ' 

Me  doAH^  timtÀ60U|^  u^  choc  £  vîolejit»  -' 

CJue  mon  coeur  dcwntfoaAr,  et- mon  corps  chaiicelitit;  - 


\      -»,  '  '  ...»  <'•       i 


T^: 


Malgré  moi,  jn^  per6di5~HoWs  1  qud  maisons  preffe  ? 
Je  vous  VOIS  prét».lVfo«fieur^  «.tomber  caloilbkffe.  ^ 

Zf^,  C?èft  un  mal  ^ui  ntVpris  pffiiz  fubitement. 
.X«  /W»^  ^tf  Ssémar4lle,^lt  craîns  ici  beaucoup  l'évà- 
f  nou^ncinent  >  ;  ... 

Entrez  daps  cette  felle^  *»  attendant  qu'iP  pafe.      ' 
/>/j#.  Pour  un  moment  ©u  deux  j'accepte  cét»*g*ac§. 

X^  Parent.  D'un  mari  far  ce  point  j^apfrouve  lé  fôuci; 
XVlais  c  èft^jrendre  h  chèvre  un  peu  bien  vite  «ufli  •   ^  ^ 

PP3  'e^ 


4J0 


L  t    à  &  c'vr 


Et  tout  ce  que  de  «tnu  je  ^nént  d'ooir  contrVIfè. 
Ne  conclut  poiot,  ISreiit,  quVUe  foit  crimlaelle  | 
C^èft  on  point  délicat,  et  de  fpueib  loifuts, 
Saos  les  bien  averer/iie  s'impotent  jamais, 

Sgmmritle.  C*èft  Î^Kre  qa^  £iot  toocber  ao  Mg!  I9 
cbofe. 

Le  Fartnt.  Le  trop  de  promtîtsde  ib-l^ireùi^aiiaegpofc» 
Sait- 00  comme  en  Tes  maint  ce  Poitnit  èft  ^eno, 
iEt  fi  )*bomme  aprèt' tout lur  peut  être  connu  \ 
lofonBeZ'Voos  en  mieux  j  et  fi  c'èft  ce  qu'on  pcnCv 
Noui  ferons  les  premiers  2k- punir  ion  o&nfe* 

SCEWB    XIlL 

'  On  ne  peut  par  mieux  dire  ;  éb  effrt;  il  èft  bôif: 
D^aller  tout  doucement.     Peut-être  fana  nifon 
Me  fuis  je  en  tête  mis  ces  vifions  cornue»,  ' 
Et  les  futurs  au  front  tn^en  font  trop  tôt  venues* - 
Paf  ce  Portrait,  enfin,  dont  je  fois  suarm^. 
Mon  déshonneur  n^èfl  pas  tout-à*fait  confirmé, 
1  ticbans.  donc  par  nos  vami 


S  CE  N  È  xrv: 

SoANAaKLLE,  Sa  FsMMSy  Lms; 

Çhir  la  forte  de  SganarelU^  en  par  tant.) 
SgànatglUy  (pourfuU.)  Ah  !  que  vois  je  !  je  meure, 
11  n'èil  plos  queftion  de  portrait,  à  cette  Heurt, 
VoÎQ!  s^a^  foi  la  chofc  en  Propre  original, 

La  Bmmede  Sganarelk^  (à  LeBt:}  C'cft  pat'tropr  von^ 
hâter,  Moofieur,  et  votre  mal, 
Si  vous  fortes  fi  tôt,  pourra  bien  vous  reprendre. 

LeHe.  Non,  non,  je  vous  rends-  grâce,  autant  qu^n 
puifle  rendire. 
Da  fécours  obligeant  que  vous  m'avez  prêté. 

SganareUe^  (à  part. y  L»  raafque  encoite  d^ês  hn  fait  ci- 
vilité î 

S  C  E  N  B 


&CE,N  B    XV.       . 

r 

'  ^  '. 

S^09Êrelkt  (à  para.)  Il  mTapperçoit^  vejoni  ee  qu*xi«' 

me  pourra  dire. 
Liiie^  (àpm^}-J^ïïmwsmt\*émsvti  etoet-objêtm'i» 

fpire  ■■ 


Mais  je  dds  condamner  cet  injufle  tratifporti 

St  nUmputer  mer mam qu^auxrîeueurs  de  œ^n  fortw 

£nvions  feDlement  le  bonheur  delà  fiâme* 


O'trop  heoreux  d'avoir  une  fi  belle  Femme  ! 

QP4f0atu*anfa-h  éh  Im^  et  Uregardantiy 

S  C  E  N  J6^    XVli 

SoANAasix.^  Csu^.  regarda^  par/afineire  atter  £gBèi 

Sgonare/U,  ÇfoMsyAr  Celù.)  Ce  n'èft  point  sVxplîqnet 
;    en  termes  ambigus, 
Cet  étrange  propos  ^e  rendaufli  cônfils/  '* 
Que  s'il  m'étoit,  v^niides  cbrneVàh  tète.    *    '         *  \^ 
iMlez^'ce  procédé  n'éft  point  dû  tout  iiotî^êté;     ~  -  .  '  " 
(Il fi  toum»  du  ché^qué  LeHâ  iUnvjkûi  et  en  AÏÏer.y 
CeïUy  (apàrf,)i(j^(9kf  L«lieavparu  tout-à-l^heure  ài»es 
yeux, 
Qui  pourroit  ine  cacher  f<^9  retour  en  ees  Heux  ?' 

Sganan/lffCJ^ourfuU,)  Otrop  heureûx^'à^roir  une  fi  belle 
♦    JFemme  !    •  _      .  v 

Malheuvfùxy 
Dont  le       ' 
Sans  rtl^ 
(Ctiit^Jfrtfclk^^ù'^  feuriè  Âdt^  ei  attend  que  fùtéi^in^ptirt 
foH^ni  pour  lui  porter,  y     ,,    ..'     '     "     '   •.    i  t,,. 
Mais  je  U  jlaiffe  À}ler^après  pn  tel  îndîcej  ''  *  ' 
£t  dei^eurjeJes,  bras  çroffés  comme  uiij'^^ 
Ah  !  je  devoîs  dii  moins  lui jcltcr' fort' chapeau,'    '"-'^ 
Lui  ruer  quelbi»  pierre,  ou  crôltêif'fon^b^nteau  ; 
£t4ur  jui  bautcjnent,  pour  contester  ma  rage,  •'     ^   ^  ^-^ 
Faire  au  Lari'on  'd'honncur'tncr^lH'vôifiirage;*  *  *  'f^*  ^^" 

Ceiie^  Celui  qui  maintenant  devers  v^i^iià'èfl  veuU| 
^tquc  voa^  a  parlé;  d'où  vous  èilril  connu  î  , 

Sga. 


iljft  hZ     C9CtlP^ 


Sganarelk,  Itéïu  I  oc  â'«â.pftt.ittM^itt  lircomiotft  JUtak^ 
dMue* 
C^hfk  ma  femme.  .<..', 

Ce/ie*  Quel  trouble  agite  amfi  votre  âme  î 

SgamarêOt.  Ne  «e^iWMlaaiafgpqiotttfaftrJmtf  lio«  dèrr 

Cette.  D'où  vous  peuTent  Tenir  oca  dUMttoirt  non  ciwnft 
nulles?  .  -V  '.A  , .      ..£>'   : 

Et  je  le  donnejKiîa  ^  bm  d^MÉroa^tt^è  «Nti»  ^^  '  ^  i  *    '  ^ 
Se  fe  Toir  iaae  cbigrWi  an  poiiii  eù^me/ vei#k*  *  ^;     . 
Dea  maris  malhemiCHx  veos  vojaz  le  moddUn  f  ' 
On  dénrf)£  l%e«iieiir  a»  pauvre  Sgaeardle-^   v  û  ^  r^  X^ 
Mais  c*èft  peu  qiMrr]ttmaaiiC'iiansx»Qti»SiAiMk,  ^   ^ 
L'on  me 'dérobe  encore  In  fepoteiion»  -  r  r  ^ 

Sgamarelle.         Ce  DAmoMeair,  parla^pl  pHr dpyorçuce^ 
]i4e  fait  Cocv,  Madame,  avec  toute  licence  > 
£t  j Vi  fu  par  mes  yeux  aveHc  n«^^oi|fà^ut 
Le  commerce  fecret  de  ma  feten»e  et  de  lui» 
Cette.  Celui  qui  makiftle«i<hnlr-.>7fT-r  . .: 
SganareUf,  Oui,  oui,  me  ^edKmore^ 

11  adore  ma'fcanae,  et  ma  £^nime  l^adqre.)      O  --l  >.  j,> 
CeUeé  Ak  t  j'avois  ëiep  jugl  que  ce^ret  xetoue  j  v 
Ne  pouvoit  me  couvrir  que  de  quelque  lâeiie  tour  l\  -^  i:  '"7 
£t  j'ai  tmmUe  d'abord  en  le  vojant  |»arek<e^      ... 
Par  un  preffientimcnt  de  et  qui  devost.  âsne.  .  .  i      - 

Sgûnareik,  Vous  prenez  ma  défence  nv4etiop  de  boiilté> 
Tout  leeaoa'de  n'a  pas  la  mêaae  cbaaité,^.      >  ^  ^ 
£t  plufieurs  qui  tant^  ont  eppiis  OKin  «Hifl^ey     .         v'' 
Bien  loin  d'y  prendre  part^  n'en  ont  xien  iait  ^^  fire,  >  ^ 

Ceiie.  £ft«il  rien  de  plus  nok  que  ta  Iftobe  nàîeot  ^      * 
Et  peut-on  lut  trouver  une  pnoiûon  }.  ■  .:}. 

Dois-tu  ne  te  pas  eroireîndigne^'d^la.vîey  ^ 
Après  t'^tre  kfàiA\é  de  cette  perfi^  ?  . 

OCielî  éft.il  poffiblef  ;    ^ 

SgênûreUe,  Iltèft  trop  vsal «pour  «ei« 

Celte,  Ah  !  trM»e,  ice)arat.  Ame  double  eCfaés'Mi    ' 
^^jJMr^//if.' La  boane  âme I  -  '      v.      /      .-7:    ;   -.^  if 


IMAGINAIRE.  419 

C^Sf.        Non,  aofty  r£nfer  nVi  point  de  gène 
Qui  ne  fcNt  pour  ton  crime  une  trop  douce  peine* 

Sganareile*  Que-  voilà  bien  parler  \ 

Ceiie.  AvofT  ainli  traité 

£t  la  mêaemiDoeflieey  et  la  même  bonté  I 
•  SganarelU,  (Ilfoufùr^baut,}  Haï  î 

Ceàe.      Un  coeur  qui  jamais  n'a  fait  1»  moindre  ehofe^ 
A  mériter  Taff^^ont  oà'  ton  mégtnx  Fexpofe  l 

Sgananliê.  11  èft  ?raK 

Ceéte,  Qui  bien  }<ttn«— M ats  c^èll  trop,  et  ce  coeur 
Ne  fanroit  y  longer  (ans  mourir  de' douleur. 

SgauûreBt,  Ne  voiis  fâch»  point  tant,  ma  tré»  chère 
Madame, 
Mon  mal  vous  touehe  trop,  et  voas  me  peaoea  l*Âme« 

Ceik.  Mais  ne  t^abufe  pas,  jufqu^  t«  figurer 
Qu*à  des  plaintes  fans  fruit  j^n  veasHe  demeurer  t 
Mon  coeur  pour  fe  venger  fait  ce  qu^il  te  faut  faFrei 
£t  y  y  Qoors'do  Oe  pas,  rien  ne  m'en  pcut'diiliaire» 

Se£N£    xvu. 

I 

•    _  «■  •  » 

Que  le  Ciel  la  pxelerve  à  jamaîs^  de  danger»- 
Toycz  queile  boift«  de  vouloir  me  venger  : 
£n  effet,  fon  courroux,  qa 'excite  ma  dtfgrace, 
M'enfcigne-  hautement  ce  qu'il  faut  qtie  je  faflê  y 
£t  Ton  ne  doit -jamais  fouffrir  fans  dire  mot 
De  fenfblablos  af&onts^  à  n>olns  qu'être  un  vrai  ïaîm. 
Courrons.donc  lo  chercher  ccpendart  qui  m'affronsej 
Montrons  notre  courage  à  venger  notre  honte. 
Vous  apprendrez,  l&roufle,  à  rire  ^  nos  dépeni^ 
£t  fans  ancun  re(peéi  £aire  Cocu  le)»  gens. 
Doucement,  s'il  vous  plaît,  cet  homme  a:  bien  la  mipe^ 

(Jife  retourne  ajaiH'faà  trois  m  quatre  pas.) 
D^àvoir  le  fang  bouillant,  et  l'âme  un  peu  mutine^     * 
Il  pourroît  bien,  mettant  affront  deffus  affront. 
Charger  de  bois  mon  dos,  comme  il  a.  fait  mon  front* 
Je  hais  de  tout  mon  coeur  leSr  efprits  coIeriqueS| 
£t  porte  grand  amour  aux  hommes  pacifiques. 
Je  oc  fuis  point  battant,  de  peur  d'être  battO|. 


454  i   C      COQ» 

£t  rhunciif  ii&Qûnmte  èi  tn»  grande  r^lli. 
Mais  nien  honocat  nM  dit  qiM  d'nne  telle  offettfe 
Il  faut  abfolament  que  jo  preone  VfngtêWiùer 
Ma  Fm,  laiffona-U  dite  autant  qu^il  loi  plaira, 
Au  diantre  qui  iiourtaot  rî«o  du  tout-en  fera  ; 
Qaand  j'aurai  fait  le  brave,  et  qo^uo  fer  4)our  nu»  pcme 
M^aura  d*un  vtlaîacoiip  tranfpe»&41i^'bodaînc, 
Que  par  la  viUe  ira  la  bruU  de  nvon.  tiépae  i 
Dites  moi,  mon  bonneur,  en  fereZ'V^us  plus. gras  2 
La  btere  èft  ua  féjtHir  par  trop  melaiiiQlî(|iiC9 
£t  trop  mal  fain  pour  ceux  <|im  craignent  la  colique  f    * 
£t  quant  îi  omî,  je  trou-ve,  ayant  to9l  campaffé« 
Qu'il  vaut  mieux  être  encore  Cocu,  que  trepaflé» 
Quel  mal  cela  fait-il  ^  la  jasibe  en  devienuêlle 
Plus  tortue  après  tout,  et  la  taille  awias  belle  t 
VeRt  fott  qui  pteaîer  tro«va  Pii^rentioa 
De  s'alBiger  réfprit  de  cette  vifieii^ 
£t  d'atiacber  rhoaneut  de  Pbommiei  le  pl^  tàgti. 
Aux  cbofes  que  peut  faire  un  femme  volage.    . 
Puifqu'on  tient  à  bon  droit  loat.ertmt  perfonnel,- 
Que  fait  ]à  nôtre  honneur  pour  être  criminel  l 
Des  aâions  d'autrui  l'on  pou»  donniC  le  blame. 
Si  nos  femmes  fans  nous  ont  un  commerce  infaoN«^ 
11  faut  que  tant  le  mat  tombé  far  aâtre^dos^,  * 
£lles  font  la  Cbttîfe,  et  nous  fommes  les  Sota: 
C'èCl  un  vilain  abus,  et  les  gc as  de  PoHcf 
Nous  détrônent  biem  régler  «ne  telle  f8ju£tite« 
N'avons  nous  pas  afiea  des  autres  accidents. 
Qui  nous  vfitnnent  bapper  en  dépit  de  nos  dents  > 
Les  qtterelle»,  procès^  faim,  ibtf  et  maladie. 
Troublent-ils  pas  aflez  le  repos  de  ia  vie, 
Sans  s'aUer  de  furcroSt  avi&r  fortement  i  ' 
De  fe  faire  un  cbagrib  qui  n*a  nul  fondement  ? 
Mosqiiions  nous  de  cela^  méprifoas  les  akrmea, 
£t  mettons  {^$  nos  pieds  les  foapirs  et  les  lannes^. 
Si  ïna  {emat?  a  failli,  qa^êHe  pleure  bien  fort. 
Mais,  pourqttoi  moi  pleurer,  puifque  je  n'ai  point  tort  P 
£a  tout  cas  ce  qui  peat  «^&ter  ma  lacketie, 
Oèft  que  j«  ne  fiiib'pas  ieul  de  ma  confraixie  : 
Voir  cajoler  fa  feiame,  et  aVn  témoigner  rien» 
Se  pratiqaeaajoutd^ai  par  fotee  gaas  de  bien. 
^'allons  donc  point  cbercber  à  faire  une  querelle, 

Pbur 


I  AÇAKt  I  N  A  I  RE.  45S 

a 

Pour  un  affront  ^uin^  ^e  pore  iMg^dtle, 
L*on  mVippellera  Sol  de  fie-^i*  Venger  "fias  : 
Mais  je  le  ferDifsfeft  decouriv  au  tiépas.  ' 

(Mettant  la  main  fur  fin  eftomac,) 
Je  me  feas  là  peuttam:  remuer  une  bîife, 
Quii  veut  ne  confeilltr  quelque  aé^ioti/  virile  : 
Oui,  le  courtou*  -me  pMd^  Vieil  trop  lêtse  poitroUi 
Je  veux  reioluafteiit  me  venger  do  Larron  : 
Péjà  pont  ooiaûfenef r,  4ens  fardeur  qui  inVoflâi»^^ 
Je  vais  dire  <ps  tout  ^u^il  €«uciie  (MTecma  FcjAmf  » 

SCENE  xvia 

GonGiB» ,  ^cLiTi  Ja  8çrcAi9irr^ 

Celie.  Oui,  fe  t<uk  l>ien  fubif^  une  fi  jude  Loi, 
Mon  Bère,  M^ktàt  med  voeux  et  de  moi, 
Faites,  quand  vous  voudrez,,  figner  cet  HymcRée^ 
A  fuivre  mon  devoir  je  fuia  déterminée  \ 
Je  piétens  gourmander  mes  propres  4ntimeot$, 
£t  me  (bâaiettre  «n  tout  à  vos  cômmandementa, 

Gorgibist,  Ah  !  voilà  qui  me  plaît,  de  parler  de  la  forte  } 
Parbleu,  (i  grande  jfiye  à  l*heure  me  tranfporte, 
Oue  mes  jambes  fur  Pheure  en  cabrioleroient. 
Si  nous  a'étîoAS  ponot  vus  de  geiis  qui  »>n  riroient. 
Approche-toi  de  moi,  viens-ga  que  je  t'embraircj 
Une  telie  «{Boa  n^a  pas  mauvâlfe  graeé». 
Un  Pcre,  quahid  il  veut,  peut  fa  fillç  baifcr^  . 
Sans  que  Poa  ait  fcjfct  de  s^ftn  fcandalifer. 
Va,,  le  contentement  de  te  voir  il  bien  nèt^ 
JMe  fera  rajeunir  de  dix  fois  une  année. 

S  C  E  M  E    XIX- 

-Celis,  la  ÇmvAirt^t 

La  Suivante^  Ce  ohangeimftt  m'étonne. 
Cette.  •  £t  iQvtque'tu  î(iiufi9S 

Far  quel  mortifj'agû,  tu  m'en  eftimeraf» 
Ztf<^rwf0l»,  CeUj^ourroit  bien  être. 
Cdi^w  A  p«tft  denc  que  Lclie 

..A 


f5^  L   X     c   o  <;  o 

me  perfidie. 


Qtt*il  éioit  en  cet  liem  fa 
Le  SmvoKU.  Mail  fl  «mt  à  oonet 

S  C  £  M  £  X3L 

* 

LHk,  AvaiittiiiepefDr  j«fliai«jefli¥MpiedeTOiiSy 
Je  veux  ^raee  le^roclier  au  noios  eo  cette  place. 

Cdiê»  Ouoi,  me  parler  encore  !  ares-voQs  cette  amlfee  ? 

i>&«  li^ft  wai^We<èft  grande }  et  votre  cimsèft 
tel 
Qu^  vont  reptodier  je  lerob  crfonaeL 
Vivez,  vivez  contente,  et  bravée  ma  aocinoiffe^ 
Avec  le  digne  Epoux  qui  vaut  cooible  de  gloire. 

CeÙ€*  Oui,  traître,  j*f  veux  vifie^  et  mon  plue  gran^ 
deûr 
Ce  iêroit  que  ton  coeur  «en  eût  du  ddplaifirr 

Ldiê.  Que  rend  donc  contre  moi  ee-cottxronslîgitiaaei 

CiBi.  Queii  tu  fiût  le  fiitpçit,  et  deannitttononaael 

S  C  £  N  m    XXI. 
CxuE,  LtLiB,  5oâNaiicu.ay  h  Soivantk. 

^gOttânBe^  (wtM  mrmi.)  Gwkm^  guerre  mortelle  à  ce 
LarfOn  d*lionneur. 
Qai  &nt  miiitfieorde  a  fouitté  n6tre  bdhntftsr. 

Cette,  (d  Lelie.)  Touxoci^  tourne  le*  jeux  Sêûs  me  faire 
répondre. 

LiJIâ.  Ah  !  je  vois—* 

CcJie^  Cet  objet  fiifSt  peur  te  confondre, 

Leiie,  Mak  pour  vous  obliger  bien  plutôt  ^  rougir. 

SganartOe.    Ma  oolèce  à  prcfeot  èft  en  état  d^agir, 
Deffut  fet  grand  chevaux  èft  monté  mon  couragCi 


Au  beau  milieu  du  coeur  il  £nit  que  je  lui  donne— 

LUie.  A  qui  donc  en  veut* on  ? 
.  SmemirtlU.     t  Je  n'en  vettx  à  perfonne, 


IMAGINAI  RE.  ^^ 

I  Lfiie,  Pourquoi  ces  armes-là  ?  '^ 

Sganarelle.  Cèft  un  habillement  ' 

Que  j*iii-'pi48  potxr  la  phiyc.  w 

(àfart,)h\i\  quel  contentement 
J^aurpia  ^  le  tuer  l  '  pfeni^s-en  le  courage. 
Leiie.  Hai  f 
SgaimrelU.  •   >  f «  Dé  parle  paa.    - 

(Se  donnant  dei  coupi  di  poîng  fur  Peftofnac^  et  des 
,   .  J<ntjffUtf  peur  i*«cctter,J 

(àpari^J         Ah!  poltron^  ck>nt  j'enrage, 
Lâche»  vrai  coèu»  de  pouk. 

0/*#o  •?      *  H  t'en  iloît  dirn  afleï, 

Cet  objet  dont  tes  yeux  nous  paroiffent  blefies.. 

Le/ie.  Ouï.  je  conno»  par  la  que  voua- «tes  coupable 
De  rinfidplttéjftfrlus  îstxcorable»  - 
Qui  janwis  d'un  amant  puiffe  outrager  la  foi. 
îp  Sganarelle^  Ci  par t^)  .Qj^e  n^airje  un  peu  de  coeur  ? 

Celie,  Ah!  ceiTe  devant  moi, 

Traître,  de'  ce  dî^poors  rinft^eflice  cruelle. 

Sg^nattilt»  SganarcUevttt  vois  qu'elle  prend  ta  querelle^ 
CpyilPge»  nMo  enfant,  foU  «a  pea  vigoureux  ^ 
Là,  hardi,  tâche  à  faire  un  effort  généreux, 
£n  le  tuant  tandis  <|u^il  tounte  le  derrière. 

Lflt^fefant  deux  ou  trois  pat  fans  dtffttn^fait  retourner 
SgamureUe  çui  s^af^Kochoit  pour  le  tuer.  ^ 
Paîfqu'un  pareil  difcours  é:neut  votre  colère. 
Je  dois.de  votre  coeur  me  montrgij:  fatirfait, 
it  l'applaudir  ici  du  beau  choix  qu'il  a. fait. 
.  Celie.  Qui»  oui,  mon  choix  èll  tel  qu'on  ^'j  peut  riei> 
reprendre.  ; 

Leiie,  Allez,  vous  faites  bien  de  le  vouloir  "défe-ndre. 
Sgùnarelle,  Sans  doute  elle  fait  bien  de  défendre  mes 
.'droits.: 
Cette  action,  Monfîeur,  p'eft  point  feUn  les  loîx  \ 
J'ai  raifon  de  jn'en^pUindrè  j  et.  lî  je  n'étois  lagç,  ^ 
On  verroît  arriver  .un  étjrapg^  carnage. 
^  Lelie,  D'où  Vous  naît  celte  plainte  ?  içt  quel  chagiîu 
brutak  .  ,.    ^  _  ,    ,.  /  .V 

Sgcnàrcîie,  SufTit,  vous  favez  bien  où  le  bât   me  fait 
npal:  .„ 

Mais. votre  confcicnce  et  le  foin  de  vol  c  âne  "**' 


4ig  L    E     C    O    C    U 

Vous  devroîcnt  mettre  aux  jrtvx  que  aia  Femiiae  tft  ma 

Femme  ; 
£t  vouloir 'à  ma  barbe  eih  faire  vôtre  bien. 
Que  et  n^èft  pàa  du  tout  agrir  eu  bon  Chrétien. 

Zr^/lr.  Un  femblable  foopçon  èft  bas  et  ridicale  : 
Allez,  defiis  ce  point  n^ayez  aucun  (cropule  \ 
Je  fait  qu^elle  ^ft  à  vous,  et  bieit  loin  de  bmlcr»    '  ■ 

CêBe,  Ab  !  qu*ici  tu  fais  bkn,  Traître»  diffilnuler  ! 

LiiU.  Quoi  ?  me  foupçonnez-vous  d'avoir  une  pen/Se, 
Dont  fon  Ame  ait  rojet  de  fe  croire  offenfée  ? 
De  cette  lâcheté  voulez- vous  me  noircir  l 

Celie,  Parle,  parle  à  lui-même,  il  pourra  t*éclaifclr. 

Sganarelk.  Non,  non,  vous  dkes  mieux  ^ue  je  ne  {am^ 
roivBÛTe, 
Et  du  biais  quHl  faut  vous  prenes  cette  iJEatre. 

S  C  £  N  £   XXH. 

CXLIX,   LstXX,    ScAMAXELLE,   SA  FkttitX,  La  SmVANTX. 


La  FemmB  ée  SgonartUté  (à  CeSe.  )  Je'ne  fuis  point  d*hu« 
meur  à  vouloir  contre  vous 
Faire  éclater,  Madame,  un  efprit  tropjalout  : 
Mats  je  ne  fuis  point  dupe,  et  vois  ce  qui  fe  paffe  : 
11  èft  de4:ertains  feux  de  fort  mauvaife  grâce  \ 
£t  votre  âme  devroit  prendre  un  meilleur  emploi. 
Que  de  feduire  un  coeur  qui  doit  n'être  qu^à  moi« 
Ceiie.  La  déclaration  èil  afle.z  ingénue* 
Sgonaf-elle  Çàfajiihme.^  L'on  ne  demande  pas  Ca« 
rogne,  ta  venue. 
Tu  la  viens  quereller  lorTqu'elte  me  défend, 
Et  tu  trembles  de  peur  qu'on  t'ôte  ton  galant. 
Ceiie.  Allez,,  ne  éroyez  pas  que  l'on  en  ait  envie. 

{Se  tournant  vers  Lèlie,) 
Tu  vois  fî  c'èft  menfonge,  et  j'en  fuis  fort  ravie. 
Lefie.  Que  me  veut-on  conter  l 
La  Suivante,  Ma  foS  je  ne  fais  pas. 

Quand  on  verra  £nîr  ce  galimatias  : 
Depuis  aifez  long-terosje  tâche  à  le  comprendre, 
£t  fj  plus  jï  récôute,  et  moins  je  puis  Teotendre* 
Je  YO.s  bien  û  la  fin  que  je  m'en  dois  mêler, 

^^Mantfe  mtttrt  entre  Lcfse  et  fa  maître^,) 

Ré. 


.     IMAGINAIRE.  459 

tLéponàez-moï  par  ordxe,  el  me  laiffcx  parkr. 

Vo«s,  qu^èft  ce  qti*à  foB  coeur  peut  reproclier  le  votre  î 

Lf/ie.  Que  IHnfidelle  a  pu  n^e  quitter  pour  ua  autre  ^ 
£t  que  quand  fur  le  bruit  de  Ion  Hymen  fatal 
J ^accours  tout traafpQrté  d'un  aiDour  faoségal. 
Dont  Pardeur  reMoît  à  fe  croire  oubliée,  ' 
Mon  abord  en  ces  lieux  la  trouve  mariée. 

La  Suivanie.  Mariée  ^  à  qui  donc  ? 

Lellfi.  {^Montrant  Sganarelle.)  A  lui. 

X^  $uivanie.  Comiaent  il  lui  ^ 

Leiù.  Oui-dà. 

La  SttwatOfe,         Qui  vous  Ta  dit  ? 

LeRe,  C^èfl  lui  même  aujoud^ut. 

.  L^  Sitivante  {à  SgonsnlU.).  £fl>il  vrai  i 

Sganarelle,  Mol  !  j'ai  dit  que  c^toit  a  ma  F«mmc 
Qjc  j^étoi»  marié. 

Le/if»'  Dans  on  grand  trouble  d'âme^ 

Tantôt  de  moA  portrait  je  vous  ai  vu  faifi.  ^ 

Sganarelle.  il  èlt  vrai,  le  voilà. 

Leite.  Vpua  m^avez  dit  aufli 

Que  celle,  aux  mains  de  qui  vous  âves  pris  ce  g^ge^    - 
Sitbit  Uée  à  vous  da  noeuda  àj^  Mariage* 
'  SganareJU  (^Montrant fy  ffmrnfi  )  Sans  doute,  et  je  l*â« 

vois  de  Tes  mains  arracbé, 
Xt  B^euffe  pas  Tans  lui  découvert  ion  péché. 

Sa  Femme^  Que  me  viens -tu  conter  par  ta  plaiiite  im* 
portune  l 
Je  Pavois  fpus  mies  pieds  rencontré  par  fortune  ^ 
Et  atkârae  quand  apr^s  ton  injure  courroux 
J'ai  fait  dans  fa  foibleQe  entrer  Mondeur  chez  nou9. 

Ç^Mùntrani  Lelle.) 
Je  n'ai  pas  reconnu  les  traits  de  fa  peinture. 

Celie.  C'.èû  moi  qui  du  Portrait  ai  caufé  Pavanturc, 
£t  je  Pai  laiiTé  cbeoic  en  cette  pâmoifon, 

{à  Sganareik») 
Qui  m*a  fait  par  vos  foins  remettre  à  la  maifon, 

La  Suivante.  Vous  le  voyez,  fans  moi  vous  y  ferlez 
encore, 
£t  vous  aviez  befoin  de  mon  peu  d^  Ellébore. 

SganarelU,  Prendrons-nous  tout  ceci  pour  de  Pargent 
comptait  ^ 

Q^q  z  Moti 


46o  L    £       C    O    C    U 

Mon  froot  Ta  fur  aion  âme  ca  bien  cbaude  jpoiUrtant» 

6a  Femme»  Ma  crainte  toutefois  n*èft  pas  trop  diflipée, 
£t  d*oû  qae  foit  le  mal,  je  crams  d^être  trompée. 

SganarelU.  fié  !  matoellemeot  croyons-nous  gens  de 
bien. 
Je  rifquè  plus  du  mien  que  tu  ne  fais  du  tien. 
Accepte  fans  façon  le  parti  qo^oa  propofe. 

Sa  Femme,    Soit  j  mais  garé  le  bois  ^  j'apprens  quel- 
que cbofe. 

Celte ^  (à  LeUe  afrés  avoir  porU  bas  emfewihle.) 
Ab  Dieux  \  s'il  èft  ainfî,  qu^èit  ce  donc  que  j'ai  fait? 
Je  dob  de  mon  courroux  àpprebender  IVffet  : 
Ouï,  vous  croyant  (ans  foi,  j*at  pris  pour  ma  vengeukce 
Le  malbeureux  fécours  de  mon  obeifiance. 
^  £t  depuis  un  moment  mon  coeur  vient  d^accepter 
Un  Hymen  que  toujours  j*eus  lieu  de  rebuter  ; 
]*ai  promis  à  mon  Père,  et  ce  qui  me  defole 
Mais  je  le  vois  venir. 

Celte,  Il  me  tiendra  parole. 

SCENE    XXIII. 

CzLrx,  LztiE,   Go&GiBus,  Sganarelle^  Sa  Femms,  La 

Suivants. 

LfUe.  IVIonileurt  vous  me  voyez  en  ces  lieux  de  retoov 
Brûlant  des  mêmes  feux,  et  mon  ardent  amour 
Verra,  comme  je  crois,  la  promefife  accomplie. 
Qui  me  donna  refpoir  de  THymen  de  Celie, 

Gurgihtts^  Monfîeur,  que  je  revois  en  ces  lieux  dé  re« 
tour 
Brûlant  des  mêmes  feus  et  dont  Tardent  anK>ur 
Verra  que  vous  croyez  U  promefife  accomplie^ 
Qui  vous  donne  IVfpotr  de  PHymen  de  Celte, 
Très  humble  ferviteur  à  votre  Seigneurie. 

Lelie.    Quoi,  Moniieur,  èd  ce  ain&  qu*on  trabit  mon 

efpoir  ? 
Corgibut,  Oui;  Moniieur,  c^èil  ainfî  que  je  fais  mon 
devoir, 
Ma  il  lie  en  fuit  les  loix. 

Celte.  Mon  devoir  m'intereffe, 

Mon  Père,  à  dégager  vers  lui  votre  promefle. 

Gorgilnt*.. 


liM  A  G  I  K  A  1  R  É.  4^1 

Goigij^mf,  1^'ÇC  xé^qndï^  en  ^\lc  k  fîie.8  commstndc'' 
ments  ^' 
Tu  te  détnexis  bieivtât  de  tes^  bons  fenticoents. 
Pour  Valcre  tantôt— JVIakj*appcrjçois.  fon  Pète^ 
Il  vient  aflurément  pour  conclure  ^affaire. 

SC-ÉNE    DERNIER  £♦ 

GELtBy    LeLIE,    GoRGIBUS»    SgANAKELLE,    Sa  FfiMMSy 

ViLLSBREQf  IN,  'La  Suivante. 

Gorgthus,  (^levotts  amené  îcî»  Sc!g,ncur  Vîllebrcquîn  ? 

VUUhrtqmn'.  Ut&  feci^  important^  que  j'ai  fu  ce  matin^; 
Qui  rompt  abfolument'  foa  parole  donnée 
Mon  fits»  dent  votte  fille  acceptott  PHymcnée, 
Sous  de»  Ken»  cachés  trompant  les  yeux  de  tou». 
Vit  depuis  quatre  mois  avec  Life  en  Epoux  }« 
Et  comme  des  Parents  le  bien  et  la  naîflance 
M^ôtent  tout  le-  pouvoir  de  caffér  P Alliance^  i 

Je  vous  viens—— 

Gorgibm.  Ârifons-l^^  ii'&ns  votr«  congé' 

Valere  votre  fils  ailleurs  s^èll  engagé  ; 
Je^  ne-  vottSTpnls  ce kr  que  ma  EUe  Ceîie 
Dès  long-tems  par  moi  même  eft  promifè  â  Leliej; 
Et  que  riche  en  vertus  Ton  retour  aujourd'hui 
MVmpêche  d'agréer  u»  autre  époux  que  lut.     * 

ViHebrfqum.   Un  tel  choix  me  plaît  fort.     - 

Lehe.  Et  cette  jude  envié 

D*un  bonheur  éternel' va<coarronaer  ma  vie* 

GorgHtuf,  Allons  cbfM fi r  le  jour  pour  fe  donner  la  foi^ 

Sganarelle,  A-t-on  mieux  cru  jamais  être  cocu  qua 
moi  ? 
Vous  voyez  qu*en  ce  f^il  la^ptus^  forte,  apparence 
Peut  jetter  dans  Pefprît  unb  fauffe  ereifiice.  .:, 

De  cet  exemple-ci  reflbuveoez^-vous.bteB^} 
Et  quand  vous  verriez  totu^  ne  çrojcz- jamais  tieni 


Q,q.3  EXTRAITS 


J'ifii: 


(     462    ) 


EXTRAITS 


DES  VARIETE'S  HISTORiqtJES^ 


CHARLES  XII.  Roi  de  Stiidt. 

CMHARLESXII.  étoît  d^bne  ttille  avaatageitfe  et 
^  noble  :   11  avoît  un  très<beaa  front,  de  (grands  yeux 
bleus  remplis  de  douceur,  un  nez  bien   formé  ;    nais  le 
bas  du  vifage  défagréable,   trop  fouvent  défiguré  par  un 
lire  fîéquent  qui  ne  partoit  c}oe  des  lèvres  v  pr^oe  point 
de  barbe  ni  de  cheveux.  Il  parlait  très.  peu.  et  ne  réjpcD'- 
«ioit  fouvent  que  par  ce  rir«^  dont  il  avoit  pris  l^abitude^ 
Ou  obfervoit  à  fa  table  un   filence  profond.     Il  avoît 
confervé  dans  rinflcxibtlité  de  Ion  caraélère  cette  timidité 
que  Ton  nomme  ntawatùft  honte,     il  «^ût  été  embarraffe 
dans  unç  converfatioa  \  parce  que  sacrant  donné  tout  en- 
tier aux  travaux  de  la  guerre,  il  n^avoit  jamais  connu  la 
focîété.    C^èd  peut-être  le  feul  de  tous  les.  hommes,  et  jur> 
qu'ici  le  f^rul  de  tous  les  rois,  qui  ait  vécu  fans  foibleuesè 
Il  a  porté  toutes  les  vertus  des  héros  à  un  excès  où  elles 
font  aoûi  d^ngereufes  que  les  vices  oppofés.     Sa  fermeté 
devenue  opiniâtreté  fie  fcs  malheur»  dans^T Ukraine,  fX.  le 
retînt  cinq  ans  en  Turquie  :   Sa  libéralité  dégénérant  ea  ' 
profudon,  a  ruiné  la  Suède  :  Son  courage.  pouBc  jufqp^à. 
la  témérité',  a  caufc  fa  mort  ;  fa  judice  a  été  quelquefois 
jufqu'àila  cruauté  *,  et  dans  Tes  dernières  années,  le  main<* 
tien   de  fon  autorité   apprechoit  de   la  tyrannie.     Ses 
grande^  qualités,  dont,  une  feule  eut  pu  immortaliler  un 
autre  Prince,  ont  fiiit  le  malheur  de  fon  pays.    Il  n^attai- 
qua  jamais  perfonne  \    mais  il  ne  fut  pas  auffî  prudent 
qu^implacabli^  dans  fes  ven^ances.     11  a  été  le  premier 
qui  ait  eu  ^ambition  d^être  conquérant,  fans  avoir  l'en  vie 
d'aggrandir  fes  é^ats  :   11  voulbit  gagner  des  empires  pour 
ijcs  donner.    Sa  palTion  pour  la  gloire,,  pour  la  guerre,  et 
cour  U  vengeance,  l'cmpécha  d'être  politique  \    q.ialite 

fan& 


KOI    DE    SUEI>E.  45î 

iknr  laquelle  on  n'a  jamais  vu  de  conquérant.  Avant 
la  bataille,  et"  après  la  viâoîfe,  11  n'avoit  que  de  la  mo«' 
deftîe  9  après  la  défaite,  que  de  la  fermeté.  Dur  pour 
ks  autres  comme  pour  luî^mêmé  ^.comptant  pour  rien  la 
peine  et  la  vie  de  (es  fujets,  auffi  bien  que  la  fîennej  hom* 
me  unique  plutôt  que  grand  homme,  admirable  plutôt 
qu'à  imiter  *,  fa  vie  doit  apprendre  aux.  Rois  combien  un 
gouvernement  pacifique  et  heureux  èfl  ai^dcffus  de  tant 
d^  gloire. 

Le  caradère  de  ce  Prince  s'étoît  manifedé  de  bonne 
heure.  Etant  encore  enfant,  on  lui  demanda  ce  qu'il 
penfoit  d'Alexandre,  dont-il  lifoit  l'hiftoire  dans  Quinte 
Curce^  Je  penCe,.  répoo<^t^il,  que  je  vcMidiois  luîrcnen|* 
bler.  Mais,  lui.dit«on,  il  n'a  vécu  que  trente  deux  ani. 
Ah  !  leprit-il,  n'èft  ce  pas  aflez  ^nand  on  a  conquis  de» 
soyaumes  \ 

Lors  de  fa  première  campagne  €0.1700,  comme  il 
B'avoit  jamais  entendu  de  fa  vie  de  moufqueterie,  il  de« 
manda  au  Major-géDéral  Stuart,  qui  fe  trou  voit  auprès 
de  lui,,  ce  que  c'étoit  que  ce  petit  fifRement  qu'il  entend- 
doit  à  Tes  oreilles?  C'èft  le  bruit  .que  font  le«  balles  de 
fufil  qu'on  vous  tire,,  lu^  dit  le. Major.  Bon^  dit  le  Roî^ 
te  fara-ick  âorénavAnt  ma  mufique.  Dans  le  même  in« 
•  ilant,  le  Major,  qui  expliquait  le  bruit  des  moufquetade^f 
en  reçut  une  dans  l'épaule^  et  un:  lieutenant  tomba  mort 
à  l'autre  coté  du  Roi. 

