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NOUVEAUX ESSAIS
PHILOLOGIE FRANÇAISE
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Antoine THOMAS
NOUVEAUX ESSAIS
PHILOLOGIE
FRANÇAISE
PARIS (2e)
LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, ÉDITEUR
67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER ÉTAGE
1904
Tous droits réservés.
1011
Tsùz
A MONSIEUR LE DOCTEUR
Paul DORVEAUX
Bibliothécaire de l'École de Pharmacie de Paris
TEMOIGNAGE DE RECONNAISSANCE
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Avant-propos.
RF.MIEKt PAF
GHNLRAI.1THS HT MKMOIKHS D'ENSEMBLE.
I. Coup d'œil sur l'histoire et la méthode de la science étymologique. . . i
II. Notes critiques sur la toponymie gauloise et gallo-romaine 34
III. Le suffixe -arjcius 62
IV. Les substantifs abstraits en -1er 110
V. L'évolution phonétique du suffixe -arius 119
Deuxième partie. — RECHERCHLS ÎTYMOI.OGIQUKS.
1.
IL
III.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
IX.
X.
XL
XII.
XIII.
XIV.
XV.
XVI.
XVII.
XVIII.
XIX.
Acmelle 149
Agnous 151
Alaquana 152
Amarina, amasina. 154, 362
Ambro, ambre. . 156, 362
Angelot 159
Ansoulote, soûlote. . . léi
Arbelha 162
Armorijo. 164
Arredogue 169
Assanha 170
Asse, assa. . . 172, 362
Aveneril. . 173, 362, 363
Babi 176
Baien 177
Bidelh.- 179
Boudé 181, 363
Bouillie 183
Braiman, berman. . . 184
XX Brena 187
XXI. Cade 188
XXII. Caforc 191
XXIII. Caillou 192
XXIV. Careillade. 1 . 199, 363
XXV. Cer 200
XXVI. Cerneau. . . 203, 3<<5
XXVII. Cibre, tribe. . . 206, 363
XXVIII. Colcer 215
XXIX. Conobrage. . . 217, 364
XXX. Consier, desier. . 220, 364
XXXI. Cuiolar 228
XXXII. Daumaie, daumaire. . 239
XXXIII. Davais, davaissa. . . 231
XXXIV. Degatier 232
XXXV. Deimai. . . . 234, 364
XXXVI. Délavra 238
XXXVII. Desoussina 239
XXXVIII. Dessoubrcr 241
TABLE DES MATIÈRES
XXXIX.
Desteilla, destél
242
LXXI.
XL.
Dolsa. . . .
244
, 164
LXXII.
XLI.
Droueri.
*47
365
LXXIII.
XLII.
Duraine. . .
248
XLI II.
Echamousta. .
2>°
LXXIV.
XLIV.
Ecoisson. .
2,0
>é>
LXXV.
XLV.
Éculorger. . .
252
LXXVI.
XLVI.
253
*%4
LXXVII.
XLVII.
Eirancha. .
LXXVIII.
XLVIII.
Eissarrar, esserrer. 2$
,16;
LXXIX.
XLIX.
Entrenerge.
m
^
I.XXX.
L.
Equeroôdre.
2,8
LXXXI.
I.I.
Escalaoua. .
259
LXXXII.
LU.
Escaupir . .
260
?6>
LXXXIII.
LUI.
Eschenye, eschenya. .
2(il
LXXXIV.
LIV.
Esclavage. .
262
LXXXV.
LV.
Esperbo.
264
3é>
LXXXVI.
LVI.
Esterchir. . .
2éS
LXXXVII.
LVII.
Etis
266
LXXXVIII
LVIII.
Fàuterne. .
267
LXXXIX.
LIX.
Feuiller, feuilleret,
XC.
feuillure.
27I
XCI.
LX.
Garlimen. . .
273
XCII.
LXI.
Gierre. . . .
274
XCIII.
LXII.
Haleine. . .
276,
3°>
XCIV.
LXIII.
Hampe. . .
277
xcv.
LXIV.
Histar. . .
279
XCVI.
LXV.
lorbe. . . .
283
XCVII.
LXVI.
Ivière. .
284
XCVIII.
LXVII.
Jainçon. . .
28î
XCIX.
LXVIII.
Joincle. . . .
286
c.
LXIX.
Joindre, jegnor.
288
CI.
LXX.
Laus. . . .
289
l.edanjos 290
Lioube 291
Lovergier , lorgier ,
lurgier 292
Marsia. . . . 294, 365
Meeril. ... 295, 366
Meiri. ..... 296
Nar 298
Nouei 299
Nuitre. . . . 500, 366
Olegue 30;
Olonier. . . jio, 366
Ostade 311
Outjabo 314
Panader 315
Penesse 316
Pion. ... 317, 366
Porchaille. . . 318, 367
Pouiller. . . 320, 367
Pouir. ..... 322
Progier 523
Ravoir 524
Résand 52;
Resencier. . . 526, 567
Revondre. . . 327, 367
Rolh, rèl 328
Saupignago. . . 3>o
Seyno. . . . 351. 367
Souille 532
Torelière, torière. . 335
Trouver 334
Vérine, varinas. . . 344
APPENDICE
L'Atlas linguistique de la France 346
Additions et corrections 359
INDEX DBS AUTEURS ET LES TEXTES CITÉS . 369
INnEX GRAMMATICAL 577
INDEX LEX1COGRAP1IIQUE 579
Anglais, 579. — Arabe, 579. — Argot, 379. — Celtique, 579. — Cin-
ghalais, 380. — Espagnol, 3S0. — Français, 580. — Germanique,
392. — Grec, 393. — Italien, 394. — Ijtin, 594. — Portugais, 401. —
Provençal (catalan, franco-provençal et gascon), 40t. — Rhéto-roman,
410. — Roumain, 410. — Scandinave, 411. — Turc, 411.
ndex TOPONYMIQ.UE 412
AVANT-PROPOS
L'accueil bienveillant fait par la critique à mes
Essais de philologie française, parus en 1898, a décidé
mon éditeur à risquer ce second volume, que j'ai
baptisé Nouveaux Essais.
En 1902, j'ai publié à la librairie Félix Alcan un
recueil intitulé Mélanges d'élymologie française1, dont
le contenu ne diffère pas essentiellement de celui des
Essais et des Nouveaux Essais. Les Essais ont un
« avant-propos », les Mélanges ont une « préface »,
où j'ai indiqué les principes et la méthode dont je
m'inspire dans mes études philologiques. En tête de
ces Nouveaux Essais, on trouvera un tableau à larges
traits des conditions où s'est développée et où doit
continuer à se perfectionner la science de l'étymologie
1. Ce recueil forme le fascicule XIV de la Bibliothèque de la
Faculté des Lettres de. l'Université de Paris.
xii AVANT-PROPOS
française. Au pied de chaque mémoire, de chaque
notice, on pourra se renseigner sur le point de savoir
s'il s'agit d'une réimpression, d'un remaniement ou de
recherches inédites. Que faut-il de plus au lecteur?
Sans doute, il reste encore à dire. Les considérations
générales exposées récemment, avec tant de brio, par
l'illustre linguiste Hugo Schuchardt1 serviraient faci-
lement de point de départ à un nouveau discours pré-
liminaire. Mais j'ai peu de goût pour ce genre d'exer-
cice qui, pareil à l'antique déclamation, me paraît
absolument stérile. Prêchons, je le veux bien, mais
prêchons d'exemple, en songeant au vieil adage gas-
con sur la « chalemie » qui plaisait tant à Montaigne :
Bouha prou bou ha, mas a remuda lous dits quem2.
Donc, que ce nouveau volume aille silencieusement
prendre place à côté de ses aînés, et qu'il bénéficie, si
faire se peut, de la même indulgence qu'eux.
Saint-Yrieix-la-Montagne (Creuse), 5 septembre 1904.
1. Zeitschr.fùr rom. Philoh, XXVIII, 50 et s.
2. Essais, I, 24. « Soutfler, c'est chose facile ; mais il s'agit de
remuer les doigts. » Pour le sens, voir une note définitive de
M. F. Arnaudin, Annales du Midi, XIV, 539 et s.
PREMIÈRE PARTIE
GÉNÉRALITÉS
ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
I. — coup d'œilsur l'histoire et la méthode de la science
ÉTYMOLOGIQUE ».
L'enfant aime à jouer, mais il aime aussi à casser
ses jouets pour voir ce qu'il y a dedans. L'homme
fait tient beaucoup de l'enfant, et ce qu'il en garde
n'est pas ce qu'il a de pire. Le plaisir de jouir ne le
satisfait pas s'il ne se double du plaisir de savoir. Le
langage, une fois constitué dans ses éléments essen-
tiels, ne pouvait manquer d'exciter la curiosité de ceux
qui le possédaient comme un patrimoine héréditaire
qu'ils ne se faisaient pas faute de mettre en valeur,
mais qu'ils n'avaient pas l'illusion d'avoir créé. On ne
saura jamais, sans doute, si l'homme parlait déjà dans
les cavernes de la période quaternaire; mais tenez pour
i. Reproduction, avec quelques retouches, d'un article paru le
I« décembre 1902 dans la Revue des Deux Mondes sous ce titre :
La Science étymologique et la langue française.
Thomas. II. — i
2 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
certain qu'aussitôt qu'il parla, il se demanda ce qu'il y
avait dans sa parole. Cela dut arriver bien avant le
temps des Sages de la Grèce ou des Brahmanes de
l'Inde, et peut-être dès la génération, d'auguste
mémoire, qui creusa le fossé entre la bête et l'homme
en assurant à ce dernier l'indestructible privilège du
langage. L'homme ne tarda pas à s'apercevoir que
l'effort de la pensée, à peine échappée de ses langes,
faisait parfois craquer le vêtement neuf, si chatoyant
mais si étriqué, dont il l'avait revêtue. La linguistique
naquit d'un regard coulé à travers les déchirures.
De toutes les études dont le langage peut être
l'objet, l'étymologie est celle dont le nom remonte
le plus haut. Ce nom, chacun le sait, n'a pas été
fabriqué de nos jours, comme tant d'autres termes
scientifiques de même désinence que nous voyons
s'étaler en grosses lettres, plus nombreux d'année en
année, sur les murs de nos édifices universitaires,
lorsque la chute des feuilles donne le signal de la
reprise des cours : biologie, bactériologie, gynécologie, his-
tologie, parasitologie..., J'en passe, et des pires. Nous
l'avons trouvé dans l'héritage des Romains, qui le
tenaient des Grecs. Mais nous ne l'entendons pas tout
à fait de la même façon.
Pour les Anciens, l'étymologie était essentiellement
une spéculation a priori sur le sens vrai (Itu(asç) des
mots : en les décomposant arbitrairement, ils se figu-
raient pouvoir résoudre le problème du rapport des
noms et des choses. Pour nous, à qui tant de systèmes
philosophiques écroulés ont appris la modestie, il en
va autrement. Quand nous recherchons l'étymologie
La SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 5
d'un mot, nous nous contentons, de viser le sens pri-
mitif. En revanche, nous assignons à notre recherche
une carrière beaucoup plus large. Le mot n'est pas pour
nous une sorte d'entité indépendante du temps et de
l'espace ; nous prétendons embrasser les formes, succes-
sives ou coexistantes, sous lesquelles il se présente à
toutes les époques et dans toutes les variétés régionales
de la langue à laquelle il appartient; nous nous effor-
çons en outre et surtout de ramener cette diversité à
l'unité, et nous n'avons pas de cesse que nous n'ayons
retrouvé dans une autre langue, antérieure ou voisine,
le point d'attache de la forme primordiale. Une fois
parvenus à ce résultat, nous pouvons faire halte, si bon
nous semble; mais il est clair que la recherche doit se
poursuivre sur le terrain de la nouvelle langue qui se
trouve mise en cause. Le repos final ne sera gagné que
quand nous aurons remonté de proche en proche jus-
qu'aux dernières limites de la connaissance. L'étymo-
logie est comme une tranchée large et profonde que
nous creusons dans l'histoire de l'humanité à perte de
vue, c'est-à-dire tant que nous trouvons devant nous
des hommes, et qui ont parlé.
A envisager ainsi les choses, on peut dire que les
Grecs et les Romains, à qui nous devons tant dans le
domaine de l'art, de la philosophie ou même des sciences
naturelles, ne nous ont rien laissé de solide sous le nom
d'étymologie. Leurs travaux ne sont que jeux d'enfants
s'amusant à labourer le sable de la grève de sillons
capricieux que la prochaine marée nivellera impitoya-
blement. Le premier venu de nos lycéens, qui aurait
absorbé docilement et digéré convenablement les quel-
4 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
ques notions qui émaillent nos programmes d'enseigne-
ment secondaire, devrait être plus fort en étymologie
française que le sage Platon ne l'était en étymologie
grecque ou le docte Varron en étymologie latine.
Ce n'est en effet qu'au dix-neuvième siècle que
l'étymologie a été scientifiquement constituée. Pourtant
il ne faut pas se montrer sévère jusqu'à l'injustice pour
ce qui a été tenté auparavant. Un coup d'œil rétros-
pectif n'est ni sans intérêt, ni sans profit.
Le moyen âge lui-même a droit à quelques égards.
On n'apprendra peut-être pas sans un certain étonne-
ment que le mot étymologie est familier à nos trouvères
du douzième siècle. Ils l'entendent parfois de travers,
j'en demeure d'accord; mais il leur arrive aussi de voir
juste et de pratiquer heureusement la chose, ce qui est
plus méritoire que de bien entendre le mot. Maître
Wace, chanoine de Bayeux, protégé et pensionné par
le roi d'Angleterre, Henri II (un Plantcgenêt d'Anjou,
comme on sait), a célébré les exploits des Normands
dans un long poème connu sous le nom de Roman de
Ron. Or, maître Wace a tenu à nous expliquer l'origine
du mot Normand, et il l'a fait en philologue consommé :
Justcz ensemble north et nnm
Et ensemble dites northman :
Ceo est « huem de north » en romanz ;
De ceo vint li nuns as Normanz.
Il continue en nous apprenant que c'est à cause des
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 5
Normands que le pays appelé autrefois. Neustrie a pris
le nom de Normandie . Personne ne songerait aujour-
d'hui à lui en donner le démenti ; mais le bon chanoine
ne nous cache pas que les Français — un Normand
d'alors ne se considérait pas comme Français — ne
voulaient pas accepter cette étymologie :
Franceis dient que Nonncndie
Ceo est la gent de norlh mendie :
Normant — ceo dient en gabant —
Sunt venu del north mendiant
Pur ceo qu'il vindrent d'altre terre
Pur mielz aveir e pur mielz querre.
On avait déjà de l'esprit en France au douzième
siècle. Et c'est bien là le malheur, et qui explique
peut-être que nous ne tenions pas le premier rang en
philologie : un bon étymologiste ne doit pas avoir
d'esprit.
La Renaissance a fait un peu de bien et beaucoup de
mal à l'étude de notre langue. Il faut lui savoir gré
d'avoir secoué la torpeur du moyen âge et éveillé,
dans ce domaine comme dans tant d'autres, l'activité
de l'esprit humain. En restaurant l'étude du grec, négli-
gée depuis la chute de l'Empire romain, elle a fait
rentrer dans le domaine public la pleine intelligence
du vocabulaire savant que le français avait emprunté à
la scolastique et que la scolastique avait fini par ne plus
comprendre.
C'est déjà l'aurore de la Renaissance qui point sous
Charles le Sage avec Nicole Oresme, protégé de la Cour
et traducteur officiel d'Aristote. Le bon Oresme met
Aristote en français d'après des traductions latines et
6 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
non d'après le texte original, mais peu nous importe.
Il n'ignore pas que les termes scientifiques qu'il francise
viennent du grec; il a même pris soin de rédiger pour
ses lecteurs deux vocabulaires spéciaux où ces termes
sont expliqués, généralement assez bien. Et le voilà qui
s'engage déjà dans la voie de perdition où les hellénistes
du seizième siècle rouleront à qui mieux mieux : il croit
découvrir, une fois par hasard, quelque conformité
entre le vocabulaire des deux langues. Ayant fabriqué
le mot eutrapele pour rendre le grec eùrpehceXoç, « celui
qui scet bien tourner a point les fais et les paroles a
gieu et a esbatement », il lui monte au cerveau une
bouffée étymologique, dont il nous fait part en ces
termes: « Par aventure de ce vint ce que l'on dit en
françois d'un homme qu'il est bon trupelin. » Nous ne
connaissons ce mot trupelin que par le témoignage de
Nicole Oresme ; nous ne savons pas d'où il vient, mais
nous croyons pouvoir affirmer qu'il ne vient pas du
grec. C'est tout le progrès que nous avons fait depuis
le. quatorzième siècle; c'est; peu, hélas! mais ce peu
est pourtant quelque chose.
Ils sont légion au seizième siècle — et, malheureuse-
ment, leur lignée n'est pas encore éteinte1 — ceux
qui veulent expliquer le français par le grec. Leur chef
de file est le premier professeur royal du Collège de-
France, le célèbre Guillaume Budé, qui a, heureuse-
ment pour sa mémoire, des titres plus sérieux auprès
de la postérité. Et comme l'erreur engendre l'erreur,
i . C'est à elle qu'appartient, par exemple, M. l'abbé J. Espagnolle
qui a publié, de 1886 à 1889, un ouvrage en trois volumes inti-
tulé : l'Origine du jrunçais (Paris, Delagrave).
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 7
on voit se ranger en face d'eux les partisans systéma-
tiques de l'hébreu, du celtique, du germanique. A quoi
bon les citer nominativement ?
Non ragûmiOm di tor, ma guarda e passa.
Mieux vaut rappeler les noms des savants qui, malgré
bien des erreurs de détail, peuvent passer pour ortho-
doxes, puisqu'ils croient fermement que le fond essen-
tiel de notre langue est d'origine latine : Du Bois,
Bourgoing, Nicot, Fauchet, J.-J. Scaliger, Pasquier,
et, au siècle suivant, Caseneuve et Ménage.
Ménage a éclipsé tous ses émules : c'est le seul éty-
mologiste des siècles passés dont le grand public ait
retenu le nom. Malheureusement, on a peine à prendre
au sérieux celui que Molière a si comiquement mis à
la scène, et ,1a cause de l'étymologie a souffert des ridi-
cules de Vadius. Il faut d'ailleurs avouer que la lecture
du Dictionnaire étymologique met à une rude épreuve
la patience et la. crédulité de l'esprit le moins prévenu.
Ménage jongle non seulement avec des mots, mais
avec des ombres de mots qu'il évoque au gré de sa
fantaisie. Ses tours de passe-passe peuvent amuser un
instant; mais, comment ne pas crier holà! quand on
le voit se persuader que le public est toujours sa dupe
et prendre les épigrammes pour des compliments ! On
a cité bien souvent le quatrain du chevalier d'Aceilly
(Jacques de Cailly) sur l'étymologie d'alfana, mot
italien et espagnol qui signifie « jument » :
Atfana vient tfequus, sans doute,
Mais il faut avouer aussi
Qu'en venant de là jusqu'ici
Il a bien changé sur la route.
8 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
Le piquant, c'est que Ménage, sans y entendre malice,
a publié lui-même, à la fin de son article haqucnéc, les
vers de d'Aceilly : « Il me reste, dit-il, à faire part à
mes lecteurs de cette belle épigramme... » O candeur
de la vanité !
Plus charitable pour la victime de Molière que ne le
furent ses belles amies, Mm£s de Sévigné et de La
Fayette, une jeune Roumaine, Mlle Elvire Samfiresco,
vient de lui élever un monument de respect et d'admi-
ration1. Elle y déclare tout net que ceux qui médisent
de Ménage étymologiste ne l'ont pas lu. C'est aller
trop loin. J'accorde qu'il y a beaucoup de bonnes
choses dans son œuvre; mais il est notoire qu'il y
en a de moins bonnes et même, pour trancher le
mot, de détestables : ceci fait tort à cela. Où il est
mauvais, il va bien au delà du pire, comme quand
il veut nous persuader que blanc et blond viennent
tous deux, par des chemins différents, du latin albus.
Le moins qu'on puisse faire c'est de rire : tant pis
pour Ménage.
Je ne vois guère à signaler, au dix-huitième siècle,
qu'un long article de l'Encyclopédie. L'article passe pour
être de Turgot, et fait honneur à son esprit philosophi-
que. Mais, avec son caractère purement théorique, l'as-
pect scolastique de ses nombreuses divisions et subdivi-
sions, le souci constant qu'affecte l'auteur de raisonner
toujours in absiracto, sans jamais se résoudre à prendre
i. Ménage polémiste, philologue, poète, thèse pour le doctorat
d'Université présentée à la Faculté des lettres de l'Université de
Paris (Paris, 1902).
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 9
des exemples concrets, cet article ne pouvait guère
avoir de prise sur le public. D'ailleurs les préoccupa-
tions du siècle sont d'un autre ordre et Pétymologie
n'y trouve pas un bon terrain : Voltaire a trop d'esprit
et Rousseau est trop ignorant.
Enfin le dix-neuvième siècle est venu. Si, chez nous,
Raynouard a fait fausse route, l'Allemagne nous a donné
Friedrich Diez, Diez que nos maîtres actuels se plaisent
à reconnaître pour leur maître et qu'ils nous ont appris
à révérer comme un aïeul, Diez dont le génie, fait
surtout de patience et de probité, a enfin assis l'éty-
mologie des langues romanes sur des bases' solides.
Sans doute il a largement profité de ce qui avait été
tenté avant lui. Un de ses compatriotes, M. Grôber,
professeur à l'Université de Strasbourg, a comparé mot
par mot l'œuvre de Diez et celle de Ménage pour les
deux premières lettres de l'alphabet et il a constaté
que le savant allemand avait suivi le savant français
72 fois sur 100. Ce témoignage non suspect est à
l'honneur de notre pays; mais il ne faut pas lui attri-
buer trop" d'importance, ni être dupe de la statistique.
La gloire de Diez, c'est d'avoir tué le dilettantisme en
formulant un corps de doctrine et en en poursuivant
rigoureusement l'application : or, il faut plus de science
pour se garder d'une mauvaise étymologie que pour
en trouver dix bonnes. S'il a laissé beaucoup à foire à
ses successeurs, il leur a montré la voie à suivre et
indiqué les moyens d'y marcher d'un pas assuré. On
peut dès maintenant entrevoir le jour où le vocabu-
laire français aura livré tous ses secrets. Ce jour-là,
la science aura remporté une belle victoire. Je ne doute
10 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
pas que Diez en reste, aux yeux de la postérité, l'im-
mortel organisateur1.
Donc, aujourd'hui, l'étymologie est une science, et
non plus, comme autrefois, une manière de divination.
Le public n'est pas surpris que deux étymologistes
puissent se regarder sans rire. Mais peut-être lui fait-
on trop de mystère des principes qui les guident, ce
qui mêle quelque défiance au respect qu'il consent à
leur témoigner. L'extraordinaire fortune qu'ont eue de
nos jours les sciences de la nature, les découvertes re-
tentissantes qui se sont produites dans leur domaine
et qui sont entrées, du jour au lendemain, dans le ré-
seau de notre vie sociale pour en renouveler toute
l'économie, ne pouvaient manquer de rejeter dans
l'ombre les autres objets auxquels l'homme s'était plu
dès longtemps à appliquer son intelligence, et en par-
ticulier l'étude du langage. Certains philologues, et
non des moindres, n'ont pas vu sans quelque dépit
i . La première édition du Dictionnaire étymologique des langues
romanes (en allemand) de Diez est de 1853 '■> ^a cinquième et der-
nière, publiée onze ans après la mort de l'auteur par Auguste
Scheler, est de 1887. On trouvera dans le Dictionnaire latin-
roman (en allemand) de M. G. Kôrting (2e édition, 1901) un
résumé commode de l'œuvre de Diez, augmenté des nouvelles
découvertes faites récemment dans ce domaine. Les auteurs qui,
dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, ont écrit des livres
qui comptent sur l'étvmologie relèvent tous de Diez. Il suffit de citer
Scheler, Littré, Brachet et Arsène Darmesteter, en renvoyant à ce
qu'en a dit récemment le juge le plus compétent en la matière,
Gaston Paris {Rame des Deux Mondes, 15 octobre 1901). Il est bon
de remarquer que le Dictionnaire étymologique et explicatif de la
langue française de M. Charles Toubin, paru en 1886, est une
œuvre de protestation qui, heureusement, n'a pas été prise au
sérieux.
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 11
la faveur publique prendre cette direction, et, pour
chercher à la capter, ils ont insisté plus que de raison
sur les rapports qui unissent le langage aux phéno-
mènes naturels. L'illustre Max Mùller a écrit : « Les
rapports intimes qui existent entre l'histoire du langage
et l'histoire de l'homme ne suffisent pas pour exclure
notre science du cercle des sciences naturelles. Si on
la définit rigoureusement, la science du langage peut
se proclamer complètement indépendante de l'histoire. »
Des livres ont paru depuis, dont les titres, entendus à
la lettre, pourraient faire croire que le langage a une
vie propre, analogue à celle des plantes, et tout à fait
indépendante des facultés intellectuelles de l'homme.
Il est inutile de réfuter ici de pareilles idées, contre
lesquelles se sont élevées des voix autorisées, notam-
ment celles de MM. Michel Bréal et Gaston Paris.
Mais il faut affirmer bien haut que l'étude du langage,
si on la considère du point de vue étymologique, ne
peut à aucun titre être rattachée aux sciences de la na-
ture. L'étymologie n'est qu'une branche de la philo-
logie; c'est une science essentiellement historique, et
la seule méthode qui lui convienne est la méthode his-
torique. Quel que soit le domaine linguistique où elle
s'exerce, elle ne pourra arriver à se constituer qu'en
étudiant comparativement et contradictoirement la
succession historique des faits, des sons, des idées.
Toutes ses données se ramènent facilement et claire-
ment a l'un de ces trois points. Je voudrais mon-
trer — sans sortir du cadre du vocabulaire français —
comment l'étymologiste doit se comporter vis-à-vis de
chacun d'eux.
GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
II
Par les faits j'entends l'histoire proprement dite sous
ses multiples aspects. Max Millier, tout porté qu'il était
à inscrire l'étude du langage dans le cercle des sciences
naturelles, est bien obligé de convenir que « si nous
parlons du langage de l'Angleterre, une certaine con-
naissance de l'histoire politique des Iles Britanniques
nous est nécessaire ». Ce n'est pas assez dire. L'his-
toire de France doit être le bréviaire de quiconque
aborde l'étude étymologique du français. C'est elle qui
lui apprendra à connaître les peuples divers qui se sont
côtoyés, fondus ou remplacés sur le sol de notre pa-
trie : les Ligures, qui s'étendaient à l'origine tout le
long de la Méditerranée ; les Aquitains ou Ibères, can-
tonnés du temps de César entre l'Océan et la Garonne ;
les Grecs, fondateurs de Marseille et d'autres villes
maritimes, qui rejetèrent peu à peu les Ligures loin de
la côte ; les Gaulois, qui ont occupé dès l'origine des
temps historiques la plus grande partie du territoire
qui a porté si longtemps, en souvenir d'eux, le nom
de Gaule ; les Romains, qui conquirent la Gaule et en
firent pendant des siècles une chose à eux ; les Ger-
mains qui, sous différents noms (Francs, Wisigoths,
Burgundions), s'y établirent à jamais et transformèrent
avec le temps la terre des Gaulois (Gallia) en terre des
Francs ou France (Francia) ; les Bretons, venus d'outre-
Manche pour coloniser l'Armorique, à laquelle ils
finirent par imposer le nom de Bretagne ; les Arabes,
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 1}
que le marteau de Charles brisa à Poitiers, mais qui
entretinrent assez longtemps des garnisons ou des
camps volants en Provence • les Scandinaves, qui se
taillèrent une nouvelle patrie sur les côtes de la Manche,
la « terre des gens du Nord » ou Normandie. C'est
elle encore qui lui fera comprendre comment, de ces
éléments si divers s'est dégagée peu à peu la nationa-
lité française, et qui lui tracera le tableau des relations
que les Français ont entretenues soit avec leurs voi-
sins immédiats (Anglais, Allemands, Italiens, Espa-
gnols, etc.), soit avec d'autres nations européennes,
soit, à l'époque des Croisades et surtout depuis la
découverte du Nouveau Monde, avec les différents
groupes humains répandus sur toute l'étendue du globe
terrestre. C'est à elle enfin qu'il ira- demander ces
mille détails,' épars dans les chroniques, dans les mé-
moires, dans les livres de raison, dans les chartes,
dans les inscriptions, à l'aide desquels il pourra se re-
présenter au vif les mœurs et, pour ainsi dire, la phy-
sionomie intime des sociétés disparues.
Ayant le vaste champ de l'Histoire de France de-
vant elle, l'étymologie s'y est plus d'une fois égarée,
parce qu'elle n'a pas su dégager le point essentiel des
accidents de toute sorte qui l'entourent. Ce point
essentiel, véritable pivot de notre histoire, c'est la
conquête de la Gaule par les Romains, et par suite
l'identité foncière de la langue des Romains et de la
langue des Français. Ceux qui prétendent, au nom de
l'histoire, expliquer le tréfonds de notre langue par le
gaulois ou par le grec ne comprennent pas les leçons
de l'histoire. Ils ferment les yeux de parti pris : ce
I4 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
sont des hallucinés avec lesquels on ne saurait dis-
cuter.
Il faut s'entendre, cependant. Nous ne prétendons
pas que le latin implanté en Gaule y soit demeuré
absolument intangible, soit de la part des idiomes
préexistants, soit de la part de ceux qui vinrent plus
tard le battre en brèche. Du moment qu'on lui recon-
naîtra dans la formation du français le rôle incontes-
table d'élément constitutif, on aura ses coudées fran-
ches pour rechercher la part qu'il convient de faire aux
éléments accessoires, parmi lesquels le gaulois et le
germanique occuperont toujours une place d'honneur.
L'importance de l'élément germanique a toujours été
reconnue et il est inutile de la faire ressortir ici. L'in-
fluence du gaulois est plus difficile à mesurer exacte-
ment. A ne tenir compte que du vocabulaire de la
langue commune, elle paraît se réduire à bien peu de
chose : c'est à peine si une cinquantaine de mots fran-
çais peuvent être rattachés directement au gaulois1.
Mais est-il juste de faire abstraction de notre vocabu-
laire géographique, où, malgré les alluvions, il émerge
encore tant de témoins des couches linguistiques pri-
mitives ? N'est-ce pas là mutiler de nos propres mains
notre langue et notre histoire ? Ou voudrait-on sou-
tenir que nous ne parlons pas français, quand nous
avons sur les lèvres les noms de nos cours d'eau, de
I. On en trouvera la liste dans le Traité de h formation de la
langue française qui sert d'introduction au Dictionnaire gérerai
d'Hatzfeld et Darmcsteter. Ce traité, oeuvre personnelle de Dar-
mesteter, a été revisé et publié par M. Léopold Sudre, professeur
au collège Stanislas.
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 1$
nos montagnes, de nos forêts, de nos pays, de nos
villes et de nos hameaux, comme Loire, Couennes, Ar-
dennes, Morvan, Laon, Condé ou Charenton, et tant
d'autres vocables usuels, sur lesquels deux mille ans
ont passé sans leur apporter d'autre modification qu'un
allégement phonétique qui est moins un dommage
qu'une toilette destinée à les faire paraître toujours
jeunes ? Les études de toponymie, malgré les beaux
travaux de MM. d'Arbois de Jubainville et Longnon,
professeurs au Collège de France, ne jouissent peut-être
pas encore chez nous de la faveur qu'elles méritent,
parce qu'elles ont été pendant longtemps livrées à la
fantaisie: Il est temps de proclamer qu'elles font partie
intégrante de la philologie française. M. Camille Jullian,
professeur à l'Université de Bordeaux, après avoir
exposé éloquemment les services que ces études peu-
vent rendre, vient d'inviter l'association internationale
des Académies à s'occuper sans retard de la publica-
tion d'un Corpus toponymique du monde ancien l.
Nous faisons des vœux pour que cette excellente idée
soit prochainement réalisée.
Mais arrachons-nous au charme que présente l'étude
des origines. Quand une langue a duré pendant plus
d'un millier d'années, il y a quelque puérilité à demeurer
toujours penché sur son berceau pour écouter ses
premiers vagissements. Il faut la suivre à travers les
siècles jusqu'à nos jours et s'efforcer de déchiffrer
l'empreinte que chacun d'eux y a laissée. La tâche est
attrayante, mais difficile. Le plus souvent, ce n'est qu'à
i. Beitrœge ^ur aîten Geschichte, t. II, ire livraison.
16 CÉNÉRAL1TÉS ET MÉMOIRES D*ENSEMBLÊ
l'aide de la loupe qu'on arrive à discerner dans le lan-
gage le contre-coup des événements historiques les
plus considérables. Arrêtons-nous à examiner attenti-
vement notre mot empereur, autrefois emperedre au cas
sujet, emperedor au cas régime. Pourquoi l'ancien fran-
çais, qui a laissé tomber Ye protonique du verbe latin
Iemperare et en a fait temprer (aujourd'hui tremper, par
suite d'une métathèse), nous a-t-il transmis religieu-
sement Ye du substantif impcrator ? C'est que Iemperare
n'a jamais cessé de résonner sur les lèvres du peuple
depuis que les Romains ont apporté le latin en Gaule,
tandis que imperator a sombré avec l'Empire romain
lui-même et n'a reparu dans l'usage que depuis la
restauration mémorable qui a marqué la dernière
année du huitième siècle. Ainsi, aux yeux de l'étymo-
logiste, l'examen d'un seul mot, d'une seule lettre
suffit pour évoquer l'image du pape Léon III plaçant la
couronne impériale sur le front de Charlemagne.
Il est rare, avouons-le, que le langage nous offre
sur le passé des échappées aussi grandioses. La langue
de l'homme est le témoin de son histoire, mais, si ce
témoin a tout vu, il n'a pas tout retenu. Les faits qui
y laissent des traces durables ne sont pas toujours
ceux qui arrêtent l'historien et qui importent à la des-
tinée des peuples. Qui oserait mettre sur le même
plan les traités de Westphalie et les amours juvéniles
de Louis XIV? Et pourtant, depuis 1648, Westphalie
est resté, comme auparavant, un simple nom propre,
celui d'une province d'Allemagne, tandis que le nom
de Mllc de Fontanges a fait brèche dans notre vocabu-
laire courant et que plusieurs générations ont appelé
La science étymologique 17
fontange une parure de tête que la favorite avait mise
â la mode. Si l'étymologiste doit tout connaître de
l'histoire, il n'en utilise souvent que la menue mon-
naie. Mais que de variété, d'imprévu, de piquant dans
la collection de ces noms propres de personnes, de
peuples ou de pays, qui se sont successivement incor-
porés dans le langage commun ! Esclave est le même
mot que Slave, et il nous rappelle les expéditions des
Vénitiens contre les Slaves du Sud ou Esclavons,
dont la reine de l'Adriatique faisait ouvertement la
traite, au temps des Croisades. Les Hongrois nous ont
appris à hongrer les chevaux et à hongroyer le cuir ;
le dix-septième siècle a même connu la mode d'un jus-
taucorps à grandes basques qu'il appelait une hongrcline.
Aux Croates nous devons la cravate, qui apparaît chez
nous à l'époque de la guerre de Trente ans. Des subs-
tantifs comme baïonnette, berline, biscaïen, calicot, épa-
g ne 1 il, faïence, maroquin, persienne, éveillent facilement
le souvenir des villes de Bayonnc, Berlin, Calicut,
Faen-a et des pays de Biscaye, d'Espagne, de Maroc,
de Perse. Mais souvent l'altération phonétique nous
dissimule l'origine du terme dont nous nous ser-
vons. Qui pense au cuir de Cordoue quand il pro-
nonce le nom de métier cordonnier, autrefois çordoua-
nier, ou les noms de famille Corvoisier et Corvisarl ?
Comment se douter que le nom d'une ville de Syrie
se cache dans notre mot èchalolle, autrefois cschalogne,
du latin Ascalonia, herbe d'Ascalon ?
Altérés ou non, les mots de la langue commune
qui sont issus de noms propres demandent toujours
leur passeport à l'histoire. Tout Français qui se pique
Thomas. II. — 2
l3 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
d'avoir du monde sait aujourd'hui ce qu'on désigne
sous le nom de sandwich. Je rappelle cependant pour
les quelques millions de nos concitoyens qui l'ignorent
— et dont la plupart ne me liront pas — qu'on
nomme ainsi un mets composé d'une tranche de
viande froide placée entre deux tranches de pain,
ordinairement beurrées. En dehors de la cuisine, quelle
idée éveille ce mot dans l'esprit de ceux qui l'em-
ploient ? Probablement celle d'un archipel situé tout
là-bas, au fond de la Polynésie, dont la capitale est
Honolulu, et qui a été annexé depuis peu aux États-
Unis d'Amérique. Les répertoires courants d'histoire
et de géographie nous apprendront en outre que San-
dwich est un bourg d'Angleterre érigé en comté par
Charles II, en faveur d'Edward Montague; que le
quatrième titulaire de ce comté fut le protecteur du
célèbre navigateur Cook; et que si un archipel de la
Polynésie porte ce nom, c'est que Cook lui a donné
celui de son protecteur. Mais ils s'en tiennent là,
oubliant ce qui est pour nous l'essentiel, à savoir que
John Montague, quatrième comte de Sandwich, lord
de l'Amirauté et protecteur de Cook, était un joueur
effréné : comme il lui était fort pénible de quitter la
table de jeu pour passer à la salle à manger aux heures
ordinaires des repas, son cuisinier imagina, pour le
soutenir discrètement sans interrompre sa partie, le
genre de mets auquel s'est attaché, chez nos voisins
d'outre-Manche d'abord, puis chez nous, le nom du
noble lord.
Faut-il encore un exemple? En voici un.
Il y avait une fois un amiral qui fut rayé des cadres
La science étymologique 19
pour s'être montré trop sévère vis-à-vis de ses subor-
donnés et pour avoir manqué d'égards vis-à-vis de
son ministre : il n'appartenait pas à la marine fran-
çaise, et il y a près d'un siècle et demi qu'il est mort.
Son nom était Edward Vernon ; mais comme il por-
tait ordinairement des culottes faites d'une étoffe que
les Anglais appellent grogram, et familièrement grog,
ses matelots l'avaient surnommé Old Grog, le vieux
Grog. Si j'ajoute que parmi les « misères » que le ter-
rible amiral faisait à ses équipages, figurait l'obliga-
tion de ne plus boire le rhum tout pur, mais d'y
mettre de l'eau, chacun comprendra pourquoi nous
appelons grog une boisson bien connue, dont l'usage
nous est venu récemment d'Angleterre. Je remar-
querai en passant que le grogram de nos voisins n'est
qu'une altération du français gros grain, qui désignait
autrefois chez nous une espèce particulière d'étoffe
« à gros grain » : d'où il suit qu'en leur empruntant
grog nous n'avons fait que reprendre notre bien 1.
On voit que c'est toute une histoire que l'étymo-
logie de sandwich ou de grog et en môme temps que
c'est tout de l'histoire. Mais ici nous touchons à un
point délicat. De même que les guides font volontiers
appel à leur imagination pour expliquer aux voyageurs
l'origine des monuments qu'ils leur montrent, cer-
1. A côte de grogram, l'anglais offre une forme plus altérée
encore: grogoran. Elle nous est revenue elle aussi et nous en
avons fait gourgouran. Nos dictionnaires définissent gourgouran
par « étoffe de soie, originaire de l'Inde », et ils déclarent en
ignorer l'étymologie : il est heureux qu'ils n'aient pas été la
demander au sanscrit.
20 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
tains étymologistes n'hésiteraient pas à « inventer »
pour donner du crédit à des étymologies de pure fan-
taisie. Qu'y faire ? se tenir sur ses gardes et ne jamais
accepter leurs dires qu'après les avoir vérifiés d'après
les règles ordinaires de la critique historique. D'ail-
leurs il y a toujours profit à ne pas perdre de vue les
données générales de l'histoire quand il s'agit d'éty-
mologie. Il peut même arriver que l'histoire nous
sauve des illusions de la phonétique: j'en veux citer un
exemple curieux, où le flair de Ménage a été plus
heureux que la science de Diez.
Un ancien terme militaire assez connu est chamade.
Les bateleurs de la foire battent encore la chamade sur
leur tambour pour rassembler les badauds autour de
leurs tréteaux. Autrefois la chamade était le signal par
lequel une place assiégée demandait à parlementer,
et Le Sage a fait, dans Gil Blas, un emploi figuré fort
galant de cette vieille expression. On la retrouve dans
les autres langues romanes; l'italien dhchiamala, l'espa-
gnol llamada, le portugais chamada. Diez, suivi par
Littré, pense que le français chamade vient du portu-
gais chamada, ce dernier se rattachant naturellement,
comme l'italien et l'espagnol, au participe passé du
verbe latin clamare « appeler ». La phonétique semble
donner raison à Diez. Le portugais n'est-il pas la
seule langue romane qui rende régulièrement le son
latin cl en position initiale par le son ch, prononcé
comme le ch français ? Mais consultons l'histoire. Que
nous apprend-elle ? Que notre mot chamade date du
seizième siècle, car d'Aubigné l'emploie et Cotgrave l'en-
registre dans son dictionnaire, paru en 1 6 1 1 . Or, avons-
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 21
nous eu, au seizième siècle, des relations militaires avec
le Portugal assez prolongées pour rendre vraisemblable
un emprunt à la langue portugaise ? En aucune façon.
Chamade forme bloc avec tant d'autres termes mili-
taires qui nous sont venus d'Italie à la môme époque,
et Ménage a raison de le tirer de l'italien. La pre-
mière génération française qui a employé ce mot l'a
écrit d'abord chiamade et l'a prononcé à l'italienne en
faisant sonner chi comme le français qui; puis il y a
eu une réaction de l'orthographe sur la prononciation,
et nous avons dit chamade, comme nous disons
niche, nocher, panache et supercherie, bien que ces quatre
derniers mots aient un ch en italien: nicchia, nocchiere,
pcnnacchio, superchieria.
111
L'étude des sons ou phonétique a beaucoup pré-
occupé nos premiers étymologistes. Du Bois, Meu-
rier, Nicot, Ménage nous ont laissé des ébauches de
traités sur la matière ; mais leurs travaux n'ont plus
pour nous qu'un intérêt de curiosité. Il n'en est pas
de même de l'œuvre de Diez, que l'on consultera
toujours avec fruit. Pourtant il faut reconnaître que
des progrès considérables ont été faits dans la seconde
moitié du dix-neuvième siècle. La phonétique historique
a été renouvelée par l'enseignement et par les livres
d'une élite de maîtres français et étrangers, parmi les-
quels Karl Bartsch, Gaston Paris et Arsène Darmeste-
ter — pour ne parler que des morts — ont droit à une
22 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
place d'honneur. La phonétique expérimentale, pous-
sée à un rare degré de précision par M. l'abbé Rousselot
et ses disciples, est venue nous faire toucher du doigt,
pour ainsi dire, les causes de la plupart des phéno-
mènes dont l'observation nous avait révélé depuis
longtemps les effets. Ce dernier ordre de recherches,
il est vrai, ne nous intéresse pas directement. Au
point de vue du progrès étymologique, il y a plus à
attendre de la publication des anciens textes, de la
rédaction de bons dictionnaires patois, locaux ou
provinciaux, et de l'achèvement du monumental
Atlas linguistique de la France entrepris si vaillam-
ment par MM. Gilliéron et Edmont1, que de l'explora-
tion des palais, des larynx et des fosses nasales.
La phonétique historique est peut-être l'auxiliaire
le plus précieux de l'étymologiste. Elle a un domaine
nettement limité et régi par des lois minutieusement
élaborées. Ces lois sont fondées sur l'observation des
faits; leur ensemble forme comme un filet dont la
science a su tellement resserrer les mailles qu'aucun
fait ne peut passer au travers. C'est en ce sens qu'il
faut entendre le « principe » autour duquel il s'est
fait beaucoup de bruit dans ces dernières années ; les
lois phonétiques sont sans exceptions. Il n'y a pas
d'exceptions, parce que tous les faits particuliers ont
leur place marquée d'avance dans une loi phonétique
bien faite. Si l'on vient à découvrir un fait nouveau
en contradiction avec la loi, il y a lieu à revision :
i. Paris, 1902, Champion ; les six premières livraisons ont déjà
paru, soit près de 300 cartes.
LA SCIENCF. ÉTYMOLOGIQUE 23
démaillant par ici, remmaillant par là, nous réparons
notre filet, c'est-à-dire que nous sacrifions la loi pour
la remplacer par une loi nouvelle. C'est ainsi qu'on
sauve les principes.
Sans nous attarder plus longtemps à discuter
l'essence des lois phonétiques, montrons-en l'appli-
cation. L'application des lois phonétiques produit juste
l'effet contraire de l'application des rayons X : grâce
à ceux-ci, nous pouvons dépouiller le corps humain
de son enveloppe charnelle et le contempler dans la
nudité intime de sa charpente squelettique; grâce à
celles-là, nous pouvons remettre, pour ainsi dire, de
la chair et des muscles sur les vocables que l'usage a
rongés jusqu'aux os et les faire réapparaître dans toute
l'opulence et l'éclat de leurs formes.
Soit le mot français malade, dont on demande l'éty-
mologie. Au seizième siècle, on le faisait venir du grec
\j.zLx/.i; « mou », en admettant le changement de k
en d. La phonétique nous apprend que le passage de
k à d est sans exemple et elle nous débarrasse du
premier coup de cette hypothèse, que l'on ne rendrait
pas meilleure en faisant remarquer que les Romains
avaient latinisé [j.xhx/.iq sous la forme malacus, fréquem-
ment employée par Plaute. Au dix-septième, Saumaise
supposa que le latin populaire avait formé un adjectif
malatus « qui a du mal » sur le modèle de fortunatus
« qui a de la fortune » et il tira le français malade de
ce latin hypothétique malalits. Ménage se tint d'abord
sur la réserve en faisant remarquer que de malatus le
français aurait fait malé comme de fortunatus il a fait
fortuné, mais il finit par se convertir à l'idée de Sau-
24 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
maise. Or un fait ignoré des étymologistes antérieurs
au dix-neuvième siècle nous oblige à rejeter maialus
aussi délibérément que malacus : en effet, dans le
célèbre manuscrit de la bibliothèque de Clermont-
Ferrand qui nous a conservé le poème de la Passion, du
dixième siècle, notre mot est écrit malabde, et l'étymo-
logie doit rendre compte de la présence de ce b, qui a
disparu dans la prononciation des siècles postérieurs.
Diez a cru résoudre le problème en proposant le latin
maie aptus « mal disposé », et Littré, Scheler et
Brachet se sont ralliés à sa manière de voir.- Mais
cette hypothèse se heurte à deux lois phonétiques
solidement établies : dans le groupe latin pt, le p ne
s'affaiblit jamais en b et le / ne s'affaiblit jamais en d.
De même que septem est devenu en ancien français set
(écrit plus récemment sept par une restauration savante
de l'orthographe latine), aptus aurait donné at et le
composé latin maie aptus aurait abouti à malat, et non
à malabde. La véritable étymologie n'a été trouvée
qu'en 1874 par M. Cornu, aujourd'hui professeur à
l'université de Graz : c'est maie habitus. Le participe
habitus est devenu successivement abde, ade, comme le
substantif cubitus est devenu cobdc, code, coude. Nous
sommes enfin arrivés à la conquête de la vérité par
une connaissance de plus en pfus exacte des lois pho-
nétiques.
Mais le progrès n'est pas toujours l'œuvre du temps
et la vérité subit parfois des éclipses par suite de l'in-
firmité de l'esprit humain. Dans son Traité du Franc-
Alleu, paru en 1641, Caseneuve avait rattaché notre
verbe acheter au substantif latin caput « tête, chef»
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE ' 25
par l'intermédiaire d'un verbe qui aurait été en latin
vulgaire accapitarc. Diez est d'un autre avis : pour lui,
acheter représente un type latin accaptare, composé de
la préposition ad et du latin captare « chercher à
prendre ». La phonétique historique et comparée
donne raison, il me semble, à Caseneuve. L'ancien
français dit ordinairement achaler, ce qui laisse la
question indécise ; mais le provençal emploie la forme
acaptar, ce qui montre qu'une voyelle a dû disparaître
entre le p et le /, comme dans reptar « accuser », qui
vient de reputare ; et l'ancien espagnol acabdar, où le
p et le / primitifs n'ont pu s'affaiblir en b et en d que
parce qu'ils étaient originairement séparés par une
voyelle, n'est pas moins net à affirmer l'existence d'un
type primordial accapitare. Donc la question est
jugée : quand nous achetons quelque chose, nous ne
voulons pas, étymologiquement parlant, chercher à
le prendre (caplaré), mais l'ajouter à ce que nous avons
déjà, à notre capital (caput) : c'est beaucoup plus
moral.
Il serait fastidieux d'accumuler les exemples des
services rendus à l'étymologie par la phonétique.
Personne, d'ailleurs, ne songe sérieusement à les
méconnaître. Max Millier a écrit, il est vrai : « la
vraie étymologie n'a rien à faire avec le son. » Mais il
voulait simplement nous mettre en garde contre ces
rapprochements superficiels qui ne reposent que sur
des apparences phonétiques. Perfide comme l'onde,
dit un vieil adage : l'onde sonore ne l'est pas moins que
l'onde liquide. N'oublions pas le quatrième des points
fondamentaux que le même Max Muller a assignés à
26 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
la science étymologique : « Des mots différents peuvent
prendre la même forme dans la même langue. » Le
français a subi, depuis ses origines, une dégradation
phonétique si violente que les mots les plus divers
s'y sont confondus dans le même son. C'est là un
terrible écueil pour l'étymologiste, et aussi, — à
quelque chose malheur est bon, — une mine inépui-
sable pour l'innocent jeu de société qui s'appelle le jeu
des homonymes. L'orthographe maintient par-ci par-là
quelques étais protecteurs dans l'édifice vermoulu de
notre phonétique : mais bien souvent elle est impuis-
sante elle-même. Considérons par exemple le groupe
de lettres somme. Si nous laissons de côté la première
personne plurielle du présent de l'indicatif du verbe
être, qui a toujours une s finale, il nous reste encore
trois substantifs, de sens très différents, que nous
écrivons et que nous prononçons de la même manière.
L'étymologiste nous dira que le substantif masculin
somme vient du latin somnus ; que le substantif féminin
somme, « ensemble», vient du latin summa ; enfin
que quand nous disons « une bête de somme », nous
avons affaire à un troisième mot qui est de la même
famille que sommier. En ce sens, somme signifie pro-
prement « charge, bât » ; il remonte, par l'intermé-
diaire du latin de la décadence sagma, au grec zx;\).x.
qui était neutre et se déclinait sây^x, it;\j.xzzz. Le
genre neutre ayant disparu, le latin sagma a été pris
pour un féminin, comme beaucoup de mots analogues.
L'empereur Sigismond, prononçant un discours Jatin
devant les Pères du concile de Constance, s'écriait :
Fidèle, Patres, ut eradicetis schismam Hussitarum ! —
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE 27
« Pardon, Sire, » interrompit un auditeur peu respec-
tueux de la majesté impériale, « schisma est du neutre ».
— « Qui dit cela ? » fit l'empereur très mortifié. —
« Un Français nommé Alexandre, » répliqua l'inter-
rupteur, qui voulait parler d'Alexandre de Villedieu,
grammairien célèbre, depuis plus d'un siècle, dans l'Uni-
versité de Paris. — « Et qui est cet Alexandre ? — Un
moine, Sire. — Eh bien ! conclut Sigismond, je suis
empereur et je pense que ma parole vaut celle d'un
moine. » Les empereurs d'Allemagne tranchent volon-
tiers du souverain dans les questions qui n'ont rien à
voir avec leur couronne. Mais si le Père du concile de
Constance avait raison, Sigismond n'avait pas tout à
fait tort. Il était l'interprète du sentiment instinctif
qui avait depuis des siècles transformé les neutres en
féminin, et la grande voix du peuple parlait par la
bouche de cet empereur, opposant un dogme nouveau
au dogme ancien, c'est-à-dire proclamant, sans en
avoir conscience, le principe de l'évolution qui domine
l'histoire de l'homme.
IV
Le langage est essentiellement le signe de Vidée. En
face de la phonétique, qui étudie le son, c'est-à-dire le
signe, vient se placer la sémantique, qui étudie le sens,
c'est-à-dire Vidée. C'est à M. Michel Bréal que nous
devons ce terme de sémantique, plus court et plus élé-
gant que celui de sémasiologie, qui a d'abord eu cours
28 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
en Allemagne1. La sémantique a la même méthode
que la phonétique : elle s'appuie sur l'observation et
s'efforce d'établir une classification. Mais l'objet de son
étude est trop différent pour qu'elle puisse se flatter
d'arriver à des résultats aussi précis. Si vous donnez à
un phonétiste un mot latin et si vous lui demandez
quelle forme le mot doit revêtir en français, il vous ré-
pondra avec autant de précision que pourra en apporter
un chimiste à vous prédire ce que deviendra un morceau
de papier plongé dans un acide déterminé. Ne posez pas
une question de ce genre au sémantiste ; vous le mettriez
dans un cruel embarras. Il peut vous faire comprendre,
à force de comparaisons, comment un mot arrive à
prendre un sens fort éloigné de celui qu'il avait à l'ori-
gine, il ne peut vous marquer d'avance le terme néces-
saire de cette évolution ; il peut expliquer, il ne peut
pas prévoir. Il y a des lois en phonétique, et c'est pour
cela que la phonétique doit être considérée comme
une science, au sens rigoureux du mot. Il n'y a pas
de lois en sémantique, et l'on conçoit difficilement qu'il
puisse jamais y en avoir. Mais si la sémantique n'est
pas, à proprement parler, une science; c'est une spé-
culation sans laquelle la science demeurerait incom-
plète. Quelques exemples suffiront à faire comprendre
le genre de services que l'étymologiste doit lui deman-
der.
Nous appelons belette l'animal que les Romains appe-
laient mustela et que beaucoup de nos patois, fidèles à
2. Esgai de sémantique (science des significations). Paris, Hachette,
1897.
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE K)
la tradition latine, appellent encore aujourd'hui mous-
îèlo, moutèk ou vioutoile. D'où vient ce nom de belette ?
On a supposé que belette était un diminutif de notre
adjectif beau et que le nom de l'animal signifiait éty-
mologiquement « la petite belle ». C'est une hypothèse
que suggère la phonétique; mais pour que cette hypo-
thèse devienne une certitude, il faut que la sémantique
nous fournisse des indications qui soient d'accord avec
cette hypothèse. Interrogeons-la. Elle nous apprendra
que la belette s'appelle poulido, c'est-à-dire « jolie », en
Rouergue; bellora, où il est facile de reconnaître le
diminutif latin bellula, en milanais ; kjœnne, c'est-à-dire
« belle », en Danemark ; schœntierlein, c'est-à-dire « jolie
petite bête », en Bavière; coantig, c'est-à-dire « jolie »,
en Bretagne, etc., etc. Grâce à la sémantique, nous
avons ville gagnée, et l'étymologie du mot français
belette ne fait plus question pour nous.
Nos serruriers appellent penlure une bande plate de
fer fixée transversalement sur une fenêtre ou sur une
porte et dont l'extrémité est formée par un œil ou
anneau qui reçoit le mamelon du gond. Littré est muet
sur l'étymologie de penlure ; Scheler le rattache au verbe
latin pandere « ouvrir », parce que, dit-il, « la penture
sert à ouvrir et à fermer la porte ou la fenêtre ». Si
nous remarquons que l'anglais binge, qui sert à dési-
gner à la fois le gond et la penture, est tiré du verbe
te hotlg « pendre », nous aurons la véritable étymolo-
gie, et nous admettrons sans difficulté que penture est
au verbe pendre dans le même rapport que tenture au
verbe tendre.
D'où vient notre substantif boucher, qui désigne
3ô GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
l'homme qui tue les animaux destinés à la consom
mation ou qui en détaille la chair ? Bouvelles, Turnèbe,
Ménage et Caseneuve le rattachent à bouche. Pour
Henri de Valois, au contraire, le boucher était primi-
tivement celui qui débitait la chair du bouc. Tout
récemment, à la Société de linguistique, un assaut a été
livré à l'étymologie d'Henri de Valois, aujourd'hui
généralement acceptée : on a cherché à en déloger le
bouc au profit de la génisse, en latin bucula. Mais la
place est inexpugnable, et, sans faire appel à la pho-
nétique, qui ne consentirait pas à l'ouvrir à la génisse,
il suffit de la mettre sous la sauvegarde de la séman-
tique. Ce n'est pas par hasard que boucher et bouc ont
un air de famille, puisque l'italien, qui appelle le bouc
becco, appelle le boucher beccajo.
Dans ces exemples, et dans beaucoup d'autres qu'on
pourrait citer, la sémantique nous apparaît comme
l'aide de la phonétique. Presque toujours il convient
que la phonétique passe devant et prépare l'ouvrage
auquel la sémantique viendra, pour ainsi dire, donner
le dernier coup de pouce. Pourtant celle-ci est autre
• chose qu'une finisseuse. Il y a en particulier un vaste
domaine où le langage semble se jouer des lois de la
phonétique ; c'est celui de l'analogie, qu'on peut se
représenter comme une sorte de Cour des Miracles.
C'est là qu'on voit des mots qui ont perdu leur tète ou
leur queue s'emparer sans vergogne de celle du voisin
pour faire figure dans le monde et se livrer à quantité
d'autres tours de passe-passe dont le spectacle est fait
pour déconcerter notre raison. La sémantique a l'œil
ouvert sur eux et, mieux que la phonétique, elle peut
LA SCIENCE ÉTYMOLOGIQUE }l
nous livrer le secret de leurs faits et gestes et les déférer
aux tribunaux dont ils ressortissent.
Instruisons rapidement trois affaires de ce genre.
Les Allemands appellent sauerkraut un mets qui se
compose essentiellement de choux aigris dans la sau-
mure. Le mot est très clairement formé en allemand,
où haut veut dire « chou » et sauer « aigre ». Nous
avons emprunté ce mets à nos voisins. A la fin du dix-
huitième siècle nous l'appelions sour croûte, transcription
assez exacte du mot allemand. Une loi phonétique
connue, la loi de dissimilation, nous explique que la
première r soit vite tombée et que sourcroute ait été pro-
noncé soucroute. Mais comment sommes-nous arrivés
à la forme aujourd'hui universellement employée, chou-
croute ? La phonétique n'en peut mais. C'est Vidée,
c'est-à-dire l'esprit, qui a fait des siennes: comme il y
avait des choux dans le plat, on en a mis ostensible-
ment dans le mot et l'on a dit choucroute au lieu de
soucroute. Décidément l'esprit gâte tout en France.
Une peuplade gauloise, fixée sur les bords de la
Sarthe, portait le nom de Cenomanni; le nom de la
peuplade, employé à l'accusatif, finit par s'appliquer à
sa capitale; la géographie historique nous apprend que
la plupart des noms de peuplades gauloises ont fait la
même évolution. Cenomannos a dû devenir régulière-
ment, à l'époque où le français s'est dégagé du latin,
Celmans. Mais voilà qu'on s'est avisé de l'existence,
dans la langue commune, d'un adjectif démonstratif
cel, qui, ayant une parenté étymologique avec l'article
défini le, pouvait facilement en remplir le rôle, et bientôt
on a trouvé « spirituel » de dire Le Mans, remplaçant
}2 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
ainsi par une tète postiche le premier élément du nom
des Cenomanni, de respectable mémoire.
Nous avons dans notre nomenclature géographique
une série de mots composés comme Nagent -le-Rotrou
ou Villeneuve-la-Guiard. Ce sont de véritables joyaux
linguistiques, où se trouvent pour ainsi dire incrustés
deux des traits les plus archaïques de notre syntaxe
médiévale, l'emploi de l'article avec la valeur d'un
démonstratif et celui d'un nom de personne en fonction
de génitif sans l'aide d'aucune préposition : ce Nogent,
c'est celui de Roîrou, cette Villeneuve, c'est celle de
Guiard. Il y a, près de Pithiviers, une petite ville du
nom de Beaune, dont le seigneur s'appelait autrefois
Roland: c'est là que s'est livré, le 28 novembre 1870,
un des rares combats de la guerre franco-allemande où
la fortune ne nous ait pas tout à fait trahis. Or ce
nom, nous n'avons pas su le conserver intact : nous
ne disons plus, comme nos ancêtres, Beaune-la-RolanJ,
mais Beaune-J a-Rolande, tombant naïvement dans les
filets du féminisme et ravalant ce beau vocable au niveau
de Brive-la-Gail larde.
Je n'ai pu contenir, en terminant ce rapide exposé
des conditions dans lesquelles s'effectue aujourd'hui la
recherche scientifique de l'étymologie, un mouvement
d'humeur contre les ravages de l'analogie. N'ai-je pas
eu tort ? Le savant ne dôit-il pas s'incliner avec le même
respect devant toutes les manifestations de la vie du
La science étymologique: $$
langage ? Grave question, qui ne se peut traiter au pied
levé, et sur laquelle l'accord se fera difficilement, parce
qu'elle touche plus peut-être au sentiment qu'à la rai-
son. Dans un éloquent article sur les déformations de
la langue française, publié il y a quelques années dans
la Revue de Paris, M. Emile Deschanel se plaignait amè-
rement de l'attitude des philologues en présence de la
corruption grandissante de la langue. « Ils acceptent
tout sans protester, disait-il. Ils sont comme les natu-
ralistes aux yeux de qui les produits hybrides ont leur
intérêt aussi bien que les formations régulières. Ou
bien, de même que certaines plaies, atroces pour le
patient, ne manquent pas d'attrait pour le chirurgien,
certains cas de difformité linguistique, monstrueux aux
yeux des profanes, n'émeuvent pas autrement ces savants
maîtres. » Pour un peu, comme on le voit, l'aimable
professeur du Collège de France nous accuserait d'ino-
culer les maladies les plus honteuses au langage de nos
contemporains, à seule fin de pouvoir faire des expé-
riences in anima vili. J'avoue que, pour ma part, je ne
saurais pousser la sérénité scientifique jusqu'à un pareil
degré. Bien que les ressorts de mon esprit se tendent
comme d'eux-mêmes pour chercher à saisir les causes
multiples qui transforment le langage, ce n'est pas sans
un certain sentiment de tristesse que j'assiste à l'évo-
lution qui se poursuit sous nos yeux. Quelle que soit
la satisfaction intellectuelle que nous procure l'étude
« désintéressée », elle n'empêche pas la mélancolie de
nous envahir lorsque nous sentons qu'un peu de nous
meurt chaque jour et que ce qui vient le remplacer,
même sorti de nous et créé selon le goût de notre
Thomas. II. — 3
34 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
fantaisie momentanée, ne nous rend pas le charme
intime et la douce accoutumance de ce que nous per-
dons. L'étymologie est une science, non un art ; nul
ne le conteste. Ce n'est pas à elle qu'il appartient de
régenter la langue. Mais si l'on a le droit de considérer
la langue elle-même comme une œuvre d'art, l'éty-
mologie, qui nous fait connaître les conditions dans
lesquelles cette œuvre est née et les efforts successifs
au prix desquels elle s'est plus ou moins pleinement
réalisée, ne peut-elle nous procurer à son tour de déli-
cates sensations d'art et ne doit-elle pas nous préserver
instinctivement des Qxcbs de tout genre qui peuvent
compromettre l'harmonie générale de l'œuvre et en
précipiter la ruine ?
II. — NOTES CRITIQUES SUR LA TOPONYMIE GAULOISE
ET GALLO-ROMAINE.
Nous ne connaissons directement qu'un petit nombre
des noms de lieux usités dans notre pays avant l'an 500
de notre ère. M. d'Arbois de Jubainville a montré, dans
ses Recherches sur l'origine de la propriété foncière en Gaule1,
qu'il était légitime de s'appuyer sur des textes posté-
rieurs pour augmenter la somme de nos connaissances
toponymiques, à condition de savoir distinguer dans les
noms fournis par ces textes ceux dont les caractères
intrinsèques attestent l'antiquité et dont nous pouvons
reconstituer la forme primitive. Sans l'induction, les
I. Paris, Thorin, 1890.
La toponymie gauloise et Gallo-romaine $j
bornes de la science seraient singulièrement étroites.
Mais il faut induire sagement et en tenant le plus grand
compte de la phonétique historique et de ses manifes-
tations si variées selon la région qu'on étudie. On peut
regretter que M. Holder, dans le monumental Trésor
celtique qu'il va bientôt avoir la joie de terminer1, se
soit engagé dans cette voie, où il lui était difficile
d'éviter les faux pas : nous attendions de lui des textes,
rien que des textes. Voici quelques notes qui pourront
servir de jalons entre la toponymie médiévale et celle
des anciens2.
abeillan. — Abeillcin, nom d'une commune de
l'Hérault, n'est pas mentionné avant 1059, où l'on
trouve castrum deAbelino, forme manifestement fautive
pour Abeliano. Le b provençal postule un p primitif.
Nous sommes donc reportés à un type *Apïlianum, du
gentilice Apïlius, enregistré par Holder.
achun. — Nous ne connaissons pas par les textes
la forme du nom d' Achun (Nièvre) avant 1 130 : à cette
date on trouve Scadunum. Cette forme est assez carac-
téristique pour être placée parmi les noms gaulois
composés avec le terme duniim qui doivent figurer
dans le Trésor du vieux celtique. La forme primitive
peut être soit Scadunum, soit Escadunum (que l'on
trouve en 1287), soit plutôt *1 r scadunum, qui semble
se rattacher à l'article Isca de Holder.
1. Ces notes ont paru en 1899 et 1901 dans la Revue celtique,
XX, 1-16, 438-444 et XXII, 216-226.
2. Alt-celtischer Spracbscbati, publié chez l'éditeur Teubner de
Leipzig ; le dernier fascicule paru va de Serina à Teloiiiiiiiu. Nous
citons ce recueil par le simple nom de Holder.
}6 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
adissan. — H y a dans l'Hérault une commune
appelée Adissan, dont le nom n'apparaît qu'en 1323,
sous la forme Deyssanum, et un hameau appelé L'Adisse,
souvent écrit La Disse r, qui figure dans le cartulaire de
Gellone, depuis le commencement du ixe siècle, sous
la forme Adicianum. Ces deux vocables actuels ont ma-
nifestement la même étymologie. Le d médial remonte
nécessairement à un t, ce qui nous reporte à un type
latin *Atîcianum ou *Atïttianum. Je ne trouve pas de
gentilice exactement correspondant dans Holder; mais
j'y trouve Atettius, Atissias, Atiita et Atitto.
ajain. — Le nom & Ajain, chef-lieu d'une impor-
tante commune de la Creuse, ne pouvait manquer d'être
rapproché des noms de lieux gaulois Agedincum et
Aginnum. Il n'y a pas lieu de s'arrêter au premier de
ces rapprochements, qui ne repose sur rien de sérieux;
mais le second doit être discuté. Une monnaie méro-
vingienne portant la légende agenno a été attribuée à
Ajain2. Je n'ai pas à examiner les raisons numisma-
tiques qui ont fait écarter l'identification de Agenno
avec Agen (Lot-et-Garonne); mais je puis certifier que
l'identification avec Ajain (Creuse) est fausse. Les textes
du moyen âge qui mentionnent cette dernière localité
l'appellent Agan, Ajain, au xne siècle, Ajan, Ajagn, au
1. Le déplacement de l'accent tonique qui a transformé la forme
provençale Adissa, accentuée sur la finale, en Adisse est très récent ;
la toponymie méridionale offre beaucoup d'exemples analogues.
2. Cf. Rev. de Numism., ann. 1862, p. 259; Deloche, Monnaies
mèrov.du Limousin, p. 80. M. Prou n'hésite pas à attribuer cette
pièce à Agen, n° 2176 de son catalogue des monnaies mérovin-
giennes, p. 450.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 37
XIIIe, Ajainh, Ajaing, au xive, etc. *. Il est évident que le
type gallo-romain doit renfermer un a tonique; d'autre
part, pour expliquer la terminaison avec n mouillée,
qui est clairement indiquée par quelques-uns des
anciens textes, il faut faire appel à la désinence -animii.
Je propose de foire remonter Ajain à Acanium, c'est-
à-dire à un gentilice employé adjectivement au mas-
culin singulier2. Holder a relevé Acania dans une
inscription de Rome (Corpus, VI, 2201), et Akanhts
dans une inscription de Narbonne {lb., XII, 4378).
J'ai à peine besoin d'ajouter que je repousse de toutes
mes forces l'explication du nom & Ajain que vient
d'imaginer M. l'abbé S. Dardy, auteur d'un ouvrage
récent sur cette localité 3 : d'après lui, « on peut affirmer
sans tétnérité que le mot latin Joannes, qui en français
signifie Jean, est la racine du mot d' Ajain 4 ».
allassac. — Holder donne le gentilice Alacius d'après
une inscription trouvée à Oderzo, près de Trévise
(Italie), et publiée dans le Corpus, t. V, n° 1983.
L'existence de ce nom dans la Gaule proprement dite
est assurée par Allassac (Corrèze), qui représente exac-
tement Alaciacum.
1. J'emprunte les exemples aux Notes pour un dictionnaire topogr.
de la Creuse, p. p. l'abbé Leclerc dans V Annuaire de la Creuse
de 1885: Je dois dire que l'auteur cite parrochia de Ajen en 1201,
sans référence : cette graphie est tellement isolée que je la consi-
dère comme suspecte.
2. Cf. d'Arbois de Jubainville, Rech. sur l'orig. de la propr.
Jonc, p. 347.
3. Ajain (Creuse). Paroisse et séminaire, de l'an 1000 à
l'an 1900. Limoges, Ducourtieux, 1902, in-8° de xi-382 pages.
4. hoc. laud., p. 7.
38 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
amboise, ambazac. — M. d'Arbois de Jubainville
considère Amboise comme représentant un type Am-
bactia, cognomen féminin employé adjectivement,
dérivé du gaulois ambactos « vassal, domestique, ser-
viteur1 ». A cela, Gaston Paris objecte que Amboise,
forme relativement récente pour Ambaise, ne peut
remonter qu\à Ambatia ou Ambasia, bien que « les
plus anciens documents donnent Ambacia » ; il pense
en outre qu'il est difficile de regarder Ambacia comme
une altération d'Ambactia, car « la brièveté attribuée
par Fortunat au second a d'Ambaciensis s'expliquerait
bien difficilement dans ce cas 2 ».
L'opinion de Gaston Paris est inattaquable au point
de vue phonétique, et des faits qui lui avaient échappé
confirment absolument sa théorie. J'emprunte à HoL
der les citations suivantes: « Sulp. Sever. dial. 2 (3),
8, 4: In vico Ambatiensi. Paulin. Pétrie, v. Mari. 5,
553: Ambâtïae nomen priscum prior incola dixit. 555 :
Ambâtïas ad vicum properat deducere turmas. » La
forme Ambatia, qui se trouve dans Sulpice Sévère (fin
du quatrième siècle) et ' dans Paulin de Périgueux
(cinquième siècle), est la plus ancienne, car Ambacia
n'apparaît qu'à la fin du sixième siècle, dans Fortunat
et dans Grégoire de Tours ; de plus, elle rend compte
de la forme française Amboise. Il ne faut pas hésiter
à accepter Ambatia comme le seul type légitime de
ce nom de lieu et à repousser Ambactia, forme ima-
ginaire, et Ambacia, forme de mauvais aloi.
1. Rech. sur l'orig. de ta propr. foncière, p. 443.
2. Romania, XIX, 475.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 39
Du nom de la petite ville d'Amboise, M. d'Arbois de
Jubainville a rapproché celui du bourg d'Amba^ac dans
la Haute-Vienne qui, pour lui, est un ancien *Ambac-
tiacum. La phonétique limousine nous apprend que le
nom vulgaire Amba^ac, que nous trouvons tel quel dès
le xne siècle1, ne peut avoir pour type ni *Ambactia-
cum, qui aurait donné *Ambaissac, comme factionetn a
donné faisso, ni Ambaciacum (forme qui se trouve sur
une monnaie mérovingienne), qui aurait donné *Am-
bassac, comme glaciare a donné gJassar, ni *Ambasiacum,
qui aurait donné *Ambaisac, comme basiare a donné
haisar, mais seulement et exclusivement * Ambatiaciim .
Si maintenant, sortant du domaine des faits positi-
vement acquis, nous cherchons dans l'induction une
satisfaction à notre désir de savoir, nous pouvons
admettre que Ambatia et Ambaliacum remontent à un
gentilice *Ambatius, non attesté, mais appuyé par le
cognomen Ambatus dont Holder cite beaucoup d'exem-
ples, tous de provenance hispanique.
Lorsque cette note sur Amboisett Amba^ac parut dans
la Revue celtique (XX, 1-2), la Rédaction crut devoir la
faire suivre d'une apostille ainsi conçue: « Ambatus et
Ambactus sont deux notations du même mot celtique
*Ambachtos ou *Ambaxtos (x pour 7 grec) ; elles sont
dues à des populations qui ne pouvaient prononcer le
ch ou •/ celtique et qui ou le supprimaient ou le rem-
plaçaient par une autre lettre. » Je ne puis me ranger à
cette manière de voir; c'est en quelque sorte le contre-
1. Leroux, Molinier et Thomas, Doc. hist. concernant la Marche
et le Limousin, II, p. 4.
40 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
pied de la méthode dont je m'inspire dans toutes ces
notices. Quelles seraient donc ces populations qui
auraient ainsi supprimé le c ou ch celtique dans ambac-
tos ? Mystère. En fait, le gaulois ambactos a été incor-
poré de bonne heure dans le latin vulgaire de la Gaule,
qui en a tiré le verbe ambactiare, d'où l'ancien français
ambacieret ses dérivés (aujourd'hui ambassade, etc., par
emprunt aux langues méridionales) ; nous constatons
que le c celtique y est traité absolument comme le c
latin dans factionem. Donc, il ne faut pas confondre la
désinence çYAmbatus (d'où Amboise, Amba^ac) avec
celle à'ambactos (d'où ambassade). Dire que Ambatus
et Ambactus sont deux notations du même mot celtique
me paraît aussi erroné que de voir dans fatus et foetus
deux notations du même mot latin.
arcissas. — Arcisse est le nom d'une commune de
l'Isère et d'un hameau de l'Orne, commune de Corbon.
Il y a dans l'Eure-et-Loir un hameau dit Arcisses,
commune de Brunelles. Un hameau de la Creuse,
commune de Bosmoreau, s'appelle Arcissas et cette
forme figure dans le cartulaire de l'abbaye du Palais
dès le xiie siècle1. On a identifié Arcisse de l'Orne
avec la villa dite Arsicius dans le polyptique de l'abbé
Irminon2. La constance de l'orthographe du cartulaire
du Palais me fait croire que la forme primitive de
Arcissas est * Arcicias et qu'il a existé un gentilice
Arcïcius à côté de Arsicius.
i. Bibl. nat., nouv. acq. lat. 225, fol. 15 et suiv. Aujourd'hui
l'orthographe flotte entre Arcissas et Arcissat ; la carte du Minis-
tère de l'Intérieur porte Archissas, forme fautive.
2. XII, 45, éd. Longnon, p. 172.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 41
arlempde, arlende. — Arlempdes, comme écrit le
Dictionnaire des Postes, ou mieux, comme on le trouve
dans les anciens auteurs, Arlempde, est une commune
de la Haute-Loire, et Arlende (le Dictionnaire des Postes
écrit à la française Arlinde) un hameau de la commune
d'Allègre dans le Gard. Nous avons manifestement
là un doublet, dont la terminaison en e (et non en a
ou 0 féminin1) nous reporte à un type primitif qui
devait être proparoxton, comme Mirnate (d'où Mendè).
Une inscription trouvée à Jonquières (Gard) men-
tionne les Ameinetici, c'est-à-dire les habitants d'un
lieu dit * Arnenielum, mot dont le caractère et les élé-
ments gaulois sont bien clairs2. La forme romane
primitive prise par * Arnenietum doit être nécessaire-
ment * Amande. Elle se trouve effectivement, appliquée
à une locaHté de l'Hérault voisine d'Aniane où il y a
eu de bonne heure une chapelle de la Vierge: S. Maria
de Amanpdis (1146), S. Maria de Amendes (1154),
mais là elle n'a pas vécu jusqu'à nos jours 3. Je n'hé-
site pas à reconnaître dans Y Arlempde de la Haute-Loire
et Y Arlende du Gard des représentants du gaulois
* Arnemetum. La dissimilation de rn-m (devenu rn-n)
en rl-n rentre dans la loi 6 de M. Grammont •*. Cet
auteur déclare que la loi en question est fort peu
1. Pour le Gard j'ai le témoignage de Mistral; pour la Haute-
Loire, je citerai des textes de 121 5 et 1248 qui écrivent Arlemde
(Chassaing, Cari, des Templiers du Puv, nos 15 et 27).
2. C. I. L., XII, 2820, dans Holder.
3. D'après Eug. Thomas, Dict. top. de l'Hérault, cette localité
s'appelle aujourd'hui Saiiile-Marie d' Ame-Vieille.
4. La dissimilation consonanlique, p. 36.
4? GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
représentée, et il ne connaît guère que Saint-Soriin,
pour Saint-Somin. On peut mentionner les cas sui-
vants dans la nomenclature'géographique : Borlboiicle,
qui se trouve en 1337 pour Boumonch (Haute-Loire) J ;
Châieau-Chalon (Jura), de Castellum Carnonis; Car-
lencas (Hérault), autrefois Carnencas ; Doit liens, pour
Dourlens, de Dornincum2 ; Eperlon, forme fréquente au
moyen âge de Epernon (Eure-et-Loir) ; Lorlanges (Haute-
Loire), appelé Lu^ernanjas en 1267 3 ; Pluberlin (Mor-
bihan), pour Pluhemin, au ixe siècle Plebs Hoiernin*.
autoire, le toy. — Autoire est une commune du
Lot ; Le Toy est une commune de la Corrèze limi-
trophe de la commune de Viam et appelée officielle-
ment Le Toy-Viam. Au point de vue historique, il est
certain que Le Toy, dit Le Thoueyre en 1598, est
identique à Altoire, église donnée à l'abbaye de
Tulle en 1085 par un vicomte d'Aubusson s : par
conséquent, au point de vue linguistique, Autoire et
Le Toy forment un doublet. Or l'ancienne forme
romane Altoire ne peut remonter qu'à un type gaulois
ou gallo-roman * Altoàurum, qui manque dans Holder
mais qu'on peut y inscrire en toute confiance.
auzances. — Alliances est le nom officiel d'une
1. Chassaing, Spicil. Brivat., p. 322.
2. Cf. ci-dessous l'art. Doullens.
3. Chassaing, Spic. Brivat., p. 119.
4. Cf. Revue Celtique, XI, 144.
5. Voy. Champeval, Le Bas-Limousin seigneurial et religieux,
p. 319. L'auteur explique Altoire, en le décomposant en Al Toire,
par « fontaine ». Je ne sais pas pourquoi il attribue à toire le
sens de « fontaine », à moins qu'il n'y voie le prov. mod. touire
« conduite d'eau ».
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 45
petite ville de la Creuse qui devrait s'écrire Ausancc,
comme en témoignent les textes. Le plus ancien
exemple connu de ce mot (1195) se présente sous la
forme Alsancia ï ; mais Y s ayant un son doux (noté
aujourd'hui par ^), il est matériellement certain
qu'une voyelle a disparu entre / et s. Le type primitif
est sûrement * Alcsantia ou * Alisantia, dont le thème
et la désinence portent également la marque gauloise.
Le même nom nous est offert par une rivière du Poi-
tou, Y Alliance, mentionnée en 929 (fluvius Alsancia),
et par un village qu'elle arrose, Au^ance, commune de
Aligné (Vienne). Il y a dans l'Aveyron une com-
mune dite Alrancc, arrosée par une rivière épo-
nyme, affluent du Tarn (rive droite) : l'ancienne
forme Alsan^ca, qui figure, appliquée à la rivière, dans
le cartulaire.de Conques (p. 16), nous ramène tou-
jours au même type. Il est probable que le ruisseau,
affluent du Cher, qui arrose Auzances (Creuse) et
qu'on appelle aujourd'hui le ruisseau de l'Étang-
Neuf, portait autrefois ce nom de * Alcsantia ou "'Ali-
santia, et que la ville le lui a emprunté2.
balledent. — Holder enregistre les noms de lieux
Balaicdo, Balatonium et Balatonna. Or, il y a dans le
département de la Haute-Vienne une commune qui
s'appelle Balledent ; son nom ancien ne nous est connu
1. Tardicu et Boyer, Hist. d'Alliances et de Crocq, p. 24. Les
auteurs se demandent si Alliances doit être décomposé en aux
Anses, ou s'il vient du nom d'un capitaine romain, Auxentius.
2. Le Rance, affluent du Tarn (rive gauche), est appelé aussi
Alsanza dans le cartulaire de Silvanès, f° 171 (communiqué par
M- Ch. Poinssot).
44 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
que par des documents du douzième siècle qui l'écri-
vent Balaâen1, Balladen'1 ou Baladent 3. Personne
n'aura l'idée que Baladen puisse être un composé
roman de balar (danser) et de den ou dent (dent)
comme Bramajam, Cantagrel, etc. Il est probable que
le type primitif est * Balatenno, avec la désinence que
nous retrouvons dans Serotenno, aujourd'hui Sardent
(Creuse). L'affaiblissement de / médial en à est nor-
mal dans la région de la Haute-Vienne; de part et
d'autre on remarque que la graphie a subi l'influence
analogique du nom commun dent qui n'a certaine-
ment rien à voir avec l'étymologie.
bazelat. — Une commune de la Creuse, qui porte
aujourd'hui le nom de Ba%e]at, est appelée Bala~ac
dans un texte de 1257 conservé en original aux
Archives départementales de la Creuse*. Bazelat est
sorti par métathèse de * Bale^at, forme légèrement
francisée qui correspond à l'ancien vocable Bala^ac.
Cet ancien vocable se retrouve dans le nom d'une
commune du département d'Ille-et-Vilaine, Bala~c,
près de Vitré. Le type commun doit être * Balatianini,
dérivé d'un gentilice * Balatiits'>. Ce gentilice n'a rien
en soi d'invraisemblable : on trouve Balatulla, nom
de femme, à côté de Belatulla, plus fréquent. De
1. Cartulaire d'Aureil, charte n° 127.
2. Ibid., charte n° 320; Leroux, Molinier et Thomas, Doc.
hist. concernant la Marche et le Limousin, I, 137.
3. Cartulaire d'Aureil, charte n° 124.
4. Sous la cote H 258.
5. Le nom de lieu Baladitiago, qui figure dans la charte 4 du
cartulaire de Conques et que l'éditeur identifie au hasard avec
Barriac, paraît avoir un thème différent, soit* Baladit'ms.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 45
même que Cintiillus et Cintius coexistent, il est
naturel que * Balatius ait existé à côté de BaJatiilla.
bexassay. — Le nom de Benassay, dans la Vienne,
apparaît dans les textes en 889 sous la forme Bena-
ciacum. Donc, il serait imprudent de le confondre
avec le type Bannaciacum, qui figure sur des monnaies
mérovingiennes du septième siècle et qui se retrouve
aujourd'hui dans Banassac (Lozère et Creuse), dans
Banassat (Creuse, nom de deux hameaux) et proba-
blement ailleurs. Un a entravé ne se change pas ainsi
en e au neuvième siècle. Il me paraît donc légitime
de supposer un gentilice gaulois * Bcnacius, qui fait
songer au fameux lac Benacus de la Cisalpine.
billanges (les). — Les Billanges est le nom d'une
commune de la Haute-Vienne. Dans ce mot les deux /
sont une superfétation ; on prononce sans mouille-
ment, et les anciens dictionnaires géographiques, par
exemple celui de Masselin (1827), écrivent Les
Bilanges. L'article les s'est introduit dans ce nom,
comme dans Ix Blanc, Le Mans, etc., par étymologie
populaire : la forme ancienne est Aubilanges, au com-
mencement du treizième siècle Albilanges1. Le type
gallo-romain est probablement * Albillanicos, formé du
cognomen Albillus, par addition du suffixe composé
-anicus (-anus -f- -icus) 2 . M. d'Arbois de Jubainville a
1. Un moine de Saint-Martial nommé A . d' Albilanges figure
dans une liste dressée par Bernard hier (Cbron. de Saint-Martial,
p. p. Duplès-Agier, p. 283).
2. On pourrait songer aussi à *Albinanicos, du cognomen Albi-
nus, d'où Albilanges serait sorti par dissimilation; mais c'est
moins probable. En tout cas la désinence romane, confirmée par
46 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
cité une série d'exemples de formation analogue, mais
offrant tous des désinences en -ianiciis, -ianicas : il les
considère comme dérivés de cognomina en -anus,
dérivés eux-mêmes de gentilices en -tus1. Dans * Albil-
lanicos il ne peut être question de gentilice en -tus, pas
plus que dans Gordanicos (cognomen Gordus), d'où
Goudargues (Gard). Je remarque d'ailleurs que Sauxil-
langes (Puy-de-Dôme) n'a pas plus d7 mouillée que
Les Billanges et se rattache au cognomen Celsinus,
et non au gentilice * Celsinius, comme le croit M. d'Ar-
bois de Jubainville.
blaudeix. — Holder a relevé chez Strabon et
chez Etienne de Byzance le nom d'une ville de Phrygie
dite BXa05o;. Le caractère gaulois de ce nom me paraît
confirmé par l'existence, dans le département de la
Creuse, d'un chef-lieu de commune appelé Blaudeix,
autrefois siège d'une commanderie de l'ordre du
Temple. Pour rendre raison du nom de Blaudeix,
écrit Blaudeis en 1282 2, je ne vois guère d'autre type
possible que * Blaudiscum >. Presque tous les noms de la
Creuse qui se terminent aujourd'hui en -eix reposent
sur des types gallo-romains munis du surfixe -iscus.
Par exemple, Le Jourdaneix, hameau d'Arrènes,
est appelé au douzième siècle Jordaniscum dans les
la forme actuelle du patois, montre qu'il faut partir de -anicos, et
non de -anicas.
1. Recherches, p. 569 et s.
2. Arch. dép. de la Haute-Vienne, fonds de l'évêché, car-
tulaire O Domina, f° 70 v°.
3. La forme romane la plus ancienne a dû être * Blaudesc ; il
n'est pas impossible qu'elle se soit réduite à Blaudeis dès la fin du
treizième siècle.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 47
textes latins et Jordanesc dans les textes romans '. Mais
Blaudos est-il un nom d'homme comme Jordanes, ou
faut-il attribuer ici au suffixe -iscus la même valeur que
dans Angcriscus (Indivis), qui sera étudié plus loin ?
chadreugnat. — Chadrcugnat est le nom officiel
d'un hameau de Lafat (Creuse), écrit quelquefois Cha-
drugnat. Jadis on écrivait Chadonrgnal2, pour Cha-
dourgnac, forme actuelle du nom d'un hameau de
Thiviers (Dordogne), représentant normal d'un type
gallo-romain Caturniacum : on sait qu'il y avait un
vicus Calurniacus au territoire de Veleia dans la Gaule
Cisalpine. Ce Calurniacus suppose un gentiliee
*Caturnius, d'après un cognomen *Caturnus. Le fémi-
nin *Calurna est représenté par Chadourne, communes
de Rilhac-Treignac (Corrèze) et de Lunas (Dor-
dorgne), etc., et par Cadourne (Gironde) î; il est pos-
sible que le masculin *Calurnus doive être reconnu
dans Cadour (Aveyron) et Cadours (Haute-Garonne).
chambezon. — Chambe^pn est le nom d'une commune
de la Haute-Loire, canton de Blesle, arrondissement
de Brioude. La forme la plus ancienne de ce nom est
Chambedon, qui figure au douzième siècle dans le car-
tulairc de Sauxillanges4. Les textes postérieurs donnent
Cbambe^on et Chambexp, avec chute de Yn finale. Le type
peut être *Cambidonum, *Cambedoniini, *Cambidonem ou
*Cambedonem 5 ; mais la saine phonétique interdit d'y
i. Cartulaire de Bénévent, Bibl. nattât. 171 16, fol. 95.
2. Répartition de la taille pour 1727 (Arch. Creuse, C 23).
3. Cf. Revue Celtique, XX, 94.
4. Cf. Romania, VI, 263.
5. Cf. la forme Cervedone (à l'ablatif) employé par FortutKt
;our Cervon (Nièvre).
4S GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
voir soit Cambodunum, soit Cambidonnum. Le même
nom paraît se retrouver dans Chambéon (Loire), qui
figure plusieurs fois dans le cartulaire de Savigny sous
la forme adjective Cambeldonensis , Cambedonensis.
chambonchard. — Chambonchcird est le nom d'une
commune du canton d'Évaux (Creuse), située sur le
Cher1. Adémar de Chabannes mentionne le château
de Chambonchard, castellum Camboncarem2. Il est évi-
dent que c'est un mot composé, dont le dernier élé-
ment est le nom de la rivière du Cher sous sa forme
indigène Char, conforme à l'appellation gauloise Caris 3 .
Le premier élément est Cambon, et non Cambo, comme
le dit Holder, qui a un article Cambo-caris, et qui
imprime Chambouchard , au lieu de Chambonchard. Il
ne m'appartient pas de décider si cambon peut être un
substantif et si Camboncaris peut signifier en gaulois
« courbure du Cher » ; toujours est-il qu'aux environs
de Chambonchard le Cher forme effectivement un
coude assez prononcé du Sud-Est au Nord-Ouest.
chantrezac, chantrigné. — Chantre^ac, nom d'une
commune du département de la Charente, figure dans
i. On trouve la forme francisée Chantboncher dans une assiette
d'impôts de 1357 (Leroux, Molinier et Thomas, Doc. hist. concer-
nant la Marche et le Limousin, II, 31).
2. M. Chavanon, p. 150, imprime Canboncasem d'après le ms.
latin 5927, mais c'est une mauvaise leçon. Le ms. 5926 porte
correctement Canboncarem. Une faute typographique a trans-
formé le mot en Cambonéarem dans la Chronique de Bernard Itier,
telle que Ta publiée Duplès-Agier, p. 41.
3. Cette rivière prend sa source dans la commune de Chard
(Creuse) et, dans les premières communes qu'elle arrose, elle s'ap-
pelle le Char. Naturellement, le d de Chard est une fantaisie caco-
graphique moderne.
La Toponymie Gauloise et gallo-romaine 49
la chronique d'Adémar de Chabannes sous la forme
adjective Cantreciacensis eccksia l. Holder enregistre
*Cantriciacum et voit là une contraction pour *Canta-
riciacum ou *Cantericiacum, dérivé d'un gentilice *Can-
kr ictus. Ces hypothèses manquent de base phonétique.
La forme vulgaire Chantre^ac, avec son % représentant
s sonore, prouve que la graphie Cantreciacum est pour
*Canlreliacum. Il faut admettre un gem'ûïœ *Cantretius,
dérivé de Cantrius. Ce dernier nous est conservé par
mainte inscription ; quoique aucune n'appartienne à la
Gaule, M. Holder enregistre Cantrius et Cantrus; il
doit avoir de bonnes raisons pour cela. Un autre dérivé
de Cantrius doit être *Cantrinius, d'où le nom de lieu
*Cantriniacum, représenté aujourd'hui par Chantrigné,
commune de la Mayenne.
chassendei — Dans la commune d'Ours-Mons
(Haute-Loire) existe un terroir du nom de Chassende.
Il est mentionné dans une charte de 1254, ou Chassaing
l'a lu Chasseinde2 : j'étais porté à priori à rectifier la
lecture en Chassemdei, lorsque ce qui n'était qu'une
hypothèse est devenu une certitude pour moi. En effet,
je m'avise que dans une charte de 1294, publiée par le
même éditeur, on lit Cbassempdc^; Chassaing n'iden-
tifie pas, mais il est hors de doute qu'il s'agit du même
terroir. La forme primitive doit être *Cassimate ou
1. J. Lair, Eludes critiques, II, 143.
2. Cari, des Templiers du Puy (1882), charte n° 29.
3. Une faute de lecture analogue se trouve dans la charte i<
où le mot provençal esems (ensemble) est transformé en esenis,
4. Cari, des Hospitaliers du Vtlay (1888), ch. n° 59.
Thomas. II. — 4
$0 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
*Cassemate, analogue à Mimate, Mende, Brivate,
Brioude, etc., avec l'accent sur l'antépénultième.
cordes. — Il ne s'agit ici ni de Cordes (Tarn), ni
de CW«-Tolosane (Tarn-et-Garonne), dont le nom
est emprunté à Cordoue d'Espagne, mais d'un hameau
de la commune de Bains (Haute-Loire). Dans des
chartes du commencement du xme siècle le nom de
ce hameau oscille entre Cornde, Corde et Conde1 ; la
forme primitive doit être Cornate. Holder a inscrit ce
mot comme nom ancien de Cornas (Ardèche) : il faut
donc qu'il ait existé concurremment un Cornate accentué
sur l'a (d'où Cornas) et un Cornate accentué sur l'o
(d'où Cordes).
darnac. — La forme romane la plus ancienne du
nom de la commune de Darnac (Haute- Vienne) est
Adernac2. Cette forme nous reporte clairement à un
type * Aternacum ; l'affaiblissement de / médial en d est
normal dans cette région. Or, Holder enregistre Ater-
nos, mais pour faire remarquer que c'est un nom latin 3.
A-t-il raison ? En tout cas, Aternus a été en usage en
Gaule comme nom d'homme, puisque le nom de lieu
Aternacum en a été formé 4.
i. Chassaing, Cart. des Templiers du Puy, nos 13, 15, 17, 18, 19.
2. Un Johannes d' Adernac figure comme témoin dans une dona-
tion faite vers 11 20 à la Maison-Dieu de Montmorillon, Bibl.
nat. lat. 18399, ?• 402-
3. On sait qu'une ville du Samnium s'appelait Aternum, et
qu'il y avait, en Italie un fleuve dit Aternus.
4. La charte 112 du cartulaire de Brioude mentionne une loca-
lité du nom d'Adarnacum qui n'a pas été identifiée. Il y a dans la
Creuse, commune de Saint-Sylvain-Bas le-Roc, un hameau appelé
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE $t
doullens. — On tire ordinairement Doullens de
Donincum, qui figure au dixième siècle dans Flodoard.
Mais il est impossible de négliger la forme concurrente
Dourlens, dont Doullens est un adoucissement analogue
à celui de Charlon en Challon, Chalon, dans Château-
Chalon, à celui d'Aumarle en Aumale, etc. Or, le
manuscrit de Montpellier utilisé par Pertz pour éditer
Flodoard porte, paraît-il, Domincum et non Donincum1.
La correction de Domincum en Domincum arrangerait
tout. J'ai réuni plus haut, à l'article Arlempde, des
exemples qui mettent en lumière la filiation de Dour-
lens par rapport à Domincum.
essouvert. — Une forêt de la commune de La
Chapelle-Baton (Charente-Inférieure) s'appelle Essou-
vert. Elle est nommée, dans la charte 313 du cartulaire
de Saint-Cyprien de Poitiers, Exolvemus silva. Il est
difficile de ne pas voir dans *Exolvemos un nom gau-
lois, dont le dernier élément serait vemos, aune.
eymoutiers, hains, hem. — Le nom gaulois Agent um
se retrouve aujourd'hui dans trois noms de lieux d'as-
pect très différent: Le Bourg à' Hem (prononcé LeBour-
dari) dans la Creuse, Eymoutiers, dans la Haute-Vienne 2,
et Hains, dans la Vienne. Holder n'a relevé que Agent i
monaslerium, d'où Eymoutiers, autrefois Aenmostier.
Adémar de Chabannes veut parler d'Eymoutiers quand
il dit « monasterium Sancti Stephani Agentense » ou,
Damât ; il est possible que ce nom ait la même ctymologie que le
Darnac de la Haute- Vienne.
1. Cf. Revue Celtique, XVIII, 246.
2. Il y a aussi un Eymoutiers dans la Charente, mais je ne sais
quelle en est Pétymologic.
