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Full text of "Nouvelle biographie universelle depuis les temps les plus reculés jusqu'a nos jours, avec les renseignements bibliographiques et l'indication des sources a consulter;"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

Boston  Public  Library 


http://www.archive.org/details/nouvellebiograph30hoef 


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NOUVELLE 

BIOGRAPHIE    GÉNÉRALE 

DEPUIS 

LES  TEMPS  LES  PLUS  RECULÉS 

JUSQU'A   NOS  JOURS 


TOME  TRENTIEME. 


Lavoisier.  —  Lettsom. 


PAKIS.    —   TYPOGRAPHIE    DE    FIKMIN    DIDOT   FRÈRES,    FILS    ET   Cie ,    RUE    JACOB,    5f>. 


NOUVELLE 

BIOGRAPHIE    GÉNÉRALE 


LES   TEMPS   LES    PLUS   RECULES 

JUSQU'A  NOS  JOURS, 

AVEC   LES   RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

HT    L'INDICATION    DES    SOURCES    A     CONSULTER  ; 

PUBLIÉE    PAK 

MM.  FI  UN  IN  DIDOT  FRÈRES, 


SOUS    LA     DIRECTION 


DE  M.    LE   Dr   HOEFEK 


lame  Hventième 


VKh 


PARIS, 


FIRM1N  DIDOT  FRÈRES,  FILS  ET  C'«,  ÉDITEURS, 

IMPRIMEURS-LIBRAIRES    DE    LINSTITUT    DE    FRANCE, 

RUE  JACOB,  5H. 

M  DGCC  LIX. 

Les  éditeurs  se  réservent  le  droit  de  traduction  et  de  reproduction  à  l'étranger. 


es 20 


NOUVELLE 

BIOGRAPHIE 


GÉNÉRALE 


DEPUIS  LIS  TEMPS  LES  PLUS  RECULÉS  JUSQU'A  NOS  JOUES. 


lavoisier  (Antoine- Laurent),  le  principal 
fondateur  de  la  chimie  moderne,  né  à  Paris,  le 
26  août  1743  (1),  guillotiné  le  8  mai  1794.  Il  reçut 
de  son  père,  riche  commerçant,  une  éducation 
soignée,  et  comptaitparmi  les  meilleurs  élèves  du 
collège  Mazarin.  Les  sciences  surtout  avaient 
pour  lui  le  plus  vif  attrait  :  il  suivait  les  cours 
d'astronomie  de  La  Caille  à  l'Observatoire ,  ma- 
nipulait dans  le  laboratoire  de  Rouelle  au  Jardin 
des  Plantes,  et  accompagnait  Bernard  de  Jussieu 
dans  ses  herborisations.  Il  ne  vivait,  pour  ainsi 
dire,  qu'avec  ses  maîtres  et  ses  condisciples. 
Aussi  dès  l'âge  de  vingt-et-un  ans  put-il  con- 
courir pour  le  prix  extraordinaire  de  l'Aca- 
démie des  Sciences,  qui  avait,  en  1764,  proposé 
pour  prix  de  trouver  la  meilleure  manière 
d'éclairer  les  rues  d'une  grande  ville,  en 
combinant  ensemble  la  clarté,  la  facilité 
du  service  et  l'économie.  On  raconte  qu'il  fit 
teindre  sa  chambre  en  noir  et  qu'il  s'y  en- 
ferma pendant  six  semaines  sans  voir  le  jour, 
afin  de  rendre  ses  yeux  plus  sensibles  aux  diffé- 
rentes intensités  de  la  lumière  des  lampes.  Le 
prix  de  2,000  fr.  fut  partagé  entre  trois  artistes, 
que  la  question  avait  entraînés  à  des  dépenses 
onéreuses.  Lavoisier,  qui  l'avait  traitée  en  savant, 
obtint  une  médaille  d'or,  qui  lui  fut  remise 
dans  l'assemblée  publique,  le  9  avril  1766,  et 
son  mémoire  fut  imprimé  par  ordre  de  l'A- 
cadémie. L'année  précédente  il  avait  recueilli, 
dans  un  voyage  minéralogique  entrepris  avec 
Guettard  ,  les  matériaux  d'un  mémoire,  égale- 
ment imprimé  par  ordre  de  l'Académie,  Sur  les 
Couches  des  Montagnes;  ce  mémoire  fut  bien- 
tôt suivi  d'un  autre  Sur  l'Analyse  des  Gypses 
des  environs  de  Paris,  ainsi  que  de  divers  ar- 
ticles  insérés   dans    les  recueils   scientifiques 

(1)  C'est  la  date  donnée  par  J.  Lalande  dans  le  Maga- 
sin encyclopédique  de  Millin,  t.  V,  année  1795. 

NOUV.   BIOGR.   GÉNÉR.  —  T.   XXX. 


d'alors,  Sur  le  tonnerre,  Sur  l'aurore  boréale, 
Sur  le  passage  de  l'eau  à  l'état  de  glace,  etc. 
Ces  travaux  lui  ouvrirent,  en  1768,  les  portes  de 
l'Académie.  Il  y  succédait  à  Baron,  et  avait  eu  pour 
concurrent  le  minéralogiste  Jars,  qui  était  vive- 
ment appuyé  par  Buffon,  Trudaine,  et  recommandé 
même  par  le  premier  ministre.  C'est  Lalande 
qui  nous  apprend  ces  détails  :  «  Je  contribuai, 
ajoute  le  célèbre  académicien,  à  l'élection  de  La- 
voisier, quoique  plus  jeune  (il  n'avait  que  vingt- 
cinq  ans)  et  moins  connu,  par  cette  considéra- 
tion qu'un  jeune  homme  qui  avait  du  savoir,  de 
l'esprit,  de  l'activité  et  que  sa  fortune  dispensait 
d'avoir  une  autre  profession,  serait  naturelle- 
ment très-utile  aux  sciences  (1).  » 

Le  titre  d'académicien  ne  le  fit  que  redoubler 
d'efforts  pour  le  progrès  de  sa  science  favorite  : 
son  temps  et  sa  fortune  étaient  employés  à  des 
expériences  de  chimie;  c'est  principalement 
pour  subvenir  à  ces  expériences  coûteuses, 
qu'il  sollicita  et  obtint,  en  1769,  une  place  de 
fermier  général.  Régulièrement  un  jour  par  se- 
maine, Lavoisier  réunissait  chez  lui  des  savants 
français  et  étrangers  pour  leur  soumettre  les  ré- 
sultats de  ses  recherches  et  provoquer  des  ob- 
jections ou  l'émission  d'idées  nouvelles;  ces  con- 
férences étaient  une  académie  dans  l'Académie, 
mais  une  académie  militante,  qui  battait  en  brèche 
l'édifice  vermoulu  de  la  chimie  ancienne,  offi- 
cielle. Un  ministre  qui  savait  découvrir  le  vrai 
mérite,  Turgot,  appela  en  1776  le  grand  chimiste 
à  la  direction  générale  des  poudres  et  salpêtres. 
Les  expériences  que  Lavoisier  fit  à-Essonne,  et  qui 
coûtèrent  malheureusement  la  vie  à  plusieurs 
assistants,  l'amenèrent  à  perfectionner  la  poudre 
à  canon  au  point  de  donner  cent  toises  de  portée 
dans  les  circonstances  où  avant  lui  la  meilleure 
poudre  ne  portait  qu'à  quatre-vingt-dix  toises, 

(1J  Magas.  Encyclop.,  t.  V,  p.  176. 


3 


LAVOISIER 


Il  lit  en  même  temps  supprimer  les  recherches 
que  l'on  l'ai  sait  jusque  alors  dans  les  maisons  pour 
se  procurer  du  salpêtre,  et  parvint  à  quintupler 
la  production  de  ce  sel,  en  délivrant  la  France 
du  tribut  qu'elle  payait  à  l'Angleterre  pour  le 
nitre  des  Indes.  La  chimie  appliquée  à  l'agricul- 
ture occupait  aussi  ses  loisirs.  De  1778  à  1785 
il  taisait  valoir  par  lui-même  deux  cent  qua- 
rante arpents  de  terre  dans  le  Vendômois,  afin, 
comme  il  disait ,  de  donner  des  exemples  utiles 
aux  habitants  de  la  campagne  :  «  Il  récol- 
tait, rapporte  Lalande,  trois  setiers  là  où  les 
procédés  ordinaires  n'en  donnaient  que  deux; 
au  bout  de  neuf  ans  il  avait  doublé  la  produc- 
tion. »  Pour  encourager  encore  l'agriculture ,  il 
proposa  de  diminuer  l'intérêt  de  l'argent  et  d'au- 
toriser des  baux  de  vingt-sept  ans. 

Député  suppléant  à  l'Assemblée  nationale, 
Lavoisier  présenta,  dans  la  séance  du  21  no- 
vembre 1789,  le  compte  rendu  de  la  Caisse  d'Es- 
compte. «  Nous  venons,  dit-H,  au  nom  de  la 
compagnie  de  la  Caisse  d'Escompte,  remercier  l'as- 
semblée de  ce  qu'elle  avait  bien  voulu  seconder 
ses  désirs,  en  nommant  des  commissaires  qui, 
après  un  examen  réfléchi ,  fussent  en  état  de 
présenter  un  tableau  exact  de  sa  situation,  de  ses 
moyens,  de  ses  ressources  et  de  son  crédit.  La 
plupart  des  personnes  qui  s'élèveraient  contre 
cet  établissement  n'en  parleraient  que  d'après 
des  préventions  d'autant  plus  injustes,  qu'elles 
dissimuleraient  même  le  bien  qu  il  avait  pu  pro- 
duire (1)  ».  Nommé,  en  1791,  commissaire  de  la 
trésorerie,  il  proposa,  pour  simplifier  la  percep- 
tion des  impôts,  un  nouveau  plan  qu'il  devait 
développer  dans  un  ouvrage  spécial  intitulé  :  De 
la  richesse  territoriale  du  royaume  de  France. 
De  cet  ouvrage,  qui  classe  Lavoisier  au  premier 
rang  des  économistes  de  son  temps,  il  ne  parut 
qu'un  résumé  sous  forme  d'une  brochure  (  exces- 
sivement rare);  Paris,  Imprim.  nat..,  1791,in-8° 
(réimprimé  en  1819).  Voici  en  quels  termes 
le  Moniteur  du  26  mai  1791  en  a  rendu  compte  : 
«  Ce  travail  n'est  pas  de  nature  à  être  extrait. 
Nous  nous  bornons  à  citer  un  calcul  très -pa- 
triotique, et  dont  l'exactitude  arithmétique  pa- 
raît démontrée  :  «  Les  ci-devant  nobles,  en  y 
comprenant  les  anoblis,  formaient  un  trois-cen- 
tième de  la  population  du  royaume,  et  leur 
nombre,  hommes,  femmes  et  enfants  compris, 
n'étaient  que  de  83,000,  dont  18,323  seulement 
étaient  en  état  de  porter  les  armes.  Les  autres 
classes  de  la  société,  celles  qu'on  avait  coutume 
de  confondre  sous  la  dénomination  de  tiers 
état,  peuvent  fournir  un  rassemblement  de 
5,500,000  hommes  en  état  de  porter  les  armes.  » 

Lavoisier  prit  une  part  très-active  aux  tra- 
vaux de  la  commission  pour  le  nouveau  système 
des  poids  et  mesures.  Il  avait  fait  construire 
dans  le  jardin  de  l'Arsenal  un  appareil  où  des 
règles  métalliques,  plongées  dans  l'eau  et  sou- 

(i)  Moniteur,  1789,  n«  •>. 


mises  à  différents  degrés  de  température,  faisaient 
mouvoir  une  lunette  qui  marquait,  sur  un  ob- 
jet éloigné,  les  plus  faibles  dilatations;  et  lors- 
qu'en  1793  il  s'agissait  de  mesurer  une  base 
pour  la  nouvelle  méridienne,  c'est  Lavoisier  qui 
fournit  les  thermomètres  de  métal  qu'on  em- 
ploya pour  la  triangulation  opérée  entre  Lieu- 
saint  et  Melun.  Comme  trésorier  de  l'Académie, 
il  mit  de  l'ordre  dans  les  comptes  et  les  inven- 
taires :  «  Il  fit,  ajoute  un  de  ses  savants  collè- 
gues (1),  tourner  au  profit  des  sciences  des  fonds 
morts  que  l'Académie  avait ,  sans  le  savoir. 
Enfin,  l'on  trouvait  Lavoisier  partout;  il  suffisait 
à  tout  par  sa  facilité  et  son  zèle,  qui  étaient 
également  admirables.  Un  homme  aussi  rare, 
aussi  extraordinaire,  devait,  ce  semble,  être 
respecté  par  les  hommes  les  moins  instruits  et 
les  plus  méchants.  Il  fallait  que  le  pouvoir  fût 
tombé  dans  les  mains  d'une  bête  féroce  qui  ne 
respectait  rien  et  dont  l'ambition  aveugle  et 
cruelle  sacrifiait  tout  à  l'espoir  de  plaire  o,\ 
peuple  :  on  crut  que  le  sacrifice  des  fermiers 
généraux  pourrait  lui  plaire.  »  Supposant  les 
hommes  meilleurs  qu'ils  ne  sont  et  avec  la  con- 
viction des  services  rendus  à  la  science  et  à 
l'humanité,  Lavoisier  avait,  jusqu'au  dernier 
moment,  conservé  l'espoir  d'être  sauvé.  Peu  de 
temps  avant  sa  mort,  qui  est  une  des  plus  grandes 
taches  de  la  révolution  française,il  disait  à  Lalande 
qu'il  «  prévoyait  qu'on  le  dépouillerait  de  tous  ses 
biens,  mais  qu'il  travaillerait,  qu'il  se  ferait  phar- 
macien pour  vivre  ».  Le  bureau  des  consultations 
tenta,par  l'organe  de  Halle,  un  suprême  effort  pour 
sauver  l'illustre  victime;  il  présenta  au  tribunal 
de  sang  un  rapport  détaillé  sur  les  travaux  de 
Lavoisier  :  tout  fut  inutile;  la  tête  du  grand 
citoyen  roula  sur  l'échafaud  ;  c'était  le  quatrième 
des  vingt-huit  fermiers  généraux  qui  périrent 
le  même  jour.  Son  beau-père,  M.  Paulze,  dont 
il  avait  épousé  la  fille  en  1771,  fut  guillotiné  le 
troisième  (2). 

Lavoisier  ne  laissa  pas  de  postérité.  Il  était 
d'une  physionomie  gracieuse  et  spirituelle,  grand 
de  taille,  d'un  caractère  doux,  sociable  et  obli- 


(1)  Lalande,  dans  la  notice  citée. 

(2)  Le  massacre  Judiciaire  des  fermiers  généraux  avait 
été  provoqué  par  le  rapport  d'un  nommé  Dupin,  membre 
de  la  Convention  (moniteur,  1792,  n°  227  );  les  considé- 
rants portent  ;  «  Convaincus  d'être  auteurs  ou  complices 
d'un  complot  tendant  à  favoriser  le  succès  des  ennemis 
de  la  France  (c'était  là  le  considérant  banal,  appliqué 
Indistinctement  à  toutes  les  victimes  du  tribunal  révo- 
lutionnaire), notamment  en  exerçant  toutes  espèces 
d'exactions  et  de  concussions  sur  le  peuple  français  ,  en 
mêlant  au  tabac  de  l'eau  et  des  Ingrédients  nuisibles  à 
la  santé  des  citoyens  qui  en  faisaient  usage,  en  prenant 
six  et  dix  pour  cent  tant  pour  l'intérêt  de  leur  caution- 
nement que  pour  la  mise  des  fonds  nécessaires  à  leur 
exploitation,  tandis  que  la  loi  ne  leur  aicordait  que 
quatre,  en  tenant  dans  leurs  mains  des  fonds  provenant 
des  bénéfices  qui  devaient  être  versés  dans  le  trésor 
public,  en  pillant  le  peuple  et  le  trésor  national  pour 
enlever  à  la  nation  des  sommes  immenses  et  nécessaires 
à  la  guerre  contre  les  despotes  coalisés  et  les  fournir  à 
ees  derniers,  etc.,  ont  été  condamnes  à  la  peine  de 
mort....  »  (.  Moniteur,  19  floréal,  an  n). 


LAVOISIER 


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géant.  A  ce  portrait,  Lalande  ajoute  :  «  Sou  cré- 
dit, sa  réputation,  sa  fortune,  sa  place  à  la  tré- 
sorerie, lui  donnaient  une  prépondérance  dont  il 
ne  se  servait  que  pour  faire  le  bien,  mais  qui 
n'a  pas  laissé  de  lui  faire  des  jaloux.  J'aime  à 
croire  qu'ils  n'ont  pas  contribué  à  sa  perte.  » 
Cette  remarque ,  pleine  de  réticences ,  est  fort 
triste.  Parmi  ses  collègues  les  plus  capables 
d'apprécier  la  valeur  de  Lavoisier,  il  y  en  avait 
de  très-influents  :  pourquoi  les  membres  de 
l'ancienne  Académie  des  Sciences  ne  tentèrent-ils 
pas  une  démarche  en  commun  pour  soustraire 
à  la  mort  une  de  leurs  plus  grandes  illustrations  ? 

Analyse  des  travaux  de  Lavoisier.  La  dé- 
couverte de  l'oxygène  est  une  des  preuves  les 
plus  éclatantes  à  l'appui  de  la  thèse  que  nous 
avons  toujours  soutenue  ,  savoir  que  toutes  les 
grandes  découvertes ,  comme  toutes  les  idées 
vraiment  fécondes ,  sont  le  patrimoine  du  genre 
humain,  qu'elles  existent  d'abord  comme  à  l'état 
'citent,  qu'elles  sont  ensuite  pendant  leur  période 
il  !!  çubation  plus  ou  moins  nettement  signalées 
par  quelques  esprits  d'élite,  jusqu'à  ce  qu'enfin 
elles  viennent  à  éclore  sous  le  souffle  du  génie. 
C'est  là  ce  que  nous  avons  montré  entre  autres 
pour  la  découverte  de  l'Amérique  et  du  système 
du  monde  (  voy.  Christophe  Colomb  et  Koper- 
nik.  )  ;  la  découverte  de  l'oxygène  le  fera  encore 
mieux  ressortir. 

Dans  l'antiquité ,  quelques  philosophes  grecs 
avaient  avancé  que  l'air  contient  l'aliment  du 
feu  et  de  la  vie.  Mais  c'était  là  une  de  ces  as- 
sertions vagues  qui,  faute  de  preuves,  passèrent 
inaperçues.  A  la  fin  du  moyen  âge,  un  alchimiste 
allemand,  Eck  de  Sulzbach,  observa,  l'un  des 
premiers,  que  les  métaux  augmentent  de  poids 
quand  on  les  calcine.  Ce  fait,  il  le  démontra 
par  une  expérience  précise  (la  calcination  du 
mercure),  qui  fut  répétée  au  mois  de  novembre 
1489.  Ce  n'est  pas  tout.  D'où  vient  cette  aug- 
mentation de  poids?  «  Cette  augmentation  vient, 
répond  cet  alchimiste,  de  ce  qu'un  esprit  s'unit 
au  corps  du  métal;  et  ce  qui  le  prouve, 
ajoute-t-il,  c'est  que  le  cinabre  artificiel  (oxyde 
rouge  de  mercure)  soumis  à  la  distillation  dé- 
gage un  esprit.  »  A  cet  esprit  il  ne  manquait 
plus,  comme  on  voit,  que  le  nom  de  gaz  oxy- 
gène (1).  Mais,  à  son  tour,  cet  esprit  d'où  vient- 
il?  Ce  fut  un  médecin  périgourdin,  Jean  Rey,  qui 
répondit  le  premier  à  cette  importante  question 
dans  un  petit  livre  in-8°  (de  142  pages)  publié 
à  rëazasen  1630,  sous  le  titre  :  Essays  sur  la 
recherche  de  la  cause  pour  laquelle  l'estain 
et  le  plomb  augmentent  de  poids  quand  on 
les  calcine.  «  A  cette  demande  doncques ,  je 
responds,  dit-il,  et  soustiens  glorieusement  que 
ce  surcroit  de  poids  vient  de  l'air,  qui  dans 
le  vase  a  esté  espessi ,  appesanti  et  rendu  aucu- 
nement adhésif  par  la  véhémente  et  longuement 
continue  chaleur  du  fourneau,  lequel  air  se  mesle 

(1)  foy,  Theatrum  Chemicum.,  1. 1. 


avec  la  chaux  (  oxyde  de  plomb  ou  d'étain  )  et 
s'attache  à  ses  menues  parties.  »  Ce  qui  nous 
parait  aujourd'hui  si  simple  était  alors  une  af- 
firmation bien  hardie,  contraire  à  l'opinion  de 
tous  les  physiciens,  qui  n'admettaient  pas  la  ma- 
térialité de  l'air.  Le  novateur  lui-même  ne  se 
faisait  à  cet  égard  aucune  illusion  :  «  Je  prévois 
très-bien,  ajoute  Rey,  que  j'encourray  d'abord 
le  reproche  de  téméraire,  puisque  je  choque 
quelques  maximes  approuvées  depuis  longs 
siècles  parla  plupart  des  philosophes.  »  —  Mais, 
est-ce  tout  l'air  ou  une  partie  seulement  de  ce 
fluide,  ainsi  démontré  pondérable,  qui  se  fixait 
sur  les  métaux?  Pour  répondre  eufin  à  cette 
dernière  question,  qui  ne  fut  complètement  ré- 
solue que  par  Lavoisier,  il  fallait  d'abord  trouver 
le  moyen  de  recueillir  l'air  de  manière  à  l'étu- 
dier commodément.  Ce  moyen,  qui  peut  aujour- 
d'hui paraître  d'une  simplicité  puérile,  ne  fut 
inventé  qu'au  commencement  du  dix-huitième 
siècle,  par  un  physicien  français,  qui  habitait  à 
Paris  dans  une  misérable  mansarde  de  la  rue 
Saint-Hyacinthe.  Pour  gagner  sa  vie,  il  avait 
résolu  de  faire  un  cours  de  manipulations  :  il 
l'annonçait  ainsi  par  voie  d'affiches  :  La  ma- 
nière de  rendre  l'air  visible  et  assez  sensible 
pour  le  mesurer  par  pintes  ou  par  telle 
autre  mesure  que  l'on  voudra;  pour  Jaire 
des  jets  d'air,  qui  sont  aussi  visibles  que 
des  jets  d'eau.  La  première  expérience  qu'il 
devait  faire  consistait  à  montrer,  à  l'aide  de 
cloches  renversées  dans  des  cuves  d'eau ,  que 
«  tout  est  plein  d'air  et  que  nous  en  sommes  en- 
vironnés de  toutes  parts,  comme  les  poissons 
sont  environnés  d'eau  au  fond  des  mers.  »  Moi- 
trel  (c'est  le  nom  du  pauvre  physicien)  avait 
demandé  sur  la  valeur  de  ses  travaux  un  rap- 
port à  l'Académie  ;  mais  les  princes  de  la  science 
le  traitèrent  de  visionnaire ,  d'esprit  malade  et  le 
tuèrent  moralement  :  personne  ne  vint  à  son  se- 
cours. Pour  ne  pas  mourir  de  faim ,  Moitrel  en- 
treprit alors  de  résumer  ses  idées  dans  une  bro- 
chure «  dédiée  aux  dames  »,  et  imprimée  en 
1719;  elle  se  vendait  trois  seus,  chez  Thiboust, 
imprimeur  libraire  au  Palais  de  Justice  (1). 

Sans  la  méthode  de  Moitrel ,  toute  la  chimie 
des  gaz  et  partant  toute  la  chimie  moderne  se- 
rait peut-être  encore  à  créer.  Cependant  le  nom 
de  Moitrel  est  aussi  obscur  que  celui  d'Eck  de 
Sulzbach.  C'e3t  le  cas  de  rappeler  que  la  gloire 
même  est  une  ehance  :  combien  d'hommes  mé- 
ritants sont  ensevelis  dans  un  éternel  oubli, 
parce  qu'aucune  voix  ne  les  a  célébrés  :  curent 
quia  vate  sacro  ! 

Quoique  si  bien  préparée  et  de  si  longue  date, 
la  découverte  de  cette  «  partie  de  l'air  qui  en- 
tretient la  vie  et  la  combustion  » ,  fut  encore 
retardée  de   près  d'un  siècle  par  la  fameuse 


(1)  Voy.  l'analyse  détaillée  dej  cette  curieuse  et  raris- 
sime brochure  dans  notre  Hist.  de  la  Chimie,  tome  II, 
p.  312-345. 


LAVOISIER 


8 


théorie  du  phlogistique,  dont  les  partisans  étaient 
aussi  nombreux  qu'opiniâtres.  Cependant  les  re- 
cherches «  sur  la  fixation  de  l'aii  »  se  multi- 
plièrent dans  presque  tous  les  pays  de  l'Eu- 
rope. C'est  l'histoire  de  ces  recherches  qui  de- 
vint, en  1773,  pour  Lavoisier  l'objet  d'un  travail 
spéoial,  consigné  dans  la  première  partie  de 
ses  Opuscules  physiques  et  chimiques ,  dont 
la  lre  édition  parut  en  1777  (1).  Cette  his- 
toire commence  au  gaz  sylvestre  de  Van  Hel- 
mont  et  se  termine  par  une  notice  de  Beaumé 
sur  Vair  fixe  (2),  après  avoir  passé  en  revue 
Y  air  artificiel  de  Boyle,  les  expériences  de 
Haies  sur  la  quantité  de  fluide  élastique 
qui  se  dégage  des  corps  ,  dans  les  combinai- 
sons et  dans  les  décompositions  ;  les  expé- 
riences de  Venel  sur  les  eaux  appelées  acidu- 
lés et  sur  le  fluide  élastique  qu'elles  contien- 
nent, la  théorie  de  Black  sur  l'air  fixé  dans 
les  terres  calcaires,  et  sur  les  phénomènes 
que  produit  en  elles  la  privation  de  ce  même 
air,  les  recherches  du  comte  de  Saluées  sur  le 
fluide  élastique  qui  se  dégage  de  la  poudre 
à  canon ,  les  expériences  de  Cavendish  sur  la 
combinaison  de  l'air  fixe  avec  différentes 
substances,  la  théorie  de  Meyer  sur  la  calci- 
nation  des  terres  calcaires,  le  développement 
de  la  théorie  de  Black  sur  l'air  fixe  par 
Jacquin ,  la  Réfutation  de  la  théorie  de  Bach, 
Mactride  et  Jacquin  par  Crans,  les  recher- 
ches de  Smeth  sur  les  émanations  élastiques 
qui  se  dégagent  des  corps,  les  recherches  de 
Priestley  sur  les  différentes  espèces  d'air,  les 
expériences  de  Duhamel  sur  la  chaux ,  les 
observations  de  Bouelle  sur  l'air  fixe  et  sur 
ses  effets  dans  certaines  eaux  minérales, 
enfin  les  expériences  de  Bacquet  Sur  l'air  qui 
se  dégage  des  corps  dans  le  temps  de  leur 
décomposition.  —  Les  chimistes  ne  s'étaient 
guère  occupés  autrefois  que  de  la  manipulation 
des  corps  solides  et  liquides  ;  mais  dès  le  milieu 
du  dix-septième  siècle  leur  attention  se  portait 
sérieusement  sur  un  ordre  de  corps  nouveaux, 
sur  les  gaz  ou  fluides  élastiques  ;  telle  est  la  si- 
gnification de  la  partie  du  livre  que  Lavoisier 
a  lui-même  intitulée  :  Précis  historique  sur 
les  Émanations  élastiques  qui  se  dégagent 
des  corps  pendant  la  combustion,  pendant 
la  fermentation  et  pendant  les  effervescen- 
ces (3).  Dans  la  seconde  partie,  qui  a  pour  titre: 
Nouvelles  Recherches  sur  l'existence  d'un 
fluide,  élastique  fixé  dans  quelques  substan- 
ces, et  sur  les  phénomènes  qui  résultent  de 
son  dégagement  ou  de  sa  fixation,  l'auteur 
répète  d'abord  lui-même  les  principales  expé- 
riences de  Black,  de  Meyer,  de  Jacquin,  de  Crans 


(1)  ta  seconde  et  dernière  édition  { que  nous  avons 
sons  les  yeux  )  parut  en  1801  ;  Paris  (  Déterville). 

(2i  Page  1  à  188  de  la  2e  édit.  des  Opuscules  Physiques 
et  Chimiques. 

(3)  C'est  le  titre  de  la  première  partie  des  Qmscules 
Physiques  et  Chimiques. 


et  de  Smeth,  et  il  en  conclut  <••  que  le  môme 
fluide  élastique  qui  a  été  reconnu  dans  la  craie 
existe  également  dans  les  alcalis  fixes  et  vola- 
tils ;  qu'il  en  peut  être  chassé  par  la  dissolu- 
tion dans  les  acides ,  et  que  l'effervescence  qu'on 
observe  dans  le  moment  de  la  combinaison  est 
un  effet  du  dégagement  de  ce  fluide  (1).  » 

Si  l'on  voit  dans  l'histoire  des  sciences  non 
plus  un  champ  clos  de  misérables  débats  de 
priorité ,  mais  une  immense  arène  où  l'esprit 
humain  se  trouve  aux  prises  avec  des  croyances 
invétérées ,  avec  les  formes  ondoyantes  de  la 
vérité  qui  échappe  au  moment  où  l'on  croit  la 
saisir,  si  enfin  on  vient  à  éclairer  cette  lutte 
prodigieuse  au  flambeau  du  progrès  péniblement 
acquis  à  travers  la  marche  du  temps,  on  trou- 
vera dans  l'histoire  des  sciences  ainsi  comprise 
à  la  fois  les  effets  du  drame  le  plus  saisissant 
et  les  leçons  du  plus  haut  enseignement. 

Voyons  plutôt.  Après  le  préambule  historique, 
Lavoisier  aborde  hardiment  la  solution  du  pro- 
blème proposé.  Sachant  que  la  calcination  des 
métaux  ne  peut  avoir  lieu  dans  des  vaisseaux 
exactement  fermés  et  privés  d'air,  et  qu'elle  est 
d'autant  plus  prompte  que  le  métal  offre  à  l'air 
des  surfaces  plus  multipliées ,  il  commençait  à 
soupçonner  (  selon  ses  propres  expressions  ) 
«  qu'un  fluide  élastique  quelconque  contenu 
dans  l'air  était  susceptible ,  dans  un  grand 
nombre  de  circonstances,  de  se  fixer,  de  se  com- 
biner avec  les  métaux,  et  que  c'était  à  l'addition 
de  cette  substance  qu'étaient  dus  les  phéno- 
mènes de  la  calcination,  l'augmentation  de  poids 
des  métaux  convertis  en  chaux  ».  Malheureuse- 
ment ce  soupçon,  qui  était  la  vérité  même ,  La- 
voisier l'appuya  sur  des  expériences  qui  l'indui- 
sirent d'abord  en  erreur.  Ces  expériences  con- 
sistaient à  brûler  avec  soin ,  à  l'aide  d'un  miroir 
ardent,  un  mélange  pesé  de  minium  (chaux  de 
plomb)  et  de  charbon  dans  une  quantité  d'air 
mesurée  d'avance.  Nous  savons  le  résultat 
qu'elles  devaient  donner  :  le  fluide  (  oxygène  ) 
qui  par  sa  combinaison  avec  le  plomb  formait 
la  chaux  (  oxyde  de  plomb),  se  portait ,  en  aban- 
donnant le  plomb  (  qui  redevenait  métallique  ), 
sur  le  charbon  pour  produire  un  nouveau  fluide 
(gaz  acide  carbonique),  et  cela  sans  changer 
sensiblement  le  volume  de  l'air.  Or,  le  fluide 
élastique  ainsi  obtenu,  l'habile  et  sagace  expéri- 
mentateur le  prit  d'abord  pour  le  même  que  celui 
qui  se  fixe  sur  le  métal  pendant  sa  calcination. 
Évidemment  il  se  trompait;  les  plus  habiles 
chimistes,  à  la  place  de  Lavoisier,  se  seraient 
trompés  comme  lui:  n'oublions  jamais,  dans  nos 
jugements,  que  ce  qui  nous  parait  aujourd'hui 
si  simple  et  bon  pour  les  écoliers  est  le  fruit  des 
plus  pénibles  efforts  de  nos  ancêtres,  et  que 
notre  intelligence  grandit  par  la  sueur  et<le 
sang  des  générations  éteintes.  Il  n'y  a  pas,  dans 
toute  l'histoire ,  de  spectacle  plus  grandiose  que 

(1)  Opuscules  chim.,  p.  252. 


LAV0IS1ER 


10 


celui  du  génie  aux  prises  avec  les  innombrables 
erreurs  qui,  comme  autant  de  feux-follets, 
semblent  prendre  plaisir  à  l'égarer,  et  arrivant 
enfin,  à  force  de  sagacité  et  de  patience,  à  la 
découverte  des  vérités,  glorieux  héritage  de  la 
postérité. 

Nous  venons  de  voir  que  Lavoisier  s'était 
trompé.  Guidé  en  quelque  sorte  par  l'instinct  du 
vrai ,  il  recommence  ses  expériences ,  et  cette 
fois  il  parvient  à  conclure  «  que  ce  n'est  point 
le  charbon  seul,  ni  le  minium  seul ,  qui  produit 
le  dégagement  de  fluide  élastique  ainsi  obtenu, 
mais  que  celui-ci  résulte  de  l'union  du  charbon 
avec  le  minium  ».  Cette  fois  il  tenait  la  vérité, 
mais  il  la  lâcha  presque  aussitôt,  pour  sacrifier  à 
une  théorie  alors  régnante,  dont  il  subissait 
malgré  lui  l'empire,  en  même  temps  qu'il  était 
entraîné  par  cette  tendance  à  la  généralisation , 
si  naturelle  à  l'esprit  humain.  D'après  la  fa- 
meuse théorie  du  phlogistique ,  imaginée  par 
Stahl,  le  charbon  avait  la  propriété  de  rendre  à 
la  chaux  métallique  le  phlogistique  (  matière  du 
feu  )  que  le  métal  avait  perdu  par  la  calcination. 
Pour  mettre  les  faits  d'accord  avec  cette  théorie, 
Lavoisier  se  hasarde  à  croire  «  que  tout  fluide 
élastique  résulte  de  la  combinaison  d'un  coips 
quelconque,  solide  ou  fluide ,  avec  un  principe 
inflammable,  ou  peut-être  même  avec  la  matière 
du  feu  pur,  et  que  c'est  de  cette  combinaison 
que  dépend  l'état  d'élasticité  :  j'ajouterais  (  c'est 
Lavoisier  qui  parle)  que  la  substance  fixée 
dans  les  chaux  métalliques  et  qui  en  aug- 
mente le  poids  ne  serait  pas,  à  proprement  par- 
ler, dans  cette  hypothèse  un  fluide  élastique, 
mais  la  partie  fixe  d'un  fluide  élastique ,  qui  a 
été  dépouillée  de  son  principe  inflammable.  Le 
charbon  alors,  ainsi  que  toutes  les  substances 
charbonneuses  employées  dans  les  réductions, 
aurait  pour  objet  principal  de  rendre  au  fluide 
élastique  fixé  le  phlogistique ,  la  matière  du 
feu ,  et  de  lui  restituer  en  même  temps  l'élasti- 
cité qui  en  dépend  (1).  » 

Faites  vivre  nos  savants  à  l'époque  de  Lavoi- 
sier, et  ils  n'auraient  pas  mieux  raisonné  ;  peut- 
être,  pour  juger  d'après  ce  que  nous  voyons , 
n'y  auraient-ils  pas  mis  la  même  réserve  que  ce 
génie  immortel,  lorsque,  comme  correctif  de  ce 
qu'il  venait  de  dire,  il  s'empresse  d'ajouter  :  «  Au 
surplus,  ce  n'est  qu'avec  la  plus  grande  circons- 
pection qu'on  peut  hasarder  un  sentiment  sur 
cette  matière  si  délicate  et  si  difficile,  et  qui 
tient  de  très-près  à  une  plus  obscure  encore,  je 
veux  dire  la  nature  des  éléments  même  ou  au 
moins  de  ce  que  nous  regardons  comme  élé- 
ments. »  D'autres  expériences  le  portèrent  à  éta- 
blir «  que  l'air  dans  lequel  on  a  calciné  des 
métaux  n'est  point  dans  le  même  état  que 
celui  dégagé  des  effervescences  et  des  réduc- 
tions ».  Il  reconnut  en  même  temps  que  si  tous 
deu?  éteignent  des  corps  allumés,  ils  se  dis- 

(I)  Optucules,  p.  288. 


tinguent  l'un  de  l'autre ,  en  ce  que  le  dernier 
(acide  carbonique)  trouble  l'eau  de  chaux, 
tandis  que  le  premier  (azote)  est  à  peu  près 
sans  effet  sur  cette  liqueur.  Toutes  ces  données 
sont  émises  avec  une  extrême  réserve  ;  il  y  en  a 
qui  reposent  sur  des  expériences  évidemment 
inexactes,  comme  celle  qui  prétend  qu'un  oiseau 
pourrait  vivre  sans  souffrir  dans  le  résidu  (azote) 
de  l'air  dans  lequel  on  a  brûlé  du  phosphore.  Ce 
qu'il  y  a  de  curieux,  c'est  que  cette  dernière 
erreur  se  trouve  solennellement  confirmée  dans 
le  rapport  fait  au  nom  de  l'Académie  des  Sciences 
par  Macquer,  Le  Roy,  Cadet  et  de  Trudaine, 
chargés  d'examiner  l'ouvrage  de  leur  illustre 
collègue  (1).  Voici  les  termes  du  passage  par 
lequel  l'Académie  sanctionne  cette  erreur  : 
«  Enfin,  l'air  dans  lequel  le  phosphore  avait  cessé 
de  brûler  sous  cloche ,  faute  de  renouvellement 
de  l'air,  éprouvé  sur  les  animaux,  ne  les  a  pas 
fait  périr,  comme  celui  des  effervescences  et  des 
réductions  métalliques,  quoiqu'il  éteignit  la 
bougie  dans  le  moment  même  où  il  en  touchait 
la  flamme.  » 

Un  point  surtout  avait,  dans  presque  toutes 
ces  expériences,  vivement  frappé  l'attention  de 
Lavoisier,  c'est  que  «  la  calcination  des  métaux 
dans  des  vaisseaux  exactement  fermés  cesse  dès 
que  la  partie  fixable  de  l'air  qui  y  est  contenu  a 
disparu  ;  que  l'air  se  trouve  diminué  d'environ 
un  vingtième  par  l'effet  de  la  calcination  et  que 
le  poids  du  métal  se  trouve  augmenté  d'autant  ». 
C'est  de  ce  point  que  vont  désormais  rayonner 
la  plupart  de  ses  travaux.  Dès  1774,  revenant  sur 
le  même  sujet,  le  grand  chimiste  lut  à  l'Académie, 
dans  la  séance  publique  de  la  Saint-Martin,  son 
beau  mémoire  qui  a  pour  titre  :  Sur  la  calci- 
nation de  l'étain  dans  les  vaisseaux  fermés 
et  sur  les  causes  de  l'augmentation  de  poids 
qu'acquiert  ce  métal  pendant  cette  opération. 
Un  célèbre  physicien  anglais,  Robert  Boyle,  avait 
calciné  du  plomb  et  de  l'étain  dans  des  vases 
de  verre  hermétiquement  fermés  ;  mais  l'aug- 
mentation de  poids  qu'il  avait  trouvée  au  métal, 
il  l'attribuait  à  la  fixation  de  la  matière  du  feu 
qui  devait  avoir  passé  à  travers  les  pores  du 
verre.  Lavoisier  entreprit  de  contrôler  les  ex- 
périences de  Boyle ,  en  partant  de  ce  raisonne- 
ment : 

«  Si  l'augmentation  de  poids  des  métaux  calcinés 
dans  les  vaisseaux  fermés  est  due,  comme  le  pen- 
sait Boyle,  à  l'addition  de  la  matière  du  feu  qui 
pénètre  à  travers  les  pores  du  verre  et  se  combine 
avec  le  métal ,  il  s'ensuit  que  si,  apri's  avoir  intro- 
duit une  quantité  connue  de  métal  dans  un  vais- 
seau de  verre  et  l'avoir  scellé  hermétiquement,  on  en 
détermine  exactement  le  poids,  qu'on  procède  en- 
suite à  la  calcination  par  le  feu  des  charbons, 
comme  l'a  fait  Boyle,  enfin  qu'on  repèse  le  même 
vaisseau  après  la  calcination,  avant  de    l'ouvrir 

(1)  Ce  rapport,  publié  le  7  décembre  1773,  se  trouve 
imprimé  à  la  fin  des  Opuscules  Physiques  et  Chimiques, 
p.  364-387. 


ii 


LAVOISIER 


i: 


son  poids  doit  se  trouver  augmenté  de  toute  la  quan- 
tité de  matière  du  feu  qui  s  est  introduite  pendant 
la  caleination.  Si,  au  contraire  ,  l'augmentation  de 
poids  de  la  chaux  métallique  n'est  point  due  à  la 
combinaison  de  la  matière  du  feu- ni  d'aucune  ma- 
tière extérieure,  mais  à  fa  fixation  d'une  portion 
de  l'air  contenu  dans  la  capacité  du  vaisseau ,  le 
vaisseau  ne  devra  point  être  plus  pesant  après  la 
caleination  qu'auparavant  ;  il  devra  seulement  se 
trouver  en  partie  vide  d'air,  et  ce  n'est  que  du  mo- 
ment où  la  portion  d'air  manquante  sera  rentrée 
que  l'augmentation  de  poids  du  vaisseau  devra 
avoir  lieu,  s 

Fortde  ce  raisonnement  parfaitemeraent  fondé, 
Lavoisier  répéta  les  expériences  de  Boyle,  en  les 
variant  d'une  mauière  ingénieuse  (1)  :  il  en  con- 
clut «  qu'on  ne  peut  calciner  qu'une  quantité 
déterminée  d'étain  dans  une  quantité  d'air  don- 
née, et  que  les  cornues  scellées  hermétiquement, 
pesées  avant  et  après  la  portion  d'étain  qu'elles 
contiennent,  ne  présentent  aucune  différence  de 
pesanteur,  ce  qui  prouve  évidemment  que  l'aug- 
mentation de  poids  qu'acquiert  le  métal  ne  pro- 
vient ni  de  la  matière  du  feu  ni  d'aucune  matière 
extérieure  à  la  cornue  ».  —  Il  remarque  aussi  en 
passant,  mais  sans  y  insister,  «  que  la  portion  de 
l'air  qui  se  combine  avec  les  métaux  est  un  peu 
plus  lourde  que  l'air  de  l'atmosphère,  et  que 
celle  qui  reste  après  la  caleination  est  au  con- 
traire un  peu  plus  légère;  de  sorte   que  dans 
cette  supposition    l'air   atmosphérique    forme- 
rait, quant  à  sa  pesanteur  spécifique,  un  ré- 
sultat moyen  entre  ces  deux  airs  ».  —  «  Mais, 
ajonie-t-il,   il  faut  des   preuves  plus   directes 
pour  prononcer  sur  ce  sujet......  C'est  le  sort 

de  tous  ceux  qui  s'occupent  de  recherches  phy- 
siques  et  chimiques  d'apercevoir  un  nouveau  pas 
à  faire  sitôt  qu'ils  en  ont  fait  un  premier,  et 
ils  ne  donneraient  jamais  rien  au  public  s'ils  at- 
tendaient qu'ils  eussent  atteint  le  bout  de  la  car- 
rière qui  se  présente  successivement  à  eux,  et 
qui  paraît  s'étendre  à  mesure  qu'ils  avancent.  » 

C'est  là  le  langage  du  génie  allié  à  la  mo- 
destie, alliance  si  rare,  hélas,  de  nos  jours.  Et 
cependant,  rien  de  plus  exact  que  ce  qu'il 
donnait  ici  sous  forme  d'hypothèse;  c'est  ainsi 
que  sans  même  s'en  douter  l'on  marche  de 
découverte  en  découverte  quand  une  fois  on  se 
trouve  engagé  dans  la  voie  de  la  vérité.  Enfin, 
l'auteur  termine  son  mémoire  par  cette  conclu- 
sion capitale,  savoir  «  qu'une  portion  de  l'air 
est  susceptible  de  se  combiner  avec  les  substances 
métalliques  pour  former  des  chaux,  tandis  qu'une 
autre  portion  de  ce  même  air  se  refuse  constam- 
ment à  cette  combinaison;  cotte  circonstance 
fait  soupçonner  que  l'air  de  l'atmosphère  n'est 
point  un  être  simple,  qu'il  est  composé  de  deux 
substances  très-différentes,.,  que  la  totalité  de 
l'air  de  l'atmosphère  n'est  pas  dans  un  état  res- 
pirable,  que  c'est  la  portion  salubre  qui  se  com- 
bine avec  les  métaux  pendant  leur  caleination, 

(1)  Détails  extraits  de  son  Journal  d'Expériences,  à  la 
date  du  14  février  1774. 


et  que  ce  qui  reste  après  la  caleination  est  une 
espèce  de  mofette,  incapable  d'entretenir  la  res- 
piration des  animaux  ni  la  combustion  des 
corps  »  (1). 

L'air  n'est  point  un  corps  simple  :  c'est  de 
cette  déclaration  que  date  le  89  de  la  chimie  : 
rompant  avec  toutes  les  traditions  du  passé ,  elle 
devint  le  signal  d'une  explosion  universelle  d'at- 
taques et  d'injures  de  la  part  des  chimistes  at- 
tachés aux  croyances  anciennes.  L'auteur  de  la 
grande  révolution  de  la  science  moderne  fut 
brûlé  à  Berlin  en  effigie  par  les  partisans  du 
phlogistique,  en  attendant  qu'il  tombât  lui-même, 
dans  sa  ville  natale,  victime  de  la  grande  révo- 
lution politique.  La  fable  de  Prométhée  n'est-ce 
pas  une  allégorie  de  l'expiation  du  génie? 

De  ce  que  l'air  n'était  point  un  élément  il  n'y 
avait  plus  qu'un  pas  à  faire  pour  appliquer  la 
même  conclusion  à  l'eau.  Mais  il  fallait  auparavant 
montrer  aux  plus  incrédules  cette  portion  sa- 
lubre qui  mêlée  à  une  espèce  de  mofette  com- 
pose l'air  de  l'atmosphère.  Le  piomb  et  l'étain, 
qui  avaient  particulièrement  servi  à  ce  genre 
d'expériences,  absorbent  bien  par  la  caleination 
Vêlement  salubre ,  mais  ils  ne  le  rendent  plus 
par  la  même  opération  ;  et  comme  on  ne  peut 
guère  l'enlever  qu'avec  du  charbon,  on  obtient, 
comme  nous  l'avons  dit,  un  air  aussi  irrespi- 
rable (quoique  tout  autre)  que  celui  qui  reste 
après  la  caleination  du  plomb  ou  de  l'étain 
dans  l'air.  Heureusement  (  la  bonne  fortune  a 
aussi  sa  part  aux  grandes  découvertes)  il  existe 
un  métal,  bien  connu  des  alchimistes,  un  métal 
étrange,  liquide,  qui  remplit  merveilleusement 
toutes  les  conditions  nécessaires  à  l'analyse  en 
question.  Le  mercure,  en  effet,  comme  le  savait 
déjà  Eck  de  Sulzbach,  a  la  propriété  d'abandon- 
ner, sans  autre  intermédiaire  que  la  continua- 
tion de  la  chaleur,  la  portion  d'air  qu'il  avait 
absorbée  par  la  caleination  ;  il  est  facile  ensuite 
de  recueillir  cet  air  dans  des  vases  appropriés. 
Mais  laissons  parler  ici  Lavoisier  lui-même  : 

«  L'air  qui  restait  après  la  caleination  du  mer- 
cure et  qui  avait  été  réduit  aux  cinq  sixièmes  de 
son  volume,  n'était  plus  propre  à  la  respiration  ni 
à  la  combustion  ;  car  les  animaux  qu'on  y  introdui- 
sait y  périssaient  en  peu  d'instants,  et  les  lumières 
s'y  éteignaient  sur-le-champ,  comme  si  on  les  eût 
plongées  dans  l'eau.  D'un  autre  côté,  j'ai  pris  qua- 
rante-cinq grains  de  matière  rouge  (chaux  de  mer- 
cure )  qui  s'était  formée  pendant  l'opération  ;  je 
les  ai  introduits  et  chauffés  dans  une  très-petite 
cornue  de  verre ,  à  laquelle  était  adapté  un  appa- 
reil propre  à  recevoir  les  produits  liquides  et  aéri- 
formes  qui  pourraient  se  séparer.  Lorsque  la  cor- 
nue a  approché  de  l'incandescence,  la  matière  rouge 
a  commencé  à  perdre  peu  à  peu  de  son  volume,  et 
en  quelques  minutes  elle  a  entièrement  disparu  ;-en 
même  temps  il  s'est  condensé  dans  le  petit  récipient 
Ai  grains  {  de  mercure  coulant,  et  il  a  passé  sous 
la  cloche  7  à  8  pouces  cubes  d'un  fluide  élastique 
beaucoup  plus  propre  que  l'air  de  l'atmosphère  à 

(1)  Mém,  de  l'dcad.  des  Sciences,  année  1774,  p.  366. 


13 

entretenir  la  combustion  et  la  respiration  des  ani- 
maux. Ayant  fait  passer  une  portion  de  cet  air 
dans  nn  tube  de  verre  d'un  pouce  de  diamètre, 
et  y  ayant  plongé  une  bougie,  elle  y  répandait  un 
éclat  éblouissant;  le  charbon,  au  lieu  de  s'y  con- 
sommer paisiblement  comme  dans  l'air  ordinaire, 
y  brûlait  avec  flamme  et  une  8ortede  décrépitation, 
a  la  manière  du  phosphore,  et  avec  une  vivacité 
de  lumière  que  les  yeux  avaient  peine  à  supporter.» 

C'est  à  cet  air,  seul  propre  à  entretenir  la 
combustion  et  la  respiration ,  que  Lavoisier 
donna  le  nom  d'oxygène  «  en  le  dérivant,  dit-il, 
de  deux  mots  grecs  ô?û;,  acide  et  ydvo\t.ai,  fen- 
gendre  »  (  1).  Il  le  découvrit,  comme  il  l'avoue 
lui-même,  presque'en  même  temps  que  Pries- 
tley  en  Angleterre  et  Scheele  en  Suède.  Quant 
à  la  partie  non  respirable  de  l'air,  Lavoisier  l'ap- 
pela azote,  de  l'a  privatif  des  Grecs  et  de  Çwy], 
vie.  Oxygène  et  azote  ont  depuis  remplacé 
les  noms,  un  instant  usités,  d'air  vital  ou  res- 
pirable (air  déphlogistiqué  de  Priestley,  et  air 
empiréal  de  Scheele)  et  d'air  non  respirable. 

Depuis  lors  l'oxygène  devint  le  point  de  dé- 
part de  travaux  aussi  nombreux  qu'importants  ; 
il  servit  de  base  à  la  nomenclature  chimique, 
et  fut  rangé  en  tête  de  tous  les  corps  réputés 
simples.  L'étude  de  ce  gaz  fut  pour  ainsi  dire 
un  objet  de  mode.  Entraîné  par  son  puissant 
esprit  de  généralisation,  Lavoisier  fit  entrer 
Yoxygène  dans  la  composition  de  tous  les 
acides  et  de  toutes  les  bases.  Pour  réduire  en 
même  temps  le  langage  de  la  science  à  quel- 
ques règles  fort  simples,  il  donnait  aux  acides 
la  désinence  ique  lorsqu'ils  contiennent  le  plus 
d'oxygène,  et  en  eux  quand  ils  en  contiennent 
moins  (acide  sulfurique,  ac.  sulfureux,  etc.); 
il  désignait  les  bases  par  le  nom  d' oxydes,  et 
faisait  terminer  en  ates  ou  en  ites ,  suivant  le 
degré  d'oxygénation  de  l'acide ,  tous  les  sels  , 
c'est-à-dire  les  composés  des  acides  avec  les  bases 
(sulfate  de  fer,  sulfite  de  fer,  etc.),  innova- 
tion des  plus  heureuses,  en  ce  qu'elle  prévient 
de  longues  périphrases  et  aide  à  mieux  graver  les 
faits  dans  la  mémoire.  Cette  importante  réforme 
du  langage  chimique  Lavoisier  l'opéra  en  com- 
mun avec  Guy  ton  de  Morveau  (voy.  ce  nom). 

Rien  de  plus  curieux  et  d'instructif  à  la  fois 
que  le  développement  d'une  erreur  enfantée  par 
l'exagération  d'une  théorie.  L'oxygène  étant  le 
générateur  des  acides  par  excellence,  l'esprit 
de  sel  ou  acide  muriatique,  obtenu  par  la  réac^ 
tion  de  l'acide  sulfurjque  sur  le  sel  marin,  devait 
aussi  avoir  l'oxygène  pour  élément  :  c'était  là 
une  erreur.  Voici  le  raisonnement  du  grand  chi- 
miste ;  nous  le  donnons  comme  une  leçon  à 
méditer  aux  savants  d'aujourd'hui,  qui,  eux 
aussi,  semblent  exagérer  bien  des  idées  :  «  Quoi- 


(1)  Lavoisier  se  trompe  ici  :  yeivofiat  ou  plutôt  ■yivo- 
u,ca,  signifie  je  devient;  c'est  Yevvâw  qui  veut  dire 
j'engendre ,•  le  terme  ainsi  formé  devrait  donc  être  oxy- 
génète  et  non  oxygène.  Mais  on  peut  pardonner  à  un 
grand  chimiste  d'avoir  ignoré  le  grec. 


LAVOISIER  14 

qu'on  ne  soit  pas  encore  parvenu,  dit  Lavoisier, 
ni  à  composer,  ni  à  décomposer  l'acide  qu'on 
retire  du  sel  marin,  on  ne  peut  douter  cependant 
qu'il  ne  soit  formé,  comme  tous  les  autres , 
de  la  réunion  d'une  base  acidifiable  avec  l'oxy- 
gène. Nous  avons  nommé  cette  base  inconnue 
base  muriatique ,  radical  muriatique  ,  en 
empruntant  ce  nom  du  mot  latin  murias,  donné 
anciennement  au  sel  marin.  Ainsi,  sans  pouvoir 
déterminer  quelle  est  exactement  la  composition 
de  l'acide  muriatique,  nous  désignerons  sous 
cette  dénomination  un  acide  volatil,...  dans  le- 
quel le  radical  acidifiable  tient  si  fortement  à 
l'oxygène,  qu'on  ne  connaît  jusqu'à  présent 
aucun  moyen  de  les  séparer  ».  (1)  Dans  cette 
dernière  phrase  le  grand  réformateur  faisait  un 
appel  aux  efforts  de  tous  les  chimistes  de  son 
temps.  Hélas  !  on  cherchait  dans  l'acide  mu- 
riatique ce  qui  ne  s'y  trouve  pas ,  l'oxygène. 
Ce  n'est  pas  tout  :  une  erreur  devait  être  suivie 
d'une  autre.  Laissons  encore  parler  Lavoisier  : 
«  L'acide  muriatique  présente  au  surplus  une 
circonstance  très-remarquable;  il  est,  comme 
l'acide  du  soufre,  susceptible  de  plusieurs  de- 
grés d'oxygénation;  mais,  contrairement  à  ce 
qui  a  lieu  pour  l'acide  sulfureux  et  l'acide  sulfu- 
rique, l'addition  d'oxygène  rend  l'acide  muria- 
tique plus  volatil,  d'une  odeur  plus  pénétrante, 
moins  miscible  à  l'eau,  et  diminue  ses  qualités 
d'acide  (ceci  aurait  dû  lui  être  un  trait  de  lu- 
mière). Nous  avions  d'abord  été  tentés  d'expri- 
mer ces  deux  degrés  de  saturation,  comme  nous 
avions  fait  pour  l'acide  du  soufre,  en  faisant 
varier  les  terminaisons.  Nous  aurions  nommé 
l'acide  le  moins  saturé  d'oxygène  acide  mu- 
rialeux  et  le  plus  saturé  acide  muriatique  ; 
mais  nous  avons  cru  que  cet  acide,  qui  présente 
des  résultats  particuliers  et  dont  on  ne  connaît 
aucun  autre  exemple  en  chimie,  demandait  une 
exception;  et  nous  nous  sommes  contentés  de 
le  nommer  acide  muriatique  oxygéné  (2).  » 
Or,  ce  prétendu  acide  muriatique  oxygéné 
était  précisément  le  radical  que  l'on  cherchait  : 
c'était  le  chlore,  qui  ne  fut  découvert  que  plus 
de  quarante  ans  après  (voy.  Davt)  :  il  se  com- 
bine ,  nous  le  savons  aujourd'hui ,  non  pas  avec 
l'oxygène,  mais  avec  l'hydrogène,  l'un  des  élé- 
ments de  l'eau ,  pour  former  l'acide  chlorhy- 
drique,  qui  est  le  même  que  l'acide  muriatique. 
Cependant  le  mystérieux  radical  de  l'acide 
muriatique  était  devenu  pour  Lavoisier  l'objet 
de  toutes  ses  préoccupations  ;  il  y  revenait  très- 
souvent,  et  chaque  fois  avec  certaine  hésitation  : 
«  Nous  n'avons,  dit-il  ailleurs ,  nulle  idée  de  la 
nature  du  radical  de  l'acide  muriatique;  ce  n'est 
que  par  analogie  que  nous  concluions  qu'il  con- 
tient le  principe  acidifiant  ou  oxygène.  M.  Ber- 
thollet  avait  soupçonné  que  ce  radical  pouvait 
être  de  nature  métallique;  mais  comme  il  parait 


(1)  Lavoisier,  Traité  élémentaire  de  Chimie,  t.  I, 
p.  75  (  3e  édit.;. 
(?)  Ibid.,  p.  77. 


15 


LAVOISIER 


16 


que  l'acide  muriatique  se  forme  journellement 
dans  les  lieux  habités,  il  faudrait  supposer  qu'il 
existe  un  gaz  métallique  dans  l'atmosphère ,  ce 
qui  n'est  pas  sans  doute  impossible,  mais  ce 
qu'on  ne  peut  admettre  au  moins  que  d'après 
des  preuves  (1).  » 

V acide  muriatique  oxygéné  (chlore)  s'obtient 
en  distillant  l'acide  muriatique  sur  des  oxydes 
métalliques  (oxydes  de  maganèse,  deplomb,etc), 
et  se  combine  avec  les  bases  :  c'est  à  ces  deux 
circonstances,  jointe  à  l'exagération  du  rôle  de 
l'oxygène,  qu'il  faut  attribuer  la  double  erreur 
dont  nous  venons  d'esquisser  l'historique. 

Dès  que  la  composition  de  l'air  fut  clairement 
démontrée,beaucoup  de  chimistes  entreprirent  de 
soumettre  à  l'analyse  tous  les  autres  corps  réputés 
simples.  La  découverte  de  l'air  inflammable,  au- 
quel Lavoisier  donna  le  nom  d'hydrogène  (  gé- 
nérateur de  l'eau  )  amena  bientôt  celle  de  la  dé- 
composition de  l'eau  en  ses  deux  éléments  cons- 
titutifs (oxygène  et  hydrogène).  En  brûlant  une 
livre  d'esprit-de-vin  dans  un  appareil  propre  à  re- 
cueillir toute  l'eau  qui  se  dégage  pendant  la  com- 
bustion, il  en  obtint  17  à  18  onces  :  d'où  il  conclut 
avec  justesse  que  l'esprit-de-vin  contient  un  des 
principes  de  l'eau,  l'hydrogène,  et  que  c'est  l'air 
de  l'atmosphère  qui  fournit  l'autre,  l'oxygène  : 
«  nouvelle  preuve,  ajoute-t-il ,  que  l'eau  est  une 
substance  composée  ».  La  décomposition  de 
l'alcali  volatil  (  ammoniaque  )  par  Berthollet  fit 
penser  à  Lavoisier  que  les  alcalis  fixes  (potasse 
et  soude)  n'étaient  pas  non  plus  des  corps  sim- 
ples :  cette  conclusion  générale  fut  plus  tard 
parfaitement  confirmée  par  Davy;  mais  il  se 
trompait  dans  les  détails;  car  il  cherchait  dans 
la  potasse  et  la  soude  l'un  des  éléments,  l'azote, 
qui  combiné  avec  l'hydrogène  forme  l'ammo- 
niaque. Quant  à  la  chaux,  la  magnésie,  la  baryte 
et  l'alumine,  «  la  composition  de  ces  quatre 
terres,  dit-il,  est  absolument  inconnue;  et  comme 
on  n'est  point  encore  parvenu  à  déterminer 
quelles  sont  leurs  parties  constituantes  et  élé- 
mentaires ,  nous  sommes  autorisés ,  en  atten- 
dant de  nouvelles  découvertes ,  à  les  regar- 
der comme  des  êtres  simples  ».  Revenant 
ailleurs  sur  le  même  sujet,  qui  devait  le  préoc- 
cuper vivement,  puisqu'il  définit  lui-même  la 
chimie  «  la  science  qui  a  pour  objet  de  décom- 
poser les  différents  corps  de  la  nature ,  »  il 
complète  ainsi  sa  pensée  :  «  Nous  ne  pouvons 
donc  pas  assurer  que  ce  que  nous  regardons 
comme  simple  aujourd'hui  le  soit  en  effet;  tout 
ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est  que  telle  sub- 
stance est  le  terme  actuel  auquel  arrive  l'analyse 
chimique,  et  qu'elle  ne  peut  plus  se  subdiviser 
au  delà  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances. 
Il  est  à  présumer  que  les  terres  cesseront 
bientôt  d'être  comptées  au  nombre  des  sub- 
stances simples  ;  elles  sont  les  seules  de  cette 
classe  qui  n'aient  point  de  tendance  à  s'unir  à 

(1)  Lavoisier,  Traité  élémentaire  de  Chimie,  1. 1,  p.  255. 


l'oxygène,  et  je  suis  bien  porté  à  croire  que  cette 
indifférence  pour  l'oxygène  tient  à  ce  qu'elles 
en  sont  déjà  saturées.  Les  terres,  dans  cette  ma- 
nière  de  voir,  seraient  peut-être   des  oxydes 

métalliques Ce  n'est,  au  surplus  qu'une 

simple  conjecture  que  je  présente  ici  (1).  »  L'a- 
venir, qui  est  maintenant  pour  nous  le  passé, 
montra  bientôt  que  le  grand  chimiste  ne  s'était 
pas  trompé  dans  ses  conjectures. 

Lavoisier,  partageant  le  sort  de  tous  les  esprits 
créateurs,  se  plaignait  de  n'être  pas  toujours 
bien  compris ,  bien  qu'il  soit  difficile  de  s'expri- 
mer plus  clairement  que  lui.  «  Presque  tous  les 
corps  de  la  nature,  dit-il  dans  un  de  ses  plus 
beaux  mémoires  (2) ,  peuvent  exister  dans  trois 
états  différents  :  dans  l'état  de  solide,  dans  celui 
de  liquide  et  dans  celui  de  vapeurs ,  c'est-à-dire 
sous  forme  de  fluides  aéri formes....  Ces  mots 
airs,  vapeurs,  fluides  aériformes  n'expriment 
donc  qu'un  mode  de  la  matière  ;  ils  désignent  une 
classe  de  corps  infiniment  étendue ,  et  ce  prin- 
cipe, que  je  n'ai  cessé  de  répéter  depuis  plusieurs 
années ,  sans  jamais  avoir  eu  la  satisfaction 
d'être  entendu,  va  nous  donner  la  clef  de  presque 
tous  les  phénomènes  relatifs  aux  différentes  es- 
pèces d'air  età  la  vaporisation.  »  L'auteur  part  de 
là  pour  établir  que  si  la  chaleur  change  les 
corps  en  vapeur,  la  pression  de  l'atmosphère  et 
en  général  toute  pression  apporte  à  ce  change- 
ment une  résistance  déterminable ,  enfin  que  «  la 
tendance  des  corps  volatils  à  se  vaporiser  est  en 
raison  directe  du  degré  de  chaleur  auquel  ils  sont 
exposés  et  de  la  raison  inverse  du  poids  ou  de  la 
pression  qui  s'oppose  à  la  vaporisation  ».  — 
Jusqu'à  Lavoisier,  les  chimistes  ne  s'étaient  guère 
occupés  que  des  corps  liquides  et  solides  ;  c'est 
ce  qui  lui  valut  le  titre  de  fondateur  de  la  chimie 
pneumatique. 

La  physique  aussi  doit  à  Lavoisier  d'impor- 
tants progrès.  Son  mémoire  sur  le  calorique 
témoigne  d'un  esprit  également  apte  à  saisir 
l'ensemble  et  sonder  la  profondeur  des  détails. 
«  Je  supposerai,  dit-il,  dans  ce  mémoire  et  (3) 
dans  ceux  qui  suivront ,  que  la  planète  que 
nous  habitons  est  environnée  de  toutes  parts 
d'un  fluide  très-subtil,  qui  pénètre,  à  ce  qu'il 
paraît  sans  exception,  tous  les  corps  qui  la  com- 
posent; que  ce  fluide,  qui  a  été  appelé  fluide 
igné,  matière  de  feu,  etc.,  et  que  les  chimistes 
modernes  désignent  sous  le  nom  de  calorique, 
tend  à  se  mettre  en  équilibre  dans  tous  lescorps, 
mais  qu'il  ne  les  pénètre  pas  tous  avec  une  égale 

(1)  Lavoisier,  Traité  élémentaire  de  Chimie,  t.  II, 
p.  194-195  (3''  édit.) 

(2)  Sur  quelques  substances  qui  sont  constamment  dans 
Pétât  de  fluides  aériformes,  au  degré  de  chaleur  et 
de  pression  habituel  de  l'atmosphère ,  mémoire  déposé  à 
l'Académie  des  Sciences,  le  5  septembre  1777,  publié  dans 
le  t.  I,  p.  348-385  des  Mémoires  de  Physique  et  de 
Chimie  de.  L. 

(3)  Du  -principe  constitutif  de  la  chaleur,  auquel  les 
chimistes  modernes  ont  donné  le  nom  de  calorique, 
Acad.  des  Sclenc,  an  1777.  Mémoires  de  Physique  et  de 
Chimie,  t.  1,  p.  1. 


17 


LAV0IS1ER 


18 


facilite  ;  enfin ,  que  ce  fluide  existe  tantôt  dans 
un  état  de  liberté ,  tantôt  dans  un  état  de  com- 
binaison  Lorsque  j'aurai  fait  voir  que  cette 

hypothèse  est  partout  d'accord  avec  les  phéno- 
mènes ,  que  partout  elle  explique  d'une  manière 
naturelle  et  simple  le  résultat  des  expériences , 
elle  cessera  d'être  une  hypothèse ,  et  on  pourra 
la  regarder  comme  une  vérité.  »  Voici  comment 
il  rattache  l'attraction  moléculaire  à  la  gravita- 
tion universelle  :  «  Cette  loi  générale,  que  les 
corps  se  dilatent  par  l'effet  de  la  chaleur  et  se 
condensent  par  l'effet  du  refroidissement,  ne  peut 
s'expliquer  qu'en  supposant  que  les  molécules 
des  corps  ne  se  touchent  pas ,  qu'elles  sont  au 
contraire  placées  à  une  certaine  distance  les  unes 
des  autres Mais  si  le  calorique  tend  conti- 
nuellement, par  une  cause  quelconque,  à  s'intro- 
duire entre  les  molécules  des  corps  et  à  les  écar- 
ter, comment  ne  cèdent-elles  pas  à  cet  "effort  ? 
Comment  ne  se  désunissent-elles  pas  ?  Et  com- 
ment concevoir  alors  qu'il  existe  des  corps  so- 
lides ?  Il  faut  donc  admettre  une  force  dont  les 
effets  soient  en  opposition  avec  la  précédente , 
qui  retienne  et  lie  entre  elles  les  molécules  des 
corps,  et  cette  force,  quelle  qu'en  soit  la  cause, 
est  la  gravitation  universelle.-»  C'est  ainsi  qu'il 
considère  les  molécules  élémentaires  des  corps 
comme  obéissant  à  deux  forces,  le  calorique,  qui 
tend  à  les  écarter,  et  l'attraction,  qui  les  rap- 
proche; lorsque  ces  deux  forces  sont  à  l'état 
d'équilibre,  le  corps  est  liquide  ;  il  passe  à  l'état 
aérïforme  lorsque  la  force  répulsive,  le  calo- 
rique, l'emporte.  L'intervalle  qui  existe  pour 
chaque  corps  entre  le  degré  de  chaleur  qui 
opère  la  liquéfaction  et  celui  qui  opère  la  va- 
porisation ,  l'auteur  l'attribue  à  la  pression  de 
l'atmosphère.  Quant  à  l'espace  que  les  molécules 
laissent  entre  elles,  il  n'est  pas  non  plus  le  même 
pour  toutes  les  substances;  ce  qui  doit,  selon 
lui ,  faire  varier  encore  les  dimensions  de  cet 
espace,  c'est  la  figure  des  molécules  primitives 
des  corps,  puisqu'il  est  impossible  que  des 
sphères,  des  tétraèdres,  des  hexaèdres,  des 
octaèdres,  laissent  entre  eux  des  vides  d'une 
même  capacité.  C'est  pourquoi  il  faut  une  quan- 
tité de  calorique  différente  pour  élever  la  tem- 
pérature de  différents  corps  d'un  même  nombre 
de  degrés  du  thermomètre,  ou,  ce  qui  revient  au 
même,  différents  corps  qui  se  refroidissent  d'un 
même  nombre  de  degrés  abandonnent  une  quan- 
tité différente  du  calorique.  Pour  vérifier  ce  fait 
essentiel,  Lavoisier  entreprit  avec  Laplace  une 
série  d'expériences  (1),  fondées  sur  ce  que  «  la 
quantité  de  glace  que  les  corps  fondent  en  se 
refroidissant,  mesure  exactement  la  quantité 
de  calorique  qu'ils  abandonnent.  » 

La  chaleur  est-elle  un  fluide  ou  une  force? 
Cette  grave  question,  remise  depuis  quelque 
temps  à  l'ordre  du  jour  par  les  physiciens,  La- 

(1)  Consignées  dans  un  mémoire  intitulé  :  Sur- le  prin- 
cipe de  la  chaleur  et  les  moyens  d'en  mesurer  les  ef- 
fets (  Mem.  de  Physique  et  de  Chim.,  1. 1  ). 


voisier  l'aborda  avec  sa  supériorité  habituelle.  En 
partant  de  l'hypothèse  d'un  fluide,  «  on  arrive, 
dit-il,  à  cette  singulière  conséquence,  démon- 
trée à  l'égard  de  l'atmosphère ,  et  qui  le  serait 
aussi  à  l'égard  du  calorique,  savoir  que  si  l'on 
prend  un  nombre  de  distances  de  la  surfaee  de 
la  terre,  qui  soient  en  proportion  arithmétique, 
les  densités  des  caloriques,  à  ces  distances, 
seront  en  proportion  géométrique  ».  D'après 
celte  hypothèse,  le  calorique  fluide  est  répandu 
dans  toute  la  nature  ;  il  peut  se  combiner  avec  les 
coips  qu'il  pénètre,  et  ainsi  combiné  (chaleur 
latente), il  cesse  de  se  communiquer  d'un  corps 
à  l'autre  et  d'agir  sur  le  thermomètre;  dégagé  de 
ses  combinaisons  et  susceptible  de  se  mettre  en 
équilibre  dans  les  corps,  il  forme  la  chaleur 
libre.  Dans  la  seconde  hypothèse,  la  chaleur 
s'explique  par  l'oscillation  continuelle,  quoi- 
qu'insensible;  des  molécules  de  la  matière;  con- 
sidérée comme  force  vive ,  elle  est  la  source  des 
produits  de  la  masse  de  chaque  molécule  par  le 
carré  de  sa  vitesse.  Si  l'on  met  en  contact  deux 
corps  de  température  différente ,  les  quantités  de 
mouvement  qu'ils  se  communiqueront  récipro- 
quement seront  d'abord  inégales  ;  la  force  vive 
du  plus  froid  augmentera  de  la  même  quantité 
dont  la  force  vive  de  l'autre  diminuera ,  et  cette 
augmentation  aura  lieu  jusqu'à  ce  que  les  quan- 
tités de  mouvement  communiquées  de  part  et 
d'autre  soient  égales  (1).  Cette  seconde  hypo- 
thèse explique  mieux  certains  phénomènes,  tels 
que  celui  de  la  chaleur  produite  par  le  frottement 
de  deux  corps.  Pourquoi  l'impulsion  directe  des 
rayons  solaires  est-elle  inappréciable,  tandis  que 
réfléchis  ilsproduisentbeaucoupde  chaleur?  c'est 
que  leur  impulsion  directe  est  le  produit  de  leur 
masse  par  la  vitesse  simple  ;  quoique  cette  vitesse 
soit  excessive ,  leur  masse  est  si  petite ,  que  ce 
produit  est  presque  nul ,  au  lieu  que  leur  force 
vive ,  étant  le  produit  de  leur  masse  par  le  carré 
de  leur  vitesse,  la  chaleur  qu'elle  représente  est 
d'un  ordre  très-supérieur  à  celui  de  leur  impul- 
sion directe  (2).  L'hypothèse  de  la  chaleur-mou- 
vement paraît  décidément  prévaloir  aujourd'hui 
dans  la  science. 

Les  derniers  travaux  de  Lavoisier  portaient 
principalement  sur  l'application  de  la  chimie 
à  la  physiologie.  Priestley  avait  conclu  d'une 
série  d'expériences  très-ingénieuses  que  la  res- 
piration des  animaux  avait,  comme  la  calci- 
nation  des  métaux  ,  la  propriété  de  phlogisti- 
quer  l'air  et  que  celui-ci  ne  cessait  d'être  respi- 
rable  qu'au  moment  où  il  était  surchargé  dephlo- 
gistique.  Lavoisier  était  arrivé,  comme  nous 
l'avons  vu,  à  des  conclusions  toutes  opposées  à 
celles  du  célèbre  physicien  anglais.  Le  premier 
il  avait  constaté  que  l'air  qui  a  servi  quelque 
temps  à  la  respiration  a,  par  sa  qualité  délétère, 

(1)  Sur  le  principe  de  la  chaleur  et  sur  les  moyens 
d'en  mesurer  les  effets ,  p.  34,  dans  le  t.  I  des  Mem.  de 
Physique  et  de  Chimie. 

(2)  lbid. 


19  LAVOISIER  —  IAVRADIO 

beaucoup  d'analogie  avec  celui  dans  lequel  unmé 


20 


tal  a  été  calciné,  mais  que  ces  deux  airs  diffèrent 
chimiquement  l'tin  de  l'autre  en  ce  que  le  premier 
précipite  l'eau  de  chaux,  tandis  que  le  dernier  la 
trouble  à  peine;  que  l'un  est  de  l'acide  carboni- 
que et  l'autre  de  l'azote;  enfin  que,  pour  ra- 
mener à  l'état  d'air  commun  ou  respirable  l'air 
qui  a  été  vicié  par  la  respiration,  il  faut  1°  en- 
lever à  cet  air,  par  un  alcali  caustique,  la  portion 
d'acide  carbonique  qui  s'y  trouve,  2°  lui  rendre 
une  quantité  d'oxygène  égale  à  celle  qu'il  a  perdue. 
Or,  voici  les  conséquences  qu'il  en  tire  :  «  De 
deux  choses  l'une  :  ou  la  portion  d'oxygène  con- 
tenue dans  l'air  est  convertie  en  acide  carbonique 
en  passant  par  le  poumon,  ou  bien  il  se  fait  un 
échange  dans  ce  viscère  :  d'une  part,  l'oxygène 
est  absorbé,  et  de  l'autre  le  poumon  restitue  à  la 
place  une  portion  d'acide  carbonique  presque 
égale  en  volume  (1).  v  De  ,ces  deux  théories, 
qui ,  ne  l'oublions  pas ,  ont  également  pour  au- 
teur Lavoisier,  c'est  la  dernière  qui  est  aujour- 
d'hui adoptée  par  la  plupart  des  physiologistes. 
Il  faut  cependant  ajouter  que  Lavoisier  inclinait 
vers  la  première  théorie,  et  que  dès  1777  il  avait 
soutenu  que  la  respiration  est  une  combustion 
lente  d'une  portion  de  carbone  contenue  dans  le 
sang  et  que  la  chaleur  animale  est  entretenue  par 
la  portion  de  calorique  qui  se  dégage  au  moment 
de  la  conversion  de  l'oxygène  en  gaz  acide  car- 
bonique, comme  il  arrive  dans  toute  combustion 
de  carbone;  enfin,  en  1785,  il  annonça,  dans 
un  mémoire  publié  dans  le  recueil  de  la  So- 
ciété de  Médecine,  que  très-probablement  la 
respiration  ne  se  borne  pas  à  une  combustion 
de  carbone ,  mais  qu'elle  occasionne  encore  la 
combustion  d'une  partie  de  l'hydrogène  contenue 
dans  le  sang;  de  là  une  formation  à  la  fois  d'eau 
et  d'acide  carbonique  pendant  l'acte  de  la  res- 
piration. 

Dans  ses  deux  mémoires  Sur  la  transpiration 
des  animaux,  Lavoisier  distingue  fort  bien  la 
transpiration  cutanée  delà  transpiration  pul- 
monaire (2).  Pour  séparer  les  produits  de  cette 
double  fonction ,  si  nécessaire  à  l'entretien  de  la 
vie,  il  employait,  dans  ses  expériences,  «  un  ha- 
billement de  taffetas  enduit  de  gomme  élastique, 
qui  ne  laissait  pénétrer  ni  l'air  ni  l'humidité  ». 
On  voit,  pour  le  dire  en  passant,  que  l'inven- 
tion des  étoffes  imperméables  date  au  moins  de 
Lavoisier.  La  différence  de  la  pesée  avant  d'en- 
trer dans  l'appareil  et  après  en  être  sorti  don- 
nait la  perte  de  poids  due  aux  effets  réunis  de 
la  respiration  et  de  la  transpiration.  En  se  pe- 
sant quelques  instants  après  être  entré  dans 
l'appareil,  et  quelques  instants  avant  d'en  être 
sorti,  on  avait  la  perte  de  poids  due  seulement 
à  l'acte  de  la  respiration  (3).  En  prenant  la 
moyenne  des  effets  réunis  de  la  respiration,  de  la 
transpiration  cutanée  et  de  la  transpiration  pul- 

(1)  Lavoisier,  Traité  élém.  de  Chimie,  t.  II,  p.  183. 

(2)  Mém.  de  Phys  et  de  Chim.,  t.  II). 

(9)  Lavoisier,  Traité  élément,  de  Chimie,  t.  II,  p.  222. 


monaire  Lavoisier  constata  qu'un  homme  dans 
les  conditions  ordinaires  d'âge,  de  travail  et  de 
santé,  éprouve  une  perte  de  poids  total  de  18  grains 
par  minute,  ou  de  2  livres  13  onces  en  vingt- 
quatre  heures  ;  que  lesdeux  extrêmes  autour  des- 
quelles oscille  cette  moyenne  sont  de  1 1  et  de 
32  grains  par  minute,  ou  de  1  livre  11  onces 
4  gros,  et  de  5  livres  par  vingt-quatre  heures; 
enfin,  que  le  même  individu  après  avoir  aug- 
menté de  poids  de  toute  la  nourriture  qu'il  a 
prise ,  revient  tous  les  jours,  après  la  révolution 
de  vingt-quatre  heures  au  même  poids  que  la 
veille ,  et  que  si  cet  effet  n'a  pas  lieu ,  l'individu 
est  dans  un  état  de  souffrance  ou  de  maladie. 
C'est  par  les  travaux  de  ce  genre  que  Lavoisier 
mérita  le  titre  de  philosophe  dans  le  sens  qu'y 
attachait  Descartes  :  on  se  rappelle  que  pour  ce 
grand  chef  d'école  le  principal  but  de  la  philoso- 
phie était  de  travailler  aux  progrès  de  la  méde- 
cine et  des  sciences  qui  s'y  rattachent. 

Outre  les  ouvrages  déjà  mentionnés ,  voici  les 
titres  des  principaux  mémoires  de  Lavoisier  in- 
sérésdans  le  recueil  de  l'Académie  des  Sciencesou 
dans  d'autres  recueils  :  Sur  la  nature  de  VEau; 
Mém. de  l'Acad.,  année  1770; — Expériences  avec 
le  Diamant;  ibid.,  1772  ;  —  Sur  la  Calcination 
de  VÉtain;MA.,  1774; —  Sur  la  Nature  du 
Principe  qui  se  combine  avec  l'Étain,  etc.; 
ibid.,  année  1775;  —  Sur  l'existence  de  l'Air 
dans  l'Acide  nitreux ;  ibid.,  1776  et  1783;  — 
Sur  la  Combustion  du  Phosphore  et  du  Soufre; 
ibid.,  1777,  p.  65  et  592  ;  —  Stir  la  Dissolu- 
tion du  Mercure  dans  V  Acide  nitrique;  ibid., 
1777; — Sur  l'Acide  Oxalique  et  sur  l'Oxygène; 
ibid.,  1778  ;  —  Changement  du  Phosphore  en 
Acide  Phosphorique ;  ibid.,  1780; — Sur  l'Acide 
Carbonique;  ibid.,  1781,  et  1784;  —  Sur  le 
Phlogistique ;  ibid.,  année  1783  ; — Expériences 
sur  le  Platine;  dans  les  Annales  de  Chimie, 
t.  V,  p.  137;  Expériences  sur  l'Éther,  dans 
YHist.  de  la  Société  (^Médecine,  1780  et  1781  ; 

—  Recherches  sur  'l'E/florescence ,  dans  le 
Journal  de  Physique,  1. 1,  p.  10.  Une  édition 
complète  des  Œuvres  de  Lavoisier,  depuis 
longtemps  promise,  reste  encore  à  faire. 

F.  Hoefer. 
Magasin  Encyclopédique   de  Millin,  t.  V  {Notice  de 
J.  de  Lalande).  —   Fourcroy,  Notice  sur  Lavoisier.  — 
Moniteur  de  1789-1794.  —  Cuvier,  Notice  sur  Lavoisier. 

—  Dumas,  Philos,  chimique. 

lavradio  (D.  Antonio  de  Almeiiu  Soa- 
kese  Portugal,  marquis  «e),  administrateur  por- 
tugais, né  le  27  juin  1729,  mort  le  2  mai  1790. 
Il  fut  depuis  1760  gouverneur  général  du  Brésil; 
il  y  développa  la  culture  de  l'indigo  et  du  riz, 
dota  le  pays  de  quelques  pieds  de  café,  s'occupa 
de  la  civilisation  de  quelques  tribus  indiennes, 
et  trouva  pour  cela  un  puissant  auxiliaire  dans 
le  commerce  de  l'ipéeacuanha  qu'elles  recueil- 
laient, de  même  que  le  cacao,  la  vanille  et  le 
guarana  avaient  naguère  contribué  à  la  civilisa- 
tion des  tribus  du  Para.  JI  s'appliqua  aussi  à  amé- 
liorer le  régime  intérieur  de  Ja  cité  de  Rio,  qui 


2! 


LAVRADIO  —  LAW 


22 


de  nos  jours  a  voulu  perpétuer  le  souvenir  de  ce 
service  en  donnant  le  nom  de  Lavradio  à  l'une 
des  rues  de  cette  cité.  F.  D. 

Adolfo  de  Varnhagen,  Historia  gérai  do  Brazil. 
LAW  de  LMJRiSTON  (Jean),  fameux  finan- 
cier écossais  ,  que  l'on  désigne  aussi ,  mais 
inexactement  sous  le  nom  de  Lass,  naquit  à 
Edimbourg,  en  1 67 1 ,  etmourut  à  Venise,  en  1729. 
Jl  descendait  de  la  célèbre  maison  d'Argyle,  par 
sa  mère,  Jeanne  Campbell.  Son  père,  William 
Law,  exerçait  la  profession  d'orfèvre,  à  laquelle 
il  joignait  les  opérations  de  change  et  d'es- 
compte. Il  amassa  une  fortune  considérable,  et 
acheta  en  Ecosse  les  importants  domaines  de 
Raudleston  et  de  Lauriston  :  la  terre  de  Lau- 
riston  passa,  après  lui,  à  l'aîné  de  ses  fils,  Jean 
Law,  qui  en  conserva  le  nom.  William  Law 
mourut  jeune,  et  laissa  à  sa  veuve  le  soin  de  di- 
riger l'éducation  de  ses  deux  enfants.  Doué 
d'une  intelligence  vive  et  précoce,  Jean  Law 
montra  de  bonne  heure  une  aptitude  remar- 
quable pour  les  études  de  tous  genres,  mais  i! 
s'appliqua  particulièrement  aux  sciences  dont  le 
calcul  forme  la  base.  Il  resta  près  de  sa  mère 
jusqu'à  l'âge  de  vingt  ans,  époque  à  laquelle  il 
quitta  Edimbourg  pour  se  fixer  à  Londres.  Sa. 
figure  noble  et  régulière,  ses  manières  distin- 
guées, son  habileté  à  tous  les  exercices  du  corps 
et  sa  grande  fortune  faisaient  de  lui  un  gentle- 
man accompli  ;  et  il  ne  tarda  pas  à  se  lier  avec 
les  plus  grands  seigneurs  de  la  capitale.  Parta- 
geant son  temps  entre  le  plaisir  et  le  travail,  il 
menait  de  front  les  aventures  galantes  et  l'étude 
de  toutes  les  questions  qui  se  rattachaient  au 
commerce  et  au  crédit.  La  banque  de  Londres, 
créée  vers  cette  époque  (1694),  parait  avoir 
fixé  particulièrement  son  attention.  Mais  il  fut 
brusquement  enlevé  à  cette  vie  spéculative 
et  facile  par  un  duel  qu'il  eut  avec  un  sieur 
Whilston.  Law  ayant  eu  le  malheur  de  tuer 
son  adversaire  fut  condamné  à  mort  :  grâce 
aux  instantes  sollicitations  de  ses  amis  ,  il  ob- 
tint la  commutation  de  sa  peine;  après  être 
resté  quelque  temps  en  prison,  il  parvint  à  s'é- 
vader, et  gagna  le  continent  :  il  avait  alors 
vingt-quatre  ans.  Il  visita  en  peu  d'années 
Amsterdam,  Paris ,  Venise ,  Gênes  ,  Naples  et 
Rome.  Recherchant  toujours  les  moyens  d'ac- 
croître ses  connaissances  en  matière  de  finan- 
ces, Law  pendant  son  séjour  en  Hollande  entra 
en  qualité  de  commis  chez  le  résident  anglais 
d'Amsterdam,  afin  d'être  mieux  à  portée  d'ap- 
profondir le  mécanisme  de  la  banque  de  cette 
ville.  En  1700  Law  revint  en  Ecosse,  et,  vou- 
lant faire  profiter  son  pays  des  découvertes 
qu'il  croyait  avoir  faites  en  économie  sociale, 
il  exposa  dans  une  brochure  le  plan  d'un  nou- 
veau système  de  banque  qu'il  avait  conçu.  Ce 
système  reposait  sur  cette  idée  fondamentale, 
que  l'abondance  du  numéraire  est  la  principale 
source  de  la  prospérité  des  États.  Considérant 
en  outre  les  monnaies  comme  ayant  une  va- 


leur purement  conventionnelle,  Law  faisait  re- 
marquer qu'il  était  facile  de  suppléer  au  numé- 
raire par  le  crédit,  attendu  que  les  banques  pou- 
vaient procurer  au  papier  la  valeur  et  l'efficacité 
de  l'argent.  Il  admettait  enfin  que  du  moment 
où  un  vaste  établissement  de  banque  concen- 
trerait entre  ses  mains  les  principales  sources 
de  revenus  d'un  État,  il  pourrait  racheter  tout 
le  numéraire,  émettre,  pour  une  valeur  triple  ou 
quadruple,  des  billets  de  crédit,  et  augmenter 
ainsi ,  dans  une  égale  proportion ,  la  richesse 
publique  du  pays.  Quant  à  l'application,  voici 
en  quoi  consistait  le  plan  de  Law.  Sa  banque 
devait  être  un  établissement  public,  auquel  les 
hôtels  des  monnaies  serviraient  de  bureaux 
correspondants  :  elle  devait  être  chargée  de  la 
perception  des  impôts  et  de  la  négociation  des 
emprunts  publics  ;  de  plus ,  les  monopoles  des 
différentes  compagnies  spéciales  lui  seraient 
attribués,  et  elle  aurait  le  droit  de  joindre  le 
négoce  à  ses  autres  opérations.  «  Réunissant 
les  profits  de  l'escompte,  comme  banque,  ceux 
de  l'administration  comme  fermière  des  revenus 
publics,  ceux  du  commerce,  comme  compagnie 
privilégiée,  elle  pourrait  diviser  son  capital  en 
actions ,  et  en  répartir  les  bénéfices  :  elle  of- 
frirait ainsi  son  papier  comme  monnaie  circu- 
lante ,  et  ses  actions  comme  moyen  de  place- 
ment^). »  Ce  système,  dont  il  devait  être  fait  plus 
tard  en  France  une  si  funeste  application,  était 
hardi  et  habilement  conçu;  malheureusement,  il 
péchait  par  la  base  :  c'était  en  effet  une  erreur 
de  croire  que  l'augmentation  de  numéraire  est 
une  source  de  prospérité  pour  un  État  :  le  nu- 
méraire n'est  qu'un  équivalent  servant  à  pro- 
curer toutes  choses  par  échange  ;  si  les  objets 
ne  se  multiplient  pas  en  même  temps  que  lui, 
les  prix  s'élèvent,  sans  que  la  richesse  réelle 
s'accroisse.  Le  parlement  d'Ecosse  repoussa  le 
projet.  Law  ne  se  découragea  pas  ;  et  en  1705  il 
publia  un  nouveau  mémoire  intitulé  :  Considé- 
rations sur  le  Numéraire  et  le  Commerce, 
dans  lequel  il  développa  le  plan  d'une  banque 
territoriale,  qui  aurait  livré  aux  propriétaires 
écossais  du  papier  ayant  cours  obligatoire,  jus- 
qu'à concurrence  d'une  certaine  portion  de  la 
valeur  de  leurs  terres.  Cette  institution  ne  fut 
pas  mieux  accueillie  en  Ecosse  que  ne  l'avait  été 
le  premier  système  :  elle  n'eut  pas  un  meilleur 
succès  en  Angleterre,  où  Law  l'avait  également 
présentée.  Law  reprit  alors  sa  vie  vagabonde. 
Après  avoir  passé  quelque  temps  à  Bruxelles,  il 
vint  à  Paris,  «  où,  nous  apprend  un  contem- 
porain, il  fit  une  assez  belle  figure  qu'il  soutint 
par  le  jeu.  Il  taillait  ordinairement  le  pharaon 
chez  la  Duclos ,  la  tragédienne  en  vogue ,  quoi- 
qu'il fût  extrêmement  souhaité  par  les  princes 
et  les  seigneurs  de  premier  ordre  ainsi  que  dans 
les  plus  célèbres  académies,  où  ses  manières 


(1)  Voir  l'article  de  M.  Thiers  sur  Law,  Revue  Progres- 
sive, lre  livraison,  1826. 


23  LA.W  24 

nobles  le  distinguaient  des  autres  joueurs.  Lors-  |  vernement  et   distribuant  le  crédit  au  nom  et 
qu'il  allait  chez  Soisson,  rue  Dauphine ,  il  n'y 

«.__  _._*•.£!        .,....■       i,i,.in.'        An     .l.iiiv       Cif>C       nltïinc      il     i'ii' 


apportait  pas  moins  de  deux  sacs  pleins  d'or, 
qui  faisaient  environ  la  somme  de  100,000  livres. 
La  main  ne  pouvant  contenir  la  quantité  d'or 
qu'il  voulait  masser,  il  lit  frapper  des  jetons 
qui  faisaient  bon  de  dix-huit  louis  chacun.  Malgré 
toutes  ses  bonnes  manières ,  il  trouva  cepen- 
dant des  ennemis,  qui  le  rendirent  suspect  au 
gouvernement  et  surtout  à  M.  d'Argenson,  lieu- 
tenant de  police.  Ce  magistrat  lui  ordonna  de 
sortir  de  Paris,  sous  prétexte  qu'il  en  savait 
trop  aux  jeux  qu'il  avait  introduits  dans  la  ca- 
pitale (1)  ».  Pendant  son  séjour  à  Paris,  Law 
avait  fait  la  connaissance  du  jeune  duc  d'Or- 
léans, qui  le  mit  en  relation  avec  le  contrôleur 
général  des  finances  Desmarets.  11  ne  paraît 
pas  toutefois  que  les  plans  de  Law  aient  été  à 
cette  époque  fort  goûtés  en  France,  et  même 
très-bien  compris.  Louis  XIV,  qui  voyait  en  lui 
un  huguenot,  ne  voulut  jamais,  dit-on,  entendre 
parler  de  ses  projets. 

Au  sortir  de  France,  Law  se  rendit  à  Gênes, 
à  Rome,  à  Venise,  à  Turin,  et  dans  plusieurs 
cours  d'Allemagne,  espérant  que  quelque  gou- 
vernement dans  l'embarras  consentirait  à  faire 
l'expérience  de  ses  théories  financières  ;  mais 
il  se  vit  partout  éconduit.  Le  duc  de  Savoie , 
Victor-Amédée  ,  lui  répondit  qu'il  n'était  pas 
assez  puissant  pour  se  ruiner.  L'empereur  d'Au- 
triche ne  lui  fit  pas  un  accueil  plus  favo- 
rable. Cependant  Law  se  consolait  de  ses  mé- 
saventures politiques  par  le  jeu  et  les  spécula- 
tions ;  le  pharaon  et  l'agiotage  lui  réussirent 
tellement  bien,  qu'en  1715 ,  malgré  le  grand 
train  qu'il  avait  mené  dans  tous  les  pays  qu'il 
avait  parcourus,  il  se  trouvait  à  la  tête  d'une 
fortune  de  1,600,000  livres,  représentant  plus  de 
deux  millions  et  demi  de  francs  actuels. 

Le  1er  septembre  1715  Louis  XIV  mourut, 
laissant  à  son  successeur  une  dette  de  2  milliards 
412  millions.  Pour  faire  face  aux  embarras  causés 
par  cet  énorme  arriéré ,  on  proposa  la  banque- 
route ,  qui  fut  repoussée  par  le  régent  ;  mais  on 
eut  recours  à  d'autres  mesures,  qui  ,  pour  être 
moins  radicales ,  n'en  étaient  pas  moins  rigou- 
reuses :  réductiondes  créances  au  moyen  du  visa, 
diminution  de  la  valeur  des  monnaies,  création 
d'une  chambre  de  justice,  taxations  arbitraires, 
tels  furent  les  violents  expédients  que  l'on  mit 
en  œuvre  pour  amoindrir  les  charges  léguées 
par  le  grand  roi.  Au  milieu  de  ce  désordre  des 
finances,  Law  crut  le  moment  propice  pour  ren- 
trer en  France.  Un  mois  à  peine  après  la  mort 
de  Louis  XIV ,  il  arriva  à  Paris  apportant  avec 
lui  son  immense  fortune,  et  se  présenta  au  régent 
comme  un  sauveur,  se  faisant  fort,  si  l'on  adop- 
tait ses  plans,  de  libérer  l'État,  et  de  relever  le 
commerce,  sans  léser  personne.  Il  proposait  alors 
de  créer  une  banque  rojale  gérée  par  le  gou- 

(1)  Histoire  du  Système  de  £.,  par  Duhautchamp,  t.  Ier. 


au  profit  de  l'État.  Le  conseil  des  finances 
repoussa  le  projet.  Law,  transformant  son 
idée,  demanda  alors  l'autorisation  de  fonder  à 
ses  risques  et  périls  une  banque  particulière. 
Des  lettres  patentes  du  2  mai  1716,  enregistrées 
au  parlement  le  23  du  même  mois,  autorisèrent 
la  création  de  cet  établissement.  La  Banque 
générale  se  constitua  au  capital  de  6  millions 
de  livres,  divisé  en  1,200  actions  de  5,000  li- 
vres ,  payables  en  quatre  versements ,  un  quart 
en  espèces  et  trois  quarts  en  billets  d'État. 
D'après  ses  statuts,  la  banque  devait  escomp- 
ter les  lettres  de  change,  se  charger  des  comp- 
tes des  négociants,  au  moyen  de  virements 
de  parties,  et  émettre  des  billets  payables  au 
porteur  en  écus  du  poids  et  titre  de  ce  jour. 
Deux  clauses  surtout  méritent  d'être  remarquées 
dans  la  constitution  de  cette  banque.  D'une  part 
la  banque  tendait  à  relever  le  crédit  public, 
en  acceptant  au  pair,  pour  le  paiement  de  ses 
actions,  des  billets  d'État  qui  perdaient  alors 
environ  75  ou  80  pour  cent  de  leur  valeur  no- 
minale ;  de  l'autre,  elle  contribuait  à  rétablir  la 
sécurité  qui  manquait  aux  transactions  com- 
merciales, en  déclarant  que  ses  billets  seraient 
toujours  remboursés  au  poids  et  titre  du  jour, 
c'est-à-dire  que  l'argent  étant,  par  exemple,  a 
40  livres  le  marc,  à  l'époque  de  l'émission  du 
billet,  le  payement  devait  avoir  lieu  à  40  livres 
le  marc,  quelle  que  fût  postérieurement  la  va- 
leur de  l'argent.  De  cette  manière,  les  porteurs 
de  billets ,  au  lieu  d'être  exposés  aux  risques 
résultant  des  remaniements  alors  très-fréquents 
de  la  monnaie,  étaient  assurés  de  recevoir  in- 
tégralement la  somme  sur  laquelle  ils  avaient 
compté.  Grâce  à  cette  combinaison  et  à  la  ré- 
duction que  Law  fit  subir  au  taux  de  l'escompte, 
abaissé  successivement  à  6  et  à  4  pour  cent ,  la 
Banque  générale,  dont  le  régent  s'était  déclaré 
le  protecteur,  devint  l'objet  d'une  faveur  ex- 
traordinaire, et  Law  put,  avec  ses  6  millions  de 
capital,  émettre  jusqu'à  15  ou  20  millions  de 
billets  sans  ébranler  la  confiance.  Mais  la  circu- 
lation du  papier  restait  encore  concentrée  dans 
Paris  et  dans  quelques  grandes  villes  ;  Law,  vou- 
lant la  faire  pénétrer  dans  les  provinces,  obtint 
un  édit  (10  avril  1717)  qui  déclarait  que  les 
billets  de  la  Banque  générale  pourraient  être 
donnés  en  paiement  des  impôts  et  que  les  fer- 
miers, sous-fermiers,  etc.,  seraient  tenus  d'en 
acquitter  la  valeur  en  espèces  lorsqu'ils  leur 
seraient  présentés.  —  Labanque  rendit  à  son  ori- 
gine d'incontestables  services,  et  elle  contribua 
puissamment  à  ranimer  ,1e  crédit  :  si  Law  s'en 
était  tenu  à  cet  établissement,  il  aurait  été  con- 
sidéré comme  un  bienfaiteur;  mais,  suivant  la 
remarque  de  M.  Thiers,  son  impatience  et  celle 
de  la  nation  le  perdirent. 

Le  financier  Crozat  avait  obtenu  le  privilège 
du  commerce  de  la  Louisiane,  récemment  dé- 
couverte par  de  La  Salle.  Law  demanda  et  fut 


25 


LAW 


26 


admis  à  lui  succéder.  Des  lettres  patentes  en 
date  de  la  fin  d'août  1717  autorisèrent  en  sa  fa- 
veur la  création  d'une  compagnie  dite  Compa- 
gnie d'Occident,  ou  Indes  occidentales,  à  la- 
quelle fut  attribué  un  droit  de  souveraineté  sur 
la  Louisiane,  à  la  seule  condition  de  rendre  foi 
et  hommage  au  roi  de  France.  La  Compagnie 
reçut  en  outre  le  monopole  du  commerce  des 
cantons  avec  le  Canada.  Elle  se  constitua  au  ca- 
pital de  100  millions  de  livres  distribué  en  200,000 
actions  de  500  livres  payables  comme  les  actions 
de  la  banque,  le  quart  en  argent  et  les  trois  quarts 
en  billets  d'État.  D'après  cette  dernière  combi- 
naison, l'opération  revenait  à  ceci  :  l'État  abandon- 
nait à  une  partie  de  ses  créanciers  la  propriété  et 
le  commerce  de  la  Louisiane  et  du  Canada  moyen- 
nant qu'ils  ajoutassent  à  leurs  créances  une  avance 
en  argent ,  pour  faciliter  l'exploitation  de  ces  co- 
lonies. 

A  mesure  que  son  œuvre  s'accroissait ,  Law 
grandissait  dans  la  faveur  du  régent;  mais  il 
voyait  en  même  temps  s'augmenter  le  nombre 
de  ses  adversaires.  Le  parlement,  qui  ne  lui  avait 
jamais  été  favorable,  rendit,  le  12  août  1718,  un 
arrêt  par  lequel  il  défendait  aux  dépositaires  des 
deniers  publics  de  recevoir  les  billets  de  la 
Banque  générale.  Cet  arrêt  fut  cassé  dans  un  lit 
de  justice  tenu  le  21  du  même  mois.  Mais  une 
cabale  nouvelle  ne  tarda  pas  à  se  former  contre 
Law.  D'Argenson,  qui  avait  remplacé  le  duc  de 
iNoailles  comme  président  du  conseil  des  finances, 
prêta  son  appui  aux  frères  Paris  (du  Dauphiné) 
pour  susciter  une  rivale  à  la  compagnie  d'Occi- 
dent :  cette  nouvelle  compagnie,  créée  sous  le  nom 
àeY  Anti-Système,  obtint  la  concession  des  fermes 
générales,  dont  le  produit  paraissait  beaucoup  plus 
solide  que  les  revenus  hypothétiques  de  la  Loui- 
siane et  du  Canada.  L'appui  que  le  régent  prêtait 
à  Law  devait  rendre  cette  concurrence  stérile. 

Le  4  décembre  1718,  une  déclaration  du  roi 
transforma  la  Banque  générale  en  Banque 
royale,  à  partir  du  1er  janvier  1719.  Le  roi  devint 
garant  des  billets  ;  Law  fut  nommé  directeur  de 
la  banque.  Les  1,200  actions  qui  constituaient  le 
capital  primitif  furent  intégralement  remboursées 
en  espèces  aux  porteurs ,  et  comme  sur  ces  ac- 
tions de  5,000  livres,  il  n'avait  été  versé  que  le 
premier  quart,  c'est-à-dire  312 1.  10  s.  en  espèces 
et  937 1.  10  s.  en  papier  décrié,  le  remboursement 
devint  pour  les  actionnaires  la  source  d'un  très- 
brillant  bénéfice.  La  transformation  de  la  Banque 
générale  en  Banque  royale  devait  avoir  pour  le 
crédit  public  de  funestes  effets  ;  on  commença 
par  multiplier  dans  une  énorme  proportion  le 
nombre  des  billets,  qui  bientôt  atteignit  le 
chiffre  de  100  millions  de  livres.  De  plus  on  dé- 
créta que  le  numéraire  de  la  banque  consisterait 
à  l'avenir  en  livres  tournois,  d'une  valeur  fixe  et 
invariable  quelles  que  dussent  être  les  variations 
futures  de  la  monnaie  métallique  :  c'était  un  pre- 
mier expédient  destiné  à  soutenir  le  papier  aux 
dépens  de  l'argent.  Un  arrêt  du  conseil  institua 


ensuite  dans  plusieurs  grandes  villes  des  succur- 
sales de  la  banque,  avec  deux  caisses,  l'une  pour 
convertir  à  vue  ses  billets  en  argent,  l'autre 
pour  recevoir  l'argent  offert  en  échange  des  bil- 
lets. Sur  les  places  où  ces  succursales  furent 
créées  (Lyon,  La  Rochelle,  Tours,  Orléans  et 
Amiens  )  les  payements  au-dessus  de  600  livres 
devaient  se  faire  en  billets  ;  au-dessous  de  cette 
somme,  il  était  facultatif  de  payer  en  argent  ou 
en  billets  ;  mais  le  papier,  s'il  était  offert,  ne  pou- 
vait être  refusé.  Le  transport  des  espèces  d'or 
et  argent  fut  interdit  dans  les  villes  à  succursales. 
Ces  mesures  coercitives  produisirent  sur  l'opi- 
nion publique  une  fâcheuse  impression  et  ébran- 
lèrent la  confiance  que  la  banque  inspirait. 

Cependant  Law  travaillait  à  développer  l'ins- 
titution qu'il  avait  créée.  Un  édit  du  mois  de 
mai  1719  attribua  à  la  Compagnie  d'Occident  le 
privilège  exclusif  du  commerce  depuis  le  cap  de 
Bonne-Espérance  jusque  dans  les  mers  du  Sud  : 
elle  avait  seule  le  droit  de  fréquenter  Madagas- 
car, Bourbon,  l'île  de  France,  Sofola  (Afrique), 
la  mer  Rouge ,  la  Perse ,  le  Mogol ,  Siam,  la 
Chine  et  le  Japon  :  le  commerce  du  Sénégal  fut 
également  ajouté  à  ses  autres  attributions.  Ainsi 
enrichie  par  la  réunion  de  tous  les  monopoles 
qui  lui  étaient  accordés  pour  le  commerce  exté- 
rieur, la  Compagnie  d'Occident  prit  le  nom  de 
Compagnie  des  Indes ,  et  augmenta  son  eapital 
par  l'émission  de  50,000  actions  d'une  valeur 
nominale  de  500  livres,  mais  qu'on  fit  payer  550 
livres  aux  actionnaires  :  elles  n'étaient  d'ailleurs 
délivrées  que  sur  la  présentation  de  quatre  actions 
anciennes.  On  nomma  les  anciennes  actions  de 
la  Compagnie  d'Occident  les  mères;  les  nouvelles 
actions  furent  appelées  les  filles  :  elles  furent 
bientôt  suivies  des  petites-- filles.  Cette  troisième 
série  d'actions  était  destinée  à  payer  à  l'État 
50  millions  de  livres,  en  échange  de  l'abandon 
qui  était  fait  à  la  Compagnie  des  Indes  de  l'admi- 
nistration et  de  la  fabrication  des  monnaies  ;  les 
actions  furent  vendues  1,000  livres.  Law,  pour 
stimuler  l'empressement  des  actionnaires,  déclara 
que  le  registre  de  souscription  pour  ces  nouvelles 
actions  ne  resterait  ouvert  que  vingt  jours  et 
qu'on  ne  pourrait  obtenir  une  nouvelle  action  (pe- 
tites-filles), qu'en  en  présentant  cinq  anciennes 
(  mères  ou  filles).  Il  annonça  en  même  temps 
qu'il  donnerait  par  an  deux  dividende*  de  6  p.  100 
chacun.  Nous  dirons  plus  loin  ce  qu'il  y  avait  de 
fondé  dans  cette  promesse.  Law  songeait  à  com- 
pléter son  système  en  réunissant  ses  fermes  à  la 
Compagnie  des  Indes  et  en  remboursant  la  dette 
publique.  La  dette  était  alors  de  15  à  18,00 
millions,  dont  l'intérêt  annuel  s'élevait  à  80  mil- 
lions. Law  imagina  de  substituer  la  Compagnie 
des  Indes  à  l'État,  et  de  convertir  la  dette  pu- 
blique en  actions  de  la  Compagnie.  Il  offrit  de 
prêter  15,000  millions,  à  la  condition  que  la  Com- 
pagnie serait  autorisée  à  émettre  de  nouvelles 
actions  jusqu'à  concurrence  de  cette  somme,  que 
l'État  lui  payerait  un  intérêt  annuel  de  48  mil- 


27 

lions  et  lui  accorderait  les  fermes  générales.  Les 
propositions  de  Law  furent  acceptées  offieielle- 
raent  le  2  septembre  i7iy.  De  nouvelles  émis- 
sions d'actions  eurent  lieu  ;  mais  cette  fois  elles 
furent  délivrées  à  bureau  ouvert,  sans  aucune 
condition,  et  on  lit  payer  5,000  livres  aux  action- 
naires un  titre  nominal  de  500  livres.  Au  mois 
de  novembre,  la  Compagnie  avait  émis  en  tout 
024.000  actions  de  500  livres  représentant  312 
millions  de  livres;  mais,  profitant  de  la  plus-value 
elle  les  avait  vendues  1,797,500,000  livres. 
L'ensemble  des  recettes  probables  s'élevait  à 
82  millions  de  livres,  ce  qui  représentait  environ 
130  livres  par  action.  Si  les  titres  fussent  restés 
au  pair,  ce  résultat  eût  été  très-satisfaisant;  mais 
comme  la  plupart  des  souscripteurs  les  avaient 
achetés  à  5,000  livres,  le  dividende  se  trouvait 
réduit  pour  eux  à  moinsde  3  pour  100  ;  c'était  loin, 
comme  on  voit,  des  12  pour  100  promis  par  Law. 

Cependant,  sur  la  foi  des  brillantes  destinées 
que  l'on  croyait  réservées  à  la  Compagnie  des 
Indes,  le  cours  des  actions  ne  tarda  pas  à  dé- 
passer la  valeur  d'émission  ;  le  mouvement  ra- 
pide de  hausse  qui  se  produisit  excita  dans  le 
public  une  véritable  fièvre  d'agiotage.  Chacun 
voulut  avoir  sa  part  des  bénéfices  qui  résul- 
taient des  violentes  oscillations  des  titres,  et 
pendant  deux  mois  on  se  disputait  les  actions 
avec  un  tel  acharnement  qu'à  la  fin  du  mois  de 
novembre  elles  atteignirent  trente-six  à  quarante 
fois  leur  capital  nominal,  et  se  vendirent  18  à 
20,000  livres.  La  rue  Vivienne,  où  était  situé 
l'hôtel  de  la  Compagnie,  et  surtout  la  rue  Quin- 
eampoix,  alors  habitée  par  les  banquiers  et  les 
gens  d'affaires,  devinrent  le  rendez-vous  des 
spéculateurs.  La  rue  Quincampoix,  alors  dési- 
gnée sous  le  nom  de  Mississipi ,  fut  transformée 
en  une  bourse ,  et  l'affluence  devint  si  considé- 
rable qu'on  fut  obligé  de  fermer  la  rue  par  des 
chaînes  à  ses  deux  extrémités. 

Tandis  que  l'agiotage  donnait  lieu  dans  Paris 
aux  scandales  les  plus  effrénés,  la  Banque  royale 
augmentait  sou  papier  dans  une  proportion  telle 
(pie  ses  billets,  qui  n'atteignaient  que  1 10  millions 
a  la  finde  1718,  s'élevaient  à  un  milliard  au  mois 
de  décembre  1719. 

Law  était  alors  à  l'apogée  de  sa  gloire  :  le  peuple 
et  la  cour  l'idolâtraient  ;  la  presse  ne  tarissait  pas 
sur  la  grandeur  de  son  génie,  et  les  lettres  et  les 
arts  célébraient  à  l'envi  ses  louanges.  Dans  l'in- 
térêt de  sa  popularité,  il  s'était  fait  de  protes- 
tant catholique,  et  l'abbé  de  Tenciu  s'était  chargé 
de  sa  conversion.  Pour  que  rien  ne  manquât  à 
son  triomphe,  le  régent  le  nomma  contrôleur 
-nierai  des  finances  (5  janvier  1720),  et  exila  à 
Pantoise  le  parlement,  qui  s'était  toujours  montré 
hostile  au  financier;  le  chancelier  d'Aguesseau, 
par  un  motif  analogue,  fut  également  disgracié. 

L'engouement  pour  le  système  dura  environ 
trois  mois,  de  la  lin  d'octobre  1719  au  commen- 
cement defévrier  1720.  Mais  le  désenchantement 
devait  être  aussi  cruel  que  rapide  :  les  nouveaux 


LAW  28 

enrichis,  qui  étaient  pressésde  jouir,  les  personnes' 
dont  la  confiance  commençait  à  faiblir,  furent 
les  premiers  à  semer  l'alarme  :  ils  vendirent  leurs 
titres  ;  leur  exemple  eut  de  nombreux  imitateurs. 
Une  panique  commença  à  se  déclarer,  et  les  ac- 
tions fléchirent  brusquement  de  20,000  à  15,000 
livres.  Law,  prévoyant  le  désastre  qui  menaçait 
son  entrcprise,cherchait  à  le  conjurer  par  des  me- 
sures de  rigueur,  qui  ne  servirent  qu'à  accélérer  sa 
ruine.  Dès  la  fin  de  décembre  1719  il  avait  été 
fait  défense  d'employer  les  espèces  d'argent  dans 
les  payements  supérieurs  à  10  livres  et  celles 
d'or  dans  les  payements  qui  dépassaient  300  li- 
vres. Le  28  janvier  1720  le  cours  forcé  des  billets 
fut  proclamé  dans  tout  le  royaume.  Le  4  février 
il  fut  interdit  de  porter  des  diamants,  des  perles 
ou  des  pierres  précieuses;  le  18  parut  un  édit 
qui  restreignait  dans  les  plus  étroites  limites  la 
fabrication  des  objets  d'or  et  d'argent.  Le  27  l'em- 
ploi des  billets  fut  rendu  obligatoire  pour  les 
payements  supérieurs  à  cent  livres;  cette  in- 
jonction fut  accompagnée  de  la  défense  de  conser- 
ver chez  soi  plus  de  500  livres  d'espèces,  sous 
peine  de  confiscation  et  de  10,000  livres  d'a- 
mende. Le  1 1  mars  les  espèces  d'or  furent  dé- 
monétisées, et  les  monnaies  d'argent  réduites 
aux  livres,  sixièmes  et  douzièmes  d'écus.  Enfin, 
pour  couronner  l'œuvre  qu'il  avait  poursuivie, 
Law  fit  réunir  (mars  1720)  la  Banque  royale 
à  la  Compagnie  des  Indes.  La  valeur  des  actions 
fut  fixée  invariablement  à  9,000  livres,  et  il  fut 
déclaré  qu'elles  pourraient  être  échangées  à  bu- 
reau ouvert  contre  des  billets,  et  réciproque- 
ment. Dès  que  cette  mesure  fut  connue,  tous 
les  porteurs  d'actions  se  présentèrent  à  la  Banque 
afin  d'échanger  leurs  titres  ;  pour  satisfaire  à  ces 
demandes,  on  commença  par  émettre  des  billets 
jusqu'à  concurrence  de  2  milliards  700  millions. 
Cette  somme  étant  encore  insuffisante,  on  prit  le 
parti  de  diminuer  la  valeur  des  billets  et  des  ac- 
tions ;  l'éditdu  21  mai  1720  prononça  la  réduc- 
tion graduelle  de  l'action  à  5,000  livres  et  celle 
du  billet  à  moitié.  A  cette  époque  la  valeur  du 
papier  était  déjà  descendue  à  un  taux  qui  n'était 
pas  supérieur  à  celle  qui  était  fixée  par  l'édit; 
mais  la  déclaration  officielle  de  la  dépréciation 
des  titres,  en  constatant  une  banqueroute  par- 
tielle, excita  l'indignation  gérierale.  Le  régent 
dut  céder  à  la  pression  exercée  par  l'opinion  pu- 
blique et  retirer  à  Law  le  contrôle  général  des 
finances.  L'édit  du  21  mai  fut,  à  vrai  dire,  l'arrêt 
de  mort  du  système,  qui  ne  disparut  cependant 
d'une  manière  définitive  qu'à  la  fin  du  mois  df; 
novembre  suivant.  A  cette  époque,  la  Banqu  5 
fut  abolie,  la  Compagnie,  privée  des  ferme.., 
des  recettes  générales,  des  revenus  de  l'État 
du  monopole  du  tabac,  devint  exclusivenuv 
commerciale,  et  continua  d'exister  sous  le  noon 
de  Compagnie  des  Indes.  Quant  à  Law,  il 
quitta  la  France  au  mois  de  décembre  1720, 
chargé  de  l'exécration  publique  et  n'emportant 
avec  lui  que  2,000  louis,  seuls  débris  de  son 


LAW  —  LAWES 


30 


opulence  passée.  Il  se  retira  d'abord  à  Guer- 
mande,  près  de  Bruxelles,  puis  il  vécut  quelque 
temps  à  Londres,  des  libéralités  du  marquis  de 
Lassay  ;  enfin,  il  mourut  à  Venise,  en  1729,  dans 
un  état  voisin  de  la  misère  :  «  De  telles  révolu- 
tions, dit  Voltaire,  en  racontant  cette  triste  fin, 
ne  sont  pas  les  objets  les  moins  utiles  de  l'his- 
toire. »  —  Les  œuvres  complètes  de  Law  ont  été 
traduites  pour  la  première  fois  en  France  en 
1790.  Depuis  cette  époque  elles  ont  été  réim- 
primées, en  1843,  et  insérées  dans  la  collection 
des  principaux  économistes  et  financiers  du  dix- 
huitième  siècle,  publiée  par  M.  Guiilaumin. 
Robert  de  Massy. 

Marmont  du  Hautchamp  (  Barthélémy  ).  —  Histoire 
du  Système  des  Finances  sous  la  minorité  de  Louis  Xf 
pendant  les  années  1719  et  1720;  La  Haye,  1739,  3  vo- 
lâmes. —  De  Tôt,  Réflexions  politiques  sur  le  Commerce 
et  les  Finances;  La  Haye,  1738.  —  Duvcrney,  Histoire  du 
Système  des  Finances  sous  la  minorité  de  Louis  Xf.  — 
Law,  par  M.  Thiers  (article  inséré  dans  la  Revue  pro- 
gressive, lre  livraison;  1826).  —  Vial  (Théodore),/.  Law 
et  le  Système  du  Papier-Monnaie  de  1716  préconisé  de 
nos  jours  ;  Paris,  1843.  —  A  Cochut,  Lato ,  son  système  et 
son  époque,  1716-1729;  Paris,  1853.  —  Recherches  histo- 
riques sur  le  Système  de  Law,  par  Levasseur;  Paris, 
18S7.  —  Lawof  Lauriston  (  John  ).  —  Sketch  on  the  Life 
and  Projectof  J.Law,  comptroller  gênerai  oj 'the  finances 
in  France  ;  Londres  et  Edimbourg,  1791.  — ;  Kosegarten 
i Johann Gottfried  Ludwig),  Commentatio  exhibent  his- 
toriam  criticamprincipiorum  quw  J.  LaivSçotus  etfihi- 
lippus  dux  Aurelxanensis,  regni  Franco-Gallici  vica- 
rius,  in  tractandis  debitis  publias  secuti  sunl;  Gœtting., 
1815.  —  Wood  (John-Philip  ),  Memoirs  of  the  Life  of 
J .  Law  ;  Édimb,,  1824  ;  London,  1826.  —  J  Law  und  sein 
System,  Beitrag  zur  Finanzgescliichte  ;  Munich,  1853. 

LAW  (Lord  Edward),  baron  Ellenborough, 
jurisconsulte  anglais ,  né  à  Great  Salked  (  Cum- 
berland),  en  1750,  mort  le  13  décembre  1818.  Il 
était  ie  quatrième  enfant  d'Edmond  Law,  évoque 
de  Carlisle ,  en  qui  avait  commencé  l'illustration 
de  cette  famille  jusque  là  obscure.  Le  jeune  Law 
montra  une  vocation  décidée  pour  l'étude  des 
lois;  mais  sa  naissance  et  son  éducation  pre- 
mière furent  pour  beaucoup  dans  les  opinions 
exclusives  qu'il  professa  au  sein  du  parlement 
sur  les  privilèges  de  l'Église  anglicane  et  sur  l'é- 
mancipation des  catholiques.  11  débuta  au  bar- 
reau avec  succès;  mais  ce  qui  le  mit  surtout  en 
évidence ,  c'est  la  défense  du  gouverneur  Has- 
+ings,  que  son  illustre  confrère  Erskine  avait  re- 
fusée, et  qu'il  soutint  avec  succès,  pendant  cinq 
ans  que  dura  ce  procès  mémorable ,  contre  des 
accusateurs  tels  que  Burke,  Fox  et  Sheridan. 
avocat  énergique  et  consciencieux,  mais  brusque 
et  violent ,  Law  paraissait  plutôt  voué  aux  luttes 
^rageuses  de  la  plaidoirie  qu'aux  fonctions  calmes 
cl  la  magistrature.  Cependant,  après  avoir 
i  ércé  un  an  l'emploi  d'attorney  gênerai,  il  suc- 
n«?a,  en  1802,  dans  la  présidence  du  King's 
chic/î,  à  lord  Kenyon,  contre  lequel  il  avait 
o^réenu  plus  d'une  vive  controverse.  La  même 
année  il  fut  créé  pair,  sous  le  titre  de  baron  El- 
lenborough.  Il  ne  fit  que  passer  au  ministère 
avec  l'éphémère  administration  dite  des  talents, 
qui  eut  pour  chefs  Fox,  puis  Grenville  (  1806, 
1807),  et  fut  un  des  commissaires  nommés  pour 


examiner  la  conduite  de  la  princesse  de  Galles.  La 
fatigue  et  la  contrariété  qu'il  éprouva  lors  du 
procès  de  "William  Hone ,  accusé  de  libelles  im- 
pies et  acquitté  par  le  jury,  altérèrent  sa  santé, 
déjà  chancelante.  11  mourut,  laissant  de  son  ma- 
riage avec  miss  Dowry,  descendante  de  Thomas 
Morus ,  de  nombreux  enfants,  qui  occupent  des 
places  éminentes  dans  l'Église  et  au  barreau. 
[Rathery,  dansl'.Ë'ne.  des  G.  d'u  M.] 

Burke,  Peerage.— Campbel[,Lives  of  Lords  chiefs  justice. 
—  Townshend,  Lives  of  eminent  judges  of  the  tust  and 
ofthe  présent  cenlury-  —  Brougham,  Historical  S ket- 
ches  of  Sta  tesmen. 

*  law  {Edouard),  comte d'Ei.LENBOROUGH , 
homme  politique  anglais,  fils  du  précédent,  né 
le  8  septembre  1790.  Après  avoir  siégé  quelque 
temps  à  la  chambre  des  communes ,  il  hérita , 
en  1818,  des  titres  de  son  père  ainsi  que  de  sa 
place  à  la  chambre  haute.  Attaché  comme  lui  au 
parti  des  tories,  il  présida  deux  fois,  en  1834  et 
en  1841,  le  bureau  des  affaires  des  Indes ,  et  se 
fit  remarquer  à  la  tribune  par  de  brillantes  qua- 
lités. Désigné,  au  mois  d'octobre  1841,  par  Ro- 
bert Peel  pour  remplacer  lord  Auckland  comme 
gouverneur  général  de  l'Inde,  il  signala  son  gou- 
vernement par  des  entreprises  hardies,  telles  que 
les  expéditions  de  l'Afghanistan ,  du  Scind  et  du 
Beloutchistan,  si  vaillamment  conduites  par  les 
généraux  Nott  et  Charles  Napier.  Mais  ces  con- 
quêtes nouvelles  imposaient  de  lourdes  charges 
à  la  Compagnie ,  qui  en  rejetait  la  responsabilité 
sur  l'humeur  belliqueuse  de  lord  Ellenborough. 
Celui-ci  ,  malgré  l'intervention  chaleureuse  du 
duc  de  Wellington,  fut  brusquement  rappelé 
(avril  1844);  on  le  créa  comte,  et  il  remplit  en- 
core durant  les  derniers  mois  du  ministère  Peel 
les  fonctions  de  premier  lord  de  l'amirauté.  Sorti 
des  affaires  en  juillet  1846,  il  y  rentra  à  la  fin  de 
février  1858,  en  qualité  de  président  de  bureau 
du  contrôle  de  l'Inde ,  dans  le  cabinet  dirigé  par 
lord  Derby,  et  se  retira  au  bout  de  quelques 
mois ,  par  suite  de  difficultés  relatives  aux  me- 
sures à  employer  pour  la  pacification  de  l'Hin- 
dostan.  P.  L — y. 

Men  ofthe  Time.  —  Burke,  Peerage. 
lawes  (  Henry),  compositeur  anglais,  né  en 
1600,  à  Salisbury,  mort  en  1662,  à  Londres.  II 
étudia  la  musique  sous  la  direction  de  John  Coo- 
per,  qui  avait  italianisé  son  nom  en  Caparario,  fut 
admis  en  1625  parmi  les  chanteurs  de  la  chapelle 
de  Charles  1er,  et  composa  beaucoup  d'inter- 
mèdes et  des  mascarades  ainsi  que  des  chansons 
sur  les  paroles  des  poètes  à  la  mode.  Waller  et 
Milton  parlent  de  lui  avec  de  grands  éloges.  Il 
adopta  le  style  italien ,  mais  en  gardant  assez 
d'originalité  pour  être  mis  au  rang  des  maîtres 
anciens  de  son  pays.  On  a  de  lui  :  Cornus,  poëine 
de  Milton,  joué  en  1634,  à  Ludlow-Castle;  — 
trois  recueils  d'Ayres  and  Dialogues  for  one, 
two  and  three  voices;  Londres,  1653,  1655  et 
1669,  comprenant  cent  cinquante  chants,  duos 
et  trios.  Cet  artiste  fut  enterré  à  l'abbaye  de 
Westminster. 


31 


LAWES  —  LAWRENCE 


3i 


Son  frère,  William  Lawes,  entra  aussi  à  la 
chapelle  de  Charles  1er,  prit  les  armes  dans  les 
troupes  royales  lors  des  guerres  civiles ,  obtint 
une  commission  de  capitaine,  et  fut  tué  en  1645, 
au  siège  de  Chester.  Ce  fut  aussi  un  composi- 
teur distingué  ;  son  œuvre  principal  est  une  col- 
lection de  Psaumes  pour  trois  voix ,  arrangés 
depuis  par  Sandys.  K. 

Hawkins,  Diction,  of  Music. 

\  lawœstine  (Charles  -  Anatole-  Alexis , 
marquis  de),  général  et  sénateur  français,  né  à 
Paris,  le  25  octobre  1786.  Issu  d'une  ancienne 
famille  flamande  et  petit-fils  de  Mme  de  Genlis, 
il  entra  à  l'école  militaire  de  Fontainebleau  le 
23  décembre  1804,  passa  le  19  avril  1806 
sous-lieutenant  au  neuvième  régiment  de  dra- 
gons ,  et  devint  aide  de  camp  des  généraux  De- 
france   et  Valence  les  4  mars  et  27  octobre 

1808.  Il  fit  les  campagnes  de  1806  et  1807  à  la 
grande  armée  d'Allemagne,  et  prit  part  aux 
batailles  d'Iéna  et  de  Friedland.  Parti  pour  l'ar- 
mée d'Espagne  à  la  fin  de  1808,  il  fut  griève- 
ment blessé  à  la  bataille  d'Almonacid,  le  9  août 

1809,  et  mis  à  l'ordre  de  l'armée  par  le  géné- 
ral Sebastiani ,  qui  se  l'attacha  le  mois  sui- 
vant en  qualité  d'aide  de  camp.  Capitaine  le 
22  juin  1810,  il  assista  au  passage  de  la  Siera- 
Morena,  et  continua  à  servir  en  Espagne  jusqu'à 
la  fin  de  1811.  Les  campagnes  de  1812  et  1813, 
en  Russie  et  en  Saxe,  lui  offrirent  de  nouvelles 
occasions  de  se  distinguer,  notamment  aux  ba- 
tailles de  Lutzen,  de  Bautzen  et  de  Leipzig. 
Chef  d'escadron  le  8  juillet  1813,  il  se  fit  remar- 
quer au  combat  de  Saint-Dizier  du  27  janvier 
1814.  Colouel  du  3e  régiment  de  chasseurs  à  che- 
val le  3  avril  suivant,  il  fit  à  la  tête  de  ce  corps 
la  campagne  de  France  de.  1815,  et  se  signala  à 
Waterloo  dans  une  charge  contre  la  cavalerie 
anglaise,  qui  fut  forcée  de  se  reployer  en  dé- 
sordre. Le  colonel  Lawœstine  avait  suivi  l'armée 
sur  les  bords  de  la  Loire  ;  après  son  licenciement, 
il  envoya  sa  démission  au  ministre  de  la  guerre. 
Cette  démission,  datée  du  26  février  1816,  et 
motivée  sur  son  attachement  à  l'empereur,  le  fit 
exiler  de  France.  Rentré  en  1829,  il  fut  témoin 
de  la  révolution  de  Juillet,  reprit  du  service, 
le  12  août  1830,  à  la  sollicitation  du  maréchal 
Gérard,  et  alla  prendre  le  commandement  du 
6e  régiment  de  hussards.  Le  2  avril  1831  il  reçut 
le  brevet  de  maréchal  de  camp,  et  le  21  avril 
1841  celui  de  lieutenant  général  attaché  au  co- 
mité de  la  cavalerie,  position  qu'il  conserva  jus- 
qu'à la  révolution  de  février  1848.,  époque  on  il 
fut  rayé  des  cadres  de  l'armée  par  le  gouverne- 
ment provisoire.  Réintégré  en  vertu  de  la  loi 
du  11  août  1849,  il  fut  désigné  en  même  temps 
pour  présider  le  comité  de  cavalerie.  La  veille 
du  2  décembre  1851,  il  reçut  le  commandement 
supérieur  de  la  garde  nationale  de  Paris,  et  fut 
élevé  le  26  janvier  1852  à  la  dignité  de  sénateur. 
M.  de  Lavœstine  est  grand'croix  de  la  Légion 
d'Honneur.  Sicard. 


notoires  et  Conquêtes  (première  édition).  —  Biotir. 
des  Membres  du  Sénat;  Paris,  18B2. 

Lawrence  (  Sir  Thomas),  célèbre  peintre  an- 
glais, né  à  Bristol,  le  13  avril  1769,  mort  à  Lon- 
dres, le  7  janvier  1830.  Il  était  fils  d'un  aubergiste, 
et  suivit  les  leçons  de  Reynolds  (1787)  ;  il  se 
fit  bientôt  une  grande  réputation  par  ses  portraits, 
et  en  1792  fut  nommé  peintre  de  la  cour.  A  la 
mort  de  West  le  roi  Gerges  IV  le  créa  baronet,  et 
l'Académie  de  Peinture  le  choisit  pour  président. 
Il  ne  peignait  jamais  de  portrait  à  moins  de  500  gui- 
nées  (  12,500)  et  il  exigeait  d'avance  la  moitié  de 
cette  somme.  Il  eût  pu  faire  une  immense  fortune 
si  le  jeu  n'eût  absorbé  tous  les  instants  qu'il  ne 
donnait  pas  au  travail.  On  cite  parmi  les  nom- 
breux portraits  qu'il  exécuta  ceux  de  lord  Tur- 
low;  d'Estime;  de  Mackintosh ;  de  Caroline, 
princesse  de  Galles  ;  de  Metternich  ;  de  Castle- 
reagh  ;  de  Hardenberg ;  du  duc  de  Richelieu  ; 
du  comte  de  Nesselrode  ;  des  principaux  diplo- 
mates et  des  princes  de  l'époque  (1814).  En  1819 
il  représenta  Pie  VII,  en  1825  Charles  X  et  son 
fils  le  duc  d'Angoulême.  Son  dernier  ouvrage 
fut  le  portrait  de  l'actrice  Fanny  Kemble. 

A.  de  L. 
D.  E.  Williams,  Life  and  Correspondance  of  six  Thom. 
Lawrence;  Londres,  1831,  3  vol.  in-8°.  —  Charles  Blanc, 
Histoire  des  Peintres,  n°»  1-2  de  l'école  anglaise,  liv.  15-16. 

Lawrence  (  Abbolt) ,  manufacturier  et 
homme  d'État  américain,  né  à  Groton  (  Massa- 
chusetts), le  16  décembre  1792 ,  mort  à  Boston, 
le  18  août  1855.  Il  était  fils  d'un  fermier  chargé 
d'une  nombreuse  famille,  et  entra  à  quinze  ans 
chez  son  frère  aîné,  négociant  à  Boston.  La  mai- 
son Lawrence  devint  peu  à  peu  une  des  pre- 
mières de  Boston,  et  fonda,  en  1830,  une  filature 
à  Lowel.  Lawrence  était  whig,  partisan  du  sys- 
tème de  protection  pour  les  manufactures  du 
pays;  il  fut  élu  membre  du  congrès  en  1834,  et 
réélu  en  1839.  En  1842  il  fut  nommé  membre 
de  la  commission  chargée  de  régler  avec  le  gou- 
vernement anglais  les  frontières  entre  le  Canada 
et  les  États-Unis.  Divers  incidents  en  avaient  fait 
une  question  irritante  :  les  Américains  ne  parlaient 
de  rien  de  moins  que  de  la  trancher  par  la  guerre. 
L'Angleterre  avait  envoyé  avec  pleins  pouvoirs 
lord  Ashburton,  chef  de  la  famille  Baring.  Law- 
rence prit  la  part  principale  aux  discussions 
avec  un  esprit  plein  de  conciliation.  Lord  Ash- 
burton lui  fit  connaître  franchement  les  der- 
nières limites  que  lui  accordaient  ses  instruc- 
tions. Tous  deux  finirent  par  s'entendre  sur  des 
termes  acceptables  pour  les  deux  pays.  En  1848 
son  nom  fut  au  premier  rang  pour  la  vice  prési- 
dence ,  dans  l'élection  où  le  général  Taylor  était 
porté  candidat  comme  président;  quelques  voix 
seulement  lui  manquèrent  pour  être  nommé. 

En  1849  il  accepta  le  poste  de  ministre  des  États- 
Unis  en  Angleterre.  Son  prédécesseur,  M.  G.  Ban- 
croft,  avait  commencé  des  négociacions  au  sujet 
d'un  canal  destiné  à  unir  le  gol  fe  du  Mexique  et  l'o- 
céan Pacifique.  En  raison  du  protectorat  de  la 
Grande-Bretagne  sur  le  territoire  deMosquito, 


33 


LAWRENCE  —  LAYA 


34 


ki  question  était  très-compliquée  et  n'avançait 
point.  Lawrence  se  livra  à  des  travaux  considé- 
rables pour  la  faire  avancer  :  il  parait  qu'il  avait 
découvert  aux  archives  {State  pu per office)  des 
documents  manuscrits  très-importants  qui  infir- 
maient les  droits  que  le  gouvernement  anglais 
mettait  en  avant,  et  qu'il  avait  préparé  un  mémoire 
pour  lord  Palmerston.  Il  élait  sur  le  point  de  le  faire 
paraître  lorsqu'il  fut  informé  par  le  ministre  des 
affaires  étrangères  des  États-Unis  (Clayton)  que  les 
négociations  avaient  été  transférées  à  Washing- 
ton, etqu'il  n'avait  plus  à  s'en  occuper  à  Londres. 
Ce  fut  un  vif  désappointement  pour  A.  Lawrence. 
Il  adressa  au  secrétaire  d'État  américain  une 
lettre  de  quatre-vingt-cinq  pages,  où  il  discutait 
la  question  à  fond,  et  d'où,  suivant  lui,  ressortait 
la  souveraineté  en  plein  de  l'Espagne  sur  le  ter- 
ritoire contesté.  On  sait  que  le  traité  dit  Bul- 
wer-Clayton  ,  qui  devait  régler  définitivement  la 
question,  est  devenu  une  source  d'interprétations 
et  de  contestations  nouvelles,  et  n'a  plus  qu'une 
existence  précaire.  Après  trois  années  de  fonc- 
tions, il  revint  aux  États-Unis  (1852),  et  reprit  en 
simple  citoyen  le  cours  de  ses  affaires.  En  1847 
il  donna  au  collège  d'Harvard  (université  de  Cam- 
bridge )  50,000  dollars  (  250,000  fr.  )  pour  j  éta- 
blir une  école  scientifique,  avec  des  cours  régu- 
liers de  sciences  appliquées  aux  arts  età  l'indus- 
trie :  elle  porte  aujourd'hui  son  nom.  Par  son 
testament,  une  autre  somme  de  50,000  dollars 
lui  fut  léguée,  afin  d'en  étendre  le  plan  et  les 
bienfaits,  li  avait  consacré  des  capitaux  considé- 
rables pour-  fonder  dans  le  comté  d'Ecosse  des 
manufactures,  pour  en  faire  un  centre  de  popu- 
lation. Aujourd'hui  ce  lieu  est  devenu  une  petite 
ville,  qui  porte  son  nom  et  qui  est  en  pleine  voie 
de  prospérité.  J.  Chanct. 

Lives  of  American  Merchants,  by  Preeman  Hiint.  — 
—  American  Bingruptiy 

*  uwrexce(  William),  chirurgien  anglais, 
né  vers  1785.  Il  suivit  les  cours  de  l'hôpital  Saint- 
Barthélémy  à  Londres,  fut  admis  en  1813  à  la 
Société  royale,  et  occupa,  de  1815  à  1 819,  la 
chaire  de  médecine  opératoire  au  Collège  des 
Chirurgiens;  à  cette  dernière  date,  il  eut  la  di- 
rection d'un  service  à  Saint-Barthélémy,  et  fut 
chargé  ensuite  delà  clinique  à  l'Hôpital  ophthal- 
mique.  Depuis  plusieurs  années  il  a  renoncé  aux 
fonctions  publiques.  Le  nom  de  ce  praticien  ne 
se  rattache  spécialement  au  progrès  d'aucune 
branche  de  l'art  chirurgical  ;  mais  ses  nom- 
breux écrits,  sa  lutte  incessante  contre  les  pré- 
jugés de  ses  confrères,  ses  efforts  pour  propa- 
ger les  idées  nouvelles  lui  ont  fait  en  Angleterre 
une  certaine  célébrité.  Nous  citerons  parmi  ses 
ouvrages  :  Treatise  on  Hernia;  Londres,  1807, 
in-8°  :  essai  qui  gagna  le  prix  du  Collège  des  Chi- 
rurgiens; une  deuxième  édition,  sous  le  titre  de 
Trealiseon  Ruptures,  en  fut  faite  en  1810,  et 
donna  lieu  à  plusieurs  réimpressions;  il  a  été 
traduit  eu  fiançais  par  MM.  Béclard  et  Jules 
Cloquet  {Traité  des  Hernies);   Paris,   1818, 

SOL'V.     EIOGR.    GÉNÉR.    —  T.    XXX. 


in-8°);  —  An  Introduction  to  comparative 
A  natnmtjand  Physiologg  ;  Londres,  1 81 6,  in-8°  ; 

—  Lectures  on  Physiology,  Zoology  and 
the  Natural  Bis  tory  of  Mon;  ibid.,  1819, 
in-8";  6e  édit.,  1834;  ces  leçons  furent  très- 
goûfées  du  public  à  cause  de  la  nouveauté  du 
sujet  et  de  la  manière  clai  re  et  brillante  avec  la- 
quelle il  était  traité;  —  Treatise  on  the  Venereal 
Diseoses  of  the  Eye;  ibid.,  1830,  in  8°;  —  Lee- 
tures  on  the  Anatomy,  Physiology  and  Di- 
seases  of  the  lige,  insérées  dans  La  Lancette,  en 
1826,  et  trad.  en  français  en  1830.  M.  Lawrence 
a  aussi  donné  une  version  du  Manuel  d'Ana- 
tomie  comparée  de  J  -F.  Blumenbach  (1808), 
et  il  a  fourni  un  grand  nombre  d'articles  dans 
divers  recueils  ainsi  que  dans  les  Mémoires  de 
la  Société  Médicale  et  Chirurgicale.     P.  L — v. 

Ciillisen,  Medicinisches  Schrlft.-bex.,  XXI.  —  English 
Cyclop.  (  Biograpfiy  ). 

s.awîsie  (  Robert),  graveur  anglais,  né  vers 
1740,  mort  en  1804.  Il  travailla  à  Londres,  et 
ses  planches  sont  exécutées  à  la  manière  noire. 
On  cite  de  lui  :  La  Nativité,  de  Rubens  ;  — 
Jésus  crucifié,  de  van  Dyck  ;  —  La  Tempête 
et  Le  Naufrage,  de  Joseph  Vernet  ;  —  Le  Chan- 
teur ambulant,  d'Adrien  van  Ostade;  — 
Diane  et  les  Nymphes  au  bain,  d'Angelica 
Kauffmann,  etc.  K. 

Basan,  Dirt.  des  Graveurs.  —  Br.van,  DM.  of  Pointers. 

—  Nngler,  Kunsttrr- Lexicon. 

lax  (  William  >,  mathématicien  anglais,  né 
en  1751,  mort  le  29  octobre  1836,  à  Saint-Ibbs, 
près  d'Hitchin  (Hertfordshire).  Élève  du  collège 
de  La  Trinité,  il  prit  les  degrés  de  maître  es  arts 
en  1785,  et  obtint  à  la  même  époque  le  premier 
prix  de  Smith.  Il  devint  fellow  de  son  collège,  et 
après  quelques  années  passées  dans  cette  posi- 
tion, il  accepta  les  cures  de  Saint-Hippolyte  et  de 
Marsworlh  en  1801.  En  1795  il  avait  été  élu  à 
la  chaire  d'astronomie  et  de  géométrie  fondée 
par  Lowndes  à  l'université  de  Cambridge.  Reçu 
membre  de  la  Société  royale,  Lax  obtint  encore 
la  place  de  vicaire  de  Saint  Ibbs.  11  est  auteur 
de  divers  travaux  relatifs  à  la  science  ;  les  plus 
importants  sont  des  Tables  destinées  à  être  em- 
ployées avec  le  Nautical  Almanach  et  que  pu- 
blia l'ancien  Bureau  des  Longitudes  anglais  en 
1821  ;  une  nouvelle  édition  de  ces  tables  occupa 
la  dernière  partie  de  la  vie  de  Lax.        J.  V. 

Anmial  Begister,  1836,  p.  818. 

LAVA  {Jean-Louis  ),  auteur  dramatique  fran- 
çais, né  à  Paris,  le  4  décembre  1761,  mort  au  mois 
d'août  1833,  était  d'une  famille  originaire  d'Espa- 
gne. Il  fit  ses  études  au  coll'-ge  deLisieux,  à  Paris. 
Ce  fut  en  collaboration  avec  Legouvé  qu'il  dé- 
buta, en  1785,  par  une  comédie.  Le  Nouveau 
Narcisse,  qui,  bien  que  reçue  au  Théâtre-Fran- 
çais, ne  fut  jamais  représentée;  l'année  suivante 
il  donna  un  recueil  d'héroïdes  :  Essai  de  deux 
Amis,  qui  ne  fut  pas  sans  quelque  succès. 
Uni  par  la  parenté  et  par  des  rapports  d'esprit 
et  de  caractère  avec  madame  Dufresnoy,  il  lui 
inspira  dès  seize  ans  le  goût  des  vers,  et  garda 

2 


35 


LAYA 


36 


depuis  une  grande  influence  sur  son  talent.  En 
1789,  au  moment  de  la  révolution,  il  publia 
seul'  quelques  écrits  politiques  de  circonstance, 
et  donna  au  Théâtre- Français  sa  première  bonne 
pièce,  Jean  Calas,  tragédie  en  cinq  actes  et  en 
vers,  déclamation  dramatique  contre  l'intolé- 
rance religieuse ,  que  l'intérêt  du  fond  soutint 
sur  tous  les  théâtres  malgré  les  imperfections 
du  style.  Elle  fut  imprimée  en  1791,  avec  une 
préface  historique.  A  la  fin  de  l'année  suivante 
il  fit  jouer  au  Théâtre-Français  Les  Dangers 
de  V Opinion,  drame  en  cinq  actes  et  en  vers, 
où  il  lutte  contre  le  préjugé  qui  flétrit  de  la 
honte  d'un  coupable  toute  une  famille  innocente. 
Cette  pièce  fut  reçue  alors,  et  a  été  revue  plu  • 
sieurs  fois  depuis  avec  plaisir. 

Mais  de  tous  les  ouvrages  de  Laya  celui  qui 
fait  le  plus  d'honneur  à  son  talent  comme  à  son 
caractère  est  L'Ami  des  Lois ,  comédie  en  cinq 
actes,  en  vers,  représentée  pour  la  première 
fois  le  2  janvier  1793  ,  sur  le  Théâtre-Français, 
devenu  théâtre  de  la  Nation.  Dix-neuf  jours 
avant  la  mort  de  Louis  XVI,  au  plus  fort  de 
son  procès,  c'était  sans  contredit,  un  grand  acte 
de  courage  que  de  réclamer  en  vers  énergiques 
et  fortement  frappés  le  maintien  de  la  légalité 
et  d'attaquer  par  des  allusions  où  personne  ne 
pouvait  se  méprendre  le  despotisme  tout  puis- 
sant de  Marat  et  de  Robespierre.  La  pièce  a  un 
peu  perdu  aujourd'hui,  privée  du  prestige  de 
l'actualité.  C'est  une  satire  bien  plutôt  qu'une 
comédie,  à  laquelle  on  peut  reprocher  avec  Ché- 
nier  les  imperfections  d'une  composition  trop 
hâtée,  et  aussi  l'enflure  ordinaire  des  ouvrages 
dramatiques  de  cette  époque.  Mais  elle  eut  en  93 
un  des  plus  prodigieux  succès  qu'aient  jamais 
enregistrés  les  archives  théâtrales.  Toute  la 
France  voulut  voir  L'Ami  des  Lois  ;  à  Marseille 
on  le  représenta  deux  fois  en  un  jour  sur  le 
même  théâtre.  Dès  dix  heures  du  matin,  le  pu- 
blic commençait  à  envahir  les  bureaux  de  la  Co- 
médie-Française ;  les  rues  avoisinantes  étaient 
encombrées  :  on  mettait  les  billets  à  l'enchère. 
A  chaque  représentation ,  on  demandait  l'au- 
teur, et  Laya,  «  qui  comptait,  dit  l'acteur  Fleury, 
sur  l'entraînement  du  bon  exemple,  ne  mettait 
ni  orgueil  ni  fausse  modestie  en  se  rendant  aux 
vœux  du  public  ».  La  commune,  exaspérée,  dé- 
nonça le  parterre  comme  un  rassemblement  fac- 
tieux d'émigrés  et  de  contre-révolutionnaires. 
Anaxagoras  Chaumette  lança  contre  L'Ami  des 
Lois  un  fougueux  réquisitoire,  et  le  conseil  gé- 
néral de  la  commune  en  défendit  la  représenta- 
tion. Mais  la  Convention  renvoya  l'examen  de 
l'ouvrage  à  une  commission  d'instruction.  La 
commune,  ne  trouvant  pas  son  compte  à  cette 
mesure  légale,  et  sachant  bien  que  pour  qu'une 
pièce  fût  défendue  il  fallait  qu'elle  excitât 
un  trouble  patent ,  s'arrangea  pour  le  faire 
naître.  Le  12  janvier,  au  moment  même  de 
la  représentation,  elle  fit  placarder  dans  tout 
Paris  l'arrêt  qui  défendait  la  pièce.  Ce  que  la 


commune  avait  prévu  arriva.  La  foule  ne  vou- 
lut rien  entendre.  En  vain  le  commandant  de  la 
garde  nationale,  Santerre,  paraît-il  sur  le  théâtre 
en  grand  uniforme  :  il  est  hué.  La  commune  fait 
cerner  la  salle  :  deu\  pièces  de  canon  sont  bra- 
quées au  coin  de  la  rue  de  Bussy  (  le  Théâtre- 
Français  était  alors  où  est  situé  aujourd'hui  l'O- 
déon  )  ;  on  crie  :  La  pièce  ou  la  mort  !  Le  maire 
de  Paris ,  Chambon  ,  se  présente  alors  ;  séance 
tenante ,  on  le  force  d'écrire  à  la  Convention  ; 
Laya  lui-même  joint  à  la  lettre  du  maire  une 
réclamation  vigoureuse  où  il  dénonce  la  com- 
mune pour  tait  de  tyrannie  et  traite  ses  princi- 
paux agents  de  «  modernes  gentilshomme  de  la 
chambre  ».  Là  double  dépêche  excita  grand  tu- 
multe à  la  Convention  ;  les  jacobins  accusaient  le 
ministre  Roland  d'avoir  demandé  et  payé  L'Ami 
des  Lois.  Pourtant,  sur  la  proposition  du  marin 
Kersaint,  on  passa  à  l'ordre  du  jour.  La  pièce 
fut  jouée  d'enthousiasme  à  neuf  heures  du  soir 
devant  deux  mille  spectateurs ,  plus  de  trente 
mille  citoyens  gardant  la  salle.  Le  lendemain, 
Louis  XVI  fit  prier  Laya  de  lui  faire  connaître 
son  ouvrage,  et  Laya,  au  rapport  de  Cléry,  le 
lui  fit  passer  dans  sa  prison.  Cependant  Mar- 
seille avait  envoyé  une  députation  à  l'auteur  de 
L'Ami  des  Lois.  Cet  hommage,  voté  par  les  sec- 
tions et  consigné  dans  le  registre  des  séances 
que  Fréron  rapporta,  à  son  retour  de  cette  ville, 
au  comité  du  salut  public,  servit  de  prétexte  à 
un  décret  de  mise  hors  la  loi,  sous  lequel  Laya 
gémit  pendant  quinze  mois.  Marat,  si  durement 
caricaturé  dans  le  personnage  de  Duricrane, 
réclama  plusieurs  fois  l'a  tête  de.  l'auteur,  que  ce- 
lui-ci eut  bien  de  la  peine  à  cacher.  On  ne  se 
borna  pas  à  poursuivre  Laya  lui-même,  plusieurs 
personnes  furent  guillottinées  parce  qu'on  avait 
trouvé  chez  elles  un  exemplaire  de  L'Ami  des 
Lois  ;  l'acteur  Larive  fut  emprisonné  pour 
l'avoir  joué. 

Sauvé  par  le  neuf  thermidor,  Laya  joua  dès 
lors  un  certain  rôle  politique.  11  rédigea  en 
même  temps,  de  1799  à  1802,  avec  Arnault,  Le- 
gouvé,Vigée,  etc.tL'Almanack  des  Muses,  Les 
Veillées  des  Muses,  puis,  avec  Salgues,  L'Ob- 
servateur des  Spectacles;  il  fut  chargé  de  la 
critique  littéraire  dans  Le  Moniteur,  et  y  écri- 
vit pendant  quinze  ans  avec  un  remarquable 
talent  ;  il  coopéra  aussi  à  la  Nouvelle  Biblio- 
thèque des  Romans.  En  1797,  il  revint  au 
théâtre,  et  composa  pour  la  salle  Louvois,  dont 
MUe  Ràucourt  était  nommée  directrice,  une 
pièce  d'inauguration  :  Les  Deux  Stuarts.  En 
1799,  il  peignit,  dans  le  drame  de  Falkland,  le 
coupable  aux  prises  avec  le  remords.  Falkland 
était  un  des  beaux  rôles  de  Talma.  La  même 
année,  il  donna  encore  :  Une  Journée  du  jeune 
Néron,  en  deux  actes  et  en  vers,  et  quelque 
temps  après  YÉpitre  à  un  jeune  Cultivateur 
nouvellement  élu  député,  «  où  l'on  retrouve, 
a  dit  Charles  Nodier,  cette  philanthropie  sans 
faste  qui  était  la  règle  de  ses  ouvrages  comme 


37 


LAYA 


38 


celle  de  ses  mœurs  ».  Sous  le  gouvernement 
consulaire,  Laya  faillit  entrer  dans  la  carrière 
administrative,  et  sollicita  la  sous-préfecture 
de  Fontainebleau;  mais  il  ne  put  l'obtenir. 
Plus  tard,  il  accompagna  son  ami  et  pro- 
tecteur Alexandre  de  La  Rochefoucault  dans 
son  ambassade  à  Dresde;  puis  il  se  tourna  vers 
l'enseignement,  et,  lors  de  la  réorganisation  de 
l'instruction  publique,  il  fut  nommé  suppléant 
de  Saint-Ange  à  la  chaire  de  belles-lettres  du 
Lycée  Cbarlemagne ,  puis,  en  1 809,  à  celle  du 
Lycée  Napoléon,  et  en  1 813  à  la  chaire  d'histoire 
littéraire  et  de  poésie  française,  vacante  à  la 
faculté  des  lettres  par  la  mort  de  Delille.  Il  fut 
admis,  le  6  août  1817,  à  l'Académie  Française, 
en  remplacement  du  comte  de  Choiseul-Gouf- 
fier,  et  prononça  son  discours  de  réception  le 
27  novembre  suivant.  Les  œuvres  de  Laya 
n'ont  jamais  été  réunies.  On  a  de  lui  :  Es- 
sai de  deux  Amis;  1786,  in-8° ,  avec  Legouvé  ; 
-  Voltaire  aux  Français  sur  leur  constitu- 
tion; 1789,  in-8°; —  La  Régénération  des  Co- 
médiens en  France,  ou  leurs  droits  à  l'état 
civil;  même  année,  in-8°;  —  Les  Dangers  de 
l'Opinion,  drame  en  cinq  actes  et  en  vers  ;  1790, 
in-8°  ;  —  Jean  Calas,  tragédie  en  cinq  actes  et 
en  vers, précédée  d'une  préface  historique;  1791, 
in-8°  ;  —  L'Ami  des  Lois ,  comédie  en  cinq 
actes  ef  en  vers  ;  1793,  in-8°  ;  5e  édition,  1822, 
in-8°  ;  —  Épîlre  à  un  jeune  Cultivateur  nou- 
vellement élu  député;  1799,  in-8°;  nouvelle 
édition,  1818,  in-8°;  —  Les  derniers  Moments 
de  la  présidente  de  Tourvel ,  héroïde  ;  1799, 
in-S°  ;  —  Essai  sur  la  Satire;  1801,  in-8°;  — 
Eusèbe,  héroïde,  1807;  3e  édition,  1815;  — 
Un  mot  à  M.  le  Directeur  de  l'imprimerie 
et  de  la  librairie,  ou  abus  dé  la  censure  théâ- 
trale; 1819,  in-8°;  —  Falkland,  ou  la  cons- 
cience, drame  en  cinq  actes  et  en  prose;  1821, 
in -8°.  Charles  Defodon. 

Etienne,  Histoire  du  Théâtre-Français  depuis  la  ré- 
volution. —  Mémoires  de  bleury.  —  CM.  Nodier,  Dis- 
cours de  réception  à  V Académie  Française  (  il  fut  le 
successeur  de  Laya).  —  Rabbe,  Vieilh  de  Boisjolin  et 
Sainte  Preuve,  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp.  — 
Feller,  continué  par  Charles  Weiss,  Biographie  Univer- 
selle. 

*  laya  (  Alexandre  ) ,  juriste  et  publiciste 
français ,  fils  aîné  du  précédent ,  né  à  Paris,  en 
1806.  Après  avoir  fait  son  droit,  il  entra  sous 
M.  de  Montalivet  au  ministère  de  l'intérieur,  et 
y  devint  chef  de  bureau.  Ayant  donné  sa  démis- 
sion, il  passa  quelque  temps  en  Angleterre,  et  à 
son  retour  il  se  fit  inscrire  au  tableau  des  avo- 
cats. En  1849  il  dirigea  la  partie  littéraire  du 
journal  L'Ordre.  On  a  de  lui  :  Le  Guide  Mu- 
nicipal, almanach  quotidien  des  maires,  etc.; 
Paris,  1842,  deux  tableaux  iu- piano;  —  Droit 
anglais,  ou  résumé  de  la  législation  anglaise 
sous  la  forme  de  codes  :  1°  politique  et  ad- 
ministratif; 2°  civil;  3°  de  procédure  civile 
et  d'instruction  criminelle;  4°  pénal;  suivis 
d'un  Dictionnaire  de  termes  légaux,  techni- 


ques et  historiques ,  et  d'une  table  analy- 
tique; Paris,  1845,2  vol.in-8°;  —  E tildes  his- 
toriques sur  la  vie  privée,  politique  et  lit- 
téraire de  M.  A.  Thiers,  histoire  de  quinze 
ans  (  1830-1846  )';  Paris,  1846,  2  vol.  in-8°;  — 
De  la  Présidence  de  la  république  ;  Paris, 
1848,  in-12;  —  Les  Romainssous  la  république; 
Paris,  1850,  in-8°;  —  Théâtre  de  M.  Alexan- 
dre Laya,  contenant  :  César  Borgia,  Jane 
Shore,  Corinne,  Paul  Didier;  Paris,  1854, 
in-8°  :  aucune  de  ces  pièces  n'a  été  jouée. 
M.  Laya  a  donné  avec  son  frère  une  édition 
des  Œuvres  de  leur  père ,  avec  notice  ;  Paris , 
1836,  5  vol.  in- 8°.  Il  a  fourni  des  articles  au 
Bien -Etre  universel ,  et  il  a  travaillé  au  Jour- 
nal L'Époque  en  1845.  Enfin  il  a  donné  dans 
Le  Siècle  une  nouvelle  intitulée  :  On  ne  juge 
pas  un  mort,  et  dans  le  tome  XII  du  Livre 
des  Cent  et  Un  :  Paris  fashionable  en  minia- 
ture; il  a  rédigé  le  Bulletin  communal;  fondé 
Le  Journal  des  conseillers  municipaux,  Le 
Journal  des  conseils  de  fabrique;  dirigé  La 
Revue  parlementaire  et  administrative,  et, 
avec  M.  Belin,  La  Revue  municipale,  contenant 
toutes  les  matières  du  droit  communal ,  ou 
manuel  à  l'usage  des  administrateurs  et  des 
administrés  des  communes  de  France  ;  Paris, 
1841,  in-8°.  L.  L— t. 

Vapereau,  Dict.  univ.  des  Contemp.  —  Bourquelot  et 
Maury,  La  Littér  franc,  contemp. 

*lata  (  Léon),  auteur  dramatique  français, 
frère  du  précédent,  né  à  Paris,  en  1809.  Il  a 
été  pendant  quelque  temps  sous  bibliothécaire 
du  palais  de  Fontainebleau.  On  a  de  lui  :  La 
Liste  de  mes  Maîtresses,  comédie  en  un  acte 
mêlée  de  couplets  (  avec  M.  Regnault  )  ;  Paris, 
1838,  in-8°;  —  La  Lionne,  comédie  en  deux 
actes  mêlée  de  chant  (avec  M.  Ancelot  )  ;  Paris, 
1840,  in-8°;  —  Le  Hochet  dune  Coquette,  co- 
médie en  un  acte;  Paris,  1840,  in-8°;  —  L'Œil 
de  Verre,  comédie  en  un  acte  mêlée  de  chant  ; 
Paris,  1840,  in-8°;  —  Je  connais  les  Femmes, 
comédie  en  un  acte,  mêlée  de  chants;  Paris, 
1840,  in-8°;  —  Un  Mari,  du  bon  temps,  co- 
médie en  un  acte  mêlée  de  chants  (avec  M.  Re- 
gnault); Paris,  1841,  in- 8";  toutes  les  pièces 
qui  précèdent  parurent  sous  le  nom  de  Léon; 
—  Le  Premier  Chapitre,  comédie  en  un  acte 
mêlée  de  chant;  Paris,  1842,  in-8°  :  —  Une  Mai- 
tresse  anonyme,  comédie  en  deux  actes, 
mêlée  de  chant;  Paris,  1842,  in-8°;  — La  Peau 
du  Lion ,  comédie  en  deux  actes ,  mêlée  de 
chant;  Paris,  1844,  in-8°  ;  —  VÉtourneau, 
comédie  en  trois  actes  mêlée  de  couplets  (avec 
Bayard);  Paris,  1844,  in-8°;  —  Emma  ,  ou 
un  ange  gardien ,  comédie  en  trois  actes , 
mêlée  de  chant;  Paris,  1844,  in-8°;  —  Un 
Poisson  d'Avril ,  comédie  en  un  acte  mêlée  de 
couplets;  Paris,  1845,  in-8°;  —  Georges  et 
Maurice ,  comédie-vaudeville  en  deux  actes 
(  avec  Bayard  )  ;  Paris,  1846,'in-8°;—  Les  De- 
moiselles de  noce,  comédie-vaudeville  en  deux 

2. 


39  LAYA  — 

actes  lavcc.  Bavard  ),  au  Gymnase,  en  1846;  — 
La  Revlierclv  rie  l'inconnu  ,  comédie-  vaude- 
ville en  deux  actes,  jouée  au  théâtre  du  Palais- 
Royal,  en  1847;—  Un  Coup  rie  Lansquenet, 
comédie  en  deux  actes  en  prose;  Paris,  1847, 
in-18;  —  Léonie,  drame  en  un  acte  mêlé  de 
chants;  Paris,  1848,  in-18;  —  Rnge  d'Amour, 
ou  lajemme  d'un  ami,  vaudeville  en  un  acte 
(avec  Bayard);  Paris,  1849,  in-18;  —  Le 
Groom,  comédie  mêlée  de  couplets  (  avec  le 
même);  Paris,  1849,  in-18; — Les  Cœurs  a" Or, 
vaudeville  en  trois  actes  (  avec  M.  Jules  de  Pré- 
maray/,au  Gymnase, en  1854; Paris,  1854, in-18; 
—  Les  Jeunes  Gens ,  comédie  en  trois  actes  en 
prose,  au  Théâtre-Français,  en  1855;  Paris,  1856, 
in-18  ;  —  Les  Pauvres  d'esprit,  comédie  en  trois 
actes  et  en  prose ,  jouée  san*  succès  au  Théâtre- 
Français,  en  1 856;  Pans,  1857,  in-18  M.  Laya  a 
en  outre  fait  en  collaboration  avec  M  Carmouche 
L'Esclave  à  Paris,  et  avec  M.  Duveyrier  Le 
Portrait  vivant.  De  1844  à  1848,  il  a  publié  des 
articles  littéraires  dans  Le  Moniteur  universel. 

L.  L— t. 
Viiperean,  Met.  vniv.  des  Contemp.  —  Bourquelot  et 
Maur.v,  La  Littér,  Franc,  contemp. 

la  yard  (  Daniel-Pierre),  médecin  anglais, 
né  à  Greenwich,  mort  le  5  février  1802.  Il  prit 
le  grade  de  docteur  à  Oxford,  et  fut  nommé  mé- 
decin de  la  princesse  douairière  de  Galles,  mère 
de  Georges  111.  H  fut  ensuite  successivement 
vice- président  de  la  maison  d'accouchement  de 
Greenwich,  dont  il  avait  été  l'un  des  fondateurs, 
directeur  de  l'hôpital  français  (1775)  et  membre 
de  la  Société  royale  de  Goettingue  (1780)  et  de 
la  Société  des  Antiquaires  de  Londres.  On  a  de 
lui  :  An  Essay  on  the  nature,  causes  and 
cure  of  the  contagions  distemper  among  the 
horntd  caille  of  thèse  Kingdoms  ;  Londres, 
1757,  1770,  in-8°;  réimprimé  en  1780  dans  les 
Transactions  philosophiques  ; —  On  the  Use- 
fulness  of  inoculation  of  horned  Cattle; 
ibid.,  1760;  —  Essay  on  the  Eite  of  a  m  d 
dog  ;  ibid.,  1762,  1772,  in-12;  —  Directions  to 
prevenl  the  contagion  of  the.  joli  Distemper; 
ibid.,  1772,  in-8°;  —  Pharmacopée  a  in  us  uni 
Gravidarum,  Paerperarum  et  Infant 'um  re- 
cens-natorum ;  ibid  ,  1772,  1776,  in-8°.  On 
trouve  encore  plusieurs  dissertations  de  Layard 
dans  les  Transactions  philosophiques. 

P.  L-Y. 

Rose,  Riogruph.  Dictionary.  —  Callisen,  Lexikon. 

layakd  (  Charles- Pierre  ) ,  théologien  an- 
glais, fils  du  précédent,  né  ec  1748,  mort  le 
11  avril  1803.  Reçu  docteur  en  théologie,  il  fut 
membre  de  la  Société  royale,  prébendaire  de 
Worcester,  doyen  de  la  cathédrale  de  Bristol  et 
chapelain  ordinaire  du  roi.  On  a  de  lui  :  Cha- 
rity,  a  poetical  essay;  Londres,  1774,  in-4°; 
—  A  poetical  Essay  on  Duelling;  ibid.,  1776, 
in-4°  ;  —  et  quelques  Sermons.      P.  L — v. 

Haag  frères,  La  France  Protestante. 

layakd  (Austen  Henry),  archélogue  et 


LAYARD 


40 


voyageur  français,  né  à  Paris,  le  5  mars  1817,  ap- 
partient à  l'une  de  cesfamilles  de  protestants  fran- 
çais auxquelles  la  révocation  de  redit  de  Nantes  fit 
quitter  la  France.  Il  se  destina  d'abord  au  droit, 
auquel  il  renonça  bientôt  pour  voyager  en 
Orient.  Il  se  rendit  à  Constantinople,  et  visita  les 
différentes  parties  de  l'Asie  Mineure.  C'est  lui  qui 
lit  entreprendre,  avec  le  concours  de  son  ambas- 
sadeur, lord  Stratford  de  Radcliffe,  des  fouilles 
aux  environs  de  Mossoul,  qui  amenèrent  la  dé- 
couverte de  ces  magnifiques  monuments  de 
l'antique  Perse,  faussement  attribués,  selon 
M.  Hoefer,  aux  anciens  Assyriens.  Le  gouver- 
nement français  avait  déjà  chargé  M,  Botta  (voy. 
ce  nom  )  du  soin  de  diriger  des  fouilles  sur  ce 
même  territoire.  M.  Layard  en  1852  fut  atta- 
ché à  l'ambassade  de  la  Porte  ;  et  à  l'époque 
des  changements  opérés  à  la  suite  de  la  retraite 
de  lord  Palmerston  du  ministère  des  affaires 
étrangères,  il  devint  sous-secrétaire  d'État  au 
même  département.  Peu  après  il  fut  élu  membre 
du  parlement  pour  Aylesbury.  En  1853  il  accom- 
pagna lord  Stralford  de  Radcliffe,  qui  retournait 
à  Constantinople;  mais  comme  il  ne  partageait 
pas  les  vues  de  ce  diplomate,  il  le  quitta,  re- 
vint en  Angleterre,  et  reparut  au  parlement 
comme  l'un  des  plus  ardents  orateurs  sur  la 
question  d'Orient.  M.  Layard  repartit  en  1854 
pour  l'Orient,  où  il  fut  spectateur  des  événements 
qui  se  passaient  en  Crimée.  A  son  retour,  il  de- 
manda avec  instance  une  enquête  sur  l'état  de 
l'armée  anglaise,  et  prit  une  part  active  dans 
l'investigation  qui  mit  au  jour  l'incurie  de 
l'administration.  Après  la  formation  du  minis- 
tère de  lord  Palmerston,  il  devint  l'un  des  chefs 
de  Y  Administrative  Reform  Association. 
C'est  en  cette  qualité  qu'en  juin  1855  il  porta 
devant  la  chambre  des  communes  une  motion 
sur  la  nouvelle  confédération;  mais  elle  fut  re- 
poussée à  une  grande  majorité.  Ses  attaques 
personnelles  lui  firent  beaucoup  d'ennemis;  aussi 
en  1857  les  électeurs  d'Aylesbury  ne  le  renvoyè- 
rent pas  au  parlement.  On  a  de  M.  Layard  : 
Nineveh  and  its  remains;  Londres,  1849, 
in-8°;  —  Inscriptions  in  the  cuneiform  cha- 
racler  from  Assirian  Monuments,  discovered 
by  A.  H.  L.;  1851,  in-fol.;  —  A  popular  Ac- 
count of  Discoveiies  al  Nineveh...  abridged; 
Londres,  1851,  in-8°;  —  Inaugural  Address 
of  A.  H.  L.  on  his  installation  as  lord  Reclor 
of  the  Murischal  Collège  and  University  of 
Aberdeen;  —  Discoveries  in  the  Ruinsof  Ni- 
neveh and  Babylon,  with  travels  in  Armenia, 
Kurdistan  and  the  Désert,  being  the  resuit 
of  a  second  expédition  underlaken  for  the 
trustées  of  the  British  Muséum;  Londres, 
1H53,  in-8°;  —  A  second  Séries  <f  the  Monu- 
ments of  Nineveh...  from  drauings  tnade  on 
the  spot,  during  a  second  expédition  to  As- 
syria;  Londres,  1853,  in-fol.; —  The  Nineveh 
Court  in  the  Crystal  Palace;  Londres,  1854, 
in-8°  ;  —  The  Prospects  and  Conduct  of  the 


41  LAYARD 

War.  Speech  delivered  in  ihe  House  of  Com- 
monsondec,  in-12, 1854;  Londres,  1854,in-8"î 
—  The  Turkish  Question.  Speeches  delivered 
in  the  House  qfcommonsin  nig.  16,  1853, /eô., 
march.  31,  1854,in-8°.        J.  L.  deR.-F. 

Doc.  part.  —  Parlumentary  Débutes,  »~  avril  et  18  mai 
1853  —  Men  of  the  Time. 

* layens  [Mathieu  de),  architecte  belge, 
mort  à  Louvain,  vers  le  commencement  de  1484. 
Son  nom,  qui  ne  se  trouve  dans  aucune  b:ogra- 
phie,  a  été  révélé  au  public,  il  y  a  peu  d'années, 
par  les  recherches  de  M.  Edward  van  Even.  De 
Layens  fut  l'architecte  de  l'hôtel  de  ville  de  Lou- 
vain ,  l'un  des  chefs-d'œuvre  de  l'architecture 
ogivale  secondaire.  En  1445  il  devint,  selon  le 
langage  de  cetle  époque ,  maître  ouvrier  des  ma- 
çonneries de  la  ville.  Les  magistrats  ayant  formé, 
en  1447,  le  projet  de  construire  un  hôtel  de 
ville  digne  de  leur  riche  cité,  chargèrent  de 
Layens  d'en  dresser  le  plan.  La  première  pierre 
de  l'édifice  fut  posée  le  29  mars  1448  (  nouveau 
style  ) ,  par  Walther  van  Nethene ,  lieutenant 
mayeur,  et  Henri  van  Linthere,  bourgmestre. 
Les  travaux  de  construction  dirigés  par  l'habile 
auteur  du  plan  furent  achevés  en  1459,  et  les 
travaux  de  l'intérieur  en  1463.  Quinze  années 
furent  donc  nécessaires  pour  l'édification  «  du 
plus  élégant,  du  plus  gracieux,  du  plus  régulier 
des  monuments  civils  construits  en  Belgique 
sous  i'opulente  maison  de  Bourgogne  (1)  ».  On 
éleva  aussi,  dans  la  même  ville,  sur  les  plans  de 
Layens ,  en  1480,  l'ancien  local  des  serments  et 
des  chambres  de  rhétorique,  connu  sous  le  nom 
de  Table  ronde,  et  qui  fut  démoli  en  1S18.  L'ad- 
ministration municipale  de  Louvain  a  fait  placer 
dans  l'une  des  niches  de  l'hôtel  de  ville  la  statue 
de  cet  artiste  éminent.  E.  Régna rd. 

Archives  municipales  de  Louvain.  —  M  Edward  van 
Even,  NoUce  sur  Mathieu  de  l.ayens,  dans  L  Écho  de 
Louvain,  journal  de  la  ville  et  de  l'arrondissement, 
n°  du  7  mai  1848.  —  Compte  rendu  des  séances  de  la 
commission  royale  d'histoire,  tom.  XIV,  pag.  887. 

*  latnes  (  D.  Francisco  ),  missionnaire 
portugais,  né  à  Lisbonne,  en  1656,  mort  le  11 
juin  1715.  Il  s'appelait  dans  le  siècle  Francisco 
Troyano,  se  lit  jésuite  en  1672,  et  passa  à  la  côte 
de  Malabar  en  1681.  Après  avoir  débarqué  à 
Goa,  il  alla  se  fixer  à  Catour  dans  le  Maduré 
On  rapporte  qu'il  y  baptisa  13,600  individus,  en 
dépit  des  efforts  que  firent  les  brahmes  pour 
l'en  empêcher.  Après  vingt-deux  ans  d'apostolat, 
il  fut  appelé  à  Rome,  et  nommé  évêque  de  Me- 
liapour.  Il  se  rembarqua  en  1708  pour  les  Indes, 
et  après  dix-sept  mois  de  voyage  il  arriva,  le  25 
septembre  1709,  à  Goa,  où  les  autorités  hindoues 
lui  suscitèrent  mille  tracasseries  II  s'était  retiré 
dans  la  maison  des  jésuiies  à  Chandernagor 
lorsqu'il  mourut.  On  a  de  lui  :  Dcfensio  Imli- 
caritm  Vissionum  Madurensis  et  Carno/en- 
sis,editaocca.sione  decreti  ab  ilusfrissimo  do- 
mino Patriarcha  Antiocheno,  D.  Carolo  May- 
nard  de  Tour  non,   visitatore  aposlolico  in 

(I)  Expressions  de  M.  Van  Even. 


—  LAYS  42 

IndUs  orientations  ;  Rome ,   1707,   in-4°;  

Caria  escrita  de  Madure  aos  padres  da  com- 
panhia  missionarios  acerca  do  V.  P.  Joâo 
de  Rrifo  ;  elle  est  traduite  en  français  dans  les 
Lettres  édifiantes  et  curieuses,  t.  Il,  p.  1  à  56,  et 
elle  a  paru  également  dans  le  Mercure  sous  le 
titre  de  :  Lettre  du  P.  François  de.  La  y  nés  jé- 
suite, supérieur  de  la  mission  de  Madure  dans 
les  Indes,  dans  laquelle  il  rend  compte  de.  la 
mort  du  P.  Jean  de  Brito  ;  mars,  1 695.      F.  D. 

Barhnsa  Marhadn,  Biblintheca  Lu'itana.  —  Le  P.  Prat» 
Vie  de  Jean  de  liritn,  ï  vol.  tu  8°.  —  Franco.  Im-'igem 
da  virtude  vro  nooiciado  deCoimbra,  in-fol.  port.  2  vol. 

laynez,  deuxième  fondateur  de  l'ordre  des 
Ichutes.  Voy.  Leynez. 

lays  (François  Lay,  dit),  chanteur  fran- 
çais, né  le  14  février  1758,  à  La  Barthe-Nestès, 
bourg  de  l'ancienne  province  de  Gascogne,  mort 
à  Ingrande,  le  10  mars  1831.  11  fut  d'abord 
destiné  à  l'état  ecclésiastique,  et  entra  comme 
enfant  de  chœur  au  monastère  de  Notre-Dame 
de  la  Guaraison(  Hautes-Pyrénées  ),  où,  sous  la 
direction  du  maître  de  chapelle,  il  reçut  une 
bonne  éducation  musicale.  A  dix-sept  ans,  il  se 
rendit  à  Auch  pour  y  faire  son  cours  de  philoso- 
phie ;  il  revint  ensuite  dans  sa  soiitude  de  Gua- 
raison  afin  de  se  livrer  exclusivement  à  ses  études 
théologiques.  C'est  au  fjnd  de  cette  retraite 
qu'un  ordre  du  roi  vmt  le  chercher  et  le  força 
de  se  rendre  à  Paris  pour  être  entendu  à  l'Opéra. 
Bientôt  l'abbé  Lay  jeta  le  froc  aux  orties,  et ,  au 
mois  d'octobre  1779,  il  débutait,  sous  le  nom  de 
Lays,  dans  L'Union  de  l'Amour  et  des  Arts (l). 
Le  public  l'accueillit  favorablement,  et  le  compo- 
siteur Floquet  n'hésita  pas  à  lui  conutr  le  rôle 
du  bailli,  dans  Le  Seigneur  bienfaisant  (18  dé- 
cembre 1780),  dont  le  chanteur  qui  en  avait 
d'abord  été  chargé  s'était  fort  mal  acquitté  à  la 
première  représentation  II  fut  dès  lors  tout  à 
fait  adopté,  et  son  succès  s'est  constamment  sou- 
tenu; il  est  vrai  qu'il  conserva  jusque  dans  un 
âge  avancé  sa  voix,  qui  était  forte  et  puissante. 
Gros,  court ,  sa  structure  le  rendait  peu  propre 
à  l'emploi  tragique;  mais  ces  défauts  devenaient 
des  qualités  dans  le  genre  comique.  Panurye,  La 
Dandinière,  Husca  dans  La  Caravane,  mirent 
le  sceau  à  sa  réputation.  Après  quarante-trois 
ans  d'exercice,  Lays  prit  sa  retraite,  au  mois 
d'octobre  1822;  sa  représentation  à  bénéfice  eut 
lieu  le  Ie  mai  1823.  Lays  avait  embrassé  avec 
ardeur  les  principes  de  la  révolution.  Mission- 
naire d'anarchie,  il  parcourut,  en  1795,  les  pro- 
vinces du  midi,  cherchant  à  y  propager  le  sys- 
tème de  la  terreur;  ce  qui  lui  suscita  quelques 
tracasseries  contre  lesquelles  il  essaya  de  se  dé- 
fendre par  la  publication  d'un  mémoire  apolo- 
gétique ,  intitulé  :  Lays ,  artiste  du  Théâtre 
des  Arts,  à  ses  concitoyens  ;  1795,  in-s°  de  12 
pages.  Cet  écrit  est  devenu  très-rare.  Plus  heu- 


(l!  Ballet  héroïque,  en  trois  actes,  de  Lemonnier  el 
Floquet,  représenté  pour  la  première  fots  le  7  sep- 
tembre 1772. 


43 


LAYS  — 


reux  que  quelques-uns  de  ses  camarades,  il 
échappa  toutefois  aux  vengeances  des  réactions, 
et  la  seule  expiation  qu'on  lui  fit  subir  consista 
à  (hanter  le  Réveil  du  Peuple,  après  le  9  ther- 
midor. Encore  ne  l'acheva-t-il  pas;  car,  pâle  et 
tremblant,  à  peine  avait  il  commencé  le  chant 
exigé,  au  milieu  des*huéeset  des  menaces,  qu'au 
troisième  vers  le  public  l'interrompit,  en  le  dé- 
clarant indigne  de  faire  entendre  cet  hymne  de 
régénération,  que  Lainez  fit  alors  retentir  au  mi- 
lieu de  l'enthousiasme  général  (t).  C'est  encore 
Lays,qui,  le  1er avril  1814,  fut  obligé  de  chanter, 
à  la  fin  du  spectacle ,  l'air  populaire  Vive 
Henri  IV!  en  présence  des  souverains  alliés. 
Lays,qui  avait  conservé,  môme  après  sa  retraite, 
les  fonctions  de  professeur  de  chant  au  Conser- 
vatoire de  Musique,  auxquelles  il  avait  été 
nommé  en  1819,  s'en  démit  volontairement  au 
mois  de  décembre  1826,  et  quitta  tout  à  fait  Paris 
pour  se  retirer  dans  une  petite  propriété  qu'il 
avait  acquise  sur  les  bords  de  la  Loire.  Il  n'avait 
pas  été  étranger,  dit-on,  à  l'arrangement  de 
Bocchoris,  dans  les  Mystères  d'Isis  (  23  août 
1801  ),  et  passait  pour  avoir  écrit  le  rôle  de 
Saûl,  dans  l'oratorio-pastichedecenom  (6  avril 
1803).  Ed.  de  Manne. 

Histoire  de  l'Opéra,  par  Castil-Blaze.  —  Alrnanach 
Musical.  —  Fétis,  biographie  des  Musiciens. 

Lazare,  archevêque  d'Aix,  mort  dans  la  pre- 
mière moite  du  cinquième  siècle.  On  suppose 
qu'il  fut  élevé  sur  le  siège  d'Aix  en  408,  qu'il 
abdiqua  le  gouvernement  de  cette  église  en  4 1 1 , 
après  la  mort  de  Constantin.  Mais  ce  sont  des 
conjectures  auxquelles  on  peut  en  opposer  d'au- 
tres. Quoi  qu'il  en  soit,  il  se  fait  compter  avant 
l'année  415  au  nombre  des  adversaires  les  plus 
ardents  de  Pelage  et  de  son  disciple  Cœlestius. 
Le  concile  de  Diospolis,  assemblé  le  20  décembre 
415,  condamna  la  doctrine  attribuée  à  Pelage, 
sur  la  dénonciation  écrite  de  Lazare,  archevêque 
d'Aix  et  de  Héros,  évêque  d'Arles.  Cependant 
Pelage  avait  été  assez  habile  pour  persuader  aux 
évêques  d'Orient  qu'il  n'avait  jamais  lui-même 
professé  les  erreurs  qui  lui  étaient  imputées. 
C'est  pourquoi  Héros  et  Lazare,  après  la  clôture 
du  concile  de  Diospolis,  adressèrent-ils  aux 
évêques  d'Afrique,  qui  devaient  bientôt  se  réu- 
nir à  Carthage  et  à  Milère,  de  nouveaux  actes 
d'accusation  contre  les  deux  hérétiques.  Pelage 
et  Nestoiïus  furent  alors  définitivement  condam- 
nés Les  lettres  du  pape  Zosime  sont  pleines 
d'invectives  contre  Lazare.  On  y  voit  que  ce 
pape,  considérant  les  dénonciateurs  de  Pelage 
comme  des  agitateurs  mal  inspirés,  les  priva  de 
la  communion  ecclésiastique ,  et  plaida  vivement 
la  cause  de  leurs  contradicteurs.  Il  ne  faut  pas 
s'en  étonner.  Les  opinions  les  plus  contraires 


;1)  Le  Réveil  du  Peup'e  avait  pour  auteur  de*  paroles  : 
Souriguères  de  Saint-Marc,  Claveaux,  acteur  de  l'Opéra- 
Comique  et  compositeur,  en  avait  fait  la  musique.  Ses  frè- 
res, éditeurs  de  musique,  en  vendirent  3J.O0O  exemplaires 
en  deux  jours- 


LAZERI  44 

avaient  alors  un  nombre  à  peu  près  égal  de  fa- 
natiques adhérents.  Tel  docteur  condamné  comme 
hérétique  à  Antioche  ,  à  Carthage ,  passait  pour 
un  martyr  de  l'orthodoxie  à  Rome  ou  à  Lyon. 
Il  ne  faut  donc  pas  accepter  à  la  lettre  tout  ce 
qu'écrivent  les  uns  contre  les  autres  les  évêques 
de  ce  temps-là.  B.  H. 

S.  Augustin,  Epistolse,  passim,  et  Gesta  Pelugii.  — 
Marius  Mercatnr,  Commonitorium.  —  Zosimi ,  Epistolse, 
a  J.  Sirmondo  editse.  —  Gallia  Christ.,  t.  1,  col.  299.  — 
Hist.  Litt   de  la  France,  t.  II,  p.  147. 

Lazare,  krale  ou  despote  de  Servie,  mis  à 
mort  en  1389.  L'empire  servien,  fondé  par  Dou- 
khan  fut  démembré  après  sa  mort,  et  lorsque 
les  Ottomans  sous  Amurat  attaquèrent  les  Slaves 
du  Danube,  ils  trouvèrent  les  Serves  divisés 
entre  plusieurs  despotes  dont  les  deux  princi- 
paux étaient  Woukaschin  et  Lazare,  lequel  pas- 
sait pour  être  un  fils  naturel  de  Ooukhan,  et 
régnait  au  nord-ouest  de  la  Servie  dans  le  pays 
nommé  Syrmie.  Woukaschin  perdit  la  couronne 
et  la  vie  dans  sa  lutte  contre  Amurat,  et  Lazare 
n'obtint  la  paix  qu'en  s'engageant  à  fournir  au 
sultan  mille  cavaliers  et  mille  livres  d'or  (1375). 
Il  agrandit  ses  États  d'abord  de  l'héritage  de 
Woukaschin,  puis  par  la  réunion  des  domaines 
de  plusieurs  autres  petits  princes.  Le  peuple 
crut  que  la  grandeur  du  règne  de  Doukhan  allait 
renaître,  et  le  clergé  engagea  Lazare  à  prendre  le 
titre  de  tzar.  La  Servie  jouit  pendant  dix  ans 
d'un  repos  troublé  seulement  par  des  escar- 
mouches à  la  frontière;  mais  en  1387  Lazare 
voyant  Amurat  occupé  en  Asie  contre  les  Kara- 
maniens,  résolut  de  profiter  de  cette  circonstance 
pour  s'affranchir  du  tribut  qu'il  payait  au  sultan. 
Il  s'allia  à  Sisman,  krale  de  Bulgarie,  et  défit  un 
corps  d'Ottomans  qui  ravageait  la  Bosnie.  A  cette 
nouvelle  Amurat  envoya  en  Europe  son  grand- 
vizir  Ali ,  et  ne  tarda  pas  à  venir  diriger  en  per- 
sonne la  guerre  contre  les  deux  princes  chré- 
tiens. Sisman,  vaincu,  se  soumit.  Lazare  soutint 
la  lutte  avec  les  auxiliaires  qui  lui  vinrent  de 
Bosnie,  d'Herzegowine,  d'Albanie,  de  Valachie. 
L'armée  chrétienne,  redoutable  par  le  nombre  et 
le  courage,  mais  indisciplinée,  rencontra  les  mu- 
sulmans dans  la  plaine  de  Kossovo  (champ  des 
merles  ,  Amselfeld  en  allemand  ,  Rigomazen 
en  hongrois  ).  La  bataille  se  termina  à  l'avantage 
des  Ottomans  (1)  (Voy.  Amurat.)  Z. 

Ducas,  Historia  Byzantina.  —  Engel ,  Histoire  de  la 
Servie.  —  Wuk  Stephanowitch ,  Chants  populaires  de 
ta  Servie,  trad.  en  français  par  Mme  Élisa  Voïarl.  — 
Hanimcr,  Histoire  des  Ottomans,  1.  V. 

lazeri  (Le  P.  Pierre),  écrivain  ecclésias- 


(1)  Amurat  tomba  dans  l'action  mortellement  blessé 
par  le  Serve  Mllosch  Kobilovitch,  et  Lazare,  fait  prison- 
nier, fui  égorge  par  l'ordre  du  sultan  mourant.  Les  chro- 
niques turques,  les  chants  populaires  de  la  Servie  et 
l'histoire  byzantine  varient  beaucoup  sur  les  détails  de 
cette  mémorable  bataille  ;  mais  elles  s'accordent  à  la  re- 
présenter comme  le  dernier  jour  de  l'indépendance  sur- 
vienne Etienne  Lazarewitch,  fils  de  Lazare,  lui  succéda 
dans  le  titre  de  despote,  et  régna  sous  la  suzeraineté  des 
Ottomans.  11  mourut  sans  postérité,  et  légua  la  couronne 
à  Georges  Brankowitch. 


45 


LAZERI  —  LAZZARELLI 


46 


tique  italien,  né  à  Sienne,  en  1710,  mort  à  Rome, 
au  mois  de  mars  1789.  Il  entra  dans  l'ordre  des 
Jésuites,  et  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie 
à  Rome  en  qualité  de  professeur  d'histoire  ec- 
clésiastique et  de  bibliothécaire  du  collège  ro- 
main. A  la  suppression  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
il  se  démit  de  ses  emplois ,  qui  lui  avaient  été 
conservés  par  une  honorable  exception,  et  accepta 
la  place  de  bibliothécaire  du  cardinal  Zelada.  Ses 
travaux  sur  l'histoire  ecclésiastique  sont  consi- 
déraLles  et  ne  manquent  pas  de  critique.  Voici 
les  titres  des  principaux  :  Thèses  selectae  ex 
historia  ecclesiastica  :  de  persecutionibus  in 
Ecclesiam  excitatis  sevo  apostolico;  Rome, 
1649,  in-4°; —  De  factis  sseculi  qiïtnti  ;  ibid., 
1751  ;  —  De  Arte  Critica  et  gêner alibus  ejtis 
regulis  ad  historiam  ecclesiasticam  relatïs; 
ibid.,  1754, —  De  Conciliis  romanis  prioribus 
qu-atuor  Ecclesise  sxculis;  ibid.,  1755;  —  De 
veraetfalsa  Traditione  Historica  ;ibid.,  1755; 

—  De  Hseresi  Marcionitarum ;  ibid.,  1775;  — ■ 
De  falsa  veterum  christianorum  rituum  a 
rïtibus  ethnicorum  Origine ;ibid.,  1777;  —  une 
Notice  sur  Perpinien  publiée  en  tête  de  ses 
Œuvres.  Lazeri  est  l'éditeur  des  Miscellanea 
ex  mss.  libris  bibliothecas  collegii  romani 
Soc.  Jesu;  Rome,  1754-1757,  2  vol.  in-8°.  Z. 

Caballero ,  Supplementum  bibliothecas  Societatis  Jem. 

—  Zaccaria,  Istoria  letleraria  d'Italia,  t.  X,  p.  S18. 

lazius  (  Wolfgang),  philologue  et  historien 
allemand,  né  à  Vienne,  le  31  octobre  1514,  mort 
le  20  juin  1565.  Il  accompagna  en  1532  dans  les 
Pays-Bas  et  en  France  le  jeune  Staremberg,  dont 
il  était  le  précepteur.  Reçu  docteur  en  médecine 
à  Ingolstadt,  il  exerça  sa  profession  à  Neustadt, 
petite  ville  dans  les  environs  devienne,  et  devint 
médecin  de  rém'ment  à  l'armée  de  Hongrie.  Vers 
1540  il  fut  nommé  professeur  de  belles  lettres,  et 
peu  de  temps  après  professeur  de  médecine  à 
l'université  de  Vienne.  C'est  vers  cette  époque 
qu'il  se  mit  à  faire  dans  les  archives  et  dans  les 
bibliothèques  des  recherches  sur  l'histoire  de  son 
pays  natal.  Les  ouvrages  qu'il  publia  sur  ce  su- 
jet attirèrent  sur  lui  l'attention  de  l'empereur 
Ferdinand  Ier,  qui  le  nomma  son  médecin  et  son 
historiographe.  Lazius  avait  beaucoup  d'érudi- 
tion ;  mais  on  peut  lui  reprocher  de  manquer  de 
critique  et  de  s'être  appuyé  sur  des  documents 
contestables.  On  a  de  lui  :  Vienna  Austriee,  seu 
rerum  Viennensium  commentant  ;  Bàle,  1546, 
in-fol.  ;  beaucoup  d'erreurs  ont  été  relevées  dans 
ce  livre  par  Lambecius; —  ReipubUcœ  Romanai 
in  exteris  provinciis  bello  acquisitis  consti- 
tutae,  commentariorum  libri  XII,  in  quibus 
munia,  tam  mîlitaria  quam  civilia,  ritus 
denique  cuncti  explicantur  et  partim  repree- 
sento.ntur ;  Bàle,  1551,  in-fol.;  Francfort,  1598, 
in-fol.;  avec  des  additions  de  Et.  Zamoski, 
compilation  assez  savante,  mais  faite  sans  ordre 
et  sans  jugement;  —  De  Gentium  aliquol  Mi- 
grationibus,  reliquiis,  linguarumque  initiis 
et  immutationibus  ;  Bàle,  1557  et  1572,  in-fol.  ; 


Francfort,  1600,  in-fol.,  ouvrage  défectueux;  — 
Commentationum  Rerum  Grgecarum  Libri  II  ; 
Vienne,  1558,  in-fol.;  Hanau,  1605,  in-fol.;  in- 
séré dans  le  t.  VI  du  Thésaurus  Antiquitatum 
Grsecarum  de  Gronovius,  sous  le  titre  de  :  Grx- 
cia  yiumismatibus  illustrata;  —  Commen- 
tarius  in  antiquas  urbis  Viennensis  in- 
scriptiones  opéra  H.  Schallanczeri  erutas; 
Vienne,  1560,  in-fol.;  —  Commentariorum  in 
genealogiam  Austriacam  libri  II  ;  Bàle,  1564, 
in-fol.  ;  —  Conjurationis  Smalkaldensis  Li- 
bri III  ;  —  Rei  contra  Turcasgestse  anno  1556 
Descriptio,  dans  le  tome  II  des  Scriptores  Re- 
rum Germanicarum  de  Echard  et  dans  les 
Scriptores  Rerum  Hungaricarum  de  Bongars; 
—  dans  le  Theatrum  d'Ortelius,  les  cartes  de 
l'Autriche,  de  la  Hongrie,  du  Tyrol,  de  la  Ca- 
ry nthie,  de  la  Styrie  et  de  la  Carniole  ont  été 
faites  sur  les  mémoires  géographiques  de  La- 
zius qui  se  trouvent  à  la  bibliothèque  de  Vienne. 

E.  G. 
Diom.  Cornarius,  Oratio  in  funere  W '.  Lazii  (  Vienne, 
1665,  ln-4°).  —  Panlaleo  ,  Prosopographia.  —  Adami, 
Vitx  German.  Medicorum.  —  Nicéron,  Mémoires, 
t.  XXXI.  —  Lambecius,  Comment,  bibl.  vindob.,  tom.  I, 
p  37.  —  Pope-Blount ,  Censura.  —  Crenius,  Anïmadver- 
siones.  —  j.  Fabricius,  Hlst.  Bibl.,  pars  III,  p.  34.  — 
Sax,  Onomasticon,  t  III,  p.  201  et  628. 

lazzarelli  (  Louis  ),  philosophe  et  poëte 
italien,  né  en  1450,  à  San-Severino,  dans  la  marche 
d'Ancône,  mort  le  23  juin  1500.  Le  seul  fait  no- 
table de  sa  vie,  c'est  qu'il  fut  honoré  de  la  cou- 
ronne de  laurier  par  l'empereur  Frédéric  III. 
Les  ouvrages  qui  lui  valurent  cette  distinction 
sont  depuis  longtemps  oubliés.  En  voici  les 
titres  :  Crater  Ber métis,  dialogue  philosophique 
publié  à  la  suite  de  la  traduction  latine  du  Pi- 
mander  de  Mercure  Trismégiste,  sans  date, 
in-4°,  et  dans  l'édition  de  Lefebvre  d'Étaples  ; 
Paris,  1505,  in-4°.  Gabriel  du  Préau  l'a  traduit 
en  français  sous  ce  titre  :  Le  Bassin  d'Hermès, 
Paris,  1577,  in-8°,  et  Du  Verdier  a  donné  dans 
sa  Bibliothèque  Française  un  long  fragment  de 
cette  traduction;  —  Asclepii  seu  Œsculapii 
Definitiones  ad  Ammonem  regem  e  grœc.  in 
lat.  traductse,  publiées  par  S.  Champier,  dans 
\eLiber  de quadruplici  Vita,  Lyon,  1507,  in-4°, 
et  le  Duellum  epistolare  Galliee  et  Italias  an- 
tiquïtates  complectens  ;  Lyon,  1519,  in-8°;  — 
Bombyx;  1518,  in-4°:  curieux  poëme  latin  sur 
le  ver  à  soie  qui  précéda  celui  de  Vida  sur  le 
même  sujet;  l'abbé  Lancellotti  en  donna  une  se- 
conde édition;  1765,  in-4°;  —  Fasti  Sacri, 
restés  inédits  et  dont  il  existe  un  manuscrit  dans 
la  bibliothèque  Brera  à  Milan.  Z. 

Lancellotti,  Notice  sur  Lazzarelli,  en  tête  de  son  édi- 
tion du  Bombyx.  —  Du  Verdier,  Bibliothèque  française , 
t.  IV,  601,  édition  Ae  Rigorey  de  Juvif»ny.  —  Tiraboschi, 
Storia  délia  Letteratura  italiana,  t  VI,  part.  II,  p.  282. 
lazzvrklli  (Jean-François),  poëte  ita- 
lien, né  à  Gubbio,  en  1621 ,  mort  à  La  Mirandole, 
en  1694.  Après  avoir  exercé  différentes  charges 
dans  le  gouvernement  pontilieal,  il  passa  en  1661 
au  service  du  duc  Alexandre  Pic  de  La  Miran- 


47 


LAZZARELLI  —  LAZZARINI 


4S 


dole,qui  le  fit  son  conseiller  et  le  nomma,  en 
1682,  prévôt  de  l'église  de  La  Miranriole.  Lazza- 
relli  faisait  partie  de  l'Académie  des  Arcades, 
sous  le  nom  d'AUemione  Sépale.  «  Il  fut,  dit 
Tiraboschi,  du  petit  nombre  des  poètes  qui  ne 
suivirent  pas  le  mauvais  goût  du  siècle,  et  ai- 
mèrent mieux  prendre  la  vote  frayée  par  des 
écrivains  plus  élégants.  Il  serait  à  désirer  qu'il 
eût  exercé  son  style  sur  un  plus  digne  sujet,  et 
qu'il  n'eût  pas  employé  son  talent  à  mordre  et 
à  déchirer  l'infortuné  Don  Ciccio,  c'est  à-dire 
Bonaventura  Arrighini,  son  collègue  dans  le  tri- 
bunal de  ta  Rote  de  Macerata.  »  L'ouvrage  dont 
parle  Tiraboschi  est  intitulé  Cicceide  légitima. 
C'est  une  série  de  sonnets  dans  lesquels  il  tourne 
en  ridicule  avec  beaucoup  de  verve  et  trop  de 
cynisme  un  de  ses  collègues  de  la  Rote.  Cette 
amusante  et  licencieuse  production,  que  Lazza- 
relli  ne  destinait  pas  au  public,  parut  sans  son 
aveu  dans  une  édition  incorrecte  ;  —  Cosmopoli 
(sans  date),  1691,  in-8°;  une  seconde  édition, 
corrigée  et  augmentée,  fut  publiée  à  Paris,  1692, 
in-12.  Il  en  existe  plusieurs  autres  éditions;  la 
meilleure  est  celle  de  Pérouse,  1774,  in- 8°.    Z. 

Sébastien  Ranghiasci,  Vita  di  J.-Fr.  iMzzarelli.  — 
Tiraboschi,  Sloria  délia  Ixtterulura  Itahann,  t.  VIII, 
p  3'8.  —  Gamba,  Série  dei  Testi  di  Lingua.  —  Bayle, 
Dictionnaire  Historique. 

lazzaki  {Michèle),  antiquaire  italien,  né  le 
13  décembre  1694,  à  Venise,  où  il  est  mort,  en 
1770.  Il  suivit  les  cours  de  l'université  de  Pa- 
doue,  y  fut  reçu  docteur  en  droit,  et,  de  retour 
dans  sa  vide  natale,  fut  attaché  à  l'administration 
de  l'artillerie.  Il  est  auteur  de  plusieurs  mémoires 
sur  les  antiquités  et  la  numismatique,  notam- 
ment :  Confutazioni  di  alcuni  Errori  di  Ber- 
nardino  Zannet/i  nella  Storia  del  regno  de' 
Longoùardï;  RôveféSo,  1746,  in-4°;  —  Appen- 
dice a'  Discorsi  apologetici  sopra  la  cilla  di 
Asolo  èilsuo  Vescovado;  Ferrare,  1752,  in-4°. 

K. 

Novelle  Letterarie;  1759,  p.  642-667.  —  Tipaldo,  liiogr. 
degli  ltaliani  illustri,  X 

lazzaki  (  Donato).  Voy.  Bramante. 

lazzakim  (Gre^ono),  peintre  de  l'école 
vénitienne,  né  à  Venise,  en  1655,  mort  en  1730. 
Élève  du  Génois  Francesco  Rosa,  il  s'éloigna  du 
style  sombre  et  ténébreux  de  son  maître,  et  de- 
vint un  des  meilleurs  peintres  que  Vernse  ait 
possédés  à  la  fin  du  dix-septième  siècle.  Quoi- 
qu'il ne  se  soit  jamais  éloigné  de  sa  patrie,  il 
montre  dans  ses  ouvrages  une  pureté  de  dessin 
vraiment  raphaélesque,  jointe  à  un  coloris  digne 
de  l'école  vénitienne,  et  à  un  grandiose  qui 
vappeilecelle  des  Can  ache.  Carlo  Maratta,  qui  ne 
prodiguait  pas  les  éloges  à  ses  contemporains, 
savait  lui  rendre  justice,  car  il  refusa  de  l'acre,  un 
tableau  pour  la  salle  du  scrutin  du  palais  des 
doges,  disant  à  l'ambassadeur  vénitien  que  quand 
on  avait  à  Venise  le  Lazzarini,  il  était  inutile 
de  venir  chercher  un  peintre  a  Rome.  Lazzarini 
justifia  cette  généreuse  îvcomman  lation  en  pei- 
gnant pour  l'arc  de  triomphe  érigé  dans  cette 


salle  six  sujets  allégoriques  en  l'honneur  de  Mo- 
rosini  le  Peloponésien.  Ces  compositions  ne  sont 
guère  inférieures  en  mérite  au  beau  tableau  de  i'é- 
glise  Sainl-l'ierre,  qui  passe  pour  le  chef-d'œuvre 
de  Lazzarini,  Saint  Laurent  Giushmuni  dis- 
tribuant des  aumônes.  Venise  possède  encore 
de  ce  maître  La  Chute  de  la  Manne  à  Saint- 
Jean-et-Paul,  Le  Ravissement  de  saint  Paul 
àSaint-Eustache,  Saint  Gervais  et  saint  Protais 
dans  leur  église,  V  Adoration  des  Mages  à  Saint- 
Clément,  et  L' Adoration  du  Veau  d'or  à  Saint- 
Michel  de  Murano. 

Lazzarini  excella  aussi  dans  les  figures  de  pe- 
tite proportion,  comme  il  l'a  prouvé  pour  les 
sujets  de  l'histoire  sainte  qu'il  a  peints  sur  le 
garde  fou  de  l'orgue  de  Sainte-Catherine  à  Vi- 
cence.  La  même  église  possède  de  lui  une  Sainte 
Cécile.  Il  eut  pour  élèves  sa  sœur  Elisabetta , 
née  en  1662,  Giuseppe  Camerata  et  Silvestro 
Manaigo.  E.  B— n. 

Orlandi ,  Abbecedario.  —  Lanzi ,  Storia  Pittorica.  — 
Zaneiti,  Délia  Pittnra  Veneziana.  —  Longhi ,  Compen- 
dio  délie  Vite  de'  Pitlori  Peneziani.  -  Ticozzi.  Dizio- 
nario.  —  Viardot,  Musées  de  l  Europe.  —  A.  Quadri, 
Otto  Giorni  in  f-'enezia.  —  Bertese,  Guida  per  Vicenza. 

lazzarini  (Dominique),  poète  italien, né  à 
Morrovalle,  près  de  Macerata,  le  20  août  1668, 
mortà  Padoue,  le  22  juillet  1734.  Il  fit  ses  études 
chez  les  jésuites  de  Macerata,  et  obtint  à  dix- 
neuf  ans  le  grade  de  docteur  en  théologie  et  en 
jurisprudence.  S'apercevant  qu'il  n'avait  jusque 
là  appris  que  des  mots,  il  s'enferma  dans  sa  cam- 
pagne de  Morrovalle,  et  sans  autres  maîtres 
que  des  livres,  il  refit  son  éducation;  puis,  muni 
d'une  solide  instruction  classique  et  d'une  con- 
naissancede  l'italien  littéraire  rare  à  cette  époque, 
il  revint  à  Macerata,  et  attaqua  sans  ménagement 
l'enseignement  des  jésuites.  Il  fut  nommé  en 
1690  professeur  de  jurisprudence  à  l'université 
de  Macerata,  et  promu  l'année  suivante  à  la 
chaire  de  droit  canonique.  L'étude  approfondie 
qu'il  avait  faite  des  œuvres  de  saint  Augustin 
lui  valut  cette  place.  Mais  il  était  bien  plus  lit- 
térateur que  théologien,  et  son  principal  mérite 
fut  de  ramener  la  poésie  italienne  dégénérée  vers 
l'imitation  des  modèles  toscans  depuis  Dante  jus- 
qu'à Ange  Politien.  En  1711  il  fut  nommé  pro- 
fesseur de  littérature  grecque  et  latine  à  Padoue. 
Son  interminable  polémique  contre  l'enseigne- 
ment des  jésuites  et  ses  censures  toujours  sé- 
vères, souvent  injustes  des  poètes  contemporains, 
l'exposèrent  à  des  haines  qui  survécurent  même 
à  sa  mort.  On  a  de  lui,  outre  des  opuscules  peu 
importants:  Oralio pro optimis  studiis,  habita 
in  gijmnasio  palavino;  Padoue,  1711;  — 
Ulisse  il  Giovane,  tragédie;  1720,  in-8°.  Cette 
tragédie,  imitée  du  théâtre  grec,  parut  barbare  à 
plusieurs  critiques,  et  Zaccaria  Valaresso  en  pu- 
blia, sous  le  titre  de  Rutzvanchad  il  Giovane, 
une  parodie  qui  eut  beaucoup  de  succès,  et  qui 
a  été  réimprimée  avec  VQiisse  dans  le  Nuovo 
Teatro  Italiana;  Venise,  1743;  —  La  Sanesc, 
comédie;  Venise,  1734;  —Poésie;  1736,  in-S".- 


49  LAZZARIN1 

recueil  de  diverses  compositions  de  Lazzarini 
qui  avaient  déjà  paru  séparément.  On  y  trouve 
un  grand  nombre  de  sonnets,  neuf  Canznni, 
YVlisse,  Tobin,  drame  sacré,  une  traduction  de 
l'Electre  de  Sophocle,  quelques  vers  grecs  et 
latins;  — Osservazioni  sopra  la  Mcrope  del 
sig.  Mardi.  Scipione  Md/fei,  ed  altre  varie 
opérette,  parte  finora  quàe  là  disperse,  parte 
non  pubblicate;  Rome,  1743,  in-4°;  —  Tre 
Letlere  mile  quali  si  prova  che  Verona  ap- 
parient ai  Cenomani;  Brescia,  1745,  in-4°;  — 
Note  ed  osservazioni  al  Lucrezio  Caro  di  Ates- 
sandro  Marchetti  ;  Londres,  Venise,  1764, 2  vol. 
in-4°.  Z. 

Fabroni,  Vitx  Itnlorum,  t.  XIV.  —  Tipaldo,  Bioyrafia 
degli  ltaliani  iltiistri,  vol.  I. 

lazzarini  (Le chanoine  Giovanni- Andréa), 
littérateur  et  peintre  de  l'école  bolonaise,  né  à 
Pesaro,  en  1710,  mort  en  1801.  Élève  de  Fran- 
cesco  Mancini,  il  mania  le  pinceau  avec  une  telle 
habileté,  il  écrivit  sur  les  arts  avec  tant  dégoût, 
d'érudition  et  de  talent,  qu'il  serait  difficile  de 
décider  à  quel  titre  il  a  le  mieux  mérité  de  la 
postérité.  Un  glorieux  et  double  témoignage  a 
été  rendu  à  sa  valeur  artistique  et  littéraire  par 
le  célèbre  Alg^rotti,  qui  d'un  côté  déclare  avoir 
beaucoup  profité  de  ses  écrils  pour  composer 
son  fameux  traité,  Saggio  sulla  Pïtiura,  et  de 
l'autre  hii  commanda  pour  sa  galerie  deux  ta- 
bleaux, Là  mort  d'Archimèrle  et  Cinciunutus 
appelé  à  la  dictature.  Le  savoir  de  l'érudit  se 
retrouve  tout  entier  dans  les  œuvres  du  peintre; 
chaque  détail  y  est  conforme  à  l'histoire ,  et  on 
n'y  rencontre  aucun  de  ces  anachronismes  si 
fréquents  dans  les  ouvrages  même  des  plus 
grands  maîtres  ;  l'architecture  est  pure  et  de  bon 
goût,  la  perspeclive  irréprochable,  le  faire  facile 
et  sans  négligences;  le  coloris  seul  est  parfois 
un  peu  faible,  surtout  dans  la  seconde  moitié  de 
sa  vie.  Absorbé  par  ses  études  et  les  devoirs  de 
son  état,  Lazzarini,  malgré  la  durée  de  sa  longue 
carrière,  n'a  malheureusement  pas  laissé  un  grand 
nombre  de  tableaux  ;  on  en  trouve  cependant 
plusieurs  dans  les  églises  de  Pesaro,  dans  les 
cathédrales  d'Osimo  et  de  Foligno,  à  Saint-Au- 
gustin d'Ancône,  à  Saint-Dominique  de  Fano  et 
à  Saint-Jacques  de  Forli.  Son  chef-d'œuvre  est 
La  Vierge  avec  sainte  Catherine  et  le  bien- 
heureux Marco  Fantuzzi ,  qu'il  peignit  pour 
la  chapelle  des  comtes  Fantuzzi  à  Gualdo,  dans 
le  diocèse  de  Rimini.  La  sainte  et  l'un  des  anges 
sont,  dit  Lanzi,  dignes  de  Raphaël. 

L'Italie  compte  peu  d'écrivains  qui  puissent 
être  comparés  à  Lazzarini  lorsqu'il  traita  des 
sujets  relatifs  à  la  peinture;  la  Description  des 
Tableaux  de  la  cathédrale  d'Osimo,  le  Cata- 
logue des  Peintures  des  églises  de  Pesaro,  les 
Dissertations  sur  les  diverses  branches  de 
l'art  qu'il  écrivit  pour  l'académie  de  Pesaro, 
où  il  professa  gratuitement  depuis  1753 ,  sont 
des  ouvrages  qui  accusent  dans  leur  auteur  une 
science  profonde  et  le  sens  le  plus  exquis  du 


—  LEAKE  hO 

beau  et  du  vrai  dans  les  arts.  Il  compta  parmi 
ses  élèves  son  neveu  Placido  Lazzarini.  Les 
Œuvres  de  Lazzarini  ont  été  publiées  à  Pesare; 
1806,  2  vol.  E.    B— n. 

Fantuzzi,  Kotizie  del  canonieo  fjizzarini.  —  Lanzi, 
Storia  delta  PUliira.—  T.tciuzl,  Dizionano.  —  AI.  Mag- 
glore.Le  Pilture,  Scuititre  e  Archiiettnre  délia  i-ittà 
d' Jncona  —  (iuida  per  la  città  di  Forli.  —  Tipaldo, 
Bioiirafla  degli  ltaliani  itlustri,  t.  IV. 

leade  (Jeanne),  femme  mystique  anglaise, 
née  en  1623,  morte  le  19  août  1704.  Devenue 
veuve  d'un  négociant  qui  lui  laissa  une  fortune 
considérable ,  elle  se  laissa  aller  aux  rêveries  du 
mysticisme,  dont  les  ouvrages  de  Bœhm  avaient 
chez  elle  développé  le  goût.  Après  s'être  associée 
aux  coneiliabules  d'une  secte  d'illuminés  orga- 
nisée par  le  médecin  John  Pordage ,  elle  institua 
une  sorte  de  culte  secret  en  l'honneur  de  la  sa- 
gesse féminine,  dont  elle  emprunta  le  type  à  une 
des  figures  allégoriques  du  philosophe  allemand  ; 
s'en  déclarant  exclusivement  l'organe ,  elle  fonda 
la  société  des  Philadelphes,  et  publia  une  suite 
de  révélations ,  d'après  lesquelles  le  règne  millé- 
naire devait  rétablir  toutes  choses  suivant  le  plan 
divin.  Jeanne  Leade  occupait  parmi  les  théoso- 
phes  un  rang  distingué,  s'il  faut  en  croire  la  cor- 
respondance de  Saint-Martin.  D'après  Kirchber- 
ger,  c'était  une  somnambule  de  l'ordre  extatique, 
qui  se  magnétisait  elle  même  et  jouissait  ainsi 
des  manifestations  astrales  Poiret,  de  son  côté, 
dans  une  Èpltre  sur  les  caractères  des  auteurs 
mystiques,  pense  que  ses  révélations  sur  la  res 
tauration  de  l'Église  chrétienne  viennent  de  la 
source  la  phs  pure,  contredisant  en  cela  l'opinion 
émise  par  un  discple  enthousiaste  de  Bœhm, 
Gichtel,  qui  prétendait  placer  la  prophétesse 
anglaise  bien  au-dessous  de  son  maître  Les 
nombreux  ouvrages  de  Jeanne  Leade,  écrits  en 
anglais  et  devenus  assez  rares,  ont  été  l'objel  de 
plusieurs  versions  à  l'étranger;  nous  citerons 
entre  autres  :  Les  Nuages  célestes,  ou  l'échelle 
de  la  résurrection  ;  1682,  in-S°  ;  —  La  Révé- 
lation des  Révélations  ;  1686,  in-4°  ;  —  La  Vie 
Énochienne ,  ou  le  cheminement  avec  Dieu; 

1694,  in-4°;  —  Les  Lois  du  Paradis;  —  La 
Fontaine  du  Jardin,  ou  journal  des  commu- 
nications et  des  manifestations  de  l'auteur; 

—  Les  Guerres  de  David  et  le  pacifique  Em- 
pire de  Salomon  ;  1695,  in-8°;  —  Les  Mer- 
veilles de  la  Création  en  huit  mondes  diffé- 
rents, tels  qu'ils  ont  été  montrés  à  l'auteur; 

1695,  in-8°  ;  —  Le  céleste  Messager  de  la  Paix 
universelle,  signes  du  règne  du  Christ;  1695, 
in-8°;  —  L'Arbre  de  vie  qui  croît  dans  le  Pa- 
radis de  Dieu;  1696,  in-12;  —  L'Arbre  de  la. 
Foi  ;  1696,  in-12;  —  Motifs  et  Établissement 
de  la  Société  des  Philadelphes;  1696,  in-12. 

P.  L— Y. 
Lep,  Life  of  Jane  f.eade.  —  Arnold,  Kircken  und  Kel- 
zerhisiorie,   1 1,  H57.  —  J.  W.  Jœgpr,   Diss.   de  vita  et 
doitrina  Janae  lœadie.  —  A.  Feusiklng,  Cyneceeum. 

leake  (  Richard),  officier  de  la  marine  an- 
glaise, né  à  Harwich,en  1626,  mort  à  Woolwicb, 


51 


LEAKE 


52 


en  1696.  Il  entra  dans  la  marine  royale,  arriva 
rapidement  au  grade  d'officier,  et  se  distingua 
dans  plusieurs  sanglantes  affaires  contre,  les  Hol- 
landais et  les  Danois.  En  1673,  le  14  juin,  dans 
une  grande  bataille  où  van  Tromp  commandait 
les  Hollandais  et  l'amiral  anglais  Georges  Rooke 
les  Anglais,  Leake  portait  son  pavillon  sur  le 
Royal- Prince;  dématé  complètement,  ayant  ses 
ponts  et  ses  batteries  encombrés  par  quatre  cents 
tués  ou  blessés  et  le  tiers  de  ses  canons  démontés, 
il  reçut  l'ordre  de  son  amiral  d'abandonner  son 
vaisseau  et  de  le  faire  sauter.  Leake  répondit 
qu'il  ne  quitterait  pas  vivant  le  Royal- Prince. 
Secondé  de  ses  deux  fils,  il  ranima  son  équipage 
découragé;  un  de  ses  fils  fut  tué,  mais  Leake 
réussit  à  dégager  son  vaisseau  des  lignes  en- 
nemies, et  le  ramena  à  Chatam.  Cet  acte  de  cou- 
rage fut  récompensé  par  la  charge  de  maître- 
artilleur  de  la  Grande-Bretagne,  que  l'ami- 
rauté créa  en  sa  faveur  ;  il  fut  aussi  préposé  à 
la  garde  des  projectiles  de  l'arsenal  de  Wool- 
wich.  A.  de  L. 

Rose,  General  Biographical  Dictionary.—  Annual  He- 
gister. 

leake  (Sir  John),  amiral  anglais ,  fils  du 
précédent ,  né  à  Rotherhithe  (comté  de  Surrey  ), 
en  1656,  mort  à  Greenwich,  en  1720.  Il  fit  ses 
études  maritimes  sous  les  ordres  de  son  père, 
auprès  duquel  il  combattait,  le  14  juin  1673, 
contre  les  Hollandais  (  voy.  l'art,  précédent).  Il 
passa  dans  la  marine  marchande,  et  fit  deux  ou 
trois  voyages  dans  la  Méditerranée.  En  1675  il 
reprit  le  service  militaire  en  qualité  de  maître 
canonnier  à  bord  du  Neptune.  En  1688  il  reçut 
le  commandement  du  brûlot  Drake,  se  distingua 
en  diverses  occasions  durant  les  troubles  d'Ir- 
lande, et  devint  capitaine  du  vaisseau  Eagle  (  de 
soixante  dix  canons  ).  Il  embrassa  le  parti  du 
prince  d'Orange  Guillaume  ,  et  la  manière  bril- 
lante dont  il  se  conduisit  au  combat  de  La  Hogne 
(19  mai  1692)  lui  concilia  l'affection  de  lord  Chur- 
chill, frère  du  duc  de  Marlborough  et  depuis  ami- 
ral. Jusqu'à  lapaixdeRyswick  (1697),  il  tinteons- 
tamment  la  mer.  En  1701  il  fut  promu  au  com- 
mandement du  Britannia,  et  en  1702  chargé 
d'expulser  les  Français  de  Terre-Neuve.  Cette 
expédition  fut  pour  Leake  aussi  glorieuse  que 
lucrative.  A  son  retour,  il  fut.  nommé  contre-ami- 
ral du  pavillon  bleu,  et  peu  après  chevalier.  Il 
assista  utilement  sir  Georges  Rooke  au  combat 
de  Malaga,  le  13  août  1704,  et  dans  l'expédition  de 
Catalogne.  Les  29  octobre  et  3  novembre  sui- 
vants, avec  la  coopération  du  prince  de  Hesse- 
Darmstadt,  il  ravitailla  Gibraltar,  que  les  Français 
et  les  Espagnols  assiégeaient  par  terre  et  par 
mer.  Le  14  janvier  1705  il  attaqua  et  défit  com- 
plètement la  flotte  française  commandée  par  le 
baron  Louis  de  Pointis,  qui  perdit  sept  bâtiments 
pris  ou  brûlés  et  mourut  des  blessures  qu'il  reçut 
dans  le  combat.  Sir  Leake,  rallié  par  la  flotte 
hollandaise  de  van  Almonde,  se  porta  ensuite  sur 
les  côtes  de  la  Catalogne;  ii  y  débarqua  lord  Pe- 


terborough  et  le  prince  de  Hesse;  Barcelone, 
attaquée  le  1 1  août,  dut  capituler  le  6  septembre. 
L'archiduc  Charles,  rival  de  Philippe  V,  en  fit 
aussitôt  sa  résidence,  et  avec  l'aide  des  Anglais 
soumit  rapidement  le  reste  de  la  Catalogne.  Leake 
tenta  d'enlever  les  riches  galions  espagnols 
mouillés  dans  le  port  de  Cadix  ;  mais  cette  fois 
il  fut  vigoureusement  repoussé  ;  il  se  dédommagea 
amplement  de  cet  échec  par  la  prise  d'Alicante, 
de  Carthagène  et  des  îles  Majorque  et  Yviça.  Ce- 
pendant le  comte  de  Toulouse  était  venu  blo- 
quer Barcelone  avec  vingt-cinq  vaisseaux,  et  le 
maréchal  de  Tessé  en  faisait  le  siège  par  terre 
avec  trente  et  un  escadrons  et  trente-sept  batail- 
lons. Peterborough  en  était  réduit  aux  der- 
nières extrémités  lorsque  la  flotte  de  l'infatigable 
Leake  apparut,  força  le  comte  de  Toulouse  à  se 
retirer  et  de  Tessé  à  fuir  laissant  son  artillerie, 
ses  bagages  et  quinze  cents  blessés  au  pouvoir 
des  vainqueurs  (1).  Il  retourna  ensuite  en  An- 
gleterre, où  il  fut  promu  vice-amiral,  et  reçut  les 
félicitations  publiques  de  la  reine  et  du  parlement. 
Ensuite  il  fut  nommé  amiral  de  l'escadre  blanche. 
11  fut  en  cettequalité  chargé  d'escorter  la  princesse 
qui  allait  épouser  l'archiduc  Charles  à  Barcelone. 
Laissant  sa  Hotte  à  Vado,  il  se  rendit  à  Milan  ;  la 
future  impératrice  se  décida  à  le  suivre  à  Vado,  où 
elles'embarqua,le2  juillet  1708,  sur  VAlbermarle, 
et  le  15  descendit  à  Mataro  (2).  Le  mariage  se  fit 
à  Barcelone  le  21  Cette  affaire  terminée,  Leake 
disposa  toutes  choses  pour  la  soumission  de  la 
Sardaigne.  Il  prit  sur  sa  Hotte  quelques  troupes 
commandées  par  le  comte  de  Cifuentes,  arriva  le 
1er  août  devant  Cagliari,  et  en  peu  de  temps  fit 
proclamer  Charles  III  (3)  dans  l'île  entière.  Sou- 
tenu par  le  lieutenant  général  Stanhope,  Leake 
n'eut  pas  un  moindre  succès  dans  son  attaque 
contre  Minorque.  En  son  absence,  Harwick  et 
Rochester  l'avaient  élu  pour  leur  député  à  la 
chambre  des  communes;  il  opta  pour  Rochester, 
qu'il  continua  de  représenter  jusqu'à  sa  mort.  II 
fut  nommé  en  mars  1709  membre  de  l'amirauté, 
et  en  1710  la  reine  lui  offrit  de  remplacer  lord 
Oxford  comme  premier  lord  de  l'amirauté; mais 
il  déclina  cet  honneur,  préférant  le  service  actif. 
En  1711  et  1712  on  le  vit  à  la  tête  de  flottes 
considérables  ;  mais  ses  opérations  se  bornèrent 
à  l'occupation  de  Dunkerque.  Sa  grande  faveur 
cessa  à  l'avènement  de  Georges  1er.  Il  fut  mis  en 
non  activité,  et  se  borna  dès  lors  à  siéger  au  par- 
lement. Alfred  de  Lacaze. 

Lord  Mahon,  Warof  the  Succession,  ch.  III,  p.  120.— 
Rose,  New  Biographical  Dirtiimary .  —  Van  Tenac,  His- 
toire générale  de  la  Marine,  t.  III,  p.  193  202.  —  Zscha- 
kwitz,  Leben  und  Thaten  Kaiser  Caroli  PI}  Franc- 
fort, 1723.  —  Eugène  Sue,  Histoirede  la  Marine  française 

(1)  Le  même  jour  il  y  eut  une  éclipse  totale  de  Soleil. 
La  reine  Anne  fil  frapper  une  médaille  où,  par  allusion 
à  IVmblènne  choisi  par  Louis  XIV,  l'éelipse  était  repré- 
sentée au-dessous  de  la  ville  de  Barcelone. 

(2)  Port  de  la  Catalogne  a  27  kll.  nord-est  de  Barcelone. 

(3)  L'archiduc  était  ainsi  nommé  comme  successeur 
de  Charles  II  sur  le  trône  d'Espagne.  Il  devint  empe- 
reur on  1711,  sous  le  nom  de  Charles  PI. 


53 


LEAKE  —  LEAL 


54 


sous  Louis  XIV.  —   Sismondi,   Hist.    des   Français, 

t.  XXVI,  p.  449-467. 

leake  (Stephen  Martin),  numismate  an- 
glais, neveu  du  précédent,  né  le  5  avril  1702, 
mort  le  24  mars  1773.  Sa  fortune  lui  permit 
de  se  livrer  paisiblement  à  l'étude  du  blason  et 
d'entrer  dans  le  collège  héraldique ,  où  il  s'éleva 
jusqu'au  grade  supérieur  de  garter  (jarre- 
tière). Il  montra  un  zèle  souvent  intolérant  en 
faveur  des  privilèges  de  son  collège.  Il  employa 
mieux  son  temps  en  publiant  un  des  plus  anciens 
ouvrages  de  numismatique  qui  aient  paru  en  An- 
gleterre Ce  livre  a  pour  titre  :  Nummi  Britan- 
nici  Historia,  or  hixtorical  accounl  of  en- 
glish  money  ;  1726;  deuxième  édition  très-aug- 
mentée,  1745.  On  a  encore  de  lui  :  Reasons  for 
granting  commissions  to  the  provincial  kings 
at  arms  for  visiting  their  provinces;  1744; 
—  Life  of  the  admirai  John  Leake;  1755;  — 
Statutes  of  the  order  of  Saint-George;  1766  : 
ces  deux  ouvrages  ont  été  tirés  à  petit  nombre. 
Leake  a  aussi  laissé  plusieurs  manuscrits  relatifs 
à  l'art  héraldique.  Z. 

Noble,  History  of  the  Collège  of  Arms.  —  Chalmers, 
General  Biographical  Dictionary. 

leake  (John  ),  médecin  anglais,  né  à  Ains- 
table,  près  de  Kirkoswald,  dans  le  Cumberland, 
vers  1720,  mort  à  Londres,  le  8  août  1792.  Après 
avoir  achevé  à  Londres  son  cours  de  médecine, 
il  alla  perfectionner  sur  le  continent  ses  études 
médicales, et  visita  le  Portugal  et  l'Italie.  Il  re- 
vint ensuite  s'établir  à  Londres.  On  a  de  lui  :  A 
Dissertation  on  the  Properties  and  efficacy 
of  Lisbon  diet-drink;  Londres,  1757,in-8°;  — 
Lecture  introductory  to  the  theory  and  prac- 
tice  of  Midivifery  ;  Londres,  1773,  in-4°  ;  — 
Practical  Observations  on  the  child-bed  Fever  ; 
Londres,  1773,  in-8°;  —  A  practical  Essay  on 
the  diseasesof  the  Viscera ,  particulary  those 
of  the  Stomach  and  Bowels  ;  the  liver,  spleen 
and  urinary  passages  ,  in  which  their  na- 
ture, treatmenl  and  cure  clearly  laiddown 
and  explained;  Londres,  1792,  in-8°.      Z. 

Gentleman's  Magazine,  t.  LXII.  —  Hutchinson ,  Bio- 
graphia  Medicn.  —Chalmers,  General  Biographical 
Dictionary. 

*  LEAKE  (  Le  lieutenant-colonel  William 
Martin  ),  archéologue  et  voyageur  anglais,  né 
vers  1780.  Il  entra  dans  l'artillerie  royale,  et  reçut 
de  son  gouvernement  plusieurs  missions  en 
Orient.  Il  commença  ses  excursions  dans  l'Asie 
Mineure,  en  janvier  1800.  En  1805  et  dans  les 
années  suivantes  il  voyagea  dans  la  Morée,  qu'il 
visita  deux  fois,  et  dans  la  Grèce  septentrio- 
nale, qu'il  parcourut  à  quatre  reprises.  Il  séjourna 
aussi  pendant  plusieurs  années  en  Albanie.  De 
retour  en  Angleterre  vers  1810,  il  s'occupa  de 
mettre  en  ordre  les  nombreux  renseignements 
qu'il  rapportait  de  ses  courses  à  travers  la  Tur- 
quie d'Europe  et  l'Asie  Mineure,  et  dès  1814  il 
commença  cette  série  d'excellentes  publications 
qui  l'ont  placé  au  premier  rang  des  voyageurs 


archéologues  de  notre  époque.  Ses  ouvrages  for- 
ment une  description  de  la  Grèce  également  pré- 
cieuse pour  le  géographe,  l'antiquaire  et  le  phi- 
lologue. Ce  grand  travail  n'est  pas  exempt  de 
lacunes  et  d'erreurs,  et  pour  plusieurs  parties 
de  la  Grèce  septentrionale  il  laisse  beaucoup  à  dé- 
sirer ;  sur  d'autres  points,  il  a  été  heureusement 
complété  par  les  voyages  récents  des  élèves  de 
l'école  d'Athènes  ;  mais,  en  somme,  les  trois  ou- 
vrages que  le  colonel  Leake  a  consacrés  à  la  to- 
pographie d'Athènes,  à  la  Morée  et  à  la  Grèce 
septentrionale,  sont  fort  supérieurs  à  ceux  que 
l'on  possédait  sur  le  même  sujet,  et  les  deux 
derniers  ne  semblent  pas  devoir  être  surpassés  de 
longtemps.  M.  Martin  Leake  quitta  le  service  en 
1823,  avec  le  grade  de  lieutenant-colonel.  Depuis 
cette  époque  il  a  poursuivi  ses  études  favorites, 
revoyant  ses  premiers  ouvrages  et  en  publiant  de 
nouveaux,  qui,  à  l'exception  d'un  mémoire  sur 
les  hiéroglyphes,  ont  tous  pour  objet  l'antiquité 
hellénique  ou  ta  Grèce  moderne.  Il  est  vice-pré- 
sident de  la  Société  royale  Littéraire.  On  a  de  lui  : 
Researches  in  Greece,  Part.  I  containing 
Remarks  on  the  modem  languages  of  Greece  ; 
Londres,  1814,  in-4°; —  The  Topography  of 
Athens,,  with  some  remarks  on  its  antiqui- 
ties  ;  Londres,  1821,  in-8°  avec  des  planches 
in-4°  ;  deuxième  édition  (  Topography  ofAthens 
and  the  Demi);  1841,  2  vol.  in-8°;  —  Journal 
of  a  tour  in  Asia  Minor,  with  comparative  re- 
marks on  the  ancient  and  modem  geography 
of  that  country;  Londres,  1824,  in-8°  avec  une 
carte;  —  An  hislorical  Autline  of  the  Greek 
Révolution,  with  afew  remarks  on  the  présent 
state  of  affairs  in  that  country  ;  1826,  in-12; 

—  Mémoire  sur  les  principaux  Monuments 
égyptiens  du  Musée  Britannique,  et  quelques 
autres  qui  se  trouvent  en  Ami leterre ,  expli- 
qués d'après  le  système  phonétique  (  avec  le 
très-hon.  Charles  Yorke)  ;  Londres,  1827,  in-4°, 
avec  des  gravures  au  trait;  —  Travels  in  the 
Morea;  Londres,  1830,  3  vol.  in-8°,  avec  cartes 
et  plans;  une  seconde  édition  a  paru  en  1839  , 
et  l'auteur  a  donné  un  supplément  sous  le  titre 
de  Peloponnesiaca  ;  Londres,  1846,  in-8";  — 
Travels  in  Northern  Greece;  Londres,  1835, 
4  vol.  in-8°;  —  Greece  at  the  end  of  tiventy 
three  years  protection  ;  Londres,  1851,  in-8°; 

—  Numismata  Hellenica,  Catalogue  of  greek 
Coins;  Londres,  1854,  in-4°.  L.  J. 

English  Cyclopœdia  (  liiosraphy  ). 

leal  (Jozé  Joaquim),  géographe  portugais, 
mort  au  commencement  du  dix-huitième  siècle.  Il 
a  fait  imprimer  un  dictionnaire  qui  est  demeuré 
incomplet;  il  est  intitulé  :  Diccionario  estatis- 
lico-geographtco  do  Reino  de  Portugal  Al- 
garves ,  ou  descripçâo  circumstanciada  de 
todas  as  provincias,  governos  militares,  diocè- 
ses, comarcas ,  concelhos ,  villas  freguezias , 
logares  ou  aldeas  e  mais poavaçoes  do  Reino; 
Lisbonne,  1822,  in  fol.  F.  D. 

César  de  Figanière  ,  Bibliografta  Historica. 


55  LEANDER  —  LEAPOR 

LEANDER  A  SANCTOMARTINO.  Voy. JOXES 
(John). 

ijavder.  Voy.  Meanoer. 

lEAMiitK  (Saint),  évêque  espagnol,  mort  le 
13  mars  601  suivant  la  plupart  des  hagiographes, 
ou  le  27  lévrier  596  selon  quelques  auties.  Il 
était  fils  <ie  Severianus,  gouverneur  de  Carlha- 
gène,  et  frère  de  Fulgence,  évêque  de  la  même 
ville,  et  de  saint  Isidore,  qui  lui  succéda  sur  le 
siège  apostolique  de  Séville.  Léandre  se  fit  remar- 
quer par  le  zèle  qu'il  déploya  contre  l'arianisme. 
11  convertit  entre  autres  Hermenigilde,  fils  aîné 
de  Leuvigilde,  roi  des  Gotlis,  qui  envoya  le  prélat 
en  exil  avec  plusieurs  de  ses  collègues.  Rappelé 
la  même  année,  Léandre  ramena  à  la  foi  catho- 
lique Reccarède,  le  second  des  lilsdu  roi,  et  aus- 
sitôt la  mort  de  Leuvigilde  convoqua  le  troi- 
sième concile  de  Tolède,  dans  lequel  il  fit  con- 
damner l'arianisme  d'une  manière  absolue.  Ses 
reliques  sont  conservées  dans  la  cathédrale  de 
Séville,  et  sa  fête  est,  célébrée  le  13  mars.  Il  nous 
reste  de  lui:  De  Institutions  Yirginum  et  con- 
temptu  mundi ,  c'est  une  lettre  adressée  à  sa 
sœur  sainte  Florentine  :  elle  se  trouve  dans  la 
troisième  partie  du  Codex  Reqularum  de  saint 
Benoît  d'Amiane  publié  par  Holstenius.  Elle  a  été 
réimprimée  dans  la  Bibliotheca  Patrum,t.X\l. 
Suivant  Richard  et  Giraud  «  le  style  en  est  concis 
et  sententieux,  et  cette  pièce  est  très-instructive 
pour  les  vierges  consacrées  à  Jésus- Christ  »  ;  — 
Humilia  in  laudem  Ecclcsiec- ,  etc.,  harangue 
sur  la  conversion  des  Goths,  qu'il  prononça  pen- 
dant le  troisième  concile  de  Tolède  ;  elle  se  trouve 
dans  la  collection  du  P.  Labbe,  t.  V.  (à  la  fin  des 
Actes  du  concile  de  Tolède).  On  attribue  à  saint 
Léandre  l'origine  du  rite  mozarabique,  que  son 
frère  saint  Isidore  compléta.  Saint  Grégoire  le 
Grand  a  dédié  à  saint  Léandre  ses  Morales  sur 
Job,  qu'il  avait  entreprises  à  sa  prière.     A.  L. 

Saint  Isidore.  De  firis  iltustribvs,  etc.  —  Saint  Gré- 
goire le  Grand,  Epist.;  le  même,  Dialog.  —  Saint  Grégoire. 
de  Tours.  Hist.,  Iib.  v  —  Raronius,  Annales  -  Dom  Ma- 
\i\\\on,Jn>iale>  Ordinis  HeneJicti,  ete.,  lPl'sec.  —  Raille», 
fies  des  Saints,  t.  I,  18  mars.  —  Dom  Ceillipr,  Histoire 
des  Auteurs  sacres  et  ecclésiastiques,  1.  XVII,  p.  113,  elc. 
-Dom  Rivet,  Histoire  Litt.  delà  France.  —Richard  et 
Giraud,  Bibliothèque  Sacrée. 

LEAXiuto  do  sacramento  f  Le  Père  ), 
naturaliste  brésilien,  né  vers  1762,  à  Rio-de-Ja- 
neiro ,  mort  dans  les  premières  années  du  dix- 
huitième  siècle.  Il  étudia  à  l'université  de  Coïm- 
bre,  entra  dans  l'ordre  des  Carmes,  et  devint 
professeur  de  botanique  au  jardin  des  plantes 
de  Rio-de-Janeiro  Lié  d'une  étroite  amitié  avec 
Aug.  de  Saint-Hilaire,  il  enrichit  le  Muséum 
d'Histoire  Naturelle  de  Paris.  On  a  de  lui  une 
Analyse  des  eaux  minérales  d'Araxa  (Eschwcge, 
Neue  Welt,  t.  I,  p.  74  ),  des  Observations 
botaniques,  insérées  parmi  les  mémoires  de  l'a- 
cadémie de  Munich,  et  un  mémoire  sur  les  Ar- 
chimérJées  ou  Ratanophorées,  travail  dont  Au- 
guste de  Saint-Hilaire  a  signalé  le  mérite.  Leandro 
a  coopéré  à  la  vaste  flore  du  Brésil ,  commencée 


56 

par  "Veloso  en  1799  et  terminée  à  Paris  en  1825. 

F.  D. 

Balbi ,  Essai  de  Statistique  sur  le  royaume  de  Portu- 
gal et  d' Atgarve.  —  Auguste  de  Saint-H  taire.  Voyage 
dans  le  district  des  Diamants  et  sur  le  littoral  du  Bré- 
sil, t    II. 

leao  ou  mao  (Duarte  Nunez  do),  histo- 
rien portugais,  né  à  Evora,  dans  la  seconde 
moitié  du  seizième  siècle,  mort  en  (608.  Il  étu- 
dia le  droit,  et  entra  dans  la  magistrature  à  Lis- 
bonne. En  1599  il  quitta  la  capitale  pour  se  sous- 
traire aux  ravages  de  la  peste,  et  se  retira  à  Al- 
verca.  Ses  ouvrages  ont  pour  titres  :  Ortograjia 
porlugueza, imp.  en  1576, pet. in-4°  (très-rare); 
—  Genealogia  verdadeira  dos  Reis  de  Portu- 
gal con  sus  etogios  e  summario  de  sus  vidas; 
Lisbonne,  1598  et  1608,  in-8°.  C'est  la  traduction 
espagnole  d'un  ouvrage  que  l'auteur  avait  écrit 
en  latin  contre  le  F.  Teixeira,  qui  avait  voulu 
prouver  que  la  couronne  de  Portugal  était  élec- 
tive, et  pour  donner  de  la  force  à  son  opinion, 
n'avait  pas  craint  d'altérer  les  faits  ;  —  Prime\ra 
parle  das  Chronicas  dos  Reis  de  Portugal  re- 
formadas  pelo  licenciado  Duarte  Nunez  do 
Liào,  Desembargadorda  casada supplicaçào, 
per  mandado  del  Rei  Dom  Philippe ,  o  pri- 
meiro  de  Portugal,  da  gloriosa  memoria,  con 
lirença  da  Sancta  Diquisiçào  e  privilegio 
Real.;  Lisboa ,  impresso  por  Pedro  Cras- 
bceck  anno  1600,  in  fol.,  réimprimé  à  Lisbonne 
en  1677,  in  fol.  et  réédité  de  nouveau  dans  la 
même  ville  en  1774  (2  vol.  in-4°).  On  publia 
quatre  ans  après  sa  mort  un  livre  qui  est  au- 
jourd'hui d'un  grand  secours  poui  connaître  les 
divisions  topographiques  du  Portugal  au  seizième 
siècle  et  même  certains  usages  propres  aux  loca- 
lités dont  le  souvenir  s'est  effacé  peu  à  peu  ;  il 
porte,  ce  titre  :  Descripçâo  do  Reino  de  Portu- 
gal, dirigida  ac  illus/rissimo  e.  muito  excel- 
lente Senhor  D.  Diogo  da  Sylva  duque  de 
Francavilla,  présidente  du  Coroa  de  Portu- 
gal; Lisbonne,  1610,  iii-4°,  et  même  ville  chez. 
Thaddeu  Ferreira,  1785,  in-8°.  Sans  être  un 
historien  ni  un  géographe  du  premier  ordre, 
c'est  Nunez  de  Leâo  qui  a  commencé  à  intro- 
duire la  critique  dans  l'histoire  du  Portugal. 

F.  D. 

Catalogo  dos  Mitores,  dans  le  grand  Dictionnaire 
portugais  del'lcadern  c.  —  Sylvestre  Ribeiro,  Primeiros 
Trucos  d'una  ltesenfia  da  Litteratura  Porlugueza; 
I.i  b.,  1853,  t  I.  —  Cé-fâr  de  Figaniére,  Hiblinlheca  His- 
tonca.  -  Rarliosa  M  diado  .  llibliotheca  Lusitaua.  — 
Perd.  Denis ,  liésuinc  de  l'Histoire  Littéraire  du  Portu- 
gal et  du  Brésil: 

leapor  {Marie),  femme  poète  anglaise, 
née  le  26  février  1722,  morte  le  12  novembre 
1746  Elle  était  (ille  d'un  jardinier.  Son  éduca- 
tion se  bornait  à  savoir  lire  et  écrire.  Elle 
commença  de  bonne  heure  à  composer  des  vers, 
malgré  l'opposition  de  ses  parents,  qui  redou- 
taient pour  elle  la  profession  littéraire.  Ils  fini- 
rent cependant  par  la  laisser  libre  de  suivre  son 
inclination  et  elle  donnait  l'espérance  d'un  beau 
talent  lorsqu'elle  fut  enlevée  par  une  mort  pré- 


57  LEAPOR  — 

maturée.  Deux  volumes  de  ses  poèmes  furent 
publiés  par  souscription;  1748,  1751,  in-8°.  Le 
second  contient  une  tragédie  intitulée  :  The 
vmhappy  Fnther,  et  plusieurs  actes  d'une  se- 
conde  pièce.  L'excellent  poète  Cowper  avait  une 
hante  idée  du  talent  de  Marie  Leapor.        Z. 

Mugraphia  Dramatica.  —  Hayley,  Life  nf  Cowper, 
t.  111,  p.  296.  —  nrntlenvtn's  Muuazine,  vol.  LIV.  —  Chal- 
mers,  General  Hingrapkical  Dirtionary. 

LKARon:  (  Aîap/.oç  )  de  Rhénium,  statuaire 
grec,  vivait  dans  le  sixième  siècle  avant  J.-C.  Il 
est  un  de  ces  artistes  dédaliens  placés  aux  con- 
fins de  la  période  mythique  et  de  la  période 
historique,  et  sur  lesquels  on  ne  possède  pas  de 
renseignements  certains.  Nous  le  plaçons  au 
sixième  siècle  d'après  l'opinion  la  plus  accrédi- 
tée, qui  le  met  au  nombre  des  disciples  de  Di- 
pène  et  de  Scyllis,  statuaires,  qui  vivaient  vers 
550  avant  J.-C.  Ma:s  cette  op-nion  est  sujette  à 
de  graves  difficultés.  Pausanias  rapporte  qu'il  vit 
dans  la  Maison  de  Bronze  de  Sparte  une  sta- 
tue de  Jupiter  par  Léarque,  faite  de  pièces  de 
bronze  forgées  séparément  et  adaptées  les  unes 
aux  autres  avec  des  cous.  Il  ajoute  que  c'est  la 
plus  ancienne  statue  de  bronze  qui  existât  de 
son  temps.  Léarque  aurait  donc  vécu  à  une 
époque  où  l'on  ignorait  l'art  de  couler  les  sta- 
tues de  bronze;  mais  cet  art,  dont  on  attribue 
l'invention  à  Phœcus  et  à  Théodore,  paraît  re- 
monter à  700  environ  avant  J.-C.  Il  faudrait  donc 
reculer  jusqu'au  huitième  siècle  l'existence  de 
Léarque,  ce  qui  est  absolument  inconciliable  avec 
la  tradition,  qui  le  place  parmi  les  élèves  de  Di- 
pène  et  de  Scyllis.  La  difficulté  augmente  encore 
si,  avec  plusieurs  éditeurs ,  on  substitue  dans  le 
texte  Cléarque  (K/iapxov)  à  Léarque  (Asap^ov). 
Dans  les  deux  cas  on  ne  peut  sortir  d'embarras 
qu'en  admettant  que  deux  arlistes  du  nom  de 
Léarque  ou  du  nom  de  Cléarque  ont  vécu,  l'un 
au  commencement,  l'autre  à  la  fin  de  la  période 
dédalienne  (800-500),  ou  en  supposant  qu'une 
de  ces  vagues  traditions  si  communes  dans  l'an- 
tiquité avait  attaché  le  nom  d'un  ancien  sta- 
tuaire célèbre  à  un  ouvrage  encore  plus  ancien 
et  dont  l'auteur  était  inconnu. 

On  trouve  dans  la  collection  du  prince  deCa- 
nino  à  Rome  des  vases  peints  qui  portent  le  nom 
de  Léarque  de  Rheginm,  et  semblent  appartenir 
à  deux  artistes  différents.  L.  J. 

Pausanias,  III,  n.  —  Quatremère  de  Quiney,  Jupiter 
OlympU-n.  —  O.  Millier.  Hannburh  d.  Archàoingie  lier 
Kunst.  -  Nagler,  .Veues  MUaemeines  KUyistli-r -Lexicon. 

L'eau  (Corneille),  missionnaire  français,  né 
à  Lyon,  en  1659,  mort  à  Vienne  (Dauphiné).  le  29 
décembre  1734.  11  entra  chez  les  jésuites,  et 
passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  dans  les 
missions  étrangères.  Sa  mauvaise  santé  le  força 
de  revenir  en  France,  où  il  se  consacra  à  la  cul- 
ture des  lettres.  On  a  de  lui  :  Axiomes  de  Phi- 
losophie chrétienne,  trad.  du  latin  de  Mannis; 
—  Œuvres  du  P.  Segneri,  trad.  de  l'italien, 
7  vol.  in- 12.  A.  L. 

Pernetty ,  tes  Lyonnais  dignes  de  mémoire,  tom.  II, 
p.  J68. 


LEBA1LLY  58 

lebaillif  (  Alexandre-Ctaude-Mariiu  ), 
physicien  français,  né  à  Saint-Fargeau,  le  11  no- 
vembre 1764,  mort  à  l'aris,  le  27  décembre  1831. 
Il  fit  ses  études  chez  les  Oratoriens  de  Lyon, 
devint  en  1790  greffier  du  tribunal  de  Saint- 
Fargeau,  et  de  1798  à  1799  fut  employé  au  mi- 
nistère de  la  police,  division  des  émigrés.  Il  per- 
dit cet  emploi,  et  fit  un  voyage  à  Saint-Domingue. 
A  son  retour,  il  entra  au  ministère  de  la  guerre, 
où  il  resta  jusqu'en  1S09  ;  à  cette  époque,  il  passa 
au  ministère  de  l'intérieur  dans  une  des  divisions 
de  la  police  générale.  Angles  ayant  été  nommé 
préfet  de  police  appela  Lebaillif  près  de  lui,  et 
lui  confia  en  1819  la  caisse  de  la  préfecture  unie 
plus  tard  à  celle  des  prisons.  Ses  fonctions  ne 
l'empêchaient  pas  de  s'occuper  de  physique.  Il 
construisit  d'excellents  micromètres  sur  verre 
destinés  à  mesurer  les  grandeurs  microscopiques, 
et  en  forma  son  mensurateur  des  microscopi- 
ques. Il  aida  le  physicien  Charles  à  perfectionner 
son  microscope,  et  grava  pour  lui  des  micromè- 
tres et  des  objectifs.  Lebaillif  fit  des  recherches 
pour  l'achromatisme  des  lentilles  et  fit  appliquer 
aux  microscopes  les  diaphragmes  mobiles.  II  se 
servait  avec  une  grande  précision  du  chalumeau, 
et  inventa  des  petites  coupelles  d'argile  réfrac- 
taire.  Par  un  sMéroscope  de  son  invention,  il 
démontra  la  répulsion  de  l'aiguille  aimantée 
pour  le  bismuth  et  l'antimoine  et  l'existence  du 
fer  dans  un  grand  nombre  de  corps.  Il  exécuta 
un  galvanomètre  d'une  extrême  sensibilité,  des 
électromèlres  parfaits,  des  piles  sèches,  etc.  Il 
fit  aussi  des  recherches  sur  la  coloration  du  sang, 
sur  les  dissolutions  du  fer  au  maximum  d'acide 
par  le  sulfocjanure  de  potasse,  etc.  On  lui  doit 
encore  l'invention  d'aiguilles  d'argile  pour  re- 
connaître Pinfusibilité  des  terres  destinées  à  la 
fabrication  de  la  porcelaine,  des  méthodes  d'a- 
nalyse pour  reconnaître  les  subsiances  métal- 
liques employées  dans  la  coloration  des  papiers, 
des  notes  sur  l'aventurine  artificielle  et  la  défla- 
gration des  fils  de  fer  et  de  la  fonte  blanche.  En 
1826,  il  signala  le  danger  de  certains  bonbons 
coloriés.  On  a  de  lui  :  Mémoire  sur  l'emploi 
des  petites  coupelles  au  chalumeau ,  ou  nou- 
veaux moyens  d'essais minéralogiques  (extrait 
des  Annales  de  l'Industrie)  ;  Paris,  1823,  in-8°. 

J.  V. 
Henrinn  .  annuaire  Biographique.   —   Quérard,  ta 
France  Littéraire. 

lebailly  (Antoine- François),  poète  fran- 
çais, né  à  Caen,  le  1er  avril  (756,  mort  le  13 
janvier  1832.  Il  étudia  le  droit  dans  sa  ville  na- 
tale, et  y  exerça  la  profession  d'avocat.  Venu 
ensuite  à  Paris,  il  s'y  lia  a%'ee  Court  de  Gébe- 
lin.  11  débuta  par  quelques  fables  et  par  la  tra- 
duction de  quelques  satires  d'Horace,  qui  furent 
insérées  dans  des  recueils  périodiques.  Bien- 
tôt il  publia  un  recueil  de  fables,  qu'il  dédia  au 
duc  de  Valois,  petit-fils  du  duc  d'Orléans  et  qui 
fut  depuis  le  roi  Louis-Philippe;  il  devint  ensuite 
un  des  principaux  collaborateurs  delà  Petite  Ri- 


59  LEBAILLY  — 

bliothèque  des  Théâtres,  et  eu  1786  il  fit  repré-  I 
senter  sur  le  théâtre  de  Nicolet,  à  la  foire  Saint-  | 
Laurent,  une  petite  comédie  en  vers.  Tous  ces 
travaux  rapportaient  peu,  et  Lebailly  dut  pen-  j 
dant  la  révolution  demander  un  emploi  dans  les 
administrations  publiques.  Nommé  vérificateur 
à  la  liquidation  de  la  dette  des  émigrés,  il  fut 
réformé  en  1 800  lors  de  la  suppression  de  cette 
caisse.  Il  obtint  une  place  de  rédacteur  à  l'ad- 
ministration centrale  des  droits  réunis  en  1811, 
et  perdit  cet  emploi  en  1814,  lorsque  la  Restau-  j 
ration  changea  les  droits  réunis  en  contributions 
indirectes.  Lebailly  passa  alors  à  la  liquidation 
des  dettes  de  la  maison  d'Orléans,  et  y  resta, 
soit  comme  titulaire,  soit  comme  pensionnaire, 
jusqu'à  sa  mort.  C'est  à  ses  fables  que  Lebailly 
doit  sa  réputation.  «  Elles  se  distinguent,  dit  un 
biographe,  par  la  justesse  des  moralités,  par  un 
style  élégant  et  correct,  par  une  grande  variété 
de  tons,  et  surtout  par  la  bonhomie,  qualité  fort 
rare  chez  la  plupart  de  nos  fabulistes,  et  qui  chez 
quelques  autres  dégénère  en  niaiserie  et  en  trivia- 
lité. »  Ses  écrits  ont  pour  titres  :  Fables  nouvelles, 
suivies  de  poésies  fugitives  ;  Paris,  1784,  in-12; 
2e  édition,  diminuée  et  sans  les  poésies  fugitives  ; 
Paris,  1811,  in-12,  avec  figures; — Fables  nou- 
velles; Paris,  1814,  in-12  :  suite  du  recueil  pré- 
cédent, avec  une  table  raisonnée  des  matières; 
une  nouvelle  édition  complète ,  imprimée  en 
1823,  in-8°,  est  dédiée  au  duc  d'Orléans;  — 
Corisandre,  ou  les  fous  par  enchantement, 
opéra  en  trois  actes ,  du  baron  d'Hogger  et  du 
comte  de  Liniers ,  refait  et  arrangé  par  Le- 
bailly, et  joué  à  Bordeaux  en  1795;  —  Le  Choix 
d'Alcide ,  apologue  grec ,  mis  en  opéra-bal- 
let,  musique  de  Langlé;  Paris,  1811,  in-8°,  et 
à  la  fin  du  recueil  des  Fables  de  la  même  an- 
née, in-12;  —  Œnone,  opéra  en  deux  actes, 
musique    de  Kalkbrenner;  Paris,  1812,  in-8°; 

—  Diane  et  Endymion,  fable  arrangée  en  deux 
actes,  séparés  par  un  intermède  où  l'on  voyait 
en  action  le  fameux  tableau  de  Girodet  ;  Paris, 
1814,  in-12,  à  la  suite  des  Fables  ;  —  Notice  sur 
la  vie  et  les  ouvrages  de  feu  Grainville; 
Paris,  1808,  in-8°;  —  Le  Procès  d'Ésope  avec 
les  Animaux ,  comédie  en  un  acte,  en  vers  et 
en  prose;  Paris,  1812,  in-12;  —  Le  Gouver- 
nement des  Animaux,  ou  l'ours  réforma- 
teur, poème  ésopéen;  Paris,  1816,  in-8o,  et  à  la 
suite  du  recueil  de  Fables  de  1823,  —  Arion, 
ou  le  pouvoir  de  la  musique,  cantate  à  deux 
parties,  arrangée  sur  la  musique  de  Mozart; 
Paris,  1817,  in-8°;  —  Hommages  poétiques  à 
La  Fontaine,  ou  choix  de  pièces  en  vers  com- 
posées en  son  honneur  par  J.-B.  Rousseau, 
Louis  Racine,  Voltaire,  Marmonlel,  Delille, 
Boni  fiers,  Imberl,  Lemonnier,  Ducis,  Collin, 
Laija,  et  accompagné  de  notes  biographiques 
et  d'anecdotes  littéraires;  Paris,  1821, in  18; 

—  La  Chute  des  Titans ,  ou  le  retour  d'As- 
frée,  cantate  à  l'occasion  du  sacre  de  Charles  X; 
Paris,  1825,  in-8°.  Lebailly  a  laissé  inédits  plu- 


LEBARBXER 


60 


sieurs  opéras  intitulés  :  Soliman  et  Éronyme, 
ou  Mahomet  II  ;  —  Gustave  Vasa;  —  Her- 
cule au  mont  Œta; —  Le  Mariage  secret  de 
Vénus;  —  Calisto;  —  Les  Amants  napoli- 
tains, ou  la  gageure,  indiscrète,  opéra  bouffon 
en  trois  actes,  arrangé  sur  la  musique  de  Cosi 
fan  tutte  de  Mozart  ;  —  V Amour  vengé.  Il  avait 
préparé  avec  Noë!  une  Histoire  de  V Apologue, 
qui  n'a  pas  été  publiée.  Lebailly  a  donné  dans  la 
Petite.  Bibliothèque  des  Théâtres  des  noticessur 
Campistron ,  Lefranc  de  Pompignan  et  autres 
auteurs  dramatiques.  Il  composa  pour  la  nais- 
sance du  roi  de  Rome  une  allégorie  intitulée 
L'Oracle  du  Destin ,  ou  les  Héraclides ,  qui 
parut  dans  YAlmanach  des  Muses.  Le  Nid 
d'Alcyon  a  été  composé  pour  la  naissance  du  duc 
de  Nemours.  Dans  la  troisième  édition  de  se 
Fables ,  Lebailly  remplaça  les  vingt-cinq  vers  à  la 
louange  de  Napoléon  qui  terminaient  l'épilogue 
de  son  premier  recueil  par  vingt-sept  vers  en 
l'honneur  des  Bourbons. 

Lebailly  avait  eu  un  fils ,  officier  d'artillerie 
distingué,  qui  périt  en  1812,  dans  la  retraite  de 
Moscou,  et  une  fille,  qui  hérita  en  partie  de  son 
talent  pour  l'apologue.  L.  L — t. 

Rabbe,  Vieilh  de  Boisjolio  et  Sainte-Preuve,  Biogr. 
univ.  et  portât,  des  Contemp.  —  Quérard,  ta  France 
Littéraire. 

lebarbier  (Gervais),  sieur  de  Francourt, 
calviniste  français ,  né  à  'forcé ,  près  de  Mont- 
fort,  au  Maine,  vers  le  commencement  du  sei- 
zième siècle,  mort  à  Paris,  dans  la  nuit  sanglante 
du  24  août  1572.  Il  exerçait  au  Mans  la  profes- 
sion d'avocat,  quand  le  ministre  Henri  de  Salvert 
vint  chercher  des  prosélytes  parmi  les  habitants 
de  cette  ville.  Au  1"  janvier  de  l'année  1560, 
Gervais  Lebarbier  nous  est  signalé  dans  l'as- 
semblée secrète  des  protestants  manceaux  : 
il  est  un  des  cinq  surveillants  désignés  par 
cette  assemblée  pour  administrer  un  des  cinq- 
cantons  de  la  province,  et  sous  sa  conduite  sont 
venus  d'eux-mêmes  se  ranger  les  sieurs  de  Pes- 
chèvre ,  de  Nue,  de  Noyen,  de  Lavardin,  de  La 
Suze,  de  La  Vallière  ,  du  Tronchet ,  etc.,  etc. 
Presque  toute  la  noblesse  du  Maine  ayant 
embrassé  la  cause  de  la  réforme,  avec  un  em- 
pressement qui  fut  bientôt  de  mauvais  augure 
pour  l'avenir  de  cette  cause ,  Gervais  Lebarbier 
devait  en  effet  avoir  dans  son  canton  un  nombre 
considérable  des  seigneurs  du  pays. 

Au  mois  d'août  1561,  il  fut  envoyé  en  mission 
auprès  d'Antoine  de  Bourbon.  C'est  alors  que 
pour  la  première  fois  il  vit  Théodore  de  Bèze. 
Après  le  massacre  de  Vassy,  de  Bèze  et  Fran- 
court ,  ayant  conçu  l'un  pour  l'autre  une  égale 
estime,  se  rendirent  ensemble  près  du  roi  de 
Navarre  et  du  prince  de  Condé,  et  conseillè- 
rent la  résistance  ouverte ,  une  prise  d'armes 
générale  du  parti.  Nous  le  voyons  ensuite,  en 
1562,  un  des  seigneurs  les  plus  accrédités  au- 
près de  Jeanne  d'Albret,  avec  le  titre  de  chan- 
celier du  royaume  de  Navarre.  En  1563,  cette 


61 


LEBARBIER 


princesse  ayant  été  citée  par  le  pape  devant  le 
tribunal  des  inquisiteurs,  Lebarbier  fut  envoyé 
par  elle  à  Paris,  et  plaida  sa  cause  devant  la 
reine  mère.  Le  pape  étant  intervenu  dans  cette 
affaire  avec  une  grande  passion,  il  s'agissait 
de  démontrer  que  la  cour  de  Rome  avait  dé- 
passé la  limite  de  ses  droits,  et  que  le  roi  de 
France  ne  pouvait  permettre  sans  péril ,  que 
pour  telle  ou  telle  cause,  la  reine  de  Navarre  fût 
inquiétée  dans  la  possession  même  de  sa  cou- 
ronne. Lebarbier  se  montra  dans  cette  occasion 
habile  diplomate,  orateur  éloquent,  et  il  gagna 
sa  cause.  Charles  IX  protesta  contre  l'assigna- 
tion signifiée  à  Jeanne  d'Albret ,  et  la  cour  de 
Rome ,  calmée  par  cette  protestation ,  ne  com- 
mença pas  les  poursuites.  Il  y  eut  ensuite  entre 
h-  -,  deux  partis  une  trêve,  une  apparence  de  paix. 

Lebarbier  profita  de  ce  moment  de  repos 
pour  faire  un  voyage  au  Mans.  Après  s'être 
rendus  maîtres  de  cette  ville  et  l'avoir  occupée 
quelques  mois,  les  protestants  en  avaient  été 
chassés  par  des  forces  supérieures,  et  les  vain- 
queurs n'avaient  pas  épargné  les  vaincus.  Les 
amis,  les  complices  du  puissant  chancelier 
avaient  presque  tous  été  proscrits  ou  massacrés 
par  une  réaction  féroce.  II  entendit  les  plaintes 
de  leurs  fils ,  de  leurs  veuves ,  et  se  chargea  de 
les  transmettre  au  roi.  C'est  alors  que  le  roi 
nomma  Gabriel  Myron ,  conseiller  au  parlement 
de  Paris,  commissaire  général  dans  le  gouverne- 
ment de  Touraine ,  et  que  celui-ci  se  rendit  au 
Mans.  Mais  son  arrivée  fut  en  quelque  sorte  le 
signal  de  violences  nouvelles.  S'il  ne  les  encou- 
ragea pas  ouvertement ,  il  les  permit.  Lebarbier 
osa  faire  encore  de  vaines  remontrances. 

Les  autres  provinces  du  royaume  n'étant  pas 
plus  tranquilles,  il  y  eut  un  congrès  des  chefs 
protestants.  Pouvait-on  plus  longtemps  suppor- 
ter ces  injures  ?  Ne  valait-il  pas  mieux  tenter  la 
fortune,  et,  au  pis,  mourir  en  combattant?  C'est 
à  ce  dernier  parti  qu'on  s'arrêta.  Lebarbier  fut 
donc  envoyé  vers  les  princes  protestants  d'Alle- 
magne solliciter  le  concours  de  leurs  armes  en 
faveur  des  protestants  français.  Il  ne  faut  pas 
supposer  qu'à  cette  époque  on  ne  distinguait  pas 
avec  autant  de  rigueur  que  de  nos  jours  le  con- 
citoyen de  l'étranger,  et  que  l'amour  de  la  pa- 
trie, étant  sans  vivacité,  était  aussi  sans  scru- 
pules. Voyez  de  même,  en  d'autres  temps,  les 
libéraux  bataves,  italiens,  invoquer  le  bras  de 
l'étranger  contre  leurs  tyrans  domestiques  :  c'est 
que  la  religion  et  l'esprit  d'indépendance ,  qui 
est  une  autre  religion ,  parlent  quelquefois  aux 
consciences  généreuses  un  langage  plus  impérieux 
que  la  patrie  elle-même.  Si  d'ailleurs  Lebarbier 
et  les  chefs  de  l'armée  protestante  ont  suivi  les 
mauvais  conseils  de  la  passion,  lorsqu'ils  ont  ap- 
pelé sur  le  territoire  français  des  légions  alleman- 
des, ils  n'ont  fait  en  cela  que  suivre  un  exemple 
donné  par  la  reine  mère,  qui  venait  de  confier  à 
des  bataillons  suisses  l'exécution  de  ses  atroces 
desseins  contre  une  partie  de  la  noblesse  fran- 


çaise.  Voilà  ce  qui  les  justifiera,  ou  du  moins 
les  excusera  toujours. 

De  retour  en  France,  Lebarbier  prit  part  au  col- 
loque de  Chàtillon.  A  ce  colloque,  suivant  La  Noue, 
lurent  convoqués  dix  ou  douze  des  plus  signalés 
gentilshommes.  Ainsi,  bien  que  le  sieur  de  Fran- 
court  fût  d'une  médiocre  noblesse,  son  mérite 
et  l'éclat  de  ses  services  le  faisaient  marcher  de 
pair  avec  les  plus  hauts  personnages  de  son 
parti.  Et  il  ne  jouissait  pas  seulement  d'un  grand 
crédit  auprès  des  chefs  :  qui  avait  conquis  plus 
d'autorité  sur  les  soldats  ?  Quand  l'armée  de  Jean 
Casimir  et  celle  du  prince  de  Condé  se  joignirent 
près  de  Pont-à-Mousson,  le  II  janvier  1568,  les 
Allemands,  suivant  leur  coutume,  déclarèrent 
qu'ils  n'avanceraient  pas  au  delà  s'ils  n'étaient 
payés.  Mais  comment  sur  ce  point  les  satis- 
faire? Le  prince  de  Condé  n'avait  dans  sa  bourse 
que  deux  mille  écus.  C'est  alors  que  Lebarbier 
se  rendit  au  eamp  français,  harangua  les  officiers, 
les  soldats,  et  obtint  d'eux  la  somme  exigée. 
«  Cette  libéralité  fut  si  générale,  dit  La  Noue, 
'jiie,  jusques  aux  goujats  des  soldats,  chacun 
bailla,  de  manière  qu'à  la  fin  on  réputait  à  dé- 
shonneur d'avoir  peu  contribué.  »  C'est  un  des 
plus  grands  succès  de  l'éloquence.  Quatre-vingt- 
mille  livres  furent  ainsi  recueillies  par  le  sieur 
de  Francourt,  et  versées  dans  la  caisse  du  prince 
Casimir.  Cette  affaire  réglée,  les  protestants  en- 
trèrent en  campagne,  et  eurent  d'abord  quelques 
avantages.  Pour  les  désarmer,  on  leur  offrit  la 
paix.  On  recommença  la  guerre  dès  qu'ils  eurent 
déposé  leurs  armes.  Après  la  bataille  de  Jarnac, 
si  funeste  à  la  cause  protestante,  nous  retrou- 
vons Lebarbier,  avec  la  reine  de  Navarre,  au 
camp  de  Cognac.  Il  fait  ensuite,  par  les  ordres 
de  cette  princesse,  un  nouveau  voyage  en  Alle- 
magne, et  en  revient  annonçant  l'arrivée  pro- 
chaine d'une  nouvelle  armée,  commandée  par  le 
duc  de  Deux-Ponts.  Enfin  la  cour  de  France 
ne  parle  plus  que  de  terminer  définitivement  de 
si  longs  malentendus ,  que  de  signer  de  bonne 
foi  les  conditions,  les  garanties,  d'une  paix  inal- 
térable :  les  seigneurs  protestants  sont  appelés 
à  Paris,  présentés  au  roi,  conviés  à  de  grandes 
fêtes,  et  dès  l'abord  admis  sans  égard  à  la 
diversité  de  leur  religion  au  partage  de  toutes 
les  charges  auliques.  Dans  cette  distribution  des 
faveurs  royales,  le  sieur  de  Francourt  reçoit  le 
titre  de  maître  des  requêtes.  Mais  ce  n'était,  on 
le  sait  trop,  qu'une  abominable  tromperie.  Le- 
barbier habitait  le  Louvre  quand  fut  donné  le 
signal  du  massacre,  et  il  fut  une  des  premières 
victimes  de  la  fureur  catholique  conjurée  avec 
la  raison  d'État.  Ses  assassins  eux-mêmes  ont 
à  leur  manière  fait  son  éloge  funèbre,  en  pre- 
nant soin  de  le  distinguer  dans  la  foule  des 
morts.  Il  est  nommé  dans  le  Déluge  des  Hu- 
guenots de  Coppier  de  Velay  : 

Cak-  de  Beauvais  avec  Francourt 

Sont  allés  régenter  la  court 

Du  harenc  [rais  et  de  l'aiauze 


63 


LEBARBIER  —  LEBAS 


64 


Ne  citons  rien  de  plus.  Les  politiques  pourront 
diversement  apprécier  les  conséquences  de  la 
Saint  Barthélémy  :  tout  le  monde  sera  éternel- 
lement d'accord  pour  flétrir  l'écrivain  qui  a  pu 
trouver  dans  celte  affreuse  tuerie  la  matière  d'un 
poème  burlesque. 

Il  est  vraisemblable  que  Lebarbier  de  Fran- 
court  a  rédige,  durant  le  cours  d'une  vie.  si  la- 
borieuse, beaucoup  de  mémoires,  de  notes  et 
de  lettres;  mais  il  n'a  fait  imprimer  que  deux 
de  ces  pièces,  et  comme  elles  sont  l'une  et  l'autre 
pleines  de  curieux  détails,  nous  allons  en  donner 
exactement  les  titres.  La  première ,  publiée  en 
1565,  au  Mans,  à  Orléans,  et,  dit-on,  à  Strasbourg, 
est  intitulée:  Remontrance  envoyée  au  roi  par 
la  noblesse  de  la  religion  réformée  du  pays  et 
comté  du  Maine.  Elle  a  été  plus  tard  insérée 
dans  les  Mémoires  de  Condé.  Nous  trouvons 
encore  dans  les  mêmes  Mémoires  le  deuxième 
libelle  de  Lebarbier,  sous  ce  titre  :  Avertisse- 
ment des  crimes  horribles  commis  par  les 
séditieux  catholiques  romains  au  pays  et 
comté  du  Maine.  Ces  écrits,  inspirés  par  une 
vive  passion,  sont  encore  intéressants  au  point 
de  vue  littéraire.  B.  Hauréau. 

Registre  du  Consistoire  du  Mans,  parmi  les  manus- 
crits de  la  biblinth.  du  Mans,  sous  le  nnm.  R47.  —  Blon- 
deau  ,  des  Portraits  des  Hommes  illustres  du  Moine.  — 
I,e  Tocsin  contre  les  Massacreurs ,  dans  les  archives 
curieuses  de  l'histoire  de  France,  lre  série,  t.  vu,  p.  57. 

—  .tac.  Aug.  Thuanus,  Hist.  sui  temporis,  lib.  43.  — 
K.  Haureau  ,  Hist.  Littér.  du  Maine,  t   11,  p.  899. 

lebarbier  (Jean  -  Jacques  -  François), 
peintre  français,  né  à  Rouen,  en  1738,  mort  à 
Paris,  le  7  mai  1826.  Après  avoir  remporté,  en 
1756  et  1758,  les  premiers  prix  de  dessin  à  l'a- 
cadémie de  sa  ville  natale,  il  vint  à  Paris,  où  il 
reçut  des  leçons  de  Pierre,  premier  peintre  du  roi. 
En  1776  il  fut  chargé  par  le  ministre  d'aller  lever 
des  vues  en  Suisse.  H  partit  ensuite  pour  Rome, 
et  à  son  retour  il  dessina  des  études  à  la  manière 
noire,  qui  répandirent  le  goût  des  bons  modèles 
dans  les  écoles.  Membre  de  l'ancienne  Académie 
de  Peinture,  il  fut  admis  à  l'Académie  des 
Beaux-Arts,  lors  de  la  réorganisation  en  1816. 
Ses  compositions  manquent  de  verve  et  d'ori- 
ginalité, et  il  écbouait  dans  les  sujets  qui  com- 
portent un  certain  nombre  de  personnages; 
mais  dans  les  tableaux  plus  simples  il  a  sou- 
vent des  têtes  d'un  beau  style.  Parmi  les  ta- 
bleaux de  Lebarbier  on  cite  :  Le  Premier 
Homme  et  la  Première  Femme  (  1 80 1  )  ;  —  Hé- 
lène et  Paris  (1801)  ;  —  Une  Lacédémonienne 
donnant  un  bouclier  à  son  /t/s(1806); — 
Une  Vierge  (  1 806  );  —  L'Amour  perché  sur 
un  arbre  lançant  ses  traits  (1806);—  Anti- 
gone,  ou  la  piété  fraternelle  (1808)  ;  —  Agrip- 
pine  quittant  le  camp  de  Germanicus  (1808); 

-  La  Chasse  aux  papillons  (1810);  —  Saint 
Louis  recevant  V oriflamme  des  mains  d'Eudes 
avant  de  partir  pour  la  première  croisade 
(1812),  tableau  conservé  à  Saint-Denis;  — 
Hetiri  IV  et  la  marquise  de  Verneuil  ri 814)- 


—  Sujet  tiré  de  la  VIe  églogue  de  Virgile 
(1814);  —  Médias  assassinant  sa  belle-mère 
Mania,  satrape  de  l'Éolide;  —  Le  Thébain 
Phyllidas  tuant  Léontiade  qui  avait  livré  la 
Cad  niée  à  Phébidas  (1817);  —  Exercices  des 
Lacédémoniens  sur  les  bords  de  l'Eurotas 
(1817);  — Les  Adieux  d'Abradate  et  de  Pan- 
ifiée (1817)  ;  -  Panthée  expirant  sur  le  sein 
de  son  mari  (1817);  —  Jupiter  sur  le  mont 
Ida,  à  Versailles  ;  —  Jeanne  Hachette,  à  l'hô- 
tel de  ville  de  Beauvais;  —  Le  Siège  de  Nancy, 
à  l'hôtel  de  ville  de  Nancy.  Lebarbier  avait  ob- 
tenu une  médaille  d'or  au  salon  de  1808.  H  a 
fait  des  dessins  pour  des  éditions  d'Ovide,  de 
Racine,  de  Rousseau  et  de  Delille.  On  a  de  lui  : 
Des  causes  physiques  et  morales  qui  ont  in- 
flué sur  les  progrès  de  la  peinture  et  de.  la 
sculpture  chez  les  Grecs;  Paris,  1801,  in-8°; 

—  Principes  de  Dessin,  dessinés  d'après  na- 
ture; Paris,  1801,  six  cahiers  in-fol.;  —  Prin- 
cipes élémentaires  du  Dessin,  à  l'usage  de 
la  jeunesse;  études  de  la  fêle,  premier  cahier  ; 
Paris,  1801,  in  fol.  Lebarbier  a  donné  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  Celtique  :  Notice  sur 
M.  Legrand,  architecte  (tome  11,  1808);  — 
Notice  sur  la  manière  dont  les  monuments 
doivent  être  dessinés  (tome  III,  1808).  Après 
sa  mort,  on  a  fait  paraître  le  Catalogue  des 
tableaux,  dessins,  livres  et  estampes  prove- 
nant du  cabinet  et  de  la  bibliothèque  de  feu 
Lebarbier;  Paris,  1826,  in-8".        L.  L— t. 

Ch.  Gabet,  Met.  des  Artistes  de  l'école  franc,  au  dix- 
neuvième  siècle.  —  Iliour.  univ.  et  portât,  des  Contemp. 

—  Quérard  ,  La  France  Littéraire. 

*  le  barbier  DE  tinan  (  Marie-Charles- 
Adalbert),  amiral  français,  né  le  30  août  1803. 
Admis  à  l'âge  de  quinze  ans  à  l'école  navale,  il 
fit  comme  enseigne  l'expédition  maritime  sur 
les  côtes  d'Espagne  en  1823.  Lieutenant  de  vais- 
seau en  1829,  capitaine  de  corvette  en  1837,  et 
capitaine  de  vaisseau  en  1843,  il  siégeait  au  con- 
seil d'amirauté  lorsqu'il  fut  promu  contre  amiral 
le  3  février  1851.  Au  début  de  la  guerre  d'Orient, 
il  reçut  le  commandement  de  la  station  navale 
du  Levant,  et  prit  part  au  débarquement  des 
troupes  françaises  à  Gallipoli,  bloqua  les  ports 
de  la  Grèce  et  reçut  le  commandement  du  corps 
expéditionnaire  qui  débarqua  au  Pirée.  Nommé 
vice-amiral  le  7  juin  1855,  il  laissa  son  com- 
mandement à  M.  Jacquinot.  En  1856  M.  Le 
Barbier  de  Tinan  fut  nommé  membre  du  comité 
consultatif  de  l'Algérie,  et  en  1858  membre  ti- 
tulaire du  conseil  d'amirauté.        L.  L — t. 

Vaprreau  ,  Dict.  uni»,  des  Contemp. 

LEBAS  (/.  ),  poète  et  cuisinier  français,  vi- 
vait dans  la  première  moitié  du  dix-huitième 
siècle.  Nous  n'avons  pu  nous  procurer  des  ren- 
seignements exacts  sur  sa  vie,  mais  nous  savons 
du  moins  qu'il  est  l'auteur  d'un  recueil  de  vers 
imprime  à  Paris  en  1738  :  Le  Festin  joyeux,  ou 
la  Cuisine  en  musique,  2  tomes  in  12,  musique 
gravée.  Amateur  passionné  de.  la  cuisine  et  de  la 


65 


LEBAS 


r.c 


musique,  il  voulut,  il  le  dit  lui-même,  faciliter 
aux  clames  les  moyens  d'enseigner  en  chantant 
à  leurs  subalternes  la  manière  de  faire  des  ra- 
goûts et  sauces.  Il  mit  donc  en  chansons  les 
recettes  d'un  grand  nombre  de  mets,  l'ordon- 
nance des  plats  sur  la  table  aux  différents  ser- 
vices, et  bien  d'autres  choses  relatives  à  l'art 
culinaire.  Ce  livre  est  donc  utile  pour  faire  con- 
naître qu'elle  était  vers  le  commencement  du 
règne  de  Louis  XV  la  situation  des  connaissances 
gastronomiques.  G.  B. 

Viollet-Le  duc,  Bibliothèque  Poétique,  t.  II,  p.  16. 

lebas  (Jacques-Philippe),  graveur  français, 
né  à  Paris,  en  1707,  y  mourut  en  1783.  Il  fut 
graveur  du  CabinetduRoi,et  produisit  avec  suc- 
cès un  grand  nombre  de  planches  d'après  dif- 
férents maîtres  ;  on  compte  de  lui  plus  de  cinq 
cents  morceaux.  Les  plus  remarquables  sont  : 
Les  Œuvres  de  Miséricorde,  grande  planche  en 
taille-douce  d'après  Teniers  ;  —  L'Enfant  Pro- 
digue, pendant  de  la  précédente ,  d'après  le 
même;  —  une  suite  de  Fêtes  de  Village,  en 
taille-douce; —  Le  Sanglier  féroce,  gr.  planche 
en  taille-douce,  d'après  Philippe  Wouvermans  ; 

—  La  Chasse  à  l'italienne  et  Le  Pot  au  Lait, 
deux  grandes  planches  en  taille-douce,  d'après 
le  même  et  faisant  pendants;  —  Le  Départ  de 
la  Chasse;  —  La  Prise  du  Héron,  deux:  planches 
en  taille-douce,  faisant  pendants,  d'après  van 
Falens;  —  Le  Rendez-vous  de  Chasse,  V Heu- 
reux Chasseur,  deux  planches  d'après  le  même; 

—  L'Alliance  de  Bacchus  et  de  Vénus,  moyenne 
planche,  d'après  Noël  Nicolas  Coypel  ;  —  divers 
grands  portraits,  d'après  Verner,  et  nombre 
d'autres  pièces,  d'après  Berghem,  Adrien  van  de 
Velde,  Ruysdaël,  Watteau,  Oudry,  Ch.  Parro- 
cel,  Lancret,  etc.  G.  de  F. 

Bazan,  Dictionn.  des  Graveurs. 

le  bas  (Philippe-François-  Joseph),  homme 
politique  français,  né  à  Frévent  (Artois),  en  1765; 
il  se  donna  la  mort  à  Paris,  le  10  thermidor  an  n 
(28  juillet  1794).  Son  père  était  notaire;  lui- 
même  fit  ses  études  à  Paris,  au  collège  de  Mon- 
taigu,  fut  reçu,  en  1789,  avocat  au  parlement,  et 
exerçait  sa  profession  à  Saint-Pol  lorsque  éclata 
la  révolution,  dont  il  adopta  les  principes  avec 
enthousiasme.  D'abord  délégué  pour  représenter 
ses  concitoyens  à  la  fédération  du  14  juillet  1790, 
il  fut  nommé  en  1791  administrateur  du  district 
de  Saint-Pol,  et  dès  le  mois  de  décembre  de  la 
même  année  il  fit  partie  de  l'administration 
du  Pas-de  Calais.  11  fut  élu,  en  septembre  1792, 
membre  de  la  Convention  nationale,  et  y  vota  la 
mort  de  Louis  XVI  sans  appel  ni  sursis.  Il  ne  se 
prononça  contre  les  girondins  (31  mai)  qu'avec 
une  certaine  répugnance  ;  ami  et  compatriote 
de  Robespierre,  et  convaincu  de  la  pureté  de  ses 
intentions ,  il  fit  taire  en  cette  occasion,  comme 
dans  plusieurs  autres  qui  suivirent,  sa  bonté  na- 
turelle et  la  droiture  de  son  esprit.  Quoique  Le 
Bas  eût  donné  des  preuves  d'éloquence,  il  prit 
peu  de  part  aux  luttes  oratoires,  et  consacra  son 
nocv.  biogh.  cénéu.  —  t.  xxx. 


activité  aux  travaux  des  comités.  Il  fut  avec  sou 
liaient  Duquesnoy  envoyé  en  mission  à  l'armée 
de  Sambre  et  Meuse.  A  son  retour  (fin  août  1793), 
il  épousa  Elisabeth  Duplay,  l'une  des  filles  de 
l'hôte  de  Robespierre,  et  cette  union  resserra  en- 
core leur  intimité  (1).  Le  14  septembre  suivant, 
il  fut  nommé  membre  du  comité  de  sûreté  gé- 
nérale, et  partit  presque  aussitôt  pour  l'armée  du 
Rhin.  Il  accompagnait  Saint-Just,  dont  il  tempéra 
plus  d'une  fois  la  sévérité.  Cette  mission,  dans 
laquelle  Le  Bas  et  son  collègue  donnèrent  de  nom- 
breuses preuves  de  valeur,  eut  pour  résultat  la 
reprise  des  lignes  de  Wissembourg  et  le  déblocus 
de  Landau.  En  janvier  1794  il  revint  à  Paris;  mais 
dès  le  mois  d'avril  suivant  il  alla  de  nouveau 
avec  Saint-Just  rejoindre  l'armée  de  Sambre  et 
Meuse,  qui  reprit  l'offensive  sur  les  Autrichiens, 
enleva  Charleroi  et  gagna  la  bataille  de  Fleurus. 
Au  retour  de  cette  campagne,  Le  Bas  fut  chargé 
de  la  surveillance  de  l'École  de  Mars,  établie  dans 
la  plaine  des  Sablons.  «  Le  Bas,  écrit  Lamariine, 
ami  de  Robespierre,  jadis  son  condisciple,  se  dé- 
voua, par  undouble  culte,  à  ses  principes  comme 
révolutionnaire  et  comme  ami.  Il  suivait  sa  pen- 
sée comme  l'étoile  fixe  de  ses  opinions.  Probe, 
modeste,  silencieux,  sans  autre  ambition  que 
celle  de  servir  les  idées  de  son  maître,  il  croyait 
à  sa  vertu  comme  à  son  infaillibilité.  Aussi  le 
9  thermidor  an  h,  lorsque  Robespierre  fut  dé- 
crété d'accusation  avec  Couthon  et  Saint-Just, 
Le  Bas  s'écria  «  qu'il  ne  voulait  pas  partager 
l'opprobre  d'un  tel  décret ,  et  qu'il  demandait 
pour  lui  la  même  mesure  ».  Cette  demande  lui 
fut  accordée,  et,  arrêté  aussitôt,  il  fut  incarcéré 
avec  eux  à  La  Force.  Henriot  vint  les  délivrer, 
et  les  conduisit  à  l'hôtel  de  ville.  Là  Le  Bas  et 
Saint-Just  pressèrent  Robespierre  d'appeler  aux 
armes  les  sections  et  de  marcher  contre  la  Con- 
vention. Robespierre  hésita,  puis  refusa  formel- 
lement. Les  Conventionnels,  sous  la  conduite  de 
Léonard  Bourdon,  envahissaient  déjà  la  place  de 
Grève,  «  II  ne  reste  donc  plus  qu'à  mourir,  s'é- 
cria Le  Bas,  et  jetant  un  pistolet  à  Robespierre 
aîné,  il  s'en  déchargea  un  autre  sur  le  cœur.  II 
tomba  mort.  (  Voy.  Robespierre.)  H.  Lesueur. 
Moniteur  général.—  Arrêtés  publiés  par  saint- Just 
et  Le  Bas  pendant  leur  mission  à  Strasbourg,  publiés 
par  Bûchez  et  Roux,  Histoire  parlementaire  de  la  Révo- 
lution, t.  XXXI,  p.  30-40.  —  Recueil  des  lettres  écrites  par 
Le  Bas  à  sa  la  mille  et  à  ses  amis,  ibid.,  t.  XXXV,  p.  317- 
365.  —  Biographie  moderne  (  Paris,  1815  ).  —  Thfers , 
Histoire  de  la  Révolution  française,  t.  V.—  Lamartine, 
Histoire  des  Girondins,  t.  VU  et  VIII. 

*le  bas  (Philippe) ,  historien  et  archéolo- 
gue français,  fils  du  précédent,  naquit  à  Paris,  le 
18  juin  1794.  Après  avoir,  dès  l'âge  de  seize  ans, 
servi  dans  la  marine  impériale  sur  le  lougre  Le 
Vigilant  et  le  vaisseau  Le  Diadème ,  puis  dans 
la  garde  impériale  (au  troisième  régiment  des 
gardes  d'honneur), après  avoir  rempli  ensuite  les 
fonctions  de  sous-chef  de  bureau  à  la  préfecture 


(1)  Robespierre  devait  épouser  l'autre  demoiselle  Du- 
play (Éléonore), 


67 


de  la  Seine,  il  fut ,  en  1820,  chargé  par  la  reine 
Hortense  de  faire,  en  qualité  de  gouverneur, 
l'éducation  du  jeune  prince  Charles-Louis-Napo- 
léon  Bonaparte  (aujourd'hui  empereur),  près  de 
qui  il  resta  jusqu'au  1er  octobre  1827.  De  retour 
en  France,  il  prit  près  de  la  faculté  des  lettres 
de  Paris  les  grades  de  licencié  et  de  docteur,  fut 
reçu  en  1829  agrégé  des  classes  supérieures  et 
devint  l'année  suivante  professeur  au  lycée 
Saint-Louis  (1829),  puis  maître  de  conférences 
d'histoire  à  l'École  normale  supérieure  (  1830), 
titre  qu'il  échangea  quatre  ans  plus  tard  contre 
celui  de  maître  de  conférences  de  langue  et  lit- 
térature grecques  à  la  même  école.  Chargé ,  le 
17  novembre  1842,  par  le  ministre  de  l'instruc- 
tion publique,  d'une  mission  scientifique  en  Grèce 
et  en  Asie  Mineure,  il  recueillit  un  grand  nombre 
de  documents  précieux  sur  cette  contrée,  si  peu 
connue  jusque  alors.  La  publication  en  fut  ordon- 
née par  le  gouvernement,  et  les  parties  que 
M.  Le  Basa  déjà  publiées  prouvent  l'étendue  de 
ses  connaissances  archéologiques.  M.  Le  Bas 
fut  nommé  en  1846  conservateur  administra- 
teur de  la  Bibliothèque  de  l'Université.  Depuis 
1838  il  est  membre  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions et  Belles-Lettres. 

M.  Le  Bas  est  auteur  de  nombreux  écrits, 
dont  voici  les  principaux  :  Explication  des 
Inscriptions  grecques  et  latines  recueillies 
en  Grèce  par  la  commission  de  Morée,  in-8°; 
Paris,  1er  cahier,  1835;  2ecahier,  1837;  —Ex- 
plication de  quelques  inscriptions  latines 
trouvées  par  l'armée  d'Afrique  à  Tîemcen  ; 
Paris,  1836,  in-8°(  extrait  du  Journal  général 
de  l'Instruction  publique  )  ;  —  Commentaire 
sur  Tite  Live;  Paris,  grand  in-8"  à  2  col.; 
1840;  —  Restitution  et  explication  des  Ins- 
criptions grecques  et  latines  de  la  grotte  de 
la  Vipère  de  Cagliari,  avec  quelques  observa- 
tions sur  les  inscriptions  latines  du  même  mo- 
nument; Paris,  1840,  in-8°;  —  Historiens 
occidentaux  des  Croisades,  t.  I*r  :  Guillaume 
de  Tyr  (  le  texte  latin  a  été  revu  et  annoté  par 
M.  Le  Bas,  depuis  le  cahier  105  jusqu'à  la  fin  du 
volume;  Paris,  1844)  ;  —  Voyage  archéologique 
en  Grèce  et  en  Asie  Mineure  ;  Paris,  1 847  et 
ann.  suiv.  ;  —  Mémoire  sur  une  Inscription 
métrique  trouvée  à  Athènes  vers  la  fin  du 
siècle  dernier,  près  le  temple  d'Érechthée, 
dans  les  Mémoires  de  l'Acad.  des  Inscript,  et 
Belles- Lettres ,  t.  XXIII ,  2e  partie  ;  —  Expli- 
cation d'une  Inscription  grecque  de  l'île 
(PÉgine,  et  Sur  deux  Bas-Reliefs  provenant, 
l'un  de  Gortyne  dans  Pile  de  Crète,  et  l'au- 
tre d'Athènes ,  dans  les  Nouvelles  Annales 
de  l'Institut  de  Correspondance  Archéolo- 
gique  de  Rome,  t.  II  et  t.  XVIII;  —  des 
Fragments  inédits  de  deux  Romans  grecs, 
dans  la  Bibliothèque,  de  l'École  des  Chartes 
(I8'il)  ;des  articles  archéologiques  et  historiques 
dans  la  Revue  de  l'Instruction  ptiblique, 
dans  le   Dictionnaire  de    la   Conversation; 


LEBAS  68 

—  dans  la  Collection  des  Romans  grecs  : 
Aventures  de  Hysminé  et  llysménias,  par  Eu- 
mathe  le  Macrombolite ,  trad.  du  grec  avec  re- 
marques; 1828,  in-8o;  — Aventures  de  Dro- 
silla  et  Chariclès,  par  Nicétas  Eugenianus  , 
trad.  du  grec,  avec  des  remarques  et  variantes 
1841,  in-8°;  en  1856  M.  Le  Bas  en  adonné 
dans  la  Bibliothèque  des  Auteurs  grecs  publiée 
par  M.  Amb.-Firmin  Didot,  une  édition  colla- 
tionnée  sur  dix-sept  manuscrits  qui  se  trouvent 
à  Munich,  à  Milan  et  à  Paris;  —  dans  YUnivers 
pittoresque:  Suède  et  Norvège;  1838,  t  vol. 
in-8°;  —  Allemagne;  1838,  2  vol.  in-8o;  — 
États  de  la  Confédération  Germanique;  1842, 
jn-go  ;  _  L'Asie  Mineure;  1  vol.  in-8°.  M.  Le 
Bas  est  l'un  des  auteurs  du  Dictionnaire  encyclo- 
pédique de  l'Histoire  de  France;  12vol.  in-8°. 
Il  a  publié  pour  l'usage  des  classes  plusieurs 
ouvrages  historiques,  qui  ont  eu  un  grand  succès  : 
Précis  de  l'Histoire  Ancienne;  2  vol.  in-12  ;  — 
Précis  d' Histoire  Romaine  ;  2  vol.  in-12;  — 
Histoire  du  Moyen  Age  ;  2  vol.  in-1 2;  —  plusieurs 
éditions  (texte  grec  et  trad. 


franc.  )  d'histo- 
riens ,  orateurs  et  poètes  tragiques  grecs.  Enfin, 
en  collaboration  de  M.  Ad.  Régnier,  il  a  com- 
posé, pour  l'enseignement  de  la  langue  alle- 
mande ,  plusieurs  ouvrages ,  qui  sont  devenus 
classiques.  C  Mallet. 

Journal  de  la  Librairie.  —  Renseignements  particu- 
liers. 

*  lebas  (Louis- Hippoly te  ),  architecte  fran- 
çais ,  né  à  Paris,  en  1782.  Il  étudia  son  art  sous 
Vaudoyer,  Percier  et  Fontaine  à  l'École  des 
Beaux- Arts.  En  1806  il  remporta  un  second 
grand  prix  d'architecture.  En  1810  il  exposa 
l'intérieur  d'une  salle  ornée  de  peintures  du 
quinzième  siècle  et  servant  de  musée  de  sculp- 
ture. On  lui  doit  le  monument  élevé  à  Males- 
herbes  au  Palais  de  Justice.  Il  fut  en  outre 
chargé  de  l'inspection  des  travaux  de  la  Bourse 
et  de  ceux  de  la  chapelle  expiatoire  de  là  rue  d'An- 
jou-Saint-Honoré,  et  de  la  direction  des  travaux 
de  l'église  Notre-Dame-de-Lorette,  dont  le  mo- 
dèle, exposé  par  lui  en  1824,  obtint  l'avantage 
au  concours  ouvert  par  le  préfet  de  la  Seine. 
M.  Lebas  a  également  dirigé  les  travaux  de  la 
prison  de  La  Roquette,  ainsi  que  de  plusieurs  édi- 
fices publics  en  province.  En  1825  il  fut  appelé 
à  remplacer  Delespine  à  l'Académie  des  Beaux- 
Arts.  Membre  de  la  commission  des  beaux-arts 
à  la  préfecture  de  la  Seine,  il  devint  ensuite 
architecte  en  chef  d'une  des  conservations 
des  monuments  de  Paris.  Membre  du  conseil 
des  bâtiments  civils  jusqu'en  1854,  il  a  cons' 
truit  les  nouveaux  bâtiments  de  l'Institut,  la 
salle  des  séances  particulières ,  et  restauré  la 
salle  des  séances  de  l'Académie  de  Médecine. 
Professeur  de  l'histoire  de  l'architecture  à  l'É- 
cole des  Beaux-Arts ,  puis  membre  du  jury  et 
enfin  président  de  cette  école ,  en  même  temps 
qu'il  dirigeait  un  atelier,  il  a  déjà  vu  couronner 
un  grand  nombre  de  ses  élèves  à  l'Académie. 


69 


LEBAS 


70 


En  1827  M.  Lebas  commença  avec  M.  Debret 
un  ouvrage  intitulé  :  Œuvres  complètes  de- 
Jacques  Barrozzi  et  Vignole,  qui  n'a  pas  été 
continué. 

Son  fils,  M.  Gabriel- Hïppoly  te  Lebas,  pein- 
tre de  paysages  et  d'aquarelles ,  a  obtenu  une 
médaille  au  salon  de  1845.  L.  L — t. 

Ch  Gabet,  Dict.  des  Artistes  de  l'École  franc,  au  dix  - 
neuvième  siècle.    —  Vapereau,    Dict.  univ.  des  Cont. 

*  lebas  (  Jean-  Baptiste  -  Apollinaire  ) , 
ingénieur  français,  né  dans  un  village  du  dépar- 
tement du  Var,  le  13  août  1797.  Comme  il  était 
d'une  constitution  délicate,  on  négligea  beaucoup 
son  instruction  élémentaire  ;  des  exercices  vio- 
lents le  fortifièrent,  et,  arrivé  à  l'adolescence , 
il  travailla  avec  tant  d'ardeur  qu'à  vingt  ans  il 
était  admis  le  second  à  l'École  Polytechnique. 
Deux  ans  après,  M.  Lebas  entra  dans  le  génie 
maritime,  et  il  sei'vittour  à  tour  dans  les  différents 
ports  militaires  delà  France.  Après  avoir  organisé 
la  flottille  qui  devait  bloquer  Barcelone  en  1823, 
il  fut  choisi  par  l'amiral  Dnperré,  lors  de  l'ex- 
pédition d'Alger,  pour  veiller  spécialement  aux 
réparations  des  bateaux  à  vapeur  de  l'escadre. 
Dès  que  les  troupes  furent  débarquées,  M.  Le- 
bas organisa  un  chantier  de  radoub  au  camp  de 
Sidi-Férnch.  Le  gouvernement  lui  confia  ensuite 
la  mission  d'aller  chercher  à  Thèbes  les  obélis- 
ques du  palais  de  Luxor  que  le  pacha  d'Egypte 
avait  donnés  à  la  France.  M.  Lebas  n'en  rap- 
porta qu'un  ;  mais  tout  le  monde  a  pu  apprécier 
les  difficultés  que  présentait  l'enlèvement  d'un 
morceau  de  pierre  du  poids  de  230,000  kilo- 
grammes dans  un  pays  dénué  de  ressources  et 
sans  autres  appareils  que  ceux  que  l'ingénieur 
avait  pu  apporter  deFrance.  Aidéde  huit  hommes 
seulement,  il  fit  détacher  et  descendre  de  sa  base 
cette  masse  énorme  en  moins  de  vingt-cinq  mi- 
nutes. La  difficulté  ne  consistait  pas  uniquement 
dans  le  poids  du  monolithe  :  on  avait  remarqué 
que  l'une  de  ses  faces  était  sillonnée  par  une  fis- 
sure assez  prolongée  qui  pouvait  en  faire  craindre 
la  rupture,  soit  en  l'enlevant  du  socle  sur  lequel 
il  était  assis  en  Egypte,  soit  en  le  replaçant  à 
Paris  sur  un  nouveau  piédestal  ;  il  était  donc 
essentiel  de  ne  lui  faire  supporter  aucune  se- 
cousse ni  dans  chacune  de  ces  deux  opérations, 
ni  pendant  le  transport.  M.  Lebas  ayant  conçu 
l'idée  de  faire  pivoter  l'obélisque  sur  une  des 
arêtes  de  sa  base,  il  ne  s'a'gissait  que  d'établir 
un  appareil  suffisant  pour  soutenir  le  mono- 
lithe pendant  le  temps  de  sa  rotation.  Il  ima- 
gina d'appliquer  à  cette  opération  un  procédé 
fréquemment  en  usage  dans  les  travaux  de  la 
marine  lorsqu'il  faut  mouvoir  de  lourds  fardeaux; 
mais  cette  fois  on  devait  le  disposer  sur  une 
échelle  extraordinaire.  «  La  solution  de  M.  Le- 
bas, dit  le  rapporteur  du  jury  de  l'exposition  de 
1834,  est  un  modèle  d'invention  et  de  simplicité. 
Pour  faire  passer  un  obélisque  pesant  230,000 
kilogrammes  de  la  position  verticale  à  la  posi- 
tion inclinée ,   sur  le  plan  qui  devait  conduire 


I  cette  masse  jusqu'au  navire,  il  a  décomposé  les 
!  mouvements  en  plusieurs  rotations  suecessive- 
j  ment  opérées  sur  des  axes  différents  :  de  telle 
I  sorte  que  le  centre  de  gravité  du  monolithe  res- 
|  tât  toujours  peu  distant  du  plan  vertical  mené 
!  par  l'axe  de  rotation  ,  et  qu'une  force  modérée 
pût  retenir  cette  énorme  masse  dans  toutes  ses 
positions.  Deux  groupes  de  forces  furent  appli- 
I  qués  à  des  systèmes  funiculaires ,  savoir  :  un 
système  d'impulsion  pour  abattre  ;  un  système  de 
retenue  pour  maîtriser  et  régulariser  les  mouve- 
ments. On  multipliait  les  forces  d'impulsion  par 
des  cabestans ,  et  les  forces  de  retenue  par  des 
moufles.  M.  Lebas  avait  conçu  l'idée  ingénieuse 
1°  de  retenir  l'obélisque  comme  un  màt  de  vais- 
seau par  un  ensemble  de  cordages  déployés  en 
éventail  et  symétriquement  de  chaque  côté  du 
plan  dans  lequel  devait  graduellement  s'incliner 
l'axe  de  l'obélisque;  2°  de  rendre  mobile  une 
base  horizontale  ou  chevalet  sur  lequel  seraient 
solidement  attachés  les  haubans  ou  cordes  de 
retenue.  A  l'arête  horizontale  et  saillante  de  ce 
chevalet  il  avait  fixé  huit  de  ces  cordes ,  dont 
la  force  était  multipliée  par  des  moufles  ;  enfin 
huit  hommes ,  un  par  corde ,  en  tenaient  à  la 
main  l'extrémité  libre.  Tel  est  l'art  et  le  calcul 
de  cette  combinaison  que  ces  huit  hommes  ont 
suffi  pendant  toute  l'opération  pour  retenir  l'o- 
bélisque et  modérer  au  gré  de  l'ingénieur  la  des- 
cente graduelle  de  230,000  kilogrammes ,  poids 
qui  représente  celui  de  trois  mille  quatre  cents 
hommes.  Les  dispositions  primitives  pour  des- 
cendre l'obélisque  du  plan  incliné  jusqu'au  na- 
vire et  pour  l'introduire  de  ce  plan  dans  le  na- 
vire ,  les  dispositions  inverses  pour  l'extraire  de 
cette  carène  et  le  remonter  suivant  un  nouveau 
plan  incliné  jusque  sur  la  place  de  la  Concorde, 
sont  par  leur  simplicité  ingénieuse  dignes  d'une 
si  belle  opération.  »  Le  succès  de  M.  Lebas  fut 
tel  en  Egypte  que  les  indigènes,  qui  d'abord 
avaient  témoigné  avec  ironie  leur  incrédulité 
sur  le  résultat,  furent  stupéfaits  lorsqu'ils  vi- 
rent le  colosse  couché  s'avançant  paisiblement 
vers  le  navire  qui  l'attendait.  L'obélisqne  fut 
transporté  d'Egypte  au  Havre  sur  un  navire  amé- 
nagé exprès,  nommé  Le  Luxor,  et  commandé  par 
M.  Verninac-Saint-Maur.  Le  monolithe  fut  en- 
suite transporté  àParis  par  la  Seine,  et  le  navire 
qui  le  portait  vint  s'échouer  au  pied  du  quai  qui 
borde  la  place  de  la  Concorde.  L'obélisque,  cou- 
vert d'une  chemise  de  madriers,  franchit  avec 
bonheur  la  rampe  qui  le  séparait  de  la  place 
ainsi  que  le  plan  incliné  en  pierres  qui  avait  été 
préparé  pour  l'amener  à  pied  d'oeuvre,  c'est-à- 
dire  à  la  hauteur  d'un  piédestal  en  granit  édifié 
par  M.  Hittorff  au  centre  de  la  place.  Le  25  oc- 
tobre 1836,  par  une  manœuvre  inverse  de  celle 
qui  avait  été  exécutée  en  Egypte,  l'obélisque  pi- 
vota encore  sur  son  arête  et  une  fois  debout 
prit  possession  de  sa  nouvelle  base,  aux  applau- 
dissements de  200,000  spectateurs;  une  inscrip- 
tion et  des  dessins  gravés  sur  le  socle  indiquent 

3. 