Ce  Prince  ayant  eu  un- cheval  tué  fous  l«i  à  la  bataillo 
de  Narva,  il  fauta  légèrement  fur  un  autre,  dtfant  gaie- 
ma  nty  Ces-  gent^i  mtf uni  faire  mes  exercicej-^ 

■  Au  fîège  de  Thoro,  ce  Prince,  dont  l'habit  étoit  tou* 
jours  fort  iîmple,  s'étdnt  avaocé  fort  près  avec  un  de  fe9 
généraux  iK>mmé  Liéven,  qui  étoit  vêtu  d'un  habit  bleu 
galonné  d'or,  il  craignit  que  ce  général  ne  fût  trop  ap» 
perçu,  il  lui  ordonna- de  fe  ranger  derrière  lui.  Liéven 
eonnoiâant  trop-  tard  fa  faute  d'avoir  mis  un  habit  remar- 
quable, et  craignant  paiement  pour  le  Roi$  héiitoit  s'il 
devoît  obéir.  Le  Rot  impatient^  le  prend  aufîîtôt  par 
-'le  bras,  fe  met  devant  lui  et  le  couvre  \  au  vahm^  infiant 
une  volée  de  canon  que  venoit  en  âafic,  renverfele  gépé* 
rai  mort  fur  la  place  que  le  Roi  quittoît  ST  peine.  La 
mort  de  cet  homme,  tué  précifément  au  lieu  de  lui,  parce 
iqu'il  vouloit  le  fauver^  affermit  Charles  dans  l'opinion, 

où 


4^4  CHARLES    XII. 

où  il  fiit  toute  h  vie,  <lc  b  pHdeaioBtioii  ablolue  ;  et  ce~ 
do{;me  qui  foroiirdt  ton  courege,  peut  luS  ktv'tr  3k  )at-m 
tifier  (et  témétitéi, 

C«  Ptioce  itoit  tffiégé  état  StraUb^d.  plue  fronder» 
dr  fct  Etati.  Ua  jour  qu'il  diâoil  de»  lettreiïua  i«- 
croire,  une  bombe  tomba  Aii  ta  m^Hoo,  pCTça  te  toit» 
et  vint  éclater  prHtle  la  cbambie  DBâoie  du  Roi.  .  L» 
aïoitié  do  planehci  tomba  en  piècet;  le  cabinet  oà  le  Roi 
diflmt  éciDt  pratiqué  eo  partie  dans  une  groOe  mnruj]?, 
ae  ïbuSVit  point  de  l'ébranlement  ;  et  par  un  bonheut 
itonaani,  nul  dea  ^lati  qui  tutoient  en  l'air,  a^otrà 
àaia  ce  cibiuct,  dont  la  (oite  étoit  ouverte.  Au  broit^ 
<fe  la  bombr,  et  au  fr>ca*  de  la  laaifoB  qui  fembloit  tmn- 
bar,  la  plume  écfaappa  des  inaiai  du  leciétitrc.  Qa'y 
B-t-il  donc  ?  lui  <Kt  Iç  Roi,  d'un  air  tranquille  {  pou> 
quoi  n 'écrives- vous  pas  i  Celui  ci  ne  put  répondra  qin, 
ces  mots  :  Eh  !  Sire^  la  bomb(.-r-£)i  bien,  répoodic  le 
Roi,  qu'j  de  oommun  la  bombe  avec  la  lettre  que.  je  vous 
diâe  !  CoBtiaucz. 

Prefquc  tou*  fci  princSpans  officier!  vfao%  été  tué)  oa 
bleScs  daoi  ce  fitgc,  le  Colonel  Baioirde  Reiebel,  apiJs 
tu  long  combat,  aceablé  de  veilles  et  de  fatigues,  l'étant. 

-— '  *" ' pour  prendre  une  heare  de  lepo»,  £ut 

ttrr  11  garde  du  le  rempart  ;  H  i'y  traîna 
fiaiitrtiè  du  Koiv  et  tant  dz,  btigues  fi 
inutiles.  Le  Roi,  qui  l'entàidit,  cou- 
Epouillant  de  fan  manteau  qu'il  étendit 
Tous  n'en  pouves  plus,  lui  dit  il,  mon 
j'ai  dbFinî  une  heure,  je  f^iis  Trais,  j* 
^ude  pour  vous;  dormez  j  je  vous- 
id  il  en  fera  tem|^."  Après  ces  mots 
.igié  lui,  le  laiffa  dormir,  et  alla  monter 

trop'  fenfible  à  la  gloire  tnilitaire  pour 
il  fïi  ennemis,  lorfqu'il»  les  raéritoieot. 
Irai  Saxon  lui  a^ant  échappé  par  de  la- 
is, dan*  une  cccafion  où.  cela  ne  devoït 
Prince  dit  hautement  SchuitmBourg  nou^i 

un  liège  ou  un  combat  on  lui  anonçoît 

}n'il  ellimoil,  et  qu'il  aimoit  le  plus,  il 

lépondoil 


ROI    DE    SUEDE.  465 

repondoît  fans  émotion  :  "  £h  bien.  Us  font  morts  eh 
braves  gens  pour  leur  prince/*  '  ' 

Ce  prince  difoit  à  Tes  foldats  :  '^  Mes  amis,  joignes 
**  Tennemî }  ne  tirez  point  :  c'èft  aux  poltrons  à  le  faire,** 

Charles  ayant,  en  1706,  forcé  les  Polonois  à  exclure  le 
Roi  Attgude  du  trône  où  !ls  Pavoîent  placé,  entra  en 
Saxe  pour  obliger  ce  Prince  lui  même  à  reconnoître  lear 
droits  du  fuccefieur  qu'on  lui  a  voit  donné.  Il  choifit  foti- 
camp  près  de  Lutzen,  champ  de  battaille  fameux  par  Ist 
TÎâoire  et  par  la  mort  de  Gui^ave  Adolphe.  11  alla  voir 
]a  place  on  ce  grand  homme  avoît  été  tué.  Quand  on 
Peut  conduit  fur  le  lieu  :  **  J'ai  lâché,  dit-il,  de  vivre 
**  comme  lui  ^  Dieu  m*accordera  peut-être  un  joux  une 
**  mort  auffi  glorieufe.** 

Un  jour  le  Roi  fe  promenant  à  cheval  près  de  LeipHc,' 
Bn  payfan  Saxon  vint  fe  jetter  à  Tes  pieds,  pour  lui  deman* 
der  judice  d*un  grenadier  qui  venoît  de  lui  enlevtr  ce 
qui  étoit  deiliné  pour  le  diner  de  fa  famille.  Le  Roi  fît: 
venir  le  foldat.  Eft-îl  vrai,  dit-il,  d'ua  vifage  févèfe, 
ique  vous  avez  v61é  cet  homme  ?  "  Sire,  dît  le  foldat^  je 
*^  ne  Jui  ai  pas  fait  tant  de  mal  que  votre  Majedé  en  ar 
"  fait  à  fon  maître  :  Vous  lui  avez  ôté  un  royaume  j  et  je 
**  n*ai  pris  à  ce  manant  qu*un  dindon.**  Le  Roi  donn» 
de  fa  propre  main  dix  ducats  au  payfan,  et  pardonfHr 
au  foldat,  en  faveur  de  la  hardieffe  du  bon  mot,  en  lui 
dîAint  :  **  Souviens- toi,  mon  ami,  que  fi  j*ai  ôté  un  roj- 
**  au  me  au  Roi  Augufte,  je  n*en  ai  rien  pris  pour  moi.^^ 

On  a  rapporté  cette  autre  anecdote.  Ce  Prince*  oc- 
cupé d'une  affaire  importante,  alla  de  grand  matin  chez 
£>n  Miniilre  pour  en  conférer  avec  lui.  Comme  il  étoit 
encore  au  lit,  ce  Prince  attendit  quelques  moments.  11  y 
avoit  auiiï  un  foldat  qui  attendoit  dans  l'antichambre  ; 
Châties  lui  fit  plufîeurs  que  fiions,  auxquelles  il  répondit 
indifféremment.  Enfin  on  ouvre,  le  Min iftre  fait  mille' 
excufes  à  fon  maître.  Le  foldat,  confus  de  lui  avoir 
parlé  avec  tant  de  liberté,  fe  jette  à  Tes  pieds,  et  lui  dît  : 

Sire,  pardonnez  moi,  je  vous  ai  pris  pour  un  homme.'* 

Il  n*y  a  pas  de  mal,  repondit  Charles  j    rien  ne  ref* 

fcmbie  plus  à  un  homme  qu*un  Roi.'* 

Charles,  pour  tout  amufement  dans  fa  retraite  de  Ben» 
der  en  Turquie,  jouoit  quelquefois  aux  échecs.  Si  les 
petites  chofes^dit  l'hiftoiien  de  fa  vie,  peignent  les  hom« 


46i  CHARLES    XIU 

9MS,  il  eft  penali  de  r^ppcirf  er,  qti'tl  tetoh  louJ9on 
cher  le  Roi  à  ce  jeu  ;   il  »*en  (êc voit  plus  que  des  autr^ 
pièces»  et  par-là  il  perdoii  t<HUf  s  les  parties. 

Lt$  hiftoriens  ont  loué  la  libéralité  de  ce  Pripçe  ^  «aais 
M  I9  pouflbit  h  l'excès,  ^tiofi  que  fes  autres  vertus.    Gro- 
tbufen,  fon  favori  et  fou  tréfôrier,  étoit-  le  dirpeo{atevr 
4^  fes  libéralités,     C'étoit  uq  bçmme  qui  aiç^çit  autant 
%  doQixer  qae  fon  maître.     Il  lut  apporta  vn  jçur  un 
compte  de  foixante  et  dix  pûHe  éçus  en.  dcifx  iigçcs:  Dix  . 
mille  écu9  donnés  aux  Suédois  et  aux  JapifiTaires  par  les 
ordres  généreux  de  fa  Majefté  ;    et  le  refte  mangé  paw 
spoi,     **  Voilà  comme  j^ime  que  mes  amis  me  rendent 
**  leurs  comptes»  dit  ce  Prince  :  MuUeri)  n^e  fait  Vue  des 
*^  pages  entières  pour  des  fommes  de  dtK  mille  lr^nes> 
••  j'aime  mieux  le  ftylc  laconique  de  Çrotbi^feo." 

Un  de  fes  vieux  officies!»  foupço«aé  d'être  ua  pei% 
avare,  fe  plaignit  à  lui  de  ce  que  fa  Majefté  dopn^îl  tout 
^  Grothufen  :  **  Je  ne  donne  de  l'argcuaty  rçpo^djt  le 
"  Roi,  qu'à  ceux  qui  Hivënt  en  faire  uiage..'* 

La  PrinceSe  ilUbomiriKit  qui  étoit  dent  (e^. intérêts  et 
dans  les  bonnes  grâces  du'  Roi  Attgnftei  ennemi  de  la 
$uède,  avoit  pris  la  route  d'Allemagne  pour  f^if  les  bpr« 
Yeurs  de  la  guerre  cruelle  qui  déioloit  la  Pologne  en  1795» 
Hagen*  Lieutenant  colonel  3uédoi9y  averti  de  ce  yoynge,' 
fe  mit  eç  ambufcade,  et  k  rendit  abattre  de  la  Princeffe, 
de  Tes  équipages,  de  fes  pierreries,  de.  fa  vaiffelle^  de  foie 
argent  comptant,  objets  tièf  coniidérabJrs»  Çbfurles  XII* 
inltruit  de  cette  avanture,  écrivit  de  fa  propre  majn  à  M« 
Hagen  :  ^*  Comme  |e  ne  f^is  pas  la  guerre  aux  darnes^  1« 
*^  Lieutenant- colonel  remettra,  suiTuot  ma  préfeo^e  re-* 
''  çue,  fa  prifonnière  en  liberté,,  et  lui  rendra  tout  ce  qui 
<'  lui  appartient  *,  et  fi  pour  le  rePe  du  cliemin  elfe  na 
*^  fe  croit  pasaiTez.en  fureté,  le  Lieutenant  colonel  Tefcor* 
*'  tera  ittfques  fur  la  frontière  de  Sase." 

Quoique  Charles  fût^  peut-être^  l'homme  le  pkis  frugat 
de  ion  armée,  un  Cdldat  mécontent  ofa  lui  p.réfenter  ua 
jour  du  pain  noir  et  moi6,  fait  d'orge  et  d'avoine^  feulé 
nourriture  que  les  troupes  eoflent  allors,  et  dont  elles 
manquoient  même  fouvent.  Le  Roi  rççttt  le  morceau 
de  pain  fans  s'émouvoir,  le  mangea  tout  entier,  et  dit  en« 
fuite  froidement  au  foldat.  //  n^efi  pat  bon^  mQts  it Pfvt 
fi^moièger.     C'èil  pac  de  femblables  traits  que  ce  Prince 

fefolt 


,  ROÎ    »fe    èÛÈÏ)È.  4«y 

leJbtt  to|>|Jortëi^  H  fo*  àrtiïée^  ûts  éntéMléà  qui  eufient 
4^té  iijtolé^àble)  fôtis  tôUt  aatre  g^éràl. 

Sa  témérité-,  qui  Vnvtnt  fi  fûavéfit  «xpoffé  M  h  fnoh,  \t 
lui  fit  ébfiti  troUrër  au  fiègé  dé  FrédéntkOiall,  16  1 1.  Dé« 
ctmbrè  ^718,  lorfqu^il  viGtott  ftiir  lés  tteuf  heures  du  foie 
ks  travBùJc  du  fiègt  à  là  lueur  de!^  étoilts.  Une  balle 
4|ai  l*àtteighit  à  la  téitiple  droite  le  fit  eipîfer  iubitemeKit; 
CepeûdâAt  il  eut  encore  la  force  de  inettre,  par  un  môu* 
rèment  nattirél,  k  iàùn  fur  la  ^àrdé  dé  Ton  épée.  A  ce 
ijpeaàtle,  Piugéùîeur  Mégrfet,  homttrt  fingulier  et  indîfltS; 
r^nt,  dit  %  ceux  qui  fe  trouvèrent  prèfents  :.  yoiB  Ai  pièce 


M.L. 


STANISLAS    I.  Rw  A  Pologne. 

STANISLAS  avoit  contowede  dîre^  qu^une  féale  vbr« 
ta  Taut  mieux  4u\ih  fiècle  d^âyèUTt.  Ce  ferbit  ihaj 
répondre  à  un  feattatent  fi  fublime  que  de  s^occuper  à 
prouver  ranctenueté  de  fa  aiaîfon.  Ce  ^ratid  Prince  ne 
fe  rappelloit  là  gloire  defes  ancêtres  que  pour  s^excitet  à 
rhéroifme.  ^  Son  éducation  fut  pénible  et  labbricufeV 
CoBvainctt  {Mit  les  événvaients  pénibles  de  fft  vie,  que  Ponî 
change  plutôt  fe»  défirs  que  l'ordre  dés  chofes,  il  nVn- 
chaina  jainafs  ton  bonheur  à  la  fbrtùney  et  .l*àtténdit  du 
plarfir  Hful  de  faire  du  bien.  Rendre  les  hon^mes  heu- 
reux étoit  le  principe  de  tontes- fes  aéiions  :  fa  valeur,  fà' 
'  magnanimité,  fon  économie  même,  decoulolent  d'une 
fource  fi  pure.  Combien  d'établifiements  utiles,  d'édi- 
fices fupberbes,  d'émbelltfiements  de  toute  efpèce  créés  dé 
fes  propres  deniers  pour  la  gloire  et  l'utilité  de  là  Lor- 
raine !  Un  Athénien  fe  féticîtoît  d'être  né  dû  temps  de 
Socrates  ;  tous  les  Lorrains  fe  regardoient  heureux  d^ètre 
nés  fous  le  ^ègne  de  Staniflas.  Doux-,  affable,  compatif- 
fant,  il  s'entretenoit  avec  &s  fujets  comme  avec  fes  égaux  ; 
il  partageoit  leurs  peines,  et  les  confoloit  en  père  tendre. 
Son  peuple  ne  l'a ppelloit*  autrement  que  Staniflas  le 
Bienfatfant^  titre  qui  ne  peut  être  comparé  qu'à  celui  de 
Bien-jiiimé,  Ce  Prince,  après  nous  avoir  donné,  pen- 
dant fa  vie,  l'exemple  de  toutes  les  vertus,  nous  in(truit 
encore  après  fa  mort,  dans  les  écrits  qu'il  a  laifles,  et  qui 
ont  été  rafiemblés  eu  quatre  volumes  m  8vo>  et  in  1 2ino, 

fôua 


*    .STANIStAS    I. 

hommes  a  voit  une  phyfionomie  def  plas  lietirrufeiy  et  qui 
IKUionçoît  tomu  la  candeur  de  fon  ftme.    Comme  il  avoit 
beaucoup  jdVfprit  et  de  lumières,  xi  protégea  d*u&e  maoi« 
^e  particulière  les  fciences  et  les  arts^  qu'il  culttvoit  Isi- 
m^ae  aveo  fuccès.   S*il  n'avoit  été  <|a^ttn  fimple  particu- 
lier, on  le  lou€roit  ici  de  £bs  48leiiltipour  la  méchaoiquft. 
Staoiilas  eut  le  rare  arantage  de  ttcaver^daits  un  ]ȏrc 
tendre  un  ami  éclairéy.qui  fe  rendît  le  coqapagnoai  «F^tàdee 
de  fon  filS|  pour  Paider  plus  facilement  dans  fa  maicke. 
Xe  jeune  Staniflas  récompenia  ces  foin»  paternels  par  Jes 
progrès  les  plus  rapides  dans  lés  fcieaccs  et  dans  la-vertu* 
A  rage  de  dix  neuf  ans  il  difcuta  dans  les  diètes,  avtcU 
plus  vive  éloquence,  les  intérêts.de  la  Pologne*     "  Stani£- 
*^  las  Lefczyoiki,  eerivoit  alors  TÉveque  de  Warmie, 

V  èA  regardé  parmi  nous  comme:-  Thonnenr  de  notre^par 
^  trie  :  On  pourrait  Tappeller  les  délices  dugenrehu- 
**  mtiin.  Une  heureufc  facUtté  de  okoeurs  qui  éclate  dans 
**  Tes  difcours  et  dans  ces  manières,,  lui  ibumet  générale* 

V  ment  tous  les  coeurs»  Je  ne  doute. point  qu'il  ne  foit 
'*  né  pour  être  la  gloire  de. fon  fièçle }  du  moinar  èiUil 

V  dès  à  préient  la  joie  de  fa  nation.     6a  naiffaace,.vtottt« 

V  diftinguée qu'elle èfty  n'èft  point. ait«deffixs  defearer* 
*^  tus  ^  et  les  vertu»  font  infinimeat  «««deffus  tk  fon  ^gCm 
**  Dans  la  première  âeur  de  fftjeuneie^  on  voit  édore 
**  les  fruits  d'un  >  âge  avancé  \  et,  pour  tout  dire  en  un 
*^  mot,  tout'  è(l*grand  en  lui  :  Son  caraélèret  fon  génie, 
**.  k$  fentiments,  et  jufqu^à  l'eipoir  quHl  donne  à  nos 

V  peuples  des  avantages  qu'il  peut  un  jour  leur  procu^ 

V  rer." 

£n  1704,  Staniilas  fut  député  par  l'afiemblée  de  Var* 
fovie  auprès  de  Charles  XI !•  Roi  de  iioede^  qui  venott 
de^  conquérir  la  Pologne  et  de  détrôner  Frédéric  Au- 
gutie.  Stanîfias  étoit  alors  âgé  de  vingt *fept  ans,  Paia* 
tin  de  Pofnanie»  et  avoit  été  àmbafiadeur  extraordinaire 
auprès  du  Grand  Seigneur  en- 1699.  Charles  témôig^sa 
pluiieurs  fois  la  fadsfaâioo  et  l'étonnement  que  lui  tsan^ 
foîent  Tair  plein'  de  nobleife  et  le  mérite .  fupcrfeur  du 
jeune  député.  11  dit  un  jour  -  en  Portant  d Vue  longue 
conférence  avec  StanifUs.  .  *'  Qu'il  n'avoit  jamais  vu 
**  d'homme  û  propre  h  concilier  tous  les  partis  9"  et  ÎL 
ajouta  y  '<  Voilà  celui  qui  fera  toujours  mou  ami."     On 

s'appcrçut 


ROI    DE    POLO  GLE.  ^89 

VappeH;ui  bientôt  wprhi  que  ces  pavolet  figpsifioîeiit,  Voilà 
cçlm  que  je  dooDcjai  ^ur  Roi  à  la  Pologne.  ' 

Le  prinuit  de  Pelogae  étoit  acccMiru  pour  faire  tomber 
le  choix  du  conquérant  fur  xua  Lubomirfki.  11  tepréfea- 
ta  que  Suniâ^s  Leicayaikt  étoit  trop  jeune  :  ''  Mais  il 
*^  hh  à<  peu- près  de  raoa  âge/^  répliqua  »èchement  Charlea 
XIL  tt  auflttôt  il  envoya  le  Comte  de  Hoorn  figniâer  à 
raffemblée.dc  Varfovie  quUl  falloît  élire  un  roi  dans  cinq 
jouis,  et  qu'il  falloît  élire  Staniflas  LcÇczjniku  Le  Car* 
dinal  Primat  ne  voulat  point  fe  trouver  à  Teleélion  s 
VËvêque  de  Pofnanle  viat.  prefîder  h  raiTemblée  à  1& 
placodu  Primat,  et  proclama  le  12  Juillet  1704  Stanif^ 
las  h  Roi  de  Pologne,  et  Grand  Duc  de  Lithuanle.  Ce 
ne  fut  néao  notas  que  le  4  O^obre  d.;  J'aunéc  fui  vante 
qu^il  fut  couronné  par  1*  Archevêque  de  Leoppld,  et  en 
•  ^éfeiice  du  Roi  4e  Suède,  qui  voulut  être  témoin  de, 
cette  cérémonie. 

.  Le  nouveau  Roi  fuivit  Charles  XII.  eu  Saxe,  où  il  7 
cutisn  1706,  après  plufieurs  combats,  un  traité  de  paix, 
conclu  entic  les  deux  Rois  d'une  part,  et  le  Roi  Auguile, 
qui  renonça  à  la  coaioane  de  Pologne,  et  reconnut  btanîiV 
krs  pour  k^ittme  Souverain  de  cet  Etat.  Mais  tous  les' 
trophées  du  conquérant  du  Nord  ayant  été  rcnverfés  en 
un  fettl  jour  à  la  bataille  de  Pulta«^a  le  28  Juin  1709. 
Augufte  oublia  bientôt  fos  engagements.  La  Pologne  fe 
vit  de  nouveau  déclarée  par  fes  propres  mains,  et  par, 
celles  des  Mofcovites  vainqueurs  de  Charles  Xil.  Stanii'« 
las,  touché  des  malheurs  des  Polonois,  et  ne  pouvant  plus 
fe  flatter  de  joUir  d'u<ae  paix  qui  lui  laifsât  les  moyens  de 
rendre  fou  peuple  heureux,  ambitionna  la  feuU  gloire  qui 
lui  reitoit,  ceUe  de  facrifier  «une  couronne  à  fa  patrie.  IL 
avoit  écrit  à  Charles  XII.  pouravoir  ion  confentement  ; 
et  comme  ce  Roi  refufoit  d'approuver  une  telle  dé  nar- 
cke,  Scaaiilas  alla  à  Bender^  où  Charles  s'étoit  retiré . 
après  fa  défaite.  Staniilas,  pour  mieux  couvrir  fa  mar- 
che, fe  difoit  un  SuéStois  envoyé  vers  fon  fouverain.  Il 
ignoorolt  que  Charles  avoit  été  fait  prifonaicr,  et  i!  fut  lui- 
même  arrêté  par  les  Turcs.  Le  monarque  Suédois,  dans 
là  captivité,  agifibit  et  penfoit  encore  en  roi  et  ta  vain* 
queur.  11  fit  dire  à  StaniUas  de  ne  faire  aucun  «raiié 
avec  Auguâe,  et  lui  promit  de  le  rétablir  incelTamm^nt 
fur  le  trône  où  il  Tavoit  déjà  placé.  Maïs  fes  proinefTes 
furent  raiaes.    Charles  délefpérant  de  pouvoir  antier  les 

R  f  Turci 


470  S  T  A  N  I  &  L  A  S    I; 

^Vnrtt  et>fitre  les  Mofeovîtet,  dcmtindft  fa  fiberCé,  et  Pob^ 
t}nt  fadlement  :  11  rep&ffa  dans  les  Etat».  Ce.Rai  affig- 
na  pour  retraite  à  Staoifks  le  duché  -des  Deox'PoiK5,  et 
lui  céda  les  rcTenus  de  cette  provinee. 

Après  la  mort  de  Charles,  tué  devant  Frédéfickihiill 
en  1718,  le  duché  des  Deux  Ponts  retoanna  h^»h  Frince 
de  Ik  Maifon  Palatine      StaisifUs^  obligé  d^ea  hf^4  fe 
«et ira  à  Weiflembourg;  dans  PAKace  Françotfe.    Le  Roi 
Au^ufte  ajant  fait,  à  cette  ooca&on,  porter  dea^lasates  h 
la  Cour  de  France  par  M.  Sum,  le  Duc  d^'OHéans*  alora 
régent,  répondît  à  Penvoyé  ces  parole$   TcHmTi^vables  z 
**  Monfieur,  mandex  au  Roi  Votre  mattre,  que  la  Fiante 
•••  a  toujours  été  Paiîle  des  Rois  malheureux/' 

tStanîilas  vécut  dans  fa  retraite  jurqu'eii  27^5,  que  U 
PrincefTe  Mam  fa  fiWti^  le  feul  des^  enfafitaqui  lui  relloit, 
époufa  Louis  XV.  Après  la  mort  du  Roi  Atiguile,  la 
France  voulut  placer  de  nouveau  Stanîâas  fur  le  trône 
de  Pologne  ',  maUTon  ikit  que  cette  tetuttitive  eut- le  fuc- 
cès  que  Stanrflas  avoit  prévu,  qii^ii  svoktncme  annoncé. 
Le  parti  qui  Psvoit  proclamé  'Roî,  fut  obitgéde^eéder 
aux  forces  réui»îes  de  P-fimperetir  Charles  VI.  «t  de  Pin»* 
pératrice  de  HuiBe.  ^  Nos  malheurs,  éerivott  ab>r8  ts^ 
^  tendre  père  à  la  plus  vertueufedes  -filles,  nos  malheurs 
''  ne  font  grands  qu'aux  jeux  de  la  préveotâon^  qjii  n'en 
^  connoît  point  au-delTus  de  la  perte  d'trne  coitroaitt. 
♦•  Dois  je  âvancçt  la  main  pour  4a  reprendre  ?  Non  ;  il 
•*  vaut  tnieux  attendre  les  vues  de  la  Provideoee,  et  nous 
•*  convaincre  du  vuide  et  du  néant  des  chofrs  d'ici  bas.*' 

Danttig  avoit  donné  une  retraite,  à  Stanîflas -apiès  fa 
déftiite.  Cette  viilc  fe  vît  hîentôt  itivcAie.de  tous  les 
côtés.  Bile  fut  prife,  et  Staaîflas  obligé  de  fuir,  après 
a\'ok  vu  fa  tête  mifc  à  prix  dans  fa  propre  patrie  par  le 
général  des  Mofcovitc».  Ce  Prince  n^échappaaux  périls 
lans  nombre  qui  le  menaçoîent,  qu'à  k  faveur  de  plus 
d'un  dcgnifement.  Le  deflein  dec^e  retraite  avoit  été 
concerté  avec  le  Marquis  de  Monti,  Ambaffadeur  tle 
France  :  Mais  une  partie  du  dégui(ement  ma^quolt  :  Et 
Staniilas  épro  u  va  ^  qu'une  bagatelle  hù  quelquefois  capable 
de  faire  échouer  les  plosgranda  projets.  Un  habit  ufé, 
et  tel  qu'il  convenoit  au  r61e  que  ce  Prince  étok  obligé  de 
jouer,  une  chcmife  de  grofle  toiie,  un  bonnet  des  j.lus 
ilmple^,  uni;{àton  d'une  épine  rude  et  mai  poiie,  enfilé 

d'us^ 


ROI   dDE    POLOGNE.  4^^ 

d'un  cordon  de  eûti'^  étoîc^t  déjn  prêts  -y  Pon  n^alteiKloit 
<]ue  des  bottes  d^nt  il  ^ût  Ce  fcrvù)   pour  1«  mieux  faire 
jreiSsmbltr  aux   p&^fàns  de  ces  cantons^  qui  font  dans 
Pufage  dVn  porter  €n  tout  temps.    Oaœ  voulolt  pas  ea 
^vafiloftv  jde  neuves  y  et  PAmlûifîadettr  da  France  »*oc- 
cupoit  depuis  deuk  yoMs  ^  mofûrer  de  Poeil  |0ut^  lef 
jftm^es  des  OfRqi&M  de  U  g^^araifoni    Les  bottes  d^ui^  of<- 
ficier  François  luî.parur6nt  à  peu^près  aufil  groffes  et  9ui|^ 
•liannècement  ufêes.  quHl  le  fottfaaitoit  ;  mais  il  i>'ofoit  fe 
réfoudre  à  les  demander..     Qu'aurèit-anpeoCc  de  cett^ 
eovie  ?  £t  dans  ies  ckrcooftanoes  où  fe  trouvoit  Staniflas, 
iv*aurolt*eHe  pas  aidé  à  dé>soi»vrir  Topa  d«â«ij)  ?  Le  fittiniv 
Are  prit  ]e  parti  de  gagner,. par.  iso  4e  les  gensi  le  v^let 
<3e  cet  offieieF,  qui  vola  les  bottei)»  et  Us  Vendit»    ,  Elles 
forent    apportées  ua«  J&eurs.M'ant  Je-dépait.    '  Ce  vàl  ' 
ItnpûTtanty  qui  avoh   tt«écité  la  Hié^ociatioa   d'*un  aia« 
baâFadeufi  n'a^t  pu  «V^écutev  pkis-tôt.       Mais  le  Roi 
ne  put  tes  isottire  ',  il*  fallut  en  «voir  d^aulres:  Il  dptmni^ 
doit,  il  cherchoity  il  envqyQÎt  é&.  toua  c6tc9»  lorfqu.e  par 
ba'zard  il  t]r6u?a  fous  ia.  luàindea  bottes  d^un  de  fes  do* 
meftiqaes  qii^on' eut  dit  fcite»  e»près^      Staniilas  U^ 
snitvatnfi  que  le  Tede  de  Ion.  accoutrement»       Son    air 
ivobie^  et  la  féréoîtédie'fon  fir^t,  pouvoleiit  ieul)  le  trit<- 
bir  :  .Mais  robfcurîté  de  la  nuit  le  favorifoit*    11  fortit  èk 
éix  heures  du  foir  de  la  malfon  de  PAsnba (fadeur  par  un 
efcaliev  dérobé.     A<pem«  Stajcûflas  eut-il  defcendu  quel- 
ques marrhcs^  que  ce  bon  Prince  voulant  rafforet  le  Mar* 
quis  de  Monti  fur  les  craintes  que  lut  donnait  cette  re« 
traite,  et  délirant  «ifuyec  <fes  larmes,  remonta»  et  frappa  II 
la  porte  que  rAmbaiFadeur  avolt  refermée  fans  bruit.  11  \ 
étoit  alors  proftetné  àterfe^  et  parées  prières  ferventes 
il  demandoit  au  Seigneur^  qu^ii  voulût  bien  être  le  guide 
du  Monarque  fugitif  dans    uh   voyage  aufti  dangereux. 
-  Sourd  aux  premiers  coups,  il  fe  lève  en6n,  et  ouvrant  la 
,  porte  :  *'  Qu'èfl  ce  donc,  aire  f  s'ècria-t41  *,  malgré  tous- 
**  mes  foins»   aurois-je  oublié  qu^que  choCe  dont  votre 
*'  Majeflé  eût  encore  bcfoin  ?  *'    Oui,  M<Hïficur,  reprit 
^'  Staniâas,  d'un  air'auflî  férieux  qu^il  lui  fut  pbifible  ; 
*^  une  chah  très-knportante  et  très  acceiTaire:  Vous  n^a* 
*^  vez  pas  fongé  qu'il  me  falloit  mon  cordon  bltu.    Eil- 
^*  il  de  la  bien féance  que  je  néglige  de  le  mettre  dans 
^  une  oocaûoa comice  celle-ci?''  RcpTer.fiQt  aufîkôtfon 

Kx  Z'  CXI- 


472  STANISLAS    h 

cnjovement  erdînûre^  et  oo  ton  pleki  éTumklé  r  ^*  Je 
*'  viens,  kû  dit-i],  vooi  embfsfler  de  nouveau*  «t  vous 
^  prier  de  vous  réfigncr  Mtant  qne  îe  le  fais  à  la  Provi- 
**  dence,  à  laquelle  je  remets  entièrement  nieo  fort.*^ 
.,'On  aîneroît  à  fume  ce  Prince  dan»  tous  les  év^semcnts 
de  fa  retraite  ;  mats  il  faut  lire  la  relation  quHl  en  a  lofi- 
nséme  donode.  tt  qu'il  n  écfite  avec  une  gaieté  vmitncâe 
fthilofopbique. 

Lts  négociations  fecrette»  qui  fe  tenoient  entre  1»  Coor 
de  Vienne  et  c^Ile  de  France,  tenntnérent,  en  1736/ ces 
différents  qui  «voient  eanfé  tant  de  troubles  ft  la  Pologne* 
Il  fut  dit  dans  le  premier  article  âts  préHnotnaires  de  poix 
figoé  entre  l*£flaperf  nr  et  le  Roi  de  France  :  **  Que  le 
<"*  Roi  Staniflasabdiquernît  ;  «pals  qnHl  fcrott  rrconnti 
"  Roi  de  Pologne  et  Grand  Duc  de  Litbuanle,  et  qu^il 
^  en  conferveroit  les  titres  et  I«s  honneurs  ;  qu^on  Im 
**  reflîtuéroît  fcs  biens  et  ceux  de  la  Reine  fon  époofe, 
*'  dent  ils  aHroient  la  libi'e  joulflaoee  et  d'ifpofîtton  qu'rî 
''  y  auroit  en  Pologne  une  annedie  de  tout  le  paffé,  et 
**  q,ue  chacun  j  feroit  rétabli  dans  tous  Tes  biens»  droits, 
^  et  privilèges  -,  que  TEledeut  de  Sa:i^e  feroh  reconflti 
V  Roi  de  Poloi^ne  et  Grand  Dnc  de  LitKuanie,  pèr 
*'  toutes  les  PuifTances.qui  accéder  oient  aU  trattéde  paix-; 
'  ^^  qu*à  regard  du  Roi  Staniâas,  il  feroit  ws  en  paifible 
*^  poileffion  du  duché  de  Lorraine  et  de  Bar  ;  mats- 
*'  qn'tmnîcdrateiTient  aprè»  la  mort  de>«e  Prince^  ces 
**  ëoçhés  fer  oient  léunis  en  pleine  fou  verainté,  pour  toii- 
**  jours,  à  la  couronne  de  France.** 

.i&taniilas  fuccédeit  dans  la  Lorraine  ^  des  Prince  chéris 
qu'elle  rég^rettoit  ttoua  les  jours.  Le  Roi  de  Pologne  ar- 
riva, -et  ces  peuples  retrouvèoent  en  loi  leurs  anciens 
tnaîtres."  il  goûta-  pour  Iops  le  plailir  qn*tl  avoit  fi.long^- 
tetnpfi  défiré,  de  fuira  des  heureux..  11  auroit  cru,  cooi« 
me  'litusy  perdre  un  jour;  «^il  ne  l*avott  pas  fignalé  par 
quciqoe  bienfait.  M'ais  ce  Prince  échiifé  favoit  que  la 
bienfaifance^du  fotinreraindoit  toujours  avoi»  le  plus  grand 
nosabre  pour  objets  et  qu^une  grâce  que  la  £sveur  feute 
accorde  à  un  particulier^èflune  injuilicendte  au  peuplé. 
21  a  fondé  des  collegeS)  bâiides  hôpitaux,  formé  des  dots 
pour  de  pauvres  filles,  lia  entbelli  les  villes  de  Nanci  et 
de  Lune  ville  de  places,  de  fontaines,  d*édtficed  publics, 
qui  ne  contribu«ut  pas  moins,  à  l'ornement  de  ctT  villes   ' 

-qu'^ 


^M^\  la  tbffitAOdfiH^ée  kn  babîtâQt»;  Set  pakift;  fe«' jtwdîiTs, 
"ëfiVolAit^^^MnSèâes  en  fmt  geace-de  ce  beau:  fimplè, 
tft!li);Yilb!kx]f«»-qài' anooiice  )n  gmit  éclairé  du  maître, 
I>'^  reVéfiUs  de  Sran^bs  étoîent  modiques  ;  cependaiit, 
'iùkf^fc^^h' ^c^laii  "^pfféciec  ce  que  ce  bon  Priace  fefoU, 
>««k^  ïe  «tojdltt'^ptlii^  riche  poltntat  dt  l*£ttcope.  Ufol^ 
^fw4^' é0itnw^xas  eK^nsf  le  de  cettae  époAomîe  iàge  et  ra»^ 
fonnée  qui  lui  fefott  faire  de  fi  grandes*  chofesv  Cis 
«F^rtctl  b  ddtlAé  mric  mac^ftrat»^  de  la  villede  Bar  dix 
^]]é  éétif)  qar  ^doivest  être  eroplo^^  achtter  du  bkd 
^<friqûHl  ifl4i  bfié  prix,  pour  3e revendre  atlx  pauvres  à  nia 
^K  médfocfe,  quand*  U  eft  monté  à -^un  certain  point  de 
t^herté.  Par  cer  arydogéroent  la  iomme  augmente  toiïa 
iei  jours,  et  bientôt  on  poursa  k  départie  fiur  d'autreï 
^ndtoks  ^  H  proviifce. 