Si GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
plus simplement, « ecclesia Agento » l. C'est aussi
Eymoutiers qui est appelé Agetttum dans un acte du
8 août 959, publié parle Gallia christiana1 . Au dixième
siècle également, nous "avons la forme Agentum, qui
devient plus récemment Haentum, et, en langue vul-
gaire, Aent, pour désigner Hainsî. Enfin Hem, dans la
Creuse, est appelé, depuis le treizième siècle, Ahentum*,
en latin, et Ahents, en langue vulgaire. On trouve
même Aentensis ecclesia et ecclesia de Aento appliqués à
Ayen (Corrèze), mais la forme ordinaire est ecclesia
de Aenno, qui remonte à Agennum6.
gorce. — Le nom de lieu Gorce est extrêmement
répandu dans le massif central de la France et déborde
même un peu vers le Sud-Ouest. Employé au singulier
ou au pluriel, avec ou sans article, écrit par c ou par
s, francisé ou resté provençal dans sa désinence du
pluriel (Gorce, Gorse, Gorses, Gorsas, Les Gorces, Les
Gorceix, Lagorce, etc.), il s'étend sur plus d'une quin-
zaine de départements : Ardèche, Aveyron, Cantal,
i. Édit. Chavanon, p. 158 et 172. L'éditeur a bien reconnu
qu'il s'agissait d'Eymoutiers à la p. 158, mais à la p. 172 il a cru
que Agento désignait Ahun (Agedunum). Le prepositus Aintensis
qui figure dans une charte de 1 108 publiée par M. Alfred Leroux
(Chartes, clironiques et mémoriaux , p. 25) est un prévôt d'Eymou-
tiers et non d'Ayen.
2. Tome II, instr., col. 168-169.
3. Redet, Dict. top. de la Vienne.
4. Pouillé du diocèse de Limoges conservé aux archives de la
Creuse ; charte de 1282 aux archives de la Haute-Vienne, fonds
de l'évêché, cartulaire O Domina, f° 70, v°.
5. Assiette d'impôt de 1477 aux Arch. nat. P. 1363, cote 1241.
6. Leroux, Chartes, chroniques- et mémoriaux , p. 30, 31, 32, 34,
35. 36> 57, 33, 39. 40, 41, 42, 43> 44, 45, 46 et 47.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-POMAINE 5)
Charente, Charente-Inférieure, Corrèze, Creuse, Dor-
dogne, Gironde, Indre, Haute-Loire, Lot, Lot-et-
Garonne, Puy-de-Dôme, Vienne et Haute-Vienne. Il a
à côté de lui, comme diminutif, Goursole, qu'on trouve
dans la Charente, la Corrèze, la Creuse, la Dordo-
gne, etc. Le plus anciennement mentionné de tous
ces lieux serait Gorses, chef-lieu de commune du Lot,
qui figure, appelé Gardas, dans une charte de 755, si
ce document était authentique; malheureusement le
document a été fabriqué, au onzième siècle probable-
ment, par les moines de Figeac, qui l'ont mis sous le
nom de Pépin le Bref. Ce faux importe peu, à notre
point de vue. Il est certain que Gorce (avec 0 ouvert)
ne peut venir que de *Gorcia ou *Gortia1. Or, dans
une partie de la région sur laquelle s'étend le nom pro-
pre qui nous occupe (Creuse, Corrèze, Haute-Vienne,
Indre, etc.), on emploie aussi le nom commun gorço,
gorce, avec les sens de « haie vive, haie sèche, buisson,
lieu rempli de mauvaises herbes ou de décombres, châ-
taigneraie2 ». Il est évident que les deux séries n'en
font qu'une et il est probable que nous devons y
reconnaître le celtique *gorlo-, allongé à l'aide d'un
suffixe latin en *gortia. Mistral a donc raison, en
1. C'est ce que montre, par exemple, le 1 de lu forme Gor\a,
qui figure, vers la fin du onzième siècle, dans la charte 239 du
Cartulaire de Vigeois.
2. Cf. mes Mélanges d'étym. fr., p. 86, art. gource. Le sens de
« châtaigneraie » existe effectivement dans le Nord de la Creuse,
spécialement à Crozant (communication de M. Blanchet, institu-
teur-adjoint).
54 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
somme, de rapprocher le limousin gorso du bas-breton
gatx « haie » r.
l'indre et l'indrois. — Ulndrois est une rivière
qui se jette dans l'Indre à Azay-sur-Indre (Indre-et-
Loire). Quelques-uns écrivent Indroye, au lieu de
Indrois2; mais c'est une fantaisie moderne. Les an-
ciennes formes du nom de cette rivière sont : Andreis,
Androsius, Andriscus, Anderiscus, Angeriscus, Angelis-
cusi. On sait que le nom primitif de l'Indre est Anger 4:
la bonne orthographe du mot français serait Aindre,
comme ceindre, de cingere, ou l'ancien verbe fraindre,
de frangere. Il est clair que le nom de VIndrois est
dérivé de celui de YIndre au moyen du suffixe -iscus,
-iscos s. On peut inscrire sûrement Angeriscos dans le
Trésor du vieux gaulois. Il ne faut pas hésiter non
plus, il me semble, à voir dans ce suffixe -iscos un suffixe
diminutif identique au suffixe grec -(oxaç. Le rapport
sémantique de Indrois à Indre est manifestement le
même que celui de Loiret à Loire et de Petite-Creuse
(au moyen cage Crosetd) à Creuse, etc. Que les celtisants
fassent leur profit de cette très simple observation6.
i. Le nom de la célèbre abbaye de Gorxe, près de Metz, énoncé
Gortia en 793, doit avoir la même étymologie.
2. Notamment La Grande Encyclopédie.
3. Mabille, Notice sur les divisions territoriales de la Tour aine
(Paris, 1866), p. 162.
4. Super fliivium Angerem, Grégoire de Tours, Vit.patrum, 18, 1.
5. La désinence -iscus donne régulièrement en français -ois et
plus récemment -ais Exemples : dais, anciennement dois, de disais.
6. Comparez ce que dit du suffixe -iscos M. d'Arbois de Jubain-
ville, p. 546 et suiv. de ses Recherches sur l'origine de la propriété
foncière.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE j{
leigne. — Une commune et un hameau du dépar-
tement de la Vienne portent le nom de Leigne, au
onzième siècle Lemnia. Holder a relevé le cognomen
Lcninus dans une inscription de la Grande-Bretagne,
Corp. inscr. lai., VII, 41. Lemnia semble attester l'exis-
tence d'un gentilice *Lemnius qui, employé adjecti-
vement au féminin, aurait donné naissance au nom de
lieu Leigne.
loin. — Loin, nom d'une ferme, commune de
Savigné (Vienne), se présente au moyen âge sous les
formes Leu (1 172), Leum (1195), Lehnn (1395), Lohun
(1482), etc.1. Il me paraît infiniment probable que le
nom primitif de cette localité est Lugudunum .
loudun. — Holder considère le nom de Loudun
(Vienne), qu'il place, par un fâcheux lapsus, en Bour-
gogne, comme représentant le gaulois Lugudiiniun, et
cette opinion a dû être émise plus d'une fois avant lui.
L'examen des anciennes formes du nom de Loudun ne
confirme pas cette manière de voir2. Je ne crois pas
qu'il faille faire grand fond sur le Castro Lauduno d'un
diplôme de Charlemagne (800), ni sur le vicaria Lau-
domensis d'un diplôme de Charles le Chauve (849), ni
sur le vicaria Lugdunensis de la pancarte noire de Saint-
Martin de Tours (904). Voici les formes qui me pa-
raissent décisives: Laucidunensis (895), Laucednneiisis
(970), Laucidunensis (976), Lausdunensis (977, 985),
Lau^dunensis (vers 1000), Losdunum (1059), Lausdu-
num (ioéo), Laitcidnnum (1062). Pourquoi ne pas
1 . Redet, Dict. top. de la Vienne.
2. Je les étudie exclusivement dans Redet, op. laud.
56 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
admettre que Loudun a porté à l'époque gallo-romaine
le nom de *Laucidunum ? Ce nom manque dans Holder ;
mais on y trouve le cognomen Laucus. DeLauciduiiinu
on peut rapprocher Baridunum, Congidunum, Lugidu-
num, Muridunum, Singidunum, etc.
luthenay, lonnac, LOUCÉ. — Luthenay dans la Nièvre
ne figure pas dans les textes avant le xme siècle : il y est
appelé Lothenayacum, Lothenayum. On peut sûrement
restituer la forme primitive : *Luttenacum ou *Lutten-
nacum, laquelle est aussi postulée par Lonnac, commune
de Sanssat-L'Eglise (Haute-Loire), au moyen âge Lot-
nac1. Il faut donc inscrire le gentilice *Luttennus à côté
de Luttius, dont Holder donne deux exemples2. Les
anciennes formes, qui ont un o à la syllabe initiale ?,
montrent que dans *Luttennus Vu était bref; il en était
nécessairement de même dans Luttius. Or, *Lùttiacum
offre une base excellente pour expliquer Loucé, dans
l'Orne. M. d'Arbois de Jubainville propose, il est vrai,
*Lûcciacus 4; mais en présence des innombrables repré-
sentants de Lûcciacus ou Lûciacus, j'ai bien des doutes
sur la légitimité de cette hypothèse.
maine (le), mans (le). — C'est à Jules Quicherat
que revient le mérite d'avoir expliqué pourquoi nous
i. Chassaing, Car t. des Templiers du Puy, ch. nos 14 et 25.
2. Sur le suffixe -£««5 ou -ennus, voy. d'Arbois de Jubainville,
Rech., p. 449.
3. La forme moderne Luthenay offre une restauration savante
de Vu primitif; même phénomène dans Lubersac (Corrèze, Lot-
et-Garonne) et Lupersat (Creuse), qui s'écrivent au moyen âge
Lober^ac et viennent de Lfiperciacum.
4. Rech., p. 260,
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 57
disons Le Mans, avec l'article, en parlant du chef-lieu
de la Sarthe l. Le nom du peuple gaulois des Cenomanni
est devenu Celomanni par dissimilation, d'où *Celmans,
qui a dû être la forme romane primitive. Puis, la pre-
mière syllabe a été confondue avec le démonstratif cel
et remplacé par l'article lo, le. Il n'y a pas à revenir
là-dessus. Ce que je veux faire remarquer, c'est que Le
Mans remonte à Cenotnannis avec deux n, car si le type
étymologique n'avait eu qu'un seul n, il aurait abouti
à *Le Mains. Holder a donc raison d'instituer deux
articles distincts, l'un pour les Cenomani de la Cisalpine,
l'autre pour les Cenomanni de la Transalpine.
Dans le texte de son Atlas historique de la France,
p. 102, M. Longnon écrit : « Le nom vulgaire Le Maine
ne dérive pas du vocable latin Cenomanicum, mais de
la variante Cenomania ». Je ne comprends pas pourquoi
M. Longnon excommunie ainsi le suffixe -ienm, à qui
l'on doit la formation de tant de noms de provinces :
A uvergne, Châlonge, Comminge, Médoc, Périgord, Rouer-
gue, Saintonge, U^êge, Velay, de Arvernicum, Catalau-
nicinn, etc. Tous ces noms sont masculins à l'origine,
et le sont restés, sauf Auvergne et Saintonge2. Maine
peut remonter à \Ceno\mannicum, au même titre que
domaine a dominicum. M. Longnon admet lui-même que
Langoine, que l'on trouve une fois, au treizième siècle,
pour désigner la province de Langres, vient de Lingo-
1. Traité de la formation des noms de lieux, p. 24.
2. Saintonge, écrit Centonge, est masculin dans les poésies de
Bertran de Born ; et je me souviens d'avoir entendu dire le Sain-
tonge dans la Creuse. Pour l'Auvergne, l'ancien genre semble
avoir disparu complètement de nos jours.
Ç8 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
nicum, et que Touraine, primitivement Toroine, Toroigne,
représente Turonicum*.
meilhan. — Le nom celtique Mediolanum est repré-
senté aujourd'hui en Gaule par des formes multiples-.
Comme il est certain historiquement que Château-
Meillant (Cher) est un ancien Mediolanum, M. Longnon
admet comme probable la même origine pour Meilhan
(deux dans le Gers, un dans le Lot-et-Garonne, un
dans les Landes) et Meillan (Gironde et Haute-Ga-
ronne) 3. Mais il faut remarquer que dans le Midi de
la France le représentant normal de Mediolanum est
Meylan (Isère et Lot-et-Garonne), comme celui de
baiulare est bailar, c'est-cà-dire que le provençal ne
connaît pas le mouillement de / que le français présente
à la fois dans baillier et dans Meillant ou Moilliens. Il
est donc plus indiqué de considérer Meilhan, Meillan,
comme ayant la même origine que Mcilhac (Haute-
Vienne), Meillac (Ille-et-Vilaine, Basses-Pyrénées),
Mg///)'(Côte-d'Or, etc.), c'est-à-dire un gentilice Mf//«.r,
Maelius ou Mellius, peut-être même Almïlius, suivi du
suffixe -anus.
monceaux, mussidan. — Dans son Dictionnaire topo-
graphique de la Dordognc, le baron de Gourgues a eu la
i. Atlas, p. 9$ et 101. L'emploi de Touraine au féminin dans
la Vie de saint Martin de Peain Gastineau (Tote Toroinne, 6409)
peut faire songer à Tnronia ; mais l'hypothèse d'un changement
de genre, dû a l'apparence féminine de la désinence française,
peut se défendre.
2. Cf. Longnon, dans Revue Celtique, VIII, 375 et s. La liste
donnée par Holder est dressée sans critique.
3. hoc. laud. Mistral a aussi la même manière de voir dans son
Trésor, art. Meitan.
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE yj
fâcheuse idée de supposer que le lieu appelé Mulsédo-
num dans la Vie de saint Géraud d'Aurillac pourrait
être Mussidan. Il a eu beau mettre un point d'interro-
gation ; l'erreur a fait son chemin. J. Quicherat a trans-
formé, par amour de l'art, Mulsédonum en *Mulsedu-
iiitm1, et M. Meyer-Lûbke lui-même ne doute pas2
que *Mulsediinum ait pu aboutir à Mussidan. Or, Mus-
sidan est en ancien provençal Moissida, avec l'accent
tonique sur la finale, qui est devenu aujourd'hui dans
le patois local, avec déplacement d'accent, Mouissido.
M. Meyer-Lûbke est aussi convaincu que moi, j'en
suis sûr, qu'un d intervocalique, dans la région du
Périgord, provient infailliblement d'un / primitif et
que Mussidan ne peut que s'être appelé, à l'époque
gallo-romaine, *Moscïtanum, *Moxîtanum, *Muscitanum
ou *MuxitUnumi. Comment s'appelle aujourd'hui la
localité que le biographe de saint Géraud désigne par
le nom de Mulsédonum ? Il y avait en Limousin, au
dixième siècle, un Mulsédonum, lequel est aujourd'hui
Monceaux, orthographe barbare qui a remplacé le Molseo
du moyen âge. Ce Monceaux, situé près d'Argentat
(Corrèze), n'est pas tellement loin d'Aurillac qu'il ne
puisse se prêter à l'identification.
nalèches. — Nalêches est un hameau de la commune
de Moutier-Rozeille (Creuse), dont le nom n'est pas
i. Giry donne aussi « Mulcedomim pour Mulccdiiiiuin » comme
nom ancien de Mussidan, dans son Traité de diplom., p. 383,
d'après J. Quicherat.
2. Die Betonung itn Gallischen, p. 33 et 34.
3. Adémar de Chabannes tire du nom de Mussidan l'adjectif
Moxedancnsis,
60 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
mentionné dans les documents du haut moyen âge.
La chute d'un a initial est si fréquente dans la région,
qu'il est très vraisemblable que Nalèches, en patois
Nalekhas, autrefois Nahschas, remonte à un type *Ana-
Uscas, comme Naillat remonte à Analiacus, qui figure
sur une monnaie mérovingienne. Le suffixe féminin -isca
n'est pas rare dans la Creuse. On peut citer notamment
Barbonéchas (*Borboniscas), La Fanconèche (*Falconisca),
Fransèches (* Francisais), Goudenaiche (*Gotoniscas), Ja-
lèches ("Galliscas), La Martinèche (*Martinisca) T .
nèoux. — Néoux est une commune voisine d'Au-
busson (Creuse) appelée au moyen âge en latin Neo-
niinm, en roman Neom, Nehom. Je crois qu'on peut y
reconnaître le nom gaulois très répandu Noiùoinagus,
Noiomagus. La dissimilation de no en ne sous l'influence
de la tonique est un fait normal : cf. Leroux de Lodo-
suin. Quant à la disparition de Vi semi-consonne, on
la retrouve dans Nouan, Nohant, représentants actuels
de Novientum, comme me l'affirme M. Longnon.
neufjours. — Neufjours est le nom officiel d'un
hameau de la commune de Chaveroche (Corrèze),
autrefois siège d'un prieuré. M. Champeval nous
apprend que ce lieu est dit au xve siècle de Novem
diebus, mais il ajoute : « latinisation dite savante, ayant
amené francisation non moins sotte, au préjudice de
la vraie forme originaire Nueiols, 1 542 2 ». M. Cham-
peval a bien raison de voir dans Nueiols, c'est-à-dire
1. Cf. d'Arbois de Jubainvillc, Rech., p. 547 et s.
2. Le Bas- Limousin seigneurial et religieux, Limoges, 1897,
P- 274-
LA TOPONYMIE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE 61
Kuéjols, la forme légitime; mais nous ne saurions le
suivre quand il dit un peu plus loin : « latinisation
savante de quelque nevejous, nivosus1 ». La même com-
mune de Chaveroche a un village,, autrefois chef-lieu
de paroisse, du nom de Ventêjoux, dont M. Champeval
ne donne pas de forme ancienne. Le dictionnaire de
Masselin (1827) écrit Ventejols : c'est le même nom que
Venteuge (Haute-Loire), Venteujol (Cantal), Venteuil
(Marne), etc. Dans Neujjours et dans Ventêjoux la dési-
nence primitive est identique : l'une représente Novioia-
Itim2, l'autre Ventoialum ou Vintoialum.
nexon. — La forme vulgaire, au moyen âge, du nom
de Nexon (Haute-Vienne) est Aneisso, Aneycho et Neycho,
que l'on latinise en Nexonium, AnnexonhtmK Si l'on
remarque que le nom de la petite ville d'Aixe, près de
Limoges, , que les textes latins écrivent Axia, et les
textes limousins Aicha*, correspond à Actia, du gen-
tilice Actius, on admettra sans hésiter que Nexon
implique l'existence d'un type Aneciio, onis, tiré du
nom gaulois bien connu Anectius, comme Albucio
(aujourd'hui Aubussori) est tiré à'Albucius.
nézigxan. — Néiignan-YÈxùque (Hérault) est appelé
Nasinianum en 848, et Na%inianum en 11 73 et 1 175 :
1. lbid., p. 276.
2. Cf. d'Arbois de Jub., Recb., p. 531. Le môme nom est
représenté ailleurs par Neuil, Nieuil, Xieul, Nui, Nueil, Niièjouls,
Nu^é jouis, etc.
3. Deloche, Etudes sur la gèogr. hist. de la Gaule, p. 321 ;
Leroux, Molinier et Thomas, Doc. hist. concernant la Marche et le
Limousin, I, 13, 35, 51, 100, 232 ; II, 236.
4. Duplès-Agier, Citron, de Saint-Martial, p. 115, 116, où G,
Daicha doit être lu G. d'Aicha.
62 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
les trois exemples proviennent du cartulaire d'Agde,
dont on n'a qu'une copie du dix-septième siècle1.
Le % de 1 173 et 1175 postule un c primitif, et j'estime
que le s de 848 est dû à une distraction de copiste.
Je propose donc de reconnaître l'existence d'un nom
de lieu gallo-romain Nacinianum. Holder a relevé Naci-
nus dans une inscription trouvée à Pettau (Autriche)
et publiée dans le Corpus, III, 12012: la place de
Nacinianum est donc toute préparée.
remeneuil. — Remeneuil est un hameau de la com-
mune d'Usseau (Vienne) qui n'est pas mentionné
avant 1037. A cette date, il est appelé Romanoculus.
On sait que les noms en -euil ont été souvent défigurés
au moyen âge par l'application d'un « œil » postiche,
à savoir le latin oculus. Il ne faut donc pas hésiter à
reconstituer la forme gallo-romane *Romanoialum. Il
y a là un exemple intéressant de la combinaison du
suffixe -ialum avec le nom d'homme Romanus. L'affai-
blissement de Yo primitif en e dans Remeneuil se
retrouve dans d'autres noms de lieux du même dépar-
tement. Le Relandais, La Relandiêre, La Remigère, Le
Remigeoux, Rernilly s'appelaient autrefois Le Rolandeis,
La Rolandèrc, Le Romejos, La Romigêre, Romillec.
fil. — le suffixe -aricius.
La juxtaposition de deux ou même de plusieurs suf-
fixes est un fait qui n'est ni rare ni difficile à expliquer.
1. Thomas, Dict. topogr. de l'Hérault.
LE SUFFIXE -ARICIUS 63
Du participe natus le latin tire l'adjectif natalis, puis de
l'adjectif natalis, employé substantivement au sens de
« jour anniversaire de la naissance », il tire un nouvel
adjectif natalicius, qui signifie « relatif au jour anni-
versaire de la naissance » : le procédé est très simple.
Mais la complication se produit bientôt. L'esprit humain
— pauvre boussole que le moindre courant analogique
suffit à affoler — saute d'un bond du mot primitif au
second dérivé et, ne s'arrêtant plus à considérer la
juxtaposition des suffixes dans l'ordre où elle s'est
formée, il ne fait pour ainsi dire qu'un bloc de la déri-
vation.
Voici un exemple frappant.
Du substantif gens le latin a tiré l'adjectif gentilis,
puis de l'adjectif gentilis un nouvel adjectif gentiliciits.
Les textes nous montrent que gentilicius s'emploie cou-
ramment au sens de « propre à une famille, à une
nation », c'est-à-dire qu'il est purement et simplement
synonyme, de gentilis; donc, il peut être considéré
comme dérivé de gens avec un suffixe -ilicius.
Ce point de vue est artificiel, dira-t-on. Sans doute,
mais de quoi vit le langage, sinon d'artifices ? En fait,
on ne saurait douter de l'existence d'un suffixe composé
-ilicius, affranchi de toute subordination vis-à-vis de
-ilis et vis-à-vis de rictus, dès la fin du premier siècle
après Jésus-Christ. Martial qualifie les efféminés qui
passent leur vie en chaise à porteurs (cathedra) de
l'épithète pittoresque de catbedralicios1. Le mot caihe-
dralicius a dû jaillir de son cerveau sans l'aide de
1. Epigr. X, 13, 1.
64 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
cathedralis, qui est absolument inconnu au latin clas-
sique. Après tout, cathedralicius est d'aussi bonne
venue que legatorius, employé par Cicéron et pieuse-
ment recueilli par nos antiquaires pour qualifier une
province administrée par un légat1.
Les textes latins antérieurs au moyen âge ne pré-
sentent que très rarement la combinaison de -arts ou
-arius avec -icius. Je n'en ai relevé que trois exemples :
capsaricius, fabaricius et sigillaricius. Le premier mot
signifie « gardé par le capsarius ou garçon de vestiaire »,
ce qui est tout naturel 5 ; le second n'est pas bon à
grand'chose, car il ne se trouve que dans l'expression
fab[a]ricii circenses d'un ancien calendrier*, et le sens
n'est pas plus sûr que la forme ; le troisième vaut à lui
seul plus que les deux autres. Spartien dit dans la vie de
l'empereur Hadrien : « Saturnalicia et Sigillaricia fré-
quenter amicis inopinantibus misit*. » Il faut sous-
entendre mimera : il s'agit de cadeaux faits à l'occasion
des fêtes dites Saturnales et Sigillaires. Il n'y a là rien
de particulier à remarquer : le rapport entre Sigillari-
cius et Sigillaria est exactement le même qu'entre
Saturnalicius et Saturnalia, aussi simple pour le sens
que pour la forme. Mais d'autre part, on lit dans la
1. Legatorius est fait à l'imitation de senatorius. L'Académie
française a accueilli la locution province légatoire; comme il est
fâcheux qu'on ne dise pas aussi province sènatoire !
2. Schol. de Juvénal, 8, 168.
3. Corp. inscr. ht., I, p. 344 et 345 ; cf. Olcott, Studies in ihe
uord formation of the. lat. Inscr., p. 217. L'autre texte donne faba-
rici, que De Vit considère comme le nom. plur. d'un fabaricus
(d'ailleurs inconnu) mais que M. Olcott rattache à fabaricius.
4. Chap. 17.
LE SUFFIXE -ARICIU 6j
vie d'Aurélien par Vopiscus : « Uxori et filiae annulum
sigillaricium quasi privatus instituit1. » Ici, nous avons
affaire à un sens très différent, si bien qu'on pourrait
dire qu'il s'agit réellement d'un autre mot. Un annulas
sigillaricius est un anneau qui sert de cachet : sigillari-
cius est donc tiré directement de sigillum, comme
cathedralicius est tiré de cathedra. Le suffixe -aricius
est né.
Les textes du haut moyen âge nous permettent de
suivre, ou du moins d'entrevoir son développement.
Un des manuscrits de la Loi Salique remplace caballum
qui carrucam trahit par caballum carrucaricium, 38, 1.
Le plus ancien recueil de formules que nous possédions,
les Formulae Andecavenses (vie siècle), parle de vignes
affermées à moitié fruits sous le nom de vineas ad par-
ciaricias (form. 30); l'évêque saint Pirmin, fondateur
de Reichenàu, mort vers 758, tire de mimus le sub-
stantif mimaritiae; une charte lombarde de 765 appelle
tectoras pallearicias des toits couverts en paille; une
autre, du roi Didier (mort en 774), mentionne simul-
tanément massaricias, bovolcaricias, aldiaricias. Dans la
Lcx Alamannorum, le chien à chasser le porc sauvage
est appelé canis porcaritius, le chien à chasser l'ours,
ursaritius ; en outre, nous y voyons le suffixe, sous la
forme féminine, servir à désigner un lieu, un établis-
sement: une vacherie se dit vaccaritia, terme qui est
également employé dans le capitulaire De Villis (à côté
deberbicarilia, bergerie) et dans le polyptyque d'Irminon.
Dans ce dernier texte, -aricius, substantivé sous la forme
1. Chap. 50.
Thomas. II. — 5
66 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
féminine (très rarement, neutre) incline vers le sens
abstrait : le service de l'ost s'appelle hostilaricium I ; la
corvée du bois, lignaricia2 ; la corvée du vin, vinericiai.
Par la suite, les mots de ce genre deviennent rares dans
les textes latins : pourtant, on relève sella sagmaricia dans
les gloses latino-germaniques de Salomon4; vinericia
est encore au treizième siècle dans le pouillé de l'évêché
de Nevers, et, plus tard encore, le roi d'Angleterre
Edouard III appelle canes damaricios "> ses chiens à
chasser le daim.
Nous n'avons pas de témoignage direct sur la quan-
tité de Yi dans le suffixe -aricius. Le latin classique
distingue -icius, qui s'ajoute aux thèmes nominaux, de
-ïcius, qui s'ajoute aux thèmes verbaux en prenant pour
point d'attache le thème du participe passé : il dit cae-
meniïcius, d'une part, etfacticius, de l'autre6. La forme
la plus ancienne de notre suffixe est probablement
-aricius; mais comme, dans le latin populaire, -icius a
beaucoup empiété sur -ïcius, il n'est pas surprenant que
-aricius se soit fait une place à côté de -aricius. La
péninsule ibérique ne semble connaître que -aricius:
portugais cavallariço, porcariço ; espagnol asneri^p, cabre-
i. Ce mot, où trois suffixes se sont agglutinés, ne se trouve
qu'une Fois ; le terme ordinaire est hostiKHum.
2. Variante lignericia, où l'on voit déjà un témoignage de l'af-
faiblissement français de Va protonique en e.
3. Cette forme est constante; il est curieux que l'on ne trouve
jamais vinaricia comme lignaricia.
4. Steinmeyer et Sievers, tome IV, page 96, ligne 39.
5 . Tous les exemples pour lesquels je ne donne pas de références
particulières se retrouvent facilement à l'aide de Du Cange.
6. Novlcius, de noms, constitue une exception isolée.
LE SUFFIXE -ARICIUS 67
ri^o, vaquerizp et vaqueri^a, etc. r. L'italien a les deux
formes, selon les régions : pagliericcio, secchericcio, Vac-
cari-^o (ville de la Calabre), à côté de campereccio,
caser eccio,jestereccio, sccchereccio, vaccareccia (Oudin), etc.
Le provençal a quelques traces de -arlcius, que je relè-
verai chemin faisant; mais il donne la préférence à
-arlcius. Cette dernière forme est la seule qui paraisse
avoir des représentants dans le domaine français2.
C'est à M. Homing que revient le mérite d'avoir
signalé en français, sinon comme sûre, au moins comme
probable, l'existence de représentants du suffixe latin
-teins sous la forme féminine allongée -erecei. M. Tobler
a précisé, depuis, les données un peu vagues de M. Hor-
ning, en citant un certain nombre de mots en -ere^
aussi bien qu'en -erece.*. M. Meyer-Lùbke, se référant
à ces deux auteurs, a écrit : « Le français offre peu
d'exemples : le français moderne banneret représente
l'ancienne forme banere^; viennent ensuite, en ancien
français jenere^ (juillet), pasquere^ (semaine de Pâques),
les adjectifs chevalere^, jambere^ et quelques autres 5. »
J'ai déjà eu l'occasion de dire que le développement
de ce suffixe en Gaule était beaucoup plus considérable
i . Les formes espagnoles sont influencées par asturo, cabrero, etc.
Le portugais est plus fidèle au type primitif.
2. Tonniel brasserie!) dans un texte de 1456, que Godefroy ne
cite que de seconde main, n'est pas assez sûr pour qu'on table sur
lui.
3. Literaturblatt, année 1890, p. 105.
4. A proposdu mot banneret, famSUfungsb. der Acad. Wissensch.
%u Berlin, philos. -hist. Classe, année 1893, p. 23-24 (19 janvier).
5. Gramm. des lang. rom., II, §417.
68 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
qu'on ne se le figurait jusqu'ici1. Je voudrais aujour-
d'hui passer en revue tous les mots français et proven-
çaux qui, à ma connaissance, sont formés à l'aide de
ce suffixe et fournir ainsi une contribution à la lexico-
logie de la Gaule, sans distinction entre la période
ancienne et la période moderne, entre le français pro-
prement dit et les patois, entre la langue courante et
la toponymie. Mais avant de passer cette revue, il me
faut examiner trois questions préliminaires : i° de
l'existence en Gaule de représentants du suffixe -îcius ;
2° de la confusion entre le suffixe féminin -arïcia et
le suffixe féminin -ïssa; 30 de la confusion entre le
suffixe masculin -aricius et le suffixe masculin -ïttus.
i° Du suffixe -ictus. M. Tobler a montré que l'expres-
sion chevalier banneret se présentait toujours dans les
anciens textes sous la forme chevalier banere^; il en a
conclu que banere^ était dérivé de baniere à l'aide du
suffixe -e% correspondant au latin -ïcius. Cette explica-
tion est logique, mais elle ne me paraît pas conforme
à la réalité des faits. Baver e^ n'est pas très ancien; il
se trouve pour la première fois dans les Coutumes de
Beauvaisis de Beaumanoir, éd. Salmon, § 1242. Le
français possédait-il réellement au moyen âge un suffixe
-ex, issu du latin -ictus} C'est difficile à croire2, puisque
nous ne voyons pas ce suffixe s'ajouter à d'autres mots
qu'à ceux qui contiennent déjà le suffixe -ter et qui
1. Mélanges d'êtym. française, p. 23, 29, 48, 49, 88, 98, 119,
126, 136.
2. On a un curieux exemple de l'adj. fém. cendresse, dans Gode-
froy ; mais il faut y voir le latin cinerïcius et non un dérivé fran-
çais de cendre.
LE SUFFIXE -ARICIUS 6q
donnent naissance à des dérivés en -ere%, comme jas-
chere^, de jaschiere, pendant exact de banere^. A vrai
dire, le français possède seulement le suffixe -ere% ; mais
quand ce suffixe s'ajoute à des mots en -ier, -iere, il
se produit une sorte de superposition syllabique, et l'on
dit banere^, bruere^, gotere^, jaschere^, voiere^ au lieu de
*banererei, *br itérerez, *goterere%, *jascherere%, *voierere^.
Quand la désinence -re appartient au thème et non à
un premier suffixe, le suffixe -ere^ conserve, à l'origine,
sa forme intégrale : les formes gauferais (1334) et
waufferrais ( 1 3 60) témoignent clairement que * gaufrerez
a existé comme dérivé primitif de gaufre, car elles ne
peuvent s'expliquer que par un phénomène de dissi-
milation.
2° Confusion entre -arïcia et -usa. Dès le douzième
siècle on trouve en français des substantifs féminins en
-tresse, qui reposent sur des thèmes verbaux : baleresse,
lecheresse, tomberesse, de baler, lechier, tomber, etc. Ils
peuvent s'employer adjectivement -.femme lecheresse dans
Marie de France, Fables, 1, 27 (édit. Warnke). Quelques
manuscrits ont la graphie -eresce, ce qui pourrait nous
porter à croire que les mots de cette catégorie reposent
sur des types latins en -arïcia. Il n'en est rien cepen-
dant : ces mots sont, en réalité, formés d'après les
masculins correspondants (balere, lechere, etc.) à l'aide du
suffixe -esse qui est le latin -ïssa, grec '.77a, et ils doivent
se ramener à un type, peut-être fictif, -atorlssa1.
1. Il n'est pas impossible que -alorïssa ait réellement existé,
dans le latin vulgaire de la Gaule septentrionale, à côté de la
forme classique -atricem, étant donné le peu de vitalité de -atrieem
dans le domaine de la langue d'oïl.
70 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
Les preuves ne manquent pas. Au point de vue pho-
nétique, la graphie fréquente -erresse et la rime en -esse
et non en -ece, picard -eche Qecheresse : pramesse, Marie
de France, Fables, l, 27 ; felunesse : tenceresse, Marie de
France, Fables, xcv, 3 ; ostesse : maistresse : cochonesse :
venderesse: espesse: trekeresse, Rendus de Moiliens, Carité,
clvi) sont des faits décisifs. Au point de vue séman-
tique, il y a une différence sensible entre un adjectif
féminin en -crece et un adjectif féminin en -eresse: une
flèche berserece est une flèche dont on se sert pour
chasser (berser), tandis qu'une femme tenceresse est une
femme qui tance, qui aime à tancer. M. Meyer-Lùbke
rattache à -ïssa le lorrain kem'rosse (écumoire) et le
poitevin vent'resse (pelle à vanner *). Il n'est pas douteux
pour nous que ces deux mots contiennent le suffixe
-aricia : cf. l'expression picarde paiele saimereche, syno-
nyme de paiele saimeoire, poêle à écumer. Il faut avouer
cependant que lorsque la phonétique nous fait défaut
— et c'est toujours le cas lorsque nous quittons la
région normanno-picarde — - nous sommes plus d'une
fois incapables de nous prononcer entre les deux forma-
tions concurrentes. Il en est ainsi notamment lorsqu'il
s'agit d'animaux de sexe ou de genre féminins. D'après
l'expression oiseau chaceret, et substantivement chaceret,
qui désigne l'épervier dans l'Est, et où il faut sûrement
reconnaître un type *captiar)cins, on peut croire que
dans jasse bateresse, nom de la pie-grièche en Poitou z,
nous avons affaire au type *battaricia ; l'analogie de
1. Gramm. des lang. rom., II, § 367.
2. Rolland, Faun. pop., II, 147.
LE SUFFIXE -ARICIUS 71
geline couveoire, geline couveresse, d'une part, de paieîe
saimeoire, paiele saimereche, de l'autre, semble appuyer
le type *cubarlcia, de préférence à *cubatorïssa. Cependant
la sémantique ne conseillerait-elle pas plutôt de faire
appel à *battatonssa , *cubatortssa pour rendre compte
des mots bateresse, couveresse ? La question reste pour
moi indécise, et c'est pourquoi je ne fais pas figurer
les mots de cette catégorie dans les listes qui
suivent.
3° Confusion de -arïcius et de -ittus. Le suffixe -tttus
ajouté à un mot en -ter, -iere produit des diminutifs
en -eret, -erete, dans l'Est -erot, -erote, -erat, -erate. Un
mercerot est un petit mercier et une banerete est une
petite bannière; les types étymologiques sont clairement
*merciarittus, *bannarïtta. Mais que faut-il penser de
chardonneret et de pâquerette ? Le nom de l'oiseau doit-il
s'interpréter par le « petit chardonnier » (cf. le wallon
cherdonî, chardonneret), le nom de la fleur par « la
petite fleur de Pâques » ? Ou bien avons-nous affaire
à des formes altérées (seulement depuis une époque
récente) dont les types français primitifs étaient
*chardonere%, *pasquerece ? Je ne suis pas en état de
me prononcer1. J'hésite aussi pour l'explication de
noms d'instrument comme coulerette (couloire), écu-
merette (écumoire), perccret te (vrille); aussi ne les ai-je
pas admis dans mes listes. En revanche, j'ai relevé
quelques mots en -eret, même quand ils ont des fémi-
1. M. l'abbé Devaux m'apprend que parmi les noms divers que
porte le chardonneret dans la région dauphinoise le type *cardo-
narcius peut être sûrement reconnu.
72 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
nins en -erette, lorsqu'il m'a paru que la sémantique
appuyait solidement l'hypothèse de formes primitives
en -ere%, par exemple dameret, dhnencheret, filleret et
quelques autres. Des recherches ultérieures dissiperont
sans doute les ténèbres qui obscurcissent encore une
partie du domaine où je me suis aventuré, et permet-
tront d'en mieux fixer les limites.
J'ai divisé les mots formés à l'aide du suffixe -aricius
en deux séries, selon qu'ils ont pour base un thème
nominal ou un thème verbal. Chaque série se subdivise
en trois sections : adjectifs, substantifs masculins, sub-
stantifs féminins. Les formations les plus anciennes
sont celles qui reposent sur des thèmes nominaux : cer-
taines remontent à l'époque impériale, comme le prouve
l'emploi de sigillaricius par Vopiscus, et les textes mé-
rovingiens et carolingiens ne semblent pas en connaître
d'autres. Il est difficile de dire à quelle époque on a
commencé à employer le même procédé de dérivation
en l'appliquant à des thèmes verbaux : le jour où le
verbe sigillarc, que nous ne connaissons que par les
glossaires, a été d'usage courant, sigillaricius a dû faire
l'effet d'un dérivé de thème verbal. La coexistence de
sigillaricius et de sigillare contenait en germe la déri-
vation de thèmes verbaux, qui est l'extension du pro-
cédé primitif. Dans la période française elle-même, il
est parfois impossible de dire si tel adjectif en -ere% vient
d'un substantif ou d'un verbe: latere^, palere-, tinghrc-,
par exemple, appartiennent par indivis à late, pal, tingle
et à later, palcr, tingler.
LE SUFFIXE -ARICIUS
THKMKS NOMINAUX
aiserez, qui aime ses aises : patois de Montbéliard,
aiserot, aiserotte (Contejean).
anguillerez, destiné à prendre, à conserver les an-
guilles: bacq anwillerech (1395, dans God., anwile-
rech) ; sacque anvillerech (1534, ibid., villerec, lu
sacqueau vilhrecti) ; sacque anvilleré (16 19, ibid., lu
sacqueau villere).
ARDOiSEREZ, propre à clouer l'ardoise : clous adoi^erés
(deux textes sans date dans God., adoiseret).
asnerez, relatif aux ânes : raisins qu'on appelle asnerets
(xvie s. Du Pinet, dans God., asneret). C'est la tra-
duction du latin asinusca vilis, locution où le sens exact
de asinusca est incertain. — Existe aussi comme sub-
stantif masculin.
auverez, propre à faire des aubes de roue de moulin :
set ais auvereches (13 14, dans God., auvereche, sans
définition).
bancherez, propre à travailler sur un banc, sur un
établi (?) : coignee bancheresse (1448, dans God., banche-
resse, sans définition précise). Bien qu'il soit question
ci-dessous de coignee becheresse, ce qui semble la même
chose au point de vue matériel, l'étymologie ne peut
être la même.
banerez, qui a le droit d'avoir une bannière, aujour-
d'hui banneret. Voir Tobler dans Sit^ungsb. der Akad.
der Wissensch. %u Berlin, philos. -histor. Classe, 19 jan-
74 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
bastarez, basterez, propre à coudre les bâts : aguio
bastaresso (Mistral, Trésor) ; aguille basterece (Sidrac, dans
God., basterece).
bataillerez, i . Propre à la bataille (en parlant des
choses); ardent à la bataille (en parlant des personnes).
Exemples dans God., batailleur et batailleret ;
ajoutez le suivant, tiré des appendices du Psautier
lorrain, éd. Apfelstedt, p. i5o: uns homs batilleras. 2.
Garni de batailles (sorte de fortification :) portes bateille-
resses (God., batailleur); tour bathelheresse (J. des
Preis, Geste de Liège, 1872).
bêcherez, recourbé en forme de bec : cognie becheresse
(1339, dans God., becheresse, sans définition précise).
Dans ce texte unique, la cognée becheresse s'oppose à la
cognée plate ; il s'agit vraisemblablement de l'erminette.
blaerez, propre à moudre le blé : moulins bleere^ et
foulerez (1327, dans God., blaieret, où on lit aussi
un exemple anglo-normand postérieur.
boserez, sali de bouse. Deux exemples dans Godef.,
bouseret; dans l'un on lit bouseret, dans l'autre, bou-
sere^. Comparez le nom de famille Bousre^.
braiserez, propre à moudre le brais : mollin brasererh
(143 1, dans God., brasserech); nwlin braseret (1448,
Corbie, dans Du Cange, molendinum brasarium). Jl
faut distinguer braserech (qui vient de brais) de brasse-
rich (qui vient de brasser), ce que ne fait pas Godefroy.
bruerez, qui vit dans les bruyères : cocq bruerece,
kok bruereche (13 17, dans God., bruerece). La forme
masculine est refaite d'après le féminin.
buglerez, fait d'une corne de buffle : cor buglereç
(quatre exemples dans God., bugleret).
LE SUFFIXE -ARICIUS 75
cessarez, payé à titre de cens : unutn sextarium fru-
mcnii cessarel\ {Obit. de Solignac, dans Arch. histor. du
Limousin, VI, 356; il y a cessant à la p. 358).
chalmerez, qui se trouve dans les chaumes : pierre
chaumerette, caillou que l'on ramasse à la surface des
chaumes (Jaubert, Gloss. du centre, suppl., p. 36).
chevalerez. i. Fait pour un cheval: sele chevaleresse
{Grandes Chron. de France, dans God.). 2. Qui se porte
a dos de cheval : bière chevalerece (Chrétien de Troyes,
Erec, 4725).
chevrerez, qui nourrit des chèvres : Haie Quievreleche
(1306), aujourd'hui Haie Equiverlesse, hameau de la
commune de Fontenelle (Aisne). Cf. mes Essais, p. 363 .
— Existe aussi comme substantif masculin et féminin ;
voyez plus loin les articles cabrare^ et cabrare^a.
coldrerez, qui fréquente les coudres : wallon raine
côrece; champenois et lorrain raine côrasse; normand
raine coudrette, etc., grenouille verte, rainette (Rolland,
Faune pop., III, 74). Cf. mes Mélanges, p. 126, n. 1.
colerez, qui sert à couler: paelle colleresse (xve s.,
dans God., coulleresse).
costerez, qui est de côté. Signalé par Tobler
d'après l'adverbe costerecement, employé par Baudoin de
Condé. — Existe aussi comme substantif masculin et
féminin.
crocarez, muni d'un croc : arbalestas crocaressas
(Carlid. de Montpellier, dans Raynouard, Lexique roman,
II, 519).
damerez, propre aux dames. Le mot n'apparaît qu'à
la fin du xve siècle, et il a dès lors la forme dameret,
damerelte (O. de Saint-Gelais dans God., compl.). On
76 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
donna d'abord le nom de char dameret au carrosse sus-
pendu (Littré). — Existe aussi comme substantif mas-
culin.
dimancherez, habillé comme pour un dimanche.
,,-Mot qui ne se trouve que dans la locution varlet diman-
cheret, au xve siècle (God.).
dosserez, qui forme dos (?) : une eschine doceresse(i 386,
dans God., dosseresse). Il faut certainement lire eschive,
au lieu de eschine; c'est une variante de eschife, non
mentionnée par God., mais qui se trouve dans Thèbes,
4004. — Existe aussi comme substantif masculin et
féminin.
draparez, propre à fouler le drap : molis drapare^
(xne s., Cartul. de l'Artige, charte n° 53, dans Bull.
soc. arch. du Limousin, XLVIII, 317).
escorcerez, propre à broyer l'écorce, le tan : moulin
escorceraiç (1257, Tournai, dans God., escor-
ceraic).
espinerez, formé par des épines : buisson espincrech
(Froissart, dans God.).
eucerez, de la dimension d'une cheville (eiue) : tarere
euchereç, ouecereç, heuceret (Thomas, Essais, p. 293 et
295 ; cf. Horning, dans Zeitschr. fur rom. Phil., XXII,
560 et XXV, 614). — Existe aujourd'hui comme sub-
stantif masculin sous la forme esseret.
everez, mû par l'eau : molyn eweret (1 305 , dans God.,
eweret); ung sou eauweresse (1585, Liège, dans God.,
sou 2). J'ignore ce que c'est qu'un « sou eauweresse ».
femerez, qui sert à charrier le fumier (fiens) :fourke
fumereche (1415, dans God., fumereche).
fenerez, propre à couper l'herbe pour faire du foin :
LE SUFFIXE -ARICIUS 77
fa% fainerece (Dial. saint Grégoire, 22, 20, cité par
Horning, Tobler et God.).
FENEREZ, FRENEREZ, FLAVEREZ, FLOEREZ (?). Ces quatre
adjectifs se trouvent seulement au féminin dans la locu-
tion cendre fenerece, etc., enregistrée par God. J'ignore
de quoi il s'agit; mais il n'est pas douteux que nous
soyons en présence de notre suffixe et il est probable
que ce sont des thèmes nominaux auxquels il s'ajoute.
finerez, qui marque les limites (fins). Ne se trouve
que dans la locution chemin finero^, fine rot, particulière
à la Bourgogne (God., finerot).
foirerez, qui donne la foire : vosgien herbe foerosse,
mercuriale (Haillant). — Existe aussi comme substantif
féminin.
fromenterez, mélangé de froment. Ce mot ne se
trouve que dans la locution avoine fromenterece , particu-
lière à la région du Nord. On dit par extension coupe
fromenterece, boistel fromentere^, coupe, boisseau d'avoine
fromenterece (God., fromenterece).
fruiterez, qui sert à mettre des fruits : corbisons fnii-
terés (1324, Tournai, dans God., richart).
gagerez, qui possède à titre de gage: seigneur gager et
(texte lorrain, dans God., gageret).
gaufrerez, qui sert à faire les gaufres: uns fiers gau-
ferais (1334, Tournai, dans God., waufret, où il y a
six autres exemples, tous de la même région).
goterez, qui supporte la gouttière : mur goutterot
(1462, Meuse, dans God., gouterot). — Existe aussi
comme substantif masculin.
gresserez, qui sert à tailler le grès : martel gresserech
(1335, Artois, dans God., gresserech).
78 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
jamberez, qu'on fixe à la jambe : eschaces jamberesccs
(Renart, vu, 582, cité par Horning, Tobler, God.).
— Existe aussi comme substantif masculin et féminin.
lampreierez, qui tient de la lamproie : anguille lani-
presse, locution de la basse Loire (Rolland, Faune pop.,
III, 97 ; cf. mes Mélanges, p. 98).
laterez, qui sert à clouer les lattes : cleu laierech,
cleus laterés, clo^ laterat, claux laterés (xive-xve s. Artois
et Franche-Comté, dans God., lateret). Ajoutez clans
latterés en 13 19 (ibid., paler).
locerez, qui est en forme de cuiller (loce) :tarrabrum
quod vulgo dicitur loceret, de quo f adores rotarum perforant
rotas suas (Du Cange, tarrabrum; God., loceret).
C'est la cuiller, tarière des sabotiers actuels, que beau-
coup de patois appellent encore louce (Labourasse), losse
(Haillant). — Existe aussi comme substantif masculin.
malerez, qui fait office de malle : sas malerés (1338,
Nord, dans God., maleret) ; selle malerece (1393,
Douai, ibid., malerece).
meiteerez, affermé à moitié fruits : vigne moiterasse
(xme s. Metz, dans God., moiterece). — Existe aussi
comme substantif féminin.
oblierez, qui sert à payer la redevance dite oublie :
six pains oublierez de rente (Cartul. de Chartres, dans
God., oublieret).
paroisserez, attaché à la paroisse : prestres paroissere^
(Guillaume Le Clerc, Besant, dans God., paroisseret).
pasquerez, qui se mange à Pâques : choulx pasquerês
(Ménagier de Paris, II, 143 ; cité par Tobler). God. a
un exemple de temps pasqueret; mais je crains qu'il ne
soit pas sûr et qu'il faille suppléer de entre les deux
LE SUFFIXE -AR1C1US , 79
mots : l'emploi de pasquere- comme substantif masculin
sera noté plus loin.
peagerez, grevé d'un péage : chemins peagereç, paai-
gere^ (1330 et 1338, dans God., PEAGERET).
pilerez, qui forme pilier: troys pie^ pillere- (1380,
dans God., pileret 2).
plomberez, qui sert à clouer le plomb : cleu ploumerech
(1304, Artois, dans God., plommerech, où il y a deux
autres exemples auxquels il faut ajouter en outre ceux
qui se trouvent à l'article plommeret).
porcherez, destiné à contenir des porcs : fosse por-
cherece (1303, Fontevrault, dans God., porcherece).
— Existe aussi comme substantif masculin et féminin.
poterez. 1 . Qui sert à faire des pots : terre poteresse
(Roman de J. César, dans God., poteresse; l'adjectif est
encore vivant, dans le même sens, à Boulogne). 2. Qui
sert à puiser'dans le pot : louce poterece (Poésies du XIIIe s'.,
dans God., ibid.).
rocherez, qui vit dans les roches : colombe rocheraye
(Cotgrave). Le féminin rocheraye, dû a une méprise, a
fini par s'imposer même au masculin. C'est ainsi qu'on
lit dans Mozin, Nouv. Dict. complet (1811-1812):
« Rocheraie ou pigeon de roche, oiseau de passage de
la grosseur du biset à le rocheraie blanc, le rocheraie de
la Jamaïque. »
roserez (?). God. ne cite qu'un exemple: « Gar-
belles rosereches, 15 51, compte, Lille, ap. La Fons,
Gloss. ms., Bibl. Amiens. » Il traduit imperturba-
blement par « de roseau ». D'autre part, à l'article
GERBELE, il voit dans garbelle une sorte d'épice.
salmonerez, qui tient du saumon : truite saumonne-
8o GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
resse (Taillevent, Viandier, éd. Pichon et Vicaire, p.
190, etc.). Manque dans God.
tablerez, qui sert à clouer les boiseries (tables) :
claux tablerez, tavlerés, etc. (1397-1533, Tournai, dans
God., tableret). — Existe aussi comme substantif
masculin et féminin.
tanerez, propre à broyer l'écorce pour faire du tan :
moulin tannere^ (1298, dans God., tanneret). On
trouve dans Du Cange molendinum tannere^ et molen-
dinum taneret.
tavernerez, qui hante la taverne : fol et taverneret
(Etabl. de saint Louis, dans God., taverneret, où il y
a trois autres exemples).
tercerez, affermé au tiers des fruits : vigne que Ste-
venins Marion tenivet tercerasse (1338, Metz, dans God.,
tierceresse). — Existe aussi comme substantif mas-
culin et féminin.
terragerez, qui sert à recueillir le droit de terrage :
grange terrageresse (Coût, de Montargis, dans God., ter-
rageor). L'expression a été enregistrée par Cotgrave,
Furetière et le Dictionnaire de Trévoux : ce dernier
fait de terrageresse le féminin de terrager.
terrerez, qui sert à charrier de la terre : brouette
teresse, Herreche, teresche (1406-1442, Flandre et Artois,
dans God., terrace, i).
tinglerez, qui sert à clouer les tringles (iingles) :
claux tingkrés (1432, Tournai, dans God., tingleret).
La variante iingnerés (lire tinguerés), attestée en 1342
et 1492, est difficile à expliquer.
torberez, où il y a de la tourbe ;fosse^ iourberés (1 304,
Corbie, dans God., tourberet).
LE SUFFIXE -ARICIUS 81
truanderez, de truand : miracles truanderez (Gautier
de Coinci, dans God., truanderet).
vacarez, vacherez, où passent les vaches: Porte
Vackerece, nom d'une porte de Douai, mentionnée dès
1255 sous cette forme (God., vacheresse); Via Vaca-
ressa, nom d'une route romaine qui se détachait de
celle de Nimes à Montpellier et aboutissait à Aigues-
Mortes (Germer-Durand, Dict. du Gard, p. 57; Mis-
tral). — Existe aussi comme substantif masculin et
féminin.
veierez, qui appartient à la voirie, à la juridiction
du voyer: chemins reaux, voiere^ et paaigere^ (1330,
Car t. de Saint- Joseph en Val, dans God., voieret, où
il n'y a que cet exemple emprunté à Du Cange et où
l'auteur traduit par « frayé, par lequel on a coutume
de passer »).
vendengerez, qui sert à recueillir, à emmagasiner
la vendange: panier vendanger et (Rabelais, dans God.,
vendangeret) ; granche vendemaresse (1397, ibid., ven-
demaresse).
vignerez, qui sert à tailler la vigne : serpe vigneresse
(Cart. de Saint-Maur , dans God., vigneresse). — Existe
aussi comme substantif masculin.
vinerez, qui sert à emmagasiner le vin : celle vine-
resse {Sermons de saint Bernard, p. 130, cité par Hor-
ning et Tobler). La graphie ss dans un texte aussi
ancien, qui ne confond pas ^ et f est surprenante,
comme on l'a remarqué ; le scribe a dû penser à la dési-
nence des noms féminins d'agents.
voogerez, qui ressemble à un vouge : serpe vougeresse
(1472, Anjou, dans God., vougeresse). Carpentier a
Thomas. II. — 6
8* GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
relevé dans des lettres de rémission du Trésor des
chartes, JJ, 189, n° 120, année 1456, bailliage de Mâcon,
le substantif féminin vougesse, qui désigne un instru-
ment identique à la serpe vougeresse de l'Anjou1. Mon
confrère, M. Gerbaux, qui a vu le registre JJ 189,
m'affirme que Carpentier a bien lu et que le texte
donne à trois reprises vougesse et non vougeresse : il est
probable que l'original de la requête présentée à
la chancellerie royale portait vougeresse avec le sigle
abréviatif de er, et que les notaires ne l'ont pas remar-
qué.
SUBSTANTIFS MASCULINS
ablerez, aujourd'hui ableret, filet à prendre les
ablettes : nous deffendons les ablerês essener (corr. essever)
a terre (13 17, dans God., CompL). La forme ung abliere
citée par Carpentier dans Du Cange, ableia, d'après
un inventaire de 15 II, est certainement fautive; mais
faut-il corriger une abliere, ung abl'ier, ou ung ableret ?
On ne connaît par ailleurs ni abîier ni abliere.
asnerez, plante recherchée par les ânes : an'ro, sorte
de gros chardon (Roussey, Gloss. de Bournois').
bezarkz, lieu où il y a des bouleaux (be^) : Bessarés,
commune de Saint-Étienne-de-Maurs (Cantal).
bocarez : « boucarés, boucharès, variété de raisin noir »
(Mistral). L'étymologie paraît être bouc: cf. bouchard,
qui a le museau noir.
1. God. a omis ce mot pour lequel il faut se rapporter à Du
Cange, vougetus.
LE SUFFIXE -AR1CIUS 8?
cabrarez, oiseau qui tête (ou qui passe pour teter)
les chèvres : prov. mod. cabrant, hulotte ou chat-huant.
CHAPEREZ, drap à faire des chapes : for~ chapere^ por
faire chape a eau (1243, Châlons, dans God., texte
republié récemment par M. Fagniez, Doc. rel. à l'in-
dustrie, I, 151).
chalmerez, oiseau qui vit dans les chaumes: chau-
meret, espèce de bruant (Littré). Cf. paillerez
chaserez, éclisse, moule à faire les fromages : hotte-
reaulx, chasere^ (1467, dans God.). Jean Thierry a
introduit la forme picarde caseret dans le Dictionnaire
Jrançois-latin de Robert Estienne, d'où elle a passé dans
Nicot, dans Cotgrave et dans Antoine Oudin, qui
donnent aussi chaseret. Richelet, Furetière et l'Académie
dédaignent ces termes ruraux. Trévoux reprend chaseret,
qu'on est étonné de ne pas trouver dans Littré. Ce
dernier donne en revanche caser el, qui n'est probable-
ment qu'une coquille typographique pour caseret. Peut-
être faut-il considérer notre mot, dont la forme primitive
est douteuse, comme un diminutif de chasier, chasière;
cependant chasier et chasière désignent ordinairement
un ustensile différent, la cage où l'on fait sécher les
fromages sortis du chaseret, ce qui me fait croire à un
type latin *casearicium.
COSTEREZ, aujourd'hui colrel. La dérivation de côte
est sensible dans les deux sens techniques de ce mot :
i° pièce de bois faisant partie d'une aile de moulin à
vent ; 2° madrier faisant partie d'un métier de haute-
lice. D'après Savary des Bruslons, les cotterets ou
colterelles du métier « servent à contenir et soutenir à
leurs deux extrémitez les deux ensubles sur lesquels
84 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
s'étendent les fils de la chaîne des tapisseries de
haute-lisse. » Au sens courant de « fagot de menu
bois », cotret est moins facile à expliquer. M. Tobler
suppose que le mot s'est d'abord appliqué aux rondins
qui soutiennent les côtés des voitures, puis aux ron-
dins d'un fagot, puis au fagot lui-même (Sit^ungsb.,
19 janv. 1903). L'anc. franc, applique souvent costere^
à une mesure en usage pour les matières les plus
diverses (vin, huile, miel, poisson, fer à cheval).
Dans ce dernier sens, non indiqué par Godefroy, la
forme costere^ est bien attestée : unum costere^ ferrorum
equi (L. Delisle, Classe agricole en Norm., p. 567).
damerez, aujourd'hui damer et, homme dont la tenue,
les manières rappellent celles d'une dame. Ce mot
n'apparaît comme substantif qu'au seizième siècle (1 5 64,
J. Thierry), et il a dès lors la forme actuelle dameret
(voyez ci-dessus l'article damerez, adjectif). — Un
cépage porte en limousin le nom de dameret (Littré,
suppl.).
dosserez, tapisserie garnissant le dos d'une chaise,
d'un dais, etc. Quoique Froissart emploie déjà dosseret,
la forme picarde dosserech, mentionnée au seizième
siècle par Du Tillet (God., dosseret) ne laisse aucun
doute sur la présence de notre suffixe. Les sens actuels
du mot technique dosseret portent à le considérer comme
un diminutif de dossier; cependant dosserece, dont il sera
question plus loin, montre qu'il n'est pas impossible
que dosseret se soit substitué à dossere^.
eucerez, aujourd'hui esseret, sorte de tarière; voyez
ci-dessus l'article eucerez, adjectif.
paverez, lieu où il y a des fèves : Faverois, commune
LE SUFFIXE -ARICIUS 85
du territoire de Belfort, Faverois en 1295, Vaveresch en
1303, Faferas en 1394.
fenerez, le mois où l'on fait les foins, juillet. Cité
par Tobler d'après God., qui ne donne que deux
exemples (fenerech, fenereç), de la Flandre et de la
Champagne1.
figarez, lieu où il y a des figuiers : Figarès, ferme,
commune de Bellegarde (Gard).
fillerez, homme dont la tenue, les manières rap-
pellent celles d'une fille. Le mot n'est employé que
par G. Bouchet, cité par God., sous la forme filleret;
il semble fabriqué sur le modèle de dament.
genesterez, oiseau qui fréquente les genêts : g'nétrot,
fauvette, sylvie des jardins (Haillant, Essai sur un patois
vosgien, Dict., p. 289).
goterez, mur qui supporte la gouttière (cf. ci-dessus
gotere^, adjectif). Le mot est encore vivant dans la
Meuse (goutterot, mur sur lequel s'appuient les che-
vrons, les gouttières, Labourasse). Il y a un autre sub-
stantif gotere%, tiré du verbe goter, goutter.
jamberez, instrument pour suspendre par les jambes :
rouchi cambré, bâton courbe auquel on attache les
porcs, veaux, moutons pour les écorcher ou enlever
les entrailles (Hécart) ; meusien jambrot, traverse mo-
1. A cause même de sa rareté dans les textes, fenereç ne figure
pas dans le Glossaire des dates du Manuel de diplomatique de Giry ;
on n'y trouve que son synonyme fenal. D'après Giry, fenal dési-
gnerait « fin juin et juillet dans les Flandres, juillet et août dans
les chartes lorraines » ; cette distinction n'est pas fondée. Partout
fenal veut dire « juillet » ; la saint Pierre fenal entrant n'est pas,
comme le croit Giry, le Ier août, mais le 29 juin.
86 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES L'ENSEMBLE
bile retenue par un crochet de fer au sommet de la
potence et à chaque bout de laquelle on attache, pour
les suspendre, l'un des pieds de derrière d'un porc tué
pour fendre ce porc et en ôter les viscères (Labou-
rasse). Dans un autre sens, meusien jambrot, croc-en-
jambe (Labourasse).
jascherez, le mois où l'on laboure les jachères, juin
(Flandre et pays wallons). Cité parTobler qui ajoute
un nouvel exemple à ceux de Godefroy. Ce dernier a
relevé gasker dans une charte de 1366, mais il est pro-
bable qu'il y avait un signe d'abréviation qu'il n'a pas
remarqué.
lobarez, lieu où il y a des loups : Loabarés, quartier
du territoire d'Arles et montagne près de Saint-Jean
du Gard (Mistral).
locerez, aujourd'hui lacent, lasseret, tarière en forme
de cuiller. Voir ci-dessus l'article locerez adjectif; cf.
Littré, LACERET, LASSERET.
osserez, aujourd'hui osseret, couteau de boucher qui
sert à trancher les os. Le mot n'a pas d'historique dans
Littré ni dans Godefroy; il apparaît en 1752 dans
Trévoux (Hatzfeld-Darmesteter).
paillerez, oiseau qui se plaît dans la paille (des
chaumes) : pailler et, bruant (Littré). Cf. ci-dessus chal-
merez.
pasquerez. 1 . La semaine de Pcâques. Cité par Tobler.
God. en donne de nombreux exemples, mais on ne voit
pas pourquoi il a omis celui-ci, que Carpentier a inséré
dans Du Cange, pascha intrans : « Pour sis vins deus
livres dis sous tournois febles prestez a Monsr en Pas-
querez entrant cccxliij. » Dans cet exemple il ne faut
LE SUFFIXE -ARICIUS 87
pas construire entrant avec pasquere^, comme le fait
Carpentier, mais avec cccxliij. God. admet en outre un
substantif féminin pasquerie, avec trois exemples pour
l'appuyer : « ung messagier envoyet a Paris en paske-
ries » (1320); « le vint cinquiesme jour d'avril en pas-
queries » (1492); « le mardy en pasqueries » (1539).
Peut-être faut-il lire pasqueries partout et fondre ces
exemples dans l'article pasqueret ; toutefois la diph-
tongue ie ne serait pas régulière puisqu'elle correspon-
drait ici à un ï et non à un é latin. 2. Cadeaux, con-
sistant surtout en œufs, faits à l'occasion de Pâques.
God. n'a pas d'exemples pour le moyen âge, mais il
se réfère aux patois actuels de la Beauce, du Perche et
de la Normandie. On peut ajouter le Bas-Maine :
« Pakrè, œufs que les fermiers donnent à leurs pro-
priétaires vers Pâques ; quête que font à domicile, vers
Pâques, les bedeaux et les sacristains » (Dottin).
porcherez, porcherie : Porcherais-Casso, hameau,
commune de Pont-Château (Loire-Inférieure).
tercerez : « tiercerets, certaine crosse branches on
the outside of a vault » (Cotgrave, traduit dans
God.).
vacarez, vacherez: Vacarés, étang' de la Camargue,
ainsi nommé des troupeaux de vaches sauvages qui
habitent sur ses rives (Mistral) ; Vacheret, hameau,
commune de Demigny, Saône-et-Loire.
vignerez, vinharez. ï. Serpette pour la vigne :
« vignerel, serpette d'une forme particulière dont se
servent les vignerons pour tailler la vigne » (Jaubert,
GIoss. du Centre). 2. Vignoble: prov. vignares, gasc.
bignarés, dauph. vignerel (Mistral).
GENERALITES ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
J. SUBSTANTIFS FÉMININS
bergerece, bergerie. Nom d'un domaine non iden-
tifié: La Bergeresse en Brie (1423, Longnon, Paris sous
la domination anglaise, p. 100).
bezareza, lieu où il y a des bouleaux : Besseresse, nom
de deux hameaux, communes de la Courtine et de Saint-
Priest-la-Plaine (Creuse).
boscareza, lieu où il y a du bois : Boucheresse, hameau,
ancienne paroisse, commune de Clairavaux (Creuse),
écrit Bostchar esses en 1484.
bossareza, lieu où il y a du buis (?) : Bousseresse,
hameau, commune de La Souterraine (Creuse), écrit
Bossaressas en 1427.
bovareza, chemin des bœufs: via de la bovareci ; la
bovareci que tendit cil Vern ; itinere de la bovaressi (Terrier
du Temple de Vaulx de 1352, fos 8, 16, 46 ; communi-
cation de M. l'abbé Devaux).
boverece, bouverie : Bouresse, hameau, commune de
Lussac-le-Château (Vienne), écrit Boerecia en 904 ;
Bouvresse (Oise) ; La Bouvresse (Oise, commune de
Beaulieu-les-Fontaines) .
cabrareza, lieu où il y a des chèvres : La Calcu-
lasse, hameau, commune de la Salvetat (Hérault), écrit
Cabraresia en n 57; Cabaresse (pour Cabraresse),
hameau, commune de Salazac (Gard). Dans Saint-
Laurent-de-Gï/;ra-m£ (Aude), nous voyons le suffixe
-aricius.
calmareza, lieu où il y a des terrains incultes (calm) :
Chaumaresse, hameau, commune de Massiac (Cantal).
LE SUFFIXE -AR1CIUS 89
costerece. i. Ce qui a des côtes: wallon coisteresse,
sorte de pommes à côtes. 2. Ce qui a la forme d'une
côte : anc. wallon coestresse, angle saillant d'un toit, dit
aujourd'hui côte. 3. Ce qui garnit le côté : wallon
coisteresse, rampe à jour d'un escalier portatif (Grand-
gagnage, I, 120; II, 516 et 567).
dosserece, jambage de maçonnerie : jambes, par-
paignes ou dosseresses (Coût, de Mont fort l'Amaury, dans
God., dosseresse). La variante dosserasse des coutumes
de Paris et de Dourdan est probablement due à une
substitution de suffixe récente.
fagnerece, oiseau qui vit dans les marais (fagne) :
vsaïïonfagneresse, litorne (Rolland, Faune pop., II, 238).
1 averece, lieu où il y a des fèves : Favresse, com-
mune, et Faveresse ou Favresse, hameau, commune de
Grauves (Marne). Je suis très surpris de voir que
M. Longnon place Favresse dans la série des vocables
géographiques remontant à un nom de propriétaire pris
adjectivement et employé au féminin et qu'il suppose
un type *Faberitiaï. Non seulement le nom d'homme
*Faberitius est invraisemblable 2, mais la persistance
d'un e devant IV jusqu'au seizième siècle (Faveresces
1 1 4 5 , Favereces 1163, Favere^es 1223, Faveresses 1268,
Faveresse^ 1459) montre clairement que le type éty-
mologique est *Fabaricias.
FORTAREZA, forterece, français moderne forteresse,
lieu fortifié. M. Tobler a consacré une petite dissertation
1. Dict. top. de la Marne, introd., p. vin.
2. On a effectivement Faberius, tiré âefaber ; mais avec le suffixe
-ictus, le latin dit i'abikius, d'après la déclinaison jaber bri.
90 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
à l'étymologie du mot forteresse ï: il y voit une forme
allongée defortrece, sorti defortece par l'épenthèse d'une
r, comme le normand jardrin, de jardin. Gaston Paris
accepte en grande partie la manière de voir de M. To-
bler 2; il se borne à rattacher la forme fortelece, où
M. Tobler voit une dissimilation de forterece, à un
type *fortalicia existant déjà en latin vulgaire. Je crois
qu'il faut aller plus loin et admettre en latin vulgaire
l'existence de *fortaricia à côté de *fortalicia. Quoique
le provençal dise ordinairement fortale^a, il connaît
aussi fortare^a, qui figure dans une charte d'environ
1 173 (Gall. christ., III, 1074) : for tarera « lieu fortifié »
fait pendant, en provençal, à secare^a « lieu desséché ».
La forme française fortrece est certainement sortie de
forterece, par syncope, et non de fortece, par épenthèse.
foirerece, herbe qui donne la foire : messin foerasse,
mercuriale (Chan Heurlin, chant 1).
ivernareza, lieu où l'hiver est rigoureux (?) : Hyver-
neresse, nom d'un hameau de la commune de Gioux
(Creuse), au quinzième siècle ïvernaresses^, prononcé
aujourd'hui en patois Ivarnansa.
jamberece ? Cf. wallon jambresses « planches mises à
plat qui forment le bord supérieur d'un bateau et qui
débordent vers l'intérieur; on dit aussi jondresses »
(Grandgagnage, II, 531). Jondresse se rattache au verbe
1. Sitqungb. de l'Académie de Berlin, 23 juillet 1896.
2. Remania, XXV, 621.
$. Mon. de la soc. se. nat. et arch. de la Creuse, X, 325. — Ce
village a donné son nom à une famille à laquelle se rattache l'hel-
léniste Courtaud-Diverneresse (1794-1879) dont le buste a été érigé
en 1882 sur une place de Felletin.
LE SUFFIXE -ARIC1US 91
jotide, joindre (voy. ci-dessous). Quant à jambresse, il
vient certainement de jambe, bien que le rapport exact,
au point cfe vue sémantique, ne soit pas très clair : com-
parez l'emploi de genou à côté de jambresse dans cette
définition : « dône, terme de l'atelier, bois servant à
revêtir les j'noz et à*soutenir la jambresse » (Grandga-
gnage, II, 522).
lobareza, lieu où il y a des loups : Loubaresse, nom
de deux communes (Ardèche, Cantal) et d'un hameau
(Cantal). M. l'abbé Devaux me signale les mentions
« foresta de la Lovareci, serva de la Lovareci » dans un
document dauphinois de 1343; un mas du canton de
Morestel (Isère) est aussi appelé Lovarecia en 1348; il
ne paraît pas avoir subsisté avec ce nom. (Ul. Cheva-
lier, Coll. des Cart. dauph., VII, 88 et 89).
longuerece, écrit Imigueresse, prisme rectangulaire
très allongé qu'on taille dans les ardoisières pour enlever
plus facilement l'ardoise (Littré). Longueresse paraît
s'être substitué à longuesse. Mozin ne connaît que ce
dernier (18 12) et le définit ainsi : « partie de la carrière
d'ardoise qu'un ouvrier travaille. »
malerece, selle faisant office de malle : seoit sur une
maillerace (Perceforcst, dans God., malerece).
meiteerece, ferme à moitié fruits : lorrain et romand
moiteresse, tnoitcrasse, etc., dans God., moiteresse,
exemples de 123 1 à 1491.
I'.werece, aujourd'hui panneresse, pierre, brique, etc.,
employée en parement, c'est-à-dire de façon à laisser
voir son pan le plus large. Panneresse s'oppose à bou-
tisse. Cf. Littré, Hatzfeld-Darmesteter, etc.
porcareza, porcherece, porcherie. Godefroy a plu-
92 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
sieurs exemples de porcherece, comme nom commun
dans des textes bourguignons. Noms de lieux : Porche-
resse (Charente, Charente-Inférieure, commune de
Genouillé ; Loiret, commune de Villamblain; Luxem-
bourg belge) ; Pourcharessas (Corrèze, commune de
Lestars); Pourcharesse (Ardèche, commune de Domp-
nac ; Pourcharesses (Lozère) ; Pourcheresse, commune
de Vabres, Haute-Loire; commune de Celles, Puy-de-
Dôme; Pourcheresses, commune de Pébrac, Haute-Loire.
La Chanson de la Croisade contre les Albigeois emploie
l'expression dart porcarissal pour désigner un épieu
(vers 6322) : faut-il en induire l'existence d'un substantif
porcariza au sens de « troupe de sangliers » ? Il est plus
probable que porcarissal est une forme allongée de
*porcari^ représentant porcarïcius, c'est-à-dire un dérivé
de porcus par la superposition de trois suffixes faisant
bloc.
rodareza, lieu où l'on fabrique des roues : Rudersas,
hameau de la commune de Royère (Creuse), dont le
nom est écrit Roudaressas dans tous les anciens docu-
ments et Rotaricias dans une charte de 626, republiée
par Julien Havet1 et commentée au point de vue topo-
graphique par M. Zenon Toumieux2. La forme actuelle
reproduit approximativement la contraction et le chan-
gement de ou en u usuels dans le patois de la commune
de Royère; on écrit aussi Rondersas, Rcdersas. Dans
1. Mémoire paru dans la Bibl. de l'École des Chartes, LI, 41,
réimprimé dans Œuvres de Julien Havet, I, 232.
2. Mémoire paru à la fois dans les Me'm. de la Soc. des se. nat.
el arch. de la Creuse, VII, 397, et dans le Bull, de la Soc. arch. et
bist. du Limousin, XXXIX, 439.
LE SUFFIXE -AR1CIUS 93
l'usage des communes limitrophes, le mot se réduit
souvent à Dersas.
secareza, secherece, français moderne sécheresse, lieu
desséché (en ancien provençal), état de ce qui est sec.
A Bordeaux on dit sequcrisso, ce qui suppose un type
* siccarïcia. On sait que l'italien hésite entre secchereccio
et secchericcio comme adjectif; comme substantif, avec
signification collective (branches sèches) et abstraite
(sécheresse), il n'emploie que secchericcio.
tercerece, ferme au tiers des fruits : lorrain terce-
resse, tercerasse, etc., dans God., tierceresse, exemples
de 1240 à 1388.
vacareza, vacherece, vacherie. Nous avons déjà
signalé vaccaritia dans les textes du haut moyen âge.
Le mot ne paraît pas s'être conservé dans la langue
commune1* mais il est très fréquent dans la topony-
mie: Lavaqueresse (Aisne); Vacharesse, commune de
Berzème (Ardèche) ; Vacheresse (Charente, commune
de Touzac ; Doubs, commune de Montandon ; Loire,
commune de Saint-HilaireCusson ; Haute-Loire, com-
munes de Les Estables, Félines, Saint-Julien-d'Ance,
Saint- Voy, Siaugues-Saint-Romain, Venteugcs ; Puy-
de-Dôme, commune de Saint-Alyre ; Haute-Saône,
commune de Faymont ; Haute-Savoie); La Vacheresse
(Creuse, commune de Janaillat ; Nièvre, commune
d'Azy-le-Vif ; Seinc-et-Oise ; Vosges) ; Vachère sse-les-
Basses (Eure-et-Loir); Vacqueresse (Somme, commune
1. L'italien connaît l'adj. vaccareccio « de vache », et le sub-
stantif vaccareccia « chair de vache » (A. Oudin); l'espagnol a
vaqiieri^o comme adjectif (de vache) et comme substantif masculin
(vacher) et vaquen\a (vacherie) comme substantif féminin.
94 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
de Quevauvillers). Dans la région gasconne on a em-
ployé *vaccarîcia, comme en témoigne le nom de lieu
Baccarisse, près de Mirande (Gers) ; cf. le nom d'un
archidiacre d'Aire en 1309: Peregrinus de Vacarissa
(Limborch, Hist. Inquisitionis , 2e partie, p. 8).
II. — THÈMES VERBAUX
I. ADJECTIFS
apoierez, qui sert à s'appuyer : caiere appoiraice (1427,
Tournai, dans God., tablete; le mot n'est pas relevé
à son ordre alphabétique). Le sens n'est pas douteux:
cf. la locution synonyme caiere apoieoire (écrit quayere
appoyoire), dans God., apoioir.
baignerez, qui sert à se baigner * : cuve baignereche
(1434, Valenciennes, dans God., baignereche).
barerez, qui sert à barrer (les tonneaux) : vrille bar-
reresse (16 16, dans Thibault, Gloss. du Blaisois).
batelerez, adjectif de sens incertain, que l'on trouve
appliqué aux villes qui n'avaient pas de commune, dites
villes batelereces ou bateïces (Beaumanoir, Coût, de Beau-
vaisis, § 647, éd. Salmon, variantes). Batelerez semble
tiré d'un verbe bateler, comme batei\ de balre.
bâterez, qui sert à battre, à fouler le drap: molin
batere^. Bien que le mot manque dans Godefroy, voici
1. Cf. le nom de lieu Cahnis Baniaritia, mentionné, dès le
milieu du vif siècle, dans la vie de saint Colomban, I, 1 5 (édition
Krusch, Scriptores rcrum Merovitigicarum, IV, 80). On est surpris
de voir M. Holder relever ce mot comme celtique dans son Altcelt.
Sprachscbati.
LE SUFFIXE -ARICIUS 9$
un exemple qui ne laisse aucun doute : in molendinis
batere^de Brana (Matton, Dict. top. de l'Aisne, Batrez).
— Existe aussi comme substantif masculin.
berserez, qui sert à tirer, à chasser (herser). Voir
God., berseret, et complétera l'aide des observations
de Tobler. — Existe aussi comme substantif masculin.
beverez, qui invite à boire : patois de Montbéliard
in temps boyerot (Contejean).
boterez, qui sert à bouter, i. A bouter, à appuyer
une construction : ars boutere^, piliers boutere^. 2. A
bouter, à fouler le drap: molins boutere^ (God., bou-
terez). — Existe aussi comme substantif masculin et
féminin.
brasserez, qui sert à brasser la bière : tonniel brasserich
[corr. brasserech}'] (1456, dans God., brasserech).
buerez, qui sert à faire la lessive (buer) : selburesse,
salburesse, salburosse [c'est-à-dire sele buerece], « trépied
sur lequel on place le cuveau à lessive » dans la Meuse
(Labourasse). Cf. mes Mélanges d'étym. franc., p. 136.
— Existe aussi comme substantif masculin.
chacerez. 1 . qui sert à chasser : chiens chaceroi^(God.,
chacerois) ; cordes chasseresses, Jean d'Arras, Mélusine,
p. 5 1, dans God., Compl., chaceresse. 2. Qui chasse :
ojeau tsots'ret, nom de l'épervier dans le Doubs (Tissot,
p. 315). — Existe aussi comme substantif masculin.
chargerez, qui sert à charger, à garnir le métier à
tisser : traistne carcheresse (God., carcheresse, sans défi-
nition).
charierez, qui sert à charrier : selles canereches (lire
carier eches), carreches, cariesches (God., canereche,
cariesche).
96 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
chevaucherez, i. Dont on se sert pour chevaucher :
mantelet chevauchent, cape chevaucher esse. 2. Par exten-
sion, qui est porté par des chevaux : lictiere chevauche-
resse (God,, chevaucheresse, chevaucheret). Ajouter
la variante bière chevaucherece pour bière chevalerece, dans
Chrétien de Troyes, Erec, 4725.
chierez, dans quoi on chie: patois de Montbéliard,
poutot tchierot, vase de nuit (Contejean).
corerez, qui court: vosgien via courô [ver coureur],
orvet (Haillant). — Existe aussi comme substantif fémi-
nin.
danserez, où l'on va danser. « A Epinal, il y a la
pierre dans'rosse, rocher sur lequel on allait danser à la
fête des Brandons » (Haillant, D'ici., covrosse, 2).
esposerez, dont on se sert pour épouser : annel espou-
serech (God., esposeret).
foerez, dont on se sert pour mesurer les terres
fouies (?) : vint boniers et set verges fueresses en terre a
le mesure de Liège (1248, Romania, XIX, 86).
folerez, qui sert à fouler le drap : molin folere^. God.
a plusieurs exemples, v° fouJereis, foulcret. En voici
d'autres encore: le molin folere^ de Saint-Boherc (Arch.
nat. J J' , f° 135 v°) : les molins jolere\ de Chartres (ibid.) ;
molendinum folere^ (Du Cange, gurgitum, i). — Terre
fouloreche (1281, Saint-Omer, God., fouleresse, sans
définition : sur l'emploi de terre grasse pour fouler le
drap, voir l'article foulon du Dict. du commerce de
Savary des Bruslons). — Existe aussi comme substantif
masculin.
forserece, adj. fém., destinée à frayer (forser) : wal-
lon carpe fousseresse (Grandgagnage, II, 526).
LE SUFFIXE -ARIC1US
fraserez, qui sert à « fraser », écosser ou briser?:
une paiele fraseresche (13 15, Artois, dans Bibl. de l'Éc.
des Chartes, LUI, 600; manque dans God.).
fringuerez, qui donne un air fringant : cordons frin-
guerés {Amant rendu cor délier, v. 1621).
fumerez, qui peut se fumer: bois fumerot , bô femerot,
nom de la clématite dans le Doubs (Rolland, Flore
pop., I, 6 ; Contejean, Patois de MontbèliarS).
graperez, qui grimpe : patois de Montbéliard, pi
graiperot, nom de la sitelle (Contejean). Cf. ci-dessous
les substantifs masculins graverez, grimperez
guilerez, aujourd'hui guilleret. M. Tobler rattache
guilleret à guiller , guiler , tromper. L'hypothèse est vrai-
semblable, bien que le rapport sémantique ne soit pas
très clair. Guilleret, sous la forme fém. guillerette, se
trouve pour la première fois dans le Monologue de l'A-
moureux, que M. E. Picot croit être des environs de
1460 (Romania, XVI, 481).
joinderez, qui peut se joindre, c'est-à-dire s'accoupler,
se mettre au joug : vosgien vaiche jédrosse, jédrasse
(Haillant, Dict., p. 340). — Existe aussi comme sub-
stantif féminin.
mâcherez, qui sert à teindre : cuve macheresse, à
Namur. Grandgagnage n'enregistre pas le mot, mais il
emploie l'expression, v° faubite; au supplément, il a :
« machè, ouvrier teinturier ». Je suppose un verbe
mâcher « teindre » sans en connaître l'étymologie.
malharez, qui sert à fouler (malhar) le drap : molin
mailharet (147 1, Felletin, dans Mém. de la soc. des se.
nat. et arch. de la Creuse, X, 361).
nagerez, sur lequel on peut naviguer. 1. En parlant
Thomas. II. — 7
98 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
de l'eau -.fossé nagent (1340, Corbie, dans God., nage-
ret). 2. En parlant du bateau: navie nageresse (Gloss.
lat. fr. dans God., ibid.~). — Existe aussi comme sub-
stantif masculin.
palerez, qui sert à paler (garnir de pieux) : claux
paierez, palerês (1397, Picardie, dans God., paleret, i).
penderez, qui sert à pendre : gibets ou arbres pende-
ret%, pendrets (Coût, de Lorraine, de Gor%e, dans God.,
penderet).
pescherez. 1. Qui sert à pêcher: batel, batelet, clou
pescheret; barque, ré pescherece; trêves peschereces (God.,
pescheresse, pescheret). 2. Qui pêche : corbeau pescheret
[cormoran] (God., ibid.~); crot pescherot [cormoran], en
Bourgogne (Rolland, Faune pop., II, 382); crau pêche-
rot, cro pescherot, aigle pescheresse [balbuzard] (id., ib.,
II, 8) ; vert-copéchera [martin-pêcheur] (Labourasse,
p. 543, v° vart-pochaw) ; martin-pescheret [martin-pê-
cheur], à Montpellier (Bibl. de l'Êc. des chartes, LV,
240) ; merle picheret [martin-pêcheur], en Limousin
(Rolland, Faune pop., II, 72). — Existe aussi comme
substantif masculin et féminin.
petarez, qui pète : rei petaret, roi pèteret, troglodyte
(roitelet) en Forez (Rolland, Faune pop., II, 288) et en
Lyonnais (N. de Puitspelu). En Lyonnais, rei petaret
désigne et le roitelet et le hanneton a corselet plus
soyeux, que les enfants considèrent comme le mâle.
N. du Puitspelu se refuse à voir dans petaret l'idée de
« péteur » ; dans ses errata, il retire l'étymologie
absurde qu'il avait donnée, et se rallie à une idée de
M. Horning (Zeitschr. f. r. Ph., XIV, 223) d'après
laquelle petaret se rattacherait au radical de petit. Mais
LE SUFFIXE -ARICIUS 99
rei-petaret veut incontestablement dire « roi-péteur » ;
comparez le nom de vaco petouso, petouso donné au roi-
telet dans le Midi de la France. — Cane-petrasse, cane-
pétrosse, cane-pétrote, nom de la canepetière dans le Berry,
la Beauce, l'Anjou, etc. On sait que cet oiseau fait
entendre, dans la saison des amours, un crépitement
guttural qui lui a valu son nom (Rolland, Faune pop.,
II, 345)-
piquerez, qui pique: claux piquerés (1441, Béthune,
dans God., piqueret).
pisserez. 1. Dans quoi on pisse : patois de Montbé-
liard poutot picherot, vase de nuit (Contejean). Existe
aussi comme substantif masculin. 2. Qui fait pisser:
patois de Montbéliard, vin picherot, vin vif et pétillant
et qui fait pisser (Contejean).
pleierez, qui se plie : table ployeresche (1552, Tournai
dans God., ploieresse). — Existe aussi comme sub-
stantif masculin.
porterez, qui se porte: chaere porteresse (God., por-
teresse).
ricanerez, rieur : doux yeux blans et riquanerès {Amant
rendu cor délier, v. 1618).
rollerez, roulant : civières rouleresses, etc. (God.,
roleresse 2, et roleret). Le mot est particulièrement
fréquent dans les inventaires angevins du roi René :
char lit roulerez sourlit routière^, couchette rouler esse, etc.
C'est à tort que God. a cru y voir un substantif mas-
culin : roulerez qualifie toujours charlit qui vient d'être
exprimé.
saïmerez, qui sert à écrémer (à enlever le sain) :
payelles saymereches (1434, Valenciennes, dans God.,
100 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
saimereche). Il faut reconnaître le même mot, mal lu,
dans patelles saumiereces (i 363 ,Va\cntiennes, dans God.,
saumierece, sans définition). — Existe aujourd'hui
comme substantif féminin.
seierez, qui sert à scier: couttel soiret (1459, Reims,
dans God., soiret).
sorderez (?): derlieres sordreresses, derlière sordresse
(1328, Namur, dans God., sordreresse) ; derle sorde-
resse (1328, Namur, dans God., derle). La derle est
de la terre glaise ; faut-il rattacher l'adjectif sordere^ à
sourder, souiller, ou à sourdre, ou même chercher une
autre étymologie ?
taillerez, qui sert à tailler: serpe tallerotte (1614,
Nevers, dans God., taillerot).
tecerez, qui tette encore : patois de Bournois vélo
tos'ro (Roussey); patois de Montbéliard tosserot, qui
tette à la mamelle (Contejean). La forme iecier, tocier,
est répandue dans l'Est : elle repose sur un type *tittiare,
tandis que le français propre teter repose sur *tittare.
tirerez, qui sert à traire (tirer) les vaches : sielle tiresce
(15 12, Tournai, dans God., tiresce).
torcherez, qui torche : patois de Montbéliard pi
tourtcherot, nom de l'oiseau dit sitelle ou torchepot
(Contejean).
tornerez, qui tourne : wallon _/>/>£ tourneresse, meule
à aiguiser (Grandgagnage, II, 197).
venderez, qui est à vendre: pain vendent (133 1,
Laon, dans God., venderet). Cf. l'ital. vendereccio.
2. SUBSTANTIFS MASCULINS
bâterez, ce qui sert à battre. 1. Patois des Fourgs
LE SUFFIXE -ARIC1US loi
(Doubs) bott'ret, batte et partie de la baratte (Tissot) ;
patois de Montbéliard baitteré, baratte (Contejean) ;
patois de Saint-Pierrebrouck (Nord) baterè, bâton de
forme spéciale qui sert à remuer la crème pour faire
le beurre (communication de M. Henry Cochin).
2. Moulin à battre, à fouler le drap (voy. ci-dessus
batere^, ad).*): molendinum de Bâter e^ (douzième siècle),
aujourd'hui, par changement de suffixe, Le Batreau,
commune d'Avenay (Marne); Batret, moulin, com-
mune d'Yvoi-le-Pré (Cher).
berserez, chien de chasse (voy. ci-dessus berserez,
adj.). Le sens de « carquois », donné par God. et
d'autres, et celui de « javelot », admis par M. P. Meyer
(Girart de Roussillon, p. 257), ne sont pas justifiés
(voyez à ce sujet G. Paris, dans Romania, XIV, 602,
et XXI, 2*91),
bosserez, ce qui pousse, sourd I. 1 . Animal qui pousse
la terre : bousserot, un des noms de la taupe dans le
Doubs (Rolland, Faune pop., I, 9). 2. Eau qui sourd de
terre : patois de Montbéliard bousserot, petite source
(Contejean).
boterez. 1. Moulin à foulon: Boutrais, hameau,
commune de Saint-Pierre-des-Loges (Orne). 2. Arc-
boutant. 3. Boutoir, outil de maréchal-ferrant. Les sens
2 et 3 ne sont pas attestes directement, mais semblent
résulter de l'existence des sens correspondants que pos-
sèdent les mots anglais butteris et buttress, d'origine
française (cf. Romania, XXIX, 164 et 165).
1 . De bonsser, « pousser, sourdre », forme des Vosges, du Doubs,
qu'on explique par une contamination du latin pulsare « pousser »
et du germanique botan « bouter ».
102 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
buerez, ustensile servant à faire la lessive (buer) :
vosgien bûra, seau auquel on adapte un long manche
droit [pour verser l'eau de lessive sur le linge] (Adam x).
chacerez, oiseau chasseur : vosgien chaisserot, chas-
sera, épervier (Haillant) ; vosgien chasserot, autour
(Rolland, Faune pop., II, 38).
chaverez, outil pour creuser (chaver) la terre : chavro,
patois de Tannois, près de Bar-le-Duc (Meuse), dans
Zeitschr. f. rorn. PhiL, XVI, 475. Labourasse écrit
chavrot et définit : « houe employée pour le provi-
gnage. »
chôterot, chôterat, sifflet, de chôtai, siffler, dont
j'ignore l'étymologie (Contejean, Patois àeMontbèliard).
coillerez, registre des redevances à percevoir, à
cueillir. Ce substantif s'est conservé jusqu'à la fin de
l'ancien régime sous la forme cueilleret, qui est dans
Trévoux, et qu'on s'étonne de ne trouver ni dans God.,
ni dans Littré.
coperez, aujourd'hui couperet, outil pour couper. Le
mot ne paraît pas attesté avant le seizième siècle.
escuperez, ce que l'on crache : vosgien tieupp'rot,
patois de Montbéliard cuperot, queuperot, crachat (Hail-
lant, Contejean).
1 . Adam écrit burd, indique comme provenance La Bresse et ne
donne que la première partie de la définition. Une enquête sur
place faite par M. Oscar Bloch confirme ce qui n'était de ma part
qu'une conjecture étymologique. « J'ai pris des renseignements
sur le mot qui vous intéresse et j'ai le plaisir de vous dire qu'ils
confirment totalement votre façon de voir. La Bresse, Saulxures
et Cornimont emploient bùra exactement pour désigner l'objet en
question. » (Lettre du 20 août 1903).
LE SUFFIXE -ARICIUS 105
fenderez, outil pour fendre : fenderets, coupoirs (i 3 9 1 ,
Reims, dans God., fenderet). Cf. refendere^.
foeillerez, aujourd'hui feuilleret, outil pour feuiller,
faire des feuillures. Sur l'étymologie de feuiller dans ce
sens, voyez ci-dessous notre seconde partie, à l'ordre
alphabétique.
folerez, moulin à foulon : Les Foulerets, moulin,
commune de Parigné-l'Evèque (Sarthe) ; Foulleray,
commune de Montigny-le-Chartif (Eure-et-Loir), en
1477 Moulin-Foulleret ; Le Foulleray, moulin, commune
.de Saint-Jean-sur-Mayenne (Mayenne).
formerez, aujourd'hui/orw^W, terme d'architecture.
La définition donnée par le Dict. gén. est la suivante :
« Arête saillante d'une voûte gothique. » Victor Gay
dit plus largement : « Bandeau en saillie sur un mur
ou au-dessus d'une fenêtre, à la naissance d'une voûte
d'arête dont il épouse la forme ogivale » (Gloss. archéol.,
p. 733). Il a un exemple de 1397, plus ancien que ceux
des autres lexicographes, où l'on lit : « fenestres four-
mes (corr. fourmees) d'estanficques, fourmoyrets et
remplages. » Le voisinage du verbe fourmer précise
l'étymologie ; la graphie fourmoyrets semble contaminée
par *fourmoir, qui a pu se dire dans le même sens.
goterez, avant-toit formant gouttière : goutteret
(141 5, Meuse, dans God., goutteret); vosgien got-
t'rot, même sens (Haillant). God. a plusieurs exemples
bourguignons de gocterot, etc., mot qu'il ne définit pas,
et qui s'applique à une partie d'un parement d'autel
ou d'un dais : il s'agit vraisemblablement de la partie
antérieure, comparée à la gouttière d'un toit.
graverez, oiseau qui grimpe (gravit), grimpereau :
104 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
gravelet (forme dissi'milée), nom du grimpereau en
Poitou et en Saintonge (Rolland, Faune pop., II, 78).
grimperez, oiseau qui grimpe, grimpereau -.grimperê,
nom du grimpereau en Picardie; grimpelet (forme dissi-
milée), nom du même oiseau en Normandie et en
Savoie. De même qu'on a la forme verbale griper, à
côté de grimper, on trouve gripelet dans le Luxembourg
et gripelat à Metz comme noms du grimpereau
(Rolland, Faune pop., II, 78).
hucherez, oiseau qui huche, qui hue: patois de
Montbéliard utcherot, hibou1 (Contejean).
jeterez, instrument qui sert à jeter : meusien jitrot,
bâton fendu par un bout et que l'on tient par l'autre,
au moyen duquel on lance une pierre placée dans sa
fente (Labourasse).
lancerez, oiseau qui lance, qui poursuit les autres :
lorrain lancerot, rancerat, épervier (Rolland, Faune pop.,
n, 34).
mucerez, oiseau qui se cache (qui se musse) : vos-
gien meusserot, troglodite (Labourasse).
nagerez, bateau pour aller à la rame (pour nager) :
nageret, petit bateau pour chasser le gibier d'eau
(Littré).
neierez, bateau où l'on risque de se noyer : lyonnais
nayeret, petit bateau fort dangereux dans lequel il ne
peut tenir qu'une personne (N. du Puitspelu).
1. M. Rolland rapproche avec raison utcherot (Montbéliard) et
l'ancien français lucheran (Cotgrave), auquel correspond aujourd'hui
lutter an, lut\èron, dans la Suisse romande (Faune pop., II, 41) ; mais
je ne puis croire avec lui qu'il s'agisse du radical lue-, briller. Je
vois dans lucheran une forme agglutinée pour Vucheran.