7(  LEBAS  - 

les  différentes  opérations.  Rien  n'avait  été  laissé 
au  hasard  ;  toutes  les  parties  de  l'appareil  avaient 
été  exactement  calculées.  L'ingénieur  connaissait 
d'avance  sous  quel  effort  chacune  d'elles  devait 
agir;  il  avait  pu  prévoir  ce  que  chaque  cordage 
devait  opérer  ;  il  était  certain  qu'aucun  d'eux 
ne  manquerait  à  sa  fonction.  Son  succès  était 
donc  assuré.  «  Il  aurait  pu  voir,  selon  l'expres- 
sion de  Biet,  comme  dans  le  rapport  de  Pline, 
le  fils  d'un  Pharaon  suspendu  au  sommet  de  l'o- 
bélisque sans  avoir  rien  à  redouter  pour  sa  res- 
ponsabilité; »  et  cependant  il  n'avait  pas,  comme 
l'architecte  de  Rhamsès,  20,000  hommes  à  sa  dis- 
position, car  la  manoeuvre  fut  opérée  en  deux 
heures  par  deux  cents  ouvriers  au  plus  choisis 
parmi  les  artilleurs  de  la  marine  et  les  charpen- 
tiers les  plus  expérimentés  virant  aux  cabes- 
tans. Le  roi  Louis-Philippe  assistait  à  cette  ma- 
nœuvre des  fenêtres  du  ministère  de  la  marine; 
quelques  jours  après,  M.  Lebas  fut  nommé  con- 
servateur du  musée  naval,  place  qu'il  conserva 
après  la  révolution  de  février.  A  l'exposition  de 
1834,  M.  Lebas  avait  obtenu  une  médaille  d'or 
pour  l'abattage  de  l'obélisque  de  Luxor.  11  a 
publié  :  L'Obélisque  de  Luxor,  histoire  de  sa 
translation  à  Paris,  description  des  travaux 
auxquels  il  a  donné  lieu,  avec  un  appendice 
sur  les  calculs  des  appareils  d'abattage, 
d'embarquement,  de  halage  et  d'érection  ; 
détails  pris  sur  les  lieux  et  relatifs  au  sol, 
aux  sciences ,  aux  mœurs  et  aux  usages  de 
l'Egypte  ancienne  et  moderne;  suivi  d'un 
extrait  de  l'ouvrage  de  Fontana  sur  la  trans- 
lation de  l'obélisque  du  Vatican;  Paris, 
1839,  in-4°.  L.  Lodvet. 

A.  I.ebas,  L'Obélisque  de  Luxor.  —  Rapport  du  Jury 
central  de  l'Expos.  des  produits  de  l'industrie  en  1834, 
1. 111,  p.  192.  —  Charles  Dupin,  Mémoire  sur  le  trans- 
port en  France  des  obélisques  de  Thèbes,  lu  le  15  mai 
1832  à  l'Académie  des  Sciences.  —  Verninac-Saint- 
Maur,  Voyage  du  Luxor.  —  Biet,  dans  VEncycl.  des 
Gens  du  Monde,  article  Érection.  —  Moniteur,  1836. 

LE  BATTEUX.    Voy.  BA.TTEUX. 

lebaud  (  Pierre),  historien  français,  né, 
suivant  Moréri,  en  Bretagne,  mais  plutôt,  suivant 
l'abbé  Ray  nouard,  à  Saint-Ouen-des-Toits,  sur  les 
frontières  de  la  Bretagne  et  du  Maine ,  dans  le 
doyenné  de  Laval,  mort  à  Laval,  le  19  septembre 
1505.  Si  nous  avons  peu  de  renseignements  sur 
les  diverses  actions  de  sa  vie ,  nous  savons 
toutefois  qu'il  remplit  un  assez  grand  nombre  de 
charges,  puisqu'il  nous  est  tour  à  tour  désigné 
comme  chanoine  de  l'église  de  Laval ,  trésorier 
de  La  Madeleine  de  Vitré ,  chantre  de  Saint-Tu- 
gal ,  aumônier  de  Guy  de  Laval  et  d'Anne  de 
Bretagne.  Lebaud  a  successivement  rédigé  plu- 
sieurs Histoires  de  Bretagne.  La  première ,  inti- 
tulée :  Compilation  des  Chroniques  et  Histoires 
des  Bretons,  n'a  pas  été  imprimée;  on  la  trouve 
à  la  Bibliothèque  d'Angers,  qui  l'a  reçue  de  l'ab- 
baye de  Saint-Aubin.  La  Bibliothèque  impériale 
à  Paris  et  la  bibliothèque  du  Mans  en  possèdent 
une  traduction  latine,  qui  est  l'ouvrage  du  célèbre 


LE  BÉ  72 

Bertrand  d'Argentré ,  petit-neveu  de  Lebaud  ;  — 
l' Histoire  de  Bretagne,  avec  les  Chroniques 
des  maisons  de  Vitré  et  de  Laval,  deuxième 
et  meilleure  mise  en  œuvre  des  laborieuses  re- 
cherches de  Lebaud,  a  été  publiée  en  1638,  par 
d'Hozier,  en  un  volume  in-fol.  Dans  ce  volume 
on  lit  encore  un  poëme  historique  de  Lebaud  in- 
titulé :  Le  Bréviaire  des  Bretons, et  la  Généa- 
logie d'Anne  de  Bretagne,  par  Disarouez  Pen- 
guern.  La  Croix  du  Maine  distingue  expressé- 
ment les  Chroniques  des  Maisons  de  Vitré  et 
de  Laval  d'un  Discours  de  l'Origine  et  Anti- 
quité de  Laval,  dont  il  avait,  dit-il ,  une  co- 
pie manuscrite  dans  sa  bibliothèque.      B.  H. 

N.  Desportes ,  Bibliogr.  du  Maine.  —  D.  Lobineau , 
Préface  de  son  Histoire  de  Bretagne.  —  Gaillard,  Notices 
et  Extraits  des  Manuscrits  de  la  Biblioth.  Nationale , 
t.  VII,  p.  415.  —  B.  Hauréau,  Hist.  Litt.  du  Maine,  t.  II, 
p.  165,  et  tome  IV,  p.  399. 

le  bé,  nom  commun  à  une  famille  d'impri- 
meurs et  de  graveurs ,  dont  les  principaux  sont  : 

le  BÉ  (Guillaume) ,  imprimeur  et  fondeur 
en  caractères,  né  à  Troyes,  en  1525,  mort  à  Pa- 
ris, en  1598.  Il  était  fils  d'un  papetier  champenois. 
François  Ier  lui  commanda  la  gravure  et  la  fonte 
de  ces  beaux  caractères  orientaux  dont  s'est. 
servi  Robert  Estienne;  Philippe  II  lui  demanda 
des  types  semblables  pour  l'impression  de  la 
fameuse  Bible  polyglotte  d'Anvers.  Il  grava 
vers- 1555  deux  sortes  de  caractères  de  musique 
et  une  suite  de  caractères  pour  la  tablature  de 
luth.  La  première  sorte ,  qui  était  en  grosse  mu- 
sique, était  faite  pour  imprimer  en  une  seule  fois 
les  notes  et  la  portée.  La  seconde  était  disposée 
de  manière  à  imprimer  la  musique  en  deux  ti- 
rages ,  l'un  pour  les  notes ,  l'autre  pour  la  por- 
tée. Cette  portée  n'était  pas  d'une  seule  pièce, 
mais  se  composait  au  moyen  de  filets  et  de 
cadrats.  Adrien  Le  Roy  et  Robert  Ballard  ont 
employé  ces  sortes  de  caractères  ;  les  poinçons  et 
les  matrices  ont  passé  dans  l'imprimerie  des 
Ballard,  où  ils  existaient  encore  en  1766-  Marc- 
Antoine  Justiniani,  imprimeur  vénitien  renommé, 
fit  mander  Guillaume  Le  Bé  à  Venise  pour  gra- 
ver des  assortiments  de  caractères  hébraïques. 

Gando  père  et  fils,  Observations  sur  le  Traité  histo- 
rique des  Caractères  de  fonte  par  Fournler.—  Casaubon, 
Préface  des  Opuscules  de  Scaliger. 

le  bé  (  Henri-Guillaume  ),  fils  du  précédent, 
né  vers  1570,  fut  reçu  imprimeur-libraire,  gra- 
veur et  fondeur  en  1625.  Longtemps  avant,  dès 
1581,  il  présidait  à  l'édition  in  4°  des  Lnstitu- 
tiones  Clenardi  in  Linguam  Greccam,  qui  est 
un  véritable  chef-d'œuvre  d'impression.  Les 
autres  ouvrages  qu'il  a  édités  sont  également 
remarquables.  Par  un  inventaire  de  sa  fonderie, 
qu'il  a  fait  lui-même  et  qui  a  été  cité  par  Four- 
nier  dans  son  ouvrage ,  on  voit  que  les  poinçons 
et  les  matrices  de  la  fonderie  de  Nicolas  Duche- 
min  pour  la  musique ,  gravés  par  Duehemin,  Ni- 
colas de  Villierset  Philippe  Danfrie,  étaient  pas- 
sés dans  la  sienne;  ils  existaient  encore  en 
1765  dans  l'imprimerie  de  Fournier  l'aîné.  On  a 


73  LE  BÉ  — 

de  Le  Bé  une  Petite  Grammaire  Arabe,  qui  se 
trouve  en  manuscrit  à  la  Bibliothèque  impériale. 
Schnurrer,  Bibl.  Arab.,  p.  506.  —  Fournier,  Traité 
historique  et  critique  sur  l'Oriyine  et  les  Progrès  des 
Caractères  de  fonte  pour  PImpression  de  la  Musique.— 
Félis,  Biogr.  unir,  des  Musiciens. 

le  bé  (  Guillaume),  fils  et  successeur  du 
précédent,  fut  reçu  libraire ,  graveur  et  fondeur 
en  1636,  et  mourut  en  1685.  Il  compta,  comme  as- 
socié dans  la  compagnie  des  libraires  dite  du 
Grand-Navire,  ainsi  que  l'indique  le  fleuron  du 
navire  surmonté  d'un  B,  par  allusion  à  son  nom, 
imprimé  entête  de  toutes  ses  éditions.  Guillaume 
laissa  une  venve,  qui  soutint  la  réputation  de  sa 
maison  pendant  plus  de  trente  ans,  et  quatre  filles, 
qui  se  distinguèrent  dans  l'art  de  la  fonderie. 

Jean  Le  Bé,  son  parent,  peut-être  son  frère, 
gravait  pour  lui.  Il  a  travaillé  surtout  à  la  belle 
édition  des  Figures  de  la  sainte  Bible,  accom- 
pagnées de  brie/s  discours  composés  par  le 
libraire  Jean  Le  Clerc,  beau-père  de  Guillaume 
Le  Bé;   1643,  in-folio. 

Mémoires  de  l'abbé  de  Marolles.  —  Heinecken,  Dict. 
des  Artistes. 

le  BÉ  (André  ),  maître  d'écriture,  mort  vers 
1690,  a  publié  un  livre  sur  la  calligraphie. 

Mémoires  de  l'abbé  de  Marolles. 

lebeac  (Jean-Baptiste),  en  latin  Bellus, 
historien  français,  né  dans  un  village  du  comtat 
Venaissin,  mort  à  Montpellier,  le  26  juillet  1670; 
Il  entra  dans  l'ordre  des  Jésuites,  et  se  consacra  à 
l'archéologie  et  à  l'histoire.  On  a  de  lui  :  De  Par- 
tibus  Templi  Auguralis  ;  Toulouse,  1637,  in-8°; 

—  De  Mense  et  Die  Victorix  Pharsalicee ;  Tou- 
louse ,  1637,  in-8°  ;  —  Breviculum  expeditionis 
hispaniensis  Ludovici  XIII  ;  Toulouse,  1642, 
in-4°;  —  Polyeenus  gallicus,  sive  stratage- 
mata  Gallorum;  Toulouse,  1643,  in-12,  dont 
il  parut  une  nouvelle  édition,  sous  ce  titre  : 
Otia  regia  Ludovici  XIV;  Paris,  1658,  in-  8°; 

—  Idée  excellente  de  la  haute  perfection  ec- 
clésiastique en  l'histoire  de  la  vie  de  Fran- 
çois d'Estaing,  évêqtie  de  Rhodez  ;  Paris,  1656, 
in-4°  :  cet  ouvrage,  abrégé  en  1660,  a  été  attri- 
bué à  Lacarry  par  le  P.  Lelong.      L— z— e. 

Uupuv,  ftinqe  de  Lebeau,  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
n.ie,  t.XXXIV. 

le  beau  (Charles),  historien  français,  né  à 
Paris,  le  15  octobre  1701,  mort  dans  la  même 
ville,  le  13  mars  1778.  Il  fit  de  très-bounes 
études  au  collège  de  Sainte- Barbe  et  au  collège 
du  Plessis.  II  quitta  Sainte-Barbe  à  la  suite  d'une 
réprimande  sévère,  que  lui  attira,  dit-on,  la  lec- 
ture d'un  volume  de  Bacine ,  et  après  avoir 
terminé  son  éducation  au  Plessis,  il  y  resta 
comme  professeur.  Il  occupait  la  chaire  de  se- 
conde lorsqu'il  se  maria ,  ce  qui  l'obligea  de 
quitter  son  collège,  qui  n'admettait  que  des  céli- 
bataires ;  mais  il  obtint  presque  aussitôt  après  la 
chaire  de  rhétorique  au  collège  des  Grassins. 
En  1752  il  fut  nommé  professeur  d'éloquence  au 
Collège  de  France.  Sa  réputation  de  latiniste  et  sa 
piété  le  signalèrent  à  l'abbé  de  Rothelin,  qui  pré- 
parait une  édition  du  poème  de  Y  Anti- Lucrèce, 


LE  BEAU  74 

laissé  inédit  par  le  cardinal  de  Polignac.  Le  ma- 
nuscrit de  ce  poème,  auquel  le  cardinal  avait  tra- 
vaillé fort  irrégulièrement  pendant  quarante  ans, 
était  dans  un  grand  désordres;  c'était  un  assem- 
blage de  pièces  rapportées,  dont  la  liaison  ne  se 
montrait  pas  au  premier  coup  d'œil.  Des  addi- 
tions écrites  sur  des  feuilles  volantes  formaient 
plus  de  trois  mille  vers  séparés  du  texte.  Le  Beau 
débrouilla  ce  chaos,  et  V Anti- Lucrèce  allait  pa- 
raître lorsque  l'abbé  de  Rothelin  mourut.  Le  Beau, 
resté  seul  chargé  du  travail  de  l'édition,  la  donna 
en  1747,  avec  une  élégante  préface,  qu'il  ne  signa 
pas.  Rien  n'indique  dans  cette  édition  la  part 
qu'il  y  a  prise.  Maniant  avec  facilité  la  prose  et  la 
versification  latine,  Le  Beau  était  dans  les  circons- 
tances solennelles  l'organe  applaudi  de  l'univer- 
sité ;  mais  son  mérite  d'érudit  était  moins  connu. 
L'Académie  des  Inscriptions  l'admit  cependant 
parmi  ses  membres  en  1748.  Il  justifia  ce  choix 
par  la  sûreté  et  la  variété  de  ses  connaissances. 
Non-seulement  il  lut  à  l'Académie  de  savants 
mémoires  sur  la  numismatique  et  l'organisation 
militaire  des  Romains;  mais  il  entreprit  de  réu- 
nir en  un  corps  d'ouvrage  les  récits  des  histo- 
riens byzantins  et  d'en  former  une  narration 
aussi  complète  que  possible  de  la  période  qui 
commence  à  Constantin  et  finit  à  la  prise  de 
Constantinople  par  les  Turcs.  Ce  grand  tra- 
vail était  encore  loin  du  terme  lorsque  l'auteur 
mourut.  Malgré  sa  maladie  et  l'affaiblissement 
de  l'âge,  il  n'avait  pas  voulu  renoncer  à  ses  habi- 
tudes studieuses.  Son  médecin  Bouvard  lui  in- 
terdisait la  lecture.  Il  parut  docile;  mais  ayant 
caché  des  livres  dans  son  lit,  il  s'empressait  de 
les  saisir  aussitôt  qu'on  le  laissait  seul.  On  s'a- 
perçut de  la  ruse,  et  on  lui  en  fit  des  reproches. 
«  Je  mourrai ,  répondit-il ,  encore  plus  vite  par 
l'ennui  que  par  le  travail.  »  On  a  de  lui  :  Ad 
Card.A.  H.  deFleury,  ode;  Paris,  1729  in-4°; 
—  De  légitima  Laudatione,  oratio  ;  Paris,  1 733, 
in-4";  —  In  restitutam  Régi  Valetudinem , 
oratio;  Paris,  1744, in-4°; —  De  Pace, oratio; 
Paris,  1749,  in-4°.  Les  œuvres  latines  de  Le  Beau, 
odes,  fables,discours,ont  été  réunies  sous  ce  titre  : 
Carmina,  adjectis  quibusdam  aliis;  Paris, 
1782-1783,  3  vol.  in-8°;il  en  a  paru  une  édition 
augmentée,  Paris,  1816,  2  vol.  in-8°;  —His- 
toire du  Bas-Empire,  en  commençant  à 
Constantin  le  Grand  ;  Paris,  1756-1779,  22  vol. 
in-12.  Cet  ouvrage,  destiné  à  faire  suile  à  V His- 
toire Romaine  de  Rollin  continuée  par  Crevier 
et  à  Y  Histoire  des  Empereurs  par  Crevier,  est 
un  résumé  judicieux  et  exact  des  historiens 
byzantins;  mais  l'auteur,  quoique  fort  instruit, 
et  bien  qu'il  remonte  soigneusement  aux  sources, 
manque  tout  à  fait  de  cette  puissance  de  combi- 
naison qui  avec  des  détails  épais  ou  incohé- 
rents reconstruit  une  période  historique;  il  n'est 
pas  moins  dépourvu  du  talent  d'écrire.  Son  style, 
terne,  diffus,  incorrect  même,  vise  parfois  à 
l'élégance  et  au  mouvement,  et  devient  alors 
recherché  et  déclamatoire,  Cependant,  comme 


75 


LE  BEAU 


76 


cette  histoire  est  un  abrégé  méthodique ,  com- 
mode et  sûr  d'écrivains  que  l'on  ne  lit  plus, 
elle  eut  du  succès;  et  l'auteur  l'ayant  laissée 
inachevée,  Ameilhon  la  continua  à  partir  du 
vingt-deuxième  volume,  et  la  conduisit  jusqu'à 
la  prise  de  Constantinople.  L'ouvrage  forme 
ainsi  vingt-sept  vol.  (1756-181 1),  auxquels  il  a 
ajouté  deux  volumes  de  Tables  et  de  Ré- 
flexions politiques ,  morales ,  etc.;  Paris,  1817, 
in-12.  Une  nouvelle  édition,  revue  entièrement, 
corrigée  et  considérablement  augmentée  d'après 
les  historiens  orientaux,  avait  été  entreprise  par 
Saint-Martin;  Paris,  1836  (Didot),  21  vol.  in-8o. 
Saint-Martin  mourut  après  l'impression  du  dou- 
zième volume.  Un  autre  orientaliste  distingué, 
M.  Brosset,  a  continué  sur  le  même  plan  que 
M.  de  Saint-Martin  son  savant  travail.  Le  Beau, 
nommé  en  1755  secrétaire  perpétuel  de  l'Acadé- 
mie des  Inscriptions,  rédigea  l'histoire  de  cette 
société  depuis  le  25e  volume  jusqu'au  39e,  et  pu- 
blia dans  le  recueil  de  l'Académie  .  six  mémoires 
Sur  les  Médailles  de  restitution  (1)  (t.  XXI, 
XXIV)  ;  —  De  la  Légion  romaine,  en  vingt-six 
mémoires  (t.  XXV-XLII).  Dans  ce  savant  tra- 
vail, qui  est  son  chef-d'œuvre,  Le  Beau  a  suivi  le 
légionnaire  depuis  l'enrôlement  jusqu'au  moment 
où,  après  de  longs  et  pénibles  services,  il  allait  se 
reposer  dans  les  colonies  :  «  Détail  immense  qui 
l'engageait  à  traiter  de  la  levée  des  soldats .  du 
serment  militaire,  du  nombre  des  soldats,  de  la 
légion,  des  diverses  sortes  d'enseignes,  d'armes 
et  d'habillements,  des  exercices,  de  l'ordre  de  la 
marche,  du  campement  et  de  la  bataille;  de  la 
police  des  légions,  de  leur  paye,  de  leur  nour- 
riture, deleurs  punitions,  de  leurs  récompenses, 
de  leurs  privilèges ,  des  divers  noms  donnés  aux 
légions,  du  congé  et  de  la  vétérance;  et  enfin 
des  villes  où  elles  furent  envoyées  et  qu'elles  for- 
mèrent ,  soit  par  des  colonies ,  soit  par  des 
campements.  »  (2)  Le  même  recueil  contient 
encore,  du  XXV  au  XLIlvol.,les  éloges  des  aca- 
démiciens morts  depuis  1755,  savoir  :  ceux  du 
cardinal  Quirini,  de  Maffeï,  de  Boyer,  ancien 
évêque  de  Mirepoix,  de  Blanchard,  de  l'abbé  de 
Pomponne,  de  Fontenelle,  du  marquis  d'Ar- 
genson ,  de  Peyssonnel ,  de  Lamoignon,  de  l'abbé 
de  Fontenu ,  de  Mellot,  de  l'abbé  Lebeuf,  de 
l'abbé  Sallier,  de  Bon,  de  du  Resnel,  du  card. 
Passioneï,  de  Lévêque  de  La  Ravallière,  de  Fal- 
conet,  du  comte  d'Argenson ,  de  Caylus,  de 
Hardion,  de  Tercier,  de  Ménard,  deNoinville, 
de  l'abbé  Vatry,  de  Bonamy,  du  prés.  Hénault , 
de  l'abbé  Mignot,  de  Schœpflin,  de  Gibert  et  des 

(1)  H  s'agit  de  ces  médailles  frappées  sous  les  règnes 
de  Titus,  de  Doraitien  ,  de  Nerva  et  de  Trajan  qu'on  ap- 
pelle médailles  restituées.  Elles  portent  le  nom  de  deux 
personnages,  d'abord  celui  d'un  magistrat  de  l'ancienne 
république  ou  d'un  empereur,  ensuite  le  nom  du  prince 
qui  fait  frapper  la  médaille  et  qui  s'annonce  comme  res- 
tauraUur  par  le  mot  restitua  entier  ou  abrégé.  Le  Beau 
a  démontré  que  ces  médailles  ont  été  frappées  en  com- 
mémoration du  rétablissement  de  quelques  anciens  mo- 
numents. 

■ï)  Dupuy,  Éloge  de  Le  Beau. 


abbés  Belley  etMazocchi.  On  a  encore  de  Le  Beat! 
une  édition  annotée  des  Orationes  de  Cicéron  , 
3  vol.  in-12.  N. 

Dupuy, .éto^e  de  LeBeau,  dans  les  Mémoires  de  V Aca- 
démie des  Inscriptions,  t.  XLII,  et  en  tête  de  l'Histoire 
du  lias-Empire,  edit.  de  Saint-Martin. 

le  beau  (Jean-Louis),  philologue  français, 
frère  du  précédent,  né  à  Paris,  le  8  mars  1721, 
mort  le  12  mars  1766.  Il  succéda  à  son  frère 
dans  la  place  de  professeur  de  rhétorique  au 
collège  des  Grassins,  et  fut  admis  à  l'Académie  des 
Inscriptions.  Il  a  publié  dans  le  recueil  de  cette 
société  des  mémoires  :  Sur  le  Margetès  d'Ho- 
mère, modèle  de  la  comédie  (  t.  XXIX  )  ;  —  Sui- 
te vrai  dessein  d'Aristophane  dans  la  comédie 
intitulée  Concionatrices  ;  sur  le  Plutus  d'A- 
ristophane et  sur  les  caractères  assignés  par 
les  Grecs  à  la  comédie  moyenne  (  t.  XXX  )  ;  — 
Remarques  sur  la  Description  que  fait  Athé- 
née d'une  fête  d'Alexandrie,  donnée  par  Pto- 
lémée  Philadelphe  (  t.  XXXI  )  ;  —  Sur  le  Lu- 
cius  ou  L'Ane  de  Lucien  ;  sur  L'Ane  d'Or  d'A- 
pulée; sur  un  roman  grec  de  Jamblique 
intitulé  Les  Baby Ioniques;  sjir  les  Auteurs 
dont  Parthénius  de  Nicée  a  tiré  ses  Narra- 
tions (t.  XXXIV)  ;  —  Sur  les  Tragiques  grecs 
(t.  XXXV  ). 

Un  abbé  Le  Beau  ,  frère  des  deux  précédents, 
a  donné  un  Tableau  précis  du  Globe  terrestre 
pour  l'intelligence  de  la  Géographie  ;  Paris, 
1767,  in-12.  N. 

Garnier, Éloge  de  Le  Beau,  dans  le  Recueil  de  l'Acad. 
des  Inscriptions,  t.  XXXIV.  —  Quérard,  La  France  Lit- 
téraire. 

lebkau  (Isidore-Gabriel-Joseph),  anti- 
quaire français,  né  à  Avesnes  (Nord),  en  1767, 
mort  vers  1830.  Président  du  tribunal  de  pre- 
mière instance  d' Avesnes  et  membre  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  France,  il  a  publié  sur  sa 
ville  natale  :  Mémoire  sur  les  Antiquités  de 
l'arrondissement  d'Avesnes  ;  1826  ,  in-8°,  et 
dans  les  Mémoires  de  la  Société  centrale  du 
Nord,  année  1826  ;  —  Notice  sur  le  Pèlerinage 
de  saint  Ethon  à  Dampierre ,  village  près 
d'Avesnes  ;  dans  les  Archives  du  nord  de  la 
France,  de  1829  à  1833  ;  —  Traduction  de  la 
parabole  de  l'Enfant  Prodigue  en  patois  des 
alentours  d'Auvergne ,  avec  des  remarques 
sur  ce  patois  et  la  langue  ivallonne,  etc.;  dans 
le  t.  Xdes  Mém.  de  la  Société  royale  des  An- 
tiquaires;—  Précis  de  l'histoire  d'Avesnes; 
1836,  in-8J.  G.  de  F. 

Statistique  des  Gens  de  Lettres. 

*  lebeau  (  Jean- Louis- J oseph) ,  homme 
d'État  belge,  né  le  2  janvier  1794,  à  Huy  (  pro- 
vince de  Liège).  Il  étudia  le  droit  à  Liège,  où  il 
prit  le  grade  de  docteur  en  1819  ;  après  avoir 
exercé  la  profession  d'avocat  à  Huy,  il  se  fit  ins- 
crire au  tableau  de  l'ordre  près  la  cour  d'appel  de 
Liège.  M.  Lebeau  commença  sa  réputation  en 
1824,  lorsqu'il  se  chargeait,  avec  MM.  Devaux  et 
Rogier,  de  la  direction  du  Mathieu  Lmnsberg, 
journal  politique  jusque  alors  sans  influence,  et 


77 


LEBEAI3  —  LE  BÈGUE 


78 


qui  ne  tarda  pas  à  en  acquérir  sous  le  nom  de 
Journal  politique  de  Liège.  Cette  feuille  con- 
tribua puissamment  à  amener  la  coalition  des  li- 
béraux et  des  catholiques  connue  sous  le  nom 
d'union  ,  coalition  qui  devint  funeste  au  gouver- 
nement néerlandais.  M.  Lebeau  s'abstint  néan- 
moins de  toute  démonstration  d'opposition ,  et 
jusqu'en  1830  il  se  livra  presque  exclusivement 
à  des  études  politiques  et  administratives,  et 
publia  deux  ouvrages  remarquables-  A  l'époque 
des  premiers  troubles  de  Bruxelles  au  mois 
d'août  1830,  on  établit  dans  toutes  les  grandes 
villes  de  Belgique  des  commissions  de  sûreté , 
et  le  gouverneur  de  la  province  de  Liège 
nomma  M.  Lebeau  membre  de  celle  de  Liège. 
C'est  en  cette  qualité  qu'il  fut  envoyé  à  Bruxelles 
avec  une  députation  pour  solliciter  du  prince 
d'Orange  une  séparation  administrative  des  pro- 
vinces du  nord  et  du  sud  sous  le  sceptre  de  la 
maison  de  Nassau.  Le  prince  saisit  avec  empres- 
sement cette  idée  ;  mais  la  révolution  qui  éclata 
au  mois  de  septembre  ne  permit  pas  d'y  donner 
suite.  Le  gouvernement  provisoire  établi  à 
Bruxelles  nomma  M.  Lebeau  avocat  général  à 
la  cour  d'appel  de  Liège,  et  l'invita  à  prendre 
part  aux  délibérations  de  la  commission  chargée 
de  préparer  un  projet  de  constitution.  Liège  le 
choisit  en  même  temps  pour  député  au  congrès 
national.  Dans  la  chambre  des  représentants , 
M.  Lebeau  s'opposa  constamment  à  toute  espèce 
de  réunion  médiate  ou  immédiate  avec  la  France, 
et  pour  empêcher  l'élection  du  duc  de  Nemours, 
il  proposa  la  candidature  du  duc  Auguste  de 
Leuchtenberg.  Le  duc  de  Nemours  fut  élu  à  la 
majorité  d'une  voix  ;  mais  le  roi  Louis-Philippe 
refusa  cette  couronne  pour  son  fils.  M.  Lebeau 
songea,  dit-on,  alors,  ainsi  que  plusieurs  de  ses 
amis ,  à  élever  le  prince  de  Ligne  au  trône  de 
Belgique  ;  mais  cette  idée  n'eut  pas  de  suite. 
Lorsque  le  régent  Surlet  de  Chokier  forma  son 
premier  ministère,  il  confia  à  M.  Lebeau  le  por- 
tefeuille des  affaires  étrangères.  Les  événements 
les  plus  importants  pour  le  nouvel  État  s'accom- 
plirent pendant  son  ministère.  Il  appuya  l'élec- 
tion du  prince  Léopold  de  tous  ses  efforts ,  et 
lors  de  la  discussion  du  traité  dit  des  dix-huit 
articles ,  qui  contenait  les  conditions  de  l'accep- 
tation de  ce  prince,  son  discours  entraîna  le  plus 
de  suffrages  ;  le  projet  fut  adopté.  Pour  prouver 
son  désintéressement,  il  donna  aussitôt  sa  démis- 
sion du  ministère  ;  mais  il  fut  choisi  à  la  presque 
unanimité  pour  faire  partie  de  la  députation  char- 
gée d'aller  porter  au  nouveau  roi,  à  Londres,  le 
vœu  de  la  Belgique.  Le  congrès  ayant  été  dissous 
à  l'arrivée  de  Léopold ,  M.  Lebeau  rentra  dans  la 
vie  privée;  mais  il  en  fut  bientôt  tiré  par  l'élection 
de  sa  ville  natale,  et  le  20  octobre  1832  il  rentra 
dans  le  ministère  au  département  de  la  justice. 
Ce  cabinet  avait  à  combattre  une  opposition  sys- 
tématique et  opiniâtre.  Les  scènes  de  pillage  du 
mois  d'avril  1834  amenèrent  quelques  mois  plus 
tard  la  retraite  de  M.  Lebeau  ;  mais  en  récom- 


pense de  ses  services  il  obtint  le  gouvernement 
de  la  province  de  Namur.  Député  de  Bruxelles 
en  1834  il  employa  son  influence  à  la  chambre  à 
soutenir  le  gouvernement.  11  parla  et  vota  en 
-faveur  du  traité  du  19  avril  1839,  et  bientôt  après 
il  partit  pour  Prancfort-sur-le-Mein  avec  le  titre 
d'envoyé  extraordinaire  du  roi  des  Belges  près 
de  la  diète  germanique,  poste  dans  lequel  il  s'ef- 
força d'entraîner  son  pays  vers  la  sphère  des  in- 
térêts allemands.  Au  retour  de  sa  mission  en  dé- 
cembre 1839,  il  prit  part,  en  mars  1840,  à  la  lutte 
que  suscita  contre  le  ministère  de  Theux  la  réad- 
mission du  général  Vandermissen  sur  les  cadres 
del'armée.  M.  Lebeau  vota  contre  le  ministère,  au- 
quel il  envoya  sa  démission  de  gouverneur  de  Na- 
mur :  elle  fut  acceptée  ;  mais  le  ministère  s'étant 
retiré,  M.  Lebeau  fut  chargé  de  la  composition 
d'un  nouveau  cabinet.  Au  mois  d'avril  1&40 
M.  Lebeau  reprit  le  ministère  des  affaires  étran- 
gères. Il  se  trouva  bientôt  l'objet  des  plus  vives 
attaques  delà  part  del'opposition  cléricale,  et  dut 
donner  sadémissionenavril  1841,  àla  suite  d'une 
proposition  du  sénat,  sur  le  refus  du  roi  de  dis- 
soudre le  parlement.  En  quittant  le  pouvoir, 
M.  Lebeau  refusa,  pour  conserver  toute  son  indé- 
pendance, les  fonctions  publiques  qui  lui  furent 
offertes.  Siégeant  toujours  dans  la  seconde  cham- 
bre, il  continua  d'y  représenter  l'opinion  libérale. 
En  1856  il  attaqua  la  loi  présentée  par  les  minis- 
tres pour  renforcer  la  loi  d'extradition  des  per- 
sonnes accusées  d'attentats  contre  les  souverains 
étrangers  ,  et  en  1 857  il  parla  contre  la  loi  sur 
les  établissements  de  bienfaisance.  On  a  de  lui  : 
Recueil  politique  et  administratif  pour  la 
provincede  Liége;Uége,  1829,  in-12;  —  Obser- 
vations sur  le  pouvoir  royal  dans  tes  Etats 
constitutionnels  ;  Liège,  1830,  in-8°.   L.  L — t. 

Sarrut  et  Saint-Edme ,  Biogr.  des  Hommes,  du  Jour, 
tome  VI,  lre  partie,  p.  230.  —  Conversations-Lexikon.  — 

—  Encyclop.des  Gens  du  Monde.  —  Dict.  de  la  Convers. 

—  Vapereau,  Dict.  univ.  des  Contemp. 

lebedef  (  Guérasim) ,  né  en  1749,  mort 
après  1815.  Il  fit  partie  en  1775  d'une  ambassade 
russe  à  Naples ,  la  quitta  pour  visiter  Paris  et 
Londres,  et  partit  de  là  pour  les  grandes  Indes. 
Il  vécut  deux  ans  à  Madras,  et  vint,  en  1787, 
s'établir  à  Calcutta,  où  il  se  familiarisa  si  bien 
avec  les  langues  bengale,  hindoustani  et  sanscrite, 
qu'il  traduisit  un  grand  nombre  de  pièces  dans 
ces  idiomes;  il  fut  autorisé  par  l'administration 
anglaise  à  créer  un  théâtre  indien,  qui  l'occupa 
durant  douze  ans.  De  retour  à  Londres  en  1801, 
il  y  publia  A  Grammar  ofthepure  and  mixted 
East-lndian  Dialects ,  et  il  obtint  une  forte 
somme  de  l'empereur  Alexandre  Ier,  pour  fon- 
der à  Saint-Pétersbourg ,  une  Imprimerie  In- 
dienne, d'où  sortit,  en  1805,  Étude  impartiale 
sur  les  Systèmes  des  Bratimanistes  des  Indes 
orientales  ;  in-4° .  A.  G. 

Messager  Russe,  mai  1886. 

LE  BÈGUE.    Voy.  BÈGUE. 

EE    BÈGUE     DE    PKESLE     (   Ackille-Guil- 

laume).  Voy.  Bècue  de  Presle. 


79  LE  BEL  — 

le  bel  (Jean-Marie), latiniste  français,  mort 
à  Paris,  le  22  janvier  1784'.  Il  était  avocat  au  par- 
lement, et  avait  une  grande  réputation  comme 
orateur  et  comme  légiste.  Il  consacra  les  der- 
nières années  de  sa  vie  à  la  littérature  latine. 
On  a  de  lui  :  V Art  poétique  d'Horace,  trad.  en 
français;  1769;  —  Abrégé  de  l'Histoire  Romaine 
de  Florus;  1776;  —  Anatomie  de  la  Langue 
Latine;  —  L'Art  d'apprendre  seul  sans 
maître  et  d'enseigner  en  même  temps  le  la- 
tin d'après  nature,  et  le  français  d'après  le 
latin  ;  1780,  in-8°;  2e  partie,  Paris  et  Berlin, 
1788,  in-8°.  L— z— e. 

Dict.  hist.  édit.  de  1822. 

le  bel  (Jehan),  chroniqueur  belge  du  qua- 
torzième siècle.  II  était  chanoine  de  la  cathédrale 
de  Liège  et  conseiller  de  Jean  II  d'Avesnes, 
comte  de  Hainaut.  Il  a  laissé  des  chroniques 
manuscrites,  dont  Froissart  a  fait  un  grand 
profit,  ainsi  qu'il  le  reconnaît  lui-même  dans  le 
Prologue  du  1er  vol.  de  sa  Chronique  :  «  Je  me 
vueil  fonder  et  ordonner,  écrit-il,  sur  les  vrayes 
Chroniques,  jadis  faittes  par  révérend  homme, 
discret  et  sage  monseigneur  maistre  Jehan  Le 
Bel,  chanoine  de  Saint  Lambert  de  Liège,  qui 
grand  cure  et  toute  bonne  diligence  meit  en  cette 
manière  et  la  continua  tout  son  vivant,  et  plus 
justement  qu'il  pût  :  et  moult  luy  cousta  à 
querre  et  à  l'avoir  :  et  volontiers  voyoit  le  sien 
despendre.  Aussy  il  fut  en  son  vivant  moult 
aimé  et  secret  à  monseigneur  messire  Jehan  de 
Hainaut,  qui  bien  est  ramensteu,  et  de  raison,  en 
ce  livre  ;  car  de  moult  belles  et  nobles  advenues 
fut-il  chef  et  cause,  et  des  roys  moult  prochain. 
Pourquoy  le  dessusdit  messire  Jehan  Le  Bel  peut 
de  lez  lui  voir  plusieurs  nobles  besongnes  les- 
quelles sont  contenues  cy-après.  »  Il  ne  paraît 
pas  que  la  chronique  de  Le  Bêlait  été  imprimée. 

L Z— E. 

.   Valère  André,  Bibliotheca  Belgica,  p.  457. 

LE  BEL  (Le  Père),  historien  français  ,  vivait 
dans  le  dix-septième  siècle.  Il  appartenait  à 
l'ordre  des  Trinitaires,  et  n'est  guère  connu  que 
par  le  rôle  qu'il  joua  à  Fontainebleau  lorsque 
Christine,  ex-reine  de  Suède,  fit  assassiner  son 
grand-écuyer  Monaldeschi.  Trois  fois  le  P.  Le 
Bel  vint  demander  la  grâce  du  condamné;  trois 
fois  il  fut  refusé.  Il  dut  se  borner  à  confesser  Mo- 
naldeschi, déjà  blessé  grièvement,  et,  le  meurtre 
consommé,  il  fit  enterrer  l'ancien  amant  de 
Christine.  Le  P.  Le  Bel  publia  plus  tard  une  Re- 
lation du  Meurtre  de  Monaldeschi,  grand- 
écuyer  de  la  reine  Christine  de  Suède,  etc.; 
Cologne,  1664,  in-12.  L— z— e. 

Sismondi ,  Histoire  des  Français,  t.  XXill,  p.  545-547. 

* leber  (Jean-Michel-Constant),  littéra- 
teur français,  né  à  Orléans,  le  8  mai  1 780.  Entré 
en  1807,  dans  les  bureaux  du  ministère  de  l'in- 
térieur il  devint  chef  du  bureau  du  contentieux 
des  communes ,  puis ,  admis  à  la  retraite  en 
183S,  il  s'est  retiré  dans  sa  ville  natale.  Con- 
sacrant ses  loisirs  à  des  travaux  d'érudition,  il 


LEBERECHT  80 

fait  partie  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Fran- 
ce. On  a  de  lui  :  Des  Cérémonies  du  Sacre, 
ou  recherches  historiques  et  critiques  sur 
les  mœurs,  les  coutumes,  les  institutions 
et  le  droit  public  des  villes  et  des  Fran- 
çais dans  V  ancienne  monarchie  ;  Paris,  1825, 
in-8°  ;  —  Histoire  critique  du  Pouvoir  muni- 
cipal ;  de  la  condition  des  cités,  des  bourgs, 
et,  de  l'administration  comparée  des  com- 
munes en  France  depuis  l'origine  de  la 
monarchie  jusqu'à  nos  jours;  Paris,  1829, 
in-8°  ;  —  De  l'état  de  la  Presse  et  des  Pam- 
phlets, depuis  François  Ier  jusqu'à  Louis  XIV; 
Paris,  1834,  in-8°;  —  Plaisantes  Recherches 
d'un  Homme  grave  sur  un  Farceur.  Prologue 
tabarinique  pour  servir  à  l'histoire  litté- 
raire et  bouffonne  de  Tabarin,  par  C.  L.; 
Paris,  1835,  gr.  in-16,  réimprimé  à  Paris, 
1856,  in-16;  -—  (en  société  avec  M.  de  Pui- 
busque)  Code  municipal  annoté,  etc.;  Paris, 
1838,  in-8°;  —  Essai  sur  l'appréciation  de 
la  fortune  privée  au  moyen  âge,  relati- 
vement aux  variations  des  valeurs  monétaires 
et  du  pouvoir  commercial  de  l'argent;  suivi 
d'un  examen  critique  des  tables  de  prix  du 
marc  d'argent ,  depuis  Vépoque  de  saint 
Louis,  2e  édit.  ;  Paris,  1847,  in-8°:  savant  mé- 
moire, imprimé  pour  la  première  fois  dans  le 
tome  1"  du  Recueil  des  Savants  Étrangers  de 
l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques. 
M.  Leber  a  fourni  divers  articles  aux  Mémoires 
de  là  Société  des  Antiquaires  de  France.  Il  a 
mis  au  jour,  avec  MM.  J.-B.  Salgues  et  J.  Cohen, 
une  Collection  des  meilleures  dissertations, 
notices  et  traités  particuliers  relatifs  à 
l'histoire  de  France,  composée  en  grande 
partie  de  pièces  rares  et  qui  n'ont  jamais 
été  publiées  séparément;  Paris,  1826-1842, 
20  vol.  in-8°.  Cette  collection  contient  beaucoup 
de  notices  et  de  dissertations  de  M.  Leber  sur 
des  sujets  curieux  qui  n'avaient  pas  encore  été 
traités  ou  épuisés.  Bibliophile  très-distingué, 
il  avait  formé  une  précieuse  collection  de  livres, 
depuis  acquise  par  la  ville  de  Rouen ,  et  inven- 
toriée sous  ce  titre  :  Catalogue  des  livres  im- 
primés, manuscrits,  estampes,  dessins  et 
cartes  à  jouer,  composant  la  bibliothèque  de 
M.  C.  Leber,  avec  des  notes  par  le  collec- 
teur ;  Paris ,  1839-1852  ,  4  vol.  in-8°,  fig. 
E.  Regnard. 

Quérard,  La  France  Littéraire.—  Louandre  etBour- 
quelot,  La  Littér.  Franc,  contemp.  —  Bibliographie  de 
ta  France.  —  Doc.  partie. 

lebekecht  (  Charles  de  ),  célèbre  graveur 
en  médailles  allemand,  né  à  Meiningen,  en  1749, 
mort  en  1827.  En  (1775  il  se  rendit  à  Saint-Pé- 
tersbourg, et  y  obtint  un  emploi  à  la  monnaie. 
Catherine  II  ayant  remarqué  le  talent  de  Leberecht 
pour  l'exécution  des  médailles,  l'envoya  à  Rome 
pour  qu'il  s'y  perfectionnât  dans  son  art.  De  re- 
tour en  Russie  deux  ans  après,  il  devint  en  1S00 
directeur  de  la  cour  des  monnaies,  et  fut  nwmmé 


81  LEBERECHT 

en  1806  conseiller  d'État.    Il  était  membre  des  | 
Académies  des  Beaux-Arts  de  Saint-Pétersbourg  ; 
et  de  Berlin.  Il  a  gravé  plus  de  quarante  mé-  | 
dailles  commémoratives  à  propos  d'événements 
importants    arrivés    en  Russie  de  son  temps. 
Leberecht  a  aussi  gravé  un  certain  nombre  de 
pierres  fines,  conservées  à  l'Ermitage;  elles  re- 
présentent pour  la  plupart  des  sujets  allégoriques 
de  l'histoire  de  Russie.  E.  G. 


Kunstblalt  (année  1828). 
Lexkon. 


Nagler,  Allqem.  Kunsller- 


le  BEKitiAYS  (  René  ),  agronome  français, 
né  le  31  mai  1722,  au  bourg  de  Brecey,  près 
d'Avranclies ,  mort  le  7  janvier  1807,  à  sa 
terre  de  Bois-Guérin,  dans  la  même  contrée. 
Né  de  cultivateurs  propriétaires,  il  commença  ses 
études  au  collège  d'Avranches,  d'où  il  sortit 
pour  faire  sa  philosophie  au  collège  de  Vire. 
Quelques  années  après,  il  fut  appelé  à  Paris  par 
son  grand-oncle,  oratorien ,  qui  lui  enseigna  la 
théologie  et  l'engagea  à  suivre  la  carrière  ecclé- 
siastique. Le  Berryais  s'en  tint  aux  ordres  mi- 
neurs. Il  n'avait  de  goût  que  pour  la  littérature; 
mais,  faute  de  fortune,  il  accepta  la  place  de  pré- 
cepteur du  fils  de  Gilbert  de  Voisins,  greffier 
en  chef  du  parlement  de  Paris.  Étudiant  avec 
son  élève  ce  qu'il  ne  savait  pas,  Le  Berriays  ap-- 
prit  ainsi  l'italien,  l'anglais,  le  dessin,  l'architec- 
ture et  la  musique.  L'élève  obtint  une  place 
de  président  à  mortier.  Lorsque  le  parlement  fut 
exilé,  Le  Berriays  suivit  son  ancien  disciple  dans  la 
retraite.  C'est  là  qu'il  prit  du  goût  pour  l'agricul- 
ture. Duhamel-Dumonceau  lui  demanda  son  aide 
pour  la  publication  du  Traitédes  Arbres  fruitiers-. 
Le  Berriays  accepta  avec  empressement,  et  se  mit 
à  décrire,  dessiner  et  colorier  un  grand  nombre 
d'arbres.  L'ouvrage  parut  en  1768,  sons  le 
nom  de  Duhamel  ;  mais  il  est  dû  en  grande 
partie  à  son  collaborateur.  Le  Berriays  composa 
ensuite  un  ouvrage  de  jardinage ,  qui  fut  publié 
sous  son  nom  et  répandit  au  loin  sa  réputation. 
La  perspective  d'une  place  à  l'Académie  des 
Sciences  ne  put  le  retenir  à  Paris  ;  il  préféra 
retourner  dans  son  pays,  où  il  choisit  pour  re- 
traite la  terre  du  Bois-Guérin  près  d'Avranches. 
De  cette  terre  la  vue  s'étend  sur  la  baie  au  milieu 
de  laquelle  s'élève  le  mont  Saint-Michel.  Il  s'y  oc- 
cupa de  jardinage,  et  termina  son  livre.  Adonné 
à  la  pratique,  il  taillait  lui-même  ses  arbres, 
et  après  de  nombreuses  expériences  il  par- 
vint à  obtenir  plusieurs  variétés  de  fruits ,  no- 
tamment des  cerises  remarquables  par  leur 
grosseur  et  leur  goût  délicieux.  Il  se  plaisait  à 
offrir  des  greffes  et  des  graines  aux  amateurs. 
U  répandit  dans  les  environs  d'Avranches  la 
culture  de  la  pomme  de  terre,  et  forma  une 
école  gratuite  de  jardinage  où  tout  le  monde 
était  admis.  En  peu  de  temps  il  amena  les  plus 
heureux  changements  dans  la  culture  de  ses  voi- 
sins. Dans  un  de  ses  voyages  à  Paris,  il  offrit  à 
Louis  XV  des  greffes  de  cerises  que  le  roi  vou- 
lut placer  lui-même.  On  attribue  à  Le  Berriays  les 


—  LEBERT  82 

plans  des  plus  belles  maisons  d'Avranches  et  du 
collège  de  celte  ville.  A  la  révolution,  Le  Berriays 
fut  obligé  de  se  réfugier  à  Rouen,  où  il  resta  ca- 
ché jusqu'en  1794.  En  1800,  la  Société  d'Agricul- 
ture de  Paris  lui  envoya  une  médaille  d'or  et 
le  titre  de  correspondant.  Il  s'occupait  d'une 
nouvelle  édition  de  son  grand  ouvrage  lorsqu'il 
mourut.  Son  livre  porte  le  titre  de  :  Traité  des 
Jaidins,  ouïe  Nouveau  La  Quintinie;  Paris, 
1775,  2  vol.  in-8°  :  le  premier  volume  traite  du 
jardin  fruitier,  le  second  du  jardin  potager.  Plus 
tard  il  lit  paraître  le  Traité  des  Jardins  d'orne- 
ment, et  acheva  son  travail  par  le  traité  de  l'o- 
rangerie, dans  lequel,  après  avoir  exposé  les  rè- 
gles de  la  construction  des  châssis  et  des  serres, 
il  enseigne  la  culture  des  plantes  exotiques.  Les 
gravures  de  cet  ouvrage  ont  été  exécutées  d'après 
les  dessins  de  Le  Berriays.  Le  Nouveau  La 
Quintinie  eut  un  grand  succès,  et  il  le  méritait. 
Au  jugement  de  Le  Bègue  de  Presles,  censeur  du 
livre  :  «  C'est  un  exposé  exact  des  connaissances 
théoriques  et  pratiques  les  plus  intéressantes  sur 
les  jardins.  Il  n'existe  sur  cet  objet  aucun  livre 
qui  réunisse  des  descriptions  aussi  bienfaites,  des 
principes  aussi  solides  et  d'aussi  bons  procédés. 
Ils  sont  simples  ,  sans  aucun  mélange  de  puéri- 
lités et  de  faux  préjugés ,  si  communs  dans  les 
anciens  livres  d'agriculture.  »  Le  Nouveau  La 
Quintinie  a  été  réimprimé  plusieurs  fois.  Pour 
le  mettre,  à  la  portée  de  tout  le  monde,  Le 
Berriays  en  rédigea  un  abrégé,  clair  et  précis, 
sous  le  titre  de  Le  Petit  La  Quintinie;  Avran- 
ches,  1791,  in-18  ;  réimprimé  depuis  un  grand 
nombre  de  fois.  Dans  les  dernières  années  de  sa 
vie,  Le  Berriays  avarà  composé  sur  les  haricots 
un  traité  orné  de  49  planches  dessinées  et  enlu- 
minées par  lui,  dont  il  fit  présent  à  Barenton,  et  qui 
est  resté  manuscrit.  Il  avait  commencé  un  travail 
sur  le  cidre  et  le  poiré  ;  mais,  n'espérant  pas  pou- 
voir terminer  ce  travail,  il  pria  la  Société  d'Agri- 
culture de  Caen  de  s'en  charger.  Le  Berryais 
avait  ajouté  les  figures  d'un  grand  nombre  d'es- 
pèces nouvelles  obtenues  dans  ses  essais  à  son 
Traité  des  Arbres  fruitiers.  Il  avait  fait  quel- 
ques corrections  et  beaucoup  d'additions  au  même 
ouvrage,  qui  devait  ainsi  former 3  volumes  in-4". 
Il  en  avait  également  réduit  les  dessins  et  le 
texte  en  deux  volumes  in-8° ,  qu'il  avait  intitulés 
Petite  Pomone  française.  Tous  ces  manuscrits 
restèrent  dans  les  mains  de  Le  Court. 

L.  Louvet. 
P.  A.  Lair,  Notice  sur  M.  Le  Berriays;  Caen,  1808. 
*  lebert  (Eer'mann),  médecin  allemand,  né 
vers  1810.  Après  avoir  étudié  la  médecine  en 
Allemagne,  il  fut  reçu  docteur  en  1834  par  l'u- 
niversité de  Zurich,  vint  s'établir  en  1847  à 
Paris,  et  y  obtint  l'autorisation  d'exercer  sa  pro- 
fession. Vers  1855,  il  retourna  à  Zurich,  où  il 
est  professeur  de  clinique  médicale  à  l'université. 
On  a  de  lui  :  Physiologie  pathologique  ;  Zu- 
rich, 1845,  2  vol. in-8°  avec  atlas:  ce  sont  des 
recherches  expérimentales  faites  avec  le  micros» 


83  LEBERT  —  LEBEUF 

cope  sur  les  tumeurs,  les  tubercules,  etc.;  — 


Traité  pratique  des  Maladies  Scrofuleuses 
et  Tuberculeuses;  Paris,  1849,  in-8°  :  travail 
couronné  par  l'Académie  de  Médecine  de  Paris, 
dans  les  Mémoires  de  laquelle  il  avait  été  publié 
sous  un  autre  titre  (tome  XIV)  ;  —  Traité  pra- 
tique des  Maladies  Cancéreuses;  Paris,  1851, 
in-8°;  —  Traité  d' Anatomie pathologique  gé- 
nérale et  spéciale,  ou  description  et,  icono- 
graphie pathologique  des  altérations  mor- 
bides, tant  liquides  que  solides,  observées  dans 
le  corps  humain  ;  Paris,  1855-1858,  in-fol. 

L.  L-t. 

Vapereau,  Dict.  wiiv.  des  Contemp.  —  Daremberg, 
dans  le  Journal  des  Débats  du  18  nov.  1888. 

le  besnier  ou  besnier  (N ),  inventeur 

français  du  dix-septième  siècle ,  était  serrurier  à 
Sablé,  dans  le  pays  du  Maine.  Il  fabriqua  une 
machine  à  quatre  ailes  pour  voler  en  l'air.  Cette 
machine  consistait  en  deux  bâtons  ayant  à  cha- 
que bout  un  châssis  oblong  de  taffetas,  châssis 
se  pliant  de  haut  en  bas  comme  des  bâtons  de 
volets  brisés.  Pour  voler  on  ajustait  ces  bâtons 
sur  les  épaules,  de  manière  à  avoir  deux 
châssis  devant  et  deux  derrière.  Les  châssis  de 
devant  étaient  remués  par  les  mains  et  ceux  de 
derrière  par  les  pieds  en  tirant  une  ficelle  qui 
leur  était  attachée.  L'ordre  de  mouvoir  ces  sor- 
tes d'ailes  était  tel  que,  quand  la  main  droite 
faisait  baisser  l'aile  droite  de  devant,  le  pied 
gauche  faisait  baisser  l'aile  gauche  de  derrière  ; 
ensuite  la  main  gauche  faisant  baisser  l'aile  gau- 
che de  devant,  le  pied  droit  faisait  baisser  l'aile 
droite  de  derrière,  et  ainsi  alternativement  en 
diagonale.  Ce  mouvement  en  diagonale  semblait 
très-bien  imaginé  parce  que  c'est  celui  qui  est 
naturel  aux  quadrupèdes  et  aux  hommes  quand 
ils  marchent  ou  quand  ils  nagent.  La  première 
paire  d'ailes  sortie  des  mains  de  Le  Besnier  fut 
portée  à  Guibray,  et  achetée  par  un  baladin  qui 
s'en  servit  heureusement.  Le  Besnier  ne  pré- 
tendait pas  cependant  pouvoir  s'élever  de  terre 
par  sa  machine  ni  se  soutenir  longtemps  en  l'air, 
à  cause  du  défaut  de  la  force  et  de  la  vitesse 
pour  agiter  fréquemment  et  efficacement  ces 
sortes  d'ailes  ;  mais  il  assurait  qu'en  partant  d'un 
lieu  médiocrement  élevé ,  il  passerait  aisément 
une  rivière  d'une  largeur  considérable,  l'ayant 
déjà  fait  de  plusieurs  distances  et  à  différentes 
hauteurs.  11  avait  commencé  d'abord  par  s'élancer 
de.  dessus  un  escabeau ,  ensuite  de  dessus  une 
table,  puis  d'une  fenêtre  peu  élevée,  puis  de  la 
fenêtre  d'un  second  étage ,  et  enfin  d'un  grenier, 
d'où  il  avait  passé  par-dessus  les  maisons  du  voi- 
sinage. Ces  essais  n'allèrent  pas  pourtant  plus 
loin,  et  des  physiciens  du  temps  regrettaient  que 
l'inventeur  de  cette  machine  n'y  eût  pas  adapté 
quelque  chose  de  très-léger  et  de  grand  volume 
qui  pût  contrebalancer  dans  l'air  le  poids  du 
corps  de  l'homme,  ainsi  qu'une  queue  qui  pût 
servir  à  soutenir  et  conduire  celui  qui  volerait  ; 
malheureusement  on  trouvait  bien  de  la  difficulté 


à  donner  le  mouvement  et  la  direction  à  cette 
queue.  On  ignore  comment  finit  Le  Besnier. 
L.  Louvet. 

Journal  des  Savants  du    12  sept.  1678,   n°  XXXVI, 
p.  460  et  suiv. 

lebecf  (L'abbé  Jean),  historien  français, 
né  à  Auxerre,  le  6  mars  1687,  mort  le  10  avril 
1760.  Il  était  d'une  des  plus  anciennes  familles 
d' Auxerre.  Il  prit  la  carrière  ecclésiastique,  et 
devint  chanoine  et  sous-chantre  de  l'église  cathé- 
drale de  sa  ville  natale.  II  entreprit  plusieurs 
voyages  pour  examiner  dans  diverses  parties  de 
la  France  les  restes  précieux  et  les  monuments 
de  l'antiquité,  et  devint  en  1741  membre  de  l'A- 
cadémie des  Inscriptions.  Ses  principaux  ouvra- 
ges sont  :  De  l'Étal  des  Sciences  dans  l'éteûdue 
de  la  Monarchie  française  sous  Charlemagne ; 
Paris,  1734,  in-12;  —  Dissertation  sur  l'État 
des  Anciens  Habitants  du  Soissonnais  avant 
la  conquête  des  Gaules  par  les  Francs  ;  Paris, 
1735,  in-12;  —  Dissertation  sur  plusieurs 
Circonstances  du  règne  de  Clovis;  Paris,  1738, 
in-12;  —  Recueil  de  divers  Écrits  pour  servir 
d'éclaircissement  à  l'Histoire  de  France,  et  de 
Supplément  à  la  Notice  des  Gaules  /Paris,  1738, 
in-12;  —  Mémoires  contenant  V  Histoire  ecclé- 
siastique et  civile  d'Auxerrej  Paris,  1754,  et 
1757, 15  volumes  in-12.—  H istoiredela  Ville  et 
du  Diocèse  de  Paris,  1754,  15  volumes  in-12. 
Cet  ouvrage  contient  plutôt  des  mémoires  qu'une 
histoire;  —  Essai  historique ,  critique,  philo- 
logique sur  les  Lanternes;  1755; —  Mémoire 
touchant  l'usage  d'écrire  sur  des  tablettes  de 
cire,  dans  lequel  on  examine  s'il  est  vrai  que  cet 
usage  a  cessé  avec  le  cinquième  siècle  depuis 
I.-C,  et  où  l'on  prouve  qu'il  a  été  pratiqué  dans 
tous  les  siècles  suivants  et  même  dans  celui-ci  ;  et 
pour  confirmation  du  fait ,  on  donne  le  détail  de 
plusieurs  voyages  de  nos  rois  des  treizième  et 
quatorzième  siècles,  écrits  surdelacire;  —  Sur 
quelques  Antiquités  de  Perigueux,  avec  2  pi.; 
—  Conjectures  sur  la  reine  Pédauque,  où 
l'on  recherche  quelle  pouvait  être  cette  reine,  et, 
à  cette  occasion ,  ce  qu'on  doit  penser  de  plu- 
sieurs figures  anciennes  prises  jusqu'à  présent 
pour  des  statues  de  princes  ou  de  princesses  de 
France  (  tom.  XXIII,  part.  hist.  );  —  Notice 
raisonnée  des  Annales  Védastines,  manuscrit 
du  dixième  siècle.  La  Bibliothèque  des  Auteurs 
de  Bourgogne ,  imprimée  dix-huit  ans  avant  la 
mort  de  Lebeuf ,  indique  cent  soixante  ouvrages 
ou  opuscules  publiés  par  cet  écrivain  et  conte- 
nus la  plupart,  soit  dans  le  Mercure ,  soit  dans 
les  Mémoires  de  Desmolets.  Papillon  reconnaît 
lui  devoir  la  plus  grande  partie  des  documents 
historiques  utiles  à  son  œuvre.  11  avait,  en  outre, 
eu  part  à  la  nouvelle  édition  du  Glossaire  de 
Du  Cange,  à  la  nouvelle  édition  du  Dictionnaire 
Géographique  de  La  Martinière ,  entreprise  à 
Dijon  en  1740,  etc.  Il  a  fourni  au  Journal  de 
Verdun  vingt-cinq  Dissertations  ou  Lettres 
remplies  d'érudition,  indépendamment  de  plu- 


85 

sieurs  autres,  qu'il  n'a  pas  signées.  On  trouvera 
dans  Le  Long,  t.  V,  le  détail  de  tout  ce  que 
l'abbé  Lebeuf  a  écrit  sur  l'histoire  de  Fiance, 
formant  cent  soixante-treize  pièces.  Il  est  aussi 
auteur,  en  société  avec  l'abbé  Mignot,  de  la  Tra- 
dition de  V Église  d'Auxerre,  insérée  dans  Le 
Cri  de  la  Foi.  Enûn,  il  a  édité  Y  Histoire  de 
la  Ville  de  Verdun  de  Roussel ,  à  laquelle  il 
a  ajouté  des  Notes  ;  1 745,  in-4u.      L—  z — e. 

Papillon ,  Bibliothèque  des  Auteurs  de  Dourqoyne.  — 
Le  Beau  ,  Éloge  de  l'abbé  Lebeuf  ilans  les  Mémoires  de 
l'Académie  des  Inscriptions.  —  Quérard ,  La  France 
Littéraire.  —  Abbé  Leloog,  Histoire  Littéraire  de  la 
France. 

lebeuf  (  Louis  ),  financier  et  sénateur  fran- 
çais, né  à  L'Aigle  (Orne),  le  26  mai  1792,  mort 
le  10  novembre  1854.  Fils  d'un  notaire,  il  fut  des- 
tiné au  commerce ,  et  débuta  à  dix-neuf  ans 
comme  simple  commis  dans  une  maison  dont  il 
devint  le  chef.  Il  se  vit  bientôt  à  la  tête  d'une 
riche  maison  de  banque  ,  devint  membre  du 
conseil  d'escompte  de  la  Banque  de  France  et 
juge  au  tribunal  de  commerce.  Nommé  régent 
de  la  banque  de  France  en  1835,  il  acquit  la 
manufacture  de  porcelaine  de  Fontainebleau , 
et  fut,  le  7  novembre  1837,  élu  député  parle 
département  de  Seine-et-Marne.  Réélu  pen- 
dant toute  la  durée  du^ règne  de  Louis-Philippe, 
il  prit  part  à  toutes  les  discussions  d'intérêt  gé- 
néral, particulièrement  à  celles  relatives  aux 
finances,  prononça  à  la  tribune  plusieurs  dis- 
cours sur  l'organisation  et  la  compétence  des  tri- 
bunaux de  commerce,  sur  les  douanes,  sur  le 
travail  des  enfants  dans  les  manufactures,  sur  le 
système  de  concession  des  grandes  lignes  de 
chemin  de  fer,  etc.  Il  s'est  fait  remarquer  dans 
toutes  les  commissions  chargées  d'examiner  ces 
diverses  matières ,  et  s'est  constamment  montré 
dévoué  aux  intérêts  matériels  du  pays.  En  1849 
de  nombreux  suffrages  l'appelèrent  à  l'Assemblée 
législative  ;  il  fit  partie  de  la  commission  con- 
sultative du  13  décembre  1851,  et  fut  élevé  à 
la  dignité  de  sénateur  par  décret  du  26  janvier 
1852.  S— n. 

Biographie  des  Membres  du  Sénat  ;  Paris ,  1852.  — 
V Album,  de  la  Semaine;  Paris,  1853. 

lebeydebatilly  (Denis), en  latin  Lebecs 
Batillds  ,  jurisconsulte  et  poète  français  ,  né  à 
Troyes,  le  27  novembre  1551,  mort  à  Metz,  le 
17  septembre  1607.  Après  avoir  étudié  à  Genève 
et  à  Lausanne  les  belles-lettres  et  la  philosophie 
sous  la  direction  d'Antoine  de  La  Faye  et  de 
Pierre  Ramus,  il  vint  vers  1571  étudier  le  droit 
à  Paris.  En  1572  il  alla  entendre  les  leçons  de 
Cujas  à  Valence,  et  se  fit  en  1575  inscrire  au 
barreau  du  parlement  de  Paris.  Patronné  par 
Loisel  et  Pithou ,  il  fut,  quoique  calviniste,  choisi 
par  le  cardinal  de  Bourbon  pour  avocat  du  mar- 
quisat d'Isle,  et  le  duc  d'Anjou  le  nomma  son 
maître  de  requêtes.  En  1585  il  quitta  la  France, 
et  se  retira  d'abord  a  Montbéliard;  mais  les 
luthériens,  devenus  tout- puissants  dans  cette 
ville ,  le  forcèrent  bientôt  à  l'abandonner.  Après 


LEBEUF  —  LEBLANC  86 

avoir  passé  quelque  temps  à  Bâle,  et  ensuite  à 
Sainte-Marie  -aux-Mines,  il  alla  en  1587  re- 
joindre à  Metz  son  beau-père  Georges  Bertin,  mé- 
decin distingué.  Envoyé  en  1591  par  le  magis- 
trat de  Metz  auprès  du  duc  d'Épernon  et  en- 
suite auprès  de  Henri  IV,  il  fut,  quelque  temps 
après,  nommé  par  ce  prince  maître  des  re- 
quêtes de  l'hôtel  et  président  de  la  justice  dans 
la  ville  de  Metz.  Il  garda  cet  office  jusqu'en  1605, 
année  où  il  se  retira  des  fonctions  publiques.  On 
a  de  lui  :  Emblemata  ;  Francfort,  1596,  in-4°: 
dans  ce  livreles  emblèmes,  dessinés  par  Boissard, 
et  gravés  par  Th.  de  Bey,  sont  chacun  accom- 
pagnés d'une  page  d'explication  en  prose  et  d'une 
pièce  en  vers  latins  ;  —  Traité  de  l'Origine  des 
anciens  Assassins  porte-cou  t eaux  ;  Lyon,  1603, 
in-8°  ;  une  première  édition  parut  à  Metz,  avant 
1598.  Lebey  a  aussi  publié,  sans  y  mettre  son 
nom,  des  notes  à  Pétronne  dans  l'édition  du 
Satyricon  parue  à  Lyon  en  1374;  il  a  laissé  en 
manuscrit  :  Thésaurus  Linguœ  Gallicse;  De 
Reliquis  Gigantium  ;  Poemata  varia;  Far- 
rago  Proverbiorum  ;  Commentant  de  Rébus 
Mediomatricorum,  etc. 

Son  fils,  Antoine  de  Batilly,  né  en  1601, 
prit  du  service  dans  l'armée  française ,  participa 
à  presque  toutes  les  campagnes  des  dernières 
années  de  Louis  XIII,  devint  en  1644  maréchal 
de  camp,  et  fut  tué  en  1646  par  le  marquis  de 
Repaire.  E.  G. 

Boissard,  Icônes  (pars  secunda  ).  —  Haag,  La  France 
Protestante. 

le  bigot  (Jean),  écrivain  français,  né  à 
Teilleul  (Normandie),  en  1549,  n'est  connu  que 
parles  ouvrages  suivants  :  Larmes  sur  le  trépas 
de  Bastien  de  Luxembourg,  pair  de  France , 
gouverneur  de  Bretagne,  etc.;  Paris,  1569, 
in-4°  ;  —  Vœu  et  Actions  de  grâces  au  cardinal 
Charles  de  Bourbon;  Paris,  1570,  in-4°;  — 
La  Prise  de  Fontenay-le-Comte,  le  21  sep- 
tembre ,  parle  duc  de  Montpensier;  1574, 
in-4°.  L— z— e. 

Dictionnaire  Historique  (  édit.  de  1822  ). 
Leblanc  (Richard),  traducteur  français, 
né  à  Paris,  vers  1510,  mort  vers  1580,  se  rendit 
très-habile  dans  la  connaissence  du  grec  et  du 
latin ,  fut  instituteur  des  enfants  d'Elienne  de 
Mérainville,  maître  d'hôtel  du  duc  de  Guise ,  et 
mérita  la  bienveillance  de  la  princesse  Margue- 
rite ,  fille  de  François  Ier,  à  laquelle  il  dédia  la 
plupart  de  ses  traductions.  On  cite  de  Leblanc 
les  traductions  suivantes  :  Les  Œuvres  et  les 
Jours  d'Hésiode,  qu'il  traduisit  pour  les  enfants 
d'Etienne  de  Mérainville;  Lyon  ou  Paris,  Royard, 
1547,  in-8°.  Cette  traduction  est  en  vers  de  dix 
pieds ,  seul  mètre  que  Leblanc  ait  employé  dans 
ses  traductions  en  vers  ;  —L'Histoire  de  Tan- 
credus ,  prise  des  vers  de  Philippe  Beroaldo  ; 
Paris,  1553,  in-16;  —  Dialogue  de  saint  Chry- 
sostome,  de  la  Dignité  Sacerdotale;  Paris, 
1553,  in-16;  —les  Centons  de  Proba  Falconia^ 
Paris,  1553,  in-16;  —   L'Élégie  de  la  Corn- 


87 


LEBLANC 


88 


plainte  du  Noyer,  qu'on  attribuée  Ovide,  tra- 
duction en  vers;  Paris,  1554,  in-80;—  les 
Géorgiques  de  Virgile;  ibid.,  1554,  1574,  1578, 
in-8°  ;  —  les  Bucoliques  de  Virgile,  moins  la 
première,  dont  Marot  avait  donné  plutôt  une  imi- 
tation qu'une  traduction;  ibid.,  1555,  in-8°,  fig.; 
ibid.,  1574;  —  Les  Livres  de  la  Subtilité  de 
Jérôme  Cardan;  ibid.,  1554,  in-4°;  1578,  1584, 
in-8».  F-*-  T- 

Lelong,  Bibliothèque  Historique  de  la  France. 

Leblanc  ou  dcblanc  (Guillaume),  théo- 
logien et  traducteur  français,  né  à  Alby,  vers 
1520,  mort  à  Avignon,  en  1588.  Il  entra  dans 
les  ordres,  et  accompagna  à  Rome  le  cardinal 
d'Armagnac.  Il  y  découvrit  deux  manuscrits  de 
Xipbilin,  et  en  fit  une  traduction  latine.  De  re- 
tour en  France,  il  devint  conseiller  clerc  du  par- 
lement de  Toulouse,  chancelier  de  Puniversité  de 
cette  ville,  évêque  de  Toulon  en  1571,  et  vice- 
légat  à  Avignon  en  1575.  Leblanc  fut  un  zélé 
protecteur  des  lettres;  lui-même  était  instruit,  et 
composa  plusieurs  ouvrages,  savoir  une  traduc- 
tion latiue  de  Xiphilin,  1550;  des  vers  latins 
insérés  dans  les  Musée  pontiftciœ  de  son  neveu  ; 

—  Recherches  et  Discours  sur  les  points 
principaux  de  la  Religion  catholique  qui 
sont  aujourd'hui  en  controverse  entre  les 
chrétiens;  Paris,  1579,  in-8°;  —  Discours 
des  Sacrements  de  V Église  en  général,  con- 
tenant la  doctrine  d'iceux ,  enseignée  par 
Jésus-Christ ,  annoncée  par  ses  ambassa- 
deurs et  reçue  de  toute  l'Église  catholique, 
où  les  plus  grossiers  et  aveugles  pourront 
comprendre  et  voir  à  l'œil,  selon  la  vérité 
évangélique,  tous  arguments  et  erreurs  des 
hérétiques  repoussés  et  découverts ,  avec 
deux  discours,  l'un  du  célibat  et  l'autre  des 
vœux;  Paris,  1583,  in-8°.  N. 

Gall.  Christ.,  1. 1,  c.  754.  —  Du  Verdier,  Biblioth.franç., 
édit.  de  Rig.  de  Juvigny.  ; 

Leblanc  (  Guillaume  ),  prélat  français,  ne- 
veu  du  précédent,  né  à  Alby,  en  1561,  mort  à  Aix, 
le  21  novembre  1601.  La  position  de  son  oncle 
facilita  à  Leblanc  l'accès  des  dignités  ecclésiasti- 
ques. Camérier  du  pape  Sixte  V,  il  fut  nommé, 
en  1588,  à  l'évêché  de  Vence,  qu'une  bulle  de 
Clément  VIII  réunit  en  1591  au  siège  épiscopal 
de  Grasse.  Cette  réunion,  que  le  chapitre  de 
Vence  repoussa  énergiquement,  devint  pour  Le- 
blanc une  source  inépuisable  d'embarras  et  de 
procès.  Il  fut  même  l'objet  d'uue  tentative  d'as- 
sassinat, et  vit  annuler  l'acte  d'union  par  le  par- 
lement d'Aix.  On  a  de  lui  quelques  ouvrages, 
dont  le  principal  mérite  est  la  rareté.  En  voici 
les  titres  :  Poemata  ;  Paris,  1588,  in-8°,  réim- 
primé avec  des  additions  sous  le  titre  de  Musse 
pontificise  ;  Paris,  1618,  in-4°  ;  —  Discours  sui- 
te déloyal  Assassinat  entrepris  sur  la  per- 
sonne de  Guillaume  Le  Blanc,  et  inopiné- 
ment découvert  le  27  septembre  1596,  in-8°; 

—  Discours  à  ses  diocésains  touchant  l'Af- 
fliction qu'ils  endurent  des  loups  en  leurs 


personnes  et  des  vermisseaux  en  leurs 
figuiers;  Lyon,  1598,  in-8°;  Paris,  1599, 
in-12;  —  Discours  des  Parricides;  Lyon, 
1606,  in-8°  :  ouvrage  posthume  publié  par  son 
neveu  le  P.  Leblanc.  N. 

Ch.  de  Saint-Sixt,  Consolations  sur  le  trépas  de  Guil- 
laume Leblanc  ;  Aix,  1601,  in-S".  —  Reusner,  Anagram- 
matog raphia.  —  Mémoires,  de  Trévoux,  novembre  1765, 
1266-76. 

le  blanc  (Jean  ),  poëte  français ,  né  à 
Paris,  dans  la  seconde  moitié  du  seizième 
siècle;  on  manque  de  détails  sur  sa  vie;  il 
publia  en  1610  un  volume  intitulé  :  La  Néo- 
témachie  poétique  ;  in-4°  :  sous  ce  titre  bizarre 
on  trouve  des  Odes  pindariques  adressées  au 
roi,  à  la  reine ,  à  des  princes ,  à  des  personnages 
éminents,  des  baisers  (nom  donné  à  des  épîtres 
familières) ,  des  poëmes,  des  satires,  qui  sont  ce 
qu'il  y  a  de  moins  faible  dans  ces  productions 
diverses.  Le  Blanc  avait  de  la  facilité,  quelque 
verve,  quelque  originalité ,  mais  la  correction,  le 
sentiment  poétique  lui  sont  demeurés  complè- 
tement inconnus  ;  aussi  son  nom  n'a-t-il  pu  échap- 
per a  l'oubli.  G.  B. 

Viollet-Leduc,  Bibliothèque  Poétique,  1. 1,  p.  356. 

le  blanc  (  Vincent  ),  voyageur  français,  né 
à  Marseille,  en  1554,  mort  vers  1640.  A  peine 
âgé  de  quatorze  ans,  il  s'embarqua  pour  l'Egypte, 
qu'il  parcourut  durant  huit  mois.  A  son  retour, 
il  fit  naufrage  sur  les  côtes  de  Candie,  fut  re- 
cueilli par  le  consul  français  de  La  Canée,  qui 
lui  procura  les  moyens  de  passer  en  Syrie.  Le 
Blanc,  s' étant  associé  à  un  marchand  levantin , 
débarqua  à  Tripoli,  et  visita  successivement  la 
Palestine ,  l'Arabie ,  la  Perse  et  une  grande 
partie  de  l'Asie  Mineure  ;  il  descendit  vers  l'Inde, 
fitdutraficà  Diu,  à  Cambaye,  àGoa, sur  lacôtede 
Malabar,  sur  celle  de  Coromandel,  au  Bengale,  au 
Pégu;  puis,  dans  l'archipel  malais,  à  Sumatra,  à 
Java.  Au  retour,  il  toucha  à  Madagascar,  et  de 
là  en  Abyssinie.  Il  revint  à  Alexandrie,  et  en 
1578,  après  avoir  relâché  à  Malte,  il  débarqua 
à  Marseille.  Il  eut  beaucoup  de  peine  à  se  faire 
reconnaître  par  sa  famille,  qui  depuis  six  an- 
nées avait  fait  publier  son  décès.  Quelques 
mois  plus  tard ,  Le  Blanc  s'embarquait  de  nou- 
veau à  la  suite  d'un  ambassadeur  français  en- 
voyé au  sultan  du  Maroc  par  Henri  III.  Il  es- 
suya encore  un  naufrage,  et  fut  emprisonné  par 
les  Espagnols.  Relâché  après  amples  explica- 
tions, il  gagna  la  terre  africaine,  descendit  à  La- 
rache,  et,  entraîné  par  ses  idées  aventureuses, 
pénétra  jusqu'à  Mequlnez,  puis  jusqu'à  Fez.  Dans 
cette  ville,  une  imprudence  lui  valut  la  bas- 
tonnade ;  il  eût  même  été  condamné  à  mort 
si  des  mahométans,  à  raison  de  son  jeune 
âge,  n'eussent  pas  imploré  sa  grâce.  Le  Blanc 
put  se  réfugier  dans  les  colonies  portugaises,  et 
combattit  à  la  bataille  de  Mucazam,  où  fut  tué 
Sébastien,  roi  de  Portugal.  En  1579  il  fit  un 
voyage  à  Constantinople,  revint  en  France,  et 
visita  l'Italie.  En  1580  on  le  retrouve  au 
siège  de  La  Fère,   ou  il  fut  blessé  ;  puis  il  aç- 


89 


LE  BLANC 


90 


compagnale  duc  d'Alençon  dans  sa  folle  équipée 
dansles  Pays-Bas, En  1583  il  se  maria  au  Havre, 
«  avec  une  des  plus  terribles  femmes  du  monde, 
et  telle  que,  pensant  me  reposer,  je  fus,  dit-il, 
contraint,  pour  la  fuir,  de  voyager  de  rechef  :  et 
de  fait  je  m'en  allai  en  Portugal,  sous  tromperie 
d'acheter  des  perles,  dès  l'an  1 584.  »  Si  Le  Blanc 
resta  peu  en  ménage,  il  prit  du  moins  au 
sérieux  son  commerce  supposé,  et  après  avoir 
encore  parcouru  l'Espagne,  l'Italie,  revu  Malte  et 
Marseille  en  1592,  il  était  établi  joaillier  à  Séville, 
lorsque  quelques  Provençaux  lui  suggérèrent 
l'idée  de  trafiquer  en  Afrique.  Le  Blanc  ne  put 
résister  à  pareille  tentation,  et  le  22  octobre  il 
reprit  la  mer.  Le  15  novembre  il  atterrissait  en 
Sénégambie.  Son  voyage  fut  fructueux;  cependant 
à  peine  revenu  à  Cadix  il  repartit  pour  l'Amé- 
rique espagnole.  Il  semblerait  même,  d'après 
quelques  passages  de  son  récit,  qu'il  alla  jus- 
qu'au Brésil.  Le  Blanc  revit  Marseille  en  1619; 
Peiresc  l'engageait  à  publier  ses  voyages,  mais  il 
y  trouva  tant  d'absurdités  et  de  choses  incroya- 
bles qu'il  ne  voulut  pas  se  charger  de  les 
éditer.  Il  en  confia  l'épuration  et  la  rédaction 
définitive  à  Bergeron,  qui  mourut  avant  de  ter- 
miner ce  travail.  Coulon  le  mit  au  jour  sous  le 
titre  de  :  Les  Voijages  fameux  du  sieur  Vin- 
cent Le  Blanc,  Marseillais,  qu'il  a  faits  de- 
puis l'âge  de  douze  ans  jusques  à  soixante 
aux  quatre  parties  du  monde;  Paris,  1649,  et 
Troyes,  1658,  in-4°.  Pour  beaucoup  de  géogra- 
phes et  de  voyageurs  cet  ouvrage  est  plus  ingé- 
nieux qu'utile.  A.  de  Lacaze. 

Beckraann,  Beitrâge  zur  gesckichte  der  Erftndungen; 
Leipzig,  1786-1805,  5  vol.  in-8°,.  —  Etienne  de  Kla- 
court,  histoire  de  la  grande  île  Madagascar ,-  Paris, 
1658,  in-4°,;  -  Tournefort ,  Voyage  du  Levant.  — 
A.  A.  Bruzen  de  La  Martlalère,  Dictionnaire  Géogra- 
phique, historique  et  critique;  La  Haye,  17Î6-1730, 
10  vol.  ln-fol. 

le  blanc  (  Thomas),  moraliste  français, 
né  à  Vitry  (Champagne),  en  1599,  fut  ad- 
mis chez  les  Jésuites  le  27  septembre  1617, 
prononça  ses  vœux  le  6  août  1634,  et  mourut  à 
Reims,  le  25  août  1669.  Il  enseigna  pendant 
vingt  ans  les  humanités,  la  rhétorique,  la 
langue  hébraïque  et  la  théologie.  11  fut,  en 
outre,  recteur  des  collèges  de  Chàlons,  de  Ver- 
dun, de  Pont-à-Mousson,  d'Auxerre,  de  Dijon 
et  de  Reims.  Nommé  provincial  de  Champagne, 
il  fit  deux  voyages  à  Rome  pour  assister  aux 
congrégations  générales  de  son  ordre.  La  plu- 
part des  livres  qu'il  publia  sont  des  Guides 
spirituels  et  moraux,  pour  servir  aux  hommes 
dans  les  diverses  conditions  de  la  vie.  Voici  les 
titres  de  ses  ouvrages  principaux  :  La  Pau- 
vreté contente;  Pont-à-Mousson,  1650,  in-8°; 
—  La  Vie  du  R.  P.  Vincent  Caraffe,  huitième 
général  de  la  Compagnie  de  Jésus,  etc.  ;  Lyon, 
1653,  in-88  ;  —  Le  Guide  des  Beaux- Esprit  s  ; 
Pont-à-Mousson,  1654,  in-8".  Ces  trois  ou- 
vrages sont  traduits'de  l'italien  de  Daniel  Bar- 
toli  ;  —  Le  Soldat  générevx,  pour  Vutilité 


de  toxis  les  soldats,  de;  Pont-à-Mousson, 
Î655,  in-8°;  —  V Homme  de  bonne  compa- 
gnie ;  ibid.,  1658,  in-8°  ;  —  Le  Chrétien  dans 
l'église;  Dijon,  1658,  et  Reims,  1669,  in-12  ;  tra- 
duit en  italien  par  Joseph  Anturini,  jés.; 
Rome,  1662;  —  Dieu  vengeur  et  ennemi  des 
Jurement;  Pont-à-Mousson,  1660,  in-12;  — 
Le  saint  Travail  des  Mains ,  ou  la  manière 
de  gagner  le  ciel  par  la  pratique  des  actions 
manuelles,  etc.;  Lyon,  1661,  in-4°  ;  —  Le 
bon  Vigneron,  le  bon  Laboureur,  le  bon  Ar- 
tisan; Dijon,  1661,  in-12;  —  Le  Miroir  des 
Vierges,  dédié  aux  Vrsulines  de  toute  la 
France;  Dijon,  1661,  in-12  ;  —  Le  bon  Riche, 
le  bon  Pauvre;  Dijon,  1662,  in-12  ;  —  Ana- 
hjsis  Psalmorum  Davidicorum,  cum  amplis- 
simo  commentario  ;  Lyon,  1665-1676,  6  vol. 
in-fol.;  et  Cologne,  1681  :  les  trois  derniers 
volumes  de  cet  ouvrage  important  et  asseï  es- 
timé ont  été  publiés  après  la  mort  de  l'auteur. 
Il  a  laissé  des  Commentaires  sur  les  Oraisons 
et  les  Epîtres  de  Cicéron,  et  un  Traité  sur  les 
Anges  Gardiens,  qui  n'ont  point  été  imprimés. 
Ap.  Briquet. 
Solwel,  Bibliot.  Scrip.  S,  3.  -  Morèri,  Dictionnaire 
Historique. 

Leblanc  (  Marcel  ) ,  missionnaire  jésuite 
français,  néà  Dijon,  en  1653,  mort  à  Mozambique, 
en  1693,  fut  un  des  quatorze  mathématiciens  en- 
voyés par  Louis  XIV  au  roi  de  Siam  Phra-Na- 
rai.  Il  travailla  avec  zèle  à  la  conversion  des 
bonzes,  et  s'embarqua  pour  la  Chine  ;  mais  le 
vaisseau  sur  lequel  il  était  ayant  élé  battu  par  la 
tempête,  le  P.  Leblanc  reçut  à  la  tête  un  coup 
dont  il  mourut.  Nous  avons  de  lui  :  L'Histoire 
de  la  Révolution  de  Siam  en  1688;  Lyon,  1692, 
2  vol.  in-12,  avec  un  détail  de  l'état  des  Indes 
à  cette  époque.  Cette  relation,  d'une  exactitude 
irréprochable ,  offre  aux  nagivateurs  plusieurs 
remarques  utiles.  F.-X.  T. 

De  Montozon  et  Estève,  Mission  du  Tonkin  et  de  la 
Cochinchine ;  Paris,  1858.  —  Tachard,  Voyages  à  Siam, 
in-4°;  Paris,  1697- 

Leblanc  (  Horace  ) ,  peintre  français  du 
dix-septième  siècle.  Il  était  de  Lyon,  et  mourut 
dans  cette  ville,  à  un  âge  avancé.  Il  étudia  la 
peinture  en  Italie  sous  Lanfranc  ;  mais  il  pré- 
féra la  manière  du  Josépin.  Il  s'était  exercé  dans 
la  peinture  à  l'huile  et  à  fresque.  Rappelé  à 
Lyon,  où  il  reçut  le  titre  de  peintre  de  la  ville,  il 
fit  avec  François  Perrier  les  peintures  du  cloître 
des  Chartreux.  Il  exécuta  ensuite  le  Martyre  de 
saint  Irènée  et  des  premiers  chrétiens  de 
Lyon,  pour  la  chapelle  de  Saint-Irénée  du  cou- 
vent des  Feuillants  de  cette  ville,  et  le  tableau 
dû  grand  autel  de  la  même  église.  Il  représenta 
La  Mère  de  Dieu  accompagnée  d'une  partie 
de  la  cour  céleste  dans  un  tableau  cintré  à 
l'autel  de  la  Vierge  dans  l'église  des  Cordeliers; 
et  cette  production  fut  si  goûtée  qu'on  lui  en 
demanda  une  répétition  pour  le  maître  autel  de 
l'église  de  la  Charité.  Son  meilleur  ouvrage  fut 
un  Christ  au  tombeau,  qu'il  pciçiîiit  pour  l'é- 


91 

glise  des  Carmélites.  Les  portraits  d'Horace  Le- 
blanc jouissent  d'une  grande  réputation,  surtout 
sous  le  rapport  de  la  ressemblance.        J.  V. 

Pernetti,  Les  Lyonnois  dignes  de  mémoire,  tome  11, 
p.  105. 

Leblanc  (François),  numismate  français, 
né  en  Dauphiné,  mort  à  Versailles,  en  1098. 
Possédant  une  fortune  considérable,  et  ayant 
besoin  d'une  occupation  suivie  pour  se  distraire 
de  sa  mélancolie  babituelle,il  se  livra  par  goût 
à  l'étude  des  médailles,  et  en  forma  une  belle 
collection.  Vers  1688  il  accompagna  en  Italie  le 
comte  deCrussol,  et  parcourut  une  grande  partie 
de  ce  pays.  De  retour  en  France,  il  publia  le  ré- 
sultat de  ses  recherches  sur  les  monnaies  fran- 
çaises. L'érudition  solide  dont  il  fit  preuve  dans 
ses  ouvrages  le  fit  choisir  pour  enseigner  l'his- 
toire au\  enfants  de  France;  mais  il  mourut 
avant  d'être  entré  dans  l'exercice  de  ses  fonc- 
tions. On  a  de  lui  :  Traité  historique  des 
Monnaies  de  France  depuis  le  commence- 
ment de  la  monarchie  jusqu'à  présent  ;  Pa- 
ris, 1690,  in-4°  ;  ce  volume  ne  contient  que 
les  monnaies  des  rois  de  France;  la  deuxième 
partie,  qui  traitait  des  monnaies  des  seigneurs, 
est  restée  en  manuscrit.  L'ouvrage  de  Leblanc, 
appuyé  sur  les  documents  les  plus  authen- 
tiques, notamment  à  partir  du  règne  de  Phi- 
lippe le  Bel  sur  les  registres  de  la  cour  des  mon- 
naies ,  contient  entre  autres  des  tables  où  se 
trouvent  le  prix  du  marc  d'or  et  d'argent  année 
par  année,  le  nom,  le  titre,  le  poids  et  la  va- 
leur des  espèces  ;  —  Dissertation  sur  quel- 
ques monnaies  de  Charlemagne,  Louis  le 
Débonnaire,  Lothaire  et  ses  successeurs,  frap- 
pées dans  Borne;  Paris,  1689,  in-4°;  cet  opus- 
cule fut  joint  à  l'édition  de  l'ouvrage  précédent, 
donnée  à  Amsterdam,  1692,  in-4°.        E.  G. 

Chaudon  et  Delandine,  Dict.  ffistor. 

Leblanc  (Claude),  homme  d'État  français, 
né  le  1er  décembre  1669,  mort  à  Versailles,  le 
19  mai  1728.  Son  père,  Louis  Leblanc,  était 
maître  des  requêtes,  intendant  en  Normandie; 
sa  mère  était  sœur  du  maréchal  de  Bezons. 
Claude  Leblanc,  reçu  conseiller  au  parlement  de 
Metz  en  1696,  devint  maître  des  Tequêtes  en 
1697,  intendant  d'Auvergne  en  1704,  de  Dun- 
kerque  et  d'Ypres  en  1706,  et  membre  du  con- 
seil de  la  guerre  en  1716.  Saint-Simon  dit  qu'il 
était  «  plein  d'esprit,  de  capacité  et  d'expé- 
dients. »  Le  24  septembre  1718,  Leblanc  fut 
nommé  secrétaire  d'État  du  département  de  la 
guerre.  On  lui  doit  d'utiles  ordonnances,  entre 
autres  celles  de  mars  1720  portant  réorganisa- 
tion de  la  maréchaussée  dans  tout  le  royaume, 
des  6  mai  et  24  août  1720  sur  la  discipline  et 
l'habillement  des  troupes,  et  du  22  mai  1722 
sur  le  service  de  l'artillerie.  Il  fit  augmenter  le 
nombre  des  dignitaires  et  le  taux  des  pensions 
de  l'ordre  de  Saint-Louis,  et  fixa  à  150  livres  le 
prix  de  remplacement  de  chaque  homme  de 
milice.  En  1719,  il  devint  grand'eroix,  grand- 


LEBLANC  92 

prévôt  et  maître  des  cérémonies  de  l'ordre  de 
Saint-Louis.  Au  rapport  de  Saint-Simon,  il  eut  une 
grande  part  au  choix  que  fit  le  régent  de  Claude 
Leblanc  lorsque  ce  prince  rétablit  les  fonctions 
de  secrétaire  d'État  de  la  guerre  qui  avaient  été 
supprimées  à  la  mort  de  Louis  XlV.  Lors  de  la 
conspiration  de  Cellamare,  Leblanc  fut  initié  par 
Dubois  au  secret  de  cette  affaire  ;  mais  il  ne  sut 
que  ce  que  Dubois  voulut  bien  luilaisseï  savoir.  Il 
assista,  d'après  Saint-Simon,  à  la  visite  des  pa- 
piers de  cet  ambassadeur,  qui  le  traita  poliment; 
mais  le  voyant  prêt  à  fouiller  une  petite  cassette 
particulière,  lui  dit  :  «  Monsieur  Leblanc,  laissez 
cela;  cela  n'est  pas  pour  vous  ;  cela  est  bon  pour 
l'abbé  Dubois,....  ce  ne  sont  que  lettres  de 
femmes.  »  Leblanc  se  garda  toujours,  avant 
comme  après  sa  disgrâce,  de  dire  ce  qu'il  pou- 
vait connaître  d'une  affaire  dont  «  les  principaux 
et  les  plus  grands  coupables,  selon  Saint-Simon, 
étaient  non-seulement  sortis  de  prison  dès  avant 
sa  plus  profonde  chute ,  mais  rétablis  en  leur 
premier  état,  grandeur  et  splendeur,  ainsi  que 
tous  les  autres  accusés  et  soupçonnés.  »  Dans 
l'affaire  de  la  bulle  Unigenitus,  Dubois,  ne  trou- 
vant pas  les  membres  du  parlement  assez  faciles, 
imagina  de  suppléer  à  l'enregistrement  au  moyen 
d'une  déclaration  du  grand  conseil  ;  Leblanc  fit 
entendre  combien  il  importait  à  la  cour  de  Rome 
que  le  parlement  fût  le  garant  de  la  conciliation 
des  évêques.  Le  duc  de  Bourbon,  poussé  par  sa 
maîtresse,  la  marquise  de  Prie,  se  déclara  l'en- 
nemi de  Leblanc.  Mmede  Prie  était  jalouse  de  l'af- 
fection que  ce  ministre  portait  à  sa  mère,  la- 
quelle avait  épousé  le  financier  Berthelot  de 
Pleinœnf.  Leduc  saisit  pour  le  perdre  l'occasion 
de  la  banqueroute  de  La  Jonchère ,  trésorier  de 
l'extraordinaire  des  guerres,  qui  était  un  protégé 
de  Leblanc.  Ce  ministre  fut  accusé  d'avoir  puisé 
dans  la  caisse  du  trésorier,  et  d'avoir  contribué 
à  sa  faillite.  Le  régent  eût  voulu  sauver  un  homme 
qui  l'avait  bien  servi  ;  mais  depuis  longtemps  sa 
volonté  était  soumise  à  celle  du  cardinal  Dubois, 
qui  n'osait  déplaire  au  duc  de  Bourbon.  Leblanc 
dut  donc  donner  sa  démission;  il  fut  remplacé 
par  Breteuil.  Le  1er  juillet  1723,  on  mit  Leblanc 
à  la  Bastille,  et  la  chambre  de  l'Arsenal  fut 
chargée  d'instruire  son  procès;  l'affaire  ayant  été 
renvoyée  au  parlement,  Leblanc  fut  acquitté.  On 
remarqua  que  le  duc  de  Chartres  couvrit  l'ac- 
cusé d'une  protection  toute  spéciale.  Le  19  juin 
1726,  Leblanc,  qui  était  en  exil,  se  vit  rappelé 
au  poste  de  secrétaire  d'État  de  la  guerre  à  la 
place  du  marquis  de  Breteuil.  Il  occupait  encore 
ces  fonctions  à  sa  mort.  Duclos  peint  Leblanc 
comme  «  un  ministre  consommé,  actif,  plein 
d'expédients,  aimé  destroupes,  estimé  du  public, 
ferme  sans  hauteur  ».  Il  avait  épousé,  en  1699, 
Madeleine  Petit  de  Passy,  fille  du  doyen  du  par- 
lement de  Metz,  dont  il  eut  une  fille,  mariée  au 
marquis  de  Tresnel,  morte  sans  postérité.  Son 
héritage  fut  recueilli  par  Bertin,  grand-audien- 
cier  de  France,  neveu  de  Leblanc. 


93 

Leblanc  avait  deu\  frères  engagés  dans  les 
ordres;  le  premier,  César  Leblanc,  né  en  1672, 
religieux  et  curé  de  Dammartin,  devint  évèque 
d'Avranches  en  1719,  et  mourut  le  13  mars 
1746;  le  second,  Denis- Alexandre  Leblanc,  né 
en  1678,  fut  évoque  de  Sarlat  en  1722,  et  mou- 
rut le  3  mai  1747.  L.  L— t. 

Saint-Simon,  Mémoires.—  Duclos,  Mèm.  secrets  sur 
les  règnes  de  Louis  XI  f  et  de  Louis  XV.  —  Leraontey, 
Hist.  de  la  Régence.  —  Villars,  Journal.  —  Richelieu, 
Mcm. 

i.eblanc  (Louis),  chirurgien  français,  né 
à  Pontoise,  mort  à  Orléans,  à  la  fin  du  dix-hui- 
tième siècle.  11  était  chirurgien  de  l'hotel-Dieu 
d'Orléans,  professeur  royal  de  l'école  de  chirur- 
gie de  la  même  ville,  et  membre  de  l'Académie 
de  Chirurgie  de  Paris.  Il  s'est  surtout  fait  con- 
naître par  ses  services  pour  l'opération  des  her- 
nies. On  a  de  lui  :  Discours  sur  futilité  de 
l'Anatomie;  Paris,  1764,  in-8°;  —  Nouvelle 
Méthode  d'opérer  les  Hernies,  suivie  d'un  mé- 
moire très-étendu  sur  le  même  sujet  par  Hoin 
de.  Dijon;  Orléans,  1766,  in-8°;  —  Réfutation 
de  quelques  réflexions  sur  l'opération  de  la 
Hernie,  dans  le  4e  volume  des  Mémoires  de 
l'Académie  de  Chirurgie;  Londres  et  Paris, 
1768,  in-8°;  —  Précis  d'Opérations  de  Chirur- 
gie; Paris,  1775,  2  vol.  in-8°;  —  Œuvres  chi- 
rurgicales, contenant  un  précis  d'opérations 
et  une  méthode  de  traiter  les  hernies;  Paris, 
1779,  2  vol.  in-8°.  On  trouve  en  outre  un  cer- 
tain nombre  d'observations  de.  Leblanc  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  de  Chirurgie  et  dans 
l'ancien  Journal  de  Médecine.         J.  V. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

le  blanc  (Jean- Bernard),  littérateur  et 
historien  français,  né  à  Dijon,  le  3  décembre 
1707,  vivait  encore  en  1774.  Il  laissa  :  Poème 
par  M'  L.  C.  sur  l'histoire  des  Gens  de  Lettres 
de  Bourgogne;  Dijon,  1726;  —  Élégies  de 
M.  L.  B.  C.  avec  un  discours  sur  ce  genre  de 
poésie;  Paris,  1731  ;  —  Aben-Saïd,  empereur 
des  Blogols,  tragédie;  Paris,  1736  et  1743, 
in-8°;  —  Lettres  d'url  François  concernant 
le  gouvernement,  la  politique  et  les  mœurs 
des  Anglois  et  des  François  ;  La  Haye,  1745, 
et  Lyon,  1758;  —  Le  Patriote  anglais,  ou 
réflexions  sur  les  hostilités  que  la  France 
reproche  à  V Angleterre  ;  1756,  sans  nom  d'au- 
teur. V.  R. 

Papillon  ,  DibHothèque  des  Auteurs  de  Bourgogne. 
Leblanc  de  oeillet (Antoine  Blanc, dit), 
littérateur  français,  né  à  Marseille,  le  2  mars  1730, 
mort  à  Paris,  le  29  juillet  1799.  Il  fit  ses  études 
au  collège  d'Avignon.  Son  père  ie  destinait  au 
commerce,  mais  il  préférait  la  médecine  ;  con- 
trarié dans  son  goût,  il  entra  dans  la  congréga- 
tion de  l'Oratoire  en  1746,  et  professa  pendant 
dix  ans  les  humanités  et  la  rhétorique.  En  même 
temps  il  composa  quelques  discours  latins  et 
quelques  drames  de  collège.  Ayant  quitté  l'Ora- 
toire, Leblanc  vint  à  Paris,  où  il  travailla  d'a- 
bord au   Conservateur.   En  1761  il  publia  les 


LEBLANC  94 

Mémoires  du  comte  de  Guine  (Amsterdam; 
in-12),  roman  d'amour  qui  eut  du  succès.  Il 
composa  ensuite  des  tragédies,  dans  lesquelles  il 
s'élevait  avee  chaleur  contre  le  despotisme,  mais 
qui  sont  écrites  d'un  style  emphatique  et  quel- 
quefois bizarre.  On  cite  particulièrement  ce  vers 
de  Manco  Capac  : 

Crois-tu  de  ce  forfait  Manco  Capac  capable? 
Dénué  de  ressources ,  malgré  le  succès  de  ses 
ouvrages,  Leblanc  de Guillet  refusa  en  1788  une 
pension  du  gouvernement;  mais  en  1795  il  ac- 
cepta un  secours  de  2,000  fr.  de  la  Convention. 
Il  était  membre  du  jury  des  écoles  primaires 
quand  il  fut  nommé  professeur  de  langues  an- 
ciennes à  l'école  centrale  de  la  rue  Saint-Antoine 
à  Paris.  En  1798,  Leblanc  fut  n<$mmé  membre, 
de  l'Institut.  On  a  de  lui  :  Manco-Capac ,  tra- 
gédie en  cinq  actes,  représentée  en  1763  et  re- 
prise en  1782;  Paris,  1782,in-8°; — Les  Druides, 
tragédie  en  cinq  actes,  jouée  en  1772;  Paris, 
1783,  in-8°  :  le  clergé  fit  défendre  les  représen- 
tations de  cette  pièce  remplie  de  maximes  philo- 
sophiques ;  —  L'heureux  Événement ,  comédie 
en  trois  actes  et  en  vers,  1763,  in-8°;  —  Le 
Lit  de  Justice;  Paris,  1774,  in-8°;—  Albert  1er, 
ou  Adeline,  comédie  héroïque  en  trois  actes  et 
en  vers;  Paris,  1775,  in-8°;  —  Discours  sur  la 
nécessité  du  dramatique  et  du  pathétique  en 
tout  genre  de  poésie;  Paris,  1783,  ir:-8°;  — 
Virginie,  tragédie  non  représentée;  1786,  in-8°; 
—  De  la  Nature,  des  Choses,  poëme  de  Lucrèce, 
traduit  en  vers;  1788-1791,  2  vol.  in-8°;  —  Le 
Clergé  dévoilé,  ou  les  états  généraux  de  1303, 
tragédie  non  représentée  ;  Paris,  1791,  in-8°;  — 
Tarquin,ou  la  royauté  abolie,  tragédie,  1794, 
in-8°  ;  —  Une  traduction  du  commencement  de 
L' Anti-Lucrèce ,  insérée  dans  le  Mercure.  Le- 
blanc a  laissé  en  manuscrit  des  pièces  de 
théâtre  et  des  traductions  d'auteurs  anciens. 

J.  V. 
Maheranlt,  Notice,  sur   Ant.  Leblanc,  1799.  —  Bïogr. 
vniv.'et  port,  des  Contcmp.  -Quérard,  La  France  Lit  ter. 

le  blanc  (Nicolas),  chimiste  et  industriel 
français,  né  à  Issoudun  (Indre),  en  1753,  mort 
en  1806.  Son  père,  qui  était  directeur  des  forges 
d'Yrvoy,  lui  fit  étudier  la  médecine.  Vers  1780, 
le  jeune  Le  Blanc  fut  attaché  à  la  maison  du 
duc  d'Orléans  en  qualité  de  chirurgien.  Il  s'oc- 
cupa de  recherches  chimiques,  principalement 
des  phénomènes  de  la  cristallisation;  en  1786, 
il  communiqua  à  l'Académie  des  Sciences  des 
travaux  à  cesujet.  Sur  un  rapportde l'Institut,  du 
30  thermidor  anx,  le  ministre  François  de  Neuf- 
chfiteau  ordonna  l'impression  aux  frais  du  gouver- 
nement de  son  ouvrage  intitulé  :  Cristallo- 
technie,  ou  essai  sitr  les  phénomènes  de  la  cris- 
tallisation et  sur  les  moyens  de  conduire  cette 
opération  pour  en  obtenir  des  cristaux  com- 
plets,  et  les  modifications  dont  chacune,  des 
formes  est  susceptible;  Paris,  1802,  in-8°.  Il 
s'était  livré  aussi  à  un  autre,  travail  dont  les  ré- 
sultats furent  immenses.  En  1786,  l'Académie 


95 


LE  BLANC 


9  6 


«les  Sciences  avait  rais  au  concours  un  prix  de 
2,400  livres,  qui  devait  être  décerné  à  l'au- 
teur d'un  procédé  de  fabrication  de  la  soude 
au  moyen  du  sel  marin.  Il  s'agissait  de  sous- 
traire plusieurs  industries  importantes  aux 
effets  fâcheux  résultant  du  renchérissement 
croissant  des  potasses,  de  la  hausse  des  sou- 
des naturelles  de  l'Espagne  ;et  de  la  rareté  des 
gîtes  de  natron  naturel.  L'objet  de  ce  concours 
attira  l'attention  de  Le  Blanc,  qui  en  1789, 
répétant  des  expériences  indiquées  dans  le 
Journal  de  Physique  de  La  Métherie,  parvint  à 
extraire,  par  des  moyens  nouveaux,  la  soude  du 
sel  marin.  Il  exposa  au  duc  d'Orléans  tous 
les  avantages  qu'offrirait  une  exploitation  en 
grand  de  ses  procédés.  Ce  prince  demanda  un 
examen  préalable  à  D'Arcet,  professeur  au  Col- 
lège de  France,  où  Dizé,  préparateur,  fut  chargé 
de  suivre  les  épreuves  du  procédé.  Sur  le  rap- 
port favorable,  un  traité  d'association  intervint, 
le  12  février  1790,  entre  le  duc  d'Orléans,  Le 
Blanc,  Dizé  et  Henri  Shée,  traité  par  suite 
duquel  une  usine  fut  créée  à  la  Maison-de- 
Seine,  près  Saint-Denis,  pour  l'exploitation  de 
la  soude  artificielle.  En  1791,  par  un  nouvel  acte, 
l'association  reçut  une  forme  définitive ,  et  tout 
présageait  le  plus  brillant  avenir  à  cette  nouvelle 
industrie.  La  méthode  de  Le  Blanc  était  un  im- 
mense service  rendu  aux  arts  industriels;  elle 
mettait  à  leur  disposition  un  alcali  puissant,  à 
bas  prix ,  dont  la  fabrication  n'avait  pas  de  li- 
mites, puisqu'elle  a  pour  base  le  sel  marin.  Son 
exploitation  a  donné  l'essor  à  la  fabrication 
de  l'acide  sulfurique ,  et  elle  a  été  de  la  sorte 
l'occasion  de  beaucoup  de  progrès  industriels.  En 
donnant  comme  produit  secondaire  une  grande 
quantité  d'acide  chlorhydrique,  la  fabrication  de 
la  soude  artificielle  a  donné  une  matière  première 
à  bas  prix,  propre  à  la  préparation  du  chlorure  de 
chaux,  que  les  blanchisseries  de  fils  et  de  toiles  de 
lin,  de  coton  et  de  chanvre,  ainsi  que  les  pape- 
teries consomment  eu  masses  prodigieuses  ;  les 
verreries,  les  savonneries  ont  fait  par  ces  soudes 
des  progrès  immenses  pour  la  qualité  et  le  bon 
marché  de  leurs  produits.  Aussi  l'Europe  fa- 
brique-telle aujourd'hui  pour  trois  cent  millions 
de  soude  factice.  La  découverte  de  Le  Blanc, 
comme  l'a  déclaré  l'Académie  des  Sciences,  est 
donc  un  des  plus  grands  bienfaits,  sinon  le  plus 
grand,  dont  les  arts  chimiques  aient  été  dotés 
depuis  soixante  ans.  Malheureusement  pour  l'in- 
venteur, lamortduduc  d'Orléans  et  les  désastres 
de  la  révolution  vinrent  le  priver  des  fruits 
de  ses  travaux.  Le  comité  de  salut  public 
l'obligea  de  livrer  son  secret  au  gouvernement, 
qui  le  publia  comme  étant  d'utilité  publique. 
L'association  se  trouva  naturellement  dissoute. 
L'inventeur,  dépouillé  du  fruit  de  ses  labo- 
rieuses recherches,  réclama  une  indemnité  :  on 
ne  lui  en  donna  que  d'illusoires,  et  le  reste  de  sa 
vie  se  passa  en  vaines  démarches.  Toutes  ses  res- 
sources se  consumèrent  dans  cette  longue  lutte  à 


laquelle  une  mort  prématurée  vint  mettre  fin. 

En  1855  sa  famille  adressa  à  l'empereur  une 
supplique  à  l'effet  d'obtenir  l'indemnité  que  Ni- 
colas  Le  Blanc  avait  vainement  sollicitée.  Ren- 
voyée à  l'Académie  de  Sciences,  cette  demande  fut 
l'objet  d'un  rapport  en  date  du  31  mars  1856, 
fait  par  les  membres  de  la  section  de  chimie. 
On  y  constate  la  haute  importance  et  les  ré- 
sultats féconds  du  procédé  de  Le  Blanc;  on  y 
examine  aussi  la  prétention  qu'avait  élevée  Dizé, 
son  associé,  en  1810,  d'avoir  pris  une  part 
réelle  aux  expériences  préalables,et,  sur  les  pièces 
présentées,  entre  autres,  d'après  l'acte  fait  entre 
les  associés,  le  12  lévrier  1790,  dans  lequel  Le 
Blanc  est  désigné  comme  posesseur  du  secret, 
comme  auteur  du  procédé,  l'Académie  n'hésita 
pas  à  le  regarder  comme  le  véritable  auteur  de 
la  méthode;  Dizé  n'aurait  fait  que  modifier 
les  proportions  des  matières  à  employer  dans  la 
fabrication  de  la  soude,  et  que  le  seconder  dans 
l'exploitation  (1).  Gcyot  de  Fère. 

Compte  rendu  des  séances  de  l'Acad.  des  Sciences, 
31  mars  1856.  —  Documents  'particuliers. 

leblanc  de  beaulieu  (  Jean- Claude) , 
prélat  français,  né  à  Paris,  le  26  mai  1753,  mort 
le  13  juillet  1825.  Chanoine  régulier  de  Sainte- 
Geneviève  avant  la  révolution,  il  devint  en  1791 
curé  constitutionnel  de  la  paroisse  Saint-Seve- 
rin.  Après  la  terreur  il  fut  nommé  curé  de 
Saint-Étienne-du-Mont.  Choisi  pour  archevêque 
de  Rouen,  à  la  mort  de  Gratien,  il  fut  sacré,  le 
18  janvier  1800,  à  Paris,  et  tint  dans  son  église 
métropolitaine  un  concile  des  évêques  de  son 
diocèse,  le  5  octobre  suivant.  En  1801  Le- 
blanc de  Beaulieu  assista  au  concile  national 
qui  se  tint  à  Paris.  Après  la  signature  du  con- 
cordat, il  donna  sa  démission,  et  en  1802  il  fut 
nommé  àl'évêché  de  Soissons.  II  refusa  d'abord, 
dit-on,  de  rétracter  les  principes  de  l'Église  cons- 
titutionnelle, qu'il  abandonna  pourtant  bientôt 
après.  Il  écrivit  alors  au  pape,  et  renonça  non- 
seulement  au  schisme  mais  au  jansénisme.  Il 
établit  un  séminaire  dans  sa  ville  épiscopale. 
Invité  en  1815  à  se  rendre  au  champ  de  mai 
convoqué  par  î'empereur  après  son  retour  de 
l'île  d'Elbe,  Leblanc  de  Beaulieu  écrivit  au  mi- 
nistre pour  protester  de  sa  fidélité  à  LouisXVIII. 
Cette  déclaration  fut  imprimée,  et  l'évêque  de 
Soissons  se  retira  en  Angleterre.  Le  retour  du 
roi  lui  rendit  son  diocèse,  et  en  1817  Leblanc 
de  Beaulieu  fut  nommé  à  l'archevêché  d'Arles, 
rétabli  par  le  nouveau  concordat.  Ayant  donné 
sa  démission  en  1822,  il  se  retira  au  séminaire 
des  missions  étrangères  à  Paris ,  se  chargea  de 
la  direction  des  petits  Savoyards,  et  fut  nommé 
membre  du  chapitre  de  Saint-Denis.      J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jony  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des 
Contemp. 

"(l)Seul,  l'un  des  membres  de  la  section  de  chimie, 
M.  Chevreul  a  pensé  que  Dizé  avait  eu  une  plus  grande 
part  à  l'Invention,  et  qu'il  aurait  coopéré  aux  expériences 
qui  ont  servi  de  base  à  la  fabrication  de  la  soude,  avant 
les  actes  qui  ont  été  désignés. 


97  LEBLANC  —  LEBLOND 

LEBLANC  DE  BEAULIEU  (Louis).  Voy. 
ÎÎEAULIEU. 

*  Leblanc  (  Urbain),  vétérinaire  français, 
né  à  La  Commanderie,  près  de  Bressuire  (  Deux- 
Sèvres),  le  26  novembre  1796.  Il  étudia  à  l'École 
d'Alfort,  y  devint  professeur,  et  fut  élu  en  1852 
membre  de  l'Académie  de  Médecine.  Ses  princi- 
paux travaux  sont  :  Recherches  relatives  à 
la  détermination  de  l'âge  des  lésions  des 
plèvres  et  des  poumons  du  cheval,  au  point  de 
vue  médico-légal  ;  Paris,  1811,in-8°; —  Traité 
des  Maladies  des  Yeux  observées  chez  les 
principaux  animaux  domestiques,  etc.;  Paris, 
1823,  in  8°,  avec  7  pi.;  —  Atlas  du  Diction- 
naire de  Médecine  et  de  Chirurgie  vétéri- 
naires (  avec  M.  Trousseau)  ;  Paris ,  gr.  in-fo- 
lio de  27  pi.  ;  —  Recherches  expérimentales 
sur  les  caractères  physiques  du  Sang  dans 
l'état  sain  et  dans  l'état  de  maladie  (  avec 
M.  Trousseau);  1832,in-8°;  —  Des  diverses 
espèces  de  Morve  et  de  Farcin  considérées 
comme  des  formes  variées  d'une  même  af- 
fection générale  contagieuse;  Paris,  1839, 
in-S°;  —  Recherches  expérimentales  et  com- 
paratives sur  les  effets  de  l'Inoculation  au 
cheval  et  à  l'âne  du  pus  et  du  mucus  mor- 
veux et  d  humeurs  morbides  d'autre  na- 
ture; Paris,  1839,  in-8°;  —  Traité  de  Pa- 
thologie comparée,  oti  éléments  de  médecine 
et  de  chirurgie  comparée  dans  l'homme  et 
les  animaux,  avec  M.  Follin  ;  Paris,  1 855,  2  vol. 
in-8°.  M.  Leblanc  a  donné  aussi  un  grand  nombre 
de  dissertations  dans  les  Journaux  de  médecine 
vétériaaire.  G.  de  F. 

Documents  particuliers .—  Journal  de  la  Librairie. 
LEBLANC  DE  CASTILLON.    Voy.  CaSTILLON. 

leblond  (Gaspard  Michel,  surnommé), 
archéologue  français,  né  à  Caen,  le  24  novembre 
1738,  mort  à  Laigle,  le  17  juin  1809.  Il  embrassa 
l'état  ecclésiastique,  et  depuis  1772  fut  adjoint 
à  l'abbé  de  Vermont,  bibliothécaire  du  collège 
Mazarin.  Quelques  notices  d'archéologie  et  de 
numismatique  le  firent  admettre  en  177'2  à  l'A- 
cadémie des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Au 
commencement  de  la  révolution,  il  fut  nommé 
membre  de  la  commission  créée  par  l'Assemblée 
constituante,  et  chargé  du  dépouillement  des 
bibliothèques  supprimées  et  des  archives  natio- 
nales. Les  soins  qu'il  donna  à  cette  mission  en- 
richirent de  près  de  50,000  volumes  la  Biblio- 
thèque Mazarine,  dont  il  devint  conservateur  en 
1791.  Compris  dans  la  première  organisation 
de  l'Institut,  il  fut  appelé  après  le  18  brumaire 
au  corps  législatif;  il  en  sortit  en  1802.  Quel- 
ques années  avant  sa  mort,  il  se  retira  à  Laigle. 
Dupuis  composa  l'inscription  du  tombeau  qui 
lui  fut  élevé  dans  cette  ville.  Quelques  jours 
avant  sa  mort  Leblond  anéantit  ses  manuscrits, 
dont  plusieurs  ont  été  regrettés.  Il  a  publié  les 
écrits  suivants  :  Observations  sur  les  Médailles 
du  cabinet  de  M.  Pellerin,  1771,  in-4°;  2e  édi- 
tion, revue,  corrigée  et  augmentée  par  l'auteur, 
nouv.  BiOGK.  cr:Ni;::.  —  t.  xxx. 


98 
suivie  de  nouvelles  remarques  de  M.  Pellerin  sur 
l'ouvrage  de  M.  Erkel  ;  1823,  in-4°  ; — Mémoires 
pour  servir  à  l'histoire  de  la  révolution  opé- 
rée dans  la  musiquepar  Gluck;  1781,  in-8°  :  en 
collaboration  avec  plusieurs  autres  savants;  — 
Lettre  d'un  amateur  des  beaux-arts  sur  le 
Saint-Âlype  de  Caf/ieri  ;  1790,  in-8°;  —Ob- 
servations présentées  au  Comité  des  Monnaies 
de  l'Assemblée  nationale  (  publié  sous  le  nom 
deDupré,  graveur);  1790,  in-8°.  lia  ajouté  au 
Mémoire  sur  Vénus  pa.r  Larcher  un  index  in-8», 
intitulé  :  Drôleries  éparses  de  côté  et  d'autres 
dans  ce  volume;  cet  index  a  été  imprimé  deux 
fois  :  la  deuxième  édition ,  plus  ample  que  la 
première,  commence  à  la  p.  337,  et  finit  à  la 
p.  376.  Les  Mémoires  de  l'Académie  des  Ins- 
criptions et  Belles-Lettres  contiennent  de  l'abbé 
Leblond  les  mémoires  suivants  :  Recherches  sur 
deux  Médailles  impériales  delà  ville d'Hip- 
ponv ,  t.  XXXIX;  —  Mémoire  sur  la  Vie  et  les 
Médailles  d' Agrippa,  gendre  d'Auguste,  et  Re- 
cherches sur  la  ville  de  Lamia,  Sïir  les  Maliens 
et  sur  quelques-unes  de  leurs  médailles,  t.  XL, 
partie  histor.; —  Observations  sur  le  prétendu 
dieu  Lunus,  t.  XLII;  — Dissertations  sur  les 
Vases  Murrhins,t.  XLIII.  —  Les  deux  mémoires 
suivants ,  rédigés  par  lui  avec  Laporte-Dutheil 
et  Mongez,  sont  dans  le  Recueil  de  l'Institut, 
classe  de  Littérature  et  Beaux-Arts  :  Rapport  sui- 
te fragment  d'un  monument  antique  envoyé 
à  l'Institut  national  par  Achard,  conserva- 
teur du  Musée  de  Marseille ,  avec  une  pi., 
t.  Ier,  année  1797;  — Observations  sur  la  Ma- 
gie, dans  le  môme  recueil  :  avec  Vien;  —  Rap- 
port sur  des  Vases  trouvés  dans  un  tom- 
beau près  de  Genève ,  dont  le  dessin  a  été 
adressé  à  l'Institut  par  la  Société  pour  l'A- 
vancement des  Sciences  et  Arts  de  Genève, 
avec  une  pi.,  t.  II,  1798.  Leblond  a  inséré  dans  le 
Journal  de  Paris,  en  mars  1783,  sous  le  nom 
d'Un  Savant  en  Us,  plusieurs  lettres  en  faveur 
des  inscriptions  en  langue  latine,  contre  les  let- 
tres de  Boucher,  qui  plaidait  pour  la  langue  fran- 
çaise. Comme  éditeur,  il  a  publié,  de  concert  avec 
l'abbé  de  Lachau,  la  Description  des  Pierres 
gravées  du  cabinet  du  duc  d'Orléans;  1780, 
2  vol.  in-fol.,  ouvrage  de  l'abbé  Arnaud  et  H.  Co- 
quille, mais  qui  est  souvent  attribué  aux  édi- 
teurs, parce  qu'ils  ont  signé  la  dédicace.  L'abbé 
Leblond  passe  pour  avoir  pris  part  à  l' Origine  de 
tous  les  Cultes  de  Dupuis.  Guyot  de  Fère. 
Boissard,  Les  Hovunes  remarquables  du  Calvados.— 
Quérard,  La  France  Littéraire. 

leblond  ou  leblon  (  Michel  ),  orfèvre  et 
graveur  au  burin  allemand,  né  à  Francfort-snr- 
le-Mein,  à  la  lin  du  seizième  siècle,  mort  à  Am- 
sterdam, en  1656.  Sandrart,  qui  avait  reçu  ses 
conseils  à  Francfort,  dit  que  Leblond  ne  se  bor- 
nait pas  à  laculture  des  arts,  mais  qu'il  jouissait 
d'une  certaine  réputation  d'éloquence,  et  qu'il 
fut  envoyé  en  Angleterre  et  près  de  plusieurs 
cours  du  Nord.  Cet   artiste  avait  une.  finesse 


99 


LEBLOND 


100 


et  une  délicatesse  extrêmes  dans  le  burin.  Toutes 
ses  pièces  sont  d'un  travail  précieux.  Il  signait 
Mie li  aelBlondus  ou  d'un  M  et  d'un  B  entrelacés. 
On  cite  surtout  :  Saint  Jérôme;—  Figures 
dansantes  ;  —  Une  Noce;  1615;  —Armoiries; 
—  Suite  de  .Manches  de  couteau.  En  1616, 
Leblond  publia  un  recueil  de  gravures  estimé, 
contenant  divers  Ornements  et  Feuillages  pour 
les  armoiries  ainsi  que  des  Fruits  et  des 
Fleurs.  3.  V. 

F.  Basan,  Dict.  des  Grav.  anciens  et  modernes.  — 
Sandrart,  Teutsche  académie. 

lekloni)  {Jean- Baptiste) ,  voyageur  et 
naturaliste  français ,  né  à  Toulongeon ,  le  2  dé- 
cembre 1747,  mort  à  Guzy,  le  15  août  1815.  Il 
avait  à  peine  vingt-et-un  ans  lorsqu'il  passa  aux 
colonies.  En  1756  il  se  fixa  sur  les  côtes  occiden- 
tales de  la  Martinique.  Après  un  examen  attentif 
des  îles,  il  alla  visiter  les  bouches  de  l'Orénoque. 
Le  premier,  il  fiit  à  même  de  décrire  une  tribu 
nombreuse ,  que  la  civilisation  n'avait  pu  encore 
réduire,  et  qui,  aux  temps  des  voyages  aventu- 
reux de  Ralegh,  avait  donné  lieu  aux  contes  les 
plus  merveilleux  et  les  plus  fantastiques.  Sur  des 
images  devenues  populaires,  on  représentait 
ces  sauvages  comme  perchant  au  sommet  des 
arbres.  Les  Guaraonos  ou  Waraons,  que  visita 
Leblond,  logent  en  réalité  dans  des  cabanes  se- 
mi-aériennes, qu'ils  établissent  dans  les  terres 
noyées  des  îles,  situées  à  l'embouchure  du  fleuve, 
sur  les  tiges  du  manglier.  Ils  accueillirent 
le  médecin  français,  lui  firent  visiter  en  détail 
leurs  habitations  et  lui  prouvèrent  que,  protégés 
par  leurs  forêts  maritimes ,  ils  pouvaient  vivre 
des  produits  d'un  seul  arbre  :  le  palmier  mu- 
richi  subvient  en  effet  à  tous  leurs  besoins. 
Leblond  partit  pour  la  Guyane  française ,  et  en 
fit  en  quelque  sorte  sa  seconde  patrie.  En  1789 
il  avait  déjà  exécuté  plusieurs  courses  le  long  du 
littoral  de  Cayenne  et  dans  l'intérieur,  lorsqu'il 
entreprit  un  voyage  plus  pénible  à  travers  des 
forêts  inexplorées.  Suivi  de  quelques  nègres,  et 
n'ayant  souvent  d'autre  guide  que  la  boussole, 
il  parvint  au  delà  des  sources  du  Camopi ,  à  plus 
de  quatre-vingts  lieues  des  côtes,  et  fit  sur  ces  ré- 
gions désertes  des  observations  géologiques  d'un 
grand  intérêt;  il  visita  en  même  temps  dans  la 
haute  Guyane  des  tribus  indiennes ,  dont  la  po- 
pulation ne  dépassait  pas  alors  quatre  mille  in- 
dividus (1). 

De  retour  en  France  en  1802,  Leblond  rédigea 
ses  divers  voyages  ;  mais  il  ne  put  les  faire  im- 
primer d'abord,  et  plusieurs  de  ses  observations 
scientifiques  ne  parurent  même  qu'après  sa  mort. 
En  l'année  même  de  son  retour,  il  publia  dans  le 
Moniteur  un  article  Sur  le  moyen  de  civiliser 


(1)  Plusieurs  de  ces  petites  tribus  ont  disparu  depuis 
l'époque  où  notre  médecin  naturaliste  les  visitait.  Et 
nous  n'hésitons  pas  à  dire  que  jamais  les  Indiens  de 
la  Guyane  n'eurent  un  meilleur  observateur,  puisque 
durant  un  séjour  de  dix-huit  ans  dans  cette  contrée  Le- 
blond ne  cessa  point,  pour  ainsi  dire,  de  s'occuper  d'eux. 


les  Indiens  de  la  Guyane  française.  Leblond 
avait  été  nommé  commissaire  du  roi,  avec  mis- 
sion d'explorer  les  forêts  qui  renferment  l'arbre 
à  quinquina.  Ses  recherches  furent  dès  lors 
utiles,  et  se  prolongèrent  jusqu'en'  1772.  Il  vi- 
sita ainsi  les  principales  villes  de  la  Guyane 
espagnole ,  la  capitainerie  de  Caracas ,  aujour- 
d'hui république  de  Venezuela  ,  la  nouvelle  Gre- 
nade et  la  plus  grande  partie  du  Pérou.  11  forma 
une  collection  d'objets  d'histoire  naturelle,  que 
contenaient  à  peine  vingt-huit  caisses,  dont  une 
partie  enrichit  aujourd'hui  le  Muséum  de  Paris. 
De  retour  en  France  vers  1785,  Leblond  tit 
connaître  ses  observations  sur  la  région,  pour 
ainsi  direinconnae,  qu'avait  décrite  Piedrahitd, 
et  publia  un  mémoire  sur  Santafé  de  Bogota  (1) 
et  ses  Observations  sur  le  Platine,  dont  les  di- 
vers gisements  étaient  alors  tout  à  fait  ignorés. 
Deux  ans  plus  tard  parut  un  travail  beaucoup 
plus  considérable,  intitulé  :  Observations  sur  la 
Fièvre  jaune  et  sur  les  maladies  des  tropiques 
faites  dans  un  voyage  aux  Antilles ,  à  l'inté- 
rieur de  l'Amérique  méridionale,  au  Pérou; 
Paris,  1805,  in-8°.  De  tous  ses  ouvrages,  c'est 
celui  dont  le  voyageur  semble  avoir  fait  ie  plus 
de  cas.  Huit  ans  plus  tard ,  il  donna  sa  grande 
relation,  qu'il  voulait  publier  en  quatre  volumes 
in-8°,  mais  dont  il  ne  fit  jamais  imprimer  que  le 
premier  tome.  Ce  livre,  répandu  à  très-petit 
nombre  d'exemplaires,  est  intitulé  :  Voyages  aux 
Antilles  et  à  l'Amérique  méridionale  com- 
mencé en  1767  et  fini  en  1802,  contenant  un 
précis  historique  des  révoltes,  des  guerres 
et  des  faits  mémorables  dont  l'auteur  a  été 
témoin,  etc.,  suivi  de  recherches  géologiques 
sur  l'état  primitif  du  globe ,  sur  les  change- 
ments qu'il  a  subis  et  qu'il  continue  à  éprou- 
ver, avec  des  observations  sur  les  effets  du 
courant  général  de  l'Océan  etc.;  Paris,  1813, 
in-8°  (2). 

(1)  Ce  mémoire  fut  imprimé  en  1785  et  est  deveuu  d'une 
telle  rareté,  que  jusqu'à  ce  jour  nous  n'avons  pu  par- 
venir à  en  prendre  connaissance.  11  en  est  de  même  de 
plusieurs  mémoires  de  ce  naturaliste:  durant  cette  même 
année  1785,  on  imprima  son  Mémoire  sur  le  Platine 
et  la  manière  de  l'extraire  de  la  mine.  Plus  tard,  et  avant 
son  départ  pour  Cayenne,  il  offrit  au  gouvernement 
200  livres  de  ce  métal.  En  1786  Leblond  lut  à  la  Société 
de  Médecine  de  Paris  ses  divers  mémoires  sur  l'Élé- 
phantiasis,  le  Pian,  les  Maladies  de  la  Peau,  sous  les 
tropiques  En  1790  après  avoir  reçu  6,000  fr.  de  Louis  XVI, 
pour  aller  chercher  de  nouveau  sur  le  continent  l'arbre 
à  quinquina,  il  envoya  à  l'Académie  des  Sciences  une 
carte  gëogranhico-minèralogique  de  ses  deux  voyages 
dans  l'intérieur  de  la  Guyane.  En  1791  il  expédia  au 
Journal  de  Physique  son  Essai  sur  l'Indigotier.  Ses  mé- 
moires Sur  le  Poivrier  et  sur  le  Roucouyer  parurent 
dans  les  annules  du  Muséumd'Histoire  Naturelle. 

(2)  Nous  avons  la  certitude  que  le  t.  II  de  cet  impor- 
tant ouvrage  avait  été  complètement  rédise,  et  il  était, 
vers  1823,  entre  les  mains  de  l'éditeur  Nepveu,  qui  en 
avait  fait  l'acquisition,  Il  nous  fut  communiqué  et  il  nous 
a  fourni  pour  un  travail  sur  la  Guyane,  publié  vers  cette 
époque,  de  curieux  renseignements  sur  ces  Guaraonos 
ou  )¥araons,  dont  plusieurs  tribus  habitaient  encore  les 
bouches  de  l'Orénoque  en  1841,  époque  à  laquelle  le  sa- 
vant Codazzt  écrivait  sa  géographie  de  l'État  de  Ve- 
nezuela. Il  serait   vivement  à  désirer  que   le  t.  Il  ili.. 


101 


LEBLOND 


A  la  fin  de  cet  ouvrage  remarquable ,  Leblond 
se  plaint  du  déclin  de  ses  forces  et  de  l'impossi- 
bilité de  trouver  un  collaborateur  qui  consente 
à  l'aider  dans  la  rédaction  de  ses  derniers  tra- 
vaux ;  il  n'en  donna  pas  moins  l'année  suivante 
un  opuscule  fort  substantiel  sur  la  Guyane,  dans 
lequel  il  consigna  les  résultats  de  dix-huit  ans 
d'observations  faites  sur  le  continent  américain. 
Cette  brochure,qui  n'a  pas  cent  pages,  est  intitulée  : 
Description  de  la  Guyane  française ,  ou  ta- 
bleau des  productions  naturelles  et  commer- 
ciales de  cette  colonie,  expliquées  au  moyen 
d'une  carte  géologicu-  topographique  dres- 
sée par  M.  Poirson  ,  ingénieur  géographe; 
Paris,  1814,  in-8°.  Quelques  mois  après  cette 
publication,  Leblond  se  retira  dans  son  pays,  et 
y  mourut.  Ferd.  Denis. 

Leblond  (  neveu  î,  Biographie  placée  en  tête  d'un 
deuxième  tirage  du  Voyage  à,  la  Guyane.  —  L.  A.  M. 
Uourgelat,  Mercure  de  France  d'octobre  1818.  —  Rap- 
port de  V Académie  des  Sciences. 

LEBLOND     DE    SAINT-MARTIN     (  NiCOlOS- 

François),  jurisconsulte  et  humaniste  français, 
né  à  Château-Thierry,  le  19  juin  1748,  mort  à  la 
fin  du  dix-huitième  siècle.  Après  avoir  suivi  les 
cours  de  droit,  il  s'était  fait  recevoir  avocat  au 
parlement.  On  a  de  lui  :  Mémoire  sur  le  Par- 
tage et  les  Défrichements  des  Communes  de 
l'Artois;  —  Horace,  édition  latine  avec  des 
notes;  Orléans,  1767,  in-12;  —  Traduction 
nouvelle  des  Œuvres  de  Virgile,  avec  des 
notes  et  un  discours  préliminaire;  1783,  3  vol. 
in-8°;  —  Idées  d'un  citoyen  sur  la  munici- 
palité, ou  la  commune  gouvernée  par  elle- 
même;  Paris,  1790,  in-8°.  J.  V. 

Quérard,  La  Fvance  Littër. 

leblond  (  Auguste-Savinien  ) ,  mathéma- 
ticien et  naturaliste  français,  né  à  Paris,  le  19  oc- 
tobre 1760,  mort  dans  la  même  ville,  le  22  fé- 
vrier 1811.  Il  était  employé  au  cabinet  des 
estampes  à  la  Bibliothèque  impériale.  On  a  de 
lui  :  Le  Portefeuille  des  Enfants,  mélange  d'a- 
nimaux, de  fleurs,  de  fruits,  etc.,  dessinés  et 
accompagnés  de  courtes  explications  ;  Paris,  1784 
et  ann.  suiv.,  24  cahiers  in-4°  :  le  texte  de  cet  ou- 
vrage a  été  réimprimé  séparément  sous  le  titre  de 
Livret  du  Portefeuille  des  Enfants;Pàris,  1798, 
2  vol.  in-18  ;  —  Sur  la  Fixation  d'une  Mesure 
et  d'un  Poids  ;  1791,  in-8°;  —  Sur  le  Système 
Monétaire;  Paris,  1798,  in-8°;  —  Cadrans  lo- 
garithmiques adaptés  aux  poids  et  mesures  ; 
1799,  in-8"  :  cet  instrument  est  composé  de  trois 
cercles  concentriques; —  Notice  historique  sur 
la  Vie  et  les  Ouvrages  de  Montucla,  lue  à  la 
Société  d'Agriculture  de  Versailles,  le  15  janvier 
1800;  —Barème  Métrique  (avec  A.  N.  *bu- 
chesne  )  ;  Versailles,  1802  ,  2  vol.  in-12  ;  —  Dic- 
tionnaire abrégé  des  Hommes  célèbres  de  l'An- 
tiquité et  des  Temps  modernes;  Paris,  1802, 
2  vol.  in-12;  — Sur  la  Ponctuation  décimale, 

Voyages  de  Leblond  ne  fût  pas  perdu  pour  la  science  ; 
car  l'auteur  montre  en  général  une  grande  sagacité  dans 
ses  observations. 


—  LEBON  !02 

dans  les  Mémoires  de  la  Société  libre  d'Instruc- 
tion (n°  2,  p.  25);  —  Dé  l'Instruction  par  les 
Yeux,  dans  le  même  recueil,  p.  35.     L.  L— t. 

Hiogr.  un<v.  et  portât,  des  Contemp.  —  Quérard,  La 
France  littér. 

lebobe  (Auguste-Stanislas),  magistrat  et 
homme  politique  français,  né  à  Couilly  (Seine-et- 
Marne),  le  19  décembre  1790,  mort  à  Pont-aux- 
Dames,  le  8  avril  1858.  Fils  d'un  meunier  de  la 
vallée  du  Morin,  il  vint  à  Paris,  où  il  entra 
comme  eommis  chez  un  entrepreneur  de  couver- 
tures de  bâtiments.  Grâce  à  ses  efforts,  il  devint 
bientôt  un  des  notables  commerçants  de  la  capi- 
tale, et  fut  en  1832  élu  juge  et  en  1841  prési- 
dent du  tribunal  de  commerce.  Il  appela 
à  diverses  reprises ,  dans  ses  discours  officiels , 
l'attention  du  chef  de  l'État  sur  l'utilité  d'obtenir 
l'extradition  des  banqueroutiers  frauduleux,  afin 
d'établir,  suivant  son  heureuse  expression  «  la 
solidarité  de  l'honneur  commercial  entre  toutes 
les  nations».  Son  vœu  fut  exaucé.  Avantde  quitter 
laprésidenoedutribunalde  commerce,  il  fit  adop- 
ter par  les  syndics  un  règlement  qui,  en  apportant 
plus  de  promptitude  et  d'équité  dans  l'adminis- 
tration des  faillites,  augmentait  en  même  temps  la 
dignité  de  l'institution  des  syndics.  Élu  député 
de  l'arrondissement  de  Meaux  le  10  juillet  1842, 
il  prit  place  dans  l'assemblée  sur  les  bancs  du 
parti  conservateur;  et  à  la  révolution  de  1848  il 
rentra  dans  la  vie  privée.  Sa  fille  avait  épousé  le 
célèbre  chirurgien  Blandin,  qui  précéda  son 
beau-père  au  tombeau.  A.  Is. 

Documents  particuliers.  —  Le  Publtcateur  de  l'arron- 
dissement de  Meaux,  n°  du  17  avril  1848. , 

lebœcf.  Voy.  Lebeof. 

lebon  (  Jean  ) ,  médecin  français,  né  à  Au- 
treville,  en  Champagne,  dans  la  première  moitié 
du  seizième  siècle,  fut  un  de  ceux  qui  opérè- 
rent une  réaction  contre  la  médecine  galénique 
et  signalèrent  le  retour  vers  la  médecine  hippo- 
cratique.  Lebon  fut  médecin  du  cardinal  de 
Guise ,  puis  du  roi  Charles  IX.  On  a  de  lui  : 
Therapeia  Puerperarum,  in-16,  réimprimé  à 
Paris,  en  1577,  avec  le  Thésaurus  Sanilatis  de 
Liébault.  C'est  un  des  bons  ouvrages  sur  les  ma- 
ladies des  femmes.  Il  a  été  réimprimé  à  Franc- 
fort, 1586,  in-16  ;  à  Paris,  1589,  dans  la  collec- 
tion de  Pachias;  à  Gênes,  1635;  Paris,  1664, 
in-4°,  à  la  suite  des  œuvres  de  Jacques  Houllier  ; 
—Abrégé  des  EauxdePlombières,en  Lorraine; 
Paris,  1576,  in-8°;  1616,  in-16;  —  La  Physio- 
nomie du  grand  philosophe  Aristote,  c'est-à- 
dire  sa  science  de  juger  de  quelle  vie  et  com- 
plexion  est  un  chacun;  Paris,  1553,  in-#°;  — 
Oraison  en  invectives  contre  les  poètes  con- 
frères de  Cupidon  et  rithmailleurs  de  notre 
temps  (sous  le  nom  de  Nobel,  anagramme  de 
Lebon);  Rouen,  1554,  in-16;  —  Traité  de  Ga- 
lien  Que  les  mœurs  de  l'âme  suivent  la  com- 
plexion  du  corps  ;  Paris,  1566,  in-16;  —  Opus- 
cule de  Galien  d'aillaigrir  le  corps,  traduit  en 
français;  Paris,  1556,  in-16;  —  La  Physionomie 


103 


LE    BON 


104 


d'Adonnant,  sophiste,  traduit  en  français,  avec 
un  livre  des  nèves  et  verrues  natxirelles; 
Paris,  1556,  in-8°;  —  Lucien,  de  la  Beauté, 
traduit  en  français;  Paris,  1557;  —  Dialogue 
du  Coural;  Paris,  1557  ;  —L'Art  de  connaître 
les  affections  de  V esprit  et  d'y  remédier  ;  — 
Dialogue  de  l'-antre  de  Mercure;  —  Épitre  à 
ses  amis  touchant  la  liberté  parisienne;  Paris, 
1557,  in-16;  —  Avertissement  à  Ronsard  lou- 
chant sa  Franciade;  Paris,  1568,  in-8°;  —  Le 
Rhin  au  roi,  oit,  à  Vimitation  du  Danube  qui 
a  parlé  plusieurs  fois,  par  prosopopée,  aux 
empereurs  romains ,  l'auteur  introduit  le 
fleuve  du  Rhin,  parlant  au  roi,  l'exhortant 
de  le  venir  voir  et  jouir  de  ce  qui  lui  appar- 
tient, et  en  ce  faisant  être  terreur  à  reistres 
qui  viennent  fourrager  la  Lorraine  et  rava- 
ger la  Champagne  ;  Paris,  1569,  in-S°  ;  —  Éty- 
mologicon  franc  ois  ;  Paris,  1571,  in-8°  ;  —  Le 
tumulte  de  Bassigny  apaisé  par  le  cardinal 
de  Lorraine  ;  Paris,  1573,  in-8°; — Adages  ou 
Proverbes  françois  (sous  le  pseudonyme  de 
Solondes  Vosges);  Paris,  1 576,  in-8°;  —  De  l'O- 
rigine et  Invention  de  la  rime  ;  Lyon,  1 582  ;  — 
Les  Bâtiments,  Érections  et  Fondations  des 
Villes  et  Cités  assises  es  trois  Gaules  ;  Lyon , 
1590,  in-16.  La  Croix  du  Maine  attribue  en  outre 
à  Letton  une  Grammaire  Françoise  et  une  tra- 
duction des  Antiquités  de  Bérose.  F.-X.  T. 
La  Croix  du  Maine,  Bibliothèque  franc. 

le  box  (Joseph),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Arras,  le  25  septembre  1765,  mort  sur 
l'échafaud  révolutionnaire  à  Amiens,  le  24  ven- 
démiaire an  iv  (16  octobre  1795).  11  fit  ses 
études  chez  les  oratoriens,  et  entra  dans  cette 
congrégation.  Dès  l'âge  de  dix-huit  ans  il  en- 
seignait la  rhétorique  au  collège  de  Beaune,  et  se 
fit  remarquer  par  sa  régularité  à  remplir  ses 
devoirs.  Ses  sympathies  non  dissimulées  pour 
la  révolution  le  brouillèrent  bientôt  avec  ses 
confrères  :  à  la  fin  de  mai  1790  il  s'en  sépara 
avec  éclat,  et  accepta  la  cure  constitutionnelle  du 
Vernois  près  Beaune.  En  juillet  1791  il  obtint 
celle  de  Neuville-Vitasse,  près  Arras,  qui  le  rap- 
prochait de  sa  famille,  dont  il  était  le  principal 
soutien.  Ses  liaisons  avec  Robespierre,  Saint- 
Just  et  Le  Bas,  ses  compatriotes,  l'entraînèrent 
hors  de  la  route  qu'il  avait  suivie  jusque  alors. 
Il  se  maria,  et  se  mit  à  fréquenter  les  sociétés 
politiques.  Maire  d'Arras  (16  septembre  1791), 
puis  procureur  syndic  du  département  du  Pas- 
de-Calais,  il  se  fit  remarquer  par  une  grande 
modération,  et  fut  nommé,  en  septembre  1792, 
député  suppléant  à  la  Convention  nationale;  mais 
il  n'y  siégea  qu'après  le  31  mai  1793.  Envoyé 
une  première  fois,  en  octobre  1793,  en  mission 
dans  le  Pas-de-Calais,  il  s'y  montra  encore  si 
indulgent  que  Guffroy,  son  compatriote  et  son 
ennemi,  l'accusa  de  fédéralisme,  et  le  dénonça 
comme  le  protecteur  des  contre-révolutionnaires 
et  le  persécuteur  des  patriotes.  Il  accusait  en 
outre  Le  Bon  d'avoir  refusé  de  faire  partie  de 


la  société  des  Jacobins.  Le  comité  de  salut  pu- 
blic se  hâta  de  le  rappeler  ;  mais,  sur  la  garantie 
de  Robespierre  et  sur  sa  promesse  de  travailler 
à  faire  oublier  son  passé ,  il  fut  presque  aussitôt 
renvoyé  dans  son  département  avec  des  pouvoirs 
illimités  etla  mission  «  d'étouffer,  parles  mesures 
les  plus  efficaces  et  les  plus  actives,  les  mouve- 
ments contre  -  révolutionnaires  qui  s'élevaient 
dans  la  ville  d'Aire  et  dans  d'autres  endroits  du 
Pas-de-Calais.  »  Le  9  nivôse  an  h,  il  reçut  l'ordre 
d'établir  le  gouvernement  révolutionnaire  dans 
les  départements  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais. 
Il  accomplit  sa  mission  avec  trop  de  rigueur  ; 
effrayé  de  sa  responsabilité  en  présence  des  Au- 
trichiens sur  les  frontières  de  France  et  des  in- 
trigues de  la  coalition,  il  vit  partout  des  enne- 
mis de  la  république  et  fit  couler  le  sang  sur 
son  passage.  Il  fut  terrible  et  inflexible  à  la  fois. 
Dénoncé  à  la  convention  par  Guffroy,  son  en- 
nemi acharné,  Le  Bon  fut  renvoyé  de  l'accusation 
portée  contre  lui,  ce  qu'il  devait  plus  peut-être 
à  la  mauvaise  renommée  du  dénonciateur  qu'à 
sa  propre  défense,  qui  fut  présentée  par  Barrère 
au  nom  du  comité  de  salut  public,  qui  «  tout  en 
improuvant  les  formes  un  peu  acerbes  de  Lebon  » , 
déclara  que  par  son  énergie  il  avait  sauvé  Cam- 
bray  en  se  jetant  courageusement  dans  cette  ville 
attaquée  par  les  Autrichiens.  On  éleva  contre  lui 
d'autres  accusations,  mais  elles  ont  manqué  de 
preuves  (1).  Dénoncéde  nouveau  le  15  thermidor 
(2  août),  Joseph  Le  Bon  fut  décrété  d'accusa- 
tion; ce  ne  fut  pourtant  que  le  18  floréal  (7  mai 
1795)  que  l'Assemblée  chargea  une  commission 
de  vingt-et-un  membres  d'examiner  sa  conduite. 
Quirot,  rapporteur  de  cette  commission,  fit  son 
rapport  le  1er  messidor  (19  juin).  Il  avait  divisé 
en  quatre  classes  les  délits  imputés  à  Le  Bon 
1*  assassinats  juridiques;  2°  oppression  des 
citoyens  en  masse;  3°  exercice  de  vengeances 
personnelles  ;  4°  vols  et  dilapidations.  Cette  der- 
nière accusation,  l'assemblée  refusa  de  l'écouter, 
«  déclarant  que  Le  Bon  en  était  complètement 
absous  ».  Sur  les  autres  points,  qui  se  réduisaient 
réellement  à  un  seul,  à  l'emploi  illimité  de  la 
guillotine,  il  répondit  :  «  Vous  vouliez  donc  que 
je  fusse  de  glace  quand  vous  étiez  tout  de  feu  ? 
Quand  mes  actes  étaient  rigoureux,  les  vôlres 
étaient  terribles  !  Vous  vouliez  donc  que  je  vous 
désobéisse  quand  vous  aviez  mis  la  terreur  à 
l'ordre  du  jour?  Si  j'étais  coupable  en  exécu- 
tant vos  décrets,  étiez-vous  innocents  en  les 
faisant?  «  Ce  moyen  de  défense  ne  pouvait  pas 
lui  concilier  l'indulgence  de  l'assemblée ,  ainsi 
appelée, à  se  condamner  elle-même;  aussi  fut-il 
traduit  devant  le  tribunal  criminel  d'Amiens,  qui 
le  condamna  à  mort.  Ce  tribunal  jugeait  sans 
appel,  en  vertu  de  la  loi  du  12  prairial.  Le' Bon 

(1)  Sa  correspondance  intime  montre  le  contraste  d'un 
homme  aussi  bienveillant  dans  son  intimité  qu'il  était 
impitoyable  dans  ses  fonctions  publiques.  Le  Bon  eut  du 
reste  cela  de  commun  avec  plusieurs  autres  des  plus 
exaltés  terroristes. 


105 


LE 


demandait  à  profiter  du  bénéfice  de  la  constitution 
qui  venait  d'être  achevée,  et  à  se  pourvoir  en 
cassation  ;  la  convention  passa  à  l'ordre  du  jour, 
et  donna  l'ordre  de  l'exécution.  En  endossant  la 
chemise  rouge,  Le  Bon  s'écria  :  «  Ce  «'est  pas 
moi  qui  devrais  l'endosser  :  il  faudrait  l'envoyer 
à  la  Convention,  dont  je  n'ai  fait  qu'exécuter  les 
ordres!  » 

Lamartine  dit  de  Le  Bon  :  «  11  décima  à  Arras 
et  à  Cambray  les  départements  du  Nord  et  du 
Pas-de-Calais.  Cet  homme  est  un  exemple  du 
vertige  qui  saisit  les  têtes  faibles  dans  les  grandes 
oscillations  d'opinion.  Les  temps  ont  leurs  crimes 
comme  les  hommes.  Le  sang  est  contagieux 
comme  l'air.  La  fièvre  des  révolutions  a  ses 
délires.  Le  Bon  en  éprouva  et  en  manifesta  tous 
les  accès  pendant  les  courtes  phases  d'une  vie 
de  trente  ans.  Dans  un  temps  calme  il  eût  laissé 
la  réputation  d'un  homme  de  bien  ;  dans  des 
jours  sinistres  il  laissa  le  renom  d'un  proscrip- 
teur  sans  pitié.  »  H.  Lesueur. 

Le  Moniteur  universel,  an  1er,  n°  259  ;  an  n,  n°  277, 
28,  29,  1G3,  316,  327  ;  an  III.  n°»  6,  108,  199,  274,  294,  303, 
349;  an  iv,  n0»  25.  —  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution 
française,  tom.  IV,  passim;  t.  V,  liv.  XXIII,  p.  374.  — 
lamnrline,  Histoire  des  Girondins,  t.  VII,  liv.  LUI, 
p.  325.  -  Lettres  de  Joseph  Le  Bon  à  sa  femme  pendant 
les  quatorze  mois  de  prison  qui  ont  précédé  sa  mort, 
avec  une  préface  par  .-.on  fils,  Emile  Le  Bon  ;  Chalons- 
sur-Saône.  1845.  —  Quelques  Lettres  de  Joseph  Le  Bon, 
antérieures  à  sa  carrière  politique  (1783-1791)  ;  Chalons, 
1853.  —  Réfutation  du  rapport  à  la  Convention  na- 
tionale sur  la  mise  en  accusation  de  Joseph  Le  Bon  ; 
Chalons.  1835,  in-8°.  —  Doc. part. 

lebox  (  Philippe  ) ,  ingénieur  et  chimiste 
français,  inventeur  de  l'éclairage  au  gaz,  naquit 
à  Bruchay,  près  de  Joinville,  aujourd'hui  dépar- 
tement de  la  Haute-Marne,  le  29  mai  1769,  et 
mourut  à  Paris,  le  2  décembre  1804.  L'institu- 
teur de  son  village  fut  son  premier  maître.  En- 
voyé ensuite  à  Paris  pour  compléter  son  éduca- 
tion, il  y  obtint  les  plus  grands  succès,  et  il  n'a- 
vaitpas  encore  vingt-cinq  ans  quand  il  fut  nommé 
ingénieur  des  ponts  et  chaussées  d'abord  à  An- 
goulême,  puis  à  Paris,  où  il  professa  la  méca- 
nique à  l'École  des  Ponts  et  Chaussées.  Vers 
1797,  il  commença  ses  essais  sur  le  gazprovenant 
de  la  combustion  du  bois.  Peut-être  avait-il  con- 
naissance de  quelques  observations  déjà  faites 
avant  lui  sur  l'éclairage  par  ce  gaz  ;  telles  que 
celles  de  Delsemius,  qui  eurent  lieu  à  Paris,  en 
1686;  celles  du  docteur  anglais  Clayton,en  1739, 
sur  le  même  objet,  et  celles  consignées  dans  un 
mémoire  que  Driller  avait  lu  en  1 787  à  l'Académie 
des  Sciences  de  Paris,  où  il  indiquait  les  moyens 
d'employer  à  l'éclairage  ce  même  gaz.  Quoiqu'il 
en  soit,  Lebon  fit  à  sa  campagne  de  Bruchay 
ses  premières  expériences,  et  il  ne  se  borna 
point  à  préparer  un  gaz  inflammable,  il  s'oc- 
cupa aussi  à  purifier  ce  gaz ,  à  le  débarrasser 
des  matières  étrangères  et  de  l'odeur  due  à 
la  présence  de  l'acide  pyroligneux.  Pour  obte- 
nir ce  résultat,  il  imagina  de  faire  passer  le 
tuyau  de  dégagement  dans  un  vase  rempli  d'eau 
froide  :  l'eau  condensait  les  vapeurs  acides  et  les 


BON  106 

I  matières  bitumineuses,  tandis  que  l'hydrogène 
J  carboné  se  dégageait  pur.  Dès  ses  premiers  es- 
sais, Lebon  aperçut  dans  une  même  opéra- 
I  tion  la  carbonisation  complète  de  tous  les  corps 
i  combustibles ,  la  production  de  l'acide  pyroli- 
gneux, du  goudron  et  de  la  flamme  qui  pouvait 
i  servir  aux  usages  domestiques  en  procurant  la 
lumière  et  le  chauffage.  Il  avait  bâti  un  appareil 
en  briques,  qu'il  remplissait  de  bois,  et  après  l'a- 
voir fermé  hermétiquement,  en  laissant  un  tuyau 
pour  la  fumée,  il  dirigeait  ce  tuyau  dans  une 
cuve  où  il  s'élargissait  de  manière  à  former  un 
large  récipient  condensateur.  On  allumait  le  feu 
sous  l'appareil  ;  le  bois  placé  dans  l'intérieur  se 
carbonisait  parfaitement;  la  fumée  parvenue 
dans  la  cuve  d'eau  se  purifiait  en  abandonnant 
le  goudron  et  l'acide  pyroligneux;  le  gaz  dégagé 
à  la  sortie  du  condensateur  donnait  une  lumière 
assez  vive  et  assez  pure  pour  faire  espérer  un 
succès  complet  après  de  nouveaux  lavages  et  de 
nouveaux  essais.  Lebon  vint  continuer  ses  expé- 
riences à  Paris,  dans  sa  demeure  rue  et  île  Saint- 
Louis,  en  face  l'hôtel  Bretonvilliers.  Fourcroy, 
Prony  et  dJautres  savants  l'encouragèrent  de 
leurs  conseils, et  il  fit.de  grandes  dépenses  pour 
perfectionner  sa  découverte.  En  l'an  vu,  il  lut  à 
l'Institut  un  Mémoire  sur  les  résultats  qu'il  avait 
obtenus,  et  le  6  vendémiaire  de  l'an  vm  (21  sep- 
tembre 1799)  il  reçut  un  brevet  d'invention  pour 
de  nouveaux  «  moyens  d'employer  les  combus- 
tibles plus  utilement,  soit  pour  le  chauffage, 
soit  pour  la  lumière ,  et  d'en  recueillir  diffé- 
rents produits  )>:  Quelques  mois  après  il  pro- 
posait au  gouvernement  des  appareils  de  chauf- 
fage et  d'éclairage  plus  économiques.  H  transporta 
alors  ses  appareils  dans  l'hôtel  de  Seignelay,  rue 
Saint-Dominique-Saint-Germain,  et  leur  donna  le 
nom  de  thermolampes.  Il  établit  dans  ce  local 
des  ateliers  pour  leur  confection,  distribua  la 
lumière  et  la  chaleur  dans  de  grands  apparte- 
ments, dans  les  cours  et  dans  les  vastes  jardins, 
qu'il  illuminait  de  milliers  de  jets  de  lumière, 
sous  la  forme  de  gerbes,  de  rosaces,  de  fleurs,  etc. 
Dans  un  mémoire  qu'il  publia  sur  ses  thermo- 
lampes  ,  il  invita  tout  Paris  à  en  venir  voir  les 
brillants  effets.  La  Gazette  de  France  du  19  ven- 
démiaire an  x  contient  l'annonce  des  expériences 
de  Lebon,  qui  excitèrent  alors  une  vive  curiosité. 
Un  rapport  officiel  fait  au  ministre  de  la  Marine 
par  le  général  Saint-Haouen  déclare  «  que  lef 
résultats  avantageux  qu'ont  donnés  les  expé- 
riences du  thermolampe  du  citoyen  Lebon  ont 
comblé  et  même  surpassé  les  espérances  des 
amis  des  sciences  et  des  arts  ».  L'invention 
était  loin,  cependant,  d'avoir  obtenu  la  perfec- 
tion à  laquelle  on  est  arrivé  depuis.  II  n'avait 
pas  encore  été  possible  de  dégager  complètement 
la  flamme  d'une  odeur  empyreumatique ,  et  la 
lumière  n'avait  pas  acquis  la  pureté ,  le  brillant 
qu'on  obtient  aujourd'hui.  Mais  les  perfectionne- 
ments arrivaient ,  et  les  autres  produits  de  la 
carbonisation  offraient  des  avantages  immenses. 


107  LEBOJN     -  LEBORGNE 

Pour  utiliser  ceux-ci,  Lebon  sollicita  l'adjudica- 
tion d'une  portion  des  pins  de  la  forêt  de  Rou- 
vray  près  du  Havre.  La  concession  lui  lut  donnée 
le  9  fructidor  an  xi  (27  août  1803) ,  à  la  condi- 
tion de  fabriquer  cinq  quintaux  par  jour.  Use  mit 
à  l'œuvre ,  associé  à  un  Anglais ,  et  le  succès 
qu'il  obtint  fut  tel  que  les  princes  russes  Galitzin 
et  Dolgorouki  lui  proposèrent,  au  nom  de  leur 
gouvernement,  de  transporter  en  Russie  ses  pro- 
cédés en  le  laissant  maître  de  fixer  les  conditions. 
C'était  une  fortune  assurée;  mais  il  répondit  que 
son  invention  appartenait  à  son  pays,  qui  seul 
devait  en  profiter. 

Il  n'était  pas  donné  à  cet  homme  laborieux 
de  recueillir  le  fruit  de  ses  travaux.  Il  était  ins- 
tallé -au  Havre  avec  sa  famille  ;  il  fut  appelé  à 
Paris  comme  ingénieur  pour  les  travaux  du  sacre 
de  l'empereur.  Le  jour  même  de  la  cérémonie, 
il  mourut  subitement ,  à  peine  âgé  de  trente-six 
ans.  On  le  rapporta  chez  lui  mourant  et  ensan- 
glanté. Le  bruit  courut,  qu'il  avait  été  victime 
d'un  assassinat  ;  mais  on  ne  put  en  acquérir  la 
preuve.  D'autres  malheurs  atteignirent  sa  veuve  : 
un  associé  infidèle  fit  disparaître  les  bénéfices 
obtenue  dans  l'exploitation  de  Rouvray,  qu'elle 
fut  forcée  d'abandonner;  elle  se  vit  sans  res- 
sources, exposéeaux  poursuites  du  domaine  pour 
une  somme  de  8,000  fr.  restant  due  sur  le  prix  de 
la  concession.  Elle  essaya  en  1811  de  rouvrir 
une  fabrique  de  thermolainpes,  mais  ce  fut  sans 
succès.  La  Société  d'Encouragement  pour  l'In- 
dustrie lui  décerna,  le  1 1  septembre  1811,  un  prix 
de  l,200fr.  proposépowr  les  expériences  faites 
en  grand  sur  les  divers  produits  de  la  distil- 
lation du  bois  ;  un  rapport  de  Darcet  avait 
constaté  les  services  rendus  par  Lebon  à  l'indus- 
trie et  à  la  science,  son  application  du  gaz  hydro- 
gène carboné  à  l'éclairage ,  invention  dont  les  An- 
glais ont  profité  avant  les  Français,  en  la  perfec- 
tionnant. En  même  temps  la  Société  d'Encoura- 
gement demandait  au  ministre  de  l'intérieur 
qu'une  pension  fût  accordée  à  la  veuve  de  Lebon, 
et  par  un  décret  de  la  même  année  une  pension 
viagère  de  1 ,200  fr.  lui  fut  en  effet  donnée. 
Mme  Lebon  n'en  jouit  pas  longtemps  :  elle  mou- 
rut en  1813.  Un  fils  de  Philippe  Lebon,  officier 
d'artillerie,  a  été  aussi  frappé  d'une  mort  pré- 
maturée. G.  DE  FÈRE. 

Notice  sur  l'Invention  de  l'Éclairage  par  le  Gaz 
hydrogène  carboné ,  par  M.  Gaudry,  avocat  à  la  cour  de 
Paris,  1856.  —  Recueil  des  Brevets  d'invention,  t.  VIH, 
p.  121.  —  Moniteur  du  il  sept.  1811.  —  Mémoire  de  la 
Société  d'Encouragement,  année  1811.  —  L'Invention, 
année  1856. 

leborgne  de  soigne  (  Claude- Pierre- 
Joseph  ),  homme  politique  français,  d'origine 
Sarde,  né  à  Chambéry,  le  8  mars  176.4,  mort  à 
Paris,  en  janvier  1832.  Frère  du  général  comte  de 
Boigne  (  voy.  ce  nom),  il  vint  de  bonne  heure  à 
Paris,  où  il  entra  dans  l'administration  des  co- 
lonies. En  1.791 ,  il  fut  nommé  secrétaire  de  la 
commission  et  envoyé  à  Saint-Domingue  pour  pa- 
cifier cette  île  ;  mais  les  pouvoirs  des  commissaires 


108 

ayant  été  contestés  par  l'assemblée  coloniale, 
les  commissaires  revinrent  en  France  en  laissant 
Leborgne  chargé  des  affaires  de  la  métropole.  11 
y  favorisa  de  tout  son  pouvoir  la  cause  des  noirs 
et  de  la  révolution.  En  1792  il  promulgua  à 
Saint-Domingue  la  loi  qui  reconnaissait  les 
droits  politiques  des  noirs  et  des  hommes  de 
couleur;  mais  les  colons  s'opposèrent  à  l'exécu- 
tion de  cette  loi,  et  de  nouveaux  commissaires 
furent  envoyés  avec  des  troupes.  Leborgne  partit 
en  janvier  1793,  comme  commissaire  médiateur 
avec  le  général  Rochambeau,  gouverneur  de  La 
Martinique,  qui  s'était  réfugié  à  Saint-Domingue. 
Ils  attendirent  vainement  à  La  Désirade  l'escadre 
qui  devait  les  porter  à  La  Martinique,  et  s'em- 
barquèrent pour  La  Guadeloupe,  d'où  ils  purent 
enfin  passer  à  La  Martinique.  La  guerre  venait 
d'éclater  avec  l'Angleterre.  Le  11  mai  1793,  une 
escadre  anglaise  parut  devant  La  Martinique  ; 
Leborgne  contribua  à  défendre  cette  île.  Arrivé  à 
Paris  à  la  fin  de  1793,  il  fut  arrêté  par  ordre, 
du  comité  de  sûreté  générale,  et  envoyé  à  la 
Conciergerie  comme  girondin,  malgré  les  ré- 
clamations du  ministre  de  la  marine.  Leborgne 
obtint  enfin  sa  liberté.  En  1796  il  fut  renvoyé  à 
Saint-Domingue  en  qualité  de  commissaire  or- 
donnateur du  corps  d'armée  que  Truguet  fit 
passer  dans  cette  colonie  avec  Sonthonax  et 
Rigaud,  pour  y  organiser  le  régime  républicain 
et  prendre  possession  de  la  partie  espagnole,  qui 
venait  d*être  cédée  à  la  France  par  le  traité  de 
Bàle.  Leborgne  concourut  aux  opérations  des 
deux  commissaires,  et  fut  nommé,  en  avril  1797, 
député  de  Saint-Domingue  au  Conseil  des  Cinq 
Cents.  Le  16  novembre,  il  proposa  à  cette  assem- 
blée d'établir  un  comité  chargé  d'aviser  aux 
moyens  de  réorganiser  la  marine  française  et  de 
préparer  une  descente  en  Angleterre.  En  1798  il 
fit  une  motion  pour  que  les  nouvelles  élections  de 
Saint-Domingue  fussent  annulées ,  parce  qu'elles 
avaient  été  influencées  par  Toussaint  Louverture. 
Le  7  septembre  1799,  il  présenta  un  rapport  sur 
l'armement  en  course,  qu'il  appelait  la  marine 
auxiliaire,  et  proposa  d'encourager  les  corsaires 
par  des  primes.  Cette  proposition,  adoptée  par  le 
Conseil  des  Cinq  Cents,  fut  rejetée  par  le  Conseil 
des  Anciens.  Lorsqu'on  proposa  d'aggraver  le  sort 
des  déportés  de  fructidor,  Leborgne  combattit 
Rouchon,  qui  avait  parlé  en  faveur  de  l'humanité. 
Au  18  brumaire,  Leborgne  s'opposa  de  toutes  ses 
forces  au  succès  de  Bonaparte.  Il  reprit  alors  son 
grade  de  commissaire  ordonnateur;  mais  il  resta 
longtemps  sans  emploi.  En  1813  il  fut  envoyé  à 
l'armée  d'Allemagne  et  fait  prisonnier  de  guerre. 
Le  retour  de  Louis  XVIII  lui  permit  de  revenir 
en  France.  En  1817  Leborgne  publia  un  ouvrage 
sur  les  moyens  de  rattacher  Saint-Domingue  à 
son  ancienne  métropole.  11  avait  eu  peu  de  rap- 
ports avec  sou  frère,  et  n'eut  aucune  part  à 
son  immense  fortune.  On  a  de  lui  :  L'Ombre  de 
la  Gironde  à  la  Convention  nationale,  ou 
notes  sur  ses  assassins,  par  un  détenu  à  la 


109 


Conciergerie  ;  Paris,  1794,  in-8°;  —  Essai  de 
Conciliation  de  L'Amérique  et  de  la  nécessité 
de  Vunion  de  cette  partie  du  monde  avec  l'Eu- 
rope; Paris,  1817,  in-8°  ;  —  Nouveau  Système 
de  Colonisation  pour  Saint-Domingue,  com- 
biné avec  la  création  d'une  compagnie  de 
commerce  pour  rétablir  les  relations  de  la 
France  avec  cette  ile,  précédée  de  considéra- 
tions générales  sur  le  régime  colonial  des 
Européens  dans  les  deux  Indes  ;  Paris,  1817, 
in-8°.  J.  V. 

Biog.  univ.  et  portât,  des  Contemporains. 
LEBORGNE    DE     BOIGNE    (Benoît).    Voy. 
BOIGNE. 

le  bossu  (René),  religieux  génovéfain,  né 
à  Paris,  en  1631,  d'un  avocat  général  à  la  cour 
des  aides,  mort  sous-prieur  de  l'abbaye  de  Saint- 
Jean  de  Chartres,  en  1680.  Il  contribua  beaucoup 
à  toi  mer  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève  de 
Paris.  On  a  de  lui  :  un  Parallèle  de  la  Philo- 
sophie de  Descartes  et  d' Aristote,  Paris,  1674, 
in-12,  qu'il  voulait  concilier.  «  Il  ne  savait  pas  , 
dit  un  bel  esprit,  qu'il  fallait  les  abandonner  l'un 
et  l'autre  ».  Nous  ajouterons  que  Le  Bossu  était 
plus  capable  de  raisonner  sur  les  chimères  ancien- 
nes que  de  les  détruire  ;  —  un  Traité  du  poème 
épique ,  dont  la  6e  édition  a  été  imprimée  à  La 
Haye,  1714,  in-8#.  Dans  cet  ouvrage  il  n'omet  au- 
cune des  règles  ni  aucune  des  ressources  du  genre. 
Le  P.  Bossu  veut  que  le  poème  épique  ait  tou- 
jours un  but  moral;  et  il  prétend  tirer  ces  prin 
cipes  d'Homère.  Voltaire  assure  que  ces  règles 
ne  sont  ni  dans  Y  Iliade  ni  dans  l'Odyssée,  et 
que  ces  deux  poèmes  étant  d'une  nature  totale- 
ment différente,  les  crifiques  seraient  fort  en 
peine  de  mettre  Homère  d'accord  avec  lui-même. 
L'embarras  n'aurait  pas  été  moindre  à  l'égard 
de  Virgile,  qui  réunit  dans  sou  Enéide  le  plan 
de  Y  Iliade  et  celui  de  YOdyssée.      B.  H. 

Lelong,  Biblioth.  Hist.  de  la  France,  —  Cbaudon  et 
Delandine,  Dictionnaire  Historique. 

leboucher  (Odet- Julien),  historien  fran- 
çais, né  à  Bourcy,  près  de  Coutances,  le  13  juin 
1744,  mort  le  23  septembre  1826.  Il  était  maire 
de  sa  ville  natale.  On  a  de  lui  :  Histoire  de  la 
dernière  Guerre  entre  la  Grande-Bretagne  et 
les  Etats-Unis  de  l'Amérique,  la  France, 
l'Espagne,  etc.;  Paris,  1787,  in-4°. 

Son  fils ,  M.  Emile  Lbbodcher,  a  donné  une 
nouvelle  édition  de  ce  livre  sous  ce  titre  :  His- 
toire de  la  Guerre  de  V Indépendance  des 
États-Unis;  Paris,  1830,  2  vol.  in-8°.    J.  V. 

Notices  dans  Le  Moniteur,  la  Gazette  de  France,  et  le 
Journal  de  Paris,  du  8  octobre  1826.  —  annales  Bio- 
graphiques, 18S6,  p.  497. 

le  boucq  (Jacques),  écrivain  héraldique 
français ,  mort  le  2  mai  1573.  Il  était  fils  de  Noël 
Le  Boucq,  mort  au  siège  de  Valenciennes ,  le 
15  mars  1567.  Il  fut  hérault  d'armes  et  lieute- 
nant de  la  Toison  d'Orsous  Charles  Quint  et  Phi- 
lippe II,  et  a  laissé  plusieurs  manuscrits  relatifs 
à  la  science  héraldique,  qui  périrent  pour  la  plu- 


LEBORGNE  —  LE  BOUCQ  110 

part  dans  l'incendie  arrivé  au  palais  de  Bruxelles 
en  1731.  Les  seuls  ouvrages  qui  restent  de  cet 
auteur  sont  :  LeTriumpM  d' Anvers,  faict  pour 
les  nobles  Festes  de  la  Thoyson  d'Or,  ternies 
par  le  très- liault  et  très-puissant  prince  Phi- 
lippe, roi  d'Espagne,  de  France  et  d'Angle- 
terre, 1555,  manuscrit  petit  in-folio,  qui  faisait 
partie  de  la  collection  de  M.  Lammens,  biblio- 
thécaire de  l'université  de  Gand  ;  —  Recoel  de 
tous  les  Festes  et  Chapitres  de  la  noble  ordre 
du  Thoison  d'Or  depuis  lapreiiiièreinsti/ution 
jusques  à  notre  temps,  manuscrit  in-folio,  fai- 
sant partie  de  la  bibliothèque  de  Mans;  —  Le 
noble  Blason  des  armes,  1564  et  1572,  manus- 
crit autographe,  petit  in-folio ,  appartenant  en 
1842  à  uu  propriétaire  de  Gand.  La  bibliothèque 
de  Vienne  en  Autriche  possède  aussi  un  manus- 
crit de  Jacques  Le  Boucq. 

Documents  inédits. 

le  boucq  (Henri),  petit  neveu  du  précé- 
dent, seigneur  de  Camcourgean  et  de  Lamfret, 
ne.  le  19  juillet  1584,  mort  le  19  décembre.  1660. 
Créé  chevalier  par  Philippe  IV,  roi  d'Espagne,  en 
1659,  il  fut  échevin  de  Valenciennes  et  bailli  du 
vicomte  de  Sebourg.  Il  ajouta,  en  1648,  à  1  his- 
toire de  S«bourg,  publiée  par  son  fils  Pierre,  une 
troisième  partie,  formant  les  chapitres  19  à  23, 
supplément  beaucoup  plus  rare  que  le  livre  même. 
Il  a  laissé  en  outre  un  manuscrit  petit  in-4°,  ayant 
pour  titre  :  Traité  des  Choses  les  plus  remar- 
quables concernant  la  singularité  des  au- 
thorités  et  privilèges  de  Vallenciennes.  Ce 
manuscrit  fait  aujourd'hui  partie  de  la  biblio- 
thèque de  M.  le  chevalier  Amédée  Le  Boucq  de 
Ternas,  demeurant  à  Douai. 

Documents  inédits. 

le  boucq  (Simon),  historien  français,  né 
à  Valenciennes,  le  15  juin  1591,  mort  dans  la 
même  ville,  le  1er  décembre  1657.  Dans  sa  jeu- 
nesse, il  passa  plusieurs  années  à  Anvers  chez 
François  Sweerts ,  écrivain  belge,  qui  faisait  le 
commerce,  et  puisa  chez  lui  le  goût  de  l'étude. 
De  retour  à  Valenciennes ,  il  fut  nommé  lieute- 
nant, puis  surintendant  de  l'artillerie  et  des  mu- 
nitions de  cette  ville.  Il  en  devint  en  1618  éche- 
vin, en  1644  prévôt,  et  plus  tard  conseiller 
pensionnaire.  L'histoire,  les  antiquités  et  la  nu- 
mismatique occupaient  ses  loisirs.  Il  avait  une 
riche  bibliothèque  et  une  précieuse  collection  de 
médailles  romaines.  En  1655  il  fit  don  à  l'ar- 
chiduc d'Autriche  Léopold-Guillaume ,  gouver- 
neur des  Pays-Bas,  qui  se  trouvait  alors  à  l'ab- 
baye de  Vicoigne,  de  six  cent  trente-six  médailles 
romaines,  dont  dix-neuf  étaient  d'or.  On  a  de 
lui  :  Bref  Recueil  des  Antiquités  de  Valen- 
tienne.  Où  est  représenté  ce  qui  s'est  passé 
de  remarquable  en  la  dicte  ville  et  seigneu- 
rie, depuis  sa  fondation  jusques  à  l'an  1619, 
par  S.  L.  B.;  Valenciennes,  1619,  in-8°,  réim- 
primé dans  les  Archives  historiques  et  litté- 
raires du  nord  de  la  France  et  du  midi  de 
la  Belgique ,  2e  série,  tom.  IV;  —  Histoire  ec- 


111  LE  BOUCQ  - 

clésiastique  de  la  ville  et  comté  de  Valen- 
tienne;  Valenciennes ,   1844,  gr.  in-8°,   publié 
par   M.  Arthur  Dinaux  :  le   manuscrit  de  cet 
ouvrage  se  trouve  a  la  bibliothèque  publique 
de  Valenciennes  ;  —  Guerre  de  Jean  d'Avesnes 
contre  la  ville  de   Valenciennes  ;  1290-1297; 
et  Mémoires  sur  l'histoire,  la  juridiction  ci- 
vile  et   le  droit   public ,   particulièrement 
des  villes    de  Mons   et  de    Valenciennes, 
du  onzième  au  dix-septième  siècle,  recueillis 
et  publiés  par  A.  Lacroix;  Bruxelles,  1846, 
gr.  in-8°,  mis  au  jour  par  la  société  des  Bi- 
bliophiles belges.  M.  Arthur  Dinaux  indique  de 
Le  Boucq  vingt  ouvrages  manuscrits  dont  voici 
les  principaux  :  Antiquités,  et  Mémoires  de  la 
très-renommée  et  très-fameuse  ville  et  comté 
de  Valentienne,  avecq  les  généalogies ,  ordre 
et  suite  de  ses  comtes  et  seigneurs  ;  ensemble 
la  fondation  des  églises,  lieuz  pieux  de  la  dite 
ville;  2  vol.  in-fol.,  conservés  à  la  bibliothèque 
publique  de  Cambrai;  —  Libvr-e   contenant 
plusieurs    copies    de   Chartres,   privilèges, 
lettres  et  advenues  de  lavilledeValentiennes, 
escripts  et  recueillis  la  pluspart  des  origi- 
nelles,  4  vol.  in-fol.,  ,qui   appartiennent  à  la 
bibliothèque   publique  de  Valenciennes.  L'An- 
nuaire de  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique, 
sixième  année,  1845,  pag.  135,  contient  un  extrait 
d'un  manuscrit  de  cette  bibliothèque,  intitulé  : 
Description   de  Notre-Dame- la- Grande  et 
Saint-Jean  en  Valentienne,  avecq  les  épita- 
phes  qui  se  retrouvent  en  .celles,  recueilli 
par  Simon  Le  Boucq,  escuier,  1616.  Les  ou- 
vrages de  Le  Boucq  sont  mal  écrits,  mais  ils  se 
recommandent  par  leur  grande  exactitude. 
E.  Begnard. 
A.  Dinaux,  Notice  historique  et  bibliographique  sur 
Simon  Le  Boucq,  eu  tète  de  l'Histoire  ecclésiastique  de 
la  ville  et  comté  de  Falencienne.  —  Le  Glay,  Catalogue 
des  Manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Cambrai,  p.  221. 

le  boucq  (Pierre),  historien  français,  de 
la  famille  du  précédent,  né  le  14  février  1612, 
mort  le  22  février  1676.  Il  fit  son  droit  à  Douai, 
où  il  devint  licencié  en  1632,  puis  il  se  livra  à 
l'étude  des  coutumes  du  Hainaut  et  du  droit  mu- 
nicipal de  Valenciennes.  En  1633,  Isabelle,  in- 
fante d'Espagne,  le  nomma  échevin  de  cette 
ville.  11  y  commandait  la  garde  de  la  porte  Car- 
don lorsque,  le  8  juin  1639,  il  empêcha  les 
Français,  sous  les  ordres  du  sieur  de  Valicourt, 
de  piller  et  de  brûler  les  faubourgs.  Sa  femme 
étant  morte  en  1650,  sans  laisser  d'enfant,  il 
embrassa  l'état  ecclésiastique.  Il  est  auteur  des 
ouvrages  suivants  :  Histoire  de  la  terre  et 
vicomte  de  Sebourcq,  jadis  possédée  par  les 
comtes  de  Flandre  et  de  Hainnault,  ensemble 
de  leurs  faits  héroïques  et  mémorables,  de- 
puis descendue  aux  très-illustres  maisons  de 
W'ilhem  et  Berghe,  avec  plusieurs  belles  et 
remarquables  singularité  z  ;  Bruxelles,  1645, 
iu-4°  ;  —  Histoire  de  la  vie  et  des  miracles 
au  glorieux  saint  Druon  (patron  de  Sebourcq)  ; 
Douai,  1646,  in-10;  —  flistoire  des  Choses  les 


LEBOURDAYS 


112 


plus  remarquables  advenues  en  Flandre, 
Hainaut,  Artois  et  pays  circonvoisins,  de- 
puis 1596  jusqu'à  1674,  etc.,  publiée  avec  une 
notice  sur  l'auteur  et  sa  famille,  par  le  cheva- 
lier Le  Boucq  deTernas;  Douai,  1857,  in-8°. 
E.  Regnard. 

Foppens,  Dibliotheca  Belgica.  —  Lelonj; ,  Bibliothèque 
I    Historique  de  lu  France,  tora.  III,  n°  39,064.  —  Jiiogra~ 
[   phle  P'alenciennoise,  pag.  S6.  —  M.  Le  Boucq  de  Ternas, 
i    Famille  Le  Boucq,  de  Valenciennes  :  A'otes  biographi- 
ques, p.  268,  à  la  suite  de  l'Histoire  des  choses  tes  }Hus 
remarquables,  etc. 

leboulanger  (Jean),  magistrat  français, 
!  mort  le  24  février  1481.  Sa  famille  portait  ori- 
.  ginairement  le  nom  de  Montigny;  mais  un  de 
I  ses  aïeux,  Jean  de  Montigny,  ayant  fait  distri- 
buer du  pain  aux   habitants  de  Paris   pendant 
trois  jours  dans  un  moment  de  disette,  le  peuple, 
par  reconnaissance,  le  surnomma  Le  Boulanger, 
;  et  cette  qualification  devint  le  nom  de  sa  famille. 
Fils  de  Raoul  Leboulanger,  grand -panetier  du 
i  roi  et  capitaine  des  gardes  du  duc  de  Bour- 
'  gogne,  Jean  Leboulanger  était  président  au  par- 
lement de  Paris  lorsque  la  plupart  des  princes 
du  sang  et  des  grands  vassaux  de  la  couronne 
formèrent  la  ligue  du  bien  public  contre  Louis  XI. 
Quand    l'armée    rebelle  assiégea   Paris,  Jean 
Leboulanger  fut  choisi  pour  aller  négocier  avec 
les  chefs  de  l'insurrection,  et  il  fit  si  bien  que  le 
traité  de  Conflans  fut  signé  peu  de  temps  après. 
En  récompense  Leboulanger  fut  élevé,  en  1471, 
à  la  dignité  de  premier  président  au  parlement 
de  Paris.  Tout  dévoué  à  la  politique  de  Louis  XT, 
Leboulanger  avait  instruit  en  1469  le  procès  du 
cardinal  La  Balue;  en  1475,  il  présida  au  procès 
du  connétable  de  Saint-Pol,  et  deux  ans  plus 
tard  à  celui  de  Jacques  d'Armagnac,  duc  de  Ne- 
mours. J.  V. 

Blanchard  ,  Hist.  des  Premiers  Présidents.  —  Moréri, 
Grand  Dict.  Histor. 

lebovrokys  (Hardouin),  sieur  de  La  Ge- 
nevraie,  littérateur  français,  né  au  Mans,  vers  la 
fin  du  seizième  siècle,  mort  vers  l'année  1640. 
Sa  profession  était  modeste  :  il  était  clerc  au 
greffe  de  la  sénéchaussée  du  Mans.  En  l'exer- 
çant, il  apprit  à  connaître  les  procureurs,  les 
avocats,  et  ne  conçut  pas  trop  bonne  opinion 
de  leur  délicatesse.  C'est  du  moins  ce  que  tend 
à  prouver  son  Libre  Discours  sur  l'Origine  des 
Procès,  publié  au  Mans,  en  1610,  in-8°.  Libre 
discours  en  effet,  et  très-libre,  plein  d'invectives 
acerbes  et  de  scandaleuses  anecdotes.  La  même 
année.  Lebourdays  fit  imprimer  Regrets  sur  la 
mort  de  Henri  IV,  morceau  composé  dans  un 
genre  plus  grave.  Mais  puisque  nous  avons  à 
dire  quelque  bien  de  Lebourdays,  reconnaissons 
sincèrement  que  ces  Regrets  sont  peu  touchants, 
et  qu'avec  lui  le  genre  grave  est  le  genre  en- 
nuyeux. Plus  tard  il  publia  :  Discours  et  ordre 
tenu  à  l'entrée  de  leurs  MM.  Louis  XIII  et 
Marie  de  Médicis  en  la  ville  du  Mans,  1614. 
Cette  pièce  est  une  relation  assez  plaisante,  que 
précèdent  des  vers  supportables.  Ansart  raconte 


Il: 


LEBOURDAYS  -  LE  BOUVIER 


114 


que,  plus  avancé  en  âge,  Lebourdays  devint 
avocat  au  présidial  du  Mans.  Quelle  figure  dut- 
il  faire  dans  une  compagnie  qu'il  avait  si  peu  res- 
pectée ?  Avec  ou  sans  le  titre  d'avocat,  il  publia  , 
dans  l'intérêt  des  échevins  du  Mans,  le  factum 
suivant  :  Réponse  faite  en  forme  de  correc- 
tion fraternelle  à  quelques  écrits  ci-devant 
mis  en  lumière  sous  le  nom  de  Fr.-J.  B.  L'a- 
nonyme auquel  s'adresse  cette  réponse  est  Jean 
Boucher,  gardien  des  cordeliers  du  Mans.  Le- 
bourdays a  aussi  composé  divers  opuscules  en 
prose  et  en  vers  contre  les  protestants,  sous  le 
titre  de  :  La  Concorde  en  l'état  ecclésiastique  ; 
1624,  in-4°.  Ce  volume  est  incontestablement 
le  meilleur  de  ceux  qui  portent  son  nom.  Il  n'est 
pas  d'un  théologien,  mais  d'un  lettré  versé  dans 
la  théologie,  qui  aborde  résolument  les  questions 
les  plus  délicates  et  les  tranche  avec  une  vi- 
vacité quelquefois  éloquente.  Ses  vers  ont  le  tour 
et  l'accent  de  ceux.  d'Agrippa  d'Aubigné.  On  lui 
attribue  encore  La  Défense  de  la  Vérité  contre 
les  Errants  de  ce  temps;  Paris,  1628,  in-8°. 
Mais  cet  ouvrage  nous  est  inconnu.      B.  H. 

Ansart,  Biblioth.  du  Maine.  —  Narc.  Desportes,  Bi- 
bliogr.  du  Maine.  —  B.  Haureau,  Hist.  Littër.  du  Maine, 
t.  1,  p.  383. 

LEBOURGEOIS.  Voy.  HEACVILLE. 

LE  BOUTILLIER   DE  RANCE.  Voy.  RANCÉ. 

le  bouvier  (  Gilles  (1)),  dit  Berry,  roi 
d'armes,  chroniqueur  et  voyageur  français,  né  à 
Bourges,  en  1386,  mort  vers  1460.  A  l'âge  de 
seize  ans,  comme  il  nous  l'apprend  lui-même,  il 
quitta  son  pays  natal,  pour  voir  et  parcourir  le 
monde.  Il  vint  à  Paris;  introduit  à  la  cour,  pro- 
bablement sous  le  patronage  de  Jean,  duc  de 
Berry,  il  obtint  de  Charles  VIT,  alors  régent, 
l'office  de  hérault  d'armes,  en  1420.  Le  25  dé- 
cembre (  de  la  même  année),  jour  de  Noël,  il  fut 
créé  roi  d'armes  du  pays  et  marche  de  Berry. 
Cette  cérémonie  eut  lieu  au  château  de  Mehun- 
sur-Yèvre,  résidence  habituelle  du  dauphin  (2). 

En  1426,  G.  Le  Bouvier  fit  partie  de  l'ambas- 

(1)  Denis  Godefroy  (Charles  VI,  p.  411  )  l'appelle  «  Jac- 
ques Le  Bouvier  ».  Mais  cette  variante  est  fautive  :  des 
actes  authentiques  ne  "donnent  à  Bouvier  dit  Berry  que  le 
prénom  de  Gilles. 

(2)  Ms.  9653,  5,5,  fol.  13.  Les  Lettres  d'institution  de 
Gilles  Le  Bouvier  ne  nous  sont  point  connues.  Mais  on  en 
retrouve  la  formule,  avec  le  nom  de  Berry,  dans  un  re- 
cueil de  protocoles  qui  fut  à  l'usage  des  secrétaires  de 
Charles  VII.  (Ms.  français  du  roi,  n°  9676, 2,  a,fol.  64).  Mons- 
trelet  raconte  qu'en  1422,  lorsque  Charles  VI  fut  inhumé  à 
Saint-Denis,  le  roi  d'armes  de  Berry,  accompagné  de  plu- 
sieurs héraults  et  poursuivants,  assistait  à  la  cérémonie. 
Le  corps  ayant  été  déposé  dans  la  fosse,  le  roi  d'armes 
cria  :  «  Dieu  veuille  avoir  pitié  et  merci  de  l'âme  de  très- 
haut  et  très-excellent  prince  Charles  ,  roi  de  France, 
sixiesrae  de  ce  nom,  notre  naturel  et  souverain  sei- 
gneur! »  Et  derechef,  poursuit  Monstrelet,  après  ce, 
le  dessus  dit  roi  d'armes  cria  :  «  Dieu  doint  bonne  vie  à 
Henry,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France  et  d'An- 
gleterre, notre  souverain  seigneur  '.  »  Ce  passage  montre 
quelles  étalent  les  attributions  du  roi  d'armes  de  Berry. 
Mais  le  roi  d'armes  dont  parle  Monstrelet  n'était  pas 
Gilles  Le  Bouvier.  Il  y  avait  alors  deux  gouvernements  , 
deux  maisons  royales,  deux  personnels  d'officiers  royaux; 
l'un  à  Paris,  sous  la  domination  des  Anglais;  l'autre  à 
Bourges,  autour  de  Charles  Vif. 


sade  que  Charles  VIT  envoya  auprès  du  duc  de 
Bretagne  pour  rallier  à  la  cause  royale  ce  grand 
vassal  mécontent.  Gilles  en  rapporta  au  roi  la  ré- 
ponse en  qualité  de  hérault  chevaucheur.  C'est 
encore  lui  qui,  comme  roi  d'armes,  fut  chargé  de 
peindre  les  armoiries  de  la  Pucelle  sur  le  modèle 
annexé  aux  lettres  patentes  du  2  juin  1429.  Le 
8  novembre  1437,  Charles  VII  fit  son  entrée  so- 
lennelle dans  Paris.  En  avant  du  groupe  dont  le 
roi  occupait  le  centre,  et  à  la  tête  de  sa  mai- 
son, marchait  Gilles  Le  Bouvier,  vêtu  de  la  cote 
d'armes  de  France,  de  velours  azuré,  chargée  de 
trois  fleurs  de  lis  d'or,  brodées  et  bordées  de 
grosses  perles.  En  1449,  il  prit  part  aux  négo- 
ciations et  aux  opérations  militaires  qui  eurent 
pour  résultat  le  recouvrement  de  la  Norman- 
die (1).  En  1454  Gilles  Le  Bouvier  se  trouve 
mentionné  pour  une  gratification  de  cent  vingt 
livres  qui  lui  fut  allouée  par  le  roi  sur  les  aides 
du  bas  pays  d'Auvergne.  Ces  renseignements  di- 
vers fournissent  comme  une  esquisse  authen- 
tique de  la  vie  de  ce  personnage,  demeurée  jus- 
qu'ici à  peu  près  inconnue  des  biographes. 

Voici  la  liste  de  ses  ouvrages  :  Chronique 
ou  histoire  de  Charles  VU,  roi  de  France. 
Cette  chronique  commence  à  l'an  1402  (1403 
nouveau  style),  année  où  naquit  Charles  VII. 
Ce  prince,  à  partir  de  1417,  devient  comme 
le  point  central  du  récit,  qui  se  termine  à  la 
mort  du  connétable  de  Richemont ,  le  26  dé- 
cembre 1458.  Les  principaux  manuscrits  de  cette 
chronique ,  œuvre  principale  de  Gilles  Le  Bou- 
vier, sont,  par  ordre  de  mérite:  1°  ms.9676, 1,  A, 
Colbert,  Bibliothèque  impériale.  Ce  ms.,  sur  pa- 
pier, a  pour  filigrane  un  écu  royal  de  France 
avec  le  chiffre  C  (  qui  pourrait  être  le  chiffre 
royal)  au-dessous  de  l'écu.  Les  annotations 
dont  il  est  recouvert  paraissaient  indiquer  la 
main  de  l'auteur  (2)  -,  2°  ms.  S415,  B  Colbert, 
parchemin;  3°  ms.  9676,  3,3,  Colbert,  papier; 
4°rns.  8415,  C;  5°  ms.  Sorbonne435;  6°  ms. 
9671,5, 5,  Colbert;  7°  ms.  9627  Béthune  ;  8°ms. 
137,  Notre-Dame  (3);  9°  ms.  10045  du  Bristisli 
Muséum  (4). 

La  chronique  est  anonyme  dans  beaucoup  de 
manuscrits.  Aussi  a-t  elle  été  d'abord  attribuée, 

(1)  Jacques  Cœur  fut,  comme  on  sait,  le  banquier  qui 
pourvut,  par  ses  avances  financières,  à  toutes  les  dépenses 
de  l'expédition.  Sous  la  date  du  11  novembre  1449  (len- 
demain de  l'entrée  de  Charles  VU  à  Rouen)  Gilles  Le 
Bouvier  donna  quittance  au  célèbre  argentier  d'une 
somme  de  neuf  écus.  C'est  ainsi  que  le  hérault  Berry 
figure  parmi  les  débiteurs  de  Jacques  Cœur.  On  remarque 
que,  dans  sa  chronique,  Gilles  Le  Bouvier  garde  un  si- 
lence complet  sur  la  disgrâce  et  la  chute  imméritées  de 
ce  grand  financier.  Nous  croyons  que  ce  silence  est  un 
acte  de  dignité,  qui  doit  être  imputé  honorablement  au 
caractère  du  chroniqueur. 

(2)  Ce  manuscrit,  qui  en  1617  appartenait  à  de  Thou,  a 
servi  à  l'édition  de  Duchesne. 

(3)  Le  carton  55  n°  34  des  Archives  au  palais  Soubise, 
contient  un  cahier  du  seizième  siècle,  où  se  trouve  un 
fragment  anonyme  et  mutilé  de  la  chronique  du  hérault 
Berry. 

(4)  Le  ms.  n°  790  de  la  bibliothèque  de  Troycs  contient 
également  la  chronique  du  hérault  Berry. 


115 


par  erreur,  au  poëte  Alain  Chartier,  secrétaire 
du  roi  Charles  VII. 

La  première  édition  qui  ait  été  imprimée  de  ee 
mémorial  parut  sous  le  titre  suivant  :  Les  Chro- 
niques du, feu  roi  Charles  septiesme,  par  feu 
maistre  Alain  Chartier  ;  1528,  Paris,  François 
Regnault,  petit  in-folio  gothique.  Elle  a  été 
réimprimée  sous  ce  titre  :  Histoire  mémorable 
des  grands  troubles  de  France  sous  Char- 
les Vil,  par  Alain  Chartier;  Nevers,  Pierre 
Roussin,  1594,  in-4°.  Sur  la  foi  de  cette  tradi- 
tion erronée ,  André  Duchesne ,  à  son  tour, 
comprit  l' Histoire  de  Charles  VII,  roi  de 
France,  dans  l'édition  des  Œuvres  de  maistre 
Alain  Chartier  qu'il  publia  en  1617,  à  Paris, 
chez  Pierre  Le  Mur,  in-4°,  'd'après  les  éditions 
antérieures  et  le  ms.  anonyme  de  J.-A.  de 
Thou  (t).  En  tête  de  ce  recueil,  A.  Duchesne  a 
placé  une  notice,  dans  laquelle  il  a  malheureu- 
sement confondu  et  mêlé  ensemble  des  faits  .bio- 
graphiques relatifs  les  uns  au  hérault  Berry,  et 
les  autres  au  poëte  Alain  Chartier  (2),  que  Du- 
chesne croyait  être  l'auteur  de  la  chronique.  De 
ces  deux  individus  distincts,  Duchesne,  égaré 
par  une  tradition  reçue,  a  fait  un  seul  et  même 
personnage.  Mais  le  savant  éditeur,  en  poursui- 
vant le  cours  de  ses  recherches ,  rencontra  le 
ms.  Bigot  (aujourd'hui  8415  B),  dans  lequel 
«  Gilles  le  Bouvier,  dit  Berry  roi  d'armes  de 
France  »,  se  nomme  en  toutes  lettres  au  préam- 
bule de  son  œuvre,  comme  étant  l'auteur  de  cette 
chronique. 

Duchesne,  après  cette  découverte,  rectifia  pu- 
bliquement l'erreur  qui  sur  ce  point  avait  régné 
jusque  alors  (3).  Enfin,  la  chronique  du  hérault 
Berry  a  été  publiée  pour  la  dernière  fois  en  deux 
parties,  sous  le  véritable  nom  de  l'auteur,  par 
Denis  Godefroy,  historiographe  de  France.  La 
première  partie,  depuis  1403  jusqu'à  1422,  se 
trouve  dans  {'Histoire  de  Charles  VI,  roi  de 
France,  imprimée  au  Louvre,  in-folio,  en  1653, 
page  411  à  444.  La  suite,  qui  embrasse  tout  le 
règne  de  Charles  VII,  reprend  à  1423  et  se  pour- 
suit (  avec  une  continuation  depuis  1458  )  jusqu'à 
la  mort  du  roi,  arrivée  en  1461.  Cette  suite  a  été 
insérée  par  Godefroy  dans  l' Histoire  de  Char- 
les VII,  également  imprimée  au  Louvre,  en 
1661,  in-folio,  p.  369  à  480. 

Recouvrement  de  la  Normandie.  —  Cette 
relation  delà  guerre  de  Normandie  en  1449  se 
trouve  à  part  dans  les  mss.  suivants  :  1°  9669,  2,2, 
fonds  du  roi,  autrefois  Colbert  1416  ;  2°  9675,  2, 
ibidem  ;  3°  9675, 3,3,  ibidem;  4°  Duchesne, n°  79, 
aux  folios  277  etsuiv.,5°  ms.  de  la  bibliothèque 
Sainte-Geneviève  à  Paris  :  L,  f ,  n°  2  ;  du  folio  105 
au  folio  129.  Le  Recouvrement  de  la  Normandie 
a  été  fondu  ensuite  par  l'auteur,  et  se  trouve 


(1)  Aujourd'hui  ras.  9676, 1,  A. 

(2)  Voy.  ce  nom  dans  la  Biographie  générale. 

(3!  Voy.  Labbe,  Alliance  chronologique,  etc.,  1651,  in-4°, 
p.  I,  p.  69S. 


LE  BOUVIER  116 

reproduit  dans  le  texte  de  sa  chronique  de 
France. 

Chronique  de  Normandie.  —  Charles  VU, 
que  l'un  de  ses  contemporains  qualifiait  historien 
grand, était  en  effet  grand  amateur  d'histoire.  Pour 
appuyer  moralement  les  expéditions  deson  règne, 
il  fit  faire  et  publier  des  compilations  historiques 
propres  à  manifester  le  bon  droit  de  ses  guerres 
et  à  rendre  plus  assurés  dans  l'avenir  les  titres 
de  sa  possession  royale.  Le  Recouvrement  de  la 
Normandie  fut  un  ouvrage  de  ce  genre,  ou 
plutôt  la  suite  d'un  ouvrage,  plus  étendu,  que 
le  roi  fit  exécuter  par  son  hérault  Berry.  Dans 
les  manuscrits  les  plus  complets,  cette  relation 
est  précédé*  d'une  chronique  de  Normandie  qui 
remonte  aux  origines  du  Eou,  et  qui  se  continue, 
d'une  manière  à  peu  près  suivie,  jusqu'au  recou- 
vrement de  cette  province.  Tels  sont  notam- 
ment les  manuscrits  du  roi  9669,  2,2  ;  Duchesne 
79  du  folio  277  au  fol.  318,  et  D.  D,  7  de  la  bi- 
bliothèque de  Lille  (1). 

Mémoire  du  fait  et  destruction  d'Angle- 
terre en  partie  ;  Histoire  du  roi  Richard.  — 
En  1440,  au  moment  où  s'élevait  la  Praguerie, 
le  connétable  de  Richemont  vint  trouver  Char- 
les VII,  et  l'engagea  à  sévir  avec  énergie.  Sou- 
venez-vous, lui  dit-il ,  du  roi  Richard  (2).  Le 
connétable  faisait  ailusion  à  Richard  II,  roi 
d'Angleterre,  qui  laissa  ses  parents  s'emparer 
de  son  autorité,  et  qui  fut  à  la  (in  sacrilié  et 
supplanté  par  son  successeur,  Henri  de  Lan?- 
castre.  Le  Mémoire  dont  il  s'agit  est  un  tra- 
vail historique  entrepris  par  ordre  du  roi  et  par 
le  hérault  Berry,  sur  cet  épisode  de  l'histoire 
d'Angleterre.  Il  subsiste,  manuscrit  (3),  dans  le 
volume  déjà  cité  9669,  2,  2,  du  folio  106  verso  au 
fol.  132. 

Armoriai,  ou  registre  de  noblesse.  —  Cet 
ouvrage,  extrêmement  curieux,  a  été  mis  en 
ordre  et  présenté  au  roi  Charles  VII ,  par  le 
hérault  Berry,  de  1454  à  1458  environ  (4).  Use 
compose  d'une  suite  de  blasons,  recueillis  par  le 
hérault  lui-même,  de  pays  en  pays  et  de  pro- 
vince en  province,  pendant  le  cours  desa  longue  et. 
laborieuse  carrière.  Ce  recueil  est  distribué  mé- 
thodiquement par  ordregéographique.  L'auteur  a 


(1)  A  la  suite  du  Recouvrement  de  la  Normandie, 
on  trouve  dans  le  ms.  9669,  2,  2,  fol.  193  et  suiv.,  une 
pièce  intitulée  Lettre  d'Aristote  à  son  ftls  Alexandre. 
On  lit  au  commencement  de  ce  morceau  :  «  .le,  qui  suis 
serviteur  du  roy,  ay  rais  à  exécution  son  commande- 
ment et  ay  donné  oeuvre  de  acquérir  le  livre  de  bonnes 
mœurs  au  gouvernement  de  luy.  »  Berry  est  peut-être 
le  serviteur  désigné  ici  comme  étant  l'auteur  de  cette 
compilation. 

(2)  Chronique  de  Grue!  dans  Godefroy,  p.  776, 

(3)  On  peut  voir  le  cas  que  Duchesne  faisait  de  ce  traité, 
alors  inédit  :  OEuvres  d'Alain  Chartier,  p.  814;  Gode- 
froy, Charles  VI,  p.  746.  Voir  la  Chronique  de  Ri- 
chard II,  dans  le  Panthéon  littéraire,  volume  intitulé 
Supplément  à  Froissart ,  etc. 

(4)  La  Chronique  de  France  s'arrête  à  1458.  Gilles  Le 
Bouvier  était  alors  âgé  de  soixante-douze  ans.  Il  y  a  lieu 
de  présumer  d'après  cela  que  Berry  survécut  peu  à  la 
dernière  date  que  porte  sa  chronique. 


117  LE  BOUVIER 

placé  en  tête  un  court  mais  très-instructif  préam- 
bule. Il  nous  y  apprend  qu'il  a  dressé  ce  registre 
pour  restituer  le  tableau  officiel  des  armoiries 
de  la  noblesse  de  France,  et  nous  fait  connaître 
les  circonscriptions  héraldiques  entre  lesquelles 
se  partageait  le  royaume.  Vingt- huit  miniatures 
ou  grandes  vignettes  peintes  représentent  le  roi, 
les  princes  et  les  grands  barons,  armés  de  toutes 
pièces  et  décorés  de  tous  leurs  insignes  héraldi- 
ques et  militaires,  av.ec  les  devises  et  cris  d'armes 
propres  à  chacun  d'eux.  Indépendamment  des 
blasons  de  France,  l'auteur  y  a  réuni  les  armoi- 
ries de  villes  et  de  personnages  appartenant  à 
des  régions  lointaines  et  diverses  qu'il  avait  per- 
sonnellement visitées.  Tels  sont  les  royaumes 
d'Angleterre,  Ecosse  et  Irlande,  Hongrie,  Sicile, 
Bohême,  Aragon,  Chypre,  Espagne,  Portugal, 
Navarre,  Pologne  ,  l'Italie,  l'Allemagne,  l'empire 
d'Allemagne.  Telles  sont  les  armoiries  qu'il 
donne  à  l'empereur  de  Constantinople,  au  prêtre 
Jehan,  au  grand-khan  de  Tartarie,  et  autres  em- 
pires qu'il  avait  parcourus  dans  ses  nombreux 
voyages.  Ce  manuscrit  se  termine  par  une  série 
de  trois  planches  incunables,  du  plus  haut  prix 
pour  l'histoire  de  l'imprimerie  en  France.  Ces 
trois  planches,  datées  (de  1454  environ)  par  le 
manuscrit  même  auquel  elles  sont  annexées , 
sont  gravées  sur  bois ,  tirées  en  noir  avec  une 
encre  pâle ,  composée  d'eau  et  de  noir  de  fumée. 
Elles  représentent  les  neuf  preux,  revêtus  de 
leurs  armes  ou  vêtements  de  guerre  et  de  leurs 
blasons.  Les  figures  sont  enluminées  à  la  main 
et  accompagnées  de  notices  ou  épitaphes  en  vers 
français.  L'armoriai  du  hérault  Berry,  plus 
d'une  fois  cité  par  les  érudits,  est  demeuré 
inédit  jusqu'à  ce  jour.  H  porte  dans  les  manus- 
crits de  la  Bibliothèque  impériale  la  cote  9653, 
5,5  (ancien  fonds  de  Colbert). 

Géographie  en  forme  de  voyages.  —  Enfin, 
sous  ce  titre,  Gilles  Le  Bouvier  nous  a  laissé 
un  dernier  ouvrage ,  qui  mérite  également  tout 
l'intérêt  des  historiens  ou  des  archéologues.  Il 
contient  la  description,  succincte  mais  très- 
sensée  et  fort  piquante,  de  tous  les  pays  que 
nous  avons  énurnérés  en  traitant  de  l'armoriai 
et  de  plusieurs  autres  encore.  Toutes  les  no- 
tions que  renferme  cette  suite  curieuse  de  rela- 
tions, l'auteur  affirme  qu'elles  sont  le  résultat 
de  sa  propre  expérience  et  qu'il  les  offre  au 
lecteur  de  visu  La  géographie  de  Le  Bouvier, 
dans  son  ensemble,  est  demeurée  également 
inédite  jusqu'à  ce  jour.  On  en  trouve  le  texte 
dans  un  manuscrit  très-élégant,  décoré  en  tête 
des  armoiries  de  Charles  VIII,  roi  de  France. 
Tout  porte  à  croire  en  effet  qu'il  a  été  transcrit, 
par  ordre  de  ce  prince ,  d'après  le  texte  original, 
qui  n'est  point  parvenu  jusqu'à  nous.  Ce  ma- 
nuscrit n'a  jamais  cessé  d'appartenir  à  la  biblio- 
thèquedes  souverains  de  la  France,  et  porteaujour- 
d'hui  la  cote  10368  de  l'ancien  fonds  français. 
Le  père  Labbe,  dans  son  Alliance  chronolo- 
gique, 1651,in-4°,t.  1,  p.  696etsuiv.,M.P.  Clé- 


—  LEBOYER  118 

ment,  dans  son  Charles  Vil  et  Jacques  Cœur, 
t.  I,  p.  154  et  suiv.,  ont  successivement  donne 
des  extraits  de  cette  curieuse  géographie. 

Vallet  de  Viriville. 
Registres  des  comptes  des  rois  de  France,  K.K  53,  folios 
93  verso  et  95  verso,  Ms.  Legrand,  tome  «,  folio  3<«  Ms. 
Béthune,8442,  fol.  25.  -  l.a  Thaumasswr*,  dans  Histoire  dr, 
Berry,  1689,  in-folio,  page  79.  —  liodefroy,  Charles  y  l  et 
Charles  y  II.  —Journal  des  Annonces  berru  y  ères,  n"  du 
29  décembre  1836.  -  Raynal,  Histoire  de  tlerry,  in-8°, 
t.  Il,  p.  466;  -  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  tome 
VIII,  pages  113  et  135.  —  Pierre  Clément,  Charles  y  11  et 
Jacques  Cœur,  i853,  in-8°,au  mol  (.Mes  (  à  la  table).  — 
Nouvelles  Recherches  sur  la  Famille  de  Jeanne  Darc , 
1854,  in-8°,  pages  18  et  29  —  Hulletin  de  la  Société  de 
l'Histoire  de  France;  1859,  in  8°. 

lebocvier-desmortiers  (Urbain-  René- 
Thomas),  littérateur  français,  né  à  Nantes,  le 
1er  mars  1739,  mortdans  lamème ville,  le  1 1  mars 
1827.  Maître  des  requêtes  à  la  chambre  des 
comptes  de  sa  ville  natale  avant  1789,  il  adopta 
d'abord  les  principes  de  la  révolution  ;  mais  il  re- 
vint bien  vite  aux  opinions  monarchiques ,  ce  qui 
lui  attira  des  persécutions.  Ayant  publié  en  1809 
une  apologie  du  général  Charette,  qui,  suivant 
ce  qu'il  déclare,  lui  avait  conservé  la  vie,  il  fut 
emprisonné  et  poursuivi  par  la  police  impériale 
qui  fit  saisir  l'édition  de  l'ouvrage.  Il  a  laissé  son 
cabinet  de  physique  à  la  ville  de  Nantes.  On  a 
de  lui  :  Épître  à  une  dame  qui  allaite  son 
enfant;  Paris,  1766,  in-8°;  —  Coup  d' œil  sur 
l'Auvergne,  ou  lettres  à  M.  Perron;  Paris, 
1789,  in-8°  ;  —  Mémoire  et  Considérations  sur 
les  Sourds-Muets  ;  Paris,  1800,  in-8°;  —  Re- 
cherches sur  la  décoloration  spontanée  du 
bleu  de  Prusse;  Paris,  1801  ,in-8°  ;  —  Madame 
Antigall,ou  réponse  au  Journal  de  V Empire; 
Paris,  1808,  in-8°;  —  Réfutation  des  calom- 
nies publiées  contre  le  général  Charette,  com- 
mandant en  chef  des  armées  catholiques  et 
royales  dans  la  Vendée;  Paris,  1809,  2  vol. 
in-8°;  nouv.  édition,  sous  ce  titre  :  Vie  de  Cha- 
rette; Nantes,  1823;  —  Examen  des  princi- 
paux Systèmes  sur  la  Nature  du  Fluide  élec- 
trique; Paris,  1813,  in-8°;  —  Examen  de  la 
Charte  constitutionnelle;  Paris,  1815,  in-8°; 

—  Babioles  d'un  Vieillard;  Bennes,  1818, 
in-4°;  —  Lettre  aux  auteurs  anonymes  de 
Vouvrage  intitulé:  Victoires,  conquêtes,  dé- 
sastres, etc.,  des  Français;  Paris,  1818,  in-8°; 

—  Correspondance  de  M.  le  comte  Arthus  de 
Bouille  et  de  M.  Lebouvier-Desmortiers,  con- 
cernant la  gloire  militaire  de  M.  de  Bon- 
champ,  général  vendéen;  Paris,  1819,  in-8". 

J.  V. 
Beuchot,  Journal  de  la  Librairie;  1827.  —  Quérard, 
La  France  Littér. 

leboter  (Jean-François),  mathématicien 
français,  né  à  Yvetot  (Normandie),  le  4  janvier 
1768,  mort  le  5  mars  1835.  Après  avoir  achevé 
ses  études,  il  devint  professeur  de  philosophie 
au  collège  de  Valognes  et  à  celui  de  Saint- 
Brieuc  ,  professeur  de  mathémaliques  à  l'école 
centrale  des  Côtes-du-Nord ,  professeur  des 
sciences  physiques  au  lycée  impérial  de  Nantes 


119 


LEBOYER  —  LEBRECHT 


120 


en  1 806,  professeur  de  mathématiques  au  collège 
royal  de.Ja  même  ville  en  1827,  enfin  officier 
de  l'université,  inspecteur  de  l'académie  de  Ren- 
nes en  1831.  On  a  de  lui  :  Instruction  sur  les 
nouveaux  Poids  et  mesures;  Saint-Brieuc, 
18C5,in-8°  ;  —  Traité  complet  du  Calendrier  : 
Nantes,  1822,  in-8°;  —  Notices  sur  la  ville  de 
Nantes  et  le  Département  de  la  Loire-Infé- 
rieure; Nantes,  1823,  in-12;  1825,  in-12;  1832, 
2  vol.  in-12.  Il  a  donné  dans  le  Lycée  armori- 
cain :  Biographie  nantaise,  contenant  environ 
cent-trente  notices  très-concises;  —  Observa- 
tions sur  la  Gaule  celtique  et  V  Atmorique  ; 
—  Nécrologie  bretonne  :  notices  sur  Pomme- 
reul  et  Freteau;  —  Dissertation  sur  le  Tor- 
rebendes  Bretons;  —Sur  une  Monnaie  trou- 
vée à  Nantes,  etc.  Leboyer  a  fait  imprimer  en 
outre  un  grand  nombre  de  discours  prononcés 
à  des  distributions  de  prix  et  dans  les  séances 
de  l'Académie  de  Nantes,  dont  il  a  été  secrétaire 
et  président.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littér. 

lebras  (Auguste),  littérateur  français,  né 
à  Loriènt, en  1816,  mort  par  suicide  avec  Es- 
cousse  (voy.  ce  nom),  au  mois  de  février  1832. 
Fils  d'un  huissier,  Lebras  avait  montré  de  bonne 
heure  des  dispositions  pour  la  poésie.  Fixé  à  Pa- 
ris, il  rencontra  Escousse,  et  travailla  avec  lui  au 
drame  de  Farruck  le  Maure,  qui  eut  du  succès  au 
théâtre  de  la  Porte-Saint- Martin,  et  à  Raymond, 
dont  la  chute  au  théâtre  de  La  Gaîté  entraîna 
les  deux  jeunes  auteurs  à  se  donner  la  mort 
par  le  charbon.  Lebras  avait  adressé  quelques 
pièces  de  vers  à  Béranger.  Il  alla  voir  le  chan- 
sonnier à  La  Force,  et  malgré  le  bon  accueil  que 
celui-ci  lui  fit  il  cessa  de  le  visiter  après  sa 
sortie  de  prison.  «  Sa  constitution  était  faible  et 
maladive,  dit  Béranger,  mais  tout  annonçait  en 
lui  un  cœur  honnête  et  bon...  Il  y  eut  fatalité  pour 
Lebras  et  pour  Escousse  à  s'être  rencontrés  avec 
des  dispositions  semblables.  Loin  l'un  de  l'autre, 
peut-être  se  fussent-ils  soumis  à  leur  destinée, 
qu'ils  s'encouragèrent  à  terminer  violemment.  » 
Lebras  avait  en  outre  publié  :  Les  trois  Règnes, 
poëme  suivi  à' Un  mot  à  Béranger;  Paris, 
1828,  in-8°;  —  Trois  Jours  du  Peuple,  stan- 
ces; Paris,  1830,  in-8°;  —  Les  Armoi'icaines, 
en  vers;  Paris,  1830,in-18.  En  1833,  M.  F. 
Gaillardet  a  fait  paraître  Georges,  ou  le  crimi- 
nel par  amour,  d'après  les  notes  de  Lebras. 
L.  L— t. 

Béranper,  Chansons  nouvelles  et  dernières  :  Le  Suicide 
et  note  88.  —  H.  L.  G.  (  du  Morbihan  ),  Une  Visite  au 
tombeau  d'Aug.  Lebr-us.  -Quérard,  La  France  Litté- 
raire. —  Bourquelot  et  Maury,  La  Littér,  franc,  con- 
temp. 

lebrassecr  (1)  (Pierre),  historien  fran- 
çais, né  à  Évreux,  vers  1680,  mort  dans  la  pre- 
mière moitié  du  dix-huitième  siècle.  Entré  dans 
les  ordres ,  il  se  rendit  à  Paris ,  où  il  devint 
précepteur  du  fils  aîné  du  chancelier  d'Agues- 

(i)  Il  a  été  plusieurs  fois  confondu  avec  Philippe  Bras- 
seur. 


seau.  En  1722,  il  était  aumônier  du  Conseil  et 
bibliothécaire  du  chancelier.  On  a  de  lui  :  His- 
toire civile  et  ecclésiastique  du  comté  d'É- 
vreux;  Paris,  1722  ,  in-4°.  Cet  ouvrage,  basé 
sur  des  documents  authentiques  tirés  dediverses 
archives ,  a  été  l'objet  d'une  critique  violente  et 
injuste  de  la  part  de  Du  Sauzet,  dans  la  Biblio- 
thèque Française,  III,  34.  E.  G. 

Frère ,  Manuel  du  bibliographe  normand. 

lebrasseur  (J.-A.),  Voyageur  et  adminis- 
trateur français,  né  à  Rambouillet,  en  1745, 
guillotiné  à  Paris,  le  27  prairial  an  n  (  15  juin 
1794).  H  entra  en  1762  dans  l'administration  de 
la  marine,  et  fut  successivement  commissaire 
des  colonies,  ordonnateur  à  Gorée,  administra- 
teurgénéral  (1774),  intendant  de  Saint-Domingue 
(1779),  premier  président  des  deux  conseils  su- 
périeurs du  Cap  (1784),  intendant  général  des 
fonds  de  la  Marine  et  des  Colonies  (  1er  avril 
1788  ).  Il  était  en  même  temps  chargé  du  détail 
des  approvisionnements  et  de  celui  des  officiers 
civils,  des  hôpitaux  et  des  invalides  de  la  marine. 
Cette  place  fut  supprimée  par  décret  de  l'As- 
semblée constituante.  Lebrasseur  se  fit  cons- 
tamment remarquer  par  son  opposition  à  toute 
innovation,  et  c'est  ce  qui  empêcha  Louis  XVI 
de  lui  confier  le  ministère  de  la  Marine;  cepen- 
dant, il  était  aussi  actif  qu'intelligent;  et  a  publié 
plusieurs  ouvrages  savants  et  étendus,  qui  furent 
longtemps  les  guides  des  agents  du  gouverne- 
ment dans  les  colonies.  Il  fut  condamné  à  mort 
par  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris,»  comme 
convaincu  de  conspiration  entre  les  ennemis  du 
peuple ,  tendant  à  anéantir  la  liberté  en  soute- 
nant les  projets  hostiles  de  Capet,  en  entrete- 
nant des  intelligences  avec  les  ennemis  de  la  ré- 
publique, en  calomniant  le  patriotisme,  en 
persécutant  les  patriotes ,  en  compromettant  la 
fortune  publique  et  le  salut  de  la  république  par 
des  obstacles  apportés  à  la  fabrication  des  as- 
signats, en  faisant  soulever  les  ouvriers  impri- 
meurs employés  à  cette  fabrication,  en  faisant  de 
faux  rôles  d'impositions,  etc.  »  (1).  Son  exécution 
fut  immédiate.  On  a  de  lui  :  De  VÉtat  de  la 
Marine  et  des  Colonies;  Paris,  1792,  in-8°; 
—  De  Vlnde,  ou  réflexions  sur  les  moyens 
que  doit  employer  la  France  relativement  à 
ses  possessions  en  Asie;  Paris,  Didot,  1790- 
1793,in-8°.  A.  ne  L. 

Le  Moniteur  universel,  an  il  (1794),  n°  274.  —  Chau- 
don  et  Detondine,  Dictionnaire  Universel,  etc.  (édit.  de 
1810).  —  Quérard  ,  La  France  Littéraire. 

eébrecht  (Michel),  historien  allemand, 
mort  en  1807.  Après  avoir  été  pendant  plusieurs 
années  professeur  au  gymnase  de  Hermann- 
stadt,  il  devint  pasteur  àKleinscheuem.  On  a  de 
lui  :    Versuch  einer  Géographie  von  Sieben- 

(l)  Avec  Le  Brasseur  furent  condamnés,  comme  s.es 
complices,  G.-H.  de  r.amache;  G.  de  Levielllard,  gentil- 
homme du  roi;  le  comte  de  Gamache, porte-guidon  de  la 
gendarmerie  rovaie  :  le  prince  C.  A.  G.  de  lii  Tri- 
mouille  ;  un  coiffeur  et  sa  femme,  les  sieur  et  dame  Man- 
tienne,  et  un  domestique ,  F.  L'Homme. 


121 


LEBRECHT  — 


bûrgen  (  Essai  d'une  géographie  de  la  Transyl- 
vanie )  ;  Hermannstadt,  1789,  in-8°;  —  Die 
Fiirsten  von  Siebenbiirgen  und  die Schicksale 
des  Landes  unter  ihrer  Regierung  (  Les  Sou- 
verains de  la  Transylvanie.et  l'histoire  de  ce  pays 
sous  leur  gouvernement);  ibid.,  1790-1792, 
2  vol.  in-8°;  —  Geschichte  der  Dacischen  Vol- 
ker  (Histoire  des  peuples  de  la  Dacie);  ibid., 
179I,in-8°.  E.  G. 

OEsterreicliische  National-Encyctopàdie. 

lebret  (  Cardin  ),  seigneur  de  Fiacourt, 
jurisconsulte  français,  né  à  Paris  en  1558,  et 
mort  doyen  des  conseillers  d'État,  le  24  janvier 
1655,  s'est  fait  un  nom  dans  les  lettres  et  dans 
la  jurisprudence  par  ses  ouvrages  intitulés  : 
Traité  de  la  Souveraineté  du  Roi,  de  son  Do- 
maine et  de  sa  Couronne;  Paris,  1632,  in-4°; 
—  Harangues  et  Plaidoyers  à  la  cour  des  aides 
et  au  parlement;  —  Ordoperantiquus  Judicio- 
rum  civilium.  Ces  ouvrages  ont  été  imprimés 
à  Paris,  1635,  1642,  1689,  in-folio.     F.-X.  T. 

Lambert  (Claude-François),  Histoire  littéraire  du 
siècle  de  Louis  Xlf  ;  Paris,  1751. 

lebret  (  Henri  ),  historien  français,  né  à 
Paris,  vers  1630,  mort  vers  1708.  Il  appartenait 
à  une  famille  originaire  du  Vexin,  et  fut  d'abord 
tourmenté  par  l'ambition,  selon  qu'il  le  raconte 
lui-même;  mais  de  grandes  afflictions  et  des 
emplois  divers  altérèrent  sa  santé.  Il  embrassa 
alors  l'état  ecclésiastique,  et  devint  chanoine  et 
théologal  de  la  cathédrale  de  Montauban.  En 
1663  il  en  fut  créé  prévôt,  et  en  1705  il  devint 
archidiacre.  On  a  de  lui  :  Histoire  de  la  Ville 
de  Montauban;  Paris,  1668,  in-4"  :  nouv.  édi- 
tion, revue  et  annotée  d'après  les  documents  ori- 
ginaux par  MM.  l'abbé  Marcellin  et  G.  Ruck; 
Montauban,   1841,  2  vol.  in-8°;  —  Abrégé  de 

V  Histoire  universelle  ;  Paris,  1675, 3  vol.  in-12; 
cet  ouvrage  inachevé  ne  contient  que  l'histoire 
de  l'Église;  —  Histoire  de  l'Ancien  et  du  Nou- 
veau Testament  ;  Paris,  1684,  in-8°;  —  Tra- 
duction d'un  manuscrit  latin  contenant  plu- 
sieurs choses  curieuses  touchant  la  province 
de  Languedoc;  1698,  in-49;  —  Récit  de  ce 
qu'a  été  et  de  ce  qu'est  Montauban;  1701, 
in-8°.  J.  V. 

I.elong,  Bibl.  Histor.  de  la  France. 

lebret  (  Alexis  ou  Alexandre- Jean),  lit- 
térateur français,  né  à  Beaune,  en  1693,  mort  à 
Paris,  le  7  janvier  1779.  Il  était  avocat  au  par- 
lement de  Paris  et  censeur  royal.  On  a  de  lui  : 
Instructions  nouvelles  sur  les  Procédures  ci- 
viles et  criminelles  du  Parlement;  Paris, 
1725,  in-12;  —  L'Avare,  comédie  de  Molière, 
avec  des  remarques;  1751,  in-12;  —  Nouvelle 
École  du  Monde;  Lille,  1764,  2  vol.  in-12;  — 
Élise,  ou  Vidée  d'une  honnête  femme;  Ams- 
terdam et  Paris,  1766,  in-12  :  «  ce  volume  n'est 
autre  chose ,  dit  Barbier,  que  la  2e  partie  de 

Y  Honnête  Femme  du  père  Dubosc,  cordelier, 
dont  le  style  a  été  légèrement  retouché;»  —  En- 
tretiens d'une  Ame  pénitente  avec  son  Créa- 
teur; Lille,  1767,  in-12;  1771,  3  vol.  in-12;  — 


LE  BRETON  122 

Mémoires  secrets  de  Bussy-Rabutin,  conte= 
nant  sa  vie  publique  et  privée;  Amsterdam 
(Lille),  1768,  1774,  2  vol.  in-12;  Lille,  1786, 
3  vol.  in-12  ;  —  La  Nouvelle  Lune,  ou  Histoire 
de  Pœquillon;  Amsterdam  et  Lille,  1768,2  vol. 
in- 1 2  ;  —  Les  Amants  illustres,  ou  la  nouvelle 
Cléopdtre;  Londres  et  Paris,  1769,  3  vol.  in-12  ; 
—  L'Emploidu  Temps  dans  la  solitude;  Paris, 
1773,  in-12.  Lebret  a  fourni  à  Aublet  de  Mau- 
buy  des  matériaux  pour  le  troisième  volume  des 
Femmes  illustres.  J.  V. 

Barbier,  Dict.  des  Anonymes.  —  Quérard,£<i  France 
Littéraire. 

lebuet  (Jean-Frédéric),  érudit  et  histo- 
rien allemand ,  né  à  Untertùrkenheim,  le  19  no- 
vembre 1732,  mort  le  6  avril  1807.  Il  étudia  à 
Tubingae,  et  devint  en  1757  précepteur  chez  un 
négociant  à  Venise.  De  retour  en  Allemagne  en 
1762,  il  fut  nommé  en  1763  professeur  au  gym- 
nase de  Stuttgard,  ensuite  bibliothécaire  du  duc 
de  Wurtemberg ,  enfin  chancelier  de  ce  prince. 
Il  accompagna  son  souverain  dans  les  voyages 
que  celui-oi  fit  vers  1775  en  Italie,  en  France, 
en  Angleterre  et  dans  les  Pays-Bas.  Ses  prin- 
cipaux écrits  sont  :  Origines  Thusçise  diplo- 
maticse;  ibid.,  1763,  in-4°;  —  Geschichte 
der  Deutschen  (Histoiie  d'Allemagne);  cet  ou- 
vrage, en  deux  volumes  in-8°,  imprimés  en  1771 
et  1772,  fait  partie  delà  Collection  d'histoires 
publiées  à  Heilbronn;  —  Geschichte  von  Ita- 
lien (Histoire  d'Italie  );  Halle,  1778-1787, 
10  vol.  in-4°  ,  ouvrage  qui  forme  les  tomes  40- 
46  de  la  Allgemeine  Welthislorie  ;  —  Vorle- 
sungen  ùber  die  Statistik  der  italienschen 
Staaten  (  Cours  de  Statistique  des  États  ita- 
liens) ;  Stutgard,  1783-1789,  2  vol.  in- 8°  ;  —  De 
fragmentis  Theodori  Mopsvesteni ;ibid.,  1790, 
in-4";  —  Magazin  zum  Gebrauch  der  Staa- 
ten-and  kirchengeschichte  (Magasin  à  l'usage 
de  l'histoire  civile  et  ecclésiastique);  Ulm  et 
Francfort,  1771-1787,  10  vol.  in-8°.  Lebret  a 
encore  publié  un  grand  nombre  d'opuscules  sur 
diverses  matières  de  théologie,  d'histoire  et 
d'archéologie.  E.  G. 

Baier,  Magazin  Jûr  Prediger,  tom.  XII  (autobiogra- 
phie). —  Gradmann,  Dus  gelehrte  Schivaben,  p.  62. 

le  breton,  sieur  de  La  F  on  (Guillaume), 
auteur  dramatique  français  ,  né  à  Nevers  ,  mort 
en  1578.  Il  fit  ses  études  à  Paris,  et  se  fit  rece- 
voir avocat  au  parlement  ;  mais  il  quitta  bientôt 
le  barreau  pour  se  consacrer  à  la  littérature.  Il 
fut  l'un  des  poètes  préférés  par  Charles  IX,  au- 
quel il  dédia  plusieurs  de  ses  pièces.  On  ne  con- 
naît plus  de  lui  que  Adonis,  tragédie  représen- 
tée en  1574.  Les  vers  suivants  débités  par 
Vénus,  qui  se  plaint  que  Vulcain  ait  découvert 
ses  amours  avec  Mars,  donneront  une  idée  de 
la  pièce  et  du  goût  de  l'auteur  et  de  ses  admi- 
rateurs • 
raieurs  . 

Cruel  soufle-charbon,  et  ta  fameuse  trongne, 
Quand  tu  me  procuras  une  telle  vergogne, 
Je  n'avais  seulement  le  moyen  de  cacher. 


123 


LE  BRETON 


124 


Et  puisqu'il  m'a  laissé  tels  terribles  escornes, 
Je  lui  ferai  porter  dessus  le  front  des  cornes; 
Et  ne  s'en  faudra  rien ,  advienne  qui  pourra,  etc. 

Cette  pièce  fut  imprimée  à  Paris,  1579,  par  les 
soins  de  François  d'Amboise,  qui  la  dédia  à  la 
duchesse  Saint-Paul  de  Beaupréau  ainsi  que  les 
suivantes  également  de  Le  Breton,  et  représen- 
tées à  des  dates  incertaines  :  Tu  (lie,  La  Charité, 
Didon,  Dorothée.  Le  Breton  a  aussi  laissé  des 
poésies;  mais  elles  ne  sont  pas  parvenues  jusqu'à 
nous.  A.  Jadin. 

La  Croix  du  Maine,  Bibliothèque  Française,  p.  US».  — 
Du  Verdier,  Jiiblinthèque  Française.  —  Parfaict  frères, 
Histoire  du  Théâtre  Français,  p.  393-389. 

le  breton  (François),  écrivain  ascétique 
français  du  seizième  siècle ,  né  à  Coutances  (Nor- 
mandie). On  a  de  lui  :  La  Fontaine  d'Honneur 
et  de  Vertu,  où  est  montré  comme  un  chacun 
doit  vivre  en  tout  âge,  en  tout  temps  et  en 
tout  lieu,  envers  Dieu  et  envers  les  hommes, 
traduit  du  latin;  Lyon,  1555,  in-16.  Dans  une 
note  de  la  Bibliothèque  Françoise  de  Du  Ver- 
dier, article  de  François  Le  Breton,  La  Monnoye 
présente  cet  ouvrage  comme  une  version  de  1'/- 
mitation  de  Jésus- Christ;  l'abbé  de  Saint-Lé- 
ger, dans  son  précieux  exemplaire  des  deux  an- 
ciens bibliographes  delà  France,  semble  adopter 
la  note  de  La  Monnoye.  Mais  Barbier  ayant 
trouvé  à  acheter  un  exemplaire  de  La  Fontaine 
d'Honneur  et  de  Vertu,  édition  de  1544,  déclare 
que  c'est  un  ouvrage  traduit  du  latin  de  Baptiste 
Maniuan,  ainsi  que  l'avait  annoncé  La  Croix  du 
Maine.  J.  V. 

La  Croix  du  Maine  et  Du  Verdier,  Biblioth.  Françoises. 
—  A.  Barbier,  Dissert,  sur  soixante  traductions  franc, 
de  l'Imitation  de  Jésus-Chirts,  p.  114. 

lebreton  (François),  pamphlétaire  fran- 
çais du  seizième  siècle ,  pendu  le  22  novembre 
1586,  dans  la  cour  du  palais  à  Paris.  Il  était 
avocat  à  Poitiers.  Ému  des  malheurs  de  la 
France  sous  le  règne  de  Henri  III,  il  osa  expri- 
mer ses  sentiments  dans  trois  pamphlets  qu'il 
vint  faire  imprimer  à  Paris.  11  eut  le  courage 
d'envoyer  ses  écrits  au  roi  lui-même.  Henri  III 
ordonna  de  poursuivre  le  téméraire.  Le  parle- 
ment condamna  bien  vite  l'audacieux  écrivain, 
qui  fut  pendu  après  avoir  vu  brûler  devant  lui 
tout  ce  qu'on  avait  saisi  de  son  livre.  L'imprimeur 
Ducarroy  et  le  compositeur  Martin  furent  con- 
damnés à  être  battus  de  verges  au  pied  de  la 
potence  et  bannis  du  royaume  pour  neuf  ans. 
Lebreton  mourut  sans  faiblesse,  et  lorsqu'on  ôta 
son  corps  pour  le  porter  à  Montfaucon,  «  le  peu- 
ple y  étoit  à  grande  foule  qui  lui  baisoitles  pieds 
et  les  mains  »,  suivant  un  écrivain  du  temps. 
Les  pamphlets  de  Lebreton  se  composent  de 
trois  opuscules  ;  le  premier  a  pour  titre  :  Re- 
monstrances  aux  Estais  de  France  et  à  tous 
les  peuples  chrestiens  pour  la  délivrance  du 
pauvre  et  des  orphelins;  Paris,  imprimerie 
de  Gilles  Ducarroy,  1.586  ;  la  seconde  partie  est 
intitulée  :  Accusation  contre  le  chancelier 
Brisson;  la  troisième  s'intitule:  Remonstrance 


au  roy  sur  l'accusation  qui  lui  a  été  pré- 
sentée, laquelle  il  n'a  onc  voulu  ouïr.  Ces 
opuscules  sont  aujourd'hui  d'une  rareté  extrême  ; 
on  n'en  connaît  que  deux  ou  trois,  exemplaires. 

J.  V. 
G.  Brunet,  dans  le  Dict.  de  la  Conversation. 
LEBRETON    DE    LA    LOUTIÈRE    (  Amable- 

Louis-François),  poète  français,  né  à  Cogners 
près  Saint-Calais,  mort  assassiné  en  1796,  dans 
le  bourg  de  Vassé.  Il  appartenait  à  la  congréga- 
tion de  l'Oratoire,  et  avait  reçu  les  ordres.  On  a 
de  lui  :  Les  Juvénales  ;  1776,  in-12.  Ce  sont 
quatre  satires  en  vers  faciles.  B.  H. 

N.  Desportes,  Bibliographie  du   Maine.  —   B.   Hau- 
réau,  Hist.  Litt.  du  Maine,  t.  IV,  p.  381. 

lebreton   (  André- François) ,  imprimeur 
français,  né  à  Paris,  au  mois  d'août  170S,  mort 
dans  la  même  ville,  le  5  octobre  1779.  Il   était 
fils  d'un  conseiller  en  l'élection  de  Paris  et  petit- 
fils  par  sa  mère  de  Laurent  d'Houry,  fondateur 
de    l'Almanach   royal.  Lebreton  devint  juge 
consul,  syndic  de  sa  corporation  et  premier  im- 
primeur du  roi.  Le  succès  de  l'Encyclopédie  an- 
glaise  de  Cliambers  avait  donné  l'idée  aux  li- 
braires associés  de  Paris  de  la  faire  traduire  en 
français  ;  l'abbé  de  Gua  s'était  chargé  d'y  faire 
les  corrections  et  additions  nécessaires;  mais 
cet  abbé  ne  s'occupant  pas  de  ce  travail  avec 
assez  de  suite,  les  libraires  proposèrent  à  Di- 
derot et  à  D'Alembert,  qui  étaient  unis  de  la  plus 
étroite  amitié  depuis  plusieurs  années,  de  ras- 
sembler les  matériaux  de  cet  ouvrage,  de  les 
ranger  dans  l'ordre  qui  leur  conviendrait,  de  re- 
trancher ce  qui  leur  paraîtrait  erroné,  et  d'a- 
jouter ce  qui  leur  semblerait  utile  pour  com- 
pléter l'histoire  des  sciences  et  des  arts.  Les 
deux  amis  y  consentirent,  et  tracèrent  le  plan 
d'un  ouvrage  qui,  tout  en  conservant  ce  qu'il  y 
avait  de  bon  dans  celui  de  Chambers,  devait  être 
en  même  temps   un   dictionnaire  raisonné  des 
sciences ,  des  arts  et  métiers ,  un  vocabulaire 
universel  de  la   langue,  objet  qui  n'a  pu  être 
rempli  qu'en  partie.  D'Alembert  fit  le  discours 
préliminaire,  Diderot  le  prospectus,  le  tableau 
des  connaissances  humaines  et  l'explication  de 
cette  table.  Sans  doute,  il  était  peu  satisfait  des 
matériaux    qu'on  lui  avait  remis;  car  il  disait 
dans  l'article  Encyclopédie  :  «  Nous  sommes 
en  droit  d'exiger  un  peu   d'indulgence.  L'ou- 
vrage  auquel   nous   travaillons    n'est  point  de 
notre  choix   :  nous  n'avons  point  ordonné  les 
premiers  matériaux  qu'on  nous  a  remis,  et  on 
nous  les  a  pour  ainsi  dire  jetés  dans  une  confu- 
sion bien  capable  de  rebuter  quiconque  aurait 
eu  moins  d'honnêteté  ou  moins  de  courage.  » 
L' Encyclopédie  fut  commencée  en  1751  ;  sept  vo- 
lumes avaient  paru  lorsque  l'impression  fut  ar- 
rêtée, par  un  arrêt  du  conseil  en  1759.  D'Alem- 
bert se  retira,  et  tout  le  poids  de  l'ouvrage  re- 
tomba sur  Diderot.  Tout  ce  que  celui-ci  put  ob- 
tenir de  son  collègue  après  une  année  de  peine, 
ce  fut  que  D'Alembert  achèverait  la  partie  ma- 


125 

thématique.  Voltaire  engageait  les  deux  philo- 
sophes à  aller  terminer  leur  œuvre  à  l'étranger; 
Diderot  répondit  que  les  manuscrits  apparte- 
naient aux  libraires.  Enfin,  Lebreton  obtint  de 
pouvoir  continuer  l'impression  d'une  manière 
clandestine  en  mettant  la  rubrique  de  Neu- 
chàtel  sur  les  volumes.  On  lit  de  nouvelles  con- 
ditions à  Diderot ,  qui  compare  son  nouveau 
traité  avec  les  libraires  à  celui  du  diable  et  du 
paysan  de  La  Fontaine  :  «  Les  feuilles  sont  pour 
moi,  écrit- il  à  Voltaire,  les  grains  pour  eux; 
mais  au  moins  ces  feuilles  me  seront  assurées  : 
voilàce  que  j'ai  gagné  à  la  désertion  de  mon  collè- 
gue. »  Lebreton,  effrayé,  revoyait  les  épreuves  de 
l'Encyclopédie  avant  de  les  mettre  sous  presse, 
supprimait  et  adoucissait  tout  ce  qui  lui  parais- 
sait trop  fort.  Diderot  fut  quelque  temps  sans 
s'en  apercevoir  ;  mais  lorsqu'il  le  sut  il  écrivit 
à  Lebreton  une  lettre  sévère  où  il  disait  :  «Vous 
avez  oublié  que  ce  n'est  pas  aux  choses  cou- 
rantes et  communes  que  vous  devez  vos  pre- 
miers succès  ;  qu'il  n'y  a  peut-être  pas  un 
homme  dans  la  société  qui  se  soit  donné  la  peine 
de  lire  dans  l'Encyclopédie  un  mot  de  géogra- 
phie, de  mathématiques  ou  d'arts,  et  que  ce  que 
l'on  y  recherche  c'est  la  philosophie  ferme  et 
hardie  de  quelques-uns  de  vos  travailleurs.  » 
L.  Louvet. 


Naigeon,  Mémoire  historique  et  philosophique  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  de  Diderot.  —  Grimm,  Correspon- 
dance, t.  VU,  p.  368. 

le  breton  (R. -P. -François  ),  homme  po- 
litique français ,  né  en  1753,  aux  environs  de 
Rennes,  mort  vers  1826.  Il  fut  nommé  en 
1790  procureur  syndic  du  district  de  Fougères, 
en  1791  député  d'Ille-et-Vilaine  à  l'Assem- 
blée législative,  et  réélu  l'année  suivante  à 
la  Convention  nationale.  Lors  du  jugement  de 
Louis  XVI,  il  s'exprima  en  ces  termes  :  «  Sans 
doute  Louis  XVI  mérite  la  mort  :  ses  crimes 
sont  ceux  sur  lesquels  s'appliquent  les  disposi- 
tions les  plus  sévères  du  Code  Pénal.  Si  donc 
je  prononçais  comme  juge,  je  voterais  pour  la 
mort;  mais  alors,  je  voudrais  qu'il  y  eût  les  deux 
tiers  des  voix.  Mais  comme  législateur  je  pense 
que  Louis  peut  être  un  otage  précieux  et  un 
moyen  d'arrêter  tous  les  ambitieux.  Je  vote 
pour  la  réclusion  à  perpétuité.  »  Le  Breton  vota 
contre  l'appel  au  peuple.  Le  3  octobre  1793  il 
fut  décrété  d'accusation  comme  partisan  des 
girondins  et  emprisonné.  Il  ne  rentra  à  la  Con- 
vention qu'après  la  révolution  du  9  thermidor 
an  il  (  27  juillet  1794).  Il  insista  fortement  pour 
que  chaque  député  rendît  un  compte  fidèle  de  sa 
fortune  et  que  les  biens  non  déclarés  fussent  con- 
fisqués. Élu  au  Conseil  des  Anciens,  Le  Breton  fit 
un  rapport  favorable  à  l'augmentation  du  tarif 
des  lettres  et  journaux  ;  il  fit  rejeter  la  mesure 
proposée  sur  les  postes  et  messageries,  etc.  Il  parla 
contre  la  résolution  relative  aux  domaines  con- 
géables,  et  fit  approuver  celle  qui  supprimait  les 
listes  de  candidats  pour  les  élections ,  et  vota 


LE  BRETON  126 

contre  le  projet  de  maintenir  la  poste  aux  che- 
vaux au  compte  de  la  république.  Il  était  secré- 
taire du  Conseil  lors  du  coup  d'État  du  18  fruc- 
tidor an  v  (4  septembre  1797).  Il  cessa  ses 
fonctions  l'année  suivante,  et  abandonna  la  scène 
politique.  Le  Breton  est  auteur  de  plusieurs  écrits 
politiques  ou  administratifs,  aujourd'hui  sans  in- 
térêt. H.  L. 

Le  Moniteur  universel,  an  ir,  nos  277,  278;  an  ni, 
n°»  80,  236  ;  an  iv,  n°»  8,  281  ;  an  v,  n°»  SI,  38?  ;  an  VI, 
n°«  43,  188.  —  Biographie  moderne  (1806  ).  —  Arnault, 
Jay,  etc.',  Biogr.  nouv.  des  Contemporains  (1823). 

lebreton  (Jean- Pierre),  homme  politique 
et  bibliographe  français,  né  en  1752,  dans  la  pro- 
vince de  Bretagne,  mort  à  Paris,  le  21  avril  1829. 
Il  était  entré  dans  l'ordre  des  Bénédictins,  et  était 
prieur  à  Redon  avant  la  révolution.  Il  fut  député 
du  clergé  de  Vannes  à  l'Assemblée  constituante,  où 
il  vota  pour  les  réformes,  et  où  il  fit  partie  du 
comité  ecclésiastique.  Il  demanda  l'ajournement 
de  la  fixation  du  sort  des  moines  jusqu'à  ce  que 
l'on  connût  les  ressources  que  leurs  biens  pou- 
vaient offrir.  Il  fit  décréter  que  les  reliquats  des 
caisses  des  impositions  du  clergé  seraient  versés 
au  trésor  public.  Après  la  session  il  resta  dans  la 
capitale,  et  traversa  tranquillement  l'époque  de  la 
terreur.  Plus  tard  il  fut  nommé  bibliothécaire  de 
la  cour  de  cassation.  On  a  de  lui  :  Catalogue 
des  livres  composant  la  Bibliothèque  de  la  Cour 
de  Cassation,  2e  partie  -.jurisprudence  ;  Paris , 
1819,  in-8°.  J.  V. 

A.  Taillandier,  Notice  sur  M.  Lebreton,  dans  les  Mé- 
moires de  la  Société  des  Antiquaires  de  France, 
tome  IX.  —  Moniteur  univ.,  1790,  n°»  43  et  288. 

lebreton  (  Joachim),  littérateur  français, 
né  à  Saint-Méen  (Bretagne),  le  7  avril  1760,  mort  à 
Rio-Janeiro  (Brésil),  le  9  juin  1819.  Son  père  était 
maréchal  ferrant  et  chargé  d'une  nombreuse 
famille.  Lebreton  montra  de  bonne  heure  d'heu- 
reuses dispositions,  et  obtint  une  bourse  dans  un 
collège  des  théatins,  où  il  acquit  une  bonne  éduca- 
tion. Il  entra  ensuite  dansl'ordrede  ses  maîtres, 
et  fut  envoyé  à  Tulle,  où  il  professa  la  rhéto- 
rique. Il  était  sur  le  point  de  recevoir  les  or- 
dres lorsque  éclata  la  révolution,  dont  il  em- 
brassa chaudement  les  principes.  Venu  à  Paris, 
il  épousa  la  fille  aînée  de  Darcet,  inspecteur  gé- 


néral de  la  monnaie.  Sous  le  Directoire  il  obtint 
la  place  de  chef  du  bureau  des  beaux-arts  au 
ministère  de  l'intérieur.  Après  le  18  brumaire  il 
entra  au  Tribunat,  où  il  ne  se  fit  pas  remarquer. 
Admis  dès  1796  à  l'Institut,  il  devint,  en  1803, 
membre  de  la  troisième  classe  (histoire  et  littéra- 
ture ancienne),  etfut  nommé  secrétaire  perpétuel 
de  la  quatrième  classe  (beaux-arts);  il  apporta 
beaucoup  de  zèle  et  d'activité  dans  l'exercice  de 
cette  fonction,  concourut  à  la  formation  du  Mu- 
sée impérial,  et  le  18  octobre  1815  il  osa  rap- 
peler tout  le  soin  que  la  France  avait  eu  des  objets 
d'art  enlevés  à  l'étranger  et  revendiquer  pour 
sa  patrie  le  culte  des  arts.  Répondant  à  un  ma- 
nifeste du  duc  de  Wellington ,  il  reprochait  à 
l'Angleterre  d'avoir  enlevé  les  marbres  du  Par- 


127 

thénon.  Ce  courageux  discours  le  fit  exclure  de 
l'Institut.  En  1810  il  se  rendit  au  Brésil  pour  y 
fonder  une  colonie  d'artistes  et  d'hommes  in- 
dustrieux choisis  en  France.  Le  voyage  fut  heu- 
reux ;  Lebreton  fut  présenté  au  roi  ainsi  que  le 
peintre  de  paysage  Taunay,  qui  était  avec  lui.  Ils 
reçurent  du  souverain  du  Brésil  l'accueil  le  plus 
flatteur  ;  mais  les  résultats  ne  répondirent  pas  à 
leurs  espérances.  Lebreton  mourut,  et  Taunay  re- 
vint en  France.  Lebreton  a  donné  une  Notice  sur 
Rayndlâans  la  Décade  Philosophique,  une  autre 
Notice  sur  Deleyre,  et  des  articles  dans  différents 
journaux.  Comme  secrétaire  de  la  quatrième  classe 
de  l'Institut,  il  a  rédigé  en  1810  le  B apport  de 
cette  classe  sur  Vétat  des  beaux-arts  pour  le 
concours  des  prix  décennaux.  Dans  la  même  qua- 
lité, il  à  rédigé  les  notices  des  travaux  de  cette 
classe  et  celles  des  membresou  associés  dont  elle 
était  privée  par  la  mort ,  entre  autres  celles  de 
Grétry,  Haydn,  etc.  Il  est  auteur  de  la  Logique 
adaptée  à  la  Rhétorique  /Tulle,  1789,in-8°;  Bar- 
bier lui  attribue  la  rédaction  de  Y  Accord  des  vrais 
Principes  de  l'Église,  de  la  Morale  et  de  la  Rai- 
son sur  la  constitution  civile  du  clergé,  par  les 
évêques  constitutionnels  ;  Paris,  1791,  in-8°  : 
la  famille  de  Lebreton  a  désavoué  cet  ouvrage. 

J.  V. 

Barbier,  Dictionnaire  des  Anonymes.  —  Arnault,  Jay, 
Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Contemp.  —  Quérard, 
La  trance  littéraire. 

*  lebreton  (Eugène-Casimir),  général 
français,  né  en  1791.  D'une  famille  de  labou- 
reurs de  la  Beauce,  il  entra  au  service  en  1813 
comme  engagé  volontaire,  et  fit  les  campagnes 
de  1813  et  1814.  En  1828  et  1829,  il  futattaché 
comme  rapporteur  au  conseil  de  guerre  de  Paris. 
Chef  de  bataillon  au  53e  de  ligne,  il  fut  employé 
dans  la  Bretagne,  lors  des  troubles  qui  agitèrent 
ce  pays  après  la  révolution  de  juillet  1830.  En- 
voyé en  Afrique  en  1S35,  il  devint  le  premier 
commandant  de  Mascara,  après  la  prise  de  cette 
capitale  de  l'émir.  En  1836  il  fut  nommé  comman- 
dant en  second  et  directeur  des  études  à  l'école 
militaire  de  La  Flèche.  Promu  .colonel  du  22e  de 
ligne  en  1840,  il  alla  rejoindre  son  régiment  en 
Algérie,  et  le  dirigea  dans  les  expéditions  des 
années  1841,  1842,  1843,  1844,  1845  et  1846. 
Aux  élections  générales  de  1846,  M.  Lebreton 
se  présenta  au  collège  de  Nogent-le-Rotrou  ;  il 
échoua.  L'année  suivante  il  fut  nommé  général  de 
brigade.  Après  la  révolution  de  février  1848,  il 
fûtélu  représentant  à  l'Assemblée  constituante  par 
le  départementd'Eure-et-Loir.  Dans  lajournéedu 
15  mai,  le  général  Lebreton  s'élança  à  latribune; 
mais  n'ayant  pas  pu  obtenir  la  parole,  il  pénétra 
dans  les  groupes  qui  avaient  envahi  la  salle,  leur 
parla,  et  lutta  même  avec  des  hommes  qui  mal- 
traitaient un  huissier.  Quand  le  président  eut 
quitté  son  siège,  le  général  Lebreton  se  rendit  à 
la  caserne  du  quai  d'Orsay,  et  engagea  le  colonel 
di's  dragons  qui  s'y  trouvait  à  faire  prendre  les 
armes  à  son  régiment.   Le  général  revint  avec 


LEBRETON  128 

ce  corps,  ralliant  plusieurs  détachements  de  la 
garde  nationale,  et  reprit  possession  du  palais  de 
la  représentation  nationale  avec  ses  collègues. 
Dans  la  journée  du  24  juin  1848,  il  demanda 
que  l'Assemblée,  pour  être  plus  sure  des  événe- 
ments qui  se  passaient,  envoyât  quelques-uns  de 
ses  membres  auprès  des  troupes.  Cette  propo- 
sition, combattue  parle  général  Laidet,ne  fut  pas 
prise  en  considération;  mais  l'avis  du  général 
Lebreton  fut  suivi  volontairement  par  plusieurs 
de  ses  collègues.  Chargé  du  commandement  d'une 
des  colonnes  d'attaque,  il  enleva  le  clos  Saint- 
Lazare  après  un  combat  des  plus  vifs.  A  la  suite 
de  ces  événements,  le  général  Lebreton  fut  choisi 
pour  questeur  par  l'Assemblée  constituante,  à  la 
place  du  général  Négrier,  mort  dans  le  combat. 
Votant  avec  le  parti  modéré ,  il  releva  avec 
énergie  le  nom  de  hochet  donné  à  la  décoration 
de  la  Légion  d'Honnem  par  M.  Clément  Thomas, 
alors  général  en  chef  de  la  garde  nationale;  il 
demanda  que  les  militaires  en  possession  d'une 
retraite  pussent  la  cumuler  avec  un  traitement 
civil;  il  défendit  le  commandant  Tombeur,  qui 
avait  été  forcé  de  déposer  les  armes  devant  l'in- 
surrection à  la  placedes  Vosges  dans  les  journées 
de  juin,  et  demanda  pour  ce  chel'de  bataillon  la  jus- 
tice d'un  conseil  de  guerre.  Réélu  à  l'Assemblée 
législative,  le  général  Lebreton  se  mit  àladisposi- 
tion  du  président  de  la  république  le  2  décembre 
1851,  et  fit  partie  de  la  commission  consultative. 
Le  15  janvier  1852,  il  fut  chargé  du  commande- 
ment du  département  d'Eure-  et-Loir.  Élu  membre 
du  conseil  général  d'Eure-et-Loir,  il  fut  nommé  la 
même  année  général  de  division.  Au  mois  de  sep- 
tembre 1853,  il  fut  élu  député  au  Corps  législatif, 
commecandidatdugouvernement,par  la  troisième 
circonscription  électorale  du  département  de  la 
Vendée,  et  réélu  en  1857.  En  1855,  il  proposa  des 
amendements  à  la  loi  de  dotation  de  l'armée  ;  ces 
amendements  furent  repoussés,  et  il  vota  néan- 
moins cette  loi,  qu'il  déclarait  imparfaite,  accu- 
sant la  chambre  de  précipitation.  J.  V. 

Archives  des  Hommes  du  Jour.  —  Lesaulnier,  Biogra- 
phie des  900  Représentants  à  V Assemblée  nationale.  — 
Biographie  des  900  Représentants  à  V  Assemblée  cons- 
tituante. —  Raincelin  de  Sergy,  Véritable  Physiologie 
de  V Assemblée  nationale  constituante  de  1848,  p.  16.  — 
C,  Mulliè,  Biographie  des  Célébrités  militaires.  —  Va- 
pereau,  Diet.  univ.  des  Contemp.  —  Moniteur,  1810- 
1859. 

* lebreton  (Théodore),  poète  français,  néà 
Rouen,  le  1er  décembre  1803.  Son  père  était  jour- 
nalier etsa  mère  blanchisseuse.  A  l'âge  de  sept  ans 
il  entra  dans  une  fabrique  d'indiennes  de  sa  ville 
natale ,  où  on  lui  enseigna  le  métier  d'impri- 
meur sur  étoffes.  Il  savait  à  peine  épeler;  à  force 
de  persévérance,  il  apprit  à  lire  et  à  écrire,  et  au 
bout  de  quelques  années,  il  éprouva  le  désir  de 
tracer  ce  qu'il  ressentait.  A  quatorze  ans,  il  était 
parvenu  dans  son  atelier  à  être  un  ouvrier  excel- 
lent et  instruit.  Il  économisait  sur  son  salaire 
pour  aller  au  spectacle  compléter  son  éducation. 
Le  goût  de  la  poésie  se  révélant  en  lui,  il  se  laissa 
entraîner  par  l'inspiration,  et  exhala  en  vers  les 


Î29 


LRBRETON  ~  LE  BRUN 


130 


impressions  de  son  âme,  ses  douleurs,  ses  joies, 
ses  espérances  et  ses  amours.  M«e  Desbordes- 
Valmore  fit  connaître  les  essais  du  poète  ouvrier 
dans  un  journal  de  Rouen,  et  enfin,  en  1836,  un 
homme  de  lettres  rouennais,  M.  Ch.  Richard,  at- 
tira l'attention  sur  M.  Lebreton  en  traçant  une  es- 
quissedesa  vie  d'ouvrier  et  de  penseur,  et  en  con- 
courant à  la  publication  d'un  recueil  de  ses  poésies. 
Jusque  alors  M.  Lebreton  était  resté  dans  son  ate- 
lier ;  mais  vers  cette  époque  la  ville  de  Rouen  ayant 
acheté  la  collection  des  livres  de  Leber,  on  créa 
une  nouvelle  place  d'employé  à  la  Bibliothèque 
publique ,  et  M.  Lebreton  obtint  cette  position 
modeste  et  honorable.  Dans  son  second  recueil , 
M.  Lebreton  s'était  comparé  à  l'oiseau  en  cage  : 

Esclave  comme  lui,  comme  lui  dans  mon  être 
Je  sens  que  la  nature  et  soupire  et  fait  naître 

Des  chants  qui  voudraient  s'envoler. 
Mais  calme  et  résigné  je  subis  la  sentence 
Du  juge  souverain  arbitre  de  mon  sort. 

«  La  poésie,  disait  alors  un  critique,  est  venue 
le  trouver  d'elle-même  ;  elle  a  voulu  des  chants 
avant  qu'il  put  les  écrire.  Aujourd'hui  qu'il  les 
trace  en  lignes  informes,  il  étonne  par  les  ins- 
pirations réelles  qui  sortent  de  cette  plume  gros- 
sièrement taillée,  par  les  idées  heureuses  qui  se 
font  jour  à  travers  les  déguisements  d'une  ortho- 
graphe bizarre.  »  En  1848  M.  Lebreton  fut  choisi 
pour  représentant  à  l'Assemblée  constituante  par 
le  département  de  la  Seine-Inférieure;  il  ne  fut 
pas  réélu  à  l'Assemblée  législative.  Poète  reli- 
gieux, M.  Lebreton,  dans  ses  premiers  vers,  pei- 
gnait la  misère  du  travailleur  sans  y  voir  d'autre 
remède  que  la  résignation  sur  la  terre  et  le  re- 
pos dans  le  ciel  ;  plus  tard  son  indignation  a  pris 
un  accent  plus  vif  sans  aller  plus  loin.  On  a  de 
lui:  Hommage  au  grand  Corneille,\ers;  1834, 
in-8°;  —  Ode  sur  lamort  de  Boieldieu;  1835, 
in-:80  ;  —  Heures  de  repos  d'un  Ouvrier,  poé- 
sies; Rouen,  1837,  in-8°;  1840,  in-18;  —  Hom- 
mage à  l'Académie  de  Caen,  vers;  1840, 
in-8°';  —  Aux  Poètes,  dithyrambe;  1840,  in-8°  ; 
—  Baptême  du  comte  de  Paris,  cantate,  1841, 
in-8°;  —  Nouvelles  Heures  de  repos  d'un 
ouvrier,  poésies,  avec  un  portrait  de  l'auteur; 
Rouen,  1842,  in-8°;  —  La  Mort  du  duc  d'Or- 
léans, vers;  1842,  in-8°;  —  Espoir,  poésies 
nouvelles;  Rouen,  1845,  in-12;  —  Biographie 
Normande.  Becueil  de  notices  biographiques 
et  bibliograpMques  sur  les  personnages  cé- 
lèbres nés  en  Normandie  et  sur  ceux  qui  se 
sont  seulement  distingués  par  leurs  actions 
et  par  leurs  écrits;  Rouen,  1857-1858,  in-8°  : 
deux  volumes  ont  jusqu'ici  paru.      L.  L— t. 

Fr.  Glmet,  Les  Mutes  prolétaires,  p.  202.  —  Lesaul- 
nier,  Biogr.  des  900  Députés  à  l'Ass.  nationale.  —  Va- 
pereau,  Dict.  univ.  des  Contemp.  —  Bourquelot  et 
Maury,  La  I.ittér.  Franc,  contemp. 

le  brefon  (Guillaume).  Voy.  Guillaume. 

LE  KRIGAM T.    Voy.  BRIGANT. 

lebrixa  (  Antonio  de  ).  Voy.  Antoine. 
le  brun  (  Charles  ) ,  célèbre  peintre  fran- 
çais, né  à  Paris,  le  22  mars  1619,  mort  dans  la 

NOUV.    BIOGR.    GÉNF.R.    —   T.    XXX. 


môme  ville,  le  12  février  1690.  Sa  famille  était 
originaire  de  Crouy  dans  le  Beauvoisis,  et  son  père, 
qui  était  assez  bon  sculpteur  (1),  l'initia  au  des- 
sin dès  l'enfance.  A  peine  âgé  de  dix  ans,  Char- 
les Le  Brun  suivit  les  leçons  de  Perrier,  sur- 
nommé le  Bourguignon,  qu'il  quitta  pour  entrer 
dans  l'atelier  de  Vouet.  Ses  progrès  répondirent 
si  bien  aux  soins  de  ces. excellents  maîtres  qu'à 
treize  ans  il  peignit  les  portraits  de  son  père  et 
de  son  oncle.  U.exécuta  à  la  même  époque,  mais 
à  la  plume  et  sur  velin,  Louis  XIII  à  cheval 
au  milieu  d'un  champ  de  bataille.  Ce  dessin  fut 
présenté  à  Pierre  Seguier,  chancelier  de  France, 
qui  se  déclara  le  protecteur  du  jeune  artiste  et 
le  logea  dans  son  hôtel.  Le  Brun  composa  alors 
un  tableau  allégorique,  à  la  gloire  du  cardinal  de 
Richelieu,  et,  jouant  adroitement  surce  nom,  il 
représentait  le  roi  dans   un   palais  magnifique 
(un  riche  lieu),  entouré  de  tous  les  symboles 
qui  pouvaient  rappeler  les  services  du  premier 
ministre.  On  le  voit,  Le  Brun  était  aussi  bon 
courtisan  qu'excellent  peintre,  et  rien  dans  sa  vie 
ne  vint  démentir  ses  premières  années.  Le  car- 
dinal reconnaissant  lui  commanda  aussitôt  trois 
tableaux:  Le  Ravissement  de  Proserpine  ;  Her- 
cule faisant  dévorer  Dïomède  par  ses  propres 
chevaux  et  La  Mort  d'Hercule;   ces  toiles, 
qui  reçurent  les  applaudissements  du  Poussin, 
décorèrent  longtemps  le  Palais-Royal.  Lorsque 
Le  Poussin  retourna  à  Rome,  en  1642,  il  emmena 
Le  Brun,  dont  le  chancelier  paya  la  pension  quatre 
années.  Tout  concourait  à  développer  le  grand 
talent  de  Le  Brun;  aussi  à  son  retour  à  Paris,  en 
1648,    le  Crucifiement  de  saint   André,  le 
Martyre  de  saint  Etienne ,  Moïse  frappant 
le  rocher  et  quelques  tableaux  du  même  mérite 
le  placèrent  justement  au  premier  rang  des  pein- 
tres français.  Le  surintendant  des  finances,  Fou- 
quet,  le  chargea  de  la  décoration  de  son  château 
de  Vaux  (  près  Melun  ),  et  lui  accorda  une  pen- 
sion de  douze  mille  livres.  Le  cardinal  de  Ma- 
zarin  le  présenta  à  Louis  XIV,  qui  l'accueillit 
avec  faveur.  En  1662,  Colbert  le  fit  nommer 
premier  peintre  du  roi,  et  obtint  pour  lui  des  let- 
tres de  noblesse.  II  fut  placé  à  la  tête  de  la  ma- 
nufacture des  Gobelins  et  nommé  successivement 
recteur,  chancelier  et  directeur  de  l'Académie  de 
Peinture;  quoique  absent  et  étranger,  il  avait  été 
élu  peintre  de  l'Académie  de  Saint-Luc  à  Rome; 
enfin,  ladirection  de  tous  les  ouvrages  de  peinture, 
de  sculpture  et  d'ornement  qui  se  faisaient  dans 
les  bâtiments  delà  couronne  lui  fut  attribuée.  On 
a  reproché  souvent  à  Le  Brun  l'espèce  de  dicta- 
ture qu'il  exerça  alors  sur  l'art  en  France.  «  Il 
était,  ditWatelet,  despote  et  orgueilleux  avec 
les  aptistes,  et  entravait  continuellement  leur  gé- 
nie. Il  les  enfermait  dans  le  cercle  de  ses  idées, 
et  ne  leur  laissait  rien  exécuter  que  sur  ses  des- 
sins et  d'après  ses  avis.  Plusieurs  préférèrent 

(l)  Il  était  en  même  temps  juré  dans  le  corps  de  la  maî- 
trise des  peintres,  des  sculpteurs  et  des  doreurs  de  la 
ville  de  Paris. 


131 

une  entière  inaction  à  une  telle  dépendance.... 
Le  tapissier,  le  peintre  décorateur,  le  statuaire, 
l'orfèvre  tenaient  de  lui  leurs  modèles  ;  l'ébéniste, 
le  menuisier,  le  serrurier,  etc. ,  travaillaient  égale- 
ment sur  ses  données.  Bronzes,  vases  de  toute 
substance,  mosaïques,  marqueteries,  candélabres, 
girandoles,  horlogerie,  etc.,  tout  venait  de  lui, 
tout  émanait  de  sa  pensée  ,  tout  subissait  son 
empreinte.  »  Ces  accusations  peuvent  avoir  quel- 
que rondement,  mais  il  faut  convenir  que  sans 
une  direction  ferme  et  éclairée  comme  celle  de 
Le  Brun  on  n'aurait  pu  obtenir  l'ensemble  in- 
time et  parfait  qui  règne  dans  toutes  les  décora- 
tions des  demeures  royales  de  cette  époque. 
D'ailleurs  ce  fut  lui  qui  fit  créer  l'école  française 
à  Rome  (  1666)  et  donna  l'idée  d'y  faire  entrete- 
nir aux  frais  du  gouvernement  les  jeunes  gens  qui 
auraient  remporté  les  premiers  prix  aux  con- 
cours de  Pans.  Ce  service  rendu  aux  arts  et  sur- 
tout aux  artistes  peut  bien  racheter,  ce  nous  sem- 
ble, l'espèce  de  despotisme  qu'on  l'accuse  d'avoir 
exercé,  il  consacra  quatorze  années  à  la  décora- 
tion du  château  de  Versailles,  et  durant  ce  temps 
sa  faveur  auprès  du  roi  ne  s'affaiblit  pas.  Mais  à 
la  mort  de  Colbert  (1683),  Louvois,  qui  sem- 
blait se  faire  une  loi  d'écarter  tous  ceux  qu'avait 
soutenus  son  prédécesseur,  n'épargna  pas  Le 
Brun,  et  se  déclara  le  protecteur  de  Mignard 
(  voy.  ce  nom  ),  qu'il  produisit  à  la  cour,  et  au- 
quel Louis  XIV  accorda  bientôt  la  décoration  de 
la  petite  galerie  de  Versailles  (1).  Le  Brun  en 
conçut  un  si  vif  chagi  in  qu'il  abandonna  ses  tra- 
vaux et  se  retira  à  Montmorency.  Sentant  sa  fin 
approcher,  il  se  fit  ramener  aux  Gobelins,  où  il 
mourut.  Il  fut  enterré  dans  l'église  Saint-Nicolas- 
du  Chardonnet,  où  sa  veuve  lui  lit  ériger  un  su- 
perbe mausolée  sur  les  dessins  de  Coysevox. 

Le  Brun  a  été  l'objet  de  louanges  et  de  criti- 
ques également  exagérées  ;  on  lui  reproche  géné- 
ralement un  coloris  faible,  un  dessin  lourd.  La 
lumière  dans  ses  tableaux  est  mal  disposée; 
frappant  presque  toujours  sur  le  premier  plan, 
elle  nuit  à  l'effet  général,  el  l'intelligence  du 
clair- obscur  semble  ne  lui  être  arrivée  que  tardi- 
vement. Mais  l'application  sur  une  grande 
échelle  de  la  peinture  décorative  et  allégorique, 
si  générale  à  cette  époque,  explique  certaines  er- 
reurs. Le  Brun,  il  est  vrai,  abusa  de  l'allégorie. 
Devenu  creuse  et  flasque  sous  son  pinceau,  plus 


[D  Malgré  l'estime  que  Louis  XIV  faisait  de  Mignard, 
il  ne  cessa  pas  d'être  bienveillant  pour  Le  Brun  ;  nous  en 
trouvons  une  preuve  dans  l'anecdote  suivante,  rapportée 
par  le  chevalier  Alexandre  Lenoir.  «  Un  Jour  que  Le  Brun 
était  dans  la  grande  galerie  de  Versailles,  où  se  trouvait 
le  roi,  jetant  un  coup  d'œil  sur  les  plafonds  qu'il  avait 
peints,  il  dit  assez  haut  pour  être  entendu  que  «  les 
beaux  tableaux  semblaient  devenir  plus  admirables  après 
la  raort  de  leur  auteur  A.  —  «  Quoi  qu'on  en  dise,  lui  dit 
Louis  XIV  en  allant  à  lui,  ne  vous  pressez  pas  de  mourir; 
nous  estimons  vos  ouvrages  dès  aujourd'hui  autant  que 
la  postérité  pourra  le  faire.  »  Durant  la  maladie  de  Le 
Brun,  le  roi  ne  cessa  de  s'informer  de  sa  position,  et  le 
prince  de  Condé  lui  fit  plusieurs  visites.  Le|  Brun  ne 
mourut  donc  pas  disgracié;  il  mourut  de  jalousie  ,  mala- 
die commune  chez  les  artistes. 


LE  BRUN  132 

fécond  que  consciencieux,  elle  le  con  luteit  quel- 
quefois au  lieu  commun  par  la  vulgarité  des  em- 
blèmes ou  à  l'énigme  par  leur  obscurité  ;  mais 
le  plus  souvent  il  sut  réunir  l'histoire  à  la  fable, 
et  par  cette  heureuse  combinaison  former  une 
sorte  de  poëme  épique  des  grandes  choses  qui 
marquèrent  le  règne  de  Louis  XIV.  On  en  a  la 
preuve  dans  la  superbe  galerie  de  Versailles,  où 
il  a  retracé  l'histoire  de  son  temps  depuis  la  paix 
des  Pyrénées  jusqu'à  celle  de  Nimègue.  Il  pei- 
gnit ensuite  à  Paris,  dans  la  galerie  d'Apollon  au 
Louvre,  les  Victoires  d' Alexandre,  composi- 
tions admirables  par  leur  étendue,  le  nombre  et 
la  disposition  des  personnages  et  rendues  popu- 
laires par  les  magniOques  gravures  de  Gérard 
Audran.  La  Clémence  d1  Alexandre  envers  la 
famille  de  Darius  est  une  œuvre  de  premier 
ordre.  Nous  ne  pouvons  donner  ici  le  catalogue 
de  ses  productions;  car  aucun-  peintre  d'histoire 
n'a  plus  occupé  la  gravure  que  Le  Brun  :  la 
Bibliothèque  impériale  possède  sept  cent  quatre- 
vingt  six  pièces  exécutées  d'après  lui,  par  Ede- 
linck, 'Gérard  Audran,  Nicolas  Tardieu,  Sébas- 
tien Leclerc,  Simonneau,  Poilly,  van  Schuppen, 
Masson,  Nanteuil,  Bernard-Picart,  Saint-André, 
Massé,  etc.  Comme  œuvres  hors  ligne  nous 
mentionnerons  (aux  Gobelins)  :  La  Défaite 
de  Maxence,  Le  Triomphe  de  Constantin,  La 
Chasse  du  sanglier  de  Calydon,  La  Mort  de 
Méléagre,  Les  Quatre  Saisons,  Les  Quatre 
Éléments,  Les  Résidences  royales ,  etc.,  qui 
se  déroulèrent  en  tissus  ;  —  à  Notre-Dame  :  Le 
Martyre  de  saint  Etienne,  et  Le  Christ  aux 
Anges  ;  —  La  Madeleine  pénitente ,  peinte 
pour  Mi|e  de  La  Vallière  dans  l'église  des  Car- 
mélites de  la  rue  d'Enfer;  —  La  Madeleine  aux 
pieds  du  Christ,  tableau  échangé  en  18 15  contre 
Les  Noces  de  Cana  de  Paul  Véronèse ,  apparte- 
nant à  l'empereur  de  Russie  Alexandre  ;  —  Le 
Massacre  des  Innocents;—  La  MortdeSénè- 
que;  —  La  Pentecôte  et  La  Résurrection,  dans 
l'église  de  Saint-Sulpice  ;  —  Saint  Louis,  roi  de 
France,  autrefois  au  château  de  Villeneuve-le- 
Roi;  —  Saint  Charles  Borromee ,  à  Saint-Ni- 
colas-du-Chardonnet;—  Moise  défendant  les 
Filles  de  Jéthro  ;  —  Le  Mariage  de  Moïse 
avec  Sephora  ;  —  La  Chute  des  mauvais 
Anges,  scène  grandiose  sur  une  petite  toile  ;  ■ 
La  Vierge  apprêtant  le  repas  de  l'enfant 
Jésus.,  ouïe  Bénédicité,h  l'église  Saint-Paul  ;- 
Le  Sommeil  de  Jésus,  ou  le  Silence;—  La 
Charité;  —  La  Constance  de  Mulius  Scévola ; 
—  La  Mort  de  Caton  ;  —  une  Descente  de 
Croix,  dans  la  chapelledu  château  de  Versailles; 

le  Christ  au  jardin  des  Oliviers  ;  —  Les 

travaux  d'Hercule;  son  Mariage  avec  Hébé 
et  son  Apothéose,  huit  morceaux  qui  ornaient 
l'hôtel Lambertdans  l'île  Saint-Louis,  etc.  Parmi 
ses  portraits  on  remarque  Louis  XIV,  Colbert, 
Seguier,  Lamoignon,  Fouquet,  Bellièvre- 
Pomponne,  Charles  Perrault,  Félibien,  Is- 
raël Sylvestre ,  Alphonse   Dufresnoy,  etc.  Le 


133 


LEBRUN 


134 


Brun  s'est  aussi  exercé  dans  la  gravure  à  l'eau- 
forte  :  on  a  de  lui  :  le  buste  de  Saint  Charles 
Borromée;  —  L'Enfant  Jésus  à  genoux  sur 
la  croix;  —  Les  Quatre  Heures  du  Jour,  etc. 
I!  a  laissé  trois  ouvrages  sur  son  art  :  Confé- 
rences sîir  l'expression  des  différen  ts  carac- 
tères des  passions  ;  Paris,  1667,  in-4°,  avec 
fig.  ;  —  Traité  de  la  Physionomie,  ou  sur  les 
rapports  de  la  physionomie  de  l'homme  avec 
celle  des  animaux;  Paris,  in-fol.  avec  fig.  ;  — 
Livre  de  Portïaiture  pour  ceux  qui  commen- 
cent, méthode  nouvelle  de  dessin,  mais  dans 
laquelle  les  exigences  didactiques  ne  sont  pas 
formulées  avec  assez  de  rigueur  ;  —  et  plusieurs 
discours  prononcés  à  l'Académie  de  Peinture, 
dont  il  était  un  des  membres  les  plus  actifs. 
A.  de  Lacaze. 

De  Piles,  Abrégé  de  la  fie  des  Peintres,  p.  510  521.  — 
D'Argenville,  La  fie  des  Peintres  français.  —Voltaire, 
Siècles  de  Louis  XI  f,  chap  83.  —  Watelct,  Réflexions 
sur  la  Peinture.  —  Miel,  dans  l' Encyclopédie  des  Gens 
dtc  Monde.  —  Charles  Blanc,  Hist.  des  Peintres,  n°«  179- 
180  ;  École  française,  n°s  57-58  —  Guillet  de  Saint-Geor- 
ges, dans  les  Mémoires  inédits  sur  les  membres  de  CA- 
caaémie  royalede  peinture  et  de  Sculpture,  t.  I,p.  1-7Î. 
—  Féllbien,  Fies  des  Peintres.  —  Perrault,  Nommes  iltuit* 
très  de  la  France.  —  Bayle,  Dict  Hist.  —  Florent  Le- 
comte,  Cabinet  des  Singularités,  t.  111,  p.  219  243.  — 
Desportes,  fies  des  premiers  Peintres  du  Roi,  t.  I,  p.  1- 
103.  —  Archives  de  l'Art  français,  publiées  par  M.  l*h. 
de  Chennevières  et  A.  de  Montaiglon,  t  I,  p.  52-69,  t.  III, 
p.  171.  186.  —  Mémoires  inédits  des  Académiciens,  t.  \, 
p.  1-73. 

lebrun  (  Laurent  ) ,  poète  latin  français,  né 
à  Nantes,  en  1607,  mort  à  Paris,  le  1er  septembre 
1663.  Il  appartenait  à  la  Compagnie  de  Jésus, 
et  a  composé  un  grand  nombre  de  poèmes  la- 
tins ,  dont  voici  les  principaux  :  Virgile  chré- 
tien; Paris,  1661,  in-8°.  C'est  un  recueil  d'é- 
glogues  et  de  géorgiques  spirituelles  terminé 
par  un  poème  héroïque  :  L'ignatiade.  L'auteur 
raconte  en  douze  livres  le  pèlerinage  de  saint 
Ignace  à  Jérusalem  et  la  fondation  de  la  So- 
ciété de  Jésus  à  Paris,  qu'il  prétend  avoir  pu  se 
faire  dans  la  même  année.  Le  P.  Lebrun,  qui 
avait  voulu  suivre  les  traces  du  P.  Pierre 
Mambrun,  autre  imitateur  de  Virgile,  est  resté 
fort  loin  de  son  prédécesseur;  —  Les  sept 
Psaumes  pénitentiaux ,  ou  David  pénitent, 
suivi  d'autres  pièces  d'une  moindre  importance; 
L'Ovide  Chrétien,  qui  comprend  1°  le  livre 
des  Fastes,  ou  Y  H  exaémeron,  contenant  l'ou- 
vrage de  six  j  urs  :  l'auteur  a  voulu  y  décrire 
l'œuvre  des  six  journées  de  la  création  génésique; 
2°  De  Tristibus,  ou  les  lamentations  de  Jé- 
rémie,  suivies  de  celles  de  l'auteur  sur  la  mort 
de  Bertrand  Deschaux,  archevêque  de  Tours  ; 
3°  De  Ponto  (occidentali  scilicet),  ou  de  la  Bar- 
barie des  peuples  du  Canada;  4°  Épîlres 
d'Héroïdes  (  et  non  A' Héroïnes  comme  l'ont 
écrit  plusieurs  bibliographes).  Ces  Epîlres  sont 
des  élégies  destinées  à  faire  le  second  livre  de 
La  Franciade.  —  De  l'Eloquence  poétique  : 
ce  traité  est  suivi  des  Métamorphoses,  qui  n'ont 
rien  de  commun  que  le  titre  avec  celle  d'Ovide. 
Baillet,  Jugementsdes  Sçavans  sur  les  Poètes  moder- 


nes, t.  v,  a«  1500.  —  Titon  du  Tillet,  Le  Parnasse  fran- 
çois,  ëdit.  in-fol.  de  1730,  p.  284-283- 

lebrcn  (  Pierre),  théologien  français  j  né 
à  Brignolles,  le  11  juin  1661,  mort  à  Paris,  le 
6  janvier  1729.  Entré  dans  la  congrégation  de 
l'Oratoire ,  il  étudia  la  théologie  à  Marseille  et  à 
Toulon,  professa  la  philosophie  à  Toulouse,  la 
théologie  à  Grenoble  en  1687,  et  fut  enfin  ap- 
pelé, en  1688,  au  séminaire  de  Saint-Magloire  à 
Paris.  On  lui  doit  :  Lettres  qui  découvrent 
l'illusion  des  philosophes  sur  la  baguette  et 
qui  détruisent  leurs  systèmes;  Paris,  1693, 
in-12;  —  Discours  sur  la  Comédie,  où  l'on 
voit  la  réponse  au  théologien  qui  la  défend , 
avec  l'histoire  du  théâtre  et  les  sentiments 
des  docteurs  de  l'Église  depuis  le  premier 
siècle  jusqu'à  présent  ;  Paris,  1694,  in-12  :  c'est 
une  réponse  au  père  Caflaro ,  théatin,  qui  avait 
écrit  en  faveur  du  théâtre  la  Lettre  d'un  Théo- 
logien, insérée  au  commencement  du  Théâtre 
de  Boursault;  Lebrun  revit  son  travail,  dont  une 
seconde  édition,  publiée  par  l'abbé  Granet,  parut 
après  sa  mort  sous  ce  titre  :  Discours  sur  la 
Comédie,  ou  traité  historique  et  dogmatique 
des  jeux  de  théâtre,  etc.;  Paris,  1731,  in-12; 
—  Essai  de  la  Concordance  des  Temps,  avec 
des  tables  pour  la  concordance  des  ères  et 
des  époques;  1700,  in-4°;  —  Histoire  criti- 
que des  pratiques  superstitieuses  qui  ont  sé- 
duit les  peuples  et  embarrassé  les  savants  ; 
Paris,  1702,  in-12;  1732,  3  vol.  in-12  :  on  y 
trouve  à  la  fin  les  Lettres  sur  la  Baguette;  un 
libraire  de  Hollande  ayant  réimprimé  ces  trois 
volumes,  augmentés  d'un  quatrième,  composé  de 
différentes  pièces,  en  1 736,  l'éditeur  parisien  lit 
paraître  un  Recueil  de  pièces  pour  servir  de 
supplément  à  l'Histoire  des  Pratiques  su- 
perstitieuses du  père  Lebrun  ;  trois  de  ces 
pièces  seulement  sont  du  père  Lebrun,  savoir  : 
Dissertation  sur  l'apparition  du  prophète 
Samuel  à  Saiil  ;  dissertation  sur  les  moyens 
par  lesquels  on  consultait  Dieu  dans  l'an- 
cienne loi  ;  et  Dissertation  sur  le  purgatoire 
de  saint  Patrice;  ces  quatre  volumes  ont  été 
réimprimés  en  1750-1751,  in-12;  — Explica- 
tion littérale,  historique  et  dogmatique  des 
prières  et  cérémonies  de  la  sainte  messe; 
Paris,  1716-1726,  4  vol.  in-8°.  J.  V. 

Quérard,  La  France  litt. 

lebrun  (Antoine- Louis),  poète  français,  né 
à  Paris,  le  7  septembre  1680,  mort  dans  la  même 
ville,  le  28  mars  1743.  Il  voyagea  en  Angleterre, 
en  Hollande  et  en  Italie.  Voltaire  lui  attribuait  les 
fameux  J'ai  vu  qui  l'avaient  fait  mettre  à  la  Bas- 
tille.OnadeLebrun  :  Bilinguis  Musarumalum- 
nus,  auspicé  Phœbo;  1707,  in-8°  :  recueil  de 
pièces  latines  de  l'auteur  traduites  par  lui  en 
vers  français;  —  Epigrammes  d'Owen ,  tra- 
duites en  vers  français,  1709,  in-12;  réimpri- 
mées sous  ce  titre  :  Pensées  diverses  ,  ou  épi- 
grammes  ;  1710  :  le  traducteur  a  supprimé  les 
pièces  d'Owen  contre  les  moines  et  la  cour  de 

b. 


135 


LEBRUN 


136 


Rome;  —  Les  Aventures  d'Apollonius  de  Tyr  ; 
Paris,  1710,  in-12;  Rotterdam,  1710,  in-12; 
Paris,  1712,  in-12;  1796,  in-18;  il  existe  une 
autre  édition  sous  ce  titre  :  L'Inconstance  de 
la  Fortune  dépeinte  dans  les  aventures  d'A- 
pollonius; Rotterdam,  1726,  in-12  :  «  Cet  ou- 
vrage, dit  Barbier,  n'est  pas  traduit  du  grec, 
comme  le  titre  le  porte ,  mais  du  latin,  de  l'ou- 
vrage intitulé  :  Gesta  Romanorum  ;  Hagenœ, 
1508,  in-fol.,  dont  l'auteur  paraît  être  le  célèbre 
Berchœur;  »—  Théâtre  lyrique;  Paris,  1712, 
in-12  :  ce  recueil  renferme  sept  opéras,  qui  n'ont 
jamais  rencontré  de  musiciens  :  Arion,  Europe, 
Frédéric,  Hippocrale  amoureux,  Mélusine , 
Sémélé  et  Zoroastre;  dans  la  préface  l'auteur 
traite  du  poëme  de  l'opéra  ;  —  Epigrammes , 
madrigaux  et  chansons  ;  Paris,  1714,  in-8°; 

—  Aventures  de  Calliope;  Paris,  1720,  in-12; 

—  Fables;  Paris,  1722,  uM2;  —  Œuvres  di- 
verses en  verset  en  prose;  Amsterdam  (Paris), 
1736,  in-12.  J.  V. 

Barbier,  Dict.  des  Anonymes.  —  Quérard,  La  France 
littéraire. 

lebrujî  (  Denis  ) ,  jurisconsulte  français , 
mort  à  Paris,  le  15  ou  le  16  avril  1706.  11  était 
avocat  au  parlement  de  cette  ville  depuis  le  2  dé- 
cembre 1659.  On  manque  d'ailleurs  de  détails 
sur  sa  vie.  Il  a  laissé  :  Traité  des  Successions; 
Paris,  1G92,  1709,  in-fol.  François  Bernard  Es- 
piard  de  Saux  en  a  donné  une  nouvelle  édition  ; 
Paris ,  1743,  2  lom.  en  1  vol.  in-fol.  Une  autre 
édition,  augmentée  par  M***  (  J.  Adr.  Sérieux  ), 
ancien  avocat  au  parlement ,  est  de  Paris,  1775, 
in-fol.  ;  la  dernière  est  de  Paris,  1777,  2  tom.  en 
1  vol.  in-fol.  Dans  cet  important  ouvrage,  qui 
fait  encore  autorité  devant  les  tribunaux ,  l'au- 
teur examine  les  questions  qui  naissent  de  cette 
matière,  l'une  des  plus  vastes  du  droit  civil,  et 
pour  les  résoudre  s'appuie  principalement  sur 
les  dispositions  des  lois  romaines  ;  —  Traité  de 
la  Parole;  Paris,  1705,  in-12,  de  47  pag., ano- 
nyme, omis  par  Barbier,  et  très-rare  :  l'exem- 
plaire de  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris  a 
fait  partie  de  la  bibliothèque  de  Maillard,  avocat 
au  parlement,  puis  de  celle  du  séminaire  de 
Saint-Sulpice,  et  enfin  de  celle  du  Tribunat.  Par 
une  note  manuscrite  placée  sur  le  frontispice,  le 
premier  possesseur  de  cet  opuscule  fait  connaître 
qu'il  lui  a  été  donné  par  Lebrun,  qui  en  était 
l'auteur;  —  Traité  de  la  Communauté  entre 
mari  et  femme,  avec  un  Traité  des  Commu- 
nautés ou  Sociétés  tacites ,  ouvrage  posthume, 
mais  indiqué  à  tort  comme  anonyme  par  Bar- 
bier, et  mis  au  jour  par  les  soins  de  Louis  Hi- 
deux ;  Paris,  1709,  1734,  in-fol.;  autre  édit.,  aug- 
mentée des  décisions  nouvelles  et  de  notes  cri- 
tiques (par  Augeard  et  Brunet)  ;  Paris,  1754, 1776, 
in  fol.  ;  —  Essai  sur  la  prestation  des  fautes, 
où  Von  examine  combien  les  lois  romaines  en 
distinguent  d'espèces  ;  avec  une  dissertation 
du  célèbre  Pothier  sur  cet  Essai,  et  des  notes 
indicatives  des  lois  nouvelles  concernant  les 


fautes  (par  J.  S.  Loiseau  )  ;  Paris,  1813,  in-12, 
travail  savant,  mais  peu  connu,  sur  une  matière 
qui,  dans  la  pratique,  présente  souvent  des  diffi- 
cultés. E.  Regnard. 

G.  Blanchard ,  Liste  des  avocats  au  parlement  de 
Paris  depuis  son  institution,  manuscrit  de  la  Biblioth. 
de  la  Cour  de  Cassation.  —  Note  ms.  sur  l'exemplaire  du 
Traité  de  la  Parole  de  la  Biblioth.  imp.  —  Camus,  Bi- 
bliothèque choisie  de  livres  de  Droit.  —  Barbier,  Dic- 
tion, des  ouvrages  anonymes.  —  Quérard,  La  France 
Littér. 

lebritn  (  Louis-Joseph  ) ,  physicien  fran- 
çais ,  né  à  Reims,  le  3  novembre  1722,  mort  à 
Epernay,  le  3  janvier  1787.  Il  fit  ses  études  dans 
sa  ville  natale,  et  fut  reçu  prêtre  oratorien.  11 
professa  l'anatomie,  la  botanique,  la  médecine.et 
devint  régent  du  collège  de  son  ordre  à  Angers. 
Plus  tard  la  reine  de  France  le  nomma  précep- 
teur de  ses  pages.  On  a  de  lui  :  Explication 
physico-théologique  du  Déluge  et  de  ses  ef- 
fets; 1762.  Le  P.  Lebrun  fit  exécuter  une  ma- 
chine pour  cette  explication.         L— z — e. 

Revue  historique  et  litt.  de  Champagne ,  n°  il,  p.  5S. 

lebrun  (  Charles-François ,  duc  de  Plai- 
sance), célèbre  homme  d'État  français ,  né  le 
19  mars  1 739,  à  Saint-Sauveur,  près  de  Coutances 
(  Manche),  mort  le  16  juin  1824,  à  son  château  de 
Saint-Mesme ,  près  Dourdan  (  Seine-et-Oise  ).  11 
commença  ses  études  au  collège  de  Coutances,  et 
vint  les  achever  au  collège  des  Grassins,  à  Paris. 
Bientôt  il  acquit  à  fond  la  connaissance  des  lan- 
gues latine  et  grecque.  Il  apprit  avec  un  égal  succès 
l'italien ,  l'anglais  et  l'espagnol,  et  composait  avec 
facilité  dans  ces  cinq  idiomes.  Il  n'embrassa  d'a- 
bord aucune  profession;  il  Hsait  et  méditait  les 
ouvrages  de  droit  public,  alors  fort  peu  cultivés 
en  France.  Un  penchant  particulier  l'attachait  à 
l'Esprit  des  Lois  de  Montesquieu,  qui  devint  son  i 
livre  favori.  La  lecture  lui  avait  beaucoup  ap- 
pris ,  et  les  connaissances  déjà  acquises ,  il 
résolut  de  les  perfectionner  et  de  les  agrandir 
encore  par  les  Voyages  à  l'étranger.  Dans  ce 
but  il  visita  la  Hollande,  où  il  admira  la  .puis- 
sance de  l'ordre,  de  l'économie,  de  l'industrie 
et  du  commerce ,  et  étudia  avec  soin  l'état 
florissant  des  principales  villes,  les  monu- 
ments, surtout  les  institutions  et  les  mœurs. 
En  Angleterre,  il  s'instruisait  par  la  conversation, 
la  lecture  des  journaux  qui  reproduisaient  les 
séances  du  parlement ,  l'étude  des  ouvrages  qui 
traitaient  du  gouvernement  et  de  la  jurispru- 
dence. En  parcourant  les  campagnes,  il  les  vit 
sous  la  tutelle  des  grands  et  des  lords  :  «  Quoi  ! 
se  dit-il ,  ce  peuple  qui  se  croit  libre  est  encore 
chargé  des  liens  de  la  féodalité  !  »  Son  étonne- 
ment  cessa  dès  qu'il  eut  pénétré  plus  profon- 
dément dans  le  caractère  de  la  nation,  qui  to- 
lère ce  qui  est  défectueux  pour  conserver  in- 
tact ce  qui  est  grand  et  beau.  C'est  ce  que  lui 
expliqua  le  célèbre  historien  Robertson,  avec 
qui  il  eut  un  entretien  sur  ce  sujet.  «  Notre  sys- 
tème social,  dit-il  en  résumé,  est  loin  d'être 
parfait  ;  il  se  perfectionnera  par  le  seul  effet  des 


137 


LEBRUN 


138 


progrès  delà  raison  humaine.  Chez  nous,  l'a- 
ristocratie ne  se  montre  pas  oppressive.  C'est 
elle  qui  dès  l'origine  comprima  la  tyrannie  et 
fonda  la  liberté  commune.  Jamais  on  ne  la  vit 
animée  d'un  esprit  d'hostilité  contre  le  peuple. 
Elle  est  à  la  tête  de  tous  les  grands  intérêts  de 
la  nation.  Quant  aux  abus,  il  y  a  prudence  et  sû- 
reté à  en  confier  la  correction  à  la  seule  puis- 
sance combinée  de  la  raison  et  du  temps.  »  Le 
jeune  voyageur  fut  frappé  de  ces  vues ,  et  l'im- 
pression qu'il  en  reçut  ne  s'effaça  jamais  de  son 
souvenir  (1762). 

De  retour  à  Paris,  et  pressé  par  sa  famille  de 
choisir  un  état,  il  se  détermina  pour  la  carrière 
du  barreau.  Il  suivit  le  cours  de  droit  de  Lorry, 
professeur  distingué,  et  ne  tarda  pas  à  gagner 
son  amitié.  A  sa  recommandation  ,  il  fut  chargé 
par  Maupeou,  premier  président  du  parlement, 
de  diriger  dans  l'étude  du  droit  son  fils  aîné. 
Les  rapports  les  plus  intimes  s'établirent  bientôt 
entre  cette  famille  et  lui.  Le  premier  président 
avait  déjà  conçu  le  projet  d'opérer  des  réformes 
dans  l'administration  de  la  justice;  il  commu- 
niqua ses  pensées  au  jeune  avocat.  Il  fut  satis- 
fait à  tel  point  des  connaissances  et  du  talent.de  Le- 
brun,qu'il  lui  confia  la  rédaction  de  ses  discours 
et  de  ses  écrits.  On  a  dit  qu'il  était  le  secrétaire 
de  Maupeou  ;  l'assertion  n'est  pas  exacte  :  il  était 
traité  comme  un  ami  intime,  un  conseiller  qui 
inspirait  toute  confiance.  Vers  1766,  Lebrun  fut 
nommée  censeur  royal.  Ces  fonctions  étaient  con- 
traires à  ses  idées  et  à  ses  goûts.  Mais  le  premier 
président,  qui  avait  sollicité  la  place  à  son  insu, 
lui  en  remit  le  brevet  avec  de  tels  signes  de  sa- 
tisfaction, qu'un  refus  n'eût  pas  manqué  de  le 
blesser.  Lebrun  porta  dans  l'examen  des  ou- 
vrages cet  esprit  de  justice  et  de  modération 
qui  depuis  lui  concilièrent  dans  les  plus  hautes 
fonctions  l'estime  de  tous  les  gens  de  bien.  Par- 
venu ,  en  1768,  au  poste  de  chancelier,  Maupeou 
le  fit  nommer  successivement  payeur  des  rentes 
et  inspecteur  général  des  domaines  de  la  cou- 
ronne ;  mais  sous  ces  divers  titres  Lebrun  était 
de  fait  directeur  de  la  chancellerie  ;  on  se  rap- 
pelle ce  mot  de  Louis  XV  :  «  Que  ferait  Mau- 
peou sans  Lebrun  ?  »  11  composa  les  célèbres 
discours  que  prononça  le  chancelier  lors  de  la  ré- 
forme des  parlements  (1771  )  et  ceux  qui  ac- 
compagnèrent les  édits  instituant  des  conseils 
supérieurs  et  organisant  un  nouveau  parlement. 
On  sait  comment  l'opinion  publique  se  souleva 
contre  ce  parlement.  Attaqué  à  la  fois  par  l'an- 
cienne magistrature  et  par  le  parti  de  l'ancien 
ministre  Choiseul ,  il  fut  renversé  quelques  mois 
après  l'avènement  de  Louis  XVI.  Le  24  août 
1774.  Meaupou  reçut  avec  une  lettre  de  cachet, 
ordre  de  remettre  les  sceaux,  et  Lebrun  fut  ren- 
voyé le  même  jour.  Mais  la  conduite  de  ce  der- 
nier avait  été  si  droite  que  Malesherbes  lui  dit  en 
entrant  au  ministère  :  «  Monsieur  Lebrun,  on  n'a 
rien  à  vous  reprocher  ;  vous  n'avez  fart  que  votre 
devoir.  » 


Lebrun  avait  épousé,  en  1773,  M|lfdeLagoutte, 
fille  et  nièce  d'hommes  estimés  dans  le  barreau. 
Par  ce  mariage,  il  se  trouva ,  à  la  disgrâce  du  chan- 
celier, dans  une  position  de  fortune  tout  à  fait  in- 
dépendante. Il  n'avait  point  d'ennemis  personnels , 
était  connu  et  estimé  de  personnages  puissants, 
et  s'il  avait  eu  un  peu  de  souplesse  de  caractère , 
il  aurait  pu  obtenir  quelque  grâce  de  la  cour.  Il 
se  (détermina  à  une  retraite  absolue.  Ayant  acquis 
près  de  Dourdan  la  terre  de  Grillon,  il  s'y  retira 
pour  s'y  livrer  à  la  culture  des  lettres.  Les  quinze 
années  qui  s'écoulèrent  de  1774  à  1789  furent 
pour  lui  des  années  d'un  repos  qui  ne  fut  pas 
stérile.  Il  publia  bientôt  sa  traduction  de  la  Jé- 
rusalem délivrée,  sans  nom  d'auteur,  et  avec 
une  préface  remarquable  par  l'originalité  et  la 
concision.  L'élégance  et  la  force  de  cette  belle 
prose  firent  attribuer  l'ouvrage  à  J.-J.  Rousseau. 
Deux  ans  après  parut  Y  Iliade,  dont  le  style, 
moins  riche  peut-être,  était  aussi  harmonieux 
que  poétique.  Il  plaça  en  tête  un  dialogue  en 
langue  grecque,  qu'il  attribua  à  l'un  de  ces  rap- 
sodes qui  jadis  parcouraient  la  Grèce ,  et  le  style 
en  était  si  pur,  que  les  savants  le  prirent  pour 
un  fragment  de  l'antiquité.  «  J'aurais  donné, 
disait  Lebrun  plus  tard ,  en  même  temps 
l'Odyssée;  mais  je  crus  que  la  Jérusalem  et 
Ylliade  suffisaient  pour  me  mettre  dans  la 
classe  innocente  des  littérateurs,  et  faire  oublier 
que  j'avais  joué  un  autre  rôle.  »  Cependant  il 
suivait  d'un  œil  attentif  le  cours  des  événe- 
ments. 