*i  E  R  R'E  A  L  E  X  i  O  W  l'TZ,  (kôaride  Mafcavie, 

■'■"'••  '  ■    • 

If  tEMP&^^UR  FlEBjR:E J. éioit d^unetàilkhasute : 
JLj  îlavt^tiuRedénMlrcbefière,  Pair  nëble,  vif,  (piri. 
ïTOnÀ-y  le Ttgtf rd  ru de^  «t  ^mcertaiatie  défagréable,  qui 
ailtérevt  feuiKciit: les  traita  de  Ton:  viiage.  II  parlott  arec 
ifeuq  s^ex^pMmoit  vpftaîm\ké\  et  fbuv^nt  il  baranguoît 
fès  tiocip^ft,  fott  €onibtl;^kc)erg4«  Souverain  tt  orateur^ 
e^s*  deni;  qoatftée  lui  donnoient  un  al^iidant' auquel  il 
étoit  di^iSe  de  refiilér,  Simphe-dans  fes-^moeurs  tt  dans 
Êi  tmur;  'û  ùiéprif^tb  l'éclat  et< le  fâilec  €?ébait  le  Pmce 
Mei>xsioél^>r(Ki'^orî^  qu^tl  charfçeoât  de  Je  repréfenter  pav' 
mve  magniécence  extraotdimiîrc.  Jamais  \k^  n'y  eut 
d'homme  prl us  a^ift;  phj»  labtirieux,  pluse^entreprenant^ 
plws  infatigable.  il  eoniptoit,  non*  fcB  jours;  mats  fes 
mement^,<et  il  it'ftvoit  à^regretter  la  perte  idVuciiih.  La 
^etae  et  le  danger  «c  i^effira y owmr  point*  Les  mojren»^ 
les  plus  extraordiiYatreav  Ws<  plus  prompts,  et^  les  plus  ef- 
ficaces, ét<»ent'toujfmrst';cens  quHi  préiéroit  pour  iêisa 
véuflVr  Ces  projets.  Airr^y  pour  introduire  ladif^ipltne 
dans  les  troupes,  ibit  fur  trrre,.roit  fur  mer»  il  comme n ça ^ 
par  es^ercer  lui-même  bes  plus  bas  emplois.  Lorîqu^^ 
établit  des  gens  pour  porter  du-fecoufs^dans  lesincendrsg., 
qiie  P4n  &tt  être  fort  fréquentes  en  Moicovie,  il  prit  ]^> 
fk-emier  uiie  de  ces  commilTipns  périlUufcs)  e^dani  p]^^^, 


474        PiERRE   AITEXIOWITZ, 

d'an«  occafon,  on  le  rit,  non  Ams  effî^î^  monter  av«e  Tr 
hache  au  hatft  des  msffons  cmbrafét»  qui  Vécrou^diit. 
Sa  préfence  fembloft^lfe  neceflahre  ou  de  quelque  utilité 
dans  une  partie  de'To»  Etnpirf ,  nsfittèt-il  pattoit  fm^dée» 
iai,  fans  fuite,  et  volott  avee  une  rapidité  ineoneevable 
de  l'extrémité  dé  l*'£arope  aa*coeurde  l*Afic»>  Son  n^y^ 
^R^  ^^  plu9  fréquent  étoh  de  franciiîr  l'sntecvalle  de^  Pé^ 
lerfboQrjç  à  Mofcow,  qui  èft  de  denr  centlieiief.eoni9iu-« 
nés  de  France,  comme  un  autre  Prînoc  pafie  de  fon  pas» 
lais  aune  noaifon  de  phtifaoee.  Ses  peapte»  lecrojoîtt&t 
toujours  prêt  d'amver  pairmi  eux.  Sou  aâivito  le  rnuki* 
pHoit  en  quelque  forte,  et  le  rendoit  préfent  dans  toute 
la  vafle  étendre  de  fes  Etats.  Ce  Prince  avoct^^par  un  ac« 
cident  qui  lui  éroit  arrivé  dans  fa  jeuoefie^  une  antipathie 
extrènye  pour  Peau  :  Il  fut  combattre  cette,  frafy eu r,  et' 
s'en  dépouiller  au  point  qu'il  fit  fes  plus  grands  plaifîts^ 
de  la  marine.  Pierre  Alexfowitz  ne  triompha  pas  aufli 
heureufement  des  vices  de  fon  naturel  ei^ de,  fea  édocatilk 
On.  Ce  Prince  étoit  eitlrême  dan»  fa  haine,  danlia  ven* 
geance,  dans  fes  pkifirs.  11  prit  avec  les  jeunes  débau» 
thésy  que  la  PriacefTe  Sophîe^atroit  rais  autour  dt  lui»  ui^ 
goût  immodéré  ponr  le  vin  et  les  Hquears  fostes^  Cet 
excès  de  k  b&HTon  ruina  fon  tes^érament»  kit  mit  le  feu 
dans  le  fang,  et  le  rendit  fujet  à  des  tranfports^e  ibieor^ 
dans  Icfquels^  il^  ne  fe  connoifibit  point.  L&  fbrt  étoit  lo 
feul  de  fes  ^vorts  qui  avoit  aior^  le  pouvctir  ou  'le.cou<> 
liige  de  le  dompter,  de  Par<rètervet  de  lui  reprocher,  avca 
force  fer  violences^  La>  rotx  de  I? Impératrice  Catherine 
étoit  encore  un  charmé  très^putâant  pGur  rétablir*  le. cal* 
me  dans  fes  fetnS'iigîtés^  pour  le  rapeiler  aux  feotime&tj» 
d'humanité,  aux^  principes  de  verta,  àlui  mâme..  11  s'ap^ 
paifoit  en  rougiflant  de  ces  emportements  ^ûà volontaires^ 
et  s'écrioit  avec  conRifîon  et  avec  douleur:  H^s!  JImu^ 

'  Pût  pu  réformer  ma  nation^  ei-Ji  m  fourrai  me^^former^ 
moÀ-irnêmei  Pierre  le  Grand  étoit  devïcnu-le  plus  ravai>jbe 
de  fon  Empire;    iLparlok^pItiôeurs  langues^  et  s^étoieutt 

,  rendu  hftbile  dans  les  mathématiques,  Ja  phyfiqiie,  et  la< 
gîëographie.  Il  avoit  appris  juiqiu'à^  la  cfair^irgîe,  qu'iL 
exerça  plus  d'untf  fois  a^rec  Cucc^  -•  Les  projets  Jes^  plus 
va  (tes  ne  l'étonnoient  point  ;  et  il  les  fuivoit  avec  une  aiv 
deur,  avec  une  confiance^  qui  leur  ôtoienttout  ce  qu^Is- 
paroiffolent  avoir  d'abord  de  cbimériqjoe.     C'èli  \t^  hac^^ 


CZA'R.  DE    MOSCOVIE.         4}f 

Aefe  de  fim  géaîe,  <'èft'la  pafl^cm  pourries  chofes  eaitra« 
ondiiuûres  qui  lui  firent- entreprendre  et  eiiécAter,  en  peu 
d*année^.  }>  .saiiftamorphore  étonamate  'et<  fubîte  d'vm 
people  grofiiex.  et  hai^iajr,  en  nn  peuple  éclairé  et  policé. 
ToBt  fa  gloire  fat  utile  ikfa  patiicu  L^hîQoîre  a'ofFrisa 
.  Traifemlilablettent  ;  qur  cet  -  esitnple  uniqi>e  d^un  £ni- 
pevieuif  qui  descende  dutt^é  pour  aller  thet  des  na« 
tioB»  étrasgères, ..  traraHlef  comme  un  fimple  meree^ 
nairc  dans  les  attdiex»,  dans  les  clian^rsy  dans  les  ma-* 
BiifaéliireSv  fe  confondant  et  voulant  être  méconnu  parmi 
ks  arti£insy  afin  d'apprendre  lea  élémanls  d^  feîences  et 
desoAtSy  et  de  les  introduira  dans  fes  Etats»  Il  y. a  eu 
des  rois  conquérants,,  il  j  en  a  eu  des  légiflateurs  et  de 
grands,  folitiqueai  mais  Pterae  le  Grrand  èâ  le  feul:  qui, 
à  ces  titres  glorieux,  ait  pu  joindre  les  qualité»  non  moiiss 
béroïquesyde  réformateur  de  ion  payj»  de  précepteur  des- 
connoii&BCvs  utiles^  de  fondateur  de*  fciences  et  des  arts» 
d'inftituteur  des  moeurs  de.fefr  pe uples^ 

Le  Cxar  Pierre,  qui,  par  ion  propre  génie,^  s^étoit  élew 
▼é  au  deSus  des  préjugea,  des  moeur»,  et  des  lotx  de  foA 
pays,  comprit  *  que,  peur .  ietrodftire  plus  promptemént 
dans  fes.iÉtatsiLa  jéfoeme  géQà:ale  quîil  méditoit,  il  hiy 
.lott  Fen&igAer'  par  fou:  extmf^e.  U  fe  fournit  donc  le 
premier  aux  épreuves  d'une  difcipline* militaire^.  Il  avott 
chargé  Le.  Fort,  illoâre  guerf  fer,  de  lever  cinquante  j»iJ'e^ 
bonomes  de  troupes,  et  de  las  exercer  comme  il.jugeoit 
à  propros*  Le  Csar-.fe  mît  lui«même  dans  U  cotnpagnie 
de  Le  Fort,  qu^il  appelloit  fon  c$pîtaiffa.  '^Son  premier, 
grade* fut, celui  de  temhouf  \  et.  api;ès  «v^rbattu  quelque 
-temps  la^caiffie,  et^eoucbé  avec^fes  camarades;  à  la  Â*lte  dti 
ré^menty  il  tut  nommé  fergent.  11^  pafla.foeceiii^Qmefit 
aux  autres  grade»,  fuivant  ><)»*] ITavoit  mérite^  et  il^ 
B^étoit  paa-iacite  de  l!abu&r  ^  cet  égard^^  ■-, 

Les  autres  réformes^  qu'il,  méditoity  demand^ent  des 
épreuves^et  des. lumières.  IL  pril^  eti  conféqueucJe  Vé* 
uange  réfolution  ,d?aller  les  puifer-çbeâ  les^  nattons  vot- 
Anes,  et  d^  s^'étloigner  quelques  années  de  fes  £tata,  pour» 
afpreodre  à>  les  cnieax  gôuvtrn^rw  iUvvoysigea.;ei]t  ÂUe^^ 
magne,  vêtu  à  P Allemande»  et  fouS:  l^babit  d^la  fimp^o^ 
geatilbomme.  11  n^prifoit  le  fatie  ^  ^m  il  n*éi;oit^  qpe 
trof  feodble  mvlx  plasfitfs  de  la  table,  fi  £»ft^  la  mode  au*< 
tretois/.en.TAQemagne»  «  X^ns-^un-de  ces-zepas,  éjcbauffeb 
par  4c$  fumées  du  via  et  des  liqueurs,  il  s'oublia  agez 

peur 


47«      PIERRE  ALEXH[0-\^fTZ, 

pour  ffrer  Tépëc  contre  fen  -favorf  Lé  ïbft  ;' tntt*  c^  <y(ir 
&ît  réloge  de  ce  PrÎDce,  c^èft  qiptl  f^tnioîfiaa  trtitrlf  re- 
gret de  cet  cm  portement.     Ce  fut  2  cette  éccvftoh  ^ùSl 
fe  plaignît  «ve^  amertume  âe  nHimr  pa  tttdmpifer^  Vtë 
lui-même.  .     .:.^"     .       -n'   -cr 

Pendant  fou  (léjcùren  HoHandc;-  if  éftidià-Bi  gédifHtt 
phîe,  la  pfayfîque,  rbHloire  natureiie,  étibHôaf  fa  ntt^hé. 
il  prit  uil  faabît  de  piiotv  et  alla  dtn»  e«#^éqtfiyege'  ki^ 
Ttllage  de  Sardam^  où  l'on  confiruifott  beaucoup  dt  v^ifi 
féaux.    Il  ft  fit  în^rirr  datrs  le  ncaobrè  des  thar^emièrâ. 
On  Tappelloit  conmuoéaAent  intiarltre  Fieift^,  Pétnéd».  Les 
ouvriers  furent  d'abord  interdits^  de 'voir  un  SdU^Ucrtîn 
parmi  eux  ;  mats  comme  ce  Sotfveraitt  A*àV(^t  ri«n  qâf  Ve 
dlAînguât  des  autres  homtnes,  tia>fe  famâhtisèrtrft  biéii* 
tôt  avec  lui.  ;  ..      - 

Ces  ouvriers  lut  avoieilt  apptis  lent  tt>^n«-  étmû  h,- 
conftruâion  des  vatA^aux:  îl  paffa  «n  /^tfgflel^Ve  pomreh 
étudier  Tart.  Le  Roi  Guillaume»  Aattdtlé  fcceVTHt  da«s 
fes  Etats  cet  illvilre  voyageur,  lut  fit  on  pré&nt  digne 
de  tous  deuxf  c^étott  un  jracht  de  vingt-^éiîi^  pièces  <fe 
canon»  le  oieilleur  voilier  de  la  totr«  T<^iis  l«s  ge«f  ife 
l'équipage  voulurent  bien  auiii  fe  haShc  éùif9kfp^'y  et  f^erre 
amena  avec  lui,  fur  ce  vaiâeau,  uttettstoffre'de^arlnFS  ei 
d*artifans  de  toute  e(pèce.       - 

Ce  fut  en  1717  que  le  Czar  vint  en  FfaïKe*  On  kS- 
rendit,  dans,  tous  les  Heux  dcfonr  palTag^/les  botirtreurs 
dus  ^  fon  rang.  Mars  ce  cerém^cMrtal  }&  géne^lt:  tVt» 
voulut  point  sWrèter  ^  Beauvais^  oà  rEvèqne  de  eeltè* 
ville  avoit  h\t  préparer  tmgt and"  fèfiîrt-:  Eir^irirae  on 
lui  repréfentok  que,  s^il  pàffoit  ouere,  il  femcmâUc^afS 
cjièrc  :  J'^at  été fiUàt,  repoîrdlt'cé  ?nw^\  e^po*ifH»  fkr 
Js  trouve  du  pain  tt  de  là  bièf^e^jefms  cùiiiei^:   : 

Le  Czar  fut  d'abord  rtçu  au   Louvre  avefe  tcKfle»  fit' 
fuite;  La  magnificence  avec  laqtuHëon  avDÎt-décdté  les^ 
Bp  parte  méats,  ferobîoh  gêner  ia  fiftrpîMté  ;   il  préféra- 
d^aller  fe  loger  à  l^autre  bout  de  la  viUè»  à  rhèt^  àt  L«f^ 
diguières^  où  il  fut  trahé  et  défrayé^  «'omidàe^u^  Louvret- 
Le  i^oj,  encore  enlaht  (il  étoit  âgé  de  fept'ans*)^^  coo^ 
duit  par  M.  de  Vîllcroî,  fon  goutretneur,  vînt  lui  ten- 
dre vifite*     Deux  jouris  après,  le  Caar  reçut  les  réfpeél^ 
du  corps  de  ville,  et  alla  le  foir  vtyir  le  Rdi»     Lftfnaffbn 
du  Roi  étoit  fous  les  armes.     On  mena  ce  jeune  Prince 
jùfqu'au  carofle  du  Czar.  Pierre,  étonné  et  inquiet  de  la' 

foule. 


CZAR    DE    MOSCOVIE.        477 

fonle  qui  ft  prefloit  aatonr  de  ce  Monarque  en&nt,  lé 
pilt  et  le  porta  quelque  temps  dans  (es  bras. 

JLe  Czar,  toujours  babillé  amplement,  devoit  trouver 
bien  ridicule  le  gopt  cbangeaot  de  la  nation  dans  Tes 
modes.  Il  remarqua  un  jeune  Seigneur  de  la  cour  qui 
avott  cbsique  jour  un  babît  d^ua  nouveau  goût.  Ce  Pi  înce^ 
fe  touroaat  versceux  qui Taccompagnoient  :  IlmefembU^ 
dît -il,  que  Ci  gtntUhomme  Frûtiçw  n^eft  pas  confent  de  fort 

Pierre  alla  vifiter,  en  homme.qui  vouloit  s^înftruîre,  le» 
monuments  et  les  manufaâures  dignes  de  Ton  attention» 
laorfqu'il  fut  voir  la  monnote  royale  des  médailles,  on  en 
frappa  pluficurs  devant  loi.  Une  de  ces  médailles  étant 
tofldbée  à  fes  pieds,  le  Czar  s'eiuprefTa  de  la  ramafier  \  et 
il  y  vît  fon  portrait  en  bufle,  et  fur  le  revers  une  renom^ 
mée  poiànt  le.^pied  far  le  globe^  et  ces  mots  de  Virgile^ 
foires  acqmrù  euado  ;  alIuÊQi»  fngéaieufe  aux  voyages  et  à 
la  gloire  de  Pierre  le  Grand.  On  p'réfeota  de  ces  mêdaiU 
les  d*or  li  lui,  et  à  tous  ceux  qui  Taccompagn oient.  U  né 
put  s^emfêcber  de  dire,  en  les  recevant  :  Il  n'y  a  que  1er 
JRranfQu  cafnibUi  d'une  pareille  galanterie 

Loriqu^U  alladine^  ^  Petit  Bourg,  cjiez  M.  le  Duc  d'<- 
Antin,  Surintendant  des  bâti  meut  s,  la  première  \:hore 
qu*il  vit,  fut  ^Qia  portrait  peint  en  grand,  avec  le  même 
babît  qu*il  portoit» 

Dans  les-  raaaufaâuresi  et  cbez  les  artiAes,  tout  ce  qui 
fembloit'inériter  ^vl  approbation  lui  étoit  offert  de  la  part 
du  Roi. 

Ka  voyant  le  tombeau  du  Cardinal  de  Richelieu,  et  la 
jftatue  de  ce  Mîui(^r&,  moaument  digne  de  celui  qu^i)  re- 
prefeate,  le  Czar  laiifa  paroitre  un  de  ces  traofports,  et 
.  dit  une  de  ce»  cbofes  qui  ne  peuvent  échapper  qu^à  ceu^ 
qui  ibnt  nés  pour  être  de  grands  hommes.  11  monta  ftrr 
^le  tombeau,  erobraila'  la  (latue  \  Grand  mni/lre^  dit-il  ^i^ 
n'ee-iu  né  de  mon  temps  !  jtr  te  dounerois  la  moitié  de  mon 
Ewfire^pauP  m\apprfndre  à  gouverner  t^ autre.  Un  homme 
qui  avoit. moins  d'entottliafme  que  le  Czar,  s^étant  fait  ex- 
pliquer ces  paroles  prononcées  en  langue  Ruff^^  répondit: 
*"•  S'il  avoit  donné  cette  aaoitié,  il  o'auroit  pas  long-temps 
«  gardé  l'autre." 

V Académie  des  Sciences  de  Paris  ayant  fupplié  le 
Czâr^  qui  étoit  venu  à  une  de  fes  affcmblées  du  mois  de 

Juin 


47§        PIERRE    AtEIOWITZ, 

Juin  1717,  de  vouloir  bien  \\n  faire  l^ottueat  é^ètre-  îril 
de  fe»  membres  ;  rAbbéBfgfiea  reçut  de  Péter Amrgh*,  Ih 
7  ^(o▼eInb^e  de  la  même  anoée^  une  lettre  d«  )>teiiiîcr 
méJedn  de  fa  Majefté  Czarienne^  contenant  quelle  étoit 
très^fatisfahe  de  ce  que  Pilluftre  corps  do  Ï^AcaéémM 
vouloir  la  mettre  au  notubrede  cevx<{ur  la  cocopofoient. 
M.  de  FoBtenelley  Comme  iecfétaûe  de  la  compagnie,  fut 
chargé  de  répondre  à  cette  lettre* 

Ua  des  établiiTrments  que  le  Czar  admira  le  plus,  fiit 
THotel  Royal  des  Invalides.  Après  qu^l  eut  tout  exa« 
miné  avec  cet  oeil  obfervateur  «uqiKl  rien  n-écbapporf^ 
M.  le  Maréchal' de  Villars  le  conduifit  dane  le  réfcâotrc, 
tu  moment  que  kv  foldats  fe  mettoient  à  table.  Ce 
Prince  goûta  de  leur  foope,  et  prenait  un  verre  du  vin  ^ 
^lafuntéy  dtt-î4,  de  tnes  camaradtSm  - 

Le  Czar,  de  retoar  dans  Tes  Ëtatif,  f-  fit  ileonr  les 
friences  et  les  arts  \  et  ce  qui-èli  peut-être  plus  dlAcile^ 
il  parvint  à  rélbrmer  les  anciens  ufaget  des  Mofeèvke». 
Ses  divertiflements-mèmev  furent  coirfaerés  à-  foire  goutet 
le  nouveau  genre  de  vie  qu^il  intraduîibît  patmi  fesfujet»^ 
C^èll  dans  cette  vue  qu^un  foir  il  fit  mvitértous  les  bo^ 
ards,  et  les  dames,  auit  «oces  d^un  de  les  bouffs^ns  :  il 
exigea  que  tout  le  mondey  parut  têtu  à  l^aneit sne  niiodè» 
On  fervît  un  repas  tel  qu'on  le  fefon  au  ftiztème  fiècleu 
Une  ancienne  fuperOition  ne  permcttoit  pas  qu*on  allu- 
mât du   feu  le  jour  d^un   mariage,   pendant   le  ^oid 
ie  plus  ri^ttr eux' rCetie  ccutuiçç  fat  Cévètement  ob- 
fervée  4e  jour  de  la   fête.  '  Les    Rufies    ne   buvoient, 
point  de  vin  autrefois^  mais  de  I^ydromel,  et  de  reaci*>de«^ 
vie;  il  ne  permit  pas  ee  joor-ià  d'aotre  boif&n.     On  fe 
plaignit  en  vain  :  il  répondoit  eu  raillant  :  **  Vo^  ancè- 
'*  très  efi  u(bie«t  ainfi  ;  les  ufages  anciens  font  toujours 
"  les  meilleurs."   Cette  plaifan terre  contribua. beaucoup 
à  corriger  ceuir  qui  préfèrent  touj<»urs  le  temp»  paffé  au 
préfent,  ou  du  moins  1^  décréditer  leurs  murmures. 

Les  grands  projets  de  réforme  du  Csar  aveient  été  foa« 
vent  arrêtés  par  les  guerres  cruelles  que  Inife^tt  Charles 
XI  f.  Roi  de  Suède.  Ce  fut  pour  s^adoiloer  to^it  entier  à 
l'exécution  de  fes  pn  Jets,  quSiprès  les  campagnes  de  1708 
il  hafarda  quelques  proportions  de' paix  qui  furent -por* 
tées  par  un  gentilhomme  Podonots  k  Tasmée  de  Suède. 

Mai» 


CZAH  DE  M.OSCOVJK.  47» 

MaW  Charles  XII;  accouttinié  à  n^uccorsler  la  paii  ^  fes 
^[iq«sbW  que -4aAs  leur  capitale,  répondit:  Jt  traitera 
€KiH  h  Cvuir  k  M^c^w-.  Qoiim)  oa  r^pportii  au  Czar  cettt 
r4p9a(«  HautaÎA«  ;  **  Mon  fièf€  Ck^xles,  dit- il,  pceteiid 
«*  toi^^iftn  fake  P>Miexa»dr«  i  mais  ja  me  flatte  quUl  ne 
'f  'UouvofA  f)^  «n  «ici  ua  Danuft**^   « 

Les- /oins  io$Bitigal»Ies  de  PUrr«,  et  le.sd«fait«s  même 
des  Molicovîtes,  leur  appruent  eiifin  le  méttevdela  guerre» 
Ils  reitkpoFtèreat  une  viâoîrc  complette  fur  Charles  XI  f. 
1^  Pttkawa,  ^  8j4(iUkt  1709.  Il  y  eut  beaucoep  d^ofH- 
eîefs  prîfonnîters  paroûlcs  SuèdoU  )  anireiiutres  R«ncbîid» 
j{«nérai  de  Taraiée  de  Suide.  Onlet  amena  au  camp  d% 
Czar,  qui  les^iavUa  l^-maBger  avec  lui,  le  joiKiném^  de 
fa  vl^oire»  Comme  U  Czar  paroiffoU  furpris  que -lee 
Suédois  fe  fuflent  ha&rdé«  <laa$  un  pays  â  reculé^  et  euC- 
£çnt  aOiégé' Pttltawa^t^e€  un  petit no9>bte  de  troupes: 
**  Meus  n*a78ii«  pas  touj^ours  été  conrult-és;  répondit  le 
*'  général^  luaîi,^  cofpme  6deU^s  ferviteurs/  nous  avons 
**  obéi  aux  ordres  ée  fioire  mi^pe^  lauji  jamals'y  contre- 
^  éîre."  !•€  C^ar .  fe  tguma  V  cette  répoaCB  vcrg' 
%uelques»u<Q«'<cle  fea  oôurtîfaifs,  autrefois  {oupço^nés  d*â« 
voir  trempé  da^s  de»  cooiîpiràtîona  coa(>reiui  :  **  Ah  ! 
^2di|*il^  voiH^cCMiimeil lautfervir  C»n ron^raiuJ^'  Aliors^ 
pfe$an|c  Vkti  verre  de  vin  ::  ^*  A  Utf&Bi4f  dit«îL,  de  met  maS^ 
**  fret  ^qtu  l*-ari  49  la  guerre,'*^     Reachild  lui  demanda 

Ïui  étoitot  jçeux  qu'il,  honôfoit  d'un,  fi  beau  titre  f-^-*-^ 
''ous^  Miffieutss  hs  Ciénér^i^  Sn^/m*  ''  Votre  Majefté 
V  èft  dono^  bien  ingrate,  reprit  Renchild,  d'avoir  tant 
"  maltrafeBé  Tes  nvaîtres**.  Le  Czar,  après  le  -  repas,  fit 
sr<endre  les  épées  li  toyus  les  ofEcieF^générauSi  et  les  traita 
Bveç  b^nté      ,  — 

Le  Czar,  par  fa  bravoure  et  fa  niagnaftifliîté,  avoît  ivCw 
rîté  J^a  vîâotre  de  Puitawa.  Son  ehapeau  y  fut  peicé 
d'*uno  balle  de  mourquet;  Dans  k  combat  du  7  Oéîobfe 
1708  contre  les  Suédois,  la  confufîon  s'étoit  mife  dans 
l'armée  des  mofcovites.  Dès  que  l'£mpereAir  vît  que  Tes 
troupes  commençoieat  à  reculer,  il  courut  à  l'arrière* 
^arde,  ou  étoieot  le»  Cc^laques  et  les  Calmoucs  :  Je  voué 
4>rdwtne^  leur  dit  cil.  de  tirer  fur  quiconave  fuira  ^  tt  de  me 
tuer  mo't'ffiême,  fije/ms  qffe^  lââbe  pwr  me  retirer,  De42t 
il  ietour«a  àravaRtgafde^et  rallie  fes  troupes  lulmêmei 

En 


"  i&e  Tes  troupes,  maigre  les  ordres  qoHl  «vjoit  doaivés^;^^' 
toient  tout  à  foi  et  à  ùagf  il  fe  jc^ttc.au  nûlicru.  dç«^  »pius 
nutinst  arrache  des  femmes  jde  J^ors  maîûs»  ^,^9^^iJ^ 
deux  de  ces^mpgrtés,  îlentreà  rhqtçl^djp-x^lls^x^^.ie^ifi- 
"toytns  (c  refagîoîent  eo  Ibule»  là.poTafû  ^.ip^*]^Wig* 
!ante  fur  la  table  :  *'  Ce  n'èft  «pas  wSjhg  dts^)v»bî|ff^, 
/'  dit-îi,  que  cette  épée  èft  teinte  ^  mais  du  fang  de  m«a 
•^  Mdatf,  qucj»»tveifépourvems^ûvrr1«  Vte.*^';*^ 

Au  fooif  et  Juillet  171I9  ce  Prince,  ft  )ïi  t^^dB1es 
troupes»  et  manquant  de  provifions,  fe  trou  voit  reofejm^ 
fur  les  bords. du  Prutkpaff  une  armée  de^^cnt  ei^qi»^ 
inîlle  Turcs.  Les  ennemis  lui  imposèrj^t«  entre  ^n^s 
cofidîtions,  qu'ion  leur  lîyrât  Cantemir«  Vaivode^te  M(à* 
davie,  qui  &*èioit  réfugié  %uprès  di\  C^r^  y^-.  ^r^ncr^ffi^- 
*|^ré  Text rémité  où  il  étoit  réduit»  éciivit,  de  b.  pfOj^ 
main  à  fon  -pléoipotentiilirc  :  *^  J*|ibandoanei^i  plut6t 
**  aux  Turcs  tout  le  teirein  qui  s'étend  jufqu^à^Çurik^  il 
^*  me  reftera  Pefpérance  de  la  recouvrer  ;>  M^iSfJa.fiçrte 
**  de  ma  foi  èft  irréparables  je  ne  pcfux  ^  viole|«  ,i^Ws 
<<  n'avons  de  propre  que  Pbonneur  >  J- f cfiO^çef,  y èft 
**  £efler  d^être  monarque.'*    .  .  ,  .  -^  ç-,  .;•  * 

On  a  reproché  ^  ce  Prince  une  iaâe^fribilité  «mf..le^ç^ 
ra£lere,  qui  le  rendit  quelquefois,  cruel*  hidi^pfgnuff^c^ 
cette  févérité  étolt-elle  néceffairepourciinenter  les  &iîdc^* 
xnents  de  fon  £mpire  .nai&ot.      Il  £t  co^daniaer-  À9 
propre' fils  à  mort,  po^r  avoir. violé  {es  ordres..  XUmpwX 
ratrice  Catherine»  qui  avoit  tant  de*  dro^t  fur /en  c^i^^  t 
et  par  ces  fer  vices,  et  par  fçn  attacbemei^,  ^e^t  o^l^p^  ' 
là  grâce  d'une  de  les  dames. d'atouç,  acctt^e,.  a^tgr^^^^^ 
Czar»  d'avoir  accepté  des  préfents«  malgré,  kf-^éiefifes 
faites  à  toutes  perfonnes  en  place  d'en  recevok^  ÙofCBBo^ 
Catherine  le  fuUicîtoit  vivement^  Pierre,,  dana  la  çelç|«, 
^aiTa  une  glace  de  Venife,  et  dit^  iâ  femme.;  ^\Ta;%of| 
**  qu'il  ne  faut  qu'un  coup  de  ma. main  pour  faire  rentrer 
•*  Cette  glace  dans  lapouŒère  dont  elle  èftfetic"  Ça« 
thérine  le  regarda  avec  une  douleur  at;ten4F^&nfei  et^lnî 
dit:  *'*Hé  bien»  vous  avez  caHe  ce  qvH  fefoit  l'oruepuçnot 
**  de  votre  palais  j  croyca-vous  qi^^îl  en  devienne  ^u& 
•*  beau  ?"  Ces  paroles    appaiserçnt  l'Empcreiix  j  ..maisi 
toute  la  grâce  que  fa  femme  put  obtenir  idc  lui,  fttt  que 

.fa 


#      CZA-ït   J>%    MOSCOVIE.       4Sr 

dftflMi  d^tetir  ne  teceVroic  que  cinq  cottps  6d  inout^ 
-•Il  lieu  de  onze.  ' 

Oft  rlîeu  d*êtrc  étonné  qu'Un  Prince  légîflatcur,  et 
«ufii  ^biola  que  le  Czar,  n'ait  point  faît  de  teftarnent. 
Pettt-^tr<f  ne  fe  croyoît-tl  pas  ^i  proche  de  fa-fin,  loiTqu'U 
«nôordt  ehtre  les  bras  de  fon  époafe,  «près  une  agonie  de 
fcitv  heures.     L4mpératrice  Catherine  lui  fuccéda. 


•w 


CATHERINE  ALEXOWNA,  Epoufe  es  PUrre  k 

Grand, 

CATHERINE  ALEXOWNA, naquît  près  de  T^tr^ 
part,  petite  ville  en  Livonie,  de  parents  fort  pauvres* 
•Elit  perdition  pète  de  bonne  heure  ;  eNle  travail  de  fes 
maÎBS  fuffifoit  \  peine  à  bn  cxiftence,  et  3k  celle  d^une 
loère  accablée  d'hiiîrnntés. 

Elle  étoit  belle  et  bien,  faîte  \  elle  avoît  re çu  de  la  na- 
ture un  e^î^rk  au^B  nf  que  jude^  et  foltde.  Sa  mère  lui 
apprit  a  lire,  et  un  vieux  Curé  Luthérien  Pinitruifit  dan» 
}es  principes  et  dans  les  devoirs  de  la  religion. 
-  Catherine  avoit  quinze  ans»  lorfqme  fâ  mère  mourut, 
elle  alla  demeurer  avec  le  Curé  Luthérien  qui  Ta  voit  éle- 
^e,  et  fendit  «ux  filles  de  cet  eccléfîàftique  l'éducation 
quVlle  èvoit  reçue  de  leur  père.  Elle  prît  avec  fes  élève» 
deis  leçons  de  danfe  et  de  mufique,  et  elle  continua  de  fe 
perfééttonner  dans  ces  deus  arts  jafqu'à  la  mort  de  fon 
bienfaiteur  :  Ce  malheur  la  reduîiit  à  la  plus  afFreufe  indi- 
gence :  Et  la  guerre  qui's'aHuma  entfe  la  Rudle  et  la 
S«'ède,  força  Catherine  à  quitter  fa  patrie,  et  à  aller 
ehercber  un  afile  à  Marienbourg. 

Il  lui  fa^t  travcrfer  \  pied  un  pays  ravagé  par  deux  ar- 
vées  ennemies.  Api  es  avoir  échappé  à  plufîeurs  dangers, 
elle  fut  attaquée  par  deux  foldats  Suédois^  qui  fans  doute 
feferoient  portés  à  lui  faire  violence,  iî  un  bas-ôfficicr  ne 
fut  venu  %i  fon  fécours.'  Elle  rendolt  grâces  à  foi>  libéra- 
teur :  Quelle  fut  (a  furprife  lorfqu'elîe  reconnut  dans  lui 
le  fils  du  Paileux  Luthérien  qui  avoit  élevé  fon  enfance  ! 
Le  jeune  officier  fournit  à  Cathertue  tous  les  fécours  né- 
ceffaîres  pour  achever  fou  voyage,  et  lui  do'naa  une  lettre 
de  recommandation  auprès  de  M.  Gluck,  ami  intime  de 
ibo  pète,  et  fon  intime  ami  à^laûenl^urg.  IliIc  eut 
bientôt  le  bonheur  de  fe  recommî^nder^Ue-mêBM  par  &j{| 

S  s  efprît 


>       — 


«89    ÇA.T»«11IN^  A.I.J|X,Qja^,^^, 


«ncore  que  dîz-fept  8af,,M.  Glock  Im  coD£«l'éifncatâo« 
^e  les  dcqx  frUen.  D«ns  cet  tmphu^c^^mt  ^  biiçf  ^ffi-* 
ter  reftioe  du  père  de.fei  élèvc^  que  Âl^  pb»f^<]^£iwft 
i^çu£»  cmt  pouvoir 4m  ofifcir  fa  poMÛiu  Catba^^î^  la^h^^l 
^y  jd»Q^  Ie~^me  ten^t,  e)le  oSzyl  k  ^Â9ft,lîrj^^e|aç 
tcur,  qupiqa  U  eut  pwdu  ua  hu»y5^^'^.$ÀtjÇS9^^4^ 

Il  étoU,  (ans  doute,  impoSîble  de  prett(9lfr  îf^&pit<ï 
grandeur  de  Gftthcrîne  v  mais  eu  iuppolaiit  qu^cyn  îa  pié^ 
yhj  on  eut  pu  dès- lors  afioter  que  b  iorti^e  feroit  fov- 
jc^iri  au  dcifibms  d^vne  tcUe  àme*  .  Le  Jeunc' officier  Àok 
aloFS  ea  garnUbn  dint  la.  vUltt  Sa  mrpriie  te  ^çik\^ 
la  recoiuio|Qt«riic^  :  ^jltaç^pita  aveq  ûMiport  Ja  amn  d^ 
ÇatiiAcine»  If^s  4cii^:^pi>ux  avoieatxeçi^  b  b^dt^^a 
nuptiale  :  Le  jour  même».  ÎVIaxitilboafg  èft^dSq^épar  ka 
RuSes  'y  le  jeune  officier  c;ft  appelle  pour  xepoofier  im  at^ 
faut  ;  il  èft  tué  avant  d*avok  rccueîlH  le in^t  de  h^éné* 
soHté  et  dç  la  reconpoiflaoce  de  ionépooiew,  .  . 

Cependant  le  fiège  fe  coatianoÎL  i|vec  acliamini^^ 
Marienbourg  fut  emporté  d^aflaut.  '  La  gamifon,  lea  ha- 

bitanta^Jks  ftoxapicv.  Ic9  .ea&At;9»..toQt  Mp»fl  9» JXét 
Tépée.  £nfia,  le  maflacte  ayant  eefle,  on  trouva  Catke- 
nnrc9cbée  d^QSjipn  fopt*  ..,  ,,.y  ^    s 

^lle  avoitfiravé  Pîndigence  ;  ^^^e  côaferva  fâ  fêréziité 
dens  IVfclavîige,  Ce  cpurp^e  d?efpfît,  et  foa  rare  mé- 
lîtc,  la  firent  bientôt  cônnoitre.  On  en  parla  an  Géné- 
ral Rufie,  le  Prince  MenzikofF,  dont  la  dejftioée  étoit  auiil 
bîfarre  que  celle;  de  Catherine.,  v  U-éen^anda  à  la  voir  ; 
il  fut  épris  de  fa  beauté  :  il  Pacheta  du  foldat  à  qui  ells 
aps^rteni^,:  et  la»fmt  ^tre  le  s  Main«4^  /a^pPEif  |^rf>^r  ; 
en^nîiVcut  pottr  ^lle  to^s,  les  égj»rds,dtt^  ^Sqxx  ^jfefi^h 
foi\Jnior|nf)ç«. .  ,  .  -  ^_:^  , .  r;.  7 

;  Peu4^:.^einpfi  .aprèSf  PicprçJe.Grandr,<»ndpt  vifil;e^.?m 
Prince  JVijcnîûikolf.  Catherine  ièrt:oit>à  table  avec  bciicV^ 
opup:  de^  g^-^'  <  t  4^  modeA]e< .  Ltx  Czac  -  en  -ia^  (i^agpé. 
Il  reliait  lf^,lepde]gft9Jn  -,  il  den>ai>da^l)îv^^Ùç.  f^çWyCirr^i 
]iiî  fiVplu^urs^eft^oaretU  tronv^iiuf?  li;s  cbavgM^/'^ 

ypit  «ré^f ;^lea  hommes,  lavai|  auffi  Iç^im;^?  Uf^  !9i>4 
ÇatherW  étoit  di^^pae  de  le  reçoi\4çj;  ^p^f^MP^^^^.  ^é^ 
feisiv  L*în^i«atiofi  f«ipignfe^  fe*.  v.ttfs.jwlîtigw%^eVÎ^ 

rcforut 


^ï>ONjSte'b*ï»fERtÊLKt>liANl>.-    ^8j) 


réftîfctye  W^cr.-  îl'ft  «t  îôftititfc!  de  tct» 


Ifft  dêtBttâf 
àtiA^efs  ')  il  }à 
6iiî^tt  dsms  Ibp  obfettiâé,  dans  ctt  état  où  Pfiifi<^,  obBgce 
det1r«  toutes  fcs  forets  d'die-rtiêtiw,  lutte  contre  la  ft)'rl 
tiin^'^ns  aVbif  "deipeâatèurs,  et  triomphe  fk«9 'attendre 
dfàttpiatîlSBfeméfltii:  '  ItVh  Chh«^^  eoniervant  f^t^ 
tPoM'oétméiètt  âfgnviéttiràftigtnéHi&i  1«  f^ulie  vétitablë.' 
ïi  crut  <)tie  ce  titre  f^i^fpit  jpour  Pétevcr  au.  rang*  d^ltn*^ 
fjèratiSéc  :  'eSej[)fendant  il  Jogea  %  prtifot  dé  célébrer  fon 
toatîajffe  ftctètttetftetlt;  '.  *  "* 

"CaAçTÎTicTtitfe  trône  cntr*  dans  vmtct  les  vuB  du 
Gfear.':  Tj^ndh-cpie  Pierre  formdttléii'iiômme»,  eîle  ne 
feegHg^oSt'iîèift  fXjixT  pcrfcéHôtin%r  ^Fé^ucâtîon  àèi  pc r- 
Ti^btV  Bè  WféiteV  cHe  x^bst&^i'^iét  hibiHement,  \t\it 
îiripira  injfprh  de  fo<îîaé;:^tSbHt  'l^if^ge  dei  «fleiwWcçs, 
retoplît,  ptàthtt  I6trte;ft^5^îe/ le»  dtVoîrt  d'itapér'âtrfce; 
tf^mie;  d'épooTe,  de  rtè^^i  elle  eut  lie»  ftilents  de  Pa^frc 
fexe,^fâh^^ùftiacri6çr !ea>ertus  et  lèï  agréments  duixeir, 
et  mourut  eiWrn  avec  ce  méfuecoliVage  qui  Patbft  itdvie 
ifâ^é^'Pinferttontf,  et  qti^clîe  af oif  pdrté  fur  le  tifône.      ,. , 

Xr  -    -   '••'■'    ^'    m    '  •       -----^   .^v. .  >  -t.. -i.^    r^i,    .  ..^-..L^.  '..    '.^^JL     — -.^. 