LE SUFFIXE -ARICWS 10$
niquerez, mouchoir de poche (de niquer, moucher) :
parois de Montbéliard niqueret (Contejean).
partarez, parterez, instrument pour partager, cou-
per : lyonn. partant, parteret, hache de boucher (N. du
Puitspelu, Littré, suppl.); dans les Terres Froides du
Dauphiné partarai et partelê (communication de
M. l'abbé Devaux); portrait, marteau de paveur ser-
vant à ébarber et à tailler (Littré); manceau partret,
pallret, couperet (Montesson) ; blaisois palletret, paltret,
paîtrait, couperet (Cotgrave, Thibault). Cf. mes Mé-
langes, p. 119.
percerez, outil qui sert à percer : patois des Fourgs
passeret, vrille (Tissot).
pescherez, oiseau qui pêche : lorrain pancherot et
ponhhra, martin-pêcheur (Adam).
pisserez,' vase pour pisser: patois des Fourgs pseuret,
baquet à urine, vase de nuit (Tissot).
ploierez, ce qui sert à faire ployer, charnière, pen-
ture : deux ployerés employés à pendre unefeniestre (1443,
Tournai, dans God., ploieret). On trouve plus sou-
vent dans le même sens ploie ritel, d'un type *plica-
rioluni.
ramènerez, ce qui sert à ramener : ramènent, trait au
cordeau que le charpentier fait pour prendre la lon-
gueur des arêtiers d'un toit (Littré). Le mot apparaît
dans la première édition de Furetière, en 1690.
rebaterez, outil pour rebattre l : rebatteret, outil pour
1 . Rebatlre doit être entendu dans le sens de « rabattre » et non
de « battre de nouveau » ; le rebatteret sert en effet à équarrir ou
à arrondir.
106 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSENBLE
façonner l'ardoise (Littré). Le mot a été relevé pour
la première fois dans VEncycl. méthod., Arts et métiers
mécan., 1. 1 (1782), p. 55, où il est écrit rebattret (Mozin,
Souviron et d'autres conservent cette orthographe) et
donné comme usité dans les ardoisières de Rimogne
(Ardennes).
refenderez, outil pour refendre : refenderet, coin de
fer à l'usage des ardoisiers (Littré). Même provenance
que le précédent ; d'abord écrit refendret.
tomberez, ce sur quoi on se laisse tomber; teumrot,
sorte de caisse dans laquelle s'agenouillent les laveuses
de lessive.
tracerez, outil pour tracer: tracent (on dit aussi
tracelet, par dissimulation, et traçoir), poinçon servant
à tracer les divisions des instruments de mathéma-
tiques; outil de fer pointu dont les charpentiers se
servent pour piquer et ligner le bois (Littré).
verserez, saison propre à verser (labourer) les terres,
le mois de juin : en waim, en mars et en verser es (1322,
Rethel, dans God., verseret). La forme verserot, dont
God. fait un article à part, n'est qu'une variante phoné-
tique dialectale. Ce terme correspond à jaschere^ dans
la région plus septentrionale ; il. est omis par Giry dans
le glossaire des dates de son Manuel de diplomatique.
Haillant, Dict., p. 616, woeyé, indique des exemples
inconnus à God.
volerez, objet qui vole (en l'air) : berrichon voient,
volant rustique (Jaubert, suppl.).
5. SUBSTANTIFS FÉMININS
avalerece, puits de mine que l'on creuse : avaleresse,
LE SUFFIXE -ARICIUS 107
bure que l'on avale, c'est-à-dire que l'on est occupé à
creuser (Grandgagnage ; cf. Littré, suppl.).
baterece. i. Action de battre : saintong. battresse ou
batteresse, action d'une pluie violente et surtout de la
grêle battant le sol et les récoltes (Jônain; cf. God.,
bateresse). 2. Ce qui sert à battre: meusien bat rosse,
baratte (Labourasse). 3. Lieu où l'on bat: Batresse,
étang, commune de Mouline (Vienne) ; Baptresse,
hameau, ci-devant paroisse, commune de Chateau-
Larcher (Vienne), anciennement Batri^ia, Batre^ia,
Bâter et tjcl, etc. *
boterece, lieu où l'on boute, où il y a un moulin
à foulon : La Bailleresse, commune de Sainte-Agathe-
la-Bouteresse (Loire).
bruierece, bruit : « Tel tempeste et tel bruerresse »
{Ovide moralisé, dans God., bruierresse).
chaplerece, action de chaphr, carnage. Voir les
exemples de Troie cités par Tobler.
colerece, ustensile pour couler : patois de Pont-
Audemer couleresse ou coulerette, passoire (Robin).
corerece, outil qui court: wallon coureresse, riflard,
demi- varlope (Grandgagnage, I, 342).
cremerece, outil pour écrémer, écumer : meusien
crameresse, vosgien kémrosse (dissimilation pour krém-
rosse), écumoire (Labourasse, cramatte; Haillant).
crexerece, outil pour crener (entailler) : wallon
1. Certains historiens, notamment l'abbé Le Beuf, interprétant
le nom de ce hameau au sens de « action de se battre », y ont vu
une raison de placer dans le voisinage la bataille livrée par Clovis
à Alaric (Longnon, Gèogr. de la Gaule au Vh siècle, p. 579). Il est
probable que Baterece indique l'existence d'un moulin à foulon.
108 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
krennress, scie à refendre (Grandgagnage, ricranxer).
Cf. ci-dessous recrenerece.
crierece, action de crier. Voir God., crierece, et
ajouter un exemple qui se trouve sous bruierresse.
croisserece, action de grincer. Voir Tobler, et God.,
CROISSERECE.
eschaverece, outil pour excaver ou pour râper :
wallon haveresse, écrit xhavresse en 1568 (God.), pic à
l'usage des houilleurs (Grandgagnage, haver 3) et râpe
à sucre (Forir).
escumerece, écumoire : wallon houmeresse (Grandga-
gnage).
estessinerece, tessinerece, cuiller pour arroser (estes-
siner, tessiner') le rôti (Grandgagnage).
étoquerece. i . Carde pour étoquer (briser) la laine
(Duhamel du Monceau, Art de la Draperie, 1765,
p. 27). 2. Pièce de fer employée pour arrêter ou main-
tenir (étoquer) d'autres pièces (Nouveau Larousse). Un
lexicographe distrait ayant écrit corde au lieu de
carde, le sens 1 a été défiguré. On lit, par exemple,
dans Littré : « Etoqueresses, terme de marine, cordes
longues de huit à neuf pouces » et dans le Nouveau
Larousse: « Etoqueresse (Marine), nom donné à cer-
taines petites cordes. » Mozin a correctement: « Eto-
queresse, f. Card. Espèce de cardes de 8 pouces et demi
de long sur 5 de large. » Et dire que 5 pouces de large
n'ont pu empêcher de confondre une carde avec une
corde !
guinderece, outil pour guinder : « guinderesse : de
ce nom est appelée aux navires une poulie qui sert à
guinder la voile du mast où elle est amarrée » (Nicot,
LE SUFFIXE -AR1CIUS 109
1606 ; cf. Littré, Hatzfeld-Darmesteter, etc., et l'italien
ghindereccia, cité Romania, XXXI, 135).
hacherece, outil pour hacher. 1. Wallon de Liège
hacheresse, couperet. 2. Wallon de Namur hacheresse,
planche épaisse sur laquelle on hache la viande (Grand-
gagnage, hacher).
joixderece, ce qui joint, ce qui sert à joindre.
1 . Wallon jondresse, bordage, dit aussi jambresse (Grand-
gagnage, II, 531, janbrèsez). 2. Wallon jondresse, var-
lope (Grandgagnage, I, 257).
passerece, outil pour passer une manœuvre : « pas-
seresse, moyen ou petit cordage... pour bien serrer la
voile contre le mât » (Villaumez, Dict. de marine).
pescherece, barque pour pêcher (God., pesche-
resse).
plaquerece, outil pour plaquer : plaqueresse, carde
pour plaquer la laine (Duhamel du Moxceau, Art de
la Draperie, p. 27). Souvent altéré, par la suite, en
ploqueresse.
receperece, outil pour receper (scier transversale-
ment) : wallon ricèperesse, grande scie pour ricèper
(Grandgagnage, risèper).
recrenerece, outil pour recrener (entailler en suivant
une ligne courbe) : wallon ricranneresse, espèce de scie
servant particulièrement à préparer les bois de fusil
(Grandgagnage, ricranxek). Cf. ci-dessus crenerece.
rejeterece, outil pour rejeter (gobeter, crépir) :
wallon r'gettress, petite truelle (Grandgagnage, rijet, i).
reparerece, outil pour réparer (recrépir) : wallon
ripareresse, répareresse, outil à l'usage des ripareû^ ou
recrépisseurs. — A Namur, répareresse, partie de la
1 10 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
machine appelée broie, qui sert à élever les bois (Grand-
gagnage, riparer).
repasserece, carde pour repasser la laine (Duhamel
du Monceau, Art de la Draperie, p. 27).
retenterece, retentissement. Voir God. et Tobler.
saimerece, outil pour saimer (aiguiser) : wallon séme-
resse, pierre à aiguiser (Grandgagnage, semer 2).
soperece (?) : wallon sopresse, partie d'un chariot,
pièce de bois transversale sur laquelle repose et pivote
le hamai. — A Namur sopresse, levain, probablement
(Grandgagnage, soprèse i et 2).
traierece, action de traire (tirer). Voir God. et
Tobler.
venterece, outil pour venter (vanner) : poitevin
vent'resse, pelle à vanner.
IV. — LES SUBSTANTIFS ABSTRAITS EN -1er
A la fin du paragraphe qu'il a consacré au suffixe
-arius, Diez se contente de remarquer que l'ancien
provençal « a beaucoup d'abstraits tirés de verbes »,
sans chercher à préciser l'origine de ces abstraits, sans
même mentionner les formations analogues que possède
aussi l'ancien français1. Ce n'est pas à arium, mais à
-crium, que M. Meyer-Lûbke rattache cette classe de
mots à laquelle il croit devoir joindre les dérivés italiens
1. Grain, des 1. r., trad. franc., II, p. 326. Diez donne la liste
suivante : acordier, adobier, alegrier, alongnier, caitivier, castier, con-
sirier, desirier, destorbier, encombrier, espaventier, milborier, pauprier,
pensier.
LES SUBSTANTIFS ABSTRAITS EN -1ER III
en -ïo, dont le sens se rapproche beaucoup de celui de
nos mots français et provençaux. Mais il n'arrive pas à
asseoir solidement sa doctrine au sujet de. cet -ërimii.
Voici d'ailleurs ses propres termes :
Pour expliquer ce suffixe, il faut peut-être partir de reprobare,
anc. franc, réprouver, et improperium « reproche ». Il doit y avoir
un compromis entre reprobare et improperare dans l'ital. rimproverare,
et ainsi l'on peut croire qu'à côté de improperium, à l'époque où p
et b intervocaliques s'étaient confondus en v, on forma aussi, en
partant de *reprovare, un *reproverium, lequel servit alors d'abstrait
à *reprovare, et. permit de créer d'autres formes analogues. Dans
cette hypothèse, il est vrai, on doit admettre que le mot-type s'est
à son tour perdu en Italie et qu'en France le suffixe -èrium, qui
autrement serait devenu -ir, a été influencé dans sa forme par
-arium. Une autre hypothèse possible, c'est qu'on aurait cru voir
dans -ier de conseillier et termes semblables employés comme sub-
stantifs, non une finale d'infinitif, mais un suffixe, qu'on aurait
alors adapté au radical *reprov-. Alors, choses toutes deux peu
admissibles, il faudrait faire venir le prov. -ier du français et traiter
à part l'italien -io ' .
La seconde hypothèse, que M. Meyer-Lùbke n'ex-
prime d'ailleurs qu'en petit texte, est tellement invrai-
semblable que je ne m'arrêterai pas à la discuter. Du
moment que l'on considère le suffixe italien -ïo comme
identique au suffixe gallo-roman -ier, on est forcé de
repousser le type latin -ariiwi, accepté sans discussion
par Diez. M. Meyer-Lûbke n'a pas pris garde qu'il
i. Grain, des 1. r., II, § 471, trad. franc., p. 561. M. Meyer-
Lûbke cite, en provençal : alegrier, caitivier, consirier, deliurier,
destorbier, encombrier, espaventier, pensier, plaidier ; en français :
chaitivier, consirier, demandier, desirier, destorbier, encombrier, encon-
trier, louier, parlier, pensier, reprovier, restorier. Treize ans aupara-
vant, M. Fcerster avait déjà groupé les mots français dans sa note
au v. 135 à'Aiol et Mirabel.
112 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
tirait sur ses troupes en faisant figurer dans sa liste de
mots abstraits le français loyer. Il est absolument certain
que loyer, comme le provençal loguier et l'espagnol
loguero, vient du latin locarium, mot déjà employé par
Varron ; mais il faut remarquer que loyer n'est pas un
terme abstrait et qu'il n'a pas le droit de prendre rang
dans la série qui nous occupe. Donc, malgré les appa-
rences, la coexistence de locare locarium en latin1, de
loer loyer en français, de logar loguier en provençal, etc.,
ne saurait être le point de départ du développement
du suffixe abstrait -ier sur le sol de la Gaule. Je n'hésite
pas à repousser le type -arium, proposé par Diez, pour
me rallier à la manière de voir de M. Meyer-Lûbke ;
je voudrais seulement présenter quelques observations
complémentaires sur l'origine et l'extension de la dési-
nence -ëriuiii.
A première vue, l'hypothèse d'un « compromis »
entre reprobare et impropérium se heurte à une grave
difficulté: c'est qu'en provençal p et b intervocaliques
n'aboutissent pas au même résultat. La précieuse Caneton
de Sancta Fides, que vient de nous rendre M. Leite de
Vasconcellos, nous donne le pendant provençal du mot
français reprovier, « reproche », sous la forme reprober2,
qui remonte incontestablement à *repropèrium, formé
d'après impropérium, par un simple changement de
préfixe 3. Il faut donc trouver autre chose pour
i. Locarium est formé sur locus (et non sur locare), comme
solarium sur sal.
2. Vers 331 (Romania, XXXI, 190).
3 . On trouve reprovier, reproier en provençal au sens de « pro-
verbe », que connaît aussi le français, et repro\<ar, reproar au sens
LES SUBSTANTIFS ABSTRAITS EN -1ER 113
expliquer le développement du suffixe -ier en pro-
vençal.
La Caneton de Sancta Fides nous fournit encore un
mot fort intéressant, c'est consider1, que les textes pro-
vençaux postérieurs ne connaissent plus guère que
sous la forme consirier. L'étymologie est clairement le
latin vulgaire *considërium, tiré de considerare sur le
modèle de desidërium desiderare. La forme ordinaire
consirier est plus récente ; elle est sortie d'un « compro-
mis » entre le substantif primitif considier et le verbe
*considrar, consirar. Si l'auteur de Sancta Fides avait eu
à exprimer l'idée de « désir », il se serait probablement
servi de *desider, qui est à la forme postérieure destrier
comme consider à consirier2.
Les mots latins en -ërium, correspondants à des verbes
en -ërare, nesont pas nombreux. A côté de impropërium
et de desidërium, dont nous venons de parler, on ne
peut guère citer que adultëriumî, impërium et refrigë-
riuin, pour l'époque classique, delibërinm et vitupërium ,
pour la basse époque. Delibërinm est particulièrement
intéressant: il figure dans une glose, où il est rendu
par le grec ftupti * : il a donc le sens correspondant à
de « reprocher » ; là c'est bien d'un b latin qu'il faut partir. Le
rapport sémantique de « reproche » et de « proverbe » n'est
pas très clair : y a-t-il eu immixtion de proverbium, d'une part, de
probrum, et ses dérivés, de l'autre ? La dissimilation de prétram en
*probum serait conforme à la loi II de M. Grammont.
1. Vers 340 (Romania, XXXI, 191).
2. Je renvoie le lecteur pour plus de détails à l'article consider,
qui figure plus loin dans les Recherches étymologiques.
3. Peut-être vaut-il mieux tirer adultërium de adultér, comme
magistêrium de magistër et ministëriuvi de ministtr.
4. Corp. gloss. lai., II, 112, 39.
Thomas. II. — 8
114 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
celui du verbe classique delibèrare, « délibérer ». Mais
le latin populaire connaît delibèrare, « délivrer », em-
ployé par Tertullien ; il est donc permis de supposer,
parallèlement à delibërhim, « délibération », un *delï-
bèrium, « délivrance », qui est avec le provençal deliu-
rier dans le même rapport que desidërium avec destrier.
Je crois également légitime de faire remonter l'ancien
provençal recobrier et l'ancien français recovrier, que ne
citent ni Diez ni M. Meyer-Lûbke, et qui sont pour-
tant des mots très usuels, à un type primitif *recupërium,
de recuperare.
Il convient d'être plus réservé vis-à-vis de encombrier.
Toutefois, si l'on remarque que le mot est commun
au français et au provençal et très usité de part et
d'autre, on inclinera à penser que l'existence d'un type
*incombërium n'est pas invraisemblable. La belle étymo-
logie de M. Meyer-Lûbke, qui suppose, comme on
sait, une base gauloise *combero-1, trouverait là une
éclatante confirmation2.
Diez a admis pauprier, « pauvreté », dans sa liste;
i. Zeitscfo. fur rom. Philol., XIX, 276.
2. On pourrait songer à reconstituer un type *supcrium, de supc-
rare, à cause du provençal sobrier, « supériorité », que M. P. Meyer
attribue à Peire Vidal, vers 38 de la pièce Drogoman (Romania, II,
426). Mais on remarquera, d'une part, que les formations vraiment
'anciennes ne se trouvent qu'avec les verbes composés, de l'autre,
que la leçon sobrier, adoptée par M. P. Meyer, est très probable-
ment fautive, car les manuscrits appuient plus solidement sablier,
de *saporarium, qui est donné par Raynouard et par Bartsch. En
revanche, le prov. anc. sobriera pourrait être un ancien *sobiera,
d'après un type *supëria qui serait à supërus dans le même rapport
que misiria à misons. Quant à nessiera, « nécessité, disette », c'est
certainement le lat. necessaria employé substantivement.
LES SUBSTANTIFS ABSTRAITS EN -1ER 115
c'est un mot rare, employé par Raimon de Miraval;
on sait que la forme usuelle est paupriera, paubriera.
Dans une leçon faite à l'École des Hautes Études le
21 janvier 1897, j'émettais l'hypothèse que le provençal
paupriera représentait le type latin *paupëria modifié
d'après l'adjectif paitpre, de paupër. Le poème de Sancta
Fides confirme mon hypothèse, puisqu'il emploie la
forme paupeira l, qui est à paupriera dans le même
rapport que consider à consirier. Il est bien tentant de
voir dans pauprier un ancien *paupier, représentant le
latin classique paupëries. M. Meyer-Lûbke tire l'italien
madiere et l'espagnol madero du latin matèries, le pro-
vençal et l'ancien français tempier de tempëries2; mais
l'espagnol madero vient de malhium, qui se lit en toutes
lettres dans les gloses de Berne 3. Enfin l'espagnol con-
naît aussi t&mpero, qui a le même sens que le provençal
actuel tempier, et qui nous reporte à *tempërium, lequel
se rattache peut-être directement à temperare. Mais il
est possible que la désinence latine -èries, supplantée
par -ëria, ait fini par être masculinisée en -ërius, sans
que ce phénomène morphologique se lie nécessairement
au procédé de dérivation qui, par l'addition du suffixe
-ium, a tiré les substantifs abstraits en -ërium de verbes
en -ërare. Il est donc prudent de hisser pauprier, madier
et tempier en dehors de la série qui nous occupe, d'au-
1. Vers 102 {Romania, XXXI, 183).
2. Gramm. des tang. rom., II, § 372, trad. fr., p. 463.
3. Fcerster et Koschwitz, Attfr. Uebungsbuch, 2<* éd., col. 35.
Le prov. actuel possède aussi madier, « varangue, bau », à côté de
madrier ; cette dernière forme paraît influencée par le français
moderne.
Il6 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
tant plus qu'on peut encore avoir formé, en latin vul-
gaire, *paupèrium de paupër, comme magislërium de
magistër et ministërium de ministër1. Dans ce cas, il
faudrait considérer pauprier comme l'héritier de *pau-
përium, au même titre que paupriera est l'héritier de
* paupër ta.
Voici maintenant un inventaire, plus complet que
ceux qu'on a tentés jusqu'ici, des mots abstraits en -ier,
dérivés de verbes, que possèdent le français et le pro-
vençal.
Le français n'est pas très riche. Les anciens textes
connaissent les mots suivants : chaitivier2, consirier,
desiier, desirier, destorbier, encombrier, encontrier > , frapîer ',
mesalier*, meserrier 5 , pensier6, recovrier, remembrkri ',
1. Arbiterium, pour arbitrium, d'après arbitlr, se trouve plus
d'une fois.
2. Le verbe correspondant est rare, quoique captivare existe en
latin ; je ne connais que le gérondif chaitivant dans le Rendus de
Moiliens, Caritè, exix, 10. Chaitivier serait-il dérivé directement
de chaitifi M. Fcerster, qui est de cet avis, me signale l'ancien
italien cattiveria, que ne mentionnent ni Diez ni M. Meyer-Lùbke ;
cf. l'espagnol cantiverio, calqué sur le bas latin.
3. Godefroy n'a que enconlriere ; mais encontrier existe aussi.
M. Runeberg veut bien me le signaler dans la Bataille Loquifer,
Bibl. nat. fr. 1449, f° 144 v° ; il est fréquent dans Gaufrei, écrit
encontrer, mais rimant en ier, 1651, 4789, 5910, 5953, etc. ; je le
relève encore dans la Mort Aimeri, 3950, dans Huon de Bordeaux,
557, et dans Fietabras, 3859 et 3888.
4. Partenopcus, Bibl. nat. 191 52, f° 168 r°, dans God., mestor.
5. Ibid.
6. Beneeit, Ducs de Norm., II, 1970.
7. Gautier d'Épinal, II, 3, 7, dans Mém. de la Société néopbilol.
de Helsingfors, III, 268 (communication de M. Wallenskôld).
LES SUBSTANTIFS ABSTRAITS EN -1ER n7
reprochier1, reprovier, restorier2. De ces mots, un seul
semble avoir survécu : c'est destorbier,' encore usité à
Guernesey et dans une partie de la Normandie (Eure).
Il fout bien distinguer des substantifs abstraits en -ier
les verbes dont l'infinitif a la désinence -ier, cette forme
d'infinitif pouvant, comme toute autre, faire acciden-
tellement fonction de substantif; on y arrive par une
analyse sémantique délicate, appuyée sur de bons
exemples, comme celui-ci : « Corrons par desiers et
'par esploiz des vertuz, car esploitiers est alers » (Ser-
mons de saint Bernard, éd. Fœrster, p. 32).
Le provençal offre une moisson plus abondante. Mes
dépouillements, combinés avec ceux dont a bien voulu
me faire profiter M. Lévy, établissent la liste suivante
pour le moyen âge : acordier, adobier, alegrier, alonguier,
assegurier, autorgnier, autregier, caitivier (encore vivant),
castiier, chantier (?), chaplier, constater (encore vivant),
consirier (encore vivant), deliurier, demorier, desacordier,
descordier, desirier, destorbier (encore vivant), empachier,
empaitrier, encombrier (encore vivant), enogier (encore
vivant), espaventier, gabier, galier, longuier (?), melhorier
(encore vivant), panier (?), pensier (encore vivant),
pertorbier, plaidier, podier, recobrier, reprobier, reprochier,
reprovier (encore vivant).
J'ai noté chemin faisant les cas de survivance, d'après
1 . Godefroy ne donne ce mot qu'au sens de « reproche » ; on
le trouve aussi au sens de « proverbe », notamment Gaufrei, 8862.
2. Je ne connais ni demandier ni parlier, mentionnés par
M. Meyer-Lùbke. Quant à remuier, signalé par M. Tobler (Rom.,
II, 243), je crois que sa désinence correspond à -arium et non à
-crium.
Il8 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
Mistral. La vitalité de ce suffixe n'a été nulle part aussi
grande qu'en Gascogne, particulièrement en Béarn, où
elle s'affirme encore aujourd'hui par l'existence d'un
grand nombre de mots dont certains peuvent remonter
au moyen âge, mais dont beaucoup ont dû être créés
à une époque relativement récente. Voici ceux que je
relève dans le Dictionnaire béarnais de Lespy et Ray-
mond : abeyè (ennui), acabè (achèvement), adiré (cha-
grin d'amour), agané (réconfort), ahamiè (gloutonnerie),
ahanè (avidité), amourré (engourdissement), arrepoè,
reproé (proverbe), counsoulé (consolation), debeyé (en-
nui), déisè (conversation), desabeyé (désennui), desa-
coustumé (désaccoutumance), desbroumbè (oubli), descaré
(effronterie), descounsolé (désolation), desestimé (méses-
time), desfourtuné (ruine), desoundré (souillure), desoulè
(désolation, abandon), dessenssé (perte du sens), embar-
gué (obstacle), embarrè (clôture), embeyè (envie), estou-
maquè (dégoût), gourriné (fainéantise), lâché (relâche-
ment), ligué (travail pour lier les vignes), pregandè
(traitement par les pratiques superstitieuses), queré
(vermoulure, dépérissement1).
En dehors de la Gascogne propre, les seuls types
anciens encore vivants sont caitivier, consi(d)ier, con-
signer, destorbier, encombrier, enogier, melhorier et pen-
sier. Le patois de Saint- Yrieix-la-Montagne (Creuse)
connaît le substantif paier (prononcé poye), morceau de
pain, de crêpe, etc., que l'on donne au chien pour le
i. Ils sont beaucoup plus rares dans le Dictionnaire gascon-fran-
çais de Cénac-Moncaut ; j'y remarque cependant aouejè (ennui),
arrecatè (cachette), caytiouè (misère) et perçasse (picorée).
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 119
« payer » de sa peine quand il a ramené un animal
écarté; herbe, fourrage, etc., que l'on donne à la
vache pour qu'elle se laisse traire : comme c'est le
seul mot de ce genre que possède ce patois, il est pro-
bable que paier est une création du moyen âge.
Après avoir précisé la filiation morphologique qui
existe entre le suffixe abstrait -ier du français et du pro-
vençal et la désinence latine ■criiim, il resterait à parler
du rapport phonétique du roman au latin. Comme les
formes romanes se sont absolument confondues dans
les deux langues avec celles qui remontent au suffixe
latin -arius, il vaut mieux ne pas aborder ici cette
question; elle sera plus utilement traitée dans le mé-
moire consacré à ce suffixe, mémoire que le lecteur
trouvera à la page suivante.
V. — L ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -âTlUS ■ .
On a beaucoup écrit sur le suffixe -arius. Je n'ai pas
la prétention d'avoir lu tout ce qu'on a écrit, mais,
grâce au très consciencieux mémoire de M. Erik StaafF2,
je crois n'avoir rien laissé échapper d'important et je
demande la permission de dire mon sentiment sur la
1. Ce mémoire annule ce que j'ai écrit sur le même sujet
dans Romania, XXI, 491-498.
2. Le suffixe -arius dans les langues romanes, Upsal, 1896. — Les
intéressantes observations présentées à cette occasion par M. Meyer-
Lùbke (Kritischer Jabresb. IV1, 102 et s.) ne m'ont été connues
qu'au dernier moment, grâce à une indication de Gaston Paris ;
mais elles ne touchent pas au fond de ma thèse.
120 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
question, en me limitant toutefois au territoire de la
Gaule.
Il est hors de doute que, dès les plus anciens textes
français et provençaux, la désinence des mots qui corres-
pondent à des mots latins finissant en -èrius, -èrium et
-ëria est absolument homophone à celle des mots qui
remontent à des types latins pourvus du suffixe -arius.
Il paraît donc logique de conclure que, dans la période
préhistorique du français et du provençal, -arius a été
remplacé par -ërius. C'est ce qu'enseignait déjà M. Paul
Meyer lorsque j'étais sur les bancs de l'École des Chartes,
c'est-à-dire en 1876.
A quelle époque a-t-on dit -ërius au lieu de -arius ?
L'étude des mots où -arius est précédé d'une explosive
palatale nous fournit un point de repère. Il est évident
que cette substitution doit être postérieure, non seu-
lement à l'assimilation du c latin devant e, i, phéno-
mène relativement ancien, commun au français et au
provençal, mais à l'altération du c et du g devant a,
phénomène plus récent, propre à un territoire continu,
qui est à cheval sur les domaines respectifs de ce qu'on
est convenu d'appeler la langue d'oc et la langue d'oïl.
Dans ce territoire, porcarius est devenu porcharius, puis
porcherius, et finalement porchier, de même que locarium
a parcouru les étapes successives logario, loiario, loierio,
hier. Du moment que nous supposons l'évolution
de a à e plus récente que celle de c à ch et de g à i,
nous sommes à couvert du côté des palatales. Le
changement de ^ en e dans le suffixe -arius nous
apparaît donc comme celui de au en 0 que nous
offre le français, et le rapport de porchier, hier à leur
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 121
type latin rappelle celui de chose à causa et de joie à
gaudia.
Le passage de -arius à -ërius est-il un fait phoné-
tique, ou sommes-nous en présence d'une substitution
de suffixe ? M. Grôber s'est fait le champion de cette
dernière doctrine. Je ne puis être prévenu contre la
désinence -èrium, dont j'ai fait voir ci-dessus la vitalité
et la propagation ; pourtant il ne me paraît pas vrai-
semblable qu'elle ait pu franchir les limites que lui
assigne son origine pour prendre la place de -arius,
suffixe masculin, de -arium, suffixe neutre, encore moins
de -aria, suffixe féminin. D'ailleurs il est facile de véri-
fier, à l'aide des faits, le bien ou le mal fondé de cette
hypothèse. On ne peut supposer que *denërius prend
la place de denarius par substitution de suffixe, sans
être forcé de convenir que Va doit être du même coup
expulsé et de denarius et de ses dérivés; or, Va ne
bouge pas dans les dérivés. C'est ce que montre clai-
rement le provençal : voyez denairada, denairal, denairet,
et les noms abstraits en -aria, comme cavalaria, leu-
jaria, etc., à côté de denier, cavalier, leujier1. La cor-
respondance de -ier tonique et de -air- protonique est
si bien établie en provençal que l'on écrit abusivement
menestairal pour menesteiral, du latin ministerialis2. Le
changement de -arius en -ërius ne provient donc pas
d'une substitution de suffixe.
i . L'affaiblissement de Va protonique en e qui est propre au
français l'empêche de porter témoignage dans la cause. On remar-
quera que denerce, de bonne heure denrée, repose, non comme le
provençal denairada, sur le type latin *denariala qui aurait donné
"denairiee, *deneiriee, mais sur *denarala.
2. Raynouard, Lex. roui., IV, 236.
122 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
La forme -ërius peut-elle être une étape du dévelop-
pement régulier de -arius d'après les lois phonétiques
connues ? En aucune façon, si l'on s'en rapporte au
témoignage des mots latins qui présentent le même
groupement de sons, non en fonction de suffixe. Area,
latin vulgaire *aria, donne aira en provençal1, aire en
français ; varius donne de part et d'autre vair. On
voit clairement que Vi postonique en hiatus a passé dans
la syllabe accentuée pour s'y combiner avec Va et que
la diphtongue ai en est résultée. La même chose se
produit dans la francisation des mots latins empruntés
(contraire, de contrarius) ; mais ce n'est pas une raison
suffisante pour contester le caractère populaire et tra-
ditionnel de mots comme aire, glaire, paire, vair.
M. Staaff a repris k son compte l'idée de Gaston
Paris d'après laquelle la désinence française -ier serait
sortie phonétiquement de -arius latin précédé d'une
palatale, et aurait supplanté la désinence normale -air
des mots sans palatale. Mais le maître a déclaré depuis
qu'il était convaincu que, d'après les lois de la phonéti-
que française, -arius précédé d'une palatale aurait abouti
à -ir et non à -ier2. Sans discuter ici ce dernier point,
j'avoue qu'une explication qui laisse en dehors le pro-
vençal, où l'action de la palatale sur Va est nulle, me
fait l'effet d'un expédient.
i. Le provençal connaît aussi la forme iera, surtout dans la
région orientale (de là le nom de la ville d'Hyères) ; mais cette
forme ne peut suffire à établir une loi phonétique, même si l'on
y joint quèiro, quèro « artisan », du latin *caria, pour caries, à ce
qu'il semble, gliere « gravier » (forme savoyarde), de*gîaria, pour
glarea, etglèiro, glèro « glaire » (forme languedocienne), de *claria.
2. Romania, XXVI, 613 et XXXI, 490, n. 5.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 123
Dans l'état où tant de travaux accumulés ont porté la
question, je n'entrevois qu'un point lumineux, dégagé
il y a longtemps par Gaston Paris: c'est que le sort
de -arins en français et en provençal est lié à sa fonc-
tion. Convaincu, d'autre part, qu'il ne s'agit ni d'une
substitution de suffixe, ni d'un développement phoné-
tique en harmonie avec les lois reconnues du français
et du provençal, j'enseigne depuis plusieurs années que
la seule hypothèse qui semble permise, pour concilier
des faits en apparence inconciliables, consiste à sup-
poser une loi phonétique exotique qui serait venue
troubler la marche naturelle du français et du provençal.
Je considère le suffixe germanique qui se présente en
gothique sous la forme -areis comme l'auteur respon-
sable de la transformation du suffixe latin -arius en
-ërius, transformation irrégulière et a jamais inexpli-
cable pour qui reste sur le terrain de la phonétique
française ou provençale. J'imagine aussi que les innom-
brables noms propres germaniques qui se sont répandus
depuis le cinquième siècle sur la Gaule et qui y ont été
latinisés dès la première heure en -charius et en -garnis
ont dû singulièrement renforcer l'action du suffixe
■areis. Que ce suffixe germanique provienne lui-même
d'un emprunt au suffixe latin -arius, comme l'ensei-
gnent aujourd'hui les germanistes, ou qu'il ait une
autre origine, peu nous importe. Il a évolué de -ari à
-er, conformément à la loi de l'umlaut, en germanique :
voilà tout ce qu'il nous faut retenir. A une époque où
la phonétique romane n'était qu'à ses débuts et où
l'on croyait que le latin -arius aboutissait tout de go
au français -ier, Diez pouvait écrire : « Les noms de
124 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
l'ancien haut-allemand composés avec -hari, comme
Gundahari, etc., changent leur a en ie, non point par
une dérivation immédiate du moyen haut-allemand
Gunthêr, etc., mais en vertu du même procédé qui
transforme argentarius en argentiere1. » Aujourd'hui
on est d'un tout autre sentiment. MIle Cipriani, qui a
fait une étude spéciale des noms de cette catégorie,
est arrivée à la conclusion que le suffixe -hari n'a pénétré
en français qu'après avoir subi l'umlaut germanique, et
elle est portée à croire que le suffixe des noms d'agents
a dû suivre le même chemin2. On peut aller plus loin
et dire : le suffixe latin -arius est devenu -ërius dans
la bouche des Francs établis en Gaule, parce que,
en parlant latin, ils ont été influencés par le suffixe
germanique de forme et de signification analogues et
par la désinence homophone de nombreux noms pro-
pres germaniques; puis la prononciation germanique
-ërius s'est généralisée, et a été adoptée par les popu-
lations romanes elles-mêmes, comme par exemple, celle
de *wastare, au lieu de vastare, d'où le provençal gastar
et le français gâtera.
i. Gramm. des langues rom., trad. franc., I, p. 284.
2. Étude sur quelques noms propres, p. 42.
3 . Il n'est peut-être pas inutile de bien préciser que ma manière
de voir, tout en se rapprochant de celle qu'a exposée, il y a quelque
vingt ans, M. W. Foerster (Zeitscbr. fur rom. Phih, III, 508 et s.),
s'en distingue en ce que je ne crois pas qu'il ait pu y avoir dans le
latin abandonné à lui-même un phénomène spontané d'umlaut.
Je dois ajouter d'ailleurs (et c'est Gaston Paris qui m'en avait fait
la remarque) que M. Marchot a eu la même idée que moi et l'a
exprimée en passant dans les Rom. Forsch., XII, 647, où on lit:
« Une transformation en francique de -art en -eri pourrait remonter
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 125
Si l'ancien haut-allemand offre encore assez tardive-
ment des formes en -art, sans umlaut, nous sommes
autorisés à dire que la langue des Francs a altéré l'a
beaucoup plus tôt, .puisque nous trouvons la forme
Berbero, pour Berhario, dans une charte de 766 '. Or,
c'est aussi au huitième siècle qu'apparaît le changement
de l'a en e dans le suffixe -arius: les plus anciens
exemples sont sorcerus et paner dans les gloses de Rei-
chenau, Warencerie dans un diplôme de Charlemagne
daté de 774 2 et pomerius dans les gloses du ms. latin
912 de Saint-Gall, écrit au huitième siècle 3. On
a cité, il est vrai, des dates antérieures : voyons
ce qu'elles valent. M. Staaff indique Glanderiae en
5874; mais le document d'où provient cette forme
est une généalogie de saint Arnoul, évoque de
Metz, fabriquée au plus tôt du temps de Charles le
au sixième siècle et avoir détermine, d'abord dans les bouches
franques s'essayant à parler roman, la transformation de -arius en
-erius, puis chez les Romans. » Enfin, je me suis trouvé aussi
d'accord, sans le savoir, avec M. J. Vising, car voici ce qu'il m'a
écrit, à la date du 27 novembre 1902: « Cela m'a fait un grand
plaisir de lire votre article sur les substantifs abstraits en -ier,
comme aussi la thèse de MIlc Cipriani sur -hari. Je retrouve dans
ces deux mémoires, en principe, une théorie que je n'ai cessé de
prêcher depuis 1885, savoir que le français -ier est dû à l'allemand
-hari. En effet, en 1885, j'ai envoyé à Gaston Paris un mémoire
dans lequel j'ai essayé de développer cette théorie. Il me l'a ren-
voyé avec quelques notes de M. Paul Meyer et cette conclusion
que ni lui ni M. Paul Meyer n'y croyaient. »
1 . Comme premier élément de nom propre, Chari- affaiblit l'a
en e dès 723 (Cipriani, p. 39).
2. Staaff, op. laud., p. 96.
3. Gcetz, Corp. gl. latin., IV, 2i9'9.
4. Staaff, op. laud., p. 125.
126 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
Chauve1. On a fait état aussi de Redeverus, nom de
Reviers (Calvados) dans la vie de saint Vigor2. Mais si
saint Vigor, évêque de Bayeux, a bien vécu au sixième
siècle, son biographe, d'après M. l'abbé Duchesne*,
appartient au huitième ; d'ailleurs que savons-nous des
antécédents de Redeverus? Enfin, M. l'abbé Rousselot
a cité, comme une preuve certaine de l'emploi de -ërius
pour -arius dès le sixième siècle, ce passage d'une
homélie du pape saint Grégoire : « Chrysaorius, quem
lingua rustica populus Chryserium vocabaf». » Il s'agit
de la langue rustique de la province dite Valeria, partie
de la Hongrie actuelle à l'Ouest du Danube. Mais
Chrysaorius n'est pas un nom en -arius. M. l'abbé
Rousselot a beau dire que « la finale grecque -aorius
ne devait guère être distincte pour le peuple de la forme
classique -arius », il ne persuadera personne. Que le
peuple de la Valeria ait dit Chryserius au lieu de Chry-
saorius, je veux bien le croire, par déférence pour le
pape; mais il est clair que ce n'est pas là un phéno-
mène de phonétique pure : c'est une substitution de
désinence. Or, il y a assez de noms usuels en -erius dans
l'onomastique courante du sixième siècle (Aetheriiis,
Asterius, Desiderius, etc.) pour que l'affaire se règle
entre -aorius et -erius sans faire intervenir -arius^.
Un a germanique devenu e en francique (ou dans
i. Voir Dom Calmet, Hist. de Lorraine, preuves, col. 79.
2. Grôber dans Zeilschr.fùr rom. Phil., XIX, 63, note 1.
3. Fastes e'piscopaux de la Gaule, II, 213.
4. Les tiiodif. pbone't. du langage..., p. 254.
5 . A noter Potnerius, nom d'un abbé d'origine africaine mort en
Gaule vers 498. Je ne crois pas que Poimiius soit pour Pomaritts ;
mais comment est-il formé ?
L'ÉVOLUTION PHONÉTQUE DU SUFFIXE -ARIUS 127
tout autre dialecte germanique du haut moyen âge) a
pu passer en français et en provençal et y être traité
comme Yë latin primitif, puisque le mot bief correspond
au gothique badi1. M. d'Arbois de Jubainville a montré
que le premier élément des mots français herban, herberge
provenait du mot francique heri, gothique harjis,
armée2. Il est vrai que le provençal semble avoir pour
base, non pas heri, mais hari, car il dit alberc (dissimi-
lation pour arberc), et cet a se retrouve dans les parties
du domaine français qui confinent au provençal (Sain-
tonge, Poitou, Bourgogne) 5. Mais il est d'accord avec
le français en ce qui concerne le traitement de l'a de
badi, puisqu'il a tiré de ce substantif germanique le
dérivé beçah, dont Ye ne peut être issu de Ya primitif
que dans les bouches germaniques.
On a l'habitude de distinguer deux couches dans les
mots germaniques qui ont passé en français et en pro-
vençal : la première comprend les emprunts faits par
i. C'est M. Meyer-Lùbke qui a attiré mon attention sur cet
exemple auquel je n'avais pas d'abord songé (Zeitschr. fur rotn.
Phil., XXVII, p. 506). Voyez Mackel, Die germ. Elemente, p. 89.
2. Romania, I, 139.
3. Même contraste entre le provençal et le français pour les
noms propres dont ce mot constitue le premier élément ; au fran-
çais Herbaut, Herbert, Hersent s'opposent Arbaut,Arbert, Arsen, etc.
On pourrait proposer pour l'a provençal une autre explication et y
voir la transformation d'un ancien e due, soit à la présence de IV
(cf. Armengaut à côté de Erruengaut), soit à une autre cause (cf.
Austorcs, du latin Eustorgius, Auduirt^ de Hildegardis, etc.) ; mais
j'incline à admettre que l'a provençal est l'a germanique.
4. Le simple paraît exister dans l'auvergnat bèso et le forésien
bie, enregistrés par Mistral; mais il serait bon de vérifier la forme
et la provenance exactes de ces mots, ce que je n'ai pas le moyen
de faire.
128 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
les Romans aux peuples germaniques qui vivaient au
milieu d'eux, c'est-à-dire pendant la période qui suit
immédiatement la grande invasion du commencement
du cinquième siècle; la seconde, les emprunts posté-
rieurs1. On serait volontiers porté à croire que le pro-
vençal a reçu son premier fonds germanique des Bur-
gundions et des Wisigoths, qui ont occupé pendant
environ un siècle la région de la Gaule qui correspond
à son domaine linguistique, et que ce premier fonds
s'est augmenté par un nouvel apport dû aux Francs,
qui sont définitivement restés maîtres du pays, de sorte
que le provençal aurait deux couches successives pour
la période primitive pendant laquelle le français n'en
a qu'une. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, il est
certain que le provençal a dans son fonds germanique,
à côté d'éléments très anciens et qui dominent, quelques
traces d'emprunts faits à une époque plus récente.
Qu'il y ait du burgundion et du wisigothique en pro-
vençal, c'est fort naturel; mais il y a aussi autre chose,
comme je vais le faire voir.
Le gothique a un thème mer- qui entre fréquemment
comme second élément dans la composition des noms
propres de personnes ; la forme mer- est devenue mar-
en francique et a passé en roman du Nord avec cet a
qui a été assimilé à un a latin primitif et traité comme
tel2. Le provençal est d'accord avec le français; il ne
connaît pas la forme gothique qui aurait conservé son
e si elle avait été romanisée dans le Midi, mais la
i. Mackel, loc. cit., p. il.
2. Cipriani, Études sur quelques noms propies, p. 22.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -Akl US I29
forme francique : il dit A^emar, comme le français dit
Aimer l.
Le poème de Sancta Fides contient un mot inconnu
jusqu'ici dans le lexique provençal : le substantif
esca^2. Ce mot veut incontestablement dire « trésor »
et il vient non moins incontestablement du germani-
que. Or, la forme gothique skatt ne peut expliquer la
forme provençale, dont le % témoigne d'un état linguis-
tique postérieur, état analogue à celui de l'ancien haut-
allemand, qui dit sca^.
Il arrive même que les formes provençales sont plus
néologiques que les formes françaises correspondantes.
L'ancien français dit toujours guarir, garir, d'après
warjan; au contraire, le provençal dit ordinairement
guérir, et Ye de ce mot ne peut s'expliquer que par un
emprunt à la forme germanique postérieure werjan,
issue de la forme primitive par umlaut 3.
i. Il est vrai que le nom d'un maire de Bordeaux en 1243 se
présente sous la forme Condamner (Luchaire, Recueil de textes gascons,
p. 128); mais il est possible que ce norii provienne de la langue
d'oïl. La conservation de Ye gothique n'a rien d'impossible, mais
elle n'est pas encore pleinement établie. De même, en français, il
est possible que les formes primitives en nier- se soient maintenues
accidentellement ; voyez ce que j'ai écrit à ce sujet, Romania, XXXI,
433-434-
2. Eli prometrai tan gran escaz
Qe tôt lo mal telant 1' esfatz.
(Vers 176-7, Romania, XXXI, 186; cf. journal des Savants, juin
1903, p. 343.)
3. L'e peut ensuite devenir i par un phénomène secondaire qui
se produit aussi dans les mots purement latins : guiren, de guérir,
comme sirven. de servir. — Les indications données par M. Mackel,
p. 182 et 183, présentent mal les faits: « germ. warjan — afrz.
prov. guarir ; anfrk. *xvcrjan — frz. guérir. »
Thomas. IL — 9
130 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
L'ancien français a toujours un / initial dans treschier
« danser », qui correspond au gothique thriskan, et le
provençal dit aussi trescar; pourtant il y a une trace,
dans cette dernière langue, de la phonétique germa-
nique postérieure. On relève en effet le substantif dresca
« danse » dans un glossaire du quatorzième siècle1:
le à initial correspond à celui du haut-allemand drêskan.
La constatation de faits de ce genre me porte à croire
que l'hypothèse de l'action d'un umlaut germanique
n'est pas plus inadmissible pour le provençal que pour
le français. Il est vrai que Mlle Cipriani n'a pas trouvé
dans le Midi des exemples aussi anciens que dans le
Nord du changement de Va en e dans les noms propres
en -harius; le plus ancien qu'elle cite est Magnerio,
en 825 . Mais on peut remonter plus haut. Je m'aperçois
que M1!e Cipriani a négligé une source importante, le
polyptyque de Saint-Victor de Marseille, daté très exac-
tement de 814, qui nous est parvenu dans le manuscrit
original2. A côté de nombreux exemples de persistance
de la désinence latine -aria (Leboraria, p. 641 ; vercaria,
p. 642 et ailleurs ; Orsarias, p. 642 ; Frondarias, p.
643, etc.), j'y relève deux exemples de substitution de e
à a : Tasseriolas, pour Taxariolas ?, et vergeria pour
1. Voyez Levy, Prov. Suppl.-Wœrterbuch, v° dresta : la correction
de dresta en dresca est tout à fait évidente, bien que M. Lévy ne
s'en soit pas avisé.
2. Publié en appendice du Carttilaire de Saint-Victor de Marseille,
dans la Collection des documents inédits, t. II, p. 634 et s.
3 . Je suppose que ce nom est un diminutif de *taxaria, lieu planté
d'ifs (taxus), et que *taxaria devenu *taxeria a influencé son dimi-
nutif, bien que le changement de l'a en e ne se propage pas en
provençal du primitif au dérivé.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 131
vercaria1, p. 634. J'y remarque aussi deux cas tout à
Eût certains où la désinence germanique a subi la
même transformation : ce sont les noms de femmes
Lauieria, p. 640, et Auteria, p. 642 et 649.
Mais je prévois une grosse objection contre l'hypo-
thèse d'une influence germanique sur le suffixe -arius,
soit en provençal, soit en français. Il y a beaucoup de
mots germaniques susceptibles d'être altérés par l'um-
laut-qui ont passé dans ces deux langues, par exemple
la série des Verbes en -jan, comme hardjan, marrjan,
tbarrjan, wandjan, warnjan, etc., et quelques substantifs
en -ja (*happja, *harja) et en -jo (skankjo, wranjo) :
comment se fait-il que, sauf pour badi > bief, l'action
de l'umlaut ne se répercute pas en gallo-roman et que
les formes romanes soient (h)ardir, marrir, tarir,
g(u)andir, g(u)amir, apcha-hache, esc(h)an^-esc(h)an-
so(n), g(u)aranho(n), et non *(h)erdir, *merrir, etc. ?
Pourquoi le type germanique *harja donne-t-il en
français hairc, comme le type latin *aria donne aire ?
A cela il n'y a qu'une réponse : les types germaniques
ont été romanisés avant que l'action de l'umlaut se fût
manifestée. Mais on conçoit combien il serait intéres-
sant de trouver des traces manifestes de l'action de
l'umlaut en roman dans quelques autres mots pure-
ment germaniques. Il me semble qu'il en existe. Si
l'ancien français eschiere (par confusion eschiele) remonte
régulièrement au type germanique shara, il n'en est
1. J'ai déjà eu l'occasion de citer ce mot {Mélanges, p. 48, n. 1)
et de dire que j'en ignorais l'étymologie. Le^du polyptyque semble
favoriser l'opinion de ceux qui le rattachent à *vcrvccaria, mais ce
n'est qu'une apparence.
!}2 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
pas de même pour le provençal esqueira, qui paraît bien
reposer sur *skerja pour *skarja. Enfin et surtout, les
représentants provençaux qui correspondent au français
haire sont particulièrement intéressants. Nous trouvons
en effet concurremment cara l, quaira2, queiraî,quieirai,
cheira 5 et chiera6. Assurément, il y a de quoi être surpris
de voir un q ou un ch (selon les régions) correspondre
à Yh germanique initiale 7; mais est-il possible, en pré-
sence de l'identité sémantique, de douter que les dif-
férentes formes provençales reproduisent un type
primitif *harja}
Si la fusion de -arius et de -êrius s'est réalisée dans
les conditions que je viens d'indiquer, il n'est pas extra-
i. Exemple unique cité par M. E. Levy, Prov. Suppl.-W., I,
209, d'après le Nouveau Testament de Lyon reproduit en fac-
similé par M. Clédat.
2. Nouveau Testament de Lyon, reproduit par M. Clédat, f° 125,
ire col.
3. Ibid., fa 277, ire col.
4. E. Levy, loc. laud., d'après Malin, Ged., 1241, 1.
$. Raynouard, Lex. rom., II, 392, et A. Thomas, Inv. des arch.
comm. de Limoges, série AA, p. 1, 2e col.
6. Cette forme est indiquée par M. Emil Levy d'après Malin,
Ged., 1242, 1, et Noulet et Chabaneau, Deux manuscrits prov.,
XXXI, 31 ; on la trouve aussi à Limoges, où il y avait une con-
frérie de las Chieras (ou Cheiras) et où le mot était devenu syno-
nyme de « suaire ». C'est par une regrettable étourderie que j'ai
traduit cheiras par « chaises » dans Y Inventaire cité à la note pré-
cédente. M. L. Guibert me signale ces deux passages d'anciens
inventaires, tout à fait décisifs : « Enseguen se los noms deus
cofrairs deu[s] paubres vistir e de la[s] Chieras, autramen deus
Suairs — la una cofreyria se appellava deus paubreys vistir e
l'autra de las Chieras (sic), soy assabeyr deu\s\ Suaris. » (Archives
de l'hôpital de Limoges).
7. Cf. le rapport du prov. gequir au germanique jehan.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 133
ordinaire que Va des mots comme *aria, *claria, pa-
ria, etc., n'ait pas été atteint. On conçoit aussi, il est
vrai, que cette tendance ait pu, danscertaines régions,
franchir ses limites naturelles et se propager même à
quelques-uns de ces mots; j'expliquerais volontiers
les formes dialectales du provençal (jeta, *gliera et
*quiera) par l'influence germanique1.
Le changement de Va en e est peut-être le point
le plus important que présente la question du suffixe
-ariits, mais ce n'est pas toute la question. Le traitement
de 17 en hiatus, posttonique et sa réaction sur la voyelle
accentuée a donné lieu aussi à une longue controverse,
particulièrement en ce qui touche le français. Pour les
uns, les mots actuels métier, Méxiëres sont les repré-
sentants phonétiques très réguliers des mots latins cor-
respondants ministërium, Macërias; pour les autres, au
contraire, métier et Mégères présentent une désinence
postiche empruntée au suffixe -arius, -aria ; il est même
des philologues qui accorderaient volontiers que m'uiis-
tërium donne régulièrement mestier, mais que Macërias
doit donner *Maisires. Pour juger de la valeur de ces
1. Je me suis demandé (Romania, XXXI, 492, n. 3) si iera ne
sortait pas d'une forme *aeria, contamination de area par aer.
M. Schuchardt a relevé dans des textes du sixième siècle les formes
abera, haera, aéra et même aère, au lieu de area (Vokalismus, II,
528), qui pourraient à la rigueur appuyer cette manière de voir ;
mais, décidément, il me paraît plus sage d'y voir de simples étour-
deries de scribes.
I$4 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
différentes doctrines, nous allons passer une revue
impartiale des faits en nous efforçant, chemin faisant,
d'en tirer quelque lumière sur les lois qui les régissent.
Commençons par le provençal, dont la phonétique
est plus transparente que celle du français.
Les textes provençaux les plus anciens écrivent -er
(oliver, primer, dans la Passion l ; consider, reprober,
cavalier, etc., fans SanctaFides) ou -eir, -eyr (useire, de
ostiaria, dans la Passion, v. 190; empeyr, magesteyr,
escueir, etc., dans Alexandre; -eira dans toutes les dési-
nences féminines de Sancta Fides) ; plus récemment on
trouve -ier et -ieir. Si dans la région franco-provençale
la présence de Yi dans -ier est due à l'influence d'une
palatale précédente, puisque -er domine en l'absence
d'élément palatal, dans d'autres régions où il est impos-
sible d'attribuer une pareille influence à la palatale pré-
cédente, on trouve aussi -ier et -ieir. Il est à remarquer
que la présence de la diphtongue ou de la triphtongue
est particulièrement fréquente dans la désinence fémi-
nine.
Tel est l'état de choses que nous constatons, par
exemple, dans Sancta Fides. Normalement, ce texte
écrit -er au masculin et -eira au féminin. Faut-il faire
remonter la désinence masculine à un type spécial du
latin vulgaire en acceptant la théorie de M. Marchot,
1. M. Waldner pense (Staaff, p. 35) que la forme baisair, qui
se trouve au vers 148 de la Passion, remonte à un type latin *basia-
rintn ; je crois plutôt que nous avons affaire à l'infinitif baisar, du
latin basiare, employé substantivement, et que la graphie du scribe
{-air au lieu de -ar) est due à la présence de la diphtongue ai dans
la première syllabe de baisar.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARWS IJJ
c'est-à-dire en admettant que les formes en -er repré-
sentent des nominatifs accusatifs *-èrus, -èrum, -èros
sortis des formes contractes -èrl pour -ëril ? Faut-il, au
contraire, admettre une loi de phonétique romane en
vertu de laquelle -crium aboutit à -er par l'intermédiaire
d'une forme -eir qui a perdu son i, tandis que les formes
féminines en -eira l'ont conservé? Il n'est pas douteux
que cette seconde manière de voir soit la bonne. En
effet, le copiste de Sancta Fides écrit exceptionnellement
obreir, de operarium, au vers 333, bien que les autres
rimes soient en -er1. Dans la même tirade il écrit profer
(il s'agit de la ire pers. sing. ind. prés, du verbe proferre,
qui fait au subj. près, prof eira, vers 108) et enter: or,
si on peut à la rigueur supposer une substitution de
désinence dans enter, il est impossible de ne pas consi-
dérer profer' comme une simple graphie pour *profeir,
étant donné qu'à la même personne du même temps
le copiste écrit deux fois qneir (vers 245 et 268), qui
est à son type latin *qnaerio, comme *profeir à son type
* profer io.
On a le sentiment bien net que tous les mots qui
figurent à l'unique tirade en -er de Sancta Fides ren-
ferment implicitement un i que le scribe a omis (sauf
une fois, dans obreir du vers 333). Cette omission
presque normale de Yi dans la désinence masculine
est un fait dont il faut tenir compte assurément, mais
je ne puis l'interpréter que comme l'indication d'une
tendance qu'avait la langue (celle du scribe, et non celle
1. Telle est la leçon du manuscrit, bien que M. Leite de Vas-
concellos ait imprimé obrer (voy. Journal des Savants, juin 1903,
p. 341, note).
136 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
de l'auteur) à laisser tomber Yi dans ce cas, tendance
qui ne se manifeste pas dans la désinence féminine
correspondante.
Dans d'autres textes nous constatons l'accord du
masculin et du féminin, soit à laisser tomber, soit à
conserver Yi issu des désinences latines -ërhis, -ëria.
C'est le cas, par exemple, d'une grande partie des textes
gascons qui, dès l'origine, écrivent -er, -era, conformé-
ment à l'usage actuel1. Faut-il supposer que là, le fémi-
nin a fini par se modeler sur le masculin ? C'est fort
possible; mais on n'en saurait fournir la preuve irré-
futable. Pourquoi ne pas admettre que la forme fémi-
nine a pu, elle aussi, se débarrasser de son i par voie
phonétique ? Ne constatons-nous pas l'existence de
formes provençales telles que ceriesa, gliesa, du lat.
*cerësia, ecclësia ?
Comment expliquer la diphtongaison de Yë en te ?
On sait que le provençal ne diphtongue pas Yë comme
le français, c'est-à-dire quand aucune influence étran-
gère n'intervient. Mais on sait aussi qu'il admet la
diphtongaison lorsque Yë est suivi d'un élément palatal.
Or, c'est le cas ici : même absorbé par Yr, l'élément
palatal agit, et c'est sa présence implicite qui explique
le passage de -er à -ter, aussi bien que celle de -eir à
-ieir. Il suffit de rappeler que / mouillée produit le
même résultat et que velh passe à vielh. Mais, dira-t-on,
pourquoi le passage de -er à -ter n'est-il pas aussi général
que celui de velh à vielh ou celui de seis (= latin sex)
i . M. Bourciez a rappelé que dans le Nord-Ouest de la Gascogne
on a -eir, -eira, et non -er, -era (Rev. critique, 1893, p. 263).
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS I 37
à skis}. Je n'en sais rien, et je tiens qu'on n'en peut
rien savoir. Contentons-nous des résultats incontes-
tables de la phonétique descriptive, sans vouloir tou-
jours remonter aux causes premières, lesquelles nous
échapperont peut-être éternellement. Quand nous au-
rons un tableau complet, village par village, de l'état
phonétique actuel des patois, nous pourrons nous ris-
quer plus loin et plus haut1.
Arrivons au français. Les dialectes de l'Est (Lorraine
et Bourgogne) ne soulèvent pas de difficulté. Il est
reconnu aujourd'hui en gros, grâce surtout aux recher-
ches de M. Horning, que le traitement de notre suffixe
y .est en harmonie avec celui de Yè suivi d'un élément
palatal et de l'a précédé et suivi d'un élément palatal.
M. Staaff remarque justement que « ceux qui tiennent
à la substitution de -èriutn pourraient y voir une preuve
en faveur de cette hypothèse2 ». Il en est de même,
il me semble, à l'Ouest et au Sud-Ouest, car de part
et d'autre on trouve les même formes, quoique réparties
1 . Il est bon de rapprocher la disparition de 17 dans les formes
masculines qui correspondent à -êritis de sa disparition dans celles
qui correspondent à -ôrius : orador, du lat. oratorium, tandis qu'on
a toujours -oira dans les noms féminins. Mais cette disparition dans
la désinence -ôrius est beaucoup plus étendue dans le domaine de
la langue d'oc ; ce n'est que dans le Nord de la Gascogne (avcmduir,
Luchaire, Kecueil, p. 79, 1. 2) et dans le Nord de la Marche (noms
de lieux comme Lourdouei x-Sàmt-P'\erre, Lourdoueix-Saint-Mkhcl,
L'Auradoueix, commune de Gouzon, représentant Oratorium') qu'on
trouve des traces de 17. On peut aussi comparer la diphtongaison
de l'ô dans côrium à celle de l'I dans miuistcrium ; si Vô se diphtongue
presque toujours et partout dans ce cas, cela tient à sa nature par-
ticulière ; comparez fuec, luec (lat. fôco, luco) en opposition avec
dec, pec (lat. *deco, pour dëcussis, *pcco, pour pëcus).
2. Loc. cit., p. 129.
138 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
différemment et n'offrant pas toujours de correspon-
dance exacte entre le masculin et le féminin. Ces formes
sont ordinairement: -er, ère; -eir, -eire. On trouve
aussi -1er, -iere, comme en français propre, sans qu'il
soit possible de décider s'il s'agit d'héritage ou d'acquêt.
Un cas curieux se présente dans le Turpin saintongeois
qui a ordinairement au masculin -ter (parfois -er) et
toujours -eire au féminin.
Une objection se présente pourtant: on l'a faite à
propos des dialectes du Sud-Ouest1, mais elle a une
portée plus générale. Dans certains textes qui ont régu-
lièrement ie issu d'un ë latin libre et non influencé, on
a constamment -er, -ère quand il s'agit du suffixe -arius.
« Nous pouvons y voir, dit M. Staaff, encore une
preuve contre toute hypothèse d'un -crium latin. » J'y
verrais au contraire l'indice d'un régime phonétique
spécial où la présence de 1'/ en hiatus du type étymo-
logique entrave la diphtongaison de Yë tonique. Même
sans faire appel à l'espagnol, qui diphtongue Yë de
pëtra (d'où piedra) ou de përdo (d'où pierdo), mais non
celui de matèria (d'où maderci) ou de pëctus (d'où
pecho), on peut trouver des analogies dans la phoné-
tique française. N'est-ce pas la présence de 1'/ en hiatus
qui a empêché la diphtongaison de Yô en eu dans la
désinence -ôrius qui aboutit en français propre à -ôir,
tandis que -ôrem aboutit à -eur ? Le fait que beaucoup
de dialectes diphtonguent même Yô de -ôrius et laissent
tomber 1'/ en hiatus n'infirme pas le rapprochement,
au contraire.
i. Staaff, p. 91 et 127.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -A RI US 139
En français propre (et l'on peut, semble-t-il, rattacher
le picard et le wallon au français propre) la désinence
qui nous occupe se présente sous la forme -ter. Sainte
Eulalie nous offre menesiier de ministerium et conseilliers
de consiliarios. Le poème de Saint Léger fait assoner
biens, de bëne -h s, avec Lethgier, de Leodegarium ;
voluntiers, de voluntariis, avec morutier, de monastë-
rium; mislier, de ministerium, avec castier, de casti-
gare, etc. Tout se ramène, semble-t-il, à savoir si, dans
le français propre, mestier et maisiere sont les repré-
sentants phonétiques traditionnels des types latins
ministerium et macëria.
M. Horning, entre autres, pense que non. A l'ap-
pui de sa manière de voir, il invoque1 les substan-
tifs avoltire (lat. adultëriunï), empire (lat. impërium),
ma lire (lat. matëria), et les formes verbales fife et
mire, des verbes ferir et merir, qui correspondent
aux types latins fëriam et *mëriam (pour mëreatn).
Il est à peine besoin de faire remarquer que les trois
substantifs cités ne prouvent rien : Ye final de avoltire,
empire et le / médial de matire proclament assez haut
que nous ne sommes pas en présence de formes remon-
tant à la couche primitive de la langue française.
M. Horning ajoute que la finale de monasterium n'a
pu aboutir régulièrement en français à -ier car, corres-
pondant au grec -r,p'.sv, elle avait en latin ê et non ë.
Mais parler ainsi, c'est perdre de vue l'assimilation du
grec y; et du latin ë que tout le monde est d'accord
1. Gramm. de l'anc. franc., p. 12, en tété de La langue et la litt.
franc., de Bartsch et Horning (Paris, 1887).
140 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
pour admettre dans ecclësia, base de tous les mots
romans, en face du grec huXipix : le latin vulgaire pro-
nonçait certainement monasiërium , comme cantërius
(•/.avOr(X'.:r) et psaltërium (^sX-rijptcv) : probablement aussi
cœmetërium (xoijAïjr^ptcv), bien que nous n'ayons aucun
témoignage vivant de la forme populaire de ce dernier
mot.
Réservons pour le moment les subjonctifs fire et
mire, pour ne considérer que les finales latines sans a.
A côté des substantifs abstraits en -ter, nous avons une
petite série de mots essentiellement populaires qui nous
offrent uniformément la même désinence : chantier (lat.
cantërhim), métier {ht. ministërium), mou lier (lat. monas-
tërittni), psautier (lat. psaltërium), tempier (lat. *lempë-
rium). Il y faut joindre les noms" propres Chariicr
(lat. Cartërius, grec Kapréptsç), conservé dans le nom de
lieu Saint-Chartier (Indre), Didier, Disier (lat. Desidë-
rius) et Va lier (lat. Valërius) conservés dans une foule
de noms de lieux et de personnes1.
i . Les noms de saints Eleulberius et Exsupêrius sont représentés
par saint Lebire (à Tournav) et saint Spire (à Corbeil) ; mais il est
manifeste que Lebire et Spire apartiennent à la 'même couche pos-
térieure que avollire et empire mentionnés plus haut. — Je laisse
de côté quelques mots cités par M. Staaff (op. lattd., p. 94), notam-
ment extérius, parce que je ne suis pas sûr que estiers, fréquent en
provençal, existe aussi en ancien français, primiccrius, parce qu'il
aune long (de primus et de cera) et que l'ancien français princier
a pu permuter sa désinence primitive avec celle du suffixe -ariits,
et *macoius, parce que la forme primitive est sûrement' *mercia-
rius. — On pourrait aussi faire état de l'ancien français danaitiers,
endementiers (patois du Haut-Maine dementier) en le rattachant
directement à un type du latin vulgaire *dumintëriis, mais dementiers
peut aussi bien être une variante romane de dementier es, lat. vul-
gaire *ditmiiitcrias, classique dum intërea.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 141
Il est tentant, en présence de ces faits, de considérer
le passage de -ërius à -ier comme un phénomène normal
et d'ériger en loi la diphtongaison de Yë en ie et la dis-
parition de 17. Que peut-on objecter à l'encontre ? La
loi n'est-elle pas la formule qui s'applique à l'ensemble
des faits et connaît-on d'autres exemples où -ërius
n'aboutisse pas k-ierï Mais remarquez combien il est
étrange que varius, rasôrium et côvium conservent leur
i et deviennent vair, rasoir et cuir, tandis que ministë-
rium perd le sien et devient mestier, métier et non
*mestieir, d'où par contraction *mestir, *mètir. M. Staaff
a pris soin de formuler une « loi générale » pour nous
tranquilliser et il dit : « plus la voyelle qui précède rj
est d'articulation avancée, plus rj a de chances de se
changer en r1 ». Mais, si je ne m'abuse, Yô est aussi
« avancé «'que Yë; n'empêche que rj aboutit à ir, et
non à r, dans cuir. Que dis-je ? Pô est plus « avancé »
encore, et pourtant 17 tient bon dans rasoir. Passons,
et consentons provisoirement à accepter que -ërium
donne -ier. M. Morf a éloquemment protesté contre une
certaine façon grossière de concevoir les phénomènes
linguistiques2 et il est possible qu'en voulant conclure
de -arius, -ôrius, -ôrius à -ërius nous méconnaissions la
multiplicité des nuances phonétiques.
Examinons maintenant le cas de macëria. Nous avons
le même résultat dans dément ieres (lat. vulg. *Jn»i'ui-
tërias), Lisière (lat. Glycëria, grec VkwUçiz, nom d'une
vierge honorée à Sens), maure* (lat. matërid) et Volière
i. Op. tattd., p. 89.
2. Archiv fur das SluJimii ier neucrm Sprachen, XCIV, 348.
3. Godefroy distingue deux mots nudert : l'un signifiant « menu
142 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
(lat. VaJêria, martyre honorée particulièrement à
Limoges, qui a donné son nom à Sainte-Valière, fau-
bourg de Nevers) ; et il ne faut pas oublier que macëria
a servi à désigner un grand nombre de noms de lieux,
dispersés aux quatre coins de la langue d'oïl (Aisne,
Ardennes, Aube, Calvados, Charente, Deux-Sèvres,
Doubs, Eure, Eure-et-Loir, Ille-et-Vilaine, Indre, Indre-
et-Loire, Loiret, Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle,
Pas-de-Calais, Haute-Saône, Sarthe, Seine-et-Oise,
Somme) et qui offrent tous la désinence -iêre (Mai-
bières, Manières, Mégères, etc.). En présence de cette
série se dressent les deux subjonctifs fire et mire, dont
j'ai déjà parlé, qui remontent incontestablement aux
types classiques fëriam, wëream et qu'il est impossible
de considérer autrement que comme offrant dans leur i
le développement phonétique régulier de IV latin de la
désinence -ëria. Comment expliquer cette antinomie?
Je me suis demandé x s'il ne convenait pas d'admettre
que Yi latin en hiatus avait été plus résistant quand il
était le signe du subjonctif que quand il était à l'état
inerte, pour ainsi dire, dans la désinence substantive
-ëria. Cela n'est pas aussi absurde qu'on pourrait croire,
car il va de soi qu'il faut entendre par résistance du
phonème la conscience conservatrice de l'individu qui
bois » et l'autre « levain qui sert à faire fermenter la bière et droit
qu'on en payait au seigneur ». Ce sont en réalité deux sens du
même mot, le premier dans la région lyonnaise, le second dans le
comté d'Eu et à Tournai ; cf. l'intéressant article mayiri du Dut.
ètym. lyonnais de Ni/.ier du Puitspelu ; ce dernier a tort de révoquer
en doute le sens de « levain de bière ».
i. Romania, XXXI, 490.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 143
le prononce. Mais cette idée ne me satisfait plus depuis
que Gaston Paris en a, d'un mot, dévoilé l'insuffisance l.
Comment, en effet, concilier sur le terrain phonétique
cerise (lat. vulg. *cerësia) et maisière (lat. macëria) ? On
dira peut-être, en songeant aux idées de M. Morf: il
n'est pas légitime de conclure de -ësia à -ëria; qui sait
si la présence d'une consonne différente n'entraîne pas
la différence de traitement dont nous sommes surpris ?
Et alors, pour être tout à fait édifié, il faudrait trouver
un type -ëria qui ne fût pas une forme verbale et dont
on pût constater l'évolution en français. Ce type-étalon,
si je puis dire, je pense qu'on voudra bien le reconnaître
dans le germanique *têri, latinisé en *tcria. La corres-
pondance du germanique ê et du latin ë ne fait pas
question2, et nous voyons que le provençal assimile
complètement les désinences du substantif féminin signi-
fiant « rang, file » qui correspond au germanique *têri, à
celle des mots latins en -ëria et en -aria*. Or, le français
propre dit tire*. Je me déclare converti et obligé en con-
i. Ibid., note j.
2. Mackel, Die germ. Elément, p. 77.
3. C'est ainsi, par exemple, que dans Sancta Fides, nous voyons
teira rimer avec paupeira (lat. vulg. *paupèria), avec meira (lat. vulg.
*mëriat pour tnëreat), avec obreira (lat. operarià), etc., etc.
4. Voyez Godefroy, v° tire 2, où il n'y a que deux exemples
isolés de Itère (au quinzième siècle, à Tournai). — Il faut noter
cependant l'existence de tiere dans quelques rares textes anciens
dont je dois l'indication à MM. Tobler et P. Meyer: titres rimant
avec genoillieres dans Enèas, 4426 ; tiere rimant avec manière dans
le Poème moral, 1 276 ; tiere rimant avec entière dans Guillaume le
Mareschal, 6852 ; tiere dans la partie en prose de Renaît le Nouvel
(Méon, IV, 304, cité par Raynouard, V, 365). On trouve même
tare rimant avec ère (latin erat) dans le Saint Martin de Peain
144 GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
science de confesser que la loi phonétique qui régit la
désinence -ëria dans son évolution française est celle en
vertu de laquelle cette désinence aboutit à -ire, comme
j'ai toujours confessé que -aria ne peut aboutir qu'à
-aire quand rien ne vient à la traverse de la phonétique
romane. Et par cela même je me trouve amené à retirer
l'adhésion provisoire que j'ai donnée à l'équation pho-
nétique ministerium = mestier, et à faire la sourde
oreille aux propositions de ceux qui veulent voir dans
le masculin -ier le point de départ analogique du féminin
-iere. En effet, ce masculin -ier m'apparaît lui-même
comme suspect au point de vue phonétique. Je sais
bien que M. Marchot a proposé une explication très
séduisante de la disparition de 17 latin : d'après lui la
forme contractée minisiërî (génitif singulier, puis nomi-
natif pluriel dans le latin vulgaire qui transforme les
neutres en masculin) aurait engendré *ministërus au
nominatif, d'où mestiers. Il n'est pas possible d'accepter
cette théorie parce qu'on ne saurait la limiter aux mots
en -ërius et en -arius. Si elle était vraie, la même
réduction se serait faite dans toutes les désinences mas-
culines où il y a un i en hiatus : varï aurait engendré
*varus au lieu de varias (vair), mallï, *mallus au lieu
de maliens (mail), etc., etc. Or, on sait qu'il n'y a pas
trace en français de formes de ce genre. Nous sommes
fatalement ramenés aux mots latins munis du suffixe
-arius: voyons si leur évolution première, telle que
Gastineau, 3174, et iere rimant avec père (latin patrem) dans
Romania, VI, 497. Le caractère dialectal des formes titre, tere ne
me parait pas contestable.
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS 14$
nous l'avons indiquée en gros, ne permet pas d'entrevoir
une autre solution.
M. J. Vising, professeur à l'Université de Gôthe-
borg, m'a écrit, à la suite de mon article paru dans
la Remania d'octobre 1902, une lettre dont j'ai
déjà cité un passage. Il admet comme moi l'action
de l'umlaut germanique, mais voici comment il la
conçoit :
« Selon moi, cet umlaut ne fait pas de -aria -eriu, mais
-er, comme le portent les noms allégués par Staaff,
p. 123 . Cet e s'est développé comme tout è libre : primer
devient primier, comme fer devient fier... J'avoue que
pour certains dialectes provençaux et français cette ana-
logie n'est pas toujours facile à démontrer. Avec cet
-ariu = -er on échappe à la remarque de Gaston Paris
selon laquelle -eriu donnerait -ir, ce dont j'ai été d'ac-
cord avec lui, Romania, XIII, 472. »
Je crois que l'idée de M. Vising a une grande portée.
Il est facile de concevoir que la transformation de Va
en e, transformation due à 1'/ de la syllabe suivante,
se fasse précisément aux dépens de cet i. Les plus
anciens textes anglo-saxons nous présentent toujours
le suffixe germanique qui est -ari en haut allemand
sous la forme -ère, dans laquelle l'affaiblissement de 1'/
en e et le changement de Va en e paraissent concomi-
tants. Une transformation du suffixe latin -anus, -aria
en -ërus, -ëra sous l'influence germanique est d'autant
plus vraisemblable que nous avons précisément au hui-
tième siècle, comme plus anciens exemples à citer de ce
phénomène en territoire roman, le nom propre germa-
nique Berhero (et non Berherio), le nom commun latin
Thomas. II. — 10
1 4^ GÉNÉRALITÉS ET MÉMOIRES D'ENSEMBLE
sorcerus (et non sorcerius) et le nom roman paner1. S'il
en est ainsi, le français propre Berier, sorcier (et non
*Berir, *sorcir) est sorti tout naturellement de là, et les
désinences féminines correspondantes peuvent être con-
sidérées comme aussi rigoureusement phonétiques que
les désinences masculines.
Mais, dira-t-on, M. Vising reconnaît lui-même qu'il
y a une objection grave contre son hypothèse : il est
en effet impossible d'admettre « pour certains dialectes
provençaux et français » l'identité de jërus et de prî-
marius obtenue par la transformation germanique de
primarius en *primërus. J'en demeure d'accord; mais
quelle nécessité de vouloir tout expliquer du même
coup ?Là où, comme en français propre, y^/- et premier
sont absolument homophones, nous sommes bien
obligés d'admettre que primarius est devenu *primërus.
Mais nous est-il interdit par cela même de supposer
qu'entre primarius, forme primitive, et *primërus, forme
germanisée à fond, il y a eu une forme de compromis-
sion *primèrius} En aucune façon. Pendant longtemps
il a dû exister côte à côte, et peut-être dans la même
bouche, des formes en -ërius et des formes en -ërus:
chacune a fait son chemin, mais elle peut avoir traversé
plus d'une fois celui de sa voisine. Même là où -ërus
a triomphé, il faut supposer l'existence concurrente de
-ërius, puisque c'est le seul moyen d'expliquer que les
mots latins où -ërius était héréditaire aient fini par
être aiguillés eux aussi sur la ligne -ërius -arius.
i . La statistique des noms germaniques du Polyptyque d'Irminon
donne ce résultat remarquable : désinences en-arins, -aria, environ
600 ; désinences en -erus, -era, environ 3 5 ; désinence en -ert'us, 1 .
L'ÉVOLUTION PHONÉTIQUE DU SUFFIXE -ARIUS . 1 47
En résumé, le suffixe latin -arhis a subi partout en
Gaule le contre-coup du contact avec le suffixe germa-
nique -ari et il a changé son a en e parce que le même
changement était en train de se produire dans les bouches
germaniques; mais, selon les régions ou les circon-
stances, il a conservé ou perdu son i, et cette perte
de 17, dont l'explication doit aussi être demandée à
la phonétique germanique, s'est répercutée sur les
mots latins en -ërius dont la désinence a été confon-
due avec le suffixe -arius et a suivi, à partir de cette
époque, la même évolution.
Tels sont les faits initiaux qui m'apparaissent dans
la question du suffixe -arius. Malgré tout ce qu'on a
écrit sur ce sujet, il faudra encore bien des recherches
pour l'épuiser, et pour mettre en pleine lumière les
conséquences dévastatrices de ce que l'on pourrait
appeler un court-circuit entre la phonétique germanique
et la phonétique romane.
DEUXIÈME PARTIE
RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
I. _ ACMELLE
Ce mot est un échappé des traités spéciaux de bota-
nique qui ne jouit pas d'une grande notoriété dans la
langue française l. Mon attention a été attirée sur lui par
le Lat.-rom. tVœrterbuch de Kôrting, 2e édit., n° 426,
art. alchemilla, lequel renvoie à Cohn, Suffixwandlungen,
p. 49, note I, où on lit ce qui suit :
« Acmclle fait l'impression d'une adaptation popu-
laire du lat. alchemilla, dans la langue savante alchi-
mille, en ital. alchimilla, en esp. alquimila; pourtant
il est hasardeux de la considérer comme possible.
D'ailleurs ce mot n'est relevé que par Sachs. »
La prudente réserve de Cohn n'a pas été imitée par
Kôrting, malheureusement; il faut donc couler à fond
une idée fausse qui ne repose que sur une étourderie
de Sachs.
Il n'y a aucun rapport, ni botanique, ni linguistique,
1. Il n'est ni dans Hatzfcld-Darmesteter, ni dans Littré.
IJO RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
entre acmelle et alchhnille. Valchimille tire son nom de
l'arabe al-kemelieh ; c'est une plante rosacée de nos
climats, dont la variété la plus répandue porte les noms
vulgaires de pied-de-lion, patte-de-lion, etc., en allemand
lœwenfuss, lœwenklau. U acmelle est une radiée de l'Inde
et de l'Amérique méridionale, que les botanistes actuels
rattachent au genre Spilanthus et dont les variétés s'ap-
pellent abécédaire, cresson de V Ile-de-France, cresson du
Brésil, cresson de Para, etc. l. C'est donc à tort que Sachs
traduit acmelle par lœwenklau2.
D'où vient ce nom à' acmelle, qui figure dans la der-
nière édition de Trévoux (1771) sous la forme acmella ?
D'après Larousse, il se rattacherait au grec àxp^ ; mais
il n'en est rien. Un témoignage très précis, dont je
dois la connaissance à mon ami M. le Dr Dorveaux,
va nous renseigner à ce sujet. Il vient du célèbre natu-
raliste anglais John Ray et se trouve dans le tome III,
p. 228, de son Historia Plantarum (Londres, 1704):
« Ahmella, attcmella et hacmella, istis enim nomi-
nibus missa mihi 1691 semina ex insula Ceylan, ubi
nascitur et familiaris est... Cum barbarica sint hujus
plantae nomina, de eorum originatione nihil habeo
quod asseram. »
Donc, le mot acmelle vient de Ceylan, on n'en sau-
rait douter ; c'est d'ailleurs ce qui se trouve confirmé
par le récent répertoire des produits économiques de
l'Inde publié par le gouvernement britannique, où
1. Voyez par exemple Duchesne, Répertoire des plantes utiles
(Paris, 1836), p. 143 et 245.
2. Mozin, en 181 1, donne acèmclla, acmella, acmelle, qu'il ger-
manise en akmelle.
ACMELLE, AGNOUS «ji
l'on donne ahmalla comme le nom cinghalais du
Spilanthes Acmella L1.
II. — AGNOUS
Le comte Jaubert a relevé dans le patois du Berry
un adjectif agnous (écrit agnoux) au sens de « doux,
câlin, dolent, plaintif », qu'il dérive sans barguigner
du latin agnus « agneau ». L'adjectif a donné naissance
au substantif agnousetê, qui ne s'emploie qu'au pluriel2.
L'étymologie du comte Jaubert est certainement mau-
vaise. J'estime qu'il faut rapprocher l'adjectif berrichon
de l'adjectif provençal moderne lagnous, que Mistral
traduit par « chagrin, inquiet, triste, plaintif; chagri-
nant ». Lagnous vient du substantif lagno (ancienne-
ment lanha), sorti lui-même du verbe se lagna (ancien-
nement se lanhar), qui correspond à l'italien lagnarsl
et à l'espagnol archaïque lanarse et qui représente le
latin laniare « déchirer » pris au sens figuré 3. Dans
i. G. Watt, Dict. of the économie products of India, tome VI,
3e partie (Londres et Calcutta, 1893), p. 329-330.
2. « Agnousetées, agnoustèes, s. f. pi. Doléances, plaintes, câli-
neries enfantines. — Joyaux d'une mariée. » Le dernier sens jure
trop avec les autres pour qu'on puisse le rattacher au même mot ;
j'ignore d'où il vient.
3. Kôrting, 2e éd., n° 5427. A la suite de Diez, Kôrting cite
aussi Fane, franc, laigner. Il est possible qu'il ait existé en anc.
franc, un verbe correspondant à celui du provençal, de l'espagnol
et de l'italien ; à ce point de vue le berrichon agnous peut être
considéré comme un indice. Mais ce verbe n'a pas été rencontré
jusqu'ici. Diez a emprunté laigner à Carpentier (et Godefroy en a
fait autant) ; mais dans l'exemple unique cité par Carpentier et
152 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
mes Mélanges d'étymologie française, à l'article assure,
j'ai cité beaucoup d'exemples de la disparition d7 ini-
tiale : on peut y ajouter le berrichon agnous (pour
lagnous) et le manceau étanie (pour létanie, c'est-à-dire
litanie), ce dernier relevé par M. Dottin dans son Glos-
saire des parler s du Bas-Maine.
III. — ALAQUANA
Dans un curieux recueil de recettes médicales rédigé
en provençal, que M. Paul Meyer a publié récemment,
on trouve la formule suivante contre la rogne, la teigne
et les écorchures:
« Pren lo graujol1 que nais sus en las teulas de las
maios e pisa lo, et ab aquel suc, cant l'auras calfat,
que sera tebes, destempra alaquana e pausa la sus
cant sera a for d'emplaust2. »
L'éditeur ne fait aucune remarque sur le mot ala-
quana; comme ce mot manque dans Raynouard et
dans Lévy, il n'est peut-être pas inutile d'en préci-
piter le sens et l'origine. Alaquana désigne la drogue
qu'on appelle couramment orcanette (le Dictionnaire
de l'Académie écrit orcanète), autrefois alcanetle, orchanet
(d'où l'anglais alkanet, orkanet dans Cotgrave) et arque-
net (dans le Mesnagier de Paris, II, 235, qui en fait une
reproduit par Godcfroy, iaignoit doit être lu l'aignoit et rattaché à
l'article baigner de Godefroy.
1 . Forme dissimilée deglaujol, glaïeul, iris (cf. Romauia, XXXII,
473)-
2. Romania, XXXII, 298, § 51.
ALAQUANA 153
épice), en provençal moderne arcaneto, aucaneto, ourca-
neto, recaneto (Mistral). On distingue l'orcanette de
France, qui provient de la plante dite aujourd'hui
Alkanna tinctoria, jadis Anchusa tinctoria ou Lithosper-
mum tinctorium, et l'orcanette du Levant, qui pro-
vient de la plante appelée Lawsonia inermis. Le latin
du moyen âge dit alchanna (Gérard de Crémone),
d'après l'arabe al-hinna (d'où l'espagnol alhena, le por-
tugais alfena, le français henné, etc.), et le mot provençal
alaquana n'est qu'une adaptation de la forme latine,
d'où l'ancien français avait tiré de son côté alchane,
alcanne1. La présence de cette drogue dans notre recette
provençale paraît toute naturelle quand on a présent à
l'esprit ce passage de YAlmansor de Razi traduit par
Gérard de Crémone : « Alchanna pustulis que sunt in
ore et adustioni ignis remedium affert2. »
L'emploi de l'orcanette comme teinture rouge a
amené un curieux développement sémantique dans
différentes langues romanes : l'espagnol alhena s'ap-
plique aussi à la maladie des plantes qu'on appelle la
rouille (en espagnol roya), caractérisée par la couleur
rouge sombre; le provençal moderne arcaneto désigne
la coloration rouge que prend le visage sous le coup
de la honte ou de la colère; enfin le français arcanne
est en usage parmi les scieurs de long comme nom de
1 . A l'exemple cité dans le Dict. général, au mot arcanne, on
peut joindre celui-ci, qui remonte au treizième siècle: « Prenez
alchane et la destemprez o aisil », Simples médianes, f° 8 (ms.
de la Bibl. Sainte-Geneviève).
2. Cité par Devic à l'article henné de son Dict. èlym. des mots
d'origine orientale.
154 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
la craie rouge qu'ils délaient dans de l'eau pour y
tremper leur cordeau et tracer les lignes qu'ils doivent
suivre1.
IV. — AMARINA, AMASINA
Raynouard a deux exemples du substantif féminin
amarina2 ; M. Emil Levy n'en a pas rencontré d'autres
dans ses dépouillements. L'un de ces exemples vient
du cartulaire de Montpellier et est très explicite :
Amarinas verdas o secas, que son apeladas brins.
C'est par distraction que Raynouard voit là des jets
de « jonc ». Le mot amarino est encore très vivant
aujourd'hui dans notre Midi : il s'applique à l'osier,
non au jonc, et il est manifeste que c'est ce dernier sens
qu'il faut adopter pour traduire le passage cité du car-
tulaire de Montpellier. Les Bénédictins ont relevé ama-
i . C'est Devic, il me semble, à qui revient le mérite d'avoir vu
le rapport de henné avec orcanette; le rapprochement de arcanne et
de alchanna est dû à M. J. Camus (L'opéra salernitam « Circa
instans », p. 32). Il est bon de remarquer que arcanne est un terme
provincial de la région franco-provençale. Godefroy a relevé dans
son Complément un passage des archives de Fribourg où on lit :
« créa roge que l'on appalle arcanne », et Du Pinet, dans sa traduc-
tion de Pline l'Ancien (Lyon, 1562, tome II, p. 636), fait cette
remarque : « Rubrica fabrilis. En lyonnais on l'appelle arcanne.
» (Communication de M. le Dr Dorveaux.) N. du Puitspelu n'a
pas d'article pour ce mot; mais on lit dans Gillérion, Patois de
Vionnar, p. 138: « Arkanna, craie rouge dont se servent les char-
pentiers. »
2. Lcx. rom.f II, 69.
AMARINA, AMASINA 155
rina dans le texte latin de la charte de commune de
Bagnols (Gard), datée de l'an 1300; ils ont cru qu'il
s'agissait de cerises amères ou griotes. Carpentier les
en a repris et, citant à son tour le même mot dans les
statuts d'Avignon et de Marseille, également en latin,
il a proposé de voir partout de l'osier ' . Je suis tout
à fait de son avis ; une fois n'est pas coutume.
Le second exemple produit par Raynouard est plus
embarrassant : il vient de la Vie de saint Honorât de
Raimon Feraut, où on lit :
La grossa lansa
Que es de fraysse o d'amarina.
Cette fois, Raynouard traduit par « cerisier sauvage ».
J'ai de la peine à croire que le bois du cerisier sauvage
ou griotier ait jamais servi à faire des lances; mais je
ne vois pas non plus des lances en osier. Je suppose
qu'il s'agit de quelque autre variété de saule : par exemple
le salix alba (dit vulgairement osier blanc) ou le salix
caprea (vulgairement marsaut, dans le Midi amarinas 2),
qui est employé aujourd'hui pour faire des fourches,
des sabots, etc. 5.
Dans le Tarif de Nimes du quatorzième siècle, cité
par M. Emil Levy (au mot girlon), on trouve, à côté
du girlon de sap (petite jatte de sapin), le girlon d'ama-
sina. Il n'est pas douteux que amasina soit pour ama-
rina, la confusion entre s et r intervocaliques étant un
phénomène bien connu, et le salix alba ou le salix
1. Dans Du Cange, s. v°.
2. Mistral, s. v°.
5. Voy. Duchesne, Rép. des plantes, p. 328 et 329.
10 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
taprea pouvant aussi bien servir à faire des jattes qu'à
faire des sabots ' .
V. — AMBRO, AMBRE
Le patois lyonnais possède un substantif masculin
ambro ou ambre2 (cette dernière forme s'étend aussi
sur le Forez), qui désigne l'osier blanc ; oseraie se dit,
en conséquence, ambriri. N. du Puitspelu tire le mot
lyonnais du nom même d'une ville d'Ombrie, célèbre
dans l'antiquité par ses osiers, Ameria, et il cite le
vers bien connu de Virgile (Georg., I, 265):
Atque Amerina parant lentae retinacula viti.
A cette étymologie, M. Philipon objecte que « Ameria
est inacceptable tant au point de vue historique qu'au
point de vue phonétique : il eût donné un féminin,
ambri » ; et il ajoute que le provençal amarino, invoqué
par N. du Puitspelu, est le salix amara de Virgile 3.
Je suis d'accord avec M. Philipon sur l'impossibilité
phonétique d'identifier Ameria et ambro, ambre : ce
n'est même pas ambri, c'est amiri qui serait le repré-
sentant phonétique du type Ameria, dont aucune raison
ne permet de révoquer en doute l'accentuation propa-
roxytonique régulière. Quant au provençal amarino,
1. Sur le thème primitif de amarina, cf. ci-après l'article ambro,
2. N. du Puitspelu a tort de considérer ambre comme un mot
féminin et de révoquer en doute l'existence de la forme ambro
(voyez Romania, XX, 31 5-3 14).
3. Rom., XX, 313-314.
AMBRO, AMBRE I57
dont j'ai étudié la forme médiévale amarina1, il est
bien certain qu'il représente un type *amarina, qui a
pu sortir en latin vulgaire de l'adjectif amarus. Mais
alors il faut excommunier le lyonnais et le forésien,
car, si nous partons de amarus, il n'y a pas moyen de
les prendre en route avec nous. Il semble pourtant
difficile d'admettre que ambro et amarina, signifiant
« osier » l'un et l'autre, n'ont rien de commun entre
eux que trois phonèmes réunis au hasard.
Voici comment j'imagine les rapports étymologiques
de ces deux mots. Le glossarium Amplonianum primum,
qui se trouve dans un manuscrit d'Erfurth remontant
au neuvième siècle, nous donne cette glose :
Atnera, genus salicis2.
M. Goetz propose de corriger amera enamerinaî ; la
nécessité de cette correction ne m'apparaît pas. En
supposant une forme masculine *amerus, nous avons
un type excellent pour expliquer le lyonnais ambro;
cela vaut mieux qu'une correction brutale. Comme le
provençal actuel possède amarin et amarina, il n'est pas
surprenant que le latin vulgaire ait possédé *amerus et
amera. Or, que peut être *a?nerus? J'y vois une forme
sortie, par formation régressive, de l'adjectif latin ame-
rinus. Et à qui me taxerait d'excès d'imagination, je
soumettrais les deux cas suivants.
Le latin possède un substantif axilla, bien connu.
1. Ci-dessus, p. 154.
2. Corp. gloss. lat., V, 342, ligne 4.
3. Thésaurus gloss. emendatarum, v° amera.
158 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Modifié en *axella, il a passé dans toutes les Ir.ngues
romanes : il suffit de citer le provençal aissela et le
français aisselle. A côté des représentants légitimes de
*axella, nous trouvons aussi en provençal moderne
un mot aisso qui, selon les lieux, signifie « aisselle » ou
« aine » : il est clair que aisso remonte à *axa, forma-
tion régressive d'après *axella.
Le latin possède un substantif maxilla, non moins
connu que axilla. Modifié en *maxella comme axilla
l'a été en *axella, il est devenu le provençal maissela
et le français archaïque maissele, très vivants tous les
deux dans maint patois du Nord et du Midi. A côté
des représentants légitimes de *maxella, nous trouvons
aussi en provençal moderne un mot maisso « mâchoire,
ganache » et en comtois un mot maîche « bajoue ' »,
qui remontent clairement à *maxa, formation régres-
sive d'après *maxella.
Naturellement, il est difficile d'affirmer que *axa et
*maxa sont autre chose que des schèmes et ont réel-
lement existé en latin vulgaire préroman, car on peut
aussi supposer que la formation régressive n'a eu lieu
que dans la période romane. C'est cette dernière expli-
cation qu'il faut adopter, il me semble, pour le provençal
moderne flage flauge, masculin, flajo flaujo, féminin,
tiré de flagel flaugel, représentant le latin flagellum, au
sens de « jet d'arbre ».
En tout cas, mon hypothèse pour expliquer ambro
n'a rien de subversif. Je vois que, sans connaître les
trois exemples que je viens de produire, M. Meyer-
1. Contejean, GIoss. du patois de Montbe'liard.
ASGELOT i $9
Lûbke admet que le latin vulgaire a tiré de cophinus
deux nouvelles formes *cophus et *copha, qui sont repré-
sentées aujourd'hui dans plusieurs dialectes italiens1.
Revenant au provençal amarin, amarina, je suis
porté à le considérer comme sorti réellement du latin
amerimis par une contamination très ancienne de ama-
rus, à laquelle le lyonnais et le forésien ont échappé2.
Dès la fin du septième siècle on lit dans le Liber glos-
sarum, rédigé en Espagne : « Amarina, genus virgulti
amari 3 . »
VI. — ANGELOT
Un troubadour anonyme, qui a chaussé les bottes
du Moine de Montaudon pour écrire quelques strophes
satiriques contre les femmes qui se fardent, mentionne,
parmi les ingrédients dont se servent ces dernières,
Y angelot :
D'angelot, de borrais an pro
E d'argcntat
De que se peignon a bando
Quan l'an mesclat.
Le mot angelot, que ne connaît pas Raynouard, a
fort embarrassé la critique. M. Klein, dernier éditeur
i. Gramm. des langues rom., II, § 355.
2. Peut-être amera, "amerus ont-ils vécu aussi dans la région
française : cf. le nom de lieu Ambrières (Marne, Mayenne), qui
concorde étonnamment avec le lyonnais ambriri « oseraie ».
M. Longnon, il est vrai, est porté à voir à la base de Ambrières le
nom germanique Ambricns ; cette hypothèse me paraît très peu vrai-
semblable et je croirais plutôt à l'existence d'un type * A mer arias.
3. Angelo Mai, Class. Auct., VII, 351.
l6o RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
du Moine de Montaudon », s'est borné à constater que
rien, dans les différents sens du français angelot, ne
convenait à l'explication de ce passage. M. Levy, dans
son Prov. Snppl .-Wœrterb . , propose dubitativement de
traduire par « sarcocolle » en raison de ce fait que le
catalan moderne angelot signifie effectivement « sarco-
colle ». Dans la version provençale du traité d'oculis-
tique de Benvenuto de Salerne, qu'a republiée récem-
ment M. Henri Teulié 2, on lit à plusieurs reprises le
même mot: une fois angelot et trois fois angelhot. Dans
deux de ces passages, le contexte ne nous apprend
rien. Dans les deux autres, il semble donner tort à
M. Levy, car il est ainsi conçu:
R?. angelot - 1., e sia blanc, e sarcocolli — 1., e fay polvera4...