Versé  dans  l'économie  sociale,  initié  aux  se- 
crets du  gouvernement ,  il  aurait  pu  donner  des 
conseils  utiles,  au  milieu  de  toutes  les  fautes  des 
ministres.  Mais,  ayant  appartenu  à  une  autre  ad- 
ministration, il  craignait  que  ses  avis  ne  fussent 
mal  interprétés,  et  garda  le  silence.  La  révo- 
lution arriva.  Il  rompit  alors  le  silence,  et  pu- 
blia un  écrit  intitulé  La  Voix  du  Citoyen ,  qu'il 
avait  médité  depuis  deux  ans.  Cet  écrit  présente 
au  plus  haut  degré  le  savoir,  la  solidité  des 
principes  et  l'éclat  du  style.  Il  s'y  trouve  plus 
d'une  page  prophétique ,  notamment  sur  l'époque 
impériale ,  et  l'on  est  saisi  d'étonnement  en 
voyant  l'avenir  prédit  avec  tant  de  précision.  Il 
mérite  d'être  relu  en  entier  même  aujourd'hui. 
Envoyé  aux  états  généraux  par  le  bailliage  de 
Dourdan,  Lebrun  voulait  sincèrement  la  réforme 
des  abus  et  un  régime  qui  pût  satisfaire  les  besoins 
réels  du  pays  ;  mais  il  voulait  aussi  l'établisse- 
ment d'un  gouvernement  fort  et  régulier,  appuyé 
sur  les  lois.  A  l'assemblée  constituante ,  on  ne 
le  vit  pas  ambitionner  les  triomphes  de  la  parole. 
Cependant  il  parut  souvent  à  la  tribune,  parla 
sur  les  biens  du  clergé ,  et  s'opposa  à  la  créa- 
tion du  papier  monnaie  et  au  maintien  des  lo- 
teries. Il  brillait  surtout  dans  les  discussions  in- 
térieures des  comités,  qui  le  choisirent  habituel- 
lement pour  leur  organe.  Il  fut,  tâche  immense, 
le  rapporteur  et  le  rédacteur  de  presque  toutes 
les  lois  de  finances.  Ses  discours ,  écrits  dans 


139 


LEBRUN 


140 


un  beau  style,  sont  des  modèles  de  clarté  et  de 
discussion.  Les  principes  qu'il  y  développe  fe- 
ront toujours  autorité  pour  les  hommes  d'État 
qui  traiteront  les  mêmes  matières.  Lebrun  avait 
demandé  dès  le  début  l'établissement  de  deux 
chambres ,  au  lieu  d'une  assemblée  unique,  qui 
ne  pouvait  produire  que  le  despotisme  ou  l'a- 
narchie. La  majorité  fut  entraînée  par  les  attaques 
de  Sieyès  et  l'éloquence  de  Mirabeau,  et  le  sys- 
tème anglais  fut  rejeté.  Son  opinion  n'en  resta 
pas  moins  invariable.  La  Constituante  s'étant 
dissoute,  Lebrun  fut  nommé  président  du  di- 
rectoire du  département  de  Seine  et-Oise.  En 
1792  des  troubles  graves  y  éclatèrent.  11  com- 
prima les  fauteurs  de  désordre  par  des  mesures 
à  la  fois  sages  et  vigoureuses.  Après  le  10  août 
il  renonça  à  toute  fonction  publique,  et  se  retira 
dans  ses  foyers.  Les  délateurs  vinrent  l'y  cher- 
cher. En  septembre  1793  il  fut  arrêté  et  enfermé 
à  Versailles.  Un  des  proconsuls  de  la  Conven- 
tion ayant  passé  par  Dourdan ,  d'honnêtes  ci- 
toyens eurent  le  courage  de  lui  parler  de  Lebrun 
et  de  réclamer  sa  liberté.  Le  représentant  parut 
touché,  et,  arrivé  à  Versailles,  il  envoya  l'ordre 
de  mise  en  liberté.  Lebrun  rentra  dans  sa  famille, 
mais  sous  surveillance.  Après  quelques  mois  d'une 
demi-captivité,  il  fut  reconduit  dans  sa  première 
prison  (  28  messidor  an  n  ).  11  eût  infailliblement 
péri  sur  l'échafaud  si  Robespierre  n'eût  enfin 
succombé  le  9  thermidor.  Les  partis  rivaux,  qui 
tour  à  tour  avaient  dominé  la  Convention  et  dé- 
cimé la  France,  s'étant  dévorés  entre  eux,  le 
petit  nombre  d'hommes  sages  échappés  aux 
proscriptions  reparurent  sur  la  scène  politique. 
Au  commencementde  1795,  Lebrun,  cédant  aux 
instances  du  représentant  en  mission  dans  le  dé- 
partement de  Seine-et-Oise,  reprit  la  présidence 
du  département.  En  l'an  rv  (octobre  1795),  il  fut 
élu  député  au  Conseil  des  Anciens  avec  Tron- 
chet,  Dumas  et  Tronçon-Ducoudray,  hommes 
sages  et  éclairés;  il  fut  réélu  en  l'an  vu  (  1799), 
et  obtint  promptement  l'estime  et  la  con- 
liance  de  l'assemblée.  Il  parla  avec  énergie  en 
faveur  des  parents  d'émigrés,  combattit  les  em- 
prunts forcés ,  et  fit  presque  tous  les  rapports 
sur  les  lois  d'économie  publique. 

Cependant  les  événements  de  l'intérieur  s'é- 
taient aggravés  d'année  en  année.  En  1797  le  Di- 
rectoire avait  soulevé  contre  lui  l'indignation  pu- 
blique par  la  banqueroute.  En  1799  des  élections 
faites  dans  le  sens  démagogique  avaient  amené, 
au  30  prairial,  un  mouvement  réactionnaire  qui 
semblait  présager  un  retour  aux  excès  révolu- 
tionnaires. L'ouest  était  en  pleine  insurrection. 
Dans  le  midi ,  les  massacres  recommençaient. 
Partout  les  factions  redressaient  la  tête  et  sem- 
blaient près  d'en  venir  aux  mains.  C'est  dans 
ces  circonstances  que  le  général  Bonaparte 
arriva  à  Paris.  Toutes  les  espérances  de  salut  se 
portèrent  sur  lui.  C'était  aussi  l'opinion  de  Le- 
brun ;  cependant  il  ne  prit  aucune  part  aux  mou- 
vements qui  amenèrent  la  révolution  du  18  bru- 


maire et  le  consulat  provisoire  de  Sieyès,  Bona- 
parte et  Roger-Ducos.  Quelque  temps  après, 
la  nouvelle  constitution  fut  achevée.  Elle  confiait 
l'action  du  gouvernement  à  trois  consuls;  mais 
le  premier,  qui  devait  prendre  l'avis  de  ses  col- 
lègues ,  restait  libre  de  se  déterminer  selon  sa 
volonté.  Lebrun  y  était  désigné  comme  troisième 
consul.  Par  modestie  autant  que  par  amour 
de  l'indépendance,  il  voulait  refuser  cette  haute 
magistrature.  Il  hésita  beaucoup.  Dans  une  en- 
trevue, le  premier  consul  insista  pour  son  accep- 
tation, et  lui  serrant  la  main  ajouta  avec  un  ac- 
cent expressif:  Acceptez!  vous  serez  content. 
Lebrun  accepta ,  déterminé  par  la  pensée  qu'il 
pourrait  être  encore  utile  à  son  pays,  justifier 
encore  l'estime  de  la  partie  éclairée  de  la  nation. 
Selon  le  vœu  de  la  constitution,  ce  fut  le  consul 
Lebrun  qui,  de  concert  avec  Cambacérès,  Sieyès 
et  Roger-Ducos,  nomma  la  majorité  du  sénat,  qui 
se  compléta  ensuite  lui-même.  Cette  première 
promotion  est  remarquable  par  le  mérite  de 
presque  tous  les  hommes  qui  furent  élus.  Lebrun 
disait  en  parlant  de  cet  acte  de  puissance  sou- 
veraine :  «  Cambacérès  et  moi  nous  fîmes  taire 
dans  nos  choix  toute  affection  personnelle ,  ne 
nous  attachant  qu'au  mérite ,  aux  services  et  à 
la  réputation  des  candidats.  »  Le  premier  consul 
laissa  à  Cambacérès  la  suprême  direction  de  la 
justice ,  et  confia  à  Lebrun  la  réorganisation  des 
finances  et  de  l'administration  intérieure.  Il  les 
consultait  en  outre  sur  toutes  les  autres  affaires, 
profitant  ainsi  dans  l'intérêt  de  l'État  de  leur 
vieille  expérience  des  hommes  et  des  choses. 
Un  jour,  après  un  conseil ,  le  premier  consul  re- 
tint Lebrun  :  «  J'ai  passé  ma  vie  dans  les  camps, 
dit-il  ;  la  guerre  est  mon  élément.  Je  me  trouve 
ici  dans  un  monde  nouveau  ;  je  n'y  suis  point 
sans  quelque  embarras.  J'ai  besoin  d'un  guide 
sûr,  éclairé  et,  comme  moi,  animé  du  désir  de 
reconstituer  la  société  sur  des  bases  solides.  Ce 
.  guide,  je  l'ai  trouvé  en  vous,  monsieur  Lebrun.  Je 
vous  ai  promis  que  vous  seriez  content  :  en  m'ai- 
dant  de  votre  expérience  et  de  vos  conseils,  vous 
mé  fournirez  le  moyen  d'accomplir  mes  promes- 
ses. En  tout,  je  compte  sur  vous  ».  Touché  de  ce 
témoignage  de  confiance,  Lebrun  s'en  montra 
digne  en  parlant  toujours  au  premier  consul  le 
langage  de  la  conscience  et  de  la  vérité.  La 
France,  sous  son  administration  vigoureuse  et 
i  éclairée,  se  releva  promptement  de  ses  ruines, 
l  et  parut  dans  une  attitude  imposante  devant 
!  l'Europe.  L'intérieur  jouissait  d'un  calme ,  d'un 
j  bien-être  inconnus  depuis  longtemps  On  en  dé- 
sirait la  continuation,  et  l'on  s'attachait  chaque 
|  jour  davantage  à  celui  auquel  on  le  devait.  On 
I  avait  vu  dans  le  sénatus-consulte  qui  proclamait 
;  Bonaparte  consul  à  vie  (août  1802)  un  gage  de 
jp  tranquillité,  dans  celui  qui  lui  déférait  le  droit  de 
nommer  son  successeur  un  gage  de  sécurité  contre 
les  entreprises  qui  menaçaient  sa  vie  ;  de  là  à  l'em- 
pire il  n'y  avait  qu'un  pas.  Les  transitions  avaient 
été  si  habilement  ménagées ,  que  la  masse  de  la 


Ul 


LEBRUN 


14^ 


nation  applaudit  à  l'élévation  du  premier  consul 
à  la  dignité  impériale.  L'empereur  écrivit  au 
consul  Lebrun  pour  lui  annoncer  les  hautes 
(onctions  d'architrésorier  dont  il  était  revêtu. 
Les  attributions  en  furent  fixées  par  un  sénatus- 
consulte,  et  Lebrun  conserva  la  direction  su- 
prême des  finances  (mai  1804).  La  France  lui  doit 
l'institution  de  la  cour  des  comptes,  à  la  tête  de 
laquelle  fut  placé  son  ami  Barbé-Marbois.  Na- 
poléon, voulant  environner  son  trône  récent  des 
prestiges  de  grands  titres,  institua  une  nouvelle 
noblesse.  Lebrun  fut  le  seul  dans  le  conseil  qui 
s'y  opposa  avec  fermeté  ;  l'empereur  dans  son 
exil  lui  a  rendu  ce  témoignage.  Ces  principes, 
Lebrun  les  manifesta  encore  plus  tard ,  quand 
furent  institués  les  titres  héréditaires  de  prince, 
duc,  comte,  baron,  etc.,  en  accordant  aux  ti- 
tulaires la  faculté  de  fonder  des  majorats  en  fa- 
veur de  leurs  descendants.  Cependant  lui-môme, 
indépendamment  du  titre  de  prince  attaché  à  la 
dignUéd'archi-trésorier,  se  vit  revêtu  de  celui 
de  duc  de  Plaisance,  qu'il  ne  crut  pas  pouvoir 
refuser.  La  modération  était  son  caractère  dis- 
tinctif.  Au  conseil,  il  exprimait  ses  opinions 
avec  loyauté  et  noblesse;  mais  quand  une  me- 
sure était  arrêtée,  il  croyait  de  son  devoir  d'en 
subir  les  conséquences.  Son  opposition  n'a- 
vait pas  la  violence  de  l'esprit  de  système.  Il 
s'abstint  d'instituer  le  majorât  nécessaire  à  l'hé- 
rédité de  son  titre ,  et  il  n'y  consentit  que  très- 
peu  de  temps  avant  de  mourir.  En  1805,  pen- 
dant que  Napoléon  était  à  Milan  pour  se  faire 
couronner  roi  d'Italie ,  une  députation  du  sénat 
et  du  peuple  de  Gênes  vint  demander  la  réunion 
de  cette  république  à  l'empire  français.  Il  fallait 
pour  l'accomplir  et  y  établir  une  nouvelle  orga- 
nisation un  fonctionnaire  qui  réunît  les  qualités 
propres  à  concilier  les  esprits ,  à  ménager  les 
amours-propres  et  à  procéder  avec  expérience 
dans  les  affaires.  L'empereur  choisit  l'archi- 
trésorier  ;  il  trouvait  en  lui  la  dignité  de  l'âge  , 
du  caractère ,  une  position  élevée ,  des  manières 
simples  et  bienveillantes  ;  tout  devait  rendre  ce 
choix  agréable  à  cette  ville  de  Gênes  qui  se  sou- 
venait du  passé.  Les  espérances  de  l'empereur 
furent  complètement  justifiées.  Lebrun  passa 
une  année  à  Gênes ,  comme  gouverneur  général, 
et  par  l'équité  de  ses  décisions,  par  la  sagesse  de 
ses  actes,  parvint  à  pacifier  les  dissensions  et  à 
gagner  les  cœurs  à  la  France.  A  son  départ ,  il 
fut  entouré  de  regrets  et  d'hommages.  Peu  après 
son  retour  à  Paris ,  Napoléon  résolut  d'abolir  le 
Tribunat ,  ombre  et  reste  de  liberté.  Lebrun  le 
défendit,  comme  tenant  son  existence  de  la  cons- 
titution elle-même  et  la  sauve- garde  des  libertés 
publiques.  «  Monsieur  l'archi-trésorier,  lui  dit 
assez  brusquement  l'empereur,  ce  sont  là  des  idées 
de  constituant.  —  Sire,  repartit  Lebrun  avec  ce 
calme  et  cette  dignité  qui  ne  l'abandonnaient  ja- 
mais, la  Constituante  avait  des  idées  saines  ;  si 
elle  se  trompa,  ce  fut  par  l'excès  de  l'amour  du 
bien  public  :  je  regrette  que  ces  idées  déplaisent 


aujourd'hui  à  Votre  Majesté.  »  De  pareilles  ré- 
pliques n'étaient  pas  propres  à  lui  concilier  une 
grande  participation  dans  les  affaires  :  il  espérait 
et  désirait  terminer  paisiblement  sa  carrière.  Il 
ne  fut  pas  peu  surpris ,  et  même  éprouva  une 
sorte  d'effroi ,  quand  une  lettre  de  Napoléon  lui 
annonça  une  mission  extraordinaire  en  Hollande 
(  1810),  par  suite  de  l'abdication  du  roi  Louis. 
L'archi-trésorier  avait  soixante  onze  ans  :  il  fallait 
s'arracher  à  ses  habitudes  de  famille  et  d'inti- 
mité ;  il  fallait  s'exposer  au  déclin  de  la  vie  aux 
atteintes  d'un  climat  insalubre.  L'espoir  de  faire 
encore  quelque  bien  et  le  désir  d'être  utile  à  un 
peuple  qu'il  estimait  le  décidèrent  :  il  partit  avec 
le  titre  et  les  pouvoirs  de  lieutenant  général  de 
Vempereur.  Son  administration  fut  des  plus  ac- 
tives et  des  plus  laborieuses.  A  six  heures  du  ma- 
tin ,  il  était  dans  son  cabinet,  entouré  de  secré- 
taires. En  quinze  mois  toutes  les  branches  du  ser- 
vice public  se  trouvèrent  organisées  11  désirait 
alors  rentrer  dans  sa  famille;  mais  l'empereur 
jugea  nécessaire  sa  présence  dans  ces  contrées  éloi- 
gnées du  centre.  Lebrun  resta  comme  gouverneur 
général.  Il  s'appliqua  avec  constance  a  tempérer 
la  rigueur  des  ordres  impériaux  par  son  empres- 
sement à  recevoir  toutes  les  réclamations  ,  par 
la  facilité  de  son  abord,  l'accueil  plein  de  bonté 
qu'il  faisait  à  tous,  tes  consolations  qu'il  adres- 
sait à  ceux  qu'il  ne  pouvait  satisfaire.  11  prenait 
un  intérêt  profond  à  la  situation  pénible  de  ce 
peuple  navigateur,  alors  sans  activité  ni  com- 
merce. Les  Hollandais  lui  rendaient  justice,  et  ne 
l'appelaient  que  le  bon  stalhouder.  La  désas- 
treuse expédition  de  Russie  le  frappa  doulou- 
reusement dans  ses  affections  de  famille.  Son 
second  fils,  colonel  d'un  régiment  de  lanciers, 
fut  tué  dans  la  retraite  de  Moscou ,  au  moment 
où  il  chargeait  pour  protéger  les  restes  de  l'ar- 
mée. La  jeune  femme  de  ce  fils  avait  succombé 
peu  auparavant.  Ces  pertes  précipitées  alté- 
rèrent gravement  la  santé  de  l'archi-trésorier. 
L'année  suivante,  après  le  désa4re  de  Leipsig, 
les  Cosaques  pénétrèrent  en  Hollande.  Les  Hol- 
landais, déjà  exaltés  par  les  revers  de  Napoléon, 
ne  gardèrent  plus  de  mesure.  Une  grave  insur- 
rection éclata  dans  Amsterdam.  Les  principaux 
citoyens  craignaient  des  violences  et  des  excès , 
même  contre  le  gouverneur  général ,  et  lui  en- 
voyèrent une  députation  pour  lui  offrir  de  l'em- 
mener avec  sa  suite  dans  leurs  voitures  et  de  lui 
servir  d'escorte.  Le  prince  leur  dit  :  «  Je  suis 
sensible  à  votre  démarche;  mais  j'estime  trop 
vos  compatriotes  pour  accepter  vos  offres.  »  U 
rejeta  bien  loin  l'idée  de  partir  la  nuit ,  clandes- 
tinement, comme  un  fugitif.  Peu  de  jours  après, 
une  administration  provisoire  ayant  été  établie 
par  les  notables,  le  prince  quitta  son  palais  en 
plein  jour,  le  16  novembre,  et  traversa  la  Hol- 
lande en  recueillant  partout  des  signes  de  res- 
pect. On  connaît  les  événements  de  1814.  L'âgo 
et  la  position  du  duc  de  Plaisance  ne  lui  per- 
mettaient pas  d'y  prendre  une  part  active.  Il  fut 


143 


LEBRUN 


144 


jusqu'au  dernier  moment  fidèle  au  gouvernement 
impérial.  Il  le  prouva  en  se  prononçant,  lors  de 
l'approche  des  armées  étrangères  ,  contre  le  dé- 
part de  l'impératrice  de  Paris.  11  déplora, comme 
tous  les  bons  citoyens,  les  maux  qui  accablaient 
la  France.  Il  ne  prit  pas  part  à  l'acte  du  sénat 
qui  prononçait  la  déchéance  de  Napoléon  ;  mais 
après  l'abdication  il  signa  celui  du  rétablissement 
des  Bourbons,  et  fut  appelé  à  la  chambre  des 
pairs,  avec  la  plus  grande  partie  des  membres 
du  sénat.  Pendant  les  Cent  Jours  il  accepta 
la  place  de  grand-maître  de  l'université.  C'é- 
tait un  acte  de  dévouement.  Là  il  y  avait  du 
bien  à  faire ,  du  mal  à  empêcher.  L'exaltation 
était  très-vive  dans  les  esprits  de  la  jeunesse  ; 
des  professeurs  avaient  été  insultés  à  cause  de 
leurs  opinions.  Il  rétablit  le  calme  nécessaire 
aux  études,  empêcha  toute  réaction  dans  le  corps 
enseignant,  et  son  administration  fut  un  modèle 
d'équité  et  de  sagesse.  A  la  seconde  restauration, 
son  nom  fut  rayé  de  la  liste  des  pairs;  il  y  fut 
rétabli  en  1819.  Ce  fut  lui  qui,  dans  l'installation 
du  conseil  des  prisons,  institué  alors,  répondit 
par  un  discours  à  quelques  paroles  prononcées 
par  le  duc  d'Angoulême.  Ce  discours  d'un  vieil- 
lard de  quatre-vingts  ans  montre  comment  on 
peut  parler  aux  princes  avec  respect,  noblesse  et 
dignité,  et  comment,  en  leur  rendant  de  justes 
hommages,  on  peut  leur  donner  d'utiles  conseils. 
L'étude,  cette  passion  de  sa  jeunesse,  embellit 
ses  derniers  jours.  Ses  lectures  étaient  en  géné- 
ral sérieuses;  mais  son  esprit  et  ses  manières 
étaient  remplis  de  bienveillance  et  de  bonne 
grâce.  II  passait  tous  ses  étés  au  château  de 
Saint-Mesmes,  et  c'est  là  qu'il  mourut,  à  l'âge  de 
quatre-vingt-cinq  ans.  Lebrun  était  remarquable 
par  la  distinction  de  son  extérieur.  Sa  belle  tête 
avait  cette  dignité  qui  inspire  le  respect.  Ses 
manières  étaient  simples,  nobles  et  prévenantes. 
Son  langage  et  ses  idées  révélaient  de  suite 
l'homme  supérieur.  Il  conserva  jusqu'au  der- 
nier moment  les  qualités  intellectuelles  qui 
avaient  distingué  sa  virilité ,  sans  qu'on  pût  re- 
marquer le  moindre  affaiblissement  dans  sa  mé- 
moire ou  la  faculté  de  combiner  et  développer 
ses  idées.  Il  pratiqua  dans  un  haut  degré  la  pro- 
bité et  le  désintéressement,  et  après  avoir  vingt 
ans  occupé  les  plus  hautes  fonctions,  accompa- 
gnées de  traitements  immenses,  il  ne  laissa  que 
cent  mille  livres  de  rente. 

Lebrun  filt  non-seulement  un  véritable  homme 
d'État  et  un  grand  administrateur,  mais  encore 
un  savant  du  premier  ordre  en  économie 
sociale,  versé  dans  les  langues  anciennes  et 
modernes,  et  l'un  des  écrivains  qui  ont  manié 
la  prose  française  avec  le  plus  d'énergie  et  de 
perfection.  Ses  ouvrages  sont  :  La  Jérusa- 
lem délivrée,  poëme  du  Tasse ,  traduit  de  l'ita- 
lien ;  Paris,  1774,  et  souvent  réimprimé  ;  —  VI- 
liade  d'Homère,  traduction  nouvelle;  1776, 
presqu'entièrement  refaite,  1809;  —  La  Voix 
du  Citoyen  ;  1789,  nouvelle  édition,  1804;" — 


Lettres  sur  les  finances  (voir  Le  Moniteur, 
n°  46,  de  i791  )  ;  —  V Odyssée  d'Homère,  tra- 
duite du  grec;  1809.  J.  Cbanut. 

Biographie  nouvelle  des  Contemporains.  —  Mémoire 
sur  le  prince  Lebrun,  duc  de  Plaisance,  par  Marie  du 
Mesnil;  Paris,  1828.  —  Opinions,  Rappoj'ts  et  Choix  d'é- 
crits politiques  de  Lebrun,  recueillis  et  mis  en  ordre 
par  son  fils  aine,  et  précédés  d'une  Notice  biographique  ; 
Paris,  1829. 

Lebrun  ( Anne- Char les ,  duc  de  Plai- 
sance), général  et  sénateur  français,  fils  du 
précédent,  né  à  Paris,  le  28  octobre  1775,  mort 
en  1859.  Il  passa  sous-lieutenant  au  5e  ré- 
giment de  dragons,  fit  d'abord  partie  de  l'ar- 
mée de  réserve  de  l'intérieur  en  1799  et  1800, 
et  devint  aide  de  camp  du  premier  consul.  Ce 
fut  lui  qui  à  la  bataille  de  Marengo  reçut  dans 
ses  bras  le  général  Desaix,  mortellement  frappé 
d'une  balle  à  la  poitrine.  Capitaine  le  17  mars 
1801,  et  chef  d'escadron  le  31  octobre  suivant, 
il  servit  en  1801  et  1802  dans  le  corps  d'ob- 
servation de  la  Gironde,  et  en  1803  et  1804  au 
camp  de  Montreuil.  Colonel  du  3e  régiment  de 
hussards  le  1er  février  de  cette  dernière  année, 
il  se  signala  pendant  la  campagne  de  1805, 
et  fut  chargé  d'apporter  à  Paris  la  nouvelle 
de  la  victoire  d'Austerlitz.  De  retour  à  la 
grande  armée,  il  se  fit  remarquer  à  Iéna  à  la 
tête  de  son  régiment,  qui  attaqua  le  premier 
les  carrés  de  l'infanterie  saxonne  et  lui  prit  plu- 
sieurs drapeaux,  qu'il  présenta  à  l'empereur  sur 
le  champ  de  bataille.  Nommé  général  de  brigade 
le  1er  mars  1807,  inspecteur  général  de  cava- 
lerie le  6  octobre,  et  aide  de  camp  de  Napoléon, 
il  donna  de  nouvelles  preuves  de  valeur  à  Eylau 
et  à  Wagram.  A  la  fin  de  1809,  il  organisa  la 
défense  de  la  place,  des  forts  et  des  batteries 
extérieures  d'Anvers  et  parvint  à  approvisionner 
les  places  de  Breda,  de  Berg-op-Zoom,  les  îles 
de  Cadzan  et  de  Walcheren.  Général  de  divi- 
sion le  23  février  1812,  il  reçut  en  avril  1813  la 
grand'croix  de  l'ordre  de  la  Réunion.  Comme 
fils  d'un  grand  dignitaire  de  l'empire ,  il  portait 
le  titre  de  duc  Charles  de  Plaisance.  Appelé  en 
1813  au  commandement  des  lre  et  3e  divisions 
de  réserve  de  la  grande  armée,  il  fut  nommé  le 
7  octobre  de  cette  année  gouverneur  d'Anvers. 
Le  25  janvier  1814  il  reprit  ses  fonctions  d'aide 
de  camp  auprès  de  l'empereur.  Le  22  avril, 
après  la  première  abdication  de  Napoléon, 
Louis  XVIII  le  nomma  commissaire  du  roi  dans 
la  14e  division  militaire,  et  le  14  juillet  pre- 
mier inspecteur  général  des  hussards.  Au  retour 
de  l'île  d'Elbe,  l'empereur  lui  confia  (4  avril 
1815)  le  commandement  provisoire  du  3e  corps 
d'observation,  et  le  rappela  près  de  lui  en  qua- 
lité d'aide  de  camp.  Dans  les  Cent  Jours  il  fut 
nommé  député  à  la  chambre  des  représentants 
par  le  département  de  Seine  et-Marne.  Mis  en 
non-activité  sous  la  seconde  restauration,  il  fut 
replacé  dans  le  cadre  de  disponibilité  le  30  oc- 
tobre 1818.  Le  16  juillet  1824  il  fut  admis  à 
prendre  rang  à  la  chambre  des  pairs,  à  titre  hé 


U') 


LEBRUN 


146 


réditaire.  Placé  dans  la  section  de  réserve,  le 
29  octobre  1840,  il  fut  mis  à  la  retraite  en  1848 
par  le  gouvernement  provisoire.  Lors  de  la  créa- 
tion du  sénat  (26  janvier  1852),  il  en  fut  nommé 
membre,  devint  grand- chancelier  de  la  Légion 
d'Honneur  et  fut  rétabli  dans  le  cadre  de  réserve 
(décret  du  1er  octobre  1852  ).  Son  nom  est  ins- 
crit sur  le  côté  ouest  de  l'arc  de  triomphe  de 
l'Étoile.  Sicard. 

IHographie  universelle  et  portative  des  Contempo- 
rains; Paris,  1833-1834.  —  Archives  de  la  guerre.  —  Les 
grands  Corps  politiques  de  l'État,  etc.;  Paris,  1852.  — 
Biographie  des  Membres  dti  Sénat;  Paris,  1852. 

lebrcn  (Sophie  de  Barbé-Marbois,  Mme), 
duchesse  de  Plaisance,  femme  du  précédent,  née 
le  2  avril  1785,  morte  le  14  mai  1854,  dans  une 
campagne  près  d'Athènes,  où  elle  vivait  retirée 
depuis  plusieurs  années.  Fille  du  marquis  de 
Barbé-Marbois,  elle  épousa  le  fils  de  l'archi-tré- 
sorier,  eteneut  unefille,  qu'elle  perdit  en  Orient. 
Établie  en  Grèce,  la  duchesse  de  Plaisance  se  dis- 
tinguait par  une  bienfaisance  inépuisable,  qui  ne 
faisait  point  acception  de  religion.  Elle  s'était 
mise  à  étudier  la  Bible  avec  ardeur,  et  à  la  mort 
de  sa  fille  elle  fonda  un  prix  d'hébreu  pour  en- 
courager l'étude  de  cette  langue.         J.  V. 

Journal  des  Débats,  du  3  juillet  1854.  —  Archives 
Israélites,  1853  et  1854. 

lebrun  (  Ponce  -  Denis  Écouchard  ) ,  sur- 
nommé Lebrun-Pindare ,  poète  français,  né  à 
Paris,  le  11  août  1729,  mort  dans  la  même  ville, 
le  2  septembre  1807.  Il  appartenait  à  une  famille 
de  petits  marchands,  et  son  père  était  valet  de 
chambredu  prince  de  Conti.  Le  futurpoëte  naquit 
dans  l'hôtel  du  prince  (situé  sur  l'emplacement 
où  s'éleva  depuis  l'hôtel  de  la  Monnaie).  Il  fit  de 
brillantes  études  au  collège  Mazarin,  et  annonça 
dès  l'enfance  du  talent  pour  la  poésie.  Plusieurs 
pièces  de  vers  qu'il  composa  au  collège  ont  trouvé 
place  dans  le  recueil  de  ses  œuvres.  Camarade 
du  jeune  Bacine,  fils  de  l'auteur  du  Poème  de  la 
Religion  et  petit-fils  de  l'auteur  A'Athalie,  il  re- 
çut les  conseils  de  Louis  Bacine ,  et  se  trouva 
ainsi  rattaché  à  la  tradition  des  grands  écrivains 
du  dix-septième  siècle.  La  poésie  lyrique,  rare- 
ment cultivée  avec  succès  en  France,  l'attira  par- 
ticulièrement. Ses  premières  odes  furent  consa- 
crées à  son  jeune  ami  Bacine,  qui  avait  quitté  les 
lettres  pour  le  commerce  et  qui  périt  bientôt  à 
Cadix  dans  le  tremblement  de  terre  qui  agita 
toutes  les  côtes  occidentales  de  la  péninsule  et 
renversa  Lisbonne.  Lebrun  avait  chanté  le  dé- 
part de  Bacine,  et  la  douloureuse  émotion  que 
lui  causa  la  mort  de  ce  jeune  ami  anime  son 
ode  sur  la  ruine  de  Lisbonne,  publiée  en  1755. 
L'année  suivante,  il  donna  une  ode  sur  les  causes 
physiques  des  tremblements  de  terre,  et  la  fit 
précéder  d'un  discours  sur  le  génie  de  l'ode.  Ces 
productions,  qui  annonçaient  un  émule  hardi  de 
Pindare  et  de  Lucrèce,  furent  remarquées.  L'au- 
teur, attaché  au  prince  de  Conti  comme  secré- 
taire des  commandements,  put  attendre  avec  tran- 
quillité que  les  événements  lui  fournissent  des 


sujets  d'inspiration.  En  1760  il  rencontra  une 
petite  nièce  de  Corneille  réduite  à  la  misère,  et 
la  recommanda  à  Voltaire  dans  une  ode  qui, 
parmi  beaucoup  de  vers  lourds  et  emphatiques, 
contient  des  accents  émus  et  élevés.  Voltaire  fut 
touché;  il  appela  immédiatement  Mlle  Corneille 
auprès  de  lui,  et  veilla  sur  son  éducation  et  son 
avenir.  Cette  adoption  fit  du  bruit,  et  Lebrun,  ne 
voulant  pas  qu'on  ignorât  la  part  qu'il  y  avait 
prise,  publia  son  ode  avec  la  correspondance 
échangée  à  ce  sujet  entre  Voltaire  et  lui.  Fréron 
ne  manqua  pas  cette  occasion  de  railler  Voltaire 
et  le  jeune  poète  qui  se  déclarait  son  admira- 
teur. Il  prétendit  n'avoir  jamais  lu  d'ode  aussi 
mauvaise  que  celle  de  Lebrun  (1),  et  insinua 
que  l'hospitalité  de  Ferney  ne  convenait  pas  à 
une  jeune  fille  honnête.  Voltaire,  diffamé, se  plai- 
gnit à  la  justice  ;  Lebrun,  critiqué,  composa  ou  fit 
composer  par  son  frère  contre  Fréron  deux  pam- 
phlets plus  violents  que  spirituels,  La  Wasprie 
et  L'Ane  littéraire.  Cette  polémique  eut  pour 
effet  de  développer  les  penchants  satiriques  de 
Lebrun,  qui  dès  lors  se  détourna  trop  souvent 
de  la  poésie  lyrique  pour  composer  des  épi- 
grammes.  Ces  petites  pièces  acres,  amères,  ra- 
rement gaies,  mais  pleines  d'esprit  et  de  verve, 
font  honneur  à  son  talent  et  donnent  une  idée 
triste,  mais  véritable,  de  son  caractère.  Ce  poète, 
qui  affecte  dans  ses  odes  les  sentiments  les  plus 
généreux  et  qui  dans  ses  élégies  s'efforce  de 
montrer  de  la  tendresse,  eut  une  vie  privée 
des  plus  fâcheuses.  En  1759  il  se  maria  avec 
Mlle  Marie- Anne  de  Surcourt,  personne  spiri- 
tuelle, qu'il  a  célébrée  dans  ses  élégies.  Cette 
union,  contractée  sous  des  auspices  poétiques,  de- 
vint bientôt  orageuse,  et  se  prolongea  pendant 
quatorze  ans  à  travers  toutes  sortes  de  scènes 
violentes  et  honteuses.  On  accusa  Lebrun  d'a- 
voir vendu  sa  femme  au  prince  de  Conti,  ce  qui 
est  au  moins  douteux  ;  mais  il  est  certain  qu'il 
la  traitait  avec  une  révoltante  brutalité.  En  1774 
Mme  Lebrun  alla  se  réfugier  chez  sa  belle-mère, 
et  forma  une  demande  en  séparation.  Le  procès 
fut  long  et  offrit  cette  circonstance  singulière  que 
la  mère  et  la  sœur  du  poète  déposèrent  contre 
lui.  Lebrun  a  consacré  cette  douloureuse  parti- 
cularité de  sa  vie  dans  une  élégie  intitulée  Né- 
mésis.  Il  y  rappelle  la  destinée  de  Méléagre  vic- 
time de  son  effroyable  mère,  le  frère  de  Médée 
massacré  et  mis  en  pièces  par  sa  sœur,  les  époux 
des  Danaïdes  égorgés  par  leurs  femmes ,  et  il 
ajoute  : 

Mais  aucun  d'eux  n'a  vu ,  dans  ses  derniers  abois, 
Epouse  et  mère  et  sœur  le  frapper  à  la  fois. 


(1)  Fréron  se  moquait  assez  agréablement  du  pindu- 
risme  factice  de  Lebrun  :  «  Comme  apparemment,  dit-il, 
on  n'émeut  bien  les  poètes  que  par  des  vers,  M.  Lebrun 
s'est  frotté  la  tête,  a  dressé  ses  cheveux ,  froncé  le  sour- 
cil, rongé  ses  doigts,  ébranlé  par  ses  cris  les  solives  de 
son  plancher,  et,  dans  un  enthousiasme  qu'il  a  pris  pour 
divin,  a  fait  sortir  avec  effort  de  son  cerveau  rebelle 
une  ode  de  trente-trois  strophes  seulement,  qu'il  a  en- 
voyée aux  Délices.  » 


147 


LEBRUN 


J48 


La  séparation  fot  prononcée  d'abord  au  Châtelet, 
puis  définitivement,  en  1781,  par  un  arrêt  du 
parlement  de  Paris.  Les  avantages  que  l'arrêt 
adjugeait  à  Mme  Lebrun  détruisirent  presque 
entièrement  la  fortune  du  poète.  11  en  rassembla 
les  débris,  qui  formaient  un  capital  de  18,500  fr- 
et plaça  cette  somme  chez  le  prince  de  Gué- 
roéné;  elle  fut  engloutie  dans  la  banqueroute  de 
ce  grand  seigneur,  en  1782.  Depuis  1776  Lebrun 
n'était  plus  secrétaire  des  commandements  à 
l'hôtel  Conti,  et  une  pension  de  1,000  francs  qui 
lui  avait  été  promise  par  l'héritier  du  prince  lui 
était  mal  payée.  Dans  cette  triste  position,  il 
fut  protégé  par  M.  deVaudreuil,  qui  le  recom- 
manda au  ministre  Calonne,  au  comte  d'Ar- 
tois, à  la  reine.  Le  poète  reçut  une  pension  an- 
nuelle de  2,000  livres,  et  espéra  des  faveurs 
plus  éclatantes.  Il  témoigna  sa  reconnaissance 
par  des  adulations  qu'on  ne  lui  reprocherait  pas 
si  dans  un  autre  temps  il  n'avait  insulté  les 
princes  qu'il  flattait  en  1786.  Le  souvenir  des  fa- 
veurs récentes  de  la  cour  ne  l'empêcha  pas  de  se 
jeter  dans  la  révolution  et  de  dépasser  en  violence 
les  poètes  les  plus  passionnés  de  l'époque.  Lui 
qui  dans  son  Exegi  momimenlum  (1787)  avait 
dit  en  parlant  de  la  Seine  : 

Mais  tant  que  son  onde  charmée 

Baignera  l'en.pire  des  lys, 

Elle  entendra  ma  lyre  encore 
D'un  roi  généreux  qui  l'honore 
Chanter  les  augustes  bienfaits! 

il  vouait  maintenant  à  la  mort  ce  roi  prisonnier, 
et  s'écriait  en  parlant  de  Marie-Antoinette  : 

Reine  que  nous  donna  la  colère  céleste, 
Que  la  fondre  n'a-t-elle  embrasé  ton  berceau! 
Combien  ce  coup  heureux  eut  épargné  de  crimes! 
Ivre  de  notre  sang,  désastreuse  beauté, 
Femme  horrible 

11  provoqua  la  violation  des  tombes  royales  de 
Saint-Denis  (1).  Un  peu  plus  tard,  au  plus  fort 
de  la  terreur,  il  trouva  des  éloges  pour  Robes- 
pierre (2).  Sous  le  Directoire  il  publia  plusieurs 
odes,  les  unes  composées  depuis  longtemps,  les 
autres  plus  récentes.  Ce  fut  à  cette  époque  que 
circulèrent  un  grand  nombre  d'épigrammes  qu'il 
décocha  contre  desécrivains  contemporains.  Il  eut 
des  démêlés  très-vifs  avec  le  grammairien  Do- 
mergue  et  le  poète  Baour-Lormian,  et  ne  sortit  pas 
toujours  vainqueur  de  ces  guerres  de  plume  (3). 
On  a  souvent  répété  qu'il  avait  adulé  Bonaparte. 
Chénier  et  Ginguené  eux-mêmes,   cédant  aux 

(1)  Il  disait  dans  une  ode  écrite  en  1792  : 

Purgeons  le  sol  des  patriotes, 

Par  des  rois  encore  Infecté  : 

La  terre  de  la  liberté 

Rejette  les  os  des  despotes. 

De  ces  monstres  divinisés 

Que  tons  les  cercueils  soient  brises! 

(2)  I,'éloge  que  Lebrun  a  fait  de  Robespierre  se  trouve 
dans  un  avanl-propos ,  en  prose,qu'il  mit  à  son  ode  sur 
l'Être  Suprême  lorsqu'il  la  publia  pour  la  première  (ois. 
Voy.  Sainte  Beuve,  Causeries  du  lundi,  t.  V,  p.  130. 

(3)  Consultez  sur  ces  querelles  V Acunttiologic,  ou  re- 
cueil d'épigrammes,  publiée  par  M.  Fayolle,  en  1817. 


exigences  imposées  alors,  ont  écrit  que  le  con- 
sulat avait  ranimé  sa  verve.  C'est  ce  que  Na- 
poléon aurait  désiré.  Mais  la  vérité  est  que  Le- 
brun ne  l'a  loué  que  dans  de  petites  pièces  de 
vers,  la  plupart  antérieures  au  consulat ,  et  dans 
une  ode  de  six  couplets  (  Les  Routes  de  l'O- 
lympe), composée  lors  de  la  paix  de  Luné- 
ville.  Deux  ans  après,  il  présentait  au  premier 
consul  une  ode  contre  l'Angleterre,  composée 
évidemment  vers  1760,  et  à  laquelle  il  avait 
ajouté  une  strophe  qui  la  menaçait  d'un  nouvel 
Alexandre.  Cette  ode  valut  à  Lebrun  un  re- 
merciement et  une  gratification  de  3,000  francs. 
Une  pension  de  6,000  f.  qui  lui  fut  accordée  en 
1806  et  diverses  gratifications  le  mirent  fort  au- 
dessws  du  besoin  dans  ses  dernières  années.  Il 
mourut  à  l'âge  de  soixante-dix-huit  ans,  laissant 
une  grande  réputation,  qui  jusqu'à  présent  s'est 
assez  bien  maintenue.  On  ne  lit  plus  ses  odes, 
mais  on  continue  de  joindre  à  son  nom  celui  de 
Pindare,  et  ce  nom  composé  éveille  l'idée  d'un 
talent  lyrique  plein  dé  force  et  d'éclat.  Chénier, 
le  jugeant  quelque  temps  après  sa  mort,  a  dit  : 
«  Lebrun  avait  plus  d'un  ton  sans  doute;  mais 
presque  toujours  c'est  Pindare  qu'il  aime  à  suivre, 

et  dont  il  atteint  souvent  la  hauteur S'il  est 

permis  de  lui  reprocher  le  luxe  et  l'abus  des  figu- 
res, l'audace  outrée  des  expressions  et  trop  de 
penchant  à  marier  des  mots  qui  ne  voulaient  pas 
s'allier  ensemble,  l'envie  seule  oserait  lui  con- 
tester une  élude  approfondie  de  la  langue  poé- 
tique, une  harmonie  savante,  et  ce  beau  dé- 
sordre essentiel  au  genre  qu'il  a  spécialement 
cultivé.  Aussi  quoiqu'il  ait  excellé  dans  l'épi-' 
gramme,  quoiqu'il  ait  répandu  des  beautés  re- 
marquables en  des  poëmes  que  par  malheur  il 
n'a  point,  achevés,  il  devra  surtout  à  ses  odes 
l'immortalité  qu'il  s'est  promise;  et  dût  cette 
justice  rendue  à  sa  mémoire  étonner  quelques 
préventions  contemporaines,  il  sera  dans  la  pos- 
térité l'un  des  trois  grands  lyriques  français.  » 
Ce  jugement  est  trop  favorable.  Lebrun  est  peut- 
être  l'égal  de  Rousseau,  mais  il  ne  l'est  pas  de 
Malherbe,  et  surtout  il  faut  bien  se  garder  de  le 
comparer  à  Pindare.  Le  souffle  immense,  l'ins- 
piration profonde  et  inépuisable  du  poète  thébain 
dont  Horace  a  dit  : 

Fcrvet,  immensusque  ruit  profundo 
Pindarus  ore, 

fait  un  contraste  accablant  avec  la  stérilité  labo- 
rieuse de  Lebrun,  qui  a  de  l'élan,  mais  qui  ne 
se  soutient  pas.  Il  a  très-peu  d'odes  belles  d'un 
bout  à  l'autre,  mais  il  a  rencontré  des  strophes 
magnifiques.  C'est  en  parlant  de  Buffon  qu'il  a 
eu  ses  plus  beaux  accents,  des  accents  dignes  du 
sujet.  Célébrant  les  Époques  de  la  Nature,  il 
s'écrie  : 

Au  sein  de  l'infini  ton  âme  s'est  lancée  ; 

Tu  peuplas  ses  déserts  de  ta  vaste  pensée. 

La  Nature,  avec  toi,  fit  sept  pas  éclatants; 

Et  de  son  règne  immense  embrassant  tout  l'espace. 

Ton  immortelle  audace 
A  pose  sept  flambeaux  sur  ta  route  des  temps. 


J49 


LEBRUN 


150 


Dans  une  autre  ode,qui  est  son  chef-d'œuvre,  il 
oppose  les  succès  faciles  de  l'esprit  aux  œuvres 
durables  du  génie  : 

Flatté  de  plaire  aux  goûts  volages, 
L'esprit  est  le  dieu  des  instants; 
Le  génie  est  le  dieu  des  âges. 
Lui  seul  embrasse  tous  les  temps. 


Ceux  dont  le  présent  est  l'idole 

Ne  laissent  point  de  souvenir: 

Dans  un  succès  vain  et  frivole 

Ils  ont  usé  leur  avenir; 

Amants  des  roses  passagères, 

Ils  ont  les  grâces  mensongères 

El  le  sort  des  rapides  fleurs  : 

Leur  plus  long  règne  est  d'une  aurore 

Mais  le  temps  rajeunit  encore 

L'antique  laurier  des  neuf  sœurs. 

De  pareilles  strophes ,  même  lorsqu'elles  sont 
peu  nombreuses,  suffisent  pour  assurer  la  mé- 
moire d'un  poète.  Si  Lebrun  n'a  jamais  complè- 
tement réussi,  il  a  eu  le  mérite  à  une  époque 
peu  poétique  de  conserver  le  culte  de  la  grande 
poésie,  du  style  élevé,  de  la  gloire  éclatante 
obtenue  par  de  nobles  labeurs.  On  est  tenté  au- 
jourd'hui de  sourire  de  son  Exegi  monumen- 
tum  et  de  ce  «  jour  éternel  »  qu'il  se  promet; 
et  cependant  la  postérité  n'a  pas  tout  à  fait 
trompé  son  espoir  :  elle  a  conservé  le  souvenir 
de  son  généreux  effort,  et  même  dans  ses  œu- 
vres elle  a  distingué  certains  passages  qui  se- 
ront toujours  lus  avec  admiration. 

Lebrun  semble  avoir  eu  lui-même  le  sentiment 
qu'il  n'avait  pas  réalisé  son  idéal.  Il  médita  pen- 
dant loute  sa  vie  une  édition  de  ses  œuvres,  et 
ne  l'exécuta  pas.  Ses  Odes,  ses  Élégies,  ses  Épi- 
grammes  ne  parurent  que  par  feuilles  déta- 
chées. Ses  œuvres  furent  mises  en  ordre  et  pu- 
bliées par  Ginguené;  Paris,  1811,  4  vol.  in-8°. 
[Elles  contiennent  :  t.  1er,  six  livres  d'odes,  pré- 
cédées d'un  avertissement  et  d'une  notice  de 
l'éditeur.  Dans  ce  recueil  on  remarque,  outre  les 
odes  à  Buffon  que  nous  avons  déjà  citées,  Le 
Triomphe  de  nos  Paysages,  qui  offre  des  pein- 
tures gracieuses,  quoique  surchargées  de  cou- 
leurs mythologiques  (1),  Mes  Souvenirs,  ou  les 


(1)  Quelques  vers  pris  au  hasard  dans  cette  ode  don- 
neront une  idée  de  cet  abus  de  la  mythologie.  Après  avoir 
visité"  Vincennes,  espoir  des  dryades;  Passy,  fameux  par 
ses  naïades,  »  le  poète  arrive  à  Montmartre  et  à  ses  mou- 
lins à  vent  : 


La  colline  qui  vers  le  pôle 
Borne  nos  fertiles  marais, 
Occupe  les  enfants  d  Éole 
A  broyer  les  dons  de  Cerès. 
Vanvres ,  qu'habite  Galatée, 
Sait  du  lait  dlo,  d'Amalthée, 
Épaissir  les  flots  ecumeux  ; 


Sans  doute  l'amant  d'Érigone 

De  Surène  a  fui  les  coteaux; 

Mais  là  Montreuilfixe  Pomone 

Dans  ses  labyrinthes  nouveaux. 
Toute   l'ode  est  de  ce  ton.  Les  autres  odes  ne  sont 
pas  exemptes  de  ce  défaut,  qui  dépare  singulièrement 
l'Ode  sur  le  vaisseau  Le  Vengeur,  admirable  d'énergie, 
mais  trop  artificielle. 


deux  rives  de  la  Seine,  et  l'Ode  sur  le  Vais- 
seau Le  Vengeur;  t.  II: quatre  livres  d' Élégies: 
ces  Élégies  sont  une  imitation  laborieuse  de  Ti- 
bulle  et  de  Properce  ;  on  y  trouve  plus  d'ardeur 
sensuelle  que  de  tendresse,  rarement  de  la  grâce 
et  jamais  de  la  fraîcheur  ;  deux  livres  à'Épilres, 
parmi  lesquelles  on  distingue  une  Épitre  sur  la 
bonne  et  la  mauvaise  plaisanterie  ;  les  Veil- 
lées du  Parnasse,  poëme  en  quatre  chants, 
mais  dont  le  premier  chant  seul  est  fini  ;  la  Na- 
ture, ou  le  bonheur  philosophique  et  cham- 
pêtre, poëme  qui  devait  avoir  quatre  chants  et 
dont  il  n'existe  que  des  fragments,  à  l'exception 
du  troisième  chant,  qui  est  presque  entier;  des 
traductions,  entre  autres  celle  du  débat  de  L'I- 
liade et  d'une  Idylle  deThéocrite-,  Vers  de  la 
première  jeunesse  de  l'auteur  ;  t.  III  :  six  li- 
vres A'Épigrammes;  Poésies  diverses,  t.  IV, 
Correspondance  et  Mélanges  en  prose.  Gin- 
guené «  crut  devoir  aux  circonstances  et  à  quel- 
ques considérations  de  ne  pas  admettre  dans  son 
édition  certaines  pièces  dont  on  pourrait  former 
un  volume  assez  piquant  «.Parmi  ces  pièces  figu- 
raient, dit-on,  une  dizaine  d'épigrammes  contre 
Ginguené  lui-même.  L'éditeur  s'abstint  aussi  de 
réimprimer  les  odes  révolutionnaires.  Les  Œu- 
vres choisies  de  Lebrun  ont  paru  à  Paris,  1821, 
1828,  2  vol.  in-18;  Paris,  1828,  in-S°.  Ce  poète 
a  fourni  des  notes  pour  l'édition  des  Œuvres 
poétiques  deBoileau,  1808,  in-8°,  et  des  Œu- 
vres choisies  de  J.-B.  Rousseau,  1808,  in-8°. 

L.  J. 

Ginguené,  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Lebrun, 
en  tête  de  ses  œuvres.  —  M.  .1.  Chénier,  Tableau  de  la 
Littérature.  —  Boncharlat,  Cours  de  Littérature,  t.  II, 
n.  898-437.  —  B  Jullien,  Hist.  de  la  Poésie  française  à 
l'époque  impériale.  —  Dussauls,  Annales  littéraires , 
t.  III,  p.  28".  —  Sainte-Beuve,  Portraits  littéraires,  t.  1  ; 
Causeries  du  lundi,  t.  V. 

LEBRUN  de  GRANYiLXE  (Jean- Etienne 
Écouchard),  littérateur  français,  frère  du 
précédent,  né  à  Paris,  le  22  août  1738,  mort 
dans  la  même  ville,  le  19  septembre  1765.  «  Ses 
ouvrages ,  soit  en  prose ,  soit  en  vei  s ,  étaient 
morts  avant  lui,  dit  Sabatier.  Si  l'on  en  croit 
plusieurs  littérateurs  qui  l'ont  connu,  Lebrun  de 
Granville  avait  beaucoup  d'esprit,  une  érudi- 
tion vaste  et  de  la  facilité  pour  écrire.  »  On  a 
de  lui  :  L'Ane  littéraire,  ou  les  dneries  de 
maitre  Aliboron,dit  Fr....;  Paris,  1761,  in-12  ; 

—  La  Wasprie,  ou  l'âne  Wasp ,  revu  et 
corrigé;  Paris,  1761,  2  vol.  in-12  :  ces  deux 
ouvrages  sont  dirigés  contre  Fréron  ;  Sabatier  et 
Barbier  les  attribuent  à  Lebrun-Pindare;  M.Qué- 
rard  pense  que  du  moins  celui-ci  a  contribué 
à  ces  deux  compositions,  que  La  France  Litté- 
raire de  1769  et  Chaudon  donnent  à  son  irère; 

—  La  Renommée  littéraire,  nouvel  ouvrage 
périodique  ;  Paris,  1762-1763,  2  vol.  in-1 2  :  «  Cette 
espèce  de  journal  offre  quelques  analyses  laites 
avec  beaucoup  de  goût  et  de  précision,  dit  en- 
core Sabatier;  telle  est  celle  où  il  rend  compte 
de  la  poétique  de  Marmontel,  dont  il  relève  assez 


151 


LEBRUN 


152 


ingénieusement  les  défauts  »  ;  —  E pitre  sur  les 
progrès  et  la  décadence  de  la  Poésie;  1762, 
in-12.  J.  V. 

Chaudon  et  Delandinc,  Dictonnaire  universel  Hist., 
Crit.  et  Bibliogr.  —  Sabatier,  Les  trois  Siècles  Littér.  de 
la  France.—  Barbier,  Dict.  des  Anonymes.  —  La  France 
Litt.  de  1"89.  —  Quérard,  La  France  Littér. 

lebrun  (Jean-Baptiste- Pierre),  amateur 
de  peinture  et  critique  français ,  né  à  Paris,  en 
1748,  mort  le  6  aoûtl813.  Grand  connaisseur  en 
peinture,  il  s'occupait  du  commerce  des  tableaux, 
et  y  acquit  une  belle  fortune.  Possesseur  d'une 
galerie  considérable,  il  contribua  aux  progrès  de 
M"e  Vigéc,  qui  demeurait  avec  sa  mère  dans  la 
même  maison.  Il  lui  prêtait  obligeamment  des  ta- 
bleaux d'un  grand  prix,  et  après  six  mois  de  con- 
naissance, il  la  demanda  en  mariage.  Mme  Lebrun 
raconte  qu'elle  ne  voulait  pas  l'épouser,  quoiqu'il 
lût  bien  fait  et  qu'il  eût  une  figure  agréable  ;  mais 
sa  mère,  qui  voyait  Lebrun  très-riche, engagea  sa 
fille  à  ne  pas  refuser  un  parti  aussi  avantageux 
et  à  contracter  cette  union.  «  Ce  n'est  pas  que 
M.  Lebrun  fût  un  méchant  homme,  ajoute 
M'n«  Lebrun.  Son  caractère  offrait  un  mélange 
de  douceur  et  de  vivacité  :  il  était  d'une  grande 
obligeance  pour  tout  le  monde,  en  un  mot  assez 
aimable;  mais  sa  passion  effrénée  pour  les 
femmes  de  mauvaises  mœurs  ,  jointe  à  la  pas- 
sion du  jeu ,  a  causé  la  ruine  de  sa  fortune 
et  de  la  mienne,  dont  il  disposait  entièrement , 
au  point  qu'en  1789 ,  lorsque  je  quittai  la 
France ,  je  ne  possédais  pas  vingt  francs  de  re- 
venu, après  avoir  gagné  pour  ma  part  plus  d''un 
million  :  il  avait  tout  mangé.  »  Comme  Le- 
brun avait  dû  épouser  la  fille  d'un  habitant  delà 
Hollande  ,  pays  avec  lequel  il  faisait  d'immenses 
affaires  en  tableaux,  il  pria  sa  femme  de  tenir 
leur  mariage  secret  ;  elle  y  consentit,  et  pendant 
quelque  temps  elle  reçut  de  ses  amis  les  avis 
les  plus  surprenants  pour  la  détourner  d'un  en- 
gagement qui  était  ignoré,  mais  qu'elle  avait  con- 
clu. Pour  se  faire  des  ressources,  Lebrun  força  sa 
femme  de  prendre  des  élèves  ;  mais  Mme  Lebrun 
s'en  lassa  bien  vite.  Dès  les  premiers  temps  de 
leur  union ,  les  deux  époux  avaient  un  appar- 
tement séparé;  celui  du  mari  était  vaste  et  riche- 
ment meublé;  celui  de  la  femme  était  simple  et 
exigu.  Elle  y  recevait  pourtant  la  plus  brillante 
société.  Lebrun,  tout  entier  à  ses  bonnes  fortu- 
nes de  bas  étage,  paraissait  peu  chez  sa  femme, 
s'inquiétant  peu  du  reste  des  bruits  qui  cou- 
raient sur  l'origine  de  leur  opulence.  Lorsqu'il 
faisait  bâtir  rue  du  Gros-Chenet  un  hôtel  qui  a 
gardé  son  nom,  Mme  Lebrun  sut  que  l'on  disait 
dans  le  monde  que  c'était  le  contrôleur  général 
de  Calonne  qui  en  faisait  les  frais.  Elle  s'en  plai- 
gnit à  son  mari  :  t  Laissez-les  dire,  répondit  Le- 
brun, quand  vous  serez  morte,  je  ferai  élever 
dans  mon  jardin  une  pyramide  sur  laquelle  je 
ferai  graver  la  liste  de  vos  portraits  ;  on  saura 
bien  alors  à  quoi  s'en  tenir  sur  votre  fortune.  » 
Il  ne  lui  laissait  cependant  pas  d'argent,  et  pour 
pouvoir  aller  en  Italie  elle  futobligée  d'en  cacher. 


Pendant  son  voyage,  elle  reçut  de  son  ma.i  des 
lettres  si  lamentables  qu'elle  lui  envoya  une  fois 
mille  écus  et  une  fois  cent  louis.  Lebrun  passa 
tranquillement  le  temps  de  la  terreur  à  Paris. 
Mme  Lebrun  fut  portée  sur  la  liste  des  émigrés;  j! 
Sonmariadressaàla  Convention  une  pétition  pour  i 
qu'elle  en  fût  rayée ,  invoquant  en  sa  faveur  les  J 
décrets  qui  exceptaient  de  la  proscription  les  sa-  ] 
vants,  les  littérateurs ,  les  artistes  et  même  les  j 
artisans  qui  allaient  recueillir  de  nouvelles  con-  j 
naissances  sous  un  ciel  étranger.  11  fit  imprimer  ] 
sa  réclamation  sous  ce  titre  ;  Précis  historique  ] 
de  la  vie  de  la  citoyenne  Lebrun,  peintre,  par 
le  citoyen  J.-B.-P.  Lebrun,  an  ii,in-?8u.  Lorsque 
Mme  Lebrun  revint  à  Paris  en  1802,  elle  trouva 
sa  maison  arrangée  d'une  manière  convenable; 
mais  l'intimité  ne  se  rétablit  pas  entre  les  deux 
époux,  qui  continuèrent  à  vivre  séparément. 

On  a  de  Lebrun  :  Almanach  historique  et 
raisonné  des  Architectes, Peintres,  Sculpteurs, 
Graveurs,  Ciseleurs;  Paris,  1776,  in-12;  — 
Galerie  des  Peintres  flamands,  hollandais, 
et  allemands,  avec  201  planches  gravées  d'a- 
près leurs  meilleurs  tableaux;  Paris,  1792-1796, 
3  vol.  grand  in-fol.  :  le  texte,  qui  est  de  Lebrun, 
montre  toute  l'étendue  de  ses  connaissances  en 
peinture  ;  les  planches  ont  été  réimprimées  plus 
tard  par  M.  Arsène  Houssaye  (voy.  ce  nom); 

—  Réflexions  sur  le  Muséum  national  ;  Pa- 
ris, 1793,  in-8°  ;  —  Observations  sur  le  Mu- 
séum national  ;  Paris,  1793,  in-8°  ;  —  Quel- 
ques idées  sur  V arrangement  et  la  décora- 
tion du  Musée  national;  Paris,  1794,  in-8"; 

—  Essai  sur  les  moyens  d'encourager  la 
Peinture,  la  Sculpture,  l'Architecture  et  la 
Gravure;  Paris,  1794,  in-8°  ;  —  Examen  his- 
torique et  critique  des  Tableaux  exposés  pro 
visoirement  venant  de  Milan;  Paris,  1798, 
in-8°.  L.  L — t. 

M™e  Lebrun,  Souvenirs.  —  Quérard,  La  France  Litté- 
raire. 

lebrun  (  Marie  -  Louise  -  Elisabeth  Vi- 
gée,  Mmc),  célèbre  femme  peintre,  épouse  du  pré- 
cédent, neeà  Paris,  le  16  avril  1755,  morte dansla 
même  ville,  le30mars  1 842.  Fille  du  peintreVigée, 
elle  apprit  pour  ainsi  dire  toute  seule  la  peinture 
dans  la  maison  paternelle.  Elle  perdit  son  père  en; 
1768.  A  l'âge  de  quinze  ans,  elle  fit  un  portraili 
de  sa  mère  aussi  ressemblant  que  gracieux.  Elle 
reçut  des  leçons  de  Davesne  et  de  Briard ,  elj 
Joseph  Vernet  lui  donna  d'excellents  conseils.r 
Sa  mère  la  conduisait  à  toutes  les  galeries  où; 
elle  pouvait  rencontrer  de  grands  modèles.  Lai 
jeune  artiste  copia  alors  des  tableaux  de  Rubens,! 
des  portraits  de  Rembrandt  et  de  VanDyck  ainsi 
que  des  têtes  dé  Greuze.  Vigée  n'avait  laissé  au- 
cune fortune;  mais  sa  fille,  ayant  beaucoup  de 
portraits  à  faire ,  gagnait  assez  pour  vivre.  Sa 
mère  épousa  en  secondes  noces  un  riche  joaillier, 
très-avare,  qui  refusait  le  nécessaire  à  la  mère 
et  à  la  fille,  bien  que  celle-ci  lui  donnât  tout-ce 
qu'elle  gagnait.  Sa  jeune  réputation  attirait  des 


153 

orangers  dans  son  atelier.  Elle  fit  le  portrait  du 
omte  Orloffet  du  comte  Schouwaloff.  MmeGeof- 
rin  vint  la  voir;  enfin  les  portraits  de  la  du- 
hesse  de  Chartres  et  de  la  comtesse  de  Brionne 
a  mirent  à  la  mode.  On  la  voyait  aux  spectacles 
t  dans  les  promenades  avec  sa  mère ,  et  sa 
•eauté  lui  valut  de  nouveaux  succès.  Plusieurs 
imateurs  de  sa  figure,  comme  elle  le  raconte  elle- 
nême,  lui  faisaient  peindre  la  leur,  dans  l'espoir 
e  parvenir  à  lui  plaire;  mais  elle  était  si  oc- 
cupée de  son  art  qu'il  n'y  avait  pas  moyen  de 
'en  distraire.  Ayant  peint  les  portraits  de  La 
huyère  et  de  l'abbé  Fleury  d'après  des  gravures 
lu  temps ,  elle  en  fit  hommage,  en  1775,  à  l'A- 
adémie  française,  qui  chargea  son  secrétaire 
^Alembert  de  remercier  la  donatrice,  et  qui, 
»ar  une  délibération  spéciale,  lui  accorda  ses 
ntrées  à  toutes  les  séances  publiques.  L'année 
uivante,  elle  épousa  Lebrun.  La  Harpe  la  oi'ta 
ivec  éloge  dans  son  discours  sur  le  talent  des 
mes.  Elle  assistait  à  la  séance  de  l'Académie 
>ù  cette  pièce  de  vers  fut  lue  par  son  auteur, 
lorsqu'il  en  vint  à  ce  passage  : 

Lebrun,  de  la  beauté  le  peintre  et  le  modèle. 
Moderne  Rosalba  ,  mais  plus  brillante  qu'elle, 
Joint  la  voix  de  F«vart  au  souris  ûz  Vénus, 

out  le  monde  se  leva  et  applaudit  avec  transport, 
(ans  en  excepter  la  duchesse  de  Chartres  et  le  roi 
le  Suède.  Mme  Lebrun  avait  alors  à  faire  un 
îombre  prodigieux  de  portraits.  En  1779  elle 
ixécuta  son  premier  portrait  de  la  reine  Marie- 
Antoinette  ;  depuis  cette  époque  jusqu'en  1789  elle 
>eignit  au  moins  vingt-cinq  fois  cette  princesse, 
dont  elle  était  devenue  l'amie.  Comme  Mme  Lebrun 
ivait  une  jolie  voix,  Marie- Antoinette  se  plaisait 
t  chanter  des  duos  avec  elle  chaque  fois  qu'elle  lui 
lonnait  séance.  En  1786  Mme  Lebrun  exposa  un 
jortrait  delà  reine  en  chapeau  de  paille  et  enrobe 
le  mousseline  blanche ,  ce  qui  fit  dire  à  la  mali- 
mité que  la  reine  s'était  fait  peindre  en  chemise; 
;e  tableau  n'en  eut  pas  moins  un  immense  succès. 
L'année  suivante,  Mme  Lebrun  représenta  la  reine 
intourée  de  ses  trois  enfants.  Louis  XVI,  à  qui 
'artiste  fut  présentée,  lui  dit  alors  :  «  Je  ne  me 
connais  pas  en  peinture ,  mais  vous  me  la  faites 
limer.  »  Tous  les  membres  de  la  famille  royale, 
k  l'exception  du  comte  d'Artois,  posèrent  devant 
M"e  Lebrun.  Elle  raconte  qu'un  jour,  pendant 
qu'elle  peignait  le  comte  de  Provence,  le  comte 
l'Artois  se  mit  à  chanter  de  la  voix  la  plus 
fausse  des  chansons,  sinon  indécentes  du  moins 
fort  communes  :  «  Comment  trouvez-vous  que 
je  chante  ?  lui  dit-il  à  la  fin.  —  Comme  un  prince, 
monseigneur,  »  répondit-elle,  et  le  prince  se  tut. 
En  1782  Mme  Lebrun  accompagna  son  mari  à 
Bruxelles ,  où  l'on  vendait  la  galerie  du  prince 
Charles  de  Lorraine.  Elle  profita  de  ce  voyage 
pour  admirer  les  chefs-d'œuvre  de  Vanloo,  de 
van  Dyck  et  de  Rubens ,  à  Bruxelles,  à  Amster- 
dam et  à  Anvers.  Dans  cette  dernière  ville  elle 
rencontra  chez  un  particulier  un  tableau  connu 
sous  le  nom  du  Chapeau  de  paille,  lequel  re- 


LEBRUN  154 

présente  une  femme  de  Rubens,et  qui  est  curieux 
par  l'effetdes  deux  différentes  lumières  que  donne 
le  jour  et  la  lueur  du  soleil ,  celle-ci  étant  inter- 
ceptée en  partie  par  les  bords  du  chapeau  ; 
Mme  Lebrun  voulut  reproduire  cet  effet ,  et  se 
peignit  elle-même  avec  un  chapeau  de  paille  orné 
d'une  plume  et  d'une  guirlande  de  fleurs  des 
champs ,  sa  palette  à  la  main.  Ce  tableau  ajouta 
encore  à  la  popularité  de  l'artiste.  Lorsqu'elle 
fut  de  retour,  Joseph  Vernet  présenta  Mme  Le- 
brun à  l'Académie  royale  de  Peinture.  Pierre, 
premier  peintre  du  roi ,  ne  voulait  pas  que  l'on 
reçût  de  femmes  à  l'Académie ,  et  fit  de  l'opposi- 
tion ;  mais  Mme  Lebrun  fut  néanmoins  admise,  et 
elle  donna  pour  son  tableau  de  réception  :  La 
Paix  ramenant  V Abondance. 

Mme  Lebrun  ne  pouvait  plus  suffire  aux  de- 
mandes de  portraits  qu'on  lui  faisait;  elle  pei- 
gnait pourtant  avec  «  fureur  »,  suivant  sa  propre 
expression,  donnant  trois  séances  dans  la  même 
journée;  sa  santé  s'altéra  :  elle  dut  renoncer  à 
un  travail  exagéré  et  au  plaisir  de  dîner  en 
ville;  mais  elle  passait  ses  soirées  au  milieu 
d'une  société  brillante,  dans  une  petite  chambre 
fort  modeste.  La  foule  était  telle  que  faute  de 
sièges  on  s'asseyait  par  terre.  Grétry,  Sac- 
chini  et  Martini  y  faisaient  entendre  des  mor- 
ceaux de  leurs  opéras  avant  la  représentation  ; 
Garât,  Azevedo  et  Richer  y  chantaient  avec  elle. 
Sans  avoir  appris  la  musique,  elle  chantait  d'une 
manière  si  agréable  que  Grétry  disait  que  sa 
voix  avait  des  sons  argentés.  Viotti ,  Jarnovick, 
Cramer  s'y  faisaient  entendre  sur  leurs  instru- 
ments. Aux  soupers  qui  terminaient  les  soirées 
se  trouvaient  Delille,  Lebrun  Écouchard,  Bouf- 
flers,  le  vicomte  de  Ségur,  etc.  On  rapporte  qu'à 
l'époque  où  parut  le  Voyage  du  jeune  Ana- 
ckarsis,  Mme  Lebrun  ayant  entendu  la  lecture 
de  la  description  d'un  repas  grec  dans  cet  ou- 
vrage, s'imagina  d'en  donner  une  représentation  ; 
la  salle  fut  arrangée  en  conséquence ,  la  cuisine 
préparée  à  la  Spartiate;  à  mesure  que  les  convives 
arrivaient  on  les  habillait  à  la  grecque  ;  Lebrun 
devint  Pindare  ou  Anacréon  ;Chaudet,  Ginguené, 
Cubières  ,  Vigée,  frère  de  Mme  Lebrun,  se  cou- 
vrirent de  draperies  ;  Mme  de  Bonneuil,  Mrac  Vi- 
gée, Mme  Chalgrin  se  drapèrent  en  Athéniennes  : 
on  chanta  le  Dieu  de  Papkos  et  de  Gnide  de 
Gluck;  Cubières  accompagnait  sur  la  lyre; 
Lebrun-Pindare  récita  des  odes  d'Anacréon.  Des 
raisins  de  Corinthe,  des  figues,  des  olives,  une 
volaille  et  deux  anguilles  avec  des  sauces  primi- 
tives ,  des  gâteaux  de  miel ,  quelques  entremets 
légers  couvraient  la  table.  Deux  jeunes  filles  en 
esclaves  vêtues  de  longues  tuniques  versaient  aux 
convives  du  vin  de  Chypre  dans  des  coupes  d'Her- 
oulanum.  Deux  personnes  en  retard,  Je  comte 
de  Vaudreuil  et  le  financier  Boutin',  furent  bien 
surpris  en  arrivant  au  milieu  de  cette  fête,  dont 
le  bruit  se  lépandit  le  lendemaindans  tout  Paris. 
On  pria  Mme  Lebrun  de  la  renouveler,  elle  s'y 
refusa.  On  avait  dit  au  roi  que  cette  fête  avait 


ir>5  LEBRUN 

coûté  20,000  fr.;  à  Rome,  Mœe  Lebrun  entendit 
dire  *0,000  fr.  ;  à  Vienne,  la  baronne  de  Strogonof 
lui  apprit  qu'elle  avait  dépensé  60,000  fr.  pour 
son  souper  grec;  à  Saint-Pétersbourg  on  lui  parla 
de  80,000  fr.  «  La  vérité,  dit-elle,  est  que  ce  sou- 
per m'a  coûté  quinze  francs.  »  La  calomnie  ne 
ménageait  pas  alors  Mme  Lebrun.  On  disait  que 
Ménageot  n'était  pas  étranger  à  ses  peintures.  On 
lui  supposait  des  liaisons  avec  le  comte  deVau- 
dreuil  et  beaucoup  d'autres.  On  prétendait  que 
!e  contrôleur  général  de  Calonne  avait  payé  son 
portrait  avec  des  bonbons  enveloppés  dans  des 
billets  de  caisse.  «  Le  fait  est, dit  Mme  Lebrun, 
que  M.  de  Calonne  m'avait  envoyé  4,000  fr. 
dans  une  boîte  estimée  vingt  louis.  On  fut  même 
étonné  de  la  modicité  de  cette  somme;  car,  peu 
de  temps  auparavant,  M.  Beaujon,  que  je  venais 
de  peindre  de  la  même  grandeur,  m'avait  envoyé 
S, 000  fr.  sans  qu'on  s'avisât  de  trouver  ce  prix 
trop  énorme.  »  Mme  Lebrun  allait  souvent  à  Ge- 
nevilliers,  ohez  le  comte  de  Vaudreuil,  où  on 
jouait  la  comédie,  et  surtout  l'opéra  comique , 
genre  dans  lequel  elle  excellait.  En  1786,  Gau- 
dran,  négociant  de  Marseille,  ayant  acheté 
au  financier  Watelet  une  maison  de  campagne 
nommé  Moulin  Joli,  pria  Mme  Lebrun  d'y  ve- 
nir passer  un  mois  avec  sa  famille.  Le  bruit  cou- 
rut que  de  Calonne  lui  avait  donné  celte  pro- 
priété; elle  démentit  ce  bruit  dans  le  Journal  de 
Parût 

A  la  révolution,  Mme  Lebrun  crut  devoir  quit- 
ter la  France.  Au  mois  d'octobre  1789,  elle 
partit  pour  l'Italie.  Trois  jours  après  son  arrivée 
à  Bologne,  elle  fut  reçue  membre  de  l'Institut 
et  de  l'académie  de  cette  ville.  A  Rome,  le 
peintre  Ménageot,  qui  était  directeur  de  l'école 
de  France,  lui  lit  préparer  un  logement  dans  l'A- 
cadémie. L'Académie  de  Saint-Luc  l'accueillit 
dans  son  sein,  et  lui  demanda  son  portrait  pour 
morceau  de  réception.  Elle  fit  dans  la  capitale 
du  monde  chrétien  les  portraits  de  mesdames 
Adélaïde  et  Victoire  de  France ,  du  peintre  Ro- 
bert et  de  miss  Pitt  en  Hébé.  A  Naples,  elle  fut 
bien  reçue  de  la  reine,  et  peignit  toute  la  famille 
royale ,  les  artistes  éminents ,  les  beautés  cé- 
lèbres et  les  étrangers  de  distinction  qui  se  trou- 
vaient à  cette  cour.  On  cite  surtout  les  portraits 
de  lady  Hamilton,  qu'elle  représenta  en  bac- 
chante couchée  sur  les  bords  de  la  mer  et  sous 
les  traits  d'une  sibylle,  ainsi  que  le  portrait  de 
Paisiello.  M™'  Lebruu  alla  ensuite  à  Florence  et 
à  Parme,  où  elle  fut  admise  à  l'Académie  sur 
une  petite  tête  faite  d'après  sa  fille.  Elle  visita 
encore  Venise,  Vérone  et  Milan  ,  d'où  elle  partit 
pour  Vienne.  Le  comte  de  Kaunitz  la  fit  rece- 
voir à  la  cour.  Le  prince  de  Ligne  lui  prêta  un 
couvent  pour  habitation,  et  lui  adressa  des  vers. 
Elle  fit  à  Vienne  un  grand  nombre  de  portraits. 
De  Vienne  M">e  Lebrun  se  rendit  en  Prusse,  où 
le  prince  Henri  la  reçut  oomme  une  ancienne 
amie  :  il  l'avait  eonnueà  Paris;  enfin,  elle  arriva 
à  Saint-Pétersbourg  en  juillet  1795.  L'impéra- 


156 

trice  Catherine  lui  fit  faire  tous  les  portraits  de 
la  famille  impériale.  Le  souvenir  de  la  reine 
Marie-Antoinette  et  du  roi  Louis  XVI  poursuivait 
partout  Mme  Lebrun.  Voulant  les  peindre  dans  un 
des  moments  solennels  et  touchants  qui  durent 
précéder  leur  mort,  elle  écrivit  à  Cléry  ;  les  détails 
qu'elle  obtint  firent  sur  elle  une  telle  impression 
qu'elle  n'eut  pas  le  courage  d'entreprendre  un 
pareil  ouvrage;  elle  se  contenta  de  tracer  de  sou- 
venir un  portrait  de  Marie-Antoinette  qu'elle  en- 
voya à  la  duchesse  d'Angoulême  à  Mittau  en 
1800.  Mme  Lebrun  conserva  la  faveur  dont  elle 
jouissait  à  la  cour  de  Russie  après  l'avènement 
de  l'empereur  Paul  1er,  qui  lui  fit  peindre  l'impé- 
ratrice Marie.  Le  16  juin  1800,  Mme  Lebrun  fut  re- 
çue membre  de  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg, 
et  on  lui  demanda  encore  son  portrait  pour 
morceau  de  réception.  A  cette  époque,  sa  fille 
unique  épousa,  contre  sa  volonté ,  un  Français 
nommé  Nigris,  secrétaire  du  comte  Czernitchef, 
lequel  n'avait  aucune  fortune.  Mme  Lebrun  la 
dota  avec  le  produit  des  portraits  qu'elle  avait  i 
faits  en  Russie.  Après  la  mort  de  Paul  Ier,  le 
nouvel  empereur  Alexandre  Ier  se  fit  peindre 
par  Mme  Lebrun,  d'abord  en  buste ,  puis  à 
cheval.  Le  mauvais  état  de  sa  santé  força 
bientôt  Mme  Lebrun  de  quitter  la  Russie.  Elle 
revint  en  juillet  1801  à  Berlin,  où  elle  fit  le  por- 
trait de  la  reine  de  Prusse.  Avant  de  partir  de 
Berlin,  Mme  Lebrun  reçut  des  mains  du  direc- 
teur de  l'Académie  de  Peinture  un  diplôme  de 
membre  de  cette  académie.  L'ambassadeur  de 
France  lui  apprit  qu'elle  avait  été  rayée  de  la 
liste  des  émigrés  ;  elle  passa  à  Dresde,  et  arriva 
à  Paris  pendant  l'hiver  de  1801.  Le  15  avril 
1802,  Mme  Lebrun  partit  pour  l'Angleterre,  où , 
elle  resta  trois  ans,  et  où  elle  fit  le  portrait  du 
prince  de  Galles,  de  lord  Byron,  de  Mme  de , 
Polastron ,  et  d'autres. 

Revenue  à  Paris ,  Mrae  Lebrun  fut  chargée , 
par  Bonaparte  de  faire  le  portrait  de  Mme  Murât.  ; 
Bientôt  elle  s'en  alla  en  Suisse,  où  elle  passa  les 
années   1808  et  1809.   A  Coppet  Mme  Lebrun, 
s'imagina  de  représenter  M"»e  de  Staël  en  Co- 
rinne, tableau  qu'elle  acheva  à  Paris  et  qui  eut 
un  immense  succès.  Elle  rapporta  de  Suisse  des 
vues  pittoresques  comme  elle  en  avait  pris  en 
Ecosse.  A  son  retour,  elle  acheta  à  Lucienne,  près 
de  Marly,  une  maison  de  campagne,  qui  devint  le  | 
rendez-vous  d'une  aimable  société.  En  1814  ses 
appartements  furent  pillés  par  les  Prussiens ,  et 
elle  ne  fut  pas  mieux  traitée  en  1815.  LouisXVIIIi 
lui  fit  un  accueil  favorable.  En  1817  elle  exposa , 
Amphion  jouant  de  la  lyre,  puis  le  portrait  dei 
Marie-Antoinette  qui  avait  déjà  paru  en  1786.  | 
Ces    productions   ramenèrent     l'attention    sur 
Mme  Lebrun,  et,  suivant  l'expression  d'Alexandre 
Lenoir,  «  elle  fut  admirée  pour  la  première  fois 
des  jeunes  peintres  qui  ne  la  connaissaient  pas  ». 

En  1818,  M'»e  Lebrun  avait  perdu  sa  fille,  quilui  j 
-<  avait  causé,  dit-elle,  bien  des  chagrins,  et  à  qui 
jamais  elle  n'avait  pu  inspirer  le  goût  de  la  bonne  | 


157 


LEBRUN 


158 


ociété.  »  En  1820  elle  perdit  Vigée,  son  frère. 
Pour  se  distraire  elle  fit  un  petit  voyage  dans  le 
midi  de  la  France.  De  retour  à  Paris ,  elle  reprit 
ses  habitudes  de  travail.  Au  salon  de  1824,  elle 
\posa  les  portraits  de  la  duchesse  de  Berry  et 
le  la  duchesse  de  Guiche.  A  quatre-vingts  ans  elle 
fit  encore  le  portrait  de  M^ede  Rivière,  sa  nièce, 
ïuvre  qui  ne  se  sent  pas  de  la  vieillesse,  et  pré- 
sente de  la  vigueur  dans  le  coloris  et  de  la  fer- 
meté dans  la  touche.  Rien  ne  consolait  pourtant 
\lme  Lebrun  de  n'avoir  pu  retrouver  sa  place 
îans  la  nouvelle  Académie  des  Beaux-Arts  de 
'Institut,  qui  avait  succédé  à  l'ancienne  Académie 
!e  Peinture,  mais  qui,  moins  galante,  n'admet  pas 
es  femmes.  Son  salon  continuait  d'être  le  rendez- 
kous  du  meilleur  monde.  Elle  consacrait  ses 
loirées  à  la  société;  mais  dans  le  jour,  palette  en 
nain,  seule  ou  avec  son  modèle,  elle  se  livrait 
omplétement  à  son  travail  et  n'admettait  aucune 
listraction  :  sa  porte  était  close  autant  pour  les 
ouverains  et  les  princes  que  pour  ses  anus.  Une 
bis  hors  de  l'atelier,  elle  redevenait  une  femme 
limable,  désireuse  de  plaire.  Une  parfaite  in- 
elligence  du  clair-obscur,  l'art  de  jeter  les  dra- 
leries  avec  grâce ,  des  carnations  vraies  et  va- 
iées ,  quelque  chose  de  tendre  et  de  délicat  qui 
aisse deviner  la  force,  l'expression  franche  des 
aractères,  la  vivacité  de  l'âme,  tels  sont  les 
raits  distinctifs  de  son  talent.  Elle  avait  ras- 
emblé  chez  elle  un  certain  nombre  de  ses  ta- 
leaux  ;  elle  en  a  légué  quelques-uns  au  musée 
lu  Louvre. 

Mme  Lebrun  a  publié  :  Souvenirs  de  Mme 

•E.  Vigée- Lebrun;  Paris,  1835-1837,  3  vol. 
a-8°  :  le  premier  volume  contient  le  récit  de  la 
■remière  partie  de  la  vie  de  l'auteur  jusqu'à  son 
épart  pour  l'Italie  en  1789,  racontée  sous  forme 
e  lettres  adressées  à  la  princesse  Kourakin,  son 
mie  ;  à  la  suite,  sous  le  titre  de  notes  et  portraits, 
n  trouve  des  appréciations  et  des  anecdotes  sur 
■ivers  personnages  :  Delille ,  David ,  Champfort , 
Ime  de  Genlis,  la  duchesse  de  Poiignae,  etc.  La 
lort  de  la  princesse  Kourakin ,  enlevée  par  le 
holéraen  183-1,  avait  fait  renoncer  Mme  Lebrun 

ce  travail  ;  mais,  sur  les  instances  de  ses  amis  , 
lie  se  décida  à  l'achever  sous  la  forme  ordi- 
laire  des  mémoires ,  et  elle  remplit  ainsi  deux 
utres  volumes.  Son  voyage  en  Suisse  est  ra- 
onté  dans  une  dizaine  de  lettres  adressées   à 

princesse  Vincent  Potowska  ;  chaque  volume 

termine   par  la  liste  des  portraits  et  des 

sbleaux  exécutés  par  Mme  Lebrun    L'ouvrage 

st   illustré  des  portraits  de  Catherine  II,  de 

lme  Lebrun  et  de  la  reine  Louise  de  Prusse.  Son 

uvre  se  compose  de  662  portraits,  15  tableaux, 
t  près  de  200  paysages  pris  en  Suisse  ou  en  An- 
leterre.  Avant  son  mariage,  Mlle  Vigée  avait 
lit    paraître  un    opuscule  ayant  pour   titre  : 

mour  des  Français  pour  leur  Roi;  Paris, 
774,  in-8°.  L.  Louvet. 

M1"  Lebrun,  Souvenirs.  —  Alex.  Lenoir,  dans  le  Dict. 
?  la  Convers.  —  Aimé  Martin,  tfotice  sur  Mme  Lebrun. 


—  /liour.  univ.  et  portât,  des  Contemp  —  Arnault,  ,lay, 
Jou.v  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Contemp.  — ■  Journal 
des  Débuts,  6  avril  184i.  —  L'Artiste,  28  avril  1842. 

leuiutn-tossa  (  Jean-Antoine  ) ,  littéra- 
teur fiançais,  né  à  Pierrelatte  (Dauphiné),  le 
24  septembre  1760,  mort  à  Paris,  le  29  mars 
1837.  Venu  dans  la  capitale  à  l'époque  de  la 
révolution,  dont  il  avait  embrassé  les  principes,  il 
travailla  aux  journaux  républicains  et  fit  jouer  sur 
les  théâtres  des  pièces  empreintes  de  l'esprit  du 
temps.  Sous  l'Assemblée  législative  il  s'était  lié 
avec  les  girondins.  En  1793  il  dut  soumettre 
une  de  ses  pièces  au  comité  de  l'Instruction  pu- 
blique pour  être  autorisée  à  la  faire  jouer  ;  Lebrun 
fut  adressé  par  Domergueau  député  Romme,  qui 
faisait  partie  de  ce  comité  ;  et  l'on  raconte  que 
Lebrun  dut  subir  la  censure  de  la  servante  du 
représentant,  qui  la  consultait.  Il  s'agissait  de  la 
folie  d'un  roi  d'Angleterre;  Romme  trouva  que 
le  dénoûment  de  la  pièce  n'était  pas  assez  ré- 
publicain, parce  que  l'auleur  se  contentait  d'en- 
voyer son  héros  à  Bedlam  au  lieu  de  le  faire 
monter  sur  un  échafaud.  Payan  fut  moins  rigou- 
reux, et  la  pièce  fut  jouée.  Plus  tard  Lebrun- 
Tossa  fit  des  vers  en  l'honneur  de  Charlotte 
Corday ,  et  essaya  de  traduire  les  sans-culottes 
sur  la  scène.  Il  figura  parmi  les  défenseurs 
de  la  Convention  dans  la  journée  du  13  ven- 
démiaire, et  sous  le  Directoire  il  fut  employé 
comme  rédacteur  dans  les  bureaux  de  la  po- 
lice. Il  passa  ensuite  au  ministère  de  l'intérieur, 
d'où  il  sortit  en  1804  pour  entrer  dans  l'ad- 
ministration des  droits  réunis  dont  Français 
de  Nantes  était  le  directeur.  A  la  restauration, 
Lebrun-Tossa  était  chef  de  bureau  dans  cette 
administration.  Une  brochure  républicaine  qu'il 
fit  pendant  les  Cent  Jours  le  fit  mettre  à  la  re- 
traite le  1er  décembre  1815.  Comme  il  assistait 
un  jour  à  un  triage  de  papiers  dans  les  archives 
de  la  police ,  alors  qu'il  était  employé  dans  cette 
administration,  il  s'empara  d'un  poëme  drama- 
tique intitulé  Conaxa,  qui  provenait  de  la  bi- 
bliothèque d'un  monastère  de  Bretagne.  Lebrun- 
Tossa  prétendit  avoir  remis  ce  manuscrit  à 
Etienne  (  voy.  ce  nom  ),  qui  venait  de  débuter 
avec  succès  au  théâtre,  pour  qu'il  en  tirât  le  plan 
d'une  pièce  qu'ils  devaient  faire  ensemble.  Pen- 
dant deux  ans ,  toujours  à  ce  qu'il  raconte,  Le- 
brun attendit  vainement  la  communication  du  tra- 
vail de  son  spirituel  dépositaire,  et  après  quelques 
lettres  demeurées  sans  résultat,  il  vit  paraître 
les  Deux  Gendres ,  qui  furent  bientôt  signalés 
au  public  comme  empruntés  à  Conaxa.  Les 
amis  d'Etienne  reprochèrent  à  Lebrun-Tossa  d'a- 
voir violé  les  droits  d'une  ancienne  amitié  et  les 
lois  de  la  délicatesse.  Lebrun-Tossa  déclara  que 
malgré  les  torts  dont  il  croyait  Etienne  coupable 
envers  lui,  il  n'aurait  jamais  songé  à  l'accuser 
devant  le  tribunal  de  l'opinion  publique  si  des 
admirateurs  imprudents  d'Etienne  ne  l'avaient 
forcé  de  rompre  le  silence  après  la  découverte 
d'une  copie  de  Conaxa  à  la  Bibliothèque  impé- 


159 


LEBRUN 


160 


riale.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  public  s'amusait  à  la 
pièce  des  Deux  Gendres;  la  critique  ne  trouva 
pas  qu'Etienne  eût  fait  un  plagiat  coupable,  et 
une  grêle  de  brochures  tomba  sur  le  pauvre  Le- 
brun-Tossa,  qui  eut  aussi  une  lutte  d'épigram- 
mes  à  soutenir  contre  Fabien  Pillet.  On  a  de 
Lebrun-Tossa  :  Les  Noirs  et  les  Blancs ,  drame 
en  trois  actes  et  en  prose;  —  V Honnête  Aven- 
turier, comédie  en  un  acte  et  en  vers ,  au  théâtre 
Louvois;  Paris,  1798,  in-8°;  —  La  Folie  du 
roi  Georges,  ou  l'ouverture  du  parlement, 
comédie  en  trois  actes  au  théâtre  de  la  Cité; 
Paris,  1794,  in-8°;  —  Apothéose  de  Charlotte 
Corday  ;  —  Arabelle  et  Vascos,  ou  les  jaco- 
bins de  Goa,  drame  lyrique  en  trois  actes, 
musique  de  Marc,  au  théâtre  Favart;  Paris, 
1794,  in-8°;  —  Le  Cabaleur,  comédie  en  un 
acte  au  même  théâtre  ;  1794,  in-8°;  —  Alexan- 
drine  de  Bauni,  ou  l'innocence  et  la  scéléra- 
tesse; Paris,  1797,  in-12;  —  Le  Terne  à  la 
loterie,  ou  les  aventures  d'une  jeune  dame 
écrites  par  elle-même,  traduit  de  l'italien, 
1800,  in-12;  —  Le  Mont  Alphéa,  opéra  co- 
mique en  trois  actes;  Paris,  1796,  in-8°;  —  Le 
Savoir-faire ,  opéra  en  deux  actes;  Paris,  1795, 
in-8°  ;  —  Les  faux  Mendiants  ,  opéra  comique 
en  un  acte  et  en  vers,  au  théâtre  Montansier; 
Paris,  1798,  in-8°;  — .  Washington,  drame 
lyrique  en  trois  actes,  au  théâtre  Louvois;  — 
La  Jolie  Parfumeuse,  ou  la  robe  de  conseil- 
ler, vaudeville  en  un  acte  (  avec  Bonel  )  ;  Paris, 
1802,  in-8°  :  jouée  avec  succès  sur  différents 
théâtres  ;  —  Mes  Révélations  sur  M.  Etienne , 
les  Deux  Gendres  et  Conaxa;  Paris,  1812, 
in-8°  ;  —  Supplément  à  mes  Révélations,  en 
réponse  à  MM.  Etienne  et  Hoffmann;  Paris, 
1S12,  in-8°;  —  La  Patrie  avant  tout!  Eh! 
que  m'importe  Napoléon!  1815,  in-8°;  — 
L'Evangile  et  le  Budget;  Paris,  1817,  in-8°; 

—  Les  Consciences  littéraires  d' à-présent, 
avec  un  tableau  de  leurs  valeurs  comparées, 
indiquant  de  plus  les  degrés  de  talent  et 
d'esprit,  par  un  jury  de  vrais  libéraux; 
Paris,  1818,  in-8°  :  Lebrun-Tossa  se  traita  lui- 
même  assez  mal  dans  cet  ouvrage,  ne  se  donnant 
ni  conscience  ni  esprit  et  ne  s'accordant  qu'une 
faible  dose  de  talent  ;  —  Voltaire  jugé  par  les 
faits;  Paris,  1817,  in-8°  ;  —  Plus  de  charte 
octroyée  ;  plus  de  noblesse  héréditaire!  par 
l'aveugle  du  Marais  (qui  n'y  voit  que  trop 
clair);  Paris,  août  1830,  in-8°.  J.  V. 

Fabien  Pillet,  Revue  des  Auteurs  vivants  grands  et 
petits,  an  vi,  in-lî.  —  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins, 
Bioqraphie  nouvelle  des  Contemporains.  —  Biogr.  des 
Hommes  vivants.  —  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp. 

—  Quérard ,  La  France  Littéraire. 

lërrcn  (Pierre),  magistrat  français,  né 
à  Montpellier,  en  1761,  mort  à  Paris  le  17  no- 
vembre 1810.  Il  se  destina  de  bonne  heure  à  la 
magistrature,  et  obtint  une  charge  de  conseiller 
à  la  cour  des  aides  de  Montpellier.  Cette  place 
ayant  été  supprimée  en  1791,  il  vint  se  fixer  à 
Paris,  où  il  était  juge  à  la  cour  d'appel  à  l'é- 


poque de  sa  mort.  Dès  sa  jeunesse,  il  avait  cul- 
tivé la  poésie  avec  succès  et  donné  des  pièces 
de  vers  à  divers  recueils.  La  traduction  de  l'Art 
poétique  en  vers  français,  qui  se  trouve  dans 
la  traduction  des  poésies  d'Horace  publiée  par 
le  comte  Daru,  appartient  à  Pierre  Lebrun,  qui 
était  le  beau-frère  du  comte.  On  a  en  outre  de 
Lebrun  une  traduction  de  Salluste;  Paris,  1809, 
2  vol.  in-12.  11  a  publié  aussi  le  Journal  des 
Causes  célèbres,  et  il  a/travaillé  au  Journal  du 
Barreau.  J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Con- 
temp. —  Biogr:  univ.  et  portât,  des  Contemp. 

lebrcn  (  Pierre-  Henri-  Hélène-  Marie 
Tondu  ),  homme  d'État  et  publiciste  français,  né 
à  Noyon,  en  1763,  guillotiné  à  Paris,  le  7  nivôse 
an  il  (  27  décembre  1793).  Il  fit  ses  études  au. 
collège  Louis-le-Grand,  à  Paris,  suivit  la  carrière 
ecclésiastique,  et  fut  d'abord  connu  sous  le  nom 
de  l'abbé  Tondu.  11  avait,  obtenu  une  place  à 
l'Observatoire,  et  s'adonnait  aux  mathématiques 
lorsqu'il  lui  prit  fantaisie  de  se  faire  soldat. 
Bientôt  dégoûté  de  l'état  militaire,  il  eut  recours 
à  la  bienveillance  de  Louis  XVI  pour  obtenir  sa 
libération.  Il  se  rendit  alors  dans  les  Pays-Bas, 
se  fit  compositeur  et  journaliste,  et  en  1787 
joua  un  rôle  dans  la  révolution  de  Liège.  En 
1790,  il  s'établit  imprimeur  à  Hervé  (  Limbourg), 
et  critiqua  vivement  van  der  Noot,  van  Eupen 
et  «  la  tournure  monacale  »  que  prenait  la  ré- 
volution belge.  En  1791,  il  vint  à  Paris,  et  parut  à 
l'Assemblée  nationale  à  la  tête  d'une  députation 
de  patriotes  liégeois;  il  rédigeait  alors  le  Journal 
général  de  l'Europe  et  soutenait  avec  quelque 
talent  les  idées  nouvelles.  Dumouriez  et  Brissot 
s'intéressèrent  à  lui,  et  le  firent  entrer  dans  les 
bureaux  des  Affaires  étrangères.  Le  zèle  et  le  pa- 
triotisme qu'il  déploya  décidèrent  les  girondins 
à  le  porter  au  ministère  de  ce  département  après 
le  10  août  1792.  «  Et,  dit  M.  Thiers,  l'on  récom- 
pensa dans  sa  personne  l'un  de  ces  hommes  labo- 
rieux  qui  faisaient  auparavant  tout  le  travail  dont 
les  ministres  avaient  l'honneur.  C'était  au  surplus 
un  homme  faible,  mais  attaché  aux  girondins  par 
ses  lumières.»  Le  25  septembre  Lebrun  rendil 
à  la  Convention  un  compte  détaillé  de  son  ad- 
ministration, de  la  situation  de  la  France  vis-à-vis 
des  puissances  étrangères,  et  esquissa  le  tableau 
de  l'Europe  politique.  En  octobre  il  fut  provi- 
soirement chargé  du  portefeuille  de  la  Gueire 
abandonné  par  Servan.  Les  19  et  31  décembre, 
il  fit  des  rapports  sur  les  intentions  hostiles  àt 
l'Angleterre;  il  déposa  en  même  temps  les  pro-i 
testations  de  l'Espagne  en  faveur  de  Louis  XVI, 
Comme  président  de  quinzaine  du  Conseil  exécu 
tif  il  signa,  le  20  janvier  1793,  l'ordre  du  sup- 
plice  de  ce  monarque.  Le  7  mars  suivant,  il 
apprit  à  l'assemblée  la  rupture  des  relations  di- 
plomatiques avec  l'Espagne  et  l'imminence  d'une 
guerre  avec  cette  puissance.  Dans  le  même 
temps  il  cherchait  à  se  rapprocher  du  cabinel 
anglais;  néanmoins  Bobespierre  l'accusa  formel- 


161 


lement  d'avoir  provoqué  la  guerre  sans  être  en 
mesure  de  la  soutenir.  Une  lettre  de  Talon  trou- 
vée dans  la  fameuse  armoire  de  fer  ayant  fait 
suspecter  Sémonville  d'avoir  été  en  intelligence 
avec  Louis  XVI,  Lebrun  se  hâta  de  destituer  ce 
fonctionnaire.  Cependant  cette  mesure  parut  tar- 
dive au  comité  de  sûreté  générale,  et  le  2  juin 
la  Convention  fit  arrêter  Lebrun  ainsi  que  son 
collègue  Clavière.  Il  fut  mis  en  jugement  le 
5  septembre.  Billaud  réclama  son  prompt  sup- 
plice ;  mais  Lebrun  parvint  à  s'évader  le  9.  L'a- 
gent Héron  découvrit  sa  retraite,  et  l'arrêta  de 
nouveau  le  4  nivôse  an  H  (  24  décembre  1793), 
et  trois  jours  après  Lebrun  était  condamné  à 
mort  par  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris 
«  comme  contre-révolutionnaire,  ayant  été  appelé 
au  ministère  par  Brissot,  Roland,  Dumouriez,  et 
ayant  à  cette  époque  été  l'âme  du  parti  d'Orléans 
et  appuyé  de  tous  ses  efforts  ,  avec  Clavière  et 
Roland ,  la  proposition  de  Kersaint  de  fuir  au  delà 
de  la  Loire  avec  l'Assemblée  législative,  le  conseil 
exécutif  et  Capet  ».  La  sentence  fut  exécutée  le 
jour  même.  Mme  Roland  dit  de  Lebrun -Tondu 
«  qu'il  passoit  pour  un  esprit  sage  parce  qu'il 
n'avoit  d'élans  d'aucune  espèce,  et  pour  un  ha- 
bile homme  parce  qu'il  éto'it  assez  bon  commis , 
mais  qu'il  n'avoit  ni  activité,  ni  esprit,  ni  carac- 
tère. »  H.  Lesueuk. 

Le  Moniteur  universel ,  an  1792, nos  225,  ?6l,  277,  291, 
314,  339,  34a,  368  ;  an  1er,  n°s  3,  64,  88,  104,  251,  253  ;  an  II, 
95,  100.  —  IMme  Roland ,  Mémoires.  —  Biographie 
moderne  (  1806).  —  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr. 
nouv.  des  Contemp.  —  Thiers,  Histoire  de  la  République 
française,  t.  II,  p.  224;  t.  III,  p.  43,  126-127,  228;  t.  IV, 
S.  —  Dulaure,  Esquisses  historiques  de  la  Révolution 
française,  t.  II,  p.  287.  —  Lamartine,  Histoire  des  Gi- 
rondins, t.  III,  p.  304,  308. 

LiEBRUis  (  Louis-Sébastien  ) ,  compositeur 
français,  né  à  Paris,  le  10  décembre  1764,  mort 
dans  la  même  ville,  le  28  juin  1829.  Entré  comme 
enfant  de  chœur  à  la  maîtrise  de  Notre-Dame  en 
1771,  il  y  apprit  la  musique  et  la  composition. 
Il  en  sortit  en  1783,  pour  remplir  les  fonctions  de 
maître  de  chapelle  à  l'église  Saint-Germain- 
l'Auxerrois.  Trois  ans  après ,  il  débuta  comme 
ténor  à  l'Académie  royale  de  Musique,  en  mars 
1787,  par  le  rôle  de  Polynice  dans  Œdipe  à 
Colorie;  mais  il  fit  peu  d'effet.  Il  se  fit  entendre 
ensuite  au  concert  spirituel ,  où  il  eut  un  doublé 
succès  comme  chanteur  et  comme  compositeur. 
En  1791  il  passa  au  théâtre  Feydeau ,  où  il  resta 
jusqu'en  1799.  Il  retourna  alors  à  l'Opéra,  comme 
double,  et  se  retira  de  la  scène  en  1803;  à  cette 
époque  il  obtint  une  place  de  maître  de  chant  à 
l'Académie  impériale  de  Musique.  En  1807  il  fut 
admis  à  la  chapelle  de  Napoléon  comme  ténor,  et 
n  1810  il  devint  chef  du  chant  de  la  même 
chapelle.  On  a  de  Lebrun  :  VArt  d'Aimer,  ou 
'.'amour  au  village,  opéra  comique  en  un  acte, 
m  théâtre  Montansier  ;  1790  ;  —  Ils  ne  savent 
oas  lire,  en  un  acte,  au  même  théâtre;  1791  ; 
—  Le  Bon  fils,  un  acte,  au  théâtre  Feydeau; 
1795;  —Emilie  et  Melcour,  au  théâtre  Lou- 
rois;  1797;  —  Un  Moment  d'erreur,  en  un 

NOUV.    BIOGR.    GENER.    —    T.    XXX. 


LEBRUN  lfî2 

acte,  au  même  théâtre;  —  L'Astronome,  un 
acte,  même  théâtre;  1798;  —  Le  Menteur  ma- 
ladroit, en  un  acte,  au  théâtre  Molière;  1798; 

—  La  Veuve  américaine ,  en  deux  aetes,  au 
théâtre  Louvois;  1799;  —  Le  Maçon,  en  un 
acte,  au  théâtre  Feydeau  ;  1800;  —  Marcellin, 
en  un  acte,  au  même  théâtre  ;  1800;  —  Eléo- 
nore  et  Dorval,  ou  la  suite  de  la  Cinquan- 
taine, en  un  acte,  au  théâtre  Montansier;  1800; 

—  Les  petits  Aveugles  de  Franconville ,  en  un 
acte,  au  même  théâtre;  1802;  — Le  Rossignol, 
opéra  en  un  acte,  à  l'Opéra  ;  1816  :  ouvrage  qui 
a  eu  du  succès,  grâce  au  talent  de  Mme  Albert 
Hymm,  qui  jouait  le  rôle  principal,  et  au  talent 
deTulou  sur  la  flûte;  —  Zéloïde,  ou  les  fleurs 
enchantées ,  en  deux  actes,  au  même  théâtre; 
1818.  Un  opéra  de  Lebrun,  en  cinq  actes,  inti- 
tulé :  L'An  II,  reçu  et  répété,  tut  ajournéen  l'an  iv 
par  suite  de  considérations  politiques.  Plusieurs 
de  ses  partitions  ont  été  gravées.  Il  a  aussi  pu- 
blié un  recueil  de  romances.  On  connaît  enfin  de  lui 
quelques  morceaux  d'église,  entre  autres  un  Te 
Deum  avec  orchestre  exécuté  à  Notre-Dame  en 
1809,  en  actions  de  grâces  de  la  victoire  de  Wa- 
grarn  ;  —  une  Messe  solennelle,  chantée  à  Saint- 
Eustacheà  la  fêle  de  Sainte-Cécile  en  1815;  — et 
une  autre  Messe  en  trio  avec  instruments  à  cor- 
des exécutée  à  Saint-Maur  en  1826,  à  la  fête  de 
Sainte-Thérèse. 


J.  V. 

Fétis,  Biogr.  univ.  des  Musiciens.  —  Arnault,  Jay,  Jouy 
et  Norvins,  Biographie  nouv.  des  Contemp.  —  Biogr. 
■univ.  et  portât,  des  Contemp. 

ijebron  (  Louis  ),  architecf e  français ,  né  à 
Douai,  en  1770,  mort  vers  1840.  Dès  son  enfance 
il  montra  beaucoup  de  goût  pour  le  dessin.  Reçu 
à  l'École  Polytechnique,  il  fit,  après  sa  sortie  de 
cette  école,  un  voyage  aux  terres  australes  avec 
le  capitaine  Baudin.  De  retour,  il  appliqua  à  l'ar- 
chitecture l'étude  des  mathématiques ,  et  préten- 
dit que  l'architecture  n'était  point  une  simple 
connaissance  des  lignes ,  un  art  arbitraire,  mais 
bien  une  science  positive  ayant  pour  base  les 
lois  de  la  stabilité  ,  constituée  sur  le  principe  de 
l'égalité  entre  les  supports  et  le  fardeau.  Sans 
ménagement  pour  ses  confrères ,  il  prétendit  que 
l'architecture  de  son  temps  n'était  qu'une  rou- 
tine, sans  principes  arrêtés  ;  que  les  construc- 
tions publiques  et  particulières  ne  dépendaient 
plus,  pour  la  conception  et  l'exécution,  que  des 
idées  et  de  la  modération  ou  de  l'exigence  de 
l'architecte  qui  en  fixait  la  dépense  à  sa  volonté 
ou  plutôt  à  son  caprice.  Si  les  monuments  restent 
debout  sans  que  les  constructeurs  connaissent 
la  statique,  c'est  selon  lui  parce  que  les  archi- 
tectes sont  guidés  à  leur  insu  par  les  règles  des 
anciens  conservées  dansquelquesdébris.  Combat- 
tant les  écoles  et  les  professeurs  en  renom  ainsi 
que  les  académies,  il  alla  jusqu'à  adresser  ses 
réclamations  à  la  chambre  des  députés,  mais  sans 
pouvoir  se  faire  entendre.  On  a  de  lui  :  Formation 
géométrique  des  quatre  ordres  de  L'architec- 
ture grecque, et  leurs  proportions  déduites  des 


163 


LEBRUN 


164 


proportions  arithmétiques  et  fondées  sur  la 
stabilité^  par  laquelle  on  démontre  que  les 
principes  de  l'équilibre  ne  sont  pas  applica- 
bles à  la  construction;  Paris,  1816,  in-8<>, 
oblong;  —  Mémoire  contre  l'enseignement 
professé  jusqu'à  présent  dans  l'École  royale 
d'Architecture,  appuyé  de  la  correction  des 
plans  de  la  coupe  et  de  l'élévation  de  l'église 
de  Sainte-Geneviève  (  ci-devant  Panthéon 
français);  Paris,  1817,  in-4°  ;  —  Appel  aux 
savants,  aux  ingénieurs  et  aux  géomètres 
dans  l'examen  des  principes  retrouvés  de 
l'architecture,  et  au  gouvernement  pour 
l'admission  de  ces  mêmes  principes  dans  l'en- 
seignement, tant  public  que  particulier,  de 
cette  science;  Paris,  1S20,  in-4°;  — Mémoire 
au  roi,  en  son  conseil,  sur  les  routines  qui 
existent  dans  l'enseignement  des  écoles  roya- 
les d'architecture,  sur  la  tolérance  ou  l'a- 
veuglement à  cet  égard  du  ministère  de  l'in- 
térieur; sur  les  fausses  doctrines  projessées 
par  les  membres  de  V Académie  d'Architec- 
ture ,  et  sur  la  nécessité  de  réformer  toutes 
les  parties  de  cet  enseignement,  réorganiser 
les  cours  publics,  changer  les  professeurs, 
réinstruire  les  élèves,  enfin  rendre  à  la 
science  de  l'architecture  l'éclat  et  la  gran- 
deur dont  elle  a  joui  sous  les  Grecs  au  temps 
des  beaux  siècles  de  cet  empire;  —  Précis 
général  contre  le  manque  des  principes  de 
proportion  et  de  stabilité  des  deux  Écoles 
d' Architecture  et  des  Ponts  et  Chaussées  et 
Application  de  ces  principes  au  transport  et  à 
la  pose  de  l'obélisque  de  Louqsor  mis  en  place 
avec  six  hommes;  Paris,  1834,  in-4°.  J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jony  et  Norvins,  Biogr.nouv.  des  Con- 
temp.  —  lliour.  tmiv-  et  portât-  des  Contemp.  —  Que- 
rard,  La  France  Littéraire. 

*  LE  BRUN  DE  CHARMETTES  (  Philippe 
Alexandre),  historien  et  poète  français,  né  à  Bor- 
deaux, le  7  avril  1785-  Après  avoir  été  canon- 
nier  de  la  compagnie  d'artillerie  de  la  garde  na- 
tionale de  l'Ile-de-France  (île  Maurice  )  en  1801 
et  1802,  il  fut  attaché  au  conseil  d'État  (secréta- 
riat de  la  section  de  l'intérieur  )  du  1er  no- 
vembre 1810  au  30  juin  1811.  Il  fut  sous- préfet 
depuis  1815,  et  était  préfet  de  la  Haute-Saône 
en  1830.  Outre  plusieurs  traductions  de  l'an- 
glais et  de  l'italien ,  on  a  de  lui  :  Histoire  de 
Jeanne  d'Arc,  surnommée  la  Pucelle  d'Or- 
léans, tirée  de  ses  propres  déclarations,  de 
144  dépositions  de  témoins  oculaires,  et  des 
manuscrits  delà  Bibliothèque  du  Roi  et  delà 
Tour  de  Londres  ;  Paris,  1817,  4  vol.  in-8°  ;  — 
L'Orléanide,  poème  national  en  28  chants  ;  Paris, 
1819,  2  vol.  in-8°;  et  1821,  2  vol.  in-8°,  avec 
des  changements;  —  Muséum  Littéraire,  ou 
éludes  de  littératureet  de  morale,  extraits  des 
ouvrages  en  vers  et  en  prose  des  grands  écri- 
vains des  dix-sept,  dix-huit  et  dix-neuvième 
siècles  ;  Paris,  1822,  2  vol.  in-8°  ;  —  Monuments 
historiques  ;  dans  le  Journal  des  Villes  et  Cam- 


pagnes d'octobre  1834;—  L'Abeille, journal  des 
intérêts  des  eampagnes  d'Eure-et-Loir  et  de 
l'Orne,  dont  M.  de  Charmettes  fut  le  rédacteur 
en  chef  du  21  mars  1848  au  2  septembre  1849. 
L'un  des  numéros  de  décembre  1848  contient  : 
Ode  au  souverain  pontife  Pie  ÎX. 

Lebrun  de  Charmetteî  a  publié  un  certain 
nombre  d'articles  politiques  dans  le  Journal 
politique  et  littéraire,  du  département  de  la 
Sarthe,  du  12  novembre  1817  au  16  décembre 
1818;  diverses  proclamations  dans  les  Petites 
Affiches  de  l'arrondissement  de  Coulommiers, 
de  1821  à  1823;  dans  le  Journal  dît  départe- 
ment de  la  Haute-Saône  et  dans  le  Recueil 
des  actes  administratifs  de  ce  département  on 
1829  et  1830,et  un  grand  nombre  d'articles  po- 
litiques dans  la  Gazette  de  France,  dans  la 
Gazette  de  la  Franche- Comté  etc.  Son  porte- 
feuille contient  inédits  des  poèmes  épiques,  tra- 
gédies, satires,  odes,  romances,  chansons,  fa- 
bles, etc.,  qui  mériteraient  de  voir  le  jour. 
Roullier. 
Documents  inédits. 

*  LKRRrx  (Pierre-Antoine),  poète  et  sénateur 
français,  néà  Paris,  le  29décembre  1785.  Dès  l'âge 
de  douze  ans  une  vocation  poétique  remarquable 
se  révéla  en  lui.  Quelques  essais  communiqués 
à  François  de  Neufchâteau ,  ministre  de  l'inté- 
rieur, méritèrent  au  jeune  Lebrun  d'être  admis 
au  Prytanée  français  ;  le  ministre  voulut  l'y  me- 
ner lui-même,  et  le  présenta  aux  professeurs  et 
aux  élèves.  M.  Lebrun  réussit  dans  ses  classes 
sans  négliger  la  poésie.  Parmi  les  pièces  de  vers 
qu'il  fit  au  collège,  on  cite  un  petit  poème  pour 
la  plantation  d'un  arbre  de  la  liberté  à  Van- 
vres,  maison  de  campagne  du  Prytanée.  Ses  ca- 
marades prétendirent  que  ces  vers  lui  avaient 
été  dictés  par  le  poète  Lebrun,  qu'ils  appelaient 
son  oncle.  «  Je  puis  bien  avoir  fait  une  chanson, 
leur  disaitle  jeune  écolier  puisquej'ai  fait  une  tra- 
gédie (1).  M.  Lebrun  fut  au  nombre  des  élèves 
qu'on  envoya  en  colonie  à  Saint-Cyr,  où  le  premier 
consul  avait  ordonné  la  formation  d'un  nou- 
veau prytanée.  Un  jour  que  Bonaparte  visitait 
cet  établissement,  il  fut  bien  étonné  de  voir 
en  chaire  un  professeur  revêtu  de  l'uuiforme 
des  écoliers.  C'était  M.  Lebrun  qui  suppléait  le 
professeur  de  rhétorique,  de  Guérie,  malade.  Bo- 
naparte prit  part  à  la  leçon,  interrogea  les  élèves 
sur  les  tropes,  les  leur  expliqua,  dit-on,  à  sa  ma- 
nière, et  satisfait  de  la  façon  dont  le  professeur 
imberbe  s'acquittait  de  sa  tâche,  il  lui  demanda  en 
sortant  à  quoi  il  se  destinait  ?  «  A  chanter  votre 
gloire  »,  réponditM.  Lebrun.  Quelques  jours  après 
la  bataille  d'Austerlitz,  Napoléon,  étant  au  château 
de  Schœnbrun,  ouvrit  le  Moniteur  après  dîner. 
Il  y  vit  une  Ode  à  la  grande  armée  signée  Le- 
brun. «■  Lisez-la,  »  dit-il  à  Daru ,  et  pendant  la  ! 


(1)11  y  avaiten  effet  dans  les  essais  mis  sous  les  yeux  de 
François  de  Neufchâteau  une  tragédie  de  Corolian, dont 
M.  Sainte-Beuve  dit  qu'il  existe  encore  une  scène 


165 


LEBRUN 


166 


lecture.il  loua,  critiqua,  et  conclut  en  ordonnant 
d'écrire  à  Lebrun  Ecouchard  que  l'empereur  lui 
accordait  une  pension  de  6,000  fr.  Des  journaux 
de  Paris  tombèrent  dans  la  môme  méprise,  et  dé- 
clarèrent que  jamais  !e  chantre  du  Vengeur  n'a- 
vait été  mieux  inspiré.  François  de  Neufchàteau 
écrivit  au  Pindare  français  que  cette  ode  était  son 
meilleur  ouvrage,  et  Cliénier  le  louaencoresursa 
tombe  de  cette  ode  qu'il  n'avait  point  laite,  comme 
aussi  Renouard  dans  son  discours  de  réception, 
lorsqu'il  vint  prendre  la  place  de  Lebrun  à  l'Aca- 
démie. Cependant  l'erreur  avait  été  reconnue ,  et 
lorsque  l'empereur  sut  que  l'ode  était  de  l'élève 
de  Saint-Cyr,  les  6,000  fr.  se  convertirent  pour 
le  jeune  homme  en  une  pension  de  1 ,200  fr.  Le 
vieux  Lebrun  en  eut  beaucoup  de  mauvaise 
humeur.  Ginguené,  qui  n'avait  pas  été  dupe, 
donna  des  encouragements  sérieux  au  véritable 
auteur.  Fontanes,  président  du  corps  législatif, 
dans  le  discours  qu'il  prononça  à  l'occasion  des 
drapeaux  envoyés  à  celte  assemblée  par  Napoléon 
du  champ  de  bataille  d'Auterlitz,  fit  lui-même  allu- 
sion au  jeune  poète  qui  avait  chanté  la  victoire,  et 
à  la  pension  qui  venait  de  lui  être  donnée.  «  Un 
jeune  talent  s'élève,  dit-il,  l'empereur  le  récom- 
pense. »  En  1806,  M.  Lebrun  composa  une 
tragédie  ou  pastorale  dramatique,  intitulée  Pal- 
las, fils  cT Evandre,  inspirée  des  derniers  chants 
de  ['Enéide,  où  l'on  trouve  plus  de  naturel  et  de 
pathétique  que  semblait  n'en  comporter  la  litté- 
rature impériale.  Lorsque  le  vieux  Lebrun  mou- 
rut, en  1807,  son  jeune  émule  publia  une  ode 
dans  laquelle  il  paraissait  ne  se  souvenir  que  du 
talent  de  son  jaloux  et  peu  généreux  homonyme. 
11  lit  eneore  deux  Odes  sur  les  campagnes  de 
1806  et  de  1807,  une  ode  adressée  Au  vaisseau 
de  l'Angleterre,  etc.  Un  jour,  à  Fontainebleau, 
en  (808,  l'empereur  dit  à  une  dame  du  palais 
qui  s'intéressait  à  M.  Lebrun  :  «  Que  fait-il?  J'ai 
lu  dans  le  temps  son  ode  à  l'armée  :  ce  jeune 
homme  a  de  la  verve,  mais  on  dit  qu'il  s'en- 
dort. »  Ce  mot  fut  rapporté  au  poète,  qui  fit  une 
réponse  dans  laquelle  perçaient  des  allusions  à 
une  ancienne  passion  qu'avait  ressentie  Napo- 
léon pour  la  dame  du  palais  qui  lui  servait  d'in- 
termédiaire; ces  vers  ne  furent,  pas  imprimés 
alors  non  plus  que  d'autres  que  M.  Lebrun  avait 
composés  sur  la  mort  du  fils  aîné  de  la  reine 
Hortense.  Napoléon  fit  dire  à  l'auteur  qu'il  dé- 
sirait que  ces  vers  ne  fussent  pas  publiés.  Fran- 
çais de  Nantes  attirait  comme  on  sait  les  litté- 
rateurs dans  l'administration  des  droits  réunis, 
où  il  leur  donnait  des  fonctions  qui  leur  laissaient 
tout  le  temps  de  chanter  la  gloire  de  l'empire. 
M.  Lebrun  fut  nommé  à  la  place  de  receveur 
principal  des  droits  réunis  au  Havre,  position 
qui  lui  permettait  de  résider  une  grande  partie 
de  l'année  à  Rouen  et  même  à  Paris.  Ulysse, 
tragédieen  cinq  actes,  fut  représentée  à  la  Comé- 
dje-Française,  le  28  avril  1814,  cinq  jours  avant 
la  rentrée  de  Louis  XVI II  dans  la  capitale.  Un 
succès    d'estime    accueillit    cet   ouvrage ,  que 


jouaient  Talma,  Mllp  Georges  etMlieDuchesnois. 
On  voulut  y  voir  des  allusions  au  retour  du  roi 
légitime.  La  pièce  n'eut  que  quelques  représenta- 
tions, et  fut  reprise  l'année  suivante.  La  chute 
de  l'empire  remplitd'amerlume  l'àme  de  M.  Le- 
brun. Il  fit  alors  deux  odes  ou  messéniennes; 
l'une  est  intitulée  :  Jeanne  d'Arc  ;  l'autre  est  une 
paraphrase  du  psaume  Super  jlumina.  La  perte 
de  sa  place  rendit  complètement  M.  Lebrun  à  la 
littérature,  et  en  1817  il  remporta  l'un  des  prix  de 
l'Académie  Française  pour  son  poème  du  Bon- 
heur que  procure  l'étude  dans  toutes  les  si- 
tuations de  la  vie.  Marie  Stuart ,  représentée 
en  1820,  eut  un  grand  succès  au  Théâtre-Fran- 
çais. C'est  l'ouvrage  capital  de  M.  Lebrun.  Re- 
prise en  1840  par  M"e  Hache!,  cette  pièce  fut 
reçue  avec  la  même  faveur.  On  y  trouve  des 
situations  pathétiques,  et  le  poète,  s'inspirant  à 
la  fois  de  Racine  et  de  Schiller,  sut  combiner 
avec  la  simplicité  régulière  et  savante  de  l'an- 
cienne tragédie  classique  une  certaine  mesure 
de  liberté,  de  couleur  et  de  mouvement  néces- 
saire au  drame  moderne.  M.  Lebrun  satisfaisait 
les  novateurs  par  certaines  qualités  de  langage 
qu'à  cette  époque  on  ne  trouvait  pas  au  même 
degré  chez  les  autres  tragiques.  «  En  redescen- 
dant du  cothurne  de  l'empire,  dit  M.  Sainte-Beuve, 
on  goûtait  fort  chez  lui  quelque  chose  de  senti, 
de  naturel ,  et  de  vrai  dans  la  diction ,  d'assez 
voisin  de  la  prose,  avec  du  feu  poétique  pourtant 
et  des  veines  dechaleur.  »  Hégésippe  Moreau,  dans 
une  épître  adressée  à  M.  Lebrun,  caractérise  le 
succès  de  Marie  Stuart  par  ces  deux  vers  : 

On  voudrait  applaudir;  mais  le  bruit  aes  bravos 
Est  sans  cesse  étouffe  par  celui  des  sanglots. 

Le  surlendemain  de  la  première  représentation 
de  Marie  Stuart,  M.  Lebrun,  s'arrachant  au 
triomphe,  selon  l'expression  de  M.  Sainte  Beuve, 
partit  pour  la  Grèce.  Il  s'embarqua  à  Marseille 
sur  Le  Thémistocle ,  commandé  par  Tombasi, 
depuis  navarque  de  la  flotte  grecque.  11  visita 
l'archipel  ;  Ithaque  attira  surtout  ses  regards,  et 
une  ode  consacra  ses  impressions.  De  retour  à 
Paris  en  1821,  il  publia  un  poème  lyrique  sur 
la  mort  de  Napoléon  ;  «  morceau  étendu , 
plein  d'harmonie ,  de  souffle  et  d'émotion,  »  au 
jugement  de  M.  Sainte-Beuve.  La  pension  de 
1,200  fr.  qu'il  devaità  l'empereur  et  qui  lui  avait 
été  conservée,  lui  fut  ôtée  alors  par  le  ministère 
Villèle. 

Le  Cid  d'Andalousie  fut  représenté  le  1er  mars 
1825 ,  après  mille  tracasseries  de  la  censure. 
C'était  à  Chateaubriand,  alors  ministre,  que 
M.  Lebrun  avait  dû  l'autorisation  de  faire  jouer 
sa  pièce,  non  sans  mutilation.  Il  s'était  adressé 
à  ce  ministre  littérateur  comme  au  patron  na- 
turel des  gens  de  lettre».  Chateaubriand  l'avait 
reçu  par  ces  paroles  :  «  On  dit  qu'un  roi  joue 
un  vilain  rôle  dans  votre  pièce;  cependant, 
monsieur,  il  serait  bien  temps,  ce  me  semble,  de 
laisser  les  rois  tranquilles.  »  M.  Lebrun  pro- 
testa contre  toute  allusion,  et  se  retrancha  dans 

6. 


167 


LEBRUN 


1G8 


la  vérité  de  l'histoire.  A  la  représentation,  la 
pièce  ne  passa  pas  sans  opposition, quoiqu'elle  fût 
jouée  par  Talma  et  M1'0  Mars.  Quelques  scènes 
déplurent,  notamment  ce  qu'on  a  nommé  lascène 
du  banc,  dans  laquelle  le  héros  de  la  pièce,  assis 
aux  pieds  de  sa  bien  aimée,  lui  rappelle  les  pro- 
grès de  leur  amour.  La  seconde  représentation 
réussit,  mais  à  la  quatrième  une  indisposition  de 
Desmousseaux  arrêta  la  pièce.  Desmousseaux 
remis,  Talma  partit  en  congé  ;  au  retour  de  Tal- 
ma, Michelot  refusa  de  reprendre  son  rôle,  qui 
lui  paraissait  odieux.  Talma  mourut,  et  la  pièce 
ne  put  être  reprise.  Pendant  que  ses  confrères 
chantaient  le  sacre  de  Charles  X,  le  29  mai  1825, 
M.  Lebrun  chantait  sa  retraite  de  Champrosay. 
La  même  année  M.  Lebrun  allait  en  Ecosse,  et  y 
passait  trois  jours  à  Abbotsford ,  visitant  avec 
Walter  Scott  tous  les  environs.  En  1828  parut 
le  poème  de  La  Grèce.  «  La  Grèce  était  devenue 
à  la  mode,  remarque  M.  Sainte-Beuve,  et  le  trou- 
peau desrimeurs  y  avait  passé.  Tout  l'Eurotas, 
chaque  semaine,  était  bu  ;  on  ne  voyait  qu'abattis 
de  lauriers  roses.  M.  Lebrun,  dans  ses  vers,  rendit 
aux  rivages  célèbres  quelque  chose  de  leur  na- 
turelle et  sauvage  verdeur  ;  on  sentit  l'homme 
qui  avait  visité  ce  pays  de  renaissante  mémoire, 
avant  de  le  chanter...  A  travers  des  portions 
quelque  peu  incultes  et  rudes  comme  le  pays 
même,  on  sentait  partout  un  fond  de  récitatif  qui 
n'était  pas  écrit  d'après  les  impressions  d'autrui. 
La  façon  du  vers ,  libre  dans  sa  forme  et  sou- 
vent hardi  sans  système ,  ne  rompait  pas  ab- 
solument avec  l'ancien  genre,  mais  jurait  encore 
moins  avec  le  goût  nouveau ,  avec  le  rhythme 
émancipé  de  1828.  »  Le  22  février  1828,  M.Le- 
brun fut  élu  membre  de  l'Académie  Française, 
à  la  place  de  François  de  Neufchàteau,  le  pro- 
tecteur de  son  enfance.  Ce  jour-là  on  jouait  au 
Théâtre-Français  La  Princesse  Aurélie.  Lors- 
qu'on arriva  au  point  où  la  princesse  dit  à  un 
homme  de  lettres  de  sa  cour  : 

Ah!  votre  Académie  a  fait  un  fort  bon  choix  , 
Le  public  avec  vous  a  nommé  cette  fois , 

des  applaudissements  partirent  de  tous  les  points 
de  la  salle.  Mlle  Mars,  qui  jouait  la  princesse,  dit 
à  ce  sujet  au  nouvel  académicien  après  la  re- 
présentation :  «  Je  vous  en  ai  fait  mon  compliment 
en  plein  théâtre ,  le  public  y  a  joint  le  sien.  » 
Le  22  mai  suivant  M.  Lebrun  fut  solennelle- 
ment reçu  à  l'Académie  Française.  Depuis  lors 
le  poète  s'est  moins  fait  sentir  en  lui.  Appelé 
plusieurs  fois  à  la  présidence  de  l'Académie 
Française ,  il  a  fait  des  rapports  sur  les  prix 
Montyon,  reçu  M.  de  Salvandy  et  M.  Emile  Au- 
gier,  et  rempli  les  fonctions  de  secrétaire  per- 
pétuel pendant  les  deux  ministères  de  M.  Ville- 
main.  M.  Lebrun  contribua  de  tout  son  pouvoir 
à  faire  entrer  M.  V.  Hugo  à  l'Académie  ;  il  dési- 
rait beaucoup  y  voir  siéger  aussi  Béranger,  dont 
il  fut  constamment  l'ami,  et  dont  il  a  été  chargé 
de  revoir  et  de  publier  les  chansons  posthumes. 
Au  mois  de  mars  1831,  M.  Lebrun  fut  appelé 


à  la  direction  de  l'Imprimerie  royale,  place  qu'.l 
conserva  jusqu'à  la  révolution  de  février  1848. 
Nommé  maître  des  requêtes  le  il  mai  1832, 
conseiller  d'état  le  27  septembre  1838,  une 
ordonnance  royale  du  7  novembre.  1839  l'appela 
à  la  chambre  des  pairs.  En  1840  il  fit  un  rapport 
sur  un  projet  de  loi  relatif  à  l'achèvement  des  mo- 
numents publics.  L'année  suivante  il  prit  part  à 
la  discussion  du  projet  de  loi  sur  les  fortifications 
de  Paris,  et  fut  chargé  du  rapport  sur  le  projet 
de  loi  relatif  aux  dépenses  de  la  translation  des 
restes  mortels  de  l'empereur  et  de  la  pose  de  la 
statue  impériale  sur  la  colonne  de  Boulogne.  La 
révolution  de  Février  le  rendit  à  la  vie  privée. 
Remplacé  au  moment  de  cette  révolution  dans 
la  direction  de  l'Imprimerie  royale,  il  fut  alors 
l'objet  d'une  remarquable  manifestation.  Les 
ouvriers  de  ce  grand  établissement  allèrent  en 
masse  à  l'hôtel  de  ville  redemander  au  gouver- 
nement provisoire  leur  directeur,  qui  leur  fut 
immédiatement  rendu.  «  Lebrun ,  écrivait  Bé- 
ranger, doit  être  bien  fier  de  se  voir  rendre 
ainsi  justice.  »  Mais  M.  Lebrun  crut  devoir 
toutefois  peu  de  temps  après  résigner  ses  fonc- 
tions. Il  n'exerça  pas  de  fonctions  sous  la  ré- 
publique; mais  après  la  reconstitution  de  l'em- 
pire, il  fut  nommé  sénateur  par  décret  du  8  mars 
1853.  Depuis  il  a  fait  partie  de  la  commission 
chargée  de  donner  des  primes  à  l'art  dramatique; 
M.  Lebrun  est  membre  honoraire  de  l'Académie 
royale  de  Bavière,  et  depuis  1838  directeur  du 
Journal  des  Savants. 

On  a  de  M.  Lebrun  :  couplets  signés  de  l'élève 
Lebrun,  âgé  de  treize  ans,  dans  un  recueil  de 
pièces  intitulé  :  Plantation  de  l'arbre  de  la  li- 
berté par  les  élèves  du  prytanée  dans  le  châ- 
teau de  Vanvres,  le  t6  ventôse  an  vu  (6  mars 
1799);  —  L'Ane  et  le  Singe,  fable,  dans  les  Pe- 
tites A/fiches  ;  1799;  —  Les  Souvenirs,  poème, 
dans  la  Distribution  des  prix  faite  aux  élèves 
du  Prytanée  de  Saint-Cyr,  le  28  thermidor 
an  X  (16  août  1802);  —  Ode  à  la  Grande 
Armée;  Paris,  1805,  in-s°  :  elle  a  paru  également 
dans  Le  Moniteur  en  1806  et  dans  la  Couronne 
poétique  de  Napoléon  le  Grand;  Paris,  1807; 
—  Ode  sur  la  guerre  de  Prusse,  dans  Le  Moni- 
teur de  1806  et  dans  la  Couronne  poétique 
de  Napoléon  ;  —  La  Colère  d'Apollon  ,  ode  ; 
Paris,  1807,  in-8°;  —  Ode  sur  la  mort  de 
Lebrun,  de  l'Académie  Française;  Paris, 
1807,  in-S°;  —  Ode  sur  la  campagne  de 
1807;  Paris,  1808,  in-8°; —  Ulysse,  tragédie  en 
cinq  actes;  Paris,  1815,  in-8°;  —  Le  Bonheur 
que  procure  l'étude  dans  toutes  les  sihia- 
tions  de  la  vie,  couronné  par  l'Académie  Fran- 
çaise le  25  août  1817  ;  Paris,  1818,  in-4°;  1822, 
in  8°;  dans  le  Moniteur  en  1818;  —  Marie 
Stuart,  tragédie  en  cinq  actes;  Paris,  1820, 
in-8°;  1835,  1839,  1844,  in-8°;  —Odes  :  Au 
Vaisseau  de  l'Angleterre;  Sur  un  Cygne;  Su- 
per flumina;  Jeanne  d'Arc;  Olympie;  Itha- 
que; Paris,  1822,  in-8°;  —  Poème  lyrique  sur 


169 


LEBRUN 


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la  mort  de  l'empereur  Napoléon;  Paris, 
1822,  1839,  in-8°;  —  Pallas,  fils  d'Êvandre, 
tragédie  en  trois  actes  et  en  vers;  Paris,  1822, 
in-8°:  tiré  à  un  petit  nombre  d'exemplaires;  — 
Le  Voyage  de  Grèce,  poème;  Paris,  1828,  in-8°; 
—  Discours  de  réception  à  l'Académie  Fran- 
çaise, prononcé  dans  la  séance  publique  du  22  mai 
1828;  Paris,  1828,  in-4°;  —  OEuvres;  Paris, 
1844,  2  vol.  in-8°:  on  y  trouve  Ulysse,  Marie 
Stuart,  Le  Cid  d' Andalousie,  Poème  sur  la 
Mort  de  Napoléon,  avec  trois  strophes  qui 
avaient  été  supprimées  en  1822;  Poème  de  la 
Grèce,  avec  un  chant  qui  manquait  à  l'édition 
de  1828;  Poésies  sur  la  Grèce,  La  Méditer- 
ranée, La  Vallée  d'Olympie,  Le  Parnasse, 
Ithaque,  Le  Ciel  d' Athènes,  etc.  On  a  en  outre 
de  M.  Lebrun  des  discours  prononcés  à  l'Aca- 
démie Française,  sur  les  prix  de  vertu  en  1831 
et  1837,  en  réponse  au  discours  de  réception 
de  M.  deSalvandy  en  1836,  à  l'inauguration  de 
la  statue  de  Corneille  à  Rouen  en  1834,  au  roi  au 
nom  de  l'Institut  en  1847,  comme  président  des 
cinq  académies  en  1852,  en  réponse  au  discours 
de  réception  de  M.  Emile  Augier  en  1838,  sur 
la  tombe  de  Parseval-Grandmaison  en  1834,  de 
Michaud  en  1839,  d'Alex.  Guiraud  en  1845,  du 
général  Haxo  en  1838.  Ses  discours  à  la  cham- 
bre des  pairs  sur  les  fortifications  de  Paris 
(1841),  sur  les  entreprises  théâtrales  (1843), 
sur  la  liberté  de  l'enseignement  (1844),  sur  la 
translation  des  restes  de  Bertrand  et  de  Duroc 
(1845),  ont  été  imprimés  à  part.  lia  donné  dans 
le  journal  La  Renommée,  en  1819,  des  articles 
sur  lord  Byron,  André  Chénier,  Baour-Lormian, 
Dupaty,  etc.,  et  des  stances  récitées  par Mlle Mars 
à  Arnault  à  son  retour  d'exil. 

L.  Louvet. 

Sainte-Beuve.  Portraits  contemporains,  15  janvier 
1841,  lome  II,  p.  116.  —  V.  Lacaineet  Cli.  Laurent,  Biogr. 
et  nècrol.  des  Hommes  Marquants  du  dix-neuvième 
siècle,  tome  II,  p.  278.  —  P.-A.  Vieillard,  dans  VEncycl. 
des  Gens  du  Monde. 

*  lebki"n  (Isidore- Frédéric-Thomas), litté- 
rateur français,  né  à  Caen,  le  16  août  1786.  Fils 
d'un  manufacturier,  il  descend  par  sa  mère  du 
poète  Sarrazin.  A  l'âge  de  quatorze  ans,  il  com- 
posa deux  tragédies ,  en  prose.  En  1 808  il  entra 
dans  la  carrière  de  l'enseignement,  comme  pro- 
fesseur de  l'université,  et  s'éleva  successivement 
jusqu'à  la  chaire  de  belles-lettres ,  qu'il  occupait 
en  1816.  Il  donna  alors  sa  démission,  en  voyant 
que  l'on  voulait  remettre  l'enseignement  aux  cor- 
porations religieuses.  On  a  de  lui  :  Épithalame 
(  en  vers  grecs-)  et  Poésies  diverses  ;  1810,  in-8e; 
—  Conciones  ex  greecis  epicis poetis  excerptee; 
Bayeux,  1812,  in  12;  —  De  l'Université;  1814, 
in-8°  ;  —  Haro  sur  Bonaparte  !  1815,  in-8°  ;  — 
Vues  sur  l'Instruction  publique  et  sur  l'Éduca- 
tion des  Filles  ;  Paris,  1816,in-8°;— L'Émigra- 
tion indemnisée  par  l'ancien  régime  et  depuis 
la  Restauration;  Paris,  1825,  in-8°;  —  Du 
Sacrilège  et  des  Jésuites;  1825,  in-8°;  —  La 
bonne  Ville,ou  le  maire  et  le  jésuite;  1826, 


2  vol.  in-12;  —  Tableau  statistique  et  poli- 
tique des  deux  Canadas;  Paris,  1833,  in-8°.  Il 
a  fourni  des  articles  au  Dictionnaire  des  Ano- 
nymes de  Barbier,  à  l' Encyclopédie  des  Gens 
du  Monde,  au  Dictionnaire  de  la  Conversa- 
tion ,  ainsi  qu'à  différents  journaux  ou  recueils 
périodiques  et  au  journal  Le  Réveil,  publié  en 
Amérique.  Le  Mercure  de  France  a  publié  de 
lui  en  1815  une  Analyse  d'un  Cours  d'Élo- 
quence militaire  chez  les  anciens  et  les  mo- 
dernes, ouvrage  qui  n'a  pas  été  publié,  mais 
qui  a  été  imité  par  un  autre  auteur. 

J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Con- 
temp.  —  Biogr.  univ.  et  port,  des  Comtemp.  —  Quérard, 
La  France  Littér.  , 

*  lebrun  (M™e  Camille),  pseudonyme  de 
Mlle  Pauline  Guyot,  femme  de  lettres  française, 
née  à  Paris,  en  1805.  On  a  de  Mmc  Camille  Le- 
brun :  Une  Amitié  de  Femme,  roman  de 
mœurs;  Paris,  1843,  in -8°;  —  Histoire  d'un 
mobilier,  scènes  de  mœurs;  Paris,  1844, grand 
in- 8° avec  vignettes;  —  Lé  Dauphiné,  ouvrage 
historique,  biographique  et  descriptif  ;  Paris, 
1848,  in-8°;  —  Le  Miroir  de  la  France,  ou- 
vrage historique ,  biographique,  artistique,  litté- 
raire et  descriptif,  2  vol.  grand  in-8°  avec 
24  portraits.  Le  premier  volume  a  été  édité  par 
livraisons  mensuelles  avec  le  sous-titre  de  Re- 
vue pour  tous,  et  imprimé  à  Paris,  de  1849  à 
1850;  le  deuxième  volume  a  été  publié  en  1854, 
et  imprimé  à  Beauvais.  Lors  de  l'impression  du 
premier  volume,  Mme  Camille  Lebrun  a  été  dési- 
gnée seulement  comme  directrice  de  cette  publi- 
cation ;  mais  tous  les  articles  de  cet  ouvrage  ont 
été  entièrement  rédigés  par  elle. 

Mme  Camille  Lebrun  a  écrit  plusieurs  ou- 
vrages d'éducation  :  Julien  Morel,  ou  l'aîné 
de  la  famille,  in-12;  —  Le  Bracelet,  ou  l'é- 
tourdie corrigée,  grand  in-18;  —  Amitié  et 
Dévouement,  ou  trois  mois  à  la  Louisiane, 
in-12;  —  La  Famille  Raimond,  in-12; —  Les 
Vacances  à  Fontainebleau,  in-12;  —  Ma- 
deleine, ou  la  jeune  montagnarde,  in-12;  — 
Contes  moraux,  in-12  ;  —  La  Famille  Aubry, 
in- 1 2  ;  —  Récréations ,  in-12,  etc. 

Le  même  auteur  a  traduit  de  l'italien  et  de 
l'anglais  divers  ouvrages,  entre  autres  L'Au- 
triche en  Italie,  par  Bianchi-Giovini ,  2  vol. 
in-8°;  —  L'Improvisatore,  ou  la  vie  en 
Italie,  par  Andersen,  2  vol.  grand  in-12;  — 
Les  Mémoires  de  sir  Hudson  Lowe,  tomes  I  et 
II,  grand  in-8°.  Mme  Camille  Lebrun  a  tra- 
duit plusieurs  articles  pour  la  Revue  Britan- 
nique :  Jacques  Clair -de-Lune  (scène  mari- 
time;— Un  Ouragan  à  Antigoa;  —  La  Sar- 
daigne  en  1849  (1er  et  2e  article);  —  Une 
Conspiration  italienne  (  Burlamacchi  )  ;  —  La 
Civilisation  en  Russie,  etc.  Elle  a  publié  un 
grand  nombre  d'articles  dans  divers  journaux 
et  recueils  périodiques ,  entre  autres  dans  le 
Musée  des  Familles  et  dans  la  Biographie  gé- 


17!  LEBRUJN  - 

nerale.  Enfin,  elle  a  signé'quelquefois  des  articles 
de  divers  genres ,  et  des  traductions  de  poésies 
anglaises  et  italiennes,  d'un  autre  pseudonyme, 
Fabien  de  Saint-Léger,  et  des  lettres  P.  G., 
initiales  de  ses  véritables  noms. 

LÉBYO  (Abou-OkU-Lebid  ben  Rabiat),  un 
des  plus  célèbres  (1)  poètes  arabes  qui  ont  vécu 
depuis  l'origine  du  mabométisme,  naquit  vers 
l'an  57  5,  et  mourut  sous  le  khal  yfat  de  Moaviah  1er, 
l'an  42  de  l'hégire  (662  de  J.-C).  11  était  fils 
de  Rabiat,  de  la  tribu  d'Emir-Ibn-Sassaa,  que  sa 
libéralité  avait  fait  surnommer  Habïat  Almoh- 
terin  (le  Rabiat  des  indigents).  Sa  mère,  Ternira, 
était  de  la  tribu  d'Abs.  Lébyd  se  distingua  par 
ses  vertus  plus  encore  que  par  ses  talents.  Voici 
d'après  les  auteurs  arabes  la  première  circons- 
tance où  se  manifesta  son  génie  poétique.  Vers 
l'an  592  de  J.-C,  il  avait  accompagné  à  la  cour 
de  Noman ,  roi  de  Hira,  les  députés  de  la  tribu 
deDjafar.  Prévenu  par  son  ministre  Rabi,  fils  de 
Gyad,  Noman  reçut  mal  les  députés.  Le  soir  ils 
rentrèrent  tristes.  Le  jeune  Lébyd,  qui  gardait 
leurs  chameaux,  apprenant  la  cause  de  leur  tris- 
tesse, se  fit  conduire  chez  Noman.  11  récita  de- 
vant le  prince  une  pièce  de  vers  dans  laquelle, 
après  avoir  exalté  le  mérite  de  la  famille  de 
Djafar,  ii  attaquait  Rabi,  et  lui  attribuait  des  ha- 
bitudes si  dégoûtantes  que  Noman,  sans  vouloir 
entendre  sa  justification,  le  bannit  pour  jamais 
s\e  sa  présence.  Lébyd ,  encore  idolâtre  lorsque 
Mahomet  commença  à  publier  sa  loi,  se  mon- 
tra d'abord  hostile  au  mahométisme.  Vers 
l'an  9  de  l'hégire  (630  de  J.-C.,)  son  oncle  pa- 
ternel Abou-Réra,  surnommé  Motaïb-Alasbna 
(celui  qui  joute  contre  les  lances),  étant  at- 
taqué d'une  maladie  d'entrailles,  le  chargea  d'al- 
ler de  sa  part  offrir  à  Mahomet  un  présent  de 
chameaux  et  lui  demander  un  remède  à  son  mal. 
Le  prophète  refusa  les  présents,  en  témoignant 
toutefois  de  l'estime  pour  Abou-Réra  :  «  Si  j'ac- 
ceptais quelque  chose  d'un  idolâtre,  dit-il,  ce 
serait  de  Molaïb  el  Acima.  »  Puis  il  ramassa 
une  motte  de  terre,  cracha  dessus,  et  la  remit  à 
Lébyd  en  lui  recommandant  de  la  délayer  dans 
l'eau  et  de  là  faire  prendre  à  son  oncle.  La  pres- 
cription fut  exécutée,  et  opéra,  dit  on,  la  guérison 
demandée.  Pendant  son  séjour  à  Médine,  Lébyd 
fut  charmé  des  discours  du  prophète  et  des  beau- 
tés du  Coran,  dont  il  copia  un  chapitre,  intitulé 
Errahman  le.  Miséricordieux.  L'année  suivante 
(631;  la  mort  funeste  d'Amir  et  d'Ardab,  frère 
utérin  de  Lébyd,  qui  étaient  venus  à  Médine 
dans  le  dessein  d'assassiner  le  prophète,  déter- 


(1)  Léb.yd  passait  un  jour  dans  la  ville  de  Coufah  prés 
d'un  lien  où  étaient  assemblés  les  Henou-Nahal;  il  portait 
un  bâton  sur  lequel  il  s'appuyait.  On  lui  demanda  quel 
était  le  meilleur  des  poètes  arabes.  Lébyd  répondit  que 
c'était  le  roi  errant  couvert  d'ulcères  t  Arorilkaïs)1.  On 
lui  demanda  quel  était  le  second.  C'est,  dit-il,  le  jeune 
homme  de  dix-huit  ans  (Tarât).  A  cette  question  :  Quel 
est  le  troisième  des  poètes  arabes?  il  répondit.  C'est 
l'homme  qui  porte  le  bâton  ,-  c'est  ainsi  qu'il  se  désignait 
lui-même. 


LE  CAMUS 


172 


mina  la  conversion  des  Benou-Amir  ibn-Sassaa  à 
l'islamisme.  Lébyd  fut  un  des  députés  qui  appor- 
tèrent au  prophète  cette  bonne  nouvelle.  Il  com- 
posa une  élégie  sur  la  mort  d'Ardab,  et  embrassa 
l'islamisme.  Devenu  sincèie musulman,  Lébyd  s'é- 
tablit à  Médine.  Son  fils  Gyad  fut  lieutenant  de 
Mahomet  dans  le  Hadramant.  Mahomet  eut  une 
grande  joie  de  la  conversion  de  Lébyd,  qui  passait 
pour  le  plus  bel  esprit  des  Arabes  de  son  temps. 
11  lui  ordonna  de  faire  des  vers  pour  répondre 
aux  invectives  et  aux  satires  que  le  poète  infidèle 
Amrilcaïs  composait  souvent  contre  la  nouvelle 
religion  et  ses  sectateurs.  On  prétend  que  depuis 
sa  conversion  à  l'islamisme  il  ne  fit  d'autres  vers 
que  ceux  par  lequel  il  remercia  Dieu  de  son  re- 
tour à  la  vérité.  On  lui  attribue  cependant  ce  dis- 
tique qu'il  aurait  fait  en  mourant  :  «  L'on  dit 
que  toute  nouveauté  a  quelque  agrément;  je  n'en 
trouve  cependant  aucun  dans  la  mort,  qui  me 
paraît  nouvelle.  »  Lébyd  fixa  son  séjour  à  Cou- 
fah sous  le  règne  d'Omar.  Ce  khalyfe  lui  fit  de- 
mander un  jour  les  vers  qu'il  avait  composés 
après  avoir  embrassé  l'islamisme.  Lébyd  copia  le 
second  chapitre  du  Coran,  et  dit  :  «  Voilà  ce  que 
Dieu  m'a  donné  pour  me  tenir  lieu  de  la  poé- 
sie. »  Omar-et  Moaviah  lui  accordèrent  une  pen- 
sion de  2,500  pièces  d'argent.  Lébyd  mourut 
après  avoir,  à  son  ordinaire,  fait  distribuer  des 
aliments  à  la  mosquée  et  recommandé  à  ses 
deux  filles,  poètes  comme  lui,  de  ne  porter 
son  deuil  qu'une  année.  Outre  ses  Satures 
contre  Rabi,  une  élégie  sur  la  mort  d'Ardab, 
Lébyd  est  auteur  d'une  Moallacat,  dont  le  texte 
se  trouve  à  la  Ribliothèque  impériale  (  Manusc. 
arabes,  n°  1416),  et  dont  la  traduction  française 
a  été  publiée  par  Silvestre  de  Sacy.  Mahomet 
professait  la  plus  haute  estime  pour  les  ouvrages 
et  la  personne  de  Lébyd.  «  La  plus  belle  sentence 
qui  soit  sortie  de  la  bouche  des  Arabes ,  disait- 
il,  est  celle  que  Lébyd  prononça,  lorsqu'il  dit  : 
Illa  colscheimakkal  a  Allah  balhel  :  (Tout  ce 
qui  n'est  pas  Dieu  n'est  rien).  » 

F.-X.  Tessier. 

Caussin  de  Perceval,  Essai  sur  l'histoire  des  arabes 
avant  Mahomet,  I,  30B,  403.  404;  II,  487-489,  567;  111,289, 
297,  _  De  Sacy,  Notice  sur  le  poète  Lébyd.—  D'Herbclot, 
Bibliothèque  Orientale. 

le  camus  (Etienne),  cardinal  et  théologien 
français,  né  à  Paris,  en  1632,  mort  à  Grenoble, 
le  12  septembre  1707.  Il  appartenait  à  une  fa- 
mille ancienne  dans  la  magistrature  et  le  bar- 
reau. Il  fut  reçu  docteur  en  Sorbonne  en  1650, 
et  devint  aumônier  du  roi  Louis  XIV  encore  mi- 
neur. Entraîné  par  un  caractère  gai  et  léger,  il 
se  montra  fort  ami  du  plaisir,  et  sa  conduite  fut 
loin  d'être  édifiante.  Néanmoins,  en  1671,  il  fut 
nommé  évêque  de  Grenoble.  A  partir  de  cette 
époque,  un  changement  merveilleux  s'opéra  dans 
sa  vie;  il  continua  d'être  indulgent  pour  les  pé- 
chés d'aulrui;  il  donna  l'exemple  de  la  charité, 
de  la  modestie  et  de  la  piété.  Il  disait,  en  faisant 
allusion  au  temps  de  sa  jeunesse:  «  On  a  dit  plus 


17o 


.le  mal  que  je  n'en  faisais  alors,  et  depuis  plus 
de  bien  que  je  n'en  mérite.  C'est  une  sorte  de 
compensation.  »  En  1686,  Louis  XIV  demanda  le 
chapeau  de  cardinal  pour  M.  de  Harlay,  arche- 
vêque de  Paris;  Innocent  XI,  qui  n'aimait  pas  ce 
prélat ,  prenant  d'ailleurs  en  considération  la  con- 
version sincère  elles  vertus  de  Le  Camus,  envoya 
la  pourpre  romaine  à  ce  dernier.  Louis  XIV  fut 
irrité  de  ce  choix  ;  il  manda  le  nouveau  cardinal 
à  Versailles,  et  voulut  lui  faire  des  reproches; 
mais  l'évêque  de  Grenoble  le  désarma  par  une 
plaisanterie  :  en  le  saluant,  il  lui  dit,  désignant 
M.  de  Harlay,  «  Sire,  voilà  le  cardinal  camus, 
et  voici  lé  cardinal  Le  Camus  ».  Le  roi  rit  de  cette 
saillie ,  et  l'affaire  en  resta-là.  Le  Camus  laissa 
tous  ses  biens  aux  pauvres  de  son  diocèse.  FI 
avait  fondé  deux  séminaires,  l'un  à  Grenoble, 
l'autre  à  Saint-Martin-de-Miseré ,  et  plusieurs 
établissements  de  charité.  Un  mot  de  Le  Camus, 
mot  digne  du  curé  de  Meudon,  fera  connaître 
complètement  l'esprit  de  tolérance  qui  animait 
ce  prélat.  Un  de  ses  curés  se  plaignait  à  lui  de 
ne  pouvoir  empêcher  ses  paroissiens  de  danser 
les  dimanches  et  fêtes  :  «  Eh ,  monsieur,  répon- 
dit-il, laissez-leur  au  moins  la  liberté  de  secouer 
Jeur  misère  !  »  Cependant  il  avait  fait  traduire  et 
publier  dans  son  diocèse  l'ordonnance  du  cardinal 
Carpegna,  vicaire  du  pape,  contre  le  luxe  des 
femmes.  Ce  fut  sous  sa  direction  que  François 
Genêt  (depuis  évêque  de  Vaison)  écrivit  sa 
Théologie  morale,  ou  solution  des  cas  de  cons- 
cience selon  l'Écriture  Sainte,  les  canons  et 
les  saints  Pères,  composée  par  Tordre  de  mon- 
seigneur l'évêque  et  prince  de  Grenoble  (  la 
3e édit.,revueet  augmentée,  parutà  Paris,  1682- 
1683,7  vol.iu-12).  On  a  de  Le  Camus:  un  recueil 
d'Ordonnances  synodales,  pleines  de  sagesse; 
—  Déjense  de  la  Virginité  perpétuelle  de  la 
mère  de  Dieu,  selon  V Écriture  et  les  Pères; 
Lyon,  1680,  in-12; —  Traité  de  l'Eucharistie; 
c'est  une  réfutation  des  écrits^  sur  le  même  su- 
jet, publiés  par  le  célèbre  controversiste  protes- 
tant Jean  Claude;  ■—  huit  le/ très  imprimées 
parmi  celles  du  docteur  Antoine  Arnauld  ;  Paris , 
1783.  A.  L. 

Ambroise  I.allnuette.  Abrégé  de  la  Vie  du  cardinal 
Etienne  Le  Camus,  etc.  ;  Paris,  1760,  in  12.  —  Gras- 
Uuvillard,  chanoine  dn  Saint-André  de  Grenoble,  Dis- 
cours sur  la  Vit,  et  la  mort  de  M.  le  cardinal  Le  Ca- 
mus, et<\;  Lausanne,  1748,  in-12.  —  Le  P.  Boyer,  Hist. 
de  l'Église  de  Vaison. 

le  camus  (Jean  ),  magistrat  et  jurisconsulte 
français,  frère  du  précédent,  né  à  Paris,  en  1636, 
mort  dans  la  même  ville,  le  28  juillet  1710.  Il 
fut  successivement  conseillera  la  cour  des  aides, 
maître  des  requêtes  et  lieutenant  civil  au  Châ- 
telet  de  Paris.  Il  exerça  durant  quarante  années 
cette  dernière  charge,  et  laissa  une  réputation 
d'austère  probité  et  de  grand  savoir.  On  a  de 
lui  :  Observations  sur  la  coutume  de  Paris , 
insérées  à  la  suite  du  Nouveau  Commentaire 
sur  la  coutume  de  la  prévôté  et  vicomte  de 
Paris  (par  Claude  de  Ferrière);   Paris,  1679, 


Lli  CAMUS  174 

2  vol.  in-12;  Paris,  1714,  4  vol.  in- toi.;  souvent 
réimprimé;  — Les  Actes  de  notoriété  du  Châ- 
telet  sur  la  jurisprudence  et  les  usages  qui 
s'y  observent;  Paris,  1682;  réimprimé  par 
Jean-  Baptiste  Denisart,  avec  Annota/ions;  Paris, 
1759,  in-4°;  etpardeVaricourt,  lieutenant  civil; 
Paris,  1769,  in-4°.  L— z— e. 


La  France  Littéraire  de  17f9  —  Camus,  Bibliothèque 
choisie  des  Livres  dr  Droit.  —  Taisand,  Vies  des  plus  cé- 
lèbres Jurisconsultes. 

le  cuirs  de  mflso\s  (Mme),  femme 
de  lettres  française,  morte  vers  1705.  Elle  était 
femme  d'un  conseiller  d'État.  Son  esprit  et  sa 
beauté  la  mirent  fort  bien  en  cour.  Elle  fit  en 
vers  un  Portrait  de  Louis  XIV,  assez  flatteur 
pour  que  le  monarque  crût  devoir  lui  envoyer 
en  échange  une  belle  peinture  représentant  sa 
royale  image.  Mme  Le  Camus  était  membre  de 
l'Académie  des  Ricovrati  de  Padoue.  On  trouve 
plusieurs  pièces  de  vers  de  cette  dame  dans  le 
Recueil  de  Vertron,  t.  II.  E.  D— s. 

Titon  du  Tillet,  Le  Parnasse  Jrançois ,  édit.  de  1782, 
p.  +89. 

le  camus  de  mezières  (Nicolas),  ar- 
chitecte français,  né  à  Paris,  en  1721,  mort  en 
1789.  11  est  surtout  célèbre  par  la  construction  de 
la  halle  au  blé  de  Paris,  commencée  en  1762,  et 
achevée  dans  l'espace  de  trois  années.  Lorsque 
l'édifice  fut  terminé,  on  reconnut  que  la  place 
était  insuffisante,  et  on  chercha  à  utiliser  la  cour 
au  moyen  d'échoppes  aussi  laides  qu'incom- 
modes. On  revint  alors  à  la  pensée  de  couvrir 
cette  cour,  pensée  qui  avait  été  conçue  par  Le 
Camus  de  Mezières  lui-même  à  l'époque  de  la 
construction.  La  coupole ,  fort  élégante  ,  qu'il 
avait  proposée  se  trouve  gravée  dans  son  ou- 
vrage ;  malheureusement  son  projet  ne  fut  pas 
suivi,  et  la  coupole  de  bois  que  MM.  Legrand 
et  Molinos  élevèrent  en  1782  fut  incendiée  en 
1802.  En  1811,  elle  à  été  remplacée  par  la  cou- 
pole de  fer  et  de  cuivre  qui  existe  aujourd'hui. 
Le  Camus  de  Mezières  a  publié  lui-même  les 
détails  de  ce  vaste  édifice  sous  ce  titre  :  Re- 
cueil des  dij/érents  Plans  et  Dessins  concer- 
nant la  nouvelle  Halle  aux  Grains  située 
aux  lieu  et  place  de  l'ancien  hôtel  de  Sois- 
sons;  Paris,  1769,  in-fol.,  pi.  H  est  également 
auteur  de  plusieurs  autres  ouvrages,  dans  les- 
quels les  architectes  peuvent  puiser  d'utiles 
renseignements  :  Dissertation  sur  les  Bois  de 
charpente  ;  Paris,  1763,  in-12  ;  —  Le  Génie  de 
l'Architecture ,  ou  l'analogie  des  arts  avec 
nos  sensations;  Paris,  1780,  in-8°;  —  Le 
Guide  de  ceuxqui  veulent  bâtir  ;  Paris,  1781, 
2  vol.  in-8°  ;  —  Traité  de  la  Force  des  Bois  ; 
Paris,  1782,  in-S°.  E.  B— n. 

Quatremere  de  Qulncy,  Dict.  d' Architecture.  —  Ron- 
delet, Art  de  bâtir. 

le  camus  (Antoine),  médecin  et  poète 
français,  né  à  Paris,  le  12  avril  1722,  mort  dans 
la  même  ville,  le  2  janvier  1772.  Reçu  docteur 
en  médecine  en  1742,  il  fut   nommé  en  1762 


175 


LE  CAMUS  —  LECANU 


176 


professeur  de  thérapie  à  Paris  en  1766.  Il  se  dé- 
clara contre  l'emploi  excessif  des  drogues  ,  et 
conseillait  souvent  d'abandonner  à  la  nature  la 
guérison  des  maladies.  Ce  pyrrhonisme ,  qull 
poussa  lui-même  trop  loin  dans  une  indisposi- 
tion légère,  lui  coûta  la  vie  à  l'âge  de  cinquante 
ans.  On  a  de  lui  :  Amphitheatrum  Medicum, 
poema;  Paris,  1745,  in-4°  (à  l'occasion  du 
nouvel  amphithéâtre ,  que  la  faculté  avait  fait 
construire); —  La  Médecine  de  V Esprit,  où 
l'on  traite  des  dispositions  et  des  causes  phy- 
siques qui  influent  sur  les  opérations  de 
l'esprit;  Paris,  1753,  2  vol.  in-12;  1769,  in-4° 
et  2  vol.  in-12;  —  Abdekers,  ou  l'Art  de  con- 
server la  Beauté;  Paris,  1754-1756,  4  vol. 
in-12  (Traité  de  charlatanerie  sur  tous  les  cosmé- 
tiques, etc.,  dont  usent  les  dames,  et  qui  indique 
une  bonne  hygiène  comme,  le  meilleur  moyen 
de  conserver  la  beauté  )  ;  —  Essai  historique, 
critique,  philologique,  moral,  littéraire  et 
galant  sur  les  Lanternes  (  avec  Dreux  du  Ra- 
dier, Lebœuf  et  Jamet);  Dole,  1755,  in-12;  — 
Les  Amours  pastorales  de  Daphnis  et  Chloè, 
traduites  du  grec  de  Longus,  avec  une 
double  traduction;  Paris,  1757,  in-4°;  — 
Mémoires  sur  différents  sujets  de  la  Méde- 
cine ;  Paris,  1760,  in-12;  —  L'Amour  et  l'A- 
mitié, comédie;  Paris,  1763,  in-4°;  —  Mé- 
moire sur  l'état  actuel  de  la  Pharmacie  ; 
Paris,  1765,  in-12;  —  Journal  économique, 
partie  médicale;  Paris,  1753-1765;  —  Mé- 
decine pratique,  rendue  plus  simple ,  plus 
sûre  et  plus  méthodique  ;  Paris,  1769,  in-4° 
et  in-12;  le  vol.  II,  posthume,  d'après  ses  ma- 
nuscrits, par  Bourrel,  avec  son  éloge,  Paris, 
1772,  traite  les  maladies  de  la  tête:  R. 

Éloy,  DUtionnaire  de  la  Médecine.  —  Dictionnaire 
des  Sciences  médicales,  éd.  Panckoucke.  —  Adelung,  Sup- 
plément à  Jucher,  Ailaem.  Gelehrten-Lexikon. 

le  camcs  (  Louis- Florent),  publiciste  fran- 
çais, frère  du  précédent,,  né  à  Paris,  le  4  juillet 
1723.  11  était  marchand  de  fer,  et  comprit  le 
premier  l'utilité  d'une  feuille  périodique  destinée 
spécialement  à  représenter  les  intérêts  commer- 
ciaux et  à  procurer  aux  négociants  les  rensei- 
gnements nécessaires  à  chaque  profession.  Il 
s'adjoignit  pour  cette  entreprise  l'abbé  Roubaud, 
et  fit  paraître,  de  1759  à  1762,  le  Journal  du 
Commerce.  Il  changea  ce  titre  le  15  mars  1762 
pour  prendre  celui  de  Le  Négociant,  qu'il  con- 
tinua jusqu'au  15  mars  1763;  Paris,  1763,  in-8°. 
On  a  aussi  de  Le  Camus  :  La  Bergère,  pastorale, 
1769,  in-12.  A.  nE  L. 

Quérard ,  La  France  Littéraire. 
LECAMUS  DE  BEAITLiulT.    y0y.  BeATJUEU. 

lecanu  {Robert  ) ,  hébraïsant  et  chronologiste 
hollandais,  vivait  à  Amsterdam  en  1590.  Il  des- 
cendait d'une  famille  française  protestante,  émi- 
grée  à  la  suite  des  persécutions  religieuses,  et 
tenait  une  école  préparatoire  de  marine.  On  a 
de  lui  ;  Kortelnleidingc  derFeesten  Izraëls, 


zynde  regte  tydkaarten,  waar  in  men  zien 
mag  hoe  veel  groote  jaren  de  wereld  ges- 
taen  heeft  on  nog  staan  zal,  etc.  (  Courte  in- 
troduction à  l'intelligence  des  faits  d'Israël,  ou 
tables  chronologiques  dans  lesquelles  on  peut 
voir  combien  de  grandes  années  le  monde  a 
duré  et  durera  encore  )  ;  Amsterdam,  1.590,  et 
Franeker,  1693,  in-12.  Suivant  Paquot,  l'au- 
teur prend  dans  l'Écriture  les  jours  pour  des 
années,  et,  partageant  à  son  gré  celles  qui  se 
sont  écoulées  depuis  Adam  jusqu'à  Abraham  et 
d'Abraham  jusqu'à  Jésus-Christ,  suppose  celles 
qui  s'écouleront  entre  la  mort  de  Jésus-Christ 
et  la  fin  du  monde  en  multipliant  les  premières 
par  8,  6,  et  7.  A  ce  calcul,  tout  arbitraire,  il 
joint  des  explications  des  types  de  l'Ancien 
Testament,  qui  ont  beaucoup  d'analogie  avec 
les  explications  par  les  coccéiens.  Son  traité 
est  précédé  et  suivi  de  quelques  pièces  de  vers 
qui  prouvent  que  l'auteur  était  aussi  fantai- 
siste en  poésie  qu'en  mathématiques. 

L— Z — E. 

P.  Rabin,  Boekzaal  von  Europe,  novembre  et  dé- 
cembre 1693,  p,  .538-541  —  Paquot,  Mémoires  pour  ser- 
vir à  l'histoire  litt.  des  Pays-  lias ,  t.  IV,  p.  63-64. 

*  lecanu   (Louis-René  ),  chimiste    fran- 
çais, né  le   18  novembre  1800.  Reçu  docteur 
en  1837,   ancien  chef  des    travaux  chimiques 
du  Collège   de  France,  préparateur   de  Thé- 
nard,  professeur  à  l'École  de  Pharmacie  de  Pa- 
ris ,  membre  de   l'Académie  de  Médecine,  il 
est  membre  du  conseil  de  salubrité  de  la  Seine. 
On  a  de  lui  :  De  V Hématosine,  ou  matière  co- 
lorante du  sang,  mémoire  lu  à  l'Académie  des 
Sciences  en  1830;  Paris,  1830,  in-8°;  —  Nou- 
velles Recherches  sur  le  Sang,  mémoire   au- 
quel l'Académie    de   Médecine  à  décerné  une 
médaille  d'or  de  500  francs;  Paris,  1831,  in-8°; 
—  Observations  sur  la  composition  chimique 
des  Corps  gras  ;  Paris,  1834  ,  in-8°  :  mémoire 
lu  à  l'Académie  des  Sciences  ;  —  Études  chi- 
miques  sur  le  Sang   humain;   Paris,  1837, 
in-4°,   thèse  ;  —  Cours  complet  de  Pharma- 
cie; Paris,  1842,  2  vol.  iu-8°;  —  Documents 
scientifiques  et    administratifs   concernant 
l'emploi  des  Chlorures  d'oxydes  et  spéciale- 
ment du  Chlorure  d'oxyde  de  sodium  ou  li- 
queur de  Labarraque ;  Paris,  1843,  in-8°;  — 
Des  Falsifications  des  Farines  ;  Paris,  1849, 
in-8°;  —  Éléments  de  Géologie;  Paris,  1856, 
in-8°  ;  —  Souvenirs  de  M.  Thénard;  Paris, 
1857,  in-8°.  M.  Lecanu  a  publié  avec  M.  Bussy 
des  Essais  chimiques;  il  a  été  un  des  colla- 
borateurs „  du     Dictionnaire    de    Médecine 
usuelle ,  et  il  a  donné  dans  les  recueils  scien- 
tifiques, notamment  dans  le  Journal  de  Phar- 
macie, un  grand  nombre  de  mémoires,  de  no- 
tices, d'observations  et  de  rapports. 

L.  L— t. 

Quérard,  La  France  Littéraire.  —  Bourquelot  et 
Maury,  La  Litterat.  Franc,  contemp.  —  Vapereau,  Dicl, 
univ,  des  Contemp. 


J7i 


LECARLIER  —  LECARPENTIER 


178 


lecarlier  (1)  (  Marie- Jean-François- 
Philibert  ),  homme  d'État  français,  né  en  Pi- 
cardie, mort  en  mai  1799.  Il  était  secrétaire 
Jii  roi  et  maire  de  la  ville  de  Laon  avant  la  ré- 
volution. L'un  des  plus  riches  et  des  plus  in- 
fluents propriétaires  de  sa  province,  il  fut  élu, 
en  1789,  député  du  tes  état  aux  états  gé- 
néraux par  le  bailliage  de  Vermandois.  Jl  y  dé- 
fendit vivement  les  intérêts  de  son  ordre,  et  de- 
vint en  juin  1791  secrétaire  de  cette  assemblée. 
Le  département  de  l'Aisne  l'envoya,  en  1792,  à 
la  Convention  nationale  ;  il  y  siégea  sur  les 
bancs  de  la  gauche,  et  vota  la  mort  de  Louis  XVI 
sans  appel  ni  sursis.  En  1797  le  Directoire 
îxécutif  le  nomma  commissaire  plénipotentiaire 
mprès  de  l'armée  d'Helvétie.  Il  imposa  seize 
Billions  d'impôts  sur  les  patriciens  de  Berne,  Fri- 
bourg,  Soleure  et  Zurich.  En  floréal  an  vi 
[  mai  1798),  Le  Carlier  succéda  à  Dondeau  dans 
le  ministère  de  la  poliœ  générale  et  fut  lui- 
même  remplacé  par  Duval,  le  11  brumaire 
m  vu  (1er  novembre  1798).  Il  alla  remplir  en 
Belgique  les  fonctions  de  commissaire  général. 
Élu  en  1799  membre  du  Conseil  des  Anciens 
:>ar  le  département  de  l'Aisne,  il  mourut  peu 
iprès.  Son  éloge  fut  prononcé  par  Jean  De  Bry. 
«  Celait,  dit  l'auteur  des  Mémoires  tirés  des 
oapiers  d'un  homme  d'État,  un  homme  probe 
;t  intègre,  d'un  patriotisme  éprouvé,  mais  d'un 
caractère  dur  et  brusque.  » 

Le  Carlier  a  laissé  un  fils  qui,  sous  la  res- 
tauration ,  était  membre  de  la  chambre  des  dé- 
ratés pour  le  département  de  l'Aisne,  et  votait 
ivec  l'opposition.  H.  Lesueur. 

Le  Moniteur  général,  an  17S9,  n°  ill;  an  v,  n°s  357, 
159;  an  vi,  n°"  189-239;  an  vu,  n°s  43,  341.  —  Biogra- 
phie moderne  (1806  ).  —  Galerie  historique  des  Con- 
temporains (  1819  J.  —  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins, 
Biogr.  nouv.  des  Contemp.  (1823).—  Le  Bas,  Dict.  ency- 
:lopedique  de  la  France. 

LE  caron,  dit  CHAROMtAS  (2)  (Louis),  ju- 
risconsulte français,  né  à  Paris,  en  1536,  mort 
en  1617.  Après  avoir  pendant  quelque  temps 
cultivé  la  poésie,  il  étudia  la  jurisprudence, 
exerça  pendant  plusieurs  années  !a  profession 
d'avocat,  et  fut  enfin  appelé  aux  fonctions  de 
lieuteûant  du  bailliage  de  Clermont  en  Beau- 
voisis,  qu'il  garda  jusqu'à  sa  mort.  On  a  de  lui  : 
Sonnets;  le  Démon  d'Amour;  Odes, etc.;  Paris, 
1554,  in-8°  ;  —  La  Claire,  ou  de  la  prudence 
de  droit  ;  Paris,  1554,  in-8°  :  dans  ce  livre  se 
trouvent  aussi  en  appendice  soixante-dix-neuf 
sonnets  de  Le  Caron  ;  —  La  Philosophie  ; 
Paris,  1555,  in-4°  ;  —  Dialogues;  Paris,  1556, 
in-8",:  ces  dialogues,  au  nombre  de  quatre,  rou- 


(1)  Plusieurs  biographes  ont  confondu  Le  Carlier  avec 
Carlier,  né  a  Coucy  et  aussi  député  à  l'Assemblée  légis- 
lative par  le  département  de  l'Aisne,  où  il  vota  cons- 
tamment avec  le  côté  droit.  Ces  deux  hommes  publics, 
quoique  collègues  et  compatriotes,  se  sont  presque 
toujours  trouvés  divisés  d'opinions  dans  les  luttes  poli- 
tiques. 

(2)  C'est  lui-même  qui  imagina  de  prendre  le  nom  du 
célèbre  législateur  de  Thurlum. 


lent  sur  des  sujets  de  philosophie  et  de  poésie  ; 

—  Réponse  du  Droit  français  ;  Paris,  1576- 
1582;  Paris,  3  vol.  iu-8°; —  Questions  diver- 
ses et  Discours;  Paris,  1579,  in4°.  On  doit 
aussi  à  Le  Caron  des  éditions  annotées  des  ou- 
vrages suivants  :  Catalogus  Legum  antiqua- 
rum  per  Joh.-Ulricum  Zazium;  Paris,  1554, 
1555  et  1578,  in-18;  —  Coutume  de  Paris, 
avec  commentaires  ;  Paris,  1598,  2  vol.  in-4° ; 
ibid.,  1602,  1605,  1613,  in-fol.  ;  —  Le  grand 
Coutumier  de  Charles  VI  ;  Paris,  1598,  in-4°  ; 

—  La  Somme  rurale  de  Jean  Bouteillier, 
avec  annotations  ;  Paris,  1603,  1611,  1612  et 
1621,  in-4°  ;  — Code  du  roi  Henri  III,  rédige 
par  Barn.  Brisson,  avec  annotations  ;  Paris, 
1603,  in-fol.  ;  —  Pratique  judiciaire  de  Lizet, 
avec  annotations  notables;  Paris,  1603,  in-8°. 
Le  Caron  a  aussi  donné  une  édition  estimée 
du  Corpus  Juris  ;  elle  a  été  publiée  à  Anvers, 
1575,  2  vol.  in-fol. ,  et  contient  un  choix  judi- 
cieux des  notes  de  Russard  et  de  Contius.  Les 
Œuvres  de  Le  Caron  ont  paru  à  Paris;  1637, 
2  vol.  in-fol.  E.  G. 

La  Groix  du  Maine  et  du  Verdler,  Bibliothèques  Fran- 
çaises, t.  II  et  IV.—  Simon,  Bibliothèque  des  Auteurs  de 
Droit. 

lecarpentier  (CAorZes-iowis-  François), 
écrivain  artistique  français,  né  a  Rouen,  en  1750, 
mort  dans  la  même  ville,  au  mois  de  septembre 
1822.  Il  était  professeur  à  l'école  des  beaux- 
arts  de  sa  ville  natale.  On  a  de  lui  :  Galerie  des 
Peintres  célèbres,  avec  des  remarques  sur  le 
genre  de  chaque  maître  ;  Rouen  et  Paris,  1810- 
1821, 2  vol.  in-8°  :  quelques-unes  des  notices  de 
cette  galerie  ont  été  imprimées  séparément  après 
avoir  été  lues  dans  les  séances  publiques  de  la 
Société  d'Émulation  deRouen,  dont  Lecarpentier 
était  membre,  et  insérées  dans  le  recueil  de  cette 
société  ;  on  cite  entre  autres  :  Bouteillier, 
Houel ,  Jean  Letellier,  l'Albane  ,  Paul  Pot- 
ier, etc.;  — Essai  sur  le  Paysage,  dans  lequel  on 
traitedes  diverses  méthodes  pour  se  conduire 
dans  l'étude  du  paysage,  suivi  de  courtes  no- 
tices sur  les  plus  habiles  peintres  en  ce  genre  ; 
Rouen  et  Paris,  1817,  in-8°  ;  —  Itinéraire  de 
Rouen,  ou  guide  des  voyageurs  pour  visiter 
av€c  intérêt  les  lieux  les  plus  remarquables 
de  cette  ville  ou  des  environs  ;  Rouen ,  1816 , 
in-8°;  1817,  in-18;  1826,  in-12.         J.V. 

Maliul,  Jnnuaire  Nècrol.  1822.  —  Biogr.  univ.  et 
port,  des  Contemp.  —  Quérard,  La  France  Ltttér. 

lecarpentier,  dit  De  La  Manche  (Jean- 
Baptiste) ,  homme  politique  français,  né  en 
1760,  à  Hesleville,  près  de  Cherbourg,  mort  en 
1828,  dans  la  prison  du  Mont-Saint-Michel.  Il 
était  huissier  à  "Valognes  au  commencement  de 
la  révolution,  dont  il  se  déclara  partisan. 
Nommé  en  septembre  1792  député  à  la  Conven- 
tion nationale  par  le  département  de  la  Manche, 
il  prit  place  parmi  les  montagnards,  et  fit  dé- 
créter que  la  Convention  jugerait  Louis  XVI. 
Il  voulut  que  l'on  prononçât  sur  le  sort  du 
roi  avant  l'appel  au  peuple,  et  fit  ajouter  de 


179 


LECARPENTIER  —  LE  CAT 


180i 


nouveaux  griefs  à  ceux  présentés  contre  ce 
prince.  Plus  tard  (les  31  mai,  1er  et  2  juin), 
il  se  prononça  pour  la  proscription  des  giron- 
dins et  de  leurs  adhérents.  Envoyé  en  mission 
extraordinaire  (fin  juin  (793)  dans  les  départe- 
ments de  la  Manche,  d'Ille-et-Vilaineetdes  Côtes- 
du-INord,  il  y  lit  régner  la  terreur,  et  ordonna 
de  nombreuses  exécutions.  Il  s'en  vantait  même 
dans  sa  correspondance  avec  le  comité  de  salut 
public.  Il  était  brave,  et  dirigea  lui-même  la  vi- 
goureuse défense  de  Granville,  attaqué  par  l'ar- 
mée vendéenne;  ses  mesures  énergiques,  ainsi 
que  son  exemple,  contribuèrent  à  la  défaite  des 
assaillants.  Rentré  à  la  Convention  après  le 
1)  thermidor,  il  resta  fidèle  au  parti  révolution- 
naire ,  et  fut  accusé  d'avoir  pris  part  au  mou- 
vement insurrectionnel  du  1er  prairial  an  m 
(20  mai  1795).  Décrété  d'arrestation  le  même 
jour  et.  d'accusation  deux  jours  plus  tard,  il  fut 
conduit  au  château  du  Taureau  et  ensuite  com- 
pris dans  la  loi  d'amnistie  du  4  brumaire  an  iv 
(25  octobre).  Il  se  retira  à  Valognes,  où  il  reprit 
la  profession  de  jurisconsulte.  11  fut  exilé  en  1816 
par  les  Bourbons,  et  se  retira  à  Jersey.  Étant  ren- 
tré en  France,  il  fut  arrêté  et  traduit  en  1819 
devant  la  cour  d'assises  du  département  de  la 
Manche, qui  lecondamnaà  la  déportation.  Trans- 
porté au  Mont-Saint-Michel,  il  y  mourut  après 
neuf  annéesde  détention.  H.  Lesueur. 

Le  Moniteur  gênerai,  an  1792,  n°s  341-352;  an  1er, 
n°s  17-138  195,  232;  an  II,  nos  41,  66,  69,  120.  160,  290, 
307  ;  an  m,  n°  75.  —  Biographie  Moderne  (1806).  —  Ca- 
lerie  historique  des  Contemporains  (1819).  —  Arnault, 
Jay.  Jouy  et  Norvins ,  tsiogr,  nouv.  des  Contemp.  — 
M.  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution  française,  t.  VI, 
liv.  XXV111,  p.  266. 

LE  carpentier  ( Antoine-Michel).  Voy. 
Carpeintier. 

le  cat  (Claude- Nicolas),  célèbre  chirurgien 
français,  né  à  Blérancourt  (  Picardie  ),  le  6  sep- 
tembre 1700,  mort  le  20  août  1768.  Il  était  des- 
tiné à  l'état  ecclésiastique;  mais,  se  sentant  peu 
de  vocation  pour  l'Église,  il  étudia  le  génie  mili- 
taire; sa  famille  le  força  à  renoncer  à  cet  art.  Il 
se  décida  alors  pour  la  chirurgie.  Son  père  lui 
en  apprit  les  premiers  éléments,  et  lui  lit  ré- 
diger des  observations  et  des  mémoires  sur  plu- 
sieurs points  d'anatomie.  Le  Cat  vint  terminer 
ses  études  médicales  à  Paris,  et  en  1728  l'arche- 
vêque de  Rouen  le  choisit  pour  chirurgien.  En  1731 
Le  Cat  obtintau  concours  la  survivance  delà  place 
de  chirurgien  en  chef  de  l'hôtel-Dieu  de  Rouen, 
quoiqu'il  ne  fût  pas  encore  maître  en  chirurgie;  car 
il  n'obtint  ce  titre  qu'en  1733.  La  même  année  il 
remporta  le  premier  accessit  du  prix  proposé  par 
l'Académie  royale  de  Chirurgie.  L'année  suivante 
il  obtiat  le  premier  prix  décerné  par  cette  com- 
pagnie, et  encore  les  années  suivantes  jusqu'à 
1738.  «  Jusques  à  quand,  demanda  le  secrétaire 
de  l'Académie,  dans  son  rapport,  M.  Le  Cat  ga- 
gnera-t-il  tous  les  prix  que  l'Académie  propose? 
Les  règles  de  l'équité  nous  font  pressentir  la  dé- 
cision, et  nous  engagent  à  le  prier  de  ne  plus 


entrer  en  lice  :  c'est  un  nouveau  triomphe  que  I 
l'Académie  est  obligée  de  lui  décerner  pour  ne  j 
point  décourager  ceux  qui  travaillent.  Il  est  temps 
qu'un  concurrent  si  formidable  se  repose  sur  ses 
lauriers.  »  Éloigné  ainsi  des  concours  de  l'A.- 1 
cadémie  de  Chirurgie,  il  se  mit  à  travailler  poul- 
ies Académies  étrangères,  et  fut  bientôt  associé! 
à  la  plupart  d'entre  elles.  En  1755  il  présenta 
un  mémoire  à  l'Académie  de  Chirurgie  sous 
un  nom  supposé,  et  son  mémoire  fut  encore] 
couronné.  L'Académie  des  Curieux  de  la  Na- 
ture le  désigna  par  le  nom  de  Pleistonicus. 
Après  bien  des  démarches,  il  obtint  en  1736 
l'autorisation  d'établir  un  amphithéâtre  de  dis- 
section à  Rouen,  et  il  y  commença  des  cours  d'a-i 
natomie.  En  1739  l'Académie  de  Chirurgie  le! 
choisit  pour  associé.  Le  Cat  refusa  en  1740 
l'offre  que  lui  faisait  La  Peyronie  de  venir  se, 
fixer  à  Paris,  et  fonda  en  1744  à  Rouen  une 
académie,  dont  il  rédigea  les  statuts  et  dont  1 
fut  nommé  le  secrétaire  pour  les  sciences  en; 
1752.  Il  pratiquait  l'opération  de  la  taille  sui-i 
vant  la  méthode  de  Cheselden,  et  avait  établi  en 
principe  que  l'incision  des  parties  extérieures  de- 
vait avoir  plus  d'étendue  que  celle  des  parties  in- 
térieures. Lorsque  le  frère  Cosme  {voy.  ce  nom) 
fit  connaître  son  lithotome,  Le  Cat  s'éleva  contre- 
la  méthode  de  ce  religieux;  mais  voyant  que  l'Aca- 
démie hésitait  entre  les  deux  systèmes,  il  vint  à; 
Paris,  et  opéra  avec  tant  d'habileté  qu'il  emporta 
tous  les  suffrages.  En  1764  il  reçut  des  lettres  del 
noblesse,  et  il  adopta  pour  devise  cette  phrase  de 
Tacite  :  Catli  fortunam  inter  dubia,  virtu- 
tem  inter  certa  numerant.  Une  grande  partie 
de  sa  bibliothèque  avait  péri  dans  un  incendie 
en  1762,  ainsi  qu'un  mémorial  auquel  il  travail- 
lait depuis  longtemps.  Il  en  eut  un  grand  chagrin, 
et  le  travail  forcéauquel  il  se  condamna,  pour  ré- 
parer ses  pertes  acheva  de  ruiner  sa  santé ,qui  avait 
toujours  été  délicate.  Praticien  distingué,il  tombait 
dans  des  idées  bizarres  lorsqu'il  voulaitexpliquer 
les  faits  de  la  physiologie.  Il  avait  peu  de  foi  dansi 
les  lithotriptiques;  il  croyait  la  dilatation  du 
corps  de  la  vessie  préférable  aux  grandes  inci- 
sions, et  il  avait  imaginé  des  instruments  pour 
opérer  ce  résultat.  II  regardait  le  corps  mu- 
queux  comme  l'organe  de  la  couleur  de  la  peau, 
et  l'esprit  séminal  préparé  par  les  houpes  ner- 
veuses de  l'utérus  et  de  ses  dépendances  comme 
la  cause  des  menstrues.  Il  attaqua  Haller  sur 
l'irritabilité  et  particulièrement  sur  la  sensibilité 
des  méninges. 

a  Le  Cat,  dit  Monfalcon,  avait  dans  le  carac- 
tère une  gaîté  naturelle  :  il  était  avide  de  gloire, 
très-prévenu  en  faveur  de  son  mérite  et  sou  vent  in- 
juste envers  celui  de  ses  contemporains.  »  Grimm 
dit  de  Le  Cat  :  «  C'était  un  homme  médiocre  en 
tout,  remplissant  toujours  les  journaux  de  sesj 
faits  et  gestes,  faisant  toujours  du  bruit  et  ne  J 
jouissant  d'aucune  réputation  en  France.  »  Par-  ;| 
tisan  du  fluide  nerveux ,  il  a  donné  de  l'action  \ 
musculaire  une  théorie  inintelligible,  établie  sur : 


81  LE  CAT  — 

«es  hypothèses.  Il  prétendait  que  le  fluide  ner- 
veux était  composé  de  lymphe  et  d'esprit  vital. 
Jelon  lui  les  ganglions  remplaçaient  les  nerfs,  et 
'les  glandes  étaient  les  substituts  des  ganglions. 
"1  On  trouve  çà  et  là  dans  les  ouvrages  de  Le 
mat,  dit  M.  Monfalcon,  des  observations  de  dé- 
lail  ingénieuses  et  quelques  aperçus  originaux, 
■nais  ils  sont  pauvres  en  laits,  en  expériences, 
%a  bonnes  vues  physiologiques,  et  ne  sont  guère 
■ne  des  romans  sans  vraisemblance  II  a  ïn- 
■enté  des  instruments  et  des  procédés  opéra- 
toires ;  il  proposa  en  1733  l'emploi  de  deux  ins- 
truments pour  extraire  les  calculs  de  la  vessie, 
mwéthrotome,  petit  couteau  destiné  à  inciser 
■urètre  sur  le  cathéter,  crénelé  sur  sa  lame,  afin 
Ile  guider  un  instrument  destiné  à  l'incision  de 
la  vessie,  très-épais,  à  tranchant  convexe,  lé- 
gèrement concave  sur  le  dos,  et  nommé  cysti- 
ttome.  Bientôt  après,  Le  Cat,  pour  exécuter  la 
même  opération,  proposa  un  nouvel  instrument, 
le  gorgeret-cysfitome,  et  un  procédé  qui  appar- 
tient à  l'appareil  latéralisé.  Le  Cat  a  disputé  à 
Pouteati  l'invention  du  procédé  opératoire  de  la 
lîstule  lacrymale,  qui  consiste  dans  l'incision 
nu  sac  en  dedans  de  la  paupière  inférieure.  »  On 
b  de  Le  Cat  Dissertation  physique  sur  le 
walancement  d'un  arc-boutant  de  l'église  de 
wSaint-Nicaise  de  Reims;  Reims,  1724,  in-12; 
—  Eloge  du  Père  J.-B.  Mercastel,  de  l'Ora- 
toire, professeur  de  mathématiques,  dans  le  Mer- 
:ure  de  France  de  novembre  1734  ;  —  Disser- 
tation sur  le  dissolvant  de  la  pierre,  et  en 
particulier  sur  celui  de  Mlle  Stephens  ;  Rouen, 
1739,  in-12  ;  —  Traité  des  Sens;  Rouen,  1740, 
in-8°  :  on  a  dit  de  ce  traité  que  la  partie  anato- 
nique  était  digne  de  Winslow,  et  que  la  partie 
norale  eût  été  avouée  par  Platon  ;  —  Remar- 
ques sur  les  Mémoires  de  l'Académie  de  Chi- 
rurgie; Amsterdam,  1745,  in-12  ;  —  Lettres 
concernant  l'opération  de  la  Taille  pratiquée 
stir  les  deux  sexes;  Rouen,  1749,  in-12;  — 
Recueil  des  pièces  sur  l'opération  de  la 
Taille;  Rouen,  1749-1753,  in-8°  ;  —  Lettre 
sur  la  prétendue  cité  de  Limmes  ;  dans  les 
Mémoires  de  Trévoux,  avril  1752;  —  Éloge 
de  Fontenelle  ;  Rouen,  1759,  in-8°  ;  —  Traité 
de  l'existence  de  la  nature  du  fluide  des 
nerfs  ,  et  son  action  dans  le  mouvement 
musculaire;  Berlin,  1765,  in-8°  :  couronné  par 
l'Académie  de  Berlin  ;  —  Traité  de  la  Couleur 
de  la  Peau  humaine  en  général  et  de  celle 
des  nègres  en  particulier  ;  Amsterdam  (Rouen), 
1765,  in-8°;  —  Lettre  surl'ambi  d'Hippociate, 
perfectionné;  dans  le  Journal  des  Savants, 
décembre  1765  et  mars  1767  :  l'amb-i  est  un 
instrument  destiné  à  réduire  les  luxations  de 
l'humérus;  Le  Cat  en  avait  donné  une  première 
description  dans  les  Transactions  Philosophi- 
ques de  1742;  —  Nouveau  Système  sur  la 
cause  de  V E radiation  périodique  du  Sexe  ; 
Amsterdam  (Rouen),  1766,  in-8°;  —  Lettre  sur 
les  avantages  de  la  réunion  des  titres   de 


LE  GAUCHIE 


182 


docteur  en  médecine  avec  celui  de  maître  en 
chirurgie;  Amsterdam,  1766,  in-8°;  — Traite 
des  Sensations  et  des  fassions  en  général,  et 
des  sens  en  particulier  ;  Paris,  1766,  in-  8°  : 
cet  ouvrage  est  rempli  d'hypothèses  hasardées 
et  d'explications  singulières;  l'auteur  y  a  joint 
une  Théorie  de  l'Ouïe  qui  avait  remporté  le 
triple  prix  de  l'Académie  de  Toulouse  en  1757  ; 

—  Parallèle  de  la  Taille  latérale;  Amsterdam, 
1766,  in-8°  ; —  Cours  abrégé  d'Ostéologie  ; 
Rouen,  1768,  in  8°  :  ce  traité  se  recommande 
par  l'ordre  et  l'exactitude  des  descriptions.  On 
trouve  encore  de  Le  Cat,  dans  l'Histoire  de 
l'Académie  des  Sciences  de  1738  à  1766:  Cinq 
observations  ;  —  dans  le  Journal  de  Verdun, 
des  articles  sur  La  larme  batavique  ;  sur  son 
Hygromètre  comparable  et  son  nouveau  Ther- 
momètre, décembre  1747;  sur  la  Cause  du 
Flux  et  du  Reflux  de  la  mer  ;  sur  la  Gran- 
deur apparente  de  la  Lune,  sur  Les  Influen- 
ces de  la  Lune,  etc.  Depuis  la  mort  de  Le  Cat 
on  a  imprimé  de  lui  :  un  Mémoire  sur  les  In- 
cendies spontanés  de  l'économie  animale; 
Paris,  1813,  in-8°,  et  Dissertation  sur  la  Sup- 
puration de  la  Vessie  et  des  autres  organes 
munis  d'un  velouté;  dans  le  Recueil  pério- 
dique de  la  Société  de  Médecine,  tome  XIV. 
Il  avait  laissé  en  manuscrit  un  Mémoire  pour 
servir  à  l'histoire  naturelle  des  environs  de 
Rouen  ;  des  Observations  météorologiques  et 
■nosologiques  (de  1747  à  1748);  un  Éloge  de 
Dubocage  de  Bléville  et  un  Mémoire  sur  la 
Sèche.  Le  Traité  des  Sensations  et  le  Traité  des 
Sens  ont  été  réunis  sous  le  titre  d'Œuvres  Phy- 
siologiques; Paris,  1767,  3  vol.  in-8°.        J.  V. 

Louis,  Éloge  de  Le  Cat  ;  dans  les  Mémoires  de  V Aca- 
démie de  Chirurgie.  —  Valentin,  Éloge  de  M.  Le  Cat; 
Londres  (  Paris  ),  1769  ,  in-12.—  Ballière  de  Lesement, 
Éloge  de  Le  Cat,  prononcé  à  l'Académie  de  Rouen,  le 
2  août  1769;  Rouen,  1769,  in-8».  —  Monfalcon,  dans  la 
Biographie  Médicale.  —  Grimm,  Correspondance,  sep- 
tembre 1768.  —  Haller,  Hibliot.  Chirurg.  tome  11,  p.  171. 

—  Éloy,  Dict.  hist.   de  la  Médecine. 

le  catchie  (  Antoine  de),  en  français  de 
La.  Chaussée,  poète  belge,  néàMons,  en  1584, 
mort  à  Douai,  le  27  septembre  1625.  Il  entra 
dans  la  Compagnie  de  Jésus  en  1605,  et  était 
coadjuteur  formé  lorsqu'il  mourut  de  la  peste. 
Ou  a  de  lui  :  La  pieuse  Alouette,  avec  son 
tirelire  (1);  le  petit  cors  et  plumes  de  nôtre 
Alouette  sont  chansons  spirituelles  qui 
toutes  luy  font  prendre  le  vol,  et  aspirer 
aux  choses  célestes  et  éternelles.  Elles  sont 
partie  recueillies  de  divers  autheurs,  partie 
aussi  composées  de  nouveau  ;  la  plus  part 
sur  les  airs  mondains  et  plus  communs,  qui 
servent  aussi  de  vois  à  notre  Alouette  pour 


(1)  Mot  formé  par  onomatopée  pour  imiter  le  chant  de 
l'allouette  :  c'est  ce  que  le  P.  LeCauchie  essaye  d'exprimer 
dans  les  vers  suivants  : 

Ipsa  suum  tirelir,  tlrelir,  tire,  tir,  tire  tractim 
lngcminans,  secat  aslra  levis  ;  dein  trainite  recto 
lma  petens  :  di,di,di,  di.lnquit  Alauda,  vatetc. 


183 


LE  CAUCHIE  —  LECÈNE 


m 


chanter  les  louanges  denotre  Créateur  com- 
mun ,  lre  partie;  Valenciennes,  1619,  in-12; 
2e  partie,  ibid.,  1621,  in-12.  L'extrême  rareté 
de  cet.  ouvrage  fait  aujourd'hui  sou  seul  mérite. 
Pour  faire  apprécier  la  poésie  du  P.  Le  Cauchie, 
nous  citerons  le  premier  couplet  de  sa  première 
chanson  : 

Ce  jour,  qui  jour  d'été  vaut. 
Par  les  charos  me  pourmenant, 
J'ay  veu  l'Alouéte  haut 
Le  Printans  nous  ramenant, 
Chantant  un  tel  chant, 
Que  m'allechant. 

Elle  a  ravy  de  moy, 

Et  a  de  ce  bas  Heu 

Tiré  mon  cœur  à  soy, 

Et  fait  voler  chez  Dieu. 

O  chant  doux  !  chantre  beau  ! 

Chante  ainsi  toujour,  petit  oiseau. 

Une  grande  partie  des  airs  du  recueil  du  P.  de 
Le  Cauchie  a  été  composée  par  Jean  Bettig'ny, 
maître  des primlier s  de  la  cathédrale  de  Tournai. 

L  — Z— E. 

Brasseur,  III.  Harmonise  Sydera ,  p.  61,  62.  —  Aie- 
gambe,  Scriplores  Societatis  Jesu,  p.  37  et  suiv.  — 
Sotwell,  Bibliotkeca  Societatis  Jesu,  p.  68.  —  Paquot, 
Mémoires  pour  servir  à  l'hist.  litt.  des  Pays-Bas,  t.  VI, 
p.  125-126. 

lecce  (Matteo  da),  peintre  de  l'école  na- 
politaine, né  à  Lecce,  dans  la  terre  d'Otrante, 
travaillait  à  Rome  à  la  fin  du  seizième  siècle, 
sous  le  pontificat  de  Grégoire  XIII.  On  croit 
qu'il  fut  élève  de  Salviati.  Mais  il  prit  pour  mo- 
dèle Michel-Ange,  ayant  recherché  comme  lui 
les  charpentes  robustes  et  les  muscles  prononcés 
et  saillants.  Il  travailla  le  plus  ordinairement  à 
fresque,  et  obtint  un  grand  succès  en  peignant 
un  prophète  pour  la  confrérie  del  Gonfalone  ; 
mais  lorsqu'il  entreprit  dans  la  chapelle  Sixtiae, 
en  facedu  Jugement  dernier  de  Michel-Ange,  de 
retracer  la  Chute  des  Anges  rebelles,  et  Saint 
Michel  disputant  à  Satan  le  corps  de  Moise, 
on  ne  vitque  trop  l'immense  distance  qui  séparait 
l'artiste  original  de  son  imitateur.  Découragé 
par  le  peu  de  succès  d'une  œuvre  dans  laquelle 
il  s'était  efforcé  de  se  surpasser  lui-même,  il 
quitta  Rome,  et,  après  avoir  travaillé  quelque 
temps  à  Malte  et  en  Espagne,  il  s'embarqua 
pour  l'Inde.  11  revint  dans  sa  patrie  avec  une 
brillante  fortune  amassée  dans  le  commercé; 
mais  cherchant  à  l'augmenter  encore ,  il  l'eut 
bientôt  perdue,  et  mourut  pauvre.         E.  B— n. 

Orlaudi ,  Abbecedario.  —  Lanzi ,  Sioria  délia  Pit- 
tura.  —  Baglione,  Vite  de'  Pittori  del  1573  al  1642.  — 
Ticozzi,  Diziotiario.  —  Siret,  Dictionnaire  historique 
dei  Peintres. 

lecchi  (Jean-Antoine),  mathématicien  ita- 
lien, né  à  Milan,  le  17  novembre  1702,  et  mort 
le  24  août  1776.  Il  se  fit  jésuite  à  seize  ans,  en- 
seigna d'abord  les  belles-lettres  à  VeFceil  et  à 
Pavie,  et  devint  professeur  d'éloquence  à  Milan, 
dans  le  fameux  collège  de  Brera.  En  1739  il  fut 
appelé  à  Pavie  pour  y  enseigner  les  mathéma- 
tiques; ses  travaux  le  firent  remarquer  de  l'impé- 
ratrice Marie-Thérèse,  qui  le  fit  venir  à  Vienne  et 
le  nomma  mathématicien  de  la  cour.  Plus  tard  le 


pape  Clément  XIII  le  rappela  en  Italie  pour  lui 
faire  diriger  les  travaux  relatifs  à  l'endiguement 
du  lit  du  Reno  et  des  autres  fleuves  qui  traver- 
sent les  provinces  de  Bologne,  de  Ferrare  et  de' 
Ravenne.  Pendant  six  ans  il  s'occupa  de  cette 
immense  entreprise.  Après  la  mort  du  pontife,  ' 
Leechi  se  retira  à  Milan,  où  il  finit  ses  jours.  On 
a  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvrages,  dont  les  •■ 
principaux  sont  :  Theoria  Lucis,opticam,  per-\ 
spectivam,  dioptricam  complectens ;  Milan, i 
1 759  ;  —  Descriptio  apparatus  quem  in  fu- 
nere  Caroli  Vf,  imper.,  instituendum  curaviti 
regium  canonicum  a  Scala  collegium  ;  1741,; 
in-fol.:  —  Arithmetïca,  universalis  ïsaaci\ 
JNewtonis,  sive  de  compositione  et  resolu- 
tione  arithmetica  perpetuis  commentariis  m 
lustrata  et  aucta,  auctore  Pantonio  Lecchi  ;\ 
Milan,  1752,  in-8°,  3  vol.  ;  —  Elementa  Géomé- 
trie theoreticae  et  practicœ ;  Milan,  1753, 
2  vol.  in-8°  ;  —  Elementa  trigonométrie 
theorico-practicx,  plante,  et  sphsericx;  Mi- 
lan, 1758;  —  De  Sectionibus  conicis;  ibid., 
1758  ;  —  Idrostatica  esaminatane'  suoi  prin- 
cipii  et  abïlila  nelle  sue  regole  délia  misura> 
dell'  acque  correnti  ;  Milan,  1765,  in-4°  avec 
ligures;  —  Memorie  Idrostatiche ,  isloriche; 
Modène,  1770,  2  vol.  in-4°  ;  —  Trattato  de' 
Canali  navigabili;  Milan,  1776,  in-4°.   Jacob. 

Alois  de  Bâcher,  Bibliothèque  des  Écrivains  de  la} 
Compagnie  de  Jésus.  —  Tipaldo,  Bioy.  degli  Ilaliani 
illustri,  t.  V. 

lecêxe  (  Charles  ),  théologien  protestant,' 
né  à  Caen,  vers  1647,  et  mort  à  Londres,  en  mai. 
1703.  Après  avoir  étudié  la  théologie  à  Sedan, 
Genève  et  Saumur,  il  fut  nommé  en  1672  mi- 
nistre à  Honneur.  Appelé  en  1682  à  desservir 
momentanément  l'église  réformée  de  Charenton, 
il  y  prêcha  pendant  une  année.  Dénoncécomme 
pélagien  par  Sartre,  ministre  de  Montpellier,  et 
ne  pouvant  obtenir  du  consistoire  de  Charenton 
qu'un  certificat  d'orthodoxie  qui  lui  paraissait 
insuffisant,  il  en  appela  au  prochain  synode  na- 
tional, et,  soutenu  par  Allix,  qui  prit  chaudement 
sa  défense ,  il  travailla  à  obtenir  satisfaction  du 
consistoire.  La  révocation  de  l'Édit  de  Nantes 
mit  fin  à  cette  affaire.  Lecène  se  retira  en  Hol- 
lande, et  se  rangea  du  côté  des  arminiens.  Quel- 
que temps  après,  il  passa  en  Angleterre,  où  le  ! 
crédit  d'Allix  lui  aurait  été  utile,  s'il  avait  voulu 
se  soumettre  à  une  réordination.  Son  refus  et 
le  soupçon  de  socinianisme  qui  planait  sur  lui 
lui  attirèrent  des  désagréments.  Il  retourna  enj 
Hollande.  Il  y  resta  jusqu'en  1697.  A  cette  épo- 
que  il  passa  de  nouveau  en  Angleterre,  et  s'éta- 
blit à  Londres,  où  il  essaya  en  vain  d'établir  une 
église  arminienne. 

Lecène  était,  de  l'aveu  même  de  ses  adver- 
saires théologiques,  un  savant  théologien.  A  des 
connaissances  étendues  il  joignait  un  esprit 
plein  de  finesse  et  de  sagacité  ;  mais  il  était  en- 
tier dans  ses  opinions ,  et  cette  roideur  de  ca- 
ractère lui  attira  plusieurs  affaires  désagréables, 


s:,  LECÈNE 

n  a  de  lui  :  De  l'État  de  l'homme  après  le 
iiché  et  de  sa  prédestination  au  salut,  où 
Ion  examine  les  sentiments  communs  et  où 
k»i  explique  ce  que  V Écriture  nous  en  dit; 
mstevdam,  1684,  in-12.  Dans  cet  ouvrage  Le- 
pne  soutient  les  opinions  arminiennes;  — En- 
\etien  sur  diverses  matières  de  théologie,  où 
on  examine  particulièrement  la  question 
le  la  grâce  immédiate,  du  franc-arbitre,  du 
Vché  originel,  de  l'incertitude  de  la  méta- 
physique et  de  la  prédestination  ;  Amsterdam, 
R85 ,  in-12.  Cet  ouvrage  est.  divisé  en  deux 
àrties  :  la  première  seule  est  de  Lecène;  la 
"conde  est  de  J.  Leclerc.  Le  système  arminien 
ir  la  grâce  et  la  prédestination  est  encore  plus 
rononcé  dans  cet  ouvrage  que  dans  le  précé- 
ent  ;  —  Conversations  sur  diverses  matières 
e  religion,  avec  un  traité  delà  liberté  de 
mscience  ;  Philadelphie  (Amsterdam),  1687, 
i-12.  Le  traité  de  la  liberté  de  conscience  est 
édié  au  roi  de  France  et  à  son  conseil,  et  est 
ne  traduction  du  livre  de  Crell  :  Junii  Bruti 
oloni  Vindicte  pro  religionis  libertate.  Nai- 
;on  â  retouché  cette  traduction  de  Lecène  et  l'a 
ise  à  la  suite  de  l' Intolérance  convaincue  de 
'ime  et  de  folie  du  baron  d'Olbach;  Lon- 
•es  (Amsterdam),  1769,  in-12;  —  Projet 
unenouvelle  Version françoise de  la  Bible; 
otterdam,  1698,  in-8°;  La  Haye,  1705,  et  sous 
;t  autre  titre  :  Nouvelle  Critique  de  toutes 
s  Versions  de  la  Bible  en  françois  ;  Ams- 
rdam,  1722,  in-8°  ;  traduction  anglaise,  Lon- 
•es,  1727,  in-8°.  Gousset  attaqua  vivement  le 
'stèmé  de  traduction  proposé  par  Lecène  ;  — 
a  sainte  Bible  contenant  les  Livres  de  l'An- 
en  et  du  Nouveau  Testament,  nouvelle  ver- 
on  françoise  par  Lecène  ;  Amsterdam,  1742, 
vol.  in-fol.  :  cet  ouvrage  fut  publié  par  le  fils 
s  l'auteur,  Michel-Charles  Lecène ,  libraire  à 
msterdam,  qui  a  inséré  dans  l'avertissement 
i  Abrégé  de  la  vie  de  Charles  Lecène.  En 
te  du  premier  volume  se  trouve  Projet  d'une 
ouvelle  Version,  etc.,  mais  augmenté  d'une 
conde  partie,  destinée  à  répondre  aux  attaques 
ont  le  projet  avait  été  l'objet.  Chaque  livre  de 
i  Bible  est  précédé  d'un  avertissement  qui  en 
idique  l'auteur.  Cette  traduction,  qui  a  le  mé- 
te  d'un  style  clair  et  coulant,  offre  d'un  autre 
Hé  des  défauts  considérables.  Lecène  a  enlevé 
la  Bible  sa  couleur  antique,  et  lui  a  donné  un 
r  moderne,  fort  ridicule ,  en  remplaçant  des 
:rmes  usités  et  caractéristiques  par  d'autres  qui 
ppartiennent  à  notre  temps.  Les  scribes  y  sont 
apelés  des  avocats,  les  satrapes  des  bâchas,  les 
onseillers  du  roi  des  cadis,  etc.  En  outre  de 
lusieurs  interprétations  arbitraires,  il  s'est  per- 
)is  d'expliquer  et  de  lier  le  texte  à  sa  manière, 
y  introduisant  des  développements  qui  ne 
ont  pas  toujours  heureux,etqui  dans  tous  les 
as  font  souvent  de  sa  traduction  une  espèce  d« 
araphrase.  Il  a  aussi  parfois  corrigé  le  texte 
i'çn  sur  l'autorité  de  manuscrits  d'ailleurs  es- 


LE  CHANTEUR  186 

timés;  mais  il  a  eu  soin  d'indiquer  les  change- 
ments. Le  synode  de  l'Église  wallonne  con- 
damna cette  traduction  en  1742.  Il  en  demanda 
même  la  suppression  aux  magistrats;  mais  ceux- 
ci,  dans  un  esprit  de  tolérance  qui  les  honore,  ne 
voulurent  pas  l'accorder.       Michel  Nicolas. 

Abrégé  de  la  Fie  de  Charles  lœcène;  dans  ['Avertisse- 
ment de  sa  traduction  de  la  Bible.  —  Chaufepié,  Dict. 
histor.  —  MM.  Haag,  La  France  Protestante.  —  Revue 
de  Théologie,  par  M.  Colani,  1857,  vol.  VU,  pag.  343. 

le  cerf  de  la  viéville  (Philippe),  his- 
torien et  biographe  français,  né  à  Bouen,en  1677, 
mort  à  Fécamp,  en  1748.  Il  entra  dans  la  congré- 
gation des  Bénédictins  de  Saint-Maur-les-Fossés 
près  Paris.  Jeune  encore,  vers  1718,  il  fut  at- 
taqué d'une  maladie  qui  le  força  à  garderie  lit 
durant  trente  années,  c'est-à-dire  jusqu'à  sa 
mort.  Malgré  cet  état  de  souffrance  continuelle , 
il  put  composer  des  ouvrages  et  dicter  un  grand 
nombre  de  sermons  remarquables  par  l'éloquence 
et  le  savoir.  On  a  de  lui  :  Bibliothèque  histo- 
rique et  critique  des  Écrivains  de  la  Congré- 
gation des  Bénédictins  de  Saint- Maur;  La 
Haye,  1726,  in-12:  ce  livre  ayant  été  attaqué  par 
plusieurs  érudits ,  le  P.  Le  Cerf  en  fit  paraître 
la  Défense;  Paris,  1727,  in-12;  —  Eloge  des 
Normands ,  ou  histoire  abrégée  des  grands 
hommes  de  cette  province  ;  Paris,  1731, in-12. 

L— z — E. 
Lelong,   Bibliothèque  Historique  de  la  France,  t.  I, 
n»   11615  ;  t.  111,  n°  33176;  t.  IV,  n°  45727.  —  Dictionnaire 
Historique  (1822). 

LECERF  DE    LA  VIÉVILEE  (  Jean-Louis), 

seigneur  de  Fresneuse,  critique  musicien,  de  la 
même  famille  que  le  précédent,  né  à  Rouen,  en 
1674,  mort  le  10  novembre  1707.  11  était  garde 
des  sceaux  du  parlement  de  Normandie.  On  a 
de  lui  :  Comparaison  de  la  Musique  italienne 
et  de  la  Musique  françoise,  où  en  examinant 
en  détail  les  avantages  des  spectacles  et  le 
mérite  des  compositeurs  des  deux  nations, 
on  montre  quelles  sont  les  vraies  beautés  de 
la  musique;  Bruxelles ,  1704,  1705,  in-12  : 
l'auteur  a  pour  but  de  venger  la  France  de  la 
préférence  que  l'abbé  Raguenet  avait  accordée  à 
la  musique  italienne  sur  la  musique  française; 
—  L'Art  de  décrier  ce  qu'on  n'entend  pas, 
ou  le  médecin  musicien  :  exposition  de  la. 
mauvaise  foi  d'un  extrait  du  Journal  de 
Paris;  Bruxelles  (Rouen),  1706,  in-12;  —  Dis- 
sertation sur  V empoisonnement  d' Alexandre 
le  Grand  :  Lecerf  soutient  qu'Alexandre  ne  fut 
pas  empoisonné.  J.  V. 

Mém.  biogr.  et  littér.  de  la  Seine-Inférieure.  —  Qué- 
rard,  La  France  Littéraire. 

VE  chanteur  (  Jean-Louis  ) ,  magistrat 
français,  né  à  Paris,  en  1719,  et  mort  dans  la 
même  ville,  le  3  avril  1766,  fut  reçu  conseiller 
auditeur  à  la  chambre  des  comptes,  en  1747.  On 
lui  doit  un  ouvrage  important  sur  l'histoire  et 
les  accroissements  de  la  compagnie  à  laquelle  il 
appartenait;  c'est  une  Dissertation  historique 
et  critique  sur  la  Chambre  des  Comptes  en 


187  LE  CHANTEUR 

général,  sur  l'origine  ,  l'état  et  les  fonctions 
de  ses  différents  officiers;  Paris,  1765, 
in- 4°.  J.  L. 

France  Littéraire  de  1769.  —  Gazette  des  Tribunaux, 
i  novembre  1810. 

LE  chapelain  (Charles-Jean-Baptiste), 
prédicateur  et  théologien  fiançais,  né  à  Rouen, 
le  15  août  1710,  mort  à  Malines,  le  26  décembre 
1779.  Il  était  fils  d'un  procureur  général  au  par- 
lement de  Rouen,  fit  ses  études  chez  les  jésuites, 
et  filtra  dans  leur  société.  Il  eut  beaucoup  de 
succès  comme  prédicateur,  et  prêcha  souvent 
devant  la  cour.  Lors  de  la  dissolution  de  sa 
compagnie,  il  se  retira  auprès  de  l'impératrice 
d'Autriche  Marie-Thérèse;  plus  tard  il  devint  le 
secrétaire  et  l'ami  du  cardinal  archevêque  de 
Malines.  Il  mourut  d'apoplexie  en  célébrant  la 
messe.  On  a  de  lui  :  Discours  sur  quetqttes 
sujets  de  piété  et  de  religion;  Malines,  1760, 
ia-12;  —  Oraison  funèbre  de  l'empereur 
François  Ier;  1766,  in-4°  ;  —  Recueil  de  Ser- 
mons; 1767,  6  vol.  in-12,  commenté  par  l'abbé 
de  Londres;  —  Panégyrique  de  sainte  Thé- 
rèse, 1770  et  1772,  in-12  ;  trad.  en  allemand, 
Augsbourg,  6  vol.  in-8°  .  A.  L. 

Desessarts,  Les  trois  Siècles  Littéraires.  —  Richard  et 
Giraud,  Bibliothèque  Sacrée. 

LE  chapelier  (Isaac- René-  Guy),  homme 
politique  français,  né  à  Rennes,  le  12  juin  1754, 
guillotiné  à  Paris,  le  22  avril  1 794.  Fils  d'un  avocat 
du  barreau  breton,  il  embrassa  la  même  carrière. 
Après  de  bonnes  études,  le  jeune  Le  Chapelier  se 
plaça  bientôt ,  et  par  son  éloquence  et  par  la 
loyauté  de  son  caractère,  au-dessus  de  collè- 
gues qui  montraient  le  plus  de  talent,  Je  plus 
d'activité.  On  le  citait  surtout  pour  la  sagesse 
de  ses  conseils  et  sa  droiture  dans  les  affai- 
res. La  plus  légère  apparence  de  fraude  lui 
faisait  repousser  ceux  qui  voulaient  lui  confier 
leurs  intérêts  dans  une  contestation.  Le  Cha- 
pelier prit  une  part  active  dans  les  dissensions 
qui  éclatèrent,  en  1787,  entre  le  gouvernement 
et  les  parlements.  Il  était  à  la  tête  du  barreau 
de  Rennes  pour  défendre  les  droits  des  citoyens 
et  s'opposer  aux  prétentions  des  ordres  privilé- 
giés. Le  tiers  état  envoya  Le  Chapelier  comme  son 
représentant  à  l'Assemblée  constituante.  Dès  les 
premières  séances ,  il  prit  rang  parmi  les  meil- 
leurs orateurs,  et  prit  part  aux  discussions  les 
plus  graves.  En  qualité  de  membre  du  conseil 
de  constitution ,  il  présenta  plusieurs  rapports 
importants.  Le  premier,  il  demanda  la  garantie 
de  la  dette  publique;  il  s'opposa  à  la  violation 
du  secret  des  lettres  qu'on  sollicitait  comme 
mesure  de  sûreté  générale,  et  provoqua  l'arme- 
ment de  tous  les  citoyens  sons  le  titre  de  garde 
nationale.  Il  présidait  l'Assemblée  nationale 
dans  la  nuit  du  4  août  1789,  qui  renversa  la 
féodalité  et  frappa  à  mort  les  corporations  fa- 
meuses par  leur  tyrannie.  Plus  tard,  il  fit  abo- 
lir le  partage  inégal  dans  les  successions,  comme 
attentatoire  au  repos,  à  l'honneur  des  familles 


—  LE  CHARRON  188 

et  aux  droits  de  tous   les  enfants  d'un  même 
père,  d'une  même  mère.  Lors  de  la  discussion 
sur  l'établissement  des  tribunaux,  il  demanda 
que  la  nomination  des  juges  émanât  du  peuple, 
et  que  le  pouvoir  exécutif  n'eût  qu'à  faire  exé- 
cuter les  sentences.  Il  ne  voulait  point,  non  plus, 
que  l'on  cumulât  deux  emplois  à  la  charge  du 
trésor   public ,  ni    qu'aucun  fonctionnaire   pût 
être  appelé  à  siéger  au  corps  législatif.  Ce  fut  lui 
qui  le  premier  éleva  la  voix  pour  garantir  aux 
éorivains  la  propriété  de  leurs  œuvres,  et  L«l 
Chapelier  est  l'auteur  de   la  loi  du   28  juillet 
1791,  qui  assura  cette  propriété  pendant  toute  le 
vie  de  l'écrivain   et  quelques  années  après  sjj 
mort.   Toutes  ces  grandes  pensées,  expressior 
d'une  âme  droite  et   sans  ambition,  furent  er 
même  temps  développées  dans  les  articles  four 
nis   par    Le  Chapelier  à   la   Bibliothèque  dt 
l'homme  public,  publiée   par   Condorcet.   L< 
Chapelier  fut  l'un  des  ehefs  de  la  majorité  roya 
liste  constitutionnelle  qui,  vers  la  fin  de  la  ses 
sion ,   lutta  contre   la  tendance    démocratiqiH 
d'une   portion  de  l'assemblée.   En  1793  il  fa 
dénoncé   au    tribunal    révolutionnaire  par  lei 
agents  d'un  chef  de  parti  dont  il  avait  eu  le  cou 
rage  d'attaquer  les  projets  ambitieux ,  dans  1; 
séance  de  la  constituante  du  25  août   1791.  L< 
Chapelier   quitta   de  suite  l'Angleterre,  où  dei 
affaires  l'avaient  conduit;  il  crut  par  sa  préseno 
empêcher  le  séquestre  des  biens  de  sa  famille  e 
répondre  victorieusement  aux  attaques  dirigée 
contre  lui.  Sa  voix  fut  étouffée,  on  le  rondamni 
sans  l'entendre  ;   il  se  vit  avec  calme  conduin 
à  l'échafaud ,  et  reçut  la  mort  comme  un  der 
nier  sacrifice  fait  à  la  cause  de  la  liberté.  Il  péri 
avec  ses  deux  collègues  Tbouret  et  Duval  d'É 
prémesnil  en  même  temps  que  Malesherhes  et  si 
fille.  La  veuve  de  Le  Chapelier  épousa  plus  tan 
Corbière.  [A.  Thiébaut  de  Berneaud,  dans  VEn 
cycl.  des  Gens  du  Monde,  avec  additions.] 

Arnnult,  Jay,Jony  pt  Norvins,  Biotir.  nouv.  des  C on- 
temp.  —  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp.  —  Mont 
teur,  1789-179?. 

le  charron  (André-Louis- Lambert ',  ba 
ron),  officier  et  historien  vendéen,  né  en  mar 
1759,  dans  leGàtinais,  mort  à  Montfort  l'Amaury 
en  novembre  1837.  Elevé  à  l'École  Militaire 
il  entra  en  1776  comme  sous-lieutenant  dans  \t 
régiment  de  Limosin-infanterie,  et  y  devint  capi 
taine.  Chassé  de  son  régiment  par  l'insubordina 
tion  de  ses  soldats  en  1792,  il  entra  dans  1. 
garde  constitutionnelle  de  Louis  XVI.  Après  li 
10  août,  il  rejoignit  l'armée  de  Condé,  et  dans  le: 
régiments  de  Royal-Émigrant  et  d'Hervilly  il  fi 
contre  les  Français  les  campagnes  de  Flandre  e 
de  Hollande.  En  1795,  après  un  séjour  en  An 
gleterre,  il  prit  part  à  l'expédition  de  QuiberonJ 
et  fut  fait  prisonnier.  Incarcéré  à  Vannes,  i 
réussit  à  s'échapper, et  rentra  en  France  dans  lei 
premières  années  de  l'empire.  Sous  la  restaura 
tion,  il  reprit  du  service  comme  colonel  et  obtin 
la  croix  de  Saint-Louis.  On  a  de  lui  :  Exp<  " 


189  LE  CHARRON 

Uon  de  Quiberon,  suivie  de  l'Évasion  des  pri- 
ions de  Vannes,  avec  une  earte  de  la  presqu'île; 
i>aris,  1826,  in-S°.  H.  L. 

m.  .Muret,  Histoire  des  Guerres  de  la  Vendée. 

LE  chat  (  Julien- Pierre- Louis),  littérateur 
rançais,  né  à  Fougères  (  Ille-et- Vilaine  ),  le 
5  juin  1795,  mort  à  Nantes,  le  9  octobre  1849. 
Ses  études  terminées  à  Rennes,  il  entra  au  grand 
éniinaire  de  cette  ville,  où  il  fit  sa  théologie  de 
811  à  1814.  11  professa  ensuite  la  seconde  à 
Itré,  puis  à  Saint-Malo.  En  1823  il  vintoccuper 
a  chaire  de  philosophie  au  collège  de  Nantes,  où 
i  resta  jusqu'à  sa  mort.  Outre  plusieurs  dis- 
ours et  fragments  littéraires  et  philosophiques 
|iie  l'abbé  Léchai  a  fait  imprimer,  mais  qui  n'ont 
as  été  réunis,  on  a  de  lui  :  Du  fiera, thèse  ;  Paris, 
833,  iii-4°;  —  De  humanarum  Cognitionum 
)rigine  et  Principiis,  thèse;  Paris,  1833,  in-4,u; 
-Philosophie  de  V Histoire, professée  en  dix- 
uit  leçons  publiques  à  Vienne  par  F.  Schle- 
el,  traduit  de  l'allemand;  Paris,  1836,  2  vol. 
i-8°  ;  —  Sur  le  Critérium  de  la  Vérité ,  ou 
rincipe  fondamental  de  la  certitude;  Nantes, 
843,  in-8°;  —  Recueil  de  Sermons  et  d'Ins- 
ruct ions  religieuses  à  l'usage  des  maisons  d'é- 
'ucation  et  des  familles  ;  Nantes,  1847,  in-8o. 

a  laissé  un  traité  de  philosophie  en  manus- 
rit.  J.  V. 

Arm.'inil  Uucraud,  Biogr.  Bretonne.  —  Bourquclot  et 

mry,  La  lÀttér,  Franc,  contemp. 

*  LECHATÉLiER(jLowis), ingénieur  français, 
éà  Paris,  en  février  1815.  Entré  à  l'École  Po- 
technique  en  1834,  il  en  sortit  deux  ans  après 
our  faire  partie  du  service  des  mines.  On 
de  lui  entre  autres  :  Mémoires  sur  les  Eaux 
orrosives  employées  dans  les  chaudières  à 
apnir  (extr.  des  Annales  des  Mines);  1842, 
i-8°;  —  Recherches  expérimentales  sur  les 
lachines  locomotives  (  avec  M.  Gouin  )  ;  1844, 
i-8°;  — Chemins  de  fer  de  l'Allemagne,  des- 
ription  statistique,  système  d'exécution, 
'acé,  voie  de  fer,  stations,  matériel ,  frais 
'établissement ,  exploitations  ;  1845,  in-8°, 
vec  une  carte  ;  —  Études  sur  la  Stabilité  des 
lachines  locomotives  en  mouvement;  1849, 
i-8°,  avec  2  pi.;  —  Guide  du  Mécanicien 
instructeur  et  conducteur  de  machines  lo- 
omotiics  ( avec  MM.  E.  Flachat,Poiseuille,  etc.); 
851,  in-8°  et  atlas.  G.  de  F. 

Renseignements  particuliers.  —  Tournai  de  la  Librai- 
ie.  -  Huurquciot  et  Maury,  La  littérut.  Franc,  content- 
raine. 

L échelle  (  ***),  général  français,  né  en 
aintonge,  mort  à  Nantes,  en  1793.  Il  exerçait  à 
aintes  la  profession  de  maître  d'armes  lorsque 
îlata  la  révolution  II  s'engagea  dans  la  garde  na- 
onalc  de  la  Charente-Inférieure ,  et  parvint  ra- 
idement  aux  premiers  grades  militaires.  Il  dut 

la  faveur  du  ministre  de  la  guerre  Bouchotte 
'être  nommé,  le  30  septembre  1793,  général  en 
aef  de  l'armée  de  l'ouest,  malgré  l'incapacité 
ont  il  avait  donné  des  preuves  dans  diverses 
irconstances.    Il    remporta    d'abord   quelques 


LECHEVALIER 


î'jO 


avantages  sur  l'armée  royale  à  Mortagne,  puis  à 
Chollet;  mais  le  26  octobre,  méprisant  les  avis 
de  Kleber  et  des  autres  généraux  mayençais,  il 
se  fit  battre  complètement  devant  Laval  par  le 
comte  Henri  de  la  Roche-Jacqueleiu.  Il  fut  ar- 
rêté par  les  ordres  du  représentant  Merlin  (de 
Tliionville)  qui  le  fit  incarcérer  à  Nantes.  Lé- 
chelle  mourut  quelques  jours  après,  et,  suivant 
Le  Moniteur,  il  s'empoisonna  pour  éviter  l'é- 
chafaud.  H.  L. 

Le  Moniteur  universel,  art  il  (1793),  n°8  27B,  30,  57,  61 
(  1794  ;,  n°  ISS.  —  Le  Bas,  Dict.  encyclopédique  de  la 
France.  —  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution  française, 
t.  IV. 

*  lechesne  (  Auguste  -  Jean-  Baptiste  ) , 
sculpteur  français,  né  à  Caen,  en  18l8.  Venu  à 
Paris,  il  se  fit  connaître,  en  1840,  par  l'exécution 
d'une  frise  à  la  maison  dorée  dans  laquelle  on 
remarqua  un  heureux  mélange  de  branchages  et 
d'animaux.  Il  orna  ensuite  divers  hôtels  et  mai- 
sons particulières.  En  1848  il  exposa  :  Amour 
et  Jalousie,  combat  d'oiseaux,  groupe  en  terre 
crue  ;  —  Nid  d'oiseaux,  terre  crue  ;  —  en  1 849  : 
Pendant  le  sommeil,  groupe  en  plâtre;  —  Une 
Orfraie  défendant  sa  proie  contre  une  belette, 
groupe  en  bois  de  chêne;  —  Douleur  et  Com- 
bat, groupe  d'oiseaux  et  animaux,  en  terre;  — 
en  1850  :  Animaux  et  Enfants,  groupe  en 
plâtre  ;  —  Victoire  et  Reconnaissance,  groupe 
en  plâtre;  —  en  1852  :  Vases  en  plâtre;  —  en 
1853  :  Chasse  au  sanglier,  groupe  en  plâtre; 
—  Combat  et  Frayeur,  groupe  en  marbre  ;  — 
en  1855,  Dénicheurs  d'oiseaux,  en  deux  grou- 
pes en  plâtre;  —  en  1857  :  Dénicheurs,  grou- 
pes en  bronze.  En  1858,  M.  Lechesne  a  ouvert 
une  exposition  particulière  de  ses  œuvres.  Il 
avait  obtenu  une  médaille  de  deuxième  classe  en 
1848  et  la  croix  d'Honneur  après  l'exposition  uni- 
verselle de  1855.  L.  L — t. 

Vapcreau,  Dict.  univ.  des  Contemp.  —  Livrets  des  Sa- 
lons, 1848-1857. 

lêchevalier  (  Jean-Baptiste  ),  voyageur 
et  archéologue  français,  né  à  Trelly,  près  de  Cou- 
tances,  le  Ier  juillet  1752,  mort  le  2  juillet  1836. 
Destiné  à  l'état  ecclésiastique,  il  fit  ses  études  au 
séminaire  Saint-Louis  à  Paris  ;  mais  quoiqu'il  por- 
tât le  titre  d'abbé,  il  n'entra  pas  dans  les  ordres.  Il 
professa  dans  plusieurs  collèges  de  Paris.  En 
1784,  le  comte  deChoiseul-Gouffier,'nommé  am- 
bassadeur à  Constantinople,  lui  proposa  de  l'em- 
mener en  qualité  de  secrétaire  particulier.  L'abbé 
Lêchevalier  accepta,  et;  après  un  court  voyagea 
Londres  pour  les  intérêts  de  l'ambassadeur,  il  se 
rendit  en  Orient.  Il  s'associa  (  1785-1786)  avec 
ardeur  aux  explorations  que  M.  de  Choiseul 
avait  entreprises  dans  la  Troade,  et  fit,  ou  crut 
faire,  des  découvertes  qui,  selon  lui,  excitèrent 
la  jalousie  de  son  patron.  Pour  cette  raison,  ou 
une  autre,  il  quitta  Constantinople  etfut  envoyé  à 
Jassi  auprès  du  hospodar  de  Moldavie  avec  mis- 
sion d'observer  les  mouvements  de  l'armée  russe 
qui  opérait  sur  le  bas  Danube.  Il  revint  à  Paris 
en  1788;  mais  les  événements  de  la  révolution 


J9t 


LECHEVAL1ER  —  LECLERC 


192 


le  décidèrent  à  quitter  la  France ,  et  il  séjourna 
quelque  tempsenAllemagne,où  il  fut  reçu  membre 
de  l'Académie  de  Goellingue.  Il  visita  le  Dane- 
mark, la  Suède,  la  Russie ,  la  Hollande,  et  passa 
eusuite  en  Angleterre.  Il  y  trouva  une  généreuse 
hospitalité  dans  la  maison  de  sir  Francis  Bur- 
dett,  et  ne  rentra  en  France  qu'en  1797.  Il  en 
repartit  bientôt  après,  et  jusqu'en  1805  il  voyagea 
presque  constamment  eu  Espagne  et  en  Italie.  A 
son  retour  en  France,  il  obtint  la  place  de  con- 
servateur de  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève,  et 
passa  le  reste  de  sa  vie  dans  une  studieuse  re- 
traite. On  a  de  lui  :  Voyage  dans  la  Troade , 
contenant  la  description  de  la  Plaine  de 
Troie;  Paris,  1800,  in-8°.  Cet  ouvrage  n'était 
primitivement  qu'un  mémoire  que  l'auteur  lut  à 
la  Société  royale  d'Edimbourg,  et  qui  fut  traduit 
en  anglais  par  A.  Dalzel,  sous  ce  titre:  Descrip- 
tion of  the  Plain  of  Troy,  ivith  notes  and  il- 
lustrations ;  Londres,  1791,  in-4°.  Bryant  y 
répondit  par  des  Observations ,  où  il  s'efforça 
de  démontrer  que  les  découvertes  de  Lecheva- 
lierétaieiitillusoires,et révoqua  en  doute  la  guerre 
de  Troie  et  jusqu'à  l'existence  de  cette  ville.  Le 
voyageur  français  ne  se  rendit  pas  aux  observa- 
tions de  Bryant  ;  en  publiant  son  mémoire  sous 
une  forme  plus  développée,  il  persista  à  croire  qu'il 
avait  découvert  le  véritable  emplacement  de  1T- 
lion  homérique  et  qu'il  avait  reconnu  dans  les 
plaines  de  la  Troade  les  lieux  chantés  par  l'au- 
teur de  L'Iliade.  Ses  conjectures,  appuyées  sur 
une  érudition  abondante  sinon  solide ,  eurent  du 
succès,  Choiseul-Gouffier  les  admit,  tout  en  con- 
testant à  Lechevalier  le  droit  de  publier  des  re- 
cherches qui  avaient  été  faites  aux  frais  d'un 
autre  et  pour  un  autre  ouvrage.  Plusieurs  voya- 
geurs anglais,  Morrit,  Hawkins,  Gell,  Hamilton, 
Foster,  Leake,  les  ont  adoptées;  mais  dès  1813 
M.  Hobhouse  fit  remarquer  que  la  topographie 
réelle  de  la  Troade  ne  correspond  pas  aux  des- 
criptions de  L'Iliade,  et  aujourd'hui  on  admet 
généralement  que  la  géographie  d'Homère  est 
en  grande  partie  imaginaire,  et  que  toute  tenta- 
tive pour  faire  concorder  les  indications  du  poète 
avec  les  sites  de  la  Troade  serait  vaine  (1).  Une 
troisième  édition  du  Voyage  de  la  Troade,  re- 
vue, corrigée  et  considérablement  augmentée, 
parut  à  Paris,  1802,  3  vol.  in-8°;  —  Voyage 
dé  la  Propontide  et  du  Pont-Euxin,  avec  la 
carte  générale  de  ces  deux  mers,  la  descrip- 
tion lopographique  de  leurs  rivages,  le  ta- 
bleau des  mœurs ,  des  usages  et  du  commerce 
des  peuples  qui  les  habitent  ;  la  carte  par- 
ticulière de  la  plaine  de  Brousse  en  Bithynie, 


(1)  Malgré  tant  d'efforts  et  malgré  le  -vif  désir  que  l'on 
aurait  de  se  laisser  convaincre  par  les  séduisantes  as- 
sertions de  Lechevalier  et  de  Choiseul-Gouffier,  on  est 
obligé  de  reconnaître  qu'aucun  sysième  ne  peut  ni  ne 
pourra  faire  concorder  les  descriptions  d'Homère  avec 
l'état  des  lieux,  quand  même  on  se  permettrait  de  di- 
riger au  gré  des  conjectures  le  cours  du  Scamandre  et 
du  Simoïs,  et  de  changer  la  configuration  du  rivage  à 
l'aide  (les  allnvions  de  ces  deux  ruisseaux.        A. -F.  D. 


celle  du  Bosphore  de  Thrace,  et  celle  de  Cois-  j 
tantinople  accompagnée  de  la  description 
des  monuments  anciens  et  modernes  de  cette 
capitale;  Paris,  1801,  2  vol.  in-8°  :  ouvrage 
moins  conjectural  et  plus  instructif  que  le  pré- 
cédent; —  Ulysse-Homère,  ou  du  véritable 
auteur  de  L'Iliade  et,  de  L'Odyssée;  Paris,  1829, 
in-8°.  Dans  cet  ouvrage,  qui  fut  publié  sous  le 
pseudonyme  de  Constantin  Koliades,  professeur 
dans  l'université  ionienne,  Lechevalier  prétend 
prouver  que  Ulysse  est  le  véritable  auteur  de 
L'Iliade  et  de  L'Odyssée.  Ce  pédantesque  enfan- 
tillage ne  mérite  pas  même  une  réfutation.  L.  J. 

Noël,  Notice  sur  la  Fie  et  lis  Ouvrages  de  feu 
M.  J.-B  Lechevalier;  Paris,  1840,  in-8».  —  Letronne, 
dans  le  Journal  des  Savants,  1829, 1830. 

*  lechevalier  (Jules  ),  publiciste  Iran* 
çais,  né  vers  1800.  Adepte  de  la  religion  saint- 
simonienne,  puis  de  l'école  fouriériste  ou  socié- 
taire, il  a  été  seerétake  de  la  commission  colo- 
niale en  1843.  Le  8  août  1849,  il  fut  mis  en  ac- 
cusation pour  complot  dans  l'affaire  du  13  juin,, 
et  condamné  par  contumace  à  la  déportation. 
On  a  de  lui  :  Leçons  sur  l'art  d'associer  les 
individus  et  les  masses  :  Exposition  du  sys- 
tème social  de  Charles  Fourier ;  Paris,  1832, 
5  leçons,  in-8°;  —  Question  sociale  ;  de  la 
ré/orme  industrielle  considérée  comme  pro- 
blème fondamental  de  la  politique  positive; 
Paris,  1833,  in-8°  ;  —  Études  sur  la  science 
sociale;  Paris,  1832-1834,  in-8°;  —  Vues  po- 
litiques sur  les  intérêts  moraux  et  matériels' 
de  la  France ,  et  sur  les  principaux  actes  de 
son  gouvernement  depuis  le  9  août  1830; 
Paris,  1837,  in-8°;  —  Rapport  sur  les  ques- 
tions coloniales,  adressé  à  M.  le  duc  de  Bro- 
glie,  président  de  la  commission  coloniale, 
à  la  suite  d'un  voyage  fait  aux  Antilles  et 
aux  Guyanes,  pendant  les  années  1838  et 
1839,  publié  par  ordre  du  ministre  de  la  marine; 
Paris,  1844,  3  vol.  in-fol.;  —  De  l'Avenir  de  la 
Monarchie  représentative  en  France;  Paris, 
1845,  in-8°;  —  Qui  donc  organisera  le  tra- 
vail? Les  travailleurs  eux-mêmes.  Organi- 
sons-nous! discours  prononcé  le  18  juin  1848; 
Paris,  1848,  in-fol.;  —  Au  Peuple  ;  Paris,  1849, 
in-4°.  M.  J.  Lechevalier  a  été  rédacteur  en  chef1 
du  journal  La  Paix,  et  après  1848  de  La  Tri- 
bune des  peuples.  L.  L — t. 

Bourquelot  et  Maury,  La  Littér.  franc,  contemp.  — 
Moniteur,  1849,  p.  8687. 

le  clerc  (  Perrïnet  ),  jeune  Parisien  qu'un 
acte  de  trahison  a  rendu  célèbre,  vivait  dans  la 
première  moitié  du  quinzième  siècle.  Il  était  fils 
d'un  marchand  de  fer  ou  fertier  dont  la  bou- 
tique était  située  sur  le  Petit-Pont ,  et  avait  suc- 
cédé en  cette  qualité  à  son  père,  chargé,  comme 
quartenier,  de  garder  les  clefs  de  la  porte  Saint- 
Germain-des-Prés.  Tandis  qu'il  faisait  le  guet  | 
à  cette  porte,  il  fut  injurié  et  battu  par  les  ser- 
viteurs d'un  des  seigneurs  du  conseil  du  roi;  il 
s'en  plaignit  vivement  au  prévôt,  et  ne  put  obtenir 
aucune  justice.  «  Pour  lors,  dit  M.  de  Barante, 


m 

il  jura  de  s'en  venger.  Comme  on  était  au  plus 
fort  de  l'indignation  contre  le  connétable  et  qu'on 
savait  ce  Perrinet  Le  Clerc  plein  de  courage  et 
de  résolution,  des  parents  du  sire  de  L'isle- 
Adam  ,  partisans  secrets  du  duc  de  Bourgogne  , 
lui  vinrent  proposer  d'introduire  ce  seigneur  dans 
la  ville  avec  la  garnison  de  Pontoise,  dont  il  était 
capitaine.  Perrinet  Le  Clerc  y  consentit,  et  as- 
sembla quelques-uns  de  ses  compagnons ,  de 
conduite  assez  déréglée,  de  beaucoup  de  témé- 
rité et  de  peu  de  réflexion.  La  plupart  étaient  fils 
de  bouchers.  »  De  leur  côté  le*  Bourguignons 
se  préparèrent  :  ils  réunissaient  à  peine  sept  ou 
huit  cents  chevaux  et  comptaient  dans  leurs  rangs 
Guy  de  Bar,  Chastellux,  Chevreuse,  Ferry  de 
Mailly  et  Lyonnet  de  Bournonville.  Dans  la  nuit 
du  28  au  29  mai  1418,  Perrinet  déroba  à  son 
père  les  clefs  que  celui-ci  gardait  sous  son  chevet, 
monta  la  garde  à  la  porte  Saint-Germain  avec 
ses  complices,  et  l'ouvrit  à  L'Jsle-Adam  dès 
qu'il  se  présenta.  Les  Bourguignons  avancèrent 
en  silence  jusqu'au  Châtelet,  où  ils  rencontrè- 
rent quatre  cents  bourgeois  armés  que  Perrinet 
avait  fait  entrer  dans  la  conspiration.  Alors  écla- 
tèrent les  cris  de  «  Vive  Bourgogne!  Vive  ie 
roi  !  Que  ceux  qui  veulent  la  paix  s'arment  et 
nous  suivent!  »  La  population  seconda  la  troupe 
de  L'Isle-Adam,et  le  triomphe  fut  assuré  ;  mais 
il  fut.  acheté  par  des  massacres  et  des  pillages 
dont  les  historiens  contemporains  tracent  le 
plus  lugubre  tableau.  Quant  à  Perrinet,  il  ne 
ouit  pas  longtemps  des  fruits  de  sa  trahison  :  il 
ut  trouvé  mort  à  quelques  jours  de  là ,  frappé, 
i  ce  qu'on  prétend ,  de  la  propre  main  de  son 
père.  P.  L — v. 

Monstrelet ,  IV.  —  Ju vénal  des  Ursins.  —  Le  Fèvre 
aint-Bemi,  c,  85.  —  Chronique  du  religieux  de  Saint- 
lenis.  —  Barante,  Hist.  des  Ducs  de  Bourgogne,  IV. 
-  Sismondi,  Hist  des  Français,  XI!. 

le  clerc  (Jean),  premier  martyr  de  la  re- 
igion  réformée  en  France ,  né  à  Meaux,  vers  la 
în  du  quinzième  siècle,  brûlé  en  1525,  à  Metz. 
I  était  cardeur  de  laine,  et  fut  gagné ,  ainsi  que 
)eaucoup  d'artisans,  à  la  cause  ds  la  réforme  par 
a  lecture  du  Nouveau  Testament,  traduit  en  fran- 
çais par  Lefèvre  d'Étaples  et  répandu  dans  le 
liocèse  par  l'évêque  Briçonnet.  Ayant  eu  la  har- 
iiesse  d'afficher  aux  portes  de  la  cathédrale  un 
ilacard  où  le  pape  était  traité  d'antechrist,  il  fut 
ïondamné,  par  arrêt  du  parlement,  à  être  fouetté 
i  Paris  et  à  Meaux ,  marqué  au  front  et  banni. 
Ise  retira  à  Rosoy,  en  Brie,  puis  à  Metz  (1525), 
)ù  il  travailla  de  son  métier.  Emporté  par  Par- 
leur de  son  zèle ,  il  brisa  un  jour  les  images  qui 
levaient  servir  à  une  procession  catholique. 
i  Loin  de  nier  le  sacrilège  dont  on  l'accusa ,  il 
'en  fit  gloire;  aussi  son  procès  fut-il  bientôt  jugé. 
1  fut  condamné  à  un  épouvantable  supplice. 
)n  lui  coupa  le  poing  droit,  on  lui  arracha  le 
lez,  on  lui  tenailla  les  bras,  on  lui  déchira  les 
namelles,  on  lui  ceignit  la  tête  de  deux  ou  trois 
cercles  de  fer  rouge,  et  pendant  que  le  bourreau 
'acharnait  ainsi  sur  son  corps,  l'intrépide  con- 

NOUV.   B10GR.   GÉNÉK.   —    T.   XXX. 


LE  CLERC  19-1 

I  fesseur  de  la  foi  protestante  chantait  à  haute  voix 
I  ce  verset  du  psaume  CXV  :  Leurs  idoles  sont 

(Toi  et  d'argent ,  etc.  Son  chant  ne  cessa  qu'au 
.  milieu  des  flammes  du  bûcher  dans  lequel  on 
j  finit  par  le  jeter,  sanglant  et  mutilé  ». 

Son  frère  Pierre,  cardeur  comme  lui,  et  qui 

avait  été  choisi  comme  ministre  par  les  protes- 
I  tants  de  Meaux,  paya  aussi  de  sa  vie  en  1546  son 
I  attachement  à  la  réforme.  K. 

Haag  frères ,  La  France  Protestante,  \  1. 

le  cleuc  (Jean),  graveur  français,  né  à 
I   Paris,  dans  la  seconde  moitié  du  seizième  siècle. 

11  a  gravé  sur  cuivre  et  sur  bois  dès  l'an  1596. 
i  Le  plus  fameux  de  ses  ouvrages  est  une  grande 
j  Carte  de  France  en  neuf  feuilles,  contenant  plus 

de  30,000  indications  géographiques ,  composée 
I  par  François  de  La  Guillotière  et  présentée  vers 
j  1612  au  jeune  roi  Louis  XIII.  On  en  a  fait  plusieurs 
I  tirages,  notamment  en  1624  et  en  1640;  mais 

ce  spécimen  curieux  de  gravure  en  bois  n'en  est 
j  pas  moins  fort  rare.  K. 

Papillon,  Traité  de  la  Gravure  en  bois. 

le  clerc  de  la  forest  (Antoine),  érudit 
j  français,  né  le  23  septembre  1563,  à  Auxerre, 
i  mort  le  23  janvier  1628,  à  Paris.  Issu  d'une  fa- 
j  mille  qui  descendait  de  Jean  Le  Clerc,  chancelier 
:  de  France  en  1420,  il  se  destina  d'abord  à  l'état 
ecclésiastique  ;  mais ,  après  avoir  reçu  la  tonsure, 
I  il  prit  le  parti  des  armes,  et  combattit,  de  1585 
!  à  1592  ,  dans  les  rangs  des  calvinistes,  dont  il 
I  était  devenu  le  coreligionnaire.  En  1595  il  pro- 
|  nonça  son  abjuration  à  Paris,  et  s'y  maria.  Nommé 
j  maître  des  requêtes  de  l'hôtel  de  Marguerite  de 
|  Valois ,  il  se  distingua  par  sa  profonde  connais- 
sance des   auteurs  sacrés  et  profanes  dans  les 
conférences  qui  se  tenaient  chez  cette  princesse; 
|  il  aimait  et  protégeait  les  lettres;  beaucoup  de 
savants  se  faisaient  honneur  d'être  en  relation 
avec  lui;  c'est  à  lui  que  presque  tous  étaient  re- 
devables des  gratifications  qu'ils  recevaient  de 
Marguerite,  du  cardinal  du  Perron ,  des  maisons 
de  Puisieux,  d'Étarnpes,  etc.  Sa  charité  était 
inépuisable;  aussi  entra-t-il   dans  tout  le  bien 
qui  se  lit  de  son  temps  et  fut-il  lié  avec  les  per- 
sonnages les  plus  vertueux ,  tels  que  saint  Fran- 
çois de  Sales ,  la  mère  Alix  Le  Clerc  et  Saint- 
Vincent  de  Paul,  ainsi  qu'avec  les  réformateurs 
des  ordres  religieux,  qu'il  appuya  de  son  crédit 
et  de  ses  conseils.  Il  mourut  en  odeur  de  sain- 
teté, et  fut  enterré  dans  l'église  des  Pénitents  de 
Picpus.  On  a  de  lui  :  Explications  de  quelques 
endroits  de  V Écriture  Sainte  :  relatives,  d'après 
l'abbé  Lebeuf,  au  livre  intitulé  :  De  Mundi  Opère  ; 
1618;  —  Commentaire  latin  sur  les  lois  an- 
ciennes de  Rome;  Paris,  1603,  in-4°,  signé  An- 
tonius  Clarus  Sylvius  ;  —  Défense  des  puis- 
sances de  la  terre,  contre  Mariana;  Paris, 
1610,  in-8°;  —  Lettres  de  piété,  accompa- 
gnées de  Méditations  et  de  Maximes,  réimpr. 
eu  1644  avec  sa  vie.  On  lui  attribue  l'édition 
De  Romanorum  Genlibus  etFamiliis,  d'A.  Au- 
gustintts  et  F.  Ursinus;  Lyon,  1592,  in-4°.  Là 

7 


195 


LE  CLERC 


196 


■vie  d'Antoine  Le  Clerc  a  été  imprimée  sous  le 
titre  :  Le  Séculier  parfait  ;  par  Louis  Provansal 
de  La  Forest;  Paris,  10i4,  in-8°;dans  i' Histoire 
du  Tiers  Ordre  de  Saint-François  (1607)  ;  et  les 
Annules  latines  du  même  ordre  (1680,  t.  111  ). 

P.  L— y. 
Lebciif  (  abbd>,  Mem.  concernant  l'hist.  eccles.  et  civile 
l'Auxerre,  11,508  el  sniv. 

leclerc,  en  latin  clericcs,  famille  ori- 
ginaire du  Beauvaisis  et  réfugiée  à  Genève,  con- 
nue par  deux  ou  trois  générations  d'érudits;  les 
principaux  sont  les  suivants  : 

leclekc  (  David),  théologien  protestant,  né 
à  Genève,  le  19  février  1591,  et  mort  dans  la 
même  ville,  le  21  avril  1654.  Après  de  bonnes 
études  faites  dans  sa  patrie,  il  alla  les  perfec- 
tionner à  Strasbourg,  et  puis  à  Heidelberg,  où  il 
travailla  avecGruler  à  une  édition  des  Lettres  de 
Cicéron  à  Atticus.  En  1015,  il  passa  en  Angle- 
terre avec  l'intention  de  se  perfectionner  dans 
l'étude  de  la  langue  hébraïque.  La  mort  de  son 
père  et  de  sa  mère,  en!e\és  presqu'au  même  mo- 
ment par  la  peste ,  le  rappela  bientôt  à  Genève. 
Il  y  obtint,  en  1618,  la  chaire  d'hébreu,  qu'il 
remplit  sans  rétribution.  Dix  ans  après,  il  se  fit 
recevoir  ministre.  On  a  de  lui  :  Qttxstiones  sa- 
crx,inquibus  milita  Script  urx  loca  variaque 
iingux  sacrx  idiomata  explicantur  ;  accesse- 
runt  similiiunaryumentorumdiatribx  Steph> 
Gltrici;  Amsterdam,  l08i,  in-8" ,  publiées  par 
les  soins  de  J.  Leclerc,  qui  y  ajouta  des  notes  et 
une  notice  biographique  des  deux  auteurs; —  Ora- 
tiones  (XIII),  conspectus  ecclesiasticus  et  poe- 
mata  ;  accedunt  Steph.  Clerici  Disserlationes 
philologicx  ;  Amsterdam,  1087,  in-8°,  avec  une 
préface  de  J.  Leclerc;  —  une  traduction  latine 
de  la  synagogue  de  Buxtorf;  Bâle,  1641,  in-8° 
et  in-4°  ;  —  des  traductions  dt  quelques  ouvrages 
anglais;  —  plusieurs  pièces  de  vers  latins,  grecs, 
hébreux,  imprimées  en  tête  de  divers  ouvrages. 

M.N. 

La  vie  de  D.  Leclerc,  dans  ses  Qvœstiones  sacrw.  — 
MM.  ilaag  ,  La  France  Protestante.—  Sèneblér,  Hist. 
Littèr.  de  Genève. 

leclerc  (Etienne),  frère  du  précédent,  né 
à  Genève,  le  13  août  1599,  et  mort  dans  cette 
ville,  le  3  octobre  1076.  Il  suivit  d'abord  la  car- 
rière militaire;  il  se  fit  ensuite  recevoir  docteur 
en  médecine.  En  1643  il  obtint  une  chaire  de 
langue  grecque;  il  l'occupa  jusqu'en  1662. 
Nommé  en  1654  membre  du  Conseil  des  Deux 
Cents,  il  entra  en  1662  dans  le  Petit  Conseil.  On 
a  de  lui:  une  édition  d'Hippocrate;  Genève,  1657, 
iu-fol.  ;  —  sepl  dissertations  dans  les  Quxstïones 
sacrx  de  son  frère  ;  —  et  les  Disserlationes  phi- 
lologicx à  la  suite  des  Oraliones  du  même. 

M.  N. 

La  vie  d'fitlen.  Leclerc  dans  les  \4uxstiones  sacrée.  — 
Scnebirr,  Hist.  Littéraire  de  Genève.  —  MM.  Haag,  La 
France  protestante. 

leclerc  (Daniel),  médecin  et  érudit ,  fils 
du  précédent,  né  à  Genève,  le  4  février  1652  , 
mort  dans  cette  ville,  le  8  juin  1728.  Après  avoir 


suivi  les  cours  des  écoles  de  médecine  de  Mont- 
pellier et  de  Paris,  il  se  lit  recevoir  docteur  à 
Valence  en  1672.  Il  exerça  ensuite  la  médecine 
dans  sa  patrie  avec  succès,  se  délassant  des 
travaux  de  sa  profession  par  l'étude  de  la  litté- 
rature ancienne  et  par  celle  des  médailles,  pour 
laquelle  il  avait  un  goût  décidé.  En  1080,  il  en- 
tra au  Conseil  des  Deux  Cents  et  en  1704  au  Petit 
Conseil.  En  1713,  il  proposa  aux  docteurs  en 
médecine  de  Genève  la  fondation  d'une  société, 
dont  il  fut  nommé  président.  En  outre  de  la  Bi- 
bliotheca  Anatomica  ;  Genève,  1685,  2  vol. 
in-fol.,  qu'il  publia  en  collaboration  avec  J.-J. 
Manget,  on  a  de  lui  :  Chirurgie  complète; 
Paris,  1695,  in-12;  et  1706,  in-8°;  —  Historia 
naturalis  et  medica  latorum  lumbricorum  ; 
Genève,  1715,  in-4o  ;  trad.  en  angl.,  Londres, 
1721,in-8°;  —  Histoire  de  la  Médecine,  où 
Von  voit  l'origine  et  les  progrès  de  cet  art; 
Genève,  1696,  in-8°  ;  2e  édit.  augmentée;  Ams- 
terdam, 1723,  in-4°;  3e  édit.,  La  Haye,  1729, 
in-4°;  trad.  en  angl.,  Londres,  1699,  in-8°.  La 
partie  la  plus  estimée  de  ce  travail  est  celle  qui 
traite  de  l'histoire  de  la  médecine  ancienne,  jus- 
qu'à la  fin  du  second  siècle.  La  partie  qui  est 
consacrée  à  l'histoire  de  cet  art,  depuis  le  troi- 
sième siècle  jusqu'au  milieu  du  dix-septième, 
n'est  donnée  par  l'auteur  lui-même  que  comme 
un  Essai;  elle  est  fort  abrégée  et  manque  d'exac- 
titude. M.  N. 

MM.    Haag,   La  France    Protestante.  —    Sénebier, 
Hist.  Littér.  de  Genève. 

leclerc  (Jea«),  littérateur,  philosophe,  théo- 
logien  et  surtout  célèbre  critique,  frère  du  précé- 
dent, né  à  Genève,  le  19  mars  1657,  mort  à  Ams- 
terdam, le  8  janvier  t736.  Il  acquit  de  bonne 
heure  des  connaissances  étendues  et  variées,  grâce 
à  la  facilité  qu'il  trouva  de  satisfaire  sa  passion 
pour  l'étude,  dans  les  riches  bibliothèques  de  son 
père  et  de  son  oncle,  et  en  même  temps  il  puisa 
dans  la  lecture  des  ouvrages  de  Courcelles,  son 
grand-oncle,  un  goût  prononcé  pour  l'arminia- 
nisme.  Ainsi,  dès  sa  jeunesse,  il  montra  ce  qu'il 
serait  plus  tard,  un  grand  érudit  et  un  esprit  indé- 
pendant, tolétant  et  ennemi  des  préjugés  et  de  la 
routine.  En  1678,  il  se  rendit  à  Grenoble  pour 
faire  l'éducation  dufilsainé  du  conseiller  Sarrasin 
de  La  Pierre.  L'année  suivante  il  profita  d'un  sé- 
jour à  Genève  pour  se  faire  admettre  au  minis^- 
tère  évangélique.  11  retourna  aussitôt  après  à 
Grenoble,  d'où,  en  1680,  il  alla  à  Saumur  pour- 
suivre ses  études  de  théologie.  En  1682,  il  se> 
rendit  à  Londres ,  où  pendant  six  mois  il  prê- 
cha avec  succès  dans  l'église  wallonne  et  dans 
celle  de  la  Savoie.  Le  climat  de  I  Angleterre  ne 
convenant  pas  à  sa  santé,  il  passa  en  Hollande 
avec  Gregorio  Leti,  dont  il  épousa  (1691  )  la 
fille.  Il  se  lia  alors  intimement  avec  Limborch,  le 
plus  célèbre  Remontrant  de  cette  époque,  et  avec  > 
Locke,  qui,  tuyant  sa  patrie,  arriva  eu  Hollande  ! 
peu  de  temps  après  lui.  Les  ministres  de  l'église 
wallonne  l'ayant  fait  interdire  du  ministère  évan-  ' 


197 


LECLERC 


199 


Clique ,  à  cause  de  ses  opinions  théologiques , 
il  fut  nommé  en  lf>84  professeur  de  belles-let- 
tres, de  philosophie  et  d'hébreu,  et,  après  la  mort 
dp  Limhorch ,  professeur  d'histoire  ecclésias- 
tique au  Collège  des  Remontrants  à  Amsterdam. 
Il  remplit  ces  fonctions  jusqu'en  1/28,  époque 
à  laquelle  une  première  attaque  de  paralysie  lui 
enleva  en  partie  la  mémoire.  Une  nouvelle  atta- 


que 


e  priva  en  1732  de  l'usage  de  la  parole  et 
le  réduisit  à  un  état  d'enfance  qui  dura  jusqu'à 
sa  mort. 

«  Leclerc,  dit  M.  Haag,  ne  fut  point  un  homme 
de  génie,  il  n'a  rien  créé;  il  ne  fut  pas  même  un 
homme  d'esprit  ;  ses  productions  ne  se  distin- 
guent ni  par  la  délicatesse  des  pensées  ni  par  la 
grâce  du  style.  C'était  un  savant  doué  d'un  bon 
sens  droit  et  sûr,  d'un  jugement  ferme  et  clair- 
voyant, d'une  conception  nette ,  d'une  raison 
éclairée,  chez  qui  une  érudition  vraiment  extraor- 
dinaire était  encore  rehaussée  par  un  caractère 
noble,  bien  que  trop  irritable,  et  par  des  mœurs 
pures.  Champion  courageux  de  la  liberté  de 
penser,  ennemi  intraitable  du  dogmatisme  et  de 
'intolérance,  il  a  passé  sa  vie  à  combattre  pour 
es  droits  de  la  raison ,  et  l'on  ne  saurait  douter 
me  ses  nombreux  ouvrages  n'aient  contribué  à 
iccélérer  le  mouvement  du  dix-huitième  siècle. 
D'est  à  ce  titre  surtout  qu'il  mérite  notre  estime 
t  notre  reconnaissance.  »  Dans  le  champ  de  la 
héologieexégetique, Leclerc  marcha  sur  lestraces 
le  Grotius,  et  il  se  fit  le  défenseur  de  la  méthode 
'interprétation  à  laquelle  Scruler  et  Augusti 
onnèrent  ensuite  de  nouveaux  développements, 
t  qui  est  acceptée  aujourd'hui  comme  la  seule 
alable. 

On  a  de  lui  :  Liberii  a  Sancto  Amore  epis- 
olse  theologices ,  in  quïbus  varii  scholasti- 
orvm  errores  castigantur  ;  Irenopoli  (  Sau- 
mr),  1679,  in-8°.  Ce  livre,  dans  lequel  il  prend 
arti  pour  les  droits  de  la  conscience  et  de  la 
lison,  le  rendit  suspect  à  Genève  ;  —  Entretiens 
ir  diverses  matières  de  théologie;  Amster- 
am,  1C85,  in-8°.  La  seconde  partie  seule  est  de 
eclerc;  la  première  est  de  Lecène  ;  —  Senti- 
ents  de  quelques  Théologiens  de  Hollande 
ir    /'Histoire  critique    du    Vieux   Testament 
mposee par  le  P.  Rich.  Simon;  Amsterdam, 
85,  in  8°;  2e  édit.,  ibid.  1711,  avec  une  nou- 
lle  préface;  trad.  en  allem.   et  augmenté  de 
tes  par  H.  Corrodi ,  Zurich,  1779,  in-8°.  Le- 
erc,  qui  avait  eu  à  se  plaindre  de  R.  Simon,  se 
oposa,  dans  ce  livre,  de  faire  ressortir  les  er- 
urs  et  les  lacunes  de  YHist.  criliq.  du  Vieux 
slnment.  Rich.  Simon  repoussa  ces  inculpa- 
ns  sous  le  pseudonyme  du  Prieur  de,  Belle- 
Ile,  dans  Réponse  au  livre  intitulé  Senti- 
ents  de  quelques  théologiens ,   etc.  ;  Rotter- 
:tn,  1686,  in  -4°;  —  Défense  des  Sentiments 
quelques  théologiens  de   Hollande   contre 
Réponse  du  Prieur  de  Belleville  ;  Amster- 
.  jm,  1686,  in-8°.  Rich.  Simon  répondit  l'année 
J  Jivante  :  De  V Inspiration  des  livres  sacrés  ; 


Rotteidam,  1687,  in-4°.  On  trouve  dans  ces  deux 
écrits  de  Leclerc  des  opinions  fort  hardies  pqur 
l'époque  à  laquelle  ils  furent  composés,  sur 
l'inspiration  des  Écritures,  sur  l'auteur  du  Pcn- 
taleuque,  sur  h  livre  de  ./«A, etc.;  —  Commen- 
tarii  phUolngici  et  Paraphrases  in  Yet  Tes- 
tam.;  Amsterdam,  1690-1731,4  vol.  in-fol.  Ces 
commentaires  parurent  dans  l'ordre  suivant  : 
Abdïas  en  1690,  la  Genèse  en  1693,  les,  quatre 
autres  livresdu  Peutaleuque  en  1696,  les  livres 
historiques  en  1~08,  les  Psaumes,  les  livres  de 
Salomon  et  les  Prophètes  en  1 731  ;  mais  ces 
derniers,  dans  un  état  assez  imparfait  à  cause  de 
la  maladie  de  Leclerc;  2e  édit,  revue  et  corrigée 
sur  les  manuscrits  de  l'auteur,  Amsterdam,  173$, 
4  vol.  in-fol.;  —  Lellre  à  M.Jurieu  sur  la  ma- 
nière dont  il  a  traité  Episeopius  dans  son. 
Tableau  du  Socinianisme  ;  1690,  in-8"  ;  -r-  Opère- 
Philosophica;  Amsterdam,  1698,4  vol  in-80} 
plusieurs  édit.  Les  divers  ouvrages  qui  com- 
posent ce  recueil  avaient  été  imprimés  d'abord 
séparément  ;  —  Compendium  historiœ  uni- 
versalis,  ab  initio  mundi  usque  ad  temporel 
Caroli.  Magni;  Amsterdam,  1698,  in-8°;  plus, 
édit.;  trad. en  franc,  par  P.  Morrier, Amsterdam, 
1730,  in-8°;  — ISovum  Testamentum  ex  edi- 
tione  vulgata,  cum  paraphrasi  et  adnolatiO' 
nibus  H.  Hammondi,  ex  angl.  ling.  in  latin, 
translation  et  anima  iversionib  us  illustr.; 
Amsterdam,  1698,  2  vol.  in-fol.;  2e  édit,  aug- 
mentée, Francfort,  1714,  2  vol.  in-fol.  Les  notes 
de  Leclerc  rendent  cette  traduction  préférable  à 
l'original  ;  —  Le  Aouveau  Testament  traduit 
sur  Voriginal  avec  des  remarques  où  L'on 
explique  le  texte  et  où  Con  rend  raison  de 
la  version  ;  Amsterdam,  1703,  2  vol.  in  4°  ;  — 
Harmonia  Evangelica,  çui  subjecta  est  histo* 
ria  Christi  ex  quat.  Evangel.  concinnata, 
accesserunt  très  Dissertât.;  Amsterdam,  1699, 
in-fol.;  réimprimé  sans  le  texte  grec,  mais  avec 
une  préface  de  Langius,  Leyde  (Altorf),  1700, 
in-4°,et  Londres,  1701,  in  4°.  Cet  ouvrage  donna 
lieu  à  une  longue  polémique  entre  Leclerc  et  les 
journalistes  d^  Trévoux  qui  accusèrent  les  notes 
et  les  dissertations  d'être  imprégnées  de  soci- 
nianisme; —  Historia  Ecclesiastica  duorum 
primorum  seculorum ;  Amsterdam,  1716, 
in-4°  ;  —  Traité  de  V  Incrédulité  ;  Amsterdam, 
1696,  in-8°;  plus,  édit,  dont  la  meilleure  est 
celle  de  1714,  in-8°.  Ce  traité  est  suivi  de  deux 
lettres  :  la  première  sur  la  vérité  des  faits  évan- 
géliques,  et  la  seconde  sur  celle  des  miracles  du 
Nouv.  Testam.;  —  Quœstioncs  hieronymianse, 
in  quibus  expenditur  Hieronymï  nupera  edi- 
tio  Parisiana  multaque  ad  criticam  sacram 
et  profanant  pertinenlia  agitantur;  Amster- 
dam, 1700,  in-12.  Il  s'agit  ici  de  l'édition  des 
œuvres  de  saint  Jérôme  publiée  à  Paris  par 
dom  Martianay,  que  Leclerc  accuse  d'être  peu 
versé  dans  la  connaissance  des  matières  théolo- 
giques, surtout  dans  celle  de  l'antiquité  hébraï- 
que. Saint  Jérôme  n'y  est  pas  toujours  épargné; 

7. 


199  LECLERC 

—  Ars  eritica;  Amsterdam,  1696,  2  vol.  in-8°; 
plus,  éditions,  dont  les  meilleures  sont  celles  de 
t712  et  de  1731,  en  3  vol.  pet.  in-8°.  Le  troi- 
sième volume  est  formé  des  Epistolx  criticse 
et  ecclesiaslica'  qui  avaient  élé  publiées  séparé- 
ment; Amsterdam,  1700,  in-8°.  L'Ars  eritica 
est  le  premier  traité  systématique  qui  ait  été 
publié  sur  la  meilleure  méthode  d'interpréter 
les  écrivains  de  l'antiquité,  et  en  particulier  les 
écrivains  sacrés.  Cet  ouvrage  remarquable  a  été 
fort  utile  aux  progrès  de  l'exégèse  biblique  ;  — 
Parrhasiana,  ou  Pensées  diverses  sur  des 
matières  de  critique,  d'histoire,  de  morale 
et  de  politique ,  avec  la  défense  de  divers 
ouvrages  de  M.  L.  C.  (Leclerc)  par  Theod. 
Parrhase;  Amsterdam,  1699,  in-12;  2e  édit, 
augm.,  1701,2  vol.  in-8°;  trad.  angl.,  Londres, 
1700,  in- 8°.  Recueil  de  pièces  diverses  qui  atti- 
rèrent à  leur  auteur  des  atlaques  assez  vives  et 
lui  firent  une  affaire  avec  Bayle  ;  —  Réflexions 
sur  ce  qu'on  appelle  bonheur  et  malheur  en 
matière  de  loterie  et  sur  le  bon  usage  qu'on 
en  peut  faire;  Amsterdam,  1694,  in-12;  et 
1696,  trad.  holland.,  1696,  in-8°.  Dans  cet  opus- 
cule, qui,  selon  Bayle,  est  de  Leclerc,  l'au- 
teur déploie  une  grande  érudition  pour  jus- 
tifier les  loteries  ;  —  Vie  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu ;  Cologne  (Amsterdam),  1694,  2  vol. 
in-12  ;  plusieurs  édit.,  dont  la  dernière,  avec  des 
pièces  justificatives,  est  de  1753,  5  vol.  in-12  ;  — 
Histoire  des  Provinces  unies  des  Pays-Bas; 
Amsterdam,  1723-1738,  4  tom.  en  2  vol.  in-fol. 
Cette  histoire  s'étend  de  1560  à  1716.  C'est  une 
compilation  peu  exacte  ;  —  Lettre  à  M.  Ber- 
nard sur  l'apologie  de  F. -A.  GabMon;  Ams- 
terdam, 1708,  in-8",  opuscule  curieux,  dans  le- 
quel Leclerc  se  défend  contre  un  certain  Gabil- 
lon,  qui  avait  pris  son  nom  et  qui  en  Angleterre 
se  donnait  pour  lui  ;  —  Johannis  Clerici  Vita 
et  Opéra  ;  Amsterdam,  1711,  in-8°;  trad. angl., 
Londres,  1712,  in-8°  :  c'est  une  autobiogra- 
phie;— De  Prxstantia  et  TJtilitale  Historiée 
Ecclesiasticx ;  Amsterdam,  1712,  in-4°;  — 
Oratio  funebrisin  obitumPhil.  a  Limborch; 
Amsterdam,  1712,  in-4°  ;  trad.  angl.,  Londres, 
1713,  in-8°  ;  —  trois  publications  périodiques  cé- 
lèbres :  1"  Bibliothèque  universelle  et  histori- 
que; Amsterdam,  1686-1693,  26  vol.  pet. in-12: 
en  société  d'abord  avec  Cornand  de  La  Croze,  dont 
ilfutbientôtobligédeseséparer;  2°  Bibliothèque 
choisie  pour  servir  de  suite  à  la  Biblioth.  uni- 
verselle et  historique  ;  Amsterdam  ,  1703-1713, 
28  vol.  pet.  in-12,  y  compris  la  table,  qui  ne  fut 
publiée  qu'en  1718;  3°  Biblioth.  ancienne  et 
moderne;  Amsterdam,  17 14-1727, 28  vol.  in-18; 
la  table,  formant  le  29e  vol.,  parut  en  1730  ;  les 
derniers  cahiers  sont  de  Bernard.  Ces  trois  pu- 
blications contiennent  des  dissertations  sur  di- 
vers sujets  curieux  et  intéressants;  des  extraits 
étendus  et  des  comptes-rendus  bien  faits  de  la 
plupart  des  bons  ouvrages  de  cette  époque. 
Quelques-unes  des  dissertations  et  des  biogra- 


200 
phies  écrites  pour  ces  recueils  ont  été  imprimées 
séparément;  il  faut  citer  entre  autres  :  Essai  de 
Critique  sur  la  Poésie  des  Hébreux;  Amster- 
dam, 1688,  in-12;  La  Vie  de  saint  Cyprien; 
Amsterdam,  1689,  in-8»;  La  Vie  de  sainte 
Piudence;  Amsterdam,  1689,  in-8°.  —On doit 
encore  à  Leclerc  la  traduction  d'ouvrages  de 
Burnet,  de  Locke,  de  Stanley,  ainsi  que  des 
éditions  annotées  d'un  grand  nombre  d'anciens 
auteurs  grecs  et  latins,  et  des  préfaces,  des  notes 
et  des  augmentations  pour  des  éditions  de  plu- 
sieurs écrivains  modernes.  M.  N. 

J.  Clerici  f-'ita  et  Opéra  ad  annvm  1711,  amici  ejus 
Opusculum  ;  Amsterd.,  1711, in-8».—  Bibliothèq.  Germa- 
niq.,  t.  XLVl .  art.  12.  —  G.  W.  Meyer,  GeschicMe  der 
Schrifterklserung,  tom.  IV,  p.  193,  307  309,  333-336.  — 
MM.  Haag,  La  France  Protestante.  —  Sénebier,  Histoire 
Littér  de  Genève.  —  A  Soyons,  FJist.  de  la  Littérature 
franc,  a  Vétranyer,  t.  11,  p.  33-57. 

leclerc  {Jacques-Théodore),  orientaliste 
et  théologien,  fils  du  médecin  Daniel  Leclerc  et 
neveu  du  précédent,  né  à  Genève,  le  25  novem- 
bre 1692,  et  mort  dans  la  même  ville,  en  1758.  Il 
était  pasteur  et  professeur  de  langues  orientales 
dans  sa  ville  natale  depuis  1725  jusqu'à  l'époque 
de  sa  mort.  On  a  de  lui  :  Préservatif  contre  le 
fanatisme,  ou  réfutation  des  prétendus  ins- 
pirés de  ce  siècle,  trad.  du  latin  de  Sam. 
Turretin;  Genève,  1723,  in-8°,  à  l'occasion  des 
prophètes  des  Cévennes  ;  —  Supplément  au  Pré- 
servatif contre  le  fanatisme;  Genève,  1723,  in-8°; 
—  Les  Psaumes  trad.  en  franc,  sur  l'original  ' 
hébreu; Genève,  1740 et  1761,  in-8°.     M.  N. 

Sénebier,  Hist.  Littér.  de  Genève.  —  MM.  Haag,  La 
France  Protest. 

leclerc  (Sébastien),  graveur  français,  né 
à  Metz,  le  26  septembre  1637,  mort  à  Paris,  le 
29  octobre  1714.    Son  père,  Laurent  Leclerc,, 
orfèvre,  mort  centenaire  à  Metz,  en  1695,  lui  en- 
seigna les  éléments  du  dessin.  A  sept  ans,  Se-- 
bastien  Leclerc  commençait  déjà  à  graver;  ai 
douze  ans  il  enseignait  le  dessin.  Il  s'appliqua  à  1 
la  géométrie  et  à  la  physique,  et  devint  habile J 
dans  la  perspective.  Nommé  ingénieur  géographe  1 
du  maréchal  de  La  Ferté  en  1660,  il  leva  les 
plans  des  principales  places  du  pays  Messin  eti 
du  Verdunois-,  mais  lorsquil  apprit  qu'on  avait 
mis  sous  le  nom  d'un  autre  le  plan  de  Marsal, 
qu'il  avait  exécuté  avec  soin,  il  quitta  son  em- 
ploi, et  revint  à  Paris,  en  1665,  pour  solliciter 
une  position  dans  le  génie.  Lebrun  lui  conseilla 
de  se  livrer  entièrement  à  la  gravure,  et  bientôt 
Leclerc  y  acquit  une  grande  réputation.  Colbert 
lui  fit  avoir   un  logement  aux  Gobelins,  avec 
1,800  livresde  pension.   En  1672  Leclerc  fut  ad- 
mis à  l'Académie  de  Peinture  et  nommé  profes- 
seur de  perspective,  fonctions  qu'il  exerça  jus- 
qu'en 1702  ;  il  r°nonça  alors  à  cette  place,  et  ne 
conserva  qu'une  pension  de  40.0  livres.  Louis  XIV 
le  nomma  graveur  de  son  cabinet  et  professeur 
à  l'école  des  Gobelins.  Les  compositions  de  Le-  j 
clerc  ont  de  l'étendue,  de   la  profondeur,   du 
grandiose;  son  faire  est  large,  sa  pointe  moelleuse 
et  son  burin  agréable.  L'œuvre  de  Leclerc  monte 


201 


LECLERC 


202 


à  quatre  mille  pièces,  presque  toutes  de  sa  corn- 
I position.  On  cite  :  Batailles  d'Alexandre;  — 
i  Conquêtes  de  Louis  XIV,  en  treize  pièces;  — 
\Le  Mai  des  Gobelins;  —  Le  Concile  de,  Nicée; 

—  L'Arc  de  triomphe  de  la  porte  Saint-An- 
toine; —  L'Apothéose  d'fsis;  —  Les  Figures 

là  la  mode,  en  vingt  feuilles;  —  La  Passion, 
en  trente-six  planches;  —  Les  Caractères  des 
[passions,  d'après  Le  Brun,  en  vingt  feuilles;  — 
\  Principes  à  dessiner,  cinquante-deux  planches; 
_  Costumes  des  Grecs  et  des  Romains,  vingt- 
cinq  sujets;  —  Médailles,  Jetons  et  Monnoies 
\de  France,  en  trente  feuilles.  On  a  en  outre 
de  Sébastien  Leclerc  :  Pratique  de  la  Géomé- 
\trie  sur  le  papier  et  sur  le  terrain,  avec  un 
Inouvel  ordre  et  une  méthode  particulière  ; 
1669,  in-12,  avec  fig.  ;  1683,  1719,  1735,  1745, 
in-8°  ;  nouvelle  édition  sous  ce  titre  :  Traité  de 
\Géométrie  théorique  et  pratique  à  l'usage  des 
\artistes,  avec  trente-sept  planches  de  Cochin  et 
(augmentées  de  planches  originales  de  Sébastien 
JLeclerc;  Paris,  1774,  in-8°;  —  Système  de  la 
\vision  fondée  szcr  de  nouveaux  principes; 
11679,  in-12  ;  Paris,  1712,  in-8°;  nouv.  édit.  sous 
!ce  titre  :  Discours  touchant  le  point  de  vue; 

—  Nouveau  Système  du  Monde  conforme  à 
l'Écriture  Sainte,  où  les  faits  sont  expli- 
qués sans  excentricité  de  mouvements,  avec 
figures;  Paris,  1706,  in-8°;  1708,  in-8°;  — 
Traité  d' Architecture,  avec  des  remarques 
et  des  observations  très-utiles  pour  les  jeunes 
gens  qui  veulent  s'appliquer  à  ce  bel  art;  Pa- 
ris, 1714,  2  vol.  in-4°;  Nuremberg,  1782,  in-4°; 

—  Figures  de  la  passion  de  Jésus- Christ , 
présentées  à  Mme  de  Maintenon,  in-4°;  réim- 
primées sous  ce  titre  :  La  Passion  de  Jésus- 
Christ,  et  les  actions  du  prêtre  à  la  sainte 
messe,  avec  des  prières  correspondantes  aux 
tableaux;  Paris,  1729,  in-12; —  Calendrier 
des  Saints,  ou  figures  des  vies  des  saints  pour 
tous  les  jours  de  l'année;  Amsterdam,  1730, 

2  vol.  in-4°  ;  —  Les  vrais  Principes  dît  dessin, 
suivis  du  Caractère  des  Passions  ;  1784,  in-12, 

—  Œuvre  choisi  de  Séb.  Leclerc,  contenant 
229  estampes;  Paris,  1784,  in-4°.        J.  V. 

Béein  ,  Biogr  de  la  Moselle.  —  Ch.-Ant.  Jombert,  Ca- 
talogue des  pièces  gravées  par  Séb.  Leclerc,  avec  un 
abrégé  de  sa  vie;  Paris,  1774,  2  vol.  in-8°.  —  Quérard, 
La  France  Littéraire. 

leclkrc  (Laurent- Josse),  érudit  français, 
le  troisième  des  dix  enfants  du  précédent,  né  le 
22  août  1677,  à  Paris,  mort  le  6  mai  1736,  à 
Lyon.  Admis  dans  la  communauté  des  prêtres 
de  SaintSulpice,  il  devint  en  1704  licencié  de 
Sorbonne,  et  enseigna  la  théologie  à  Tulle  et  à 
Orléans.  En  1722  il  se  rendit  à  Lyon  pour  y 
prendre  la  direction  du  séminaire.  On  a  de  lui  : 
Remarques  sur  différents  articles  des  trois 
premiers  volumes  du  Dictionnaire  de  Moréri, 
de  l'édition  de    1718    (Orléans),   1719-1721, 

3  vol.  in-8°;  ce  livre,  publié,  en  trois  parties  sé- 
parées et  à  petit  nombre ,  contient  les  correc- 
tions de  l'auteur  jusqu'à  la  lettre  L  inclusive- 


ment; il  en  fit  usage  dans  l'édition  du  Moréri 
de  1 725,  à  laquelle  il  eut  beaucoup  de  part  avec 
La  Barre.  Quant  à  la  suite  des  Remarques,  qui 
s'étendaient,  à  ce  qu'il  paraît,  jusqu'à  la  fin  de 
la  lettre  P,  elle  n'a  pas  été  imprimée  ;  —  Biblio- 
thèque des  Auteurs  cités  dans  le  Dictionnaire 
de  Bichelet,  placée  en  tête  de  l'édition  de  cet 
ouvrage  faite  à  Lyon,  1728,  3  vol.  in-fol.,  et 
supprimée  dans  l'édit.  d'Amsterdam ,  in-4°  ;  — 
Lettre  critique  sur  le  Dictionnaire  de  Bayle, 
avec  une  préface  qui  contient  un  jugement 
de  ce  Dictionnaire;  La  Haye  (Lyon),  1732, 
in-12  ;  —  Dissertation  sur  l'auteur  du  sym- 
bole «  Quicumque  »,  etc.  ;  in-12  ;  —  Lettre  pour 
servir  d'éclaircissement  aux  articles  82  et  88 
des  Mémoires  de  Trévoux  (  août  et  sept.  1735), 
insérée  dans  le  même  recueil  (mai  1736),  et  dans 
laquelle  il  justifie  son  père  de  l'accusation  de  pla- 
giat élevée  contre  lui  par  M.  d'Aleman  au  sujet  de 
l'ordre françois;  —  Lettre  (apologétique)  sur 
saint  Fauste  de  Riez,  dans  les  Mémoires  de 
Trévoux  (juill.  1736).  L'abbé  Leclerc,  dont  la 
critique,  en  général  exactp,  se  perdait  souvent 
dans  les  détails  les  plus  minutieux,  avait  encore 
écrit  une  Histoire  des  Papes;  une  Chronologie 
des  Rois  de  France  de  la  première  race;  un 
abrégé  de  la  Vie  de  son  père  avec  le  catalogue 
de  ses  ouvrages;  un  Traité  du  Plagiat,  qui  se 
conservait  au  séminaire  de  Lyon  ;  une  Apologie. 
du  P.  Labbe,  etc.;  mais  aucun  de  ces  manuscrits 
n'a  vu  le  jour.  P.  L — y. 

Mercure  de  France,  février  1737.  —  Mémoires  de  l'abbe 
d'Attigny,  V.  -  Moréri,  Grand  Met  Histor ,  III,  éd.  17S9. 

LE  clerc  (Paul),  théologien  français,  né 
le  19  juin  1657,  à  Orléans,  mort  le  29  décembre 
1740,  à  Paris.  Il  entra  en  1677  dans  la  Société 
des  Jésuites ,  enseigna  d'abord  les  humanités  et 
la  rhétorique,  et  fut  ensuite  appelé  à  Paris,  où 
il  occupa  divers  emplois,  entre  autres  celui  de 
procureur  de  la  maison  à  laquelle  il  était  attaché. 
On  a  de  lui  :  La  Vie  d'Antoine- Marie  Ubal- 
din  ;  La  Flèche,  1686,  in-16;  plusieurs  fois  réim- 
primée ;  l'édition  de  Paris,  1726,  intitulée  :  La  Jeu- 
nesse sanctifiée  dans  ses  études,  ou  l'écolier 
chrétien,  contient  en  outre,  du  même  auteur, 
la  Vie  d'Alexandre  Bercius  (1686),  et  la  Vie 
de  Guillaume  Ruffin  (1690);  —  Abrégé  de  la 
vie  du  bienheureux  Jean- François  Régis; 
Lyon,  1711,  in-12  (anonyme),  attribué  aussi  au 
P.  de  Colonia;  —  Réflexions  sur  les  quatre 
fins  dernières;  —  Réflexions  sur  les  obstacles 
et  les  moyens  du  salut;  in-16;  —  Considéra- 
tions chrétiennes  pour  tous  les  jours  du  mois  ; 
—  Les  véritables  Motif  s  de  confiance  que  doi- 
vent avoir  les  fidèles  dans  la  protection  de  la 
sainte  Vierge;  Paris,  9e  édit.,  1786,  etc.  K. 
Moréri .  Grand  Dict.  Hist. 

LE  clerc  (Michel) ,  avocat  et  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Alby,  en  1622,  mort  à 
Paris,  le  8  décembre  1691.  11  vint  à  Paris  en 
1645,  pour  y  faire  représenter  sa  première  tra- 
gédie, La    Virginie  romaine ,   qui    obtint   up 


S08  LECLERC 

succès  mérité.  Cependant  cette  réussite  n'encou- 
ragea pas  le  jeune  auteur  à  suivre  la  carrière 
littéraire  :  il  se  lit  recevoir  avocat  au  parlement, 
et  pendant  plus  de  trente  ans  ne  donna  rien  au 
théâtre.  Il  avait  été  reçu  à  l'Académie  Française 
le  26  juin  1062.  On  a  de  lui  :  La  Virginie  ro- 
maine, tragédie,  1645.  On  trouve  dans  cette 
pièce  des  vers  dignes  de  Corneille.  Ceux-ci,  par 
exemple,  adresses  par  Virginie  au  décemvir  Ap- 
pius  Claudius,  qui  lui  peint  sa  passion  : 

Venu -tu  dans  mon  esprit  passer  pour  véritable? 
Veux-tu  même  à  mes  yeux  devenir  agréable, 
tyériler  mon  esiiuie  et  vaincre  mes  mépris? 
Fais  sans  plus  différer  ce  que  je  le  prescris  : 
Dépouille  sans  tarder  ce  pouvoir  tjranuique, 
Sons  qui  tombe  et  gémit  la  liberté  publique; 
Car  tu  peux  l'assurer  que  j'aimerai  bien  mieux 
yn  simple  citoyen,  qu'un  tyran  glorieux 
Quitte  ces  vains  f.lsceaux  et  tant  d'indignes  marques 
De  l'injuste  pouvoir  de  nos  derniers  monarques. 
Qui  ne  témoignent  rien  qu'un  courage  abattu, 
Et  marche  accompagné  de  ta  seule  vertu. 
De  les  soldats  mu'lns  réprime  l'insolence, 
Fais  fleurir  la  vertu,  protège  l'innocence, 
Honore  le  sénat  et  respeete  nos  lois, 
Rends  au  peuple  romain  sa  franchise  et  ses  droits, 
SI  lu  m'oses  aimer,  si  tu  veux  que  Je  t'aime  : 
autrement 


204 


lphigénie,  tragédie  (avec  l'abbé  Boyer):  1675; 
—  Oreste,  tragédie,  1681,  non  imprimée.  Racine 
lit  cette  épigramme  sur  Vlphi'jénie  de  Le  Clerc  : 

Entre  Le  Clerc  et  son  ami  Coras, 
Deux  grands  auteurs,  rlminl  de  compagnie, 
N'a  pas  longtemps  s'ourdirent  grands  débats 
Sur  le  propos  de  leur  lphigénie. 
Coras  lui  dit  :  I  a  pièce  est  de  mon  crû; 
Le  Clerc  répond  :  Elle  est  mieine,  et  non  vôtre. 
Mais  aussitôt  que  la  pièce  eut  paru  . 
Plus  n'ont  voulu  l'avoir  fait  l'un  ni  l'autre. 
A.  Jadin. 
Parfaict  frères,  Histoire  du  Théâtre  Français,  t.  VI , 
p.  316.  —  Pelllsson,  Histoire  de  V Académie  Française. 

LECLERC  (  David),  peintre  suisse,  né  à 
Berne,  en  1680,  mort  à  Francfort,  en  1738.  Après 
des  voyages  faits  à  Paris  et  à  Londres,  Leclerc 
s'établit  à  Francfort,  où  il  passa  le  reste  de  ses 
jours.  11  a  peint  à  l'huile  et  en  miniature  les 
portraits  d'un  grand  nombre  de  princes  et  de 
princesses  de  l'Allemagne.  Son  dessin  est  cor- 
rect; quant  au  coloris,  il  avait  pris  pour  modèles 
Rubens  et  Rigaud.  Il  a  aussi  exécuté  quelques 
paysages  et  des  tableaux  de  fleurs. 

Jean-Frédéric  Lfclehc,  son  fils,  né  à  Londres, 
en  1717,  s'adonna  à  la  peinture,  et  travailla  long- 
temps à  la  cour  de  Deux-Ponts. 

Isaac  Lecleuc  frère  de  David,  mort  en  1746, 
apprit  l'art  de  la  gravure  sur  acier  et  en  pierres 
fines  auprès  de  son  père,  qui  était  médailleur  de 
la  cour  de  Cassel,  fonctions  dans  lesquelles 
Lsàaç  lui  succéda.  E.  G. 

Fiissli  AHnem.  KUnstlcr-Lcrikon ,  el  Ceschichle  der 
besten  Kilnsller  uus  der  Mchwcitl. 

leclerc  (  Gabriel),  médecin  français,  du 
dix-septième  siècle.  Il  était  médecin  ordinaire 
de  Louis  XIV,  et  il  exerçait  avec  succès  la  mé- 
decine et  la  chirurgie.  On  a  de  lui  :  L'Appareil 
commode  en  faveur  des  jeunes  chirurgiens; 
Paris,  1700,  in-12;  —  La  Médecine  aisée,  où 


l'on  donne  à  connaître  les  causes  des  mala- 
dies internes  et  externes  et  les  remèdes 
propres  à  les  guérir;  Paris,  1719,  in-12.  On 
lui  attribue  encore  :  V  École  du  Chirurgien,  ou 
les  principes  de  la  chirurgie,  par  un  docteur 
en  médecine  de  la  faculté  de  Montpellier;  Paris, 
1684,  in-12,  ainsi  que  le  Catalogue  particulier 
des  Drogues;  Paris,  1701 ,  in-12.  On  a  publié 
sous  le  nom  de  Gabriel  Leclerc  :  La  Chirurgie 
complète,  par  demandes  et  par  réponses;  Pa- 
ris, 1694,  in-12;  un  second  volume  a  pour  titre 
Ostéologie  exacte  et  complète;  Paris,  1706, 
in-12;  ces  deux  ouvrages  ont  été  réimprimés  à 
Paris,  en  1719,  et  à  Bruxelles,  en  1724,  en  2  vol. 
in-12.  Quelques  bibliographes  attribuent  la  Chi- 
rurgie complète  au  médecin  genevois  Daniel 
Leclerc.  Fontenelle  attribue  YOsléologie  à  Fran- 
çois Pou  part.  J.  V. 

Éloy ,  Dict.  histor.  de  la  Médecine  anc.  et  mod.  —  ■ 
Quérard,  La  France  Littéraire. 

leclerc  (Pierre),  théologien  janséniste 
français,  né  en  1706,  dans  le  diocèse  de  Rouen, 
mort  vers  1781,  en  Hollande.  Reçu  maître  es 
arts  par  l'université  de  Paris,  il  embrassa  l'état' 
ecclésiastique,  et  devint  sous-diacre  en  1729; 
mais  après  avoir  signé  le  formulaire  il  désa- 
voua cet  acte  de  soumission,  partagea  les  illu- 
sions d'un  parti  qui  reconnaissait  comme  pro- 
phète un  prêtre  nommé  Vaillant,  et  n'avança* 
pas  davantage  dans  les  ordres.  Son  zèle  exagéré 
l'exposa  à  quelques  persécutions,  et  il  fut  obligé  • 
de  se  retirer  en  Hollande,  où  il  dépassa  en  fana- 
tisme les  appelants,  réappelants  et  autres  sec- 
taires jansénistes.  Ainsi,  non-seulement  il  blâ- 
mait la  paix  de  Clément  IX,  mais  il  rejetait  la  I 
profession  de  foi  de  Pie  IV,  soutenait  que  l'épis- 
copat  n'était  pas  d'institution  divine  et  ne  re- 
connaissait pour  œcuméniques  que  les  sept  pre- 
miers conciles  généraux.  Les  prêtres  dUtrecht, 
réunis  en  concile  le  13  septembre  1763,  l'invi- 
tèrent à  présenter  sa  délense;  Leclerc  refusa 
avec  hauteur  et  publia  de  nouvelles  lettres,  dans 
lesquelles  il  attaquait  la  procession  du  Saint- 
Esprit,  la  primauté  du  pape  et  le  concile  de 
Trente,  qu'il  traitait  Rassemblée  de  novateurs. 
Condamné  par  les  prêtres  d'Utreclit,  excommu- 
nié par  l'évêque  van  Stipliont,  qu'il  avait  pendant 
longtemps  assisté  en  qualité  de  sous-diacre,  il 
perdit  toute  mesure,  récusa  l'évêque  et  les  prêtres, 
en  appela  à  un  concile  général,  et  finalement  se 
plaignit  d'avoir  été  jugé  sans  être  entendu.  Ses 
principaux  écrits  sont  :  Acte  de  révocation  de 
la  signature  du  formulaire  ;  1733.  in-12;  — ■ 
Homélies  de  S.  Grégoire,  pape,  sur  Ezéchiel ; 
1747  ;  —  Vies  intéressantes  de  plusieurs  Re- 
ligieuses de  Port- Royal  ;  Utrecht,  1750-1752, 
4  vol.  in-12;  —  Renversement  de  la  religien 
et  des  lois  divines  et  humaines  par  toutes 
les  bulles  et  brefs  contre  Bains,  Jnnse- 
nins,  eic;  Rouen,  1756,  2  vol.  in-12;  ce  recueil 
ayant  donné  lieu  à  une  vive  critique,  insérée 
dans  les  Nouvelles  Ecclésiastiques  (mai  1757), 


Î05 


LECLERC 


266 


l'auteur  en  fit  l'apologie  sous  le  titre  de  Réponse, 
1757,  in-12;  —  Idée  de  la  vie  et  des  écrits  de 
G.  de  Wttte;  Amsterd.,  1756,  in-12  ;  —  Précis 
d'un  acte  de  dénonciation  d'une  multitude 
de  bulles,  brefs,  etc.;  ibid.,  1758,  in-12;  — 
Lettre  et  Dénonciation  sur  les  matières  les 
plus  importantes ;Md.,  1763,  in-12;—  Lettre 
encyclique  à  MM.  les  pasteurs  de  V Église  de 
Hollande;  ibid.,  1765,  in-12; — Préface  his- 
torique qui  contient  l'histoire  abrégée  du 
mystère  d'iniquité ,  ou  le  concile  célébré  à 
Vtrecht  convaincu  de  brigandage  ;  ibid.,  1765, 
in-12,  un  des  écrits  les  plus  curieux  de  Leclerc; 
—  Borne  redevenue  païenne  et  pire  que 
païenne;  1764;  —  Description  d'un  Plahi- 
sphère céleste;  Amsterdam,  1775,  in-80;—  L'As- 
tronomie mise  à  la  portée  de  tout  le  monde, 
dédiée  aux  princes  de  Nassau  -  Dietz  et 
Orange;  ibid.,  1780,  2  vol.  in-8°;  ces  deux  ou- 
vrages sont  attribués  par  M.  Quérard  à  cet  au- 
teur, qui  aurait  été  confondu  par  quelques  bio- 
graphes avec  un  de  ses  homonymes,  né  aussi  en 
Normandie.  L'abbé  Leclerc  édita  en  outre  :  His- 
toire des  Persécutions  des  Religieuses  de 
Port-Royal,  in-4°; —  Mémoires  de  Walon  de 
Beaupuis;  1751,  in  12;  —  Journal  de  l'abbé 
Borsannè;  1753,  2  vol.  in-4°,  et  6  vol.  in-12  ; 
Vie  de  la  Mère  des  Anges,  abbesse  de 
Port-Royal;  1754,  in-12;  —  Recueil  de  pièces 
qui  n'ont  point  encore  paru  sur  le  formu- 
laire; 1754,  in-12,   etc.  K. 

Picot,  Mémoires  ecclésiastiques.  —  Nouvelles  ecclé- 
siast.,  1754  1765.  —  Guilbert,  Mém.  biogr.  et  littér.  de 
la  Seine-Inf.  —  Quérard ,  La  France  LUI. 

lecleuc  de  LA  brcère  (  Charles-An- 
toine), auteur  dramatique  français,  né  àCrépy 
en  Valois,  en  1714,  selon  les  uns,  ou  à  Paris,  en 
1715,  1716  ou  1717  selon  d'autres,  mort  à  Rome, 
le  18  septembre  1754.  Il  était  allé  à  Rome,  en 
1749,  comme  secrétaire  d'ambassade  à  la  suite 
du  duc  de  Nivernois.  On  a  de  lui  •  Les  Mécon- 
tents, comédie  en  un  acte,  précédée  d'un  pro- 
Jllogue  et  suivie  d'un  divertissement,  le  tout  en 
|J  vers  libres;  Paris,  Utrecht ,  1735,  in-12;  1740, 
in-8°;  —  Les  Voyages  de  l'Amour,  ballet  en 
quatre  actes  et  un  prologue  en  vers  libres  ;  Paris, 
1736,  in-4°;  —  Dardanus,  tragédie  lyrique  en 
cinq  actes  et  un  prologue;  Paris,  1739,  1744, 
1760,  1763, 1768, 1769,  in-4°  ;la  même  en  quatre 
actes,  avec  des  changements,  parGuillard;  Paris, 
1784, in-4";  la  même, en  trois  actes,  Paris  1785, 
1803,  in-8°;  1786,  in-4°;  -  Histoire  de  Char- 
lemngne;  P.iris,  1745,  2  vol.  in-12  ;  —  Érigone, 
ballet  en  un  acte,  1748,  1750,  in  8°:  ce  ballet  a 
été  ajouté  sous  le  titre  de  Bacchus  et  Érigone, 
comme  deuxième  acte  aux  Fé/cs  de  Paphos , 
ballet  héroïque,  1758,  in-4c;  —  Le  prince  de 
\J\oisy,  baHet  héroïque  en  trois  actes;  1749,  1750, 
1752,  in-8°;  Paris,  1760,  in-4°.  En  1744,  Leclerc 
de  la  Bruère  avait  obtenu  avec  Fuselier  le  brevet 
et  privilège  du  roi  pour  la  composition  du  Meil- 
leure; en  1749  il  abandonna  ce  travail  par  suite 


de  son  départ  pour  Rome.  Il  composa  avec  le  duc 
de  INivernois  à  Rome,  en  1751,  un  opéra,  paroles 
et  musique,  qui  fut  brûlé  en  1793.  J.  V. 

QuéraM,  La  France  Littéraire. 
LECLERC  DE  MOJiTMERCV     (  ClaildeGèV- 

main),  poète  français,  né  à  Auxerre,  en  1716, 
mort  à  une  époque  incertaine.  Il  étudia  le  droit, 
et  se  fit  recevoir  avocat  au  parlement  de  Paris. 
11  cultivait  surtout  la  poésie  et  a  laissé  des 
éplfres  dont  quelques-unes  ont  plus  de  deux 
mille  vers.  «  On  peut  présumer,  dit  Sabatier,  que 
ceux  même  à  qui  elles  ont  été  adressées  n'ont 
pas  eu  le  courage  de  les  lire  en  entier.  »  On  a  de 
lui  :  Épitre  au  Père  de  Latour ;  Paris,  1749. 
in-4°  ;  —  Vers  sur  la  mort  de  M.  le  duc  d'Or- 
léans, fils  du  régent;  Paris,  1752;  —  Les  Écarts 
de  l'Imagination ,  épîlre  à  D'Alembert;  Paris, 
1753,  in-  8°  ;—  Voltaire,  poëmeen  vers  libres  ;  Pa- 
ris, 1764,  in-8°;—  Épitre  en  vers  àAnt.  Petit; 
Paris,  1770,  in  8°  :  il  y  fait  lYloge  des  plus  cé- 
lèbres médecins.  J.  V. 
Sabatier,  Les  trois  Siècles  Littéraires  de  la  France. 
LECLEKC  DE  BEAf-BERON  (  Nicolas-Fratt- 

çoisj,  théologien  français,  né  en  i7i4,àMéray,  près 
Condi;-sur-JNoireau,  mort  à  Caen,  le  4  décembre 
1790.  Il  était  presque  imbécile  dans  son  enfance; 
mais,  dit  un  de  ses  biographes,  ayant  reçu  sur  la 
tête  un  violent  coup  de  marteau  dont  il  faillit  mou- 
rir, son  intelligence  se  développa  tout  à  coup.  Il 
fit  ses  études  à  Caen ,  et  y  obtint  une  chaire  de 
théologie  après  a  voir  pris  la  carrière  ecclésiastique; 
il  professa  quarante-neuf  années,  fut  doyen  de  sa 
faculté,  deux  fois  recteur  de  l'université  de  Caen, 
et  mourut  chanoine  de  l'église  de  Rouen  et  offi- 
ciai de  l'abbaye  de  Saint-Élienne.  On  a  de  lui  : 
Tructalus  theologico-dogmaticus  de  homine 
lapso  et  reparato;  Luxembourg,  1777,  2  vol. 
in-8°;  Paris,  1779,  2  vol.  in-8°;  —  Mémoire 
pour  les  curés  à  portion  congrue;  1765,  in-4°  : 
Lapoix  de  Fréminville  réfuta  ce  mémoire  (Paris, 
t766,in-4°); —  divers  ouvrages  restés  manuscrits 
et  concernant  les  principaux  points  théologiques. 