JLETTKES  DE  MADAME  DU  flOCSAGE; 

—    *  »  '  •         •-  .  .   -     »  ,  ,  ■  é  ■       _.    ■  ,  .-■."!« 

'       '  SUR    t'ITALlE.       -  ^- 

tn   ;  :    :-}  '■  î   r'.^--  ..^  :f  /•   -.   v-  '  .    '  .     ^  .•  ;*..   ."  .■  a.  r^  j-  - 

^^^^PIîCS^avoît'ffa^bM  lès  bornés  de  là  France,  «ftc 
^XT^  fc^tifllèettètts  c^hd^Hîl'jiufqa*^^  Alpes-  Noté  dî.- 
names  au  pont  Beauvoifin,  limites  du  Dauphiifté'>t'de  la 
Ftariée.  Éiifuîte  bn^ai*coùrt'au  bord'd'ofi  p^éclpke,  où 
fiàugit  thi'  torrent  "fet4é  èbtre  deux  roclvers/  uii  <:h<!tÉnn 
étn>ît  taîUé'fôus  îeW.  Uh  gàrde.{e?o,  Vâiitôt  Ile  piarr^, 
tantôt  dé  bofti.  foiivêftt'i^tnïKi/faît  Jwu'rilrah^oiWer'lès 
fritifeefife*'  4d»<>lr  cénSfaît  à'tUr»fi,^f*ffui^*^rt^  ()èà  Ifes 
yeut  cffr^és;  Près  é^  C)fàûhërjMj>ée  Ckki^llËifift^ 
nuel  fit  citipcr"da'ns*îe  foéftii^âfeb  route  ^t  <)^fi^-i»iilg^> 
pMsdé  h«utyd^Q  qi«rrti«îieùë^del«n^/ô»/dM'pade'en 
erpace,dcx:nt  T^kàtts  péûrent^illmj\  ^éîtircrîptloDjfil^e 

S  «  a  en 


4Ï4  L  E  T  t  E  if  a'  ' 

tn  i6jOy  éternife  le  bienfait  et  ce  Prinèi^,  Ltfsl^Àââ'ârcj 
tîons  dri  Roît  fe  craTent  fur  Tairaifi,  les  fiôtfes  (iir'îé 
iàble.  Notre  gloire  en  èft  plus  grande  ;  Nous  £êfi>ns  le 
bîcn  fans  efpoir  de  recompenfe, 

£n  fortantde  ce  détroit,  où  les  eaveraes  qu'on  ne bconi 
tte  reffemblcnt  à  rbabitatîon  des  Gofg[ones«  naos  trouVk- 
xnes  des  cafcades  qui  tombent  de  cents  pîeth  de  rocber^  }tn 
rochers,  et  forment  des  torrents,  q^'on  traversé  fans  ccil$ 
fur  des  ponts  tremblants.  On  Aiît  ainfi  haut  et  bas,  fàt' 
des  bords  efcarpés  et  pierreux^  le  cours  des  ^eaui^  quj 
d^abord  creafa  ces  /rbrmins. 

Après  'avoir  paffé  le  cruel  pas  du  Termîgnoo,  nous  ar- 
rivâmes à  Lanebourg  *,  nous  y  foupam^s  afifez  bien  àveo 
de  mauvais  mets,  et  dormîmes  mieux  fur  un  Ht  cFe  fer, 
quVn  oiiif  fur  le  duvet.  Pendant  notre  fotnmifiî,  on  dé- 
mon toit  nos  voitures  pour  les  faire  palfer  à  dos  dé'adfûlet 
le  Mont  Cents,  que  nous  efcaladames  dès  1^  maifn  en  poin- 
teurs. Que  vis-je  au  fonds  de  Tabyme  incqmmenfu'rabfe 
que  je  côtoyoîs  ?  Ujp  torrent  noir  et  bourbeux  s*^  précf- 
pjte  en  mugîiTant,  et  blancbît  d^écume  les  rochers  q^i  hiî 
font  obftacle.  Je  ne  doutai  plus  que.  ce  ne  fut  fe  Côcyfr, 
et  je  crus  que  |e  defcenduîs  aux  Enfers.  On  ne  peoi'fi 
/aire  une juHe  idée  de  Ces  tnontagnes,  qU*on  iîe  tes  àifpar- 
coprufs.  Les  points  de  vue  tcrriWes  et  admit  ab'les'qu'*pW 
y  rencontre,  font  faits  pour  nourrir  l*îrtaginâtïon'ti^ 
j^oètes  ;  maïs  leurs  tableaux  n*cn  peuvent  rendre  la  téiHU 
té.  Comment  peindre  cents  rochers  dontla'cînte'jïbl^- 
vcrtfe  d*une  neige  éternelle,  arrête  les  nue$,  jei^  fôlrfcc^fiTe 
èîffoudrç,  et  àcreufer  des  abymek,  oùlcs*eiaux '/affenïbfôrV 
courent  de  toutes  parts  fertilifer  Tés  pîiîWcs/&c.  '*''^^^î 

*^       •  •         ..■..••*:>«-  '. '^.•i:?;j  f.i-i^  40' 


4 


4 

AVANT  de  vous  parler  de  Venîfe.ma  çfôttî  Soe^f; jl 
faut  vôusdire  un  mot  dç  Vrcence..  t3n*d^iikWÔ- 
pofa  d'aller  ad  Théi^tre  Olympique  :  :  jSytà^^oin  pSifSr 
de  to\itès  les  merveilles  de  ritali'fei  jliiÂaSs'dé;  celî?. 
ci.  Je. crus  trouver  bne  eoçcîritè  où  Ici  jeunes' génfj'lfc 
difpulolcot  le  prix  des  jeux  d^cxercîcé  :  Qu'elfe  a^njalbre 
furprifc  !  j'entre  dans  un  fpe^acle  des  Romains.  Sur  le  . 
Théâtre,  cinq  rues  ornées  de  roaifons,  abouttffent  à  \ina 

place 


|)lM^déJU']glf$  fedik.«rcli\tçaufc,  où  fo-rcniîfnt  le$  iÇj 
tws*  ,oAu  pîe4  d«  cctt?  ayjKitrfcèn^,  èft  rokhcArc  oi^ 
|%di&  itrifidoicot  Us  ConiùU  et  les  VeHaUs.  Autour  de 
ce  rezi-de-cbaûffiEe,  s'^èlèvtiit  en  dcmi-ceicle  feîze  g|a^in9 
eoiiri>l^^^*t)Qt1;>^«iâTade9  0Ù  regqeut  trente  fiati^éç  plus 
Haute^.o^e  i^ture»  le  toot  couleur  de  marbre  blane  :  Vçr 
jÇjijaç^'qrçIles  bîCeçt  lîntr'elîes,  et  là  colonnade  qui  lcs,^a> 
yirofii^f  nous  pcnnit  dVn  îws;  ît  toq r,  et  d'y  contempler 
là  déçofatîpn  du^  Tbé«tj:ey  où  nous  defçei^driiics  ^6ur,ea 
parcourir  avec  foin  les  diffiéren tes.  rues,  où  les  Daves  é)t 
1rs  Cfaremès^  arrîvaat  fur  la  fcèae,  poovoient  parler  fans 
fe  VOIT.  Alors  je  compris  combien  leurs  très  longs  à 
pàrtéy  jM  bleflbieîit  point  la  vraifemblançe':  Pour  cpnç|E;,«« 
voir  .tu£  par  quel  'rt  les  aéleurs  fe  feroieiit  entendre 
dans  des  Keux  fi  vaSes,  nous  vifi^ames  Iss  recoins  où  la 
y©îat  veuoît  retentir.  Ce  curicuif  Théâtre  dont  j'cmport? 
3e  plaQ«  ne  fert  aujourd'hui  ^u 'à  donner  des  baU  dans  le;s 
fbkes  fameufes.  Nous  iortîmes  de  cette  ville  par  à^s 
oampagacs  plantées  en  échiquieré  Les  vignes  montent 
lur  les  arbres,  et  courent  de  Tun  ?k  Taiïtre  en  guirlandes: 
Ifi  terre  labourée  Ibus  cet  ombragCi  n'en  èil  que  plus  fer^» 
Itle. 

/.'  Comme  nous  étions  fur  le  canal  qui  conduit  à  VeniCs^ 
nous  découvrîmes  un  amas  d'îles,  qui,  comme. les  nuages 
'd'une  décoration^  fe  fépara  itifenfîblemeût  à  nos  yeux  ajÇr 
tentifs,  et  jious  laifla  voir  une  ville  Hottante,  où  nouseiî* 
•trames  par  un  large  canal  orné  de  palais  enchantés.  Le 
lendemain^  des  dames  nous  menèrent  dans  une  des  galè« 
-re^  de  la  République*  à  Ja  fête  du  Bucentaure.  Imag4- 
liez-vous  âe«  rivages  bordés  d^une  foule  de  peuple  dont 
les  cris  percent  les  cieux  )  la  mer  couverte  de  goudoles, 
et  de  felouque?  remi^li^'S  de  mu/ique  \  le  bruit  des  canons 
tdes  châteaux  et  des  vaiift-aux,  cents  banderoles  déployées; 
et  dans  le  lointain^'  msJgré.  le  foleîl:  qui  brilloit  fur  les 
jtoîts  de  b  viUc,  la  i:^v\%^^%  row)tagnes  du  TiroLcou verte 
4ie, neige.  .Voilà  le  tabiesiu,  qui  charmoit  nos  regains  à 
.il^iiii,  le. jour  de  i'Afcenfiojî.  L'habit  de  mafque  de  cette 
-cpiembaie  èft  pfi  li^^g  joanteau  noir^  upe  belle  dentelle 
.sbire  faillie  cam-jîl,  un.ch.^peau  noir emplumécou^vrc  les 
•épaulés  e.t  la  tête,  et  un  malque  blanc  le  vifagc.  Hod^mes 
et  femmes  font  SêkVcSx  rnsfoués  dans  le  temps  du  carnaval. 

-,  S  6  3  ,  .  .  i)ans 


4S^  LtTTRES^ 

Dans  les  pr«mîèffe> /nfitei  et  Ictltér^aDf^'ict^Voaikes 
fcwt  en  robe,  et  les  darmes  ea  noir  qa'elln  tt^kreat  ^p«r 
beaucoup  de-  pîerrerirs  et  de  denteOe»;     J*ea.-vU  l?râtcÀ 
jour  un  grand  nombre  rafiemblées  et  parées  pour  iwe 
prife  d'babit  de  la  fille  d^un  Sénateur,  dans  un  des  Cou- 
vents deflinés  à  la  Nobic€è.    La  mométhi  Sénat  afllda  il 
ce  facrifice.    LV»iérîeur  et  l^ntérîeurde  V£fC^î^  étoient 
fort  oroés  ;  mais  rîrn  n*égale  la  perCpeâive  de  la  g%lene 
par  où  la  TÎâime  Tint  à  la  grtUe:  elle^etoit  ïoogmts^  «of« 
t«e,  et  terskînée  réellement  par  hi  mer  :  *  leS  mtxrs  éea  dedb 
c6té$  peints  en  ronge,  bordé»  de  vrairerangeers  ^ntrcaié^ 
les  de  llatoes  de  carto»,  imitant  parfaitement  l'albltre; 
fosmoîentla  pKia  étonnante  décorationr»  L'£pou(el«cttt, 
couronnée  de  flear»,  foc^tenite  par  denâc  Mèves  véilérableê- 
s^airaoça  ^  pas  lents  for  «t^  tapis  bleu  par(emé~  de  »rofei^ 
proaoDça  fes  voean  dans  tes  «saina  d*an  Ppélat*  a«  ^ftm  4^ 
mille  inâmmeatsv  et  renoata  ara  parloir.     Totitea  1«# 
iHmes  forent  Vj  falner;     Madame  de  Loredano»  foeti» 
do  £>og^^  jnefit  la  faveur  de  m'y  coadinre:  on  yfdtmt 
des  rafraichifiVmeat»  dé  ^toiitea  efpècea.     Lea-fillea  faof^ 
afpofr  d*être  bien  mat îéM  prtfAiKtit  vc^oatieys  4c  ^Pâik9 
Le  Couvent  ne  1rs  ^éne  poiat  à  restées:  elles «attovs^ké 
ibivi  draaiTemblécs  ^  1»  grîile  ;  et  leur  véveaMtit  Wlei^  I» 
beauté,  loin  de  rétetndre^  Madame  Michaeli  m^à  dooné^ 
fbus  cet  habit,  Tidée  des  ^«rec  célelles.;  j«  n?a»  rîet»  "na 
de  plus  beaU)  de  plus  touchant,  de  plus  aimable  ^  ebae^H 
s^empreffe  a  lui  iiiire  (a  cour  au  parioir  j    ka  ^Hiftaifllres- 
ctrangeirs  y  font  admif . 

'  Les  £gHfes  Véoetiennes  font  fcperbes:  tous  Itt  ^j»» 
H^eJura^.vous  ea  donneront  la  defcnptiof^  ee-'ôetl^  ^M 
tabltux  des  meilleurs  maîtres  qui  ks  décorent.    MàttSfjt^st 
FarQctti,  Noble  Véhetien,  homme  de  lettres,  a  une  col- 
leéllon  de* tableaux  choifîs  et  des  fflus  belles. ftatue 5 ;  elle 
lui  coûte  plus  de  cent  cinquante  mille  Hyres;  ce  qui  foiu 
me  la  plus  coticufe  g^kric  qu'on  puifie  rafiVmbler.      A 
Vamoor  du.'bel^antique,  il  joint  le  gpuS  des  Ofnt*nfè|^ 
modcraes  :    cVft.  ce  que  Ton  voH  dansr  fvs^  cJatre£iDis,«.^(ii 
règneîM  ^ur  un  large  cottal*  .'Là,.ce«ts  gondoleasçu  b»« 
ScaMxx^répré fentes  dans  ks  glaces,  en  font  de r  tableau» 
aaoavants  :  JEJt;  tandis  que  ces  reimirs  rendent  les  imagos 
vivantasyks  chefis^d^oeu-rses  des  Rapbaels^  des-  Xitiens, 
dans  Fétffge  fa^uBcteuri  â^eal  le  paffé  foua  leurs  traits. 
•  -••:'■;  Lés 


s  U  JLi  IPinCA  L  LÉ.  4»5^ 

:  limoYéiiîtîetis.A'iMit  nî  jeu  d»  boude»  ni  •  > ptomtT^àt^ fti 
ÛB^  oiiàfibcvaii  BÛdimffici  ni  ttopL  ^c  goat  poov  le-V^m^ 
X^fioMQUvleaJWGesykfjontesfov  Pea»^  font  leur  p«&'* 

•■       ■  î      i'       ■'■'        'c    ■         ■      ■      1.    I'      .     1    1    I  ■     •    ^      ..     . 

r-  !5        '     ..  T  DtJ^ûiognf^  «^  9  ^iw»  1757.  * 

JE  A«Yot»$  ti fiasfarlé^  in«  chère  Sociir»  dt  laf^Iaee é^ 
SaLat  Marc  de  Veniie.  L*£gltfe  du  mèmz  nom,  bè» 
lie  es  croix  Grecque,  eo  tient  une  des  faces.^  £lle  èH  cou<" 
yerte  de  cinq,  dônses,  et ., porte  !k  fon  Ironttfpîce,  quatre 
cbf7aox>diC  btonzefdor^s  de  l^cc.  tûomphalde  Héron. 
X>dni  cette  B^fitique  décorée  depuis  ht  voûte  jusqu'au 
p#v«  à  la  naol%ïqjtie^;bnUe  wk  grand  nombre  de  âatues  «f^ 
fiQrtées  d'Athènes.  L*q  grande  falle  dis^ Pakb  jèft  xtmt» 
pl«&  4?esccSlen^  taUf  aux  de  i^é«flJ«  du  payst^Noos  ettiiie$ 
lnçttfiofiléde  monter.iWr  labour  de  Saint  Mare,  ûtiiée 
4eiwitr£gli(e»4et  haute  de  trois  cens  pieds  :  Sa^giofleur 
contient  un  efcalier  es>  limaçon  d'une  ilruôilre  fi  ^om* 
xt^i^àfii^  qji'4)A  cbf loJ  y  pmânioiilar..:I>e*là, .comme  4» 
7)i|ifcbot,  tout  Xq  décou.vt«»  noaièulement  Venifc,  lea.ports, 
d  k^^JÛssn^mhf'eiii^s  defa  jdépendaiP.Qey.m0i«  2a  ixim*. 
U%rdle,  It^  niioAtagnes^  .4e  ri  ftrie^  L'endroit  .où.  les.  Alpçc 
«A^atM^nt  llApenuin,  et  la  plage  où  !<►  Pd  vomit  fes  eaux 
d9.<i9>;U  m*ri.  •  •  .^.  •    .-■.•.  -•»• 

'^  *  J!àul»}ie  de  vous  parler  de  ].Vrren^,  île  de  Ringt  .ôadea 
en  circuit,  gardée  .par  des  dogues  et  des  «murs  fkiuqués 
dr/t>o^r^>.  ,vOn  j««o}t  ju^ft.muUit^ede  ^aiflesmx  enien- 
9^  ^bdGU9^r<M}$  une  arcade»;  oA  i'eaA  do  U  meriff 


'1  V 


De  Bè/d^nri  U  f^^ûi/i  Tjyfi 


,        é  \         m.  4  ,«..»  i^. 


OUS^aiBona  f^vâ  cr'matini  les.  be>lesipPo«e(fionsdu 
Saint  SaeVement ,  ^tti  attirent  tioaabre  d' ËtMmiçevsi? 
Je  Liéf  a<t3ee  l^ÀiK:he«eque|.  touadtoox  Qitdiimo  %^y  aiffirt  cuit 
rA'^xKDpe.i  ' .  Les 'gakrie«iafge»<' et  1  élevée»,:  qui) règueisf 
Kctidesideus-câtés-des  rues^rfoot;^  décoration  de-c»ett 
céréinonie.  Enia-è  chaque,  ptbiftce  de-  oe»<portiques«>  drf 
gazea>esi  guiiiaadcs  etik'VdBbjoc^nger3yj«actfpdte1ésj:dè 

ûatucs 


'  'culpiujej^  y  font  ptodigné»  aveé 

If  «ne  maifon  deplaifance  des  Far- 
»e  le  d#c(m,re  dti  h  manière  h  plu* 
'Perbt  filon  où  nous  étians/forma 
'^f«  pt^fenteôt  divers  ajpefli'ren- 
On  voit"  d'un  cûté  la  campagne  et 
lqu«  dmcs  conrcrvent  <!n  aé  Itur* 
a  Ville  èRfcu)  Iti  jenx,  ao'poinfd'y 
'■  Nulle  GluatioTi  ne  piéfente  une 
fion-reuleinfnt  parla  magoiGcence. 
.  colbnnes.  palais,  mais  par  la  ma- 
s  font  diïlnVft-.  \jtt  fept  ou  neuf 
lUcnBent,  en  lt(  déplojant  pai.am. 
œ:t,t  i'étînflue.  Le  s  puîrs  des  jar. 
ï'mbfeit  fijftir  aès  toiii  de  Paulre  i 
fe  ndît,  Ta  VàViété  tn  fait  le  chaime.' 


it-oir;  Gjt  fleuîw  de  tonr.  rt  COTtïiwi    ' 

-esae  hr^es  ptefre»  plites  du  Vé- 
^  y"  P»y»  ftre  fl  boni,  «irtlï-»  ««aw 
TlSf-  ^  rTie  d^  Tolède,  «luifcte 
.  ^irtw  pat  f»  Itrgfcur  rt  foatmîJW 
ait*  A,  peuple  Ttmt  eatiètentenc 
*  nfoïlié  vêtu,,  pourJéffileV-U  clîfti 

^r«"  "*»•»*=»«, UenM,  dotuïe» 
Wte^^re.  N6«,  fornows  «rMs  fut 
'?^  *'*  'f  «^''Bvint  UwtîbUtmus. 

9W  t'fenvironntnt  en  forment  l.i 
'^  Surlerî,.agcco=Vtrid»«if. 
^"l'i*  ''^s  Retrait*,  (ten*^a«»- 
L\  '.^'^«ffoMs  et  s'«v4rtc»:fur 
ifepaim  de  i»  fu^ée  du  Vérov* 
,^*^  I"»;màoUgi.«  de  Paneiipe 
itfiHîdeè  jatdinjetdeshaiimew» 


4S0.  L  E  T  T  *  ErA:  r- 

ftatue«  ifig^nleufeoieou  imitées  en  c^rH^o»  fpnt  }e  ]|^i|f 5r%?^ 
vsflant  coup-d^oeil.  Des  tàpis  feaiés  de  flcuTtcohi  binent  fç* 
p»ré,  décorent  les  fenâcr^s  gvrnies  de  4«ipe«^  ,  La.  Mot'^ 
blefle  et  Jes  riches  particuliers^  ^taleot  fur  les  i^ur«  T^^ 
meilleurs  tableaux*  La  célèbre  école  Recette  yiUe  en  ^'J 
paré. les  tdnples,  dont  la  ftruâure  répond  tk  cette ^nagnl-' 
ficence.  On  bâtît  aâjueUetment,  «tx  dépens  cle  la  vjlle^ 
une  vflfte  falle  d'Opéra,  où  Tattention  emportée  au  j>oja( 
^  faire  des  remi&s  pour  xncttvc  ks  carr^Tes  ^  Pabn//  . 


Ik  Rome^  le  $  JuWet  17 J7. 

NOUS  voici  dans  k  payv  des^mkaeles ;  «t  des  mer-. 
▼eiJIea.  On  nous  A  menés  voir  les  feuic<Ie  la  Saint 
Kerre*  Ce  fpeéhcle  bl^ajfant  refonmence  le  lendemain f 
on  y  joint  rinuminatton  de  lu  coupole  et  delà  eofonnadê 
de  S^iot  Pierre,  dontrcffet  mérve^ux  ne  peut  s'tmscer: 
\\  n'èft  point  d'autres  1«ëii«  *i»  ilMn(de«ù  un  d6me  qui 
touebe  att«  oieux^  voie  ^  les  fW^  trois^  oens.<:f  ipnnasi/ 
quatre  rangs  aiTee  efpacét  pour  la^er  au  Qulîeu.pa^6^  i< 
catroiles  :  Le  vafte  cercle  cpi^enferanent  ces  pojîiques„ 
orné  de  deux  fentuines  jaiUiflanies  jufqu^inx  nues  par'uii 
lai:ge  tuyau  :  Des  baâîns  «de  granit  à  do^^^l^  ^^^Sy  M^ 
reçoivent  en  moufle  dans  leur  chute,  et  ce^  cafcadcs  voçt 
-nittii  joiir  et  nuit*,  une  obélisque  d\ine  feule  pièce  dcgraiM 
tiîti  et  de  cent  vingt  pieds  de  bauteur^,  les  fépare  àdîAânç^ 
égale,  et  marque  ie  miittn  de  la  pface.  Ce  monomca^ 
4ait>f49ns  Séibftm,  apporté  d'Egvpte  {bus  Ccdiji^j  te 
conferve  eniier  depuis  quatre  miUe  ans*  La  coIoj»ua4^ 
de  Saint  Pierre  eft  fi  vaile»  que  la  voix  ne> peut. p^icter 
d'un  eote  à  Tautre,  et  elle  eil  couverte  d^upe  .iMi]uâfa,de 
fur  laquelle  rognent  cent  tren^^.  ^i^i^  flattes-  Cet  af}j^d 
m^étonna  encore  plus  que  la  façade  du  temple,  ^aute  e,t 
ilarge  d'e»viron  quatre  cens  pieds,  ^  ppr^îqu^e,  (^uj.  j^ 
précède,  ibutenu  fur  dHumenlÀ^'CiUonnes^d^  iPCiarbre^anlL- 
^«e,  fer^èi  Çêi  1^  f4as  long^ue  0.  la  pUisripa^çifiqu^^^Ufe 
4m  iParie.  Je  'Vous  omets  la  defciiptipp  faite  ,ct  refiutf  4f 
icette  bafiliquc)  établie  par'Confi2uitin,Xur  le^  £o.Qdei|A{çn1^ 
«du  cirque  de  Néroa^  rebâtie  par  le  firamaniey  fous.Jules 
-^11. et  par  Michel  Ange,  fous  Paul  IIL  Dorures,  bronzes^ 

maxbres. 


s  U*  R^L+'l  t  A  È  I  E.  4^ 


inSîbf ii^i  "'peîritùr^ j,'  ct.fculpturcs^.y  foot  prodigués  aivcë 

^ous  avons  été  vp'îf  line  xsaîfoo  dc^ylaifance  des  F^r- 
nèfti  ;  d5è  êê'lîéli,  "Kboie  fedf courre  dé  là  marfîère  h  pluà 


''ApenbliT,  dôot  qudfcjdes  éiinés  confcrvént  ert'été  léati- 
frimats }  *de  Vautre/  la  vîîltf  èfffous  les  yeux,  aâ'poînt'dty 
diflîngaer  les  paiTants.  Nulle  fituation  ne  préfente  un& 
vue  (i  mervcïïleufe,  non  féalemênt*  parla  Inagnificence. 
des  dômes,  obélirques,  polbnnes^  palais,  maïs  par  la  mâ« 
nière  dont  ces  édifices  fottt  diïlr^êV.  Ar^ts  fcpt  ou  neuf 
monticules  qui  ^es  foutîcnnent,  en  les  déployant  par^am-. 
p^îthéatre,;  eh  aecVcM^nt  Vctfîèntfue.''  lies-^puît?  dcs'ijflr/ 
dinï  d*ûne'  tnaîroif  '  iVfnbfirat  %txïr  \iis  tdity  de  l^autîei 
Tout ft  voit;  rieti  né  fe  utift,'  H  jrà¥?éré  en  fait  îe  charme J 


*    ^ 


f\-.K 


A 


(*t  ÇTTE^yîlfe  a,  tfit-owj  fiî  ^eu>f 'de  toar;  eueiwrt^ 
iy ^  tf fief  cciïr  mîIîc'âetictrtJiïo^'^ué  Îes>'i-Ui€a  foietit  é* 
inîpffîtliéàtt'ô  let'  paVëès' Se  larges  fré^rre»  piâtesdti  Vé* 
fîi^ë,^\ei^\ti&i^i\ix:  dii  pfaf  $  fontil  Bom, ^'^H'f  gta^ 
f  rffertt  'conjine 'des  thèrrëa.  -  Là  ru^  dé  'f  olèJe,  «q^it  &?« 
d*'^otiré--'auj?caTroffesr»'tétt>nte  parfa  lirgteur  et  foutmiiM 
d^'^affants'.i  Les  Wa^ntè^-d-u  peuple  vôttt?  éatiè^omitfttt 
fjôiihi't^  IcV  geii»  fârtVà*tt^(té  vêtus,  pOfur^é^te¥-lâ  xHà- 

Ltis  Egltfes  bHhlént  't^u^  en  éfijêVetie,'B<!at^,  dotul'^^ 
ét'pèrnrt't^i'es^;  quVtx'àrênitëélare.  ;  Nbu*  Toftimi*»  allés  fuï? 
lâî  motî^â^ffr,'^*fe^  h^elle:èft 'le' <iofivëht "tfilP^ib'ttrtreuî** 
î>é.lk;  *??apîes  femble  Ifti^  limpbhhéatreëOntïa  «ïei^èft 
l*a?rène,  et  lès  tôteàuk  qlfî  l^'envifonhent  en  formant  lëé 
gradins  et  les  décdraticJ^s  rSur  le  rîi^age^  couvert  de  v&if* 
feafiîi;  tân1ôt4Vis  ïWts'fe  crenfent  des  Yet/aît^ei^  d^ti^Met^ 
^é,  taVftut'Wro^et^téfifk  S  leurs  efforts  et  ^^vov^tf^ix^x 
les  eààki^  AFôrî^^^^ i*aii  épâifR de îji  fùiiléè  d^  Véiî»v« 
îjôrnë -îd  Vue  i  Ati  èdiicbanf,'  lâttidn^âgUe  Vjie  Paui}lî|i« 
lîxe  fes  rtgarcis  parifet  Vlcfcéffe^dcè  jatdini  ettits  bâlîmebt» 
qui  la  couvrent,       •    ' '        ^    -     '^ 


49Qt  .  l  i  T/T  R 


t  .- 


.*i  o'iv^.- 


ON  ùOttf  ft  ioei)éft  voir  la  vigw  B«rgWe^.Nqoi:n\c|>aç? 
bçfqip  ^  EâLoftf  pou<  cbanact;.  lifingtcwinr  f  iioît 
les  VpyiiM^urft  en  4^^541^  «  ,XIs.me.i9«iitnit  lannt  iuotcci^ 
article.     P^rc  pour  les  b^lct  &ut«t»  mall^^cauiaD  ptatesJèr 
jaîlJîflamcf,  bofquctf,  JardÎM  de  âcnis»  fougers,.  ai/cfak^ 
nct^   orfiQgrnei»  l9bg^riiiAbés^:C»fi»,  'l<iuit'^o^qi»>l^s«~ 
pfîut  tirer  ^  la  Jiatvr^,  Le  c^Mipi  d^ciâl'da  pÉiois  étoninr^:' 
I41  tabatjècc.laiwux  cîieléc»  è&j&oiMracl^Yéeiiiibe  BulfaE:'  ' 
bas  reliefs  ta  tiques  |.iîbî««  iaonifiéf'fstrJei  qnaose  faces^. 
qp^ils^fembleatr  y  avoir  ^iculfités...  L^ftténeuc  resSeqo^ 
me  UDCL  çpjnpjigQiie  f.a^bs^fp.ct^jMtfirv  4oot>i£a}tisJbr 
parlants  ni^ont  pas  belotn  de  langue  poor  s Vx primer.    11 
taudroit  les  mines  du  T^otofi  pour  pajer  les  figures  Grec- 
ques ;  Celles  j^uî  m\BDt.  fieappé  aie  ^lai»  fô^t  le  fameux 
Gladiateur  du  cîfeau  d'^gezia^  Sénèqoe  mourant  dans 
le  baio,  le  Sommeil  en  naibre  nolr,«iih  lAdobotnr  n^ntté  fuj^ 
un  Centaure^  qu?il  .nène  les  «atnf  Héesifor  leidos  :  >1jl. 
l/i/»^Q.ït^  à^utk.myMdM  ioanleâat:èt»«MP»^ 

£(in.vainq^«ur«.   ,         •;..•>      ;      .'        O   ?'5  .;; '*  ^r  ^nr 
,  Nous .  remafquamcs^  4n,TUavef£pnt:>lei  roeay^phdfeisfti^ 
içiqn^ûfms  fnt  1^' baiitettr  dos  .débaademe&ts:«hx«  TâaMQ*^ 
Snctoo^  dît  qu'Augure  ea  éiargit  le  lit,  poor  l!ésDiile«i 
menf  des  neiges  .fiondueiu    'C«.&nifib^^  ink&lairgeipNb^ 
nip^e , ûpagioaûon  gigaaieti^iie,  iar vie. compte  des  Âo^ 
maios,  nous  le  peint,  ni  fi  étroit  qne.UJd&nticeiyx^^tii^ 
V|B^lc^t..en..dittliuurr  TJdte      il  ccfoit  quatrenrinèWs 
avant  d^'a^veiç  à,^oa)Cy  oùJi^lU^ceëtiâ^chi^deiaR^* 


»  a 


I^ „. 

aprëi  îâ*  fin  dô  jour.    Ctacijn^yg  lojg^T:,  J^fj  fVçfW  ^^3 


*  C'èa.à-dire  de  belles  ûatoc»; 


eeffe  la  moâqué  fur  les  mêmes  paroles.  La  danlè  deè 
gtftces  tem^^^tencf  eirM'^reiljue  blsfiine^;  ^àtxs  la  légè« 
fêté  et  la  précifion  y  brillent.  Les  théâtres  bien  coupés 
nft^oni^t  l^^hswé  étftinV  èt'lei  cTiértiia^ir  àéAr^ 
liêm^^ca}WQgmàa;ik:nt  im^M  %*étertèeh  'ti\e1WflfleVaf(^ 
^^lièilriia^ifs  cifoq«^  il^'^î*  l)gtirtf  dé^1ib4âite^  lfa« 
byiés  «iHatt»e  aairt  h»tailet^1a  ^ëbe  :^  ïW  tait  jèîxtiisy 
bkb'i^uàés^etiiieatieou^'ttitfif^  vm^itêf'ltr 

longs^  \é9^hiàyktsiamtïif$pêté9  et  j^ltié  fiéi  âfa  foj6t,'Iéï 
braux  fécnatifs  {dos  t«ttihia«ts.  Leè  feits  de  gout  dei 
4eox  NatMQBs  ^{eot  ({a*on  pourvoit,  dé  PUn  et  de  Taytràr 
opéra,  e».  f ormet  un  ^0|^  propre  tl Yé^  fl&irë'  ébotitér  î^ué 
pdhti  d^Ûadie^  et  ««ia^  eMtq^nilk'^ub  fià'^rÉîMiâ;  ■''   I 


'n  '*  '. r  '*>    ■•-\*   ** i 


£  firotd  èûMt  tet  depuis  trois  -  femafii^s;  ma  drèré 

^^ ^SoeuTî  etla  àefge  a:o0D:«er€  Irtetre  pluûeorsjour»' 

db«i8' ccii^e  ià^mdejr  Âatssft>k}e«  ht^iCbAs  V  Rdme,  com-^ 
me  à  Naples,  étoient  fans  cheminées  :  La  déH^tefle  eir  é' 
fatl;ifbriÂnHfes 'jiiahrpeti^sUni'feriFtttt^  La  cuifine  du 
peikpiiéJ'ariier'foanieaux  dao&  U»  tues  :  Lik  s'achètent 
Ie9!irtsiidés7£rifie9'.ai>-  frîis«8ees*  Aàx  afiemblées  des 
I^vyBQs^  jciièulpètitfea  d^ane  des  pièces  échauffe  le  refie  : 
BriÂ^nné  Q!^nij^)p#ochéy  «t  It's  antichambres  ôht'd^s 
pQiBe9.pleîii»dlslb6éi€(i;;.  /  ^  ••  " 

«drfndant^lcsiderhtfss  jdors  dtF'earna^l,'i1  fc  forÀ^é 'tJ'n  ' 
c:m»9l9î^pBiiplfriMçrB^^^^^  '  Lè^  feftétfès^  et  les  bat^ 
cons  chargés  de.  tiches  tapis,  offrent  aux  yeux  les  ckmet 
qui  craigtteiH4a^fo»l«i'Lefrti'otoii!S€tiuvertsrd^échafiud8 
bordent  la  rue,  et  font  remplis  de  toutes  fortes  de  mafca- 
rades.  Cent  .poiicbinék;^«rleqtiîn^  et  docteurs,  haran- 
guent le  piuple,  et  jettent  àt^  dragées  aux  paSantSy  Le& 
la^tiâlistt  coché rirpt^ntijetot  ^Uffi^Vs  déèuîfements T  Cc| 
cafroffes  et  ^divers  ehàiiï" pelotent  JevrÉ  tùaitres  en  marq»e^ 
c*fofWëÔlàpasïèWi^3é**ï*s^^     ..   s    .  ^ 

^Noèî^'àrorisTîtilt^^àdéi.  ^')a' foté;  4éùx  V^a  bouf- 
fons ;  '  cîY»q  eiâfédW  trèi  farces  occùpcttt  les  autres  £iUe5«. 
dent  p?tf(îeufs'dnt  c^nq^^fix  rang»  de  tog-es.  Comme  lé 
câftïavaldure  peu,  il  eacÔ  d'autant  plus  vif.  La  t)eauté 

^    ~'"  <r.  ,  ■    '    .  i    ,   r  *  du 


4»»  I.KTTSJIS 


4«(e}oor  4eRMW<ttifebMnaMipd*tea«9HM  LtfS' 
j^bîf  j  Ttesiieiit  en  graod  aonbfe,  tappaiiimt: 
coop  d^argent.  Vrnci  lenr  mifche:  il*  it  UomwiMt  à 
Kaples  à  U  moitié  du  camsTal;  ici  pour  les  céréiMniics 
de  la  Seo aine  Sainte,  vers  T  Aicenfion  à  Venife*  dc-4à  mum 
f mret  de  Padoue  xt  de  Viceaie  :  rnfnit»  ils  fêjouniciit  ^ 
Milan,  paflcDt  Tété  h  Florence,  à  cauie  du  boa  air  ;  i*ao<- 
toBine  à  différentes  foires  où  l*Opéra  les  appelle  ;  Vbivmr 
^  Rome,  pour  en  vifitcr  les  cttxiâfitév  Ils  frnt  quelle* 
ibis  pendauDt  quatre  ans  cette  même  promenade. 


Z)«  Somef  27  Hors  1758. 


_  * 

J^AI  profité  de  la  quinzaine  de  Pâques  pour  cootî?  les 
metlleors  Prédicateurs:  ils  me  paroi£&nt  giand»^* 
clamateurs,  ^Les  Chaires  Italiennes  iont  des  efpèccs  ée 
longs  balcons,  w  le  Pré4icateur  court  et  s'agite  à  fon 
aiic  :  leur  éloquence  parle  moins  au  coeur  qu'aux  osetUaa 
et  aux  jeux  :  trop  de  geÛiculations  en  ote  la  aoblffîi^y 
trop  peu  chez  les  Aaglois  la  rend  froida.:  Iciiona^noiAa 
dans  ce  milMcu  û  difficile  à  faiiir  i     . 


De  Parme^  h  15  Mm  1758* 

SON  Alteffe  Royale  nous  a  fait  la  giâce  de  nous  ad* 
mettre  à  fa  table,  dan^  fa  maifon  de  plaifaace  da  Co« 
lorno,  et  d'ordonner  qu'on  nous  rcprêientât  la  tragédie 
dUpbégenieen  Tauride*  Ila  Comédie  FrançoHe,  et  PCu 
péra  italien,  font  en  vogue  dans  toute  l'Europe  :  cette 
préférence  générale  décide  du  mérite  de  cesdeus  ^âades* 
JLe  Théâtre  de  la  Cour  ù  Colorno  èd  bien  décoré,  et  plus 
grand  que  celui  de  VarfaLllcs.  Le  Palais,  bâti  avec  l 'élé- 
gance italienne,  commodément  didribué  et  meublé  à  la 
ITrançoife,  règne  fur  des  jardins  charmants  :  là,  tout  an- 
nonce le  goût  et  la  magnificence  du  Prisme. 

Nous  vîmes  aufli  le'Théatre  Fàrnè£e,  la  plus  grand  de^ 
l'Italie  :  la  coupe  en  èft.fi  parfaite»  qu^une  voix  baffe  s'y 
fait  par- tout  entendre.     Auiiçu  de  loges,  à^t  gradins  y 
rjsgnent  en  cercle  :  le  parterre  ^utfe  remplir  d'eau  à  la 
hauteur  de  trois  pieds»     hos  gondoles  dorées  et  illun'ki* 

nées 


se  M.   XFITACIE.  «^1 

.'mét^r^h^pmwiet  ftr  eep«dtlac«  fentun  fnefv^lUftux  effet. 
Oitréfette  ioMMiife  ne  hn  qxn  pour  les  £ltes  extra^- 


D^jÙHgtnnyU  15  7«Mi  175S. 


AVANT  d^  vcBÎr.  dgns  cette  yîUe»  nous  avons  pafle 
à  Marfetlle.  Le  Port  n^a  pas  rempli  mon  attente  : 
peut-être  le  nal  àc  tète  que  jVus  "^en  paflant  un  lon^ 
faux-bourg  entre  deux  murs,  oùj^étouffoîs  de  chaud  et^e 
pooflière/m^avoh  donné  de  rhuweur.  iJfcQuai  èft  fort 
Tétrffcx  pat  les  loges  des  galériens  qu*on  j'n  tranf^rtés 
de  Toulon,  de  façon  qu*on  y  paffe  4t  peine.  jAt  notirelle 
Tjlle  a  de  belles  roes  droites;  mais  les  tbrtueufes  de  I^an- 
cîenne  conviennent  mieux  au  pays  brûle  du  foleîl  et  battu 
'  des  Vents  :  Nos  Ancêtres  avoient  ntoîns  de  tort  qtîe  de 
weAîon^^m  éviter  nos  alignements  réguliers  ;  et  leur 
peu  de  croifées  haut  percées  les  garantittoîent  mieux  du 
froid  et  du  chaud.,^  £n  for^nt^  nous  découvrîmes  les 
£a(l;ides  des  Marfeillois,  que  vous  avez  entendu  vanter. 
Je  ne  fiiis  comment  des  hommes  le»^  habitent  :  Leur  peu 
d'efpace  conviendrmt  à  des  Lilliputiens  ;  leur  fituation 
fur  w%  fable  bmlant,  à  des  faUmandrés  ;  la  fcchereile^^u 
terrMn  fans  moifl^  et  fetts-abri,  à  des  Sylphes.  Peut- 
être  leur  mukitiide  fe  frète  Pune  ^  Vavttte  un 'agréable 
potat*dcva«^  maiatlfdàloit  quitter  ces  lieox  pourvoir  à 
Axjc  une  ProcefUtm  fameure  de  Vierges,  d^Anges,  de 
XHatits*  et  de  Moines  :  Nous  y  arrivâmes  la  vieille  de 
ce  bîAirre - rpeâacle  ;  j^y  tencontrai  un  grand  nombre 
de  chatfes<a-porteurs,  remplies-  de  jolies  femmes  bien 
parées. 