La polvera nostra alexandrina, ques fa amb angelhot et sarco-
colli S...
Le traducteur provençal distingue donc Y angelot de
la sarcocolle. Le texte latin 6 ne nous est d'aucun secours
pour le dernier passage cité ; mais pour l'avant-dernier,
il nous est précieux. Le voici :
R. azarum album, i. e. 7 sarcocollam, et pulverizetur.
i. Klein, Mônch von Montaudon, p. 8o (Unechte Ged. 2, 17).
2. En appendice au livre de MM. Pansier et Laborde intitulé :
Le Compendil pour la douleur et maladie des yeulx qui a este ordonné
par Bienvenu Graffe (Paris, Maloine, 1901). Il existe un tirage à
part (Paris, Picard, 1900) d'après lequel je cite.
3. Abréviation de recipe « prends ».
4. Teulié, toc. laud., p. 13.
5. Ibid., p. 21.
6. Édition Berger et Auracher, Munich, 1884- 1886.
7. Abréviation de id est « c'est-à-dire ».
ANSOULOTE, SOULOTE
itifie donc Ya^arum
Ce mot azarum paraît correspondre à l'espagnol
archaïque a^aro, usité concurremment avec a^arote
pour désigner précisément la sarcocolle. En tout cas,
il est évident que le traducteur provençal s'est mépris
sur le sens de l'abréviation i. e. : de là sa distinction
chimérique de l'angelot et de la sarcocolle. En fin de
compte, M. Levy a deviné juste: le catalan et le pro-
vençal angelot sont une déformation de l'arabe an^arot,
sarcocolle, qui est aussi la source du mot espagnol ' .
VII. — ANSOULOTE, SOULOTE
Je relève dans le Glossaire du patois de Montbéliard
de Contejean cette courte mention : « Soulotte, s. f.
Erminette. »' L'auteur ne s'est pas aperçu qu'il avait
déjà enregistré un doublet du même mot : « Ansoulotte,
s. f. Hcrminette des charpentiers. » J'en trouve une
troisième variante dans Le patois des Fourgs de J. Tissot :
« Soul'tot, s. f. Herminette, petite hache recourbée
d'avant en arrière, dont le tranchant même décrit une
courbe. » Enfin, je lis, dans le Patois de la Franche-
Montagne de M. Grammont : « Soûlote, erminette de
charpentier pour creuser les chéneaux : origine incon-
nue. » L'étymologie reste donc à dégager: c'est
chose facile.
La désinence est diminutive et correspond au fran-
çais commun -elle-, si le mot se trouve un jour dans
quelque très ancien texte, il apparaîtra sous la forme
i. Dozy et Engelmann, p. 195.
Thomas. II. — 11
162 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
*aissolete: le simple sera, selon la région, *aissole ou
*aissuele, du latin asciola, qui figure dans Isidore de
Séville et qui est lui-même un diminutif de ascia, en
ancien français aisse. J'ai déjà eu l'occasion de parler
de ce dernier mot et d'en signaler les diminutifs ais-
seau et aissette comme encore vivants ' : je ne m'étais
pas alors avisé de l'existence de *aissolette.
Il est intéressant de constater que l'ancien français
a connu un représentant de asciola, comme le provençal,
qui possède aissola, et l'espagnol, qui possède a%iiola 2 ;
les patois actuels n'ont conservé que le diminutif, et sous
une forme si obscure au premier aspect que M. Gram-
mont lui-même n'a pas vu que dans soûlote il y a ascia.
VIII. — ARBELHA
On lit dans le Dictionnaire béarnais de Lespy et
Raymond : « Arbelha-fave, fève avec sa cosse : Milb,
arbelha-fave, millet, fève avec sa cosse. — D. C. arbe-
glus : faba arbegla. » Le Glossarium meàix et infimx
latinitatis de Du Cange rend beaucoup de services, mais
il est parfois dangereux, surtout — et c'est ici le cas —
quand ce n'est pas à Du Cange lui-même, mais à son
continuateur Carpentier qu'on a affaire. Donc, Car-
i . Mélanges, p. 8, art. aissade. J'aurais dû signaler la survivance
de ascia dans le patois du Blaisois sous la forme dsse (Thibault).
2. Kôrting ne mentionne que l'espagnol annota, qu'il explique
correctement par asciola, mais qu'il place bizarrement à l'article
*ascicellus (929) au lieu de le ranger sous ascia (928). Au dernier
moment, je m'aperçois que Godefroy a relevé essaie et essolate
dans un texte de 1 348 provenant des archives du Doubs : il tra-
duit par « sorte d'outil employé par les charpentiers », sans plus.
ARBELHA i6j
pentier, ayant dépouillé les statuts de Mondovi (en
latin Mons Regalis), y a relevé ce membre de phrase :
« Pro quolibet sextario fabarurn non fractarum et
arbeglarum. » Il a cru bonnement que le dernier mot,
arbeglarum, était, tout comme fractarum, un quali-
ficatif de fabarum. Mais les fèves sont une chose et
les arbegle une autre. Il ne faut pas être grand clerc
en botanique ni en philologie romane pour recon-
naître qu'il s'agit d'une plante légumineuse analogue
à celle qui s'appelle en italien rubiglia, en ladin
arbeja, en espagnol arveja, en portugais ervilha, etc.,
tous mots venus du latin ervilial.l\ est évident que le
texte cité par Lespy et Raymond contient trois choses
distinctes : milh (millet), arbelha, fave (fève).
Le mot arbelha est encore vivant dans la région
toulousaine 2; dans l'Armagnac, notamment à Saramon
et à Lanne-Soubiran 3, et dans le pays d'Albret4 : il
désigne la jarosse?. Il est à croire qu'il s'agit du
même légume dans l'ancien texte béarnais, bien que
nos dictionnaires traduisent ordinairement le latin
ervïlia et l'italien rubiglia par « ers ». En tout cas,
il est bon de prendre note que le mot latin n'a pas
disparu sur le versant nord des Pyrénées.
(Mélanges Léonce Couture, p. 257.)
1. Voyez Kôrting, n° 3285, et Romania, XXVII, 237.
2. A. Duboul, Las Plantos as camps, 2* éd., p. 10, art. arbeillo;
Rolland, Flore pop., IV, 215.
3. Communication de M. Ducamin.
4. Rolland, Flore pop., IV, 225.
5. La vcsce cultivée, dans l'Albret, d'après Rolland, loc. lauà.
164 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
IX. — ARMORIJO
Quatre noms de vents se trouvent réunis dans ces
vers du fabuliste limousin Foucaud :
Môgra Y auto, môgra lo bi\o,
Môgra lou pluyau, Yarmorijo1.
Un seul est particulièrement digne d'intérêt, c'est
armorijo. L'excellent Emile Ruben, à qui l'on doit la
seule édition annotée de Foucaud qui existe, glose ainsi
ce mot :
« Vent d'Armorique ou de Bretagne, c'est-à-dire
du N.-O. »
Puis il appuie sa glose d'une citation de Roquefort
ainsi conçue :
« Dans l'ancien français, armorique signifiait le bord
de la mer, la côte maritime. »
Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, cette
étymologie n'a pas souri à Mistral. Voici, en effet, ce
qu'on lit dans le Trésor doit Felibrige:
« Armorijo, voyez amarijo. — Amarijo, armorijo,
substantif féminin. Vent qui souffle de l'Ouest, du
côté de l'Océan, en Limousin. Racine: amarés. »
Ce n'est plus de l'Armorique ni de la mer que notre
vent tirerait son nom, mais de son amertume.
Reprenons la question et tâchons de l'élucider.
i. Lou Rouvei et l'Ossolei, vers io-i i, édit. Ruben (Paris, Didot,
1866), p. 3 1 . Il va sans dire que je reproduis la graphie de l'édition.
ARMORI. 10 . 165
La rime de Foucaud n'est pas riche et pourrait ins-
pirer des doutes sur la vraie désinence du mot. M. Louis
Guibert, à qui rien de tout ce qui touche le Limousin
n'est étranger, m'écrit qu'on prononce bien nettement
à Limoges armoridjo, ce qui rimerait parfaitement avec
midjo, du latin mica. Quant à Vo de la syllabe -mo-,
Emile Ruben aurait dû, pour être conséquent avec son
système orthographique, le noter par ô, car il est issu
d'un ancien a. La forme médiévale était, sans aucun
doute, armarija.
Au lieu de la forme féminine, on emploie, du côté
de Pierre-Buffière et de Saint-Germain-les-Belles, la
forme masculine armori. Dans les cantons de Saint-
Léonard et de Châteauneuf, on ne prononce pas armori,
mais armouri. Voilà pour la Haute-Vienne.
Dans la Creuse, je ne connais que le masculin armouri
(Iloyère, Saint-Yrieix-la-Montagne, etc.) et le féminin
armourijo (Saint-Sulpice-le-Donzeil), que j'ai entendus
l'un et l'autre de mes propres oreilles. Partout ce terme
désigne précisément le vent du Nord-Ouest et non le
vent de l'Ouest : ce dernier s'appelle ordinairement
irover, troverso ou vent de ba (vent de bas).
La coexistence du genre masculin et du genre féminin
s'explique facilement si l'on admet que le type étymo-
logique était un adjectif latin, et qu'on l'a employé
tantôt au masculin, en sous-entendant le substantif ven-
lus, tantôt au féminin, en sous-entendant le substantif
aura.
Le rapport historique de armouri au latin gallo-romain
armoriais se heurte à une objection : la quantité de 17.
Ausone et Sidoine Apollinaire scandent ârèmôrïcus, et
166 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
le breton actuel arvorek indique que le suffixe -icus avait
un i bref1. Or, le limousin armouri, antérieurement
*armoric, ne pourrait remonter qu'à un type *armorïcus,
car *armorïcus aurait abouti nécessairement à *armorge.
Avons-nous le droit de supposer l'existence, dans le
latin des Gaules, d'un type *armorîcus qui aurait été
employé concurremment avec armoricus ? Je le crois.
Fortunat a écrit cet hexamètre :
Ultima quamvis sit regio Armoricus in orbe2.
Il scande donc armoricus. Je n'ignore pas que la pro-
sodie de Fortunat est très artificielle ; mais comme il
me paraît impossible, en me plaçant sur le terrain pho-
nétique, de trouver au limousin actuel armouri un
autre type étymologique que *armorïcus, je n'hésite
pas à affirmer l'existence réelle de * armoricus, à côté
de armoricus. Il n'est pas douteux que le gaulois ait
eu côte à côte, tout comme le latin, un suffixe -icos et
un suffixe -icosi. Trois mots limousins, dont le thème
ne paraît pas exister en latin, nous offrent incontesta-
blement la désinence féminine -ica : ce sont boueijo
(friche), chambijo (timon d'araire) et le nom de lieu
fréquent artijo (artige), qui étaient à l'origine *bodîca,
*cambïca, *ariica*. La désinence masculine -icos apparaît,
i. Voir, pour le détail, l'article aremoricos de X All-ctltischer
Sprachschati de M. Alfred Holder.
2. Holder, loc. laud.
3. Zeuss, Gramm. celtica, 2* édition, I, 850, cite même comme
exemple le breton armorie, mais 'je n'ose faire fond sur cet exemple,
qui doit être d'origine savante.
4. Voyez ce que j'ai dit de ces trois mots dans le Bulletin de la
Société des Parler s de France, I, 133.
ARMORUO 167
elle aussi, dans Glémc (Corrèze et Creuse), au moyen
âge Glanigus1.
Le passage de *armorïcus, *armortca à armouri, armou-
rijo n'offre pas de difficulté. Si l'on s'étonnait du
maintien de la protonique non initiale, je n'invoque-
rais pas seulement l'existence du groupe protecteur
-rm-, mais je rappellerais que dans la toponymie de la
Gaule il y a plus d'un cas où la loi de Darmesteter
n'est pas appliquée, même en l'absence de groupes pro-
tecteurs. Pourquoi Angoulême de Iculisna, pourquoi
surtout VeT^zpux (Haute-Loire) de Vesedonum2}
Il me reste à rendre compte de la forme proprement
limousine, dans laquelle la syllabe médiale -mon- est
remplacée par -mo-, comme si le type étymologique
était *ar marie us, armarica. Ici encore je fais appel, sinon
à Fortunat lui-même, du moins au manuscrit lat. 14 144
de la Bibliothèque nationale (neuvième siècle) qui con-
tient ses poésies et où on lit armaricus, au lieu de
armoricusK II n'est pas invraisemblable que les Gallo-
Romains aient eu conscience que le gaulois mon et le
latin marc étaient synonymes ; une forme hybride *ar-
marïcus peut être née de ce sentiment. M. d'Arbois de
Jubainville veut bien me faire remarquer que la peu-
plade gauloise qui a donné son nom à la ville de Bayeux
est appelée par Pline Bodiocasses et que la forme pos-
1. Delochc, Eludes sur la géogr. hist. de la Gaule, p. 356.
2. Sur Veqapux, voyez Remania, VII, 264. En Limousin même,
nous avons Chamborand et Cbamboul ivc , le premier dans la Creuse,
le second dans la Corrèze, dont les types étymologiques sont Cam-
borentum et Camboliva.
3. Variante indiquée par Holder d'après l'édition récente qui
fait partie des Mouiuiiciitu Gtrmaniae.
168 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
térieure Badiocasses, d'où provient directement Bayeux,
paraît due au fait que le latin badins était synonyme
du gaulois *bodios. En tout cas, les formes divergentes
que nous trouvons employées aujourd'hui dans la Haute-
Vienne ne sauraient être appelées en conciliation devant
le tribunal de la phonétique romane : le latin vulgaire
seul peut les mettre d'accord.
Cette note est déjà bien longue ; il faut pourtant que
je fasse encore une remarque. Autant que je puis savoir,
le Limousin est le seul pays roman de France où le
mot armoriais ait survécu dans la langue courante sous
une forme populaire. S'il y a survécu, c'est qu'il s'est,
à un moment donné, appliqué spécialement à un vent
qui soufflait de l'Armorique. Il est probable que les
Lemovices n'ont pas été les seuls, à l'époque gallo-
romaine, à se servir des expressions venins armoriais
et aura armorica: leurs voisins les Pictavi, les Bitu-
riges et les Arverni n'étaient pas plus qu'eux à l'abri
du vent d'Armorique. Ce qui est sûr, c'est que la tra-
dition s'est faite, sans interruption, des Lemovices
d'autrefois aux Limousins d'aujourd'hui, tandis que les
Poitevins, les Berrichons et les Auvergnats n'ont rien
hérité de leurs lointains ancêtres. Vraisemblablement,
si l'expression de venins armoriais s'est conservée en
Limousin, et en Limousin seulement, c'est qu'elle a
été plus usuelle, plus populaire là qu'ailleurs : qui
n'en conviendra? On aimerait à savoir pourquoi il en
a été ainsi, et s'il est vrai que rien n'arrive sans raison.
Un aimable Limousin, membre de l'Académie des
Inscriptions, Maximin Deloche, a écrit une longue
dissertation pour prouver que les Lemovices du Limou-
ARREDOGUE 169
sin avaient une colonie à l'embouchure de la Loire,
et que c'est précisément cette colonie que César a en
vue quand il mentionne {De bello GalL, VII, lxxy, 3)
les Lemovices parmi les peuples de l'Armorique1. Si
Deloche ne s'était pas trompé, comme on comprendrait
bien que le Limousin eût été le pays d'élection de
l'expression ventus armoricus ! Malheureusement, Delo-
che n'a rien trouvé qui puisse laver le texte de César
du reproche de suspicion légitime qu'on lui fait depuis
Scaliger, et la preuve palpable de l'existence des Lemo-
vices d'Armorique reste encore à trouver. Les historiens
n'ont point coutume de se paître de vent et je les en
loue : aussi me garderai-je de leur présenter mon armouri
comme un commencement de preuve en faveur de
l'opinion de Deloche2.
(Revue des parler s popul., année 1903, p.161-165.)
X. — ARREDOGUE
Le mot arredogue figure au pluriel dans le Diction-
naire béarnais de Lespy et Raymond, avec cette traduc-
tion : « environs, alentours ». Comme ce mot semble
avoir disparu du patois actuel, les auteurs ne fondent
leur traduction que sur un rapprochement arbitraire
avec l'espagnol alrededores. Ce rapprochement n'est cer-
1. Etudes sur lagèogr. hist. de la Gaule, p. 438-487.
2. Je m'étonne que cette opinion ait paru plausible à un maître
tel que M. Longnon (Atlas historique de la France, texte, p. 10).
M. J. Loth l'a vigoureusement combattue dans sa thèse latine, De
vocis Aremoricae forma atque significatione, publiée en 1883.
170 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
tainement pas légitime. Voici les deux textes que cite
le Dictionnaire béarnais; ils viennent du Livre d'or de
Bayonne :
« Arrecurar l'ester dou moulin et gitar la terre eu
brag sa e la per les ar redogues de l'ester. — Anaven
perYarredogue dou barad com per camin comunau. »
Il me paraît donc que arredogue appartient à la
même famille que le provençal doga et le français douve
et qu'il désigne le revers de la douve, c'est-à-dire le
côté opposé au fossé (barad) ou au chenal (ester). Le
mot est clairement composé avec le préfixe re-, sous sa
forme gasconne arre-, et le substantif dogue « douve »,
comme arredezyne « dîme supplémentaire » (en latin
du moyen âge redecima) ou arrepunt « arrière-point ».
On trouve dans un autre texte béarnais la forme redo-
gue, que les auteurs du Dictionnaire ont relevée à son
ordre alphabétique sans en indiquer le rapport avec arre-
entroo a la redogue deu camp deu senhor dejasses.
{Mélanges Léonce Couture, p. 2S7-258.)
XL — ASSANHA
Raynouard a enregistré un substantif féminin assana
et l'a traduit par « chiffon » '. Il n'a qu'un exemple, de
Daudé de Pradas. Le même exemple lui a servi, sans
qu'il y prît garde, à constituer un article sanha « gri-
mace, moquerie2 ». L'étude attentive de la chanson
1. Lex. rom., II, 134.
2. lbid., V, 154.
ASSANHA 171
où figure ce mot, et qui a été publiée depuis par M. Cari
Appel ', montre que la rime appelle une désinence en
-anhct, et non en -ana. Le contexte demande un mot
qui désigne un objet de peu de valeur, susceptible de
se combiner avec le verbe pre^ar; comme le scribe
du seul manuscrit qui nous ait conservé cette chanson
écrit unassana, on est fondé à penser qu'il faut lire
un assanha. M. Emil Levy se demande s'il ne faudrait
pas corriger en un aulanha « une noisette ». Une cor-
rection aussi violente est bien dangereuse. Je crois que
assanha doit être conservé et traduit par « cenelle2 ».
Parmi les formes diverses enregistrées par Mistral
dans ce sens, à l'article acino, je relève arsano, usité dans
l'Ariège; je puis attester personnellement que dans le
Gers (Mauvezin) on dit ansano, ce qui n'a rien de sur-
prenant, puisque Mistral donne le dérivé ansancllo, et
que Duboul a relevé aousano dans les environs de
Toulouse?. Si l'on remarque que le provençal possède
concurremment aulana et aulanha (des types latins
vulgaires abellana et *abellama) pour désigner la noi-
sette, on admettra facilement qu'il ait oscillé entre
assanha et *assana pour désigner la cenelle. Quant au
thème du mot, qui doit être le même que celui du
français cenelle, j'ignore d'où il vient : Pétymologie
courante, qui le tire du latin acinus, est pure fan-
taisie.
1. Prùv. Inedita aus Paris. Handschr., p. 88.
2. Voir dans God., Compl., v°cenele, trois exemples de l'expres-
sion ne valoir une cenele, ne valoir deux ceneles ; il serait facile, pro-
bablement, d'en trouver d'autres en ancien français.
3. Las Plantas as Camps, 2 e éd., p. 9.
RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
XII. — ASSE, ASSA
Le patois de Limoges possède un adjectif asse « in-
culte » et les verbes correspondants assa « laisser in-
culte » et dcsassa ou délassa « remettre en culture ».
Asse. est employé par Foucaud dans sa fable de Jupiter
e lou Meitadier.
L'un di que qu'ei tro mau blôda,
L'autre que lou pôi ei asse ' .
Ruben traduit ainsi : « L'un dit que c'est trop mal
emblavé, l'autre que le pays est inculte. » Mais dans
une note il déclare que le sens propre de asse doit être
« effrité », et il ramène asse, assa au latin assus, assare.
Mistral suppose au contraire que le limousin asse est le
même mot que le provençal disse « aigre, acide » et il
le traduit ingénieusement par « rebelle à la culture ».
La forme médiévale de asse écarte l'une et l'autre éty-
mologie. Car il est évident qu'il faut reconnaître l'ad-
jectif asse actuel dans ce passage d'une charte rédigée
à Limoges en 1256 : lot as las aperlenensas deu dih mas,
absas et vistidas, gaanhadas e no gaanbadas'2. M. Emil
Levy n'a pas laissé échapper ce passage ; il l'a relevé
dans son Prov. Suppl.-Wœrterbucb, où figure l'adjectif
abs, d'après le seul témoignage de la charte de 1256,
avec un renvoi clairvoyant à l'article absus de Du
Cange.
1. Ed. Ruben, p. 196.
2. Leroux, Molinier et Thomas, Doc. hislor., I, 177.
AVENERiL 173
De toutes les hypothèses émises sur l'étymologie
du bas latin absus « inculte », aucune n'est pleinement
satisfaisante : le lecteur curieux de les connaître pourra
voir Du Cange.
Je m'expliquerai plus loin sur un autre représentant
limousin du même thème '■ ; je remarque seulement ici
que asse est refait sur le féminin asso, et que assa cor-
respond au bas latin absare, dont il y a maint exemple.
(Reinie des parler s popiil., année 1903, p. 165.)
XIII. — AVENERIL
Godefroy a institué un article aveneris « champ où
l'on a semé et recueilli de l'avoine; terre qui n'est
bonne qu'à .produire des avoines ». Il ne cite qu'un
exemple, emprunté à la coutume locale de Soesmes
(aujourd'hui Souesmcs, dans le Loir-et-Cher), et ainsi
conçu : « chaumes, millerines et aveneris. » Il signale
enfin la conservation du mot au sens de a champ d'a-
voine » dans la Haute-Normandie.
Souesmes est dans le Blaisois ; aussi n'est-on pas
surpris de retrouver le mot dans le Glossaire du pays
blaisois de M. Thibault:
« Avenus [prononcé avanri], champ dans lequel on a
récolté de l'avoine ou de l'orge et qu'on laisse en chaume
tout l'hiver. »
La précieuse définition de M. Thibault nous servira
2. Article desoussina.
174 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
de pont pour passer du normand au manceau. Nous
lisons dans Dottin :
« Avanri, avanrie, jachère. — Avèri, jachère ».
Voilà pour le Bas-Maine. Pour le Haut-Maine, nous
avons le témoignage plus verbeux du comte de Mon-
tesson :
« Avairie, s. f. Repos d'un champ pendant les troi-
sième et quatrième années. Si l'on pouvait avancer que
la première syllabe de ce mot est privative, il serait,
par son étymologie, rigoureusement la traduction de
sans labour. »
N'avançons pas, de grâce, et tenons-nous en à
avoine, d'où part une belle échappée de sémantique.
Ce qui m'intéresse d'ailleurs dans la structure du
mot dont je viens d'entretenir le lecteur, c'est moins
sa tète que sa queue. Bien qu'on le fasse féminin
dans le Maine et qu'on l'écrive avanrie (il est fré-
quemment employé comme nom de ferme), il ne
renferme pas originairement le suffixe -crie, non plus
d'ailleurs qu'un suffixe -eris, correspondant à un type
latin -aricius, dont l'existence n'est pas établie en
français1. Sa désinence primitive était -eril, comme je
vais le faire voir.
Godefroy a un article avainerieux qui aurait gagné à
être fondu avec l'article aveneris et qui, comme ce der-
nier, ne comprend qu'un seul exemple. Cet exemple
vient du célèbre traité de chasse dit Le livre du roi
Modus, f° 127 r° de l'édition Blaze, où on lit :
« Ceste roys... doit estre tendue en ung avainerieux
1. Voyez ci-dessus notre étude sur le suffixe -aricius, p. 67.
AVENER1L 175
pour la chaume qui y est courte. » On sait que le texte de
l'édition Blaze reproduit d'anciens imprimés sans valeur
linguistique et qu'il faut s'adresser aux manuscrits quand
on veut avoir de bonnes leçons. Or, j'ai vu neuf manus-
crits, et tous ont uniformément -il comme désinence
(Bibl. nat. fr. 1297, f° 87 v° : aueneril; 1298, f° 84 r°:
idem; 1299, f° 122 r°: auueneril ; 1300, f° 128 r° :
auenril ; 1 301, f° 98 v° : aueneril; 1302, f° 90 r° : auene-
ril; 12399, f° 89 v° : aueneril; Arsenal, 3079, f° 215
v° : aueneril ; 5197, f° 58 r° : auenril).
Les choses étant ainsi, il est manifeste que le mot
avencril correspond à un type latin vulgaire *avenarïle,
dérivé de avenu à l'aide du suffixe composé -arilis
Ç-arius + -llis). Ce suffixe n'est pas d'un usage fré-
quent en français. Je suppose qu'il faut le reconnaître
dans les mots suivants :
Chaumeril, représenté par le normand caumeri, cam-
711er i, cambtri, « pièce déterre encore garnie de chaume »
(Dict. du patois normand de l'Eure, p. 94).
Femeril, représenté par le comtois femri « tas de
fumier » (Mém. de la Soc. de ling., XI, 205).
Fronienteril , nom porté jadis par une localité men-
tionnée sous la forme Frumenterilis dans une charte
de Charlemagne en faveur de Saint-Denis ï;
Meeril, épis restés sous la meule de blé (jnèta);
voyez ci-dessous l'article meeril.
Orgeril, représenté parle nom d'un homme politiqueet
littérateur dequelque notoriété, le vicomte de Lorgeril2.
1. Mabillon, De re diph, p. 645.
2. Né et mort dans les Côtes-du-Nord (181 1-1!
176 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
XIV. - BABI
A Oloron, on appelle babi la mèche de la chandelle
de résine ; à Montaud, dans le même département, on
prononce babit ; ailleurs, dans la même région, on
emploie babialè et bibalè1 ; ailleurs encore, mais tou-
jours en Gascogne, pabieu et pabiou2.
Mistral rattache justement la forme actuelle pabieu
ou pabiou à l'ancien provençal pabil, mais il a tort
de suivre Raynouard et Diez pour l'étymologie et
d'indiquer le latin pabulum. Il faut s'adresser à papyrus,
comme l'a montré M. Ascoliî.
Les formes béarnaises citées ci-dessus (babi, babit,
babialè, bibalè) nous offrent toutes l'assimilation en
b du p latin initial sous l'influence du b qui était
normalement sorti en roman du p latin médial
intervocalique4. Babialè est pour *babilè, Va s'inter-
calant souvent entre * long et /; bibalè nous offre
une métathèse pour *babilè : l'un et l'autre de ces
mots remontent à un type médiéval perdu *babiler, où
le suffixe -er est venu renforcer le substantif pabil i,
1. Lespy et Raymond, Die t. béarnais.
2. Mistral, Trésor, art. pabieu.
3. Cf. Kôrting, 6771 et 6852.
4. Même assimilation dans le patois de la Creuse où le typha
latifolia s'appelle bobelho, d'un type étymologique *pjpïlia (voyez
mes Essais, p. 349).
5. Si on ne trouve pas *pabiler au moyen âge, on trouve, avec
le suffixe -um, la forme pabilum à Condom (Ravnouard, Lex. rom.,
IV, 392).
BAI EN 177
c'est-à-dire qu'ils témoignent, comme pabieu et pabiou.
de l'existence d'une forme *papïlus, au lieu de papyrus
dans le latin vulgaire de cette région. Il en va différem-
ment de la forme oloronaise babi, dont babit me paraît
être une altération sans conséquence1. En effet on ne
peut pas admettre la chute de 17 finale de pabil et il
n'y a qu'une r finale qui puisse ainsi disparaître: je
crois donc que babi représente une forme médiévale
*pabir qui peut se réclamer du latin classique papyrus
prononcé *paplrus.
Dans l'île de Guernesey, le typha latifolia des bota-
nistes s'appelle pavie. J'ai supposé que pavie pouvait
être une graphie incorrecte pour *pavi, c'est-à-dire
remonter à une forme médiévale *pavir2: l'existence
de l'oloronais babi ne peut que confirmer ma manière
de voir.
(Mélanges Léonce Couture, p. 258-259.)
XV. — BAIEN
L'ancien français possède un adjectif baien, baiene qui
qualifie les légumes (particulièrement les pois et les
fèves) que l'on a fait tremper dans l'eau chaude jus-
qu'à cuisson ou ramollissement plus ou moins com-
plet. Godefroy en donne de nombreux exemples ;
1. On ne peut pas supposer que ce / soit issu, comme il arrive
souvent en gascon* d'un groupe latin //, car après /' long, /double
se simplifie en gascon comme ailleurs; ci', anyele, de angullla, et
biele, de villa.
2. Mélanges d'èlymologie franc., p. 114.
Thomas. II. — 12
178 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
l'expression « febves baynes » figure encore dans la
Farce du Pont aux Asnes, qui n'est sans doute pas anté-
rieure au seizième siècle ; mais Cotgrave ne la connaît
pas.
Godefroy a justement rapproché de cet ancien adjectif
le verbe bainer, usité en Franche- Comté, notamment
à Dôle, avec le sens de « mettre des légumes secs dans
de l'eau chaude pour leur faire subir une première
cuisson ». Un autre rapprochement qui s'impose est
celui du provençal moderne : bajan, bajano, demi-cuit,
en parlant des légumes; bajana, cuire des légumes à
l'eau, échauder des légumes pour les faire renfler;
tremper, en parlant des légumes qu'on fait ramollir
dans l'eau avant de les faire cuire, etc. La transition
entre le comtois et le provençal nous est fournie par
le lyonnais baïno et le forézien beina « faire macérer des
légumes dans l'eau ». Nizier du Puitspelu se figure que
baïno a été tiré du substantif bain « avec conservation
de l'ancienne diphtongue ai » : la comparaison avec le
provençal aurait pu le mettre en garde contre cette
explication spécieuse ; mais il ne s'en est pas avisé.
L'adjectif latin baianus « de Baies en Campanie »
est une base phonétique excellente pour le français
baien et le provençal bajan. On sait que le féminin
baiana est employé substantivement par Apicius Caelius,
chez qui baianas elixas paraît désigner des fèves cuites
à l'eau l. On peut croire que baiana est pour faba baiana
i. V, 210; édition Schuch, p. 113. La leçon n'est pas tout à fait
sûre; deux manuscrits donnent bagatias et l'éditeur est porté à y
voir un dérivé de baca. Mais l'italien dialectal bagiana, etc., appuie
la leçon baianas.
B1UELHE 179
et a désigné primitivement une variété de fève origi-
naire de Baies: de là l'italien dialectal bagiana, etc.,
qui n'est en usage que comme substantif et désigne,
selon les provinces, la fève fraîche, la fève ou le haricot
en cosse, la cosse même de la fève, etc. «. Pour rendre
raison du provençal et du français, il suffit d'admettre
que l'on a employé baianus pour signifier tout naturel-
lement « à la mode de Baies » : faba baiana serait une
fève qu'on fait « baigner ». On sait la vogue des
« bains » de Baies, et que le mot de Baiae lui-même
avait fini chez les Romains par désigner des eaux ther-
males quelconques.
Le hasard a fait qu'aucun exemple ancien du pro-
vençal bajan « cuit à l'eau » ne nous est parvenu, tandis
que le français baien est très souvent attesté. En revanche,
nous avons en ancien provençal bajan, qui est traduit par
« insipidus » dans le Donat2 et qui se continue aujour-
d'hui par bajan « nigaud » et ses dérivés, que Mistral
sépare complètement de bajan « cuit à l'eau » : c'est
pourtant un développement sémantique tout naturel
que celui qui va de « cuit à l'eau » à « nigaud » en pas-
sant par « insipide » ; il ne s'agit donc que d'un seul
et même mot.
XVI. — BIDELHE
Le mot français vrille désigne proprement les fila-
1. Salvioni, Nuove Postille ilaliane, v° bajana.
2. Cf. Lcvv, Prov. Suppl.-IV., I, 119.
180 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
ments en spirale au moyen desquels la vigne et autres
plantes grimpantes et sarmenteuses s'attachent aux
corps voisins. C'est par une figure hardie qu'on l'ap-
plique communément à l'instrument qui sert à percer
le bois. Dans vrille, IV est adventice, comme en témoi-
gnent les anciennes formes veille, viille. La compa-
raison avec le provençal vedilha1 ne laisse aucun doute
sur Pétymologie : c'est le latin viticula. Les textes
anciens montrent que les Romains se servaient à la fois
de viticula et de son primitif vitis pour désigner les
vrilles des plantes ; on trouve môme dans un glossaire
latin-grec une forme masculine viticulus, à laquelle cor-
respond l'italien actuel viticchio.
Le latin hésitait sur la quantité de Yi dans le suffixe
diminutif. Voici en effet deux exemples contradictoires :
Dulci namque tumet nondum viticula Baccho.
(Valerius Cato, Diroe, 115.)
Vitïcuhe in gracili latet ingens corporc botrys.
{Carmen adv. Marcionem, 11, 230.)
Parmi les formes romanes, les unes se rattachent à
viticula, les autres à viticula. Tandis que l'italien litté-
raire dit viticchio, le patois lombard dit vedech et le
bolonais vdec (liseron) ; l'engadinois a vadeilla (boucle)
et vdail ; l'espagnol emploie concurremment vcdija
(flocon de laine) et vedcja ou guedeja (boucle de che-
1 . On n'a pas d'exemple remontant au moyen âge, mais ce n'est
qu'un hasard. A l'article vediho, Mistral indique les sens suivants:
vrille de la vigne — liseron — cordon ombilical — nombril —
pénis d'enfant — crotte, saleté. Le dernier sens ne se rattache
guère aux autres ; il provient peut-être de quelque contamination.
veux). Sur le territoire de la Gaule on ne semble avoir
remarqué jusqu'ici que des représentants de vitîcula,
notamment le provençal vedilha et le français vrille.
Pourtant il me semble que vitîcula est la base de plu-
sieurs des noms que portent en France le liseron, la
clématite et autres plantes analogues : vreille, vieille,
veillée, veuillet, etc. Il est probable qu'il a aussi quelque
chose à réclamer dans la formation du mot veillote,
terme agricole qui désigne un petit tas de foin enroulé f.
En tout cas, il est sûr qu'il faut reconnaître vitîcula, et
non vitîcula, dans un mot béarnais qui n'est pas moins
intéressant au point de vue sémantique qu'au point de
vue phonétique. Ce mot est bidelhe, que Lespy et
Raymond enregistrent, sans indication étymologique,
avec les deux sens suivants :
i° Pas de vis d'une grosse tarière;
2° (A Orthez). Boudin, ressort formé d'une spirale
de fil de fer.
{Mélanges Léonce Couture, p. 259-261.)
XVII. — BOUDE
Le béarnais moderne possède le mot boudé, écrit
autrefois bodee, qui a le sens de « beurre » ; ce mot
offre un intérêt particulier. Le grec ftojrjpsv a été, comme
1. Voyez sur ce mot mes Mélanges, p. 163, où j'ai eu le tort de
ne pas signaler l'existence de vitîcula à coté de vitîcula. Tout
récemment, M. Horning a proposé de reconnaître vltulus (veau)
dans veillote (Zeitschr. fur ront. Phil., XXVII, 149); il ne m'a
pas convaincu.
8j RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
on sait, latinisé sous la forme butyrum. Mais la pronon-
ciation de butyrum n'a pas été uniforme dans toute
l'étendue de l'empire romain. En Gaule, la prononcia-
tion dominante plaçait l'accent tonique sur la syllabe
initiale, dont Vu était long: c'était une imitation de
l'accentuation grecque qui a donné naissance à l'ancien
français burre — la forme actuelle beurre est une alté-
ration récente de burre — , à l'ancien lyonnais buyro et
au provençal buire ou burre. A côté de l'accentuation
grecque, on pouvait employer l'accentuation latine, qui
consistait à placer le ton sur la syllabe pénultième quand
cette syllabe était longue1. Il est clair que la forme
béarnaise boudé remonte à une prononciation de butyrum
où l'accent portait sur la syllabe -ty- et où Vu de la pre-
mière syllabe était prononcé bref. Cette forme répond
à la forme médiévale boder, dont Raynouard a relevé
deux exemples (l'un dans YElucidari, l'autre dans la
traduction de la chirurgie d'Albucasis) et dont mon
ami M. Jeanroy me signale la présence dans le Voyage
au Purgatoire de Saint-Patrice2. Tous ces textes appar-
tiennent à la région pyrénéenne. A côté du traitement
de l'accent tonique et de Vu, il faut encore remarquer
la représentation de l'y long par un e. Il y a là une
contradiction avec ce que nous avons remarqué dans
le béarnais babi, où l'y long de papyrus est rendu par
i; mais on sait combien la prononciation de l'y a varié
en latin. C'est le cas de rappeler que, d'après Gaston
i. Sur la place de l'accent dans les mots empruntés au grec,
voye? ci-dessous l'article caillou.
2. Bibliothèque méridionale, ire série, t. VIII, p. 17, ligne 344.
BOUILLIE 183
Paris, même lorsqu'il était long, Yy était identique à Ve
fermé latin dans les mots vraiment populaires1.
(Mélanges Léonce Coulure, p. 260.)
XVIII. — BOUILLIE
Contrairement à l'opinion courante qui considère le
substantif français bouillie comme un dérivé du verbe
bouillir, j'ai proposé de voir dans la forme ancienne
bolie le thème bol- et le suffixe -te et j'ai rappelé que le
grammairien Diomède avait latinisé en bolarium le
grec (JwXaptov « grumeau » 2. J'ai été mal inspiré. Ce
qui me donnait des doutes sur l'exactitude de l'étymo-
logie reçue, c'est que je ne trouvais pas trace en pro-
vençal d'un substantif participial correspondant au
français bouillie avec le même sens. Depuis que l'inap-
préciable Atlas linguistique de MM. Gilliéron et Edmont
a mis à la portée de tous les richesses insoupçonnées
du vocabulaire gallo-roman, chacun pourra constater,
grâce à la carte 156, que les formes telles que boulido,
bulido, bulide, etc., se présentent en des régions très
diverses du Midi. J'ai moi-même rencontré fréquem-
ment bulido et belido dans le Sud-Est de la Creuse
(région d'Auzances). Je tiens donc à faire amende
honorable et à déclarer que je suis tout à fait revenu
de mes préjugés contre l'opinion courante. Bouillie est
bel et bien un substantif participial tiré de bouillir.
1 . Ficatum en roman, tirage à part du volume intitulé : Miscel-
lanea linguistica in onore ai Gra\iadio Ascoli, p. 1 1 et note 90.
2. Essais, p. 257.
1S4 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
XIX. — BRA1MAN, BERMAN
Les textes gascons relatifs à Bayonne mentionnent
souvent les braimans comme formant une corporation
urbaine importante. Giry a traduit braimans par « rou-
leurs de barriques » et il a cité la mention suivante pour
justifier son interprétation : « Fo ordenat que los bray-
mans prenguon per portar e descargar pipe pleie, etc. »
Puis il a eu des doutes sur son interprétation et il a
écrit après coup la note suivante1 : « Braymans, ce mot
signifie plutôt simplement journaliers, hommes de peine
à gages, mercenaires; ce sont les brabançons; voyez
P. Meyer, Croisade contre les Albigeois, II, 69. » Cela,
ce n'est plus de l'interprétation ; c'est de l'étymologie ;
je n'hésite pas à déclarer que Giry a fait fausse route.
Les mêmes ouvriers sont fréquemment mentionnés
dans les comptes latins de l'archevêché de Bordeaux
publiés par Léo Drouyn dans les tomes XXI et XXII
des Archives historiques de la Gironde; l'éditeur traduit
sans hésiter par « rouleurs, ouvriers du port » : il a tout
à fait raison.
Giry (ni personne depuis lui, à ce qu'il semble) n'a
pas pris garde à un fait qu'il était mieux que personne
à même de remarquer et qui est en relation très étroite
avec l'idée maîtresse de son beau livre sur les Établis-
sements de Rouen : c'est que le mot a passé des rives de
la basse Seine à celles de la Garonne et de l'Adour.
I. Établissements de Rouen, I, p. xix.
BRAIMA.X, BERUAX 1 8 s
Nous avons dans le gascon braiman un emprunt au
vocabulaire technique du port de Rouen et de quelques
autres ports de la côte normande : à Rouen, à
Dieppe, etc., il y avait aussi des bermans, dont l'office
était analogue à celui des braimans gascons. L'article
70 des Coutumes de la Vicomte de l'Eau de Rouen est
intitulé : De l'office as bermans. Il y est dit : « Les ber-
mans carchent les tonneaus, etc. » En 1720 on les
appelait brements et un factum définit ainsi leurs fonc-
tions : « Les brements sont des officiers dont il est
fait mention dans le Coutumier et leurs fonctions sont
de charger et décharger les vins, cidres et autres
liqueurs de terre à bord ou de bord en bord l ».
Il y en avait ailleurs que dans les ports de mer et
même en dehors de la Normandie : Godefroy a relevé
cette mention « li berman et li broueteur » dans le
registre aux bans de Saint-Omer2 et M. de Formeville
a écrit tout un mémoire intitulé: Notice sur les francs-
brements-canonniers de la ville de Caen7». Pour expliquer
que le mot berman ait été transformé en braiman à
Bordeaux et à Bayonne, on peut admettre que les popu-
lations méridionales y ont mêlé le vague souvenir des
Braimansos ou Braimans, c'est-à-dire des routiers bra-
bançons, dont elles avaient tant souffert à la fin du
douzième siècle et au commencement du treizième,
1. Voyez H. de Fréville, Hist. du commerce maritime de Rouen,
t. II, p. 74 et 555.
2. En réalité, il l'a prise dans le livre de Giry intitulé Histoire
de SùntOmer, t. H, p. 535, art. 447.
5. Mém. de la Soc. des Antiq. de Normandie, 2e série, t. I, p. 283-
328.
186 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
mais il est évident que ce n'est pas dans cette direction
qu'il faut chercher la véritable étymologie du mot. Il
faut partir, pour la trouver, de la forme française ber-
man telle qu'elle nous apparaît au treizième siècle en
Artois et en Normandie.
M. de Formeville a cru que berman était le néerlan-
dais beuritnan « homme, puis bateau qui part à un
temps fixé et réglé » ; il est inutile de discuter cette
opinion qui n'a aucune consistance sémantique et qui
cloche aussi du côté de la phonétique.
Tout récemment, M. de la Roncière, l'érudit his-
torien de notre marine, s'est occupé du mot qui nous
intéresse. Je lis dans son tome I, p. 121 : « Reste à le
lester (le bâtiment) : les bruments l s'en chargent ; les
bruments sont la corporation des portefaix qu'à Rouen
« l'en apelle la bergue de antiquité ». Et l'auteur pro-
pose en note de voir dans le premier élément de ber-
man le verbe norois bregtha « tirer, mouvoir ».
J'avoue que je suis un peu embarrassé par ce fait
que les Coutumes de la vicomte de l'Eau appellent bergue
le corps des bermans et que je ne sais comment expli-
quer ce mot bergue, qu'il serait agréable de pouvoir
placer à la base du mot berman. N'était cette difficulté,
1 . La forme brunient est une forme labialisée de basse époque,
influencée peut-être par un autre mot normand bniman, bruinent,
qui signifie « fiancé, gendre » et qui n'a de commun avec celui qui
nous occupe que la désinence. Je remarque à ce propos que l'ar-
ticle bruinent i de Godefroy « espèce de galère, allège, bateau,
barque » est absolument dénué de fondement, car dans le seul
exemple qu'il cite bruinent est bien notre mot berman ; il est vrai
que Godefroy a chaussé les souliers de Carpentier (voyez Du Cange,
biunid 3) et qu'il lui était difficile de marcher droit.
BRENA 1S7
il paraîtrait tout naturel de voir dans banian le même
mot que dans l'ancien anglais berman, qui signifie
« porteur » et qui s'explique tout naturellement par
le thème même du verbe bear « porter », autrefois bere,
beren. Y a-t-il eu emprunt direct du normand a l'an-
glais, le mot est-il venu par le Scandinave, comme le
suppose Moisy1, ou par le néerlandais ? Je soumets le
cas aux savants compétents, ne m'étant proposé ici que
de tirer au clair l'origine immédiate du gascon braiman.
XX. — BRENA
Le Dictionnaire béarnais de Lespy et Raymond enre-
gistre le verbe brena comme un terme particulier au
patois d'Asson, avec le sens de « prendre le goûter » ;
il ne donne pas d'étymologie, mais il rapproche ce verbe
du catalan brena, qui a le même sens. Il ne faut pas
hésiter à reconnaître dans brena le latin vulgaire meren-
dare, recueilli par Isidore de Séville, et dérivé de
merenda « collation » ; la plupart des langues romanes
ont conservé des représentants de cette famille. La
forme gasconne médiévale a dû être *merenar, avec la
réduction normale du groupe latin -nd- à -«-; puis la
prononciation rapide de la syllabe initiale a fait dispa-
raître IV et rapproché Ym de IV2, d'où *mrenar qui a dû
1. Dict. du patois normand, p. 118.
2. La tendance du gascon à faire disparaître la voyelle de la
syllabe initiale devant r est très prononcée : bregno, vendange (pour
beregno), bien, venin (pour beren), biïmous, venimeux (pour beri-
iitons), cranto, quarante (pour caranto), etc.
IÔ3 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
aboutir rapidement à brenar' . Nous avons le même pro-
cessus dans l'évolution du latin memorare qui est suc-
cessivement devenu en Gascogne et dans la région limi-
trophe: *mem'rar, membrar, *mrembar, brembar, bremba.
{Mélanges Léonce Couture, p. 260-261.)
XXI. — CADE
Cade est un mot essentiellement provençal que l'Aca-
démie française n'a pas admis dans son Dictionnaire,
mais que bien des écrivains, depuis le seizième siècle,
n'hésitent pas à considérer comme français. Tel est le
cas, par exemple, de Pierre Belon, qui n'était pourtant
pas méridional, et qui a écrit (f° 46 v° de ses Remons-
trances sur le défaut du labour et culture des plantes,
publiées en 1558): « Serbin est comme cade ou gené-
vrier rouge, tous trois noms François; ainsi les nom-
ment en Avignon ». De même Lemery, dans son Dic-
tionnaire des drogues simples, dit que le Juniperus major
Monspelensium s'appelle « en françois Cade 2 » . Dès 1 5 1 8,
« l'huile de cade » figure dans les tarifs officiels 5, et de
nos jours encore cette drogue n'a pas perdu sa vogue
dans la médecine humaine et vétérinaire.
Donc cade est synonyme de « genévrier » dans une
partie du Midi de la France. Raynouard a cité le témoi-
1 . Il est curieux de trouver en catalan berena et barena à côté d j
brena. Faut-il supposer l'existence en latin vulgaire de *berendare
au lieu de merendare}
2. Page 398 de l'édition de 1760.
3. Godefroy, CompL, VIII, 404.
gnage très précis de Daudé de Pradas, auteur des Autels
cassadors, originaire du Rouergue :
Prendetz la goma del genebre,
So es albre ; e sembla pebre
Sa fruita, can es ben madura ;
Et en la nostra parladura
A nom cade ' .
Mistral donne comme formes actuellement vivantes
cade, cadre, cae, chaîne et chai. Si l'on remarque que la
baie de cet arbuste s'appelle cadenello et qu'un lieu
planté de « cades » est une cadenedo (en limousin cha-
denedo), une cadenasso ou une cadeniero, on n'aura pas de
peine à remonter au type primitif du nom de l'arbuste,
lequel ne peut être que *càtinus (comme frâxinus) ou
*càtanus (comme câssanus ou plâtanus).
Je crois qu'il faut donner la préférence à *catanus,
car il est infiniment probable que le nom de lieu Cadenet
(Vaucluse), qui est énoncé sous les formes CadaneUim
et Catanetum dans le Cartidaire de Saint-Victor de
Marseille (voyez la table géographique), signifie « ter-
rain planté en cades2 ».
Or, dans une compilation rédigée en Espagne vers
la fin du septième siècle, on lit la glose suivante : « Ci-
tisum, genus arboris quasi catanum, erba odoribera*. »
i. Lex. rom., II, 285 ; cf. l'édition donnée par M. Monaci, Sludj
di fûotogia rom., t. V, p. 135, vers 2095-99. Les Bénédictins ont
relevé le pluriel cades dans un acte de 1461 relatif à Saint-Victor
de Marseille et le singulier cade dans les statuts de Marseille (voy.
Du Cange, v° cades).
2. La forme provençale cade se trouve déjà dans ce cartulaire;
j'y vois aussi Cadaneira, comme nom d'un terroir, ce qui corres-
pond au mot actuel cadeniero.
3. Corpus glossarum lat., V. 179, 6.
190 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Suit une citation de Virgile, dont on ne voit pas bien
le rapport avec la glose: « vix humiles apibus casias
roremque [ministrat]. » Le savant latiniste Buechner
s'est demandé s'il ne fallait pas corriger le mystérieux
quasi catanum en casia tantum1 . Mais je ne vois pas la
clarté qu'apporterait dans le passage cette ingénieuse
correction. Les cinq premiers mots de la glose consti-
tuent un tout bien cohérenteteonformeà certaines façons
de parler du compilateur (cf. V, 163, 43 : aemulus, ejus-
dem rei studiosus, quasi imitalor ; V, 1 65 , 1 5 : aléa, quasi
bel htm). Il me paraît évident que notre Espagnol a assi-
milé l'arbuste appelé en latin cytisum à celui qu'il con-
naissait sous le nom de catanum. 11 a eu tort au point de
vue de la botanique, c'est bien certain, et le cytise n'est
pas un genévrier; mais cette confusion même explique
qu'il ait qualifié le cytise, dans une glose immédiate-
ment précédente, genus arbornm pinguis, car le cade,
producteur d'huile ou de gomme, mériterait assez bien
le qualificatif de pinguis qu'on serait fort embarrassé
de justifier en l'appliquant au cytise. Si l'on remarque
que Raynouard signale cade comme existant aussi en
catalan 2, on ne sera pas surpris qu'un Espagnol du
septième siècle ait connu le mot catanum.
Là s'arrêtent mes informations sur l'étymologie
de cade. Suppose qui voudra que catanum est celtique
ou ibérique: je n'ai rien à dire ni pour ni contre
cette hypothèse.
1. Dans Gœtz, Thés, gloss. emendat., I, 502, au mot cytisus.
2. Je ne le vois pourtant pas dans le dictionnaire de Labernia;
mais on trouve cada dans Colmeiro, Dicc. de los nombres de wichas
plantas (Madrid, 1 87 1).
XXII. — CAFORC
Mistral enregistre le substantif masculin cafour,
variante escafour, avec deux sens distincts : i° enfour-
chure d'un arbre; 2° carrefour. Il le croit composé de
cap « tête » et defourco « fourche ». L'étymologie paraît
plausible au premier abord; je ne la crois cependant
exacte qu'à moitié; et voici mes raisons.
Dans la toponymie de la Dordogne on trouve des
lieux qui s'appellent Le Cafour et La Cafourche. Ces
derniers appartiennent à la région où le c latin devant a
devient ch; si le premier élément était caput, on aurait
*Chafourche. D'autre part, dans le même département,
on trouve La Cofourche, La Coufourche, noms de lieux
écrits au moyen cage Cofforca, Cofforchia, et, dans le
Cantal, Le Couffour, au moyen âge Coforc, en bas latin
Cujurcos, Cufurcum.
Il faut sûrement partir d'un type du latin vulgaire
*Confurcus*. Le changement de coforc, coforcha en
cafour, cafourcho est dû à la même tendance à la
dissimilation que l'on constate dans cagoulo, decucnlla,
cagoulho, de *coculia, etc. 2.
1. Dans le Nord de l'Italie c'est le type "conjurcium, *confurcia
qui prévaut ; de là l'italien archaïque conforma, conforma « carre-
four » (Du Cangc, aux articles avifurlutm et conforma). En Espagne,
le latin vulgaire a dû dire, comme en Gaule, "confurcus : cf. le
diminutif conjorquellus dans une charte de 780 (Espana sagrada,
XXXVII, 306).
2. Ajoutez le béarnais caidla « cabane avec un parc pour faire
gîter les troupeaux », dont la forme médiévale est cuiolar, du
latin vulgaire *cubio1aris (ci-dessous, article cuiolar).
Içm RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUL.S
Une formation analogue est coumbranc, synonyme
de cafour au sens de « enfourchure d'un arbre ».
XXIII. — CAILLOU
M. Schuchardt est revenu sur l'étymologie de caillou.
Il lui consacre une dizaine de pages1, tandis que dans
ses Romanische Etymologieen il n'avait fait que la men-
tionner en passant. Il se défend d'avoir eu le premier
l'idée de rapprocher caillou du latin coclaca2, mais il
embrasse cette idée avec une telle ardeur qu'on ne voit
pas ce qu'il pourrait faire de plus s'il en était le père.
J'ai dit en propres termes 3: « S'il n'est pas impos-
sible que le latin ait eu une forme *caclacu, par confusion
entre les mots grecs /i/Xa; et xx/Xï}1;4, et si l'on peut
admettre à la rigueur que le % grec ait été rendu par
g latin, d'où *caclagu, rien ne peut légitimer l'hypo-
thèse d'un déplacement d'accent nécessaire pour passer
de *caclagu à caillou. » Je tiens à revenir sur cette ques-
tion du « déplacement d'accent » ; je ne l'avais pas
suffisamment étudiée. M. Schuchardt me renvoie à ce
i. Zeitscbr. filr rom. Phil., XXV, 244-253.
2. L'idée est de Cascneuve, mais Caseneuve déclare qu'il n'ose
choisir entre calcuhis et le grec xd/XaÇ, latinisé en coclaca. R.
Estienne avait depuis longtemps proposé calcuhis, que Ménage
a renforcé en *calculluhts, croyant expliquer ainsi la désinence du
mot français.
3. Romania, XXIX, 438.
4. M. Sch. me fait justement remarquer que xo/XaÇ et xoc/XtjÇ
ne sont pas deux mots, mais deux variantes dialectales d'un même
mot.
CAILLOU 193
propos le reproche de « foire trop bon marché de la
phonétique » ; il n'a pas tort, mais il ne sait pas où le
bât me blesse. Il y a bien, quoi qu'il en dise, un dépla-
cement d'accent en jeu. Il n'importe pas de savoir si
l'a de yiyXa; était long ou bref, vu que l'accent grec
n'en a cure, et que le génitif yiyÀay.o? est proparoxyton,
tout comme y.âyAYjy.oç, où la longueur de la pénultième
est marquée par l'orthographe. La question est de savoir
si le latin hypothétique *caclacus doit suivre l'accentua-
tion grecque ou l'accentuation latine. Je demande à
traiter cette question ex prof es so (on verra, j'espère, que
cela en vaut la peine), et j'accepte la donnée même de
M. Schuchardt d'après laquelle le type grec -/.âyXx;
avait le suffixe à; ây.o; et non le suffixe aç Ir/.o;.
Nous nous heurtons tout d'abord à la loi générale
formulée par M. Meyer-Lûbke : « Les proparoxytons
à voyelle grecque pénultième longue conservent leur
accent: éremus, ïpr^j.z:, ital. ermo, a. -franc, erme, esp.
vermo ; blâsphemus, rfhy.sori\j.oz, ital. biâsimo, franc, blâme ;
bùtyrum, (JoJTypov, ital. burro, prov. buire, franc, beurre;
sélinum, ffsX-.vov, ital. sédano; [thymallus], QJ|j.aXX5;, ital.
témolo1. » Il faut rayer biasimo, blâme, qui sont des sub-
stantifs verbaux et qui ne reposent pas directement sur
frJ.zvrl[j.o;; mais on pourrait allonger la liste2. En
revanche, il y a des dissidences dont M. Meyer-Lïibke
ne tient pas assez de compte. Les mots grecs latinisés
où la pénultième est longue, même quand cette pénul-
tième est constituée par une voyelle libre, n'ont pas
i. Gratnm. des lang. rom., I, § 17.
2. Voyez d'Ovidio dans Zeitschr. f. rom. PMI., VIII, 95.
Thomas. II. — 13
194 RECHERCHES lÎTYMOLOGlOjJES
tous un traitement uniforme. Le plus souvent, en effet,
ils conservent à l'accent tonique la place qu'il occupe
en grec, mais il arrive parfois que l'accent glisse sur
la pénultième. Voici quelques exemples destinés à
mettre ce fait en lumière ; je néglige de parti pris les
mots où la pénultième est entravée, parce qu'ils ne sont
pas directement en cause.
Bà^iâç1, (3£sj.Sà£. L'italien bambace, bombace « coton »
témoigne clairement de l'accentuation *bambâcem, *bom-
bâcem ; l'ancien français connaît la forme correspondante
bambais, avec le même sens2. L'italien baco « ver à
soie » remonte à *bombâcum, qui survit tout entier
dans le roumain bumbacî.
BoÛTJpov. Sans parler des formes dialectales de l'ita-
lien, l'ancien languedocien et gascon boder, aujourd'hui
boudé, témoigne de l'accent butyrum en latin vulgaire,
concurremment avec bûtyrum*--.
KâjAKjXoç. A côté du latin classique camèlus, on trouve-
la graphie camellus, qui peut expliquer l'italien cammèllo
i. Bâji.6aÇ est dans Suidas, mais il est beaucoup plus ancien,
puisque Dioscoride emploie le mot composé J3a[x6ay.o£tor[ç « sem-
blable à du coton ». *Bo';.«.6aj; doit être un croisement de pâ^aÇ
et de Go'ijlêliÇ. La quantité CajjLÉ/axoaôrJ; donnée par le dictionnaire
grec-français de Bailly est arbitraire.
2. Le mot n'est pas dans Godefroy; voir l'exemple dans Du
Cange, à l'article bambaxium et à l'article pannuleium ; c'est une
précieuse addition de Carpentier.
3. Je m'étonne que M. Sainéan considère le roumain bumbac
comme un emprunt au turc osmanli pambouk (Remania, XXXI,
559). L'ital. méridional vômbacu est dû à un recul de l'accent dont
il y a d'autres exemples et ne nécessite pas l'hypothèse de tom-
bants en latin vulgaire.
4. Voyez ci-dessus l'article boudé.
CAILLOU 195
et le français chameau l ; mais il est impossible de ne
pas voir le représentant légitime de camelus dans l'an-
cien français chameil, chamoil — Gaston Paris a déjà
protesté, quoique timidement, contre l'idée qu'a M. H.
Berger de voir dans chameil un mot savant 2 — et dans
l'ancien provençal camél. Le sicilien gammiddu suppose
un type *camUlus.
Kxy.îvsç. Le latin camïtms ne semble pas avoir eu
d'autre prononciation que la paroxy tonique : ital. cam-
mino, etc.
Ilazjpo;. Le béarnais moderne babi « mèche » paraît
bien être un ancien *pabir, représentant légitime d'un
type latin populaire *papïrus paroxytonique, ce qui
confirmerait l'hypothèse que j'ai émise d'après laquelle
le guernesiais pavie « typha latifolia » remonterait à
*pavir. D'autre part, j'ai conjecturé que le normand
pave pouvait être pour *pavre et attester la prononcia-
tion proparoxytonique *pâpirus. Les nombreuses formes
romanes qui remontent à *papïlus ou *papêrus offrent
une confirmation indirecte du glissement de l'accent
sur la pénultième?.
E(vàm. Les formes romanes se divisent nettement en
deux séries : la première remonte à un type latin pro-
paroxytonique sinapc, où l'accentuation grecque est
conservée (ital. sénape, ladin sénep, prov. sénebe, serbe,
1 . La substitution de suffixe peut aussi s'être produite à une
époque relativement récente en français, et cela me paraît même
plus probable.
2. Journal des Savants, 1900, p. 299. Pour le maintien de Va,
cf. l'anc. franc, chaeine de catena et chaiere de cathedra.
3. Cf. Romania, XXVIII, 197, mes Mélanges d'ètymol. franc.,
p. 144, et ci-dessus l'article babi.
196 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
gascon siep1, franc, sanve); la seconde, à un type latin
paroxyton ique sinàpe (ital. dial. senâpe, sanâpu, sanâ-
vre, etc., esp. jenâbe, franc, dialectal serti, sné, sney',
sinef, etc. 2).
Je n'ai pas voulu charger cette liste d'exemples dont
l'interprétation puisse faire difficulté ; c'est pourquoi
j'ai écarté de propos délibéré XefyutÇ, xsirwv, g^wv, oirrr
Xcz. Le cas de sivahct, où il ne peut être question de
substitution d'un suffixe latin à un suffixe grec plus ou
moins voisin, prouve que -/ÀyXxz, a pu passer en latin
sous une forme paroxytonique *caclâcu, analogue à
*bombàcu ; il est possible d'ailleurs, mais non nécessaire,
que l'existence en latin des suffixes -âcus £t -âceusy soit
pour quelque chose. Reste la difficulté d'expliquer
pourquoi *caclacu serait ensuite devenu *cacJagu; je ne
m'y arrêterai pas, et pour cause 3.
M. Schuchardt reproche à M. Meyer-Lùbke d'avoir
écrit: « Le prov. -au et le franc, -ou, -0, -eu ne peu-
vent s'expliquer que par l'hypothèse d'un type -avu,
-au. » Il fait justement remarquer que les représentants
àefagus (fau, fou, jo, jeu) montrent que -agus est aussi
satisfaisant au point de vue phonétique que -avus. La
1. Rolland, Flore pop., II, 75.
2. Ibid., II, 70, 71, 73.
3. M. Schuchardt ne donne pas d'explication exclusive ; on peut
y voir, dit-il, soit une dissimilation, soit l'effet de la même cause
(inconnue d'ailleurs) qui a changé de bonne heure le c de lacus
en g et produit l'italien lago et le franco-provençal lau. M. Meyer-
Lùbke (Literaturblatt, année 1901, col. 116) ne croit pas à une
dissimilation : il suppose qu'il a pu y avoir en grec même une
forme *xâxXa£ ayo; au lieu de xocyXaÇ a/.o;, d'après les mots en Ç
qui fléchissent en yo; (par exemple aâiTi^ --y0'- ?^°'£ °'t0?' ^,°"u>
■j-;o;, etc.).
CAILLOU 197
phonétique semble donc incapable de trancher cette
question étymologique en faveur de l'un ou de l'autre
des types en concurrence, *caclagus ou *caclavus, et,
comme dirait Montaigne, où la phonétique ne peut
aller, il faut que la sémantique y aille. Mais est-il bien
sûr que la phonétique soit réduite à l'impuissance ? Il
ne faut s'en remettre à la sémantique qu'après avoir
épuisé tous les autres moyens de recherche. Il est rare
qu'un mot soit absolument sans famille. Les Gallo-
Romains n'auraient-ils pas éprouvé le besoin de faire
un dérivé pour désigner un endroit où il y a beaucoup
de cailloux ? Ils pouvaient employer le suffixe -aria
(cf. *petraria, perriere) ou le suffixe -êtum (cf. saxetunt).
S'il en a été ainsi, nous serons tirés d'embarras sur la
nature de la désinence de caillou, car *caclagaria et
*caclagêtum, d'une part, *caclavaria et *caclavêtutn, de
l'autre, doivent aboutir, en français et en provençal, à
des résultats très distincts. Or, si nous parcourons le
vocabulaire du béarnais, nous y trouverons le nom
commun calbabere « tas de cailloux, quartiers de roche »,
qui ne peut être *caclagaria, lequel aurait donné *calha-
guere (cf. arragué, de *fragarium, fraisier), mais qui
est visiblement *caclavaria ; et si nous parcourons le
vocabulaire français, nous y trouverons le nom de lieu
Chaillevois (Aisne), autrefois Chaillevoi, qui ne peut
venir que de *Caclavctum' . D'autres formes encore
1. Voici les formes anciennes, telles que les donne le Diction-
naire topographique de l'Aisne: Chaillcvoy (1174), Caillovoi (1183),
Cbevoie (? 1214), Chaillevois (1216), Chalavoie (1241), Chalevoit
(1243), Chaillevoi (1249), Challivoi (1258). La même étymologie
doit être vraisemblablement attribuée aux deux localités de Cha-
h;S recherches étymologiques
viendront appuyer très solidement le type *caclavus : le
béarnais a les diminutifs calhabet et calhabot « petit
caillou », l'adjectif calhabé « qui est plein de cailloux,
qui est au milieu des cailloux », de*caclavarius, le nom
de lieu (et par suite de famille) Calhaba, de *caclabare,
avec le suffixe -aris, si fréquent dans le Sud-Ouest de
la France r ; la toponymie de la Dordogne n'a pas moins
de sept exemples de Caillavel, nom qui se retrouve dans
l'Aude, et la toponymie de l'Aisne nous offre Chailvel,
autrefois Chaillevel, c'est-à-dire *Caclavellum2.
En résumé, la concordance phonétique de *caclagus
et de caillou n'est qu'une apparence trompeuse, et il
est certain qu'il y a -avus dans caillou. Toutefois le
dernier mot de l'étymologie reste encore à dire. Cet
-avus est-il bien le suffixe latin que nous ne connaissons
que dans octavus? Ne pourrait-on songer au gaulois
-avos, si fréquent dans la toponomastique ? Mais com-
ment rendre compte de la combinaison du latin calculus
avec un suffixe gaulois ? Le gaulois n'aurait- il pas pos-
livoy qui existent dans le département du Cher, notamment à l'ab-
baye dont fut abbé le célèbre Furetière et que les textes du dou-
zième siècle latinisent indifféremment en Callovium ou en Calliveluni
(Gallia Christiana, II, instr. col. 61 et 62).
1 . Sur l'extension de ce suffixe, voyez ci-dessous l'article histar.
2. Mentionnons aussi Chaillevette (Charente-Inf.). Les noms
comme Caillouël, autrefois Cailloel (Aisne), Caillouet, autrefois
Cailloel (Eure), Chaillot, autrefois Chailloel, quartier de Paris sur
les bords de la Seine, Cbaillouet, autrefois Chailloel (Aube), Cbail-
loiiè (Orne) et Cbaillouet (Seine-et-Marne) sont des dérivés plus
récents qui reposent directement sur caillou, cbaillou, absolument
comme clouer sur clou on fouet sur fou (defagus); ils ne prouvent
donc rien. Il y a des dérivés plus récents encore, dans le Nord et
dans le Midi, avec une consonne adventice : /, d, t ou g ; on n'a
pas à en tenir compte.
CAREILLADE 199
sédé un mot simple assez voisin du latin calculas pour
produire les mêmes résultats phonétiques? M. Schu-
chardt pourrait mieux que personne débrouiller cet
écheveau. Il a clairement montré que l'hypothèse de
M. Meyer-Lûbke, d'après laquelle caillou se rattacherait
à un type gaulois kalljov-, n'était pas admissible; peut-
être qu'après avoir chassé le gaulois par une porte, il
sera conduit à le faire rentrer triomphalement par une
autre.
(Romania, XXXI, 1-6.)
XXIV. — CAREILLADE
Duchesne, dans son Répertoire des plantes utiles, etc.,
p. 93, enregistre comme premier nom vulgaire de la
jusquiame noire le terme careillade, dont la dési-
nence proclame assez haut l'origine méridionale. Effec-
tivement, en nous reportant à Mistral, nous trouvons
caleiado, careiado, caureiado, calelhado et carelbado groupés
sous le sens de « jusquiame blanche, plante dont les
feuilles semblent criblées de petits trous ». Je ne chi-
canerai point sur le blanc et sur le noir, et pour cause.
Mistral rattache ce substantif au verbe caleia, carcia, etc.,
qui a, entre autres sens, celui de « percer de trous »,
et qui vient lui-même de caleu, calelh, etc. « lampe,
tache brillante, œil du fromage, etc. », lequel représente
le latin calïculus, pour calyculus. Je crois que le sub-
stantif caleiado, etc., remonte directement au latin vul-
gaire caliculata. Le pseudo-Apulée désigne la jusquiame
sous le nom de calicularis et le médecin Caelius Aure-
203 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
lianus se sert de la forme calicularia ; mais on trouve
caligulata dans la rédaction remaniée du médecin
Theodorus Priscianus, qui remonte peut-être au
sixième siècle', et caliclata, caliglata dans les gloses
botaniques du Corpus de Gœtz2, qui sont du dixième.
On voit que le provençal a de qui tenir. Quant au
français, il disait jadis chenillieel, qui répond au latin
vulgaire caniculata, forme dissimilée (comme * conu-
cula pour *colucula) qui est plus fréquente encore dans
le recueil de Gœtz.
XXV. — CER
Le Dictionnaire du patois normand d'E. et A.. Duméril
a signalé dans l'arrondissement de Bayeux le substantif
masculin cher « paquet de chanvre ou de lin non roui »
en le rapprochant du bas latin cherium, dont la signi-
fication est la même 4.
Le Dictionnaire du patois normand en usage dans le
département de l'Eure donne le même mot avec le même
sens, en faisant remarquer que, selon les lieux, IV
finale est muette ou sonore ; il ajoute que dans l'ar-
rondissement de Falaise on dit chère et sérotte et il rap-
i. Ed. V. Rose, p. 305 : un des deux manuscrits a caliglata.
2. Corp.gloss. lat., III, 566, 44 et 625, 22.
3. Sur ce mot voyez Romania, XXXII, 100, note $, et Dorveaux,
U Antidotaire Nicolas, p. xiv. Godefroy n'a qu'un exemple, qu'il
a lu cheinlee.
4. Dans son Essai sur le patois du Bcssin, M. Joret donne chè et
indique aussi comme étymologie cherium sans commentaire.
proche le patois normand du picard (cherion) et du
berrichon (serain). Le rapprochement avec le picard
est bon, car, d'après Corblet, cherion signifie « poignée
de lin ou de chanvre préparé ' » ; mais en Berry serain
signifie « séran » et a une tout autre étymologie.
Toutefois, je remarque dans Jaubert un mot seron,
employé dans la locution figurée teiller son seron « mou-
rir », qui ne peut guère signifier que « poignée de
chanvre », bien que l'auteur du Glossaire du Centre
glose ainsi cette locution : « effiler sa corde, user le fil
de la vie2. »
M. Madeleine a relevé récemment dans un acte de
1781 relatif à Saint-Denis-le-Gast (Calvados) la men-
tion de « 73 sairs de lin » et il marque le mot sair
d'un astérisque pour indiquer qu'il est encore aujour-
d'hui usité .dans le patois du Bocage'.
Dans le patois de La Dorée (Mayenne), ser de chambre
signifie « poignée de chanvre vert 4 ».
A l'autre bout de la France, au pied des Pyrénées,
nous retrouvons le même mot avec le même emploi.
On lit en effet dans Mistral : « Sèr, s. m. Paquet (vieux),
dans l'Ariège : un sèr de li, un paquet de lin ». Et pour
servir de trait d'union entre la Normandie et le pays
de Foix, nous avons, dans Du Cange, un texte latin
du Rouergue, extrait du cartulaire de Conques, qui est
ainsi conçu : « Quatuor cerros de canbe ». Canbe veut
1 . Gloss. élym. du patois picard. Corblet rapproche cherion de che-
min qui signifie « séran » et qui est un mot tout différent.
2. A l'article teiller, p. 641.
3. Revue des parler s popul., année 1903, p. 79.
4. Dottin, Gloss. du patois du Bas-Maine, p. 470.
202 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
dire « chanvre », comme chacun sait, et, en face de la
lecture de Du Cange, il n'y a pas à se préoccuper sérieu-
sement de celle de Gustave Desjardins qui a imprimé
cereos au lieu de cerros '_, sans faire d'observation sur ce
singulier accouplement.
Nous avons maintenant tous les éléments de la cause
et nous pouvons nous prononcer sur l'étymologie. La
coexistence de cer et de cher en Normandie et l'exis-
tence de cherion en picard montrent clairement que le
type cherché commençait par un c et non par une s;
donc, l'hypothèse de Mistral qui voit dans l'ariégeois
ser un dérivé du verbe serrar est à rejeter, tout comme
celle des auteurs du Dictionnaire des patois de l'Eure qui
voient dans le mot normand un dérivé du verbe latin
serere « enchaîner ». Le bas latin cherium, que les Béné-
dictins ont relevé dans un acte du polyptyque deFécamp
daté de 1235, ne constitue pas une étymologie : c'est
un simple témoignage qu'on disait alors, comme aujour-
d'hui, un cher de Un dans cette région; c'est entendu.
Quant à l'idée qu'ils ont émise de voir dans ce cherium
le grec yv.p, n'insistons pas.
Je propose le latin cirrus, avec d'autant plus de déci-
sion qu'il est admis par tout le monde que cirrus s'est
conservé dans l'espagnol cerro et que l'espagnol cerro
s'applique spécialement au lin et au chanvre, non pas,
il est vrai, à l'état de botte et avant la décortication,
mais à l'état de filasse.
L'étude sémantique du mot latin cirrus exigerait
toute une monographie que je ne me sens pas qualifié
1. Car t. de Conques, p. 163.
pour écrire; je renvoie à Forcellini, en attendant que
le Thésaurus des Académies germaniques syndiquées
pour l'honneur de la philologie latine nous apporte le
résultat de leurs doctes élucubrations. Le sens propre
paraît être « touffe de cheveux » ; de là on va facile-
ment, d'une part, à « filasse », de l'autre, à « poignée
de tiges de chanvre ou de lin dont les sommités for-
ment une touffe ' ».
XXVI. — CERNEAU
Richelet définit cerneau en ces termes : « Ce qu'on
ôte d'une noix verte en la cernant et qu'on mange
avec du sel et de l'eau ». Les étymologistes considè-
rent généralement cerneau comme un diminutif de cerne,
lequel représente le latin circinum. Scheler fait remar-
quer qu'il n'est pas nécessaire de le dériver de l'alle-
mand kern « grain, pépin, noyau ». La question vaut
la peine d'être examinée de près.
Le rapport sémantique de cerneau et de cerne n'est
pas très satisfaisant; pourquoi cerneau n'est-il pas adé-
quat à cerne, comme, par exemple, cerceau à cerce ? Cerne
désigne proprement ce qui entoure et non ce qui est
entouré. D'autre part, on ne semble pas s'être avisé
r. Je me demande s'il ne faut pas rattacher à la même étymo-
logie le substantif ser, seur que M. Thibault a signalé dans le patois
du Blaisois, où il s'applique aux ceps de vigne. M. Thibault me
paraît avoir raison de ne pas le confondre avec cep (qui est tou-
jours prononcé se en Blaisois), mais je doute qu'il faille y voir,
comme il le pense, le même thème que dans saunent.
204 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
jusqu'ici Je remonter à la définition la plus ancienne
que les lexicographes nous ont laissée de notre mot cer-
neau1. Je la trouve ainsi formulée dans le Dictionaire
de Robert Estienne en 1539: « Cerneau, cela qai est
bon à manger d'une noix, amende et semblables, nu-
cleus. » Elle a passé, d'édition en édition, jusque dans
le Thrcsor de Jean Nicot, publié en 1606. Il faut avouer
que cette définition rapproche singulièrement notre mot
cerneau du mot allemand kern et fait soupçonner qu'il
a pu exister en ancien français un mot *cern, d'ori-
gine germanique, dont cerneau serait le diminutif. On
sait combien sont rares les mots germaniques commen-
çant par k dont on peut constater le passage en français
et quel intérêt phonétique s'attache au traitement du
k germanique initial suivi d'un e ou d'un i; j'ai attiré
naguère l'attention sur scion et serine2. Je me demande
s'il ne faut pas joindre cerneau au dossier. Voici quelques
faits qui me semblent appuyer cette manière de voir.
En Champagne, le cerneau s'appelle ceriau 3 : je
ne vois pas le moyen phonétique de passer de cerneau
à ceriau. Si, au contraire, on suppose un type français
archaïque *cern, ce type sera naturellement devenu de
bonne heure *cer, comme forn, jorn, etc., sont devenus
jour, jour, etc., et une dérivation récente aura tiré
ceriau de la forme réduite *cer.
1. Le mot lui-même n'a pas été signalé avant le seizième siècle.
Godefroy, dans son Complément, n'est même pas remonté jus-
qu'à 1539; >1 s'est contenté d'emprunter à Littré un exemple tiré
du Printemps de Jacques Yver, publié en 1572. .
2. Mélanges, p. 137, 139 et 179.
3. Écrit ccriot par Tarbé, Rech., II, 28.
CERNEAU 20 j
Le verbe cerner remonte à circinare, c'est certain ;
mais ne peut-on croire qu'il y a eu un autre verbe cerner
tiré de *cem au sens spécial de « dégager le noyau de
la noix » ? L'allemand a, dans le même sens, kemen à
côté de auskemen et il est remarquable que le patois
du Berry dit écemer.
Dans le patois savoyard, le substantif gremô (fran-
cisé en grumeau) désigne non seulement le noyau de
la noix et de la noisette, mais le cerneau ; il a donné
naissance au verbe gremalyi « casser les noix et en
retirer les noyaux ». Ce verbe a pour synonyme
nâlyi, dont Pétymologie est clairement *nucaliare1 .
Le même type étymologique est à la base du pro-
vençal moderne nougalha qui, entre autres sens, a
celui « de cerner des noix, les séparer de leur coque »,
tout comme desnougalha*. On a relevé à Lavoux près
de Poitiers le verbe nigealé « enlever les noix de leur
coquille' », qui représente *nucalare, à côté du sainton-
geais enoughcler, du poitevin enougeler, du tourangeau
énouler*, etc., qui viennent de *exnucalare*> .
Je dois ajouter cependant, pour ne pas paraître abon-
der en mon sens, qu'il est possible que circinare ait
spontanément reçu le même développement séman-
tique et que l'hypothèse d'un type *excircinare, pour
rendre raison du verbe berrichon écemer, n'a rien
i. Constantin et Desormaux, Dict. savoyard, p. 215 et 282.
Cf. Rolland, Flore pop., IV, 44-47.
2. Mistral, Trésor, articles nougaia et destiougaia.
3. Lalanne, Dict. du patois poitevin, dans Mém. de la Société des
Anliq. de l'Ouest, t. XXXII, 2' partie.
4. Cité par Hrachet dans Remania, I, 91 ; cf. Godefroy, s. v°.
3. Cf. le grec xoxxtÇttv, de K&xxoç.
206 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
d'extraordinaire. Dans certains patois provençaux mo-
dernes, on dit estournica et le substantif estournic cor-
respond exactement comme sens à notre mot français
cerneau.
XXVII. — CIBRE, TRIBE
A Saint- Yrieix-la-Montagne (Creuse), le seau, usten-
si
le de bois cerclé de fer et muni d'une anse, avec lequel
on puise l'eau dans le puits, s'appelle set, substantif
masculin. On donne le nom de selho, substantif fémi-
nin, à une sorte de cuvier, plus haut et moins large
que le sei, qui sert ordinairement à délayer la pâte
des crêpes de sarrasin. Il est clair que sei et selho, au
moyen âge selh et selha, représentent phonétiquement
le latin sïtulus et sïlula, prononcés de bonne heure
*seclus et *secla. Dans le canton de Gentioux, le mas-
culin selh a perdu complètement le son Ih et est devenu
se, avec une prononciation de Y s très, voisine du son
français ch. Il s'agit toujours du latin sïtulus.
Si l'on quitte Saint- Yrieix-la-Montagne pour se diri-
ger vers l'Est, on se trouve bientôt en présence d'un
mot différent pour désigner le seau, à savoir cibre, dont
le c, étant placé devant un i, prend exactement le son
du français ch et dont 17 a une tendance plus ou moins
marquée à s'affaiblir en e. On dit, à Aubusson et dans
tout l'Est du département, en cibre (un seau), et par
suite no cibrado d'aigo (le contenu d'un seau d'eau),
ce qui s'énonce à Saint- Yrieix en sei, no selhado
d'aigo.
CIBRE, TRIBE 207
Mon collègue et ami, M. Gilliéron, a bien voulu me
communiquer les résultats de son enquête sur les noms
du seau dans toute la France : il a constaté l'existence
de cibre (avec des variantes phonétiques négligeables)
sur les points qui portent dans Y Atlas linguistique
les nos 601 (Lavaufranche), 602 (Cressat), 702 (Au-
zances), 703 (Pontgibaud), 704 (Saint-Quentin), 706
(Merlines), 800 (Désertines), 801 (Saint-Éloi-les-
Mines) et 804 (Ennezat), c'est-à-dire dans l'Est de la
Creuse, dans l'Ouest de l'Allier, dans le Nord-Ouest
du Puy-de-Dôme et dans la .pointe Nord-Est de la
Corrèze. Le mot est inconnu partout ailleurs. Dans
l'Ouest de la Creuse, et là seulement, on rencontre
tribe (n° 504, Dun-le-Palleteau) et trube (n° 603, Saint-
Dizier).
Les mailles du réseau tendu par MM. Gilliéron et
Edmont ont été trop larges pour leur permettre de
constater dans le Sud de la Creuse l'existence de sei, se,
représentants du latin sUulus dont j'ai parlé ci-dessus;
ce n'est là qu'un détail qui nous importe peu'.
Laissons cela et étudions successivement cibre et tribe
(trube) dans leurs rapports possibles avec d'autres idio-
mes romans.
On lit l'article suivant dans l'inappréciable Trésor de
Mistral, I, 555 et II, 1 157 :
« cibri-, ciMBRE(b. lat. cibrius , val. ciuber, ail. %uber,
cuveau ; lat. cybea, vaisseau de transport), s. m. Vais-
seau de bois dans lequel les bergers transportent le
1 . Situhts est aussi vivant dans le canton de Royère, arrondis-
sement de Bourganeuf, sous la forme sei, notamment à Royère et
à Saint-Pardoux-Lavaud.
208 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
lait, au moyen d'un bâton qu'ils passent dans deux
douves percées; petit cuvier, dans les Alpes; fosse de
potier, petit réservoir où l'on met de l'argile et de l'eau.
Lou la 'spiravo
A long raiôu e s'aubouravo
Dins li bord escumous dôu cibre,
Mirèio. »
Il n'y a pas à en remontrer à l'illustre auteur de Mirèio
quand il s'agit de la langue qu'il parle et qu'il écrit lui-
même. Est-il possible de douter de l'identité étymolo-
gique de notre cibre lijnousin, bourbonnais et auver-
gnat, et du cibre provençal, lorsqu'ils sont identiques
au point de vue de la forme et qu'ils ne se distinguent,
au point de vue du sens, que par la nuance sémantique
qui sépare un seau d'un cuvier ? Je ne le crois pas.
Franchissons les Alpes. Les continuateurs de Du
Cange (y compris le dernier, L. Favre) ont réuni plu-
sieurs exemples du bas latin ceberus, ceberum, cebms,
ceberus ou cibrius, au sens de « vase en bois » : tous ces
exemples proviennent de statuts municipaux de l'Italie
du Nord (Casale, Mondovi et Saluce '). Encore aujour-
d'hui le mot est très répandu dans cette région et dans
tout le domaine rhétique : Milan <iber, Pavie seber,
Piémont seber, Montferrat sebi, Gènes sebru, Canavais
suber; Frioul seèvre, cevre, sevré; Basse-Engadine saiver,
activer; Sopraselva \eiver. Partout il désigne une cuve
en bois, avec une ou deux anses, qui sert ordinaire-
ment pour transporter l'eau, le vin, le lait ou la ven-
i. Cf. lebarum dans un texte de la Ligurie (G. Rossi, Glos-
sario meàioevale ligure, p. 106 ; communication de M. le comte
Nigra).
CIBRE, TRIBE 20C)
dange, sauf dans la Basse-Engadine, où le mot s'applique
au pétrin ' .
Toutes ces formes semblent pouvoir se ramener à un
mot de l'ancien haut-allemand, dont l'exemple le plus
ancien nous est fourni à deux reprises par les gloses de
Cassel, où on lit : gerala (corrigez gerula), tina : %uui-
par; et tinas : ^uuipar2. Ce çuuipar ou %u>ipar est bien
clairement composé de ^wei (deux) et du thème de
beran (porter) : le sens propre est donc vaisseau de
transport à deux.
Mistral n'a pas tort de rapprocher de son provençal
cibre le roumain ciuber; mais il faut noter que le rou-
main ne remonte pas directement à la source germa-
nique. On peut voir dans De Cihac, article cibâr, ciubâr,
l'indication de nombreuses formes slaves et magyares
qui ont dû servir de véhicule entre l'allemand et le
roumain.
Revenons maintenant en Limousin après ce long
voyage dans l'Est de l'Europe. Que faut-il penser de
tribe, trubef En attendant une étude définitive sur l'ha-
bitat de ces deux formes, voici quelques notes à ce
sujet pour compléter les maigres indications fournies
par MM. Gilliéron etEdmont. Trube déborde à l'Ouest
sur le département de la Haute-Vienne : j'ai un témoin
i. Communications de MM. Nigra et Salvioni. Cf. Kôrting, 2e
éd., n° 10464.
2. Nos 125 et 178 de l'édition donnée par MM. Fccrster et
Koschwitz, Altjran\. Uebungsbucb, 2« édit., col. 42 et 43. Il est
surprenant toutefois que le w germanique, si résistant dans l'anc.
franc, amanoïr et toaille (où il est représenté par 0) n'ait laissé
aucune trace.
Thomas. II. — 14
2lo RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
très sûr de l'existence de cette forme à Châteauponsaç,
arrondissement de Bellac. De son côté, tribe déborde
à l'Est, sur la rive droite de la Creuse : c'est la seule
forme usitée à Ajain, à Glénic et à Pionnat. Mais il ne
va guère au delà : à Cressat, dernière commune de
l'arrondissement de Guéret dans cette direction, on dit
cibre, comme le constatent MM. Gilliéron et Edmont.
A Saint-Laurent (rive gauche de la Creuse) on pro-
nonce plutôt trible que tribe.
Je considère trube comme une forme labialisée de
tribe, bien que l'hypothèse inverse du changement d'un
u primitif en i, par dissimilation entre Vu et la labiale,
ne soit pas inadmissible à priori1. Pour rendre compte
de la désinence -be, je ne vois que deux moyens : ou
supposer un type primitif *Irîpïnus (peut-être antérieu-
rement *trîpanui), qui aurait abouti à tribe comme fraxi-
nus a abouti dans notre patois à fraisse, ou considérer
tribe comme issu par métathèse de *tibre. Dans le pre-
mier cas nous enfilons un cul-de-sac, puisque *trîp)-
nus reste aussi mystérieux pour nous que tribe lui-
même. Dans le second, nous faisons faire un pas à
i. Je pense à nible (subst. fém.), nuage, qui est dans Bocce et
qui subsiste aujourd'hui dans la Creuse sous la même forme ; il
est difficile de ne pas voir dans 17 de ce mot une dissimilation de
l'fi du lat. nttbes; même cas pour piu^e, de pilliceni. Pour la labia-
lisation de l'7, comparez le dauph. kublo et le bas-limousin aube],
crible, qui ne correspond pas au lat. crlbeUinn, comme on pour-
rait le croire (le b limousin serait inexplicable), mais qui doit
être pour *crublel, diminutif de *cruble, du lat. crlbrum ; joignez-y
grupia, variante de grepia, crèche, uvern, variante de ivern, hiver,
costubar (latin constiparé), supio, variante de sepio, seiche, etc. Cf.
Schuchardt, Vckàlismus, II, 238 et III, 243.
CIBRE, TRIBE Ht
tribe pour le rapprocher de cibre, qui est son équi-
valent sémantique adéquat. Faut-il franchir le pas ?
Oui, si la phonétique nous y autorise pleinement;
non, si elle nous barre la route.
Il est bien certain que dans toute la région qui pos-
sède les formes tribe, irube on ne connaît que trenpa
comme représentant du latin temperare, et que paubre
comme représentant du latin pauperum; il est certain
également que, selon les localités, on trouve pêle-mêle
doiibri et droubi, drebi comme représentants du latin
deoperire ' . J'en conclus qu'il n'y a pas de loi impéra-
tive en la matière et que, par conséquent, nous avons
le droit, sans nous mettre hors la loi, de supposer que
tribe est une métathèse pour *tibre. Peut-être * libre
survit-il quelque part, dans quelque canton inexploré;
mais même s'il ne survit nulle part, nous pouvons
croire qu'il a existé jadis, comme nous croyons à l'exis-
tence de *tenpra dans le passé, bien qu'il ait totale-
ment disparu du présent.
Il nous faut maintenant affronter cibre et *tibre et
nous demander si nous n'avons pas affaire à deux formes
divergentes d'un même type étymologique. Je crois
qu'on peut hardiment répondre par l'affirmative, du
moment qu'il s'agit d'un mot germanique. Le haut-
allemand zwipar a certainement succédé à une forme
antérieure *twiber, comme %u>ei a succédé à twei: on
sait que le / a persisté jusqu'à nos jours dans les idiomes
bas-allemands. Il faut admettre bon gré mal gré —
quelque surprise que cela puisse nous causer au premier
i. Comparez la coexistence de chirbe et de chibre, chanvre.
2(2 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
abord — que nous trouvons aujourd'hui dans le patois
de la Creuse, avec tribe et cibre, la représentation de
ces deux formes germaniques d'époques ou de régions
différentes.
A tout prendre, le / de tribe est moins surprenant
que le c. de cibre, car Diez a remarqué depuis longtemps
qu'il n'y a pour ainsi dire pas un seul exemple dans le
roman de la Gaule d'un t initial germanique qui se
soit transformé en ^ avant sa romanisation1. Le silence
de M. Mackel sur ce point de phonétique est bien signi-
ficatif2. Et pourtant comment douter que le cibre pro-
vençal et limousin corresponde réellement au germa-
nique ^wipar}
Le doute pourrait venir d'ailleurs. On a sans doute
remarqué que toutes les formes italiennes et rhétiques
témoignent que dans ^wipar Yi devait être bref, puis-
qu'elles le rendent par c, ei, ail. Pourquoi avons-nous
un i dans nos patois méridionaux de la Gaule ? Je n'ai
pas assez approfondi les mystères de la phonétique
germanique pour décider si l'on peut supposer con-
i. Gramm. des langues romanes , trad. franc., I, p. 289-290.
2. Die germ. Elemente in derfr. und pr. Sprache, p. 174. Pour-
tant, à côté de atoivre, animal de trait, mot fréquent en ancien
français, il faut signaler la forme atoivre dans le Roman de Thèbes,
4775. On sait que le mot germanique correspondant est en anc.
haut-allem. ^ëbar. D'autre part, il est légitime d'assimiler au /
germanique initial le // médial ou final : or, à l'allemand schat^,
gothique skatt-s, correspond le provençal esca\, cas régime singu-
lier, qui se lit dans Sanda Fides, vers 176 {Romania, XXXI, 186).
M. Leite de Vasconcellos n'a pas été bien inspiré de voir dans ce
passage une allusion au jeu d'échecs.
3. Vi du milanais %iber peut représenter un e primitif: comparez
cira, tihi, du latin cera, ida.
CI BRK, TRIBE 213
curremment en haut-allemand çwïpar et ^wlpar : mais
je ferai remarquer que, sans sortir du domaine proven-
çal, nous trouvons concurremment e et / en face d'un
mot germanique ayant un i. A côté du provençal ordi-
naire melsa, le dauphinois dit missa, le savoyard miofa
et le bas limousin mialso, toutes formes qui, comme
l'italien mitya, restent fidèles à 17 primitif1.
Enfin, et c'est par là que je finirai, je crois pouvoir
affirmer que le français a possédé un mot correspondant
à celui qui nous occupe, et que le mot français remonte
clairement au type germanique *twïber.
On lit dans le Roman de Thèbes, dans l'épisode du
bain, lorsque Jocaste remarque les plaies qu'Œdipe
porte aux pieds :
Les pies H met a l'eur du toivre
Por les plaies mix aperçoivre 2.
L'éditeur a été embarrassé, non sans raison, par le
mot toivre, qu'il glose ainsi dans son Vocabulaire :
« ouverture de la fenêtre ou peut-être bassin ». Le
contexte ne permet pas d'hésitation : par toivre le poète
ne peut vouloir désigner que la baignoire (la cuve bai-
gneoire, comme on disait au moyen âge) dans laquelle
se trouve Œdipe.
De cet exemple, où toivre signifie « cuve », je crois
pouvoir en rapprocher un autre où le sens est moins
clair au premier abord. Je l'emprunte à la Vie de saint
1. La désinence en a du savoyard miofa (Annecy) prouve que
le type germanique qui a pénétré en roman était mil\a et non
*millia, car ce dernier aurait donné une désinence en e.
2. Éd. Constans, app. III, 829-30.
214 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Rémi, récemment signalée par M. Paul Meyer. Voici
ce qu'on lit dans le prologue :
D'autre part il a teil planté
Des biens Dieu, que crestienté (corrige^ qu'en crestienté)
N'a une toute seule terre
Dont on ne veingne en France querre
L'enseingnement de la fontainne
D'escripture et ' la clef certainne :
De toutes terres vient on boire (lise% boivre)
En France la doussour d'un toivre
Qui plus est dous que cil de Romme *.
Il est clair que l'auteur joue sur le nom commun toivre
et sur le nom propre Toivre, le Tibre. Dans ce passage,
toivre me fait l'effet d'être le « bassin » de la « fon-
taine » qui figure trois vers plus haut.
L'ancien français toivre, cuve, bassin de fontaine, est
encore vivant aujourd'hui, sous la forme nasalisée
timbre^, dans la région des Charentes, où il s'applique à
l'auge en pierre dans laquelle on abreuve le bétail -*.
M. Léopold Constans me signale l'existence à Millau
de timbre « cuve de teinturier ».
i. L'éditeur corrige et en est, à tort, à ce qu'il me semble.
2. Not. et extr. des tnss., t. XXXV, fe partie, p. 124-5.
3 . Comparez la forme provençale timbre, à côté de cibre.
4. Voyez Jônain, Dict. du patois saintongeais, au mot timbre;
Littré au mot timbre 3 ; Godefroy au mot timbre 2 ; Gilliéron et
Edmont, Atlas linguistique, carte n° 3 (abreuvoir), point 529. On
peut se demander si Unie, indiqué par Jaubert (p. 649, au mot Une)
sans renvoi précis comme ayant eu en Berry le sens de « seau »
il y a trois siècles, n'est pas une faute de lecture pour *tivre : ce
*tivre berrichon prouverait que le tribe marchois et limousin est
bien sorti par métathèse d'un ancien "libre. Mon confrère M. Soyer,
archiviste du Cher, m'écrit qu'il ne connaît pas d'exemple de cette
forme suspecte tinre, non plus que de *tivre.
COLCER 2 i J
On a proposé de rattacher à la même origine le
français civière (Kôrting, 2e éd., 10464) : c'est une
question qui reste à élucider, mais je doute beaucoup
que l'étymologie soit bonne.
(Revue des parler s pop., année 1903, p. 165-171 ; cf. Bull, de
la Soc. de ling. de Paris, séance du 28 mai 1903.)
XXVIII. — COLCER
M. Meyer-Lùbke mentionne le provençal coasser
« coite » à côté de l'espagnol colcedra, comme un
représentant du type latin culcitra, variante de culcita ■ ;
mais coussér n'existe pas et s'il existait, il ne serait pas
le représentant phonétique de culcitra, car culcitra ne
peut aboutir qu'à *colcéira. Le mot que les anciens textes
provençaux écrivent colcer, cosser, couser, et même colse,
était certainement accentué sur la syllabe initiale,
comme le montrent les formes actuellement vivantes :
couce, coulce, coutre, cousso2. On trouve d'autres formes
encore, avec la même signification : cossera, cossena,
co^na, cosna, coisna 3 ; et les patois actuels disent, d'après
Mistral : coucedo, coucedro, coucero, coulcedo, coulcero, cou-
ceno, coulceno, courno, coucèiro, couino, coustio, coueto,
1. Gramm. des langues romanes, I, § 594.
2. Levy, Prov. Suppl.-W., I, 288. Le genre masculin donné par
Raynouard à ce mot est en contradiction avec ce vers de Folquet
de Lunel :
Jairetz en lensols blezitz
E en cosser s desonradas.