A.  L. 
Lair,  Notice  sur  Leclerc  de  Beau-Bèron  ;  Caen  ,  1813. 

leclerc  (  Charles  -  Guillaume  ) ,  libraire 
français,  né  à  Paris,  le  28  octobre  1723,  mort  le 
26  septembre  1795.  Reçu  libraire  à  l'âge  dedix- 
buit  ans,  il  devint  adjoint,  puis  syndic  de  sa  cor- 
poration, juge  consul  en  1773,  et  chef  de  la  juri- 
diction consulaire  en  178'».  Le  roi  le  désigna 
pour  présider  l'assemblée  des  électeurs  du  His- 
trict  de  la  Sorbonne  en  1789,  mais  il  ne  remplit 
pas  cette  fonction.  Les  électeurs  le  choisirent 
pour  député  aux  états  généraux,  qui  devinrent 
l'Assemblée  constituante.  Élu  inspecteur  de  l'im- 
primerie de  cette  assemblée,  il  devint  membre 
et  président  du  comité  des  assignats.  Il  pré- 
senta le  projet  d'organisation  du  tribunal  de  com- 
merce, et  y  fut  nommé  juge  aux  premières  élec- 
tions en  1792.  On  a  de  lui  :  Lettre  à  M.  de 
***  (  Neville  )  ;  Paris  ,  19  décembre  1 778,  iu-8°; 
(Londres),  1778,   in-12;—   Instruction  sur 


207  LECLERC 

les  affaires  contenlieuses  des  négociants,  la 
manière  de  les  prévenir  oude  les  suivre  dans 
les  tribunaux;  1784,  1789,  in-12.  On  lui  doit 
une  nouvelle  édition  du  Dictionnaire  His- 
torique et  biographique  portatif  de  Ladvocat, 
revue  et  considérablement  augmentée,  1777, 
3  vol.  in-8°;  plus  un  supplément  du  même  ou- 
vrage, 1789,  in-8°;  ainsi  qu'une  nouvelle  édition 
du  Dictionnaire  Géographique  du  même  auteur, 
connu  sous  le  nom  de  Vosgien ,  1 779  ;  une  autre 
édition,  de  1794,  in-8°,  contient  une  table  des 
noms  nouveaux  donnés  à  quelques  villes  de  la 
France  pendant  la  révolution.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littér. 

leclerc  de  MONTLiNOT  (  Charles-An- 
toine- Joseph),  érudit  français,  né  à  Crépy 
en  Valois,  en  1732,  mort  à  Paris,  en  1801.  Engagé 
dans  les  ordres  et  chanoine  de  l'église  Saint- 
Pierre  de  Lille,  il  quitta  cette  ville  à  la  suited'une 
querelle  littéraire  que  lui  suscita  son  Histoire  de 
la  Ville  de  Lille ,  et  vint  à  Paris  s'établir  li- 
braire. Relégué  à  Soissons  par  une  lettre  de 
cachet,  il  fut  placé  à  la  tête  du  dépôt  de  mendicilé 
de  cette  ville;  à  la  révolution,  il  revint  à  Paris. 
On  a  de  Leclerc  :  Préjugés  légitimes  contre 
ceux  du  sieur  Chaumeix;  1759,  in-12  :  «  L'an- 
née suivante,  dit  Barbier,  cet  écrit  fut  intitulé  : 
Justification  de  plusieurs  articles  de  VEncy- 
clopédïe ,  ou  préjugés  légitimes,  etc.  ;  les  auteurs 
de  La  France  Littéraire  de  1769,  trompés  par 
la  diversité  de  ces  titres ,  ont  cru  qu'il  s'agissait 
de  deux  ouvrages  différents;  »  —  Étrennes 
aux  Bibliographes,  ou  notice  abrégée  des 
livres  tes  plus  rares,  avec  leurs  prix;  Paris, 
1760,  in-24;  —  V Esprit  de  Lamoihe  Levayer, 
par  M.  de  M.  G.  D.  S.  P.  D.  L.  (M.  de  Mon- 
tlinot,  chanoine  de  Saint-Pierre  de  Lille); 
(  Paris),  1763,  in-12;  —  Dictionnaire  portatif 
d'Histoire  naturelle,  précédé  d'un  discours  sur 
l'histoire  naturelle;  Paris,  1763,  2  vol.  in-8°  ;  — 
Histoire  de  la  Ville  de  Lille  ,  depuis  sa  fon- 
dation jusqu'en  1434;  Paris,  1764,  in-12;  — 
État  actuel  du  dépôt  de  Soissons,  précédé 
d'un  Essai  sur  la  mendicité  ;  Soissons,  1789, 
in-4°.  Leclerc  de  Monllinot  a  travaillé  au  Jour- 
nal Encyclopédique.  3.  V. 

La  France  Littéraire  de  1769.  —  Barbier,  Dict.  des 
.fnonymes.  —  Quérard ,  La  France  Littéraire. 

leclerc  (  Jean-Baptiste)  (l) ,  connu  dans 
la  révolution  sous  le  nom  de  Leclerc  (  de 
Maine-et-Loire  ) ,  homme  politique  et  littéra- 
teur français,  né  à  Angers,  le  29  février  1756, 
mort  à  Chalonnes-sur-Loire  (  Maine-et-Loire  ) , 
le  16  novembre  1826.  Conseiller  à  l'élection 
d'Angers ,  il  consacrait  ses  loisirs  à  l'étude  de 
la  musique,  de  la  littérature  et  de  la  philosophie, 
et  il  avait  été  admis,  des  1786,  à  l'Académie 
des  Sciences  et  Belles-Lettres  de  cette  ville. 
Disciple  fervent  de  J.-J.  Rousseau,  il  adopta 


208 


(1)  Leclerc  a  constamment  porté  les  prénoms  de  Jean- 
Baptiste,  quoique  son  acte  de  naissance  lui  donne  le  seul 
prénom  de  Jean. 


avec  ardeur  les  principes  et  les  espérances  de  la 
révolution  française ,  et  fut  nommé  par  le  tiers 
état  de  la  sénéchaussée  d'Anjou  député  sup- 
pléant aux  états  généraux;  il  entra  dans  la  vie 
politique  sans  en  avoir  véritablement  le  goût,  et 
sans  aucune  ambition  personnelle.  Au  mois 
d'août  1790,  il  fut  admis  à  l'Assemblée  consti- 
tuante en  remplacement  de  Milscent,  démission- 
naire, et  vota  constamment  avec  la  majorité, 
mais  sans  jamais  prendre  la  parole.  Envoyé  par 
son  département  à  la  Convention  nationale,  il  y 
vota  la  mort  du  roi,  sans  appel  et  sans  sursis; 
mais  la  montagne  ayant,  malgré  ses  efforts, 
triomphé  des  girondins  ,  il  donna  sa  démission, 
après  avoir  adhéré  à  la  protestation  qui  fut  faite 
en  leur  faveur  dans  Maine-et  Loire.  Arrêté  par 
ordre  du  comité  de  sûreté  générale,  il  fui  enfermé 
à  la  prison  de  la  Bourbe,  d'où  plus  tard  un  ar- 
rêté de  la  Convention  le  tit  sortir.  Il  occupait  au 
bureau  des  Musées  et  Dépôts  des  Sciences  et  Arts 
un  emploi  pour  lequel  la  commission  d'instruc- 
tion publique  l'avait  désigné ,  lorsqu'eu  1 795  il 
entra  au  Conseil  des  Cinq  Cents  comme  repré- 
sentant de  Maine-et-Loire.  Ami  intime  de  La- 
révellière-Lépeaux,  il  développa,  le  31  août  1797, 
une  motion  d'ordre  en  faveur  d'un  culte  fonda- 
mental et  politique,  basé  sur  les  principes  de  la 
religion  naturelle,  mais  dont  il  ne  put  faire  adop- 
ter le  projet.  Il  présenta  aussi,  au  nom  de  la 
commission  des  institutions  républicaines,  un 
rapport  sur  les  institutions  civiles  destinées  à 
constater  l'état  des  citoyens;  il  vota  contre  la 
déportation  des  prêtres  insermentés,  et  il  fit,  au 
nom  de  la  commission  d'instruction  publique, 
le  rapport  sur  la  création  du  Conservatoire  de 
Musique.  Appelé  à  la  présidence  au  commence- 
ment de  1799,  il  prononça  sur  l'anniversaire  du 
21  janvier  le  discours  d'usage,  dans  lequel  se 
trouve  une  énergique  apostrophe  à  l'odieux.  Fer- 
dinand, roi  de  Naples.  N'ayant  point  été  réélu, 
il  sortie  du  Conseil  le  20  mai  suivant.  Après  le 
18  brumaire,  Leclerc  fut  élu  au  corps  législatif, 
dont  il  devint  président  en  ventôse  an  ix  (février 
1801).  Sorti  du  corps  législatif  en  mars  1802,  il 
se  condamna  à  une  retraite  absolue,  et  vint  ha- 
biter, à  Chalonnes,  la  demeure  qu'il  avait  relevée 
après  les  incendies  de  la  guerre  civile.  11  refusa 
toute  fonction  publique,  et  ne  voulut  pas  même 
de  la  bourse  au  lycée  d'Angers  qui  lui  fut  offerte 
pour  son  fils.  Dans  les  Cent  Jours,  après  avoir 
refusé  de  signer  l'acte  additionnel,  il  céda  aux  sol- 
licitations de  quelques  habitants  de  sa  petite  ville, 
et  donna  sa  signature.  Retiré  à  Liège,  même 
avant  la  loi  du  12  janvier  1816,  qui  le  condam- 
nait à  l'exil,  il  remporta  le  prix  de  poésie  pro- 
posé par  la  Société  d'Émulation  de  cette  ville,  et 
dont 'le  sujet  était  Le  Dévouement  des  Fran- 
chimontois;  quelques  années  après,  il  reçut,  sous 
le  ministère  Decazes,  l'autorisation  de  rentrer 
dans  ses  foyers. 

D'abord  associé  de  la  classe  de  littérature  et 
beaux-arts  de  l'Institut,  Leclerc  était  devenu  cor- 


209 


LECLERC 


!10 


respondant  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres.  On  a  de  lui  :  Mes  Promenades 
champêtres,  ou  poésies  pastorales  ;  Paris,  1 786, 
in-8°  ;  traduites  en  allemand  par  L.-H.  Heyden- 
reich,  Leipzig,  1788,  in-8°;nouv.  édit.,  sous  ce 
titre  :  Idylles  et  Contes  champêtres ,  Paris, 
1798,  2  vol.  in-8°.  Chaussard  a  inséré  dans  sa 
Bibliothèque  pastorale  plusieurs  de  ces  idyl- 
les ;  _  j)ela  Poésie  considérée  dans  ses  rap- 
ports avec  l'éducation  nationale;  Paris,an  vi, 
in-8°;  —  Essai  sur  la  Propagation  de  la  Mu- 
sique en  France,  sa  conservation,  et  ses  rap- 
ports avec  le  gouvernement;  Paris,  an  vi, 
jn-8°;  —  Éponine  et  Sabinus ;  Liège,  1817, 
in-8°  :  poëme  en  prose,  peut-être  un  peu  froid , 
mais  très-bien  écrit;  —  Abrégé  de  V histoire  de 
Spa,ou  mémoire  historique  et  critiquesur  les 
eaux  minérales  et  thermales  de  la  province 
de  Liège;  Liège,  1818,  in- 18  :  opuscule  publié 
sous  les  initiales  J.-B.  L.,  et  fort  estimé.  Leclerc 
a  inséré  dans  la  Revue  Philosophique,  litté- 
raire et  politique  (  1807,  3etrim.,  p.  T$  )  une 
Lettre  sur  Guillaume  Penn  et  le  navigateur 
J.  Diel  Duparquet,  et  dans  le  Mercure  belge 
plusieurs  morceaux  de  poésie.  Il  avait  adressé 
diverses  lettres  manuscrites ,  relatives  à  des 
points  intéressants  de  l'histoire  de  l'Anjou,  à 
Bodin,  qui  en  a  fait  un  ample  usage  dans  ses 
Recherches  historiques  sur  Angers  et  le  bas 
Anjou.  Divers  opuscules  de  Leclerc,  réunis  à 
quelques  écrits  de  Larevellière-Lépeaux,  ont  reçu 
des  frontispices  sur  lesquels  se  trouve  le  titre 
suivant  :  Opuscules  moraux  de  L.-M.  Révei- 
ller e-Lépcaux  et  de  J.-B.  Leclerc. 

11  a  laissé  manuscrits  :  René  d'Anjou,  roi, 
duc,  comte,  peintre,  poète,  musicien  et  fleu- 
riste, —  Recueil  de  Mémoires  et  de  fragments 
divers,  avec  ou  sans  annotations  du  copiste 
pour  servir  à  V histoire  de  V Anjou;  —  Chro- 
nique d'tin  petit  village  et  de  ses  environs , 
sorte  de  roman  anecdotique  dans  lequel  l'auteur 
introduit  plusieurs  personnages  de  la  fin  du  siècle 
dernier  ;  —  Dialogues  en  vers  ;  —  Filouzac, 
poème  badin  et  satirique;  —  Coup  d'œil 
philosophique  sur  l'origine,  les  progrès  et  les 
vicissitudes  de  la  Musique  ancienne  et  mo- 
derne; les  causes  morales  et  politiques  de 
ses  principales  révolutions  ;  ce  que  l'art  a 
gagné,  ce  qu'il  a  perdu  dans  ses  divers  chan- 
gements ;  enfin,  la  possibilité  ou  l'impossibi- 
lité de  réparer  ses  pertes.  Leclerc  a  souvent 
exprimé  le  regret  de  ne  pouvoir  terminer  avant 
de  mourir  cet  ouvrage,  auquel  il  attachait  de  l'im- 
portance et  qui  comprend  deux  parties  à  peu  près 
achevées,  relatives  la  première  aux  origines,  la 
seconde  à  la  musique  des  anciens  peuples;  il  en 
avait  lu  plusieurs  fragments  à  la  Société  d'Émula- 
tion de  Liège.  Il  a  laissé  en  outre  un  grand  nom- 
bre de  compositions  musicales  inédites.     E.  R. 

Correspondance  de  MM.  les  députes  des  communes 
de  la  province  d'Anjou,  avec  leurs  commettons,  rela- 
tivement aux  états  généraux  tenans  à  Versailles  en 
1789;  Angers  ,  1789-1790,  6  vol.  in-S°.  —  Lettre  (  inédite) 


de  Bodin  à  J.-B.  Leclerc,  datée  du  13    juin  1823.  —  Do- 
cuments particuliers. 

leclerc  (Oscar),  connu  sous  le  nom  de 
Leclerc  Thoûin,  agronome  français,  fils  du  pré- 
cédent, né  à  Paris,  le  18  mars  1798,  mort  à  An- 
gers, le  5  janvier  1845.  11  passa  une  partie  de 
son  enfance  au  Jardin  des  Plantes,  dans  la  fa- 
mille du  professeur  André  Thoûin ,  frère  de  sa 
mère.  C'était  cette  famille  dont  le  nom  est  resté 
si  cher  aux  sciences ,  si  respecté  de  tous  ceux 
qui  ont  connu  les  hautes  vertus,  la  simplicité 
antique ,  1«  désintéressement  qui  la  caractéri- 
saient. Il  fut  initié  dès  ses  premières  années  au 
goût  de  l'agriculture  et  des  sciences  qui  s'y  ratta- 
chent, par  ses  deux  oncles  André  et  Jean  Thoûin. 
Nommé  en  1818  aide  du  premier,  il  fut  aussi 
celui  de  Bosc,  son  successeur.  11  fit  même  le 
cours  de  culture  pendant  la  maladie  et  après  la 
mort  de  celui-ci,  en  1828;  mais  il  renonça  à  ses 
fonctions  lorsque  la  même  année  Mirbel  remplaça 
Bosc.  De  nouvelles  chaires  ayant  été  créées  en 
1836  au  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers,  Le- 
clerc fut  appelé  à  celle  de  culture  générale.  Mem- 
bre de  la  Société  centrale  d'Agriculture  depuis 
1828,  il  en  devint  secrétaire  perpétuel  en  1843, 
et  il  fit  aussi  partie  du  conseil  général  d'agricul- 
ture, du  comité  consultatif  d'agriculture  au  mi- 
nistère de  l'intérieur  et  du  conseil  général  de 
Maine-et-Loire.  Nous  avons  été  témoin  des  suc- 
cès qu'obtint  son  cours  au  Jardin  des  Plantes  et 
plus  tard  au  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers. 
A  son  extérieur  mâle,  grave  et  bienveillant  à  la 
fois,  au  beau  son  de  sa  voix ,  à  son  élocution 
simple  et  correcte,  se  joignait  chez  lui  le  talent, 
très -heureux  pour  quiconque  enseigne  les  scien- 
ces physiques,  de  compléter  sur  le  tableau,  pat- 
un  dessin  clair  et  rapide,  une  description  com- 
mencée avec  des  notes;  tout  cela  faisait  de  lui 
un  professeur  accompli. 

Leclerc  a  rédigé  presque  en  entier  la  partie  de 
théorie  générale  de  la  Monographie  des  Greffes 
d'André  Thoûin;  Paris,  1821,  in-4°.  lia  rédigé 
et  annoté  le  Cours  de  Culture  du  même  agro- 
nome; Paris,  1829,  3  vol.  in-8°  et  atlas  in-4°, 
précédé  d'une  notice  qu'il  consacrait  à  son  oncle. 
Il  avait  fait  paraître  une  Lettre  à  M.  leministre 
del'  Agriculture  et  du  Commerce,  à  propos  des 
droits  d'entrée  sur  les  bestiaux  étrangers , 
par  un  habitant  du  département  de  Maine- 
et-Loire;  Paris,  1840,  in-8° ,  lorsqu'à  la  suite 
d'une  mission  donnée  par  leministre,  il  publia: 
L'Agriculture  de  l'ouest  de  la  France,  étudiée 
spécialement  dans  le  département  de  Maine- 
et-Loire;  Paris,  1843,  gr.  in-8°  :  modèle  de  sta- 
tistique sans  aridité ,  sans  sécheresse ,  et  aussi 
agréable  qu'instructive;  c'est  celui  de  ses  ou- 
vrages qui  lui  fait  peut-être  le  plus  d'honneur 
comme  écrivain.  Il  a  été  l'un  des  principaux 
collaborateurs  de  V Encyclopédie  d'Agriculture, 
ou  Maison  rustique  du  dix-neuvième  siècle, 
et  il  a  donné  d'importants  articles  aux  Mémoires 
de  la  Société  centrale  d' Agriculture,  aux  An- 


211 


LECLERC 


212 


nales  de  V Agriculture  française,  à  Y  Ency- 
clopédie des  Gens  du  Monde,  aux  Annales  de 
la  Société  d' Horticulture,  au  Journal  d'Agri- 
culture pratique  et  de  Jardinage,  à  la  Revue 
agricole,  et  au  Bulletin  de  la  Société  indus- 
trielle d'Angers.  Deux  Lettres  de  Leclerc  au 
naturaliste  Paul  Gaimard  sont  imprimées  parmi 
les  Instructions  dans  le  tom.  I,  p.  107  à  120, 
du  Voyage  en  Islande  et  au  Groenland  exé- 
cuté pendant  les  années  1835  et  1836  sur  la 
corvette  La  Recherche.  E.  Recnahd. 

M.  Adolphe  Bronfrniart,  Notice  sur  Oscnr  Leclerc- 
Tkouin,  dans  les  Mémoires  publiés  par  la  Société 
'royale  et  centrale  d'.Juricullure,  année  18+7,  p.  143.  — 
Bévue  Agricole,  année  1845,  p.  46.  —  Documents  parti- 
culiers. 

leclerc  (  Antoine  -  François) ,  littérateur 
français ,  fils  du  médecin  Clerc  (  voy.  ce  nom  ), 
qui  avait  changé  son  nom  en  Leclerc,  né  à  Baume- 
les-Dames,  le  31  août  1757,  mort  à  Versailles, 
le  21  octobre  1816.  Ayant  embrassé  l'état  mili- 
taire, il  devint  officier  dans  le  régiment  des  dra- 
gons de  Durfort.  Zélé  royalisie,  il  lit  une  dépo- 
sition énergique  sur  les  événements  des  5  et 
6  octobre  1789  devant  le  Chàtetet  de  Paris. 
Chabroud  n'ayant  pas  reproduit  avec  exactitude 
les  faits  indiqués  par  Leclerc,  celui-ci  crut  de- 
voir lés  rétabPir  dans  une  brochure.  Il  donna  de 
nouvelles  preuves  de  son  dévouement  à  la  royauté 
dans  les  journées  des  24,  28  février  et  18  avril 
1791.  A  la  fin  de  l'année,  il  émigra ,  mais  il  ne 
tarda  pas  à  rentrer  en  France.  En  juillet  1792  il 
retourna  à  l'étranger,  fit  la  campagnedans  l'armée 
des  princes,  et  après  sa  dissolution  il  suivit  le 
duc  d'York  en  Angleterre.  En  1795  il  rejoignit  en 
Suisse  l'agent  anglais  Wickam.  Revenu  en  France 
sous  le  consulat,  Leclerc  vécut  dans  la  retraite 
à  Versailles.  La  restauration  lui  fit  une  modeste 
pension.  Il  a  eu  part  à  la  rédaction  de  Y  Atlas 
du  Commerce  ainsi  qu'aux  derniers  volumes  de 
Y  Histoire  moderne  de  Russie.  1!  a  revu  la  tra- 
duction de  Y  Histoire  de  Russie  par  Tooke,  1802, 
et  fourni  des  notes  à  plusieurs  ouvrages  sur  les 
États  du  Nord.  J.  V 

Quérard,  La  Franôe  Littéraire. 

leclkiic  (  Claude  ■  Barthélerny  -  Jean), 
chirurgien  français,  né  à  Paris,  en  1762,  mort 
dans  la  môme  ville,  le  23  janvier  1808.  Fils  d'un 
docteur  régent  de  la  faculté  de  médecine  de  Pa- 
ris, il  suivit  d'abord  les  cours  de  droit,  et  aban- 
donna bientôt  la  jurisprudence  pour  la  médecine. 
Après  avoir  pris  ses  grades,  il  devint  docteur 
régent  en  1 787,  obtint  la  chaire  d'anatomie,  et 
succéda  à  son  père  comme  médecin  du  Châlelet. 
Pendant  la  révolution,  il  Fut  employé  à  l'armée  du 
nord  ,  puis  à  l'liô;>ital  militaire  de  Saint-Cvr,  et 
enfin  attaché  à  ri'.cole  de  Médecine  de  Paris  en 
1790.  Nommé  plus  fard  médecin  de  la  maison  de 
l'empereur  et  des  infirmeries  impériales,  il  fut 
souvent  appelée  donner  des  soins  à  l'impératrice 
Joséphine,  qu'il  accompagna  plusieurs  lois  aux 
eaux.  Médecin  en  chef  de  l'hospice  Saint-An- 
toine, il  y  contracta  le  germe  de  la  maladie  qui 


l'emporta  :  en  palpant  un  malade  atteint  d'une 
fièvre  maligne  il  s'était  inoculé  le  virus,  par  une 
écorchure  qu'il  avait  au  doigt.  Tout  entier  à  te 
pratique  de  son  art,  Leclerc  n'a  pas  laissé  d'ou- 
vrages ;  on  n'a  de  lui  que  des  Rapports  et  des 
Discours  prononcés  à  là  Société  de  l'École  de 
Médecine,  dont  il  était  secrétaire  général.  J.  V. 
Tartra ,  Notice  nécrol.  sur  C.-B.-J.  Leclerc,  lue  à  la 
Son.  mêriic.  d'Émulation,  et  insérée  dans  le  Bulletin  des 
Sciences  médicales. 

leclekc  (Julien-René),  conspirateur  fran- 
çais, né  à  Bazoche  (Normandie),  en  1762,  mort 
en  1839.  Engagé  dans  les  ordres  lorsque  éclata 
la  révolution,  il  n'adopta  point  les  principes  de 
la,  constitution  civile  du  clergé,  fut  poursuivi,  et 
n'échappa  aux  massacres  de  septembre  qu'en  se 
cachant  dans  le  nois  de  Vincennes.  Revenu  à 
Paris,  il  entra  chez  un  procureur,  et  se  fit  passer 
pour  jurisconsulte.  11  se  lia  avec  des  agents 
royalistes;  mais  lorsqu'il  apprit  que  Lavillelieur- 
nois  venait  d'être  arrêté,  il  se  rendit  à  l'agence, 
enleva  les  papiers  compromettants,  et  s'aboucha 
avec  les  conspirateurs  qui  n'avaient  pas  été  sai- 
sis pour  aviser  aux  moyens  d'influer  sur  les 
élections;  il  les  poussa  même,  dit-on,  à  essayer 
d'enlever  les  directeurs.  Le  18  fructidor  dé- 
joua ce  complot.  Leclerc  ne  se  rebuta  point. 
Pensant  que  Barras  ne  serait  point  inaccessible 
à  la  corruption,  il  eut  de  fréquents  rapports  avec 
un  ami  intime  de  ce  directeur  qu'il  espérait  ga- 
gner à  la  cause  royaliste.  En  1800  Leclerc  se 
rendit  à  Londres,  et  chercha  à  réconcilier  Moreau 
avec  Pichegru.  La  saisie  des  papiers  de  Hyde  de 
Neuville,  avait  interrompu  la  correspondance  des 
agents  royalistes  de  la  capitale  de  la  France 
avec  l'étranger  :  Leclerc  fut  renvoyé  à  Paris  pour 
la  renouer  ;  il  y  réussit ,  mais  la  police  fut  bientôt 
sur  la  voie.  Leclerc  chercha  un  refuge  sur  les 
côtes;  un  individu  qu'il  avait  employé  à  porter 
ses  dépêches  révéla  sa  retraite;  et  dans  la  nuit 
du  15  au  16  février  1804,  Savary  se  présenta! 
chez  Leclerc  :  il  ne  put  saisir  que  ses  effets 
et  ses  papiers;  Le  Moniteur  publia  le  contenu 
de  ces  derniers.  Leclerc  s'échappa  comme  par 
miracle ,  traversant  pendant  la  nuit  le  nord 
de  la  France,  la  Belgique,  la  Hollande,  le  nord 
de  l'Allemagne  et  le  Holstein.  De  là  il  regagna 
l'Angleterre,  d'où  il  revint  en  Allemagne.  Le 
1er  novembre  1804  il  avait  été  condamné  à  moit 
par  une  commission  militaire  siégeant  à  Rouen  : 
la  crainte  d'une  extradition  le  détermina  à  re- 
gagner l'Angleterre,  où  il  vécut  dans  la  retraite. 
La  restauration  lui  rouvrit  les  portes  de  la  France, 
et  lui  lit  une  pension.  J.  V. 

Arnault ,  .Tiy,  Jouy  et  rtorvins  ,  Biogr  nouv  îles  Con- 
temp.  —  lliogr  unie. et  portai,  des  Conlemp.  —  Moni- 
teur, 1799-1804. 

LECLERC  (Louis-Claude),  littérateur  fran- 
çais, mort  à  la  fin  du  dix  huitième  siècle.  Il 
embrassa  d'abord  la  carrière  des  armes,  fit  la 
guerre  de  Sept  Ans,  et  devint  officier  d'artillerie; 
Ayant  pris  sa  retraite,  il  alla  se  fixer  à  Bor- 
deaux, où  il  fit  paraître  un  journal  intitulé  L'Iris 


213  LECLERC 

de  Guiettne;  1763,  2  vol.  in-12.  On  a  en  outre 
de  Leclerc  :  L'Envieux,  comédie  en  trois  actes 
et  en  vers;  Bordeaux,  1763,  in-8d;  Paris,  1778. 
in-8°  ;  —  Le  Retour  de  Mars,  divertissement 
en  l'honneur  du  maréchal  de  Richelieu,  gou- 
verneur de  Guyenne;  Bordeaux,  1762,  in-12. 

J.  V. 


Si  4 


Quérard,  La  France  Littér. 
LECLERC    DES    ESSARTS  (  LOUÎS-NlColaS- 

Marin,  comte),  général  fiançais,  né  à  Pontoise, 
le  25  avril  1770,  mort  à  Paris,  le  18  mai  1820. 
Parti  comme  volontaire  en  1792,  il  devint  aide 
de  camp  du  général  Saboureux,  fut  nommé  capi- 
taine au  siège  de  Toulon,  le  27  nivôse,  an  ti,  puis 
adjoint  à  son  frère  le  26  germinal  suivant,  et 
combattit  à  Fleurus.  Destitué  en  l'an  iv  (1796), 
rappelé  en  l'an  vu  (  1799  )  comme  capitaine  de 
hussards,  il  servit  à  l'armée  du  Rhin,  et  se  dis- 
tingua à  Mœskirch  et  à  Biherach.  Il  accompagna 
son  frère  à  Saint-Domingue  avec  le  grade  de  chef 
de  bataillon,  et  fit  trois  campagnes  dans  cette 
contrée.  De  retour  en  France,  il  fut  nommé  adju- 
dant commandant  en  l'an  xi,  et  employé  au  camp 
de  Bruges  en  qualité  de  chef  d'état-major  d'une 
division  sous  les  ordres  de  Davout.  Il  prit  part  à 
la  campagne  d'Austerlitz,  fut  nommé  généra!  de 
brigade,  fit  encore  les  campagnes  de  Prusse  en 
1806  et  de  Pologne  en  1807,  d'Autriche  en  1809, 
et  se  trouva  à  tckmùhl  et  à  Wagram,  où  il  fut 
grièvement  blessé.  Il  reçut  en  récompense  le  titre 
de  comte  et  une  dotation.  En  1812  il  fit  partie  de 
l'expédition  de  Russie,  se  distingua  à  la  bataille 
de  Smolensk  et  au  combat  de  Valoutina,  et  reçut 
un  instant  le  commandement  d'une  division. 
Leclerc  fut  blessé  à  là  Moskowa.  Après  la  retraite 
il  continua  de  servir  sous  Davout,  et  en  1813  il 
s'enlerma  avec  son  chef  dans  Hambourg,  où  il  fut 
attaqué,  le  7  février  1814,  par  l'armée  russe.  Il 
conserva  cette  position  jusqu'à  la  restauration. 
Mis  en  non-activité  le  1er  septembre  1M4  ,  il 
fut  promu  lieutenant  général  le  14  mai  1815,  et 
commanda  la  première  division  des  gardes  na- 
tionales à  Sainte-Menehould.  Remis  en  non  acti- 
vité le  1er  août  suivant,  il  fut  compris  dans  le 
cadre  d'état-major  général  en  1818.  Il  mourut 
d'une  hydropisie  de  poitrine.  Le  général  Leclerc 
avait  épousé  la  veuvedu  général  d'Hautpoul,  et  ne 
laissa  pas  d'enfants. 

Un  de  ses  frères,  Louis  Leclerc  ,  mort  en 
1 82 1 .  embrassa  d'abord  la  carrière  ecclésiastique, 
à  laquelle  il  renonça  à  la  révolution  Agent  con- 
sulaire, puis  membre  du  corps  législatif,  il  devint 
préfet  de  la  Meuse  sous  l'empire;  il  perdit  cet 
emploi  à  la  restauration.  Le  général  Leclerc 
avait  aussi  deux  so-ms;  l'une  épousa  le  général 
Friant,  l'autre  le  maréchal  Davout.       L.  L — t. 

C.  Mullic,  hiog.  dfs  Célébrités  militaires. 

leclerc  (Victor-  Emmanuel),  général  fran- 
çais, Irèredes  précédents,  né  à  Pontoise,  le  17  mars 
1772,  mort  le  2  décembre  1802,  dans  l'Ile  de  La 
Tortue,  près  de  Saint-Domingue.  Ayant  chaude- 
ment adopté  les  principes  de  la  révolution  fran- 


çaise, il  s'enrôla  comme  volontaire  dans  le  2e  ba- 
taillon de  Seine-et-Oise.  Ses  camarades  le  nom- 
mèrent lieutenant  d'une  compagnie  de  ce  bataillon. 
Peu  de  temps  après,  il  entra  dans  un  régiment  de 
cavalerie.  Aille  de  camp  d'un  général  à  l'armée 
qui  faisait  le  siegedeToulon.il  y  gagna  le  grade  de 
capitaine,  et  quoiqu'il  n'eût  que  vingt-et-un  ans, 
on  lui  confia  les  fonctions  de  chef  d'état-major  de 
l'aile  gauche.  Placé  à  la  tête  de  la  colonne  qui 
s'empara  du  fort  Farni,  il  fut  nommé,  par  suite  de 
cette  action  brillante,  adjudant  général.  Remarque 
par  Bonaparte,  il  reçut  la  mission  de  porter  à 
Paris  la  nouvelle  de  la  prise  de  Toulon.  Leclerc 
servit  ensuite  à  l'armée  desArdennes,  et  prit  part 
à  la  victoire  de  Fleurus.  Chargé  de  l'attaque  du 
monfCenis,  il  y  passa  l'hiver  de  1794  à  1795  avec 
des  soldats  qui  manquaient  défont.  La  discipline 
qu'il  sut  maintenir  parmi  eux  lui  valut  le  com- 
mandement de  Marseille,  où  il  sut  rétablir  l'ordre. 
En  1796  il  suivit  Bonaparte  en  Italie  en  qualité 
de  sous-chef  d'état-major.  Il  se  distingua  sur  le 
Mincio,  à  Salo,  aux  combats  de  Borghetto  et  de 
Saint-Georges  ;  à  la  suite  de  cette  dernière  affaire, 
Bonaparte  demanda  le  grade  de  général  de  bri- 
gade pour  Leclerc,  qui  se  fit  encore  remarquera 
la  bataille  de  Roveredo  et  à  celle  de  Rivoli,  où  il 
commandait  la  cavalerie.  A  l'époque  de  l'armistice 
de  Leoben,  il  fut  envoyé  à  travers  leTyrol  pour 
en  donner  connaissance  à  l'armée  du  Rhin  ;  de  là 
il  se  rendit  auprès  du  Directoire,  qui  le  renvoya  à 
l'armée  d'Italie,  le21  mars  1797,  avec  le  grade  que 
Bonaparteavaitdemandé  pour  lui.  Arrivé  à  Milan, 
Leclerc  épousa  Pauline  Bonaparte,  sœur  du  gé- 
néral, dont  il  avait  fait  la  connaissance  à  Marseille. 
Après  le  traité  de  Campo-Formio ,  Leclerc  de- 
vint chef  d'état-major  de  Berthierà  l'armée  d'I- 
talie, et  fit  la  campagne  de  Rome.  Lorsque  Ber- 
thier  partit  pour  l'Egypte,  Brune  le  remplaça,  et 
Leclerc  continua  de  servir  sous  ce  dernier.  Il  fut 
appelé  avec  les  mêmes  fonctions  auprès  du  gé- 
néral Kilmaine  à  l'armée  de  l'ouest.  Leclerc 
contribua  à  la  pacification  de  cette  contrée,  et 
le  Directoire  lui  donna  le  commandement  supé- 
rieur de  Lyon,  où  s'entassaient  les  débris  mécon- 
tentsde  l'armée  d'Italie.  11  parvint  à  réorganiser 
cette  multitude.  Bonaparte,  revenu  d'Egypte, 
appela  Leclerc  près  de  lui,  et  celui-ci  contribua 
au  succès  de  la  journée  du  18  brumaire,  en  diri- 
geant contre  la  représentation  nationale  un  peloton 
degrenadiers.  Après  avoir  pénétré  dans  lasalledu 
conseil,  Leclerc  montra  les  fenêtres  de  l'orangerie 
aux  dépulé>  de  l'opposition  en  s'écriant  :  «  Au  nom 
du  général  Bonaparte,  le  corps  législatif  est  dis- 
sous :  que.  les  bons  citoyens  se  retirent.  Grena- 
diers, en  avant!  «Bonaparte le  récompensade son 
dévouement  en  lui  donnant  le  grade  de  général 
de  division,  le  3  décembre  1799,  et  il  l'envoya 
prendre  le  commandement  de  la  deuxième  divi- 
sion du  centre  de  l'armée  du  Bhin,  alors  sous  les 
ordres  de  Moreau.  Leclerc  se  distingua  à  Lands- 
hut.  Il  reçut  ensuite  le  commandement  supérieur 
de  plusieurs  divisions  militaires;  et  en  1801  il 


215 

tnt  chargé  du  commandement  du  corps  d'armée 
chargé  d'aller  soumettre  le  Portugal  en  passant 
par  l'Espagne.  Cette  entreprise  fut  couronnée  de 
succès.  Le  prince  du  Brésil  signa  avec  la  France 
le  traité  de  Badajoz.  Après  la  paix  d'Amiens,  Bo- 
naparte résolut  d'envoyer  une  expédition  à  Saint- 
Domingue;  il  en  donna  le  commandement  à  Le- 
clerc,  avec  le  titre  de  capitaine  général.  Sa  femme 
le  suivit  dans  cette  expédition.  Leclerc  parut  en 
vue  du  cap  Samana,  le  ier  février  180^,  avec  un 
immense  armement,  composé  de  quarante-cinq 
vaisseaux  ou  frégates,  et  de  trente-quatre  mille 
combattants.  Il  eut  des  démêlés  avec  l'amiral  Vil- 
laretde  Joyeuse  sur  le  mode  etl'à-propos  du  dé- 
barquement, et  fut  obligé  de  consentir  à  des  tem- 
porisations qui  permirent  auxnoirsdese  réunir  et 
d'incendier  la  ville  du  Cap  une  seconde  fois  ;  bien- 
tôt des  vents  contraires  disloquèrent  la  flotte.  Dé- 
barqué enfin,  Leclerc  battit  et  soumit  l'armée  noire 
en  moins  de  trois  mois  ;  mais  cette  pacification  fut 
de  courte  durée  :  l'enlèvement  de  Toussaint  Lou- 
verture,  l'exécution  de  plusieurs  chefs,  l'incor- 
poration des  troupes  vaincues  dans  les  troupes 
victorieuses  amenèrent  une  nouvelle  révolte,  qui 
éclata  à  la  suite  de  la  fièvre  jaune.  Les  troupes 
du  général  Leclerc  avaient  été  décimées  par  les 
maladies.  La  désertion  affaiblit  ses  forces,  et 
aucun  renfort  ne  lui  arrivait.  Miné  par  les  cha- 
grins et  le  climat,  il  se  retiradansTîledeLa  Tor- 
tue, où  il  établit  son  quartier  général.  Voyant  sa 
fin  approcher,  il  remit  le  commandement  au 
général  Rochambeau.  Ses  dépouilles  mortelles 
furent  rapportées  en  France  par  sa  femme,  et 
déposées  dans  la  terre  de  Montgabert  près  de 
Soissons.  Sa  femme  épousa  plus  tard  le  prince 
Borghèse.  Napoléon  regardait  le  général  Leclerc 
comme  un  officier  du  premier  mérite ,  propre,  à 
la  fois  aux  travaux  du  cabinet  et  aux  manœuvres 
du  champ  de  bataille.  L.  L— t. 

Arnault,  .lay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.nouv.  des  Con- 
ternp.  —  Hiogr.  univ.  et  port,  des  Contemp  —  Thiers, 
Hist.  de  la  Hèvol.  et  du  Consulat. 

leclerc  (  Louis  ),  économiste  français,  né 
à  Paris,  en  1799.  Il  fut  d'abord  employé  dans  les 
forges,  et  entra  comme  comptable  à  l'École  de 
Commercede  Paris,  où  en  1830  il  professait  la  lit- 
térature et  la  géographie.  Il  fut  membre  du  jury 
de  l'exposition  de  1849  et  membre  suppléant  de 
l'exposition  universelle  de  Londres,  et  fut  chargé 
en  1852,  par  le  gouvernement,  d'une  mission  dans 
le  midi  de  la  France,  relative  à  la  maladie  de  la 
vigne  et  à  l'industrie  viticole.  On  a  de  lui  : 
Études  sur  les  Vins  français  et  étrangers 
(  avec  M.  Joubert);  Paris,  1842,  in-8°  ;  —  Les 
Vignes  malades;  1853,  in-8°;  —  La  Caisse 
d'Épargne  et  de  prévoyance;  Paris,  1848, 
in-8".  Ha  publié  des  articles  dans  V Encyclopédie 
des  Gens  du  Monde,  dans  la  Revue  d'Économie 
politique,  dans  le  Journal  des  Économistes, 
dans  le  Journal  d' Agriculture,  dans  le  Cons- 
titutionnel. G.  de  F. 

Dictionnaire  d'Économie  politique. 


LECLERC  216 

*  le  clerc  (Joseph-Victor),  littérateur  fran- 
çais, savant  philologue ,  né  à  Paris,  le  2  dé- 
cembre 1789,  fit  ses  études  au  Lycée  Napoléon,    j 
obtint  deux  fois  le  prix  d'honneur  de  rhétorique   ! 
au  concours  général  (1806  et  1807),  et  y  joignit   j 
ce  qu'on  appelait  alors  le  grand  prix  de  l'Institut 
pour  les  lettres,  accordé  à  l'élève  qui  avait  ob- 
tenu le  plus  de  succès  au  concours  général  en 
rhétorique.  Nommé  en  1815  professeur  de  rhé- 
torique,  il  devint    en   1821   maître  de  confé- 
rences à  l'École  Normale,  et  succéda  le  20  avril 
1824  à  M.  de  La  Place  dans  la  chaire  d'élo- 
quence latine  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris, 
où  il  exposa  l'histoire  de  la  prose  latine,  animant : 
ses  savantes  leçons  par  les  souvenirs  que  lui  i 
avaient  laissés  ses  voyages  en  Italie.  En  1832  il  fut  I 
nommé  doyen  de  cette  même  faculté,  place  qu'il  ! 
occupe  encore  aujourd'hui.  M.  Le  Clerc  est  de- 
puis 1834  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres,  et  a  été  promu,  le  25  juin  1847, 
au  grade  de  commandeur  de  la  Légion  d'Honneur. 
Ses  principaux  écrits  sont  :  Éloge  de  Montaigne  ; , 
Paris,  1812,in-8°;  —  Lysis,  poëme  trouvé  par  un 
jeune  Grec  sous  les  ruines  du  Parthénon,  et  tra- 
duit par  l'éditeur  ;  Paris,  1814,  in-8°  (le  poëme 
grec  est  l'œuvre  de  l'éditeur);  —  Pensées  de 
Platon,   grec-français,  avec  un  commentaire;  , 
Paris,  1818,  in-8°;  —  Œuvres  complètes  de 
Cicéron,  en  latin  et  en  français,   1821-1825,, 
30vol.  in-8°;  2e  édit.,  1823-1827,  35  vol.  in-18. 
Les  introductions  et  les  notes  françaises  ont  été 
traduites  en  italien  dans  l'édition  commencée  à  j 
Milan  en  1826  par  le  libraire  Stella.  Le  texte 
latin  a  été  reproduit  dans  le  Cicéron  de  la  collec- 
tion de  M.  Lemaire;  —  Des  Journaux  chez  les 
Romains,  recherches  précédées  d'un  Mémoire 
sur  les  Annales  des  Pontifes,  et  suivies  de  Frag- 
ments de  Journaux  de  V ancienne  Rome;  Paris, . 
1838,  in-8°.  Cet  ouvrage  avait  été  dès  1835  lu  à 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  et 
par  extraits  dans  les  séances  publiques  de  l'Ins- 
titut ;  —  Édition  des  Essais  de  Montaigne,  pré- 
cédée d'un  discours  sur  sa  vie  et  ses  écrits,  et  ac- 
compagnée de  notes;  Paris,  1826,  5  vol.  in-8°, 
réimprimée  en  1834,  1  vol.  in-8°  ;  en  1836,  2  vol. 
in-8°  ;  —  Nouvelle  Rhétorique  ;  in-12  ;  huit  édi- 
tions de  1823  à  1845.  Élu  en  1838  par  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  membre  de  la 
commission  chargée  de  continuer,  au  nom  de  l'Ins- 
titut, la  grande  Histoire  Littérairede  la  France, 
commencée  par  les  Bénédictins,  M.  Le  Clerc,  après 
avoir  donné  une  nouvelle  édition  du  t.  XI,  avec 


ses  observations  (Paris,  1841,  in-4°),  a  coin- 
posé  en  partie  les  tomes  suivants  /les  annales 
littéraires  du  treizième  siècle  :  tome  XX  (1842), 
où  on  lui  doit  la  Notice  sur  Daunou,  son  pré- 
décesseur dans  la  direction  de  l'ouvrage ,  et , 
entre  autres  articles,  ceux  de  Nicolas  de  Ha- 
nap'es';  Baudouin  de  Ninove;  Raymond  de 
Meullion;  Marguerite  de  Duyn;  Guillaume 
Durant),,  surnommé  le  Spéculateur;  t.  XXI 
(1847  ),  la  Notice  sur  Fauriel,  son  ancien  col- 


217 


LECLERC 


laborateur  ;  et  les  articles  Geoffroi  de.  Courlon  ; 
Jean  de  Thielrode  ;  Siger  de  Brabant,  pro- 
fesseur aux  écoles  de  la  rue  du  Fouarre  ; 
Brocard,  voyageur  en  Terre  Sainte  ;  Gilles  de 
Corbeil,  médecin  et  poète  ;  Notices  collectives 
sur  les  Vies  de  Saints  et  de  Saintes,  les  Sta- 
tuts synodaux,  les  Chroniques,  les  Lettres  ; 
tome  XXII  (  1852  ),  Poésies  latines  de  Vital  de 
Biais,  Guillaume  de  Blois,  Matthieu  de  Ven- 
dôme, Jean  de  Garlande,  hymnes,  chansons, 
satires  latines;  tome  XXIII  (1856),  Notice  très- 
étendue  sur  les  Fabliaux,  examen  d'un  grand 
nombre  de  poésies  françaises,  ou  morales,  ou 
historiques.  Pour  le  tome  XXIV,  qui  sera  pro- 
chainemenl  publié,  M.  Victor  Le  Clerc  a  été  chargé 
par  ses  confrères  du  Discours  préliminaire  sur 
fétat  des  lettres  en  France  au  quatorzième 
siècle.  M.  Le  Clerc  a  fourni,  en  outre,  de  nom- 
breuses rectifications  ou  additions  pour  les  deux 
premiers  tomes  du  Catalogue  général  des  Ma- 
nuscrits des  Bibliothèques  publiques  des  dé- 
partements, publié  sous  les  auspices  du  ministre 
le  l'instruction  publique,  in-4°;  Paris,  1849, 1855. 
knfin,  il  a  pris  part  à  la  rédacion  du  Journal  des 
pébats  et  de  la  Revue  Encyclopédique,  et  publié 
les  articles  dans  plusieurs  autres  recueils. 
C.  Mallet. 
Journal  de  la  Librairie.  —  France  Littéraire. 

leclerc  (Nicolas-Gabriel).  Voy.  Clerc. 
leclekc  (Jean-Louis).  Voy.  Buffon. 
leclerc   (Antoine-Éléonore-Léon).   Voy. 
Iuigné. 
leclerc  des  sept-chènes.  voy.  sept- 

^HÊNES. 

LECLERC  DU  TREMBLAY.  Voy.  JOSEPH. 

leclercq  (Chrétien),  missionnaire  et  voya- 
geur français,  né  en  Artois,  vers  1630,  mort  à 
Lens,  vers  1695.  Il  entra  chez  les  Récollets,  et  en 
1655  fut  envoyé  comme  missionnaire  au  Canada. 
Le  27  octobre  de  la  même  année,  il  débarqua 
lans  la  baie  de  Gaspé,  et  durant  six  années  ré- 
aandit  parmi  les   nations   indiennes   la  parole 

vangélique.  Il  fit  en  1661  un  voyage  en  France 
xmr  obtenir  la  permission  de  foncier  un  couvent 
le  Récollets  à  Montréal.  Il  retourna  au  Canada  en 
1682,  et  ne  revint  dans  sa  patrie  qu'en  1690  ;  c'est 
ilors  qu'il  devint  gardien  du  couvent  de  Lens, 

t  qu'il  publia  :  Nouvelle  Relation  de  la  Gas- 
oésie,  qui  contient  les  mœurs  et  la  religion 
des  sauvages  gaspésiens,  porte-croix,  adora- 
teurs du  Soleil  et  d'autres  peuples  de  V Amé- 
rique septentrionale,  dite  le  Canada;  Paris, 
1691,  in-12;  —  Établissement  de  la  foi  dans 
la  Nouvelle-France ,  contenant  l'histoire  des 
colonies  franco ises  et  des  découvertes  qui  s'y 
sont  faites  jus  qu'à  présent  ;  ibid.  A.  de  L. 
Dict.  univ.  (édit.  de  1822). 

LE  clercs  (Pierre),  littérateur  hollandais, 
né  en  1692,  à  Naarden,  mort  le  20décembre  1759, 
à  La  Haye.  Il  résida  successivement  à  Goor, 
à  Zwolle,  à  Hasselt,  et  fut  appelé  à  La  Haye  pour 
y  occuper  un  emploi  subalterne  dans  l'adminis- 


LECLERCQ  218 

tralion  des  États.  On  a  de  lui  :  une  traduction 
des  Satires  de  Boileau  ;  Utrecbt,  1712,  in-4°  ; 

—  Huwelijks  Min-tafereel,  leerdigt,  begre- 
pen  in  drie  Boeken;  Amsterdam,  1722,  in-8°, 
paraphrase  de  la  Callipeedia  de  Claude  (Juillet  ; 

—  De  Engelsche  Spectator  ;  ibid.,  1725,  9  vol. 
in-8°,  traduit  de  l'anglais  ;  —  Natuurkundige. 
aanmerkingen  uyt  de  Philosophical  Tran- 
sactions; ibid.,  1735,  2  vol.  in-8°,  extraits  du 
Recueil  de  la  Société  royale  de  Londres;  — 
Schouwtooneel  der  Natuur  (  Le  Spectacle  de 
la  Nature);  ibid.,  1739,  14  vol.  in-8°,  pi.,  trad. 
du  français  de  l'abbé  Pluche;  —  Hemelgeschie- 
denissen  (Histoire  du  Ciel)  ;  Delft,  2  vol.  in-8°, 
pi.,  d'après  le  même  auteur;  —  Geschiedenis- 
sen  der  Nederlanden  (  Histoire  des  Pays  Bas 
depuis  1714  );  Amsterdam,  1753,  in-fol.  etin-4°, 
pi.,  etc.  K. 

Chalmot,  Biogr.  Tf^oordenb.,  vu.  —  ;J.  de  Vrles, 
Proeve  eener  Gesehied.  der  Nederd.  Dichters,  III. — 
A.-G.  van  der  Aa,  Bioyr.  Ifoordenb  ■  I,  436. 

leclercq  (  Michel-Théodore  ),  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Paris,  le  1er  avril  1777, 
mort  dans  la  même  ville,  le  15  février  1851.  Sa 
famille  appartenait  à  la  bourgeoisie.  Son  père, 
Charles-Théodore  Leclercq,  administrateur  mu- 
nicipal du  2e  arrondissement  en  1796,  célébra  le 
mariage  du  général  Bonaparte  avec  Joséphine 
de  Beauharnais.  Entré  fort  jeune  dans  l'admi- 
nistration des  droits  réunis,  sous  Français  de 
Nantes,  Th.  Leclercq  devint  receveur  principal 
de  celte  administration  à  Paris,  en  1810,  place 
qu'il  occupa  jusqu'en  1819,  époque  à  laquelle  il 
donna  sa  démission.  Il  avait  déjà  écrit  un  roman 
médiocre  ayant  pour  titre  Le  Château  de  Dun- 
can  ;  il  employa  les  loisirs  que  lui  faisait  la  perte 
de  sa  place  à  composer,  à  l'imitation  de  Carmon- 
telle,  des  petites  pièces  de  salon ,  appelées  pro- 
verbes dramatiques  ;  elles  eurent  un  grand  succès. 
Ainsi  encouragé,  il  en  fit  imprimer  deux  volumes, 
qui  réussirent  aussi  bien  à  la  lecture.  Le  fonda- 
teur de  la  Revue  de  Paris  demanda  des  prover- 
bes dramatiques  à  Leclercq,  qui  plus  tard  en  donna 
aussi  à  la  Revue  des  Deux  Mondes.  Les  pro- 
verbes de  Théodore  Leclercq  se  font  remarquer 
par  une  certaine  finesse  et  de  l'originalité.  Posses- 
seur d'une  fortune  indépendante,  il  observait  à 
loisir  les  mœurs  et  les  travers  de  la  société  mo- 
derne. Chacune  de  ses  petites  comédies  est  un 
tableau  d'autant  plus  fidèle  que  l'auteur  s'était  af- 
franchi de  toutes  les  censures  et  de  toutes  les  ca- 
bales qui  embarrassent  la  carrière  du  théâtre.  H 
avait  été  longtemps  l'ami  intime  de  Fiévée,  qui 
signait  ses  articles  du  Journal  des  Débats  des 
initiales  de  Théodore  Leclercq,  T.  L.  On  a  de 
Théodore  Leclercq  :  Proverbes  dramatiques  ; 
Paris,  1823-1826,4  vol.  in-8°;  1826-1827,  5  vol. 
in-8°;  1827-1828,  7  vol.  in-18;  1828,  6  vol. 
in-8°;  nouvelle  édition  illustrée  parles  frères 
Johanuot;  Paris,  1834-1838,  8  vol.  in-8°;  — 
Nouveaux  Proverbes  dramatiques;  Paris, 
1830    in-8°;  2  vol.  in-18;  t.  VIII  et  IX,  Paris, 


2i9  LECLERCQ 

1833,  2  vol.  in -8°.  MM.  Lemoine-Montigny  et 
Edouard  Lemoine  ont  arrangé  pour  la  scène 
Norbert,  ou  le  campagnard,  comédie-vaude- 
ville en  un  acte,  tirée  des  Proverbes  de  Th.  Le- 
clercq  ;  Paris,  1832,  in-8°;  1837,  in-32.  Leclercq 
a  donné  dans  l'Artiste  un  article  intitulé  :  Pre- 
mier Aviour,  Premier  Remords,  Première  Le- 
çon, 1831  ;  et  dans  le  Salmigotidis  une  nouvelle 
iulitulée  Félix.  L.  L — t. 

V.  Laeaine  et  (h  Laurent,  Uiogr.  et  Nérrol.  des  Hom- 
mes marquants  du  dix  nmrième  siècle,  tome  11,  p.  217, 

—  Dict.  de  lu  Conrcrs.  —  Quérard,  Ial  France  IMIér.  — 
Couiiiuelor  et  Mac  ry,  La  l.ittér.  Frauç  contemp. 

le  CLOU  (Etienne),  hagiographe  français, 
né  à  Arras,  mort  dans  la  même  ville,  le  6  mars 
1616.  11  fit  profession  chez  les  dominicains  de 
*a  ville  natale,  y  devint  quatre  fois  prieur,  li- 
cencié en  Ihéologie  et  vicaire  du  provincial  de 
la  basse  Allemagne.  On  a  de  lui  :  Le  sacré  Ro- 
saire de  la  Vierge  Marie  en  trois  livres  ; 
Arras,  1608,  in-16  ;  Valcnciennes,  1615,  in-16; 
— Histoire  de  la  Vie,  Miracles  et  Canonisation 
(17  avril  1594  )  de  S.  Hiacinthe,  Polonois,de 
l'ordre  des  Frères  Prescheurs,  en  4  livres,  tra- 
duite du  latin  du  P.  Séverin  Lubomlius;  Arras, 
1602,in-12  ;le  traducteur  y  donne  une  notice  sur 
les  premiers  PP.  provinciaux  de  son  ordre  en 
Pologne.  A.  L. 

Échard,  Script,  ord.   Prœdicat.,  t.  Il,  p.  405,  411,  412. 

—  Paquot,  mémoires  pour  servir  à  Vkistoire  littéraire 
des  Pays-Bas,  t  V,  p.  376  -377. 

léclusk  ou  lescluse  (Charles  de),  en 
latin  Clusius,  célèbre  botaniste  français,  né  à 
Arras,  le  18  février  1524  ou  1525,  mort  à  Leyde, 
le  4  avril  1609.  Son  père,  Michel  de  Lescluse, 
était  seigneur  de  Walènes  et  conseiller  d'Artois. 
Charles  fit  ses  études  à  Gand  et  à  Louvain,  où 
il  suivit  des  cours  de  droit.  En  1547  il  se  rendit 
en  Allemagne,  s'arrêta  à  Marbourg,  et  y  reçut 
les  leçons  d'Oldendorp;  puis  il  se  dégoûta  de  la 
jurisprudence,  et  partit  en  1549  pour  Wittenberg, 
où  il  vit  Melanchlhon.  L'année  suivante  il  vi- 
sita Francfort,  Strasbourg,  la  Suisse  et  la  Savoie, 
d'où  il  passa  à  Lyon  et  ensuite  à  Montpellier. 
Il  resta  trois  ans  dans  cette  ville,  chez  Guillaume 
Rondelet,  qui  lui  enseigna  la  médecine  et  la  bo- 
tanique. Après  avoir  reçu  le  titre  de  docteur  en 
1559,  Lécluse  retourna  dans  les  Pays-Bas  par 
Genève,  Bâle,  Cologne  et  Anvers.  En  1560  il  re- 
vint en  France,  et  demeura  deux  ans  à  Paris, 
d'où  les  guerres  civiles  Péloignèrent.  Il  resta  un 
an  à  Louvain,  repassa  en  Allemagne  et  se  trou- 
vait à  Angsbourg  en  1563.  Il  retourna  dans  cette 
ville  l'année  suivante,  reprit  la  route  des  Pays- 
Bas  avec  les  frères  Fugger,  qu'il  accompagnait, 
puis  il  voyagea  le  long  des  côtes  occidentales 
de  la  France  jusqu'en  Espagne.  Il  parcourut 
ce  royaume  ainsi  que  le  Portugal  en  herbo- 
risant ,  et  se  cassa  la  jambe  dans  une  chute 
de  cheval  en  se  rendant  à  Gibraltar.  De  re- 
tour en  i565,  il  demeura  près  de  cinq  ans  dans 
les  Pays-Bas.  En  1570  il  se  rendit  encore  à 
Paris,  et  passa  en  Angleterre   par  Dieppe  ou 


-  LÉCLUSE  220 

quelque  port  du  pays  de  Caux.  Il  resta  ensuite 
dans  les  Pays-Bas  jusqu'en  1573.  L'empereur 
Maximilien  11  l'appela  bientôt  après  à  Vienne  pour 
lui  confier  la  direction  de  son  jardin  des  plantes. 
Lécluse  en  profita  pour  étudier  la  flore  de  l'Au- 
triche et  de  la  Hongrie,  pays  qu'ilparcourut.  11  fit 
encore  un  voyage  en  Angleterre,  et  après  qua- 
torze ans  de  séjour  à  Vienne,  il  se  retira,  en 
"1587,  à  Francfort  sur-le-Mein,où  il  vécut  six  ans 
dans  la  solitude,  allant  voir  seulement  le  land- 
grave de  Hesse,  qui  se  plaisait  à  sa  conversation 
et  lui  faisait  une  pension.  Les  curateurs  de  l'uni- 
versité de  Leyde,  tirèrent  Lécluse,  de  sa  solitude  de 
Francfort,  où  il  s'était  démis  une  hanche,  et  le 
nommèrent  en  1593  professeur  de  botanique.  1| 
remplit  cette  chaire  avec  beaucoup  de  réputation 
pendant  seize  ans,  et  mourut  d'une  hernie  étran- 
glée. Lécluse  n'avait  pas  été  marié.  A  cinquante- 
cinq  ans,  il  s'était  cassé  la  jambe,  ce  qui  l'obligea 
à  se  servir  de  béquilles  jusqu'à  sa  mort.  11  avait 
plusieurs  fois  tenté  le  voyage  d'Italie,  et  il  re- 
grettait d'avoir  toujours  été  empêché.  Il  pos- 
sédait le  latin,  le  grec,  l'italien,  l'espagnol, 
l'allemand,  le  flamand  et  le  français.  Heinsius  le 
met  avec  Sca'iger  au  rang  des  plus  savants  hom- 
mes de  son  temps.  Il  excellait  dans  la  bota- 
nique, et  s'était  fait  une  loi  de  ne  se  fier  au  té- 
moignage de  personne  sur  le  fait  des  plantes  et 
de  n'en  croire  que  ses  yeux  ;  aussi  l'exactitude  la 
pins  scrupuleuse  règne  dans  ses  descriptions  et 
dans  ses  figures.  Le  premier  il  a  eu  soin  de  mettre  | 
à  côté  de  la  synonymie  latine  le  nom  des  plantes 
dans  les  langues  modernes,  et  donne  des  rensei- 
gnements sur  leur  emploi  dans  la  médecine,  les 
arts  et  l'agriculture.  Il  caractérisait  les  plantes  par 
la  structure  de  leurs  fruits.  C'est  Lécluse  quiain- 
troduitdans  les  Pays-Bas  les  patates  ou  camotesr 
qui  sont  devenues  si  communes  sous  le  nom  de 
pommes  de  terre.  Elles  avaient  été  apportées 
du  Pérou  en  1 586  par  Drake,  qui  en  donna  à  Gé- 
rard, habile  botaniste  de  Londres  ;  ce  dernier  les 
cultiva  dans  ses  jardins,  et  en  partagea  les  pro- 
duits avec  Lécluse.  Celui-ci  les  cultiva  en  Hol-! 
lande,  et  en  envoya  en  Italie.  11  les  décrivit  sous 
les  noms  de  arachidna  Theophrasti  et  papas? 
Peruvianorum.  On  a  de  Lécluse  :  Histoirei 
des  Plantes,  traduite  du  bas  allemand  de  po.f 
donée  en  français;  Anvers,  1557  ,  in-fol.  ;  —, 
Antidotarivm ,  sive  de  exacta  componen- 
dorum  miscendorumque  medicamentorum 
ra/ione  libri  1res,  omnibus  pharmacopœis 
longe  utilissimi ;  ex  Grascorum ,  Arabum  et\ 
recentiorum  medicorum.  scriptis  maxima 
cura  et  diligentia  collecti  ;  nunc  vero  pri-\ 
mum  ex  italica  sermone  latini  facti  ;  An- 
vers, 1561,  in  8°;  —  Vies  de  Hannibul  et  del 
Scipion  l'Africain  ,  traduites  du  latin  de  Do- 
nat  Acciajoli  en  français,  avec  les  Vies  des  hom-  ] 
mes  illustres  de  Plutarque  traduites  par 
Amyot  ;  Paris,  1565,  in-fol.  ;  plusieurs  fois  réim-  J 
primées  ;  —  Aromatum  et  simplicium  aliquot 
medicamentorum  apud  Indos   nascentium 


221  LÉCLUSE 

historia,  traduit  de  Garcias  de  Orto;  Anvers, 
1567,  in-12;  1574,  1579,  1593,  in-8°;  — 
Simplichim  medicamentoiwm  ex  novo  Orbe 
delatorvm  quorum  in  nwdicina  ustis  est  His- 
toriu, traduit  de  l'espagnol  de  Nicolas  Monar- 
des;  Anvers,  1574,  1579,  in-8c;  1582,  in-8°  ;  — 
Christophori  a  Costa,  medici  et  chirurgi, 
Aromalum  et  Medicamentarum  in  Orientait 
Jndia  nascentium  Liber;  Anvers,  1574,  1582, 
in-8°;  —  Rariorum  aliquot  stirpium  per  His- 
panias  observa tarum  Historia ;  Anvers,  1576, 
in-8°  ;  —  Rariorum  aliquot  Stirpium  per 
Pannoniam,  Anslriam,  et  vicinas  provincias 
observatarum  Historia;  Anveis,  1583,  in-8°; 
Caroli  Clusii  aliquot  Notée  in  Garciœ  Aro- 
malum Historiam;  Anvers,  1582,  in-8°  ;  — 
Nicolai  Monardi  Libri  très ,  magna  medi- 
cinw  sfereta  et  varia  expérimenta  conti- 
nentes; Lyon,  1601,  in-8°  ;  —  Pétri  Bellonii, 
venomani,  piurimarum  singularium  et  me- 
morabilium  rerum  in  Grxcia,  Asia,  JEqypta, 
JutUra,  Arabia,  aliisque  exteris  prorinciis  àb 
ipso  conspec/arum  Observaliones,  tribus  libris 
ixpressœ  ;  Anvers ,  1589,  in  -8°  ;  —  Rariorum 
olantarum  Historia  ;  Anvers,  1601,  in-tol.  ;  — 
Exolicorum  Libri  decem  :  quibus  animalium, 
olantarum,  aromatum  alïorumque  peregri- 
wrvm  fructuum  historix  describun hir  ;  An- 
gers, 1601,  in-fol.  ;  Leyde,  1605,  in  fol.  ;  — 
Vurse  poster iores,  etc.;  Anvers,  1611,  in-fol.  ; 
L.eyde,  1611,  in-4°  ;  —  Gallise  Belgicaz  choro- 
iraphica  Descriptio;  Leyde,  1619,  in-8°;  — 
Tabula  chorographica  Gallise  Narbonensis , 
nsérée  par  Ortelius  dans  son  T/ieatrum  Orbis 
'errarum.  Lécluse  avait  trouvé  à  Salarnanque  et 
3  Grenade  des  lettres  de  Nicolas  Clénatd  ;  il  les 
lonna  àPlantin  d'Anvers,  qui  les  publia  en  1566. 

L.  L-t. 

Élius  Éverhard  Vorstins,  Oratio  funebris  in  obitum 
aroli  Clusii  ;  Leyde,  1609,  in-8°.  —  Jean  Meursius, 
Uhenx  Datante.  —  va  1ère  André,  Bibliotheca  Belgica. 
-  K.   Swertltis,  Athènes   Helgicœ.   —  L.  Crasso,   Élogil 

huomini  lelterati.  —  Nicéron,  Mémoires  des  hom- 
nes  illustres,  tome  XXX,  p.  38.  —  l'aquot ,  Mémoires 
mur  servir  a  l'histoire  liltér.  des  Puiit-Has,  t>nie  xvn, 

413.  —  Eioi,  Dict..  histor.  de  la  Médecine  anc.  et  mo- 
lerne.  -  Biographie.  Médicale.  Wildenow,  Crundriss 
1er  KrtKuitr-knnde.  -  Haller,  Uiblioth  botan.  — 
loéhmer,  Bihliolh  Scriptor.  Hist.  Nat.  —  Eberls,  Bi- 
Ihgr  Lexicon 

léc.lise  (  A'....  Fleury,  dit),  acteur  et  den- 
iste  français,  né  vers  1711,  mort  en  1792.  Il 
lébuta  en  1737,  à  l'Opéra-Comique ,  dans  une 
>iece  de  Panard  et  de  Carolet  intitulée  :  VAs- 
emhléedes  Acteurs.  Quoique  favorablement  ac- 
:ueilli,  il  quitta  la  scène,  et  se  mit  à  exercer  la  pro- 
èssion  de  dentiste.  Le  roi  de  Pologne  le  nomma 
on  chirurgien  dentiste,  et  Lécluse  disait  en  plai- 
antant  qu'il  »  avait  été  nommé  à  cette  place  le 
our  où  Sa  Majesté  perdit  sa  dernière  dent  ».  Lé- 
:luse  ayant  fait  à  Ferney  une  visite  à  Vollaii  e,  qui 
'appelle  un  gentilhomme  honorable,  donna  sans 
loute  quelques  leçons  de  déclamation  à  M  "e  Cor- 
leille,  qui  s'y  trouvait;  ce  qui  fit  «lire  à  Fréron, 
|u'on  avait  confié  l'éducation  de  cette  demoiselle' 


à  un  comédien  (I).  De  retour  à  Paris,  Lécluse 
vécut  dans  une  société  assez  équivoque,  dont  il 
était  le  bouffon.  Il  se  ruina  dans  la  construction 
d'un  théâtre  qu  il  fit  élever  en  1777  au  coin  des 
rues  de  IJondy  et  de  bancry  Ne  pouvant  payer 
les  ouvriers,  il  vendit  ce  théâtre,  et  y  parut  comme 
acteur.  Cette  salle,  connue  sous  le  nom  de  théâtre 
des  Variétés,  fut  démolie  en  1 784  Lécluse  mourut 
dans  l'indigence.  On  lui  reconnaissait  de  l'ha- 
bileté comme  dentiste,  et  il  approchait  de  Vadé 
comme  auteur.  La  Lettre  de  M.  de  Lécluse, 
seigneur  de  Tilloij,  à  monsieur  son  curé,  est 
une  facétie  de  Voltaire.  On  a  de  Lécluse  :  Léclu- 
sade,  ou  les  déjeuners  de  la  Râpée;  Paris, 
1748,  in-8°;  réimprimée  sous  ces  litres  :  Pois- 
sarderies ,  ou  discours  des  halles  et  des  ports  ; 
Paris,  1749,  in-8°  ;  et  Déjeuner  de  la  Râpée,  ou 
discours  des  haltes  et  des  ports;  Paris,  1755, 
in-12;  —  Traité  utile  au  public,  où  Von  en- 
seigne la  méthode,  de  remédier  aux  douleurs 
et  accidents  qui  précèdent  et  accompagnent  la 
sortie  des  premières  dents  des  enfants;  Paris, 
1750,  in-12  ; — Anatomie  de  la  Bouche,  à  Vu- 
sage  des  chirurgiens  dentistes  ;  Paris,  1752, 
in-12;  —  Nouveaux  Éléments  d'Odontalgie; 
Paris,  1754,  in-12;  —  Éclaircissements  es- 
sentiels pour  parvenir  à  préserver  les  dents 
de  la  carie  ;  Paris,  1755,  in-12;—  Dessert  du 
petit  souper  dérobé  au  chevalier  du  Pélican; 
Paris,  1755,  in  12.  On  a  réuni  les  Œuvres 
poissardes  de  J.-J.  Vadé  et  de  Lécluse;  Paris, 
1796,  in-4°;  1799,  in-18;  an  ix,  in-18. 

L.   L— t. 

Biog  vniv.  et  portai,  des  Contemp.  —  Quérard,  La 
France  Littéraire. 

lécluse  (Fleury  de),  helléniste  français, 
né  à  Paris,  le  7  décembre  1774,  mort  à  Autéuil, 
le  16  mars  1845.  Nommé,  au  commencement 
de  l'empire,  professeur  de  belles-lettres  aux 
écoles  militaires  de  La  Flèche  et  de  Saint-Cyr, 
il  fut  plus  tard  appelé  à  occuper  la  chaire  de 
littérature  grecque  et  de  langue  hébraïque  à  la 
faculté  des  lettres  de  Toulouse,  et  devint  en 
1831  doyen  de  cette  faculté.  Il  possédait  la 
connaissance  d'une  vingtaine  de  langues,  y  com- 
pris le  sanskrit  et  le  chinois;  il  avait  de  plus 
cultivé  avec  succès  la  poésie  française  et  la  mas- 
sique On  a  de  lui  :  Panhellénisme;  Paris, 
1800,  in  -  piano  ;— Manuel  de  la  Langue  Grec- 
que; Paris,  1801  et  1820,  in-8°;  _  Téléma- 
que  polyglotte,  ou  Essai  d'une  traduction  de 
ce  poème  en  douze  langues;  La  Flèche;  1812, 
in-8°;  —  Chrestomathie  Hébraïque;  Paris, 
t8l4,  grand  in-3°;  —  Lexique  Grec-Latin  de 


11)  D'après  la  correspondance  de  Voltaire  avec  f,e  Brun, 
an  sujet  de  M'1»  Corneille,  Voltaire  traitait  le  dentiste  Lé- 
cluse de  seigneur  du  Tilloy,  â  cause  de  la  terre  uuTilloy, 
entiahnois  que  ce  dernier  possédait.  Voltaire,  no  le  con- 
fondait pas  avec  lacteur,  qu'il  croyait  seulement  cousin 
du  dentiste.  Tous  les  biographes  ne  font  qu  un  seul  per- 
sonnage de  l'acteur  et  du  dentiste.  Peut-être  Voltaire 
avait-tl  inventé  cette  distinction  pour  repousser  l'épi' 
gramme  de  Fréron. 


223 


LECLUSK  —  LECOAT 


224 


Schrevelius,  revu,  etc.;  Paris,  1819,  in-8°;  — 
Lexique  Français,  Grec  et  Latin  ;  Paris,  1822, 
in-8°,  réimprimé  plusieurs  fois;  —  Disser- 
tation sur  la  Langue  Basque  ;  Toulouse, 
1826,in-8°;  —  Manuel  de  la  Langue  Basque; 
Toulouse,  1826,  in-8°; —  Piaule  polyglotte , 
ou  parlant  hébreu ,  cantabre,  celtique,  irlan- 
çais,  hongrois,  etc.,  etc.  (  en  espagnol  );  Tou-» 
Jouse,  1828,  in-12;  —  Sermon  de  la  Monta- 
gne, texte  grec  et  traduction  basque  en  regard  ; 
Toulouse,  1831,  in-S°  ;  —  Bésumé  de  l'his- 
toire de  la  Littérature  Grecque  et  de  la  Litté- 
rature Latine;  Paris,  1837,  2  vol.  in-18;  — 
Lexique  Grec  Français  deMourcin,  revu,  etc.  ; 
Paris,  1840,  in-8°.  On  lui  doit  encore  plusieurs 
éditions  d'auteurs  grecs  enrichies  d'annotations 
et  de  scolies.  Lécluse  avait  compose  un  dic- 
tionnaire basque,  espagnol  et  français,  en 
2  vol.  in-4°,  sous  le  titre  de  :  Escuaron  Gor- 
putza  (  Lexicon  Cantabricum  ),  contenant 
plus  de  40,000  mots.  Cet  ouvrage,  resté  manus- 
crit, fut  vendu  avec  la  bibliothèque  de  l'auteur, 
au  mois  de  juin  1845^  F.  Bourgoin  d'Orli. 
Moniteur  du  29  mars  1845.  —  Doc.  particuliers. 

lecoat  (  Yves- Marie- Gabriel- Pierre) , 
baron  de  S.mnt-Haouen,  amiral  français,  inven- 
teur de  signaux  télégraphiques ,  né  en  Bretagne, 
en  1756,  mort  à  Calais,  le  5  septembre  1826. 
Il  appartenait  à  une  famille  distinguée,  fit  ses 
études  au  collège  de  Quimper,  et  entra  fort  jeune 
dans  la  marine.  Il  débuta,  comme  enseigne  de 
vaisseau,  par  plusieurs  campagnes  dans  les  deux 
Amériques  et  dans  les  mers  de  l'Inde.  De  grade 
en  grade,  il  parvint  à  celui  de  capitaine  de  fré- 
gate, qu'il  avait  lorsque  éclata  la  révolution. 
Arrêté  à  l'époque  de  la  terreur,  le  9  thermidor 
le  fit  sortir  de  la  prison  de  l'Abbaye.  En  1796 
il  fut  nommé  chef  de  division  des  armées  na- 
vales. Ce  fut  en  l'an  vin  (  1800)  qu'étant  chef 
d'état-major  de  l'amiral  Latouche-Tréville ,  il  fit 
les  premiers  essais  d'un  nouveau  système  de 
signaux  dont  il  s'occupait  depuis  longtemps,  et 
qui  obtint  l'approbation  d'une  commission  de 
l'Institut.  Lors  de  la  grande  expédition  projetée 
contre  l'Angleterre ,  Lecoat  fut  nommé  chef  mi- 
litaire du  port  de  Boulogne,  et  un  ordre  du  jour 
du  7  vendémiaire  an  xii  fit  mention  de  la  ma- 
nœuvre hardie  par  laquelle  il  sut  réunir  les  deux 
divisions  de  Dunkerque  et  de  Calais  à  l'armée 
navale  combinée  dans  le  port  de  Boulogne. 
L'année  suivante ,  il  se  distingua  encore  par 
son  intrépidité  lorsque  les  Anglais  poussèrent 
des  brûlots  incendiaires  contre  la  flottille.  En  1812 
il  devint  par  intérim  préfet  du  premier  arrondisse- 
ment maritime.  Confirmé  dans  ce  poste,  comme 
titulaire,  il  fut  chargé,  en  1814,  par  le  ministre 
de  la  marine,  de  se  rendre  auprès  de  Louis  XVIII 
à  Hartwell.  Il  revint  en  France  avec  le  roi,  qui 
descendit  chez  Lecoat  à  Boulogne.  Durant  les 
Cent  Jours  Lecoat  se  retira  à  la  campagne ,  et 
à  la  seconde  restauration  il  fut  promu  contre- 
amiral  et  nommé  major  général  du  port  de  Brest. 


Mis  à  la  retraite  en  1817,  il  perfectionna  son 
système  de  signaux ,  et  à  la  suite  de  plusieurs 
expériences  faites  à  Paris  il  proposa  au  gou- 
vernement, pour  la  correspondance  entre  les  bâ- 
timents et  les  côtes  ou  de  navire  à  navire,  une 
télégraphie  de  jour  et  de  nuit  qui  pouvait  servir 
aussi  à  la  communication  entre  les  divers  points 
de  l'intérieur,  et  dont  les  avantages  devaient  être 
communs  à  tous  les  peuples,  malgré  la  différence 
du  langage.  Des  expériences  répétées  au  Havre 
devant  une  commission  spéciale  furent  couron- 
nées de  succès.  Une  ligne  télégraphique  suivant 
le  système  de  Lecoat  fut  ordonnée,  en  1821, 
entre  Paris  et  Bordeaux.  On  l'installa  jusqu'à  Or- 
léans; mais  les  résultats  parurent  moins  certains. 
La  guerre  d'Espagne  vint  interrompre  cet  essai. 
Toutefois  une  brigade  télégraphique  opérant 
d'après  le  système  indiqué  suivit  le  quartier 
général  du  duc  d'Angoulême  dans  la  péninsule, 
et  rendit  quelques  services  pendant  la  cam- 
pagne. 

L'amiral  Lecoat  eut  alors  l'idée  de  livrer  son 
invention  au  commerce,  et  esquissa  un  projet 
de  société  commerciale  pour  l'exploitation  de  sa 
télégraphie.  Il  s'engagea  personnellement  dans 
des  dépenses  qui  le  jetèrent  dans  l'embarras 
et  compromirent  sa  liberté.  11  se  rendait  en  An-  ■ 
gleterre  pour  proposer  son  plan  à  des  capitalistes 
lorsque   la  mort  l'enleva.   Lecoat  croyait   son 
système  seul  praticable  pendant  la  nuit.  Chacun  de 
ses  fanaux  égalait  en  lumière  de  15  à  120  bou- 
gies, et  ne  consumait  que  pour  cinq  centimes ; 
d'huile  par  heure,  et  son  langage  était  des  plus- 
simples.    Chaque   poste   télégraphique  sur   Ies> 
côtes  devait  avoir  un   numéro  particulier,  vi- 
sible de  jour  et  de  nuit,  qui  devait  indiquer i 
aux  navigateurs   le  point  où  ils  se  trouvaient. 
Ce  système  «  exigeait  en  1809,  dit  M.  Jules- 
Guyot,  vingt  lanternes  pour  fonctionner  pen- 
dant la  nuit  ;  quinze  pour  représenter  trois  lignes 
horizontales  fixes,  trois  mobiles  à  six  pieds  det 
distance,  devant  monter  et  descendre  sur  une 
hauteur  de  vingt-huit  pieds  ,  deux  réunies  en-i 
semble  devant  également  monter  et  descendre. 
Pour  éclairer  un  tel  télégraphe,  il  eût  fallu  près- 
de  deux  heures  ;  chaque  signal  ne  pouvait  de- 
mander pour  être  transmis  et  recueilli  moins  de? 
deux  minutes.  Il  est  évident  que  ce  système  était! 
frappé  de  nullité.  M.  de  Saint-Haouen  le  sentit 
bien,  et  en  1822  il  modifia  son  système  pour 
la  nuit.  11  réduisit  ses  lanternes  au  nombre  de 
cinq  :  trois  fixes  formant  une  ligne  horizontale 
répondant  au  régulateur  du  télégraphe  Chappe, 
et  deux  mobiles  se  hissant  successivement  le 
long  de  quatre  mâts  verticaux  de  façon  à  formel 
des  angles  avec  la  ligne  horizontale.  Ce  procédé, 
fort  ingénieux  et  emprunté  au  télégraphe  Chappe, 
ne  réussit  cependant  pas.  Douze  machines  télé- 
graphiques avaient  été  établies  entre   Paris  el 
Orléans;  elles  ne  purent  correspondre  devant  la 
commission  nommée  pour  en  faire  l'appréciation, 
Cet  essai  coûta  près  de  80,000  fr.  au  gouver- 


2L>5  LEdOAT 

peinent,  et  s'il  eût  eu  succès  et  qu'on  eût  établi 
i  ■  système  télégraphique  de  nuit  de  M.  Saint- 
Haouen,  il  eût  coûté  plus  de  5  millions  de  pre- 
mier établissement  et  plus  de  1,200,000  fr.  d'en- 
tretien annuel.  » 

Lecoat  avait  consigné  son  système  dans  une 
brochure  intitulée  :  Télégraphie  universelle 
de  nuit  et  de  jour  sur  terre  et  sur  mer:  acte 
constitutif;  Paris,  1823,  in-4°  ;  —  Observation 
prcliminaire,ibid.  L.  Lodvet. 

Annales  biographiques ,  1886,  p.  455.  —  Jules  Guyot, 
De  la  Télégraphie  de  jour  et  de  nuit,  p.  85. 

le  cointe  (Charles),  historien  français, 
prêtre  de  la  congrégation  de  l'Oratoire ,  né  à 
Troyes,  le  4  novembre  1611,  mort  à  Paris,  le  18 
janvier  1681.  11  professa  d'abord  pendant  plu- 
sieurs années  dans  différents  collèges  de  la  con- 
grégation. Jl  accompagna  ensuite  l'ambassadeur 
servien  en  Allemagne,  en  qualité  de  chapelain  et 
îe  confesseur  de  Mme  Servien.  L'ambassadeur 
îut  occasion  pendant  les  conversations  du  voyage 
^apprécier  ses  vastes  connaissances  en  histoire, 
;t  profita  de  ses  lumières  dans  les  affaires  les 
>lus  difficiles  et  les  plus  importantes.  Ce  fût 
nême  le  P.  Le  Cointe  qui  travailla  aux  prélimi- 
laires  de  la  paix  de  Munster,  et  qui  fournit  les 
nëmoires  nécessaires  pour  gc.  fameux  traité.  A 
;on  retour  d'Allemagne,  il  remplit  encore  les 
onctions  de  professeur  pendant  quelque  temps, 
;t  fut  appelé,  en  1661,  comme  bibliothécaire,  à 
a  maison  de  l'Oratoire  de  Paris,  où  il  vécut en- 
ouré  de  la  considération  des  personnes  de  la 
ilus  haute  distinction.  Outre  quelques  ouvrages 
aissés  en  manuscrit ,  on  a  de  lui  :  Orationes 
wo  lectionum  auspicatione  in  collegio  An- 
lino  habitée,  ann.  Christi  1640 et  1641,  in-4°; 
—  Annales  ecclesiastici  Francorum ;  Paris, 
665-1683,  8  vol.  in-fol.;  le  huitième  volume  a 
té  publié  par  le  P.  Dubois...  Cet  ouvrage,  résul- 
at  d'un  travail  immense,  va  de  417  à  845;  il 
!St  très-savant,  et  sera  toujours  utilement  con- 
;ulté  pour  l'histoire  des  premiers  temps  de  la 
nonarchie.  Il  engagea  l'auteur  dans  des  disputes 
«ce  quelques  savants.  L'abbé  B — n. 

!..  P.  Dubois,  rie  de  C.  Le  Cointe  en  tête  du  8e  vol.  des 
(nnales,  etc.--  Nicéron,. Mémoires,  t.  IV,  p.  269.  —  Mo- 
éri,  Bief.  Hist.  -  Lelong,  ISibUotk.  Hist.de  la  France, 
dit.  Fontette. 

le  coînte  (Gédéon),  littérateur  suisse,  né 
i  Genève,  en  1714,  mort  en  1782.  Il  fut  profes- 
seur d'hébreu  dans  sa  ville  natale.  On  a  de  lui  : 
Varangue  de  Démosthène  sur  les  immuni- 
és,  traduite  en  français;  1750,  in-8°;—  Lettre 
m-  le  prix  de  la  vie,  dans  le  Journal  britan- 
vique,  mai  1750  ;  —  Sermon  sur  la  Révùca- 
ion  de  l'Édit  de  Nantes;  —  Sermons  choisis, 
mvrage  posthume;  1784, in-8°.  L'abbé  B— n. 
Sénebier,   Hist.  litt.  de  Genève,  t.  III,  p.  22. 

le  cointe  (Jean-Louis),  tacticien  français, 
ié  à  Nîmes,  le  29  juillet  1729.  On  a  de  lui  : 
La  Science  des  Postes  militaires,  ou  traité 
les  fortifications  de  campagne,  à  l'usage  des 
\fficiers  particuliers  d'infanterie  qui  sont 

NOUV.  BIOGR.    GÉNÉR.    —  T.    XXX. 


—  LECÔINTE 


226 


détachés  à  la  guerre;  1759,  în-12  ; —  Com- 
mentaire sur  la  retraite  des  Dix  Mille,  ou 
traité  de  la  guerre;  1766,  2  vol.  in-12;  — 
deux  dissertations  insérées  dans  les  Observa- 
tions sur  ta  Physique  ;  l'une  est  Szir  la  Pêche 
des  Paillettes  d'Or  qui  se  fait  dans  la  rivière 
de  Cèze,  dans  les  Cévennes,  et  l'autre  Sur  les 
Cartes  militaires.  L'abbé  B — n. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

1jKCo\tstk-pjjirx\e.\c  (Michel-Matthieu), 
administrateur  français,  né  à  Saint-Maixent,  vers 
1750,  mort  à  Bruxelles,  en  1825.  Reçu  avocat  au 
parlement  de  Paris ,  il  exerçait  sa  profession 
dans  sa  ville  natale  lorsque  éclata  la  révolution, 
dont  il  se  montra  un  des  zélés  partisans.  Élu 
administrateur  du  département  des  Deux-Sèvres 
en  1790,  l'année  suivante  il  fut  par  ses  conci- 
toyens député  à  l'Assemblée  législative.  Il  y 
signala  la  conduite  imprudente  des  prêtres  inser- 
mentés, qui  déjà  avaient  soulevé  les  campagnes 
de  Bressuire  et  de  Ghâtillon  et  fait  couler  le  sang 
dans  plusieurs  communes.  Le  10  décembre  1791, 
il  appuya  vivement  une  pétition  des  habitants  de 
Paris  contre  les  ministres  du  Portail ,  de  Nar- 
bonne,  de  Grave  et  Lajard  ,  qui  plus  tard  furent 
décrétés  d'accusation,  en  août  1792.  Le  15  mai,  il 
renouvela  ses  attaques  contre  les  prêtres  inser- 
mentés, et  contribua  beaucoup,  le  25,  à  faire  pro- 
noncer contre  eux  la  déportation.  Élu  à  la  Conven- 
tion nationale  en  septembre  1792,  il  y  fit  rendre 
le  décret  qui  défendait  de  prendre  les  ministres 
parmi  les  représentants,  et  le  24  septembre 
demanda  la  présence  d'une  force  départemen- 
tale à  Paris  pour  garantir  la  sûreté  de  la  Con- 
vention. Le  4  octobre  il  accusa  Marat  d'avoir 
organisé  les  massacres  de  septembre;  celui-ci 
riposta  dans  son  Ami  du  peuple  en  traitant 
Lecointe-Puiraveau  de  girondin  et  de  fédéraliste. 
En  novembre  Lecointe  fut  envoyé  avec  Biroteau 
pour  pacifier  le  département  d'Eure-et-Loir; 
leur  mission  fut  accomplie  avec  courage ,  mais 
non  sans  danger.  Rentré  à  l'assemblée  au  com- 
mencement de  janvier  1 793,  il  prit  part  au  procès 
de  Louis  XVI,  et  vota  pour  l'appel  au  peuple.  Le 
10  mai  1793,  il  fut  envoyé  à  l'armée  de  La 
Rochelle  avec  son  collègue  Jard-Panvilliers ,  et 
se  trouva  le  24  à  Fontenay,  lorsque  l'armée 
républicaine  y  fut  défaite  par  les  royalistes,  com- 
mandés par  de  Lescure.  Rappelé  après  l'anéan- 
tissement du  parti  girondin,  il  ne  craignit  pas  de 
protester  contre  les  vainqueurs ,  osa  justifier  la 
destitution  de  Rossignol,  protégé  par  les  jaco- 
bins, parla  en  faveur  du  général  Biron  et  le  dé- 
fendit, mais  inutilement,  par  son  témoignage  de- 
vant tribunal  révolutionnaire.  Il  combattit  comme 
arbitraire  la  proposition  de  ranger  parmi  les  en- 
nemis de  la  république  les  marchands  qui  ven- 
draient à  un  prix  élevé  les  objets  de  première 
nécessité.  Le  16  novembre  1793,  Amar  demanda 
la  mise  en  accusation  de  Lecointe-Puiraveau, 
en  vertu  d'une  lettre  anonyme  datée  de  Rouen, 
et  qu'il  prétendait  avoir  vue  tomber  de  la  poche 

S 


227 


LECOINTE 


228 


de  Lecointe.  Cette  lettré  signalait  Lecointe  comme 
un  des  instigateurs  des  tronblesde  la  Normandie 
et  de  la  Vendée.  Déjà  on  allait  voter  le  décret 
d'accusation ,  lorsque  Lecointe,  s' étant  fait  com- 
muniquer la  pièce  accusatrice,  fit  observer  qu'elle 
serait  arrivée  à  Paris  avant  l'heure  de  la  distri- 
bution des  dépêches  de  Rouen.  Cette  circons- 
tance le  sauva.  Le  1er  avril  1795,  il  accusa  les 
jacobins  de  répandre  des  écrits  contre- révolu- 
tionnaires, et  soutint  que  les  chefs  de  cette  fac- 
tion n'étaient  que  des  royalistes  masqués  qui 
poussaientau  désordre  et  à  l'anarchie  pour  dégoû- 
ter le  peuple  de  la  liberté.  A  la  fin  de  cette  même 
année,  il  s'opposa  vigoureusement  aux  exceptions 
sollicitées  en  faveur  des  émigrés  postérieurement 
au  31  mai,  et  demanda ,  à  la  suite  du  13  vendé- 
miaire, «  que  les  biens  des  rebelles  servissent 
à  indemniser  les  citoyens  morts  en  défendant  la  j 
Convention  ».  Devenu  membre  du  Conseil  des 
Cinq  Cents ,  il  défendit  la  Constitution  de  l'an  iii, 
parla  le  1er  mars  1796  contre  les  magistrats  qui  | 
avaient  refusé  de  prêter  le  serment  de  haine  à  la 
royauté,  appuya  le  7  avril  la  proposition  de 
mettre  le  séquestre  sur  le9  biens  des  pères  et 
mères  des  émigrés ,  et  proposa  des  mesures  ri- 
goureuses pour  empêcher  l'importation  des  mar- 
chandises anglaises.  Il  se  montra  aussi  l'un  des 
soutiens  de  la  loi  du  3  brumaire  an  iv  qui  excluait 
des  fonctions  publiques  les  parents  d'émigrés.  Il 
attaqua  spécialement  Polissard ,  Ferrand-Vail- 
lant  et  autres  députés  sujets  à  l'application  de 
cette  loi,  et  voulut  faire  attribuer  au  Directoire 
exécutif  la  radiation  facultative  des  émigrés.  Il 
soutint  la  déportation  des  prêtres  insoumis ,  de- 
manda des  lois  contre  la  licence  de  la  presse ,  et 
cita  à  l'appui  de  cette  mesure  le  journal  de  Bar- 
ruel-Beauvert,  qui  médisait  sans  relâche  du  gé- 
néral Bonaparte.  En  mars  1797  Lecointe  pré- 
sida le  Conseil  des  Cinq  Cents,  d'où  il  sortit  le 
20  mai  suivant,  et  fut  nommé  commissaire  central 
de  l'administration  du  département  des  Deux- 
Sèvres.  Réélu  en  mars  1798  au  Conseil  des  Cinq 
Cents,  il  s'y  opposa,  le  3  juillet,  à  ce  qu'on  sursît 
à  l'exécution  de  d'Ambert,  condamné  comme 
émigré,  alléguant  «  que  la  France  se  remplissait 
de  ces  sortes  de  gens,  et  qu'il  avait  vu  lui-même 
à  Paris  un  chef  de  chouans  ».  Il  se  plaignit  du 
mépris  des  institutions  républicaines  et  de  l'ou- 
verture des  boutiques  le  dimanche.  Élu  de  nou- 
veau à  la  présidence  le  20  juillet,  il  célébra  les 
fêtes  des  9  thermidor  et  du  10  août  dans  des 
discours  qui  furent  traduits  dans  les  diverses 
langues  européennes.  Le  23  septembre,  après 
une  sortie  sur  la  perfidie  des  rois ,  il  proposa  la 
levée  de  deux  cent  mille  conscrits  et  vota  la  con- 
fiscation des  biens  des  déportés  de  fructidor.  En 
1799  il  fit  plusieurs  rapports  sur  les  impôts,  le 
payement  des  biens  nationaux,  les  colonies,  les 
banques,  le  système  électoral,  la  liberté  de  la 
presse,  dont  il  réclama  derechef  la  compression, 
attribuant  aux  journalistes  les  excès  de  la  révo- 
lution. En  août  1799,  il  s'opposa  à  la  mise  en 


accusation  des  directeurs  Merlin,  Larevellière- 
Lépaux,  Treilhard  et  Rewbell.  À  la  fin  de  bru- 
maire an  vin  (  novembre  1799  ) ,  il  fut  délégué 
par  le  premier  consul  Bonaparte  dans  les  dé- 
partements de  l'ouest  pour,  de  concert  avec  le 
général  Hédouville,  faire  exécuter  la  pacification 
convenue  à  Angers.  Il  entra  ensuite  au  Tri- 
bunat,  d'où  il  sortit  en  mars  1800  pour  aller 
remplir  les  fonctions  de  commissaire  général 
de  police  à  Marseille.  Il  resta  dans  cette  ville 
jusqu'en  1803,  et  y  rétablit  le  bon  ordre  et 
la  sûreté.  Quelque  temps  après,  il  fut  désigné 
pour  une  mission  en  Louisiane,  mais  il  refusa 
cet  emploi,  et  rentra  dans  la  vie  privée  jusqu'en 
1815.  Napoléon,  à  son  retour  de  l'île  d'Elbe,  lui 
confia  la  police  supérieure  de  Lyon ,  Grenoble, 
Marseille  et  des  contrées  qui  avoisinent  ces  im- 
portantes cités.  A  la  rentrée  des  Bourbons,  il 
faillit  partager  le  sort  du  maréchal  Brune ,  et  fut 
enfermé  au  château  d'If,  d'où  il  s'échappa  le 
11  septembre  1815.  Il  put  gagner  les  Pays  Bas, 
où  il  termina  sa  longue  carrière.  On  a  de  lui  : 
Opinion  dans  l'affaire  du  roi;  Paris,  1792, 
in-8°.  H.  Lesueuf. 

Le  Moniteur  universel,  an.  1791,  n°  346;  an.  1792, 
n°«  8,  90,  US,  173,  207,  2SS,  283,  350;  an  1er,  II,  III,  IV,  V, 
vi  et  vu,  passim.  —  Biographie  moderne  (1806:.  -?■  Pa- 
ierie historique  des  Contemporains.  —  Le  Eas,  Dut.  en- 
cyclopédique de  la  Francs.  —  Thiers,  Histoire  de  la  i 
Révolution  française,  t.  IV,  V,  VI,  passim. 

lecointe  (Jean-François-Joseph),  archi-  ■ 
tecte  français,  né  à  Abbeville,  le  21  juillet  1783, 
mort  à  Versailles,  le  8  avril  1858.  Élève  de  Bé- 
langer et  de  l'École  spéciale  d'Architecture  de  Pa- 
ris, il  remporta  en  1810  le  prix  départemental,  , 
et  voyagea  ensuite  en  Italie  et  dans  les  Pays-Bas. , 
Il  a  fait  élever  quelques  hôtels  à  Paris,  plu- 
sieurs monuments  au  cimetière  du  Père-La-  ■ 
Chaise,  et  continué,  de  1818  à  1825,  les  écuries  de  I 
Monsieur  dans  le  faubourg  du  Roule,  auxquelles 
fut  réuni  l'établissement  des  pages.  Il  a  exé- 
cuté avec  M.  Hittorff  la  construction  de  la  nou- 
velle salle  de  l'Ambigu-Comique,  et  la  restau- 1 
ration  de  la  salle  Favarten  1825.  Comme  archi- 
tectes du  roi,  ces  deux  artistes  ont  dirigé  en-i 
semble  les  travaux  des  fêtes  et  cérémonies  roya- 
les, la  pompe  funèbre  du  prince  de  Condé,  celle 
du  duc  de  Berry,  les  funérailles  de  Louis  XVIII, 
les  décorations  des  fêtes  du  baptême  du  duc  de 
Bordeaux,  du  sacre  de  Charles  X,  etc.  Leur  ou- 
vrage sur  le  baptême  du  duc  de  Bordeaux,  formé 
de  dessins  à  l'aquarelle,  obtint  une  médaille  d'or 
à  l'exposition  de  1827.  On  leur  doit  en  outre 
plusieurs  vues  de  la  cathédrale  de  Reims  et 
des  costumes  pour  l'ouvrage  sur  le  sacre  de 
Charles  X,  le  projet  de  restauration  de  l'église 
Saint-Remy  à  Reims,  le  projet  d'un  monument 
à  élever  au  duc  de  Berry,  d'une  chapelle  sé- 
sépulcrale  pour  la  princesse  de  Courlande,  des 
embellissements  de  la  place  Louis  XVI  (place  de 
la  Concorde  ),  d'une  salle  de  spectacle  et  de  bal  ' 
pour  le  baron  de  Brawn  à  "Vienne,  etc.  Lecointe 
exposa,  en  1830,  un  cadre  contenant  plusieurs 


229 


LECOINTE  —  LECOMTE 


230 


dessins  à  la  sépia,  représentant  des  vues  d'Italie. 
En  1841  il  éleva  avec  M.  Gilbert  la  prison  cel- 
lulaire dite  la  Nouvelle>Force  ou  Mazas.  «  Sa 
carrière  d'artiste  fut  des  mieux  remplies ,  a  dit 
M.  Hitforff  sur  sa  tombe ,  et  il  aurait  pu  pré- 
tendre aux  plus  hautes  distinctions  sans  une  fidé- 
lité peut-être  trop  exclusive  à  la  branche  aînée 
des  Bourbons.  »  L.  L — t. 

Ch.  Gabet,  Dict.  des  artistes  de  l'école  franc,  au 
dix-neuvième  siècle.  —  La  Presse  du  12  avril  1858. 

*  lecointe  (  Suzanne- Alexandre  ),  littéra- 
teur français,  né  à  Laon  (Aisne),  le  11  novembre 
1 797.  Sous-chef  de  bureau  à  la  préfecture  du  dépar- 
tement de  l'Aisne  du  la  avril  1815  au  1er  janvier 
1833,  chef  du  bureau  du  secrétariat  général  après 
cette  époque,  il  fut  longtemps  libraire  dans  sa 
ville  natale,  et  rédigea  le  Journal  de  V Aisne. 
On  a  de  lui  :  Éloge  de  la  Clémence;  Laon, 
1819,  in-8°;  —  Essais  poétiques  ;  Laon,  1823, 
in-8°  ;  —  Le  Vieillard  religieux,  ou  la  nuit, 
poëme;  Laon,  1823,  in-8°;  —  Annuaire  du 
département  de  V Aisne.;  Laon,  1827  et  an- 
nées suivantes,  in-8°  :  cet  annuaire  avait  déjà 
seize  années  d'existence  lorsque  M.  Lecointe  en 
prit  la  direction;  —  Collection  annotée  des 
ictes  administratifs  de  la  préfecture  de 
"Aisne,  édition  nouvelle;  Laon,  1836-1837, 
i  vol.  in-8°.  11  a  en  outre  publié  avec  M.  J.-J.  Ba- 
;et  un  Dictionnaire  des  Communes  du  dépar- 
'ement  de  V Aisne.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littér.  —  Bourquelot  et  Maury, 
ia  Littér.  Franc,  contemp.  —  Vapereau,  Dict.  vniv.  des 
Zontemp. 

lecointre  (Laurent),  homme  politique 
rançais,  né  à  Versailles,  en  1750,  mort  à  Gui- 
mes ,  en  1805.  Il  était  établi  marchand  de  toile 
lans  sa  ville  natale  lorsque  éclata  la  révolution. 
Vommé  commandant  en  second  de  la  garde  na- 
ionale  du  département,  il  se  fit  remarquer  par 
■es  opinions  très-avancées,  et  devint  succes- 
i veinent  président  du  département,  député 
i  l'Assemblée  législative,  puis  à  la  Convention , 
ni  il  vota  la  mort  de  Louis  XVI,  sans  appel 
li  sursis.  Il  fut  un  de  ceux  qui  poursuivirent 
vecle  plus  d'ardeur  les  girondins  au  31  mai; 
t  il  attaqua  avec  la  même  passion ,  après  le 
l  thermidor,  les  partisans  de  la  montagne.  Dé- 
rété  d'arrestation  après  le  12  germinal,  puis 
mnistié ,  il  ne  fut  plus  réélu  à  aucune  législa- 
ure  à  partir  de  cette  époque.  Lorsque  après  l'or- 
;anisation  du  gouvernement  consulaire  des  re- 
istres  furent  ouverts  pour  l'acceptation  de  la 
ouvelle  constitution,  Lecointre  fut  le  seul  habi- 
int  de  Versailles  qui  y  écrivit  :  «  Non  »  :  son 
vis  était  longuement  motivé.  Frappé  d'exil ,  il 
Dmba  dans  une  extrême  gêne  à  la  fin  de  sa  vie, 
près  avoir  joui  d'une  grande  aisance.  On  a  de 
ri:  Conjuration  formée,  dès  le  6  prairial, 
ar  neuf  représentants  du  peuple,  contre 
îaximilien  Robespierre ,  pour  V immoler  en 
lein  sénat;  an  n  (  1794),  in-8°;  les  conjurés 
taient  Lecointre,  Barras,  Fréron,  Courtois,  Gar- 
icr  de  l'Aube,  Rovère,  Thirion,  Tallien  et  Guf- 


froy;  —  Lecointre  (Laurent)  au  peuple  sou- 
verain; an  n  (1794),  in-8"  :  c'est  une  réfuta- 
tion des  attaques  de  Billaud-Varennes  et  Bour- 
don ;  —  Les  Crimes  de  sept  Membres  des  an- 
ciens Comités  de  Salut  public  et  de  Sûreté, 
générale,  ou  dénonciation  formelle  contre 
Billaud-Varennes,  Barrère,  Collot  d'Her- 
bois,  Vadier,  Vouland,  Amar  et  David,  se- 
conde édit.;  Paris,  nivôse  an  m,  in-8°.  M.  Dn- 
laure  a  publié  un  supplément  à  cet  ouvrage. 
H.  Lesueor. 
Le  Moniteur  universel,  an  1789,  n08 19,  71  ;  an  1791, 
n<">  302,  304  ;  an  1792,  n°>  50,  77,  107,  124,  159,  228,  284,  350, 
362  ;  an  1er,  no»  /l3>  12o,  239,  261  ;  an  II,  n°»  29,  85,  89, 109, 
239,  315,  345,  351  ;  an  III,  n"  71,  90,  99,  131,  146,  182,  186, 
195,  200;  an  iv,  n°  44.  —  Thiers,  Histoire  de  la  Révolu- 
tion française,  t.  IV,  V  et  VI  passim.  —  Lamartine, 
Histoire  des  Girondins,  t.  VII  et  VIII. 

cointos.  Voyez  Qcintus  Calaber. 

le  comte  (Jean),  ministre  protestant  fran- 
çais, né  en  1500,  à  Étaples  (Picardie),  mort  le 
25  juillet  1572,  à  Grand  son  (Suisse).  Disciple  du 
savant  Lefèvre  d'Étaples,  il  répandit  les  doctrines 
de  la  réforme  dans  le  diocèse  de  Meaux;  les 
poursuites  du  parlement  l'obligèrent  à  chercher 
un  asile  à  la  cour  de  Marguerite  de  Navarre. 
Après  avoir  été  précepteur  des  fils  de  l'amiral 
Bonnivet,  il  passa  en  Suisse  (1532),  et  acquit 
beaucoup  de  réputation  par  ses  prédications  et 
ses  controverses.  Telle  était  l'ardeur  de  son  zèle 
religieux  qu'un  jour,  en  prêchant  à  Grandson ,  il 
interrompit  son  sermon  pour  aller  renverser 
l'autel.  De  1558  à  1567,  il  occupa  une  chaire 
d'hébreu  à  l'académie  de  Lausanne.  On  a  de  lui  : 
Démégories  du  comte  d'Etaples  sur  les  Di- 
manches, les  Sacrements,  le  Mariage  et  les 
Trépassés;  1549.  K. 

Haag  frères,  La  France  protestante. 

LECOMTE  OU  LECONTE  DE  BIÈVRE  (Jean- 

Joseph-François),  littérateur  français ,  né  à 
Bièvre,  vers  la  fin  du  dix-septième  siècle ,  fut 
admis,  comme  associé,  à  l'Académie  des  Sciences 
de  Paris.  On  a  de  lui  :  Histoire  des  deux  As- 
pasies,  femmes  illustres  de  la  Grèce;  Paris  et 
Amsterdam,  1736,  in-12,  ouvrage  devenu  rare 
et  écrit  avec  élégance  et  plein  d'une  critique 
judicieuse;  —  une  Épltre  en  vers,  adressée,  en 
1736,  à  Maupertuis,  Clairault  et  Camus,  sur  leur 
voyage  dans  le  Nord.  Les  remarques  cosmogra- 
phiques qui  précèdent  cette  pièce  ont  fait  attri- 
buer à  Lecomte  deux  opuscules  de  Maupertuis, 
intitulés  :  Examen  des  trois  Dissertations  que 
M.  Desaguilliers  a  publiées  sur  la  figure  de 
laTerre;  1738,  in-12  ;  —  Examen  désintéressé 
des  différents  ouvrages  qui  ont  été  faits  pour 
déterminer  la  figure  de  la  Terre;  Oldembourg 
(Paris),  1738,  in-12. 

Lecomte  de  Bièvre,  fils  ou  neveu  du  précé- 
dent, avec  lequel  il  a  été  souvent  confondu,  mort 
le  27  août  1755,  à  Romorantin,où  il  était  procu- 
reur du  roi,  est  auteur  d'un  Eloge  de  Pot hier  ; 
Orléans  et  Paris,  1772,  in-12.  F.-X.  T. 

Dreux  du  Radier  et  Pesselier,  dans  le  Glaneur  français, 

8. 


231 


tora.  II.  —  Barbier,  Dictionnaire  des  anonymes.—  Qué- 
rard,  La  France  Littéraire. 

lecomte  (Florent),  archéologue  français, 
né  vers  le  milieu  du  dix-septième  sièele,  mort  à 
Paris,  en  1712.  Jl  prenait  le  titre  de  sculpteur  et 
de  peintre,  et  s'occupait  du  commerce  des  ta- 
bleaux. On  a  de  lui  :  Cabinet  des  Singularités 
d'Architecture ,  Peinture,  Sculpture  et  Gra- 
vure, ou  introduction  à  la  connaissance  des 
plus  beaux  arts  figurés  sous  les  tableaux, 
les  statues  et  les  estampes;  Paris,  1699-1700, 
3  vol.  in-12;  Bruxelles,  1702,  3  vol.  in-12.  J.V. 
Qu-érard,  La  France  Littéraire. 

lecomte  (Marguerite),  graveur  française, 
née  à  Paris,  vers  1719,  morte  à  la  fin  du  dix-hui- 
tième siècle.  Mariée  à  un  procureur  du  Châtelet, 
elle  se  distingua  par  son  goût  pour  les  arts.  Elle 
a  gravé  à  l'eau-forte  des  têtes  et  des  paysages 
qui  ne  sont  pas  sans  mérite.  On  cite  d'elle  un 
Portrait  du  cardinal  Alexandre  Albani,  in-4°, 
une  Suite  de  Papillons  exécutés  d'après  nature,  et 
des  vignettes  pour  une  traduction  de  Gessner  par 
Huber;  1764.  On  possède  le  portrait  de  Mar- 
guerite Lecomte ,  dessiné  par  Watelet  et  gravé 
par  Lempereur.  J.  V. 

Basan,  Dict.  clés  Graveurs. 

lecomte  (Félix),  sculpteur  français,  né  à 
Paris,  en  1 737,  mort  en  1 8 1 7 .  Élève  de  Vassé  et  de 
Falconet,  il  remporta  le  premier  prix  au  concours 
de  l'Académie  par  un  bas-relief  du  Jugement  de 
Salomon,  et  alla  visiter  l'Italie  comme  pension- 
naire de  l'Académie;  malheureusement,  entraîné 
par  le  goût  de  son  temps ,  il  semble  y  avoir 
plutôt  étudié  les  œuvres  du  Bernin  que  les  chefs- 
d'œuvre  de  l'antiquité.  Revenu  à  Paris  en  1769, 
il  fut,  en  1771,  admis  à  l'Académie  royale  de 
Peinture  et  de  Sculpture;  son  morceau  de  récep- 
tion fut  une  Statue  en  marbre  de  Phorbas. 
Ses  autres  ouvrages  principaux  sont  sept  bas- 
reliefs  en  terre  cuite  représentant  les  Sacre- 
ments, une  Piété,  groupe  qu'il  fit  pour  la  ca- 
thédrale de  Rouen  et  la  Statue  de  Fénelon,  qui 
décore  la  salle  des  séances  de  l'institut.  Lecomte 
employa  les  loisirs  forcés  que  lui  fit  la  révolu- 
tion à  se  livrer  à  ses  goûts  littéraires,  et  com- 
posa surtout  des  fables  qui  eussent  mérité  les 
honneurs  de  l'impression.  En  1810,  il  fut  nommé 
membre  de  la  classe  des  Beaux- Arts  de  l'Insti- 
tut. Il  avait  conservé  toutes  ses  facultés ,  et  il 
professait  encore  à  l'Académie  quand  il  fut  en- 
levé par  une  attaque  d'apoplexie,  à  l'âge  de 
quatre-vingts  ans.  E.  B — n. 

Quatremère  de  Quincy,  Éloge  da  Lecomte. 

legomte  (Louis),  missionnaire  français,  né 
à  Bordeaux,  vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle, 
mort  dans  cette  même  ville,  eu  1729,  fut  un 
des  six  mathématiciens  jésuites  qui  s'embar- 
quèrent avec  le  chevalier  de  Chaumont,  nommé 
ambassadeur  extraordinaire  à  Siam,  pour  se 
rendre  dans  ce  royaume,  d'où  ils  devaient  passer 
en  Chine.  Parti  de  Brest,  le  3  mars  1685,  Le- 
comte, après  avoir  visité  le  cap  de  Bonne-Espé- 
rance et  Pondichôry,  arriva  à  Siam,  le  24  sep- 


LECOMTE  232 

tembre  de  la  même  année.  Phra-Naraï,  qui  se 
piquait  de  cultiver  les  mathématiques,  le  retint 
près  de  deux  ans  à  sa  cour.  Mais  la  révolution 
qui  suivit  la  mort  de  ce  prince  permit  aux  mis- 
sionnaires de  continuer  leur  route  vers  la  Chine. 
Lecomte  arriva  à  Ning-Po  le  27  juillet  1687,  et 
le  8  février  suivant  à  Pékin.  Les   fonctions  du 
ministère  apostolique  qu'il  eut  à  remplir  dans  le 
Chen-si  et  dans  d'autres  provinces  de  la  Chine 
le  mirent  à  portée  de  bien  connaître  ce  pays,  et 
lui  fournirent  l'occasion  de  nombreuses  obser- 
vations astronomiques.  Il  en  avait  fait  au  cap 
de  Bonne-Espérance,  à  Pondichéry,  à  Siam  et  à 
Lauvo  ;  il  en  fit  à  Canton,  à  Pékin  et  dans  d'autres 
endroits.  Il  observa  deux  comètes  en  1686  et 
1689,  et  le  passage  de  Mercure  sur  le  disque 
du  Soleil,  en  1690.  Vers  1692,  Lecomte  fut  en- 
voyé à  Rome  pour  les  besoins  des  missions,  et 
revint  ensuite  en  France,  où  il  fut  quelque  temps 
confesseur  de  la  duchesse  de  Bourgogne.  Des 
contestations  venaient  de  s'élever  en  Chine  entre 
les  jésuites  et  les  missionnaires  de  la  congréga- 
tion des  Missions  Étrangères,  au  sujet  de  quel- 
ques cérémonies  pratiquées  dans  ce  pays.  Les 
jésuites  les   toléraient,   les    missionnaires  des 
Missions  Étrangères  les  rejetaient  comme  ido- 
lâtres. Lecomte  défendit  le  sentiment  de  ses 
confrères  dans  ses  Nouveaux  Mémoires  sur 
l'État  présent  de  la  Chine,  imprimés  à  Paris 
en  1696,  1697  et  1701,  3  vol.  in-12,  fig.  Cet  ou- 
vrage, écrit  d'ailleurs  d'une  manière  intéressante, 
est  répréhensible  pour  les  paradoxes  qu'il  ren- 
ferme :  c'est  un  panégyrique  outré  de  la  civili-  - 
sation  chinoise.  Les  Chinois ,  si  l'on  en  croit  i 
l'auteur,  ont  de  tout  temps  connu  et  adoré  le 
vrai  Dieu.  Lecomte  développe  les  mêmes  idées 
dans  une  lettre  au  duc  du  Maine  Sur  les  Ce-  I 
rémonies  de  la  Chine;  Liège,  1700,  in-12.  Les 
directeurs  des  séminaires  des  Missions  Étrangères  : 
à  Paris  déférèrent  ces  Nouveaux  Mémoires  et  ! 
la  lettre  sur  les  Cérémonies  de  la  Chine  à  la  j 
cour  de  Rome  et  à  la   faculté  de  théologie  de  : 
Paris.  Malgré  les  éclaircissements  et  les  protes- 
tations du  P.  Legobien ,  la  faculté,  sur  le  rap- 
port des  huit  députés  chargés  d'examiner  les 
ouvrages  incriminés,  censura,  le  18  octobre  1700, 
dix-neuf  extraits,  tant  des  Nouveaux  Mémoires 
et  de  la  lettre  au  duc  du  Maine  que  d'un  autre 
écrit ,  et  condamna  la  plupart  des  propositions, 
comme  fausses,  téméraires  et    erronées.  Les 
jésuites  firent  en  vain  paraître  plusieurs  lettres 
et  réponses  pour  justifier  les  livres  censurés. 
Lecomte  ne  fut  pas  plus  heureux  auprès  d'Inno- 
cent XII  et  de  la  congrégation  nommée  par  ce 
pape  pour  examiner  l'affaire.  Lecomte  était  en- 
core à  Rome  en  1702;  on  le  voit  par  une  lettre 
du  17  mars  de  cette  année,  qu'il  adressa  au  su- 
périeur du  séminaire  des  Missions  Étrangères  à 
Paris.  Dupin  attribue  encore  au  père  Lecomte, 
sur  ces  matières,  une  Lettre  d'un  Missionnaire 
de  la  Compagnie  de  Jésus;  1697.  Les  Nou- 
veaux Mémoires  furent  compris  dans  la  liste 


233 


des  ouvrages  que,  par  son  arrêt  du  6  août  1761, 
le  parlement  de  Paris  condamna  au  feu.  Cette 
liste  fut  dressée  par  l'esprit  de  parti  plus  que 
parle  zèle  de  l'orthodoxie.  F.-X.  T. 

Documents  inédits.  —  Le  P.  Tachard  ,  Relation  d'un 
Voyage  a  Siam.  —  Le  chevalier  de  Chaumont,  Relation 
de  l'Ambassade  à  Siam.  —  Legoblen,  Éclaircissements 
sur  les  honneurs  que  les  Chinois  rendent  à  Confucius 
et  aux  morts.  —  Dupin ,  Histoire  ecclésiastique  du  dix- 
septième  siècle,  ton).  IV.- 

*  lecomte  (Hippolyte),  peintre  français, 
né  à  Puiseaux,  département  du  Loiret,  en  1781. 
Il  eut  pour  maître  Regnault.  Son  premier  tableau 
parut  au  salon  de  1804,  et  il  exposa  successi- 
vement à  presque  tous  les  salons  jusqu'à  ceux 
de  1847.  Les  sujets  qu'il  a  traités  sont  des  ta- 
bleaux de  genre  historique,  des  paysages,  des 
ibatailles  sur  toiles  de  moyenne  dimension, 
celles-ci  pour  le  musée  de  Versailles.  Voici  la 
liste  de  ses  ouvrages  principaux  :  Jeanne  d'Arc, 
sal.  de  1808;  —  Humanité  de  Napoléon  envers 
îes  prisonniers,  sal.  de  1810;  —  Louis  XIII 
Vorçant  les  retranchements  du  Pas-de-Suze, 
pal.  de  1819,  est  dans  la  galerie  de  Fontaine- 
bleau; —  Marie  Stuart  s' évadant  du  château 
ne  Loch-Leven',  sal.  de  1831;  —  Combat  à  la 
wrte  Saint-Denis  en  juillet  1830,  sal.  de 
1831;  —  Combat  de  Mautern,  en  Styrie,  en 
1 809 ,  même  salon  ;  —  Prise  et  Capitulation 
te  Villefranche  en  Piémont,  sal.  de  1841;  — 
Bataille  de  Raab  {campagne  d'Autriche),  id.; 
U  Prise  de  Palras  en  1828,  id. 

G.  DE  F. 

I  Annuaire  statistique,  des  Artistes.  —  Livrets  des  Sa- 
vns. 

I  lecomte  ( Hyacinthe- Louis-Victor- Jean- 
Baptiste  Aubry),  dessinateur  lithographe  fran- 
ais,  né  à  Nice,  en  1797,  de  parents  d'origine 
rançaise,  mort  à  Paris,  en  mai  1858.  Venu  à 
pris  à  la  fin  de  l'empire,  il  entra  en  1816  au 
ïîinistère  des  finances ,  où  il  resta  pendant  neuf 
pis,  suivant  en  même  temps  l'atelier  de  Girodet 
K  se  présentant  aux  concours  de  l'École  des 
teaux-Arts.  11  exposa  pour  la  première  fois  en 
1819,  obtint  des  médailles  en  1824  et  1831,  et  la 
roix  d'Honneur  en  1849.  Parmi  ses  lithographies 
n  cite  :  La  Vierge  de  saint  Sixte,  V Enfant 
Jésus-,  Eve  et  La  Danse  des  Amours,  d'après 
laphael;  —  La  Joconde,  d'après  Léonard  de 
j'incy  ;  —  une  Sainte  Famille  d'après  Poussin  ; 
-  Danaé,  Ariane,  Érigone,  Endymion,  Zé- 
wgre,  Atala,  Chactas,  une  Scène  du  Déluge, 
'après  Girodet;  —  Corinne  au  cap  de  MU 
Me,  V Amour  et  Psyché,  La  Peste  de  Mar- 
klle,  d'après  Gérard;  —  V Enlèvement  de 
ïsyché,  Une  Famille  malheureuse,  d'après 
trudhon;  —  La  Paix  du  ménage,  d'après 
]-reuze;  —  La  Druidesse,  d'après  M.  Horace 
émet;  —  LaFrancesca,  d'après  M.  Ingres.  On 
ai  doit  en  outre  bon  nombre  de  portraits  et  des 
(ues  d'Auvergne  pour  le  voyage  du  baron 
Mor.  L.  L— t. 

Ch.  Gabet,  Dict.  des  Artistes  de  VÉcole  franc,  au 


LECOMTE  —  LECONTE  234 

dix-neuvième  siècle.  —  Vjpereau,  Dict.  univ.  des  Con- 
temp.   —  Livrets  des  Salons,  1819-1855. 


*  lecomte  (Jules),  littérateur  français,  né 
à  Boulogne- sur- Mer,  le  20  juin  1812.  Fils  d'un 
officier  de  marine,  il  fit  plusieurs  voyages  de 
long  cours,  devint  lieutenant,  puis,  vers  1832, 
renonçant  à  la  carrière  maritime,  il  vint  à  Pa- 
ris, et  se  livra  à  la  littérature.  Après  quelques 
essais,  il  fonda  en  1834  Le  Navigateur,  puis  la 
Revue  Maritime,  enfin  La  France  Maritime, 
ouvrages  périodiques.  Il  écrivit  des  romans,  des 
ouvrages  historiques,  des  pièces  de  théâtre,  de- 
vint rédacteur  de  divers  journaux  dans  lesquels 
il  sème  avec  esprit  un  grand  nombre  d'anec- 
dotes. Voici  la  liste  de  ses  principaux  travaux  : 
Pratique  de  la  Pèche  de  la  Baleine  dans  les 
mers  du  Sud;  1833,  in-8°  ;  c'est  la  relation 
d'un  voyage  qu'il  fit  lui-même;  —  Dictionnaire 
pittoresque  de  Marine;  1833,  in-4°;  2eédit., 
en  1836;  —  L'Ile  de  La  Tortue;  1837,  2  vol. 
in-8°;  —  Lettres  sur  les  Écrivains  français; 
Bruxelles,  1837,  in-18;  ces  lettres,  qui  eurent 
un  grand  succès,  parurent  sous  le  pseudonyme 
de  van  Engeloom,  d'abord  dans  L'Indépendance 
belge  et  furent  aussi  réimprimées  dans  le  Cabi- 
net de  Lecture;  —  Les  Smoglers;  1838,  2  vol. 
in-8°;  —  Le  capitaine  Sabord;  1839,  2  vol. 
in-8°,  et  1844,  4  vol.  in-12  ;  —  Les  Folies  pari- 
siennes, roman  de  mœurs;  1840,  2  vol.  in-8°; 

—  Une  Jeunesse  orageuse;  1841,  2  vol.  in-8°; 

—  Le  Frelon  des  Cyclades;  1844,  3  voL 
in-8°;  —  L'Italie  des  Gens  du  Monde  :  t.  Ier, 
Venise,  description  littéraire,  historique  et 
artistique,  etc.;  1844,  in-8°;  —  Parme  sous 
Marie-Louise  ;  1845,  2  vol.  in-8°;  —  Les  Pon- 
tons anglais,  roman  maritime;  1850-52, 
5  vol.  in-8°,  publié  aussi  dans  les  journaux  La 
Républiques  L'Estafette,  sous  le  nom  de  J.  Du 
Camp;  —  Histoire  de  la  Révolution  de  Fé- 
vrier, jusques  et  y  compris  le  siège  de  Rome; 
1850,  in-8° ,  sous  le  même  nom  ;  —  Histoire  de 
l'Année  1850,  in-8°;  —  Souvenirs  de  l'année 
1856;  1857,  in-8°.  M.  Lecomte  a  collaboré  à  un 
grand  nombre  de  journaux  etrecueils  périodiques. 

G.  de  F. 
Documents  particuliers.  —  Journal  de  la  Librairie. 

leconte  (Gabriel),  plus  connu  sous  le 
nom  de  frère  Gabriel  de  La  Croix,  ecclésias- 
tique français,  né  à  Alençon,  le  17  mai  1617, 
mort  à  Rouen,  le  9  mars  1697.  Il  fit  ses  études 
à  Reims,  et  devint  recteur  de  l'université  de  cette 
ville.  Dégoûté  dn  monde,  il  revêtit  l'hahjt  monas- 
tique chez  les  carmes  déchaussés  en  1636,  et 
prit  alors  le  nom  de  frère  Gabriel  de  La  Croix. 
Devenu  prieur  à  Rouen,  il  fonda,  en  1660,  une 
nouvelle  maison  de  sonordre  à  LaGarde-Châtel, 
près  Avranches.  Il  mourut  provincial  définiteur 
des  carmes  déchaussés.  On  a  de  lui  :  une  tra- 
duction française  de  la  Tabula  cvangelica  du 
P.  Maurice deLa Croix;  —  et l'Histoire  générale 
des  Carmes  déchaussés  de  la  congrégation 
d'Espagne,  trad.  de  l'espagnol  du  P.  François 


235  LECONTE 

«le  Sainte-Marie;  Paris,   1635-1660,   in-fol.  et 
quelques  autres  ouvrages  théologiques.  A.  L. 
Richard  et  Glraud ,  Bibliothèque  Sacrée. 
LECONTE  (Noël).  Voy.  CONTI. 
*  leconte  (F.),  voyageur  français,  né  vers 
1800.  Il  était  capitaine  de  corvette  lorsqu'il  fut 
chargé  en  1843  de  visiter  le  pays  des  Birmans, 
et    son  passe-port ,  adressé  au  ministre  de  la 
marine,  se  trouve  inséré,  à  partir  de  Vannée  1846, 
dans  la   Revue  d'Orient,  fondée  par  MM.  Al- 
phonse Denis  et  Abel  Hugo.  On  y  trouve  des 
détails  curieux  sur  le  pays  des  Birmans  et  par- 
ticulièrement sur  le  Pégu.  F.  D. 

Documents  particuliers. 

leconte  (  Antoine  ),  en  latin  Contins ,  ju- 
risconsulte français,  né  vers  1526,  à  Noyon,  où 
son  père  était  prévôt,  mort  à  Bourges,  en  1586. 
11  professa  le  droit  à  Bourges  et  à  Orléans  ;  il 
comptait  parmi  ses  élèves  l'historien  de  Thou,  qui 
l'appelle  certi  judicii  et  exactsc  diligentiae  ju- 
risconsullus.  Bien  que  cousin  germain  de  Calvin, 
il  se  montra  constamment  opposé  aux  doctrines  du 
novateur.  Leconte  a  donné  diverses  corrections 
aux  textes  du  droit  civil  et  du  droit  canonique; 
ses  opinions  diffèrent  ordinairement  de  celles  de 
Duaren  et  d'Hotman.  Il  a  donné  une  édition  an- 
notée du  Corpus  Juris  civilis;  Paris,  1562,  9  vol. 
in-8o;  Lyon,  1571,  15  vol.  in- 8°.  Un  choix  de 
ses  notes  se  retrouve  dans  l'édition  du  même  ou- 
vrage due  à  Charondas;  Anvers,  1575,  2  vol. 
in-fol.  Sestravaux,  d'abord  imprimés  séparément, 
ont  été  réunis  sous  ce  titre  :  Antonii  Contiï 
Opéra  omnia  quse  exstant,  nunc  primum,  ex 
manuscriptis  auctoris,  in  unum  redacta,  di- 
gestaque  studio  et  diligentia  Edmundi  Me- 
rûlii;  Paris,  1616,in-4°  ;  Naples,  1725,  in-f#i. 

E.R. 
,).  Aug.  de  Thou  ,  Histoire,  liv.  LX11I,  an  1577.  —  Scé- 
Milc  de  Sainte-Marthe,  Éloges,  liv.  I.  —  Struvlns,  Bi- 
bliothecu  Juris  selecta.  —  D.  Simon ,  Nouvelle  Biblio- 
thèque hist.  et  chron.  des  principaux  Auteurs,  etc.  — 
Camus,  Bibliothèque  choisie  de  Livres  de  Droit. 

*le  conte  de  lisle  (  Charles- Marie), 
poète  français,  né  à  l'île  Bourbon,  en  1820.  A  la 
suite  de  plusieurs  voyages  en  France ,  il  vint  se 
fixer  à  Paris,  en  1847.  En  1848  il  s'occupa  de 
politique  ;  mais  il  se  voua  bientôt  tout  entier  à 
la  poésie.  Son  premier  ouvrage  était  une  imita- 
tion de  l'antique.  «  M.  Le  Conte  de  Lisle,  disait 
M.  Sainte-Beuve,  a  un  caractère  des  plus  pro- 
noncés et  des  plus  dignes  entre  les  poètes  de  ce 
temps.  Jeune ,  mais  déjà  mûr,  d'un  esprit  ferme 
et  haut,  nourri  des  études  antiques  et  de  la  lec- 
ture familière  des  poètes  grecs ,  il  a  su  en  com- 
biner l'imitation  avec  une  pensée  philosophique 
plus  avancée  et  avec  un  sentiment  très-présent 
de  la  nature.  Sa  Grèce  à  lui ,  c'est  celle  d'Alexan- 
drie ,  et  il  l'élargit  encore,  et  la  reporte  plus  haut 
vers  l'Orient.  On  ne  saurait  rendre  l'ampleur  et 
le  procédé  habituel  de  cette  poésie  si  on  ne  l'a 
entendue  dans  son  récitatif  lent  et  majestueux; 
c'est  un  Ilot  large  et  continu  ,  une  poésie  amante 
de  l'idéal ,  et  dont  l'expression  est  toute  faite 


-  LE  COQ  236 

aussi  pour  des  lèvres  harmonieuses  et  amies  du 
nombre.  »  L'Académie  Française  couronna  ce 
début  en  1854  en  accordant  à  l'auteur  le  prix 
Maillé  Latour-Landry ,  «  dans  le  but  d'encourager, 
disait  M.  Villemain,  le  talent  naissant,  grave  et 
noble  d'un  jeune  écrivain  tout  préoccupé  de  la 
langue  et  de  l'harmonie  des  Grecs,  et  leur  em- 
pruntant quelques  beaux  essais  d'une  forme  son- 
vent  austère  ou  gracieuse  ».  Deux  ans  plus  tard , 
lamême  Académie  offrait  le  prix  Lambert  à  M.  Le 
Conte  de  Lisle,  pour  son  second  recueil.  «  C'est 
un  poète  mûri  dans  la  retraite  et  l'étude  dont 
nous  saluons  le  nouvel  avènement,  ajoutait 
M.  Villemain.  M.  Le  Conte  de  Lisle  est  un  talent 
à  part,  qui ,  loin  des  routes  ordinaires  de  la  Cor- 
tune  ou  même  du  succès,  aspire  à  la  haute  poésie. 
Son  art  est  à  la  fois  savant  et  hardi,  plus  digne 
de  la  gloire  que  sûr  de  la  popularité.  »  En  1857, 
l'Académie  Française  décerna  au  troisième  recueil 
de  poésies  de  M.  Le  Conte  de  Lisle  un  des  prix  ré- 
servés aux  ouvrages  les  plus  utiles  aux  mœurs. 
M.  Le  Conte  de  Lisle  appartient  à  la  nouvelle  école 
poétique,  qui  s'attache  avant  tout  à  la  forme  ex- 
térieure, qui  moule  admirablement  le  vers,  le 
façonne,  le  découpe  savamment,  le  sculpte,  le 
cisèle  en  quelque  sorte  avec  amour.  Il  est  sur- 
tout passionné  pour  la  beauté  physique,  qu'il  in- 
voque dans  Hypatie  ; 

Les  Dieux  sont  en  poussière  et  la  terre  est  rnuelte; 
Rien  ne  parlera  plus  dans  ton  ciel  déserté , 
Dors,  mais  vivante  en  lui ,  chante  au  cœur  du  poëte 
L'hymne  mélodieux  de  la  sainte  beauté. 

Elle  seule  survit,  immuable,  éternelle. 
La  mort  peut  disperser  les  univers  tremblants  ; 
Mais  la  beauté  flamboie,  et  tout  renaît  en  elle  , 
Et  les  mondes  encor  roulent  sous  ses  pieds  blanes. 

On  a  comparé  l'œuvre  de  M.  Le  Conte  de  Lisle  à 
une  belle  statue  taillée  dans  l'antique ,  mais  froide 
comme  le  marbre;  plus  d'une  pièce  proteste 
contre  cette  assimilation  ;  il  suffît  de  citer  Hé- 
lène et  Niobé ,  où  l'on  sent  la  vie  et  la  passion 
sous  la  forme  antique.  Il  est  vrai  que  l'auteur 
célèbre  en  plus  d'un  endroit  l'immobilité  du  I 
néant  :  depuis,  ses  idées  paraissent  s'être  mo- 
difiées ,  et  s'il  n'admet  pas  le  spiritualisme  du 
moyen  âge  ;  s'il  regarde  le  cycle  chrétien  comme 
barbare ,  il  s'est  du  moins  inspiré  des  scènes  de 
l'Évangile.  On  a  de  M.  Le  Conte  de  Lisle  :  Poèmes 
antiques;  Paris,  1852,  in-18;  —  Poésies  nou- 
velles ;  Paris,  1854,  in-t8;  — Poëmes  et  poé- 
sies; Paris,  1855,  iu-18  ;  —  Poésies  complètes  ; 
Paris,  1858,  in-18  :  c'est  la  réunion  des  trois 
recueils  précédents.  L.  L — t. 

Rapports  de  M.  Villemain  à  l'Académie  Française 
sur  les  prix  décernésen  1853,1854,  1856  et  1857.  —Sainte- 
Beuve,  Causeries  du  lundi,  tome  V,  p.  312.  —  Cnvilier- 
Fleury,  De  quelques  Poésies  nouvelles,  dans  le  Journal 
des  Débats  du  6  mars  1853  —  Ph.  Chasles ,  Les  Poëmes  < 
M.  Le  Conte  de  Lisle;  dans  VAthenseum  français,  février 
1856.  —  A.  de  Pontmartin,  Nouvelles  Causeries  du  sa- 
medi, p.  876. 

le  coq  (Pascal),  médecin  français,  né  en 
1567,  àVillefagnan(Poitou),morten  1632.11  passa 
aeufans  à  parcourir  diverses  contrées  de  l'Europe 


237  LE 

(l|in  d'en  étudier  les  plantes,  et  se  fit  recevoir 
docteur  en  médecine  à  Poitiers,  en  1597.  Sur  la 
(in  de  sa  vie  il  obtint  le  titre  de  médecin  ordi- 
naire du  roi.  On  a  de  lui  :  Bibliotheca  Medica 
sivecatalogus  illorumqui  ex  professa  artem 
medicam  scriptis  illustrarunt  ;  Bâle,  1590, 
in-8"; — 'A^e'xtwp  npo),6YÔ[j.Evoç,  sive  oratio  de 
galli  gallinacei  natura  et  proprietatibus ; 
Poitiers,  1613,  in-8°  :  opuscule  qui  présente 
un  résumé  de  tout  ce  que  les  anciens  ont  dit  du 
coq  et  de  ses  vertus  médicales.  K. 

Éloy,  Dict.  de  Méd. 

le  coq  (  Thomas  ) ,  auteur  dramatique  fran- 
çais, né  en  Normandie,  vivait  dans  le  seizième 
siècle.  Il  était  prieur  curé  de  La  Sainte-Trinité  de 
Falaise  et  de  Notre-Dame  de  Guibray  en  Norman- 
die. 11  a  écrit  en  vers  français  une  tragédie  morale 
iHtitulée  :  L'Odieux  et  sanglant  meurtrecommis 
par  le  maudit  Caïn  à  V  encontre  de  son  frère 
Abel ,  extraite  du  quatrième  chapitre  de  la  Ge- 
nèse; Paris,  1580.  E.  D— s. 

Rigoley  de  Juvigny,  Bibliothèque  Française,  etc.,  t.  II, 
p. 433. 

lecoq -madelaine,  littérateur  français, 
né  dans  la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle. 
Appartenant  à  une  famille  noble,  il  suivit  la  car- 
rière militaire,  et  parvint  au  grade  de  lieutenant- 
colonel.  On  a  de  lui  :  La  Fidélité  couronnée , 
ou  histoire  de  Parménide,  prince  de  Macé- 
doine; Bruxelles,  1706;  Lyon,  1711,  in-12;  — 
Abrégé  historique  de  la  maison  d'Egmont; 
1707,  in-4" ;  —  Service  de  la  Cavalerie; Paris, 
1720,  in-12;  —  Histoire  et  Explication  des 
Calendriers  hébreu,  romain  et  français;  Va- 
ns, 1721,  in-12  ,  dédié  au  cardinal  Fleury.  J.  V. 

Querard,  La  France  Littér. 

lecoq  (Luc),  prédicateur  et  écrivain  français, 
né  en  1669,  mort  le  20  février  1742.  Il  était  cha- 
noine de  la  cathédrale  d'Orléans.  On  a  de  lui  Orai  ■ 
son  funèbre  du  cardinal  deCoislin,  évêque 
d'Orléans  ;  Orléans,  1706,  in-4°  ;  —  Abrégé  des 
raisons  qui  condamnent  la  comédie, -et  Réfu- 
tation des  prétextes  dont  on  se  sert  pour  la 
justifier;  Orléans,  1717,  in-12;  —  Recueil 
de  cantiques  spirituels  sur  les  mystères  de  la 
religion;  Orléans,  in-16.  A.  L. 

Richard  et  Girand,  Bibliothèque  sacrée. 

lecoq  (  Pierre  ) ,  canoniste  français ,  né  à 
Ifs,  près  Caen,  le  29  mars  1728,  mort  le  l«r  sep- 
tembre 1777.  Il  entra  en  1753  dans  la  congré- 
gation des  Eudistes,  dont  il  devint  supérieur  gé- 
néral en  1775.  On  a  de  lui  :  Dissertation  théo- 
logique sur  l'usure  du  prêt  de  commerce  et 
sur  les   trois  contrats;  Rouen,  1767,  in-12; 

—  Lettres  sur  quelques  points  de  la  disci- 
pline ecclésiastique  ;  Caen,  1769,  in-12;  — 
Traité  de  l'état  des  personnes  selon  les  prin- 
cipes du  droit  français  et  du  droit  coutumier 
de  la  province  de  Normandie  pour  le  foi  de 
la  conscience;  Rouen,  1777,  2  vol.  in-12;  — 
Traité  des  différentes  espèces  de  biens;  1-778; 

—  Traité  des  Actions;  1778.  E.  G. 
Desessarts,  Siècles  Littéraires. 


COQ  238 

lecoq  (Char les-Chrétien-Erdmann-Edler), 
général  allemand ,  né  à  Torgau ,  le  28  octobre 
1767,  mort  le  30  juin  1830,  à  Brieg,  canton  de 
Vaud.  11  descendait  d'une  famille  de  calvinistes 
réfugiés  de  France.  Son  père  était  major  général 
au  service  de  Saxe.  Sa  mère,  née  Bitaubé,  était 
la  sœur  de  l'écrivain  français  de  ce  nom.  Envoyé 
à  l'école  de  Meissen  à  l'âge  de  neuf  ans,  il  en 
sortit  deux  ans  après  pour  entrer  au  service 
comme  cadet ,  et  au  bout  de  quelques  mois  il  était 
sous-officier;  en  1780,  il  obtint  le  grade  d'en- 
seigne dans  le  régiment  de  son  père.  Il  fit  avec 
distinction  les  premières  campagnes  de  l'époque 
de  la  révolution  contre  la  France.  Nommé  major 
en  1800,  il  propagea  dans  l'armée  saxonne  ce 
qu'on  appelait  les  heures  d'entretien,  lesquelles 
contribuèrent  beaucoup  à  l'instruction  du  soldat. 
En  1806,  il  commandait  uu  bataillon  de  grena- 
diers, avec  lequel  il  rejoignit  le  corps  de  Blù- 
cher  après  la  bataille  d'Iéna,  et  se  dirigea  sur 
l'Oder.  Tout  à  coup,  il  quitta  le  camp  des  coa- 
lisés sans  en  donner  aucun  avis,  mouvement 
qui  lui  a  été  reproché ,  mais  qui  fut  suivi  de  la 
conclusion  de  la  paix  entre  la  France  et  la  Saxe. 
Wittenberg  ayant  été  fortifié  dans  l'intérêt  de 
l'armée  française,  Lecoq  en  fut  nommé  comman- 
dant. Bientôt  après  il  devint  colonel,  puis  adjudant 
général.  En  1809  il  prit  le  commandement  d'un 
régiment  d'infanterie,  et  au  commencement  de  la 
guerre  contre  l'Autriche  il  fut  placé  comme  gé- 
néral major  à  la  tête  d'une  brigade  d'infanterie. 
Il  se  fit  remarquer  à  la  bataille  de  Wagram,  où  il 
fut  blessé.  L'armée  saxonne  ayant  été  réorganisée 
au  retour  de  cette  campagne,  Lecoq  fut  promu 
lieutenant  général  et  commanda  une  division. 
Bientôt  il  fut  chargé  de  la  formation  d'un  nou- 
veau corps  d'infanterie  légère  ;  il  en  rédigea  les 
règlements,  et  s'occupa  de  son  instruction.  En 
1812,  un  corps  de  vingt  mille  Saxons  fut  mobi- 
lisé pour  agir,  comme  septième  corps ,  dans  la 
grande  armée  qui  envahit  la  Russie  sous  la  con- 
duite de  Napoléon.  Lecoq  organisa  ce  corps,  et 
y  conserva  le  commandement  d'une  division.  D 
déploya  beaucoup  de  bravoure  dans  cette  cam- 
pagne, et  sut  maintenir  la  discipline  parmi  ses 
troupes.  Revenu  près  de  Dresde,  après  la  retraite, 
il  se  sépara  des  Français,  et  ramena  les  débris  de 
son  corps  à  Torgau,  où  il  les  remit  au  général 
Thielman.  En  1813,  il  ne  prit  aucune  part  au 
combat  de  Bautzen;  mais  pendant  l'armistice 
il  réunit  des  troupes,  et,  arrivé  au  camp  de  Gorlitz 
au  commencement  du  mois  d'août,  il  reprit  le 
commandementgénéral  des  Saxons,  avec  lesquels 
il  combattit  à  Grosbeeren  etDennewitz.  A  la  suite 
de  cette  affaire  il  fondit  ses  deux  divisions  en  une 
seule,  en  remit  le  commandement  au  général  Zes- 
chau,  et  se  rendit  à  Dresde.  Après  la  bataille  de 
Leipzig,  la  Saxe  se  joignit  aux  confédérés;  Lecoq 
n'obtint  aucun  emploi ,  sans  doute  parce  qu'on  le 
considérait  comme  un  partisan  de  Napoléon.  Il 
suivit  cependant  l'armée,  et  prit  spontanément  le 
commandement  d'une  brigade  avec  laquelle  il 


239 

combattit   près   de  Condé. 


LE  COQ  —  LECORVA1SIER 

Ensuite  il  investit 
Maubeuge,  et  résista  à  plusieurs  sorties  de  la  gar- 
nison. Quand  la  paix  de  Paris  fut  signée ,  Lecoq 
conduisit  les  troupes  saxonnes  dans  leurs  can- 
tonnements sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  et  il  éta- 
blit son  quartier  général  à  Cotrtentz.  Envoyé  au 
congrès  de  Vienne  porteur  d'une  adresse  des 
soldats  saxons  inquiets  sur  le  sort  de  leur  pays, 
Lecoq  fut  mal  reçu  par  le  général  en  chef,  éloigné 
de  son  corps  et  renvoyé  en  Saxe  ;  en  même  temps 
l'ordre  de  le  traduire  devant  un  conseil  de 
guerre  était  expédié.  Cette  menace  ne  fut  pas 
exécutée;  mais  Lecoq  resta  sans  emploi  jus- 
qu'en 1815.  Le  roi  de  Saxe  l'appela  alors  près 
de  lui  à  Presbourg.  Lorsque  ce  prince  eut  été 
dépouillé  de  la  moitié  de  ses  États,  il  envoya  Le- 
coq auprès  des  troupes  cantonnées  dans  la  prin- 
cipauté de  Waldeck  pour  opérer  la  séparation  des 
soldats.  Il  remplit  cette  mission  difficile  avec  pru- 
dence, et  conduisit  à  Osnabruck  la  partie  de  l'ar- 
mée qui  restait  à  la  Saxe.  La  campagne  de  1815 
ne  lui  offrit  aucune  occasion  de  se  distinguer;  son 
corps  fut  seulement  chargé  d'investir  quelques 
forteresses  en  Alsace.  Après  la  nouvelle  paix  de 
Paris,  Lecoq  retourna  en  Saxe,  où  le  roi  lui 
donna  le  commandement  général  de  l'armée 
saxonne.  Il  s'y  occupa  avec  zèle  de  l'instruction 
des  troupes  et  de  nouveaux  règlements  pour  le 
service  et  les  exercices.  Relevé  d'une  maladie 
grave,  il  entreprit  un  voyage  en  Suisse,  où,  il 
mourut.  J.  V. 

Cerrini,  Les  Campagnes  des  Saxons  de  1812  et  1813.  — 
Arnault,  Jay,  JouyctNorvins,  Bingr.nouv.  des  Contemp. 
—  Biogr.  univ.  et  port,  des  Contemp.  —  Thlers,  Hist.  du 
Consulat  et  de  l'Empire. 

*  lecoq  (Henri),  naturaliste  fiançais ,  né  à 
Avesnes  (Nord),  le  14  avril  1802.11  étudia  la 
pharmacie  à  Paris,  et  fut  reçu  docteur  en  1827.  II 
alla  s'établir  à  Clermont-Ferrand,  où  il  devint 
professeur  d'histoire  naturelle,  directeur  du  jar- 
din botanique  et  du  cabinet  minéralogique,  cor- 
respondant de  l'Académie  des  Sciences  et,  depuis 
1S50,  membre  de  la  Légion  d'Honneur.  Ses  prin- 
paux  travaux  sont  :  Eléments  de  Minéralo- 
gie appliquée  aux  sciences  chimiques  (avec 
M.  de  Girardin);  1826,  2  vol.  in-8°;  —  Prin- 
cipes élémentaires  de  Botanique  et  de  Phy- 
siologie végétale;  Paris,  1828,  in-8°;  —  De 
la  Préparation  des  Herbiers  pour  V étude  de 
la  Botanique;  Strasbourg,  1828,  in-8°;  —  Vues 
et  coupes  des  principales  formations  géolo- 
giques du  département  du  Puy-de-Dôme , 
accompagnées  de  la  Description  et  des  Échan- 
tillons des  Rochers  qui  les  composent  (avec 
M.  J.-B.  Bouillet);  Clermont-Ferrand,  1828, 
in-8°  et  atlas  in-4°; —  Dictionnaire  raisonné 
des  Termes  de  Botanique  et  des  Familles  natu- 
relles, contenant, etc.  (avec  M.  Jullier);  Cler- 
mont-Ferrand, 1830,  in-S°;  —  Coup-d'Œil  sur 
la  formation  géologique  du  groupe,  des  monts 
Dore,  accompagné  de  (a  Description  et  des 
échantillons  des  substances  minérales  (avec 
M.  J.-B.  Bouillet);  Clermont-Ferrand,    1831, 


240 


in-8"  ;— Itinéraire  du  département  du  Puy-de- 
Dôme,  contenant  Vindication  des  principales 
formations  géologiques ,  etc.  (avec  M.  J.-B. 
Bouillet);  Clermont-Ferrand,  1831,  in-8°  ;  — 
Rercherches  sur  l'emploi  des  Engrais  salins  en 
agriculture;  Clermont-Ferrand,  1832,  in-8°  ; 
—  Description  pittoresque  de.  V Auvergne;  Pa- 
ris, 1835-1837;  —  Éléments  de  Géographie 
physique  et  de  Météorologie  ;  Clermont-Fer- 
rand, 1836  1837,  in  8°avec quatre  pi.; —  Traité 
des  Plantes  fotirragères,  ou  Flore  des  prairies 
naturelles  et  artificielles  de  la  France  ;  Cler- 
mont-Ferrand, 1844,  in- 8°;  —  De  la  Féconda- 
tion naturelle  et  artificielle  des  végétaux  et 
de  l'hybridation;  Clermont-Ferrand,  1845, 
in-S°;  —  Des  Glaciers  et  des  Climats;  Paris, 
1847,  in-8°;  —  Recherches  sur  les  forces 
diluviennes  indépendantes  de  la  chaleur  de 
la  terre,  sur  les  phénomènes  glaciaire  et 
erratique;  Strasbourg,  1847,  in-8°;  —  Ca- 
talogue raisonné  des  Plantes  vasculaires  du 
plateau  central  de  la  France  composant 
l'Auvergne,  le  Vélay,  la  Lozère,  les  Céoennes, 
unepartiedu  Bourbonnais  et  du  Vivarais  (avec 
M.  Martial-Lamotte)  ;  Paris ,  1847,  in-8°  ;—  De  la 
Toilette  et  de  la  CoquetteriedesVégétaux;lM7, 
in-8°; —  Observations  météorologiques  faites 
pendant  les  années  1850  c?  1851  à  Clermont-Fer. 
rand; Clermond-Ferrand,  1855,  in-8°; — Études 
sur  la  Géographie  botanique  de  l'Europe  et 
particulièrement  sur  la  végétation  du  plateau 
central  de  la  France;  Clermond-Ferrand, 
1854-1857,  7vol.gr.  in-8°  (non  terminé).  C'est 
l'ouvrage  le  plus  important  de  l'auteur.  M.  H.  Le- 
coq a  été  collaborateur  du  Dictionnaire  de  Chi- 
mie de  Brismontier,  et  il  a  fourni  des  notes  au 
célèbre  géologue  allemand  Léopold  de  Buch  pour 
ses  Observations  sur  les  volcans  de  l'Auvergne. 
Il  est  rédacteur  en  chef  des  Annales  scientifi- 
ques,littéraires  et  industrielles  de  l'Auvergne, 
publiées  par  l'Académie  de  Clermont-Ferrand, 
depuis  l'année  1828  jusqu'à  ce  jour.  Enfin ,  en 
1857,  il  a  communiqué  à  l'Académie  des  Sciences 
un  Mémoire  sur  lu  Circulation  de  l'air  dans  les 
tubes  aérifères  des  plantes  aquatiques.  G.  deF. 
Documents  particuliers.  —  Journal  de  la  Librairie. 
—  Compte-rendu  des  Séances  de  l'Acad.  des  Sciences, 
1857,  n"  21. 

lecor.  (  Carlos-Frederico  ) ,  général  portu- 
gais, né  à  Faro  (dans  le  royaume  des  Algarves), 
le  11  septembre  1764,  mort  le  2  août  1836.11 
prit  part  a  la  guerre  de  la  Péninsule,  et  à  la  ba- 
taille de  Vittoria,  il  commandait  la  6e  brigade 
d-'infanterie.  Nommé  lieutenant  général  en  1815, 
il  passa  au  Brésil  à  la  tête  des  volontaires 
royaux,  et  fit,  en  1 817,  la  conquête  de  Montevideo, 
s'empara  de  la  Banda-Oriental ,  et  resta  gouver- 
neur de  ce  vaste  territoire  jusqu'en  1828, époque  ! 
à  laquelle  il  revint  à  Rio-de-Janeiro.    Ferd.  D. 

Baptista  da  Sylva  Lopez,  Corografla  de  Heino  do  Al- 
garve  ;  Lisbonne,  1841.  —  Brossard,  Les  Provinces  de  la 
Plata. 

lecorvaisier  (René),  théologien  français, 


241 


LEC0RVAIS1ER  —  LECOURBE 


242 


né  à  Angers,  en  1580,  mort  dans  la  même  ville, 
vers  1630.  11  fit  ses  études  en  Sorbonne,  devint 
aumônier  du  roi,  quitta  bientôt  la  cour,  et  revint 
à  Angers,  où  il  professa  pendant  trois  ans  la 
théologie.  En  1612  il  fut  appelé  à  prêcher 
le  Carême  dans  la  paroisse  de  la  Chateigneraye , 
envahie  par  l'hérésie.  11  s'y  attaqua  directe- 
ment au  propagateur  des  doctrines  nouvelles  , 
Georges  Thompson,  qui  venait  de  publier  :  La 
Chasse  de  la  Bête  Romaine,  où  ...  il  est  recher- 
ché et  évidemment  prouvé  que  le  pape  est 
V Antichrist  (La  Rochelle,  1611,  ou  Genève, 
1612,  in-8*),  et  non  content  de  la  réfuter  en  chaire 
à  sa  manière,  il  lui  répondit  par  La  Chasse  au 
Loup  cervier,  où  est  traité  des  jeûnes  de  l'É- 
glise catholique  contre  les  impies  et  héré- 
tiques calomnies  de  Georges  Thompson,  soi- 
disant  ministre  de  La  Chateigneraye  (  Paris, 
Martin- Virac,  1612).  Un  anonyme  en  donna  une 
réfutation,  à  laquelle  Lecorvaisier  riposta  par  La 
Réplique  Apologétique  pour  la  déjense  des 
prêtres  pasteurs  et  prédicateurs  de  l'Église 
catholique, tant  séculièreque  régulière,  contre 
les  calomnieuses  hérésies  publiées  par  Georges 
Tonson,  ministre  prédicant  de  la  nouvelle 
opinion,  ou Laprétendue  Déroute  de  la  Chasse 
du  Loup  cervier  (Le  Mans,  1625,  in-8°).  On 
a  encore  de  Lecorvaisier  :  Renati  Corvaserti 
Andini,  doctoris,  christianissimi  régis  a  con- 
siliis  et  eleemosinis  ad  sacras  Theologiee  stu- 
diosos,  Orationes  duee  parasneticee  (Angers, 
1619  et  1626)  ;  — Ejusdem  Oratio  tertia  pa- 
reenetica  (Angers,  1621).  Ce  sont  les  leçons 
d'ouverture  de  ses  cours  de  théologie.  Cette  der- 
nière est  dédiée  à  Fouquetde  La  Varenne,  comme 
la  première  à  Pierre  Dadie,  chantre  et  chanoine 
de  Troyes,  neveu  de  René  Benoist;  —  six.  ana- 
grammes sur  le  nom  A'Antonius  Regitis  dans 
I  le  Floretum  d'Ant.  Leroy.       Célestin  Port. 

Dupin,  Biblioth.  des  Aut.  ecclésiast.  —  Pocq.  de  Llvon- 
nlères,  Les  Illustres,  manusc. 

lecourbe  {Claude-Joseph,  comte),  géné- 
ral français,  né  à  Lons-le-Saulnier,  en  1760, 
mort  à  Béfort,  le  23  octobre  1815.  Son  père,  an- 
cien officier  d'infanterie,  dirigea  son  éducation 
vers  l'état  militaire.  Le  jeune  Lecourbe  quitta 
ses  études  pour  s'engager  dans  le  régiment  d'A- 
quitaine; il  en  sortit  au  bout  de  huit  ans,  sans  avoir 
obtenu  d'avancement.  A  la  révolution  il  vivait  re- 
tiré dans  sa  famille.  A  l'époque  de  l'organisa- 
tion des  gardes  nationales,  il  fut  fait  comman- 
dant de  celle  de  Lons-le-Saulnier,  et  ne  tarda  pas 
à  rejoindre  l'armée  du  Haut-Rhin  à  la  tête  d'un 
bataillon  du  Jura.  Son  habileté  et  son  courage 
lui  valurent  un  avancement  rapide.  A  Hond- 
schotte  il  renversa  avec  son  bataillon  deux  esca- 
drons hanovriens,  et  à  Maubeuge  il  entra  le  pre- 
mier dans  les  lignes  de  "Wattignies.  Il  était  déjà 
chef  de  brigade  à  Fleurus,  où  il  soutint  pendant 
sept  heures,  à  la  tète  de  trois  bataillons  seule- 
ment, le  choc  de  1 0,000  Autrichiens.  Il  fut  en- 
suite successivement  employé  aux  armées  de 


Sambreet  Meuse,  de  Rhin  et  Moselle,  du  Danube 
et  de  l'Helvétie;  à  la  fin  de  1795,  pendant  la  re- 
traite du  camp  retranché  de  Mayence,  il  contint 
l'ennemi  pendant  vingtrquatre  heures;  mais 
n'ayant  pas  reçu  à  temps  l'ordre  de  se  retirer, 
son  corps  fut  euveloppé.  Il  prit  alors  une  attitude 
si  imposante  et  tua  tant  de  monde  à  l'ennemi, 
qu'il  put  passer  et  rejoindre  le  gros  de  l'armée. 
Général  de  division  en  1796,  il  assista  aux 
sanglantes  batailles  de  Rastadt,  les  6  et  9  juillet, 
et  il  contribua  beaucoup  aux  succès  de  ces  deux 
journées.  Il  se  fit  encore  remarquer  à  la  sertie 
de  Kehl  effectuée  par  Desaix.  En  1799  il  com« 
mandait  l'aile  droite  de  l'armée  d'Helvétie;  à 
Frunsteremender,  il  mit  les  Autrichiens  en  dé- 
route, et  enleva  le  corps  entier  du  général  Lau- 
don.  Il  s'était  avancé  vers  le  Tyrol  lorsque  l'ar- 
rivée des  Russes  en  Italie,  le  força  de  rentrer 
en  Suisse.  Après  une  suite  de  combats  contre 
l'archiduc  Charles,  Lecourbe  arrêta  Souvarof, 
qui  paraissait  en  Suisse,  pendant  que  Masséna 
s'emparait  de  Zurich.  Dans  cette  ville  Lecourbe 
eut  à  apaiser  un  soulèvement  militaire,  et  il  le  fit 
avec  une  grande  énergie.  Le  général  Moreau  con- 
fia l'aile  droite  de  son  armée  à  Lecourbe ,  qui 
passa  le  Rhin  près  de  Schaffhouse,  le  1er  mai 
1800,  s'empara  de  Memmingen,  franchit  le  Leck, 
se  signala  à  Hochstsedt,  et  soumit  le  pays  des  Gri- 
sons. La  paix  de  Lunéville,  en  1801,  permità  Le- 
courbe de  revenir  en  France,  où  il  vécut  dans  une 
campagne  aux  environs  de  Paris.  Lors  du  procès 
de  Moreau,  il  prit  un  vif  intérêt  à  la  situation 
de  son  ancien  général.  11  fit  en  sa  faveur  toutes 
les  démarches  que  sa  position  lui  permettait, 
accompagna  Mme  Moreau  aux  audiences,  assista 
à  tous  les  débats ,  et  exprima  souvent  son 
mécontentement  par  des  gestes  violents.  Le  pre- 
mier consul  raya  Lecourbe  du  cadre  de  l'ar- 
mée, et  l'exila  d'abord  à  Lons-le-Saulnier,  puis 
à  Rourges,  où  il  séjourna  pendant  toute  la 
durée  de  l'empire.  En  1814  les  souverains  alliés 
lui  firent  un  accueil  favorable  à  Paris;  le  roi 
Louis  XVIII  lui  rendit  ses  grades,  et  lui  donna 
le  titre  de  comte.  Lors  du  débarquement  de  Na- 
poléon, Lecourbe,  qui  venait  d'être  nommé  ins- 
pecteur général  d'armes  dans  la  6e  division  mi- 
litaire, était  dans  sa  terre  de  Ruffey  (Jura). 
Mandé  par  le  maréchal  Ney,  ainsi  que  le  comte 
de  Bourmont,  il  refusa  de  reconnaître  l'empe- 
reur: «  Bonaparte,  répondit-il,  ne  m'a  fait  que  du 
mal  ;  le  roi  ne  m'a  fait  que  du  bien  ;  je  suis  venu 
pour  servir  le  roi.  »  Les  troupes  s'étant  pronon- 
cées pour  Napoléon,  Lecourbe  partit  furtive- 
ment pour  Paris ,  dans  le  but  de  prendre  les 
ordres  de  Louis  XVIII.  La  France  lui  paraissait 
ressembler  alors  à  l'empire  romain  dans  sa  dé- 
cadence :  «  Si  l'usurpateur  est  tué,  disait-il  pen- 
dant la  route ,  il  se  présentera  quatre  ou  cinq 
ambitieux  qui  se  disputeront  les  débris  de  son 
empire.  »  Les  généraux  républicains  se  rallièrent 
pourtant  au  gouvernement  dés  Cent  Jours,  et 
vers  la  fin  du  mois  de   mai  Lecourbe  accepta 


24.3 


LECOURBE  —  LE  COURRAYER 


244 


le  commandement  du  corps  d'observation  du 
Jura,  dont  le  quartier  général  était  à  Béfort. 
Opposé  au  corps  d'armée  de  l'archiduc  Ferdi- 
nand, il  perdit  au  mois  de  juin  sa  première  ligue 
de  défense  à  la  suite  de  plusieurs  combats  très- 
vifs  ;  mais  il  se  maintint  dans  un  camp  re- 
tranché près  de  Béfort.  Il  envoya  un  des  premiers 
sa  soumission  au  gouvernement  royal  à  la  se- 
conde restauration,  et  mourut  peu  de  temps  après, 
à  Béfort.  «  Le  général  Lecourbe,  qui  fut  soldat 
intrépide  et  officier  très-éclairé ,  né  montagnard, 
ardent  chasseur,  avait  particulièrement  étudié  la 
guerre  des  montagnes,  dit  le  général  Dumas.  Il 
y  portait  avec  une  rare  sagacité  des  connais- 
sances locales,  une  audace  peu  commune,  et  un 
tact  admirable.  »  On  a  de  lui  :  Rapport  au 
général  en  chef  Moreau,  contenant  le  précis 
des  opérations  de  Vaile  droite  de  ïarmée  du 
Rhin  pendant  le  mois  de  frimaire  de  l'an  IX; 
Strasbourg,  1801,  in-8°.  Une  statue  a  été  inau- 
gurée au  général  Lecourbe  sur  la  place  publique 
de  Lons-le-Saulnier,  le  30  août  1857.    L.  L — t. 

Notice  biographique,  sur  le  général  Lecourbe,  ses  états 
de  services,  ses  blessures  ;  Lons-le-Saulnier,  1857.  —No- 
tice historique  sur  le  général  Lecourbe,  et  vue  de  sa  sta- 
tue ;  Lons-le-Saulnier,  1857.  —  Général  MaUh.  Dumas, 
Précis  des  événements  militaires.  —  Arnault,  Jay,  Jouy 
et  Norvins,  liiogr.  nouv.  des  Contemp. 

lecourbe  (  Henri  ),  magistrat  français, 
frère  du  précédent ,  mort  vers  1840.  Il  exerçait 
les  fonctions  de  juge  au  tribunal  criminel  de 
Paris  lorsque  le  général  Moreau  y  fut  traduit 
comme  complice  de  Pichegru ,  accusé  de  cons- 
piration. Il  opina  pour  l'absolution  du  général. 
L'année  suivante  il  se  présenta  aux  Tuileries 
pour  demander  au  premier  consul  le  rappel 
d'exil  du  général  Lecourbe.  Bonaparte  le  ren- 
voya rudement.  «  Comment  osez-vous,  lui 
dit-il,  juge  prévaricateur,  venir  souiller  mon  pa- 
lais par  votre  présence...  Sortez.  »  Peu  de  temps 
après,  le  juge  Lecourbe  fut  suspendu  de  ses  fonc- 
tions. En  18141e  roi  le  nomma  conseiller  honoraire 
à  la  cour  royale  de  Paris.  On  a  de  lui  :  Opinion 
sur  la  conspiration  de  Moreau,  Pichegru  et 
autres,  sur  la  non-culpabilité  de  Moreau; 
et  procès -verbal  de  ce  qui  s'est  passé  à  la 
chambre  du  conseil,  entre  les  juges,  relative- 
ment à  ce  général;  Paris,  1814,  in-8°.      J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Con- 
temp. —  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp. 

le  covrraxer.  (Pierre-François),  théolo- 
gien français,  né  le  17  novembre  1681,  à  Rouen, 
mort  le  16  ou  17  octobre  1776,  à  Londres.  Admis 
à  l'âge  de  seize  ans  dans  la  congrégation  de 
Sainte-Geneviève ,  il  fut  chargé  des  cours  de 
philosophie  et  de  tnéologie,  et  devint  chanoine 
en  1706  et  bibliothécaire  en  1711.  Quoiqu'il  fût 
très-instruit,  il  ne  s'avisa  d'écrire  qu'assez  tard, 
et  son  premier  écrit  l'exposa  à  des  tribulations 
nombreuses  en  même  temps  qu'il  donna  lieu  à 
beaucoup  de  retentissement;  il  parut  sous  le 
voile  de  l'anonyme,  et  avait  pour  titre  :  Disser- 
tation sur  la  validité  des   ordinations  des 


Anglais  et  sur  la  succession   des  évêques  de 
l'Eglise  anglicane,  avec  les  preuves  justifica- 
tives  des  faits  avancés;  Bruxelles  (Nancy), 
1723,2  part,  in-12.  Familier  avec  la  théologie 
anglicane,  il  lui  empruntait,  comme  base  de  son 
livre ,  cet  argument  favori ,  à  savoir  que  les  or- 
dinations étaient  valides  parce  que  les  évêques 
d'Angleterre  peuvent  prouver  une  succession  non 
interrompue  depuis  l'avènement  du  christianisme. 
Plusieurs    théologiens,    l'abbé    Gervaise,    les 
PP.    Hardouin  et  Lequien    l'attaquèrent  avec 
vivacité;  loin  de  se  laisser  intimider,  il  se  déclara 
l'auteur  du  livre,  et  prépara  une  défense  où  il 
soutint  plus  vivement  encore  et  avec  plus  de  dé- 
tails ses  premières  opinions  :  Défense  de  la 
dissertation  sur  la  validité  des  ordinations 
des  Anglais;   Bruxelles  (  Paris),  1726,  4  vol. 
in-12;  trad.  en  anglais,  Londres,  1728,  in-8°. 
La  dispute   se  ralluma.  Mais   l'autorité  ecclé- 
siastique et  séculière  intervint,  et  trancha  ces  ar- 
dents débats  par  une  double  condamnation.  Le 
Courrayer  fut  d'un  côté  censuré  par  une  assem- 
blée de  vingt-deux  évêques  qui  se  tint  à  Saint- 
Germain-des-Prés,  et  vit  de  l'autre  ses  deux 
écrits  supprimés  par  arrêt  du  conseil  d'État;  enfin 
l'abbé  de  Sainle-Geneviève  lança  contre  lui  l'ex- 
;  communication,  et  le  cardinal  de  Noailles,  arche- 
vêque de  Paris,  déclara,  dans  une  instruction  pas- 
toraIe,que  de  la  doctrine  de  Courrayer  était  fausse, 
scandaleuse,  injurieuse  à  l'Église  et  favorisant  le 
schisme.  Le  chanoine  répondit  à  ce  dernier  par 
sa  Lettre  à  M.  de  Noailles  au  sujet  de  son 
instruction  pastorale  du  31   octobre  1727; 
Londres,  1728,  in-12,  où  il  proleste  de  sa  fidé- 
lité à  la  religion  catholique.   On    assure  que 
quelques  mois  auparavant  il  avait  fait  sa  sou- 
mission. Cependant,  ne  se  croyant  plus  en  sûreté 
à  Paris ,  il  passa  en  Angleterre,  et  fut  accueilli 
avec  beaucoup  de  bienveillance  par  Wake ,  pri- 
mat de  Cantorbéry,  avec  lequel  il  entretenait  un 
commerce  de  lettres,  et  qui  lui  fit  obtenir  une 
pension  du  gouvernement.  Il  accepta  en  outre  à 
Oxford  une  place  de  chanoine  et  le  diplôme  de 
docteur  en  tnéologie.  Bien  qu'il  assistât  aux  of- 
fices de  l'Église  anglicane,  il  ne  voulut  point  ab- 
jurer la  foi  catholique  et  romaine,  dans  laquelle 
il  mourut.  Ses  éerits,  où  il  s'explique  librement 
sur  les  sacrements  et  les  cérémonies ,  prouvent, 
au   contraire,  combien  peu  il  y   était  attaché. 
«  Dans  les  notes  qu'il  a  jointes  à  ses  traductions 
de  Sleidan  et  de  Sarpi,  disent  MM.  Haag,  il  nie 
que  le  pape  soit  le  vicaire  de  Jésus-Christ  et  le 
chef  de  l'Église  ;  il  lui  refuse  l'infaillibilité;  il 
rejette   le   caractère   indélébile  du   sacerdoce, 
condamne  le  célibat,  le  service  en  langue  latine, 
se   prononce    contre    la    transsubstantiation, 
l'extrême-onction,  le  purgatoire,  l'adoration  des 
saints.  »  Outre  les  ouvrages  cités,  on  a  de  lui  : 
Lettre  à   mylord   Percival;  Londres,  1727, 
in  8°  ;  —  Relation  historique  et  apologétique 
des  Sentiments  et  de  la  conduite  du  P.  Le 
Courrayer,   avec  les  preuves;  Amsterdam, 


245  LE  COURRAYER 

1729,2  vol.  in-12;  —  Supplément  aux  deux 
ouvrages  faits  pour  la  défense  delà  validité 
des  ordinations  anglicanes ;ibid.,  1732, in-12; 

—  Epistola  de  Vita  et  Scriptis  Molineti,  dans 
la  Bibliotheca  Thtolog.;  Wittemberg,  1732;  — 
Histoire  du  Concile  de  Trente  écrite  en  latin 
par  Paolo  Sarpi  et  traduite  de  nouveau  en 
françois ,  avec  des  notes  critiques ,  historiques 
et  théologiques  ;  Londres,  1736,  2  vol.  in-fol., 
trois  fois  réimprimée  et  traduite  en  allemand  ; 
Halle,  1761-1765,  6  vol.  in-8°,  ainsi  qu'en  italien 
et  en  anglais.  Cette  version  est  fort  estimée,  et 
préférée  souvent  à  l'original,  qu'elle  corrige  ha- 
bilement en  plusieurs  endroits  ;  le  style  en  est 
vif,  clair  et  précis;  —  Défense  de  la  traduc- 
tion de  /'Histoire  du  Concile  de  Trente  ;  Ams- 
terdam, 1742,  in-8° ,  en  réponse  aux  lettres  pas- 
torales des  évêques  d'Embrun  et  de  Montpellier; 

—  Histoire  de  la  Réformation ,  traduite  du 
latin  de  Sleidan,  avec  des  notes;  La  Haye, 
1767-1709,  3  vol.  in-4°;  trad.  en  allemand, 
Halle,  1771-1773,  4  vol.in-8°;  —  Déclaration  de 
ses  derniers  sentiments  sur  différents  points 
de  doctrine;  17S7,  in-12:  ouvrage  posthume  pu- 
blié en  anglais  par  G.  Bell.  Le  P.  Le  Courrayer 
a  aussi  donné  une  édition  des  Lettres  spirituelles 
du  P.  Quesnel;Vd.T\s,  1721, 3vol,  in-12,  etdesdis- 
sertations  à  V Europe  savante.    Paul  Louisy. 

MM.  Haag,  La  France  Protest. 
lecocrt  (Henri),  naturaliste  français,  mort 
à  Pontoise,  en  1828.  Il  occupait  avant  la  révo- 
lution un  emploi  à  Versailles.  Son  attention  s'é- 
tait portée  sur  l'instinct  des  animaux.  Vers  1800 
ses  conseils  préservèrent  une  riche  et  vaste  cam- 
pagne d'une  submersion  totale.  Une  digue  de 
retenue  faisait  eau  de  plusieurs  côtés ,  les  répa- 
rations étaient  toujours  insuffisantes.  Lecourt 
s'aperçut  que  cette  immersion  était  due  à  des 
taupes  qui  s'étaient  logées  et  multipliées  dans 
la  levée,  et  il  s'occupa  de  les  détruire.  Le  préfet 
de  Seine-et-Oise  reconnut  les  services  que  Le- 
court rendait  alors  parla  création  d'une  école  de 
l'art  du  taupier,  qu'il  mit  sous  la  surveillance  de 
cet  homme  observateur.  La  sagacité  de  Lecourt 
lui  fit  d écouv ri r  le  passage  de  la  Taupe,  nom  qu'il 
donne  à  une  route  fréquentée  par  la  taupe  quatre 
fois  par  jour  et  qu'elle  parcourt  avec  tant  de  con- 
fiance qu'elle  est  infailliblement  prise  au  moyen  du 
piège  le  plus  grossier  au  bout  de  quatre  ou  cinq 
heures.  Cadet  de  Vaux  a  publié  les  observations 
de  ce  praticien  consommé  dans  un  ouvrage 
ayant  pour  titre  :  De  la  Taupe,  de  ses  mœurs 
et  des  moyens  de  la  détruire;  Paris,  1803, 
in-12.  J.  V. 

Geoffroy  Saint-Hllaire,  Nécrologie  dans  la  Revue  En- 
cyclopédique, octobre  1828,  p.  261. 

lecocteplx  de  cantelec  (  Jean-Bar- 
théîëmy),  homme  politique  français,  né  en  1749, 
mort  à  Paris,  le  18  septembre  1818.  Fils  d'un  pre- 
mier président  de  la  chambre  des  comptes  de  Nor- 
mandie,il  était  premier  échevin  de  Rouen  lorsque 
éclata  la  révolution,  dont  il  adopta  les  principes. 


—  LECOUTEULX 


246 


Nommé  député  aux  états  généraux  de  1789  par 
le  tiers  état  du  bailliage  de  Rouen,  il  s'occupa 
surtout  des  matières  de  finances  et  d'adminis- 
tration publique.  Il  appuya  la  plupart  des  pro- 
jets de  Necker,  et  fut  chargé  de  faire  le  rapport 
relatif  à  la  vente  de  400  millions  de  biens  du 
clergé.  En  1790,  Lecouteulx  fut  désigné  pour 
remplir  l'emploi  de  caissier  de  l'extraordinaire  ; 
mais  il  refusa  pour  ne  rien  perdre  de  son  indé- 
pendance comme  député.  Plus  tard  il  proposa 
même  d'ériger  en  loi  oe  principe  qu'aucun  dé- 
puté ne  devait  accepter  une  fonction  à  la  nomi- 
nation du  gouvernement.  Au  mois  de  mars  1790, 
Lecouteulx  proposa  un  projet  de  banque  terri- 
toriale. Quand  on  discuta  la  suppression  du 
privilège  de  la  Compagnie  des  Indes  ,  il  demanda 
qu'on  prît  auparavant  des  renseignements  sur  la 
situation  de  cette  Compagnie  et  sur  les  droits 
des  actionnaires.  Le  17  avril  il  appuya  la  de- 
mande d'un  emprunt  de  40  raillions  présentée  par 
Necker.  Ayant  fait  connaître  à  l'assemblée  le  ré- 
sultat de  la  contribution  patriotique,  il  démontra 
qu'elle  était  loin  de  suffire  aux  besoins  du  trésor. 
Il  fit  suspendre  l'échange  des  billets  de  la  caisse 
d'escompte  contre  les  assignats  et  décréter  l'ad- 
mission des  assignats  dans  les  caisses  publiques. 
A  la  suite  de  ces  mesures,  il  fut  accusé  d'avoir 
fait  un  voyage  à  Rouen  dans  le  but  d'y  cor- 
rompre l'opinion  publique ,  et  il  publia  une  jus- 
tification dans  Le  Moniteur  du  18  septembre 
1790.  Peu  de  temps  après  il  fit  voter  la  suppres- 
sion des  receveurs  généraux  et  la  création  des 
receveurs  de  district,  etc.  En  1791  il  présenta  un 
rapport  sur  l'émission  d'une  monnaie  de  cuivre, 
et  s'opposa  à  l'application  d'un  droit  sur  les 
lettres  de  change  venant  de  l'étranger.  Enfin  il 
proposa  la  division  des  assignats  en  petites  frac- 
tions. Comme  il  s'était  fait  des  amis  dans  tous 
les  partis  en  évitant  de  heurter  personne ,  il 
passa  sans  danger  l'époque  de  la  terreur.  Au 
mois  de  septembre  1795,  il  fut  élu  membre  du 
Conseil  des  Anciens  par  le  département  de  la 
Seine.  Il  s'y  occupa  encore  des  questions  de 
finances,  rédigea  un  grand  nombre  de  rapports 
et  fut  nommé  secrétaire  du  Conseil  le  21  jan- 
vier 1796.  Il  parla  en  faveur  de  l'emprunt  forcé, 
défendit  la  loi  du  9  floréal  an  iv  sur  les  pa- 
rents des  émigrés,  et  s'éleva  contre  une  réso- 
lution du  Conseil  des  Cinq  Cents,  qui  dans  une 
vente  de  biens  nationaux  faisait  une  exception 
pour  les  maisons  religieuses  de  Paris.  Élu  pré- 
sident du  Conseil  des  Anciens,  le  20  avril  1796, 
il  contribua  à  l'adoption  des  résolutions  relatives 
au  mode  de  payement  des  biens  nationaux  sou- 
missionnés, vota  pour  l'adoption  du  droit  de  pa- 
tente ,  s'opposa  à  la  résolution  qui  autorisait  le 
payement  des  biens  nationaux  en  mandats  terri- 
toriaux ,  et  fit  adopter  celle  qui  prohibait  l'in- 
troduction des  marchandises  anglaises  en  France. 
11  fit  ensuite  un  rapport  sur  la  résolution  qui  or- 
donnait le  payement  en  numéraire  du  traitement 
des  fonctionnaires  publics,  et  appuya  la  resti- 


M  7  LECOUTEULX  • 

tulion  aux  actionnaires  de  la  banque  de  Saint- 
Charles  et  de  la  Compagnie  des  Philippines  de 
leurs  actions  déposées  au  trésor.  Le  31  mars 
1797,  il  s'opposa  au  rétablissement  de  la  loterie 
nationale,  et  le  4  décembre  il  fit  un  long  rapport 
sur  la  liquidation  de  la  dette  publique  et  sur  le 
mode  de  remboursement  des  deux  tiers.  Lors 
du  coup  d'État  du  18  fructidor,  il  s'opposa  à  la 
proscription  de  ses  collègues,  et  déclara  qu'il  ne 
voyait  rien  dans  les  pièces  déposées  qui  pût 
motiver  leur  déportation.  Lorsque  le  commerce 
de  Paris  envoya  une  députation  au  Directoire 
afin  d'être  autorisé  à  ouvrir  un  emprunt,  Lecou- 
teulx  fut  chargé  de  porter  la  parole.  Il  fit  approu- 
ver au  Conseil  des  Anciens  l'émission  de  25  mil- 
lions en  mandats  territoriaux  pour  l'extinction  de 
la  dette  publique.  Il  vota  ensuite  pour  une  pro- 
position en  faveur  des  créanciers  et  co-parta- 
geants  des  biens  d'émigré6,  et  combattit  celle  qui 
accordait  des  pensions  aux  veuves  des  défen- 
seurs de  la  patrie,  laquelle  fut  néanmoins  adoptée. 
Le  9  novembre  1797,  il  plaida  la  cause  des  dé- 
portés ,  représenta  l'état  déplorable  de  ceux  qui 
étaient  à  La  Guyane,  et  demanda  qu'il  fût  créé 
une  commission  chargée  d'aviser  aux  moyens 
d'améliorer  leur  sort.  En  revanche,  il  attaqua 
vigoureusement  les  journaux  royalistes,  qui  l'a- 
vaient surnommé  par  plaisanterie  Lecouleulx 
le  cauteleux,  en  faisant  allusion  à  sa  prudence 
mêlée  de  finesse.  Ses  relations  avec  la  banque 
de  Saint-Charles  de  Madrid  donnèrent  lieu  à  un 
grand  procès  relativement  aux  fonds  que  lui  avait 
versés  l'Espagne  lors  du  procès  de  Louis  XVI. 
Lecouteulx  demanda  l'impôt  du  sel  dans  une 
brochure,  et  en  vota  le  l'établissement  an  Conseil 
des  Anciens.  Il  parla  encore  dans  cette  assem- 
blée sur  les  prises  maritimes  et  sur  les  douanes. 
Il  cessa  d'en  faire  partie  le  20  mai  1799;  et 
quelques  mois  avant  le  18  brumaire  (novembre 
même  année)  il  devint  président  de  l'administra- 
tion départementale  de  la  Seine.  Admirateur  dé- 
voué de  Bonaparte ,  Lecouteulx  de  Canteleu  fut 
nommé  membre  du  sénat  lors  de  la  formation 
de  ce  corps.  Bientôt  il  devint  régent  de  la  Banque 
de  France;  plus  tard  il  reçut  le  titre  de  comte  et 
la  sénatorerie  de  Lyon.  Nommé  pair  de  France 
en  1814,  il  ne  siégaa  pas  dans  les  Cent  Jours,  et 
reprit  sa  place  à  la  chambre  haute  à  la  seconde 
restauration.  Il  y  vota  avec  l'opposition  libé- 
rale. Outre  un  grand  nombre  de  rapports  et  de 
discours ,  on  a  de  Lecouteulx  de  Canteleu  :  Ré- 
futation de  la  lettre  de  Dupont  de  Nemours 
adressée  à  la  Chambre  de  Commerce  de  Nor- 
mandie; 1788,  in-8°;  —  Essai  sur  les  Contri- 
butions proposées  en  France  pour  Van  VII; 
1796,  1818,in-8°;  —  Le  citoyen  L-  C.'C.,sén., 
à  un  de  ses  collègues,  sur  une  lettre  d'un  An- 
glais (relative  au  prix  des  terres);  1802  ;  —  A 
M.  le  rédacteur  de  la  Revue  Philosophique, 
littéraire  et  politique ,  sur  l'article  de  M.  Vi- 
gée  sur  les  richesses;  1807,  in-8°.  Lecouteulx 
de  Canteleu  a  été  l'éditeur  de  l'Essai  sur  la 


■  LECOUVREUR  248 

Littérature  espagnole,  par  Marmontel ,    1810, 
in-8°.  L.  L— t. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Jiiogr.  noua,  des  Con- 
temp.  —  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp. 

le  covtCRiËH  (Nicolas-Jérôme),  pané- 
gyriste français ,  né  près  de  Rouen,  le  2  juin 
1712,  mort  à  Paris,  en  1778.  Il  fut  chanoine  de 
Saint-Quentin,  et  mourut  aumônier  de  La  Charité 
à  Paris.  On  a  de  lui  :  Panégyrique  de  saint 
Louis;  Paris,  1746,  1769,  in-4°;  ce  pané- 
gyrique, dans  lequel  l'auteur  blâmait  les  croi- 
sades et  leur  but,  lui  fit  interdire  la  chaire  par 
l'archevêque  Christophe  de  Beaumont  ;  —  Pané- 
gyrique de  sainte  Elisabeth;  1754,  in-12;  — 
La  Calomnie,  ode;  1764,  in-12  ;  —  Recueil  de 
Discours  prononcés  en  différentes  solennités; 
1766,  1774  et  1779,  in-12  ;  —  Éloge  du  Dau- 
phin; 1766  et  1779,  in-8°;  —  Éloge  de  ma- 
dame de  Ligny,  abbesse  de  Fervaques  ;  1767, 
in-4°  ;  —  Vie  d'Elisabeth  de  France,  sœur  de 
saint  Louis;  1772,  in-8°;  —  Éloge  de  Marie- 
Thérèse;  1781,  in-8°.  A.  L. 

Richard  etGiraud,  Bibl.  Sacrée.  —  Cliaudon  et  Delan- 
dine,  Dict.  univ.  (édit.  de  1813). 

lecoutcrier  (  François-Gervais  ) ,  écri- 
vain militaire  français,  né  à  Falaise,  le  13  juin 
1768,  mort  à  Paris,  le  10  mars  1830.  Il  fit  toutes 
les  campagnes  de  la  révolution  et  de  l'empire,  et 
parvint  au  grade  de  colonel.  On  a  de  lui  :  Réfu- 
tation (en  ce  qui  concerne  le  siège  d'Ancâne 
en  1799)  du  XIe  tome  des  Victoires  et  Con- 
quêtes, de  1792  à  1815;  Paris,  1819,  iu-8°;  — 
Réflexions  sur  le  corps  royal  d'état-major 
général  réorganisé  par  les  ordonnances  du 
6  mai  et  22  juillet  1818  ;  Paris,  1819,  in-8°  ;  — 
Considérations  sur  les  retraites  des  mili- 
taires, les  pensions  de  leurs  veuves  et  les  se- 
cours à  accorder  à  leurs  enfants  ;  Paris,  1821, 
in-8°.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

*  lecoutcrier  (  Charles-Henri  ) ,  savant 
français,  né  le  6  mai  1819,  à  Condé-sur-Noireau. 
Fils  d'un  officier  de  l'empire,  il  étudia  le  droit 
à  Caen,  et  vint  en  1845  à  Paris  se  perfectionner 
dans  les  lettres  et  les  sciences.  Il  rédigea  la 
partie  scientifique  du  Pays,  fonda  La  Science 
pour  tous,  Le  Musée  des  Sciences ,  La  Colo- 
ration industrielle,  journal  de  chimie  pratique 
pour  les  teinturiers,  et  commença  en  1858  la  pu- 
blication d'un  ouvrage  important,  sous  le  titre  de 
Panorama  des  Mondes  ;  Ve  Partie  :  Astronomie 
planétaire.  M.  Lecouturier  est  attaché  à  la  ré- 
daction de  la  partie  scientifique  du  Moniteur. 

Doc.  part. 

lecouvreur  (  Adrienne  Couvreur,  dite  ), 
actrice  française  du  premier  ordre,  née  à  Da- 
mery,  près  d'Épernay,  le  5  avril  1692,  et  non 
à  Fismes  (1),  en  1690,  morte  à  Paris,  le  lundi 


(1)  Ce  qui  a  pu  accréditer  l'erreur  des  biographes  sur  le 
lieu  de  sa  naissance,  c'est  que  son  père  exerçait  dans 
cette  dernière  ville  «on  métier  de  chapelier.  N'y  trou- 
vant pas  fortune,  il  vint  s'établir  en  1702  à  Paris,  dans  le 
voisinage  de  la  Comédie-Française. 


249 

20  mars  1730.  «  Dès  son  enfance  Adrienne,  ra- 
conte l'abbé  d'Allainva! ,  se  plaisait  à  réciter 
des  vers.  Plusieurs  des  bourgeois  de  Fismes 
m'ont  dit  qu'ils  l'attiraient  souvent  dans  leurs 
maisons  pour  l'entendre.  »  Bientôt  elle  prit 
part  à  des  représentations  particulières  qui 
avaient  lieu  dans  l'enclos  du  Temple,  et  après 
quelques  mois  d'études  sous  le  comédien  Le- 
grand,  elle  s'engagea  au  théâtre  de  Strasbourg, 
où  elle  ne  resta  qu'une  année.  De  retour  à  Paris, 
le  14  mai  1717,  elle  débuta  à  la  Comédie-Fran- 
çaise, dans  le  rôle  de  Monime,  avec  un  succès 
prodigieux..  Elle  joua  successivement  les  rôles  d'E- 
lectre, de  Bérénice,  et  un  mois  après  elle  était 
reçue.  Elle  appliqua  tous  ses  soins  à  prendre  le  ton 
îaturel,  sans  pour  celadédaignerledegréd'anima- 
:ion  «  nécessaire  pour  exprimer  les  grandes  pas- 
sons et  les  faire  sentir  dans  toute  leur  force  ». 
Elle  n'avait  pas  une  grande  variété  de  tons  dans 
a  voix,  qui  était  même  quelque  peu  voilée  ;  mais, 
sachant  leur  donner  les  plus  touchantes  in- 
lexions,  elle  ne  tarda  pas  à  faire  justice  de  cette 
déclamation  exagérée  et  chantante  en  usage 
fchez  tous  les  comédiens  qui  l'avaient  précédée,  à 
l'exception  de  Baron,  et  que  la  fameuse  Duclos, 
fcn  possession  de  la  faveur  publique  depuis 
tingt  ans,  avait  mise  à  la  mode.  Jamais  tragé- 
dienne ne  poussa  aussi  loin  l'art  d'écouter  son 
interlocuteur;  sa  pantomime  dans  les  scènes 
muettes  était  d'une  expression  si  grande  que  sa 
physionomie  reflétait  les  sentiments  de  l'acteur 
ijui  lui  parlait.  Cette  actrice  n'était  pas  d'une 
faille  élevée  ;  mais  elle  avait  beaucoup  de  di- 
gnité dans  le  maintien  et  savait  donner  à  sa  dé- 
inarche  l'expression  la  plus  imposante.  Elle  n'eût 
>as  rendu  son  nom  célèbre  dans  son  art,  que  sa 
liaison  si  connue  avec  le  maréchal  de  Saxe,  qui 
jxerça  une  si  grande  influence  sur  sa  vie,  aurait 
:>uffi  pour  la  tirer  de  l'oubli.  On  sait  que  lors- 
qu'il fut  nommé  duc  de  Courlande,  elle  mit  en 
gage  son  argenterie  et  ses  diamants  pour  une 
jiomme  de  40,000  francs  qu'elle  lui  fit  accepter; 
mais  tout  en  se  montrant  ainsi  amante  dévouée, 
elle  ne  prit  pas  l'engagement  de  lui  rester  fidèle, 
iixcoutumée  depuis  sa  jeunesse  à  recevoir  les 
Hommages  de  bien  des  adorateurs,  elle  compta 
Voltaire  parmi  les  plus  illustres.  Deux  filles 
iiaquirent  de  ses  liaisons  :  l'une,  née  à  Stras- 
bourg, eut  pour  père  M.  de  Klinglin,  premier  ma- 
gistrat de  cette  cité.  L'autre,  née  à  Paris ,  était 
niant  d'un  officier  du  duc  de  Lorraine.  Cette 
llernière  fut  mariée  à  ï^ancœur,  surintendant  de 
ijî  musique  du  roi  (1). 

La  lin  d'Adrienne  Lecouvreur  fut  triste.  On  a 
retendu  que  les  infidélités  de  Maurice  la  firent 
nourir  de  chagrin.   Suivant  une  version  plus 

raisemblable  ,  elle  serait  morte  empoisonnée, 
ictime  d'une  vengeance  féminine.  On  n'a  pas 
Iraint  d'accuser  de  ce  crime  une  princesse,  sa 


(1)  Directeur  de  l'Opéra  en  1757.  Le  mathématicien 
r*scoeur,  membrede  l'Institut,  et  mort  en  1849.  était 
>su  de  ce  mariage. 


LECOUVREUR  —  LE  COZ  250 

rivale.  L'abbé  Languet,  curé  de  Saint-Sulpicc, 
refusa  de  lui  donner  la  sépulture  ecclésiastique. 
Son  corps  fut  donc  enlevé  la  nuit  dans  un  fiacre, 
et  deux  portefaix,  accompagnés  de  M.  de  Lau- 
binière,  ami  d'Adrienne,  l'inhumèrent  au  coin  de 
la  rue  de  Bourgogne,  à  l'endroit  où  est  aujour- 
d'hui la  maison  qui  porte  le  n°  109.  Voltaire  fit 
à  propos  de  cet  enterrement  clandestin  un  petit 
poème  intulé  :  La  Mort  de  mademoiselle  Le- 
couvreur, qui  devint  pour  lui  le  sujet  d'une 
persécution  sérieuse  et  l'obligea  même  à  quitter 
la  capitale.  Beaucoup  d'autres  pièces  de  vers 
furent  inspirées  par  les  regrets  que  causait  cette 
perte;  et  Grand  val,  son  camarade,  fit  intervenir 
son  éloge  dans  le  discours  qu'il  prononça,  le 
24  mars,  jour  de  la  clôture  de  cette  année.  Il 
existe  un  beau  portrait  d'Adrienne  Lecouvreur 
parCoypel.  E.  de  Manne. 

Nereure  de  France.  —  Lettres  de  Mlle  Mssë.—  Let- 
tres à  Mylord  ***,  par  d'Allainval.  —  Galerie  historique 
des  Acteurs  du  Théâtre-français,  par  l.emazurier.  — 
Journal  de  Barbier.  —  Éludes  biographiques ,  par 
KdonarJ  Barthélémy.  —  Causeries  du  Lundi,  par  Sainte- 
Beuve.  —  Voltaire,  édition  Beuchot. 

le  coz  (Claude),  prélat  français, né  à  Plou- 
nevez-Porzay  (Bretagne),  le  2  septembre  1740, 
mort  à  Villevieux,  près  de  Lons-le-Saulnier,  le 
3  mai  1815.  Il  fit  ses  études  au  collège  de 
Quimper.  Lorsqu'il  les  eut  terminées,  l'évêque 
de  cette  ville  lui  fit  obtenir  une  chaire  au  même 
collège,  dont  Le  Coz  devint  principal.  Il  occu- 
pait cette  place  à  la  révolution,  dont  il  adopta 
les  principes.  En  1791  il  fut  élu  évêque  consti- 
tutionnel du  département  d'Ille-et-Vilaine,  et 
sacré  le  10  avril.  Il  écrivit  alors  pour  prouver  la 
légitimité  de  sa  mission  et  réfuter  les  brefs  pon- 
tificaux qui  fulminaient  contre  la  nouvelle  Église. 
La  même  année  il  fut  élu  député  d'Ille-et-Vilaine 
à  l'Assemblée  législative,  où  il  exprima  des  opi- 
nions modérées  en  parlant-en  faveur  des  prêtres 
nonassermentés  et  défendant  les  ministres  du  roi. 
En  1792  il  s'éleva  contre  le  mariage  des  prêtres 
et  blâma  un  de  ses  suffragants  qui  avait  donné 
la  bénédiction  nuptiale  à  un  ecclésiastique.  Pen- 
dant la  terreur  il  fut  emprisonné,  et  les  commis- 
saires de  la  Convention  l'envoyèrent  au  Mont- 
Saint-Michel  ,  où  il  resta  enfermé  pendant  qua- 
torze mois.  Mis  en  liberté  en  1795,  il  reprit  ses 
fonctions  épiscopales,  et  adhéra  aux  encycliques 
publiées  par  le  synode  des  évêques  constitution- 
nels réunis  à  Paris.  Le  Coz  présida  le  concile 
national  des  mêmes  évêques  tenu  dans  la  capi- 
tale, du  15  août  1797  au  12  novembre  suivant. 
En  1799  il  assembla  un  synode  à  Rennes  ;  mais 
tous  les  prêtres  de  son  diocèse  étaient  loin  de 
reconnaître  son  autorité.  Il  publia  les  Statuts 
et  règlements  de  ce  synode  et  fit  paraître  vers  la 
même  époque  un  Avertissement  pastoral  sur 
l'état  actuel  de  la  religion  catholique.  Appelé 
encore  à  la  présidence  du  concile  de  1801,  il  s'op- 
posa au  projet  d'un  sacramentaire  français.  Au 
moment  du  concordat  du  premier  consul  avec  le 
pape,  Le  Coz  donna  sa  démission,  et  fut  nommé 


251  LE  COZ 

archevêque  de  Besançon.  Il  parvint  à  éviter  de 
donner  la  fétraotatîen demandée  aux  évêques  de 
l'Église  constitutionnelle,  et  s'entoura  des  anciens 
partisans  de  cette  église.  En  1804  il  vint  faire  vi- 
site au  pape  à  Paris,  et  signa,  après  quelques  diffi- 
cultés, une  formule  d'adhésion  et  de  soumission 
aux  brefs  du  saint-père.  La  même  année  il  adressa 
aux  protestants  une  lettre  pour  les  engager  à  se 
réunir  au  culte  catholique.  Son  admiration  pour 
Napoléon  se  manifesta  de  plus  en  plus  vive,  et  le 
20  décembre  1813  il  lança  une  Instruction  pas- 
torale sur  V amour  de  la  patrie  qui  était  tout 
empreinte  de  son  dévouement  au  chef  de  l'État. 
Il  parla  au  contraire  avec  froideur  du  retour  des 
Bourbons  en  1814,  et  lorsque  le  comte  d'Artois 
passa  à  Besançon,  ce  prince  lit  défendre  à  l'arche- 
vêque de  se  présenter  devant  lui;  mais  il  fallut 
user  de  violence  pour  empêcher  Le  Coz  d'arriver 
jusqu'au  frère  du  roi.  Le  Coz  ressentit  vivement 
cet  affront,  et  ses  plaintes  retentirent  jusqu'à  la 
chambre  des  députés.  Lorsque  l'empereur  revint 
de  l'île  d'Elbe,  Le  Coz  se  déclara  pour  lui;  il 
vint  à  Paris  lui  présenter  ses  hommages,  et  re- 
tourna dans  son  diocèse,  où  il  mourut,  d'une 
fluxion  de  poitrine,  dans  une  tournée  pastorale. 
Il  était  membre  de  l'Académie  Celtique  et  de 
l'Académie  de  Besançon.  Il  laissa  sa  bibliothèque, 
qui  était  considérable,  à  son  chapitre  métropoli- 
tain. On  a  de  lui  :  Accord  des  vrais  Principes 
de  V Église,  de  la  Morale  et  de  la  Raison  sur 
la  Constitution  civile  du  clergé  ;  1792  :  c'est 
un  écrit  signé  en  1791  par  dix-huit  évêques 
constitutionnels  et  destiné  par  eux  à  servir  de 
réponse  à  l' Exposition  des  Principes,  publiée 
par  trente  autres  évêques  en  1790.  Barbier  croit 
que  l'écrit  des  évêques  constitutionnels  est  de 
Lebreton;  —  Statuts  et  Règlements;  1799, 
in-s°  ;  —  Observations  sur  les  Zodiaques  d'E- 
gypte; 1802,  in-8°;  —  Défense  de  la  Révéla- 
tion chrétienne  ;  1802  ,  in-8°  ;  —Lettre  à 
M.  de  Beaufort  sur  le  projet  de  réunion  de 
toutes  les  communions  chrétiennes;  1808, 
in-8°  ;  —  Quelques  détails  sur  Latour  d'Au- 
vergne, Corret,  premier  grenadier  de  France  ; 
Paris,  1815,  in-8°;  publiés  par  l'abbé  Grap- 
pin, Besançon,  1815,  in-8°.  On  cite  encore  de 
l'abbé  Le  Coz,  dans  les  Annales  Catholiques 
de  mars  1797,  une  Lettre  Pastorale  dans  la- 
quelle il  accusait  Pie  VI  d'avoir  provoqué  une 
guerre  de  religion ,  etc.  On  a  en  outre  de  lui 
des  mandements,  avertissements  et  lettres  pas- 
torales et  une  foule  d'opuscules  dont  Beuchot  â 
flonné  la  liste  complète.  On  lui  attribue  :  Caté- 
chisme sur  le  Célibat  ecclésiastique,  ou  pré- 
servatif contre  un  écrit  qui  a  pour  titre  : 
«  Correspondance  de  deux  ecclésiastiques  ca- 
tholiques sur  cette  question  :  Est-il  temps 
d'abroger  la  loi  du  célibat  des  prêtres  ?  ré- 
digée par  M.  Henry,  prêtre  français,  curé  à 
léna,  »  par  un  Français  catholique;  Paris, 
1808,  in-8°.  J.  V. 

Beuchot,  Journal  de  la  Librairie;  1815,  p.  132.  —  Grap- 


-  LECT  252 

pin,  Éloçie  de  M.  Lecoz,  archevêque  de  Besançon  ,  dans 
le  Recueil  de  l' Académie  de  Besançon.  —  Querard,  La 
France  Littéraire. 

lecreulx  (François-Michel) ,  ingénieur 
français,  né  à  Orléans,  en  1734,  mort  à  Paris, en 
1812.  Élève  de  Perronet,  il  fut  d'abord  employé 
comme  ingénieur  ordinaire  dans  les  généralités 
d'Orléans  et  de  Tours,  et  contribua  à  l'érection 
des  plus  grands  ponts  qui  furent  construits  à 
cette  époque  en  France.  Nommé;  ingénieur  en 
chef  des  provinces  de  Lorraine  et  du  Barrois  en 
1775,  il  porta  son  attention  sur  la  navigation 
des  fleuves  et  rivières,  et  fit  élever  le  pont  de 
Ffouard,  sur  la  Moselle,  entre  Metz  et  Nancy.  Eu 
1786,  il  construisit  le  manège  de  Lunéville,  et 
s'occupa  des  chemins  publics.  L'Académie  de 
Nancy  l'admit  parmi  ses  membres,  et  il  lut  devant 
cette  académie  des  mémoires  sur  les  canaux,  les 
salines,  les  mines  et  les  embellissements  à  exé- 
cuter à  Nancy.  Il  garda  sa  position  pendant  la 
révolution.  Nommé  inspecteur  général  des  ponts 
et  chaussées  en  1801  et  président  du  conseil  de 
ce  corps  en  1809,  il  prit  une  part  importante  à 
la  discussion  des  projets  de  travaux  publics  en- 
trepris sous  l'empire.  On  a  de  lui  :  Mémoire 
sur  la  construction  des  chemins  publics  et  les 
moyens  de  les  exécuter,  couronné  par  la  So- 
ciété littéraire  de  Châlons;  1782,  in-8°  ;  —  Mé- 
moire sur  les  avantages  de  la  navigation  des 
canaux  et  rivières  qui  traversent  les  dépar- 
tements de  la  Meurthe,  des  Vosges ,  de  la 
Meuse  et  de  la  Moselle,  etc.;  Nancy,  1793; 
Paris,  1795  et  1800,  in-4°;  —  Recherches  sur 
la  formation  et  l'existence  des  ruisseaux,  ri- 
vières et  torrents  qui  circulent  sur  le  globe 
terrestre;  Paris,  1804,  in-4°;  —  Examen  cri- 
tique de  l'ouvrage  de  M.  Dubuat  sur  les 
principes  de  l'hydraulique  ;  Paris,  1809,  in-8°. 

J.  V. 

Quérard,  La  France  Littér. 

lect  ou  lectics  (Jacques),  homme  d'É- 
tat, jurisconsulte,  théologien  et  érudit  suisse, 
né  à  Genève,  en  1560,  mort  le  25  août  1611. 
Élève  de  Cujas,  il  fut  nommé  en  1583  profes- 
seur de  droit  à  l'Académie  de  sa  ville  natale. 
Élu  membre  du  petit  conseil  l'année  suivante,  il 
fut  en  1589,  lors  de  la  guerre  de  la  république; 
contre  le  duc  de  Savoie,  envoyé  auprès  d'Elisa- 
beth, reine  d'Angleterre,  pour  obtenir  d'elle  quel- 
ques subsides;  elle  l'autorisa  à  faire  une  quête! 
en  faveur  de  ses  compatriotes.  Peu  de  temps; 
après  il  alla  solliciter  l'aide  des  États  généraux, i 
qui  lui  remirent  quatorze  mille  livres,  sous  la- 
condition  que  cet  argent  servît  au  rétablisse- 
ment de  l'académie  de  Genève ,  dont  les  profes- 
seurs avaient  été  renvoyés  pendant  la  guerre.  De 
retour  à  'Genève,  Lect  fut  nommé  dans  les  an-! 
nées  suivantes  quatre  fois  syndic;  il  occupai 
aussi  pendant  un  an  la  charge  de  lieutenant  de; 
police;  mais  sa  sévérité  inexorable  l'empêcha 
d'être  réélu  à  cet  office.  En  revanche,  la  républi- 
que lui  confia  encore  plusieurs  négociations  diplo- 
matiques. Au  milieu  de  ses  occupations,  Lect 


LECT  —  L'ÉCUY 


2;>4 


trouva  le  temps  d'écrire  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages, devenus  rares  aujourd'hui,  la   plupart 
remarquables  par  une  érudition  étendue  et  une 
sagacité  critique  exercée.  En  voici  les    princi- 
paux :  Symmacki  Epistolœ,  cum  notis  ;  Ge- 
nève, 1587  et  1590,  in-8°  :   à  propos  de  cette 
édition,  qui  contient  des  remarques  deJuret, 
Lect  fut  accusé  de  plagiat  par  Scioppius  (voy. 
Jac.  Thomasen,  Accessiones  ad  dissertationem 
de  plagio  litterario,  §  671,  p.  14-18  )  ;  —  Ad 
Modestinum  :  De  Pœnis,  liber  unus  ;  Genève, 
1592,  in-80;—  De  Vita  et  Scriptis  Ant.  Sadee- 
lis;  Genève,  1593,   in-8°;  —  De  Vita  Mmilti 
Papiniani  et  Scriptis;  Genève,  1594,  in-8°; 
j—  Ad  Mmilium  Macrum,  de  publias  Ju- 
\diciis  Liber;  Lyon,  1597,  in-8°;  —    De  Vita 
ÏDom.  Vlpiani    et  Scriptis;  Genève,    1601, 
in-S°;  —  Poetx  grseci  veteres    carminis  he- 
\roici  scriptores,  qui  exstant  ovines  ,  grsece 
\et  latine;  Genève,   1606,  in-fol. ;  —  Adversiis 
hodicis  Fabriani    to    npôka    xaxoôo£a  pree- 
\tcriptiomim  theologicarum  Libri  II  ;  Genève, 
1607,  in-8°  :  ouvrage  rempli  d'injures  contre  le 
pélèbre  Antoine  Fabre;  —  Claudiomastix,  seu 
hdversus  scriptorem  nuperum  de  vita  et  mi- 
Vaculis  Claudianis  ;  Genève,  1610,  in-4°;  — 
\Poemata  varia  ;  Genève  ,  1 609 ,  in-8»  :  ce  re- 
pueil  contient  diverses  pièces,  dont  plusieurs 
hvaient  déjà  paru  précédemment  ;  telles  sont  : 
bilvse,  Elegise,  Epigrammata;   Lyon,    1595, 
n-8°;  —  Ecclesiastes  Salomonis  heroico  car- 
mine  expositus ;  Genève,   1588,  in-4°;  —  Jo- 
\nah,  seu  poetica  paraphrasis  ad  eum  vatem  ; 
fîenève,  1597  et  1614',  in-12;  —  Lacrymse  Lec- 
\fianx,  seu  de  Friderici  Mauricii,  Anhaltini 
mincipis,  Vita;  Genève,  1610,  in-4°  ;  —  Cer-  j 
faminis  PygmseontmcumGruibus  Descriptio ;  ! 
Genève,  1613,  in-4°  :  poème  héroico-comique  ;   j 
Vk  Orationes    quatuordecim  ;  Genève,   1615,   j 
n-1 2  ;  —  dans  la  Philologicarum  Epistolarum   : 
yènturia  de  Goldast  se  trouvent  quatre  lettres  : 
le  Lectius  contenant  des  observations  critiques 
»ur  des  passages   de  Tacite,  de  Pline  le  jeune 
>t  du  Digeste.  On  doit  à  Lect  l'édition  des  Opéra 
le  Fr.  Hotman,  qui  parut  à   Genève,  en  1599, 
S  vol.  in-fol.  Ce  qui  dans  les  ouvrages  de  Lect  a 
•apport  à  la  jurisprudence  a  été  recueilli  dans  le 
Thésaurus  Juris  Romani  d'Éverard  Otto.  E.  G. 

NIcéron;  Mémoires,  t.  XXX.  —  Jugler,  Beytrsege  zur 
uristischen  Biographie,  t.  IIF,  p.  61.  —  Sénebler,  Hiit. 
'.iltér.  de  Genève,  t.  Il,  p.  54. 

*  lecprieux  [Jacques-Joseph),  peintre 
'rançais,  né  à  Dijon,  en  1801.  Élève  de  Lethière 
ît  de  Devosge,  il  a  peint  un  grand  nombre  de 
oiles  pour  les  églises  sur  la  demande  du  minis- 
tre de  l'intérieur.  Ses  principaux  tableaux  sont: 
François  Ier  au  tombeau  de  Jean  sans  Peur 
ï  Dijon;  —  Saint  Louis  à  Damiette;  —  Jeune 
Fille  donnant  ses  cheveux  auxpauvres; — La 
\eune  Fille  de  Jaïre  ressuscitée  ;  —  Derniers 
Moments  de  Louis  XI  (1835);  —  Marie  de 
Bourgogne  (1837);  —  Luther  dans  sa  jeunesse 


(1840);  —  V Amour  des  Fleurs  (1841);  —  Xe 
Petit  Chaperon  rouge  (1843); —  Saint   Ber- 
nard allant   fonder  l'abbaye  de  Glairvaux 
I  (1844);  —  Les  Fiançailles  de  Rebecca;  —  Salo- 
mon  de  Gaus  à  Bicètre,  sujetemprunte  à  la  fausse 
lettre  de  Marion  Delorme  à  Cinq  iMars  (1845);  — 
:   Saint   Firmin    (1846);  —  Saint   Guillaume 
I   (1847);  —  Glorification  de  sainte  Geneviève 
j   (1849),  pour  l'église  des  Blancs-Manteaux;  — 
Saint  Vincent  de  Paul  prenant  les  fers  d'un 
■    forçat  (1850)  ;  —  Guillaume  d'Aquitaine  aux 
pieds  de  saint  Bernard  (1852)  ;  —  Saint  Ber- 
nard à  Vezelay  (1853).  M.  Lecurieux  a  obtenu 
une  médaille  de  troisième  classe  en  1844  et  une 
médaille  de  deuxième  classe  en  1846.  L.  L — t. 
Ch.  Gabet,  Diet.  des  Artistes  de  l'école  franc,  au  dix- 
neuvième  siècle.  —  Livrets  des  Salons,  1827-1853. 

l'écuy  (Jean- Baptiste),  écrivain  religieux 
français,  né  à  Yvoi-Carignan,  le  3  juillet  1740, 
mort  à  Paris,  le  22  avril  1 834.  Destiné  à  l'état 
ecclésiastique,  il  entra  en  1758  au  séminaire  du 
Saint-Esprit ,  à  Paris ,  prit   l'habit  de  chanoine 
régulier  à  l'abbaye  de  Prémontré,  où  il  professa 
successivement  la  philosophie  et   la  théologie. 
Il  revint  ensuite  au  collège  de  Paris,  y  professa 
la  théologie,  devint  prieur  secrétaire  du  général 
de  l'ordre  et  maître  des  études  en  1780.  L'Écuy 
fut  élu  abbé  général  de  Prémontré.  11  introduisit 
quelques  réformes,  tint  quelques  chapitres,  amé- 
liora les  études,  augmenta  la  bibliothèque  con- 
ventuelle ,  à  laquelle  il  ajouta  un   cabinet   de 
physique,    un    herbier,  etc.   En  1787   L'Écuy 
fut  nommé  membre  de  l'assemblée  provinciale 
du  Soissonnais  et   président  de  l'assemblée  du 
district  de  Laon.En  1790,  les  couvents  ayant  été 
supprimés,  lesreligieux  prémontrés  durentquitter 
leur  retraite.  Tous  refusèrent  le  serment  à  la  cons- 
titution civile  du  clergé.  L'Écuy  se  retira  à  Penan- 
court,  où  l'on  vint  l'arrêter,  en  1793,  pour  le  con- 
duire à  Chauny.  Après  quelques  jours  de  déten- 
tion, il  fut  mis  en  liberté,  et  alla  retrouver  son 
frère,  qui  était  aussi  religieux  prémontré,  dans 
une  maison  des  Grandes-Vallées,  près  de  Melun. 
L'année  suivante,  L'Écuy  obtint  la  restitution  de 
ses  livres.  Privé  detout  revenu,  il  se  chargea  de 
l'éducation  de  quelques  jeunes  gens.  Une  maison 
lui  avait  été  préparée  en  Allemagne ,  mais  il  ne 
voulut  pas  quitter  la  France.  En  1801  il  se  fixa 
à  Paris ,  et  donna  des  articles  de  critique  litté- 
raire au  Journal  de  l'Empire.  Après  le  rétablis- 
sement du  culte,  L'Écuy  fut  nommé,  en  1 803,  cha- 
noine honoraire  de  Notre-Dame.  Pie  YII,  à  son 
voyage  à  Paris,  l'accueillit  avec  distinction,  et 
en  1806  L'Écuy  devint  aumônier  de  la  femme  de 
Joseph  Bonaparte,  qui  le  chargea  en  même  temps 
de  la  conduite  religieuse  de  ses  deux  jeunes 
filles.  En  1812,  L'Écuy  prononça  à  Notre-Dame 
un  discours  pour  l'anniversaire  du  couronnement 
de  l'empereur,  et  le  15  août  1813  il  prêcha  sur 
le  rétablissement  du  culte.  En  1818  Louis  XVIII 
lui  accorda  une  pension,  et  en   1824  l'arche- 
vêque de  Quélen  le  nomma  chanoine  titulaire  de 


255 

Paris,  l'admit  dans  son  conseil,  et  le  créa  vicaire 
général  honoraire.  Il  était  spécialement  chargé 
de  l'examen  des  ouvrages  soumis  à  l'approba- 
tion archiépiscopale.  En  1828  L'Ecuy  fit  une 
chute  dans  la  sacristie  de  l'église  métropoli- 
taine, et  depuis  lors  il  ne  sortit  plus  de  chez  lui. 
On  a  de  lui ,  entre  autres  :  Œuvres  de  Fran- 
klin, traduites  de  l'anglais;  Paris,  1773,  2  vol. 
in-4°;  —  Nouveau  Dictionnaire  Historique, 
biographique,  et  bibliographique ,  traduit  de 
l'anglais  deWatkins;  Paris,  1803,  in-8°;  — 
Bible  de  la  Jeunesse;  1810,  2  vol.  in-8°;  — 
Manuel  d'une  Mère  chrétienne,  ou  courtes  ho- 
mélies sur  les  Épitres  et  Évangiles  des  di- 
manches et  fêtes;  Paris,  1822,2  vol.  in-12; — 
Recueil  de  pièces  sur  la  prise  de  Cons- 
tantinople,  pour  faire  suite  à  V  histoire  byzan- 
tine; Paris,  1823,  in-fol.,  ouvrage  tiré  à  soixante 
exemplaires ,  aux  frais  du  baron  de  Vincent  et 
de  sir  Charles  Stuart,  ambassadeurs  d'Autriche 
et  d'Angleterre  ;  —  Essai  sur  la  vie  de  Gerson; 
Paris,  1832,2  vol.  in-8°;  —  Opuscula  Norber- 
tina;  1834,  in-8°.  L'Écuy  a  rédigé  la  partie  ec- 
clésiastique du  supplément  au  Dictionnaire  His- 
toriquede  Feller  en  1818 et  1819,  etle tome VIII 
de  l'Histoire  sacrée  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament  de  Bassinet.  On  lui  doit  en  outre  une 
édition  du  Bréviaire  des  Prémontrés,  Nancy, 
1786,  et  du  Manuel  pour  V Administration  des 
Sacrements  ;  Charleville,  1788,in-8°.  11  a  laissé 
de  nombreux  manuscrits,  parmi  lesquels  on  cite 
des  mélanges  de  théologie,  de  littérature  et  d'his- 
toire, des  traductions  de  l'anglais,  une  analyse 
des  ouvrages  de  Walter  Scott ,  etc.  L.  L — t. 

Martin ,  Notice  sur  M.  L'Êcuy,  rédigée  sur  ses  notes.— 
Notice  en  tète  du  Catalogue  de  sa  bibliothèque,  rédigé 
par  M.  Blanc. 

LECZINSKI.  Voy.  Stanislxs. 

le  o  a  in  (Olivier  ),  favori  de  Louis  XI,  né  à 
ïhielt,  village  de  Flandre ,  près  de  Courtrai, 
pendu  le  21  mai  1484.  On  n'a  aucun  détail  sur 
les  faits  qui  précédèrent  l'arrivée  d'Olivier  à  la 
cour  de  France;  on  sait  seulement  qu'il  était  fils 
d'un  paysan,  et  qu'il  vint  de  bonne  heure  cher- 
cher fortune  à  Paris.  Louis  XI  se  l'attacha  en 
qualité  de  barbier  et  de  valet  de  chambre;  il  sut 
gagner  bientôt  les  faveurs  du  roi,  qui,  en  octobre 
1474,  l'autorisa  à  changer  le  sobriquet  d'O- 
livier le  Mauvais  ou  le  Diable  qu'il  portait  alors, 
en  celui  d'Olivier  le  Dain  (Langlet,  I,  301).  Plus 
tard,  il  l'anoblit  ainsi  que  sa  postérité,  par 
lettres  patentes  du  19  novembre  1477  ;  il  lui  donna, 
«  pour  lui  et  ses  hoirs,  lesestangsde  Meulant, 
et  les  masures,  terres,  prez  et  bois  qui  furent 
au  feu  comte  de  Meulant  »  (Godefroy,  479).  Oli- 
vier se  fit  dès  lors  appeler  comte  de  Meulant. 
En  1477  il  fut  envoyé  à  Gand,  en  qualité  d'am- 
bassadeur, auprès  de  la  duchesse  de  Bourgogne. 
Le  but  avoué  de  cette  mission  était  de  persua- 
der à  la  duchesse  «  qu'elle  se  voulsist  mettre 
entre  les  mains  du  roy  »,  son  parrain;  mais 
comme  il  était  peu  probable  que  celte  entreprise 


L'ÉCUY  —  LEDAI^I 


2.5(5 


réussit  ainsi,  Olivier  devait  organiser  un  soulè- 
vement dans  la  ville  de  Gand.  Il  était  d'autant 
mieux  choisi  pour  cela,  qu'ii  parlait  la  langue  du 
pays,  qu'il  y  avait  conservé  des  relations,  et 
que  l'exemple  de  sa  fortune  montrait  assez  que  le 
roi  savait  récompenser  ceux  qui  se  dévouaient  à 
lui.  Olivier  échoua;  il  ne  put  résister  au  désir 
d'étaler  dans  son  pays  natal  une  magnificence 
qui  contrastait  avec  son  obscure  origine.  Au  lieu 
de  l'admirer,  on  se  moqua  de  lui  ;  la  duchesse 
refusa  de  le  recevoir  en  audience  particulière, 
le  peuple  ne  le  prit  pas  davantage  au  sérieux; 
«  luy  furent  faits  aucuns  tours  de  moquerie,  et 
puis  soudainement  s'enfuit  de  la  dite  ville,  car 
il  fut  adverty  que  s'il  ne  l'eust  fait,  il  estoit  en 
péril  d'estre  jeté  en  la  rivière  »  (  (Domines,  XIV). 
Mais  Olivier  n'était  pas  homme  à  accepter  ainsi 
une  défaile  :  chassé  de  Gand,  il  se  rendit  à 
Tonrnay,  ville  neutre.  Moitié  par  ruse,  moitié 
par  force ,  il  parvint  à  y  faire  entrer  les  gens  du 
roi  ;  tous  les  environs  furent  livrés  au  pillage  «et 
reçurent  les  ennemis  du  roy  un  grand  dom- 
mage ».  Cette  preuve  de  zèle  accrut  encore  pour 
Olivier  la  faveur  et  la  générosité  de  Louis  XI  ^ 
il  fut  nommé  capitaine  du  château  de  Loches, 
gouverneur  de  Saint-Quentin,  et  gentilhomme  de 
la  chambre  du  roi.  Son  influence  alla  toujours 
croissant;  en  1480  un  légat  du  pape  était  venu  en 
France  :  nous  lisons  dans  la  chronique  de  Jean 
de  Troyes  que  ce  misérable  fils  de  paysan  «  fes- 
toya ledit  légat  et  moult  d'autres  gens  d'église 
tant  plantureusement  que  possible  estoit.  Et 
après  disner,  les  mena  au  bois  de  Vinciennes  es- 
batre  et  chasser  aux  dains  dedans  le  parc  du  dit 
bois  ».  Jusqu'à  la  mort  du  roi,  Olivier  vécut, 
avec  lui  dans  la  plus  grande  intimité. 

Louis  XI,  dit-on,  souffrait  tout  de  son  barbier, 
même  les  duretés  et  les  offenses.  Lors  de  la  der- 
nière maladie  du  roi,  et  quand  tout  espoir  de  le 
sauverfut  perdu,  c'est  Olivier  qui,  assisté  du  mé- 
decin, accepta  la  tâche  délicate  de  lui  annoncer 
cette  triste  nouvelle;  Louis  XI  la  reçut  mieux  qu'on 
ne  l'avait  espéré,  et  n'en  conçut  aucune  colère 
contre  son  favori,  qu'il  recommanda  en  mourant  ! 
à  son  fils  Charles  VIII.  Mais  cette  recommanda- 
tion lui  servit  peu  ;  les  seigneurs  qui  s'étaient  '■ 
révoltés  contre  Louis  XI  s'empressèrent  de  sa- 
tisfaire leur  vengeance  contre  ceux  qui  avaient : 
été  les  instruments  de  la  justice  ou  des  cruautés 
du  roi.  S'il  faut  s'arrêter  au  récit  de  quelques 
historiens ,  cette  vengeance  à  l'égard  d'Olivier 
trouva  facilement  un  prétexte  pour  s'exercer;  ils 
prétendent  qu'une  femme  lui  aurait  sacrifié  son 
honneur  pour  obtenir  la  vie  de  son  mari  arrêté 
par  ordre  du  roi ,  et  qu'Olivier,  après  l'accom- 
plissement du  marché,  n'en  aurait  pas  moins  fait 
périr  le  mari.  Le  20  mai  1484,  Olivier  Le  Dain 
fut  condamné  à  être  pendu ,  et  le  parlement  re- 
fusa de  communiquer  l'arrêt  au  jeune  roi,  qui, 
en  souvenir  des  recommandations  de  Louis  XI, 
eût  peut-être  sauvé  le  coupable.  C'est  le  2 1  mai 
qu'eut  lieu  l'exécution.  Charles  VIII  respecta  au- 


057 


LEDAIN  — 


tant  qu'il  le  put  la  promesse  qu'il  avait  laite  à  son 
père  ;  car  le  jour  même  il  ordonna  que  le  corps 
du  supplicié  serait  détaché  du  gibet  et  enterré 
dans  le  cimetière  de  Saint-Laurent.  Du  temps  de 
Lenglet-Dufresnoy  on  voyait  encore  sur  la  porte 
d'un  corps  de  garde  de  Meulan  les  armes  d'O- 
livier Le  Dain  :  elles  étaient  d'un  chevron  ac- 
compagné en  pointe  d'un  daim  passant,  l'écusson 
au  côté  droit,  et  d'un  rameau  d'olive,  et  au  côté 
gauche  une  corne  de  daim  ;  l'écusson  couronné 
d'une  couronne  comtale.        Alfred  Franklin. 

Jean  de  Troyes,  Comines,  P.  Matthieu,  Varillas,  Du- 
clos,  Al.  Dumesnil,  Ch  Liskenne,  P.  Ségur,  Histoires  de 
Louis  XI.  —  Mezeray,  Daniel,  Garnier,  Dreux  du  Radier, 
Anquetll,  Millut,  E.  de  Ponnechose,  Sismondi,  H.  Mar- 
tin, Michelet,  Histoires  de  France.— Louis  XI  et  Le.  Pies- 
sis-lès-Tonrs  ;  Tours,  1841,in-8°.  —G.  Nmidé,  additions 
à  l'histoire  de  Louis  XI ;  Paris,  Ki30.  in-8°.  —  De  Reif- 
fenherg,  Notice  sur  Olivier  le  Diable  ou  le  Dain,  barbier 
et  confident  de  Louis  XI;  Bruxelles,  1829,  in-4°.  — 
T.  L'Hermite  de  Soliers,  Le  Cabinet  du  roy  Louis  XI, 
contenant  plusieurs  fragments,  lettres  missives,  se- 
crètes intrigues  du  règne  de  ce  monarque,  et  autres 
pièces  curieuses  recueillies  de  diverses  archives  ;  Paris, 
1661,  in-12.  —  mémoires  de  V Académie  des  Inscriptions 
et  Belles- Lettres,  t.  XLIII. 

le  danois  de  la  soisièsie  (  André-Ba- 
sile),  homme  politique  et  jurisconsulte  français, 
né  le8  mars  1750,  mort  vers  1825.  Il  était  lieute- 
nant général  du  bailliage  d'Orbec  et  Bernay 
(Normandie)  à  l'époque  de  la  révolution.  Il  en 
accepta  les  principes,  et  fut  nommé  successive- 
ment maire  et  commandant  de  la  garde  natio- 
nale de  sa  commune.  En  1791  il  devint  président 
de  l'administration  du  district  de  Bernay,  et  fut 
élu,  en  octobre  1795,  député  par  les  électeurs  de 
l'Eure.  Il  siégea  au  Conseil  des  Anciens  jusqu'en 
mai  1799.  Le  18  août  1797  il  fut  nommé  secré- 
taire de  cette  assemblée,  et  fit  adopter  plusieurs 
résolutions  concernant  les  rentes  et  les  contri- 
butions. En  1802  il  fut  appelé  au  Corps  légis- 
latif, qu'il  ne  quitta  qu'en  janvier  1812.  Après 
la  première  restauration  (1814),  anobli  par 
Louis  XVIII,  il  fut  porté  à  la  chambre  des  re- 
présentants (1815);  mais  il  n'y  joua  aucun  rôle. 
On  a  de  lui  :  Examen  du  livre  intitulé  :  Ta- 
bleau des  désordres  de  l'administration  de  la  jus- 
tice (par  Selves),et  Réflexions  sur  les  moyens 
défaire  cesser  les  abus  dénoncés,  etc.;  Paris, 
1813,in-8°  ; — Des  Vicesde  la  Législation  sur  la 
Contrainlepar  corps  pour  délits  ;  Paris,  1819, 
in-8°.  H.  L. 

Le  Moniteur  universel,  an  iv,  n°  355;  an  v,  nos  10, 
276,  334  ;  an  VI,  n°»  137,  330;  an  VII,  13,  67.  —  Arnanlt, 
Jay,  Jouy;  etc.,  Biographie  nouvelle  des  Contemporains. 
—  Biographie  moderne  (1806). 

LE  DÉA  N  (Jean  -  A  imé-  Louis-Nicolas-  René), 
ingénieur  français,  né  àQuimper,  le 27  juin  1776, 
mort  à  Vicby,  le  9 juin  1841.  Son  père  était  com- 
missaire des  états  de  Bretagne  et  ancien  employé 
de  la  Compagnie  des  Indes.  Lui-même  entra  en 
1794  à  l'École  Polytechnique.  Le  1er  frimaire 
an  v  (21  novembre  1797)  il  fut  nommé  ingé- 
nieur de  la  marine,  d'abord  à  Brest,  puis  à  Lo^ 
rient.  On  a  de  lui  :  Lettres  sur  la  rareté  tou- 
jours croissante  des  bois  de  construction  ;  — 

NO»JV.   BIOO.l'..  GÉNFR.    —  T.    XXX. 


LEDEBUHR  268 

|  JXécessitéde  s'abstenir  detoute  consommation 
mal  entendue  des  bois  de  grandes  dimen- 
sions; —  Description  des  nouvelles  étuves 
propres  à  plier  les  bois,  construites  au  port 
de  Lorient;  —  Notes  sur  les  feuilles  de  cuivre 
employées  audoublagedes  vaisseaux.  A.  deL. 

Quérard ,  La  France  Littêr.  —  Biogr.  moderne  U806). 

ledebour  (Charles -Frédéric  de),  bota- 
niste allemand,  né  à  Stralsund,  le  8  juillet  1785, 
mort  à  Munich,  le  4  juillet  1851.  A  l'âge  de  vingt 
ans  il  fut  nommé  directeur  du  Jardin  des  Plantes 
et  professeur  de  botanique  à  Greifswald.  En 
1811  il  fut  appelé  à  l'université  de  Dorpat,  où 
il  resta  jusqu'en  1836.  Il  retourna  alors  en  Al- 
lemagne, et  se  fixa  d'abord  à  Heidelberget  plus 
tard  (1843)  à  Munich.  Son  ouvrage  :  Flora  Ros- 
sica,  Stuttgard,  1842-1851,  3  vol.,  est  le  meilleur 
travail  que  l'on  possède  actuellement  sur  la 
Flore  de  la  Bussie.  Une  œuvre  non  moins  impor- 
tante est  sa  Flora  Altaica  (Berlin,  1829-1834, 
4  vol.).  On  lui  doit  en  outre  :  Reise  durcà  das 
Altaigebirge  und  die  Dsongarische  kirgisen- 
steppe  (Voyage  à  travers  l'Altaï  et  les  steppes  des 
Kirghiz  delà  Dsongarie);  Berlin,  1829-1830, 
2  vol.; — Icônes  Plantarum  novarum  Floram 
Rossicam,  imprimis  Altaicam,  illustrantes  ; 
Biga,  1829-1834,  5  vol.  in-fol.  avec  500  plancles 
coloriées.  B.  L. 

Conv.  Lex. 

ledebchr  (Gaspard),  orientaliste  alle- 
mand, né  à  Côslin,  en  Poméranie ,  vers  la  fin 
du  seizième  siècle,  mort  vers  le  milieu  du  dix- 
septième.  Après  avoir  étudié  à  Kœnigsberg  et  à 
Bostock,  il  visita  la  plupart  des  universités  d'Al- 
lemagne et  d'Italie.  De  retour  dans  sa  patrie,  il 
se  fixa  à  Kœnigsberg,  où  il  fut  chargé  d'enseigner 
la  langue  hébraïque.  En  1647  il  fit  imprimer  à 
Leyde  sa  Catena  Scripturse;  pendant  son  séjour 
dans  cette  ville ,  il  apprit  que  sa  mère  venait  de 
mourir  à  Coslin.  Il  s'y  rendit  pour  recueillir  son 
héritage;  mais  plusieurs  membres  influents  du 
sénat  de  Coslin  s'étaient  déjà  partagé  ses  biens. 
Cette  iniquité  troubla  sa  raison ,  et  il  mourut  de 
chagrin  peu  de  temps  après.  Ses  spoliateurs  firent 
brûler  ses  manuscrits,  pour  que  son  nom  fût 
effacé  de  la  mémoire  des  hommes  et  que  leur 
crime  tombât  dans  l'oubli.  Ledebuhr  a  fait  im- 
primer à  Kœnigsberg  :  Grammatica  Hebraica; 

—  Disputationes  VIII  in  Esaiam  ;  —  Dispu- 
tationes  in  Job,  11,  12  et  13; —  De  Oraculo 
Jobi;  —  De  septuaginta septimanis  Danielis; 

—  Clara  Delineatio  Belli  Assijriaco-Judaici 
a  Jesaia prœdicti  ;  exégèse  biblique.  Outre  quel- 
ques opuscules,  on  a  encore  de  Ledebuhr  :  De 
Accentuatione  Ebraica  metrica;  Leyde,  1647, 
in-8°;  —  Catena  S.  Scripturx,  in  qua  ratio 
accentuum  Hebraicorum  exponitur ;  Leyde, 
1647,  in-8°;  cet  ouvrage,  un  des  premiers  essais 
sur  cette  matière,  fut  d'une  grande  utilité  à 
Wachsmuth  (voy.  ce  nom)  pour  sa  théorie  des 
accents  de  la  langue  hébraïque.  E.  G. 

Janicke,  Gelehrtes  Pommernland.  —  Jucher,  AVnern. 
Gel.Lexikon. 

9 


259 


LEDEBUR  — 


lëdebfk  (  Léopold-Charles-Guillaume- 
Augus/c),  historien  allemand  ,  né  à  Berlin,  le 
2  juillet  1799.  Entré  en  1816  dans  un  régiment 
de  la  garde,  il  quitta  le  service  en  1828  avec  le 
grade  de  capitaine.  Il  devint  plus  tard  directeur 
de  trois  divisions  du  musée  de  Berlin,  des  collec- 
tions ethnographiques,  du  musée  des  antiquités 
nationales,  et  de  la  Kunstkammer  du  roi.  On  a 
de  lui  :  Das  Land  und  Volk  der  Brukterer 
(Les  Bructères  et  leur  pays);  Berlin,  1827; 
—  Krilische  Beleuchtung  einiger  Punkte 
in  den  Feldzugen  Karls  des  Grossen  gegen 
die  Sacksen  und  Slawrn  (  Examen  critique 
de  quelques  questions  concernant  les  cam- 
pagnes de  Charlemagne  contre  les  Saxons  et 
les  Slaves  )  ;  Berlin,  1 829  ;  —  Die  fùnf  mùns- 
lerschen  Gaueund  die  sieben  Seelande  Fries- 
land  (  Les  cinq  Cantons  du  pays  de  Munster  etles 
sept  cantons  maritimes  de  la  Frise);  Berlin, 
1836;  —  Blicke  auf die  Literatur  des  letzten 
Jahrzehnds  zur  Kenntniss  Germaniens  zwis- 
chen  dem  Rhein  und  der-  Weser  (  Coup  d'œil  sur 
les  ouvrages  publiés  dans  les  dix  dernières  années 
pour  la  connaissance  des  pays  de  l'ancienne 
Germanie  compris  entre  le  Rhin  et  le  Weser)  ; 
Berlin,  1837  ;  —  Ueber  die  in  den  baltischen 
Làndern  gefundene  Zeugnisse  eines  Han- 
delsverkehrs  mit  dem  Orient  (Sur  les  Témoi- 
gnages de  relations  commerciales  entre  les  pays 
Baltiques  et  l'Orient);  Berlin,  1840;  —  Nord- 
thuringen  und  die  Hermunduren  (LaThu- 
ringe  septentrionale  et  les  Hermundures  )  ;  Ber- 
lin, 1842  et  1852  ;  —  Die  heidnischcn  Alter- 
thûmer  des  Regierungsbezirks  Potsdam  (  Les 
Antiquités  païennes  de  la  régence  de  Potsdam  )  ; 
Berlin,  1852; —  Dynastische  Forschungene 
(Recherches  sur  divers  seigneurs  du  moyen  âge); 
Berlin,  1853;  —  Preussens  Adelslexikon  (  Dic- 
tionnaire de  la  Noblesse  prussienne)  ;  Berlin,  1854 
et  suiv.  Ledebur  a  publié  plusieurs  monographies 
historiques  sur  diverses  localités  de  l'Allemagne; 
il  à  aussi  fait  paraître  un  très-grand  nombre 
d'articles  dans  le  Allgemeines  Archiv  fur  die 
Geschichtskunde  des  preussischen  Staats; 
Berlin,  1830-1836,  2  vol.  E.  G. 

ConversationsLexikon. 

LEDEIST.  Voy.  KÉRIVA.LANT. 

ledeist  de  botidocx,  homme  politique 
et  littérateur  français ,  né  vers  1750,  à  Uzel 
(Bretagne),  mort  à  Paris,  en  1823.  Il  fut 
membre  des  états  généraux  en  1789,  où  il  entra 
comme  suppléant  et  prit  plusieurs  fois  la  pa- 
role contre  les  plans  financiers  du  ministre 
Necker.  Il  entra  ensuite  dans  l'armée  comme 
capitaine  au  34e  régiment  d'infanterie,  et  servit 
quelque  temps  sous  La  Fayette.  Il  quitta  le  ser- 
vice actif  pour  l'administration ,  et  devint  com- 
missaire aux  revues,  puis  commissaire  ordonna- 
teur à  l'armée  des  Alpes.  11  partagea  la  pros- 
cription du  parti  girondin,  et  sechargea  d'aider  au 
soulèvement  de  la  Bretagne.  Puisaye  le  reconnut 
pour  secrétaire  du  comité  insurrecteur  général , 


LEDERMULLER  260 

séant  à  Locminé.  Après  les  divers  échecs  du  parti 
royaliste,  Ledeist  lit  sa  soumission  à  La  Mabi- 
lais.  Il  vécut  jusqu'à  la  restauration  éloigné  des 
affaires  publiques ,  et  ne  s'occupant  que  de  litté- 
rature. Au  retour  des  Bourbons,  il  obtint  l'em- 
ploi de  messager  d'État  près  la  chambre  des 
pairs.  On  a  lui  :  Satires  d'Horace,  trad.  en 
vers  français;  Paris,  1804;  — une  traduction 
des  Commentaires  de  César;  Paris,  1809, 
5  vol.;  —  une  traduction  des  Lettres  de  Cicéron 
à  son  frère  Quintus,  avec  Notes;  Paris,  1813, 
in-12  ;  —  Esquisse  de  la  carrière  militaire  de 
F.-Chr.  de  Kellermann,  duc  de  Valmy,pair 
et  maréchal  de  France;  Paris,  1817,  in-8°; 
—  Des  Celtes,  antérieurement  aux  temps 
historiques;  Paris,  1818,  in-8°  ;  — quelques 
brochures  de  circonstance,  aujourd'hui  sans  in- 
térêt. H.  Lesueur. 

Mahul,  annuaire  Nécrologique,  ann.  1823.  —  Quérard, 
La  France  Littéraire. 

lederlin  {Jean-Henri),  philologue  fran- 
çais, né  à  Strasbourg,  le  18  juillet  1672,  mort  le 

7  septembre  1737.  Fils  d'un  tailleur,  il  dut  à  la 
bienfaisance  du  bourgmestre  Frôreisen  les 
moyens  de  faire  ses  études.  Il  enseigna  plus 
tard  les  langues  grecque  et  hébraïque  dans  sa 
ville  natale,  et  devint  chanoine  à  Saint -Thomas. 
On  a  de  lui  une  édition  estimée  de  l'Onomas- 
ticon  de  J.  Pollux,  grec  et  trad.  latine  avec  des 
commentaires;  Amsterdam,  1706,  in-fol.;  — 
des  édilions  de  Viger,  De  prœcipuis  grsecœ 
Dictionis  idiotismis;  Strasbourg,  1708,  in-8°; 
de  Brisson,  De  regio  Persarum  Principatu; 
et  Strasbourg,  1710,  in-8°;  d'Élien,  Variée  his- 
toriée; Strasbourg,  1713.  —  Lederlin  a  aussi 
publié  une  douzaine  de  dissertations  philoso- 
phiques et  archéologiques.  A  la  bibliothèque 
de  Strasbourg  on  conserve  trois  volumes  in-4% 
écrits  de  sa  main ,  qui  contiennent  ses  Collec- 
tanea  Philologica,  ses  Adversaria ,  et  ses  Hy- 
pomneumaia.  E.  G. 

Acta  historico-ecclesiastica  ;  Leipzig  et  Weiraar,  1734- 
1758,  t.  III,  p.  90.  —  Harles,  Vitee  Pliilologorum.  t.  III, 
p.  1-31.  —  Leclerc,  Bibliothèque  choisie,  t.  X,  p.  276,  et 
t.  XI,  p  346.  —  Nova  Acta  Entditorum,  ann.  1739,  p.  428. 

lederaivller  (  Martin  -  Frobenius  ) , 
physicien  allemand,  né  à  Nuremberg,  le  20 
août  1719,  mort  dans  cette  ville,  le  16  mai 
1769.  Après  avoir  mené  une  vie  assez  aventu- 
reuse, il  commença  en  1749  à  s'occuper  d'une 
manière  suivie  des  sciences  naturelles.  Ses  tra- 
vaux microscopiques  eurent  beaucoup  de  succès, 
et  engagèrent  un  grand  nombre  de  savants  à  se 
livrer  à  des  recherches  semblables.  On  a  de  lui  : 
Physikalische  Beobachtungen  der  Saamen- 
Thierchen  durch  die  allerbesten  Vergroesse- 
rungsglaeser  (Observations  physiques  des  ani- 
malcules spermatiques  au  moyen  des  meilleurs 
microscopes);  Nuremberg,  1756,    in-4°,   avec 

8  planches;  —  Versuch  zu  einer  gruendlichen 
Vertheidigung  der  Saamen-Thierchen  (Défense 
des  Animalcules  spermatiques,  etc.);  ibid.,  1758, 
in-8°,  avec  6  planches  ;  —  Mikroskopische  Bey- 


261  LEDERMTJLLER  —  LEDIEU 

*r«#e  (Études  microscopiques);  ibid.,  1759,  in-8°; 
—  Mikroskopische  Gemueths  und  Augener- 
goetzungen  (Amusements  microscopiques,  tant 
pour  l'esprit  que  pour  les  yeux)  ;  ibid.,  1760-1764, 
3  vol.  in-4".  Cet  ouvrage,  dont  on  a  publié  en 
Allemagne  plusieurs  éditions,  a  été  traduit  aussi 
en  français;  Nuremberg,  1768.  Dr  L. 

Rotennund,  Supplément  à  .lOchcr.  —  Meusel,  Lexikon, 
p.  10!.  —    NopUsch,  IVilts  Piurenbergisehes  Ge- 


262 


lehrten  Lexikon,  M* Supplément,  p.  282-290. 

ledesma  (Blas  de),  peintre  espagnol,  de  la 
fin  du  seizième  siècle,  et  né  en  Andalousie,  Il 
adopta  la  manière  italienne,  et  peignit  de  préfé- 
rence des  sujets  grotesques;  on  a  cependant  de 
lui  quelques  bonnes  fresques,  représentant  des 
saints  ou  des  laits  historiques.  A.  de  L. 
Quilliet,  Dictionnaire  des  Peintres  espagnols. 
ledesma  (José  de ),  peintre  espagnol,  né  à 
Burgos,  en  1630,  mort  en  1670.  Il  fit  ses  premières 
études  artistiques  dans  sa  patrie,  et  se  perfec- 
tionna à  Madrid  sous  les  leçons  de  Juan  Carreno, 
dont  il  acquit  la  belle  couleur.  Malgré  sa  courte 
existence,  Ledesma  a  laissé  beaucoup  de  tableaux, 
presque  tous  à  Madrid.  On  cite  parmi  ces  tableaux, 
chez  les  récollets  :  Saint  Jean-Baptiste;—  La 
Sainte  Trinité;  — V Incarnation  ;  —  Saint. 
François  ;  —  chez  les  trinitaires  :  Saint  Domi- 
nique ;  —  au  musée  royal  :  Le  Christ  au  tom- 
beau. A.   DE  L. 

Don  Mariano-Lopez  Aguado,  El  real  Museo;  Madrid, 
183S. 

ledesma  (  Alonso  de  ),  poète  espagnol,  né  à 
Ségovie,  en  1552,  mort  en  1623.  On  n'a  pas  de 
détails  sur  sa  vie,  et  ses  ouvrages  sont  peu  lus 
aujourd'hui;  mais  ils  obtinrent  beaucoup  de 
succès  à  leur  apparition ,  et  restent  des  témoi- 
gnages curieux  du  goût  littéraire  en  Espagne,  au 
commencement  du  dix-septième  siècle.  La  poésie 
lyrique  en  décadence  tentait  de  se  rajeunir  en 
imitant  la  naïveté  des  vieilles  ballades ,  et  cher- 
chait un  nouvel  éclat  dans  les  plus  étranges  com- 
binaisons d'idées  et  de  mots.  De  là  deux  ma- 
nières, l'une  estimable  quoique  un  peu  rude, 
l'autre  fausse,  obscure  et  affectée  jusqu'à  l'extra- 
vagance. Ledesma  s'essayadans  toutes  deux, et  ne 
réussit  que  dans  la  seconde.  Ses  Conceptos  espi- 
rituales,  dont  les  trois  parties  parurent  succes- 
sivement à  Madrid,  1600,  1606,  1616,  in-8°, 
n'eurent  pas  moins  de  neuf  éditions  de  son  vi- 
vant. Ce  sont  de  petites  pièces  sur  des  sujets 
religieux.  On  y  trouve  des  indices  d'un  beau  ta- 
lent malheureusement  gâté  par  la  recherche  et 
enflure.  Le  succès  des  Conceptos  espirituales 
favorisa  le  développement  de  cette  école  des 
onceplistas ,  composée  de  mystiques  et  de 
îeaux  esprits,  qui  portèrent  si  loin  dans  la  poésie 
ît  dans  l'éloquence  sacrée  l'abus  des  métaphores 
it  des  pointes.  L'influence  des  conceptistas  s'é- 
endit  sur  les  premiers  écrivains  de  cette  époque. 
l.ope  de  Vega,  qui  n'en  fut  pas  exempt,  a  pro- 
iigué  à  Ledesma  des  louanges  fort  exagérées, 
t  ses  contemporains  lui  ont  donné  le  surnom  de 
frw».  Cependant,  à  part  quelques  sonnets  et  quel- 


ques ballades  toriques,  insérés  dans  Jes  Con- 
ceptos espirituales,  ses  poésies  sont  aujourd'hui 
justement  oubliées.  On  a  encore  dé  lui  :  Jnegos 
de  la  Naçhe  Buena;  Barcelone,  161 1,  in  8°  :  re- 
cueil de  pièces  joyeuses  et  satiriques  qui  est  sé- 
vèrement interdit  dans  l'Index  expurgatorius 
de  l'inquisition;  —  El  Monstruo  imaginado ; 
Barcelone,  ICf 5,  in-8".  Cet  ouvrage  commence 
par  des  ballades,  et  finit  par  une  courte  fiction 
en  prose,  qui  a  donné  son  nom  au  volume.  C'est 
une  série  d'allégories  exprimées  dans  un  langage 
bizarrement  métaphorique  qui  les  rend  inintelli- 
gibles. Quelques-uns  des  poëmes  contenus  dans 
le  Monstruo  imaginado  ont  pour  sujet  la  mort 
de  Philippe  II,  et  sont  singulièrement  irrévéren- 
cieux, soit  au  point  de  vue  politique,  soit  au  point 
de  vue  religieux  ;  —  Epigramas  y  Geroglificos 
a  la  vida  de  Christo,festividades  de  Nucstra 
Senora,  Excelencias  de  sanctos,  y  grandezas 
de  Segobia;  Madrid,  1625;  —  Epitome  de  la 
vida  de  Chris to  en  discursos  metaforicos  ; 
Ségovie,  1629.  On  trouve  six  pièces  de  Ledesma 
dans  le  Parnaso  Espanol,  t.  V,  p.  XXXI.  L.  J. 

Nicolas  Antonio,  Bibliotheca Hispananova.  —  Ticknor, 
History  of  Spanish  Literature,  t.  H,  p.  482. 

lediec  (  François  ),  écrivain  français  ,  né  à 
Péronne,  mort  à  Paris,  le  7  octobre  1713.  En- 
gagé dans  les  ordres  ,  il  fut  attaché  depuis  1684 
à  Bossuet,  en  qualité  de  secrétaire  particulier, 
resta  près  de  lui   pendant  les  vingt  dernières 
années   de  la  vie  du  grand  évêque ,   et  devint 
chanoine  et  chancelier  de    l'église  de  Meaux. 
Quatre  ans  avant  la  mort  de  Bossuet,  l'abbé  Ledieu 
imagina  de  tenir  un  journal  de  ce  qui  se  passait 
près  de  lui ,  et  il  continua  ce  registre  de  1699  à 
1713,  année  de  sa  propre  fin.  Suivant  M.  Sainte- 
Beuve,  «  l'abbé  Ledieu  n'a  pas  le  dessein  de  dimi- 
nuer Bossuet,  mais  il  soumet  son  illustre  maître 
à  une  épreuve  à  laquelle  pas  une  grandefigure  ne 
résisterait;  il  note  jour  par  jour  à  l'époque  de  la 
maladie  dernière  et  du  déclin  tous  les  actes  et 
toutes  les  paroles  de  faiblesse  qui  lui  échappent, 
jusqu'aux  plaintes  et  doléances  auxquelles  on 
se  laisse  aller  la  nuit  quand  on  se  croit  seul,  et 
dans  cette  observation  il  porte  un  esprit  de  pe- 
titesse qui  se  prononce  de  plus  en  plus  en  avan- 
çant ,  un  esprit  bas  qui  n'est  pas  moins  dange- 
reux que  ne  le  serait  une  malignité  subtile  ».  Sur 
les  premiers  dehors  et  sur  les  commencements 
du  journal   de  l'abbé  Ledieu  ,  M.  Sainte-Beuve 
letraitaitd'ecclésiastique  «  estimable,  laborieux; 
ce  n'était  point  un  ami,  ajoutait-il,  mais  un  do- 
mestique dévoué  et  fidèle  ».  En  voyant  la  fin  de 
ce  journal,  le  sagace  critique  se  rétracte,  et  dit 
de  Ledieu  :  «  Son  caractère  est  dénué  de  toute 
élévation,  et  le  cœur  n'y  supplée  pas.  En  parais- 
sant  attaché  à  Bossuet ,  il  ne   poursuivait  que 
son  propre  intérêt  et  celui  des  siens.   »  Le  fait 
est  que  Ledieu  avoue  qu'il  cherchait  surtout  à 
obtenir   les  faveurs    de    l'évêque   de   Meaux  ; 
mais  l'abbé  Bossuet,  neveu  du  prélat,  trouvait 
toujours  le  moyen  de  l'empêcher  d'arriver   à 

9. 


263 


LEDIEU 


264 


son  but.  Ledieu  nous  apprend  que  M.  de  Meaux 
a  «  gobé  tous  les  éloges  qu'il  a  voulu  lui  don- 
ner ».  11  n'en  fut  pourtant  pas  plus  avancé  pour 
cela.  «  L'abbé  Ledieu,  malgré  les  longues  an- 
nées qu'il  resta  auprès  de  Bossuet,  n'entra  donc 
jamais,  ainsi  que  le  remarque  M.  Sainte-Beuve, 
dans  son  intime  confiance,  et  ne  reçut  jamais  de 
lui  aucune  confidence  proprement  dite;  il  ne  sut 
les  choses  importantes  qu'au  fur  et  à  mesure,  à 
force  d'attention  et  après  coup.  11  y  avait  l'œil, 
comme  il  dit,  il  y  mettait  de  la  suite  et  arrivait 
avec  un  peu  de  temps  à  tout  savoir  et  à  bonne 
fin.  »  Exclu  de  la  chambre  de  son  maître  aux  ap- 
proches de  la  mort,  il  ne  fut  pas  inscrit  sur  le 
testament  du  prélat,  non  plus  que  les  autres 
domestiques,  que  Bossuet  recommande  seule- 
ment à  la  libéralité  de  son  légataire.  Ledieu 
trouve  que  cet  acte  déshonore  son  auteur.  Ce- 
pendant, sur  la  demande  de  l'abbé  Bossuet,  il  se 
meta  composer  des  Mémoires  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages du  grand  évêque,  mémoires  destinés 
à  servir  de  matériaux  pour  une  oraison  funèbre. 
<c  Ces  mémoires,  composés  peu  après  la  mort  de 
Bossuet ,  et  tout  d'une  haleine ,  sont  un  récit 
large  et  animé,  dit  M.  Sainte-Beuve,  un  tableau 
de  la  vie,  des  talents  et  des  vertus  du  grand 
évêque.  L'abbé  Ledieu,  dans  cet  ouvrage,  se 
soigne,  et  il  écrit  comme  en  vue  du  public;  son 
style  a  de  la  facilité,  du  développement,  des 
parties  heureuses  ;  on  sent  l'homme  qui  a  vécu 
avec  Bossuet,  et  qui  en  parle  dignement ,  avec 
admiration,  avec  émotion...  Ces  mémoires,  d'une 
lecture  pleine  et  aisée,  nous  montrent  Bossuet 
dans  sa  généalogie  et  dans  sa  race,  dans  son 
enfance  et  son  éducation  première,  dans  sa  crois- 
sance naturelle  et  continue.  Toute  la  partie  où 
Ledieu  parle  de  l'éloquence  première  de  Bossuet 
et  des  études  par  lesquelles  il  la  nourrissait  est 
d'un  grand  charme.  11  n'avait  pas  été  témoin, 
mais  il  avait  vu  et  interrogé  des  témoins,  il  avait 
fait  parler  le  prélat  lui-même  ;  il  écrit  comme 
quelqu'un  qui  porte  un  sentiment  d'enthou- 
siasme et  de  vie  dans  ces  choses  d'autrefois  qu'il 
veut  rendre.  On  a  par  lui  le  mouvement  et  comme 
le  coloris  de  cette  jeunesse  de  Bossuet.  Dans  cet 
ouvrage,  Ledieu  justifie  bien  les  expressions  par 
lesquelles  il  se  définit  lui-même  à  côté  de  Bos- 
suet, «  un  homme  tout  à  lui,  passionné  pour 
sa  gloire,  et  très-curieux  de  recueillir  les  moindres 
circonstances  qui  peuvent  orner  une  si  belle 
vie.  Il  rachète  par  là  ce  qu'il  y  a  d'un  peu  petit  et 
d'un  peu  bas  dans  son  journal.  » 

Ledieu  lut  le  commencement  de  ces  mémoires 
aux  amis  de  Bossuet,  qui  y  applaudirent  et  lui 
donnèrent  Hes  encouragements.  Quelques-uns  lui 
dirent  que  c'était  un  trésor,  et  que  ce  serait  rendre 
un  bon  office  à  IVglise  que  de  les  publier.  «  Son 
mobile,  suivant  M.  Sainte-Beuve,  n'est  d'ailleurs 
pas  plus  élevé  en  cette  occasion  que  dans  toutes 
les  autres  ;  il  ne  songe  qu'à  se  rendre  nécessaire, 
à  se  faire  un  sort,  comme  on  dit,  du  côté  de 
l'abbé  Bossuet,  en  lui  prouvant  qu'il  est  l'homme 


indispensable  pour  une  édition  des  œuvres,  et 
surtout  pour  la  publication  des  écrits  posthu- 
mes. »  Quoi  d'étonnant  à  cela  :  il  n'y  avait  que 
Ledieu  qui  pût  bien  lire  les  manuscrits  de  Bos- 
suet et  s'y  reconnaître.  Quelqnes-uns  des  amis 
de  Bossuet ,  comme  l'abbé  Fleury  et  le  docteur 
Pirot,  désignaient  positivement  l'abbé  Ledieu 
pour  cette  lâche.  Celui-ci  ne  demandait  qu'une 
pension  et  un  logement  à  Paris.  L'abbé  Bossuet, 
plus  occupé  de  son  avancement  que  de  la  gloire 
de  son  oncle,  n'alla  pas  jusque  là  avec  l'ancien 
secrétaire  de  Bossuet,  que  le  grand  homme  a  in- 
dignement oublié.  Il  le  reçoit,  le  défraye  pen- 
dant ses  voyages  à  Paris  ;  mais  il  s'étonne  que 
Ledieu  ne  travaille  pas  davantage.  Celui-ci  avait 
revu  et  mis  au  net  les  manuscrits  de  la  Poli- 
tique ,  des  Élévations ,  des  Méditations  sur 
les  Évangiles;  l'abbé  Bossuet  trouva  les  ca- 
hiers bien  petits.  «■  Je  suis  bien  résolu  à  ne  m'en 
pas  hâter  davantage,  écrit  Ledieu,  et  pour  le 
profit  que  j'en  reçois,  ce  n'est  pas  la  peine  de 
me  tant  fatiguer.  »  Ledieu  fait  toujours  valoir 
son  importance  ;  l'abbé  Bossuet  ne  se  décide  à 
aucun  sacrifice,  et  quelques  ouvrages  du  prélat 
paraissent  sans  Ledieu;  celui-ci  manifeste  son 
mécontentement  en  faisant  entendre  qu'il  avait  de 
meilleures  copies  :  rien  n'ébranle  l'abbé  Bossuet, 
et  Ledieu,  dégoûté,  ne  s'occupe  plus  de  la  gloire 
de  son  maître.  Heureusement  le  nouvel  évêqne  de 
Meaux  l'avait  parfaitement  accueilli;  Ledieu  a 
joint  un  prieuré  à  son  canonicat ,  et,  comme  il  le 
dit,  il  est  «  sur  ses  pieds  et  n'a  que  faire  des  Bos- 
suet ».  Il  faut  que  Ledieu  demande  à  plusieurs 
reprises  un  petit  calice  de  vermeil  avec  lequel 
il  disait  la  messe  à  Paris  pour  Bossuet  et  un 
missel,  avant  de  les  obtenir  ;  il  faut  même  qu'il 
rende  de  nouveaux  services  à  l'abbé  Bossuet 
pour  que  celui-ci  s'exécute.  Doit-on  s'étonner 
après  cela  si  devant  de  pareilles  villénies  Le- 
dieu oublie  son  ancien  évêque  ?  «  Ce  n'est  qu'un 
valet  de  chambre  mécontent,  »  s'écrie  M.  Sainte- 
Beuve.  Soit ,  mais  cela  excuse-t-il  la  conduite  du 
neveu  de  Bossuet  à  son  égard  ?  Ledieu  raconte 
avec  complaisance  toutes  ses  affaires  ;  il  donne  des 
détails  sur  des  querelles  de  chœur  qui  rappellent 
celles  du  Lutrin.  Il  achète  une  maison  à  Meaux, 
sous  un  faux  nom,  la  meuble  gentiment,  arrange 
le  jardin ,  et  se  trouve  heureux.  «  Dieu  soit 
loué ,  écrit-il ,  me  voici  assez  bien  meublé  et 
nippé  !  Il  faut  à  présent  faire  bien  aller  la  cui- 
sine et  tout  assaisonner  de  bon  vin.  »  Mais  sa 
santé  s'affaiblit ,  et  son  bonheur  est  de  courte 
durée;  des  tumeurs  lui  vinrent  au  pied  ,  et  au 
bout  de  quelques  années  il  mourut.  Il  avait  laissé 
en  manuscrit  des  Mémoires  sur  V Histoire  et 
les  Antiquités  du  diocèse  de  Meaux,  que  le 
père  Lelong  appelle  des  brouillons  sans  ordre, 
sans  méthode,  sans  suite,  sans  liaison,  conservés 
dans  la  bibliothèque  de  Saint-Faron.  Ses  mé- 
moires sur  Bossuet  étaient  aussi  restés  manus- 
crits ;  ils  avaient  été  compulsés  et  cités  par  tous 
ceux  qui  ont  écrit  avec  autorité  sur  l'évêque  de  ; 


265  LEDIEU  —  LEDROU 

Meaux,  comme  le  cardinal  de  Bausset  et  M.  Flo- 
quet.  L'abbé  Guettée  les  a  fait  paraître  avec  le 
journal  de  l'abbé  Ledieu  sous  ce  litre  :  Mémoi- 
res et  journal  de  l'abbé  Ledieu  sur  la  vie  et 
les  ouvrages  de  Bossue t,  publies  pour  la  pre- 
mière fois  d'après  les  manuscrits  autogra- 
phes, et  accompagnés  d'une  introduction  et 
de  notes;  Paris,  1856-1857,4  vol.  in-8°. 

L.  Locvet. 
P.  Lelong,   Bibliotfi.   Hist.   de  la  France.  —  Ledieu, 
Journal.    —   Sainte-Beuve,  dans  Le,    Moniteur  des  31 
mars  1856,  14  avril  1856,  et  30  mars  1857. 

LE  DIGNE  (ISicolas  ),  sieur  de  L'Espine-Fon- 
tenay,  poète  français,  né  en  Champagne,  vers  le 
milieu  du  seizième  siècle,  mort  vers  1611.  Il  fut 
d'abord  militaire,  et  porta  les  armes  en  Italie;  il 
changea  ensuite  complètement  de  profession ,  et, 
devenu  ecclésiastique,  il  obtint  les  prieurés  de 
L'Enfourchure  et  de  Condes.  C'est  en  ce  dernier 
endroit  qu'il  acheva  sa  vie,  cherchant  des  dis- 
tractions dans  la  culture  des  lettres.  Ami  de  Be- 
roaldde  Yerville,  il  lui  adressa  une  jolie  pièce  de 
vers  insérée  dans  les  Appréhensions  spirituelles 
de  cet  écrivain  souvent  bizarre  (Paris,  1583)  : 
elle  a  pour  titre  :  Contre  ceux  qui  écrivent  d'a- 
mours ;  il  y  a  de  la  facilité,  et  le  ridicule  de  ces 
amoureux  alors  si  nombreux  sur  le  Parnasse  et 
chantant  ennuyeusement  des  beautés  imaginaires 
est  raillé  avec  une  malice  naïve.  Un  volume  de 
vers  de  Le  Digne ,  Les  Fleurettes  du  premier 
Mélange,  Paris,  1601,  contient  quelques  mor- 
ceaux où  il  y  a  du  naturel  et  de  l'aisance.  La 
plupart  des  compositions  de  cet  auteur  se  rap- 
portent à  des  sujets  pieux  :  ses  Premières  Œu- 
vres chrétiennes,  Paris,  1600;  sa  Couronne 
de  la  Vierge  Marie,  1610;  sa  Madeleine  et 
autres  petites  œuvres  ,  Paris,  1610,  sont  de- 
Tenues  la  proie  de  l'oubli.  Il  laissa  un  grand 
nombre  d'écrits  demeurés  inédits  :  des  traduc- 
tions en  vers  des  Psaumes,  du  Jephté  de  Bu- 
chanan,  de  \' Hercule  mourant  de  Sénèque,  des 
Pastorales,  des  sonnets  intitulés  Chastes  Sou- 
pirs. G.  B. 

Violet-Leduc,  Bibliothèque  Poétique,  t.  I,  p.  362,  et 
Histoire  de  la  Satire  en  France,  en  tête  de  son  édition 
de  Régnier. 

ledoyen  (Guillaume),  poète  français,  né 
à  Laval,  mort  dans  la  même  ville,  en  1537.  Ce 
qu'il  nous  apprend  de  sa  vie  est  tout  ce  que  nous 
en  savons.  Jl  était  notaire,  et  dépensait  en  homme 
de  goût  les  profits  de  son  étude  :  ainsi ,  grand 
amateur  des  représentations  scéniques,  il  faisait 
jouer  à  ses  frais  des  mystères   sur  la  grande 
y  place  de  Laval.   Il  y  a  plus  :  un  certain  jour, 
H  abandonné  par  les  compagnons  entrepreneurs, 
n  avec  lesquels  il  avait  fait  marché  pour  une  re- 
présentation du  Bon  et  du  Mauvais  Pèlerin,  il 
|  monta  lui-même   sur  les  tréteaux,  et  récita  la 
pièce.  On  a  de  Guillaume  Ledoyen  un  poème 
historique,  dont  quelques  fragments  ont  seuls  vu 
le  jour  ;  ce  poème,  intitulé  :  Annales  et  Chro- 
niques du  pays  et  comté  de  Laval  et  par- 
ties circonvoisines ,  commence  à  l'année  1480 


266 


et  finit  à  l'année  1537.  Le  Supplément  français 
de  la  Bibliothèque  impériale  en  possède  un 
exemplaire.  B.  H. 

Uesportes,  Hiblinnr.  du  Vaine.  —  B.  Hauréau,  Hist. 
Litt.  du  Maine,  t.  111,  p.  567. 

ledkan  (Henri-François) ,  chirurgien  fran- 
çais, né  à  Paris,  en  1685,  mort  dans  la  même 
ville,  le  17  octobre  1770.  Son  père,  Henri  Le- 
dran,  mort  en  1720,  était  un  des  premiers  opé- 
rateurs de  son  temps,  et  s'était  acquis  une  grande 
réputation  dans  les  armées.  Il  dirigea  l'éducation 
de  son  fils.qui  devint  chirurgien  major  et  démons- 
trateurd'anatomieà  La  Charité,  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  Chirurgie,  chirurgien  consultant 
des  camps  et  armées  du  roi  et  associé  de  la  So- 
ciété royale  de  Londres.  Il  était  surtout  renom- 
mé pour  la  lithotomie.  Partisan  du  grand  ap- 
pareil, il  voulait  qu'on  donnât  assez  d'étendue  à 
l'incision  pour  que  l'extraction  de  la  pierre  ne 
causât  pas  de  dilacération  à  la  vessie.  Il  n'ad- 
mettait le  haut  appareil  que  dans  le  cas  où  la 
vessie  est  saine  et  le  calcul  très-volumineux.  II 
inventa  une  nouvelle  sonde  pour  remplacer  la 
sonde  d'Albinus.  Dans  le  traitement  des  plaies 
d'armes  à  feu  ,  il  propagea  la  méthode  des 
grandes  incisions ,  restreignit  l'usage  du  séton  et 
proscrivit  l'application  de  plumasseaux  de  char- 
pie imbibés  d'eau-de-vie.  Il  attribuait  une  grande 
influence  aux  esprits  animaux,  et  admettait  une 
foule  d'hypothèses  erronées.  Du  reste  il  ne  dis- 
simule pas  ses  fautes  dans  ses  écrits,  parle  de 
ses  succès  sans  vanité,  et  n'indique  jamais  un 
nouveau  procédé  sans  en  citer  l'auteur.  On  a  de 
lui  :  Parallèle  des  différentes  manières  de 
tirer  la  pierre  hors  de  la  vessie;  Paris,  1730, 
1740,  in-8°;  avec  une  suite,  Paris,  1756,  in-8°; 
—  Observations  de  Chirurgie,  auxquelles  on 
a  joint  plusieurs  réflexions  en  faveur  des 
étudiants;  Paris,  1731,  1751,  2  vol.  in-12;  — 
Traité  des  Opérations  de  Chirurgie  ;  Paris, 
1731,  1742,  in-8°;  Bruxelles,  1745,  in-8°; 
Londres,  1749,  in-8°  :  cette  dernière  édition 
contient  des  additions  de  Cheselden;  —  Ré- 
flexions pratiques  sur  les  plaies  d'armes  à. feu  ; 
Paris,  1737,1740,  1759,  in-12;  Amsterdam, 
1745,  in-12;  —  Consultations  sur  la  plupart 
des  maladies  qui  sont  du  ressort  de  la  chi- 
rurgie ;  Paris,  1765,  in-8°  ;  —  Traité  écono- 
mique de  l'Anatomie  du  corps  humain;  Pa- 
ris, 1768,  in-12  ;  —  Récit  d'une  guérison  sin- 
gulière de  plomb  fondit  dans  la  vessie,  et 
Lettre  sur  la  dissolution  du  plomb  dans  cet 
organe  ;  Paris ,  1749.  Ledran  a  en  outre  con- 
signé un  grand  nombre  d'observations  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  de  Chirurgie.  J.  V. 

Chaudon  et  Delandine,  Dict.  vniv  Histor.,  crit.  et 
Bibliographique. 

ledrou  (Pierre- Laurent),  prélat,  et  con- 
troversiste  belge,  né  à  H uy,  en  1640,  mortà  Liège, 
le  6  mai  1721.  Il  fit  ses  éludes  à  Louvain,  où  il 
fut  reçu  docteur.  Il  prit  l'habit  religieux  chez  les 
augustins  de  cette  ville,  où  il  professa  la  théo- 
logie avec  réputation.  Le  pape  Innocent  Xï  l'ap 


267 


LEDROU 


pela  à  Rome,  et  le  nomma  préfet  de  la  Propa- 
gande. Innocent  XII  le  créa  évêque  in  partibus 
de  Porphyre.  Nommé  consulteur  dans  l'affaire 
des  jansénistes,  il  prit  parti  pour  le  père  Ques- 
nel;  ce  qui  lui  valut  sa  disgrâce  auprès  de  la  cour 
papale.  Il  termina  ses  jours,  plus  qu'octogénaire, 
comme  vicaire  général  du  diocèse  de  Liège.  On 
a  de  lui  quatre  Dissertations  sur  la  Contrition 
et  l'Attrition;  Rome,  1707,  et  Munich,  1708. 

A.   L. 

Moréri,  Le  Grand  Dict.  Hist.  —  Becdelièvre-Hamal , 
Biogr.  Liégeoise. 

leorc  (André-Pierre),  naturaliste  et  histo- 
rien français,  né  à  Chantenay  (  Maine),  le  22  jan- 
vier 1761,  mort  au  Mans,  le  11  juillet  1825.  Il 
embrassa  fort  jeune  la  carrière  ecclésiastique, 
et  se  trouvait  vicaire  à  la  révolution ,  dont  il 
adopta  les  principes.  Il  prêta  serment  à  la  cons- 
titution civile  du  clergé  en  1791,  et  fut  nommé 
curé  de  la  paroisse  du  Pré  au  Mans.  En  1793  il 
se  retira  d'abord  dans  sa  famille,  et  vint  ensuite 
chercher  un  refuge  à  Paris.  Il  obtint  du  Directoire 
l'autorisation  d'accompagner  comme  botaniste  le 
capitaine  Baudin  dans  son  expédition  aux  Ca- 
naries et  aux  Antilles.  Ledru  recueillit  un  grand 
nombre  de  plantes,  la  plupart  inconnues,  dont 
les  échantillons,  déposés  au  Muséum  d'Histoire 
Naturelle  à  Paris,  ont  été  presque  tous  décrits 
par  Poiret  dans  l'Encyclopédie  Méthodique. 
Des  collections  de  graines,  de  minéraux,  de  co- 
quilles furent  encore  le  résultat  de  ses  recher- 
ches. A  son  retour  en  France,  en  1798,  il  fut 
nommé  professeur  de  législation  à  l'école  centrale 
de  la  Sarthe.  Éloigné  de  l'enseignement  public 
lors  de  l'établissement  de  l'université  ,  il  ouvrit 
dans  sa  maison ,  au  Mans,  un  cours  gratuit  de 
physique  et  d'histoire  naturelle.  Possesseur  d'une 
immense  bibliothèque,  d'un  riche  herbier,  d'un 
jardin  botanique  dont  la  création  et  l'entretien 
occupèrent  une  partie  de  sa  vie,  il  attirait  chez 
lui  des  jeunes  gens  avides  d'instruction.  A  l'é- 
poque de  la  restauration  il  vint  à  Paris,  en  1816; 
mais  il  resta  sans  emploi,  et  retourna  au  Mans. 
Il  a  légué  à  cette  ville  un  herbier  de  près  de 
6,000  espèces,  composé  en  grande  partie  d'échan- 
tillons rapportés  de  son  voyage  ;  cet  herbier  a 
été  déposé  au  muséum  de  la  ville.  De  Candole 
lui  a  dédié  un  nouveau  genre  de  la  famille  des 
ombellifères ,  sous  le  nom  de  drusa.  On  a  de 
l'abbé  Ledru  :  Discours  contre  le  Célibat  ec- 
clésiastique;^ Mans,  1793,  in8°  ;— Histoire  de 
la  Prise  du  Mansparles  calvinistes  en  1562, 
dans  Y  Annuaire  de  la  Sarthe,  an  x;  — •  Ob- 
servations sur  l'histoire  du  Maine,  et  Cata- 
logue des  meilleurs  ouvrages  imprimés  ou 
manuscrits  à  consulter  pour  écrire  l'histoire 
de  cette  province ,  dans  le  même  Annuaire, 
an  xi  et  an  xn  ;  —  Mémoire  sur  les  Cérémonies 
religieuses  et  le  vocabulaire  des  Guanches, 
premiers  habitants  des  îles  Canaries;  dans 
les  Mémoires  de  l'Académie  Celtique,  t.  IV, 
lë09j  —-  Voyage  aux  iles  de  Ténériffe,  La 


-  LEDRU  268 

Trinité,  Saint-Thomas,  Sainte-Croix  et  Porto- 
Rico,  exécuté  par  ordre  du  gouvernement 
français  de  septembre  1796  à  juin  1798; 
Paris,  1810, 2  vol.  in-8°,  avec  une  carte  ;  —  Re- 
cherches sur  les  statues  mérovingiennes  et 
sur  quelques  autres  monuments  de  l'église 
cathédrale  du  Mans;  Paris,  1813,  in-8°;  — 
Notices  historiques  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  quelques  hommes  célèbres  de  la  province 
du  Maine;  Le  Mans,  1817, 1819,  in-8°;  —Ana- 
lyse des  travaux  de  la  Société  royale  des 
Arts  du  Mans,  depuis  sa  fondation,  en  1794, 
jîisqu'à  la  fin  de  18iy,  lre  partie  :  Sciences 
physiques  et  mathématiques  ;  Le  Mans,  1820, 
in-8°.  J.  V. 

N.  Desportes,  Bibliogr.  du  Maine.  —  Sarrut  et  Saint-- 
Edme,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour,  t.  V,  Ire  partie, 
p.  262.  —  annales  du  Muséum  d  Hist.  Nut.,  t.  X. 

ledru  des  essarts  (  François  -  Bock, 
comte),  général  français,  frère  du  précédent, 
né  à  Chantenay  (Maine),  le  17  août  1765,  mort 
à  Champrosay,  le  23  avril  1844.  Il  fit  ses  études 
chez  les  oratoriens  du  Mans,  et  s'engagea  comme 
volontaire,  en  1792,  dans  le  T  bataillon  de  la 
Sarthe.  Capitaine  au  bombardement  de  Lille, 
chef  de  bataillon  après  la  bataille  de  Wattignies 
(16  octobre  1793),  chef  de  brigade  à  la  bataille 
de  La  Trebia,  général  de  brigade  après  la  ba- 
taille d'Austerlitz ,  et  général  de  division  le 
31  juillet  1811,  il  prit  part  à  toutes  les  cam- 
pagnes de  la  révolution  et  de  l'empire,  de  1792  à 
1815,  et  se  distingua  particulièrement  au  pas- 
sage du  Tagliamento,  à  Austerlitz,  à  ïéna,  à 
Eylau,  à  Heilsberg,  à  Ebersberg,  à  Wagram,  à 
Krassnoï,  dont  il  s'empara,  à  la  Moskowa,  à 
Smolensk,  à  la  Berezina,  qu'il  passa  le  dernier, 
à  Bautzen ,  à  Leipzig  et  à  Hanau.  Enfin,  il  com- 
battait encore  sous  les  murs  de  Paris.  Ses  ser- 
vices lui  avaient  valu  le  titre  de  baron  et  de  comte. 
Sous  la  première  restauration  il  fut  chargé  de  la  i 
réorganisation  de  quatre  régiments  d'infanterie. 
Pendant  les  Cent  Jours  en  1815  il  commanda  une 
division  à  l'armée  des  Alpes  sous  les  ordres  du  ma- 
réchal Suchet.  En  1817  il  organisa  les  régiments 
suisses  quela  France  venait  de  prendre  à  sa  solde. 
L'année  suivante,  il  fut  nommé  inspecteur  gé- 
néral, puis  il  reçut  le  commandement  delà  sep- 
tième division  militaire,  dont  le  quartier  général 
était  à  Grenoble.  Il  parvint  à  calmer  les  esprits 
dans  cette  ville,  et  en  1819  il  fut  remplacé  par 
le  général  Pamphile  Lacroix  (voy.  ce  nom). 
Depuis  il  fut  constamment  employé  dans  les  ins- 
pections. En  1830  il  accepta  la  mission  difficile 
de  licencier  les  régiments  dits  de  la  Charte, 
qui  s'étaient  créés  spontanément  en  quelque 
sorte  après  la  révolution.  Il  en  forma  neuf  ba- 
taillons d'infanterie  légère,  qu'il  dirigea  successi- 
vement sur  les  régiments  auxquels  ils  étaient 
destinés.  Avec  les  militaires  licenciés  de  l'ex- 
garde  royale,  il  forma  les  65e  et  66e  régiments 
de  ligne,  qui  se  distinguèrent  à  Anvers,  à  Ancône 
et  à  Oran,  Enfin, il  organisa  le  quatrième  bataillon 


i69 


LEDRU 


270 


de  chacun  des  régiments  qui  vinrent  successi- 
vement en  garnison  à  Paris  et  dans  la  première 
division  militaire.  L'âge  le  fit  passer  dans  la 
deuxième  section  de  l'état-major  général,  et  le 
Il  septembre  1835  le  roi  l'éleva  à  la  dignité  de 
pair  de  France.  L.  L— t. 

Sarrut  et  Saint-Edme,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour, 
t.  V,  Ire  partie,  p.  247.  —  Moniteur  du  8  mai  1844. 

ledru  (Nicolas-Philippe),  connu  sons  je 
nom  de  Cornus,  physicien  français,  né  à  Paris, 
en  1731.  mort  dans  la  même  ville,  le  6  octobre 
1807.  Ses  parents  ayant  perdu  leur  fortune,  il 
s'imagina  de  tirer  parti  de  ses  connaissances  et 
de  son  adresse  en  associant  quelques  tours  de 
dextérité  à  des  expériences  de  physique  qu'il 
faisait  et  répétait  avec  Delori,  professeur  de 
physique.  En  1751  Ledru  partit  pour  la  province, 
où  il  prit  le  nom  de  Cornus.  Ce  voyagé  fut  une 
sorte  d'apprentissage  pour  lui;  lorsqu'il  se  crut 
assezfort,  il  revint  à  Paris,  où  il  donna  des  séances 
publiques  :  il  obtint  les  plus  grands  succès. 
Louis  XV,  qui  jusqu'à  sa  mort  s'amusa  des 
expériences  de  Ledru,  le  fit  appeler  près  du 
jeune  duc  de  Bourgogne,  et  lui  donna  le  brevet 
de  professeur  de  physique  des  enfants  de  France. 
Lorsque  Ledru  passa  en  Angleterre,  en  1766,  le 
gouvernement  français  le  chargea  de  remettre  au 
comte  de  Guerchy,  ambassadeur  à  Londres,  des 
papiers  importants  que  l'on  craignait  de  lui 
adresser  par  un  simple  agent.  Les  expériences 
de  Ledru  sur  l'aimant  nécessitaient  la  cons- 
truction d'instruments  particuliers;  mécontent 
de  ceux  qu'il  avait  fait  faire  à  Paris,  il  fit  cons- 
truire, pendant  son  séjour  en  Angleterre,  d'après 
ses  procédés,  par  Kamsden  et  Nairn,  plusieurs 
appareils,  notamment  des  boussoles  horizontales 
et  verticales.  C'est  sur  un  modèle  de  lui  que 
fut  faite  l'aiguille  d'inclinaison  dont  le  capitaine 
Philips  se  servit  dans  son  voyage  au  pôle  boréal 
en  1773.  Au  retour  de  son  voyage  d'Angleterre, 
Ledru  obtint  du  roi  un  brevet  pour  aciérer  le 
fer  à  la  manière  de  Knight  et  des  Anglais,  et 
pour  l'établissement  d'une  manufacture  d'ins- 
truments de  physique  en  tous  genres.  Peu  de 
temps  après ,  il  reçut  l'ordre  de  compulser  au 
dépôt  des  cartes  de  la  marine  les  pièces  qui  y 
étaient  déposées  et  les  différents  cartons  qui 
contenaient  des  observations  magnétiques,  pour 
en  rendre  compte  au  roi.  Il  recueillit  près  de 
deux  millions  de  pièces  qui  lui  servirent  à  com- 
poser des  cartes  magnétiques,  dont  il  remit  des 
exemplaires  manuscrits  à  Lapérouse,  à  qui  il  donna 
aussi  différents  instruments  en  1785. 

Ses  études  avaient  mis  Ledru  en  état  de  faire 
une  infinité  de  tours  et  d'expériences  plus  amu- 
santes les  unes  que  lesautres.  Dès  1772  il  montra, 
dans  ses  séances  publiques,  des  effets  de  fantasma- 
gorie ;  mais  au  lieu  de  faire  apparaître  des  spectres, 
il  ne  faisait  voir  que  des  choses  agréables.  Lorsque 
l'empereur  Joseph  II  vint  à  Paris,  en  1777,  Ledru 
exécuta  devant  lui  quelques  expériences  nouvelles 
sur  la  propagation  du  son,  la  lumière,  l'ombre  et 


les  couleurs ,  ainsi  que  la  décomposition  de  la 
lumière  sans  prisme  ni  verre.  Ledru  appliqua 
avec  succès  l'électricité  à  différentes  affections 
nerveuses  et  à  d'autres  maladies;  sept  médecins 
de  la  faculté  de  Paris  furent  nommés  sur  sa  de- 
mande pour  examiner  ses  traitements.  Cette 
commission  choisit,  le  3  août  1782,  à  Bicêtre  e! 
à  la  Salpêtrière,  treize  épileptiques  dont  les  accès 
étaient  fréquents  et  journaliers;  ces  malades 
furent  mis  dans  une  maison  particulière  et 
confiés  aux  soins  de  Philippe  Ledru.  Les  mé- 
decins suivirent  le  traitement  de  ces  épileptiques, 
et  le  29  août  1783  ils  firent  un  rapport  favo- 
rable ,  qui  fut  imprimé  par  ordre  et  aux  frais 
du  gouvernement.  Il  porle  pour  titre  :  Rap- 
port de  MM.  Cosnier,  Maloet,  Bar  cet ,  Phi- 
lip, Lépreux,  Besessartz  et  Paulet,  doc- 
teurs régents  de  la  faculté  de  médecine  de 
Paris,  sur  les  avantages  reconnus  delà  nou- 
velle méthode  d'administrer  V électricité  dans 
les  maladies  nerveuses,  particulièrement 
dans  Vépilepsie  et  dans  la  catalepsie,  par 
M.  Ledru,  connu  sous  le  nom  de  Cornus  ;  pré- 
cédé de  V aperçu  du  système  de  l 'auteur  sur 
l'agent  qu'il  emploie  et  des  avantages  qu'il 
en  a  retirés;  Paris,  1783,  in-8".  Ce  rapport 
valût  à  Philippe  Ledru,  ainsi  qu'à  ses  fils,  le  titre 
de  physicien  du  roi  et  de  la  faculté  de  méde- 
cine de  Paris.  Un  établissement  considérable 
fut  formé  dans  l'ancien  couvent  des  Célestins  à 
Paris,  où  Ledru  exerçait  publiquement  son  trai- 
tement. Cet  établissement,  dirigé  plus  tard  par 
son  fils  et,  transporté  rue  Neuve-Saint-Paul,  exis- 
tait encore  en  1810;  mais,  depuis,  ce  système 
tomba  dans  l'oubli.  L'attachement  que  Ledru 
portait  au  roi  lui  valut  une  réclusion  sous  le 
régime  révolutionnaire;  en  sortant  de  prison,  il 
alla  se  fixer  à  Fontenay-aux-Roses,  où  il  se  livrait 
à  la  botanique,  et  s'appliquait  à  concilier  la  chi- 
mie moderne  avec  l'alchimie  et  à  donner  une 
suite  à  son  système  magnétique.  «  Né  excessi- 
vement laborieux,  dit  un  biographe,  il  employait 
tous  les  jours  douze  heures  au  travail  ;  doué 
d'une  grande  sobriété,  et  vivant  économique- 
ment ,  sa  fortune  étoit  partagée  entre  les  pauvres 
et  l'étude.  Ennemi  de  l'intrigue  et  de  l'ambition, 
Ledru  ne  sollicita  jamais,  ni  pour  lui  ni  pour 
ses  enfants,  aucune  faveur  du  gouvernement... 
Ses  expériences  et  ses  observations  magnétiques 
sont  innombrables;  la  majeure  partie  de  son 
système  se  trouve  confirmée  par  le  voyage  de 
LaPérouse,  auquel  il  avoit  donné  des  mémoires 
très-détaillés  à  ce  sujet.  La  plus  grande  décou- 
verte qu'il  ait  faite  en  ce  genre ,  et  dont  il  avoit 
donné,  sous  le  secret,  communication  à  Buffon 
et  Lemonnier,  et  à  ses  amis  intimes  Rouelle  et 
Darcet,  c'est  d'avoir  à  toute  heure,  par  un  pro- 
cédé simple  et  peu  dispendieux,  sans  boussole 
et  sans  aimant,  la  direction  magnétique  et  son 
inclinaison  avec  plus  de  justesse  et  de  certitude 
que  si  l'on  employoit  les  meilleurs  instruments.  » 
Son  talent  d'observation  était  tel  qu'il  parais 


271  LEDRU 

sait,  dit-on,  deviner  la  pensée  des  individus  en 
les  fixant.  Il  avait  beaucoup  d'adresse  et  de 
dextérité  comme  prestidigitateur,  et  son  élocu- 
tion  facile  était  pleine  de  charme.    L.  L — t. 


Chaudon  et  Delandine,  Dict.  univ.  Hist.,  Crit.  et  bi- 
bliogr.  —  Orfila,  dans  la  Uiogr.  Médicale.  —  Biogr.  univ. 
et  portât,  des  Contemp. 

*  ledrc-rollin  (Alexandre -  Augus te), 
homme  politique  français,  petit-fils  du  précé- 
dent, né  à  Paris,  le  2  février  1808.  Son  père, 
Jacques-Philippe  Ledru,  membre  de  l'Académie 
de  Médecine  et  de  la  Société  des  Antiquaires,  le 
destina  à  la  carrière  du  barreau.  Alexandre  Le- 
dru fit  de  bonnes  études,  suivit  les  cours  de  l'é- 
cole de  droit,  fut  reçu  licencié  et  docteur  en 
droit,  et  prêta  le  serment  d'avocat  en  1830. 
C'est  alors  que  pour  se  distinguer  de  son  con- 
frère, M.  Charles  Ledru,  il  ajouta  à  son  nom 
celui  de  Rollin,  qui  était  le  nom  de  sa  bisaïeule 
maternelle.  Après  l'insurrection  de  juin  1832, 
M.  Ledru-Rollin  rédigea  une  consultation  contre 
l'état  de  siège,  qui,  au  mépris  de  la  charte  constitu- 
tionnelle, enlevait  les  citoyens  à  leurs  juges  natu- 
rels et  les  soumettait  à  la  juridiction  des  tribunaux 
militaires.  La  cour  de  cassation,  sur  la  plaidoirie 
de  M.  O.  Barrot,  admit  les  principes  de  M.  Le- 
dru-Rollin, et  cassa  les  jugements  de  la  justice 
exceptionnelle,  pour  renvoyer  les  accusés  devant 
lejury.  Alasuite  des  journées  d'avril  1834,  M.  Le- 
dru-Rollin publia  une  brochure  sur  ces  événe- 
ments. Elle  eut  un  grand  succès,  et  depuis  lors 
M.  Ledru-Rollin  mit  son  talent  à  la  disposition 
de  tous  les  républicains  poursuivis  par  le  gou- 
vernement de  Louis  -  Philippe.  Défenseur  de 
M.  Caussidière  devant  la  cour  des  pairs  pour 
les  affaires  de  1834,  il  parla  encore  devant  la 
même  cour  en  faveur  de  Lavaud ,  compromis 
dans  l'affaire  du  régicide  Meunier,  et  plaida  pour 
M .  Dupoty ,  rédacteur  du  Journal  du  Peuple,  im- 
pliqué comme  complice  dans  l'affaire  de  Quénis- 
set,  à  cause  des  articles  de  son  journal.  M.  Le- 
dru Rollin  défendit  aussi  devant  la  cour  d'assises 
les  journaux  de  son  opinion;  ainsi,  en  1835,'  il 
plaida  pour  La  Nouvelle  Minerve;  en  1838,  il 
défendit  Le  Charivari,  qui  avait  mal  parlé  du 
projet  de  loi  de  dotation  du  duc  de  Nemours;  le 
Journal  du  Peuple,  accusé  de  provoquer  conti- 
nuellement à  l'insurrection  et  au  renversement 
de  la  propriété  ;  en  1847,  il  défendît  La  Réforme, 
pour  un  article  où  ce  journal,  à  propos  de  l'as- 
sassinat de  la  duchesse  de  Praslin,  disait  «  qu'en 
tournant  les  yeux  vers  les  hautes  régions,  il  n'é- 
tait pas  un  crime ,  une  bassesse ,  un  opprobre 
qui  depuis  six  mois  n'y  eût  laissé  son  empreinte,  » 
et  ajoutait  qu'on  devait  «  y  reconnaître  la  ven- 
geance tardive,  mais  inévitable,  de  tous  les  sen- 
timents d'honneur,  de  droit,  de  justice  et  de 
morale  qu'on  s'était  plu  à  fouler  aux  pieds  ». 
Ses  plaidoiries  politiques,  dans  lesquelles  il  était 
trop  vif  pour  obtenir  beaucoup  de  succès ,  ne 
l'empêchaient  pas  de  s'occuper  d'affaires  ordi- 
paires.  En   J837  il  nvfut  pris  la.  «lireçtion  du 


LEDRU-ROLLIN  272 

Journal  du  Palais,  dont  il  donna  une  nouvelle 
édition,  et  fit  faire  la  table  générale,  en  tête  de 
laquelle  il  mit  une  introduction  remarquable. 
En  1838  il  acheta  une  charge  d'avocat  à  la  cour 
de  cassation,  qu'il  revendit  en  1841,  et  eut  la 
rédaction  en  chef  du  journal  Le  Droit.  Plus 
tard  il  fit  paraître  un  ouvrage  important  sur  le 
droit  administratif. 

En  1839  M.  Ledru-Rollin  se  présenta  comme 
candidat  à  la  députation  devant  le  collège  de 
Saint-Valéry  (  Seine-Inférieure  ).  A  cette  époque 
tous  les  partis  de  l'opposition,  coalisés  contre  le 
ministère  Mole,  se  prêtaient  appui  dans  les  élec- 
tions. M.  O.  Barrot  patrona  donc  M.  Ledru-Rol- 
lin auprès  des  électeurs  de  Saint-Valéry  ;  mais 
la  profession  de  foi  de  M.  Ledru-Rollin  fut  trou- 
vée trop  avancée  par  des  électeurs  influents,  et 
il  échoua  de  onze  voix.  Deux  ans  après  il  fut 
désigné  aux  électeurs  du  second  collège  du  Mans 
comme  digne  de  succéder  à  Garnier-Pagès,  qui 
venait  de  mourir.  Sa  profession  de  foi  était  har- 
diment républicaine,  et  il  fut  élu  à  l'unanimité 
moins  trois  voix.  Un  discours  qu'il  avait  pro- 
noncé dans  une  réunion  au  Mans,  et  qui  fut 
imprimé  dans  Le  Courrier  de  la  Sarthe  ,  fut 
poursuivi.  L'affaire  fut  renvoyée  pour  cause 
de  suspicion  légitime  devant  la  cour  d'assises 
de  Maine-et-Loire.  En  plaidant  devant  la  cour 
de  cassation  contre  l'arrêt  de  renvoi,  M.  Ledru- 
Rollin  adressa  cette  apostrophe  virulente  au 
procureur  général  :  «  Procureur  général ,  qui 
vous  donne  l'investiture?  Le  ministère.  Moi, 
électeur,  je  ehasse  les  ministres.  Au  nom  de  qui 
parlez-vous?  Au  nom  du  roi.  Moi,  électeur, 
l'histoire  est  là  pour  le  dire,  je  fais  et  défais  les 
rois.  Procureur  général,  à  genoux  !  à  genoux 
donc  devant  ma  souveraineté!  Discuter  mon 
impartialité ,  c'est  porter  la  main  sur  ma  cou- 
ronne électorale.  »  M.  Ledru-Rollin  comparut 
devant  lejury  à  Angers  le  23  novembre;  quoi- 
que défendu  par  MM.  O.  Barrot,  Berryer, 
Marie  et  Arago,  il  fut  condamné  à  quatre  mois 
de  prison  et  3,000  f.  d'amende.  La  cour  de 
cassation  cassa  cet  arrêt,  pour  vice  de  forme, 
et  renvoya  M.  Ledru-Rollin  devant  la  cour  d'as- 
sises de  la  Mayenne,  où  il  fut  acquitté. 

M.  Ledru-Rollin  était  entrée  la  chambre  «  la 
lance  au  poing  et  la  visière  baissée,  »  suivant  son 
expression  :  il  avait  prêté  serment  à  la  royauté 
constitutionnelle  et  à  la  charte  ;  mais  ce  n'était 
pas  sans  doute  sans  restriction.  Il  fut  réélu  au 
Mans  en  1842  et  en  1846.  Isolé  avec  l'opposi- 
tion républicaine,  il  eut  à  lutter  contre  tous  les 
partis,  et  il  n'avait  pas  assez  de  souplesse  pour 
se  maintenir  entre  eux  et«  faire  compter  son  ap- 
point »  ;  aussi  son  influence  fut-elle  à  peu  près 
nulle  à  la  chambre;  doué  du  moins  d'une  force 
herculéenne,  il  parvenait  à  prendre  et  à  garder  la 
parole  de  haute  lutte,  et  ses  discours  avaient 
un  grand  retentissement  dans  le  pays,  notam- 
ment lorsqu'il  pailasur  le  budget  et  sur  les  fonds, 
secrets,  sur  les  mauvais  traitements  infligés  aux 


273 


LEDRU-ROLLW 


274 


prisonniers  politiques,  sur  les  chemins  de  fer, 
contre  les  fortiiications  de  Paris ,  contre  la  loi 
de  régence,  contre  le  projet  de  refonte  des  mon- 
naies de  cuivre  et  de  billon,  contre  l'indem- 
nité Pritchard,  contre  la  flétrissure  infligée  aux 
légitimistes  qui  étaient  allés  saluer  M.  le  comte 
de  Chambord  à  Belgrave-Square  :  «  leurs  regrets 
s'excusent,  disait-il,  par  le  dégoût  du  pré- 
sent ».  Il  traita  encore  la  question  de  l'escla- 
vage ,  la  question  suisse  et  du  Sonderbund ,  le 
droit  de  réunion,  et  les  questions  sociales,  dans 
lesquelles  il  se  constituait  le  défenseur  des  tra- 
vailleurs. M.  Ledru-Rollin  ne  rencontrait  guère 
de  sympathie  non  plus  dans  la  presse  cautionnée. 
Le  National  lui-même  ne  se  gênait  pas  pour  l'at- 
taquer, et  combattait  surtout  ses  manifestations 
en  faveur  des  classes  laborieuses.  M.  Ledru- 
Rollin  sentit  la  nécessité  de  s'appuyer  sur  un  nou- 
vel organe  quotidien  :  il  fonda  La  Réforme,  dont 
M.  Flocon  prit  la  direction.  Cejournal,  que  M.  Le- 
dru-Rollin soutint  à  la  fois  de  sa  bourse,  de  sa 
plume  et  de  sa  parole  devant  le  jury,  ne  demandait 
pas  seulement  des  réformes  politiques,  il  voulait 
surtout  des  réformes  sociales.  Dans  un  manifeste 
publié  à  la  fin  de  la  session  de  1 845,  M.  Ledru- 
Rollin  posa  la  question  sociale  de  la  manière  sui- 
vante :  «  Les  travailleurs  ont  été  esclaves  ,  ils  ont 
été  serfs,  ils  sont  aujourd'hui  salariés  ;  il  faut 
tendre  à  les  faire  passer  à  l'état  d'associés... 
L'État,  jusqu'à  ce  que  les  prolétaires  soient  éman- 
cipés, doit  se  faire  le  banquier  des  pauvres...  Au 
citoyen  vigoureux  et  bien  portant  l'État  doit  le 
travail;  au  vieillard,  à  l'indigent,  il  doit  aide  et 
protection.  »  C'est  ainsi  qu'en  dehors  de  la  po- 
litique, et  pendant  qu'on  le  peignait  dédaigneu- 
sement comme  un  général  sans  soldats,  M.  Ledru- 
Rollin  devenait  le  chef  d'un  parti  puissant  dans 
les  masses.  Son  père  lui  avait  laissé  une  certaine 
fortune,  et  il  avait  fait  en  1843  un  riche  mariage 
avec  la  fille  d'un  Français  et  d'une  Anglaise 
élevée  en  Angleterre,  qui  s'était  enthousiasmée  de 
son  talent.  Arago  et  M.  de  Lamartine  avaient 
été  ses  témoins.  Mais  il  avait  vendu  à  perte  sa 
charge  d'avocat  aux  conseils  du  roi ,  et  il 
compromettait  sa  fortune  par  ses  préoccupa- 
tions politiques.  Il  ne  négligeait  aucune  occasion 
de  prendre  part  aux  manifestations  républi- 
caines :  il  suffira  de  citer  son  discours  au  ban- 
quet organisé  par  Le  National  en  l'honneur 
d'O'Connell ,  l'allocution  prononcée  par  lui  sur 
la  tombe  de  Godefroy  Cavaignac,  et  ses  comptes- 
rendus  aux  électeurs  du  Mans.  En  1846,  après  sa 
réélection ,  il  leur  adressa  un  manifeste  que  La 
Réforme  intitulait  Appel  aux  Travailleurs, 
dans  lequel  il  faisait  une  vive  peinture  de  la  mi- 
sère des  classes  ouvrières,  et  leur  offrait  pour 
remède  le  suffrage  universel. 

Promoteur  ardent  de  toutes  les  réunions 
réformistes,  M.  Ledru-Rollin  avait  été  invité  en 
1847  par  le  comité  du  banquet  de  Lille  à  se 
rendre  dans  cette  ville,  où  toutes  les  nuances  de 
l'opposition  parlementaire   avaient  été  convo- 


quées. MM.  O.  Barrot,  Lestiboudois  et  autres 
membres  de  l'opposition  dynastique  voulaient 
qu'on  sebornâtà  boire  «  à  la  vérité,  à  la  sincérité 
des  institutions  conquises  en  juillet!»  Le  comité 
refusa  de  restreindre  ainsi  le  champ  de  la  dis- 
cussion, et  les  députés  du  centre  gauche  se  re- 
tirèrent en  protestant.  M.  Ledru-Rollin,  resté 
maître  du  terrain,  porta  ce  toast  :  «  A  l'amé- 
lioration des  classes  laborieuses  !  »  Et  il  déve- 
loppa son  idée  dans  une  chaleureuse  improvisa- 
tion, qui  se  résumait  par  ces  mots  :  «  Liberté 
pour  tous,  liberté  de  conscience,  liberté  de 
pensée,  liberté  d'association  !  «Quelques  jours 
après,  il  obtint  un  succès  analogue  à  Dijon,  en 
proclamant  l'indépendance  pour  tous  par  ces 
mots:  Liberté,  Égalité,  Fraternité,  et  signalait 
dans  son  discours,  «  avec  l'urgence  des  réformes, 
la  nécessité  du  vote  direct  et  universel,  comme 
pouvant  seul  être  l'expression  véritable  et  sin- 
cère des  droits,  des  vœux,  des  intérêts  de  tous  ». 
Au  banquet  de  Châlons,  il  lit  un  pompeux  éloge 
des  actes  de  la  Convention. 

Le  24  février  1848  devait  naturellement  lui 
donner  le  pouvoir.  Il  arriva  à  la  chambre  des 
députés  au  moment  où  l'on  discutait  la  régence 
de  la  duchesse  d'Orléans  :  s'emparant  aussitôt 
de  la  tribune,  il  y  reprit  lentement  la  proposition 
d'un  gouvernement  provisoire  déjà  émise  avant 
lui,  la  laissa  développer  par  M.  de  Lamartine, 
jusqu'à  ce  qu'enfin  l'invasion  de  la  salle  des 
séances  de  la  chambre  par  les  masses  popu- 
laires assurât  le  succès  de  cette  proposition. 
M.  Ledru-Rollin  fut  porté  un  des  premiers  sur 
la  lis  te  des  membres  du  gouvernement  provisoire 
par  les  acclamations  de  la  foule.  Il  ne  tarda  pas 
à  sentir  le  poids  de  cette  lâche,  si,  comme  on 
l'assure,  il  dit  à  M.  de  Lamartine  en  montant 
les  marches  de  l'hôtel  de  ville  :  «  Nous  allons 
au  calvaire.  »  S'il  avait  pressenti  le  caractère  so- 
cial de  la  révolution  nouvelle ,  il  n'en  avait  sans 
doute  pas  prévu  toutes  les  conséquences  :  la 
proclamation  de  la  république  et  l'admission  du 
suffrage  universel  lui  avaient  semblé  devoir 
donner  le  remède  à  tous  les  maux  de  la  société. 
Mais  d'un  côté  il  avait  à  lutter  contre  ceux  qui , 
satisfaits  de  la  forme  républicaine,  ne  voyaient 
aucune  nécessité  de  changer  les  formes  de  la 
société,  et  de  l'autre  contre  ceux  qui,  attachant 
peu  de  valeur  aux  formes  politiques,  demandaient 
le  bouleversement  des  relations  du  travail  avec  le 
capital.  Chef  de  ceux-ci  par  ses  tendances,  M.  Le- 
dru-Rollin dut  rester  l'allié  des  premiers  par  sa 
position;  il  voulut  garder  des  ménagements  avec 
les  uns  comme  avec  les  autres;  il  perdit  sa  po- 
pularité, sans  cesser  d'être  l'effroi  des  classes 
bourgeoises.  Dès  l'origine  les  membres  du 
gouvernement  provisoire ,  qui  représentaient 
des  opinions  fort  diverses,  s'étaient  promis,  pour 
éviter  tout  bouleversement ,  de  se  faire  toutes  les 
concessions  nécessaires.  M.  Ledru-Rollin  resta  fi- 
dèle à  cet  engagement,  et  prit  sa  part  de  responsa- 
bilité des  décrets  signés  par  ses  collègues.  Il  cop< 


275  LEDRU 

tribua  donc  à  l'abolition  de  la  peine  de  mort  en 
matière  politique,  à  la  reconnaissance  du  droit  au 
travail,  à  l'abolition  de  l'esclavage,  à  la  création 
de  la  commission  des  travailleurs ,  à  la  réduction 
des  heures  de  la  journée  detravail,  à  l'abolition  de 
l'exercice  sur  les  boissons  et  d'une  partie  des 
droits  d'octroi,  a  l'abolition  de  la  contrainte 
par  corps,  et  à  l'établissement  d'un  impôt  gêne- 
rai de  4  5  centimes  sur  les  contributions  direc- 
tes, à  laplace  duquel  il  avait  demandé  un  impôt 
particulier  de  1  franc  20  centimes  sur  les  ri- 
ches, etc. 