Noos  nous  fendtaies.  li  Avignon  le  lendeowin  :  Les 
murs  de  cette  f^le;  k^nàét  par  les  Phocéens,  et  vcidue 
nu  Pape  Clemeat  VL  par  jrianne  Rein«  de  Naples,  font 
fort  beaux  ;  le  rempart  pkiAté  d^arb^es  tlMtt  autour  for- 
ine  une  ngréeable  promenade,  où.r4»n  voit  nombre  de 
dames.pari^<r  onteme^auxTuilteties  :  Nulle  de  tio#  villes 
de  Province  n'en  rafiemb^e  d^auffî  bon  air,  ni  tant  de 

T  t  noms 


494  LBTrjRES 

Doms  connus.  La  Marqutié  de  VancliiS"y  tient  Te'Ëtr 
Taffemblée  :  On  y  foupe,  on  j  joue,  on  j  trouve  jdes  geni 
de  bonne  compagnie* 

Le  Vice-Légat  eut  la  conplairanee  de  ne  mener  à  fix 
-lieuet  dUci»  roûr  VaucUlfé»  tten  où  le  CJbpnoîne  Pétrarqi;ie 
fouptra  vingt  ans  peut  la  belle  Laure:  'Pettt*ètre  n*en 
étoit-il  pat  motna  dévot.  Dans  letvtenic  tempa»  les  Car- 
.dinauz,  les  Evéqaes,  fefoieiit  même  de^  Cbnnets  gmiantaj 
tout  paflbst,  pourvu  que  ce  fut  %  l'^itaâon  de  Petcar^e, 
Lea  vert  de  cet  amant  inimitable,  qui  pleura  dix  tnrfa 
belle,  font  par- tout;  et  les  débris  de  (on  cBâteau  rcù/^ 
encore  (ur  un  VK^tt  yçiin  de  cette  Fontaine  dont  oa> 
faittaqt  de  âttteufes  deGcôptions.  Son  ond)e  ctairç,  &r» 
me,  en  flots  boi^iUonants,  unerivii^e  d^s  (a  foi^rce  j  tourne 
cnfuitc^  aiiiour  d^lne  viUei  lui  donne  aîoS  le  nom  de  l^fle^ 
arrofe  les  près  et  les  arbres  .qui  reDviroBPfnt,  èn^^^S*^ 
un  lieu  délicieux,  ^t.Jâ  fi^rnit  d^<9XcêlIeQte$  tnirtcs'  îpt 
d^écréviSies  :  McMi  bienâiiant  CQud^âeur  bous  i^ 'fit 
nanrer* 


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L  E  S    J  A  R  D  I  N  & 

Par  m.  t*ABBB^£  ï*  MLtE.  - 

'  É  diottXjptiQtemps  revient,. et  ranime^  Fa  (bU 
'Lès  oifeaux,  les  zéphirt,  et  les  flèu?»;  et  ma  vèrx. 
^dur  quel  fujèt  nouveau  àoîs-jc  monter  ma  lyre  ? 
"Ah  î  lorlque  d*ua  lon^r  deuil  la tenc  enfin  tcrpirè,  " 
iDans  les  cliamps,  dans  les  boh,  Tur  les  motifs  d'atèntour 
Quand  tout  rit  de  l>boîieuri  dVfpérance  «t  d^amour^ 
4^V(i  ««•tfe«iivr«acs  grtirA'i  h«i»«4e*  fttfttrieiâ  gWîi*: 
Sur  un  char  foudroyant  cfu'il  place  la  vîAoire  î 
Que  la  coupé  d^Àtrée  enraàgl&nfte  fcs  jnams  : 
Tlore  a  fourî  5  tnâ  voîx  va  cnatiter  les  jardins. 
Je  dirai  coounent  Part,  dans  de  frais  payfages,  ^ 
Dirige  Teauy  les  fleurs,  les  gazons,  les  ombrages* 

Toi  donc,  qui  mariant  la  grâce  et  la  vig^euri 
Sais  du  chant  didaâique  animer  la  langueur, 
O  Mufe  !  û  jkdis,  dans  l^s  rets  de  Lucrèce» 
De»  aufières  leçons  tu  polis  la  rudelTe  ; 
Si  pkr  toi,  fans  flétrir  le  langage  des  dieux» 
Son  rîVal  a  chanté  le  foc  laborieux  ;  / 

Viens  orner  un  fujèt  plus  riche,  plus  fertile, 
3>ont  le  charme  autrefois  avoit  tenté  Vrrgile. 
N'empruntons  point  ici  d^omement  étranger; 
Viens,  de  mes  propres  fleurs  mon  front  va  sVmbrager  ; 
£t,  comme  un  rayon  pur  colore  un  beau  nuage. 
Des  couleurs  du  fujèt  je  teindrai  mon  langage. 

-L'art  innocent  et  doux  que  célèbrent  mes  verst 
Remonte  aux  prernièrs  jours  de  Tantique  univers. 
Dès  que  Phomme  eut  fournis  les  champs  à  la  culture^ 
D^un  heureux  coin  de  terre  il  foignala  parure  j 
£t  plus  près  de  fes  jeux  il  rangea  fous  fes  loix 
Des  arbres  favoris  et  des  fleurs  de  fon  choix* 
Du  iimple  Âlcinoijs  le  luxe  encor  ruAique 
Déooroit  ud  verger»     D*un  art  plus  magnifique  '^ 

T  t  a  Baby- 


*4&6    .  les'  J  a  R  D  I  N  s. 

^abylone  éleva  des  jardins  dans  les  airs. 

Quaod  Rome  au  monde  entier  eut  envoyé  des  fhr^. 

Les  vainqueur;,  dans  àt$  parcs  6rnr»  par  la  vîéloîre 

Alloîent  calmer  leur  foudre  et  repofer  leur  gloire. 

L3  Sngefîe  autrefois  habîtoit  les  jardins, 

'Et  d^un  afr  plus  rîant  Indruifoit  les  bulnàlns  : 

Ht  quand  les  Dieux  offroteot  un  E,}y{éc  aux  fages^ 

Ztoit-cc  des  palais  ?  c'jètoit  de  verds  bcca;;es  \ 

C'ctoit  des  pi  es  fleuris,  féjoux  des  doux  loilîrs, 

OjÙ  d^une  longue  paix  ils  goutoient  ItS  plaifirs. 

Ouvrons  donc,  il  èfl  temps,  ma  cartière  nouvelle; 
Philippe  m'encourage,  et  mon  fujel  m'appelle. 

Four  embellir  les  champs  (impies  dans  leurs  attraits» 

Gardt-z-vûus  d'infulter  la  nature  à  grands  fraisj. 

Ce  noble  emploi  demande  un  aitifîe  qui  penfe, 

Proaiguc  de  gcnîe,  et  non  pas  dr  d^cpenCpJ  ' 

iVIoins  pomptux  qu'élégant,  moins  décoré  que  beau. 

Un  jardin,  à  mes  yeux,  cft  un  vafle  tableau. 

.Soyez  peintre.     Les  champs,  leurs  nuances  fana  nombr^^ 

J.fs  jets  de  la  lumière,  et  les  malTifs  de  l'ombr?. 

Lts  heures,  Its  falfonF,  variant  tour-^  ^o^r  .    .  , 

Le  cercle  de  l'année  et  le  cercle  du  jour, 

ï,t  des  près  émarilés  Us  riches  broderies, 

Lt  des  rians  cûteiux  Its  vertes  drapjciies, 

J  es  kirbres,  Its  rcchcis,  et  les  eaux,  et  les  fJeurf^, 

Ce  font  là  vos  pinceaux,  vos  toiles,  vos  couleurs,    - 

La  nature  èll  î\  vous.;  et  votre  main  féconde 
,^.  ■♦  "'  '        ..2' 

Di'pofe,  pour  créer,  dts  éléments  du  monde. 
Mais  ava,nt  de  plunler,  avant  que  du  ter  rein 

votre  Lecbc  imprud,ente  ait  entame  le^lein. 

Pour  donner  aux  jardins  une  (oxifie  plus  pure,/ 

Obft'i  vez,  ccnnoilitz,  imitez  la  nature. 

IS'avcz  vous  fas  fouvent  aux  lieux  infiéqu entés,  .,    ,. 

Renccutré  tort  à  coup  ces  afpcéls  enchantés 

Q^ai  furpeodent  vos  pas,,  dont  Pimage  chérie 

Vous  jette  en  une  douce  et  longue  rêverie  ?^ 

Saififfez,  s'il  fe  peut,  leurs  traits  les'pJus  frappans^  .^ 

Et  des  champs  spprentz  Part  de  parer  lès  champs. 
Voytz  auffî  les  lieux  qu'un  goût  Tavant  décore. 

Dans  et  s  tableaux  choifîs  vous  choîfirez  encore* 

JUani  fa  pcmpe  élégante  adncircz  Ch^ntillî, 

j3eiéjos  en  héios,  d'Age  ta  âge  embeUi. 


LES   JARDINS.  v»7 

É;loei)y  tout  à  la.fois  9)agmfique  et  champêtre,      .  . 

Çbantcîoup,  fier  encor  de  IVxil  de  Ton  maître, 

Vous  plairont  tour-.à-tpur.     Tel  que  ce  frais  boutoa, 

Tîmîde  avant-conreur  de  la  belle  fairon, 

L^aimable  Tivoli,  d^une  forme  nouvelle  . 

Fit  le  premier  ea  France  entrevoir  le  modèle* 

Les  Grâces  en  riant  defCnèrent  MontreuU. 

Maupettuîs,  le  Défett,  RIncyi  Ltmours,  Âuteuil, 

Que  dans  vos  frais  feotiers  doucement  on  s^égare  l 

L^ombre  du  grand  Henri  chérit  encor  Navarre. 

Semblable  à  fon  aogafte  et  jeune*  déité, 

Trianon  joint  la  grâce  avec  la  Majedé. 

Pour  elle  il  s^embellit  et  s^embellît  par  elle* 

£t  toi,  d^un  Prince  aimable,  ô  rafyle  fidèle  ! 

Dont  le  tiom  trop  modeile  hQ,  indigne  de  toi^ 

Lieu  charmant  !  offre  lui  tout  ce  que  je  lui  doi» 

Une  fort^né  lolfîr,  une  douce  retraite. 

Bienfaiteur  de  mes  vers,  aihH  que  du  poète, 

G^èft  lui  qui,  dans  ce  ehoix  d'écrivains  enchanteurs^ 

Dans  ce  jardin  paré  de  poétiques  fleur«, 

Daigne  accueillir  ma  mufe,     Ainfi  du  fun  de  Pherbe 

La  violette  croit  auprès  du  lys  fuperbe. 

Compagnon  inconnu  4c  ces  hommes  fameux, 

Ah  !  fi  ma  foiblè  Voix  pouvoit  chanter  comme  eux. 

Je  peindrois  tes  jardins,  le  dieu  qui  les  habite, 

Les  aiilt  et  Pamitié  qu^il  y  mène  à  fa  fuite» 

Beau  lieu  !  fais  fon  bonheur.     £t  moi,  fi  quelque  jour^ 

Grâce  à  lui,  j'embellis  un  champêtre  féjour, 

De  mpn  illuftre  appui  j'y  placerai  Pimage. 

De  mes  premières  fleuis  je  veux  quVlk  ait  l^ommageî. 

Pour  elle  je  coltive  et  j^enlace  en  ferons 

Le  myrte  et  le  laûfSer,  tous  deux  chèrs  aux  Bourbons* 

Et  fi  Pombre,  la  paix,  la  liberté  m'infpiré, 

A  Pautcur  de  ces  dons  je  dévouerai  ma  lyre. 

J'ai  dit  les  lieux  charmants  que  Part  peut  imiter  ^ 
Mais  il  èft  des  écueils  que  Part  doit  éviter. 
L'efprit  imitateur  trop  fou  vent  nous  abufe 
Ne  prêtez  point  au  fol  des  beautés  qu'il  refufe  } 
Avant  tout  connojffez  votre  fite  *,  et  du  lieu 
Adorez  le  génie,  èl  cunfûhez  le  dieu. 
Ses  loix  impunément  ne  font  pas  offenfées  : 
Cependant  moins  haxdi  qu^éttange  en  fés  penfées,  i 

Tt3  Ton 


■<9«  LES    JARDINS. 

Tous«les  jours,  dnns  les  champs,  un  «rtîfto  ftas  govt^ 
Change,  thélc,  déplace,  et  dénature  tour; 
Et,  par  Pabiurde  choix  des  beautés  quHl  allie, . 
Kevîcnt  gâter  en  France  un  (îte  d^Italîe. 

Ce  que  votre  terrein  adopte  avec  plaT^r, 
Sachez  le  reconnoître,  ôièz  tous  en  faifîr. 
C'cfl  mieux  que  la  nature,  et  cependant  o^â;  ellè^. 
C^èfl  un  tableau  parfait  qui  n'a  point* de  modèle^. 
Ainf]  fa  voient  cboilir  les  Berghems,  les  Pou(&». 
Voj^ez,  étudiez  leurs  chèfsv d'oeuvre  dllFios  : 
Ht  ce  qu^à  la  campagne  emprunta  la  peinturcf. 
Que  l'art  reconnoifTant  le  rende  à. la  nafufe. 

ivïaintenant  des  tcrreîns  examinons  le  choix, •  - 
£t  quels  lieux  fe  plairont  h  recevoir  vos  loix. 
Il  fut  un  ten)ps  ftènede  où,  tonrni^nUint  la  terre, «^ 
Aux  fîtei*  les  plu»  beaux  l'art  déclarent  la  guèrsè^ 
£t,  comblant  les  vallons  et  rafant  les  câteaux» 
D^un  fol  heureux  for mok  d'infipidtff  pl&teaux. 
Par  un  contraire  abus  l'art,  t^ran  des  eaxDpagnes,  . 
Aujourd''hui  veut  créer  des  vallon^i  des- montagnes»^ 
Evhez  ces  excès.     Vos  foins  in fnféli>ei;^x 
Vainement  combattraient  un  terrein  raoAVneoKi^' 
Et  dans  un  fol  égal,  un  humble  moiiticu!»      ' 
Veut/êtrc  piitorefqite,  et  n'èft  querWicule.' 

Délirez  vous  un  lieu  propice- à  vos  travaux?  ' 
l^oln  des  champs  trop  unis,  des  mont9?tvop  inégattx 
J'aimcruis  ces  hauteurs  où  fans  orgueil  domine 
Sur  une  riche  vallon  une  belle  colline, 
]-.à,  le  terrein  èi\  doux  fans  înCpidÎTé,. 
Eicvé  fansïoideor,  sèc  fans  aridité. 
Vous  marchez  :   L'horîzmj  vous  obéit.     Ea^erre^ 
S'élève  ou  rcdefccnd,  s'étend  ou  fe  reflerre. 
Vos  fîtes,  vos  plaidrs  changent  à  chaque  paf?. 

Qu'un  obfcur  arpenteur,  arm^de  fon  compas^ 
Au  fond  d'un  cabinet,  d'un  jardin  fy  mm  étriqué  j- 
Cor;fic  au  froid'  papier  le  plan  géxjméttiqùe  j 
Vous,  venez  fur  les  lieux.     Lhf  crafOn  en  main, 
Deffinez  ces  afpeôs,  ces  coteaux,  ce  lointain  j 
Devinez  les  moyens,  preflfentez  les  obftaclcs  ; 
C'èil  des  difficultés  que  naifftnt  les  miracles  : 

Le  fol  le  f  lus  ingrat  connoîtra  la  beauié. 
£fl  il  au  ^  que  des  bois  parent  fa  nudités 


LES  JARDI.NS. 

Couvert  ?  portez  lit  hache  ea  ces  forêts  profondes» 
Humide  ?  en  lacs  pompeux,  en  rivières  fécondes 
Cba'ngez  cette  onde  impure  ^   et  par  d'heureux  travauX| 
Corrigez  à  la  fois  l-air,  la  terre,  et  le»  eaux« 
Aride  en6n  ?  chercher,  fondez,  fouillez  encore  : 
LVau,  lente  à  fe  tralûr^  peut-être  cft  près  d'éclorc; 
Ainii  d'un  lotig  effort  moi-m^me  rebuté, 
Quand  j^ai  d^un  froid  détail  maudit  Taridité, 
Soudain  un  trait  heureux  jaillit  d'un  fond  âérile, 
Et  mon  vers  raniné  coule  enfin  plus  facile. 

11  è(t  des  foins  plus  doux,  un  an  plus  enchanteur;  . 
C'èft  peu  de  charmer  Toeil,  il  fiaut  parler  au'  coeui* 
Avez- vous  donc  connu  ces  rapports  invifîbles 
Des  corps  inanimés  et  des  êtr<s  (enfles  i  , 
Avez* vous  entendu  des  eaux,  des  près,  des  bois, 
La  muette  éloquence  et  la  fécrètte  voix  ^ 
Rendez-nous  ces  eff«t9«     Q^e  durîant  au  fombre. 
Du  noble  au  gracieux,  les  paCTages  âins  nombre 
M'intéreffent  toujours.     Simple  et  gi^nd,  fort  et  douX| 
Unifiez  tous  les  toufi  pour  phire  à  tous  Jes  goûts» 
Là,  que  le  peintre  vitnnfs  enrichir  ia  palette  j 
Que  l'infpiratîoa  7  trouble,  le  poète  ^ 
Que  le  fage,  du  cakne  y  gouto  les  douceurs  ; 
L'heureux,  fcs  fonvenirs  \  le  m^heurcux,  fes  pleurs^. 

Mais  Taudace  èil  commune,  et  le  bon  fens  è(l  rare; 
Au  lie»  d'être  piqoant,  fou  vent  oA  èil  bizarre. 
Crardez  que,  mal  unis,  ces  effets  différents 
Ne  forment  qu^un  chaos  de  traits  incohérent»  î 
Les'Contradiélioa»  ne  font  pas  des  contraAes. 

D'ailleurs,  ^  ces  tableux  il  £aur  des  toiles  vaftes» 
N'allez  pas  re^rrec  d^ns^  ces  cadres  étroits 
Des  rivîèreSj^dea^lac»,  des  montagfteâ,  des  bois* 
On' rit  de  ces,  jardins^  abfurde  parodie 
Des  traits  que  jette  en  grand  la  nature  hardie^ 
Où  l'art,  invraifemblable  à  la  fois  e^  grôŒer,- 
Enferme  en  un  arpent  un  pays  tout  entier. 

Au  lieu  de  cet  ao^a»,  de  ce  confus  roêlangei 
Variez  les  objets  ou  que  le^  a^eâ  change, 
Rapprochés,  éloignés,  entr^vus^  découvcits 
Qu'ils. offrent  tour- a-tour  vingt  fpeâaclcs  divers. 
C^ae  de  l'effet  qui  fuit,  l'adroite^  incertitude 
Laifie  ù  l'oeil  cuûeux  f4  douce  inqv^ietude  )•  *  , 

Qu^cn 


LESJARDINS. 

'  Qu'enfin  les  ornaments  avec  goût  foîent  placés, 
Jamais  trop  imprévus,  jamais  trop  anoDcés.* 

Sur-tout,  du  mouveneiit  :  Sans  lui,  (ans  fà  magîe^ 
L'efprit  défoccupé  retombe  en  l^thai^ie  ^  - 

Sans  lui,  fur  vqs  cbamps  froids  mon  oeil  gélifie  au  b^lkti» 
Des  grandi  peintres  encor  £ûit-il  attefter  l*ar^  i 
Voyez-les  prodiguer  de  leur  pifoceau  fertile 
De  mobiles  objets  ïuf'  la  toile  inrmbbile, 
L'onde  qui  fiiit,  It  veut  qui  courbe  les  ramcauxi 
Xics  globes  de  fumée  exbalés  des  hameaux. 
Les  troupeaux,  les  pafleurs,  et  leurs  jeux  et  leur  daitfe. 
Sailîflfec  leur  fécrèt.     Plantez  en  abondance 
Ces  fouples  arbrifleaux,  et  ces  arbres  mouvants 
Dont  la  tête  obéit  à  Phaleioe  des  vents  ; 
Q^els  qu'ils  foîent»  refpeôez  leur  flottante  ve^duref  . . 
£t  défendes  au  fèr  d'ootraget  la  nature.  -         ' 
Voye««la  dedîner  ces  cbénes,  ces  oritfeatix. 
Voyez  comment  fa  'maiuy  du  tronc  juiqu'aux  rameaux. 
Des  rameaux  au  feuillage  augmentant  leur  foupleffi?^ 
Des  ondulations  leur  donna  la  molefie.. 
Mais  les  cifeaux  cruels      '■  ■  Préventz-ce  forfait, 
Nymphes  des  bois,  courez;     Qùè  disjè  ?  c^n  èÙ  fait»  ' 
L'acier  a  retranché  leur  cime  verdoyante. 
Je  n'entends  plus  au  lotu,  fur  leurj<|te  ondoyante» 
Le  rapide  aquilon  légèrement  coigm, 
Frémir  dans  leurs  rameaux,  s'éloigner,  et  mdorir. 
Froids,  monotones,  morts,  du  fèr  qui  les  mutile 
Ils  femblent  avoir  pris  la  froideur  immobile. 

Vous  donc,  dans  vos  tableux  amis  du  mouveàient, 
A  vosarbres  laîflcz  leur  doux  balancement.  '  ^      .    "  '  " 
<^'en  mobiles  objets  la  pcrfpe^îve' abonde  :'' 
Faites  courir,  bondir,  et  tejarllfr  cette  bndé; 
Vous  voyez  ces  vallons,  ces  bot!:,  ces  champs  déferts  } 
Des  différents  troupeaux  dans  les  fîtes  divers 
Envoyz,  répandez  les  peuplademombreùCes.  *    ** 

hk,  du  fommet  lointain  des  roches  buîffonneufcs, 
Je  vois  la  chèvre  prendre.     Ici,  de  mille  agneaux 
L^écho  porte  les  eris  de  coteaux  en  coteaux. 
Dans  ces  près  abreuvés  des  eaux  de  la  bollbe, 
^  Couché  iur  fes  genoux,  le  boeuf  pefknt  rumine  j 
Tandis  qu^impétueux,  fier,  inquiet,  ardent, 
Cet  animal  guerrier  qu'enfanta  le  trident. 

De. 


LÈS    JÀItDINS.  s^* 

Déploie,  en  fe  jouant,  dans  un  gras  pâturage 
Sa  vigueur  indomptée  et  fa  grâce  fauvage. 
Que  j'aime  et  (2^  {pupteiTe  et  fon  port  animé  ! 
Spit  que  datts^e  courant  du  iîcuve  accoutuoDe  - 
£n  friiTonant  il  plonge,  et  luttant  contre  l'onde. 
Batte  du  pied  I^^Aot  qui  blanchît  et  qui  gronde  j 
Soit  qu'à  travers  Us  près  il  js'cchappe  par  bonds  \ 
Soit  que,  livrant *aux  vent^  Tes  longs  çrjns  ViE^abonds^^ 
Superbe,  l'oeil  en  feu,  \^s  narîoes  luroantes,  > 
Beau  d'ojrgueiî  et  d'amour,  il  vole  h  fcs  amantes  î 
Quand  je  ne  les  vols  plus,  mon  oeil  le  fuit  encor. 

Ainli  de  la  nature  êpuifant  le  tréfor. 
Le  terrein,  les  afpeâs^  les  eaux,  et  le^  ombrages 
Donnent,  1«  mouvement,  la  vie  aux  payfâges. 

Mais,  f]  du  mouvement  nptre  aeîl  èû  enchanté^. 
11  ne  chérit  pas  moins  un  aiJr  de.  liberté. 
Laiffcz  donc  des  jardins  la  lîbaite  iridécriV,  '-. 

£t  que  votre  art  rcfface,.ou  du  paoins  Ja  déguîfe.  . 
Où  l'oeil  n'éfpère  plus,  le  charme  difparoit. 
Aux  bornçs  d'un  beau  lieu  nous  touchons  à  regret  : 
Bient6t-il  nous  ennuyé,  et  mêmte  nous  irrite.. 
Au-delà  de  ces  m^rs,  importune  limite, 
Ou  imagine  encore  d^  plus  animables  lieux,  .  : 
Et  l'efprit  inquiet  dêfenchante  les  yeux. 
Quand  toujours  guerjroyant  nos  Gothiques*  ancêtres 
Tran  s  formulent  eu  champ  cIg»  Icars  alyles  champêtr*5| 
Chacun  dans  fcn:  donjon^  de  inurs  evirpnné. 
Pour  vivre  furement.  vivoit  empriibnné* 
Mais  que  fait  aujourd'hui  cette  ennuyeufe  enceinte 
Que  conferve  l'orgueil, et  qu'inventa  la  crainte  ? 
A  ces  murs  qui  génoien^,  attriiloieni  les  regards,. 
Le  goût  préfèrexoit  ces^  verdoyants  remparts. 
Ces  murs  tifTus  d'épine,  où  votre  main  tremblante 
Cueilkr  et  la  rofe  inculte  et  la  mùje  faoglante. 

Mais  les  jardins  bornés  m'importunent  encoore* 
Loin  de  ce  cercle  étrprt  prtnons  enfin  l'efibr 
Vers  un  genre  plus  vaile  jpt  des  formes  plus  belles, 
Dont  feul  £rmenoiiviIle  çfFre  encore  des  modèles.     , 
Les  jardins  appellolent  les  champs  dans  leur  féjour,. 
Les  jardins  dans  les  champs  vont  entrer  à  leur  tour« 

Du  haut  de  ces  coteaux,  de  ces  monts  d'où  la  vue 
D^ua  vallc  payfage  cmbraffe  l'étendue, 

La 


I    • 


l.'   ■^'. 


LES  JARDIN8.I 

La  Nature  au  Génie  a  dît  :  *'  Ecoutetinoi»    ^ . 
Tu  vois  tous  ces  tréfors;,  ces  trélbrs  (bot  S  toU  ^ 
Dans  leur  pompe  iauvage  et  leur  bcute  richefle^ 
Mes  travauft  inpar&its  implorent  ton  adclre&Q,"  . 
Elle  dit.     Il  s'élance,  il  va  de  tous  cotés  .  .  ^' 

Fouiller  dans  ceue  xnafle  où  dorment  cembe^ut4$  ...... M 

vDes  vallons  aux  coteaux*  des  bois  À  la  .praîde,  .     .       ~j 
Il  retouche  en  paflant  le  tableau  ^i  varie.  .   '; 

Il  faiti  au  gré  des  yeux,  réunir»  déucher» 
Eclairer  rembrunir,  découvrir  ou  cacher»  -, 

Il  ne  compose  pas  i  H  corrige,  il  épure» 
Il  achevé  les  traits  <|.u^ébaucfia  la  Nature. 
Le  iront  des  noirs  rocl^ers  a  perdu  fa  terrent  ^  ,     . 
La  forêt  égayée  adoufi^it  fon  horreur  }  ; 

Un  ruifleau  s^cgaroit^  il  dirige  la  courfe  ; 
11  s'empare  d*un  lac»  s^enrichit  d*uae  fource^*  . 
Il  ycttl  p  et  d^iai^tiers  eotnrnt  de  toutes ^arts 
Chercher»  faifir,  lier  tous  ces  membres  qpari;. 
Qui,  furpris,  encihaotés  du  lioeud  oui  les-tafiemble* 
Forment,  de  cents  détâiVs  un  m^ni£que  enfcAil^^ 

Ces  grands  travaux  peut-être  4pouvanteut  vptre.ttt^: 
Rentrez  dans  nos  vieux  parct«  et  voyez  d'un  te£|t^d<. 
Ces  riens  difpendicux»  ces  recherche^ irlvolesy        .  ..  ^ 
Ces  treillages  fculptés,  eu  baffîis,  ees  ugolçs^  .    , 
Avec  bien  moins  de  frais  qu^un  art  minutieux* 
NVrna  ce  Teul  iréîiuit  qui  plait  un  jour  aux  yçusC)- 
Vous  allez  embellir  un  payfaga  immenfé. 
Tombez  devant  cet  art»  faufle  magniSceocet 
Et  qu^un  jour»  transformée  en  un  nouvel  Eiden^  r 

La  France  à  nos  regards  offre  un  vafte  jardin  ]-.  ,  « 

Que  fi  vous  n^ofez  pas  tenter  crtte  carrière,  , .      ^  ; , 
Bu  moins,  de  Vos  enclos  ffaiiebiflaot  la  barrière'^*    .  .:  / 
Par  de  riches  afpe As  «grand iffez  les  lieuxk-. 
D^un  vallon,  d'un  coteau,  d'un  loiot ai n  gracieux,         \ 
Ajoutez  à  vos  parcs  rétransere  étendue  :  ^ .    .    " 

Pofledcz  par  les  yeuXi  jouiuç^  par  1a  vuie»  .    ,  ., 

Sur-tout  iache^  faiôr,  eiichaln^ir  à^vç^s  plants  ..   . 
Ces  accidents  heureuse  qui.diftiRgUvejt^t  les  champs^. 
Ici,  c'èft  pD  hameau  qiie  djbs  bois  environi^ent  : 
Là,  de  leurs  longues  tours  les  cités  fe  çcuio^uent^ 
Et  ràrdoifc  azurée»  au  loin  frappant  le^-yeux. 
Court  en  fommet  aigu  fe  p.eidre  dan  H(  s  deux, 

Oni 


LES  jARbtN&  3*5 

Oublirai.jç  çc  fletnre»  et  fon  eou»s^  et  fe«  rives  ^ 
-Votre  oeil  3e  Idlo  p^rfidt  fer  ycnfc»  fiig|îtîres^. 
DesUes  qoelquef<Â9  s^levent  de  (bit  feih  |  ^ 
Qaerqtvéfois  ?l  s^ei^fuit  (btis  Tm  dHin  poùt  tmntftih. 

Et  fi  la  vafte  liièt  &  Vq«  yeux  (e  préfeote^ 
'Montrez;  t»âii  vatîjrtf  cette  fcène  împofiiilte.  , 

Ici,  qu'on  ï\Tatrevblé>traver>  dci  wmettJx. 
Là,  dans  renfoncêmeiit  de- ce^  profonds»  berceaux. 
-Comme  au  bcnft  â*lun  Ibnj;'  tabe  une  voûte  hi*  moittti^ 
Au  détour  d^un  bofquet  wS  IVii*  1^  risneonmi 
JLa  perd*  encore  \  enftn  lâi  vue  en  Hbeifé 
Tout  à-coup  la  découvrir  en  fàn  imtttenfité. 

Sfeir  ces  afpè£b  dîver»  fixe^  IVetl  qui  s^%tf  é  $ 
Mais  il  faut  l'avoueri  c'fcft  <?ttti^  toitt  avà;re-  ' 
Que  les  bommes»  fes  a]rts,?iii  Mift;^re  H^e  temps 
Sèment  autour  de  h«rùs')^*>khes  &^  " 

O  plaines  âch  &ti<it  1  ô  cSaxript  dfc^  i*Al^nte  ! 
Lieux  toujours  inf^urarntsV  toujours  cbirr  au  geâle  i        ^ 
Que  de  foîy  arrêté  dâiis'un  bef  horizon, 
JLepeintnïvbit,  i^flaàrme,  etfaîfft^f^^^ 
Oemne  ces  ioiht^ns^,  et  ct^  lôères,  et  tei  l!es«    ' 
Cer  pottSy  cer  monts  brulanbf  et'  dièténûs  ftitiles, 
Des  laves' de  ces  rtionts  eoccire t^t  itténaçBints^  ^       [.[ 
Sur  des  palais  Retraits  d'atitres  palalé  niffeiits. 
Et,  dans  ce  long  toomeot  de  la  terre  et  de  Tonde* 
Vn  nouveau  monde  éclbs  de$  dëbrif»  dju  vieux  monde  f 
Hélas  !  je  nHâ  point  vu  êé  iëjôur  encbanté, 
Ces  beatt!t  lieux  oâ^rçîlè  ja  tant  de  fois  cbanté  ;' 
Mais,  j'en  jure  et^ît^îc'ct,  Tes  accords  fnblitnès. 


quf  lésont  iâfj^i 
Vous,  épris  des  beautés  qu*étalrntëes  rivage» 
,Au  lieu  de  ce»^arpe£Vs,  àt  ces  gr|tt|ds  payfages, 
N'aves- vous  au*debors  que  d'infifpideV  ebamps  ? 
'Qu'au  dedans,  des  objets  mieux  chbifls,  plus  touchants 
Braommagèht' vos  yeuTt  d^tttc'vue  éti^ni^èii'e  r 
>Dans  votre  propire  encetfitë  ap^iienrz  i  vous  pTiiîre^ 
Symbole  Keurnrx  dufagé,  indépénè^t  d*aatruî,     ^ 
<Qui  renlré  dans  foh'  âme,  et  fe  plaît  tvtc  luî.    ' 
Je  n^enfonce  avec  vous  darns  ce  fécrèt  afyle.  '     ' 

T^ittcfcis  ao9  lieux  tn^iue  où  le  fe]  plus  fertile 


14 s    JAUDINS.  p^ 

Ses  btiis  tournes  «n  globe,  en  pyràniîde,  eà  vaft, 
Et  fes  petits  bergers  bien  guindés  fur  leur  brffc, 
Laîflez-Ie  s'applaudir  de  fon  luxe  xnerquin  ; 
Je  préfère  un  dianop  brut  à  fôn  tn'fte  jardin. 

Loin  de  tes  vains  apprêts,  de  ces  petrts  prodiges 
Venez,  fuivez  «on  vol  au  pays'de^  pi'^'ges,  ' 

A  ce  pompeun  Verfiaie,  à  ce  riant  Marly, 
Que  Louis,  la  nature,  et  Tart  ont  embelli. 
C'èft  là  que  tout  èft  grand,  que  Part  n'èft  point  timide  ; 
X.à,  tout  êft  enchanté,     C»èft  le  palais  d'Armide-j 
C'èft  le  jardin  d^Alerne,  ou  plutôt  d'un  héros 
Noble  dans  fa  reUatte^  et  grand  dans  fon  repos, 
^^ui  cherche  encore  à  vaincre,  à  dompter  des  obftacics, 
jLt  ne  marche  jamais  quVntouié  de  ihiracles. 
Voyez-vous  et  les  eaux,  et  la  terre,  et  les  bois. 
Subjugues  à  leur  tour,  obéir  à  Tes  loîx  ; 
A  ces  douze  palais  d^légante  (frudure 
Ces  arbres  marier  leur  verte  architeéture  ; 
Ces  bronzes  refpîrer  ;  ces  fleuves  fufpendus, 
£n  gros  bottillons  d'écume  à  grand  bruit  défcendus 
Tomber,  fc  prolonger  dans  des  eanaux  fuperbes  ; 
Là,  s^épancher  en  nappe  5  ici,  monter  en  gerbes  1 
Et,  dans  Pair  s'enflantmant  aux  hux  dHin  foleil  pur 
Pleuvoir  en  gouttes  d*ôr,  d»émeraudc  et  d'azur  ?      ' 
S' j'égare  mes  pas  dans  ces  bocages  fombres, 
Bes  Faune»,  des  Sylvain*  en  ont  peuplé  les  ombres 
lit  Diane  et  Venus  enchantent  ce  beau  Keu.  * 

Tout  bofquet  èft  un  temple,  et  tout  marbre  èft  ua  Dieu; 
^t  Louis,  rcfpiram  du  fracas  des  conquêtes, 
Semble  avoir  invité  tout  l'Olympe  à  les  fêtes 
C'èft  dans  ces  grands  effets  que  l'art  doit  fe  montrer. 

Mais  refprît  âifément  fe  lâffe  d'admirer. 
J'applaudis  l'orateur  dont  les  nobles  peofées 
Roulent  porapenfement.  avec  foin  cadencées  : 
Mais  ce  plaîfir  èft  court.   Je  quitte  l'orateur, 
Pour  chercher  un  ami  qui  me  parle  du  coeur. 
Du  inarbre,  de  Tairaîn  que  le  luxe  prod^^ue 
I>es  ornements  de  l'art  l'oeil  bientôt  fe  fatigue  • 
Mais  les  bois,  mais  les  eaux,  mais  les  ombra'Ves  frais 
1  out  ce  luxe  innocent  ne  fatigue  jamais.  ' 

Aimez  donc  des  jardins  la  beauté  naturelle 
Dieu  lui-même  aux  mortels  en  traça  le  modèle. 

.     U«  Re-    ^ 


4 


So6  LES    JARDINS. 

Re^rardez  dans  Mihon.    Quaad  ffcs  puififtatec  mtâas 
Préparent  un  afyle  aux  premiers  des  msniftiD»  î 
Le  voyezovous  tracer  des  routes  régulières. 
Contraindre  dans  leur  cours  les  oades  piifoaBières  ? 
Le  voyez-vous  parer  d'étraugers  arnemcnts 
LVnfance  de  la  terre  et  fou  premier  ptifiteiups  ? 
Sans  contrainte,  fans  art,  de  (es  doiîee«  psénicca 
La  Nature  épuifa  les  plus  pures  délices. 
Des  plaines,  des  coteaux  le  n^elauf  e  chtimant,. 
Les  ondes  ^  leur  choix  errantes  mollement, 
Des  rentiers  iînueux  les  routes  tudécîfes, 
lie  défordre  enchan.tear,  les  piquantes  Xurprifes, 
Des  afpeâs  où  les  yeux  héfîtoieut  H  ehoifir, 
Varioîent,  furpendotent,  prolon^otent  leur  platfir» 
Sur  rémail  velouté  d'une  fraîche  verdure. 
Mille  arbres,  de  ces  lieux  oudoyanfee  parure. 
Charme  de  Podorat,  du  goût  et  dès  records, 
Elégamment  ^rouppés,  négligemment  épars. 
Se  fuyoietit,  s^approchoient,  quelquefois  à  leur  mue-, 
Ouvroient  dans  le  lointain  uqjî  fcène  imprévue  ; 
Ou,  tombant  jufqu'à  terre,  et  recourbant  leurs  bras, 
Venoient  d^ûn  doux  obftacle  erabarr^ffer  leurs  pas  : 
Ou  pendoient  fur  tète  en  fefloiis  die  verdure, 
Et  de  âeursy  en  pafiant,  fessaient  leur  chevelure. 
Dirai- je  ces  forêts  d'arbuftes,  d^arbrifleaux, 
Entrelaçant  en  voûte,  en  alcoVe,  eu  berceaux 
Leurs  bras  voluptueux  et  leurs'tîges  fleuries  ? 

C'èft  là  que,  les  yeux  pleins  de  tendres  rêveries, 
Eve  à  Ton  jeune  époux  abandonna  fa  main, 
Et  rou;;it  comme  Taube  aux  portes  du  matin, 
l'out  les  félicltoit  dans  toptc  la  natnre. 
Le  ciel  par  fon  éclat,  Tonde  par  fon  murmure. 
La  terre,  en  treflaillant,  reiTentit  leurs  plaifîrs  ; 
Zéchyre  aux  antres  verds  redifdit  leurs  foupirs  i 
Les  arbres  frémiffoient,  et  la  rofe  inclinée 
Vcrfoit  tous  fcs  parfums  fur  le  lit  d'h^ménée. 

O  bonheur  ineffable  !  &  fortunés  "époux  î  '  ^ 

Heureux  dans  fes  jardins  ;  heureux  qui,  comme  vous, 
Vivroit»  loin  des  tourments  où  l'orgueil"  èft  en  proie, 
Riche  de  fruits,  de  Heurs,  d'innocence  et  de  joie  ! 

EGLOGUES 


^ 


<  s«7  y 

E  G  L  O  G  U  E  S. 
Dis    VIKGILÈ, 

EcuoGwrI.     TITTRE, 
.  McLtssB)   TxTyfts. 

TR  ANQyiLLE,chèr  Titjrre,  irombw  de  ce  hêtre,. 
Vous  eflayez  des  lûrs  fur  un  hautbois  champêtre, 
Vous  chante»  ;  ÀfaU  pour  nous,  in/ortunés  bergexi| 
Nous  gémirons  bientôt. fur  des  bords  étrangers! 
Nous  fuyons,  exilés  d'une  aimable,  patrie, 
Seul  vous  ne  quittez  point  cette  terre  chérie; 
Kt  quand  tout  retentit  de  nos  derniers  regrets. 
Du  nom  d^Amarillif  vous  charmez  ces  'forets. 

Un  Dieu,  cher  Mélibée,  appui  de  ma  foiblefle, 
Accorde  ces  lo^rs  aujc  jours  de  ma  vieillefle  : 
Oui.  je  mets  ce  Héros  au  rang  des  immortels, 
X*e  fang  de  mes  agneaux  rougira  fes  autels  ; 
Si  mon  troupeau  tranquille  erre  encore  fur  ces  rives, 
Quand  le  fort  en  bannit  vos  brebis  fugitives, 
Tandis  qu'un  vaûe  effroi  trouble  nos  champs  déserts. 
Si  dans  un  doux  repos  je  chante  encore  des  airs. 
Berger,  c'èli  un  bienfait  de  ce  Dieu  fécourablc  ; 
C*èil  à  lui  que  je  dois  ce  deflin  favorable. 