Pourtant Mistral dit que le provençal actuel a les deux genres.
3. Levy, Prov. Suppl.-W., I, 386.
2i6 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
cousto, couste, coueito, coueitio. Il me semble reconnaître
dans le tas trois types étymologiques différents : culcïta,
*culdna et *culcère.
i° dilata. La forme romane la plus ancienne a dû
être *colceda, mot proparoxyton, qui a ensuite déplacé
l'accent et a ainsi donné naissance aux formes modernes
coidcedo, coucedo et, avec une r épenthétique, coucedro.
Dans la région septentrionale de la langue d'oc, la
chute de la posttonique a dû suivre de près l'affrica-
tion du c deyant ï prononcé e et l'on a eu *col%ta ; de
là cousto, couste, coueto, coueito, coustio, coueitio. Toutefois,
je ne me rends pas compte de la raison d'être de la
désinence -tio, qui appartient surtout au Limousin.
2° *Culcina. La désinence rare -ïta a été remplacée
par -ïna. De là, d'une part, une forme proparoxytoni-
que cossena, *colcena qui a déplacé l'accent et a donné
naissance à coulceno, couceno; de l'autre, une forme con-
tracte attestée par l'ancien provençal co%na, cosna, coisna
et par les patois actuels qui disent couino et courno ' .
3° *Culcëre. De même que le provençal a tiré carcer,
aujourd'hui carce, substantif féminin, de carcere, cas
oblique de carcer, de même il doit avoir emprunté colser
(pour colcer), coulce, couce, etc., à un type *culcer, ^ul-
cère, dans lequel la désinence -er, -ère a pris la place
de -ita ou de -ïna. A son tour, *culcer, *culcere a été
supplanté, à cause de son genre féminin, par *culcera,
d'où l'ancien cossera (pour *colcerà) et le moderne coul-
i . Même substitution, à ce qu'il semble, dans l'anc. gascon leçta
(Du Cange et Lespy), qui correspond au provençal hyla, catalan
leuda, droit d'entrée sur les marchandises, du latin licita; cf.
Romania, XXVIII, 196 et 487.
CONOBRAGE 217
ccro, coucero. Le déplacement d'accent s'est produit dans
la période romane, comme pour *colceda et *colcena :
ce qui le montre bien, c'est que Ye de coulcero, coucero
est un e fermé, l'ancien e atone du proparoxyton *col-
cera. La langue a suivi la même marche pour aboutir à
l'auvergnat chancera, dont le point de départ est le latin
cancer, cancere1. Mais comme l'on peut révoquer en
doute l'exactitude de l'étymologie que j'ai donnée de
chancera, je citerai un témoin irrécusable en faisant venir
à la barre le provençal moderne pouvero, poulbero
« poussière », autrefois polvera, encore employé comme
proparoxyton dans la traduction en vers de la chirurgie
de Roger de Salerne2, de *pulvera, pour pulvere. Cette
comparaison sera en outre utile pour l'explication de
la seule forme moderne que j'aie laissée de côté, à savoir
coitcèiro, car 'nous trouvons aussi poulbèiro dans Mistral.
Je ne vois que l'hypothèse de types allongés en latin
vulgaire à l'aide du suffixe -\a pour rendre raison de
coucèiro et de poulbèiro, à savoir *culcëria et *pulveria.
XXIX. — CONOBRAGE
On lit dans Godefroy l'article suivant :
Conobrage, s. m., action de reconnaître:
Des couz et des missions que il a fait et mis ons façons et on
conobrage des chouses et héritages dessus diz. (Janv. 1297, S*
Berthomé, Bibl de La Rochelle.)
Por les cous et mises que il a fait et mis on conobrage des dites
(livres) qui sont amortiz et aneentez de tout en tout (//>.).
1. Voyez mes Mélanges d'élym. franc., p. 47.
2. Romania, XI, 205 et 209.
2 18 CHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Ce n'est pas d'aujourd'hui que conobrage a attiré mon
attention. Il y a plus de vingt ans, dans le compte
rendu de l'œuvre de Godefroy, alors à ses débuts, que
je publiai dans la Revue critique, je signalais le mot et
j'ajoutais: « Il est assez étrange; mais en l'admettant
pour authentique, il faut le rattacher pour le sens à
recouvrer et non à reconnaître ' . » Évidemment, la tra-
duction par « action de reconnaître » est mauvaise ;
mais si je traduis par « action de recouvrer », cela ne
vaudra pas mieux ; et d'ailleurs, comment raccorder
recouvrer et conobrage ?
Établissons d'abord le sens ; l'étymologie viendra
ensuite toute seule. Il me paraît certain qu'en suppléant
livre dans la seconde phrase, Godefroy a fait une mé-
prise. Les façons et le conobrage s'appliquent à des héri-
tages, c'est-à-dire à des terres cultivées. On sait que
façon désigne le labour par lequel on prépare la terre
à recevoir les semences ; il serait parfait que conobrage
fût apte à désigner l'action d'amender, de fumer la
terre. Faut de l'engrais, comme dit l'autre2. Or, en
voici. Ouvrez le Glossaire du Poitou, de la Saintonge et
de l'A unis (n'oublions pas que La Rochelle est la capitale
de l'Aunis) par L. Favre et vous y lirez : « Couneuvre,
s. m. Engrais. B. F. » Ces initiales indiquent que cou-
neuvre est emprunté à Beauchet-Filleau ; par suite, c'est
un mot usité à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres). Donc,
comme on trouve fréquemment br pour vr (de pr latin)
dans les anciens textes aunisiens?, j'ai le droit d'affir-
i. Rev. criL, 1882, 2<= sem., p. 116.
2. Eugène Labiche, La Cagnotte, II, 7 {Théâtre complet, V, 70).
5. Gœrlich, Die Siidw. Dialecte der Langue d'oïl, § 113.
CONOBRAGE 219
mer qu'à La Rochelle, à la fin du treizième siècle,
« fumer la terre » se disait conobrer: de là conobrage,
et sans doute aussi le substantif verbal conobre, auquel
correspond aujourd'hui le conneuvre de Chef-Bou-
tonne ».
Je ne vois pas d'autre étymologie possible pour cono-
brer qu'un type latin vulgaire *conoperare, c'est-à-dire
un verbe fait avec le préfixe cum et operare, mais dis-
tinct comme forme de *cooperare. Si le latin laisse presque
toujours tomber la nasale en composition devant une
voyelle ou une /; et dit coaccedere, coacere, coacervare,
cohabitare, cohortari, etc. ; il admet cependant comedere
(de cum et edere) : c'est vraisemblablement le point de
départ de la formation en latin vulgaire de *cominitiare,
dont il est inutile de dénombrer la postérité romane.
Mais on sait que cum se transforme en con devant c
(concacare), d (condecere), f (confabricari), g (congelas-
cere), j (conjacere), n (connasci), q (conquadrare) , s (con-
sacerdos), t (contabescere) , v (convadari). Il est établi par
quelques témoignages isolés que cette forme réduite
con a fait concurrence à co devant une voyelle. Voici
les exemples que j'en trouve et qui appartiennent à la
période archaïque du latin (je me contente de les énu-
mérer) : conangu status, conauditum, contre, conhibere.
Personne n'hésite à considérer le verbe provençal
conortar comme représentant le type latin vulgaire
i. Rien dans le Glossaire aunisien qui fait partie des publications
de l'Académie de La Rochelle, section de littérature, choix des
pièces lues aux séances, n° 16 (1870). Beauchet-Filleau et Lalanne
donnent aussi à couneuvre le sens de « second blé, par opposition
au blé de guéret ».
220 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
*conhortare ' : je demande au même titre la reconnais-
sance de *conoperare = conobrer.
Au point de vue sémantique, tout va bien. C'est par
l'action combinée des labours et des engrais que
l'homme met la terre en valeur; il est naturel qu'on
ait dit *conoperare en parlant de l'action de fumer,
puisque c'est réellement une coopération2.
XXX. — CONSŒR, DESIER
L'auteur du poème provençal de Scinda Fides, récem-
ment retrouvé et publié par un savant Portugais,
M. J. Leite de Vasconcellos, dit en parlant de son
héroïne livrée au martyre :
Czo lie non prezed un diner,
d'en Deu a tôt son consider J.
C'est-à-dire : « Cela elle ne prisa un denier, car en
Dieu elle a toute sa pensée. »
Le substantif consider qu'emploie ici le poète est en
rapport avec le verbe considrar qu'on lit au vers 325 :
Aisim considr' o facz' a mi 4.
1 . Diez croit que conortar peut venir de confortare par chute de
F/, comme preon de profundtim; mais Vf appuyée n'est pas traitée
comme Vf intervocalique.
2. On pourrait se demander si l'on n'a pas eu d'abord "conopera,
comme carropera et tnanopcra si fréquents dans les textes et qui
paraissent antérieurs aux verbes correspondants; cela me paraît
peu probable. En tout cas le genre de couneuvre montre que c'est
un substantif verbal de l'ancien verbe *conovrer.
5. Vers 339-340, dans Romania, XXXI, 191.
4. Sur la leçon, voyez Journal des Savants, 1903, p. 343.
CÛNSIÈR, DESIER 221
Le poème de Sancla Fides conserve fidèlement le à
latin intervocalique (ou suivi d'r) et il est naturel que
de considerare il fasse considrar : par suite, consider nous
mène les yeux fermés à un type du latin vulgaire *con-
siderium, modelé sur le latin classique desiderium1.
Le sentiment du vrai rapport morphologique de con-
sider et de considrar s'est bientôt obscurci et l'on a été
surpris d'avoir dans le verbe une r qui manquait dans
le substantif: par suite, le langage s'est transformé, et
l'on a bientôt dit *considrer au lieu de consider. De là
la forme ordinaire consirier, la seule que connaisse
Raynouard : elle est encore vivante en Gascogne où l'on
prononce coussirè2.
Mais l'influence du verbe ne s'est pas exercée dans
toute l'étendue du domaine provençal sur le substantif
et consider n'a pas disparu partout de l'usage. Il s'est
conservé notamment dans la région limitrophe du fran-
çais où le d intervocalique tombe et il s'est réduit
1 . Cf. ci-dessus, p. 113. Kôrting admet *considerium dans son
Lat.-rom. Wœrterb., mais il a le tort d'en tirer le prov. consire qui
est, en réalité, un substantif verbal de consirar.
2. Alcée Durricux donne coussidé « souci, inquiétude, chagrin »
et coussida « être inquiet » (Dict. ètym. de la langue gasconne, II,
159). J'ai eu tort d'identifier ce substantif coussidé avec le consider
de Sancla Fides {Mélanges Léonce Couture, p. 261). En effet, le dia-
lecte de Lectoure, qui est celui de Durrieux, ne conserve pas le d
latin intervocalique, mais il le change en t\ D'autre part, M. l'abbé
Sarran, professeur au petit séminaire d'Auch, m'écrit qu'il a inter-
rogé des jeunes gens et des vieillards de Lectoure et du Lectourois
et que personne ne paraît connaître ni coussidé ni coussida. Je ne
sais que penser de la valeur du témoignage de Durrieux. M. l'abbé
Sarran me signale escoiqidè « chagrin cuisant » dans le Bas-Arma-
gnac; mais, comme il le dit lui-même, nous avons là affaire à un
dérivé du verbe escou\i, lat. vulgaire *excocire, pour cxcoquere.
222 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
régulièrement à consier ou, avec chute de Vn, cosier. Il
est bon de grouper ici les textes du moyen âge qui
emploient cette forme dont on a voulu, bien à tort,
contester la légitimité.
En premier lieu, il faut citer Girarl de Roussillon, où
je n'en ai pas relevé moins de huit exemples : vers 334,
2092, 2103, 2971, 5 191, 8123, 8676 et 9700 de l'édi-
tion Fœrster (Romanische Studien de Bohmer, tome V).
Dans tous ces passages, la version provençalisée (ma-
nuscrit de Paris) est d'accord avec le texte original:
elle donne soit cossier, soit cosier ' ; le manuscrit d'Ox-
ford donne tantôt consier, tantôt cosier2.
En second lieu vient Aigar et Maurin, où on lit à
deux reprises consier (y. 902 et 1102, édit. Brossner):
Bartsch a proposé de lire consirier, mais M. Brossner
maintient avec raison la leçon du manuscrit*.
Enfin le fragment çYAntioche, vers 183, nous offre
un exemple de cosier.
1. Édition F. Michel, p. 47, 73, 141, 226, 242, 272. A deux
reprises l'éditeur a corrigé arbitrairement cossier en cossirier.
2. Dans ces différents passages M. P. Meyer traduit consier, cosier
tantôt par « dessein », tantôt par « sentiment », tantôt par « dis-
position », tantôt par « égard ». Les vers 333-334 l'ont embar-
rassé, car il les a passés sans crier gare. Les voici textuellement :
Caries per gentes daucnes fu galaubiers :
Ameilloret la molt sos cosiers.
Je crois qu'il faut corriger la en las et traduire : « Charles de
belles dames fut amateur : son imagination les améliora beaucoup
(il se les figurait plus belles que la réalité) ».
3. Roman. Forschnngen, XIV, 78 et 86. M. Brossner ne s'explique
pas sur la formation du mot ; mais il renvoie à Hentchke, Die Verbal-
flexion in der Oxf. Hs. des Girart de Rossillon, p. 18, lequel croit que
consier est sorti par dissimilation de consirier.
CONSIER, DESIER 22}
Cet ancien mot provençal est encore vivant aujour-
d'hui. Le patois du Bas-Limousin possède le substantif
cûiissier « souci, chagrin » '. La conservation de IV
finale n'est pas conforme aux lois phonétiques ; il faut
y voir une réaction de l'adjectif coussirous, qui existe
aussi sous la forme coussierous2.
Si le latin vulgaire *considerium a abouti à consier,
cossier, il est tout naturel que desiderium ait abouti de
son côté à desier, qu'il faut distinguer de la forme refaite
destrier, comme consier de consirier.
J'ai écrit naguère : « Par une curieuse compensa-
tion, le français, qui a en commun avec le provençal
les formes de compromission consirier et desirier, nous
a conservé quelques exemples de la forme primitive
desiier, dont les traces n'ont pas été retrouvées encore
en provençal*. » J'ai le plaisir aujourd'hui de ramener
à la lumière le provençal desier, comme je l'ai fait pour
le provençal cossier. Le mot figure trois fois dans Girart
de Roussillon :
Car de Folcon socorre ai desier (vers 8124, Oxford).
Li dus non a d'aver tal desier (vers 8668, Oxford).
Mais une paubre femme n'a desier (vers 9686, Oxford).
1. F. Laborde, Lex. limousin (Brive, 1895). Le Dictionnaire du
patois du Bas-Limousin de Béronie et Vialle donne couder, sans
définition, avec renvoi à coussier, mais l'article colistiers été oublié.
2. J'ai proposé de rattacher aussi à l'ancien mot cossier le sub-
stantif coussei que possède le patois du Haut-Limousin (JRomania,
XXXI, 483, n. 2); mais la forme régulière serait "coussiei et il est
plus prudent de rattacher coussei à consilittm, bien que le sens con-
corde assez bien avec celui de cossier. Le mot actuel coussei est sur-
tout usité dans la locution se boîha coussei « ne pas rester oisif,
sans souci ».
3. Romania, XXXI, 483.
224 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Le manuscrit de Paris est d'accord avec celui d'Ox-
ford ; quant au manuscrit de Londres, il donne desirier
(8124) et desirrier (8668).
On peut citer encore le traité des Vices et des Vertus,
dont M. P. Meyer a donné un long extrait : « En
aischi corn lo denier de l'arma deu esser en pessa-
men, etc. ' ».
Enfin le mot est fréquent dans la traduction du Liber
scintillarum de Defensor que renferme le manuscrit
français 1747 de la Bibliothèque nationale. En voici
quelques exemples:
Lo desiers del règne de Deu (f° 26d) — Si laissam los terrenals
desiers (f° 2c/1) — Los charriais desiers (f° 30*) — L'esperit de
desieir, so es de desliuransa (f° 30d) — Desiers de diable (f° 36d)
— Los chaînais desiers (f° 8ia) —
C'est dans ce manuscrit que Raynouard a puisé une
citation qu'il fait au mot defesi (III, 22) : « Sorja d'a-
quest defeci al desieir de coral e vera sabensa. »
M. Emil Levy qui la reproduit (Prov. Suppl.-Wœrterb.,
II, 39) propose (toujours!) de corriger desieir en desi-
rier.
Il me faut maintenant parler du rapport de nos deux
mots avec leurs types latins. Ce rapport est en contra-
diction avec la loi de Darmesteter d'après laquelle nous
devrions avoir *cosdier et *desdier. Il n'y a pas là de
quoi jeter les hauts cris. Comme nom de personne
Desiderius donne ordinairement en provençal et en
français Desdier, Didier, ce qui est phonétiquement
1 . Doc. mss. de Vanc. litt. de la France conservés dans les bibl. de
la Grande-Bretagne, Rapports, etc. (Paris, 1871), p. 267, 1. 11.
CONSIER, DES1ER 225
régulier ! ; de là les nombreuses localités qui se nom-
ment Saint-Didier, à côté desquelles il faut cependant
reconnaître l'existence de quelques Saint-Didier, tant
au Midi qu'au Nord. Il y a eu conflit entre la phoné-
tique et la morphologie et la victoire a été indécise. Là
où le rapport morphologique de desidero et de desidé-
rium (ou Desidérius) s'est maintenu intact, 17 proto-
nique a tenu bon, comme celui de maritâre; quand ce
rapport a cessé d'être perçu, la tendance phonétique
l'a emporté et 1'/ a disparu.
L'histoire de *considerium et de desiderium renferme
encore un autre enseignement : on ne saurait apporter
trop de délicatesse à l'étude du langage. Malheur au
philologue brutal dont le scalpel fouille sans précaution
ces organismes si complexes que nous appelons des
mots et où la pensée de l'homme a tracé de mystérieux
sillons ! A la base de considerare et de desiderare se
trouve le substantif sidus, sideris « étoile ». Qui pour-
rait nous apprendre à quel moment précis l'étoile a cessé
de briller dans les intelligences des populations romanes
qui ont continué à employer les verbes considerare et
desiderare} Ce qui est certain, c'est que l'éclipsé a dû
se produire de très bonne heure et plus tôt encore pour
desiderare que pour considerare, sans doute bien avant
que le substantif sidus eût disparu de l'usage courant.
En comparant deservire et desiderare, nous constatons
que le français et le provençal sont d'accord pour traiter
Ys du premier de ces verbes comme une s initiale,
c'est-à-dire qu'ils lui conservent le son sourd, et pour
i. On a parfois en provençal Lesdier, Leidier, par dissimilation.
Thomas. II. — i s
226 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
traiter Pi du second comme une s intervocalique,
c'est-à-dire qu'ils la font passer du son sourd au son
sonore : à desservir s'oppose desirar, désirer ■ .
Pour nous éclairer sur l'histoire de considerare, nous
avons un autre élément d'une grande importance, c'est
le préfixe cum. Lorsque ce préfixe entre en composi-
tion, il prend, comme on sait, la forme con; mais c'est
un fait bien connu que devant une s la nasale disparaît
de la prononciation du latin vulgaire. De cum et de
stare le latin forme le verbe constare : toutes les langues
romanes sont d'accord pour établir l'universalité de la
prononciation *costare. Si Y s précédée de la nasale est
suivie d'une voyelle, elle passe du son sourd au son
sonore : consuere se prononce *cosere dans le latin vul-
gaire et donne en ancien français cosdre (et non coslre),
en provençal coser ou cosir (avec changement dans la
désinence de l'infinitif). Si l'on tient compte de cette
loi phonétique, on sera amené à considérer l'ancien
français consirer, non pas comme le représentant du
latin vulgaire considerare, mais comme un mot em-
prunté à la langue littéraire. M. H. Berger, dans son
beau livre intitulé Die Lehnwôrier in der fran^ôsischer
i. Un nom d'homme singulier est Dessirier, s'il correspond
réellement au latin Desiderius, contaminé à une époque récente
par le verbe désirer. On sait qu'il est porté à l'heure actuelle par
le gouverneur de Paris, lequel veut bien m'informer que sa famille
est originaire de Champlive (Doubs). D'autre part, je constate
l'existence à Lautrec, en 1340, d'une famille Dessirier et, dans la
même région, les graphies concurrentes desirier et dessirier pour
le nom commun qui signifie « désir ». Faut-il voir là une survi-
vance du sentiment de la composition de-siderare ? C'est bien peu
probable.
CONSIER, DESIER 227
Sprache cil tester Zeit1, ne s'en est point avisé, et l'on
chercherait en vain consirer parmi les mots qu'il a
étudiés.
Le provençal nous offre un état de choses plus com-
plexe : les anciens textes présentent les trois graphies
consirar, cossirar, cosirar. Les patois actuels n'ont aucune
trace de la nasale, mais ils sont tous d'accord sur la
prononciation de Vs comme une sourde. Que faut-il
en conclure ? Il est bien certain que le latin vulgaire a
connu pendant longtemps une prononciation dans
laquelle IV disparaissait, mais où Vs conservait le son
sourd. Théoriquement, on pourrait assimiler *coside-
rare à deservire et aboutir à cossirar et à desservir. Mais
si l'on remarque qu'il n'y a pas de verbe simple *side-
rare qui ait pu jouer vis-à-vis de *cosiderare le rôle qu'a
joué servir e vis-à-vis de deservire, d'une part ; si, de
l'autre, on se rappelle que partout desiderare a changé
son s sourde en s sonore, on se convaincra facilement
qu'en raisonnant ainsi on fait fausse route. Il faut
admettre qu'en provençal comme en français conside-
rart a sombré sous sa forme vraiment populaire pour
reparaître ensuite comme mot d'emprunt sous la forme
*amsidrar, réduite bientôt à consirar. La chute de la
nasale ou, pour mieux dire, l'assimilation de ns en ss,
est un phénomène postérieur, propre à la phonétique
provençale, qui se retrouve dans pensar pessar, transir
trassir, etc. Je crois qu'il faut interpréter de même tous
les mots provençaux dont l'initiale oscille entre cons-
1. Leipzig, Reisland, 1899. Cf. le magistral compte rendu de
Gaston Paris, Journal des Savants, mai et juin 1900.
28 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
et coss-, par exemple cospirar, cossegre, cosselh (et ses
dérivés), cossentir, cosciencia, cossol, cossolar. Ce qui le
prouve bien, c'est que le groupe ne lui-même, le c
ayant fini par prendre devant e ou i le même son que
Y s, donne lieu à la même assimilation et que l'on trouve
cossebre, cossetar, macip au lieu de concebre, concetar, man-
cip, du latin concipere, concitare, mancipium.
XXXI. — CUIOLAR
On appelle couramment cayola, coyala, cuyala ou
cujala, en patois béarnais', une cabane sur la mon-
tagne, avec un parc pour faire gîter le troupeau et un
pâturage d'une certaine étendue pour le nourrir2. Le
mot se trouve dans les textes du moyen âge; le plus
ancien qui le contienne est le Livre d'Or de Bayonne,
qui l'écrit cuiolar. Les tentatives étymologiques faites
pour l'expliquer sont restées infructueuses. Je crois qu'il
faut partir d'un type latin *cubiolaris} tiré à l'aide du
suffixe -arisde *cubiolum, diminutif normal de *eubinm,
dérivé lui-même du verbe cubare « coucher » à l'aide
du suffixe -ium. L'existence de *cubinm en latin vul-
gaire est établie depuis longtemps 3. Remarquez que le
provençal jat\ « gîte » remonte à un type *jacium qui
i. Inutile de reproduire la graphie par aa qu'affectionne le
béarnais : coyalaa, etc.
2. Voyez Lespy et Raymond, Dict. béarnais, articles coyalar, ctt-
jalaa, cujolar, cuyalaa, et E. Levy, Prov. Suppl.-W., article cujolar.
3. Voyez Korting, n° 2641, et Mever-Lûbke, Gramm. des hng.
roni., II, 5 404.
DAL'.VAIE, DAUMAIRE 229
est à jacere « gésir » dans le même rapport que *cubium
à cubare. L'emploi du suffixe -aris en gascon sera étudié
plus loin à l'article Instar.
A côté des formes citées plus haut, Lespy et Ray-
mond signalent dans la vallée de Barèges une forme
particulière couylaa. Cette forme n'infirme pas l'étymo-
logie que je propose, au contraire : elle vient de *cubio-
laris par chute de Yo protonique. On sait que d'un
même type, *castellaris, selon que la prononciation a
obéi aux lois purement phonétiques ou qu'elle s'est
laissé influencer par le souvenir du mot castellum,
dont *castellaris était le dérivé, nos dialectes méri-
dionaux ont fait Caylar ou Castelar, termes très fré-
quents dans la toponymie.
(Mélanges Léonce Couture, p. 262.)
XXXII. - D AU MAIE, DAUMAIRE
L'article dalmatica de Kôrting est bien court: on
n'y trouve cité que l'ancien français daumaire, sans
aucune référence. Il n'est pas inutile de rappeler que
différents patois actuels ont conservé dalmatica sous des
formes variées dont on n'a pas toujours vu la véritable
étymologie.
Dès 1650, Ménage a signalé l'angevin daumoire « dal-
matique » et a prétendu l'expliquer par un type *dal-
matarium ' . Quelques trente ans plus tard, Furetière fait
la remarque suivante : « Les paysans du Berry et autres
1. Origines de la langue française, art. dalmatique.
2^0 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
lieux au delà de la Loire ont des habits faits en forme
de casaques longues qu'ils appellent damnais : ce qui,
apparemment, est un mot corrompu de dalma-
tique ' . »
Le comte Jaubert a recueilli dômaie et dômaire, sans
savoir qu'il avait été devancé par Furetière et il a pro-
posé dubitativement comme étymologie dominica 2 ;
puis, sous l'influence de Ménage, il semble s'être résigné
à rattacher le mot berrichon à dalmaticaî. E. de Cham-
bure a voulu innover et il renvoie au bas latin dorna-
derius pour hebdomadarius ; ce n'est pas heureux, mais
il faut lui savoir gré d'avoir rapproché des patois du
Morvan et du Berry ceux du Poitou, qui emploient
encore aujourd'hui daumaie dans le sens de « blouse »,
de « veste », et en général de « vêtement qui enve-
loppe 4 ». Il est inutile de citer les différents recueils
lexicographiques relatifs à cette dernière province, qui
ne feraient que confirmer ses indications.
Il est tout à fait certain que daumaire, daumoirc et
daumaie remontent au latin dalmatica et constituent
des doublets vis-à-vis du français littéraire dalmatique.
Depuis longtemps Gaston Paris a signalé le parallellisme
de grammaire "= grammatica et de daumaire = dalma-
ticas. L'angevin daumoire nous offre la même permu-
tation de ai en oi que nous observons dans Amboise,
armoire, grimoire, Sermoise, etc. Reste daumaie qui, au
i. Dictionnaire universel (publié en 1690), art. dahnatique.
2. Gloss. du centre, 2e éd., p. 232.
3. Ibid., p. 720, et Suppl., p. 54.
4. Gloss. du Morvan, p. 260.
5. Roinania, VI, 130.
D AVAIS, DAVAISSA 2?i
premier abord, est surprenant. Nous le trouvons, dès
le douzième siècle, rimant avec plaie, dans le Roman
de Thèbes, texte de l'Ouest, qui offre aussi, mais en
dehors de la rime, la forme daumaire. Sans entrer dans
l'examen approfondi de la genèse phonétique de dau-
maie, je me bornerai à rappeler que la disparition de
la dentale est un fait que nous constatons aussi dans
joie, de *feticum ou *fedicum ' , et dans les anciennes
formes meie, mie « médecin », qui remontent à
meàicum.
Il reste à savoir si les formes daumaire, daumaie doi-
vent être considérées comme une preuve de la persis-
tance de la dalmatica romaine dans le costume civil,
ou s'il faut voir dans leur existence un témoignage de
l'extension plus récente de l'usage de la dalmatica ecclé-
siastique à la population laïque. Si l'on remarque que
dalmatica n'a pas abouti à *daumage ou *daumache2,
comme natica à nage ou nache, mais qu'il n'a donné
naissance qu'à des formes demi-savantes, on se ralliera
sans hésiter à la deuxième manière de voir.
XXXIII. — D AVAIS, DAVAISSA
Raynouard a rangé sous l'article vayssa (V, 471)
1. Gaston Paris, Ficatumêm roman (tirage à part de Miscellanea
linguistica in onore di G. Ascoli), p. 4.
2. La forme domagne, dont Godcfroy enregistre un exemple
isolé de 1424, paraît mériter peu de confiance ; quant à amatick,
amalique, c'est une altération curieuse, mais de date relativement
récente.
23J RECHERCHES ETYMOLOGIQUES
« vigne sauvage, lambrusque1 », les deux exemples sui-
vants :
Ges una pruna d'avays
En s'amor non daria.
Raimbaut de Vaqueiras : S'una dona (lire : D'una dona).
Don melhor frug que d'avayssa
N'aura.
B. Alahan de Narbonne: No puesc.
Je crois qu'il faut lire davais, davaissa. De pruna
davais je rapproche le rouerguat lobais qui désigne le
prunier sauvage et son fruit; et l'emploi du féminin
davaissa pour désigner spécialement la prune sauvage
me paraît assez naturel. Quoi que l'on pense de l'éty-
mologie du français davoine, davaine, que l'on a voulu
rattacher au latin damascena2, je crois que le provençal
davais, davaissa doit appartenir à la même famille.
XXXIV. — DEGATIER
Raynouard a relevé le mot degatier dans la charte
i . Cette traduction de vayssa par « vigne sauvage » est bien
hasardée ; actuellement vaisso, prononcé baisso, désigne dans le
Rouergue, soit le coudrier, soit l'alisier (baisso blatico).
2. Voyez sur ce mot une note de Gaston Paris, Roman ta, XXX,
402, et les observations afférantes de M. Meyer-Lùbke, Z. fur roui.
Phil., XXVI, 263. L'idée de remonter à damascena n'est pas neuve ;
cf. Dartois dans Mém. Acad. Besançon, 18 50, p. 213. Je saisis cette
occasion pour signaler la forme curieuse dagoine (et par assimila-
tion gagoine) dans le patois de Saint-Pol, l'argot davonne « prune »
(Nouveau Larousse illustré) et le savoyard ameuta. Les auteurs du
Dictionnaire du patois de l'Eure ont relevé depuis longtemps ce
curieux passage de Madame Bovary de Flaubert : « J'ai planté pour
elle, sous sa chambre, un prunier de prunes d'avoine (sic). »
DECATIE R 2!?
de coutumes de Moncuq, publiée au tome XVI, p. 132,
des Ordonnances. Il l'a traduit par « surveillant des
dégâts, garde champêtre » et l'a rattaché à la même
famille que gast, gastar'. M. Levy se demande si la
forme et le sens de ce mot sont bien assurés2. Il est
évident que Raynouard a fait fausse route en supposant
que degatier était apparenté à gastar ; mais la forme est
bonne et le sens de « garde champêtre » est certain.
Degatier vient de dec « borne, limite » et l'officier qui
porte ce nom est le même que celui que d'autres cou-
tumes appellent deguieri. C'était une manière de garde
champêtre, chargé de réprimer les menus délits
commis dans la banlieue, dans les decs de la ville.
Le suffixe composé -atier Ç-at-h-ier) a un rôle assez
considérable dans la dérivation provençale, bien que
ni Diez ni M. Meyer-Lubke n'en fassent de mention
spéciale 4; on le retrouve dans boscatier, bovatier, caussa-
tier, cor atier, eg atier ">, filatier, granatier, lobatier, mnla-
tier, orsatier, panalier, pelatier, porcatier, telaiier, vaca-
1. Lex. rom., III, 439.
2. Prov. Suppt.-W., II, 50.
3. Degaier est dans Raynouard, III, 19; cf. Du Cange, v°
deguarius. Raynouard traduit bizarrement par « dégan » ; mais
deguier se rattache à dec et non au latin classique decanus. Quant
à dec « limite », qui a un e ouvert, il vient du latin vulgaire decus,
pour decussis, et est sans rapport étymologique avec dec « tache,
vice », qui a un e fermé et est d'origine germanique.
4. M. Horning en a dit quelques mots à propos du fr. courtier
dans Z. fur rom. Phil. XIII, 325.
5. M. E. Levy a bien raison de repousser les attaques dont ce
mot a été l'objet (Prov, Sttppl.-lV., II, 323) ; mais il ne faut le con-
fondre ni avec egassier, formé avec le suffixe composé -aciarius,
ni avec egue\ier, qui sera étudié plus loin à son ordre alphabé-
tique.
234 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
lier, etc. Le français emploie plutôt -etier: chaussetier,
courtier (autrefois couretier), grainetier, louvetier, etc. Il
y a pourtant au moins un exemple de -atier en français,
c'est puisatier.
(Cf. Bull, de la Soc. de ling. de Paris, séance du 21 juin 1902.)
XXXV. — DEM Al
Foucaud a répété à deux reprises les deux vers sui-
vants dans la fable L'Ane e lou Che :
Tu ne sirà pâ bien deimai
Pèr un piti mouraen de mai ' .
Il a donné lui-même la traduction « fatigué, gêné »
pour le mot deimai, qui a fort embarrassé son commen-
tateur, Emile Ruben. Ce dernier constate d'abord que
demai se trouve comme substantif dans Dom Duclou
au sens de « surplus, excédent », puis il ajoute : « Peut-
être demai est-il devenu adjectif avec la signification
d'excédé} » Mistral s'est rangé à cette manière de voir3.
Pourtant il saute aux yeux que demai, composé de de
et de mai, n'est pas la même chose que deimai et ne
peut sans danger lui être assimilé. J'ai retrouvé dans
une formulette que connaissent encore les vieilles gens
1. Éd. Ruben, p. 139.
2. Je m'aperçois au dernier moment que Ruben s'est ravisé et
a reconnu dans deimai le substantif eimai (additions de l'édi-
tion de Foucaud, p. clxviii) ; mais il ne se rend pas bien
compte de la formation, car il qualifie deimai d'adjectif ou de par-
ticipe.
DEIMAI 2] s
de Saint-Marc-à-Loubaud (Creuse) cet énigmatique dei-
Kan lo mètugri nai,
Lo berbi di : « Sai pa deimai. »
— « Sai be, me », di lo tauro, « jusk'o mie mai,
Mai por délai. »
Quand le pied-d'alouette naît,
La brebis dit : « Je ne suis pas inquiète. »
— « Si fait moi », dit la génisse, « jusqu'à mi mai
Et par delà '. »
Je crois qu'il faut voir dans deimai une locution
composée de la préposition de et du substantif eimai,
autrefois esmai, lequel correspond au français actuel
émoi. Cette locution signifie proprement « en émoi » :
elle gagnerait certainement à être écrite d'eimai2.
L'étymologie des mots émoi, esmai est bien connue i
et il est inutile d'y insister. Mais la locution d'eimai
offre matière à réflexions.
L'emploi de de, là où le français s'adresse à en, peut
surprendre ; on le retrouve pourtant, en français même,
dnns la locution être de loisir, à laquelle le provençal
moderne répond par estre de le%er, de lexpur ou de legour.
Le limousin connaît la locution d'aise, absolument
similaire à la locution d'eimai, témoin cette phrase de
Jean Lalet : Sei d'aise que ma fenno t'aio choùsil (je suis
i . Communication de ma cousine Mmc Leclère, originaire de
Bouffanges, commune de Saint-Marc-à-Loubaud.
2. C'est d'ailleurs la graphie que je trouve dans le Virgilo LimouTJ,
de l'abbé Roby, composé en 1748 et publié récemment par
M. Hubert Texier (Paris, Bouillon, 1899), p. 170 et 282.
3. Kôrting, 3420.
236 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
aise que ma femme t'ait choisi)1. On dit en Berry
être de santé, pour « être en bonne santé » 2, et dans
l'arrondissement d'Aubusson, demoura de pacienso, pour
a rester tranquille ». Je ne parle pas, bien entendu,
des locutions courantes comme d'abord, d'accord, d'avan-
tage, d'emblée, etc., etc., dans lesquelles la préposition
de a une valeur différente.
Une autre question se pose, et fort délicate. Si l'on
écrit dcimai, faut-il considérer qu'on a affaire à un
adjectif, comme Ruben et Mistral ne semblent pas en
douter ? C'est un point sur lequel Arsène Darmesteter
nous aurait éclairés, s'il avait songé à le discuter dans
son Traité de la formation des noms composés; mais il a
éludé la discussion. Dans le chapitre qu'il consacre aux
« adjectifs issus d'une juxtaposition », il semble ignorer
l'existence de débonnaire; puis il le mentionne à con-
tresens au milieu des substantifs composés du type
aloi.
Il n'est pas douteux que, dès le moyen âge, les
locutions adverbiales de bon aire, de mal aire, de put aire
soient devenues de véritables adjectifs, puisque l'on
trouve au cas sujet singulier debonaires, demalaires 3,
deputaires, et des dérivés ou composés comme debonai-
remenl, debonaircté, adebonairir, depulairement, deputaireté
(arrangé pédantesquement en desputarité). Je ne vois
pas que pareil phénomène se soit produit pour d'autres
1 . Counteis de la Queirio, p. 53.
2. Jaubcrt, Gloss. du Centre, au mot saule.
3. A l'exemple unique de ce mot que Godefroy cite à l'article
demalaire on doit en ajouter plusieurs qui figurent à l'article aire,
t. I,p. 194.
• DE! M Al »}7
locutions jetées dans le même moule, telles que de
franche orine, de put lin, etc. ; cela tient sans doute à
ce qu'elles étaient moins fréquemment employées. Mais
y a-t-il de véritables adjectifs formés par la juxtapo-
sition d'une préposition et d'un substantif (ou d'un
adjectif employé substantivement) sans plus ? Gaston
Paris considérait l'adjectif actuel aise et l'ancien adjectif
ente comme des contractions des locutions adverbiales
a aise, a ente et il avait promis d'étudier de plus près
cette question à laquelle il rattachait l'étymologie de
guet-apens1. D'autre part M. Tobler, après Diez, a
montré que l'ancien français ne possède pas réellement
d'adjectif engrant, mais des locutions adverbiales en
grant, en grande, en gran^, en grandes2. Il faut égale-
ment décomposer en a seiïr l'adjectif asseiir admis par
Godefroy dans la plupart des exemples qu'il cite ;
cependant il semble bien que Froissart et Jean d'Arras
aient employé asseiir comme un véritable adjectif. Le
Dictionnaire général a admis sans hésitation l'existence
d'un adjectif dehait, dehaite, que quelques archaïsants
employaient encore au dix-septième siècle ; mais il faut
avouer que le féminin dehaite ne se rencontre jamais.
De nos jours les patois méridionaux connaissent dele^er
(limousin dele^ef) comme adjectif et comme substan-
tif* ; dans le Haut-Maine, Montesson enregistre ade-
laisi, aderlaisi, au fém. adelaisie, aderlaisie, qui se
i. Romania, XXIX, 262.
2. Li Dis dou vrai Aniel, 2e éd., p. 21.
3. Mistral considère deped (debout, sur pied) comme étant
adverbe et adjectif.
jj8 RECHERCHES ÉI YMOLOGiQUES
décompose certainement en à + de -+- loisir; mais
la forme fém. n'a*qu'une valeur théorique.
Il n'est pas douteux que se tenir droit et se tenir debout
ne soient des expressions équivalentes; mais peut-on
considérer debout comme un véritable adjectif au même
titre que droit ? Je ne crois pas, tant que nous ne nous
serons pas décidés à dire : Cette femme se tint longtemps
*deboute. La langue finira sans doute par franchir
l'étape ', mais il ne faut pas la devancer.
C'est pourquoi je conclus qu'il vaut mieux écrire
encore d'eimai que deimai. On, verra plus tard. Comme
dit Foucaud :
Tu ne sirâ pa bien d'eimai
Pèr un piti moumen de mai.
(Cf. Bull, de la Soc. de linguistique de Paris, séance du 7 juin 1902 ;
Revue des parler s popul., année 1903, p. 171.)
XXXVI. — DÊLAVRA
Le français doloire, le provençal doladoira, le dau-
phinois dalouèri, le lyonnais doliuri, etc., remontent
à un type latin vulgaire dolatoria, dont l'existence ne
soulève aucune difficulté2. Mais le latin classique do-
labra n'a-t-il aucun représentant en roman, comme
1 . L'étape est franchie pour alerte et ingambe, mais ce sont des
locutions d'origine italienne où le français n'est pas gêné par sa
propre tradition.
2. Le gascon doladera, auj. douladèro, offre une substitution du
suffixe habituelle dans les désinences analogues : -atarius, au lieu
de -atorius.
DES0USS1NA
porterait à le croire son absence du Lat.-rom. Wœrter-
buch de Kôrting et des différents suppléments qu'on y
a ajoutés ?
Je lis dans le Patois de Vionna^ de M. Gilliércn,
p. 144 : « Délavra, pioche à un tranchant. » Réguliè-
rement, on devrait avoir à Vionnaz, delavra, non déla-
vra. Il ne me semble pas que ce soit une raison suffisante
pour repousser l'étymologie dolabra, si l'on se rappelle
que dans l'antiquité romaine la dolabra n'était pas seu-
lement un instrument de charpentier, mais aussi une
pioche de pionnier.
XXXVII. — DESOUSSINA
Béronie, dans son Dictionnaire du patois du Bas-
Limousin, a enregistré le verbe transitif deso-oussina
(c'est ainsi qu'il écrit) en se bornant à noter qu'il est
synonyme de degôursa ; or il traduit degôursa par
« défricher en arrachant les bois et les épines. » Voici
ce qu'est devenue dans le Trésor dôu Felibrige la courte
indication de Béronie:
Desèusina, desôusina (lim.). v. a., arracher les chènes-verts,
défricher. Racine : des, êusino.
Je pense, jusqu'à preuve du contraire, que « desèu-
sina, arracher les chênes-verts » est un simple schème.
Mistral a considéré que le bas-limousin desoussina était
une faute pour desôusina, et que desôusina pouvait être
composé de des et du substantif éusino, ousino, ausino
(la forme varie selon les lieux) qui désigne soit le gland
240 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
de l'yeuse, soit l'yeuse elle-même. C'est une opinion.
On avouera cependant que s'il existait ou s'il avait
existé un substantif oussino « terre inculte, friche »,
le verbe desoussina serait bien mieux venu à signifier
« défricher ». Or, j'ai montré plus haut1 que la langue
du moyen âge connaissait l'adjectif abs, absa « inculte »,
représenté aujourd'hui parasse, asso; elle a connu aussi
le substantif *absina, francisé en absine, terre inculte.
Godefroy n'en cite que deux exemples, du Sud du
Poitou ; j'en connais au moins un dans la Marche.
Dans l'aveu et dénombrement rendu à Anne de France,
en 1502, par noble Jehan Taquenet, élu de la Marche,
pour sa maison noble dite La Maison-du-Bost2, il est
déclaré que cette maison noble était « toute demolye,
destruyte et en absine* ». Or, à côté de la forme abs,
on employait aussi la forme aus*: que cette forme ait
du exister dans le dialecte limousin, il n'en faut pas
douter, puisque dans ce dialecte même nous rencon-
trons chaus « châs d'une aiguille » et eslaus « lancière
d'un étang » comme représentants des types étymo-
logiques capsus et *exlapsùsî. L'existence de absine
1 . Article asse.
2. Commune d'Ajain, arrondissement de Guéret. Le. nom est
parfois francisé en La Maison- du-Bois, plus souvent altéré en La
Maison-dn-Beau (!).
3. Arch. nat., P 471.
4. Si l'on a quelques doutes sur la synonymie de aitssa terra et
de absa terra, admise dubitativement par les Bénédictins dans leur
supplément à Du Cange, on peut faire fond en tout cas sur l'exis-
tence de aussedat à Montpellier au sens de « terre en friche » (Liber
instr. mentor., p. 647, 682, 729). Aussedat, signalé par M. Chaba-
neau dans la préface, a échappé à M. Emil Levy.
5. Sur eslaus, voyez mes Essais, p. 291.
DESSOUBRER 24 1
permet donc d'affirmer celle de *aussina en ancien
limousin : d'ailleurs le mot est encore vivant dans la
toponymie. A côté de Laussine, hameau de Varennes
(Dordogne), nous trouvons dans la Corrèze le château
des Oussines, autrefois Aussines1, qui a donné son
nom à la commune dite officiellement Saint-Merd-les-
Oussines.
Donc, le verbe bas-limousin actuel desoussina remonte
incontestablement à un verbe médiéval *desaussinar.
(Revue des parler s pop., année 1903, p. 174; cf. Bulletin de la Soc.
de ling. de Paris, séance du 7 juin 1902.)
XXXVIII. — DESSOUBRER
George Sand fait dire à un de ses personnages rus-
tiques dans le roman de Jeanne: « Ne me violentez
pas et ne me dessoubre^ pas mes vêtements, mon bon
Monsieur. » Jaubert a recueilli ce mot dans son sup-
plément et l'a rapproché de son article dessombrer, où
on lit : « Dessombrer , v. a. Déchirer. Se dit des vête-
ments. » Mais il est muet sur l'étymologie, laquelle n'est
pas transparente. Dessombrer est une altération de des-
soubrer, qui est lui-même une forme labialisée de* des-
sebrer. D'après Mistral, le limousin a le verbe dessibra
« déchirer2 ». Le berrichon des confins de la Marche
marche ordinairement avec le limousin pour la phoné-
tique des consonnes sourdes c, l, p, et il n'est pas éton-
1. J.-B. Champeval, Le Bas-Limousin seigneurial, p. 325.
2. Article eissebra.
Thomas. II. — 16
242 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
nant qu'il ait eu jadis la forme dessebrer, correspondant
au provençal dessebrar et au français dessevrer, du latin
\u\gaire *disseperare pour disseparare « séparer ». Dans
le Bas-Poitou, on emploie sebrer et sevrer dans le sens de
« déchirer I » et eissebra (du latin vulgaire *exseperare)
est très répandu dans le Midi.
XXXIX. — DESTEILLA, DESTÊL
J'emprunte au Dictionnaire patois-français de l'Aveyron
de l'abbé Vayssier les deux articles suivants :
Desteilla, v. n. Tomber en parlant des fruits avortés ou piqués
qui n'arrivent pas à maturité. Las poumos destèillou, les pommes
avortées ou véreuses tombent (R. destêl.) — Se dit aussi d'une
couvée, d'une bande d'oies dont il périt quelques têtes. S[aint}-
A[ffrique\.
Destèl, s. m. Fruits avortés ou véreux qui n'arrivent pas à
maturité et qui tombent des arbres.
J'ai eu occasion de signaler ce verbe desteilla et ce
substantif destêl 2 et je les ai rattachés à l'ancien pro-
vençal destuelh « dérangement », dont le radical est le
latin toi 1ère. Cette opinion est erronnée : si j'avais
remarqué que l'abbé Vayssier indiquait nettement que
destêl et desteilla avaient un é fermé, je n'aurais pas
songé à cette étymologie. Je propose aujourd'hui de
reconnaître à la base de destêl, desteilla le substantif
latin stïlns (slylus) « tige » et de leur instituer des
i. Beauchet-Filleau, Essai sur le patois poitevin; Simonneau,
Gloss. de l'Iie d'EUe (Vendée), dans Rei: de phil. franc., III,
117, etc.
2. Essais, p. 87.
DESTEILLA, DESTEL 24}
types étymologiques de latin vulgaire *destilium, *des-
tiliare. Je rappelle d'abord que stilus, au sens de « tige »,
appartenait bien au latin vulgaire, puisque l'italien a
stelo dans ce sens. La naissance d'un verbe *destilare au
sens de « séparer de la tige » n'a rien que de normal
pour qui songe aux verbes analogues decarnare, decer-
vicare, decollare, decoriare, decorticare, etc., que le latin
possédait en grand nombre'; à côté de *destilare on a
pu créer *destilium, d'après le modèle de suspirium
répondant à suspirare ; puis *destiliare, tiré de *destilium,
aura pris la place de *destilare} comme *exsiliare celle
de ex sut are.
A la rigueur même, l'étape *destilare n'est pas néces-
saire. M. Meyer-Lùbke se demande si les langues
romanes ont ajouté le suffixe -iare à des substantifs
pour former -des verbes et il ne voit guère que l'italien
gocciare et l'ancien français trier qui remontent à gutta
et ira -\- iare1. Mais, sans prétendre que cette dériva-
tion soit fréquente, je ferai remarquer que le latin clas-
sique en offre le type dans cruciare dérivé de crucem -
et que de frustum le latin vulgaire a tiré *frnstiare, *de-
frustiare, d'où l'ancien français froissier (aujourd'hui
froisser} et defroissier 3 .
Donc, *destiliare peut être une formation parasyn-
thétique de de et de stilus et le rouergat desiêl avoir été
tiré à une époque plus récente du verbe roman *des-
i. Gramm. des 1. roui., II. 5 576.
2. En très ancien français on a formé par un procédé analogue
auisier, apaisier, croisicr de aise, pais, crois.
3. M. Meyer-Lùbke cite b\en froissier , mais pêle-mêle avec les
dérivés d'adjectifs et de participes.
244 RECHERCHES ETYMOLOGIQUES
telbar1. Un curieux exemple de formation en -tare nous
est fourni par le mot exmucciare, relevé sur une in-
scription, Corpus, IV, 1391, et qui paraît imité du
grec âzoj/,ÛGoeiv.
XL. — DOLSA
Le Dictionnaire de Trévoux définit gousse par « enve-
loppe qui couvre plusieurs espèces de légumes, comme
pois, fèves, vesce, etc. ». Puis il ajoute, comme par
acquit de conscience : « On dit fort improprement une
gousse d'ail pour signifier les cayeux de cette plante. »
Malgré qu'on en ait, il faut bien reconnaître que le
français confond sous un même vocable deux objets
qui sont, en effet, même à d'autres yeux qu'à ceux des
botanistes, deux objets fort différents. Cette confusion
remonte loin, car je trouve déjà au treizième siècle
« une gousse d'ail » dans le Livre des simples médecines
de la Bibliothèque Sainte-Geneviève2. Mais il faut
1. Il est à peine besoin de faire remarquer que *destillium, du
latin classique destillare, conviendrait aussi bien phonétiquement
pour expliquer destèl, desteilla, mais que la base slilla paraît bien
inférieure sémantiquement à la base stilus. Je note en passant que
destillare vit sous la forme populaire détela dans le Valais où il
signifie « tomber goutte à goutte » (Gilliéron, Patois de Vionna\,
p. 145).
2. Folio 3 v°. C'est une traduction du traité de Platearius connu
sous le nom de Circa instans. Godefroy et Hatzfeld-Darmesteter
ne signalent pas d'exemple aussi ancien. G. Paris a cru reconnaître
le mot gousse dans la gauce ou jauce aillie, espèce de sauce souvent
mentionnée par nos trouvères, à commencer par Colin Muset
(Romania, XVIII, 140 et 149); je ne partage pas cette manière de
voir.
UULÏ>A 245
reconnaître que le bulbe de l'ail a porté et porte encore
dans certains patois un tout autre nom. Olivier de
Serres dit dausse; le Mesnagier de Paris emploie la
forme doulce; et au douzième siècle on trouve dosse
dans la Vie de saint Gilles '. En revanche, dans le
Lyonnais et dans le Forez dausse, dorse ou dorsi s'ap-
plique à la gousse ou cosse des légumes ; à Vionnaz
(Valais) on dit doûfâ (f — s), mais la traduction par
« gousse » que donne M. Gilliéron nous laisse incer-
tains sur le vrai sens2. Les patois méridionaux con-
fondent également les deux significations ; voyez Mistral
à l'artitle dôiisso.
Je n'ai pas la prétention de débrouiller les rapports
compliqués des trois termes dausse, gousse et cosse ; mais
je puis au moins apporter quelques précisions sur l'his-
toire du premier de ces termes. L'ancien provençal ne
connaît que dolsa et il est d'accord en cela avec le
français du douzième siècle où dosse peut être une
graphie défectueuse pour dolse. Quelle est l'étymologie
de dolsa ? Je ne m'arrête pas au grec Zzij.y.z « long »,
mis en avant pas Mistral; mais l'opinion de Nizier du
Puitspelu pourrait paraître plus fondée. D'après lui, le
lyonnais dorsi se rattacherait au latin dorsum, lequel
« avait pris le sens de pellis, étendant ainsi la signifi-
cation de la partie au tout? ». Dans cette hypothèse,
1 . Voyez Godefroy, aux articles dausse et dolse qu'il a oubliés
de fondre.
2. Patois de Vionna^, p. 146. Il est probable que le mot valaisan
veut dire « cosse » ; en tout cas, nous voyons qu'à Metz, au sei-
zième siècle, J. Aubrion parle de la dolse des pois nouveaux (Gode-
froy, v° dolse).
3. Dict. ètym. du patois lyonnais, p. 131.
246 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
il serait impossible de concilier le lyonnais avec le pro-
vençal; d'autre part, la forme doulce du Ménagier de
Paris remonte évidemment à une ancienne. forme dolse
(par vocalisation de 17) et se rattache solidement au
provençal. Si l'on tient compte d'un fait fréquent en
lyonnais, à savoir le changement de 17 en r devant une
consonne, on sera porté à supposer que le lyonnais
dorsi est pour *dolsi et suppose un type *dolsia, distinct
du type provençal, mais non inconciliable avec lui1.
Or, le hasard de mes lectures m'a fait rencontrer
dans un texte de l'époque carolingienne (le manuscrit
est du neuvième siècle) la recette médicale suivante,
qui pourra peut-être profiter aux sourds de notre époque
et que je me fais un plaisir de transcrire en entier :
Ad eos qui non audiunt, de nogario scorcia peciola novem, alii
dohas novem, Jovebarba dolsas similes insimul tritas et aceto cum
jus expressum admittetur et in aurem distillabis 2.
Il est manifeste que les alii dolsas de notre recette
sont des gousses d'ail; quant aux dolsas de joubarbe,
ce sont vraisemblablement les fascicules de feuilles en
1. N. du Puitspelu admet que Y s dure peut changer l'a postto-
nique en i ; mais M. Philippon a justement contesté cette assertion
(Romania, XX, 3 10) ; c'est pourquoi je suppose *Johiu. Mais comme
nous ne connaissons pas d'exemple ancien pour le lyonnais, il se
peut que 17 soit dû à une altération analogique récente et que le
lyonnais remonte comme le provençal au type dolsa.
2. W. Schmitz, Miscellatiea Tironensia (Leipzig, 1896), p. 65.
Les mots en italique sont écrits dans le manuscrit (Vatican, Reg.
846) en caractères ordinaires et non en notes tironiennes. Comme
des planches accompagnent cette curieuse publication, il est facile
de se rendre compte que l'éditeur a eu tort de lire nogamo au lieu
de nogario. Cf. un intéressant article de M. C.-H. Moore sur ces
recettes médicales dans Arch. fur lat. Lexicogr., X, 266.
DROUERI 247
rosette de cette plante qu'il faut entendre sous ce nom.
•D'où vient dolsa ? Je l'ignore; mais c'est déjà quelque
chose que d'avoir une forme carolingienne à sa dispo-
sition pour pousser plus avant l'étymologie '. J'ajoute
que les formes romanes indiquent clairement que Yo
de dolsa était un 0 bref.
XLI. — DROUERI
Le mot lyonnais drouérî est un verbe qui signifie
« passer une règle sur un boisseau plein pour enlever
l'excédent ». Nizier du Puitspelu y voit un dérivé de
l'adjectif français droit prononcé droué; mais ni le sens
ni la phonétique ne s'accommodent de cette étymolo-
gie. Le verbe qui exprime la même opération en pro-
vençal moderne est, selon les régions, rasouira, radouira,
redouira, ravouira, revouira ; il dérive du substantif
rasouiro, radouiro, etc., lequel correspond à un double
type latin vulgaire rasoria et *rasitoria, représenté en
français par radoire, nom de la règle qui sert à « ra-
der2 ». Le mot lyonnais drouérî me paraît être une
simple altération de radouérî, verbe tiré du substantif
radouéri. Puitspelu enregistre effectivement radouêri
et radouérî ; le verbe dérive du substantif, lequel est
emprunté, soit au provençal radoira, soit au français
radoire. Si le type latin *rasitoria s'était conservé tra-
1. M. Moore, dans le travail cité à la note précédente, rapproche
dolsa de l'allemand dolde « ombelle » ; mais Y s roman ne peut faire
bon ménage avec un d germanique.
2. Sur la formation des mots français rader, radoire et leurs
congénères, voyez mes Essais, p. 367.
248 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
ditionnellement en lyonnais, il serait aujourd'hui
*roduri: cf. rodo, de *rasitarel, et coluri de *colatoria.
Pour expliquer IV épenthétique, il n'est pas besoin
de faire appel au franc, droit : cf. lyonnais droblo
« double », étroblo « étable », etc.
XLII. — DURAINE
A côté de duracine — mot calqué sur le latin dura-
cina, féminin de duracinus — que nous avons gardé
au sens de « pêche dont la chair est plus ferme que celle
de l'espèce ordinaire », Cotgrave enregistre une forme
plus intéressante, dur aine ou dureine. Je ne sais où il a
pris dureine; mais duraine est vraisemblablement em-
prunté à la traduction de Pline par Antoine Du Pinet,
publiée en 1562, où on lit, non à propos des pêches,
mais à propos des cerises : « Les durâmes sont les meil-
leures de toutes... En Picardie on fait grand estât des
duraines de Portugal2. » Du Pinet emploie le même
mot dans sa traduction de Dioscoside : « Les meilleures
de toutes les cerises sont les guynes et les duraines î. »
Il est difficile de ne pas reconnaître dans duraine la
forme populaire régulièrement issue du latin durâcina
et qui a dû être, à l'origine de notre langue, *duraisne.
On sait que le masculin duracinus a donné l'espagnol
dura^no « variété de pêche » 4 : il n'est donc pas extra-
1. Sur l'étymologie de ce mot, voyez mes Mélanges, p. 132.
2. Édition originale, t. I, p. 571.
3 . Cité par Godefroy, v° duraine.
4. Kôrting, 3152.
DU RAINE 249
ordinaire que le français ait, lui aussi, conservé le mot
latin, mais il n'était peut-être pas inutile de le faire
remarquer, puisque personne ne semble s'en être aperçu.
Le patois du Rouergue a le substantif duraice qui
signifie, selon les lieux, « pêche » ou « abricot pré-
coce, petit et de mauvaise qualité. » L'abbé Vayssier
le décompose en dur et aice, c'est-à-dire « dur » et
« acide » ; Mistral le tire directement du latin dura-
cinus '. Cette dernière étymologie soulève une difficulté
phonétique, car dans le dialecte du Rouergue, où le
mot latin acinus donne ase, le composé duracinus aurait
dû donner *durase. D'autre part, je relève dans un car-
tulaire d'Albi une énumération d'arbres fruitiers ainsi
conçue : « noguiés, pomiés, periés, pruniés, durayquiés,
preseguiés2. » Le duraiquier est évidemment un arbre
qui donne des *duraics ou des *duraicas: là encore la
désinence de duracinus est impuissante à nous expliquer
celle de *duraic ou de *duraica. Peut-être faut-il sup-
poser une double déformation : d'une part, *durâscinus
(sous l'influence de damâscinus), qui donnerait réguliè-
ment duraice ; de l'autre, *duraicus (par une imitation
des mots comme hebraicus, laicus qui a abouti à la
création en provençal de mots comme derraic, ni^aic,
primaic, etc.), d'où *duraic et le dérivé duraiquier (au
lieu de *duraiguier).
1. On sait que le mot latin est composé de l'adj. durus et du
subst. acinus. M. Keller croit que le point de départ de ce mot est
l'adj. Dyrrachïnus et que duracinus est due à une étymologie popu-
laire (Lat. Volksetym., p. 60 et 234): c'est une idée ingénieuse,
mais qui ne repose sur rien de solide.
2. Rev. des lang. rom., 1902, p. 464 ; cf. Ami. du Midi, XV, 541.
250 RECHERCHES ETYMOLOGIQUES
XLIII. — ECHAMOUSTA
Mistral a enregistré le verbe gascon echamousta « faire
sécher légèrement » et l'a rapproché dubitativement de
escoumoussa, qu'il définit lui-même par « égrener les
gerbes, en secouer ou froisser les épis, avant de les sou-
mettre au battage ou foulage définitif ». On voit faci-
lement que ni la forme ni le sens n'autorisent un pareil
rapprochement.
Alcée Durrieux définit ainsi echamousta « presser,
tordre le linge pour en faire sortir l'eau, faire sécher un
peu ».
J'ai eu occasion d'établir l'existence du latin vulgaire
*submustare au sens de « fouler le raisin pour en faire
sortir le moût ' ». Peut-être le gascon echamousta est-il
sorti d'un type *exsubmustare, qui aurait donné primi-
tivement *echemosta, puis echamousta ?
XLI. — ECOISSON
Le verbe latin excuiere, en ancien provençal escodre,
en ancien français eskeure, escorre, escourre, a encore une
grande vitalité sur le sol de la Gaule, soit au Nord, soit
au Midi, particulièrement avec le sens de « faire sortir
i. Mélanges J'itym. franc., p. 158 ; cf. Z. fur vont. Pbil., XXVI,
131.
ECOISSON 2 S i
le grain des céréales par le battage ' ». Donc, ce n'est
pas merveille que le patois lyonnais dise écourre pour
« battre » et écossou, écossu pour « fléau », ce dernier
mot représentant à vif le latin excussorium2. Mais il
mérite vraiment d'être cité à l'ordre du jour, comme
disent nos gens de guerre, pour avoir gardé intrépide-
ment un substantif abstrait qui paraît avoir succombé
dans tous nos autres patois: je veux dire écoisson^. Ce
mot ne s'emploie qu'au pluriel : Nizier du Puitspelu le
définit par « battage des grains » et donne comme
exemple la locution lo tian de los écoissons, le temps du
battage. L'étymologie est clairement le lat. excussio-
fiem : il est inutile de la défendre. Si N. du Puitspelu y
avait songé, il n'aurait certainement pas écrit ce qu'il
a écrit : « d'excussum, avec suff. onem ; on devrait avoir
écosson, comme on a écossou ; écoisson répondrait à *ex-
ciiisoncm. » Sachons-lui gré, du moins, d'avoir mis le
verbe « répondre » au mode conditionnel. Je vois bien
ce qui l'a fourvoyé: c'est le genre masculin du mot
i. Pour le Midi, voyez l'article escoudre de Mistral; pour le
Nord, l'article escoudre de Godefroy, où se trouvent des références
aux patois actuels qu'il serait facile d'augmenter. Sur la forme
normale que doit prendre en français Vu accentué, cf. G. Paris
dans Romauia, X, 43.
2. N. du Puitspelu explique le mot par un type latin excussus-\-
orem ; mais cela tient à l'idée qu'il se fait du développement des
mots en -oriiun, où il croit que -oriiim a été remplacé par -oreui,
idée que je ne partage pas. Cf. le provençal moderne escoussou
« fléau » qui a à côté de lui le dérivé escoussouira « battre avec le
fléau ».
3. C'est la graphie de Cochard que je garde comme plus fidèle
à la tradition. N. du Puitspelu écrit koiiesson et écoesson ; peu
importe.
252 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
lyonnais. Mais le mot français poison, lui aussi, est
masculin, et n'en vient pas moins de potionem, comme
frisson de *frictionem, et soupçon de suspectionem.
XLV. — ËCULORGER
L'ancien français escolorgier et l'ancien provençal
escolorjar « glisser » ont été magistralement expliqués
par M. S. Bugge, qui les a ramenés à un type latin
vulgaire *excollubricare '.. Le mot provençal ne paraît
pas avoir eu grande vitalité : on n'en possède que deux
exemples qui appartiennent tous deux au traducteur
anonyme du Liber scintillarnm de Defensor, et il n'y en
a aucune trace dans les patois méridionaux actuels. Au
contraire, le français escolorgier est très fréquent dans les
textes du moyen âge ; les exemples réunis par Godefroy
s'arrêtent à la fin du quatorzième siècle avec Christine
de Pisan, mais si le mot a bientôt disparu de l'usage
général, il s'est conservé dans les patois des confins
bretons. Il est remarquable, en effet, que Lagadeuc,
dans son Catholicon composé en 1464, emploie concur-
remment escolorgier et glincier pour traduire le breton
risclaff. Mais ce qui est plus remarquable encore et ce
qui fait la raison d'être de cette notule, c'est que le
mot est encore vivant aujourd'hui dans le patois du
Bas-Maine. Je relève en effet la mention suivante dans
le Glossaire de M. Dottin : « Eculorger, glisser sur le
derrière (Craonnais). » Je veux bien faire la part du...
1. Romania, IV, 354. Carpentier et Raynouard rattachaient ces
mots à colare.
EGVEZIER is %
derrière; mais on m'accordera que le propriétaire fon-
cier est sans aucun doute *excollubricare ' .
XLVI. — EGUEZIER
On sait que le latin egnus a de bonne heure disparu
de l'usage populaire et que sa place a été prise par cabal-
lus; au contraire, son féminin equa est encore vivant
dans la plus grande partie du domaine roman2. De
equus, equa, le latin littéraire avait tiré de nombreux
dérivés : quels sont ceux qui se sont maintenus dans le
latin vulgaire ? Kôrting ne cite que equaria, que M. Baist
considère comme l'étymologie de l'espagnol enguera
et de l'ancien portugais angueira7»; je tiens pour très
certain que l'espagnol et le portugais représentent
angaria, ainsi que l'a établi M. Tailhan4. Mais il n'est
pas moins certain que l'espagnol yeguero « gardien des
cavales » remonte à equarius et que son synonyme
archaïque yegari^o, yeguerixp remonte de même à un
très ancien type latin *equaricius > : naturellement, la
diphtongue initiale est due à l'influence ultérieure de
yegua. On peut admettre aussi *equaciarius, qui a dû
donner *egacero, d'où yeguaceria « haras ». Quant à
l'adjectif yegar, il peut être de formation plus récente
i . On verra plus loin, article lovergier, que le simple lubricare
est plus vivant encore en terre de France. D'autre part Tarbé
donne l'adj. coulourgeable « coulant, liquide » comme usité dans
la Marne.
2. Voyez Kôrting, n° 3262, et Godefroy, art. ive 1.
3. Zeitscbr.f.rom. Phil, VII, 117.
4. Romania, IX, 432.
5. Cf. ci-dessus, p. 66.
2 î4 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
et ne correspondre que théoriquement à tin type latin
*equaris, variante de equarius.
L'ancien provençal nous offre l'adjectif egnin, qui
répond à equinus et qui peut, lui aussi, avoir été tiré
postérieurement de ega « jument » ; egassier et egatier,
qui supposent des dérivés à suffixes doubles : *equacia-
rius (cf. l'espagnol *egacero) et *equattarius ' ; enfin, et
surtout, egueçicr 2, dans lequel il ne faut pas hésiter à
reconnaître le latin classique equitiarius, dérivé de cqui-
tium « haras », écrit equi^arius dans le polyptyque de
Saint-Victor de Marseille 3. Il est bien probable qu'il
faut aussi ramener à equitiarius Yegecer â'Aigar et Mau-
rin*. Si egue^ier n'appartient plus aujourd'hui à la
langue vivante, il subsiste, comme l'a remarqué Mis-
tral), dans le nom de famille provençal Eyguesier6 et
dans la rue des Eyguesiers, à Aix.
XLVII. — El RANCH A
Dans la fable Loti Mouniei, soun fi e l'Ane, Foucaud
i. Cf. ci-dessus l'article degatier. La forme eigaié donnée par
Mistral semble postuler *eqnatarius ; mais le valaisan civatdi,
berger qui garde les chevaux (Gilliéron, Patois de Jrionna~, p.
152), remonte à *equattarius, comme le provençal égatiei-.
2. Si egue^ier n'est pas attesté directement, il transparaît sous
les formes latinisées egue^erius et egite^erius dans Du Cange.
3. Tome II, p. 638 : Aquilo equizarius.
4. Cf. Levy, Prov. Sitppl.-Wœrt., art. egatier.
5 . Article egatier.
6. Hugo Egueserius figure dans un acte de 13 10 que vient de
publier M. Henry Cochin, un peu surpris de ce nom (Le Frère de
Pétrarque, p. 229 et 239).
ÇlSSARRAR, ESSERRER 2$$
emploie l'adjectif eirancha, qu'il traduit lui-même par
« boiteux » ' ; le mot se trouve, avec la même défini-
tion, dans le Dictionnaire de la langue limousine de Dom
L. Duclou, resté manuscrit. Emile Ruben, éditeur et
commentateur de Foucaud, est porté à voir dans eiran-
cha le mot ancho « hanche », et il suppose que IV peut
y avoir été introduite par suite de quelque confusion
avec le mot français éreinté. Mistral est d'un autre avis.
Il enregistre eirancha avec ce simple renvoi : « voyez
escranca ». Mais il n'est pas plus facile d'expliquer la
disparition du c, si eirancha est identique au provençal
escranca, que la présence de IV, s'il contient le sub-
stantif ancho, hanche. D'ailleurs il n'y a accord séman-
tique complet ni dans un cas ni dans l'autre : un « boi-
teux » n'est pas nécessairement un « éhanché », ni un
homme qui .écarquille les jambes comme un crabe
(cranc).
Eirancha remonte a une ancienne forme *esrancat,
composée avec le préfixe es et l'adjectif ranc « boi-
teux » ; il est formé absolument comme le prov. esclo-
pat et le franc, éclopé, dans lesquels il y a le même
préfixe et l'adjectif clop, synonyme de ranc2.
(Revue des parlers popul., année 1903, p. 175).
XLVIII. — EISSARRAR, ESSERRER
M. Emil Levy a consacré un long article à rectifier
1. J. Foucaud, Poésies en patois limousin, éd. Rubcn (Paris, 1866),
p. 101.
2. Ranc est, comme on sait, d'origine germanique ; cf. Kôrting,
7748.
2j6 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
les erreurs commises par ses devanciers dans l'inter-
prétation de l'ancien verbe provençal eissarrar, icharrar,
qui paraît avoir complètement disparu des patois méri-
dionaux actuels. Il a établi solidement que le vrai sens
du participe passé (car l'on ne trouve que le participe
passé dans les textes) était « embarrassé, perplexe,
irrésolu ' ». Il est évident qu'il ne faut pas le confondre
avec ensarrar « enserrer » ; mais quelle est donc l'éty-
mologie de eissarrar} M. Levy ne s'explique pas à ce
sujet. Il me paraît utile de faire remarquer que le mot
provençal correspond très exactement comme forme
à l'ancien français esserrer, dont on trouvera des exem-
ples dans Godefroy, soit au sens transitif de « égarer »,
soit au sens intransitif de « s'égarer » ; l'étymologie
est manifestement le latin exerrare, que l'on cherche-
rait en vain dans Korting et auquel il faut faire une
place dans la lexicographie de la Gaule.
Godefroy a oublié de noter que le mot était encore
aujourd'hui très vivant dans les patois de la Franche-
Comté et il est bon de combler cette lacune. Voici
mes sources :
« Essara, einsarâ, égaré, Doubs, Jura » (Dartois,
dans Mém. de l'Acad. de Besançon, année 1850, p. 214).
« Ensarrai (s'), s'égarer, perdre le Nord, surtout
dans les bois, dans les neiges » (Tissot, Patois des
Fourgs, dans Mém. de la Soc. d'émul. du Doubs, 1865,
p. 272).
« Echarrant, écarté, désert » (Poulet, Essai d'un vocab.
étym. du patois de Plancher-les-Mines, 1878, p. 114).
1. Prov. Supph-Wœrterb., II, 329.
ENTRENERGE 257
« S êsêrâ, s'égarer » (Grammont, Patois de la Fran-
che-Montagne, dans Mém. de la Soc. de ling., XI (1900),
143)-
En ce qui concerne l'étymologie, Dartois a tout à
fait battu la campagne (il s'adresse au sanscrit) ;
M. Grammont a rapproché le patois de la Franche-
Montagne de l'anc. franc, esserrer, ce qui est mieux ;
enfin le Dr Poulet (qui l'eût cru ?) a deviné l'étymo-
logie et indiqué le latin exerrare.
Il reste à faire une remarque de sémantique en ce
qui concerne l'ancien participe provençal eissarrat.K Le
sens figuré avec lequel il nous apparaît constamment
dans les textes appartient aussi au participe esmarrit.
Or, esmarrit se rattache au verbe marrir, dont le sens
propre est « perdre son chemin, s'égarer », absolu-
ment comme eissarrat se rattache au verbe errar, iden-
tique sémantiquement à marrir1.
XLIX. — ENTRENERGE
Bien que Kôrting ait omis le latin tenebricns dans son
Lat.-rom. Wœrterbuch, on n'ignore pas que ce mot a
survécu dans le prov. tenerc et dans l'anc. franc, tenerge,
tenierge2. L'ancien provençal possède, à côté de tenerc,
1 . Se rattachent aussi a exerrare le messin so hbèrê « se tromper »
(Romania, V, 211) et le lyonnais ensarailli « égaré » (Romania,
avril 1904).
2. Raynouard classe correctement tenerc sous tenebra, mais il ne
connaît pas la forme correspondante de l'anc. français. De l'ar-
ticle tenegre de Godefroy il faut rapprocher le participe atenergé,
qui doitêtre traduit par « obscurci» et non par « attendri, affaibli ».
Thomas. II. — 17
2 58 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
la forme entenerc, qui paraît avoir survécu en Gascogne
et en Quercy avec le sens assez éloigné de « dur d'o-
reille » '. Dans le domaine français, on n'a pas signalé
jusqu'ici de survivance. En voici une bien nette. Le
patois de Fontenay-le-Comte (Vendée) possède encore
aujourd'hui le substantif entrenerge « couleur bleuâtre
que causent les meurtrissures » 2. L'étymologie de ce
mot est si claire qu'il suffit de l'indiquer. Mais il est
intéressant d'enregistrer un exemple de plus de la for-
mation adjective par in H- tenebricus et l'on peut, je
crois, faire remonter jusqu'au latin vulgaire l'adjectif
*intenebricus, qui s'appuie en outre sur les verbes inte-
nebrare et intenebricare qu'emploient les auteurs ecclé-
siastiques?.
L. — ÊQUEMODRE
« Êquemôdre, v. a. Absolument intraduisible en fran-
çais, comme beaucoup d'autres expressions concernant
la vie rustique, ce mot signifie habituer un animal qui
va aux champs pour la première fois à suivre le trou-
peau. »
J'emprunte cette intéressante définition àContejean,
Glossaire du patois de Montbéliard, p. 106. Voilà un
curieux débris de l'ancien français qui vaut la peine
i. Mistral, art. entenerc; le rapprochement avec le bas latin
intemectus me paraît sans valeur.
2. Favre, Gloss. du Poitou; manque dans Lalanne.
3. Cf. l'article enrièvre de mes Essais, p. 289 ; on peut mention-
ner encore dans le même genre incarna et innubilus.
ESCALAOUA 259
d'être recueilli. Êguemôdre est une forme refaite du
verbe médiéval escomovoir ', qui correspond à un type
latin vulgaire *excommovere , attesté aussi parle provençal
escomaver et par l'italien scommuovere. Kôrting ne
donne ni *excommovere ni même commovere : c'est une
double lacune à combler.
LI. — ESCALAOUA
Aicée Durrieux a un article ainsi conçu : « Eska-
laoua, franchir d'un bond, sauter par-dessus l'obstacle
sans le toucher, escalader. Escalaouetos, la situation du
cavalier à cheval2. » Naturellement, il tire ces deux
mots du grec ; on pense bien que je ne discuterai pas
son étymologie (e aâXXopat). Mais il n'est pas inutile
d'expliquer la formation de escalaoua, qui n'a pas de
correspondant rigoureusement exact dans Mistral. Nous
sommes en présence d'une métathèsc, comme on en
rencontre fréquemment en gascon : escalaoua est pour
*escaouala et représente un type latin *excaballare, com-
posé avec le préfixe ex et le substantif caballus, cheval.
Mistral n'offre que des composés avec les préfixes ad
et in ; les formes gasconnes qu'il enregistre sont assez
déconcertantes au premier abord : acaua, acraua, ni-
er aua, encrauera. En tout cas, la présence d'une r dans
trois de ces formes est conforme à la phonétique pure-
1. Cf. cmôdre dans le patois de la Franche-Montagne, de l'an-
cien verbe esmovoir, français actuel émouvoir (Grammont, dans
Mini, de la Soc. de ling., X, 322.)
2. Dict. étym. de la langue gasconne, II, 206.
26o RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
ment gasconne : des types *accaballare, *excaballare et
*incaballare on a dû avoir primitivement *acauarar,
*escauarar, *encauarar, puis, par métathèse, *acarauar,
*escarauar, *encarauar. La forme donnée par Durrieux,
toute intéressante qu'elle est, offre une contamination,
puisque nous y trouvons / = Il latin intervocalique :
au fin fond de la Gascogne existe peut-être la forme
normale, qui serait (avec la graphie de Durrieux) esha-
raoua.
LU. — ESC AU P 1R
On trouve dans Godefroy les substantifs escaupine '
et escharpison « démangeaison » et le verbe escopir
« démanger ». Aux rapprochements qu'il indique avec
les patois actuels on peut ajouter le rouchi caupie (que
Hécart écrit aussi caupi et copï), substantif féminin
qui ne s'emploie guère qu'avec le verbe avoir.
Le verbe escopir, dont la graphie correcte est escaupir,
c'est-à-dire en français normal *échaupir, remonte au latin
scalpere « gratter », devenu, dans la langue populaire
*scalpire. Que le sens ait passé de « gratter » à « causer
une démangeaison », cela n'a rien de surprenant; et le
fait a dû se produire de bonne heure. Peut-être faut-il
déjà en voir la preuve dans l'emploi de l'adjectif scalticus
(évidemment pour scalpticus), par le médecin Theo-
dorus Priscianus, au sens de « dartreux ». Ce qui est
I. Aux exemples cités, ajoutez Camus, Un manuscrit namurois
du quinzième siècle, dans Revue des langues romanes, XXXVIII (1895),
p. 161.
ESCHENYE, ESCHENYA 261
sûr, c'est que scalpere, *scalpire était devenu synonyme
de prurire avant le huitième siècle, puisque le célèbre
manuscrit de Karlsruhe (n° 86) nous offre cette glose :
pruriginem scalpitttdinem ' .
(Cf. Bail, de la Soc. de ling. de Paris, séance du 7 juin 1902.)
LUI. — ESCHENYE, ESCHENYA
Cénac-Moncaut et Lespy enregistrent en termes
identiques l'adjectif eschenye « dépourvu » et le verbe
eschenya « dépourvoir », dont les textes du moyen âge
n'ont pas encore livré d'exemples. Cet adjectif et ce
verbe sont usités dans toute la Gascogne et débordent
même sur le haut Languedoc sous les formes eissinje,
assigne et eissinja, assigna. Le verbe signifie plutôt
« débarrasser, exempter » que « dépourvoir » et l'ad-
jectif a le sens correspondant. Comme étymologie on
a indiqué, soit excinctus (Mistral), soit exire (Visner,
Dicliounari moundi) ; mais il serait superflu de montrer
que cela ne vaut rien. Je propose eximius et le verbe
dérivé *eximiare. On sait que eximius est un dérivé du
verbe exitnere et que son sens propre, attesté par Térence,
Cicéron et Tite-Live, est « excepté, exempté ». Le
gascon rend régulièrement par e Yi bref de eximius ;
mais il y a quelque difficulté pour le traitement du
groupe -mi-. En effet, le bordelais prononce escheini,
1. Fcerster et Koschwitz, Altfr. Uebungsb., 2e éd., col. 31, n°
89. On peut encore citer: scalpitudo id est prurigo, dans Mai,
Opusc. vet. mss. ad Deuteronom.. ., et prurit, scalpit, idest pruriginem
créât (Bibl. nat. lat. 13953, f° 24e)-
262 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
ce qui ne s'accorde pas bien avec Pétymologie eximius,
puisque de slmius le bordelais a tiré sinye. Faut-il rap-
peler que vindemia paraît être devenu de très bonne
heure dans la région gasconne *vindenia, d'où, dès le
moyen âge, vendenha, venenha et plus récemment bere-
nha, aujourd'hui bregno ', et supposer qu'à un moment
donné exïmius serait devenu *exïnius ?
(Mélanges Léonce Couture, p. 262.)
LIV. — ESCLAVAGE
Littré distingue six sens dans son article esclavage. Le
sixième n'a aucun rapport avec les autres, comme toute
personne familière avec le français peut s'en apercevoir.
Voici comment il formule sa sixième section : « Terme
de négoce. Le droit qu'une compagnie de marchands
avait seule de vendre et d'acheter certaines marchan-
dises. » Le Nouveau Larousse illustré résume élégam-
ment la chose en ces termes : « S'est dit autrefois pour
monopole. » On trouvera des détails plus précis dans
les dernières éditions du Dictionnaire de Trévoux ; mais
mieux vaut remonter à la source, qui n'est autre, comme
il est naturel, que le Dictionnaire du Commerce de Savary
des Bruslons, publié en 1723. Voici ce qu'on y lit:
« Esclavage. On appelle ainsi en Angleterre un droit
que l'on fait payer aux François pour avoir permission
d'enlever certaines sortes de marchandises dont la vente
1. Comparez ce qui se passe en provençal où -mnh- peut sortir
du latin -mbi- ou -mi- (Rotnania, XXVI, 282).
ESCLAVAGE 263
appartient par privilège à quelques compagnies ou
societez de marchands anglois. »
On attribue à Colbert un mémoire sur le commerce
delà France, rédigé en 165 1, où il est question des
impositions qui frappent nos nationaux en Angleterre :
« impositions qu'ils (les Anglais) appellent ftEsdavache,
de Cajade, du Survoyeur et du Coquet '. » Il me paraît
certain que Esdavache est une faute de copiste pour
Esclavage2, comme Cajade pour Calage (droit de
quai); mais je n'insiste pas.
Ce qui est vraiment intéressant, c'est de trouver au
seizième siècle une forme qui fait la pleine lumière sur
l'étymologie. On lit en effet dans une requête pré-
sentée à Charles IX en 1564 par les marchands du
royaume: « Les François... sont tenuz de payer un tri-
but qu'ils (les Anglais) appellent Scavalge, qui est un
profit revenant au mayor de Londres, lequel il taxe à son
plaisir 3. » Il est clair que nous avons affaire à l'anglais
archaïque scavage, terme de coutume qui désignait primi-
tivement la taxe payée par les marchands pour pouvoir
montrer (en moyen anglais schewen, en anglo-saxon
sceawian) leurs marchandises, puis toute espèce de taxe 4.
1. P. Clément, Lettres, instructions et mémoires de Colbert, I,
487-491 et II, 405-409.
2. La confusion graphique de cl et de d est des plus faciles et
celle de g et de ch n'est pas impossible.
3. Pigeonneau, Hist. du commerce de la France, II, 473.
4. Le mot scavage a disparu depuis longtemps de l'usage com-
mun de la langue anglaise, mais on se sert encore du dérivé sca-
venger (primitivement scavager) qui, par une curieuse évolution
sémantique et sociale, ne s'applique plus qu'aux boueurs publics.
Voyez Skeat, Dict. ofengl. Etym., v° scavenger.
264 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
La francisation de scavage en escavage est toute natu-
relle; la contamination de escavage par esclavage peut
être irraisonnée, comme tant d'autres. Mais il est pos-
sible aussi que nos aïeux aient été mus par la vieille
animosité contre l'Angleterre et que nous ayons là un
trait inoffensif de « la politique des coups d'épingle1 ».
LV. — ESPERBO
Le sorbier ou cormier et son fruit, la sorbe ou corme,
portent dans le Midi de la France différents noms
qui se répartissent clairement en deux séries. La pre-
mière remonte au latin sorbus, sorbum par les formes
populaires *sorba (pour le fruit) et *sorbaria, *sorbariiun
(pour l'arbre); elle n'offre pas d'intérêt particulier. La
seconde s'éloigne étrangement du type latin : pour le
fruit, on dit espèrbo, aspèrbo, espèro ou espèrouo, pour
l'arbre, esperbié, asperbié, esparouvié ou, au genre féminin,
csperbiero, asperbiero, esparçuviero, esperougueiro. Mistral,
ordinairement si fécond en suggestions étymologiques,
est muet sur l'origine de ces formes divergentes qui
paraissent propres à la partie orientale du domaine de
la langue d'oc2. Il me paraît impossible de les séparer
du nom germanique du sorbier : sperberbaum, en moyen
1. Nous tenons à exprimer nos remerciements à M. Lucien
Schône pour l'obligeance avec laquelle il nous a signalé les textes
de 165 1 et de 1564 utilisés dans cette notice.
2. Elles régnent aussi sur une partie du domaine franco-pro-
vençal, car à Saint-Genis-les-Ollières les sorbes s'appellent anpère
et anpure (Romania, XX, 316).
ESTERCHIR 265
haut allemand spérboum. Il y a là un premier élément
spër dont l'origine est inconnue, mais qui est manifes-
tement commun au germanique et au provençal. Je
me borne à en signaler l'existence, n'ayant pas les
moyens de décider de quel côté est l'emprunt.
LVI. — ESTERCHIR
Godefroy cite trois exemples du verbe esterchir, ester-
kir employé pronominalement au sens de « s'affermir » ' :
deux viennent de Wace, le troisième du poème imité
du Cantique des cantiques que contient un manuscrit du
Mans et qu'on attribue à Landri de Waben, poète de
la région de Montreuil-sur-Mer2. Il est clair qu'il faut
reconnaître à la base de ce verbe l'adjectif germanique
stark, que possèdent en commun l'anglais et l'allemand,
sans parler des autres idiomes congénères. Mais par
quelle voie ce verbe a-t-il pénétré dans le vocabulaire
roman de la Normandie et de la Picardie ? La présence
d'un e dans son thème favorise l'hypothèse d'un em-
prunt relativement récent aux dialectes bas-allemands,
puisque le néerlandais dit sterk et le norois sterkr. Comme
on n'a pas trace en français de l'adjectif correspondant,
on peut supposer que c'est le verbe sterken qui est direc-
tement représenté dans esterkir, esterchir.
1. Un quatrième, où le sens est différent, est sujet à
caution.
2. Voyez sur lui Bonnard, Trad. de la Bible en vers franc., p.
153-
266 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
LVII. — ÊTIS
Beauchet-Filleau a relevé dans le patois de Chef-
Boutonne (Deux-Sèvres) la locution sentir l'éti ou Yaiti
« avoir une odeur ou une saveur aigre-douce et légè-
rement nauséabonde qui indique que l'objet qui l'exhale
commence à se corrompre et à aigrir ' ».
Le Glossaire aunisien de L. E. Meyer, qui repose
essentiellement sur le patois de La Rochelle, donne de
son côté : « goût d'éti, goût particulier des viandes
passées, faisandées2 ». Je ne crois pas que cet intéres-
sant mot éti. figure dans d'autres recueils lexicogra-
phiques. Il est clairement identique au provençal esta-
dis, qui a le même sens et qui est encore bien vivant
des Alpes à la Garonne et des Pyrénées aux sources
de la Vienne 3 : il vient, comme lui, du verbe stare par
l'intermédiaire d'un type latin vulgaire *statïcius (qui
manque dans Kôrting et qui doit y être inscrit à son
rang alphabétique4) et il doit s'écrire normalement
étis. Godefroy a de nombreux exemples de estaïf « lent,
paresseux » : c'est le même thème, avec un suffixe dif-
férent; le type étymologique est le latin classique sta-
i. Essai sur h patois poitevin, p. 110.
2. Académie de la Rochelle. Section de littérature. Choix de pièces
lues aux séances. N° 16, p. 104.
3. Pour les formes actuelles, voir l'art, estadis de Mistral ; pour
les formes médiévales, le Prov.-Suppl. Wœrterb. d'Emil Levy, v°
estaditi.
4. Cf. le latin médiéval staditiiis (à Avignon), qui n'a pas
échappé à Mistral.
FAUTERNE 267
tïvus (encore une addition à faire à Kôrting). Enfin
le languedocien emploie aussi une autre variante, à
savoir estantis, de *stantïcius (troisième addition à Kôr-
ting). Mistral rappelle justement que le catalan a le
même mot et il en rapproche l'italien stantio « croupi,
rance » ; l'italien nous reporte à un autre type du latin
vulgaire : *stantivus (quatrième addition à Kôrting ').
LVI1I, — FAUTERNE*
On lit l'article suivant dans le Dictionnaire de l'an-
cienne langue française de F. Godefroy :
Santeine, s. f., santonine :
Plus fu amere l'iaue que H roi ot beue
Que suie, ne santeine, n'alogne ne ceue.
(Roum. d'Alixandre,f 44'1, Michelant.) Imprimé santerne.
Il n'arrive pas souvent à F. Godefroy de se risquer à
faire de la critique verbale, et c'est heureux; pour une
fois qu'il l'a tenté, cela ne lui a pas réussi. Le manus-
crit suivi par Michelant, Bibl. nat. franc. 786, porte
bien, comme il l'a imprimé, santerne. J'ai collationné
le passage sur quatorze autres manuscrits du Roman
d'Alexandre qui sont à Paris. Voici les résultats de cette
collation. Huit manuscrits ont remplacé ce mot em-
1. Pour le thème de estantil\ et de stanlio, cf. le latin slantarius
« instantané », employé par Julius Valerius.
2. Je tiens à îemercier MM. Kug. Rolland et le Dr Dorveaux
de l'obligeance avec laquelle ils ont mis à ma disposition leurs
notes et leur érudition spéciale ; je leur dois plusieurs indications
importantes pour la rédaction de cette notice.
268 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
barrassant par un équivalent : sept donnent suie des-
trempee ou destempree (Bibl. nat. 368, f° 70*; 790,
f° 57a; 1635, f° 137*; 15094, f° 127- 15095, f° 147*;
25517, f° I2ib); le huitième, lescive meslee (Bibl. nat.
789, f° 52e). Sur les six autres, deux donnent fauterne
(Bibl. nat. 787, f° 56*; 792, f° 98d), un, fanterne (Ar-
senal 3472, f° 30b); un, santerne (Bibl. nat. 375, f°
189*); un, /autre (Bibl. nat. 24366, f° ii4d); un,
siterne (Bibl. nat. 791, f° 45a).
Il est tout à fait certain que la bonne leçon est fau-
terne et ce mot doit prendre place dans le vocabulaire
de l'ancien français; c'est le nom porté dans une grande
partie de la France par une variété d'aristoloche. Ce
nom est particulièrement vivant dans le domaine pro-
vençal. Voici l'article que lui consacre Mistral :
« Fôuterlo, fousterlo, foustello (Var), fousterno, fouttrno, fon-
temo, Janterno, finterno (rouer g.), foutèrio, fauterbo, pantertw (1.)
(v. fr. foterne, du lat. fusterna, nodosité), s. f . Aristoloche clé-
matite, plante qui croît abondamment dans certaines vignes et qui
communique au vin une saveur et une odeur désagréables '. »
Ce n'est pas sans raison que Mistral invoque l'ancien
français foterne. Voici, en effet, ce qu'on lit dans Gode-
froy :
Foter le, foterne, s. f., l'aristoloche ronde:
Malum terne, c'est l'aristologie ronde... Le François dit sarra-
zine et folerle ou foterne (Joub. Interpr. des dict. pharmac. , éd. 1 598).
Le mot, sous sa double forme, a été recueilli par
1 . Aux formes indiquées dans cet article, on peut ajouter infau-
temo, usité à Montpellier, que le D>" Louis Planchon écrit infaou-
tema (Voyez Plantes médicinales de l'Hérault, Montpellier, 1899,
p. 20).
FAUTERNE 269
Cotgrave, et de là il a passé chez Antoine Oudin et
chez Duez; il est encore dans le Trévoux de 1771, au
moins sous la forme foteme. Il serait facile, mais sans
grand profit, d'en trouver d'autres mentions, notam-
ment dans les ouvrages spéciaux de botanique, depuis
le seizième siècle. Je relève seulement, comme parti-
culièrement intéressant, un passage du commentaire
de Hugues Solier, médecin provençal, sur Aétius :
Aristolochia in tria gênera fastigiatur, longa, rotunda et cle-
matitim. Longa officinis nomen retinet ; Arabibus faufel, nostra-
tibus Faiilerlo, et Delphinatibus de blousons nominatur ; Gallis iam
aristolochiae (sic) dici cœpit. Rotunda suam quoque nomencla-
tionem servat ; nostris autem fellayo ', ab amaritudine, quasi
La présence de fauternc dans la partie du roman
d'Alexandre qui a pour auteur Lambert le Tort suffirait
à elle seule pour prouver que ce nom de l'aristoloche
était commun autrefois au Nord et au Midi de la
France; mais on peut invoquer encore le témoignage
d'un manuscrit namurois du quinzième siècle étudié
par M. Camus. On lit en effet dans ce recueil médi-
cal : « Et se faites li boire du jus de fruternel ». L'édi-
teur a fort justement conjecturé qu'il s'agissait de l'a-
1. Le mot fellayo ne figure pas dans Mistral.
2. Aetii... Tetrabiblos..., accesserunt... de simplicibus scholia
per Hugonem Solerii, p. 54 de l'édition de 1560. Sur l'auteur du
commentaire, voyez Legré, La Botanique en Provence au seizième
siècle. Hugues de Solier (Marseille, Aubertin, 1899), p. 20. L'éty-
mologie de fellayo donnée par Solier a du bon ; on ne peut en dire
autant de celle de fauterno proposée par l'abbé de Sauvages : ftl
terrae.
3. Revue des langues romanes, XXXVIII, 163.
270 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
ristoloche et il a rapproché fruterne du foterle des auteurs
du seizième siècle : je ne doute pas qu'il faille corriger
le manuscrit et lire fauterne au lieu de fruterne. Enfin,
il est intéressant de constater que le mot est encore
vivant aujourd'hui dans le parler du Poitou, comme
en font foi ces citations :
Fauterne, s. f. Plante qui vient dans les blés et le long des
haies. Sa graine, petite noire et luisante, communique au pain,
quand elle s'y trouve en certaine quantité, un goût d'amertume
très prononcé et la plante elle-même donne ce goût aux mains
qui l'ont pressée. N'ayant point cette plante sous les yeux en ce
moment, nous ne pouvons en décrire les caractères distinctifs pour
la faire reconnaître des botanistes ; tout ce que nous pouvons dire,
c'est que le provençal appelle fauterno l'aristoloche '.
Futerne, s. f. Aigre (sic). Se dit d'une barrique qui a conservé
un goût d'aigre. Un proverbe poitevin dit : « Aigre quame /;/-
terne 2. »
J'espère qu'il ne subsiste aucun doute maintenant
sur la bonne leçon des vers de Lambert le Tort, et que
le lecteur est convaincu des droits de l'aristoloche à
prendre place parmi les amers, à côté de la suie, de
l'absinthe et de la ciguë :
Plus fu amere l'iaue que li rois ot beùe
Que suie ne fauterne n'alogne ne ceùe.
Je n'ajoute qu'un jnot sur l'étymologie. Fauterne
est le latin /alterna qui figure, comme nom de
l'aristoloche, dans les Dynamidia, recueil de matière
1. Beauchet-Filleau, Essai sur te patois poitevin, p. 112. Cf. L.
Favre, Gloss. du Poitou, p. 1 50 et Lacuve, dans Revue des irad.
pop., 1895, p. 354. A Civray on prononce fonteme (Lalanne).
2. L. Favre, Gloss. du Poitou, p. 164. Un vocabulaire des
environs de Fontenay-le-Comte donne futerne comme synonyme
de « fumeterre » (Lalanne).
FEU1LLER, FEUILLERET, FEUILLURE 271
médicale publié par Angelo Mai d'après un ma-
nuscrit du dixième siècle'. Mais à quelle langue
appartient en définitive falterna, je l'ignore.