M.  Ledru-Rollin  s'était  chargé  tout  d'abord  du 
ministère  de  l'intérieur,  et  s'y  était  installé.  Il 
nomma  les  commissaires  chargés  d'aller  inau- 
gurer le  nouveau  gouvernement  dans  les  dé- 
partements, et  ses  choix  ne  furent  pas  toujours 
heureux.  11  prit  une  part  active  à  l'organisation 
du  suffrage  universel.  Le  16  avril  il  fit  battre  le 
rappel,  et  sauva  le  gouvernement  provisoire 'il  alla 
lui-même  protéger  les  presses  de  M. E. de  Girardin, 
qui  avait  fortement  attaqué  dans  La  Presse  les 
actes  du  gouvernement  provisoire.  M.  Ledru- 
Rollin  assista  à  la  plantation  d'un  grand  nombre 
d'arbres  de  la  liberté;  il  y  fit  des  discours,  et  y 
plaida  le  retour  des  soldats  dans  la  capitale. 
Dans  des  circulaires  adressées  aux  commissaires 
de  la  république,  et  signées  de  son  nom,  quoi- 
qu'elles paraissent  rédigées  par  M.  Jules  Favre, 
son  secrétaire  général,  il  donnait  des  pouvoirs 
étendus  à  ces  agents  ;  établissant  des  distinctions 
entre  les  vainqueurs  et  les  vaincus  de  Février, 
entre  les  hommes  de  la  veille  et  ceux  du  lende- 
main ,  il  semblait  vouloir  exclure  les  derniers 
des  élections  et  des  emplois.  Ces  circulaires  cau- 
sèrent une  vive  émotion  dans  le  pays.  M.  de  La- 
martine parvint  à  la  calmer  par  quelques  pa- 
roles modératrices  ;  les  effets  ne  répondirent  pas 
d'ailleurs  aux  menaces. 

Les  élections  furent  retardées  ;  les  partis  op- 
posés à  la  république  eurent  le  temps  de  se  re- 
connaître et  de  se  coaliser,  les  influences  eurent 
le  temps  d'agir,  et  peu  de  républicains  ardents 
arrivèrent  à  la  Constituante.  Le  ministère  de  l'in- 
térieur publiait  aussi,  à  l'usage  du  peuple  des 
campagnes,  un  petit  journal  placard,  intitulé  Bul- 
letin de  la  République.  Mme  George  Sand  s'éiait 
chargée  de  sa  rédaction.  Quelques-uns  de  ces 
bulletins  exagérèrent  les  doctrines  proconsulaires 
des  circulaires  de  M.  J.  Favre,  et  l'effet  en  fut 
désastreux  pour  M.  Ledru-Rollin,  qui  ne  trouva 
qu'un  appui  précaire  même  dans  le  parti  dont  il 
avait  caressé  les  tendances.  Poursuivi  par  les 
attaques  de  la  presse,  chargé  d'accusations  con- 
tradictoires ,  M.  Ledru-Rollin  fut  élu  à  Paris 
par  132,000  voix,  et  de  plus  en  Algérie  et  dans 
le  département  de  Saône-et-Loire,  sous  la  protec- 
tion de  M.  de  Lamartine,  dont  la  popularité  était 
alors  à  son  apogée. 

Après  la  réunion  de  l'Assemblée  constituante, 
M.  Ledru-Rollin,  comme  tous  ses  collègues,  vint 
rendre  compte  des  travaux  de  son  ministère  et 


ROLLIN  276 

de  la  situation  politique.  Il  reçut  un  accueil  dés 
plus  froids.  Néanmoins,  il  fut  maintenu  dans  la 
commission  du  pouvoir  exécutif  par  l'interven- 
tion de  M.  Lamartine;  sur  la  liste  de  cinq  noms, 
le  sien  fut  le  dernier.  La  journée  du  15  mai 
acheva  de  ruiner  sa  popularité.  Elle  avait  pour 
but,  comme  la  manifestation  du  16  avril,  de  for- 
tifier le  parti  de  la  violence,  avec  les  chefs  du- 
quel il  avait  certainement  des  relations.  M.  Le- 
dru-Rollin fit  pourtant  de  grands  efforts  pour 
calmer  le  peuple  et  prévenir  l'invasion  de  l'As- 
semblée; n'ayant  pas  réussi,  il  se  rendit  aussi 
vite  que  M.  de  Lamartine  à  l'hôtel  de  ville 
pour  y  représenter  le  gouvernement  légal,  dont 
il  faisait  partie ,  malgré  le  conseil  qui  lui  était, 
dit-on ,  donné  par  quelques  représentants  de 
prendre  la  présidence  pour  sauver  la  France 
de  l'anarchie.  L'émeute  ayant  été  repoussée,  les 
uns  en  voulaient  à  M.  Ledru-Rollin  de  l'avoir 
laissée  échouer,  les  autres  de  l'avoir  laissée  s'or- 
ganiser. M.  Ledru-Rollin  resta  au  pouvoir  sous 
le  coup  d'une  grande  suspicion.  Il  se  fit  remar- 
quer à  la  tribune  par  un  discours  véhément 
contre  l'admission  du  prince  Louis-Napoléon 
Bonaparte  dans  l'Assemblée  et  par  une  défense 
de  MM.  Louis  Blanc  et  Caussidière,  que  le  mi- 
nistère public  demandait  l'autorisation  de  pour- 
suivre à  l'occasion  de  l'attentat  du  15  mai.  L'in- 
surrection de  juin  renversa  la  commission  du 
pouvoir  exécutif,  et  le  24  juin,  le  pouvoir  tout  en- 
tier ayant  été  remis  par  l'Assemblée  au  général 
Cavaignac,  M.  Ledru-Rollin  ne  garda  plus  que  son 
titre  de  simple  représentant.  II  put  se  défendre 
alors  plus  librement,  ainsi  que  ses  amis,  et  recon- 
quérir quelque  influence.  Il  prononça  son  apologie 
à  propos  du  rapport  de  la  commission  d'enquête, 
défendit  encore  MM.  Caussidière  et  Louis  Blanc 
contre  une  nouvelle  demande  en  autorisation  de 
poursuites,  qui  cette  fois  fut  accordée;  il  parla 
contre  le  rétablissement  du  cautionnement  des 
journaux,  contre  l'état  de  siège,  pour  le  droit  au 
travail  ;  il  interpella  le  pouvoir  sur  l'entrée  de 
MM.  Dufaure  et  Vivien  au  ministère,  donna  des 
explications  sur  les  journées  de  juin  dans  une 
discussion  élevée  contre  le  général  Cavaignac,  et 
enfin  il  protesta  contre  l'intervention  de  la  France 
dans  les  affaires  de  Rome.  M.  Ledru-Rollin  de- 
vait être  un  des  candidats  à  la  présidence  de  la 
république.  Il  essaya  de  se  rapprocher  des  chefs 
socialistes  dans  un  banquet  des  écoles  ;  mais 
le  parti  avancé  lui  gardait  rancune ,  et  après 
une  vive  querelle  entre  La  Voix  du  Peuple  de 
M.  Proudhon  et  La  Révolution  démocratique  et 
sociale,  la  candidature  de  M.  Raspail  fut  posée 
comme  celle  du  parti  socialiste.  M.  Ledru-Rollin 
obtint  seulement  370,119  suffrages. 

Après  l'élection  présidentielle  du  10  décembre 
1848,  M.  Ledru-Rollin  combattit  avec  une  viva- 
cité nouvelle  la  politique  de  la  majorité  de  l'As- 
semblée constituante.  Il  s'éleva  à  plusieurs  re- 
prises contre  les  pouvoirs  donnés  au  général  Chan- 
garnier,  attaqualapolitique  extérieure  du  nouveau 


277 


LEDRU-R0LL1JN 


278 


gouvernement,  et  repoussa  l'application  rétroac- 
tive de  la  juridiction  de  la  haute  cour  de  justice 
aux  Faits  du  lô  mai,  soutint  la  liberté  d'associa- 
tion, et  défendit  la  légalité  de  la  société  dite  la  So- 
lidarité républicaine ,  dont  plusieurs  membres 
faisaient  partie  de  l'assemblée;  il  reproduisit  à  la 
tribune  le  discours  qu'il  avait  prononcé  au  ban- 
juet  du  Chalet  contre  la  politique  du  ministère 
Odilon  Barrot,  et,  amené  à  justifier  sa  conduite 
comme  membre  du  gouvernement  provisoire , 
contre  M.  Denjoy,  il  eut  à  terminer  ces  débats 
par  un  duel  avec  son  adversaire.  La  question  de 
Rome  le  fit  plusieurs  fois  encore  monter  à  la  tri- 
bune. En  même  temps  il  portait  l'agitation  élec- 
torale sur  différents  points  de  la  France.  Aux 
banquets  du  Mans,  de  Châteaurou\  et  de  Moulins, 
sa  parole  parvint  encore  à  émouvoir  les  masses 
ouvrières.  Comme  il  sortait  de  recevoir  des  ova- 
tions populaires  à  Moulins ,  sa  voiture  fut  atta- 
quée par  des  gardes  nationaux  en  armes,  percée 
de  coups  de  baïonnette ,  de  sabre  ou  d'épée ,  et 
atteinte  de  projectiles  de  toutes  sortes,  auxquels 
il  n'échappa  que  par  miracle,  lui  et  ses  amis.  Le 
récit  de  cet  attentat,  fait  avec  modération  par 
M.  Ledru-Rollin  lui-même,  émut  l'assemblée;  des 
poursuites  furentordonnées  :  elles  aboutirent  à  un 
acquittement.  Les  élections  à  l'Assemblée  législa- 
tive attestèrent  un  retour  de  l'opinion  publique 
vers  Ledru-Rollin.  Il  fut  élu  dans  cinq  dépar- 
tements ,  le  premier  dans  le  département  de 
Saône-et-Loire ,  le  deuxième  dans  le  départe- 
ment de  la  Seine,  le  quatrième  dans  le  Var,  le 
cinquième  dans  l'Allier,  et  le  huitième  dans  l'Hé- 
rault ;  mais,  chose  remarquable,  la  Sarthe,  qu'il 
représentait  sous  la  monarchie,  lui  demeura  infi- 
dèle, comme  en  1848.  Le  28  mai  1849,  le  bureau 
del'Assemblée constituante,  resté  en  permanence, 
céda  le  pouvoir  législatif  à  l'Assemblée  législative. 
M.  de  Keratry  présida  provisoirement,  comme 
doyen  d'âge.  M.  Dupin  aîné  fut  élu  président 
par  336  voix,  M.  Ledru-Rollin  en  obtint  182.  A 
peine  la  nouvelle  assemblée  était-elle  réunie  que 
de  violents  orages  furent  soulevés.  Après  une 
vive  sortie  contre  le  général  Changarnier,  M.  Le- 
dru-Rollin interpella  le  gouvernement  sur  les  évé- 
nements de  Rome ,  le  7  juin  1849.  Ensuite  il  dé- 
posa une  protestation  au  nom  de  l'article  5  de  la 
constitution,  qui  défendait  toute  guerre  contre  les 
nationalités  étrangères,  et  terminait  par  ces  mots  : 
«  La  constitution  est  violée  :  nous  la  défendrons 
par  tous  les  moyens,  même  par  les  armes.  »  En 
même  temps  il  demandait  la  mise  en  accusation 
du  président  et  des  ministres.  Le  1 1  juin,  un 
ordre  du  jour  pur  et  simple,  voté  par  361  voix 
contre  203,  termina  la  discussion  sur  les  affaires 
de  Rome.  Le  12  la  mise  en  accusation  du  gou- 
vernement fut  repoussée  par  377  voix  contre  8  : 
la  montagne  s'était  retirée.  Le  13  une  proclama- 
tion de  la  montagne  au  peuple  français  fut  ré- 
digée :  elle  déclarait  «  hors  de  la  constitution  le 
président  de  la  république ,  les  ministres  et  la 
partie  dq  l'Assemblée  qui  s'était  rendue  leur  com- 


plice; »  elle  invitait  la  garde  nationale  à  se  lever, 
les  ateliers  a  se  fermer,  le  peuple  à  rester  debout. 
Le  même  jour,  M.  Ledru-Rollin  descendait  dans 
la  rue  avec  d'autres  représentants ,  et  se  rendait 
au  Palais-Royal,  d'où  il  se  dirigea  vers  le.  Conserva- 
toire des  Arts  et  Métiers,  accompagné  de  M.  Gui- 
nard  (  voy.  ce  nom  )  et  de  quelques  centaines 
d'artilleurs  de  la  garde  nationale  de  Paris.  Au  Con- 
servatoire, les  insurgés,  qui  manquaient  de  mu- 
nitions, perdirent  du  temps  à  se  faire  ouvrir  les 
grilles,  gardées  par  un  simple  poste  de  ligne.  Ils 
avaient,  espéré  trouver  de  l'appui  dans  la  garde 
nationale  du  quartier;  cet  appui  leur  manqua. 
Enfin  les  troupes  arrivèrent  du  boulevard,  re- 
poussèrent les  premiers  défenseurs  de  l'insur- 
rection, et  les  représentants  s'échappèrent  à 
travers  les  jardins  en  passant  par  un  vasistas  de 
la  salle  où  ils  étaient  réunis.  Leur  appel  à  l'insur- 
rection avait  à  peine  eu  le  temps  d'être  affiché. 
Tous  les  représentants  dont  les  noms  figuraient 
au  bas  furent  renvoyés  devant  la  haute  cour,  qui 
se  réunit  à  Versailles,  à  l'exception  seulement  de 
ceux  qui  prouvèrent  que  leur  nom  avait  été  mis 
sans  leur  autorisation.  M.  Ledru-Rollin  resta 
caché  dans  Paris,  au  vieux  Louvre,  dit-on, 
puis  dans  la  banlieue  ,  à  La  Châtre,  ajoute-t-on; 
enfin,  il  gagna  la  frontière ,  et  passa  en  Angle- 
terre, d'où  il  adressa  une  protestation  contre 
l'arrêt  qui  le  traduisait  devant  la  haute  cour. 
Celle-ci  le  condamna  par  contumace  à  la  dépor- 
tation. 

Depuis  lors  M.  Ledru-Rollin  vécut  à  Londres, 
des  restes  de  sa  fortune  et  du  produit  de  sa 
plume  :  il  est  un  des  principaux  rédacteurs 
de  La  Voix  du  Proscrit.  Uni  à  MM.  Kossuth, 
Mazzini  et  Ruge ,  il  forma  un  comité  révolution- 
naire destiné  à  centraliser  les  efforts  de  la  démo- 
cratie européenne.  Des  dissensions  ne  tardèrent 
pas  cependant  à  se  faire  sentir  entre  les  exilés,  et 
des  discussions  très-vives  éclatèrent  entre,  les  parti- 
sans de  M.  Ledru-Rollin  et  ceux  de  M.  Louis  Blanc. 
Dans  une  brochure  publiée  en  1 851 ,  à  propos  des 
bruits  de  révision  de  la  constitution,  M.  Ledru- 
Rollin  fit  connaître  ses  nouvelles  idéespolitiques. 
Il  proposait  le  gouvernement  direct  du  peuple,  en 
ces  termes  :  «  Le  peuple  exerce  sa  souveraineté 
sans  entraves ,  dans  les  assemblées  électorales , 
telles  que  la  police  en  a  été  réglée  par.  la  constitu- 
tion de  1793;  il  a,  dans  les  termes  de  cette  même 
constitution,  l'initiative  des  lois  qu'il  juge  utiles; 
il  vote  expressément  les  lois  ,  adoptant  ou  re- 
jetant par  oui  ou  par  non  les  lois  discutées 
et  préparées  par  son  assemblée  de  délégués; 
une  assemblée  de  délégués  ou  commissaires, 
nommés  annuellement,  prépare  les  lois,  et  pour- 
voit par  des  décrets  aux  choses  secondaires  et 
de  grande  administration;  un  président  du  pou- 
voir exécutif,  chargé  de  pourvoir  à  l'application 
de  la  loi  et  des  décrets ,  de  choisir  les  agents 
ministériels ,  est  élu  et  révoqué  par  l'assemblée 
des  délégués.  »  M.  Ledru-Rollin  maintenait  ainsi  la 
séparation  du  pouvoir  exécutif  et  du  pouvoir  lé- 


279 


gislatif ,  mais  il  soumettait  incessamment  le  pre- 
mier au  second ,  et  le  second  au  peuple  entier.  Il 
distinguait  aussi  les  lois  des  décrets,  et  ne  voulait 
pas  d'un  peuple  administrant,  légiférant  ou  ju- 
geant ,  mais  seulement  d'un  peuple  sanctionnant 
et  surveillant.  «  Il  y  aurait  oppression  et  chaos, 
ajoute-t-il,  dans  tout  État  où  le  peuple  garderait 
l'administration  des  affaires  particulières  et  l'exé- 
cution de  ses  propres  lois.  »  En  1857  M.  Ledru- 
Rollin  fut  impliqué  avec  M.  Mazzini  dans  un  com- 
plot contre  la  vie  de  l'empereur  Napoléon  III,  et, 
malgré  ses  protestations  dans  la  presse  anglaise , 
poursuivi  devant  la  cour  d'assises  de  la  Seine ,  il 
fut  condamné  de  nouveau,  par  contumace,  à  la  dé- 
portation à  perpétuité.  Un  des  accusés  avait  dé- 
claré que  Mazzini  lui  avait  dit,  en  l'envoyant  à 
Paris  pour  frapper  l'empereur,  que  Ledru-Rollin 
assurait  que  l'empereur  ne  sortait  pas  le  soir.  Cet 
accusé  disait  en  outre  qu'un  étranger  assistait  à 
cette  conférence  ;  mais  il  déclarait  ne  pas  connaî- 
tre M.  Ledru-Rollin.  Un  autre  individu  avait  dé- 
posé que  M.  Ledru-Rollin  lui  avait  fourni  i'ar- 
gent  pour  revenir  en  France,  sur  la  déclaration  qu'il 
voulait  tuer  l'empereur.  Les  motifs  de  l'arrêt 
admirent  ces  deux,  déclarations.  Cette  accusation 
de  complicité  de  meurtre  pouvait  entraîner 
l'extradition.  L' Angleterre  la  refusa  ;  et  sir  G. Grey, 
dans  les  explications  qu'il  dut  donner  au  parle- 
ment sur  cette  affaire,  déclara  que  «après avoir 
examiné  les  procédures,  le  gouvernement  anglais 
était  arrivé  à  cette  conclusion  qu'il  n'existait  point 
en  Angleterre  de  preuves  suffisantes  pour  justifier 
l'arrestation  des  personnes  accusées  de  conspira- 
tion de  meurtre.  » 

Les  travaux  de  jurisprudence  de  M.  Ledru- 
Rollin  ont  pour  titres  :  Journal  du  Palais,  re- 
cueil le  plus  ancien  et  le  plus  complet  de  la 
Jurisprudence  française,  nouvelle  et  3e  édition, 
revue  par  M.  Ledru-Rollin,  1791  à  1837,  27  vol. 
grand  in-8°  ;  la  suite,  publiée  sous  la  direction  de 
M.  Ledru-Rollin,  de  1837  à  1847,  forme  17  vol. 
m_8°;  —  Jurisprudence  administrative  en 
matière  content ieuse,  de  1789  à  1831,  7  vol. 
grand-in-8°;  t.  VIII,  Paris,  1844;  tome  IX,  1846, 
allant  jusqu'en  juin  1845;  —  Jurisprudence 
française,  répertoire  général  du  Journal  du 
Palais.  Introduction  :  De  l'influence  de  l'é- 
cole française  sur  le  droit  au  dix -neuvième 
siècle;  Paris,  1844,  in-4°  :  cet  ouvrage  est  la 
préface  de  la  table  générale  du  Journal  du  Pa- 
lais, publiée  sous  ce  titre  :  Répertoire  général 
contenant  la  Jurisprudence  de  1791  à  1845, 
l'histoire  dit  droit ,  la  législation  et  la  doc- 
trine des  auteurs  ,  par  M.  Ledru-Rollin,  puhlié 
par  E.-F.  Patris;  Paris,  1843-1848,  8  vol  in-4°. 
On  a  en  outre  de  M.  Ledru-Rollin  :  Consultation 
contre  l'état  de  siège  ;  Paris,  1832,  in-4°;  — 
Mémoire  sur  les  événements  de  la  rue  Trans- 
nonain,  dans  les  journées  des  13  et  14  avril 
1834;  Paris,  l«34,in-8°;  —  Profession  de  foi 
de  M.  Ledru-Rollin,  député,  élu  à  l'unanimité 
•moins  trois  voix  successeur  de  Garnier-Pagès  ; 


LEDRU-ROLLIN  —  LEDUC  280  j 

1841,  in-8°;  —  Diseours  prononcé  devant  les  ! 
électeurs  du  deuxième  collège  du  Mans,  le 
24  juillet  1841  ;  1841,  in-80;  —  Cour  des  Pairs: 
plaidoirie  pour  M.  Dupoty,  rédacteur  en  chef 
du    Journal  du  Peuple;   Paris,  1841,  in-8°; 
—  Lettre  de  M.  Ledru-Rollin  à  M.  de  Lamar- 
tine sur  l'État,  l'Église  et  V Enseignement; 
réflexions   du  journal    La   Réforme  et    Ré- 
ponse de  M.  Ledru-Rollin;  1844,in-8°;  — Aux 
Travailleurs  ;  adhésion  à  l'appel  de  La  Ré- 
forme; 1844,  in-32  et  in-18  ;  —  Allocution  aux 
Électeurs  du  deuxième  Collège  de  la  Sarthe; 
1845,  in-8°;  —  Du  Paupérisme  dans  les  cam- 
pagnes, et  des  Réformes  que  nécessite  l'extinc- 
tion  de   la  mendicité;   1847,    in-8°;  —   Le. 
peuple   souverain  au  journal   Le   Constitu-i 
tionnel;  1848,  in-8°;  —  Discours  prononcé  au< 
banquet  du  Chalet,  le  22   septembre  1848, 
suivi  des  remerciements  de  F.-V.  Raspail; 
1848,  in-32  ; —  Réponse  à  mes  calomniateurs  ; 
1848,  in-fol.;  — :  A  la  Révolution!  toast  pro-> 
nonce  au  banquet  des  écoles  ;  1848,  in-fol.;  -^1 
Le  13  juin  1849;  1849,  in-18;  —  De  la  Déca- 
dence de  l'Angleterre;    Paris,   1850,   2  vol.i 
in-8°; —    La  Loi  anglaise,  2   vol.    in-8°; — - 
Du  Gouvernement  direct  du  Peuple;  Paris,. 
1851,  in-8°; —  La  nouvelle  Alliance,  libeller 
clandestin.  M.  Ledru-Rollin  a  aussi  donné  des- 
articles  à   YAlmanach   démocratique,    1844,i. 
1845  et  1846,  et  à  YAlmanach  républicain,. 
1850.  L.  Louvet. 


Ledru  Rollin,  sa  vie  politique  dévoilée;  1848.—  Biogr. 
statistique  de  la  Chambre  des  Députés.  —  Lesaiilnieiy. 
Biogr.  des  900  Députés  à  l'assemblée  nationale.—  lîiogr. 
des  900  Représ,  à  la  Constituante.  —  Biogr.  des  7S0  Repr.  \ 
à  V Assemblée  législative.  —  Pouillet,  Note  sur  ce  quii 
s'est  passé  au  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers  le  13  : 
juin  1849.  —  Guinard,  Lettre  au  Rédacteur  du  National': 
sur  les  événements  de  juin  1819,  dans  l.e  Nationalii 
23  juin  1849.  —  Eug.  de  Mireconrt,  Les  Contemp.,  n°  84.  -r— 
Dirt.  de  la  Conversation.  —  Vapereau,  Dict.  univ.  des  \ 
Contemp.  —  Moniteur,  1841-18S8. 

ledvc  (Jean),  peintre  et  graveur  hollan- 
dais, né  à  La  Haye,  en  1639.  Il  appartenait  à 
une  famille  française,  que  la  persécution  contre 
les  partisans  de  la  religion  protestante  avait  for- 
cée d'émigrer.  Il  apprit  la  peinture  sous  Paul  i 
Potter,  dont  il  imita  la  manière  d'une  telle  façon 
que  l'on  confond  encore  les  rares  tableaux  de 
l'élève  avec  ceux  du  maître.  C'est  assez  dire 
que  ses  œuvres  se  distinguent  par  la  facilité  du 
pinceau  et  la  finesse  du  dessin.  En  1671  l'Aca- 
démie de  La  Haje  le  choisit  pour  président.  Ce- 
pendant Leduc,  malgré  ses  succès,  abandonna  la 
carrière  artistique  pour  celle  des  armes.  Il  par- 
vint au  grade  de  capitaine,  et  sut  acquérir  le  sur- 
nom de  Brave.  Les  principaux  tableaux  de  Le- 
duc sont  à  Dresde:  c'est  un  portrait  d'homme 
à  barbe  (  on  ignore  le  nom  de  l'original  ) ,  et 
une  Scène  de  Pillage:  un  soldat  tient  par  les 
cheveux  un  paysan,  une  femme  est  agenouillée 
près  d'eux  ;  —  au  Louvre ,  à  Paris ,  on  voit  ; 
une  Scène  d' avant-garde  et  \in  Corps-de-garde, 
hollandais,  Â.  PP  &• 


281  LEDUC  — 

Descamps,  La  Vie  des  Peintres  hollandais,  etc. ,  t.  II,  • 
.213.  -  Piiklngton,  Dictionary  of  Painters. 

LEDVC(Jean),  poëte  français,  vivait  à  Paris  au 
nilieu  du  dix-septième  siècle;  il  n'est  connu  que 
iar  un  ouvrage  qu'il  publia  en  1665  chez  Gabriel 
Juinet  :  Proverbes  en  Rimes,  ou  rimes  en  pro- 
verbes, 2  vol.  in-12;  6,000  proverbes  sont  mis 
n  mauvais  distiques  dans  ce  recueil  et  rangés 
lar  ordre  alphabétique  selon  le  premier  mot  qui 
omnience  chaque  adage.  Comme  poésie,  c'est 
u-dessous  du  médiocre,  et  fort  souvent  l'auteur 
modifié  les  proverbes,  afin  de  les  plier  aux 
xigences  de  son  cadre.  En  cherchant  bien ,  on 
rouverait  cependant  dans  cette  compilation  quel- 
ues  dictons  vulgaires  qui  ne  se  rencontrent 
as  ailleurs.  -  G.  B. 

G.  Duplessis,  Bibliographie  Parémiologique,  p.  181. 
LEDUC  (  Gabriel) ,  architecte  français,  mort 
I  Paris,  en  1704.  Il  a  conduit  sous  Le  Muet  les 
pvaux  intérieurs  du  Val  de  Grâce,  pendant 
u'Anguier  exécutait  l'extérieur  sur  les  dessins 
je  François  Mansart,  à  qui  on  avait  retiré  ce 
ravail  lorsqu'il  était  arrivé  à  la  hauteur  du  pre- 
mier entablement.  Gabriel  Leduc  donna  les  des- 
tins du  baldaquin  du  maître  autel  de  l'église; 
psuite  il  fut  chargé  des  travaux  de  l'église  des 
Jetits-Pères,  dont  Pierre  Le  Muet  avait  fait  les 
lessins.  Leduc  n'en  garda  que  le  plan  général,  et 
pute  la  décoration  intérieure  et  extérieure  lui 
jppartient.  Leduc  continua  aussi  l'église  de  Saint- 
|ouis-en-l'Ile ,  commencée  par  Louis  Levau  ;  le 
jortail  principal  est  son  ouvrage.  Il  a  en  outre 
lût  construire  bon  nombre  de  beaux  hôtels  dont 
es  plans  ont  été  gravés  par  Marot.  J.  V. 
I  Germain  Brlce,  Description  de  Paris. 
I  LEDUC  (  Nicolas  ),  écrivain  religieux ,  mort 
n  1744.  D'abord  curé  à  Trouville,  il  fat  appelé  à 
'ans  comme  vicaire  à  l'église  Saint-Paul.  Son 
pposition  à  la  bulle  Unigenitus,  et  notamment 
ne  lettre  qu'il  adressa  au  clergé  en  1728,  et 
ans  laquelle  il  prenait  la  défense  de  l'évêque 
eSenez,  condamné  par  le  concile  d'Embrun  ,  le 
t  interdire  par  l'archevêque  de  Paris  Vintr- 
lille.  On  a  de  l'abbé  Leduc  :  Année  ecclésias- 
ique,  ou  instructions  sur  le  propre  du  temps, 
t  sur  le  propre  et  le  commun  des  saints, 
me  une  explication  des  Épîtres  et  des  Évan- 
iles ;  Paris,  1734  et  années  suiv.,  15  vol. 
i-12  ;  —  L  Imitation  de  Jésus-Christ,  tra- 
duction nouvelle,  avec  des  réflexions,  des 
pratiques  et  des  prières  à  la  fin  de  chaque 
hapitre,  et  une  récapitulation  ou  analyse  à 
\a  fin  de  chaque  livre ,  pour  en  rendre  la 
lecture  plus  utile;  Paris,  1737,  in-12;  traduc- 
lion,  souvent  réimprimée;  —  Le  Chemin  du 
«tel,  suivi  du  plus  court  chemin  pour  aller  à 
Oieu,  traduits  du  latin  du  cardinal  Bona;  Paris, 
.738,  in-8°.  Leduc  a  coopéré  à  la  traduction 
rançaise  de  l'Histoire  du  président  de  Thou, 
Jubliée  en  1734.  J.  V. 

Ladvocat,  Dict.  Hist.,  édlt.  de   1789,  suppl.  —  Barbier, 
traductions  franc,  de  l'Imit.  de  Jesus-Christ,  p.  7*. 
LE  DUCHAT.  Voy.  DrDHAT. 


LEDYARD 


282 


ledyard  (John),  voyageur  américain,  né 
à  Groton  (Connecticut,  États-Unis),  en  1751, 
mort  en  Egypte,  novembre  1788.  Fils  d'un  ca- 
pitaine de  navire,  il  étudia  d'abord  le  droit, 
s'en  dégoûta  promptement,  et  à  dix-neuf  ans  se 
fit  admettre  au  collège  de  Dairnoutli ,  pour  se 
préparer  aux  fonctions  de  missionnaire  parmi  les 
Indiens.  Au  bout  de  quelques  mois,  il  disparut 
sans  prévenir  personne.  On  apprit  plus  tard  qu'il 
était  allé  vivre  parmi  les  Indiens  sur  les  fron- 
tières du  Canada.  Après  une  assez  longue  ab- 
sence, il  revint  au  collège,  et  reprit  ses  études. 
Mais  il  ne  put  s'assujettir  longtemps  à  la  règle 
et  aux  observations  des  professeurs.  Il  s'échappa 
de  nouveau,  et  cette  fois  pour  toujours.  Ayant 
emprunté  quelques  outils  à  des  piouniers  qu'il 
rencontra  sur  les  bords  de  la  rivière  de  Connec- 
ticut, alors  une  solitude  r  il  creusa  un  arbre  en 
canot,  et  se  mit  à  descendre  la  rivière,  voyage 
qui  n'était  pas  sans  danger,  car  elle  présentait 
çà  et  là  des  rapides.  On  fut  bien  étonné  de  le 
voir  apparaître  à  Hartford,  qui  était  à  140  milles 
de  Darmouth.  Il  avait  là  un  oncle,  qui  l'accueil- 
lit bien ,  mais  lui  conseilla  de  retourner  au  col- 
lège. Le  jeune  homme  montrait  une  répugnance 
extrême.  Ayant  tenté  en  vain  d'obtenir  l'autori- 
sation deprêcher,  il  tourna  ses  regards  vers  l'O- 
céan, et  s'engagea  comme  matelot  à  bord  d'un  na- 
vire qui  allait  à  Gibraltar.  A  son  arrivée,  il  fut 
témoin  d'une  revue  militaire,  et  frappé  de  l'éclat 
des  armes,  il  s'enrôla  dans  une  compagnie.  Au 
bout  d'un  an,  le  capitaine  anglais  lui  donne  son 
congé,  et  le  jeune  aventurier  revienten  Amérique. 
Peu  après  il  s'embarque  comme  matelot  pour 
l'Angleterre  dans  l'espoir  d'y  obtenir  l'appui  d'un 
riche  parent.  Malgré  son  titre  de  cousin  d'Amé- 
rique, l'accueil  fut  très-froid,  et  le  jeune  homme, 
qui  avait  de  la  fierté,  ne  renouvela  pas  sa  visite. 
C'était  l'époque  où  le  capitaine  Cook  faisait  les 
préparatifs  de  son  troisième  voyage  autour  du 
monde.  L'idée  de  l'accompagner  exalte  l'imagi- 
nation de  Ledyard.  Son  extérieur  et  son  langage 
firent  une  bonne  impression  sur  le  célèbre  navi- 
gateur :  il  fut  aussitôt  admis  avec  le  grade  de  ca- 
poral. Ledyard  accomplit  tout  le  voyage  autour 
du  monde,  dont  il  publia  plus  tard  un  abrégé  in- 
téressant. A  son  retour,  il  resta  encore  deux  ans 
dans  la  marine  d'Angleterre,  et  revint  en  Amé- 
rique en  1782.  lien  était  absent  depuis  huit  ans, 
et  comme  à  sa  rentrée  dans  la  maison  maternelle 
il  n'avait  pas  dit  son  nom,  sa  mère  ne  le  reconnut 
pas  d'abord.  Après  avoir  publié  son  récit 
du  troisième  voyage  de  Cook  ,  il  se  rendit  à 
Philadelphie  pour  exécuter  un  projet  qu'il  avait 
conçu  :  c'était  d'organiser  une  expédition  com- 
merciale à  la  côte  nord-ouest  d'Amérique  sur 
l'océan  Pacifique.  Il  fut  accueilli  avec  intérêt 
par  le  sénateur  Robert  Morris,  qui  fit  beaucoup 
de  démarches.  Mais  on  sortait  à  peine  de  la 
guerre  de  l'indépendance  ;  l'argent  était  rare , 
les  obstacles  se  multiplièrent  ;  l'entreprise  resta 
en  projet.  Ledyard  chercha  à  la  réaliser  d'une 


283 


LEDYARD  —  LEE 


284 


autre  manière.  Il  savait  qu'il  se  trouvait  a  Lo- 
rient  en  France  de  riches  armateurs  qui  s'occu- 
paient d'expéditions  dans  l'océan  Pacifique.  Il 
s'embarque  pour  Cadix  ,  et  de  là  se  rend  à  Lo- 
rient  pour  exposer  son  projet.  Il  fut  bien  ac- 
cueilli par  des  armateurs  ;  un  navire  de  cinq  cents 
tonneaux  fut  préparé,  et  il  était  sur  le  point  de 
partir  quand,  par  suite  d'une  difficulté  avec  le 
gouvernement ,  le  voyage  fut  tout  à  fait  aban- 
donné par  ses  patrons.  Plein  de  regrets,  Le- 
dyard  se  rendit  à  Paris,  et  exposa  ses  vues  au 
ministre  américain  Jefferson.  Celui-ci  y  prit  un 
vif  intérêt,  et  le  mit  en  rapport  avec  le  fameux 
Paul  Jones.  Tous  deux  concertèrent  divers  plans 
pour  obtenir  l'appui  du  gouvernement  ou  des 
particuliers;  mais  leurs  efforts  restèrent  sans 
succès.  Désespérant  de  pouvoir  atteindre  la 
côte  nord-ouest  de  l'Amérique  par  mer,  Le- 
dyard  songea  à  le  faire  par  terre,  et  à  cet  effet 
il  s'adressa,  par  l'intermédiaire  de  Jefferson,  à 
l'impératrice  Catherine  II ,  afin  d'obtenir  la  per- 
mission de  traverser  son  territoire  en  Europe  et 
en  Asie.  Il  comptait  arriver  ainsi  au  détroit  de 
Behring,  passer  sur  la  côte  d'Amérique  et  en 
explorer  l'intérieur.  Après  de  longs  délais,  il 
traversa  l'Allemagne,  le  Danemark,  la  Suède,  la 
Finlande,  et  arriva  à  Saint-Pétersbourg,  où  ses 
lettres  lui  procurèrent  l'appui  du  professeur 
Pallas  et  du  comte  deSégur,  ministre  de  France. 
Il  obtint  enfin  un  passeport  pour  poursuivre  son 
voyage  en  Sibérie ,  en  explora  la  partie  nord ,  et 
revint  à  Iakoutsk.  Là  il  rencontra  un  capitaine, 
JBillings,  qu'il  avait  connu  sur  le  navire  de  Cook, 
et  qui  était  chargé  d'une  expédition  dans  la  mer 
au  nord  de  l'Asie.  Cet  officier  l'emmena  avec 
lui  jusqu'à  Irkoutsk.  Là,  le  commandant  russe 
fit  défense  à  Ledyard  d'aller  plus  loin,  et  le  ren- 
voya à  Moscou  comme  espion  français.  La  li- 
berté ne  lui  fut  rendue  qu'à  la  frontière  de  Po- 
logne ,  avec  l'injonction  que  s'il  rentrait  dans 
les  domaines  de  l'impératrice  il  serait  pendu. 
Après  quinze  mois  d'absence,  il  reparut  à  Lon- 
dres ,  comme  il  le  dit  lui-même,  cruellement 
déçu ,  en  haillons ,  et  sans  un  sou  ,  mais  avec 
toute  son  énergie.  A  peine  eut-il  renoué  ses  re- 
lations, que  sir  Joseph  Banks  lui  proposa,  au 
nom  de  la  Société  Africaine,  une  expédition  dans 
l'intérieur  de  l'Afrique.  Il  s'empressa  de  voir  le 
secrétaire  de  la  Société  pour  en  conférer  avec 
lui,  et  celui-ci  lui  ayant  demandé  quand  il  serait 
disposé  à  partir;  «  demain  matin  »  ,  répondit 
Ledyard.  Le  plan  tracé  par  la  Société  consistait 
à  se  rendre  à  Alexandrie,  de  là  à  remonter  le 
Nil  jusqu'au  Caire,  du  Caire  au  Sennaar,  et  une 
fois  en  ce  pays  à  se  dirigera  l'ouest,  en  suivant 
la  latitude  du  cours  supposé  du  Niger.  L'année 
précédente,  il  avait  parcouru  les  déserts  glacés 
de  la  Sibérie;  maintenant  il  allait  braver  la  cha- 
leur brûlante  de  l'Afrique.  Il  arriva  heureuse- 
ment au  Caire,  où  il  fut  obligé  d'attendre  trois 
mois  pour  les  finances  et  ses  autres  préparatifs. 
Il  se  disposait  à  repartir,  quand  il  fut  pris  d'une 


fièvre  bilieuse,  à  laquelle  il  succomba,  vers  la  fin 
de  novembre  1788.   Jefferson  en  parle,   dans 
son  autobiographie,  comme  d'un  homme  d'un 
esprit  très-inteiligent,  de  quelque  instruction,  et 
plein  d'ardeur,  de  courage  et  de  persévérance.  ! 
J.  Chanut, 
Life  of Ledyard,  parjared  Sparks;  Cambridge  New-] 
England.   —  Cyclopsedia   Americana.  —    Cyclopœdia  I 
of  American  Lite  rature. 

ledwich  (Edward^,  antiquaire  anglais,  né  j 
en  1739,  en  Irlande,  où  il  est  mort,  le  8  aoûtj 
1823.  Membre  du  collège  de  La  Trinité  à  Dublin  j 
et  docteur  es  lettres,  il  embrassa  l'état  ecelésias-j 
tique,  et  fut  pourvu  du  bénéfice  d'Aghadoe.  L'é-| 
tude  des  antiquités  irlandaises  l'occupa  toute  saj 
vie,  et  il  déploya  dans  ses  travaux  autant  d'érurj 
dition  que  de  goût  et  de  méthode  ;  il  s'attachaj 
principalement  à  déblayer  l'histoire  des  fables,! 
des  légendes  et  des  miracles  maintenus  par] 
certains  écrivains  catholiques.  Ainsi  ce  fut  lui 
qui  le  premier  mit  en  problème  la  fameuse  lé—. 
gende  de  saint  Patrick.  Cet  auteur  fut  secrétaire 
de  la  commission  des  antiquaires  de  la  Société 
royale  de  Dublin,  et  fit  aussi  partie  de  plusieurs 
compagnies  savantes  du  continent.  On  a  de  lui  ; 
Anttquities  oj  Ireland;  1794-1796,2  vol.  in-4°; 
—  Statistique  de  la  paroisse  d'Agad.hoesi 
1796,  in-8°  ;  —  etdes  mémoires  insérés  dans  l'é- 
dition de  la  Britannïa  de  Camden  (1789)  el 
dans  l' Archeeologia.  P*  L — v. 

Rose,  New  Biogr.  Dict. 

lee  (Edouard),  prélat  anglais, né  à  Lee-Ma- 
gna,  dans  le  comté  de  Kent,  en  1482,  mort  ei« 
1544.  Il  fit  ses  études  à  Oxford,  au  collège  d«, 
La  Madeleine,  et  passa  ensuite  à  l'université  d«, 
Cambridge.  Son  savoir  et  ses  talents  le  recom-i 
mandèrent  au  roi  Henri  VIII,  qui  l'employa  dansi 
plusieurs  ambassades,  le  nomma  chancelier  df 
Salisbury,  et  l'éleva  à  la  dignité  d'archevêque 
d'York.  Lee  fut  un  zélé  catholique,  écrivit  con' 
tre  Luther  et  même  contre  Érasme  ;  mais  il  m 
resta  pas  fidèle  à  la  cause  du  pape,  et  reconnu 
la  suprématie  religieuse  d'Henri  VIII.  On  a  di 
lui  :  Apologia  adversus  quorumdam  calum 
nias;  Louvain ,  1520;  —  Epistola  nuncupà 
toria  ad  Des.  Erasmum;  Louvain,  1520;  - 
Annotationum  Libri  duo  in  annotationes  Nov 
Test  amen  ti  Erasmi;  Bâle,  1520;  —  Epistoh 
apologetica,  qua  respondet  D.  Erasmi  épis 
tolis;  —  des  Commentaires  sur  le  Penta 
teuque,  restés  manuscrits.  Z. 

Wood,  Athenae  Oxonienses,  vol.  I.  —  Dodd,  Churà 
History. 

lee  (Nathaniel),  poète  dramatique  anglais; 
né  vers  1655,   mort  en  1691  ou    1692.  Il  éti 
fils  du  docteur  Lee,  ministre  à  Hatfield,  dans 
comté  d'Hertford.  11  reçut  sa  première  éduci 
tion  à  l'école  de  Westminster,  et  entra  ensuit 
au  collège  de  La  Trinité  à  Cambridge.   Ses  pa 
rents  le  destinaient  a  l'enseignement  ou  à  l'él 
ecclésiastique,  mais  ses  goûts  de  dissipation  l'< 
traînèrent  vers  une  autre  carrière.  Il  débuta 
théâtre  en  1672,  et  ayant  échoué  comme  acteur 


85 


LEE 


280 


tenta  la  fortune  comme  auteur,  ce  qui  lui 
jussit  mieux.  En  1684  il  eut  un  dérangement 
e  cerveau,  qui  le  fit  enfermer  à  Bedlam  pen- 
ant  quatre  ans.  Il  parait  qu'il  n'avait  pas  com- 
létement  perdu  la  raison.  Un  jour  un  visiteur  eut 
i  cruauté  de  faire  allusion  à  son  état,  et  lui  dit 
n'il  est  facile  d'écrire  comme  un  insensé.  «  Non, 
'pondit  Lee,  il  n'est  pas  facile  d'écrire  comme 
i  insensé,  mais  il  est  très-facile  de  parler  comme 
il  imbécile.  »  Il  sortit  de  Bedlam  à  demi  guéri, 
tais  non  corrigé  de  son  intempérance.  Une  nuit 
'hiver  qu'il  s'était  enivré,  il  se  laissa  tomber 
ms  la  rue  en  regagnant  son  logis,  et  fut  trouvé 
lort  le  lendemain  matin.  Voici  les  titres  de  ses 
èces  :  Nero ,  emperor  of  Rome ,  tragédie  ; 
>75,  in-4°;  —  Sophonisba-,  or  HannibaVs 
verthrow,  trag.;  1676,  in-4°; —  Gloriana,  or 
le  court  of  Augustus  Ca?«zr,  tragédie  ;  1676, 
:-4°  ;  —  The  Rival  Queens ,  or  ihe  death  of 
lexander  the  Great, tragédie;  1677,  in-4°;  — 
Uthridates,  king  of  Pontus,  trag.;  1680,  in-4°; 
'heodosius,  or  the  force  of  love,  trag.;  1680, 
t-4°  ;  —  Csesar  Borgïa,  trag.  ;  1680,  in-4°  ;  — 
ucius  Junius  Brutus,  trag  ;  1681,  in-4°;  — 
pnstantine the  Great,  trag;  1684,  in-4°;  — 
he  Princess  o/C/ei^tragicomédie;  1689,in-4°; 
-  The  Massacre  of  Paris,  trag.;  1690,  in-4°. 
ee  a  été  le  collaborateur  de  Dryden  pour  Le  duc 
t  Guise  et  Œdipe.  Les  tragédies  de  Théodore 
;  d'Alexandre  le  Grand  sont  restées  longtemps 
i  théâtre.  «  Parmi  les  poètes  anglais  modernes, 
it  Addison,  aucun  n'aurait  été  plus  propre  à  la 
agédie  que  Lee  si ,  au  lieu  de  s'abandonner  à 
impétuosité  de  son  génie,  il  l'avait  modéré  et 
înfermé  dans  de  justes  bornes.  Ses  pensées  sont 
ignés  de  la  tragédie  ;  mais  elles  sont  si  souvent 
syées  dans  une  multitude  de  paroles  qu'il  est 
ifficile  d'en  apercevoir  la  beauté.  Il  y  a  infini- 
lent  de  feu  dans  ses  ouvrages ,  mais  si  enve- 
ppé  de  fumée,  qu'il  en  perd  la  moitié  de  son 
;lat.  Lee  réussit  souvent  dans  les  endroits  pas- 
onnés  de  la  tragédie ,  surtout  lorsqu'il  ne  s'a- 
mdonne  point  à  la  violence  de  son  imagination, 
t  qu'il  débarrasse  son  style  des  épithètes  et  des 
létaphoies ,  dont  il  abonde  ordinairement.  » 
e  jugement  est  trop  indulgent.  Lee  montre 
îns  tous  ses  ouvrages  plus  d'enflure  que  d'i- 
lagination,  et  il  manque  tout  à  fait  d'invention. 

L.    J. 

Ciber,  Lives.  —  Addison,  Spectator,  n°  39.  —  Biogra- 
*>ia  Dramaticu. 

lee  (Charles),  général  anglo-américain,  né 
ans  le  pays  de  Galles,  vers  1730,  mort  à  Phila- 
elpbie,  le  2  octobre  1782.  11  entra  jeune  dans 
armée.  La  première  partie  de  sa  vie  est  peu 
innue,  et  paraît  avoir  été  aventureuse.  En  1756 
n  le  trouve  en  Amérique  au  combat  de  Ticonde- 
)ga,  où  Abercrombie  fut  défait.  En  1762  il  ser- 
ait en  Portugal,  avec  le  titre  de  colonel  sous  le 
énéral  Burgoyne.  Peu  après ,  dans  des  lettres 
atées  de  la  Pologne ,  il  défendit  les  droits  des 
aîonies  anglaises,  qui  se  prétendaient  lésées  par 


l'acte  du  timbre.  Dans  les  années  1771  et  1772  il 
parcourut  l'Europe.  Jusque  là  il  avait  fait  partie 
de  l'armée  anglaise;  mais  en  1773  il  rompit  avec 
son  pays,  et  alla  en  Amérique  prêcher  la  révolte 
contre  l'Angleterre.  11  reçut  du  congrès  le  titre 
de  major  général ,  et  servit  avec  distinction  sous 
Washington  dans  les  campagnes  de  1776  et 
1777.  Le  28  juin  1778  il  commanda  l'avant-garde 
américaine  à  la  bataille  de  Montmouth,  et  après 
un  combat  assez  court  contre  le  général  Clinton 
il  battit  en  retraite.  Washington,  irrité  de  ce 
mouvement  précipité,  lui  adressa  de  vifs  repro- 
ches. Lee  ne  put  supporter  cette  injure,  et  en 
demanda  raison  à  Washington  par  une  lettre.  Il 
fut  arrêté,  traduit  devant  une  cour  martiale,  pré- 
sidée par  lord  Stirling,  et  suspendu  de  ses  fonc- 
tions pour  une  année.  Le  congrès  ayant  confirmé 
en  1780  la  sentence  de  la  cour  martiale,  Lee  se 
retira  dans  une  ferme  en  Virginie,  où  il  vécut  en 
simple  particulier.  Il  s'ennuya  bientôt  de  la  vie 
solitaire,  et  se  rendit  à  Philadelphie.  11  y  mourut 
au  bout  de  quelques  jours.  Il  demanda  par  son 
testament  à  n'être  enterré  ni  dans  une  église,  ni 
dans  un  cimetière,  ni  à  moins  d'un  mille  d'aucune 
maison  de  presbytérien  ou  d'anabaptiste.  Des 
mémoires  sur  sa  vie  avec  des  essais  etdes  lettres 
de  lui  ont  été  publiés  en  1792,  in-12.        Z. 

Langworthy,  Anecdotes  of  Ch.  Lee,  with  his  political 
and  militari/  essays  ;  Londrfes,  1792,  in-8°. 

lee  (Richard- Henri),  nomme  politique  amé- 
ricain, né  à  Stratford  (Virginie),  le  20  janvier 
1732,  mort  le  19  juin  1794.  Envoyé  de  bonne 
heure  en  Angleterre ,  il  y  fit  d'excellentes  études 
classiques.  A  son  retour,  jouissant  d'une  grande 
fortune  ,  il  consacra  la  plus  grande  partie  de  son 
temps  à  la  littérature,  à  l'histoire ,  aux  ouvrages 
de  politique  et  de  législation.  A  vingt-cinq  ans, 
il  fut  nommé  juge  de  paix  de  son  comté ,  place 
qui  n'était  alors  donnée  qu'aux  hommes  distingués 
par  leur  caractère  et  leur  expérience.  Peu  après, 
il  fut  choisi  comme  délégué  à  la  législature  de 
la  colonie ,  et  brilla  dans  les  détâés  par  son  élo- 
quence et  sa  fermeté  à  défendre  les  principes  de 
liberté.  Lorsqu'on  connut  en  1764  i'acte  du  par- 
lement qui  déclarait  le  droit  d'imposer  des  taxes 
aux  colonies,  un  comité  spécial  fut  nommé  pour 
rédiger  une  adresse  au  roi,  un  mémoire  à  la 
chambre  des  lords  et  une  remontrance  à  celle  des 
communes.  Lee  fut  chargé  des  deux  premiers, 
et,  suivant  l'expression  de  son  petit-fils  et  de  son 
biographe ,  ces  documents  renferment  les  vrais 
principes  de  la  révolution,  et  sont  remarquables 
par  uneéloquence  à  la  fois  respectueuse  et  ferme. 
L'année  suivante,  Patrick  Henry  (voir  ce  nom  ) 
ayant  présenté  ses  fameuses  résolutions  contre 
la  loi  du  timbre,  Lee  les  soutint  avec  beaucoup 
de  force,  et  contribua  à  les  faire  triompher.  L'op- 
position à  cette  loi  devint  si  générale  que  le  mi- 
nistère jugea  prudent  de  la  rapporter,  en  1766, 
mais  avec  la  réserve  du  droit  de  la  métropole  a 
prononcer  souverainement  sur  les  intérêts  des 
colonies.  Les  actes  suivirent  bientôt.  En  1767,  ie 


287 


LEE 


288 


parlement  imposa  des  droits  sur  le  thé,  et  de- 
manda à  la  législature  de  subvenir  aux  dépenses 
d'une  partie  de  l'armée  régulière.  Lee  lit  tous  ses 
efforts  pour  soulever  les  esprits  contre  ces  deux 
mesures,  qui  à  ses  yeux  étaient  le  commence- 
ment du  despotisme.  Au  milieu  des  vicissitudes 
de  la  lutte,  tout  s'acheminait  vers  une  crise.  En 
1773,  l'assemblée  de  Virginie  adopta,  sur  la  mo- 
tion de  Lee,  le  plan  de  comités  à  établir  dans  les 
colonies  pour  concerter  leurs  efforts  et  organiser 
partout  la  résistance.  L'année  suivante,  le  pre- 
mier congrès  général  s'assembla  à  Philadelphie. 
Lee  en  faisait  partie  comme  délégué  de  la  Vir- 
ginie. Il  s'y  montra  l'émule  de  P.  Henri  par  l'é- 
nergie de  son  éloquence  et  eut  beaucoup  d'in- 
fluence dans  les  comités.  Par  suite,  il  fut  chargé 
de  rédiger  l'adresse  du  congrès  au  peuple  de 
la  Grande-Bretagne.  Ce  genre  de  rédaction  exige 
un  talent  tout  spécial.  Son  projet  parut  manquer 
de  vigueur  et  de  raisons  irréfutables.  Un  membre 
du  congrès,  homme  d'affaires  distingué,  Jay,  fut 
chargé  secrètement  d'en  rédiger  un  autre,  qui  fut 
présenté  par  un  de  ses  collègues,  dans  le  but  de 
ménager  l'amour-propre  de  Lee,  et  adopté  presque 
sans  changement.  Peu  après  les  hostilités  écla- 
tèrent, et  le  sang  coula.  Cependant,  malgré 
l'exaltation  des  esprits,  le  mot  décisif  de  la  si- 
tuation n'avait  pas  encore  été  prononcé  dans  le 
congrès.  Ce  fut  Lee  qui  prit  l'initiative.  Le  7  juin 
1776  il  fit  la  motion  de  déclarer  que  les  colonies 
sont  et  doivent  être  des  États  libres  et  indépen- 
dants ;  qu'elles  sont  dégagées  de  tout  serment 
de  fidélité  à  la  couronne  de  la  Grande-Bretagne; 
et  que  tout  lien  politique  entre  elles  et  la  mé- 
tropole est  et  doit  être  entièrement  rompu.  II 
soutint  cette  proposition  hardie  par  un  discours 
des  plus  éloquents ,  qui  produisit  une  vive  im- 
pression. Un  débat  animé  suivit,  et  l'examen  dé- 
finitif de  la  résolution  fut  ajourné  au  premier  lundi 
de  juillet.  Cependantun  comité  fut  nommé  de  suite 
pour  préparer  une  déclaration  d'indépendance. 
Lee  en  aurait  été  président,  suivant  l'usage,  et 
à  ce  titre  chargé  de  la  rédaction,  s'il  n'eût  pas  été 
appelé  en  Virginie  par  une  maladie  grave  d'un 
membre  de  sa  famille.  Jefferson  lui  fut  substitué, 
et  eut  ainsi  l'honneur  de  rédiger  la  déclaration. 
Lee  continua  de  siéger  au  congrès  jusqu'en  juin 
1777,  et  demanda  alors  un  congé  pour  se  rendre 
en  Virginie.  Ses  travaux  continuels  avaient  al- 
téré sa  santé  ;  mais  son  principal  motif  était  de 
répondre  à  de  sourdes  accusations  que  la  jalousie 
avait  propagées  contre  lui.  Il  demanda  une  en- 
quête à  l'assemblée  de  son  État.  Non -seulement 
les  allégations  furent  détruites ,  mais  la  législa- 
ture saisit  cette  occasion  de  lui  voter  des  remer- 
cîments  publics  pour  la  fidélité  et  le  zèle  qu'il 
avait  montrés  dans  ses  fonctions  politiques. 
En  1780  il  se  retira  du  congrès,  par  suite  de 
l'altération  de  sa  santé ,  et  n'y  revint  que  quatre 
ans  plus  tard.  Il  en  fut  nommé  président  par 
un  vote  unanime,  et  rentra  dans  ses  foyers  au 
bout  d'une  aunée.  Dans  la  convention  qui  adopta 


la  constitution ,  il  appuya  fortement  le  vote  du 
congrès  qui  soumettait  le  projet  à  des  conven- 
tions semblables  dans  les  divers  États.  Comme 
P.  Henri,  il  voyait  dans  les  pouvoirs  accordés 
au  président  un  danger  pour  l'indépendance  des 
États  et  la  liberté  du  peuple.  L'expérience  n'a 
pas  justifié  ces  craintes,  mais  elles  montrent 
quelle  était  alors  la  disposition  d'esprit  chez  les 
hommes  qui  avaient  joué  le  principal  rôle  dans 
la  révolution.  Lorsque  la  constitution  eut  été 
adoptée,  Lee  fut  choisi  comme  premier  sénateur 
de  la  Virginie  au  nouveau  congrès  (1789).  Trois 
ans  plus  tard,  il  se  retira  de  la  vie  publique,  et 
fut  honoré  de  nouveau  d'un  vote  de  remercî- 
ments  par  la  législature  de  son  État.       J.  C. 

Encyelopsedia  Americana.  —  Hildreth,  History  ofthe 
United  States. 

LEE  {Arthur),  homme  politique  américain, 
né  en  Virginie,  le  20  décembre  1740,  mort  en 
décembre  1792.  Il  fut  envoyé  au  collège  d'E- 
ton  en  Angleterre,  et,  après  y  avoir  terminé 
ses  études,  il  entra  à  l'université  d'Edimbourg, 
où  il  étudia  la  médecine,  et  obtint  son  diplôme 
avec  distinction.  Il  voyagea  ensuite  en  Allemagne, 
en  Italie  et  en  France,  et  revint  en  Virginie,  où  il 
commença  l'exercice  de  sa  profession.  Mais  ses 
penchants  l'entraînaient  vers  la  politique.  Il  ré- 
solut donc  de  retourner  en  Angleterre,  pour  s"  y 
familiariser  avec  la  science  du  gouvernement. 
Avant  sou  départ,  il  apprit  la  discussion  célèbre 
du  parlement  sur  la  loi  du  timbre,  et  lebill  ayant 
été  adopté,  il  écrivit  plusieurs  brochures  pour  le 
combattre.  L'opposition  populaire  était  fortement 
prononcée  à  Londres.  Lee  se  fit  recevoir  dans  la 
société  des  défenseurs  du  bill  des  droits,  et 
membre  de  la  cité,  ce  qui  lui  donna  un  vote  pour 
les  affaires  municipales.  Il  prit  une  part  très-ac- 
tive  à  toutes  les  mesures,  et  publia  beaucoup  de 
brochures  pour  la  défense  des  droits  des  colonie» 
sous  le  titre  de  Junius  américain.  Ses  écrits  lui 
procurèrent  la  connaissance  de  Burke ,  du  doc- 
teur Price  et  autres  chefs  influents  de  l'opposi- 
tion. En  1770  il  entra  au  barreau,  et  y  exerça 
avec  beaucoup  de  succès.  Le  Massachusetts  let 
nomma  son  agent  pour  aider  Franklin  et  le  rem- 
placer en  cas  d'absence.  Quelque  temps  après,  le 
comité  secret  du  congrès  le  choisit  comme  son  cor- 
respondant à  Londres.  Le  principal  objet  de  cette 
mission  était  de  pénétrer  ce  qu'on  pouvait  es- 
pérer des  puissances  européennes  dans  l'intérêt 
des  colonies.  Lee  fit  des  démarches  auprès  de 
l'ambassadeur  de  France  à  la  cour  de  Londres, 
et  par  lui  obtint  l'assurance  du  comte  de  Ver- 
gennes  que  le  gouvernement  fournirait  secrète- 
ment aux  colonies  des  armes  et  des  munitions 
d'une  valeur  de  cinq  millions,  qui  seraient  trans- 
portées de  la  Hollande  aux  Antilles.  Après  la 
déclaration  d'indépendance,  il  fut  nommé  par  le 
congrès  un  des  commissaires  de  l'Amérique  à  la 
cour  de  France:  les  deux  antres  étaient  SilasDean 
et  Franklin.  Lee  se  distingua  par  une  grande 
activité  dans  ses  démarches  auprès  des  person- 


289 


LEE 


290 


nages  puissants,  et  dans  ses  négociations  à  l'effet  '^'assemblée  pour  prononcer  l'éloge  funèbre  de 

Washington.  C'est  là  que  se  trouve  la  phrase 
remarquable,  si  souvent  citée  depuis  :  «  Le  pre- 
'  mier  dans  la  guerre,  le  premier  dans  la  paix,  et  le 
premier  dans  le  oœur  de  ses  concitoyens.  »  Lee 
i   resta  au  congrès  jusqu'à  l'avènement  à  la  prési- 
;  dence  de  Jefferson  (  1801),   rentra  alors  dans 
la  vie  privée,  et  n'occupa  plus  aucune  fonction 
publique.  Le  reste  de  sa  vie  fut  affligé  par  le 
dérangement  de  sa  fortune  qu'avaient  en  partie 
amené  ses  habitudes  d'hospitalité  fastueuse.  Ce 
fut  pendant   qu'il   vivait  comme    prisonnier,  à 
cause  de  ses  dettes  ,  dans  les  limites  du  comté 
!  de  Spottsylvania,  qu'il  écrivit  en  1809  ses  célè- 
bres mémoires  sur  ses  campagnes  dans  le  sud 
(Memoirs  ofthe  War  in  the.  sont hem  départ- 
ment  of  the  United-States  ),  publiés  en  deux 
volumes.   Le    style   manque   d'élégance;    mais 
on  y  trouve  un  ton  ferme  et  sincère,  le  talent 
de  peindre,  et  des  renseignements   pleins  d'in- 
;   térêt.  C'est  un  des  meilleurs  ouvrages  qui   ont 
rapport  à  la  guerre  de   l'indépendance.  11  a  été 
réimprimé  avec  quelques  améliorations  en  1827. 
|   Le  général  Lee  se  trouvait  à  Baltimore  en  1812, 
I   lorsque  la   guerre  fut   déclarée  à  l'Angleterre. 
L'opinion   était   divisée.    Les  uns   avaient  ap- 
j  plaudi  avec  enthousiasme   à  cette  déclaration, 
et  les  autres  lui  étaient  très-hostiles  Un  de  ses 
amis ,  propriétaire  d'un  journal,  y  avait  publié 
des  articles  énergiques  contre  la  guerre.  La  po- 
pulace s'échauffa,  et  vint  saccager  l'imprimerie. 
Le  courageux  journaliste  ne  tarda  pas  à  reprendre 
la  publication  de  sa  feuille,  et  prépara  des  armes 
I  pour  repousser  l'émeute.  Plusieurs  de  ses  amis 
'  vinrent  se  ranger  auprès  de  lui.  La  maison  fut 
de  nouveau  attaquée  par  le  peuple.  Quelques 
;   personnes  furent  tuées,  un  plus  grand  nombre 
i  blessées.  Ceux  qui  occupaient  la  maison  étaient 
menacés  par  des  furieux.  Ce  fut  avec  peine  qu'on 
les  conduisit  à  la  prison  de   la  ville  pour   les 
mettre  à  l'abri  des  violenc  s.   Mais  ia  nuit  sui- 
vante, les  portes  en  furent  brisées.  La  populace 
pénétra  dans  la  prison.  Un   général  qui  avait 
servi  avec  honneur  dans  la  révolution  fut  tué; 
dix  ou  douze  autres  personnes  blessées  et  trai- 
tées avec  une  extrême  violence.  Dans  le  nombre 
était  le  général  Lee.  Sa  santé  en  fut  gravement 
altérée,  et  depuis  il  ne  fit  que  languir.  Dans  l'es- 
poir de  trouver  un  soulagement  à  ses  souffran- 
ces, il  se  rendit  dans  les  Antilles,  et  y  séjourna 
quelque  temps.  Au  printemps  de  1818,  il  revint 
aux  États-Unis,  et  fut  forcé  de  s'arrêter  en  Géor- 
gie, où  il  mourut.  J.  Chanct. 


d'obtenir  de  l'argent,  des  armes  et  des  munitions 
de  guerre,  les  écrits  qu'il  publia  pour  défendre 
la  cause  des  colonies.  Tl  était  chargé  des  missions 
secrètes  qui  exigeaient  le^  plus  de  dextérité. 
Franklin  ayant  été  nommé  ministre  plénipoten- 
tiaire en  France ,  Lee  revint  en  Amérique  en 
1780.  Par  suite  de  mésintelligence  avec  Silar 
Dean  et  des  prévarications  d'employés  subal- 
ternes pendant  qu'il  faisait  partie  de  la  commis- 
sion ,  des  insinuations  injurieuses  avaient  été 
propagées  contre  lui  au  sein  du  congrès.  A  son 
arrivée ,  il  prépara  un  mémoire  justificatif  de  sa 
mission,  et  quand  il  demanda  à  s'expliquer  dans 
le  congrès  même,  les  membres  déclarèrent  qu'ils 
n'avaient  point  d'accusations  à  faire,  qu'ils 
avaient  pleine  confiance  dans  son  patriotisme  et 
sa  probité,  et  l'invitèrent  à  leur  communiquer 
les  vues  et  renseignements  qu'il  avait  recueillis 
pendant  sa  résidence  à  l'étranger.  En  1781  il  fut 
élu  à  l'assemblée  de  Virginie ,  et  envoyé  par  elle 
au  congrès,  où  il  continua  à  représenter  l'État 
jusqu'en  1785.  11  remplit  avec  deux  autres  mem- 
bres les  fonctions  de  commissaire  du  trésor  de 
1784  à  1789,  et  se  retira  ensuite  daus  sa  planta- 
tion, où  il  mourut.  J.  C 

Encyclopxdia  Americana.  —  Life  of  A.  Lee,  par 
R.  H.  Lee,  1829.  —  Diplomatie  Correspondence,  publiée 
par  Sparks. 

lee  {Henri),  général  et  homme  politique  amé- 
ricain, né  en  Virginie,  le  29  janvier  1756,  mort 
le  25  mars  1818.  Sa  famille  occupait  le  premier 
rang  en  Virginie.  En  1776  il  fut  nommé  capi- 
taine d  une  des  six  compagnies  de  cavalerie  que 
leva  l'État,  lorsque  l'indépendance  eut  été  pro- 
noncée. La  Grande-Bretagne  ayant  envoyé  des 
renforts  considérables  en  Amérique,  les  six 
compagnies  furent  réunies  en  régiment  et  pré- 
sentées au  congrès  par  la  Virginie.  Le  jeune  Lee 
se  distingua  prornptement,  et  attira  l'attention 
de  Washington,  qui  choisit  son  escadron  comme 
corps  d'élite.  Peu  après,  en  raison  de  sa  bril- 
lante conduite  ,  Lee  fut  promu  au  rang  de  major, 
et  chargé  du  commandement  d'un  corps  de  ca- 
valerie séparé,  auquel  fut  adjoint  plus  tard  de 
l'infanterie.  En  1780  il  fut  envoyé  avec  ses 
troupes  dans  le  sud  à  l'armée  du  général  Greene, 
et  il  y  resta  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre.  Il  s'y  dis- 
tingua dans  plusieurs  actions,  et  obtint  de  l'avan- 
cement. En  1786  il  fut  envoyé  au  congrès,  et  y 
siégea  jusqu'à  l'établissement  de  la  constitution. 
Dans  la  convention  de  Virginie  en  1788  il  se 
montra  le  défenseur  Ghaleureux  et  éloquent  de 
la  constitution.  En  1792  il  fut  nommé  gouver- 
neur de  son  État,  et  remplit  ces  fonctions  trois 
ans  de  suite.  Dans  la  dernière  année  il  fut  chargé 
par  le  président  Washington  du  commandement 
des  troupes  envoyées  en  Pensylvanie  pour  ré-  j 
primer  une  insurrection  qui  avait  éclaté  au  sujet 
de  droits  sur  le  whisky.  Il  remplit  cette  mission 
avec  habileté  et  succès.  Envoyé  de  nouveau  au 
congrès  en  1799,  il  fut  choisi  par  le  suffrage  de   ' 

NOUV.    BIOGB.    GÉNISK.    —  T.    XX.X. 


Encyclopsedia  Americana.  —  Gyclopsedia  of  Ameri- 
can Literature.  —  History  of  the  United-States,  par  HU- 
dreth. 

lee  (Sophie),  romancière  anglaise,  née  vers 
1751,  morte  le  13  mars  1824.  Elle  était  fille  de 
John  Lee,  acteur  et  auteur  dramatique,  connu 
seulement  pour  avoir  remanié  plusieurs  pièces 
célèbres  du  théâtre  anglais.  John  Lee  mourut  à 
Bath,  en  1781,  et  Sophie  Lee,  avec  sa  sœur  Hen- 

10 


291  T<EE 

riette,  ouvrit  une  école  dans  cette  ville.  Les  deux 
sœur?  amassèrent  en  quelques  années  une 
honnête  fortune,  qui  leur  permit  de  se  retirer  à 
Clifton,  où  elles  passèrent  le  reste  de  leur  vie. 
S.e  premier  ouvrage  de  Sophie  Lee  est  une  co- 
médie, The  Chapter  of  Accidents,  qui  fut  jouée 
à  Haymarket,  en  1730,  avec  beaucoup  de  succès. 
Klle  publia  ensuite  The  Recess  (1785,  3  vol.),  un 
de  ces  romans  mal  à  propos  qualifiés  d'histo- 
riques, et  qui  ne  sont  que  des  falsifications  de 
l'histoire.  Cet  ouvrage  a  pour  sujet  les  aventures 
et  les  malheurs  d'une  prétendue  fille  de  Marie 
Stuart,  née  de  son  mariage  avec  le  comte  de 
Leicester  ;  il  dut  un  succès  populaire  à  certaines 
situations  pathétiques  qui  firent  oublier  l'invrai- 
semblance des  incidents.  Lemare  le  traduisit  en 
français  sous  ce  titre  :  Le  Souterrain,  ou  Ma- 
thilde  ;  Paris,  1787,  3  vol.  in-12.  On  a  encore  de 
Sophie  Lee  :  The  hermite's  Taie,  poème,  1787 ; 

—  Almeyda ,  queen  of  Granada,  tragédie  qui 
réussiten  1796,  grâce  aujeudemistressSiddons; 

—  The  D je  of  a  Lover  ;  1804,  6  vol.  :  ce  roman, 
qu'elle  avait,  dit-on,  composé  dans  sa  jeunesse, 
et  qui  est  une  de  ses  plus  faibles  productions, 
a  été  traduit  par  Mme  de  Salaberry  sous  le  titre 
de  Savinia  Rivers ,  ou  le  danger  d'aimer; 
Paris,  1808,  5  vol.  in-12;  —  The  Assignation, 
comédie,  qui  tomba  à  la  première  représentation 
à  Drury-Lane  en  1804,  et  n'a  jamais  été  impri- 
mée. La  réputation  de  Sophie  Lee  repose  prin- 
cipalement sur  deux  nouvelles  :  The  young  La- 
dtfs  Taie  et  The  Clergyman's  Taie,  qui  ont  été 
insérés  dans  les  Canterbury  Taies.  Elle  a  aussi 
écrit  l'introduction  de  ce  recueil,  auquel  sa  sœur 
eut  la  plus  grande  part. 

Henriette  Lee  ,  sœur  de  la  précédente ,  née 
en  1756,  morte  le   1er  août  1851.  Son  premier 
ouvrage,  The  Errors  of  Innocence,  roman  en 
3  vol.  (1786),  fut  suivi  d'une  comédie,  The  new 
Peerage,  or  our  eyes  may  deceive  us  (1787), 
de  Clara  Lennox  (1797),  roman  traduit  en  fran- 
çais par  le  général  Lasalle;  1798,  2  vol.  in-12,  ' 
et  du  Mysterious  Marrtage,  orthe  heirship  oj  I 
Rosalva,  pièce  publiée  en  1798.  Toutes  ces  pro-  j 
ductions  sont  oubliées.  Mais   les  Canterbury  i 
Taies,  1797-1805,  5' vol.,  contiennent  d'elle  plu-  j 
sieurs  nouvelles  intéressantes,  dont  l'une,  The  \ 
German's   Tale-krui/zner,    a  fourni    à    lord   j 
Byron  le  sujet  de  sa  tragédie  de  Werner.  Z. 

BXographia  Dramatica.  —  English  Cyclopsedia  (  Bio-   : 
çraptiy  ). 

LEE  (Georges-Auguste),  célèbre  industriel  et  j 
mécanicien  anglais,  frère  des  précédentes ,  né  en  ; 
1761,  mort  le  5  août  1826.  Initié  de  bonne  heure 
à  l'art  de  filer  le  coton,  qui  venait  de  recevoir 
une  forte  impulsion  des  inventions  de  sir  Richard  ; 
Arkwright,  il  appliqua  tous  les  avantages  de  ces  j 
inventions  aux  machines  construites  sous  sa  di- 
rection dans  une  manufacture  qu'il  conduisait  à 
Manchester.  Quelque  prédilection  qu'il  eut  pour 
l'emploi  de  l'eau  comme  principe  moteur,  il  ne 
tarda  pas  à   comprendre  l'utilité  qu'on  pouvait 


292 

tirer  des  perfectionnements  que  Watt  avait  ap- 
portés à  la  machine  à  vapeur.  Les  machines  â  va- 
peur construites  par  Philips  et  Lee  purent  être 
regardées  comme  les  plus  parfaits  modèles  de  cette 
heureuse  invention ,  réunissant  les  meilleures 
conditions  de  régularité  et  de  constance  dans  le 
mouvement  combinées  avec  une  rigoureuse  éco- 
nomie. Lee  fut  un  des  premiers  à  perfectionner  la 
machine  de  W.  Struth  par  l'adjonction  de  volants 
en  fonte.  Il  fut  encore  le  premier  à  chauffer  en 
hiver  les  manufactures  de  cofon  par  la  vapeur 
circulant  dans  des  tubes ,  ce  qui  augmenta  la 
sécurité  des  usines,  et  à  rendre  les  filatures  plus 
salubres  par  une  forte  ventilation.  A  sa  recom- 
mandation, les  ouvriers  créèrent  un  fonds  de  se- 
cours mutuels  pour  le  cas  de  maladie ,  et  ce 
bienfait  fut  si  grand  que  sur  un  millier  d'ouvriers 
que  l'usine  renfermait,  il  n'y  eut  pas  plus  de  cinq 
livres  sterling  distribuées  dès  lors  sous  la  forme 
détaxe  des  pauvres,  ainsi  que  cela  lut  constaté 
devant  la  chambre  des  communes.  Lorsque  les 
essais  de  Murdoch  sur  le  pouvoir  éclairant  du 
gaz  de  charbon  de  terre  fut  connu  de  Lee,  en 
1802,  il  comprit  de  suite  l'importance  de  cette 
belle  invention,  et  il  fit  aussitôt  construire  un 
gazomètre.  Les  résultats  de  ses  expériences  fu- 
rent réunis  dans  un  mémoire  inséré  dans  les 
Transactions  philosophiques  de  la  Société 
royale  de  Londres  en  1808.  Ses  travaux  eurent 
une  grande  influence  sur  l'adoption  de  l'éclairage 
au  gaz  dans  les  grandes  manufactures.  Lee  se 
distinguait  par  la  netteté,  la  sagacité  de  ses 
idées  et  parla  bonne  direction  des  établissements 
auxquels  il  présidait.  Il  se  retirades  affaires  à  un 
âge  qui  pouvait  lui  permettre  d'espérer  jouir  en- 
core longtemps  de  sa  tranquillité  d'esprit  ;  mais 
il  fut  bientôt  attaqué  d'une  maladie  de  langueur 
qui  finit  par  l'emporter.  J.  V. 

Animal  Register,  1826,  p.  S72. 

lee  (  Le  révérend  Samuel),  orientaliste  an- 
glais, né  le  }4  mai  1783,  à  Longnor,  village  du 
Shropshire,  à  dix-huit  milles  de  Shrewsbury, 
mort  le  16  décembre  1852.  Il  reçut  les  éléments 
de  son  éducation  dans  une  éco|e  de  charité  du 
village,  où  à  l'âge  de  douze  ans  il  était  apprenti 
chez  un  charpentier.  A  dix -sept  ans,  il  forma  le 
projet  d'apprendre  le  latin ,  et  sur  les  six  ou  sept 
schillings  qu'il  recevait  chaque  semaine  pour  sa 
subsistance,  il  s'acheta  les  livres  élémentaires  et 
les  écrivains  classiques.  A  la  lin  de  son  appren- 
tissage, il  savait  le  latin.  Il  se  mit  alors  au  grec, 
qu'il  apprit  aussi  vite.  Enhardi  par  le  succès,  il 
aborda  l'hébreu ,  le  chaldaïque  et  le  syriaque, 
dont  il  se  rendit  maître.  Il  était  encore  employé 
chez  un  entrepreneur  de  bâtiments.  A  l'âge  de 
vingt-cinq  ans  il  perdit  ses  épargnes  par  l'in- 
cendie d'une  maison  dont  il  surveillait  les  répa- 
rations, et  fut  réduit  à  une  extrême  pauvreté. 
Heureusement  l'archidiacre  Corbett,  qui  avait 
entendu  parler  de  ses  habitudes  studieuses,  vint 
à  son  secours,  et  lui  donna  des  leçons.  L'arabe 
et  le  persan  complétèrent  son  savoir  dans  les 


293 

langues  orientales,  et  il  y  joignit  une  connaissance 
suffisante  du  français  ,  de  l'allemand  et  de  l'ita- 
lien. Vers  1810  il  devint  professeur  à  l'école  de 
Shrewsbury,  et  en  1813  il  entra  au  collège  de 
la  Reine  à  Cambridge,  où  il  prit  les  premiers 
grades  universitaires.  Il  reçut  ensuite  l'ordina- 
tion. Le  il  mars  1819  il  fut  nommé  professeur 
d'arabe  à  l'université  de  Cambridge,  par  excep- 
tion expresse,  quoiqu'il  n'eût  pas  le  grade  de 
maître  es  arts.  En  1831  il  obtint  la  chaire  de 
professeur  royal  d'hébreu  à  Cambridge.  Il  était 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Bristol  et  recteur 
de  Barley.  Outre  plusieurs  pamphlets  sur  des 
sujets  de  controverse  religieuse,  des  sermons  et 
des  articles  dans  les  journaux  périodiques,  on  a 
du  docteur  Lee  :  A  Grammar  of  the  Persian 
Languageby  William  Jones,  ivith  additions; 
Londres,  1823,  1828,  in-4°;  —  TravelsoJ  Ibn 
Batuta,  translated  from  the  abridged  arabic 
Mss,  copies,  preserved  in  the  public  hbrary 
of  Cambridge ,  with  notes;  Londres,  1829, 
in-4°.  Cette  traduction  est  faite  sur  un  extrait 
persan;  —  Hebrew  Grammar;  1830;  —  The 
Book  of  Job,  translatée  from  the  original 
hebrew  ;  1837;  — Hebrew,  Chaldaic  and  En- 
glish Lexicon;  1840;  —  An  Inquiry  into  the 
nature,  progress,  and  end  of  prophecy  ;  Cam- 
bridge, 1849,  in-80;  —  The  Events  and  Times 
ofthe  Visions  of  Daniel  and  S' John  ,  inves- 
tigaled,  ident\fied,  and  determined; Londres, 
1851,in-8°.  Z. 

English  Cyclopsedia  (  Biography  ).  —  Zenker,  Biblio- 
theca  Orientons. 

*  i.ee  (Frédéric- Richard),  peintre  anglais , 
né  à  la  fin  du  dernier  siècle,  à  Barnstaple  (comté 
deDevon  ).  Il  avait  d'abord  embrassé  la  carrière 
militaire,  et  il  fit  comme  officier  d'infanterie 
la  campagne  de  Waterloo.  A  la  paix  il  donna  sa 
démission  pour  se  livrer  tout  à  fait  à  son  goût 
pour  la  peinture.  Ses  paysages,  surtout  ceux  où 
il  reproduit  des  vues  de  lacs  ou  de  rivières, 
rendus  dans  une  touche  ferme  et  pleine  de  poé- 
tiques effets ,  attirèrent  bientôt  l'attention  du  pu- 
blic; une  société  d'amateurs  le  jugea  digne  d'un 
prix  de  cinquante  livres.  Peu  de  temps  après,  il 
fut  admis  aux  expositions  annuelles  de  l'Acadé- 
mie royale  (  1824  )  ;  il  fit  partie  de  cette  compa- 
gnie depuis  1838  comme  membre  titulaire.  On 
place  au  premier  rang  de  ses  productions  :  Le 
Moulin,  L'Avenue  du  parc  de  Sherbrooke , 
VOrage  stir  un  Lac,  la  Moisson,  Brise  de  Mer, 
La  Cabane  du  Pêcheur,  Le  Braconnier,  etc.  K. 

nien  of  the  Time.  —  Th.  Gautier,  Les  Beaux  Arti  à 
Vexposil.  univ.,  18S5. 

*  lee  (Hannah),  femme  de  lettres  améri- 
caine, née  vers  1805,  à  Newburyport  (État  de 
Massachusetts).  Elle  est  fille  d'uu  médecin,  et 
s'est  depuis  longtemps  fixée  à  Boston.  On  a  d'elle 
un  grand  nombre  d'ouvrages  de  recherches  ou 
d'imagination ,  parmi  lesquels  nous  citerons  : 
Grâce  Seymour;  New-York,  1835,  roman;  — 
The  three  Experiments  of  living  ;  ibid.,  1838, 
roman  anonyme  ;  —  Historical  Sketches  ofthe 


LEE  —  LEECHMAN  294 

old  Pointers,  esquisses  biographiques  sur  Léo- 
nard de  Vinci,  Michel-Ange,  le  Corrége  et  autres 
peintres;  —  Luther  and  his  times ; —  Tho 
Huguenots  in  France  and  America;  —  The 
Contrast,  or  différent  modes  of  éducation; 
—  Stories  from  life;  1849;  —  Bistory  of 
Sculpture  and  Sculptors;  1852.  P.  L — ^ . 
Mme  Haie,  ff'oman's  Hecord. 

leeb  (Jean),  sculpteur  allemand,  né  à  Mew- 
mingen,  en  1790,  mort  vers  1856.  Ayant  appris 
le  métier  de  tailleur  de  pierre,  il  se  rendit  en 
1809  eu  Suisse;  deux  ans  après,il  eut  à  Genève 
occasion  d'exécuter  quelques  travaux  d'orne- 
mentation, qui  éveillèrent  en  lui  le  désir  de  s'é- 
lever à  des  sphères  plus  élevées  de  l'art.  Il  étudia 
la  statuaire  à  Paris  et  à  Rome,  fréquenta  l'a- 
telier de  Thowaldsen  à  Naples,  et  vint  se  fixer 
à  Munich  en  1826  Parmi  ses  œuvres  nombreuses 
on  remarque  :  L'Evangéliste  saint  Matthieu,, 
placé  dans  la  chapelle  sépulcrale  de  Rothenberg, 
près  de  Stuttgard  ; — V  Amour  endormi,  fait  pour 
le  comte  deSchônborn  ;  —  les  Monuments  funé- 
raires du  comte  de  Reising,  de  la  comtesse  de 
Rechberg,  et  de  Laurent  Westenrieder, placés 
dans  l'église  de  Niederaschau ,  dans  celle  de 
Douzdorf  et  au  cimetière  de  Munich; —  un  bas- 
relief,  long  de  trente-cinq  pieds,  représentant  des 
sujets  de  l'Odyssée:  il  se  trouve  à  Irlbach;  les 
bustes  de  Boërhaave  (a  la  Walhalla),  des  dix 
plus  célèbres  compositeurs  (à  l'Odéon),  de  Miau- 
lïs,  de  Botzaris,  de  Paganini  ;  enfin  la  statue 
équestre  de  Sipyle,  fils  de  Niobé,  au  moment 
où  il  est  atteint  par  la  flèche  d'Apollon.    E.  G. 

Nagler,  4llgem.  KUnstler-Lexicon. 

*  leech  (John),  caricaturiste  anglais,  né 
vers  1816,  à  Londres.  Il  suivit  les  cours  de  l'A- 
cadémie royale  des  Beaux-Arts,  et  exposa  quel- 
ques toiles  de  genre  ;  mais  il  renonça  bientôt  à 
la  peinture  pour  s'adonner  à  l'illustration  des 
ouvrages  périodiques.  Emule  de  Cruiskshank,  il 
s'est  fait  connaître  par  les  nombreuses  séries  de 
caricatures  qu'il  a  fournies  au  Punch,  le  Chari- 
vari anglais ,  et  qui  décèlent  autant  de  finesse 
d'observation  que  de  savoir-faire  et  de  joyeuse 
humeur  Nous  citerons  de  cet  artiste  :  les  des- 
sins de  la  Comic  His  tory  of  England;  -%,  The 
Rising  Génération;  1848,  in-folio,  album  de. 
douze  planches  ;  —  Pictures  of  Life  and  Gha- 
racter  ;  1854,  in-folio  oblong  ,  contenant  500 
planches  extraites  de  la  collection  du  Punch. 
P.  L— y. 
English  Cyclop.  (  Biography  ). 

leechm  an  (  William),  théologien  écossais, 
né  en  1706,  à  Dolphinston  (comté  de  Lanark  ), 
mortle  3  décembre  1785,  à  Glasgow.  Après  avoir 
étudié  la  théologie  dans  celte  ville,  il  reçut  l'or- 
dination en  1 736,  et  administra  pendant  plusieurs 
années  la  cure  de  Beith.  Sa  réputation  comme 
orateur  sacré  et  la  solidité  de  ses  arguments 
dans  les  controverses  religieuses  lui  firent  don- 
ner la  chaire  de  théologie  à  Glasgow,  qu'il  ne 
cessa  d'occuper  avec  beaucoup  de  distinction 

10 


295  LEECHMAN  —  LÉEPE 

jusqu'à  l'époque  de  sa  mort.  Eu  1761  il  fut  élu 
principal  de  cette  université.  Ses  Sermons  furent 
recueillis  par  Wodrow  et  publiés  en  1789,  2  vol. 
in-8°  ;  les  principaux  sont  ceux  qui  traitent  des 
Mœurs  et  des  Devoirs  d'un  ministre  de  l'É- 
vangile (1741)  et  de  V Efficacité  de  la  Prière 
(1743).  P.  L— y. 

L'fe  of  TV.  Leechman,  en  tête  des  Sermons. 

leE >i  (  Knud  ou  Canut),  littérateur  norvé- 
gien ,  né  le  13  janvier  1697,  mort  à  Drontheim, 
en  1774.  Après  un  long  séjour  dans  la  Laponie 
norvégienne,  où  il  prêcha  l'Évangile,  il  devint  en 
1752  professeur  au  séminaire  de  Drontheim.  On 
a  de  lui  :  Beskrivelse  over  Finnmarkens  Lap- 
per,  deres  Tungemaal,  Levemaade,  og  for- 
rige  Afguclsdijrkelse,  etc.  (Description  des 
Lapons  du  Finmark  ,  de  leur  langue  ,  de  leurs 
mœurs  et  de  leur  ancienne  idolâtrie);  Copen- 
hague, 1767.  Cet  ouvrage,  qui  parut  en  langues 
latine  et  danoise,  et  qui  fut  traduit  bientôt  après 
en  allemand  (Leipzig.  1771,  in-8°),  contient  101 
estampes;  — une  Grammaire  Laponne;  ibid., 
1748;  —  un  Dictionnaire  Lapon-  Danois- Latin  ; 
ibid.,  1768-1781,  2  vol.  in-4°; —  plusieurs  ou- 
vrages de  théologie  en  langue  laponne.    R.  L. 

Roterumnd ,  Supplément  a  Jœeher. 

*LEFMk,KS(Conrad),  archéologue  hollandais, 
né  le  28  avril  1809,  à  Zalt-Bœmel  dans  la  Guel- 
dre.  Il  étudia  à  Leyde  d'abord  la  théologie; 
aiais,  sur  le  conseil  de  Reuvens,  il  l'abandonna 
quelque  temps  après,  pour  se  consacrer  à  l'ar- 
chéologie. Après  avoir,  en  1830  et  en  1831,  pris 
part  comme  volontaire  à  la  guerre  contre  les 
Belges,  il  fut  nommé  en  1835  premier  conserva- 
teur et  en  1839  directeur  du  musée  de  Leyde. 
Il  a  fait  plusieurs  voyages  en  France  et  en  An- 
gleterre pour  augmenter  ses  connaissances  sur 
les  antiquités  égyptiennes.  On  a  de  lui  :  /Egyp- 
tische  Monumenten  van  het  Museumte  Ley- 
den  ;  Leyde,  1835-1852,  13  cahiers;  —  Monu- 
ments égyptiens  portant  des  légendes  roya-  j 
les;  LeyoV,  1838;  —  Description  raisonnée 
des  Monuments  égyptiens  dumusée  de  Leyde; 
Leyde,  1840,  in-8°;  —  Ânimadversiones  ad 
musei  Lugduni  Batavensis  inscriptiones 
grsecas  et  latinas  ;  Leyde,  1842;  — Romein- 
sclie-Oudheden  de  Rosseon  (Antiquités  romaines 
de  Rosseon  )  ;  Leyde,  1842  ;  —  Romeinsche  Ou- 
dhededen  Maastricht,  (Antiquités  romaines  de 
Maastrecht);  Leyde,  1843;  —  Papyri  graeci 
musei  Lugduni- Batavensis;  Leyde,  1843;  — 
Mededreling  over  de  Schilderkunst  der  Ou- 
den  (Mémoires  sur  la  Peinture  des  auciens); 
Leyde,  1850.  E.  G. 

Conversations -Lexikon. 

lééna  (Asatva),  courtisane  athénienne,  mise 
à  mort  en  494  avant  J.-C.  Elle  fut  aimée  par 
Aristogiton,  ou,  selon  Athénée,  par  Harmodius. 
Après  la  mort  d'Hipparque,  Hippias  croyant 
qu'elle  avait  pris  part  à  la  conspiration ,  la  fit 
mettre  à  la  torture.  Elle  mourut  dans  le-s  tour- 
ments sans  rien  révéler.  On  prétend  même  qu'elle 


296 


se  coupa  la  langue  avec  les  dents  de  peur  que 
quelque  secret  lui  échappât.  Los  Athéniens  ren- 
dirent de  grands  honneurs  à  sa  mémoire,  et  lui 
consacrèrent  une  statue  de  lionne  sans  langue 
dans  le  vestibule  de  l'Acropole.  Ni  Hérodote  ni 
Thucydide  ne  parlent  de  la  mort  de  Lééna,  dont 
la  mémoire,  suivant  Pausanias,  fut  conservée  par 
la  tradition.  Y. 

Pausanias,  I,  23.  —  Aihrnée,  XIII,  p.  596.—  Plutarque, 
De  Carr..  8.  -  Polyen,  Vlll,  43. 

i.eene  (  Joseph  van  den),  seigneur  de  Lo- 
delinsart  et  de  Castillion  ,  héraldiste  belge, 
né  à  Bruxelles,  le  12  août  1654,  mort  le  16  fé- 
vrier 1742.  Il  succéda  à  son  père  comme  coûlre 
de  Namur  et  trésorier  de  l'église  de  Walcourt, 
et  devint,  comme  lui,  conseiller  et  premier  roi 
d'armes  des  Pays-Bas  et  de  Bourgogne  en  vertu 
de  lettres  patentes  du  roi  Charles  11  (  20  juin 
1680}.  On  a  de  lui  :  Le  Théâtre  de  la  Noblesse 
du  Brabant,  etc.;  Liège,  1705,  in  4°.  Cet  ou- 
vrage ist  d'une  grande  utilité  et  fait  sur  de 
bonnes  sources,  mais  il  manque  d'ordre  et  de 
tables.  L — z — e. 

De  Veslano,  Nobiliaire  des  Pays-Bas  ,  p.  390.  —  Pa- 
quot,  Mérn.  pour  servir  à  l'hist.  litt.  des  Pays-Bas, 
t.  III,  p.  99-101. 

léepe  (Jean-Antoine  van  der),  peintre 
belge,  né  à  Bruxelles,  en  1664,  mort  à  Bruges, 
en  1719  ou  1720.  Son  père  était  conseiller  à  la 
cour  des  comptes  de  Bruxelles,  et  le  jeune  van 
der  Léepe  fit  ses  études  dans  cette  capitale.  Il 
manifesta  de  bonne  heure  beaucoup  de  goût 
pour  le  dessin,  et  sans  aucun  maître  arriva  à 
peindre  en  miniature  avec  une  telle  perfection 
que  sa  famille  ne  crut  pas  devoir  contrarier  son 
penchant  ;  cependant  elle  ne  voulut  pas  que  l'a- 
mour de  l'art  lui  fît  négliger  des  intérêts  plus  po- 
sitifs Van  Léepe  fut  donc  marié  dès  l'âge  de  dix- 
neuf  ans  ;  le  roi  d'Espagne  le  nomma  contrôleur 
général  de  ses  fermps,  et  peu  après  capitaine  gé- 
néral des  chasses  de  Flandre.  Il  occupa  succes- 
sivement d'autres  charges  dans  la  magistrature. 
Son  atelier  était  devenu  le  rendez-vous  des  hom- 
mes les  plus  distingués  en  tous  genres  de  la 
Belgique;  artistes,  poètes,  savants,  hommes 
d'Etat  s'y  rencontraient  chaque  jour.  Malgré 
l'exactitude  qu'il  apportait  dans  l'accomplisse- 
ment de  ses  devoirs  administratifs,  il  a  pu  laisser 
un  grand  nombre  de  tableaux.  Mais  l'excès  du 
travail  ruina  sa  santé,  et  il  mourut  d'une  hy- 
dropisie.  Déjà  la  faiblesse  de  sa  poitrine  l'avait 
forcé  de  renoncer  à  la  miniature  pour  !e  pay- 
sage à  l'huile.  Il  prit  alors  ses  sujets  dans  les 
campagnes,  sur  le  bord  de  la  mer,  enfin  d'après 
la  nature.  Sa  manière  se  rapproche  quelquefois 
de  celle  du  Poussin.  Son  exécution  est  facile,  sa 
touche  libre,  ses  arbres  bien  feuilles ,  sa  couleur 
bonne,  quoiqu'un  peu  grise  et  plutôt  propre  à  des 
ciels  orageux  qu'à  des  effets  de  lumière  (ce  qui 
fait  préférer  ses  marines  à  ses  autres  œuvres).  On 
cite  surtout  de  lui,  à  Bruges,  dans  l'église  Sainte- 
Anne  :  La  Fuite,  en  Egypte,  toile  de  7  pieds  sur 
8  1/2  de  haut;  les  personnages  sont  de  Ramondt, 


297  LÉEPE  — 

autre  magistrat  de  Bruges  et  ami  de  van  der 
Léepe;  —  dans  la  galerie  du  Hummel,  une  suite 
de  quatorze  tableaux  de  diverses  dimensions 
qui  représentent  des  sujets  de  la  Vie  de  Jésus- 
Christ  :  les  personnages  sont  de  Marc  van  Du- 
venede  et  de  Joseph  van  den  Kerkove  ;  —  chez 
divers  particuliers,  des  marines,  <\espanneaux 
de  salles,  etc  Le  Louvre  de  Paris  possède  quatre 
grands  paysages  de  ce  peintre.  A.  de  Lacaze. 
Descnrops,  La  Vie  des  Peintres  flamands,  etc.,  t.  III, 
p.  83  86. 

*  i.eesek  (Isaac),  hébraïsant  américain, 
né  en  1806,  à  Neukirch  (  Weslphalie).  Élevé  au 
gymnase  de  Munster,  il  passa,  en  1825,  aux 
États-Unis;  depuis  1829  il  exerce  le  ministère 
de  rabbin  a  la  synagogue  de  Philadelphie.  On  a 
de  lui  :  The  Jews  and  the  Mosaic  Lato;  1833; 

—  Discourses  argumentative  and  devotional; 
1836-1840,  2  vol.;  —  Portuguese  form  of 
prayers  ;  1837,  2  vol.;  —  Pentaleuch;  1846; 

—  A  descriptive  Geography  of  Palestine, 
1852,  trad.  de  l'allemand.  Cet  auteur  dirige  de- 
puis 1843  un  journal  intitulé  TheJewish  Ad- 
vocate  et  destiné  à  défendre  les  intérêts  de  ses 
coreligionnaires.  K. 

Picrer,  Univ.  Lexikon  (  supplém.  ). 

leec  ou  leeuw  (Gérard),  savant  impri- 
meur hollandais  du  quinzième  siècle,  mort  à  la 
fin  de  1492.  Vers  1477  il  établit  à  Goude  une 
imprimerie,  qu'il  transporta  à  Anvers  vers  la 
fin  de  1484.  Parmi  les  trente  ouvrages  qu'on 
sait  être  sortis  de  ses  presses,  nous  citerons  : 
Die  Cronike  van  Hollant  ;  Goude,  1478,  in-8°; 
Den  Passionale  ofte  guide  Legend;  Goude, 
1480  ;  —  Ex  Gestis  Romanorum  Historiée 
notabiles  moralizatœ  ;  Goude,  1480,  in-8°;  — 
Dialogus  creaturarum  moralizatus  ;  Goude, 
1481,  in  fol.,  avec  figures;  —  Fabulen  van 
Esopus  ;  Anvers ,  1485  ;  —  Historiée  de  ca- 
lumnia  novercali;  Anvers,  1490;  —  Dialogus 
de  sene  et  juvene  de  amore  disputantïbus  ; 
Anvers,  1491  ;  —  Cronicles  of  the  reame  of 
England  ;  Anvers,  1493,  in-fol.  E.  G. 

Paquot,  iVém.  pour  servir  à  l'histoire  litter.  des  dix- 
sept  provinces  nés  Pays-Bas,  t.  VIII,  p.  212. 

leecw  (Guillaume  van  der),  graveur 
belge,  né  en  1600,  à  Anvers,  mort  vers  1665.  11 
apprit  l'art  de  graver  dans  l'atelier  de  Sout- 
man.  Mais  au  lieu  d'adopter  la  manière  pointée 
de  son  maître ,  il  se  servit  de  hachures  courtes 
et  larges,  ce  qui  donne  à  ses  œuvres  de  l'éner- 
gie et  beaucoup  de  couleur.  On  a  de  lui  :  Loth 
avec  ses  Filles,  d'après  Rubens;  —  Daniel  dans 
la  fosse  aux  lions,  d'après  le  même;  —  Le 
Martyre  de  sainte  Catherine ,  d'après  le  même  ; 
— La  Vierge,  d'après  le  même  ; — La  Chasse  au 
Lion,  La  Chasse  au  Loup,  La  Chasse  au  San- 
glier et  La  Chasse  au  Crocodile,  toutes  les  qua- 
tre d'après  Rubens  ;  —  Le  Vieux  Tohie  et  sa 
femme,  d'après  Rembrandt;  —  David  jouant 
de  la  harpe,  d'après  le  même  ;  —  deux  Por- 
traits de  femme,  d'après  le  même;  —  Saint 


LEEUWEN  298 

François  et  Saint  Antoine  d'après  Lievens; 
—  six  Paysages  d'après  Nieulant.        E.  G. 

Gorl  Uandinelli,  NoHzie  denli  Intagliatnri  (seconde 
édition  ).  —  Nagler,  AWiem.  Kilnstler-Lexicon. 

leetw  (Gabriel  van  der;,  peintre  hollan- 
dais, né  à  Dort,  le  11  novembre  1643,  mort  dans 
la  même  ville,  le  3  juin  1688.  Il  était  fils  et  élève 
de  Sébastien  van  der  Leeuw,  qui  peignait  assez 
bien  les  animaux,  mais  qui  abandonna  la  pein- 
ture pour  entrer  dans  l'octroi.  Gabriel,  déjà 
habile,  se  rendit  à  Amsterdam,  où  il  épousa  la 
sœur  du  peintre  van  der  Plaats.  Les  contra- 
riétés qu'il  éprouva  dès  son  mariage  le  déter- 
minèrent à  voyager,  et,  laissant  sa  jeune  épouse, 
il  ne  revint  pies  d'elle  qu'après  quaorze  années 
d'absence,  passées  quatre  à  Paris  et  à  Lyon, 
deux  à  Turin ,  sept  a  Naples  et  une  à  Rome. 
Partout  il  fut  employé,  et  ses  ouvrages  payés 
cher,  excepté  dans  sa  patrie,  où  sa  touche  large 
et  décidée,  sa  manière  ilalienne,  digne  de  Cas- 
tiglione,  n'était  pas  appréciée.  Ses  tableaux,  pleins 
de  chaleur  et  de  naturel ,  réprésentent  généra- 
lement des  troupeaux  de  moutons,  de  bœufs  ou 
d'autres  animaux.  A.  de  L. 

leeuw  (Pierre  van  ber),  peintre  hollan- 
landais,  frère  du  précédent  et  comme  lui  élève 
de  leur  père;  il  ne  quitta  jamais  sa  patrie,  où 
ses  ouvrages  sont  fort  estimés  à  cause  de  leur 
fini.  Il  peignait  le  paysage  animé  par  des  per- 
sonnages et  des  animaux.  Sa  manière  se  rappro- 
che beaucoup  de  celle  de  van  de  Velde;  c'est  la 
même  couleur  naturelle  et  dorée,  la  même  facilité 
dans  le  pinceau ,  sans  pourtant  que  les  détails 
soient  négligés.  Pierre  van  der  Leeuw  eût  fait 
une  brillante  fortune  si  la  bizarrerie  de  son  hu- 
meur n'eût  écarté  de  lui  toute  société.  On  ignore 
l'époque  exacte  de  sa  mert  A.  de  L. 

J:>kob  flampo  Weyennan,  Der  SeMlderkonst  des  Ne- 
dtrlanders,  tom.lll,  p.  20.  —  Nagler,  AllgemeineKunst- 
ler-Lexicon.  —  Oescamps  La  rie  des  teint- es  hollan- 
dais, t.  Il,  p.  279-280,  29S.  —  Pilkington,  Dictionary  of 
Painters. 

LEEiTWEf*  (Simon  v an),  jurisconsulte  hollan- 
dais, né  à  Leyde,  le  17  octobre  1625.  mort  à  La 
Haye,  le  13  janvier  1 682.  Après  s'être  fait  recevoir 
docteur  en  droit  à  l'université  de  Leyde,  il  exerça 
pendant  plusieurs  années  dans  cette  ville  la  profes- 
sion d'avocat.  Plus  tard  il  devint  membre  de  la 
régence  de  Leyde,  et  il  fut  enfin  nommé  en  1681 
greffier  substitut  au  conseil  souverain  de  Hol- 
lande, de  Zélande  et  de  Westfrise.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  Van  het  recht  der  edelen  in 
Holland  (Sur  le  Droit  des  nobles  en  Hollande)  ; 
La  Haye,  1659  et  1740,  in-12;  —  Censura  fo- 
rensis  theoretico-practica ,  id  est  tolius  ju- 
ris  civilis  romani ,  usuque  recepti  et  prac- 
tici,  methodica  Collatio,  interjpctis  constitu- 
tionibus  et  statutis  particularibus  cujusque 
fere  christianorum  gentis  ;  Leyde,  1662,in-4°; 
Amsterdam,  1678  et  1685,  2  vol.  in-fol.  ;  Leyde, 
1741,  2  vol.  in-fol.;  cet  ouvrage  fut  longtemps 
d'un  usage  fréquent  dans  les  universités  et  dans 
les  tribunaux  des  Pays-Bas  et  de  l'Allemagne; 


299 


LEEUWEN  —  LE 


—  Het  roomsch.  Holland  Regt  (Le  Droit  romain 
reçu  en  Hollande);  Leyde  et  Rotterdam  ,  1664, 
in-4°;  Amsterdam,  1732,  in-4°  ;  —  Manier  van 
procedeeren  in  civile  en  crimineele  saken 
binnen  de  steden  en  ten  plat  (en  lande  van 
Holland  (Manière  de  procéder  dans  les  causes, 
tant  civiles  que  criminelles ,  dans  les  villes  et 
villages  de  Hollande);  Amsterdam  et  Leyde, 
1666  ef  1721,  in-12;  —  Handvesten  en  Pri- 
vilegien  van  de  Rhynland  ;  Costumen ,  Keu- 
reh  èride  Ordonnantien  van  het  bailjuschap 
(  Chartes  et  privilèges  du  pays  de  Rhynland  ; 
coutumes  et  ordonnances  concernant  ce  bail- 
liage); Leyde  et  Rotterdam,  1667,  2  vol.  in  4°; 

—  Beschryving  der  Sladt  ende  Universiteydt 
Van  Leyden  (  Description  de  la  ville  et  de  l'uni- 
versité de  Leyde)  ;  Leyde,  1672,  in-12  ;  —  Groot 
Placaat-boek  van  de  hereen  Staalen  generaal 
der  veréenigde  Nederlanden,  van  de  heeren 
Staaten  vân  Holland ,  Westfriesland,  van 
Zeeland  etc.  <'  Recueil  de  placards  et  ordon- 
nances des  états  généraux  des  Provinces-Unies, 
ainsi  que  des  États  de  Hollande,  de  West- Frise, 
de  Zélande,  etc.);  La  Haye,  1682,  in-fol.;  ce 
recueil,  qui  va  jusqu'en  1682,  a  été  continué  plus 
tard  jusqu'en  1740  par  Scheltus;  —  Batavia 
illuslralà;  La  Haye,  1685,  in-fol.  :  cet  ouvrage, 
écrit  en  hollandais,  traite  de  l'histoire  des  an- 
ciens Bataves,  de  leurs  coutumes  civiles  et  reli- 
gieuses ;  il  contient  aussi  des  recherches  sur  la 
noblesse  de  la  Hollande  et  sur  les  divers  gou- 
vernements auxquels  elle  a  été  soumise.  Leeu- 
wén  à  encore  publié  divers  traités  de  jurispru- 
dence hollandaise;  il  a  aussi  donné  une  édition 
annotée,  très-estimée  du  Corpus  Juris  civilis; 
Amsterdam  etLeyde,  1663,  in-fol.  ;  elle  est  basée 
sur  l'édition  de  Godefroy  ;  enfin  Leeuwen  a  fait 
paraître  un  recueil  qui,  très-utile  à  l'époque  où  il 
parut,  n'a  plus  aujourd'hui  une  très^grande  va- 
leur ;  il  a  pour  titre  :  De  Origine  et  progressif 
Juris  civilis  Romani  authores  et  fragmenta 
veterum  Jurisconsultorum  cum  notis  Vinnii, 
Cujàcil  et  vartorum  ;  Leyde,  1672,  in-8°. 

É.G. 
Pàqùdt,  Mémoirei,  t.  IV.  —  Six,  Ononiasticori,  t.  IV, 
p.  99*. 

LEEUWENHOECSC.   Voy.  LeUWENBOECJL 

leeves  (William),  compositeur  anglais, 
nlort  en  1828.  Il  avait  embrassé  l'état  ecclésias- 
tique, et  fut  ministre  de  Wrington,  dans  le  comté 
de  Somerset.  Il  est  l'auteur  d'une  des  ballades 
les  plus  populaires  de  l'Ecosse,  Robin  Grey, 
composée  par  lui  en  1770,  mais  restée  anonyme 
jusqu'en  1812;  Boïeldieu  lui  fit  l'honneur  de  l'in- 
tercaler en  partie  dans  l'opéra  comique  de  La 
Dame  blanche.  Leeves  a  écrit  aussi  beaucoup 
de  musique  sacrée,  dans  laquelle  il  a  fait  preuve 
de  goût  et  de  sentiment.  P.  L— y. 

Mannders,  Biogr.  trèasury. 

ilëewîs  (Denis),  théologien  mystique  belge, 
surnommé  le  Doctor  exstaticus,  né  à  Rickel,  dans 
jfô  H5nr«r  cie  Liège;  en  1394  <  mort  le  12  mars 


AUCHEUR  300 

1471.  Après  s'être  fait  recevoir  maître  es  arts  à 
Cologne,  il  fit  profession  chez  les  Chartreux  à 
Ruremonde.  Il  consacra  sa  vie  à  la  prière  et  à  la 
rédaction  de  plus  de  cent  ouvrages  et  opuscules 
dont  une  parlie  traitent  de  philosophie,  de  théo- 
logie morale  exégétique,  mais  dont  le  plus  grand 
nombre  sont  inspirés  par  un  mysticisme  fer- 
vent. Parmi  ces  traités  nous  citerons  :  De  qua- 
tuor Hominis  novissimis  et  de  particularl 
judicio  et  obitu  singulorum;  Delft,  1487;  Co- 
logne, 1568  et  1591,  in-12;  —Spécula  omnis 
status  humanae  vitx  ;  Nuremberg,  1495,  in-4"  ; 

—  Enarraliones  in  Psalmos;  Cologne,  1531  ; 

—  Contra  Alcoranum  et  sectam  mohameti- 
cam;  Cologne,  1533,in-8°;  traduit  en  allemand, 
Strasbourg,  1540,  in-fol.  ;  —  De  Fide  catholica 
contra  gentiles;  Cologne,  1534,  in-8°;  —  In 
libros  IV  Sentent i arum  ;  Cologne,  1538  ;  Ve- 
nise, 1584;  —  In  quatuor  Évangelia;  Colo- 
gne, 1538  et  1543, et  Venise,  1569;  —  In  qua- 
tuor Prophetas  majores  ;  Cologne,  1548  ;  —  In 
ovines  Pauli  Epistolas  ;  Cologne,  1545;  — 
InDionysii  Areopagitx  Opéra  ;  Cologne,  1546; 

—  In  Peniateuchum ;  Cologne,  1547,  in-fol.  ; 

—  In  XII  Prophetas  minores;  1549;  —  Sum- 
ma  fidei  orthodoxe  ;  Anvers,  1569,  in-8°  ; 
Venise, 2  vol.  in- 16  ;  —  Opusculâ  minora;  Co- 
logne, 1559,  in-fol.,  recueil  de  trente-et-un 
traités,  contenant  des  instructions  morales  pour 
tous  les  états  de  la  vie  ;  —  Tractus  mystici  VII ; 
Louvain?  1576,  in-4°.  Parmi  les  opuscules  de 
Leewis  restés  en  manuscrit ,  on  remarque  : 
Contra  Artes  magicas  et  Errores  Walden- 
iium;  Contra  Superstitiones  ;  Contra  vitium 
proprietatis  monachorum  ;  Epistolas  ad  di- 
versos.  È.  G. 

Loerius,  f^ita  Dion.  Leewis;  Cologne,  1332,  in-8°.  — 
Acta  Sanctùrum ,  mars,  t.  II,  p.  248.  —  Petrejus,  Sibl. 
Carthusiana.  —  Fabrlcius,  Bibl.  médias  et  infi.rn.se  Lati- 
nitatis,  t   II,  p.  9S.  —  Foppens,  Bibl.  belyica. 

LE  Padcheuk  (Michel),  en  latin  Falca- 
rius  ,  prédicateur  et  théologien  réformé ,  né  à 
Genève,  vers  la  fin  du  seizième  siècle,  et  mort 
à  Paris,  le  1er  avril  1657.  Il  fut,  très-jeune  en- 
core, ministre  à  Annonay.  En  1612  il  fut  appelé 
à  Montpellier,  où  il  exerça  le  ministère  évangé- 
lique  pendant  vingt  ans.  Atteint  en  1632  par  un 
arrêt  du  parlement  dé  Toulouse,  qui  interdisait 
aux  étrangers  l'exercice  du  ministère,  il  se  rendit 
à  Paris  pour  solliciter  son  rétablissement.  A  peu 
près  à  cette  époque,  l'académie  de  Lausanne  lui 
offrit  une  chaire  de  théologie,  qu'il  refusa  pour 
poursuivre  sa  réintégration  à  Montpellier.  Ce- 
pendant  l'Église  réformée  de  Paris  désirait  s'at- 
tacher ce  ministre,  qui  passait  pour  un  prédica- 
teur distingué;  mais  on  craignait  une  opposition 
de  la  part  du  gouvernement.  On  raconte  qu'en 
1636  un  cordelier,  familier  de  Richelieu,  ayant 
par  hasard  rencontré  Le  Faucheur  chez  un 
pharmacien  de  la  rue  Saint-Jacques,  l'assura 
qu'il  pouvait  prêcher  sans  crainte  à  Charenton. 
C'est  ce  qu'il  fit  le  dimanche  suivant,  et  il  fut 
aussitôt  nommé  ministre  de  l'église  de  Paris  j 


30l  LE  FAUCHËUB 

sans  que  le  gouvernement  fit  aucune  observa- 
tion sur  cette  nominaiion.  On  a  de  Le  Faucheur  : 
Traité  de  la  Cène  du  Seigneur;  Genève,  1635. 
in-fol.  contre  le  cardinal  du  Perron;  —  Sermons 
sur  divers  textes  de   l'Écriture  Sainte  ;  Ge- 
nève, 1660,  2  vol.  in-8°;  —  Sermons  sur  tes 
onze  premiers  chapitres  des  Actes  des  apôlres  ; 
Genève,  1663,   in-8°;  —  Sermons  sur  le  pre- 
mier chap.  de  TÉpître  aux  Thessaliens  ;    Ge- 
nève, 1666,  in-8°;  —  Vingt  Sermons  sur  di- 
vers psaumes  ;  Genève,  f.è69,  în-éio  ;  —  tfaîû 
de  V Action  de  V Orateur,  ou  de  la  prononcia- 
tion et    du  g este;  Paris,  1657,  in-8°.    Cet  ou-   j 
vrage,  publié  après  la  mort  de  Le  Faucheur,  par  j 
Courart    qui  était  son  ai  ni ,  passa  d'abord  pour  ; 
une  production  de  cet  académicien.  11  a  eu  de  j 
nombreuses  éditions,  et  il  a  été  traduit  en  latin 
par  Mèlctiior  Schmidt  ;  Helmstadt,  1690,  in-8°. 
Michel  Nicolas. 

Baylc.  Dict.  Hist. 

leeebcre  (Jean),  écrivain  français,  de  la  lin  ; 
dû  quatorzième  siècle;  né  à  Thérouanne.  Où 
.  manque  de  détails  sur  sa  vie  :  il  traduisit  en  vers 
fiançais  îé  ktifàëolùs, sàiirê  contre  les  femmes, 
écrite  en  latin  par  maître  Mathieu;  le  titre  de 
cette  composition  en  fait  connaître  le  sujet  : 

Le  Livre  de  Matheolus 

Qui  nous  monstre  sans  varier 

Les  biens  et  aussy  les  vertus 

Qui  vieignent  pour  soy  marier 

Et  a  tous  faietz  considérer 

Il  dist  que  lomme  n'est  pas  saige 

S'y  se  tourne  remarier 

Quant  prins  a  este  au  passaige. 

Les  premiers  vers  donnent  aussi  une  idée  du  ton 
qui  règne  dans  l'œuvre  : 

Comment  Matheolus  bigame 
Fist  un  livre  disant  sa  gaine 
De  mariage  tout  a  plain 
Et  en  compensant  se  complaint  : 
Trislis  est  anima  mea, 
Jésucrist  qui  tant  aymé  a. 

On  connaît  deux  éditions  imprimées  à  Paris  chez 
Antoine  Vérard,  1492,  in-folio;  une  autre  in-4°, 
ayant  la  même  date,  est,  à  ce  qu'on  croit,  sortie 
des  mêmes  presses  :  une  quatrième  édition,  a  sa 
date  énoncée  de  la  façon  suivante  : 

Retenez  mil  et  cinq  cens, 
Je  vous  pry,  ostez  en  liuyct. 

Une  cinquième  édition  fut  exécutée  a  Lyon  vers 
1530.  Toutes  sont  rares;  et  l'un  des  volumes 
m  folio  imprimés  chez  Vérard  s'est  élevé  à 
460  fr.  à  la  vente  des  livres  du  prince  d'EssIing. 
La  naïveté  de  certains  passages,  la  singularité  des 
idées,  font  rechercher  les  vers  de  l'ennemi  des 
femmes,  que  les  Cent  nouvelles  désignent  sous  le 
nom  de  Mutheolet.  Il  trouva  un  adversaire,  qui 
lui  opposa  le  Rtbours  de  Matheolus ;il  eut  un 
abréviateur  qui  en  fit  un  extrait  en  latin,  en  y  joi- 
gnant des  traits  nouveaux.  G.  B. 

Goujtt,  Bibliothèque  Française,  t.  X,  p.  149.  —  I.-C. 
Bruriet,  Manuel  du  Libraire,  t.  111,  p.  319.  —  Bulletin 
du  Bibliophile,  1834,  n°  12. 

lefébure   (Simon),    ingénieur  allemand  , 
né  en  Prusse,  vers  1720,  mort  en  1770.  Il   ap~ 


—  LEFEBURE  302 

parlenaità  une  famille  de  réfugiés  français,  en- 
tra au  service  sous  Frédéric  II ,.  et  parvint  au 
grade  de  major  dans  le  corps  du  génie.  Il  était 
membre  de  l'Académie  royale  des  Sciences  et 
Belles-Lettres  de  Berlin.  On  a  de  lui  :  Nouveau 
Traité  du  Xivellenieht,  dédié  au  roi  de  Prusse  ; 
Pôtsdam  (Paris),  1753,  in-4°  avec  fig.;  —  L'Art 
d'attaquer  et  de  défendre  les  places  ;  Berlin, 
1757,  in-4°,  avec  13pl.;Breslau,  1774,  in-4°,  avec 
fig.;  —  Essai  Éiir  les  Mines;  Neisse,  1764, 
in-4" ,  avec  fig.;  —  Essai  sur  la  manière  de 
faire  les  cartes  ;  Breslàu,  (772,  in-8°,  avec  pi.; 
Maestricht,  1777,  in-4°,avec  fig.;  — Journal  du 
Siège  de  laville  deScfiweidhitz,  en  l'an  1762; 
Maestricht,  1778,  in-4°,  avec  pi.;—  Recueil 
de  quelques  pièces  et  lettres  relatives  aux 
épreuves  du  globe  de  compression ,  avec  2  pi. 
Tous  les  écrits  de  Leféb'ure  ont  été  réunis  sous  le 
titre  à'Œuvres  complètes;  Maestricht,  1778, 
2  vol.  in-4°,  avec  pi.  ;  nouvelle  édition  sous  ce 
titre  :  L'Art  d'attaquer  et  de  défendre  les 
places ,  suivi  d'un  Essai  sur  les  Mines  et 
d'un  nouveau  Traité  sur  le  Nivellement  ;  Pa- 
ris, 1808,  2  vol.  in-4°,  avec  pi.  J.  V. 
Quérard,  La  France  Littéraire. 

lkfébire  (Guillaume-René),  baron  de 
Saint-Ildefont  ,  médecin  et  littérateur  fran- 
çais, né  le  25  septembre  1744,  à  Sainte-Croix- 
sur-Orne,  mort  à  Âugsbourg,  le  27  juillet  1809. 
Fils  d'un  gentilhomme,  il  entra  en  1709  dans  la 
compagnie  des  chevau-légers  de  la  maison  du 
roi  ;  mais  son  goût  l'entraînant  à  l'étude  des 
sciences  naturelles,  il  quitta  le  service  militaire, 
se  fit  recevoir  docteur  en  médecine,  et  entreprit 
des  recherches  sur  la  maladie  vénérienne  et  sur 
l'organe  de  la  vue.  A  son  retour  de  plusieurs 
voyages  enHollandeet  en  Allemagne,il  fut  nommé 
médecin  du  comte  de  Provence,  enl785.  llémigra 
à  la  révolution,  parcourut  la  Hollande,  l'Allemagne 
et  l'Italie,  en  pratiquant  la  médecine.  Il  rentra  en 
France  en  1801,  mais  ses  opinions  le  mirent  en 
opposition  avec  le  gouvernement,  et  il  s'expatria 
de  nouveau.  Il  se  rendit  à  Munich  ,  puis  à  Augs- 
bourg et  à  Francfort-sur-Ie-Mein,  où  il  exerça  sa 
profession.  Le  8  mai  1809,  il  fut  nommé  méde- 
cin en  chef  des  hôpitaux  d'Augsbourg  Une  foule 
de  blessés  de  l'armée  française  furent  apportés 
dans  cette  ville  après  les  batailles  de  Ralisbonne 
et  d'Ess'ing;  plein  de  zèle  pour  ses  malheureux 
Compatriotes,  Lefébure  fut  atteint  du  typhus  qui 
l'emporta.  On  raconte  qu'un  prêtre  s'étant  pré- 
senté pour  l'assister  dans  ses  derniers  moments, 
Lefébure  lui  répondit:  «Mon  cher  abbé,  dites  à  qui 
vous  voudrez  que  vous  m'avez  confessé,  je  vous 
y  autorise;  mais,  au  nom  de  Dieu,  laissez -moi 
mourir  en  paix.  »  On  a  de  lui  ;  Les  Orphelins, 
comédie  en  trois  actes  et  en  prose  ;  Genève,  1771, 
in-8°;  —  Sophie,  ou  le  triomphe  de  la  vertu, 
comédie  en  cinq  actes  et  en  prose;  Stockholm, 
1771,  Avignon,  1791,  in-8°;  —  Le  Connais- 
seur, comédie  en  trois  actes  et  en  vers,  imitée 
d'un  conte  de  Marmontel;  Genève   et  Paris, 


303 


LEFÉBURF 


304 


1773,  réimprimée  sous  ce  titre  :  M.  de  Fintac, 
ou  le/aux  Connaisseur,  comédie  par  l'aveugle 
de  Ferney ;  Genève,  1774,  in-8";  —  L'Art  de 
régner,  poëme  présenté  au  concours  des  Jeux 
floraux;  Lausanne,  1773,  in-8°;  — Médecin  de 
soi-même,  ou  méthode  simple  pour  guérir  les 
maladies  vénériennes  avec  un  chocolat  aussi 
utile  qu'agréable  ;  Paris,   1775,  2  vol.  in-8°; 

—  Méthode  familière  pour  guérir  les  mala- 
dies vénériennes  ;  Paris,   1775,   2  vol.   in-8°; 

—  Remède  éprouvé  pour  guérir  radicalement 
le  cancer  occulte,  manifeste  ou  ulcéré;  Paris, 
1775,in-8°;  —  Étal  delà  Médecine,  Chirurgie 
et  Pharmacie  en  Europe,  et  principalement  en 
France  (avecL.-A.  Cezan);  Paris,  1777,  in-12; 

—  Manuel  des  Femmes  enceintes  et  de  celles 
qui  sont  en  couches,  et  des  mères  qui  veulent 
nourrir  ;  Paris,  1777,  in-12,  1782,  1799,  in-8°; 

—  Éloge  historique  de  Pierre  le  Grand;  1780, 
in-4°  ;  —  Mémoires  cliniques  sur  les  mala- 
dies vénériennes  ;  Utrecht,  1781,  in-12;  —  Ob- 
servations pratiques,  rares  et  curieuses  sur 
divers  accidents  vénériens;  Utrecht,  1783,  in-8°; 

—  Polixène,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers; 
Utrecht,  1785,  in-8°;  —  Description  et  Itiné- 
raire historique,  politique  et  géographique 
des  sept  Provinces-Unies  des  Pays-Bas  et  de 
leurs  colonies;  La  Haye,  1782,  1790,  in-8°;  — 
Macbeth,  tragédie  en  cinq  actes;  Utrecht,  1783, 
in-8°;  —  République  fondée  sur  la  nature 
physique  et  morale  de  l'homme;  Francfort, 
1790,  1798,  in-8°; —  Le  Roi  voyageant  inco- 
gnito ,  ou  l'école  des  voyageurs ,  comédie  en 
trois  actes  et  en  prose  ;  1795,  in-8°  ;  — Le  Guide 
des  personnes  de  l'un  elde  l'autre  sexequi  sont 
affligées  de  hernies  ou  descentes  ;  Francfort , 
1798,  in-8°;  —  Traité  sur  la  paralysie  du 
nerf  optique,  vulgairement  nommée  goutte 
sereine;  Paris,  1801,  in-8°;  — Recherches  et 
Découvertes  sur  la  nature  du  fluide  ner- 
veux, ou  de  l'esprit  vital,  principe  dévie,  etc.; 
Francfort,  1801,  in-8°;  —  Histoire  anato- 
mique,  physiologique  et  optique  de  l'Œil; 
Francfort  et  Paris,  1803,  in-8°.  Lefébure  a  en 
outre  écrit  quelques  mémoires  de  médecine  en 
allemand,  et  des  ouvrages  politiques  et  polé- 
miques sur  les  troubles  de  la  Hollande. 

Son  fils,  ancien  officier  d'infanterie,  a  publié  : 
Rapport  sur  la  formation  d'un  corps  de  na- 
geurs, arme  nouvelle;  Paris,  1818,  in-8°;  — 
Réflexions  critiques  sur  quelques  parties  du 
règlement  sur  les  manœuvres  d'infanterie  ; 
Perpignan,  1824,  in-8°;  —  Deux  Lettres  aux 
Femmes  sur  la  doctrine  phrénologique,  d'a- 
près Gall,  en  prose  mêlée  de  vers;  Paris,  1836, 
2  livr.;  —  Napoléon  au  dernier  Bonaparte,  en 
vers;  Paris,  1848,  in-S°.  J.  V. 

fliogr.  univ.  et  port,  des  Contemp.  —  (}uérar<l,  La 
France  Littéraire.  —  Bourquelot  et  Maury,  La  Liltër. 
franc,  cvntemp. 

lkfÉbcre  (Louis- Henri) ,  littérateur  et 
botaniste  français,  né  à  Paris,  le  18  février  1754, 


mort  le  23  mai  1839.  Il  étudia  d'abord  la  mu- 
sique et  les  arts  du  dessin,  et  se  mêla  de  cri- 
tique artistique  et  musicale.  Partisan  des  idées 
nouvelles,  il  devint  membre  du  conseil  de  la 
commune  de  Paris  en  1789,  et  servit  autant  qu'il 
put  la  cause  de  l'humanité.  Le  5  octobre  il  ar- 
rêta un  individu  qui  voulait  mettre  le  feu  à  1  hô- 
tel de  ville;  vers  le  même  temps,  il  arracha  des 
mains  de  la  multitude  un  oratorien  menacé  de 
perdre  la  vie.  Le  3  février  1791  il  présenta  à 
l'Assemblée  constituante,  présidée  par  Mirabeau, 
une  pétition  qu'il  avait  rédigée,  au  nom  des  prin- 
cipaux musiciens  de  cette  époque,  pour  demander 
une  école  de  musique.  En  1793,  Lefébure  fut 
envoyé  en  qualité  de  commissaire  pour  les  beaux- 
arts  dans  le  midi  de  la  France.  Il  y  resta  dix 
mois  ;  mais  s' étant  trouvé  en  opposition  avec  le 
commissaire  de  la  Convention,  il  fut  arrêté  à 
Avignon,  et  après  une  détention  de  cinq  mois, 
envoyé  à  Paris.  Il  n'arriva  dans  la  capitale  que 
cinq  jours  après  le  9  thermidor,  et  fut  mis  en  li- 
berté. Il  obtint  successivement  l'emploi  d'admi- 
nistrateur du  département  de  Vaucluse ,  de  se- 
crétaire général  de  la  préfecture  du  Var,  et  enfin 
de  sous-préfet  de  Verdun.  La  restauration  lui  ôta 
ce  poste.  Rentré  dans  la  vie  privée,  il  s'occupa 
avec  ardeur  de  botanique,  et  imagina  une  nou- 
velle méthode  de  classification,  basée  sur  les  dif- 
férentes parties  de  la  fleur  :  il  développa  son  Sys- 
tème, floral  dans  divers  ouvrages  et  dans  un 
cours  qu'il  professa  à  l'Athénée.  En  1820  il  pré- 
sida la  Société  linnéenne.  La  Société  de  la  Mo- 
rale chrétienne  ayant  mis  au  concours,  en  1824,  la 
question  de  la  suppression  de  la  loterie,  partagea 
le  prix  entre  deux  mémoires  qui  avaient  tous  deux 
été  rédigés  par  Lefébure.  Son  système  de  clas- 
sification des  plantes  n'ayant  pas  été  adopté,  il 
s'occupa  de  l'élaboration  d'un  système  musical 
fondé  sur  ce  principe  que  la  voix  humaine  étant 
le  type  de  tous  les  sons,  c'est  à  elle  qu'on  doit  rap- 
porter toutes  les  modulations  ou  intonations  de 
l'harmonie.  Il  n'eut  pas  plus  de  succès.  Aubert 
de  Vitry  montre  Lefébure  «  toujours  occupé  de 
trouver  dans  des  méthodes  plus  simples,  dans 
des  classifications  plus  conformes  à  l'état  naturel 
des  choses,  les  moyens  de  rendre  l'enseignement 
de  la  botanique  et  de  la  musique  plus  facile  :  con- 
tent de  peu,  ne  cherchant  de  plaisir  que  dans  l'é- 
tude et  l'affection  de  ses  amis.  »  On  a  de  Lefébure  : 
Coup  de  Patte  sur  le  Salon  de  1779,  dialogue 
précédé  et  suivi  de  Réflexions  sur  la  Pein- 
ture; Paris,  177^,  in-8°;  —  Nouveau  Soif ége ; 
Paris,  1780,  in-8°  ;  —  La  Patte  de  Velours, 
pour  faire  suit  eau  Coup  de  Patte;  Paris,  1781, 
in-8°  ; —  Le  Triumvirat  des  Arts  ,  ou  dialogue 
entre  un  peintre,  un  musicien  et  un  poète,  sur 
les  tableaux  exposés  au  Louvre  en  1783;  Pa- 
ris, 1783,  in-8°; — Rameau,  ballet  allégorique, 
suivi  de  Réflexions  sur  la  poésie  allégorique  ; 
la  Mort  d' Abel,  récitatif,  etc.;  Lausanne,  1773, 
in-8"  ;  —  Bévues,  Erreurs  et  Méprises  de  dif- 
férents Auteurs  célèbres  en  matières  musi- 


305  LEFÉBURE 

cales;  Pans,  1789, in-8°;  —  Vérités  agréables, 
ou  le  salon  vu  en  beau  ;  Paris,  1789,  in-8°;  — 
Plan   de  Constitution  par   Louis  Lefébure, 
'lit  Pot  de  Fer,  de  l'imprimerie  des  Aveugles 
{travailleurs ,  rue  Denis,  34  ;  Paris,  in-8°; — 
{Observations  sur  le  dernier  massacre  d'Avi- 
gnon (le  26  pluviôse  an  V);  —  Justice  contre 
Maignet,  député,  à  la  Convention,  destructeur 
ie  Bedoin  ;   in-8°  ;  —  Étude   analytique  de 
l'éloquence,  ou  manuel  des  orateurs;  Paris, 
p803,  in-12;  —  Essai  sur  l'Organisation  du 
\monde  physique  et  moral;  Commercy,  180G, 
;in-80;  —  Discours  sur  le  principe  essentiel 
rie  l'Ordre  en  Histoire  naturelle,  et  particu- 
lièrement en  Botanique;  Paris,  1812,  in-8°;  — 
[Méthode  signalementaire  pour  servir  à  l'é- 
\tude  des  noms  des  plantes  ;  Paris,  1814-1815, 
(trois  cahiers  in  8°  ;  —  Concordance  des  trois 
[Systèmes  de  Tournefort,  Linneeus  et  Jussieu 
\par  le  Système  foliaire;  Paris,  1816,  m-8°;  — 
\Le  vrai  Système  des  Fleurs,  poëme  ;  Paris,  1817, 
i'n-8";  —  Atlas  Botanique,  ou  clef  du  jardin 
«le  l'univers,  d'après  les  principes  de  Tour- 
nefort et  de  Linné  réxtnis;  Paris,  1817,  in-8°, 
suivi  d'une  Lettre  à  M.  de  Jussieu;  —Système 
floral;  Paris,  1820-1821  ,  in-8°;  —  Réflexions 
importantes  sur  le  Viceradical  del' Enseigne- 
ment mutuel  adopté  pour  la  botanique  au  Jar- 
din du  Roi; Paris,  1821, in  8°;  —  Les  Chances 
delà  Loterie  ;  La  Famille Bréval,  ou  la  loterie 
^dévoilée;  Le  Curé  de  Fresnes,   ou  la   lo- 
kerieen  délibération  ;  Paris,  1824,  in- 18  :  ou- 
jvrages  couronnés  par  la  Société  de  la  Morale 
(chrétienne;    —    Résumé  de  l'Histoire  de  la 
^Franche- Comté;  Paris,  1825,  in-18;  —  Cours 
[de  promenades  champêtres  aux  environs  de 
[Paris;  Paris,    1826-1827,  2  cahiers  in-8°;  — 
tPrécis  des  Découvertes  les  plus  importantes 
nouvellement    faites  en  Histoire  naturelle, 
jt'oimantun  volume  supplémentaire  d'une  édition 
des  Œuvres  complètes  de  Buffon  d'Eymery  ; 
{Paris,    1828,    in- 8°;    —   Album   floral  des 
\Plantes  indigènes  de  France,  ou  botanique 
{élémentaire  à  l'usage  des  jeunes  personnes 
l(avec  M.  Ch.  Leforestier )  ;  Paris,  1829,  in-8°. 
JLefébure  a  donné  quelques  morceaux  au  recueil 
jde  la  Société  des  Dix-neuf,  dont  il  était  membre; 
Paris,  1829,  in-16;  on  signale,  entre  autres  :  A 
Ipropos  du  romantisme ,  et  De  la  Plante  ap- 
pelée Rallesa.  J.  V. 


306 


Aubert  de  Vitry,  Discours  prononcé  sur  la  tombe  de 
M.  Louis  Lefébure,  dans  le  Moniteur  dn  29  mai  1839.  — 
Quérard,  La  France  Littéraire. 

eefebcre  ou  le  FEBVRE  (Jean  ou  Jac- 
ques), théologien  belge,  né  à  Gluson  (Hainaut  ), 
mortà  Valenciennes,  en  1755.  Il  entra  chez  les  jé- 
suites, enseigna  la  philosophie  à  Douai,  et  devint 
directeur-président  du  séminaire  de  Beuvrai, 
près  Valenciennes  On  a  de  lui  :  Bayleen  petit, 
ou  analomie  de  ses  ouvrages;  Douai,  1737, 
in-12;  réimprimé  sous  le  titre  d'Examen  cri- 
tique des  ouvrages  de  Bayle;  Paris,  1747  ;  — 


La  seule  Religion  véritable  démontrée  contre 
les  athées,  les  déistes,  etc.  ;  Paris,  1744,  in-8". 

A.  L. 
Chaudon  et  Delandinr,  Dict.  Historique  (  édil.  1811). 

I  leférike  de  fourcy  (  Louis),  mathé- 
maticien français,  né  à  Saint-Domingue,  le 
25  août  1785.  11  passa  les  premières  années  de 
sa  vie  à  Nantes,  où  sa  famille  vint  s'établir.  De 
là  il  fut  envoyé  à  Paris  au  Collège  national  des 
Colonies,  qui  dépendait  du  ministère  de  la  ma- 
rine. Admis  à  l'École  Polytechnique  à  seize  ans, 
il  en  sortit  pour  entrer  dans  le  corps  d'artillerie. 
Peu  après  il  renonça  à  la  carrière  militaire,  se  fit 
recevoir  docteur  es  sciences ,  et  se  livra  à  l'ensei- 
gnement privé.  Plu*  tard  il  fui  attaché  au  collège 
Saint-Louis  lorsde  sa  fondation,  enqualitéde  pro- 
fesseur de  mathématiques.  Suppléant  de  Lacroix 
en  1839,  il  lui  succéda  dans  la  chaire  de  calcul 
différentiel  et  intégral  à  la  Faculté  des  Sciences  de 
Paris.  On  a  de  M.  Lefébure  de  Fourcy  :  Traité  de 
Géométrie  descriptive,  précédé  d'une  intro- 
duction qui  renferme  la  théorie  des  plans  et 
de  la  ligne  droite  considérée  dans  l'espace, 
4e  édit.  ;  Paris,  1843,  in-8°  et  atlas;  —  Leçons 
d'Algèbre,  5e  édition;  Paris,  1844,  in-8°;  — 
Leçons  de  Géométrie  analytique,  comprenant 
la  trigonométrie  rectiligne  et  sphérique,  les 
lignes  et  les  surfaces  des  deux  premiers  or- 
dres ;  Paris,  1827,  1831,  1833,  1840  et  1847, 
in-8°  avec  11  pi.;  —  Eléments  de  Trigono- 
métrie, 6*  édit.  ;  1847,  in-8°,  avec  une  planche; 
—  Théorie  du  plus  grand  commun  diviseur 
algébrique  et  de  l'élimination  entre  deux 
équations  à  deux  inconnues;  Paris,  1857, 
in-8°.  Les  ouvrages  de  M  Lefébure  de  Fourcy  se 
recommandent  par  l'ordre  et  la  méthode.  On  es- 
time beaucoup  son  Traité  de  Géométrie  descrip- 
tive et  sa  Géométrie  analytique,  dans  lesquels  il 
procède  par  l'analyse  plutôt  que  parla  synthèse. 
On  y  trouve  effectivement  pea  de  théories  gé- 
nérales ;  l'auteur  a  pensé  que  l'esprit  généralise 
bien  plus  facilement  lorsqu'il  a  étudié  la  plupart 
des  cas  particuliers  sur  lesquels  reposent  les  mé- 
thodes générales.  Jacob. 

Documents  partie. 

*lefÉhpre-wÊly  (  Louis- Alfred),  com- 
positeur français,  né  à  Paris,  le  13  novembre 
1817.  Fils  d'un  organiste  de  Saint-Roch,  qui  lui 
donna  de  bonne  heure  des  leçons ,  il  joua  sa 
première  messe  à  l'orgue  de  cette  église  dès 
l'âge  de  huit  ans.  Quelque  temps  après,  il  sup- 
pléa tout  à  fait  son  père,  paralysé,  et  après  îa 
mort  de  celui-ci,  en  1831,  il  le  remplaça.  En 
même  temps,  il  commença  des  études  sérieuses 
sous  MM.  Séjan,  Merault  et  Rigel.  Reçu  en  1832 
au  Conservatoire,  il  suivit  la  classe  d'orgue  de 
M.  Benoist,  les  classes  de  piano  de  MM.  Laurent 
et  Zimmermann,  et  les  classes  de  composition  de 
Berton.  Il  remporta  les  deux  seconds  prix  d'orgue 
et  de  piano  en  1833,  et  les  deux  premiers  en 
1835.  M.  Halévy  lui  donna  aussi  des  leçons,  et 
dès  lors  M.  Lefébure-Wély  s'essaya  dans  la  com- 


307 


LEFEBURE  —  LEFEBVRE 


308 


position.  En  1847  il  quitta  l'orgue  de  Saint-Roch 
pour  ceiui  de  la  Madeleine,  où  il  s'est  fait  remar- 
quer en  exécutant  de  brillantes  improvisations, 
des  morceaux  classiques  et  ses  propres  composi- 
tions. On  a  de  lui  plusieurs  messes,  dont  une 
à  grand  orchestre;  —  deux  symphonies,  un 
quatuor  et  un  quintette  pour  instruments  à 
cordes;  —  des  Etudes  pour  orgue  et  piano  ;  — 
des  Cantiques  et  douze  Offertoires.  C'est  à  son 
jeu  doux  et  expressif  qu'on  doit  pour  ainsi  dire 
la  révélation  de  Vorgue  expressif,  connu  aussi 
sous  les  noms  de  poïkilogue,  melodium,  har- 
monium et  harmonicorde,  dont  la  vogue  dure 
encore.  M.  Lefébufe-Wély  s'est  aussi  occupé  de 
photographie.  J.,V. 

Vapereau.  Dict.  univ.  des  Contemp. 

lefebvre  (Jean),  historien  et  poète  fran- 
çais, né  à  Dreux,  dans  le  seizième  siècle.  Il  n'est 
( -onnu  que  par  un  ouvrage  en  vers,  aussi  rare  que 
curieux  :  Les  Fleurs  et  Antiquités  des  Gau- 
les, où  il  est  traité  des  anciens  philosophes 
gaulois  appelés  Druides  ;  avec  la  descrip- 
tion des  bois,  forêts,  vergers  et  autres  lieux 
de  plaisir  situés  près  de  la  ville  de  Dreux; 
Paris,  1532,  in-8°.  L— z— E. 

La  Crois,  du  Maine,  Bibliothèque  Française,  t.  II.  — 
Dom  Lironi ,  Bibliothèque  Chartraine.  —  Bratnne,  Les 
Hommes  illustres  de  l'Orléanais. 

lefebvke  (î)  (  Tanneguy),  en  latin  Ta- 
naquit  Faber,  célèbre  philologue  français,  né  à 
Caen,  en  1615,  mort  à  Saumur,  le  12  septembre 
1672.  Né  d'une  bonne  famille  et  non  d'un  fos- 
soyeur, comme  le  prétend  le  Segraisiana,  il  fut 
élevé  jusqu'à  l'âge  de  douze  ans  par  son  oncle, 
ecclésiastique  savant,  qui,  lui  trouvant  «  la  voix 
juste  et  loreille  merveilleuse ,  »  le  fit  s'appli- 
quer à  la  musique.  A  douze  ans  Lefebvre  com- 
mença l'étude  du  latin ,  et  s'en  serait  rebuté  bien 
vite,  grâce  aux  rudesses  de  son  précepteur,  si 
son  père  ne  se  fût  hâté  de  placer  l'enfant  à 
plus  douce  école.  Le  jeune  élève  entreprit  de  lui- 
même  le  grec,  que  ne  savait  pas  son  second 
maître,  et  tout  d'abord,  après  la  lecture  de  quel- 
ques chapitres  de  saint  Luc,  il  s'attaqua  de 
haute  lutte  à  Sophocle  et  à  Homère.  Un  an  et 
demi  après,  il  était  en  état  d'entrer  en  seconde 
au  collège  de  La  Flèche,  où  il  acheva  sa  rhé- 
torique et  sa  philosophie.  Ses  étude*  terminées,  j 
résistant  à  toutes  les  instances  des  jésuites  du 
collège  et  même,  suivant  Nicéron  ,  aux  prières 
de  son  père,  il  retourna  à  Caen  pour  se  livrer  à  ; 
l'amour  des  lettres,  ou,  suivant  Huet,  qui  l'a 
*  mieux  connu,  pour  se  préparer  à  prendre  les  j 
ordres.  Pourtant,  après  quelques  années  passées 
en  Normandie,  il  vint  à  Paris,  où  Des  Noyers  ob- 
tint pour  lui  du  cardinal  de  Richelieu  la  sur- 
veillance des  ouvrages  qui  s'imprimaient  au  , 
Louvre,  et  2,000  livres  de  pension.  A  l'avène- 
ment de  Mazarin  ,  Lefebvre,  oublié,  délaissé, 
quitta  de  lui-même  son  emploi,  et  se  prépara  par 
des  travaux  silencieux  à  meilleure  fortune.  En 


U)  C'est  ainsi  qu'il  signe  et  non  Lefevre- 


attendant,  il  était  forcé  de  -vendre  sa  biblio- 
thèque, comme  il  le  dit  lui-même,  «  pour  avoir 
du  pain  ».  De  Francières,  gouverneur  deLangres, 
l'emmena  dans  son  gouvernement.  Il  y  était  à  | 
peine ,  qu'il  prit  congé  de  son  protecteur  pour 
aller  embrasser  le  protestantisme  à  Is-sm  -Thil 
près  Dijon.  Après  un  court  séjour  à  Paris ,  il 
se  retira  à  Preuilly  en  Touraine ,  et  de  là  vint 
s'établir  à  Saumur,  et  acquit  à  un  quart  de  lieue 
de  la  ville  une  jolie  campagne  nommée  Terre- 
fort,  sur  un  coteau  baigné  par  le  Thouet.  Quoi- 
qu'il n'eût  encore  rien  publié,  sa  réputation  de 
science  et  de  travail  était  grande  déjà,  et  l'éclat 
de  sa  conversion  n'avait  fait  qu'attirer  davan- 
tage  encore  les  yeux  sur  lui  (1). 

Dans  la  séance  du  conseil  de  l'Académie  de 
Saumur  du  19  avril  1651,  Parisod,  docteur  en  i. 
médecine  et  régent  de  la  classe  de  troisième,  at- 
tendu son  grand  âge  et  ses  quarante-cinq  ans  de 
service,  offrit  de  se  démettre  entre  les  mains  de 
Lefebvre,  «  qui,  estant  en  pleine  liberté  de  sa  per- 
sonne et  recherchéd'ailleurs,  pourroitbien  estre 
induit  à  prendre  cette  charge ,  ce  qui  seroit  en 
grand  ornement  et  en  grande  utilité  à  l'eschole  ». 
Lefebvre,  appelé  dans  le  conseil,  ayant  accepté  j 
et  promis  de  servir  fidèlement  et  avec  affection  la 
troisième,  la  compagnie  «  l'a  loué  et  remercié  de 
ce  que,  par  le  désir  qu'il  a  de  servir  au  bien  pu- 
blic, il  se  contente  d'une  charge  qui  est  bien  au- 
dessous  de  sa  capacité  et  encores  avec  si  peu  de 
récompense  et  d'autant  que  la  connaissance  qu'il 
a  des  bonnes  lettres  est  assez  cognue  et  que  sans 
parler  des  témoignages  qui  lui  ont  été  rendus  d'ail- 
leurs, sa  conversation  en  cette  ville  depuis  un 
temps  considérable  a  été  chrestienne  et  d'édifica- 
tion, le  conseil  a  résolu  que,  parce  qu'en  cette  oc- 
casion un  examen  serait  absolument  inutile,  et 
qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  lui  faire  produire 
d'autres  certificats,  M.  le  principal  l'instaliera 
dans  la  troisième  classe  dès  lundi  prochain  par 
les  formes  accoustumées,  après  que  selon  la  cous- 
tume  et  les  règlements  des  synodes  nationaux,  il 
aura  signé  la  confession  de  foi  et  la  discipline  de  nos 
églises  ».  Il  n'en  alla  pourtant  pas  sans  difficulté. 
Les  membres  du  consistoire  de  Loudun  formè- 
rent opposition,  prétendant  que  Lefebvre  s'était 
engagé  envers  eux  de  promesse  avant  de  traiter 
avec  Parisod.  L'académie  consentit  à  suspendre 
l'installation  ;  mais,  malgré  toutes  protestations 
contraires ,  elle  autorisa  le  nouveau  professeur 
à  faire  son  cours  jusqu'au  prochain  synode,  et  le 
consistoire  de  Loudun  s'étant  enfin  désisté,  l'ins- 
talla le  13  juillet  1651.  D'après  le  traité  fait  volon- 
tairement avec  son  prédécesseur,  Lefebvre  ne 
devait  toucher  que  les  minervaux  des  écoliers 
classiques ,  abandonnant  à  Parisod  tout  le  traite- 


(1)  Tous  les  biographes  s'interrompent  à  ce  point  de 
la  vie  de  Lefebvre,  faute  de  renseignements.  Nous  pre-  ' 
nons  les  nôtres  dans  les  registres  manuscrits  authenti- 
ques de  l'Académie  Protestante  de  Saumur,  où  nous  avons 
déjà  puise.  Voir  sur  ces  registres  une  note  à  ,1'articif 
Josué  de  Laplace. 


>09 


LEFEBVRE 


310 


ment  fixe.  Le  conseil  académique,  «  pour  lui 
donner  meilleur  courage  »,  lui  alloua,  le  18  no- 
vembre 1651,  cette  part  de  gages  sur  la  masse 
commune.  En  1652  Lefebvre  fut  député  au  synode 
ie  Poitou,  qui,  la  classe  de  seconde  étant  venue 
i  vaquer  en  1655,  demanda  qu'elle  fût  confiée 
i  Lel'ebvre.  Il  s'en  était  défendu  déjà  ,  décla- 
ant  expressément  ><  qu'en  sa  conscience  il  jugeait 
qu'il  était  plus  à  propos  qu'il  demeurât  dans  la 
troisième  et  que,  qui  l'en  ôterait ,  les  études  des 
humanités  en  recevraient  un  notable  détriment  ». 
L'académie,  cette  fois  encore,  admit  ses  raisons 
n  référant  au  prochain  synode  qui  se  devait  tenir 
;  Loudun  ;  mais  le  synode  persista  dans  sa  de- 
mande, et  par  un  arrêté  spécial  déclara  que  Le- 
l'ebvre passerait  en  seconde  sans  concurrence  et 
ans  examen.  L'académie  s'y  rendit  le  28  oc- 
robre  1655.  Quand,  dix  ans  plus  tard,  il  s'agit  de 
rétablir  l'enseignement  du  grec,  c'est  sur  lui  en- 
core qu'on  jeta  les  yeux.  Depuis  son  installation 
définitive  à  Saumur,  ses  nombreux  travaux, 
fruit  de  longues  études,  se  succédaient  rapide- 
ment et  le  désignaient  au  choix  des  universités 
et  des  étudiants.  11  accepta  volontiers  les  propo- 
sitions qui  lui  furent  faites  «  déclarant  qu'il 
était  prêt  de  servir  le  public  en  cette  charge 
sans  en  demander  aucune  récompense».  Il  céda 
même  une  partie  d'une  rente  qui  lui  avait  été 
constituée  par  la  libéralité  de  M.  de  Villarnoul, 
pour  aider  à  l'établir  le  traitement  d'une  troi- 
sième chaire  de  théologie.  En  réalité,  son  vrai 
revenu,  c'était  la  pension  que  lui  payaient  les 
nombreux  élèves  qu'il  enseignait  à  l'école  et 
qu'il  répétait  et  logeait  chez  lui  moyennant 
finance,  à  la  manière  de  tous  lès  professeurs  de 
l'académie.  Cependant  sa  santé  s'étant  altérée, 
il  dut  se  faire  suppléer  pour  la  fin  des  cours  de 
l'année  1670.  Au  bout  d'un  mois  à  peine,  on  le 
pria  de  reprendre  sa  classe  en  lui  laissant  libres 
les  .dimanches,  les  mercredis  et  les  samedis.  A 
la  vérité,  d'autres  dégoûts  que  la  maladie  étaient 
venus  relâcher  son  zèle.  Ses  mœurs  assez  lé- 
gères, ses  manières  mondaines,  certain  liberti- 
nage d'opinion  trop  hautement  professé,  no- 
tamment quelques  phrases  risquées  sur  les 
penchants  plus  ou  moins  poétiques  de  Saphô, 
l'avaient  depuis  quelque  temps  surtout  signalé 
au  rigorisme  de  la  vieille  Église,  d'autant  plus 
sévère  que  la  persécution  semblait  plus  proche. 
Le  6  octobre  1670,  Lefebvre  se  présenta  au  con- 
seil académique,  et  demanda  son  congé  définitif. 
«  Puisqu'on  lui  donnait  des  observateurs,  il  voyait 
bien,  dit-il,  qu'on  lui  voulait  faire  des  affaires  ;  au 
reste  il  était  capable  de  se  conduire  de  lui  même, 
sans  avoir  besoin  d'inspecteu:  ou  de  la  part  du 
consistoire  ou  de  la  part  du  synode,  et  ne  saurait 
désormais  se  disposer  à  rendre  service  à  des  per- 
sonnes qui  le  traitaient  de  la  sorte.  »  Il  renou- 
vela sa  déclaration  le  25  du  même  mois,  et  l'aca- 
démie fit  droit  à  sa  demande,  tout  en  improuvant 
les  raisons  sur  lesquelles  elle  se  fondait  et  en  ex- 
primant son  vif  déplaisir  «  de  voir  que  le  synode, 


pour  qui  nous  sommes  obligés  d'avoir  grand  res- 
pect, est  traité  par  M.  Lefebvre  avec  un  tel  mé- 
pris et  outrage  que  celui  qui  paroit  dans  sa  dé- 
claration ».  Dès  lors  Lefebvre  n'avait  plus 
aucun  intérêt  qui  le  pût  retenir  à  Saumur,  n'e 
tait  l'éducation  de  sa  jeune  famille.  Appelé  par 
diverses  universités  qui  se  disputaient  l'hon- 
neur de  le  posséder,  il  se  déeidait  à  partir  pour 
Heidelberg,  où  des  offres  avantageuses  lui  pro- 
mettaient une  position  brillante,  quand  une  fièvre 
maligne  l'emporta,  à  l'âge  de  cinquante-sept  ans. 

Lefebvre  n'avait  rien  dans  la  mine  qui  trahît  le 
pédagogue  ou  le  savant  à  études  austères.  Tou- 
jours recherché,  affecté  même  dans  sa  toilette, 
toujours  en  frais  d'essences,  de  parfums,  de  gants, 
d'épingles,  qu'il  faisait  venir  deRome,  de  Londres 
ou  de  Paris,  Son  abord  était  brusque,  mais  sa  con- 
versation bienveillante  ,  ses  habitudes  douces  et 
charitables.  Vif  et  sensible,  tout  de  feu  pour  l'a- 
mitié comme  pour  la  querelle,  il  avait  trouvé  au 
moins  une  fois  l'occasion  de  faire  acte  de  cou- 
rage, et  ne  l'avait  pas  perdue.  Une  pension  de  cent 
écus  que  lui  faisait  parvenir  Ménage,  au  nom 
d'un  inconnu,  dut  un  jour  brusquement  s'inter- 
rompre :  le  bienfaiteur  anonyme  venait  d'être 
mis  à  la  Bastille  :  c'était  Pellisson.  A  cette  ré- 
vélation, Lefebvre  n'hésita  pas  à  témoigner  de 
sa  reconnaissance  en  dédiant  un  de  ses  livres  à 
cette  victime  politique.  D'ailleurs,  toujours  au 
travail ,  dormant  peu ,  il  ne  se  distrayait  de 
ses  éludes  que  par  l'éducation  de  ses  fils  et  de 
ses  deux  filles,  dont  une  devait  être  madame 
Dacier. 

On  a  de  Tanneguy  Lefebvre  :  Luciani  de  Morte 
Peregrini,  grasc.  etlat.,  cum  notis;  Paris,  1653- 
1655,  in-4° ;  —  Luciani  Timon,  seu  Misanthro- 
pos,  graec.  et  lat.,  cum  notis;  Paris ,  1655,  in-4°  : 
dédié  à  Philippe  Jaucourt,  baron  de  Villarnoul. 
Les  notes  deces  éditions  ont  été  réimprimées  dans 
l'édition  d'Amsterdam,  1661  1687,  in-8°,et  dans  la 
collection  Variorum,  1743,  in-4o  ; —  Diatribe: 
fl.  Josephi  de  Jesu-Christo  lestimonium  sup- 
position  esse,  ad  Joanneni  Chabrolium  ;  Sau- 
mur, 1655.  in-8°  ,  réimprimé  quatre  fois,  no- 
tamment dans  l'ouvrage  qui  suit.  C'est  la  qua- 
rante-quatrième épître.  Huet  et  Charles  d'Aubus 
répondirent  à  la  dissertation  de  Lefebvre,  qui, 
ainsi  que  Blondel  dans  sofa  livre  des  Sibylles 
(  Paris,  1649  ),  voit  dans  ce  passage  une  in- 
terpolation d'Eusèbe  -,  —  Èpistolarum,  pars  I; 
Saumur,  1659;  pars  II,  cui  accedunt  Aris- 
tophanis  concionatrices ,  graec.  etlat.,  cum 
notis;  Saumur,  1665,  in-4°.  Les  deux  parties 
réunies  parurent  en  1674 ,  2  vol.  in-4°.  La 
première  partie  est  dédiée  à  Fouquet,  la  seconde 
à  Lamoignon  ;  —  Phaedri  Fabulas,  cum  notis  et 
gallica  versione  ;  Saumur,  1664,  in-12  :  c'est  la 
réimpression  d'une  édition  précédente  donnée 
par  Lefebvre  (Saumur,  1657,  in-4°) ,  à  laquelle 
il  ajouta  cette  fois  une  traduction  française  par 
de  Sacy  sous  le  pseudonyme  de  V.  Aubin  ;  elle 
d  été  souvent  reproduite  ;  —  Abrégé  des   Vies 


311 


LEFEBVRE 


des  Poètes  grecs; — Le  Mariage  de  Belphé- 
gor,  nouvelle  italienne,   traduite  en  français; 
La  Vie  de   Thésée,  traduite  du  grec  de  Plu- 
tarque;  Saumur,  1665,  in-12,  et  Paris,  1665, 
in-16;  —  Premier  Alcibiade  de  Platon,  mis 
en    français;  Saumur  et    Paris,  166G,   in-12; 
—  Le  Festin  de  Xénophon  ,  traduit  en  fran- 
çais ;  Saumur  et  Paris.   1666,  in-12  ;  —  Traité 
de  ta  Superstition  composé  par  Plutarque 
et  traduit  en  français  avec  un  entrelien  sur 
la  vie  de  Romulvs;  Saumur,  1666,  in-12;  — 
Eutropii  Historia  Romana,  cum  Viris  illus- 
tribus  Aurelii  Yictoris;  Saumur,  1667,  in-8°; 
Londres,    1705;   Leyde,   1726,  in-12;—   La 
Vie  d'Aristippe,  traduite  du  grec  de  Diogène 
Laerce;  Paris,  1667,  in-12;  et  t.  Il  des  Mé- 
moires  de  Littérature   de  Salengre;  —  Cl. 
Mliani  Varise Historiée,  graec.  et  lat.;  Saumur, 
1667,   in-8°;  —  Nolae  in  Hesycliii  Lexicon; 
Leyde  et  Roterdam,  1668,  in-4°  ;  —  Prima 
Scaligerana  nusquam  antehac  édita;  Sau- 
mur,  1669,  in-12.    La  plupart    de  ces  opus- 
cules avaient  été   publiés   séparément.  L'abbé 
Gallois  rendit  compte  de  cet  ouvrage  dans  le 
Journal  des  Savants  de   1666.  Lefebvre  ré- 
pondit à  ses  critiques  sévères  par  le  Journal  du 
Journal,  ou  censure  de  la  censure;  Saumur, 
1666,  in-4°;  et  à  nouvelle  reprise ,  par  la  Se- 
conde Journaline ,   adressée  à  Baudry,  pro- 
fesseur à  Utrecht,  qui  devait  plus  tard   devenir 
son  gendre;  Saumur,  1666,  in-4°.  On  rechercbe 
encore  l'édition  qu'a  donnée  de  ces  deux  pièces 
Pierre  EIzevier;    Utrecht,    1670,   in-12;   — 
Apollodori  Atheniensis  Bibliotheces  Libri  III, 
graec.  et  lat,,  cum  notis;  Saumur,  1661,  in-8°  : 
dédié    à  M     le  comte  de   Rochechouart ,  son 
élève.  Ce  n'est  que  le  résumé  d'un  très -volumi- 
neux travail  qu'avait  préparé  Lefebvre  ;  —  Lu- 
cretius,  cum  conjecturis  ,  emendationibus  et 
notulis  perpetuis;  Saumur,  1662,  in-4°;  et  Can- 
torbery,   1686,  in-12  :  c'est  l'ouvrage,  qu'il  dé- 
dia à  Pellisson  ;  —  Dyonisii   Longini  De  Su- 
blimi   libellus  ,  graec.  et  lat.;  Saumur,  1663, 
in-12.  Dédié  au  roi,  cet  opuscule  valut  à  l'édi- 
teur une  pension  de    500  écus,  que  supprima 
Colbert.  La  Bibliothèque  impériale  en  possède 
un  exemplaire  chargé  des  notes  de  Dacier  (U- 
trecht,   1670,  in-8°)  ;  il  est  appelé  prima,  parce 
qu'il  se  rapporte  à  la  première  partie  de  la  vie 
de  Scaliger.  11  a  été  réimprimé  avec  le  second, 
publié  en  1666  par  les  frères  Vassan;  Cologne 
[Amsterdam],  1695,  in-12,  sous  ce  titre:  Sca- 
ligerana, ou   bons  mots,  rencontres  agréa- 
bles, etc.,  de  J.  Scaliger,  avec  des  notes  de 
T.  Lefebvre  et  de  P.  Colomiès  ;  —  Jus  tint  Epi- 
tome    Historiarum  univers.  Trogi    Pompeii 
cum  emendationibus  et  notis  ;  Saumur,  1671, 
in-12  ,  dédié  au  duc  de  Montauzier;  et  le  même 
ouvrage  traduit  par  Colomby,  revu  par  Lefebvre, 
Saumur,   1672,  in-12;  —  Terenlii  Comœdise; 
Saumur,    1671,  in-12,  dédié   au  cardinal  de 
Bouillon.  A  la  suite  des  notes  se  trouve  une  tra- 


duction en  vers  latins  de  VEpitaphe  d'Adonis, 
par  Bion  de  Smyrne;  —  Q.  Horatii  Flacci{ 
Opéra;  Saumur,  1671,  in-12  :  dédié  au  Dau-j 
phin;  —  Plinii  Panegyricus  ;  Saumur,  1671 J 
in-12;  — Aurelnts  Victor,  cum  notulis;  Sau- 
mur, 1671,  in-12;  —  iVo/a?  in  T.  Livii  His-i 
loriam, dans  l'édition  de  Paris,  1672,  in-12;  et', 
dans  celle  d'Amsterdam,  1738,  in-4°; —  Mé-\ 
thode  pour  commencer  les  humanités  grec-, 
gués  et  latines;  Saumur,  1672,  in-12;  et  t.  IlJ 
des  Mémoires  de  Littérature  de  Salengre),] 
plusieurs  fois  réimprimée;  —  Florus  cum  re-\ 
censione  ;  Saumur,  1672,  in-12; —  FabuleeexA 
Locmanno  arabica,  lalinis  versibus  redditse,\ 
et  alia  poemata  ;  Saumur,  1673,  in-12;  réim-J 
primé  dans  le  livre  premier  de  ses  Lettres;  —  1 
Anacreonlis  et  Sa/  honis  Carmina,  graec.  et] 
lat.,  cum  notis  ;  Saumur,  1660,  in-12.  Madamej 
Dacier  réimprima  les  notes  avec  sa  traduction;] 
Amsterdam,  1716,  in-80;—  Dionisii  Alexan-i 
drini  de  Situ  orbis  Liber,  graec.  et  lat.  ;  Saumur,] 
1676,  in-8°.  Outre  ces  publications,  Lefebvre] 
en  avait  préparé  nombre  d'autres,  et  les  notes  de] 
lui  que  possède  encore  la  Bibliothèque  impériale] 
sur  les  tragiques  grecs,  Lucien,  Pindare,  Hé-1 
siode,  Eustathe,  Callimaque,  Cicéron,  OvideJ 
Salluste,  Lucilius,  Plaute,  Catulle,  Properce elj 
Tibulle,  attestent  l'universalité  de  ses  travaux! 
sur  l'antiquité  grecque  et  latine.  Cel.  Port.  I 
Nicéron.t.  III,  p.  103.  —  Mémoires  de  Littérature  Ac  | 
Sallengre,  t  11,  p;irt.  2.  —  Hiiet,  Histoire  de  ta  ville  di\ 
Caen.  —  Bulletin  du  Bibliophile,  3e  série,  t.  I,  p.  19-25  1 
—  Registres  de  l'Académie  de  Saumur,  mss.  à  l'hôtel- 1 
Dieu  de  Saumur.—  Haag,  France  Protestante. 

lefebvre  (Tanneguy),  mathématicien  fran] 
çais,  fils  du  précédent,  né  à  Saumur,  le  23  jan-1 
vier  1638,  mort  dans  la  même  ville,  en  1717.  il 
fut  trente  ans  ministre  en  Suisse  et  en  Angle-] 
terre,  et  finit  par  abjurer,  ainsi  que  madame] 
Dacier,  sa  sœur,  à  son  retour  à  Paris,  en  1697.1 
On  a  de  lui  un  paradoxe  contre  la  poésie,  intil 
tulé  :  De  Futilitate  Poetices,  Amsterdam,  1697.1 
pet.  in-8°,  et  un  traité  :  Des  Communes  MesureM 
et  Racines  communes  des  quantités  littéralesi 
du  partage  d'autant  de  quarrés  donnés  qutm 
l'on  voudra,  en  d'autres  qui  soient  des  limitesm 
prescrites,  et  de  la  Résolution  des  puissancesm 
ou  équations  composées  depuis  le  premietÛ 
degré  à  l'infini;  ouvrage  nécessaire  pouvl 
perfectionner  l'algèbre  en  général  et  en  par  m 
ticulier  celle  de  Diophante;  Paris,  1714,  in-8°.!j 
L'auteur  annonce  avoir  composé  son  petit  traité]! 
dans  un  voyage  qu'il  fit  aux  Indes  occidentales, il 
et  promet,  en  cas  de  succès,  d'en  donner  unell 
continuation.  Une  attestation  de  Halley  et  l'ap-i  fc 
probation  de  Saurinle  recommandent  au  public:  s 

C.  Port. 
Haag,  La  France  Protestante  —  Bodia,  Recherches \  4 
sur  la  ville  de  Saumur. 

lefebvre  (i)  (Claude),  peintre  et  graveur  II 

(1)  C'est  ainsi  que  nous  trouvons  son  nom  dans  une  il 
note  provenant  de  sa  famille  et  portant  len°  5  des  manus- 
crits conservés  a  l'École  des  Beaux-Arts.  La  plupart  des 


laçais,  né  à  Fontainebleau,  en  1633,  mort  à 
[ndres,  le  25  avril  1675.  Il  eut  pour  maître 
Sueur  et  Le  Brun.  Ce  fut  ce  dernier  qui, 
ut-être  par  jalousie,  lui  conseilla  de  quitter 
istoire  pour  le  portrait;  en  effet,  Lefehvre, 
]mme  portraitiste ,  a  donné  des  preuves  d'un 
ent  supérieur.  Il  reproduisait  parfaitement 
^pression  et  le  caractère  des  personnages  qu'il 
gnait.  Sa  touche  était  agréable,  son  coloris  frais 
brillant  sans  affectation.  En  1663,  il  fut  reçu 
mbre  de  l'Académie  de  Peinture,  et  devint  un 
s  artistes  préférés  par  la  cour,  où  il  peignit  suc- 
isivement  le  roi  Louis  XIV,  la  reine  Marie- 
érèse,  et  leurs  enfants  ;  Philippe  d'Orléans, 
re  du  roi  et  la  duchesse  sa  femme;  Mllc  de 
mtpensier;  le  duc  d'Aumont  et  sa  femme 
Jlle  de  La  Motthe-Houdancourt);  Le  Camus, 
lieux  musicien  du  temps;  Couper  in,  l'habile 
ganiste.  Lefebvre  représenta  aussi  sa  fille  aînée, 
k  de  La  Valette.  Suivant  la  notice  que  nous 
alysons,  «  elle  est  peinte  peignant  d'un  pei- 
p  à  peigner  un  de  ses  frères  (sic)  ;  tout  le  su- 
rèparaît  dans  un  miroir  qui  se  trouvederrière.  » 
lgré  la  vogue  dont  jouissait  Claude  Lefebvre 
France,  il  crut  gagner  davantage  en  Angleterre, 
bassa  à  Londres,  où  il  mourut,  jeune  encore, 
rmi  ses  compositions  historiques,  on  citait  : 
\  Nativité,  dans  l'ermitage  de  Franchard,près 
atainebleau;  —  Les  quatre  Évangélistes  ,  à 
ksy  près  Moret  ;  —  L'Éducation  des  novices, 
t  Jacobins  (  rue  des  Grez  ),  à  Paris.  Lefebvre 
Ivait  fort  bien  à  l'eau-forte,  et  a  laissé  plu- 
urs  portraits  en  ce  genre.  Son  meilleur  élève 
I  François  de  Troyes.  A.  de  L. 

/«moires  inédits  sur  les  Membres  de  l'Académie  de 
\ntare,  etc.,  t.  I,  p.  40î. 

ï.efebvke  (Nicolas),  auteur  dramatique  du 
[septième  siècle.   Né  en   Picardie,   il    était 

é  à  Amiens ,  et  n'est  connu  que  par  une  tra- 
jlie  intitulée  :  Eugénie,  ou  le  triomphe  de  la 
nstete :;  Amiens,  1678,  in-12.      E.  D— s. 

liaudon  et  Delandlne,  Dict.  hist.  (1812). 

lefebvp.e  (Valenti n),  connu  sous  le  nom 
j  Valentino  Le  Febvre  de  Venise ,  peintre  et 
Weur  belge,  né  à  Bruxelles,  en  1643.  Sa  vie 
peu  connue.  Il  habita  longtemps  Venise,et,  mar- 
int  sur  les  traces  du  Véronèse,  il  réussit  dans 
■  œuvres  à  approcher  de  ce  grand  maître.  Le- 
j»vre  peignit  peu,  aussi  ses  tableaux  sont-ils  re- 
ferchés.  Ses  têtes  n'ont  rien  dultramontain  et 
h  coloris  est  exempt  des  défauts  de  son  siècle. 
(touche  à  de  la  force,  sans  exagération.  Ses  pe- 
îs  toiles  sont  bien  finies,  mais  il  a  moins  de 
rite  dans  ses  grandes  toiles,  oii  il  pèche  quel- 
efois  par  la  composition.  Lefebvre  gravait  fort 
fl  ses  nombreuses  gravures  des  plus  beaux  ta- 
aux  du  Titien,  de  Paolo  Véronèse  et  des  plus 


graphes  l'ont  donc  écrit  à  tort  Le  Fèvre.  Dans  cette 
e  Lefebvre  esl  déclaré  né  de  «  parens  illustres».  Rien 
is  sa  généalogie  directe  ne  nous  a  semble  justifier  une 
îblable  qualification. 


LEFEBVRE  314 

habiles  mattres  vénitiens,  ont  été  pai   erreur  at- 
tribués par  Orlandi  à  on  autre  Lefebvre. 

A.  de  L. 


Lami,  Stnria  délia  Pittura,  t.  III,  p  275-276.  —  Anton- 
rnaria  Zanetti,  Délia  Pittura  veneziaiiu,  etc.;  Venise, 
1771,  ln-8°.  —  Orlandi,  Jbecedario  Pittorico  ;  Bologne, 
1719,  in-4». 

LEFEBVRE  DE  LA  BELLANDE  (  Jean  - 

Louis),  administrateur  français,  mort  le  25  juillet 
1762.  Il  était  employé  aux  fermes  générales. 
Ona  de  lui  :  Traité  général  des  Droits  d'Aides  ; 
Paris,  1760,  in-4°.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 
lefebvre (  Philippe),  littérateur  français, 
né  à  Rouen,  le  15  janvier  1705,  mort  dans  la 
même  ville,  en  1784.  Il  était  président  du  bureau 
des  finances  de  la  généralité  de  Rouen,  et  s'é- 
tait fait  connaître  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  par  un 
travail  critique  remarquable.  Il  donna  depuis, 
d'autres  ouvrages,  sousle  voile  de  l'anonyme.  On 
a  de  lui  :  Examen  de  la  tragédie  d'Inès  de 
Castro  (de  Lamotte  Houdar);  Paris,  1723, 
in-8°;  —  Lettre  d'un  gentilhomme  de  pro- 
vince au  sujet  de  la  tragédie  d'Inès  de  Castro; 
Paris,  1723,  in- 8°  ;  —  Lettres  de  deux  Amis  ; 
1724,  in-12;  —  Le  songe  de  Phïlalètes,  tra- 
duit du  grec  de  Parthénhis ;  1725,  1750, 
in-12  ;  c'est  une  traduction  supposée-,  —  Le  Pot- 
pourri;  1727,  2  parties  in-12;  — Nanin  et  Na- 
nine,  fragment  d'un  conte  traduit  de  l'a- 
rabe ;  1749,  in-8°;  —  Histoire  de  M1^  de 
Cerni;  Berlin,  1750,  in-12;  —  L'Oracle  de 
Nostradamus,  divertissement  en  un  acte  et  en 
vers;  Paris,  1751  in-80;—  L'enlèvement  d'É~ 
ripe;  1751,  in-8°;  —  Histoire  de  Ménocrate 
et  Zenothémis  ;  1753,  in-8°;  —  Le  Loisir  lit- 
téraire  de  Philalètes  ;  1756,  in- 8°; —  La  Vé- 
rité, ode,  suivie  de  poésies;  1759;  —  Abrégé 
de  la  vie  d'Auguste,  empereur  romain  ;  1760, 
in-12;  —  Questions  et  réponses,  ou  défini- 
tions nouvelles,  en  prose  et  en  vers  ;  1761,  in-8°  ; 

—  Récréations  académiques,  contenant  la 
mort  de  Cafon,  ou  le  suicide,  etc.,  17fi2,  in-8°; 

—  Histoire  d'Henri  Félix,  archevêque  de 
Maijence;  Paris,  1762,  in-8°.  J.  V. 

Sabaticr,  Les  trois  Siècles  Littéraires  de  la  France.  — 
Quérard,  La  France  Littér. 

LEFEBVBE    DE  VILLEBRUNE    (Jean-Bap- 

tiste), philologue  français,  né  à  Senlis,  en  1732, 
mort  à  Angoulême,  le  7  octobre  1809.  Il  était 
docteur  en  médecine,  et  possédait  quelque  savoir 
en  histoire  naturelle  et  dans  les  sciences  exactes. 
Il  quitta  la  pratique  de  la  médecine  pour  l'étude 
des  langues.  On  prétend  qu'il  en  apprit  treize, 
tant  anciennes  que  modernes,  et  se  servit  de  cette 
connaissance  pour  traduire  toutes  sortes  de 
livres  de  l'espagnol,  de  l'italien,  du  suédois,  de 
l'anglais,  de  l'allemand,  du  grec,  du  latin.  Il  de- 
vint en  1792  professeur  d'hébreu  et  de  syriaque 
au  Collège  de  France,  puis  bibliothécaire  en  chef 
de  la  Bibliothèque  nationale  à  la  fin  de  1 793. 
Cette  place  fut  supprimée  lors  de  l'organisation 
d'un  corps  de  conservateurs  en  1795.  Vnr  lettre 


315  LEFEBVRE 

où  Villebrune  attaquait  la  constitution  républi- 
caine l'obligea,  en  17  97  ,  à  quitter  Paris  après 
le  18  fructidor.  Il  séjourna  dans  plusieurs  dé- 
partements, et  finit  par  se  fixer  à  Angoulême,  où 
il  obtint  la  chaire  d'histoire  naturelle  à  l'école 
centrale.  Il  l'échangea  ensuite  contre  celle  d'hu- 
majiités,  et  ne  chercha  point  à  revenir  à  Paris, 
où  il  trouvait  que.  son  mérite  n'était  pas  appré- 
cié. Les  philologues  contemporains  estimaient 
peu  Lefebvre  de  Villebrune,  qui  avait  beaucoup 
plus  de  prétention  que  de  mérite.  Son  œuvre  la 
plus  importante  est  une  traduction  d'Athénée  : 
Le  Banquet  des  Savants,  traduit  du  grec,  tant 
sur  les  textes  imprimés,  que  sur  plusieurs  ma- 
nuscrits ;  Paris,  1789-1791  ,  5  vol.  in-4°.  Cette 
traduction  n'est  ni  élégante  ni  fidèle;  mais 
l'ouvrage  d'Athénée  offre  tant  de  difficultés  à 
un  traducteur,  qu'il  faut  savoir  gré  à  Lefebvre 
de  les  avoir  surmontées  en  partie.  Son  commen- 
taire n'est  pas  non  plus  à  dédaigner,  bien  qu'il 
contienne  beaucoup  de  légèretés  et  d'erreurs. 
Schaefer  a  jugé  la  traduction  et  les  notes  di- 
gnes d'être  reproduites  dans  son  édition  des 
Deipnosopliistst •  ;  Leipzig,  1796.  —  On  a  encore 
de  Lefebvre  une  édition  de  Silius  Italicus  :  Cai 
Silii  ftalici  de  Bello  punico  secundo  ad  /idem 
vet.  monumentorum  casligatum,  fragm.  auc- 
t.um.  Operis  integri  editio  princeps  ;  Paris, 
1781,  in-8°.  D'après  ce  titre  pompeux,  on  croi- 
rait que  Lefebvre  a  donné  la  première  édition 
complète  de  Silius  Italicus  ;  cependant  il  n'a  fait 
qu'insérer  dans  le  seizième  chant,  après  le 
vingt-septième  vers ,  trente-trois  autres  vers  ? 
qu'il  prétend  avoir  trouvés  dans  un  manuscrit 
de  Paris,  et  qui  se  trouvent,  avec  quelques 
changements  dans  le  sixième  chant  de  YAfrica 
de  Pétrarque.  Les  meilleurs  critiques  ont  rejeté 
ce  fragment,  comme  apocryphe.  L'édition  est  du 
reste  médiocre.  La  traduction  du  même  auteur 
par  Lefebvre  de  Villebrune  ne  vaut  guère  mieux; 
elle  parut  en  1781,  3  voi.  in- 12.  —  Parmi  les  au- 
tres éditions  de  Lefebvre,  on  remarque  :  Hip- 
pocratis  Aphorismi ,  ad  fidem  veterum  mo- 
numentorum castigati,  latine  versi;  Paris, 
1779,  in-12;  le  docteur  Bosquijlon  attaqua  vi- 
vement cette  édition,  que  Lefebvre  défendit  dans 
une  Lettre  très-honnête  à  M-  Rosquillon  en 
réponse  à  la  critique  maladroite  répandue  en 
son  nom,  concernant  la,  nouvelle  édition  des 
Aphorismes  d' Hïppocrate  ;  Paris,  1779,  in-8°. 
—  On  a  de  Lefebvre  de  nombreuses  traductions  ; 
les  principales  sont,  outre  celles  qui  ont  été  ci- 
tées plus  haut  :  Les  Nouvelles  de  Cervantes, 
traduites  de  l'espagnol,  avec  des  notes;  Pa- 
ris, 1775,  2  vol.  grand  in-8"  ;  —  Les  Mé- 
moires de  D.  Ulloa ,  traduits  de  l'espagnol  ; 
Paris,  2  vol.  in  8°;  —  Les  Lettres  améri- 
caines de  Carli ,  traduits  de  l'italien  en  fran- 
çais; Boston  (Paris),  1788,  2  vol.  in-8".  — 
Lefebvre  a  publié  aussi  un  Dictionnaire  des 
particules  anglaises,  précédé  d'une  Gram- 
maire raisonnée;  Paris,  1774,  in-8°.         N. 


31fi; 

Chaudon  et  Delandine,  Dict.  Histor.  —  Quérard,  f,a 
France  littéraire. 

LEFERVRE  D'HELLANCOURT  (N....  ),  in-, 
génieur  français,  né  à  Amiens  (Picardie),  en! 
1759,  mort  à  Paris,  le  9  janvier  1813.  11  était 
inspecteur  général  des  mines  et  membre  di 
conseil  des  mines.  On  a  de  lui  :  Considérations 
relatives  à  la  législation  et  à  Vadministm 
tion  des  Mines ,  Paris,  1802,  in-8°;  —  Aperçt 
général  des  Mines  de  Houille,  exploitées  ei 
France  ;  de  leurs  produits  et  des  moyens  d 
circulation  de  ces  produits;  Paris,  1803 
in-8°,  avec  une  carte  des  mines  de  houille  « 
des  canaux  et  rivières  navigables  :  ces  deux  oii 
vrages  ont  été  aussi  imprimés  dans  le  Journa  ■. 
des  Mines,  où  Ton  trouve  encore  de  Lefebvr  ! 
d'Hellancourt  :  Description  du  Calvariberyi 
en  Hongrie  (1795,  tome  II);  —  Observation 
minéralogiques  faites  à  Sainfe-Magnence  ei 
Bourgogne  (ibid.);  —  Note  sur  les  ricliessA 
Minérales  de  la  France  (1801,  tome  X  ).  J.  il 

Gillet-Laumont,  Notice  nêcrol.  sur  la  nie  et  les  ovl 
vranes  de  Lefebvre  d'Hellancourt,  dans  le  Journ^ 
des  Mines,  tome  XXXV1U.  —  Quérard,  La  France  Ltify 

LEFEBVRE     DE    NANTES     (t)     (  Julien 

homme  politique  français ,  né  a  Nantes ,  me 
vers  1816. 11  était  jurisconsulte  dans  sa  villeii 
taie  lorsqu'en  1792  il  fut  député  à  la  Conyï 
tion  nationale  par  le  département  de  la  Lqhj 
Inférieure.  Il  signala  les  troubles  que  les  prê{] 
et  les  familles  des  émigrés  entretenaient  dans 
province.  Lors  du  procès  de  Louis  XVI,  il  vi 
contre  l'appel  au  peuple,  et  pour  la  dépor 
tion.  A  la  suite  du  coup  d'État  du  31  mai  1793 
fut  un  des  soixante-treize  députés  mis  en  arre 
tation  comme  partisans  des  fédéralistes.  Apt 
le  9  thermidor,  il  rentra  à  la  Convention. 
1795,  il  fut,  avec  son  collègue  Ramel,  envoyé 
mission  dans  la  Belgique;  il  proclama  la  lîbe) 
de  la  navigation  de  l'Escaut,  et  pressa  beau© 
la  réunion  des  Pays-Bas  avec  la  France.  Deyp 
membre  du  Conseil  des  Cinq  Cents,  il  en  spj 
en  1798,  et  termina  ses  jours  dans  le  repos 
a  de  lui  quelques  opuscules  ou  discours  pol 
ques.  H.  L 

Le  Moniteur  universel,  an  Ier  (1793),  n°  7' 
n°»  85-348-354  ;  an  t,  n°  14  ;  an  vi,  n°  205.  —  Biogra% 
Moderne  (1806). 

lefebvre  (François- Joseph), dac  de  Da 
zig,  maréchal  de  France,  né  à  Ruffach  (  A'sap 
le  25  octobre  1755,  mort  à  Paris,  le  14  septeny 
1820.  Fils  d'un  ancien  hussard,  il  perdit  son  a. 
à  l'âge  de  dix-huit  ans,  et  s'enrôla,  le  10  S; 
tembre  1773,  dans  les  gardes  françaises.  Il  y 
tint  le  9  avril  1788  le  grade  de  premier  seri 
Le  12  juillet  1789,  il  sauva  la  vie  à  plusieurs 
ficiers  de  sa  compagnie ,  menacés  par  une  f< 


(1)  C'est  par  erreur  que  dans  les  tables  du  Monbl 
ce  nom  est  écrit  l.efèvre.  Lefebvre  (de  Nantes) al 
confondu  par  plusieurs  biographes  avec  I.efebvreJ 
CorbiNiÈre,  procureur  au  Châtelet  de  Paris  en  17»? 
vice-président  du  tribunal  d'appel  de  Paris  de  l'ar;' 
L 1800-1801  )  à  l'an  XIII  (  1804-1806  ). 


17 


LEFEBVRE 


3!  8 


ritée.  Après  le  licencieement  rie  son  corps,  Le- 
bvre  fut  incorporé  avec  la  moitié  fie  sa  com- 
jgnie  d.ms  le  bataillon  des  Filles  Saint-Thomas, 
>nt  l'instruction  lui  fut  confiée.  Deux  fois  il 
t  blessé  à  la  tête  d'un  détachement  de  ce  ha- 
illon, d'abord  en  protégeant  la  rentrée  de  la 
mille  royale  aux  Tuileries  le  jour  où  elle  tenta 
linement  de  se  rendre  à  Saint-Cloud,  et  plus 
rd  en  assurant  le  départ  pour  Rome  des  tantes 
;  Louis  XVI.  En  1792,  il  préserva  la  caisse 
escompte  du  pillage.  Devenu  capitaine  au 
Ie  régiment  d'infanterie  légère,  Lefebvre  fut 
»mmé  adjudant  général  le  3  septembre  1793, 

général  de  brigade  le  2  décembre  suivant, 
ïiployé  au  commencement  de  la  campagne  à 
irmée  de  la  Moselle ,  il  s'y  trouva  sous  les  or- 
•es  de  Hoche,  dont  il  avait  été  l'instructeur  aux 
rdes  françaises.  Sur  la  proposition  de  Hoche, 
ïfebvre  fut  promu  général  de  division,  le  tojan- 
er  1794,  à  la  suite  des  affaires  de  Lambach  et 
i  Giesberg.  Depuis  lors  Lefebvre  commanda 
esque  continuellement  les  avant-gardes  des 
niées  des  Vosges,  de  la  Sarre,  de  la  Moselle, 
i  Rhin  et  Moselle  ,  de  Sambre  et  Meuse  et  du 
inube.  Chargé  du  siège  du  fort  Vauban,  dont 
sAutrchiens  s'étaient  emparés,  Lefebvre  poussa 
3  travaux  avec  tant  d'activité  que  l'ennemi  se 
t  forcé  d'abandonner  cette  conquête.  Ensuite 
entra  dans  le  Palatinat,  et  bloqua  la  tête  de 
mt  de  Manheim.  Il  battit  l'ennemi  à  Apach,  à 
linte-Croix,  à  Nadelange;  après  avoir  passé  la 
euse,  il  se  trouva  sons  les  murs  de  Charleroi, 
i  sa  division  forma  la  droite  de  l'armée  de 
serve.  Il  contribua  puissamment  au  succès 
i  la  journée  de  Fleurus,  où  il  eut  un  cheval 
é  sous  lui.  La  campagne  se  termina  par  les 
mbats  de  Marmont,  de  Nivelles,  de  Florival  et 
i  Frimont,  auxquels  Lefebvre  prit  une  part 
trieuse.  L'année  suivante,  sa  division  com- 
ttit  seule  à  Epte  et  à  Ochtrup.  Elle  concourut 
I  affaires  de  la  Roer  et  du  Welp.  Le  6  sep- 
mbre  1795,  Lefebvre  franchit  le  Rhin  à  Eichel- 
mp,  força  Spick,  Angersbach,  et  se  porta  sur 
îgermonde.  Ces  succès  furent  suivis  du  combat 
Henef ,  où  la  division  de  Lefebvre  fut  seule  en- 
gée.  Il  repoussa  les  Autrichiens  jusque  sur  les 
mteurs  d'Anilschorn ,  d'où  il  les  débusqua  en- 
rç.  En  novembre,  il  marcha  sur  la  Sieg,  com- 
ttit  à  Nidda ,  à  Oberdiefenbach ,  et  se  replia 
suite  pour  tenir  en  échec  le  général  Boroz.  Un 
rnistice  vint  suspendre  les  hostilités.  Elles  re- 
mmencèrent  au  printemps  de  1796  par  l'at- 
que  de  Siegsberg,  qui  fut  exécutée  avec  un 
ein  succès  par  le  général  Lefebvre.  11  potir- 
ivit  l'ennemi  jusqu'à  Altenkirchen,  où  il  sou- 
it  le  combat  le  plus  glorieux  de  la  campagne. 
prit  part  ensuite  aux  journées  de  Kaldeich, 
:  Friedberg,  de  Bamberg  et  de  Salzbach  ;  enfin 

division  s'empara  de  Kœnigshofen.  Pen- 
int  la  campagne  de  1798,  Lefebvre  prit,  après 
mort  du  général  Hoche,  le  commandement 
ovisoire  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse,   et 


fut  désigné  pour  commander  l'expédition  pro- 
jetée contre  l'électorat  de  Hanovre.  Cette  expé- 
dition n'eut  pas  lieu,  et  Lefebvre  fut  employé  en 
1799  à  l'armée  du  Danube  sous  les  ordres  de 
Jourdan.  Le  20  mars,  à  la  tête  de  huit  mille 
hommes,  il  opposa  une  vigoureuse  résistance  à 
trente-six  mille  Autrichiens  qui  l'avaient  attaqué 
à  Stockach.  Grièvement  blessé  d'un  coup  de  feu 
au  bras  dans  cette  affaire,  il  quitta  l'armée,  et 
revint  à  Paris,  où  il  reçut  du  Directoire  une  ar- 
mure d'honneur  complète.  Le  11  mai  le  Conseil 
des  Cinq  Cents  le  désigna  comme  un  des  candi- 
dats au  Directoire,  à  la  place  de  Treilhard,  membre 
sortant;  mais  le  choix  du  Conseil  des  Anciens  ne 
s'arrêta  pas  sur  lui.  Le  13  août,  il  fut  nommé 
commandant  de  la  dix-septième  division  mili- 
taire, dont  Paris  était  le  quartier  général.  Le 
18  brumaire  (9  novembre)  Lefebvre  accompagna 
le  général  Bonaparteà  la  barre  du  Conseil  des  An- 
ciens. Mandé  auprès  du  Directoire  pour  rendre 
compte  de  sa  conduite,  Lefebvre  répondit  qu'il 
avait  donné  sa  démission.  Lefebvre  aida  de  tout 
son  pouvoir  au  succès  du  coup  d'État  en  entrant 
avec  des  grenadiers  dans  la  salle  du  Conseil  des 
Cinq  Cents,d'où  il  entraîna  le  général  Bonaparte. 
Celui-ci  lui  laissa  le  commandement  de  la  divi- 
sion de  Paris.  Il  concourut  ensuite  à  la  pacification 
des  départements  de  l'Eure ,  de  la  Manche ,  du 
Calvados  et  de  l'Orne.  Le  1er  avril  1 800  il  entra  au 
sénat  sur  la  proposition  du  premier  consul,  et  en 
fut  l'un  des  préteurs  jusqu'à  la  dissolution  de  ce 
corps  en  1814.  Compris,  le  19  mai  1804,  dans 
la  première  promotion  des  maréchaux  de  l'em- 
pire ,  il  fut  nommé  successivement  chef  de  la 
cinquième  cohorte,  grand-officier  et  grand-aigle 
de  la  Légion  d'Honneur.  Lors  de  la  reprise 
des  hostilités  contre  l'Autriche  en  1805,  Le- 
febvre fut  chargé  du  commandement  général 
des  cohortes  des  gardes  nationales  de  la  Roer, 
de  Rhin-et-Moselle  et  du  Mont-Tonnerre.  Il  pa- 
rut en  1806  à  la  grande  armée ,  à  la  tête  d'une 
division  dirigée  contre  les  Prussiens.  Il  com- 
mandait la  garde  à  pied  à  la  bataille  de  Iéna, 
le  14  octobre,  et  protégea  les  derrières  de 
l'armée  àThorn,  sur  la  gauche  de  la  Vistule  jus- 
qu'après la  bataille  d'Eylau  (8  février  1807  ).  A 
cette  époque,  il  reçut  l'ordre  d'aller  faire  le  siège 
de  Dantzig  avec  l'armée  polonaise,  l'armée 
saxonne  et  le  contingent  de  Bade.  La  place  fut 
investie  le  10  mars  ;  le  bombardement  commença 
le  23  avril.  La  garnison  prussienne,  sous  les  or- 
dres du  général  Kalckreuth,  se  rendit  le  24  mai 
après  des  sorties  vigoureuses  et  multipliées,  et 
après  cinquante-et-un  jours  de  tranchée  ouverte. 
Elle  obtint  tous  ies  honneurs  de  la  guerre.  Pen- 
dant ce  long  siège,  Lefebvre  ne  cessait  de  dire 
aux  artilleurs  :  «  Je  n'entends  rien  à  votre  af- 
faire; mais  fichez-moi  un  trou,  et  j'y  passerai.  » 
Dès  qu'une  brèche  fut  faite  Lefebvre,  à  la  tête  d'un 
bataillon,  se  jeta  en  effet  dans  une  redoute,  sur 
les  hauteurs  du  Holzenberg,  au  milieu  de  la  mi- 
traille et  des  balles.  Le  28  mai  il  fut  récompensé 


319 

de  cette  action  d'éclat  par  le  titre  de  duc  de 
Dantzig  (1).  En  1808,  le  maréchal  Lefebvrc  ac- 
compagna Napoléon  en  Espagne.  Le  31  octobre  il 
gagna  la  bataille  de  Durango,  sur  les  généraux 
BlackeetLa  Romana.  Au  moins  de  novembre  il 
entra  dans  Bilbao  et  dans  Santander,  et  con- 
courut au  gain  delà  bataille d'Espinosa.  Rappelé 
en  Allemagne  pour  faire  la  campagne  de  1809 
contre  l'Autriche,  il  y  fut  chargé  du  commande- 
ment de  l'armée  bavaroise.  Il  combattit  à  Thann, 
à  Abersberg,  à  Eckmùhl  et  à  Wagram.  Lancé  à 
la  poursuite  des  corps  de  Jellachich  et  de  Chas- 
teller,  qui  opéraient  dans  le  Tyrol ,  il  les  battit  et 
entra  à  Inspruck.  Cette  campagne  se  termina  par 
le  traité  de  Vienne,  en  octobre  1809.  En  1812  le 
maréchal  Lefebvre  commanda  en  chef  la  garde 
impériale,  et  pendant  la  retraite  il  marcha  à 
pied  à  sa  tête  ,  sans  la  quitter.  Dans  la  cam- 
pagne de  France  en  1814,  Lefebvre  dirigea  l'aile 
gauche  de  l'armée,  combattit  à  Monlmirail ,  à 
Arcis-sur-Aube,  à  Champ-Aubert,  où  il  eut  un 
cheval  tué  sous  lui.  Il  se  trouvait  à  Paris  depuis 
quelques  jours  lors  de  l'occupation  delà  capitale, 
et  participa  aux  divers  actes  du  sénat  qui  si- 
gnalèrent la  lin  de  l'existence  de  ce  corps.  Après 
la  restauration,  Lefebvre  fut  créé  pair  de  France 
le  4  juin  1814.  Appelé  pendant  les  Cent  Jours  à 
la  chambre  des  pairs  impériale,  il  y  siégea,  et 
tut  compris,  après  la  seconde  rentrée  du  roi,  dans 
l'ordonnance  d'élimination.  Rappelé  à  la  pairie 
par  une  ordonnance  du  5  mars  1819,  il  vota  en 
1820  pour  le  maintien  de  la  loi  du  5  février  1817 
sur  les  élections.  11  mourut  d'une  hydropisiede 
poitrine,  et  fut  enterré,  selon  son  désir,  au  ci- 
metière du  Père-Lachaise  auprès  du  maréchal 
Masséna. 

Lefebvre  passait  pour  un  des  meilleurs  géné- 
raux de  l'armée  française.  Un  coup  d'œil  juste,  un 
courage  réfléchi,  une  expérience  consommée  lui 
avaient  mérité  cette  réputation.  «  Dès  le  com- 
mencement de  la  guerre,  a  dit  le  maréchal  Su- 
chet,  il  s'était  fait  une  tactique  particulière.  Son 
génie  militaire  trouvait  sur  le  terrain  même,  et 
sans  aucune  combinaison  préalable,  des  res- 
sources extraordinaires  pour  fixer  la  victoire. 
Dans  les  principales  affaires  où  il  s'est  trouvé,  il 
en  a  décide  le  plus  grand  nombre  d'une  manière 
éclatante  par  sa  rare  intrépidité,  par  la  justesse 
de  son  coup  dYHI,  et  par  sa  grande  habileté  à 
éiectriser  les  soldats,  à  se  les  attacher  par  la  con- 
fiance, à  les  porter  aux  plus  grandes  actions, 
enfin  à  les  maintenir  dans  une  sévère  discipline 
aux  époques  les  plus  difficiles...  Il  sut  profiter  des 
leçons  de  Turenne  et  du  maréchal  de  Saxe. 
Comme  le  premier,  il  fut  sage  et  modeste  ;  comme 

(1)  Les  lettres  patentes  qui  le  lui  conféraient  renfer- 
ment ce  passage  :  »  Que  le  titre  de  duc,  porté  par  ses  des- 
cendants, leur  retrace  les  vertus  de  leur  père,  et  qu'eui- 
mécnes  ils  s'en  reconnaissent  indignes  si  pendant  la  guerre 
Ils  préféraient  jamais  un  lâche  repos  et  l'oisiveté  de  la 
grande  ville  aux  périls  et  à  la  noble  poussière  des  camps, 
si  j.  mais  leurs  premiers  sentiments  cessaient  d'être  pour 
la  patrie.  » 


LEFEBVRE  320 

le  second  ,  il  fut  actif,  audacieux  et  prudent.  . 
Quoique  Lefebvre  ne  brillât  pas  par  les  qualité; 
de  l'esprit,  on  cite  de  lui  un  mot  piquant.  Ui 
jeune  fat  l'impatientait  en  citant  ses  ancêtres 
«  Eh  !  ne  soyez  pas  si  fier  de  vos  ancêtres,  lu 
dit  le  maréchal  ;  moi,  je  suis  un  ancêtre  !  » 

Lefebvre  s'était  marié  a  l'époque  où  il  n'étai 
encore  que  sergent,  et  il  avait  épousé  une  femm 
de  basse  condition,  qui  garda  dans  les  grandeur 
ses  allures  simples  et  sans  façon.  A  diverses  n 
prises,  des  amis  officieux  s'entremirent,  dit-on 
pour  conseiller  le  divorce  au  duc  de  Dantzig 
mais  Lefebvre  refusa  de  prêter  l'oreille  à  ces  av 
insidieux  (t).  Sa  femme  lui  avait  donné  quator 
enfants,  dont  douze  fils;  aucun  ne  survécut 
maréchal.  Les  deux  derniers  de  ses  fils  étaie 
morts  dans  les  combats. 

L.  L— T. 

Maréchal  Mortier,  Discours  prononcé  aux  funéraiUi 
du  maréchal  duc  de  Dantziy.  —  Maréctinl  Suclcet,  Élw 
funèbre  du  duc  de  Duntzig,  prononce  :i  l.i  chambre  d 
pairs,  le  12  juin  1321.  —  Mahul,  Annuaire  Nécrolmjiqu 
1820.  —  Thiers,  Hist.  de  la  Révolution,  et  Hist.  du  Co 
suint  et  de  l'Empire.  —  De  OjurcHles,  Dict.  biogr.  d 
Généraux  français.  —  C.  Mullié,  Célébrités  désarme 
de  terre  et.  de  mer.  —  Dict.  de  la  Convers  —  Chatea 
briaml,  Mem.  d' outre-tombe.  -  Marinont,  Mém 


dier,  Hist.  biogr.  de  la  Chambre  des  Pairs.  —  Mo 
1792-1820. 

LEFEBVRE  -    DESNOCETTES      (   Charte 

comte),  général  français,  né  a  Paris,  le  14  se 
tembre  1773,  mort  dans  un  naufrage  sur  1 
côtes  d'Irlande,  près  de  Kindsale,  le  22  av 
1822.  Son  père  était  marchand  de  drap.  Le  jeu 
Lefebvre  s'échappa  du  collège  des  Grassinspo 
s'enrôler  dans  un  régiment  de  ligne.  Trois 
son  congé  fut  racheté  par  ses  parents  ;  mais 
la  révolution  il  put  enfin  suivre  librement  s 
goût,  en  s'engageant  dans  la  légion  allobrof 
Sous-lieutenant  de  dragons  en  1793,  il  assista 
la  bataille  de  Marengo  comme  capitaine  aide 
camp  du  premier  consul.  Colonel  d'un  régime 
de  dragons  en  1804 ,  il  se  fit  remarquer  à 
bataille  d'Austerlitz.  Promu  au  grade  de  gêné 
de  brigade,  le  19  septembre  1806,  il  passa  quelq 
temps  au  service  du  prince  Jérôme,  roi 
Westphalie,  et  rentra  ensuite  dans  les  cadi 
de  l'armée  française.  Général  de.  division 
28  août  1808,  il  fut  employé  dans  la  guerre  d'J 
pagne.  Blessé  au  mois  de  janvier  1809,  en  poi 
suivant  l'armée  anglaise  près  de  Benavente, 
sa  témérité  l'entraîna  avec  les  chasseurs  de 
garde  au  delà  d'une  rivière  qu'ils  ne  purent 
passer  lorsqu'ils  furent  attaqués  par  des  for 
supérieures,  il  fut  fait  prisonnier  et  conduit 
Angleterre.  Il  y  obtint  sur  parole  une  ville  p< 

(1)  On  rapporte  que  la  maréchale  avait  conservé  d 
une  armoire  de  son  château  de  Combault   les  diffère 
costumes  qu'elle  et  son  mari  avaient  portés  depuis  I 
union,  rangés  suivant  leur  ordre  chronologique.  «  Vc 
dit-elle  un  jour  à  Mme  La  Garde,  en  lui  montrant  ces 
froques;  voilà  une  galerie  decostumes  de  condilionst 
diverses.  Nous  avons  été  curieux  de  conserver  tout  c  I 
Il  n'y  a  pas  de  mal  â  revoir  ces  sortes  de  choses  de  tel.» 
en  temps,  comme  nous  le  faisons:  c'est  le  moyen  de* 
pas  les  oublier,  v 


321  LEFEBVRE 

prison,  s'échappa  quelque  temps  après,  revint 
en  France,  et  reçut  de  Napoléon,  au  commence- 
ment de  la  campagne  de  1809  contre  l'Autriche, 
le  commandement  des  chasseurs   de  la  garde. 
En     1812    Lefebvre-Desnouettes    accompagna 
'  l'empereur  en  Russie,  resta  constamment  auprès 
dé  lui  pendant  la  retraite ,  et  partagea  un  des 
traîneaux  qui  formaient  son    escorte.   L'année 
suivante ,  il  fut  employé   dans  la  campagne  de 
Saxe;  le   19  mai,  il  contribua  au  succès  de  la 
bataille  de  Bautzen,  et  s'empara,  le  19  août,  des 
montagnes  de  Georgenthal.  Battu  à  Altenbourg, 
Je  2  septembre,  par  Platof  et  le  général  saxon 
Thielman ,  il  remporta,  le  30  octobre,  un  bril- 
lant avantage  sur  un  corps  de  cavalerie  russe. 
Rentré  avec  l'armée  sur  le  territoire  français,  il 
déploya  un  grand  courage,  le  6  février  1814,  au 
combat  de  Brienne,  où  il  exécuta  de  belles  charges 
de  cavalerie,  et  fut  blessé  de  plusieurs  coups 
de  lance  et  d'un  coup  de  baïonnette.  Après  l'ab- 
dication de  Napoléon  à  Fontainebleau,  le  général 
Lefebvre-Desnouettes  commanda  l'escorte  qui  le 
conduisit  jusqu'à  Beaune.  A  son  retour,  il  resta 
à  la  tête  des  chasseurs  de  la  garde,  devenus  chas- 
seurs royaux.  Dès    qu'il   eut  connaissance  du 
débarquement  de  Napoléon  au  golfe  Juan,  Le- 
febvre-Desnouettes souleva  son  régiment,  et,  se- 
condé par  les  deux  frères  Lallemand  (  voy.  ce 
nom),  il  se  porta  sur  La  Fère,  dans  le  but  de 
se  rendre  maître  de  l'arsenal  de  cette  ville  et  d'en 
enlever  la  garnison.  Il  entra  à  La  Fère  le  1 0  mars. 
Leur  projet  était  de  marcher  de  là  sur  Paris,  en 
entraînant  les  troupes  qui  se  trouvaient  sur  la 
route.  La  résistance  du  général  d'Aboville  à  La 
Fère  fit  échouer  ce  plan. Lefebvre-Desnouettes  se 
dirigea  sur  Compiègne,  où  il  tenta  vainement  de 
soulever  les  chasseurs  de  Berry .  Les  chasseurs 
royaux  ayant  eux-mêmes  montré  de  l'hésitation, 
Lefebvre  crut  prudent  de  les  abandonner,  et  se 
sauva  sur  la  route  de  Lyon  avec  les  frères  Lal- 
lemand. Il  échappa  aux  gendarmes  et  à  la  police, 
et  trouva  un  refuge  chez  le  général  Rigaud,  qui 
commandait  le  département  de  la  Marne,  et  y 
attendit  l'arrivée  de  l'empereur.   Napoléon  le 
nomma  membre  de  la  chambre  des  pairs.   Le 
13  juin  1815,  Lefebvre-Desnouettes  partit  avec 
Vapoléon  pour  l'armée  du  nord  ;  il  combattit  à 
Fleurus  et  à  Waterloo  avec  son  intrépidité  ordi- 
naire. Compris,  après  le  retour  du  roi,  dans  l'ar-  j 
iicle  1er  de  l'ordonnance  du  24  juillet,  il  réussit  j 
i  se  soustraire  aux  poursuites  dirigées  contre 
ui,  et  fut  condamné  à  mort  par  contumace,  au  ' 
nois  de  mai  1816,  par  le  2e  conseil  de  guerre  j 
permanent  de  la  lre  division  militaire.  Réfugié  > 
mx  États-Unis  d'Amérique,  le  général  Lefebvre- 
Desnouettes   y    vivait   tranquillement   lorsque 
'espoir  de  pouvoir  rentrer  en  France  le  poussa 


322 


i  revenir  en  Europe.  Il  s'embarqua  à  bord  de 
l'Albion,  qui  faisait  voile  pour  la  Belgique  ;  mais 
e  bâtiment  échoua  en  route,  et  Lefebvre-Des- 
îouettes  périt  dans  ce  naufrage.  Porté  pour 
150,000  fr.  sur  le  testament  de  Napoléon,  ses  hé- 

NOUV.    BIOGU.   GÉNlhï.    —   T.    XXX. 


ritiers  reçurent  62,143  francs  sur  les  fonds  dépo- 
sés chez  Laffitte;  74,771  francs  leur  ont  été 
alloués  sur  les  4,000,000  décrétés  par  Napo- 
léon III.  L.  L— t. 

Mahul,  jinnvaire  Nécrologique  ;  18S2.  —  Arnault,  Jay, 
Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Contemp.  —  Biogra- 
phie uni»,  et  portât,  des  Contemporains.  —  C.  Mullié, 
Biographie  des  Célébrités  militaires. 

lefebvre    (Jacques),    homme   politique 
français,  né  en  1773,  mort  à  Paris,  le  10  mai 
1856.  Banquier,  régent  de  la  Banque  de  France, 
membre  du  conseil  général  du  commerce,  il  fut 
élu  député  en  1827  par  le  grand  collège  de  la 
Seine.  En  1830  il  compta  parmi  les  deux  cent- 
vingt-et-un.  Après  la  révolution  de  Juillet,  il  se 
rallia  à  l'opinion  conservatrice,  et,  constamment 
réélu  par  le  deuxième  arrondissement  de  Paris, 
il  parla  à  la  chambre  sur  des  questions  politiques 
et  financières.  En  1835  il  prononça  un  discours 
remarquable  sur  une  loi  de  douanes.  En  1836, 
il  fit  le  rapport  sur  les  budgets  des  recettes  et 
des  dépenses  pour  1838.  En  1837  il  combattit 
la  proposition  du  remboursement  des  rentes.  En 
1839,  il  prit  la  parole  dans  les  discussions  sur 
l'organisation  des  tribunaux  de  commerce,  sur 
les  sucres,   la  prorogation  du  privilège  de  la 
Banque  de  France  et  sur  plusieurs  projets  de 
chemins  de  fer.  A  la  session  de  1842,  il  proposa, 
dans  la  discussion  de  l'adresse,  un  amendement 
relatif  au  droit  de  visite,  demandant  qu'il  fût 
ouvert  des  négociations  pour  replacer  la  marine 
française  sous  la  surveillance  exclusive  du  pavil- 
lon national.  Cet  amendement  fut  adopté,  et  le 
ministère  ne  se  retira  pas  ;  mais  il  négocia  pour 
annuler  un  traité  qu'avait  signé  M.  de  Broglie. 
J.  Lefebvre  traita  encore  dans  les  sessions  sui- 
vantes les  questions  relatives  aux  patentes,  aux 
chemins  de  fer,  aux  crédits  supplémentaires  et 
extraordinaires,  au  rachat  des  actions  de  jouis- 
sance des  canaux ,  aux  caisses  d'épargne ,  aux 
douanes,  à  la  conversion  des  rentes.  Rapporteur 
de  la  proposition  Saint-Priest  sur  cette  opéra- 
tion financière  en  1846,  il  se  prononça  contre  ce 
projet.  Aux  élections  de  1846,  Lefebvre  échoua 
contre  M.  Berger.  Il  avait  à  plusieurs  reprises 
refusé  la  pairie.  Membre  de  la  commission  de 
surveillance  de  la    caisse    d'amortissement,  il 
était  vice-président  du  conseil  de  la  caisse  d'é- 
pargne de  Paris.  Rentré  dans  la  vie  privée  et  les 
affaires  commerciales,  il  n'en  sortit  pas  après  la 
révolution  de  Février.  L.  L — t. 

Biour.  statistique  de  la  Chambre,  des  Députés;  18*6.  — 
Moniteur  vniv.,  1827-1856. 

*  LEFEBVKE-ouitCFLÉ  (  Noël- Jacques), sé- 
nateur français,  ancien  ministre,  né  à  Rouen,  le 
19  février  1792.  Après  avoir  fait  de  bonnes 
études  au  lycée  de  sa  ville  natale,  il  vint  en 
1812  à  Paris  pour  y  suivre  les  cours  de  droit; 
une  brochure,  qu'il  écrivit  sous  le  titre  de 
Lettre  de  Nicolas  Boileau  à.  M.  Etienne ,  le 
mit  en  rapport  avec  ce  dernier,  qui ,  par  la  pro- 
tection du  duc  de  Rassano,  le  fit  entrer  au  minis- 
tère d'État.  Sa  carrière  ayant  été  brisée  par  la 

11 


323 


LEFEBVRE 


324 


chute  de  l'empire,  il  s'unit  au  parti  libéral  pour 
combattre  les  tendances  de  la  restauration,  con-  ■ 
courut  à  la  fondation  du  Nain  jaune ,  et  tra- 
vailla activement  au  Mercure  de  France,  de- 
venu plus  célèbre  sous  le  nom  de  la  Minerve. 
En  1822,  il  devint  le  gendre  et  l'associé  de 
M.  Durullé,  riche  manufacturier  d'Elbeuf;  livré 
dès  lors  entièrement  à  l'industrie,  il  introduisit 
dans  ses  usines  divers  procédés  de  fabrication 
éprouvés  avec  succès  en  Angleterre  et  en  Amé- 
rique. En  1847  il  quitta  les  affaires.  Après  avoir 
échoué  aux  élections  de  l'Assemblée  consti- 
tuante ,  il  vint  siéger  pour  le  département  de 
l'Eure  à  la  législative  (1849);  partageant  les  opi- 
nions de  la  majorité,  il  présenta  des  rapports 
sur  des  projets  de  loi  relatifs  aux  associations 
ouvrières  et  sur  l'enquête  agricole  industrielle, 
et  contribua  en  1850  à  faire  voter  l'augmentation 
du  traitement  présidentiel.  Appelé  le  23  novembre 
1851,  au  ministère  de  l'agriculture  et  du  com- 
merce, il  passa,  le  23  janvier  suivant,  au  dépar- 
tement des  travaux  publics.  Six  mois  plus  tard  il 
résigna  son  portefeuille  pour  entrer  au  sénat 
(28  juillet  1852).  Parmi  les  travaux  littéraires 
de  M.  Lefebvre-Duruflé,on  remarque  :  Tableau 
historique  de  la  Russie  (1812),  dont  il  a  écrit  le 
second  volume  ;  —  Almanach  des  modes  (1814 
à  1817),  qui  renferme,  entre  autres  articles  de 
lui ,  des  esquisses  de  mœurs  intitulées  Crava- 
tiana;  —  L'Hermiteen  province  (1824-1827, 
t.  VII  et  VIII)  ;  —  Ports  et  Côtes  de  France  de 
Bunker  que  au  Havre;  1831,  in-4°,  avec  40 
vues;  —  Considérations  sur  la  nécessité  de 
donner  en  France  un  nouvel  essor  au  com- 
merce d'exportation  ;  1843;  —  Le  Colon  de 
Van-Diemen,  roman  anglais,  traduit  de  Row-  ■ 
croft;  1848,  3  vol.  in-12;  —  La  Bourse  de 
Londres,  trad.  de  J. -Francis;  1854,  in-18.  Il  a 
aussi  donné  au  théâtre  :  Zirphile  et  Fleur-de- 
Myrle,  1817,  opéra  comiqueen  deux  actes.       S. 

Documents  particuliers. 

*  lefebvke  (Armand-Edouard),  diplo- 
mate français,  né  en  Hollande,  en  1807.  Fils  d'un 
ministre  plénipotentiaire  de  France,  il  entra  de 
bonne  heure  au  ministère  des  affaires  étrangères, 
où  il  devint  employé  supérieur  sous  la  restaura- 
tion. La  révolution  de  Juillet  lui  lit  perdre  son 
emploi.  Au  commencement  de  1850,  il  fut  envoyé 
comme  ministre  plénipotentiaire  de  la  répu- 
blique française,  à  Munich,  et  le  18  novembre 
de  la  même  année  il  remplaça  M.  de  Persigny  à 
Berlin.  Au  mois  de  janvier  1852,  il  fut  compris 
dans  la  première  liste  des  membres  du  nou- 
veau conseil  d'État.  Lors  de  la  création  de  la 
section  dite  de  politique,  administration  et  finan- 
ces, à  l'Académie  des  Sciences  morales  et  po- 
litiques, le  14  avril  1855,  M.  Armand  Lefebvre 
fut  un  des  membres  nommés  par  décret  im- 
périal pour  la  constituer.  Le  9  mai  suivant ,  il 
devint  directeur  des  affaires  politiques  et 
du  contentieux  an  ministère  des  affaires  étran- 
gères et  conseiller  d'Etat  hors  section;  le  7  no- 


vembre de  la  même  année  il  remplaça  M.  Bre- 
nier  comme  directeur  des  fonds  et  de  la  comp- 
tabilité au  même  ministère.  On  a  de  M.  Armand 
Lefebvre  :  Histoire  des  Cabinets  de  V Europe, 
pendant  le  Consulat  et  V Empire,  écrite  avec 
les  documents  réunis  aux  archives  des  af- 
faires étrangères,  1800-1815  ;  Paris,  1845- 
1847,  3  vol.  in-8°;  le  tome  III  s'arrête  aux  af- 
faires de Bayonne  (mai  1808  ). —  La  Revue  des 
Deux  Mondes  a  publié  de  M.  Armand  Le- 
febvre :  Histoire  politique  des  Cours  de  l'Eu- 
rope depuis  la  paix  de  Vienne  jusqu'à  la 
guerre  de  Russie  (numéro  du  15  avril  1838), 
—  De  la  Politique  de  la  France  dans  une 
crise  d'Orient  (numéro  du  1er  août  1838)  ;  — 
Mahmoud  et  Méhémet- Ali  (15  mai  1839);  — 
Frédéric-Guillaume  III  (  1er  août  1840  );  — 
Les  Bourbons  d'Espagne  (15  avril,  1er  et  15 
mai  1847).  L.  L— t. 

Vapereau,  Dict.  univ.  desContemp.  —Moniteur,  18s0- 
1855. 

I  lefebvre  (  Charlemagne- Théophile  ), 
voyageur  français,  né  à  Nantes,  le  5  mars  1811. 
Il  fit  ses  études  au  collège  d'Angoulême,  se  des- 
tina à  la  marine,  s'embarqua  comme  élève  en 
1827,  à  bord  de/kz  Bayadère,  et  parcourut  sur 
L'Atalante  l'archipel  grec,  et  sur  La  Vénus  les 
mers  du  Sud.  De  retour  à  Brest  au  mois  déniai 
1831,  il  fut  nommé,  l'année  suivante,  lieutenant 
de  frégate,  il  visita  l'Algérie,  le  Brésil  (1),  les 
côtes  d'Afrique.  En  1836  il  fut  chargé  par  le 
gouvernement  d'explorer  l'intérieur  de  l'Abys- 
sinie,  que  l'on  ne  connaissait  guère  que  par  les 
voyages  de  Bruce  et  de  Sait.  II  s'embarqua  à  Mar- 
seille le  11  décembre  1838,  accompagné  de 
M.  Petit,  médecin  naturaliste  :  M.  Dillon,  égale- 
ment naturaliste,  devait  les  rejoindre  au  Caire. 
Le  5  janvier  les  voyageurs  atteignirent  l'Egypte-; 
ils  se  rendirent  à  Djeddah,  et  pénétrèrent  dans 
l'Abyssinie  par  Messoah.  A  Adoua ,  capitale  diï 
Tigré,  Lefebvre  sut  gagner  les  bonnes  grâces 
du  djeddaz  Oubié,  et  réussit  à  conclure  avec  ce 
souverain  un  traité  de  commerce  :  il  emmena 
avec  lui  deux  envoyés  pour  faire  ratifier  ce 
traité  à  Paris.  M.  Lefebvre  partit  en  décembre 
1839  avec  ses  nouveaux  compagnons;  pendant 
qu'il  se  dirigeait  vers  la  France,  MM.  Petit  el 
Dillon  s'acheminaient  vers  Gondar  en  suivant  ur 
itinéraire  à  peu  près  inconnu  avant  eux.  Les 
richesses  scientifiques  qu'ils  recueillirent  furen 
considérables;  mais  dans  l'expédition  du  Mareb 
l'infortuné  Dillon  devait  succomber.  Quelqui 
temps  après  son  arrivée  à  Paris,  Lefebvre  fu 
nommé  (le  30  septembre  1840)  lieutenant  di 
vaisseau,  et  autorisé  par  le  ministère  de  la  Ma 
rine  à  poursuivre  ses  explorations  en  Abyssinie 
il  repartit  avec  un  dessinateur  habile,  M.  Vî 
gnaud,  auquel  on  doit  le  bel  atlas  joint  ai 


(1)  Lorsqu'il  visita  cette  portion  de  l'Amérique  di 
Sud,  M.  Lefebvre  Faisait  partie  d'une  entreprise  parti 
cullère.  Il  explora  surtout  la  province  d<'  IV rn  nilnieo 
dans  la  compagnie  de  M.  d'Abadie. 


325  LEFEBVRE 

voyage.  Dès  le  mois  d'avril  1841  Petit  eut  la 
joie  île  revoir  son  compagnon;  mais  il  était  dans 
un  état  déplorable  de  santé,  et  il  fallut  le  trans- 
porter au  couvent  de  Maye-Berasio  pour  l'y  faire 
soigner.  Pendant  ce  temps,  M.  Lefebvre  obtenait 
une  nouvelle  entrevue  d'Oubié,  et  demeurait  cinq 
jours  auprès  de  ce  chef,  puis  il  se  dirigeait  vers 
'Ouodjerate  ;  au  mois  d'octobre  il  avait  rejoint 
ses  compagnons.  A  partir  de  ce  moment,  et  tout 
en  expédiant  de  nouvelles  collections  en  Europe 
par   Messoah ,  commença   une   série    d'explo- 
rations plus  ou  moins  dangereuses,  que  l'état 
agité  du  pays  eut  rendue  presque  impossible  à 
des  gens   moins   courageux.  En   1843   périt  à 
Mota  l'infortuné  Petit  en  traversant  un  fleuve  (t). 
Après  ce  douloureux  événement,    M.  Lefebvre 
e  rendit  à  Gondar,  qu'il  avait  visité  plusieurs 
bis;  puis,  il  arriva  à  Adoua,  d'où  il  s'embarqua 
e  20  juillet  pour  la  France.  Sur  le  rapport  de 
'Académie  des  Sciences ,   la  publication  de  ce 
oyage  lut  faite   aux  frais  du  ministère  de  la 
larine,  sous   le  titre  :   Voyage  en  Abyssinie 
xécuté  pendant  les  années  1839,  1840,  1841, 
842,  1843,  par  une  commission  scientifique 
omposée  de  MM.  Théophile  Lefebvre,  lieute- 
ant  de  vaisseau,  etc.,  A.  Petit  et  Quartin 
ïillon,  docteurs  médecins,  naturalistes  du 
luseum,et  Vignaud  dessinateur,  publié,  etc. 
aris,  s.  d.,  6  vol.  in-8°  et  atlas  in-fol.  Dans  ce 
"and  ouvrage,   M.  Lefebvre  s'est  réservé   la 
irtie  historique  formant  2  volumes  in-8°  et  dans 
partie  scientifique,   le  t,  III,  qui  renferme 
Miner  aire;  la  Description  géographique  ;  la 
hysique  et  la  Météorologie;  la  Statistique; 
ethnologie;   —    la    Linguistique  et    VAr- 
éologie.   Nul   ouvrage   écrit  sur    l'Abyssinie 
répandu  autant  de  lumières  et  surtout  de 
tions  positives  qu'on     en  rencontre  dans  ces 
volumes  ;  l'ouvrage  est  resté  néanmoins  ina- 
evé  dans  sa  partie  scientifique.  L'Album  pitto- 
sque,  ethnologique  et  archéologique,  se  compose 
50  pi.  in-fol.  exécutées  en  lithographie ,  dont 
isieurs  sont  colorées  avec  beaucoup  de  soin. 
La   publication  de  ce  grand  travail  absorba 
is  les  instants   de  M.   Lefebvre  durant  plu- 
ors  années  ;  elle  ne  fut  pas  plus  tôt  terminée, 
'une  nouvelle  mission  pour  l'Abyssinie  lui  fut 
niée  en  1347  ;  elle  le  tint  éloigné  de  la  France 
qu'en  janvier  1854.  De  retour  à  Paris,  il  fut 
»ché  au  dépôt  des  cartes  et  plans  de  la  ma- 
î  pour  la  rédaction  de  son  voyage;  mais  il 
Jitait  déjà  une  nouvelle  excursion  dans  fin- 
issant pays    qu'il   avait    fait   connaître;    il 
,ta  définitivement  le  service,  et  se  rendit  de 
veau  dans  le  Tigré.  C'est  de  ce  pays  qu'il  a   ; 
ramené  attaqué  d'une  maladie  cruelle ,  qui  ne  j 
se  guère  d'espoir  que  ses  travaux  scientili-   ' 
s  puissent  être  continués.  F.  D. 

'Cwnenls  particuliers. 


On  suppose  qu'il  fut  saisi  et   dévoré   par  un  cro- 


326 
*  lefebvre  DE  recourt  (Charles),  diplo- 
mate français,  né  à  Abbeville  (Somme),  le, 
25  septembre  1811.  Après  avoir  fait  ses  études 
classiques  et  son  droit  à  Paris,  il  entra  en  1834 
dans  les  bureaux  du  ministère  des  affaires  étran- 
gères, et  fut  envoyé  en  1840  à  Buenos-Ayres, 
où  il  resta  comme  chargé  d'affaires  jusqu'en 
1842.  Il  fut  ensuite  et  successivement  consul  à 
Manille,  à  Macao  et  à  Calcutta.  Rentré  en  1851 
dans  les  bureaux  du  ministère  comme  sous-di- 
recteur à  la  direction  politique,  il  a  échangé  cet 
emploi,  en  1856,  contre  celui  de  ministre  pléni- 
potentiaire près  la  Confédération  Argentine. 
M.  Lefebvre  de  Bécourt  est  très-versé  dans  la 
connaissance  des  langues,  et  il  écrit  avec  fa- 
cilité. On  a  de  lui  :  La  Belgique  et  la  Révo- 
lution de  Juillet;  Paris,  1835,  in-8°.  —  En  so- 
ciété avec  M.  L.  Bellaguet,  il  a  traduit  de  l'i- 
talien du  général  Colette  l'Histoire  du  royaume 
de  Naples  depuis  Charles  VII  jusqu  à  Ferai- 
dinand  IV,  1734  à  1825;  Paris,  1835,  4  vol. 
in-8°.  Il  a  été  collaborateur  de  la  Revue  des 
Deux  Mondes,  du  Constitutionnel,  de  L'Im- 
partial et  du  Journal  des  Débats.  Enfin,  il  a 
travaillé  depuis  longtemps  et  très-sérieusement 
à  réunir  les  documents  relatifs  à  l'histoire  des 
divers  États  de  l'Amérique  espagnole  et  portu- 
gaise depuis  le  commencement  de  la  guerre  de 
l'indépendance.  E.  Regnajrd. 

Renseignements  particuliers. 

*  lefebvre  (Charles),  littérateur  français, 
né  à  Cambrai,  le  18  octobre  1811.  D'abord  rédac- 
teur de  la  Feuille  de  Cambrai,  il  quitta  le  jour- 
nalisme pour  l'instruction  publique.  En  1835  il 
fonda  près  de  Bruxelles  le  collège  de  Saint-Josse- 
ten-Noode,  et  fut  nommé,  en  1842,  professeur  au 
collège  de  Cambrai.  Outre  un  grand  nombre 
d'articles,  publiés  le  plus  souvent  sous  le  pseudo- 
nyme de  Jean-Paul  Faber  dans  différents 
journaux  ou  recueils ,  on  a  de  lui  :  Méthode 
mutuelle  simultanée  (  Minéralogie)  ;  Bruxelles, 
1837,  in-8°;  —  Stylopraxie,  suivie  d'un  abrégé 
de  V Histoire  des  Pays-Bas;  Bruxelles, 
1841,  in- 12;  —  Scènes  de  la  Vie  privée  des 
Belges;  1833-1834;  —  Notes  d'un  Voyageur 
sur  la  Hollande;  1842; — Le  Capitaine  Hé- 
rauguière,  gouverneur  de  Breda,  in-8°  et  in-12; 
Cambrai,  1850; —  Vanderburck,  archevêque  de 
Cambrai;  1851,  in  8°;  —  Biographie  du  car- 
dinal Giraud;  Paris,  1851,  in-8°;  —  Heures 
de  Loisir,  Notes  sur  les  corporations  indus- 
trielles du  Cambrésis,  et  extraits  divers  des 
Mémoires  de  la  Société  d'Émulation  de  Cam- 
brai); Cambrai,  1857,  1  vol.  in-8';  —  Comptes- 
rendus  des  Séances  de  la  Société  d'Émulation 
de  Cambrai ,  dont  M.  Lefebvre  est  secrétaire 
général. 

Docum.  partie.  —  Revue  des  Sociétés  savantes,  août 
1858. 

*  lefebvre  (Constance-Caroline) ,  can- 
tatrice française,  née  à  Paris,  en  1830.  Elle  se 
destinait  à  l'enseignement ,  et  donnait  des  leçons 

11. 


327 


de  musique  dans  unefamille,  quand  le  hasard  lafit 
connaître  de  M.  Auber.  Entrée  au  Conservatoire 
d'après  les  conseils  de  ce  compositeur,  elle  y 
obtint  le  prix  du  chant,  et  débuta  à  l'Opéra-Co- 
mique.  Elle  doubla  d'abord  Mme  Ugaldeoujoua 
des  rôles  secondaires.  La  Chanteuse  voilée  ré- 
véla son  talent.  Depuis  ce  premier  succès  elle  a 
repris  ou  créé  les  premiers  rôles  du  Val  d'An- 
dore,  de  La  Fée  aux  Roses,  du  Songe  d'une 
Nuit  d'Été,  du  Toréador,  celui  de  Catherine  de 
L'Étoile  du  Nord, de  La  Dame  de  Pique,  de  Psy- 
ché, de  Valentine  d'Aubigny,  de  Joconde, 
à'Haydée  (1857) ,  de  Fra  Diavolo ,  du  Muletier 
(1858).  Mlle  Lefebvre  joint  une  savante  méthode 
à  une  voix  très-agréable.  L.  L — t. 

Vapereau,  Dict.  univ.  des  Contemp. 
LEFEBVRE  DE  CHEVERUS.  Voy.  CHEVERUS. 

le  febvre.  Voy.  Febvre,  Le  Fèvre  et  Le 

FÉBURE. 

leféron  (  Pierre),  magistrat  français,  mort 
vers  1320.  Il  était  en  1308  prévôt  de  Paris;  en 
entrant  en  charge,  il  ne  se  présenta  pas  de- 
vant l'université  pour  prêter  le  serment  accou- 
tumé «  de  respecter  tous  les  privilèges  des  éco- 
liers ».  Cité  une  seconde  fois ,  il  se  rendit  à  l'as- 
semblée, qui  se  tenait  aux  Bernardins,  et  là,  après 
une  virulente  admonition  du  recteur,  qui  l'ac- 
cusait de  contumace ,  fraude,  fuite  malicieuse,  il 
fut  forcé,  dit  Sauvai,  d'en  venir  «aux  jurements» 
pour  faire  recevoir  ses  excuses,  après  quoi  il 
prêta  serment.  Ch.  L.  Livet. 

Sauvai,  Histoire  et  Antiquités  de  la  fille  de  Paris, 
liv.  XIV,  p.  30.  —  Du  Boulay,  Historia  Universitatis  Pa- 
riensis. 

le  féron  (Jean),  héraldiste  et  écrivain 
français,  né  à  Compiègne,  en  1504,  mort  vers 
1570.  Il  était  avocat  au  parlement  de  Paris,  et 
pouvait  dans  sa  propre  famille  et  dans  celle  de 
ses  nombreux  alliés  (t) ,  recueillir  une  multitude 
de  faits  piquants ,  de  particularités  intimes,  vi- 
vant commentaire  de  l'histoire.  Etienne  Pasquier, 
qui  l'avait  connu,  l'appelle  Me  Le  Féron,  «  grand 
rechercheur  d'armoiries  ».  —  «  Il  s'adonnoit 
plus,  dit  Loysel,  à  escrire  des  généalogies  et  ar- 
moiries, qu'à  son  estât  d'avocat.  »  Le  Féron 
avait  réuni  une  collection  très-nombreuse  de 
chroniques  et  mémoires ,  et  sa  passion  était  de 
compiler. 

Ouvrages  imprimés  de  Le  Féron   :   De  la 


(1)  Au  quinzième  siècle,  la  famille  Le  Féron,  de  même 
que  la  famille  Boucher  ou  Le  Boucher,  restait  divisée  en 
plusieurs  branches.  Il  y  avait  les  Boucher  de  Compiègne, 
ceux  de  Paris  et  ceux  d'Orléans.  En  1429,  lors  du  fameux 
siège  d'Orléans,  la  Pucelle  logeait  chez  Jacques  Bou- 
cher, parent  de  Marie  Leboucher  de  Compiègne,  et 
trésorier  du  duc  d'Orléans.  L'historien  nous  apprend 
qu'elle  couchait  à  Orléans  (selon  son  usage,  de  prendre 
pour  compagnes  de  ses  nuits  les  bonnes  et  prudes 
femmes  des  lieux  où  elle  se  trouvait  ),  avec  la  fille  de  son 
hôte,  j'dcques  Boucher  (voy.  Chronique  de  Covsinot, 
1859,  in-18,  p.  285).  Au  seizième  siècle,  la  généalogie  des 
Le  Féron  était  «  peinte  au  logis  desdits  Féron  à  Com- 
piègne ».  Cette  famille  existe  encore  dans  le  pays,  où  elle 
a  pour  représentant  M.  Le  Féron  de  Guise ,  qui  possède 
do  riches  documents  généalogiques. 


LEFEBVRE  —  LE  FÉRON  328 

primitive  Institution  des  roys,  héraults  et 


poursuivons  d'armes;  Paris,  Maur  iMeisnier, 
1555,  in-4°.  Personne,  peut-être,  mieux  que 
Le  Féron  ne  pouvait  traiter  ce  sujet  inté- 
ressant, d'une  manière  aussi  curieuse  qu'instruc- 
tive. Ce  traité  n'est  malheureusement  qu'un 
exorde,  qui  se  termine  avant  que  l'auteur  entre 
en  matière;  —  Le  Symbole  armoriai  des  ar- 
moiries de  France,  d'Ecosse  et  de  Lorraine 
(  Ibidem,  in-4").  Le  meilleur  livre  imprimé  de 
Le  Féron  est  son  Catalogue  des  Connestables 
de  France,  Chanceliers,  et  Prévôts  de  Pa- 
ris; Paris,  Vascosan,  1555,  in-lolio.  Souvent 
réimprimé  et  amélioré  depuis  Le  Féron ,  il  est 
devenu  la  base  de  l'Histoire  généalogique  de  la 
maison  de  France  et  des  grands  officiers  de 
la  couronne. 

Ouvrages  manuscrits  de  Le  Féron  :  à  la  Bi- 
bliothèque impériale  de  Paris,  rue  de  Richelieu  : 
Chroniques  de  France,  etc.,  Manusc.  du  roi, 
fonds  français,  963t  ;  —  Catalogue  des  Ducs , 
Connestables,  etc.,  9811  —  Généalogie  de  la 
Maison  d'Harcourt,  9811;  3;  —  Armoriai 
de  Picardie  ,  10395,  C,  Baluze;  —  Armoriai 
des  Rois  de  France  ;  Saint  Germain-des-Prés , 
2036  et  1392;  —  Armoriai  universel  en 
3  volumes  in-folio;  Gaignières,  853,  1  à  3.  A 
la  liste  de  ces  ouvrages,  qui  paraissent  tous 
provenir  de  Le  Féron ,  il  faut  ajouter  encore 
«  l'Histoire  armoriale  (  1  )  contenant  douze  vo- 
lumes ,  »  dont  il  se  déclare  l'auteur  (  dans  le 
Symbole  armoriai  de  France  et  d'Ecosse,  déjà 
cité,  fol.  23). 

Ouvrages  possédés  et  annotés  par  Jean  Le 
Féron  :  Annales  d'Aquitaine,  par  Jean  Bou- 
cher; Paris,  1524,  in-folio  gothique,  au  dépar- 
tement des  imprimés  de  la  Bibliothèque  impé- 
riale, L  359  réserve;  —  La  Chronique  nor- 
mande de  Pierre  Cochon  de  Bouen ,  ms.  du 
roi,  9859,  3,  Colbert  ;  —  La  Geste  des  nobles 
François  de  Cousinot  le  chancelier,  ms.  du  ro 
9656;  —  Etienne  Pasquier  déclare  (2)  avoiij 
vu  parmi  les  livres  de  Jean  Le  Féron  :  uij 
Traité  manuscrit  de  Robert  Ciboule ,  sur  Ici 
Pucelle.  —  La  Chronique  de  France  par  l<] 
hérault  Berry,  ms.  8415,  B,  parait  avoir  apparj 
tenu  à  Le  Féron  et  porter  de  ses  annotation/ 
marginales.  Enfin,  Jean  Le  Féron  a  certaine!] 
ment  possédé,  sous  le  titre  de  Chronique  rfi 
Cousinot,' un  corps  d'annales  d'un  très-grami 
intérêt.  Cette  chronique  remontait  au  berceafl 
de  la  monarchie,  et  s'étendait  jusqu'au  règne  d 
Louis  XII.  On  ignore  aujourd'hui  ce  qu'elle  es 
devenue.  Vallet  de  Viriville. 

(1)  Une  note  marginale  manuscrite,  placée  par  un  b 
bliophlle  du  dix-septième  siècle,  mentionne  comme  oij 
vrages  de  Le  Féron  Y  Histoire  armoriais  et  un  Traité  dt] 
drmoiries.Cclle  note  se  lit  sur  les  feuilles  de  garde  c| 
livre  ci-après  indiqué  :  Philibert  Monet,  Origine 
Pratique  des  armoiries  àlaCauloise;  Parij,  1631, in-4 
exemplaire  de  la  bibliothèque  impériale  '/.  ancien,  n°  9t; 
(  Note  communiquée  par  M.  Gulgard  ). 

(î)  Recherches,  livre  VI,  chapitre  B. 


329 


LE  FERON 


I.a  Cruii  du  Maine,  Hibliotlièque  Françoise,  1581, 
In-folio,  pages  221,  222.  —  Notes  historiques  manuscrites 
tirées  d'un  ancien  livre  imprime  dans  le  moniteur  uni- 
vei'sel  des  1«  avril  et  28  novembre  1855.  —  Chronique 
de  la  Pucelle  ou  Chronique  de  Cousinot,  elc;  Paris,  1859, 
ln-18,  à  la  table. 

LE  PERRON  (Arnoul),  magistrat  et  historien 
■français,  né  à  Bordeaux,  en  1515,  mort  dans  Ja 
même  ville,  en  !563. 11  devint  à  viugt-et-un  ans 
conseiller  au  parlement  de  Bordeaux ,  où  il  eut 
pour  collègue  Estienne  de  La  Boëlie,  qui  mourut, 
la  môme  année  que  lui.  Aux  qualités  de  l'homme 
de  bieu  Le  Ferron  joignait  un  profond  savoir  en 
jurisprudence  et  en  histoire.  Il  publia  à  l'Age  de 
Mngt-cinq  ans  :  In  consuetudines  Burdigalen- 
\siiim  commentariorum  Libri  duo  ;  Lyon,  1 540 
et  1546,  in- 4°;  ibid.,  1565  et  1585,  in-fol.  Sa 
[suite  de  l'histoire  de  Paul  Emile,  écrite  avec 
lélégance,  obtint  un  grand  succès,  et  parut  sous 
ce  titre  :  De  Rébus  gestis  Gallorum  libri  IX 
lad  historiam  Pauli  JEmilii  addili,  perducta 
mstoria  usque  ad  advenlum  Henrici  II, 
\Francorum  régis  ;  Paris,  1554,  in-fol.,  et  1555, 
in-8°.  Elle  fut  traduite  en  français,  avec  l'ouvrage 
de  Paul  Emile,  par  JeanRegnart,  seigneur  de  La 
Mictière  ;  Paris,  1581,  in-fol.  Le  Ferron  futaussi 
l'un  des  continuateursdp.l'i/Mfoire<7éMera£e  des 
\Roys  de  France,  par  du  Haillan;  Paris,  1615  et 
1627,  2  vol.  in  fol.  E.  R. 

De  Lurbe,  Chronique  Bourdeloise.  —  De  Thou,  Hist. 
kniv.,  liv  35.  —  Moréri,  Le  grand  Uict.  Hist.  —  Taisand, 
\Ces  Fies  des  plus  céléb.  Jurisc.  —  Lelong,  Eibl.  Hist., 
5dit.  de  Kontette. 

1  lefeuve  (  Charles),  littérateur  français,  né 
à  Paris,  à  la  fin  de  1818.  Fils  d'un  directeur  du 
théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin,  il  fit  ses  études 
au  collège  Bourbon,  et  fournit  d'abord  des  ar- 
ticles littéraires  à  divers  journaux  de  Paris  et 
les  départements  sous  le  nom  de  Jean.  On  a  de 
fui  :  Histoire  de  sainte  Geneviève,  patronne 
de  Paris  ;  Paris,  1842,  in-32;  —  Histoire  de 
saint  Germain  VAuxerrois,  patron  de  la 
paroisse  du  Louvre  et  de  la  ville  d'Auxerre; 
Paris,  1843,  in-32;  —  Histoire  du  lycée  Bona- 
parte (collège  Bourbon);  Paris,  1852,  in-32; 
—  Histoire  du  collège  Rollin  ;  Paris,  1853, 
in-32  ;  —  Les  anciennes  Maisons  de  Paris  ; 
Paris,  1857-1859,  par  cahiers  in-12.   L.  L— t. 

Lefeuve,  Hist.  du  Lycée  Bonaparte,  p.  260.  —  Vape- 
Ircau  ,  Dict.  univ.  des  Contemp. 

t  lefèvre,  en  latin  Faber  (Jean),  chroni- 
(queuc  français  du  qualorzième  siècle,  mort  à 
[Avignon,  le  lt  janvier  1390.  Il  était  originaire, 
|non  de  Douai,  comme  on  l'a  dit  souvent,  mais 
[rie  Paris,  ainsi  que  l'attestent  son  épitaphe  dans 
[l'église  de  Saint-Martial  d'Avignon  (1)  et  la  pré- 
face de  son  livre  De  Planctu  bonorum.  Après 
avoir  terminé  ses  cours  à  l'université  de  Paris, 

(1)  Parisiis  genitum  niger  excipit  ordo  tenellura  : 

Eximitis  doctor  canonis  inde  sacri, 
Trinochii  primo,  Vedasti  denique  cœlus, 

Moribus  et  vita  splcndidus  abba  rexit. 
Intrusum  Rom;e  delcstans  rite  .loannes 

Clementcm  l'elri  sceptra  teneredocet; 
Undena  tandem  jam  sub  luce  quievit 

Carnutum  prasul,  Sis  sibi,  Curiste,  pius. 


-  LEFÈVRE  330 

il  fut  successivement  abbé  de  Tournus,  puis  de 
Saint-Vaast  d'Arras,  dont  il  avait  d'abord  été 
prévôt.  Charles  V  l'employa  dans  plusieurs  né- 
gociations auprès  du  pape  Grégoire  XL  En  1380 
Clément  VU,  en  faveur  duquel  Lefèvre  s'était 
fortement  prononcé  contre  Urbain  VI,  l'éieva 
sur  le  siège  épiscopal  de  Chartres.  L'année  sui- 
vante, il  fut  chargé  par  Charles  VI  de  négocier 
la  paix  avec  Jean  IV,  duc  de  Bretagne.  Devenu 
chancelier  de  Louis  Ier  d'Anjou,  roi  de  Naples, 
et  plus  tard  de  Marie  de  Blois,  veuve  de  ce 
prince,  il  fit  conclure,  en  1385,  au  nom  de  cette 
princesse,  d'abord  une  trêve  puis  un  traité  entre 
la  ville  d'Arles  et  Raymond  IV,  prince  d'Orange. 
Les  habitants  d'Arles  payèrent  trois  cents  flo- 
rins à  Raymond,  qui  rendit  les  prisonniers.  En 
1388  il  signa  les  pouvoirs  donnés  par  la  reine 
Marie  aux  cardinaux  d'Amiens  et  d'Embrun  et 
à  Raymond  Bernard,  pour  négocier  et  conclure 
devant  le  pape,  à  Avignon,  avec  les  députés  de 
Pierre  IV,  roi  d'Aragon,  le  mariage  de  lolande, 
fille  de  ce  prince,  avec  Louis  II,  qui  fut  couronné 
roi  de  Naples  par  Clément  VU,  le  1er  no- 
vembre 1389.  On  a  de  Lefèvre  :  Tractatus  de 
Schismate  seu  de  Planctu  bonorum  sous  forme 
de  dialogue  entre  un  docteur  de  Paris  et  un 
docteur  de  Bologne.  Il  composa  cet  ouvrage  à 
Paris,  vers  1379,  pour  répondre  au  traité  De 
Planeta  Ecclesiea  de  Jean  de  Lignac  en  faveur 
d'Urbain  VI(Baluze,  in  notis  ad  Vitas  Papar. 
Avenionens.,  pag.  1239,  ex  codic.  812,  814,  815, 
Colbertinae  bibliotheese);  —  Diarum  Histori- 
cum,  quo  res  gestas  omnes  quibus  auclor  in- 
terfuit singulis  diebus,  prout  gestiv  sunt,  ab 
anno  1381  ad  1388,  ordine  describit.  Ce  jour- 
nal, dont  Lefèvre  a  donné  lui-même  une  traduc- 
tion française  et  dont  la  Bibliothèque  impériale 
possède  des  copies  en  français  et  en  latin,  est 
souvent  cité  par  Baluze  dans  ses  notes  sur  les 
Vies  des  Papes  d'Avignon,  et  par  Casimir  Ou- 
din,  dans  ses  Scriptores  Ecclesiastici;  —  les 
Grandes  Chroniques  de  Hainaut,  depuis  Phi- 
lippele  Conquérant  jusqu'à  Charles  VI,  3  vol. 
in-fol.  On  les  trouve  à  la  Bibliothèque  impériale 
sous  les  n05  9658-9060  ;  —  Oratio  habita  ad 
Gregorium  XI,  nomine  Caroli  V,  dans  son 
journal,  an  21  aoùt'1373.       F.-X.  Fessier. 

Gallia  Christiana,  tom.  VIII,  1178,  1179.  —  Casimir 
Oudin,  Scriptores  ecclesiastici,  tom  III,  1197,  1198,  1199. 

le  fèvre  de  SAIST-REMY  (Jean),  chro- 
niqueur et  héraut  d'armes  français,  né  près  rl'Ab- 
beville  (1),  vers  1394,  mort  à  Bruges,  le  H  juin 
1468.  Il  embrassa  de  bonne  heure  la  carrière 
héraldique  (2),  et  fut  d'abord   poursuivant  au 

(1)  Olivier  de  la  Marche, son  contemporain,  dit  :à.4ble- 
ville.  Mais,  d'après  des  renseignements  émané-!  d'une 
autorité  respectable,  celle  de  M.  le  marquis  de  Ver,  bi- 
bliophile et  possesseur  d'un  manuscrit  précieux  de  la 
chronique  écrite  par  Lefèvre  de. Sain  t-Remy,  ce  dernier  se- 
rait né  près  d'Abbcville,  au  village  d'Avesnes  en  Ponthieu 
(Louandre,  Histoire  d'Abbcville,  t.  I,  p.  338) 

(2!  De  son  temps,  nul  ne  pouvait  être  poursuivant 
d'armes  s'il  n'était  âgé  de  vingt  ans  et  pourvu  de  cer- 


331 


LEFÈVRE 


332 


service  de  Jean  sans  Peur,  duc  de  Bourgogne. 
Le  25  octobre  1415,  il  assista  à  la  célèbre  ba- 
taille d'Azincourt,  et  fut,  en  1422,  créé  hérault 
sous  le  nom  de  Çharolais.  Lors  de  l'institution 
de  ia  Toison  d'Or,  en  1429,  il  fut  nommé,  par  Phi- 
lippe le  Bon,  roi  d'armes  de  cet  ordre  aveG  le  nom 
de  Toison  d'Or.  En  1433,  il  porta  le  collier  de  la 
Toison  d'Or  au  sire  d'Anthoing.  En  1435  il  fut 
élu  par  le  collège  entier  des  ofliciers  d'armes  de 
Bourgogne  pour  juger  un  débat,  survenu  entre 
Florimont  de  Brimeu  et  Daniel  de  Brimeu,  son 
oncle,  qui  revendiquaient  l'un  et  l'autre  les 
armes  de  la  bannière  et  seigneurie  de  Brimeu. 
La  môme  année,  après  la  paix  d'Arras,  le  roi 
d'armes  Toison  d'Or  se  rendit  par  ordre  du  duc 
Philippe  de  Bourgogne  auprès  de  Henri  VI,  roi 
d'Angleterre,  pour  transmettre  et  appuyer  les 
offres  et  conditions  de  paix  que  proposait  Char- 
les Vil,  roi  de  France.  En  1437  nous  le  retrou- 
vons parmi  les  officiers  intimes  et  familiers  de 
Philippe  le  Bon  (1).  De  1449  à  1453  il  accom- 
pagua  Jacques  de  Làlain ,  comme  juge  d'armes 
et  historiographe.  Lui-même  rédigea  le  récit  au- 
thentique des  actions  de  ce  personnage.  Nous 
devons  à  cette  circonstance  la  Chronique  de 
Lalain,  dans  laquelle  il  se  désigne  en  plusieurs 
passages,  comme  l'auteur  (2)  de  ce  mémorial, 
l'un  des  documents  les  plus  instructifs  de  la  litté- 
rature et  de  l'histoire  de  cette  époque.  En  1453, 
Lefèvre  vint  reprendre  son  service  auprès  du 


taines  connaissances  en  blason  et  en  art  militaire.  De 
plus,  il  fallait  au  moins  sept  ans  d'exercice  dans  ce  pre- 
mier degré  pour  passer  au  grade  supérieur  de  hérault 
ou  roi  d'armes. 

(1)  Le  9  novembre  1437  le  roi  d'armes  Toison  d'Or  re- 
met pour  le  duc,  à  titre  d'offrande,  la  somme  de  23  sous 
a  la  messe  en  l'église  de  Saint-Esprit,  au  village  de  Rue, 
près  Amiens  (Archives  du  Nord,  citées  dans  La  Picardie, 
1857,  p.  SI). 

(2)  Le  général  Renard,  aide  de  camp  du  roi  des  Belges, 
avait  découvert,  en  1812,  dans  le  volume  16881  de  la 
bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  un  manuscrit,  œuvre 
de  Georges  Ghastellaln  (voy.  ce  nom),  qui  contient  la 
Chronique  de  Lalain,  ou  un  récit  analogue.  Or,  comme 
la  narration  manuscrite  est  plus  étendue  que  la  chro- 
nique imprimée,  le  général  Renard  en  conclut  :  1°  que 
Chastelain  est  le  véritable  auteur  de  la  Chronique  de 
Lalain,  et  2»  que  le  document  imprimé  sous  ce  titre 
n'offre  qu'une  rédaction  ou  une  imitation  abrégée  de 
l'œuvre  de  Chastelain.  (  Trésor  national,  p.  92  et  s.  ). 
Mais  cette  double  conclusion  est  évidemment  erronée. 
En  effet,  Lefèvre  de  Saint-Remy  nous  montre  très-clai- 
rement que  lui,  Saint-Remy  dit  Toison  d'Or,  assisté  de 
son  successeur  le  hérault  Çharolais,  suivit  Jacques  de 
Lalain,  et  rédigea,  sur  des  procès-verbaux  en  quelque 
sorle  quotidiens,  les  faits  et  gestes  de  Lalain.  Ce  mémo- 
rial, dit-il,  fut  envoyé  au  duc  de  Bourgogne,  afin  que  ce 
document  (ùt  mis  «  es  cronicques  qui  en  seront  faites  ». 
(Édition  Buchon  (Panthéon),  notice,  p.  xi],  colonne  2.) 
Dans  le  préambule  de  ses  propres  Mémoires  (  même 
édition,  p.  319  I,  Lefèvre  tient  un  langage  semblable.  Il 
en  parle  comme  d'un  simple  abrégé,  qu'il  qualifie  en 
termes  très-modestes.  Puis  il  ajoute  que  Cet  abrégé  est 
envoyé  à  Georges  Chastelain  pour  qu  il  en  fasse  usage 
dans  sa  chronique  développée.  Georges  Chastelain,  indi- 
ciaire  du  duc,  était  en  quelque  sorte  le  rédacteur  ou 
«oordonnateur  général  de  toutes  les  chroniques  par- 
tielles qui  de\ aient  composer  la  chronique  officielle  de 
Bourgogne.  Son  rôle,  comme  l'y  portait  d'ailleurs  la 
pente  de  son  talent,  était  non  pas  de  résumer  mais  d'am- 
plifier l'œuvre  de  ses  subalternes. 


duc  de  Bourgogne.  Il  assista  notamment  au 
fameux  banquet  suivi  des  vœux  relatifs  à  lu 
Terre  Sainte,  qui  se  tint  à  Lille,  le  17  février 
1454.  En  1456,  il  fut  chargé  de  réconcilier  le 
comte  de  Çharolais  avec  le  duc  de  Bourgogne, 
qui  avait  à  se  plaindre  de  son  fils.  Peu  après,  il 
s'entremit  par  voie  de  négociations ,  au  nom  de 
Philippe  le  Bon,  auprès  du  roi  Charles  VU,  en 
faveur  du  dauphin  Louis,  également  révolté 
contre  son  père.  En  1460  il  intervint  dans  la 
mal-heureuse  affaire  des  Vaudois,  persécutés 
pour  leurs  croyances  religieuses.  Lefèvre  con- 
tinua ses  services  sous  Charles  le  Téméraire. 
Atteint  par  l'âge  et  les  infirmités ,  il  résigna  son 
office ,  en  faveur  d'un  hérault ,  Gilles  Gobet, 
nommé  Fusil  (1). 

Le  principal  ouvrage  de  Lefèvre  de  Saint- 
Bemy  consiste  dans  ses  Mémoires.  D'après  son 
propre  témoignage,  il  commença  de  les  écrire 
vers  1463.  Ils  s'étendaient,  à  ce  qu'il  dit,  de 
1407  à  1460,  et  furent  transmis  par  lui  à  l'his- 
toriographe ducal  Georges  Chastelain.  L&Chro- 
que  de  Monstrelet,  mort  longtemps  avant  Le- 
fèvre de  Saint-Bemy,  servit  de  modèle  à  presque 
tous  les  historiens  bourguignons  de  cette  épo- 
que. Cependant  l'imitation  ne  va  pas  chez  lui 
jusqu'à  la  simple  copie.  Beaucoup  de  particu- 
larités que  nous  offrent  ses  Mémoires  lui  ap- 
partiennent en  propre,  et  ne  se  rencontrent  pas 
ailleurs.  Nous  ne  connaissons  aujourd'hui  que 
deux  manuscrits  de  ces  Mémoires.  Le  premier 
porte  à  la  Bibliothèque  impériale  le  n"  9869  de 
l'ancien  fonds  français.  Le  second  est  signalé 
comme  ayant  appartenu  à  M.  le  marquis  de  Ver. 
Les  événements  qu'ils  racontent  vont  de  1407  à 
1436.  Le  reste  ne  nous  est  point  parvenu.  En 
1668,  J.  Le  Laboureur  mit  le  premier  au  jour  la 
chronique  de  Lefèvre  de  Saint-Bemy.  Il  en  inséra 
un  fragment  (de  1407àl422)  dans  le  tome II de 
son  Histoire  de  Charles  VI,  après  la  Chronique 
dite  du  religieux  de  Saint-Denis.  Une  seconde 
édition,  d'après  le  manuscrit  9869,  fut  donnée 
par  M.  Buchon  de  1826  à  1828,  dans  sa  collec- 
tion in- 8°  des  Chroniques  nationales  (vol.  32 
et  33  de  ce  recueil).  Enfin  M.  Buchon  a  pubtk 
une  dernière  édition  de  ce  chroniqueur,  plus 
étendue  que  la  première,  en  1838,  dans  l'un  des! 
volumes  du  Panthéon  littéraire. 

On  a  aussi  de  Lefèvre  de  Saint  Bemy  un  petil[ 
traité,  sans  titre,  qui  roule  sur  des  matières  hé- 
raldiques. Les  curieux  trouveront  cet  opuscult: 
dans  le  manuscrit  du  roi  7905,  2.  ayant  appar-; 
tenu  à  Baluze  (du  fol.  159  v°  au  feuillet  162)  (2).. 

VALLET  DE  VlRIVILLE. 


(1)  Le  collier  de  la  Toison  d'Or  se  compose  de  pierrei 
et  àcjiisils  ou  briquets,  qui,  en  frappant  sur  la  pierre 
en  tirent  des  étincelles.  De  là  le  nom  de  ce.  hérault. 

(2|  Ce  manuscrit  parait  avoir  été  fait  par  les  soins  d( 
notre  roi  d'armes  et  peut-être  de  sa  propre  main.  In 
dépendammentde  l'opuscule  indiqué,  ce  volume  contiens 
un  abrégé  de  sa  chronique  et  quelques  autres  petite! 
pièces,  dont  Jean  Lefèvre,  seigneur  de  Saint-Remy,  pa 
rait  être  l'auteur. 


333 


Manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale  n»  10819,  3  Ba- 
luze,  fol.  172  à  2î6,  n°14S,  du  résidu  de  Saint-Germain - 
des- Prés,  fol.  80.  —  Plnedo  y  Salazar,  Histoire  de  la 
'/oison  d'Or  (en  espagnol)  ;  Madrid,  1788,  3  vol.  in-fol.  — 
Jfotice  sur  J.  Le/èvre  de  Saint  Hemy, par  M"c  Dupont , 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France, 
1836,  t.  Il,  p.  1  et  s.  —  Kotice  sur  le  même  par  M.  Bu- 
ehon  dans  le  Panthéon,  1838.  —  Dom  Plancher,  Histoire 
de  Bourgogne,  In  fol.,  tom.  IV,  p.  889,  des  Preuves.  — 
Louandre,  Histoire  d'Ahbeville;  18H,  in-8°,  t.  I,  p.  337 
et  373.  —  La  Picardie,  revue  périodique,  publiée  à 
Amiens,  in-8°,  1857,  p.  51.  —  l.e  fa.u  national,  recueil 
périodique  belge,  publié  à  Bruxelles,  184S,  in  8°,  t.  1, 
p. 92  et  suiv. 

lefèvre  d'étaples  (  Jacques  ),  appelé 
aussi  Fabrï ,  en  latin  Faber  Slapulensis  ou  a 
Stapula,  célèbre  polygraphe  français,  né  à  Éta- 
ples,  vers  1455,  mort  à  Nérac,  en  1537.  Il  vint 
de  bonne  heure  à  Paris  étudier  les  lettres.  Reçu 
maître  es  arts,  il  partit  avant  1486  pour  l'Italie, 
où  il  se  trouvait  encore  en  1492.  Se  préoccupant 
peu  de  l'étude  des  auteurs  classiques  de  l'anti- 
quité, il  dirigeait  alors  ses  recherches  principale- 
ment vers  les  mathématiques  et  la  philosophie. 
Il  suivit  les  leçons  de  Jean  Àrgyrophile  et  d'Her- 
molaus  Barbarus,  qui  lui  firent  connaître  les 
véritables  doctrines  d'Aristote;  de  retour  à  Pa- 
ris, il  propagea  cet  enseiguement  dans  des  cours 
publics  et  par  une  série  de  traductions  et  de 
paraphrases  des  écrits  d'Aristote,  entreprises 
dans  lesquelles  il  fut  aidé  par  son  ami  Josse  Clic- 
ton,  docteur  de  Sorbonne  (1).  De  temps  à  autre 
il  faisait  des  voyages  pour  rechercher  dans  les 
bibliothèques  des  manuscrits,  qu'il  remettait  à 
Josse  Bade  ou  à  Henri  Etienne  Ier,  avec  les- 
quels il  était  lié.  C'est  ainsi  qu'on  le  trouve 
à  Rome  en  1500  à  l'occasion  du  jubilé;  en 
1509  à  Mayence,  d'où  il  alla  visiter  les  frères 
de  la  Vie  commune  à  Cologne.  Quoiqu'on  ait 
peu  de  détails  sur  ses  voyages,  il  est  certain 
que,  contrairement  à  ce  qu'on  a  prétendu ,  il  n'a 
jamais  été  en  Orient.  Son  savoir  lui  valut  la 
protection  de  Louis  XII  et  de  plusieurs  person- 
nages de  la  cour,  à  la  suite  de  laquelle  il  se 
trouvait  à  Bourges  en  1507.  Il  s'attacha  particu- 
lièrement à  Guillaume  Briçonnet,  évêque  de 
Lodève,  son  ancien  élève,  qui,  ayant  reçu  en 
1507  l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés  à 
Paris,  y  fit  venir  Lefèvre  quelque  temps  après, 
et  lui  procura  les  moyens  de  continuer  ses 
travaux.  C'est  vers  cette  époque  que  Lefèvre, 
qui  s'était  toujours  montré  animé  des  senti- 
ments religieux  les  plus  fervents,  s'adonna  à 
la  lecture  des  ouvrages  mystiques,  dont  il  édita 
plusieurs;  cela  le  conduisit  à  faire  une  étude 
approfondie  de  la  Bible,  occupation  à  laquelle  il 
consacra  le  reste  de  sa  vie.  Le  premier,  il 
entreprit  une  révision  critique  du  texte  de  la 
Vulgate;  malheureusement,  ses  connaissances 
philologiques    étaient  insuffisantes   pour  cette 


(1)  «  Non  negabo  nostros  per  multum  Jacobo  Fabro  de- 
bere,   qurm  ut  inslauratorem  vira  dialecticae   versque 

iphilnsopliia?,  pnesertim  Aristotelicœ,  fcliclora  passion 
apurt  nos  tngenta  sanioraqne  iiidlcia  consectantur.  » 
Thoniae  Mon  Epistolaad  M.  Dorpium,  dans  les  Epistolœ 

I  Erasmi. 


LEFÈVRE  334 

I  œuvre   difficile.  Peu  versé  dans  la  langue  hé- 
braïque ,  il   n'avait  appris   le  grec  que  d'une 
manière  incomplète,  et  n'avait  jamais  cherché  à 
donner  à  son   style  latin   une  grande   pureté. 
Aussi  ses  corrections~ïïè"  la  Vulgate  sont-elles 
loin  d'être  toujours  heureuses  ;  en  rcvanclre,  ses 
commentaires  sur  les  diverses  parties  du  Nou- 
veau Testament  ont  beaucoup  plus  de  valeur  ; 
ils  forment  la  partie  vraiment  originale  de  ses 
œuvres.  Il  essayait  surtout  de  découvrir  le  «  sens 
spirituel  de  l'Écriture ,  c'est-à-dire  celui  que  le 
Saint-Esprit  a  caché  sous  le  sens  littéral,  et  qui 
n'est  révélé  qu'à  ceux  qui  savent  entendre  les 
choses  divines  d'une  manière  non  charnelle  ». 
Pour  déterminer  ce  sens  spirituel ,  Lefèvre  n'a 
de  confiance  que  dans  le  secours  de  l'inspiration 
divine  (l).  Interprétant   ainsi   l'Écriture,  sans 
parti  pris,  suivant  un  sentiment  intérieur,  qu'il 
croyait  être  dirigé  par  le  Saint-Esprit,  il  arriva 
bientôt  à  différer  sur  certains   points  avec  la 
théologie  officielle  de  la  Sorbonne.  La  disserta- 
tion qu'il  publia  en  1517  pour  prouver,  contrai- 
rement à  l'opinion  des  docteurs  de  l'époque,  que 
Marie-Madeleine,  Marie,  sœur  de  Lazare,  et  la 
femme  pécheresse  étaient  trois  personnes  distinc- 
tes, souleva  contre  lui  une  violente  polémique  : 
en  1521  la  dissertation  fut  condamnée  par  la 
Sorbonne  et  son  auteur  déféré  au  parlement.  Le- 
fèvre se  trouvait  alors  depuis  un  an  à  Meaux,  où 
Briçonnet,  devenu  évêque  de  cette  ville,  l'avait 
appelé  et  venait  de  le  nommer  administrateur  de 
la  Léproserie.  François  Ier,  après  avoir  fait  exa- 
miner le   livre  de  Lefèvre  par  son  confesseur 
G.  Petit,  qui  déclara  n'y  avoir  rien  trouvé  de 
contraire  à  l'orthodoxie,  défendit  au  parlement 
d'inquiéter  Lefèvre.  Depuis  son  arrivée  à  Meaux, 
ce  dernier  faisait  tous  ses  efforts  pour  seconder 
Briçonnet    dans   l'œuvre  de  réforme  que   cet 
évêque  avait  entreprise  dans  son  diocèse ,  avec 
l'aide  de  Gérard  Roussel,  Martial  Mazurier,  Mi- 
chel d'Arande,  Guillaume  Farel  et  autres  adver- 
saires des  abus  qui  s'étaient  introduits  dans 
l'Église.  Quelques-uns  de  ces  hommes,  visant  à 
se  séparer  complètement  de  l'Église  romaine, 
entreprise  que  Lefèvre  ainsi  que  Briçonnet  dé- 
sapprouvèrent   constamment,  avaient  propagé 
parmi  la  classe  ouvrière  de  Meaux  les  principes 
de  Luther.  Cet  état  de  choses  attira  l'attention 
du  fougueux  défenseur  de  l'Église  catholique, 
Béda,  qui,  croyant  faussement  que  Lefèvre  avait 
aussi  travaillé  à  l'extension  de  l'hérésie,  obtint 
de  la  Sorbonne  en  1523  la  condamnation  d'un 
grand   nombre  de    propositions    extraites    du 
Commentaire  sur  les  Évangiles  publié  par 
Lefèvre  deux  ans  auparavant.  Mais  François  1er, 
intercédant  de  nouveau,  institua  une  commission, 


(l)«Neque  aliorum  laboribus  incnbuimns,  ut  lnopcs 
magis  a  Deo  penderemus.  Elnim  me  non  latebnt,  dili- 
gentlam,  qure  studio  et  evol'vendis  libris  prjeslalur,  ho- 
ruin  sacrorum  affcrre  non  posse  intelligentiam  ,sed  eam 
dono  et  gratia  esse  exspectandam.  >>  (  Lefèvre,  Commen- 
taria  in  IV  Erangelia,  préface.) 


335 


LEFÈVRE 


336 


composée  de  prélats  et  de  docteurs  de  théolo- 
gie ,  chargés  de  réviser  le  jugement  de  la  Sor- 
,  bonne.  Le  rapport  de  la  commission  fut  favo- 
J  rable  à  l'accusé  ;  le  roi  fit  remettre  à  la  Sor- 
'  bonne  une  lettre  remplie  des  plus  grands  éloges 
pour  Lefèvre ,  et  défendit  de  supprimer  son 
livre  ou  de  le  molester  désormais.  Mais,  en  oc- 
tobre 1525,  lors  de  la  captivité  du  roi ,  le  parle- 
ment fit  procéder  contre  Gérard  Roussel,  Mazu- 
rier  et  Lefevre,  tous  accusés  d'hérésie.  Un  mois 
après,  la  Sorbonne  prononçait  la  condamnation 
d'une  cinquantaine  de  propositions  tirées  des 
Épitres  et  Évangiles  pour  les  dimanches , 
publiées  deux  ans  auparavant  par  Lefèvre.  Celui- 
ci  prit  la  fuite  en  compagnie  de  Roussel,  et  se 
retira  à  Strasbourg,  où  il  passa  quelques  mois 
dans  la  maison  de  Capiton. 

En  mars  1526  François  1er,  de  retour  dans  son 
royaume ,  fit  réprimander  sévèrement  le  parle- 
ment de  n'avoir  tenu  aucun  compte  de  la  lettre 
qu'il  lui  avait  adressée  de  Madrid  et  dans  la- 
quelle il  ordonnait  de  suspendre  le  procès  com- 
mencé contre  Lefèvre.  Ce  dernier  fut  immédia- 
,  temeut  rappelé  et  nommé  précepteur  de  Charles, 
!  troisième  fils  du  roi.  Quelque  temps  après,  il 
accompagna  Marguerite  de  Valois  à  Blois,  où  il 
fut  chargé  du  "soin  de  la  bibliothèque  du  châ- 
teau. Il  y  acheva  sa  traduction  de  la  Bible,  à 
laquelle  il  travaillait  depuis  plusieurs  années, 
traduction  encore  aujourd'hui  en  usage  dans  les 
églises  protestantes  françaises.  Après  avoir  été 
rémaniée  par  Calvin,  Martin,  Ostervald  et  au- 
tres ,  elle  ne  peut  en  aucune  façon  être  com- 
parée à  celle  de  Luther;  mais  il  faut  consi- 
dérer que  celui-ci  avait  eu  de  nombreux  de- 
vanciers ,  ce  qui  rendait  sa  tâche  bien  plus 
facile  que  celle  de  Lefèvre,  ayant  lequel  il  n'exis- 
tait pas  en  français  une  seule  version  complète 
des  Ecritures.  En  1531,  Marguerite,  craignant  de 
nouvelles  persécutions,  pour  Lefèvre,  le  fit  partir 
à  Nérac,  où  il  mourut,  de  vieillesse,  six  ans 
plus  tard ,  après  avoir  consacré  avec  le  plus 
noble  désintéressement  sa  vie  entière  à  propager 
ce  qu'il  croyait  sincèrement  être  la  vérité  (1).  De 
longs  débats  ont  eu  lieu  sur  la  question  de  savoir 
s'il  était  resté  catholique  ou  s'il  s'était  rallié  aux 
protestants.  Jamais  il  ne  s'est  séparé  ostensible- 
ment de  l'Église  romaine,  dont  il  suivait  les  pra- 
tiques même  pendant  son  séjour  à  Strasbourg; 
ce  point  est  d'un  grand  poids,  puisque,  étant 
d'un  caractère  franc  et  loyal ,  il  soutenait  tou- 
jours avec  persistance  ses  opinions,  dussent- 
elles  entraîner  pour  lui  les  plus  grands  dangers. 
Dans  ses  ouvrages  il  n'attaque  nulle  part  la  lé- 
gitimité de  la  papauté  ni  la  constitution  de 
l'Église  catholique  ;  seulement  il  réclame  avec 
instance  la  réforme  des  abus.  Quant  au  dogme, 

(1)  «  Fabri  ardentissiroum  in  rcstituendis  bonis  lite- 
ris  studium  magnopere  coinprobo  ,  erudUioncm  tam  va- 
riai!) mlnimeque  viil^arcfn  admiror,  raram  quaindam 
morum  comilatem  ac  facilitaiem  adamo,  porro  sin^ula- 
rem  vitœ  sanctimoniam  vcneror  utiaiii  et  exosoulor,  » 
Érasme,  Annotalioncf 


la  prédestination,  principe  invoqué  par  toutes 
les  sectes  protestantes  du  seizième  siècle,  lui 
est  odieuse;  partisan  déclaré  du  libre  arbitre, 
il  ne  fonde  la  justification  exclusivement  ni  sur 
la  foi,  comme  les  protestants,  ni  sur  les  oeuvres. 
«  Toi,  qui  as  la  sagesse  de  l'esprit,  dit-il,  n'aie 
confiance  ni  dans  la  foi  ni  dans  les  œuvres,  mais 
en  Dieu  ;  cherche  d'abord  à  obtenir  le  salut  de 
Dieu  par  la  foi  d'après  Paul,  et  ajoute  les  œuvres 
à  la  foi  d'après  Jacques  ;  car  eiles  sont  le  signe 
d'une  foi  vivante  et  féconde  ».  Acceptant  les 
couvents  el  le  célibat,  il  ne  repousse  pas  non 
plus  les  abstinences  et  les  macérations;  mais  il 
n'y  voit  que  les  signes  de  la  pénitence,  et  il  de- 
mande qu'elles  soient  accompagnées  d'un  chan- 
gement intérieur  du  cœur.  Il  y  a  cependant  un 
point  important ,  entre  plusieurs  qui  le  sont 
beaucoup  moins,  par  lequel  Lefèvre  se  rap- 
proche des  réformateurs  :  il  veut  que  la  Bible 
avant  tout  soit  consultée  en  matière  de  dogme, 
et  il  ne  semble  pas  attacher  grande  importance 
à  la  tradition.  On  a  de  lui  :  In  Aristotelis  VIII 
physicos  Ubros  Paraphrasis  ;  Paris,  1492, 
in-fol.  ;  —  Artiftcialis  Introductio  moralis 
in  X  Ubros  Ethicorum  Aristotelis;  Paris, 
1496,  in-fol.;  réimprimé  plusieurs  fois;  —  Elé- 
ment a  Musicœ;  1496;  partisan  exclusif  de  la 
musique  des  anciens,  Lefèvre  improuvait  forte- 
ment dans  ce  livre  l'invention  récente  des  notes 
brèves,  noires,  croches  et  double-croches;  — 
Dionysii  Areopagitse  Opéra,  latine  ex  inter- 
pretatione  Ambrosii  Camaldulensis  ;  Ignatii 
epislolx  undecim;  Polycarpi  epislola  una; 
Paris,  1498  et  1515,  in-fol.  ;  loin  de  nier  l'authen- 
ticité des  œuvres  apocryphes  de  FAréopagite , 
Lefèvre  y  voit  au  contraire  une  des  sources  les 
plus  pures  de  la  religion  chrétienne,  et  les  cite 
souvent  dans  ses  ouvrages;  —  Ars  moralis  ex 
Arlstotele;  Paris,  1499,  in-4°;  Vienne,  1513; 
— '  Remundi  Lullii  Libri  IV  :  De  laudibus 
B.  Mariée  ;  De  natali  pueri  parvuli  ;  défi- 
cits; phantaslicus ;  Paris,  1499  et  1505,  in-fol.; 

—  Aristotelis  iotius  ■  phïlosophiso  naturalis 
Paraphrases  et  Introductio  in  sex  primos 
Ubros  metaphysicos,  cum  Clictovei  Commen- 
tai' io  ;  Paris,  1501,  in-fol.  ;  ibid.,  1540,  in-4°; 
ibid.,  1510  et  1521.  in-fol.;  ibid.,  1528,  in-8° 

—  Epitome  compendiosague  introductio  in 
Ubros  arithmeticos  Boetii,  adjecto  familiari 
comment  d'rio  dilucidata.  Astronomicon , 
aliaque  opusculq  ;  Paris,  1503  et  1510,  in-fol.; 
Y  Astronomicon  fut  publié  à  part;  Paris,  1515  et 
1517,  in-fol.;  —  Aristotelis  Libri  Logicorum 
recogniti ,  Boetio  interprète,  et  paraphrases 
in  eosdem  cum  annotationibus  ;  Paris,  1503, 
1510,  1520  et  1531,  in-fol.;  —  Heraclidis  ere- 
mitx  Paradisus  ad  Lausum;  Epistola  dé- 
mentis; Recognitiones  Pétri  aposloli;  Epis-i 
tola  Anacleti ,  latine;  Paris,  1504,  in-fol.;  —, 
Primum  Volumen  Contemplationum  Remundi  ' 
Lullii ,  et  libellus  Blaquerux  De  amico  et  \ 
amato;  Paris,  1505,  in-fol.;  —  In  sex  primos  '• 


337 

metaphysicorum  libros  Aristotelis  in'roduc- 
tio;  Paris,  1505,  in-fol.;  une  seconde  édition 
parut  à  Paris,  1515,  in-fol.,  sous  le  titre  de  : 
Aristotelis  Opus  Melapfiysicam ,  Kessarione 
interprète ,  cum  Argyropyli  in  XII  primos 
interpretamento;  item  Theophrasti  Meta- 
physicorum Liber  I  ;  item  metaphysica  in- 
troduclio  IV  Dialogorum  libris  elucidata ;  — 
Aristotelis  Politicorum  Libri  VIII;  Econo- 
micorum  Libri  II  ;  Hecatonomiarum  publi- 
carum  unus,  L.  Aretino  interprète,  cum 
commentants  J.  Fabri  et  L.  Aretini  in  Eco- 
nomica  explanationibus ;  Paris,  1506,1511, 
1517,  etc.,  in-fol.;  —  Joannis  Damasceni 
Tkeologia  ,  sive  Tractatus  IV  de  orthodoxa 
Fide,  interprète  J.  Fabro;  Paris,  1507,  in-4°; 
une  nouvelle  édition,  augmentée  d'un  commen- 
taire par  J.  Clictou,  parut  à  Paris,  1512  et 
1519,  in-fol.;  Bàle,  1539  et  1548,  in-fol.,  avec 
d'autres  ouvrages  de  J.  Damascène;  —  Textus 
de  sphxra  Joannis  de  Sacrobosco,  novo  com- 
mentario  illustratus,  cum  compositione  An- 
nuli  astronomici  Boni  Latensis  et  Geometria 
Euclidis;  Paris,  1507,  1511,  1526  et  1031, 
in-fol.;  —  Jntroductiuncula  in  Politica 
Aristotelis  et  Œconomica  Xenophontis  a 
Raph.  Volaterrano  translatum;  Paris,  1508, 
in-fol.;  ibid.,  1516,  in-fol. ,  avec  un  commentaire 
de  J.  Clictou;  —  G.  Trapezunlii  Dialectica; 
Paris,  1508,  1511  et  1532,  in-S°  ;  —  Bichardi 
sive  Ricoldi,  ordinis  Prsedicatorum,Confuta- 
tio  legis  mahometanœ,  et  cujusdam  diu  cap- 
tivi  Turcarum  de  vita  et  moribus  eorumdem 
libellus;  Paris,  1 509  et  1511,  in-4°;  —  Quin- 
cumplex  Psalterium,  gallicum,  romanum, 
hebraicum ,  vêtus,  et  conciliatum;  Paris, 
1509  et  1513, in-fol. ;Caen,  1515,  in-fol.:  ce  livre 
contient,  outre  les  trois  versions  des  Psaumes 
données  successivement  par  saint  Jérôme,  le 
Psautier  tel  qu'il  existait  avant  la  révision  de 
saint  Jérôme,  et  le  Psautier  gallican,  soi- 
gneusement collationné  {conciliatum).  On  y 
trouve  aussi  une  paraphrase,  des  notes  et  une 
indication  du  but  et  du  sens  de  chaque  psaume; 

—  Richardi  cœnobitœ  S.  Victoris  De  Trinitate 
opus,  cum  commentario;  Paris,  1510,  in-4°; 

—  S.  Pauli  Epislolae  XIV,  ex  vulgata  edi- 
tione,  adjecta  intelligentia  ex  graeco,  cum 
comment ar Us  ;  precmittitur  Apologia,  quod 
vêtus  interpretatio  Epistolarum  S.  Pauli, 
qux  passim  legitur,  non  sit  translatio  Hie- 
ronymi;  canones  Epistolarum  S.  Pauli;  ac- 
cedit  Linus  de  passione  Pétri  et  Pauli,  in 
latinum  conversa;  Paris,  1512,  1515,  1517  et 
1531,  in-fol.;  Bâle,  1527,  in-fol.;  Cologne,  1531, 
in-4r;  Anvers,  1540  :  ce  livre  et  les  Commen- 
tarii  in  Evangelica,  mentionnés  plus  loin, 
font  le  mieux  connaître  les  idées  théologiques  et 
morales  de  Lefèvre;  —  Agones  Martyrum 
mensis  januarii  ;  Paris,  1512  et  1524,  in-fol.; 
Rome,  1559,  in-fol.;  —  Liber  trium  virorum 
et  trium  spiritualium  virginum  ;  Hermee 


LEFÈVRE 


338 


Pastor  ;  Vguetini  visio  ;  F.  Roberti  Sermo- 
num  et  visionum  Libri  111;  Hildegardis  Sci- 
vias  visionum  Libri  II  ;  Elisabethx  Sconau- 
giensis  Sermonum  et  Visionum  libri  VI; 
Mectildis  Libri  V  Studiorum  piorum  ;  Paris, 
1513,  in-fol.;  —  Arithmetica  Jordani  Nemo- 
mriirX libris  denionslrata  ;  Musica,  IV libris 
demonstrata  ;  Epitome  in  libros  Arithmeticos 
Boetii  ;  Rythmimachise  ludus ,  qui  et  pugna 
numerorum  appellatur;  Paris,  1514,  in-fol.; 
—  Euclidis  geometricorum  Elementorum  Li- 
bri XV;  Campani  Galli  transalpini  in  eos- 
dem  Commentarii;  Theonis  Alexandrini 
in  XIII  priores  et  Hypsiclis  Alexandrini  in 
duos  posteriores  Commentarii;  Paris,  1517, 
in-fol.;  —  De  Maria  Magdalena  et  triduo 
Christi  Disceptatio ;  Paris,  1517,  in-4°;  ibid., 
1518  et  1519,  in-4°,  avec  des  additions;  Hage- 
nau,  1518,  in-4°  :  cet  opuscule,  contre  lequel 
écrivirent  entre  autres  Fisher,  évêque  de  Ro- 
chester,  et  Marc  Grandval ,  fut  défendu  par 
J.  Clictou  et  H.  Cornélius  Agrippa;  —  Berno- 
nis  abbatis  libellus  de  officio  Missx  ;  Paris, 

1518,  in-4°;  —  Accurata  Recognilio  trium 
voluminum  Operum  N.  Cusae  cardinalis; 
Paris,  1514,  3  vol.  in-fol.;  —  De  tribus  et 
unica  Magdalena  Disceptatio  secunda;  Paris, 

1519,  in-8°;  —  Contemplationes  idiotse  de 
amore  divino,  de  Virgine  Maria,  de  ver  a 
animi  patientia,  de  continuo  conflictu  car- 
nis  et  animx  ,  de  innocentia  perdita ,  de 
morte;  Paris,  1519,  in-4°;  1535,  in-16;  — 
Commentarii  initiatorii  in  IV  Evangelia  ; 
Paris,  1521,  in-fol.;  Cologne,  1521;  Meaux, 
1522,  in-fol.;  Bàle,  1523,  in-fol.;  sans  nom  de 
lieu,  1526,  in-fol.;  Cologne,  1541,  in-fol.;  — Le 
Nouveau  Testament  nouvellement  traduit  eh 
françoïs;  Paris,  1524  et  1525,  in-8°;  sous  l'a- 
nonyme (1);  Anvers,  1525,  in-8°;  Bàle,  1525, 
2  vol.  in-8°;  Anvers,  1532,  in-12 ,  souvent 
réimprimé  depuis  ;  —  Les  Épistres  et  Évan- 
giles pour  les  LII  dimanches  de  Van,  à  l'usage 
du  diocèse  de  Meaux;  1523,  introuvable; 
Lyon,  1542,  in-16; —  Les  Psaumes  de  David 
translatez  en  Jrançois  ;  Paris,  1523  et  1525, 
in- 8°;  ibid.,  1530,  in-12;  sous  le  voile  de  l'ano- 
nyme ;  —  Commentarii  in  Epistolas  canoni- 
cas;  Meaux,  1525,  in-fol.  ;  Anvers,  1540  et  1563, 
in-8°  ;  —  La  sainte  Bible  en  françoys,  trans- 
latée selon  la  pure  et  entière  traduction  de 
S.  Hiérome,  conférée  et  entièrement  revisitée 
selon  les  plus  anciens  et  plus  corrects  exem- 
plaires; Anvers,  1530,  in-fol.  (2);  ibid.,  1534 
et  1541,  in-fol.;  réimprimée  très-souvent  depuis, 
avec  des  changements  ;  c'était,  avons-nous  dit,  la 
première  version  française  de  la  Bible,  qui  fut 

(1)  Les  diverses  parties  du  Nouveau  Testament  avaient 
été  successivement  publiées  à  part  dans  le  courant  de 
l'année  1523. 

(2)  La  traduction  de  VJncien  Testament,  moins  les 
psaumes,  avait  déjà  paru  à  Anvers,  1528,  4  vol.  in-8°; 
cette  édition  est  des  plus  rarca. 


339 

complète;  tandis  qu'il  avait  déjà  paru  avant 
1500  six  traductions  allemandes  de  la  Bible,  trois 
italiennes,  une  ilamande  et  une  en  langue  bohé- 
mienne ;  nous  ne  possédions  en  France  que  la 
traduction  abrégée,  écrite  à  la  fin  du  treizième 
siècle  par  Guyarddes  Moulins,  qui  n'était  qu'un 
extrait  paraphrasé,  souvent  inexact. 

Le  travail  de  Lefèvre  ,  quoique  loin  d'être 
exempt  d'erreurs ,  quoique  défectueux  au  point 
de  vue  du  style,  mérite  pourtant  beaucoup  d'é- 
loges. A  la  bibliothèque  impériale  de  Paris 
se  trouvent  (  Ancien  fonds  latin,  n°  5288  et 
78 14  )  divers  opuscules  de  Lefèvre  en  manuscrit  ; 
ce  sont  :  Apologia  pro  sua  sententia  de  çrea- 
tione  et  statu  Adami;  De  nornine  Dei  ;  Ora- 
ttones  ;  Carmina  ;  Dialogus  de  fortunamun- 
di.  Ernest  Grégoire. 

Sainte-Marthe,  Elogia.  —  Bayle,  Diction.  —  Lelons, 
Biblic-theca  Sacra,  t.  Il,  p.  532.  —  Beischlag,  Sciagra- 
phia  commentarii  de  vita  J.  Fabri  Stapulensis  (  dans 
la  Syliane  npufculorum  de  Beischlag,  p.  261  ).  —  Graf, 
Essai  sur  la  fie  et  les  Écrits  de  J.  Lefèvre  d'Etaples  ; 
Strasbourg,  1842,  in  8":  ce  travail,  assez  impartial,  quoi- 
que écrit  au  point  de  vue  protestant,  est  la  meilleure 
biographie  de  Lefèvre.  —  Haas,  /-<«  France  Protes- 
tante. 

lefèvre  (  François),  médecin  français  ,  né 
à  Bourges, mort  en  1569.11  devint  en  1545  docteur 
régent  à  l'université  de  sa  ville  natale.  On  a  de 
lui  quelques  traductions  du  grec,  telles  que  Les 
trois  premiers  livres  de  la  Chirurgie  d'Hippo- 
crate,  traitant  des  ulcères,  des  fistules  et  des 
blessures  à  la  tête,  accompagnés  des  commen- 
taires de  GuiVidio,  médecin  de  Florence;  Paris, 
1555,in-8°; —  Le  Médecin-Chirurgien  d'Hip- 
pocrate,  le  Grand ,  avec  le  Commentaire  de 
Galien,  où  il  est  traité  de  l'institution  du 
chirurgien,  autrement  des  choses  qui  se  font 
en  la  boutique  du  médecin -chirurgien; 
Paris,  1560,  in-16.  Ce  second  litre  parait  être 
celui  d'une  autre  édition  du  premier  ouvrage , 
seulement  plus  complet  et  mené  à  terme.  Les 
Annales  Typographiques  de  Catherinot  men- 
tionnent pour  cette  année  1560  :  L'Institution 
de  Médecine  par  François  Lefèvre,  médecin 
de  Bourges.  11  est  possible  que  ce  soit  encore 
le  même  ouvrage.  En  1557,  Lefèvre  avait  donné 
sous  le  titre  de  Secret  et  Mystère  des  Juifs , 
un  extrait  des  deux  premiers  livres  de  Suidas. 
11  arriva  pour  cette  publication  ce  qui  était  ar- 
rivé pour  la  précédente,  c'est  qu'elle  fut  proba- 
blement revue  par  l'auteur,  et  parut  de  nouveau 
avec  ce  titre  :  Histoire  de  Théodose,  pontife 
de  la  loi  judaïque,  et  de  Philippe,  chrétien, 
par  laquelle  est  révélé  le  secret  mystère  des 
Juifs,  jusqu'à  présent  à  la  confirmation  de 
notre  foy  catholique;  Paris,  1561  ;  deux  autres 
éditions  en  parurent  encore  à  Paris  et  à  Lyon. 
H.  Bover. 
La  Croix  du  Maine  et  du  Verdier,  Bibloth,  française. 
—  La  Thaumassière,  Hist.  du  Berry.  —  Catherinot, 
Opuscules. 

lefèvre  ou  fabrichjs  (François),  philo- 
logue allemand,  né  à  Duren,  vers  1525,  mort  le 


LEFÈVRE  340 

23  février  1574.  Il  commença  ses  études  dans  sa 
ville  natale,  et  vint  les  achever  à  Paris,  au  Col- 
lège royal,  où  professaient  alors  Tu  mène  et 
Pierre  Ramus.  De  retour  dans  sa  patrie,  Fabri- 
eius  fut  nommé  recteur  du  collège  de  Dussel- 
dorf,  où  pendant  plus  de  vingt  ans  il  professa 
avec  une  réputation  brillante.  On  a  de  lui 
beaucoup  d'éditions  annotées  des  auteurs  an- 
ciens; les  plus  importantes  sont  :  Lysias  Oratio- 
ncs  duse,  unupro  Eratostltenis  csede,  altéra 
funebris  ;  jam  primum  intégras  grœce  et  la- 
tine éditée;  Cologne,  1554,  in-12;  —  Pauli 
Orosii,  presbyteri  hispani,  adversus  Hispa- 
nos,  historiarum  Librï  septem  ;  Cologne,  1561, 
in-12  ;  —  Ciceronis  Bistoria  per  consules  des- 
cripla,  et  In  annos  LXIV  dislincta ;  Cologne, 
1564,   in-12.  Z. 

Paquot,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  littéraire 
des  Pays  Bas,  t.  XIV. 

lefèvre  ou  fa  bmcivs  (André),  philologue 
belge,  né  vers  1520,  à  Hodeige,  dans  laHesbaie, 
province  de  Liège,  mort  à  Al-Œting,  en  1581. 
Après  avoir  fait  ses  études  à  l'université  d'In- 
golstadt,  il  professa  la  théologie  à  Louvain,  et 
séjourna  ensuite  à  Rome,  de  1560  à  1565,  en 
qualité  d'orateur  du  cardinal  Othon,  évêque 
d'Augsbourg,  auprès  du  pape  Paul  IV.  Sur  la 
fin  de  sa  vie,  il  obtint  la  riche  prévôté  d'Alt- 
Œting.  On  a  de  lui  :  Religio  paliens,  tragédie; 
Cologne,  1566,  in-12;— Samson,  tragédie;  Co- 
logne, 1569,  in-12;  —Harmonise  ,  qux  nulla 
est,  confessionis  Augustanœ ,  cum  doctrina 
evangelica  consensum  déclarons,  liber  ;  Co- 
logne, 1573,  in-fol.;  —  Calechismus  liomanus; 
Anvers,1570,  in-8";  —  Jéroboam  rebellans, 
tragédie;  Ingolstadt,  1585,  in-12.  Z. 

Foppens,  Bibhotheca  Belgica.  —  Paquot,  Mémoires 
pour  servir  à  l'histoire  littéraire  des  Pays-Bas,  t.  VUI. 

le  fèvre  de  la  Boa>ERiE  (  Guy  ),  orien- 
taliste et  poète  français,  né  le  9  août  1541,  près 
Falaise,  au  manoir  de  La  Boderie,  où  il  est 
mort,  en  1598.  Il  était  l'aîné  d'une  famille  nom- 
breuse, qui  depuis  longtemps  était  connue  dans 
la  Normandie,  et  s'adonna  de  bonne  heure  à  l'é- 
tude des  langues  orientales  avec  la  pensée  d'y 
puiser  des  armes  pour  la  défense  de  la  religion 
catholique.  Après  avoir  parcouru  la  Bourgogne, 
le  Lyonnais  et  la  Bretagne  ,  il  travailla  quelque 
temps  avec  son  compatriote  Guillaume  Postel 
et  donna  en  latin  la  version  syriaque  du  Nou- 
veau Testament.  Sa  réputation  était  si  bien  ac- 
quise, que  bientôt  après ,  sur  les  instances  du 
pape  Pie  IV  et  avec  l'agrément  du  roi  Char- 
les IX,  qui  le  laissa  s'éloigner  à  regret ,  il  se  ren- 
dit à  Anvers,  où  l'appelait  Arias  Montanus  pour 
préparer  l'édition  de  la  Bible  polyglotte,que  venait 
de  lui  confier  Philippe  II.  Il  ne  se  contenta  pas  de 
collationner  sur  un  manuscrit  rapporté  d'O- 
rient le  texte  syriaque  du  Nouveau  Testament, 
il  s'efforça  d'en  expliquer  les  locutions  les  plus 
obscures,  et  publia,  entre  autres  travaux,  un 
petit  traité  du  patriarche  Sévère,  traité  qui  l'a- 
vait frappé  par  une  remarquable  concordance 


341 


LEFEVRE 


342 


entre  les  rites  usités  dans  l'administration  des 
sacrements  dès  les  premiers  temps  du  christia- 
nisme par  les  églises  d'Orient  et  d'Occident.  Jl 
n'eut;,  au  reste,  à  se  louer  ni  de  Philippe  11  ni 
des  Espagnols,  et  dut  supporter  les  frais  de  ce 
coûteux  voyage;  revenu  à  Paris,  il  devint,  à  la 
demande  de  Marguerite  de  Valois,  secrétaire  du 
duc  d'Alençon  et  son  interprète  pour  les  langues 
étrangères.  Malgré  les  relations  suivies  qu'il  en- 
tretint avec  Baïf,  Dorât,  Ronsard  et  surtout  Vau- 
clin  de  La  Fresnaye,  il  ne  subit  l'influence  d'au- 
cun de  ces  écrivains ,  et  resta  le  poète  chrétien 
par  excellence,  ne  s'occupant  que  des  intérêts 
de  la  religion  catholique,  traduisant  les  hymnes 
j  de  saint  AmbroiseJ,  de  saint  Grégoire  et  de  saint 
Thomas  pour  les  opposer  aux  Psaumes  deMarot, 
et  indiquant  comme  de  véritables  sources  d'ins- 
piration les  légendes  et  les  épopées  du  moyen 
âge.  Dans  ses  écrits  en  prose ,  aujourd'hui  per- 
dus, et  qu'il  accusait  Duplessis-Mornay  d'avoir 
brûlés   à  dessein  lors    du  sac  de  l'abbaye  de 
Saint- Jean-de- Falaise,  Guy  de  La  Boderie  avait 
entrepris    de  réfuter    les    hérésies   de  Calvin. 
On  a  de  lui  :  L'Encyclie  des  secrets  de  V Eter- 
nité; Anvers,  1571,  in-4°:  espèce  de  poème  di- 
visé en  huit  cercles  où  chants  qui  forment  le 
premier  livre  de  l'ouvrage;  mais  Fauteur  n'en  fit 
pas  paraître  davantage  ;  —  Novum  Testamen- 
tum  syriace ,  cum  versione  latina  (  dans  la 
Bible  polyglotte  d'Anvers,  1572,  in-fol. ,  t.  V, 
et  dans  celle  de  Le  Jay;  Paris,  1645, in-fol.): 
ce  travail  ne  lui  demanda  pas  inoins  de  trois 
années  à  mener  à  fin  ; — Grammatica  Chaldaica 
et   Dictionarium  Syro-Chaldaicum  (ibid., 
t.  VI);  —  D.  Severi,  Alexandrini.quondam 
patriarchse ,   de    Ritibus  baptismi  et  sacrée 
synaxis  apud  Syros  ckristianos  receptis  Liber, 
nunc  primum  in  lucem  editus  ;  Anvers,  1572, 
in-4°  ;  —  Syriacx  Linguae  prima  Elementa  ; 
ibid.,  1572,  in-4°;  —  Confusion  de  la  secte  de 
Muhamed ,  livre  premièrement  composé  en 
langue  espagnole  par  Jehan   André ,  jadis 
More  et  Alfaqui,  depuis  jaict  chrestien  et 
prestre,et  tourné  d'italien  enfrançois;  Paris, 
1574,  in-8°  ;  —  Traité  du   nouveau  Comète 
et  du  lieu  où  ils  se  font,  trad.  de  l'espagnol 
de  J.  Mugnoz;  plus  un  Cantique  sur  ladite 
estoile  en  apparence  lumineuse;  ibid.,  1574, 
in-8°  ;  —  Harangue  de  la  Dignité  de  l'homme, 
trad.  de  Jean  Pic  de  La  Mirandole ;  ibid., 
1578,  in-12;  —  Traité  de  la  Religion  chres- 
tienne,  trad.de  Marsiie  Ficin;  ibid.,  1578;  — 
Discours  de  l'honnête  Amour  sur  le  Ban-quel 
de  Platon,  trad.  du  même;  ibid.,  1572  et  1588; 
—  La  Galliade,  ou  de  la  révolution  des  arts 
et  sciences;  Paris,  1578,in-4°;  poème  en  cinq 
cercles  ou  chants,  ainsi  nommé  Galliade  parce 
que  les  arts  et  les  sciences ,   après  avoir  été 
bannis  des  Gaules,  où  ils  avaient  leur  séjour,  y 
sont  enfin  revenus;  —  Hymnes  ecclésiastiques, 
Cantiques  spirituels  et  autres  mélanges  poé- 
tiques ;  ibid.,  1578  et  1582,  in-16  :  la  plupart  de 


ces  pièces  sont  traduites  du  latin;  —  L'Harmo- 
nie du  Monde,  divisée  en  trois  cantiques,  trad. 
de  François  Georges,  Vénitien;  ibid.,  1578, 
in-fol.;  —  Les  trois  Livres  de  la  Vie,  avec  une 
Apologie  pour  la  Médecine  et  l'Astrologie,  trad. 
de  Marsiie  Ficin;  ibid.,  1581,  in-8°;  —  De  la 
Nature  des  Dieux,  trad.  de  Cicéron;  ibid., 
1581,  in-4°;  —  Divers  Mélanges  poétiques; 
ibid.,  1582,  in-16;  -  Novum  J.-C.  Testamen- 
tum,  syriace  litteris  hebraicis,  cum  versione 
latina  inlerlineari ;  ibid.,  1584,  in-4°  :  cette 
traduction,  dédiée  à  Henri  111,  contient  au  bas 
des  pages  la  Vulgate  et  la  version  grecque.  On 
attribue  encore  à  Guy  de  La  Boderie  la  traduc- 
tion du  poème  de  Sannazar,  V Enfantement  de 
la  Vierge;  —  de  plusieurs  écrits  de  saint  Gré- 
goire de  Naziauze; —  ainsi  qu'une  pièce  en  vers 
burlesques  intitulée  :  L'Anti- Chopin. 

H.  de  La  F. 

Nicéron,  Mémoires,  XXXVIII.  -  Gonjet.  Biblioth. 
Française,  VI  et  .Mil  —  Hnet,  De  Claris  Interpretibus. 
—  Colomiès,  Gallia  Orientons.  —  Baillel.  Jugem.  des 
Savants,  II,— A.  Heret.  Cosmographie,  liv.  XV,  c.  23.— 
Colletet,  Fies  des  Poètes  françois(ms).  — Brunet,  Ma- 
nuel du  Libraire. 

LE    FÈVRE    DE    LA   BODERIE     (Nicolas), 

frère  du  précédent,  s'appliqua  également  aux 
langues  orientales,  travailla  à  l'édition  de  la 
Bible  polyglotte,  et  fut  employé  utilement  en 
Italie  par  Henri  III  sous  le  maréchal  de  Belle- 
garde.  Catherine  de  Médicis  lui  fit  épouser  la 
fille  de  son  premier  maître  d'hôtel.  On  a  de  lui  : 
L'Heptaple,  ou  histoire  des  sept  jours  de  la 
création,  trad.  de  Pic  de  La  Mirandole;  Paris, 
1578,  in-fol.;  impr.  avec  l'Harmonie  du  Monde 
de  son  frère;  —  Ad  nobiliores  linguas  com- 
muni  methodo  componendas  Isagoge;  ibid., 
1588,  in-4°;  —  Fantaisie  sur  le  tombeau  de 
Pierre  Le  Fèvre  de  La  Boderie,  pièce  de  vers 
insérée  dans  les  Mélanges  poétiques  de  son 
frère.  H.  de  La  F. 

Nicéron,  Mémoire,  XXXVIII.  —  Arias  Montaus,  Pré- 
face de  la  Bible  poli/glotte. 

lefèvre  (Nicolas  ),  chimiste  français, mort 
en  1674.  Il  fit  ses  études  à  l'université  de  Sedan, 
et  fut  choisi  par  Vallot,  premier  médecin  de 
Louis  XIV,  pour  remplir  la  place  de  démonstra- 
teur de  chimie  au  Jardin  du  Roi  à  Paris.  Sa 
réputation  lui  valut  d'être  appelé,  en  1664,  en 
Angleterre  par  Charles  n,  qui  lui  confia  la  di- 
rection d'un  laboratoire  établi  dans  le  palais 
Saint-James.  Fixé  à  Londres,  Lefèvre  de- 
vint membre  de  la  Société  royale.  Lefèvre  dé- 
finissait la  chimie  «  la  science  de  la  nature 
même  ».  L'expérience  seule  avait  pour  lui  del'au- 
torité.  Dumoustier  considérait  Lefèvre  comme 
un  philosophe  naturaliste,  qui  «  pénètre jus- 
ques  dans  la  nature  des  estres,  dont  il  sçait 
développer  toutes  les  propriétés  par  un  rai- 
sonnement juste  et  solide.  On  peut  dire  qu'on 
lui  a  l'obligation  d'avoir,  un  des  premiers,  ré- 
formé, rectifié  et  mis  dans  un  meilleur  ordre 
toute  la  pharmacie  ».  Selon  M.  Dumas,  le  traité 
de  chimie  de  Lefèvre  «  n'est  pas,  comme  la  plu- 


343 

part  de  ceux  qu'on  a  publiés  vers  la  même 
époque,  un  ramassis  confus  de  recettes  ;  l'auteur 
cherche  soigneusement,  au  contraire,  à  se  rendre 
compte  des  phénomènes  qu'il  décrit  avec  ordre, 
méthode  et  clarté  ».  Lefèvre  était  un  chimiste 
habile,  et  dans  son  ouvrage  il  décrit  les  opéra- 
tions avec  exactitude,  explique  leurs  résul- 
tats, indique  les  moyens  de  reconnaître  la 
fraude  dans  les  opérations  pharmaceutiques.  Ce 
livre,  intitulé  :  Chymie  théorique  et  pratique, 
Paris,  1C60,  1669,  1674,  '2  vol.  in-12,  Leyde, 
1699,  2  vol.  in-12,  a  été  traduit  en  anglais,  en 
allemand  et  en  latin.  Lenglet-Dufresnoy  en  a 
donné  une  édition  considérablement  augmentée 
par  Dumoustier,  sous  ce  titre  :  Cours  de  Chymie 
pour  servir  d'introduction  à  cette  science; 
Paris,  1751,  5  vol.  in-12,  avec  fig.  Nicolas  Le- 
fèvre a  en  outre  publié  La  Religion  du  Médecin; 
La  Haye,  1688,  in-12  :  traduction  d'un  ouvrage 
anglais  de  T.  Browne.  L.  L—  t. 