Me/iéee, 
Parmi  tant  de  malheurs  et  de  troubles  affreux, 
Que  je  fuis  étonné  de  trouver  un  heureux  ! 
Je  fuis,  traînant  à  peine  en  cet  exil  funeile 
De  mes  nombreux  troupeaux  le  déplorable  refEe  : 
Cette  trihe  .brebi»y.refpoir  de  mon  troupeau. 
Dans  fa  fuite  a  perdu  (on  languiffant  agneau  ; 
Déjà,  dans,naa  douleur»  j'ai  brifé  ma  mufette  : 
Pourquoi  te  tien«  je  encore,  inutile#hpulette  ? 
Hélas  !  {ouvent  le  Ciel,  irrité  contre  nous, 
Far  des  fîg nés  trop  fûrs  ro'annonçoit  fon  coarroux  ; 

\J\x2r  Trois 


5o8  £GL06U£S  m  VJKAU^ 

Trois  fois,  il  m'en  foaviettt»  éMns  la  forêt  prodiaîac^ 
Le  tonèrre  à  mes  ^cox  èâ  toas^  for  vm  cheo»  ^ 
De  fiotfircs  oi(èaiix,  p»r  de  luf  obrcs  chants. 
Trois  fob  m'oQt  aoooQcé  la  ^rtc  4e  dos  champs. 
Mat»  potir^Moî  rappeller  ces  doulootoix  prélkges 
Berger,  qaVl  èft  ce  Dieu  qui  reçoit  voa  hommages  ? 

Bien  Ida  de  nos  hammeaua  ce  Héros  tient  fa  Cooi^ 
Sa  préfeoca  embtUU  un  pkw  Aobic  iekmr  ; 
Rome  èft  ce  Ueu  charmant  :  Antrefois,  je  l'avone^ 
Je  ne  croyots  poMt  Jlome  ae  defius  de  JÊ^ntoue  ^ 
Qu'elle  étoit  mon  erreur  !  fur  ces  hocds  e^hantéa 
Le  ttbre  voit  hrtlUr  la  Reine  des  Cités  : 
Rome  J'emporte  autant  fur  le  fcfte  des  ViUeSt 
Que  le  plus  ham  Cypiès  fur  les  biûffi»09  dénies»   - 

Meliàee. 
Quel  efpoir  irous  ports  vers  ces  aimables  licua  ^ 

La  Liberté,  Bei^er,  s^y  montroît  i,  mes  voeux  r 

D'elle  j'obtiens  enSu  des  regards  plus  pcopâces  : 

Mes  derniers  ans.  pootroat  coukr  ^fis  jîps  j^fpiecs j^ 

Mantoue  à'  mes  défit f  fefofeît  ce  booheut^ 

Par  d  Un  utiles  foins  je  briguois  (a  foveur  î 

Sans  aucu»  frui(  peue  moi,  ces  fréquents  facriBcea 

Dépeuploient  mon  barcail  d*agneauz  et  de  génifles^ 

Vainement  j'imploroia  rbeujreufe  liberté  ^ 

Mais  en6n  j'ai  âéchi  cette  divinité. 

J'ôfai  porter  ma  plainte  au  Souverain  du  Tibre  ; 

J^étoiii  aloxa  eiclavc  9  il  parla,  je  fus  libre. 

Lorfque  vous  habitiez  ce  rivage  charmant^ 
l^out  s^affligeoit  ici  de  votre  âoignement  ; 
Pendant  ces  fombres  jours»  la  jeune  Gaiatée 
Du  plus  tendre  chagrin  me  parut  agitée  » 
Ses  yeux  s^'ouvroient  à, peine  à  la  daxté  du  jour^ 
Sa  plainte  atteodriâoit  les  Nymphes  dVentour  ^ 
Les  écbos  des  vallons*  les  pins  et  les  footainea 
Kappelloient  à  Tenvi  Tity^eduns  nos  plaines  ; 
Vos  fruits  dépériâbieot  dans  le  plus  beau  verger, 
£t  vos  trQupeaux  plaintifs  demaodoient  leur  berger. 


2î4«^1 


HGXLÇKsm»^*  vmciLt:       ^9 


.  f- 


Sî  je  n^avdîs  tfAtîê  Ma  tf4tè  foBttidé»  ^ 

Je  fouffrîrois  éncoi^  k  tnéttië  fi^f^ade  : 

Dans  CCS  maujf,  RoâJfC  é«Jl«  Aidi  utifefu^  tccwiw; 

JBrfe^-DTéQ^pc^^éftf  A<ul%  itfe  fftlrè'd%6Ui*eitH'}attf«t> 

Xià,  j^aî  tu  ce  «tfr«,-<ï«ë  châfite  'ftxtf  t^df^CTe, •  "^ 

Il  èfk  dairs  le  print^empsd-'^tilfefef  belle  jeunelTe  $ 

Allez,  Berger,  aî<-îl,éôflfii#v*fe  en  «§pds 

Votre  féjour  fliâtaî,  v^S'cl<«ihps  ét-vo*  tron^eatix-. 

Bientôt,'  pif  ûtt  retbWr  d%oiiàigfig«  ^gitimcs,'  ' 

Je  lui  facrîAefSf-ibeè  plue  bc4le^  Tiétîi^^* 

Ses  fêtes  rrvi^ndrûfnt'dalifte  fois  toa^  le^  a  As, 

IDouze  fois  fes  aatcls  ree^vrW*  moo  enbeCis.  •  •  - 

Ainfî  doite,x;lièr  TîfyHÇj  ex<ta^  ^tt^tMUmhttir 

Vous  finirez  vos  jours  aux-f^rfe  dfe  Vos  pèï^es, 

Vos  trouperfnx  rcfj[>efléô  dû  bartrart-é  vrffti4tt*\ir 

Demcvreront'  ici  fou^  leur  prlémier  pafteiir  *, 

Ils  ne  fortftbht  pékt  de  ces  gràs  pati^aè'tes; 

Pour  périrtfe*l*iSg*ie4îr'dëi]fr  de*  te*rc»' iauvagiés'-: 

Valables  eMcbifej  atïf«ô(if  de  mot  kf, 

Picoteront  k  flétri*  dW  fa^lés'et  du  thym  ; 

Nos  chai&ps  abaiido4Vi>és  Volit  reft#r  iiiolîles^ 

Les  vôtres  par  vo^  ^0s  (eroût  toujeots'  ferttle9j .  < 

Vous  vponrrea^  ettcof e'  voir  cèS  b<>cage9  <îbéKs, 

Ces  gracieux  lototaiils,  ces  fii^ages-  iktitis  :  .  , 

Les  amoureux  foupirs  de»  rodig^ols  iidelles,^  * 

Les  douk  géikH  iTètftefrts^  dés  têndriefs  t<»urt'er^11e<  •        -  • 

Vous  livreront  c^cbré^abx'diHieeurB  é«  i^mtf^/ 

Dans  ces*  antres  fermés  auïTfe^rds  du  foleii. 

L' Ambur  faura  forifjOUt*sr. më»rethicet  limage     ^ 
Du  Dieu  qui  tiH  p* ôc u»r«  U|i  *fi  doux  àVài^tagb  :     " 
Le  Cerf  d'un  vol  h^tdi  tfavet-fetà  les  aîf s^,  *     '    ■ 
Les  habitiàr»tft  dés  '^k-  faîi'btt  d^ai»  le^'Désèrtr,  * 
La  Saône  ira  fe  joindre  ^^x  onde^  de  TËuphrate^ 
Avant  qu'ut*'  \Migt  oûbii  %D«fîiilfe  une^  âtne  ingrate.  '     • 

Qjc  nepïrkljè'avfrc^  VÔVI9  c6îéi!«»<*r  ce^JSféros,      - 
Lt  ranimer  lè^  foné  de  ixiHti^deV'p^peâux-! 
Nos  paîtcurs  pleurent  tous  urï  même  dilgrace, 
N^tts  fuyons,  diîjperfés;  les- uns  aux  champs  de  Tbrace 

U  u  3  Vont 


Vont  chercher  des  t0nbe9i»  ious  cei  afi&alx;clîi8at#' 

Qu^ua  éternel  hivèr.c^uvt e  dîâpres.ftîsw  f 

I^^autrei  vont  habiter  ttoe  croisée  «fidcf.    .        ^      •   • 

£t  les  déserts  voîfias  de  la  Z^ooe  Torddb  y    :. 

Compi^^Mn  de  leurs  ]iiau««  Al  bton»  fmtt  tnirjnw%> 

Sous  un  ciel  incoAna,  je  ftrmîaem  jaes  joof». . 

Quoi i  je  no  vterû  phM  ces  santpngpies  fichètts» .     .       > 

NI  ce  ruftique  toU  hérité demes  pères  ï 

O  Mantooe  !  6  du  moios,  ficts  rîcfaet  filions. 

Devpicnt  m'étre  readus  après  qndliqniefr  moifims  I 

Non,  je  ne  verrai. plus  oh»  fiocêtt  terdoyaotea^    . 

Ni  ces  gu^rets  «hargés  de  i^erbea.  ondoyasMe*  > 

D*a  vides  étrangers»  des  {aUtts.  inlwmatad 

Défoleront  ce  champ  cult4va.dc  aaes  ttalns  v 

£toit>ce  donc,  gnmda. Dieux!  pptfrœuc  troupe iaïKgfte 

Que  j*ornois  ssini  ^ftigtÉ^  <pie  je  tftUlois  wa.  tûgae  i 

Oen  cA  fak  ^  pour  toujooj:!  ^oceves  «tics  adieux^ 

Bords  il  cbèrs.l^  mon  coeur  et  &  beaux,  à  mec  yeux» 

O  Guerre  !  ô  triftc  efiètdcc  dtfeordes  <ivUrs i 

Champs,  on  .vi^i^s  fiicffi£e  1^  l^n^et  des-. Villes-  ; 

Troupeau  touJQurft  chéri  dans  des  ^nstSLpivis.hâireîsSt 

Mon  exil  U  pi^épsn»  iàl>f€tri  faicn:>rigooTe^:i 

Du  fond  d^itfi  aulfc  frais,  bordé  4^zÉe.oo4e&pui%«. 

Je  ne  te  verrai  plus  bondît  £ur  la  ve^ditse  t     .  .    J 

i>uivca«^moî»  fiiible  refte»  inf^ctunésmoutonS)    . 

i^ur  la  derrûèfc'&iîs  Ywss^voyc^  ces  ^aatons.    . . 


.Dans  ces  Vf  u^  <Htpandaiit  .on  vous  pemetesQorci. 

D^attendcfifki retout  de  lapt^micre  àume»  :-  ... 
Ke^a^rnons  leJMMnaau^a  JBef^cr,'(îitweAm«a  pSES^- 
TheAUf'iMUS  apprête  un  champctce  repas ^  . .:.  . 
Le  jour. fuit,  h^ns  n^uiL:.dafofl9;^ol.d«s  ooUiaelfr 
L'ombre  defcend  dnà  dans,  ces  plaluea  voifines^ 
Lfs  oireau&endormu.ont  fini  }e«rfr^ooBicertSy 
£t  le  chajç  d%  la  nuit  Vèièvoiiur  ka  aârsi. 

ËGtioevc  IL    /  M.I&  r. 
•.        ..  '  »  . 
JL^ASTM  bpulan;!  du  jour^.fiir  .nosb  paifibler  rlves^ 

Repandoit  du  midi  les  afdcUrs  Jes  plus  vives^ 
Quand  Coridon  errant  d84S  Phorteur  de$  ioiàti. 
Aux  dé.èxts  atieoitris  confia  fca  cégrêti» 


il 


1 1  «éocott"  ifi#  t  d\Kie  f  laiae  étmngèra  * 
Il  vottloit  dan»  ioBchtmp  attiier  It  Bergères  ■■ 

Iris  étoit  promiftauv  feu»  é*nut  autre  attant, 
Et  plaîgnoit  Condon  finis- «aimer  "ion  toùrmeat^  • 
Cet  a^poBrrwifl  Berger  fiijoit  Wjeai^  chamf  êtres  ^ 
Solitaire,  il  Tenoît  ifr-cMslietf  fous^  de»  hêtre»  ^ 
C'èft.là  qti'a^ant  eoadoitiet  troupeaux  timgmiffantSi 
11  foupiroit  un  jour  ces^  douloureux  aect^ât s»  ^ 

Hâtez-vous,  lbiiibre&  jour»  d^uiie  ^diéuiê  v}ej 
Fui fqne  toute  efpénHice  à  mes  voeux  èft  rttvie,      * 
Pttifqu'un  «ptte  berge»  emporte  voa  amours. 
Pourquoi,  cruelle  Iris,  vottdrois«}e  eocore  dès  jours'  f 
Du  moins  plaides  les  tkanx  que  ma  Itngueur  me  caule  t 
Il  èft  l'heure  dkt  jour  ^  tout  ki  reppfis»     '      - 
Là  Mouleur  tranquille»  ^  l'abri  du^H^kU, 
Répare  &  vigueur  ^lani  )ç  lein  da  femmeil  ; 
Auprès  de  leurs,  troupeaux^  dans  ua'bétagé  témhtt, 
Sylvie* et  fou  Berg^  goûtent  le  firei^de  Pombre  i 
Privé  de  ces  loidvs,  et  btli«afit4a  (Shaleui^ 
Je  promené  -eiii  ces^ibois  ma  plainthre-  dout^ur* 
Amevgémifietueottréoho'paiKMtfeDfible^     ' 
Tout  me  plaint^ vot^coeut  t%fte&ul^i«idetible. 

Que  irHiî^je  pour  PklUs  bmlé  des  mêmes  #eax  1 
A  la  fille  d^Arcas^  que  A*ai  je>offèr€  mes  iroeux  !  ^ 
Leurs  grâces,  il  è(t  VFsi^nJ^aleut'poial  vo$  ^îharmes; 
Mais  leur  cdenfmoinsÎDgratm^'ewtcoucémoins  de  larme  k« 

Ah  i .  ne  comptez  point  ta^at  fur  vos  belles  couleurs^ 
Un  jouc?les  peut  Jéiiyr,  'im  juutf  âétrtt  les  ^âeuvs  ^  ' 
La  beauté  n'èA4itt^un'lys,.l*a.u<bre  Ta  vu  nail»e^    - 
L^auror<  à  foi»  recouv  ne  ie  f>eut  recotino^re. 
Pourquoi  me  fuyez* vous  l 'J^i  de.  ifOmbteuii^  tfdiSpeaux 
Dans  les  ducmps  qu^A^étb^e  ^enrichît  demies  eaux, 
£n  lait  délicteuar  mes..breb»s  font  fécondes; 
Lors  même  que  Phtver  glace  et  l'sir  et  les  ôades  : 
D^Amphion  dans  mes  «h^nt»  je  raoîme  les  airs», 
J'obtiens  fouvent  le  prix  des  champêtres  concerts^ 
£t  fi  le  ruifieau  puf  qui  èoule  e»  ce  isocage 
N'abufe  point  mes  yeux  d'une  Hatteufe  image, 
Si  la  mèfuotts  ptiiit  bî^-dans  leimho&r  des  eamx,    -^ 
Quand  rhaletue  des  vents  n'ébrsule potnl  les  flots,;      ^ 
Souvent  yù  couâilté  ce  cryftal  îmmcÀfle,  ^ 

Moa  air  ne  cède  ricAattx: grâces 4e  Mirtyîe*       '    '>     > 
u-  Ne 


Ne  craignez  poînf,  Irîè,  d*bèbîwîiw^fi»tt#/  y-  '^'  ^ 
Les  plaifin  y  naîtront  de  vos  tdidir^ratn^h^ T     ' 
Les  hnceres  tmoui^,  peu  connus  cfalls'ïes  vitleir,  >   <^     .  r 
Sous  nos  tranquilles  toits  ont  ct^îd  âW  ffytti^  '    ^^       - 
Souvetft,  JQ^i^nant  nos  voix  aiix' cHaYtftfm  déVotlbttry, 
Nous  irons  éveîHèr  les  foîâtt-é^  éàSùr: 
Nos  ohaifts  égaleront  la  dbaciC  làélôdir      -  =-         -"^ 
Des  airs  dont  le  Dieu  Pèn  fait  chanfiéV  i^AftâtHlT:  ;' 
Pan  trouTa  le  premier  cet  art  îiigénitfu»' 
De  former  fur  la  flûte  on  fon  harfftbttWtiY  > 
Pan  règne  fur  nos  bois*!  il  aîme  ift>s  pra^irîe^, 
C'èa  le  Dieu  des  Bei^ers  et  de  leurs  Betg^rleis/ 
Vous  aurez  fotks  vos  loîx  un  dotîle  troUfreiiu^ 
Vous  le  verrez  bondir  au  Ion  du  cbatùmea\i  ï'      '       '       ' 
Cette  bouche  ckarmante  et  des  giticèV  chérie^i 
Touchera  nos  pipeaux  fans  en  être'â^tri^': 

ie  vous  garde  une  ha\itbo!$  qui  feâMe  fait  pbiir' vtmsT, 
«a  doueeot  de  fcy  fons  rend^lèsoiftalist  jftloiïié  :    ' 
Tyrfîs,  prêt  dVxpirer  flir  ce  trîfte  rivage, 
D'une  longue  amitié  m^fFrît'  ce  detnidrga'fé  : 
Je  joindrai,  pour  vous  plaire,  5'cc  doff  àé  Tytûk 

Une  belle' houlette  et  des  agneaux  Ch6ifis^       

Je  vous  deiline  encore  deux  chcvrcà\iX  qtt^àvtc  pefSne 
Je  fauvai,  l^'autrc  jour,  du  fein  d'une  forttaîne  î 
Labre  en  fera  jaloufe  :  elle  aimoitces  cbevrëau)t, 
Mais  pour  d^autres  qu'Iris  de  tels  dons  Ibnt  ttup  besur» 
Tout  sVmbeltit  pour  vous,  tout  pare  iio^  câlhpïgneS| 
Flore  fur  votre  route  affcmblc  Tes  cOtApag^n^S, 
D'une  «oîffon  de  fleurs  les  chemins  fôrit  femés^ 
De  l'encens  du  printemps  les  airs  font  parfumés  :\ 
Une  Nymphe  des  cfliix,  pli/s  vive  qUe  rabeillt;  '     *^] 
Vole  dans  les  jardins,  et  remplît  fa  corbelîié,*  '  '-^^ 

Sa  main  fait  affortir  les  dpns  qu'elle  a  cueillis* 
Ht  marier  la  lofe  au  jeune' ef' tendre  lis  : 
Des  fruits  de  mon  verger  vou*  atire»4es^prétfliceSy 
De  la  jeune  AmarilJe  ils  fcroient  les  délices  ; 
Ces  fruits  font-^coloiés  d'un.éclar  irif  et  dou^^ 
lis  feront  plus  charmants  quand  ils  feront  à  vous. 
J'?4  des  myrtes  fleuris,  leur  verdàie  éteroelle 
Eft  le  fymbole  heureux  d'une  chaine  fidelle  : 
Je  vous  cultive  aufiî  dès  kurîerï  toufrAirS' vertfsj  • 
J'en  confacre'foifrventHrti 'IXku.  de«.  ieji^c»> versv      -  •   •  - 

Maïs 


EQLOGUES  OIE  VIRGILE.  513 

MaU  que  dU-je^  iafcnfi  1  formé  par  la  trifteiTci 
Quel  nuage  obrcurcit  Itï  jours  de  ma  jeunefife  ? 
J'élois  libre  autrçfois^  et  mon  paîfîble  coeur 
N'avoît  jamais  cpnQuèette  fombre  langueur  : 
Content  de  moA  troupeau,  je  vîvois  fans  envie, 
£t  mon  bonheur  étoit  auffî  pur  que  'ma  vie  ; 
L^amour,  ce  Dieu  çruél,  a  troublé  mes  beaux  jours  ; 
Ainii  Taquiloa  troublç  un  ruiileau  dans  fon  cours. 

,  Ingrate,  eilimez  mieux  no$  demeures  champêtres. 
Souvent  des  Dieux  bergers  ont  chaitté  fous  nos  hêtres  ) 
X.es  déeflies  fou  vent  ont  touché  nos  pipeaux  i 
Diane  d*un  paUeur  a  |^ardé  les  troupeaux  :        ^ 
Que  la  fière  Pallas  aime  le  bruit  des  villes, 
Vénus  préfère  au  bruit  nos  cabanes  tranquilles.  '   \ 

Tout  fuit  de  fon  penchant  Timpérieux  attrait,  ^ 

Les  coeurs  font  niaîtrifés  par  uli  charme  fécret. 
Le  loujp  cherche  fa  proie  auteur  des  bergeries. 
Le  jeune  agneau  fe  plaît  fur  Içs  herbes  fleuries, 
Pour  moi,  charmante  Irîs,  par  un  penchant  plus  doux, 
Je  fens  que  mon  deHin  m^a  fait  naître  pour  vous. 
Vains  projftts  t- voeux  perdus  !  trop  Ilérîle  tendrefle  !      - 
Coridon,  où  Remporte  uneindigne  fuibleffe  ! 
Ta  voix  fe  perd  au  loin  dans  les  antres  des  bois, 
A  de  moins  trijl^s  airs  cotifacre  tpn  hautbois  \ 
Tandis  que  tu  languis  dans  ces  noires  retraites. 
Tu  laifies  fur  l'ormeau  tes  vignes  imparfaites  } 
De  ce  loîfir  fatal  fuis  le  charme  enchanteur, 
Donne  d'utiles  jours  aux  travaux  d'un  pafleur. 
Revenez,  chèrs  moutons,  quittez  ces  lieux  fauvages, 
Vous  irez  déformais  fur  de  plus  beaux  rivages  ; 
Puifque  mes  voeux  fopt  vains,  de  l'infenfible  Iris, 
Allons  près  de  Climéne  oublier  les  mépris.  , 

Eglogob  IIL    Pj^LEMON. 

COMBAT  PASTORAL. 

Palemon,  Msnalqpe,  Damxte. 

Mmaique» 

Apprénez^moî,  Dame  te,  à  qui  faot  les  trohpeaux 
Qg'oa  voit  errer  bas  guide  au  jbQcd  de  ces  ruifleaux  \    ^ 


Sï4         XGLOcuËi  oi  vmctuL 

DamHit. 

yen  fais  le  condaAeur.  Lycas  en  ëft  le  miibref 
Je  les  garde  pour  lui  danf  ce  vMoû  cbampêtre» 

Menûlfueé 
O  Bercail  taalheureuK  !  depuis  ^ue  nùit  et  joifr 
Ljcas  près  de  Clinéoe  èÛ  conduit  par  IStmon):, 
Oubliant  ces  moutons,  et  ne  fôugisàtlt  qti^  pldre^ 
Il  né  s'attftcbe  plus  <ju*h  ccuîc  de  fa  bergère: 
Troupeaux  infortuné;,  votre'fort  fut  pliis' doux. 
Tandis  que,  libre  encore,  Lycas  n''aràiôit  qtie  vous  ^ 
Ce  pafleur  mercenaire^  auquel  if  vous  con6e. 
Loin  des  yeux  du  berger,,  cîétruit  la  bergerie. 

*  Damete, 
Vous  deviez  m'épargner  ce  reproche  indîfîîrét  5 
On  vous  connolt,  Mentflque,  on  fait  Certâîri  iKcrèf, 
Rappel  lez*,  vous  ce  jour  des  fêtc^  d'Amatlionte-— 
D'un  plus  ample  détail  je  vou»  fauve*  É»  feonte  ; 
Vous  m^entendez  %  alors  les  D^^fl^  d(fé  eaux 
Rentrèrent  en  riant  au  fond  de  leurs  fofeaûx, 

-  •         'Meûûiqtte. 
Quoi  !  rompts-je  avec'vous  dMne  niaîfi  c'rîminellè' 
Les  arbrifleaux  d'Arcas  et  fa  vigne  nouvelle  t 

ITdmëÙ. 
Quel  berger  no  fait  point  que,  fous  ces  vïe'ui  ontaeîur» 
Ménalque  d^Eurylas  brifà  lés  chalumeaux  ? 
Rival  de  ce  pafteur,  jaloux  de  fa  vî6loÎTe, 
Votre  coeur  indigné  ne  puf  foùffrîr  fa  gloire  ; 
Vous  feriez 'mori:  enfin  d'envie  et  dé  fureur  ; 
Si  vous  n'aviez  pu  nuire  ^  ce  berger  vainqueur. 

Menûlque. 
Qu'entendfli-je  ?  fur  quel  ton  me  parlcroît  un  maître. 
Si  ce  pâtre  à  tel  point  ôfe  fe  liiéconnoitre  ? 
Quand  Damon  l'autre  jour  laiflaieul  fon  troupeaut 
Ne  vous  ai-je  point  vu  lui  fuVprendre  un  chevreau  ? 

De  ce  prétendu  vôl  Damon  ne  peut  (e  plaindre  ', 
Oui,  j'ai  pris  ce  cheviieau,  j.'6n  co^nviendraî  fa^s  craindre^ 
Puî {qu'il  étoit  le  prix  d'un  combat  p adorai 
Où  j'étois  demeuré  vainqueur  de  moa  rival.- 

Menaîque, 
Vous  vainqueur  d^  DjM:ioittl  D'u^é  âute'cHatKp^re 
Damete  datif  ïï(A  hiM-  s^^èû*»!  jamais  TU'  viéxxti 


Lui  dont  Vsigft  fMpea«,  ^m^H  p9r«t0Ut  l'eniiuv 
Ne  fait  qur  déd^ip^  4e«  ftîjc*  &»t«  ynKautxvL 

Pour  finir  eatre  nou9  uae  yain^  dlfpute, 
J^ôfe  V0U3  4é&er.au.caniba^  d$  la  flûte;   > 
Ou,  fi  vouft  r^ûiies;  jQQUujc«i  l^ombic  dus  bulfioiis» 
éprouvons  un  combat  de  verj  jet  de  chanfons  ; 
Si  le  Dieu  de  Pélos  èft  |K>ur  f^\^^  V^^  |ut>p΀Cr 
Je  vous  donne  à  cbioiifiir  la  ^us  tondre  griffe.  . 
Quel  ^ix,  rifqu.er<%*TOUs  contre  j»n  ga{«  fi  beau  l 

Je  n^ôferois  choiiîr  ce  priic  daas  mon  troupeau  : 
SHl  manquoit  uo  oiotttoo,  j^eSuieroîs  la  colèce 
D'une  marâtre  fto^urlUf. et  d'un  pire  /éyiexei  ; 
L'une  conptfs  Amidi,  l'autre  %M'àn  du  jour  . 
Si  le  nombce  cccaïplèt  ^  trpjuv^  ^  mpu  J^et^^r  \ 
Mais  je  puis  bazarder  dcu&  beaux  vafes  de  hêtre  \ 
•On  voit  ranopçr.  autour  .uo  vigne  champêtre.  \  - 
Alcîmédon  fur  eux  a  grav^.dcuTC  portraits  ; 
Du  célèbre  Conon  Tun  rajaime.  les  traits  ; 
L'autre  peiiU  c«  mpcteL  4ont  l>4ds;ftQe  féconde 
A  décrit  fes  faiÇons  et  mcWé  k  monde;  , 
Ces  coupes  fon  encore  dans  leur  premier  éclat  ^ 
J*en  ferai  volootiers  le  gag.e  du  combats  .     . 

Damtie. 
J'ai  deux  vafes  parcUa,  revêtus  d'un  feAxilUge« 
Du  niênie  Alcimèdon  ce  préfeJit  è(i  l'ouvrage  ; 
Le  cb antre  de  la  Tbrace  eil  pçîot  fur  les  debois,. 
Il  èfl  fuivl  des  bois  qu!eQtralQent  fes  accorda* 

Paléooon  vient  à  aoiu  :  Qu'il  règle  la  yiÔoirei 
Arbitre  du  combat,  et  témoin  de  ma  gloire. 

Je  confens  qu'il  nous  juge,  et  malgré,  vos  mépris^ 

Je  faurai  me  défendre  et  i^alauce  le  prix  *, 

Ma  mufe  en  cesxombat^  ne  fut  jamais  craintive,  r 

Prêtez  nous,  Palemon,  une  .oreille  .attentive. 

Chantez,  dignes  rivaux  :  -  La  nouvelle  faifon 
Invite. à  des  concerts  fuc.ce.naifiant  gazon  \ 
Le  priousmpa  d^  ce touc  rajeunit  1»  nature,» . 
11  rend  ^  nos  ^ii\%  leur&  berceaux  de  verdure  ; 

Pi:- 


-•  » 


5i«  EGLDOUEA  m  VlRGX&t. 

Pbîloinele  reprend  fet  tife  d«U^et  pUstifii, 
L'anant  des  fleufft.fiiccedA  9$x  mqmlmA^UfÛki  > 
Tout  cbarme  îd  k§  yeu&:  cfaeque  Inibm  ték  4il»wi# 
Dans  ces  près  évullés  de  Bsureasa dime4e floM t*^- 
A  chanter  tour^^our  préperes  dene  v«ie.  v«ia^  )  >«  .^  .  .  /; 
Cet  combats  font  chérit  de  ia  Mufe  des  Bou* 

Miifes  !  donnes  tu  Makee.du  Tonoeno 
Le  premier  rang  dans  ?os  Mbke  dnmftma-s.  > 
Il  èft  tout,  il  remplit  les  Cieux,  TOade,  la  TWaie,  -       ^ 
11  dirpenfe  à  nos  champs  lef  joosa  et  les  moiffons. 

Du  i«une  Diev  que  le  P^rmeffe  ndoscy 

Mules  V  chantons  lea  homsenii  iauttOrtola-;  ^ 

Des  prnnièra  feiia  dn  jour  quand  TOrient  io  dns  r 
D^un  fefion  de  lauriers  je  pare  fet  autels. 

.   JJUimâtg.  ^' 

Quand  je  (uie  dans  un  bois  traaqntUe 

Sous  uA  chine  4pait  endormi, 
Glycèrc  me  re?eîlle  :  et  d^nae  eoniie  i^lo 
Elle  fuît  dant  un  antre,  et  Cj  oaebe  à  demi» 

Mintàfié^  »  *. 

Phîtisy  près  de  ma  bergerie» 

Vient  chaque  jour  cueillir  des  flwsii  i  . 
Nés  troupeaux  r  eu  ois  paiffeat  dans  la  prairie, 
J^t  par  ce  tendre  accord  imitent  nos  deux  coeurs* 

DamHù. 

Je  veux  offrir  deux  tourtcrelloe  *  ^ 

A  ma  Glycère  au  pfemter  jour  : 

Ce  ccmple  heureux  d'oiieaux  fidetlea     > 
Lui  diâei^a  les  loix  d^un  éternel  amour. 

JU«ea/fO^  ' 

Sur  mes  fruits  une  fieur  vermeille  . 

Répand  un  orillant  cc^oris  :      >  ' 

JVn  veux  remplir. une  corbeille» 
£t  IVffrir  de  ma  main  à  la  jeune  Qoris* 

Que  j^ime  Pentretien  de  la  tendre  Glycère,   . 
Zéphyrs  qui  Técoute?  dans  ces  moments  fi  doez, 
Ke  portez  point  aux  Dieux  ce  que  (fit  ma  betgèrv. 
Des  plaiiixs  fi  charmants  rendroient  le  Ciel  jaloux. 

■ 


'     ■  •    ■    .     Mmàlfm    -     •  >     ^    »    .•        ^ 
Souffrez  qu^tioU  d'un  «re  ^  luivc  vq<x«  tr«ice; 
Clmii^^ttid  iWM^cbdbft  dao»  k»  routai  des  hen  r 

SouyeBt  4t  1» DéèiÎBâ  porta  le^eatquoû^ 


Je  célèbre  bieolât  le  joiir  4e  n«  natSance  : 
Veoe^»  belir  iîlfeère^  honorer  ce  be»»  jour^ 
Vous  ferei  romement  dea  eOnc«ets  de  la  danfe^ 
Votre  ckaQt  ei  vos  foil  font  coaduks  par  l^oiottr. 

Meuakipêeé 
Cloris  feole  a  mon  coeur^  feole;elle  a  tous  les  cbarmes  :  \ 
Ciel  1  quMle  m^encbaiila  dan»  sosdermèrs  adÉeax*! 
Set  Yeux  avec  lea  miens  r^andlreBt  de»  larmet , 
Ah  !  q(UMal  potttm^e^-  aiaotir,  ce^oiè  do  â  b«Mt7«tix  ^ 

.  DkmH^  ':  '         :•  *  ^ 

Mon  coeur  redoute  autant  lea  t%ueurs  de  Gljcèrcy 
<^'un  timide  moutort  cstotot  ia^raur  desknipt  | 
Qa^ua  laboureur,  veillant  ^  «sne  molfÏMt  cHè^^ 
Craint  le  fouffla  ÊMigueva  des  actions  jaloux:*    *  ' 

3iUm$iqm^   ••■.;■■  '*'■•* 

Ma  cloris  «èft  {K>iir  moi  ce^uri^erbe  naiflante 
Au  lever  de  1* Aunire  èft  pony  iM>e  jouve  «^neaii^'    ^ 
£t  ce  qu'en  à  la  «erre  atklo  et  langusfaote- 
Une  féconde,  {duie»  oit  lo  cours  d*«n  tttiffsaa.  ^ 

•  .  Dmu0^* 

Puî{qae  Pallton  vent  bien  ^tre 

Le  proteéleur  ée  mftf  thatnîonêf  ^  . , 

Mules»  fur  le  hautbois  ^hKCB|sêtre, 
Que  fon  nom  &iiireiiaMé  dam  voa  bcté$  "fàklumt 

litfran/itflfcî 

Poliion  iii-même  avec  gvaoe 

£crit  des  vers  d^ito  goat  nouveau .: 

Savantes  Nymphes  du-  Pamaffa, 
A  eo  Héros  fayan^  ofirea  im  fier  tau reao^ 


llluftre  PoUioA,  ^ue  celui  qsû  vous  aime 
Soit  placé  orès  du  tous  ao  temple  de  Phon  n«ur,         "" 
Qas  dans  m  champ  iéoo«d,  que  Air  les  bulffons  m!.^e 
Le  miel  et  les  paffiama  naifent  en  &  faveur. 

Si  quelqu'un  peut  ûner  la  muie  de  Batl^iUf^ 

X  X  Du 


5i8  EGLOGUES  pb  VIRGILE. 

Da  fade  Mévius  qu'il  aine  auffi  les  vers  : 
QuUl  aflervifie  «tt  joug  le-xétturd  iadocîk^ 
QttUl  préfère  aux  zéphyrs  Ict  vents  des  aoîrs  hyvèn. 

Dûmrte* 
Pujez,  jeunes  Bergers,  cette  zive  eachaiûée 

Qui  psroît  n^offrir  que  ^s  fleurs  : 
Fuyez,  malgré  Tattrait  de  cette  onde  argeotée. 
Un  ferpent  èft  caché  fous  ces  belles  couleurs. 

Vous  qui  foulez  Pémail  de  ces  routes  fleuries. 

Eloignez- vous,  naes  chèrs  moutons, 
Allez,  un  .verd  naifiant  eouroane  xsn  .pcaîries  $ 
Ce  bévd  vans  offiriia  de  plus  temlrsc  gazons.  .. 

Damete» 
Je  conduis  cestranpeaux  au  meiUenf  p&tur^gai 
Cependant  je  les  vois  dépérir  chaque  jour  : 
Moi-même  j^e  langats  au  printemps  d^  mpp  âge^ 
Tout  langpit  dana^noa  champs  feus  les  fera  de  l'uHioiir» 

Mmakguc. 
L'amour  ne  noe  nuit  point,  j^tgnore  les  ali^masg 
Jamais  U  n'a  rendu  mes  tfoiqieattz  laAgiiiflants  ; 
Mais  un-  fombre  cflèhanteur,  pac  fet  fimefte^  rhainaesy  ' 
Fait  périr  &as  pitié  mes  agoeaujc  ioni^aents.  *^ 

De  ce  douteux  débat,  la  palme  ^rousèft  dne^    *       . 

Si  vous  favez  m'expliqner  en  quob  lieux 
L^oeil  ne  peut  découvrir  que  Qx.  pied»  d'étendue» 
De  ce  vade  horizon  qai  teriaiue  les  deux. 

Au  prix  de  vos  ehao&os  je  ibi^ria  fîms  munsuse^ 

Et  fur  Cloris  je  vouscèdemes  droôks^ 
Si  vous  favez  me  dire  en  qudl  lieu  la  natiMre;    - 
Sur  de  naiiTantes  fleurs  grave  le  n#m  «les  .Kwi. 

Je  ne  puis  entre  .vous  décid^<la  viâotre, 
X'un  et  Tautre  à  mes  yeux  en  emporte  la  gloire. 
Et  tout  berger  qui  peut  .égaler  voii  beaux  fons^     ■> 
Mérite,  comme  ^vous,  la  palme  des  chaisfinis»  « . 
Reuou  vêliez  fou  vent,  en  cadences  tegales.      ^ 
Le  paifible  combat  de  .vos  mutes  rivales}  - 
£t  quand  vous  formerez  ces  gracieux  récits,^ 
Que  toujours,  entre  vo,us,  le  prix  reflc  indécis^ 

SATIRE 


C    ?»9*I 


SATIRE    m. 


Db  mons.  boileau  despreaux. 


A./^^UEL  fojèt  inconnu  vous  trouble  et  vous  aKèrc? 
V^   D'où  vous  vient  'tiujourd'bui  cet  air  {ojttbie  et 
fevere, 
Et  ce  vifffgQ  enfin  plot  pÀle  qu^un  rentter) 
A  Pafpeéi  d*uD  »n-èi  qui  retrtociie  on  quartiet  i 
Qu*èft  detrenu  et  teint,  dont  laoculear  ileurie 
bembloit  d^ortol^ms  kvÂB,  eft  de  bifquej  nosrrie  i 
Où  la  joye  en  fon  ludre  attkoit  l?ïs  regards, 
£t  le  viaen  rubis  brtlUrir  de  toiitf  s  parts. 
Qui  vous  A  p^  '{tovget  dans  cette4nimeiir  chagriae  l 
A*t-oti  par  quelque  élKt<refa>jiié  hLCftiftne  ? 
Ou  quelque  lottg^ue  pluye  inondant  vas  vallons^ 
A«t*elle  fait  couler  vos  vins  et  vos  melons  î 
Répondez  dono  cniîn^  ou  bien  je  me  retire.  ' 

P.  Ah  !  de  grâce  un  momeut,  iQuffrez.queje  refpîre* 
e  fors  de  cfa«a  un  fat  qui  pour  m^empoironner, 
e  penfcy  exprès  cbec  lui  m'a  forcé  de  dioer. 
e  Pavois  bien  prévu.     Depuis  près  d'une  annèe^ 
'élu dois  tous  les  jours  fa  ponrfaîte  obftinée. 
Maïs  hier  il  m'aborde^  et  -me  feraot  la  aoain  : 
Ah  !  Moniteur,  m  Vt41  dsc^-  je  -mur  attens  demaîn^ 
N^y  manquez  pas  au  moins*     J'ai  quatorze  bouteiUea* 
D'un  vin  vieux— -Bucingo  n'en  a  point  de  pareilles  : 
Et  je  gagerois  bien  qiie  chez  le  Commandeur, 
Vilandû  priferoit  faJ'éve,  et  fa  verdeur, 
Molière  ave«c  Tartoff  y  doit  jnner  fon  rôle  ^ 
Et  lambertyqut  plus  èft  m^a  donné- fa  parole* 
C'èft  tout  dire  en  un  mot^  et  vooa  le  conilioi&a:. 
Quoi  Lambert  >  Oui  Lambert.    A  demain  ?  C'èâ  ailè^* 
Ce  matin  donc>  feduit  par  fa  vaine  promeS«| 

Xia  l'y 


520  s  A  T  y  R  £    III. 