(Romania, XXXI, 390-392.)
LIX. — FEUILLER, FEUILLERET, FEUILLURE
Le substantif feuillure est un terme de menuisier qui
n'est pas resté confiné dans le langage technique de
la corporation : Richelet, Furetière et le dictionnaire
de l'Académie se sont empressés de lui faire bon ac-
cueil. « Feuillure de porte, feuillure de fenêtre, ce sont
des bords de porte ou de fenêtre qui s'emboîtent dans
les châssis », dit Richelet. Furetière est plus précis :
« Feuillure, s"e dit des cannelures à angles droits qui se
font aux bords des portes, des fenestres, volets et de
toutes les choses qu'on veut faire fermer juste, qui
entrent les unes dans les autres. » Et il donne aussi
le substantif feuilleret « espèce de rabot, outil à fust
servant aux Menuisiers à pousser des feuillures ». L'exis-
1. Class. auctorum..., VII, 441 : « Aristolochiae, id est falternae,
hoc est raiae, gênera sunt tria. » Falterna a été relevé par M. Wôlfflin
dans ses Addenda lexicis latinis (Archiv fur lat. Lexicogr., III, 133) ;
le rapprochement qu'il fait avec l'article faltermim de Papias (sneci-
num ad similitudinem vint et mellis dictant) ne nous avance guère.
2. L'allemand appelle le liseron Faliblume (fleur pliante) ; mais
il n'y a aucune vraisemblance, au point de vue botanique, à voir
dans falterna le radical germanique falth- « plier ». D'autre part,
il est bon de noter que les Dynamidia sortent de l'école de Salerne
(E. Meyer, Gesch. der Botanik, III, 488), de sorte que falterna
appartient à la fois à l'Italie et à la Gaule.
272 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
tence de feuillure et âefeuilleret implique celle du verbe
feuiller, bien que ce verbe n'ait été recueilli que par
les lexicographes postérieurs.
Les étymologistes n'ont pas accordé à cette petite
famille de mots l'attention qu'elle mérite. Le Diction-
naire de Trévoux traduit en latin feuillure pour foliatio ;
Roquefort place feuillerel et feuillure parmi les dérivés
de feuille; les autres ont suivi moutonnièrement, y com-
pris les auteurs du Dictionnaire général au nom des-
quels je viens faire tardivement un mea culpa.
Pour peu qu'on y prenne garde, on ne peut hésiter
à considérer le verbe technique feuiller comme un
doublet du verbe commun fouiller, dont la forme pri-
mitive est foeillier, du latin vulgaire *fodiculare' . Il est
inutile d'insister: je ferai seulement remarquer que la
langue technique emploie dans un sens analogue le
verbe refouiller et le substantif refouillement.
On peut se demander comment il se fait que la
forme primitive foeillier ait ainsi bifurqué pour aboutir,
d'une part à fouiller, d'autre part à feuiller. L'ancien
français a une tendance marquée à réduire -eil- atone à
-il: de là des formes qui se sont souvent perpétuées
jusqu'à nos jours, comme Châtillon, éparpiller, essoriller
(malgré oreille), papillon, pavillon, tilleul, vermillon
(malgré vermeil, etc.). Il est donc naturel que foeillier
et foeillier (du latin vulgaire *tudiculare a) soient deve-
nus foïllier, t oïl 'lier, puis fouiller et touiller, comme
roïllier est devenu rouiller. D'autre part, l'ancien fran-
i . C'est à Ménage que revient le mérite d'avoir trouvé l'éty-
mologie de fouiller, et cela dès 1650.
1. Cf. mes Essais, p. 391.
GARLIMEN 273
çais disait foiller et faillir au sens de « pousser des
feuilles » ; de bonne heure, sous l'influence de fueille
(feuille), il a dit fueillier , fueillir ; plus récemment écrit
f cuiller, feuillir. C'est par contamination que fouiller
« faire une entaille » est devenu feuiller dans la langue
des artisans.
Puisque l'occasion se présente, je ferai remarquer
que le substantif feuillure est employé par la langue
technique dans un sens que les dictionnaires ont géné-
ralement oublié d'enregistrer. V Encyclopédie Méthodique,
à l'article Meunier (paru en 1788), donne la définition
suivante : « Entrepied d'une meule, c'est la partie qui
joint la feuillure concentriquement et qui se termine
au cœur. » Tous nos grands dictionnaires contempo-
rains ont reproduit cette définition ', sans songer à faire
une place, a. l'ordre alphabétique, à ce sens du mot
feuillure. Je ne saurais en expliquer l'origine : je me
borne à remarquer, d'après la Grande Encyclopédie (ar-
ticle Moulin, tome XXIV, p. 483), que cette partie
de la meule des meuniers s'appelle aujourd'hui couronne
ou feuillard.
XLVI. — GARLIMEN
Le mot garlimen manque dans le Trésor de Mistral.
Il revient à plusieurs reprises dans les Counteis de la
Queirio de Jean Lalet, recueil dont la langue est celle
1 . Certains ont fait un quiproquo sur meule et ont cru qu'il s'a-
gissait d'une meule de foin, notamment Beschcrelle et De Chcsnel
(Dict. de technologie, Migne, 1857).
Thomas. II. — 18
274 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
des environs d'Excideuil (Dordogne) ' : Fauve et Rouje,
tachât s per las oùreillas, tirent lou garlimen (p. 7); per
tenei lou garlimen (p. 17); m lou garlimen que traino
soun manlie (p. 32), etc. L'auteur explique en note que
garlimen désigne la charrue. Il est clair qu'il faut recon-
naître dans cet office le provençal commun garnimen
qui, du sens général de « ce qui garnit, harnache-
ment », a passé au sens spécial de « harnais servant à
labourer ». Pareille aventure sémantique est arrivée au
mot arnes « harnais » qui, non seulement en Gascogne,
comme le dit Mistral, mais dans la Creuse (et ailleurs,
bien sûr) est devenu synonyme, lui aussi, de « char-
rue ». Ce qui est surtout remarquable dans la forme
périgourdine garlimen, c'est la dissimilation de n en /,
dissimilation due manifestement à la présence d'une
désinence en -mm et qui témoigne d'une rupture bien
nette, au point de vue sémantique, entre garnir et son
dérivé. J'imagine que M. Grammont formulerait ainsi ce
phénomène : intervocalique tonique dissimile appuyée
atone. Je cherche en vain la place de cette formule
dans les vingt lois qu'il a promulguées sur la dissimi-
lation en l'an de grâce 1895.
(Revue des parlers popul., année 1903, p. 176 ; cf. Bull, de la Soc.
de Ling. de Paris, séance du 28 mars 1903.)
XLVII. — GlERRE
Le très ancien français possède une conjonction à
1. Sur l'origine dialectale de ces contes, vov. Roniania, XXIV,
628.
GIERRE 275
peu près synonyme de « donc » dont la forme flotte
entre gierre, gierres, gieres, giers, gers l et dont l'étymo-
logie n'est pas transparente. Diez hésitait entre igitur
et ergo, mais recommandait plutôt ce dernier type.
M. Suchier a proposé de *ha re (pour de bac re)2;
M. Cornu s'est fait le champion de igitur 3; M. Schu-
chardt a indiqué en passant ea hora*; tout récemment,
enfin, M. Meyer-Lûbke s'est prononcé en faveur de de
ea reî. Les lois phonétiques écartent absolument ergo
(qui aurait donné *erc) et igitur (qui aurait abouti à
*oirrè). En admettant que ea hora se soit contracté en
*eara, il aurait effectivement donné giere; mais le sens
ne convient pas très bien. Avec de *ha re et de ea re on
obtient également gier ; mais comment expliquer la
présence de deux r dans les psautiers d'Oxford et de
Cambridge ? Je ferai remarquer que pour obtenir gier,
il suffit de partir du latin classique ea re et que pour
expliquer la forme concurrente gierre on a une base
excellente en partant de ea de re.
On n'a pas signalé jusqu'ici la survivance de cette
ancienne conjonction dans les patois actuels; pourtant
il est impossible de la méconnaître dans dçare que J.
1. Voyez Godefroy, à l'article gieres; ajoutez un exemple de
gierre dans le psautier de Cambridge, p. 282, et comparez l'article
regieres. Gers apparaît dès le dixième siècle chez un grammairien
ano nyme qui le donne omme équivalent du latin ergo, itaqae,
igitur (Z. f. rom, Pbil., XV, 241, et XXVII, 508 ; Romania, XXXI,
593, et XXXIII, 91).
2. Z. fur rom. Pbil., I, .131.
3. Romania, X, 399.
4. Z. fur rom. Phi]., XV, 24 1 .
5. Gramm. des l. rom., III, ^ 259.
276 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Tissot a relevé, il y a quelques quarante ans, dans le
patois des Fourgs (Doubs) et qu'il traduit par « en ce
cas, s'il en est ainsi, alors ■ ».
LXII. - HALEINE
Nos vieux étymologistes ne paraissent pas s'être
préoccupés de l'étymologie du mot haleine ; du moins,
ils n'ont pas pris soin de nous dire ce qu'ils en pen-
saient. Diez admet que le verbe latin anhelare, prononcé
anelare, est devenu par métathèse *alenare, d'où l'on
a tiré ensuite un substantif verbal *alena, représenté en
italien, en provençal et en français ; il écarte l'hypo-
thèse que halare ait pu produire un substantif *halena,
le suffixe -ena étant pour ainsi dire inconnu au latin.
Littré a pris le contrepied de l'opinion de Diez; con-
sidérant que la métathèse est insolite et que le suffixe
-ena n'est pas aussi rare que le croit Diez, il se pro-
nonce pour un type étymologique *halena. Le Diction-
naire général accepte *halena, en faisant remarquer que
anhelare a pu influer sur cette formation exceptionnelle.
C'est à peu près l'opinion de M. Meyer-Lûbke, qui a
écrit: « Le latin vulgaire anelare de anhelare doit sa
modification à l'influence de halare2. »
Or, un texte carolingien, publié il y a quelques
années et auquel les romanistes n'ont peut-être pas
prêté assez d'attention, nous apporte des lumières nou-
1 . Mèm. de la Soc. d'émul. du Doubs, 3e série, IX (1864), p. 261 .
2. Gramm. des l. rom., I, § 581.
HAMPE 277
velles sur cette délicate question. Dans les Miscellanea
Tironensia que M. W. Schmitz a tirées du ms. Vatic-
Reg. 846, on lit, en caractères ordinaires,, anela, avec
son synonyme en latin littéraire flatiis, et quelques
lignes plus loin anela calida ' .
Ainsi, au huitième siècle, au plus tard, on avait tiré
du verbe anelare un substantif verbal féminin anela
qu'on employait exactement dans le sens où nous em-
ployons aujourd'hui haleine. Il faut bien admettre que
la métathèse de anela en *alena est postérieure; par
conséquent, toute influence du verbe halare, que rien
ne nous autorise à considérer comme populaire, paraît
devoir être écartée2.
LXIII. — HAMPE
Le français hésitait, au dix-septième siècle, entre
hampe et hante : Vaugelas déclare que si l'on dit l'un
et l'autre, « hampe est incomparablement meilleur et
plus usité. » Aujourd'hui la question ne se pose plus:
hampe seul est « français » et hante cache sa défaite au
fond des campagnes de la Normandie et du Maine. Ce
dernier mot apparaît, sous la forme hanste, dans nos
1. Mise. Tironiana (Lepzig, Teubner, 1896), p. 35.
2. Cf. anhella dans le glossaire latin-anglo saxon publié par
Hessels(note de M. Meyer-Liibke, Krit. Jabresb., II, 70) et hanela
dans le ms. 337 de Berne. Mon collègue, M. Mario Roques, me
signale, en même temps que cette dernière forme, un exemple
très précieux de la métathèse, remontant au moins au dixième
siècle, dans la glose : anhelitum qui de aliéna (pour alerta) laborant
(Gcetz, Corp. Gloss., III. 597, 38).
278 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
plus anciens textes; au contraire, hampe est relative-
ment récent et, bien qu'employé par Amyot et par Ron-
sard, il ne figure pas dans le Thresor de Nicot. D'où
vient-il ? Diez le rattache à l'allemand handhabe, mais
sans aucune vraisemblance. Le Dictionnaire général
admet que hampe est une altération de hante; encore
faudrait-il trouver quelque raison d'être à cette alté-
ration. Voici une hypothèse.
Nos patois de l'Est possèdent le substantif ampe et
le verbe amper, écrits à l'origine empe et emper. Comme
l'a montré M. Horning, ce sont des doublets des mots
français ente et enter ' : empe est sorti du latin vulgaire
*empotum, grec Ijaçutov, par conservation de la syllabe
pénultième et chute de la finale2. M. Horning ne cite
que deux exemples de la forme verbale, tous deux du
douzième. En voici un de la fin du quatorzième. On
lit dans Le saint Voyage de Jherusalem du seigneur d'An-
glure, édition Bonnardot et Longnon, § 297 : « Emmy
icelle croix a une petite croix empée, de la vraye croix
Nostre Seigneur. » Dans le glossaire afférant à l'édi-
tion, empée est traduit par « hampée », sans commen-
taire, et ce passage est reproduit dans le Complément de
Godefroy comme contenant le plus ancien exemple
connu de l'adjectif actuel hampe « muni d'une hampe ».
C'est un faux sens: empée veut dire « entée », c'est-à-
dire « insérée en prolongement ». Mais il est facile de
concevoir le rapport sémantique de « ente » et de
1. Zeitschr. f. rom. Ph., XV, 496, et XVI, 242.
2. Horning, Die Behandluw der lateinischen Proparoxytona,
Strassburg, 1902 (Beilage zum Programm des Lyceums, no 578).
HISTAR 279
« hampe ». Comme d'autre part ente et empe étaient
synonymes, s'il a existé une région mixte où l'usage
flottait entre empe et ente, c'est là qu'a pu se produire la
substitution de hampe à hante dans le sens de « long
manche, tige ».
XLVIII. — HISTAR
Carpentier a relevé le substantif masculin histar dans
une lettre de remission de 1416, où le sens de ce mot
est précisé par un commentaire explicatif'. On lit en
effet dans ce document : « histar ou friche plain de
genestes. » Godefroy s'est approprié, comme d'habi-
tude, l'extrait fait par Carpentier et il traduit histar par
« friche, terrain couvert de halliers ». Pourquoi « hal-
liers » et non « genêts » ? Parce qu'il n'a pas vu que
dans histar il y avait le latin genesta 2, plus un suffixe,
comme cela saute aux yeux de tout bon philologue. La
disparition de Yn de genesta sent son gascon d'une lieue.
Effectivement, le texte qui appelle histar un champ de
genêts a été rédigé dans le pays de Bigorre, puisque
c'est ce pays qui est le théâtre du drame qui a motivé
la lettre de rémission. Voici le document lui-même
dans toute sa teneur, sauf toutefois les dernières lignes
par lesquelles le roi déclare dans les formes, mais non
compendieusement, qu'il accorde la grâce qu'on a sol-
licitée de lui. C'est un « fait divers » de chasse qui
i. Insertion dans Du Cange, article hirstis.
2. Forme plus usuelle que genista.
280 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
rompra agréablement, pour certains de nos lecteurs,
la monotonie des spéculations philologiques.
Charles, etc. Savoir faisons a tous presens et a venir Nous avoir
oy la supplicacion des amis de Domenge de Baylat, autrement dit
de Soussenez, du lieu de Ader>, en nostre pais de Bigorre, con-
tenant que, ou mois de décembre derrenierement passé ou envi-
ron, nostre amé Pierre d'Antin2,escuier, seigneur des lieux d'Ours ?
et de Puiferrier, pria aucun de ses amis dudit pais de Bigorre qu'ilz
lui feissent compaignie en un certain voyage ou il vouloit aler, et
de fait alerent avecques lui plusieurs compaignons dudit lieu de
Ader et de certains autres lieux d'ilec environ, garnis les aucuns
d'arbalestes et les autres d'autres abillemens ; et après que ilz l'eu-
rent acompaignié et s'en retournoyent et furent en un lieu dit
Lanne Morime (sic), ilz virent en un histar ou friche plain de
genestes, assez près de leur chemin, un cerf, lequel cerf, quand
les vit, se coucha entre les dites genestes et ilz tous le environnè-
rent pour lui traire des arbalestres, et leur trayrent les ungs d'un
costé et les autres d'autre costé, et, en trayant audit serf, Jehan
de Sossenetz, du lieu de Bertrachees, cousin bien prouchain dudit
Dommenge suppliant, fu féru parmi le front d'un vireton ou
reillon, dont il cheut a terre et assez tost après morut, et, pour
savoir de quel arbaleste ledit cop estoit venu, se assemblèrent tous
ceulx qui audit cerf avoient tiré, et par les enseignes de leurs
viretons ou reillons trouvèrent que ledit vireton estoit dudit
Domenge suppliant, et qu'il l'avoit tiré, dont il fut moult dolant
et courroucié...
Donné a Paris au mois d'aoust l'an de grâce mil cccc et seze,
de nostre règne le xxxvje.
Par le Roy a la relacion du Conseil,
J. Charenton.
(Arch. nat., JJ 169, n° 347.)
Je reviens à histar. Le type latin correspondant est
*genestaris, qui a donné l'ancien provençal genestar et
1. Adé, canton de Lourdes.
2. Antin, canton de Trie-sur-Baïse.
3. Ours-Belille, canton de Tarbes.
HISTAR 281
le catalan ginestar. On trouve dans le cartulaire de la
Sauve-Majeure giestar1 : c'est une forme gasconne. Pri-
mitivement, le gascon devait dire *geestar : de *geestar
on a fait d'une part giestar, par changement en i de
IV en hiatus, et de l'autre *gestar, par contraction de
ee en e : cet ancien *gestar est représenté par le béarnais
moderne gesta2. En Bigorre, le^ latin initial devant e,
i est traité comme le /, c'est-à-dire prononcé y: il est
curieux de voir ce son initial représenté par /; dans notre
forme médiévale histar, contraction de *hiestar ; cela
rappelle la phonétique espagnole qui nous offre hiniesta
« genêt » de genesta, hermano « frère » degermanus, etc.
L'emploi du suffixe -aris ajouté à un nom de végétal
pour désigner un lieu où abonde ce végétal a depuis
longtemps été signalé en espagnol : avellanar « cou-
draie », alisar « aunaie », etc., etc. î. On n'a pas jus-
qu'ici accordé la même attention aux dialectes du Midi
de la France. A vrai dire, en dehors de la Gascogne,
l'emploi de ce suffixe avec cette fonction spéciale est
assez rare : je ne le trouve guère que dans genestar, fel-
gar et segalar. Mais en Gascogne, particulièrement dans
la région pyrénéenne, le suffixe -aris a autant de vita-
lité qu'en Espagne même. La liste suivante, rédigée
surtout d'après le Dictionnaire béarnais de Lespy et
1. Luchaire, Recueil, au glossaire.
2. On trouve aussi dans les Basses-Pyrénées et dans le Gers une
forme gnesta « champ de genêts » et le simple correspondant
gnesto et même agnesto « genêt » : l'origine du son initial g n n'est
pas très claire. Ce même son initial existe dans gnèbre, pour *giebre
« genévrier ».
1. Voyez Diez, Gramm. des lang. rom., trad. franc., II, p. 322,
et Meyer-Lùbke, Gramm. des lang. rom., II, § 464.
282 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Raymond, en fournira abondamment la preuve. En
cela, comme en maint autre point, le gascon tient de
plus près à la langue d'outre Pyrénées qu'à celle d'outre
Garonne ' .
sapinière. caneba, chêne vière (Alcée Dur-
agreula, houssaie. rieux).
arraba, ravière. caular (ancien béarnais), terrain
arraga, fraisière. planté de choux.
auga, terrain couvert d'algues, cassourra, terrain couvert de chê-
bedoura, boulaie. nés de haute futaie dits cassour-
bernata i, aunaie. res.
bouscarrd4, taillis, fourré. ceba, oignonière.
brana, abrana, terrain couvert de cibada, ciouasa, aveinière.
bruyère. gabarra, terrain couvert de la
brouca S, épinaie. variété d'ajoncs dite gabarre.
bruchaga &, terrain couvert de garrabonsla, taillis de chênes ra-
broussailles. bougris.
bruchoa 1, terrain couvert de garrigata 8, taillis de petits chê-
buissons. nés.
bruga, terrain couvert de bruyè- gesta, gnesta, genêtière.
res. haba, champ de fèves.
i . Voyez les intéressantes remarques présentées à ce sujet par
M. Bourciez dans le Bulletin hispanique, avril 1901, p. 159. Le
suffixe -aris a déjà été signalé ci-dessus dans le mot gascon cuioîar.
En dehors du règne végétal on le trouve encore en gascon dans
hanga « bourbier » et dans cabilha (Landes) ou calhioua (Gers) « che-
ville du pied ».
2. Nous ne suivons pas la graphie béarnaise : abedaa, agreu-
laa, etc.
3. Suffixes -ail- -+- -aris-,
4. Suffixes -arr- -f- -aris.
5. De là le nom du célèbre médecin et anthropologiste Broca,
lequel était d'origine béarnaise.
6. Suffixes -ac — h -aris.
7. Lespy et Raymond écrivent bruhoaa, mais renvoient à bruchoc
et à bruchoo « buisson ».
8. Suffixes -ait- -f- -aris.
IORBE 383
hea, hia, pré (terrain couvert de poumera, pommeraie.
foin). prada, prairie.
heuga, hottga, fougeraie. rastoura, champ couvert d'éteule.
hougara ', fougeraie. roumenta, champ de froment.
terrain couvert d'ajoncs, saliga, saussiga, saussilha, saus-
junca, younca, jonchaie. saie.
milhassa-, champ de mais. segassai, ronceraie.
milhouca, champ de maïs. sesca, lieu couvert de glaïeuls.
nouguera, terrain couvert de soustra 6 (ancien béarnais), terrain
noyers. couvert d'ajoncs et de genêts.
ourtiga, terrain couvert d'orties, tausia, taillis de chênes tauzins.
pignada 5, forêt de pins. touja, touya, tuya, terrain couvert
poumata*, pommeraie. d'ajoncs.
(Mélanges Léonce Couture, p. 263-265.)
LXV. — IORBE
Je relève dans le Glossaire du patois de Montbéliard de
Contejean, p. 127, un mot bien intéressant et que voici
avec son contexte :
« Iôrbe, s. f. Escalier en vis ; tour dans laquelle se
trouve un pareil escalier. — Du latin orbis, cercle,
circuit; d'où orbe, orbite. »
Je crois que Contejean s'est tout à fait trompé en
1. Suffixe -aris redoublé.
2. Lespy et Raymond écrivent milhasa.
3. Littré enregistre, dans le même sens, un substantif féminin
pignade, qui est une francisation maladroite du gascon. Dans
pignada, nous avons un type étymologique "pinea -+- aris. Beaucoup
d'écrivains emploient aujourd'hui pignada comme mot français.
4. Suffixes -att- -+- -aris.
5. Suffixes -aci- -+- -aris.
6. Ces plantes sont appelées souslre parce qu'elles servent à taire
la litière (soustrar).
284 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
faisant appel au substantif orbis : c'est à l'adjectif orbus
qu'il faut s'adresser. On sait que l'ancien français orbe
« aveugle », comme son synonyme actuel, s'applique
fréquemment à un lieu obscur.
Reste à identifier le premier élément du substantif
comtois iôrbe. Il faut, sauf erreur, y reconnaître tout
simplement vis, c'est-à-dire « escalier à vis » . La for-
mation du mot composé, c'est-à-dire la soudure intime
des deux éléments composants, ne s'est produite qu'a-
près la réduction de vis à vi. Quant à la chute du v
initial, on peut citer d'autres exemples où, comme ici,
le v a été absorbé par le son d'un i en hiatus, c'est-à-
dire devenu v: normand yorne, pour viorne, de*viburna ' ;
patois des Fourgs arieutan, du français orviétan1 ;
savoyard yable, clématite, pour viable, de vitem
albami; valaisan ya, pour via, de vita; yad%e, pour
viad^e, de viaticum; yéda, pour viéda, de vivenda, etc. 4.
XLIX. — IVIERE
Grandgagnage a enregistré dans son Dictionnaire éty-
mologique de la langue wallonne un substantif féminin
ivière, au sens de « neige », qu'il tire du latin hiberna.
J'ai proposé, au contraire, de rattacher le mot wallon
à nivaria, qui survit dans presque toutes les langues
1. Rolland, FI. pop., I, 4.
2. Tissot, à l'article.
3. Rolland, FI. pop., I, 2.
4. Gilliéron, Pat. de Vionna\, p. 182.
JA1NÇ0N 285
romanes *. Ce faisant, j'oubliais que le suffixe -aria
aboutit en wallon à -ire et non à -ière, ce qui est une
grosse étourderie. M. Horning me l'a fait judicieuse-
ment observer. Reprenant à son tour la question, il
établit que la forme wallonne, mal connue de Grand-
gagnage parce que ce mot n'est pas usité à Liège où
l'on dit nivâie, mais à Malmédy et dans la région des
Ardennes, n'a aucun droit sérieux à un e final, mais
doit s'écrire ivier (avec un r sonore, comme dans le
français hiver) ; que les auteurs qui signalent le mot
n'en indiquent pas le genre; que dans les Ardennes il
cumule les sens de « hiver » et de « neige », ce qui
appuie l'étymologie hibernum2. Je suis tout à fait con-
vaincu et j'abjure publiquement nivaria.
LXVII. — JAINÇON
L'abbé Lalanne a relevé dans le patois de Châtelle-
rault l'expression les jainçons des doigts pour dire les
« jointures » et il a invoqué le latin junctura pour
l'expliquer 3. Ce n'est pas junctura, mais junctio qui est
en cause et cela même est intéressant, car l'on n'a pas
signalé jusqu'ici de trace de junctio dans la couche
populaire des langues romanes. D'après le modèle de
punctione, qui aboutit à poinçon, on a dû avoir *joinçon
de junctione. Le changement de la diphtongue nasale
1. Mélanges, p. 93.
2. Z. fur rom. Phil., XXVII, 147.
3. Dans le tome XXXII, 2e partie, des Mém. Soc. Antiq. de
l'Ouest, paru en 1868.
286 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
oin en ain ne fait pas difficulté: on trouve dans le
recueil de l'abbé Lalanne aijtse « peau qui recouvre les
jointures des phalanges sur le dessus des mains », qui
correspond à la forme ancienne oince ■ et, en français
même, l'ancien comparatif joindre (de junior) est devenu
finalement gindre, nom du premier ouvrier d'une bou-
langerie2.
LXVIII. — JOINCLE
L'article jùvencus de Kôrting fait au latin de la Gaule
une part à la fois insuffisante et mal distribuée ' : on
y trouve indiqués le provençal junega et le diminutif
français jouvenceau ; rien de plus. Or, le provençal
junega ne se rattache pas directement à jùvencus : il
vient d'un type *jûnïca, refait sur le nominatif jûnix,
tandis que le français génisse représente *jûnïcia4. Quant
au français jouvenceau, personne ne doute qu'il vienne
d'un diminutif latin vulgaire *juvencellus, mais pour-
quoi ne pas mentionner sur la même ligne le provençal
jovencelî ? D'autre part, avant de pousser la lignée de
*juvencellus, il eût été bon de s'assurer si jùvencus lui-
même n'avait pas. de représentants sur le soi de la
i. Cf. mes Mélanges, p. 133, art. roinse.
2. Cf. ci-dessous l'art, joindre.
3. 2c éd., n° 5236.
4. Essais, p. 85. Malgré les apparences, le patois des Fourgs
d^eunseu se rattache au français et non au provençal.
5. Kôrting mentionne le provençal jovencel à l'article juvenis,
n° 5237, en lui assignant à tort un type latin vulgaire *juvencillus.
JOINCLE 287
Gaule. En ouvrant Mistral à l'article jouvencèu, M. Kôr-
ting aurait appris que « jouvenceau, jouvencelle » sont
rendus en béarnais moderne par youenc, youenco, et
j'espère qu'il n'aurait pas hésité à brûler le junego pro-
vençal pour adorer le youenco gascon comme incarna-
tion de juvenca.
En français propre, jouvenceau nous apparaît dès
l'origine (sous la forme jovenceï) avec le sens exclusif de
« jeune homme » ; mais on sait que le latin juvencus
signifie à la fois « jeune homme » et « jeune taureau ».
Il est intéressant de constater que ce dernier sens a
survécu dans la région de la Franche-Comté et qu'il
s'est attaché au dérivé *juvencellus : de là jouvence (Dar-
tois, Mém. de l'Acad. de Besançon, 1850, p. 15e) ou
djevencé (Contejean, Patois de Montbéliard , p. 93)
« bouvillon ».
Mais ce n'est pas seulement *juvencellus qui vit encore
avec le sens de « jeune taureau » au fond de nos cam-
pagnes. On y trouve môme juvenculus tout craché ' et
dans une région bien éloignée de la Franche-Comté,
à savoir dans le Poitou, où l'abbé Lalanne a signalé
(mais en invoquant à tort juvencus au lieu de juvenculus)
les différentes formes joincle, jouincle, joncle (avec cl
mouillé) et junque (avec chute de 17) qui s'appliquent
dans toute l'étendue des trois départements de la Vienne,
des Deux-Sèvres et de la Vendée à un « veau de deux
ans que l'on commence à mettre au joug2 ».
1. C'est le cas de rappeler cette remarque de YAppendix Probi
(P. Meyer, Rec, p. 1, 1. 30): juvencus, non juvenclm.
1. Gîoss. du ùatois poitevin, dans le t. XXXII, 2e partie, des
288 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
LXIX. — JOINDRE, JEGNOR
Littré attribue à Du Cange le mérite d'avoir reconnu
comme représentant légitime en français du latin junior
le substantif gindre, que Ménage croyait être originai-
rement identique à gendre (je me hcâte d'ajouter qu'on
appelle gindre le premier ouvrier d'une boulangerie,
car ces lignes tomberont peut-être sous les yeux d'un
lecteur qui ne sera ni philologue ni boulanger et je
tiens à m'assurer sa reconnaissance). La vérité m'oblige
à déclarer que Littré s'est trompé, et je le regrette
pour Du Cange, qui était très fier, dit-on, de ses
étymologies françaises et qui n'a pas eu souvent la
main heureuse. C'est Nicolas de la Mare qui a rap-
proché gindre de junior1, et tout le monde doit l'en
féliciter.
Donc gindre, autrefois joindre, représente le nomi-
natif junior, prononcé en latin vulgaire avec un u bref
(d'après jùvenis) et non avec un u long comme en
latin classique 2. L'accusatif *jùniorem a dû devenir de
bonne heure *jeniorem par dissimilation, d'où, en lan-
gue vulgaire jegnar. Cette dernière forme manque dans
Mem. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest (1868). Cf. l'article jouencle
« bœuf de deux ans » dans le Gloss. du Poitou de L. Favre.
1. Traité de la police, t. II, livre 5, titre 12, chap. 3, p. 188.
2. Le nominatif s'est conservé dans la Suisse romande; cf.
Gilliéron, Patois de Vionna\, p. 147 : « D^egne, garçon vacher. »
Les nombreux exemples de genvre que Godefrov a enregistrés à
l'article jovenor remontent à juvenis et non à junior.
LAUS 289
Godefroy ' ; mais il n'est pas douteux qu'elle ait réel-
lement existé en ancien français. Faute de textes écrits,
j'en appelle au patois des Fourgs (Doubs) qui possède
encore aujourd'hui le mot d^gnou, et j'emprunte à
Tissot la définition de ce mot : « Domestique de chalet,
employé au soin des vaches, de l'étable et de la froma-
gerie2. »
On voit que l'accusatif juniorem a eu en Gaule un
développement sémantique analogue à celui du nomi-
nmi junior. En Italie, l'accusatif a seul survécu ; Canello
l'a depuis longtemps reconnu dans l'italien dialectal
gignore « apprenti 3 » .
L. — LAUS
Raynouard et Mistral ne connaissent qu'un mot laus,
lequel est substantif et veut dire « louange ». Mais il y
en a un autre, particulièrement fréquent dans les textes
béarnais, lequel est adjectif et signifie, d'après Lespy et
Raymond, « abandonné, vacant ». Il se dit des maisons
et des terres. On en a tiré laussedat et laussetat « mai-
son abandonnée, domaine abandonné » et alaussat,
alaussit qui s'emploie à peu près au sens même du
simple laus. Je me figure que l'étymologie doit être le
latin lapsus, participe de labi, et que le sens propre
1. Il ne faut pas la confondre avec jovegnor qui remonte au
latin juveniorem.
2. Mèm. de l'Acad. d'cmul. du Doubs, ^ série, t. IX (1864),
p. 262.
3. Arch. glottol., III, 341.
Thomas. II. — 19
290 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
doit être « tombé en ruine » . J'ai signalé ailleurs * l'an-
cien limousin eslaus, aujourd'hui eilau ou orlau « lan-
cière d'un étang », qui vient du latin vulgaire *exlapsus.
Le changement du groupe ps en us se retrouve non seu-
lement dans aus « toison » (de hapsus) et dans eus
« même » (de ipsè) que j'ai cités à ce propos, mais
dans caus, limousin chaus « chas d'aiguille » (de cap-
sus).
(Mélanges Léonce Couture, p. 266.)
LI. — LEDANJOS
Mistral embrigade le gascon hdanjo « louange » parmi
les représentants actuels de l'ancien provençal lau^enga.
Il y a cependant à cela une grosse objection linguisti-
que : rien n'explique le changement de la syllabe initiale
lau- en le-. La source de Mistral est vraisemblablement
le Dictionnaire gascon-français de Cénac-Moncaut. Or,
ce dernier ne donne que la forme plurielle ledanjos.
Je ne puis m'empêcher de croire que ledanjos vient du
latin hellénique litanias « litanies », dont il représen-
terait très exactement la forme populaire, puisque 17 de
la syllabe initiale, étant bref, doit se changer en e et le /
médial intervocalique s'affaiblir en d. A côté de ledanjos
« louanges», Cénac-Moncaut enregistre ledanios « lita-
nies, catalogue, énumération » : ce ledanios est une
forme demi-savante.
{Mélanges Léonce Coulure, p. 266.)
1. Essais, p. 291.
LU. — LIOUBE
Tous les grands dictionnaires français enregistrent
le terme de marine lioube « entaille angulaire qu'on fait
dans toute l'épaisseur d'une pièce de bois pour recevoir
l'extrémité d'une seconde pièce qui doit lui être liée »
(Willaumez) et le verbe correspondant enliouber. J'ai
montré que lioube venait des patois du Poitou et de la
Saintonge et j'en ai rapproché le verbe berrichon égliober
« déchirer longitudinalement les fibres ligneuses d'un
arbuste » (Jaubert) ; puis, cherchant l'étymologie, j'ai
proposé le grec ykwft « entaille » par l'intermédiaire
d'une forme *glùpa qui aurait pu en être tirée dans le
latin vulgaire1.
Sans connaître mon article, M. Behrens a étudié de
son côté le mot lioube2: il le rattache à un substantif
tiré du verbe allemand klieben « fendre » qui a dû exister
très anciennement sous la forme *hlùba ou peut-être
*klùbba et dont M. Meyer-Lûbke a montré la survivance
dans de nombreux mots dialectaux de l'Italie septen-
trionale?. Je n'hésite pas à donner aujourd'hui la pré-
férence à la manière de voir de M. Behrens; il ne faut
pas abuser du grec. Je ferai seulement remarquer que,
comme l'a dit M. Kluge, dans son Etym. Wœrterb. der
dtutschen Spracbc, le grec et le germanique ont proba-
i. Mélanges, p. 99-100.
2. Z.fiïrrom. PMI., XXVI, 245.
3. Z.fùr rom. Pbil., XX, 333.
292 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
blement la même racine indo-européenne qui se retrouve
aussi dans le latin glubere « écorcer ». Le changement
du son germanique kl en gl n'est pas absolument sans
exemple, puisque le français gleton, gleteron (aujour-
d'hui glouteron) remonte à un type kletto; mais l'hy-
pothèse d'une contamination entre le germanique *kluba
et le latin glubere n'est pas dénuée de vraisemblance
dans ce cas particulier.
LXXIII. — LOVERGIER, LORGIER, LURGIER
J'ai signalé ci-dessus ■ la survivance de l'ancien fran-
çais escolorgier dans le patois du Bas-Maine et j'ai rap-
pelé que escolorgier vient du latin vulgaire *excollubri-
care. Le simple lubricare a-t-il disparu du latin de
la Gaule ? Le silence de Kôrting pourrait le faire croire,
car à l'article lubrico (n° 5699), il n'indique que le
roumain luneca, l'italien lubricare, l'espagnol et le por-
tugais lubricar. Il n'en est rien pourtant. Godefroy a
relevé dans la traduction lorraine des Dialogues et des
Moralités sur Job de Grégoire le Grand trois exemples
de participe lovergeant, loverjant, qui suppose l'exis-
tence, à la fin du douzième siècle, du verbe français
lovergier, correspondant à lubricare, comme favergier
(variante de forger) correspond afabricarc2: on remar-
quera que dans le simple comme dans le composé Vu
1. Page 252, art. éculorger.
2. Cf. le nom de lieu Pontfaveiger (Marne), primitivement Pont-
favergié, en latin Pontein Fabricatum, et la note de M. Fœrster sur
Chrétien de Troyes, Cligèsj 4079.
L0VERG1ER, LORGIER, LURGIER 295
latin est rendu par o, ce qui nous force à admettre la
prononciation vulgaire *liïbricare à côté de la pronon-
ciation classique hïbricare.
Depuis longtemps les lexicographes comtois ont
signalé dans les patois actuels de la Franche-Comté un
verbe dont la prononciation flotte entre lourgier, leur-
gier, lergier, lucher, et ils y ont presque tous reconnu
le latin lubricare ' . Je n'ai pas assez de matériaux pour
faire la critique des formes comtoises et les répartir
entre hïbricare et *lûbricare. Ce que je tiens surtout à
signaler ici, c'est que le même verbe se retrouve dans
une région très éloignée de la Franche-Comté, à savoir
en Saintonge, où Jônain l'a recueilli, ainsi qu'un de
ses dérivés, en ces termes textuels:
Lhurgheoas , glissant : lubricus.
Lleurgber, glisser, malgré soi : 0 lleurdge à matin, le sol est glis-
sant, par suite de dégel ou de pluie2.
Jônain a le mérite d'avoir reconnu lubricus comme
base de lleurgher : la présence du son //, c'est-à-dire d7
mouillée, à l'initiale implique une forme antérieure
lurger qui ne peut s'expliquer que par la prononciation
classique de Vu comme voyelle longue dans lubricare.
D'après lui, nous aurions encore d'autres représentants
saintongeais du même type étymologique dans llugrer
1. Dartois, dans Mém. de l'Acad. de Besançon, année 1850
Poulet, Vocab. du patois de Plancher -les-Mines ; Roussey, Patois de
Bournois, p. 192 et 389, etc. M. Grammont n'a trouvé à Dampri-
chard que le dérivé lergè « petit traîneau » ; Roussey signale plu-
sieurs autres dérivés.
2. Dict. du patois saintong., p. 244.
294 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
« enduire d'un corps gluant, lubricus » et dans l'adjectif
correspondant llugrcu. Le même couple existe dans les
Deux-Sèvres et dans la Vendée, d'après l'abbé Lalanne ;
j'en ignore l'origine, mais je crois que la phonétique
s'oppose absolument à ce qu'on songe à le rattacher
à lubricus.
LXXIV. — MARSIA
Nizier du Puitspelu enregistre le subst. fém. marsia
« averse, ondée de courte durée ■ ». Cochard écrit niercia
et donne cette forme comme usitée à Condrieu : sur
quoi N. du P. déclare que la forme de Condrieu « met
à néant toute étymologie qui serait tirée de mars, averse
du mois de mars, a ne passant pas à e ». Pour lui, il
estime que mercia ou marsia vient du participe mersus
avec un suffixe -ta « par analogie avec les mots en -ata
précédés de yotte: cruèzja, pissia, viria ». Voila qui
est bien compliqué. Le type lat. vulgaire *martiata,
dérivé de martius « mars » est pourtant attesté par le
prov. mod. marsado et le dauph. marsa, que Mistral
enregistre au double sens de « durée de mars » et de
« giboulée ». Je crois qu'il faut aussi accepter cette
étymologie pour le lyonnais. La substitution de cr à ar
ne me paraît pas inadmissible dans la phonétique lyon-
naise, au moins comme phénomène sporadique. On
trouve en effet dans les textes anciens cher, pour char,
i. Dict. ètym. du patois lyonnais, p. 249 et 461.
MEERIL 29$
de carnem\ erbros, pour arbros2, servage, servasina,
pour sarvage, sarvasineî, et dans le patois actuel cherri
à côté de charri (drap dit charrier), cermilli à côté de
çarmilli, pertuis à côté de partus, persayi à côté de par-
sayi, etc.
LXXV. — MEERIL
Les textes en langue vulgaire écrits en Normandie
au treizième siècle offrent fréquemment le terme rural
meeril, mer il, aujourd'hui disparu comme nom com-
mun, mais encore représenté par le nom de famille
fréquent Duméril. Le mot s'applique aux « épis de blé
restés dans le champ sur la place où l'on avait réuni
les gerbes » 4 : un texte latin d'environ 1240 dit textuel-
lement: « de unoquoque muslone, le meeril. » Ce
muslo bas latin, c'est le meulon actuel, la petite meule
de gerbes. On est donc naturellement porté à chercher
dans le nom de la meule l'origine de meeril. Je propose
d'y voir un dérivé de meta « meule », formé à l'aide
du suffixe double -arllis : *metarîle donne aussi réguliè-
rement meeril que meta lui-même donne meie, moie en
français provincial. J'ai groupé ci-dessus* les quelques
mots qui témoignent de la même formation : aveneril,
1. Voy. Rom., XIII, 542, et Mussafia et Gartner, Altfr. Prosale-
genden, p. 88, § 24.
2. Rom., XIII, 579, 1. 5 d'en bas.
5. Rom., XIII, 577, § 49, 50 et 51.
4. Godefroy, s. v°.
5. Page 173.
296 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
chaumeril, femeril, fromenteril, orgeril. Ils sont tous
rustiques, et meeril ne sera pas déplacé parmi eux.
LUI. — MEIRI
On lit dans le Trésor dôu felibrige, à l'ordre alphabé-
tique, ces deux notes faites pour surprendre les con-
naisseurs du dialecte limousin :
Màiri, plur. lim. de maire;
Mèiri, plur. lira, de maire.
Maire, ordinairement abrégé en mai, correspond au
français mère et vient comme lui du latin mater. Sous
la forme mai, il reste invariable, et sous la forme maire,
il doit faire mairei dans toutes les variétés linguistiques
des trois départements de la Haute-Vienne, de la Cor-
rèze et de la Creuse, départements qui correspondent
à l'ancien terme géographique de Limousin entendu
au sens large. Les prétendus pluriels enregistrés par
Mistral n'existent pas, je crois pouvoir m'en porter
garant ' ; mais d'où l'illustre auteur du Trésor peut-il
les avoir tirés ? Voici la source de son erreur, si je ne
m'abuse moi-même.
Dans le Dictionnaire du patois du Bas-Limousin, paru
à Tulle en 1823, se trouve l'article suivant, dû à l'avocat
Vialle, éditeur et continuateur de Béronie :
Me-ïri, s. f. C'est le nom qu'on donne aux brebis qui ont déjà
1. Il se peut que dans certaines régions la désinence -ei du
pluriel mairei se rapproche tellement d'un son simple qu'elle donne
l'illusion phonétique d'un i ; en tout cas, mèiri n'existe nulle part
comme pluriel de maire.
porté: A-i vin mei-ri et quatre onïelas, de mes brebis, vingt ont
porté et les autres quatre n'ont pas porté encore.
Mistral a cru que me-iri était accentué sur la diph-
tongue mei et qu'il pouvait s'écrire aussi bien, sinon
mieux, par un a que par un e; mais la graphie de
Béronie, suivie par Vialle, proteste contre cette manière
de voir. Le signe de la brièveté placé sur Yi de la
diphtongue a précisément pour but d'indiquer qu'elle ■
ne porte pas l'accent tonique et que me-ïri est oxyton,
tout comme fle-ïra (flairer), me-ita (moitié), pe-ïri
(parrain), etc.
Les choses étant ainsi remises au point, il est facile
de trouver Pétymologie de ce substantif nie-ïri: ce n'est
pas mater, mais c'est matrix (sous la forme de l'accu-
satif matrîcetn, cela va sans dire), que Varron et Colu-
melle employaient exactement dans le même sens où
les paysans des environs de Tulle emploient aujour-
d'hui la forme me-ïri.
L'occasion me paraît bonne de faire remarquer que
l'article matrix du Lat.-rom. Wœrterbuch de Kôrting
est incomplet, car il ne cite aucune forme romane
populaire autre que le sarde madrighe. Il est notoire
cependant que, dans le sens de « matrice, organe géni-
tal », le provençal ancien dit mairit^ (encore usité en
Gascogne) et le français ancien marri?. Ce dernier n'a
disparu qu'à une époque relativement récente de la
langue commune, où il avait fini par prendre la forme
amarri, qu'on trouve dans Robert Estienne (dès la
première édition, 1539), dans Nicot, dans Cotgrave,
dans Oudin et jusque dans Ménage, qui en a parfai-
298 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
tement vu l'étymologie ' : Va initial n'est autre que Va
final de l'article féminin la, et amarri doit être joint
aux nombreux exemples d'agglutination analogue que
j'ai eu occasion de citer ailleurs2.
(Revue des parler s pop., année 1903, p. 176; cf. Bull, de la Soc. de
ling. de Paris, séance du 22 nov. 1902.)
LXXVII. — NAR
Les auteurs du Dictionnaire du patois normand en usage
dans le département de l'Eure ont recueilli la locution
adverbiale « monter à cheval à nar » qui signifie
« monter à poil ou à nu, c'est-à-dire sans selle ni cou-
verture ». Voici comment ils prétendent en rendre
raison : « Cette expression est d'origine germanique ;
nous la devons à l'invasion Scandinave. On peut l'ex-
pliquer en effet en la rapprochant du mot allemand
nahe et du mot anglais near, qui signifient tous deux
près, de près. Monter un cheval à poil, c'est s'en tenir
le plus près possible, c'est le serrer de près. »
Je vois les choses d'un tout autre point de vue.
L'ancien français possède un substantif qu'on ne trouve
employé qu'au cas régime pluriel, sous la forme ars,
laquelle correspond phonétiquement au latin armos>:
1. P. Borel écrit, avec plus de raison, amarris.
2. Mélanges d'étym. franc., p. 9, article ajoux.
3. L'étymologie est de Nicot et a été adoptée par Diez. Littré
a proposé de voir dans ars le pluriel de arc, quelques auteurs écri-
vant effectivement arcs : mais son idée ne vaut rien, et ce qui le
prouve clairement, c'est que le patois messin possède le substantif
armon « poitrail du cheval ». Cf. mes Mélanges, p. 19.
NOUEI 299
ce substantif désigne la partie supérieure des membres
de devant de quelques animaux et en particulier du
cheval. La langue technique actuelle l'a conservé dans
deux emplois spéciaux : les vétérinaires disent « saigner
un cheval aux ars » et même « aux quatre ars », éten-
dant le sens aux membres de derrière; les chasseurs
appellent ers (ils écrivent souvent, à tort, erres) les
pieds de devant et les épaules de toute bête à quatre
pieds ' .
Or, l'ancienne langue employait la locution adver-
biale a ars pour signifier « à poil » : Godefroy en cite
deux exemples :
Tout a ars en monta, tant fu de cuer ardans,
Sour un fauve ronci.
(Mainet, v. 129-130, dans Romania, IV, 323.)
Tut a ars li unt fet dous liues chevauchier
Ne mes ke d'une chape, k'unt fet suz lui pleier.
(Garnier, Saint-Thomas, 2046-7, éd. Hippeau2.)
Il me paraît évident que la locution normande actuelle
« monter à nar » est sortie de « monter en ars » dont
on trouvera probablement un jour des exemples dans
l'ancienne langue à côté de « monter a ars ».
LXIII. — NOUEI
M. Chabaneau voit dans le limousin nouei « nœud »
le représentant du type latin nodulus « moyennant une
1 . Voyez le Dict. gênerai aux articles ars, erre et ers.
2. J'emprunte à l'édition Hippeau le vers 2047 que ne donne
pas Godefroy et qui est utile pour préciser le sens de a ars.
300 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
forme *noclus, prouvée d'ailleurs par l'italien nocchio ' ».
Laissons de côté l'italien nocchio, dont l'origine n'est
pas sûre et ne peut en tout cas s'expliquer par l'éty-
mologie nodulus2. Si le groupe latin -dul- s'est com-
porté dans la prononciation vulgaire comme le groupe
-lui-, il a dû aboutir à -gl- comme ce dernier a abouti
à -cl-. Par suite, il n'y a rien à objecter à M. Chaba-
neau s'il suppose une série phonétique nôdulus, *nôglus,
*nôlh, nouei. Mais il faudrait savoir si la forme actuelle
nouei est pour *nôlh ou pour *nôi, ce que l'état phoné-
tique du limousin actuel ne permet pas de dire en
l'absence de textes médiévaux. J'avoue que la considé-
ration du bordelais noi « nœud » me porte à croire
que le nouei limousin de nos jours n'a jamais eu de //;
et s'écrivait au moyen âge *noi (avec un o fermé), soit
un type *nôdium du latin vulgaire dont il faut proba-
blement chercher le point de départ dans centinodium
et internodiumi . Vo du bordelais semble postuler un
ô latin ; mais le limousin reproduit fidèlement Va du
latin classique.
(Revue des parler s pop., année 1903, p. 177.)
LXIV. — NUITRE
Parmi les animaux monstrueux contre lesquels a à
lutter l'armée d'Alexandre le Grand, dans un épisode
1. Granwi. limousine, p. 76; cf. les additions, p. 3 56, où le
saintongeais nouclu « noueux » est invoqué à l'appui de l'existence
du type latin *noclus.
2. Voyez Kôrting, n°s 5300 et 6600.
3. Sur l'extension du suffixe -ium, voyez mes Essais, p. 85 et s.
NUIT RE 301
curieux du roman français de Lambert le Tort, il y en
a deux dont les noms se trouvent réunis dans le pre-
mier hémistiche d'un vers alexandrin (c'est le cas, ou
jamais, d'employer l'expression de vers alexandrin) qui
se lit ainsi dans l'édition publiée en 1846 par Miche-
lant, p. 286 :
Li caon et les mates, qui iscent dou costal.
Il n'y a pas lieu de s'appesantir sur le premier de
ces noms. Je ne sais d'où est venue à Michelant l'idée
étrange de traduire caon par « cancre ». J'ai comparé
les leçons des 15 manuscrits de la Bibliothèque natio-
nale et de la Bibliothèque de l'Asenal : 5 donnent coan,
3, cboan, 1, chouan, 1, choant, i,couant, 1, caon, 1, canor,
1, thoon, 1, hua. Il s'agit sûrement de l'oiseau de nuit
qu'on appelle encore chouan, chavan, chavon, chaon, etc.,
dans nos provinces de l'Ouest, c'est-à-dire du hibou.
Ce nom, quelle que soit son origine antérieure, figure
déjà sous la forme latinisée cavannus dans les Inslruc-
tiones de Pévêque de Lyon Eucherius (saint Eucher),
mort en 450, et dans des textes un peu postérieurs1.
1. Les textes sont groupés dans Holder, Altceltiscber Sprach-
sebat-, s. v°. C'est par distraction que cavannus est marqué d'un
astérisque, comme si c'était une forme hypothétique, dans le Lalein-
rom. U'orterbuch de M. Kôrting, 2e édit., n° 2039. — On considère
ordinairement le français chat-buant comme une altération de chouan
due à une étvmologie populaire, mais sans grande raison. Dans
chat-buant il y a huant, participe pris adjectivement du verbe huer,
par lequel on exprime le cri du hibou, et chat, désignation appli-
quée au hibou, non seulement parce que cet oiseau fait la chasse
aux souris, mais parce que sa tète, surmontée d'aigrettes qui
simulent des oreilles, rappelle celle du chat (Rolland, Faune popu-
laire, II, 51).
302 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Michelant n'a guère été plus heureux avec le second
des animaux mentionnés par Lambert le Tort ; mais il
faut avouer qu'ici l'identification offrait de plus sérieuses
difficultés. Voici les leçons, extraordinairement diver-
gentes, des 15 manuscrits visés plus haut:
les guivres (franc. 368, 790, 24365);
les grues (franc. 1635, 15094, 25517);
li vautor (franc. 789) ;
les mutes (franc. 786) ;
les mitres (franc. 791);
les nutres, peut-être mitres (Arsenal, 3472);
les muystres (franc. 787);
li murdre (franc. 792) ;
li mutre (franc. 375);
li mitres (franc. 1375);
limmitre (franc. 24366);
li mis très (franc. 15095).
Michelant a traduit par « gros rats, surmulots » ;
cette traduction est reproduite par Godefroy, qui se
contente de donner la leçon les mutes de l'édition Miche-
lant ; elle est certainement erronée. L'auteur du roman
d'Alexandre a bien entendu désigner par ce mot énig-
matique des oiseaux analogues aux hiboux, car dans le
développement qui suit, li choan sont seuls expressé-
ment nommés, ce qui porte à croire que ce qui est dit
des uns doit valoir pour les autres. A priori, il est
vraisemblable que si le poète a employé deux mots,
c'est qu'il voulait embrasser les deux variétés d'oiseaux
de nuit que le peuple distingue ordinairement, encore
aujourd'hui: d'une part, les oiseaux à aigrettes; de
NUITRE 303
l'autre, les oiseaux sans aigrettes. Nous traduirons exac-
tement sa pensée en disant : les hiboux et les chouettes.
En présence d'un mot qui leur était inconnu, beau-
coup de scribes ont altéré arbitrairement le texte qu'ils
avaient sous les yeux et y ont introduit, qui des guivres
(vipères), qui des grues, qui des vautours. Rien de tout
cela ne saurait convenir. La vraie leçon se cache sous
les autres graphies, en apparence inintelligibles, que
nous avons énumérées plus haut. Je crois qu'il faut lire :
les nuitres.
C'est en vain qu'on chercherait le substantif féminin
nuitre dans l'énorme dictionnaire de l'ancienne langue
française que nous devons à la patience admirable de
Frédéric Godefroy, dictionnaire dans lequel il y a
cependant moins de lacunes que de définitions défec-
tueuses. Si je n'avais pour y réclamer l'inscription du
mot nuitre que ce passage du roman d'Alexandre, on
pourrait trouver ma requête téméraire et m'objecter
que les dictionnaires ne doivent pas se fonder sur les
conjectures de la critique verbale. Mais j'ai mieux que
cela. Le hasard m'a fait rencontrer la phrase suivante
dans le dictionnaire de Littré, à l'historique du mot
auvent : « Faiz sui ansint comme la nuitre en l'auvent
de la meson ». Littré a tiré ce passage d'un manuscrit
de la Bibliothèque Mazarine, n° 528, f° 120; ce ma-
nuscrit est un psautier de la fin du treizième siècle,
et le texte français est la traduction du verset 7 du
psaume 10 1 : « Factus sum sicut nycticorax in domi-
cilio '. »
1 . Voir sur ce manuscrit Samuel Berger, La Bible française au
304 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Il est clair que nuitre se rattache au latin noctua
« chouette » ; mais de quelle façon ? Phonétiquement,
noctua a pu se réduire à *nocta, comme fatua à *fata :
de *nocta, le français aurait fait nuite, et il est possible
que cette forme ait réellement existé et soit représentée
par la leçon mutes de notre manuscrit 786. En tout cas.
noctua, *nocta survit aujourd'hui dans le provençal
nuecho « engoulevent », mot enregistré par Mistral et
que M. Rolland signale comme particulièrement usité
dans la région de Toulon ' . A côté de noctua, le latin
vulgaire a créé un nouveau mot avec le suffixe -ulits,
à savoir *noctula. Bien que ce mot n'ait pas été relevé
dans les textes antiques, il est trop clairement attesté
par l'italien nottola et par des formes variées de nos
patois méridionaux, dont on trouvera la liste soit dans
Mistral à l'article nichoulo, soit dans Rolland, Faune
pop., II, 41, pour qu'on puisse douter de son existence.
L'ancien français nuitre représente régulièrement *noc-
tula, comme chartre, forme secondaire de charte, repré-
sente cbartula2.
(Me'm. de la Soc. de ling. de Paris, t. XII, p. 249-251.)
moyen âge, p. 71 ; on y trouve précisément la phrase citée par
Littré, mais sans aucune remarque.
1. Faune popul., II, 328.
2. A l'article noctua, Kôrting ne mentionne que l'italien nottola.
M. Meyer-Lùbke suppose que 17 de l'italien et du provençal est
due à une épenthèse (firatnm. des lang. rorn., trad. franc., I, p. 45 1).
M. l'abbé Devaux a fort bien expliqué, à mon sens, le dauphinois
nyètola en le rapportant au type latin "noctula {Langue vulg. du
Dauphiné sept., p. 218) ; il n'y a aucune raison sérieuse pour ne pas
tirer également de *twctula l'italien nottota et l'ancien français
nuitre.
OLEGUÊ 30$
LXXX. — OLEGUE
J'ai signalé, il y a une dizaine d'années', le sub-
stantif provençal olegue, qui se lit dans la traduction
versifiée de la Chirurgie de Roger de Salerne, dont l'u-
nique manuscrit est conservé à la bibliothèque de
l'Université de Bologne. Je demande la permission de
citer au long tout le chapitre du manuscrit, lequel a
pour rubrique, sauf votre respect, de difficultate mingenài,
et va du vers 1508 au vers 15 15 :
Vist ai naffrat tormen et pena gran soffrir
Q.uar non podia leu pissar a son désir :
Dels olegues razis e foilles fai collir,
E prin de cenres, et ensems fai o bolir ;
Et en un lare saquet l'em fai emplastre bon
E sus su penchenil lo mit tota sazon.
Bons es l'emplastres e ben faitz segon razon,
Sitôt si bast de causes vils et si compon.
Ni le Parnasse occitanien ni le Lexique roman ne con-
naissent ce mot olegue. Je l'ai traduit par « ièble »,
non seulement parce que Mistral signale ôulegue e*
oulegue comme ayant actuellement ce sens dans cer-
taines parties du Midi, mais parce que le texte latin de
Roger m'indiquait cette traduction. Voici la formule
latine de la récepte : « Recipe cinerem foliorum et
radices ebuli, et ipsum cinerem et ebulum diu bullire
facias2 ».
1. Annales du Midi, V, 114 (année 1893).
2. Édition de 1546 dans De Renzi, Colleclio Salernitana, II, 487.
Les manuscrits que j'ai vus (Florence, Bibl. naz., J. 10. 16 ; Paris
Thomas. II. — 20
J06 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Mistral a réuni à l'article èule les nombreuses variantes
du nom de Pièble dans le Midi de la France, dont un
simple détachement se trouve à l'article ôukgue. Les
voici dans l'ordre où il les donne et avec les indications
de provenance qu'il fournit : i èule, 2 ôukgue (dauph.),
3 êugue, 4 ègo, 5 ugle, 6 ugues (rh.), 7 ôugue, 8 orgue,
9 ogue (alp., mars.), 10 èble, 1 1 èbo, 12 èbouls, 13 èbous,
14 èvous, 15 eusses, 16 èufe, 17 èufo (langued.), 18 gèule,
19 gèu (gasc), 20 TJou (lim.). A l'article ôulegue, la
forme indiquée pour le dauphinois est oulegue et non
ôulegue, de sorte que cela fait 21 variantes distinctes.
On pourrait facilement augmenter ce chiffre en s'a-
dressant à M. E. Rolland, le vaillant et obligeant auteur
de la Flore populaire, qui communique volontiers ses
matériaux manuscrits; j'ai vu ces matériaux, ce dont
je le remercie, mais je n'en veux point encombrer le
lecteur. J'en retiens seulement que la forme même que
j'ai trouvée au commencement du treizième siècle, à
savoir olegue, est exactement celle que signale l'abbé
Moutier', comme usuelle encore aujourd'hui dans le
moyen Dauphiné.
Le rapport des formes qui portent les numéros 1,
10, 11, 12, 13, 18, 19 et 20 avec ebulus (ou ebulum)
saute aux veux et n'est pas discutable ; la forme 4 (ègo)
répond à èbo, comme ègou, que ne donne pas Mistral,
mais qui est dans l'abbé de Sauvages et ailleurs, répond
Bibl. nat., lat. 7035 et 7040) ont des variantes sans importance
pour le but que je me propose; dans les gloses des quatre maîtres
(De Renzi, II, 569) on lit radicis, qui paraît préférable à radiées.
1 . Petit glossaire patois des végétaux du Dauplrinê dans le Bull, de
la Soc. dép. d'archéologie de la Drame, année 1889.
OLEGUE 307
à èbous et évous : son g peut légitimement remonter
au b de ebidum ' . Je veux bien accorder encore que les
formes 3, 15, 16 et 17, malgré l'étrangeté de leurs
désinences qui sont sans rapports visibles avec celle de
ebulum, puissent représenter, dans leur première syllabe,
le thème ebu- affublé, à une date récente, d'une queue
postiche ; mais que penser des autres, à savoir olegue,
oulegue, ôulegue, bugne, orgue, ogue, ugue, ugle ?
Je crois que la forme dauphinoise olegue représente
le type le plus rapproché de la forme primitive du mot
en provençal et que cette forme primitive devait être
proparoxytonique : le dauphinois a conservé les trois
syllabes en déplaçant l'accent tonique, tandis que les
autres dialectes ont laissé tomber la syllabe placée
immédiatement après la syllabe primitivement accen-
tuée pour ne conserver que la finale.
Parmi les formes actuelles apparentées étroitement
à olegue, il faut faire une place au lyonnais ugo, sur
lequel Nizier de Puitspelu s'est longuement appesanti
et qu'il s'est efforcé d'expliquer par le latin ebulum2.
Cette laborieuse explication (icbol, ievol, iegwol, iegol,
ugo) me paraît difficilement inacceptable. Au contraire,
en partant d'une forme *ol(e)go, analogue à celle du
dauphinois, avec Vo final caractéristique du lyonnais,
on arrive naturellement à *ougo, dont la transformation
1 . Cf. la transformation du nom de lieu médiéval Vinovol (que
j'explique par un type latin *Vineobu\um) en Vignognoul, nom
actuel d'un hameau de l'Hérault (Essais, p. 397), et la coexistence
de massibk, massigoul comme nom vulgaire de l'ellébore.
2. Dict. étym. du patois lyonnais, p. 458, article Huguo ; cf. ibid.,
p. 467.
}08 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
en ugo, quoique surprenante, n'est pas invraisem-
blable'.
En résumé, pour trouver l'étymologie, il faut partir
de olegue et ne pas oublier que cette forme olegue figure
dans un texte du commencement du treizième siècle
écrit sur les rives du Rhône inférieur. Dans ces con-
ditions, je défie le phonétiste le plus subtil de persuader
un homme raisonnable que ebulum a pu se transformer
en olegue. Il faut chercher autre chose.
On sait que le médecin Marcellus (alias Marcellus
Empiricus), qui écrivait à Bordeaux au commencement
du cinquième siècle, nous a conservé treize noms gau-
lois de plantes qui ont souvent exercé la sagacité des
linguistes2. L'ièble a la bonne fortune de figurer
dans le nombre : « Herba quae graece acte, latine ebu-
lum, gallice odocos dicitur*. »
Ce n'est pas là un témoignage isolé. Les glossaires
de botanique qui ont été laborieusement colligés par
M. Gœtz dans le tome III de son inappréciable Corpus
glossarum latinarum, nous offrent à satiété un mot
étrange qui glose toujours le latin ebulum et qui affecte
des formes assez diverses. Voici les gloses qui nous
intéressent, dans l'ordre même où elles figurent dans
ce tome III :
i . Cf. des formes lyonnaises comme tira, vent, du latin aura.
2. Ils ont été groupés en dernier lieu, mais non étudiés, par
M. Chabert dans sa thèse de doctorat De latinilate Marcelli in Ubro
de medicamentis (Paris, 1897), p. 24-25. Il faut toujours s'en référer
A un mémoire de J. Grimm (Kleiue Schriften, II, 114 et s.), qui
rapproche odocos de l'allemand atticb, lequel a exactemennt le
même sens.
3. Liber de Medicamentis, IV, 13, éd. Helmreich, p. 54.
OLEGUE 509
acte, id est ebuli, id est educu (III, 536, 1);
odico, ebolo vel camoacris [= chamaeacte] (III, 548, 31);
ebucone, id est ebolus (III, 561, 29) ;
ebulus, id est odicus (III, 562, 67) ;
■ odicos, id est ebulos (III, 571, 46);
odicus, id est ebolus vel camoactus (III, 585, 11);
ebulus, id est odecus (III, 590, 30) ;
odecus, id est ebulus (III, 593, 42);
ebolus, id est odecus (III, 611, 54);
odecus, id est euolus (III, 615, 27) ;
ebolus, id est odicus (III, 623, 69) ;
odicus, id est euolus (III, 627, 29) ;
odico, euolo (III, 632, 40).
On ne saurait douter que odecus, odicus ne soit l'an-
cien gaulois odocos; ne faut-il pas voir dans educu et
dans ebucone des formes hybrides nées du mélange du
latin ebulum et du gaulois odocos ? La forme educu est
particulièrement précieuse en ce qu'elle permet enfin
de rendre raison de l'espagnol yedgo ou yeçgo et du
portugais engo. A côté de ebucone, on peut légitimement
supposer *ebucus, qui explique bien le provençal moderne
èugue. Quant à l'ancien olegue et aux formes modernes
qui en sont issues, je ne leur vois guère d'autre ancêtre
possible que *olicus ou *olecus. Il ne me paraît pas pro-
bable que ce soit 17 du latin ebulum qui se soit intro-
duite à la place du d de odicus ; j'attribuerai plutôt la
naissance de *olicus à une contamination du verbe latin
okre, que sa position vis-à-vis du substantif odor semble
prédestiner à un pareil rôle'.
1. M. l'abbé Devaux a réuni, à ma demande, les éléments d'un
petit mémoire sur les noms de l'ièble dans la région dauphinoise ;
j'espère que ce travail sera prochainement publié. Je note en pas-
sant que la plante appelée eboric par Daudé de Pradas n'est cer-
tainement pas l'ièble, comme l'a cru Raynouard ; d'après la des-
JIO RECHERCHES ETYMOLOGIQUES
LXXXI. — OLONIER
Littré enregistre olonier comme signifiant « espèce
d'arbousier », sans aucune remarque". Les ouvrages
de botanique et les grandes encyclopédies donnent
généralement olonier comme synonyme de arbousier.
Le mot est dans Cotgrave, avec la graphie aulonnier et
un commentaire qui vient sûrement d'Olivier de Serres :
on peut voir le texte de ce dernier dans Godefroy. Où
a puisé Olivier de Serres ? Je l'ignore. Grâce à M. le
Dr Dorveaux, j'ai eu sous les yeux un livre rare, publié
à Poitiers en 1628 et intitulé : Les Œuvres de laques et
Paul Contant père et fils maistres apoticaires de la ville
de Poictiers. A la fin de ce recueil se trouve une Synopsis
Plantarum du fils Contant, où on lit, à la page 16:
« Arbutus Comarum, gall. Arbousier. Epimelis Galeno
perperam. Olonnois. » Olonnois est une variante inté-
ressante de aulonier, olonier. Le mot ne paraît se trouver
aujourd'hui qu'en Saintonge et plus particulièrement
dans la région de Royan, où Jônain a relevé olone,
arbouse, et olonier, arbousier.
En pénétrant dans le domaine de la langue d'oc on
trouve ledouney, arbousier, à Arcachon, et auledoun ou
auleroun à Labouheyre (Landes2). Mistral enregistre,
cription, mon collègue M. Matruchot, professeur de botanique,
conjecture qu'il s'agit de la Scrophularia aquatica.
1. Une faute d'impression le fait qualifier ce mot de s. f. au
lieu de s. m.
2. Communications de M. E. Rolland, qui me signale aussi
ledonnier dans le commentaire de Duchesne (L. à Ouercu) sur le
traité DeStirpibus de Ruellius (1544).
OSTADE } 1 1
comme particulier à la Guienne : ledounat, boisson
d'arbouse ; ledounei, ledonnès, arbousier, et ledouno,
arbouse.
Tous ces mots doivent remonter, malgré leur dis-
semblance, au latin unedo, synonyme de arbutus, arbou-
sier ' . Forcellini indique la quantité ûnèdônis ; mais
comme le mot ne figure que dans des textes en prose
(Pline et glossaires), cela ne tire pas à conséquence,
pas plus que l'étymologie donnée par Pline, qui décom-
pose le mot en ilnus -\- edere. En supposant ùnedônis,
nous expliquons facilement le landais auledoun ; le ren-
forcement de la voyelle initiale en au se produit sou-
vent et la dissimilation de n-n en l-n est normale. Que
de ùnedône on ait tiré une forme féminine ûnedôna,
cela ne peut surprendre si l'on songe aux formes pro-
vençales Carcassona et Narbona tirées du latin Carcas-
sone et Narbone. L'aphérèse de l'initiale dans ledouno
n'est pas non plus sans exemple. Enfin, pour arriver à
olone, je crois qu'il faut supposer une métathèse et partir
de *ùdenôna, d'où *odlone2.
LXXXII. — OSTADE i
Vostade est une étoffe de laine que l'on trouve fré-
i. Mistral a rapproché ledounei du catalan lladoner, micocoulier ;
mais je ne considère pas ce rapprochement comme fondé.
2. Il y a lieu d'instituer un article unedo dans Kôrting, non seu-
lement à cause des mots que je viens d'étudier, mais à cause du
sarde qui dit olidone, olidoni, olioni, ulioni et lidone (communication
de M. E. Rolland).
3. Édition remaniée et complétée d'un article paru dans mes
Essais, p. 342.
JI2 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
quemment mentionnée dans les textes depuis la fin du
quatorzième jusqu'à la fin du seizième siècle; elle
figure même encore dans les statuts des Merciers de
Paris de janvier 1613 'et dans le Tarif général de 1664 2.
Je ne sais pourquoi Littré, si hospitalier d'ordinaire,
a omis ce vieux mot qui figure encore dans la dernière
édition de Trévoux'.
Godefroy a un article ostade assez bien fourni ; tou-
tefois il est fâcheux qu'il n'ait pas incorporé dans ses
citations quelques exemples insérés par Carpentier dans
le Glossarium de Du Cange, car son plus ancien texte
ne date que de 1469, tandis que Carpentier en a pro-
duit de 1395, 1425, 1457, etc4.
Une étymologie a été avancée, avec beaucoup d'assu-
rance, par Hécart dans son Vocabulaire rouchi-français ,
où on lit (3e éd., 1834): « Ce nom lui venait d'un
habitant d'Anvers, son inventeur, nommé Van Ostade,
nom rendu fameux par un peintre de la même ville,
dans le genre des bambochades. » Cette étymologie
est de pure fantaisie. Ce n'est pas dans les Pays-Bas,
mais en Angleterre qu'il faut chercher l'origine de
1. R. de Lespinasse, Métiers et corporations de la ville de Paris,
II, 272.
2. Cité par Godefroy et par Savary des Bruslons.
3. Furetière a admis le mot avec une citation d'Henri Estienne
et cette définition vague : « espèce d'étoffe ancienne. » Savary des
Bruslons, dans son Dict. du Commerce (1723), dit avec plus de pré-
cision : « étoffe toute de laine dont l'usage s'est entièrement
perdu. »
4. Articles meia-hosteda et ostade. Les Bénédictins ont aussi relevé
un exemple de hostade çn 141 2 ; mais il n'est pas sûr qu'il s'agisse
du même mot,
OSTADE 313
Yostade. Carpentier l'a entrevu quand il a rapproché le
mot français de l'anglais voosted (sic) ; mais il a pris
le contrepied de la vérité en supposant que l'anglais
venait du français. Il était probablement guidé par
Cotgrave qui traduit effectivement ostade par « The
Stuffe Worsted or Woosted. » Nous sommes bien fixés
sur l'origine du mot anglais, qui est déjà employé par
Chaucer : c'est le nom même d'un gros bourg du comté
de Norfolk, écrit autrefois Wcrsted, aujourd'hui Wors-
tead'. Les étoffes de Worsted pénétraient en France,
dès le quatorzième siècle, soit par Calais, soit par Bor-
deaux : en 1364 les marchands de Lyon obtinrent l'au-
torisation d'en introduire par Calais2; en 1377, les
Bordelais, qui amenaient du vin en Angleterre, furent
autorisés à charger au retour différentes sortes de mar-
chandises parmi lesquelles figurent des lits d'étoffe dite
worsted 1. Le mot a dû être d'abord francisé et gasco-
nisé en ostede: je trouve précisément dans le Diction-
naire béarnais de Lespy et Raymond l'exemple suivant,
malheureusement non daté: « Ung jupon de miey os-
tede » ; la forme primitive surnage encore dans un texte
latin méridional de 15 16 cité par Carpentier: « una
pecia de meia hosteda. »
Il est curieux que ostede ait été transformé en ostade :
la cause en est évidemment dans l'abondance des mots
1. Voyez Skeat, Etym. Dict. of the Englisb Language, s. v° ;
l'auteur ne semble pas connaître le français ostade.
2. F. Michel, Hist. du commerce de Bordeaux, I, 288.
3. Ib., p. 253. Ni ici, ni dans le passage visé par la note pré-
cédente, F. Michel n'a songé à rapprocher l'anglais ivorsled du
français ostade.
} 14 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
en -ade que possède le gascon comme les autres variétés
du provençal. L'assimilation a paru si complète que
nos voisins d'outre les Alpes s'y sont trompés et que
pour bien montrer qu'ils parlaient mieux que nous, ils
ont latinisé à fond le nom de cette étoffe et l'ont appelée
ostata ' . Nous voilà loin de Worsted ; mais il n'y a pas
d'erreur possible sur la route.
LXXXIII. — OUTJABO
L'abbé Vayssier enregistre, dans son Dictionnaire
patois-français de l'Aveyron, un substantif féminin oût-
jabo, qui désigne, paraît-il, « le milieu du jour en été,
temps pendant lequel les troupeaux restent enfermés 2. »
Il en donne même l'étymologie : « latin adjutabile,
secourable, parce que les bergers aident les autres
domestiques ». Cette étymologie n'est pas de lui, mais
de l'abbé Jonquet : on sent que l'auteur du Dictionnaire
de l'Aveyron a mieux aimé compromettre un ami que
de se compromettre lui-même.
Mistral a rapproché dubitativement oûtjabo de auiago,
mot qui, à Azilhanet, signifie « halle couverte, auvent » :
les deux mots n'ont aucun rapport ni pour le sens ni
pour la forme.
Je crois que nous avons affaire dans le mot rouergat
au latin octava qui s'employait substantivement pour
i. Cf. Antoine Oudin, Rcch. ilal. et franc. (2e éd., 1653):
« Ostata, ostade, sorte d'estoffe. »
2. Le mot a passé de là dans le Trésor de Mistral, où il est
écrit outjabo ; il faudrait ôuljabo, car l'orthographe des félibres rend
par au la diphtongue où de l'abbé Vayssier.
PAHADER (SE) J*j
désigner la huitième heure du jour, c'est-à-dire, d'après
la correspondance du système romain et du nôtre, deux
heures de l'après-midi '.. Le groupe latin et donne nais-
sance au son eh, prononcé tch, dans une partie du
Rouergue : l'abbé Vayssier donne uech et yoch, de oeto;
nuech, nech, nioch, de noctem, etc. S'il écrit tj dans le
mot oûtjabo, c'est probablement pour faire plaisir à
l'abbé Jonquet.
Le renforcement en diphtongue de Vo latin est cu-
rieux. On le trouve surtout dans les mots de formation
savante ou qui n'appartiennent pas à la couche la plus
ancienne de la langue : oftbelou « houblon », oùdou
« odeur », oiïfenso « offense », oùmeleto « omelette », etc.
Mais il n'est pas sans exemples dans le vocabulaire
populaire : oùgôn, anc. prov. ogan, anc. franc, oan « cette
année », oùbc, anc. prov. obe « oui bien », oûralho,
ouriexro, anc. franc, oraille, oriere « bord ». Je puise
uniquement dans le Dictionnaire de l'abbé Vayssier;
en s'adressant à Mistral, on n'aurait pas de peine à
trouver d'autres exemples.
(Cf. Annales du Midi, XV, 69.)
LXXXIV. — PANADER (SE)
Le verbe se panader, employé par La Fontaine,
1 . Nona s'est conserve dans le gascon auranoa, auranoar « goû-
ter » (voyez mes Essais, p. 65). On remarquera que l'anc. franc.
none signifie « midi », sens conservé dans différents patois et dans
l'anglais noon ; pour les Romains, nona était la division du jour qui
commençait à trois heures. Les patois méridionaux sont restés plus
fidèles à la tradition romaine que ceux du Nord.
}l6 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Mme de Sévigné et Saint-Simon au sens de « se pava-
ner », n'est plus guère usité aujourd'hui, bien que le
dictionnaire de l'Académie le conserve encore. A l'o-
rigine, il ne prenait pas le pronom personnel et il s'é-
crivait pennader. Il est bien certain que ce verbe n'a
rien à voir avec le mot paon, quoi qu'en pense Scheler.
Littré a raison de tirer panader de l'ancien substantif
pennade ; mais faut-il croire avec lui que pennade signifie
proprement « un coup d'aile » et vient du latin penna ?
Les nombreux exemples réunis par Godefroy à l'ar-
ùdepenade mettent hors de doute sa définition : « saut,
ruade, cabriole d'un cheval, voltige. » Je crois que le
mot pennade, qui n'apparaît en français que sous le règne
de Charles VII, est un substantif participial d'un verbe
provençal, que nous ne connaissons pas sous sa forme
médiévale, mais dont l'existence est cautionnée par
celle du composé repetnar ' et par le témoignage de dif-
férents patois actuels qui emploient penna au sens de
« regimber, ruer2 », sans parler du dérivé penneja,
peneja « piétiner, piaffer ». Penna vient du latin vul-
gaire *pedinare, tiré de pes, pedis.
LXXXV. - PENESSE
Contejean a relevé dans le patois de Montbéliard le
i. Cf. la notice que j'ai consacrée à repetnar et à l'anc. franc.
repenner dans mes Mélanges, p. 127; je ne songeais pas alors au
verbe français se panader.
2. Mistral n'indique que le gascon penna, avec la variante bor-
delaise pinna ; mais penna figure dans le Dictionnaire patois-français
de l'Aveyron de l'abbé Vayssier et j'ai constaté moi-même son exis-
tence dans le patois de Gentioux (Creuse).
PLON 317
substantif féminin penesse « excrément de poule » : il
rapproche dubitativement ce mot de « l'ancien français
pênes, plumes ». On ne comprend vraiment pas ce que
les plumes viennent faire ici ; les poules feraient mieux
l'affaire. Il ne me paraît pas trop téméraire de supposer
que la forme archaïque de penesse a dû être *polinasse,
et correspondre au provençal moderne poulinasso, qui
a précisément le même sens1. La désinence ne fait pas
difficulté : -esse du patois de Montbéliard est équivalent
à -asso du provençal. Quant au thème, l'affaiblissement
de 0 protpnique en e n'est pas rare (Contejean enre-
gistre denaiyour donner, enquemencie pour commencer, etc.)
et le changement de Yi long en e se produit même à
la tonique (galïna est rendu par dgelene, et *junïcia par
dgenessè). Le type *pullînacia serait représenté réguliè-
rement par *pelenesse ou même (en le supposant soumis
à la loi de Darmesteter) par *pelnesse ; la disparition de
VI n'est pas assez extraordinaire pour infirmer l'éty-
mologie : comparez le forézien punassi « excrément des
poules, des dindons, etc. ».
LXXXVI. — PLON
Les ouvrages qui traitent spécialement de la flore
française et les grandes encyclopédies enregistrent le
1 . Mistral mentionne dans le même sens l'ancien français poul-
née, que je n'ai pas rencontré ; en tout cas le patois picard possède
actuellement poulenèe (Corblet) qui remonte à un type latin *pnl-
linata. Le wallon dit polène, de pullina (Grandgagnage). Littré
enregistre dans son supplément poulne'e « fiente de volailles servant
d'engrais dans l'Oise ».
3 18 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
mot pion comme nom vulgaire de l'osier. M. Thibault
l'a recueilli dans le Blaisois, ainsi que son dérivé plo-
niêre « oseraie » et « pied d'osier ». Il écrit inten-
tionnellement pelon, pelonnière pour justifier une éty-
mologie préconçue; pour lui, ces mots viennent du
verbe peler « parce que les brins se pèlent facilement
et sont employés pelés par la vannerie ' » . Mais il suffit
de remarquer que les anciens textes qu'il cite lui-même
écrivent plaon, pion, pionnière et plonnoye pour douter
du bien fondé de cette opinion. Ce n'est pas à peler,.
mais à plier que se rattachent ces mots ; on en sera
tout à fait convaincu si l'on veut bien jeter un coup
d'œil sur l'article ploion de Godefroy. On y constatera
que dès le douzième siècle ploion s'applique aux pousses
flexibles de la vigne et on y remarquera un exemple
de piton en 1328 qui s'applique certainement à l'osier.
La majorité des patois actuels emploie les formes ploion,
pleion, plion influencées par le verbe ployer, plier. Il est
remarquable de trouver en Blaisois une forme non con-
taminée, contraction de l'ancienne forme piton qui paraît
remonter directement à un type du latin vulgaire *pli-
contm, type dans lequel le c suivi d'un 0 devait dispa-
raître sans dégager d'i.
LXXXVII. — PORCHA1LLE
Le pourpier, que les botanistes nomment Portulaca
oleracea L., s'appelle porchailli dans le lyonnais etpour-
Closs. du patois Blaisois, p. 154.
PORCHAILLE 319
cholho dans le Dauphiné ; c'est de cette région du Sud-
Est que proviennent la plupart des exemples de la
forme francisée porchaille, pourchaille qu'on peut lire
dans Godefroy ' .
Nizierdu Puitspelu ne distingue pas au point de vue
étymologique porchailli « pourpier » de porchailli « char-
cuterie » ; pour lui, c'est toujours porc combiné avec
le suffixe collectif -ailli. Sans doute, il y a du porc de
part et d'autre, et c'est parce que les porcs sont friands
de pourpier (ou passent pour l'être) que les Romains
ont appelé cette plante porcilaca (au lieu de portulaca) ;
mais si -ailli est collectif dans porchailli « charcute-
rie », qui correspond à un type latin *porcalia, il n'a
ni la môme valeur, ni la même origine dans porchailli
« pourpier ». Le lyonnais et le dauphinois correspon-
dent très exactement à l'italien porcacchia2, qui a le
même sens, et ils viennent comme lui du latin vulgaire
porcacla, que nous trouvons à maintes reprises dans les
vieilles gloses botaniques 3. Porcacla est sorti par une
curieuse métathèse de *porclaca, forme qui ne se ren-
contre pas dans les textes 4, mais qu'il faut de toute
1. Le premier est tiré de la traduction du De honesla Voluptate
de Platina par Desdier Cristol, dont l'édition princeps est de 1505.
Cristol était probablement languedocien, mais il se borne à dire :
« aucuns l'appellent porchaille. » J. Thierry a inséré pourchaille dans
l'édition de 1564 du Dictionnaire françois-latin de Robert Estienne
et le mot a passé de là dans Nicot et dans Cotgrave.
2. Kôrting 7328 donne par erreur porchiacca.
3. Voyez l'art, portulaca du Thésaurus gloss. entend, de Gcetz.
4. M. Meyer-Lùbke a signalé porclaca dans le médecin Theo-
dorus Priscianus (Krit. Jahresb., II, 71); mais il y a en réalité
porcacla, leçon que l'éditeur, M. V. Rose, rejette d'ailleurs dans
les notes et qu'il rapproche, dans son index, de la même leçon
320 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
nécessité supposer entre le latin classique porcilaca ou
portulaca et le latin vulgaire porcacla. Que l'on parte
de porcilaca ou de portulaca, on arrive également à
*porclaca après la chute de la voyelle atone antétonique,
puisque t'I s'assimile en cl en latin vulgaire : veclus,
viclus, etc., pour vetulus, vitulus, sont dans YAppendix
Probi '.Je ne vois pas de raison pour choisir. Les deux
formes classiques ont survécu dans la langue demi-
savante : à porcilaca se rattache, par changement de suf-
fixe, l'ancien français pour cel aine2, et à portulaca, les
formes provençales pourtoulago, pourtoulaigo, bourtou-
laigo, etc. 3.
LXXXVIII. — POUILLER
Plusieurs patois français du Centre et de l'Ouest pos-
sèdent le verbe pouiller au sens de « revêtir ». Voici
l'indication de quelques-uns d'entre eux :
Brachet, Vocabulaire tourangeau, dans Romania, I, 90 : « Pouiller,
se vêtir. » .
Dottin, Gloss. des parler s du Bas-Maine, p. 418 : « Pouyer, revêtir ;
se pouyer, se vêtir ; se pouyer dans la piau d'eun aut'. — Pouyement,
vêtement complet. »
Dottin et Langouët, Gloss. du parler de Pléchdtel (Ille-et- Vilaine),
chez Marcellus, XII, 44, et XX, 39. Le Lexicon de Forcellini-De
Vit a relevé porcla et portacla dans la Mulomedicina de Végèce ;
ce sont vraisemblablement deux fautes différentes pour porcacla.
1. P. Meyer, Rec, p. 1, 1. 5 et 6.
2. D'où l'anc. haut allem. pur^ela et l'angl. purslatie.
3. La substitution du suffixe -aica au suffixe -aca, ordinaire dans
les formes provençales, est déjà attestée par la glose suivante:
porlolaica agnasfagne (Gcetz, Corp. gloss., III, 542, 17).
POUILLÉR )ij
p. 141 : « Pouyer, vêtir, mettre un vêtement ; se poayer, s'habiller.
— Pouyement, habillement. »
E. et A. Duméril, Dict. du patois normand, p. 180: « Pouiller,
passer une manche, mettre un habit. »
Favre, Gloss. du Poitou, de la Sainlonge et de VAunis, p. 274 :
« Pouiller, mettre un vêlement, vêtir. Onge\ quiare la promère
camisole et l'en pouille^, parabole de l'Enfant prodigue en patois
saint-maixentais. »
C,e de Montesson, Voc. du Haut-Maine, 3e éd., p. 432 : « Pouil-
ler, habiller. »
Thibault, Gloss. du pays blaisois, p. 273 : « Pouiller, vêtir, mettre
sur soi : pouiller sa blouse, pouiller ses sabots ».
Les auteurs qui ont recueilli le verbe pouiller n'ont
pas vu nettement quelle en était l'étymologie. Les frères
Duméril disent: « Ce mot n'est peut-être pas sans rap-
port avec le français dépouiller, que l'on fait cependant
venir généralement du latin spoliari. » Le comte de
Montesson considère le verbe français dépouiller comme
un composé de pouiller. M. Thibault voit dans pouiller
un dérivé du substantif peau « le vêtement étant com-
paré à la peau ».
Pour curieuse que soit la formation de pouiller, elle
se laisse pourtant expliquer assez facilement. Il ne faut
pas songer à le tirer du latin spoliare, qui aurait donné
tspouillier, épouiller ', car la disparition de 17 initial est
sans exemple dans cette région. Pouiller est sorti, à
une époque relativement récente, par formation régres-
sive, de dépouiller. Puisque l'on avait brider à côté de
débrider, garnir à côté de dégarnir, et cent autres couples
du même genre, on a créé pouiller à côté de dépouiller
en lui donnant le sens opposé. Notre ancienne langue
1 . Voyez quelques rares exemples de espoillier dans Godefroy et
retranchez-en celui où il s'agit de « chercher les poux » , espooillier .
Thomas. II. — 21
Î22 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
elle-même a obéi à la force créatrice de l'analogie, car
sur le modèle de dépouille, dépouiller, elle a formé em-
pouille, empouiller, qui ont été longtemps usités comme
termes de coutume et qui figurent dans tous nos grands
dictionnaires. Déjà, dans le latin vulgaire, on constate
des phénomènes de même nature : les lettrés ne con-
naissent que recuperare, mais le peuple en tire de bonne
heure *cuperare, d'où le provençal, l'espagnol et le por-
tugais cobra* « recouvrer ».
LXXXIX. — POUIR
On lit dans Cotgrave : « Pouyr. Tout n'y sçauroit
pouyr. AU cannot goe into, ail cannot be held or cotitained
in il. Parisien. »
Antoine Oudin a enregistré à son tour ce verbe pouir,
que Cotgrave donne ainsi pour un parisianisme :
« Pouir, capire. — Pouyr, capire, esser contenuto ' . »
Les lexicographes postérieurs à Oudin ignorent pouir ;
je ne saurais dire, d'autre part, quelle est la source de
Cotgrave. Le mot manque dans le Dictionnaire de
F. Godefroy2. Il est bien tentant de supposer pouir
< *potire, encore que l'on n'ait pas signalé jusqu'ici
de survivance populaire du latin classique potiri. On
sait que dans la plupart des langues romanes c'est le
i. Seconde partie des recherches ital. et franc. (Paris, 1642).
2. M. Godefroy signale un seul exemple d'un verbe pouir, qu'il
ne traduit pas, dans la Geste des ducs de Bourgogne ; j'ignore le sens
exact du mot dans ce passage, mais ce pouir n'a probablement rien
à faire avec celui qui nous occupe.
PROGIER 3*3
verbe capere qui a servi à rendre l'idée verbale neutre
« être contenu dans », bien qu'en latin classique il n'ait
que le sens actif de « contenir ». Or, potiri oppidum et
capere oppidum étant deux locutions synonymes, il n'y
a rien d'invraisemblable à supposer — pour rendre
raison de pouir — que le latin populaire a dit vinum
* polit in amphora comme il disait indubitablement
vinum capit in amphora.
XC. — PROGIER
Les patois de la Franche-Comté possèdent un verbe
neutre que le chanoine Danois enregistre sous les
formes prôger et prôgie et qu'il définit ainsi, après l'avoir
déclaré intraduisible en français : « profiter, être ou
paraître plus copieux, en parlant d'un ragoût accru par
des accessoires, etc. '. » Tissot donne: « Prôd^i, faire
bon usage; faire effet, paraître; qui rassasie, quoique
en petite quantité, en parlant des aliments1 ». Dans
Monnier, on lit pranjeri, dans F. V. Poulet, preudgî*,
avec des définitions analogues.
Dartois a indiqué comme étymologie le latin profi-
cere ; Poulet, le latin prodigare. Il est bien certain que,
si proficere ne vaut rien, prodigare aurait abouti phoné-
tiquement aux différentes formes patoises relevées en
Franche- Comté; mais le rapport sémantique entre pro-
i. Mèm. de l'Ac. de Besançon, 1850, p. 167.
2. Mèm. de la Soc. d'èmul. du Doubs, 1864, p. 331.
3. Ann. du dêp. du Jura, 1859, au mot prançer (cité par Tissot).
4. Patois de Plancher -les -Mines (Paris, 1878), à l'article.
3 24 Recherchés ètVmoloôiQues
digare, verbe transitif, et progier, verbe intransitif, n'est
pas satisfaisant. Je crois légitime de supposer que le
latin vulgaire a tiré un verbe du nom prode (d'où le
français preu, prou, profit) à l'aide du suffixe -icare et
j'explique le verbe franc-comtois par un type *prodicare,
synonyme du latin vulgaire prode esse.
XCI. — RAVOIR
Littré a enregistré, sans en chercher l'étymologie,
le terme de pêche ravoir, qui manque dans le Diction-
naire général. Voici comment il le définit : « Nom que
l'on donne, sur quelques côtes, à un parc de filets que
la mer couvre et découvre. » C'est Furetière, si je ne
me trompe, qui a le premier accordé l'hospitalité à
ravoir, et, de dictionnaire en dictionnaire, sa définition,
ou peu s'en faut, est arrivée jusqu'à Littré. Il dit en
effet: « Ravoir, s. m., en termes de marine, est un
parc de rets ou filets qui est tendu sur les grèves que
la mer couvre et découvre. » Savary des Bruslons dit
à son tour: « Ravoir, terme de pêche de poisson de
mer, est une espèce de parc, partie de claye et partie
de filets, qu'on tend sur la grève pour y prendre du
poisson, au monter et à la descente des marées. » Il
est inutile de citer Trévoux qui s'exprime en termes
analogues. Ces définitions ne sont qu'empiriques. Voici
qui vaut mieux : « Ravoirs. Ce sont des filets tendus
par le travers des ravins ou courans d'eau. On tend
en ravoir toutes sortes de filets suivant l'espèce de pois-
son qu'on se propose de prendre... On les établit dans
RÊSAND 525
les endroits où il se forme des courants ou ravins, qu'on
nomme sur quelques côtes ravoirs, ainsi que les filets
qu'on y tend '. » Ici nous saisissons l'étymologie. L'an-
cien français ravoi, écrit parfois abusivement ravoir,
signifie effectivement « courant » ; il correspond au
provençal rabei et vient comme lui d'un type latin
vulgaire *rapidhun2. Godefroy, qui a un article ravoi
et un article ravoir, ne fait aucune allusion au terme
de pêche, ni les auteurs qui ont écrit sur la pêche à
l'ancien français : le rapprochement m'a paru utile
et intéressant.
XCII. — RESAND
Le comte Jaubert a relevé dans le supplément de son
Glossaire du Centre le substantif masculin résand, par-
ticulier à la Sologne, qu'il définit ainsi : « Infiltration,
filet d'eau qui circule entre le sol et le sous-sol. » Il
est bien tentant de voir dans résand une forme berri-
chonne correspondante au français normal archaïque
roisent, lequel représente le latin recens et signifie « frais »,
quand il est employé comme adjectif, et « fraîcheur »,
quand il est substantivé. On comprend facilement que
le terrain arrosé par un filet d'eau souterrain ait été
qualifié de roisent et que la qualification ait fini par être
appliquée à l'infiltration elle-même. Godefroy signale
le maintien de l'ancien français roisent dans l'Orne, où
1. Baudrillart, Dict. des pêches (1827), p. 468.
2. Cf. mes Essais, p. 79. *Rapidiitm manque dans Kôrting, qui
rattache le prov. rabeg (graphie équivalente à rabet) à rapidus,
326 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
le mot est aujourd'hui synonyme de serein (humidité
qui tombe après le coucher du soleil).
XCIII. — RESENCIER
Dans le vocabulaire qui termine sa magistrale étude
sur le patois de la Franche-Montagne, M. Maurice
Grammont a un article ainsi conçu :
« Mzpnsï, mouillé, trempé ; origine inconnue ' . »
Ce participe suppose nécessairement un verbe et ce
verbe a été depuis longtemps signalé dans différents
patois de la Franche-Comté. Le chanoine Dartois donne
résincie, résencie, resancie comme synonymes du français
rincer dans les trois départements de la province 2. Tissot
a relevé dans le patois des Fourgs (Doubs) r'senci (avec
s sonore), dans le même sens 3. Il est tout à fait sûr
que nous avons là une forme comtoise correspondant
exactement, et comme sens et comme forme, au pro-
vençal ancien reyensar, dont Diez a depuis longtemps
indiqué Tétymologie : c'est le latin vulgaire *recentiare,
dérivé de l'adjectif recens. Flechia a signalé des repré-
sentants de ce type latin dans différents patois du Nord
de l'Italie 4; il ne s'est pas avisé d'aller en chercher en
Franche-Comté.
J'ai exprimé naguère mon sentiment sur l'origine
i. Mèm. de la Soc. de linguistique, XI, 412.