Oriila,  dans  la  Biographie  Médicale.  —  Dumas,  Le- 
çons sur  la  Philosophie  chimique.  —  Haag,  La  France 
Protestante.  —  F  Hoefer.  Hist.  de  la  Chimie,  t.  II. 

lefèvre  (Roland),  peintre  français ,  né  en 
Anjou,  vers  1605,  mort  en  Angleterre,  en  1677. 
11  était  bon  portraitiste,  et  excellait  à  faire  les 
charges.  Il  séjourna  longtemps  à  Venise  et  à 
Paris,  et  mourut  en  Angleterre.      A.  de  L. 

Pilkington,  Dictionary  of  Painters.  —  Chaudoo  et  De- 
landine,  Dictionnaire  Historique. 

lefèvbe  de  lézeau  (Nicolas),  historien 
français,  né  vers  1580,  mort  en  1680.  Il  était 
conseiller  d'État.  Il  a  laissé  en  manuscrit  quel- 
ques ouvrages  historiques  importants,  dont  plu- 
sieurs se  trouvent  à  la  Bibliothèque  impériale  ou 
à  la  bibliothèque  Sainte- Geneviève;  savoir: 
Histoire  de  la  naissance  et  du  progrès  de 
l1  Hérésie  en  France  ; —  Le  la  Religion  catho- 
lique en  France  pendant  la  Ligue  ;  —  Vie  de 
Jean  de  Morvillïers;  —  Histoire  de  Jean  de 
Marillac ,  garde  des  sceaux  ;  —  Recueil  de 
diverses  pièces  concernant  les  conseils  du 
roi.  J.  V. 

Lelong,  Biblioth.  Hist.  de  la  France. 

lefèvre  (Jacques),  historien  français,  vi- 
vait dans  la  seconde  moitié  du  dix-septième 
siècle.  Il  était  prévôt  et  théologal  d'Arras.  On  a 
de  lui  :  Les  plus  curieux  endroits  de  l'his- 
toire, ou  les  sages  et  généreuses  reparties; 
1690,  in-12; —  Éloge  de  Louis  le  Grand,  pro- 
noncé le  5  septembre,  jour  (  anniversaire)  de 
sa  naissance,  dans  laparoisse  royale  de  Saint- 
Germain-en- Laye ;  Paris,  1692;  —  Anciens 
Mémoires  du  quatorzième  siècle,  depuis  peu 
découverts,  où  l'on  apprend  les  aventures  les 
plus  surprenantes  et  les  plus  curieuses  de 
la  vie  de  Bertrand  JDuguesclin,  traduits 
nouvellement  ;  Douai,  1692,  in-4°  :  ces  mémoi- 
res sont  en  grande  partie  les  manuscrits  dont 
Claude  Ménard  et  du  Chastelet  s'étaient  servis 
pour  rédiger  leur  histoire  de  Duguesclin.  Lefèvre 
ne  les  a  pas  traduils,  mais  il  en  a  rajeuni  le  style; 
il  y  a  ajouté  des  réflexions  oiseuses  et  des  anec- 


LEFÈVRE  344 

dotes  peu  authentiques.  Le  travail  de  Lefèvre 
est  devenu  rare  et  recherché  des  curieux  ;  il  a 
été  reproduit  avec  des  retranchements  et  des 
additions  dans  les  tomes  III,  IV  et  V  de  la  Col- 
lection des  Mémoires  particuliers  relatifs  à 
l'histoire  de  France,  publiée  par  Boucher  et 
Dussieux.  J.  V. 

Lelong,  Biblioth.  Hist.  de  la  France. 
lefèvre  (  Jean  ),  astronome  français,  né  à 
Lisieux,  vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle, 
mort  en  1706,  était  fils  d'un  tisserand.  Il  exerça 
d'abord  la  profession  paternelle  ;  mais  la  lecture 
de  quelques  livres  d'astronomie  lui  fit  bientôt 
abandonner  la  navette  pour  le  calcul  des  éclipses. 
Lefèvre  fut  recommandé  à  Picard ,  qui  le  fit  ve- 
nir à  Paris  pour  l'aider  dans  le  travail  de  la 
Connaissance  des  Temps.  En  1682,  il  accom-i 
pagna  La  Hire  dans  son  voyage  de  Provence, 
et,  l'année  suivante,  il  l'aida  dans  la  construction  i 
de  sa  méridienne.  Ses  protecteurs  le  firent  en- 
trer à  l'Académie  des  Sciences.  Lefèvre  n'a  publié 
que  des  Éphémérides  pour  les  années  1684  et 
1685,  et  la  Connaissance  des  Temps,  de  1684 
à  1701.  Le  privilège  de  ce  dernier  ouvrage  lui i 
fut  retiré  parce  que,  dans  la  préface  du  volumei 
de  1701,  il  avait  injurié  les  deux  La  Hire, 
ses  confrères  à  l'Académie.  La  même  cause 
faillit  le  faire  exclure  de  ce  corps  savant  ;  niais; 
Lefèvre  déclara  qu'il  se  soumettrait  à  tout  plutôt 
que  de  renoncer  à  l'Académie.  Cependant  on  voit; 
dans  les  registres  que  Lefèvre,  ayant  manqué; 
plusieurs  séances,  fut  rayé  sous  prétexte  du  rè- 
glement, qui  exige  l'assiduité.  «  Ce  fut,  dit  La- 
lande,  une  perte  pour  l'astronomie.  Il  calculait: 
mieux  les  éclipses  que  La  Hire,  parce  qu'il  em-i 
ployait  la  période  de  dix-neuf  ans,  qu'il  tenait; 
peut-être  de  Rœmer.  Cela  donna  de  l'humeur 
La  Hire,  qui  causa  du  désagrément  à  Lefèvre. 
Celui-ci  s'en  vengea  maladroitement,  et  il  fut 
victime  du  crédit  de  La  Hire.  »  E.  M. 

Delambre,  Hist.  de  l'astronomie  moderne,  t.  II,  p.  6i 
lefèvre  (Jacques),  controversiste  français, 
né  à  Lisieux,  au  milieu  du  dix-septième  siècle, 
mort  à  Paris,  le  1er  juillet  1716.  Ayant  embrassé 
l'état  ecclésiastique,  il  devint  archidiacre  de  sa 
ville  natale,  et  grand-vicaire  de  l'archevêque  dej 
Bourges.  Reçu  docteur  en  Sorbonne  en  1674,  unei 
vive  polémique,  qu'il  soutint  la  mèmeannéecon- 
tre  le  père  Maimbourg,  lui  valut  une  détention  à 
la  Bastille,  ce  qui  l'a  fait  appeler  Lefèvre  de  la 
Bastille.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Entre- 
tiens d'Eudoxeet  d"1  Euchariste  sur  les  Histoi- 
res de  l'arianisme  et  des  iconoclastes  du  père 
Maimbourg  ;  Paris,  1674,  in-4°  ;  Cologne,  1683, 
in-12  :  le  premier  de  ces  entretiens  ,  condamné 
par  sentence  du  Chàtelet,  fut  lacéré  et  brûlé  ;  l'au- 
teur fut  emprisonné  ;  une  autre  édition  ,  sans , 
date,  in  12,  est  augmentée  d'un  Avertissement  j 
et  d'une  Lettre  apologétique  ;  —  Motifs  invin- 
cibles pour  convaincre  ceux  de  la  religion' 
prétendue  réformée;  Paris,  1682,  in-12;  cet' 
ouvrage  occasionna  une  polémique  entre  l'auteur  j 


345 


>t  Arnauld  ;  —  Nouvelle  conférence  avec  un 
ninistre  touchant  les  causes  de  la  sépara- 
ion  des  prolestants;  Paris,  1685,  in-12; 
—  Instructions  pour  confirmer  les  nouveaux 
onvertts  dans  la  foi  de  V Église;  Paris,  1C86, 
n.12;  —  Recueil  de  tout  ce  qui  s'est  fait 
oour  et  contre  les  protestants  en  France; 
3aris,  1686  ;  —  Lettres  d'un  docteur  sur  ce 
jui  se  passe  dans  les  assemblées  de  la  faculté 
le  théologie  de  Paris;  Cologne,  1700,  in-12  : 
es  lettres  parurent  anonymes  lorsque  les  Mé- 
moires sur  la  Chine  du  jésuite  Lecomte  furent 
léférés  à  la  faculté  de  théologie.  La  dernière, 
ntitulée  Anti- Journal  historique  des  assem- 
blées ternies  en  Sorbonne,  est  une  réplique  à 
in  écrit  anonyme  publié  par  le  jésuite  Lallemant 
pour  la  défense  de  son  confrère  et  intitulé  Jour- 
nal historique  des  assemblées  tenues  en  Sor- 
ponne.  Lefèvre  composa  encore  des  Animad- 
wersions  sur  l'histoire  ecclésiastique  du  père 
fîoel  Alexandre,  dominicain;  un  premier  vo- 
lume était  imprimé  à  Rouen  ,  anonyme  et  sans 
flàte  (vers  1680),  in-8°,  lorsqu'il  fut  saisi  et 
létruit  ;  il  n'en  échappa  quedeux  exemplaires.  Le- 
fèvre a  publié  une  édition  augmentée  de  l'ou- 
trage de  Magri  ayant  pour  titre  :  Antilogise , 
keu  contradictiones  apparentes  Sacrée  Scrip- 
lurx;  Paris,  1685,  in-12,  qu'il  dédia  à  l'arche- 
vêque de  Paris,  François  de  Harlay.  On  croit 
|que  Lefèvre  coopéra  à  la  rédaction  des  Hexa- 
jples,  ou  les  six  colonnes  sur  la  constitution 
lUnigenitus,  en  faveur  du  père  Quesnel;  Ams- 
terdam, 1714,in-4°.  J.  V. 
;  Archtrabaud,  Pièces  fugitives,  t.  1er,  p.  104,  des  Nou- 
velles Littér.  —  Moréri.  Grand  Dict.  Hist. 
'  lefèvre  ou  lefebvre  (Le  P.  François- 
\Antoine  ),  poète  latin  moderne,  connu  sous  le 
|nom  latinisé  de  Faber,  né  vers  1670,  mort  en 
J1737.  Il  entra  dans  la  Compagnie  de  Jésus ,  et 
iprofessa  au  collège  Louis-le-Grand.  On  a  de  lui 
(trois  petits  poèmes  didactiques,  où  il  exprime 
'avec  assez  d'élégance  et  d'exactitude  des  part- 
icularités de  physique  et  d'histoire  naturelle. 
IVoici  les  titres  de  ses  ouvrages  :  Commirhts  in 
\Parnassum  recep/us ;  Paris,  1703,  in-12;  — 
\Aurum;  Paris,  1703,  in-12;  —  Terras  Motus; 
Paris,  1704,  in-12; —  Musica;  Paris,  1704, 
in-12.  Les  trois  poèmes  didactiques  du  P.  Le- 
fèvre ont  été  insérés  dans  le  recueil  des  Poemata 
didascalia  de  d'Olivet,  t.  I.  Z. 
i  Qoérard ,  La  France  Littéraire. 
j      LEFÈVRE  DE  LA   PLANCHE  (N.),  juriscon- 

(suite  français,  né  dans  la  seconde  moitié  du  dix- 
septième  siècle,  mort  en  1738.  En  1700  il  de- 
vint avocat  du  roi  à  la  chambre  du  domaine 
et  conseiller  au  bureau  des  finances  et  à  la 
chambre  des  domaines.  On  a  de  lui  :  Mémoires 
sur  les  Matières  domaniales ,  ou  traité  du 
domaine;  Paris,  1764-1765,  3  vol.  in-4°,  avec 
des  notes  de  l'éditeur  Lorri.  E.  G. 

Chaudon,  Dict.  Hist. 

lefèvre  (***  ),  architecte  et  ingénieur 
français,  né  à  Orléans,  vers  1695. Il  a  bâti  dans 


LEFÈVRE  346 

sa  ville  natale  l'église  des  Petits-Cannes,  et  à 
Paris  l'hôtel  de  Senneterre.  Il  avait  trouvé  le 
moyen  de  fabriquer  des  ancres  avec  plusieurs 
verges  de  fer  battues  ensemble.  Une  ancre  ainsi 
confectionnée  ne  se  casse,  dit-on,  jamais.  A.  deL. 
Ch.  Brainne,  Les  Hommes  illustres  de  l'Orléanais, 
t.  I,p.l73. 

lefèvre  (Armand-François),  prélat  fran- 
çais de  Noélène  ,  cinquième  vicaire  apostolique 
de  la  Cochinchine,  succéda  en  1743  à  Alexan- 
dre de  Alexandris,  évêque  de  Nabuce,  et  mourut 
au  Camboge,  le  27  mars  1760.  Né  à  Calais,  il  partit 
de  France  en  1737,  et  travailla  d'abord  dans  la 
mission  de  Siam.  Sacréévêqueen  1743,il  se  rendit 
l'année  suivante  en  Cochinchine.  En  1750,  sous 
le  règne  de  Vo-Vuong,  une  violente  persécution 
contre  la  religion  chrétienne  éclata  dans  ce 
royaume.  Lefèvre  et  tous  les  missionnaires  furent 
chassés.  Le  prélat  se  retira  à  Macao,  attendant 
que  la  Providence  lui  ouvrît  les  portes  de  sa  mis- 
sion.En  1752,Éduce  Bennetat,  évêque  d'Eucarpie, 
son  coadjuteur,  rentra  en  Cochinchine  avec  des 
présents  que  Dupleix,  gouverneur  de  Pondichéry 
et  des  colonies  françaises  de  l'Inde ,  envoyait  au 
roi  Vo-Vuong.  Bien  accueilli  par  ce  prince,  Ben- 
netat eut  la  liberté  de  rester  avec  un  mission- 
naire. Une  nouvelle  persécution  les  contraignit  de 
partir  l'année  suivante.  Lefèvre,  désespérant  de 
rentrer  jamais  dans  son  vicariat,  choisit  un  nou- 
veau théâtre  pour  exercer  son  zèle  apostolique. 
Vers  1755  il  passa  dans  le  Camboge,  où  il  mourut. 
Il  nous  reste  de  ce  prélat  des  lettres  publiées 
dans  le  recueil  des  Lettres  édifiantes. 

F.-X.  Tessier. 

Documents  inédits.  —  Nouvelles  Lettres  édifiantes, 
t.  VI.  —  De  Montezon  et  Estrée ,  Mission  de  la  Co- 
chinchine et  du  Tonkin  ,-  Paris,  1858,  in-12. 

lefèvre  (  Antoine-Martial) ,  écrivain  re- 
ligieux, archéologue  et  historien  français,  vivait 
au  milieu  du  dix-huitième  siècle.  Il  était  ba- 
chelier en  théologie  et  prêtre  du  diocèse  de  Pa- 
ris. On  a  de  lui  :  Calendrier  historique  de 
V Église,  de  Paris;  1747,  in-12  :  livre  qui  con- 
tient l'origine  des  paroisses ,  abbayes ,  monas- 
tères, etc.;  les  conciles  tenus  à  Paris,  la  liste 
des  évêques,  archevêques,  doyens  et  abbés  du 
diocèse,  etc.;— Calendrier  historiquede  l'Uni- 
versité de  Paris;  1755,  in-24;  —  Calendrier 
historique  de  lasainte  Vierge;  in-12.;  —  Des- 
cription des  Curiosités  des  Églises  de  Paris  et 
des  environs  ;  Paris,  1759,  in-12  ;  —  Les  Mu- 
ses en  France,  ou  histoire  chronologique  de 
l'origine,  des  progrès  et  de  rétablissement  des 
belles-lettres,  des  sciences  et  des  beaux-arts 
dans  la  France,  contenant  la  fondation  des 
universités,  collèges,  académies,  etc.,  et  les 
personnes  qui  s'y  sont  le  plus  distinguées  ; 
Paris,  1750,  in-16;  réimprimé  sous  ce  titre  :  La 
nouvelle  Athènes ,  Paris,  le  séjour  des  Mu- 
ses, avec  une  seconde  partie  contenant  la  Bi- 
bliographie des  auteurs  ecclésiastiques  et 
des  livres  les  plus  rares  ;  Paris,  1759,  in-12. 

J.  V. 


347 

Lelon^',  liiblioth.  Hist.  de  la  France, 
Francs  Lit  ter. 

lefèvre  (André),  littérateur  français,  né 
à  Troyes,  en  1717,  mort  à  Paris,  le  25  février 
1768.  Il  étudia  d'abord  la  jurisprudence,  et  se 
(it  recevoir  avocat.  Il  cultiva  aussi  la  poésie. 
Un  de  ses  parents,  Lefèvre,  devenu  aveugle, 
l'appela  près  de  lui,  et  en  fit  son  secrétaire. 
Enfin,  il  accepta  l'emploi  de  précepteur  auprès 
de  quelques  fils  de  famille.  «  Sérieux,  froid, 
compassé  des  l'enfance,  selon  Grosley,  il  était 
pénétré  de  tous  les  principes  de  droiture,  de 
probité,  d'intégrité,  de  vertu,  que  l'on  admire 
chez  les  anciens  philosophes  :  principes  héré- 
ditaires et  fortifiés  par  la  lecture  et  la  médita- 
tion. En  un  mot,  il  étoit  tel  qu'il  s'est  peint 
lui-même,  à  son  insçu  dans  l'article  Gouverneur 
qu'il  a  fourni  à  V Encyclopédie.  »  On  a  de  lui  : 
Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences  nouvel- 
lement établie  à  Troyes  en  Champagne;  Liège, 
1744,  in-8°;  Troyes,  1756,  2  parties  in-12; 
Paris,  1768,  in-12  :  qu'on  attribue  aussi  à  Gros- 
ley, qui  l'aida  dans  ce  travail  ingénieux  mais 
trivial;  —  Lettre  sur  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie de  Troyes;  Amsterdam  (Paris),  1755 
(1765),  in-12  :  suivant  l'abbé  Goujet,  on  n'a 
tiré  qu'une  douzaine  d'exemplaires  de  cette 
lettre  ;  Grosley  y  répondit  par  sa  Lettre  à 
M.  Desm.***  I.  D.  M.  D.  L.  (Desmarest,  ins- 
pecteur des  manufactures  de  Lyon),  datée  de 
Troyes, le  2 mai  1768,  in-12;  —  Lettre  à  M*** 
(Trasse)  pour  servir  de  réponse  à  ses  obser- 
vations ;  in-4°.  On  attribue  à  André  Lefèvre  : 
Le  Pot-Pourri,  ouvrage  nouveau  de  ces  da- 
mes et  de  ces  messieurs;  Amsterdam,  1748, 
in-12,  que  quelques  bibliographes  donnent  au 
comte  deCaylus;—  Dialogue  entre  un  curé  et 
son  filleul;  La  Haye,  1767,  in-12;  satire  diri- 
gée contre  Grosley,  attribuée  aussi  à  Montroger. 

J.  V. 

Goujet,  Suppl..  au  Grand  Dint.  Histor.  de  Moréri.  — 
Chaudor.  et  Deland  ne,  Dictionnaire  universel  Histori- 
que, Critique  et  Bibliogr. 

lefèvre  OE  reauvray  (  Pierre  ),  lit- 
rateur  français,  né  à  Paris,  le  14  novembre 
1724,  mort  dans  la  môme  ville,  à  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle.  Devenu  aveugle  de  bonne  heure, 
il  chercha  des  consolations  dans  la  culture  des 
lettres.  Ou  a  de  lui  :  Épltre  à  Fontenelle; 
1743;  —  Ode  sur  la  bataille  de  Laufeld  et 
la  prise  de  Berg-op-Zoom;  1747  ;  —  Singu- 
larités diverses  en  prose  et  en  vers;  1753, 
in-12  ;  —  Paradoxes  métaphysiques  sur  les 
principes  des  actions  humaines ,  traduit  de 
l'anglais  deCollins;  1754,  in  12  :  cette  traduc- 
tion a  été  insérée  par  Naigeon  dans  l'article  Col- 
lins  du  Dictionnaire  de  Philosophie  de  Y  En- 
cyclopédie méthodique  ;  —  Éloge  funèbre  de 
Montesquieu,  en  vers;  1755;  inséré  par  extrait 
dans  le  Journal  de  Verdun  d'octobre  1755  ;  — 
Adresse  à  la  nation  anglaise  sur  la  guerre 
présente,  par  un  citoyen  ;  1757; —  Vœux  pa- 
triotiques à  la  France;  1762;—  Le  Monde 


LEFÈVRE  348 

—  Quérard,  La  pacifié,  poème;  1763;  —  Histoire  de  miss 
Honora,  ou  le  vice  dupe  de  lui-même,  imité 
de  l'anglais,  1766,  in-12  :  Lefèvre  avait  dicté 
ce  roman  à  l'abbé  Irailth,  et  lui  avait  donné  le 
manuscrit  ;  apprenant  que  l'abbé  s'attribuait  cet 
ouvrage,  Lefèvre  écrivit  au  rédacteur  de  l'An- 
née Littéraire,  en  1766,  pour  déclarer  qu'après 
avoir  abandonné  le  profit  de  ce  travail  à  l'éditeur, 
il  lui  en  cède  la  gloire  ;  —  Dictionnaire  Social 
et  Patriotique,  ou  précis  des  connaissances 
relatives  à  l'économie  morale ,  civile  et  po- 
litique; 1769,  in-8°  :  ouvrage  reproduit  sous- 
ce  titre  :  Dictionnaire  de  recherches  histo- 
riques et  philosophiques  ;  1774;  —  Récréa- 
tion philosophique  d'un  aveugle,  in  8°.  Le- 
fèvre de  Beauvray  est  en  outre  l'auteur  de  YÉ- 
loge  de  Lefèvre  de  Saint-Marc ,  inséré  an 
sixième  volume  de  l'Abrégé  chronologique  de 
l'histoire  d'Italie.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

lefèvre  (  Pierre  -  François  -Alexandre  ), 
poète  et  auteur  dramatique  français,  né  à  Pa- 
ris, le  29  septembre  1741 ,  mort  à  La  Flèche, 
le  9  mars  1813.  11  se  livra  d'abord  à  la  peinture, 
qu'il  abandonna  bientôt  pour  se  consacrer  aux 
lettres.  Sa  première  production  fut  une  tragédie 
de  Cosroès,  sujet  déjà  traité  par  Rotrou  :  cette 
pièce  obtint  douze  représentations  ;  —  Florinde, 
qui  la  suivit,  fut  jouée  le  10  novembre  1 770,  et  n'eut  i 
qu'une  seule  représentation;  —  Zuma,  tragédie  | 
en  cinq  actes,  représentée  devant  la  cour,  à  Fon- 
tainebleau, en  octobre  1776,  eut  d'abord  peu  de 
succès.  Jouée  à  Paris,  le  22  janvier  1777;  elle  y 
réussit  d'une  manière  éclatante,  grâce  à  quelques 
beautés  de  détails  et  surtout  à  la  jeunesse  de 
l'auteur.  Le  duc  d'Orléans,  qui  s'intéressait  à 
Lefèvre ,  lui  donna  à  cette  occasion  une  pen- 
sion de  douze  cents  livres,  et  comme  son  protégé 
lui  demandait  si  cette  grâce  l'engageait  à  remplir 
quelques  fonctions,  il  lui  répondit  avec  bonté  : 
«  Cela  ne  vous  engage  à  rien  qu'à  travailler  de 
«  plus  en  plus  pour  votre  gloire.  »  —  Elisabeth 
de  France,  ou  plutôt  Don  Carlos,  tragédie  re-' 
çue  en  1771,  devait  être  jouée  en  1783;  lare-' 
présentation,  sur  la  demande  du  comte  d'A- 
randa,  ambassadeur  d'Espagne,  fut  défendue. 
Le  duc  d'Orléans,  toujours  bienveillant  pour 
l'auteur,  la  fit  représenter  sur  son  théâtre  de 
la  Chaussée-d'Antin,  par  les  acteurs  de  la  Comé- 
die-Française,  en  présence  d'une  assemblée 
brillante  où  avait  été  convoquée  toute  l'Acadé- 
mie Française. 

Lefèvre  avait  succédé  à  Saurin  et  à  Collé 
comme  secrétaire  ordinaire  du  duc  d'Orléans. 
Après  la  mort  dece  prince  (  1785  ),  il  ne  voulut 
pas  faire  partie  de  la  maison  de  son  fils,  et  pré- 
féra vivre  dans  la  retraite.  Il  y  composa  une  ; 
nouvelle  tragédie  :  Hercule  au  mont  Œta  (non 
imprimée),  imitée  des  Trachiniennes  de  So- 
phocle, et  qui  n'eut  aucun  succès.  Ruiné  par  les 
événements  de  la  révolution,  il  traversa  cette 
période   agitée  dans  une  profonde  obscurité, 


!49 

t 


se  livrant  exclusivement  à  l'éducation  de 
on  (ils.  En   1804  il  accepta  une  place  de  pro- 

sseur  de  belles-lettres  au  Prytanée  militaire 
le  La  Flèche.  Lefèvre,  parvenu  à  la  vieillesse,  se 
it  un  point  d'honneur  d'abjurer  les  erreurs  qu'il 
vait  puisées  dans  la  philosophie  du  dix-hui- 
ième  siècle,  et  manifesta  les  sentiment*  les  plus 
eligieux. 

Outre  les  ouvrages  cités  ,  Lefèvre  a  laissé 
les  poésies  fugitives  ,  la  plupart  inédites,  parmi 
lesquelles  une  des  plus  remarquables,  dit  Peti- 
ot,à  qui  nous  empruntons  ce  renseignement, 
st  une  Êpitre  à  Mme  de  Maintenon.  Il  avait 
ussi  composé  un  poème  intitulé  :  Stockholm  dé- 
ivrée,  qui  n'a  jamais  vu  le  jour.  Enfin,  il  a  pu- 
ilié,  sous  le  voile  de  l'anonyme  :  Boutade  sur 
'Ode;  Paris,  1806,  iu-8°.      Ed.  de  Manne. 

La  Harpe,  Correspondance  Littéraire.  —  Voltaire, 
'orresp.  —  Pel  itot,  Notice  placée  en  tète  du  Répertoire 
u  théâtre- Français. 

lefèvre-Gineau  (Louis),  physicien  fran- 
ais,  né  le  27  mars  1751,  à  Authe,  village  des 
.rdennes,  mort  à  Paris,  le  3  février  1829.  Ses 
arents  étant  sans  fortune,  il  fut  élevé  par  un 
ncle,  curé  d'Étrepigny  (Ardennes),  et  il  alla 
irminer  ses  études  à  Reims.  H  vint  ensuite  à 
'aris,  où  l'évêque  de.  Pamiers  le  recommanda 
u  baron  de  Breteuil ,  qui  le  plaça  auprès  de 
es  enfants  comme  professeur  de  mathémati- 
ues.  Cette  position  lui  laissait  assez  de  liberté 
our  qu'il  pût  suivre  les  cours  du  Collège  royal 
t  de  l'École  des  Ponts  et  Chaussées.  Lefèvre-Gi- 
eau  fut  d'abord  attaché  à  la  Bibliothèque  royale, 
t  en  1788  son  protecteur,  le  baron  de  Bre- 
uil,  lui  lit  obtenir  la  chaire  de  physique  expé- 
mentale,  qui  venait  d'être  créée  au  Collège  de 
rance.  Le  nouveau  professeur  ouvrit  son  cours, 
:  10  novembre  1788,  par  une  savante  exposition 
es  principes  de  la  physique  et  de  la  chimie 
îodernes ,  et,  afin  qu'il  n'y  eût  pas  de  réplique 
ossible,  il  exécuta  la  synthèse  de  l'eau  en  opé- 
Mit  sur  des  volumes  d'oxygène  et  d'hydrogène 
ien  plus  considérables  que  ceux  qu'avait  em- 
loyés  Lavoisier;  il  forma  ainsi  expérimentale- 
ment plus  d'un  kilogramme  d'eau. 

Lorsque  la  révolution  éclata,  Lefèvre-Gineau, 
hargé  d'une  mission  administrative,  se  livra  à 
(es  spéculations  commerciales  qui  assurèrent  sa 
prtune.  Il  fit  ensuite  partie  de  la  commission 
uternationale  chargée  de  l'établissement  du  sys- 
lème  décimal.  Peu  de  temps  après  la  forma- 
jion  de  l'Institut,  il  fut  appelé  par  l'élection  à 
irire  partie  de  la  section  de  physique,  et  devint 
ientot  l'un  des  quatre  inspecteurs  généraux  de 
université.  En  1807  il  sollicita  et  obtint  le 
mandat  démembre  du  corps  législatif.  Renommé 
n  1813,  il  adhéra,  en  1814,  à  la  déchéance  de  Na- 
oléon;  réélu  en  1820,  il  siégea  à  la  chambre 
es  députés  jusqu'en  1823,  et  il  vota  cons- 
omment avec  l'opposition.  Aussi,  en  1824,  fut-il 
ayé  de  la  liste  des  professeurs  du  Collège  de 

rance,  sans  que  cependant  le  ministère  osât  lui 


LEFÈVRE  350 

retirer  son  traitement.  Lefèvre-Gineau  n'a  pu- 


blié aucun  ouvrage.  Le  tome  XXXIII  du  Jour- 
nal de  Physique  a  reproduit  la  leçon  d'ouver- 
ture dont  nous  avons  parlé.  On  trouve  quelques 
notes  scientifiques  dues  à  sa  plume,  à  la  suite 
du  poème  de  Delille,  Les  trois  Règnes  de  la 
Nature.  E.  Merlieux. 

Ch  Dupln ,  Discours  prononcé  aux  funérailles  de 
tefèvre-Umeau  (1829). 

lefèvre  (Robert),  peintre  français,  né  à 
Bayeux  (Normandie),  en  1756,  mort  le  3  octobre 
1830.  Dès  son  enfance  il  montra  du  goût  pour 
le  dessin.  Son  père  le  plaça  néanmoins  chez  un 
procureur,  où  il  illustrait  les  rôles  de  plaideurs 
suppliants  ou  désespérés.  Aussi  sobre  qu'éco- 
nome, il  parvint  à  amasser  une  petite  somme,  et 
à  dix-huit  ans  il  vint  à  pied  à  Paris,  pour  admirer 
les  chefs-d'œuvre  d'art  dont  il  avait  lu  quelque 
description.  Revenu  à  Caen,  il  reçut  des  leçons 
de  dessin  d'un  peintre  médiocre,  et  parvint  à  se 
suffire  en  faisant  quelques  portraits  et  des  pein- 
tures de  décoration.  C'est  ainsi  qu'il  décora  deux 
appartements  du  château  d'Airel,  près  de  Saint- 
Lô.  Ce  travail  lui  donna  le  moyen  de  revenir  à 
Paris  en  1784.  Regnault  l'admit  dans  son  atelier. 
«  Je  vous  apprendrai  à  dessiner,  lui  dit-il  en  re- 
gardant ses  études  ;  mais  non  pas  à  peindre ,  car 
votre  coloris  est  celui  de  la  nature,  dont  vous  pa- 
raissez être  l'élève.  »  Lefèvre  produisit  alors  quel- 
ques tableaux  d'hisloire,  qui  manquent  d'énergie, 
mais  dans  lesquels  on  remarque  un  faire  agréable. 
Il  exposa  les  Callypiges  grecques,  L'Amour 
aiguisant  ses  flèches,  et  Vénus  désarmant 
l'Amour.  Ayant  obtenu  peu  d'éloges,  il  se  livra 
tout  entier  à  la  peinture  du  portrait,  où  il  excella 
bien  vite.  Quelques  études  d'après  van  Dyck 
réussirent  complètement,  et  Lefèvre  eut  un  grand 
nombre  de  portraits  à  faire.  On  remarqua  sur- 
tout ceux  du  peintre  Guérin,  en  1804,  de  Na- 
poléon sur  son  trône,  en  1806,  de  Madame  Lae- 
titia, en  1808,  celui  de  la  princesse  Borghèse, 
en  pied,  pour  la  galerie  de  Saint-Cloud ,  ceux 
du  général  Le  Brun,  du  sénateur  Lecouteulx  de 
Canteleu,  et  du  baron  Denon.  Ses  portraits  de 
Napoléon  et  de  Joséphine  avaient  eu  une  si 
grande  vogue  que  vingt-sept  copies  lui  en  furent 
demandées  par  les  corps  constitués  les  princes, 
les  grands  dignitaires,  les  cours  impériales  et  les 
villes.  Lorsque  Pie  VII  vint  à  Paris,  en  1805, 
pour  sacrer  l'empereur,  Lefèvre  fit  son  portrait 
bien  ressemblant  en  six  heures.  En  1812,  il  pei- 
gnit en  pied  Marie-Louise.  Sous  la  restauration, 
la  vogue  de  Robert  Lefèvre  ne  diminua  pas;  il  ex- 
posa les  portraits  du  marquis  de  Lescure  et  de  la 
comtesse  d'Osmond.  Un  tableau  d'Héloïse  et 
d'Abélard  fut  très  goûté,  et  augmenta  sa  réputa- 
tion. Il  exposa  encore  le  portrait  en  pied  de 
Malherbe,  exécuté  pour  la  ville  de  Caen.  Ensuite 
il  fit  le  portrait  de  la  duchesse  d'Angoulème, 
celui  de  Louis  XVIII  en  pied,  et  Louis  XVIII 
assis  sur  son  trône,  pour  la  chambre  des  pairs, 
ce  qui  lui  valut  le  titre  de  peintre  du  cabinet  du 


351  LEFÈVRE 

roi.  Charles  X  se  fit  aussi  peindre  par  Lefèvre. 
Chargé  d'exécuter  un  tahleau  d'histoire  pour  la 
galerie  de  Compiègne,  Lefèvre  fit  Phocion  prêt 
à  boire  la  ciguë;  on  trouva  que  ce  tableau  man- 
quait d'élévation.  Lefèvre  peignit  pour  les  mis- 
sionnaires du  Mont-Yalérienun  Calvairequi  fut 
exposé  en  1827;  cette  toile  se  faisait  remarquer 
par  une  couleur  fraîche  dans  les  carnations  et 
forte  dans  les  autres  parties  ;  mais  la  composi- 
tion semblait  empruntée  à  un  tableau  de  Van 
Dyck.  Au  lieu  du  prix  convenu,  Lefèvre  dut  ac- 
cepter en  payement  une  place  dans  le  cimetière 
de  la  mission,  honneur  alors  très-recherché.  Son 
dernier  ouvrage  fut  l' Apothéose  de  saint  Louis, 
pour  la  cathédrale  de  La  Rochelle.  La  révolution 
de  Juillet  ayant  enlevé  à  Lefèvre  les  avantages 
qu'il  tenait  du  gouvernement  de  Charles  X,  il 
mit  fin  à  ses  jours,  dans  un  accès  d'aliénation 
mentale.  L.  L — t. 

Alexandre  Lenoir,  dans  le  Dict.  de  la  Convers. 
lefèvre -deum 1ER  (  Jules  ) ,  littérateur 
français,  né  vers  1804,  mort  à  Paris,  le  13  dé- 
cembre 1857.  Il  débuta  dans  la  littérature  par 
quelques  volumes  de  poésies  en  1823  :  il  s'appe- 
lait alors  seulement  Jules  Lefèvre.  «11  se  croyait 
lui-même  élève  de  Soumet,  dit  M.  Edouard 
Thierry  ;  et  s'il  l'était, c'était  moins  par  affinité  de 
talent  que  par  sympathie  personnelle ,  car  leurs 
talents  ne  se  rapprochaient  guère  qu'en  un  point, 
celui  qui  les  fait  tous  les  deux  poètes  penseurs 
et  poètes  philosophes.  Même  instinct  des  grandes 
compositions  didactiques,  même  tour  épique 
dans  la  pensée;  mais  à  l'exécution  le  vers  de 
Jules  Lefèvre  est  plus  fort  et  moins  brillant  que 
celui  de  Soumet,  moins  retentissant  et  plus  ro- 
buste. Soumet  a  l'éloquence  de  la  terre  natale  ; 
il  est  improvisateur,  il  s'amuse,  il  s'éblouit  de 
l'éclat  de  ses  mots  ;  il  a  l'apparence  de  l'idée 
plutôt  que  l'idée  même.  Jules  Lefèvre  est  patient; 
il  n'improvise  pas,  il  écrit.  11  fait  son  vers  avec 
sa  plume  comme  avec  un  outil  qui  lime  et  qui 
grave.  Il  ne  le  trouve  jamais  assez  travaillé.  Il 
le  reprend,  il  le  remet  sur  le  tour  ;  il  ne  se  permet 
pas  d'être  poète  pour  ne  dire  que  des  choses 
simples  et  naturelles,  il  veut  en  dire  d'ingé- 
nieuses, de  cherchées,  de  savantes.  »  Il  avait 
commencé  de  bonne  heure  un  poème  de  L'Uni- 
vers, dont  il  a  publié  des  extraits.  Son  poème  du 
Clocher  de.  Saint-Marc  fit  quelque  bruit,  souleva 
des  rumeurs;  puis  l'auteur  tomba  dans  l'oubli. 
En  revenant  d'un  voyage  après  la  révolution  de 
Juillet,  Jules  Lefèvre  voulut  aller  au  secours  de 
la  Pologne  ;  ses  études  avaient  été  rapides  :  en  trois 
mois  il  fut  reçu  officier  de  santé,  et  partit  pour 
Varsovie.  En  Pologne  il  se  fit  soldat,  reçut  deux 
blessures,  gagna  la  croix  du  mérite,  et  revint  après 
avoir  été  prisonnier  en  Autriche,  où  il  avait  con- 
tracté le  typhus.  De  retour  il  publia  de  nouveaux 
ouvrages,  qui  ne  fixèrent  pas  encore  l'attention 
sur  lui.  Un  oncle  lui  avait  laissé  de  la  fortune;  il 
joignit  le  nom  de  son  oncle  au  sien.  Plusieurs  de 
seslivressontecritsenpro.se.  Selon  M.  Edouard 


352 

Thierry,  sa  prose  «  est  charmante  et  amenée  à  per- 
fection, fine  et  piquante,  avec  untourde  bonhomie 
et  de  malice  ».  Après  la  révolution  de  Février,  il 
se  rangea  parmi  les  partisans  les  plus  dévoués  du 
prince  Louis-Napoléon.  En  1849  il  obtint  la  place 
de  bibliothécaire  particulier  du  président  de  la 
république  et  en  1852  le  titre  de  bibliothécaire 
de  l'Elysée  et  des  Tuileries.  Membre  du  comité 
de  la  langue,  de  l'histoire  et  des  arts  de  la  France 
à  sa  réorganisation,  il  obtint  la  croix  d'Honneur 
en  1855.  On  a  de  lui  :  Le  Parricide,  poème, 
suivi  d'autres  poésies;  Paris,  1823,  in- 8°;  — 
Le  Clocher  de  Saint-Marc,  poème,  suivi  d'une 
ode  sur  la  mort  de  Bonaparte  et  de  divers 
fragments;  Paris,  1825,  in-8°;  —  Sur  la  Mort 
du  général  Foy,  député  français  ;  Paris,  1825, 
in-8°;  —  Confidences,  poésies;  Paris,  1833, 
in-8°;  —  Sir  Lionel  d'Arquenay  ;  Paris,  1834, 
2  vol.  in-8°  ;  —  Les  quatre-vingt-six  Dépar- 
tements de  la  France  et  ses  colonies  ;  Reims, 
1835,  in-18;  —  La  Résurrection  de  Versailles, 
poème  lyrique;  Paris,  1837,  in-8";  —  Les  Mar- 
tyrs d'Arezzo;  Paris,  1839,  2  vol.  in-8°;  — 
Œuvres  d'un  désœuvré.  Les  Vespres  de  Vab 
baye  du  Val;  Paris,  1842,  2  vol.  in-8»;  1844- 
1845,  2  vol.  grand  in-8°;  —  Lettre  à  Louis- 
Napoléon  Bonaparte,  12  décembre  1848;  Pa- 
ris, 1848,  in-8°;  —  Oui  ou  Non?  Projet  d'or- 
ganisation morale  et  pratique  du  droit  à 
l'assistance  par  l'association  fraternelle  en- 
tre tous  les  Français  (avec  M.  Mansion); 
Paris,  1849,  in-8°;  —  Célébrités  d'autrefois; 
Paris,  1851,  in-18; —  Œhlenschleeger,  le  poète 
national  du  Danemark;  Paris,  1854,   in-8°; 

—  Études  biographiques  et  littéraires  sur 
quelques  célébrités  étrangères  ;  Paris,  1855 
in-18  ;  —  Le  Livredu  Promeneur  ;  Paris,  1855 
in-18; —  Victoria  Colonna;  Paris,  1856, in-18 

—  A  la  reine  Victoria  '.  Paris,  1850,  in-88;  — 
Le  Couvre- feu,  dernières  poésies;  Paris,  1857; 
in-8°.  Jules  Lefèvre  a  travaillé  au  texte  de  1; 
Galerie  d'Orléans. 

Sa  femme,  Marie-Louise  Roclleaiix-Du 
gage,  est  née  à  Argentan  (Orne),  vers  1820 
Portée  par  goût  vers  la  sculpture,  elle  exposa 
en  1850,  Jeune  Pâtre  de  Vile  de  Procida 

—  en  1852,  Le  Prince  président,  buste;  - 
en  1853,  M.  Sibour  ;  —  en  1855,  Portrait  d\ 
fils  de  l'auteur;  —  en  1857,  Matrone  ro 
maine  ;  —  Virgile  enfan  t; — Le  général  Paix 
hans,  bustes.  Elle  a  obtenu  une  médaille  d 
troisième  classe  en  1853,  et  une  mention  honora 
ble  en  1855.  Son  ouvrage  le  plus  remarquabl 
est  sa  statue  de  L'Impératrice  agenouillée: 
M'ue  Lefèvre-Deumier  a  coopéré  à  la  fin  de  185. 
au  journal  intitulé  Le  Travail  universel. 

L.  L— t. 


Sainte-Beuve,  Critiques  et  portraits  littéraires,  1. 1 
p.  339.  —  Quénird  ,  La  France  Littéraire.  —  Iîourquelc 
ot  Manry,  La  Littér.  Franc,  cuntemp.  —  Anatole  de  U 
forge.  Notice  dans  Le  Siècle  du  16  décembre  1857.  - 
Ed.  Thierry,  dans  Le  Moniteur  du  2  février  18K8.  - 
Journal  de  la  Librairie,  1858,  chronique,  p.  27.  —  Vapf 


353  LEFEVRE 

reau,  Dict.  unit),  des  Contemp.  —  Livrets  des  Salons, 

1850-1857. 

lefkvre  (Jean-Jacques),  libraire  français, 
né  à  Neufchâteau,  en  1779,  mort  d'apoplexie,  le 
5  janvier  1858.  11  entra  en  1786  comme  apprenti 
dans  l'imprimerie  de  Didot  le  jeune;  en  1791 
il   quitta   l'imprimerie    pour   entrer  dans   une 
librairie.  En  1795  il  s'engagea  dans  l'artillerie 
de  marine ,  où  il  parvint  au  grade  de  sergent 
major.  Il  employait  les  loisirs  que  lui  laissait 
son  service  à  compléter  son  éducation,  et  plaçait 
les  économies  qu'il  pouvait  faire  sur  sa  solde  en 
achats  de  livres.  Revenu  à  Paris  après  plusieurs 
campagnes,  en  1803,  il  se  fit  éditeur.  «  Il  aimait 
trop  les  bons  et  beaux  livres,  dit  un  de  ses  bio- 
graphes., pour  en  publier  d'autres  que  ceux  dont 
le  temps  a  consacré  le  mérite,  et  qui,  sous  le  nom 
de  classiques,  sont  la  base  et  la  gloire  de  toute 
littérature.  Dansle  cours  de  sa  carrière  commer- 
ciale, il  a  mis  en  circulation  plusieurs  millions 
de  volumes  grecs,  latins,  italiens,  espagnols,  an- 
glais et  français,  et  il  est  aujourd'hui  peu  de  ces 
volumes  qui  n'aient  tout  au  moins  conservé  leur 
valeur  primitive,  lorsqu'elle  n'a  pas  doublé.  »  En 
collationnant  et  en  étudiant  les  textes  d'une  édi- 
tion nouvelle  qu'il  se  proposait  de  donner  du 
Discours  sur  l'histoire  xtniverselle  de  Bos- 
suet,  Lefèvre  reconnut  qu'il  devait  s'y  trouver 
une  lacune  :  toutes  les  éditions  depuis  un  siècle 
se  ressemblaient  pourtant  ;  enfin  il  découvrit  que 
l'éditeur  de  1721  avait  supprimé  un  chapitre,  le 
vingt -neuvième.  Depuis  un  demi-siècle,  on  réim- 
primait servilement  une  édition  du  Gil  Blas,  de 
Lesage,  donnée  en  1740  :  on  la  croyait  la  dernière 
revue  par  l'auteur,  que  Ladvocat  faisait  fausse- 
ment mourir  en    1741.   Lefèvre  reconnut  que 
Lesage  avait  encore  revu  avant  sa  mort  l'édition 
le  1747  ;  qu'il  l'avait  modifiée  et  augmentée  de 
chapitres  importants.  Les  grandes  éditions  de 
[•efèvre  se  distinguent  par  la  pureté  et  la  cor- 
■ection  du  texte,  le  soin  de  l'impression,  toujours 
ile  bon  goût  et   d'une  belle  simplicité.  On  cite 
surtout  ses  éditions  de  Racine,  de  Corneille,  de 
Molière,  de  Massillon,  de  Cicéron.  La  collection 
des  classiques  français   en    soixante-treize  vo- 
lumes, publiée  par  Lefèvre  sous  la  restauration  et 
imprimée  par  Jules  Didot,  restera  comme  un  mo- 
mment  de  la  librairie  française.  «  Lefèvre  n'était 
)as  seulement  libraire,  dit  M.  Daremberg,  il  ne 
oubliait  pas  seulement  des  livres  pour  les  vendre, 
I  les  publiait  par  amour  pour  les  livres  eux- 
Imêmes;  il  savait  par  cœur  tous  nos  auteurs  clas- 
siques ;  plus  d'une,  note  anonyme  de  ses  éditions 
témoigne  d'uneintelligence  délicate  des  beautés  et 
(les  difficultés  de  nos  grands  écrivains  du  dix-sep- 
tième et  du  dix-huitième  siècle.  »  L'état  d'édi- 
eur  ne  conduisit  pas  Lefèvre  à  la  fortune  d'une 
panière  permanente.  Le  flot  toujours  croissant 
les  livres  à  bon  marché  fit  oublier  ses  splen- 
lides  volumes  ;  lui-même  fit  quelques  petites  édi- 
ions  moins  pures,  mais  encore  de  bon  goût.  La 
■évolution  de  1830  dérangea  sa  position,  celle 

NOUY.    B10C.R.    CÉNÉR.    —   T.    XXX. 


354 


de  février  1848  acheva  de  le  ruiner.  Il  n'aban- 
donna pas  cependant  le  travail  :  il  préparait  en 
dernier  lieu  la  copie  d'une  première  édition  com- 
plète et  exacte  des  Œuvres  de  P.  Corneille, 
et  aussi  une  édition  des  Œuvres  de  Eoileau. 
«  Il  ne  me  manque  pour  faire  ces  publications, 
disait-il  philosophiquement,  que  de  l'argent  et 
des  acheteurs.  »  Le  jour  même  de  sa  mort,  il 
voulut  revoir  les  notes  de  son  Boileau.  Comme 
il  se  sentait  malade,  il  se  fit  porter  à  son  bureau  ; 
c'est  là  qu'il  expira,  au  milieu  de  ses  livres.  Le 
Cercle  de  la  librairie,  de  l'imprimerie  et  de  la  pa- 
peterie fit  les  frais  de  ses  funérailles.  L.  L— t. 

Duckett ,  dans  le  Bict.  de  la  Convers.  —  Bouchard- 
Huzard  ,  Discours  prononcé  sur  la  tombe  de  M.  J.-J. 
Lefèvre,  libraire,  dans  le  Journal  de  la  Librairie,  du 
23  janvier  1858,  chronique,  p.  13.  —  Daremberg,  dans  le 
Journal  des  Débats,  ru  7  janvier  18S8. 

*  lefkvre  (  Charles  Shaw),  vicomte  Ever- 
sley,  homme  politique  anglais,  né  en  1794.  Fils 
d'un  membre  du  parlement,  il  fut  élevé  au  col- 
lège de  La  Trinité  à  Cambridge,  et  se  maria  en 
1 8 1 7 ,  à  la  fille  d 'un  des  propriétaires  de  la  brasserie 
Whitbread,  de  Londres.  En  1819  il  fut  reçu 
avocat,  et  se  fit  avantageusement  connaître  dans 
la  discussion  d'affaires  civiles.  Envoyé  à  la 
chambre  des  communes  par  Downton  en  1830, 
et  par  le  comté  d'Hampshire  (  nord  )  à  partir  de 
1831,  il  fut  nommé  speaker  (orateur  président) 
en  1839,  à  la  retraite  de  M.  Abercromby,  et  en 
opposition  à  M.  Goulburn.  Il  continua  à  présider 
la  chambre  des  communes  dans  les  sessions  de 
1841  ,  1847  et  1852.  Membre  du  parti  libéral, 
il  vota  pour  une  enquête  sur  la  liste  des  pen- 
sions; il  parla  de  la  loi  des  céréales  dans  une 
adresse  à  ses  commettants,  mais  en  évitant 
d'émettre  une  opinion  décidée.  En  quittant  la 
présidence  delà  chambre  des  communes,  en  1857, 
M.  Shaw  Lefèvre  fut  élevé  à  la  pairie  sous  le 
titre  de  vicomte  d'Eversley  d'Ereckfield  dans  le 
comté  de  Southampton ,  et  siège  à  la  chambre 
des  lords.  L.  L — t. 

The  Parliamentary  Companion.  —  Vapereau  ,  Dict. 
univ.  des  Contemp. 

*  lefèvre  (Désiré-Achille),gravemfrànçais, 
né  à  Paris,  en  1798.  Fils  de  Sébastien  Lefèvre , 
il  étudia  sous  lui  la  gravure  d'histoire.  Il  a  fourni 
de  nombreuses  vignettes  à  des  publications  il- 
lustrées, et  s'est  livré  à  la  lithographie.  On  cite 
de  lui  :  Portrait  du  général  Foy  (1827)  ;  — 
V Empereur  Napoléon,  d'après  Steuben(1829); 

—  V Enfant  endormi,  d'après  Prudhon  (  1831)  ; 

—  /.-/.  Rousseau  dans  sa  jeunesse;  —  La 
bataille  d'Aboukir,  d'après  Gros;  —  La  du- 
chesse d'Orléans  et  le  comte  de  Paris,  d'après 
M.  Winterhalter  (1843); —  L'Annonciation, 
d'après  Murillo  (  1844);  —  La  reine  Marie- 
Amélie  (1845).  Il  a  obtenu  une  première  mé- 
daille en  1831,  une  deuxième  en  1843,  et  la  croix 
d'Honneur  en  mai  1851. 

Vapereau,  Dict.  univ.  des  Contemp.  —Livrets  des 
salons,  1827-1850. 

LEFÈVRE  [LOUIS).   VOIJ.  CaUMARTIN. 

lefèvre.  Voy.  Chanterf.mj-Lefebvre. 
12 


355 


LEFÈVRE 


lefèyre  (Anne).  Voy.  Dacier. 

LEFEVRE  DE  SAINT-iMARC.  Voy.  SAINT- 
SÎAÉC. 

LEFÈvitE.  Voy.  Lefébure,  Lefebvre,  Fabre, 
Kebvre  et  Fèvre. 

lefèvre.   Voy.  Ormesson. 

lefIot  (Jean-Alban),  conventionnel  fran- 
çais, né  le  27  février  1755,  à  Lormes  (Nivernais), 
mort  le  15  février  1839,  à  Paris.  Après  avoir  été 
successivement  avocat  au  présidial  et  bailliage 
royal  de  Saint-Pierre-le-Moutier,  bailli  du  prieu- 
ré, puis  procureur  syndic  du  district  de  la 
même  ville,  il  fut,  en  septembre  1792,  député  à 
la  Convention  comme  représentant  de  la  Nièvre. 
Il  siégea  à  la  montagne,  et  vota  la  mort  de 
Louis  XVI.  Envoyé  en  mission  à  l'armée  des 
Pyrénées  occidentales,  il  y  connut  La  Tour  d'Au- 
vergne, et  se  lia  avec  lui  d'une  étroite  amitié  ; 
pendant  les  loisirs  du  camp,  ils  lisaient  et  expli- 
quaient ensemble  les  Commentaires  de  César, 
dont  ce  dernier  portait  toujours  un  exemplaire 
avec  lui.  En  l'an  n,  Lefiot  fut  chargé  d'organi- 
ser le  gouvernement  révolutionnaire  dans  les 
départements  du  Cher,  de  la  Nièvre  et  du  Loi- 
ret, et  en  même  temps  d'apaiser  les  troubles 
qui  avaient  éclaté  sur  plusieurs  points  par  suite 
du  défaut  de  subsistances.  Muni  de  pouvoirs  illi- 
mités, il  les  employa  avec  discernement  et  dans 
le  sens  des  intérêts  généraux.  Au  lieu  de  frap- 
per les  esprits  de  terreur,  il  cherchait  à  les  ra- 
mener par  la  persuasion  et  la  justice-,  plusieurs 
personnes  suspectes  ou  compromises  durent  la 
vie  à  ses  sentiments  d'humanité  (t).  Plein  de 
courage  et  de  sang-froid,  il  apaisa  plusieurs 
émeutes  sans  recourir  à  l'emploi  des  armes  et 
par  ]a  seule  force  de  sa  parole.  Au  mois  de  ger- 
minal (an  h),  il  préserva  Nevers  de  la  famine  en 
y  faisant  arriver  des  départements  limitrophes 
vingt  mille  quintaux  de  grains  (2).  A  la  Conven- 
tion, il  prit  une  part  active  aux  discussions  rela- 
tives à  l'instruction  publique.  Signalé  par  son  op- 
position à  la  marche  que  suivit  la  Convention  après 
le  9  thermidor  an  h,  et  surtout  après  le  1er  prai- 
rial an  m,  il  fut  mis  en  arrestation  le  21  ther- 
midor an  m  (6  août  1795),  et  resta  près  de  trois 
mois  en  prison.  En  l'an  iv,  Merlin  (de  Douai), 
alors  ministre  de  la  justice,  lui  offrit  une  place  de 


(1)  Ainsi  fut  sauvée  Mme  de  Berny,  mère  d'un  conseil- 
ler à  la  cour  royale  de  Paris',  et  qui  était  accusée  d'avoir 
correspondu  secrètement  avec  sa  famille,  émigrée.  Lefiot 
pouvait  l'envoyer  à  l'échafaud  :  il  préféra  détruire  de- 
vant elle  les  preuves  de  sa  culpabilité. 

(2)  La  conduite  et  les  sentiments  de  Lefiot  se  trouvent 
résumés  avec  énergie  dans  ce  passage  du  rapport  qu'il 
fit  à  la  Convention  sur  sa  mission  :  «  Après  avoir  com- 
paré mes  opérations  avec  les  décrets  existants ,  les 
moyens  que  j'ai  employés  pour  former  l'esprit  public 
avec  la  direction  que  la  Convention  y  donnait  elle-même, 
s'il  se  trouve  quelqu'un  qui  dise  :  J'ai  mieux  fait  que 
cet  homme-là,  je  le  croirai  sous  le  rapport  des  talents; 
mais  s'il  entend  parler  des  intentions  louables,  du  saint 
amour  de  la  patrie,  de  l'enthousiasme  pour  la  justice, 
dts  principes  sévères  de  la  probité,  du  désir  de  voir  les 
Français  heureux,  je  juré  que  mon  détracteur  ment  a  sa 
conscience!  » 


LE  FLAMENC  356 

chef  de  division  dans  ses  bureaux  ;  Lefiot  la  ré- 
signa bientôt,  et  vint  habiter  Nevers,  où  il  reprit  sa 
profession  d'avocat.  Le  25  germinal  an  vi  (  1798  ) 
il  fut  élu  juge  au  tribunal  de  cassation  par  une 
des  fractions  dans  lesquelles  se  divisa  l'assem- 
blée électorale  de  la  Nièvre  ;  mais  les  opérations 
de  cette  fraction  furent  annulées.  Pendant  les 
Cent  Jours,  Lefiot  accepta  les  fonctions  gratuites 
de  conseiller  de  préfecture.  Frappé  en  1816  par 
la  loi  de  proscription  contre  les  conventionnels 
régicides ,  il  se  rendit  d'abord  dans  la  Prusse 
rhénane,  puis  en  Belgique  (1818)  ;  il  se  fit  ins- 
crire au  tableau  des  avocats  de  la  cour  de  Liège, 
j  et  rédigea  pendant  trois  ans  l'un  des  journaux 
politiques  de  cette  ville  (1).  La  révolution  do 
Juillet  lui  permit  de  rentrer  en  France  :  il  s'éta* 
blit  à  Paris,  reçut  une  pension  viagère  du  gou- 
vernement ,  et  mourut  peu  de  jours  avant  d'ac- 
complir sa  quatre-vingt-quatrième  année.  II. 
conserva  jusqu'à  sa  dernière  heure  la  mémoire 
sûre,  l'intelligence  vigoureuse,  l'urbanité  de 
manières  et  la  sérénité  d'àmc  qui  l'avaient  dis- 
tingué pendant  sa  longue  carrière.  K. 

Documents  communiqués. 

LE  FLAMENC  OU  LE  FLAMAND  (  Aubert  ), 
sire  de  Cany,  Varennes,  etc.,  Français,  mort 
vers  1420.  Il  fut  conseiller  et  chambellan  du 
roi  Charles  VI  et  du  duc  Louis  d'Orléans.  Com- 
pagnon des  débauches  du  duc  d'Orléans,  il  en 
devint  aussi  la  victime.  Le  poëte  Eustache  Des- 
champs nous  a  laissé  sur  ces  orgies  des  détails 
curieux.  Parmi  les  acteurs  de  ces  scènes,  on 
voit  figurer  Le  Flamenc  (2).  En  1389,  Aubert  Le 
Flamenc  épousa  Marie  d'Enghien ,  fille  de  Jac- 
ques, sire  de  Figueulles.  Cette  dame,  d'une  beauté 
remarquable ,  excita  la  convoitise  de  Louis,  duc 
d'Orléans,  qui  la  séduisit  et  l'enleva  à  son  mari; 
«  On  racontait  que  par  une  impudique  raillerie! 
il  la  lui  avait  montrée  toute  nue ,  ne  lui  cachant 
que  le  visage  et  le  faisant  juge  de  la  beauté  de 
sa  maîtresse.  Le  récit  en  devint  public  ;  le  mari 
quitta  sa  femme,  dont  le  duc  resta  l'amant  (3).» 
Dix-sept  ans  après  son  mariage  (  c'est-à-dire 
en  1406),  selon  le  père  Anselme  (4),  Louis  d'Or- 


(lj  U  aurait  pu,  comme  plusieurs  de  ses  anciens  col- 
lègues, obtenir  son  rappel  en  France;  mais  il  se  refusa 
à  signer  l'abjuration  du  passé.  «  Il  avait  toujours  agi, 
disait-il,  selon  sa  conscience,  et  i!  ne  pouvait  rien  ré- 
tracter de  ce  que  sa  conscience  ne  rétractait  pas.  » 

(2)  Dans  un  compte  de  dépenses  arrêté  par  Louis  d'Or- 
léans, le  16  mars  1393  (1394  nouveau  style),  on  trouve  sous 
la  date  du  15  janvier  précédent  :  «  A  Monseigneur,  comp- 
tant la  somme  de  200  escus  pour  faire  son  plaisir  et 
voulonté  en  Vhostel  du  Flamenc,  et  dont  autre  décli.ra 
tion  ne  veult  cy  estre  faite.  »  (Aimé  Cliampolion  ,  Louii 
et  Charles  d'Orléans;  1844,  in-8°,  p.  80,  note  2.) 

(3)  Barante,  Ducs  de  Bourgogne,  ann.  1407. 

(4)  Tome  VI,  p.  637  ;  ceci  placerait  vers  1407  la  date 
controversée  de  la  naissance  de  Dunois  [voy.  ce  nom  ) 
car  Louis  d'Orléans  mourut  en  1407.  Mais  cette  donnét 
ne  parait  ni  exacte  ni  admissible.  En  effet  Valentine  d( 
Milan  mourut  en  1408,  confiant,  pour  ainsi  dire,  entre  tou: 
ses  enfants,  au  fils  bâtard  de  son  mari,  le  soin  de  vengei 
la  mort  de  leur  père.  Les  circonstances  de  cette  espèce  d( 
legs  ne  peuvent  s'appliquer  qu'à  un  adolescent,  et  non  à  ui 
enfant  du  premier  âge. 


157 


LE  FLAMENC  <-  LE  FORESTIER 


358 


léans  la  prit  auprès  rie  lui,  et  en  eut  un  fils  qui 
fut  le  fameux  Dunois.  Lorsque  Louis,  duc  d'Or- 
léans, périt  assassiné,  les  premiers  soupçons  se 
portèrent  spontanément  sur  Le  Flamenc  :  l'on 
attribua  ce  meurtre  au  ressentiment  de  l'époux 
outragé.  Mais  Le  Flamenc  était  absent  et  les 
circonstances  du  crime  ne  tardèrent  pas  à  se  ré- 
▼éler  sous  leur  vrai  jour.  En  1417,  Le  Flamenc 
fut  envoyé  par  la  cour  au-devant  du  duc  de 
Bourgogne  pour  s'opposer  à  ses  entreprises. 
Le  chevalier  picard  rencontra  Jean  Sans-Peur  à 
Amiens,  et  lui  signifia,  au  nom  du  roi,  d'avoir 
à  congédier  ses  troupes  et  à  ne  point  passer 
outre.  «Sire  de  Chauny  (1),  lui  dit  le  duc,  au 
rapport  de  Monstrelet ,  vous  estes  de  notre  li- 
gnage du  costé  de  Flandres.  Mais  néantmoins , 
pour  ceste  légation  que  vous  faites ,  en  vérité  à 
peu  tient  que  je  ne  vous  fasse  trancher  la  teste  !  » 
Aubert  Le  Flamenc,  toutefois ,  remplit  son  am- 
bassade. Il  obtint  de  la  part  du  duc  une  réponse 
officielle  et  diplomatique  à  ses  instructions.  Mais 
le  négociateur  se  donna  le  tort  de  ne  pas  garder 
secrète  la  matière  de  cette  négociation.  La  ré- 
ponse du  duc  divulguée  par  un  secrétaire  de  Le 
Flamenc  arriva  en  copies  à  la  cour,  avant  le  re- 
narde l'ambassadeur  lui-même.  S'étantmaljus- 
ifié ,  celui-ci  fut  mis  à  la  Bastille.  L'année  sui- 
rante  (  1418),  le  duc  de  Bourgogne  délivra  Le 
7lamenc  de  sa  captivité  ;  et,  de  prisonnier,  il  le 
it  immédiatement  gouverneur  de  la  Bastille. 
Vallet  de  Viriville. 
Anselme,  Histoire  généalogique  de  la  maison  de 
ranec,  t.  VI,  p.  637.—  Monstrelet,  Chroniques,  aux 
nnées  140",  1417,  1418.  —  Histoire  de  Charles  FI,  de 
odefroy. 

leflo   (  Adolphe-Charles-Emmanuel  ), 
énéral  et  homme  politique  français ,  né  à  Les- 
e'ven  (Finistère),  en  1804.  Entré  à  l'école  mi- 
itaire  de  Saint-Cyr,  il  en  sortit  sous-lieutenant 
n  1825.  Il  n'était  encore  que  lieutenant  à  la  fin 
e  1830,  lorsqu'il  passa  en  Afrique.  Capitaine  à 
prise  de  Constantine,  il  fut  remarqué  par  sa 
elle  conduite  et  proposé  pour  le  grade  de  chef 
e  bataillon  ;  mais  il  préféra  la  croix  d'Honneur  : 
avait  été  blessé  sur  la  brèche  par  l'explosion 
'une  mine.  Après  l'enlèvement  du   téniah  de 
fouzaïa,  le  12  mai  1840,  M.  Leflo  fut  cité  par  le 
aréchal  Vallée  comme  s'étant  distingué  parmi 
s  plus  braves,  et  le  21  juin  il  fut  promu  chef 
î  bataillon.  Il  reçut  le  grade  de    lieutenant- 
)lonel  après  une  campagne  incessante  de  dix- 
lit  mois  avec  les  zouaves,  et  celui  de  colo- 
il  en  octobre  1844.  M.  Leflo  se  trouvait  en  Al- 
îrie  à  la  tête  de  son  régiment  lorsque  éclata 
t  révolution  de  février  1848.  Le  mois  suivant,  il 
t  promu  général  de  brigade.  Nommé  bientôt 
)rès  envoyé  extraordinaire  et  ministre  pléuipo- 
ntiaire  en  Russie ,  il  y  reçut  un  accueil  distin- 
lé.  Élu  représentant  du  Finistère  à  l'Assemblée 
instituante,  dans  les  élections  supplémentaires 
i  17  septembre  1848,  il  De  prit  part  aux  tra- 
it) forme  picarde  pour  Cany. 


vaux  de  l'assemblée  qu'à  son  retour  de  Russie, 
au  mois  de  mars  1849.  Il  y  vola  contre  les  clubs, 
et  défendit  l'expédition  de  Rome.  Réélu  par  le 
même  département  à  l'Assemblée  législative,  il  y 
fit  partie  de  la  majorité,  et  fut  élu  questeur. 
Lorsque  la  majorité  devint  hostile  à  la  politique 
du  président  de  la  république,  M.  Leflo  resta 
fidèle  à  la  majorité;  le  17  novembre  1851,  il  dé- 
fendit énergiquement  la  proposition  qui  avait  été 
faite  par  lui  et  ses  collègues,  MM.  Panât  et  Baze, 
pour  donnerait  président  de  l'Assemblée  le  droit 
de  requérir  directement  la  force  armée,  proposi- 
tion qui  fut  repoussée.  Arrêté,  le  ').  décembre 
1851,  à  l'hôtel  de  la  présidence  de  l'assemblée, 
M.  Leflo  fut  éloigué  temporairement  de  France 
par  le  décret  du  9  janvier  1852.  Une  pension  de 
retraite  de  4,000  fr.  lui  fut  accordée  en  1853. 
Si  l'on  en  croit  un  journal  de  Lyon  ,  au  mois  de 
septembre  1857,  M.  Leflo,  «  pauvre  et  père 
d'une  nombreuse  famille,  trouvant  la  vie  trop 
coûteuse  en  Angleterre,  demanda  au  gouver- 
nement belge  l'autorisation  de  venir  habiter 
la  Belgique.  Ce  gouvernement  en  référa  au  mi- 
nistre français  à  Bruxelles,  et  quelques  jours 
après  le  général  Leflo  reçut  un  passe-port  pour 
rentrer  en  France.  »  L.  L — t. 

Biogr.  des  Sept  cent  cinquante  Représ,  à  FAss.  législa- 
tive. —  De  Quincy,  dans  les  Archives  des  Hommes  du 
Jour.  —  Vapereau,  Dict.  vniv.  des  Contemp.  —  Granier 
de  Cassagnac,  Récit  des  Événements  de  Décembre  1851. 
—  Moniteur,  1881-1852.  —  Gazette  de  Lyon,  8  octobre 
1857. 

le  forestier  (  Jourdain  ),  mathématicien 
du  moyen  âge,  au  sujet  duquel  on  possède  fort 
peu  de  renseignements.  On  ne  sait  au  juste  ni 
dans  quel  pays  il  avait  vu  le  jour  (  Tiraboschi 
le  croit  Italien  ),  ni  à  quelle  époque  il  vivait  ;  mais 
on  pense  que  c'était  dans  la  première  moitié  du 
treizième  siècle.  Quoi  qu'il  en  soit,  Jordanus  Ne- 
morarius  (  ainsi  que  l'appellent  les  auteurs  ) 
cultiva,  autantqu'il  était  possible  à  cette  époque, 
toutes  les  branches  des  sciences  mathématiques, 
et  laissa  de  nombreux  ouvrages  sur  l'arithmé- 
tique, la  géométrie,  l'astrolabe,  etc.  Il  n'en  a  été 
imprimé  que  Elementa  Arithmeticse ,  Paris, 
1496,  in-fol.,  et  De  Ponderibus,  Nuremberg, 
1 533,  in-4°.  Tout  cela  n'a  plus  aujourd'hui  qu'une 
historique  valeur.  G.  B. 

Vossius,  De  Artium  et  Scientiarum  Natura,  1.  111.  — 
Montucla,  Histoire  des  Mathématiques,  t.  I,  p.  506.  — 
Bossut,  Histoire  des  Mathématiques,  t.  I,  p.  242.  — 
Histoire  Littéraire  de  la  France,  t.  XVIII,  p.  140. 

LE  forestier  (Maihurin-Germain),  re- 
ligieux français,  né  à  Paris,  en  1697,  mort  en  1778. 
11  entra  dans  la  Société  des  Jésuites  en  1717, 
parvint  aux  premiers  ordres  de  sa  compagnie  et 
devint  théologien  du  supérieur  général.  En  1766 
on  le  chargea  de  traiter  avec  les  créanciers  an- 
glais du  P.  Lavalette;  il  réussit  dans  cette  diffi- 
cile mission.  11  fit  ensuite  de  vains  efforts  auprès 
de  divers  souverains  pour  empêcher  la  dissolu- 
tion de  son  ordre.  On  a  de  lui  quelques  écrits 
théologiques  sans  intérêt.  A.  L 

Richard  et  Giraud  ,  biographie  Sacrée. 

12, 


359 


LE  FORT 


360 


le  FORT  (  François  ),  général  russe ,  né  à 
Genève,  en  1656,  mort  à  Moscou,  le  1er  mars 
1699.  Il  appartenait  à  une  famille  d'origine  écos- 
saise ,  réfugiée  d'abord  en  Piémont  et  depuis 
1565  en  Suisse;  son  père,  Jacques  Le  Fort, 
était  membre  du  grand  Conseil  de  Genève.  Le 
jeune  François  s'enrôla  comme  cadet  dans  le  ré- 
giment des  gardes  suisses  au  service  de  France. 
A  la  suite  d'un  duel  (1674),  il  passa  dans  l'ar- 
mée du  stathouder,  et  se  distingua  aux  sièges  de 
Grave  et  d'Oudenarde.  Mais  bientôt  son  esprit 
aventureux  le  poussa  à  accepter  les  offres  du 
colonel  Verstin,  qui  recrutait  à  l'étranger  pour 
le  tzar  Alexis  :  Le  Fort  s'embarqua  pour  Arkhan- 
gel,  gagna  Moscou,  et  parvint,  grâce  au  résident 
de  Danemark ,  à  obtenir  un  brevet  de  capitaine. 
Après  avoir  combattu  les  Turcs  et  les  Tatars 
sous  les  ordres  de  Romadanofski,  il  épousa  en 
1678  la  fille  du  colonel  Souhay,  Français  égale- 
ment au  service  de  Russie,  alla  en  1681  passer  six 
mois  de  congé  à  Genève,  et  trouva  à  son  retour  le 
trône  occupé  par  deux  adolescents.  Il  se  mêla  aux 
intrigues  du  parti  Narischkin,  et  prit  une  part  ac- 
tive au  coup  d'État  qui  investit  le  dernier  des  fils 
d'Alexis  de  l'autorité  souveraine.  Pierre  ne  l'ou- 
blia jamais,  et  en  fit  le  premier  personnage  de  son 
gouvernement.  Il  lui  confia  le  soin  de  former  des 
troupesà  l'européenne;  il  suivit  ses  avis  touchant 
la  formation  d'une  marine  nationale,  et  le  nomma 
grand-amiral  del'empireavantmême  que  l'empire 
possédât  un  bâtiment  en  état  de  tenir  la  mer.  Cette 
armée  et  cette  flotte,  l'une  et  l'autre  improvisées, 
firent  toutefois  leurs  preuves  dès  1696,  en  s'em- 
parant  d'Azof.  Ce  premier  succès  remplit  le  tzar 
d'une  telle  joie  qu'il  fit  graver  une  médaille  pour 
en  perpétuer  le  souvenir,  et  prépara  à  ses  troupes 
une  magnifique  entrée  triomphale.  Dans  cette  cé- 
rémonie on  vit,  occupant  la  place  d'honneur,  Le 
Fort  debout  sur  un  char  en  forme  de  conque 
marine  ;  quant  au  tzar,  il  marchait  à  pied  derrière 
le  triomphateur. 

Le  Fort  améliora  la  situation  des  étrangers , 
qui  une  fois  entrés  en  Russie  n'avaient  plus  la 
liberté  d'en  sortir  et  n'obtenaient  que  difficile- 
ment le  libre  exercice  de  leur  religion.  Le  Fort 
porta  le  tzar  à  abolir  des  usages  si  pernicieux 
au  commerce  et  au  bien  de  l'État  (1).  Cette 
tolérance,  limitée  seulement  pour  les  catholi- 
ques, accrut  considérablement  les  colonies  étran- 
gères. Jusqu'à  cette  époque  il  était  défendu  aux 
Russes  sous  peine  de  mort  de  voyager  ;  à  l'ins- 
tigation de  Le  Fort,  Pierre  Ier  les  encouragea, 
les  contraignit  même  à  sortir  du  pays,  dans  l'inté- 


(1)  «  Eundi  redeundlqne  llbertas  olim  advenis  cruda 
lege  negata,  a  moderno  autem  tzaro  ipso  suggerente 
constituai ,  commerciorum  commoda  mire  promovet,  in 
boni  pnblici  non  contemnendum  incrementum  ;  nec  ml- 
noris  laudls  est  externos,  quos  annis  praeterltis  ad  Ru- 
thenam  religionem  amplectendara  saepc  famé,  carcere, 
roinis  et  tormentis  adigebant,  liberos  nunc  in  sua  rell- 
gione  rilinqui  ;  fides  enim  donum  Dei  est,  quod  Deus 
largitiir,  non  arma  incutiunt.  »  (Korb,  Piarium  itinerls 
in  Moscoviam,  p.  215). 


rêt  de  leur  éducation  (1).  Enfin,  il  résolut  d'en- 
voyer une  ambassade  extraordinaire  aux  princi- 
pales cours  européennes,  d'en  remettre  laconduite 
à  son  favori,  et  d'en  faire  lui-même  partie  sons  le 
plus  strict  incognito.  Ce  projet,  mis  à  exécu- 
tion au  mois  de  mars  1697,  faillit  être  fatal  à 
celui  qui  l'avait  inspiré.  Un  jour,  près  de  Kre* 
nigsberg,  Pierre  donnant  un  festin  à  l'occasion 
de  la  fête  de  l'électeur  de  Brandebourg ,  exigea 
que  chacun  de  ses  convives  vidât  un  gros  flacon 
de  vin  ;  l'honnête  Allemand  qui  y  représentait 
l'électeur  s'y  étant  refusé,  le  tzar,  furieux,  le  jeta 
à  la  porte,  et  se  tourna ,  l'épée  nue,  contre  Le 
Fort,  qui  avait  gardé  le  silence.  Celui-ci  se  décou- 
vrit la  poitrine  en  lui  disant  de  frapper,  et  que  la 
mort  le  débarrasserait  des  chagrins  qu'il  éprou- 
vait à  son  service.  Cet  acte.de  sang-froid,  qui  se 
renouvela  en  des  circonstances  analogues,  im- 
posa au  souverain,  et  lui  sauva  la  vie. 

L'ambassade  fut  arrêtée  à  Vienne  par  la 
nouvelle  de  la  révolte  des  strélitz.  Accompagné 
seulement  de  Le  Fort,  Pierre  mit  quatre  semai- 
nes ,  sans  se  reposer  un  moment,  pour  aller 
comprimer  cette  révolte;  il  y  réussit  à  force  de 
tortures  et  de  sanglantes  exécutions,  auxquelles 
il  contraignit  tous  les  seigneurs  de  sa  cour  de 
participer  avec  lui;  Le  Fort  seul  se  refusa  à 
remplir  les  fonctions  de  bourreau,  et  arrêta,  as- 
sure son  panégyriste  Basseville,  l'effusion  du  sang  ; 
mais  ce  ne  fut  qu'après  l'exécution  de  quinze 
cents  malheureux,  pendus  aux  gibets  dressés 
autour  des  murs  de  Moscou  (2).  Cette  sédition 
obligea  Pierre  de  renoncer  à  ses  voyages  et 
de  se  contenter  d'aller  surveiller  les  travaux 
maritimes  entrepris  à  Voronèje.  Souffrant  de 
blessures  qui  s'étaient  rouvertes,  Le  Fort  resta 
cette  fois  à  Moscou,  et  ne  tarda  pas  à  y  succom 
ber,  au  bout  de  quelques  jours  de  maladie,  i 
cette  nouvelle,  Pierre  s'écria  :  «  Je  perds  k 
meilleur  de  mes  amis,  et  cela  dans  un  temps  que 
j'en  avais  plus  besoin  que  jamais.  Il  est  mort  ce 
serviteur  fidèle.  A  qui  me  confierai-je  présen 
tement  ?  » 

Le  tzar  témoigna  par  des  obsèques  magnifi 
ques  les  sentiments  d'amitié  et  de  gratitude  qu'i 
avait  toujours  portés  à  son  favori. 

Pce  Augustin  Gautzin. 

Voltaire,  Histgire  de  Pierre  le  Grand.  —  Basseville 
Précis  historique  sur  la  vie  et  les  exploits  de  Françoi 
Le  Fort;  Genève,  1784.  — Gollkof,  Vie  de  Lefort  ;  Mos 
cou,  1800.  —  Bantich  Kamenski,  Le  Siècle  de  Pierre  l 
Grand ,  Moscou,  1822.  —  Halem,  Leben  Peter  d.  Gros 
sen  ;  Munster,  1807.  —  Gagarin,  Un  Document  inédit  su 
l'expulsion  des  Jésuites  de  Moscou  en  1689.  —  Stchi 
balsky,  La  Bègence  de  latzarevna  Sophie,  traduit  p; 
le  Pce  S.  Galltzin.  —  Peter  d.  Grosse  reize  van  Rusi 
landin  Holland,  door  Scheltema;  Amsterdam,  1814, 

(1)  Tel  est  l'empire  de  l'éducation  et  du  préjugé  m 
les  Russes  n'obéirent  qu'avec  la  plus  extrême  répi 
gnance  à  l'ordre  que  le  tzar  leur  intima  de  voyager.  ( 
en  cite  un  exemple  singulier  :  un  grand  seigneur  fut  for<! 
d'aller  à  Venise;  il  y  séjourna  quatre  ans  et  n'y  visita  pe 
sonne.  De  retour  dans  sa  patrie,  il  se  fit  gloire  de  n'ave 
rien  vu  ni  rien  appris  pendant  son  absence. 

(2)  Korb,  Compendiosa  Descriptio  periculosse  Rebi, 
lionis  Streliziorum  in  Moscovia. 


361 


LE  FORT  —  LEFRANC 


362 


Meerman,  Discottrs  stir  le  premier  voyaye  de  Pierre  le 
Grand;  Paris,  1812. 

lkfortier  (Jean-François),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Paris,  vers  1771,  mort  dans  la  même 
ville,  le  21  octobre  1823.  Il  fut  d'abord  officier 
de  sauté  dans  la  marine  militaire,  et  se  livra  en- 
suite à  l'enseignement.  Nommé ,  en  l'an  vi 
(1798),  professeur  de  belles-lettres  à  l'école  cen- 
trale'du  Morbihan,  il  obtint,  Tannée  suivante,  la 
chaire  de  littérature  à  l'école  centrale  de  Seine- 
et-Marne.  Il  collaborait  dès  1795  à  une  revue  in- 
titulée :  Correspondance  politique  et  littéraire. 
A  la  création  de  l'École  spéciale  militaire  à  Fon- 
tainebleau, en  1803,  il  fut  désigné  pour  y  pro- 
fesser la  littérature,  et  lorsque  cet  établissement 
fut  transféré  à  Saint-Cyr,  il  y  resta  jusqu'en  1814. 
Admis  à  la  retraite  en  1815,  il  fit  partie  de  la  ré- 
daction du  Journal  général,  et  en  dernier  lieu 
du  Journal  des  Maires.  Ses  articles  sont  signés 
L.  F.  R.  On  a  de  lui  :  Discours  prononcé  à 
l'ouverture  du  cours  de  belles-lettres  de  l'É- 
cole centrale  de  Vannes;  an  vi  (1798),  in-8°; 
—  Aperçu  sur  les  causes  des  progrès  et  de  la 
décadence,  de  l'art  dramatique  en  France; 
an  vu  (1799),  in-8°;  —  Manière  d'apprendre 
et  d'enseigner,  ouvrage  traduit  du  latin  du  P. 
Joseph  de  Jouvency;  Paris,  1803,  in-12;  cette 
traduction  est  estimée  ;  elle  est  précédée  d'un  Dis- 
cours préliminaire  assez  remarquable  ;  l'original 
est  intitulé:  DeKatione  discendi  et  docendi  ;  — 
Géographie  dupremier  âge;Pavh,  1803,  in-18. 

L — Z— E. 

'  Mahul,  annuaire  nécrologique,   année  1823.  —  Qué- 
rard,  Im  France  Littéraire. 

le!  oru.MKR  (André),  médecin  et  chimiste 
français  du  seizième  siècle,  né  à  Paris.  Il  fut 
reçu  docteur  en  médecine  dans  sa  ville  natale.  Il 
devint  doyen  de  sa  faculté  en  1518.  On  a  de 
lui  :  La  Décoration  d'humaine  nature,  et  Or- 
nement des  Dames,  où  est  montré  la  manière 
et  receptes  pour  faire  savons,  pommades,  pou- 
dres et  eaux  délicieuses  ;  Paris ,  1530,  1551, 
in-8°;  Lyon,  1582,  in-12.  «  Cet  ouvrage,  dit 
Éloi,  est  divisé  en  trois  livres, dont  lé  premier 
traite  de  plusieurs  choses  qui  ont  rapport  à  la 
chirurgie.  Le  second  s'étend  sur  tout  ce  qui  peut 
|  contribuer  à  l'embellissement  des  femmes  et  le 
troisième  décrit  divers  onguents  contre  les  mala- 
dies cutanées,  etc.  »  L — z — e. 

;  Éloi,  Dict.  Hist.  de  la  Médecine. 

le  franc  ou  franc  (  Martin  ),  poète  fran- 
çais, né  à  Aumale,  ou  plus  vraisemblablement 
à  Arras ,  vers  le  commencement  du  quinzième 
siècle,  mort  à  Rome,  vers  1460.  Il  embrassa 
l'état  ecclésiastique;  pourvu  de  plusieurs  bé- 
néfices ,  il  se  mit  à  voyager,  et  devint  chanoine 
à  Lausanne  ;  introduit  à  la  cour  d'Ame  VIII, 
duc  de  Savoie,  il  plut  à  ce  prince,  qui  le  choisit 
pour  son  secrétaire,  et  cette  circonstance  de- 
vint l'origine  de  la  haute  fortune  de  Martin  Le 
Franc,  car  en  1439  le  concile  de  Bàle  ayant  con- 
féré la  papauté  à  Amé  VIII,  le  nouveau  pontife 
emmena  son  serviteur  à  Rome,  et  le  fit  proto- 


notaire  apostolique,  place  importante  que  Le 
Franc  conserva  sous  le  successeur  de  son  pa- 
tron. Pensant  avec  raison  que  les  auteurs  du 
fameux  Roman  de  la  Rose  avaient  diffamé  le 
beau  sexe ,  il  voulut  combattre  l'ennemi  des 
femmes,  et  il  écrivit  le  Champion  des  Dames, 
livre  plaisant ,  copieux  et  abondant  en  sen- 
tences, contenant  la  Défense  des  Dames, 
contre  Malbouche  et  ses  consorts  et  Victoires 
d'icelles.  L'édition  originale,  sans  lieu  ni  date, 
forme  un  in-folio,  qu'on  croit  avoir  été  imprimé 
vers  1485;  Galliot  du  Pré  le  remit  au  jour  en 
1 530,  en  un  joli  volume  in-  8°,  dont  les  bibliophiles 
font  le  plus  grand  cas,  et  qui,  dans  des  enchères 
faites  à  Paris,  s'est  vendu  jusqu'au  prix  de  340 
et  même  455  francs.  Suivant  l'usage  de  l'é- 
poque, l'auteur  raconta  ses  fictions  comme  s'é- 
tant  offertes  à  lui  durant  un  songe  :  les  dames 
sont  renfermées  dans  le  château  d'Amours, 
que  Malebouche  attaque  et  que  Franc-Vou- 
loir défend.  Après  échange  de  discours  et  d'in- 
jures, les  combattants  se  mettent  d'accord  pour 
s'en  remettre  à  la  décision  de  Vérité;  on  la 
trouve  dans  un  coin  obscur,  sans  chandelle 
allumée.  Franc-Vouloir,  cherchant  à  montrer 
le  mérite  de  l'amour,  fait  le  portrait  de  la  haine, 
à  laquelle  il  attribue  tous  les  malheurs  de  la 
France  ;  Vilain-penser  narre  prolixement  tous 
les  méfaits  des  femmes,  en  commençant  par  Eve; 
Franc- Vouloir  célèbre  leurs  vertus  et  leurs 
services;  après  de  longs  et  vifs  débats,  Vérité 
décerne  une  couronne  à  Franc-Vouloir.  Tout 
cela  forme  plus  de  vingt-quatre  mille  vers 
de  huit  syllabes  divises  en  octaves.  Il  y  a  des 
passages  assez  heureux  ;  mais  la  gravité  et  le 
goût  manquent  dans  cette  production,  dont 
l'auteur  s'abandonne  à  une  facilité  verbeuse.  On 
doit  aussi  à  Martin  Le  Franc  ;  L'Estrif  de  for- 
tune, ouvrage  mêlé  de  prose  et  de  vers,  très- 
moral  ,  mais  fort  ennuyeux  ;  c'est  un  dialogue 
entre  la  Fortune  et  la  Vertu  devant  le  tribunal 
de  la  Raison  :  l'édition  originale ,  sans  lieu  ni 
date  (Lyon,  vers  1478) ,  in-folio,  est  tellement 
rare  qu'on  n'en  connaît  que  deux  ou  trois  exem- 
plaires ;  un  d'eux  fut  payé  1,500  francs  en  1844 
à  la  vente  des  livres  du  prince  d'Essling.  Une 
réimpression,  faite  à  Paris,  chez  Michel  Lenoir, 
en  1519,  in-4°,  est  bien  loin  d'avoir  la  même  va- 
leur. Gustave  Brunet. 

Goujet,  Bibliothèque  française,  t.  iX,  p.  187-230.  — 
Annales  poétiques,  t.  1,  p.  \1k.  —  Paulin  Paris,  Les  Ma- 
nuscrits français  de  la  Bibliothèque  royale,  t.  V,  p.  123. 
—  Viollet-Leduc,  Bibliothèque  Poétique,  t.  I,p.  85. 

LEFRANC  (***),  publiciste  français,  né  vers 
1720,  en  Normandie,  massacré  à  Paris,  le  2  sep- 
tembre 1792.  Il  fit  ses  études  dans  son  pays, 
entra  dans  l'ordre  des  Eudistes,  et  fut  nommé  su- 
périeur de  leur  maison  de  Caen.  Il  combattit  vi- 
vement les  idées  révolutionnaires  par  plusieurs 
écrits,  et  vint  à  Paris  en  1791  se  concerter  avec 
l'abbé  Barruel  et  quelques  autres  partisans  de 
la  religion  et  de  la  monarchie.  Incarcéré  en  août 
1792  dans  le  couvent  des  Carmes,  il  fut  l'une 


863 


des  premières  victimes  des  massacres  de  sep- 
tembre. On  a  de  lui  :  Conjuration  contre  ta 
Religion  catholique  et  les  Souverains ,  dont 
le  projet ,  conçu  en  France,  doit  s'exécuter 
dans  /.'univers  entier  ;  Paris,  1792,  in-8°;  —  Le 
Voile  levé  pour  les  curieux,  ou  Secret  de  la  Ré- 
volution révélé  à  l'aide  de  la  Fr-Maç.  ;  Paris, 
1791,  1792,  in-8°;  réimprimé  sous  ce  titre  : 
Histoire  de  la  Franc-Maçonnerie  depuis  son 
origine  jusqu'à  nos  jours  ;  Liège,  1827,  in-8°. 
Lefranc  dénonce  les  francs-maçons  comme  la  cause 
de  toutes  les  agitations  populaires  et  les  propa- 
gateurs des  idées  d'affranchissement.      H.  L. 

Louis  Prudhomrae,  Histoire  générale  des  Crimes  de 
la  Révolution.  —  Quérard.  La  France  Littéraire. 
lefranc  (Jacques  ),  général  français,  né  le 

4  novembre  1750,  à  Mont -de- Marsan,  mort  le 

5  novembre  1809,  à  Malaga.  Après  avoir  servi 
depuis  1769  dans  les  régiments  de  Béarn  et  de 
Dauphiné,  il  venait  de  passer  dans  la  gendar- 
merie lorsque  le  choix  de  ses  concitoyens  l'ap- 
pela an  grade  de  chef  du  3e  bataillon  des  Landes 
(  15  janvier  1793  ).  Devenu,  à  quelques  mois  de 
là,  chef  de  la  40e  demi-brigade,  il  se  signala 
dans  la  plupart  des  combats  qui  eurent  lieu  à 
l'armée  des  Pyrénées  orientales,  fit  partie  de  la 
malheureuse  expédition  d'Irlande,  et  passa  en 
l'an  vin  sous  les  ordres  du  général  Moreau;  les 
services  qu'il  rendit  aux  combats  d'Erbach  et 
de  Hohenlinden  lui  valurent  un  sabre  d'honneur. 
Élu  député  au  Corps  législatif  (1802),  il  obtint  le 
grade  de  général  de  brigade  lors  de  la  promo- 
tion du  24  mars  1803.  Après  avoir  été  blessé 
dans  la  campagne  de  1806,  il  fut  envoyé  en  Es- 
pagne; le  2  mai  1808,  ce  fut  lui  qui,  à  la  tête  des 
grenadiers,  emporta  de  vive  force  l'arsenal  de  Ma- 
drid, trait  de  courage  qui  sauva  la  vie  à  des  mil- 
liers de  Français  que  l'on  mitraillait  dans  les  rues. 
Il  passa  ensuite  sous  les  ordres  du  général  Dupont, 
fut  compris  dans  la  capitulation  de  Baylen,  et 
mourut  dans  les  prisons  de  Malaga,  par  suite  de  la 
lièvre  pestilentielle  qui  s'y  était  déclarée.      K. 

Fastes  de  la  Légion  d'Honneur. 

lefranc  (Denis-François),  mathématicien 
français,  né  en  1760,  mort  le  30  mai  1793. 
Prêtre  de  la  doctrine  chrétienne  à  Soissons  ,  il 
devint  professeur  de  physique  et  de  mathéma- 
tiques à  Chaumont,  puis  à  Avallon  et  à  Saint- 
Omer.  On  a  de  lui  :  Essais  sur  la  Théorie  des 
Atmosphères  et  sur  l'accord  qu'elle  tend  à 
établir  entre  les  sytèmes  de  Descartes  et  de 
Neioton  et  les  phénomènes  décrits  par  La- 
place  et  Berthollet,  ouvrage  commencé  en 
1788  par  le  Père  Lefranc,  continué  et  publié 
par  son  frère  et  son  élève,  l'abbé  Lefranc, 
aumônier  de  l'hospice  de  mendicité  de  Vil- 
lers-Cotterets,  précédé  d'une  notice  sur  le  père 
Lefranc;  Paris,  1819,  in-8°.  J.  V. 

Notice  en  tête  des  Essais  sur  la  Théorie  des  Atmo- 
sphères. 

lefranc  (J 'ean- Baptiste- Antoine) ,  cons- 
pirateur français,  mort  en  1816.  Il  s'occupait 
de   l'étude  et  de  la  pratique  de  l'architecture 


LEFRANC  364 

lorsque  la  révolution  éclata.  Il  se  laissa  entraî- 
ner par  les  idées  nouvelles,  et  les  professa  avec 
enthousiasme  jusqu'au  10  août  1792.  A  partir  de 
cette  époque,  il  ne  se  mit  plus  en  évidence,  mais 
il  resta  lié  avec  les  démocrates  avancés,  parti- 
culièrement avec  Babeuf.  Compromis  en  I79i> 
dans  la  conspiration  de  ce  révolutionnaire,  il  fut 
envoyé  devant  la  haute  cour  de  Vendôme,  qui 
l'acquitta.  Si  on  l'en  croit,  «  rendu  alors  à  ses 
foyers ,  il  s'éloigna  des  hommes  et  des  choses, 
et  se  renferma  dans  sa  propre  nullité  ».  Compris 
pourtant  dans  la  proscription  qui  suivitl'explosion 
de  la  machine  infernale  de  la  rue  Saint-Nicaise , 
le  24  décembre  1800  (3  nivôse  an  ix),  il  proteste 
qu'il  «  n'avait  appris  cet  événement  que  par  la 
voix  publique  lorsqu'on  vint  lui  signifier  son 
arrêt  de  déportation  ». 

Lefranc  parvint  à  s'échapperdes  îles  Séchelles, 
et  vit  périr  presque  tousses  compagnons  d'infor- 
tune. Après  trois  ans  d'exil,  il  revint  en  France,  et 
fut  aussitôt  enfermé  dans  les  prisons  de  Brest.  Il 
obtint  la  permission  de  rester  quelque  temps  en 
surveillance  dans  une  petite  ville  du  Languedoc; 
mais,  persécuté  de  nouveau,  il  fut  enfermé  au 
fort  deHâ  à  Bordeaux.  Conduit  mourant  à  Pierre- 
Châtel  sur  les  bords  du  Rhône,  il  fut  enfin  dé- 
livré par  les  troupes  alliées  en  1814.  Eu  1816,  il 
fit  paraître  un  livre  intitulé  :  Les  Infortunes  de 
plusieurs  victimes  de  la  tyrannie  de  Bona- 
parte, où  il  disait  :  «  O  mes  concitoyens,  vous 
ne  pouvez  être  heureux  qu'en  entourant  votre  roi 
de  votre  respect  et  de  votre  amour  !  Vous  n'irez  i 
plus  rougir  de  votre  sang  les  plaines  glacées  du  i 
Nord,  ni  les  eaux  duPô,  du  Tageetdu  Guadalqui- 
vir...  Pour  moi,  tranquille  maintenant  au  sein  de  i 
l'amitié,  j'y  coulerai  le  reste  de  mes  jours,  à  l'abri 
des  écueils  de  l'océan  Indien ,  des  plages  brû- 
lantes de  la  zone  torride  et  des  hordes  barbares  • 
de  l'Afrique.  Je  suis  enfin  rentré  au  port  après 
de  longs  orages  ;  je  n'ai  plus  à  craindre  l'obscure  j 
humidité  des  cachots.  La  mort  ne  m'appellera 
plus  avant  le  terme  fixé  par  la  nature.  Il  existe 
un  gouvernement  protecteur,  un  roi  qui  est  le  i 
père  de  tous  ses  sujets.  »  Deux  mois  à  peine  après 
la  publication  de  cet  ouvrage,  Lefranc  se  trouva 
Compromis  dans  le  procès  dit  des  patriotes  de ■• 
1816,  dont  Pleignier  était  Je  principal  accusé. 
Condamné  à  la  déportation,  Lefranc  mourut  en 
prison.  J.  V. 


Lefranc,  Les  Infortunes  de  plusieurs  victimes  de  la 
tyrannie  de  Bonaparte.  —  Arnault ,  Jay,  Jouy  et  Nor- 
•vius,  liioq.  nouv.  des   Contemp. 

'lefranc  (Victor),  homme  politique  fran- 
çais, né  le  2  mars  1809,  à  Garsin  (Basses-Py- 
rénées). Il  est  neveu  du  conventionnel  Jean- 
Baptiste  Lefranc,  qui  devint  plus  tard  procureur 
impérial  à  Mont-de-Marsan.  Élevé  à  Aire,  il  vint 
faire  son  droit  à  Paris ,  et  alla  s'établir  comme 
avocat  à  Mont-de-Marsan,  où  il  se  fit  remarquer 
par  son  opposition  au  gouvernement  de  Juillet.  Il 
défendit  les  Verger  devant  la  cour  d'assises  des 
Landes,  les  accusés  de  Toulouse  dans  l'affaire  du 


365  LEFRANC  - 

recensement,  Achille  Marrast  contre  les  juges 
d'Orthez  devant  la  cour  royale  de  Pau,  etc. 
Nommé  commissaire  de  la  république  dans  le 
département  des  Landes,  après  la  révolution  de 
Fé\  rier,  il  fut  élu  par  ce  département  à  l'Assem- 
blée constituante,  où  il  fit  partie  du  comité  des 
travaux  publics  et  de  la  réunion  qui  s'assemblait 
à  l'Institut.  Il  vota  contre  les  deux  chambres, 
contre  le  vote  électoral  à  la  commune,  contre  le 
droit  au  travail,  pour  la  dissolution  de  l'assem- 
blée, contre  la  diminution  de  l'impôt  du  sel, 
pour  la  suppression  des  clubs  et  contre  la  mise 
en  accusation  du  ministère  à  propos  de  l'expé- 
dition de  Rome.  11  prit,  du  reste,  une  part  active 
aux  travaux  de  l'assemblée,  notamment  dans  les 
discussions  relatives  aux  questions  de  chemins 
de  fer  et  dans  la  discussion  de  la  loi  électorale. 
Réélu  à  la  législative,  il  vota  pour  l'état  de  siège, 
et  fit  partie  du  cercle  constitutionnel.  Le  coup 
d'État  du  2  décembre  1851  l'a  rendu  à  la  vie 
privée.  M.  V.  Lefranc  s'est  fait  connaître  aussi 
par  des  mémoires  spéciaux  et'des  rapports  lu- 
mineux sur  diverses  questions  d'intérêt  public. 
On  cite  de  lui  un  traité  sur  l'éducation  agricole 
présenté  à  la  Société  d'Agriculture  des  Landes, 
dont  il  est  membre ,  plusieurs  productions  en- 
voyées à  la  Société  littéraire  de  Pau,  et  deux 
rapports  fort  étendus,  l'un  sur  le  recensement, 
l'autre  sur  les  chemins  de  fer,  présentés  au  con- 
seil municipal  de  Mont-de-Marsan.       L.  L— t. 

Lesaulnier,  Biog.  des  neuf  cent  Représentants  à 
l'Assemblée  nationale.  —  biog.  des  Sept  cent  cinquante 
Représ,  à  l'Ass.  législative.  —  Moniteur,  1848-18d1. 

*  lefranc  (  Pierre-Joseph),  homme  poli- 
j tique  français,  né  en  1815,  à  Montmirey-la- Ville 
i(Jura).  Fils   d'un   cultivateur   qui   était  parti 
j comme  volontaire  à  la  révolution,  il  conduisit 
I  d'abord  la  charrue,  et  commença  lui-même  son 
|  instruction.  A  seize  ans  il  entra  dans  une  étude 
de  notaire.    Dans  les  loisirs  que  lui   laissaient 
!  ses  occupations,  il  étudiait  les  langues  anciennes, 
j  Bientôt  il  se  sentit  capable  de  venir  suivre  les 
| cours  de  droite  Paris.  Il  débuta  alors  dans  la 
carrière  littéraire  par  des  lettres  critiques  si- 
i  gnées  J.  Bon  homme  dans  la  Revue  indépendante 
en  1844.  Les  Pyrénées-Orientales  n'avaient  pas 
I  de  journal  de  l'opposition  ;  la  famille  Arago  en- 
gagea M.  Pierre  Lefranc  à  en  établir  un  à  Perpi- 
I  gnan,  et  l'aida  dans  cette  tâche.  Ce  journal,  qui 
!  prit  le  titre  de  L' Indépendant,  eut  une  part  im- 
j  portante  aux  élections  de  1846,  et  sa  polémique 
I  devint  si  vive  que  M.  Lefranc  eut  à  subir  quatorze 
i  procès  politiques  qui  lui  valurent  25,000  fr.  d'a- 
mendes. Après  la  révolution  de  février,  M.  Le- 
franc fut  nommé  membre  de  la  commission  dé- 
partementale des  Pyrénées-Orientales.  Envoyé 
comme  représentant  de  ce  département  à  l'Assem- 
blée constituante,  il  y  fit  partie  du  comité  des  fi- 
nances, et  vota  avec  l'extrême  gauche  le  droit  au 
travail  et  la  réduction  de  l'impôt  du  sel.  Après 
l'élection  du  10  décembre  1848,  il  fit  une  opposi- 
tion très-viveau  gouvernement  du  président  de  la 


LEFRÈRE  366 

république,  et  appuya  la  demande  de  mise  eu  ami- 
sation  des  ministres  à  propos  de  l'expédition  de 
Rome.  Réélu  à  la  législative,  M.  Lefranc  conti- 
nua de  voter  avec  le  parti  démocratique,  protesta 
contre  la  loi  restrictive  du  suffrage  universel, 
et  s'opposa  à  la  révision  de  la  constitution.  A  |a 
suite  du  coup  d'État  du  2  décembre  1851,  il  fut 
exilé  de  France  par  le  décret  du  9  janvier  1852; 
mais  il  rentra  peu  de  temps  après,  et  s'est  mis 
à  la  tète  d'une  maison  de  commerce  de  commes- 
tibles.  L.  L— t. 

Lesaulnier.  Biog.  des  Neuf  cents  Représ,  à  l'Assemblée 
nationale.  —  Biog.  des  Sept  cent  cinquante  Représ,  à 
l'Ass.  législative.  —  Vapereau,  Dict.  univ.  des  Contemp. 
—  Moniteur,  1848-1852. 

LE  FRANC.   Voy.  POMPIGNA.N. 
LE   FRANÇAIS.   Voy.  LALAISOE. 

le  francq  (Jean-  Baptiste) ,  religieux  de 
l'ordre  des  Augustins  et  poète  dramatiqpe,  vivait 
en  Flandre  dans  la  première  moitié  du  dix-sep- 
tième siècle  ;  on  ne  sajt  rien  sur  son  compte  que 
ce  qu'il  nous  apprend  lui-même;  à  l'âge  de  cinq 
ans,  il  quitta  la  France,  où  il  était  né,  et  il  se 
nourrissait,  à  la  desrobée ,  des  muses  fran- 
çaises. Il  a  écrit  une  pièce  qui  ressemble  aux 
anciens  mystères,  et  qui  a  pour  titre  :  Antioche, 
tragédie  traitant  le  martyre  des  sept  enfants 
Macchabéens ;  Anvers,  J.  Verdussen,  1625, 
in-8°.  On  trouve  dans  cette  œuvre  singulière,  et 
devenue  très  rare,  des  chœurs ,  de  la  musique, 
des  ballets  ;  des  êtres  métaphysiques  y  sont  per- 
sonnifiés. Quant  au  style,  de  très-courtes  cita- 
tions en  donneront  une  idée.  Antioche,  irrité  de 
ce  que  Ptolémée  lui  résiste,  interroge  les  ambas- 
sadeurs qu'il  a  envoyés  auprès  de  ce  prince  : 

L'outreeuirté  paillard!  Que  pense  ce  faquin  ? 
Que  punir  je  ne  puis  ua  rebelle  maslin? 
Racontez-nous  son  port,  les  changements  du  tftin, 
Les   roullemens  du  chef  el  bransles  de  la  main. 

Au  dénoûment,  le  monarque  impie  tombe  sous 
les  roues  de  son  char,  Justice  apparaît  dans  le 
ciel  et  lui  crie  : 

C'est  assez  enduré;  meure,  meure,  raastin!     G.  B. 
Bibliothèque  du  Théâtre-Français,  1768,  t.  I,  p.  543- 
S46.  —  Catalogue  de  la  Bibl.  dramatique  de  M.  de  So- 
leinne,  t.  I,  p.  216. 

LE   FRANQ  VAN  BERKHEY.  Voy.  BEKITOEY. 

leFren  (  Lars-Vlof),  orientaliste  suédois , 
né  le  19  décembre  1722,  dans  un  village  de  la 
Vestrogothie ,  mort  à  Abo,  le  15  janvier  1803. 
Conservateur  de  la  bibliothèque  et  professeur 
de  langues  orientales  à  l'université  d'Abo,  il  col- 
labora à  la  nouvelle  traduction  suédoise  de  la 
Bible,  entreprise  sous  les  auspices  du  roi  Gus- 
tave III.  On  lui  doit,  en  outre,  un  assez  grand 
nombre  de  dissertations  sur  divers  sujets  de 
philologie,  de  philosophie  et  dethéologie,  et  dont 
la  liste  complète  se  trouve  dans  Rotermund,  Sup- 
plément au  Lexikon  de  Jôcher.  R.  L. 

lntelligmz-Blatt  der  Allgemeinèn  Literatur  Zeitung, 
1803,  p.    1159. 

lefrère  (Jean),  polygraphe  français,  né  à 
Laval,  dans  les  premières  années  du  seizième 
siècle,  mort  de  la  peste  à  Bayeux,  le  12  ou  le 
13  juillet  1583.  Parmi  les  ouvrages  qui  lui  sontat- 


367 


LEFRÈRE 


tribués  par  La  Croix  du  Maine  et  par  Du  Verdier, 
il  y  en  a  que  nous  avons  vainement  recherchés  : 
s'ils  ont  été  réellement  publiés,  les  exemplaires  en 
sont  assurément  très-rares.  Lefrère  paraît  avoir 
d'abord  mis  au  jour  :  Recueil  des  Noms  propres 
modernes  de  la  géographie,  confrontés  aux 
anciens ,  imprimé  à  la  suite  du  Dictionnaire 
Français  Latin  de  Henri  Estienne ,  1572,  in-fol. 
U  a  traduit  ensuite  en  français,  du  latin  de  Marc- 
Antoine  de  Muret  :  Oraison  faite  à  Rome  aux 
obsèques  du  très-chrétien  roi  de  France  ;  Pa- 
ris, 1574,  in-4°.  On  lui  doit  encore  la  traduction 
d'une  partie  des  légendes  qui  se  trouvent  dans 
le  troisième  volume  de  ] \  Histoire  de  la  Vie, 
Mort,  Passion  et  Miracles  des  Saints,  1579, 
in-fol.  Ses  autres  ouvrages  sont  :  Charidème, 
ou  le  épris  de  la  mort,  avec  plusieurs  vers 
chrétiens;  Paris,  1579,in-8°;  —  Noels  et  Canti- 
ques sur  l'avènement  de  Jésus-Christ;  Ada- 
gia,  insérés  parmi  ceux  d'Érasme  dans  l'édition 
de  1579;  —  La  vraie  et  entière  Histoire  des 
Troubles  et  Guerres  civiles  advenues  de  notre 
temps  pour  le  fait  de  la  Religion;  1573,in-8°; 
—  L'Histoire  de  France,  contenant  les  plus 
notables  occurrences  et  choses  mémorables 
advenues  en  ce  royaume  de  France  et  Pays- 
Bas  de  Flandres,  etc.,  etc.;  1681,  in-fol.  Ces 
deux  derniers  ouvrages  sont  des  compilations  : 
l'historien  auquel  Jean  Lefrère  a  fait  des  em- 
prunts si  considérables,  qu'ils  peuvent  passer 
pour  des  larcins,  est  Lancelot  Voisin  de  La  Po- 
pelinière.  Ce  dernier  était  protestant ,  et  s'était 
efforcé  d'être  impartial.  Lefrère,  catholique  zélé, 
retrancha  tout  ce  qui  le  choquait  dans  le  texte, 
qu'il  avait  sous  les  yeux,  et  y  ajouta  quelques 
détails  nouveaux.  B.  H. 

La  Croix  du  Maine,  Du  Verdier,  Bibliothèques  fran- 
çaises. —  N.  Oesportes,  Bibliog.  du  Maine.  —  B.  Hau- 
réau ,  Mst.  Littér.  du  Maine,  t.  IV,  p.  132. 

*  lefuel  (Martin-Hector  ),  architecte  fran- 
çais, né  à  Versailles,  le  14  novembre  1810.  11 
étudia  l'architecture  sous  son  père  et  sous  la 
direction  de  Huyot;  entré  à  l'École  des  beaux- 
arts  en  1829,  il  y  remporta  le  second  grand  prix 
d'architecture  en  1833,  et  le  premier  grand  prix 
en  1839,  sur  le  projet  d'un  Hôtel  de  ville  pour 
une  grande  capitale.  Parti  pour  Rome,  il  en- 
voya, en  1841,  des  études  de  chapiteaux  curieux, 
et  en  1842  des  restaurations  intéressantes  des 
temples  de  la  Piété,  de  l'Espérance  et  de  Junon 
Matuta.  A  son  retour,  M.  Lefuel  ouvrit  un  atelier 
d'élèves,  dirigea  plusieurs  travaux  particuliers,  et 
dessina  pour  le  palais  de  Florence  une  cheminée 
monumentale  qui  fut  exécutée  par  M.  Ottin  en 
1S48.  Nommé  à  cette  époque  architecte  du  châ- 
teau de  Meudon,  M.  Lefuel  remplaça  Abcl  Blouet 
comme  architecte  du  palais  de  Fontainebleau.  A 
la  mort  de  Visconti,  survenue  le  29  décembre 
1853,  M.  Lefuel  fut  appelé  à  lui  succéder  dans 
la  direction  des  travaux  du  Louvre  pour  re- 
joindre ce  palais  aux  Tuileries.  Visconti  avait 
tracé  toute  la  superficie  et  la  direction  des  bàti- 


—  LEFUEL  368 

ments;  les  largeurs,  les  contours,  les  formes  des 
cours  et  des  édifices  lui  appartiennent;  c'est  lui 
qui  eut  l'idée  des  arcades  du  rez-de-chaussée;  il 
voulait  d'abord  répéter  autant  que  possible  le 
caractère  de  l'architecture  des  parties  existantes 
de  l'enceinte  de  la  place  du  Carrousel  ;  mais  un 
autre  avis  avait  prévalu,  et  il  avait  cherché  à  allier 
les  styles  différents  des  deux  palais,  qu'il  laissait 
en  face  l'un  de  l'autre,  ne  masquant  que  les  galeries 
latérales  et  ne  cherchant  à  dissimuler  que  la  dif- 
férence de  niveau  entre  la  place  et  le  quai.  Dans 
le  dernier  projet  de  Visconti,  on  voyait  encore  les  . 
toits  apparents,  les  dômes,  les  gaines  ornées 
de  bustes  des  Tuileries  ;  mais  les  ordres  de  co- 
lonnes superposés,  les  fenêtres  et  plusieurs  autres 
motifs  étaient  empruntés  à  la  cour  du  Louvre.  Dans 
le  vide  des  arcades,  il  mettait  des  statues;  et  les 
colonnes  de  ces  arcades  étaient  couronnées  au  pre- 
mier étage  par  des  gaines  supportant  chacune  un  ! 
buste.  M.  Lefuel  mit  les  statues  à  la  place  des 
gaines,  et  laissa  les  arcades  vides.  Les  colonnes 
du  premier  étage  des  pavillons  d'angle  devaient 
porter  un  fronton  de  la  hauteur  de  l'attique;  ce 
fronton  a  été  remplacé  par  des  consoles,  et 
M.  Lefuel  ajouta  au  comble  une  lucarne  colossale 
richement  sculptée.  lia  dissimulé  le  raccordement 
du  deuxième  étage  avec  le  comble  de  la  galerie 
du  bord  de  l'eau  en  répétant  sur  la  façade  du  quai 
la  décoration  du  pavillon  qui  renferme  le  grand- 
salon  carré.  La  riche  décoration  qui  règne  du 
côté  de  la  rue  de  Rivoli  a  été  ajoutée  par  M.  Le- 
fuel au  plan  de  Visconti,  qui  s'était  contenté I 
d'une  superposition  d'ordres.  Enfin,  il  a  distribué  u 
les  intérieurs,  dessiné  les  façades,  dirigé  et  mis 
d'accord  le  travail  de  cent  cinquante-quatre  sta- 
tuaires, et  de  tout  un  peuple  d'ornemanistes. 
M.  Lefuel  a  employé  de  préférence  pour  maté-.1 
riaux  la  pierre  et  le  fer  :  les  armatures  des  com- 
bles, les  poutres  des  planchers  et  généralement: 
toute  la  grosse  charpente  est  en  fer  ;  le  bois  n'a 
servi  qu'aux  chevronages.  Le  plomb  a  fourni  à 
M.  Lefuel  des  ornements  pour  le  couronnement 
des  dômes.  Le  14  août  1857  l'empereur  fît  solen-i 
nellement  l'inauguration  des  nouvelles  construc- 
tions du  Louvre,  et  M.  Lefuel,  chevalier  de  la  Lé-i 
gion  d'Honneur  depuis  18â4,  fut  élevé  au  grade1 
d'officier  de  cet  ordre.  Pendant  qu'il  s^occupait  dei 
la  direction  du  travail  du  Louvre ,  il  se  chargea  d'é- 
lever un  palais  provisoire,  en  bois,  pour  l'exposi- 
tion universelle  des  produits  des  beaux-arts  en 
1855.  C'était  une  vaste  salle  de  treize  mille  mè- 
tres située  entre  l'avenue  Montaigne  et  la  rue 
Marbeuf,  divisée  en  un  certain  nombre  de  salons 
en  forme  de  parallélogrammes  au  milieu,  et  de 
galeries  latérales  avec  un  étage  au  pourtour,  le 
tout  recevant  le  jour  d'en  haut.  Cette  salle  im- 
provisée était  presque  sans  ornements,  mais  d'une 
grande  commodité.  Au  mois  de  mai  1855,  M.  Le- 
fuel quitta  la  direction  des  travaux  du  palais  de, 
Fontainebleau  ;  le  19  mai  il  fut  nommé  architecte 
de  l'empereur,  et,  le  28  juillet,  il  remplaça  Gau- 1 
thier  à  l'Académie  des  Beaux- Arts.  En  1856,  il, 


369  LEFUEL  — 

commença  pour  M.  Achille  Fould ,  ministre 
l'État,  un  grand  hôtel  dans  le  faubourg  Saint- 
Honoré.  M.  Lefuel  est  aujourd'hui  architecte  en 
chef  du  Louvre  et  des  palais  impériaux  et  membre 
jju  jury  d'architecture  à  l'École  des  Beaux-Arts. 
L.  Louvet. 
Vapereau.  Dict.vniv.  des  Contemp.  —  Delécluze,  dans 
Ile  Journal  des  Débats  du  7  avril  1855.  —  A  Léo,  dans  le 
\Journal  des  Débats  du  6  août  1857.  —  Moniteur,  du 
||5  août  1857. 

[  le  gallois  (  Pierre  ),  littérateur  et  biblio- 
graphe français,  naquit  à  Paris,  dans  la  pre- 
fmière  moitié  du  dix-septième  siècle,  et  mourut 
(vraisemblablement  avant  la  (in  du  même  siècle. 
|On  a  très-peu  de  renseignements  sur  sa  per- 
sonne, et  il  ne  nous  est  pour  ainsi  dire  connu 
[que  par  deux  ouvrages  qui  portent  son  nom. 
(L'un  a  pour  titre  :  Conversations  Urées  de  VA- 
ïcadémie  de  monsieur  Vabbé  Bourdelot,  con- 
tenant diverses  recherches  et  observations 
jphysiq ues;  Paris,  1672,in-12.  Ce  recueil,  en 
norme  d'entretiens,  est  divisé  en  deux  parties  ; 
la  première,  et  la  plus  intéressante ,  traite  de 
Korigine  des  académies ,  de  leurs  fonctions,  de 
leur  utilité ,  avec  un  Discours  particulier  des 
{académies  de  Paris.  Sous  le  nom  général  d'a- 
\cadcmies ,  l'auteur  comprend  toutes  les  assem- 
blées particulières  de  savants  qui  se  tenaient , 
là  certains  jours  désignés,  chez  des  personnes 
éminentes  par  leurs  dignités  ou  leur  mérite. 
C'est  ainsi  qu'il  nous  apprend  que  M.  le  pre- 
mier président  (  Lamoignon  )  recevait  chez  lui 
le  lundi;  M.  Ménage  le  mercredi,  ainsi  que 
M.  Rohault;  M.  de  Thon,  M.  Gustel  et  M.  l'abbé 
Bourdelot,  plusieurs  jours  de  la  semaine,  etc.  Il 
entre  à  cet  égard  dans  quelques  détails  curieux 
pour  l'histoire  littéraire  du  temps.  La  seconde 
partie,  divisée  en  deux  livres,  est  destinée  à  faire 
connaître  le  résultat  des  conférences  sur  diffé- 
rentes questions  d'histoire  naturelle  et  de  phy- 
sique qui  étaient  agitées  dans  les  assemblées  de 
l'abbé  Bourdelot.  11  en  est  un  certain  nombre 
d'oiseuses,  et  qui  arracheraient  plus  d'un  sou- 
rire aux  savants  de  nos  jours.  Au  surplus  le 
livre  est  rare  et  mérite  d'être  recherché.  On  fait 
encore  quelque  cas  de  sou  Traité  des  plus  belles 
Bibliothèques  de  l'Europe;  Paris,  1680,  in-12, 
qui  a  eu  plusieurs  éditions  :  on  a  cependant  re- 
proché à  Le  Gallois  d'avoir  traduit  en  partie 
l'ouvrage  de  Lomeier  De  Bibliothecis ,  pour 
composer  le  sien.  11  convient  lui-même,  dans  un 
avertissement,  qu'il  a  mis  à  profil  plusieurs 
mémoires  qui  lui  avaient  été  communiqués  ;  mais, 
ajoute-t-il,  «  il  doit  peu  vous  importer,  mon  cher 
lecteur,  d'où  j'ai  pris  tout  ce  que  j'ai  dit  dans  mon 
livre,  pourvu  qu'il  soit  véritable  et  qu'il  vous 
instruise.  »  Au  nombre  des  renseignements  qu'il 
contient,  on  lit,  avec  quelque  intérêt,  la  récapi- 
tulation de  toutes  les  bibliothèques  et  cabinets 
particuliers ,  renommés  par  leurs  richesses  et  le 
nom  de  leurs  possesseurs ,  qui  existaient  alors 
dans  la  capitale.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  Le 
Gallois  avait  composé  d'autres  ouvrages;  car 


LE  GALLOIS 


370 


figurant  dans  les  Entreliens,  sous  le  nom  d'O- 
ronte,  il  se  fait  adresser  ce  compliment  par  l'un 
des  interlocuteurs  :  «  Nous  savons  ce  que  vous 
savez  faire,  et  les  excellentes  pièces  que  nous 
avons  déjà  vues  de  vous  sont  une  suffisante 
caution  de  la  bonté  de  celle-ci  »  (pag.  74  ).  Les 
bibliographes  ne  nous  ont  pas  transmis  le  titre 
de  ces  excellentes  pièces.  J.  L. 

Nicerun,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  hommes 
illustres,  tom.  Vlll.  —  Bayle,  Lettres  publiées  sur  les 
Originaux,  tom.  XUI.  —  l'eignot,  Répertoire  Bibliogra- 
phique universel. 

le  gallois  (Julïen-Jean-César),  physiolo- 
giste français,  né  à  Cherrueix,  près  de  Dol  (  Bre- 
tagne), le  1er  février  1770,  mort  à  Paris,  en  février 
1814.  Il  était  fils  d'un  fermier,qui  lui  fit  donner 
une  bonne  éducation.  Après  avoir  remporté  tous 
les  prix  de  rhétorique  au  collège  de  Dol,  il  alla 
suivre  les  cours  de  médecine  à  la  faculté  de  Caen. 
Il  était  encore  dans  cette  ville  en  1793,  lorsque, 
à  la  suite  de  la  proscription  des  Girondins,  il  prit 
les  armes  en  faveur  du  soulèvement  des  pro- 
vinces contre  la  Convention.  Obligé  ensuite  de 
se  cacher,  il  fut  dénoncé,  et  vint  chercher  un 
refuge  à  Paris  parmi  les  élèves  qui  suivaient  les 
leçons  des  médecins  des  hôpitaux.  Dénoncé  une 
seconde  fois,  il  se  présenta  au  comité  des  poudres 
et  salpêtres,  subit  des  examens,  et  fut  envoyé 
dans  son  département  pour  y  diriger  la  fabrica- 
tion de  la  poudre.  Un  an  après,  l'école  de  santé 
ayant  été  fondée,  Le  Gallois  y  fut  envoyé  comme 
élève  par  son  district.  II  se  distingua  parmi  ses 
condisciples,  joignit  l'étude  des  langues  anciennes 
et  modernes  à  celle  de  la  médecine,  et  en  1801 
il  fut  reçu  docteur.  Dès  lors  ses  recherches  se 
dirigèrent  surtout  vers  la  physiologie.  Nommé 
médecin  de  Bicêtre  en  1813,  il  se  rendait  chaque 
jour  à  pied  de  Paris  à  cet  hospice.  Suivant 
M.  Boisseau,  il  gagna  dans  une  de  ces  courses 
une  péripneumonie,  qui  l'emporta,  parce  que, 
comme  tant  d'autres,  il  refusa  de  se  laisser  sai- 
gner, croyant  sa  maladie  adynamique.  Suivant 
M.  Isidore  Bourdon,  il  «  ne  trouva  rien  de  mieux 
à  faire,  dans  d'affreux  mécomptes,  que  de  ter- 
miner brusquement  sa  vie  en  s'ouvrant  l'artère 
crurale  d'un  coup  de  bistouri ,  détermination  qui 
lui  fut  inspirée  par  des  chagrins  domestiques  de 
l'espèce  la  plus  irrémédiable  ;  un  de  ses  doigts  fut 
trouvé  roidi  et  courbé  dans  la  plaie  qu'il  s'était 
faite ,  comme  s'il  eût  appréhendé  qu'un  caillot  de 
sang  ne  vint  arrêter  la  funeste  hémorrhagie  dont  il 
s'était  promis  la  fin  de  ses  souffrances  morales.  » 
Suivant  M.  Boisseau  «  Le  Gallois  était  un  phy- 
siologiste expérimentateur  dans  l'acception  la 
plus  noble  de  ce  mot,  et  ce  qui  le  caractérise  sur- 
tout, c'est  la  réserve  avec  laquelle  il  tirait  des 
conclusions  de  ses  expériences,  toutes  remar- 
quables par  leur  variété,  l'esprit  inventif  et  l'es- 
pèce de  prescience  qui  présidait  à  leur  accom- 
plissement. Le  Gallois  était  très-myope  ;  ses  doigts 
étaient  gros  et  courts,  et  pourtant  il  déploya  une 
adresse  singulière  dans  les  expériences  sur  les 
animaux  vivants.  »  Ses  recherches  portèrent 


371 


LE  GALLOIS 


principalement  sur  les  fonctions  de  la  moelle 
épinière.  «  Il  n'a  pas  ignoré,  dit  M.  Isidore 
Bourdon,  la  participation  de  cet  organe  avec  ce 
qui  regarde  non  seulement  les  mouvements  ar- 
bitraires, mais  la  respiration,  la  circulation  du 
sang,  la  chaleur  vitale,  etc.  Il  a  prouvé  que 
chaque  partie  du  corps  a  le  principe  de  sa  mo- 
tricité dans  la  portion  de  la  moelle  épinière  d'où 
proviennent  ses  nerfs.  Il  prouva  surtout  très- 
bien,  pourtant  moins  précisément  que  M.  Flou- 
rens, mais  beaucoup  mieux  que  Galien  et  que 
Lorry,  à  quel  point  de  la  moelle  allongée  voisin 
du  trou  occipital  correspond  le  pouvoir  de  re- 
tirer, comme  il  le  dit,  le  principe  de  la  vie.  Il 
montra  que  la  mort  est  instantanée  aussitôt  qu'on 
attacme  et  qu'on  détruit  cette  moelle  vers  l'ori- 
gine des  nerfs  pneumo-gastriques.  D'autres  expé- 
riences de  lui  ne  sont  pas  moins  célèbres,  en 
particulier  celles  qui  ont  pour  objet  de  détermi- 
ner le  degré  d'influence  de  la  moelle  épinière 
sur  les  mouvements  du  cœur  et  sur  la  circula- 
tion du  sang.  Suivant  lui,  c'est  de  toute  la  moelle 
épinière,  par  l'entremise  du  nerf  grand  sympa- 
thique, que  le  cœur  tient  le  principe  de  ses  bat- 
tements, de  son  action...  Le  Gallois  prouva  par 
d'autres  expériences  que  la  section  des  nerfs 
récurrents  produit  la  mort  par  asphyxie  en  oc- 
casionnant l'occlusion  de  la  glotte,  etc.  »  On  a  de 
Le  Gallois  :  Le  sang  est  il  identique  dans  tous 
les  vaisseaux  qu'il  parcourt?  Paris,  an  xm  ; 
in-8°;  —  Expériences  sur  le  Principe  de  la 
Vie,  notamment  sur  celui  des  mouvements 
du  cœur  et  sur  le  siège  de.  ce  principe;  Paris, 
1812,  in  8°;  réimprimées  dans  Y  Encyclopédie 
des  Sciences  Médicales  :  M.  Boisseau  appelle 
l'ouvrage  de  Le  Gallois  «  un  des  plus  beaux  mo- 
numents physiologiques  élevés  par  les  Français 
depuis  que  la  science  de  la  vie  a  reçu  une  di- 
rection vraiment  philosophique  ».  Le  Gallois  a 
lu  à  l'Institut  des  mémoires  qui  ont  été  impri- 
més dans  différents  recueils,  et  parmi  lesquels 
on  cite  :  Sur  les  Dents  des  Lapins  et  des  Ca- 
biais;  —  Sur  la  Durée  de  la  Gestation  dans 
ces  animaux  ;  —  Sur  la  Section  de  là  Hui- 
tième Paire  de  Nerfs;  —  Sur  le  Relâchement 
des  Symphyses  et  du  Bassin  dans  les  Cabiais 
à  V époque  du  part.  Il  a  fait  la  partie  anato- 
mique  et  physiologique  de  l'article  Cœur  du  Dic- 
tionnaire des  Sciences  Médicales.  Ses  Œuvres 
complètes  ont  été  publiées  par  E.  Pariset;  Paris, 
1824  et  1830,  2  vol.  in-8°,  avec  des  notes.  L'A- 
cadémie des  Sciences  a  fait  paraître  de  Le  Gal- 
lois :  Fragments  d'un  mémoire  sur  le  temps 
durant  lequel  les  jeunes  animaux  peuvent 
être  sans  danger  privés  de  la  respiration  , 
soit  à  l'époque  de  l'accouchement,  lorsqu'ils 
n'ont  point  encore  respiré,  soit  à  différents 
âges  après  leur  naissance  ;  Paris,  1834,  in-4°, 
ouvrage  qui  a  été  réimprimé  sous  le  titre  de  Ex- 
périences Physiologiques  sur  les  animaux, 
tendant  à  faire  connaître,  etc.  D'après 
M.  Flourens,  <i  Le  Gallois,  que  n'entouraient  ni 


—  LÉGARÉ  372 

le  prestige  de  l'éloquence  familière  ni  les  facilités 
de  succès  que  vaut  la  camaraderie,  précurseur 
modeste  des  études  modernes  sur  le  système 
nerveux,  mourut  à  la  tâche,  n'obtenant  de  la 
renommée  qu'une  bien  stricte  justice.  » 

Son  fils,  le  docteur  Eugène  Le  Gallois,  mort 
en  Pologne,  en  1831,  victime  du  choléra  qu'il 
était  allé  étudier,  a  publié  quelques  ouvrages, 
dont  la  plupart  ont  pour  objet  de  défendre  les 
travaux,  les  découvertes  et  la  réputation  de  son 
père.  L.  L — t. 

F.-G.  Boisseau,  dans  la  Biogr.  Médicale.  —  Dr  Isid. 
Bourdon,  dans  leDict.  de  la  Convers.—  Flourens,  Éloge 
de  Maijendic. 

legangneur  (  Guillaume  ),  célèbre  calli- 
graphie français,  né  en  Anjou,  en  1553,  mort  à 
Paris,  vers  1624.  Il  s'intitulait  secrétaire  ordi- 
naire de  la  chambre  du  roi ,  en  vertu  de  l'édit 
de  1570  qui  avait  accordé  ce  droit  au  corps  des 
experts-jurésécrivains-vérificateurs.  Il  fut  fêté 
par  tous  les  poètes  ,  et  son  nom ,  même  avant 
qu'il  eût  rien  publié,  faisait  autorité. Les  exemple? 
et  alphabets  de  Legangneur  ont  pour  titres  : 
La  Technographie,  ou  briève  méthode  pour 
parvenir  à  la  parfaite  connaissance  de  l'é- 
criture française  ;  — La  Rizographie,  ou  les 
sources ,  éléments  et  Perfections  de  l'écri- 
ture italienne;  —  La  Calligraphie,  ou  belle 
écriture  de  la  lettre  grecque.  Ces  trois  par- 
ties (in-4°  oblong)  se  trouvent  rarement  réu- 
nies. Le  privilège  est  du  1er  octobre  1599.  La 
première  contient  45  planches  gravées,  la  se- 
conde 31,  et  la  troisième  11.  Chacune  est  pré- 
cédée d'épîtres  dédicatoires ,  d'avertissements 
et  de  vers  à  la  louange  du  livre.  En  tête  de 
l'ouvrage  est  le  portrait  de  l'auteur,  âgé  de  qua- 
rante-six ans,  d'après  A. -P.  Dumoustier,  avec 
un  quatrain  français  par  Jacques  Dorât,  Limou 
sin,  qui  a  composé  aussi  un  sonnet  français  sur 
l'anagramme  de  Guillaume  Legangneur  Anqt 
vin  :  «  Ung  ange  venu  luy  règle  la  main  ».  Le 
P.  Lelong  indique  parmi  les  portraits  des  illus- 
tres d'autres  portraits  de  Legangneur  (  t.  IV  ). 
La  bibliothèque  Mazarine  possède  un  joli  manuS' 
crit  oblong  in-4°,  écrit  tout  entier  de  la  main  de 
ce  calligraphe  :  Ex  versibus  Fabri  Pibracii 
galiicis  latina  et  grxca  Tetrasticha,  authore 
Florente  christiano,  a  Guill-  Legangneur, 
Andegavensi,  descripta,  ordinario  camerse 
régis  secretario  ;  suit  une  dédicace  à  Gobe- 
lin  ,  conseiller  du  roi  en  ses  conseils  d'État  et 
privé,  et  trésorier  de  son  épargne.  La  signature 
et  le  titre  sont  en  encre  d'or,  ainsi  que  différents 
traits  d'écriture  dans  le  corps  du  volume,  qui  a 
appartenu  aux  carmes  déchaussés  de  Paris.  Une 
partie  du  manuscrit  est  en  encre  bleue.  Le  carac- 
tère grec  surtout  est  admirable.       C.  Port. 

La  Croix  du  Maine,  exemplaire  de  la  Bib.  irap.  (ré- 
serve) avec  des  annotations  manuscrites  de  Mercier  de 
Saint  Léger  —  Encyclopédie  méthodique  :  Jrts  et  Mé- 
tiers :  Écriture,  p.  3o9. 

légaré  IHugh  Svnnton),  célèbre  juriscon- 
sulte et  littérateur  des  États-Unis,  né  à  Char- 


373 


leston  (Caroline  du  Sud),  le  2  janvier  1797, 
mort  à  Boston,  le  20  juin  1843.  Il  descendait 
d'uue  famille  française  de  protestants  qui 
après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  était 
venue  chercher  un  asile  de  liberté  en  Amé- 
rique. La  plupart  de  ces  familles  de  huguenots 
ont  produit  des  hommes  distingués  par  leurs 
talents  et  les  services  qu'ils  ont  rendus  au 
pays.  Du  côté  de  sa  mère,  il  appartenait  aux 
Swinton  d'Ecosse ,  célèbres  par  leurs  exploits 
dans  les  traditions  du  Border.  Dans  son  carac- 
tère ,  on  trouve  réunies  à  un  degré  remarquable 
les  qualités  caractéristiques  des  deux  races.  Il 
perdit  de  bonne  heure  sou  père;  mais  sa  mère 
[était  une  femme  aussi  éclairée  que  tendre,  et  qui 
dirigea  son  éducation  avec  beaucoup  de  juge- 
ment. Son  enfance  fut  maladive,  par  suite  d'une 
inoculation  mal  faite ,  et  sa  constitution  s'en 
ressentit  toute  sa  vie.  La  partie  supérieure  du 
Corps  prit  un  développement  vigoureux,  tandis 
que  les  membres  inférieurs  restèrent  grêles  et 
sujets  à  des  douleurs.  Après  avoir  reçu  des  le- 
çons particulières  dans  la  maison  maternelle,  il 
entra  à  quatorze  ans  dans  l'université  de  la  Ca- 
roline du  Sud ,  à  Columbia,  pour  suivre  les  cours 

'études  classiques.  Il  y  montra  un  goût  très-vif 
our  les  auteurs  grecs  et  latins ,  et  plus  tard 
our  la  philosophie,  sans  négliger  pourtant  les 
utres  branches  d'instruction.  Il  était  au  niveau 
les  bons  élèves  pour  les  mathématiques,  la  chi- 

ie  et  la  physique ,  et  tout  à  fait  supérieur  dans 
es  classiques,  vers  lesquels  son  penchant  l'en- 
raînait.  Quoique  bien  jeune  encore,  il  y  puisa 
ne  vigueur  de  pensée  et  une  étendue  d'instruc- 
Ition  qui  donnèrent  plus  tard  un  relief  remar- 
quable à  ses  talents.  Plein  d'ardeur  et  de  facilité 
ipour  le  travail,  il  étudia  les  historiens,  les  ora- 
teurs, les  poètes  anglais,  apprit  à  bien  parler  et 
là  bien  écrire  le  français ,  et  rît  des  progrès  mar- 
Iqués  dans  l'italien.  Il  obtint  son  diplôme  vers 
la  fin  de  1314,  après  un  examen  de  grande  dis- 
jonction, et  comme  il  se  destinait  au  barreau,  il 
fit  ses  études  de  droit  sous  la  direction  d'un  des 
(premiers  avocats  de  Charleston.  Trois  ans  en- 
tiers furent  consacrés  à  cette  étude  que  variait  et 
tempérait  la  culture  de  branches  littéraires.  Il 
aurait  pu  obtenir  immédiatement  son  admission 
au  barreau.  Mais,  animé  d'une  noble  ambition, 
il  résolut  d'aller  en  Europe  pour  perfectionner 
ses  connaissances  dans  les  écoles  de  Paris  et  les 
universités  d'Allemagne  et  d'Angleterre.  Il  s'em- 
barqua donc  à  Charleston  pour  Bordeaux,  et  de 
là  se  rendit  à  Paris  (juin  1818).  Il  avait  vingt- 
et-un  ans.  Il  passa  plusieurs  mois  à  Paris,  visi- 
tant les  bibliothèques,  la  chambre  des  députés, 
le  Théâtre-Français,  et  livré  à  des  études  sérieu- 
ses; il  se  perfectionna  dans  le  français,  de  ma- 
nière à  le  parler  et  à  l'écrire  avec  facilité  et  élé- 
gance. Il  se  rendit  ensuite  à  l'université  d'Edim- 
bourg, et  y  suivit  régulièrement  les  cours  de  loi 
civile ,  de  physique  et  de  mathématiques.  Mais 
la  meilleure  partie  de  son  temps  était  consacrée 


LÉGARK  374 

à  la  loi  civile,  et  il  se  délassait  de  ces  travaux 
sérieux  par  un  cours  de  littérature  italienne.  Les 
troubles  qui  en  1 819  agitèrent  plusieurs  univer- 
sités d'Allemagne  l'empêchèrentde  faire  le  voyage 
qu'il  y  avait  projeté.  Il  parcourut  la  Belgique,  la 
Hollande,  les  bords  du  Rhin  et  le  nord  de  l'Italie, 
et  au  printemps  de  1820  il  retourna  aux  États- 
Unis,  après  une  absence  d'environ  deux  ans.  Il 
résida  d'abord  sur  la  plantation  de  sa  mère. 
L'estime  dont  jouissait  sa  famille  et  sa  propre 
réputation  le  firent  nommer  membre  de  la  légis- 
lature de  l'État.  Pour  acquérir  la  pratique  des 
affaires ,  il  s'attacha  surtout  aux  travaux  des 
comités  ;  quelques  discours,  qu'il  eutoccasion  de 
prononcer,  le  placèrent  aussitôt  parmi  les  meil- 
leurs orateurs.  Après  avoir  mis  sa  plantation  en 
bon  état,  il  se  fixa  à  Charleston  avec  sa  famille, 
et  commença  l'exercice  de  sa  profession  (1822). 
Sou  mérite  même  nuisit  d'abord  à  son  succès , 
sous  le  rapport  de  l'argent:  les  clients  n'abon- 
daient pas  dans  son  cabinet;  on  le  regardait 
comme  un  avocat  que  l'amour  des  hautes  études 
rendait  peu  propre  à  la  conduite  des  affaires  or- 
dinaires. La  jalousie  aussi  avait  exagéré  son  ins- 
truction même,  afin  de  le  déprécier  comme  avocat. 
Ces  dispositions  n'eurent  qu'un  temps.  En  1824 
il  fut  élu  de  nouveau  à  la  législature ,  et  ne  la 
quitta  que  lorsqu'il  fut  nommé  attorney  général 
de  son  État.  11  y  avait  alors  une  grande  agitation 
dans  les  esprits  au  sujet  du  tarif.  D'orageuses 
discussions  éclatèrent  souvent.  Légarése  montra 
le  défenseur  de  la  doctrine  des  States  rights 
(droits  indépendants  des  États),  mais  fort  op- 
posé à  celle  de  la  nullification  qui  attaquait  di- 
rectement le  gouvernement  fédéral.  Vers  la  fin 
de  1827,  une  revue  trimestrielle  fut  créée  à 
Charleston  pour  défendre  les  intérêts  et  les  opi- 
nions des  États  du  sud  en  matière  de  politique 
et  de  finances.  Légaré  en  devint  le  principal 
collaborateur,  et  contribua  puissamment  à  son 
succès.  On  y  remarqua  ses  articles  sur  Y  His- 
toire de  la  Littérature  romaine,  sur  une  tra- 
duction de  la  République  de  Cicéron,  et  sur 
Y  Économie  publique  d'Athènes.  Il  fut  obligé 
de  les  interrompre,  lorsqu'en  1830  il  eut  été 
nommé  attorney  général  de  l'État  par  la  légis- 
lature. Cette  distinction  était  d'autant  plus  re- 
marquable qu'il  était  encore  jeune  avocat  et 
qu'il  avait  combattu  les  opinions  politiques  de 
la  majorité  de  l'assemblée.  Son  instruction  pro- 
fonde et  ses  qualités  d'esprit  le  rendaient  émi- 
nemment propre  à  ces  fonctions.  Il  fit  sensation 
à  Washington  par  la  manière  dont  il  plaida  une 
affaire  importante  devant  la  cour  suprême ,  et 
ce  succès  lui  procura  la  connaissance  et  bientôt 
l'amitié  d'Edward  Livingston,  alors  secrétaire 
d'État,  dont  la  réputation  comme  légiste  était  la 
première  des  États-Unis.  Le  ministre  mettait 
une  haute  importance  à  l'étude  et  au  perfec- 
tionnement de  la  loi  civile  ,  et  comme  l'Europe 
en  était  la  source  principale  ,  il  offrit  à  Légaié 
le   poste  de  chargé  d'affaires  en  Belgique,  afin 


575  LÉGARE 

de  lui  donner  les  moyens  de  s'y  consacrer  à  des 
études  spéciales.  Les  devoirs  de  ce  poste  étaient 
facile»,  et  devaient  lui  laisser  beaucoup  de  temps. 
Légaré  accepta,  et  se  rendit  à  Bruxelles  en  1833. 
Placé  près  de  la  France,  de  l'Angleterre  et  de 
l'Allemagne,  il  se  trouvait  en  quelque  sorte  au 
centre  de  la  science  légale  et  des  plus  riches  bi- 
bliothèques. Il  apprit  à  fond  l'allemand,  pour 
lire  dans  l'original  les  traités  profonds  publiés 
sur  l'ancienne  jurisprudence ,  la  loi  romaine  et 
civile,  et  particulièrement  les  ouvrages  de  Sa- 
vigny.  Malgré  ces  études  sérieuses ,  il  fré- 
quentait le  grand  monde,  où  sa  société  était  très- 
goûtée.  On  trouve  dans  ses  œuvres  l'extrait 
d'un  journal  privé  qui  a  rapport  à  la  première 
année  de  sa  mission.  Ces  souvenirs,  écrits  sans 
prétention,  sont  d'une  lecture  piquante  et  agréa- 
ble par  les  anecdotes  ou  la  finesse  des  observa- 
tions. Avant  de  quitter  la  Belgique,  il  fit  un 
voyage  dans  le  nord  de  l'Allemagne  pour  y  con- 
naître les  universités  et  les  hommes  célèbres  de 
l'époque ,  et  retourna  en  Amérique  dans  l'au- 
tomne de  1836.  Ces  quatre  années  passées  en 
Europe  lui  avaient  été  extrêmement  profitables. 
Il  en  rapportait  une  instruction  profonde,  un 
esprit  mûri  par  l'expérience,  une  grande  intel- 
ligence des  Etats  européens.  A  son  arrivée  à 
Charleston ,  il  fut  élu  membre  du  congrès  à 
une  majorité  considérable.  Quelques  mois  après, 
une  crise  financière,  causée  à  la  fois  par  les 
mesures  du  général  Jackson  et  des  spécula- 
tions excessives  ,  vint  bouleverser  l'Union  toute 
entière.  Des  débats  orageux  eurent  lieu  au  con- 
grès au  sujet  des  meilleurs  remèdes  à  y  ap- 
porter; Légaré  s'y  fit  remarquer  par  un  discours 
plein  de  sagesse ,  de  vues  élevées  et  d'éloquence, 
mais  opposé  aux  vues  de  l'administration  de  Van 
Buren.  Il  continua  à  parler  et  à  voter  avec  une 
forte  minorité  composée  des  whigs  et  d'une 
partie  des  démocrates  qui  avaient  abandonné  la 
politique  financière  du  président  Jackson.  Aussi 
à  l'élection  suivante  il  échoua  dans  sa  nomina- 
tion, par  suite  des  efforts  combinés  des  partis  de 
Calhoun  et  de  van  Buren.  Il  revint  avec  une 
nouvelle  ardeur  à  sa  profession  d'avocat ,  et  fut 
chargé  de  plusieurs  affaires  de  grande  impor- 
tance, qui  étendirent  encore  sa  réputation.  Il  prit 
une  part  brillante  et  active  à  la  lutte  présiden- 
tielle de  1840,  qui  avait  exalté  au  plus  haut  les 
passions  des  deux  partis.  Les  démocrates  avaient 
exercé  le  pouvoir  depuis  1S29,  et  leurs  adver- 
saires leur  attribuaient  les  désastres  financiers 
du  pays.  Légaré  prononça  à  Richmond  et  à  New- 
York  des  discours  qui  firent  sensation  et  furent 
comparés  à  ceux  de  Webster  et  de  Clay.  Ce  fut 
aussi  dans  ce  temps  qu'il  publia  successivement 
dans  une  revue  de  New-York  trois  articles 
remarquables  :  Démostkène  :  l'homme,  Vo- 
rateur  et  le  politique;  —  La  Démocratie 
athénienne;  —  Origine,  Histoire  et  Influence 
de  la  Loi  romaine.  En  1841  il  fut  appelé  par 
le  président  Tyler  au  poste  d'attorney  général 


-  LEGATI  376 

des  États-Unis,  eten  cette  qualité  devint  membre 
du  cabinet.  L'opinion  générale  applaudit  à  ce 
choix:  il  y  montra  l'application  la  plus  laborieuse 
en  même  temps  que  l'esprit  le  plus  éclairé  et  le 
plus  indépendant.  Il  avait  à  donner  des  opinions 
raisonnées  sur  des  questions  constitutionnelles 
qui  sortaient  de  l'administration  du  gouverne- 
ment, ou  sur  des  affaires  litigieuses  portées 
devant  la  cour  suprême  et  dans  lesquelles  étaient 
engagés  des  intérêts  très-considérables.  Il  fallait 
une  profonde  connaissance  des  lois  et  une  grande 
justesse  de  jugement.  Il  fut  au  niveau  de  ces 
délicates  fonctions  ,  et  bien  que  l'administration 
du  président  Tyler  ne  fût  pas  populaire,  Légaré 
obtint  par  la  droiture  de  son  caractère  et  sa- 
haute  impartialité  l'estime  des  partis  qui  atta- 
quaient alors  le  président.  A  la  retraite  de  Webs-  ' 
ter,  il  fut  chargé  par  un  long  intérim  des  fonc-t 
tions  de  secrétaire  d'État  (affaires  étrangères), 
tout  en  conservant  celles  d'attorney  général.i 
C'était  un  lourd  fardeau ,  car  aux  États-Unis  ces 
deux  départements  sont  les  plus  importants  et 
les  plus  encombrés  d'affaires.  L'excès  d'applica- 
tion fut  probablement  une  des  causes  de  sa  mort1 
prématurée.  Dans  l'automne  de  1842,  il  avait 
été  dangereusement  malade,  mais  il  avait 
échappé,  grâce  à  l'habileté  des  soins  et  au  repos. 
Il  semblait  avoir  recouvré  la  santé  et  les  forces , 
lorsque  le  président  et  le  cabinet  se  rendirent  à 
Boston,  en  juin  1843,  pour  assister  aux  céré- 
monies d'inauguration  du  monument  de  Bunker 
Hill.  A  peine  arrivé,  Légaré  fut  attaqué  par  la! 
même  maladie  dont  il  avait  si  cruellement  souf- 
fert, une  gastrite  aiguë.  Malgré  tous  les  soins 
qui  lui  furent  prodigués,  il  expira  quelques  joursi 
après ,  avec  calme  et  courage ,  bien  qu'en  proie 
à  de  vives  souffrances.  Trois  ans  après  sa  mort, 
ses  principaux  écrits  ont  été  publiés  en  deux  vo-i 
lûmes  qui  contiennent  son  journal  privé  pendant 
sa  mission  diplomatique,  une  partie  de  sa  corres- 
pondance privée  et  publique,  ses  principaux  dis- 
cours et  les  articles  les  plus  importants  fournis 
à  la  Revue  du  Sud  et  à  la  Revue  de  New-York. 

J.  CUANUT. 

Cyclopœdia  of  jmerican  Literature.  —  Biographical 
Notice,  en  tête  du  premier  vol.  de  ses  écrits. 

LE  gascon  (N....),  célèbre  relieur  français 
du  dix-septième  siècle.  Il  relia  presque  tous  les 
livres  des  enfants  de  De  Thou,  et  s'illustra  par  ! 
la  reliure  de  la  fameuse  Guirlande  de  Julie.  { 
«  Cet  artiste  véritable  ,  dit  M.  Feydeau ,  atteignit 
la  perfection  absolue  de  la  dorure,  et  jamais  son 
secret  ne  fut  retrouvé.  C'est  une  netteté ,  une  fi- 
nesse qui  décourage  les  mains  les  plus  délicates 
et  les  plus  habiles.  M.  Pichon  possède  un  exem- 
plaire du  Traité  de  la  Physionomie  d'Adaman- 
tius  habillé  par  cet  homme  unique  ;  c'est  à  ne 
pas  oser  y  toucher.  »  C'est  pourtant  seulement 
à  la  dorure  que  Le  Gascon  sut  donner  tout  son 
éclat.  L.  L— t. 

Feydeau,  dans  La  Presse,  du  26  novembre  1857. 

legati  (Laurent),  médecin  et  philologue 


77  LEGATI  - 

alien,  né  à  Crémone,  danslapremièremoitiédu 
x-septième  siècle,  mort  vers  1675.  Il  se  fit 
•cevoir-  docteur  en  philosophie  et  en  médecine, 
it  nommé  professeur  de  grec  à  l'université  de 
ologne,  et  devint  quelque  temps  après  médecin 
un  prince  de  la  maison  de  Gonzague.  On  a  de 
ii  :  Museo  Cospiano  annesso  a  quello  del 
wioso  Ulisse  Aldovrondi;  Bologne,  1677, 
fol.;  —  Agriomeleis,  aut  in  silveslre  pomo- 
um  genns  métamorphoses;  Bologne,  1677, 
i_4°;  —  Chrysomrleis,  sive  aureorum  malo- 
uni  JRistoria ,  mythice  descripta  ;  Bologne , 
567,  in-4".  Legati  a  encore  publié  plusieurs 
oëmes  latins  et  grecs  ;  il  a  laissé  en  manuscrit: 
thenxum  Poetarum ,  et  Lyceum  Herculis , 
iivrage  sur  les  littérateurs  et  les  artistes  de  sa 
ille  natale.  E.  G. 

Arisius ,  Cremona  Literata,  t.  III. 

legaitffrs  (  Ambroise),  canoniste  fran- 
lis,  né  au  Grand-Lucé  (Maine),  en  1568,  mort 
Bayeux,  le  23  novembre  1635.  Il  fut  professeur 
e  droit  canonique  à  l'université  de  Caen,  vice- 
îancelier  de  cette  université,  et  trésorier  de 
église  de  Bayeux.  Son  mérite,  partout  reconnu, 
!  fit  envoyer  par  la  province  de  Normandie  aux 
fats  généraux  de  1614.  Il  n'a  laissé  qu'un  livre 
ititulé  ••  Synopsis  Decretalium,  seu  ad  sin- 
ulos  Decretalium  titulos  methodica  juris 
triusque  mutationum  distinctio;  Paris, 
656, in-fol.  C'est  le  neveu  d'Àmbroise,  Hubert- 
rançois  Legauffre,  maître  des  comptes  à  Paris, 
ui  surveilla  l'impression  de  cet  ouvrage.  Huet 
ous  apprend  qu'il  était,  de  son  temps,  très-es- 
imé.  B.  H. 

Huet,  Origines  de  Caen,  ch.  24.  —  Hermant,  Hist.  du 
Hocèse  de  Bayeux.  —  B.  Hauréau ,  Hist.  Liit.  du  Maine, 

III,  p.  34B. 

le  gay  (  Louis-Pierre-Prudent  ),  littéra- 
eur  français ,  né  à  Paris,  le  13  avril  1744,  mort 
lans  la  même  ville,  le  4  janvier  1826.  Aprèsavoir 
empli  divers  emplois  en  province ,  il  entra,  à 
'époque  de  la  révolution,  dans  l'administration 
lies  subsistances  militaires,  dont  il  devint  direc- 
teur. Il  perdit  sa  place  à  la  création  de  l'empire, 
fet  s'occupa  de  littérature;  sous  la  restauration 
ijl  obtint  un  modeste  emploi  dans  les  bureaux 
le  l'université.  Parmi  ses  ouvrages,  on  cite  : 
Pauline,  ou  les  moyens  de  rendre  les  femmes 
heureuses;  Paris,  1802,  in-8°;  —  Sainville 
et  Ledoux,  ou  sagesse  et  folie  ;  Paris,  1802, 
B  vol.  in-12  ;  —  V  Infidèle  par  circonstance  ; 
|Paris,  1803,2  vol.  in-12;  —  Eglay,  ou  Va- 
Imour  et  le  plaisir;  Paris,  1807,  2  vol. 
in-12;  —  La  Maison  isolée;  Paris,  1807, 
4  vol.  in-12;  —  Elisabeth  Lange,  ou  le  jouet 
des  événements  ;  Paris,  1808,3  vol.  in-12;  — 
V Enfant  de  V Amour  ;  Paris,  1808,  3  vol. 
in-12;  —  Le  Marchand  forain  et  ses  fils; 
Paris,  1808,  1819,  4  vol.  in-12;—  La  Roche 
du  Diable;  Paris,  1809,  5  vol.  in-12;  1822, 
4  vol.  in-12;  —  Le  Petit  Savant  de  société, 
recueil  extrait  des  manuscrits  d'Enfantin;  Paris, 


LEGAZPI  378 

1.812,  4  vol.  in-32;—  Récréations  de  V En- 
fance; Paris,  1816,  3  vol.  in-18;  —  Le  Conné- 
table de  Bourbon  et  la  duchesse  d'Angou- 
lème;  Paris,  1818,  2vol.  in-12;—  Le  nou- 
veau Magasin  des  Enfants;  Paris,  1820,  3  vol. 
in-18,  etc.,  etc.  Presque  tous  ces  ouvrages  ont 
paru  sous  le  voile  de  l'anonyme  ou  sous  le  nom 
deLanglois,  qui  était  celui  de  sa  femme.  J.  V. 
stimules  biographiques ,-  1836,  p.  484.  —  Arnault,  Jay, 
Joiiy  et  Norvins,  Hiogr.  nouv.  des  Contemp.  —  Quérard, 
Iji  France  Littéraire. 

LEfiAY  (Louis- Joseph),  poète  français,  né 
à  Arras,  le  27  février  1759,  mort  vers  1830. 
Beçu  avocat  au  conseil  d'Artois  en  1783,  il  fut 
nommé  en  1790  commissaire  du  roi  près  du  tri- 
bunal de  Sair.t-Poï,  et  exerça  depuis  les  fonc- 
tions de  juge  au  même  tribunal ,  et  successive- 
ment au  tribunal  d'Arras  et  au  tribunal  civil  du 
Pas-de-Calais  séant  à  Saint-Omer.  Il  devint  en- 
suite commissaire  du  Directoire  exécutif  près  les 
tribunaux  civil  et  criminel  du  même  département. 
A  la  suppression  des  tribunaux  de  département, 
il  fut  nommé  commissaire  du  gouvernement 
près  le  tribunal  de  première  instance  de  Béthune. 
Lors  de  la  réorganisation  de  ce  tribunal,  en  1810, 
il  n'y  fut  pas  compris;  mais  il  y  fut  rappelé  en  1818. 
Passionné  pour  la  poésie,  il  avait  fondé  à  l'âge 
de  vingt  ans  avec  quelques  amis  de  collège  et 
du  barreau  la  Société  anacréontique  des  Bosati 
d'Arras.  On  a  de  lui  :  Mes  Souvenirs  ;  Paris, 
1786,  in-8°  ;  —  Du  Célibat  et  du  Divorce,  dis- 
cours prononcé  à  l'Académie  d'Arras  en  1787  ; 
Douai,  1816,  in-8°.  J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Con- 
temp. —  Quérard,  La  France  Littéraire. 

legazp!  (  D.  Miguel  Lopez  de  ) ,  conqué- 
rant des  Philippines,  né  dans  le  bourg  de  Zu- 
barraja,  vers  le  commencement  du  seizième  siècle 
mort,  au  mois  de  mai  1572.  Il  appartenait  à  une 
famille  noble  du  Guipuscoa,  et  il  commença  à 
naviguer  de  bonne  heure.  Il  se  rendit  au  Mexique 
en  1545,  et  devint  principal  secrétaire  (escri- 
vano  mayor)àn  cabildo  de  Mexico.  En  1563, 
et  sous  l'administration  de  D.  Luiz  de  Velasco, 
vice-roi  de  la  Nouvelle-Espagne,  on  se  préoc- 
cupait singulièrement  d'utiliser  les  grandes  dé- 
couvertes de  Magellan ,  et  on  décida  de  nouveau 
qu'on  ferait  la  conquête  des  Philippines.  Legazpi 
fut  nommé  chef  de  l'expédition,  composée  de 
quatre  navires  et  d'une  frégate  armés  dans  le  port 
de  la  Natividad.  Après  avoir  obtenu  de  ses  su- 
périeurs les  licences  indispensables.  Urdaneta, 
qui  devait  l'accompagner,  embarqua  avec  lui  cinq 
religieux  de  l'ordre  auquel  il  appartenait,  et  dont 
il  devint  le  supérieur.  Parmi  ces  missionnaires 
il  y  en  avait  un  d'un  savoir  peu  commun  en 
mathématiques  et  en  géographie;  c'était  frère 
Martin  de  Bada ,  qui  ne  le  cédait  sous  ce  rapport 
qu'à  Urdaneta  (1). 

(1)  Nous  rappellerons  que  dix- neuf  ans  auparavant  le 
vice-roi  du  Mexique  D.  An'.onio  de  Mendoza,  voulant 
faire  explorer  plusieurs  archipels  très-vaguement  connu» 


379 


LEGAZPI 


Le  21  novembre  1563,  la  flottille  commandée 
par  Legazpi  mit  à  la  voile,  et  fit  sa  première  re- 
lâche dans  l'île  des  Larrons.  On  nommait  ainsi 
alors  l'archipel  des  Mariannes,  qui  le  9  janvier 
de  l'année  suivante  devait  être  connue  des 
navigateurs  sous  une  autre  dénomination.  Le- 
gazpi en  prit  possession  au  nom  de  la  cou- 
ronne; puis  il  navigua  à  l'ouest,  et  le  13  fé- 
vrier il  aperçut  l'archipel,  but  de  l'expédition. 
On  jela  l'ancre  dans  une  grande  baie  abritée 
par  de  hauts  rochers,  el  le  général  ayant  expédié 
à  terre  son  mestre  de  camp,  Martin  de  Coyti , 
que  le  père  Urdaneta  voulut  accompagner,  il  se 
trouva,  selon  leur  rapport,  que  tout  était  désert. 
On  ne  resta  pas  longtemps  dans  cette  croyance  : 
le  lendemain,  un  canot,  monté  par  plusieurs  na- 
turels, parut  et  se  dirigea  vers  la  capitane.  Le 
principal  parmi  ces  insulaires  apprit  aux  Espa- 
gnols que  l'île  s'appelait  Ybabao.  Il  n'hésita 
pas,  ainsi  que  ses  compagnons,  à  montera  bord, 
et  il  reçut  un  si  bon  accueil  qu'il  décida  ses  com- 
patriotes à  visiter  les  étrangers  ;  les  chefs  de  l'île 
vinrent  à  leur  tour  ;  des  rapports  affables  s'éta- 
blirent entre  les  naturels  et  les  Européens.  Des 
présents  même  furent  offerts  à  Legazpi  et  à  ses 
équipages  ;  mais  l'on  ne  peut  s'empêcher  de  re- 
marquer que  s'ils  apportèrent  des  fruits  en  abon- 
dance ,  ils  se  contentèrent  d'offrir  au  chef  des 
étrangers  un  seul  coq  et  un  seul  œuf. 

Legazpi  fit  alors  des  tentatives  pour  trouver 
un  port  qui  offrît  plus  de  commodités  et  surtout 
des  provisions  d'une  autre  nature.  Dans  ce  but, 
il  expédia,  sur  une  barque  armée,  Juan  de  la  Isla 
accompagné  de  quelques  soldats  et  de  deux  re- 
ligieux. Malheureusement ,  ce  fut  à  la  suite  de 
cette  recherche  que  les  hostilités  commencè- 
rent; elles  eurent  lieu  d'abord  de  la  part  des  In- 
diens, mais  elles  furent  provoquées  par  l'ardeur 
imprudente  d'un  seul.  Un  gentilhomme,  nommé 
Francisco  Gomez ,  qui  faisait  partie  de  la  maison 
du  général ,  apercevant  quelques  insulaires  sur 
le  rivage,  prétendit  qu'il  allait  «  se  saigner  avec 
les  Indiens  »  :  c'était  le  mot  dont  les  braves  de 
l'époque  se  servaient;  le  capitaine  et  les  religieux 
s'opposèrent  vainement  à  cet  acte  de  témérité 
inutile.  Notre  homme  ne  se  trouva  pas  plus  tôt  à 
terre  qu'un  trait  lancé  d'une  main  vigoureuse  lui 
traversa  la  poitrine  ;  le  malheureux  Gomez  eut 
à  peine  la  force  de  gagner  le  canot  qui  l'avait 
amené;  il  alla  mourir  quelques  instants  après 
entre  les  bras  des  religieux.  Chose  étrange,  les 

delà  mer  du  Sud,  avait  confié  une  escadre  d'explora- 
tion à  Ruy  Lopez  de  Viiialobos.  Cette  expédition  était 
partie  à  la  Toussaint  de  l'année  1542.  Elle  se  composait 
de  deux  bâtiments  de  haut  bord  ,  de  deux  pataches  et 
d'une  galère;  elle  accomplit  de  notables  découvertes; 
sur  lesquelles  il  nous  reste  fort  peu  de  détails.  Ruy  l.opez 
fit  même  explorer  alors  pour  la  première  fois  la  grande 
île  de  Mindanao,  où  il  envoya  Bernardo  de  la  Torre.  l.a 
Torre  fui  repoussé  par  les  insulaires,  et  l'un  drs  bâti- 
ments de  l'escadre  ayant  été  expédié  vers  la  Nouvelle- 
Espagne,  ce  navire  alla  relâcher  au  groupe  d'îles  vu 
naguère  par  Magellan  et  nommé  cette  fois  les  Philip- 
pines. 


380 

Te,  et 

hilip- 


actes  de  ee  genre  ne  se  renouvelèren;  ;■; 
le  caractère  distinctif  de  la  conquête  des 
pines,  c'est  cette  absence  de  combats  lors  du 
contact  des  Espagnols  avec  l'une  des  races  les 
plus  bellliqneuses  de  cet  archipel;  tout  l'hon- 
neur  en  revient  certainement  à  Legazpi.  Nous  ne 
suivrons  pas  ce  général  à  travers  plusieurs  au- 
tres incidents;  partout  il  sut  trouver  un  accueil 
favorable  auprès  des  naturels.  Après  de  patientes 
recherches,  il  rencontra,  pour  abriter  sa  Hotte,' 
une  petite  baie ,  qu'on  appela  l'anse  de  San-Pedro.' 
Sur  la  rive  s'élevait  une  bourgade ,  que  les  na-». 
lurels  nommaient  Cancongo  :  c'était  la  résidence* 
d'un  petit  radjah.  Nonobstant  ce  qu'on  lui  avajt 
dit  du  péril  qu'il  y  avait  à  faire  alliance  avec  les 
blancs,  Tandaya  accueillit  les  Espagnols;  le  gé- 
néral prit  solennellement  possession  du  pays; 
pour  la  première  fois  la  messe  y  fut  célébrée,  et  un 
fort  y  fut  bâti.  A  partir  de  ce  moment,  les  explo-i 
rations  armées,  ne  discontinuèrent  plus,  et  rien  ne 
surprit  autant  les  Espagnols  que  la  variété  des> 
races  et  la  bizarrerie  des  usages  qu'ils  rencontrè-i 
rent.  L'immense  archipel  que  l'on  allait  annexer 
à  l'Espagne  était  bien  vaguement  connu  en  1565: 
on  savait  quelque  chose  des  richesses  de  son  ter 
ritoire ,  on  ne  savait  rien  de  ses  révolutions.  Ce! 
îles  magnifiques  étaient  peuplées  originairement 
par  deux  variétés  de  noirs  Océaniens ,  dont  oi< 
connaît  encore  aujourd'hui  fort  clairement  la  des 
cendance  ;  ces  îles,  convoitées  par  l'Espagne  e 
par  le  Portugal ,  avaient  déjà  reçu  des  peuple 
conquérants  ,  d'une  autre  race  :  c'était  l'immense 
Kalementan,  que  nous  avons  nommé  Bornéo 
qui  avait  peuplé  ces  plages  d'une  variété  d'hom 
mes  à  la  fois  belliqueuse  et  rusée.  Les  Tagales 
qui  par  plus  d'un  trait  se  rapprochaient  des  M» 
lais  purs,  les  Tagales ,  qui  avaient  une  écriture 
différente  de  celle  des  autres  peuples  orientaux 
et  qui  par  ce  seul  fait  l'emportaient  peut-être 
en  civilisation  réelle  sur  les  Aztèques ,  reçurent 
comme  ceux-ci  le  nom  d' Indios  ;  c'était  contre 
eux  surtout  que  la  cour  d'Espagne  songeait  l 
se  précautionner,  c'était  contre  leur  persévé- 
rance dans  la  défense  et  leur  astucieuse  fera- 
cité  dans  l'attaque,  que  Legazpi  avait  reçu  l'ordre 
de  se  prémunir.  A  force  d'habileté,  de  prn 
dence,  de  fermeté  et  d'esprit  de  justice ,  il  sut 
les  dompter. 

La  première  opération  vraiment  importante  de 
Legazpi  fut  la  soumission  de  l'île  où  Magellat 
avait  trouvé  la  mort.  Il  entra  dans  la  rade  de 
Cebu  le  25  avril  1565,  et  cette  fois  les  Bisayas, 
se  montrant  infiniment  plus  pacifiques  qu'ils  ne 
l'avaient  été  trente-cinq  ans  auparavant,  ac- 
ceptèrent la  domination  espagnole ,  reçurent  des  ; 
missionnaires,  et  commencèrent  à  se  laisser  con- 
vertir. Ce  fut  de'  cette  île  que  le  savant  Urdâ-  \ 
neta  fut  envoyé  en  Europe ,  pour  y  faire  con- 
naître la  véritable  situation  des  choses;  Legazpi 
continua  ses  explorations,  et  découvrit  l'île  im- 
portante de  Panay  ;  des  missionnaires  furenf 
laissés  sur  cette  terre  d'idolâtres,  et  tandis  que 


S!  LEGAZPI  — 

ilirii  liait  à  l'orée  de  patience  toutes  les 
es  Bîsàyas,  le  général,  persistant  dans  son  des- 
ein  d'atteindre  la  grande  île  considérée  comme 

métropole  de  l'archipel,  arrivait  à  travers  mille 
angers  dans  Lousong  (1),  la  terre  dominée 
ar  ces  fiers  Tagales  dont  nous  avons  fait  con- 
aître  l'origine  Cette  région  magnifique,  traversée 
ar  le  fleuve  Pasig,  était  dominée  par  plusieurs 
jlêfs  ;  les  deux  principaux  étaient  le  radjah 
[atanda  (  le  vieux  radjah  ) ,  et  radjah  Soliman, 
on  neveu,  dont  le  nom  annonce  une  origine 
lusulmane.  Selon  toute  apparence,  ce  chef 
vait  fait  alliance  avec  les  Portugais  et  pos- 
tait quelques  pièces  d'artillerie,  servies  par 
d  chrétien.  Il  attaqua  Juan  de  Salcedo,  mettre 
e  camp  du  général;  mais  il  eut  bientôt  à  s'en 
îpentir,  et  fut  contraint  de  demander  la  paix. 
on  oncle  n'avait  pas  participé  aux  hostilités, 
resque  sans  coup  férir,  les  Espagnols  se  trou- 
aient maîtres  du  fort,  qui  commandait  l'entrée 
a  Pasig.  Par  suite  de  la  direction  des  vents, 
expédition  fut  obligée  de  se  réfugier  dans  la  baie 
e.  Cavité. 

La  mission  donnée  à  Urdaneta  n'avait  pas 
é  inutile  :  le  25  juin  1569,  Legazpi  vit  entrer 
ans  le  port  trois  navires  arrivant  de  Cadix; 
l  ordre  de  la  cour  lui  enjoignait  de  prendre 
ossession  des  Philippines  :  il  fonda  immé- 
atement  à  Cebu  la  ville  du  saint  nom  de 
ieu  (  Ciudad  del  santo  nombre   de  Bios), 

se  mit  en  mesure  d'effectuer  la  conquête  de 
ousong.  L'expédition,  qui  devait  ranger  sous 
obéissance  de  Philippe  II  cette  région  opu- 
nte,  mit  à  la  voile  de  Panay,  le  15  avril 
570.  Quand  le  général  passa  en  revue,  dans 
le  de  Lestaga,  les  forces  dont  il  pouvait  dis- 
oser, il  se  trouva  qu'elles  ne  dépassaient  pas 
eux  cent  quatre-vingts  hommes.  Ce  fut  avec 
;tte  petite  armée  qu'il  mit  à  la  raison  le  radjah 
oliman,  oublieux  de  ses  engagements,  et  qu'il 
mda  la  ville  de  Manille.  Un  acte  d'humanité 
i  avait  valu  l'affection  des  Chinois,  et  le  sauve- 
ige  d'une  jonque  prête  à  périr  était  devenu  l'o- 
gine  d'un  commerce  florissant.  En  quelques 
lois  non  seulement  les  Tagales  étaient  soumis, 
îais  les  peuples  reculés  de  l'île,  qui  ne  parlaient 
oint  leur  langage ,  reconnaissaient  la  domina- 
on  espagnole.  Le  15  mai  1571,  Legazpi  avait 
ris  possession  solennellement  de  Manille.  Quel- 
ues  mois  plus  tard  un  chef,  nommé  Locandola, 
sait  se  révolter;  quatre-vingts  hommes  suffi- 
ent  pour  l'abattre,  et  une  amnistie  générale  ra- 
lena  la  paix.  La  ville  naissante  de  Manille,  dé- 
'uite  accidentellement  par  un  incendie,  commen- 
ait  à  être  reconstruite  sur  les  plans  de  l'architecte 
ui  avait  bâti  l'Escurial  ;  de  nouveaux  mission- 

,  (1)  L'Ile  de  Luçon,  fertile  en  riz,  tirait  son  nom  des  pi- 
>ns  qu'on  employait  pour  dccorliquer  ce  grain  dans  des 
spèces  de  mortiers  en  bois  dont  l'usage  s'est  conserve, 
haque  habitation  avait  son  lousong,  son  pilon,  propre  à 
i  préparation  du  riz,  et  cet  instrument  bien  simple  im- 
osa  son  nom  à  l'île.  Les  Tagales  s'appelaient  dans  leur 
ingue  Tagalog. 


LEGENDRE  3S2 

naires  arrivaient  en  même  temps  d'Espagne; 
!  les  auguslins,  les  franciscains  et  les  domini- 
cains allaient,  loin  delà  capitale  naissante,  sou- 
mettre au  christianisme  les  villages  indiens. 
Au  mois  de  mai  1572,  les  transactions  avec  la 
'  Chine  présentaient  un  nouvel  accroissement,  et 
!  des  bâtiments  chargés  de  riches  marchandises 
entraient  dans  le  port  de  Manille;  h'  P.  Diego 
de  Bercera  établissait  par  ordre  du  gouverneur 
des  bases  solides  pour  continuer  ce  commerce, 
lorsque  Legazpi  fut  frappé  d'apoplexie.  Cet  homme 
de  bien,  dit  ^historiographe  de  la  colonie,  avait 
éprouvé  une  vive  contrariété,  et  l'ut  enlevé  à  la 
colonie  en  quelques  heures.  Les  ordres  religieux 
s'assemblèrent,  et  on  lui  fit  des  obsèques  solen- 
nelles dans  l'église  Saint-Augustin.  «  Tout  le 
monde  pleurait  à  son  enterrement,  »  dit  le  père 
Juah  de  la  Concepcion.  Son  unique  ambition 
avait  été  «  de  mériter  les  tilres  de  prudent  et 
de  pacifique  et  non  celui  de  conquistador  ». 
Ce  peu  de  mots  du  vieil  historien  dit  d'une  façon 
exacte  la  différence  qui  existait  entre  Cortez  et 
Legazpi.  Ce  fut  le  trésorier  général  des  finances, 
Guido  deLabazarri,  qui  lui  succéda. 

Ferdinand  Denis. 

Fr.  Juan  de  La  Concepcion,  flistoria  gênerai  de  Phi- 
lippinns,  conquistas  espirituales  y  temporales  de  estos 
espano/es  clominios,  establicimientos,  progressos,  y 
decadencias,  etc.  ;  en  Ma  u  il  la,  1788  et  ann.  suiv.,  14  vol. 
in-i°.  —  Turqiiemada,  Monarquia  Indiana.  —  J.  iUal- 
lat,  Les  Philippines,  histoire,  géographie,  mœurs- 
Paris,  1846,  2  vol.  in-8°. 

legendee  (Louis),  historien  français,  né 
à  Rouen,  en  1655,  mort  à  Paris,  le  Ie''  février 
1733.  Ayant  embrassé  l'état  ecclésiastique,  il 
s'attacha  à  François  de  Harlay,  d'abord  arche- 
vêque de  Rouen,  puis  de  Paris,  et  qui  lui 
donna  un  des  canonicats  de  Notre-Dame  en  1690. 
En  1724,  Legendre  obtint  l'abbaye  de  Claire- 
Fontaine,  au  diocèse  de  Chartres.  Son  testament 
était  rempli  de  fondations  singulières  qui  exci- 
tèrent des-  contestations,  et  l'autorité  les  ap- 
pliqua à  l'université  de  Paris  pour  une  dis- 
tribution solennelle  de  prix  entre  les  classes 
supérieures  des  différents  collèges.  La  première 
distribution  eut  lieu  en  1747.  Il  avait  aussi  laissé 
des  fonds  pour  contribuer  à  la  fondation  d'une 
académie  à  Rouen ,  qui  fut  érigée  en  1 744.  On 
doit  à  l'abbé  Legendre  :  Eloge  de  François  de 
Harlay;  Paris,  1695,  in-8°;  —  Essai  du  règne 
de  Louis  le  Grand  jusqu'à  la  paix  générale 
de  1697;  Paris,  1697,  in-4°;  —  Claudii 
Joly,  prsecentoris  ac  Canonici ,  nec  non  offi- 
ciai is  Parisiensis,  Laudatto;  Paris,  1700,in-8°  ; 
—  Histoire  de  France,  contenant  le  règne 
des  rois  des  deux  premières  races;  Paris, 
1700,  3  vol.  in-12  ;  —  Les  Mœurs  et  Coutumes 
des  Français  dans  les  premiers  temps  de  la 
monarchie;  Paris,  1712,  in-12;  1740,  in-12; 
le  même  ouvrage  précédé  des  Mœurs  des  an- 
ciens Germains,  etc.,  traduit  de  Tacite  par 
Fr.  Bruys  ;  Paris,  1753,  in-12;—  Nouvelle  His- 
toire de  France,  depuis  le  commencement  de 


383 


LEGENDRE 


384 


la  monarchie  jusqu'à  la  mort  de  Louis  XIII; 
Paris,  1718,  3  vol.  in-fol.  ou  8  vol.  in- 12;  — 
Vita  Francisa  de  Harlay  ;  Paris ,  1720,  in-4°; 

Vie  du  cardinal  d'Amboise,  ministre  de 

Louis  XII,  avec  un  parallèle  des  cardinaux 
célèbres  qui  ont  gouverné  des  Etats;  1724, 
2  vol.  in-12;  1726,  in-4°.  On  attribue  aussi  à 
l'abbé  Legendre  :  Réponse  de  M.  le  chevalier 
de  Vendôme,  grand-prieur  de  France,  à  quel- 
ques articles  du  mémoire  des  princes  du 
sang,  1717,  in-8°,  que  d'autres  attribuent  à 
l'abbé  de  Chaulieu.  L.  L— t. 

Lenglet,  Méthode  pour  étudier  l'hist.  —  Morérl, 
Grand  Dictionnaire  historique.  —  Gullbert,  Mém. 
Littér.  et  Biogr.  -  Quérard,  La  France  Littéraire. 

LEGENDRE    (  Mme     DOUBLET    DE     PERSAN  ), 

femme  de  lettres,  née  à  Paris,  en  1687,  morte 
en  1771.  Elle  manifesta  de  bonne  heure  beaucoup 
de  goût  pour  les  belles-lettres,  et,  devenue  la 
femme  de  Doublet  de  Persan ,  intendant  du  Com- 
merce, ses  salons  furent  toujours  ouverts  aux  sa- 
vants et  aux  hommes  d'esprit.  Chacun  y  avait 
sa  place  marquée  et  son  fauteuil  au-dessous 
de  son  portrait.  Deux  registres  étaient  posés  sur 
deux  pupitres  :  sur  l'un  on  inscrivait  les  nou- 
velles douteuses,  sur  l'autre  les  nouvelles  vraies. 
Ce  double  journal  fut  longtemps  la  source  des 
Nouvelles  à  la  main,  qui  eurent  tant  d'impor- 
tance jusqu'à  la  révolution.  La  société  de 
Mme  Doublet  de  Persan  était  fort  mélangée.  On 
y  trouvait,  après  son  frère  l'abbé  Legendre,  vé- 
nérable abbé 

Qui  siégeait  à  table 
Mieux  qu'au  jubé  »  ; 

Piron ,  Lacurne  de  Sainte-Palaye ,  l'abbé  chau- 
velin,  l'abbé  Xaupy,  Mairan,  Mirabaud,  d'Ar- 
gental,  Falconet,  Voisenon,  etc.,  etc.  Bachau- 
mont,  ami  intime  de  la  maîtresse  de  la  maison, 
présidait  aux  discussions  académiques  qui  occu- 
paient une  partie  de  la  soirée,  puis  aux  soupers 
altiques  qui  y  succédaient.  Après  la  mort  de 
son  mari,  elle  se  retira  au  couvent  des  Filles- 
Saint-Tliomas,  d'où  elle  ne  sortit  plus.  Elle  ne 
cessa  pas  d'ouvrir  sa  retraite  à  tout  ce  que  Paris 
possédait  d'hommes  distingués.  Pidansat  de 
Mairobert  se  prétendait  son  fils  et  celui  de  Ba- 
chaumont  ;  mais  rien  ne  justifiait  une  pareille 
prétention.  Mme  Doublet  mourut  sourde  et 
nonagénaire ,  privée  d'une  partie  de  ses  fa- 
cultés intellectuelles.  Jusque  là  Mme  Legendre 
avait  vécu  éloignée  de  l'Église  :  on  introdui- 
sit près  d'elle  un  prêtre  jésuite  très-éloquent; 
il  parvint  à  convertir  la  vieille  philosophe,  qui 
demanda  même  à  embrasser  son  confesseur. 
On  a  mis  sous  son  nom  des  Mémoires  secrets 
où  les  contemporains  ont  largement  puisé. 
É.  Desnues. 

Bachauroont,  Mémoires,  passim. 

legendre  (  Gilbert-Charles) ,  marquis  de 
Saint-Aubin-sur-Loire,  historien  français ,  né  à 
Paris,  en  1688,  mort  dans  la  même  ville,  le  8  mai 
1746.  Il  reçut  une  éducation  solide,  et  fut  pourvu 


de  bonne  heure  d'une  charge  de  conseiller  au 
parlement.  En  1714  il  fut  nommé  maître  des 
requêtes  ordinaires  de  l'hôtel  du  roi;  quelques 
années  après,  il  donna  sa  démission  pour  se  li- 
vrer entièrement  à  ses  études.  On  a  de  lui  ; 
Traité  de  l'Opinion,  ou  mémoires  pour  servir 
à  l'histoire  de  l'esprit  humain;  Paris,  1735, 
6  vol.  in-12;  1741,  7  vol.  in-12;  1758,  9  vol. 
in-12;  —  Des  Antiquités  de  la  Maison  de 
Fiance  et  des  Maisons  Mérovingienne  et  Car- 
lienne;  Paris,  1739,  in-4°;  —  Antiquités  de 
la  Nation  et  de  la  Monarchie  françoises  ;  Pa- 
ris, 1741,in-4°;  —  Dissertation  sur  le  Temps. 
et  l'Authenticité  de  Roricon,  dans  le  Mercure 
d'octobre  1741.  J.  V. 

Lenglet,  Suppl.  à  la  Méthode  pour  étudier  l'histoire. 

—  Morérl,  Grand  Dict.  hist.  —  Chaudon  et  Delandtne' 
Dict.  univ.  Hist.,  Crit.  et  Bibliog.  —  Quérard,  La  France 
Littéraire. 

legendre  de  la  Nièvre,  homme  politique 
français,  né  près  de  Nevers ,  mort  vers  1822. 
Il  était  maître  de  forges  à  l'époque  de  la  révo- 
lution, et  se  montra  grand  partisan  des  idées 
libérales.  Ses  concitoyens  le  nommèrent,  en  sep- 
tembre 1792,  député  à  la  Convention  nationale. 
Dans  le  procès  du  roi,  il  vota  pour  la  mort.  Il 
fut  un  des  commissaires  chargés  de  faire  exé- 
cuter le  décret  du  23  août  1793,  ordonnant  la 
levée  en  masse  des  Français  capables  de  porter 
les  armes.  Il  ne  prit  point  part  aux  sanglantes 
luttes  de  la  Convention ,  mais  s'en  fit  l'historien 
dans  un  écrit  qu'il  publia  en  1795.  Réélu  pan 
son  département  membre  du  Conseil  des  Cinqi 
Cents,  il  y  siégea  jusqu'en  mai  1799.11  fit  unei 
motion  pour  la  création  de  six  cents  millions  de! 
billets  de  banque,  et  combattit  le  projet  relatif  à 
concéder  la  propriété  des  halles  publiques.  Il 
était  rentré  dans  la  vie  privée  lorsque  la  loi  d'am-i 
nistie  (12  janvier  1816)  le  força  d'émigrer  en 
Suisse.  H.  L. 

Le  Moniteur  universel,  an   il  (1793) ,  n°  25;   an  ni,. 
n°»  S  et  338  ;  an  vi,n°»  152  et  261;  an  vu,  nM  18  et  155. 

—  Biographie  moderne  (  1806).  —  Petite  Biog.  Convent 
(1815).—  Arnault,  Jay,  J'ouy  et  Norvins,  Biog.'nouvelh 
desCnntemp.  (1823). 

legendre  (Nicolas),  sculpteur  français, 
né  à  Étampes,  en  1619,  mort  à  Paris,  en  1671 
Élève  d'un  artiste  assez  médiocre,  il   dut  ses 
progrès  à  ses  dispositions  naturelles,  et  devin> 
rapidement  maître  juré  de   son  corps.   Il  fu 
reçu  membre  de  l'Académie  royale  de  Peintun 
et   de  Sculpture,  le  6  décembre  1664,  et  admi: 
à  professer  dans  cette  assemblée,  le  4  juillet  1665 
Il  excellait  surtout  à  travailler  le  bois,  maniai 
fort  bien  le  stuc,  et  fut  souvent  employé  dans  le 
domaines  royaux.  On  cite  de  lui  :  dans  la  char 
treuse  de  Gaillon,  plusieurs  figures  en  pierre  re 
présentant  Saint  Bruno  dans  diverses  attitu 
des  ;  —  à  Senlis,  dans  l'abbaye  de  la  Victoire 
plusieurs   statues  de  saints  fort  estimées  ;  — 
Paris  :  la   sculpture  de  la  porte  du   collège  à 
La  Marche  (autrefois  rue  Sainte-Geneviève-de 
la  -  Montagne  )  ;  on  y    remarquait  des  têtes  d 
Christ  et  de  la  Vierge  d'un  fort  beau  caractèi 


385 

—  à  l'église  Saint-Paul  toute  la  sculpture  de 
l'œuvre  comprenant  une  Noire-Dame  de  Dou- 
leur qui  soutient  stir  ses  genoux  un  Christ 
mort;  les  statues  de  Saint  Pierre  et  de  Saint 
Paul;  la  Conversion  de  ce  dernier  saint,  ainsi 
que  son  martyre;  Saint  Pierre  sur  le  lac  de 
Tibériade;  le  même  saint  recevant  les  clefs  du 
Paradis  ;  huit  anges  dans  diverses  positions  ado- 
ratives,  etc.  ;  La  décoration  de  V hôtel  de  Beau- 
vais,  rue  Saint-Antoine  (  1657,  avec  Hutinot);  — 
des  sculptures  considérables  dans  l'église  Saint- 
NicoIas-du-Chardonnet,  entre  autres  les  statues 
de  Saint  Denis  et  de  Sainte  Geneviève;  celle  de 
La  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus;  Dieu  le  Père, 
en  stuc,  etc.  ;  —  une  Madeleine  repentante, 
en  terre  cuite  (lfi64),  aujourd'hui  à  l'École  des 
Beaux -Arts;  —  au  collège  des  Quatre-Nations , 
e  grand  fronton  dans  la  première  cour  à  gauche 
en  entrant,  et  représentant  La  Tempérance  et 
La  Prudence  ;  —  aux  Carmélites,  Saint  Élie  et 
Sainte  Thérèse;  — chez  les  Bénédictins  d'Issy, 
Saint  Benoit  et  Sainte  Scolaslique  ;  —  de 
lombreuses  décorations  au  château  de  Meudon; 

-  une  partie  des  figures  et  des  ornements  duma- 
uifique  château  de  Vaux  (1659); —  à  Poitiers, 
lans  la  cathédrale,  Sainte  Radegonde ;  — dans 
'église  d'Étampes,  Saint  Leu  et  Saint  Gilles, 
:tde nombreuses  autres  œuvres,  aujourd'hui  per- 
lues  ou  exécutées  pour  des  édifices  démolis. 
parmi  les  meilleurs  élèves  de  Legendre  on  re- 
narque  son  fils  aîné  et  Flamand.  A.  deLacaze. 

Quilliet  de  Saint-Georges,  manuscrit  conservé  à  l'École 
des  Beaux-Arts.  —  Mémoires  inéditssur  lavie  et  les  en- 
rages de  l'Académie  royale  de.  Peinture  et  de  Sculpt., 
.  1,  p.  403-414. 

legendre  ( A drien- Marie) ,  mathémati- 
cien français,  né  à  Toulouse,  en  1752,  et  mort  à 
Saris,  le  10  janvier  1833.  Il  termina  ses  études 
lu  collège  Mazarin ,  et  eut  de  bonne  heure  un 
;oût  prononcé  pour  l'étude  des  mathématiques. 
3n  ne  connaît  rien  de  particulier  sur  sa  vie  pri- 
vée. Legendre  d'ailleurs  a  toujours  gardé  le  plus 
irofond  silence  sur  sa  première  jeunesse^- il  avait 
même  exprimé  le  désir  que  si  on  venait  à  écrire 
sa  vie,  on  ne  parlât  que  de  ses  travaux.  A  peine 
>orti  du  collège ,  il  prit  part  à  la  rédaction  du 
Traité  de  Mécanique  que  son  professeur,  l'abbé 
Marie,  publia;  on  y  trouve  de  Legendre  quel- 
jues  théorèmes  sur  les  forces  accélératrices, 
lui  éveillèrent  l'attention  des  savants.  Peu  de 
emps  après,  grâce  à  D'Alembert,  qui  l'avait  pu 
ipprécier,  il  obtint  une  chaire  de  mathématiques 

l'École  Militaire  de  Paris.  Dès  ce  moment 
es  mathématiques  devinrent  son  unique  occupa- 
ion.  Euler  surtout  fut  médité  d'une  manière 
ssidue,  et  l'on  peut  dire  que  Legendre  savait  par 
:œur  les  ouvrages  de  cet  analyste.  Il  entra  à 
'Académie  en  1783,  fut  membre  du  Bureau  des 
ongitudes ,  et  conseiller  à  vie  de  l'université. 
On  a  de  lui  .Éléments  de  Géométrie;  Paris, 
1794,  in-8°;  2e  édit.,  1823;  et  depuis  un  très- 
?rand  nombre  de  tirages.  Les  premières  éditions 
ne  comprennent  pas  la  trigonométrie  ;  les  der- 

NOCV.    BIOfiR.    CÉNÉR.  —    T.  XXX. 


LEGENDRE  386 

nières  au  contraire  contiennent  une  série  de 
notes  dans  lesquelles  il  démontre  les  principaux 
théorèmes  sur  les  parallèles  et  les  figures  pro- 
portionnelles. C'est  dans  cet  ouvrage,  que  tout 
le  monde  connaît ,  qu'on  a  remarqué  pour  la 
première  fois  un  genre  d'égalité  dont  la  consi- 
dération, négligée  jusque  là,  était  cependant  né- 
cessaire pour  rendre  complètes  les  démonstra- 
tions qu'on  suivait  depuis  Éuclide.  On  lui  a  tou- 
jours reproché  d'avoir  gardé  l'ancienne  et  vi- 
cieuse définition  de  l'angle  et  de  ne  pas  avoir 
adopté  la  théorie  des  parallèles  de  Bertrand  ;  — 
Exposé  des  opérations  faites  en  France  en 
1787  pour  la  jonction  des  observations  de  Pa- 
ris et  de  Greenwich  par  Cassini,  Mechain  et 
Legendre,  avec  la  description  et  l'usage  d'un 
nouvel  instrument  propre  à  donner  la  me- 
sure des  angles  à  la  précision  d'une  seconde; 
Paris,  in-4°  :  c'est  un  recueil  complet  des  ren- 
seignements pour  sa  célèbre  opération  de  1787. 
Il  y  a  réuni  deux  mémoires  qui  en  donnent  la 
théorie  à  côté  de  l'exposé  historique  ;  —  Exer- 
cices de  Calcul  intégral  sur  divers  ordres  de 
transcendantes  et  sur  les  quadratures  ;  Paris , 
1807,  3  vol.  in-4°  (y  compris  plusieurs  supplé- 
ments ).  Ces  exercices  lui  ont  demandé  vingt  ans 
d'un  travail  consciencieux  et  opiniâtre.  On  peut  les 
diviser  en  deux  parties,  l'une  consacrée  aux  fonc- 
tions elliptiques ,  l'autre  aux  intégrales  eulé- 
riennes ,  aux  quadratures,  etc.  Son  but  était  de 
réunir  en  un  corps  d'ouvrage  tout  ce  que  la 
théorie  des  transcendantes  et  surtout  celle  des 
intégrales  définies  offrent  de  plus  remarquable; 
—  Traité  des  fonctions  elliptiques  et  des  in- 
tégrales eulériennes  avec  des  tables  pour 
en  faciliter  le  calcul  numérique  ;  Paris,  1827, 
2  vol.  in-4°  (  plus  un  3e  vol.,  composé  de  trois 
suppléments,  qui  parurent  successivement  de 
1827  à  1832.  Dans  ses  Exercices  de  calcul  inté- 
gral, Legendre  avait  traité  avec  développement 
en  même  temps  qu'il  y  attachait  beaucoup  d'im- 
portance, les  fonctions  elliptiques  avec  leurs 
applications  à  différents  problèmes  de  géométrie 
et  de  mécanique ,  et  la  construction  des  tables 
nécessaires  pour  l'usage  de  ces  fonctions.  Le 
temps  lui  ayant  permis  de  perfectionner  la  théo- 
rie de  ces  transcendantes,  et  d'en  étendre  les  ap- 
plications, il  crut  devoir  les  reproduire  dans 
ce  nouveau  Traité  des  fonctions  elliptiques  : 
Il  avait  toujours  pensé  qu'on  pouvait  ranger 
dans  un  ordre  méthodique  les  diverses  trans- 
cendantes qu'on  connaissait  et  qu'on  employait 
sous  le  nom  de  quadratures.  Il  prétendait  avec 
raison  que  si,  en  étudiant  leurs  propriétés ,  on 
trouvait  le  moyen  de  les  réduire  aux  expressions 
les  plus  simples  dont  elles  sont  susceplibles  dans 
l'état  de  généralité,  et  d'en  calculer  avec  facilité 
les  valeurs  approchées  lorsqu'elles  deviennenten- 
tièrement  déterminées,  alors  les  transcendantes, 
désignées  chacune  par  un  caractère  particulier  et 
soumises  à  un  algorithme  convenable,  pourraient 
être  employées  dans  l'analyse  à  peu  près  comme 

13 


387 


LEGENDRE 


388 


le  sont  les  arcs  de  cercle  et  les  logarithmes,  et 
les  applications  du  calcul  intégral  ne  seraient 
plus  arrêtées  par  cette  espèce  de  barrière  qu'on 
ne  tente  guère  de  franchir  lorsque  le  problème 
est  ramené  aux  quadratures.  Mais  comme  il  sa- 
vait qu'il  serait  presque  impossible  d'exécuter 
un  si  vaste  plan,  il  était  du  moins  persuadé 
qu'on  pouvait  le  réaliser  à  l'égard  des  transcen- 
dantes qui  se  rapprochent  le  plus  des  fonctions 
circulaires  et  logarithmiques,  telles  que  les  arcs 
d'ellipse  et  d'hyperbole  et  en  général  les  trans- 
cendantes auxquelles  on  donne  le  nom  de  fonc- 
tions elliptiques.  Après  avoir  examiné,  dans  le 
premier  volume,  la  théorie  proprement  dite  des 
fonctions  elliptiques,  il  en  fait  l'application  à  la 
géométrie  et  à  la  mécanique,  considérant  d'un 
coté  la  surface  du  cône  oblique,  l'aire  de  l'ellip- 
soïde, etc.,  de  l'autre  le  mouvement  de  rotation 
d'un  corps  solide  autour  d'un  point  fixe,  et  celui 
d'un  corps  attiré  vers  deux  centres  fixes.  Le 
second  volume  contient  la  construction  des  ta- 
bles elliptiques  et  un  traité  des  intégrales  eulé- 
riennes.  Le  troisième  n'est  en  quelque  sorte 
qu'un  supplément  aux  fonctions  elliptiques,  dans 
lequel  sont  exposés  les  travaux  de  même  nature 
d'Abel  et  de  Jacobi. 

La  Théorie  des  Nombres;  Paris,  1830,  2  vol. 
in-4°,  parut  d'abord  sous  le  titre  d'Essai  sui- 
tes Nombres,  1798.  Des  savants  tels  qu'Eùler  et 
Fermât  s'étaient  déjà  occupés  de  la  théorie  des 
nombres,  que  Legendre  essaya  de  perfectionner. 
On  a  en  outre  de  lui  dix-neuf  mémoires  insérés 
dans  les  divers  recueils  consacrés  aux  travaux 
de  l'Académie  des  Sciences  :  Recherches  sur  la 
figure  des  planètes;  1784  et  1789  :  l'auteur  y 
donne  la  première  et  la  seule  solution  directe 
connuejusque  alors  du  problème  de  la  figure  d'une 
planète  homogène  et  supposée  fluide,  et  étend 
ensuite  ses  recherches  au  cas  général  d'une  pla- 
nète composée  de  couches  hétérogènes;  —  Re- 
cherches sur  V altération  des  sphéroïdes  ho- 
mogènes, 1785.  Lagrange  avait  soumis  au  calcul 
la  question  importante  de  l'attraction  des  sphé- 
roïdes, déjà  traitée  synthétiquement  par  Newton 
et  Maclaurin.  Persuadé  que  ce  grand  analyste 
n'avait  pas  épuisé  la  matière,  Legendre  choisit 
cette  même  question  pour  le  sujet  de  ses  pre- 
mières recherches  ;  elles  furent  heureuses,  et  la 
réduction  en  séries  dont  il  fit  usage  donna  nais- 
sance à  des  théorèmes  qu'on  a  étendus  ensuite, 
et  qui  sont  encore  à  présent  la  base  de  la  théorie 
générale  à  laquelle  on  s'est  élevé  ;  —  Sur  les 
Intégrales  doubles;  1788;  —  L'Altération 
des  ellipses  homogènes;  1810;  —  Nouvelle 
Formule  pour  réduire  en  distances  vraies 
les  distances  apparentes  de  la  Lune  au 
Soleil  ou  à  une  étoile  ;  —  Sur  l'es  Opéra- 
tions trigonométriques  dont  le  résultat  dé- 
pend de  la  ligure  de  la  Terre,  et  Suite  du 
Calcul  des  Triangles  qui  servent  à  déterminer 
la  différence  des  longitudes  entre  l'observa- 
toire de  Paris  et  celui  de  Greenwich,  1787;  — 


Analyse  des  triangles  tracés  sur  la  surface 
d'un  sphéroïde;  1806  ;  —  Sîir  les  Intégral  ions 
par  arcs  d'ellipse  ;  1786  ;  —  Recherches  d'a- 
nalyse indéterminée  ;  1784;  —  Sur  l'intégra- 
tion de  quelques  équations  aux  différences 
partielles;  1787;  —Sur  les  intégrales  par- 
tielles des  équations  différentielles  ;  1790;  — 
Méthode  des  moindres  carrés,  pour  trouver 
le  milieu  le  plus  probable  entre  les  résultats 
de  diverses  observations  ;  1 805  ;  —  Rechercha 
sur  le  théorème  de  Fermât;  1785;  —  Nouvelle 
Théorie  des  Parallèles ,  avec  un  appendice 
contenant  la  manière  de  perfectionner  le 
théorie  des  parallèles;  Paris,  1803,  in-8°, etc 
C'est  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  l&mélhode  di\ 
moindre  carré  des  erreurs.  La  place  a  montre 
tout  l'avantage  probable  de  cette  méthode  sous 
le  rapport  de  la  précision  des  résultats.    JacobI 

Rabbe,  etc.,  Biographie   des  Contemporains.  —  Mo] 
niteur  de  1833. 

legendre  (  Louis),  homme  politique  fran 
çais,  né  à  Paris,  en  1755,  mort  dans  la  mêm 
ville,  le  13  décembre  1797.  Il  exerçait  à  Pari 
la  profession  de  boucher  lorsque  la  révolutio 
éclata.   Recherché  par  les  Lameth  en  1789,  oi 
le  vit  le  13  juillet  à  la  tête  du  rassemblemen 
qui  promenait  dans  les  rues  les  bustes  de  Neclte 
et  du  duc  d'Orléans  ;  et  ce  fut  lui  qui  le  14,  de 
cidant  le  peuple  à  se  rendre  aux  Invalides  pou 
y  prendre  des  armes ,  le  conduisit  ensuite  à  1 
Bastille.  Il  fut  un  des  principaux  acteurs  de  1 
journée  du  5  octobre ,  et  s'agita  beaucoup  pouL. 
empêcher  le  départ  des  tantes  de  Louis  X\ 
pour  Rome  et  celui  de  ce  monarque  pour  Saint  'î 
Cloud  ;  enfin ,  après  la  fuite  et  le  retour  de  Va  J 
rennes ,  il  fut ,  avec  Danton  ,  Camille  Desmou 
lins,  Fabre  d'Églantine  et  Marat,  l'un  des  priri 
cipaux  instigateurs  du  mouvement  dont  le  ré! 
sultat  devait  être  la  signature  par  le  peuple, 
la  présentation  à   l'Assemblée  nationale  d'un 
pétition  demandant  la  déchéance  du  roi.  L( 
pétitionnaires  furent  sommés  de  se  disperser, 
la  loi  martiale,  proclamée  par  Bailly,  fut  exf 
cutée  par  La  Fayette.  Ce  fut  vers  cette  époqi: 
que  Legendre  devint  un  des  fondateurs  du  clu 
des  Cordeliers  ;  il  devint  aussi  l'un  des  principau 
acteurs  des  journées  du  20  juin  et  du  10  août 
ce  fut  lui  qui,  dans   la  première  de  ces  d eu 
journées ,  présenta  le  bonnet  rouge  à  Louis  XV 
Élu  membre  de  la  Convention  par  les  électeui 
de  Paris ,  il  pressa,  avec  de  vives  instances, 
procès  de  Louis  XVI;  vota  la  mort  du  roi  sar 
appel  ni  sursis,  en  rappelant  qu'il  était  un  de  ceu 
qui  avaient  été  l'attaquer  dans  son  château  d< 
Tuileries.  Il  paraît  constant  que  pendant  le  cou 
du  procès,  soit  à  la  tribune  de  la  Conventioi 
soit  à  celle  de  Jacobins,  il  demanda  que  le  corj 
de  l'ex-roi  fût  divisé  en  quatre- vingt- quati 
morceaux,  afin  qu'on  pût  en  envoyer  un  à  en? 
cun  des  quatre-vingt-quatre   départements 
la  république.  Devenu  membre  du  comité  c 
sûreté  générale,  il   contribua  puissamment 


89 


LEGEKDRË 


i  chute  des  girondins,  dans  les  journées  du 
1  mai  et  du  2  juin,  et  on  l'entendit,  dans  la 
remière  de  ces  journées,  menacer  Lanjuinais 
e  le  jeter  en  bas  de  la   tribune  s'il  persistait 
vouloir  défendre  la   commission  des  Douze. 
censé    d'hébertisme,    et   menacé  d'exclusion 
rs  d'une  épuration  du  club  des  Jacobins,  en 
nvier  1794,  il  se  disculpa  en  s'appuyant  de 
imitié  de  Marat ,  et  parvint  ainsi  à  se  faire 
aintenir  sur  la  liste  des  membres  de  la  société. 
)rs  de  l'arrestation  de  Danton ,  il  essaya  d'a- 
[rd  de  le  défendre;  puis,  voyant  que  la  majo- 
ré de  la  Convention  lui  était  contraire,  il  se  hâta 
i  se  rétracter,  et  déclara  qu'à  l'avenir  il  ne  re- 
ndrait du  patriotisme  de  personne   et  ne  dé- 
idrait  plus  aucun  accusé.  Lié  avec  Tallien  et 
'éron ,  il  joua ,  comme  eux ,  un  rôle  important 
ns  la  révolution  du  9  thermidor.  Aussitôt  que 
décret  d'arrestation  eut  été  porté  contre  Robes- 
;rre  et  ses  amis,  il  s'élança  à  la  tribune,  dé- 
ima  contre  les  vaincus  avec  une  extrême  vio- 
îce  ;  puis,  courant  à  la  salle  des  Jacobins  ,  il  en 
expulser  tous  les  membres,  en  ferma  les  portes, 
en  emporta  les  clefs,  qu'il  remit  à  la  Conven- 
n.  A  partir  de  cette  époque,  Legendre  ne  cessa 
poursuivre  les  membres  du  parti  dont  il  avait 
t  partie,  en  les  traitant  de  terroristes,  de  bu- 
\irs  de  sang  ;  il  demanda  surtout  la  proscription 
à  anciens  membres  du  gouvernement,  «  de  ces 
înds  coupables ,  disait-il,  qui  obscurcissaient 
orizon  des  vapeurs  du  crime  ».  Nommé  pré- 
lent de  la  Convention,  il  prononça  le  décret 
iccusation  contre  Carrier,  et  attaqua  ensuite 
jgnet  ;  mais  en  même  temps ,  effrayé  de  la 
relie  de  la  réaction  qui  pouvait  à  la  fin  l'at- 
adre  aussi,   il  se  prononça  avec  une  grande 
j  îrgie  contre  les  prêtres  ,  les  émigrés ,  et  sur- 
.  it  contre  les  députés  proscrits ,  à  la  réintégra- 
n  desquels  il  s'opposa  de  toutes  ses  forces, 
eut  une  grande  part  aux  journées  du  12  ger- 
lal,  du  1er  prairial  et  du  1.3  vendémiaire; 
.  le  vit  plus  d'une   fois  marcher  à    la  tête 
i  ;  troupes  contre  les  insurgés  ;  et  la  Conven- 
a  lui  fut  en  grande  partie  redevable  de  son 
>mphe.  Entré  au  Conseil   des  Anciens  lors 
la  mise  en  vigueur  de  la  constitution  d.e 
i  m,  il  y  joua  un  rôle  moins  important  qu'à 
onvention;  cependant  on  l'y  vit  encore,  le 
février  1796,   monter  à  la  tribune  pour  se 
indre  de  l'indulgence  du  gouvernement  à  l'é- 
■d  des  émigrés  et  menacer  Portalis  de  détruire 
sophismes  avec  la  hache  de  la  raison.  Il 
nanda,  lors  de  la  conspiration  de  Babeuf,  que 
is  les  ex-conventionnels  fussent  expulsés  de 
ris  :  «  Que  les  conspirateurs,  dit-il,  ne  vantent 
i  les  serviras  qu'ils  ont  rendus  en  d'autres 
ips  :  ce  n'est  point  pour  les  service-s  passés , 
is  pour  les  crimes  présents  que  Manlius  fut 
«ipité  de  la  roche  tarpéienne.  »   Ce  fut  sa 
nièie  motion.  Malgré  son  élocu  lion  incorrecte, 
cendre  avait  parfois  une  sorte  d'éloquence  sau- 
;e  et  énergique  qui  lui  avait  fait  vain,  le  surnom 


-  LEGE1NTIL  390 

de  Paysan  du  Danube.  Il  ne  laissa  pas  de  for- 
tune, et  légua  son  corps  à  la  Faculté  de  Médecine, 
«  afin  d'être  encore  utile  aux  hommes  après  sa 
mort  ».  H.  Lesueur. 

Thiers,  Histoire  de  la  Révolution  française,  t.  IV,  V, 
VI  et  Vil,  passioi.  —  De  Lamartine,  Hist.  des  Girondins, 
t.  VII  et  VIII. 

EEGENTIL    DE      EA    GAEA1SIÈSSE     (Cllil- 

laume-J  oseph-Hyacinlhe- Jean- Baptiste),  as- 
tronome et  voyageur  français  ,  né  à  Coutances, 
le  12  septembre  1725,  mort  le  22  octobre  1792. 
Il  fut  d'abord  destiné  à  l'état  ecclésiastique,  mais, 
sous  les  leçons  de  J.-N.  Delisle,  il  prit  goût  à 
l'astronomie,  et  ce  goût  absorba  ses  autres  étu- 
des. 11  devint  l'élève  assidu  de  Cassini,  et  fit  de 
tels  progrès  qu'en  1753  il  entra  à  l'Académie 
des  Sciences.  Il  s'y  fit  remarquer  par  de  nom- 
breux et  utiles  mémoires.  L'Académie  ayant  dé- 
cidé que  le  passage  de  Vénus  sur  le  Soleil  devait 
être  observé  dans  diverses  parties  du  globe,  Le- 
gentil  fut  désigné,  avec  cette  mission,  pour  Pon- 
dichéry. Il  s'embarqua  le  26  mars  1760,  et  at- 
territ à  l'Ile-de-France  le  10  juillet.  Mais  à  raison 
de  la  guerre  entre  la  France  et  l'Angleterre, 
Legentil  dut  attendre  cinq  mois  qu'une  frégate 
française  osât  se  risquer  dans  les  mers  indiennes, 
et  en  arrivant  devant  Pondichéry  (24  mai),  il 
trouva  cette  ville  au  pouvoir  des  Anglais.  Il  lui 
fallut  retourner  aussitôt  vers  l'Ile-de-Frauce,  et 
il  dut  se  borner  à  observer,  le  6  juin  1761,  en 
pleine  mer  et  sur  le  pont  vacillant  de  sa  frégate, 
le  phénomène  céleste  but  de  son  voyage.  Un 
nouveau  passage  de  Vénus  sur  le  Soleil  devait 
avoir  lieu  le  3  juin  1769  ;  Legentil  se  résigna  à 
passer  huit  années  dans  les  parages  où  il  se 
trouvait.  Il  employa  ce  temps  à  faire  de  curieu- 
ses observations  dans  les  îles  Mascareignes ,  à 
Madagascar,  aux  îles  Mariannes,  aux  Philip- 
pines et  sur  les  côtes  de  l'Inde.  Il  avait  choisi 
Manille  pour  son  point  d'observation,  et  s'y  était 
rendu  dès  août  1766  lorsqu'il  reçut  l'ordre  de  re- 
tourner à  Pondichéry.  Par  une  nouvelle  fatalité, 
le  ciel,  qui  avait  été  d'azur  jusqu'au  jour  même 
du  passage ,  changea  tout  à  coup  ;  des  nuages 
l'assombrirent,  et  toute  observation  devint  im- 
possible. Cependant  Legentil  avait  prié  deux 
de  ses  amis,  restés  à  Manille,  de  contrôler  les 
travaux  qu'il  espérait  accomplir  à  Pondichéry, 
et,  plus  heureux  que  lui,  leurs  remarques  eurent 
un  plein  succès,  dont  Legentil  a  donné  le  résul- 
tat. 11  revint  en  1771  en  France,  et  eut  à  sou- 
tenir quelques  procès  avec  sa  famille,  qui  refu- 
sait de  le  reconnaître  et  de  lui  rendre  les  biens 
qui  lui  étaient  dévolus  durant  sa  longue  absence; 
il  triompha  de  cette  mauvaise  foi,  et  un  riche 
mariage  lui  permit  de  se  consacrer  tout  à  la 
science.  On  a  de  lui  :  Mémoire  sur  le  passage 
de  Vénus  sur  le  disque  du  Soleil,  inséré  dans 
le  Journal  des  Sçavans,  de  mars  1760;  — 
Voyage  dans  les  mers  de  l'Inde  à  Voccasion  du 
passagede  Vénussur  le  disq  ne  du  Soleil  ;  Paris, 
1779-17R1,  2  vol.  in-4°,  fig.,  cartes  et  plans;  Paris 

i3. 


39t  LEGENTIL 

et  Heidelberg,  1782,  8  vol.  in-8°,  fig.;  traduit 
eu  allemand,  mais  abrégé;  Hambourg,  1780- 
1782,  3  vol.  in-8".  L'ouvrage  de  Legentil  con- 
tient de  précieuses  observations  sur  les  cou- 
rants, les  marées,  les  moussons,  etc.  Il  a  donné 
la  connaissance  du  zodiaque  des  Indous  et  de 
l'astronomie  desbrahmes,  et  a  constaté  la  con- 
formité de  leur  science  avec  celle  des  Chal- 
déens.  Le  premier  il  a  avancé  que  le  nombre 
prodigieux  d'années  dont  certains  peuples  orien- 
taux composent  leur  chronologie  est  fondé  sur 
les  révolutions  de  l'équinoxe,  et  que  les  quatre 
Jougams  des  brahmes  se  rattachent  à  des  pé- 
riodes du  mouvement  des  étoiles  qui  s'accom- 
plissent en  longitude  et  que  l'on  peut  faire  re- 
monter à  l'infini.  A.  de  L. 

Cassinl,  Éloge  de  Legentil  de  La  Galaisière  (Paris, 
1810,  in-8°).  —  Mémoires  de  V Académie  des  Sciences  de 
1755  3 1782. 

legentil  (Charles),  industriel  français , 
né  à  Rouen,  le  5  mars  1788,  mort  à  Saint-Ouen, 
le  1er  octobre  1855.  Dès  1826  il  commença  de 
faire  partie  de  ces  nombreuses  commissions 
dans  lesquelles  il  mit  pendant  plus  d'un  quart 
de  siècle  son  expérience  au  service  des  intérêts 
commerciaux.  Délégué  au  conseil  général  du 
commerce  en  1833,  Legentil  fit  partie  de  la 
commission  d'enquête  chargée  de  la  révision  du 
tarif  des  douanes,  et  rédigea  sur  la  question  des 
laines  un  rapport  qui  fut  imprimé  aux  frais  du 
gouvernement.  11  fut  membre  du  jury  central 
en  1827,  1834,  1839,  1844,  1849;  il  présida 
en  1855  la  22°  classe  du  jury  de  l'Exposition 
universelle.  Il  fut  en  outre  délégué  par  le  gou- 
vernement français  à  plusieurs  expositions  étran- 
gères, notamment  à  l'exposition  allemande  de 
Berlin  en  1844,  à  la  suite  de  laquelle  il  publia 
un  rapport  sur  le  développement  de  l'industrie 
en  Allemagne,  qui  se  trouve  imprimé  dans  les 
Annales  du  Commerce  extérieur.  Député  de- 
puis 1839,  il  fut  en  1846  élevé  à  la  dignité  de  pair 
de  France. 

Legentil  avait  coopéré  à  tous  les  travaux  de 
la  chambre  du  commerce  depuis  1832;  c'est 
principalement  à  son  initiative  que  l'on  doit  ré- 
tablissement de  la  condition  des  soies  et  des  lai- 
nes de  Paris ,  le  développement  de  la  biblio- 
thèque commerciale,  la  publication  de  la  Sta- 
tistique de  Vindustrie  parisienne  et  la  créa- 
lion  d'un  cours  de  teinture  et  d'impression  au 
Conservatoire  des  Arts  et  Métiers.  E.  Cottenet. 
Journal  des  Débats,  octobre  1855.  —  Discours  pro- 
noncé aux  obsèques  de  M  Legentil,  par  M.  Germain-Thi- 
baut, vlce-présiilenl  de  la  chambre  de  commerce.  -  Do- 
cuments particuliers. 

LEGENTIL.  Voy.  L\  BARBINAIS. 

LÉGEK  (  Saint),  en  latin Leodegarhis,  évêque 
d'Autun,  né  vers  l'année  616,  mort  le  2  octobre 
678.  Il  appartenaitàune  des  plus  illustres  familles 
de  la  Gaule.  Si  l'on  ignore  le  nom  de  son  père, 
on  lui  donne  pour  mère  Sigrada,  sœur  de  Bers- 
winde,  femme  d'Athicus,  lequel  Athicus  est  dé- 
signé comme  fils  de  Leutharius,  duc  des  Alle- 


—  LÉGER  392 

mands.  Léger  passa  les  premières  années  de  sa 
vie  à  la  cour  du  roi  Clotaire  IL  Son  éducation  fut 
ensuite  confiée  aux  soins  de  Didon ,  évêque  de 
Poitiers,  qui  le  préposa,  jeune  encore,  au  gou- 
vernement de  l'abbaye  de  Saint-Maixent.  Dix 
ans  après,  en  659,  il  fut  élevé  au  siège  d'Au- 
tun.  On  le  voit    en   661   présider  un  concile 
dans  sa  ville  épiscopale,  et  en  666  souscrire  un 
diplôme  de  Drausius,  évêque  de  Soissons,  en 
faveur  du  monastère  de  Sainte-Marie.  Il  ne  pa- 
raît pas  avoir  été  dans  les  meilleurs  termes  avec 
Ebroïn,  maire  du  palais.  Aussi,  après  la  mort  de 
Clotaire  III,  fut-il  au  nombre  des  prélats  qui  se 
déclarèrent  contre  Thierry,  protégé  d'Ébroïn,  et 
appelèrent Childéric du  fond  delà  Neustriepour 
le  saluer  roi  des  Bourguignons.  Saint  Léger  de- 
vient alors  un  des  personnages  les  plus  consi- 
dérables de  ce  royaume.  Il  réside  à  la  cour,  et 
la  gouverne  sous   le    nom   du  roi.    On  ajoute 
même  qu'Ébroïn  ayant  été  exilé  dans  le  monas- 
tère de   Luxeuil ,  saint  Léger  prit  son  titre  et 
remplit  sa  charge.  Mais  Adrien  de  Valois,  le  P. 
Lecointe  et  les  auteurs  du  Gallia  Christiana 
ne  consentent  pas  à  voir  la  mairie  du  palais 
entre  les  mains  d'un  évêque  :  cette  dignité,  di- 
sent-ils, fut  toujours  confiée  à  des  laïques;  el, 
si  d'anciens  annalistes  ont  nommé  saint  Légei 
major  domus  de  Childéric  II,  ils  ont  à  cette 
occasion  fait  emploi  d'un  terme  impropre,  vou- 
lant dire  simplement  qu'il  fut  le  principal  con- 
seiller du  roi.  On  peut  consulter  à  cet  égard  l< 
Glossaire  de  Du  Cange,  au  mot  Major.  Cepen- 
dant la  faveur  de  l'évêque  d'Autun  auprès  di 
Childéric  ne  dura  pas  longtemps.  Ayant  blùrm 
les  mœurs   de  ce  prince ,  il  fut  contraint  di 
quitter  la  cour,  et  retourna  dans  son  diocèse,  i 
quelque  temps  de  là,  Childéric  se  rend  à  Autun 
pour  y  célébrer  la  fête  de  Pâques.  Auprès  d 
Léger  se  trouvait  alors  Hector,  patrice  de  Mar 
seille,  qui  venait  à  la  rencontre  du  roi,  auque 
il  avait,  dit-on,  à  demander  la  réparation  d 
quelque  injustice.  On  persuade  à  Childéric  qu 
ces  deux  mécontents  ne  se  sont  pas  réunis  san 
avoir  de  criminels  desseins,  et  celui-ci,  dans  u 
transport  de  colère,  fait  entendre  contre  Lége 
de  redoutables  menaces.  Léger,  averti,  par  d'an 
ciens  amis,  prend  la  fuite,  sans  attendre   l'ar 
rivée  du  roi.    Mais  des  soldats  envoyés  à  s 
poursuite  l'atteignent,  et  le  conduisent  captif  a 
monastère  de  Luxeuil,  auprès  d'Ébroïn,  son  an 
cien  rival.  Childéric  II  meurt  en  673  ou  e 
674.  Aussitôt  Ebroïn  et  Léger  sortent  à  la  foi 
de   leur  prison,  et  se  dirigent  vers  Autun.   C 
voyage  ne  fut  pas  sans  péril  pour  notre  préla 
Ebroïn.  qui  abhorrait  en  lui  l'auteur  de  sa  dis 
grâce,  voulut,  chemin  faisant,  l'égorger  de  s* 
mains  ;  mais  il  fut  retenu  par  Genesius,  arch 
vêque  de  Lyon.  D'Autun  Léger  se  rendit  à 
cour  du  nouveau  roi,  Thierry    III,    l'assis 
quelque  temps  de  ses  conseils,  et  retourna  dai 
son  diocèse.  Il  y  vivait  tranquille,  quand  tre 
clients  d'Ébroïn,  Waymer,  duc  de  Champagn 


393 

Didon,  évêque  de,  Chàlons,  et  Bobon,  évèque  de 
Valence,  arrivent  aux  portes  d'Autun  à  la  tête 
je  forces  considérables.  Léger  vit  sa  perte  cer- 
taine, et  sans  tenter  une  défense  inutile,  il  se 
rend.  On  le  saisit,  on  lui  crève  les  yeux,  et  on 
'emmène  prisonnier.  La  ville  d'Autun  fut  elle- 
même  obligée  de  compter  une  somme  considé- 
rable aux  farouches  complices  d'Ébroïn  :  elle 
échappa  de  cette  manière  à  la  dévastation.  Re- 
tenu quelque  temps  sous  le  toit  de  Waymer,  Léger 
ut  enfin  la  liberté  d'aller  cacher  dans  un  mo- 
nastère sa  honte  et  sa  douleur.  Il  y  séjournait 
lepuis  deux  ans,  quand  Ébroïn,  encore  avide  de 
vengeance,  le  fait  mander  avec  son  frère  Gai- 
rinus,  et,  après  les  avoir  chargés  l'un  et  l'autre 
n'invectives,  ordonne  de  massacrer  Gairinus,  et 
ne  faire  subir  à  Léger  de  nouvelles  et  plus  atro- 
ces mutilations.  Enfin,  en  678,  Léger  esl  appelé 
par  le  roi,  et  s'entend  accuser  devant  toute  la 
pour  de  la  mort  prématurée  de  Childéric  IL  On 
énonça  l'accusation,  mais  sans  autoriser  la  dé- 
fense, et  Léger  fut  conduit  dans  une  vaste 
forêt,  où  des  sicaires,  aux  gages  d'Ébroïn,  lui 
portèrent  enfin  le  coup  mortel.  Nous  ne  voulons 
pas  garantir  tous  les  détails  de  cette  tragique 
légende.  Ce  sont  les  hagiographes  qui  nous  les  ont 
racontés,  et  ces  pieux  narrateurs  ont  pour  habi- 
tude de  trop  viser  aux  grands  effets.  Cependant 
les  dissensions  intestines  de  la  cour  de  Bour- 
gogne sont  d'ailleurs  connues,  et  d'autres  té- 
moins nous  apprennent  quelle  était  la  férocité 
pes  mœurs  au  septième  siècle. 

On  a  coutume  d'attribuer  à  saint  Léger  les 
articles  publiés  dans  le  concile  d'Autun,  eu  670. 
Nous  possédons  aussi  son  testament,  inséré  par 
Etienne  Pérard  dans  les  preuves  de  son  Histoire 
ne  Bourgogne,  mais  avec  de  fausses  dates,  qui 
pnt  fait  quelquefois  douter  de  l'authenticité  de 
bette  pièce.  Un  autre  monument  de  la  piété  de 
baint  Léger  est  une  lettre  à  Sigrade,  sa  mère,  pu- 
bliée par  le  P.  Labbedansle  tomel  de  sa  Biblio- 
thèque des  Manuscrits. 

i  Histoire  Littéraire  de  la  France,  t.  III,  p.  618.  —  Gal- 
\iu  Christ.,  t.  IV,  coi.  349. 

léger  (Antoine  Ier),  théologien  réformé  sa- 
voyard, né  en  1594,  à  Villesèche,  dans  la  valléede 
Saint-Martin  (Savoie),  et  mort  en  1661,à  Genève. 
Kprès  avoir  fait  ses  études  à  Genève,  il  fut  chargé, 
fort  jeune  encore,  de  desservir  une  église  de  la 
vallée  où  il  était  né.  Il  avait,  pendant  ses  étu- 
des, montré  du  goût  pour  les  langues  orientales; 
1  y  avait  même  fait  des  progrès  remarquables 
pour  l'époque.  Cette  circonstance  le  fit  nommer 
chapelain  de  Corneille  de  Haga,  envoyé  en  am- 
bassade à  Constantinople  par  les  Provinces- 
Unies.  En  Orient,  Léger  entra  en  relation  avec 
Cyrille  Lucar  ;  il  l'engagea  à  publier  une  confes- 
sion de  foi,  qui  devait,  selon  lui,  mettre  en  évi- 
dence les  analogies  des  croyances  protestantes 
avec  celles  de  l'Église  grecque,  et  prouver  par  là 
leur  antiquité,  chose  à  laquelle  les  protestants 
attachaient  un  grand  prix  à  une  époque  où  leur 


LEGER  394 

nouveauté  était  une  des  plus  graves  accusations 
qu'on  leur  adressait;  En  1637  il  était  de  retour 
dans  la  vallée  de  Saint-Marlin.  Mis  à  la  tête  de 
l'église  protestante  de  Saint-Jean-Val-Lucerne, 
il  eut  de  fréquentes  altercations  avec  des  mis- 
sionnaires catholiques,  envoyés  dans  sa  paroisse 
pour  en  convertir  les  membres.  Il  résulta  de  là 
que,  dénoncé  au  duc  de  Savoie  comme  un  sédi- 
tieux, et  mal  soutenu  par  ses  confrères,  jaloux 
de  ses  talents ,  il  fut  obligé  de  se  retirer  à  Ge- 
nève. En  1645  il  y  fut  nommé  professeur  de 
théologie  et  de  langues  orientales.  Il  remplit  ces 
fonctions  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours.  On  lui  doit  : 
une  édition  du  Nouveau  Testament  en  grec  an- 
cien et  en  grec  vulgaire,  sous  ce  titre  :  JSovum 
Testamentum  idiomate  grxco  lilterali  et 
grseco  vulgari  ex  versione  Maximi;  Genève, 
1638,  2  part.  in-8°;  —  Thèses  iheologicse.de 
sanctificattone  hominis  peccaloris;  Genève, 
1658,  in-4°.  La  bibliothèque  de  Genève  possède 
sa  correspondance  avec  Cyrille  Lucar.  J.  Aymon 
en  a  publié  une  partie ,  mais  inexactement  tra- 
duite, dans  Monumens  authentiques  de  la  re- 
ligion des  Grecs;  La  Haye,  1708,  in-4°;  ouvrage 
assez  mal  fait  et  qui  ne  put  s'écouler  qu'au  moyen 
frauduleux  de  cet  autre  titre  :  Lettres  anec- 
dotes de  Grille  Lucar  ;  Amsterdam,  1718,in-4°. 
Michel  Nicolas. 

Bibliothèque  ancienne  et  moderne  de  J.  Leclerc, 
t.  X  vi,  pag.  437.  —  Sénébier,  Histoire  Littéraire  de  Ge- 
nève, t.  II,  p.  130.  —  Iiayle.  OVmres  diverses,  édit. 
in-fol.,  tom.IV,  pag.  559  564,  569,571,  575,  689. 

LÉGER  (Antoine  II),  pasteur  protestant,  filsdu 
précédent,  né  à  Genève,  en  1652,  et  mort  dans  la 
même  ville,  en  1719.  Il  fut  d'abord  pasteur  d'une 
paroisse  de  la  campagne  aux  environs  de  Ge- 
nève, et  en  1684  pasteur  de  la  ville.  En  1686  il 
fut  nommé  professeur  de  philosophie,  et  rem- 
plit ces  fonctions  avec  succès  pendant  vingt- 
quatre  ans.  En  1710  il  passa  à  la  chaire  de 
théologie,  qu'il  conserva  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie. 

On  a  de  lui  les  huit  dissertations  suivantes, 
imprimées  à  Genève ,  de  1705  à  1715  :  De  Sa- 
poribus; —  De  Origine  Fontium;  —  De  Me- 
teoris  ignitis  ;  —  De  Calore  et  Frigore;  —  De 
Igné;  —  De  Felicitate;  —  De  Deo;  —  De 
Anathemate  Maranata;  —  un  discours  inti- 
tulé :  Oratio  academica  de  Valdensium  situ 
et  progressu,  et  des  Sermons  sur  divers  textes 
de  l'Écriture  Sainte;  Genève,  1720,  5  vol. 
in-8°;  traduit  en  allemand,  Bàle,  1722,  in-8°. 
Ces  sermons,  imprimés  après  la  mort  de  l'au- 
teur, n'avaient  pas  été  destinés  à  l'impression; 
il  y  eu  a  peu  d'achevés ,  quelques-uns  ne  sont 
même  que  des  esquisses  qu'il  développait  en 
chaire.  Il  laissa  plusieurs  traités  manuscrits, 
mais  tous  plus  ou  moins  imparfaits.  Son  fils 
avait  voulu  d'abord  les  publier;  mieux  con- 
seillé, il  renonça  à  ce  projet.  M.  N. 

Sénébier,  Hist.  Littér.  de  Genève,  t.  II,  p.  2*8;  t  III, 
p.  301. 

léger  (  Michel  ),  pasteur  protestant,  fils  du 
précédent,  né  à  Genève  et  mort  dans  cette  ville, 


395  LÉGER 

en  1745.  On  a  de  lui  un  Sermon  sur  le  Jubilé 
de  la  réformation  de  l'illustre  ville  de  Neu- 
châtel;  Bâle,  1731,  in-4°. 

Sénebier,  Hist  Littéraire  de  Genève,  t.  Ill.p.  299. 
léger  (  Jean  ),  écrivain  protestant  savoyard, 
né  à  Villesèche,  dans  la  vallée  de  Saint-Martin, 
le  2  février  1615,  et  mort  à  Leyde,  vers  1670.  Son 
père,  Jacques  Léger,  frère  de  Léger  (  Antoine  Ier  ), 
chapelain  de  l'ambassadeur  hollandais  à  Cons- 
tantinople  et  plus  tard  professeur  à  Genève,  fut, 
de  1631  à  1640,  époque  de  sa  mort,  syndic  de 
la  commune  de  Faet  et  consul  général  de  la 
vallée  de  Saint -Martin.  Jean  Léger  fit  ses  études 
à  Genève.  Pendant  qu'il  était  étudiant,  il  eut  le 
bonheur  de  sauver  la  vie  (1638)  au  prince  de 
Deux-Ponts,  depuis  roi  de  Suède,  qui  se  baignait 
dans  le  lac.  En  1643,  son  oncle,  Antoine  Léger, 
ayant  étéobligé  d'abandonner  son  église  deSaint- 
Jean-Val-Lu cerne,  il  fut  désigné  pour  son  suc- 
cesseur. Dès  ce  moment  commença  pour  lui  une 
vie  pleine  d'épreuves  et  de  périls.  Les  protes- 
tants des  vallées,  comptant  sur  l'appui  de  Les- 
diguières  et  entraînés  par  les  idées  d'indépen- 
dance qui  étaient  communes  à  presque  tous  les 
protestants  français  de  cette  époque,  conçurent 
le  malheureux  projet  de  profiter  des  embarras 
dans  lesquels  se  trouvait  le  Piémont,  épuisé  par 
de  longues  guerres  étrangères  et  des  divisions 
intestines,  pour  s'ériger  en  république  indépen- 
dante. Ils  prirent  les  armes,  détruisirent  le  fort 
de  La  Tour,  et  se  répandirent  dans  les  vallées 
de  Suze  et  de  Saluées.  Le  marquis  de  Pianazze , 
chargé  de  les  réduire,  déploya  une  excessive  ri- 
gueur. Des  régiments  hongrois  et  bavarois,  ac- 
coutumés, pendant  les  guerres  précédentes,  à  la 
plus  grande  licence,  commirent  des  atrocités 
inouïes.  Les  Vaudois  se  défendirent  avec  un 
courage  héroïque.  Des  tonneaux  vides  ,  mate- 
lassés à  l'intérieur,  leur  servaient  de  remparts 
mobiles,  qu'ils  poussaient  devant  eux,  en  mar- 
chant à  l'attaque,  et  qu'ils  traînaient  à  leur 
suite,  quand  ils  étaient  forcés  à  la  retraite.  Vain- 
cus et  poursuivis,  ils  se  retirèrent  au  sommet  de 
la  vallée  d'Angrogne.  Cette  position ,  leur  der- 
nier retranchement,  fut  enfin  emportée  d'assaut. 
Léger,  échappé  au  massacre,  se  sauva  en  France. 
Là ,  il  rédigea  un  manifeste  qui,  traduit  et  im- 
primé en  diverses  langues ,  fut  envoyé  à  tous 
les  princes  protestants.  Il  écrivit  directement  à 
Cromwell,qui  s'intéressa  au  malheureux  sortdes 
Vaudois,  et  parla  en  leur  faveur  à  Louis  XIV  et 
auduc  de  Savoie.  Ce  ne  fut  que  vers  le  milieu 
de. juillet  1655  que  l'on  mit  fin  aux  massacres 
ordonnés  par  le  marquis  de  Pianazze.  Léger  fut 
alors  autorisé  à  faire  une  collecte  en  France 
pour  le  soulagement  de  ses  coreligionnaires,  et 
cette  même  année  il  assista  en  qualité  de  repré- 
sentant des  communes  protestantes  de  la  vallée 
de  Saint-Martin,  aux  conférences  de  Pignerol, 
où  l'on  régla  les  affaires  protestantes.  On  accorda 
aux  Vaudois  une  amnistie  générale  et,  sous  cer- 
taines conditions,  le  libre  exercice  de  leur  culte. 


396 
Quelque  temps  après ,  Léger  se  plaignit  de  di- 
verses infractions  commises  à  ce  traité.  Ses 
réclamations  ne  furent  pas  écoutées.  Il  réclama 
alors  l'intervention  de  la  France.  Cette  démarche 
fut  regardée  comme  un  acte  de  rébellion.  Cité, 
en  février  1658,  devant  un  tribunal  de  Turin,  il 
demanda  en  vain  de  comparaître  devant  les. 
juges  ordinaires;  sa  requête  fut  rejetée.  L'af- 
faire traîna  jusqu'en  1661.  Enfin,  le  17  septembre 
de  cette  année  il  fut  condamné  à  mort;  ses 
biens  furent  confisqués  et  sa  maison  rasée.  Il  se 
sauva  en  Suisse.  Il  parcourut  ensuite  une  partie 
de  l'Allemagne  et  la  Hollande,  pour  intéresser 
le  gouvernement  de  ces  pays  à  la  cause  des 
protestants  des  vallées.  De  retour  de  ce  voyage,! 
il  fit  imprimer  en  français  et  en  italien  une  apo- 
logie de  sa  conduite,  en  réponse  à  la  condam- 
nation dont  il  avait  été  frappé.  En  1663  il  fut 
nommé  pasteur  de  l'église  wallonne  de  Leyde,i 
et  continua  jusqu'à  sa  dernière  heure  de  solli-i 
citer  la  protection  des  princes  et  des  États  pro-> 
testants  pour  ses  frères  des  vallées.  Outre  les 
divers  écrits  dont  nous  avons  fait  mention,! 
on  a  de  J.  Léger  une  Histoire  générale  dei 
Églises  évangéliques  des  vallées  du  Piémont 
ou  vaudoises ,  divisée  en  deux  livres ,  jus- 
qu'à Van  1664;  Leyde,  1669,  in-fol.  avec  fig.; 
trad .  en  allemand  par  F.  Schweinitz,  avec  un« 
préface  de  S.-J.  Baumgarten;  Breslau,  175u.> 
2  vol.  in-4%  fig.  Cet  ouvrage  est  divisé  en  deusi 
parties.  Dans  la  première,  l'auteur  recherche  l'ori-i 
gine  des  Vaudois  qui  ne  se  rattachent  pas,  selon 
lui,  à  Pierre  Valdo,  mais  qui  remontent  plus 
haut  et  sont  déjà  connus  au  huitième  siècle  ;  i 
expose  ensuite  leurs  croyances  et  leur  organisa- 
tion ecclésiastique.  Dans  la  seconde  partie ,  il  fai; 
le  récit  des  persécutions  souffertes  par  eux  à  dîj 
verses  époques,  et  principalement  de  celles  don'i 
il  avait  été  le  témoin.  Ce  curieux  ouvrage  es\ 
devenu  fort  rare,  parce  qu'on  prit  soin  en  F  ranci 
et  en  Piémont  de  détruire  tous  les  exemplaire! 
qu'on  avait  pu  saisir.  Michel  Nicolas.    I 

Bayle,  OEuvres  diverses,  tom.  El I  de  l'édition  in-fol 
pag.  730  et  suiv.  —  Sénebier,  Histoire  Littéraire  de  G'i 
nève,  tom.  Il,  pag.  220-222.  —  abrégé  de  la  vie  de  Jea 
Léger,  écrite  par  lui-même  à  la  fin  de  son  Histoire  gé 
nérale  des  églises  vaudoises,  IIe  partie,  p.  368  383. 

léger  (François-Pierre-Auguste),  acteu 
et  littérateur  français,  né  à  Bernay  (et  non  i 
Paris),  le  16  mars  1766  (et  non  en  1765),  mor 
à  Paris,  le  28  (et  non  le  27  )  mars  1823,  étai 
le  fils  d'un  chirurgien  estimé.  A  l'issue  de  se: 
études,  il  prit  le  petit  collet,  et  se  plaça  comrai 
précepteur  de  fils  de  famille.  Au  début  de  1< 
révolution,  il  abandonna  l'enseignement, 
s'enrôla  dans  la  troupe  d'acteurs  qui  inaugura 
en  1792,  le  théâtre  du  Vaudeville  (1).  Un  ma 
riage  qu'il  contracta  à  cette  époque,  contre  le  gri 


(1)  Ouvert  dans  la  salle  du  Petit-Panthéon ,  située  nu 
de  Chartres,  le  12  janvier  1792,  ce  théâtre  a  été  incendii 
le  18  juillet  1838.  L'emplacement  qu'il  occupait  est  re 
couvert  aujourd'hui  par  les  nouvelles  constructions  di 
Louvre. 


397  LÉGER 

de  sa  famille,  avec  une  femme  beaucoup  plus 
ngée  que  lui,  et  sans  fortune,  ne  fut  pas  étranger 
à  cette  bizarre  détermination.  Il  resta  sept  ans  à 
ce  théâtre.  Piis,  l'un  des  fondateurs ,  s'étant  sé- 
paré de  Barré,  son  associé,  pour  établir  une 
scène  rivale,  il  s'adjoignit  Léger,  et,  le  15  floréal 
an  vu,  l'ouverture  du  théâtre  des  Troubadours 
eut  lieu  par  un  prologue  intitulé  :  Nous  ver- 
rons, et  par  Le  Billet  de  Logement,  pièces  dont 
Léger  était  l'auteur.  Cette  entreprise  n'ayant  pas 
prospéré,  Léger  voulut  reprendre  la  carrière 
ne  l'enseignement  ;  mais,  mieux  avisé ,  et  grâce  à 
la  protection  d'un  ami  d'enfance,  M.  Dubos , 
tous-préfet  de  Saint-Denis,  il  obtint  l'emploi  de 
Greffier  de  la  justice  de  paix  de  cette  ville.  Il  ne 
sut  pas  s'y  maintenir,  puisqu'on  le  retrouve  dans 
les  dernières  années  de  sa  vie  directeur  du 
théâtre  de  Nantes.  Là  encore  il  ne  fit  qu'un  sé- 
jour passager,  à  cause  des  tracasseries  que  lui 
suscitèrent  des  adversaires  de  son  administra- 
tion, intéressés  à  la  décrier  pour  lui  substituer 
nn  des  leurs.  Léger  réclama  vainement  contre  la 
nomination  de  son  successeur,  et  l'inutilité  de 
les  démarches  pour  faire  révoquer  cette  me- 
sure lui  causa  un  chagrin  qui  abrégea  ses  jours. 
On  a  de  lui  :  Le  Danger  des  Conseils,  ou  la 
toile  inconstance,  comédie  en  un  acte  et  en 
Vers;  Paris,  1793,  in-8°  ;  —  Henri  IV  à  Bil- 
liens ,  comédie  en  deux  actes  et  en  vers  ;  Caen, 
|si6,  in-8°;  — L'homme  sans  façon,  ou  le 
Vieux  cousin ,  comédie  en  trois  actes  et  en 
rers;  Paris,  1798,  in-8°.  Il  existe  des  exem- 
plaires où  le  titre  est  interverti  ;  —  Maria,  ou 
la  demoiselle  de  compagnie,  comédie  en  un 
[cte  et  en  vers;  Paris,  1818,  in-8°;  —  L'Orphe- 
lin et  le  Curé,  fait  historique  en  un  acte;  Paris, 
1790,  in-8°.  C'est  la  première  pièce  où  l'on  vit 
je  costume  ecclésiastique  sur  un  théâtre;  —  Un 
four  de  Jeune  Homme,  anecdote  en  un  acte; 
Paris,  1802,  in-8°;  —  Alphonse,  ou  les  suites 
\'un  second  mariage,  drame  en  trois  actes; 
1818;  —  Apothéose  du  jeune  Barra,  tableau 
patriotique,  en  un  acte,  mêlé  d'ariettes;  1794, 
b-8°;  —  Charles  Coypel,  ou  la  vengeance 
rien  peintre,  un  acte  mêlé  d'ariettes;  1805;  — 
Oon  Carlos,  op.  com.,  trois  actes;  1800;  — 
ta  folle  Gageure,  com.  à  ariettes,  un  acte,  1 790, 
b-8°;  —  Henri  de  Bavière,  op.,  trois  actes; 
Paris,  1814,  in-8°  ;  —L'heureuse  Ivresse,  op.-c, 
In  acte;  1791; —  Jean  Bart,  id.;  1795,— 
Lisez  Plutarque,  id.  ;  1801  ;  —  Mon  Cousin  de 
Paris,  id.  ;  1804  ;  —  Le  Corsaire  comme  il  n'y 
n  a  point,  com.,  trois  actes;  1790;  —  Le  Ber- 
\eau  d'Henri  IV,  op.-c,  deux  actes;  1814;  — 
hes  Épreuves  de  l'Amour,  pastorale  lyrique; 
91  ;  —  Caroline  de  Lichtfield,  com.,  trois  ac- 
es en  vers;  1792.  On  peut  ajouter  à  cette  nomen- 
lature  une  soixantaine  de  vaudevilles ,  composés 
euls  ou  en  société,  parmi  lesquels  nous  cite- 
ons  :  Christophe  Morin  ;  La  Revue  de  l'an  VI, 
u  il  faut  un  état;  Le  18  Brumaire,  ou  la 
purnée  de  Saint-Cloud ;  La  papesse  Jeanne; 


LÉGIER 


398 


M.  Partout,  réimprimé  en  1822,  sous  le  titre 
d'Un  Dimanche  à  Passy  ;  et  L'Auteur  d'un 
moment,  comédie  en  un  acte,  envers  et  en 
vaudevilles,  jouée  en  1792,  pièce  où  Chénier 
était  désigné  de  manière  à  ce  qu'on  ne  pût  s'y 
méprendre,  ce  qui  excita  la  colère  des  fana- 
tiques révolutionnaires.  Léger  y  chantait  un 
couplet  qui  finissait  par  ces  mots  : 

Il  faut  renvoyer  à  l'école 

Celui  qui  régente  les  rois. 

Un  certain  nombre  de  spectateurs  demandèrent 
bis,  d'autres  s'y  opposèrent;  on  voulut  forcer 
l'auteur,  acteur  à  faire  amende  honorable  ;  mais 
il  s'enfuit  du  théâtre.  Le  tumulte  fut  porté 
à  son  comble;  des  pages  de  Louis  XVI  furent 
blessés  dans  la  bagarre,  et  peu  s'en  fallut  que 
le  théâtre,  ouvert  sous  le  nom  de  Vaudeville, 
ne  fût  livré  aux  flammes.  Le  lendemain  un 
exemplaire  de  la  pièce  fut  brûlé  sur  la  scène. 
Outre  ses  productions  dramatiques,  Léger  a 
publié  :  Notice  nécrologique  sur  M.  Pierre- 
Antoine-Romain  Dubos;  Paris,  1812,  in-8°. 
Sur  cette  brochure  il  accole,  pour  la  première 
fois,  à  son  nom  celui  de  Darance  (1);  — 
Petite  Réponse  à  la  grande  épitre  de  M.-J.  Ché- 
nier; Paris,  1797,  in-8°.  Cette  réponse  a  été 
insérée  dans  le  Recueil  de  poésies  satiriques 
publié  par  Colnet,  et  réimprimée  dans  l'édition 
des  poésies  de  l'auteur;—  Macédoine,  ou  Poé- 
sies, Chansons,  etc.;  Paris,  1818,  in-18;  - 
Chansons  et  autres  poésies;  1822,  in-18;  — 
Rhétorique  épistolaire;  Paris,  1804,  1  vol. 
in-12.  En.  de  Manne. 

Brazier,  Hist.  des  Petits  Théâtres.  —  Arn^ult,  Souve- 
nirs d'un  Sexagénaire.  —  Quérard,  La  France  Litt. 

légier  (Pierre),  littérateur  français,  né  à 
Jussey  (Franche-Comté),  en  1734,  mort  dans 
la  même  ville,  le  7  janvier  1791.  Ses  études  ache- 
vées, il  embrassa  l'état  militaire  et  fil  une  cam- 
pagne en  Bohême.  La  faiblesse  de  sa  santé 
l'ayant  forcé  de  renoncer  à  cette  carrière,  il  vint 
étudier  le  droit  à  Paris,  où  il  se  lia  avec  des 
gens  de  lettres.  Quelques  vers  agréables  lui  va- 
lurent l'entrée  de  cercles  recherchés.  Il  s'essaya 
dans  l'art  dramatique,  mais  avec  peu  de  succès. 
Revenu  dans  son  pays,  il  y  remplit  les  fonctions 
de  maire  et  de  lieutenant  général  de  police.  On 
a  de  lui  :  Le  Rendez-vous,  comédie  en  un  acte 
mêlée  d'ariettes ,  musique  de  Duni,  représentée 
en  1 763  ;  1763,  in-8°  ;  —  Les  Protégés,  comédie 
en  trois  actes  et  en  vers  ;  Paris,  1769,  in-12;  — 
Amusements  poétiques  ;  Londres  (Paris),  1769, 
in-8°;  —  Traité  des  différentes  Procédures  ob- 
servées dans  les  différentes  Juridictions  de 
l'enclos  du  Palais  ;  Paris,  1780,  in-8°  ;  —  Susky, 
conte  moral,  dans  les  Affiches  de  Franche- 
Comté;  1783  ;  —  L'Orateur,  poëme  ;  1784,  in-8°. 

J.  V. 

Weiss,  Notice  sur  Légier,  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  d'agriculture  de  la  Haute-Saône,  t.  III.  —  Ar- 

(1)  Et  non  Davance,  ainsi  que  l'a  dit  M.  Quérard.  Ce 
nom  était  celui  de  sa  femme. 


399 


LÈGIER 


nauit.  Jay,  Jouy  et  Norvlns,  Biogr.  nouv.  des  Contemp. 
—  Quérard',  La  France  littéraire. 

lkgillon  (Jean- François),  peintre  belge, 
né  le  1er  septembre  1739,  à  Bruges  ,  mort  le 
23  novembre  1797,  à  Paris.  Il  étudia  le  dessiu 
à  l'Académie  de  Rouen  sous  J.-B.  Descamps, 
passa  quatre  années  en  Italie,  parcourut  ensuite 
la  Suisse,  et  se  fixa  en  1782  à  Paris.  Admis  en 
1789  à  l'Académie  de  Peinture,  il  reçut  bientôt 
le  titre  de  peintre  du  roi.  La  même  année  il 
exposa  au  salon  du  Louvre  six  tableaux,  remar- 
quables par  un  fini  précieux  et  une  composition 
savante;  il  brillait  surtout  dans  la  représenta- 
tion de  la  nature,  agreste  et  prit  Berghem  pour 
modèle.  P.  L— y. 

Hommes  remarq.  de  la  Flandre  occid.,  I,  281-85. 

legipont  (Dom  Olivier),  bénédictin  alle- 
mand de  la  congrégation  de  Bursfeld,  un  des 
plus  érudits  de  son  temps,  naquit  à  Soiron,  dans 
le  ducbé  de  Limbourg,  le  1er  décembre  1698, 
et  mourut  dans  l'abbaye  de  Saint-Maximin  de 
Trêves,  le  16  juin  1758.  Ayant  acquis  par  de  so- 
lides études  une  instruction  aussi  étendue  que 
variée  dans  toutes  les  branches  des  connais- 
sances qui  se  rattachent  à  ce  qu'on  appelait  au- 
trefois les  humanités,  il  embrassa  une  profes- 
sion qui  lui  permit  de  se  livrer  au  penchant 
qu'il  manifestait  surtout  pour  les  recherches  his- 
toriques et  philologiques.  Dès  l'année;  1720  il 
fit  profession  dans  l'abbaye  des  Bénédictins  de 
Saint-Martin  de  Cologne.  Après  avoir  professé 
la  philosophie  et  le  droit  canonique  il  devint 
prieur  de  cette  maison,  et  publia  plusieurs  ou- 
vrages élémentaires.  Mais  ses  goûts  de  prédilec- 
tion, fortifiés  par  la  liaison  qu'il  avait  contractée 
avec  le  P.  Bernard  Pez,  le  déterminèrent  sur- 
tout à  visiter  les  bibliothèques  les  plus  renom- 
mées de  l'Allemagne  et  les  archives  des  mo- 
nastères, afin  de  fournir  à  son  ami  des  matériaux 
qui  pussent  l'aider  dans  la  composition  de  l'his- 
toire littéraire  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  à  la- 
quelle le  savant  bénédictin  travaillait.  11  donna 
une  si  haute  idée  de  son  mérite  dans  ce  genre 
que  plusieurs  communautés  religieuses  le  prièrent 
d'écrire  leur  histoire  ou  d'arranger  leurs  archives. 
Mais  un  projet  plus  vaste  occupait  sa  pensée  : 
il  avait  conçu  le  dessein  de  créer  pour  l'Alle- 
magne une  société  littéraire  bénédictine  à  laquelle 
on  aurait  associé  des  membres  du  même  ordre 
répandus  dans  les  autres  États  de  l'Europe.  11 
avait  communiqué  ce  projet  au  cardinal  Quiiini, 
qui,  en  sa  qualité  d'ancien  bénédictin,  s'intéres- 
sant  à  la  gloire  de  l'ordre,  avait  accepté  le  titre 
de  protecteur  que  domLegipont  lui  avait  offert. 
Mais  le  défaut  de  fonds  nécessaires  à  une  pa- 
reille entreprise,  et  l'éloignement  des  maisons 
de  l'ordre  de  l'abbaye  de  Kempten,  qui  avait  été 
choisie  pour  être  le  centre  de  l'académie,  rom- 
pirent toutes  les  mesures  de  dom  Legipont, 
quoiqu'un  grand  nombre  de  diplômes  d'affilia- 
tion à  la  société  eussent  été  délivrés  et  que  les 
avantages  d'une  semblable  association  eussent 


LEGIPONT  400 

été  exposés  méthodiquement  par  lui  dans  un 
écrit  imprimé  à  l'abbaye  de  Kempten,  sous  le 
titre  de  Systema  erïgendse  Societatis  littera- 
riee  Germano-Benedictinas  ;  Compidonae,  1752, 
in-8°  (1).  De  si  utiles  travaux  ne  préservèrent 
pas  dom  Legipont  des  atteintes  de  l'envie,  et  de 
l'espèce  de  sourde  persécution  qu'elle  fait  éprou- 
ver aux  hommes  de  mérite  qui  en  sont  l'objet. 
Peut-être  contribuèrent- elles ,  avec  l'ardeur  et 
l'excès  du  travail,  à  avancer  le  terme  de  ses 
jours,  car  il  n'avait  pas  encore  atteint  l'âge  de 
soixante  ans    lorsqu'il  mourut.  On  peut  citer, 
parmi  les  principaux  ouvrages  qu'il  fit  impri- 
mer :  Historia  Monasterii  Visibodibergensis  in 
Palatinalu  ;  Cologne,  1735,  in-fol.  ;  —  Disses 
tationes  philologico  -  bibliographies   de  or- 
dinanda  et  ornanda  bibliotheca  ;  Nuremberg, 
1726,   in-4°;  —  Monasticum  Mogonliacum, 
sive  succincta  monasteriorum  in  archiepis- 
copatu  Moguntino  notifia  ;   Prague,    1746, 
in-8°;  —  Sacrx  metropolis  Coloniensis  An- 
tiquitas  et  prserogativa  advenus  gloria  œmu- 
los  asserta;  Cologne,  1748,  in-8°;  —  Intro- 
ductio  ad  studium  Numismatum  romanarum;  < 
Wurtzbourg,  1757,  in-4°.  Après  avoir  coopéré 
avec  le  père  Ziegelbauer  à  l'histoire  littéraire  del 
l'ordre  de  Saint-Benoît,  que  ce  savant  confrère 
avait  entreprise,  il  la  publia  à  Augsbourg,  après 
la  mort  de  celui-ci,  en  1734,  4  vol.  in-fol.  (Mis-\ 
toria  rei  litterarix  ordinis  Sancti-Benedicli 
in  quatuor  partes  distributa...).  On  éprouve  i 
une  espèce  de  stupéfaction  en  voyant  la  liste  des; 
ouvrages- inédits  de  dom  Legipont,  au  nombre 
de  cinquante-et-un  ,  dont  les  titres  ont  été  don-i 
nés  par  dom  Jean-François.  On  ne  conçoit  pasi 
que  la  vie  d'un  seul  homme  ait  pu  suffire  aux 
recherches  infatigables  du  bénédictin  de  Bursfeldi 
et   aux  immenses   travaux  qui  en  furent   lai 
suite.  On  remarque  parmi  ces  ouvrages,  restés* 
manuscrits,  la  Chronique  de  l'abbaye  de  Saint- 
Martin  de  Cologne  en  onze  volume  in-fol.,  YHis-, 
toirede  la  Congrégation  de  Bursfeld,  en  onze! 
volumes  in-4°,  le  Spicilége  des  Antiquités  ro- 
maines découvertes  à  Mayence  et  dans  les  en-' 
virons,  in-fol.,  etc.  Aussi  presque  tous  les  sa-i 
vantscontemporains  ont  porté  sur  ses  écrits  le: 
même  jugement  que  le  nonce  apostolique  Oddi,i 
archevêque  de  Trajanopole,  qui  dans  une  lettre 
écrite  à   l'abbé    de  Saint-Maximin  de  Trêves 
s'exprime  ainsi  à  son  sujet  :  Supervacaneum  ! 
sane  foret   de  hujus  Jwminis   ingenio,  doc-  j 
trina ,  probitate  et  humanitate  plura  sert- 
it) Cet  ouvrage  a  été  réimprimé  à  Met/,  par  les  soins 
de  dom  Jean- François,  bénédictin  de  la  congrégation  de  | 
Saint- Vanne.  Sorti  des  presses  de  Joseph  Antoine,  c'est 
un  petit  chef-d'œuvre  d'impression,  qui  a  pour  titre  :  \ 
Corpus  academicum  almœSocietatis  litterarix  germano-  \ 
benedictinse  in  suas  classes  à  R.  P.  Olivario  Legipont 
distributum;  Metz,  1758,  in-8°,  de  vin      60ipag.  M.Tels- 
sier  ne  l'a  pas  connu,  car  il  n'en  parle  pas  dans  son  ou- 
vrage sur  la  typographie  messine.  Le  même  dom  Jean- 
François  l'a  reproduit  à  la  suite  de  sa  Bibliothèque  gé- 
nérale des  écrivains  de  l'ordre  de  Saint-Benoît  /Bouillon, 
1777,  in-*°  4e  volume. 


401  LEGIPONT 

bere,  ....  pluribus  libris  editissima  erudi- 
\tione  prxlucentibus.  J.  Lamoureux. 

Jeta  Eruditontm  Lipsise  (passira).  —  Dora  Jeaiv- 
Françols,  Bibliothèque  générale  des  Écrivains  de  l'Ordre 
de  Saint- Benoit ,  toiue  II.  —  Abbé  de  La  Porle,  L'Obser- 
vateur Littéraire,  1760,  tome  II. 

lkgi  vue  de  richebourg  (Mme),  roman- 
cière française  du  dix-huitième  siècle,  connue 
seulement  par  des  ouvrages  qui  ont  paru  ano- 
nymes, et  dont  plusieurs  eurent  un  grand  succès. 
Les  principaux  sont  :  La  Veuve  en  puissance  de 
mari,  nouvelle  tragi-comique;  Paris,  1732, 
in- 12  ;  —  Aventures  de  Clamade  et  de  Clar- 
monde  ;  Paris,  1733,  in-12;  —  Aventures  de 
I  Flore  et  de  Blanche/leur  ;  Paris,  1735,  2  vol. 
in-12.  Ces  deux  derniers  romans  font  partie  de 
la  Bibliothèque  des  Dames.  E.  D. 

I    Qaérard,  La  France  Littéraire. 

*  le  glay  (  André-Joseph-Ghislain  ),  histo- 
rien et  bibliographe  français,  né  à  Arleux  (Nord), 
le  29  octobre  1785.  Il  commença  à  Douai  des 
études  médicales,  qu'il  vint  achever  à  Paris,  où 
il  obtint  en  1812  le  grade  de  docteur;  puis  il 
(alla  exercer  l'art  de  guérir  à  Cambrai,  devint 
en  1826  bibliothécaire  de  cette  villa,  et  consacra 
les  moments  dont  il  pouvait  disposer  à  des  re- 
cherches sur  l'histoire  et  les  antiquités  de  sa 
province.  En  1835,  M.  Guizot,  alors  ministre  de 
l'Instruction  publique,  le  détermina  à  prendre  la 
direction  des  archives  du  département  du  Nord, 
dépôt  très-riche ,  mais  depuis  longtemps  délaissé. 
M.  Le  Glay  est  correspondant  de  l'Institut,  de 
l'Académie  royale  de  Belgique,  et  de  celle  de 
Turin.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Catalogue 
descriptif  et  raisonné  des  manuscrits  de  la 
bibliothèque  de  Cambrai;  Cambrai,  1831, 
in-8°;  —  Mélanges  historiques  et  littéraires; 
Cambrai,  1834,in-4°  ;  —  Notice  sur  les  archi- 
ves de  la  Chambre  des  Comptes  à  Lille;  Lille, 
1836,  in-8°  ;  —  Nouveau  Programme  d'études 
historiques  et  archéologiques  sur  le  départe- 
ment du  Nord;  Lille,  1836,  in-12;  —  Ana- 
lectes  historiques,  ou  documents  inédits  pour 
l'histoire  des  faits ,  des  mœurs  et  de  la  lit- 
térature; Lille,  1839,  in-8°;  —  Mémoire  sur 
les  bibliothèques  publiques  et  les  principales 
bibliothèques  particulières  du, département 
du  Nord; Lille,  1841,  in-8°;  —  Catalogue  des- 
criptif des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de 
Lille  ;  Lille,  1848,  in-8°;—  Cameracum  Chris- 
tianum,  ou  histoire  ecclésiastique  du  diocèse 
de  Cambrai,  extraite  du  Gallia  Christiana, 
et  d'autres  ouvrages,  avec  des  additions  con- 
sidérables et  une  continuation  jusqu'à  nos 
jours;  Lille,  1849,  in-4°  ;  —  Nouveaux  Ana- 
lectes,  ou  documents  inédits  pour  l'histoire 
des  faits,  des  mœurs  et  de  la  littérature; 
Lille,  1852,  in-8°;  —  Revue  critique  des  Opéra 
diplomatica  de  Mirœus  sur  les  titres  repo- 
sant aux  archives  départementales  à  Lille; 
Bruxelles,  1856,  in-8°.  L'Académie  royale  de 
Belgique  a  fait  imprimer  ce  travail  dans  la 
collection  de  ses  Bulletins,   en   un  volume  à 


LE  GLAY 


402 


part,  qui  leur  sert  d'appendice;  —  Spicilége 
d'Histoire  Littéraire,  ou  documents  pour  ser- 
vir à  P histoire  des  sciences,  des  lettres  et 
des  arts  dans  le  nord  de  la  France;  Lille, 
1858,  fascicules  1-11,  in-8°.  M.  Le  Glay  a  publié 
comme  éditeur  :  Chronique  d'Arras  et  de  Cam- 
brai, par  Balderic,  chantre  de  Térouane,  au 
onzième  siècle,  etc.  ;  Paris,  1834,in-8°;  —  Cor- 
respondance de  l'empereur  Maximilien  1er 
et  de  Marguerite  d'Autriche;  Paris,  1839, 
2  vol.  in-8°;  —  Négociations  diplomatiques 
entre  la  France  et  l'Autriche  durant  les 
trente  premières  années  du  seizième  siècle; 
Paris,  Impr.  royale,  1845,  2  vol.  in-4°,  qui  font 
partie  de  la  Collection  des  documents  inédits 
relatifs  à  l'histoire  de  France.  Il  a  fourni 
divers  travaux  aux  Archives  historiques  et  lit- 
téraires du  nord  de  la  France  et  du  midi 
de  la  Belgique,  aux  Mémoires  de  la  Société 
d'Émulation  de  Cambrai,  à  la  Revue  nu- 
mismatique et  aux  Mémoires  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  France.      E.  Begnard. 

Quérard,  La  France   Littéraire.  —  Bibliographie  de 
la  France.  —  Documents  particuliers. 

*  le  glay  {Edward-André-Joseph),  ar- 
chiviste paléographe  français,  fils  du  précédent, 
né  à  Cambrai,  le  6  mars  1814.  Il  lit  ses  études 
de  droit  à  Paris,  et  il  fut  nommé  bibliothécaire 
de  la  ville  de  Cambrai  en  1835,  puis  conserva- 
teur adjoint  des  archives  du  département  du 
Nord  en  1837.  Devenu  conseiller  de  préfecture 
de  la  Côte-d'Or  en  1846,  il  est  maintenant  sous- 
préfet  à  Libourne,  après  avoir  rempli  les  mêmes 
fonctions  dans  plusieurs  villes.  Suivant  l'exemple 
de  son  père,  M.  Le  Glay  s'est  occupé  de  l'histoire 
et  de  la  littérature  du  moyen  âge.  Nous  citerons 
de  lui  :  Histoire  de  Jeanne  de  Constanti- 
nople,  comtesse  de  Flandre  et  de  Hainaul; 
Lille,  1841,  in-8°;  —  Histoire  des  Comtes  de 
Flandre  jusqu'à  l'avènement  de  la  maison 
de  Bourgogne  ;  Paris,  1843-1844,  2  vol.  in-8°; 
—  Illustrations  de  l'histoire  de  Belgique; 
Tournai,  1852,  in- 18.  H  a  mis  au  jour  comme 
éditeur  (en  société  avec  M.  Brunel)  Fragments 
d'Épopées  romanes  du  douzième  siècle,  tra- 
duits et  annotés;  Paris,  1838,  in-8°;  —  Li 
romans  de  Raoul  de  Cambrai  et  de  Bernier, 
publiés  pour  la  première  fois  d'après  le  ma- 
nuscrit unique  de  la  bibliothèque  du  Roi; 
Paris,  1840,  in-12,  qui  forme  le  tome  YII  de  la 
Collection  des  romans  des  douze  Pairs  de 
France;  —  Chronique  rimée  des  Troubles  de 
Flandre  à  la  fin  du  quatorzième  siècle,  sui- 
vie de  documents  historiques  relatifs  à  ces 
troubles,  etc.;  Lille,  1842,  in-8°.  M.  Le  Glay  a 
donné  des  articles  à  l'Encyclopédie  du  Droit, 
au  Dictionnaire  de  la  Conversation,  à  l'En- 
cyclopédie du  dix-neuvième  Siècle,  kl' Histoire 
des  villes  de  France,  aux  Mémoires  de  la  So- 
ciété d'Émulation  de  Cambrai,  aux  Archives 
historiques   et  littéraires  du  nord   de  la 


403  LE  GLAY  — 

France  et  du  midi  de  la  Belgique,  et  à  plu- 
sieurs recueils  français  et  étrangers.      E.  R. 

Livret  de  l'École  des  Chartes;  Paris,  1852,  in-18.  —  Bi- 
bliographie de  la  France.  —  Bibliographie  de  la  BeU 
(jique.  —  Documents  particuliers. 

legnani  {Etienne),  dit  le  Legnanino,  pein- 
tre de  l'école  milanaise,  né  à  Milan,  en  1660, 
mort  en  1715.  Il  fut  à  Bologne  élève  de  Cignani, 
et  à  Rome  disciple  de  Carlo  Maratta;  mais  mal- 
heureusement il  se  laissa  entraîner  par  le  goût 
de  son  siècle,  et  tomba  parfois  dans  le  manié- 
risme. Ce  défaut  est  surtout  sensible  dans  ses 
derniers  ouvrages,  tandis  que  les  premiers  se 
ressentent  encore  de  l'influence  salutaire  de  ses 
maîtres.  Dans  ceux-ci ,  on  trouve  une  sobriété 
de  détails ,  une  sagesse  de  composition  et  un 
éclat  de  coloris  dignes  d'un  grand  artiste.  Le- 
gnani  a  beaucoup  peint  à  fresque  à  Milan;  ses 
Quatre  Vertus,  pendentifs  d'une  coupole  de  cha- 
pelle à  Santa-Maria-del-Carmine,  et  son  Cou- 
ronnement de  la  Vierge  à  San-Angelo  sont  sur- 
tout célèbres.  On  voit  de  lui  à  Saint-Ambroise 
un  tableau  représentant  La  Vierge  entre  saint 
Laurent,  saint  Benoît  et  saint Ambroise.  lia 
travaillé  aussi  dans  les  autres  villes  d'Italie, 
principalement  à  Turin  et  à  Gênes.  Son  portrait, 
peint  par  lui-même,  fait  partie  de  la  collection 
iconographique  du  musée  de  Florence,  et  la  cou- 
pole de  Santo-Gaudenzio  de  Novare,  passe  pour 
son  chef-d'œuvre. 

On  attribue  quelquefois  au  Legnanino  des 
portraits  assez  faibles  qui  sont  plutôt  dus  au 
pinceau  de  son  père ,  peintre  médiocre  nommé 
Ambrogio  par  quelques  auteurs ,  et  par  d'autres 
Cristoforo.  E.  B— n. 

Orlandi ,  Abbecedario.  —  Lanzi,  Storia  Pittorica.  — 
Ticozzi,  Dizionario.  —  Pirovano,  Guida  di  Milano. 

eegnago.  Voy.  Barbieri  {Francesco). 

legobien  (Charles),  historien  français, 
né  en  1653,  à  Saint-Malo,  mort  le  5  mars  1708, 
à  Paris.  Son  père ,  Jean  Legobien  ,  fut  un  des 
hommes  les  plus  distingués  de  sa  province;  il 
avait  été  deux  fois  député  aux  états  généraux 
du  royaume,  et  son  portrait  avait  été  placé  par 
ordre  du  conseil  de  la  ville  dans  la  cathédrale 
de  Saint-Malo.  Le  jeune  Charles ,  destiné  à  l'É- 
glise, entra  en  1671  dans  la  Société  de  Jésus,  et 
professa  d'abord  à  Tours  ;  appelé  ensuite  à  Paris, 
il  y  devint  secrétaire  et  en  1706  procureur  des 
missions  de  la  Chine.  On  a  de  lui  :  Lettre  sui- 
tes progrès  de  la  religion  à  la  Chine;  Paris, 
1697,  in-8°;  —  Histoire  de  redit  de  l'empe- 
reur de  la  Chine  en  faveur  de  la  religion 
chrétienne;  ibid.,1693,  in-12;  trad.  en  italien 
par  Ch.  Ferreri,  Turin,  1699;  et  réimpr.  dans 
le  tome  III  des  Nouveaux  Mémoires  sur  l'état 
présent  de  la  Chine  (1701),  du  P.  Leeomte;  — 
Éclaircissements  sur  les  honneurs  que  les 
Chinois  rendent  à  Confucius  et  aux  morts  ; 
ibid.,  1698,  in-12;  —  Histoire  des  îles  Ma- 
riannes,  nouvellement  converties  àla  religion 
chrétienne  ;  ibid.,  1700,  1701,  in-12  avec  car- 
tes; —  Lettre  à  un  docteur  de  la  Faculté  de 


LE  GONIDEC 


40.4 


Paris  sur  les  propositions  déférées  en  Sor-  j 
bonne  par  M.  Prioux  ;  ibid.,  1700;  —  Lettres  I 
de  quelques  missionnaires  de  la  Compagnie  I 
de  Jésus,  écrites  de  la  Chine  et  des  Indes 
orientales  ;  ibid.,  1702,  in-12  :  ce  premier  re- 
cueil, ayant  été   bien   accueilli  du   public,  fut 
suivi  d'un  second, intitulé  :   Lettres  édifiantes  I 
et  curieuses  écrites  des  missions  étrangères, 
par  quelques  missionnaires  de  la  Compagnie 
de  Jésus.  Tel  est  le  commencement  de  cette 
collection ,  dont  Legobien  donna  encore  six  vo- 
lumes (1702-1708),  et  qui  fut  continuée  après, 
sa  mort  par  Du  Halde.  P.  L— y. 

Miorcec  de  Kerdanet,  Écrivains  de  la  Bretagne.— 
Manet,  Biogr.  des  Malouins  célèbres.  —  MOFéri ,  Dict. 
Nistorique. 

ee gonidec  (Jean-François-Marie), philo- 
logue français,  né  au  Conquet,  en  Bretagne,  le  4  ; 
septembre  1775,  mort  à  Paris,  le  12  octobre  1838. 
Fils  d'un  employé  dans  les  Fermes,  il  reçut,  par 
les  soins  de  son  parrain,  M.  de  Ker-Sauzon ,  une 
éducation  distinguée.  Arrêté  comme  suspect. en 
1793,  il  fut  condamné  à  mort  après  plusieurs  ■ 
mois  de  détention.  Au  moment  où,  sur  la  place 
de  Brest,  il  allait  monter  à  l'échafaud,  des 
personnes  armées ,  dont  on  n'a  jamais  su  le 
nom,  se  précipitent  sur  les  soldats,  les  dis- 
persent et  délivrent  Le  Gonidec.  Caché  pen- 
dant la  journée  par  la  femme  d'un  terroriste, 
il  partit  la  nuit,  gagna  un  petit  port  de  Léon, 
et  passa  le  détroit.  A  peine  débarquait-il  à 
à  Penn-Zauz  en  Cornouailles,  qu'un  domestique  i 
s'approche  de  lui  et  lui  demande  s'il  ne  s'appelle 
pas  Le  Gonidec;  sur  sa  réponse  affirmative,  il 
fut  conduit  dans  un  château,  où  l'on  attendait 
un  de  ses  parents,  nommé  comme  lui  Le  Goni- 
dec, ce  qui  avait  amené  la  méprise  du  domesti- 
que Reçu  comme  s'il  était  un  ami  de  la  maison, 
le  fugitif  resta  une  année  dans  le  château.  Rentré 
en  France  à  la  fin  de  1794,  il  prit  du  service  dans 
l'armée  vendéenne,  et  il  y  obtint  le  grade  de  lieu- 
tenant-colonel. Forcé,  après  l'expédition  de  Qui-  < 
héron,  d'errer  de  village  en  village  dans  le  pays 
de  Léon ,  il  apprit  à  fond  l'idiome  des  paysans  i 
de  cette  contrée,  qui  parlent  le  plus  pur  dialecte  I 
de  l'Armorique.  Encouragé  dans  ses  études  sur 
la  langue  bretonne  par  un  vieil  antiquaire,  il 
arriva  bientôt  à  en  connaître  la  structure  et  le 
vocabulaire  d'une  manière  bien  plus  complète 
que  ceux  qui  s'étaient  avant  lui  occupés  de  cette 
langue.  Ayant  fait  en  1 800  sa  soumission  au  gou- 
vernement de  l'empereur,  il  reçut  quatre  ans 
plus  tard  un  emploi  dans  l'administration  fores- 
tière, et  fut  en  1812  nommé  chef  de  l'administra- 
tion forestière  au  delà  du  Rhin.  Il  habitait  alors 
Hambourg;  au  moment  de  l'évacuation  de  cette 
ville  par  les  Français,  il  perdit  ses  meubles,  ses 
livres  et  ses  manuscrits.  Après  la  rentrée  des 
Bourbons,  il  continua  d'être  employé  dans  l'ad- 
ministration forestière,  et  fut  envoyé  successive- 
ment à  Nantes,  à  Moulins  et  à  Angoulême.  Mis 
à  la  retraite  en  1834,  son  peu  de  fortune  ne  lui 


405 


permit  pas  de  se  livrer  au  repos,  et  il  fut  heureux 
de  trouver  une  place  dans  l'administration  des 
Assurances  générales.  Il  n'avait  pas  cessé  ces 
patientes  recherches  qui  ont  fait  de  lui  «  le 
régulateur  du  langage  breton  »,  comme  le  porte 
avec  raison  l'épitaphe  du  monument  qui  lui  fut 
élevé  en  1845  dans  sa  ville  natale.  Complé- 
tant l'œuvre  de  dom  Le  Pelletier,  il  a  le  pre- 
mier signalé  les  fautes  et  les  omissions  com- 
mises dans  les  grammaires  de  Haunoir  et  de  Gré- 
goire; sa  Grammaire  Celto- Bretonne ,  «cette 
charte  littéraire  des  Bretons  » ,  comme  l'appelle 
M.  de  La  Villemarqué,  a  fait  régner  dans  le  lan- 
gage écrit  et  parlé  de  l'Armorique  la  règle  et  la 
méthode,  au  lieu  du  caprice  et  de  l'anarchie  qui 
s'y  étaient  introduits.  Par  ses  deux  Dictionnai- 
res, par  ses  excellentes  traductions,  il  s'est  op- 
posé avec  succès  à  la  décadence  qui  semblait 
avoir  envahi  pour  toujours  l'idiome  de  son  pays. 
C'est  lui  qui  a  arrêté  la  tendance ,  de  plus  en 
plus  marquée  depuis  le  dix-septième  siècle,  d'é- 
courter  les  mots  sonores  et  harmonieux  de  la 
langue  primitive  et  d'en  faire  disparaître  les  dé- 
sinences. Enfin,  il  a  corrigé  de  la  manière  lap  us 
heureuse  l'orthographe  bretonne,  et  est  parvenu 
à  ramener  à  une  extrême  pureté  l'idiome  de 
ses  pères,  mélangé  depuis  des  siècles  de  termes 
empruntés  an  français  et  à  d'autres  langues  (1). 
«  Grâce  à  lui,  dit  M.  de  La  Villemarqué,  les 
Bretons  peuvent  désormais  écrire  et  parler  cor- 
rectement et  uniformément  leur  langue,  plus 
pure  et  mieux  cultivée  qu'elle  ne  le  fut  ja- 
mais. »  Voici  la  liste  des  travaux  de  Le  Go- 
nidec  :  Grammaire  Celto-Bretonne ;  Paris, 
1807  et  1838,  in-8°  ;  une  troisième  édition  en  a  été 
donnée  par  M.  de  La  Villemarqué,  en  1850  :  «  les 
règles  données  par  Le  Gonidec  ne  laissent  rien 
à  désirer  sous  le  rapport  de  l'exactitude,  de  la 
méthode,  de  l'ordre  et  de  la  clarté,  dit  un  des 
plus  experts  connaisseurs  des  idiomes  celti- 
ques »  ;  —  Dictionnaire  Breton-Français  ;  An- 
goulême,  1821,  in-8°;  une  nouvelle  édition  en  a 
été  publiée  par  M.  de  La  Villemarqué  ;  dans  ce 
glossaire,  appelé  avec  raison  par  Brizeux  un 
chef-d'œuvre  de  méthodej,  exécuté  avec  la  cri- 
tique la  plus  prudente  et  la  plus  sûre,  Le  Goni 
dec  a  pris  pour  base  le  dialecte  de  Léon,  sans  né 
gliger  d'indiquer  les  différences  qui  se  trouvent 
dans  les  autres  dialectes;  —  Buhe  santez  Nonn 
(Viede  sainte  Nonne),  mystère  antérieur  au  dou- 
zième siècle,  avec  traduction  ;  —  Katekiz  hïs- 
torik  ar  Fleury  (Catéchisme  historique  de 
Fleury)  ;  1826,  format  in-18;  —  Testamant  Ne- 
v  es  (  Nouveau  -Testament);  Angoulême,  1827, 
in-8°; —  Gweladennou  d'ar  Sakramant  ar  Li- 

(1)  «  Défendre  les  avenues  du  langage,  retenir  les  mots 
fugitifs,  repousser  les  étrangers,  ne  jamais  les  recevoir 
au  mépris  des  indigènes  ou  ne  les  admettre  qu'avec  dis- 
cernement, après  une  longue  épreuve  lorsqu'ils  suppléent 
a  une  disette  réelle  ,  ou  que  le  breton  les  a  incorporés, 
tel  a  été  le  but  de  Le  Gonidec,  en  faisant  l'inventaire  des 
mots  de  la  langue  bretonne.  »  La  Villemarqué,  Essai 
sur  l'histoire  de  la  Langue  Bretonne. 


LE  GONIDEC  —  iLEGOTE  106 

gori  (Visites  au  Saint- Sacrement  de  Liguoiï); 


Saint-Brieuc,  1859;  —  H t ml  pe  Imitation  Je- 
sus-Christ  (L'Imitation  de  Jésus-Christ), inédit. 
Enfin,  outre  une  traduction  de  Y  Ancien  Testa- 
ment, qui  va  paraître  à  Saint-Brieuc  avec  la 
traduction  du  Nouveau  Testament,  Le  Gonidec 
avait  rédigé  un  Dictionnaire  Français-Breton, 
qui  a  été  publié  avec  des  additions  par  M.  de 
La  Villemarqué;  Paris,  1847,  in-4°;  plusieurs 
articles  de  lui  se  trouvent  dans  les  Mémoires 
de  V Académie  Celtique  et  dans  le  Recueil  de 
la  Société  des  Antiquaires  de  France. 

E.  G. 
Brizeux,  Notice  sur  Le  Gonidec  (à  la  suite  des  Fumez 
Breizf.  Proverbes  bretons);  Lorient,  1856).  —  Montglave, 
Fie  de  Le  Gonidec  (  Institut  historique,  an.  1888  ). 

le  gonidec  (  Joseph  •  Julien  ),  magistrat 
français,  parent  du  précédent,  né  à  Lannion, 
le  18  octobre  1763,  mort  à  Paris,  le  11  fé- 
vrier 1844.  Il  fit  ses  études  au  collège  Louis-le- 
Grand,  et  prêta  le  serment  d'avocat  au  parlement 
de  Paris.  Au  commencement  de  1789,  il  passa  à 
Saint-Domingue,  se  fit  recevoir  avocat  au  con- 
seil supérieur  du  Port-au-Prince,  en  1791,  et  fut 
chargé  des  fonctions  de  procureur  général.  En 
1793  il  quitta  cette  île.  Proscrit  par  les  commis- 
saires civils  du  gouvernement ,  il  dut  chercher 
un  refuge  aux  États-Unis,  où  il  arriva  dans  le  plus 
grand  dénûment.  Il  apprit  vite  l'anglais,  pro- 
fessa dans  les  collèges,  fit  imprimer  un  journal, 
et  parvint  à  être  nommé  chancelier  du  consulat 
français  à  Boston,  où  il  resta  jusqu'en  1797.  A 
cette  époque ,  il  revint  en  France ,  où  il  dut 
pendant  quelque  temps  se  cacher  pour  se  sous- 
traire aux  recherches  de  la  police.  Lambrechts 
l'appela  aux  fonctions  du  ministère  public  près 
le  tribunal  civil  et  criminel  du  département  des 
Landes.  Membre  du  Tribunat,  à  la  création  de  ce 
corps,  Le  Gonidec  y  parla  en  faveur  delà  loi  sur  les 
finances,  vota  pour  le  rejet  du  projet  de  loi  relatif 
au  droit  détester,  et  parla  en  faveur  du  projet  de 
loi  relatif  au  traité  avec  les  États-Unis.  Compris 
dans  la  première  série  sortante,  il  fut  nommé 
commissaire  de  justice  aux  lies  de  France  et  de 
La  Béunion.  Il  était  sans  emploi  en  1810,  lors- 
qu'il fut  envoyé  à  Borne  comme  procureur  géné- 
ral, fonctions  qu'il  exerça  jusqu'à  l'occupation  de 
cette  ville  par  l'armée  napolitaine  en  1814. 
Pie  VII,  en  retournant  dans  ses  États,  rencontra 
Le  Gonidec  à  Savone ,  et  le  remercia  de  la  ma- 
nière dont  il  avait  rempli  ses  fonctions.  Le  chan- 
celier Dambray  accueillit  d'abord  froidement  Le 
Gonidec  ;  il  fallut  une  recommandation  formelle 
du  cardinal  Consalvi  pour  lever  les  scrupules  du 
chancelier.  Le  28  août  1815  il  fut  nommé  conseil- 
ler à  la  cour  de  cassation,  où  il  siégeait  comme 
doyen  de  la  chambre  civile  à  l'époque  de  sa  mort. 
L.  L— t. 

Biogr.  univ.  et  portât,  des  Conlemp.  —  Journal  des 
Débats  des  14  et  16  février  1844. 

legote  (Paulo),  peintre  espagnol,  né  vers 
1600,  mort  à  Cadix,  vers  1670.  La  première  par- 
tie de  sa  vie  s'écoula  à  Séville.  En  1629,  il  décora 


407 


LEGOTE  — 


la  grande  chapelle  de  l'église  Sainte-Marie  à  Le- 
brixa,  et  y  représenta  La  Nativité  du  Christ; 
—  L'Epiphanie;  —  Saint  Jean-Baptiste  ;  — 
Saint  Jean  V Êvangéliste  et  V Annonciation  (1)  : 
ces  divers  travaux  lui  furent  payés  35,373  réaux 
(environ  8,843  francs).  En  1647  le  cardinal 
Spinola,  archevêque  de  Séville,  le  chargea  de 
peindre  pour  le  salon  de  son  archevêché  Les 
douze  Apôtres  en  pied  et  de  grandeur  natu- 
relle. Legote  exécuta  un  autre  Apostolat  com- 
plet, mais  à  mi-corps,  pour  l'église  de  la  Miséri- 
corde à  Séville.  Ce  tableau  fut  longtemps  attribué 
à  Francisco  Herrera  el  Viejo.  Legote  s'établit 
ensuite  à  Cadix,  où  l'on  voit,  dans  les  archives 
générales  des  Indes,  des  crédits  en  sa  faveur 
et  datés  de  1662,  pour  solde  de  quelques  éten- 
dards peints  par  lui  à  V aquarelle  pour  la 
marine  royale.  Le  talent  de  Legote  eût  pu  être 
mieux  employé  et  d'une  manière  plus  durable. 
Dans  les  œuvres  qui  nous  restent  de  cet  habile 
artiste,  on  remarque  beaucoup  de  naturel  dans  le 
dessin  et  un  beau  coloris.  A.  oe  L. 

Francisco  Pacheco,  El  Arte  de  la  Pintura  (Séville, 
1649).  —  Antonio  Pons,  Viage  artistiro  a  varins  pve- 
blos  deEspaîla,  etc.  (Madrid,  1804).  —  Quilliet,  Diction- 
naire des  peintres  espagnols. 

lé  gouaz  (  Yves-Marie),  graveur  français, 
né  le  15  février  1742,  à  Brest,  mort  le  12  jan- 
vier 1S16,  à  Paris.  Après  avoir  reçu  d'Ozanne 
les  premiers  éléments  du  dessin,  il  fut  envoyé 
à  Paris  en  1763,  et  perfectionna  son  éducation 
artistique  dans  l'atelier  de  Jacques  Aliamet.  En 
1770,  il  remplaça  Ingram  en  qualité  de  graveur 
de  l'Académie  des  Sciences,  et  fut  chargé  jus- 
qu'en 1790  des  travaux  de  cette  compagnie.  On 
cite  parmi  ses  reproductions  :  Fin  d'Orage, 
marine  de  Peters,  1765;  —  et ,  d'après  Joseph 
Vernet,  L'Embarquement  de  la  jeune  Grec- 
que, La  Pêche  de  Jour,  La  Pêche  de  Nuit  et  Le 
Choix  du  Poisson.  Il  grava  aussi,  sur  les  des- 
sins de  Nicolas  Ozanne ,  dont  il  avait  épousé  la 
sœur,  une  suite  de  planches,  au  nombre  de 
soixante ,  ayant  pour  sujets  les  différents  ports 
de  France.  P.  L — y. 

Le  Blanc ,  Man.  de  l'Amateur  d'Estampes.  —  Miorcec 
de  Kerdanet,  Écrio.  de  la.  Bretagne. 

LE  GOULON  (  Louis  ),  ingénieur  français ,  né 
vers  1640:  Appartenant  à  une  bonne  famille  de 
Lorraine ,  il  fut  élève  de  Vauban,  et  parvint  au 
grade  de  capitaine  général  des  mineurs  ;  forcé 
de  quitter  la  France  à  la  suite  de  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes ,  il  offrit  ses  services  aux  états 
de  Hollande,  qui  lui  donnèrent  le  rang  de  gé- 
néral d'artillerie  et  le  commandement  du  régi- 
ment de.  Horn.  En  1688,  il  refusa  de  diriger  les 
fortifications  de  Genève,  accompagna  le  prince 
Guillaume  en  Angleterre,  et  concourut  puissam- 
ment à  la  soumission  de  l'Irlande.  Plus  tard ,  il 
passa  en  Allemagne,  et  fit  la  campagne  de  1696 


(1)  C'est  à  tort  que  Antonio  Pons  a  attribué  ces  pein- 
tures à  AIodzo  Cano  ;  mais  l'erreur  de  Pons  prouve  hau- 
tement le  mérite  de  Legote. 


LEGOUVÉ  408 

en  Italie  avec  le  grade  de  général.  On  a  de  lui  : 
Mémoires  pour  l'attaque  et  pour  la  défense 
d'une  place;  La  Haye,  1706,  in-8°,  ouvrage  es- 
timé, dont  il  a  paru  de  nombreuses  éditions. 
P.  L— Y. 
Adelung,  Suoplém.  à  Jucher. 

legouvé  {Jean-Baptiste  ),  avocat  et  poète 
français,  né  à  Montbrison(  Forez),  vers  1730,  mort 
à  Paris,  le3  janvier  1782.  Après  avoir  achevé  ses 
études,  il  embrassa  la  carrière  du  barreau,  et  se  fit 
recevoir  avocat  au  parlement  de  Paris.  Il  plaida 
pour  les  frères  Lioncy  contre  la  Société  des  Je-- 
suites,  attaquée  comme  solidaire  de  la  faillite  du 
père  Lavalelte  (voy.  ce  nom) ,  l'un  d'eux.  Le 
succès  de  Legouvé  dans  cette  affaire  le  fit  appe- 
ler dès  lors  à  plaider  les  questions  les  plus  im- 
portantes. A  cette  époque  les  avocats  étaient  sur-, 
tout  préoccupés  de  faire  parade  de  leur  érudition. 
Legouvé  chercha,  avec  quelques-uns  de  ses  con- 
frères, à  s'opposer  à  l'irruption  du  mauvais  goût.i 
«  Son  éloquence ,  dit  Desessarts,  avait  acquis  lai 
force  et  la  clarté  qui  ne  peuvent  naître  que  de  lai 
vraie  science.  Pour  arrivera  ce  degré  de  perfec- 
tion, il  avait  fait  en  tout  temps  le  sacrifice  du  plai-i 
siretmêmecelut  de  la  santé.  Ses  vacances  étaienti 
employées  à  tracer  les  plans   et  les  différentes 
parties  de  plusieurs  ouvrages  de  jurisprudence, 
que  la  mort  ne  lui  a  pas  permis  d'achever,  et 
dans  lesquels  il  ne  se  contentait  pas  de  mettre 
en  ordre  tout  ce  qui  avait  été  publié  de  règle- 
ments ou  rendu  de  décisions  sur  l'objet  qu'ili 
traitait;  ces  opérations  de  mémoire  et  de  rédac- 
tion faisaient  place  à  des  vues  de  législation  où' 
il  indiquait  la  réforme  des  vices  de  la  législa- 
tion française.  Il  se  distingua  surtout  dans  les' 
questions  abstraites.  C'est  là  qu'il  déploya  deux- 
qualités  importantes  dans  un  écrivain  et  surtouti 
dans  un  avocat:  la  sagacité  et  la  méthode.  La, 
plupart  de  ses  mémoires  et  de  ses  consultations 
sont  des  modèles  de  discussions  bien  faites  et 
bien  écrites,  sans  autres  ornements  que  ceux  quii 
naissent  de  son  sujet  même.  »  Legouvé  acquit 
une  grande  aisance  sans  recourir  à  des  moyens: 
qui  répugnaient  à  sa  délicatesse.  «  Ce  qui  con- 
viendrait à  un  autre  homme,  disait-il,  ne  con- 
viendrait pas  à  un  avocat.  »  Sur  le  point  de 
mourir,  il  adressa  ces  paroles  à  son  fils  :  «  Je 
vous  souhaite  une  vie  aussi  pure  et  une  mort 
aussi  douce  que  la  mienne.  »  On  a  de  lui  des 
mémoires  imprimés  et  une  tragédie  intitulée  Af- 
filie, qu'il  avait  composée  dans  sa  jeunesse  et  qui 
n'a  pas  été  représentée,  mais  qui  fut  réimprimée 
par  Lacroix  en  1775.  L.  L— t. 

Desessarts,  Les  Siècles  Littéraires  de  la  France.  — 
Chaudon  et  Delandine,  Dict.  wiiv.  Hist.,  Crit.et  Bibliogr. 

•  LEGOCVÉ  (  Gabriel-Marie- Jean-Baptiste), 
poète  français,  fils  du  précédent,  né  à  Paris,  le 
23  juin  1 764 ,  mort  à  Montmartre,  le  30  août  1812. 
Son  père  lui  transmit  avec  le  goût  de  la  poésie 
dramatique  une  fortune  assez  considérable  pour 
que  le  jeune  Legouvé  pût  se  livrer  à  ce  penchant 
sans  risquer  de  compromettre  son  avenir.  A  dix- 


409 


mit  ans,  maître,  par  la  mort  de  son  père,  de 
30,000  livres  de  rente,  Legouvé  préluda  à  ses 
mccès  futurs  par  des  travaux  pénibles  et  long- 
emps  infructueux,  car  il  était  dépourvu  de  toute 
àcilité;  mais,  en  même  temps  doué  d'une  per- 
jévérance  à  toute  épreuveetdu  plus  sincère  amour 
le  l'art,  il  parvint  à  surmonter  les  obstacles  dont, 
i  l'entrée  delà  carrière,  tout  autre  eût  peut-être 
té  rebuté.  Une  héroïde  sur  La  Mort  des  fils  de 
Indus,  publiée  en  1786,  in- 8°,  avec  deux  pièces 
|lu  même  genre,  de  Laya,  sous  le  titre  collectif 
je  Essais  de  Deux  Amis ,  révéla  au  public  le 
aient  naissant  de  Legouvé.  Dès  l'âge  de  vingt 
Ins,  il  avait  composé  une  tragédie  en  cinq  actes, 
yolyxène,  qui  a  paru  imprimée  pour  la  pre- 
mière fois  dans  le  recueil  complet  de  ses  œuvres, 
lublié  treize  ans  après  sa  mort.  Plusieurs  frag- 
ments traduits  de  La  Pharsale  de  Lucain  attes- 
èrent  les  progrès  que  Legouvé  avait  faits  de- 
mis sa  première  héroïde,  et  le  6  mars  1792  la 
représentation,  au  Théâtre-Français,  de  La  Mort 
ï'Abel,  tragédie  en  trois  actes  (Paris,  1793, 
p-8°  ),  éleva  fort  haut  tout  à  coup  la  réputation 
iu  jeune  et  heureux  imitateur  de  Gessner  et  de 
tlopstock.  Le  talent  dont  Mlle  Raucourt  et  Saint- 
j'rix  firent  preuve  dans  les  rôles  d'Eve  et  de 
Caïn  ne  contribua  pas  peu  au  succès  de  cette 
louchante  pastorale  tragique,  qui  n'a  disparu  de 
p  scène  que  vers  1820,  époque  où  Talma,  ayant 
loulu  essayer  le  rôle  de  Caïn,  y  échoua  complé- 
Ement.  La  critique  amère  de  La  Harpe  troubla 
jeule,  en  1"92,  le  triomphe  de  La  Mort  d'Abel, 
j(ui,  en  lévrier  1793,  fut  suivie  d1 Épicharis  et 
kéron  (Paris,  1794,  in-8°).  Cette  pièce  fut,  de 
p  part  de  Legouvé ,  un  trait  remarquable  de 
iourage  patriotique,  puisque  la  physionomie 
iu  tyran  de  Rome  reproduisait  d'une  manière 
jrappante  celle  de  Robespierre,  alors  à  l'apogée 
jle  son  pouvoir.  Cette  heureuse  hardiesse,  des 
Situations  fortes,  des  traits  énergiques,  un  cin- 
ipiième  acte  d'un  caractère  neuf  et  d'un  effet  sai- 
sissant, procurèrent  un  succès  d'enthousiasme  à 
cette  tragédie ,  le  meilleur  ouvrage  de  Legouvé. 
falma  fit  une  de  ses  plus  belles  créationsdu  per- 
sonnage de  Néron,  où,  par  un  calcul  bien  en- 
jendu  ,  le  dictateur  français  ne  jugea  pas  à  pro- 
pos de  se  reconnaître ,  ce  qui  mit  l'auteur  à  l'abri 
du  danger.  Quintus  Fabius,  ou  la  discipline 
romaine,  tragédie  en  trois  actes,  jouée  au 
,nois  d'août  1795  (Paris,  1796,  in- 8°),  n'offrit 
p'une  faible  reproduction  de  la  donnée  princi- 
bale  de  Brutus,  moins  le  jeu  des  passions  et  les 
uâles  beautés  du  style  :  aussi  la  pièce  n'eut-elle 
me  peu  de  représentations.  Quatre  ans  plus 
lard ,  Legouvé  ne  craignit  pas  d'engager  une 
lutte  avec  la  muse  tragique  de  Racine;  mais  s'il 
fit  ainsi  acte  de  présomption,  il  fit  en  même 
jtemps  acte  de  prudence  en  s'attachant  au  pre- 
mier essai  de  la  jeunesse  du  grand  poète,  La 
iThébaïde,  ou  les  frères  ennemis,  dont  il  traita 
Ile  sujet,  sous  le  titre  d'Éléocle  (Paris,  1800, 
in-8°  ).  Dans  cette,  concurrence  à  demi  posthume, 


LEGOUYÉ  410 

le  poète  vivant  eut  de  son  côté  l'avantage  de  la 
régularité  du  plan  et  d'un  style  moins  inégal  ; 
mais  il  ne  surpassa  point  son  modèle  dans  la  cou- 
leur tragique  de  l'ensemble  et  la  sombre  énergie 
de  certains  détails.  Étéocle,  joué  à  la  fin  de  1799, 
avait  été  précédé,  en  1798,  de  Laurence,  tra- 
gédie dont  l'action  transportée  à  Venise  était 
fondée  sur  l'anecdote  apocryphe  de  la  passion  de 
l'abbé  de  Châteauneuf  pour  sa  mère,  Ninon  de 
Lenclos.  Quelques  scènes  empreintes  de  passion 
ne  purent  sauver  ce  qu'une  pareille  donnée  avait 
d'invraisemblable  et  de  révoltant.  La  parodie  en 
fit  bonne  justice  sous  le  titre  de  Décence ,  et 
cette  prèce,  qui  disparut  bientôt  de  l'affiche , 
n'obtint  les  honneurs  de  l'impression  que  dans 
l'édition  posthume  des  œuvres  complètes  de  Le- 
gouvé. 

Ce  fut  de  1798  à  1800  que  le  poète ,  mariant 
aux  accents  de  sa  muse  tragique  les  accents  les 
plus  suaves  de  la  muse  de  l'élégie,  fit  paraître 
successivement  trois  essais  dans  ce  genre ,  La 
Sépulture,  Les  Souvenirs,  La  Mélancolie.  Une 
douce  sensibilité  anime  ces  fragments  élégiaques, 
où  l'expression  poétique  part  du  cœur  :  aussi 
obtinrent-ils  beaucoup  de  succès.  Un  succès  en- 
core plus  prononcé  accueillit  à  son  apparition 
Le  Mérite  des  Femmes ,  poème  publié  à  Paris 
en  1800,  in-12.  L'heureux  choix  du  sujet,  l'inté- 
rêt des  scènes  qu'offrait  un  pareil  cadre,  intérêt 
qui  s'accroissait  par  les  impressions  récentes  du 
grand  drame  révolutionnaire  où  tant  de  femmes 
avaient  fait  preuve  d'un  si  héroïque  dévouement, 
toutes  ces  causes  donnèrent  au  poème  de  Le- 
gouvé une  vogue  dont  plus  de  quarante  éditions 
attestent  assez  la  réalité  et  la  durée;  et  cette 
œuvre  de  quelques  cents  vers  a  plus  fait  pour  la 
renommée  de  l'auteur  que  tout  son  théâtre.  Ad- 
mis dès  le  mois  d'octobre  1798  dans  la  seconde 
classe  de  l'Institut  (  langue  et  littérature,  plus  tard 
Académie  Française),  successivement  associé  à 
la  publication  des  Veillées  des  Muses  et  de  la 
Bibliothèque  des  Bomans ,  Legouvé  ne  reparut 
qu'en  1806  au  Théâtre-Français,  où,  le  25  juin, 
il  fit  représenter  La  Mort  de  Henri  IV,  sa  der- 
nière tragédie  (Paris,  1806,  in-8°).  Le  nom  du 
héros  ayant  fait  craindre  que  la  pièce  ne  fût  pas 
autorisée,  l'auteur  obtint  de  Napoléon  la  permis- 
sion de  la  lui  lire.  Cette  démarche  eut  un  plein 
succès  :  l'empereur  offrit  au  poète  une  pension 
que  celui-ci  refusa  avec  autant  de  dignité  que 
de  convenance,  en  motivant  son  refus  sur  l'état 
de  sa  fortune.  De  toutes  les  pièces  de  l'auteur, 
La  Mort  de  Henri  IV  est  celle  qui  laisse  le 
moins  à  désirer  quant  au  plan,  au  style  et  à 
la  grada'tion  de  l'intérêt.  Elle  réussit;  mais  de 
nombreuses  critiques  s'élevèrent  contre  le  choix 
d'un  sujet  où,  sans  preuves  historiques,  le 
meurtre  de  Henri  IV  était  imputé  à  Marie  de  Mé- 
dicis;  où  la  physionomie  populaire  et  tradition- 
nelle du  Béarnais  était  dénaturée  et  rendue  mé- 
connaissable par  l'enluminure  de  la  tragédie  clas- 
sique. Legouvé  ne  répondit  que  très-imparfaite- 


411 


ment  au  premier  de  ces  reproches  dans  une  bro- 
chure intitulée  Observations  historiques  sur 
La  Mort  de  Henri  IV.  Chargé,  en  1807,  de  la  di- 
rection du  Mercure  de  France,  Legouvé  ne  la 
conserva  que  jusqu'en  1810.  Nommé  antérieure- 
ment suppléant  de  Delille,  pour  le  cours  de  poésie 
latine  au  Collège  de  France,  il  choisit  pour  su- 
jet de  ses  leçons  l'examen  de  la  traduction  de 
L'Enéide  parle  professeur  titulaire.  Des  extraits 
étendus  de  ce  travail  très-distingué  sont  insérés 
dans  les  Œuvres  complètes.  On  y  trouve  aussi 
des  fragments  de  L'Enéide  sauvée,  poëme  en 
cinq  chants,  non  achevé  et  resté  inédit  du  vivant 
de  l'auteur.  Legouvé  s'était  mépris  en  voulant 
élever  à  la  hauteur  des  formes  de  l'épopée  un  su- 
jet qui  n'offrait  que  la  matière  d'un  discours; et 
quelques  détails  très-brillants  ne  sauraient  suf- 
fire pour  couvrir  la  nudité  du  fond  et  la  faiblesse 
de  l'invention. 

Vers  la  fin  de  1810,  des  chagrins  domestiques 
trop  fondés  altérèrent  rapidement  la  santé  de 
Legouvé,  et  même  ses  facultés  intellectuelles. 
Cette  disposition  fut  encore  accrue  par  un  acci- 
dent fâcheux  qu'il  éprouva,  le  25  août  1811, 
chez  MUe  Contât,  à  sa  maison  dTvry.  Tombé 
dans  un  saut  de  loup,  il  en  fut  retiré,  au  bout 
de  deux  heures,  dans  un  état  de  torpeur  morale 
qui  ne  fit  qu'empirer  jusqu'au  moment  de  sa 
mort,  arrivée  dans  une  maison  de  santé  où  on 
l'avait  transporté.  Doué  des  qualités  du  cœur 
au  même  degré  que  des  dons  de  l'esprit ,  Le- 
gouvé sut  faire  de  sa  fortune  un  généreux  usage, 
qui  ne  fut  peut-être  pas  inutile  à  ses  succès.  Sa 
maison  était  le  rendez-vous  des  hommes  de 
lettres  les  plus  distingués,  et,  outre  ses  amis, 
sa  table  réunissait  ses  émules  et  ses  rivaux.  En 
mentionnant  les  ouvrages  qui  ont  fondé  sa  répu- 
tation, nous  avons  omis  quelques  opuscules  com- 
posés en  société  et  quelques  morceaux  sans  im- 
portance demeurés  inédits.  Écrivain  rempli  de 
goût  et  de  sensibilité ,  littérateur  instruit  et  la- 
borieux, Legouvé  manqua  de  ce  qui  fait  les 
grands  poètes,  de  l'inspiration;  le  dieu  n'animait 
pas  ses  strophes.  Ce  fut  donc  un  imitateur 
souvent  heureux,  mais  qui  ne  doit  point  prendre 
place  parmi  les  modèles.  Au  talent  de  faire  des 
vers ,  Legouvé  réunissait  celui  de  les  dire  à  mer- 
veille. Mlle  Duchesnois  n'avait  pas  eu  d'autre 
maître  que  lui,  lorsqu'elle  parut  avec  tant  d'é- 
clat sur  la  scène  française,  en  1803.  Une  édition 
complète  des  Œuvres  de  Legouvé  a  été  publiée 
en  1826,  par  les  soins  de  MM  Bouilly  etCh.  Malo, 
3  vol.  in-8°  avec  tig.  [P.-A.  Vieillard,  dans 
VEncycl.  des  G.  du  M.] 

Bouilly  et  M  Cta.  Malo,  Notice  sur  l'auteur,  en  tète 
des  OEuvres  de  Legouvé.  —  Alex.  Duval,  Discours  de 
réception  à  VAcad.  française  à  la  place  de  Legouvé,  le 
15  avril  1813  —Réponse  de  Regnault  de  Saint-.lean-d'An- 
gély  au  discours  d'Alex.  Duval.  —  Geoffroy,  Cours  de 
LiÛératurertramatiqiK, \omelV,p.lW.—B.  Jullien, Hist. 
delà  Poésie  franc,  à  l  époque  impériale.  —  Oenne-Ba- 
ron,  dans  le  Dict.  de  la  Convers.  —  Quérard,  La  France 
liitér. 