J^y  cours,  midi  foonant,  au  fortir  de  la  Mefle, 
A  peine  étois-je  eoiré,  que  ravt  de  me  voir, 
Mon  homme  en  m^embraflant  m^èil  venu  recevotft 
£t  montrant  2k  mes  yeux  une  allegrèfle  entière. 
Nous  n'avons,  ip^a-t-il  dît,  ni  Lambert,  ni  Molière, 
Mais  puifque  je  vous  vois,  je  me  tien'^  trop  content^ 
Vous  êtes  un  brave  bomme.    Entrez.     Un  vous  attelicU 
A  ces  mots,  mais  trop  tard,  reconnoilTant  ma  faute. 
Je  le  fuis  en  tremblant  dans  une  chambre  h;)ute| 
Où  malgré  les  volets,  le  Soleil  irrité 
Forrooit  un  poêle* ardent  au  milieu  de  TEté  : 
Le  couvert  étoit  mis  dans  ce  lieu  dé  plairance  : 
Où  j*ai  trouvé  d^abord,  pour  toute  connoiflknce, 
Deux  nobles  Campagnards  grands  leAeurs  de  Romans,  ~ 
Qui  m^ont  dit  tout  Cyrus  dans  leurs  longs  compliments  y 
j^enrageois.     Cependant  on  apporte  un  potage  j 
Un  coq  y  paroîflbit  fur  ce  pompeux  équipage, 
Qiii  changeant  en  plat  et  d^état  et  de  nom, 
Par  tous  les  conviés  s^èd  appelle  cbapon. 
Deux  afltettés  fuivoient,  dont  l'une  étoit  orné»  *x 

D*i£ne  langue  en  ragoût  de  perfil  couronnée  ^ 
L^autre  d^un  godlvaau  tout  brûlé  par  dçhors,.  . . 
Dont  un  heure  gluant  in  on  doit  tous  lc%  bords.  '   ~ 

On  s'aflîed  :  mais  d^abord,  notre  troupe  ferrée 
Tcnoit  à  peine  au  tour  d^unè  table  qoarrée, 
Où  chacun,  maigre  foi,  l*un  fur  Vautre  porté,, 
Fefoît  un  tour  à  gauche,  et  mangeoit  de  ç6té,     . 
fugez  en  cet  état  fî  je  poiivob  me  plaire. 
Moi  qui  ne  conte  rleo  ni  le  yin,  ni  la  chère  ; .    . 
Si  Ton  n^èil  plus  au  large  affis  en  un  feÛln, 
r)u^aux  fermons  de  Cafiaigne,  ou  de  Tabbé  Cotin»        .  . 
Nôtre  Hôte  cependant,  s*addr<tflant  à  la  trompe  ;       * 
Que  vous  femble,  a-t-îl  dit,  du  goût  de  cette  foupe? 
Seatez-vous  le  citron  dont  on  a  mi9^1e|tts,.. 
Avec  des  jaunes  d^oeufs  mêlés  dans  du  verjus  f 

Ma  foi,  vive  Mignot,  et  tout  ca  qu*U  apprête* 
Les  cheveux  cependant  me  dreffoient  ^  la  tête  : 
'Car  MigRot,  c^èfl  tout  dire,  et  dans  le  monde  eiuier*. 
Jamais  empoîfonneur  ne  fut  mieux ^on  métier. 
J'ap  prou  vois  tout  pourtant  de  la  Q>ine  et  du  gclle. 
Penfant  qu'au  moins  le  vin  dut  reparer  )e  lefie. 
Pour  m'en  eçlaircir  donc,  jVa  demande»    £t  d'abord. 

Vit 


DE  ivf.  fiô'i L i An;;  j^V 

Un  làquaî^  éffi'onté  tn'a'J)porte  Un  rôuge  bord, 
D'an  A\svcrnal  fumeux,  qui  mêlé  de  lignage, 
Se  vetid'oît  chez  Crènet,  poUir  vin  dé  PHermitage, 
Ht  qui  ro«ge  et  vermeîl,  îhaîs  fade  et  dourtréuxi 
N*avoît  rien  qu*an  goiit  pïat,  et  qu'un  débbiré  affreux*  • 
A  peine  aî-je  fcotî  ccfte  fîqueW^raîtreflc. 
Que  dé  tes  vins 'mèîës  j*aî  reconnu  radVcAfe  j      ,    \       [ 
Toutefois  avec  î'eau  que  j Y  ^^^^  ^  foifon, 
J'cfpcroîsadëûctrîâ  forcé  du  fioifort. 
Mais,  qui  l'auroît  perifé  ?  pour  comble  dt  (^(grace, 
Par  le  cbaud  qu*il  fefoît  ribiis  n'avions  point  de  çiacc#  - 
Point  de  glace,  bon  I>îeU  !  dans  léfort  dé  rEtéî 
Au  mois  de  Juin  î  Pour  mot,  j^étdh  fi  trànÇorte, 
Que  dbnnattt  de  fliréùr  tout '4e  Teitîn  ad  Diable,        ■      / 
Je  me  fms  vu  vîngft  foii  t^^êt  Vqahtér'lâ  tabl^^ 
Et  d«t  oh  in*'ap^eîlèr  et  ifantafque'et  boura, 
J*al  lois  fortîr  enfin  :  qûâ^id  Iç  rôt  a  paru.    '     ' 
Sur  un  liévtë  flanqué  d"é  fix  poulets  etiqùès,  > 

S'élevoîent  trois  lapins,  aritîiaHUxdoiheftîqUièi, 
Qui  dès  leur  tendre  enftiijce  élèves  dârts  Paris, 

Sentoient  eïicoV  le  cbbtt>  dotit  ÏH  furent  riouhîé^ 
Autour  de  c«  Wa^  de  vî^ad^i  ehtàffëes,  '  '  '    ' 

Regnoît  un  long  éofdorif  d'àlo^iietéfe  jarefféi»  j      ^  '         '  \ 
Et  fur  les  boirife  dû  plat,  ÉX  pîgedns  étalés, 
Pk-efentoîentdbufreiifdtt  leurs  f^uèletes  bruies. 
A  côté  de  ec  plaft  païblflbîènt  deux  faladès, 
li'un  de  pourpier  jâuniB,  et  l'autre  d'Herbes  fades. 
Dont  l'huile  de  fort 'loin  î^mfloir.Fodbrat,        '  • 
Et  nageoit  datis  Mi  flTotà  de  Vinaigre  rofat.     \      " 
Tous  mes  fois  %  nnrt^ftt,  (Jhaflgeaivt  de  ijotltérianGej. 
Ont  louétlii  fc^m  la  fû^étlie  gwiônhâncè  r  '  '*  ,  / 
Tandis  qtfe'iidrifaiq^dljli  q^ûîTe^oyoit  |>tîfer,' 
Avec  uniïîs  fhoqaeUr  les'prîtfit  d'^excufef.      ' 
Sur  tout  certain  Halileûr;  à  la  igueuïe  àffaiûcié, 
Qui  vint  à  fe  fti^h,  èontftiît  par  la  ftiméé. 
Et  qui  s'èîl  tlU-Pi-^fés  d^ns  l'ordre  de  Cbteàlixi    '       ' 
A  fait  en  bien' fn^Wgeàri't,  f  élbg)*  dès  thbrceàux; 
]è  riôîs  de  le  voir;'  aVcc  faÈ  êilrte  îédq'ùè;    ;  ' 
Son  rabat  jadis  blanc,  et  fa -^erttiqdë  antique, 
Kn  lapins  cfc  gîtrenné  ériger  l'ïos  claviers, 
Et  nos  pigeons  Câucllôi^  cri  fûperbès  rainîérs  : 
Etp,our  fiatet  hotte  hÔte  ôbiei-^^aftt  fon  virage,  " 

Xx  3  Cdxh*^ 


si%  satirte  m... 

Compofer  fur  fei  yeox,  fou  g«fte  et  ioD  langage^  .<  ' 

Quand  notre  Hôte  charné,  m^vt&Dt  Car  ee  poiaÈ^        ." 

C^u'avez  vous  donc«  dit-il»  qoe  vous  «e^mangciL^mt^  * 

Je  vous  trouve  aujourd^ui  l*&nic  tout  joqaiète^  -  :• 

Kt  1rs  morceaux  eotiérs- reftttot  fut  ^ratceaffiotta». 

Aimez-vous  la  mufcade  ?  on  ml»  w$  pac<toqt;  .    . 

Ah  !  Monfîciir,  ces  poulets^  font  d'un  iBer9»tilciis.goi% 

Ces  pigeons  font  dodus,  manges  forma  pat^. 

J^aîme  à  voir  aux  lupins  cette  chaire  bdanciitt  et  ii|Dii«^ 

Ma  foi,  tout  èft  paf&ble,  il  le  faut  confe&r  t  ..      . 

£t  Mignot  aujoiird?bui  ^'èft  voultt  forfnflét.  -    .     .  ^ 

(^uand  on  patl&  de  faiice,  il  faut  qa'oii.  j  xs&ï^ 

Pour  mol,  j^aime  fur  tout  qu«  k  ^ivM  j  jdonûoc  $ 

J^n  fuis-  fourni,.  Dieu  fait,  -e*  j'ai  tout  Relletîer  . 

Roulé  dans  mon  ofiu^e  en  eoraett  de  pafscr. 

A  tous  ces  beaux- dtfcours,  j^étois  tomtng  une-pien»^ 

Ou  cumme  la  Statue  è(l  au  feftio.  die  Fiarte.:,   t  n    • 

£t  fans  dire^ùu  feul  mot,  j^a^oi&au  lu»axd^  ' 

<^)uel<}ue  ailcf'de^poalet»  dont  j*Hicxachot9<le  Insd* 

Cependant  mon  hâbleur»  air«o  ufi^VDixiiaiste..  . 

Porte  h  tnfis  CampagAàrdrla^fiintÉéé  s6^  Hôt&t  .<    ' 

f^î  ^ous  deux  pleins. d«  joy^  «n  jettint^UB  ^^ûad^a^.  ^ 

Avec  UQ  rouge  bord  acceptent  finit  d^ft,      . 

Un  fi  galant  exploit  ta veillaat  tout  leawwrfe^.  ^  . 

On  a  portd  par  tout  des  ¥«rre9  à  la  ronde» 

Où  les  doigts  dés 'Laquais  dans-la  ct^&  tracé»     .    .    '.' 

Têmoîgnoîcnt  par  écrit  ^*on.le&  awok  tûicé;. j.   ..=     . •* 

Quand  un  des  conviés,  d^uq  toti'melaAcoli^i^:  •    <    i  .. 

Lamentant  tHnement  «ine  chanlaii  baclû<pis^;(.    .-.  .     .•  { 

7'ous  m£8  fots  à  la  fbts  ravis  dT^tOtttvr^  <  .  'z:\  .  J;  î,i  ..,         j 

pétonnant  de  concert^  fe  mettant  ^  duiutev*    ;.  .:^  .:  /^ 

La  mufîqii^  fans  doute  étoit.  Ht^  et  «liarmatite  r>.- .   - .  ' 

L'un  traifiè  en  longs  ffedoiTs-«o*ixot3E.gk^iiajitê^   /    :: 

Et  l'autre  Ta piiuyafit  de  foh  aig^eÊàifiet,'  f,.    .l.       < 

Semble  tin  Vi^on  faux,  q^i  jiire  ibus-PÀxcdtet^j .  ,    -  ^     ^ 

Sur  ce  point,  un  jamban  d'affez.  maigre,  apparctace^ 
Arrive' fou?^  ie  noDH.'dcJafi^boii  de  Mayenee*^  c     •  ^: 

Un  valet  le  portoit^  ^arcbanr  à  pas  oôiiilt^^  .  .    »  . 

Comme  un  Reé^eur.  fuivi4es. quatre  ïjeultés, .  :  • 
!Deux  Marmitons  crai&ux  revêtus  de  fervieites» 
Lui  fervoient  de  Maiiien^  et  portoient  deux  aâiettes^  ' 
Is-'ane  de  champignons^  avec  de  m  âe  ?aa%-      - 

a: 


I 


Et  Pautn  jjxfi  |ioi&.i^idB«  qui.fe  do^^^^bh 1 4sivM  1^^^*    . 
Un  fpae&cl^&beau  ifarpr^Dantraffiçinbléciy   ...    ,., 

£t  la  trqiu^)6  àl,^ftjU9t^.j8ftÂot4e,/çéd^  > 

D*un  ta»  gitivesasnt  fott  ^lèft  ^t&fî^  raifoMM^^r^  ..  ^  .    /> 

Le  vin  au  plmaonti iQ»riiiffiwt^di(it.piirj9lQV 

Réglé  les  iAiccQttjdeTck»!^  Pi9teii4ati.  -. 

Cbrci^  la  Pi^itcey.ei  reformé  il^£t4l  4    ... 
Puis  delà  s^emtoarqasnt.dan»  la  i^oui^Ilc  gyèrjrtf:       •  ,  ' 
A  vaincu  la  HaUfnde^.oa  b«ttti  TADgleu^ne^.       .. 
Enfin,  lai^Gftnt  en  pah;,taua  c^s  p^u^Us  ,divi^>. ..    >  .    '  : 
De  propos  en  propos:  of  ji  paijlérde  yftriir ...     ^  , .     , 
Là,  tous  nie»  Sets  «|tô4  d'»lic.ni:)ik)f!i^ç  pni^^^,   ;  .,.,  ; 

Ont  jugé  des  «itteii»e»-i«Attfe9^ll.^JRariMÂv  i:-*  -    i  r 
Mais  noir&^Hête  iW  tottt>p|iur  la^jttSeSec^l^^^^  .^ 

Elevoit  jufqttlauuCi^  Tlieopbiiie.  et  2^^ULi4i    -.       ;  ^   > 
Q^and  un  àt^  Caflipag^iht^.r^l.eiiMkt  fa,  mQuAaçbei.    ^ 
£.t  fon  £a&tiù  à  gtsiidti^poUs  (îii^fliEg^.i;l'ui|e  j^^^cbs^.  • 
Impofe  à  toiiaifilence^.elid^imtQfi.Air.doâeiM» ....,, 
Morl^as;fl|tâ;U£k»ct  jift.tocîi^^afit^.au^iArl:  .;  ,  * 
Sepi  vetsu^âtf  i^^unlwauililQ^  el  &i  pcçti^.^ft.$;i|}4^^^. 
La  Pucelle  éft  encore  iiôc  oeii^ce  biço.<f  ala^^  %u,  >  n  '-». 
Et  je  ne  fakp|Miffqaoi.3e.b»^Ie  rfv  kU^^      .,  ^  ;  ,i  .  j 
Le  Pais,  fans  mémk»  èfli un  b9iifff»d  pJ^^ajçit.  ;:: .  o.    .  .; 
Mais  je  ne.  tipové  rien.  4e  beau  difns?  oe  .VoUi|i;fi|.  . . 
Ma  foi,  Ie-jng0niesèti)p«t,bi^ir4anf  li^  loâuiçe*,..  .  •     - 
A  mon  gré)  it  Cot neîUie  .èil  JQjijquel^jvic^oi^M: 
En  vérité  pQUflr.ffii>t,cj!<»kM.i«  bea>a  F^af^çHs,. 
Je  ne  fais. pas  pou^oi*lV)B  «8n|elîAj^«aR4;^J_. 
Ge  n'èll  qu'us^^li;)rie;ax<i|l»i:])i&4iVfif:n^df  l«;n^/pi.,,       ; 
Les  Hen>»ttbi».(^natH:pari^ibiiQin.autreini^i^t|^..,  v  ,  * 
£t  jufq|i?ài;Qf.*Vfttfcfû&fi^ii.tQi»t,«y4H  teo4i?cipent».    .    , 
On  dit  .qu'on  i!adtapé  dans  .tertaiin  âa^ij^f ,  -  .. 
Qu'un  jeuD£  fatuiimeirf*»r-Ab  !.jie.raîfi4Se;.<^.u^  yops  vpuk^ 

,.  <nre,-,        .-  .^  /.i  .. '"i.  .,  ,       •...■■".'.'}•/ 

A  répondu  TièittHti^t,^»n>ÂiUm4r*/çti^.4ifo^     . 

Juftenient^    Ajjoaqm-gtéi  âapièqe  èit.a.ffef' plat^.V  .     r  /• 
Et  puis  blâiBcx  Q^ûtai;ttr*-*^pWl;vef5fV0usvM  UAÎlfateri  i 
€^èâ  'là  cie  qu^on  arppclije  un  «ouvrage  achevé.  . 
Sur  tout  r4«w«att  Hofyai.me  femble  bi^ft  tfpuvé,  ^,      \ 

'^  Soi 


".. 


^i*.:, 


$24  s  A  t  rn-E'  m: 

Son  fujêt  èft  conduit  d\in  belle  msmëre^  ^ 
£t  chaque  aâe  en  fa  pièce  h(i  on  pièce  entière^ 
Je  ne  puis  plui  fooffrîr  ce  que  les  atttrtS'|c3Mt.    - 

Il  èft  vrai  que  Qurnaot  èft  \ifl  cfprh  protoncf:'  " 
A  repris  certain  fet,  qu*à  fà  mine  dîfcrete 
£t  fon  maintnn^aloifti^^ti  veo^tiim  pdMe  ;  ^  :  «* 
Mais  il  en  èft  ponitatit,  qui  le  poorroient  Tslofr» 
Ma  foi,  ce  n^èjïl  paa  TOUS  qui  0oas  le  ferez  vo!t| 
A  dit  mon  Campagnard  arec  Une  roix  cliîrej  *  *    ^ 

Et  déjà  tout  bouillant  de  tin  et  de  Colère.  '  "  ^ 

Peut-être,  à  dit  1*  Auteur  p&Tîirant'de  courroux*,  ; 

Mais  1F0US,  pour  en  pàflèr  vous  y  connoîflbz-Votfs?'" 
Mieux  que  vous  mille  fois,  dit  Ye  noble  en  furiel 
Vous  ?  Mon  t)lcii,  nierez* vous  dé  boiï'c,  je  Vous  prîfe;^. 
A  l'auteur  fut  le  champ  àigtielasisât  fepaifti.  " 
Xe  fuis  donc  uti  Sot  ?  môî  ?  Vous  éti  âvet*  iùéM  : 
Repond  le  Campa^n^ird  }  et  hhs  plùf)  de  langage, 
Lui  jette,  pour  défi, Ton  aîl^fette  àU  Vifarge.  * 

L'autre  efquii^e' le  cau{>,  ctl'âteèhfe  Volàftl^ 
S'en  va  frapper  le  mur  tX  revient  "en  rouïânh    ^      '      ' 
A  cet  affront,  Tauteur  te  l'évaïit  de  là  t^blë,  "'  "  [  ^'*  '    ;   '^^ 
Lance  à  mon  Gâmpagnkrd  un  regard  clffôjraliîe^t**^^^'"  /* 
Et  chacun  vainement  fe  ruant  entré  dciiît;  —  -«^     - 

Nos  braves  s'acrochant  fe  prcnneht  au«  êheveuX  y^  \  "^  \ 
Attflt-tôt  fous  leurs  pieds  lès  tables^renveffé^é,  [   ^ 

Font  voir  un  long  débris  de  bouteilles  cafféés  :'''/*• 
En  vain  à  lever  tous  les  Valiets  font  fort  prompts,- -    '  "  "' 
Et  les  ruiffe^ux  de  vin  coulent  aux  érivironl.  ''         ~     "' 

Enfin,  pour  arrêter  cette  lutte  barbare  j     "-    *  '  ^'\  ^  . 
De  nouveau  l'on  s^effo'r<*e;  on  cncjbh  IfS  fe^ate;  i*^  "*  ^"''' 
¥a  leur  première  ardeur  pàflTant  cii'ûh  moment^':   '     "■     ?; 
On  a  parlé  de  pant  et  d'aécbnvmddemérit/'  '  *  -  ^  ^'  "*''.. 
Mais  tandis  qu"'à'l*énvî  tout  le  Wnde  y  eo^rpire^^^. 
J'ai  gagné  doucemcnt-lâ  porté  raris"'rîfen  dlïe,'    ' 
Avec  un  "bon  fcrm^n^.  que  iî  pHitt  t^âVc^n^i^;  "  ' 
En  pareille  cobuc  on  me  peut  re^tcnîfj 


poî^  y 


(    J«5    )    . 


EPITRE  VI,  D»  M.  BOILEAU. 

A  M*  dtf  LAMoiGiioif  AvoeAt-Gcnerftlé 

0 

OUI,  LamoignoQ,  je  fuis  les  chagrins  de  la  vîllei 
£t  contre  eux  la  campagne  è(i  mon  unique  azile; 
Du  lieu  qui  m'y  retient  vcux^lu  voir  le  tableau  ? 
C'èft  un  petit  village,  ou  plutôt  un  hameau, 
Bâti  fur  le  penchant  d'un  lopg  ningjde  collines, 
D'où  l'oeil  s'égare  au  loin  daqs  les  ptalnes  voiiine^» 
La  Seine  au  pié  des  mopts  que  Ton  not  vient  Ipver 
Voit  du  fein  de  fcs  eaux  vingt  îflcs  s'çkvcr,- 
Qh^  partageant  (on  coursf  en  diverfcs  manièrea. 
D'une  rivière  feule,  y  forment  vingt  rivières. 
Tous  fes  bords  font  co)],vert$  de  faules  non  plafttés^ 
£t  de  noyers  fouyent  du  paiTant  infultés. 
Le  village  au  deflu3  for^me  un  amphithéâtre. 
L'habitant  ne  connoit  ni  la  chaux,  ni  le  plâtre 
£t  dans  le  roc  oui  cède  et  fe  coupe  aifément, 
Chacun  fait  de  fa  main  creufer  foii  logement  : 
La  maifpn  du  Seigneur  feule  un  peu  plus  Ornée' 
Se  préfente  au  dehors  de  mors  environnée^ 
Le  Soleil  en  naiffant la. regarde  d'abord: 
£t  le  mont  la  défend  des  outrages  du  nor4* 

C'èft  \\  cher  Lampignon,  que  mon  efprit  tranquille 
Met  à  profit. les  jours  que  la  Parque  me  file. 
Ici  dans  un  vallon  bornant  tous  mes  defîrs. 
J'achète  à  peu  de  frais  de  folîdcs  plainrs. 
Tantôt  un  livré  en  inaia  trrant  dans  les  prairies 
J'occupe  ma  raiCbn,  d'uiile^  rêveries. 
Tantôt  cherchant  la  En  d*un  vers  que  je  conftruîs, 
Je  trouve  au.  coin  d'un  bpîs  le  mot  qulm'avoit,  fui. 
Quelquefois  ^ux  appas  ^\xt^  hanieçon  perfidçi. 
J'amorce -en  badinant  le  poîffon  trop  avide  ^ 
Ou  d*un  plomb  qui  fuit  l'oeil,,  et  part  avec  l'rclair^    , 
Je  vais  faire  la  guerre. aux  habitants  ^t  l'aift 
Une  table  au  retour  propre  et  noii  magnifique 
Nous  pccfente;  un  repas  agréable  et  ruitique. 


St$  E  P  I  T'R  É    VI. 

Là,  fans  t*aflujettir  aux  dogmes  de  Brouffinn,  ' 

Toat  ce  qu*on  boh  èû  bôft,  lout  cb  qtl^dn  mzrigt  id  ùié% 

ha.  maifoD  le  fournît,  la  Fermière  Tordonne,         J  *  ' 

Et  mieux  aue  Borjçerat  Vappétit  raflaifdB^e. 

O  fortuné  iejour  !   O  champs  aimés  des  Cîeux  l 

Que  pour  jamais  foulaot  vos  prés  dclicieii% 

Ne  puis  je  ici  fixer  roa  courfe  vagabonde, 

£t  connu  de  vous  feuls,  oublier  tout  le  monde  ! 

Mais  à  peine  du  feîn  de  vus  yatlo'ns  cbeHs, 
Arraché  malgré  iroi,  je  rentre  dans  PHris, 
Qu^en  tous  lieux,  les  chagritis  m'àttendant  au  paffige^  ' 
Un  couûn  abufant  d^un  fâcheux  parlbntage, 
Veut  quViWîore  lout  poudreux,  et  fans  me  débbtteir 
Chez  vingt  Juges  pour  lui  J'aille  rolîî citer.  j 

Il  faut  voir  de  ce  pas  les  plus  confiderables. 
L'un  demeure  au  Marais^  et  l^autre  aux  InctiraHtSi 
Je  reçois  vingt  avis  qui  me  glacent  d'éffror.  * 

Hier,  dît* on,  de  vous  On  parla  clitz  le  Roî,    , 
Et  d'attentat  horrible  ort  traita  la  Satire. 
Et  le  Roi,  que  dit-iî  ?  L^  Roi  fc  prit  ^  tir*, 
Contre  ?os  derniers  vers  on  èft  fort  ed  cotiri^urx  !  * 

Pradcn  a  mis  au  jour  m  livre  cbotrè  vbus,"  '- 

Et  chez  le  chàpeHeï  du  coin  dte  rfôtrè  fihc&  -^ 

Au  tour  d'un  caudcbec  j'en  ai  lu  la  preface.^ 
L'autre  jour  fur  un  tfiot  la  cOur  vouï  condanmtÉ; 
Le  bruit  court  qu'avant  hiefi"  on  Vous  a^iflrai^. 
Un  écrit  fcandaleux  fous  V6tré  nom  fe  dontte. 
D'un  P^jfquin  qu'ion  a  fait  aii  Louvre  on  vdus  fou^çtmaes 
Mais  ?  Vous.     On  nre  l'a  dît  dans  le  Palais  Royal.    * 
Douze  ans  font  écoulés,  depuî?  le  jô\jf  fatal,    ■ 
Qu'un  libraire  îihprrmant  les  éffaîs  de 'ma  p!unAe» 
Donna  pour  mon  malheUr«utt  tl-op  heurcîïx  Vohitae,    ' 
Toujours  depuis  ce  tefms  en  pro>e  au*  fots  dîfcoufs^ 
Contre  eux  la  vérité  ra'èft  d*ïin  foible' féconrs. 
Vicntôl  de  la  Provinie  une  Satire  fade, 
D'un  plaifantdu  païs  infipide  boutade  ?^       •  ^ 

Pour  îf»  faire  courir  on  dit  qu'eHe  èft'de  moî: 
Et  le  fot  campagnard  le  èrbîtde  bdnuiefbi.     ' 
J'ai  beau  prendre  à  tiemoln  eMà  ddur  ce  la  Vi!lte«  * 
Non  à  d'autres,  dit-il,  on  eovtiiolt  totrc  flile: 
Combien  de  tems  ces  Vers^ôûs  OittôH  bien  conté  ? 
U»  ne  font  point  de  moi,  Monfieilr^  eu  vérité  ; 

Bèut« 


D M^  M.  9 Orl  L  B  AU.  |»9 

>on  m^attri^rc^s  fattiCb  étranges  ? 
^h  !  Mon&ti^r,  ifio»  nuSpris  vous  ieneent  dt  i«uaage«#. 

Aiafi  de  cent  çbagf  ias  dans  Fans  accablé  $ 
Juge,  fi  ^ouJQUKatf^ii^tciiPinpu,  troublé». 
X*amoignoo,  j?aj  le^  tcma^de  courtifcr  Ica  Mufei». 
Xic  monde  cepep^^uit.  Ce  .nt  de  mes  cxcuCe«^ 
Croît  que  pour  m'io^rer  fmr  çliaquc  é.veDçi]aeBt 
Apollon  doit  vesir*  aa  premier  mandqment. 

Un  bruit  oouTt  qoa  le  Roî^va  tout  réduire  en  poudt«» 
£t  dans  Valençteoikes  èd  entra  comm«  ua  foudre  ^ 
Ql^e  Cambray  des  Ecançoîs  Pépoavai^table  écueil» 
A  vu  toinber  enfin  &s  murs  et  &>a  orgueil  : 
Que  devant  Saint- OaierNaflaa  par  £a  débite, 
X>e  Philippe  vainipieup  rend  la  ^ire  cotnplete« 
l>ieu  fait,  coi9.me.  les  vers.  chetz<y.ous  s^eii.  v^mt  couler» 
Dit  d'abord  un  ami  qui  sent  me,  cs^geoler,  ^ 

£t  dans  ce  tem&  guèri^ier,  et  £ecfpnd.eii  AobilleSf  - 
Croit  que  IVuvfait  ^f  vers,  comme  l'on  pxsenddes^  villes* 
Mais  mol  dont  le  génie  èâ  moit  en  ce  mom^nt^ 
Je  ne  fais  que  répol^xejkc^irain  compliment^  * 
£t  ju(te]:]^nt,  confus.  c^.m<mpeu.^laboivdan<^  . 
Je  me  fais  un  cbagrin^du  boAbe^r  de, la  Fraoeo.^ 

Qu'heureux  èit  If  mortelr^i  du  monde  Ignoré,  ^    - 
Vit  conteiit  de  &iv]|iême'en  un- coin  retire  1 
Que  l'amo^s  de  ce  rien.^'on  nomme  senommée, 
^9'a  jamais  eay.vré  d'une  vainc  fumée, 
Qui  de  fa  liberté  forme  tPut  io^  plsûfir^ 
Et  ne  rend  qu'à  lui  feul  compte  de  foo  loifir  ! 
Il  n^a  poiot  à  (ouffriv  d-'d&'onts  ni  .dUojttflices» 
£t  du  peuple  it^onÂant  il  bravé  les  caprices* 
Mais  nous,autr^^Jaire)^5  de  livres  et  d^écritSf 
Sur  lesjïordâ  du  PermeSe  aux  louanges  noui^m^ 
Nous  ne  faurioos  bd&r  nos  fers  ^t  nos  entraves 
Du  ïeâeur  4édaiga«PUx:konecables^folav€s,       •. 
Du  rang  où  nôtre  efprit  une  fois  s'è^  fait  vosi^- 
Sans  un  fâcheux  téclat,  i  nous  f)e  &uriçns  déclujjr^        .  . 
Le  public  enrichi rdw  tribut  de  nos  veilles, 
Croît  qu'on  doit  ajouter  merveilles  fur  mfrveil)e&,< 
Au  comble  parvenus  il^veuV  que  nous  croiffionsl 
11  veut  en  vléf^ifîaat  que  ooms  rajeuniffiona^ 
Cependant  tout,  doc^oi^  et  moi  œ^me  9>  quil'âge^        . 

P'au.f 


fit  EPITRE   VI. 


D^ancane  tiét  encore  n*m  flétri  k  vifiige, 
I>éjà  iBotat  plein  4e  feii*  pour  aeimer  ma  voix, 
^*ai  befoin  .du  filence  et  de  Pombrè  des  boir. 


u 


[a  Muie  ^tti  fe  plah  dans  leurs  foates  perdncs^ 
Ne  faurott  plus  auurclier  fur  le  pavé  des  rues. 
Ce  n*èâ  que  dans  ces  bob  propres  à  aVxciter, 
Ou* Apollon  quelquefois  daigne  encore  m^écouter* 
Ne  demande  donc  plus,  par  quelle  hmneur  Càurmgep 
"[^out  r£té  loin  de  toi  deaseurant  an  Tillage 
Vj  pafle  obftinement  les  avdenrs  du  Lion, 
£t  montre  pour  Paris  fi  peu  de  Paffioo. 
C^éil  à  toi,  Lamoîgnon,  que  le  rang,  la  nailEince, 
Le  mérite  éclatant,  et  la  haute  éloquence. 
Appellent  dans  Paris  aux  fiiUimes  ensplois, 
QuSl  fied  bien  d*jr  veiller  pour  le  maintien  des  lots* 
Tu  dois  là  tous  tes  feins  au  bien  de  ta  patrie. 
-  Tu  ne  Ven  peux  bannir  que  rorphelto  ne  crie  : 
Qge  Poppreflcur  ne  montre  un  front' audacieux, 
£t  Tbémis  pour  voir  clair  a  befein  de  tes  yeux. 
Mais  pour  moi,  de  Paris  citoyen  inhabile, 
Qui  ne  lui  puis  fournir  qu'un  rêveur  inutile. 
Il  me  £iut  du  repos,  des  prés  et  des  forêts. 
Laiffe-moi  donc  ici,  fous  leurs  ombrages  frais, 
Attendre  que  Septembre  ait  ramené  l'automne, 
£t  que  Cérès  contente  ait  fah  |^ace  à  Pomone. 
Quand  Bacchus  comblera  de  ces  nouveaux  bienEaits, 
Le  Vendangeur  ravi  de  plojer  fous  le  faix, 
Auffi-tôt  ton  ami  redoutant  moin^  la  ville, 
T*ira  joindre  à  Paris,  pour  s'enfuir  ^  Ba ville, 
Lsk  dans  le  feul  loifir  que  Thémîs  t'a  laifle. 
Tu  me  verras  fouvent  à  te  futvre  emprefle, 
Pour  monter  à  cheval  rappellant  mon  audace» 
Apprentif  cavalier  galoper  fur  ta  trace. 
Tantôt  fur  Therbe  affis  au  pié  de  ces  coteaux, 
Où  Polycrene  épand  fes  libérales  eaux  ; 
Lamoîgncin,  nous  irons  libres  d'inquiétude 
Difcourtr  des  vertus  dont  tu  fais  ton  étude  ; 
Chercher  quels  font  les  biens  véritables  et  fiiox  y 
Si  l'honnête  homme  en  foi  doit  fouffrir  des  défauts  } 
Quel  chemin  le  plus  droit  à  la-  gloire  nous  guide, 
Ou  la  vafte  fcience,  ou  la  vertu  (blîde. 


F4BI.es  m  la  TONTAINB.  'S^ 

C*èft  aînfi  que  chez  toi  tu  ft9r»s  B»*«Uaeli«r* 

Heareux  !  fi  les  fâcheux  prompt*  à.  ncms  y  cfaevcher^ 

N^y  viennent  point  feo^  IVnsuyeufe  tfiAcffe. 

Car  dans  ce  grand  concoun  4%ûmmes  de  toute  è^èce: 

Que  fsms  ceSe  à  fiavtlle  attire  le  devoir  ? 

Au  lieu  de  quatre  amif  (|ii'<^a,attendoit  le  fotr^ 

Quelquefois  de  fâclieux  ariiveDl  tscm  velééSy 

Qui  du  pacc  ^  Piaftan^  affiège^t  lee  aUées* 

Alors  fauve  qui  peift*  et  quatre  £ois  beureuK  ! 

Qui  fait  pour  s'échappât  quelque  aâtre  ignoré  d'eux. 


f^^^^îf^  Ji  j"  V  u  J.«'W*  f 


FABLES 

Par  m.  P5  ia  FQIifTAINE. 
L'HIRONDELLE  KT  LES  FETITS  OISEAUX 

U  NE  Hîroiide3ie  en  £mi  voyages 
Avoh  beaucoup  ^pris.     Quoiconque  a  beaucoup  vu. 

Peut  avoir  beaucoiïp  retenu. 
Celle-ci  prévoyoit  jofqu'aux  moindres  orages, 

£t  avant  qu'ils  fttfient  éclos. 

Les  annooçoit  aux  Matelots^. 
Il  arriva  qu*aa  teisps  que  le  chanvre  fe  féme. 
Elle  vit  un  Maniant  en  couvrir  ttakits  fi4fot>sV 
Ceci  ne  ,me  plait  pas,  dit-elle  aux  Oîfilîons, 
Je  vous  plaîW||:  Car  pour  moi,  dans  ce  péril  extrêrae, 
Je  faurai  m'éloîgner,  ou  *îvfe  en  quelque  coin. 
Voyez- vous  cette  main  qui  par  les  îûrs  chemine  ? 

Un  jour  viendra,  qui  a'èft  pfs  Join, 
Que  ce  qu'elle  répand  fera  votre  ruine. 
Wc-là  naîtront  engins  à  vous  envelopper, 

Et  lacetJî  pour  vous  attraper  ;  ' 

Enfin  mainte  et  mainte  machine* 

Qui  caufera  dans  la  faîfoa 

Y  y  Votre 


ijo  FABLES  DB  LA  FONTAINE. 

Votre  mort  ou  votre  prifoo. 

Gare  1«  cage  ou  le  chaudron. 

C*èft  pourquoi,  leur  dit  rHirondeMcp 

JMangez  ce  ^rain,  et  croyez-moî. 

Les  oifeatsx  fe  monqoèrent  d'elle  : 

Ils  trou  votent  aux.  champs  trop  dequoi.  ^ 

Quand  la  chénevière  fut  verte, 
L*Hirondelie  leur  dit  :  Arrachez  brin  à  hria 

Ce  qu'a  produit  ce  maudît  grain, 
:Oa  foyes  fAra  de  votre  pf  rte. 
Prophète  de  malheur,  babillarde,  dît- on. 

Le  bel  emploi  que  tu  nous  donnes  ! 

11  nous  feudroit  mille  peribnnes 

Pour  éplucher  tout  ce  canton. 

Le  chanvre  étant  tout  Wait  crû. 
L'Hirondelle  ajouta  :  Ceci  ne  va  pas  bien, 

Mauvais  grain  hû  tôt  venu. 
filais  puifque  jufquUci  l'on  ne  m'a  crue  en  xiep. 

Dès  que  vous  verrez  que  la  terre 

Sera  couverte,  et  qu'à  leurs  bleda , 

Les  gens  n'étant  plus  occupés 

Feront  au  OifîlloBs  la  guerre. 

Quand  reglnglettes  et  rézeaux. 

Atraperont  petits  Oifeaux, 

Ne  volez  plus  de  place  en  place, 
Penxeurez  au  logis,  ou  changez  de  climat  : 
Imitez  le  Canard,  la  grue  et  la  Bécafie. 

Maïs  vous  n'êtes  pas  en  état 
De  pafTer,  comme  nous,  les  d.ésèrts  et  les  ondes. 

Ni  d'aller  chercher  d'autres  mondes  : 
C'èft  pourquoi  vous  n'avez  qu'un  parti  qui  (bit  fur,' 
C'èft  de  VQUs  renfermer  aux  trous  de  quelque,  mur.,' 

Les  Oifîlloïis,  las  de  l'entendre', 
Se  /nîrent  à  jafcr  aufli  confufément,  #» 

Que  fefoient  lés  Troyens,  quand  la  pauvre  Caffandre 

Ouvroit  la  bouche  feulement. 

II  en  prit  aux  uni  comnie'aux  autres. 
Maint  Oîfillon  fe  vit  efclave  retenu. 
Nous  n'écoutot\s  d*In dîners  que  ceux  qui  font  les  nôtre*. 
Et  |ie  croyons  le  mal  ^uc  quand  il  èH  VchuV 

LE 


1.E  RAT  DE  VILLE  Et  LE  RAT  DES  CHAMPS 

Autrefois  le  Rat  de  ville 
Invita  le  Rat  des  champS|. 
X)^une  façon  fort  civile, 
A  des  reliefs  d'Ortelans.-  ' 

Sar  un  tapis  de  Turquie  t 

Le  couvert  fe  trouva  mis. 
Je  laifîis  à  pcnfer  la  vie 

Que  firent  ces  deux  amis.  ^  , 

Le  régal  fut  fort  honnête. 
Rien  ne  iftanquoit  au  fcHin  : 
Mais  quelqu'un  troubla  la  fête  -, 

Pcndaiit  qu'ils  ctbient  en  tra^nv 
.    A  la  porte  de  là  Taie 
Ils  entendirent  dû  bruit. 
Le  Rat  de  ville  dctale, 
Son  camarade  le  fuit. 
Le  bruit  ceife^on  fe  retire  : 
Rats  en  eampiagne  aufli  tot^ 

Et  le  Citadin  de  dire,  - 

Achevons  tout  notre  rôt. 
C'èft  affez,  dît  le  rudîque  : 
Demain  vous  viendrez  chez  moi» 
Ce  n*èft  pas  qu^  je  me  pique  : 
De  tous  vos  fefiins  de  Roi. 
Mais  rien  ne  vient  ntv^interrompre  ;^ 
Je  mange  tout  à  loiOr, 
Adieu  donc,  fi  !  du  plaifîr 
Que  la  çjrsûnte  peut  corrompre* 

LE  LOUP  ET  L'AGNEAU. 

La  raifon  du  plus  fort  hû  toujours  la  mcflleiKe^ 

Nous  Talions  montrer  tout  à  l'heure. 

Un  Agneau  fe  défaltéroit 

Dans  le  courant  d'une  onde  pure. 
Un  loup  furvîent  à  jeun,  q^î  cherchoit  avanture> 

Et  que  la  faim  en  ces  lieux  attîroit. 
Qgi  te  rend  fi  hardi  de  troubler  mon  breuvage  î 

Dit  cet  animal  plein  de  rage. 

Yya;  Ta 


53*  lAULt  VB  LA  FONTAINlu 

i 

I 

Tu  feras  châtié  de  Ui  témétké.  '^ 

SiiCi  répond  TAgneau.  que  votre  Majefié'  | 

Ne  fe  Blette  pas  en  colère,  j 

Miiîs  plutôt  quMle  conlkière 
Que  je  me  vas  défaltérant 

Dans  le  courant» 
Pins  de  vingt  pas  au  dèSons  dVII^v 
£t  que  par  confequent,  en  aucune  façon* 

Je  ne  puis  troubler  fa  boiflbn. 
Tu  la  troubles,  reprit  cette  bête  cruelle  \ 
Et  je  faî  que  de  moi  tu  médis  Pan  pafie. 
Comment  Pau  rois- je  fait  ii  je  n^étois  pas  né  ^ 
Reprit  1* Agneau,  je  tête  encolre  ma  mère« 

Si  ce  n'èft  loi,  c*^^  donc  too  frère. 
Je  n*en  ai  point.     C*èft  -donc  ^clqa'on  de^  tietts» 
Car  vous  ne  m^épairgnez  guère, 
A^ouSy  vos  bergers»  et  Vos  cbtèn^ 
On  me  Pa  dit,  il  faut  qqt  je  me  venge-* 
X.à  deflus.  au  fond  dea  forets 
X«e  loup  remporté  et  puis  le  mange^ 
Sans  autre  forme  de  prbcèa. 