2. Mèm. de l'Acad. de Besançon, année 1850, p. 246.
3. Mèm. de la Soc. d'êmul. du Doubs, 3e série, t. IX (1864),
P- 539-
4. Archivio glotlologico, II, 29.
REVONDRE 327
de l'ancien français recincier (en picard rechinchier) et
du français rincer (autrefois reïncier) I : je reste convaincu
que la présence constante dans ces formes d'un i (et
non d'un e) nous oblige à les rattacher à un type
*recinciare, très distinct de *recentiare. Dans le patois
de la Franche-Montagne, à côté de rezpnsï, M. Gram-
mont a relevé rinsi « rincer » ; même si l'on suppose
(contrairement à sa manière de voir) que le patois est
emprunté du français, il n'en témoigne pas moins soli-
dement que le type étymologique de rinsî avait un i
long, tandis que celui de rèxpnsl avait un e.
XCIV. — REVONDRE
Le patois lyonnais possède un verbe revondre « enfouir,
enterrer, recouvrir » que Nizier du Puitspelu tire du latin
rejundcre. Et pourtant Puitspelu n'ignore pas l'existence
en ancien français d'un verbe synonyme, à savoir rebon-
dre, que Diez a très justement ramené au latin reponere;
mais il abonde en son sens au point de déclarer que
« refundere se prête beaucoup mieux au sens que repo-
nere » et que l'ancien français refondre « est une forme
dialectale de revondre dans laquelle v a pris la pronon-
ciation gasconne ». Il y a quelque chose de vrai dans
cette dernière remarque : de reponere considéré comme
un mot simple le français devrait avoir revondre, et de
reponere considéré comme un mot composé il devrait
avoir et il a effectivement, et à satiété, repondre : la
1. Mélanges, p. 121,
528 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
forme refondre est particulière aux textes dialectaux de
l'Ouest, où le p intervocalique est souvent rendu par
b comme en gascon et en provençal.
Que faut-il penser du lyonnais revendre ? Sans doute,
si refundere avait été pris pour un mot simple, il aurait
d'abord changé son/médiale eni/; de profundum l'an-
cien lyonnais a fait prevond qui est dans Marguerite
d'Oingt. Mais le médiéval prevond a perdu depuis long-
temps son v et les patois actuels ne connaissent plus
que priond, prond ou prand ; comment se fait-il donc
qu'on dise aujourd'hui exclusivement revondre ? C'est
qu'il faut absolument repousser l'étymologie par refun-
dere, qui ne convient pas du tout au sens (quoi qu'en
dise Puitspelu) et ramener revondre à reponere.
XCV. — ROLH, REL
Béronie définit très précisément l'outil qu'on appelle
rèl en Bas-Limousin. Il est « composé d'une planche
de forme à peu près circulaire, percée au milieu d'un
trou de tarière, pour y attacher la perche qui lui sert
de manche ». C'est le râble ou rabot dont se servent
les boueurs pour ramasser les boues, les jardiniers pour
unir les allées, les maçons pour remuer la chaux et le
mortier, les boulangers pour nettoyer le four ou y
étendre la braise, les agriculteurs pour remuer le fond
des réservoirs et mêler le limon avec l'eau. Mistral donne
rèl, avec la variante rèlh, comme particulier au Bas-
Limousin, et il résume la définition de Béronie; il
rapproche le mot du latin rullum (?) et rutellum. Comme
ROLH, RÈL 329
rèl a pour dérivé roulia « remuer les engrais que les
pluies ont portés dans un réservoir et les faire couler
avec l'eau » (Vialle, dans Béronie), il est certain que
rèl remonte a une forme médiévale *ruèlh, comme èl à
uèlh, œil, et qu'il a un 0 latin à sa base. Il n'est pas
moins certain qu'il faut identifier le rèl actuel avec le
rolh en 0 ouvert qui figure dans le Donat proensal et qui
est traduit par « lignum cum quo furnus tergitur' ».
M. Stengcl a raison de rattacher rolh au latin rôtulus,
au même degré que l'italien rocchio « billot, rondelle ».
J'ajoute que le râble s'appelle dans les environs immé-
diats d'Aubusson reû2 et à Montmorillon reuiU, ce
qui confirme tout à fait l'étymologie par rôtulus.
D'autre part, à Saint-Yrieix-la-Montagne (Creuse)
et dans quelques communes voisines, on ne dit pas
reû, mais rouei, forme qui semble correspondre à un
type médiéval rolh avec 0 fermé 4. De ce rouei il
me paraît impossible de séparer le gascon arroulh
« instrument pour ramasser le blé sur l'aire s ». Par
suite, il faut supposer * rutulus à côté de rôtulus.
1. Voyez Stengel, Die beiden œil. prov. Grammatiken, p. 54 et
124. Naturellement, les conjectures édifiées par MM. Tobler et
P. Meyer sur la leçon fautive de Guessard (jingitur au lieu de ter-
gitur) tombent d'elles-mêmes en présence du texte correct.
2. Reil rime exactement avec eu (œil), du latin ôculus, notam-
ment dans les communes de Saint-Michel-de-Vesse, Issoudun,
Chénéraillcs.
3. Lalanne, Gloss. du patois poitevin, au mot reuil.
4. Ailleurs on dit ro (Saint-Médard, Dontreix), forme difficile
â expliquer.
5. Le mot est dans Mistral et dans Lespy et Raymond ; d'autre
part, M. Ducamin veut bien m'en certifier l'existence à Lanne-
Soubiran (Gers).
330 RECHERCHES ÉTYY0L0GIQUES
Remarquons qu'il n'est pas très naturel que le latin ait
appelé rotulus le râble ou rabot, dont le vrai nom, dans
cette langue, est rûtrutn ou rûtabulum. Je me demande
s'il ne faut pas admettre que rùtrum a donné d'abord
naissance à *rùtulum, sous l'influence de rotulus, et si ce
*rùtulum, conservé en Gascogne et dans la Marche
limousine, n'a pas fini par être supplanté ailleurs par
rotulus.
(Revue des parlers pop., année 1903, p. 178.)
XCVI. — SAUPIGNAGO
A l'article jusquiam, à côté de jusquiamo et de jus-
clano, Mistral enregistre cinq formes que l'on ne peut,
avec la plus large tolérance phonétique, considérer
comme appartenant au même mot et rattacher au latin
vulgaire jusquiamus, accommodation du grec •JcTy.ûa'j.cç.
Ce sont, par ordre alphabétique : saupignaco, saupignago,
saupignastro, sauprignaco et sôupinago. J'ignore la pro-
venance locale exacte de chacune d'elles, sauf pour la
seconde, qui se trouve écrite saoupignago dans la
deuxième édition du Dictionnaire languedocien-français
de l'abbé de Sauvages (Alais, 1820) et qui provient
vraisemblablement du Gard. Ces cinq appellations
remontent manifestement à symphoniaca, un des noms
latins de la jusquiame qui nous ont été transmis par le
pseudo-Apulée1. Il a dû exister en provençal ancien
1 . Édition Ackermann, p. 155 : « Nomina atque virtutes herbae
symphoniacae. hyoscyamive... Latini insanam vocant, alii sympho-
niacam, »
SE Y NO 33!
une forme type *semponhaga, peut-être * somponhaga , qui
répondait exactement à la prononciation de symphoniaca
en latin vulgaire1.
XCVII. — SEYNO
Le mot seyno se trouve dans la leide de l'archevêché
de Lyon, texte du treizième siècle publié dans la
Romania, XIII, 568, art. 20: « li mercer deyvont pusa
fort, et aus seyno et a les feres II d. fors2. » M. Phi-
lippon le traduit dubitativement par « marché » sans
s'expliquer sur son origine. Nizier du Puitspelu accepte
cette traduction et pense que seyno correspond au latin
signum. Mais si signum appartenait à la langue popu-
laire, il aurait donné seyn, sans voyelle posttonique
d'aucune sorte ; quand les clercs ont voulu l'introduire
dans le dialecte lyonnais, ils en ont fait signo7».
Je crois qu'il faut voir dans le lyonnais seyno le même
mot que dans l'ancien français senne, sene, etc. 4, qui
1. M. le Dr Dorveaux me signale dans YAlphita (éd. Mowat,
p. 30) la forme française sinphonic, également appliquée à la jus-
quiame; plus fréquemment, cifoine, sephoine, simphonie, etc., dé-
signe l'hellébore, comme par exemple dans le Livre des simples
médecines de la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Cf. Godefroy,
v° cifoine; Rolland, Flore pop., I, 81.
2. Rom., XIII, 590. Il vaudrait mieux imprimer au sseyno que
aus seyno.
3. Signo est fréquent dans le ms. franc. 818 de la Bibl. nat. :
los signos des prophètes, f° 154e; lo signo de la crois, f° 171e, etc.
(Mussafia et Gartner, Altjr. Prosalegenden, Vienne, 1895, p. 2,
56, etc.).
4. Cf. Godefroy, v° sene.
1)1 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
signifie « synode, réunion ecclésiastique » et qui vient
clairement du latin synodus1.
(Cf. Romania, XXXIII, 228.)
XCVIII. — SOUILLE
Littré a cru devoir enregistrer le terme dialectal souille,
substantif féminin, « taie d'oreiller en quelques pro-
vinces ». Le mot est usité dans le Centre et dans
l'Ouest2. Littré en a relevé l'emploi dans les Singula-
rité^ de Pierre Belon ; c'est tout naturel, puisque Pierre
Belon était natif des environs du Mans. Voici ce qu'il
pense de l'étymologie : « M. Jaubert dit qu'il vient de
souiller, cette taie étant destinée à empêcher l'oreiller
lui-même de se graisser au contact de la tête; cela est
probable. M. Roulin le tire du latin sudarium; mais
sudarium ne peut faire souille ou souie. » Je ne viens
pas réhabiliter sudarium, bien entendu ; mais j'avoue
que j'ai peu d'inclination à considérer souille comme
un substantif verbal de souiller. Le sens de notre mot
est plus étendu que ne le donne à entendre Littré.
Dans le Blaisois, Thibault le traduit par « étoffe d'une
couette, d'un matelas, d'une paillasse, d'un oreiller,
d'un traversin ». Dans le Bas-Maine, Dottin indique
1 . Le redoublement de l'w, fréquent en ancien français, semble
indiquer que synodus a été prononcé par métathèse *sydonus (cf.
Romania, XXX, 423). Au contraire, la diphtongue ey rattache le
lyonnais à la forme correcte synodus.
2. Il est dans Jaubert (Centre), Thibault (Blaisois), Montesson
(Sarthe), Dottin (Mayenne), Dottin et Langouét (Ille-et-Vilaine).
TORELIÈRE, TÙRIÈRE 3$)
« petit sac, sorte de bissac, taie d'oreiller, torchon ».
Au sens de « torchon », il est bien probable que souille
vient effectivement de souiller. Mais ce qui me porte
à proposer une autre étymologie pour les autres sens,
c'est l'existence de formes qui indiquent manifestement
une contraction. A Landivy on prononce swiy; à Plé-
châtel, swiy et sewiy (forme vieillie) : cela nous reporte
à une forme médiévale *soïlle, dont le type latin me
paraît être subicula, variante de subûcula « vêtement
de dessous, chemise ». Le développement sémantique
du mot français chemise qui, dans la langue courante,
désigne l'enveloppe dans laquelle on enferme certains
objets, me paraît appuyer l'étymologie que je soumets
au lecteur. Au point de vue de la forme, on pour-
rait admettre l'existence simultanée de *subùcula (d'où
*sooille, souille) et de *subïcula (d'où soûle, souille).
XCIX. — TORELIÈRE, TORIÈRE
M. Grammont a relevé, dans le Patois de la Franche-
Monlagne', le substantif féminin touorlire « vache qui
ne peut plus faire de veau », dont il déclare l'origine
inconnue. Ce mot se trouve dans Godefroy, article tau-
reliere, d'après des lexicographes de la fin du seizième
siècle et du commencement du dix-septième, lesquels
l'écrivent par au, et il est encore vivant en Normandie.
On lit, par exemple, dans le Glossaire du patois normand
de Louis Dubois : « Taurelière (vache), attaquée de
1. Ment, de la Soc. de lin«., XI, 430.
334 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
fureur utérine et qui est inféconde. » Nous avons clai-
rement affaire à un dérivé de iorel (aujourd'hui tau-
reau) dont le type latin vulgaire serait *taurellaria.
Roussey, Patois de Bournois, p. 318, donne touerîr,
qu'il définit « génisse qui a manqué son veau ». Ici
nous remontons directement à taurus combiné avec le
même suffixe: le type étymologique est *tauraria.
Dans un cas comme dans l'autre, les vocables romans
s'appliquent proprement à la femelle qui, n'arrivant
pas à concevoir, demande et redemande le taureau.
Pour qualifier une femelle en appétit de mâle, le lan-
gage populaire forme volontiers des adjectifs tirés du
nom même du mâle et qui ne connaissent que le genre
féminin. Mistral donne boucan, pourchau, taurau comme
adjectifs limousins qualifiant la chèvre, la truie et la
vache en chaleur; le patois de l'Ile d'Elle (Vendée)
connaît le dernier de ces adjectifs sous la forme tarait1,
et le patois de la Gâtine (Deux-Sèvres), sous la forme
plus régulière taurau 2.
C. — TROUVER
Trouver vient-il de turbare ? Diez en était convaincu
et il faut lui savoir gré d'avoir proposé cette étymo-
logie à une époque où le marché était encombré des
hypothèses de Ferrari, de Ménage, de Du Cange et
1. Simonneau, Gloss., dans Rev. de phitot. franc., III, 119.
2. Écrit abusivement taureau, Puichaud dans Rev. de phit. franc.
VI, 132.
TROUVER 335
autres, lesquelles flottaient entre le grec ljptr/.w, le latin
reperire ou recuperare, l'allemand treffen et l'ancien fran-
çais ireii « tribut » — et j'en oublie. Je me figurais
que Gaston Paris, aidé de M. Paul Meyer, avait porté
un coup mortel à l'étymologie de Diez et montré
péremptoirement, il y a un quart de siècle, que trouver
postule un type latin *trôpare ' . Je me trompais, paraît-il,
puisque M. Schuchardt a repris à son compte l'étymo-
logie de Diez et qu'il n'en veut pas démordre. J'ai cru
ensuite que cette manifestation rétrograde serait isolée
et inoffensive : je me trompais encore. Voici que
M. Kôrting, dans la nouvelle édition de son Lateinisch-
romanisches Wœrterbuch, cancelle, pour ainsi dire, son
article *tropare (9763) en écrivant à la suite : « Tout
récemment, Schuchardt a montré d'une façon convain-
cante que trovare est sorti de turbare et que turbare était
un terme technique de pêche et, comme tel, popu-
laire. » Cela n'engage que M. Kôrting, dira-t-on, et le
mal n'est pas grand. Sans doute, mais je suis vraiment
consterné de voir M. Meyer-Lubke faire chorus, lui
aussi. Dans le compte rendu qu'il vient de consacrer
au 2e fascicule des Romaniscbe Etymologieen , il proclame
que si *lropare a « dû », turbare a « pu » donner trouver 2,
et dans son Einfiihrung in das Studium der Romanischen
Spracbwissenschaft, il écrit, p. 71 : « Schuchardt a montré
avec vraisemblance que l'italien trovare, français trou-
ver, etc., est proprement un terme de la langue des
pécheurs, venant du latin turbare... » Je ne cite pas la
1. Dans la Romania, VII, 418.
2. Literaturblatt, année 1901, col. 118.
336 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
suite, pour faire court; il y a pourtant de fort belles
choses sur la philosophie du langage.
Ce serait peut-être mal servir la vérité que de con-
tinuer à me tenir sur la réserve, comme j'ai cru devoir
le faire jusqu'ici, non sans avoir dit cependant que
j'adhérais aux conclusions formulées en 1 878 par Gaston
Paris '. M. Schuchardt me reproche amèrement ce qu'il
appelle mon dogmatisme2. M. Meyer-Lùbke déclare
qu'il ne comprend pas ce que j'ai voulu dire quand j'ai
écrit: « *Tropare est le seul type que la phonétique
puisse avouer 3. » Je vais tâcher de m'expliquer plus
clairement et de ne pas trop dogmatiser. On parle beau-
coup des progrès qu'a faits la phonétique historique
depuis Diez : si elle ne nous fournit pas le moyen de
nous prononcer entre deux types aussi différents que
tùrbare et *trôpare, ce n'est pas de progrès, mais de
faillite qu'il faut parler.
M. Schuchardt reconnaît que *trôpare est inattaquable
au point de vue phonétique. Peut-on en dire autant
de tùrbare, ou du moins peut-on accorder à M. Schu-
chardt qu'il ait repoussé victorieusement les attaques
dont cette étymologie a été l'objet de la part de Gaston
Paris ? Il faut voir cela avant tout. Si tùrbare ne peut
pas supporter l'examen phonétique, il ne compte plus,
il est mort. Il peut avoir beaucoup de qualités par
ailleurs, comme la jument de Roland; rien ne pourra
compenser ce terrible défaut. Quant à *trôpare, avant
1. Cf. Romania, XXIX, 438, et XXX, 154.
2. Zeitscto. f. roui. Phil., XXV, 256.
3. Literalurblatt, loc. laud., col. 119.
TROUVER 337
de le proclamer vainqueur, il faudra s'assurer qu'il
satisfait à toutes les autres conditions requises: on ne
peut rien prétendre en étymologie sans l'aveu de la
phonétique, mais la phonétique ne suffit pns à tout.
Il y a trois points sur lesquels tùrbare est vulnérable :
la métathèse de IV, le changement de Vu en ô, le trai-
tement du b. Nous allons les examiner l'un après
l'autre. Comme, dans le système de M. Schuchardt,
*trôbare issu de tùrbare serait propre à la Gaule et à ses
annexes, il suffit d'employer le français et le provençal
pour mettre son étymologie à l'épreuve.
i° Métathèse. A priori, on ne voit pas pourquoi tùr-
bare aurait subi une métathèse et serait devenu *trùbare.
Le groupe rb est des plus fréquents en latin : barba,
herba, corbis, etc. Son domaine s'est même augmenté
aux dépens de rv : berbix (pour vervex), corbus (pour
corvus), curbus (pour curvus), etc. Il y a bien une
métathèse dans brebis, de berbicem, mais elle est relati-
vement récente, comme le montre la conservation du b :
si tùrbare avait eu le même sort, il aurait abouti k*trouber
en français. M. Schuchardt suppose que c'est dans le
dérivé tùrbidare, où la contraction en tûrblare amenait
un groupe de trois consonnes difficile à prononcer,
que la métathèse a pris naissance, et que *trùblare a
entraîné *trùbare. Mais il ne s'agit pas d'expliquer la
métathèse : il s'agit de l'établir, de la rendre manifeste
à nos yeux. M. Schuchardt ne fait rien pour cela et il
ne peut rien faire, car on lui objectera toujours que si
tùrbare avait été altéré par la contamination de *trùblare,
ou par suite d'une cause que nous nous résoudrions,
s'il le fallait, à ignorer, distùrbare s'en serait ressenti.
Thomas. II. — 22
338 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
Or, distûrbare n'a pas bronché: chacun le reconnaît
dans le provençal destwbar et dans l'ancien français des-
torber1, tandis qu'il faut une grâce d'état pour recon-
naître tûrbare dans le provençal trobar et dans le français
trouver2.
2° Changement d'û en à. M. Schuchardt ne se préoc-
cupe guère de cet « accident » ; il se contente de ren-
voyer à Diez 3 et de faire appel à l'influence de la labiale
pouvant, par dissimilation, changer un ù en ô. Au con-
traire, M. Meyer-Lûbke déclare que ce changement d'/i
en ô constitue la plus forte objection qu'on puisse faire
à l'étymologie de M. Schuchardt et que, pour sa part,
il ne croit pas à l'influence de la labiale. Comment
peut-il donc expliquer que *trùbare soit devenu *trô-
bare ? Par l'analogie de la conjugaison. D'après lui, les
verbes du type prôbare prôbat, rôgare rôgat, étant en
majorité, ont opprimé les verbes du type plôrare plôrat,
cubare cubât : comme ô, ô et û primitifs avaient la même
i . M. Schuchardt renonce sagement à s'appuyer sur un exemple
isolé de torver pour traver en ancien français, et sur la forme lourba
pour trouba, usitée actuellement dans quelques cantons de l'Au-
vergne; ce sont là des métathèses récentes. Un exemple de destio-
bier pour destorbier, substantif abstrait de destorber, qui se trouve
dans Godefroy, est également insignifiant.
2. *Trûblare, pour *tiïrblare, est une métathèse relativement
ancienne, mais qui n'a jamais supplanté complètement la forme
primitive ; les très anciens textes français oscillent entre trobler et
torbler, entre controbhr et contorbkr. Un témoignage curieux de la
vitalité du latin *contrtïblare nous est fourni par le gallois cythrwfl
« trouble, tumulte », d'où a été tiré le verbe cythryfi.il. Mais le
gallois possède aussi le verbe cynhyrfu, emprunté du latin contûr-
bare, et non *contrûbarc : c'est une preuve que *trùblare n'a pas agi
nécessairement sur *tûrbare.
3. Gramm. des lang. rom , II, § 190.
TROUVER 339
prononciation avant l'accent, que, par exemple proruer
et trover étaient identiques (à la consonne initiale près),
la forme accentuée prueve, qui est étymologique, aurait
intronisé une forme accentuée trueve, au détriment de
la forme étymologique *trove, *trouve. Je crois que
M. Meyer-Lûbke se fait illusion sur la force de l'ana-
logie à l'époque ancienne des langues romanes. L'ana-
logie trouble de ci, de là le développement naturel des
sons; mais elle n'agit pas à la manière d'un torrent
dévastateur qui entraîne tout sur son passage et rend
absolument méconnaissables les lieux qu'il a ravagés.
Pour s'en rendre compte, il faut examiner les faits
d'analogie qui sont dûment établis en français et en
provençal. Je me bornerai au provençal, pour abréger.
M. Meyer-Lûbke a cité lui-même trois verbes aux-
quels l'analogie s'est attaquée: cobrar, sobrar et costar. Il
est possible que, dès la période latine, *cûperat, récupérât
aient été contaminés par côperit et soient devenus *côpe-
ral, *recôperat\ cf. l'anc. franc, recuevre; mais l'ital. ricôvera
atteste récupérât. Sobrar s'est modelé sur cobrar ' . Quant à
costar, les auteurs des Leys d'amors constatent que l'usage
est hésitant et, tout en recommandant la prononciation
ouverte de Yo (plenissonan), ils avouent que certains
préfèrent la prononciation fermée (semissonan)2. Effec-
tivement, l'auteur de Flamenca fait rimer l'indicatif
costa avec Pentccosta, qui a un o fermé (2577 et 5083),
et le subjonctif coste avec oste, qui a un 0 ouvert (201 5) :
1 . Dans les patois actuels on trouve, selon les régions, soubro
et sàbro comme substantif verbal.
2. Tome I, p. 52 ; le passage n'a pas échappé à M. Mcyer-Lùbke,
qui y renvoie.
340 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
on trouve également, dans la pièce Truan mala guerra
de Raimbaud de Vaqueiras, costa avec o fermé et cost
avec o ouvert. On peut croire que c'est acostar qui a
agi sur costar. Il y a quelques traces de l'analogie
inverse, dont M. Meyer-Lubke ne parle pas : bien que
le Donat indique pour demorar un o ouvert, ce qui est
conforme à la quantité latine et à l'usage de la plupart
des troubadours, l'auteur de Flamenca fait rimer demora
avec adora (867), c'est-à-dire en 0 fermé ' ; dans le Bre-
viari d'Amors (30989), troba, du verbe trobar lui-même,
rime avec loba (latin lûpa). Il faut savoir gré à M. Schu-
chardt, qui a indiqué cette curieuse rime, de n'en avoir
pas exagéré l'importance : elle est due sans doute à la
fois à l'absence de rime correspondante en 0 ouvert,
et à l'analogie de adobar et de escobar, qui ont réguliè-
rement un 0 fermé, comme demora avec un 0 fermé est
dû aux nombreux verbes en orar où Yo remonte à un
ô latin (adora, assabora, enamora, laora, plora, etc.).
Voilà à quoi se réduit, en provençal ancien2, l'in-
fluence analogique sur la voyelle radicale des verbes :
quelques cas isolés dont chacun a une explication par-
ticulière î. Si le provençal avait eu primitivement troba
1 . Demora rime aussi en 0 fermé dans les Strophes au Saint-Esprit
publiées par Cohendy et par moi, Romania, VIII, p. 21s, str. xiv.
2. Naturellement cette influence a grandi dans les patois actuels ;
voyez, par exemple, ce que dit M. Chabaneau à ce sujet, Gramm.
iimous., p. 285 et s.
3. Ajoutons encore, par acquit de conscience, la rime de proa
(latin probà) avec soa (latin sua) dans Bartsch, Denhn. 203 et 264.
Quant à cossola (latin consolât, qui rime en 0 ouvert dans les Strophes
au Saint-Esprit {Romania, VIII, 216, str. xxi), c'est un mot demi-
savant qui ne tire pas à conséquence.
TROUVER 341
avec un 0 fermé, il l'aurait gardé sans aucun doute,
car nous ne voyons aucun verbe qui ait pu le contami-
ner, et nous constatons que adoba et escoba n'ont pas
varié. N'est-il pas permis de dire que M. Meyer-Lûbke
a échoué, tout comme M. Schuchardt, dans son des-
sein de ramener trbba à tùrbat ?
30 Traitement du b latin. M. Schuchardt se figure
que c'est sur le troisième point qu'il a à livrer la bataille
décisive et il accumule les arguments pour écraser ses
adversaires. Il se fait tort à lui-même : il n'avait qu'un
mot à dire pour vaincre, et il le dit, en somme.
M. Paul Meyer a objecté que si *trubare avait existé
en latin, il aurait été traité comme probare et serait
devenu en provençal *trovar ou *troar, mais non pas
trobar. « Pardon, répond M. Schuchardt. Il s'agit d'un
b secondaire dans *trubare, et non d'un b primaire
comme dans probare. Si j'admets que la métathèse a
eu lieu au moment précis où le p latin intervocalique
était devenu b en Gaule, *trubare marche, non avec
probare, qui depuis longtemps était prononcé *provare,
mais avec *scobare, tout fraîchement sorti de scopare,
c'est-à-dire qu'il devient légitimement trobar dans le
Midi de la France, trovar dans la région franco-pro-
vençale et trover dans le Nord. » M. Schuchardt a
raison : si on lui passe la métathèse, il faut bien lui
laisser le droit de s'en servir comme d'un deus ex
machina.
Donc, c'est sur les deux premiers points seulement
que l'on peut arrêter M. Schuchardt et discuter avec
lui. Il me peine vraiment de ne pouvoir lui donner
raison ni sur l'un ni sur l'autre; mais ma conscience
342 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
scientifique s'y refuse. Si je sautais le pas, rien ne me
retiendrait d'en prendre à mon aise avec la phonétique
et de démontrer au lecteur, par exemple, que prouver
vient de purgare. Comme ce serait vite fait ! Nous pas-
serions ensemble de pûrgare \*pnlgare, puis de *prïigare
à *prûgare, enfin de *prûgare à *prôgare ; après quoi, je
lui mettrais rôgare devant les yeux et je suis sûr qu'il
irait tout seul de *prôgare à prouver. M. Meyer-Lûbke
certifierait que si probare « doit », purgare « peut »
donner prouver, et quelque sémantiste se trouverait bien
pour faire remarquer que « prouver » une chose, c'est
la débarrasser, la « purger » de ce qui empêche d'en
voir la vérité...
On sait l'histoire qui advint à un célèbre voyageur
au milieu d'une grande forêt : un loup affamé se pré-
cipita sur la croupe du cheval qui tirait son traîneau,
s'y enfonça et se reput si complètement des entrailles
de la pauvre bête qu'il entra dans sa peau et prit sa
place dans les harnais. Parti d'Allemagne avec un che-
val, le baron de Mùnchhausen arriva à Saint-Pétersbourg
attelé d'un loup. On peut de même partir du latin avec
purgare et arriver en français avec prouver. C'est un
genre de sport fort amusant, mais ce n'est qu'un
sport.
Revenons à *trôpare. Depuis que Gaston Paris l'a
« postulé », on n'a pas réussi à le rencontrer dans les
textes latins ; mais on y a signalé contropare ' et attro-
i . Baist, dans Zeitschr . ftir rom. Phii, XII, 265 ; cf. Rom., XVII,
625. M. Schuchardt ajoute encore quelques exemples nouveaux,
Rom. Etymol., II, p. 186-7.
2. Baist, dans Zeitschr., XXIV, 410; cf. Rom., XXIX, 614.
TROUVER 343
pare2, qui ont bien Pair d'être de la même famille.
Contropare est assez fréquent dans les lois des Wisigoths
d'Espagne au sens de « comparer » ; attropare est un àra-
zlzr^j.v/zv d'Arnohe le jeune, chez qui il signifie, à ce
qu'il semble, « interpréter au sens figuré, tropifier ».
Comment ne pas reconnaître, avec M. Schuchardt,
qu'il y a de terribles hiatus sémantiques entre contro-
pare, attropare et trouver} Je me déclare humblement
incapable de les combler; mais cela n'affaiblit en rien
ma conviction que trouver vient de *trôpare. L'aveu de
ce qu'on ignore est souvent la sauvegarde de ce qu'on
sait. La peur de l'inconnu ne saurait me décider à
donner tête baissée dans turbare. Ne serait-ce pas faire
comme Gribouille, qui de crainte de la pluie se jetait
à l'eau, et ne dirait-on pas de moi : turbavit aquam,
non *lropavit piscem ? L'abbé Chastelain, chanoine de
Paris du temps de Ménage, tenait l'origine de trouver
pour introuvable. La science ne peut pas encore lui
donner hautement le démenti '. .
(Romania, XXXI, 6-12.)
1 . Cet article a été écrit il y a trois ans. Depuis lors M. Schu-
chardt est revenu à quatre reprises sur la question dans la Zeit-
scbriftfiir rom. Philot., XXVI, 387-390, XXVII, 97-101, XXVII,
101-105 (zweites Stûck) et XXVIII, 36-55 (drittes Stùck): il a
cherché à répondre — et il l'a fait d'une façon très intéressante,
sinon très convaincante — à mes observations et à celles de Gaston
Paris, ces dernières limitées au côté sémantique du problème
(Romania, XXXI, 12-13 et 625-630). Je renvoie le lecteur à ces
différents articles et je souhaite qu'après les avoir lus il réussisse
à se faire une opinion arrêtée.
344 RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
CI. — VERIN E, VARINAS
On lit dans Littré : « Vérine, s. f. Nom de la meil-
leure espèce de tabac cultivée en Amérique. » Un point,
c'est tout. Pour en savoir davantage, ouvrons le Dic-
tionnaire du Commerce de Savary des Bruslons (1723),
à l'article Tabac. Nous y trouverons ce qui suit :
« Le tabac de Verine est le meilleur de tous les tabacs
en corde, du moins il en a la réputation quoique d'ha-
biles Artistes le croient moins bon pour l'usage qu'on
en fait quelquefois en médecine. Il est appelé de Verine
du nom d'un village situé sur la Côte de Terre-ferme
de l'Amérique espagnole, auprès de la ville de Comana,
à l'entrée d'un lac ou bras de mer qu'on nomme la
Laguna de Venezuela. »
Malgré la précision des détails géographiques que
donne Savary des Bruslons, ce village de Verine est
resté introuvable pour moi et pour d'autres. M. Paul
Tannery m'a écrit à ce sujet, le 20 février 1900 : « J'ai
pu constater que le tabac de Varina (sic) est mentionné
par un auteur anglais dès la première moitié du dix-
septième siècle, et la série des témoignages entraîne
que c'est bien le tabac provenant de la province actuelle
de Varinas (Colombie); cette province est toujours un
centre de production important... Je suis absolument
convaincu que le tabac de Vérine était du tabac pro-
venant de la ville actuelle de Varinas, comme vous
l'aviez supposé tout d'abord. »
L'identification proposée ne m'est pas personnelle :
VÉRINE, VARINAS 34$
en 1812, Mozin traduit en allemand Vérine par Van-
nas ' . Sous ce nom même de Farinas la régie française
a longtemps débité une variété de tabac dont la fabri-
cation a cessé, il y a une vingtaine d'années, comme
me l'apprend encore M. Paul Tannery. Littré, dans
son supplément, a relevé au Journal officiel du 6 dé-
cembre 1875 la mention de « scaferlaty varnias »: il
faut lire varinas.
1 . Varinas est aussi connu en néerlandais.
APPENDICE
L'ATLAS LINGUISTIQUE DE LA FRANCE '
L'œuvre gigantesque entreprise courageusement par
MM. Gilliéron et Edmont2 est une réponse à l'appel
lancé par Gaston Paris dans le discours qu'il prononça,
e 26 mai 1888, à l'assemblée générale de clôture du
Congrès des sociétés savantes ; aussi les auteurs ont-ils
tenu à dédier l'Atlas linguistique de la France au maître
dont la brusque disparition a récemment plongé la
science française dans le deuil.
1 . Cet article a déjà eu deux éditions : il a paru dans le Journal
des Savants, février 1904, p. 89-96, puis il a été réimprimé, à mon
insu, dans une brochure — d'aucuns diraient un pamphlet —
signée J. Gilliéron et intitulée: Atlas linguistique de la France.
Compte rendu de M. Tbotruis (Paris, Champion, 1904, in-8, 24
pages). Je regrette que les auteurs de l'Atlas linguistique se soient
mépris sur les sentiments auxquels j'ai obéi en écrivant cet article,
mais il n'est pas en mon pouvoir de les détromper. Il faut laisser
au temps le soin de faire l'apaisement dans leur âme et la lumière
dans leur esprit.
2. J. Gilliéron et E. Edmont, Atlas linguistique de la France,
Paris, Champion, 1902-1904. Douze livraisons, contenant 561
cartes, ont déjà paru: la carte 561 est celle de fève.
L'ATLAS LINGUISTIQUE DE LA FRANCE 347
« Il faudrait, disait Gaston Paris, que chaque com-
mune, d'un côté, chaque forme, chaque mot, de l'au-
tre, eût sa monographie, purement descriptive, faite
de première main, et traitée avec toute la rigueur
d'observation qu'exigent les sciences naturelles... »
V Atlas nous offrira, quand il sera terminé, le résultat
de quatre années de voyages consécutifs à travers la
France, la Belgique wallonne et la Suisse romande,
de 1897 à 1901, résultat strictement limité aux formes
recueillies pendant ce laps de temps, et recueillies par
M. Edmont seul.
M. Edmont s'est fait connaître récemment par un
Lexique du patois de Saint-Pol (Pas-de-Calais), qui révèle
chez lui de remarquables qualités d'observateur. Quant
à M. Gilliéron, il y a longtemps qu'il a orienté ses
études de philologie vers la dialectologie romane. Son
livre intitulé Le Patois de Vionna^ (Valais), paru en
1880, et son Petit Atlas phonétique du Valais, publié
l'année suivante, sont d'excellents exemples de ce qu'on
pouvait faire dès lors pour appliquer les méthodes pré-
conisées en France par Gaston Paris et par M. Paul
Meyer, méthodes qu'on pouvait craindre de voir se
confiner longtemps encore dans le domaine de la théorie
pure. Entré dans le personnel enseignant de l'École des
Hautes Études en 1883, M. Gilliéron y fut dès l'origine
charge du cours de dialectologie romane de la Gaule,
qu'il professe encore aujourd'hui, et dont l'influence
s'est fait heureusement sentir dans les meilleures pu-
blications sur nos patois qui ont marqué ces vingt der-
nières années.
Une œuvre exécutée en collaboration par MM. Gil-
Héron et Edmont se recommande donc d'elle-même à
l'attention. Voyons quelle en est l'économie générale.
L'Atlas linguistique laisse de côté les parlers non
romans, c'est-à-dire le flamand, le breton et le basque ;
mais il déborde les frontières politiques de la France
pour englober non seulement la Belgique wallonne et
la Suisse romande, mais quelques vallées du Piémont
(notamment Aoste et Oulx), dont la langue est plus
rapprochée du franco-provençal que du piémontais, et
les îles anglo-normandes de la Manche. Dans cette
immense étendue de territoire, six cent trente-neuf
stations ont été établies, à une distance à peu près égale
les unes des autres, et la tâche de M. Edmont a con-
sisté à relever dans chacune d'elles les équivalents patois
des phrases ou des mots portés sur un questionnaire
uniforme préparé par M. Gilliéron. Ces équivalents ont
été notés d'une manière rigoureusement phonétique et
transcrits dans un alphabet spécial auquel la Revue des
patois gallo-romans a depuis longtemps habitué les lin-
guistes, et qui est si peu différent de l'alphabet français
courant que les amateurs peuvent se l'assimiler très
rapidement. Chaque carte comprend l'ensemble du ter-
ritoire ', mais elle est toujours limitée à un mot, à une
locution ou à une courte phrase : abeille, aller chercher,
moi je ne les aide pas, etc. Les cartes se suivent dans
l'ordre alphabétique du mot, de la locution ou de l'élé-
ment principal de la phrase. L'ordonnance est parfaite,
et, dans l'exécution définitive, rien de grave ne transpa-
i. Des nécessités matérielles ont parfois obligé les auteurs à
scinder une carte en deux feuilles distinctes.
L'ATLAS LINGUISTIQUE DE LA FRANCE 349
raît des tâtonnements inséparables de la première heure,
tâtonnements dont les auteurs ont tenu à faire part au
public en lui soumettant une notice préliminaire1.
En voilà assez sur les conditions matérielles dans
lesquelles Y Atlas a été conçu et réalisé. Passons aux
services qu'il est appelé à rendre aux études linguis-
tiques. Tout d'abord, il en est un, intimement lié à
l'idée même de la publication, pour lequel on ne saurait
avoir trop de reconnaissance, encore qu'il puisse sem-
bler inutile d'y insister longuement : Y Atlas économise
le temps du savant en lui apportant à pied d'œuvre les
matériaux dont il a besoin pour ses spéculations. N'est-
ce rien que de pouvoir instantanément, grâce à une
carte qu'on embrasse d'un coup d'œil, trouver et grou-
per sous la même idée un millier de formes dont la
recherche dans les lexiques spéciaux de chaque région
demanderait un loisir énorme ? Mais ce n'est là que
son moindre avantage. Le butin scientifique n'y est pas
seulement plus facile à recueillir, il y est infiniment
plus riche que partout ailleurs, car beaucoup de faits
intéressants y sont, si je ne me trompe, relevés pour
la première fois. A l'heure actuelle douze livraisons ont
paru, contenant 561 cartes, depuis le mot abeille jus-
qu'au mot fève; on nous annonce pour l'ensemble de
l'œuvre un total d'environ 1 800 cartes. Souhaitons
que l'accueil du public studieux soutienne le zèle des
auteurs et hâte l'achèvement de ce monument gran-
diose, qui sera vraiment le trésor linguistique de la
1. Atlas linguistique de la France. Notice servant à l'intelligence
des cartes. Paris, Champion, 1902, in-4 de 56 pages.
3Ç0 APPENDICE
France et peut-être aussi, il faut le prévoir, hélas ! le
testament de ses patois.
Si ce vœu ne devait pas être exaucé et si Y Atlas était
condamné à rester inachevé, il est consolant de penser
que la partie publiée n'y perdrait rien de sa valeur. En
effet, chaque carte forme un tout qui peut facilement
s'abstraire de l'ensemble, et il n'importe pas outre
mesure d'avoir précisément i 800 cartes plutôt que
500, plutôt que 3 000. Il faut bien se rendre compte,
surtout, qu'une carte est à elle seule une mine féconde,
dont l'exploitation scientifique demanderait presque un
volume de commentaires. Qu'on me permette de
prendre, à titre d'exemple, la carte n° r, consacrée au
mot abeille, pour faire entrevoir quel riche aliment elle
fournit aux parties les plus diverses de la science lin-
guistique.
Les Romains appelaient l'abeille apis (ou apes), et
ils avaient tiré de ce mot le diminutif apicula. L'idée
diminutive attachée étymologiquement à ce dernier
terme se perdit peu à peu, et apicula finit par devenir
dans le langage vulgaire un simple synonyme d'apis,
à qui il fit une concurrence meurtrière. Toutefois,
malgré cette concurrence, apis ne disparut pas com-
plètement du vocabulaire populaire : il a donné l'ancien
français ef, au pluriel es, mot dont Y Atlas nous montre
la conservation dans l'île de Guernesey et sur dix points
du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme ; il a dû
donner en ancien provençal ap, bien qu'aucun texte
ne nous ait transmis ce mot, conservé aujourd'hui intact
sur trois points de la Gironde et réduit à a sur quatre
points de la Suisse romande. Cette présence du type
V ATLAS LINGUISTIQUE DE LA FRANCE 35!
apis dans un coin du Médoc est une révélation que
nous devons à Y Atlas; pour curieuse qu'elle soit, elle
ne relève pas beaucoup la destinée misérable du vocable
primitif en présence du triomphe de la forme dérivée
apicula, représentée aujourd'hui, sur environ 355 points
du territoire gallo-roman, par les formes abeille, aveille,
avilie, avilit, abeilla, abeillo, beillo, etc.
L'étude de ces différentes formes et de leur réparti-
tion territoriale offre un grand intérêt pour la phoné-
tique descriptive et historique. On a remarqué depuis
longtemps que le mot abeille qu'emploie le français
littéraire ne peut pas remonter directement au type
latin apicula; nous dirions encore aveille si rien n'était
venu rompre notre tradition séculaire et implanter dans
la langue commune une forme dont le b décèle un
emprunt fait, à une époque relativement récente, aux
parlers méridionaux. Pourquoi cet emprunt et de quelle
partie du Midi nous vient-il ? Est-il d'origine industrielle
et correspond-il à une supériorité reconnue de l'api-
culture méridionale, à une capitulation du miel du
Gâtinais devant le miel de Narbonne ? Est-il au con-
traire d'origine littéraire et quel est l'écrivain assez
puissant pour avoir assuré le triomphe de l'intrus ? Le
jour où nous posséderons le dictionnaire idéal de notre
langue que rêvait Gaston Paris1, nous y trouverons
sans doute de quoi satisfaire notre curiosité sur tous
ces points. V Atlas ne nous permet pas de résoudre la
question ; mais les matériaux qu'il nous fournit nous
font mieux voir comment elle se pose.
1. Voir h Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1901, p. 826-828.
3J2 APPENDICE
Apis et apicula ne se sont pas maintenus partout.
Dans l'Ouest on a eu recours au joli diminutif avette
(Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Ille-et- Vilaine et
Loire-Inférieure), qui remonte très haut et représente
probablement une forme *apitta, qu'on peut supposer
en latin vulgaire'. Un peu partout, surtout dans le
Nord et dans l'Est, on a eu recours de préférence à une
périphrase, et mouche à miel, différemment prononcé,
est devenu le terme usuel et exclusif pour désigner l'a-
beille ; parfois même (dans l'Est), on s'est contenté du
terme vague de « petite mouche » (tnouchette, mou-
chate, mouchotè), sans éprouver le besoin de préciser
davantage. V Atlas nous fournit encore quelques rares
exemples d'individualisation des termes collectifs « es-
saim » et « ruche » pour désigner l'abeille: mais sur
ce point, malgré Y Atlas, je conserve quelques doutes
et je me demande si M. Edmont a bien saisi la pensée
des gens qu'il interrogeait, et si essaim et ruche ont
réellement évolué jusqu'à devenir adéquats à abeille.
Je trouve aussi dans la carte malot (Nord), qui signifie
proprement « bourdon », ouesse (Haute-Alsace, Vosges)
et bèco (Creuse), qui signifient proprement « guêpe » ;
n'avons-nous pas affaire ici à quelques impropriétés
individuelles plutôt qu'à une perversion de sens enra-
cinée dans un groupe humain de quelque importance ?
Il est tout naturel qu'une œuvre aussi vaste que celle
de MM. Gilliéron et Edmont provoque la surprise et
i. Dans le Lyonnais on a signalé avi, qui représente *apia\ mais
cette forme n'a pas été rencontrée par M. Edmont, et elle est peut-
être éteinte depuis une ou deux générations.
V ATLAS LINGUISTIQUE DE LA FRANCE 553
le doute sur quelques points de détails, et il est à
souhaiter qu'elle inspire aux hommes d'étude le désir
de la contrôler, de la compléter, de la corriger, s'il y
a lieu.
Je touche ici à un point délicat sur lequel je dois
m'expliquer en toute franchise : quelle autorité con-
vient-il d'accorder à Y Atlas linguistique ? Lorsque Gaston
Paris adressait son appel éloquent aux hommes de
bonne volonté pour les presser d'établir l'inventaire de
nos richesses linguistiques, il évoquait le tableau d'une
légion de travailleurs et il s'écriait : « Que chacun se
fasse un devoir et un honneur d'apporter au grenier
commun, bien drue et bien bottelée, la gerbe qu'a
produite son petit champ ! » C'est dire clairement qu'il
aurait voulu voir surgir dans chaque commune de
France un ouvrier indigène, autochtone, connaissant
de longue main le champ dont il devait récolter et
engranger la moisson. L'Atlas s'est exécuté dans de
tout autres conditions. Deux hommes se portent cau-
tion pour toute la France romane et ses annexes. Que
dis-je, deux hommes ? Je me trompe de moitié. Par
un scrupule scientifique poussé à l'extrême, M. Gillié-
ron, organisateur de l'enquête, s'est rigoureusement
interdit de changer un iota aux notes prises sur les
lieux par son collaborateur. Il a impitoyablement
proscrit les retouches, ces retouches qui paraissent
inoffensives et qui pourtant effacent des nuances pré-
cieuses et, comme dit énergiquement M. Gilliéron,
« outrent souvent les vérités au détriment des doutes. »
Donc, à vrai dire, Y Atlas est l'œuvre d'un seul homme,
de M. Edmont, dont le témoignage unique en constitue
Thomas. II. — 23
J54 APPENDICE
l'âme. Or, à qui connaît par expérience toute la diffi-
culté des explorations linguistiques, à qui sait combien
le paysan, seul dépositaire authentique du trésor qu'il
s'agit de mettre en lumière, est défiant, malveillant et
rusé, on aura de la peine à faire croire qu'un étranger,
si fin diplomate qu'on le suppose, si bon entendeur
qu'on puisse se le figurer, n'ait pas été fréquemment
mis en défaut. Certains se demanderont, non sans
angoisse, si cette œuvre préparée avec tant de soin,
poursuivie avec tant d'énergie, exécutée avec tant de
conscience, ne porte pas en elle un principe d'erreur
et comme un péché originel qui doive la faire tenir en
légitime suspicion. Je crois qu'il serait injuste de se
laisser dominer par de telles préventions; mais je crois
aussi que dans beaucoup de cas le témoignage de l'Atlas
n'a qu'une valeur relative.
S'agit-il de lexicographie ? Il ne faut pas oublier que
le paysan interrogé tend toujours à se rapprocher du
français, et si M. Edmont ne nous donne que la tran-
scription phonétique d'un mot français, il n'en résulte
pas nécessairement qu'il n'y a pas de mot patois cor-
respondant, mais qu'on n'a pas su, ou qu'on n'a pas
voulu le dire à M. Edmont. Je prends deux exemples
seulement. Dans la carte 3 (à l'abreuvoir), on n'indique,
au point 704 (Saint-Quentin, prèsdeFelletin, Creuse),
qu'une forme calquée sur le français : je puis certifier
pourtant que dans toute cette région abreuvoir se dit
abiouradou, conformément à la phonétique régulière du
patois local. Dans la carte n° 5 (absinthe), on aura beau
parcourir attentivement le Gers, les Hautes-Pyrénées,
la Haute-Garonne, l'Ariège, leTarn-et-Garonne, l'Aude
L'ATLAS LINGUISTIQUE DE LA FRANCE $SS
et l'Hérault, nulle part on ne verra affleurer autre chose
que le français absinthe affublé d'une désinence patoise.
Et pourtant, il y a un substantif masculin bien connu,
qui se rattache directement au latin absinthium, qui
n'est certainement pas mort dans cette région, car je
lis dans Las Plantos as camps de feu Axel Duboul',
ancien député, brochure dont le vocabulaire est em-
prunté exclusivement à « l'idiome patois parlé sur les
confins de la Gascogne, de la Guyenne, du Languedoc
et du comté de Foix », ces formes diverses du nom
traditionnel de l'absinthe : aoussenc, duchen, dussen,
lichen, ussen et uychent.
S'agit-il de morphologie ? Un malentendu se produit
presque fatalement quand la forme est un tant soit
peu compliquée. La carte 10 est consacrée à la locution
conditionnelle ils s'agenouilleraient : à ne tenir compte
que du patois que je connais d'enfance, celui de la
Creuse, je constate que, sur les six témoins interrogés
par M. Edmont, deux ont répondu par le futur et
non par le conditionnel; ce sont les nos 602 et 603.
S'agit-il de phonétique ? Là encore il est à craindre
que nous ne puissions être tranquilles et dormir sur
nos deux oreilles, ou plutôt sur celles de M. Edmont.
On sait la vogue donnée à la phonétique expérimen-
tale par les travaux de M. l'abbé Rousselot et de ses
élèves, travaux qui se font à l'aide d'instruments des-
tinés à suppléer à l'insuffisance de nos organes naturels.
On ne peut raisonnablement reprocher aux auteurs de
Y Atlas de ne pas s'être munis d'instruments de ce genre
I. 2e éd., Toulouse, 1890.
3$6 APPENDICE
qui auraient singulièrement compliqué leur lourde tâche.
Mais on peut trouver qu'ils ont été imprudents en pré-
tendant nous donner, avec le seul concours de l'oreille,
des distinctions phonétiques raffinées. Un exemple fera
comprendre ce que je veux dire. Dans le département
de la Creuse les infinitifs de la première conjugaison
se terminent en a. L'Atlas distingue a long et a bref.
Si l'on consulte la carte 2 (aboyer), on voit que, sur
les six stations de ce département, deux ont Va bref
et quatre ont Va long; si au contraire on étudie la
carte 6 (acheter), on trouve partout un a bref; et si
enfin on pousse jusqu'à la carte 16 (aiguiser), on con-
state avec un étonnement grandissant la proportion de
cinq a longs contre un seul a bref. On n'a pas besoin
d'aller plus loin pour rester persuadé que la distinction
entre Va long et Va bref, établie par l'oreille de
M. Edmont, manque absolument de sûreté1.
1. Dans la brochure signalée en tête de cet article, M. Gilliéron
fait remarquer que si tous les infinitifs de la carte 6 (acheter) ont
un a bref, c'est que ces infinitifs sont extraits de la phrase « je vais
acheter deux chevaux à la foire » et que la forme « syntactiquement
suivie » a sa désinence prononcée plus brièvement que la forme à
l'état d'isolement. Cette remarque est très juste et je me reproche
de ne l'avoir pas faite. Il ajoute que le flottement entre a long
et a bref des cartes 2 (aboyer) et 16 (aiguiser) provient de ce que
« la production du mot à l'état isolé implique, de la part du sujet,
un choix entre les multiples formes du mot en travail dans la
phrase, c'est-à-dire dans son seul état de véritable vie. » C'est
parfait, en théorie ; en fait, j'ai de la peine à imaginer le sujet
extrayant ainsi le mot « en travail » d'une phrase idéale pour le
servir à son questionneur. Mais mettons que je n'ai rien dit qui
vaille. Voici un autre exemple. Au point 704 (Saint-Quentin,
Creuse), l'a latin protonique non suivi de consonnes capables de
l'influencer s'est changé en un son bref intermédiaire entre a et 0,
V ATLAS LINGUISTIQUE DE LA FRANCE 3(7
Il est un autre point sur lequel les résultats consignés
dans l'Atlas causeront, je crois, une certaine surprise
dans le monde des romanistes, c'est l'indication de
l'accent tonique. On sait quelle est li'mportance du
rôle de cet accent dans la formation des langues romanes
en général et dans la formation du français et du pro-
vençal en particulier. Sauf quelques cas spéciaux, l'ac-
cent est resté sur la syllabe qu'il frappait déjà en latin :
telle est la loi, vaguement entrevue par Jean Nicot, que
Frédéric Diez nous a révélée et que Gaston Paris a
définitivement mise en pleine lumière. A en croire les
indications de M. Edmont, une véritable révolution se
serait accomplie dans quelques-uns de nos patois actuels,
spécialement dans le domaine septentrional de la langue
d'oc. Le nombre des mots de trois et de quatre syllabes
qui sont indiqués comme ayant l'accent tonique sur la
première est très considérable, et l'on se demande si
réellement l'accent tonique s'est déplacé, ou si M. Ed-
mont a confondu l'effort musculaire initial (accent
d'intensité) avec l'élévation de la voix (accent de hau-
teur). Il ne faut pas se hâter de crier à la confusion,
malgré les apparences. Cette question de l'accent, ou
plutôt des accents, pour qui ne se contente pas de
l'envisager au point de vue purement historique, est
son partout identique à lui-même : or Y Atlas linguistique note ce
son de cinq manières différentes : i" par un a bref surmonté d'un
accent grave (cartes 6, u, 37, 43, 44,49, 5°> 92> etc0 '■> 2° par un
a bref surmonté d'un accent aigu (92) ; 30 par un a surmonté d'un 0
bref (carte 10) ; 40 par un 0 bref surmonté d'un accent grave (cartes
19, 11, 33, 35, 38, etc.); 50 par un 0 long surmonté d'un accent
grave (carte 116).
358 APPENDICE
l'une des plus ardues de la linguistique. Gaston Paris
lui-même avait fini par s'interdire toute spéculation sur
ce sujet, attendant avec quelque scepticisme que la
phonétique expérimentale eût prononcé en dernier res-
sort. Nous attendons toujours et nous prenons note des
impressions de M. Edmont sans préjuger de leur valeur
objective.
ADDITIONS ET CORRECTIONS
P. 62 et suiv. Aux trois exemples du suffixe -aricius que j'ai cités pour la
période antérieure au moyen âge, on peut ajouter l'expression mola asi-
naricia, qui se lit dans le codex Rehdigeranus (Breslau) de la version itala
des Évangiles, Marc, 9, 42 ; cet adjectif asinaricius, synonyme de asi-
narius, déjà relevé dans le Dict. lat.-français de L. Quicherat, revu par
Châtelain, figure comme un '"■ko.ç, dans le Thésaurus linguae latinae en
cours de publication. M. Wôlfflin a publié en 1888 dans l'Arch. f. lat.
Lexicog., V, 415-437, un article sur les adjectifs en -icius qui se termine
par une liste alphabétique : on y trouve consularicius (d'après les Novelks
de Justinien ; mais c'est un dérivé de consularis et non de consul), mi-
maricius, partiaricius, porcaricius, ursaricius et vaccaricius. A l'époque
carolingienne appartient partis provendaricius, relevé par Du Cange dans
les statuts de Corbie attribués à Adalard.
P. 75 et suiv. J'enregistre ici, en suivant la division indiquée, quelques
nouveaux exemples de formation à l'aide du double suffixe ou quelques
remarques complémentaires.
I. THEMES NOMINAUX
I. Adjectifs.
Asnerez (p. 73). Cf. asinaricius cité ci-dessus.
Champarterez, qui sert à recueillir le produit du droit de champart.
L'expression grange champarteresse m'est signalée par M. Delboulle dans
Guenoys, Confer. des coustumes, éd. 1596, f° 351 r°, et dans l'édit. de
1629 de la Coustume de Lorris, p. 231. L'adj. fém. champarteresse n'est
pas seulement enregistré par les recueils de droit féodal, mais par Cotgrave,
Furetière, le Dictionnaire de Trévoux, le Nouveau Larousse illustré, etc., etc.
(cf. grange terrageresse, p. 80).
360 ADDITIONS ET CORRECTIONS
Costerez (p. 75). M. Delboulle me signale ce passage de Du Fouilloux,
Vénerie, édition Favre, f° 86 v° : « Trois laisses de chascun costé du
cours, qui seront nommées costeresses ». L'adjectif est-il déjà substantivé ?
En tout cas, costeresse a échappé à Cotgrave.
Fenerez (p. 76). Frère Angier paraît faire le subst. français qui correspond
au latin faix du masculin et il traduit falcem fenariam par fauz fenerez
(voyez M. K. Pope, Étude sur la langue de frère Angier, p. 103).
Gerberez, qui sert à porter les gerbes. Je crois pouvoir résoudre en pau
gerbera l'expression bourguignonne, extraite d'une lettre de rémission de
1425, que Carpentier a lue en un seul mot prangerbero et qu'il a insérée
dans Du Cange, à l'article garba. En français primitif, ce serait pel jar-
berez « pieu à gerbes ». J'ai vu le manuscrit; le trait que Carpentier a
pris pour une r est placé au-dessus du p et me paraît sans valeur.
Lobakez, de loup. Le même lieu dit qui est appelé Cros Lobaresc dans l'acte
83 du Cartulaire des Templiers de Vaour (1184) est appelé Cros lobarez
dans l'acte 89, postérieur de quelques années; les éditeurs, MM. Portai
et Cabié, n'ont pas pu l'identifier.
Rocherez (p. 79). M. Delboulle me cite poissons rocherets dans la traduction
de Pline par Antoine Du Pinet, XXX, 11, et pigeon rocheret dans le
Thresor des trois langues de 161 7.
II. Substantifs masculins.
Muterez, lieu où l'eau a formé de petits monticules ou mottes (terme de
l'Orléanais). « Pré assis aux motterets de la rivière », texte de 1404 cité
par Godefroy, art. moteret.
'somarterez, somartraz, nom messin du mois de juin, dérivé de somart,
jachère (Cl. Merlo, / nomi romanzi délie stagioni e dei mesi, p. 136). La
représentation par -azàt la désinence francienne-ezest normale à Metz,
et il n'y a pas à songer à une formation analogue à celle du français
fatras.
III. Substantifs féminins.
Corterece, dimension trop courte, et, au figuré, insuffisance. Terme du
patois wallon (voy. l'art, courteresse de Godefroy ; cf. notre article lon-
guerece, p. 91).
Lobareza, loverece (p. 91). Aux noms de lieux indiqués on peut ajouter
les suivants : P. de Lobaressas, témoin dans un acte de 1253 du Cartu-
laire des Alamans, p. p. Cabié et Mazens. p. 48 ; Louresse, commune de
Rocheménier (Maine-et-Loire), appelé Loerece en 1239 et Luparicia en
1224 (C. Port, Dict. de Maine-et-Loire, II, $51); La Loubresse, hameau
de Magnac-Laval (Haute-Vienne).
ADDITIONS ET CORRECTIONS 361
Meiteerece (p. 91). Cf. le bas-latin metaritia, qui revient à plusieurs
reprises dans un diplôme de Charles, roi de Provence, daté de 861 (D'A-
cheri, SpiciL, XII, 122; D. Bouquet, VIII, 398).
Orsareza, lieu fréquenté par les ours. Amant d'Orsaressas, de Réalmont
(Tarn), est témoin dans un acte de 1340 du livre des lausimes de la
Salvetat-lez-Mondragon (communication de M. A. Vidal).
Vinhareza, lieu où il y a des vignes. Vigneresse est un nom de famille usité
dans l'est de la Creuse (Écho de la Creuse du 26 décembre 1903).
II. THÈMES VERBAUX
I. Adjectifs.
Bâterez, où l'on bat les gerbes (cf. p. 94). 0 Grange bateresse » dans
Beauchet-Filleau, Essai sur le patois poitevin.
Bracerez (mieux que brasserez, p. 95). « Caudiere brasserete (corr. brasse-
rtce'î) » dans le Péage de Bapaume (vers 1250), p. p. Finot, p. 159
(communication de M. Delboulle).
Lanerez, qui sert à lainer. « Cardons lanerès, peignes lanerès », dans Gode-
froy, article laneret 1.
Navierez, qui sert à naviguer. « Bach navirech servant sur les yaues »,
texte de 1448 dans H. Loriquet, Arch. du Pas-de- Calais, p. 108 (com-
munication de M. Delboulle).
Saimerez (p. 100-1). Supprimer la dernière phrase, lesubst. fém. saimerece
cité plus loin (p. 1 10) se rattachant à une tout autre base étymologique.
II. Substantifs masculins.
Chaplerez. M. Désormaux croit pouvoir rattacher à ce type le français pro-
vincial de Savoie chapleret, nom du couteau dont on se sert pour hacher
les fines herbes, la chapelure (Revue Savoisienne, 1903, p. 287).
Claquerez. Le fromage mou, dans le patois lyonnais, s'appelle claqueret
(N. du Puitspelu).
Coperez (p. 102). M. Delboulle me communique deux exemples du xive
siècle antérieurs à celui de 1 390 cité dans le Complément de Godefroy :
« Coperès, espees, fers a royer torches » (1328), dans Varin, Arch. de
Reims, II, 486; « un coupperet » (1347), dans Depoin, Livre de raison
de l'abbaye Saint- Martin de Pontoise, p. 109.
Genesterez (p. 85). M. Désormaux croit que notre suffixe se trouve dans le
nom que porte le geai dans la région savoyarde : jeneré, etc. (Rev. savoi-
362 ADDITIONS ET CORRECTIONS
sienne, 1903, p. 287). C'est possible ; mais il ne faut pas rapprocher jenerè
de genesterez sans dire nettement que ces deux mots ne peuvent pas remon-
ter au même type étymologique.
III. Substantifs féminins.
Chemineresse, chanson qu'on chante en cheminant (Favre, Gloss. du
Poitou).
Colerece (p. 107). M. Delboulle me signale le mot sous la forme coule-
resse dans l'Esdaircissement de Palsgrave.
P. 117. A la liste des mots en -ier de l'ancien provençal, on peut joindre
prolonguier « prolongation, délai », qui se trouve dans un acte de 1333-
1351 du livre des lausimes de la Salvetat-lez-Mondragon (Tarn) dont je
dois la connaissance à M. A. Vidal.
P. 122, n. 1, 1. 4: au lieu de artisan, lire artison.
P. 130. Aux exemples cités pour montrer l'existence en provençal de mots
germaniques relativement récents, on peut ajouter l'adjectif-participe «c^f
(beaucoup plus fréquent que escabit, lequel n'est attesté qu'une fois, dans
Aigar et Maurin), qui remonte au type verbal 'skapfjan (cf. allem. schapfen
et schaffen). tandis que l'anc. français eschevi remonte à 'skapjan (cf.
gothique gaskapjan, néerl. scheppen, etc.).
P. 132. Voyez un exemple de la forme chieira, que j'ai oublié de signaler,
dans le Carlulaire du consulat de Limoges, édition Chabaneau, p. 3. ligne
23. Dans les Rentes de la confrérie des Suaires (ibid., p. 247-258), on
trouve exclusivement cheira (13 fois).
P. 154, art. amarina. Jean des Moulins a francisé à la fois l'adjectif latin
amerinus et le substantif provençal amarina en écrivant : « A Lyon et en
Dauphiné ils appellent les saules amerins des amarines » (Hist. des plantes,
II, 73, édit. 1653 ; communication de M. Delboulle).
P. 154, notes, ligne 4 d'en bas: au lieu de Gillérion, lire Gilliéron.
P. 156, art. ambro. Cf. l'art, ambre de mes Étymologies lyonnaises, parues
dans la Romania, XXXIII, 211. On y trouve cette intéressante citation
de Du Pinet (un Lyonnais, comme on sait) : « Amarines, ambres : ce sont
les frans oziers » (Hist. nat. de Pline, éd. 1 562, t. I, p. 612). Deux obli-
geantes communications me permettent d'ajouter ici quelques renseigne-
ments complémentaires. M. l'abbé Devaux m'apprend que ambro, subst.
masc, est usité dans la partie du Dauphiné qui rayonne à 30 ou 40 kilo-
mètres de Lyon (par exemple, à Crémieu, à Saint-Jean-de-Bournay, etc.),
mais que dans les Terres-Froides on dit amarena, armarena, armarina.
M. Delboulle, de son côté, me fait part de cette citation de Jean des
Moulins, Hist. des plantes, éd. 1653, II, 73 : « Les Normands et Bressans
les appellent (les saules amerins) ambres. » Enfin je relève dans Vlsagoge
ADDITIONS ET CORRECTIONS 363
de J. Dubois (Sylvius\ parmi les exemples d'épenthèse de b dans le
groupe m'r, à la p. $9: « Amerina salix ambré. Lugdunenses. »
P. 172-5, art. asse, assa. Le verbe apsar se trouve dans le Cartulaire du
consulat de Limogts, éd. Chabaneau, p. 86 : « cumaqueu troilhs eaquela
vinha se sien apsat. »
P. 173, art. aveneril. M. Delboulle m'apprend que le texte des Coustumes de
Soesmes publié par L'Angelier en 1 5 46 est ainsi conçu: « Es quelles
autres années les chaumes millerins et aveneriz ne sont aucunement de
garde, sinon tant que le fruict est dedans les dictes terres. » Il estime que
* millerins et aveneriz sont des adjectifs qualifiant chaumes.
P. 175. Aux exemples cités, il faut vraisemblablement ajouter faveril, de
faba « fève » : cf. les noms de lieux comme Le F avril (Eure, Eure-et-
Loir, Nord), Les Faverils (Eure), Favrieux ou Faverieux (Seine-et-Oise) ;
les formes latinisées Fravilliacum (1500), Faveriliacum (1239), Faveria-
cum (1222) indiquées par le Dictionnaire topographique d'Eure-et-Loir
sont sans grande importance. Peut-être aussi le nom du prieuré de Notre-
Dame des Pezeris, autrefois Pezerils, près de Chartres (voyez Montai-
glon, Rec. de poésies franc., VIII, 210), remonte-t-il à pisum « pois ».
P. 182, art. boudé. Le mot provençal boder figure aussi dans l'ancien tarif
de Gaillac dressé en 1527 (Rossignol, Monogr. communales du Tarn, II,
372).
P. 198, 1. 5 : au lieu de *caclabare, lire *caclavare.
P. 200, art. careillade. L'ancien provençal connaît aussi la forme dissimilée
qui correspond à l'ancien français chenilliee ; elle est citée par Raynouard,
Lex. rom., II, 310, d'après YElucidari, où on lit: « jusquiam, herba
autrament dita canelhada. » La traduction « française » donnée par Ray-
nouard n'est rien moins que française, car cannellce n'a aucune réalite.
Pour un autre nom de la jusquiame, voir notre article saupignago.
P. 203, art. cerneau : cf. Romania, XXXIII, 264.
P. 209, art. cibre, tribe. Je ne me suis avisé que depuis l'impression de cet
article de l'existence en bas-latin d'un substantif tiprus, qui figure dans
la Vie de saint Colomban par Jonas (septième siècle) et qui a passé de là
dans celle (très postérieure) de saint Magne, apôtre de l'Algau (cf. l'art.
typrus de Du Cange). L'œuvre de Jonas a été rééditée tout récemment
par M. Krusch dans la collection des Monumenta Germaniae historica, au
tome IV des Scriptores rerum Merovingicarum, et M. Krusch imprime
quatre fois tiprus (ou tiprum), sans variantes, dans les quatre phrases
voisines l'une de l'autre où Jonas emploie ce mot : « vas quod tiprum
nuncupant ad cellarium déportât... » [loc. laud., p. 82, lignes 9, 10, 16
et 18). On sait que Jonas est né à Suse, c'est-à-dire dans cette région
alpestre où cibre, ceber, etc., est encore aujourd'hui très vivant. Il me
paraît difficile de ne pas voir dans le tiprus de Jonas le représentant le
plus ancien de la famille de mots dont je me suis occupé. D'autre part,
}64 ADDITIONS ET CORRECTIONS
le rapport de ce tiprus du septième siècle avec le zuuipar des gloses de
Cassel n'est pas clair : il semble que le thème fipr- ait été contaminé en
haut allemand par le thème propre de zwei « deux » et que les langues
romanes soient sorties du thème Ûpr- avant la contamination. Mais quelle
est exactement l'origine de ce thème tïpr-, je l'ignore.
P. 2ii, art. cibre, tribe. De la métathèse hypothétique de 'tibre en tribe,
on peut rapprocher celle qui s'est incontestablement produite dans la
descendance du mot tubrucus, enregistré par Isidore de Séville et duquel
sont sortis l'ancien provençal trebuc (encore vivant, en particulier dans
la Creuse) et l'ancien français trebu, qui désignent une sorte de jambière.
Je consacrerai peut-être quelque jour une étude spéciale à ce mot qui
figure dans les gloses de Cassel (n° \\4deurus: deohproh) et que Diez
a commenté sans connaître les formes romanes que je viens de rappe-
ler, mais en dégageant bien son origine germanique.
P. 217, art. conobrage. Grâce à l'obligeance de M. P. Meyer, j'ai pu avoir
communication du texte complet de la charte rochelloise de 1297 d'où
Godefroy a tiré les deux exemples du mot conobrage qui figurent dans le
Dictionnaire de l'anc. langue française. J'ai le plaisir de constater que le
verbe conobrer, dont l'existence était nécessaire pour justifier celle du sub-
stantif conobrage, s'y trouve en toutes lettres. Voici des extraits suffisants
pour le but que je me propose :
Et d'autre part nous requeïst ledit maistre Pierres de Condac que nous les chouse
e les héritages dessus diz, qui tenuz e obligez li esteient a li rendre e payer e censer
les trente 1b. de cens dessus dites, tenissom e conobressom de façons deues einsi
que les diz héritages e choses ne se peûssent dépérir pour faute de laborage...
les quaus héritages et chouses esteient moust decheuz et en moust mauvais point
par deffaute de laborage e lonc temps a que il fussent deperiz et cheuz en main de
seignor, se ne fust l'ayde e le laborage que le dit maistre Pierres y fait et fait faire
par lonc temps, en quei il a mis e despenduz granz deners...
La lecture de tout le document laisse l'impression que le verbe conobrer
et le substantif conobrage sont à peu près synonymes de laborer et de
laborage. Le substantif verbal actuel couneuvre n'a dû se spécialiser qu'à
une époque récente pour désigner soit l'engrais, soit les façons des seconds
blés. — Sur l'existence et le sens, en ancien provençal, d'un substantif
conobre, correspondant au poitevin couneuvre, voir Romania, XXXIII, 262.
P. 222, art. consier, desier. Aux textes provençaux où figure consier, il faut
ajouter la Règle de saint Benoît, Bibl. nat. franc. 2428, f°" 7* (los malvatz
cossiers), 9b (en cossier et en paraula) et 16* (Dieu ve e sap los cossiers).
Chose singulière, ce texte emploie exclusivement dcsirier (f°* 8* et 9") ou
destrier (f° 31*).
P. 235, art. deimai. Mcn identification de la plante appelée dans le patois
de Bouffanges mènogri avec le pied-d'alouette (Lotus corniculatus L.) ne
repose pas sur une étude botanique directe, mais sur la constatation du
fait que dans le patois de Saint-Georges-de-Mons (Puy-de-Dôme), d'après
ADDITIONS ET CORRECTIONS 36$
le témoignage de Rolland, Flor. pop., IV, 156, le pied-d'alouette porte
le nom pittoresque d'herbe « sauve-le-mouton ».
P. 244, art. dolsa. Cf. Romania, XXXIII, 219. Le piémontais emploie dossa
dans le sens de « cosse » : cf. un article de M. le comte Nigra, qui, sans
connaître N. du Puitspelu, propose de voir dans le piémontais le pluriel
neutre dossa pour dorsa (Arch. glottol., XV, 28}). — M. Dauzat me
signale dans le patois de Vinzelles le sens spécial de « quartier de noix »
pris par l'ancien mot dolsa : la prononciation actuelle (ajoute-t-il) semble
postuler un 0 fermé, à moins qu'il n'y ait une contamination de la
forme féminine de l'adjectif qui correspond au latin dulcis. On ne
trouve pas d'exemple de ce sens spécial dans Rolland, Flore pop., IV,
48-49.
P. 24$, 1. 20: au lieu de 3ôXî;/o;, lire S6li/_oi.
P. 246, note l, au lieu de Philippon, lire Philipon.
P. 247, art. droueri. Cf. Romania, XXXIII, 220.
P. 250, art. écoisson, titre : au lieu de XLI, lire XLIV. Cf. Romania, XXXIII,
220.
P. 2 s 5, art. eissarrar, esserrtr. Cf. Romania, XXXIII, art. ensarailli.
P. 257, art. entrenerge. Le simple tenerge s'est conservé dans la Basse-
Gâtine de Poitou, au prix d'une métathèse qui ne le rend pas mécon-
naissable pour le linguiste ; cf. cet article du Dictionnaire du patois bas-
gdtinais de M. C. Puichaud, Revue de philologie française, VI, 134:
« Trenège, adj. des deux genres: sale, sans éclat. Vous avez la peau
trenège (imprimé renège), lavez-vous. »
P. 260, art. escaupir. Un exemple plus ancien encore de scalpere au sens de
0 démanger » est fourni par l'expression scalpentes aures, qui se lit dans
une citation de la Bible (2 Thimoth., 4, 3) faite par saint Hilaire dans
son traité contre Constance (voyez Forcellini-De Vit).
P. 264, art. esperbo. Le mot provençal a été introduit par Desdier Cristol
dans sa traduction du De honesta Voluptate de Platina, imprimée pour la
première fois en 1 505, P XIII* de l'édition primitive : « Des cormes, sorbes
ou esperues (lire esperves). » Godefroy s'est contenté de mettre un point
d'interrogation à la place de la définition.
P. 273, art. garlimen, titre: au lieu de XLVI, lire LX.
P. 274, art. gierre, titre : au lieu de XLVII, lire LX1.
P. 276, art. haleine. Un exemple antérieur de anhela (ou anhelus) au sens de
anhelitus se trouve dans la vie de saint Colomban par Jonas (Mon. Cerm.
hist., Script, rer. mcrov., IV, 120, 1. ij): « hanc in extremis anhelis
positam. »
P. 279, art. histar, titre: au lieu de XLVIII, lire LX1V.
P. 283, n. 3: au lieu de *pinea-\-aris, lire pinea-h-at--*--aris.
366 ADDITIONS ET CORRECTIONS
P. 284, art. ivière, titre: au lieu de XLIX, lire LXVI.
P. 289, art. laus, titre : au lieu de L, lire LXX.
P. 290, art. ledanjos, titre: au lieu de LI, lire LXXI.
P. 291, art. lioube, titre: au lieu de LU, lire LXXII.
P. 294, art. marsia. Cf. Romania, XXXIII, 225. Dans son beau travail
intitulé / nomi romanzi délie stagioni e deï mesi (Torino, 1904), M. Clé-
mente Merlo a cité le provençal marsado « giboulée de mars » en le rap-
prochant du frioulan marzade, qui a le même sens (p. 272 ; cf. p. 236
pour le sens de « durée de mars ») ; mais il ne parle pas du lyonnais
marsia.
P. 295, art. meeril. La lecture meeritz (au lieu de meerilz), le rapproche-
ment avec l'anglais meer « limite » et la définition par « praestatio quas
ballivo pro limitibus ponendis exsolvebatur », que les Bénédictins ont
introduits dans Du Cange, sont à canceller.
P. 296, art. meiri, titre: au lieu de LUI, lire LXXVI. — L'ancien fran-
çais marriz n'est pas éteint. A Boulogne-sur-Mer on prononce merri et
l'on fait le mot du masculin. (Abbé Haiguené, Patois boulonnais, Vocabu-
laire, p. 389, v° merri.)
P. 298, art. nar. H. Moisy, dans son Dict. de patois normand, que je
n'avais pas sous les yeux en rédigeant cet article, donne concurremment
à ar et à nar; il rattache justement le patois à l'ancienne langue, mais il
croit que à nar est sorti de à ar par intercalation d'une n euphonique.
P. 299, art. nouei, titre: au lieu de LXIII, lire LXXVIII.
P. 300, art. nuitre: au lieu de-LXIV, lire LXXIX. M. Désormaux a eu
l'amabilité de signaler ma notice sur nuitre aux lecteurs de la Revue
savoisienne et il l'a fait en ces termes (année 1903, p. 287): « Nuitre n'a
pas de correspondant qui ait été relevé dans nos régions. A propos de
ce mot, l'auteur donne d'intéressantes explications sur les variantes du
vx fr. caon, représenté en Savoie yarçhavan, çhëvan, français local chavan,
hibou (voyez ces mots in D. S. » J'ai obéi docilement et je suis allé lire
l'article çhëvan in D. S., c'est-à-dire en bon et clair français, dans le
Dictionnaire savoyard publié sous les auspices de la Société Florimontane
par MM. A. Constantin et J. Désormaux (Paris et Annecy, 1902). J'ai eu
la surprise d'y faire une trouvaille. Tout au bout, après lucheran, j'ai
remarqué un itoulâ solitaire, flanqué du sigle 7J, qui indique Saint-Jean-
de-Maurienne. M. Désormaux ne me contredira pas si j'affirme que itoulà
est un correspondant savoyard du français nuitre, du dauphinois niétola,
de l'italien nottola, etc., etc. Les mots (et les philologues) perdent facile-
ment la tête. Comme il est heureux que nuitre soit mort à la fleur de
l'âge et n'ait pas subi pareil outrage ! La chouette courait grand risque
de descendre dans l'échelle animale, car dans nuitre, il y a uitre.
P. 307, 1. 4 d'en bas du texte : au lieu de inacceptable, lire acceptable.
ADDITIONS ET CORRECTIONS 367
P. 310, art. olonier. Cf. un article de M. Schuchardt (Z. /. rom. Phil.,
XXVIII, 192) où l'on trouvera mentionné le prov. Udouno, mais non le
français olone.
P. 3 10, n. 2. Vérification faite, ce n'est pas l'arbousier que Léger du Chesne
appelle « alisier ou ledonnier » (p. 47), mais le a Lotus arbor » des
Anciens, qu'on identifiait alors ordinairement avec le micocoulier (Celtis
australis L.). Aussi Cotgrave traduit-il Udomier (faute probable pour
ledonnier) par « The Lote, or Nettle tree ».
P. 314, art. outjabo. Le mot latin octava vit encore, avec un sens ana-
logue, dans la Suisse romande, comme l'a montré récemment M. Jean-
jaquet (Bull, du Glossaire de la Suisse rom , 1, 43).
P. 317, art. pion. Godefroy a fait les deux extraits suivants des Comptes
de Diane de Poitiers (articles plom et plonnoye) : « Quatre gerbes de
plombs, néant, pour ce qu'ils ont esté prins a la plonnaye ; deux fagoiz
de ploms cuilliz en la plonnoye de la fontaine. » Il cite encore un acte
de vente de Chenonceau, de 1496, où il y a côte à côte « plonnoye» et
« touche de bois ». Et pourtant, il déclare ignorer le sens de plom ou
plomb et de plonnoye ! Mettons « osier » et « oseraie » à la place de ses
points d'interrogation, et passons.
P. ?i8, art. porchaille. Cf. Romania, XXXIII, 226. La forme porclaca a
ètt signalée par M. Densusianu (Romania, XXIX, 330) dans Y Art vétéri-
naire de Pelagonius, 371 et 374, éd. Ihm.
P. 320, art. pouiller. M. Dauzat me fait remarquer que le verbe pouiller
figure dans une chanson à la mode de Théodore Botrel, Le Couteau :
Pouille-moi ce tricot de laine,
Chausse-moi ces sabots.
Les artistes qui interprètent le répertoire du poète sont parfois singulière-
ment interloqués par ce provincialisme.
P. 326, art. resencier. aux exemples que j'ai indiqués ailleurs comme pou-
vant justifier le passage de recincier à reïncicr, on peut ajouter le nom de
lieu Créancey (Côte-d'Or) et Crancey (Aube), dont le type primitif paraît
être Crescentiacus. Voyez, sur ce point, Berthoud et Matruchot, Étude
hist. et étym. des noms de lieux habités de la Côte-d'Or, II, $9.
P. 327, art. revondre. Cf. Romania, XXXIII, 227.
P. 331, art. seyno. Cf. Romania, XXXIII, 228.
P. 333, art. souille, 1. 9 : au lieu de subîcula, lire * subîcula.
INDEX DES AUTEURS
ET DES TEXTES CITÉS
Académie française (Dict. de 1'),
152, 188, 271, 316.
Aceilly (le chevalier d'), 7, 8.
Acheri (D'), 361.
Ackermann, 330 n;
Adalard de Corbie, 359.
Adam (L.), 102, 105.
Adémar de Chabannes, 48, 49,
51, 59 n.
Aetius, 269.
Aigar et Maurin, 222, 254, 362.
A toi et Mirabel, m n.
Alahan (B.) de Narbonne, 232.
Albucasis, 182.
Alexandre (prov.), 134.
Alexandre (fr.), 267, 269, 301.
Alexandre de Villedieu, 27.
Alphita, 331 n.
Amant rendu cor délier, 97, 99.
Amyot, 278.
Angier (frère), 360.
Antioche, 222.
Apfelstedt, 74.
Apicius Caelius, 178.
Appel (C), 171.
Appendix Probi, 320.
Apulée, 199, 330.
Arbois de Jubainville (H. d'),
15, 34, 37 n-, 38,45, 46, 54
n., 56, 60 n.,61 n., 127, 167.
Thomas.
Aristote, 5.
Arnaudin (F.), xn.
Arnobe le jeune, 343.
Ascoli, 176, 183 n., 231 n.
Aubigné (Agrippa d ), 20.
Aubrion (].), 245 n.
Auracher. Voir Berger.
Ausone, 165.
Bailly, 194 n.
Baist, 253, 342 n.
Bartsch(K.), 21, ii4n., 139 n.,
340 n.
Bataille Loquifer, 116 n.
Baudoin de Condé, 75.
Baudrillart, 325 n.
Beauchet-Filleau, 218, 219 n.,
242 n., 266, 270, 361.
Beaumanoir (Ph. de), 68, 94.
Behrens, 291.
Belon (Pierre), 188, 332.
Beneeit, 116 n.
Benvenuto de Salerne, 160-1.
Berger (H.), 195, 226.
Berger (S.), 303 n.
Berger et Auracher, 160 n.
Bernard (saint). Voir Sermons.
Bernard hier. Voir hier.
Béronie et Vialle, 223 n., 239,
296, 297, 328, 329.
Berthoud et Matruchot. 367.
IL — 24
37°
INDEX DES AUTEURS ET DES TEXTES CITÉS
Bertran de Born, 57 n.
Bescherelle, 273 n.
Blanchet, 53 n.
Blaze, 175.
Bloch (Oscar), 102 n.
Boèce, 210 n.
Bcehmer, 222.
Bois (Du). V. Dubois.
Bonnard (J.), 265 n.
Bonnardot, 278.
Borel (P.), 298 n.
Botrel (Th.), 367.
Bouchet (Guill.), 8s .
Bouquet (Dom), 361.
Bourciez, 136 n., 282 n.
Bourgoing, 7.
Bouvelles, 30.
Boyer, 43 n.
Brachet, 10 11., 24, 205 n., 320.
Bréal (M.), II, 27.
Breviari-d'Amors, 340.
Brossner, 222.
Budé (G.), 6.
Buechner, 190.
Bugge (S.), 252.
Cabié (E.), 360.
Caelius Aurelianus, 200.
Cailly (J. de), 7.
Calmet (Dom), 126 n.
Camus (J.), 15411., 26011., 269.
Canello, 289.
Cange (Du), passim.
Capitulaire de Villis, 65.
Carmen adv. Marcionetn, 180.
Carpentier, 82, 87, 151 n., 155,
162, 186 n., 194, 252 n.,
279, 312, 313, 360.
Caseneuve, 7, 24, 30, 192 n.
Cénac-Moncaut, 1 1 8 n . ,26 1 ,290.
César, 169.
Chabaneau, 13211 ,240 n., 299,
300, 340 n., 362.
Chabert, 308 n.
Chambure (De), 230.
Champeval (J.-B.), 42 n., 60 n.,
241 n.
Chan Heurlin, 90.
Chanson de la croisade contre les
Albigeois, 92, 184.
Chassaing (A.), 41 n., 42 n.,
49, so n., 56 n.
Chastelain (Abbé), 343.
Châtelain (É.), 359.
Chaucer, 313.
Chavanon, 48 n., 52 n.
Chesnel (De), 273 n.
Chevalier (U.), 91.
Chrétien de Troyes, 75, 96,
292 n.
Christine de Pisan, 252. ,
Cicéron, 64, 261.
Cihac (De), 209.
Cipriani (M"e), 124, 125 n.,
128 n., 130.
Clédat(L.), 132 n.
Clément (P.), 263 n.
Cochard, 251 n.
Cochin (H.), 101, 254 n.
Cohendy, 340 n.
Cohn (G.), 149.
Colin Muset, 244 n.
Colmeiro, 190 n.
Columelle, 297.
Constans (L.), 213 n., 214.
Constantin et Désormaux, 205
n., 366.
Contant (J. et P.), 510.
Contejean, 73, 95, 96, 97, 99,
100, 101, 102, 104, 105, 158
n., 161, 253, 283, 287, 316,
317-
:irblet
Corblet (Abbé), 201, 317 n.
Cornu (J.), 24, 275.
Coipusgloss. lat., 1 13 n., 125 n.,
157 n., 189 n., 190 n , 200,
277 n., 308, 309, 320 n.
Corpus inscr. lat., 244.
Cotgrave, 20, 79, 80, 85, 87,
105, 152, 178, 248, 269, 297,
310, 313, 319 n., 322, 359,
360, 367.
Cristol (Desdier), 319 n., 365.
INDEX DES AUTEURS ET DES TEXTES CITÉS
Dardy (Abbé), 37.
Darmesteter (Arsène), ion., 21,
224, 236, 317 (cf. Hatzfeld).
Danois, 233 n., 256, 287, 293
n., 323, 326.
Daudé de Pradas, 170, 189,
309 n.
Dauzat (A.), 365, 367.
Defensor de Ligugé, 224, 252.
Delboulle (A.), 359, 360, 361,
362, 363.
Delisle (L.), 84.
Deloche (M.), 36 n., 61 n.,
167 n., 168, 169.
Densusianu (O.), 367.
Depoin, 361.
Deschanel (E.), 33.
Desjardins (G.), 202.
Desmoulins (J.), 362.
Désormaux, 205 n., 361, 366.
Devaux (Abbé), 71 n., 88, 91,
105, 304 n., 309 n., 362.
Devic (M.), 153 n., 154 n.
De Vit. Voir Forcellini.
Dict. général. Voir Hatzfeld.
Diez (Fr.), 9, 10, 20, 21, 24,
25, 110, 114, 116 n., 123,
151 n., 176, 212, 220 n.,
233, 237, 275, 276, 278,
281 n., 298 n., 326, 327,
334, 335-
Diomède, 183.
Dioscoride, 194 n., 248.
Donat proensal, 179, 340.
Dorveaux (Dr P.), 150, 154 n.,
200 n., 267 n., 310, 331 n.
Dottin, 87, 152, 174, 201 n.,
252, 320, 332.
Dozy et Engelmann, 161 n.
Drouyn (L.), 184.
Dubois (J.), Sylvius, 7, 21, 362.
Dubois (L.), 333.
Duboul (A.), 163 n., 171, 355.
Ducamin, 163 n., 329 n.
Duchesne (Léger), L. à Quercu,
310 n., 367.
Duchesne (E.-A.), 150 n, 155
n., 199.
Duchesne (Abbé Louis), 126.
Duclou (Dom), 234, 255.
Du Fouilloux, 360.
Duhamel du Monceau, 108,
109, 1 10.
Du Méril (E. et A.), 200,
321.
Dupinet (A.), 73, 154 n., 248,
360, 362.
Duplès-Agier, 45 n., 48 n.,
61 n.
Durrieux (Alcée), 221 n., 230,
259, 260.
Dynamidia, 270.
Edmont, 22, 183, 207, 209,
210, 214 n., 346-358 passim.
Elucidari, 363.
Encyclopédie méthodique, 273.
Enèas (Roman d'), 143 n.
Engelmann. Voir Dozy.
Espagnolle (Abbé), 6.
Espana sagrada, 191 n.
Estienne (Henri), 312 n.
Estienne (Robert), 83, 204, 297,
. 319 n.
Etablissements de saint Louis, 80.
Etienne de Byzance, 46.
Eucher (saint), 301.
Fagniez (G.), 83.
Fauchet, 7.
Favre (L.), 208, 218, 258 n.,
270 n., 288 n., 321, 360, 362.
Feraud (Raimon), 155.
Ferrari, 334.
Fides (Caneton de Sancta), 112,
113, 115, 129, 134, 135, 143
n., 212 n., 220, 221 n.
Flamenca, 339, 340.
Flaubert (G.), 232 n.
Flechia, 326.
Flodoard, si.
Fcerster (W.), m n., 115 11.,
116 n., 117, 124 n., 209 n.,
222, 261 n., 292 n.
37-1
INDEX DES AUTEURS ET DES TEXTES CITÉS
Folquet de Lunel, 215 n.
Forcellini et De Vit, 64 n., 203,
311, 320 n., 365.
Formeville(De), 185, 186.
Formulae Andecavenses, 65.
Fortunat, 38, 47 n., 166, 167.
Foucaud, 164, 165, 172, 234,
238, 254.
Fouilloux (Du), 360.
Fréville(H. de), 185.
Froissart, 76, 237.
Furetière, 80, 83, 105, 198 n.,
229, 230, 271, 324, 359.
Gallia christiana, 52, 90, 198 n.
Garnier de Pont-Sainte-Maxen-
ce, 299, 366.
Gartner, 295 n., 331 n.
Gastineau (Peain), 58 n., 143-
4 n.
Gaufrei, 116 n., 117 n.
Gautier de Coinci, 81.
Gautier d'Épinal, 116 n.
Gay (V.), 103.
Gérard de Crémone, 153.
Gerbaux, 82.
Germer-Durand, 81.
Gilliéron (J.), 22, 154 n., 183,
207. 209, 210, 214 n., 239,
244 n., 245, 254 n., 284 n.,
288 n., 346-358 passim.
Girart de Rous sillon, 101,222,223.
Giry (A.), 59 n., 85 n., 106,
184, 183 n.
Gloses de Cas sel, 363-4.
Godefroy (Fr.), passim.
Goerlich, 218 n.
Gœtz. Voir Corpus gloss. lat.
Gourgues (De), 38 n.
Grammont (M.), 41, 113 n.,
161, 162, 257, 259 n., 274,
293 n., 326, 327, 333.
Grande Encyclopédie (La), 54,
275.
Grandgagnage, 89, 90, 91, 96,
97, 100, 107, 108, 109, 110,
282, 283, 317 n.
Grégoire de Tours, 38, 54 n.
Grégoire le Grand, 292.
Grimm (J.), 308 n.
Grœber (G.), 9, 121, 126 n.
Guenoys, 359.
Guessard, 329 n.
Guibert (L.), 132 n., 165.
Guillaume le Clerc, 78.
Guillaume le Mareschal, 143 n.
Haigneré (Abbé), 366.
Haillant, 77, 78, 85, 96, 97,
102, 105, 106, 107.
Hatzfeld et Darmesteter (Dict.
gèn.), 14 n., 91, 109, 149
n., 153 n., 244 n., 272, 278,
299 n.
Havet (Julien), 92.
Hécart, 85, 260, 312.
Helmreich, 308 n.
Hentschke, 222 n.
Hessels, 277 n.
Hilaire (saint), 365.
Hippeau, 299.
Holder, 35-62 passim, 94 n.,
166 n., 167 n., 301 n.
Horning, 67, 76, 77, 78, 81,
98, 137, 139, 181 n., 233 n.,
278, 283.
Huon de Bordeaux, 116 n.
Irminon (abbé), 65, 146 n.
Isidore de Séville, 162, 187.
Itier (Bernard), 45 n., 48 n.
Jaubert (Comte), 75, 87, 106,
151, 201, 214 n., 236 n.,241.
291, 325, 332.
Jean d'Arras, 95, 237.
Jeanjaquet, 367.
Jeanroy (A.), 182.
Jonain, 107, 214 n., 293, 310.
Jonas, biographe, 363, 365.
Jonquet (Abbé), 314.
Joret (Ch.), 200 n.
Joubert (L.), 268.
Jules César, 79.
Julius Valerius, 267 n.
Jullian (C), 15.
INDEX DES AUTEURS ET DES TEXTES CITES
Juvénal (Scholie de), 64 n.
Keller, 249 n.
Kluge, 291.
Kôrting (G.), 10 n., 149, 151
n., 163 n., 168 n., 170 n.,
209 n., 215, 221 n., 228 n.,
229, 23s n., 239, 248 n.,
253, 255 n., 256, 257, 259,
2b6, 267, 286, 287, 292, 297,
300 n., 301 n., 304 n., 311
n., 319 n., 325 n., 335.
Koschwitz (E.), 115 n., 209 n.,
261 n.
Krusch, 94 n., 363.
Labernia, 190 n.
Labiche (E.), 218 n.
Laborde (F.), 213 n.
Laborde. Voir Pansier.
Labourasse, 78, 85, 86, 95, 98,
102, 104, 107.
Lacuve, 270 n.
La Fons, 79.
La Fontaine, 315.
Lagadeuc, 252.
Lair(J.), 49-
Lalanne (Abbé), 205 n., 219 n.,
258 n., 270 n., 285, 286, 287,
294, 329 n.
Lalet (J.), 235, 273.
Lambert le Tort, 369, 270, 301,
302.
Landri de Waben, 265.
Langouët, 320, 332 n.
La Roncière (De), 186.
Larousse, 1 50.
Larousse illustré (Nouveau), 108,
232 n., 262, 359.
Le Beuf (Abbé), 107 n.
Leclerc (Abbé), 37 n.
Leclère (Mm«=), 235 n.
Legré (L.), 269 n.
Leite de Vasconcellos,- 1 12, 13$
n., 212 n., 220.
Lemery, 188.
Leroux (A.), 39 n., 44 n., 48 n.,
52 n., 61 n.
Le Sage, 20.
Lespinasse (R. de), 312 n.
Lespy et Raymond, 118, 162-3,
169, 176 n., 181, 187, 216 n.,
229, 261, 281-2, 283 n., 289,
313, 329 m
Levy (E.), 117, 130 n., 132 n.,
152, 155, 160-1, 171, 172,
179 n., 215 n., 224, 228 n.,
233, 240 n., 255, 256, 266 n.
Liber gïossar uni, 159.
Limborch, 94.
Littré, 10 n., 20, 24, 29, y6,
83, 84, 86, 91, 104, 105, 106,
107, 108, 109, 149, 204 n.,
214 n., 262, 276, 288, 298 n.,
303, 304m, 310, 312, 31711.,
324, 332, 344.
Loi des Alauians, 65.
Loi Sahque, 65.
Longnon (A.), 15, 40 n., 57,
58, 60, 88, 89, 107 n., 159
n., 169 n., 278.
Loriquet (H.), 361.
Loth (J.), 169 n.
Luchaire (A.), 129 n., 137 n.,
281 n.
Mabille, 54 n.
Mabillon (Dom), 17 s n.
Mackel (E.), 127 n., 128 n.,
129 n., 143 n., 212.
Mahn, 132 n.
Mai (Angelo), 159 n., 261 n.,
271.
Maiuet, 299.
MarcellusEmpiricus, 309, 32011.
Marchot (P.), 124 n., 134, 144.
Mare (N. de la), 288.
Marguerite d'Oingt, 328.
Marie de France, 69, 70.
Martial, 63.
Masselin, 45.
Matruchot, 310 n., 367.
Matton, 95, 197 n.
Mazens, 360.
Ménage, 7, 8, 9, 20, 21, 23, 30,
374
INDEX DES AUTEURS ET DES TEXTES CITÉS
192 n., 229, 250, 272 n.,
288, 297, 354, 343-
Merlo (Cl.), 360, 366.
Mesnagier de Paris, 78, 152, 245,
246.
Meurier, 21.
Meyer (E.), 271 n.
Meyer (L. E.), 266.
Meyer (Paul), 101, 1 14 n., 120,
125 n., 143 n., 1 52, 214,
222 n., 224, 287 n., 320 n.,
329 n., 335, 341, 347,
364.
Meyer-Lûbke, 59, 67, 70, 110,
m, 112, 114, us, 116 n->
117 n., 158-9, 184, 193, 196,
199, 215, 228 n., 232 n., 233,
243, 275, 276, 277 n., 281 n.,
291, 30411., 31911., 335, 336,
338, 339, 340, 542.
Michel (Fr.), 222 n., 313 n.
Michelant (H.), 267, 301, 302.