*  legouvé  (Ernest-Wil/rid) ,  littérateur 


LEGOUVÉ  412 

français,  fils  du  précédent,  né  à  Paris,  le  14  fé- 
vrier 1807.  Bouilly,  chargé  de  sa  tutelle,  put  lui 
remettre  à  sa  majorité  une  fortune  considérable, 
M.  Legouvé  fit  ses  études  au  collège  Bourbon» 
Tout  jeune  il  s'était  épris  d'une  jeune  fille  moins 
riche  que  lui,  mais  qu'il  ne  put  épouser  qu'au  re- 
tour d'un  voyage  hors  de  France.  11  débuta  dans 
la  carrière  des  lettres  par  un  prix  de  poésie  rem- 
porté à  l'Académie  Française  en  1829  sur  la  Dé- 
couverte de  l'imprimerie.  Plus  tard,  il  fit  pa- 
raître quelques   poèmes   dramatiques  ,  s'essaya 
ensuite  dans  la  nouvelle  et   le  roman;  puis  il 
aborda  le  théâtre,  souvent  en  collaboration.  En 
1848,  il  obtint  l'autorisation  d'ouvrir  au  Collège, 
de  France  un  cours  public  sur  l'histoire  morale1 
des  femmes.  Il  avait  écrit  pour  MUe  Rachel  une; 
tragédie  de  Médée,  que  la  grande  actrice  finit  par. 
refuser  de  jouer,  après  avoir  donné   au  poète 
défe  encouragements  que  celui-ci  avait  bien  pu .j 
prendre  pour  des  promesses.  Un  procès  s'ensuivit.; 
MUe  Rachel  fut  condamnée  à  jouer  la  Médée  de: 
M.  Legouvé,  et  faute  de  le  faire,  elle  dut  paye* 
5,000  fr.  de  dommages-intérêts  que  M.  Legouvé., 
abandonna  à  la  Société  des  Auteurs  dramatiques, 
et  à  la  Société  des  Gens  de  Lettres.  Cette  piècti 
de  Médée  fut  traduite  en  italien  par  M.  Mon-n 
tanelli  et  représentée  avec  succès  par  Mme  Risv 
tori  à  Paris,  en  1856.  Élu  membre  de  l'Acadé-i, 
mie  Française  àlaplacedeM.  Ancelot,le  1er  marc, 
1855,  M.  Legouvé  fut  reçu  le  28  février  1856,i| 
On  remarqua  dans  son  discours   une  défense, 
spirituelle  de  la  collaboration  et  un  éloge  délicat;, 
de  la  femme,  déjà  famille  et  du  mariage  dénotai, 
temps;  aussi  M.'Flourens  put-il  lui  répondre  :  «L<i; 
sanctuaire  de  la  famille,  empreint  de  suaves  e- 
poétiques  inspirations ,  sut  conserver  pour  voun, 
le  secret  des  accords   qui   avaient  fait  vibreii 
la  lyre  du  chantre  du  Mérite  des  femmes.  »  Où 
a  de  M.  Ernest  Legouvé  :  La  Découverte  de 
l'imprimerie ,  pièce  qui  a  remporté  le  prix  d<< 
poésie  à  l'Académie  Française  en  1829;  Parisï 
1829,  in-80;  —  Mon  père,  pièce  de  vers;  Paris! 
1832,  1846,    in-8°;   —   Lés   Morts  bizarres: 
poèmes  dramatiques,  suivis  de  poésies;  Paris i 
1832,  in-18  :  ce  recueil   contient  :  Le  dernieH 
Jour    de    Charles    Quint.   (1558);  Lé  Couy 
de  Dés;  Phalère;  La  Mort  du  duc  de  Cla- 
rence  (1478);  La  Mort  de  Pompée;  De  l'in't 
vention   de  l'Imprimerie;  Maria  Lucretia 
fragment;  —  Max;  Paris,   1833,  in-8°;  - 
Les  Vieillards  ;  Paris,  1834,  in-8°;  —  Loai» 
de  Lignerolles,   drame   en   cinq  actes    et  Cl' 
prose  (avec  M.  Prosper  Dinaux);  Paris,  1838 
in-8°;—  Edith  de  Falsen;  Paris,  1840,  in-8° 
1841,  in-18;   —  Jean-Nicolas  Bouilly.  Aut 
jeunes  Lecteurs  du   Dimanche  des  enfants 
Paris,  1842,  in-8°  ;—Guerrero,  oit  la  trahison 
tragédie  en  cinq   actes  et  en    vers ,  jouée   ai 
Théâtre-Français  en  1845;  Paris,  1845,  in-8°;_- 
Cours  d'Histoire  morale  des  Femmes;  Paris 
1848,  in-8°  :  c'est  le  cours  professé  au  Collég 
de  France;  —Histoire  morale  des  Femmes  ;  Pa 


13  LEGOUVÉ 

■  js,  1848, 1854,in-8°;  —  Advienne  Lecouvreur, 
jjmédie-drame  en  cinq  actes,  en  prose,  jouée 
rec  un  grand  succès  par  Mlle  Rachel  au  Théâtre- 
rançais,  el  écrit  en  collaboration  avec  M.  Scribe; 
aris,  1849,  in-8°;  —  Les  Contes  de  la  reine 
je  Navarre,  ou  la  revanche  de  Pavie,  co- 
lédie  en  cinq  actes  en  prose  (  avec  M.  Scribe) , 
(uée  au  Théâtre-Français  en  1850;  Paris,  1851, 
[-8°;  1858,  in-4°  ;  —  Bataille  de  Dames,  ou  un 
hel  en  amour,  comédie  en  troi9  actes  et  en 
rose,  jouée  au  Théâtre  Français  en  1851  (en 
lllaboration  avec  M.  Scribe);  Paris,  1851,  m-8°; 
«57,  in-4°;  1858,  in-18;  —  Médée,  tragédie  en 
Lq  actes;  Paris,  1855,  in-18;  —  Par  droit 
le  conquête!  comédie  en  trois  actes  en  prose 
avec  M.  Scribe  ),  jouée  au  Théâtre-Français  en 
B55;  Paris,  1855 ,  in-8°  ;  —  Les  deux  Hiron- 
delles de  cheminée,  vers;  Paris,  1857,in-8°;  — 
tes  deux  Misères,  vers;  Paris,  1857,  in-8o; — Le 
mmphlet,  comédie  en  deux  actes  et  en  prose, 
niée  au  Théâtre-Français  en  1857;  Paris,  1857, 
1-18; — Les  Doigts  de  Fée,  comédie  en  cinq  actes 
I  prose  (avec  M.  Scribe),  jouée  au  Théâtre-Fran- 
lisen  1858;  Paris,  1858,  in-18; —  Un  Souve- 
ïr  de  Manin,  vers  lus  à  la  séancedes  cinq  acadé- 
jies,  1858,  in-S°  ;  —  M"10  la  duchesse  d' Orléans, 
lamen  du  livre  portant  ce  titre;  Paris,  1859, 
1-8°.  M.  Legouvé  a  traduit  Prométhée  enchaî- 
f,  tragédie  d'Eschyle.  Il  a  été  un  des  colla- 
orateurs  de  la  Galerie  historique  des  Hommes 
ïlèbres  d'Italie ,  du  Royal  Keepsake,  livre 
les  salons,  de  Paris- Londres,  keepsake,  où  on 
louve  de  lui  :  L'Armure  des  comtes  Rottrick. 
a  Presse  a  imprimé  de  M.  Legouvé  Le  Pou- 
fir  du  Mari,  nouvelle.  Il  travaille  maintenant 
L  journal  Le  Siècle.  L.  L — t. 

IFlourens,  Réponse  au  discours  de  réception  de  M.  Le- 
yuvé  à  l'Académie  Française.  —  Quérard,  La  France 
littéraire.  —  Bonrquelot  et  Maury,  La  Littér.  française 
yntemp.  —  Lefeuve,  Histoire  du  Lycée  Bonaparte.  — 
ict.  de  la  Convers. 

!  le  GOWE.hLO  (Regnauld),  littérateur  fran- 
pis,  né  à  Angers,  le  1er  septembre  1669,  mort 
pns  la  même  ville,en  octobre  1748.  Élevé  au 
eminaire  Saint-Sulpice  à  Paris,  il  fut  reçu  doc- 
pur  en  Sorbonne,  étudia  ensuite  le  droit,  et  occupa 
lenrlant  deux  ans  une  chaire  de  morale  à  Bour- 
ses, et  un  an  à  Angers.  L'évêquede  cette  dernière 
ille ,  Michel  Lepelletier,  se  l'attacha  :  Le  Gou- 
jello  devint  chanoine  et  trésorier  de  l'église 
'Angers,  grand-vicaire  et  bientôt  officiai  du 
iocèse.  Élu  membre  de  l'Académie  d'Angers, 
p  22  décembre  1700,  il  y  prononça  l'éloge  du 
toi  le  14  mai  1705,  et  le  3  juillet  1726,  commu- 
liqua  à  la  compagnie  celui  de  Claude  Pocquet 
le  Livonnière  ,  son  meilleur  ami.  Les  registres 
le  l'académie  attestent  qu'il  «  prenoit  une  part 
ictive  à  ses  séances  par  d'agréables  communica- 
ions,  délassement  d'études  plus  sérieuses,  lisant 
antôt  des  observations  sur  l'histoire  littéraire, 
antôt  quelque  ingénieux  paradoxe  ou  une  étude 
critique  sur  les  mœurs  des  gens  de  lettres  ».  Les 
seules  de  ses  œuvres  qui  aient  été  publiées  sont  : 


-  LE  GOUZ  414 

Vie  de  Guillaume  Le  Maire,  évèque  d'Angers; 
Angers,  1730,  in  4°;  —  Précis  historique  sur 
Angers;  1730,  in-4°;  —  Vie  de  René,  roi  de 
Naples,  duc  d'Anjou;  1731,in-4°;  —  Oraison 
funèbre  de  la  comtesse  d'Armagnac  ;  —Orai- 
son funèbre  de  très-haut  et  très-puissant 
prince  monseigneur  Louis,  dauphin  ,  pro- 
noncée dans  l'église  d'Angers, le  Mmars  1712; 
1712,  in-4°;  —  Eloge  de  M.  Pocquet  de  Li- 
vonnière; Paris,  1732,  in-12.  Il  avait  aussi  ré- 
sumé en  un  volume  assez  mince  les  dix  à  onze 
immenses  volumes  des  mémoires  du  clergé.  Cet 
abrégé,  dont  les  copies  s'étaient  rapidement  mul- 
tipliées, eut  un  grand  succès,  mais  n'a  jamais  été 
imprimé.  Célestin  Port. 

Manuscrits  de  ta  Biblioth.  d'Angers. 
LE  gouverneur  (  Guillatime  ) ,  prélat 
français,  né  à  Saint-Malo  et  mort  dans  la  même 
ville,  le  25  juin  1630.  Chanoine  puis  doyen  de  la 
cathédrale  de  sa  ville  natale,  il  en  devint  évêque, 
le  29  janvier  1610.  En  1614,  il  assista  comme 
député  du  clergé  aux  états  de  Bretagne,  fonda, 
dans  son  diocèse,  plusieurs  établissements  de 
charité  et  de  religion,  et  s'occupa  de  réunir  les 
règlements  ecclésiastiques  émanés  de  ses  pré- 
décesseurs. Il  les  publia  sous  le  titre  de  :  Statuts 
synodaux  pour  le  diocèse,  de  Saint-Malo; 
Saint-Malo,  1612  et  1619,  in-8°.  A.  L. 

Moréri,  Le  Grand  Dictionnaire  Historique.  —  Richard 
et  Giraud,  Bibliothèque  sacrée. 

le  gouz  de  la  BOULLAYE  (  François  ) , 
voyageur  célèbre  français,  fils  de  Gabriel  Le  Gouz, 
écuyer,  sieur  de  Borde,  et  de  Jeanne  Le  Bault, 
né  à  Baugé  en  Anj-ou,  vers  1610,  mort  à  Ispahan, 
vers  1669.  Sa  famille,  comme  il  nous  l'apprend 
lui-même ,  était  originaire  d'Angleterre  ;  il  faillit 
même  s'en  mal  trouver  :  dans  son  voyage  en 
Irlande,  il  fut,  malgré  son  passeport,  arrêté  par 
un  magistrat  qui,  à  sa  physionomie,  à  sa  taille, 
à  son  parler,  dit-il,  l'accusait  d'être  Anglais  et  de 
faire  le  métier  d'espion,  soutenant  que  son  nom 
était  anglais.  Le  Gouz  eut  peine  à  s'en  tirer; 
Après  le  cours  de  ses  études  au  collège  de  La 
Flèche,  poussé  du  désir  de  voir  le  monde  et  de 
s'instruire,  il  quitta  sa  province  pour  aller 
«  rechercher  dans  les  pays  étrangers  les  plus 
savants  et  les  plus  adroits  hommes  du  monde  ». 
Il  part  de  Paris  en  1643  avec  le  capitaine  Giron, 
muni  de  lettres  de  recommandation  de  M.  de  La 
Porte,  grand-prieur  de  France;  son  compagnon 
équipe  un  navire  pour  le  service  du  roi  d'An- 
gleterre, et  lui-même  va  s'engager  comme  vo- 
lontaire dans  les  rangs  des  troupes  françaises 
au  service  de  Charles  1er.  Il  y  resta  jusqu'à  ce 
qu'il  eut  appris  la  mort  du  capitaine  Giron,  as- 
sassiné sur  son  bord  ,  et  du  grand-prieur  de  La 
Porte.  Il  passa  en  Irlande,  visita  Bristol,  Dublin, 
sortit  à  grand  peine  de  cette  île,  poursuivi  par  un 
vaisseaudes  parlementaires,  et  franchit  le  détroit 
après  un  combat  de  deux  jours  et  de  deux  nuits  ; 
à  peine  à  Brest,  il  s'embarque  pour  Amsterdam 
gagne  Copenhague,  de  là  Riga,  et  revient  par 


415 


LE  GOUZ 


416 


Kœnigsberg,  Thom,  Dantzig,  Lubeck  et  Ham- 
bourg, et  touche  la  France  au  Havre.  De  retour 
à  Paris,  il  n'a  pas  vu  ses  amis,  qu'il  fait  projet 
pour  visiter  l'Italie  et  autres  lieux  qu'il  désirait 
connaître.  Mais  de  crainte  qu'en  passant  par 
l'Anjou  ses  parents  ne  s'opposent  à  ses  des- 
seins, il  les  instruit  par  lettres  de  son  retour, 
et  en  même  temps  en  reçoit  plusieurs  de  leur 
part  qui  le  conjurent  de  faire  retraite  «  et  de 
suivre  l'épée  ou  la  plume».  «  Ma  curiosité,  dit-il, 
n'étant  pas  satisfaite,  je  leur  rendis  grâce  de  leur 
avis  et  leur  fis  savoir  que  je  prenais  mon  chemin 
pour  le  Levant.  >•  Il  s'embarque  à  Marseille  pour 
Gênes,  visite  Livourne,  Pise,  Florence,  sur 
le  chemin  de  Viterbe  à  Rome  fait  rencontre 
de  l'abbé  Capponi,  avec  qui  il  se  lia  d'amitié, 
séjourne  deux  mois  à  Rome  et  repart  pour 
Venise*  Après  avoir  parcouru  une  partie  de  l'ar- 
chipel grec  et  admiré  les  merveilles  de  Constan- 
tinople,i!  gagne  Ispahan  par  la  route  d'Erzeroum, 
rencontre  au  sortir  de  la  Perse  le  père  Alexandre 
de  Rhodes ,  et  quelques  lieues  plus  loin  le  sieur 
Nicolas  de  Forest,  joaillier  sur  le  pont  Saint- 
Michel  à  Paris,  dont  il  rapporta  plus  tard  l'héri- 
tage à  sa  veuve,  prend  la  mer  à  Bender-Abbassi, 
débarque  àSouali  près  Surate,  où  un  de  ses  com- 
patriotes l'aborde,  le  père  Zenon  deBaugé,  avec 
qui  il  continue  son  voyage.  Le  17  septembre, 
muni  de  lettres  de  recommandation  pour  le  vice- 
roi  de  Goa,  il  s'embarque  pour  Damaon,  arrive 
à  Goa,  d'où  un  vaisseau  anglais  le  conduit  à 
Rajapour.  Là,  à  la  descente  du  navire,  il  est  ar- 
rêté avec  ses  compagnons  par  le  gouverneur 
indien,  à  la  requête  des  créanciers  d'une  com- 
pagnie anglaise,  récemment  ruinée,  qui  veulent 
rendre  les  voyageurs  solidaires  des  dettes  de 
leurs  compatriotes.  Ils  sont  enfin  relâchés,  grâce 
à  leur  fermeté,  au  bout  de  six  jours.  De  retour  à 
Souali,  le  1er  mars  1649,  Legouz  monte  sur  un 
vaisseau  anglais,  touche  à  Bassora,  gagne,  à  tra- 
vers le  désert,  Alep,  Tripoli  de  Syrie,  Damiette, 
le  Caire ,  visite  les  Pyramides ,  reprend  la  mer  à 
Rosette,  s'arrête  à  Alexandrie,  à  Rhodes  et  dé- 
barque enfin,  le  15  février  1650, à  Livourne.  Il 
apprend  là  la  mort  du  P.  Zenon,  son  ancien  com- 
pagnon de  route ,  et  en  arrivant  à  Rome  celle 
de  l'abbé  Capponi.  Son  frère,  le  cardinal,  l'ac- 
cueille avec  honneur,  lui  donne  logement  dans 
son  palais ,  bouche  à  cour,  et  deux  officiers  pour 
le  servir.  Mais  Le  Gouz,  à  la  nouvelle  de  la  mort 
de  son  père  et  sur  les  bruits  qui  couraient  de  la 
sienne,  se  décide  à  prendre  congé  de  son  bien- 
faiteur et  accourt  en  toute  hâte  en  Anjou  pour  re- 
vendiquer son  héritage;  arrivé  à  Saumur,  il 
loue  des  chevaux  pour  gagner  plus  vite  la  mai- 
son de  sa  mère,  distante  de  six  lieues.  Le  valet 
de  chambre  lui  refuse  l'entrée;  il  décline  son 
nom  et  parvient  enfin  à  se  faire  ouvrir  ;  mais 
n'ayant  point  trouvé  là  celle  qu'il  cherchait,  il 
se  dirige  vers  la  maison  qui  lui  revenait  dans  la 
fortune  paternelle;  chemin  faisant,  il  apprend 
qu'un  de  ses  beaux-frères  s'en  était  emparé  et  en 


!  avait  chassé  sa  mère,  soutenant  que  notre  voya- 
j  geur  était  mort  depuis  quatre  ans.  Le  Gouz  venait 
j  en  personne  rendre  témoignage  du  contraire.  11 
j  lui  envoya  dire  par  un  gentilhomme  qu'il  sortît 
[  de  la  maison  ,  ou  s'attendît  à  bonne  guerre.  Le 
lendemain  le  duc  de  Rohan,  gouverneur  de  la 
province ,  fit  son  entrée  dans  la  ville  de  Baugé. 
L'arrivée  en  Anjou  d'un  personnage  persan  (car 
Le  Gouz  ne  quittait  plus  le  costume,  dont  il 
avait  pris  l'habitude  dans   ses  voyages  )  fut  un 
événement.  Leduc  demanda  à  voir  le  nouveau 
venu,  et  tout  d'abord    lui  fit  rendre  sa  mai- 
son, confiant  à  Le  Marié,  conseiller  au  présidial 
d'Angers,    le    soin  d'arranger    ses    différends 
avec  la  famille.   Mais  la  partie  adverse,   con- 
damnée par  la  décision  de  l'arbitre ,  puis  par 
les  tribunaux  du  pays,  en  appelle  au  parlement 
de  Paris.   Le  Gouz   s'y  rend  pour  soutenir  sa 
cause.  Madame  de  Lansac,  gouvernante  du  roi, 
lui  procure  la  connaissance  du  comte  de  Nogent- 
Baûtru.  «  Ce  comte,  dit-il,  trouva  à  propos  que  je 
saluasse  leurs  majestés  et  que  je  les  informasse 
des  forces  et  façons  des  pays  où  j'avais  été;  il 
en  parla  au  roi.  Sa  majesté  désira  me  voir  dans  u 
l'habit  et  équipage  persans,  se  donna  la  peine 
de  lire  quelques  mémoires  de  mes  voyages,  et 
me  commanda  d'en  faire  part  au  public  ».  La 
relation  de  Le  Gouz  a  pour  titre  :  Les  Voyages 
et  Observations  du  siettr  de  La  Boullaye  Le 
Gouz,  gentilhomme  angevin,  où  sont  décrites 
les  religions,  gouvernements  et  situations  des" 
Estais  et  royaumes  d'Italie,  Grèce,  Natolie,! 
Syrie, Perse,  Palestine,  Karaménie,  Kaldée,> 
Assyrie,  Grand  Mogol,  Bijapour,  Indes  Orien-i 
taies    des  Portugais,  Arabie,  Egypte,  Hol-i 
lande,  Grande-Bretagne,  Irlande,  Danne-t 
mark,  Pologne ,  isles  et  autres  lieux  d'Eu-i 
rope,  Asie  et  Affrique  où  il  a  séjourné,  le  tout'i 
enrichy  de  belles  figures  ;  Paris,  1653,  in-40;' 
la    seconde    édition   fut   imprimée   à  Troyes, 
1657.  Quoique  inférieure  à  la  première  pour 
la  qualité  et  la   dimension   du   papier,   on  la 
préfère,   comme  plus   complète.  Elle  est  dite 
«  augmentée  de  quantité  de  bons  advis  pour 
ceux  qui  veulent  voyager,  avec  un  ordre  pow 
suivre  les  karavanes  qui  vont  en  diverses 
parties  du  monde.  »  L'ouvrage  est  dédié  au 
cardinal  Capponi,  «  cardinal  et  prince  delà  sainte 
Église  romaine,  premier-prêtre,   grand-biblio- 
thécaire du  Vatican  et  protecteur  de  la  nation 
maronite.  »  Après  un  avis,  assez  fièrement  tourné, 
au  lecteur,  suit  une  liste  des  voyageurs  que  l'au- 
teur a  pu  consulter,  sous  ce  titre  :   Sentiment 
du  sieur  de  La  Boullaye  Le  Gouz  sur  les  di- 
verses relations  qu'il  a  lues  des  pays  étran- 
gers. Chaque  ouvrage  cité  est  accompagné  dt 
quelques  mots   d'éloge  ou  de  critique  qui  té- 
moignent d'ordinaire  d'une  appréciation  juste  el 
sensée.  A  la  lin  du  livre,  et  comme  preuve  sans 
doute  que  l'auteur  a  atteint. le  but  de  tant  d« 
courses  aventureuses,  se  trouvent  énumérés.toul 
au  long  les  noms  et  qualités  des  amis  et  con 


417 

naissances  que  l'auteur  s'est  acquis  dans  ses 
voyages  ;  le  tout  terminé  par  cet  axiome  :  «  Les 
voyages  font  les  hommes,  et  les  hommes  les 
amis.  »  D'après  la  lecture  de  l'ouvrage,  on  peut 
juger  qu'on  a  affaire  à  un  gentilhomme  d'esprit 
libre  et  curieux,  assez  instruit  d'ailleurs  pour 
disserter  au  besoin  de  théologie  avec  des  théo- 
logiens <k  pour  l'honneur  de  son  pays  »,  voyant 
peu  d'ordinaire,  mais  voyant  bien,  et  ne  rappor- 
tant que  ce  qu'il  a  vu,  avec  un  air  de  sincérité 
qui  au  moins  intéresse.  Il  y  a  peu  de  remarques 
profondes,  mais  souvent  de  l'esprit  et  un  fonds 
d'originalité  dans  le  récit  qui  en  fait  pardonner 
la  brièveté.  Les  figures  imprimées  dans  le  texte 
sont  grossièrement  dessinées  et  sans  art  ;  on  y 
trouve  le  plan  du  sérail,  les  ruines  de  la  tour  de 
Babel ,  le  dessin  d'une  page  d'hiéroglyphes  tra- 
cés sur  un  papyrus  découvert  pendant  le  séjour 
de  l'auteur  en  Egypte.  En  tête  du  livre,  Le  Gouz 
est  représenté  avec  cette  inscription  :  «  Portrait 
du  sieur  La  Boullaye  Le  Gouz  en  habit  levan- 
tin, connu  en  Asie  et  en  Afrique  sous  le  nom 
l'Ibrahim-Bey,  et  en  Europe  sous  celui  devoya- 
j'eur  catholique.  »  Mais  l'oisiveté  devait  pe- 
ser à  un  esprit  d'humeur  si  peu  sédentaire.  Le 
Gouz  revit  à  Paris  le  P.  de  Rhodes,  qu'il  avait 
•encontre  dans  ses  voyages.  Ils  projetèrent  de 
repartir  ensemble  pour  une  course  nouvelle; 
[projet  qui  ne  fut  pas  mis  à  exécution.  La  Com- 
ibagnie  des  Indes,  alors  en  quête  d'agents  ha- 
.piles  pour  représenter  ses  affaires  à  la  cour 
Bes  princes  du  pays,  fit  appel  à  l'expérience 
ne  notre  voyageur,  et  le  roi  l'accrédita.  Avant  de 
[partir  néanmoins,  le  20  août  1662,  devant  Cres- 
lon ,  notaire  de  Saint-Laurent-dcs-Mortiers,  con- 
Irai  de  mariage  fut  passé  «  entre  messire  Fran- 
çois Le  Gouz,  sieur  de  La  Boullaye  et  du  Gœuvre, 
ilhevalier  de  l'ordre  du  roi,  ambassadeur  pour  sa 
ijnajesté  vers  les  rois  de  Perse  et  des  Indes,  avec 
tamoiselle  Elisabeth  Gaultier,  fille  de  messire 
Jean  Gaultier,  écuyer,  sieur  de  Bruslon,  maître 
■es  requêtes  de  la  reine  et  ancien  procureur  du 
joi  au  siège  présidial  de  Châteaugontier  ».  Au 
pois  d'octobre  1664,  Le  Gouz  partit  pour  la 
[Perse,  où  il  mourut,  et,  par  ordre  du  schah, 
ut  enterré  magnifiquement.  On  accusa  des  gens 
le  sa  suite  de  l'avoir  assassiné  pour  s'approprier 
es  présents  qu'il  avait  reçus  du  prince  persan; 
pais  son  chirurgien  rendit  témoignage  ,  au  re- 
•  pur,  que  Le  Gouz  était  mort  d'une  fièvre  chaude. 
Célestin  Port. 

I  Pocquet  de  Livonnière,  Ias  Illustres  d'Anjou,  ross.  de 
|i  Bibl.  d'Angers.  —  Archives  de  Maine-et-Loire. 

;i.egoyt  (Alfred),  économiste  et  statisti- 
ien français,  nélel8novembrel815,àClermont- 
errand  (  Puy-de-Dôme  ),  se  destina  d'abord  à 
i  carrière  du  barreau.  Secrétaire  de  M.  Tissot, 
e  l'Institut,  il  prit  part  à  plusieurs  de  ses  tra- 
aux,  entre  autres  à  son  Histoire  de  la  Révolu- 
ion  française,  et  entra  en  1839  dans  l'admi- 
istration.il  provoqua  successivement  :  en  1850, 
i  décret  qui  met  au  concours  les  fonctions  d'ar- 

NOUV.    BlOCn.    GÉNÉR. 


LE  GOUZ  —  LEGRAIN  418 

chivistes  dans  les  départements;  en  1851,  l'orga- 
nisation nouvelle  du  dénombrement  de  la  popula- 
tion en  France;  et  en  1852,  celle  dans  chaque 
canton  d'une  commission  permanente  chargée  de 
dresser  tous  les  ans  les  statistiques  des  faits  agri- 
coles les  plus  usuels.  M.  Legoyt  est  chef  de  bu- 
reau de  la  statistique  générale  et  secrétaire  de  la 
commission  permanente  des  archives  au  mi- 
nistère de  l'intérieur.  On  a  de  lui:  Territoire  et 
Population,  tableaux  du  mouvement  de  la  po- 
pulation en  France,  de  1837  à  1851,  d'après  les 
dénombrements  généraux  et  les  relevés  de  l'état 
civil  (1854,  in-4°)  ;  —  Mouvement  de  la  Popu- 
lation en  1853,  précédé  d'une  introduction,  où 
sont  expliquées  pour  la  première  fois  les  lois 
mathématiques  des  progrès  de  la  population  en 
France;  1856,in-4°;  —  Mouvement  de  la  Popu- 
lation française  en  1854,  avec  introduction; 
1857,  in-4»; — Statistique  agricole  en  1852,  re- 
cueillie par  les  soins  des  commissions  de  sta- 
tistique cantonale;  lre  partie,  1858  ;  —  Statis- 
tique de  l'Assistance  publique  en  France,  de 
1842  à  1854,  avec  introduction  (  hôpitaux,  hos- 
pices, bureaux  de  charité,  monts-de-piété,  asiles, 
ouvroirs,  crèches,  sociétés  maternelles,  etc.; 
1858, 4  vol.  in-4°  ;  —  Statistique  des  Asiles  d'A- 
liénésen  France,  de  18i2à  1854, avec  introduc- 
tion; 1859,  in-4°;  —  Mouvement  comparé  de 
la  Population  en  France  et  dans  les  autres 
États  de  l'Europe;  1859,  in-4°.  C'est  le  pre- 
mier document  officiel ,  et  l'un  des  travaux 
les  plus  importants  qui  aient  paru  jusqu'à  ce 
jour  sur  cette  matière  ;  —  Résultats  généraux 
du  dénombrement  de  la  population  en  France, 
en  1856,  avec  une  introduction  où  sont  comparés 
les  résultats  des  divers  recensements  de  1790  à 
1856;  1859.  Outre  ces  travaux  officiels,  M.  Le- 
goyt a  publié  :  La  France  statistique;  1843, 
in-8°  :  ouvrage  couronné  par  l'Académie  des 
Sciences  en  1845;  —  Le  Livre  des  Chemins  de 
Fer,  ou  essai  historique  sur  les  chemins  fer 
français  et  étrangers  (in-12,  1845);  —  Re- 
cherches sur  la  charité  officielle  et  privée  à 
Londres;  1847,  in-8°  :  c'est  une  étude  sur  le 
paupérisme;  —  Essai  sur  la  Centralisation 
administrative;  1849,  in-8°  ;  —  Des  Effets  éco- 
nomiques de  la  loi  de  Succession  en  France 
(dans le  Journal  des  Économistes,  1856);  — 
Étudesur  les  Chertés  anciennes  et  modernes; 
—  Des  Maladies  de  l'Intelligence  chez  les 
nations  modernes  (dans  la  Revue  Contempo- 
raine, 1856-1858),  etc.  Il  a  collaboré  à  grand 
nombre  de  revues  et  publications  administratives 
ou  scientifiques.  M.  Legoyt  s'occupe  depuis 
longtemps  d'une  Histoire  de  la  Statistique. 

J.  F. 
Docum.  partie. 

légua  in  ou  LEGiiiN  (  Jean- Baptiste  ) , 
seigneur  de  Guyencourt  et  de  la  Laye,  historien 
français,  né  à  Paris,  le  25  juillet  1565,  mort  à 
Montgeron,  le  2  juillet  1642.  Il  appartenait  à  une 
famille  noble  des  Pays-Bas  et  n'avait  que  deux 
T.  xxx,  14 


419 


LEGRAIN  —  LEGRAND 


420 


ans  lorsqu'il  perdit  son  père ,  qui  était  conseiller 
au  Chàteiet.  Ses  études  terminées ,  il  fréquenta 
la  cour,  fut  attaché  à  la  personne  de  Henri  IV, 
qui  le  choisit  pour  conseiller  et  maître  des  re- 
quêtes ordinaire  de  l'hôtel  de  la  reine  Marie  de 
Médicis.  11  se  démit  de  ses  emplois  pour  écrire 
l'histoire  de  son  temps;  mais  sa  franchise  lui 
attira  des  tribulations.  Il  avait  tant  d'éloignement 
pour  les  jésuites  qu'il  défendit,  par  son  testa- 
ment, à  ses  descendants  de  leur  confier  l'éduca- 
tion de  leurs  enfants.  On  a  de  lui  :  Décade 
contenant  i1  histoire  de  Henri  le  Grand,  roi 
de  France  et  de  Navarre,  IVe  du  nom,  en 
laquelle  est  représenté  létat  de  la  France 
depuis  le  traité  de  Cambrai,  en  làb9,jtisques 
à  la  mort  dudit  seigneur,  en  1610;  Paris, 
1614,  in-fol.  ;  Rouen,  1633,  in-4°;  —  Décade 
commençant  V histoire  de  Louis  XIIIe  du 
nom,  roi  de  France  et  de  Navarre,  depuis 
Van  1610  jusqu'en  1617;  Paris,  1618,  in-fol. 
Legrain  a  laissé  en  manuscrit  :  Troisième  Dé- 
cade, contenant  l'histoire  de  France  jusqu'à 
l'année  1640;  in-fol.;  —  Recueil  des  plus  si- 
gnalées Batailles,  journées  et  rencontres  qui 
se  sont  données  en  France  et  ailleurs  par  les 
armes  des  rois ,  depuis  Mérouée  jusqu'au  roi 
Louis  XIII,  3  vol.  in-fol.;—  Discours  sur  les 
Syrènes;  —  Discours  sur  le  nombre  Trois; 
—  Discours  pour  montrer  que  l'établisse- 
ment d'un  lieutenant  général  en  un  royaume 
est  la  totale  ruine  du  loi  et  de  l'État  ;  — un 
recueil  contenant  la  chronologie  des  rois  de 
France,  des  remarques  sur  ces  princes  et  sur 
les  enfants  de  France,  les  droits  de  ce  royaume, 
les  usages,  etc.,  sur  les  empereurs  et  les  con- 
suls romains  ;  —  un  journal  contenant  la  généa- 
logie de  sa  famille,  avec  un  récit  des  principaux 
événementsarrivés  en  France  et  dans  les  États  voi- 
sins depuis  1 597  jusqu'à  la  majorité  de  Louis  XIII 
inclusivement.  «  L'auteur,  dit  l'abbé  Goujet,  entre 
dans  ce  journal  dans  un  grand  détail  de  la  mort 
de  Henri  IV,  du  supplice  de  Ravaillac,  des  vertus 
du  prince  défunt,  et  de  ce  qui  suivit  cette  mort; 
il  y  rapporte  aussi  assez  au  long  la  conspiration 
du  maréchal  de  Biron,  et  les  suites  qu'elle  eut, 
quelques  pièces  de  poésie  qu'il  composa  en 
1592,  à  la  louange  de  ce  maréchal,  qui  n'avoit 
point  encore  conspiré  contre  ce  prince,  et  une 
épitaphe  qu'il  fit  pour  le  môme  après  qu'il  eut 
été  décapité.  «  Legrain  laissa  en  manuscrit  un 
Brief  Discours  des  Guerres  civiles  des  Pays- 
Bas,  dits  la  Flandre,  depuis  1559  jusqu'en 
1582,  distingués  par  les  gouvernements  ;  et 
une  Consolation  à  M.  le  prince  de  Condé  lors 
qu'il  fut  arrêté  après  la  mort  du  maréchal 
d'Ancre.  Tous  ces  manuscrits,  acquis  par  l'abbé 
Goujet,  avaient  passé  dans  la  bibliothèque  du 
duc  de  Charost.  J.  V. 

Abbé  Goujet,  dans  le  Grand  Dici.  Historique  de  Mo- 
réri,  édillon  de  1759. 

LEGRAND  OU    I.EGRANT    (Jacques),    JOr 

çobus  Magmjs,  moraliste  et  prédicateur  fiançais, 


vivait   au  commencement  du  quinzième  siècle. 
Il  était  né  à  Toulouse  et  non  à  Tolède ,  eomms 
l'ont  prétendu  certains  biographes.  11  entra  dans 
l'ordre  des  Augustins,  et  professa,  dit-on ,  quel- 
que temps  la  philosophie  et  la  théologie  à  Pa« 
doue.  Il  était  en  1405  à  Paris,  où  il  se  signala 
par  la  hardiesse  "de  ses  prédications.   Parlant 
devant  la  cour,  le  jour  de  l'Ascension ,  il  osa  s'é- 
lever  contre  la  reine  Isabeau  de  Bavière  et  1« 
duc  d'Orléans,  auxquels  le  peuple  attribuait  les 
malheurs  publics.  Son  audace  resta  impunie,  et 
fut  même  récompensée  par  le  roi  Charles  VI,  ' 
qui  était  alors  dans  un  intervalle  de  bon  sens  (1). 
Malgré  ses  attaques  contre  le  duc  d'Orléans, 
Legrand  n'appartenait  pas  au  parti  du  duc  de 
Bourgogne,  et  après  l'assassinat  du  duc  d'Or- 
léans ,  il  s'attacha  au  jeune  fils  de  ce  prince.  H 
fut  chargé  déporter  au  roi  d'Angleterre  Henri  rv  . 
les  propositions  des  chefs  du  parti  d'Orléans  ou  i 
d'Armagnac.   11  s'embarqua   à  Boulogne  avec  i 
tant  de  précipitation  qu'il  oublia  ses  papiers,  qui 
furent  saisis  et  portés  à  Charles  VI.  A  partir 
de  cette  époque,  Legrand  disparaît  de  l'histoire. 
On  a  prétendu,  mais  sans  aucun  fondement,  j 
qu'il  devint  le  confesseur  de  Charles  VU.  On  a 
de  Jacques  Legrand   :   Le  Livre  des  bonnes 
Mœurs,  dédié  à  très-noble  prihee  et  redoubté 
seigneur  Jean ,  fils  de  roi  de  France,  duc  de 
Berry  et  d'Auvergne;  Chablis,  1478,   in-fol. ,./ 
gothique;  traduit  en  anglais  par  William  Caxton,r 
"Westminster,  1487,  in-fol.,  gothique.  Ces  deux  ! 
éditions  sont  très-rares;  —  Sophologium  ex:\ 
antiquorum  Poetarum,  Oratorum  atquePhi- 


; 


(1)  Voici  comment  Juvénal  des  Ursins  raconte  cet  in-r 
cident  :  «  En  ce  temps  on  parloit  fort  de  la  reyne  et  ded 
monseigneur  d'Orléans,  et  disoit-on  que  c'estoit  par  euxj 
que  les  tailles  se  faisoient,  et  que  les  aides  couroient  et 
levoient,  sans  ce  que  aucune  chose  en  fust  mise  et  em-i 
ployée  au  faict  de  la  chose  publique,  et  assez  hautement 
par  les  rues  on  les  maudissolt,  et  en  disoit-on  plusieurs 
paroles.  La   reyne  en  un  jour  de  teste  voulut  oiiyr  un 
sermon  ,  et  y  eut  un  bien  notable  homme,  lequel  à  ceiÇ 
faire  fut  commis.  Lequel  commença  à  blasmer  la  reyne 
en  sa  présence,  en  parlant  des  exactions  qu'on   laisoit: 
sur  le  peuple ,  et  des  excessifs  eslats  qu'elle  et  ses  femmes» 
avoient  et  tenoient  ;  et  connue  le  peuple  en  parloit  en 
diverses  manières,  et  que  c'estoit  tuai  fait,  dont  la  reyne 
fut  très-mal  contente.  Et  le  dit  prescheur,  en  s'en  re- 
tournant   de  la     prédication ,   fut   remontré   d'aucuns 
hommes  et  femmes  de  la  cour,  et  luy  dirent  qu'ils  es- 
toient  bien  esbahis  comme   il  avoit  ozé  ainsi  parler.  El 
il  respondit,  qu'encures  estoit-il  plus  esbahi  comme  on 
ozolt  faire  les  fautes  et  péchez  qu'il  avoit  dit  et  déclaré  ' 
Et  en  s'en   allant  outre,  il  rencontra  encores  un  auir« 
homme,  qui  luy  dit  en  jurant  le  sang  de   Notre-Seigneur, 
que  qui   le  croiroit  qu'on   l'invoyerolt  noyer.  Et  le  bot 
homme  dit  :  il  n'en  faudroit  qu'un  autre  de  telle  volont»1 
que  tu  es,  avec   toy,  pour  hàre  un  grand  mal    Ladite 
prédication  vint  à  la  cognolssaoce  du  roy,  et  luy  rap 
porla-on  plus  pour  mettre  à  indignation  le  bon-homme 
que  autrement.  Et  dit  le  roy  qu'il  le  vouloit  oiiyr  près 
cher,   et  fut  ordonné  que  le  jour  de   la  l'entecoste  11 
presoheroit.  Lequel  prescha,  et  prit  son  thème  :  Spiri  ' 
tus  sanctus  docebit  vos  omnem  veritatem  Et  le  déduisi 
bien   grandement  et  notablement.  Et  s'il  avùrt  parlé  ei 
la  présence  de  la  reyne  des  grands  péchez  qui  couroient 
encores  en  parla-il  plus  amplement  et  largement  en  I: 
présence  du  roy,  et  fit  tant  que  le  roy  fut  content ,  et  s 
luy  fit  donner  aucune  légère  somme  d'argent.  »  (Histoir 
de  Charles  VI,  p.  435,  édit.  Micb»ud.) 


421  LEGRAND 

losophorum  gravibus  sententiis  collectum; 
Paris  (  Crantz,  Gering  et  Eriburger),  1475, 
in-fol.  ;  1477,  in-4°.  Legrand  traduisit  en  fran- 
çais une  partie  de  son  ouvrage,  à  la  demande 
du  duc  d'Orléans.  Cette  traduction,  intitulée  Ar- 
chiloge- Sophie,  est  restée  manuscrite.      N. 

Elssios,  Encnmiasticon  Aunustinianum.  —  lAibbé  Sel- 
lier, Mémoire  sur  quelques  écrits  d  auteurs  français 
qui  ont  fleuri  au  quatorzième  siècle,  dans  le  recueil  de 
Y  Académie  des  Inscriptions,  t.  X.  —  Mémoires  de  Tré- 
voux ,  ni  ût  1T46.  —  Morén,  Grand  Dut.  Histor. 

legrand  {Mathieu  ),  jurisconsulte  français, 
né  à  Gaillardon,  vers  1558,  mort  à  Orléans,  vers 
1622  11  suivit  à  Bourges  les  coûts  de  Cujas,  fut 
reçu  docteur  à  l'université  d'Angers,  et  devint 
professeur  à  Orléans.  On  a  de  lui  :  un  Traité  sur 
le  Droit  civil ,  un  autre  Sur  V Intérêt  ;  Paris, 


422 


605,  in-12.  La  Bibliothèque  d'Orléans  possède 
ui  un  commentaire  latin  manuscrit  in-folio 
de  200  pages  ayant  pour  titre  :  Annotationes 
i  Jibram  tertium  Decrelalium.     C.  P. 

Pocquet  de  I.ivonriière,  Les  Illustres  A' Anjou,  mss.  à 
Bib.  d'Angers.  —  Ménage,   Not.  in  vit.  OErodii.   — 
'eleiis,  Art  tones  foreuses ,  1.  III,  art.  I. 

legrand  (Louis),  jurisconsulte  français, 
lé  à  Troyes,  en  1588,  mort  le  10  janvier  1664. 
1  exerça  pendant  quelques  années  à  Troyes  la 
irofession  d'avocat;  en  1625  il  succéda  à  un  de 
es  oncles  dans  la  charge  de  conseiller  au  bail- 
iage  et  au  présidial.  On  a  de  lui  :  Traité  des 
destitutions  ;  Troyes,  1655,  in-8°;  —  Coutume 
'u  Bailliage  de  Troyes,  avec  commentaires; 

aris,  1661,  1681,  et  1737,  in-fol.       E.  G. 

Clmudou  et  Delandine,  Dictionnaire  Historique. 

legrand  (Pierre),  fameux  flibustier  (l) 
ctncais,  né  à  Dieppe,  vers  1632,  mort  dans  la 
lême  ville,  en  1670.  11  était  déjà  un  des  plus 
abiles  marins  normands,  et  avait  fait  plusieurs 
oyages  au  long  cours ,  lorsque,   pour  faire  ra- 
rement fortune  et  entraîné  aussi  par  la  haine 
ie  les  gens  de  mer  français  portaient  alors  aux 
pagnols ,  il  se  rendit  à  l'île  de  la  Tortue  (2), 
s'engagea  parmi  les  frères  de  la  Côte,  dont 
devint  bientôt  l'un  des  chefs.  C'était  au  début 
s  cette  redoutable  association  :  les   moyens 
action  ne  répondaient  pas  encore  à  la  volonté 
;s  flibustiers,  et  Pierre  Legrand  ne  commandait 
'un  mauvais  lougre  portant  quatre  petits  ca- 
>ns  et  vingt-huit  hommes  d'équipage.  Ce  fut 
rec  cette  frêle  embarcation  qu'en  1660,  croisant 
la  hauteur  du  cap  Tiburon,  pointe  occidentale 
!  Haïti,  il  rencontra  un  galion  espagnol  riche- 
ent  chargé,  mais  défendu  par  cinquante-quatre 

1)  Ce  mot  vient  de  Fly-boat  (tlibot)  qui  signifie  en  an- 
»ls  un  bâtiment  léger.  On  a  dunné  ce  nom  de  flibus- 
:rs  à  des  aventuriers  de  toutes  les  nations,  mais  pour 
plupart  anglais  et  français;  ils  ont  mérité  une  place 
lis  l'histoire  par  les  entreprises  hardies  qu'ils  ont  exé- 
tées.  Les  Oieppois  surtout  se  signalèrent  dans  la  pêche 
ix  Espagnols;  c'est  ainsi  qu'ils  appelaient  leurs  croi- 
ses. 

;2)  Petite  île  située  à  deux  lieues  de  Saint-Domingue, 
qui  devint  l'asile  des  boucaniers  lorsque  ceux-ci,  pcr- 
|cutés  par  les  Espagnols,  furent  réduits  à  se  faire  flibus- 


canons  et  deux  cent  cinquante  hommes.  Le  pa- 
villon d'un  vice-amiral  se  déployait  sur  le  gail- 
lard d'arrière  :  il  appartenait  à  une  Hotte  mar- 
chande qui  faisait  voile  vers  l'Europe  et  en  avait 
été  séparé.  Legrand  ,  après  quelques  semaines 
d'une  croisière  stérile,  proposa  à  ses  hommes 
d'attaquer  ce  redoutable  ennemi.  Cette  proposi- 
tion fut  acceptée,  et  pour  donner  le  courage  du 
désespoir  on  perça  le  lougre  corsaire  en  divers 
endroits,  alin  qu'il  coulât  au  moment  où  on 
aborderait  le  bâtiment  espagnol.  On  se  porta 
alors  sur  l'ennemi  :  le  soleil  se  couchait  et  les 
Espagnols  étaient  à  table  ou  à  jouer.  Les  flibus- 
tiers montent  de  toutes  parts ,  tuent  tout  ce 
qui  fait  résistance,  et  en  peu  d'instants  sont  maî- 
tres du  navire.  Assaillis  si  inopinément  et  n'a- 
percevant aucun  bâtiment  autour  d'eux,  les  Cas- 
tillans se  rendirent,  regardant  les  flibustiers 
comme  «  des  diables  tombés  du  ciel  »,  et  depuis 
I  les  surnommèrent  los  demonios  de  las  mai  es. 
I  Le  capitaine  Legrand  fit  en  cette  occasion  une 
j  capture  qui  enrichit  lui  et  son  équipage.  Plus 
sage  que  beaucoup  de  ses  confrères,  il  ne  voulut 
pas  s'exposer  au  danger  de  perdre  des  richesses 
si  dangereusement  acquises  ;  il  mit  à  terre  tous 
ses  prisonniers,  et  fit  voile  aussitôt  pour  la 
France,  où  il  finit  ses  jours,  honoré  de  ses  con- 
citoyens. A.  de  L. 

Raynal,  Histoire  Philosophique  des  deux  Indes,  \\\.  X. 
—  Van  Tènac,  Histoire  de  la  Marine,  t.  III,  p.  25-. 

legrand  (Antoine),  philosophe  français, 
né  à  Douai,  au  commencement  du  dix-septième 
siècle,  mort  en  Angleterre,  à  la  fin  du  même  siècle. 
Ayant  fait  profession  dans  l'ordre  de  Saint- 
François,  il  s'associa  avec  les  membres  du  col- 
lège anglais  de  sa  ville  natale,  fut  envoyé  en 
Angleterre  en  qualité  de  missionnaire,  et  se  fixa 
dans  le  comté  d'Oxford.  Il  avait  professé  la  phi- 
losophie et  la  théologie  à  l'université  de  Douai, 
et  avait  essayé  de  réduire  la  philosophie  de 
Descartes  à  la  méthode  scolastique.  On  l'a\ait 
surnommé  Y abréviateur  de  Descarter,.  11  eut 
avec  Jean  Sergeant  de  vives  querelles  sur  la  na- 
ture des  idées  et  sur  d'autres  questions  de  méta- 
physique. On  a  de  Legrand  :  Le  Sage  des  Stoï- 
ques,  ou  V homme  sans  passions,  selon  les  sen- 
|  timents  de  Sénèque,  dédié  à  Charles  II,  roi 
d'Angleterre;  La  Haye,  1662,  in-12  :  cet  ouvrage 
a  reparu  sous  ce  titre  :  Les  Caractères  de 
l'homme  sans  passions;  Paris,  1663,  1682, 
in-12;  Lyon,  1665,  in-12;  —  Physica;  Ams- 
terdam, 1664,  in-4°;  — VÉpicure  spirituel, 
ou  V empire  de  la  volupté  sur  les  vertus; 
Douai,  1669,  in-8°;  —  Philosophia  Veterum, 
e  mente  Menati  Descartes  more  scholastico 
breviter  digesta;  Londres,  1671,  in-12  :  cet 
ouvrage,  considérablement  augmenté,  reparut 
sous  ce  titre  :  Institutio  Philosophix  secun- 
dum  principia  Renati  Descartes,  nova  mt- 
thodo  adornata  et  explicata  ad  usum  ju- 
ventutis  academicœ;  Londres,  1672,  in-8°; 
1678,  1683,  in-4°,  Nuremberg,  1695,  in-4°;  -— 

14. 


423 


LEGRAND 


424 


Historia  Matant,  variis  expérimentes  et  ra- 
tiocinas elucidata  ;  Londres,  1673,  in-8°; 
1C80,  in-4°;  Nuremberg,  1678,  in-8°;  1702, 
in-4°  ;  —  De  Carentia  Sensus  et  Cognitionis 
in  brutis  ;  Londres,  1675,  in-8°;  Nuremberg, 
1679,  in-8"  :  ouvrage  attribué  à  tort  quelque- 
fois à  Henri  Jenkins  ;  —  De  Ratione  cognos- 
cendi  et  appendix  de  mutatione  formait, 
contra  J.  S.  (  J.  Sergeant)  methodum  sciendi; 
Londres,  in-8°;  —  Apologia pro Renato  Des- 
caries, contra  Samuelem  Parkerum; Londres, 
1679,  in-8°;  1682,  in-12;  Nuremberg,  1681, 
in-12;  —  Scydromedia,  seu  sermo  quem  Al- 
phonsus  de  La  Vida  habuit  coram  comité 
de  Falmouth ,  de  monarchia  libri  II  ;  Nu- 
remberg, 1680,  in-8°;  —  Curiosus  rerum 
abdilarum  naturseque  arcanorum  Perscru- 
tator;  Francfort  et  Nuremberg,  1681,  in-12; 

—  Animadversiones  ad  Jacobi  Rohaultii 
Tractatum  physicum;  Londres,  1682,  in-8°; 

—  Historia  Sacra,  a  mundi  exordio  ad  Cons- 
tantini  Magni  imperium  deducta;  Londres, 
1685,  in-8°;  —  Missse  Sacrijicium  neomystis 
succincte  expos ilum;  Londres,   1695,  in-12. 

J.  V. 

Chaudon  et  Dclandine,  Dict.  univ,  Hitt.,  Crit.  et  BU 

bliogr. 

legrand  (  Jean-Baptiste  ) ,  philosophe 
français,  mort  vers  1704,  à  Paris.  Il  était  ar- 
dent cartésien.  A  la  fin  de  sa  vie,  il  s'était  re- 
tiré au  séminaire  de  Saint-Magloire.  En  mou- 
rant, Clerselier  lui  avait  laissé,  en  1684,  plusieurs 
manuscrits  de  Descartes  qu'il  possédait  et  une 
somme  de  500  livres ,  à  la  charge  de  mettre  ces 
papiers  en  état  d'être  imprimés.  L'abbé  Legrand 
s'occupa  avec  zèle  de  cette  tâche;  mais  il  mourut 
sans  avoir  achevé  son  travail,  qu'il  confia  par  son 
testament  à  Marmion ,  professeur  de  philosophie 
au  collège  des  Grassins.  Ce  dernier  mourut  un 
an  après,  ordonnant  de  rendre  à  la  mère  de  Le- 
grand l'argent  et  les  manuscrits  qu'il  avait  reçus. 
Depuis  ces  manuscrits  disparurent.  L'abbé  Le- 
grand les  avait  communiqués  à  Baillet.      J.  V. 

Nouvelles  de  la  République  des  Lettres  ,  Juin  170S.  — 
Baillet,  Préface  de  la  Vie  de  Descartes. 

legrand  (Joachim  ),  historien  français ,  né 
à  Saint-Lô  (Normandie  ),  le  6  février  1653,  mort 
à  Paris,  le  1er  mai  1733.  Après  ses  premières 
études,  il  alla  à  Caen  faire  sa  philosophie.  En 
1671  il  entra  chez  les  Oratoriens ,  et  y  étudia  les 
belles-lettres  et  la  théologie.  Il  en  sortit  en  1676, 
et  se  rendit  à  Paris ,  où  il  se  lia  avec  le  père 
Lecomte,  qui  travaillait  aux  Annales  ecclé- 
siastiques de  France.  Ce  savant  conseilla  à 
l'abbé  Legrand  de  s'appliquer  à  l'étude  de  l'his- 
toire, et  lui  enseigna  la  paléographie.  En  1781 
l'abbé  Legrand  perdit  le  père  Lecomte;  il  en 
fit  l'éloge,  ainsi  que  celui  de  Michel  de  Ma- 
roles,  abbé  de .  Villeloin.  Ces  deux  éloges  pa- 
rurent dans  le  Journal  des  Savants,  l'un  au 
mois  de  février  1781,  l'autre  au  mois  d'avril  delà 
même  année.  L'abbé  Legrand  se  chargea  succes- 


sivement de  l'éducation  du  marquis  de  Vins  et 
de  celle  du  duc  d'Estrées.  S'étant  rencontré  avec 
le  docteur  Burnet  à  Paris ,  il  lui  présenta  quel- 
ques objections  sur  son  Histoire  de  la  Réfor- 
mation ;  Burnet  s'en  prévalut  pour  appuyer  ses 
opinions  sur  les  avis  de  l'abbé  Legrand;  celui- 
ci  crut  devoir  protester,  et  il  s'ensuivit  une  po 
lémique  assez  vive.  L'abbé  d'Estrées  ayant  été 
nommé  ambassadeuren  Portugal  en  février  1792, 
emmena  labbé  Legrand  comme  secrétaire  d'am 
bassade.  Legrand  demeura  en  Portugal  jusqu'en 
1697,  ramassant  des  matériaux  sur  l'histoire  des 
colonies  portugaises.  De  retour  en  France,  il  fit 
un  voyage  en  Bourgogne  et  en  Dauphiné  pour, 
recueillir  des  mémoires  relatifs  à  l'histoire  de 
Louis  XI.  En  1702  il  suivit  l'abbé  d'Estrées  en 
Espagne,  où  il  rempli!  les  fonctions  de  secrétaire 
d'ambassade  sous  le  cardinal  d'Estrées  jusqu'en 
1703.  L'abbé  d'Estrées  ayant  pris  la  place  de  son 
oncle,  l'abbé  Legrand  continua  sous  celui-ci  les 
mêmes  fonctions.  Ils  accompagnèrent  en  1704 
le  roi  d'Espagne  aux  frontières  du  Portugal,  el 
revinrent  en  France.  A  peine  l'abbé  Legrand  j 
fut-il  arrivé  que  les  ducs  et  pairs  du  royaume  le 
choisirent  pour  secrétaire  général.  Dès  l'année 
suivante  le  marquis  de   Torcy  l'attacha  aux  af- 
faires étrangères ,  et  le  chargea  de  rédiger  cer- 
tains mémoires  qui   parurent  sur  les  relation! 
extérieures.  Le  chancelier  D'Aguesseau  le  charge; 
en  1717  de  dresser  le  plan  d'une  collection  gé 
nérale  des  historiens  de  France  ;  les  événements 
empêchèrent  de  donner  suite  à  ce  projet.  Il  li 
nomma  aussi  censeur  royal  ;  mais  l'abbé  Le 
grand  n'en  remplit  pas  longtemps  les  fonctions 
En  1720  il  fut  choisi    pour  travailler  à  l'inven 
taire  du  trésor  des  chartes  ;  il  y  mit  beaucoup 
de  zèle,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  s'occupe 
de  son  Histoire  de  Louis  XI,  lisant  tous  le 
ouvrages  qui  avaient  été  écrits  sur  ce  prince  € 
sur  ses  contemporains ,  fouillant  dans  toutes  le 
bibliothèques ,  dans  les  archives  de  la  chambr 
des  comptes ,  du  parlement,  des  hôtels  de  vilU 
de  châteaux,  etc.  Il  intitula  son  livre  Histoire  t 
vie  de  Louis  XI,  roi  de  France,  avec  les  prev 
ves.  S'étant  déterminé  en  1726  à  la  faire  in 
primer,  il  l'avait  soumise  à  l'examen  du  chai 
celier;  mais  il  changea  d'avis  deux  ans  après, 
l'ouvrage  est  resté  inédit.  L'abbé  Legrand  pa; 
sait  une  partie  de  l'année  à  Savigny,  chez  le  ma 
quis  de  Vins,  dont  il  avait  élevé  le  fils  unique.  I 
marquis  de  Vins,  étant  mort  en  février  173 
l'abbé  Legrand  rédigea  son  éloge,  qui  parut  dai 
le  Mercure  du  mois  de  mars.  Il  ne  lui  survéc 
pas  longtemps ,  et  mourut  d'une  attaque  d'ap 
plexié.  11  était  prieur  de  Neuville-les-Dames  et 
Prévessin.  «  C'étoit  un  homme  plein  d'honneu 
de  probité  et  de  religion ,  dit  le  père  Bouger 
et  des  plus  habiles  du  royaume  sur  le  droit  p 
blic;  d'une  vaste  érudition,  d'une  sagacité  a 
mirable.  Quelque  embrouillée  que  fût  une 
faire,   il  en  saisissoit   les  difficultés,   et 
esprit  pénétrant  et  fécond  lui  suggéroit  des  exj 


,H 


425 


LEGRAND 


426 


Jients  pour  les  franchir.  »  On  a  de  lui  :  Histoire 
du  Divorce  d'Henry  VIII,  roi  d'Angleterre  , 
et  de  Catherine  d'Aragon  ;  la  défense  de  San- 
derus;  et  la  Réfutation  des  deux  premiers 
\livres  de  l'Histoire  de  la  Réformation  de 
m.  Burnet,  et  les  preuves  ;  Paris,  1688,  3  vol. 
En-12 ;  —  Lettre  du  docteur  Burnet,  où  il 
[fait  une  courte  critique  de  l'Histoire  du  Di- 
ïvorce  d'Henry  VIII,  avec  un  avertisse- 
ment et  des  remarques  de  l'abbé  Legrand; 
{Paris,  1688,  in-12;  —  Lettres  au  docteur 
'Burnet  sur  l'Histoire  des  Variations  (deBos- 
suet  ) ,  sur  l'Histoire  de  la  Réformation  (  de 
Burnet),  et  sur  l'Histoire  du  Divorce  de 
[Henry  VIII,  avec  une  préjace  contenant  des 
[observations  sur  V Histoire  des  ÉgLses  ré- 
formées de  Basnage;  Paris,  1691,  in-12;  — 
\n\sloire  de  l'isle  de  Ceylan,  du  capitaine 
^ean  de  Ribeyro,  traduite  du  portugais,  aug- 
mentée de  nombreuses  additions;  Trévoux,  1701, 
in-12:  l'auteur  pense  que  l'île  de  Ceylan  est 
la  Taprobane  des  Grecs  et  des  Romains;  — 
Mémoire  touchant  la  succession  à  la  cou- 
ronne d'Espagne,  prétendue  traduction  de  l'es- 
pagnol, anonyme;  1711,  in-8°;  —  Réflexions 
sur  la  lettre  à  un  Milord  sur  la  néces- 
sité et  la  justice  de  l'entière  restitution  de 
la  monarchie  d'Espagne;  1711,  in-8°;  — 
Discours  sur  ce  qui  s'est  passé  dans  l'Em- 
pire au  sujet  de  la  succession  d' Espagne  ; 
1711,  in-4°;  —  L'Allemagne  menacée  d'être 
bientôt  réduite  en  monarchie  absolue;  1711, 
in-4°;  —  Lettre  de  M.  D....  à  M.  le  docteur 
M.  touchant  le  royaume  de  Bohême;  in-4°; 
—  Relation  historique d'Abyssinie  du  R.  P.  Jé- 
rôme Lobo,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  tra- 
duite du  portugais ,  continuée  et  augmentée 
de  plusieurs  Dissertations ,  Lettres  et  Mé- 
moires; Paris,  1728j  in-4°  ;  —  De  la  Succes- 
sion à  la  couronne  de  France  pour  les  agnats; 
Paris,  1728,  in-12.  J.  V. 

P.  Lelong,  Biblioth.  histor.  de  la  France.  —  Bouçerel, 
dans  les  Mémoires  pour  servir  à  l'hist.  des  Hommes 
illustres,  de  Nicéron,  tome  XXVI,  p;ige  123.  —  Moréri, 
Grand  Dictionnaire  Historique.  —  Chaudon  et  Delao- 
dine,  Dict.univ.  Hist.,  Crit.  et  Dibliogr.  —  Quérard,  La 
FranGe  Littéraire. 

legrand  ( Marc- Antoine), auteur  et  artiste 
dramatique,  né  à  Paris,  le  17  février  1673,  mort 
le  7  janvier  1728.  Il  était  fils  d'un  chirurgien 
major  des  Invalides.  Petit  de  taille  et  d'une 
figure  repoussante,  il  excellait,  dit-on,  dans 
les  rôles  de  roi ,  de  héros  ou  de  paysan.  On 
raconte  qu'une  fois  en  annonçant  au  parterre 
le  spectacle  du  lendemain,  et  voyant  l'effet 
désagréable  que  produisait  son  visage,  il  finit 
sa  harangue  par  ces  mots  :  «  Messieurs,  il  vous 
est  plus  aisé  de  vous  accoutumer  à  ma  figure 
qu'à  moi  d'en  changer.  »  Il  réussit  mieux  d'ail- 
leurs commeauteur.  Son  théâtre  a  de  lagaîté,  des 
saillies,  on  y  trouve  l'entente  de  la  scène  ;  mais  Le- 
grand sepermettrop  delicence,  et  son  comique  est 
souvent  aussi  bas  que  l'action  est  invraisemblable. 


Il  était  habile  à  exploiter  la  circonstance  et  met- 
tait promptement  sur  la  seène  toutes  les  aven- 
tures qui  se  présentaient.  C'est  ainsi  que  lorsque 
Cartouche  reparut  à  Paris,  et  dévalisa  jusqu'aux 
chevaliers  du  guet,  Legrand  composa  une  pièce  en 
trois  actes  intitulée  Cartouche,  ou  l'homme  im- 
prenable ;  mais  la  police  n'en  permit  pas  la  re- 
présentation :  il  fallut  attendre  que  Cartouche  fût 
arrêté  et  enfermé  au  Cuàtelet.  Ce  jour-là  Le- 
grand put  songera  mettre  sa  pièce  sur  la  scène; 
il  remania  naturellement  son  dernier  acte,  alla 
voir  Cartoucbe  en  prison  pour  l'étudier  et  fc'en- 
tretenir  avec  lui.  Enfin,  la  pièce  fut  représentée 
le  21  octobre  1721,  avec  l'Ésope  à  la  cour  de 
Boursault  :  le  public  était  si  impatient  qu'il  ne 
laissa  pas  achever  la  pièce  de  Boursault  qu'on 
jouait  la  première.  «  La  pièce  de  Legrand  avait 
presque  le  droit  d'être  mauvaise ,  dit  M.  Ed. 
Thierry  ;  elle  ne  l'était  pas,  et  réussit  d'autant 
mieux  ;  elle  fit  recette.  L'auteur  porta  cent  écus 
au  prisonnier  qui  lui  avait  effectivement  fourni 
le  sujet  et  à  qui  le  dénoùment  coûta  plus  cher; 
Cartouche  prit  l'argent.  L'idée  d'être  le  héros 
d'une  comédie  n'avait  pas  déplu  d'abord  à  sa 
vanité  ;  puis  il  se  ravisa  en  vue  de  son  procès , 
et  se  plaignit  de  la  mauvaise  impression  que 
l'on  donnait  de  lui  à  ses  juges.  »  La  pièce  fut 
arrêtée  le  1 1  novembre,  à  la  treizième  représen- 
tation. Legrand  avait  encore  trouvé  le  moyen 
de  glisser  dans  cette  pièce  des  gravelures,  reflet 
de  ses  mœurs ,  qui  étaient  bien  loin  d'ailleurs 
d'être  pures.  On  prétend  qu'il  allait  assidûment 
au  catéchisme  de  la  paroisse  Saint-Su Ipice,  pour 
y  recruter  des  comédiennes,  des  maîtresses* 
On  a  de  Legrand  :  La  Femme  fille  et  veuve, 
comédie  en  un  acte  et  en  vers  ;  Paris ,  1707, 
in-12;  —  L'Amour  diable,  comédie  en  un 
acte  en  vers;  Paris,  1708,  in-12;  La  Haye, 
1710,  in-12  ;  —  La  Famille  extravagante,  co- 
médie en  un  acte  en  vers;  Paris,  1709,  in-12  ; 

—  La  Foire  Saint- Laurent ,  comédie  en  un 
acte  en  vers;  Paris,  1709;  La  Haye,  1710,  in-12; 

—  L'Épreuve  réciproque,  comédie  en  un  acte 
et  en  prose  (publiée  sous  le  nom  d'Alain,  mais 
attribuée  à  Legrand);  Paris,  1711, in-12;  —  La 
Métamorphose  amoureuse ,  comédie  en  un 
acte  et  en  prose  ;  Paris,  1712,  in-12  ;  —  L'Usu- 
rier gentilhomme,  comédie  en  un  acte  et  en 
prose;  Paris,  1713,  in-12;  —  L'Aveugle  clair- 
voyant,  comédie  en  un  acte,  en  vers;  Paris, 
1716,  1718,  in-12;  Troyes,  1799,in-8°;—  Cri- 
tique de  l'Œdipe  de  M.  de  Voltaire,  en  prose; 
Paris,  1719,  in-8°  ;  —  Le  Roi  de  Cocagne,  co- 
médie en  trois  actes  en  vers;  Paris,  1719,  1780, 
in-12;  Reims,  1800,  in-8°;  —  Plutus,  comédie 
en  trois  actes  et  en  vers;  Paris,  1720,  in-12  ;  — 
Cartouche,  ou  les  voleurs,  comédie  en  trois 
actes  et  en  prose;  Paris,  1721,  in-12  ;  La  Haye, 
1731, in-12;  nouv.  édition, en  1774,  sous  letître: 
Les  Fourberies  de  Cartouche ,  capitaine  de 
voleurs;  in-12;  —  Le  galant  Coureur,  ou 
l'ouvrage  d'un  moment ,  comédie  en  un  acte, 


427 


LEGRAND 


428 


en  prose;  Paris,  1722,  in-12;  —  Le  Ballet  de 
vingt-quatre  heures,  ambigu  comique  en  quatre 
parties  et  en  prose,  avec  un  prologue  en  vers 
libres  par  M.  D.  L.  F.***;  Paris,  1722,  in-4°; 
1723,  1728,  in-12;  — Belphégor,  comédie-ballet 
en  trois  actes  et  en  prose;  Paris,  1723,  1732, 
in- 1 2;— Le  Fleuve  d'oubli,  comédie  en  un  acte  en 
prose;  Paris,  1723,  in-12;  —  Le  Philanthrope, 
•ou  l'ami  de  tout  le  inonde ,  comédie  en  un  acte 
en  prose; Paris,  1724,  in-12;  —  Les  Aventures 
du  Voyageur  aérien  ,  histoire  espagnole,  avec 
Les  Paniers,  ou  la  vieille  précieuse,  comédie; 
îParis,  1724,  in-12  :  ces  deux  ouvrages  sont  ano- 
nymes; Barbier  attribue  le  second  à  Legrand, 
et  le  censeur  du  livre  les  déclare  du  même  au- 
teur; —  Le  Triomphe  du  Temps,  divertisse- 
ment en  trois  parties  avec  un  prologue,  le  tout 
en  prose;  Paris,  1725,  in-12;  1761,  in-8°  ;  — 
L'Impromptu  de  la  Folie,  ambigu  comique, 
composé  d'un  prologue  en  prose  mêlé  d'ariettes, 
des  Nouveaux  Débarqués,  comédie  en  un  acte, 
en  prose,  et  de  La  Trançaise  italienne,  comédie 
en  un  acte  en  prose;  Paris,  1726,  in-12;  —  La 
Nouveauté,  comédie  en  un  acte  et  en  prose; 
Paris,  1727,  in-12;  —  Le  Luxurieux,  co- 
médie en  un  acte  en  vers;  vers  1732,  in-12; 
réimprimé  sous  ce  titre  :  Le  Libertin  puni; 
réimprimé  encore  avec  les  Pièces  libres  de 
M.  Ferrand;  Londres,  1738,  1744,  1747,  in- 8"; 
et  dans  un  volume  intitulé  :  L'Abatteur  de  noi- 
settes, ou  recueil  de  pièces  nouvelles  des  plus 
gaillardes  ;  La  Haye,  1741,  in-12;  —  Théâtre 
de  Legrand;  Paris,  1731,  1742,  4  vol.  in-12; 
autre  édition,  revue,  corrigée  et  augmentée  par 
de  Laporte,  secrétaire  de  la  Comédie-Française  ; 
Paris,  1770,  4  vol.  in-12  :  cette  édition  com- 
prend, outre  les  pièces  déjà  citées  :  La  Rue 
Mercière ,  ou  les  maris  dupés ,  en  un  acte  et 
en  vers;  Le  mauvais  Ménage;  Agnès  de 
Chaillot,  en  un  acte  en  vers,  parodie  d'Inès  de 
Castro;  La  Chasse  du  Cerf,  comédie-ballet  en 
trois  actes  ;  Les  Amazones  modernes,  comédie 
en  trois  actes  et  en  prose ,  avec  un  divertisse- 
ment par  Fuzelier  et  Legrand.  En  1824  on  a 
réimprimé  à  Paris  les  Chefs-d'œuvre  drama- 
tiques de  Legrand,  in-18,  dans  une  édition  du 
Répertoire  du  Théâtre-Français.  L.  L — t. 

Chaudon  et  IMidine,  Dict.  univ.  Hist.,  Crit.  et  Bi- 
bliogr.  —  Qu'érârd.  La  France  Littéraire.  —  Barbier, 
Dict.  des  Anonymes.  —  Ed  Thierry,  dans  Le  Moniteur, 
du  13  janvier  1869. 

legrand  (Louis),  théologien  français ,  né 
à  Lusigny  (  Bourgogne  ),  le  12  juin  1711,  mort  à 
Issy,  le  20  juillet  i78(>  II  commença  ses  études  à 
Antun,  les  acheva  à  Paris,  et  fut  envoyé,  tout 
jeune  encore,  pour  professer  la  philosophie  à 
Clermont.  Revenu  à  Paris  pour  suivre  sa  licence, 
qu'il  passa  en  1740,  il  entra  ensuite  dans  la  con- 
grégation des  prêtres  de  Saint-Sulpice,  et  pro- 
fessa successivement  la  théologie  à  Cambrai  et 
a  Orléans.  Rappelé  à  Paris,  il  y  fut  reçu  docteur 
en  théologie  et  nommé  maître  des  études  au 
séminaire  de    Saint-Sulpice.    Il  jouissait  d'une 


grande  réputation  comme  théologien ,  et  était 
consulté  de  tous  côtés,  ce  qui  faisait  rechercher 
sa  correspondance.  Chargé,  comme  censeur 
royal,  en  1768,  de  l'examen  d'une  collection 
de  thèses  soutenues  en  différents  endroits  et 
favorables  au  jansénisme  ,  il  joignit  à  son  avis 
des  notes  pour  rectifier  quelques  principes  exa- 
gérés,de  ces  thèses.  Ces  notes  furent  attaquées, 
et  Legrand  les  défendit  par  trois  iettres  écrites 
en  1769  et  1770,  dans  lesquelles  il  montra  la 
différence  qui  se  trouvait  entre  la  doctrine  des 
augustiniens  d'Italie  et  les  appelants  de  France. 
Il  rédigea  plusieurs  censures  portées  par  la  fa» 
culte  de  théologie  de  Paris  contre  différents  li- 
vres, notamment  la  censure  lancée,  en  1762  et 
1763,  contre  la  deuxième  et  la  troisième  partie 
de  Y  Histoire  du  Peuple  de  Dieu,  du  père  Ber- 
ruyer  ;  la  censure  de  Y  Emile  de  J.-J.  Rousseau 
en  1762,  censure  qu'il  soutint  par  six  lettres  en 
1763  et  par  des  observations  en  réponse  aux 
Nouvelles  ecclésiastiques ,  qui  l'avaient  com- 
battu. Il  écrivit  encore  la  censure  du  Bélisaire 
de  Marmontel,  en  même  temps  qu'il  rendait  de 
bons  offices  à  l'auteur.  En  1779,  il  eut  à  exami- 
ner les  Époques  de  la  Nature  de  Buffon,  et  pensa  j 
qu'on  devait  se  contenter  d'une  déclaration  de 
l'auteur,  qui  fut  publiée  dans  des  actes  adressés 
aux  évêques.  Étant  tombé  malade  vers  cette 
époque,  l'abbé  Legrand  se  fit  transporter  au  sé- 
minaire dissy,  où  il  mourut.  On  a  de  lui  :  Trac- 
tatus  de  incarnatione  Verbi  divini  ;  Paris, 
1751,  2  vol.  in-12;  1774,  3  vol.  in-12;  —  Prec- 
lectiones  theologicx  de  Deo  ac  divinis  attri- 
ÔMfedeLafosse,  nouvelle  édition,  corrigée  et  aug- 
mentée par  l'abbé  Legrand  ;  Paris,  1751 ,  2  vol. 
in-12  ;  —  De  Ecclesia  Chrisli  ;  Paris,  1779,  in-8°  : 
le  premier  volume  seulement;  —  De  Existent  ta 
Dei;  Paris,  1812,  in-8°  :  traité  qui  comprend 
deux  dissertations,  l'une  sur  l'athéisme,  l 'autre 
sur  les  preuves  de  l'existence  de  Dieu.  L'abbé 
Legrand  se  proposait  de  faire  un  grand  ouvrage 
sur  la  religion  ;  mais  il  n'a  pu  le  terminer,  et  a 
laissé  seulement  quelques  dissertations,  ainsi 
qu'une  défense  de  Y  Abrégé  de  la  Théologie  mo- 
rale de  Collet  contre  une  dénonciation  faite  par 
des  curés  à  l'evêque  de  Troyes.  J.  V. 

J.  Montaigne,  Notice  sur  l'auteur  en  tête  du  traité  De 
Existentia  Dei.  —  Chaudon  et  Delandine ,  Dict.  vnfta 
Hist.,  Crit.  et  Bibliogr. 

legrand  (  Etienne  -  Antoine- Matthieu  ), 
orienlaliste  français,  né  à  Versailles ,  en  1724, 
mort  à  Paris,  au  mois  d'août  1784.  Après  avoir 
séjourné  longtemps  en  qualité  d'interprète  à 
Constantinople,  à  La  Canée,  à  Alexandrie,  à  Tri- 
poli de  Syrie,  au  Caire,  à  Alep ,  il  revint  en 
France ,  et  fut  nommé  secrétaire  interprète  du 
roi.  En  1768  la  France  fit  un  traité  de  paix 
avec  le  Maroc.  Legrand  donna  de  ce  traité  une 
rédaction  arabe  si  pure  et  si  élégante  qu'elle  ex- 
cita l'admiration  du  roi  de  Maroc.  Ses  vertus 
autant  que  son  savoir  le  faisaient  rechercher  des 
savants  français  et  étrangers.  Legrand  était  d'une 


429 

santé  délicate  et  avait  le  travail  difficile.  Des 
différents  ouvrages  qu'il  a  traduits ,  un  seul  a 
vu  le  jour  sous  ce  titre  :  Controverse  sur  la 
Religion  chrétienne  et  sur  celle  des  mahomé- 
tans  ;  Paris,  1767,  in-12;  c'est  la  traduction 
d'un  dialogue  arabe  entre  un  maronite  et  trois 
musulmans,  composé,  l'an  612  de  l'hégire  (  1215 
de  J.-C.  ),  par  un  maronite  du  monastère  de 
Mar-Simean-el-Bahri  (  Saint-Siméon-le-Marin  ). 
Legrand  a  laissé  cinq  manuscrits  orientaux  très- 
rares,  conservés  à  la  Bibliothèque  impériale. 

F.-X.  T. 

Journaldes  Savants,  mars  1767.  —  Quéravû,  La  France 
Littéraire. 

leghânu  d'aussy  (Pierre- Jean-Baptiste), 
littérateur  français,  né  à  Amiens,  le  3  juin  1737, 
mort  à  Paris,  le  6  décembre  1800.  Fils  d'un  em- 
ployé des  fermes  générales,  il  fit  ses  études  chez 
les  jésuites ,  sollicita  son  admission  dans  leur 
compagnie,  et  fut  chargé  de  professer  la  rhéto- 
rique à  Caen.  Après  la  suppression  de  la  Société 
de  Jésus,  il  revint  à  Paris,  où  Lacurne  de  Sainte- 
j.  Palaye  l'associa  à  ses  recherches  pour  le  Glos- 
I  saire  Français,  et  le  marquis  de  Paulmy  à  la  ré- 
daction des  Mélanges  tirés  de  sa  bibliothèque.. 
!  En   1770,  Legrand  fut  nommé  secrétaire  de  la 
!  direction  des  études  à  l'École  Militaire.  Quelque 
j  temps  après,  il  fut  chargé  de  l'éducation  du  fils 
;  d'un  fermier  général.  Un  de  ses  frères  ayant  été 
nommé  abbé  de  Saint-André  de  Clermont,  Le- 
!  grand  alla  lui  faire  une  visite,  et  parcourut  l'Au- 
!  vergne  comme  naturaliste,  en  1787  et  1788.  En 
I  1795,  Legrand  fut  nommé  conservateur  des  ma- 
I  nuscrits  français  à  la  Bibliothèque  nationale.  11 
|  reprit  alors  le  projet  qu'il  avait  eu  d'écrire  l'his- 
\  toire  complète  de  la  poésie  française.  Il  agrandit 
|  son  cadre;  mais  il  n'avait  terminé  que  quelques 
jïarties  de  son  ouvrage  lorsqu'il  mourut  presque 
;   subitement.  11  était  membre  de  l'Institut.  On  a 
de  Legrand  d'Aussy  :  Fabliaux  ou  Contes  des 
j  douzième  et  treizième  siècles,   traduits  ou 
J  extraits  d'après  les  manuscrits  ;  Paris,  1779, 
I  3  vol.  in-8°  ,  auxquels  on  ajoute  un  4e  vol.  sous 
)  ce  titre  :  Contes  dévots,  Fables  et  Romans  an- 
i  ciens ;  1781,  in-8°;  nouv.  édit.  du  tout,  Paris, 
1781,  5  vol.  in-12.  En  comparant  les  traductions 
1  ou  extraits  de  Legrand  d'Aussy  avec  les  origi- 
I   naux,  on  voit  qu'il  s'est  donné  beaucoup  de  li- 
!   berté  :  il  indique  les  imitations  qui  ont  été  faites 
de  ces  contes,  et  dans  une  dissertation  qui  pré- 
j   cède  l'ouvrage,  il   soutient   que    les  trouvères 
l'emportent  sur  les  troubadours  par  l'esprit,  l'i- 
magination et  le  talent,  ce  qui  l'entraîna  dans  des 
discussions  avec  Béranger,  l'abbé  Papon  et  d'au- 
tres méridionaux  qui  cherchaient  à  venger  leurs 
compatriotes  ;  —  Histoire  de  la  vie  privée  des 
Français  depuis  l'origine  de  la  nation  jusqu'à 
nos  jours  ;  Paris,  17S3,  3  vol.  in-8o  :  le  plan  de 
cet  ouvrage  lui  avait  été  donné  par  le  marquis 
de  Paulmy;  il  devait  embrasser  le  logement,  la 
nuurriture,  les  vêtements  et  les  divertissements. 
L'auteur  n'a  publié  que  ce  qui  concerne  la  nour- 


LEGRAND  430 

riture;  Roquefort  en  a  donné  une  édition  aug- 
mentée, Paris,  1815,  3  vol.  in-8°  ;  —  Voyage 
dans  la  haute  et  basse  Auvergne;  Paris,  1788, 
in-8°;  1795, 3  vol.  in-8°;  —  Vie  d'Appollonius 
de  Thyane;  Paris,  1807,  2  vol.  in-8°.  Legrand 
d'Aussy  a  inséré  dans  les  Mémoires  de  l'Institut 
plusieurs  morceaux  intitulés  :  Notice  sur  l'état 
de  la  Marine  en  France  au  commencement 
du  quatorzième  siècle;  —  Mémoire  sur  les 
anciennes  Sépultures  nationales  ; —  Mémoire 
sur  l'ancienne  Législation  de  la  France,  com- 
prenant la  loi  salique,  la  loi  des  Visigolhs,  la 
loi  des  Bourguignons.  Enfin,  il  a  publié  un  grand 
nombre  d'analyses  de  vieux  poètes  français  dans 
les  Notices  des  Manuscrits  de  la  Bibliothèque 
du  Bot.  J.  V. 


Lévêque,  Notice  historique  sur  31.  Legrand  d'Aussy, 
dans  le  tome  IV  des  Mémoires  de  l'Institut,  classe  des 
sciences  morales  et  politiques,  et  en  tête  de  la  fie  d'A- 
pollonius de  Thyane.  —  Chaudon  et  Delandine,  Dict.  unit: 
Hi.it.,  Crit.,  et  Bibliogr.  —  Biogr.  univ.  et  port,  des 
Contemp. 

legr  A.KD  (Jacques-Guillaume  ),  architecte 
français,  né  à  Paris,  en  1743,  mort  à  Saint-Denis, 
en  1807.  Son  nom  est  inséparable  de  celui  de 
Molinos  ,  élève  comme  lui  de  Clérisseau  :  ils  ne 
se  quittèrent  jamais,  et  tous  les  importants  tra- 
vaux qu'on  leur  confia  furent  exécutés  par  eux 
en  commun.  Depuis  longtemps  on  avait  reconnu 
la  nécessité  d'agrandir  la  halle  au  blé  de  Paris, 
construite  en  1765  par  Lecamus  de  Mezières  et 
devenue  insuffisante,  en  couvrant  la  grande 
cour  circulaire.  Lecamus  lui-même  avait  pro- 
posé une  coupole  qui  n'avait  pas  été  adoptée. 
Legrand  et  Molinos  offrirent  d'exécuter  cette 
coupole  en  bois  et  de  la  composer  de  courbes  en 
planches  de  sapin  de  0m,038  d'épaisseur,  posées 
de  champ,  d'après  le  système  employé  par  Phi- 
libert Delorme  à  l'ancien  château  de  La  Muette  à 
Saint-Germain-en-Laye;  les  courbes  appareillées 
deux  à  deux  formaient  les  fermes  espacées  entre 
elles  de  0m,244.  Ce  procédé  n'avait  pas  été  ap- 
pliqué depuis  le  milieu  du  seizième  siècle.  Les 
travaux,  commencés  le  10  septembre  1782,  fu- 
rent terminés  le  31  janvier  1783.  Cette  coupole , 
percée  de  vingt-cinq  grandes  fenêtres,  ayant 
122m,46  de  circonférence  et  32m,483  de  hauteur 
à  partir  du  pavé,  causa  alors  une  admiration  gé- 
nérale; malheureusement  ce  chef-d'œuvre  de 
charpente  n'était  pas  destiné  à  subsister  long- 
temps. Lecamus  de  Mezières  avait  eu  soin  d'évi- 
ter dans  son  monument  l'emploi  de  toute  ma- 
tière combustible;  il  n'en  était  pas  de  même 
de  la  coupole  ajoutée  après  coup  ;  elle  prit  feu 
en  1802  par  l'imprudence  d'un  plombier,  et  en 
deux  heures,  tout  fut  détruit.  On  sait  que  cette 
coupole  a  été  refaite  en  fer  en  181 1  par  Bellan- 
ger.  En  1786  Legrand  et  Molinos  furent,  chargé» 
de  la  construction  de  la  halle  aux  draps  et  toiles, 
bâtiment  de  I30m  de  longueur,  fort  simple,  mais 
bien  appropriée  sa  destination  ;  la  partie  la  plus 
remarquable  est  l'escalier  à  double  rampe  qui  se 
voit  à  la  principale  entrée. 


431  LEGRAND  432 

La  fameuse  fontaine  des  Innocents  était  primi-  |  et  sur  l'usage  de  juyer  les  accusés  par  leurs 


tivement  située  au  coin  delà  rue  Saint-Denis  et  de 
la  rue  aux  Fers  (voy.  Goujon);  elle  n'avait  nulle- 
ment la  forme  que  nous  lui  voyons  aujourd'hui  : 
engagée  dans  des  constructions,  elle  présentaitsur 
la  rue  Saint-Denis  deux  de  ses  faces,  sur  une  même 
ligne,  et  une  seulement  en  retour  sur  la  rue  aux 
Fers.  On  conçut  le  projet  d'isoler  le  monument, 
de  le  compléter  par  l'adjonction  d'une  quatrième 
face,  de  bassins,  etc.,  et  de  le  transporterai!  centre 
du  marché  des  Innocents.  Cette  belle  restaura- 
tion tut  confiée  en  1788  à  Legrand  et  Molinos, 
qui  s'en  acquittèrent  avec  le  plus  grand  talent 
et  produisirent  cette  fontaine  regardée  à  juste 
titre  comme  une  des  merveilles  de  Paris,  et  qui, 
commencée  au  seizième  siècle,  était  destinée,  par 
un  jeu  bizarre  du  sort  à  survivre  à  tous  les 
autres  monuments  érigés  trois  siècles  plus  tard 
par  Legrand  et  Molinos. 

Le  théâtre  Feydeau  fut  construit  de  1789  à 
1790  par  les  deux  collaborateurs  ;  celte  salle,  que 
nous  avons  vu  démolir,  faisait  le  plus  grand 
honneur  à  ses  auteurs,  qui,  gênés  par  un  espace 
restreint  et  irrégulier,  avaient  trouvé  le  moyen, 
par  une  heureuse  distribution,  de  la  rendre  la 
plus  commode  de  tout  Paris  ;  toutes  les  places 
y  étaient  presque  également  bonnes.  La  façade, 
quoique  peu  avantageusement  située,  avait  un 
caractère  remarquable  d'originalité.  C'est  encore 
à  l'associalion  de  ces  deux  habiles  artistes  que 
l'on  devait  l'hôtel  Marbeuf. 

Legrand  avait  dessiné  une  restauration  du 
charmant  monument  choragique  de  Lysicrates, 
dit  la  lanterne  de  Démosthène  à  Athènes,  et 
c'est  d'après  ce  travail  qu'il  a  été  reproduit  en 
terre  cuite  par  un  Italien  nommé  Trabucchi  et 
placé  sur  une  tour  carrée  dans  le  parc  de  Saint- 
Cloud.  Legrand  a  écrit  plusieurs  ouvrages  utiles 
et  estimés.  En  1799,  il  publia  le  Parallèle  de 
l'Architecture  ancienne  et  moderne;  in-4°;  — 
l'année  suivante  il  fit  paraître  la  traduction 
des  oeuvres  de  Piranesi  sur  l'architecture  en 
20  vol.  in-fol.  En  1804  il  joignit  un  texte  his- 
torique et  desci'iptif  aux  Antiquités  de  la 
France  de  Clérisseau,  2  vol.  in-fol.  Après  sa 
mort  parut,  en  1809,  son  Essai  sur  V Histoire 
générale  de  l'Architecture;  in-fol.  E.  Breton. 

Gabet,  Dictionnaire  des  Artistes  de  l'école  française 
au  dix-neuvième  siècle.  —  Ernest  Breton,  Description 
de  la  Halle  au  Vie  de  Paris  ;  dans  les  Monuments  an- 
ciens et  modernes,  publiés  par  S.  Gailhabaud,  Didot, 
in-4°.  —  Dulaure,  Histoire  de  Paris. 

LEGRAND  DE  LALEU     (  LouiS-AtigUStin) , 

jurisconsulte  français,  né  à  Nouvion,  en  Picardie, 
le  18  mai  1755,  mort  à  Laon,  le  13  juin  1819. 
Il  fut  professeur  de  législation  à  l'École  centrale 
du  département  de  l'Aisne,  et  correspondant  de 
l'Institut.  On  a  de  lui  :  Philotas;  1780,  in-8°, 
roman  anonyme;  —  Dissertation  historique  et 
politique  sur  V Ostracisme  et  le  Pétalismc; 
Paris,  1 800,  in-8°  ;  —  Recherches  sur  l'Admi- 
nistration de  la  Justice  criminelle  chez  les 
Français  avant  l'institution  des  parlements 


pairs  ou  jurés  tant  en  France  qu'en  Angle- 
terre; cet  ouvrage,  couronné  en  1789  par  l'A- 
cadémie des  Inscriptions,  en  commun  avec  celui 
deBernardi,  ne  fut  imprimé  qu'en  1823,  à  Paris, 
in-8°.  E.  G. 

Lesur,  Notice  sur  Legrand  de  Laleu  (en  tête  des 
Recherches  sur  l'Administration  de  la  Justice  crimi- 
nelle de  Legrand  ). 

legrand  (  Baptiste-  Alexis-Victor),  ingé- 
nieur des  ponts  et  chaussées,  député,  conseiller 
d'État,  directeur  général,  sous-secrétaire  d'État 
du  ministère  des  travaux  publics ,  était  né  à 
Paris,  le  20  janvier  1791.  Privé  de  son  père  dès 
la  première  enfance ,  il  fut  tendrement  et  habi- 
lement élevé  par  sa  mère,  femme  d'un  esprit  dis- 
tingué, qui,  remariée  et  chargée  d'autres  enfants, 
ne  cessa  de  lui  prodiguer  les  soins  les  plus  attentifs 
et  les  plus  éclairés.  Son  heureuse  nature  y  ré- 
pondait. Rarement  on  vit  allier  à  tant  de  douceur 
et  de  modestie  tant  de  facilité  d'esprit  et  d'ar- 
dente application.  Après  les  premières  études  de 
grammaire,  faites  selon  l'ancienne  méthode,  alors 
heureusement  rétablie,  lejeune  Le  Grand,  nommé, 
sur  examen  et  au  concours  ,  boursier  du  Lycée 
impérial ,  y  suivit  avec  distinction  les  clas- 
ses d'humanités  et  de  rhétorique.  Il  avait  dans 
ce  dernier  cours  deux  professeurs  éminents  par 
des  qualités  diverses,  Castel  et  Luce  de  Lan- 
civaïjèt,  parmi  de  nombreux  camarades,  il  trou- 
vait quelques  émules ,  connus  depuis  dans  le 
monde  et  dans  les  lettres,  mais  nul  de  supé- 
rieur à  lui  pour  l'intelligence,  la  passion  du  tra- 
vail et  la  pureté  du  caractère.  Le  jeune  Le  Grand 
fut  dès  lors  un  incontestable  exemple  du  meilleur 
système  d'enseignement  et  de  la  force,  que  don- 
nent à  l'esprit  l'unité  et  la  judicieuse  succes- 
sion des  études.  Souvent  couronné  dans  les  Con- 
cours généraux  de  cette  époque,  et  uniquement 
occupé  de  l'objet  classique  de  ces  Concours  ra- 
menés aux  formes  de  l'ancienne  université,  il  fit 
ensuite,  en  deux  années,  tout  le  cours  prépa- 
ratoire d'admission  à  l'École  Polytechnique,  où 
il  fut  reçu ,  dans  un  bon  rang,  le  28  septembre 
1809.  Ce  n'était  pas  cependant  qu'il  parût  avoir 
de  vocation  prédominante  et  absolue  pour  les 
sciences  ;  mais  l'excellente  trempe  de  son  esprit, 
fortifiée  et  polie  sur  un  point,  s'était  perfectionnée 
sur  tous  ;  et  il  portait  avec  avantage  dans  les 
mathématiques  cette  justesse  et  cette  puis- 
sance de  travail ,  qu'avaient  développées ,  pen- 
dant quelques  années,  des  études  exclusives  et 
bien  faites  de  langues  anciennes ,  de  logique  et 
de  goût. 

Deux  ans  après ,  âgé  de  vingt  ans ,  le  jeune 
Le  Grand  sortait  avec  distinction  de  l'École 
Polytechnique,  pour  passer  élève  à  l'École  des 
Ponts  et  Chaussées.  Puis,  envoyé,  l'année  sui- 
vante, dans  le  département  des  Pyrénées-Orien- 
tales ,  pour  faire  partie  du  service  public ,  il 
était,  deux  ans  plus  tard,  appelé  à  remplacer 
un  ingénieur  ordinaire  ,  dans  le    département 


33  LE  GRAND 

\eVOtnbrone,  une  des  annexes  transalpines  de 
i  France  d'alors.  Il  y  prit  rapidement  l'intelli- 
;ence  et  le  goût  de  la  littérature  italienne ,  à  la- 
|uelle  le  préparaient  ses  premières  et  brillantes 
tudes.  Mais  les  travaux  de  sa  profession  occu- 
pent, avant  tout,  cet  esprit  pénétrant  et  labo- 
ieux  :  il  en  étudiait  à  la  fois  la  théorie  et  les 
noindres  détails  ,  les  questions  d'art  et  les  pro- 
;édés  administratifs. 

Cette  variété  d'aptitude  et  cette  sûreté  de 
ravail  le  firent  distinguer  de  bonne  heure  par 
es  chefs ,  et  devaient  être  fort  appréciées ,  dans 
'activité  croissante,  que  le  retour  de  la  paix 
Hait  donner  à  toutes  les  applications  de  la 
[cience  dirigeant  l'industrie.  Dès  1815  une  fa- 
reur  méritée  retint  à  Paris  Le  Grand  comme 
Iroxiliaire  des  savantes  recherches  qu'un  ingé- 
nieur en  chef,  M.  de  Bérigny,  préparait,  dans 
{'intérêt  de  l'administration  et  du  public.  Bientôt 
e  jeune  et  habile  collaborateur  était  appelé  au 
secrétariat  du  conseil  des  ponts  et  chaussées, 
sous  M.  le  comte  Mole,  qui  dans  les  premiers 
lemps  de  la  seconde  restauration  (juillet  même 
année)  conservait  la  Direction,  qu'il  avait  cru 
pouvoir  accepter,  durant  la  courte  reprise  de 
J'empire.  Nommé,  en  1818,  ingénieur  de  seconde 
classe,  Le  Grand  trouva  dans  un  nouveau  direc- 
teur général,  M.  Becquey,  le  plus  constant  et  le 
plus  bienveillant  appui,  en  retour  d'une  capacité 
toujours  prête  et  d'un  zèle  infatigable.  Parmi  tous 
les  soins  dont  le  jeune  ingénieur  était  chargé  parla 
confiance,  chaque  jour  mieux  justifiée,  de  M.  Bec- 
nuey,  il  fut  attaché,  comme  secrétaire  à  une  ins- 
titution nouvelle,  la  commission  spéciale  des 
«anaux,  utile  encouragement  donné  alors  à  cette 
jvoie  de  communication  tant  recommandée  dans 
ile  siècle  dernier,  et  que  l'invention  des  chemins 
[le  fer  devait  seule  dépasser. 
j  Le  Grand  avait,  dans  sa  disposition  d'es- 
prit et  son  ardeur  du  bien ,  ce  caractère  parti- 
culier d'être  à  la  fois  sage  et  novateur,  scrupu- 
leux et  entreprenant.  Personne  ne  contribua 
plus  que  le  jeune  secrétaire  à  l'adoption  et  à  la 
mise  en  pratique  du  vaste  plan  alors  conçu  pour 
accroître  et  multiplier,  par  la  facilité  du  trans- 
port, les  richesses  de  notre  France  agricole  et 
commerciale.  Sa  part  indirecte  fut  considérable 
sous  ce  rapport,dans  les  lois  de  18?.1  et  de  1822, 
et  dans  les  résultats  qui  suivirent.  En  peu  d'an- 
nées le  budget  des  ponts  et  chaussées  fut  qua- 
druplé, et  continua  de  s'accroître  annuellement. 
Mais  cette  dépense  était  féconde  :  l'État  donnait 
l'exemple  et  le  premier  mouvement  ;  les  libres 
associations  venaient  ensuite,  avec  timidité  d'a- 
bord, comme  dans  un  pays  instable  et  impatient, 
où  les  lents  travaux  de  l'industrie  attirent  moins 
que  les  fortuites  spéculations  de  la  Bourse.  Le 
Grand  était,  en  cette  matière ,  fort  partisan  de 
l'initiative  du  gouvernement  éclairé  par  de  libres 
débats  ;  il  la  recommandait,  à  plusieurs  titres  ;  et 
sans  méconnaître,  ni  surtout  vouloir  gêner  la  puis- 
sance de  l'esprit  d'entreprise  et  de  l'esprit  d'as- 


*34 


sociation,' il  croyait  à  la  nécessité  d'une  grande 
impulsion  donnée  par  l'État  et  le  trésor  public. 

Vrai  modèle  de  l'administrateur  habile  et  zélé, 
supérieur  à  tout  calcul  intéressé,  comme  à  toute 
passion  de  parti ,  estimé  de  tous  et  ne  blessant 
personne,  Le  Grand,  à  travers  les  variations 
politiques  du  gouvernement  disputé  de  la  Res- 
tauration ,  suivit  toujours,  avec  le  même  succès, 
la  carrière  qu'il  s'était  ouverte ,  devint  maître 
des  requêtes  au  conseil  d'État,  ingénieur  en  chef 
de  première  classe  ,  secrétaire  général  du  Minis- 
tère des  travaux  publics.  La  révolution  de  1830 
le  surprit  dans  ce  poste,  et  ne  pouvait  le  dépla- 
cer; il  fut  dès  ce  moment  même  désigné  pour 
diriger  provisoirement  l'administration  des  ponts 
et  chaussées.  Bientôt  l'intérêt  du  nouveau  Pou- 
voir, l'impulsion  plus  vive  qu'il  voulait  donner 
à  tous  les  travaux  d'utilité  publique,  firent 
désigner  Le  Grand  pour  le  titre  de  Conseiller 
d'État,  en  même  temps  qu'il  était  adjoint  à  plu- 
sieurs commissions ,  dont  il  devenait  toujours 
le  membre  le  plus  assidu  et  le  plus  habile  inter- 
prète. 

Bientôt  une  autre  occasion  de  travail  et  de 
renommée  s'offrit  à  Le  Grand  ;  il  fut  attaché , 
avec  le  titre  de  commissaire  devant  les  cham- 
bres, à  la  défense  du  budget  des  ponts  et  chaus- 
sées, compris  dans  celui  du  Ministère  des  tra- 
vaux publics.  Sa  modestie  et,  jusqu'à  certain 
point ,  sa  timidité  politique  résistaient  à  cet  em- 
ploi nouveau  ;  mais,  dès  qu'il  en  fit  l'épreuve , 
il  dut  s'y  plaire,  le  remplissant  avec  la  supério- 
rité la  plus  rare.  La  netteté  facile,  l'élégance  de 
sa  parole  s'appuyaient  sur  la  plus  complète  étude 
des  principes  généraux ,  des  faits  et  de  tous  les 
détails.  Ses  exposés,  ses  réponses  étaient,  pour  les 
contradicteurs  et  pour  la  chambre,  des  leçons 
pleines  de  science  et  d'urbanité;  et  nous  avons  vu 
souvent  la  passion  politique  elle-même  désarmée 
par  un  savoir  si  précis  et  une  raison  si  fine  et  de 
si  bon  goût.  Le  même  talent  le  suivit  dans  la  dis- 
cussion de  plusieurs  projets  de  loi  destinés  à  se- 
conder le  développement  des  travaux  publics  et 
des  libres  entreprises.  Il  fut  à  cet  égard  un  habile 
promoteur  du  principe  de  l'expropriation  sage- 
ment appliqué  et  de  l'introduction  d'un  Jury 
spécial  dans  cette  grave  matière,  où  l'abus  peut 
facilement  trouver  place  à  côté  de  l'intérêt  public. 

Jusqu'ici ,  la  considération  de  Le  Grand  s'é- 
tait élevée  graduellement  par  de  modestes  tra- 
vaux et  de  sérieux  succès.  Le  coup  d'œil  d'un 
ministre  non  moins  exercé,  dans  les  affaires 
qu'éminent  à  la  tribune  lui  donna  enfin  la  place 
qui  lui  était  due.  M.  Thiers,  en  passant  du  Mi- 
nistère des  travaux  publics  à  celui  de  l'inté- 
rieur (  avril  1834  ),  fit  nommer  Le  Grand  com- 
mandeur de  la  Légion-d'Honneur  et  quelques 
semaines  après  Directeur  général  des  ponts  et 
chaussées  et  des  mines.  A  partir  de  cette  épo- 
que ,  et  sous  les  différents  ministres  appelés  au 
tifulariat  des  travaux  publics,  la  part  de  Le 
Grand  se  retrouve  parlout  dans  les  importantes 


435 

améliorations  et  le  mouvement  de  communi- 
cation intérieure  et  d'industrie,  dont  s'enrichit 
et  s'anima  la  France.  La  situation  d'un  si  ex- 
pert Directeur  de  service,  devenu  lui-même  Dé- 
puté, pouvait  parfois  devenir  difficile  et  délicate, 
dans  ses  rapports  avec  un  Conseil  spécial  qu'il 
présidait  et  avec  un  Ministre,  dont  il  dépendait 
immédiatement.  La  parfaite  loyauté  de  Le 
Grand,  la  douceur  et  la  dignité  de  son  caractère, 
sa  modération  d'esprit ,  égale  à  son  amour  du 
bien  et  à  ses  lumières,  triomphait  de  tous  ces 
obstacles.  Plus  le  ministre  était  éclairé ,  plus 
Le  Grand  avait  de  crédit  ;  et  il  jouit  en  particu- 
lier de  la  plus  flatteuse  confiance  sous  le  ministère 
de  l'émiiient  jurisconsulte  et  orateur  (1)  qu'on 
entendit,  dans  les  premiers  mois  de  1840,  discuter 
les  questions  de  travaux  publics,  avec  autant  de 
force  persuasive  et  de  lumineuse  clarté  qu'il 
mettait  de  scrupule  et  de  sagacité  persévérante 
à  les  étudier. 

Le  zèle  actif  et  habile ,  dont  Le  Grand  avait  se- 
condé les  travaux  de  canalisation  intérieure,  il 
le  porta  non  moins  vivement,  on  peut  le  croire, 
vers  un  autre  ordre  d'idées  plus  efficace  encore. 
Les  premières  applications  de  la  vapeur  sur  les 
voies  ferrées  l'avaient  singulièrement  frappé  ;  et, 
après  l'avoir  entendu  s'exprimer,  on  ne  peut  ou- 
blier la  vive  préoccupation  qu'il  marquait  un 
jour,  au  sortir  d'une  séance  publique  de  l'Institut 
où  Cuvier,  dans  un  de  ses  Comptes-rendus  de 
l'état  des  sciences ,  avait  raconté  les  merveilles 
du  principe  de  traction  par  la  vapeur  appliqué 
dans  quelques  comtés  d'Angleterre  aux  travaux 
de  l'agriculture,  et  décrit  ces  charrettes  pesantes 
qui  revenaient  toutes  seules  à  la  ferme ,  ces  char- 
rues qui  labouraient  d'elles-mêmes  ,  toute  cette 
magie  de  la  science,  dont  l'illustre  secrétaire 
éblouissait  son  auditoire  :  «  C'est  charmant,  disait 
Le  Grand  ;  mais  le  côté  admirahle  du  problème, 
la  communication  vapide  à  longue  distance,  la 
concentration  illimitée  de  notre  beau  pays,  si  ri- 
che et  si  divers  dans  ses  produits  !  voilà  la  vraie 
merveille!  Quel  rôle  pour  l'État  s'éclairant  de 
libres  discussions  et  agissant  dans  les  limites  de 
la  loi,  s'il  sait  se  mettre  à  la  tête  de  tout,  par 
la  création  et  l'habile  disposition  des  grandes 
lignes  !  »  Et  dès  lors,  l'habile  administrateur  n'eut 
plus  d'autre  idée  que  de  hâter  les  études,  de  mul- 
tiplier et  de  choisir  les  plans  et  d'amener  ia  pré- 
sentation réfléchie  de  quelque  vaste  projet  de 
loi ,  qui  fît  ressortir  l'action  de  la  puissance  pu- 
blique sur  un  point  si  capital  pour  tous. 

Les  difficultés  qui  naissent  parfois  de  la  liberté, 
les  luttesde  talent  et  d'influence  retardèrent  quel- 
que temps  ce  précieux  résultat.  Un  premier  pro- 
jet, largement  conçu  sur  le  principe  du  con- 
cours prédominant  de  l'État,  trouva  de  graves 
objections  et  beaucoup  d'obstacles.  Il  fallut  faire 
de  nouvelles  études,  autoriser  d'abord  de  petits 
essais  et  ajourner  les  grandes  entreprises.  C'est 

(.1)  Al.  Dufaure,  ministre  des  travaux  publics. 


LE  GRAND  436 

ainsi  qu'on  vit,  en  août  1837,  l'inauguration  du 
chemin  de  fer  de  Paris  à  Saint-Germain,  ee  pre- 
mier essai  parmi  nous  d'une  innovation  quidevait, 
vingt  ans  plus  tard,  traverser  la  France  et  ouvrir 
tant  de  voies  pour  la  paix  et  pour  la  guerre.  Tout 
entier  à  l'espérance  de  cet  avenir,  dont  il  hâta 
l'essor  sur  plusieurs  points,  Le  Grand  ne  surveil-- 
lait  pas  avec  un  zèle  moins  habile  les  autres 
parties  de  la  vaste  administration  qui  lui  était 
confiée.  D'utiles  voyages  d'inspection,  au  nord  et 
au  midi  de  la  France,  de  nombreuses  créations 
locales  soutenues  et  dirigées,  une  égale  sollicitude 
pour  les  besoins  les  plus  divers,  le  perfectionne- 
ment des  phares,  comme  l'amélioration  de  quel- 
ques ports,  marquaient  son  active  influence ,  ai 
profit  du  pouvoir  qu'il  servait. 

Quant  à  lui-même,  l'estime  publique,  la  dépu 
tation,  cinq  fois  déférée  dans  l'arrondissemen 
de  Mortain  ,  étaient  sa  suprême  récompense.  Ja 
mais  homme  en  effet  ne  porta  plus  loin  et  m 
maintint  pour  soi  avec  plus  de  scrupule  ce  dé 
sintéressement ,  qui  sans  doute  est  un  devoir 
mais  qu'on  peut ,  à  cause  des  exemples  contrai 
res,  nommer  souvent  une  vertu.  Contribuant  ;■ 
la  répartition  de  tant  de  secours  et  parfois  àV 
faveurs,  consulté,  à  l'origine,  pour  la  direction! 
de  tant  d'entreprises,  Le  Grand,  sous  aucui1 
prétexte,  sous  aucune  forme,  ne  voulut  jamai, 
accepter,  ni  même  acquérir,  à  titre  direct  ou  in 
direct,  la  moindre  part  dans  les  avantages,  qu, 
ces  entreprises  pouvaient  offrir.  Aussi,  durant 
une  influence  administrative  de  plus  de  vingt  ansi 
son  modique  patrimoine  ne  s'augmenta  pas,  daaii 
la  plus  légère  proportion.  Un  mariage  hono1. 
rable  lui  apporta,  pour  l'avenir  surtout ,  unefon 
tune  assez  considérable  ;  mais,  après  d'important 
emplois  si  bien  remplis,  il  ne  laissa,  en  so: 
nom,  que  ce  qu'il  avait  reçu  lui-même  en  héri1 
tage ,  une  somme  de  60,000  francs.  Quant  à  1 
fortune  de  sa  femme  et  de  ses  enfants ,  bien  plui 
attentif  à  la  conserver  irréprochable  qu'à  l'aci 
croître ,  il  évita  soigneusement  d'en  rien  place 
sur  aucune  des  entreprises  formées  en  France 
et  dont  il  aurait  pu  seconder,  ou  seulement  pres; 
sentir  le  succès. 

En    résumé  ,  durant  sa   laborieuse  carrière;; 
sous  la  Monarchie  constitutionnelle,  il  eut  un 
part  d'influence  très-active  dans  une  des  plu  ' 
vastes  gestions  de  travaux  publics  qu'ait  dirigée 
aucun  gouvernement,  dans  aucun  grand  pays 
De  1831,  en  effet,  à  1846,  on  ne  peut  évalue  ; 
à  moins  de  deux  milliards  cinquante-trois  mil  '■ 
lions  la  somme  totale  affectée  par  l'État  à  tout 
espèce  de   travaux  de    communication    inté 
rieure,  de  défense  sur  quelques  points,  et  d'as 
sainissement  ou  d'embellissements,  sur  d'autres 
Cette  puissance  de  ressources  comprenait  le 
routes  royales,  pour  cinq  cent  quatre- vingt-seiz 
millions ,  les  voies  de  navigation  intérieure  pou 
cinq  cents  millions ,  les  chemins  de  fer,  dan 
une  partie  seulement  de  cette  période,  pour  si 
cent  trente  millions.  C'est  indiquer  assez  quel! 


17                                                      LE  GRAND  438 

plante  attention  se  portait  à  la  fois  sur  tous  i  toute  sa  vie,  précéda  de  peu  l'époque,  où  il  allait 
grands  ressorts  de  ce  service  public,  et  quelle  prendre  moins  de  part  à  ces  débats  des  chambres, 
-me  prévoyance  s'attachait  au  plus  puissant  de  <  qu'il  avait  souvent  éclairés,  dans  les  questions 
us ,  et  malgré  les  difficultés  incidentes  et  les  dont  il  s'occupait.  Un  nouveau  ministre  des  ha- 
utes, en  assurait  déjà  l'immense  développe-  vaux  publics,  M.  Dumon,  portait  à  la  tribune  le 
ent.  Bien  des  causes,  et  d'abord  la  forme  gêné-  plus  rare  talent  d'exposition  ,  même  en  matière 
le  du  gouvernement,  le  bienfait  du  contrôle  |  technique;  et  d'autre  part,  à  cette  époque,  un 


blic,  l'économie  dans  des  dépenses  très-surveil- 
;s,  et  enfin  le  bonheur  d'une  paix  prolongée, 
bsence  de  ces  charges  de  guerre,  toujours 
ormes,  quand  même  la  guerre  est  heureuse  et 
urte ,  contribuèrent  à  oe  résultat,  qui  n'est 
us  qu'un  exemple  historique.  Mais,  après  ces 
andes  causes,  et,  en  leur  laissant  toute  la 
Irtée  qui  leur  appartient,  il  est  juste  de  noter 
f  chances  de  bonne  administration  dues  au 
érite  individuel  des  hommes,  à  la  promotion 
i  talent  par  des  services  constatés  sans  cesse, 
us  l'épreuve  du  libre  débat,  dans  la  lutte  des 

téréts  opposés,  et  malgré  l'effort  des  ambitions 
aies.  Ce  sont  les   conditions ,  où  se  trouva 
t  Grand. 

■Formé  par  notre  savante  institution  des  ponts 
!  chaussées,  laborieux  représentant  de  ce 
brps,  et  sachant  lui  demander  tout  ce  qu'il 
lut  faire  au  profit  du  bien  public,  s'appli- 
Jant  à  tous  les  détails,  avec  une  attention  qui 
f  se  lassait  pas ,  accessible  lui-même  à  toutes 
p  grandes  vues,  et  capable  d'en  suggérer, 
Grand   fut,    pendant  cette    longue  période 

vingt  années,  un  des  hommes  les  plus  utiles 
la  prospérité  croissante  du  pays;  il  le  fut,  avec 
lelques  variantes  de  position ,  quelques  chan- 

ments  de  titres,    quelques   restrictions  d'in- 

lence,  directeur  général,  sous-secrétaire  d'Étut, 

même  simplement  président  de  la  section 

nsultative  des  travaux  publics  au  conseil  d'É- 
Jt;  mais  toute  question  grave,  toute  difficulté 
liuvelle  ramenait  toujours  son  expérience,  et 
isait  sentir  le  prix  de  son  avis  et  de  sa  main, 
ila  fut  très- marqué  dans  une  occasion,  où  le 
inistre  des  travaux  publics  proposa  Le  Grand, 
ors  son  subordonné,  pour  la  croix  de  grand- 
ficier,  que  ce  ministre  lui-même  n'avait  pas. 
n  y  faisait  quelques  objections  :  «  Que  voulez- 
>us,  dit  un  membre  du  Conseil  ?  Le  Grand 
t  un  homme  qu'il  faut  absolument  récompen- 
ïr,  et  qu'on  ne  peut  récompenser  qu'avec  de 
lonneur.  » 

Quelques  années  plus  tard  (1847),  parmi  les  in- 
dents d'un  procès  malheureux ,  qui  mit  en 
Minière  les  tentations  et  les  faiblesses,  auxquelles 
Mine  lieu  un  grand  mouvement  d'entreprises  in- 
astrielles,  avec  le  concours  et  les  concessions  de 
État,  sous  l'impression  des  pénibles  débats  pro- 
ngés  devant  la  chambre  des  pairs  d'alors,  Le 
rand  fut  entendu  comme  témoin  :  et  ce  témoin 
vait  l'air  d'un  juge,  dont  la  modération  discrète 
calait  la  dignité,  et  près  duquel  il  avait  fallu  se 
acher,  pourqu'aucune  prévarication  fût  possible, 
e  sentiment  universel,  que  rencontrait  alors  Le 
rand ,   comme   un   hommage  involontaire    à 


ordre  de  préoccupations  tout  différent  agitait  les 
chambres ,  était  un  but  pour  les  uns ,  pour  les 
autres  une  arme  de  guerre. 

Le  Grand,  que  sa  loyauté  scrupuleuse  ,  que 
son  esprit  pénétrant  mais  réservé,  tenaient  à  dis- 
tance des  passions  politiques,  s'inquiétait  de  ces 
dispositions  nouvelles,  sans  s'y  mêler,  par  goût 
ni  par  calcul.  Estimé  de  tous,  mais  ayant  plus 
de  considération  que  d'ascendant ,  il  adhérait 
avec  un  fidèle  scrupule  au  Pouvoir,  qu'il  avait 
servi  avec  tant  de  capacité;  il  l'aurait  suivi  de 
même,  dans  une  voie  un  peu  différente  ;  mais  il  ne 
lui  demandait  ni  changement,  ni  réforme.  Lors- 
qu'après  un  temps  trop  prolongé  de  tiraillements 
et  d'indécisions ,  une  secousse  illimitée  surprit 
tout  le  monde ,  et  précipita  toutes  choses , 
Le  Grand  subit,  comme  tant  d'autres,  ce  qu'on 
appelait  une  nécessité  et  ce  qu'on  rendait  tel , 
en  y  cédant  si  vite.  Ce  n'était  pas  ménagement 
intéressé  de  sa  part.  Nul  pouvoir  nouveau,  je 
dirai  presque  nulle  anarchie ,  si  elle  n'était  tout 
à  fait  aveugle  et  furieuse,  ne  pouvait  repousser 
un  homme  si  éclairé,  si  digne  dans  sa  conduite, 
si  prêta  servir  l'intérêt  public,  ou  à  se  retirer.  Le 
Grand,  conservé  dans  la  vice-présidence  d'un  co- 
mité du  conseil  d'État  d'alors,  porta  péniblement 
le  poids  des  événements  du  jour  et  de  ses  pro- 
pres inquiétudes.  Sa  santé ,  toujours  délicate,  qui 
depuis  bien  des  années  se  soutenait  et  se  ranimait 
dans  l'excitatioudu  travail,  s'altéra  sensiblement; 
une  mélancolie  profonde  domina  ce  caractère 
bienveillant  et  cet  esprit  affable.  Le  Grand,  qui 
avait  eu  le  bonheur  de  conserver  sa  mère  jusqu'à 
l'âge  de  quatre-vingt-quatre  ans,  était  heureux 
père  de  famille  ;  mais  le  coup  delà  douleur  l'avait 
atteint,  dans  son  zèle  du  bien  public,  dans  son 
amour  de  l'ordre  et  de  la  paix,  dans  ses  justes  es- 
pérances d'une  vie  paisible  et  honorée.  Il  ne  pou- 
vait vaincre  cette  maladie  morale.  Parti  de  Paris, 
en  juin  1848,  pour  se  guérir  ou  se  distraire  et  ar- 
rivé près  de  Grenoble  aux  eaux  d'Urriage,  dont 
l'emploi  lui  était  prescrit  médicalement,  il  fut  saisi 
d'une  fièvre  cérébrale,  et  enlevé,  après  quelques 
jours  d'accès,  à  l'âge  de  cinquante-sept  ans.  Jus- 
que-là cet  esprit  si  actif  et  si  juste  n'avait  rien 
perdu  de  sa  force;  et  il  aurait  pu  longtemps 
encore  servir  l'Etat  de  son  expérience  et  de  ses 
lumières,  autant  que  des  exemples  de  son  irré- 
prochable délicatesse.  La  retraite,  s'il  l'eût  pré- 
férée, n'eût  pas  été  moins  honorable  et  moins 
féconde  pour  lui.  Ses  connaissances  variées  et 
approfondies,  son  goût  si  juste  dans  les  lettres, 
son  talent  d'écrire  lui  auraient  permis  d'élever 
un  monument  durable  à  la  profession  savante, 
dont  il  avait  si  bien  rempli  tous  les  devoirs. 


439  LEGRAND 

Le  Grand  a  laissé ,  avec  une  veuve  justement 
lièrede  son  nom,  une  fille  mariée  depuis  plusieurs 
années  à  M.  Baillcux  de  Marisy,  ancien  préfet 
(  1847  ),  et  deux  fils  qui  sentent  les  obligations 
de  travail  et  d'honneur  que  leur  impose  un  tel 
père.  Villemain. 

Documents  particuliers. 

legrand  (François-René- Frédéric),  poëte 
et  littérateur  français,  né  à  Orléans,  vers  1794, 
mort  à  Paris,  en  1832.  On  a  de  lui  :  L'Homme 
tel  qu'il  doit  être ,  ou  pensées  philosophiques 
et  morales  d'un  élève  de  la  nature;  Paris, 
1828,  in-12  ;  —  Le  Portrait  de  ma  Femme,  ou 
le  moyen  d'être  heureux,  en  vers  libres;  Paris, 
1828,  in-18;  —  Stances  à  l'Éternel  sur  les 
principaux  devoirs  de  Vhommc,  suivies  de 
quelques  pensées ,  maximes  et  sentences  phi- 
losophiques  et  morales;  Paris,  1829,  in-12; 

Le  Troubadour  volage,  ou  fart  déplaire 

aux  femmes  et  de  se  venger  des  ingrates  et 
des  infidèles;  Paris,  1829,  in-32;  —  Les  Jour- 
nalistes intrigants  et  calomniateurs  dé- 
masqués,  suivis  du  Journaliste  tel  qu'il  de- 
vrait être;  Paris,  1829,  in-12;  —La  Philip- 
piade,  fragments  en  vers  sur  la  vie  de  Louis- 
Philippe  Ier,  roi  des  Français;  Paris,  1830, 
in-8°  ;  —  Les  Opinions  politiques  de  la  France 
dévoilées,  ou  quel  est  le  désir  des  républi- 
cains, napoléonistes,  carlistes  et  orléanistes? 
Pourquoi  le  commerce  ne  va  pas,  et  le  moyen 
de  le  faire  refleurir;  dialogue  en  prose;  Paris, 
1831,  in-8°.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littéraire.' —  Journal  de  la  Li- 
brairie, 1827-1831. 

legrand  (Pierre),  législateur  et  littéra- 
teur français,  né  à  Lille,  le  2  juin  1804,  mort  à 
Lille,  le  13  avril  1859.  Après  avoir  étudié  le  droit 
à  Paris ,  il  vint  exercer  la  profession  d'avocat 
dans  sa  ville  natale,  où  il  fut  aussi  conseiller  mu- 
nicipal et  conseiller  de  préfecture.  Candidat  de 
l'opposition,  après  le  coup  d'État  du  2  décembre 
1851,  il  fut  nommé  par  son  département  député 
au  corps  législatif.  11  prit  une  part  active  aux 
travaux  de  la  législature,  et  fut  réélu  en  1857. 
On  a  de  lui  :  Le  Bourgeois  de  Lille ,  tableaux 
de  mœurs  flamandes  ;  1831,  m-8°;  —  Voyages 
en  Hollande,  en  Suisse  et  dans  le-midi  de  la 
France;  1833,  in-8°;  -—  Essai  sur  la  Législa- 
tion militaire  et  sur  la  Jurisprudence  des 
conseils  de  guerre  et  de  révision;  etc.,  1835, 
in-8°;  —  Législation  des  portions  ménagères, 
où  se  traite  la  question  des  biens  communaux 
dans  le  nord  de  la  France,  etc.;  1850,  in-8°; 
—  Essai  d'un  Code  Criminel  de  l'Armée  ;  1 857, 
in-8°.  11  était  un  des  collaborateurs  des  Annales 
de  Législation  et  de  Jurisprudence.  Membre  de 
la  Société  des  Sciences  de  Lille,  il  a  communiqué 
à  cette  société,  depuis  1847,  divers  rapports  qui 
ont  été  insérés  dans  ses  mémoires.  G.  de  F. 

Journal  de  la  Librairie.  —  Documents  particuliers. 

*  legrand  de  l'Oise  (  Victor),  administra- 
teur français,  né  à  Saint-Just-en-Chaussée,  le 


-  LEGRAS  440 

20  janvier  1791.  11  appartient  aune  famille  de  cul- 
tivateurs, à  laquelle  se  rattachent  l'abbé  Haùy,  le 
général  Legrand  et  le  comte  Dauchy.  Après  avoir 
terminé  ses  études  au  lycée  Impérial,  M.  Le- 
grand entra  dans  l'administration  des  finances  en 
1809.  Nommé  inspecteur  en  1811,  il  quitta  cett6. 
carrière  en  1824,  et  se  livra  à  la  pratique  de  l'agri- 
culture. En  1831  l'arrondissement  de  Clermont- 
sur-Oise  le  choisit  pour  député.  A  l'avènement 
du  cabinet  du  22  février  1836,  il  fut  nommé  se- 
crétaire général  du  ministère  du  commerce,  dont 
M.  Passy  était  titulaire,  et  directeur  de  l'agricul- 
ture et  des  haras.  D'Argout  le  plaça  à  la  tète  de 
l'administration  des  forêts,  le  8  juillet  1836.  Il  y 
resta  jusqu'au  1er  octobre  1838,  où  il  donna  sa  dé- 
mission. A  l'avénementdu  cabinet  du  12  mai  1839, 
M.  Legrand  fut  rappelé  à  l'administration  des 
forêts,  qu'il  quitta  à  la  chute  de  ce  ministère,  le  s 
1er  mars  1840.  Le  ministère  du  29  octobre! 
1840  nomma  M.  Legrand  directeur  général  des 
contributions  directes,  et  le  rappela  en  1843  à  la 
direction  générale  des  forêts.  II.  s'y  est  occupé 
de  la  question  du  reboisement  des  terrains  va- 
gues et  des  terrains  en  pente,  et  contribua  puis- 
samment à  la  présentation  de  la  loi  sur  la  polies 
de  la  chasse.  Membre  de  l'opposition  constitu- 
tionnelle, il  a  voté  à  la  chambre  contre  la  loi  de 
disjonction  ,  contre  les  lois  de  septembre,  contre 
les  fortifications  de  Paris,  etc.  Réélu  en  1846 
il  conserva  sa  place  après  la  révolution  de  Té> 
vrier.  Au  mois  de  mars  1852,  il  a  été  nommi 
conseiller  d'État.  L.  L— t. 

V.  Lacaine  et  Ch.  Laurent,  Biogr.  et  Ifécrol.  des  Homme, 
marquants  du  dix-neuvième  Siècle,  tome  III,  p.  369.  — 
Biogr.  statist.  de  la  Chambre  des  Députés.  —  Moniteur 

1831-1852. 

le  grand  (Henri  ).  Voy.  Turlupin. 

legranzi  (Giovanni),  compositeur  italien 
né  vers  1625,  à  Clusone,  près  Bergame,  mor 
vers  1690.11  fit  à  Bergame  ses  études  musicales 
et  y  tint  l'orgue  de  Sainte-Marie- Majeure;  il  ail; 
ensuite  remplir  à  Ferrare  les  fonctions  de  maîtr 
de  chapelle  du  Saint-Esprit.  Vers  1668,  il  fu 
appelé  à  Venise,  où  il  devint  directeur  du  con 
servatoire  dei  Mendicanti  (Filles  de  Saint-La 
zare).  On  croit  qu'il  avait  embrassé  l'état  ecclé 
siastique.  Parmi  ses  élèves  on  remarque  Loti 
et  Gasparini.  Il  fut  un  des  plus  habiles  compo 
siteurs  de  son  temps,  et  fit  représenter  à  Veuis 
plusieurs  opéras,  qui  obtinrent  un  succès  d 
vogue.  On  a  de  lui  :  Concerto  di  messe  e  salmi 
Venise,  1654;  —  Suonate  da  chiesa  e  da  ca 
mera;  1655  à  1693,  plusieurs  vol.  in-4°; 
Sacri  e  festivi  Concerti;  1667,  in-4°;  —  Mo 
telli  sacri;  1692;  —  et  parmi  ses  opéras 
Achille  in  Sciro  (1664);  —  Zenobia  e  Rada 
misto  (\66b);—Adone  in  Cipro  (1676);  —  An 
tioco  il  Grande  (1681);  —  Jdue  Cesari  (1683) 
—  Pertinaee  (1684).  P.  L— y. 

Fétis ,  Biogr.  univ.  des  Musiciens.  —  Le  Mercure  Gc 
lant,  mars  1683. 

legras  (Richard  ),  médecin  français,  né 
Rouen,  en  1526,  mort  le  28  novembre  1584. 1 


141  LEGRAS 

xerça  sa  profession  dans  sa  ville  natale,  et  tous 
es  poètes  du  temps  célébrèrent  son  éloge  en 
rançais,  en  latin  ou  en  grec.  Son  fils  rassembla 
;es  différentes  pièces  sous  ce  titre  :  Le  Tombeau 
le  feu  noble  homme  maître  Richard  Legras  ; 
»aris,  1586,  in- 12.  J.  V. 

Abbé  Goujet,  Suppl.  à  Moréri,  Grand  Dict.  Histor. 

legras  (Jacques),  poète  français,  fils  du 
>récédent,  mort  à  lafindu  seizième  siècle.  Il  était 
lé  à  Rouen,  et  fut  reçu  avocat  au  parlement  de 
:ette  ville.  La  Croix  du  Maine  l'appelle  «homme 
ort  docte  es  langues  et  poète  françois  très-excel- 
ent  ».  Legras  avait  fait  l'éloge  de  la  Biblio- 
hèquefrançoise  de  son  ami  dans  deux  sonnets 
jui  sont  imprimés  à  la  suite  de  la  préface.  On 
ien  outre  de  lui  une  traduction  d'Hésiode  en 
rers,  sous  le  titre  :  Les  Besongnes  et  les  Jours , 
Paris,  1586,  in- 12 ,  que  l'abbé  Goujet  trouve  pré- 
férable pour  l'exactitude  et  le  mérite  du  style 
liux  trois  autres  traductions  de  ce  poète  qui 
i  paient  paru  jusque  alors.  J.  V. 

j  La  Croix  du  Maine,  BibUotfi.françoise.  —  Abbé  Gou- 
jet, SuppC.  à  Moréri,  Grand  Dict.  Hist.  —  Chaudon  et 
Îelandine,  Dict.  vniv.  Hist,  Crit.  et  Bibliogr. 
legras  (  Louise  de  Marillac,  Mme),  fon- 
atrice  d'ordre  religieux,  née  à  Paris,  le  12  août 
(1591,  morte  dans  la  même  ville,  en  1662.  Elle 
Btait  fille  de  Louis  de  Marillac,  frère  du  célèbre 
garde  des  Sceaux  et  du  maréchal  de  ce  nom.  En 
B613,  elle  épousa  Antoine  Legras,  secrétaire  des 
commandements  de  la  reine  Marie  de  Médicis. 
JRestée  veuve  de  bonne  heure,  elle  se  consacra 
Entièrement  à  la  piété.  Liée  avec  Vincent  de  Paul, 
plie  eut  une  part  importante  à  la  création  des 
Inombreux  établissements  de  charité  qui  signa- 
lèrent la  vie  de  ce  philanthrope.  Us  fondèrent  en- 
semble l'institution  des  sœurs  de  charité  appelées 
ISœurs  grises  à  cause  de  la  couleur  de  leur  mo- 
jrleste  costume.  Mise  à  la  tête  d'une  communauté 
(de  cet  ordre  établie  à  Paris,  madame  Legras  se 
névoua,  avec  la  plus  grande  abnégation,  au  soin 
{des  malades.  L'œuvre  de  Vincent  de  Paul  s'éten- 
Idant,  elle  eut  à  répandre  ses  bienfaits  sur  les 
enfants  trouvés,  les  aliénés,  les  pestiférés  et 
même  les  galériens  :  son  héroïque  charité  pour- 
|vut  à  tout;  partout  où  il  y  avait  des  misères  à 
[secourir,  on  remarquait  sa  main  bienfaisante, 
jdistribuant  avec  bonheur  des  revenus  considé- 
rables. L'institution  des  sœurs  grises  est  aujour- 
d'hui répandue  dans  toutes  les  parties  du  monde. 

E.  D. 
I    Gobillon  et  Collet,  Fie  et  Pensées  de  Mme  Legras  (  l'a- 
ris,  1769,  in-is).  —  Moréri,  Le  Grand  Dictionnaire  His- 
torique. 

legras  (Antoine),  humaniste  français,  né 
à  Paris,  vers  1680,  mort  le  11  mars  1751.  Il 
était  entré  dans  la  congrégation  de  l'Oratoire, 
qu'il  quitta  pour  vivre  dans  le  monde.  Presque 
tous  ses  ouvrages  ont  paru  anonymes.  On  cite  : 
Ouvrages  des  Saints  Pères  qui  ont  vécu  du 
temps  des  apôtres,  contenant  la  Lettre 
de  saint  Barnabe,  le  Pasteur  de  saint  Her- 
mus ,  les  Lettres  de  saint  Clément,  de  saint 


442 


Ignace  et  de  saint  Polycarpe,  avec  des  notes  ; 
Paris,  1717,  in-12;  —Livres  apocryphes  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  en  latin 
et  en  français ,  avec  des  notes,  pour  servir 
de  suite  à  la  Bible  de  M.  de  Sacy;  Paris, 
1717,  in-fol.,  et  1742,  2  vol.  in-12  :  on  y  trouve  le 
troisième  et  le  quatrième  livre  d'Esdras,  le 
troisième  et  le  quatrième  livre  des  Machabées, 
Y É pitre  aux  Laodicéens  de  saint  Paul;  YEpître 
catholique  de  saint  Barnabe ,  le  Pasteur 
d'Hermas  ;  les  Épîtres  de  saint  Clément,  de  saint 
Ignace,  de  saint  Polycarpe,  et  VEpitre  à  Dio- 
gnète;  —  E  pitre  à  Diognète ,  dans  laquelle 
l'auteur  sur  les  ruines  de  l'idolâtrie  et  du 
judaïsme  établit  les  plus  solides  fondements 
de  la  religion  chrétienne,  ouvrage  du  premier 
siècle,  traduit  du  grec;  Paris,  1725,  in-12;  — 
Les  Vies  des  grands  Capitaines  grecs  et  ro- 
mains de  Cornélius  Nepos,  avec  les  portraits 
des  grands  hommes  et  des  caractères  des 
siècles  dans  lesquels  ils  ont  vécu,  tirés  de 
Velleius  Paterculus;  Paris,  1729,  in-12;  — 
Apologie  de  M.  Nicole,  écrite  par  lui-même, 
sur  le  refus  qu'il  fil  en  1679  de  s'unir  avec 
M.  Arnauld,  publiée  par  les  soins  de  M.  Legras, 
ci-devant  confrère  de  l'Oratoire;  Amsterdam 
(Paris),  1734,  in-12.  J.  V. 

Chaudon  et  Delandine,  Dict.  univ.  Hist.,  Crit.  et  Bi- 
bliogr. —  Quérard,  La  France  Littéraire. 

legras  du  villard  (Pierre),  littérateur 
français,  né  vers  1700,  mort  en  1785.  Il  était 
chanoine  de  l'église  Saint-André  de  Grenoble  et 
supérieur  de  la  maison  de  Parménie.  On  a  de  lui  : 
Sanctoral,  ou  légendes  des  saints  du  diocèse 
de  Grenoble;  1 730, in-8°;  1740, in-12  ;— Eloges 
de  quinze  illustres  Chanoines  de  Saint-André 
de  Grenoble  ;  1733;  —  Discours  sur  la  vie  et 
la  mort  de  M.  le  cardinal  Lecamus,  évêque  et 
prince  de  Grenoble;  Lausanne  (Grenoble), 
1748,  in-12;  —  Lettre  sur  la  Procession  des 
Fous  et  autres  extravagances  en  diverses 
églises;  1757;  —  Dissertation  sur  l'Origine 
des  Noms  de  famille;  1758,  in-12;—  Les 
Agréments  de  la  Solitude  ;  1758,  in-12;  —  Can- 
tiques spirituels;  1759,  in-12  ; —  Le  Voyage 
spirituel  des  Sœurs  de  Parménie;  1760,  in-12; 

—  Inscriptions  latines,  en  style  lapidaire, 
avec  des  notes  curietises  et  intéressantes  ; 
in-4°;  —  Lettres  d'un  Chanoine  de  Grenoble 
à  un  de  ses  amis,  sur  la  Comète  ;  in-8°  ;  — 
Abrégé  historique  delà  Maison  de  Parménie; 

—  Grassiana,  ou  Œuvres  mêlées,  in-4°.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

legras  (Philippe),  jurisconsulte  français, 
né  à  Dijon,  en  1752,  mort  dans  la  même  ville,  le 
14  avril  1824.  Il  était  procureur  au  parlement 
de  sa  ville  natale,  et  défendit  par  plusieurs  écrits 
la  cause  des  émigrés  pendant  la  république.  En 
1803  il  fut  appelé  à  faire  partie  de  la  commission 
chargée  de  rédiger  le  projet  de  code  de  com- 
merce qui  depuis  a  été  converti  en  loi.  Le 
8  juillet  1806,  il  fut  admis  comme  avocat  au  con- 


443  LEGRAS  —  LE 

seil  d'État,  et  reçut  bientôt   la  croix  de  la  Lé-   l 
giou  d'Honneur.  Après  la  chute  de  l'empire ,  il   i 
s'éloigna  des  affaires.  On  a  de  lui  :  Pressante    \ 
Réclamation  pour  les  pères  et  mères  des  émi- 
grés ;  Paris  (anonyme)  an  ni  (1795),  in- 8°  ;  — 
Le  Citoyen  français, ou  mémoires  historiques, 
politiques,    physiques,   etc.  ;  Londres,   1785, 
in-S"  ;  —  Note  sur  la  formule  de  procéder 
devant  les   tribunaux  de    commerce;  in-8°. 
«  Legras,  dit  M.  Quérard,  est  en  outre  auteur 
d'un  ouvrage  Sur  les  Faillites,  qui  pouvait  être 
intéressant,  mais  qui  est  entaché  des  vices  dont 
sont  empreintes  la  plupart  des  lois  de  cette  épo- 
que ,  où  l'on  a  sacrifié  l'intérêt  des  particuliers  à 
celui  du  fisc.  L — z— e. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biographie  nouvelle 
des  Contemporains  ;  1822.  —  Quérard,  La  France  Litté- 
raire. —  Maliul,  Annuaire  Nécrologique ,  année  1824. 

■  le  graverknd  (1)  (Jean-  Marie-Emma- 
nuel),  jurisconsulte  français,  l'un  des  plus  sa- 
vants criminalistesde  nos  jours,  naquit  à  Rennes, 
le  27  mai  1776,  et  mourut  à  Paris,  le  23  dé- 
cembre 1827.  Il  était  bien  jeune  encore  lorsqu'il 
fut  nommé  secrétaire  en  chef  de  l'administra- 
tion départementale  d'Ille-et -Vilaine.  Trois  an- 
nées après,  il  était  appelé  au  ministère  delà 
justice,  pour  y  remplir  les  fonctions  de  chef  de 
bureau  de  la  justice  criminelle.  En  1813  il  de- 
vint chef  de  division,  et  sous  la  première  restau- 
ration il  reçut  le  titre  de  directeur  des  affaires 
criminelles  et  des  grâces.  Le  chancelier  Darnbray, 
qui  avait  conçu  pour  lui  beaucoup  d'estime,  y  fit 
joindre  la  croix  de  la  Légion  d'Honneur.  Le 
Graverendfut  pourvu  en  1819  du  titre  de  maître 
des  requêtes  en  service  extraordinaire.  En  1822, 
il  résigna  ses  fonctions  de  directeur  des  affaires 
criminelles,  et  se  fit  inscrire  au  nombre  des  avo- 
cats à  la  cour  royale  de  Paris.  Quoique  ayant 
quitté  le  ministère  de  la  justice  où  il  remplissait 
aussi  les  fonctions  de  directeur  du  Bulletin  de  la 
Cour  de  Cassation,  il  prétendit  continuer  à  diri- 
ger la  rédaction  de  ce  bulletin;  mais  une  ordon- 
nance du  roi  repoussa  cette  prétention  en  éta- 
blissant en  principe  que  la  direction  de  ce  bulletin 
devait  appartenir  au  titulaire  de  l'emploi  qu'il 
venait  de  quitter,  et  dont  M.  Rives  avait  été 
pourvu.  Depuis  son  entrée  au  ministère,    Le- 

(1)  Nous  croyons  utile  de  signaler  ici  des  erreurs  sur 
la  personne  de  cet  éminent  jurisconsulte,  que  l'on  re- 
marque dans  des  ouvrages  accrédités,  et  qui  pourraient 
être  répétées  ailleurs.  Les  auteurs  de  la  Biographie  des 
Contemporains ,  MM.  Arnault,  Jay,  Jouy,  etc.,  et 
M.  Quérard  lui-même,  ont  confondu  M.  Legraverend 
avec  un  de  ses  parents  homonyme  qui  fut  conseiller  à  la 
cour  royale  de  Rennes  et  membre  de  la  chambre  des  dé- 
putés de  181"  à  1821.  La  table  du  Moniteur  universel 
pour  L'annéB  1817  commet  la  même  méprise,  en  classant 
au  nombre  des  députés  du  département  d'Ille-et- Vilaine 
M.  Legraverend,  directeur  des  affaires  criminelles  et  des 
grâces  au  ministère  de  la  justice.  La  table  pour  l'année 
1818  a  ratifié  cette  erreur  en  portant  M.  Legraverend, 
conseiller  à  la  cour  royale  de  Rennes,  au  nombre  des 
députés  de  ce  département.  La  même  observation  s'ap- 
plique a  la  qualité  de  membre  de  la  chambre  des  repré- 
sentatifs que  les  biographes  mentionnés  ci-dessus  attri- 
buent à  M.  Legraverend,  (,I,  L.  ) 


GRAVEREND  444 

graverend  avait  amassé  les  matériaux  et  médit( 
le  plan  d'un  grand  ouvrage  sur  la  législation  cri- 
minelle  en  France,  et  avait  déjà  préludé  à.  1; 
publication  de  cet  important  travail,  en  faisan 
paraître  un  Traité  de  la  Procédure  crimiuelU 
devant  les  tribunaux  militaires  et  mari-\ 
times;  Paris,  1808,  2  vol.  in-8",  lequel  a  ét< 
refondu  en  partie  dans  le  Traité  de  la  Législa- 
tion criminelle  en  France;  Paris,  1816,  1823. 
1830,  2  vol.  in-4°.  «  Cet  ouvrage,  fruit  de  longues 
recherches,  embrasse  sous  un  plan  méthodiquee 
raisonné  toutes  les  notions  éparses  dans  um 
foule  de  lois  et  dans  la  jurisprudence  des  cour:] 
souveraines  (1).  ><  L'auteur  suit,  autant  que  soi 
sujet  le  comporte,  l'ordre  des  matières  tel  quv 
le  Code  d'Instruction  criminelle  l'a  établi;  mai 
il  y  a  fait  entrer,  en  forme  de  dispositions  préli 
minaires  ou  applicables  aux  chapitres  les  plu 
essentiels,  des  considérations  générales  sur  l'es 
prit  des  lois  criminelles,  sur  le  système  de  l'aie 
cusation  en  France,  sur  la  compétence  des  tri 
bunaux,  etc.  Legraverend  préparait  une  nou 
velle  édition  de  son  ouvrage  lorsque  la  mof 
le  surprit.  Un  savant,  jurisconsulte,  bien  dign 
d'être  son  continuateur  après  avoir  été  son  ami 
M.  J.-B.  Duveigier,  accepta  la  mission  qui  li 
fut  confiée  de  mettre  en  œuvre  les  matériau 
laissés  par  l'auteur.  L'éditeur  révisa  et  corrige 
le  texte  sur  les  notes  manuscrites  de  celui-ci 
et  y  ajouta  toutes  les  observations  que  les  chan 
gements  opérés  dans  la  législation  criminelle,  d 
1823  à  1830,  devaient  lui  suggérer. 

On  doit  encore  à  Legraverend  des  Obser 
votions  sur  le  jury  en  France;  Paris,  1818 
2<=  édition,  1827,  in-8°;  —  Des  Lacunes  et  de 
Besoins  de  la  Législation  française  en  malièr 
politique  et  en  matière  criminelle,  ou  d\ 
défaut  de  sanction  dans  les  lois  d'ordre  pu{ 
biie;  Paris,  1824,2  vol.  in-8°.  Cet  ouvragt 
qui  peut  être  considéré  comme  un  corollaire  d 
grand  traité,  est  rempli  d'observations  judicieuse 
qui  achèvent  de  prouver  que  le  savant  crimina1 
liste  avait  mûrement  approfondi  son  sujet  ; 
respire  l'amour  de  l'humanité,  sans  que  l'auteû 
sacrifie  à  ce  sentiment  respectable  les  garantie 
qu'exige  le  maintien  de  l'ordre  public;  —  D. 
Mot  sur  le  projet  de  loi  relatif  au  Sacrilège 
Paris,  1825,  in-8°;  —  Lettre  écrite  à  3/.J 
comte  de  Montlosier  ;  Paris,  1826,  in-8°.  0: 
attribue  à  Legraverend  un  livre  où,  sous  1 
voile  de  l'allégorie,  on  passe  une  revue  ciïtiquj 
des  événements  de  la  révolution  depuis  178 
jusqu'en  1825;  il  est  intitulé  :  Les  Coups  de,  Be 
et  les  Coups  de  Patte,  histoire  abrégée,  rapid' 
et  légère  du  peuple  ornithien,  traduit  d'ih 
manuscrit  tombé  de  la  Lune;  Paris,  1825 
2  vol.  in-12.  Notre  jurisconsulte  n'était  pà 
né  plaisant,  et  donne  ici  un  exemple  de  plu 
des  hommes,  de  mérite  d'ailleurs,  qui  se  me 

(1)  Epître  dédicatoire  àmonseigneur  Darnbray,  chai 
celier  de  France. 


445 

prennent  sur  la  nature  de  leur  talent.  Cette  al- 
llégorie  est  froide,  trop  longue,  et  par  consé- 
quent ennuyeuse.  Aussi  n'obtint-elle  aucun  suc- 
cès. En  vain  l'éditeur  chercha,  par  un  changement 
i!i-  iitre,  h  lui  assurer  un  autre  sort  :  Le  Manus- 
crit tombé  du  ciel,  histoire  abrégée,  rapide 
et  légère  du  peuple  ornithien,  1829,  2  vol. 
in- 12,  ne  fit  pas  meilleure  fortune.  M.  Legrave- 
rend  fournit  aussi  pour  Le  Moniteur  un  certain 
nombre  d'articles  où  il  rendit  compte  de  quel- 
ques ouvrages  de  jurisprudence.  Ces  articles,  qui 
furent  toujours  remarqués,  portent  le  cachet  d'un 
savoir  à  la  fois  profond  et  lumineux. 

J.  L AMOUR EUX. 

Moniteur  universel  de  18H  à  1827.  —  Quérard ,  La 
France  Littéraire. 

legris  (Jacques),  voy.  Carrouges  (Jean 
de). 

legris-dcvae  (  Ren é- Mi chel), philanthrope 
français, né  à  Landerneau  (Bretagne),  le  16  août 
I7f>5,  mort  à  Paris,  le  18  janvier  1819.  Neveu 
lu  père  Querbeuf,  jésuite,  il  obtint  une  bourse 
iu  collège  Louis-le-Grand,  passa  ensuite  au  sé- 
minaire Saint-Sulpice ,  et  fut  ordonné  prêtre  le 
JO  mars  1790.  Il  se  retira  alors  à  Versailles,  où 
1  exerçait  son  ministère  lorsqu'il  apprit  la  con- 
lamnation  de  Louis  XVI.  Il  vint  aussitôt  se  pré- 
senter à  la  commune  de  Paris,  et  demanda  à 
issister  le  roi  à  ses  derniers  moments.  On  lui 
ipprit  que  Louis XVI  avait  choisi  un  confesseur; 
»t  comme  Legris-Duval  n'avait  aucun  papier,  on 
Ulait  l'arrêter,  quand  le  député  Matthieu  le  re- 
îonnut  pour  un  de  ses  anciens  condisciples  et 
■épondit  de  iui.  En  1796  Legris-Duval  fut  chargé 
le  diriger  l'éducation  de  M.  Sosthène  de  La  Ro- 
îhefoucauld ,  pour  l'instruction  duquel  il  com- 
>osa  un  petit  livre.  Lorsqu'en  1810  les  cardi- 
îaux  qui  avaient  été  appelés  à  Paris  furent 
ixilés  pour  avoir  refusé  de  se  trouver  à  la  céré- 
monie du  second  mariage  de  Napoléon,  l'abbé 
Legris-Duval  sollicita  en  leur  faveur  des  secours 
lie  personnes  riches  et  pieuses.  Après  la  restau- 
ration, il  obtint  le  titre  de  prédicateur  ordinaire 
pu  roi,  et  prêcha  plusieurs  fois  devant  la  cour 
et  dans  des  assemblées  de  charité.  Il  provoqua 
et  encouragea  tous  les  établissements  pieux  et 
litiles  qui  s'élevèrent  à  cette  époque,  comme 
'association  en  faveur  des  pauvres  savoyards, 
l'association  pour  la  visite  des  malades  dans  les 
hôpitaux ,  l'association  pour  l'instruction  des 
jeunes  prisonniers ,  qui  lui  durent  en  partie  leur 
succès.  Il  fonda  aussi  quelques  établissements 
religieux,  comme  une  institution  de  religieuses 
louées  à  l'instruction  des  filles  de  la  campagne. 
Legris-Duval  refusa,  en  1817,  un  évêché,  ainsi 
lue  la  place  d'aumônier  ordinaire  de  la  chapelle 
le  Monsieur  et  le  titre  de  grand-vicaire  de  Paris, 
eu  de  temps  avant  de  mourir,  il  obtint  du  roi 
ine  pension  de  1,500  fr.  On  a  de  lui  :  Le  Mentor 
hrétien,  ou  catéchisme  de  Fénelon;  Paris, 
1797,  in-12  ;  —  Discours  en  faveur  des  dé- 
partements ravagés   par  la  guerre,;  Paris, 


LE  GRAVEREND  —  LEGROING  44G 

1815,  in-8p;  —  Sermons;  Paris,  1820,  1831, 
2  vol.  in-12.  J.  V. 

Notice  sur  la  vie  de  l'abbé  Legris-Duval  ;  1819,  in-s°. 
—  Cardinal  de  Bausset,  Notice  sur  l'auteur,  en  tète  des 
Sermons  d*  l'abbé  Legris-Duval.  —  Arnault,  Jay,  Jouy 
et  Norvins,  Uiogr.  nouv.  des  Contemp. 

LEUROIIN'G    DE  LA  MAISO.XNEUVE  (Fran- 

çoise-Thérèse- Antoinette,  comtesse),  femme 
de  lettres  française,  née  à  Bruyères  (Lorraine), 
le  11  juin  1764,  morte  le  12  mars  1837.  Issue 
d'une  ancienne  famille  qui  prétendait  se  ratta- 
cher aux  anciens  souverains  de  Logrono  en 
Espagne,  elle  fut  élevée  dans  l'Auvergne,  et  à 
l'âge  de  seize  ans  elle  fut  admise  au  chapitre 
noble  et  séculier  de  La  Veine.  Deux  ans  après 
elle  fut  chargée  de  rédiger  de  nouvelles  consti- 
tutions pour  sa  communauté,  et  s'en  acquitta  par- 
faitement. Dans  sa  retraite,  elle  se  livrait  à  l'é- 
tude de  l'antiquité.  Elle  avait  retracé  dans  une 
composition  romanesque  les  malheurs  de  Zéno- 
bie,  reine  de  Palmyre.  Un  indiscret  fit  paraître 
cet  ouvrage  sans  le  consentement  de  l'auteur  : 
Zénobie ,  que  quelques-uns  comparèrent  au 
Tèlémaque  de  Fénelon,  eut  un  grand  succès. 
Exilée  par  la  révolution  à  Bâle,  Mme  Legroing 
dessinait,  peignait  des  fleurs  et  brodait  même 
pour  vivre  et  pour  soutenir  sa  mère,  son  frère 
et  ses  deux  sœurs.  Rentrée  en  France  sous  le 
consulat ,  elle  trouva  ses  biens  vendus  ;  forcée  de 
se  créer  une  position,  elle  se  voua  à  l'éducation, 
et  publia  un  ouvrage  sur  l'éducation  desfemmes. 
Napoléon  lui  proposa  le  titre  de  surintendante 
des  maisons  qu'il  se  proposait  de  fonder  pour 
les  jeunes  filles  de  la  Légion  d'Honneur;  mais 
lorsqu'elle  sut  qu'un  haut  emploi  serait  confié  à 
Mme  Campan,  qu'elle  accusait  d'avoir  livré  le 
secret  du  voyage  de  Varennes,  elle  refusa.  Elle 
établit  un  pensionnat  à  Paris,  et  son  établissement 
réussit.  Mme  Legroing  fit  imprimer  pour  ses  élè- 
ves un  recueil  de  contes  moraux,  et  donna  des 
articles  de  philosophie,  de  littérature,  des  pièces 
de  vers,  des  odes,  des  épîtres  dans  différents 
journaux,  comme  Le  Mercure,  V  Étoile  ,  etc. 
Après  la  restauration,  Louis  XVIIt  lui  accorda  une 
pension  sur  la  liste  civile.  Mrae  Legroing  essaya 
de  rétablir  son  chapitre,  mais  elle  ne  put  réussir. 
L'indemnité  aux  émigrés  ayant  été  votée,  elle 
put  vivre  dès  lors  dans  une  modeste  aisance, 
qui  lui  permit  de  se  livrer  à  une  grande  compo- 
sition historique  dont  la  révolution  de  Juillet  em- 
pêcha l'achèvement.  On  a  de  Mme  Legroing  :  Zé- 
nobie;  Paris,  1800,in-8°;  —  Essai  sur  le  genre 
d'instruction  le  plus  analogue  à  la  destina- 
tion des  femmes;  Paris,  1801  ,  in-18;  Tours, 
1843,  in-18; —  Contes,  in-18;  — Clémence; 
Paris,  1802,  3  vol.  in-12;  —  Retraite  pour  la 
première  communion  ;  Paris,  1804,  in-12;  — 
Histoire  des  Gaules  et  de  la  France,  depuis 
les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la  fin  du 
règne  de  Hugues  Capet,  les  neuf  premiers  cha- 
pitres seulement;  Paris,  1830,  in-8°.    J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Uiogr.  nouv.  des  Con- 
temp. 


447 


legros  (Martial),  historien  français,  né  à 
Limoges,  le  26  avril  1744,  mort  le  20  juillet 
1811.11  étudia  au  collège  des  jésuites ,  entra  dans 
les  ordres,  et  consacra  tous  ses  moments  de  loisir 
à  des  recherches  historiques  particulièrement 
sur  le  Limousin.  A  l'époque  de  la  révolution,  il 
fut  déporté  pour  refus  de  serment  à  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  En  1808  il  devint  chanoine 
de  la  cathédrale  de  Limoges  et  secrétaire  de 
l'évêque.  On  a  de  l'abbé  Legros  :  Recherches 
historiques  sur  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Michel-  des  -  Lions  de  la  ville  de  Limoges; 
Limoges,  1811.  Les  archives  de  la  Société  d'A- 
griculture ,  des  Sciences  et  des  Arts  de  la 
Haute-Vienne,  dont  il  était  membre,  conservent 
de  lui,  sans  nom  d'auteur,  deux,  mémoires,  dont 
l'un  intitulé  :  Recherches  sur  l'antiquité  et  le 
gisement  desmines  du  Limousin  ;  l'autre:  Dis- 
sertation sur  l'origine,  les  progrès  et  la  dé- 
cadence de  la  langue  limousine.  L'Annuaire 
pour  l'année  1837  ne  donne  qu'une  liste  incom- 
plète des  manuscrits  de  l'abbé  Legros  conservés 
dans  la  bibliothèque  du  grand  séminaire  de  Li- 
moges. Parmi  ces  manuscrits  on  remarque  : 
Abrégé  des  Annales  du  Limousin ,  ou  suite 
chronologique  des  faits  qui  intéressent  cette 
province;  1776,  in-4°.  C'est  un  bon  abrégé  des 
trois  volumes  indigestes  du  père  Bonaventure 
de  Saint- Amable;  —  Continuation  des  An- 
nales du  Limousin  depuis  1683  jusqu'au  3  no- 
vembre 1790;  in-4°.  L'auteur  a  consigné  dans  ce 
travail  le  résultat  de  ses  recherches  personnelles 
et  les  Mémoires  de  l'abbé  Nadaud;  il  s'arrêta  le 
3  novembre,  pour  ne  blesser  aucun  des  partis 
qui  divisaient  le  royaume;  —  Martyrologe  du 
diocèse  de  Limoges  ;  in-8°,  1790;  — Essai  his- 
torique sur  IAmoges  et  ses  environs  ;  in-4°  ; 

—  Le  Limousin  Ecclésiastique;  in-fol.;  — 
Table  chronologique  Ecclésiastique,  in-fol. 
Ce  sont  des  listes  de  dignitaires  ecclésiastiques; 

—  Table  chronologique  civile;  in-folio.  Ce 
volume,  semblable  au  précédent,  renferme  deux 
listes  importantes  :  l'une  des  sénéchaux  et  des 
gouverneurs  du  Limousin,  l'autre  des  sénéchaux 
et  des  gouverneurs  de  la  Marche;  —  Mélanges, 
ou  recueil  de  pièces  justificatives  pour  servir 
à  l'histoire  du  diocèse  deLimoges,  3  volumes 
in-fol.  Le  deuxième  renferme  un  fragment  pré- 
cieux des  Anciennes  Chroniques  de  Limoges 

—  Dictionnaire  historique  des  Grands  Hom- 
mes du  Limousin;  in-fol.,  1774;  —  Vies  des 
Saints  du  Limousin;  6  vol.,  in-8°;  —  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire  des  évêques  de 
Limoges;  in-8°.  R.  P.  (de  Limoges). 

Bulletins  de  la  Société  d' agriculture  de  la  Haute- 
Vienne,  année  1812.  —  Calendriers  du  Limousin,  feuille 
hebdomadaire.  —  Annuaire  historique  pour  l'année 
1837,  publié  p.ir  la  Société  de  l'Histoire  de  France.— 
Annuaire  de  la  Haute- Vienne,  1854.  —  Manuscrits  de 
la  bibliothèque  du  grand  séminaire  de  Limoges. 

le  gros  (Pierre),  sculpteur  français,  né  à 
Paris,  en  1666,  mort  àRome,en  1719.  Il  fut  élève 
de  son  père,  artiste  de  talent,  qui  fut  sculpteur 


LEGROS  448 

du  roi  et  professa  à  l'Académie  pendant  trente 
années.  Louvois  ayant  reconnu  dans  le  jeune 
Le  Gros  des  dispositions  remarquables,  l'envoya 
à  ses  frais  compléter  ses  études  à  Rome,  où  en 
peu  de  temps  il  acquit  une  grande  réputation. 
Les  jésuites  lui  demandèrent  pour  l'autel  de  1a 
chapelle  Saint-Ignace  à  leur  église  du  Giesù  le 
Triomphe  de  la  religion  sur  V hérésie;  ce 
groupe,  malgré  l'exagération  des  mouvements, 
valut  à  son  auteur  les  plus  vifs  applaudissements, 
même  de  la  part  des  Italiens ,  si  avares  de 
louanges  pour  les  étrangers.  Le  Gros  fit  encore 
pour  la  même  Compagnie  une  Gloire  de  saint 
Stanislas  Kostka,  placée  dans  l'église  du  Col- 
lège Romain,  et  dans  le  noviciat  des  jésuites, 
dans  la  chambre  qu'il  avait  occupée,  et  qui  a 
été  convertie  en  chapelle,  Le  jeune  Saint  expi- 
rant sur  son  lit,  figure  exécutée  en  marbre 
de  couleur,  dont  l'effet  saisissant  ne  peut  ra- 
cheter complètement  le  mauvais  goût.  Pour  l'é- 
glise Saint-Ignace,  Le  Gros  fit  le  Tombeau  de 
Grégoire  V,  orné  des  statues  de  La  Religion  et 
de  L'Abondance,  et  un  bas-relief  de  Saint  Louis 
de  Gonzague,  dont  la  figure  principale  se  re- 
commande par  une  expression  à  la  fois  noble  et 
modeste.  Parmi  les  autres  ouvrages  de  Le  Gros 
qui  existent  à  Rome,  on  remarque  encore  le 
Saint  Dominique ,  figure  colossale  à  Saint- 
Pierre;  Saint  Thomas  et  Saint  Barthélémy, 
exécutés  par  ordre  de  Clément  XI  pour  Saint- 
Jean-de-Latran  ;  le  Tobie  de  Santa-Trinità  ;  le 
Saint  Philippe  Neri  de  Santo-Girolamo-della 
Carita;  le  Saint  François-Xavier  de  Saint-i 
Apollinaire  ;  enfin,  la  Statue  du  cardinal  Casa- 
nata,  placée  dans  la  bibliothèque  du  couvent  de 
La  Minerva. 

Obligé  par  sa  santé  de  rentrer  dans  sa  patrie, 
Le  Gros  y  fit  une  Vestale  pour  le  jardin  des 
Tuileries  et  quelques  autres  travaux  de  moindre 
importance,  et  bientôt  il  retourna  à  Rome,  qu'ii 
ne  devait  plus  quitter.  C'est  sans  doute  pendanl 
cette  dernière  période  de  sa  vie  qu'il  sculpta  les 
statues  de  Sainte  Thérèse  et  Sainte  Christint 
qui  furent  placées  dans  la  cathédrale  de  Turin 
Le  Gros  sacrifia  malheureusement  trop  ai 
goût  dépravé  de  son  siècle,  et  presque  toujours 
il  tomba  dans  le  maniérisme  et  l'exagération  er 
recherchant  le  mouvement,  qualité  incompatible 
avec  la  véritable  sculpture,  et  dont  les  ancien.1 
ne  se  sont  jamais  préoccupés;  pourtant  on  n< 
peut  nier  qu'il  n'ait  souvent  fait  preuve  d'un  vé' 
ritable  talent,  qu'il  n'ait  fouillé  les  draperie 
avec  un  rare  bonheur,  qu'il  n'ait  donné  à  se; 
figures  une  expression  vivante ,  et  qu'il  n'ai 
surtout  taillé  le  marbre  avec  une  habileté  e 
une  hardiesse  dignes  des  plus  grands  maîtres  di 
siècle  précédent.  E.  B— n. 

Cicognara  ,  Storia  délia  Scultura.  —  Fontenay,  DU 
tionnaire  des  Artistes.  —  Orlandl ,  Abbecedario.  —  Pis 
tolesi,  Descrizione  di  Roma.  —  Valéry,  Voyages  hiUn 
riques  et  littéraires  en  Italie.  —  G.  Slefaniet  b.  iWond( 
Torino  e  suoi  dintorni. 

legros  (Nicolas),  théologien  français,  n 


449  LEGROS  - 

à  Reims,  en  décembre  1675,  mort  à  Rhynwick, 
le  4  décembre  1751 .  Il  refusa  de  signer  l'acte 
d'acceptation  de  la  bulle  Unigenitus,  fut  pour- 
suivi,  et  se  réfugia  en  Hollande.  Après  la  mort 
de  Louis  XIV,  il  revint  à  Reims,  dont  il  avait 
dirigé  le  séminaire.  A  la  suite  de  quelques  con- 
troverses, il  reprit  le  chemin  de  la  Hollande,  où 
l'archevêque  d'Utrecht  lui  confia  la  chaire  de 
théologie  d  Amersfort.  Legros,  s' étant  élevé  contre 
les  usuriers  et  les  convulsionnaires,  fut  en  1736 
obligé  d'abandonner  ses  fonctions.  Depuis  lors 
il  habita  Schœnau  et  Rhynwick,  où  il  consacra 
le  reste  de  sa  vie  à  des  travaux  théologiques.  On 
a  de  lui  :  Méditations  sur  l'Epitre  aux  Ro- 
mains; 1735;  —  Dogma  Ecclesiee  circa  Usu- 
ram;  1730,  in-4°;  —  La  Sainte  Bible,  traduite 
sur  les  textes  originaux  avec  les  différences  de 
la  Vulgate;  1739,  in- 8°  :  cette  bible  est  très- 
estimée  pour  sa  fidélité  ;  —  Lettres  théologi- 
ques contre  le  Traité  des  Prêts  de  commerce; 
1740;  —  Manuel  du  Chrétien;  1740,  in-18: 
souvent  reimprimé;  —  Méditations  sur  les  six 
'premières  Epitres  canoniques  de  saint  Jac- 
ques, saint  Pierre  et  saint  Jean;  1754,  6  vol. 
in-12;  —  Lettres  sur  les  Convulsionnaires; 
1733,  in-12.  A.  L. 

Revue  historique  et  litt.  de  la  Champagne,  n°  11,  p.  59. 

legros  (iV.....),  écrivain,  coiffeur  français,  né 
en  1710,  mort  étouffe  aux  fêtes  données  à  l'occa- 
sion du  mariage  du  dauphin,  depuis  Louis  XVI, 
le  30  mai  1770.  D'abord  cuisinier,  Legros  avait 
composé  sur  son  art  un  livre  resté  manuscrit. 
Devenu  coiffeur,  il  eut  à  se  plaindre  de  l'envie  de 
ses  confrères.  En  1763,  il  exposa  une  trentaine 
de  poupées  parfaitement  coiffées  à  la  foire  de 
Saint-Germain.  Deux  ans  après,  il  publia  :  Livre 
d'Estampes  deVart  de  la  Coiffure  des  dames 
françoises,  gravé  sur  les  dessins  originaux, 
avec  un  traité  pour  entretenir  et  conserver 
les  cheveux  naturels  ;  Paris,  1765-1770,  in-4°, 
avec  lig.  coloriées  donnant  les  coiffures  du 
temps.  J.  V. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

legros  (Sauveur),  littérateur  et  graveur 
français,  né  a  Versailles,  le  27  avril  1754,  mort 
à  Enghien  (Belgique),  le  15  mars  1834.  Après 
avoir  fait  de  bonnes  études,  il  débuta,  par  suite 
de  circonstances  demeurées  inconnues,  au 
théâtre  de  Bruxelles ,  où  il  obtint  des  succès  qui 
jne  l'empêchèrent  pas  de  renoncer  bientôt  à  la 
Iscène.  Le  maréchal  prince  de  Ligne  le  prit  pour 
secrétaire,  l'emmena  dans  ses  voyages  en  Italie, 
en  Allemagne,  en  Suisse,  en  France,  et  l'intro- 
duisit dans  la  société  des  gens  de  lettres  de  Pa- 
ris, où  Le  Gros  se  lia  avec  Chamfort,  Morellet, 
Tabbé  Raynal  et  Palissot.  En  1787  il  accompagna 
le  prince  dans  sa  mission  en  Russie,  et  fit  partie 
du  cortège  impérial  dans  le  mémorable  voyage 
de  Crimée.  En  1793  il  suivit  le  prince  à  Vienne, 
[où  Cléry  lui  confia  la  rédaction  de  son  Journal 
de  la  Captivité  de  Louis  XVI.  Il  passa  plusieurs 
années  dans  cette  ville,   puis  revint  dans  les 

ROUT.    BIOGR.    CÉNÉR,    —   T.    XXX. 


LE  GROUX  450 

Pays-Bas,  et  sefixaà  Bruxelles.  Il  contribua  sans 
doute  à  défendre  les  intérêts  du  maréchal ,  lors 
de  la  levée  du  séquestre  mis  sur  ses  biens,  car 
l'album  de  Le  Gros  contenait  ce  témoignage  de 
sa  reconnaissance  : 

Le  Gros,  toi  vraiment  mon  sauveur. 
Puisqu'à  tes  soins  Je  dois  le  peu  que  j'ai  pour  vivre, 
Ces  mots  par  l'amitié  sont  gravés  dans  ton  livre: 
Lis  ton  nom  dans  le  mien:  mon  album  c'est  mon  coeur. 

Le  Gros  en  mourant  laissa  ses  manuscrits  au 
prince  de  Ligne,  petit-fils  du  maréchal.  Une  co- 
pie préparée  pour  l'impression,  composée  de  neuf 
cahiers,  et  contenant  plusieurs  livres  de  fables, 
des  poésies  fugitives ,  des  pensées  et  des  œuvres 
diverses,  est  conservée  dans  la  Ibliothèque  de 
l'Académie  royale  de  Belgique.  M.  Loumyer  a 
publié  les  Poésies  choisies  de  Sauveur  Le  G7os , 
Bruxelles,  1857,  in-18,  qu'il  a  fait  précéder 
d'une  notice  sur  l'auteur  et  du  Catalogue  de  son 
œuvre  comme  graveur  (comprenant cent  trente- 
deux  pièces),  rédigé  par  M.  F.  Hillemacher.  La 
collection  des  gravures  qui  le  composent  se  trouve 
à  la  Bibliothèque  impériale  de  Vienne     E.  R. 

Notice  en  tète  des  Poésies  choisies  de  Sauveur  Le 
Gros.  —  Bulletins  de  l'Académie  royale  des  Sciences, 
des  Lettres  et  des  Beaux-Artt  de  Belgique,  tome  XIV, 
lre  partie,  p.  327. 

legros  (  Charles- François) ,  théologien  et 
critique  français,  né  à  Paris,  mort  dans  la  même 
ville,  le  21  janvier  1790.  Une  thèse  qu'il  soutint 
le  4  septembre  1737  fut  supprimée  par  arrêt  du 
parlement  de  Paris,  parce  qu'elle  mettait  l'aulorité 
de  l'Église  au-dessus  de  la  juridiction  des  magis- 
trats. Professeur  au  collège  de  Navarre ,  princi- 
pal de  collège ,  chanoine  de  la  Sainte-Chapelle, 
enfin  abbé  de  Saint-Acheul,  il  fil  partie  de  l'assem- 
blée du  clergé  en  1760.  Successivement  grand- 
vicairedeReims,membredu  bureau  d'administra- 
tion du  collège  Louis-le-Grand,  et  théologien  delà 
commission  formée  pour  les  ordres  réguliers , 
l'abbé  Legros  permuta  en  1776  son  canonicatde 
la  Sainte-Chapelle  contre  ia  prévôté  de  Saint- 
Louis  du  Louvre.  En  1789,  il  fut  élu  député  du 
clergé  de  Paris  aux  états  généraux.  L'abbé  Legros 
a  publié,  sous  le  nom  d'un  solitaire  :  Analyse  des 
ouvrages  de  J.-J.  Rousseau  et  de  Court  de  Gé- 
belin  ;  Paris,  1785,  in-8°;  —  Examen  des  sys- 
tèmes de  J.-J.  Rousseau  et  de  Court  de  Gé- 
belm,  pour  servir  de  suite  à  l'Analyse;  Paris, 
1786,in-8°; — Analyseet  Examen  de  l'Antiquité 
dévoilée,  du  Despotisme  oriental  et  du  Chris- 
tianisme dévoilé,  ouvrages  attribués  à  Boulan- 
ger; Paris,1788,  in-8°;— Analyse  et  Examen  du 
Système  des  Philosophes  économistes  ;  Paris, 
1787,  in-8°;  — Examen  du  système  politique 
de  M.  Necker,  mémoire  joint  à  la  lettre  écrite 
au  roi  par  de  Calonne,  le  9  février  1789;  avril 
1789,  in-8°.  J.  V. 

Desessarts,  Les  Siècles  Littéraires  de  la  France.  : 
LE  groux  (Jacques),  historien  français,  né 
en  1675,  à  Mons-en-Puelle,  village  près  de  Lille, 
mort  le  31  juillet  1754.  Curé  de  Bûmes,  dans 
le  diocèse  de  Tournay,  puis  de  Marcq-ch-BarauU, 

15 


451  LE  GROUX 

paroisse  voisine  de  Lille,  il  a  publié  :  Summa 
Sla/ulorum  Synodalium,  cumprasvia  synopsi 
vila  episcoporum  Tornacensium;  Lille,  1726, 
in-8°.  On  trouve  des  détails  curieux  puisés  à  des 
sources  souvent  inédites;  —  La  Flandre  galli- 
cane sacrée  et  prophane,  ou  description  his- 
torique, chronologique  et  naturelle  des  villes 
et  chatellenie  de  Lille,  Douay  et  Orchies.  Cet 
ouvrage  est  resté  manuscrit,  et  se  trouve  à  la 
bibliothèque  de  Lille.  G,  de  F. 

Paqnot ,  Mêm.  pour  l'hist.  littér.  des  Pays-Bas, 
t.  XVII.  —  Archives  hisl.  et  litt.  du  nord  de  la  France, 
nouv.  série,  t,  IV.. 

LE  guat  (François),  voyageur  français,  né 
en  Bresse,  en  1637,  mort  en  Angleterre,  en  1735. 
Il  appartenait  à  la  religion  réformée  :  après  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes,  il  se  réfugia  en 
Hollande  (  1689).  Ayant  appris  que  Duquesne, 
avec  le  consentement  des  États-Généraux,  armait 
une  expédition  pour  les  lies  Mascareignes,  et  que 
cette  expédition  devait  être  composée  surtout  de 
religionnaires  français,  il  s'engagea  un  des  pre- 
miers, et  partit  d'Amsterdam,  le  10  juillet  1690, 
à  bord  de  L'Hirondelle  (cap.  Antoine  Valleau  ). 
Neuf  autres  Français  partageaient  le  sort  de 
Le  Guat,  lorsque  Duquesne  leur  fit  savoir  que 
Louis  XIV,  qui  avait  fait  prendre  possession  de 
l'île  Bourbon  dès  1672,  s'opposait  formelle- 
ment à  toute  tentative  de  colonisation  protes- 
tante. Le  Guat  et  ses  compagnons  n'en  conti- 
nuèrent pas  moins  leur  voyage.  Ils  passèrent  la 
ligne  le  23  novembre,  et  le  26  jauvier  1691 
mouillèrent  au  cap  de  Bonne-Espérance.  Trois 
semaines  plus  tard,  ils  reprirent  la  mer,  fail- 
lirent périr  le  15  mars,  et  le  3  avril  arrivèrent 
en  vue  de  l'île  Mascareigne  (depuis  Bourbon, 
aujourd'hui  La  Réunion);  mais  le  capitaine 
A.  Valleau,  que  Le  Guat  dans  sa  relation  traite  de 
«  fourbe  et  de  scélérat  >-,  refusa  d'y  descendre,  et 
atterrit  sur  l'île  deDiego-Ruys  ou  Rodrigue,  où  il 
laissa  les  émigranfs  assez  bien  pourvus  d'armes, 
d'outilset  d'ustensiles  de  ménage.  Ils  défrichèrent 
lin  petit  terrain  proche  d'un  gros  ruisseau,  trou- 
vèrent de  quoi  faire  d'excellentes  boissons  avec 
le  suc  des  palmiers  et  des  lataniers  :  le  poisson 
et  le  gibier  leur  fournirent  une  nourriture  aussi 
saine  que  variée.  Tout  allait  pour  le  mieux;  mais 
ils  s'aperçurent  bientôt  qu'ils  manquaient  de 
femmes,  et  le  célibat  n'étant  point  de  leur  goût  ils 
construisirent  une  barque  sur  laquelle  ils  s'a- 
venturèrent le  9  avril  1693.  A  peine  avaient-ils 
quitté  le  rivage  que  l'esquif  donna  sur  un  écueil 
et  s'ent'rouvrit;  les  navigateurs  durent  rega- 
gner la  rive  à  la  nage.  Ce  fâcheux  contre- 
temps les  découragea  d'abord;  «  mais,  rapporte 
Le  Guat,  à  force  de  se  redire  les  uns  aux  autres, 
Foisonnez  et  multipliez,  \\s  reprirent  leur  pre- 
mier dessein,  radoubèrent  leur  petit  bâtiment,  et 
abordèrent  vers  la  fin  de  mai  a  Maurice,  après 
avoir  échappé  à  une  affreuse  tourmente.  »  Le  Ge- 
nevois Rodolphe  Diodati,  qui  commandait  cette., 
lie  pour  les  Hollandais,  les  reçut  fort  inhos- 


—  LE  HARDY  453 

pitalièrement  :  il  leur  enleva  un  gros  morceau 
d'ambre  gris  qu'ils  avaient  apporté  de  l'Ile  Ro- 
drigue, et  pour  qu'ils  n'en  portassent  pas  plainte, 
il  les  fit  jeter  sur  un  rocher  aride  et  brûlant  situé  à 
deux  lieues  en  mer.  La  nécessité  suggéra  aux 
Français  des  expédients  pour  vivre.  Diodati  se 
décida  enlin  à  les  expédier  à  Batavia,  où  ils  arri- 
vèrent le  15  décembre  1696.  Le  Guat  repartit  de 
cette  ville  le  28  novembre  1697,  pour  venir  de- 
mander justice  en  Hollande.  Il  débarqua  à  Fles- 
singue,  le  18  juin  1698,  et  en  1707  alla  s'établir 
en  Angleterre,  où  il  mourut.  On  a  de  lui  • 
Voyages  et  Aventures  de  François  Le  Guat  et 
de  ses  compagnons  en  deuxisles  désertes  des 
Indes  orientales,  avec  la  relation  des  choses 
les.  plus  remarquables  qu'ils  ont  observées 
dans  l'isle  Maurice,  à  Batavia,  aie  cap  de 
Bonne- Espérance,  dans  l'isle  de  Sainte- Hé- 
lène, et  en  d'autres  endroits  de  leur  route, 
avec  cartes  et  fig.;  Londres  et  Amsterdam,  1708, 
2  vol  in-12.  Cette  relation  contient  des  détails 
curieux.  A.  de  Lacaze. 

Préface  de  la  relation  de  Le  Guat. 

LEGUA  Y.  Voy.  Prémont  val. 

leguenois  (Pierre).  Voy.  Guénois. 

le  guerchois  (Madeleine  d'Aguesseau, 
dame),  moraliste  française,  née  à  Paris;  en 
1679,  morte  dans  la  même  ville,  le  9  décembre 
1740.  Elle  était  sœur  de  l'illustre  chancelier 
d'Aguesseau,  et  publia  :  Avis  d'une  Mère  à  son 
Fils ,  suivis  d'une  Instruction  pour  les  sacre- 
ments de  pénitence  et  d'eucharistie,  et  d'une- 
Pratique  pour  se  disposer  à  la  mort;  Paris, 
1743,  2  vol.  in-12;  —  Réflexions  chrétiennes 
sur  les  livres  historiques  de  l'Ancien  Testa- 
ment; Paris,  1767,  in-12  :  seconde  édition, 
augmentée  de  Réflexions  sur  le  Nouveau 
Testament  et  de  la  Vie  de  l'Auteur;  Paris, 
1773,  in-12.  E.  D— s. 

L.  Prudlioinme  père,  Biographie  universelle  des 
femmes  célèbres.  —  Quérard,  tu  France  Littéraire. 

LE  haguais  (Augustin) ,  jurisconsulte  et 
poète  français,  né  à  Caèn,  en  1601,  mort  à  Paris, 
en  1666.  11  entra  dans  le  barreau,  et  dès  l'âge 
de  dix-huit  ans  plaida  sa  première  cause  avec 
éclat.  Il  s'acquit  une  grande  réputation,  devint 
avocat  à  la  cour  des  aides  de  Caen  ;  cette  cour 
ayant  été  supprimée,  Le  Haguais  obtint  un  brevet 
de  conseiller  d'État.  II  cultivait  avec  succès  la 
littérature,  et  a  laissé  des  vers  latins  et  fiançais, 
pleins  d'esprit  et  de  bon  goût,  suivant  Moréri. 

L  — Z— E. 

Huet,  Origines  de  Caen,  p.  380.  —  Moréri,  Le  grand 
Dictionnaire  historique. 

LE   HARDY    UE   CANAPVILLE  (Philibert), 

appartenait  à  une  ancienne  famille  de  Norman- 
die qui  subsiste  encore  dans  la  province.  Jus- 
ques  en  1667  il  occupa  la  place  d'avocat  du  roi 
à  Vire.  En  1639  il  rendit  de  grands  services  à 
cette  ville,  en  la  sauvant,  par  ses  courageuses  re- 
présentations, du  pillage  et  delà  ruine  dont  elle 
,  était  menacée  par  l'armée  du  roi  sous  les  ordres 
de  Gassion,  envoyé  par  Richelieu  pour  étouffer 


453 


LE  HARDY  —  LE  HEMNTJYEK 


454 


la  sédition  des  nus-pieds  en  basse  Normandie.  On 
conserve  dans  les  archives  de  la  maison  de  ville 
de  Vire  l'acte  qui  fut  dressé  pour  garder  le  sou- 
venir de  ce  service (  Voy.  Lachesnaye-Desbois). 
G.  Le  H— y. 
Documents  inédits. 

LE  hardv  (Pierre),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Dinan  (  Bretagne),  en  1758,  guillotiné  à 
Paris,  le  31  octobre  1793.  Il  était  médecin  lors- 
qu'il fut  nommé  député  du  Morbihan  à  la  Conven- 
tion nationale.  Il  combattit  Manuel,  qui  attaquait 
la  constitution  du  clergé,  et  déclara  que  «sans  les 
évêques  la  république  serait  perdue  ».  Plus  tard  il 
dénonça  le  ministre  de  la  guerre  Pache,  et  lors  du 
procès  de  Louis  XVI,  il  présenta  une  série  de  ques- 
tions qui  toutes  furent  écartées.  Il  vota  pour  l'appel 
au  peuple;  lors  du  vote  sur  la  peine  encourue 
par  le  monarque ,  il  motiva  ainsi  son  opinion  : 
«  Je  regarderais  la  liberté  de  mon  pays  comme 
entièrement  anéantie  si  nous  étions  à  la  fois  ac- 
cusateurs, jurés,  juges  et  législateurs.  Non,  nous 
ne  sommes  pas  juges.  Si  je  considérais  la  Con- 
vention comme  juge,  je  demanderais  qu'elle  ex- 
clût au  moins  soixante  de  ses  membres.  La  mai- 
heureuse  histoire  de  tous  les  peuples  nous 
apprend  que  là  mort  des  rois  n'a  jamais  été  utile 
à  la  liberté.  Je  demande  que  Louis  soit  mis  en 
état  de  détention  tant  que  la  république  courra 
quelques  risques,  ou  jusqu'au  moment  où  le 
peuple  aura  accepté  la  constitution,-  alors,  et  seu- 
lement alors,  vous  décréterez  le  bannissement.  » 
Le  26  février  1793,  il  demanda  vivement  l'ac- 
cusation de  Marat,  comme  ayant  prêché  le  pil- 
lage; le  16  mars,  il  s'opposa  à  la  suppression 
de  la  maison  de  Saint-Cyr,  et  reprocha  à  la  Con- 
vention de  toujours  détruire  au  lieu  de  réformer 
et  de  ne  jamais  édifier.  Il  fut  bientôt  en  butte  aux 
attaques  dirigées  contre  les  Girondins  et  son  ex- 
pulsion futnominativementdemandée,  le  lôavril, 
par  trente-cinq  sections  de  Paris ,  ce  qui  n'em- 
pêcha pas  l'assemblée  de  le  choisir  pour  secré- 
taire trois  jours  après.  Le  19  mai  il  appuya  avec 
chaleur  une  pétition  présentée  par  des  dames 
d'Orléans  qui  sollicitaient  la  mise  en  liberté  de 
leurs  maris  et  de  leurs  fils ,  emprisonnés  par 
tordre  de  Léonard  Bourdon,  et  s'écria  «  que  l'on 
;avait  tellement  prostitué  les  noms  de  royalistes 
;et  de  contre  révolutionnaires,  qu'ils  étaient  de- 
j venus  synonymes  de  ceux  d'amis  de  l'ordre  et 
ides  lois  ».  Le  31  mai,  à  l'occasion  de  la  suppres- 
sion de  la  commission  des  Douze,  il  demanda  un 
(appel  aux  bons  citoyens  de  Paris.  Il  fut  décrété 
id'arrestation  et  incarcéré  le  2  juin.  Décrété  d'ac- 
jcusation  le  3  octobre,  il  fut  le  30  traduit  de- 
vant le  tribunal  révolutionnaire,  et  condamné;  il 
subit  la  mort  avec  courage.  Le  Hardy  a  laissé 
(quelques  opuscules  sur  la  médecine  et  la  politique. 
H.  Lesueur. 

ie  Moniteur  général,  an.  1792,  n°«  279,  894;  an 
1er,  n°»  15,  141, 15G;  an  ir,  n°«  277,  43;  an  ni,  n°  259.  — 
[Biographie  moderne  (  180fi).  —  Petite  Biographie  con- 
ventionnelle ■  isi a  . 


le  hayEr-duperron  (Pierre),  poëte 
français,  né  à  Alençon,  en  1603,  mort  après  1678. 
Fils  d'un  procureur  du  roi  au  présidial  d'Alençon. 
il  fut  pourvu  de  cette  charge  après  la  mort  de 
son  père.  Ses  poésies  acquirent  quelque  répu- 
tation ,  et  son  poëme  sur  Louis  XIII,  qu'il  pré- 
senta an  roi  lorsque  ce  prince  passa  à  Alençon 
pour  aller  en  Bretagne,  lui  valut  la  protection  du 
cardinal  de  Richelieu,  dont  il  n'avait  pas  oublié  de 
faire  l'éloge.  Le  roi  donna  des  lettres  de  noblesse 
à  son  père ,  et  il  obtint  pour  lui  le  cordon  de 
Saint-Michel  et  un  brevet  de  conseiller  d'État.  Le 
Hayer  fut  un  des  premiers  membres  de  l'Aca- 
démie de  Caen.  On  a  de  lui  :  Les  Palmes  de 
Louis  le  Juste  ,  poëme  historique,  divisé  en 
neuf  livres,  où,  par  Vordre,  des  années,  sont 
contenues  les  immortelles  actions  du  roi 
très-chrétien  et  très-victorieux  monarque 
Louis  XIII;  Paris,  1635,  in-4°;  réimprimé  sous 
le  titre  de  Muses  royales;  Paris,  1637,  in-4°. 
On  a  en  outre  de  Le  Hayer  :  Les  heureuses 
Âdventures,  tragi-comédie  en  cinq  actes  et  en 
vers  ;  Paris,  1633,  in-8°  ;  —  Poésies  morales  et 
chrétiennes;  Paris,  1660,  in-4°.  Il  a  traduit  de 
l'espagnol  :  ['Histoire  de  l'empereur  Charles 
Quint,  de  J.-Ant.  de  Verra  ;  Paris,  1662,  in-4°  ; 
Bruxelles,  1663,  1667,  in-12;  —  La  Connais- 
sance de  la  Bonté  et  de  la  Miséricorde  de 
Dieu ,  de  Jean  de  Palafox  de  Mendoza  ;  Paris , 
1688,  in-12.  J.   V. 

Desessarts,  Les  Siècles  Littéraires  de  la  France.  — 
Chaudon  et  Delandine,  Diet.imiv.  Hist.,  Crit.  et  Hibl. 

LE  H  ennuyer  (  Jean  ),  prélat  français  ,  né 
en  1497,  à  Saint-Quentin,  et  mort  en  1578,  fut 
successivement  premier  aumônier  de  Henri  H, 
François  If,  Charles  IX  et  Henri  III.  Nommé 
à  l'évêché  de  Lodève  en  1557  et  ensuite  à  celui 
de  Lisieux ,  il  fut.  le  directeur  des  consciences 
de  Catherine  de  Médicis  et  de  Diane  de  Poitiers. 
Dans  cette  position,  il  se  montra  toujours  le  per- 
sécuteur des  protestants  ;  aussi  est-ce  bien  à  tort 
qu'Hémeré,  historien  de  la  ville  de  Saint-Quentin, 
lui  attribue  l'initiative  de  la  résolution  généreuse 
par  suite  de  laquelle  furent  sauvés  lors  des  mas- 
sacres de  la  Saint-Barthélémy  les  protestants 
de  Lisieux,  dévoués  à  la  mort  par  Charles  IX. 
Son  épitaphe,  placée  sur  le  tombeau  qui  lui  a  été 
élevé  dans  la  cathédrale  de  Lisieux,  enregistre , 
ainsi  qu'on  eût  pu  le  faire  d'un  titre  glorieux 
acquis  à  sa  mémoire,  l'opposition  violente  que 
fit  ce  prélat  à  l'édit  de  tolérance  rendu  en  leur 
faveur  à  la  date  de  janvier  1562.  La  seule  version 
vraie  sur  cet  événement  fait  remonter  à  Du 
Longchamp  de  Furnichon,  gouverneur  de  Li- 
sieux en  1572,  l'acte  d'humanité  faussement 
attribué  à  Jean  Le  Hennuyer  :  d'accord  avec 
les  autorités  de  la  ville ,  il  fit  enfermer  tous  les 
protestants  qu'on  put  découvrir,  dans  les  pri- 
sons qui  leur  servirent  de  refuge  jusqu'à  ce  que 
la  rage  des  égorgeurs  fût  calmée. 

La  fausse  version  qui  se  trouve  dans  Hémeré 
a  guidé  la  plume  de  L.-Sébastien  Mercier,  membre 

15. 


455  LE  HENNUYER 

fie  l'Institut,  lorsqu'il  a  fait  de  Jean  Le  Hennuyer 
le  héros  d'un  drame  en  trois  actes  et  en  prose 
publié  en  1772  et  1775,  in-8°.  Th.  M. 

De  Thou ,  Hist.  sut  temp.  —  D'Aublgné ,  Hitt. 

lkhecrt  (  Matthieu  ),  théologien  français, 
né  au  Mans,  en  1561,  mort  le  31  janvier  1620. 
Il  était  d'une  famille  plébéienne  :  ce  qu'expriment 
ces  mots  de  son  apologie  «  supplevit  doctrina 
genus  ».  Ayant  embrassé  l'institut  de  Saint-Fran- 
çois, il  habita  tour  à  tour  divers  couvents  de 
son  ordre.  Il  était  en  1594-1595  gardien  des 
Cordeliers  de  Paris ,  et  remplissait  la  même 
charge  au  Mans  en  1602,  à  Poitiers  en  1613. 
L'opinion  commune  est  qu'il  mourut  à  Angers. 
Quelques  notes  manuscrites  de  dom  Liron,  que 
possède  la  Bibliothèque  impériale ,  le  font  mourir 
au  Mans.  Pierre  Levenier  a  fait  un  poëme  latin 
en  l'honneur  de  Leheurt.  Ses  œuvres  sont  :  Di- 
rectorium  fratrum  Minorum;  Paris,  1618;  — 
Officium  S.  Juliani,  Cenomanorum  episcopi, 
accœterorum  sanctorum  qui  in  conventu  Ce- 
nomanensi  celebrari  consueverunt  ;  Le  Mans, 
1620,  in-8D.  Il  édita  La  Philosophie  des  Es- 
prits de  René  du  Pont  B.  H. 

Luc.  Waddin?,  Script.  Fratr.  Minorum.  —  B.  Hau- 
réau,  JJist.  Litt.  du  Maine,  t.  I,  p.  14,  451;  et  t.  IV, 
p.  3j8. 

*  LE  HiR  (Jean- Louis) ,  économiste  français, 
né  à  Saint-Pol-de-Léon  (Finistère),  le  9  dé- 
cembre 1806.  Docteur  en  droit,  il  a  fait  pendant 
douze  aus  partie  du  barreau  et  rédigé  le  Recueil 
des  Arrêts  de  la  Cour  de  Bennes.  Inscrit  depuis 
1837  sur  le  tableau  des  avocats  de  Paris,  il  a 
publié  :  Annales  de  la  Science  et  du  Droit  corn- 
viercial,  ou  mémorial  du  commerce  et  de  l'in- 
dustrie ,  recueil  mensuel  de  législation ,  de  doc- 
trine ,  d'économie ,  de  statistique  et  de  jurispru- 
dence industrielles  et  commerciales,  2  volumes 
in-s°  par  an;  —  Harmonies  Sociales;  1847, 
in-8°  ;  —  Crédit  foncier,  guide  manuel  des 
fondateurs,  directeurs,  administrateurs  des  so- 
ciétés de  crédit  foncier;  commentaire  du  dé- 
cret du  28  février  1852,  grand  in-8°,  1852;  — 
Traité  de  la  Prisée  et  de  ta  Vente  aux  enchères 
des  meubles  et  des  marchandises  ;  1855,  2  vol. 
in-8";  —  Manuel  d'Assurance,  in-32,  1857; 
—  De  l'Assurance  par  l'État,  fondation  des 
Baisses  d'assurance  mutuelle  contre  la  grêle  et 
les  gelées,  contre  les  inondations ,  contre  la  mor- 
talité «les  bestiaux;  1857,  in-8°. 

Archives  des  Hommes  du  Jour. 

lkumânn  (vhristop/ie),  historien  allemand, 
né  en  1568,  à  Finsterwald,  dans  la  Lusace,  mort 
en  janvier  1638.  Secrétaire  de  la  ville  de  Spire, 
il  remplit  plusieurs  missions  auprès  de  l'empe- 
reur et  de  la  diète.  Il  passa  en  1629  au  service 
de  l'électeur  de  Trêves,  et  fut  nommé  huit  ans 
après  syndic  de  Heilbronn.  On  a  de  lui  :  Chro- 
nika  der  freien  Reichsstadt  Speier  (  Chroni- 
que de  Spire,  ville  libre  impériale);  Franc- 
fort, 1612,  et  1662,in-4°;  ibid.,  1698  et  1711, 
in-fol.;  —  Collegium  Poiiticum;  Francfort, 
1630,   in-8o;  ibid.,  1643;  in-12;   —    Florile- 


—  LEHMANN 


456 


gium  Poiiticum;  Francfort,  1630-1642,  trois 
parties  in-8° ;  ibid.,  1662,  quatre  parties  in-12; 
—  De  pace  religionis  Acta  publica  et  origina- 
lia;  Francfort,  1631,  et  1640,  in-4°;  une  nouvelle 
édition,  très-augmentée,  parut  à  Francfort,  1707, 
2  vol.  in-fol.,  et  fut  suivie  de  deux  autres  vo- 
lumes in-fol.,  publiés  en  1709  et  en  1710,  qui, 
sous  le  titre  de  Lehmunnus  suppletus,  relatent 
les  documents  du  dix-septième  siècle  relatifs  à 
l'exercice  des  cultes  catholique  et  protestant  dans 
l'Empire.  E.  G. 

Baur,  Leben  T.ehmanus;  Francfort,  1756,  in  8».  —  Ro- 
termund,  Supplément  a  JOcher. 

lehmamv  (  Pierre- Ambroi  se),  érudit  al- 
lemand, né  à  Dôbeln  en  Misnie,  dans  la  seconde 
moitié  du  dix-septième  siècle,  mort  en  1729. 
Reçu  maître  en  philosophie  en  1690,  il  se  fixa 
à  Hambourg,  et  devint  agent  diplomatique  du  roi 
de  Pologne.  On  a  de  lui  :  De  Archidiaconis  ve- 
teris  Ecclesiae  ;  Leipzig,  1687,  in-4°; —  Ham- 
burgum  Literatum;  Hambourg,  1698,  1701, 
1704,  1705,  in-8°;  — Nova  Literataria  Ger- 
mantas  ;  Hambourg,  1703,  1709,  in-4°;  —  Tha- 
ler-Collection  (Collection  de  médailles)  ;  Ham- 
bourg, 1709,  in-4°.  E.  G. 

Moller,  Cimbria  Literata.  t.  If,  p.  466.  —  JOclier, 
Allyemeines  delehrten-Lexikon.  — Rotennund  ,  Suppli- 
aient à  Jucher. 

i.eiimaxs  (Jean-Gottlob  ),  minéralogiste  al- 
lemand ,  lié  au  commencement  du  dix-huitième 
siècle,  mort  le  20  février  1767,  à  Saint-Péters- 
bourg. D'abord  membre  de  l'Académie  de  Berlin, 
il  vint  en  1761  s'établir  à  Saint-Pétersbourg,  où 
il  fut  nommé  professeur  de  chimie  et  directeur 
du  cabinet  d'histoire  naturelle.  Il  mourut  par 
accident,  à  la  suite,  d'une  expérience  de  chimie. 
Il  renouvela  l'idée  desanciens  du  soulèvement  des 
montagnes  à  des  époques  différentes.  On  a  de 
lui  :  Einleitung  in  emige  Theile  der  Berg- 
werkwissenschnft  (  Introduction  dans  quelques 
parties  de  la  science  des  mines  );  Berlin,  1751, 
in-8°;  —  Von  den  Metall-mùtlern  und  der 
Erzeugung  der  Metalîe  (  Des  Matrices  des  mé- 
taux et  de  la  production  de  ces  derniers  )  ;  Ber- 
lin, 1753,  in-8°;  —  De  Aère  sub  terra  latente, 
causa  movente  vulcanorum ;  Berlin,  1753  ;  — 
Verzeic/miss  und  Beschreilning  der  Mùnzen, 
welche  der  Bûrgermeister  Liebeherr  zu  Alts- 
tettin  gesammelt  hat  (Catalogue  et  Description 
des  monnaies  recueillies  par  le  bourgmestre 
d'Altslettin,  Liebeherr  );  Berlin,  1752,  in-8°; 
une  nouvelle  édition  a  été  donnée  par  Osten  ;  — 
Versuch  ciner  Geschichte  von  Floetzgebirgen, 
deren  Entslchung ,  Lage,  darin  befmdlichen 
Metallen ,  Mineralien  und  Fossilien  (  Essai 
d'une  histoire  des  Roches  stratiformes ,  traitant 
de  leur  origine,  de  leur  gisement  et  des  mé- 
taux, minéraux  et  fossiles  qu'elles  contien- 
nent); Berlin,  1756,  in-8°,  avec  planches;  — 
Phgsikalische  Gedanken  von  Erdbeben 
(  Idées  sur  les  tremblements  de  terre  au  point 
de  vue  de  la  physique  )  ;  Berlin,  1757,  in-8°  ;  — 
Enttvurf  einer  Minéralogie  (  Essai  d'une  Mi- 


|  457 

j  néralogie);  Berlin,  1759  et  1760,  in-8°;  Franc- 
fort et  Leipzig,  1769;  traduit  en  russe,  Saint-Pé- 
tersbourg,  1771;  —   Cadmiologie  oder  Ges- 
chichte  des  Farben-Kobolds  (  Cadmiologie,  ou 
i  Histoire  du  Cobalt);  Koenigsberg,   1761-1766, 
j.  2  vol.,  in-s*;  —  Spécimen  Orographiœ  gene- 
rafi-i  y  tracta  tus  montium  primarios  glnbum 
I  îiostrum   terraqueum   pervnganles ;   Péters- 
|  bourg,  1762,  in-4°;  —  Prob'ierkunst  (  L'Art  de 
l'essayeur);  Berlin,  1775,  in-8°;  — une  grande 
partie  des   ouvrages   précités  ont  été   traduits 
en  français  par  le  baron  d'Holbach,  sous  le  titre 
de  :  Traités  de  Physique,  de  Chimie,  d'His- 
toire Naturelle,  de  Minéralogie  et  de  Métal- 
lurgie :  Paris,  1759,  3  vol.  in-12.  — Parmi  les 
Mémoires  publiés   par  Lehmann  dans  les  3/e- 
moires  de  l'Académie  de  Berlin  (1),  de  l'Aca- 
démie de  Saint-Pétersbourg,  de  la  Société  éco- 
j  nomique  de  cette  ville   et  dans  ceux  de  l'Aca- 

I  demie  des  Sdences  de  Harlem  ,  nous  citerons  sa 
Dissertation  sur  un  passage  difficile  de.  Pline 
j  l'Ancien  (  XXXVII,  47  )  relatif  à  la  pierre 
précieuse  connue  des  anciens  sous  le  nom 
d'Asteria  (Mém.  de  Berlin,  année  1754).  E.  G. 
Deukicûrdigkeiten  ans  dem  Leben  ausijezeichueter 
Teutschen  nus  dem  18  Jahrhundcrt ,  p.  163.  —  Roter- 
mund,  Supplément  à  .Nicher. 

*  lehmann  (  Charles  -  Ernest-Bodolphe- 
Henri),  peintre  français  d'origine  allemande, 
né  à  Kiel  (duché  de  Holstein),  le  14  avril  1814. 
Fils  d'un  peintre  distingué,  il  reçut  les  premières 
leçons  de  peinture  de  son  père,  et  vint  à  Paris 
se  perfectionner  dans  l'atelier  de  M.  Ingres.  Il 
débuta  au  salon  de  1835,  par  un  tableau  em- 
prunté à  la  Bible.  Plus  tard  ses  portraits  furent 
remarqués,  et  depuis  il  a  été  chargé  de  décorer 
les  murs  de  grands  édifices  publics.  Il  a  ob- 
tenu une  médaille  de  deuxième  classe  en  1835, 
une  médaille  de  première  classe  en  1840  et  en 
1848  ;  chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  en  1840, 
il  a  été  promu  officier  du  même  ordre  en  1853, 
et  a  reçu  une  médaille  de  première  classe  à  la 
suite  de  l'exposition  universelle  de  1S55.  A  une 
connaissance  habile  de  la  pratique  de  son  art, 
M.  Lehmann  joint  une  sentimentalité  toute  germa- 
nique. Sa  couleur  est  un  peu  froide,  mais  il  pose 
bien  ses  personnages ,  el  leur  donne  une  grande 
expression.  Le  dessin  de  ses  portraits  est  pur,  son 
modelé  parfait  et  les  mains  sont  traitées  avec 
une  grande  délicatesse.  M.  Lehmann  a  exposé 
à  Paris  en  1835  :  Départ  du  jeune  Tobie  em- 
mené par  l'ange  Raphaël  ;  —  en  1836  :  La 
fille  de  Jephté,  toile  achetée  par  le  duc  d'Or- 
léans; —  Don  Diego,  père  du  Cid,  maintenant 
au  musée  de  Lyon  ;  —  en  1837  :  Le  jeune  Tobie 
obtenant  de,  Raguel  la  main  de  sa  fille  Sarah; 
—  Le  Pécheur,  d'après  la  ballade  de  Gœthe  ;  — 
en  1840  :  Sainte  Catherine  d'Alexandrie 
portée  au   tombeau  par  les  anges;  —  La 


(1)  Les  cinq  mémoires  insérés  par  Lehmann  dans  ce 
recueil  ont  éie  traduits  en  français  dans  le  tome  X  de 
la  Collection  académique. 


LEHMANN  458 

Vierge  et  r enfant  Jésus;  —  Portrait  de 
M.  Liszt  ;  —  en  1842  :  La  Flagellation  de  Jésus- 
Christ,  qui  appartient  à  l'église  Saint-Nicolas 
de  Boulogne-sur-mer;  —  Portrait  de  Hugues 
de  Payens,  grand-maitre  des  Templiers;  — 
Femmes  près  de  l'eau;  —  Mariuccia;  —  en 
1843  :  Jérémie,  prophète,  à  présent  au  musée 
d'Angers;  —  Fa  us  tin  e  ;  —  en  1844  :  Portrait 
de  M'»e  la  princesse  de  Belgiojoso  ;  —  en  1 846  : 
Hamlet;  —  Ophélia;  —  Océanides; —  Por- 
trait de  M.  le  comte  de  Nieuwerkerke;  —  en 
1S47  :  Portraits  de  M.  Franlz  Liszt  el  de 
Mme  Léon  Lehmann,  mère  de  l'auteur;  —  en 
1848  :  Au  pied  de  la  Croix  ;  —  Syrènes  ;  — 
Léonide,  à  présent  au   musée  de  Nantes  ;  — 

—  Portrait  de  Mme  Arsène  Houssaye;  en 
1851  :  Désolation  des  Océanides  au  pied  du 
roc,  où  Prométhée  est  enchaîné,  pour  le  musée 
du  Luxembourg;  —  Consolatrice  des  affligés; 

—  Assomption,  qui  fait  partie  de  la  décoration 
de  la  chapelle  de  la  Vierge  à  l'église  Saint-Louis 
en  l'île;  —  Portrait  de  M.  F.  Ponsard  ;  — 
en  1852  :  Rêve;  —  en  1855  :  L'Enfant  Jésus 
et  les  Mages  ;  —  Adoration  ;  —  Vénus  ana- 
dyomène;  —  Ondine;  —  Rêve  d'Érigone, 
vision  bachique,  projet  de  plafond  ;  —  Le  Lai 
à?  Aristote; —  en  1859  :  Sainte  Agnès;  —  Le 
Pêcheur  ;  —  L' Éducation  de  Tobie  ;  —  Por- 
trait de  M.  l'abbé  Deguerry  ;  —  Esquisses 
en  grisaille,  des  grandes  compositions  exécu- 
tées par  l'auteur  au  palais  du  Luxembourg.  En 
outre ,  M.  Lehmann  a  peint  sur  les  murs  de  cha- 
pelles de  l'église  Sa:nt-Merry  :  L'Annonciation; 
Le  Baptême  de  Jésus-C/uist  ;  La  Pentecôte 
et  la  Confession  :  il  a  décoré  aussi  la  chapelle  de 
l'Institution  des  Jeunes  Aveugles.  Chargé  en  1852 
de  la  décoration  de  la  galerie  des  fêtes  à  l'hôtel 
de  ville  de  Paris,  il  y  a  représenté  l'histoire  de 
l'humanité  dans  une  suite  de  grandes  composi- 
tions; il  a  exécuté  dans  les  hémicycles  de  la 
salle  du  Trône  au  palais  du  Luxembourg  :  la 
France  soas  le  règne  des  Mérovingiens  et  des 
Carlovingiens ,  et  la  France  sous  les  Capétiens, 
les  Valois  et  les  Bourbons  ;  enfin  son  pinceau 
couvre  de  ses  produits  les  transepts  de  l'église 
Sainte-Clotilde.  L.  L— t. 

V.  Lacaine  etCb.  Laurent,  Bionr.  et  Nécrol.  des  Hom- 
mes marquants  du  dix  -neuvième  siècle,  tome  111,  p.  2S3. 

—  Dict.  de  la  Conversation.  —  Vapere.iu,  Dict.  univ.  des 
Contemp.  —  Livrets  des  Salons,  1833-1859. 

*  lehmann  (Rodolphe),  peintre  français 
d'origine  allemande,  frère  du  précéd  nt,  né  à 
Hambourg,  le  19  août  1819.  Élèvede  son  père  et 
de  M.  Henri  Lehmann,  il  a  fait  quelques  voyages 
en  Allemagne  et  en  Angleterre  et  réside  à  Borne. 
Il  a  exposé  à  Paris,  en  1842  :  Chiaruccia, 
fileuse;  —  en  1843:  Grazia,  vendangeuse  de 
Capri;  — en  1845  :  Mater  amabilis;  —  Van- 
neuse des  marais  Pantins  ;  —  Pèlerine  dans 
la  campagne  de  Rome;  —  en  1847  :  La  Vierge 
et  l'enfant  Jésus;  —  Sixte-Quint  bénissant 
les  marais  Ponlins ;  —  Rebina,  chevrière 
des    Abruzzes;   —  Portrait    du    chevalier 


459 


LEHMAN  N 


Landsberg; — en  1848  :  Zuleyka; —  Portrait 
de  M.  Léon  Lehmann,  père  de  l'artiste; —  en 
1853  :  Giacinta;  —  Mendiants  romains;  —  en 
1855  :  Graziella,  et  plusieurs  des  toiles  déjà 
citées;  —  en  1859  :  Les  Marais  Pontins.  A 
la  suite  de  l'exposition  universelle  de  1855, 
M.  Rodophe  Lehmann  a  obtenu  une  mention  ho- 
norable. Il  avait  reçu  une  médaille  de  troisième 
classe  en  1843,  et  une  médaille  de  deuxième 
classe  en  1845  et  en  1848.  L.  L— t. 

Vapereau  ,  Dict.  univ.  des  Contemp.  —  Livrets  des 
Salons  rte  1842  à  1859. 

LEHAis  (Georges-Chrétien),  littérateur  alle- 
mand, né  à  Liegnitz,  en  1684,  mort  en  1715.  Il 
était  bibliothécaire  du  prince  de  Hesse-Darm- 
stadt,  et  publia  :  Beschreibung  der  Universitàt 
Leipzig  (  Description  de  l'Université  de.Leipzig)  ; 
Leipzig,  1710,  in-8°; —  Teutschland  gâtante 
Poetinnen  (Les  Femmes  poètes  de  l'Allemagne); 
Francfort,  1715,  in-S°  ;  —  Historié  des  heutigen 
Sàkuli  (Histoire  du  présent  siècle  );  1716-1717, 
in-8°.  Lelims  a  aussi  écrit  sous  le  pseudonyme  de 
Pallidor  plusieurs  romans ,  dont  les  sujets 
sont  pour  la  plupart  tirés  de  la  Bible.         E.  G. 

Rotennund,  Supplément  à  Jôcher. 

lehoc  (Louis-Grégoire),  administrateur  et 
littérateur  français,  né  à  Paris,  le  28  octobre 
1743,  mort  dans  la  même  ville,  le  15  octobre 
1810.  Il  fit  ses  études  à  Paris,  et  débuta  dans  la 
littérature  par  le  Testament  de  ma  liaison.  Le 
Mercure  publia  de  lui,  en  1773,  des  sonnets 
imités  de  Pétrarque.  Enfin  Lehoc  s'essaya  dans  un 
genre  plus  sérieux  en  composant  un  Étoge  du 
chancelier  de  V  Hospilal.  Entré  dans  la  carrière 
administrative,  il  fut  nommé  en  1778  commissaire 
généra!  de  la  marine  pour  procéder  à  l'échange  des 
prisonniers  faits  réciproquement  par  la  France  et 
l'Angleterre  pendant  la  guerre  d'Amérique  :  le 
mode  qu'il  proposa  fut  reconnu  si  satisfaisant  que 
toutes  les  nations  l'adoptèrent  depuis.  Le  gou- 
vernement lui  accorda  alors  une  pension  qu'il 
perdit  à  la  révolution.  Lehoc  accompagna  le  comte 
de  Choiseul-Gouffier  dans  son  ambassade  à  Cons- 
tantinople,  en  qualité  de  premier  secrétaire  d'am- 
bassade. Il  profita  de  cette  position  pour  par- 
courir la  Grèce  et  il  visita  les  ruines  d'Athènes 
avec  Delille.  Revenu  en  France  en  1787,  Lehoc 
concourut  aux  travaux  préparatoires  de  l'as- 
semblée des  notables.  Necker  le  cite  avec  éloge 
dans  son  Compte  rendu.  Lehoc  fut  ensuite  in- 
tendant des  finances  du  duc  d'Orléans,  de  1788 
à  1789.  Après  la  prise  de  la  Bastille,  il  fut  nommé 
chef  de  bataillon  de  la  garde  nationale  de  sa  sec- 
tion, grade  qu'il  remplissait  encore  à  l'époque 
de  la  fuite  du  roi  :  il  fut  à  ce  moment  chargé  par 
l'Assemblée  constituante  de  la  garde  du  dauphin. 
Lehoc  commandait  au  château  des  Tuileries  le 
21  février  1791, dans  lajournéeditedes  poignards, 
etsa  prudenceempêchabiendes  malheurs.  Nommé 
ministre  plénipotentiaire  à  Hambourg,  il  fut  rap- 
pelé peu  de  temps  après  la  mort  du  roi.  Incar- 
céré à  cause  d'un  mémoire  qu'il  avait  adressé  à 


-  LEHODEY  460 

Louis  XVI,  et  qui  avait  été  trouvé  dans  l'armoire 
de  fer,  il  resta  en  prison  jusque  après  le  9  ther- 
midor. Plus  tard,  il  fut  envoyé  à  Stockholm 
comme  ambassadeur  par  le  Directoire,  et  il  re- 
vint en  France  après  le  18  brumaire.  Dès  lors  il 
se  livra  entièrement  à  la  culture  des  lettres.  Re- 
tiré dans  une  propriété  qu'il  possédait  aux  en- 
virons de  Paris ,  il  devint  membre  du  conseil 
général  de  l'Oise,  et  président  de  ce  conseil.  On 
a  de  lui  :  Mémoire  aie  roi  sur  le  ministère  et 
l'administration  ;  1791,  in-  8°; —  Aux  Anglais, 
fragment  d'un  ouvrage  sur  la  situation  po- 
litique de  l'Europe;  Paris,  1798,  in-8°;  — 
Pyrrhus,  ou  les  JEacides,  tragédie  en  cinq 
actes,  représentée  sur  le  Théâtre-Français  en  1 807  ; 
Paris,  1807,  in-8°  :  cette  pièce  obtint  du  succès; 
mais  la  police  en  interdit  la  représentation  à 
cause  des  allusions  qui  sortaient  du  sujet;  il  ob- 
tint une  mention  honorable  du  jury  des  prix  dé- 
cennaux. On  fit  encore  parai tre de  Lehoc.  Hippo- 
mène  et  Atalante,  opéra  en  un  acte  et  en  vers 
libres;  Paris,  1810,  in-4°.  J.  V. 

Biotjr.  univ.  et  portât,   des  Contemp.  —  Quérard,  La 
France  Littéraire. 

LEHODEY  OESAUETCHEVREPIL  (N ), 

littérateur  et  journaliste  français,  mort  à  Paris,  le 
4  avril.  1830.  A  l'ouverture  des  états  généraux 
en  1789,  il  fit  paraître  le  Journal  des  États 
généraux,  qui  devint  ensuite  le  Journal  de, 
l' Assemblée  nationale,  et  dont  Rabaut  Saint- 
Étienne  était  le  principal  rédacteur.  L'exactitude 
des  comptes-rendus  de  l'assemblée  valut  un 
grand  succès  à  cette  feuille,  à  laquelle  le  Moni- 
teur fit  plus  tard  beaucoup  de  tort.  En  1791 
Lehodey  entreprit  un  autre  journal,  qu'il  intitula 
Le  Logographe.  Il  avait  obtenu  par  la  protec- 
tion du  roi  une  loge  à  l'Assemblée  législative  dans 
laquelle  quatorze  personnes  recueillaient  les  dis- 
cours. Louis  XVI  faisait  les  frais  de  ce  journal, 
qu'il  lisait  à  ce  qu'on  assure  très-attentivement. 
Le  Logographe  fut  supprimé  le  10  août  1792, 
et,  sur  la  dénonciation  de  Thuriot,  Lehodey  fut 
traduit  devant  le  comité  de  surveillance.  Lehodey 
parvint  à  se  justifier;  il  échappa  aux  persécu- 
tions de  1793;  mais  en  1795  Louvet  l'accusa  à 
la  tribune  de  la  Convention  d'avoir  tenu  des 
propos  contre-révolutionnaires  au  sujet  des  dé- 
putés proscrits  le  31  mai.  Cette  accusation  n'eut 
pas  de  suite.  En  1799  Lehodey  fut  nommé  chef 
du  bureau  des  journaux  et  de  l'esprit  public  au 
ministère  de  la  Police  sous  Touché.  Après  le 
18  brumaire,  Lehodey  passa  en  Belgique  comme 
secrétaire  général  d'une  préfecture,  place  qu'il  ne 
garda  pas  longtemps.  Il  revint  ensuite  dans  lacapi- 
tale,  où  il  ne  s'occupa  plus  guère  que  de  travaux 
littéraires.  On  a  de  lui  :  De  la  Conduite  du  Sé- 
nat sous  Bonaparte,  ou  les  causes  de  la  jour- 
née du  31  mars  1814,  avec  des  détails  cir- 
constanciés sur  cette  journée  mémorable  ; 
Paris,  1814,  in-8°  ;  —  Histoire  de  la  Régence 
de  l'impératrice  Marie-Louise  et  des  deux 
gouvernements  provisoires  ;  Paris,  1814,  in-8°; 


461 


LEHGDEY  —  LEHRBACH 


462 


—  Parallèle  et  Critique  impartiale  des  tra- 
ductions des  Bucoliques  en  vers  français  de 
MM.  Tissot  et  H.  de  Villodon;  Paris,  1820, 
iu-8°.  J.  V. 

Ilioor.univ  et  portât,  des  Contemp.  —  Querard,  La 
France  Liltér. 

*  lkhon  (  Charles-Aimé- Joseph,  comte), 
diplomate  et  homme  politique  belge,  né  à  Tour- 
na}, en  1792.  Il  étudia  le  droit,  et  se  lit  recevoir 
avocat  au  barreau  de  Liège  Eu  1825  il  fut  élu 
député  de  cette  ville  à  la  seconde  chambre  des 
états  généraux  du  royaume  des  Pays-Bas.  Ad- 
versaire de  l'administration  hollandaise,  il  tigura 
parmi  les  membres  de  l'opposition;  il  ne  prit 
cependant  aucune  part  directe  à  la  révolution 
belge  en  1830.  Nommé  aussitôt  membre  du  con- 
grès national,  il  concourut  à  l'élection  du  duc  de 
Nemours  comme-  roi  des  Belges,  et  fit  partie  de 
la  imputation  chargée  de  venir  à  Paris  lui  offrir 
la  couronne.  Le  roi  Louis-Philippe  la  refusa, 
mais  M.  Lehon  lui  plut,  et  au  mois  de  mais 
1831  Ierégent  Surlet  de  Chokier  nomma  M.  Lehon 
ministre  plénipotentiaire  de  Belgique  auprès 
de  la  cour  des  Tuileries.  M.  Lehon  eut  ainsi  une 
grande  part  aux  négociations  qui  amenèrent  le 
mariage  delà  princesse  Louise  d'Orléans  a«c  le 
roi  Léopold  et  à  toutes  les  questions  débattues 
entre  la  Belgique  et  la  France,  pour  laquelle  l'op- 
position belge  l'accusait  d'avoir  trop  de  déférence. 
Le  roi  des  Belges,  qui  l'avait  maintenu  à  son 
poste,  lui  accorda  le  titre  de  comte.  En  1842 
M.  Lehon  donna  sa  démission  à  la  suite  du  dé- 
sagréable retentissement  qu'avait  eu  la  déconfi- 
ture de  son  frère,  notaire  à  Paris,  qui  s'était 
trouvé  entraîné  dans  un  déficit  énorme  à  la  suite 
d'opérations  malheureuses  où  il  avait  engagé  les 
dépôts  de  ses  clients,  ce  qui  lui  avait  valu  une 
condamnation  eu  police  correctionnelle.  M.  le 
comte  Lehon  se  retira  alors  dans  son  pays,  et 
en  1847  il  revint  siéger  à  la  chambre  des  repré- 
sentants de  Belgique,  oiiil  resta  jusqu'en  1857  et 
où  il  vota  avec  le  parti  modéré.  M.  le  comte  Lehon 
a  épousé  une  demoiselle  Mosselmann,  fille  d'un 
des  plus  riches  propriétaires  de  mines  en  Bel- 
gique. Cette  dame,  qui  a  brillé,  par  ses  grâces  el 
son  esprit,  dans  les  salons  de  Paris ,  s'est  fait 
construire  une  riche  habitation  aux  Champs- 
Elysées. 

Son  fils  aîné,  Louis- Xavier -Léopold  Lehon, 
né  en  1828,  maître  des  requêtes  au  conseil  d'État 
français,  était  lors  du  coup  d'État  du  2  dé- 
cembre 1851  chef  du  cabinet  de  M.  de  Morny  ; 
démissionnaire  en  1856,  il  a  été  élu  député  au 
Corps  législatif  dans  la  première  circonscription 
du  département  de  l'Ain,  en  mars  1857,  à  la  place 
de  M.  Benoît  Champy,  et  réélu  aux.  élections 
générales  du  mois  de  juin  de  la  même  année. 
L.   L— t. 

Dict.  de  la  Convers.  —  Vapereau ,  Dict.  univ.  des 
Conlemp. 

LE  hongre  (Etienne),  sculpteur  français, 
néàParis,enl628,mort  en  1690.  Cetartiste  tient 


un  rang  distingué  parmi  les  sculpteurs  employés 
aux  grands  travaux  exécutés  sous  le  règne  de 
Louis  XIV.  Sesouvrages  sont  nombreux  dans  le 
parc  de  Versailles, où  l'on  remarque  surtout  des 
tritons  ,  des  syrènes  ,  une  statue  de  VAir,  et 
deux  termes  représentant  Vertumne  et  Po- 
mone.  On  lui  doit  l'un  des  bas-reliefs  de  la  porte 
Saint- Martin  de  Paris  et  la  statue  équestre  de 
Louis  XIV  à  Dijon.  En  1608,  Le  Hongre  avait 
été  reçu  membre  de  l'Académie  royale  de  Pein- 
ture et  Sculpture.  E.  B— n. 

Kontenay,  Dictionnaire  des  Artistes.  —  OrlantJi,  A'o- 
becedario. 

le  houx  (Jean),  dit  Je  Romain,  poète  fran- 
çais, naquit  à  Vire,  vers  le  milieu  du  quinzième 
siècle,  et  mourut  en  1616,  dans  la  même  ville; 
il  embrassa  la  carrière  du  barreau,  et  se  fit  un 
nom  comme  avocat;  mais  c'est  à  ses  chansons 
bacchiques  qu'il  dut  surtout  sa  réputation.  11  fît 
imprimer  les  Vaux-de-Vire  de  son  compatriote 
Olivier  Basselin  ,  dont  il  rajeunit  le  style,  et  il  y 
joignit  un  bon  nombre  de  pièces  du  même  genre. 
Quoiqu'il  n'y  ait  rien  dans  ces  joyeuses  composi- 
tions qui  blessent  la  morale,  elles  scandalisèrent 
le  clergé;  Le  Houx,  poussé  sans  doute  un  peu 
par  l'envie  de.  voir  du  pays,  résolut  d'aller  en  pè- 
lerinage à  Borne,  demander  le  pardon  de  la  faute 
qu'on  lui  reprochait;  ce  voyage  lui  fit  donner  le 
surnom  de  Romain.  Les  poésies  de  cet  ami  de 
la  purée  septembrale  parurent  dans  une  édi- 
tion donnée  à  Vire  des  chansons  de  Basselin,  vers 
le  commencement  du  dix-septième  siècle,  et  de- 
venue tellement  rare  qu'on  n'en  connaît  plus  que 
deux  ou  trois  exemplaires.  Une  édition  antérieure, 
qui  paraît  avoir  été  mise  au  jour  vers  1576,  est 
devenu  rarissime.  Des  éditions  plus  récentes 
parurent  à  Vire  en  1811,  à  Paris  en  1821,  à 
Avranches  en  1833;  de  nos  jours  M.  Paul  La- 
croix (bibliophile  Jacob)  a  fait  paraître  (Pa- 
ris, A.  Delahays,  1858)  un  recueil  de  Vaux- 
de-  Vire;  cinquante  trois  portent  le  nom  de  Jean 
Le  Houx.  Us  se  recommandent  par  la  facilité  de 
la  versification  et  possèdent  les  qualités  que  ré- 
clame le  genre  bacchique.  G.  B. 

Notice  sur  J.  Le  Houx  par  M.  A.  Asselin.  imprimée 
en  tête  de  l'édition  de  18U  et  reproduite  dans  celle  de 
1858.  —  Mémoire  sur  les  faux-de-Kire,  normands  par 
M.  Vanllicr,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de  Caen, 
1833-1835. 

LEHUBSACii  (Le  comte  de),  diplomate  autri- 
chien ,  né  vers  1750,  mort  en  1805.  Entré  de 
bonne  heure  dans  la  carrière  diplomatique,  il  fut 
envoyé  en  1789  dans  les  Pays-Bas  avec  M.  de 
Metternich  ;  nommé  ministre  d'Autriche  à  Mu- 
nich, il  déploya  beaucoup  de  zèle  pour  armer 
contre  la  république  française  les  petits  États  de 
l'Empire.  Après  la  paix  de  Baie,  il  représenta 
l'empereur  successivement  à  Berlin,  à  Batis- 
bonne  et  à  Baie.  Étant  parvenu  à  empêcher  la 
conclusion  d'un  traité  d'alliance  entre  la  Prusse 
et  la  France,  il  revint  à  Vienne,  pour  y  prendre 
une  ample  part  à  la  direction  des  affaires.  Par- 
tisan acharné  de  la  guerre  contre  la  France,  il 


463 


LEHRBACH 


fut  envoyé  en  1796  dans  le  Tyrol  pour  y  activer 
la  résistance  contre  les  armées  françaises.  Dé- 
puté deux  ans  après  au  congrès  de  Rastadt,  il 
devint  un  des  principaux  instigateurs  du  com- 
plot, qui  ayant  pour  but  d'enlever  de  force  les 
papiers  de  la  chancellerie  française,  finit  par  l'as- 
sassinat des  envoyés  du  Directoire,  Bonnier  et 
Roberjot.  De  retour  à  Vienne,  il  continua  d'être 
le  bras  droit  du  ministre  des  affaires  étrangères 
Thugut;  lors  de  la  chute  de  ce  dernier,  après 
la  paix  de  Lunéville,  il  fut,  sur  la  demande  du 
Napoléon,  relégué  en  Suisse,  où  il  mourut.  E.  G. 

Arnault  et  Jouy,  Biographie  nouvelle  des  Contempo- 
rains. —  Thiers,  Histoire  de  la  Révotutionfrançaise. 

lehrberg  (Aaron- Christian),  historien 
russe,  né  à  Dorpat,  le  7  août  1770,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg,  le  24  juillet  1813.  Il  étudia  aux  uni- 
versités d'Iéna  et  de  Gœttingue,  visita  l'Angle- 
terre, et  obtint  à  son  retour  en  1807  la  place  de 
professeur-adjoint  à  l'Académie  des  Sciences  à 
Saint-Pétersbourg.  Outre  un  grand  nombre  de 
mémoires  et  notices  insérées  dans  les  Dorpatsche 
Beytrxge,  Lehrberg  est  auteur  de  savantes 
Recherches  pour  éclaircir  l'ancienne  histoire 
de  Russie;  Saint-Pétersbourg,  1814,in-4°  (en 
allemand);  les  Annales  encyclopédiques  (1817 , 
v.  127)  en  ont  donné  un  extrait  et  le  comte  Ni- 
colas Roumiantzof  en  a  publié  une  traduction  en 
russe  en  1818.  Les  livres  rares  que  Lehrberg  s'é- 
tait procurés  dans  ses  voyages  ont  été  achetés 
à  sa  mort  par  le  comte  Roumiantzof,  et  se  con- 
servent à  Saint-Pétersbourg,  dans  le  musée  qui 
porte  le  nom  de  ce  Mécène.         Pce  A.  G— n. 

Gretsrh,  Essai  sur  l'histoire  de  la  littérature  russe. 
le  HUEN  (Nicole  ),  voyageur  et  mission- 
naire français,  né  à  Lisieux,  vivait  dans  le 
quinzième  siècle.  Il  fit  ses  vœux  chez  les  carmes 
déchaussés  de  Pont-Audemer,  et  professa  la 
théologie  dans  quelques  couvents  de  son  ordre. 
En  1487,  il  fit  le  voyage  de  la  Terre  Sainte,  et 
entra  le  6  août  à  Jérusalem,  qu'il  quitta  le  20.  A 
son  retour,  il  aborda  à  Chypre,  à  Rhodes, 
débarqua  à  Bari  ;  et  il  regagna  la  France ,  où 
Charlotte  de  Savoie,  épouse  du  roi  Louis  XI, 
le  prit  pour  chapelain.  Il  fit  alors  paraître  :  Le 
grand  Voyage  de  Hiérusalem,  en  deux  par- 
lies;  Lyon,  1488,  in-fol.  (très-rare);  Paris, 
1517,  1522,  in-4°.  Il  a  donné  quelques  détails 
vrais  sur  les  habitants  de  Jérusalem;  mais  la 
plus  grande  partie  de  l'œuvre  de  Le  Huen  ne 
contient  que  des  extraits  de  Breydenbach,  de 
Faber  et  d'autres  écrivains  monastiques  qui 
avaient  fait  de  longs  voyages  en  Palestine.  Sa 
seconde  partie  commence  par  les  guerres  de 
Charles  Martel  ;  elle  comprend  aussi  le  commen- 
cement des  conquêtes  des  Portugais  dans  les 
Indes.  A.  de  L. 

Biblioth.  carmclit. 

le  huérou  (Julien-Marie),  historien  fran- 
çais, né  à  Prat  (Côtes-du-Nord),  le  23  février 
1807,  mort  par  suicide  à  Nantes,  le  9  octobre 
1843.  Après  avoir  fait  ses  premières  études  à  j 


—  LEIBNIZ  464 

Rennes,  il  fut  admis  à  l'École  Normale,  qu'il 
quitta  à  la  fin  de  1828  pour  être  attaché  aux  col- 
lèges de  Bourbon  et  Saint-Louis  à  Paris,  puis  à 
ceux  deNantesetde  Rennes.  11  devinlagrégé  pour 
l'histoire,  et  ensuite  suppléant  de  la  chaire  de 
littérature  étrangère  de  la  facu  lé  des  lettres  de 
cette  dernière  ville.  Il  devait  être  nommé  profes- 
seur titulaire,  lorsqu'on  le  trouva  su-pendu  à 
un  saule,  sur  le  bord  de  la  Loire.  Les  motifs 
de  sa  funeste  résolution  sont  demeurés  inconnus. 
On  a  de  lui  :  De  l' Établissement  des  Francs 
dans  la  Gaule,  et  du  Gouvernement  des  pre- 
miers Mérovingiens  jusqu'à  Brunehaut  ,Caen, 
1838,  in-8°,  thèse  qui  lui  obtint  le  grade  de  doc- 
teur ès-lettres;  —  Histoire  des  Institutions 
mérovingiennes  et  du  gouvernement  des  Mé- 
rovingiens jusqu'à  Védit  de  615;  Paris,  1841, 
in-8° ,  travail  placé  au  premier  rang  parmi  ceux 
qui  traitent  de  nos  origines  et  de  la  fondation 
de  la  monarchie;  —  Histoire  des  institutions 
carlovingiennes  et  du  gouvernement  des  Car- 
lovingiens  ;  Paris,  1843,  in-8°;  —  Recherches 
sur  les  origines  celtiques  et  sur  la  première 
colonisation  de  la  Gaule,  de  la  Bretagne,  de 
l'Irlande  et  de  l'Ecosse;  sans  nom  de  lieu  ni 
date,  in-4°  de  37  pag.,  très-rare;  imprimé  aussi 
en  tête  de  la  nouvelle  édition  du  Dictionnaire 
historique  et  géographique  de  la  Bretagne, 
par  Ogée  ;  Rennes,  1843-1853,  2  vol  in-4°,dont 
il  forme  une  sorte  d'introduction  historique.  Le 
Huérou  a  joint  de  savantes  notes  à  l'ouvrage 
d'Ogée,  et  il  a  fourni  divers  articles  au  Journal 
de  l'Instruction  publique.       E.  Regnard. 

Lafcrrière,  IVotice  sur  J.-ilf.  Le  Huérou;  Paris,  1844, 
in-8o. 

eeib  (Kilian),  théologien  et  philologue  alle- 
mand, né  le  23  février  1471,  à  Ochsenfurt 
(Franconie),  mort  le  16  juillet  1553.  Il  fut  prieur 
du  monastère  de  Rebdorf  en  1503,  se  posa  en 
adversaire  décidé  de  Luther,  et  publia:  De' 
sacrée  Scripturse  dissonis  Translationibus; 
1542,  in-4°;  cet  opuscule,  devenu  très  rare,  a 
été  reproduit  dans  le  Liber  historiens  decodi- 
cibus  Veteris  et  Novi  Testamenti,  quibus  Lu- 
ther us  in  conficienda  interpretatione  ger- 
manica  usus  est  de  Palm  ;  —  Resolutio 
qusestionis  an  S.  Paulus  Apostolus  conjuga- 
tusfuerit;  Ingolstadt,  1545,  in-4°;  —  De  Cœ- 
libatu  atque  castimonia;  1547,  in-8";  — 
Grûndliche  Anzaygung,  aus  was  Ursachen 
so  mancherlay  Ketzereyen  erwachsen  sind 
(Exposé  approfondi  des  causes  qui  ont  fait  naître 
des  hérésies  si  diverses)  ;  Ingolstadt,  1557,  in-4"; 
—  Epistolx  Leibii  ad  Bilib.  Pirkheimerum 
datx  annis;  1519,  1520  et  1530,  dans  les  Do- 
cumenta lileraria  de  J.  Heumann,  p.  266. 
Leib  a  encore  laissé  onze  ouvrages,restés  en  ma- 
nuscrit. E.  G. 

Literarisches  Ifochenblait    Nurnberp,  1770,    t.   II, 
p.  81.  —  lîotermund.  Supplément  à  Joclier. 

Leibniz  (i)   (  Jean-Jacqties),    théologien 
(1)  On  l'a  plusieurs  fols  confondu  avec  son  père.  Juste- 


465  LEIBNÏTZ 

allemand,  né  à  Nuremberg,  le  29  mai  1653,  mort 
à  Stockholm,  le  28  octobre  1705.  Il  étudia  à 
Altorf,  Leipzig  et  Wittemberg,  et  fut  nommé,  en 
1 679,  diacre  à  l'église  de  Saint-Gilles  à  Nuremberg. 
Plus  tard  il  devint  pasteur  à  Eslingue,  et  fut 
enfin  appelé, en  lf>94,  à  diriger  l'église  allemande 
de  Stockholm.  On  a  de  lui  :  De  bibliothecae 
Iforimbergensis  memorabilibus  natures  ad- 
mirandis,  ingénu  humant  artificvs  et  anti- 
guiïoti.i  monumentis  ;  Nuremberg,  1674,  in-4°; 
Altorf,  1705,  in-4°;  —  De  Republiea  Platonis; 
Altorf,  1676,  in-4°.  Le.ibnitz  a  encore  publié  en 
allemand  des  sermons  et  quelques  ouvrages  de 
piété.  E.  G. 

|  Wi'l.  Nurnbergisches  Lexikon,  t.  II.  —  Zeltner,  fitx 
theoloQornm  slttdorTlanonim,  p.  593.  —  Rotermunct , 
Kupplcmcnt  a  JOcher. 

|  leibniz  (1)  (Godefroi-Guillaiime),  l'un 
!les  plus  grands  génies  des  temps  modernes,  na- 
Uit  à  Leipzig,  le  3  juillet  1646,  et  mourut  à  Ha- 
novre, le  14  novembre  1716.  Son  père,  Frédéric 
Leibniz,  mort  le  5  septembre  1652,  occupait  la 
pbaire  de  morale  à  l'université  de  Leipzig,  et  sa 
bière,  Catherine,  était  fille  de  Guillaume  Schmuck, 
professeur  en  droit  à  la  même  université.  A  six 
jtns  il  apprit  le  latin  et  le  grec  au  gymnase  de 
Eaint-Nicolas,  où  il  eut  pour  maîtres  Herschuch 
pt  Tileman  Bachusius.  S'affrancbissant  bientôt  de 
■  étroite  méthode  des  scolastiques,  lejeune  Leib- 
niz se  mit,  malgré  les  remontrances  de  ses 
maîtres ,  à  lire  en  particulier  les  auteurs  classi- 
ques; Tite  Live  et  Virgile  surtout  avaient  pour  lui 
jin  puissant  attrait  (2).  Ces  lectures  se  gravèrent 
à  profondément  dans  sa  mémoire ,  que  dans  sa 
lieillesse  il  pouvait  encore  réciter  des  livres 
entiers  de  VÉnéide.  On  raconte  qu'il  était  le 
premier  de  sa  classe  pour  la  poésie  latine,  et 
iru'un  jour  il  avait  fait  un  poëme  en  trois  cents 
Fers ,  où  il  ne  s'était  pas  permis  une  seule  éli- 
^ion  (3).  A  quinze  ans  il  quitta  les  bancs  du  col- 
lège pour  suivre,  à  l'université  de  sa  ville  natale, 
les  cours  de  Jacques  Thomasius  (voy.  ce  nom), 
brofesseur  de  philosophie,  et  de  Jean  Kuhnius, 
professeur  de  mathématiques.  Leibniz  conçut 
iiour  le  premier  une  grande  estime,  et  on  l'enten- 

i'acques  l.elbnitz,  qui,  né  en  1610,  et  mort  en  1683,  fut  pas- 
eur  de  Saint-Sébald  à  Nuremberg  et  bibliothécaire  de 
!:etle  ville.  Il  a  publié  :  Fiyurx  pœnitentiœ  biblicas ;  Nu- 
jeroberg,  1683,  et  1719,  in-12. 

'  (1)  Les  lettres  autographes  qui  nous  restent  de  ce  génie 
incomparable  sont  toutes  signées  Leibniz;  c'est  donc  la 
j'éritable  orthographe  de  son  nom,  et  non  Leibnitz,  comme 
''ont  écrit  à  tort  beaucoup  d'auteurs. 
'  (2)  Leibniz  a  donné  lui-même  sur  ses  premières  étu- 
jies  les  détails  suivants  :  «  Avant  de  faire  mes  classes, 
'étais  déjà  versé  dans  l'histoire  et  les  poëtes;  mais  dès 
jiue  Je  me  mis  à  étudier  la  logique,  je  fus  frappé  de  la 
jllstributlon  et  coordination  des  pensées,  et,  autant  qu'un 
infant  de  treize  ans  en  peut  juger,  je  soupçonnai  bientôt 
jiu'il  devait  y  avoir  là  dessous  quelque  chose  de  grand 
\dass  ein  Grosses darin  stecktn  miisle  ).  »  Dans  la  lettre 
^allemande  )  à  Wagner  Sur  l'utilité  de  la  logique,  écrite 
|:n  169s  et  Imprimée  dans  Guhraucr,  Lcibniz's  Deutsche 
bchriften ,  t.  I ,  p.  374  (  Berlin,  1838  ).  —  Dans  cette 
'même  lettre,  Leibniz  définit  la  logique  l'arf  (le  se  servir 
de  l'intelligence. 
(S)  Jeta  Erudit.,  année  1717,  p.  353. 


LEIBNIZ 


466 


dait  depuis  souvent  répéter  que  si  Thoma- 
sius (mort  en  1682)  eût  vécu  encore  trente  ans, 
il  aurait  sans  doute  profité  des  découvertes 
faites  dans  cet  intervalle,  et  porté  la  philoso- 
phie plus  loin  qu'aucun  de  ses  contemporains. 
C'est  du  reste  ce  célèbre  professeur  qui  donna 
à  Leibniz  le  conseil ,  conforme  au  précepte  de 
Platon ,  de  s'initier  d'abord  aux  mathématiques. 
Malheureusement  Kuhnius  les  enseignait  mal: 
ses  leçons  étaient  si  obscures  que  Leibniz  ne  les 
entendait  guère,  et  que  les  autres  étudiants  ne 
les  entendaient  point  du  tout.  Quand  le  jeune 
homme  demandait  des  explications,  il  recevait 
pour  toute  réponse  :  «  C'est  la  règle.  »  Ainsi 
réduit  à  raisonner  et  à  méditer  ce  qu'il  venait 
d'entendre ,  il  essaya  lui-même  de  débrouiller, 
pour  lui  et  ses  condisciples,  les  logogriphes  d'un 
vieux  pédant.  Ce  fut  là  une  bonne  initiation. 

En  1663,  Leibniz  continua  ses  études  à  l'uni- 
versité de  léna,  où  il  eut  pour  professeur  le  ma- 
thématicien Weigel,  l'historien  et  archéologue 
Bosius,  et  le  jurisconsulte  Falkner.  Au  bout  d'un 
an ,  il  revint  à  Leipzig,  qu'il  quitta  bientôt  pour 
I  voir  à  Brunswick  un  oncle  maternel,  Jean  Strau- 
I  chius,  greffier  de  la  ville  et  jurisconsulte  re- 
nommé. De  retour  à  Leipzig,  dans  les  premiers 
j  mois  de  1664,  il  reprit  avec  ardeur  l'étude  du 
droit  et  de  la  philosophie,où  il  s'était  proposé  de 
concilier  Aristote  et  Platon,  et  soutint  successi- 
vement trois  thèses  (t  )  pour  obtenir  les  grades  de 
bachelier  et  de  licencié  en  droit.  Vers  la  même 
époque,  il  s'occupait  beaucoup  d'histoire  litté- 
raire, et  s'était  proposé  d'écrire  contre  les  par- 
tisans de  la  latinité  de  Lipsius  ;  cet  ouvrage,  qui 
devait  avoir  pour  titre  :  De  Scriptoribus  Lip- 
sianizantibus,  seu  laconicum  scribendi  genus 
imitantibus ,  est  resté  manuscrit,  si  toutefois 
il  fut  jamais  rédigé.  Pour  couronner  ses  études 
de  jurisprudence,  Leibniz  voulut  prendre  le 
grade  de  docteur  ;  mais ,  comme  il  était  trop 
jeune,  il  lui  fallait  une  dispense  d'âge.  Cette  fa- 
veur lui  fut  durement  refusée  par  le  doyen  de  la 
faculté  (2).  Leibniz  en  fut  vivement  affecté  : 
c'est  à  ce  refus  qu'il  faut,  dit-on,  attribuer  l'espèce 
d'éloignement  qu'il  paraissait  éprouver  depuis 
pour  sa  ville  natale.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  alla  sou- 
tenir sa  thèse  de  doctorat  (  De  Caslbus  perplexis 
in  Jure)  à  l'université  d'Altorf;  l'épreuve  fut  si 
brillante ,  que  le  recteur  proposa  au  jeune  doc- 
teur une  chaire  de  suppléant.  Leibniz  déclina 
cette  offre ,  et  vint  séjourner  quelque,  temps  à 
Nuremberg.  Là  il  se  mit  en  rapport  avec  une 

(1)  Les  trois  thèses  forment  un  recueil  in-12 ,  Leipzig, 
Intitulé  :  Spccimina  Juris ;  elles  ont  chacune  pour  litre  : 
I.  Spécimen  Dijftndtatis  in  Jure,  seu  dissertatio  in  casi- 
bus  perplexis  ;  il.  Spécimen  Encijclopiedix  in  Jure,  seu 
gusestiones  philosophicse  amœniores  ex  jure,  collectée  ; 
III.  Spécimen  Certitudinis ,  seu  demonstrationum  in 
jure,  exhibitum  in  doctrina  conditionum. 

(2)  Ce  refus  venait,  selon  quelques-uns,  de  ce  que  Leib- 
niz s'était  fait  beaucoup  d'ennemis  en  attaquant  les  par- 
tisans exclusifs  d'Aristote  et  des  scolastiques;  selon 
d'autres,  il  aurait  eu  pour  cause  la  mauvaise  humeur  de 
la  femme  du  doyen  coatre  lejeune  étudiant. 


467 


société  d'alchimistes,  qui  le  choisit  bientôt  pour 
secrétaire,  en  le  chargeant  de  tenir  un  registre 
exact  de  toutes  leurs  expériences  et  d'extraire 
des  écrivains  hermétiques  ce  qui  lui  paraîtrait  le 
plus  propre  à  découvrir  la  pierre  philosophale. 
Ce  fut  à  Nuremberg  qu'il  lit, à  une  table,  d'hôte, 
connaissance  avec  le  chancelier  de  l'électeur 
de  Mayence,  le  baron  de  Boinebourg;  ce  diplo- 
mate l'attira  à  Francfort,  en  lui  promettant  un 


LEIBNIZ  468 

opuscule.de mathématiques  (Ars  combinatoria; 
Leipzig,  1668,  in-12),  où  il  exposait  des  idées 
neuves  sur  les  combinaisons  des  nombres  (l).  H 
y  développait  ee  qu'il  avait  indiqué  sommaire- 
ment dans  une  thèse  (  Disputatio  arithmetica 
decomplexionibus),  soutenue  à  l'université  de 
Leipzig  le  7  mars  1666  (2).  Les  groupements  de 
nombres  dans  un  ordre  déterminé  y  sont  repré- 
sentés  sous   forme  de  tableaux,   semblables  à 


emploi  lucratif  à  la  cour  de  l'électeur.  Au  milieu  du   j  ceux  qu'on  voit  dans  certains  livres  d'arithmé- 


tumulte  de  l'auberge  où  il  était  descendu  à  Franc- 
fort, Leibniz  composa  un  livre  aussi  rare  que  cu- 
rieux sur  l'enseignement  de  la  jurisprudence  : 
Nova  Methodus  discendse  docendxque  Juris- 
prudentiee;  Francfort,  t667,  in-t2.  L'auteur  y 
propose  de  marquer  par  ordre  chronologique  les 
lois  du  peuple,  les  décrets  du  sénat,  les  édits 
des  préteurs  et  les  constitutions  des  empereurs, 
afin  de  saisir  d'un  coup  d'œil  l'origine  des  lois 
romaines,  les  changements  qu'elles  ont  subis  et 
le  degré  d'autorité  dont  elles  jouissent  encore  au- 
jourd'hui. A  ce  code  il  ajoutait  une  Antinomique 
mineure,  c'est-à-dire  une  simple  énumération  des 
lois  qui  paraissent  se  contredire,  et  dont  les  con- 
tradictions auraient  pu  être  résolues  par  les  sen- 
tences ou  les  suffrages  des  plus  habiles  légistes; 
quant  aux  solutions  moins  importantes,  les 
preuves  devaient  en  être  examinées  dans  un  ou- 
vrage moins  étendu ,  qui  aurait  eu  pour  titre  : 
Antinomique  majeure.  Il  voulait  enfin  ramener 
à  des  principes  plus  généraux  les  règles  de  droit 
contenues  dans  le  Digeste.  Cet  ouvrage  fut  bien 
accueilli  de  tous  les  jurisconsultes  d'Allemagne, 
à  l'exception  de  Lyncker,  professeur  à  Giessen , 
qui  entreprit  de  le  réfuter  dans  une  diatribe 
intitulée  I'rotribunalia.  Une  année  après , 
Leibniz  proposa  le  plan  d'un  nouveau  corps  de 
droit  :  Corporis  Juris  reconcinnandi  Ratio 
(Mayence,  1668,  in-12).  D'après  ce  plan  ,  d'une 
simplicité  extrême,  tout  le  droit  devait  se  ré- 
duire à  neuf  chefs  :  1°  principes  généraux  du 
droit  et  des  actions;  2°  droit  des  personnes; 
3°  jugements;  4°  droit  réel;  5°  contrats; 
6o  successions;  7°  crimes;  8°  droit  public; 
9"  droit  sacré.  Toutes  ces  matières  devaient 
être  discutées  suivant  la  méthode  des  Pandectes, 
et  non  d'après  celle  des  Institutes.  Un  auteur 
pseudonyme  (Veridicus  a  Jusliniano)  signala 
les  défauts  du  plan  de  Leibniz,  en  montrant  qu  il 
serait  impossible  que  tous  les  peuples  fussent 
régis  par  les  mêmes  lois,  à  moins  qu'on  ne 
parle  de  celles  qui  passent  pourlespremiers  prin- 
cipes du  droit  naturel  ;  et  que  les  lois  qui  règlent 
les  transactions  particulières  doivent  autant  dif- 
férer entre  elles  chez  les  différentes  nations  que 
les  climats  de  leurs  pays  (1). 

Dans  la  même  année,  tandis  que  tout  le 
monde  aurait  pu  le  croire  absorbé  par  ses  plans 
de  réformes  judiciaires ,  Leibniz  fit  paraître  un 


(1)   Ratio  corporis  Juris  reconcinnandi,  etc.  Autore 
feridico  a  Justiniano  ;  1669,  in-12. 


tique ,  traitant  des  nombres  polygones. 

Du  droit   et  des  mathématiques  le  jeune  au- 
tour (il  n'avait  que  vingt-deux  ans  )  passa  sans 
transition  à  la  politique.  Le  hasard   en  fut  la 
cause.  Jean  Casimir,  roi  de  Pologne,  avait  abdi-J 
que  en  1668  :  les  prétendants  à  cette  couronne  1 
étaient  nombreux.  Le  baron  de  Boinebourg,  qui»! 
jouait  dans  ces  intrigues  d'ambition   un    rôlel 
très-actif,  chargea  Leibniz  d'écrire  un  mémoire! 
en  faveur  du    prince  Guillaume  de  Neubourg, 
l'un  des  prétendants.  Leibniz  se  mit  à  l'œuvré;; 
bien  que  son  Spécimen  Demonstrationum  pt>- 
liticarumpro  eligendo  rege  Polonorum,  novù 
scribendi  génère  ad  certitudinem  exactum; 
(Francf.,  1669,  in-12),   publié  sous  le  pseudo- 
nyme de  Georges  Ulicovius,  lithuanien,  n'eût'»' 
pas  le  succès  qu'on  s'en  était  promis ,  l'auteur  ob- 
tint, par  l'entremise  de  son  protecteur,  la  place  d< 
conseiller  de  la  chambre  de  révision  a  la  cour  di 
l'électeur  de  Mayence.  Cette  place,  qu'il  occupe 
en  1672,  lui  laissa  le  loisir  de  composer  plusieurs 
mémoires  sur  des  matières  très  diverses.  Dans 
la  préface  et  les  notes  dont  il  accompagna  sot 
édition  del' Antibarbarus  philosophas  de  iNizo- 
lius  (Francf.,  1670,  in-4°),  il  revenait  à  ses  ten-4 
tatives  de  concilier  Platon  avec  Aristote,  qu'i 
mettait ,  comme  philosophe,  fort  au-dessus  de 
Descaites.  H  se  révélait  comme  théologien  dam 
sa  Sacrosancta    Trinitas,   per   nova  argu< 
menta  logica  defensa  (1671,  in-12),  opuscnU 
qu'il  avait  dirigé  contre  les  luthériens,  et  parti- 
culièrement contre  le  Polonais  Wissowatius,  pouii 
défendre  le  baron  de  Boinebourg,  nouvellement 
converti  au  catholicisme.  Dans  la  même  année 
(1671),  il  adressa  deux  mémoires,  l'un  à  l'A- 
cadémie des  Sciences  de  Paris ,  Sur  la  théo-, 
rie  du  mouvement  abstrait,  l'autre  à  la  Sck 
ciété  royale  de  Londres,  sur  une  Théorie  du 
mouvement  concret.  Dans  ces  deux  mémoires.! 
il  admettait  le  vide  et  regardait  la  matière,  comtn^ 
une  simple  étendue,  indifférente  au  repos  et  au 
mouvement.  Dans  la  suite,   il  rejeta  lui-même1! 
ces  théories,  comme  des  «  essais    d'un  jeunti 
homme,  encore    inexpérimenté    en  mathéma- 
tiques ».  Vers  la  même  époque,  Leibniz  se  mi 
en  rapport  avec  Spinoza,  en  lui  envoyant  un 
notice  sur  les  progrès  de  l'optique  (Notifia  ûp 

(1)  Ce  petit  traité  fut  réimprimé,  à  l'insu  de  l'auteur 
en  1690;  Trancf.,  in-4°.  Voy.  Morhof,  foli/hist.,  t.  1, 
p.  352,  et  Acta  Erudit.  Lips.,  année  1691,  p.  63. 

(2)  Cette  thèse  se  trouve  reproduite  dans  Leibniz, 
Opéra,  édit.  Dutens,  t.  III,  p.  3. 


59 


LEIBNIZ 


470 


sepromotse;  Francf.,  167t,in>12)  (1).  11  y 
rie  de  lentilles  de  son  invention,  qu'il  appelle 
ndoqites ,  et  qui  devaient  remédier  en  partie  à 
ïaiblissement  de  la  lumière,  dû  à  de  trop  forts 
>ssissements. 

jËn  1672,  Leibniz  vint  à  Paris  pour  des  af- 
l  lires  privées  dont  l'avait  chargé  son  protec- 
îlr  Boinebourg.  La  capitale  de  la  France  était 
■1rs  le  rendez-vous  des  plus  grands  savants 
I  l'époque,  presque  tous  pensionnaires  de 
luis  XIV.  C'est  là  qu'il  se  lia,  entre  autres, 
liée  Huygens.dont  le  livre  De  Horologio  oscil- 
torio,  jointe  à  la  lecture  des  lettres  de  Pascal 
■des  œuvres  de  Grégoire  de  Saint- Vincent,  lui 
■vrit,  comme  il  le  raconte  lui-même,  un  horizon 
niveau  par  létude  approfondie  des  malhémati- 
les.  C'est  vers  cette  époque  que  paraissent  aussi 
monter  ses  premières  idées  du  calcul  différentiel. 
Kbniz  profita  de  son  séjour  à  Paris  pour  pré- 
Ëiter  à  Colbert  une  nouvelle  machine  arithmé- 
lue,  invention  qui  reçut  les  suffrages  de  l'Aca- 
■nie  des  Sciences.  Quelques  membres  de  cette 
ladémie,  assurés  des  intentions  du  ministre  de 
luis  XIV,  donnèrent  à  entendre  au  savant  alle- 
llnd  qu'il  ne  tiendrait  qu'à  lui  d'être  admis  dans 
Kr  corps  à  titre  de  pensionnaire,  s'il  voulait  em- 
psser  la  religion  catholique.  Leibniz  rejeta  cette 
lidition,  et  se  mit  à  travailler  à  une  édition  de 
Irtianus  Capella,  dont  l'avait  chargé  Huet 
lur  la  collection  des  classiques  du  Dauphin; 
«heureusement  ce  travail  paraît  avoir  été  perdu, 
fce  baron  de  Boinebourg  mourut  en  1673.  N'é- 
nt  plus  dès  lors  retenu  à  Paris.Leibniz  alla  visiter 
Ingleterre,  où  il  fit  connaissance  avec  Newton, 
lallis,  Boyle,  Gregory,  Burnet,  Collins,  Olden- 
Irg,  etc.  A  Londres,  il  apprit  (1674)  la  mort  de 
lecteur  de  May ence  en  même  temps  que  la  perte 
Js  appointements  que  lui  faisait  ce  prince.  Cette 
Juvelle  le  détermina  à  retourner  en  Allemagne,  en 
Issant  par  Paris.  Avant  son  départ,  il  avait  été  reçu 
fembre  de  la  Société  royale  de  Londres.  Son  nou- 
lau  séjour  à  Paris,  d'une  quinzaine  de  mois,  fut 
Insacré  à  l'étude  de  la  géométrie  et  au  perfec- 
innement  de  sa  machine  arithmétique.  De  Paris, 
[ibniz  écrivit  au  duc  de  Brunswick- Lunebourg, 
Bar-Frédéric,  pour  lui  faire  part  de  la  position 
lécaire  où  il  se  trouvait.  Le  duc  lui  répondit  en 
li  offrant  à  sa  cour  une  place  de  conseiller,  avec 
[faculté  de  résider  à  l'étranger  autant  que  cela 
•i  plairait.  Cette  offre  généreuse,  que  Leibniz  ac- 
tpta  avec  reconnaissance,  fut  pour  lui  un  bonne 
rtune.  Libre  des  soucis  du  primum  vivere, 
!>ucis  qui  étouffent  souvent  le  génie,  il  put  dé- 
rmais  se  livrer  entièrement  à  ses  goûts  pour  les 
Itres  et  les  sciences. 

En  quittant  la  France,  il  repassa,  en  1676,  par 
Angleterre  et  la  Hollande.  A  Amsterdam,  il  noua 
îs  relations  avec  le  bourgmestre  Hudde,  fort 
îrsé  dans  les  mathématiques ,  et  à  qui  cette 


(1)  Reproduit  dans  Leibniz,  Oper.,  édit.  Dutens,   t.  III, 
1*. 


opulente  cité  doit  l'assainissement  de  ses  canaux. 
Dès  son  arrivée  à  Hanovre,  où  résidait  le  duc 
de  Brunswick-Lunebourg,  Leibniz  mit  d'abord 
tous  ses  soins  à  organiser  la  bibliothèqne  du 
prince,  grand  amateur  d'expériences  de  physique 
et  de  chimie  :  il  l'enrichit  de  manuscrits  rares 
et  de  nombreux  livres  d'histoire  et  de  sciences. 
En  1677  s'ouvrit  le  congrès  de  Nimègue.  Les 
princes  électeurs  avaient  la  prérogative  d'y  en- 
voyer chacun  deux  ministres,  mais  dont  un  seule- 
ment devait  avoir  le  caractère  d'ambassadeur  avec 
le  titre  d'Excellence.  Les  autres  princes  de  l'Em- 
pire, non  électeurs  (le  duc  de  Brunswick-Lune- 
bourg était  de  ce  nombre  ),  prétendaient  user  de  la 
même  prérogative.  De  là  un  grave  conflit  d'éti- 
quette. Ce  fut  à  l'appui  de  leurs  prétentions  que 
Leibniz  écrivit  son  opuscule  De  Jure  suprema- 
tus  et  legationis  principum  Germanise ;  1677, 
in-12;  l'auteur  avait  pris  le  pseudonyme  de 
Cœsarinus  Furstnerius  pour  montrer  qu'il 
était  à  la  fois  favorable  à  l'empereur  et  aux 
princes  (1).  Il  essaya  d'établir  que  tous  les  États 
de  la  chrétienté,  du  moins  ceux  de  l'Occident, 
ne  devraient  former  qu'un  seul  corps  ayant  le 
pape  pour  chef  spirituel  et  l'empereur  pour 
chef  temporel.  A  cette  maxime  ultramontaine 
qui  reconnaîtrait  un  protestant?  Partant  de  là, 
il  voulait  que  pour  ce  qui  concernait  le  droit  des 
ambassadeurs  il  n'y  eût  aucune  distinction  entre 
les  princes  électeurs  et  les  autres  princes  sou- 
verains, non  électeurs. 

Le  duc  Jean-Frédéric  mourut  en  1692;  son  suc- 
cesseur, Ernest-Auguste,  eut  pour  Leibniz  la  même 
bienveillance.  En  1679,  Leibniz  fonda  avec  Menc- 
kenius  et  quelques  autres  savants  les  Acta  Eru- 
ditorum  de  Leipzig,  recueil  important,  auquel  il 
fournit  un  grand  nombre  d'articles,  la  plupart 
anonymes  ou  signés  des  initiales  G.  G.  L.  Mais 
le  travail  qui  l'occupa  une  grande  partie  de  sa 
vie,  travail  cependant  peu  digne  d'un  tel  génie, 
c'était  l' Histoire  de  la  Maison  de  Brunswick, 
dont  l'avait  chargé  le  duc  Ernest-Auguste.  Pour 
s'acquitter  de  sa  tâche ,  il  explora  pendant  près 
de  quatre  ans  les  principales  bibliothèques  et 
archives  de  l'Allemagne  et  de  l'Italie  :  il  ne  fut 
de  retour  à  Hanovre  qu'en  1690.  Outre  les  ma- 
tériaux pour  son  Histoire,  il  avait  rapporté  de 
ses  voyages  beaucoup  de  pièces  diplomatiques, 
qu'il  publia,  eu  1693,  sous  le  titre  de  Codex 
Juris  Gentium  Diplomaticus ;  Hanovre,  1693, 
in-fol.  C'est  une  collection  de  manifestes,  dedé- 
clarationsde  guerre,  de  traités  de  paix,  de  bulles, 
de  contrats ,  etc.  Elle  devait,  comme  l'indique 
son  nom,  servir  à  l'éclaircissement  du  droit  des 
gens.  Il  n'y  a  de  remarquable  que  la  préface, 
l'un  des  chefs-d'œuvre  de  Leibniz  :  il  y  montre 
que  dans  le  labyrinthe  des  actes  qu'enregistre 
l'histoire,  le  vrai  fil  souvent  échappe;  que  ce 
qui  met  les  hommes  en  mouvement,  c'est  une 
inimité  de  petits  ressorts  cachés,   mais  très- 

(1)  Furstnerius  vient  de  fiirst,  prince. 


(1)  Vou.  Dutens,  OEuvres  de  Leibniz,  t.  II,  et  M.  Fou- 
cher  de  CareW,  Jfourelles  Lettres  et  Opuscules  inédits  de 
Leibnitz,  p.  167  (  Paris,  1857  ). 

(2)  La  table  qui  accompagne  la  solution  du  problème 
des  complexions  (  data  numéro  etexponente  complexio- 
nés  ineenire)  se  rapproche  singulièrement  de  ce  qu'on 
a  depuis  appelé  le  binôme  de  Newton;   car  cette  table 

n°      n.n  — 1      n.n  — 1.  n—  2 
se  réduit  à  —  -f- -\ — — ,  dont  les  som- 

1  ^     1.2  1.  â.    3       ' 

mes  égalent  les  termes  de  la  progression  géométrique 
1  s  »,  etc.. 


471  LEIBNIZ 

puissants,  quelquefois  inconnus  à  ceux-là  même 
qu'ils  font  agir,  et  presque  toujours  dispropor- 
tionnés à  leurs  effets,  tl  reconnaît  que  tant  de 
traités  de  paix,  si  souvent  renouvelés  entre  les 
mêmes  souverains,  font  leur  honte,  et  il  rappelle 
avec  douleur  cette  enseigne  d'un  marchand  hol- 
landais où  l'on  voyait  peint  un  cimetière  avec  ces 
motsau-dessous:  A  la  paix  perpétuelle.  En  1700 
il  joignit  au  Code  Diplomatique  un  supplément  sous 
le  tilre  de  M  an  lissa  Codicis  Gentium  Diploma- 
tici;  il  donne  dans  la  préface  les  noms  de  tous 
ceux  qui  lui  ont  fourni  des  pièces  rares  ou  inté- 
ressantes. Dans  la  même  année,  Leibniz  fut  élu 
membre  associé  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Paris.  Cette  distinction  lui  était  surtout  agréable, 
parce  que  (comme  il  ledit  lui-même  dans  sa  lettre 
de  remercîment),  il  voyait  «  dans  une  association 
desavants  plus  de  facilité  pour  un  échange  d'idées 
et  d'observations,  profitable  à  l'avancement  des 
sciences  ».Fort  de  cette  pensée,  il  soumit  à  l'élec- 
teur de  Brandebourg  le  plan  et  les  statuts  d'une 
académie  semblable.  C'est  ainsi  que  fut  créée, 
en  1701,  l'Académie  des  Sciences  de  Berlin,  sur 
la  proposition  de  Leibniz,  qui  en  fut  nommé  pré- 
sident perpétuel. 

Le  premier  travail  qu'il  communiqua  comme 
membre  à  l'Académie  des  Sciences  de  Paris  a 
pour  objet  un  nouveau  système  de  numération, 
une  Arithmétiq ne  binaire.  Au  lieu  de  la  progres- 
sion ordinaire  de  dix  en  dix,  l'auteur  proposait 
comme  base  du  système  de  numération  la  pro- 
gression de  deux  en  deux ,  en  n'employant  que 
deux  caractères  0+1(1).  Ainsi,  1  =.  t  ;  10=2; 
11  =  3;  100=4;  101  =5;  110=6;  111  =7; 
1000  =  8;  1001=9;  1010  =  10  etc. (2). Mais  ce 
système  fut  bientôt  abandonné  par  l'auteur  lui- 
même,  comme  trop  incommode,  à  cause  de  l'é- 
norme quantité  de  chiffres  qu'il  faudrait  pour 
désigner  des  nombres  un  peu  élevés. 

Une  lettre  du  P.  Bouvet  sur  les  caractères 
chinois  parait  avoir  suggéré  à  Leibniz  le  projet 
d'une  caractéristique  universelle.  Ce  projet, 
conçu  vers  1703,  consistait  dans  l'emploi  d'un 
alphabet  universel,  composé  de  signes  très- 
simples,  comme  ceux  de  l'algèbre,  et  qui,  au 
lieu  de  syllabes  et  de  mots,  devaient  exprimer 
des  idées.  A  la  même  époque  il  sollicitait  de 
Frédéric- Auguste,  roi  de  Pologne  et  électeur  de 
Saxe,  la  création  d'une  académie  à  Dresde,  sem- 
blable à  celle  de  Berlin  ;il  proposait  aussi  à  ce  prince 
de  faire  planter  des  mûriers  dans  tous  les  en- 
droits de  la  Saxe  qu'il  jugerait  propres  à  cette  cul- 


472 
ture  pour  l'entretien  des  vers  à  soie,  et  donnait 
des  Préceptes  pour  l'avancement  des  Sciences. 
Ces  préceptes,  publiés  récemment  et  pour  la 
.  première  fois  d'après  un  manuscrit  autographe 
de  Leibniz,  appartenant,  à  la  bibliothèque  de  Ha- 
novre (1),  sont  précédés  du  préambule  suivant, 
extrêmement  remarquable  : 

« ....  Quand  je  vois,  dit-il,  le  peu  de  concert  des 
desseins,  les  routes  opposées  qu'on  tient,  l'animosité 
que  les  uns  font  paraître  contre  les  autres ,  et  qu'on 
songe  plutôt  à  détruire  qu'à  bâtir,  à  arrêter  son 
compagnon  qu'à  avancer  de  compagnie;  enfin,  quand 
je  considère  que  la  pratique  ne  profite  pas  des  h> 
mièresde  la  théorie,  qu'on  ne  travaille  point  à  di- 
minuer le  nombre  des  disputes,  mais  à  les  augmen- 1 
ter,  qu'on  se  contente  de  discours  spécieux  au  lieu' 
d'une  méthode  sérieuse  et  décisive,  j'appréhende1 
que  nous  ne  soyons  pour  demeurer  longtemps  dans ( 
la  confusion  et  dans  l'indigence  où  nous  sommes  ' 
par  notre  faute.  Je  crains    même   qu'après  avoir 
inutilement   épuisé  la  curiosité  sans  tirer  de  nos 
recherches  aucun  profit  considérable  pour  notre  fé 
licite,  on  ne  se  dégoûte  des  sciences  et  que,  par  un 
désespoir  fatal,  les  hommes  ne  retombent  dans  1; 
barbarie,  à  quoi  cette  horrible  masse  de  livres,  qu; 
va   toujours   en  augmentant,  pourrait  contribuer 
beaucoup.  Car  enfin  le  désordre  se  rendra  presque; 
insurmontable  ;  la  multitude  des  auteurs ,  qui   de> 
viendra  infinie  en  peu  de  temps,  les  exposera  toui 
ensemble  au  danger  d'un  oubli  général  ;  l'espérance 
de  la  gloire  qui  anime  bien  des  gens  dans  le  travail .' 
cessera  tout  d'un  coup,  et  il  sera  peut-être  aussi 
honteux  d'être  auteur  qu'il  étoit  honorable  autreii 
fois  ;  ou  tout  au  plus  on  s'amusera  à  de  petits  livre; 
éphémères ,  qui  auront  peut-être  quelques  anné 
de  cours  et  serviront  à  divertir  quelques  moment' 
un  lecteur  qui  veut  se  désennuyer,  mais  qu'on  aur; 
fait  sans  aucun  dessein  d'avancer  nos  connoissance:. 
ou  de  servir  la  postérité....  Je  ne  désapprouve  pas* 
je  l'avoue,  entièrement  ces  petits  livres  à  la  mode- 
qui  sont  comme  les  fleurs  d'un  printemps  ou  comini 
les  fruits  d'un  automne,  qui  ont  de  la  peine  à  passe* 
l'année.  S'ils  sont  bien  faits,  ils  font  l'effet  d'uni 
conversation  utile;  ils  n'empêchent  pas  seulemen 
les  oisifs  de  mal  faire ,  mais  encore  ils  servent  à  for 
mer  l'esprit  et  le  langage...  Cependant  il  me  sembli 
qu'il  vaut  mieux  pour  lé  public  de  bâtir  une  maison  ; 
de  défricher  un  champ  et  au  moins  planter  quelqui 
arbre  fruitier,  que  de  cueillir  quelques  fleurs  ot 
quelques  fruits.  Ces  divertissements  sont  louables 
bien  loin  d'être  défendus;  mais  il  ne  faut  pas  né,: 
gliger  ce  qui  est  plus  important.  On  est  responsable 
de  son  talent  à  Dieu  et  à  la  république  :  il  y  a  tan 
d'habiles  gens ,  dont  on  pourrait  attendre  beaucoup 
s'ils  vouloient  joindre  le  sérieux  à  l'agréable.  Il  m 
s'agit  pas  toujours  de  faire  de  grands  ouvrages  : 
chacun  ne  donnoit  qu'une  petite  découverte ,  non 
y  gagnerions  beaucoup   en  peu  de  temps —  S 
chaque  médecin  nous  laissoit  quelques  aphorisme 
nouveaux,  bien  solides,   lires  de  ses  observation 
comme  les  fruits  de  sa  pratique  ;  si  les  chimistes,  le 
botanistes ,  les  droguistes  et  bien  d'autres  qui  ma 
nient  les  corps  naturels,  en  faisoient  autant,  soi 
d'eux-mêmes,  soit  par  le  soin  de  eeux  qui  sauroien 
les   interroger,  que  de  conquêtes  ne  ferions-nou 
pas  sur  la  nature  ?  On  voit  par  là  que  si  les  hommes  n'i 


(1)   J.-E.  Erdmann,  G. 
i  phica,  t.  I,  p.  16S. 


I.eibnitii  Opéra  philoso 


Ji 


LEIBNIZ 


474 


ncent  pas  considérablement,  c'est  le  plus  souvent 
île  <!e  volonté  et  de  bonne  intelligence  entre  eux. 
ii  Or,  quoique  je  craigne  un  retour  de  barbarie 
i-  bien  des  raisons,  je  ne  laisse  pas  d'espérer  le 
Eitraire  pour  d'autres  raisons,  très-fortes  ;  car  à 
pins  d'une  inondation  générale  de  toute  l'Europe 
t  des  barbares,  dont,  grâce  à  Dieu,  on  ne  voit 
k  grande  apparence,  la  facilité  admirable  qu'il  y 
bans  l'imprimerie  de  multiplier  les  livres  servira 
tonserver  la  plupart  des  connoissances  qui  s'y 
fuvent,  et  pour  faire  négliger  les  études  il  fau- 
Lit  que  toute  l'autorité  tombât  un  jour  entre  les 
lins  des  militaires,  qui  fussent  barbares,  ennemis 
■  toute  science,  semblables  à  l'empereur  Décius, 
i  haïssoit  les  études,  et  à  cet  empereur  de  Chine 
i  avoit  pris  à  tâche  de  détruire  les  gens  de  lettres, 
noie  des  perturbateurs  du  repos  public.  Mais  ce 
ingénient  n'est  guère  vraisemblable....;  il  fau- 
)it  quelque  chose  de  semblable  à  un  tremblement 
inondation  qui  abîmât  tout  d'un  coup  l'Europe, 
nme  la  grande  ile  Atlantide  ilont  parle  Platon, pour 
errompre  le  cours  des  sciences  et  des  lettres  parmi 
;tnre  humain.  Cela  étant,  il  y  a  de  l'apparence  que 
livres  aliant  toujours  croitre,  on  s'ennuyera  de 
r  confusion,  et  qu'un  jour  un  grand  prince,  dé- 
;é  d'embarras  et  curieux  ou  amateur  de  gloire ,  ou 
itôt  éciairé  lui-même  (et  on  peut  être  éclairé 
savoir  élé  aux  pays  de  l'école),  ....  fera  tirer 
luintessence  des  meilleurs  livres  et  y  fera  joindre 
meilleures  observations,  encore  inédites,  des  plus 
>erts  de  chaque  profession ,  pour  faire  bâtir  des 
tèmes  d  une  connoissance  solide  et  propre  à 
meer  le  bonheur  de  l'homme,  fondés  sur  des 
lériences  et  démonstrations,  et  accommodés  à  l'u- 
e  par  des  répertoires,  ce  qui  seroit  un  monument 

;  plus  durables  de  sa  gloire Peut-être  encore 

;  ce  gvand  prince,  dont  je  nie  fais  l'idée,  fera 
•poser  des  prix  à  ceux  qui  feront  des  décou- 
rtes ou  qui  déterreront  des  connoissances  im- 
itantes, cachées  dans  la  confusion  des  hommes 
Ides  auteurs.  » 

Passant  ensuite  aux  règles  propres  à  faire 
fcneer  les  sciences ,  Leibniz  recommande  d'a- 
rd  de  ne  pas  croire  témérairement  ce  que  l'on 
pporte ,  mais  de  se  demander  toujours  à  soi- 
tme  les  preuves  de  ce  qu'on  soutient.  Ainsi , 
[exemple  du  célèbre  mathématicien  Roberval, 
roulait  qu'en  géométrie  même  on  démontrât 
I  axiomes.  «  Ce  soin  de  démontrer  les  axiomes 
l  chez  moi,  ajoute-t-il,  l'un  des  points  les  plus 
Iportantsde  l'art  d'inventer.  C'est  surtout  dans 
I  philosophie  qu'il  faut  raisonner  avec  rigueur; 
r  c'est  la  que  l'on  se  donne  le  plus  de  liberté  en 
jfionnement.  »  Il  recommande  ensuite  de  con- 
férer que  chaque  science  repose  sur  un  petit 
linbre  de  principes,  qui  suffiraient  à  la  reti  ouver 
plie  était  perdue,  ou  à  l'apprendre  sans  maître  si 
i  voulait  s'y  appliquer  assez. 
lAux  préceptes  pour  l'avancement  des  sciences 

rattache  un  mémoire,  extrêmement  curieux, 
je  M.  Foucher  de  Careil,  le  savant  éditeur 
(s  Œuvres  de  Leibniz ,  a  le  premier  mis  au 
tr.  Ce  mémoire  est  adressé  aux  personnes 
fairées  et    de    bonne   intention.   Nous  en 

trayons  les  passages  suivants  (1)  : 

i)  Ce  mémoire ,  écrit  en  entier  de  la  main  de  Leibniz, 


«  Je  soutiens  que  les  hommes  pourroient  être 
incomparablement  plus  heureux  qu'ils  ne  sont  et 
qu'ils  pourroient  faire  en  peu  de  temps  de  grands 
progrès  pour  augmenter  leur  bonheur,  s'ils  vou- 
loient  s'y  prendre  comme  il  faut.  Nous  avons  en 
mains  des  moyens  excellents  pour  faire  en  dix  ans 
plus  qu'on  ne  feroit  sans  cela  en  plusieurs  siècles, 
si  nous  nous  appliquions  à  les  faire  valoir  et  ne 
faisions  pas  toute  autre  chose  que  ce  qu'il  faut 
faire —  On  parle  assez  souvent  de  nos  maux  ou 
manquements  de  moyens  qu'il  faudrait  pour  y  re- 
médier, mais  ce  n'est  ordinairement  que  par  ma- 
nière de  discours  et  comme  par  divertissement  ou 
par  coutume,  et  sans  la  moindre  intention  de 
prendre  des  mesures  pour  y  remédier,  et  c'est  pour- 
tant ce  qui  devrait  être  l'objet  de  tous  nos  soins, 
pour  ne  point  perdre  le  temps  précieux  de  nostre 
vie  en  souhaits  impuissants  et  en  plaintes  inutiles.  Je 
trouve  que  la  principale  cause  de  cette  négligence, 
outre  la  légèreté  naturelle  et  Inconstante  de  l'es- 
prit humain,  est  le  désespoir  de  réussir.. .  A  force 
de  penser  aux  difficultés  et  à  la  vanité  des  choses 
humaines,  la  plupart  des  hommes  commencent  à 
désespérer  de  la  découverte  de  la  vérité  et  de  l'ac- 
quisition d'un  bonheur  solide.  Se  contentant  alors 
de  mener  un  train  de  vie  aisée,  ils  se  moquent  de 
tout,  et  laissent  aller  les  choses...  Pour  rendre  la 
volonté  des  hommes  meilleure,  on  peut  donner  de 
bons  préceptes  ;  mais  il  n'y  a  que  sous  l'autorité 
publique  qu'on  les  peut  mettre  en  pratique.  Le  grand 
point  est  le  redressement  de  l'éducation, qui  doit  con- 
sister à  rendre  la  vertu  agréable  et  à  la  faire  tourner 
comme  en  nature  ;. .  il  faut  avoir  recours  à  des  ré- 
flexions fréquentes ,  en  se  disant  souvent  à  soi- 
même  :  die  cur  hic,  hoc  âge,  respice  flnem...  Les 
obstacles  de  nostre  bonheur  qui  sont  horsde  nostre 
esprit  viennent  du  corps  ou  de  la  fortune,  et  pour 
rendre  les  hommes  les  plus  heureux  qu'il  est  pos- 
sible, il  faut  chercher  encore  les  moyens  de  con- 
server leur  santé  et  de  leur  donner  les  commodités 
de  la  vie...  Enfin,  il  ne  faut  point  s'étonner  que  les 
hommes  font  si  peu  de  besogne;  ils  sont  comme 
les  différents  ingénieurs  d'une  même  fortification  : 
ils  s'entre-empêchent  et  se  décréditent,  et  l'un  ren- 
verse les  travaux  de  l'autre,  seulement  parce  que  ce 
ne  sont  pasles  siens  ;  et  lorsque  les  ouvrages  de  l'un 
et  de  l'autre  subsistent ,  ils  ne  nous  satisfont  pas 
assez.  Mais  si  tous  ces  habiles  hommes  avoient  tra- 
vaillé sur  un  même  plan,  bien  arrêté,  disperlitis 
operibits,  on  aurait  gagné  bien  du  temps  et  bien 
des  dépenses ,  et  on  aurait  quelque  chose  de  bien 
plus  parfait.  » 

De  1704  à  1707,  Leibniz  s'était  presque  exclu- 
sivement occupé  de  son  recueil  des  historiens 
de  Brunswick.  11  eut  cependant  encore  assez  de 
loisir  pour  publier  une  brochure  politique  à  l'ap- 
pui des  prétentions  du  roi  de  Prusse  sur  la  prin- 
cipauté de  Neiîfchàtel.  Le  recueil  des  historiens 
de  Brunswick,  intitulé  :  Scrip/ores  Sérum 
Brunsvicensium  illustrationi  inserviente.s , 
parut  à  Hanovre  en  trois  volumes  in- fol.,  1707, 
1710  et  1711  (l).Ce  travail  devait  être  suivi  de 


a  été  tiré  par  M.  Foucher  de  Careil   de  la  bibliothèque 
royale  du  Hanovre  et  publié  pour  la  première  fols  dans  ses 
Lettres  et  Opuscules  inédits  de  Leibniz,  précédés  d'une 
Introduction  (Paris,  i8S4,  in-8»,  p.  274-ï9ï). 
(1)  Voici  quelques  détails  fournis  à  ce  sujet  par  Lelb- 


475 


LEIBNIZ 


l'histoire  même  de  la  maison  de  Brunswick; 
mais  i!  n'eut  le  temps  que  d'en  écrire  le  préam- 
bule sous  le  titre  de  Protogxa,  où  l'auteur  re- 
montait jusqu'au  delà  du  déluge.  Un  extrait  de 
ce  préambule  parut  d'abord  dans  les  Acta  Eru- 
di  forum  de  Leipzig,  année  1693;  ce  n'est 
qu'en  1749  qu'il  fut  publié  en  entier  à  Gœttingue 
par  les  soins  de  L.  Scheidt.  Enfin,  cette  intro- 
duction remarquable,  où  Leibniz  se  révèle  en 
quelque  sorte  comme  le  créateur  de  la  géologie 
moderne,  vient  d'être  traduite  en  français  par 
M.  Bertrand  de  Saint- Germain,  sous  le  titre  de 
Prologée,  ou  de  la  formation  et  des  révolu- 
tions du  globe,  avec  un  introd.  et  des  notes; 
Paris,  1S59,  in-8\  C'est  là  surtout  que  l'on  ad- 
mire la  multiplicité  extraordinaire  du  génie  de 
Leibniz,  qui,  sans  prédilection  pour  aucune  spé- 
cialité, s'applique  à  tout  avec  une  égale  profon- 
deur. L'auteur  commence  par  attribuer  au  feu 
le  rôle  qui  lui  appartient  dans  la  création.  «  Si, 
dit-il,  les  grands  ossements  de  la  terre,  ces  roches 
nues,  ces  impérissables  silex,  sont  presque  en- 
tièrement vitrifiés,  cela  ne  prouve-t-il  pas  qu'ils 
proviennent  de  la  fusion  des  corps,  opérée  par 
la  puissante  action  du  feu  de  la  nature  sur  la 
matière  encore  tendre?  »  Rien  de  plus  exact 
que  l'explication  suivante  de  la  salure  des  mers: 
«  A  l'orgine  des  choses ,  avant  la  séparation  de 
iiatière  opaque  et  de  la  lumière,  alors  que 
'obe  étoit  incandescent,  le  feu  chassa  dans 
^'dité,  qui  se  comporta  comme  dans 
n,  c'est-à-dire  qu'elle  se  convertit 
i\Î8  de  l'abaissement  de  la  tem- 
\  aqueuses;  ces  vapeurs,  se 

trou  la  surface  refroidie  de 

laterre,  ïet  l'eau,  délayant  les 

débris  de  c>-  *  en  elle  les  sels 

fixes,  d'où  est  le  lessive,  qui 

bientôt  a  formé  la  i  Leibniz 

sur  l'origine  des  mon u  c     -.■'■■    r>u\ 

géologues  denos  jours,  coi. 
de  formuler  des  systèmes,  de  ^ 
d'autres  ont  pu  dire  avant  eux.  c 
voici  textuellement  :  «  Par  suite  du 


nlz  lui-même  :  «  Je  fais  imprimer  in-folio  une  co.  : 
tion  des  écrivains  servant  à  l'histoire  de  Brunswlo. 
tirés  des  manuscrits  ou  rétablis  par  les  manuscrits.  J'y 
Joins  quelques  pièces  qui  ont  déjà  été  imprimées.  Il  y 
aura  entre  autres  Ditmur,  évoque  de  Mcrseliourg,  où  j'ai 
suppléé  quelques  feuilles  qui  y  manquoient  par  le  moyen 
d'un  exemplaire  que  les  RR.  PP.  Papebrock  et  Jannin 
m'ont  communiqué.  J'ai  conféré  aussi  Domiiison,  auteur 
de  la  célèbre  comtesse  Mathitde,  et  son  contemporain, 
avec  le  manuscrit  du  Vatican,  qui  est  de  ce  temps-là,  et 
Je  l'ai  rendu  intelligible,  ce  qu'il  n'est  point  dans  l'édi- 
tion de  Gretser.  Il  y  aura  la  vie  de  Théodoric,  évêque 
de  Metz,  contemporain  d'Othon  le  Grand,  qui  n'a  point 
encore  élé  publiée,  quoiqu'on  ie  traite  de  saint;  je  l'y 
mets  parce  que  cet  évêque  était  Saxon  ,  de  la  race  de 
Witiklnd.  On  y  trouvera  la  vie  de  saint  Conrad,  évê- 
que de  Constance,  de  la  race  des  guelphes,  qui  n'a 
point  paru  jusque  ici,  les  anciennes  Chroniques  de  Hal- 
berstadt,  de  Ilildesheim,  de  Minden  et  autres  qui  n'ont 
jamais  vu  le  jour.  »  (  Considérations  sur  le  Principe  de 
fie,  dans  Ofimres  de  Jjeibnlz  ,  édition  Rutens,  t.  il, 
p.  89.) 


ment  du  globe,  les  masses  se  sont  inégalem 
raffermies ,   et  ont  éclaté  çà  et  là,  de  sorte  < 
certaines  portions  en  s'affaissant  ont  formé 
creux  des  vallons,  tandis  que  d'autres,  plus 
lides ,  sont  restées  debout,  comme  des  colonr 
et  ont  par  cela  même  constitué  les  montagneil 
Dans  l'opinion  de  Leibniz ,  les  roches  ne  pi 
viennent  pas  toutes  de  la   fusion  ignée.  C'j 
seulement  pour  «  les  premières  masses  de. 
terre  »  qu'il  admettait  ce  mode  de  formati: 
Les  traces  des  bouleversements  par  l'eau,  et  I 
séjour  des  mers  sur  le  continent,  il  les  chercl 
surtout  dans  les  coquillages  que  l'on  trouve' 
pandus  dans  la  plupart  des  terrains.  Ces  glos\ 
pètres  (langues  pétrifiées),  ces  empreintes] 
poisson,  de  plantes,etc,  que  l'on  avait  trait 
jusque  alors  de  «  jeux  de  la  nature  »,  il  les  c| 
sidère  comme  des  traces  d'êtres  vivants  tf 
réels,  mais  dont  les  espèces  ont  été  détrur 
C'est  ainsi  que  Leibniz  jette  en  peu  de  mots 
bases  d'une  science  nouvelle,  qui  a  depuis  reç< 
nom  de  géologie,  et  qu'il  proposait  de  nom: 
géographie  naturelle,  : L'histoire,  dont  la  / 
togée   n'est  que   l'introduction,   devait  for 
plusieurs  volumes  in-fol.   L'auteur  s'était 
posé  d'y  établir  les  origines  de  la  mai;  on  gnjj 
ou  de  Brunswick,  de  rectifier  la  chronologie] 
moyen  âge  et  de  réduire  à  néant  l'histoire' 
la  papesse  Jeanne. 

En  1710  l'Académie  de  Berlin  publia leprer 
volume  de  ses  transactions  sous  le  titre  de  Miâ 
lanea  Berolinensia.   Son  fondateur  y  app?< 
tout  à  la  fois  comme  chimiste ,  mathématici 
physicien,  poète  et  archéologue.  Il  y  exposa  1 
toire  du  phosphore,  dont  la  propriété  merveillfl 
de  luire  dans  l'obscurité  excita  sa  verve  poétici* 
les  vers  latins  qu'il  fit  sur  ce  sujet  sont  la  pluJ 
très-bien  tournés;  il  donna  dans  ce  même<l 
lume  la  solution  de  deux  énigmes  alchimiqij 
des  remarques  sur  le  rapport  du  calcul  algébrf 
avec  le  calcul  différentiel ,  des  observations* 
'e  frottement  des  machines,  enfin  unenoticel 
""use  sur  l'origine  des  peuples  éclaircie  p  e: 
=  des  langues.  Leibniz  y  cherche  à  I 
existence  d'une  langue  primitive  d<l 
continent  ancien,  enrapprocl 
s  mot  kônig,king,  etc.,  qui 
s  les  langues  germaniques,  des  1 1 
kka         h  igan  ,  etc.,  qui  ont  la  même  sis  ï- 
cation  v  ^z  les  Sarmates,  les  Huns,  les  Pers  I 
les  Turcs,  les  Tartares  et  même  les  Chinois  I 
A  ce  travail  se  rattachait  une  disserlation  I 
X Origine  des  François, ou  plutôtdes  Francs,  I 
l'auteur  fait  venir  des  bords  de  la  mer  Balti  I 
Il  avait  d'abord  envoyé  cette  dissertation  (:  I 


(1)  Leibniz  s'était  proposé  de  publier  sur  ce  suj  D 
ouvrage  détaillé  ;  la  mort  l'empêcha  de  l'achever  :  c«  H 
en  avait  rédige  fut  publié,  en  1717,  par  Eccard,  se  II 
titre  de  Collectanea  Etymologica  illustrationi  lu  fi 
rum  veteris  Celtieœ,  Germanicx,  Gallicœ,  aliaru  m 
inservientia ;  171",  in-18. 

(2)  Elle  se  trouve  pour  la  première  fois  imprimé  M 


477  LEIBNIZ 

manuscrit  à  Rémond,  en  le  priant  de  la  faire 
émettre  an  marquis  de  Torcy,  qui  devait,  si  ce 
ninistre  le  jugeait  convenable ,  la  présenter  à 
jouis  XIV.  C'est  à  cette  occasion  que  Leibniz 
lit  ces  quatre  vers,  placés  au  frontispice  de  la 
jupie  : 

Exlguts  egressa  locis,  gens  Francica  tandem 
f.omplexa  est  sceptris  solis  utramque  domum. 
Maçne,  tibi,  Lodoix,  débet  fastigia  tanta, 
I     Et  capit  ex  uno  natio  fata  viro. 

Vers  la  fin  de  1710  parut,  rédigée  en  français, 
h  Théodicée,  c'est-à-dire  la  Justification  de 
pieu  dans  ses  onivres.  Cet  ouvrage,  de  théologie 
llutôt que  de  philosophie,  dont  on  a  tant  parlé, 
purent  sans  l'avoir  lu,  ne  mérite  pas  aujour- 
l'hui  la  réputation  qu'on  lui  a  faite;  mais  elle 
'explique  :  l'apparition  de  la  Théodicée  était  un 
Tellement  dams  un  siècle  d'incrédulité.  Voici  ce 
,ui  y  donna  lieu  :  Bayle,  dans  son  Dictionnaire, 
va'.t  proposé  sur  la  bonté  de  Dieu,  sur  la  li- 
erté  de  l'homme,  sur  l'origine  du  bien  et  du  mal , 
I  ne  série  de  difficultés  et  d'objections  fort  em- 
]  arrassantes  pour  les  théologiens  et  les  croyants, 
i'est  pour  y  répondre  que  Leibniz  entreprit  la 
ustijicalion  de  Dieu,  xriv  toO  6so0  Sî)«iv  (d'où 
!  titre  de  Théodicée).  Bayle  était  déjà  mort, 
eibniz  commence  par  placer  son  adversaire 
11  ciel,  en  lui  appliquant  ces  vers  de  Virgile  : 


Candidus  insuetl  miratur  limen  Olympi, 

Sub  pedibusque  videt  nubes  et  sidéra  Daphnis. 

uis  il  ajoute  que  celui  dont  il  veut  réfuter  les 
jangereux  raisonnements  voit  maintenant  le  vrai 

sa  source,  «  charité  rare,  observe  ici  spirituel- 
[ment  Fontenelle,  parmi  les  théologiens,  à  qui  il 
i5l  fort  familier  de  damner  leurs  adversaires  ». 

L'idée  mère  de  l'auteur  est  celle-ci.  Dieu  em- 
rasse  une  infinité  de  mondes  qui  tous  pour- 
pient  exister.  Mais  de  cette  infinité  de  mondes 
pssihles  le  meilleur  seul,  optimus  (  de  là  Yopti- 
Visme  dont  Voltaire  s'est  moqué  dans  Candide  ) 

été  préféré  ;  c'est  celui  où  le  bien  physique  et 
noral  se  trouve  le  mieux  combiné  avec  ses  con- 
•aires.  Ce  monde,  où  le  mal  est  permis,  non  pas 
mtlu, contient  à  la  fois  les  misères  et  les  mauvaises 
ptions  des  hommes,  mais  dans  la  moindre  pro- 
prtion  toutefois  et  avec  le  moins  d'inconvénients. 

La  préface  de  la  Théodicée  est  un  des  mor- 
paux  les  plus  remarquables  :  il  s'écarte  un  peu 
je  Ja  théologie  pure.  Rien  de  plus  vrai  que  ce 
(eau  début  : 

|  «  On  a  vu  de  tout  temps  que  le  commun  des 
bmmes  a  mis  la  dévotion  dans  les  formalités  :  la  so- 
lde piété,  c'est-à-dire  la  lumière  et  la  vertu,  n'a 
troais  été  le  partage  du  grand  nombre.  Il  ne  faut 

pgralement  dans  le  t.  II,  p.  Î17  et  suiv.  du  Rectieil  de 
\lverses  pièces  sur  la  philosophie,  la  religion,  etc.; 
jmslerd.,  17*0.  Le  journal  de  Trévoux  en  avait,  en  1716, 
bnné  un  extrait,  suivi  d'observations  critiques  du 
'•  Tournemine.  Leibnltz  répliqua  à  ces  observations; 
ais  sa  réplique  ne  parut  point  dans  le  Journal  de  Tré- 
uux  :  elle  ne  fut  donnée  qu'après  la  mort  de  Lelbniz,dans 
Eccard,  Leges  Francorum  ac  Jiipuariorum  ;  Fraucf., 
r*o,  in-foL 


478 

point  s'en  étonner  :  rien  n'est  plus  conforme  a  la 
faiblesse  humaine;  nous  sommes  frappés  par  l'ex- 
térieur, et  l'interne  demande  une  discussion  dont 
peu  de  gens  se  rendent  capables —  Les  cérémonies 
ressemblent  seulement  aux  actions  vertueuses ,  et 
les  formulaires  sont  comme  des  ombres  de  la  vérité. 
Toutes  ces  formalités  seroient  louables  si  ceux  qui 
les  ont  inventées  les  avaient  rendues  propres  à  main- 
tenir et  à  exprimer  ce  qu'elles  imitent... .  Mais  il  n'ar- 
rive que  trop  souvent  que  la  dévotion  est  étouffée 
par  des  façons,  et  que  la  lumière  divine  est  obscurcie 
par  les  opinions  des  hommes.  » 

La  même  pensée  revient  souvent;  l'auteur 
semble  y  attacher,  avec  raison,  une  extrême  im- 
portance. Dans  le  chapitre  Sur  la  conformité 
de  la  foi  avec  la  raison,  il  pense  «  qu'il  seroit 
aisé  de  terminer  ces  disputes  sur  les  droits  de  la 
foi  et  de  la  raison  si  les  hommes  vouloient  rai- 
sonner avec  tant  soit  peu  d'attention.  Au  lieu 
de  cela,  ils  s'embrouillent  par  des  expressions 
obliques  et  ambiguës  ,  qui  leur  donnent  un  beau 
champ  de  déclamer,  pour  faire  valoir  leur  esprit 
et  leur  doctrine;  de  sorte  qu'il  semble  qu'ils 
n'ont  point  envie  de  voir  la  vérité  toute  nue, 
peut-être  parce  qu'ils  craignent  qu'elle  ne  soit 
plus  désagréable  que  l'erreur  (1).  » 

Suivant  J.  Leclerc  etPfaff(2),  professeur  de 
théologie  à  Tubingue,  la  Théodicée  n'était,  aux 
yeux  mêmes  de  son  auteur,  «  qu'un  jeu  d'es- 
prit ».  Cette  opinion  est  sans  doute  exagérée, 
sinon  inexacte.  Car,  dans  une  lettre  à  Rémond 
(  lOjanvier  1715),  Leibniz  avoue  lui  même»  qu'il 
a  eu  soin  d'y  tout  diriger  à  l'édification  ».  Puis 
il  ajoute,  en  résumant  sa  carrière  de  philosophe 
et  de  mathématicien: 

«  J'ai  tâché  de  déterrer  et  de  réunir  la  vérité  en- 
sevelie sous  les  opinions  des  différentes  sectes  des 
philosophes,  et  je  crois  y  avoir  ajouté  quelque  chose 
du  mien  pour  faire  quelques  pas  en  avant.  Les  occa- 
sions de  tues  études  dès  ma  première  jeunesse  m'y 
ont  donné  delà  facilité.  Étant  enfant,  j'appris  Aiis- 
tote,et  même  les  seholastiques  ne  me  rebutèrent  point, 
et  je  n'en  suis  point  fâché  présentement.  Mais  Pla- 
ton aussi  avec  Plotin  me  donnèrent  quelque  con- 
tentement, sans  parler  d'autres  anciens  que  je  con- 
sultai. Peu  après,  étant  émancipé  des  écoles  triviales, 
je  tombai  sur  tes  modernes  ,  et  je  me  souviens  que 
je  mepromenois  seul  dansun  bocage  prèsde  Leipsik, 
appelé  le  Hosendal,  à  l'âge  de  quinze  ans,  pour  dé- 
libérer si  je  garderois  les  formes  substantielles.  Enfin, 
le  mécanisme  (la  mécanique)  prévalut,  et  me  porta 
à  m'appliquer  aux  mathématiques.  Il  est  vrai  que 
je  n'entrai  dans  les  plus  profondes  q«'après  avoir 
conversé  avec  M.  Huygens  à  Paris.  Mais  quand  je 
cherchai  les  dernières  raisons  du  mécanisme  et  des 
lois  même  du  mouvement ,  je  fus  tout  surpris  de 
voir  qu'il  étoit  impossible  de  les  trouver  dans  les  ma- 
thématiques et  qu'il  faltoit  retourner  à  la  métaphy- 
sique. C'est  ce  qui  me  ramena  aux  entéléchies,  et  du 
matériel  au  formel,  et  me  fit  enfin  comprendre,  après 
plusieurs  corrections  et  avancements  de  mes  notions, 
que  les  monades,  ou  substances  simples,  sont  les 

(1)  Essai  de  Théodicée;  Lausanne,  1760, 1. 1,  p.  *09. 

(î)  Pfaff.  Dissertât.  Anti  -Hselianse ,■  Tub.,  1720,  in-4°, 
et  Le  clerc  ,  Bibtioth.  ancienne  et  mod.,  t.  XV,  part.  I, 
p.  179. 


479 

seules  véritables  substancos ,  et  que  les  choses  maté- 
rielles ne  sont  que  des  phénomènes,  mais  bien  fon- 
dés et  bien  liés.  C'est  de  quoi  Platon  et  même  les 
académiciens  postérieurs  et  encore  les  sceptiques 
ont  entrevu  quelque  chose;  mais  ces  messieurs, 
après  Platon,  n'en  ont  pas  si  bien  usé  que  lui.  J'ai 
trouvé  que  la  plupart  des  sectes  ont  raison  dans  une 
bonne  partie  de  cequ'elles  avancent,  mais  non  pas 
en  tout  ce  qu'elles  nient.  Les  formalistes  comme  les 
platoniciens  et  les  aristotéliciens  ont  raison  de  cher- 
cher la  source  des  choses  dans  les  causes  finales  et 
formelles.  Mais  ils  ont  tort  de  négliger  les  efficientes 
et  les  matérielles ,  et  d'en  inférer,  comme  faisoit 
M.  Henri  Morus  en  Angleterre  et  quelques  autres 
platoniciens ,  qu'il  y  a  des  phénomènes  qui  ne  peu- 
vent être  expliqués  mécaniquement.  Mais,  de  l'autre 
côté,  les  matérialistes,  ou  ceux  qui  s'attachent  uni- 
quement à  la  philosophie  mécanique,  ont  tort  de 
rejeter  les  considérations  métaphysiques  et  de  vou- 
loir tout  expliquer  par  ce  qui  dépend  de  l'imagina- 
tion. Je  me  flatte  d'avoir  pénétré  l'harmonie  des 
différents  règnes  et  d'avoir  vu  que  les  deux  partis 
ont  raison,  pourvu  qu'ils  ne  se  choquent  point,  que 
tout  se  fait  mécaniquement  et  métaphysiquement  en 
même  temps  dans  les  phénomènes  de  la  nature.  Il 
n'était  pas  aisé  de  découvrir  ce  mystère,parce  qu'il  y 
a  peu  de  gens  qui  se  donnent  la  peine  de  joindre  ces 
deux  sortes  d'études.  M.  Descartes  l'avoit  fait,  mais 
pas  assez.  11  étoit  allé  trop  vite  dans  la  plupart  de  ses 
dogmes  :  et  l'on  peut  dire  que  sa  philosophie  n'est  que 
l'antichambre  de  la  vérité.  Et  ce  qui  l'a  arrêté  le  plus, 
c'est  qu'il  a  ignoré  les  véritables  lo  s  de  la  mécanique  ou 
du  mouvement,  qui  auraient  pu  le  ramener.  M.  Huy- 
gens  s'en  est  aperçu  le  premier,  quoiqu'imparfaite- 
ment  ;  mais  iln'avoit  point  de  goût  pour  la  métaphy- 
sique. J'ai  marqué  dans  mon  livre  que  si  M.  Descartes 
s'étoit  aperçu  que  la  nature  ne  conserve  pas  seule- 
ment la  même  force,  mais  encore  la  même  direction 
totale  dans  les  lois  du  mouvement,  iln'auroit  pas  cru 
que  l'âme  peut  changer  plus  aisément  la  direction 
que  la  force  des  corps  ,  et  il  seroit  allé  tout  droit  au 
système  de  l'harmonie  préétablie,  qui  estime  suite 
nécessaire  de  la  conservation  de  la  force  et  de  la  di- 
rection tout  ensemble  (1).» 