^^mmmmâmmmmmmmkmÊimm^mmÊmm 


ODES 
Pa«  m»  ROUSSEAU. 
A  LA  FORTUNE;    .      ' 

* 

FORTUNE,  dont  la  main  oouirohn» 
Les  forfaits  les  plus  inouis» 
iJu  faux  éclat  qui  t^envirctont. 
Serons-nous  toujours  éblouis  ?       -        >        ' 
Jufque^  {iqyâftd,  irolopeufe  idole^ 
D'un  culte  honteux  et  fttvole 
Honorerons- nous  tas  autels  ^ 
Verra-t-on  toujours  tes!  cafiTicea 

Coniâcr^i  par  les  f^crtficeftt  .-    ' 

£t  par  l'hommage  des  mortels  ^    - 
Le  peuple  dam  ton  moindre  ourrage^ 
Adorant  la  profpérit^. 


Ot>ES  FAR  ROUSSEAU.  J3$ 

Ye  nomme  grandeur  de  coatage, 

Valeur,  prodeoce,  fermeté. 

Du  titre  de  vertu  Tupréme, 

11  dépouille  la  vertu  même 

Pour  le  vice  que  tu  chéris  : 

£t  toujours  fts  fauiïes  maximes  ^ 

£rigent  en  héros  fubHmes 

Xes  plus  coupables  favoris. 

MaU  de  quelque  fuperbe  titfe 

I>ont  ces  hétot  foieot  revêt  os. 

Prenons  la  raifon  pour  arbitre^  ^ 

Kt  cherchoiM  en  eux  leurs  vertus* 

Je  n'*y  trouve  qu'extravagance, 

Foiblefle,  injtîûfce,  arrogance, 

Trahsfo&s,  fureursi  cruautés» 

£trange  vertuy  qui  fe  Ibr Att 

Souvent  de  Vaâ«mbl2|ge  éaorxfie 

I>es  vices  lea  plut  détedés  ! 

Apprens  que  la  feule  fageffe 

Peut  faire  )es  héros  parfois  : 

Qu'elle  voit  tout  la  baflcCTe 

De  ceux  que  ta  faveur  a  faits  : 

Qu'elle  n'adopte  pmnt  k  gloire. 

Qui  naît  d'une  injuHe  viéloîre 

Que  le  fort  rea^poite  pour  eux  ;. 

iLt  que  devant  ies  veux  (ïoïques^ 

lueurs  vertus  les  plus  hért'îqucs 

Ne  font  que  des  crimes  heureux-^ 

Quoi,  Rome  et  l'Italie  en  cendre 

Me.feront  honorer  SHIa  f 

J'admirerai  dans  Alexandre 

Ce  que  j'abhorre  en  Atrila  ^ 

J'appellerai  vertu  guerrière 

Une  vaillance  meurtrière^ 

Qui  dans  mon  fang  trempe  fes  mains  f 

ht  je  pourrai  forcer  rarar  bouche 

A  louer  un  héros  farouche  *- 

Né  pour  le  malheur  des  humains  ? 

Quels  traits  me  préftntent  vosfafie*,. 

Impitoyables  conquérants  ?  ' 

Des  voeux  outrés^  des  projets  va ft es, - 

Des  Rois  vaincue)  par  des  t)ra<ns) 

y  75  De' 


534  ODES  ftut  RÔUSS'EAtt» 

Des  murs  que  }a  f!â%lnA  râta^. 
Des  vainqueurs  funHmti  de  cerbag^,^ 
Un  peuple  aux  fers  abëndontié, 
Des  mères  pâles  et  fiiilg)tttes 
Arracbant  leurs  filles  tremblantei 
Des  bras  d'un  Mâttt  efiV^né. 
Juges  tnfenfés  que  notts  foihinef. 
Nous  admirons  de  tels  ez|>ldk%  ! 
£t  ce  donc  le  maD»ur  des  bomnie» 
Qui  fait  la  vertu  ées  gramh  K^is  ^ 
Leur  gloire,  fécùtât  en  fuliftes; 
Sans  les  meurtre  et  fans  !eS  ràpiide!»     - 
Ne  fauroit-elle  ftfbGfttr  f 
Images  des  Dieux  ftit  là  terre, 
E(^.-ce  par  des  coups  de  ton^reriie 
Que  leur  grandeur  doît*éclatet  l 
Maïs  je  veux  que  dans  les  allaililhfs 
Réfide  le  folîde  bomretrr. 
Quel  vainqueur  ne  doit  qu'i^ Tes  arttest 
Ses  triomphes  et  (b<k  bonbjeur  ? 
Tel  qu'on  nous  vante  cîans  rbifioîre^ 
Doit  peut  être  tèdte  fa  gloire 
A  la  bonté  de  fon  tîvah 
L'inexpérience  indcrcîle 
Du  compagnon  Se  Paule  Emile 
rît  tout  les  fuccès  d*  Annrîbal. 
Quel  è(l  donc  le  béros  folîde, 
Dont  la  gloire  ne  foît  (ja^à  lui  ? 
G*èft  un  Roi  que  réquité  guid^^ 
El  dont  les  vertus  font  l'appui  r 
Qui  prenant  Titus  pour  modèle,. 
.  Du  bonheur  d'un  peuplé  fidèle,. 
Fait  le  plu^  cher  de  fes  foubaits  : 
Qui  fuit  la  baJTe  fktterîè  j 
Jtl  qui,  père  de  fa  patrie, 
Compte  fes  jours  par  fes  bienfaits, 
VouSj  chez  qui  la  gtfèrricre  audace* 
Tient  iicu  de  toutes  les  vertus, 
Concevez  Socrate  h  la  place 
Du  fièr  meurtrier  de  Clîtus  : 
Vous  verrez  un   Roi  rcfpeé^abîe, 
iiumain,  généreux^  équitable  ^ 


17» 


OS>ES.  PAR  ftOUSSEAU.  s^S 

TJn  Roi  digne  et  Vos  nUttUi 
Mais  à  la  place  4t  Sôt:ra^, 
Le  fameux  vainqtttw  ée  r£ai»t«¥ate 
Sera  le  dernier  dés  mort>l^« 
Héros  cruels  et  (anguin^resi 
Cefiez  de  vous  enài^^iMÂlHr 
De  ces  lauriers  iiMmginaireS, 
Que  Bellooe  vt^us  â  ciuitKr* 
£n  vain  le  itoSmé^r  raf>iâe  ' 
De  Marc  Ant«iii  «t  de  Léfiàt 
JElempHflbit  l'umven  dliorteur»  : 
11  n^eût  poUit  eu  le  ntmi  d^Aisigtille 
Sans  cet  empire  lieaiiteiix  tt  jâfte 
Qui  fit  oublier  (es  fureurs* 
Montrez-nous,  guerriers  magnanimes^ 
Votre  vertu  dans  t%fut  âm  jd^r. 
Voyons  cony&ent  vos  coeurs  fublime» 
Du  fort  foutiendront  le  retour. 
Tant  q\£t  fa  fatèur  vous  féconde» 
Vous  êtes  les  maîtres  du  monde, 
Votre  gl^âttiB  nous  iêbtouit  ; 
Mais  au  moindre  revers  fuoede, 

Le  tnâfqae  tombe,  l%oinme  tefte, 

Et  le  héros  s'évanouît. 

L'cflFort  d'une  reltTi  canajnumc 

Suffit  pour  faire  un  conquérant. 

Celai  qui  domptt  la  fortune. 

Mérite  feule  ie  nom  de  grand. 

Il  perd  fa  volage  àflîfftànce, 

Sans  rien  perdre  de  la  cohilance 

Dont  il  vit  fes  honneurs  accrus  > 

Et  fa  gfande  âme  ne  s'altère. 

Ni  des  trromprhcs  de  Tibère, 

Ni  des  dîfgraces  de  Varus. 

La  joie  itnprudente  et  légère 

Chez  lui  ne  trouve  point  d'accès  j 

Et  fa  crainte  aéïîve  modère 

L'y  vrcJTe  des  heureux  fuccès. 

Si  la  fortune  le  travcrfe, 

Sa  confluante  vertu  s'cTterce  ' 

Dans  ces  obflacies  paifagers. 


Eé 


Ijtf  ODES  tAK  ROU&SEAV, 

Le  bonheur  ptnt  aroûr  fon  terme,- 
Mais  la  fagrefie  èft  toujours  fermer 
£t  les  delUiH  toujours  légers. 
£q  vaia  un  fiêre  Déeffe 
O^£oée  a  réfola  la  aort  : 
Ton  fécours,  puifiante  fagefiet 
Trionpbe  des  Dieux  et  du  ibit« 
Par  toi  Rome  au  bord  du  naufrage, 
Jufques  dans  1er  murs  de  Carthagey 
Vengea  le  faag  de  (es  guerriers  p 
£t  fnîvant  tes  dtWnes  traces. 
Vît  au  plus  fort  de  fes  difgraces 
Ghauger  fes  cypaès  ea  lauriers* 


O  D  E 

A  MONS.  LE  COMTE  ^z  SlNZlNpORF. 
C|iA»iceLiKa  ni  ul  Coua  Immumalx* 

L*HYV£R,c{ui  û  longtemt  a  fait  bUncfaîroos  plalnes^^ 
NVnchaine  plus  le  cours  des  paifibJlfs  ruiffeaux  y 
JLt  les  jeunes  zéphyrs  de  leurs  cbau4es  baleines 

Ont  fondu  Técorce  des  eaux. 
Les  troupeaux  ont  quitté,  leurs  cabanes  ruHiques  : 
Le  laboureur  commence  à  lever  fes  guérets  : 
Les  arbres  vont  bientôt  de  leucs  têtes  antiques- 

Ombrager  ks^  veytes  forêts. 
Déjà  la  terre  s'ouvre  >  et  nous  voyoosxclore 
Les  prémices  heureux  de  (en  dons  btenfefants» 
Céiès  vient,  à  pas  lents,  à  la  fuite  de  Flore,    . 

Contempler  fes  nouveaux  prefents. 
De  leurs  douces  chanfons  inllruits  par  la  nature. 
Milles  tendres  oifeaux  font  léfoontir  les  airs  ^ 
£t  les  nymphes  des  bois,  dépouillani  leur  ceinture, 

Danfent  au  bruit  de  leurs  concerts. 
Des  objets  (i  charmants,  un  lejour  fi  tranquille, 
La  verduie,  les  fleurs,  les  rui&aux,  les  beaux  jours^ 
Toute  invite  le  fage  à  chercher  un  afyle 
-^  Contre  le  tumulte  des  cours. 

Mais 


Mais  vous,  à  qui  Mi«enr«  «t  lesftHes'd'Aftvée 
Ont  confié  le  fprt  des  terrtAres  builiaânt^ 
Vous,  qai  n'ôfe»  quitter  Ift  tel«»cc  Smtét 

Dont  Thémfs  a  cbàtgé  voë  fliaifts  : 
Miniftre  de  la  pzW^  ^t  gouvamet  Ici  rèAf 
X>'ua  empire  puiflant  aiittiat  ^«e  g^iafi3t> 
Vous  ne  pouvez  longum  «ass  déxobcr  aUkdiaiiias 

De  vos  emplois  labiNieûx. 
Bientôt  Pétat,  pri^  d*iMiè  tk  fes  i^MotoikUt 
^  Se  plaîndroit  d*an  repos  <)»i  tndiîrfifc  la  fieit. 
L^orphelin  votts  crieroît  :  liélas  !  (tt 'm'abaiid»tt(ies  } 

Je  perds  mofi  phir  fimihc  femkA* 
Vous  irez  donc  rferetr,  maîa  po«r  peu  de  jaoto^es^ 
Ces  fertiles  jardins,  ces  rivages  fi  doax^   -  -> 
Que  la  nature  et  l^irt,  de  leurs  «nains  iottntéfttj 

Prennent  fein  d^eillbeIltrTpottî'  vous. 
Dans  ces  immenfes  UeiÈik  dont  le  fort  votks  M  tna^tee. 
Vous  verres  le  foleil^  cultivant  leurs  tréfors. 
Se  letoer  ie  toatitar,  tt  le  foir  difpafdttre. 

Sans  fertir  de  leurs  tkbès  bords. 
Tantôt,  vous  tfiteétélt  la  ^otfrfa  è9  fd^tt  imêt': 
Tantôt,  d'un  fèr  tourbe  dirigeant  vos  orfifteadx^ 
Vous  îttez  tèttmàHt  lc«r  fè^  itegsfb^aAe  J 

Dans  d«  pikiè  iMîI«ri!«ftèsNrt»  '    >  ^ 

Souvent  d^UA  ploifib  febtit  ^«  le  Mpétfe  turbnrf^,  ' 
Vous  irez  infulter  le  fanglto  glailttfn  ) 
Ou,  nouveau  Jupitéf,  fa'M  aux  oHeKix4ft  Pbiiiîi 

Subir  le  fort  dePhaét^a. 
O  doux  amnfeoitftHi  ^  ctxsfaia  kieO!l«t^4^  '    ' 

A  ceux  que  du  grand  monde  ébldatl  4o  'c^lMts4 
Solitaires  va)!on5,rtVtaHè  ttmoUt^le'  > 

De  l4tHi«^Act  et  4b  repos. 
Délices  des  ayeux  d'owe  époufe  adoféfe. 
Qui  réunit  Téclat  de  tmittfs  leurs  ^tendetirsi 
£t  dans  qui  ia'Vtfrtu,  'psr  ks  ^rtfâes  ptités^ 

Brille  au-deffus  de  léats  grandiéurs. 
Arbres  verds  et  ^^«ods^  bois  jpuifibhrs  <t 'fembrts^ 
A  votre  poffefleur  fi  doux  et  û  ctâiniiaiyt!». 
Puifilez-vous  ne  dUf  er  que  pour  pr^et  ¥as  ûmbt^Ss  s 

A  fes  Abbles  délaffetnintfS. 
Mais  la  loi  du  devoir,  <pi  lui  parie  fans  eeCe^ 
Va  bientôt  i^enlevet  h  iVs  he^e^ix  loifirs  : 


i3»  ODES,  FAR   RQUiSEA^^a 

In  n^écouteca  plm  que  la  voix  qui  le  prefle   ' 

De  s^arracher  à  vo»  plaifirt. 
Bientôt  vous  le  .verrez,  reapnçant  à  lui-même. 
Reprendre  les  liens  dont  il  èft  échappé  ^ 
Toujours  de  Tîntérêt  d'un  monarque  quHl  aime^ 

Toujours  de  fa  gloire  occupé. 
Allez»  illttfi're  appui  de  Tes  vaflcs  province^ . 
Allez,  mais  revenez,  de  leur  amour  épris. 
Organe  des  décrets  du  plus  (9g9r  des  priocesi- 

Veiller  fur  /es  peuples  chéri». 
C'èft  pour  eux  qu'autrefois,  loîa  de  votre  patrie^ 
Confacré  de  bonne  heure  à  de  nohles  travattX|. 
Vous  fîtes  admirer  votre  heurcufe  induihie 

A  fcs  plus  illuÛres  rivaux.  : . 

La  France  vit'briller  votre  zèle  intrépide 
Contre  le  feu  naiflant  de  nos  derniers  débats. 
Le  Satave  vous  vit  oppofer  votre  Egide 

Au  cruel  démon  des  combats* 
Vos  voeux  font  fatisfalts.     La  diicorde  et  là  guèrtf 
N'ôfent  plus  rallumer  leurs  tragiques  flambeaux  y 
£t  les  Dieux  appaités  rédQnneut  à  la.terre 

Des  jours  plus  fereiiTS  et  pluf  beaux. 
Ce  Chef  de  tan't  d'états,  ^  qui  le.  Ciel  0ptpre 
Tant  de  riches  tréfors,  tant  de  fameux  bienfaits^, 
A  déjà  de  ees  dieux  refu  la  récompebfe 

De  fa  tendreile  pour  la  pa^x. 
Il  a  vu  n>Stre  enfîn  de  fon  époufe  aimée. 
Un  gage  précieux  de  fa  fécondité,  . 
£t  qui  va  déformai»  de  TÇurope  chairmçe 

AScTtait  la  trai^quillité. 
Arbitre  tout-puiflant  d'un  £aipire  invincible,     ^ 
Plus  maître  encore  du  coeur  de  fts  fujets  heureux^ 
Qu^a  t-il  à  defirer,^  qu^un  ufage  paifîble 

Des  joi^s  qu'il  a  reçus~  pour  eux  ? 
Non,  non  :  11  n'ira  point,  après  tant  de  tempêtesi 
Refi^lciter  encore  d'iintiques  différents  ; 
Il  fait  trop  que  fouvent  les  plus  belles  conquêtes 

Sont  la  perte  de»  conquérants. 
Si  toute&is  Tardeur  de  fon  noble  courage 
L'cngageoit  quelque  jour  au-delà  de  fes  droits  y 
Ecoutez  la  leçon  d'un  Socrate  fauvage, 

Faite  au  plus  puiflant  de  no^  Rpis^ 


Foor 


ODES    SACIIE'ES.  53$ 

Pour  la  troîfiètoé  fois  da^fu^etfcc  VérfaUtes    *  ' 
11  feibit  agg^randir  le  parc  délicieux  : 
Un  peuple  harrafle  de  ces  vaftes  murailles 

Creufoit^e  ccmitoiir  fpacieux. 
IJn  fcul  ccnitre  un  vieux  chêne  appuyé,  fans  mot  dire, 
Semblott  à  ce  travail  ne  prendre  aucune  part. 
A  quoi  rêves^tu  là,  dît'' le  Prince  ?  Hélas,  Sîré^ 

Répond  le  champêtre  vieillard, 
Pardonnez.     Je  fongeois  que  de  votre  héritage 
Vous  avez  beau  vouloir  élargir  les  confins  : 
,^Quand  vous  Taggràndiriez  trente  fois  davantage^ 

Vous  aurez  toujours  des  voifios. 

ODE,  TIRE'E  DU  PSEAUME  XIV. 

Cara&irè  de  I^SommeJuJe, 

SEIGNEUR,  dans  ton  temple  adorable 
Quel  fiiorteî  èft  digne  d^cntrer  ? 

Qui  pourrai  gr%nd  pieu,  pénétrer 

Ce  fanâuaire  impénétrable.V 
Ou  tes  faints  incliâés,  d*ûn  oeil  refpé61ueux, 
.Contemplent  de  ton  n-ont  Péclat  majéftueux  ? 

Ce  fera  celui  qui  du  vîc<ç 

'  Evite  le  fentier  impur  : 

Q^i  marche  d^'un  pas  ferme  et  flir  '^ . 

Dans  le  chemin  de  la  juHice.^ 
Attentif  et  fidèle  à  dîftînguer  ta  voîx. 
Intrépide  et  fêvè?e  à*  Maintenir  tes  loix» 

Ce  fera  celui  dont  la  bouche         "  •    - 

Rend  hommage  à  la, vérité  :' 

Qui  fous  un  air  d^humànlté 

Né  cache  point  uni  coeur  farouche  : 
Et  qui  par  des  difcours  faux  et  calomnieux^ 
Jamais  à  la  vertu  n^a  fait  bailTer  les  yeux. 

Celui  devant  qui  le  fupcrbe,^ 

Enfié  d*une  vaine  fplcndeiir^  .  *      ' 

Paroît  plus  bas  darts  fa  grandeur 

Que  l'infcéle  caché  fous  l'herbe. 
iim  bravant  du  méchant  le  fifle  couronné^ 
Honore  la  Vertu  du  juftc Infortuné, 

Cplui,  dis  je,  dont  les  promefles 

Sont 


5*9  O  D  E  «  -SAC  H  F  E«. 

Sont  un  gtge  tovjoun  çaïuiii  ;. 
.    Celui  qui  d'un  infune  gain 

Ne  fait  point  groiBr  fef  rîdneScf  : 
Celui  qui  fur  les  dons  4u  coupable  puiSaot 
N'a  jamata  décidé  du  fort  de  PiniMicfnIgi 

Qui  mai:chei:a  dans  cette  vcôci^ 

Comblé  d'uB  éternel  bouliaur 

Un  jour  des  élus  du  Seig^Mor^ 

Partagera  la  fainte  jpic  :  * 

Et  les  frémifleipcuts  de  l'eufèrinité 
Ne  pourront  faire  obftacU  à- fa  félicité 

ODE,  TIRE'E  DU  PSEAUME  XVin. 

Mouvements  d^tme  âme  qii  i^éifve  4  ta  cot^iffance  de  Die» 
por  la  cçntemptation  defes  ouvrages, 

LES  cieux  indruîlênt  la  tetrc 
'  A  révérer  leMr  Auteur* 
Tout  ce  que  leur  globe  %fc^Ï9X%t 
Célèbre  un  Dieu  créateur.  * 

Quel  plus  fublime  cantique 
Que  ce  concert  mag^ifiq^e 
De  tous  les  céleAes  corps  ! 
Quelle  grandeur  infinie  ! 
Quelle  divine  harmonie 
Réfulte  de  leurs  accqrds  ! 
De  fa  puiflance  imiportelle 
Tout  parle,  tout  nous  infîruî.t» 
Le  jour  au  jour  la  révèle, 
La  nuit  Pannonce  à  la  nuit. 
Ce  grand  et  fuperbe  ouvrage 

N'èQ  point  pour  Phomme  un  langage  ^ 

Obfcur  et  royflérieux  : 
Son  admirable  (Iruâure 
£ft  la  voix  de  la  nature, 
Qui  fe  fait   entendre  aux  yeux. 
Dans  une  éclatante  voûte 
Il  a  placé  de  fes  mains 
Ce  foleil  qui  dans  fa  route 
£claire  tous  les  humains. 

^  ,  En. 


ODES    SACHEES.  54i 

£nvtroftiié  d«  lamiet^. 

Cet  aftre  ouvre  fa  oftrîère 

Comme  un  épùùs:  gflériettxi 

Qai  dès  l'aube  matînttliè 

De  fa  couclie  nuptiale 

Sort  brillant  et  radièUlk» 

L'univers  à  fa  prefenoé. 

Semble  fortir  du  néfttit» 

Il  prend  fa  cburfe,  il  s'âtiûtè 

Comme  on  fuperbé  ^smfe. 

Bientôt  fii  marche  féconde 

£mbrafle  le  tour  du  iHOtldé 

Dans  le  cercle  i|t^l  décrit  i        • 

£t  par  fa  chaleur  puiflàtftb 

La  nature  lan^ifiante 

Se  ranime  et  fe  nourrit. 

Oh  !  qtie  tes  oeurres  (ont  belles  ! 

Grand  Dieu,  quels  font  tes  bienfaits  ! 

Qge  ceux  qui  té  font  fidèles 

Sow  ton  jotfg  trouvent  d'attraits  t  ^ 

Ta  crainte  infpire  la  joie  : 

£lle  affure  nbtte  voie  ; 

Elle  nous  rend  triomphants  : 

Elle  éclatf e  la  je»iieff^ 

Et  fait  briller  la  iàgefiie 

I>an8  les  plus  foibles  enfants» 

Soutiens  ma  foi  chanceladte^ 

Dieu  pttîffant  :  Infpire-moi 

Cette  crainte  vigilante, 

Qi^i  fait  pratiquer  ta  loi  ; 

Loi  fainte.  loi  deûrable. 

Ta  rich^ffc  èft  préférable 

A  la  richefife  de  l'or  ; 

£t  ta  douceur  èft  pareille 

Au  miel  dont  là  jeune  abeille 

Compofe  fon  cher  trèibr. 

Mais  Oins  tes  clartés  facrées, 

Qpi  peut  connoître,  Seigiieur, 

Les  foîbieffes  égarées 

Dans  les  replis  de  fon  coeur  !  ** 

Prête-moi  tes  feux  propices. 

Viens  m'ajider  à  fuir  les  vices 

Zz  Ouï 


À 


^4»  IDYLLES 

'Qui  l'attachent  à  mes  pat« 
Viens  confumer  par  ta  flâme 
Ceu;^  que  je  vols  d^M^s  mon  âme» 
£t  ceux  que  je  n*y  vo]fi  paK 
Si  de  leur  cruel  empire 
^u  veux  dégager  mes  fens  ^ 
Si  tu  daignes  me  fourire, . 
Mes  jours  feront  innocents^i 
J^îrai  puifer  fur  t%  trace. 
Dans  les  fources  de  ta  grao^  ; 
it  de  fes  eaux  abreuvé, 
[a  gloire  fera  confioitjre 
|ue  le  Dieu  qui  m*a  &it  naître» 
£!l  le  Dieu  <iui  a*a4aiivi. 


0  1  '  ■  I— "^i^  tWi— il 


.«..- 


IDYLLES  DE  THE'OCRITE. 

I  D  Y  L  LE   VHI. 

DapHMXS,  MemALQ^B^  Vif  BlllOX&* 

M£N ALQUE  feftfit  pfiStre  fes  brebis  fur  de  bautei 
montagne^  et  y  rencontra  ^aimable  Daphms,  qui 
gardoit  audî  fon  troupeau  de  boeufs:  Cci  deu^x  Bergers 
«toient  blonds  :  Tous  deux  à  la  âeur  de  Page  :  Tous  deux 
habiles -à  chanter»  et  à  jouer  de  Ir  âatt.  Ménalque'  ap* 
perçut  le  premier  D&phnis,  et  lui  parla  ainfi  : 

MeftHçye, 
Daphnis,  Pafteur  de  tioupeaux  mngifiants,  Teux-tu 
(iifputer  avec  moi  le  prix  du  chant  ?    Je  t'avoue  fincère- 
ment  qu'il  ne  me  fera  pas  difficile  de  remporterla  vî^ire. 
Daphnis  lui  répondit  en  ces  termes  : 

Dapbpfu 
Ménalque»  condudienr  de  brebis  couvertes  de  ricbet 
toifons,  favant  jouear  de  Mte,  tes  chants,  quels  que  foîent 
tes  effotts^  ne  remporteront  poiâtfot  ks  miens  ! 


DE    THEOCRlTE.  543 

Ve«-tu  effayet  !  VeuK-.u  dépofcr  utf  pn»  pour  le 
«inqueux  r  . 

Jed;fputer.i  ,olodti.r»  contre  toi.  et  je  confeo.  a  don- 
ttècun  gage. 

Maïs  quel  gage  pourrons,nous  déjouer  qui  foit  d,gn« 
ifc  notre  vifloire  î  ^     ,  .. 

Pour.moî.î»  nfqoerai  un  Veau  tend  e  j  et  to,,tu«ict. 
tras  tio  Agacau  auffi  gro^  que  U  itierc. 

Mv*fiûlquâ, 
Te  ne  puîs  g^Scr  un  Agnrau  :  Mon  pire  et  ma  tnèrfl 
font  trop  rcdeutablcs;   H»  comptent  chaqu«  foir  toutei 

le*  Brebis  ^    ,  ♦ 

Ddpbntr  >. 

Maïs,  que  peu x-tu  donc  parier  ?  Quelprîxj^r  — P^^cr^  \^ 

^nc  le  valoqueut  l  -  > 

^  Menn/aufi. 

J*ai  une'bèue  »*-Ae  a  ».^  ^^««i  <1^«  J*ai'  fàitt  moi, 
même.  Les^  tuyw*  font  de  la  même  longueur,  et  unit 
enfemble  avec  de  la  cire  blanche.  Je  la  mettrai  pour 
gage  :  Mail  je  ne  parierai  rien  de  ce  qui  appartient  à 
mon  père. 

J'en  poiïede  une  toute  femblable  :  Les  tuyaux  en  lônc 
égalemen^t  joints  avec  de  la  cire  odoriférante.  Je  Tache- 
vaî  ces  jours  derniers  ;  je  me  déchirai  même  le  doigt  en 
l'a  fcGint,  et  j^en  reilens  encore  la  douleur.  Mais  qui 
nous  écoutera  ?  Qui  fera  notre  Juge  \ 

Mefiaîque, 

Si  nous  Bppellîons  ce  Berger  dont  le  chien  blanc  aboyé 
autour  de  cen  Chevreaux  ! 

Ces  deux  jeunes  rivaux  appellent  le  Berger  :  Il  accourt 
»u(lî-t6t  pour  les  entendre  :  Ils  chantent  tous  les  deux  ^ 
la  fois  \  mais  comme  le  Berger  veut  juger  leurs  chants, 
on  confalte  le  fort  \  il  tombe  fut'  Ménalque  :  Celui  ci 
doit  jouer  le  premier  de  la  âute,  et  Daphnis  lui  répondre 
par  des  couplets  champêtres.  Mcsalque  commaace  donc 
aînfi  ; 

Z  z  2  Afc- 


\ 


^''^  IDYLLES 


agréab.'M,  procurez  4^,8 "ij/°"  chalom.au  *»  «« 
faveur  {  "  '"  Gemffe»,  acc<»«J**.j«i  i,  „|^ 

inamelles  font  remplie,  de  lait,  et  1«  jScVtSiu» 
iVnfiraiffeat:   Alai,  dès  quVlle  s'éloigw,  ift^!  . 
fc  dcffecbent,  et  le  Berger  laDgaît,  *^* 

Les  BrtbX^l"  Chèvres  mettent  bas  ifçs  ju«eau;f, 
]fs  Abeilles  renlTitîî^^e  mi^  leurs  ruches,  kjL^Ji^r.^  5 
portent  plus  haut  leiii-  .'^'     ^~^^  ii<m:çoù 

le  trouve  1«  beau  Milon  ^  inai»  x^uaDd'il  les  aban^nne^ 
Berger  sècbe  auflfi-tôt  de  doulcqr»  et  les  Troupeaux 
ixiaigriiTcnt. 

Menalqui* 
O  toi,  le  mari  de  mes  Chèvres  blanclies  l  O  profondeur 
îm^^cnfe  des  forêts  1 — Et  vous,  mes  Chevreaux,  Yencz« 
vous  ciéfaUércr  d^ns  ce  ruijTeau  :  Milon  èft  dans  ces  con* 
trccs  :  lî.t  toi  qui  es  privé  de  tes  cornes,  cours  dire  il  ce 
m^me  MIlon,'que  Proiée,  quoique  Dîett,  a  fs^it  paître 
les  Veaux-mariiiS. 

Dnphnis^ 
Je  he  dçHre  point  le  Royaume  de  Pelops,  qî  des  tré- 
fors  accumulés,  ni  d'ctre  plus  léger  à  la  courft  que  1m 
vrnts  :  Je  préfère  de  chanter  des  airs  champêtres,  aflîs 
pies  de  loi  au  pied  de  ce  rocher  fourcilUux,  et  cte  vm 
paître  d'un  côté  wes  Brebis,  et  de  porter  de  Tautie  mes 
ïcgards  fur  la  mer  d«  Sicile. 

luts  froids  font  fu.nefles  aux  arbresLj  les  chaleurs  aux 
ruiifeaux  j  les  lacets  aux  oifeaux  •,  les  pièges  aux  bêtes 
f^uvagcs  >  et  aux  hommes,  la  paffion  ardente  d'une  jeune 

Beauté» 


DE  THEOC&ITE.  S4S 

« 

S^wlé.  O  Jupker  !  Q  ScHi^^ntia  Attire  d«s  I^x  I 
Je  ne  méfient  pas  fèul  les  feux  4<  l'tmppr  >  tu  brides  «ufi 
t^Vi9toe  ppiur  des  osert^Uf  ^. 

Tc]s  fiiiFeiit  l«s  eliaAits  qve  firent  eiitendre  ces  deux 
jçttlif$  BtQ^f44^|  MéQ9lqu«  fioim«S9$a  aîofi  fo9  demtev 

'  Spiffgpe  mas  CbfVf^êux»  IiPup  chiaI*  épaiig:fte  mes 
Brebis  qui  viçnaei)!  de  m^tUe  bas  l  Ne  n'ealève  rieor 
quoique  je  Ams  jeune  et*le  gardien  d^un  Troupeau  nom- 
breux !  O  Lasipure,  Comment  peux-tu  dormir  a  uHî  pro- 
fondément t  Un  chien  fidèle  ne  doit  point  fe  livrer  au 
fommeil,  loriqu^ila^conipagne  un  jeune  Berger  à  la  tête 
de  foQ  Troupeau.  £t  vous,  mes  cnères  Brebis,  raflafiez- 
vous  fàos  craiqte  d^herbe  teuji^e  ^  elle  renaîtra  bientôt  ! 
Faiffez  fajis  inquiétudes  ?  PaîiTez  fans  alarmes  !  Rem- 
pliflez  de  lait  vos  mameUffiî|.  ^fin  que  vous  puidîez  en 
fournir  fufHfamment  à  vos  petits,  et  quUl  en  tede  encore 
uXbt  pour  remplir  quelques  vafes  ! 
Dapiinîs  chunte  à  &«  tour  un  air  mélodieux. 

Hier  une  jeune  Bergère»  dot^i  les  fourcils  étoient  par- 
fajlfvieat.bc^ux,  me  regarda»  loffque  je  paffoîs  devant  fa 
grotte  avec  mes  Genîfies  :  £Ue  répéta  d^ux  fois  que  yé^ 
X^  chîirm^ot,  Je  ne  lui  fis  point  alors  une  réponfedure 
et  impolie  ^  mais  je  baiflai  au.flt-lôt  les  yeux,  et  je  conti« 
QU^it  lentement /ma  rout^.  Les  Yeau^,  les  Çenîfiea  et 
leurs  Itères  ||^ugif&«t  agréablement^  et  leur  haleine  9k 
beaucoup  de  dujuceur.  Q^\  agrément  d^étre  couché 
pendant  ks  grandes  chaleuis,  fur  les  bords  verdoyants 
d'un  ruifleau  qui  coule  avec  un  doux  murmure  1  I#es 
pommes  font  l'ornement  des  pommiers  et  tes  glands  eelut 
des  chaires  :  les  jeunes  Veaux  augmentent  le  prix  de  leurs  . 
laères^  et  U*  Troupeaux  font  la  rîchcffe  des  Bei^ers.        * 

C'èit  ainfi  qi^e  chantèrent  ces  deux  Bergers  9  et  celui 
^Uli.  a  voient  pjis  jpour  juge^  parla  en  ces  termes  : 

Le  Berger, 

Que  ta  voix  è{l  agréable^  6  Daphnis  !  Que  tes  chants 
foii^t  h»rmOQie«x.  !  Il  èâ  plus  doux  d^  t  ^entendre  chanter^ 
que  de  iavourer  le  nûel  !  Reçois  ces  dcqx  âutes  :  elle  font 
k  prix  de  ta  vi^oire.  Si  tu  veux  m^appreudre  ^  chanter, 
quand  je  fexalpaitre  mes  Chèvres  a^rès  ée  toa  Troupeau, 

j«     1 


j4«  I  D  Y  L  L  1^  S 

je  te  donnerti  cette  GièvredoDl  les  ONraet  towH  héUmê^ 
elle  ft  du  hit  ea  abondatcr. 

Dapbnii,  joyeux  de  fa  viâoire,  £mte  et  butées^aMMs  3 
il  reflèmble  à  un  Faoa  qui  bomiit  autour'  d^  &  mère.  I^ 
Berger  yaincu  denieiire  aueoiitraiiê  %riâe  et  confety 
comaié  une  jeune  Epoufe  le  jour  de  fes  noces.  'Oeffm^ 
cet  inflant  Dapbnii  a  t^ujoutt  tenu  le  premier  rang 
entre  les  autres  Brr^ers*^  et  quoique  jtoae  abrsyîi  époufa 
uae  Bergère  remplie  de  gTk:e»'et  d'attûts^ 


I  I>  Y  L  L  E    IX. 

Mênaique. 

DAPHNrS,  chante  un  air  champêtre!  Vàts  entendre* 
le  premier  des  chanta  bucoliques  1  •  Cc^nmeftee-^ 
Daphnîs  *,  et  que  Ménalque  ta  répotide  !  Berger^  met- 
tez auparavant  vos  tend  éi  Veaul  (pua  leurs  mèiea;  raf-. 
£emb1ez  vos  Taureaux  et  vos  Geniff»}  a6fi  qii*îl»ec^^a¥^ 
fent  8*écarter  du  reâe  du  Tràupeaul-  Daphnîs^  cbanfe  te 
premier  un  air  paftoral  $t  M^alque  te  sépondra  cfiliiite** 

Les  mugîffemeots  des  Veaux  et  des  Getiffl^«oiit  de  Ift 
douceur  :  le  fon  ide  la  Bute  ëft  doifx  ;  le  chant  de»  Ber* 
gers  èil  mélodieux^  ma.  voix  cil  harmonieufe  :  j*ai  for 
les  bords  frais  d*ÙQ  ruîf!è&u  un  lit  fur  lequel  j'ai  étendu 
pluHeurs  belles  peaux  de  Genîflîes  blanches,  qa*un  vent 
impétueux  précipita  du  haut  d'^un  rocher  où  elles  brou* 
toient  Parbouficr,  Je  me  foucie  autant  des  chaleur^^bm- 
Untes  de  r£té,  qu'un  fils  amoureux  èft  fenfible  aux  re- 
proches de  Tes  parents. 

Tels  furent  les  chants  de  Daphais^  et  Ménalque  lut 
répondit  aind  : 

Menelqm* 

L'Etna  me  fert  de  retraite  :  j'habke  une  grotte  char- 
mante taillée  dans  le  flanc  de  cet  immenie  rocher.  Je 
poiTède  tous  les  tréfors  qu'un  foifige  flatteur  peut  offrir 
pendant  le  fommeili  des  Brebis,  des  Chèvres  en  grand 

Dombti^ 


•  v^*  '*  >»A 


DE  THEOCRITE. 


%« 


547 


nooilire,  c%  des  peaax  fur  ld<pi«lies  je  repofe  mollement 
Je  fais  cuire  mes  aHmenU.avec'un  feu  de  bois  de  chêae  : 
VHjvts  je  me  clianffe  arec  des  .morceaux  fecs  de  bêtze«  * 
Je  ne  redoute  pas  (ilus  la  rigueur  éct  froid,  qu^un  hojmxi^ 
£ui«  deotê  «s^eorprefle  de  maoger  des  aoix,  lorfqu^l  a  de* 
"^raiit  lui  une  nourriture  liquide. 

"  Li  Berger, 
J'applaudb  aox  chants.de  ces  deux  Bergers,  et  auffi, 
tôt  je  leur  fis  des  prefents.  Je  donnai  à  Daphnis  une 
^ofle  maffue,  que  la  nature  feule  avoit  formée  dans  lea 
cbamps  de  me»  père  ^  les  ]^l]tt^abiles  n^auioient  pu  y 
trouver  le  plus  léger  d^^t.  .  lypnalque  reçut  une  belle 
coquille  que  j*avois  trouvée  au  mî&eu  des  rochers  de  la 
— r  î^-,: — •   *j-.*.-«^«,^l^i  *^4IH^^a«tres  Bergers 

ittbdki^  Jt^«>us  la  miuige- 

Ménalque  fit'6iàJMfiil|a|  réfonner  cette  coquille. 

Je  vous  falue,  Mufes  pafiorales  !  Publiex  la  chanfôfi 
que  je  répétai  a«t^e&is'devant  ces  deux  Bergers  î  De- 
puis loi^.temp9j\e%«Nek  ilence. 

La  Cigale  èil  chère  à  la  Cigale^  la  Fourmi  à  la  Four- 
mi: Les  Vautours  aiment  les  Vautours,  et  moi  je  chéris 
les  Mu&s,  et  je  prends  plaifir  aux  tendres  chanfons. 
Puîffe  ma  <^b«ÎM^ea%^toujmurs  de  fons  mélodieux  ! 
Puiffe.t-elle  fcitlr  d'afyîWaft  Çfufcs  ! 

Un  doux  ^ojHfKilç  4^U;i4rfta  nouvelle  ne  me  font  paa 
plus  agréablcs,^uc  le  ddfimi^VjK^cs  Déefles  !  Ceux 
.qu'elle  dakncnt  regarder  d'un  oeil  favour«yc.  n»oat 
Jiea  %  <n»lid%  i^  eiicbimt^ipef^e  Circé.  ' 


mer  Icarienne. 
la  chair  du  pfnfib 
âmes. 


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