Mistral, 41 n., 53, 58 n., 74,
82, 86, 87, 118, 127 n., 151,
153, iss n., 164, 171, 176,
179, 180 n., 189, 191, 199,
201, 202, 20s n., 207, 209,
215, 217, 234, 236, 237 n.,
239, 245, 249, 250, 2SI n.,
2S4 n., 254, 2S9, 261, 264,
266 n., 268, 273, 274, 287,
289, 290, 294, 296, 304, 305; ,
306, 314, 31s, 316 n., 317,
328, 329 n., 330, 334.
Modus (Livre du roi), 187.
Moisy, 187, 366.
Molière, 7.
Molinier (E.), 39 n., 44 n., 48
n., 61 n.
Monaci (E.), 189 n.
Monnier, 323.
Monologue de l'Amoureux, 97.
Montaiglon (A. de), 363.
Montaigne, xn.
Montaudon (Moine de), 159,
160.
Montesson (Comte de), 105,
174, 237, 321, 332 n.
Moore (C. H.), 246 n., 447 n.
Morf (H.), 141, 143.
Mort Aimer i (La), 1 16 n.
Moutier (Abbé), 306.
Mowat, 331 n.
Mozin(Abbé), 79,91, 106, 108,
150 n., 345.
Mùller (Max), 11, 12, 25.
Mussafia, 29s n., 331 n.
Nicot (J.), 7, 21, 83, 204, 278,
297, 298 n., 319 n.
Nigra (Comte), 208 n., 209 n.,
36s.
Noulet, 132 n.
Olcott, 64 n.
Oresme, s, 6.
Oudin (A.), 67, 83, 93 n., 269,
297, 314, 322.
Ovidio (D'), 193 n.
Palsgrave, 362.
Pansier et Laborde (D""*), 160 n.
Paris (G.), 10 n., 11, 21, 38,
90, 101, 119 n., 122, 123,
124 n., 143, 14s, 183, 195,
227, 230, 231 n., 232 n.,
244 n., 251 n., 535, 336,
343 n., 346, 347, 351, 353-
Parnasse occitanien, 305.
Partenopeus de Blois, 116 n.
Pasquier (E.), 7.
Passion (de Clermont), 24, 1 34.
Paulin de Périgueux, 38.
Peain Gastineau, s8n., 143-4 n.
Peire Vidal, 114 n.
Pelagonius, 367.
Perceforest, 91.
Pertz, 51.
Philipon (E.), 156, 246 n., 331.
Pichon (Baron), 80.
Picot (É.), 97.
Pigeonneau, 263 n.
Pinet (Du). Voir Dupinet.
Pirmin (saint), 65.
Planchon (L.), 268 n.
INDEX DES AUTEURS ET DES TEXTES CITES
»7i
Platearius, 244 ri.
Platina, 519 n., 365.
Platon, 4.
Plaute, 22.
Pline l'Ancien, 154 n., 248,
JII, 360.
Poème moral. 143 n.
Poinssot (Ch.), 43 n.
Pope (M. K.), 360.
Port (C), 360.
Portai, 360.
Poulet (Dr), 256, 257, 293, 323.
Prou (M.), 36 n.
Psautier lorrain, 74.
Puichaud, 334 n., 365.
Puitspelu (N. du), 98, 104, 105,
142 n., 143 n., 156, 178,
245, 246 n., 247, 251, 294,
307, 319,327,328,361, 365.
Quicherat (J.), 56, 59.
Quicherat (L.), 359.
Rabelais, 81.
Raimbaut de Vaqueiras, 232,
340.
Raimon de Miraval, 115.
Raymond. Voir Lespy.
Raynouard, 9, 75, 114 n., 121
n., 132 n., 143 n., 152, 155,
159, 170, 176, 182, 188, 190,
215 n., 221, 224, 231, 232,
233, 2S2 n., 257 n., 289,
305, 309 n., 363.
Razi, 153.
Rédet, 55 n.
Règle de saint Benoit (pr.), 364.
Renart le Nouvel, 143 n.
Rendus de Moiliens (Le), 70,
116 n.
Renzi (De), 305 n.
Richelet, 83, 203, 271.
Roby (Abbé), 235 n.
Rochegude (Parnasse occitanien),
305.
Roger de Salerne, 217, 305.
Rolland (E.), 70 n., 75, 78, 89,
97, 98, 99, 101, 102, 104,
163 n., 196 n., 205 n., 267
n., 284 n., 301 n., 304, 306,
310 n., 311 n., 331 n., 364,
365.
Ronsard, 278.
Roquefort, 272.
Roques (M.), 277 n.
Rose (V.), 200 n., 319 n.
Rossi (G.), 208 n.
Rossignol (É.), 363.
Rousselot (Abbé), 22, 126, 355.
Roussey (Ch.), 82, 100, 293 n.,
334-' .
Ruben (E.), 164, 165, 172, 234,
236, 255.
Ruellius, 310 n.
Runeberg, 1 16 n.
Sachs, 149.
Sainéan, 194 n.
Saint-Gelais (O. de), 75.
Saint-Léger, 139.
Saint-Simon, 316.
Salmon (A.), 68, 94.
Salomon, glossateur, 66
Salvioni (C), 179 n., 209 n.
Samfiresco (M»e), 8.
Sand (George), 241,
Sarran (Abbé), 221 n.
Saumaise, 22.
Sauvages (Abbé de), 269 n.,
306, 330.
Savary des Bruslons, 83, 262,
312 n., 324, 344.
Scaliger, 7, 169.
Scheler (A.), ion., 24, 29, 203.
Schmitz (W.), 246 n., 277.
Schône (L.), 264 n.
Schuch, 178 n.
Schuchardt (H.), xii, 153 n.,
1 92-99 'passirn, 210 n., 275,
335-343 /""«'w' 366.
Sermons de saint Bernard, 81,
117.
Serres (Olivier de), 245, 310.
Sévigné (M™ de), 316.
Sidoine Apollinaire, 165.
I7«
INDEX DES AUTEURS ET DES TEXTES CITES
Sidrac, 74.
Simonneau, 242 n., 334 n.
Skeat, 263 n., 313 n.
Solier (Hugues), 269.
Souviron, 106.
Soyer, 214 n.
Spartien, 64.
Staaf (E.), 119, 122, 125, 134
n., 137, 138, 140 n., 141.
Stengel (E.), 329.
Strabon, 46.
Strophes au Saint-Esprit, 340 n.
Suchier(H.), 27s.
Sudre (L.), 14 n.
Suidas, 194 n.
Sulpice Sévère, 38.
Tailhan, 253.
Taillevent, 80.
Tannery (Paul), 344, 345.
Tarbé (P.), 204 n., 253 n.
Térence, 261.
Tertullien, 114.
Teulié (H.), 160.
Texier (H.), 235.
Thèbes (Roman de), 76, 212 n.,
213,231.
Theodorus Priscianus, 200, 260,
31911.
Thibault, 94, 105, 162 n., 173,
203 n., 318, 321, 332.
Thierry (J.), 83, 84, 319 n.
Thomas (Eug.), 41 n., 62 n.
Tillet (Du), 84.
Tissot, 95, 101, 105, 161, 256,
276, 284 n., 289, 323, 326.
Tite-Live, 261.
Tobler(A.), 67,68, 73,75, 77,
78, 81, 84, 85, 86, 89, 90,
95, 97. 107, 108, 110, 117 n.,
237, 329 n.
Toubin (Ch.), 10 n.
Toumieux (Z.), 92.
Trévoux (Dict. de), 80, 83, 86,
150, 262, 269, 272, 312, 324,
359-
Troie (Roman de), 107.
Turgot, 8.
Turnèbe, 30.
Turpin saintongeais , 138.
Valerius Cato, 180.
Valois (H. de), 30.
Varin, 361.
Varron, 4, 112, 297.
Vaugelas, 277.
Vayssier (Abbé), 242, 249, 314,
315, 316 n.
Vialle. Voir Béronie.
Vicaire, 80.
Vidal (A.), 301, 362.
Vidal (Peire). Voir Peire.
Vie de saint Colotnban, 94 n.,
363, 365.
Vie de saint Gilles , 245.
Vie de saint Rémi, 214.
Vising (J.), 125 n., 145, 146.
Visner, 261.
Virgile, 156, 190.
Voltaire, 9.
Vopiscus, 65, 72.
Voyage au Purgatoire de saint
Patrice, 182.
Voyage de Jérusalem du seigneur
d'Anglure, 278.
Wace, 4, 265.
Waldner, 134 n.
Wallenskôld, 116 n.
Warnke, 69.
Watt (G.), 151.
Willaumez, 109, 291.
Wœlfflin, 271 n.
Yver (J.), 204 n.
Zeuss, 166 n.
INDEX GRAMMATICAL
Accent tonique déplacé, 36 n. (Adisse), 161 (souVtot), 286 n.
(dxeunseu) ; — dans les proparoxytons grecs à voyelle paroxyto-
nique longue, 193.
Adverbe, 274 (pierre).
Agglutination d'à, 298 (amarri); d7, 104 n. (lu cher an); d'«, 298
(nar ; cf. 366); de l'article arabe, 152 (alaquana).
Analogie, 30 et s. (cf. Contamination).
Aphérèse, 50 (Darnac), ^(Meillac, etc.), 6o(Nalèches), 61 (Nexon),
151 (agtwits), 161 (soûlote), 311 (ledouno), 366 (itoula).
Article substitué à la syllabe initiale, 3 1 (Te Mans), 42 (Le Toy^),
43 n. (Le Rance), 45 "(Le* Billanges). — Article agglutiné, 104 n.
(lucheran), 298 (amarri). — Article arabe, 153 (alaquana).
Assimilation, 176 (babi), 227-8 («5 =« en provençal).
Composition des mots, 219 (conobrer), 225 (consirer), 236 (éM>o-
«aiVe, etc.), 258 (entrenerge), 283 (iorbe).
Conjugaison, 259 (infinitif refait), 260 (-m: remplacé par -7re).
Contamination, 113 n. (proverbium, probrum, inipropcrium), 133 n.
(aer, area), 159 (amerinus, amants), 252 (escolorgier, cul), 264
(escavage, esclavage), 278 (hanste, empe), 309 (ebulutn, odocos),
330 (rutrum, rotulus).
Dérivation. FoîV Suffixes.
Dissimilation consonantique, 31 (soucroute), 41 (Arlempde, etc.),
45 n. (Albilanges), 152 n. (graujol), 199 (carcillade) , 200 (i*WM-
culata), 274 (garlimen), 363 (canelhuda).
Dissimilation vocalique, 191 (cafoic).
Epenthèse dV, 115 n. (madrier), 180 (vrille).
Formation régressive, 157 (ambro, aisso, niaisso, etc.), 321 et 367
(/>OMi7/er).
Genre féminin remplacé par le masculin, 252 (ècoisson, poison, etc.).
Genre masculin remplacé par le féminin, 57 (Auvergne, etc.).
Hybrides (mots), 167 (armaricus), 168 (Badiocasses), 309 (educu,
ebucone, etc.).
378
INDEX GRAMMATICAL
Labialisation de Ye en ou, 241 (dessoubrer), de 17 en m, 210 (trube).
Lois phonétiques, 22 et s., 224 et s.. 229.
Métathèse consonantique, 211 (tribe, etc.), 259 (escalaoua), 319
(porcacla), 332 (senne) , 337-8 Çtrubare ?, Hrublare ?), 363 (trehic).
Noms propres source de noms communs, 17 (Hongrois, Croa-
tes, etc.), 178 (Baies), 232 n. (Damas), 249 n. (Dyrrachium?),
3 1 3 (Worstead), 344 (Varinas).
Prosthèse. Fi»V Agglutination.
Sémantique, 27 et s., 179, 180.
Substantifs verbaux, 277 et 365 (anhela).
Suffixes nominaux : acia, 317; aciarius, 2 5 3 ; acti», 1 96 ; acî/5,
196 ; alicia, 90; alicius, 63 ; aricius, 62 et s., 359 ; an'/ij, 173 ;
dm, 254, 281 ; arius, 119 et s.; a/or, atorissa, atrix, 69; a/tf-
rtkf, 254 n. ; attarius, 233, 254 n. ; at>«5, 198; etum, 197;
ram (= ter abstrait), 1 10 et s. ; ïcius et ïcius, 63, 64, 66, 68 n. ;
icus, 57 ; ïcos et ïcoî (celtique), 166 ; ïculus et ïcmZî/5, 180, 333 ;
ilicius, 63 ; Sur, 62, 173 ; -iolaris, 228 ; «ca (celtique), 60 ; m«w
(celtique), 50; issa, 69; ittarius, 234; i7/h.î, 71 ; 0, onis, 318;
orà«, 64 n.
Suffixe verbal icare, 324.
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
ANGLAIS
alkanet, 152.
bear, 187.
berman, 187.
butteris, 10 1.
buttress, 101.
grog, 19.
grogoran, 19 n.
grogram, 19.
hang, 29.
hinge, 29.
meer, 366.
near, 298.
noon. 315 n.
orkanet, 152.
purslane, 320 n.
sandwich, 18.
scavage, 263.
scavenger, 263 n.
sceawian, schewen, 263.
worsted, 313.
ALLEMAND. Voir GERMANIQUE
al-hinna, 153.
al-kemelieh, 150.
ARABE
I anzarot, 161
ARGOT
davone, 232 n.
ambactos, 38, 40.
armorie, 166 n.
*artica, 166.
arvorek, 166.
CELTIQUE
"bodica, 166.
bodios, 168.
"cambica, 166.
cambon, 48.
580
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
cavannus(?), 301.
coantig, 29.
cynhyrfu, 338 n.
cythrwfl, cythryflu, 338 n.
dunum, 35, 48, 52 n., 55, 59.
durum, 42.
.ïcos, -ïcos, suff., 166.
-isca, suff., 60.
-iscos, suff., 54.
kalljov-, 199.
magus, 60.
odocos, odicus, etc.
-oialum, 61.
risclaff, 252.
vernos, 51.
508, 309.
acabdar, 25.
alfana, 7.
alhefia, 153.
alisar, 281.
alquimila, 149.
alrededores, 169.
arveja, 163.
asnerizo, 66.
asnero, 67 n.
avellanar, 281.
azaro, azarote, 16
azuola, 162 n.
cabrerizo, 66.
cabrero, 67 n.
cada, 190 n.
cautiverio, 116 n.
cerro, 202.
cobrar, 322.
colcedra, 215.
enguera, 255.
guedeja, 180.
hermano, 281.
CINGHALAIS
akmalla, 151.
ESPAGNOL
hiniesta, 281.
jenabe, 196.
lanar, 151.
loguero, 112.
lubricar, 292.
llamada, 20.
madera, 138.
madero, 115.
pecho, 138.
piedra, 138.
pierdo, 138.
roya, 153.
tempero, 115.
vaquerizo, -a, 67, 93 n.
vedeja, vedija, 180.
yedgo, 309.
yegar, yegarizo, yeguerizo, 253.
yegua, 253.
yeguaceria, 253.
yeguero, 253.
yermo, 193.
yezgo, 309.
FRANÇAIS
aaisier, 245 n.
abécédaire, 150.
abeille, 348, 349, 350, 351
ablerez (ableret), 82.
abord (d'), 236.
aboyer, 356.
FRANÇAIS
)8i
abreuvoir, 354.
absine, 240.
absinthe, 354.
accord (d ), 236.
acheter, 24, 356.
acmelle, 149.
adebonairir, 236.
adelaisi, 237.
agnous, agnouseté, 151.
aider, 348.
aiguiser, 356.
ainse, 286.
aire, 122, 131.
aire (de bon, de mal, de put), 236.
aise, 237, 243 n.
aiserez, 73.
aissade, 162 n.
aisseau, 162.
aisselle, 158.
aissette, 162.
aissole, aissolette, 162.
aiti = étis, 266.
alcanette, 152.
alcanne, alchane, 153.
alchimille, 149.
alerte, 236 n.
aller chercher, 348.
amanoïr, 209" n.
amarine, 362.
amarri, 297.
amaticle, -tique, 231 n.
ambassade, 40.
amerin, 362.
ampe, amper, 278.
angelot, 160.
anguillerez, 73.
ansoulote, 161.
anwillerech, 73.
apaiser (-ier), 243 n.
apoieoir, 94.
apoierez, 94.
arbousier, 310.
arc, 298 n.
arcanne, 153 et 154 n.
ardoiserez, 73.
arieutan, 284.
armoire, 230.
armon, 298 n.
arquenet, 152.
ars, 298, 366.
asnerez, 73, 82, 359.
âsse, 162 n.
asseûr, 237.
assure, 152.
atenergé, 257 n.
atoivre, 212 n.
aulonnier, 310.
auverez, 73.
avairie, 174.
avainerieus, 174.
avalerece (-esse), 106.
avanri, avanrie, 174.
avantage (d'), 236.
aveille, 351.
aveneril, 173, 295.
aveneris, 173.
avette, 352.
avilie, 351.
avoine (prune d'), 232 n.
avoltire, 139, 140 n.
azoivre, 212 n.
baien, 177.
baignerez, -eche, 94.
baignoire, 213.
baillier, 58.
bainer, 178.
baïonnette, 17.
baiteré, 10 1.
baler, baleresse, 69.
bambais, 194.
bancherez, -ece. (-esse), 73.
banerete, 71.
banerez (-et), 67, 68, 69, 73.
banière, 68, 71.
barerez, -ece (-esse), 94.
basterez, 74.
bataillerez, 74.
bateïce, 94.
batelerez, -ece, 94.
bateresse, 70, 71.
bâterez, -ece (-esse), 70, 94,
100, 101, 107, 361.
382
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
batilleras, 74.
batresse, 107.
batrosse, 107.
bêcherez, -ece (-esse), 74.
belette, 28, 29.
bergerece, 88.
bergue, 186.
berline, 17.
berman, 185.
berserez, -ece (-esse), 70,95, 101.
beurre, 182, 193.
beverez, 95.
bief, 127, 131.
bien, 139.
biscaïen, 17.
blaerez, 74.
blâme, 193.
blanc, 8.
bleerez, 74.
blond, 8.
bolie, 183.
boserez, 74.
bosserez, 10 1.
boterece, 107.
boterez, 95.
bott'ret, 101.
bouc, 20.
boucher (subst.), 29.
bouillie, 183.
bouseret, 74.
bousser, 10 1 n.
bousserot, 101.
bouteret, -ez, 95, 101.
boutice, 91.
boverece, 88.
boyerot, 95.
bracerez, 361.
braiserez, 74.
braserech, -et, 74.
brasserich, 67 n., 95, 361.
brebis, 337.
brider, 321.
broie, 110.
bruereche, 74.
bruerez, 69, 74.
bruierece, 107.
bruman, 186 n.
brument, 186.
buerez, -ece, 95, 102.
buglerez, -et, 74.
burâ, 102.
burre, 182.
cade, 188.
caiage, 263.
caillou, 192.
calicot, 17.
camberi, 175.
cambré, 85.
cammeri, 175.
canepetière, 99.
+ cannellée, 363.
■f canor, 301.
caon, 301.
careillade, 199, 363.
caserel, 83.
caseret, 83.
caumeri, 175.
caupie, 260.
ceindre, 54.
cel (pron.), 31.
cendresse, 68 n.
cenelle, 171.
cer, 200.
cerce, 203.
cerceau, 203.
ceriau, ceriot, 204.
cerise, 143.
cerne, 203.
cerneau, 203, 363.
cerner, 205.
chacerez (-at, -et, -ot), 70, 102.
chaeine, 195 n.
chaiere, 195 n.
chaillou; 198 n.
chaitivant, 116 n.
chaitivier, m n, 116.
chalmerez, 75, 83.
chambre (chanvre), 201.
chameau (-eil, -oil), 195.
champarterez, -ece (-esse), 359.
chantier, 140.
chaon, 501.
FRANÇAIS
|*1
chaperez, 83.
chaplerece, 107.
chaplerez (-et), 361.
chardonneret, 71.
charrier, s. m., 295.
charte, chartre, 304.
chaseret (-ez), 83.
chasier, -ière, 83.
chat-huant, 301 n.
châtier (castier), 1 39.
chaumeret, -ette, 75, 83.
chaumeril, 175, 296.
chaussetier, 234.
chavan, chavon, 301, 366.
chaverez (-ot), 102.
ché (== cher), 200 n.
chemineresse, 362.
chemise, 333.
chenilliee, 200, 363.
cher (poignée), 200, 202.
cherain, 201 n.
cherdonî, 71.
chère (= cher), 200.
cherion, 201, 202.
chevalerez, -ece (-esse), 69, 75,
96.
chevaucherez, -ece (esse), 96.
chevrerez, -ece (-esse), 75.
chierez (-ot), 96.
choan, 301, 302.
chose, 121.
chôtai, chôterat (-ot), 102.
chouan, 301.
choucroute, 3 1 .
cifoine, 331 n.
civière, 215.
claqueret, 361.
clou, clouer, 198 n.
coan, 301.
cochonesse, 70.
coestrcsse, 89.
coillerez, 102.
coisteresse, 89.
coldrercz, -ece, 75.
colerez, -ece (-esse), 75, 107,
362.
conobrage, 217, 364.
conobrer, 219, 220, 364.
conovrer, 220 n.
conseillier (verbe), 1 1 1.
conseillier (subst.), m, 139.
consirer, 226, 227.
consirier, m, 116 n., 223.
contorbler, 338 n.
contraire, 122.
controbler, 338 n.
copécherat (= corp pescherat),
98.
coperez, 102, 361.
copi, 260.
côrasse, 75.
cordonnier, 17.
corerez, -ece (-esse), 96, 107.
côresse, 75.
corterece, 360.
cofvisart, 17.
corvoisier, 17.
cosdre (coudre), 226.
cosse, 245.
costerez, -ece (-esse), 75, 83, 84,
89, 360.
cotret, 83, 84.
cotterelle, 83.
cotteret, 83.
couant, 301.
coude, 24.
coudrette, 75.
couleresse (-ette), 71, 107, 362
coulourgeable, 255 n.
couneuvre, 218, 219, 220 n.,
364.
couperet, 102, 361.
coudre (cosdre), 226.
coureresse, 107.
courô, 96.
couronne, 273.
courteresse, 360.
courtier, 233, 234.
couveoire, 71.
couveresse, 71.
crameresse, 107.
cravate, 17.
3 84
cremerece (-osse), 107.
crenerece (-esse), 107-8.
cresson, 150.
crierece, 108.
croiser (croisier), 243 n.
croisserece, 108.
croix (crois), 243 n.
cueilleret, 102.
cuir, 141.
cuperot, 102.
dagoine, 232 n.
dais, 54 n.
dalmatique, 230.
damerez (-et), 72, 75, 76,
84.
danserez, -ece (-osse), 96.
dans'rosse, 96.
daumaie, 229.
daumaire, 229.
daumoire, 229.
daumais, 230.
dausse, 245.
davaine, davoine, 232.
débonaire, etc., 236.
debout, 238.
débrider, 321.
defroissier, 243.
dégarnir, 321.
dehait, 237.
demalaire, 236.
demandier, 11 1 n., 117 n.
dementieres, dementiers, 140
n., 141.
denai (donner), 317.
deneree, denrée, 121 n.
dépouille, dépouiller, 321, 322.
deputaire, etc., 236.
desiier, 116, 223.
désirer, 226.
desirier, .111 n., 116, 223.
desputarité, 236.
desservir, 226.
dessevrer, 242.
dessombrer, 241 .
dessoubrer, 241.
destorber, 338.
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
destorbier, ni n., 116, 117,
338 n.
dimancherez (-et), 72, 76.
dgelene, 317.
dgenesse, 317.
djevencé, 287.
dois (dais), 54 n.
doloire, 238.
dolse, 245 n.
domagne, 231 n.
domaine, 57.
dosse, 245.
dosserasse, 89.
dosserez (-et), -ece (-esse), 76,
84, 89.
doulce, 245, 246.
douve, 170.
droit, 247, 248.
duraine, 248.
dzare, 275.
dzeunseu, 286 n.
dzgnou, 289.
eauweresse, 76.
écerner, 205.
échalotte, 17.
échançon, 131.
écharrant, 256.
*échaupir, 260.
éclopé, 255.
éculorger, 252, 292 n.
écumerette, 71.
ef, 350.
égliober, 291.
éhanché, 255.
einsarâ, 256.
emblée (d'), 236.
émôdre, 259 n.
émoi, 235.
émouvoir, 259 n.
empe, empé, emper, 278.
emperere, 16.
empire, 139, 140 n.
empouille, empouiller, 522.
encombrier, 111 n., 114, 116.
encontrier, 11 1 n., 116.
encontriere, 116 n.
FRANÇAIS
endementiers, 140 n.
engrant, 237.
enliouber, 291.
énougeler, 205.
énouler, 205.
enquemencie, 317.
enrièvre, 258 n.
ensarrai (s'), 256.
ente (adj), 237.
entier, 143 n.
entrenerge, 257, 365.
entrepied, 273.
épagneul, 17.
éparpiller, 272.
épouiller, 321.
équemôdre, 258.
ère (du verbe être), 143 n.
ereinté, 255.
erme, 193.
es, 350.
escaupine, 260.
escaupir, 260, 365.
escavage, 264.
eschalogne, 117.
eschançon, 131.
escharpison, 260.
eschevi, 362.
eschiele (-ese), 131.
eschive, 76.
esclavage, 262.
esclave, 17.
escolorgier, 252, 292.
escomovoir, 259.
escorcerez (-aie),'' 76.
escorre, escourre, 250.
escumerece, 108.
escuperez (-ot), 102.
eskeure, 250.
esmovoir, 259 n.
esperve, 365.
espesse, 70.
espinerech (-ez), 76.
espoillier, 321.
espooillier, 321 n.
esposerez (-ech), 96.
essaim, 352.
Thomas.
esserrer, 255, 365.
esseret, 76, 84.
essolate, 162 n.
essole, 162 n.
essoriller, 272.
estaïf, 266.
esterchir (-kir), 265.
estessinerece (-esse), 108.
étanie, 152.
éti, étis, 266.
étoquerece (-esse), 108.
euce, eucerez, euchereç, 76, 84.
eutrapele, 6.
everez, eweret, 76.
fagnerece (-esse), 89.
faïence, 17.
fanterne, 268.
fatras, 360.
fau (hêtre), 196.
fauterne, 267.
fautre, 268.
faverez, -ece (-esse), 82-3, 89.
favergier, 294.
faveril, 363.
felunesse, 70.
femerez, 76.
femeril, 175, 296.
femerot, 97.
fenal, 85 n.
fenderez, 103.
fenerez (-ech, -eç), -ece, 67, 77,
78, 85, 360.
feu (hêtre), 196.
feuillard, 273.
feuiller, feuilleret, feuillure,
103, 271.
feuillir, 273.
fève, 346 n., 349, 363.
fier, 145, 146.
hllerez (-et), 72, 85.
finerez (-oz, -ot), 77.
fire (de ferif), 139, 140, 142.
flaverez, -ece, 77.
floerez, -ece, 77.
fo (hêtre), 196.
foeiller, 272.
IL — 25
3 86
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
foeillerez, 103.
foerasse, 90.
foerez, -ece (-esse), 96.
foerosse, 77.
foiller, faillir, 273.
foirerez, 77.
folerez, 96, 103.
fonterne, 270 n.
forger, 294.
formerez (-et), 103.
forserece, 96.
forterece (-esse), S9-90.
fortuné, 22.
foterle, 268.
foterne, 268, 269.
fou (hêtre), 196, 198 n.
fouet, 198 n.
fouiller, 272.
foulereis (-et), 96.
fouloreche, 96.
fourmoyrets, 103.
fousseresse, 96.
fraindre, 54.
frapier, 116 n.
fraserez, -ece (-esche), 97.
frenerez, -ece, 77.
fringuerez (-et), 97.
frisson, 252.
froisser (-ier), 243.
fromenterez, -ece, 77.
fromenteril, 175, 296.
fruiterez, 77.
f fruterne, 269.
fueiller, fueillir, 273.
fumereche, 76.
fumerez (-ot), 97.
futerne, 270.
gagerez (-et), 77.
gagoine, 232 n.
garir, 129.
garnir, 131.
gâter, 124.
gauce, 244 n.
gauferais, 69.
gaufre, *gaufrerez, 69, 77.
gendre, 288.
genestrerez, 85, 361.
génisse, 286.
genoilliere, 143 n.
genvre, 28 n.
gerberez, gerbero, 360.
gierre, gierres, etc., 274.
gindre, 286, 288.
glaire, 122.
gleteron, 292.
gleton, 292.
glincier, 252.
glouteron, 292.
g'nétrot, 85.
gorce, s 3.
goterez (-et, -ot), 69, 77, 8$,
103.
gource, 53 n.
gourgouran, 19 n.
gousse, 244, 245.
gouterot, 77, 103.
grainetier, 234.
graiperot, 97.
grammaire, 230.
graperez (-ot), 97.
gravelez (-ret), 103-4.
gravir, 103.
gresserez (-ech), 77.
grimoire, 230.
grimpelet (-ret), 104.
gripelat (-let), 104.
griper, 104.
grog, 19.
gros-grain, 19 n.
grue, 302, 303.
grumeau, 205.
guandir, 131.
guarir, 129.
guarnir, 131.
guérir, 129 n.
guilerez, 97.
guilleret, ette, 97.
guinderece (-esse), 108-9.
guivre, 302, 303.
hacherece (-esse), 109.
. baigner, 152 n.
I haire, 131, 132.
FRANÇAIS
387
haleine, 276, 365.
hamai, 110.
hampe, 277.
hampe, 278.
hante (hanste), 277.
haquenée, 8.
hardir, 131.
haveresse, 108.
henné, 153.
herban, herberge, 127.
herminette, 161.
heuceret, 76.
hhèrë (so), 257 n.
hiver, 285.
hongreline, 17.
hongrer, 17.
hongroyer, 17.
hostade, 312 n.
houmeresse (écumeresse), 108.
hua, 301.
huant, 301 n.
hucherez (utcherot), 104.
huer, 301 n.
ingambe, 238 n.
iôrbe, 283.
irier, 243.
ivier, 285.
ivière, 284.
jainçon, 285.
jamberez, -esce, 67, 78, 85,
90-1.
jambresse, 90.
jambrot, 85-6.
jardrin, 90.
jaschere, jascherez, 69, 86, 106.
jauce, 244 n.
jédrasse (-osse), 97.
jegnor, 288.
jeneré, 361.
jeterez (-ot), 104.
jitrot, 104.
joie, 121.
joincle, 286.
*joinçon, 285.
joinderez, -ece (-osse, -asse),
97, 109.
joindre, 286, 288.
joncle, 287.
jondresse, 90-1.
jouvenceau, 286, 287.
jovegnor, 289 n.
junque, 297.
kem'rosse, 70, 107.
krennress, 107-8.
la (article), 31, 32.
labourage, labourer, 364.
laceret, 86.
lagnous, 151, 152.
laigner, 151 n.
lampreierez, 78.
lampresse, 78.
lancerez (-at, -ot), 104.
lanerez (-et), 361.
lasseret, 86.
laterez (-ech, -at), 72, 78.
le (article), 31, 32, 45.
lechier, lecheresse, 69, 70.
ledomier, 367.
ledonnier, 310 n., 367.
légatoire, 64 n.
lergé, 293 n.
lergier, 293.
létanie (litanie), 152.
leurgier, 293.
lin (de put), 237.
lioube, 291.
lleurgheous, 293.
lleurgher, 295.
llugrer, 293.
llugrou, 294.
loce, locerez (-et), 78, 86.
loier. Voy. loyer.
loisir (être de), 235.
longuerece (-esse), 91, 360.
longuesse, 91.
losse, 78.
louce, 78, 79.
louier. Voy. loyer.
lourgier, 293.
louvetier, 234.
lovergier, 253 n., 294.
loyer, 111 n., 112, 116, 120.
388
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
lucher, 293.
lucheran, 104 n.
machè, 97.
mâcherez, -ece (-esse), 97.
madrier, 115 n.
maîche, 158.
maiere, 141.
mail, 144.
maillerace, 91.
maisière, 139, 142, 143.
maistresse, 70.
malade, 22.
malerez, -ece, 78, 91.
malot, 352.
manière, 143 n.
maroquin, 17.
marrir, 131.
marriz, 297, 366.
matire, 139.
meeril, 175, 295-6, 366.
meie (médecin), 231.
meiteerez, -ece (-asse, -esse),
78, 91, 361.
menestier, 139. '
mercerot, 71.
méril, 295.
merri, 366.
mesalier, 216.
meserrier, 216.
métier (mestier), 133, 139, 140,
141, 144.
meule, 273 n.
meulon, 295.
meusserot, 104.
mie (médecin), 231.
millerin, 363.
mire (de merir), 139, 140,
142.
mistre, mitre, 302.
moiterace, -rece, 78, 91.
moterez (-et), 360.
mouchate, 352.
mouche à miel, 352.
mouchette, 352.
mouchote, 352.
moutèle, moutoile, 29.
moutier (moustier), 139, 140.
mucerez (-ot), 104.
f murdre, 302.
-j- mute, 302, 304.
f mutre, 302.
nache, nage, 231.
nagerez (-et), ece (-esse), 97-8,
104.
nar (à), 298,366.
navierez, navirech, 361.
nicher, 21.
nigealer, 205.
niquerez (-et), 105.
nivâie, 285.
nocher, 21.
none, 315 n.
nouclu, 300 n.
nuite, nuitre, 300, 366.
oan, 315.
oblierez, 78.
oince, 286.
olone, olonier, olonnois, 310,
366.
oraille, 31s.
orbe, 283, 284.
orcanète (-ette), 152, 154 n.
oreille, 272.
orgeril, 175, 296.
orière, 315.
orine (de franche), 237.
orviétan, 234.
osserez (-et), 86.
ostade, 311.
ostede, 313.
ostesse, 70.
oublierez, 78.
ouecereç, 76.
ouesse, 352.
paaigerez, 79.
paillerez (-et), 86.
paire, 122.
pais (paix), 243 n.
pakrè, 87.
paierez, 72, 98.
paletret, paltret, 105.
panache, 21.
FRANÇAIS
panader, 315.
paner (panier), 125, 146.
panerece (-esse), 91.
paon, 316.
papillon, 272.
pâqueret, ette, 71, 87.
parlier, ni n., 117 n.
paroisserez, 79.
panerez (-et), 105.
pasquerez (-et), 67, 78-79, 86,
87.
passerece (-esse), 109.
passeret, 105.
pate-de-lion, 150.
pave, 195.
pavie, 177, 195.
pavillon, 272.
peagerez, 79.
peau, 321.
pécherez (-et, -at, -ot), ece
(-esse), 98, 109.
*pelenesse, 'pelnesse, 317.
peler, 318.
pelon, 318.
penade, 316.
penderez (-et), 98.
pendre, 29.
pendret, 98.
pêne, 317.
penesse, 316.
pennade, -er, 316.
pensier, ni n., 116.
penture, 29.
percerette, 71.
percerez (-et), 105.
père, 144 n.
perrière, 197.
persienne, 17.
pescherez (-et), -ece (-esse), 98,
109.
peseril (?), 363.
petière. Voyez canepetière.
petrasse, -osse, -ote, 99.
picheret, 98.
picherot, 99.
pied-de-lion, 150.
pignada, 283 n.
pilerez, 79.
piquerez, 99.
pisserez, -rot, 99, 105.
plaie, 231.
plaon, 318.
plaquerece (-esse), 109.
pleierez, -ece (-esche), 99, 105.
pleion, pleon, 318.
plier, 318.
ploierez, -ece (-esche), 99, 105.
ploieruel, 105.
ploion, 318.
plom, plomb = pion, 367.
plomberez, 79.
plommerech, 79.
pion, pionnière, plonnoye, 317,
367.
ploqueresse, 109.
ploumerech, 79.
ployon, 318.
poinçon, 285.
pois, 363.
poison, 252.
polène, 317, n.
polinasse, 317.
poltrait, 105.
porcelaine, 320.
porchaille, 318, 367.
porcherez, -ece (-esse), 79, 87,
91-2.
porchier, 120.
porterez, -ece (-esse), 99.
portrait, 105.
poterez, -ece (-esse), 79.
pouiller, 320, 367.
pouir, 322.
poulenée, poulnée, 317 n.
pourcelaine, 320.
pourchaille, 319.
pouyement, 320, 321.
pouyer, 320, 321.
pramessc, 70.
f prangerbero, 360.
pranjer, 323.
premier, 145, 146.
390
INDEX LEXICOGRAPHIQJJE
prendgî, 323.
preu, 324.
princier, 140 n.
progier, 323.
prou, 324.
prover (prouver), 339, 342.
psautier, 140.
pseuret (pisserez), 105.
puisatier, 234.
put, 236, 257.
queuperot, 102.
rader, 247 n.
radoire, 247.
ramènerez (-et), 105.
rancerat, 104.
rasoir, 141.
ravoi, ravoir, 324, 325.
rebaterez (-et), 105-6.
rebattre, 105 n.
rebattret, 106.
rebondre, 327, 328.
receperece (-esse), 109.
recincier, 327, 367.
reconnaître, 218.
recovrier, 114, 116.
recouvrer, 218.
recrenerece (-esse), 109.
refenderez (-et), 106.
refendret, 106.
refouillement, 272.
refouiller, 272.
regieres, 275 n.
reïncier, 327, 367.
rejeterece (-esse), 109.
remembrier, 116.
remuier, 117 n.
reparerece (-esse), 109.
repasserece (-esse), 110.
repenner, 316 n.
repondre, 327.
reprochier, 117.
reprovier, 11 1 n., 112, 117.
reprouver, m.
résand, 325.
resencier, 326, 367.
restorier, 111 n., 117.
retenterece, 1 10.
reuil, 329.
revondre, 327, 367.
rézonsî, 327.
r'gettress, 109.
ricanerez (-et), 99.
ricèperesse, 109.
ricranneresse, 109.
rincer (rinsî, reïncier), 326, 327,
367.
ripareresse, 109.
rocheraie (-aye), 79.
rocherez, 79, 360.
roïllier, 272.
roinse, 286 n.
roisent, 325.
rollerez, -ece (-esse), 99.
roserez, -ece (-eche), 79.
rouiller, 272.
roulerez, -esse, 99.
ruche, 352.
saimeoire, 70, 71.
saimerece, 110.
saimerez, ece (-eche), 70, 71,
361.
sair, 201.
salmonerez, -ece (-esse), 79-80.
sandwich, 18.
santé (de), 236.
-j-santeine, fsanterne, 267,268.
sanve, 196.
sarment, 203 n.
saumiereche, 100.
saumonneresse, 79-80.
scion, 204.
sebrer, 242.
secherece (-esse), 93.
seierez (-et), 100.
sene, 331.
séné (sanve), 196.
senne, 331.
sephoine, 331 11.
sept, 24.
ser, 201, 203 n.
serain, 201.
serein, 326.
FRANÇAIS
*9>
serene, 204.
seron, 201.
serotte, 200.
seur, 203 n.
seùr (sûr), 237.
sevrer, 242.
sewiy', 333.
simphonie, 331 n.
sinef (sanve), 196.
sinphonie, 331 n.
sné, sney' (sanve), 196.
soi lie, 333.
soirct, 100.
somart, somarterez, somartraz,
360.
somme, 26.
sommier, 26.
sooille, 333.
soperece (-esse), 1 10.
sopresse, 1 10.
sorderez, -ece (-esse), 100.
sordreresse (-dresse), 100.
souille, 332.
souiller, 332, 333.
soûlote, 161-2.
soul'tot, 161.
soupçon, 252.
sourcroute, 31.
sourdcr, 100.
sourdre, 100.
supercherie, 21.
swiy', 333.
tablerez, -ece, 80.
taillerez, 100.
tallerotte, 100.
tanerez (-et), 80.
tarau, 334.
tarir, 131.
taurau (adj.), 334.
taureau (subst.), 334.
taureau (adj.), 334 n.
taurelière, 333.
tavernerez (-et), 80.
tecerez (-ot), 100.
tecier, 100.
tempier, 115, 140.
tenceresse, 70.
tendre (verbe), 29.
tenegre, 257 n.
tenerge (-ierge), 257, 365.
tenture, 29.
tercerez, -ece (-asse), 80, 87, 93.
tere (tire), 143 n.
teresse, 80.
terragerez, -ece (-esse), 80, 359.
terrerez, -ece (-eche), 80.
tessinerece (-esse), 108.
teum'rot, 106.
fthoon, 301.
tiercerets, 87.
tiere (tire), 143 n.
tierreche, 80.
tieupp'rot, 102.
tilleul, 272.
timbre (auge), 214.
tine, 214 n.
tinglerez, 72, 79.
tinre, 214 n.
tire (tiere), 143.
tirerez, -ece (-esce), 100.
tiresce, 100.
toaille, 209 n.
tocier, 100.
toeillier, 272.
toivre, 213, 214.
tomber, tomberesse, 69.
tomberez (-ot), 106.
torberez, 80.
torbler, 338 n.
torcherez (-ot), 100.
tord, 334.
torelière, 333.
torière, 333.
tornerez, 100.
torver, 338 n.
tos'ro (*toceroz), 100.
touerîr, 334.
touiller, 272.
touorlire, 333.
tourberés, 80
tourneresse, 100.
tracelet (-ret), 106.
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
traierece (-esse), no.
trebu, 364.
trekeresse, 70.
trenège, 365.
treschier, 130.
treù, 335.
trobler (troubler), 338 n.
trouver, 334.
truanderez, 81.
trupelin, 6.
tumerez (teum'rot), 106.
ucheran (lucheran), 104 n.
utcherot, 104.
vacherez, -ece (-esse), 81, 87,
93-4-
vackerece, vacqueresse, 81, 93.
vair, 122, 141, 144.
varinas, 344.
-J- varnias, 345.
vautour, 302, 303.
veierez, 69, 81.
veille (vrille), 180.
veillée (liseron), 181.
veillote, 181 n.
vendemaresse, 81.
vendengerez, 81.
venderesse, 70.
venderez (-et), joo.
venterece(-esse), vent'resse, 70,
110.
vérine, 344.
vermeil, vermillon, 272.
verserez (-ot), 106.
veuillet (liseron), 181.
vieille (liseron), 181.
vignerez (-et), -ece (-esse), 81,
87.
viille, 180.
vinerez, -ece (-esse), 81.
viorne, 284.
vis, vi, 284.
voierez, 69.
volerez (-et), 106.
volontiers, 139.
voogerez, 81.
vougeresse, 81-2.
vougesse, 82.
vreille (liseron), 181.
vrille, 179-181.
waufferrais, waufret, 69.
xhavresse, 108.
yorne, 284.
GERMANIQUE
akmelle, 150 n.
-areis, -ari, -eri, suff., 123, 125.
14S, 147.
attich, 308 n.
auskernen, 205.
badi, 127, 131.
beran, 209.
beurtman, 186.
botan, 101 n.
deohproh, 364.
drëskan, 130.
-ère, -eri, suff., voye\ -areis.
faltblume, 271 n.
faskapjan, 362.
ardjan, 131.
hari, 124, 125 n., 127.
*harja, 131, 152.
harjis, 127.
heri, 127.
jehan, 132 n.
kern, 203.
kernen, 205.
kletto, 292.
klieben, *klubba, 291.
kraut, 31.
lœwenfuss, lœwenklau, 150.
marrjan, 131.
mêr-, 128.
milza, 213 n.
nahe, 298.
puzzela, 320 n.
sauer, sauerkraut, 31.
scaz, 129.
schaffen, 362.
schatz, 212 n.
scheppen, 362.
schœntierlein, 29.
schœpfen, 361.
skankjo, 131.
*skapfjan, *skapjan, 362.
skara, 131.
skatts, 129, 212 n.
*skerja, 132.
sperberbaum, 264.
spërboum, 265.
stark, sterk, sterken, 265.
*têri, 143.
:c 393
tharrjan, 131.
thriskan, 130.
tipr- ?, 364.
treffen, 335.
* twiber, 213.
varinas, 345.
wandjan, 131.
warjan, werjan, 129.
warnjan, 131.
wranjo, 131.
zèbar, 212 n.
zuber, 207.
zwei, 209, 364.
zwipar, 209, 211, 212, 213,
364.
ay.;j.r(, 150.
à'zxT] (acte), 308, 309.
-aç, a/.oç, 193.
ixoftâaawv, 244.
,ja[i.6a/.Oc'.or;;, 194 n.
Vi;j.ox;, 194, 196.
[iXâaçrjjLO;, 193.
(JoiaSk:;, 194.
ryWr'/j\, 194 n.
M&EUpOV, l8l, 193, 194.
BwXiptov, 183.
rXuMOta, 141.
yXuyr}, 291.
Yvrôju), 113.
oo'À'./o?, 245.
iy.y.ÀT)T:'a, 140.
ejaçutov, 278.
ïpijaoç, 193.
EaacXXoaa:, 259.
i-jpiiy.oj, 335.
lUTpcËxeAof, 6.
-rfpiov, 139.
OjuaXÀo;, 193.
-it/.oç, 54.
-î?aa, 69.
y.otfxrjXoç, 194.
y.â|i.tvo;, 195.
zavOr^Xio;, 140.
xayXaÇ, 193.
zâ-/_Xr(£, 192, 193.
xO'.|.i7]7rjp'.ov, 140.
xoxxîÇstv, 205 n.
•/.o'/Xaç, 192, 193.
XcrjxaÇ, 196.
paXaxoc, 23.
aàaTi;, 196 n.
opxuÇ, 196 n.
-âj:'jpoî, 195.
xe'tcwv, 196,
<jiy[/.a, 26.
asXivov, 193.
(rivant, 195, 196.
at'&'Dv, 196.
uo>jy.:a[xo;, 330.
çâarjXo;, 196.
çXoç, 196 n.
/a;xa'.â/.tr) (chamaeacte), 309.
V«Jp, 202.
■{-aÀTTJp'.ov, 140.
394
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
ITALIEN
alchimilla, 149.
alfana, 7.
argentiere, 124.
baco, 194.
baggiana, 178 n., 179.
bambace, 194.
beccajo, 30.
becco, 30.
bellora, 29.
biasimo, 193.
burro, 193.
cammello, 194.
cammino, 195.
campereccio, 67.
cascreccio, 67.
cattiveria, 116 n.
chiamata, 20, ai.
cira, 212 n.
conforza, -zo, 191 n.
dossa, 364.
ermo, 193.
erta (ail'), 238 n.
festereccio, 67.
gamba (in), 238 n.
gamiddu, 195.
gignore, 289.
lagnare, 151.
lidone, 311 n.
lubricare, 292.
madiere, 115.
madrighe, 297.
milza, 213.
nicchia, ai.
nocchiere, ai.
nocchio, 300.
nottola, 304, 366.
olidone, olione, etc., 311 n.
ostata, 314.
pagliericcio, 67.
porcacchia, 319.
ricoverare, 339.
rimproverare, 1 1 1 .
rocchio, 329.
rubiglia, 163.
sanapu, sanavre, 196.
scommuovere, 259.
secchereccio, -ericcio, 67.
seber, 208.
sebi, 208.
sebru, 208.
sedano, 193.
senape, 195, 196.
stantio, 267.
stelo, 243.
suber, 208.
superchieria, ai.
temolo, 195.
tila, 212 n.
trovare, 335.
ulioni, 311 n.
vaccareccio, -ia, 67, 93 n.
vdec, 180.
vedech, 180.
viticchio, 180.
vombacu, 194 n.
ziber, 208.
LATIN
abellana, *abellania, 171.
absare, absus, 172, 173.
absinthium, 355.
*accaballare, 260.
*accapitare, 25.
| acinus, 171, 249.
adulter, adulterium, 113, 139.
aer, 133 n.
*aeria, 133 n.
ahera,
albus, 8.
aldiaricia, 65.
aliéna (= alena). 277 n.
amarina, 157, 159.
amarus, 157.
ambactiare, 40.
amera, 157.
amerinus, -a, 156, 562.
*amerus, 157.
anguilla, 177 n.
anhela, anela, 277, 365.
anhelare, 276.
anhella, 277 n.
apes(apis), 350,351, 352.
apicula, 350, 351, 352.
*ap:tta, 352.
aptus, 24.
arbiter, arbiterium, 116 n.
area, 122, 133 n.
aremoricus, 165, 166 n.
argentarius, 124.
armaricus, 167.
armoricus, 165 à 169.
armus, 298.
ascia, -iola, 162.
asinaricius, 359.
asinusca, 73.
assare, assus, 172.
attropare, 343.
*avenarilis, 175.
*axa, 158.
*axella (= axilla), 157, 158.
azarum, 160, 161.
baca, 178 n.
baianus, 178, 179.
bambax, 194.
baniaricia, 94.
*bannaritta, 71.
barba, 337.
basiare, 29, 134 n.
*basiarium, 134 n.
*battaricia, 70.
"battatorissa, 71.
bellula, 29.
bene, 13Q.
berbicaritia, 65.
IN 59$
berbix, 337.
*berendare (?), 188 n.
blasphemus, 193.
bolarium, 183.
*bombacus, 194, 196.
bovolcaricia, 65.
bucula, 30.
butyrum, 182, 193, 194.
caballus, 259.
*caclacus, *caclagus, 192, 193,
196, 198.
"caclagaria, -getum, 197.
*caclavaria, -vetum, 197.
*caclavarius, 198.
'caclavellum, 198.
*caclavus, 197.
caementicius, 66.
calculus, 192 n., 198.
calicularis, -lata, 199, 200.
camellus, 194.
camelus, 194.
*camillus, 195.
caminus, 195.
cancer, 217.
caniculata, 200.
canterius, 140.
capsaricius, 64.
capsus, 240, 290.
captare, 25.
"captiaricius, 70.
caput, 24, 25.
*cardonaricius, 71.
*caria, 122 n.
carropera, 220 n.
carrucaricius, 65.
casearicius, 83.
cassanus, 189.
castellaris, 229.
castigare, 139.
catanus, 189.
catena, 195 n.
cathedra, 195 n.
cathedralicius, 63, 65.
causa, 121.
cavannus, 301.
ceberus, cebrus, etc., 208.
?96
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
centinodium, 300.
cera, 140 n., 212 n.
*cçresia, 136, 143.
chartula, 304.
cibrius, 208.
cinericius, 68 n.
cingere, 54.
circinare, 205.
circinus, 203.
cirrus, 202.
*claria, 122 n.
coaccedere, 219.
coacere, 219.
coacervare, 219.
coclaca, 192.
coculia, 191.
coemeterium, 140.
cohabitare, 219.
cohortari, 219.
colatoria, 248.
comedere, 219.
*cominitiare, 219.
commovere, 259.
conangustatus, 219.
conauditum, 219.
concacare, 219.
concipere, 228.
concitare, 228.
condecere, 219.
confabricari, 219.
confortare, 220 n.
*confurcia, -cium, 191 n.
*confurcus, 191.
congelascere, 219.
conhibere, 219.
*conhortare, 220.
conire, 219.
conjacere, 219.
connasci, 219.
*conoperare, 219.
conquadrare, 219.
consacerdos, 219.
considcrare, *considerium, 113,
221, 223, 22$, 226, 227.
consiliarius, 139.
consilium, 223 n.
consola re, 340 n.
constare, 226.
constipare, 210 n.
consuere, 226.
consularicius, 350.
contabescere, 219.
contrarius, 122.
contropare, 343.
*contrublare, 339 n.
conturbare, 339 n.
*conucula, 200.
convadari, 219.
cooperare, 219.
coperire, 339.
*cophus (= cophinus), 159.
corbis, 337.
corbus (= corvus), 337.
corium, 137 n., 141.
corvus, 337.
cribellum, cribrum, 210 n.
cruciare, 243.
*cubaricia, *cubatorissa, 71.
*cubium, -biolum, -biolaris,
191 n., 228.
cuculla, 191.
*culcere, -ra, -ria, 216, 217.
*culcina, 216.
culcita, -tra, 215.
-J-*dalmatarium, 229.
dalmatica, 229, 230.
damaricius, 66.
damascena, 232, 249.
decanus, 233 n.
decarnare, 243.
decervicare, 243.
decollare, 243.
decoriare, 243.
decorticare, 243.
decus (= decussis), 137 n.,
233 n.
deliberare, deliberium, 113,114.
*denarata, *denariata, 121 n.
denarius, 121.
deservire, 225, 227.
desiderare, desiderium, 113,
114, 225, 226 n., 227.
*destilare, -lium, 243.
*destiliare, -lium, 243.
destillare, *destillium, 244 n.
discus, 54 n.
*disseperare, 242.
disturbare, 337, 338.
dolabra, 236, 237.
dolatoria, 236.
dolsa, 246.
dominicum, 57.
dorsum, 365.
dulcis, 365.
*duminterias, -iis, 140 n., 141.
duracinus, 248, 249.
durus, 249 n.
ea hora, 275.
ea re, de ea re, ea de re,
275.
ebolus, ebulus, -lum, 305, 306,
307, 308, 309.
ebucone, 309.
ecclesia, 136, 140.
edere, 311.
educu, 309.
*empotus, 278.
equa, 253.
*equaciarius, 253, 254.
equaria, 253.
equaricius, 253.
*equaris, 254.
equarius, 253, 254.
*equatarius, *equattarius, 254.
equitiarius, equitium, 254.
equus, 7, 253.
erat, 143 n.
eremus, 193.
ergo, 275.
ervilia, 163.
euolus, 309.
*excaballare, 259.
excinctus, 261.
*excircinare, 205.
*excocire (= excoquere), 221 n.
*excollubricare, 252, 253.
*excommovere, 159.
excussio, 251.
IN 397
excussorius, 251.
excutere, 250.
exerrare, 256, 257.
eximius, *exinius(?), 261, 262.
exire, 261.
*exlapsus, 240, 290.
exmucciare, 244.
*exnucalare, 205.
*exseperare, 242.
*exsiliare, exsulare, 243.
*exsubmustare, 250.
faba, 363.
fabaricius, 64.
fabricare, 292.
facticius, 66.
factio, 39, 40.
factus, 40.
fagus, 196, 198 n.
falterna, 270, 271.
fata (= fatua), 304.
fatua, 304.
fatus, 40.
*fedicum, 231.
fenarius, 360.
feriam, 139, 142.
férus, 146.
*feticum, 231.
ficatum, 183 n.
focus, 137 n.
*fodiculare, 272.
*fortalicia, *fortaricia, 90.
fortunatus, 22.
frangere, 54.
fraxinus, 189.
*frictio, 252.
*frumentarilis, 175.
*frustiare, 243.
gaudium, 121.
genesta, genista, 279, 281.
*genestaris, 280.
gentilicius, 63.
germanus, 281.
gerula, 209.
glaciare, 39.
glarea, 122 n.
glubere, 292.
398
INDEX LEXICOGRAPHIQJJE
+ *glupa, 291.
grammatica, 230.
*guttiare, 243.
*ha re (de), 27 5.
habitus, 24.
halare, *halena, 276.
hanela (= anhela), 277 n.
hebraicus, 249.
herba, 337.
hibernus, -na, 284, 285.
hora (ea), 275.
hostilaricium, 66.
igitur, 275.
imperator, 16.
imperium, 113, 1 39.
improperare, improperium, 1 1 1 ,
112.
*incaballare, 260.
incanus, 258 n.
*incomberium, 114.
innubilus, 258 n.
intenebrare, intenebricare, *in-
tenebricus, 258.
interea, 140 n.
internodium, 300.
ipse, 290.
*iriare, 243.
itaque, 275 n.
jacere, *jaciura, 228, 229.
junctio, 285.
junctura, 285.
•junicia, 286.
junior, 286, 288, 289.
jusquiamus, 330.
juvenca, 287.
juvencus, -culus, -cellus, 286,
287.
juvenis, 288.
labi, 289.
lacus, 196 n.
laicus, 249.
laniare, 151.
lapsus, 289.
legatorius, 64.
licita, 216 n.
lignaricia, 66.
litaniae, 290.
locare, 112.
locarium, 112, 121.
locus, 137 n.
lotus (arbor), 367.
lubricare, 253 n., 292, 293.
maceria, 133, 139, 141, 143.
magister, magisterium, 113 n.,
116.
malacus, 22.
maie aptus, 24.
maie habitus, 24.
malleus, 144.
mancipium, 228.
manopera, 220 n.
maritare, 225.
*martiata, 294.
massaricia, 65.
mater, 296.
materia, 138, 139, 141.
materium, 115.
matrix, 297.
*maxa, 158.
*maxella (= maxilla), 158.
medicus, 231.
memorare, 188.
*merciarittus, 71.
merenda, -are, 187.
*meriam(=meream), 139, 142,
143 n.
*metarile, 295.
metaritia, 361.
mimaritia, 65, 359.
minister, ministerium, 113 n.,
116, 133, 137 n., 139, 140,
141, 144.
miseria, 114 n.
monasterium, 139, 140.
mustela, 28.
natalicius, 63.
natica, 231.
necessaria, 114 n.
nivaria, 284, 285.
nivosus, 61.
noctua, *noctula, 304.
*nodium, 300.
nodulus, 299, 300.
-i-nogamus, 246 n.
nogarius, 246 n.
nona, 315 n.
novicius, 66 n.
nox, 315.
nubes, 210 n.
"nucalare, -iiare, 205.
nvcticorax, 303.
octava, 314, 367.
octo, 315.
oculus, 62.
odecus, odicus, 309.
odor, olere, 309.
*olicus, 309.
operaria, 143 n.
operarius, 135.
oratorium, 137 n.
orbis, 283, 284.
orbus, 284.
ostiaria, 134.
pabulum, 176.
palearicius, 65.
pandere, 29.
papilia, 176 n.
papyrus (*papilus, *paperus,
etc.), 176, 177, 182, 195.
partiaricius, 65, 359.
pater, 144.
pauper, -ries, *-ria, '-rium, 115,
116, 143 n., 211.
peciola, 246.
pectus, 138.
pecus, 137 n.
*pedinare, 316.
penna, 316.
perdere, 138.
petra, 138.
petraria, 197.
*pinea,-r- -at- -f- -aris, 283 n.,
36S.
pisum, 303.
platanus, 189.
*plico, -onis, 318.
plorare, 338.
pomerius, 125.
jin 599
porcacla, 319.
*porcalia, 319.
porcaricius, 65, 92, 359.
porcarius, 120.
porcilaca, 319, 320.
porclaca, 319, 320, 367.
portolaica, 320 n.
portulaca, 319, 320.
potio, 252.
potiri, 322.
primarius, 146.
primicerius, 140 n.
primus, 140 n.
proba, 340 n.
probare, 339, 341.
probrum, 113 n.
prode esse, 324.
*prodicare, 324.
prodigare, 323.
*proferio (= profero), 1.35.
proficere, 323.
profundus, 220 n., 328.
provendaricius, 359.
proverbium, 113 n:
psalterium, 140.
pulex, 210 n.
pullina, 317 n.
*pullinacia. 317.
pulsare, 101 n.
pulver, *-ra, *-ria, 217.
punctio, 285.
purgare, 342.
quaerio (= quxro), 135.
"rapidium, 325.
"rasitare, 248.
*rasitoria, 247.
rasoria, 247.
rasorium, 141.
recens, 325, 326.
*recentiare, 326, 327.
*recinciare, 327.
recuperare, 114, 322, 335,339.
*recuperium, 1 14.
redecima, 170.
refrigerium, 113.
refundere, 327, 328.
400
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
repenre, 335.
reponere, 327, 328.
rcprobare, III, 112.
*reproperium, 112.
reputare, 25.
rogare, 338, 342.
rotaricia, 92.
rotulus, 329.
-j-rullum, 328.
rutabulum, 330.
rutellum, 328.
rutrum, 330.
*rutulus, 329, 330.
sagma, 26.
sagmaricius, 66.
salarium, 112 n.
samia, 361.
*saporarium, 114 n.
saturnalicius, 64.
saxetum, 197.
scalpere, *scalpire, 260, 261
365.
scalpitudo, 261.
scalticus, 260.
scopare, 341.
scorcia, 246.
selinum, 193.
senatorius, 64 n.
septem, 24.
sex, 136.
*siccaricia, 93.
sidus, 225.
sigillare, 72.
sigillaricius, 64, 65, 72.
signum, 331.
simius, 262.
sinapi, 195, 196.
situla, situlus, 206, 207.
somnus, 26.
sorcerus, 125, 146.
spoliare, 321.
stantarius, 267 n.
*stanticius, -tivus, 267.
stare, 266.
*staticius, 266.
stylus, stilus, 242, 243.
sua, 340 n.
*subicula, 333.
*submustare, 250.
subucula, 333.
sudarium, 332.
summa, 76.
superare, *superium, 114 n.
*superia, superus, 114 n.
suspectio, 252.
suspirare, -rium, 243.
'sydonus (= synodus), 332 n.
symphoniaca, 330, 331.
synodus, 332.
"tauraria, "taurellaria, 334.
taxus, *taxaria, 130 n.
tela, 212 n.
temperare, 16, 115, 211.
"temperium, 115, 140.
tenebricus, 257.
thymallus, 193.
tina, 209.
tiprus, 363.
tollere, 242.
*tropare, 335, 336, etc.
tubrucus, 364.
*tudiculare, 272.
turbare, 334, 335, 336, etc.
*turbulare, *turblare, *trublare,
337> 33gn-
typrus, 563.
unedo, 311.
*unedona, 311.
ursaricius, 65, 359.
vaccaritia, 65, 359.
varius, 122, 141, 144.
vastare, 124.
veclus (= vetulus), 320.
vercaria, vergeria, 130, 131.
"vervecaria, 131 n.
vervex, 337.
vetulus, 320.
viaticum, 284.
viburna, 284.
viclus (= vitulus), 320.
villa, 177 n.
vindemia, *vindenia(?), 262.
PORTUGAIS, PROVENÇAL
vinericia, 66.
vita, 284.
vitkula, viticula, 180, 181 n.
viticulus, 180.
vitis alba, 284.
vitulus, 320.
vituperium, 113.
vivenda, 284.
voluntarius, 139.
401
alfena, 153.
angueira, 253.
cavallariço, 66.
chamada, 20.
cobrar, 322.
PORTUGAIS
engo, 309.
ervilha, 163.
lubricar, 292.
porcariço, 66.
PROVENÇAL
a = abeille (fp.), 350.
abeda (g.), 282.
abeilla, -o, 351.
abeyè (g.), 118.
abiouradou, 354.
abrana (g.), 282.
abs, absa, 172-3, 240.
*absina, 240.
acabè(g.), 118.
acaptar, 25.
acaua (g.), 259.
acino, 171.
acordier, 117.
acostar, 340.
acraua (g.), 259.
adiré (g.), 118.
adobar, 340.
adobier, 117.
adorar, 340.
aganè(g.), 118.
agnesto (g.), 281 ri.
agreula (g.), 282.
ahamiè (g.), 118.
ahanè (g.), 118.
1. Y compris le catalan (c),
vençal (fp.).
Thomas.
aice, 249.
aira, 122.
aise, 235.
aissela, 158.
aisso, 158.
aissola, 162.
alaquana, 152.
alaussat, -ssit, 289.
alberc, 127.
alegrier, m n., 117.
alonguier, 117.
amarijo, 164.
amarina, -o, 154, 362.
amarinas, 155.
amasina, 155.
ambra, ambriri, ambro (fp.),
156, 362.
amezna (fp.), 232 n.
amourrè (g.), 118.
ancho, 255.
angelot, 159.
anpere (fp.), 264 n.
ansanello, ansano, 171.
anyele (g.)» J77 n-
le gascon (g.) et le franco-pro-
II. — 26
402
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
aouejè (g.), 1 18 n.
aousano, 171.
aoussenc, 355.
ap, 350.
apcha, 131.
apsar, 362.
arbelha, arbeillo (g.), 162.
arcaneto, etc., 153.
arcanna (arkanna), 154 n.
ardir, 131.
arnés, 274.
armarena, -ina (fp.)> 362.
armori, armouri, armorijo, ar-
mourijo, etc., 164.
arraba (g.), 282.
arraga (g.), 282.
arrague (g.), 197.
arre-(g.), 170.
arrecatè (g.), 118.
arredezme (g.), 170.
arredogue, 169.
arrepoè (g.), 118.
arrepunt (g.), 170.
arroulh (g.), 329.
arsano, 171.
artijo, 166.
ase, 249.
asperbo, etc., 264.
assaborar, 340.
assana, assanha, 170.
asse, assa, 172, 362.
assegurier, 117.
auga (g.), 282.
aulanha, 171.
auledoun, auleroun, 310.
auranoa, -oar (g.), 315 n.
aus, s. m., 290.
aus, adj., 240.
ausino, 239.
ausseda, 240.
*aussina, 241.
autorguier, 1 17.
autregier, 117.
avays, -ssa, 232.
aveneduir (g.), 137 n.
avi(fp.), 352.
avilli (fp.), 351.
babelha (bobelho), 176 n.
babi(g.), 176, 195.
babialè (g.), 176.
babit (g.), 176.
bailar, 58.
baïno (fp.), 178.
baisar, 29, 132 n.
baisso, 232 n.
bajan, bajana, 178.
balar, 44.
barat (g), 170.
barena (c), 188 n.
bastarez, esso, 74.
béco, 352.
bedoura (g.), 282.
beillo, 351.
belido, 183.
beregne (g.), 187 n., 262.
beren (g.), 187 n.
berena (c), 188 n.
berimous (g.), 187 n.
bernata (g.), 282.
bèso, 127 n.
bezal, 127.
bezarez, -eza, 82, 88.
bibalè (g.), 176.
bidelhe (g.), 179.
bie (fp.), 127.
biele(g.), 177 n.
bignarés (g.), 87.
blouson, 269.
bobelho, 176 n.
bocarez, 82.
bodee (g.), 181.
boder, 182, 194, 363.
boscareza, 88.
boscatier, 233.
bossareza, 88.
bouc, 82.
boucarés, -charés, 82.
boucau, 334.
bouchard, 82.
boudé (g.), 181, 194.
boueijo, 166.
boulido, 183.
PROVENÇAL
403
bourtoulaigo, 320.
bouscarra (g.), 282.
bovareza, 88.
bovatier, 233.
braiman, brayman (g.), 184.
brama (g.), 282.
bregno (g.), 187 n., 262.
brembar (g.), 188.
bren (g.), 187 n.
brena (g.), 187.
brimous (g.), 187 n.
brouca (g.), 282.
bruchaga (g.), 282.
bruchoa (g.), 282.
bruga (g), 282.
buire, 182, 193.
buiro (fp.), 182.
bulide, -do, 183.
burre, 182.
cabilha (g.), 282 n.
cabraret, -ez, -eza, 75, 83, 8
cada (c), 190 n.
cade, 188.
cadenasso, 189.
cadenedo, 189.
cadenello, 189.
cadeniero, 189.
cadre, 189.
cae, 189.
caforc, cafour, 191.
cagoulho, 191.
cagoulo, 191.
cailar, 229.
caiola, 191 n.
caitivier, 11 1 n., 117.
caleiado, -lhado, 199.
calelh, 199.
caleu, 199.
calhabé (g.), 198.
calhabere (g.), 197.
calhabet, -bot (g.), 198.
calhîoua (g.), 282 n.
calmareza, 88.
camel, 195.
caneba (g.), 282.
canelhada, 363.
cara, 132.
carante, 187 n.
carce, carcer, 216.
careiado, carelhado, 199, 363.
cassourra (g.), 282.
castelar, 229.
castiier, 117.
caular (g.), 282.
caureiado, 199.
caus, 290.
caussatier, 233.
cavalaria, 121.
cavalier, 121.
cavalier, 134.
cayola (g.), 228.
caytiouè (g.), 118 n.
ceba (g.), 282.
cer (sèr), 201.
ceriesa, 136.
cessarez, 75.
chadenedo, 189.
chai, 189.
chaine, 189.
chambijo, 166.
chancera, 217.
chantier (?), 117.
chaplier, 117.
charri (fp.), 295.
chaus, 240, 290.
çhavan (fp.), 366.
cheira, 132.
cher = char (fp.), 294.
cherri (fp.), 29 j.
çhevan (fp.), 366.
chibre, 211 n.
chieira, 362.
chiera, 132.
chirbe, 211 n.
cibada (g.), 282.
cibrado, 206.
cibre, 206, 363.
cimbre, 207.
ciouasa (g.), 282.
claqueret (fp.), 361.
cobde, 24.
cobrar, 322, 339.
INDEX LEXICOGRAPHIQJJE
coforc, coforcha, 191.
coisna, 215, 216.
colcer, 215.
colse, 215.
coluri (fp.), 248.
concebre, 228.
concetar, 228.
conobre, 364.
conortar, 219.
consider (-ier), 113, 115, 117,
118, 132, 134, 220, 221,
221 n.
considrar, 220, 221.
*considrer, 221.
consier, 220-8.
consirar, 227.
consire, 221 n.
consirier, m n., 113, 117, 118,
221, 222, 223.
coratier, 233.
cosciencia, 228.
coser, 226.
cosier, 222.
cosir, 226.
cosirar, 227.
cosna, 215, 216.
cospirar, 228.
cossebre, 228.
cossegre, 228.
cosselh, 228.
cossena, 215.
cossentir, 228.
cosser, -era, 215, 216.
cossetar, 228.
cossier, 222, 364.
cossirar, 227.
cossol, 228.
cossolar, 228, 340 n.
costar, 339.
costubar, 210 n.
couce, 215, 216.
coucedo, -edro, 215, 216.
coucèiro, 215, 217.
couceno, 215.
coucero, 215, 217.
couder, 223 n.
coueitio, coueito, coueto, 215,
216.
couino, 215, 216.
coulce, 215.
coulcedo, 215, 216.
coulceno, 215, 216.
coulcero, 215, 217.
coumbranc, 192.
counsoulè (g.), 118.
courno, 215, 216.
couser, 215.
coussei, 223 n.
cousser, 215.
coussida (g.),
coussidè (g.), 221 n.
coussier, 223.
coussierous, 223.
coussirè (g.), 221.
coussirous, 223.
cousso, 215.
couste, 216.
coustio, 215, 216.
cousto, 216.
coutre, 213.
couylaa (g.), 229.
coyala (g.), 228.
cozna, 215, 216.
cranto (g.), 187 n.
crocarez, -eza, 75.
crubel, 210.
cruézia (fp.), 294.
cuiolar, 191 n., 228-9, 282 n.
cujala, 228.
cuyala, 228.
dalouéri (fp.), 238.
davais, -aissa, 231.
debeyè(g.), 118.
debisè (g.), 118.
déc, 233 n.
dèc, 137 n., 233.
degatier, 232.
degoursa, 239.
deguier, 233.
deimai, 234, 364.
delavra (fp.), 238.
delezer, 237.
PROVENÇAL
deliurier, ni n., 114, 117.
demai, 134.
demorar, 340.
demorier, 117.
den, dent, 44.
denairada, etc., 121.
denier, 121.
deped, 237 n.
desabeyè (g.), 118.
desacordier, 117.
desacoustumè (g.), 118.
*desaussinar, 241.
desbroumbè (g.), 118.
descarè (g.), 118.
descordier, 117.
descounsoulè (g.), 118.
desestimè (g.), 118.
deseusina, 239.
desfourtunè (g.), 118.
*desider, 113.
desier, 223, 224.
desirar, 226.
desirier, non., 113, 114,223,
224, 364.
desnougalha, 205.
desoulè (g.), 118.
desoundrè (g.), 118.
desousina, 239.
desoussina, 239.
dessebrar, 242.
dessensè (g.), 118.
dessibra, 241.
dessirier, 226 n.
desteilla, 242.
destorbier, non., m n,, 1 17,
118.
destuelh, 242.
destél, 242.
détela (fp.), 244 n.
doga, dogue (g.), 170.
doladera (g.), 238 n.
doladoira, 238.
doliuri (fp.), 238.
dolsa, 244, 364.
dorsi (fp.), 245, 246.
doubri, 21 1.
doûfa (fp.), 245.
douladère (g.), 238 n.
dôusso, 245.
draparez (-et), 76.
dresca, 130.
dresta, 130 n.
droblo (fp.), 248.
droubi, 211.
drouérî (fp.), 247, 365.
duchen, 355.
dur, 249.
duraice, 249.
duraiquier, 249.
dussen, 355.
dzegne (fp.), 288 n.
eble, ebo, ebou,eboul, 306, 307.
eboric, 309 n.
echamousta (g.), 250.
écoisson, 250, 365.
écoussou, 251.
écourre, 251.
ega, 254.
egassier, 233 n., 254.
egatier, 233, 254.
egecer, 254.
ego, egou, 306.
eguezier, 233 n., 253.
eguin, 254.
eigaié, 254 n.
eilau, 290.
eimai, 234 n., 235.
eirancha, 254.
eissarrar, 25 s, 365.
eisscbra, 241 n., 242.
eissigna, eissigne, 261.
eissinja, eissinje, 261.
èl, 329.
embarguè (g.), 118.
embarrc (g.). 118.
embeyè (g.), 118.
empachier, 117.
empaitrier, 117.
empeyr, 134.
enamorar, 340.
encombrier, non., ni n., 114,
117, 118.
406
INDEX LEXIC0GRAPH1QUE
encraua, 259.
encrauera, 259.
enogier, 117, 118.
ensarailli (fp.), 257.
ensarrar, 256.
entenerc, 258.
enter, 135.
erbro (fp.), 295.
escabit, escafit, 362.
escalaoua (g.), 259.
escalaouetos (g.), 259.
escançon, 131.
*escaouala, 259. .
escaz, 129, 212 n.
escheini (g.), 261.
eschenya, eschenye (g.), 261.
escobar, 340, 341.
escomover, 259.
escoudre, 251.
escoumoussa, 250.
escoussou. 251 n.
escoussouira, 251 n.
escouzi, -zidè, 221 n.
escranca, 255.
esems, 49 n.
eslaus, 240, 290.
esmarrit, 257.
espaventier, non., ni, 117.
esperbo, esperbié, etc., 264,
365.
esqueira, 132.
*esrancat, 255.
estadis, 266.
estantis, 267.
ester (g.), 170.
estiers, 140 n.
estoumaquè (g.), 118.
estournic, -ica, 206.
étrobla (fp.), 248.
eu, 329 n.
eufe, eufo, 306.
eugue, 306, 309.
eule, 306.
eus, 290.
eusino, 239.
eusse, 306.
evou, 306, 307.
ewatai (fp.), 254.
eyguesier, 254.
faisso, 39.
fanterne, 268.
fauterbo, 268.
fauterlo, 269.
felgar, 281.
fellayo, 269.
figarez, 85.
filatier, 233.
finterno, 268.
flage, flagel, 158.
flajo, 158.
flauge, flaugel, 158.
fiaujo, 158.
fleira, 297.
fonterno, 268.
fortaleza, 90.
fortareza, 89, 90.
foustello, -erlo, etc., 268.
fôuterlo, -no, 268.
fraisse, 210.
fuec, 135 n.
gabarra, 282.
gabier, 117.
galier, 117.
gandir, 131.
garanhon, 131.
garlimen, 273.
garnimen, 274.
garnir, 131, 274.
garrabousta (g.), 282.
garrigata (g.), 282.
gastar, 124, 233.
genestar, 280.
gequir, 132 n.
gesta (g.), 282.
geu (g.), geule, 306.
giestar (g.)> 281.
ginestar (c), 281.
glassar, 39.
glaujol, 152 n.
gleiro, glèro, 122 n.
*gliera, 133.
gliere(fp.), 122 n.
PROVENÇAL
407
gliesa, 136.
gnebre (g.), 281 n.
gnesta,gnesto(g.), 281 n.
g«rço, 5?-
gourrinè (g.), 118.
granatier, 233.
graujol, 152.
gremalyi (fp.), 2°5-
gremô (fp.), 205.
grepia, 210 n.
grupia, 210 n.
guérir, 1 29.
guireri, 129 n.
haba (g.), 287.
hanga (g.), 282 n.
hea, hia (g.), 283.
heuga(g.), 283.
histar (g.), 279.
houga (g.), 283.
hougara (g.), 283.
huguo (fp.)> 3°7n-
icharrar, 256.
iera, 122, 133.
infaouterna, 268 n.
itoula (fp.), 366.
ivern, 210 n.
ivernareza, 90.
jatz, 228.
jauga(g.), 283.
jeneré (fp.), 361.
jovencel, 286.
jouvenceu, 287.
junca(g.), 283.
junega, 286.
jusclano, 330.
jusquiam, -mo, 330.
kublo (fp.), 210 n.
lâche (g.), 118.
lagna, lagnous, 151.
lanhar, 151.
laorar, 346.
lau (fp.), 196 n.
laus, s. f., 289.
laus, adj., 289.
laussedat, -tat, 289.
lauzenga, 290.
ledanio, ledanjo, 290.
ledouno (g.), etc., 310, 311,
366.
legour (de), 235.
leuda (c), 216 n.
leugier, 121.
leujario, 121.
lezda, 216 n.
lezer, 235.
lezour, 235.
NguèCg-). Il8-
lladoner (c), 311 n.
loba, 340.
lobais, 232.
lobaresc, 360.
lobarez, -eza, 86, 91, 360.
lobatier, 233.
logar, 112.
loguier, 1 12.
longuier (?), 117.
lovareci (fp.), 91.
lucheran, 104 n, 366.
luec, 137 n.
lutzéran, -on (fp.), 104 n.
macip, 228.
madicr, madrier, 115 n.
magesteyr, 134.
mai, 296.
maire, 296.
mairitz, 297.
maissela, 158.
maisso, 158.
malabde, 24.
malharez (-et), 97.
mancip, 228.
marrir, 131, 257.
marsa (fp.), marsado, 294, 366.
marsia (fp.), 294, 366.
massible, massigoul, 307 n.
mayiri (fp.), 142 n.
meira, 143 n.
meiri, 296.
meita, 297.
melhorier, 116, 118.
melsa, 213.
membrar, 188.
408
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
menesteiral, 121.
mènogri, 235, 364.
mercia (fp.), 294.
*merenar (g.), 188.
milhassa (g.), 283.
milhorier, 110 n.
milhouca (g.), 283.
miofa (fp.), 212.
missa (fp.), 212.
moustélo, 29.
mulatier, 233.
nâlyi (fp.), 205.
nayeret (fp.), 104.
nech, 315.
nessiera, 114 n.
nible, 210 n.
nichoulo, 304.
niétola (fp.), 304, 566.
nioch, 315.
noi (g.), 300.
nouei, 299.
nougalha, 205.
nouguera (g.), 283.
nuech, 315.
écho, 304.
obe, 315.
obreir, 135.
obreira, 143 n.
ogan, 315.
ogue, 306, 307.
olegue, 305.
oliver, 134.
orador, 137 n.
orgue, 306, 307.
orlau, 290.
orsareza, 361.
orsatier, 233.
oste, 339.
ostede (g.), 315.
oube, 315.
oubelon, 315.
oudou, 315.
oufenso, 315.
ougon, 315.
ougue, 306, 307.
oulegue, 305, 306, 307.
oumeleto, 315.
ouralho, 315.
ourcaneto, 155.
ouriero, 315.
ourtiga(g.), 283.
ousino, 239.
oussino, 240.
outjabo, 314, 366.
pabieu, pabiou (g.), 176.
pabil, 176, 177.
pabilum, 176 n.
paier, 118.
panatier, 233.
panier (?), 117.
panterno, 268.
parsayi (fp.), 295.
partarez (-et), 105.
parteret (fp.), 105.
partus (fp.), 295.
paubre, 211.
paubriera, 115.
paupeira, 115, 143 n.
pauprier, 110 n., 114, 115, 116.
paupriera, 115, 1 16.
pec, 137 n.
peiri, 297.
pelatier, 233.
penna, penneja, 516.
pensar, 227.
pensier, 110 n., 111 n., 117,
118.
pentecosta, 339.
perçasse (g.), 118 n.
persayi (fp.), 295.
pertorbier, 117.
pertuis (fp.), 295.
pessar, 227.
petarez (-et), 98.
petouso, 99.
pignada (g.), 283.
pinna (g.), 316 n.
pissia (fp.), 294.
piuze, 210 n.
plaidier, 11 1 n., 117.
plorar, 540.
podier, 117.
PROVENÇAL
polvera, 217.
porcareza, 91.
porcarissal, 92.
porcatier, 233.
porchailli (fp.), 318, 319.
poulbèiro, 217.
poulbero, 217.
poulido, 29.
poulinasso, 317.
poumata (g.), 283.
poumera (g.), 283.
pourchalho, 318-9.
pourchau, 334.
pourtoulago, -aigo, 320.
pouvero, 217.
prada(g.), 283.
prand (fp.), 328.
pregandè (g.), 1 18.
preon, 220 n.
prevond (fp.), 328.
primer, 134.
priond (fp ), 328.
proa, 340 n.
profeira, 135.
profer, 13 s.
prolonguier, 362.
prond (fp.), 328.
punassi (fp.), 317.
quaira, 132.
queir, 135.
queira, 132.
queiro, 122 n.
quère (g.), 118.
quèro, 122 n.
quieira, 132.
*quiera, 133.
rabeg, 325 n.
radoira, 247.
radouéri, radouéri (fp.)> 247.
radouira, 247.
radouiro, 247.
rasouira, 247.
rasouiro, 247.
rastoura (g.), 283.
ravouira, 247.
recaneto, 153.
recobrier, 114, 117.
redogue (g.), 170.
redouira, 247.
rel, relh, 328.
repetnar, 316.
reproar, 112 n.
reprober (-bier), 112, 117, 134.
reprochier, 117.
reproier, reprovier, 112 n., 117.
reprovar, 112 n.
reptar, 25.
reû, 329.
revouira, 247.
rezensar, 326.
ro, 329 n.
rodareza, 92.
rodo (fp.), 248.
"roduri (fp.), 248.
rolh, 329.
roulia, 329.
roumenta (g.;, 283.
sabrier, 114 n.
saliga (g.), 283.
sanha, 170.
saupignaco, -go, etc., 330.
saussiga (g.), 283.
saussilha (g.), 283.
se = selh, 206.
secareza, 93.
segalar, 281.
segassa(g.), 283.
sei = selh, 206, 207 n.
seis, 135.
selh, selha, 206.
selhado, 206.
senebe, 195.
sepio, 210 n.
sequerisso (g.), 93.
ser, 201.
serbe, 195.
servage, servasina, 295.
servir, 129 n.
sesca(g.), 283.
seyno (fp.), 331.
sieis, 135.
siep (g.), 196.
INDEX LEXICOGRAPHIQUE
signo(fp.), 331 n-
sinye (g.), 262.
sirven, 129 n.
soa, 340 n.
sobrar, 339.
sobrier, 114 n.
sobriera, 114 n.
sobro, 339 n.
soubro, 339 n.
soupinago, 330.
soustra (g.), 283.
supio, 210 n.
tarir, 131.
taurau, 334.
tausia (g.), 283.
teira, 143 n.
telatier, 233.
tempier, 115.
tenebra, 257 n.
tenerc, 257.
timbre, 214.
touire, 42 n. .
touja, touya (g.), 283.
tourba, 338 n.
transir, 227.
trassir, 227.
trempa, 211.
tribe, 206, 363.
trible, 210.
trobar, 338, 340, 341.
trovar, 341.
trover, troverso, 165.
trube, 207, 209.
tuya (g.), 283.
uchen, 355.
uelh, 329.
ugle, 306, 307.
ug° (fp-)» 307, 308.
ugue, 306, 307.
ura (fp.), 308 n.
useire, 134.
ussen, 355.
uvern, 210 n.
uychent, 355.
vacarez, eza (-essa), 81, 87, 93
vacatier, 233.
vayssa (vaisso), 231, 232 n.
vedilha (vediho), 180.
velh, 135.
vendenha, 262.
venenha (g.), 262.
vielh, 135.
vignarés, 87.
vigneret (fp.), 87.
vinharez, -eza, 87, 361.
viria (fp.), 294.
ya (fp.), 284.
yable (fp.), 284.
yadze (fp.), 284.
yéda (fp.), 284.
yoch, 315.
youenc, -nco (g.), 287.
younca (g.), 283.
ziou, 306.
RHÉTO-ROMAN
arbeja, 163.
cevre, 208.
marzade, 366.
saiver, 208.
seèvre, 208.
senep, 195.
sevré, 208.
vadeilla, 180.
vdail, 180.
zeiver, 208.
ROUMAIN
bumbac, 194.
cibâr, ciubâr, 207, 209.
luneca, 292.
SCANDINAVE, TURC
bregtha, 186.
kjœnne, 29.
man, 4.
SCANDINAVE
north, 4.
sterkr, 265.
TURC
pambouk, 194 n.
INDEX TOPONYMIQUE
Abeillan, Abeli[a]num, 35.
Acanium, 36.
Achun, 35.
Actia, 61.
Adarnacum, 50 n.
Adernac, 50.
Adissan, 36.
Aenmostier, 51.
Aenno, Aent, Aento, 52.
Agan, 36.
Agedincum, 36.
Agen, 36.
Agenno, 36.
Agentum, 51-52.
Aginnum, 36.
Ahent, Ahentum, 52.
Aicha, 61.
Aindre, 54.
Aissa, 61.
Aixe, 61.
Ajain, 36, 37.
Alaciacum, 37.
Albilanges, 45.
*Albillanicos, 45-46.
*Albinanicos, 45 n.
Albutio, 61.
*Alesantia, *Alisancia, 43.
Allassac, 37.
Alrance, 43.
Alsancia, 45.
*Altodurum, 42.
Altoire, 42.
Ambatia, 38.
Ambatiacum, 39.
Ambazac, 39.
Amboise, 38 et s.
Ambrières, 1 59 n.
Analiacus, 60.
*Analiscas, 60.
Andreis, etc., 54.
Anectio, Aneisso, etc., 61.
Anger, Angeriscus, 47, 54.
Angoulême, 167.
Annexonium, 61.
*Apilianum, 35.
*Arcicias, Arcissas, Arcisse, etc. ,
40.
Ardennes, 15.
Aremoricus, 165-9.
Arlempde, Arlende, Arlinde,
41, 51.
Armoricus, etc., 165-169.
Armorique, 12, 164-9.
Arnemetici, 41.
*Arnemetum, 41.
*Arnemde, 41.
Arsicius, 40.
Artige, 76.
1. On n'a admis que les noms qui ont été l'objet d'études ou
de remarques particulières.
INDEX TOPONYMIQUE
Artois, 77, 78, 79, 80.
Arvernicum, 57.
Ascalon, 17.
*Aternacum, 50.
Aternum, Aternus, 50 n.
*Aticianum, 36.
Aubilanges, 45.
Aubusson, 42, 61.
Aumale, -arle, 51.
Auradoueix (L'), 137.
Autoire, 42.
Auvergne, 57.
Auzance, Auzances, 42, 43.
Ayen, 52.
Baccarisse, 94.
Baies, 178.
Baladen, -dent, 44.
Baladitiago, 44 n.
Balatedo, 43.
*BaIatiacum, 44.
Balatonium, 43.
Balatonna, 43.
Balazac, 44.
Balazé, 44.
Balledent, 43.
Banassac, Banassat, 45.
Baniaritia, 94.
Bannaciacum, 45.
Baptresse, 103.
Barbonéchas, 60.
Baridunum, 56.
Barriac, 44 n.
Bateretzia, Batresse, 107.
Bayonne, 17.
Bazelat, 44.
Beaune-la- Rolande, 32.
Beauvaisis, 68.
Benaciacum, 45.
Benassay, 45.
Bergeresse-en-Brie (La), 88
Berlin, 17.
Bessarés, 82.
Besseresse, 88.
Billanges (Les), 45.
Biscaye, 17.
Blanc (Le), 45.
Blaudeix, 46.
*Blaudiscum, 46.
lUxjîo;, 46.
Boerecia, 88.
*Borboniscas, 60.
Boucheresse, 88.
Bouresse, 88.
Bourg-d'Hem (Le), 51.
Bournoncle, 42.
Bousseresse, 88.
Bouteresse (La), 107.
Boutrais, 101.
Bouvresse, La Bouvresse, 88.
Brabançons, 184.
Bramafam, 44.
Bretagne, 12.
Brioude, 50.
Brivate, 50.
Brive-la-Gaillarde, 32.
Cabraresza, 88.
Cabrerisse (Saint-Laurent-de-),
88.
Cabroulasse (La), 88.
Cadaneira, 189 n.
Cadanetum, Cadenet, 189.
Cadourne, 47.
Cafour (Le), Cafourche (Li),
191.
Caillavel, 198.
Caillouël, Caillouet, 198 n.
Calhaba, 198.
Calicut, 17.
Calmis Baniaritia, 94.
*Cambidonum, etc., 47, 48.
Camboncaris, 48.
Cantagrel, 44.
*Cantretiacum, 49.
"Cantriniacum, 49.
Caris, 48.
Carlencas, -nencas, 42.
*Cassemate, -ssimate, 49, 50.
Castellum Carnonis, 42.
Catalaunicum, 57. "
Catanetum, 189.
Caturniacum, 47.
*Celmans, 57.
4M
INDEX TOPONYMIQUE
Cenomani, 57.
Cenomanni, 31, 57.
Cenomannicum, 57.
Cervedone, Cervon, 47 n.
Cévennes, 15.
Chadourgnat, Chadreugnat,
etc., 47.
Chadourne, 47.
Chaillevel, Chailvel, 198.
Chaillevette, 198 n.
Chaillevois, 197.
Chaillot, 198 n.
Chalivoy, 197-8 n.
Châlonge, 57.
Chambedon, 97.
Chambéon, 48.
Chambezon, 47.
Chambonchard, 48.
Chantrezac, 48, 49.
Chantrigné, 48, 49.
Chard, 48 n.
Charenton, 5.
Chassende, 49.
Château-Châlon, 42, 51.
Châleaumeillant, 58.
Chaumeresse, 88.
Cher, 48.
Coforc, Cofforca, Cofforchia,
191.
Cofourche (La), 191.
Condé, 15.
*Confurcus, -ca, 191.
Comminge, 57.
Congidunum, 56.
Corbie, 80.
Corbon, 40.
Cordes, 50.
Cordoue, 17, 50.
Cornas, 50.
Cornate, 50.
Cornde, 50.
Corrèze, 37,42, 47, 52, 53, 56
n., 59, 60.
Couffour(Le), Coufourche(La),
191.
Creuse (Petite), 54.
Croates, 17.
Crocq, 43 n.
Croseta (Petite Creuse), 54.
Damascena, 232 n.
Darnac, 50.
Disse (La), 36.
Domincum, 51.
Donincum, 51.
*Dornincum, 61.
Doullens, Dourlens, 51.
Dyrrachinus, 249 n.
Éperlon, -non, 42.
Equiverlesse (Haie), 75.
Escadunum, 35.
Esclavons, 17.
Exolvernus, 51.
Eymoutiers, 51, 52.
*Fabaricia, 89.
*Faberitia, 89.
Faenza, 17.
Faferas, 85.
*Falconisca, 60.
Fauconèche (La), 60.
Faveresse, Favresse, 89.
Faverils (Les), 363.
Faverieux, Favrieux, 363.
Faverois, 85.
Figarés, 85.
Foulerets (Les), 103.
Foulleray, 103.
Francia, 12.
*Franciscas, 60.
Fransèches, 60.
Frondarias, 130.
Frumenterilis, 175.
Gallia, 12.
*Galliscas, 60.
Glanderiae, 125.
Gordanicos, 46.
Gorce, Gorcia, Gorse, Gorze,
etc., 52, 53, 54 n.
*Gotoniscas, 60.
Goudargues, 46.
Goudenaiche, 60.
Goursole, 53.
Haentum, 52.
INDEX TOPONYMIQUE
Haie Équiverlesse, 75.
Hains, 51, 52.
Hem, 51, 52.
Hongrois, 17.
Hyverneresses, 90.
Indre, Indrois, 47.
Iscadunum, 35.
Ivernaresses, 90.
Jalèches, 60.
Jordanisc, Jordaniscum, Le Jour-
daneix, 46, 47.-
Langoine, 57.
Laon, 15.
Laudunum, Laucedunum, Lau-
cidunum, Lauzidunum, etc.,
55, 56.
Lavaqueresse, 93.
Leboraria, 130.
Lehun, 55.
Leigne, 55.
Lemnia, 55.
Leu, Leum, 55.
Lezoux, 60.
Lingonicum, 57-8.
Loberzac, 56 n.
Lodosum, 60.
Loerece, 360.
Lohun, 55.
Loin, 55.
Loire, Loiret, 54.
Lonnac, 56.
Lorlanges, 42.
Losdunum, 55.
Loubarés, 86.
Loubaresse, 91, 360.
Loubresse (La), 360.
Loucé, s 6.
Loudun, 55, 56.
Lourdoueix, 137 n.
Louresse, 360.
Lubersac, 56 n.
Lucciacus, Luciacus, 56.
Lugidunum, 56.
Lugudunum, 55.
Luparicia, 366.
Luperciacum, Lupersat, 56 n.
Luthenay, Luttennacum, 56.
*Luttiacum, 56.
Maceria, 133, 142.
Maine (Le), 57.
Maizières, 142.
Mans (Le), 51,45, 57.
Maroc, 17.
Martinisca, La Martinèche, 60.
Mazières, 142.
Mediolanum, 58.
Médoc, 57.
Meilhac, -illac, 58.
Meilhau, -illau, 58.
Meilly, 58.
Mende, 41, 50.
Meylan, 58.
Mézières, 133, 142.
Mimate, 41, 50.
Moilliens, 58.
Moissida, 59.
Molseo, 59.
Monceaux, 58, 59.
Morvan, 15.
Mouissido, 59.
Moxedanum, *Moxitanum, etc.,
59-
Mulsedonum, 59.
Muridunum, 56.
Mussidan, 58, 59.
Nacinianum, 62.
Naillat, 60.
Nalèches, 59, 60.
Nehom, Neom, Néoux, 61.
Neuf jours, 60, 61.
Neuil, 61 n.
Neustrie, 5.
Nexon, 61.
Nezignan, 61, 62.
Nieuil, Nieul, 61 n.
Nogent-le-Rotrou, 32.
Nohant, 60.
Noiomagus, 60.
Normandie, 5, 13.
Nouan, 60. .
Novemdies, 60.
Novientum, 60.
4 1 6
INDEX TOPONYMIQUE
Noviomagus, 6o.
Nué, Nueil, 6i n.
Nueiols, Nuejols, 6o, 6i.
Nuéjouls, 6i n.
Nuzéjouls, 6i.
Oratorium, 137 n.
Orgeril, 175.
Orsarias, 130.
Périgord, 57.
Perse, 17.
Plebs Hoiernin, 42.
Pluherlin, 42.
Porcherais-Casso, 87.
Porcheresse, 92.
Pourcharessas, -resses, 92.
Pourcheresse, -esses, 92.
Rance (Le), 43 n.
Redeverus, 126.
Relandais (Le), Relandière (La),
62.
Remeneuil, 62.
Remigeous (Le), 62.
Remigère (La), 62.
Remilly, 62.
Reviers, 126.
Rolandeis (Le), Rolandère (La),
62.
*Romanoialum. 62.
Romejos (Le), 62.
Romijère (La), 62.
Romillec, 62.
Rotaricias, 92.
Roudaressas, Roudersas, 92.
Rouergue, 57.
Rudersas, 92.
Saint-Chartier, 140.
Saint-Didier, Saint-Dizier, 225.
Saint-Sorlin, Saint-Sornin, 42.
Saint-Valier, 140.
Sainte- Valière, 142.
Saintonge, 57.
Sandwich, 18.
Sardent, 44.
Sauxillanges, 46.
Scadunum, 35.
Serotenno, 44.
Silvanès, 43 n.
Singidunum, 56.
Slaves, 17.
Tasseriolas, 130.
Toivre (Tibre), 214.
Toroine, Toroigne, 58.
Touraine, 54 n., 58.
Toy (Le), 42.
Turonia, 58 n.
Turonicum, 58.
Uzège, 57.
Vacarés, 87.
Vacarissa, 94.
Vaccarizzo, 67.
Vacheresse, La Vacheresse, 93.
Vacheret, 87.
Vacqueresse, Vaqueresse (La),
93-
Vaveresch, 85.
Velay, 57.
Ventéjols, Ventéjoux, 61.
Venteuge, Venteujol, 61.
Venteuil, 61.
Ventoialum, 61.
Villeneuve-la-Guiard, 32.
Vintoialum, 61.
Warencerie, 125.
Worstead, 313.
CHARTRES. — IMPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.
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■ PC Thomas, Antoine
2071 Nouveaux essais de philologie
T562 française. 1904 .
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