Leibniz  avait  peu  de  sympathie  pour  Descartes, 
tout  en  lui  rendant  justice  -,  cela  tenait  surtout  à 
la  différence  des  caractères  :  l'un ,  ami  de  la 
discussion,  était  avide  de  connaître  tout  ce  que 
ses  contemporains  et  les  anciens  avaient  produit; 
l'autre,  impatient  de  contradiction,  faisait  table 
rase  du  passé,  pour  reconstruire  l'édifice  des 
connaissances  humaines.  —  Dans  une  lettre  à 
l'abbé  Nicaise ,  Leibniz  avait  ainsi  apprécié  les 
cartésiens  et  leur  maître  :  «  Les  cartésiens  n'ont 
presque  rien  fait  de  nouveau,  et  presque  toutes 
les  découvertes  ont  été  faites  par  des  gens  qui 
ne  le  sont  point....  Je  suis  sûr  que  si  M.  Des- 
cartes avoit  vécu  plus  longtemps ,  il  nous  auroit 
donné  une  infinité  de  choses  importantes,  ce  qui 
fait  voir  que  c'étoit  plutôt  son  génie  que  sa  mé- 
thode, ou  bien  qu'il  n'a  pas  publié  sa  méthode. 
En  effet,  je  me  souviens  d'avoir  lu  dans  une  de 
ses  lettres  qu'il  avoit  voulu  seulement  écrire  un 
Discours  de  sa  méthode  et  en  donner  des  échan- 
tillons', mais  que  son  intention  n'a  pas  été  de  la 


LEIBNIZ  480 

publier.  Ainsi  les  cartésiens  qui  croient  avoir  la 
méthode  de  leur  maître  se  trompent  bien  fort 
Cependant  je  m'imagine  que  cette  méthode  n'était 
pas  aussi  parfaite  qu'o.n  tâche  de  le  faire  croire. 
Je  le  juge  par  sa  géométrie  :  c'étoit  son  fort  sans 
doute  ;  cependant  nous  savons  aujourd'hui  qu'il 
s'en  faut  infiniment  qu'elle  n'aille  aussi  loin 
qu'elle  devroit  aller  et  qu'il  disoit  qu'elle  alloit. 
Les  plus  importants  problèmes  ont  besoin  d'une 
nouvelle  façon  d'analyse ,  toute  différente  de  la 
sienne,  dont  j'ai  donné  moi-même  des  échantil- 
lons. Il  me  semble  que  M.  Descartes  n'avoit  pas 
assez  pénétré  les  importantes  vérités  de  Keplei 
sur  l'astronomie,  que  la  suite  des  temps  a  vé 
rifiées.  Son  homme  est  extrêmement  différent  di 
l'homme  véritable,  comme  M.  Stenon  et  d'autret 
l'ont  montré.  La  connoissance  qu'il  avoit  de  li 
chimie  est  bien  maigre....  En  un  mot,  j'estim* 
infiniment  M.  Descartes;  mais  bien  souvent  il 
ne  m'est  pas  permis  de  le  suivre  (1).  »  Cett 
lettre  provoqua  la  réponse  violente  d'un  carU 
sien  zélé  :  sous  le  voile  de  l'anonyme,  il  repro 
chait  à  Leibniz  de  vouloir  établir  sa  répututio 
sur  celle  de  Descartes.  Leibnitz  fut  très-affect 
de  ce  reproche,  et  s'en  plaignit  dans  le  Journc 
des  Savants  (  19  et  26  août  1697  ).  «  Bien  loir 
dit-il,  de  vouloir  ruiner  la  réputation  de  t 
grand  homme,  je  trouve  que  son  véritaDle  m< 
rite  n'est  pas  assez  connu,  parce  qu'on  ne  cons. 
dère  et  qu'on  n'imite  pas  assez  ce  qu'il  a  c 
d'excellent.  On  s'attache  ordinairement  aux  pli 
foibles  endroits ,  parce  qu'ils  sont  le  plus  à  . 
portée  de  ceux  qui  ne  veulent  point  se  donner, 
peine  de  méditer  profondément.  C'est  ce  qui  fa 
qu'à  mon  grand  regret  ses  sectateurs  n'ajoutes 
presque  rien  à  ses  découvertes,  et  c'est  l'eff 
ordinaire  de  l'esprit  de  secte  en  philosophii 
Comme  toutes  mes  vues  ne  tendent  qu'au  bit 
du  public,  j'en  ai  dit  quelque  chose  de  temps  f 

temps  pour  les  réveiller J'ai  toujours  décla 

que  j'estime  infiniment  M.  Descartes  :  il  y  api 
de  génies  qui  approchent  du  sien  ;  je  ne  conm 
qu'Archimède,  Kopernik,  Galilée,  Keple 
Jungius,  MM.  Huygens  et  Newton,  et  queiqi 
peu  d'autres  de  cette  force,  auxquels  on  pourre 
ajouler  Pythagore,  Démocrite ,  Platon,  Aristol 
Cardan,  Gilbert,  Verulamius,  Campanell 
Harvseus,  M.  Pascal  et  quelques  autres,  lit 
vrai  cependant  que  M.  Descartes  a  usé  d'à 
tifices  pour  profiter  des  découvertes  des  aut« 
sans  leur  en  vouloir  paroitre  redevable.  11  tri 
toit  d'excellents  hommes  d'une  manière  injus 
et  indigue,  lorsqu'ils  lui  faisoient  ombrage,  et 
avoit  une  ambition  démesurée  pour  s'ériger 
chef  de  parti  ;  mais  cela  ne  diminue  point  la  bor 
de  ses  pensées.  »  —  Le  même  cartésien  av 
ajouté  «  que  les  amis  de  Leibniz  publioient  ha 
tement  qu'il  feroit  bien  mieux  de  s'occuper 
mathématiques,  où  il  excelle ,  que  de  se  môl 
de  philosophie,  où  il  n'a  pas  le  même  avantage 


(1)  Recueil  de  diverses  Pièces,  t.  1!,  p.  133  et  suiv. 


(1)  Journal  des  Savants,  18  avril  1698. 


481 

—  «  Le  peu  de  réputation,  répliqua  Leibniz, 
qu'on  me  fait  l'honneur  dcm'accorder,  je  ne  l'ai 
point  acquis  en  réfutant  M.  Descartes,  et  je  n'ai 
point  besoin  de  ce  moyen  :  le  droit,  l'histoire , 
les  lettres  y  ont  contribué  avant  que  j'aie  songé 
aux  mathématiques.  Et  si  notre  nouvelle  ana- 
lyse, dont  j'ai  proposé  le  calcul,  passe  celle  de 
M.  Descartes ,  autant  et  plus  que  la  sienne  pas- 
soit  les  méthodes  précédentes,  la  sienne  ne  laisse 
pas  de  demeurer  très-estimable,  quoiqu'il  ait 
été  nécessaire,  pour  le  progrès  des  sciences,  de 
désabuser  ceux  qui  lacroyoient  suffire  à  tout.... 
Quant  à  l'avis  que  mes  amis  m'auroient  donné , 
'en  aurois,  je  l'avoue,  profité,  si  je  l'a  vois  sçu.  Et 
si  l'auteur  anonyme,  qui  paroît  très-capable  de 
me  donner  de  bons  conseils ,  en  vouloit  prendre 
a  peine,  soit  en  public,  ou  plutôt  en  particulier 
[afin  qu'il  ne  pense  point  que  je  cherche  tant,  à 
aire  du  bruit),  il  seroit  en  cela  comme  le  meil- 
eur  de  mes  amis,  et  il  éprouveroit  toute  ma  do- 
àlité.  »  Ces  lignes  peignent  toute  la  noblesse  du 
:aractère  de  Leibniz. 

C'est  dans  la  Théodicée  et  dans  les  Nou- 
lèaux  Essais  sur  l'Entendement  humain  (1), 
unsi  que  dans  certaines  parties  de  sa  correspon- 
lance  qu'il  faut  chercher  les  éléments  de  la  phi- 
osophie  de  ce  grand  homme.  Une  de  ses  princi- 
pes maximes,  bien  souvent  vérifiée  depuis,  c'est 
|ue  la  nature  ne  fait  jamais  de  sauts  (in  natura 
ion  datur  saltus).  C'est  ce  qu'il  appelait  la 
oi  de  la  continuité,  déjà  connue  des  philosophes 
;recs.  «  Cette  loi  porte,  dit-il,  qu'on  passetoujours 
lu  petit  au  grand  et  à  rebours ,  dans  les  degrés 
:omme  dans  les  parties,  et  quejamais  un  mouve- 
nentne  naît  immédiatement  du  repos  ni  ne  s'y  ré- 
luit que  par  un  mouvement  plus  petit,  comme  on 
l'achève  jamais  de  parcourir  aucune  ligne  ou 
ongueur  avant  d'avoir  achevé  une  ligne  plus  pe- 
ite,  quoique  jusque  ici  ceux  qui  ont  donné  les 
ois  du  mouvement  n'aient  point  observé  cette 
oi ,  croyant  qu'un  corps  peut  recevoir  en  un 
noment  un  mouvement  contraire  au  précédent. 
Tout  cela  fait  bien  juger  que  les  perceptions  re- 
marquables viennent  par  degrés  de  celles  qui 
>ont  trop  petites  pour  être  remarquées.  En 
uger  autrement,  c'est  peu  connoître  l'immense 
subtilité  des  choses,  qui  enveloppe  toujours  et 
partout  un  infini  actuel  (2).  »  Appliquée  aux 
mathématiques,  la  loi  de  la  continuité  conduisit 
Leibniz  à  l'invention  du  calcul  différentiel.  Ap- 
pliquée à  la  philosophie,  elle  lui  donnait  toute 
une  méthode  psychologique...  «  Ce  sont,  dit-il, 
iles  petites  perceptions  qui  forment  ce  je  ne  sais 
(quoi,  ces  goûts,  ces  images  des  sens,  claires 
Idans  l'assemblage  mais  confuses  dans  les  par- 
ties ,  ces  impressions  que  les  corps  qui  nous  en- 


LEIBMZ  482 

vironnent  font  sur-  nous  et  qui  enveloppent  l'in- 
fini, cette  liaison  que  chaque  être  a  àVec  l'uni- 
vers. On  peut  même  dire  qu'en  conséquence  de 
ces  petites  perceptions ,  le  présent  est  plein  de 
l'avenir  et  chargé  du  passé,  que  tout  est  cons- 
pirant (  <7Ûp.irvoia  tkxvtoc,  comme  disait  Hippo- 
crate),  et  que  dans  la  moindre  des  substances 
des  yeux  aussi  perçants  que  ceux  de  Dieu  pour- 
roient  lire  toute  la  suite  des  choses  de  l'univers  : 
quse  sint,  quxfuerint,  quse  morsfutura  tra- 
hantur.  C'est  aussi  par  les  petites  perceptions 
que  j'explique  cette  admirable  harmonie  pré- 
établie de  l'âme  et  du  corps  et  même  de  toutes 
les  monades,  ce  qui  détruit  les  tablettes  vides  de 
l'âme,  une  âme  sans  pensée ,  une  substance  sans 
action...  Pour  moi,  je  suis  du  sentiment  des 
cartésiens,  en  ce  qu'ils  disent  que  l'âme  pense 
toujours.  Je  tiens  même  qu'il  se  passe  quelque 
chose  dans  l'âme  qui  répond  à  la  circulation  du 
sang  et  à  tous  les  mouvements  internes  des  vis- 
cères, dont  on  ne  s'aperçoit  pourtant  point  (1)  ». 

Appliquée  à  l'espace,  la  loi  de  la  continuité  lui  fit 
rejeter  toute  idée  de  vide.  Il  essaya  même  de  l'in- 
troduire dans  la  série  des  êtres  vivants ,  quand  il 
disait  :  «  Il  est  malaisé  de  voir  où  le  sensible  et  le 
raisonnable  commencent...  Il  y  a  une  différence 
excessive  entre  certains  hommes  et  certains  ani- 
maux brutes  ;  mais  si  nous  voulons  comparer  l'en- 
tendement et  la  capacité  de  certains  hommes  et 
de  certaines  bêtes,  nous  y  trouverons  si  peu  de 
différence,  qu'il  sera  bien  malaisé  d'assurer  que 
l'entendement  de  ces  hommes  soit  plus  net  et 
plus  étendu  que  celui  des  hêtes  (?.).  »  Cependant 
Leibniz  s'empresse  d'aj  outer  lui-même  que  «  le 
plus  stupide  des  hommes  est  incomparablement 
plus  raisonnable  et  plus  docile  que  la  plus  spiri- 
tuelle de  toutes  les  bêtes  » .  Et  pour  expliquer  cette 
espèce  d'hiatus,  il  suppose  <•■  dans  quelque  autre 
monde  des  espèces  moyennes  entre  l'homme  et 
la  bête  »  ;  de  même  qu'il  suppose  quelque  part 
des  «  animaux  raisonnables  qui  nous  passent  (3)  ». 

C'est  pour  expliquer  l'union  de  l'âme  avec  le 
corps  que  Leibniz  imagina  {'harmonie  prééta- 
blie. Voici  son  raisonnement.  :  «  Figurez-vous 
deux  horloges  qui  s'accordent  parfaitement.  Cet 
accord  peut  s'obtenir  de  trois  façons  différentes  : 
1°  par  l'influence  réciproque  d'une  horloge  sur 
l'autre,  2°  par  les  soins  d'un  homme  chargé  de 
la  besogne,  3°  par  une  harmonie  préexistante». 
Après  avoir  discuté  la  valeur  des  deux  pre- 
miers moyens,  il  s'arrête  au  dernier,  comme 
seul  raisonnable  :  «  Il  ne  reste  que  la  voie  de 
l'harmonie  préétablie  par  un  artifice  divin ,  le- 
quel dès  le  commencement  a  formé  chacune  de 
ces  substances  d'une  manière  si  parfaite  et  ré- 
glée, avec  tant  d'exactitude  qu'en  ne  suivant  que 


(1)  Ce  traité,  composé  en  1704,  devait  être  mis  en  tête 
d'uoe  nouvelle  édition  de  Lo«ke,  Essai  sur  l'Entende- 
ment humain.  Il  ne  parut  qu'après  la  mort  de  l'auteur, 
dans  les  OEuvres  Philosophiques  de  Leibniz,  édité  par 
Raspc,  et  a  cté  réimprimé  dans  Opéra  Philosoph.  de 
I-eibniz,  édit.  d'F.nlmann  (Berlin,  1840). 

(i)  Nouveaux  Essais,  p.  198  (édit.  Krdmann). 

MOUT.    B10€K,    CÉNBR.    —  T.   XXX. 


(1)  Nouveaux  Essais,  édit.  Erdmam,  p.  196  et  suiv, 
Comp.  Sur  la  Loi  de  la  Continuité  une  excellente  note  de 
M.  Foucher  de  Careil,  dans  Nouvelles  Lettres  et  Opus- 
cules inédits  de  Leibniz  (  Paris,  1857),  p.  41»  et  suiv. 

(S)Ibid. 

(S)  Comparez  M.  Flourens,  De  l'Instruction  et  l'hilolli- 
çence  dm  Animaux,  p.  a  («dit.  it«l). 

16 


483  LEIBNIZ 

ses  propres  lois,  qu'elle  a  reçues  avec  son  être, 
elle  s'accorde  partout  avec  l'autre ,  tout  comme 
s'il  y  avoit  une  influence  mutuelle,  ou  comme  si 
Dieu  y  mettoil  toujours  la  main  au  delà  de  son 
concours  général  (i).  „ 

Ce  système  rencontra  de  nombreux  adver- 
saires, parmi  lesquels  il  suffit  de  citer  Bayle  et 
Clarke.  Le,  premier,  à  l'article  Rorarius  de  son 
excellent  Dictionnaire,  compare  Yharmonie 
préétablie  à  un  vaisseau  qui,  sans  être  dirigé  de 
personne,  va  se  rendre  de  soi-même  au  port 
désiré.  Dans  sa  réplique  à  Bayle,  Leibniz  ne 
veut  pas  que  l'on  compare  son  hypothèse  «  avec 
un  vaisseau  qui  se  mène  soi-même  au  port, 
mais  avec  ces  bateaux  de  trajet,  attachés  à  une 
corde,  qui  traversent  la  rivière  ».  —  «  C'est, 
ajoute-il,  comme  dans  les  machines  de  théâtre 
et  dans  les  feux  d'artifice,  dont  on  ne  trouve 
plus  la  justesse  étrange  quand  on  sait  comment 
tout  est  conduit  (2).  »  Quant  à  l'objection  de 
Bayle,  concernant  l'âme  qui  serait  comme  un 
atome  d'Épicure,  environné  de  vide,  Leibniz  ré- 
pond qu'il  «  considère  en  effet  les  âmes  ou 
plutôt  les  monades  comme  des  atomes  de 
substance,  et  qu'il  nie  l'existence  des  atomes 
matériels  dans  la  nature ,  la  moindre  parcelle 
de  matière  ayant  encore  des  parties...  Les  âmes 
ou  monades  imitent  autant  que  possible  Dieu, 
leur  créateur  :  il  les  a  faites  sources  de  leurs 
phénomènes ,  qui  contiennent  des  rapports  à 
tout,  mais  plus  ou  moins  distincts,  selon  les 
degrés  de  perfection  de  chacune  d'elles  (3).  » 

Mais  que  devient,  dans  tout  cela  le  libre  ar- 
bitre? C'est  là  l'écueil  contre  lequel  ont  échoué 
tous  les  philosophes ,  y  compris  Leibniz.  Cette 
difficulté,  il  essaye  le  plus  souvent  de  la  tour- 
ner par  des  subtilités  scolastiques ,  et  quand 
il  veut  l'aborder  franchement ,  il  est  plein  de 
contradictions.  En  voici  la  preuve  :  «  Pour  ce 
qui  est,  dit-il,  du  franc  arbitre,  je  suis  du  sen- 
timent des  thomistes  et  autres  philosophes,  qui 
croient  que  tout  est  prédéterminé,  et  je  ne  vois 
pas  lieu  d'en  douter.  »  Puis,  il  ajoute  aussitôt,  en 
se  reprenant  :  «  Cela  n'empêche  pourtant  pas 
que  nous  n'ayons  une  liberté  exempte  non-seule- 
ment de  sa  contrainte,  mais  encore  de  la  néces- 
sité. »  —  Or,  comment  concilier  la  négation  du 
franc  arbitre,  la  prédestination,  avec  la  liberté 
«  sans  contrainte  et  sans  nécessité  »  ?  Pour  sortir 
d'embarras,  Leibniz  imagina,  comme  le  firent  plus 
tard  Schelling  et  Hegel,  d'identifier  l'homme 
avec  Dieu  lui-même,  quand  il  dit  :  «  Il  en  est 
de  nous  comme  de  Dieu  lui-même,  qui  est  aussi 
toujours  déterminé  dans  ses  actions,  car  il  ne 


(1)  Journal  des  Savants,  19  nov.  1696. 

(î)  Recueil  de  pièces  diverses  sur  la  philosophie,  la 
religion,  etc.,  par  MM.  Leibniz,  Clarke,  etc.,  t.  II, 
p.  433. 

(3)  Ibid.,  p.  435  et  4M.  Les  monades  de  Leibniz  étaient 
les  substances  simples  là  ôvxwç  Ôvtoc  de  l'iaton.  Voy. 
M.  Foucher  de  Careil,  Jntrod.  à  Lettres  et  opus.  inédit, 
de  Leibniz,  p.  XII  et  suiv. 


484 
peut  manquer  de  choisir  le  meilleur;  mais  s'il 
n'avoit  pas  de  quoi  choisir,  et  si  ce  qu'il  fait  étoit 
seul  possible,  il  seroit  soumis  à  la  nécessité  (1).  » 
Et  ailleurs  :  «  L'âme,  à  l'égard  de  la  variété  de 
ses  modifications,  doit  être  comparée  avec  l'u- 
nivers qu'elle  représente,  selon  son  point  de 
vue,  et  même  en  quelque  façon  avec  Dieu,  dont 
elle  représente  finiment  l'infini  (2).  On  voit 
que  Leibniz  était  le  précurseur  du  système  de 
Yidentité  de  l'homme  avec  Dieu ,  le  comble  de 
l'orgueil  humain. 

Dans  ses  répliques  à  Clarke,  partisan  des  idées 
de  Newton,  Leibniz  s'attaquait  directement  à  la 
loi  de  l'attraction  :  Newton,  ignorant  encore  la 
généralité  de  cette  loi,  avait  avancé  que  le  sys- 
tème du  monde  avait  besoin  d'être  de  temps  en 
temps  retouché  par  le  Créateur  pour  en  rétablir 
l'harmonie.  C'est  pourquoi  Leibniz  rejetait  l'hypo- 
thèse de  l'attraction  parce  que  pour  en  obtenir 
l'exécution  il  faudrait  «  un  miracle  perpétuel  ».  — 
«  En  bonne  philosophie  et  en  saine  théologie,  il 
faut,  ajoute-t-il,  distinguer  entre  ce  qui  est  expli- 
cable par  les  natures  et  les  forces  des  créatures, 
et  ce  qui  n'est  explicable  que  par  les  forces  de  la 
substance  infinie...  C'est  par  là  que  tombent  les 
attractions  proprement  dites  et  autres  opérations  1 
inexplicables  par  les  natures  des  créatures,,!? 
qu'il  faut  faire  effectuer  par  miracle  ou  recourir 
aux  absurdités, c'est-à-dire  aux  qualités  occultes 
scolastiques ,  qu'on  commence  à  nous  débiter 
sous  le  nom  spécieux  de  forces,  mais  qui  nous 
ramènent  dans  le  royaume  des  ténèbres  :  c'est  1| 
inventa  fruge,  glandibus  vesci.  »  Ce  trait  était |j 
à  l'adresse  de  Newton.  Pour  ne  laisser  subsister 
aucun  doute,  Leibniz  disait  plus  loin  :  «  J'avois 
objecté  qu'une  attraction  proprement  dite  ou  à  la 
scholastique  seroit  une  opération  à  distance,! j| 
sans  moyen.  On  répond  ici  qu'une  attraction  j 
sans  moyen  seroit  une  contradiction.  Fort  bien  ; , . 
mais  comment  l'entend-on  donc,  quand  on  veut 
que  le  Soleil  à  travers  d'un  espace  vide  attire  le 
globe  de  la  Terre  ;  est-ce  Dieu  qui  sert  de 
moyen?...  Si  ce  moyen ,  qui  fait  une  véritable 
attraction,  est  constant  et  en  même  temps  inex- 
plicable par  les  forces  des  créatures,  et  s'il  est 
véritable  avec  cela,  c'est  un  miracle  perpétuel,  et 
s'il  n'est  pas  miraculeux,  il  est  faux  :  c'est  une 
chose  chimérique ,  une  qualité  occulte  scholas- 
tique :  il  seroit  comme  le  cas  d'un  corps  allant 
en  rond,  sans  s'écarter  par  la  tangente,  quoique 
rien  d'explicable  ne  l'empêchât  de  le  faire  (3).  » 
Newton,  que  les  hommages  de  ses  contem- 
porains et  surtout  de  ses  compatriotes  avaient 
enflé  d'orgueil,  ne  put  jamais  pardonner  à  Leib- 
niz d'avoir  dit  tant  de  mal  de  Yattraction. 

La  raison  suffisante  est  un  des  principes  fa- 
voris de  Leibniz.  Il  y  insiste  dans  tous  ses  écrits. 

(1)  Lettre  àM.Bayle,da(\s  ("ommercium  Epist.  Leibni- 
tianum,  éd.  Feder,  1805,  p.  lo2. 

(2)  Recueil  de  diverses  Pièces,  etc.,  p.  437. 

(3)  Réplique   à  Clarke,  dans  Recueil  des  Pièces,  etc., 
1. 1,  p.  1*7. 


485 

Pour  qu'une  chose  existe,  il  faut  qu'elle  ait  «ne 
raison  d'être.  «  J'ose  dire,  ajoute  l'auteur,  que 
98ns  ce  grand  principe  on  ne  sauroit  venir  à  la 
preuve   de  l'existence  de  Dieu  ni   rendre  rai- 
«on  de   plusieurs  autres    vérités  importantes. 
Tout  le  monde  ne  s'en  est-il  point  servi  en  mille 
Hîcasions  ?  Il  est  vrai  qu'on  l'a  oublié  par  négli- 
;ence  en  beaucoup  d'autres  ;  mais  c'est  là  jus- 
ement   l'origine   des   chimères,    comme,   par 
xernple ,  d'un  temps  ou  d'un    espace  absolu 
■éel,  du  vide,  des  atomes,  d'une  attraction  à  la 
cholastique,  etc.  (1).  » 
Les  observateurs  n'aiment  guère  les  théories, 
t  réciproquement.  Leibniz  le  savait  fort  bien  : 
Ceux  qui  aiment,  dit-il ,  à  entrer  dans  le  dé- 
ail  des  sciences  méprisent  les  recherches  abs- 
raites,  et  ceux  qui  approfondissent  les  prin- 
ipes  entrent  rarement  dans  les  particularités, 
our  moi,  j'estime  également  l'un  et  l'autre  (2)  ». 
C'est  par  la  Théodicêe  que  Leibniz  termina  en 
uelque  sorte  sa  carrière  de   polygraphe.   Des 
oyages   fréquents,   une  correspondance  éten- 
ue,  la  dispute  sur  la  priorité  de  la  décou- 
erte  du  calcul  différentiel    l'empêchaient,  de- 
uis   1710  jusqu'à  sa  mort,  d'entreprendre  de 
ouveaux   ouvrages    et.    d'achever  ceux    qu'il 
ait  commencés.  En  1711  Leibniz  eut  à  Torgau 
ie  entrevue  avec  Pierre  le  Grand,  qui  était 
snu  conclure  le  mariage  du  prince  Alexis,  son 
s,   avec  Christine  Sophie  de  Wolfenbùtlel  ; 
tzar  profita  de  l'occasion  pour  consulter  le  cé- 
bre  philosophe  sur  la  législation  dont  il  vou- 
it  doter  son  empire  ;  il  en  fut  si  satisfait  qu'il 
i  donna  une  pension  annuelle  de  mille  roubles 
rec  le  titre  de  conseiller  privé  de  justice.  A  son 
tour  à  Hanovre,  en  passant  par  le  duché  de 
Dlstein,  Leibniz  acquit  pour  la  bibliothèque  de 
rolfenbùttel  un  grand  nombre  de  manuscrits  et 
pièces  rares.  En  1713  on  le  trouve  à  Vienne, 
llicitant  de  l'empereur  la  création  d'une  Aca- 
mie  des  Sciences,  sur  le  modèle  de  celle  de  Ber- 
S'il  échoua  dans  sa  démarche,  il  reçut,  en  re- 
nche,  une  pension  de  deux  mille  florins,  avec 
s  offres  avantageuses  s'il  voulait  rester  attaché 
la  cour  impériale,  qui  lui  avait  déjà  accordé  le 
re  de  conseiller  aulique,  bien  qu'on  n'en  trouve 
s  la  trace  officielle,  il  était  encore  à  Vienne 
and  mourut  (en  1714)  la  reine  Anne  :  la  cou- 
nne  d'Angleterre  passa  à  l'électeur  de  Hanovre, 
sorges  1er,  qui,  selon  l'expression  de  Fontenelle, 
réunissoit  sous  sa  domination  un  électorat,  les 
is  royaumes  de  la  Grande-Bretagne,  M.  Leibniz 
M.  Newton  ».  Leibniz  se  hâta  de  retourner 
ïanovre.  Les  accès  de  goutte ,  auxquels  il  était 
jet ,  étaient  devenus  depuis  un  an  de  plus  en 
s  fréquents  :  comme  Descartes  et  d'autres 
ilosophes,  il  ne  voulait  se  traiter  qu'à  sa  ma- 
ire ou  d'après  les  conseils  de  quelques  amis 
angers  à  la  médecine.  On  raconte  qu'il  avança 

)  lbi(l.,p.  153. 
i)  Lettre  a  l'ablip  Fotn-her,  Journ.  des  Savants,^  juin 


) 


LEIBNIZ  486 

sa  fin  en  avalant  un  remède  que  lni  avait  con- 
seillé un  jésuite  d'Ingolstadt,  et  qui  lui  causa 
d'intolérables  douleurs  néphrétiques  ;  le  mal 
remonta  rapidement  aux  parties  supérieures 
du  corps,  et  le  fit  succomber,  en  une  heure, 
au  milieu  de  violentes  convulsions ,  à  l'âge  de 
soixante-et-dix  ans  quatre  mois  et  onze  jours. 
Un  ami,  le  savant  Eckard,  bibliothécaire  à  Ha- 
novre, lui  fit  faire  des  funérailles  convenables  : 
toute  la  cour  y  avait  été  invitée;  mais,  à  l'extrême 
surprise  d'Eckard,  qui  le  rapporte  lui-même, 
personne  ne  vint  accompagner  le  grand  homme 
à  sa  dernière  demeure. 

Voici  le  portrait  qu'a  tracé  de  Leibniz  un  de 
ses  illustres  collègues,  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  des  Sciences  de  Paris.  «  M.  Leibniz 
étoit  d'une  forte  complexion  :  il  n'avoit  guère 
eu  de  maladies,  excepté  quelques  vertiges  dont 
il  étoit  quelquefois  incommodé  et  la  goutte.  Il 
mangeoit  beaucoup  et  buvoit  peu,  quand  on  ne 
le  forçoit  pas,  et  jamais  de  vin  sans  eau.  Chez 
lui  il  étoit  absolumentle  maître,  car  il  y  mangeoit 
toujours  seul.  Il  ne  régloit  pas  ses  repas  à  de 
certaines  heures,  mais  selon  ses  études.  Il  n'avoit 
point  de  ménage ,  et  envoyoit  quérir  chez  un 
traiteur  la  première  chose  trouvée.  Depuis  qu'il 
avoit  la  goutte ,  il  ne  dînoit  que  d'un  peu  de 
lait;  mais  il  faisoit  un  grand  souper,  sur  lequel 
il  se  couchoit  à  une  heure  ou  deux  heures  après 
minuit.  Souvent  il  ne  dormoit  qu'assis  sur  une 
chaise,  et  ne  s'en  réveilloit  pas  moins  frais  à  sept 
ou  huit  heures  du  malin.  Il  étudioit  de  suite,  et 
il  a  été  des  mois  entiers  sans  quitter  le  siège, 
pratique  fort  propre  à  avancer  beaucoup  un  tra- 
vail, mais  fort  mal  saine.  Aussi  croit- on  qu'elle 
lui  attira  une  fluxion  sur  la  jambe  droite,  avec 
un  ulcère  ouvert.  Il  y  voulut  remédier  à  sa  ma- 
nière, car  il  consulloit  peu  les  médecins  ;  il  vint 
à  ne  pouvoir  plus  marcher,  ni  quitter  le  lit.  Il 
faisoit  des  extraits  de  tout  ce  qu'il  lisoit  et  y 
ajoutoit  ses  réflexions  ;  puis  il  mettoit  tout  cela 
à  part,  et  ne  le  regardoit  plus.  Sa  mémoire,  qui 
étoit  admirable,  ne  se  déchargeoit  point,  comme 
à  l'ordinaire,  des  choses  écrites;  mais  seulement 
l'écriture  avoit  été  nécessaire  pour  les  y  graver 
à  jamais.  Il  étoit  toujours  prêt  à  répondre  sur 
toutes  sortes  de  matières,  et  le  roi  d'Angleterre 
l'appeloit  son  dictionnaire  vivant.  Il  s'entre- 
tenoit  volontiers  avec  toutes  sortes  de  per- 
sonnes, gens  de  cour,  artisans,  laboureurs,  sol- 
dats. Il  s'entretenoit  même  souvent  avec  les 
dames,  et  ne  comptoit  point  pour  perdu  le 
temps  qu'il  donnoit  à  leur  conversation.  M.Leib- 
niz avoit  un  commerce  de  lettres  prodigieux.  II 
se  plaisoit  à  entrer  dans  tes  travaux  ou  dans 
les  projets  de  tous  les  savants  de  l'Europe;  il 
leur  fournissoit  des  vues;  il  les  animoit,  et  cer- 
tainement il  prêchoit  d'exemple.  On  "toit  sûr 
d'une  réponse  dès  qu'on  lui  écrivoit,  ne  se  fût- 
on  proposé  que  l'honneur  de  lui  écrire.  Il  étoit 
toujours  d'une  humeur  gaie...  Il  se  mettoit  ai- 
sément en  colère,  mais  il  en  revenoit  aussitôt. 

16. 


487 


LEIBNIZ 


488 


Ses  premiers  mouvements  n'étoient  pas  d'aimer 
la  contradiction  snr  quoi  que  ce  fût,  mais  il  ne 
falloit  qu'attendre  les  seconds  ;  et  en  effet  ses 
seconds  mouvements,  qui  sont  les  seuls  dont  il 
reste  des  marques,  lui  feront  éternellement  hon- 
neur. On  l'accuse  de  n'avoir  été  qu'un  grand  et  ri- 
gide observateur  du  droit  naturel  :  ses  pasteurs 
lui  en  ont  fait  des  réprimandes  publiques  et  inu- 
tiles. On  l'accuse  aussi  d'avoir  aimé  l'argent.  Il 
avoit  un  revenu  très-considérable  en  pensions  du 
duc  de  Wolfenbùttel,  du  roi  d'Angleterre,  de  l'em- 
pereur, du  czar,  et  vivoit  toujours  assez  grossiè- 
rement... Mais  il  laissoit  aller  le  détail  de  sa 
maison  comme  il  plaisoit  à  ses  domestiques. 
Cependant  la  recette  étoit  toujours  la  plus  forte, 
et  on  lui  trouva  après  sa  mort  une  grosse 
somme  d'argent  comptant  qu'il  avoit  cachée  : 
c'étoit  deux  années  de  son  revenu.  Ce  trésor 
lui  avoit  causé  pendant  sa  vie  de  grandes  in- 
quiétudes qu'il  avoit  confiées  à  un  ami  ;  mais  il 
fut  encore  plus  funeste  à  la  femme  de  son  seul 
héritier,  fils  de  sa  sœur,  qui  étoit  curé  d'une 
paroisse  près  de  Leipzig  :  cette  femme,  à  la  vue 
du  riche  héritage  fut  si  saisie  de  joie  qu'elle  en 
mourut  subitement.  (1)  » 

Ajoutons  à  ce  portrait  qu'à  l'exemple  de  Des- 
cartes, de  Newton  et  de  la  plupart  des  grands 
hommes,  Leibniz  ne  s'était  jamais  marié.  Il  y 
avait,  rapporte  Fontenelle,  pensé  à  l'âge  de  cin- 
quante ans.  Mais  la  personne  qu'il  avait  en  vue 
voulut  avoir  le  temps  de  faire  ses  réflexions; 
cela  donna  à  Leibniz  le  loisir  de  faire  aussi  les 
siennes,  et  il  ne  se  maria  point  (2). 

Les  dernières  années  de  Leibniz  avaient  été 
empoisonnées  par  une  querelle  fameuse  dans  l'his- 
toire de  la  science  :  il  s'agissait  de  la  priorité  de  la 
découverte  du  calcul  différentiel, fondement  de 
l'analyse  supérieure (analysis promota).  Voici 
l'historique  de  cette  découverte.  Avec  la  règle  et 
le  compas  les  anciens  géomètres  étaient  arrivés  à 
des  théorèmes  que  l'on  admire  encore  aujour- 
d'hui. Le  rapport  qui  existe  entre  les  figures  li- 
mitées par  des  lignes  brisées  et  celles  qui  ont 
pour  limites  des  lignes  courbes  avaient  de  bonne 
heure  fixé  leur  attention.  La  figure  qu'ils  es- 
timaient la  plus  parfaite,  et  qui  joue  un  si  grand 
rôle  dans  les  spéculations  philosophiques  et  as- 
tronomiques de  l'antiquité,  c'était  la  figure  plane 
terminée  par  une  courbe  dont  tous  les  points 
sont  également  distants  d'un  point  intérieur;  en 
un  mot,  c'était  le  cercle.  La  quadrature  du  cer- 
cle, de  la  parabole,  et  en  général  de  toutes  les 
figures  produites  par  les  différentes  sections  du 
cône,  stimulèrent  à  l'envi  la  sagacité  des  géo- 
mètres grecs.  La  proposition  d'Archimède,  «  que 
le  contour  d'un  polygone  inscrit  et  le  contour 
d'un  polygone  circonscrit  à  un  cercle  est  le 
premier  plus  petit  et  le  second  plus  grand  que 
ce  cercle,  »  fut  reprise  et  développée  par  ses 


il)  Fontenelle,  Éloge  de  f^ibnit, 
<S)  Ibtd. 


successeurs ,  qui  tous  -purent  se  convaincre 
qu'en  multipliant  le  nombre  des  côtés  du  poly- 
gone on  approche  de  plus  en  plus  de  cette  éga- 
lité, mais  sans  jamais  l'atteindre. 

Dans  un  petit  traité,  trop  peu  connu,  sur  la  ca- 
pacité des  tonneaux,  que  Kepler  composa  à  l'oc- 
casion d'une  querelle  avec  un  marchand  de  via 
fraudeur,  le  grand  astronome  supposa  (  Nova 
Stereometria  Doliorum  vinariorum,  etc.; 
Linz,  1605),  pour  trouver  le  rapport  de  la  péri- 
phérie au  diamètre,  que  la  circonférence  du 
cercle  se  compose  d'une  infinité  de  points,  «  ba- 
ses d'autant  de  triangles,  dont  les  sommets  se 
réunissent  au  centre  ».  Dans  un  supplément  à 
la  Stéréométrie  d'Archimède,  il  examina  les 
rapports  de  quatre-vingt-sept  figures  solides,  la: 
plupart  désignées  sous  les  noms  des  fiuits  aux- 
quelles elles  ressemblent,  et  qu'il  faisait  naître 
par  le  mouvement  de  surfaces  sphériques  et  co- 
niques  autour  des  diamètres,  axes,  ordon- 
nées, etc.  ;  enfin,  par  des  propositions  comme^ 
celles-ci  :  Décrémenta  perpendicularium  sunt 
maxima  apud  A,  minora  igitur  erunt  apud 
B  ;  —  ubi  décrémenta  allitudinum  prsecipù- 
tantur  per  omnes  proportiones  in  infinitum* 
crescentibus  proportionum  augmentis,  ibi 
incrementaquadratorum  magis  magisque dé- 
crémenta et  incrementa  proportionum  des~ 
crescunl.  Il  semait  ainsi  des  idées  fécondes  qui 
paraissent  avoir  servi  à  Descartes  pour  sa  nou- 
velle géométrie  des  courbes. 

L'auteur  de  la  méthode  des  indivisibles,  Cava- 
lieri,  avait  aussi  fait  intervenir  l'idée  de  continuité 
et  de  mouvement  dans  la  génération  des  plans  el 
des  solides  ;  il  se  servait  même  du  mot  fluens, 
repris  plus  tard  par  Newton.  Pascal  employa; 
la  méthode  du  géomètre  italien  dans  la  solution 
des  problèmes  sur  la  roulette.  «  Je  ne  ferai,  di- 
sait-il, aucune  difficulté  d'user  de  ce  langage  det 
indivisibles,  la  somme  des  lignes,  la  somnu 
des  plans,  la  somme  des  ordonnées,  qui  sembl* 
être  inintelligible  à  ceux  qui  n'entendent  pas  1< 
doctrine  des  indivisibles  et  qui  s'imaginent  qiif 
c'est  pécher  contre  la  géométrie  que  d'exprimé 
un  plan  par  un  nombre  indéfini  de  lignes,  ci 
qui  ne  vient  que  de  leur  manque  d'intelligence 
puisqu'on  n'entend  autre  chose  par  là  sinon  li 
somme  d'un  nombre  indéfini  de  rectangles  fait 
de  chaque  ordonnée  avec  chacune  des  petite 
portions  égales  du  diamètre,  dont  la  somme  es 
certainement  un  plan,  qui  ne  diffère  de  l'espao 
du  dernier  cercle  que  d'une  quantité  raoindr 
qu'aucune  donnée  (1).  »  Fermât,  contemporain  è 
Pascal,  dans  sa  méthode  De  Maximis  et  Mini 
mis,  égale  l'expression  de  la  quantité  dont  oi 
cherche  le  maximum  et  le  minimum  à  l'ex 
pression  de  la  même  quantité  dans  laquelle  l'in 
connue  est  augmentée  d'une  quantité  indéter 
minée.  Il  fait  disparaître  dans  cette  équation  le 

(1)  Lettre  à  Carcavi,  dans  les  OEuvrtt  Ai  Pascal,  t.  * 
p.  US  (  édit,  La  Haye,  177»). 


489 


LEIBNIZ 


480 


radicaux  et  les  fractions,  s'il  y  en  a,  et  après 
avoir  effacé  les  termes  communs  dans  les  mem- 
bres ,  il  divise  tous  les  autres  par  la  quantité 
indéterminée  par  laquelle  ils  se  trouvent  multi- 
pliés; ensuite  il  fait  cette  quantité  nulle,  et  il  a 
une  équation  qui  sert  à  déterminer  l'inconnue  de 
]a  question.  Dans  l'équation  entre  l'abscisse  et 
l'ordonnée,  que  Fermât  appelle  la  propriété  spé- 
cifique delà  courbe.il  augmente  ou  diminue  l'abs- 
cisse d'une  quantité  indéterminée,  et  il  regarde  la 
nouvelle  ordonnée  comme  appartenant  à  la  fois 
à  la  courbe  et  à  la  tangente ,  ce  qui  fournit  une 
équation  qu'il  traite  comme  celle  de  la  méthode 
De  Maximis  et  Minimis  (1).  Pour  résoudre  les 
problèmes  que  Fermât  avait  proposés  sur  la 
quadrature  de  la  parabole  et  de  l'hyperbole,  Ro- 
berval  (né  en  1602,  mort  en  1675  )  eut  aussi  re- 
cours à  la  méthode  des  indivisibles.  «  Pour 
tirer  des  conclusions  par  le  moyen  des  indivi- 
sibles, il  faut,  dit-il,  supposer  que  toute  ligne, 
soit  droite  ou  courbe,  se  peut  diviser  en  une  in- 
finité de  parties  ou  petites  lignes  toutes  égales 
entre  elles,  ou  qui  suivent  entre  elles  telle  pro- 
gression que  l'on  voudra,  comme  de  carré  à 
carré ,  de  cube  à  cube ,  de  carré  carré  à  carré 
carré  ou  selon  quelque  autre  puissance.  Or, 
d'autant  que  toute  ligne  se  termine  par  des 
points,  au  lieu  de  lignes  on  se  servira  de  points  ; 
et  puis  au  lieu  de  dire  que  toutes  les  petites  li- 
gnes sont  à  telle  chose  en  certaine  raison,  on  dira 
que  tous  ces  points  sont  à  telle  chose  en  la  dite 
raison...  Par  tout  ce  discours,  on  peut  comprendre 
que  la  multitude  infinie  de  points  se  prend  pour 
une  infinité  de  petites  lignes  et  compose  la  ligne 
entière  ;  l'infinité  de  lignes  représente  l'infinité  de 
petites  superficies  qui  composent  la  superficie 
totale;  l'infinité  de  superficies  représente  l'infi- 
nité de  petits  solides  qui  composent  ensemble  le 
solide  total  (2).  »  —  Ce  que  les  mathématiciens 
avaient  tenté  relativement  aux  quadratures  et 
aux  cubatures,  par  voie  géométrique,  Wallisl'en- 
treprit  dans  son  Arithmetica  Jnfinitorum  (Ox- 
ford, 1655),  par  voie  arithmétique  :  il  cher- 
cha le  rapport  qui  existe  entre  la  somme  d'une 
série  de  nombres  donnée  et  le  plus  grand  de  ces 
nombres,  et  appliqua  le  résultat  à  des  grandeurs 
géométriques.  C'est  lui  qui  trouva  les  expres- 
sions de — ,  s/~â  =  a—m,  ci. — A  ces  travaux  il 


(1)  Ainsi  x  étant  l'abscisse  et  y  l'ordonnée,  si  t  est  la 
soustangente  au  point  de  la  courbe  qui  répond  à  x  et  y, 
il  est  facile  de  voir  que  les  triangles  semblables  don- 

II  (t  -f  e) 
lient  : pour  l'ordonnée  à  la  tangente,  relative- 
ment a  l'abscisse  x  +  e.  On  aura  donc  l'équation  dont  il 
s'agit  en  mettant  dans  l'équation  de  la  courbe  x  -f-  e  à 

ye 
la  place  de  s,  et  y  +  —  a  la  place  de  y.  Cette  équation, 

après  les  réductions,  sera  divisée  par  e,  et  on  supprimera 
ensuite  comme  nuls  tous  ceux  où  l'indéterminée  e  se 
trouvera,  parce  qu'on  doit  supposer  cette  indéterminée 
nulle.  I, 'équation  restante  donnera  la  valeur  de  t  en  x 
etj/. 
!îj  Robervil,  Traité  des  Indivisibles, 


faut  ajouter  ceux  de  Grégoire  de  Saint- Vincent, 
deHudde,deMerc*tor,deSluseetsurtoutd'Isaac 
Barrow.  Enfin,  l'analyse  infinitésimale  était  pour 
ainsi  dire  dans  l'air  quand  apparurent  Newton  et 
Leibniz. 

Deux  voies  bien  différentes  peuvent  conduire  à 
l'idée  de  l'infini  :  l'arithmétique  et  la  géo- 
métrie. C'est  la  première  que  choisit  Leibniz. 
Ainsi,  la  moitié  successivement  ajoutée  au  quart, 
au  huitième,  au  seizième,  c'est-à  dire  aux  termes 
de  la  progression  décroissante  de  ^,  continuée  à 
l'infini,  donne  une  somme  qui  n'est  pas  l'unité 
absolue ,  mais  qui  en  approche  tellement  qu'on 
peut  l'identifier  avec  elle  sans  erreur  sen- 
sible :  l=j  +  i  +  i  +  r6 Laissons  Leibniz 

raconter  lui-même  comment  ce  genre  de  cal- 
cul, la  sommation  des  séries,  le  conduisit  à  la 
découverte  du  calcul  différentiel  :  «  J'avois  pris, 
écrivit-il  au  marquis  deL'Hospital,  depuis  long- 
temps plaisir  de  chercher  les  sommes  des  séries 
des  nombres ,  et  je  m'élois  servi  pour  cela  des 
différences  sur  un  théorème  assez  connu,  qu'une 
série  décroissant  à  l'infini,  son  premier  terme 
est  égal  à  la  somme  de  toutes  ses  différences. 
Cela  m'avoit  donné  ce  que  j'appelois  le  triangle 
harmonique,  opposé  au  triangle  arithmé- 
tique de  Pascal.  Car  Pascal  avoit  montré  com- 
ment on  peut  donner  les  sommes  des  nombres 
figurés,  qui  proviennent  en  cherchant  les  sommes 
et  les  sommes  des  sommes  de  la  progression 
arithmétique  naturelle;  et  moi  je  trouvai  que  les 
fractions  des  nombres  figurés  sont  les  différences 
et  les  différences  des  différences  de  la  progres- 
sion harmonique  naturelle  (c'est-à-dire  des 
fractions  ;,  i,  i,  i)  et  qu'ainsi  on  peut  donner 
les  sommes  des  séries  des  fractions  figurées, 
commet  +  f  +  î  +  rs>  etc-j  et  î  +  ï  +  rj  + 
~,  etc.  Reconnoissant  donc  cette  grande  diffé- 
rence et  voyant  que  par  le  calcul  de  M.  Des- 
cartes l'ordonnée  de  la  courbe  peut  être  exprimée, 
je  vis  que  trouver  les  quadratures  ou  les  sommes 
des  ordonnées  n'est  autre  chose  que  trouver  une 
ordonnée  (de  la  quadratice)  dont  la  différence 
est  proportionnelle  à  l'ordonnée  donnée.  Je  re- 
connus aussi  bientôt  que  trouver  les  tangentes 
n'est  autre  chose  que  différenlier,  et  trouver  les 
quadratures  n'est  autre  chose  que  sommer, 
pourvu  qu'on  suppose  les  différences  incompa- 
rablement petites.  Je  vis  aussi  que  nécessaire- 
ment les  grandeurs  différentielles  se  trouvent 
hors  de  la  fraction  et  hors  du  vinculum,  et 
qu'ainsi  on  peut  donner  les  tangentes  sans  se 
mettre  en  peine  des  irrationnelles  et  des  frac- 
tions. Et  voilà  l'histoire  de  l'origine  de  ma  mé- 
thode (1).  » 

Pour  bien  comprendre  les  derniers  passages 
de  cette  lettre ,  il  faut  se  rappeler  qu'une  ligne 
courbe  peut  être  considérée  comme  l'assemblage 


(t)  Extrait  d'une  lettre  de  Leibniz  au  marquis  de  l'Hos- 
l,ildl,  en  date  du  27  décembre  1694.  (Gerhardt.  Corres~ 
pondance  de  Leibniz,  t.  II,  p.  259  ) 


491 


LEIBNIZ 


492 


d'une  infinité  de  ligne»  droites,  chacune  infini- 
metii  petite,  et  le  point  de  contact  d'une  tangente 
comme  une  de  ces  ligne.; ,  dont  l'étendue  (infini- 
ment petite  )  est  mesurée  par  la  droite  (ordonnée), 
infiniment  proche  de  l'axe  ou  du  diamètre  qui 
aboutit  à  la  tangente,  et  par  l'intervalle  infini- 
ment petit  (abscisse)  compris  entre  ces  deux 
droites.  Si  d  désigne  une  quantité  infiniment  pe- 
tite, dont  une  quantité  variable  x  augmente, 
l'accroissemont  infiniment  petit  de  celle-ci  ou  sa 
différent  telle  sera  dx.  D'après  l'idée  de  Leib- 
niz, on  peut  prendre  l'une  pour  l'autre  des  quan- 
tités qni  ne  diffèrent  entre  elles  que  d'une  quan- 
tité infiniment  petite.  Cela  n'est  pas,  il  est  vrai, 
rigoureusement  exact;  mais  lorsqu'un  géomètre 
mesure  la  hauteur  d'une  montagne,  tient-il 
compte  d'un  grain  de  sable  que  le  vent  enlève  du 
sommet;  ou  lorsque  l'astronome  cherche  à  éva- 
luer la  distance  des  étoiles,  le  diamètre  de  la  Terre 
ne  se  réduit-il  pas  à  rien?  Leibniz  ne  s'arrêtait 
pas  là  dans  son  hypothèse  ;  il  admettait  des  infini- 
ment petits  d'infiniment  petits  ou  de  second  ordre  ; 
puis  des  infiniment  petits  de  troisième  ordre,  etc. 
qui  sont  également  négligeables  par  rapport 
aux  infiniment  petits  du  premier  ordre.  Ainsi, 
en  prenant  dans  une  courbe  trois  ordonnées 
infiniment  proches,  la  différence  de  chacune 
avec  sa  voisine  est  un  infiniment  petit  de  son 
ordre ,  ce  qui  forme  deux  différences  infiniment 
petites  et  successives;  or,  ces  deux  infiniment 
petits  diffèrent  entre  eux  d'une  quantité  infini- 
ment petite  à  leur  égard  ;  voilà ,  selon  Leibniz, 
un  infiniment  petit  du  second  ordre;  de  là  le  nom 
d'infinitésimal  qu'on  adonné  aussi  au  calcul  diffé- 
rentiel (1).  Enfin,  pour  caractériser  à  la  fois  l'im- 
portance et  la  nature  de  ce  calcul,  on  peut  dire 
qu'il  est  pour  le  mathématicien  ce  que  le  mi- 
croscope est  pour  le  naturaliste.  Il  valait  donc 
la  peine  de  se  disputer  la  gloire  de  son  inven- 
tion. 

Voici  les  titres  qui  plaident  en  faveur  de  Leibniz. 
Dans  un  manuscrit ,  qui  porte  la  date  du  mois 
d'août  1673,  et  a  pour  titre  :  Methodus  nova  in- 
vestigandi.  tangentes  linearum  curvarum  ex 
datis  applicalis,  vel  contra  applicatas  ex  datis 
productis,  reductis,  tangentibus,  perpendicu- 
laribus,  secantibus,  Leibniz  fait  usage  d'une 
méthode  générale  pour  la  détermination  des 
tangentes  applicable  à  toutes  les  courbes.  A  cet 
effet,  il  considère  la  courbe  comme  un  polygone 
d'une  infinité  de  côtés,  et  il  y  construit  ce  qu'il 
appelle  le  triangle  caractéristique  entre  un  arc 
infiniment  petit  de  la  courbe  et  la  différence  des 


(1)  Leibniz  avait  transporté  aussi  dans  la  mécanique 
l'idée  des  quantités  infinitésimales.  Ainsi  dans  sa  lettre 
à  Bayle  il  dit  :  «  Le  repos  peut  être  considéré  comme 
une  vitesse  infiniment  petite  ou  comme  une  tardité  In- 
finie, tellement  que  «  la  rè«le  du  repos  doit  être  consi- 
dérée cemme  un  cas  particulier  de  la  règle  du  mouve- 
ment;.... de  même  l'égalité  peut  être  considérée  comme 
une  inégalité  infiniment  petite,  et  on  peut  faire  approcher 
l'inégalité  de  l'égalité  autant  que  l'on  veut.  »  (Rayle,  Pfou- 
velfesdela  République  âïès  Lettres;  Amstcr.,  juillet  1687.)    I       (S| 


ordonnées  et  des  abscisses  (1).  Dans  un  autre  ma- 
nuscrit (octobre  et  novembre  1675)  l'auteur  dé- 
signe les  lignes  infiniment  petites  du  triangle  ca- 
ractéristique par  des  expressions  telles  que  omn . 
(pour  omne)  x  etomn.  y  ;  puis,  au  lieu  de  omn. 
(somme),  il  propose  le  signe  d'intégration,  de- 
puis lors  généralement  adopté;  enfin,  la  diffè- 
re 
rentielle  -,  il  la  représente  par  dx  :  idem  est, 

dit-il,  dx  et  -,  id  est  differentia  inter  duas  x 
d 

proximas  (2).  Dans  un  manuscrit  du  21  no- 
vembre 1675,  il  indique  l'expression  d  (xy) 
comme  applicable  à  toutes  les  courbes;  il  par- 
vient à  éliminer  la  différentielle  dx,  et  dy  qui 
reste  donne  la  solution  du  problème  proposé. 
Ecce,  s'écrie-t-il,  elegantissimum  spécimen , 
quo  problemata  methodi  tangentium  inversa: 
solvuntur  aut  saitem  reducuhtur  ad  quadra- 
tures !  C'est  sans  doute  à  la  méthode  inverse 
des  tangentes  que  Leibniz  faisait  allusion  lorqu'il 
écrivit  à  Oldenburg,  secrétaire  de  la  Société 
royale  de  Londres  :  «  Je  suis  arrivé  à  la  solution 
d'un  autre  problème  géométrique,  d'une  diffi- 
culté jusque  ici  désespérante  (3)  ».  Dans  un 
manuscrit  du  26  juin  1676,  il  mentionne  la  mé- 
thode directe  des  tangentes ,  et  donne  la  solu- 
tion du  problème  de  F|orimond  de  Beaume. 

Voilà  ce  que  Leibniz  fit  pour  l'analyse  supé- 
rieure pendant  son  séjour  à  Paris  (depuis  mars 
1672  jusqu'en  octobre  1676).  Cependant  ce  n'est 
qu'au  mois  d'octobre  1684,  qu'il  publia  le  som- 
maire des  principes  du  calcul  différentiel  dans  ies 
Acta  Erudït.  Lips.;  la  notice,  qui  est  fort  courte, 
a  pour  titre  :  Nova  Methodus  pro  Maximis  et 
Minimis,  itemque  tangentibus ,  quse  nec  frac- 
tas  nec  irrationales  quantitates  moratur  et 
singulare  pro  illis  calculi  genus.  En  1687, 
Newton  fit  paraître  ses  Principes  mathéma- 
tiques de  la  Nature ,  où  il  dit  pag.  253-254  : 
«  Dans  le  commerce  de.  lettres  que  j'ai  eu  il  y  v. 
dix  ans  (par  l'entremise  de  M.  Oldenburg)  avec 
M.  Leibniz,  très-habile  géomètre ,  lorsque  je  lui 
fis  savoir  que  j'avois  une  méthode  de  déterminer 
les  quantités  les  plus  grandes  et  les  plus  petites , 
de  mener  des  tangentes,  et  d'effectuer  d'autres 
choses  semblables  en  termes  sourds  aussi  bien 
qu'en  termes  rationnels,  et  je  la  cachai  sous 
des  lettres  transposées,  qui  renfermaient  ce  sens: 
une  équation  donnée,  qui  contient  des  quan- 
tités ftuentes,  trouver  les  fluxions  et  récipro- 
quement :  ce  célèbre  personnage  me  répondit 
qu'il  étoit  tombé  sur  uneméthode  qui  faisoit  aussi 
cet  effet,  et  la  communiqua:  elle  ne  différait 
guère  de  la  mienne  que  dans  les  termes  et  dans 
les  caractères  ». 

Si  l'on  admet  que  les  documents  imprimés 


(1)  .F.   Gerhardt,  Die  EnldecHung  der  hôher en  Ana- 
lyses, Halle,  1835,  p.  86. 

(2)  Ibid.,  p.  60  et  suiv. 
Lettre  en  date  du  28  dcc.  1675. 


(1)  Commercium  Epistolicum  J.  Colliris  etaliorum,  etc., 
edtt.  par  Biot  et  Lefjrt,  Paris,  1836,  p.  242. 

(2)  On  remarque  avec  surprise  l'absence  de  toute  si- 
gnature à  la  suite  de  ce  rapport.  Les  commissaires  nom- 
més turent,  le  6  mars  1712,  Artuithnot,  Hill,  Halley,  Jones, 
Machin  et  liurnet.  tous  Anglais;  le  20  mars,  Roberts,  An- 
glais; le  27,  Bonet,  ministre  de  Prusse;  le  17  avril,  de 
Moivre,  réfugié  français  ;  Aston  et  Brook  Taylor,  An- 
glais. Le  rapport  a  été  écrit  de  la  main  de  Halley.  Ainsi, 
sur  les  onze  comuiissaires,  11  n'y  avait  que  deux  étrangers, 
Bonet  et  Moivre   :   ce  dernier  seul   était  géomètre.  La 

Muparl  des  commissaires  n'avalent  d'autres  titres  scien- 
Sques  que  d'être  les  amis  de  Newton. 


493  LEIBNIZ 

doivent  seuls  décider  une  question  de  priorité, 
c'est  incontestablement  à  Leibniz  que  revient 
l'honneur  de  l'invention  du  calcul  différentiel; 
ce  qui  n'empêche  pas  que  Newton  ne  puisse  être 
de  son  côté  l'inventeur  du  calcul  des  fluxions, 
qui ,  malgré  d'étroites  analogies  avec  la  méthode 
de  Leibniz,  ne  part  pas  du  même  principe  que  le 
calcul  différentiel.  D'ailleurs,  Newton  nous  ap- 
prend lui-même  qu'il  avait  caché  sa  méthode 
sous  des  lettres  transposées.  Quant  à  la  lettre 
d'Oldenburg,  dont  la  Bibliothèque  royale  de  Ha- 
novre possède  l'autographe,  «  il  aurait  fallu, 
disent  MM.  Biot  et  Lefort,  qui  la  citent,  l'habileté 
fabuleuse  d'Œdipe  pour  découvrir  la  méthode  des 
fluxions  sous  une  pareille  enveloppe  (1)  ». 

Pendant  plus  de  vingt  ans  personne  n'avait 
contesté  à  Leibniz  son  invention,  que  le  marquis 
L'Hôpital  et  les  Bernoulli  s'attachaient  à  répan- 
dre et  à  développer.  «  Mais  il  y  eut  (  c'est  Leib- 
niz lui-même  qui  parle)  des  gens  en  Angleterre 
qui,  poussés,  ce  me  semble,  par  des  mouvements 
d'envie,  s'avisèrent  de  me  la  contester.  On  prit 
pour  prétexte  certaines  paroles  du  journal  de 
Leipzig  de  l'an  1705,  qu'on  expliquoit  maligne- 
ment, comme  si  elles  disoient  que  M.  Newton 
l'avoit  prise  de  moi  quoiqu'il  n'y  ait  pas  un  mot 
qui  le  dise.  On  porta  la  Société  royale  de  Lon- 
dres à  donner  commission  à  certaines  personnes 
d'examiner  les  vieux  papiers  sans  m'en  donner 
aucune  part,  et  sans  savoir  si  je  ne  récuserais 
point  quelques  commissaires  comme  partiaux. 
Et  sous  prétexte  du  rapport  de  cette  commis- 
sion (2),  on  publia  un  livre  contre  moi  en  1711, 
sous  le  titre  de  Commerce  Épistolique,  où  l'on 
inséra  des  vieux  papiers,  et  des  anciennes  lettres, 
mais  en  partie  tronquées,  et  on  supprima  celles 
qui  pouvoient  faire  contre  M.  Newton.  Et  ce  qui 
est  le  pis,  on  y  ajouta  des  remarques  pleines  de 
faussetez  malignes,  pour  donner  un  mauvais 
sens  à  ce  qui  n'en  avoit  point.  Mais  la  Société 
royale  n'a  point  voulu  prononcer  là-dessus, 
comme  j'ai  appris  par  un  extrait  de  ses  registres  : 
et  plusieurs  personnes  de  mérite  en  Angleterre 
(même  des  membres  de  la  Société  royale)  n'ont 
point  voulu  prendre  aucune  part  à  ce  qui  s'est 
fait  contre  moi.  »  Cefactum  parut  sous  le  titre 
de  Commercium  Epistolicum  de  varia  Re 
Mathematica  inter  celeberrimos  prsesentis  se- 
culi  mathematicos ,  vir.  Isac.  Newtonium,  Is. 
Barra,  Jac.  Gregorium,  Is.  Wallisium,  J.  Keil- 
lium,  J.  Collinsium,  G.  Leibnitium,  etc.,  Lon- 


494 


dres  ,  1712,  et  fut  réimprimé  avec  des  change- 
ments et  additions,  en  1722.  La  dispute  avait 
été  tellement  envenimée  de  part  et  d'autre  par  le 
zèle  inconsidéré  des  disciples  de  Newton  et  de 
Leibniz,  qu'il  fut  durant  plus  de  cent  cinquante 
ans  impossible  de  saisir  la  vérité.  Ce  n'est  que 
de  nos  jours,  après  l'exhumation  de  nombreuses 
pièces  inédites,  impartialement  confrontées  avec 
les  deux  éditions  du  Commercium  Epistoli- 
cum, que  la  lumière,  longtemps  obscurcie  par 
les  passions  de  l'amour-propre  et  de  l'orgueil,  a 
pu  se  faire  jour.  Il  est  hors  de  doute  que  New- 
ton a  inspiré  et  dirigé  la  publication  du  Com- 
mercium Epistolicum,  si  même  il  n'y  a  pris  une 
part  plus  immédiate.  Quant  aux  variantes ,  la 
Recensio  et  l'avis  Ad  lectorem,  introduits  dans 
l'édition  de  1722,  c'est  Newton  seul  qui  en  est 
l'auteur.  Leibniz  s'était  proposé  de  publier  aussi 
un  Commercium  Epistolicum;  car  il  écrivait 
le  25  août  1714  àChamberlayne  :  «  Puis  il  semble 
qu'on  a  encore  des  lettres  qui  me  regardent  parmi 
celles  de  M.  Oldenburg  et  de  M.  Collins,  qui 
n'ont  pas  été  publiées ,  je  souhaiterois  que  la  So- 
ciété royale  voulût  donner  ordre  de  me  les 
communiquer.  Lorsque  je  serai  de  retour  à 
Hanovre  (il  était  alors  a  Vienne),  je  pourrai 
publier  aussi  un  Commercium  Epistolicum  qui 
pourra  servir  à  l'histoire  littéraire.  Je  serai 
disposé  à  ne  pas  moins  publier  les  lettres  qu'on 
peut  alléguer  contre  moi,  que  celles  qui  me  fa- 
vorisent, et  j'en  laisserai  le  jugement  au  pu- 
blic. » 

Une  vie  agitée  et  une  mort  prématurée  ne  per- 
mirent pas  à  Leibniz  d'accomplir  son  projet. 
MM.  Biot  et  Lefort  ont  donné  récemment  (en 
1856)  une  nouvelle  édition  du  Commercium 
Epistolicum,  en  y  joignant  toutes  les  pièces  né- 
cessaires à  une  appréciation  impartiale  de  la 
question.  Or,  voici  les  conclusions  auxquelles 
sont  arrivés  ces  deux  juges,  parfaitement  com- 
pétents :  «  Pour  les  commissaires  (chargés 
du  choix  et  de  la  transcription  des  pièces  in- 
sérées dans  le  Com.  Episi.),  il  ne  s'agissait  pas 
seulement  de  faire  triompher  les  droits  de  New- 
ton comme  inventeur  de  la  méthode  des  fluxions, 
il  fallait  encore  effacer  les  titres  de  Leibniz  à 
l'invention  analogue  et  indépendante  du  calcul 
différentiel.  On  ne  peut  dire  que  pour  assurer 
le  résultat  les  transcriptions  soient  infidèles  ; 
mais  les  citations  sont  souvent  incomplètes, 
tronquées,  faites  uniquement  pour  le  besoin  de 
la  cause,  et  les  textes  sont  quelquefois  détour- 
nés de  leur  sens  propre  par  les  notes  anonymes 
qui  les  accompagnent.  D'ailleurs  tous  les  maté- 
riaux sont  mis  en  œuvre  avec  tant  d'art,  avec 
tant  d'habileté  ,  qu'on  devine  sans  beaucoup  de 
peine  le  génie  supérieur  qui  conduisait  l'action 
sans  vouloir  paraître  personnellement  sur  la 
scène.  Si  la  publication  du  Commercium  Epis- 
tolicum en  1712  fut  une  œuvre  départi,  que 
dire  de  sa  réimpression  en  1722,  six  ans  après 
la   mort   de   Leibniz?    Dans    cette   prétendue 


495 


LtLlBNIZ 


496 


réimpression,  le  nouvel  éditeur  corrige,  ajoute, 
retranche,  interpole,  commente;  et  la  passion 
l'aveugle  au  point  qu'il  écrit ,  sans  l'y  voir,  sa 
propre  condamnation  dans  l'étonnante  pièce  de 
polémique  qui  résume  le  livre  auquel  elle  sert 
de  préface.  Rien  n'établit  que  les  membres  sur- 
vivants de  1712  aient  pris  part  à  cette  publica- 
tion déloyale  :  les  documents  nouvellement  mis 
au  jour  ne  dénoncent  que  la  main  de  Newton,  et 
la  main  de  Keill  conduite  par  Newton.  C'est 
assez  pour  la  mémoire  des  commissaires  d'avoir 
à  porter  le  poids  d'un  rapport  qu'ils  n'ont  pas 

osé  signer  publiquement Si  ces  commissaires 

avaient  apprécié  à  leur  juste  valeur  la  puissance 
de  l'abstraction,  le  secours  de  l'algorithme,  la 
force  des  équations  différentielles,  ils  auraient 
vu  qu'il  ne  pouvait  y  avoir  là  ni  premier  ni  se- 
cond iuventeur.  Ils  auraient  déclaré  que  New- 
ton était  maître  de  la  méthode  des  fluxions  avant 
que  Leibniz  fût  en  possession  du  calcul  diffé- 
rentiel ;  ils  auraient  reconnu  hautement  que 
l'invention  de  Leibniz  était  indépendante  de 
celle  de  Newton,  et  l'avait  précédée  comme  pu- 
blication. Telle  était  la  conséquence  logique  des 
documents  mis  sous  leurs  yeux  :  il  eût  été  loyal 
de  la  proclamer.  »  —  Un  fait  qui  frappe  dans 
l'histoire  de  la  science,  c'est  la  stérilité  des  ana- 
listes  anglais  au  dix-huitième  siècle.  «  Newton, 
ajoute  M.  Lefort,  n'a  pas  fait  de  disciples  :  l'ins- 
trument qui  avait  été  si  puissant  entre  ses  mains 
n'eut  pins  de  vertu  dans  les  mains  de  ses  flat- 
teurs les  plus  ardents.  Fatio  et  Keill ,  comme 
Cotes,  Moivre,  Taylor  et  même  Maclaurin,  ne 
peuvent  balancer  les  Bernoulli  et  Euler,  en  Alle- 
magne, les  D'Alembert,  Clairaut,  Lagrange  et  La- 
place,  en  France.  An  contact  de  Leibniz,  on  voit 
naître  une  génération  puissante  de  mathémati- 
ciens habiles  en  Allemagne  et  en  France,  comme 
étaient  nés  en  Italie  Torricelli,  Viviani,  Cavalieri 
et  Ricci,  sous  l'inspiration  de  Galilée;  et  en  Hol- 
lande, Schooten,  Huygens,  Hudde  et  Sluse, 
sous  le  souffle  de  Descartés.»  Bien  plus ,  les 
grandes  découvertes  de  Newton  lui-même  ne  se 
propagent  et  ne  se  développent  sur  le  continent 
que  grâce  aux  efforts  des  géomètres  pour  les 
traduire  dans  la  langue  de  Leibniz.  N'est-ce  pas 
là  un  grand  titre  de  gloire  pour  l'inventeur  du 
calcul  différentiel ,  et  une  preuve  irrécusable  de 
la  force  et  de  la  fécondité  toute  spéciale  de  l'in- 
vention ?»  —  Enfin  M.  Lefort  termine  ainsi  sa 
conclusion  :  «  Inférieur  à  Newton  quant  au 
sentiment  des  réalités  physiques  et  à  l'esprit 
d'intuition  des  lois  qui  régissent  les  phénomènes 
naturels,  peut-être  au  moins  son  égal  dans  les 
spéculations  abstraites  de  l'analyse  mathéma- 
tique, Leibniz  lui  était  certainement  supérieur 
par  le  caractère.  Newton  inspire  l'admiration  ; 
Leibniz  attire  davantage.  Pour  moi ,  il  y  a  tout 
un  monde  de  passions  et  de  préjugés  entre  l'es- 
prit généreux  qui  correspondaitavecBossuet  et 
rêvait  la  réunion  de  toutes  les  communions 
chrétiennes,  et  le  sectaire  ardent  qui  commen- 


tait l'Apocalypse  et  signalait  l'Église  de  Rome 
dans  la  onzième  corne  du  quatrième,  animal 
de  Daniel  (1).  »  Ce  jugement  sera  ratifié  par  la 
postérité. 

Peu  d'hommes  ont  été  aussi  richement  dotes 
par  la  nature  que  Leibniz  :  son  activité  tenait  du 
prodige.  Les  pensions  dont  il  jouissait  lui  ren- 
daient sans  doute  l'existence  facile,  et  il  n'avait 
pas  besoin  de  travailler  pour  vivre;  mais  com- 
bien y  en  a-t-il  qui  placés  dans  les  mêmes 
conditions  en  feraient  autant?  Tout  l'intéressait 
également,  et  à  tout  ce  qu'il  touchait  il  laissa 
l'empreinte  de  son  génie.  Persuadé  qu'il  y  a^peu  de 
livres  où  l'on  ne  trouve  quelque  chose  à  apprendre, 
il  ne  laissait  rien  échapper  à  son  insatiable  cu- 
riosité; jamais  publiciste  ne  s'est  aussi  bien  tenu 
au  courant  des  productions  de  ses  contempo- 
rains. «  J'y  cherche ,  écrivait-il  à  soixante-neuf; 
ans ,  non  pas  ce  que  j'y  pourrais  reprendre ,  mais1 
ce  qui  y  mérite  d'être  approuvé  et  dont  je  pour-i 
rois  profiter.»  Puis,  il  ajoute,  comme  un  avis  aux 
critiques  :  «  Cette  méthode  n'est  point  le  plus  à 
la  mode  ;  mais  elle  est  la  plus  équitable  et  la  plus 
utile  (1).  »  Quand  un  auteur  lui  envoyait  son 
ouvrage ,  le  grand  homme  avait  toujours  soim 
d'accompagner  sa  réponse  d'une  infinité  de  ré* 
flexions  précieuses.  Ainsi ,  peu  de  temps  avant' 
sa  mort ,  il  écrivait  à  M.  de  Montmort ,  qui 
lui  avait  fait  hommage  de  son  Essai  sur  les 
jeux  de  hasard  :  «....  Les  hommes  ne  sont  ja- 
mais plus  ingénieux  que  dans  l'invention  des 
jeux;  l'esprit  s'y  trouve  à  son  aise...  Un  évêquei 
de  Tournai,  nommé  Balderic,  qui  vivoit  au  on^i 
zième  siècle,  a  laissé  une  chronique  de  Cambrai 
où  il  parle  d'un  jeu  d'évêque,  inventé  par  l'éi' 
vêque  Wicbaldus  ;  les  vertus  et  les  passions  y 
entrent,  mais  on  a  de  la  peine  à  le  déchiffrer.) 
On  trouve  aussi  certaines  rhythmomachies  dans) 
les  vieux  manuscrits...  Vous  avez  extrêmement 
bien  traité  les  sommes  des  séries  des  nombres. 


On  pourroit  venir  à  bout  des 


1      1 


;,  etc.,  parce 


qu'on  peut  les  faire  dépendre  des  quadratures,1 
et  les  quadratures  peuvent  se  donner  assez  près* 

de  la  vérité  ;  mais  sur  — ,  série  la  plus  simple! 
x 

de  toutes,  je  ne  me  satisfais  pas  encore...  Après 
les  jeux  qui  dépendent  uniquement  des  nombres, 
viennent  les  jeux  où  entre  la  situation  ,  comme 
dans  le  trictrac ,  dans  les  dames ,  et  surtout  dans 
les  échecs.  Le  jeu  nommé  le  solitaire  m'a  plu 
assez....  Mais  à  quoi  bon  cela?  dira-t-on.  Je  ré' 
ponds  :  A  perfectionner  l'art  d'inventer;  car  il 
faudroit  avoir  des  méthodes  pour  venir  à  boul 
de  tout  ce  qui  se  peut  trouver  par  raison.  Après 
les  jeux  où  n'entrent  que  le  nombre  et  la  situa' 
tion  ,  viendraient  les  jeux  où  entre  le  mouve- 
ment, comme  dans  le  jeu  de  billard,  dans  le  jet) 

(l)  Commercium  Epistol.,  etc.  publié,  par  J.-B.  Blot  el 
F.  Lefort;  Paris,  1858,  in- 4°,  p.  î8B  etsulv. 
(I)  Lettre  à  M.  Bémond,  Hanovre,  î«  Juillet  PIS, 


497 

de  paume,etc.  Enlin,  il  serait  à  souhaiter  qu'on 
eût  un  cours  entier  des  jeux  traités  mathémati- 
quement.... Je  crois,  Monsieur,  que  vous  aurez 
été  en  Angleterre  au  beau  spectacle  de  l'éclipsé; 
mais  je  m'imagine  que  vous  aurez  encore  pro- 
fité du  voyage  en  bien  d'autres  manières.  Les 
Anglois  sont  profonds,  mais  ils  sont  un  peu  gâtez 
depuis  quelque  temps  en  s'appliquant  trop  aux 
j  controverses  politiques  et  théologiques  (1)...  » 
i  Quelle  éblouissante  union  du  génie  avec  le  savoir, 
Ide  l'érudition  avec  le  bon  sens!  Toute  sa  corres- 
pondance, aussi  vaste  que  variée,  est  dans  le  même 
genre.  Il  écrivait  également  bien  en  latin ,  en  al- 
lemand et  en  français.  Mais  c'est  la  dernière 
langue  qu'il  préférait  ;  l'allemand  paraissait  avoir 
;pour  lui  le  moins  d'attrait.  Leibniz  n'eut  jamais 
aucune  vanité  d'auteur  :  il  avait  l'esprit  trop 
(large  pour  cela.  Au  reste,  il  a  déclaré  lui-même 
j«  qu'écrire  pour  écrire  n'est  qu'une  mauvaise 
coutume,  et  écrire  seulement  pour  faire  parler 
Ide  nous  est  une  vanité  qui  fait  même  du  tort 
(aux  autres  en  leur  faisant  perdre  leur  temps  (2)  ». 
Leibniz  n'écrivait  donc  que  pour  être  utile  à  ses 
semblables;  c'est  ce  qui  explique  les  innombra- 
bles projets  qu'il  avait  mis  en  avant  pour  le  pro- 
jgrès  et  le  bonheur  du  genre  humain.  Le  plus 
connu  de  ces  projets,  parce  qu'il  s'est  réalisé 
Iprès  de  cent  ans  après  la  mort  de  Leibniz,  c'est 
(celui  de  l'expédition  d'Egypte. 

Leibniz  était  encore  un  tout  jeune  homme, 
(quand,  en  1672,  pendant  son  séjour  à  Paris,  il 
Isoumit  à  Louis  XIV  son  projet  dont  M.  de  Pom- 
Iponne  lui  accusa  réception  le  12  février.  C'est 
ice  qui  l'engageait  à  rédiger  un  mémoire  plus  dé- 
faille (3) ,  à  l'effet  «  de  diriger  vers  l'Orient  cette 
lactivité  que  les  puissances  de  l'Europe  n'em- 
jployaient  qu'à  s'entre-déchirer  ».  Il  propose  au 
roi  la  conquête  de  l'Egypte,  «  cette  Hollande  de 
(l'Orient,  infiniment  plus  aisée  que  celle  des  Pro- 
jvinces-Unies.  Il  faut  à  la  France,  ajoute-t-il,  lapaix 
en  Occident,  la  guerre  an  loin....  La  France  perd 
itoute  son  influence  si  elle  n'obtient  pas  contre  les 
IBatâves  une  victoire  complète,  et  compromet 
(cette  influence  même  par  une  victoire.  En  Egypte, 


'    (J)   Lettre   datée  de   Hanovre  le  17  Janvier  1716,  dans 
\Recueil  de  diverses  Pièces,  etc.,  t.  II,  p.  194  et  sulv. 
I    (J)  Mémoire  pour  les  personnes  éclairées  et  de  bonne 
\intention  ;  dans  M.  Foucher  de  Carell ,  Lettres  et  Opus- 
\cules  inédits  de  Leibniz,  p.  Î85. 

I  (3)  Sur  le  projet  d'expédition  en  Egypte ,  présenté  en 
167s  à  Louis  XIV  par  Leibniz.  Voy.  fi.  F.  Guhraaer 
l(  dans  les  Méro.  de  l'Acad.  des  Sciences  morales  et  poli- 
itiqurs,  Recueil  des  savants  étrangers,  1841,  p.  679-767,  et 
Rapport  de  M.  Mlgnet  ,Mém.Ae  la  même  Acad.,îe  série, 
t.  II.  Ce  mémoire  a  été  publié  en  1840  à  Paris  par  M.  de 
Iloffmanns.  Les  notes  latines  trouvées  à  la  Bibliothèque 
de  Hanovre,  déposées  en  181S  par  Monge  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Institut  de  France,  et  publiées  par  M.  Guhrauer 
en  1839  à  Hambourg,  et  en  1841  à  Paris ,  partissent  avoir 
été  les  matériaux  de  ce  mémoire.  Ces  notes  latines  ont 
été  traduites  par  M.  Vallet  de  Vlriville  et  Insérées  dans  la 
Hevue  Indépendante ,  1er  mars  i842.  On  y  trouve,  entre 
autres,  que  Leibniz  regardait  la  politique  de  la  maison 
de  Habsbourg  comme  <  une  conspiration  perpétuelle 
contre  les  droits  et  les  libertés  des  peuples  •.  Cornu. 
H.  Martin,  Hist.  de  France,  t.  XV,  p.  sso  et  suiv.     1_-t 


LEIBNIZ  498 

au  contraire ,  un  échec ,  d'ailleurs  presque  im- 
possible, n'aura  pas  grande  conséquence,  et  la 
victoire  donnera  la  domination  des  mers ,  le 
commerce  de  l'Orient  et  de  l'Inde,  la  prépondé- 
rance dans  la  chrétienté,  et  même  l'empire  d'O- 
rient sur  les  ruines  de  la  puissance  ottomane. 
La  possession  de  l'Egypte  ouvre  le  chemin  à  des 
conquêtes  dignes  d'Alexandre  :  Y  extrême  fai- 
blesse des  Orientaux  n'est  plus  un  secret.... 
Il  n'y  aura  donc  point  à  hésiter,  si  le  roi  veut 
devenir  et  l'admiration  et  l'arbitre  de  l'univers  : 
il  faut  feindre  de  menacer  la  Turquie  ou  Cons- 
tantinople,  et  tomber  comme  la  foudre  sur 
l'Egypte.  »  Le  projet  de  Leibniz  ne  fut,  comme 
on  sait,  réalisé  que  par  l'oncle  de  Napoléon  III. 
Convaincu  que  les  hommes  ne  réussissent  à 
employer  utilement  leurs  forces  que  par  la  vo- 
lonté d'un  seul,  Leibniz  continuait  d'adresser  ses 
projets  au  plus  grand  prince  de  son  siècle,  à 
Louis  XIV.  C'est  ainsi  qu'il  l'engageait,  dans 
l'intérêt  de  la  civilisation,  à  chasser  de  l'Europe 
les  Ottomans.  «  Peut-être,  ajoute-t-il,  qu'on 
pourra  retirer  une  partie  de  leurs  peuples  des 
ténèbres  et  de  la  barbarie ,  pour  les  faire  jouir 
avec  nous  des  douceurs  d'une  vie  honnête  et  de 
la  connoissance  du  souverain  bien ,  en  rendant 
à  la  Grèce ,  mère  des  sciences ,  et  à  l'Asie,  mère 
de  la  religion ,  ces  biens  dont  nous  leur  sommes 
redevables  (1).  »  Il  suggérait  au  même  souverain 
l'idée  de  publier,  sous  forme  d'un  grand  Dic- 
tionnaire, l'inventaire  général  de  toutes  les  con- 
naissances humaines,  et  de  faire  avancer  les 
sciences  par  la  réunion  des  efforts  partiels  en 
un  seul  faisceau  :  «  la  seule  volonté  d'un  tel 
monarque  ferait  ainsi  plus  d'effet  que  toutes 
nos  méthodes  et  tout  notre  savoir  (2)  ».  Il  vou- 
lait aussi ,  ce  qui  a  été  exécuté  de  nos  jours, 
que  les  connaissances  d'histoire  naturelle,  d'ar- 
chéologie, etc.,  fussent  exposées  dans  des  Dic- 
tionnaires illustrés  :  «.  Il  serait  bon,  dit-il,  d'ac- 
compagner les  mots  de  petites  tailles-douces 
à  l'égard  des  choses  qu'on  connaît  par  leur  figure 
extérieure  ;...  de  petites  figures  comme  de  l'ache, 
d'un  bouquetin,  etc.,  vaudraient  mieux  que  de 
longues  descriptions  de  cette  plante  ou  de  cet 
animal.  Et  pour  connoltre  ce  que  les  Latins  ap- 
pellent strigiles,  sistrum ,  tunica ,  pallium, 
des  figures  à  la  marge  vaudraient  incomparable- 
ment mieux  que  les  prétendus  synonymes, 
Étrille,  cymbale,  robe,  manteau  (3).  »  II 
avoua  aussi,  en  passant,  que,  s'il  avait  eu  le 
choix,  il  aurait  préféré  l'étude  de  l'histoire  natu- 
relle, c'est-à-dire  des  lois  que  Dieu  a  établies  dans 
la  nature  à  l'étude  des  lois  et  des  coutumes  que 
les  hommes  se  sont  faites  eux-mêmes  (4).  Enfin, 


(1)  Discours  touchant  la  méthode  de  la  certitude,  dan* 
les  OEuvres  phil.  de  Leib.,  édlt.  par  Raspe,  p,  511. 

(S)  lbid.,  et  dans  Erdmann,  Opéra  Phil.,  L.,  1. 1,  p.  173. 

(S)  Nouveaux  Essais  sur  l'Entendement  humain,  dans 
Commer.  Epist.  L.,  Opéra  phil.,  édlt.  Erdmann,  p.  335. 

(4)  Lettre  à  Rayle,  dans  Feder,  p.  182.  Leibniz  ét.ilt 
loin  d'avoir  été  aussi  étranger  à  l'histoire  naturelle  que  sa 
modestie  l'insinue  ici.  Car  ses  réflexions  mr  la  botanique 


499  LEIBNIZ  — 

le  rétablissement  de  l'Église  par  la  réconciliation 
des  protestants  avec  les  catholiques  était  au 
nombre  des  projets  favoris  de  Leibniz,  ainsi  que 
l'atteste  sa  correspondance  avec  Pellisson ,  Bos- 
suet  etSpinola  (1).  Cette  grave  question  est  traitée 
avec  cette  élévation  et  cette  indépendance  d'es- 
prit qui  le  caractérisaient  à  un  si  haut  degré  (2). 

En  résumé  ,  Leibniz  est  peut-être  de  tous  les 
penseurs  celui  qui  a  remué  le  plus  d'idées,  et 
médité  le  plus  profondément  (3)  sur  le  travail, 
la  mission  et  la  destinée  du  genre  humain. 

Les  écrits  de  Leibniz,  aussi  variés  que  nom- 
breux ,  se  trouvent  dispersés  dans  les  princi- 
pales bibliothèques  publiques  et  privées  de  l'Eu- 
rope. La  bibliothèque  de  Yienne  et  celle  de 
Hanovre  surtout  en  contiennent  beaucoup  qui 

pourraient  le  faire  considérer  comme  le  précurseur  de 
L.  de  Jussieu;  le  passage  suivant  eu  est  la  preuve,:  «  Les 
botanistes  modernes  croyent  que  les  distinctions  prises 
des  formes  des  fleurs  (  système  de  Tournefort  )  appro- 
chent le  plus  de  l'ordre  naturel;  mais  Ils  y  trouvent 
encore  bien  de  la  difficulté,  et  il  seroit  à  propos  de  faire 
des  comparaisons  et  arrangements  non-seulement  d'a- 
près le  fondement  des  fleurs,  mais  encore  suivant  les 
autres  fondements  pris  des  autres  parties  et  circons- 
tances des  planies.  »  {Nouveaux  Essais,  p.  313,  OEuvres 
Phil.,  édit.  Erdmann.) 

(1)  Cette  correspondance  a  été  publiée  pour  la  pre- 
mière fois,  d'après  les  manuscrits  originaux  de  la  Biblio- 
thèque de  Hanovre,  par  M.  le  comte  Foucher  de  Carell, 
dans  son  édition  des  OEuvres  de  Leibniz  (t.  1  ). 

(2)  On  a  souvent  répété  que  Leibniz  tenait  surtout  à 
passer  pour  un  grand  théologien.  La  manière  spirituelle 
dont  il  se  moque  quelquefois  des  théologiens  semble 
prouver  le  contraire.  A  cet  appui  nous  citerons  de  lui 
le  passage  suivant  :  «  Si  quelqu'un  venoit  de  la  lune  par 
le  moyen  de  quelque  machine  extraordinaire  comme 
Gonzalez,  et  nous  racontoit  des  choses  croyables  de  son 
pays  natal,  il  passeroit  pour  lunaire,  et  cependant  on 
pourroit  lui  accorder  l'indigénat  avec  le  titre  d'homme, 
tout  étranger  qu'il  seroit  à  notre  globe.  Mais  s'il  deman- 
doit  le  baptême  et  vouloit  être  reçu  prosélyte  de  notre 
loi,  je  crois  qu'on  verroit  de  grandes  disputes  s'élever 
parmi  les  théologiens.  Et  si  le  commerce  avec  ces  hom- 
mes planétaires,  assez  approchants  des  nôtres,  selon 
M.  Huygens,  étoit  ouvert,  la  question  mériteroit  un  con- 
cile universel ,  pour  savoir  si  nous  devrions  étendre  le 
soin  de  la  propagation  de  la  foi  jusqu'au  dehors  de  notre 
globe.  Plusieurs  y  soutiendroient  sans  doute  que  les  ani- 
maux raisonnables  de  ce  pays  n'étant  pas  de  la  race 
d'Adam,  n'ont  point  de  part  à  la  rédemption  de  Jésus- 
Christ;  mais  d'autres  diront  peut-être  que  nous  ne  sa- 
vons pas  aller  ni  où  Adam  a  toujours  été,  ni  ce  qui  a 
été  fait  de  toute  sa  postérité,  puisqu'il  y  a  eu  même  des 
théologiens  qui  ont  cru  que  la  Lune  a  été  le  lieu  du 
paradis,  et  peut-être  que  par  la  pluralité  on  conclurolt 
pour  le  plus  sûr,  qui  seroit  de  baptiser  ces  hommes 
douteux  sous  condition  ,  s'ils  en  sont  susceptibles.  Mais 
je  doute  qu'on  voulût  jamais  les  faire  prêtres  dans  l'É- 
glise romaine  ,  parce  que  leurs  consécrations  seroient 
toujours  douteuses,  et  on  exposeroit  les  gens  au  danger 
d'une  idolâtrie  matérielle  dans  l'hypothèse  de  cette 
Église.  »  (Nouveaux  Essais,  p.  315,  édlt.  Erdmann.) 

(S)  Dans  une  très-belle  note  intitulée  :  De  l'usage  de  la 
méditation,  et  publiée  pour  la  première  fois  par  M.  le 
comte  Foucher  de  Careil  (Lettres  et  Opuscules  inédits  de 
Ijeibniz,  p.  236)  Leibniz  donna  lui-même  de  ce  mot  la 
définition  suivante  :  «  Méditer  c'est  faire  des  réflexions 
générales  sur  ce  qui  estetsur  ce  qu'on  deviendra  ;.  .  cal- 
culer souvent  la  recette  et  la  dépense  de  nos  talents  et 
tmtter  un  marchand  sage,  qui  rapporte  toute  la  substance 
de  tous  ses  journaux  dans  un  livre  secret,  afin  d'y  voir 
d'un  coup  d'oeil  tout  Testai  de  son  négoce...  Je  vois 
que  peu  de  gens  méditent,  soit  parce  qu'ils  sont  plongés 
dans  les  plaisirs  des  sens,  ou  parce  qu'ils  se  trouvent 
embarrassés  dans  les  affaires.  » 


LEICESTER 


500 


n'ont  été  mis  au  jour  qu'assez  récemment.  Les 
réunir  en  une  édition  complète  est  une  tache 
digne  de  tous  les  encouragements.  Elle  fut  d'a- 
bord tentée  par  L.  Duteus  :  G.  G.  Leibnilii 
Opéra  omnia,  nunc  primum  collecta,  in  clas- 
ses distributa,  etc.,  6  vol.  in-4°,  1768  et  suiv.;j 
Genève  (  frères  de  Tournai  ).  Malgré  son  titre, 
ce  recueil  est  encore  bien  incomplet.  Depuis 
lors  plusieurs  savants  se  sont  partagé  la  tâche: 
J.-E.  Erdmann  publia  les  œuvres  philosophiques 
(G.-G.  Leibnilii  Opéra  Philosophica  qust\ 
exstanl ,latina ,  gallica,  germanica;  Berlin', 
1840,  in-4°);  Perz,  les  OEuvres  Historique 
(Hanovre,  1843,in-fol.  );  Gerhardt,  les  Œuvra 
Mathématiques  (Berlin,  18491850,  in-8°  ), 
Parmi  les  éditeurs  d'autres  recueils  partiels  oi> 
de  pièces  inédites  de  Leibniz,  il  faul  citer  Raspe 
Desmaizeaux,Kortholt  [Lettres),  Feller  (Otiun 
Hannoverianum),  Feller  (Commercium  Epis* 
tolicum),  Gruber  (  Anecdola  Boincburgica) 
Guhrauer (  Leib.  deutsche  SchriJIen  ),  V.  Cou^ 
sin,  Firmin  Didot  (  Commerce  Epistolaire  d< 
Leibniz  avec  Malebranche  et  le  P.  Lelong),  An 
chimbaud  (Recueil  de  Pièces  fugitives  );  Gro 
tefend,  etc.  Espérons  que,  grâce  aux  effort* 
aussi  persévérants  que  judicieux  de  M.  le  comte 
Foucher  de  Careil,  qui  a  consacré  plusieurs  an 
nées  à  l'exploration  des  principales  bibliothè 
ques  de  l'Allemagne,  la  France  aura  la  gloin 
de  donner  une  édition  des  Œuvres  complète* 
de  Leibniz.  Le  1er  volume,  sorti  des  presses 
de  MM.  Firmin  Didot,  doit  paraître  prochaine* 
ment  (1).  F.  Hoefer. 

Les  OEuvres  de  Leibniz.  —  Fontenclle,  Éloge  d< 
Leibniz.  —  De  Jaucourt.  Fie  de  Leibniz,  en  tète  de  fc| 
Théodicée ,  édit.  de  Lausanne,  1760,  suivi  d'un  catalogue 
des  écrits  de  Leibniz.  —  Recueil  de  diverses  Pièces  surit, 
philosophie,  etc.;  Amsterd.,  174Ô  —  Guhrauer,  Biogra- 
phie de  Leibniz  ,  1846.—  Pour  plus  de  sources,  voy 
M.  Foucher  de  Careil,  préface  aux  Lettres  et  Opusculell 
inédxtsde  Leibniz,  et  OEttinger,  Bio-Bibliotiraphie. 

LEICESTER.  VOIJ.  COXE,  DtJDLEY  et  MONT* 
FORT. 

leicester  (Pierre),  historien  anglais,  né 
dans  le  Cheshire,  le  3  mars  1638,  mort  le  1 1  oc* 
tobre  1678.  Il  passa  sa  vie  dans  ses  terres, 
s'occupant  de  recherches  historiques.  On  a  de' 
lui  :  Hislorical  Antiquities  in  two  books  :■ 
the  first  treatingin  gênerai  o/Great  Britain 
and  lreland;  the  second  containing  parti- 
cular  remarks  concerning  Cheshire;  Londres, 
1666,  in-fol.  Th.  Maynwaring  ayant  atlaqué 
quelques-unes  des  opinions  émises  dans  cet  ou- 
vrage, Leicester  lui  répondit  par  deux  brochures 
publiées  à  Londres,  l'une  en  1660,  l'autre  en 
1674.  E.  G. 

Wood,  Athense  Oxonienscs. 

(1)  M.  le  comte  Foucher  de  Careil  a  déjà  publié 
comme  essais  préparatoires  à  sa  grande  entreprise  :  Let- 
tres et  Opuscules,  etc.,  1854,  précédés  d'une  préface  bi- 
bliographique et  d'une  excellente  introduction,  qui  fait 
parfaitement  connaître  les  doctrines  philosophiques  de 
Leibniz;  Réfutation  inédite  de  Spinoza  par  Leibniz, 
1854;  et  Nouvelles  Lettres  et  Opuscules  inédits,   etc., 

1857. 


,01 


LEICH  —  LEICHNER 


502 


leicb  (Jean-Henri),  érndit  allemand,  ué  à 
,eipzig,  le  6  mars  1720,  mort  le  10  mai  1750.  Il 
tudia  a  l'université  de  sa  ville  natale  les  belles- 
ettres,  les  langues  orientales,  l'histoire,  la  théo- 
ogie  et  la  philosophie,  science  qu'il  fut  appelé, 
n  1748,  à  enseigner  dans  cetle  même  univer- 
ité.  Il  était  membre  de  l'Académie  de  Bologne, 
t  entretenait  une  correspondance  suivie  avec 
ss  cardinaux  Passionei  et  Quirini,  ainsi  qu'avec 
lori,  Brucker  et  divers  autres  savants  distin- 
ués.  On  a  de  lui  :  De  Origine  et  Incrementis 
"ypographise  Lipsiensis;  Leipzig,  1740;  — 
pecimcn  notarumet  emendalionum  ad  grse- 
as  inscripttones  a  Muratorio  éditas,  dans 
^s  Nova  Mïscellanea  Lipsiensia,  année  1742. 
agenbuch  ayant  attaqué  quelques-unes  des 
pinions  exprimées  dans  cette  dissertation  par 
,eich,  celui-ci  répondit  par  un  mémoire  inséré 
la  suite  de  ses  Sepulcralia;  —  De  diptychis 
eterum  et  de  diptycho,  card.  Quirini  dia- 
ribe;  Leipzig,  1743,  in-4°;  —  Sepulcralia 
'arniina  ex  Anthologia  grseca,  cum  versione 
itina  et  notis;  Leipzig,  1745,  in-4°;  —  De 
ita  et  Rébus  gestïs  Constantini  Porphyro- 
eniti;  Leipzig,  1746,  in-4°  ;  réimprimé  à  la 
rite  de  l'édition  des  Constantini  Porphyroge- 
iti  libri  duode  Caerimoniis  Aulse  Byzantinse, 
ui,  commencée  par  Leich,  fut  achevée  par 
eiske ,  Lepzig,  1751,  in-fol.  ;  —  Diatribe  in 
'hotii  Bibliotkecam ;  Leipzig,  1748,  in-4\ 
eich  a  donnée  une  édition  estimée  du  The- 
iurus  Eruditionis  scholasticx  de  B.  Faber; 
rancfort,  1749,  2  vol.  in-fol. ,  et  publié  de 
jmbreux  articles  sur  diverses  matières  d'éru- 
ition  dans  les  Acta  Eraditorum.  E.  G. 
Memoria  Leichii  (Leipzig,  1751,  in-fol.;  réimprimé 
ins  les  Beytràge  zu  den  actis  historico-ecelesiasticis  ; 
Telmar,  1750).  —  Elogivm  Leichii  (  dans  les  Nova  Acta 
ruditorum,  année  1752.  —  JOcher,  Allgem.  —  Sax, 
nomnsticon,  t.  VIÎ,  p.  20. 

leichner  (Eccard),  naturaliste  et  péda- 
jgue  allemand,  né  le  15  janvier  1612,  à  Salt- 
mgen  en  Thuringe ,  mort  à  Erfurt,  le  29  août 
S90.  Destiné  par  ses  parents  à  l'état  ecclésias- 
que,  il  commença  en  1631  l'étude  de  la  théo- 
rie à  Strasbourg  ;  mais  deux  ans  après  il  se 
lit  à  suivre  des  cours  de  médecine,  science  à 
quelle  il  résolut  de  se  consacrer.  Après  avoir 
îivi  de  1636  à  1638  à  léna  les  leçons  du  célèbre 
ollfincken,  il  se  mit  à  pratiquer  la  médecine 
îccessivement  à  Weimar,  Nordhausen  et  à  Or- 
ruff.  En  1643  il  se  fit  recevoir  docteur  à  léna; 
cois  ans  après,  il  fut  appelé  à  enseigner  la  mé- 
ecineà  l'université  d'Erfurt,  fonctions  auxquelles 

joignit  eu  1 659  celles  de  médecin  pensionné 
e  cette  ville.  Leichner  possédait  des  connais- 
ses étendues;  mais,  obstiné  dans  ses  opinions, 

se  donna  le  tort  de  combattre  avec  aigreur 
s  idées  de  Descartes  et  nier  les  découvertes 
;ientifiques  de  Van  Helmont  et  de  Harvey.  En 
syancheil  s'appliquait  avec  zèle  à  faire  réformer 
:s  méthodes  d'enseignement  usitées  dans  les 
olléges  et  dans  les  universités.  Parmi  ses  nom- 


breux ouvrages  nous  citerons  :  De  Motu  San- 
guinis, exercilatio  anti-harveiana;  Arnstadt, 
1645  et  1665,  in-12;  léna,  1653,  in-12;  —  De 
Generatione  Animalium ,  Plantarum  et  Mi- 
neralium  multiplicatione,exercitationes  an- 
Hperipaîeticae ;  Erfurt,  1649,  in-4°;  —  De. 
indivisibili  et  totaii  cujusque  animée  in  tolo 
suo  corpore  et  singuiis  ejus  partibus  exis- 
tentia;  Erfurt,  1650,  in-12;  —  Isagogicum  de 
philosophica  seu  apodictica  scholarum  emen- 
datione;  Erfurt,  1652,  in-4°;  —  Hypomne- 
mata  Vil  de  cordis  et  sanguinis  motu;  léna, 
1653,  in-12;  —  De  tempore  magorum  gui 
Christum  adorarunt  Commentatio;  Arnstadt, 
1655,  in-12;  —  De  apodictica  philosophica 
scholarum  Emendatione,  liber  primus;  Er- 
furt, 1662,  et  Francfort,  1688,  in-4°  :  cet  ouvrage 
fut  suivi  de  huit  opuscules  sur  le  même  sujet, 
parmi  lesquels  nous  mentionnerons  :  Gymna- 
sium  gemens  sub  tralatitias  logices  perindi- 
gno  pariter  ac  sontico  seu  antanalytico 
onere;  Erfurt,  1688,  in-12,  et  Prosphonesis 
analylica  ad  cordatiores  gymnasii  anlistiles 
de  probatione  signorum  hujus  temporis  ; 
Erfurt,  16S9,  in-12;  —  Tyronicium  analyli- 
cum,  seu  vene  logices  prima  queeque  ele- 
menta;  Erfurt,  1666,  in-8°;  Francfort,  1688, 
in-8°;  — Anticorollarium  Kippingianum,  seu 
animadversiones  in  Corrotario  de  Sanguinis 
Motu  H.  Kippingii;  Erfurt,  1672,  in-4°;  — 
Epicrisis  super  undecim  disputationibus  rae- 
dicis  Fr.  de  Le  Boë  Sylvii;  Erfurt,  1676,  in-12; 

—  Anticartesius,  seu  de  natura  rediviva  per 
vindicationemabinternecinis  Cartesii;  Erfurt, 
1686,  in-4°.  Leichner  a  encore  publié  une  ving- 
taine de  dissertations  sur  divers  sujets  de  mé- 
decine. E.  G. 

Harteufels,  Programma  funèbre  in  l.eicfmeri  obitum. 

—  Biuntes  P'itse  Eraditorum  Erfurtensium  (continua- 
tio  I,  p.  157).  —  Motschmann,  Erfordia  Litteruta,  t.  I. 

—  Zedler,  Universal  Lexihon. 

leichner  (Jean  -  Georges-  Henri-  Théo- 
dore), peintre  allemand,  fils  du  précédent,  né 
le  26  janvier  1684,  à  Erfurth,  mort  le  26  octobre 
1769,  à  Leipzig.  Destiné  à  la  peinture,  pour  la- 
quelle il  montrait  de  l'inclination,  il  eut  pour 
maître  Hildebrand,  et  se  rendit  à  seize  ans 
à  Leipzig  pour  se  perfectionner  sous  la  direc- 
tion du  portraitiste  Leschner,  dont  il  épousa 
la  fille.  Le  premier  ouvrage  qui  le  fit  connaître 
avantageusement  fut  un  portrait  de  Charles  XII. 
Pahlmann,  qui  jouissait  alors  d'une  grande  ré- 
putation à  Leipzig,  s'attacha  Leichner  et  le  fit 
travailler  plusieurs  années  dans  son  atelier,  où 
il  copia  beaucoup  de  tableaux  de  van  der  Werf, 
de  Mieris  ,  de  van  Huysum ,  de  Kuysch  ;  il  y  en 
eut  plusieurs  dans  le  nombre  qui  furent  vendus 
pour  des  originaux.  On  n'a  guère  vu  de  copistes 
saisir  aussi  bien  que  lui  la  manière  et  le  coloris. 
Ce.  talent  le  rendit  cher  aux  amateurs,  qui  l'em- 
ployèrent à  enrichir  ou  à  restaurer  leurs  gale- 
ries. N'ayant  jamais  eu  le  temps  d'étudier  la 
nature,  il  réussissait  beaucoup  moins  quand  il 


503 


LEICHNER  —  LEIGH 


504 


la  prenait  pour  modèle.  Vers  la  fin  de  sa  vie  il 
devint  aveugle,  et  serait  tombé  dans  le  dénûment 
si  quelques  personnes  aisées  n'étaient  venues  à 
son  secours. 

Il  eut.  un  fils,  Henri,  mort  en  1768,  qui 
manifesta  de  belles  dispositions  ;  mais  des  excès 
abrégèrent  sa  carrière.  K. 

Nette  Sibliothek  der  Sch.  Ifissensch.,  II,  342.  —  Ga- 
zettevniv.  de  Littér.  de  Deux- Ponts,  1772. 

lëidradk,  prélat  français,  mort  à  Saint- 
Médard  de  Soissons,  vers  le  milieu  du  neuvième 
siècle.  On  ne  sait  pas  s'il  était  d'une  famille, 
humble  ou  illustre,  bien  qu'il  paraisse  avoir 
occupé  quelque  emploi  considérable  à  la  cour 
de  Charlemagne  avant  d'être  envoyé  gouverner 
l'église  de  Lyon.  Adon  devienne,  son  contem- 
porain ,  l'appelle,  en  effet,  vir  sasculari  digni- 
tati  intentissimus  tthonori  reipublicx  utilis. 
Mais  il  était  dans  les  habitudes  de  Charlemagne 
d'accorder  les  plus  hautes  marques  de  sa  con- 
fiance à  des  gens  de  la  plus  basse  condition  : 
ce  prince  honorait  avant  tout  le  mérite  person- 
nel. On  suppose,  d'ailleurs,  que  la  charge  au- 
lique  de  Leidrade  était  celle  de  bibliothécaire. 
Il  fut  nommé  archevêque  de  Lyon  en  l'année 
798  par  Charlemagne  lui-même,  suivant  la  cou- 
tume de  ce  temps-là  :  les  évêchés  étaient  deve- 
nus des  préfectures  ecclésiastiques.  Aussitôt 
après  sa  nomination,  Leidrade  fut  envoyé  dans 
la  Gaule  Narbonnaise,  avec  le  titre  de  missus 
dominicus.  Le  roi  l'avait  associé  dans  cette 
mission  à  Théodulfe,  évoque  d'Orléans,  un  des 
plus  beaux  esprits  de  la  cour,  qui  nous  a  laissé 
une  relation  poétique  de  leur  voyage.  De  retour 
à  Lyon,  Leidrade  fut  consacré  en  799.  Il  se  ren- 
dit ensuite  à  Urgel,  en  Espagne,  dans  la  compa- 
gnie de  Nebridius ,  archevêque  de  Narbonne  et 
de  Benoît,  abbé  d'Aniane.  Ils  allaient  combattre 
l'évêque  Félix  en  présence  de  son  clergé,  au 
sein  même  de  son  église.  On  ne  sait  trop  com- 
ment ils  procédèrent  contre  cet  hérétique  cé- 
lèbre ;  ils  réussirent  toutefois  à  le  convaincre 
que  sa  cause  était  fort  compromise,  et,  par 
leurs  conseils,  il  traversa  la  Gaule,  se  rendit  à 
la  cour  d'Aix-la-Chapelle,  et  abjura  ses  senti- 
ments hétérodoxes.  Le  succès  de  cette  négocia- 
tion fit  beaucoup  d'honneur  à  Leidrade  :  aussi 
fut-il  chargé  l'année  isuivante  d'une  nouvelle 
mission  en  Espagne.  Il  importait  cependant  qu'il 
revint  au  plus  tôt  se  consacrer  au  gouvernement 
de  son  diocèse,  où  n'avaient  pas  encore  été  in- 
troduites les  réformes  ordonnées  par  Charle- 
magne. Le  premier  soin  de  Leidrade,  dès  qu'il 
fut  définitivement  établi  sur  son  siège,  fut  d'ins- 
tituer des  écoles  de  lecteurs  et  de  chantres.  Les 
lecteurs  devaient  enseigner  à  la  jeunesse  les 
lettres  sacrées,  et  lui  faireaussi  connaître  quelque 
chose  des  lettres  profanes,  en  exposant  les  prin- 
cipes de  la  grammaire ,  de  la  poésie,  de  l'art 
oratoire ,  et  de  la  philosophie  :  nous  avons  lieu 
de  croire  en  effet  que  Leidrade,  après  avoir 
vécu  dans  le  palais ,  eut  à  cœur  d'observer  à 


Lyou  la  méthode  de  l'école  palatine,  et  de  faire 
apprendre  à  ses  clercs  tout  ce  que  pouvaient 
leur  transmettre  les  meilleurs  maîtres.  Quant 
aux  écoles  de  chantres,  ils  devaient,  suivant  les 
prescriptions  impériales,  former  leurs  élèves  au 
chant  grégorien.  Les  historiens  de  l'église  de 
Lyon  ajoutent  que  Leidrade  enrichit  de  précieux 
manuscrits  la  bibliothèque  métropolitaine,  et 
qu'il  releva  les  ruines  des  édifices  religieux.  En 
outre,  il  contribua  très-efficacement  à  la  restau- 
ration du  monastère  de  File  Barbe ,  qu'avaient 
détruit  les  Sarrasins,  et  fonda  deux  nouveaux- 
monastères  de  filles ,  celui  de  Saint-Georges  et 
celui  de  Saint-Pierre.  Leidrade  était  devenu  un 
des  personnages  les  plus  considérables  de  l'em- 
pire, lorsqu'il  fut  appelé,  vers  l'année  811,  à  Aix- 
la-Chapelle,  et  eut  l'honneur  de  souscrire  le  tes 
tament  de  Charlemagne.  On  peut  supposer  qu'il 
avait  été  consulté  sur  les  dispositions  principales 
de.  cet  acte.  Nous  savons  en  effet  que.  Charle 
magne,  si  jaloux  qu'il  fût  de  son  autorité,  nei 
s'arrêtait  jamais  à  une  grande  résolution  sans; 
avoir  auparavant  pris  l'avis  de  son  conseil.  A 
la  mort  de  Charlemagne,  Leidrade  résolut  d'abdi 
quer  le  gouvernement  de  son  église.  Ayant  donc 
recommandé  pour  son  successeur  le  docte  Ago-; 
bard,  qu'il  avait  eu  pour  chorévêque,  il  se  retira 
dans  l'abbaye  de  Saint-Médard  de  Soissons,  où 
il  mourut.  L'année  de  sa  mort  est  incertaine., 
Le  nécrologe  de  l'église  de  Lyon  la  mentionne 
au  24  décembre. 

11  nous  reste  de  Leidrade  quatre  lettres  :  deux 
publiées  par  Baluze  dans  le  recueil  des  Œuvres 
d'Agobard ,  et  deux  autres  insérées  par  MabilloE. 
dans  ses  Analecta.  L'Histoire  Littéraire  de 
la  France  en  a  fait  connaître  le  contenu.  B.  H.1 
Ilist.  Littér.,  t.  IV,  p.  433.  —  Gallia  Christiana,  t.  IVi 
col.  62. 

leigh  (Edouard),  théologien  anglais,  né  1( 
23  mars  1602,  à  Shawell,  comté  de  Leicester 
et  mort  le  2  juin  1671,  dans  son  domaine  d< 
Bashall,  comté  de  Stafford.  Il  commença  pai 
prendre  part  aux  agitations  politiques  de  soi 
temps.  Nommé,  en  1640,  par  le  bourg  de  Staf- 
ford, membre  du  parlement,  il  fit  d'abord  partii 
de  l'opposition  ;  plus  tard  la  crainte  des  malheur; 
de  la  guerre  civile  lui  fit  adopter  des  idées  d< 
conciliation.  Il  fut  un  des  membres  du  long  par 
lement  qui  allèrent  trouver  le  roi  à  Oxfon 
(1643).  Enfin,  il  fut  compris  dans  l'épuration  qui 
les  indépendants  firent  subir  à  cette  assemblé» 
en  1648,  et  fut  retenu  en  prison  jusqu'en  1660 
Quoiqu'il  ne  fît  pas  partie  du  clergé,  il  s'occup; 
constamment  de  l'étude  de  la  théologie,  vers  la 
quelle  un  goût  naturel  l'entraînait.  De  ses  nom 
breux  écrits ,  on  cite  principalement  les  sui 
vants  :  Select  and  choice  Observations  concer 
ning  the  first  twelve  Csesars;  Oxford,  1635 
in-8°;2e  édit,  avec  des  additions  de  l'auteu 
et  quelques-unes  de  son  fils  Henri,  sous  le  titre 
Analecta  Cscsarum  romanorum ;  1657,  in-8° 
deux  autres  édit.,  avec  de  nouvelles  additions 


505 


LEIGH  —  LEIGHTON 


506 


—  Treatise  of  divins  Promises;  Londres,  1633, 
m-8°;  —  Critica  sacra,  or  the  hebrew  words 
of  the  old  and  of  the  greek  oj  the  New  Tes- 
'ament;  Londres,  1639,  in-4°  ;  Ie  édit.  augmentée, 
1650,  in-fol.  à  laquelle  il  faut  joindre  un  sup- 
plément imprimé  en  1662.  Henri  Middoch  tra- 
jiuisit  cet  ouvrage  en  latin,  et  lui  donna  une  nou- 
velle disposition;  Gotha,  1735,  in-'i°;  plusieurs 
liutres  éditions.  Louis  de  Wolzogue,  professeur  à 
proningue,  en  traduisit  en  français  une  partie 
bubliée  sous  ce  titre  :  Dictionnaire  de  la  langue 
jointe,  contenant  ses  origines,  avec  des  obser- 
vations ;  Amsterdam,  1703,  in-4°  ;  et  réimprimée 
î  la  suite  du  Diction,  universel  de  philologie 
\acrée  de  Ch.  Huré.  Malgré  son  grand  succès , 
la  Critica  sacra  de  Leigh  n'a  pas  une  grande 
Valeur;  son  principal  mérite  est  d'indiquer  un 
lissez  grand  nombre  A'usus  loquendi  de  la 
langue  hébraïque  et  de  rapprocher  des  expres- 
sions et  des  tournures  de  phrases  employées 
Jlans  le  Nouveau  Testament  de  tours  et  d'expres- 
jions  semblables  de  la  version  des  Septante  ;  — 
il  Réalise  of  Divinity  in  3  books ;  Londr., 
1646,  in-4°;  —  A  System  or  body  of  divinity 
m  10  books;  Londres,  1654,  in-fol.;  —  Anno- 
tations on  ail  the  Nev>  Testament  ;  Londres, 
(650,  in-fol.; trad.  en  latin  par  Théod.  Arnold, 
feipz,  1732,  in-8°;  —  Annotations  on  the  five 
Voetical  books  ofthe  Old  Testament;  Londres, 
]687,  in-fol.  M.  Nicolas. 

j  Chalmers,  General  Biography. 
j  leigh  {Michel),  poète  et  théologien  norvé- 
gien, vivait  dans  la  seconde  moitié  du  dix-sep- 
tème  siècle.  Il  fut  recteur  à  Stavangern  en  Nor- 
jège,  et  devint  en  1701  professeur  de  théologie 
I  Christiansand.  On  a  de  lui  :  De  Donariis  ;  Co- 
penhague, 1677  ;  —  De  Astrologia  ;  ibid.,  1678  ; 
I-  De  Anima  separata;  ibid.,  1679;  —  Epi- 
irammatum  Libri  III;  ibid.,  1680;  —  Men- 
keskens  Dag  og  Nat,  Liv  og  Dœd  (Jour  et 
Suit:  Vie  et  Mort  de  l'homme);  ibid.,  1682;  — 
$thica  Christiana;  ibid.,  1684;  —  Anàlysis 
kibliorum;  Amsterdam,  1696;  —  Epigram- 
kata  sacra;  ibid.,  16.96;  —  Commentarium 
fn  prophetam  Obadiam;  Copenhague,  1696, 
jb-4°;  —  Conspectus  erudilorum  qui  publica 
H  ecclesiis  Norvégiens  officia  a  reformatione 
\rnarunt;  1701.  K. 

I  Danske  Magazin. 

I  leigh  {Charles),  naturaliste  anglais,  né  dans 
je  Lancashire,  vers  1660.  Il  passade  l'université 
jl'Oxford  à  celle  de  Cambridge,  y  prit  ses  grades 
fn  médecine,  et  alla  exercer  à  Londres,  où  il  ac- 
quit une  réputation  considérable.  On  ignore  l'é- 
Iroque  de  sa  mort.  Il  avait  été  admis  en  1685  à 
a  Société  royale.  On  a  de  lui  :  The  Natural 
iistory  of  the  counties  of  Lancashire,  Che- 
hire  and  the  peak  in  Derbyshire  ;  Londres  , 
700,  in-fol.,  fig.;  —  Phthisiologia  Lancastrien- 
is;  Londres,  1682,  in-4";—  Tentamen  phïlo- 
ophicum  de  Mineralibus  Aquis;  Oxford,  1682, 
it  Leipzig,  1684  :  ce*  deux  opuscules  ont  été 


réimprimés  dans  les  Œuvres  de  Richard  Mor- 
ton;  Venise,  1733,  in-4';  —  Exercitationes 
quinque  de  Aquis  Mineralibus,  ihermis  cali- 
dis ,  morbis  acutis  ,  tnorbis  intermittentibus , 
hydrope,  etc.;  Londres,  1697  ;  — «  History  of  Vir- 
ginia; ibid.,  1705,  in-12,  faite  d'après  les  obser- 
vations recueillies  par  l'auteur  durant  un  voyage 
en  ce  pays  ;  —  Observations  about  the  natron 
of  Egypt  and  the  nitrian  water,  dans  les 
Philosophical  Transactions.        P.  L — t. 

Athense  Oxonienses,  II.  —  Gough,  Topography.  — 
Pultney ,  Sketchet  nf  Bolany. 

leighton  (  Alexandre  ),  controversiste 
écossais,  né  à  Edimbourg,  en  1568,  mort  vers 
1649.  II  fut  élevé  à  l'université  d'Edimbourg,  et 
devint,  en  1603,  professeur  de  philosophie  mo- 
rale. Il  quitta  cette  place  en  1613,  et  se  rendit 
à  Londres,  où  il  fut  pendant  une  quinzaine  d'an- 
nées prédicateur  d'une  assemblée  de  calvinistes. 
II  pratiqua  en  même  temps  la  médecine;  mais  le 
collège  des  médecins  lui  interdit  l'exercice  de 
cette  profession,  bien  qu'il  se  prétendît  docteur 
de  l'université  de  Leyde.  En  1629  il  publia  deux 
libelles,  Zion's  Plea  et  The  looking-glass  of 
the  holy  vmr,  dans  lesquels  il  s'élevait  avec 
violence  contre  les  persécutions  dont  les  non- 
conformistes  étaient  l'objet.  Il  appelait  les  évo- 
ques des  hommes  de  sang,  et  déclarait  qu'en 
aucun  temps,  chez  aucun  peuple, les  hommes  de 
Dieu  n'avaient  souffert  de  plus  cruelles  persécu- 
tions qu'en  Angleterre  depuis  la  mort  d'Elisa- 
beth. Leighton,  traduit  pour  ces  deux  libelles  de- 
vant la  chambre  étoilée,  fut  l'objet  d'une  des  plus 
barbares  sentences  prononcées  par  cette  commis- 
sion. Il  s'échappa,  mais  il  fut  bientôt  repris,  et 
la  sentence  reçut  son  exécution.  En  voici  le  récit 
d'après  les  historiens  contemporains.  Leighton 
fut  rigoureusement  fouetté  avant  d'être  mis  au 
pilori.  Attaché  au  pilori,  il  eut  une  oreille  coupée 
et  une  aile  du  nez  fendue  ;  on  lui  marqua  sur  la 
joue  avec  un  fer  rouge  les  deux  lettres  S.  S.  (se- 
meur de  sédition).  Huit  jours  plus  tard  il  fut 
fouetté  de  nouveau ,  et  remis  au  pilori  où  le 
bourreau  lui  coupa  l'autre  oreille,  lui  fendit 
l'autre  aile  du  nez,  et  lui  marqua  l'autre  joue. 
Leighton  resta  onze  ans  en  prison.  Le  parle- 
ment l'en  fit  sortir,  lui  accorda  une  indemnité 
de  6,000  1.  s.  et  le  nomma  gouverneur  du  palais 
Lambeth,qui  était  alors  une  prison  d'État.  Cer- 
tains récits  le  font  mourir  fou  en  1644  ;  d'autres 
le  font  vivre  jusqu'en  1649.  Z. 

Broolc,  Lives  0/ the  Puritains.  —  Chalmers,  General 
Biographical  Dictionary. 

leighton  {Robert),  prélat  écossais,  fils  du 
précédent,  né  en  1613,  mort  en  février  1684.  Il 
n'eut  rien  du  violent  esprit  de  secte  qui  avait 
conduit  son  père  devant  la  chambre  étoilée  et 
au  pilori.  Il  s'efforça  au  contraire  de  se  dérober 
aux  passions  religieuses  du  temps,  et  tandis  que 
ses  confrères  prêchaient  sur  les  événements  du 
jour,  il  ne  voulut,  suivant  son  expression,  parler 
qu«  de  l'éternité.  Cette  modération  n«  pouvait 


507 


LEIGHTON 


plaire  aux  covenantaires,  qui  dominaient  alors  en 
Ecosse,  et  Leigliton,  quittant  sa  petite  paroisse 
de  Newbottle  près  d'Edimbourg,  alla  vivre  dans 
la  retraite.  Les  magistrats  d'Edimbourg  l'en  ti- 
rèrent en  le  nommant  principal  de  l'université. 
Leigliton  remplit  ces  fonctions  pendant  dix  ans 
avec  beaucoup  d'honneur.  Lorsque  Charles  II 
songea  à  rétablir  Pépiscopat  en  Ecosse,  il  s'a- 
dressa à  Leigliton,  qui  ne  voulut  accepter  que  le 
plus  obscur  des  évêchés  écossais ,  celui  de  Dun- 
blane.  Jl  espérait  qu'à  force  de  patience  et  de 
concessions  il  parviendrait  à  réconcilier  les 
presbytériens  et  les  épiscopaux,  ou  du  moins 
qu'il  les  amènerait  à  se  tolérer  mutuellement. 
Déçu  dans  cet  espoir,  il  porta  sa  démission  à 
Charles  II,  qui,  au  lieu  de  l'accepter,  le  nomma 
archevêque  de  Glasgow,  en  1670.  Leighton  céda 
aux  instances  de  Charles  II;  mais  en  1673,  trou- 
vant que  le  fardeau  devenait  chaque  jour  plus 
pesant,  il  alla  encore  à  Londres  solliciter  la  per- 
mission de  se  démettre  de  son  archevêché.  Le 
roi,  sans  y  consentir,  lui  promit  que  si  après 
une  nouvelle  année  d'épreuves,  il  persistait  dans 
sa  résolution,  il  pourrait  l'exécuter.  L'année  se 
passa,  et  Leighton,  libre  enfin,  quitta  son  arche- 
vêché pour  aller  vivre  près  de  sa  sœur  à  Bread- 
hurst,  dans  le  comté  de  Sussex.  H  passa  les 
dernières  années  dans  une  stricte  retraite,  parta- 
geant son  temps  entre  l'étude ,  les  exercices  de 
piété  et  les  actes  de  bienfaisance.  Il  mourut  pen- 
dant un  voyage  à  Londres.  Leighton  fut  un  des 
premiers  prédicateurs  de  son  temps.  Son  beau 
Commentaire  sur  la  première  É pitre  de 
saint  Paul  a  été  souvent  réimprimé;  ses  autres 
ouvrages  théologiques  sont  encore  lus  et  estimés. 
La  meilleure  édition  de  ses  Œuvres  complètes 
a  été  publiée  à  Londres,  1808,  8  vol.  in-8°; 
avec  la  vie  de  l'auteur  par  G.  Jerment.      Z. 

Burnet,  History  of  his  own  Urnes.  —  Laing,  History 
of  Scotland.  —  Chalraers,  General  Biographical  Dictio- 
nary. 

EE1MNGEN.   Voy.  LlNANGE. 

LEiNSTiEti  (William-Bobert  Fitz-Gerald, 
duc  df.  ),  homme  politique  anglais,  né  en  1749, 
mort  le  20  octobre  1805.  Il  appartenait  à  l'une 
des  familles  les  plus  illustres  d'Irlande  et  était 
allié,  du  chef  de  sa  mère,  fille  du  duc  de  Rich- 
mond,  aux  races  royales  des  Brunswick  et  des 
Stuart.  Après  avoir  terminé  ses  études  à  Eton 
et  à  Cambridge,  il  visita  plusieurs  cours  de 
l'Europe,  et  se  trouvait  en  Italie  lorsqu'il  fut,  en 
1768,  nommé  député  parles  francs-tenanciers  de 
Dublin,  malgré  la  concurrence  du  riche  banquier 
John  Latouche.  On  prétend  que  chacun  des  deux 
candidats  dépensa  dans  cette  élection  plus  de 
cinq  cent  mille  francs.  Il  siégea  pendant  huit 
ans  à  la  chambre  des  communes,  et  passa,  à  la 
mort  de  son  père  (1776),  à  la  chambre  haute  en 
même  temps  qu'il  échangeait  le  nom  de  Kildare 
contre  celui  de  duc  deLeinster.  Dévoué  au  parti 
tory,  il  devint  en  1779  inspecteur  général  des 
milices  de  Dublin  ,  et  plus  tard  maître  des  rôles 


—  LEISMANN  508 

et  clerc  de  la  couronne  en  Irlande.  Ce  fut  lui 
qui,  en  1795,  fit  bâtir  dans  le  comté  de  Kildare 
la  petite  ville  de  Maynooth,  à  laquelle,  quoique 
protestant,  il  concéda  un  vaste  terrain  pour  l'é-  u 
tablissement  d'un  collège  destiné  à  l'éducation 
des  jeunes  catholiques.  K. 

Burke,  Peerage.  —  Genlleman's  Magazine,  180S. 

leisewitz  (Jean- Antoine),  poète  tragique 
allemand,  né  à  Hanovre,  le  1er  mai  1752,  mort  à 
Brunswick,  le  10  septembre  1806.  Il  étudia  la 
jurisprudence  àGœttingue,  où  il  se  lia  avec  Hôlty, 
Bùrger  et  plusieurs  autres  poètes,  qui  unissaient, 
à  cette  époque  leurs  efforts  pour  l'épuration 
du  goût  littéraire  en  Allemagne.  Entré  en  1777, 
à  Brunswick,  dans  les  bureaux  de  l'administra- 
tion, il  fut  placé  en  1790  à  la  chancellerie  se- 
crète avec  le  titre  de  conseiller  aulique.  En 
1801  il  devint  conseiller  de  justice,  et  enfin  en 
1805  président  du  comité  de  salubrité.  Lei- 
sewitz s'est  fait  connaître  par  sa  tragédie  Jules 
de  Tarent e,  qu'il  présenta  en  1774  au  concours 
institué  par  Schrœder  pour  la  meilleure  pièce 
ayant  pour  sujet  un  fratricide.  Il  n'obtint  pas  le 
prix ,  qui  fut  décerné  à  Klinger  ;  mais  en  re- 
vanche son  drame  fut  hautement  apprécié  par 
Schiller  et  par  Lessing ,  qui  d'abord  l'avait  at- 
tribué à  Gœthe.  Leisewitz  n'en  resta  pas  moins 
découragé  par  l'échec  qu'il  venait  de  subir,  et 
il  cessa  presque  entièrement  de  s'occuper  de 
travaux  littéraires.  Dans  son  testament  il  ordonna 
la  destruction  de  tous  ces  papiers.  On  a  de  lui  : 
Juliusvon  Tarent, -Leipzig,  1776, et  1828, in-S°; 
traduit  en  français  dans  le  Nouveau  Théàtrk 
allemand.  — Leisewitz  a  aussi  publié  quelques 
pièces  de  poésie  et  deux  nouvelles  dans  le  Gôt- 
tinger  Musen-Almanach.  —  Ses  Œuvres  ont 
paru  à  Vienne  en  1817,  in-12,  et  à  Brunswick,1 
1838,  in-12,  avec  une  biographie  del'auteur  écrite 
par  Schweigger.  E.  G. 

Jûrdens,  Jœxikon  dentsrher  Dichter,  t.  III  et  VI.— 
Wleland,  JVeuer  dcutscher  Mercur  (année  1806,  t.  III). 
—  Schiller,  Braunschiceigische  schône  l.iteratvr,  p.  113. 

leismainn  (l)  (  Jean- Antoine),  peintre  aller 
mand,  né  en  1604,  à  Salzbourg,  mort  en  1698,  à, 
Venise.  Après  avoir  pendant  quelques  années, 
étudié  les  mathématiques  et  s'être  appliqué  au 
dessin,  il  s'adonna  à  la  peinture  de  paysage.; 
Ayant  échangé  le  séjour  de  Salzbourg  pour  celui 
de  Munich,  il  y  peignit  divers  tableaux  pour  h 
cour  de  l'électeur,  notamment  deux  paysagei 
conservés  aujourd'hui  dans  la  galerie  de  Schleis- 
heim.  Il  s'établit  ensuite  à  Venise,  où  il  se  " 
avec  un  certain  Mathia  Brisighella,  dont  il  adopta! 
le  fils,  nommé  Charles  (2).  Avec  ce  dernier  il 

(1)  Son  véritable  nom  était  Eismann;  on  le  fit  précédei 
d'un  L  pour  l'italianiser. 

(S)  Ce  Charles  Brisighella  prit  le  nom  de  son  pèr< 
adoptif,  auprès  duquel  il  spprit  l'art  de  la  peinture.  Il 
habita  quelque  temps  Vérone,  publia  à  Ferrare,  en  1706, 
une  Description  des  tableaux  conservés  dans  les  éolise: 
de  cette  ville.  Il  a  laissé  des  paysages ,  des  batailles  ei 
de»  marines;  comme  tl  a  suivi  la  manière  de  son  péri 
adoptif.il  est  quelquefois  très- difficile ,  quand  on  ren 
contre  des  toiles  signées  Leismann,  sans  désignation  df 


509 


LEISMANN 


alla  passer  plusieurs  années  à  Vérone,  où  il 
exécuta  des  tableaux  remarquables  ,  dont  quel- 
ques-uns ont  été  décrits  dans  les  Vite  dei  Pit- 
torl  Veronesi  de  Pozzo  (  p.  298  ).  Les  oeuvres 
de  Leismann,  parmi  lesquelles  on  compte  plu- 
sieurs batailles,  se  trouvent  en  partie  en  Italie, 
en  partie  à  Salzbourg  et  dans  les  châteaux  des 
environs;  elles  se  distinguent  par  une  touche 
spirituelle,  une  grande  hardiesse  de  pinceau  et 
beaucoup  de  mouvement,  qualités  qui  permet- 
tent de  leur  assigner  un  rang  honorable  immé- 
diatement après  les  toiles  de  SalvatorRosa,  dont 
elles  rappellent  la  manière.  E.  G. 

Nagler,  Mlgem.  Kûnstler-Lexikon. 

leissègues  (  Corentin- Urbain- Jacques- 
Jlertrand  de),  amiral  français,  né  à  Hanvec 
(Bretagne), le  29  août  1758,  mort  à  Paris,  le  26 
mars  1832.  II  entra  dans  la  marine  militaire  en 
1778,  et  sur  la  frégate  La  Nymphe  ht  une  cam- 
pagne sur  les  côtes  dé  l'Afrique  occidentale.  En 
1780  il  était  lieutenant  à  bord  de  la  frégate  La 
Magicienne,  en  croisière  dans  la  Manche,  où  elle 
lit  beaucoup  de  mal  aux  Anglais.  De  1781  à 
1784,  passé  sur  Le  Sphinx,  de  Leissègues  com- 
battit sous  les  ordres  du  bailli  de  Suffren,  as- 
sista à  six  actions  importantes,  et  reçut  une  bles- 
iure  à  la  tête.  En  1792,  au  lieu  d'émigrer  comme 
a  plupart  des  officiers  de  la  marine  française,  il 
iccepta  le  commandement  du  brick  Le  Furet 
:t  rendit  sur  les  côtes  de  Terre-Neuve  de  grands 
iervices  à  sa  patrie.  En  1793  il  fut  nommé  ca- 
>itainede  vaisseau,  convoya  les  commissaires  de 
a  Convention  envoyés  aux  Antilles,  et  reprit  la 
Guadeloupe  sur  les  Anglais.  Ce  fait  d'armes  lui 
alut  le  grade  de  contre-amiral  (16  novembre) 
t  le  commandement  supérieur  des  îles  du  Vent, 
ommandement  qu'il  occupa  jusqu'en  1798, 
Ipoque  de  son  retour  en  France.  En  1802,  il  fut 
thargé  d'une  mission  moitié  pacifique ,  moitié 
lelliqueuse  sur  les  côtes  des  États  barbaresques  ; 
il  sut  obtenir  satisfaction  partout  où  il  se  pré- 
jenta  ;  il  transporta  ensuite  à  Constantinople 
e  maréchal  Brune,  envoyé  en  ambassade  au- 
près du  sultan  Sélim  III.  Il  revint  ensuite  dans 
1  Manche,  où  il  rallia  les  vaisseaux  desti- 
jés  à  grossir  la  flotte  de  l'amiral  Gantheaume. 
I  s'agissait  alors  d'une  descente  en  Angleterre. 
Sïe  projet  abandonné,  Leissègues  sortit  du  port 
le  Rochefort  (décembre  1805)  avec  cinq  vais- 
rleaux,  deux  frégates  et  une  corvette  pour  por- 
ter des  renforts  à  l'île  Saint-Domingue.  Une 
i  jiolente  tempête  dont  il  fut  assailli  à  la  hau- 
I  pur  des  Açores  endommagea  la  plupart  de  ses 
avires,  et  avant  d'avoir  pu  les  réparer,  il  fut  at- 
iqué  le  6  février  1806  dans  la  baie  de  Santo-Do- 
lingo  par  l'amiral  Duckworth,  qui  commandait 
îpt  vaisseaux ,  deux  frégates  et  deux  sloops  ; 

soutint  le  combat  pendant  deux  heures  et  pér- 
it trois  vaisseaux  ;  il  fit  échouer  les  deux  au- 


*énom,  de  déterminer  si  elles  sont  dues  à  Charles  ou  à 
sain- Antoine. 


—  LE1TAO  510 

très,  qu'il  incendia;  les  frégates  et  la  corvette 
s'échappèrent.  De  retour  à  Bordeaux  (septembre 
1800),  Leissègues  fut  chargé,  de  1809  à  1811,  de 
la  défense  de  Venise  ;  il  y  réussit  et  passa  aux 
Iles  Ioniennes,  qu'il  ne  quitta  qu'en  1814.  Mis 
à  la  retraite  en  1816,  il  se  tint  éloigné  de  toute 
fonction  publique.  A.  de  L. 

Girard,  fie  des  Marins  français  les  plus  célèbres.  — 
Histoire  générale  de  la  Marine. 

leitao  de  anmrame  (  Miguel  ),  écrivain 
portugais,  né  en  1555,  à  Pedro^âo,  bourgade  du 
diocèse  de  Coïmbre ,  mort  après  1629.  Il  était 
encore  à  l'université  de  Coïmbre  lorsqu'il  eut 
connaissance  de  l'expédition  de  D.  Sébastien; 
il  s'engagea  comme  volontaire ,  se  battit  bra- 
vement à  la  journée  de  Alcaçar-Kebir,  fut  fait 
prisonnier  et  conduit  à  Fez.  Il  parvint  à  s'en- 
fuir, et  gagna  Melilla,  où  il  put  s'embarquer 
pour  le  Portugal.  Attaché  au  service  du  pré- 
tendant, D.  Antonio,  en  qualité  de  gentilhomme, 
il  suivit  la  fortune  de  ce  prince, qui  fut  roi  tout 
juste,  assez  de  temps  pour  faire  frapper  quel- 
ques monnaies  de  cuivre  à  son  effigie  et  suc- 
comber dans  sa  lutte  contre  Philippe  II.  Saisi 
par  ordre  de  Manoel  da  Sylva,  garde  de  la 
frontière,  de  Santarem,  Leitâo  fut  mis  en  prison, 
d'où  il  réussit  à  s'évader.  La  dernière  partie  de 
sa  vie  fut  moins  agitée  que  la  première  :  il  épousa 
à  un  âge  déjà  avancé  une  de  ses  parentes,  dont 
il  n'eut  pas  d'enfants,  et  mourut  commandeur 
de  l'ordre  du  Christ  sous  le  gouvernement  de 
Philippe. 

Sous  le  titre  de  Misce.llanée ,  il  nous  a  laissé 
des  espèces  de  mémoires  contemporains,  qui 
touchent  à  beaucoup  de  traditions  locales.  Ils  ont 
pour  titres  :  Miscellanea  do  Sitio  de  Nossa, 
senhora  da  Luz  do  Pedrogâo  grande,  apare- 
cimento  da  sua  santa  imagr.m ,  Jundaçâo  do 
seu  convenlo  e  da  Se  Lisboa,  expugnaçào 
délia.  Perda  del  Rey  D.  Sebastido.  E  que 
foi  noboeza,  Senhor,  Senhora  vassallo  del 
Rey,  Rico  homem ,  Infançon ,  corle,  cortezia, 
Misura,  Reverencia,  e  lirar  o  chapeo ,  e 
prodigios,  com  tmiitas  curiosidades  epoesias 
diverses;  Lisbonne,  1629,  in-4".  L'auteur  a 
laissé  entrevoir  dans  ce  titre,  étrangement  dé- 
taillé, ce  qu'on  doit  chercher  dans  son  livre,  une 
série  de  curiosités  historiques.  F.  D. 

Barbosa  Machado,  Hibliotheca  lusitana.  —  Catalogo 
dos  autores,  dans  le  Grand  Dictionnaire  de  la  langue 
portugaise.  —  Mapa  de  Portugal. 

leitao  ferreira  (  Le  P.  Francisco), 
écrivain  portugais,  né  à  Lisbonne,  en  1667,  mort 
en  1735.  Il  embrassa  la  vie  ecclésiastique,  et  se 
fit  remarquer  par  son  amour  pour  l'étude. 
Nommé  curé  de  l'une  des  paroisses  de  Lisbonne, 
il  s'occupa  surtout  de  l'histoire  ecclésiastique  et 
de  l'histoire  universitaire.  On  a  de  lui  :  Nova 
Arte  de  Conceitos ;  Lisbonne,  1718  et  1721, 
2  vol.  in-8°  ;  —  Catalogo  dos  Bispos  de  Coim- 
bra;  Lisbonne,  1724 ,  in-fol.  ;  —  Noticias  chro- 
nologicas  da  universidade  de  Coimbra;  Parte 
primeira,  que  comprehende  os  annos  que 


511 


LEITAO  —  LE  JAY 


&12 


discorrem  desde  1288  atè  principios  de  1537  ; 
LisboDne,  1729,  ia-fol. 
Barbota  Machado ,  Bibl.  lusit. 

LÉITH-ES-SOFFAR  OU  ES-SAFFAR,  fonda- 
teur de  la  dynastie  persane  des  Soffarides ,  mort 
vers  860,  dans  la  province  de  Sistan  ou  Séges- 
tan.  Soffar,  en  langue  arabe,  signifie  chaudron- 
nier ou  fondeur  de  laiton).  C'était  la  profession 
de  Léith,  qui,  d'après  quelques  ;uiteurs,  serait 
resté  paisiblement  dans  sa  boutique,  et  aurait 
exercé  son  métier  jusqu'à  sa  mort.  Selon  ces 
mêmes  auteurs,  les  faits  que  nous  allons  raconter 
de  Léith ,  ainsi  que  la  fondation  de  la  dynastie 
des  Soffarides,  ne  doivent  être  attribués  qu'à 
l'aîné  de  ses  fils,  Yakoub-ben  Léith.  Ceux  qui 
les  attribuent  au  contraire  au  père  racontent 
que,  dégoûté  d'un  métier  sédentaire  et  grossier, 
peu  conforme  à  son  génie  actif  et  élevé,  Léith 
préféra  à  l'honneur  d'exercer  une  profession 
utile  l'espèce  de  gloire  qu'il  espérait  retirer  des 
exploits  hardis  de  chef  de  brigands.  La  bande 
de  Léith  devint  bientôt  la  plus  redoutée  de  tout 
le  pays  ;  mais  son  chef  sut  acquérir  en  même 
temps  une  grande  réputation  de  générosité  par 
la  manière  humaine  dont  il  traitait  les  personnes 
qui  tombaient  entre  ses  mains.  Mais  la  princi- 
pale cause  de  sa  fortune  fut  l'exploit  suivant. 
Léith  était  entré  de  nuit  dans  le  palais  de  Dargam, 
prince  ou  gouverneur  de  la  province  de  Sistan. 
Il  eu  emportait  un  butin  assez  considérable 
lorsqu'en  se  retirant  il  mit  le  pied  sur  une  petite 
pierre  :  soupçonnant  que  c'était  quelque  bijou 
qu'il  avait  laissé  tomber,  il  le  ramassa.  Mais  il 
fut  bien  surpris  de  voir  que  cette  pierre  était 
du  sel  gemme.  Comme  le  sel  est  chez  les  Orien- 
taux l'emblème  le  plus  saint  de  l'hospitalité,  il 
jeta  aussitôt  tout  son  fardeau,  et,  regardant 
cette  maison  comme  sacrée ,  il  s'en  éloigna  au 
plus  vite.  Le  lendemain  la  surprise  fut  extrême 
dans  le  palais.  On  voyait  clairement  tout  le 
danger  qu'on  avait  couru,  et  l'on  ne  pouvait 
deviner  comment  des  voleurs,  assez  hardis 
pour  entrer  dans  les  appartements ,  assez  adroits 
pour  s'emparer  sans  aucun  bruit  de  tout  ce  qu'il 
y  avait  de  plus  précieux ,  avaient  manqué  de 
temps  ou  de  courage  pour  emporter  tant  de 
bien,  qui  était  déjà  à  leur  disposition.  Léith 
raconta  son  aventure;  le  bruit  en  parvint  aux 
oreilles  du  prince,  qui  conçut  de  ce  chef  de  vo- 
leurs une  idée  assez  favorable.  Attaché  dès  lors 
au  service  de  Dargam,  il  fut  chargé  de  plusieurs 
entreprises  militaires,  qui  toutes  lui  réussirent 
également  bien.  Il  repoussa  les  attaques  du 
gouverneur  de  Khorasan,  et  aida  son  maître, 
Dargam,  et  après  lui  Salih,  à  se  rendre  indé- 
pendants du  khalife.  Devenu  commandant  en 
chef  de  toutes  les  troupes  du  Sistan ,  il  conçut 
bientôt  le  projet  de  supplanter  ses  maîtres  dans 
le  gouvernement  de  cette  vaste  province.  Après 
la  mort  de  Salih,  son  ambition  prenant  un 
libre  essor,  il  dépouilla  les  fils  de  ce  prince  de 
l'héritage  de  leur  père ,  et  s'empara  de  la  sou- 


veraine puissance.  Pour  gagner  les  faveurs  du 
khalife,  il  lui  envoya  le  prince  destitué,  de- 
mandant en  récompense  le  gouvernement  de 
Sistan.  Le  calife  alors  régnant  agréa  cette  de- 
mande en  même  temps  que  l'hommage  que  lui 
fit  Léith.  Ce  dernier  cependant  ne  jouit  pas 
longtemps  de  son  bonheur;  car  il  mourut  peu 
après,  vers  860,  laissant  à  son  fils  un  royaume 
assez  étendu,  qui  quelques  années  plus  tard  em- 
brassait toutes  les  provinces  jusque  alors  con- 
quises dans  l'Iram ,  l'Afghanistan  et  le  Belout- 
chistan. 

Cet  empire  n'eut  qu'une  durée  de  cinquante  à 
quatre-vingts  ans.  Ch.  Rumelin. 

D'Herbeldt,  Bibliothèque  Orientale.  —  Deguignes, 
Histoire  généalogique  des  Huns.  —  Falaristancmes 
Annales,  trad.  par  Dubens. 

leitz.  Voy.  Yacoub. 

lejars  (Louis),  poète  dramatique  français, 
vivait  au  seizième  siècle.  D'après  La  Croix  du 
Maine,  ce  poëte  était  secrétaire  de  la  chambre 
du  roi  Henri  III;  c'est  tout  ce  que  l'on  sait  de 
lui.  Quelques  vers  placés  en  tête  de  sa  pièce  nous  I 
apprennent  qu'il  était  ami  de  Ronsard  et  de! 
Daurat.  Il  a  composé  une  tragi-comédie  en  prose,!' 
intitulée  Lucelle ;  Paris,  1576,  in-8°.  Cette  pièce,? 
qui  ne  brille  ni  par  le  style  ni  par  l'imagina-* 
tion,  a  cependant  de  l'intérêt.  Elle  fut  mise  enti 
vers  par  Jacques  Du  Hamel.  Z.  *' 

La  Croix  du  Maine ,  Bibliothèque  française.  —  Lew 
Fr.  Parfaict ,  Histoire  du  Théâtre  français.  M 

lEjay  (  Claude  ),  en  latin  Laius,  l'un  déifia 
propagateurs  de  l'ordre  des  Jésuites,  né  à  Aise,  eijèi 
Faucigny  (diocèse de  Genève),  vers  1505,  moririi 
le  6  août  1552,  à  Vienne  (  Autriche).  Il  comia 
mença  ses  études  au  collège  de  La  Roche,  et  le  k 
termina  à  Paris.  Il  se  lia  d'une  étroite  amititjim 
avec  son  compatriote  Pierre  Favre,  qui  le  déterjc, 
mina  en  1535  à  entrer  dans  l'ordre  que  venait  dfe 
fonder  Ignace  de  Loyola  (voy.  ce  nom  ).  Lejajç 
en  fut  le  dixième  membre  et  l'un  de  ceux  quijign 
par  leur  caractère  et  leurs  lumières ,  contribua  juin 
rent  le  plus  à  propager  la  congrégation  nais  em 
santé.  En  1 545  il  assista  au  concile  de  Trentt  h 
II  gouverna  ensuite  le  collège  de  Bologne,  où  am 
se  fit  recevoir  docteur  en  théologie.  Il  se  rend  ]M[ 
alors  en  Allemagne,  professa  à  Ingolstadt,  pu  fe 
à  Vienne  (juin  1551  ),  où  il  mourut,  dans  un  à$  ais 
peu  avancé.  Il  avait  composé  de  nombreux  écri  ^ 
dont  on  n'a  publié  que  le  Spéculum  prœsuli  ^ 
ex  sacrse  Scripturx,  canonum  et  docloru  ps 
verbis  /Ingolstadt,  1625,  in-4%  et  dans  le  t.  XV  ^ 
des  Œuvres  du  P.  Gretser;  Ratisbonne,  174  fc  , 

A.  L. 

Le  l\  Canlslus,  Orat.fun.  de  Cl.  Jaius,  à  la  suite 
ses  V ira?  Sanctorum  (  trad.  de  l'espagnol  du  P.  Rtbad 
neira  );  1630,  In-fol.  —  Sotwell,  Biblioth.  Societ.  Je. 
—  Alegambe,  Bibliotheca  Scriptorum  Societatis  Jesu, 

le  jay  (  Gui-Michel  ) ,  connu  par  la  Bit 
polyglotte  qui  porte  son  nom,  naquit  à  Par 
d'une  famille  noble,  en  1588, et  mourut  lelOjuil 
1674.  Il  étudia  les  langues  anciennes  et  étn 
gères,  et  commença  en  1628  l'édition  de  la  Pc 
glotte  projetée  dès  l'année  1615,  comme  on 


1!  ;„■ 


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513 


LE 


▼oit  par  une  lettre  de  Jacques  de  Thou  à  Sé- 
bastien Tengnagel  (3  mai  1615)  :  «  Nos  libraires 
préparent  une  nouvelle  édition  de  la  Bible,  où  les 
paraphrases  chaldaïques  seront  plus  exactes  que 
dans  celle  d'Alcala  et  celle  d'Anvers.  Ils  y  ajou- 
teront les  versions  syriaque  et  arabe  de  l'An- 
cien et  du  Nouveau  Testament ,  avec  des  tra- 
ductions  latines.  Le  cardinal  Duperron  pressa 
l'ouvrage.  Il  m'a  môme  engagé  dans  cette  en- 
treprise. »  En  effet  le  cardinal  Duperron,  qui  avait 
eu  à  Rome  des  relations  avec  J.-B.  Raimondi,  au- 
teur de  la  Polyglotte  en  dix  langues,  François  de 
Brèves,  qui  avait  en  outre  séjourné  longtemps  à 
Constantinople  et  voyagé  en  Syrie ,  avaient  ré- 
solu, de  concert  avec  Jacques  de  Thou,  de 
lonner  une  Polyglotte.  De  Brèves  recueillit  des 
manuscrits  originaux,  et  fit  venir  à  Paris  deux 
savants  maronites,  Gabriel  Sionite  et  Jean  Her- 
■onite.  Tous  ces  efforts  demeurèrent  alors  sans 
•ésnltats.    Le    projet   paraissait    même    sinon 
ibandonné ,    au  moins    ajourné  indéfiniment , 
orsque  Michel  Le  Jay,  alors  avocat  au  parlement 
le  Paris  ,  entreprit  à  lui  seul    ce  que  plusieurs 
l'avaient  pu  faire.  Il  avait  ce  qu'il  fallait  pour 
éussir,  de  la  fortune,  de  l'activité,  une  volonté 
nergique.  On  se  mit  à  l'œuvre.  Vitré,  impri- 
meur du  roi,  fut  chargé  de  l'impression.  Le  Bé, 
ls  du  célèbre  fondeur,  qui  avait  travaillé  pour 
i  Bible  du  roi  d'Espagne,  grava  les  caractères 
ébreux,  chaldéens,  grecs,  latins  et  les  lettres 
aliques;  Jacques   Sanlecque  grava  les  carac- 
ires  samaritains  et   syriaques ,  poinçons ,  ma- 
•ices  et  lettres,  et  frappa  les  matrices  arabes, 
irtie  sur  les  poinçons  de  François  de  Brèves, 
irtie  sur  les  poinçons  de  Gabriel  Sionite.  On 
venta  une  fabrique  particulière  de  papier,  qui 
cause  de  sa  supériorité  a  retenu  le  nom  de 
arta  imperialis.  D'un  autre  côté  Le  Jay  s'ad- 
ignit  des  hommes  capables,  Valérien  de  Fla- 
gny,  le  père  Morbide  l'Oratoire,  Philippe  d'A- 
n'n  ,  Godefroi  Hermant ,  chanoine  de  Beauvais, 
an  Aubert,  Jean  Tarin  et  trois  Maronites  du 
ban ,  Gabriel  Sionite  ,  Jean  Hesronite  et  Abra- 
im   Ecchellensis.   Le  Jay  poursuivait  le  plan 
nçu  en  1615.  Il  ne  voulait  pas  seulement  pu- 
ier  une  nouvelle  édition  de  la  Bible  d'Amiens, 
ais  il  y  ajoutait  la  version  arabe  de  tous  les 
Tes  sacrés  et  la  version  syriaque  de  l'Ancien 
istament ,  avec  celle  des  quatre  Épîtres  cano- 
ques  et  de  l'Apocalypse  qui  manquait  dans  la 
écédente.  A  l'instigation  du  cardinal  de  Be- 
lle, chargé  par  le  pape  Urbain  VIII  d'examiner 
disposition  de  cette  grande  entreprise ,  Lejay 
fit  entrer  le  Pentateuque  hébreu  samaritain, 
père  Morin,  qui  venait  d'achever  l'édition  grec- 
e  de  la  Bible,  y  joignit  la  version  samaritaine, 
mpression  commença  au  mois  de  mars  1628. 
s  difficultés  que  Rome,  cédant  aux  sollicita- 
ns  jalouses  des   savants   étrangers,    opposa 
rfois  à  cette   entreprise,  les   tracasseries   et 
lenteurs  affectées  de  Gabriel  Sionite   arrê- 
ent  souvent  la  marche  des  travaux.  Il  fallut 


KOl'V.  BiOGR.    GENER,    —   T.    XXX, 


JAY  514 
tout  l'ascendant  du  cardinal  de  Bérule  sur  l'es- 
prit d'Urbain  VIII  et  sur  les  cardinaux  pour 
lever  les  obstacles  venus  de  la  cour  romaine , 
et  toute  l'autorité  du  cardinal  Richelieu  pour 
triompher  du  mauvais  vouloir  du  Sionite.  La 
Bible  polyglotte  ne  fut  terminée  qu'en  1645. 
Elle  est  intitulée  :  Biblia  hebraica,  samari- 
tana,  chaldaica,  grœca,  syriaca,  latina, 
arabica,  qiiibus  textus  originales  totiusScrip- 
turse  sacrsa  quorum  pars  in  editione  Corn- 
plutensi ,  deinde  in  Antuerpiensi  regiis  sump- 
tibus  exstat ,  mine  integri  ex  manuscriptis 
toto  /ère  orbe  qasesitis  exemplaribus  exhl- 
bcntùr.  Le  nom  de  Le  Jay  et  la  part  qu'il  a  prise 
à  cette  œuvre  se  voient  dans  l'inscription  en 
style  lapidaire  qui  suit  le  titre  :  Régnante  Lu- 
dovico  XIV,  felici ,  triumphatore,  etc...,  au- 
giistos  régis  sseculorum  immortalis  co- 
dices ,  sacras  paginas  septeno  idiomate  ré- 
sonantes    Viennent  ensuite  deux  préfaces  ; 

dans  la  première,  datée  du  1er  octobre  1645, 
Le  Jay  rend  compte  de  l'ouvrage ,  mai»  il  garde 
le  silence  sur  plusieurs  points  importants;  dans 
la  seconde ,  Jean  Morin  soutient  la  supériorité 
du  texte  samaritain  sur  le  texte  des  Juifs, 
opinion  contre  laquelle  Hottinger  avait  déjà  pu- 
blié en  1642  ses  Exercitationes  anti-Mor mien- 
nes. Comme  le  porte  son  titre,  la  Bible  de 
Le  Jay  est  heptaglotte.  Elle  a  de  plus  que  celle 
de  Ximénès  le  syriaque  et  l'arabe.  Elle  se  di- 
vise en  neuf  tomes,  distribués  en  dix  volumes 
grand  in-fol.,  et  forme  deux  corps*  Le  premier, 
qui  comprend  cinq  tomes  (  six  volumes  ),  n'est 
qu'une  copie  ou  une  seconde  édition  de  la  Bible 
d'Arias  Montanus ,  avec  quelques  additions  dans 
le  cinquième  tome;  c'est-à-dire  que  les  quatre 
premiers  tomes  contiennent  l'Ancien  Testament, 
en  hébreu ,  en  chaldéen ,  en  grec  et  en  latin , 
de  la  même  manière  et  dans  la  même  disposition 
que  les  quatre  premiers  volumes  de  la  Poly- 
glotte de  Philippe  II.  Le  cinquième  tome  est  par- 
tagé en  deux  volumes  ;  il  contient  le  Nouveau 
Testament  grec ,  latin  et  syriaque,  qui  compose 
le  cinquième  tome  de  la  Bible  d'Anvers ,  et  de 
plus  le  Nouveau  Testament  en  arabe,  les  quatre 
Épîtres  canoniques  et  l'Apocalypse  en  syriaque. 
Seulement,  à  la  place  du  texte  syriaque,  qui  est 
au  bas  des  pages ,  en  caractères  hébreux,  dans 
l'édition  précédente,  on  a  mis  dans  celle-ci  la 
version  arabe  avec  son  interprétation  latine.  Le 
second  corps  l'enferme  dans  les  quatre  derniers 
tomes  l'Ancien  Testament  en  syriaque  et  en 
arabe  avec  les  traductions  latines.  Les  quatre 
Évangiles  en  arabe  ont  été  imprimés  sur  l'exem- 
plaire de  Rome  de  l'an  1191,  avec  la  version  la- 
tine de  Jean-Baptiste  Raimondi.  Pour  la  se- 
conde partie  du  Nouveau  Testament,  on  a  suivi 
la  Bible  de  Plantin  pour  le  grec,  le  latin  et  le 
syriaque  ;  on  a  seulement  ajouté  en  cette  der- 
nière langue  les  épîtres  canoniques  publiées  en 
1630  par  Pocock.  On  a  suivi  également  le  Pen- 
tateuque arabe  édité'  à  Constantinople  en  1540, 

17 


SU 


LE  JAY 


516 


le  Psautier  publié  en  arabe  à  Gênes  (1506),  en 
syriaque  au  mont  Liban  (1610)  et  à  Paris  (1625). 
Nous  ne  comprenons  donc  pas  comment  les  édi- 
teurs ont  pu  dire,  dans  le  titre  de  cette  Polyglotte, 
qu'elle  est  faite  ex  manuscriptis  toto  fere 
orbe  quœsilis  exemplaribus ,  lorsqu'en  exa- 
minant on  ne  voit  qu'une  douzaine  de  manus- 
crits, dont  la  plupart  se  trouvaient  à  Paris  à  l'é- 
poque où  cette  édition  fut  entreprise.  La  Bible 
de  Le  Jay  est  un  chef-d'œuvre  typographique; 
elle  l'emporte  incontestablement  sous  ce  rapport 
sur  la  Polyglotte  anglaise  de  1657  ;  mais  elle  est 
remplie  de  fautes,  et  la  grosseur  des  volumes, 
la  mauvaise  disposition  des  textes  et  des  ver- 
sions en  rendent  l'usage  incommode.  A  l'exemple 
de  Ximenès ,  Richelieu  voulut  avoir  la  gloire 
d'une  Polyglotte  ;  il  fit  offrir  à  Le  Jay  le  rembour- 
sement de  sa  dépense  et  20,000  écus  de  profit  s'il 
voulait  ôter  son  nom  et  mettre  en  tête  de  l'ou- 
vrage celui  du  cardinal.  Le  Jay  refusa  de  sous- 
crire à  ce  marché.  Les  libraires  d'Angleterre  lui 
offrirent  la  même  indemnité  s'il  voulait  seule- 
ment leur  en  céder  toute  l'impression.  L'auteur 
préféra  la  gloire  à  ses  propres  intérêts.  Pour 
immortaliser  son  nom,  pour  doter  la  France 
d'un  monument  national ,  il  sacrifia  sa  fortune 
et  dix-sépt  années  de  travaux.  L'impression  lui 
avait  coûté  300,000  francs.  Les  cadeaux  et  les 
reliures  achevèrent  de  le  ruiner.  Il  eut  encore 
l'imprudence  de  mettre,  sa  Polyglotte  à  un  prix 
trop  élevé ,  et  refusa  d'en  laisser  six  cents  exem- 
plaires aux  Anglais,  qui  n'en  voulaient  donner 
que  la  moitié  de  la  somme  exigée.  Ceux-ci  char- 
gèrent Walton  de  l'édition  d'une  Polyglotte  beau- 
coup plus  commode,  et  firent  tomber  celle  de 
Le  Jay,  au  point,  dit  Ménage,  que  la  reliure  coû- 
tait plus  que  l'ouvrage.  En  récompense  des  ser- 
vices qu'il  avait  rendus  au  public  «  ayant  cou- 
rageusement entrepris  et  fait  l'édition  de  la 
grande  Bible,  ouvrage  majestueux  consacré  à  la 
gloire  du  règne  du  roi  et  de  la  régence  de  la 
reine  sa  mère,  et  à  l'honneur  et  à  la  réputation 
particulière  de  la  France»,  Le  Jay  obtint  la  con- 
firmation de  ses  titres  de  noblesse  et  le  brevet 
de  conseiller  d'État.  Il  prêta  serment  de  fidélité 
au  mois  de  janvier  1646,  et  jouit  de  toutes  les 
prérogatives  et  appointements  attachés  à  sa  di- 
gnité. Il  embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  fut 
l'année  suivante  pourvu  du  doyenné  de  Sainte- 
Marie-Madeleine  de  Vezelay  en  Bourgogne.  Le 
Jay  ne  put  cependant  jamais  s'acquitter  entière- 
ment des  dettes  qu'il  avait  contractées.  Lorsqu'en 
1657  le  conseil  d'État  fut  réduit  à  vingt  quatre 
membres,  il  se  trouva  du  nombre  des  conseil- 
lers réformés.  C'est  alors,  dit-on,  que  Mazarin 
lui  fit  accorder  une  somme  de  19,000  livres. 
Le  Jay  mourut  avec  la  qualité  de  doyen  de  Veze- 
lay, à  l'âge  de  quatre-vingts  ans.  Lelong ,  La- 
caille,  Ménage  et  d'autres  l'ont  accusé  d'avoir 
détruit  les  caractères  orientaux  qui  avaient 
servi  à  l'impression  de  la  Polyglotte,  afin 
qu'on  ne  pût  rien  imprimer  d'aussi  beau  en  ce 


genre.  Ce  fait  ne  nous  semble  pas  suffisamment 
prouvé.  Des  libraires  hollandais  présentèrent  au 
pape  Alexandre  VII  une  Polyglotte  sous  ce 
titre  :  Biblia  alexandrina  Polyglotta ,  aus- 
piciis  S.  D.  Alexandri  VII,  anno  ejus  ses- 
sionis  XII,  féliciter  inchoata,  Lutetix  Pa- 
risiorum  prostant  apnd  Janssonium  a  Vaes- 
berge,  Joannem  lacobi  Chipper,  Elizœum 
Weirstract  (1666).  C'est  la  Polyglotte  même 
de  Le  Jay,  dont  on  a  retranché  tout  ce  qui  pré- 
cède les  titres.  F.  Tessier. 

Lelong,  Discours  historique  sur  Us  principales  Édi- 
tions des  Bibles  polyglottes  ;  Paris,  1713,  in-12,  p.  104- 
204,  379,399,  400,  545,  546,  547.  —  Colomiès,  Gallia  orien- 
talis,  p.  263.  —  Ménage,  Menagiana,  tom.  H,  71.  —  Chc- 
villicr,  De  l'Origine  de  la  Typographie ,  part.  I,  p.  58, 
298.  —  Baîllet ,  Jugements  des  Savants,  lom.  II,  3.  — 
Lambecius,  lliblioth.  Vindobon.,  tom.  I,  p.  160.  —  La-~ 
caille,  Histoire  de  l'Imprimerie,  liv.  Il,  pag.  240.  — 
Wolfius  ,  Hibliothcca  hebraica ,  tnm .  I. 

lejay  {Gabriel- François),  érudit  français, 
né  à  Paris,  en  1657,  mort  dans  la  même  ville, 
le  21  février  1734. 11  était  neveu  de  Nicolas  Lejay, 
baron  deTilly,  garde  des  Sceaux  et  premier  pré- 
sident du  parlement  de  Paris.  Gabriel-François 
Lejay  fit  ses  études  chez  les  jésuites,  y  prononça 
ses  vœux,  et  devint  l'un  de  leurs  plus  éloquents 
professeurs.  Durant  plus  de  trente  années  il  oc- 
cupa les  chaires  de  rhétorique  et  d'éloquence 
dans  divers  collèges  de  Paris,  surtout  au  collège 
Louis-le-Grand,  où  il  eut  Voltaire  pour  élève. 
Lejay  semblait  avoir  deviné  la  destinée  de  son 
jeune  disciple, avec  lequel  il  avait  souvent  de 
vives  discussions  et  auquel  il  disait  :  «  Va, 
malheureux,  tu  lèveras  un  jour  l'étendard 
du  déisme  en  France.  »  Lejay  mourut  préfet 
du  collège  Louis-le-Grand.  On  a  de  lui  :  Le 
Triomphe  de  la  Religion  sous  Louis  le  Grand, 
représenté  par  des  inscriptions  et  des  de- 
vises; Paris,  1687,  in-12;  —  Gallos  tam/alli 
ab  hoste  nescios  quam  vinci ,  Oratio;  1694; 

—  Régi  ob  détection  regix  urbi  novum  prx- 
sulem,  solemnis  gratiarum  Actio  ;  1696;  — 

—  Josephus   fratres   agnoscens ;    Josephui 
venditus;  Josephus  M gypto  prxfectus  ;  tra- 
gédies, 1696,    1699,  in-12;  —  Gloria  sxeuh 
Gallis   vindicata;  1699,  in-12;   —    Daniel, 
Damocles;  Abdolonymus ;  drames,  1703;  — 
Timandre,  pastorale  en  l'honneur  de  Philippe  V 
1703  ;  — Ludovïco  Magno  pacifico  victori  Gra 
tulatio;  1703;  —Jacobi  secundi,  Magnx-Bri 
tannix  régis,  Laudatio  funebris ;  1703  ; —  Le 
véritable  Sagesse  et  Considérations  pour  tom 
les  jours  de  la  semaine,  trad.  de  l'italien  d\ 
P.  Segneri;  1703;  —  Les  Devoirs  du  chrétiei 
sur  ce  qui  regarde  la  foi  et  les  mœurs,  tiré 
de  VÊcriture  et  des  Pères;  1703;  —  In  na 
talibus  serenissimi  ducis  Brilannix  Orati 
extemporalis ;  1704,  in-12;  —  Les  Antiquité, 
romaines  de  Denys  d'Halicarnasse ,  trad.  d 
grec  et  annotées  ;  1723,  2  vol.  in-4°  ;  —  Biblio 
theca  Rhetorum,  prxcepta  et  exempta  com 
plectens  quas  tam  ad  oratoriam  facullater 
quam  ad  poeticam  pertinent;  Paris,  172.' 


517  LE  JAY  - 

2  vol.  iu-4°;  Venise,  1747,  2  vol.  in-4°;  Jngol- 
stadt,  1765,  5  vol.  in-8°;  nou-v.  édit.,  plus  com- 
plète, Paris,  1809-1813,  3  vol.  in-8°.  On  y 
trouve,  outre  les  ouvrages  précités,  l'indication 
de  beaucoup  d'écrits  inédits  ou  dont  l'impres- 
sion était  restée  ignorée.  A.  L. 

Dreux  du  Radier,  Journal  de  Verdun,  t.  V,  p.  162 
(  tables  ).  —  Duvernet,  Vie  de  Voltaire,  p.  16;  —  Mé- 
moires de  Trévoux,  juin  1716  et  mars  1722.—  L'abbé 
Bellenger,  cinq  Lettres  dans  le  Mercure  de  France, 
mars-mai  1723. 

lejeune  {Claude),  célèbre  musicien  du 
seizième  siècle,  plus  connu  sous  le  nom  de 
Claude  Lejeune,  ou  simplement  sous  celui  de 
Claudin  (1) ,  naquit  à  Valenciennes,  vers  1540  ; 
on  ignore  la  date  précise  de  sa  mort,  mais  elle 
paraît  devoir  être  fixée  entre  les  années  1598  et 
1603.  Claude  Lejeune ,  qui  était  en  grande  laveur 
à  la  cour  de  Henri  III,  fut  chargé,  avec  Salmon 
et  Beaulieu  ,  de  composer  la  musique  des  fêtes 
splendiiies  qui  furent  données  au  Louvre,  en 
1581, à  l'occasion  du  mariage  duduc  de  Joyeuse 
avec  mademoiselle  de  Vatidemont,  belle-sœur 
du  roi.  Un  auteur  contemporain,  Thomas  d'Em- 
bry  ou  d'Ambry,  ami  de  Claude  Lejeune,  parle 
des  merveilleux  effets  que  produisit  sa  musique; 
ses  éloges,  malgré  son  exagération,  n'en  at- 
testent pas  moins  la  réputation  dont  l'artiste 
jouissait  alors  en  France.  Après  la  mort  de  Hen- 
ri III,  Claude  Lejeune  passa  au  service  de  Hen- 
ri IV,  ainsi  que  le  prouvent  les  titres  de  ses  ou- 
vrages imprimés  à  La  Rochelle,  en  1598,  et  à 
Paris  pendant  les  années  suivantes  ;  il  remplis- 
sait alors  à  la  cour  les  fonctions  de  composi- 
teur de  la  chambre  du  roi,  tandis  que  Du 
Caurroy  y  occupait  la  place  de  maître  de  cha- 
pelle. Une  ode  de  Thomas d'Embry  ou  d'Ambry, 
placée  en  tête  d'un  recueil  de  morceaux  de 
Claude  Lejeune,  intitulé  :  Le  Printemps,  et 
imprimé  à  Paris  en  1603,  témoigne  qu'à  cette 
époque  ce  compositeur  n'existait  déjà  plus  ;  cette 
ode  a  pour  titre  :  Ode  sur  la  Musique  de  dé- 
funct  sieur  Claudin  Lejeune.  On  doit  en  con- 
clure que  cet  artiste  mourut,  comme  nous  l'a- 
vons dit  plus  haut,  entre  les  années  1598  et 
H603.  Il  avait  embrassé  la  religion  réformée  ; 
néanmoins  on  trouva  dans  ses  papiers ,  après  sa 
Niort,  une  messe  à  cinq  et  à  six  voix,  qui  fut 
publiée,  en  1607,  par  Pierre  Ballard. 
j  Bien  que  Claude  Lejeune  ait  conservé  dans  la 
plupart  de  ses  compositions  les  formes  du  style 
l'ugué  des  maîtres  du  seizième  siècle ,  son  mé- 
l'ite  comme  musicien  savant  a  été  exagéré  par 


!  (1)  Le  véritable  nom  de  famille  de  ce  musicien  était 
\.e)eune  ;  on  en  trouve  la  preuve  évidente  dans  la  pre- 
mière édition  de  ses  psaumes,  publiée  en  1608,  après  sa 
Inort,  et  dédiée  parla  sœur  de  l'artiste  au  duc  de  Bouil- 
pn,  prince  de  Sedan  :  l'épitre  dédicatoire  de  l'ouvrage 
•st  signée  Cécile  Lejeune. 

\  Le  pronom  de  Claude  ou  Claudin  a  fait  confondre  ce 
pusicien,  par  quelques  auteurs,  avec  Claude  de  Ser- 
pizy,  maître  de  chapelle  de  François  1er,  qu'on  appelait 
ussi  Claudin, *t  dont  les  compositions  sont  indiquées 
|oo«  ce  nom  dans  les  recueils  de  chansons  et  de  motets 
lubliés,  en  1529  et  133j,  par  Pierre  .Wtaignant. 


LEJEUNE  518 

ses  contemporains.  Ses  ouvrages,  souvent  in- 
corrects, ne  peuvent  soutenir  la  comparaison 
avec  ceux  des  bons  maîtres  de  l'école  romaine  ; 
mais  ils  se  font  remarquer,  principalement  ses 
chansons  françaises ,  par  un  tour  élégant  et 
facile.  Cependant  ils  sont  inférieurs  sous  le 
rapport  de  l'invention  aux  compositions  de 
Rolâtid  de  Lassus,  d'Arcadet  et  surtout  de 
Clément  Jannequin. 

On  connaît  de  ce  musicien  :  Livre  demeslanges 
de  C.  Lejeune,  à  quatre,  cinq,  six  et  huit 
voix;  Anvers,  Christophe  Plantin,  1585,  6  vol. 
On  y  trouve  des  motets  latins ,  des  madrigaux 
italiens ,  des  chansons  françaises ,  et  un  Écho  à 
dix  parties;  —  Dodécacorde  contenant  douze 
psaumes  de  David  mis  en  musique  selon  les 
douze  modes  approuvez  par  les  meilleurs 
aut  heur  s  anciens  et  modernes,  à  deux,  (rois, 
quatre, -cinq  ,  six  et  sept  voix;  La  Rochelle, 
J598,  6  vol.  in-4°.  Les  paroles  sont  celles  de  la 
traduction  française  de  Clément  Marot.  —  Le 
Printemps ,  à  deux,  trois,  quatre,  cinq,  six, 
sept  et  huit  parties  ;  Paris ,  1603 ,  6  vol.  in-4u  ; 
—  Missa  ad  placitum,  cum  quinque  et  septem 
voc ibus;  Paris,  1607,  in-fol.  ;  —  Premier  livre 
contenant  cinquante  psaumes  de  David  mis 
en  musique  à  trois  parties  ;  Paris ,  P.  Ballard, 
1607,  3  vol.  L'année  suivante  le  même  impri- 
meur publia  le  second  et  le  troisième  livre  de 
ces  psaumes;  —  Les  Psaumes  de  Marot  et  de 
Théodore  de  Bèze,  mis  en  musique  à  quatre 
et  cinq  parties  ,•  LaRochelle,  in-4°;  ces  psaumes 
ont  eu  beaucoup  de  succès;  —  Octonaires  de 
la  Vanité  et  Inconstance  du  Monde,  mis  en 
musique  à  trois  et  quatre  parties;  Paris, 
1610,  4  vol.  ;  cet  ouvrage  contient  trente-six 
chansons  françaises  ;  —  Second  livre  de  Mes- 
langes;  Paris,  1612,4  vol.  Ce  recueil,  composé 
de  morceaux  à  quatre,  cinq,  six,  sept,  huit  et  dix 
voix,  renferme  des  chansons  françaises ,  des  ma- 
drigaux italiens,  des  psaumes,  des  motets,  un 
Magnificat,  etc.  D.  Denne-Baron. 

Le  V.  Mersenne  ,  Harmonie  universelle.—  Bourdelot, 
Histoire  delà  Musique,  etc.— Burney,/*  gênerai  History 
of  Mutic.  ,-Fétis,  biographie  universelle  des  Mtisiciens. 
—Le  même,  Mémoire  sur  les  Musiciens  néerlandais.  — 
Patria,  Hist.  de  l'Art  Musical  en  France. 

lejeune  {Paul),  missionnaire  français ,  né 
en  1592,  mort  le  7  août  1664.  Il  entra  dans 
la  Société  de  Jésus,  et  fut  envoyé  propager  la 
foi  catholique  au  Canada.  Durant  dix-sept 
années  qu'il  demeura  dans  cette  contrée,  il  dé- 
ploya beaucoup  de  zèle;  mais  le  succès  ne  ré- 
pondit pas  à  ses  espérances ,  et  il  compta  peu  de 
prosélytes  parmi  les  Indiens.  Il  revint  en  France 
vers  1632,  et  publia  aussitôt  saBrieve  Relation 
du  Voyage  de  la  Nouvelle- France  ;  Paris,  1632, 
in-8°.  Le  P.  Lejeune  retourna  au  Canada  en  1634, 
et  n'en  revint  que  cinq  ans  plus  tard  ;  il  fit  pa- 
raître alors  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  en  la 
Nouvelle-France  depuis  l'an  1634  jusqiCen 
Van  1639;  Paris,  1640,  7  vol.  in-12.  Les  ou- 
vrages du  P.  Lejeune  sont  les  premiers  et  les 

17. 


519 


LEJEUNE 


520 


plus  complets  qui  apprirent  aux.  Européens  les 

mœurs   (les  sauvages  de  l'Amérique  du  Nord. 

Ils  sont  encore   fort  intéressants;   une  grande 

partie  des  peuplades  dont  il  parle  ayant  disparu 

et  le  reste  diminuant  chaque  jour.       A.  de  L. 

De  bâcla, Bibliothèque  de  la  Société  de  Jésus.— Lettres 
édifiantes.  , 

lejeune  (Jean- Nicolas),  antiquaire  fran- 
çais, né  en  1750,  mort  à  Metz,  le  Ier  février  1826. 
Après  avoir  été  attaché  pendant  de  longues  an- 
nées à  la  famille  Tschudy  en  qualité  d'homme 
d'affaires,  il  fut  employé  comme  ingénieur  expert 
au  cadastre  depuis  1806.  11  a  publié  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de 
France  ,  société  dont  il  était  correspondant  : 
Notice  sur  les  Voies  romaines  du  départe- 
ment de  la  Moselle,  avec  une  carte,  1826  : 
Lejeune  y  décrit  le  trajet  de  six  voies,  dont  deux 
n'avaient  pas  encore  été  signalées.  Il  en  avait 
omis  une  septième,  que  M.  Bégin  a  indiquée 
dans  son  Histoire  littéraire  du  Pays  Messin  ; 
—  Notice  sur  les  Antiquités  du  département 
de  la  Meurthe;  1826.  Il  avait  aussi  envoyé  à 
l'Académie  royale  de  Metz  une  Notice  sur  un 
camp  romain  découvert  près  de  Boulay.  3.  V. 

Bégin,  Bioijr.  de  la  Moselle.  —  Quérard,  La  France 
Littér. 

lejeune  (Louis-François  baron),  général  et 
peintre  français,  né  à  Strasbourg,  en  1775,  mort  en 
1 850.  Enrôlé  volontaire  en  1 792,dans  la  compagnie 
des  Arts  de  Paris,  il  fut  fait  peu  de  temps  après  ser- 
gent au  1er  bataillonde  l'Arsenal,  et  passa  en  1793 
dans  l'artillerie  à  La  Fère.  Il  se  trouva  aux  sièges 
de  Landrecies,  du  Quesnoy  et  de  Valenciennes,  où 
le  général  Jacob  le  choisit  pour  aide  de  camp.  A  la 
fin  delà  même  année,  il  fut  nommé  lieutenant  ad- 
joint du  génie;  il  fit  en  cette  qualité  la  campagne 
de  1794  en  Hollande  et  une  partie  de  cellede  1795. 
Appelé  en  1798  au  dépôt  de  la  guerre,  il  passa  de 
brillants  examens,  à  la  suite  desquels  il  obtint  le 
grade  de  capitaine  adjoint  au  corps  du  génie,  et 
fut  attaché  au  général  Berthier,  ministre  de  la 
guerre,  comme  aide  de  camp.  Après  la  bataille 
de  Marengo,  il  fut  nommé  capitaine  en  titre.  La 
journée  d'Austerlitz  lui  valut  le  grade  de  chef  de 
bataillon.  Il  prit  encore  part  à  une  foule  de  sièges  et 
de  combats,  fut  fait  colonel  au  siège  de  Sara- 
gosse  et  général  de  brigade  à  la  bataille  de  la 
Moskowa,  le  23  septembre  1812.  Pendant  la 
retraite  de  Russie  et  dans  la  campagne  de  Saxe, 
il  fut  chef  d'état-major  général  du  1er  corps  d'ar- 
mée, puis  des  trois  corps  réunis  sous  les  ordres 
du  maréchal  Oudinot.  Il  assista  à  la  bataille  de 
Lutzen,  au  passage  de  la  Sprée,  à  Bautzen  et  à 
d'autres  affaires.  Au  combat  de  Hoyerswerda, 
il  sauva  l'armée  du  maréchal  Oudinot  en  dé- 
truisant l'artillerie  prussienne.  Dans  sa  longue 
carrière  militaire,  Lejeune  s'était  particulière- 
ment fait  remarquer  au  passage  de  l'Ourthe, 
à  la  prise  de  Lintz  et  au  siège  de  Kolberg. 
Après  la  bataille  d'Essling,  ce  fut  Lejeune, 
alors  aide  de  camp  du  maréchal  Berthier,  qui  se 


i  ehargea  de  procurer  à  Napoléon  la  barque  sur 
laquelle  il  s'échappa  de  l'île   Lobau.  Il  porta 
ensuite  aux  maréchaux  Bessières  et  Masséna 
l'ordre  de  la  retraite.  Sous  la  restauration,  il 
entra  dans  le  corps  d'état-major.  Sous  Louis- 
Philippe,  il  passa  dans  la  section  de  réserve  de 
l'état-rnajor  général,  et  se  retira  à  Toulouse.  Le 
général  Lejeuue,  qui  avait  été  blessé  plusieurs 
fois  sur  les  champs  de  bataille,  reçut  dans  ses 
foyers  un  coup  de  feu  dans  le  bras  tiré  à  bout 
portant  par  un  braconnier.   En  assistant    aux 
grandes  batailles  de  la  révolution  et  de  l'empire, 
l'idée  lui  était  venue  de  les  représenter.  Il  reçut  des 
leçons  du  peintre  Valenciennes,  et  exposa  succes- 
sivement ,  d'après  ses  souvenirs  personnels ,  en 
1800  :  Incendie  de  Charter oï  ;  —  en  1801  :  La 
Bataille  de  Marengo,  toile  qui  fut  achetée  par  le 
premier  consul;  — en  1802  :  Bataille  terrestre 
d'Aboukir;  —  Bataille  du  mont  Thabor;  - 
en  1804  :  Bataille  de  Lodi;  —  en  1806  :  Ba- 
taille des  Pyramides  ;  —  en  1808  :  Bivouac  en 
Moravie;  —  en  1810   :    Bataille  de  Somo- 
Sierra  :  — en  1819  :  Attaque  d'un  convoi  près 
de  Satinas  en  Biscaye;  —  en  1824  :  Passage 
du   Rhin  par  Jourdan;  —  Bataille  de   la 
Moskowa;  — Bataille  de  la  Chiclana; —  en 
1827  :  Une  Scène  du  siège  de  Saragosse  ;  — 
en  1835  :  Edgard  Lejeune  faisant  la  guerre  à 
Polichinelle  ;  —  Promenade  aux  châteaux 
de  Crac  ;  —  La  Cascade  du  lac  d'Oo,  près 
Bagnères  de  Luchon  ;  —  Le  Jardin  du  Mu- 
sée de  Toulouse  par  le  vent  d'autan;  —  en; 
1842  :  Vues  de  Tarascon;  — en  1843  :  Merida 
en  Estramadure  ; —  en  1845  :  Vue  de  Carrare 
et  de  sa  carrière  de  marbre  blanc.  En  1803, 
Lejeune  obtint  la  grande  médaille  d'or.  L.  L— t. 
Sarnit  et  Saint-Edme,  Bionr.  des  Nommes  du  Jour, 
tome  IV,  2e  partie,  p.  286.  —  Bioqr.  univ.  et  portât.  des< 
Contemp.— ■Ch.('.at>et,Z)tcf.  des  artistes  de  l'école  franc, 
au  dix-neuvième  siècle.  —  Livrets  des  Salons,  1800-1845. 
lejeune-dïiuchlet  (Gustave) ,  mathé- 
maticien allemand,  né  à  Diiren  (Prusse   rhé- 
nane), le  11  février   1805,  mort  a  Gœttingue, 
le  8  mai  1859.    Après  avoir  fini  ses  études,  il 
se  rendit,  en  1822,  à  Paris,  et  devint  précepteur; 
des  enfants  du  général  Foy,  où  il  eut  l'occasion 
de  se  lier  avec  plusieurs  mathématiciens  célèbres, 
entre  autres  Fourier.  En  1825  il  composa  un 
mémoire    remarquable    sur  l'impossibilité   de 
quelques  équations  indéterminées  du  cinquième 
degré.  En  1827  il  se  fixa  à  Breslau,  en  qualité 
de  répétiteur  à  l'université;  l'année  suivante  il 
fut  appelé  à  Berlin  pour  y  occuper  unechairedf 
mathématiques.  Après  la  mort  de  Gauss  (voy. 
ce  nom  ),  il  fut  jugé  digne  de  remplacer,  à  l'u 
niversité  de  Gœttingue,  ce  savant  illustre.  De- 
puis 1832  il  fit  partie  de  l'Académie  des  Science.1 
de  Berlin ,  et  en  1854  il  fut  nommé  associé  étran 
ger  de  l'Institut  de  France.  M .  Lejeune-Dirichlet 
à  l'enseignement  duquel  se  sont  formés  la  plupar 
des  jeunes  géomètres  de  l'Allemagne,  s'est  occupi 
spécialement   de   deux  branches  de  matliéma 
tiques  :  1°  de  la  théorie  des  équations  aux  diffé-i 


521  LEJEUNE  • 

rences  partielles,  des  séries  périodiques  et  des 
|   intégrales  définies,  théorie  qui  est  d'une  si  grande 
importance  pour  les  questions  de  physique  ma- 
)  thématique  ;  2°  de  la  théorie  des  nomhres,  par- 
j  tie  la  plus  élevée  et  la  plus  abstraite  des  sciences 
(•  exactes.  Il  a  enrichi  la  science  d'un  grand  nombre 
de  découvertes  précieuses ,  contenues  dans  une 
série  de  mémoires  qui  ont  été  publiés,  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences  de  Ber- 
lin ,  et  dans  le  Journal  de  Mathématiques  de 
Crelle,  et  qui  sont  presque  tous  écrits  en  fran- 
çais. Nous   en  indiquerons  les  suivants  :  Re- 
cherches sur  les  diviseurs  premiers  d'une 
classe  de  formules  du  quatrième  degré  (  Crelle, 
Journal  de  Mathématiques,  t.  III);  —  Mé- 
moire sur  l'impossibilité  de  quelques  équa- 
tions indéterminées  du  cinquième  degré  (t.  III); 
—  Démonstration  nouvelle  de  quelques  théo- 
rèmes relatifs  aux  nombres  (t.  III);  —  Ques- 
tion d'analyse  indéterminée  (t.  III);  —Notes 
sur  les  intégrales  définies  (t.  IV);  —  Sur  la 
convergence  des  séries  trigonométriques  qui 
servent  à  représenter  unefonction  arbitraire 
entre  des  limites  données  (t.  IV)  ;  —  Solution 
d'une  question  relative  à  la  théorie  mathé- 
matique de  la  chaleur  (t.  V)  ;  —  Démonstra- 
tion d'une  propriété  analogue  à  la  loi   de 
réciprocité  qui  existe   entre  deux   nombres 
premiers  quelconques  (t.  IX)  ;  —  Démonstra- 
tion du  théorème  de  Fermât  (1)  jusqu'à  la 
quatorzième  puissance  (t.  IX ) ;  —  Sur  les 
intégrales   eulériennes  (  t.  XV  )  ;  —  Sur  les 
séries  dont  le  terme  général  dépend  de  deux 
angles  et  qui  servent  à  exprimer  des  fonc- 
tions arbitraires  entre  des  limites  données 
(t.  XVII);  —  Sur  l'usage  des  intégrales  défi- 
nies dans  la  sommation  des  séries  finies  ou 
ou  infinies  (t.  XVII);-—  Sur  la  manière  deré- 
soudre  l'équation  t2 — pu2=l,  au  moyen 
des  fonctions  circulaires  (t.  XVII);  —    Sur 
l'usage   des   séries  infinies  dans  la  théorie 
des  nombres  (t.  XVIII);  —  Recherches  sur 
diverses  applications  de  l'analyse  infinitési- 
male à  la  théorie  des  nombres  (t.  XIX  et  XXI)  ; 
—Recherches  sur  la  théorie  des  nombres  com- 
plexes (t.  XXII)  ; — Recherches  sur  les  formes 
quadratiques  à  coefficients  et  à  indétermi- 
nées complexes  (  t.  XXIV)  ;  —  Sur  un  moyen 
général  de  vérifier  l'expression  du  potentiel 
relatif  à  une  masse  quelconque ,  homogène  ou 


(1)  M.  Kummer,  membre  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Berlin,  qui  a  succédé  à  M.  Lcjeune-Dirichet  dans  la 
chaire  de  mathématiques  à  l'université  de  cette  ville,  a 
depuis  donné  une  démonstration  de  l'impossibilité  de 
l'équation  m  -{■  yn  =  pour  tous  les  nombres  premiers 
impairs  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  les  numérateurs 
des  -j  (n— 3)  nombres  premiers  bernoullicns  ;  par 
exemple  pour  n  =  S,  7,  il,  13, 17,  19,  23,  29,  SI,  41,  43,  etc. 
I.e  mémoire  de  M.  Kummer  a  été  couronné  par  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  Paris,  et  se  trouve  dans  le  XI.e  tome 
du  journal  de  Crelle;  la  démonstration,  quoiqu'elle  s'ap- 
plique à  un  très-grand  nombre  de  cas,  n'a  cependant  pas 
toute  la  généralité  requise  ,  et  il  faut  encore  attendre  la 
solution  complète  de  ce  célèbre  problème. 


■  LE  JUSTE  522 

hétérogène  (t.  XXXII);  —  Sur  la  stabilité  de 
l'équilibre  (t.  XXXII);  —  Sur  la  réduction 
des  formes  quadratiques  positives  à  trois 
nombres  entiers  indéterminés  (t.  XL);  —  Sur 
un  problème  relatif  à  la  division  (t.  XLVII); 
—  De  formarum  binariarum  secundi  gradus 
compositione  (t.  XLVII)  ;  —  Éloge  du  mathé- 
maticien Charles-Gustave-Jacob  Jacobi,  lu  à 
l'Académie  des  Sciences  de  Berlin,  le  1er  juillet 
1852  (t.  LU).  R.  Meyer. 

Conversations-Lekicon.  "Journal  de  Crelle. 
LE  joixe  (Pierre  de),  écrivain  du  dix- 
septième  siècle,  dont  la  vie,  nous  le  croyons  du 
moins,  est  restée  inconnue.  C'était  un  de  ces  ri- 
meurs  français  qui,  brouillés  pour  motifs  quel- 
conques avec  le  gouvernement  de  Louis  XIV,  se  re- 
tiraient en  Hollande.  Celui-ci  séjourna  sans  cloute 
longtemps  à  Amsterdam,  et  connaissait  fort  bien 
cette  ville  ainsi  que  le  prouve  la  description  qu'il  en 
a  donnée  en  vers  burlesques,  et  qui,  imprimée  en 
1666  chez  Jacques  Le  Curieux,  forme  un  petit 
volume  que  les  amateurs  placent  dans  la  collec- 
tion elzevirienne,  et  qui  s'est  quelquefois  payé 
jusqu'à  cinquante  francs.  Les   vers  de  Le  Jolie 
révèlent  un  imitateur  de  Scarron;  il  y  a  une 
grande   facilité ,   mais   la  série    d'images    tri- 
viales qu'il  se  plaît  à  tracer  finit  par  devenir 
singulièrement  rebutante.  Il  jugea  à  propos  de 
mettre  en  tête  de  son  livre  une  dédicace  à  très- 
vilains  ,  très-sales,  très-lourds  et  très-igno- 
rants Messieurs  les  boueurs  et  cureurs  de 
canaux  d'Amsterdanu  Observons  aussi  que  des 
bibliographes  avaient  supposé  que  le  nom  de  Le 
Jolie  pouvait  être  un  pseudonyme;  et  comme  la 
Description  d'Amsterdam  offre  quelques  pas- 
sages presque  identiques  avec  la  Relation  bur- 
lesque d'un  Voyage  de  Copenhague  à  Brème 
(Leyde,  1676),  on  avait  supposé  que  Clément, 
auteur  très-peu   connu   de  ce  second  ouvrage , 
pouvait  aussi  avoir  composé  le  premier;  cette 
opinion  est  d'ailleurs  abandonnée  par  les  elze- 
viriographes  les  plus  experts,  et  Le  Jolie  est  re- 
gardé comme  un  personnage  nullement  imagi- 
naire. G.  Brunet. 
Pieters ,  annales  de  l'Imprimerie  des  Elzevier. 
LE  juge  (G.),  peintre-graveur  français,  vivait, 
à  Paris  au  milieu  du  dix-septième  siècle.  On  n'a 
point  de  renseignements  sur  la  vie  et  les  études 
de  cet  artiste;  à  en  juger  par  son  style,  il  appar- 
tenait à  l'école  de  Simon  Vouet  ou  de  quelqu'un 
de  ses  élèves.  Il  a  gravé  à  l'eau-forte  plusieurs 
de  ses  compositions,  telles  que  :  La  Sainte  Fa- 
mille, Apparition   de  Jésus    à  Madeleine, 
Hécube  reconnaissant  le  corps  de  Polydorc, 
Les  Images  des  Dieux  païens ,  suite  de  treize 
pièces,  in-4°.  D'après  Augustin  Carrache,  il  a 
donné  La  Dernière  communion  de  saint  Jé- 
rôme ;  mais  ce  dernier  morceau  est  d'une  touche 
maigre  et  froide.  P.  L— y. 
R.  Duraesnil,  Z,a  Peintre-Graveur,  IV,  26-31. 
le  juste  ou  JUST  (Jean  et  Juste),  sculp- 
teurs, nés  à  Tours,  vers  la  fin  du  quinzième 


523 


LE  JUSTE 


siècle,  vivaient  dans  la  première  moitié  du 
seizième.  Ces  deux  frères  travaillèrent  toujours 
en  commun,  et  ont  laissé  en  France  plusieurs 
monuments  ,  qui  sont  au  nombre  des  plus  pré- 
cieuses sculptures  de  la  renaissance.  Celui  qui 
sans  doute  commença  leur  réputation  fut  le  tom- 
beau des  enfants  de  Charles  VIII  et  d'Anne  de 
Bretagne,  qu'on  admire  dans  une  chapelle  de  la 
cathédrale  de  Tours.  Les  deux  jeunes  enfants 
sont  couchés,  la  tête  reposant  sur  des  coussins; 
deux  anges  prient  auprès,  tandis  que  deux  autres 
à  leurs  pieds  tiennent  leurs  écussons.  Le  cou- 
vercle du  sarcophage  est  orné  d'arabesques  et 
de  bas-reliefs  représentant  les  travaux  de  Sam- 
son.  En  1527,  les  frères  Le  Juste  furent  chargés 
par  François  Ier  du  mausolée  de  Louis  XII  et 
d'Anne  de  Bretagne,Aestiné  à  l'abbaye  de  Saint- 
Denis;  mais  comme  on  sait  que  l'Italien  Paul 
Ponce  Trebati  y  travailla  également,  on  est 
réduit  aux  conjectures  pour  attribuer  à  cha- 
cun de  ces  artistes  ce  qui  lui  appartient;  toute- 
fois, l'opinion  la  plus  générale  est  que  les  figu- 
res sont  de  Paul  Ponce  et  que  tout  le  reste  est 
l'œuvre  des  deux  frères.  On  leur  attribue  encore, 
mais  sans  preuve,le  monument  de  Louis  de  Poh- 
cher  et  de  sa  femme  qui  était  à  Saint-Germain- 
l'Auxerrois ,  et  un  Christ  au  tombeau  entouré 
des  saintes  femmes,  de  saint  Jean,  de  saint  Ni- 
codème  et  de  Joseph  d'Arimathie.  Ces  figures 
colossales  en  terre  cuite,  placées  dans  l'église 
Saint-Florentin  à  Amboise,  représentent  toute 
une  génération  de  cette  famille  Babou  de  La  Bour- 
daisière,  qui  semble  avoir  eu  le  triste  privilège 
de  fournir  des  maîtresses  aux  rois  de  France. 
Les  quatre  femmes  offrent  les  portraits  fort 
ressemblants,  dit-on,  de  Marie  Gaudin,  femme 
de  Philibert  Babou, et  de  ses  trois  filles,  qui  suc- 
cessivement devinrent  les  maîtresses  de  Fran- 
çois Ier  ;  ce  prince  se  reconnaît  dans  le  saint 
Jean  ,  et  Babou  père  dans  la  figure  du  Christ. 
E.  B-n. 

Alex.  Lenoir,  Hist.  des  Arts  en  France  prouvée  par  les 
monuments.  —  Cicognara,  Storia  delta  Scultura.  — 
Fontenay,  Dict.  des  Artistes. 

fc.EK.Aix  (Henri-Louis  Cain,  dit),  célèbre 
tragédien  français,  né  à  Paris,  le  14  avril  1728  , 
mort  dans  la  même  ville,  le  8  février  1778. 
Son  père,  fabricant  d'orfèvrerie,  le  destinait  à 
lui  succéder  dans  sa  profession  ;  et  tenant  à  en 
faire  un  ouvrier  instruit,  il  le  fit  étudier  au  col- 
lège Mazarin.  C'est  là  qu'il  prit  le  goût  de  la 
déclamation.  Il  était  alors  d'usage  de  faire  pré- 
céder la  distribution  des  prix  parla  représenla- 
tion  d'une  pièce  de  théâtre.  Le  jeune  Lekain , 
dont  le  père  n'était  pas  assez  riche  pour  faire 
ies  frais  de  ses  costumes,  ne  prenait  part  à  cette 
solennité  dramatique  que  comme  souffleur; 
mais  déjà  l'instinct  tragique,  qui  se  révélait  à  son 
insu,  lui  inspirait  des  réflexions  et  des  conseils 
sur  la  manière  de  sentir  et  d'interpréter  les  di- 
vers rôles  que  ses  condisciples  recherchaient  et 
s'appropriaient  avec  avidité.   Revenu  à    l'ate- 


-   LEKAIN  524 

lier  de  son  père,  qu'il  secondait  dans  la  mesure 
de  ses  forces,  avec  autant  d'intelligence  que  de 
zèle ,  l'apprenti  orfèvre  n'ambitionnait  pas  de 
plus  douce  récompense,  au  bout  de  la  semaine, 
que  d'aller  au  parterre  de  la  Comédie-Française, 
applaudir  aux  chefs-d'œuvre  de  la  scène.  Bien- 
tôt cette  distraction  lui  devint  insuffisante ,  et 
jaloux  de  donner  l'essor  à  ce  penchant  impé- 
rieux qui  l'entraînait  vers  la  déclamation,  il  s'as- 
socia pour  jouer  la  comédie  «  en  bourgeoisie  », 
selon  sa  propre  expression,  à  plusieurs  jeunes 
gens  de  son  âge.  Cette  société  s'établit  à  l'hôtel 
Jabach,  cloître  Saint-Merry.  Le  succès  de  cette 
petite  troupe  d'amateurs  prit  de  telles  propor- 
tions ,  que  la  Comédie-Française  en  fut  trou- 
blée et  qu'elle  sollicita  et  obtint  la  suppression 
de  ces  représentations.  Voltaire  ayant  eu  occa- 
sion d'y  entendre  Lekain  devina  son  talent  futur. 
11  se  le  fit  présenter,  et  à  partir  de  ce  jour  se 
déclara  son  protecteur.  11  voulut  d'abord  le  dé- 
tourner du  dessein  de  se  faire  comédien  ;  mais 
Lekain,  devenu,  par  la  mort  de  son  père, 
maître  de  ses  actions,  s'y  montrant  bien  résolu, 
Voltaire  se  chargea  de  le  défrayer  de  tout ,  et 
l'aida  de  ses  conseils  pendant  plus  de  six  mois  : 
en  sorte  qu'on  peut  dire  que  c'est  de  ce  grand 
homme  lui-même  que  Lekain  reçut  les  premières 
leçons  de  l'art  qu'il  devait  illustrer.  En  attendant 
que  son  protégé  lut  en  état  de  paraître  sur  la 
scène  française ,  il  le  fit  jouer  sur  un  petit  théâtre 
qu'il  avait  fait  construire  dans  sa  maison  et  sur 
celui  de  la  duchesse  du  Maine  à  Sceaux.  Enfin, 
le  14  septembre  1750,  Lekain  fut  admis  à  débu- 
ter dans  la  tragédie  de  Brutus  par  le  rôle  de 
Titus.  On  sait  que  ses  commencements  furent 
aussi  pénibles  que  brillants.  Ses  débuts  se  pro- 
longèrent pendant  dix-sept  mois  ,  le  laissant 
ainsi  dans  l'incertitude  la  plus  cruelle;  car  ja- 
mais acteur  n'excita  plus  de  dissentiments.  Ses 
adversaires,  presque  toute  la  Comédie  en  tête, 
qui,  mettant  tout  en  œuvre  pour  le  décourager, 
avaient  faitvenirexprèsdeBordeauxl'acteur  Bel- 
lecourt,  afin  de  le  lui  opposer,  lui  refusaient  la 
chaleur,  la  verve  et  jusqu'à  l'intelligence.  Ses 
partisans,  faisant  la  part  de  l'inexpérience,  excu- 
saient ses  défauts  et  proclamaient  en  lui  l'homme 
de  génie  qui  ferait  oublier  les  Baron,  les  Du- 
fresne,  ses  prédécesseurs.  Fatigué  de  tant  de 
persécutions,  Lekain  renonça  à  l'espérance  d'être 
reçu,  et  il  était  au  moment  décédera  l'invitation 
du  roi  de  Prusse  et  de  se  rendre  à  Berlin,  quand 
la  princesse  de  Bobecq,  qui  l'aimait  et  le  proté- 
geait ainsi  que  Voltaire  s'opposèrent  à  son  des- 
sein. C'est  seulement  après  avoir  obtenu,  non 
sans  peine,  de  Grand  val,  son  chef  d'emploi,  de 
jouer  le  rôle  à'Orosmane  à  la  cour,  qu'il  em- 
porta enfin  son  ordre  de  réception.  Il  en  fut  re- 
devable au  suffrage  de  Louis  XV.  On  s'était 
efforcé  de  prévenir  contre  lui  ce  prince,  qui  avait 
ungoût  juste  et  naturel.  Après  la  représentation, 
le  roi  parut  étonné  qu'on  parlât  si  mal  de  l'ac- 
teur qu'il  venait  d'entendre..  «  Il  m'a  fait  pleurer, 


525 


dit-il,  moi,  qui  ne  pleure  guère;  je  le  reçois.  » 
Lekain  fut  admis  le  24  février  1752,  à  quart  et 
demi  de  part;  il  n'avait  reçu  jusque  là  que 
douze  cents  livres  par  an.  Tous  les  ennuis , 
tous  les  obstacles  qu'il  avait  rencontrés  sur  sa 
route  n'avaient  fait  qu'irriter  son  ardeur,  et  il 
appliqua  désormais  tous  ses  soins ,  toute  sa  vi- 
gilance à  se  corriger  de  ses  défauts.  On  lui  re- 
prochait dès  le  principe  les  imperfections  de 
son  visage  et  de  sa  voi\  ;  il  vouiut  que  le  travail 
et  l'art  vinssent  à  son  secours  pour  les  réformer. 
11  s'accoutuma  à  donner  à  sa  physionomie  une 
expression  vive  et  marquée  qui  en  fît  disparaître 
les  désagréments;  il  sut  dompter  son  organe  et 
l'assouplir  si  heureusement,  que  les  critiques  les 
plus  éclairés  de  son  temps  déclarent  n'avoir  ja- 
mais entendu  aucune  voix  humaine  dont  les  in- 
flexions fussent  plus  sûres  et  plus  variées  ,  d'un 
pathétique  plus  touchant  et  plus  terrible.  Enfin, 
il  atteignit  au  point  de  produire  une  illusion 
telle,  que  dans  les  moments  de  passion  il  n'é- 
tait pas  rare  d'entendre  les  femmes  s'écrier  aus- 
sitôt qu'il  avait  parlé  :  Qu'il  est  bemi! 

Idolâtre  de  son  art,  soucieux  de  ses  progrès, 
Lekain  y  consacrait  tout  son  temps ,  tous  ses 
instants ,  toutes  ses  dépenses.  Non  moins  fami- 
liarisé avec  le  dessin  qu'avec  l'étude  de  l'histoire, 
il  entreprit,  de  concert  avec  Mlle  Clairon,  de  ré- 
former le  costume ,  qui  jusqu'à  eux  offrait  l'i- 
mage d'une  friperie  burlesque.  S'il  n'y  réussit 
pas  complètement,  il  ne  faut  pas  moins  lui  tenir 
compte  de  ses  efforts  et  des  améliorations  qu'il 
introduisit.  C'est  lui  encore  qui  provoqua  avec 
beaucoup  d'insistance  la  suppression  des  ban- 
quettes qui  encombraient  la  scène;  il  est  vrai 
que  la  libéralité  du  comte  de  Lauraguais  contri- 
bua àtrancherfavorablement  la  question  (  1759  ). 
D'un  autre  côté,  on  peut  reprocher  à  Lekain 
d'avoir  été  le  premier  qui  ait  offert  l'exemple  de 
cette  déplorable  manie,  si  fort  usitée  depuis  parmi 
les  comédiens,  de  donner  des  représentations 
en  province.  Sa  fortune  y  gagna,  sans  doute; 
mais  les  jouissances  du  public  se  ressentirent  de 
ses  absences,  trop  fréquentes  dans  les  dernières 
années  de  sa  vie ,  que  ne  justifiait  pas  d'ailleurs 
suffisamment  l'état  de  sa  santé. 

Citer  les  rôles  dans  lesquels  Lekain  a  brillé,  ce 
serait  vouloir  citer  tous  ceux  qu'il  a  joués.  Ceux 
de  Tancrède,  de  Mahomet ,  de  Gengis  fondè- 
rent sa  réputation.  Zamore  ,  Bhadamiste,  Ni- 
comède,  Oreste  et  surtout  Orosmane  ne  lui 
firent  pas  moins  d'honneur.  N'oublions  pas  Né- 
ron, qui  jusqu'à  lui  n'avait  été  qu'un  rôle  secon- 
daire, et  dans  lequel,  grâce  à  sa  pantomime,  aussi 
puissante  que  sa  déclamation ,  il  sut  présenter 
«  la  vive  et  frappante  image  de  la  jeunesse  d'un 
tyran  échappant  pour  la  première  fois  aux  liens 
de  la  contrainte  et  de  l'habitude  ».  L'anecdote 
qui  suit  en  fournit  la  preuve  :  dans  la  grande 
scène  de  son  fauteuil  Mme  Dumesnil  jouait 
Agrippine  ;  elle  arriva  au  vers  fameux. 

Vous  êtes  un  ingrat,  vous  le  fûtes  toujours  ! 


LEKAIN  526 

En  prononçant  ces  paroles  ,  la  célèbre  tragé- 
dienne s'oublia  au  point  de  frapper  sur  l'épaule 
de  Néron;  mais  Lekain,  toujours  maître  de 
lui-même,  se  leva  et  lança  sur  Agrippine  un  re- 
gard indigné  et  hautain  qui  la  pétrifia.  Le  pu- 
blic saisit  avec  intelligence  l'intention  du  tragé- 
dien, et  manifesta  son  enthousiasme  par  les 
plus  vifs  transports.  C'est  dans  le  rôle  de  Ven- 
dôme, qu'il  affectionnait ,  que  Lekain  se  montra 
pour  la  dernière  fois.  Il  y  fut  généralement 
trouvé  supérieur  à  lui-même.  Une  violente  in- 
flammation d'entrailles  se  déclara  à  la  suite  de 
cette  représentation  ;  bientôt  elle  se  compliqua 
de  la  gangrène  ,  et  dès  lors  toute  la  science  de 
Tronchin  fut  impuissante  à  combattre  le  mal. 
Depuis  le  24  janvier,  début  de  sa  maladie  jus- 
qu'au jour  de  sa  mort,  le  parterre  ne  cessa  de 
demander  de  ses  nouvelles ,  au  commencement 
du  spectacle  ;  et  lorsque ,  le  8  février,  il  lui  fut 
répondu  par  Monvel  ces  seuls  mots  :  «  Il  est 
mort  »,  une  stupeur  générale  succéda,  et  tous 
les  spectateurs  sortirent  de  la  salle  à  l'instant 
même ,  en  répétant  :  «  11  est  mort  !  » 

Lekain  ne  manquait  pas  d'instruction  ;  il  avait 
beaucoup  étudié  sur  son  art,  et  n'avait  rien  né- 
gligé pour  acquérir  toutes  les  connaissances  utiles 
au  but  qu'il  poursuivait.  Son  jugement,  était  droit 
et  sain  ;*  mais  il  avait  besoin  de  méditer  longue- 
ment et  profondément.  Sa  conversation,  qui 
n'offrait  rien  de  saillânt,annonçait  un  esprit  sage 
et  réfléchi;  cependant  il  avait  l'esprit  d'à-propos, 
et  sans  reproduire  ici  sa  réponse ,  si  connue,  à 
certain  chevalier  de  Saint-Louis,  nous  citerons 
une  repartie  qui  l'est  moins.  Un  auteur  qui  avait 
éprouvé  des  revers  quelque  temps  avant  les  re- 
présentations du  Siège  de  Calais,  critiquait 
vivement  cette  pièce  au  foyer  des  comédiens, 
et  soutenait  qu'il  n'y  avait  pas  un  vers  à  citer. 
Lekain  lui  représenta  modestement  son  injustice, 
en  lui  disant  que  cette  tragédie  renfermait  de 
très-beaux  vers.  «  Citez-m'en  un  seul,  reprit 
l'auteur  tombé  ,  et  je  passe  condamnation.  » 
Alors,  indigné ,  Lekain  s'avance,  et  lui  recite  ce 
vers  : 

Vous  fûtes  malheureux,  et  vous  êtes  cruel! 

[  Acte  V,  se.  X .] 

Ce  vers,  qui  rappelait  à  cet  auteur  envieux  sa 
tragédie  tombée,  le  força  de  se  retirer,  et  la 
présence  d'esprit  de  Lekain  lui  valut  les  applau- 
dissements des  personnes  présentes.  On  connaît 
le  bon  tour  qu'il  joua  à  Marmontel,  qui,  fort  de 
la  protection  de  la  marquise  de  Pompadour, 
avait  mutilé  le  Venceslas  original  de  Rotrou, 
lorsque  cette  tragédie  fut  reprise  pour  la  cour. 

Lekain  eut  dans  le  cours  de  sa  carrière  quel- 
ques contrariétés  à  subir,  dont  son  incontestable 
supériorité  ne  le  préserva  pas.  Une  de  ses  mor- 
tifications la  plus  sensible  fut  son  emprisonne- 
ment pendant  vingt-cinq  jours  au  For-1'Evêque,  à 
la  suite  de  l'incident  orageux  qui  signala  (16  avril 
1765)  une  des  représentations  de  la  pièce  de 
de  Belloy.   Lekain  avait  été  marié.    Il   avait 


527  LEKAIN  —  LE 

épousé  ,  par  inclination,  une  jeune  actrice  du 
même  théâtre.  Reçue  à  l'essai,  en  1757,  elle,  de- 
vint sociétaire  en  1761,  grâce  à  l'influence  de 
son  mari ,  se  retira  en  1767,  et  mourut  en  1775. 
Deux  fils  naquirent  de  cette  union.  Par  une  fa- 
talité bien  étrange,  Voltaire,  qui  fut,  pour  ainsi 
dire,  son  maître,  ne  le  vit  jamais  jouer  depuis 
ses  premiers  essais.  Ce  fut  le  jour  même  qu'on 
inhuma  Lekain,  que  son  illustre  Mécène  revint  à 
Paris,  après  tant  d'années  d'absence. 

Les  Mémoires  de  Lekain  ont  été  publiés  par 
son  fils  aîné  ;  ils  sont  suivis  d'une  Correspon- 
dance (inédite)  de  Voltaire,  Garrick,  Colar- 
deait,  etc.;  Paris,  an  ix,  1  vol.  in-8°;  une  autre 
édition,  précédée  de  réflexions  sur  cet  acteur 
et  sur  l'art  théâtral,  par  F.  Talma,  a  paru  chez 
Ponthieu;  Paris,  1825,  in-8°.  Elle  fait  partie  de 
la  Collection  des  Mémoires  sur  l'Art  drama- 
tique. Ces  mêmes  Mémoires  ont  été  repro- 
duits ,  mais  tronqués,  dans  la  Bibliothèque  des 
Mémoires  relatifs  à  l'histoire  de  France, 
t.  VI,  par  E.  Barrière;  Paris, Didot,  1846-1849, 
in- 12.  On  a  publié,  en  1816,  une  brochure 
intitulée  :  Lekain  dans  sa  jeunesse,  ou  Dé- 
tails historiques  sur  ses  premières  années, 
écrits  par  lui-même,  in-8°.  Les  mémoires  de 
l'acleur  Mole  contiennent  sur  ceux  de  Lekain 
une  notice  assez  bien  faite. 

Là  Bibliothèque  impériale  possède  le  Journal 
manuscrit  des  représentations  de  Lekain ,  et 
une  copie  certifiée  authentique  par  son  fils  aîné 
d'une  Description  de  toutes  les  villes  qu'il 
avait  parcourues  dans  ses  voyages,  soit  en  France, 
soit  à  l'étranger,  in-4°  de  355  pages.  Lekain  fut 
l'éditeur  de  la  première  édition  de  la  tragédie 
à' Adélaïde  du  Guesclin;  Paris,  1766,  in-8°. 
Elle  était  précédée  d'une  préface  de  l'éditeur. 
E.  de  Manne. 

Correspondance  de  Voltaire  —  Idem  de  Grimm.  — 
Idem  de  La  Harpe.—  Mercure  de  France,  mars  1773. 
—  Mémoires  de  Mole.  —  Mémoires  de  Lekain.  —  Ga- 
lerie du  Théâtre-Français,  par  Lemazutïer. 

le  reux  (  John  ) ,  graveur  anglais ,  né  en 
1784,  à  Londres,  où  il  est  mort,  le  2  avril  1846. 
Élève  de  James  Basire ,  il  s'attacha  surtout  à 
reproduire  les  dessins  d'architecture,  et  fut  un 
des  artistes  qui,  par  leurs  efforts  persévérants, 
contribuèrent  à  ramener  le  goût  au  culte  de 
l'art  gothique.  Il  grava  la  plupart  des  planches 
des  ouvrages  suivants  :  Architectural  Antiqui- 
ties  de  Britton;  —  Anliquities  of  Normandy , 
Gothic  Examples  et  Gothic  Spécimens,  de 
Pugin;  —  Westminster  Abbey  et  Churches, 
de  Neale  ;  —  Memorials  of  Oxford  and  Cam- 
bridge, etc.  Son  fils,  J.-H.  Le  lieux,  suit  la 
même  profession..  P.  L — y. 

Enqlish  Cyclop.  (  Biography  ). 

le  laboureur  (Claude),  généalogiste 
français,  vivait  au  dix-septième  siècle  II  était 
prévôt  de  l'abbaye  de  risle-Sainte-Barbe-lès-Lyon  ; 
mais  ayant  parlé  d'une  manière  indiscrète  du  cha- 
pitre de  son  église  à  l'archevêque  de  Lyon  en 
lui  présentant  son  premier  ouvrage,  il  se  trouva 


LABOUREUR  528 

en  butte  aux  persécutions  de  ses  collègue?,  et  fut 
forcé  de  résigner  sa  prévôté.  On  a  de  lui  :  Ao- 
tes  et  Corrections  faites  sur  le  Bréviaire  de 
l'abbaye  de  Lyon;  Lyon,  1643,  in-8°;  —  Les 
Mazuresde  l'abbayede  V Isle-Barbe-lès-Lyon, 
avec  le  catalogue  de  ses  abbez;  Lyon,  1665- 
1682,  in-4°;  —  Discours  de  l'origine  des  armes, 
et  des  tenues  usilez  pour  l'explication  de  la 
science  héraldique;  Lyon,  1658,  in-4°;  — 
Épître  apologétique  contre  le  père  Menestrier, 
in-4°  ;  —  Histoire  généalogique  de  la  Maison 
de  Sainte-Colombe  et  autres  maisons  alliées;' 
Lyon,  1673,  in-8°.  J.   V. 

Nicéron,  Mém.,  t.  XIV,  p.  127.  —  Lelong,  Bibl.  hist.  de 
la  France. 

le  laboureur  (  Louis) ,  poète  français, 
neveu  du  précédent,  mort  le  21  juin  1679,  à  Mont- 
morency. Il  était  bailli  de  cette  ville,  poste  qu'a- 
vaient occupé  son  père ,  son  grand-père  et  son 
trisaïeul.  On  a  de  lui  :  Les  ■  Victoires  du  duc 
d'Anguien,  en  trois  divers  poèmes  ;  Paris , 
1647,  in-4°  ; —  Charlemagne,poëme  héroïque, 
Paris,  1664,  1666,  1687,  in-12;  —  La  Pro- 
menade de  Saint-Germain  ;  Paris,  1669,  in-12  ; 
—Avantages  delà  langue  françoise sur  la  la- 
tine; Paris,  1669,  in-12.  J.  V. 

Nicéron,  Mém.,  t.  XIV,  p.  126.  —  Lelong,  Bibl.  Hist.  de 
la  France. 

le  laboureur  [Jean  ) ,  historien  français, 
frère  du  précédent,  né  à  Montmorency,  en  1623, 
mort  au  mois  de  juin  1675.  Il  commença  de 
bonne  heure  à  écrire,  et  il  avait  à  peine  dix- 
huit  ans  lorsqu'il  fit  paraître  son  premier  ou- 
vrage. Il  était  à  la  cour  en  1644,  en  qualité  de 
gentilhomme  servant  du  roi,  lorsqu'il  fut  choisi 
pour  accompagner  la  maréchale  de  Guébriant 
\voy.  ce  nom)  en  Pologne,  où  elle  allait  con- 
duire Marie  de  Gonzague,  mariée  au  roi  Ladis- 
las  IV.  Le  Laboureur  fit  le  voyage  avec  cette 
princesse,  et  revint  un  an  après  avec  la  maré- 
chale. Dès  qu'il  fut  de  retour  en  France,  il  entra 
dans  l'état  ecclésiastique,  et  fut  fait  aumônier  du 
roi.  Ayant  obtenu  le  prieuré  de  Juvigné,  il  en 
prit  le  titre,  sous  lequel  il  est  aussi  connu.  Ses  ou- 
vrages lui  valurent  en  1664  la  dignité  de  com- 
mandeur de  l'ordre  de  Saint-Michel.  Il  laissa  ses 
papiers  à  Clairembaud,  généalogiste  de  l'ordre 
du  Saint-Esprit.  On  a  de  Jean  Le  Laboureur  : 
Recueil  des  Tombeaux  des  personnes  illus- 
tres dont  les  sépultures  sont  dans  l'église 
des  Céleslins  de  Paris,  avec  leurs  éloges,  gé- 
néalogies, armes,  blasons  et  devises;  Paris, 
1641,  in-4°;  1642,  in-fol.  ;  —  Relation  du 
Voyage  de  la  royne  de  Pologne  et  du  retour 
de  madame  la  maréchale  de  Guébriant,  am- 
bassadrice extraordinaire  et  surintendante, 
de  sa  conduite  par  la  Hongrie,  l'Autriche,  la 
Styrie,  la  Carinthie,  le  Frioulet  l'Italie;  Paris, 
1647,  in-4°  :  cet  ouvrage  contient  un  discours 
historique  sur  toutes  les  villes  et  États  par  où  a 
passé  l'ambassadrice  et  un  traité  particulier  du 
royaume  de  Pologne,  de  son  gouvernement  an- 


529  LE  LABOUREUR  —  LELAKD 

>  L-icn  et  moderne,  de  ses  provinces  et  de  ses  prin- 
|  pes,  avec  plusieurs  tables  généalogiques  de  sou- 

erains;  —  Histoire  du  Comte  de  Guébriant, 
maréchal  de  France;  Paris,  1656,  in-fol.  : 
cette  histoire  est  composée  sur  les  mémoires 
jju  maréchal,  sur  les  instructions  de  la  cour, 
i  les  lettres  du  roi  et  des  ministres,  et  d'autres 
bapiers  d'État;  l'auteur  y  a  joint  l'histoiregénéalo- 
gique  de  la  maison  de  Budes  et  d'autres  familles 
pe  Bretagne  qui  en  sont  issues;  —  Les  Mé- 
moires de  Michel  de  Castelnau,  seigneur  de 
mtauvissière ;  Paris,  1659,  2  vol.  in-fol.  :  ces 
'mémoires  avaient  déjà  été  imprimés  en  1621  ; 
iLe  Laboureur  les  augmenta  de  plusieurs  com- 
ipnentaires  manuscrits,  de  lettres,  négociations  et 
jiutres  pièces  secrètes  et  originales  ;  il  y  joignit 
|es  éloges  des  rois,  princes  et  personnes  illus- 
tres du  temps  et  l'histoire  généalogique  de  la 
i(naison  de  Castelnau;  il  entreprit  ce  travail  à  la 
[prière  de  Jacques  de  Castelnau,  maréchal  de 
France;  —  Histoire  de  Charles  VI,  roy  de 
f'rancc,  écrite  par  les  ordres  et  sur  les  mé- 
moires et  les  avis  de  Guy  de  Monceaux  et 
ne  Philippe  de  Villette,  abbés  de  Saint- 
pen y s,  par  un  auteur  conterriporain,  reli- 
gieux de  leur  abbaye,  traduite  sur  le  ma- 
nuscrit latin  tiré  de  la  bibliothèque  de  M.  le 
président  de  Thon;  Paris,  1663,  2  vol. in-fol.  Le 
Laboureur  devait  joindre  à  sa  traduction  des 
Commentaires  qu'il  n'a  pas  publiés;  il  a  seulement 
jplacé  en  tête  du  premier  volume  des  Mémoires 
pour  servir  d'introduction  à  V Histoire  du 
fègne  de  Charles  VI  et  une  Histoire  parti- 
culière des  quatre  princes  gouverneurs  du 
hroyaume  pendant  la  minorité  de  Charles  VI, 
iivec  des  tables  généalogiques  de  tous  les  descen- 
dants de  ce  roi;  comme  l'histoire  du  religieux 
anonyme  de  Saint-Denys,  que  Le  Laboureur 
Icroitètre  Benoit  Gentien,  finit  à  1416,  il  y  a 
jjoint  l'histoire  du  même  prince  par  Jean  Lefè- 
hrre,  sieur  de  Saint-Remy,  lequel,  passe  lé- 
gèrement sur  les  premières  années  de  ce  règne 
[et  ne  commence  à  s'étendre  qu'à  partir  de  141 1  ; 
—  Tableaux  généalogiques  des  seize  quar- 
tiers de  nos  rois  depuis  saint  Louis  jusqu'à 
présent,  des  princes  et  princesses  qui  vivent 
et  de  plusieurs  seigneurs  du  royaume  ;  Paris, 
1683,  in-fol.  Cet  ouvrage,  qui  contient  le  nom  et 
les  armes  de  près  de  huit  cents  familles,  a  été 
publié  par  le  père  Menestrier  ;  —  Discours  de 
V origine  des  Armoiries  ;  Paris,  1684,  in-4°.  Le 
père  Lelong  pense  que  les  deux  derniers  tomes 
des  Mémoires  de  Sully,  qui  furent  imprimés  en 
1662  à  Paris,  in-fol.,  l'ont  été  par  les  soins  de 
Le  Laboureur.  Brunet  lui  attribue  l'édition  des 
Économies  royales;  Paris,  1064,  avec  une  suite 
qui  renferme  les  événements  depuis  1610  jusques 
I  en  1628.  On  lui  attribue  Réponse  au  libelle  inti- 
I  tulé  :  Bons  avis  sur  plusieurs  mauvais;  1650, 
in-4°.  Le  Laboureur  avaitlaissé  en  manuscrit  une 
Histoire  de  la  Pairie  de  France,  qui  se  con- 
serve à  la  Bibliothèque  impériale,         J.  V. 


530 

Lelons,  Bibliothèque  Historique  de  la  France.  —  Nl- 
cér'on,  mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  hommes 
illustres,  tome  XIV,  p.  111.  —  Barbier,  Dictionnaire 
des  Anonymes-  —  Brunet,  Manuel  du  Libraire,  p.  392. 

lelaé  (Claude-Marie),  poëte  breton,  né  le 
8  avril  1745,  à  Gorrequear-coum,  près  Lannilis, 
moitié  11  juin  1791,  àLanderneau.  Il  était  avocat, 
et  fut  à  la  révolution  nommé  juge  au  tribunal 
du  district  de  Landerneau.  On  a  de  lui,  en  pa- 
tois bas-breton,  divers  morceaux  de  poésie, 
deux  poèmes,  des  chansons ,  des  satires  et  des 
épigrammes,  qui  ont  joui  longtemps  d'une  cer- 
taine popularité.  «  Ses  vers  ont  encore  la  faculté, 
disait  Cambry  en  1799,  de  faire  rire  aux  éclats, 
d'un  rire  inextinguible,  les  hommes  de  la  cam- 
pagne les  moins  instruits,  les  gens  de  la  ville  les 
plus  éclairés,  les  femmes,  les  enfants,  tous  ceux 
qui  les  entendent.  Il  serait  impossible  d'en 
donner  une  idée  ;  leur  esprit  tient  presque  tou- 
jours à  l'originalité,  à  la  poésie,  au  mordant  du 
langage.  »  Le  poème  intitulé  Michel  Morin 
(imprimé  àMorlaix,  vers  1775)  est  cité  comme 
un  chef-d'œuvre  de  style  et  de  gaîté  ;  c'est  au 
reste  une  paraphrase  ingénieuse  de  la  pièce  ma- 
caronique  qui  porte  le  même  titre.  K. 

Miorcec  de  Kerdanet,  Les  Écrivains  de  la  Bretagne, 
387.  —  Carabry,  Voyage  dans  le  Finistère,  II,  177. 

I.ELAM)  ou  latlonde,  archéologue  an- 
glais, né  à  Londres,  au  commencement  du  sei- 
zième siècle,  mort  le  18  avril  1552.  Il  commença 
ses  études  à  l'école  de  Saint-Paul  sous  "William 
Lely,  et  les  acheva  au  collège  du  Christ  à  Cam- 
bridge. On  prétend  qu'il  fut  agrégé  à  cet  établis- 
sement. Cependant  il  ne  tarda  pas  à  le  quitter,  et 
passa  plusieurs  années  dans  le  collège  de  All- 
Souls  à  Oxford.  A  la  connaissance,  alors  rare, 
de  l'ancien  allemand  et  du  welche  (  gallois  ),  il 
joignait  celle  du  grec  et  du  latin.  Il  se  fortifia 
dans  les  langues  classiques  par  un  voyage  à 
Paris,  où  il  connut  Guillaume  Budée,  Lefèvred'É- 
tapies,  Paul  Emile,  Jean  Ruel,  François  Silvius, 
et  apprit  en  même  temps  le  français,  l'italien  et 
l'espagnol.  A  son  retour  en  Angleterre,  il  entra 
dans  les  ordres  sacrés,  et  devint  chapelain  de 
Henri  VIII,  qui  Je  nomma  recteur  de  Popeling 
dans  le  territoire  de  Calais,  le  choisit  pour  bi- 
bliothécaire,  et  le  nomma,  en  1533,  son  anti- 
quaire. La  commission  qui  lui  conférait  ce  titre 
le  chargeait  de  rechercher  les  antiquités  d'An- 
gleterre, de  visiter  les  bibliothèques  de  toutes  les 
cathédrales,  des  abbayes,  des  prieurés,  des  col- 
lèges et  en  général  tous  les  lieux  où  se  conser- 
vaient des  manuscrits,  des  archives  et  autres 
documents  antiques.  Leland  consacra  six  ans  à 
parcourir  l'Angleterre  et  le  pays  de  Galles,  et  à 
recueillir  les  matériaux  d'une  histoire  de  sa  pa- 
trie. Il  apporta  tant  de  zèle  dans  l'exécution  de 
ce  dessein  que,  non  content  des  renseignements 
que  lui  fournissaient  les  bibliothèques,  les  vi- 
traux et  les  sculptures  des  cathédrales  et  des 
monastères,  il  examina  les  débris  des  construc- 
tions romaines,  saxonnes  ou  danoises,  et  nota 


531  LELAND 

les  tumulus,  les  médailles  et  les  inscriptions.  Le 
roi  le  récompensa  de  son  infatigable  activité  en 
le  nommant  en  1542  recteur  d'Hasely  dans  le 
comté  d'Oxford  et  en  1543  chanoine  du  collège 
du  Roi  (maintenant  Christ-Church )  à  Oxford. 
Leland  obtint  un  peu  plus  tard  une  prébende 
dans  la  cathédrale  deSalisbury.  En  1545,  ayant 
arrangé  en  quatre  livres  la  partie  de  ses  recher- 
ches qui  se  rapporte  aux  illustres  écrivains  de 
la  Grande-Bretagne,  il  la  présenta  au  roi  sous  le 
titre  de  A  newe  year's  Gif  te ,  avec  le  plan  du 
grand  ouvrage  qu'il  projetait.  Pour  le  composer, 
il  se  retira  dans  une  maison  qui  lui  appartenait, 
et  pendant  six  ans  il  travailla  sans  relâche. 
L'excès  du  travail  troubla  sa  raison,  et  ses 
grands  travaux  sur  les  antiquités  de  l'Angleterre 
ne  furent  jamais  achevés.  Les  papiers  de  Leland 
passèrent  entre  les  mains  du  précepteur  d'E- 
douard VI,  sir  John  Cheke,  qui  n'en  put  tirer 
parti,  à  cause  des  persécutions  religieuses  qui 
suivirent  la  mort  de  ce  prince.  Forcé  de  quitter 
l'Angleterre,  il  laissa  quatre  volumes  in-folio  des 
collections  de  Leland  à  Humphrey  Purefoy.  Ces 
volumes  passèrent  à  Burton,  auteur  d'une  His- 
toire du  comté  de  Leicester,  lequel  se  procura 
huit  autres  volumes  des  manuscrits  de  Leland 
appelés  son  Itinéraire ,  et  déposa  le  tout  en 
1632  dans  la  bibliothèque  Bodléienne.  Quelques 
manuscrits  de  Leland  font  partie  de  la  collection 
Coltonienne  dans  le  British  Muséum.  Ho- 
linshed ,  Drayton ,  Camden ,  Dugdale ,  Stowe  , 
Lambard ,  Battely,  Wood  ont  fait  un  fréquent 
usage  des  matériaux  laissés  par  Leland.  Ce  sa- 
vant composa  avec  Nicolas  TJdall  les  vers  anglais 
et  latins  qui  furent  prononcés  au  couronnement 
d'Anne  Boleyn.  On  a  de  Leland  :  ISsenix  in 
mortem  Thorax  Viati;  Londres,  1542,  in-4°; 
—  Genethliacon  illust.  Edwardi,  principis 
Cambrix  ;  Londres,  1543,  in-4°.  Comme  l'au- 
teur avait  employé  dans  ce  poème  de  vieux 
mots,  il  y  joignit  un  Syllabus  et  Interpretatio 
antïquarum  Dictionum;  —  Asserlio  incly- 
tissimi  Arturii,  régis  Britannix;  Londres, 

1544,  in-4°,  avec  un  Elenchus  antiquorum 
Nominum;  cet  ouvrage  a  été  traduit  en  anglais 
par  Robinson,  sous  ce  titre  :  Ancient  Order,  So- 
ciety and  Unitie  laudable  of  prince  Arthur 
and  (lis  Knightly  armory  of  the  round  Ta- 
ble ;  1583;  —  Cygnea  Cantio,  avec  des  Com- 
mentant in  cygneam  cantionem,  indices  Bri- 
tannix antiquilalis  locupletissimi ;  Londres, 

1545,  in-4°;  —  Laudatio  Pacis  ;  Londres,  1546, 
in-4°; — Aneuje  year's  Gif  te  ;  Londres ,  1549, 
in-S°  ;  —  Principum  ac  illustrium  aliquot  et 
eruditorum  in  Anglia  virorum  Encomia, 
Trophxa,  Genelhliaca  et  Epithalamia;  Lon- 
dres, 1549,  in-4°;  —  Commentarii  de  Scrip- 
loribus  britannicis ,  publiés  par  Anthony 
Hall;  Oxford,  1709,  2  vol.  in-8°;  —  Itinerary, 
publié  par  Thomas  Hearne  ;  Oxford,  1710-1712, 
9  vol.  in-8°,  a  eu  plusieurs  éditions;  —  De  ré- 
bus britannicis  Colleclanea,  publié  par  Tho- 


53 


mas  Hearne;  Oxford,  1715,6vol.  in-&°,réimprim 
à  Londres,  1770.  Z. 

Wood,  Athenœ  Oxonienses.  —  Huddesford,  Lires  flj 
Leland,  Hearne  and  Wood  ;  1772,  2  vol.  in-8°.  —  lîayliJ 
Dictionnaire  Historique  et  critique.  —  Chaufepiéi 
Dictionnaire  historique.  —  Nicéron,  Mémoires  pou 
servir  à  l'histoire  des  Hommes  illustres,  t.  XXVIII.  -1 
Chaliuers,  General  Biographical  Dictionary. 

leland  (Jean),  célèbre  controversiste  ar 
glais,  né  à  Wigau,  dans  le  Lancashire,  le  18  oej 
tobre  1691,  mort  le  16  janvier  1766.  A  l'âge  d] 
six  ans  il  eut  la  petite  vérole,  et  perdit  à  la  suit! 
de  cette  maladie  toutes  ses  facultés  intellec] 
tuelles  ;  il  les  recouvra  un  an  après,  mais  il  n' 
put  jamais  se  souvenir  de  ce  qu'il  avait  vu  et  oh 
serve  avant  d'être  tombé  malade,  et  il  dut  d 
nouveau  apprendre  à  parler  et  à  lire.  Son  pèrc, 
commerçant  à  Dublin,  le  destina  à  l'état  cccU, 
siastique.  En  1716  Leland  devint  pasleur  ac 
joint  de  la  congrégation  des  dissidents  qui  sV 
tait  formée  dans  le  New-Row  à  Dublin.  Dans  j 
suite  il  se  fit  remarquer  par  une  série  d'ouvrage 
où  il  défendit  avec  éloquence  la  religion  dm 
tienne  contre  les  attaques  des  athées  et  de 
déistes.  En  reconnaissance  de  son  savoir  étendt 
qui  lui  valut  le  surnom  de  Bibliothèque  am. 
butante,  l'université  d'Aberdeen  lui  envoya  e 
1739  le  titre  de  docteur.  On  a  de  lui  :  An  ans 
wer  lo  a  late  book  entitled  :  Christianit 
as  old  as  the  Création;  Dublin,  1733,  2  vo. 
in-8°,  ouvrage  dirigé  contre  Tindal;  —  The  d\ 
vine  Authority  of  the  Old  and  Nev>  Tcstamen 
asserted,  with  a  parlicutar  vindication 
the  characters  of  Moses  and  Prophets,  Jésus 
Christ  and  his  Apostles ,  against  the  in  jus 
aspersions  and  f aise  reasoning  of  a  book  in 
titled  :  «  The  moral  Philosopher  »  ;  Londres 
1739,  in-8°  :  cet  ouvrage,  écrit  en  réfutatioi 
d'un  livre  de  Morgan,  provoqua  une  réponse  à 
ceiui-ci.  Leland  répliqua  par  un  second  volume 
qui  parut  en  1740.  Son  ouvrage  fut  traduit  ei 
allemand  par  Marsch;  Rostock,  1756,  in-8°;  - 
An  Answer  to  a  pamphlet  entitled  :  Chris; 
tianity  not  founded  on  argument,  1742,  opusculi 
dirigé  contre  un  pamphlet  de- Henri  Dodweil 
—  Re/lections  on  the  late  lord  Boling 
broke's  Letters  on  the  study  and  use  of  his- 
tory;  Dublin,  1752,  in-8°;  —  A  View  of  th 
principal  deistical  writers  that  hâve  ap- 
pearecl  in  England  in  the  last  and  présent 
cenlury,  with  observations  uponthem;  1754 
2  vol.  in-8°  :  cet  ouvrage,  dont  une  traduction 
allemande  parut  à  Hanovre,  1755,  en  2  vol. 
in-8°,  eut  plusieurs  éditions;  celle  de  1798, 
donnée  par  le  docteur  Brown,  est  une  des  plus 
estimées;  l'ouvrage  de  Leland  a  servi  de  base  à 
l' Histoire  critique  du  Philosophisme  anglais 
de  Tabaraud  ;  —  The  Advantage  and  Neces- 
sity  of  the  Christian  Révélation ,  shoum  from 
the  state  of  religion  in  the  ancient  heathen 
world;  1762,  2  vol.  in-4°  ;  une  nouvelle  édition 
fut  donnée  en  2  vol.  in-8°;  une  traduction  fran- 
çaise de  cet  ouvrage  parut  à  Liège,  1768,  4  vol. 


b3  LELAND  — 

n-12,  sous  le  titre  de  Nouvelle  démonstration 
wangélique  ;  —  Sermons;  4  vol.  in-8%  pu- 
«liés  après  la  mort  de  Leland  et  précédés  de  sa 
Liographie  par  le  docteur  Isaac  Weld.      E.  G. 

CtKilmers  ,  Biographical  Diction.  —  Rose,  New  Biogr. 
Wçtion. 

j  leland  (Thomas),  théologien,  érudit  et 
lislorien  anglais,  né  à  Dublin  ,  en  1722,  mort  en 
[785.  11  fit  ses  études  à  l'université  de  Dublin, 
ù  il  fut  reçu  felloio  en  1746,  et  entra  dans  les 
jrïlres  en  1748. Devenu  bientôt  après  un  des  pré- 
licateurs  les  plus  renommés  de  Dublin,  il  fut 
hargé  en  1763  d'enseigner  les  préceptes  de  l'é- 
pquence  à  l'université  de  cette  ville,  et  fut 
ominé,  cinq  ans  après,  chapelain  du  lord  lieute- 
lant  d'Irlande.  On  a  de  lui  :  Historyof  the  Life 
\nd  Reign  of  Philip,  fiing  of  Macedon,  the 
iat fier  of  Alexander  ;  Londres,  1758,  1761  et 
769,  in-4°;  ibid.,  1775,  2  vol.  in-8°;  Dublin, 
806,  2  vol.  in-8°  ;  —  A  Dissertation  on  the 
tyinciples  of  human  Eloquence,  with  parti- 
ular  regard  to  the  style  and  composition  of 
fie  New  Testament  ;  Londres,  1764,  in-4°  ;cet 
puscule,  où  l'auteur  contestait  les  conclusions 
ue  Warburton  avait  tirées  des  défauts  de  style 
ui  se  trouvent  dans  le  Nouveau  Testament,  fut 
iolemment  attaqué  par  Hurd;  Leland  publia 
me  réplique  écrite  avec  mesure  et  politesse; 
-  History  of  Ireland,  from  the  invasion  of 
ïenry  II  with  a  preliminary  discourse  of 
he  ancient  state  oj  that  Kingdom;  Londres, 
773,  3  vol.  in-4°,  ouvrage  superficiel,  mais 
l'une  lecture  agréable  ;  une  traduction  française 
n  fut  donnée  par  Eidous,  Maestricht,  1779, 
vol.  in- 12.  On  attribue  à  Leland  le  roman 
îistorique  :  Longsword ,  earl  of  Salisbury ; 
,ondres,  1762.  Enfin  Leland,  qui  avait  donné 
:n  1754  en  commun  avec  Stokes,  une  édition 
le  Démosthène  (2  vol.  in-12),  a  publié  une  tra- 
luction  anglaise  de  cet  orateur,  avec  notes 
îistoriques  et  critiques;  ce  travail,  estimé  parut 
i  Londres,  1756-1770,  3  vol.  in-4°.        E.  G. 

Chai  mers,  Biographical  Dictionary.  —  Rose,  New 
Biog.  Dict. 

*leleux  [Adolphe),  peintre  français,  né  à 
5aris,  le  15  novembre  1812.  11  s'occupa  pendant 
ongtemps  de  gravure,  et  débuta  au  salon  de 
1835  par  une  aquarelle.  Bientôt  il  se  fit  remar- 
quer par  des  toiles  d'une  énergie  originale,  avec 
le  la  simplicité,  de  la  hardiesse,  une  couleur 
brillante,  des  attitudes  pleines  de  caractère  ;  on  re- 
marque surtout  les  tableaux  où  il  retrace  des  scè- 
nes d'émeute.  En  1842  il  obtint  une  médaille  de 
troisième  classe,  en  1843  et  1848  une  médaille  de 
deuxièmeclasse,  etlacroixd'Honneurenl855.0n 
cite  parmi  les  tableaux  qu'il  a  exposés  en  1836  : 
Chasseur  de  Picardie;  —  en  1837  :  Un  Por- 
cher; —  en  1838  ••  Bas-Bretons  ;  —  Men- 
diant; —  en  1840  :  Jeunes  filles  bas-breton- 
nes; —  Bûcherons  bas-bretons  ;  —  en  1841  : 
i Rendez-vous  des  chasseurs;  —  en  1842  :  Le 
!  Paralytique;  —  La  Korolle,  danse  breton- 


LELEUX  534 

ne;  —  en  1843  :  Chansons  à  la  porte  d'une 
Posada;  —  en  1844  :  Cantonniers  de  la  Na- 
varre; —  Pécheurs  de  la  Picardie;  —  en 
1845  :  Pâtres  bas-bretons  ;  —  Départ  poxir  le 
Marché;  —  en  1846  :  Contrebandiers  espa- 
gnols; —  Faneuses  ;  —  en  1847  :  Jeunes  Pâ- 
tres espagnols  ;  —  Bergers  des  Landes;  —  Le 
retour  du  Marché;  —  Portrait  de  l'auteur; 

—  en  1848  :  Improvisateur  arabe;  —  Fem- 
mes arabes  du  Désert  ;  —  en  1849  :  Danse 
des  Djinns;  —  Le  mot  d'ordre;  —  Portraits 
d'enfants;  —  en  1851  :  Famille  de  Bédouins 
attaqués  par  des  chiens; —  Patrouille  de 
nuit  en  février  1848  à  Paris;  —  La  sortie, 
Paris  1848;  —  Promenade  publique;  — 
Chemin  creux  ;—  La  Forge  ;—  L'établi  ;  —  En 

1852  :  lelkjuin  1848  à  Paris;  —  Une  place 
du  Marché  à  Dieppe;  —  en  1853  :  Dépicage 
des  blés  en  Algérie;  —  Terrassiers  après 
le  repas  ;  — Arrivée  au  champ  de  foire  ;  — 
en  1855  :  Champ  de  foire  de  Saint-Far geau; 

—  Enfants  conduisant  des  oies;  — Poules  et 
coqs  :  basse-cour  ;  —  Jeunes  Pâtres  condui- 
sant leurs  bêtes  aux  champs;  —  en  1857  : 
La  petite  Provence  aux  Tuileries  ;  —  Une 
Cour  de  cabaret  en  Basse-Bretagne;  —  En- 
fants effrayés  par  un  chien;  —  Une  jeune 
femme  et  une  jeune  fdle  tricotant  (  Basse- 
Bretagne);  —  Pécheurs  à  l'étang  et  machine 
à  battre  (Bourgogne).  L.  L— t. 

P.  Mantz,  dans  le  Dictionnaire  de  la  Conversation.  — 
Vapereau.Dict.  univ.  des  Contemp.—  Livrets  des  Salons, 
1835-1857. 

*  leleux  (  Armand),  peintre  français,  frère 
du  précédent,  né  à  Paris  en  1818.  En  1832  il 
entradans  l'atelier  de  M.  Ingres  ;  il  suivit  ce  maître 
à  Rome  en  1834.  Son  séjour  en  Italie  ne  changea 
pas  son  goût  pour  le  genre,  et  de  retour  en 
France  il  imita  la  manière  de  son  frère  et  de 
M.Eugène  Delacroix. Il  retourna  depuis  en  Italie, 
fit  un  voyage  en  Allemagne,  et,  en  1846,  le  gou- 
vernement français  lui  confia  une  mission  artis- 
tique en  Espagne.  Il  a  obtenu  une  médaille  de 
troisième  classe  en  1844 ,  et  une  médaille  de 
deuxième  classe  en  1847  et  1848.  Parmi  ses  ta- 
bleaux exposés  on  cite,  en  1839  :  Intérieur  bas- 
breton  ;  —  en  1840  :  Paysans  bas-bretons  ; — en 
1841  :  Intérieur  d' É table  du  Jura; — en  1842: 
— Intérieur  d'Atelier  ;  —  Intérieur  d'Étable; 

—  en  1843  :  Repos  sous  les  arbres  dans  la 
forêt  Noire;—  en  1844  -.Laveuses  à  la  fon- 
taine; —  en  1845,  Zingari;  —  Baigneuses  ;  — 
Forgeron;  —  en  1846  :  Danse  suisse;  —  In- 
térieur d'Atelier;  — Le  Matin;  — Le  Bou- 
quet ;  —  en  1847  :  Mendiants  espagnols;  — 
Guitarero;  —  Arrero  andaloux  ; —  en  1848  : 
La  Fenaison;  —  Cazador  andaluz;  —  Hila- 
dora  Pasiega;  —  Mozo  de  mutas  ;  — en  1851  : 
Lavandières  de  Suisse;  —  Fripière  d'Es- 
pagne;—  Le  Matin,  intérieur  de  cuisine; 

—  en  1852  :  Guide  du  Saint-Gothard;  —  en 

1853  :  Manola;  —  Arrieros;  — en  1855  :  Dans 


535  LELEUX 

les  bois;' — Récréation  maternelle; — L'En- 
tretien; —  en  1857  :  Le  Bouquet  de  la  Mois- 
son. L.L— t. 

Vapereau,  Dict.  univ.  des  Contemp.  —  Livrets  dessa- 
lons, 1839-1857. 

lelien.  Voy.  LjElianus. 

le  lièvre  (Jean),  historien  français  de  la 
première  partie  du  dix -septième  siècle.  Il  avait 
embrassé  l'état  ecclésiastique,  et  était  devenu 
chanoine  de  Vienne  (  Dauphiné  )  et  abbé  de  Saint- 
Ferréol.  On  a  de  lui  :  Histoire  de  V Antiquité 
et  sainctelé  de  la  cité  de  Vienne  en  la  Gaule 
celtique;  Vienne,  1625,  in-8°.      L— z— e. 

Lelong,  Bibliothèque  historique  delà  France,  n°  1, 1. 1, 
n°  E074,  iOfiSV  j  t.  IV,  n"  37996.  —  Rochas,  Biographie  du 
Dauphiné. 

lelièvre  (  Claude.  -Hugues  ) ,  chimiste 
français,  né  à  Paris,  le  28  juin  1752,  mort  dans 
la  même  ville,  le  9  octobre  1835.  11  apprit  la 
chimie  chez  un  apothicaire;  en  1793,  il  fut  em- 
ployé à  la  fabrication  de  la  poudre  et  du  sal- 
pêtre dans  les  ateliers  de  la  république.  Membre 
du  conseil  des  mines  à  sa  création,  il  fut  appelé 
à  la  classe  des  sciences  mathématiques  et  phy- 
siques de  l'Institut  lors  de  son  organisation  en 
1795.  Plus  tard  il  devint  inspecteur  général  des 
mines.  L'inconduite  de  sa  famille  le  mit  dans  la 
gêne;  simple  daus  ses  goûts,  il  s'imposa  toutes 
sortes  de  privations  pour  payer  des  dettes  qui  ne 
lui  appartenaient  pas.  11  a  publié  avec  Pelletier, 
Darcet  et  Alex.  Giroud  :  Description  de  divers 
Procèdes  pour  extraire  la  Soude  du  sel  ma- 
rin ;  Paris ,  an  m,  in-4°.  Il  a  donné  au  Jour- 
nal des  Mines  :  Note  sur  l'emploi  du  schorl 
rouge  pour  colorer  la  porcelaine  de  Sèvres 
(  tome  III,  1795  )  ;  —  Note  sur  le  Feldspath 
vert  de  Sibérie  et  l'existence  de  la  Potasse 
dans  cette  pierre  (tome  IX,  1799);  —  Mé- 
moire sur  la  Lépidolite  (ibid).;  —  Descrip- 
tion et  analyse  du  cuivre  arséniaté  en  lames 
(lomeX,  1801);  —  Découverte  de  V Émeraude 
en  France  (ibid.);  —  Sur  un  minerai  de 
plomb  suroxygéné  contenant  du  fer  et  de 
l'arsenic  oxydés  (tome  XI,  1802);  —  Note  sur 
le  Pechstein  de  Planitz  en  Saxe  (  tome  XVI, 
1803)  ;  —Gisement  de  l'Herzolite  trouvé  par 
M.  Lelièvre  (tome  XXXVI,  1814);  —  Dans  les 
Mémoires  de  l'Institut  :  Notice  surl'Uranite 
et  sur  sa  découverte  en  France  (1804)  ;  —  Mé- 
moire sur  un  Manganèse  carbonate  perri- 
fère;  —  De  la  Yénite ,  nouvelle  substance  mi- 
nérale;—  Rapport  sur  un  ouvrage  manuscrit 
de  M.  André,  ci-devant  connu  soîis  le  nom  de 
P.  Chrysologue  de  Gy,  lequel  ouvrage  est 
intitulé  Théorie  de  la  sur/ace  actuelle  de  la 
Terre  (avec  Haùy  et  Cu vier,  1 807)  ;—  Notice  sui- 
te gisement  du  Corindon  (1810).  J.  V. 

Quérard,  La  France  Lifter..  —  Bourquelot  et  Maury, 
La  Litlcr.  Franc,  contemp. 

lelièvre  (Pierre-Étienne-Gabriel),  dit 
Chevallier,  fameux  empoisonneur  espagnol,  né 
en  1785,  à  Madrid,  guillotiné  à  Lyon,  le29janvier 
J821.  Venu  à  Paris  en  1803,  il  entra  à  la  Banque. 


—  LELIÈVRE 


530 


Son  éducation,  des  protections,  la  fortune  de  sor. 
père,  tout   semblait  lui  promettre  un  avance- 
ment rapide,  lorsqu'on  découvrit  de  faux  billets ! 
de  banque  sur   lesquels  la  signature  du  direc-i 
teur  était  parfaitement  imitée.  Les  soupçons  su 
portèrent  sur  Lelièvre,  qui  fut  arrêté  porteur  d(jj 
papiers  attestant  son  crime.  Sa  famille  offrit  de 
payer  les  60,000  fr.  de  billets  émis  par  Lelièvre 
pour  le  sauver  d'une  mort  ignominieuse.  Tou- 
cher consentit  à  laisser  étouffer   l'affaire,  à  la 
condition  que  le  coupable  s'engagerait  dans  un 
bataillon  colonial.  Dans  cette  position,  Lelièvre  fi.1 
à  Anvers  la  connaissance  delà  veuve  d'un  officiel 
hollandais,  nommé  Debira.  Après  quelques  mois 
passés  avec  elle  dans  la  plus  étroite  intimité,  Le- 
lièvre déserta  les  drapeaux  français,  et  se  rendil 
à  Lyon,  muni  des  papiers  d'un  nommé  Pierre- 
Claude  Chevallier,  que  le  hasard  avait  mis  danfi 
ses  mains  et  dont  il  s'appropria  l'état  civil.  Il  ré- 
gularisa sa  position  par  un  faux  congé  et  uw 
feuille  de  route  falsifiée.  Le  préfet  du  Rhône, 
de  Bondy,  l'accueillit,  avec  bonté  et  l'admit  dan<> 
les  bureaux  de  la  préfecture,  à  la  division    des. 
finances.  La  veuve  Debira  vint  le  rejoindre  ;  bien-' 
tôt  sa  santé  déclina,  et  elle  expira  au  milieu  d'à-, 
troces  douleurs  d'intestins.  Huit  mois  après,  le 
5  mai  1813,  le  prétendu  Chevallier  épousa  unede- 
moiselle  Desgranges  :  au  bout  de  quelque  temps.-. 
il  en  eut  une  fille,  qui  périt  presque  aussitôt  dans' 
des  convulsions;  la  mère  ne  survécut  que  vingt-: 
trois  jours.  Le  lendemain,  le  veuf  lisait  en  pieu-; 
rant  auprès  de  la  morte  {'Imitation  de  Jésus-, 
Christ.  Au  bout  d'un  an,  Lelièvre  épousa  Mar-i 
guérite  Pizard.  Treize   mois  après  cette  jeune, 
femme  périt  dans  des  convulsions  en  laissant  uni 
fils.  Lelièvre  contracta  un  nouveau  mariage  avec;, 
une  demoiselle  Marie  Riquet,  qui  ne  tarda  pas  à 
devenir  mère  :  son  accouchement  fut  pénible; 
mais  elle  semblait  se  remettre  lorsqu'elle  expira- 
dans  une  crise  violente.  Cette  fois  des  chargea 
graves    s'élevèrent    contre    Lelièvre.  Peu    de' 
temps  avant  que   sa- femme  mourût,  il  s'était 
présenté  chez  un  pharmacien  pour  obtenir  dul 
sulfure  de   potasse.  Il  avait  amené  à  la  mori- 
bonde un  ecclésiastique  à  qui  il  avait  suggéré  dei 
la  disposer  à  lui  faire  donation  de  tous  ses  biens. 
Il  affecta  un  grand  désespoir  lorsque  cette  femme 
eut  rendu  le  dernier  soupir,  et  pâlit  quand  on  le 
menaça  de  faire  ouvrir  le  corps  de  la  défunte. 
Bientôt  il  convola  à  un  quatrième  mariage  avec 
une  demoiselle  Rose  Besson.  Le  fils  qui  lui  était 
resté  de  Marguerite  Pizard  avait  été  placé  en 
nourrice;   Lelièvre  alla  le  chercher  Je  2  août 
1819,  et  l'enfant  disparut.  Il  écrivit  pourtant  en- 
core que  cet  enfant  se  portait  bien.  Mais  la  fa- 
mille voulait  le  voir,  et  le  17  juin  1820  Lelièvre 
se  rendit  à  Saint-Rambert,  près  l'île  Barbe,  passa 
la  journée  à  jouer  avec  des  enfants,  à  qui  il  donna 
des  bonbons.  11  emporta  un  de  ces  enfants  ;  mais 
atteint  par  le  père  il  fut  arrêté  :  Lelièvre  s'excusa 
en  disant  qu'on  lui  avait  volé  un  enfant,  et  qu'il 
en  avait  pris  un  autre.  Tous  ses  crimes  se  rêvé- 


M 


LEL1EVRE 


reul  alors,  et  le  faux  Chevallier  comparut  devant 
cour  d'assises  du  Rhône  les  11,  12  et  13dé- 
îtnbre  1820.  Ses  réponses,  remplies  de  contra- 
ctions choquantes  et  de  protestations  hypocrites, 
e  laissèrent  aucun  doute  sur  sa  culpabilité.  11 . 
itendit  avec  sang-froid  sa  condamnation  à  la 
eine  capitale ,  et  ne  cessa  jusqu'au  dernier  mo- 
ient  de  protester  de  son  innocence,  disant  que 
à  l'exemple  de  notre  Seigneur,  il  souffrait  sans 
tre  coupable  ».  En  apprenant  le  rejet  de  son 
ouivoi  par  la  cour  de  cassation,  il  s'abandonna 
un  violent  emportement,  qui  ne  céda  qu'aux 
insolations  de  la  religion.  11  parut  fléchir  à  la 
|ie  de  l'échafaud,  et  on  fut  obligé  de  le  soute- 
nir. On  ne  s'expliquait  guère  pourtant  l'inté- 
!t  qu'avait  eu  Lelièvre  à  commettre  tous  ces 
taies.  Comme  bien  d'autres  criminels,  il  cou- 
ait  sa  perversité  sous  les  dehors  de  la  religion, 
était  même  obligeant  et  poli.  L.  L— t. 

Boullée,  Relation  complète  du  procès  de  Lelièvre,  dit 
bevaltier;  Lyon,  1820,  in-8°,  et  article  Lelièvre  dans 
Ùnnuaire  Nécrologique  de  Mahul,  1821.—  Biogr.  univ. 
[portât,  des  Contcmp. 

Jlelibîvre  (Hilaire),  officier  français,  cé- 
Ibrepar  la  défense  de  Mazagran,  né  vers  1800, 
ort  en  1851.  Il  était  sous-officier  au  15e  de 
une  avant  la  révolution  de  Juillet,  et  fit  la  cam- 
fgne  d'Alger  avec  son  corps.  Nommé  sous- 
fcutenant  en  décembre  1830,  il  revint  en 
fance  avec  son  régiment  au  mois  de  janvier 
bî.  Une  ordonnance  du  3  juin  1832  ayant  or- 
tanné  la  création  de  bataillons  d'infanterie  lé- 
|ie  d'Afrique,  Lelièvre  y  obtint  un  emploi;  en 
ta ô  il  y  fut  nommé  lieutenant.  11  prit  part  à  tous 
k  combats  qui  eurent  lieu  contre  les  Kabyles 
■x  environs  de  Bougie,  et  se  distingua  surtout 
I  10  novembre  1835  à  l'attaque  de  Darnassar, 
p,  à  la  tête  d'un  détachement,  il  enleva  ce  village 
px  nombreux  Kabyles  qui  l'occupaient.  En  mai 
B39,  il  fut  nommé  capitaine  au  1er  bataillon 
[infanterie  légère  d'Afrique,  et  chargé  du  com- 
landement  de  la  10e  compagnie  de  ce  bataillon, 
h  mois  de  novembre  il  fut  envoyé  avec  cent 
Ingt-trois  hommes  au  secours  de  Mazagran,  petit 
lllage  à  trois  kilomètresde  Mostaganem,  qui  crai- 
pait  les  razzias  de  l'émir  Abd-el-Kader.  Ce  petit  dé- 
Ichement  s'était  retranché  dans  un  chélif  réduit 
Irtifié.  Le  15  décembre  les  crêtes  des  mamelons 
Hués  entre  Mostaganem  et  Mazagran  se  couron- 
prent  de  plus  de  trois  mille  Arabes ,  qui  com- 
jencèrent  le  feu  contre  Mazagran.  La  garnison 
Is  reçut  avec  vigueur,  et  leur  fit  éprouver  de 
randes  pertes.  Ils  se  retirèrent  alors  ;  mais  le 
[février  1840,  un  lieutenant  d'Abd-e!-Kader, 
uistapha-ben-Tami,  parut  devant  Mazagran  à  la 
ite  des  contingents  de  quatre-vingt-deux  tribus, 
>rmant  ensemble  de  douze  à  quinze  mille  com- 
îttants.  Un  bataillon  d'infanterie  régulière 
rabeetdeux  pièces  de  canon  accompagnaient 
jette  masse  confuse.  Le  capitaine  Lelièvre  avait 
our  tout  matériel  de  guerre  une  pièce  de  quatre, 
uarante  mille  cartouches  et  un  baril  de  poudre, 
'ans  la  matinée  du  1er  février,  un  poste  avancé 


—  LELLI  533 

avait  signalé  les  éclaireurs  ennemis.  Le  2  les 
Arabes  commencèrent  l'attaque.  Trois  cents  de 
leurs  fantassins  se  logèrent  dans  le  bas  de  la 
ville,  en  crénelèrent  les  maisons,  et  dirigèrent 
une  fusillade  très-vive  contre  le  fortin,  tandis 
que  des  cavaliers  l'attaquaient  du  côté  de  la 
plaine  et  que  leur  artillerie,  placée  sur  un  plateau 
à  cinq  ou  six  cents  mètres,  en  battait  les  murailles. 
Encouragés  par  le  nombre,  les  plus  braves  vinrent 
planter  des  étendards  jusque  sous  les  murs  de 
la  casbah ,  et  tous  se  précipitèrent  à  l'assaut 
avec  fureur.  Pendant  quatre  jours  et  quatre  nuits, 
l'attaque  demeura  acharnée,  et  la  défense  se 
soutint  héroïquement.  La  moitié  des  munitions 
de  guerre  ayant  été  épuisée  dès  le  premier  jour, 
le  capitaine  Lelièvre  commanda  à  ses  soldats  de 
ne  plus  repousser  l'ennemi  qu'à  la  baïonnette. 
Plusieurs  fois  le  drapeau  tricolore  arboré  sur  la 
redoute  fut  renversé  par  les  projectiles  arabes; 
chaque  fois  il  était  relevé  avecenthousiasme.  Dans 
la  soirée  du  4,  le  capitaine  Lelièvre  dit  aux 
soldats  qui  l'entouraient  :  «  Nous  avons  encore 
un  tonneau  de  poudre  presque  entier  et  douze 
mille  cartouches;  nous  nous  défendrons  juqu'à  ce 
qu'il  ne  nous  en  reste  que  douze  ou  quinze  ;  puis 
nous  entrerons  dans  les  poudrières  pour  y  mettre 
le  feu,  heureux  de  mourir  pour  notre  pays.  » 
Aussitôt  que  les  Arabes  avaient  paru,  le  lieute- 
nant-colonel Dubarail,  qui  commandait  à  Mosta- 
ganem, avait  ordonné  plusieurs  sorties  contre 
eux;  malheureusement  sa  garnison  était  trop 
faible  pour  qu'il  pût  tenter  de  dégager  Mazagran. 
Un  dernier  assaut  ayant  été  donné  sans  plus  de 
succès  contre  cette  place ,  le  6  au  matin,  par 
plus  de  deux  mille  Arabes ,  l'ennemi  se  retira 
dans  la  nuit,  emportant  cinq  à  six  cents  morts 
ou  blessés.  Le  7  au  matin  la  plaine  était  rede- 
venue déserte,  la  garnison  de  Mostaganem  put 
délivrer  la  compagnie  enfermée  dans  Mazagran  ; 
elle  la  ramena  en  triomphe.  Les  défenseurs  de 
Mazagran  avaient  eu  trois  hommes  tués  et  seize 
blessés.  La  petite  colonne  de  Mostaganem  avait 
perdu  vingt-trois  hommes.  Ce  beau  fait  d'armes 
valut  au  capitaine  Lelièvre  le  grade  de  chef  de 
bataillon  au  1er  régiment  de  ligne  en  garnison 
à  Cran.  Une  médaille  fut  frappée  en  mémoire  de 
cette  glorieuse  défense  et  un  monument  fut  élevé 
par  souscription  en  l'honneur  des  cent  vingt- 
trois  héros  de  Mazagran.  Cependant  le  comman- 
dant Lelièvre  quitta  bientôt  l'armée,  et  son  nom 
rentra  dans  l'oubli.  L.  L— t. 

Moniteur,  1840. 
LELIÈVRE.  Voy.  L/VGRANGE. 

lelli  (  Saint  Camille  de),  fondateur  d'ordre 
religieux,  né  à  Bucchianico(Abruzzecitériesire), 
le  25  mai  1550,  mort  à  Rome,  le  14  juillet  1614. 
Fils  d'un  officier,  son  éducation  fut  peu  religieuse. 
Ilétaitlibertinetjoueur.  Un  ulcère,  qui  lui  vintàla 
jambe,  lui  fit  désirer  d'entrer  dans  un  couvent; 
les  Franciscains  le  rejetèrent;  il  se  rendit  à  Rome, 
où  il  fut  reçu  à  l'hôpital  Saint-Jacques-des-ln - 
curables  :  il  y  fut  guéri  momentanément,  mais 


539  LELLI  — 

ensuite  chassé  pour  inconduite.  En  15G9,  il 
s'enrôla  dans  les  troupes  de  Venise,  y  servit  quel- 
que temps, et  ayant  été  congédié  api  es  la  guerre,  il 
alla  servir  comme  manœuvre  chez  les  Capu- 
cins de  Manfrenonio.  Ce  fut  alors  qu'il  reprit  la 
volonté  de  se  faire  moine,  mais  son  infirmité  le 
faisait  repousser  de  toutes  parts.  Il  retourna  à 
l'hôpital  Saint-Jacques,  où  cette  fois  sa  bonne 
conduite  lui  procura  l'emploi  d'économe;  il  s'y 
fit  quelques  amis,  et  jugeant  que  jusque  alors  le 
service  des  malades  avait  été  trop  négligé  dans 
les  maisons  hospitalières ,  il  fit  ses  études  chez 
les  jésuites ,  reçut  la  prêtrise ,  et  fonda ,  en 
1584,  la  congrégation  des  Clercs  réguliers  spé- 
cialement destinés  au  service  des  malades.  Ces 
religieux  sont  vêtus  de  noir  comme  les  jé- 
suites, mais  ils  portent  une  grande  croix  tannée 
sur  le  côté  gauche  de  leur  soutane  et  de  leur 
manteau.  La  congrégation  des  Clercs  réguliers, 
approuvée  par  Sixte  V  le  8  mars  1 586,  fut  érigée 
en  ordre  religieux  par  Grégoire  XIV,  le  15  oc- 
tobre 1591.  Saint  Camille  de  Lelli  se  démit  de  sa 
supériorité  en  1607,  et  fut  béatifié  par  Benoît  XVI 
en  1742.  A.  L. 

Cicatello ,  Vita  Camilli  de  Lellis.  —  J.-B.  Rossi ,  Pita 
Camilli  de  Lellis.  —  Paquot ,  Mémoires  pour  l'histoire 
des  Pays-Bas,  t.  XI,  p.  24. 

lelli  (Jean- Aloysius),  savant  italien,  né  à 
Palerme,au  seizième  siècle,  mort  en  1594.  Il  fut 
secrétaire  du  cardinal  Louis  Torres,  archevêque 
de  Montréal,  et  publia  :  Descrittione  del  real 
tempio  e  monasterio  di  S.-Maria-Nuova  di 
Monreale;  Rome,  1588,  in-4°;  la  seconde  édi- 
tion parut  sous  le  titre  de  :  Vite  deqli  arcives- 
covi,  abbati  e  signori  di  Monreale;  historia 
délia  chiesa  di  Monreale; Rome,  1596.,in-40; 
et  Palerme,  1702,  in-fol.  E.  G. 

Mongitore,  Bibl.  sicula,  t.  I,  p.  315. 

lelli  (  Giovanni-Antonio),  peintre  de  l'é- 
cole romaine,  né  à  Rome,  en  1591 ,  mort  en  1640. 
Élève  du  Cigoli ,  il  a  laissé  à  Rome  quelques 
peintures  à  l'huile  et  à  fresque  qui  ne  manqueut 
pas  de  mérite,  telles  que  ]a.voûte  de  l'église  de 
Santa-Lucia-in-Selce  et  surtout  la  Visitation, 
fresque  du  cloître  de  la  Minerva.  Il  peignit  aussi 
le  paysage.  Il  consacrait  ses  loisirs  à  l'étude  de 
la  botanique  dans  un  jardin  qu'il  cultivait  de  ses 
propres  mains. 

On  trouve  dans  les  ouvrages  de  Lelli  une  pu- 
reté de  dessin  qu'il  devait  à  l'étude  de  l'antique, 
une  bonne  entente  de  la  perspective  et  une 
exécution  soignée.  Malheureusement  un  amour- 
propre  excessif  lui  devint  doublement  funeste, 
en  l'aveuglant  sur  ses  défauts  et  en  lui  faisant  de 
nombreux  ennemis.  E.  B— n. 

Orlandi,  Abbecedario.  —  Lanzi,  Storia  Pitlorica.  — 
Ticozzi,  Dizionario.  —  l'istolesi,  Descrizione  di  Roma. 
—  Siret,  Dictionnaire  historique  des  Peintres. 

lelli  (Ercole),  peintre  et  sculpteur  de  l'é- 
cole bolonaise ,  né  en  1702,  mort  en  1766.  Fils 
d'un  habile  armurier,  il  travailla  d'abord  dans 
l'atelier  de  son  père  ;  puis,  après  avoir  appris  le 
dessin  sous  Giov.-Pietro  Zanotti,  il  fit  à  Bologne 


LELONG  541 

et  à  Plaisance  quelques  tableaux  qui  ne  s'élèî 
vent  pas  au-dessus-  du  médiocre.  Désespérai) 
de  réussir  en  ce  genre,  il  quitta  le  pinceau  pou 
s'adonner  à  l'art  des  préparations  anatomiquej 
encore  en  compagnie  de  Manzolini.  Bientôt  il 
excella  ,  et  ses  travaux  en  ce  genre  sont  encorj 
justement  célèbres  ;  ceux  qu'il  exécuta  par  ordrj 
de  Benoît  XIV  pour  l'université  de  Bologne  n 
le  cèdent  pas  même  à  ceux  dont  le  fameux  Sic 
lien  Michèle  Zummo  a  enrichi  le  cabinet  de  Fk 
rence.  On  voit  encore  de  Lelli,  à  la  bibliothèqji 
de  Bologne,  l'ancien  archigymnase,  Deux  sw 
tues  écorchées  soutenant  une  chaire;  ellt 
ont  été  sculptées  en  1734.  Lelli  ne  mérita  pa 
moins  bien  des  arts  et  des  sciences  par  les  si 
vantes  leçons  de  dessin  etd'anatomie  qu'il  doni 
à  la  jeunesse  de  Bologne.  E.  B— n. 

Malvasia,  Pitture  di  Bologna.  —  Lanzi,  Storia  Pitti 
rica.  —  Ticozzi ,  Dizionario.  —  Gu.ilandi,  Memorie  or' 
ginali  di  Belle  Arti  —  Gualandi,  Tre  Giorni  in  Bologn' 
lellis  (  Charles),  historien  italien,  né 
Chieti,  mort  vers  1660.  Après  avoir  étudié  . 
droit,  il  s'établit  à  Naples,  et  il  se  consacra 
des  recherches  historiques.  On  a  de  lui  :  Di 
corsi  délie  familic  nobili  del  regno  di  Ni 
poli;  Naples,  1654-1671,  3  vol.  in-fol.  :  ouvra; 
estimé,  qui  contient  beaucoup  de  documei) 
inédits  tirés  des  archives  publiques  et  privé* 
Lellis  a  aussi  publié  à  Naples,  en  1654,  in-4 
un  volume  de  supplément  à  la  Napoli  sac; 
de  Caracciolo,  et  a  donné  en  1645  une  nouve 
édition  des  ouvrages  historiques  de  Michel  Rie 
avec  une  Vie  de  l'auteur.  E.  G. 

Toppi ,  Bibl.  napolitana.  —  Hubner,   Bibl.  genea* 
gica,  t.  IX,  p.  298. 

lelong  (Jean),  moine  flamand,  né  à  Ypr<| 
entra  dans  l'abbaye  de  Saint-Bertin,  et  vivait 
milieu  du  quatorzième  siècle;  on  ne  sait  ri 
sur  son  compte,  si  ce  n'est  qu'il  traduisit  en  frs 
çais,  non  sans  y  faire  quelques  changements, 
écrit  composé  par  l'Arménien  Haitlon,  qui  s'étj 
fait  prémontré  et  que  le  pape  Clément  V  av.) 
envoyé  en  Tartarie.  Écrit  d'abord  en   françi 
par  Nicolas  de  Salcon,  puis  traduit  en  latin  so 
le  titre  de  Flos  ystoriarum  terre  Orienlï 
cette  description  d'une  partie  de  l'Asie  repas 
en  français  sous  la  plume  de  Lelong  avec  un  til 
fort  développé  :  Y  Histoire  merveilleuse ,  pli 
santé  et  récréative  du  grand  empereur 
Tartarie-;  il  y  est  question  «  du  pays  de  Suri 
des  sainetz  lieux,  du  sophy,  roi  de  Perse, 
prince  Tamburlan,  etc.  ».  Le  tout  est  entrerai 
d'un  grand  nombre  de  récits  merveilleux  In 
propres  à  charmer  des  lecteurs  crédules;  aus 
le  succès  de  l'ouvrage  fut-il  complet;  il  en  | 
rut  deux   éditions  à  Paris,  1529,  in-folio, 
sans  date,  in-4°;  le  texte  latin  fut  imprimé  plj 
sieurs  fois  et  une  traduction  anglaise  vit  le  je 
vers  1525.  G.  B. 

Bergeron,  Recueil  de  Voyages  en  Asie  ;  1735,  t.  H. 
J.  Ch.  Brunet,  Manuel  du  Libraire,  t.  II,  p.  827. 

lelong  (Jacques),  historien  français,  m 
Paris,  le  19  avril  1665,  mort  dans  la  même  vil 


41 


k  13  août  1721.  Son  père  se  nommait  René  Le- 
Lng,  sa  mère  Jeanne  Binet.  Très-jeune  encore, 

perdit  sa  mère  ;  et  son  père,  ayant  contracté 
'autres  liens,  l'envoya  chez  un  de  ses  parents, 
ui  était  directeur  des  religieuses  de  Sainte- 
larie,  à  Étampes.  A  l'âge  de  dix  ans  environ,  il 
ht  admis  au  nombre  des  chapelains  de  l'ordre 
e  Malte ,  et  transporté  dans  cette  île.  Mais  il  y 
ut  de  tristes  aventures.  Comme  il  avait  un  jour 
Livi  le  convoi  d'un  homme  mort  de  la  peste,  il 
ht  tenu  pour  atteint  du  fléau ,  retranché  du 
ponde  ,  et  emprisonné  dans  une  chambre  dont 
k  porte  futmurée.  C'était  une  précaution  inutile, 
tendu  bientôt  à  la  lumière,  le  jeune  Lelong 
lonserva  néanmoins  une  forte  rancune  contre  le 
eu  malsain  où  on  lui  avait  fait  subir  cet  affreux 
•aitement ,  et,  ayant  obtenu  la  permission  de 
pntrer  en  France,  il  se  rendit  en  toute  hûte  à 
'aris.  Il  y  acheva  d'abord  ses  éludes.  Puis, 
yant  formé  le  dessein  d'entrer  dans  une  con- 
régation  religieuse ,  il  choisit  la  congrégation  de 
Oratoire,  où  il  fut  reçu  novice  en  1686,  à  l'âge 
evingt-et-un  ans.  Quelque  temps  après,  il  était 
hargé  du  cours  de  mathématiques  au  collège 
e  Juilly.  Il  revint  ensuite  à  Paris,  entra  au 
éminaire  de  Notre-Dame  des  Vertus ,  dans  le 
illage  d'Aubervilliers ,  près  Paris,  et  devint 
ibliothécaire  de  cette  maison.  C'est  là  qu'il  put 
nfin  suivre  librement  sa  vocation,  étudier  à 
oîsir  les  lettres,  les  mathématiques,  la  théolo- 
;ie,  l'histoire,  et  acquérir  l'érudition  la  plus 
irofonde  et  la  plus  variée.  Préposé  au  gouverne- 
lentde  la  bibliothèque  de  l'Oratoire  à  Paris,  après 

mort  du  P.  Rainssant,  il  l'administra  pendant 
ingt-deux  ans,  lui  consacrant  avc«  une  assiduité 
emarquable  la  meilleure  part  de  toutes  ses  jour- 
ées.  Mais  c'était  un  homme  si  passionné  pour  le 
ravail,  qu'après  avoir  rempli  ses  fonctions  de  bi- 
liothécaire  avec  une  rare  conscience  ,  il  trouvait 
ncore  du  loisir  pour  entreprendre  et  pour 
chever  les  ouvrages  les  plus  considérables,  et 
ont  l'exécution  offrait  les  plus  grandes  difficul- 
es.  Cependant  il  n'y  a  pas  d'organisation  assez  vi- 
oureuse  pour  résister  aux  fatigues  que  prétend 
ui  imposer  une  volonté  toujours  tendue  vers  le 
nème  objet.  Le  P.  Lelong  avait  pu  parvenir,  en 
Jomptant  les  besoins  de  la  nature ,  à  travailler 
sans  interruption  pendant  les  plus  longues  jour- 
îées,  et  même  à  continuer  cet  assidu  labeur 
Jurant  une  suite  de  nuits  sans  sommeil  :  mais 
)ar  cette  lutte  violente  contre  les  exigences  du 
:orps,  il  abrégea  le  cours  de  sa  vie,  et,  affecté 
l'une  maladie  de  poitrine,  qui  l'épuisa  lentement, 
1  atteignit  à  cinquante-six  ans  la  limite  fatale. 

Le  premier  écrit  du  P.  Lelong  est  son  Sup- 
plément  à  VHistoire  des  Dictionnaires  hé- 
breux de  Wolfius,  inséré  dans  le  Journal  des 
Savayits  du  1*7  janvier  1707.  Il  publia  ensuite  : 
Bibliotheca  Sacra,  seu  syllabus  omnium  ferme 
Saerx  Scripturœ  editionum  et  versionum, 
cum  notis  criticis;  Paris,  1709,  2  vol.  in-8°. 
Une  seconde  édition  de  cet  ouvrage  a  vu  le  jour 


LELONG  542 

en  1723,  en  2  vol;  in-fol.  C'est  de  beaucoup  la 
meilleure.  Il  en  existe  encore  une  édition  de 
Leipzig ,  avec  des  notes  de  Chrétien-Frédéric 
Bœrner.  Les  érudits  ne  recherchent  pas  l'admi- 
ration de  la  foule  ;  il  leur  suffit  d'être  estimés 
par  d'autres  érudits.  Il  y  en  a  qui,  plus  désinté- 
ressés ou  plus  modestes  encore ,  ne  prétendent 
qu'être  utiles  à  leurs  confrères.  De  ce  nombre 
était  le  P.  Lelong.  Quels  ouvrages  ont  été  plus 
souvent  consultés  que  les  siens  ?  En  quel  arse- 
nal d'érudition  manque  sa  Bibliothèque  Sacrée, 
et  qui  peut  s'aventurer  dans  le  vaste  domaine 
de  la  science  théologique  sans  ce  guide  éclairé? 
En  1713  le  P.  Lelong  publiait  un  livre  plus  origi- 
nal, son  Discours  historique  sur  les  princi- 
pales éditions  des  Bibles  polyglottes;  in-12. 
En  1717  il  faisait  imprimer  ['Histoire  des  Dé- 
mêlés de  Boniface  VIII  et  de  Philippe  le  Bel, 
par  Ad.  Baillet,  et  joignait  lui-même  à  cette 
histoire  un  grand  nombre  de  preuves  que  Dupuy 
n'avait  pas  recueillies.  Quelque  temps  après  pa- 
rut sa  Bibliothèque  Historique  de  la  France, 
contenant  le  catalogue  de  tous  les  ouvrages 
qui  traitent  de  Vhisloire  de  ce  royaume,  ou 
qui  y  ont  i  apport,  avec  des  notes  critiques  et 
historiques  ;  1719,  in-fol.  C'est  l'ouvrage  qui  a 
contribué  le  plus  à  la  réputation  du  P.  Lelong, 
et  c'est  en  effet  celui  qui  s'adresse  au  plus  grand 
nombrede  savants. FevretdeFontette, conseiller 
au  parlement  de  Dijon,  en  a  donné  une  édition 
considérablement  augmentée,  en  5  vol.  in-folio. 
C'est  l'édition  usuelle. 

Croirait-on  que  ce  catalogue  annoté  ait  pu 
passer  pour  un  livre  dangereux ,  et  que  dans 
l'intérêt  des  lois ,  des  mœurs,  de  la  société  me- 
nacée, la  publication  en  ait  été  un  instant  sus- 
pendue ?  Nous  allons  raconter,  d'après  les  pièces 
officielles  ,  les  principaux  détails  de  cette  étrange 
persécution.  Les  deux  premiers  volumes  de  l'é- 
dition de  Fontette  étaient  livrés  au  public,  et  le 
troisième  allait  l'être,  quand  ,  le  12  mars  1772, 
un  censeur  royal  résidant  à  Dijon,  le  sieur  Joly, 
écrivit  à  M.  de  Sartine ,  directeur  général  de 
l'imprimerie  et  de  la  librairie,  lui  dénonçant  la 
Bibliothèque  Historique  comme  infectée  du 
venin  des  plus  perverses  doctrines.  Quoi?  Le  roi 
n'a-t-il  pas  contribué  de  son  épargne  à  l'impres- 
sion des  volumes  déjà  publiés?  Eh  bien!  on  a 
trahi  le  roi,  on  s'est  servi  de  son  argent  pour 
attaquer  le  principe  même  de  la  monarchie 
française.  En  effet ,  le  censeur  Joly  joint  à  sa 
lettre  un  exposé  des  circonstances  du  crime, 
et  il  signale  particulièrement  à  l'attention  de 
M.  de  Sartine  la  page  544  du  tome  II,  où  il 
trouve  une  apologie  factieuse  de  l'autorité  des 
parlements.  «  Si  cet  éloge  est  juste,  ajoute-t-il 
avec  l'emphase  d'un  dénonciateur,  il  faut  que  le 
roi  descende  de  son  trône,  ou  du  moins  qu'il  y 
fasse  asseoir  avec  lui  le  parlement  !  »  Voilà  le 
mal.  Voici  maintenant  le  remède.  Le  sieur  Joly 
propose  de  placer  en  tète  du  tome  III  un  aver- 
tissement au  public,  qui  contiendra  le  désaveu 


643 


LELONG  — 


des  doctrines  précédemment  émises.  Et  il  ajoute  : 
«  Peut-être  ne  seroit-ce  pas  à  moi  une  trop 
grande  présomption  d'oser  me  flatter  que  je 
n'en  serois  pas  tout  à  fait  incapable,  en  gardant 
toute  la  modération  possible.  Il  y  a  plus  de 
trente-cinq  ans  que  j'étudie  notre  droit  public 
et  notre  histoire ,  sans  laquelle  on  ne  peut  y 
faire  des  progrès  considérables.  Si  vous  jugiez 
à  propos,  Monseigneur,  de  faire  l'essai  de  mes 
faibles  talents,  il  me  paroitroit  aussi  juste  que 
nécessaire  de  m'envoyer  les  deux  premiers  vo- 
lumes, que  je  ne  pourrois  emprunter  ici  pour 
un  temps  considérable  sans  me  rendre  suspect  ; 
car  je  désire  de  rester  inconnu,  et  je  n'ai  point 
d'autre  ambition  que  de  servirl  'État.  »  Les  gens 
qui  font  le  métier  du  sieur  Joly  se  disent  toujours 
les  plus  zélés  serviteurs  de  l'État.  Voici,  toute- 
fois ,  le  post-scriptum  de  son  épître.  «  P.  S.  11 
y  a  longtemps  que  je  travaille  à  un  ouvrage  qui 
aura  pour  titre  La  Vie,  l'Esprit  et  les  Maximes 
du  cardinal  de  Retz.  Il  y  en  a  d'excellentes, 
et  je  réfute  de  mon  mieux  celles  qui  m'ont  paru 
dangereuses.  Cet  ouvrage  seroit  terminé  si  j'a- 
vois  trouvé  ici  les  secours  qu'on  ne  .rencontre 
que  dans  la  capitale.  Oserai-je,  Monseigneur, 
rappeler  à  votre  grandeur  qu'il  y  a  vingt-quatre 
ans  que  je  suis  honoré  du  titre  infructueux  qui 
est  après  ma  signature.  Joly,  censeur  royal.  » 
Ce  qui  signifie,  qu'après  avoir  sauvé  l'État,  sans 
avoir  eu  d'autre  ambition  que  d'en  être  le  sau- 
veur, le  sieur  Joly  profite  simplement  de  l'occa- 
sion pour  demander  à  Paris  un  emploi  bien  ré- 
tribue. Dès  le  21  mars,  M.  de  Sartiue  trans- 
met au  chancelier  l'avis  qu'il  a  reçu  de  Dijon. 
Le  chancelier  fait  suspendre  l'impression  du 
troisième  volume,  et  ordonne  que  ce  volume 
et  les  suivants  seront  soumis  à  l'inspection  du 
censeur  Joly.  Le  libraire  Hérissant  ayant  reçu 
la  visite  des  gens  du  roi ,  est  frappé  de  conster- 
nation. Dans  un  mémoire  qu'il  adresse  au  chan- 
celier, il  invoque  les  meilleurs  arguments  contre 
une  suspension  qui  va  lui  causer  un  notable 
préjudice,  rappelant  d'ailleurs  que  les  deux  vo- 
lumes déjà  publiés  ont  été  censurés  par  Cappe- 
ronnier.  Le  chancelier  est  intraitable.  Alors  Bar- 
beau de  La  Bruyère,  collaborateur  de  Fevret  de 
Fontette,  et  chargé  depuis  sa  mort  de  continuer 
seul  le  travail  entrepris  en  commun,  envole  un 
avertissement  qui  doit,  pense-t-il,  satisfaire  le 
ministre.  Mais  non,  le  ministre  n'est  pas  encore 
satisfait,  tant  le  crime  est  énorme,  et  au  désaveu 
proposé  il  fait  substituer  celui  qui  a  été  publié 
en  tête  du  tome  III.  Les  différents  papiers  qui 
sont  relatifs  à  cette  affaire  ont  été  réunis  autre- 
fois par  nos  soins,  et  placés  dans  le  Supplément 
Français  de  la  Bibliothèque  impériale. 

Il  nous  reste  à  mentionner  le  dernier  écrit  du 
P.  Lelong.  Le  12  avril  1720,  il  publiait,  dans  le 
Journal  des  Savants,  une  Lettre  à  M.  Martin, 
ministre  d'Utrecht,  concernant  un  passage  de 
l'Évangile  de  Saint-Jean.  Lorsque  la  maladie  vint 
interrompre  le  cours  d'une  vie  si  laborieuse,  il 


LE  LORRAIN  544 

I  travaillait  à  réunir,  à  coordonner  les  matériau* 

d'une  immense  collection  des   Historiens   de 

France  :  ce  sont  les  Bénédictins  qui  ont  eu  k 

|  gloire  de  construire  ce  monument.  Enfin,  Fevret  de 

[  Fontette  lui  attribue  une  Vie  de  Malebrunche, 

qui  n'a  pas  été  imprimée.  B.  Haoréau. 

Fie  du  P.  Lelong.  par  le  P.  Desmolets,  en  tête  de  | 
seconde  êdit.  de  la  Bibliothèque  Sacrée.  —  Abrège  de  11 
même  vie,  en  tète  de  la  liiblioth.  Histor.  de  Fevret  dt 
Fontette.  —  Documents  inédits. 

lelong  (Paul),  architecte  français,  né ei 
1801,  mort  des  suites  d'une  chute  de  cheval  dan 
une  partie  de  chasse  au  château  de  Sainl-Martii 
d'Ablois,  appartenant  au  comte  Boy,  en  sepi 
tembre  1846.  Chargé  du  percement  de  la  rue  di 
la  Banque  à  Paris ,  il  y  avait  commencé  les  cons 
tructions  del'hôtel  du  timbre,  delà  mairiedutroi 
sième  arrondissement  et  de  la  caserne  dite  de 
Petits-Pères,  qui  ont  été  terminés  sur  ses  plans 
On  a  donné  son  nom  à  une  rue  percée  à  la  mêm 
époque  que  la  rue  de  la  Banque,  et  qui  va  |j 
celle-ci  à  la  rue  Notre-Dame  des  Victoires.  J.  \\ 

Moniteur,  du  18  sept.  1846. 
LELORGNE   DESAVIGNY.  Voy.  SWIGHY. 

le  lorrain  (Robert),  sculpteur  français,  n>, 
à  Paris,  en  1666,  mort  en  1743.  Dès  son  enfance! 
il  s'était  livré  à  l'étude  du  dessin,  et  il  y  avait  fai, 
de  tels  progrès  qu'à  dix-huit  ans  Girardon  s'en, 
reposait  sur  lui  du  soin  d'enseigner  cet  art  à  sa 
fils  et  à  ses  élèves.  Sous  la  direction  de  cet  habil( 
artiste,  il  ne  réussit  pas  moins  bien  lorsqu' 
s'adonna  à  la  sculpture,  et  à  l'âge  de  vingt  an^ 
son  maître  confiait  à  lui  et  à  Nonrisson  l'exécutiO] 
du  tombeau  du  cardinal  de  Richelieu  destinij 
à  l'église  de  la  Sorbonne.  Plus  tard  il  fit  pou, 
Saint-Landry  le  tombeau  de  Girardon lui-mêm] 
et  de  sa  femme.  Il  alla  ensuite  à  Borne,  où  mal 
heureusement  il  paraît  avoir  étudié  les  œuvre, 
du  dix-septième  siècle  plutôt  que  les  beaux  mo] 
dèles  de  l'antiquité.  A  son  retour  en  France, 
termina  à  Marseille  plusieurs  morceaux  resté, 
inachevés  à  la  mort  du  Puget.  En  1701,  un, 
Galatée  de  grandeur  naturelle  lui  ouvrit  k 
portes  de  l'Académie  royale  de  Peinture  et  Sculp 
ture.  Il  fit  encore  un  Bacchus  pour  les  jardin 
de  Versailles,  un  Faune  pour  ceux  de  Marlji 
une  Andromède,  et  divers  autres  ouvrages  d 
marbre  et  de  bronze.  En  1717,  il  fut  nomm 
professeur  par  l'académie.  On  remarque  dan 
ses  ouvrages  un  dessin  pur  et  d'assez  bon  goC 
une  expression  gracieuse  et  élégante  et  surtoi 
des  têtes  pleines  de  charme.  E.  B— n. 

Fontenay,  Dictionnaire  des  Artistes.  Orlandi,^ 
becedario.  —  Ticozzi,  Dizionecrio.  —  Dulaure,  Histoii 
de  Paris. 

le  lorrain  (  Louis-Joseph  ),  peintre  ( 
graveur  français,  né  à  Paris,  en  1715,  mort 
Saint-Pétersbourg  en  1760.  Élève  de  Jean  Du 
mont  dit  le  Romain ,  il  alla  se  perfectionner  e 
Italie  et,  à  son  retour,  fut  reçu  membre  d 
l'Académie  de  Peinture  et  de  Sculpture.  Cepen 
dant  il  quitta  la  France  pour  la  Bussie,  où  il  s 
fixa.  C'était  un  peintre  d'histoire  assez  médiocr 


545  LE  LORRAIN 

i (quoiqu'il  comprit  fort  bien  l'architecture  et  la 
!  perspective.  Sa  touche  était  d'ailleurs  vigoureuse 
et  ses  compositions  ordonnées  avec  goût.  La 
presque  totalité  de  ses  toiles  est  restée  en  Rus- 
sie. Le  principal  mérite  de  Le  Lorrain  se  révéla  i 
pans   la  gravure  à  l'eau-forte.  Parmi  ses  meil-  j 
Heures  estampes  on  cite  :  Le  Jugement  de  Sulo-  \ 
mon;  —  Salomon  sacrifiant  aux  idoles;  —  ! 
wstker  devant   Assuérus;  —  La    Mort    de  ! 
Ctéopâtre;  ces  quatre  sujets  sont  gravés  d'après  i 
ie  Troy.  Le  Lorrain  lui-môme  a  vu  graver  sur  i 
ses  dessins  L'Anneau  d'Uans  Carvel,  par  Ave-  [ 
line,  et  Lu  Choseimpossible,  par  Sornique,  sujets 
irés  des  Contes  de  La  Fontaine  ;  —  Vue  d'un  Feu 
l'artifice  tiré  à  Rome  par  ordre  du  prince 

olonna ,  gravé  par  Cannu;  —  Projet  d'une 
olace  royale ,  par  le  même  ;  —  des  estampes 
jour  le  poëme  de  Roland  furieux ,  par  Bac- 
|uoy,  etc.  A.  de  L. 

Le  Ca-, ,  Dictionnaire  encyclopédique  de  la  France. 

leloyer  (Pierre),  fameux  démonographe 

rançais,  né  à  Huillé,  près  Durtal,  en  Anjou,  le 
4  novembre  1550  (1),  mort  à  Angers,  le  29  jan- 
ier  1634.  Le  peu  qu'on  sait  de  sa  vie  se  trouve 
ans  ses  ouvrages.  Ses  études  classiques  ache- 
ées  à  Paris,  où  il  resta  cinq  ans ,  il  se  rendit  à 
bulouse  pour  faire  son  droit.  Il  s'y  accoutuma 
es  lors  à  négliger  quelque  peu  «  les  loix,  comme 
dit,  de  la  saincte  ïhémis,  »  au  profit  «  des 
)ix  de  la  Muse  gentille  »,  et  eut   la  bonne  for- 
jne  de  remporter  en  1572  l'églantine  aux  Jeux 
loraux  du  Capilole.  De  retour  dans  sa  province, 
se  fit  pourvoir  d'une  charge  de  conseiller  au 
irésidial  d'Angers,  qu'il  occupa  tout  le  reste  de 
la  vie.  Il  se  prit  alors  à  «  donner  de  la  tête  un 
eu  ilans  toutes  les  sciences  »,  et  petit  à  petit  l'y 
erdit,  ou  ne  s'en  faut  guère.   Du  droit,  il  en  fit 
;  moins  possible;  ses  contemporains  disent  qu'il 
'y  entendait  pas  giand  chose;  pour  lui,  il  as- 
Bure  qu'il  menait  de  front,  comme  autrefois, 
beau  sçavoir  des  lois  et  des  neuf  sœurs  : 

L'un  me  retient  fie  ses  gayes  douceurs; 
L'autre  j'exerce  à  celle  fin  d'en  vivre; 

insi  parlant ,  il  faut  le  croire.  Le  grec  au  moins 
le  latin  n'avaient  point  trop  déroulé  sa  verve 
*evine  ;  l'hébreu ,  le  chaldéen  ,  l'arabe ,  s'ajou- 
»nt  à  ses  visions,  vinrent  nuancer  d'une  om- 
re  de  folie  son  imaginative  étrange.  Ses  premiers 
ers,  d'inspiration  facile  et  gracieuse,  étaient  d'un 
sune  homme  bien  né  qui  fêtait  la  vie  ;  plus  tard 
i  muse  devint  quelque  peu  gaillarde  et  semblait 
urins  que  jamais  d'humeur  à  se  délasser  de  la 
ratique  du  droit  dans  l'étude  du  grimoire  des 
écromanciens  ou  les  rêveries  anticipées  des 
Ihno'ogues.  Il  était  parvenu  pourtant  à  d'é- 
'anjjes  résultats  dans  l'histoire  des  migrations 
es  peuples.  L'hébreu  lui  révélait  toute  une  face 
;norée  des  chroniques  de  l'Anjou.  Comme 
'autres  dans  le  bas-breton,   il   trouvait  dans 

!  <A)  Le  manuscrit  de  Thonraille  à  la  bibl.  d'Angers  dit 
51-  Bayle,  et  Ménage  avant  lui,  1S40  par  erreur,  le  fai- 
mt  mourir  ù  quatre-vingt  quatre  ans,  en  1634. 

NOUV.    KiOUii.    CÉNËR.   — -  T.    XXX. 


—  LELOYER  546 

l'hébreu  tout  à  sa  guise ,  et  un  beau  jour  s'y 
trouva  lui-même  avec  sa  mission  précieuse.  Son 
nom  traduit  lui  donnait  Issachav,  et  par  consé- 
quent c'est  à  lui  que  s'adressait  la  bénédiction 
de  Moïse  et  le  mandat  spécial  d'expliquer  au 
monde  l'origine  des  nations.  Homère  venait  bien 
mieux  encore  à  son  aide  :  un  vers  de  VOdyssde 
(1.  V,  v.  185  ),  gardait  depuis  trois  mille  ans 
le  nom,  le  prénom,  le  pays,  la  province,  le 
village  de  Leloyer  : 

nixpo;  Aws'pio;  AvSéxao;  DxXXo;  ûXsîyj  , 

c'est-à-dire  «  Pierre  Leloyer,  Angevin ,  Gaulois 
d'Huillé.  Il  n'y  a  ni  plus  ni  moins....  il  y  a  trois 
lettres  qui  restent  de  tout  ce  vers  qu'on  pour- 
rait à  l'aventure  dire  superflues  et  ne  le  seroient 
pourtant.  Ce  sont  les  lettres  numérales  a,  %,  %, 
qui  dénotent  le  temps  que  seroit  révélé  le  nom  , 
qui  est  l'an  de  Christ  1620....  Je  ne  me  vante 
pas  pour  cela  savoir  plus  que  les  autres.  Mais 
qui  voudra  impugner  la  grâce  de  Dieu  coopé- 
rante en  moy  ?...  »  Avec  ces  divagations,  Leloyer 
se  fit  ù  n  nom  à  l'étranger  plus  encore  qu'en  France. 
Le  loi  Jacques  d'Angleterre  lui  écrivit  pour  le 
remercier  de  la  dédicace  de  son  livre  le  plus  bi- 
zarre, et  les  chroniqueurs  d'Anjou  le  mention- 
nent parmi  les  merveilles  du  pays.  Il  faillit  avoir 
une  fin  dont  le  populaire  se  serait  ému  et  qui  eût 
bien  couronné  son  œuvre.  11  était  «  gisant  malade 
de  sa  maladie  dernière  en  son  logis  de  la  rue 
de  la  Parcheminerie  à  Angers  quand  le  feu  prit 
à  l'hôtellerie  voisine  de  Saint-Julien  » .  On  eut  toute 
les  peines  du  monde  à  l'en  tirer  vivant  :  une  partie 
de  sa  fortune  y  périt.  Deux  mois  plus  tard,  mes- 
sieurs du  présidial  en  corps  assistaient  à  l'enterre- 
ment de  leur  confrère  «  tenu  par  les  hommes 
doctes  et  savants  pour  estre  l'un  des  plus  sa- 
vants hommes  du  royaume  de  France  et  grande- 
ment aymé,  honoré  et  respecté  par  les  estran- 
gers  pour  sa  grande  doctrne  et  des  livres  qu'il 
a  faicts  et  mis  en  lumière  et  des  manuscripts 
qui  ont  été  trouvés  en  son  estude  ».  Son  por- 
trait fait  partie  du  Peplus  de  Claude  Ménard, 
dont  les  cuivres  sont  conservés  au  musée  d'An- 
gers. 

Pierre  Leloyer  a  publié  :  Idylle  sur  le  Loir; 
Toulouse,  1572.  C'est  la  pièce  qui  lui  valut  l'é- 
glantine; —  deux  odes  françaises  adressées  à 
Henri  1TI,  dans  un  recueil  de  poésies  latines  :  De 
Obilu  Caroli  Noni,  Francorum  régis,  acadé- 
mie Tolosanœ  maestissimee  Carmina  ccenota- 
phioûppensa  (1574,  in-4°)  ;  —Erotopegnie  (1), 

(l)  Ce  titre  bizarre  a  servi  plus  d'une  fois  avant  et  de- 
puis Leloyer.  Ou  peut  citer  Hieron.  Avgeriani  JVeapo- 
litiini  EpCùTùTtO'.iYvi.ov  (  Paris,  Th.  Charron,  tn-8°,  sans 
date);  la  v  crtit.  est  de  Naples,  1520,  ln-8°.  Cet  ouvrage 
a  été  reimprimé  avec  les  poésies  de  Marcelle  et  de  Jean 
Second  i  Paris,  Denis  Duval,  1682,  in-12  ).  Gaspar  Ba;  thaïs 
a  fait  aussi  un  Erotnpavjnion  inséré  dans  ses  poésies  la- 
tines (  in-8°,  1623,  Francfort  ),  L'édition  du  poème  de 
Musneus  sur  Hero  et  Lcnndre  (Francfort,  1627,  111-4°) 
l'intitule  Erotopœgnion.  Enfin  Marie-Ange  Accursc,  dans 
son  dialogue  contre  les  mots  latins  surannés  ,  parle  d'un 
poëme  qu'il  nomme  Erotopaignion. 

18 


547 


LELOYER  —  LE LUT 


548 


ou  Passetemps  d'amour,  ensembleunecomédie 
du  Muet  insensé;  Paris,  1576,  in-12.  La  dé- 
dicace, datée  d'Angers  (5  mars  1575),  s'adresse  à 
M.  Minut,  sieur  de  Pradères  en  Languedoc,  et 
le  volume  débute  par  une  ode  à  Ronsard  ;  — 
Œuvres  et  Mélanges  poétiques;  Paris,  1579. 
C'est  une  nouvelle  édition  que  l'auteur,  par  une 
singulière  inadvertance,  donne  comme  la  pre- 
mière de  ses  poésies.  L'épître  dédicatoire  (Paris, 
9  septembre   1578)  est  suivie  de  vers  latins, 
grecs  ou  français,  signés  des  noms  de  Margue- 
rite Leloyer,  sœur  du  poëte,  de  Ronsard,  de 
Belleforest ,  de  Marin  Boylesve ,  de  Palcal  Robin 
du  Faux ,  et  de  nombre  d'autres  amis  plus  ou 
moins  oubliés  aujourd'hui.  Le  livre  contient  les 
Amours  de  Flore  en  102  sonnets,  9  chansons, 
une  élégie,  5  odes,  6   idylles, dont  l'idylle  im- 
primée déjà  à  part  sur  le  Loir;  Les  Boccages, 
premier  et  sicond  de  l'Art  d'aimer,  et  les  Mé- 
langes poétique*,  Foldtries  et  ébats  de  jeu- 
nesse, sonnets,  épigrammes,  le  tout  suivi  du 
Muet  insensé  avec  un  long  prologue  et  une 
épître  en  vers  adressée  à  M.  Chalvet,  président 
aux  enquêtes  du  parlement  de  Toulouse,  et  de  la 
Néphrlococugie,  que  précède  une  épître  à  l'au- 
teur par  Jacques  Legras  et  un  avis  du  poëte.  Il 
ne  faut  parler  ni  d'actes  ni  de  scènes.  C'est  un 
dialogue  quelquefois  très-plaisant,  mêlé  d'odes, 
époies,  strophes,  antistrophes  à  là  manière  an- 
ti;;ue;   d'ailleurs  une   grossière    bouffonnerie, 
qu'on  a  attribuée  longtemps  à  P.  Larivey.  Quant 
au  reste  du  volume ,  il  y  a  certainement  des 
pièces  bien  laites,  des  pages  bien  venues  qui 
se  font  lire  encore  avec  plaisir,  et  quelque  chose 
partout  qui  n'est  pas  vulgaire  ;  —  Quatre  Livres 
des  Spectres  ou  Apparitions  et  Visions  d'es- 
prits, anges  et  démons  se  montrant  sensibles 
aux  hommes;  Angers,   1586,  et  Paris,    1605 
et  encore   1608,  in-4°.  Cette  dernière  édition  a 
pour  titre  :  Discours  et  Histoire  des  Spectres. 
Les  docteurs  de  Paris  approuvèrent  l'ouvrage 
«  pour  l'instruction  des  bons  catholiques  contre 
les   pernicieuses  et  erronées  opinions  des  an- 
ciens et   modernes   athéistes,  naturalistes,   li- 
bertins, sorciers  et  hérétiques  ,  et  pour  se  pré- 
server de  leurs  prestiges   et   illusions   diabo- 
liques et  convaincre  leur  imposture  ».    On  a 
remarqué  que  Leloyer  n'y  fait  qu'une  seule  fois, 
et  par  voie  indirecte ,  allusion  à  la  Démono- 
mgnie  de  J.  Bodin;  —  Méditations  théologi- 
ques et  Recréations  spirituelles  sur  le  canti- 
que de  la  Vierge  Marie;  Paris,    1614,  in-12; 
—  Edom  ou  les  Colonies  iduméanes  en  l'Asie 
et  en  l'Europe,  suivies  des  colonies   d'Her- 
cules   Phénicien  et  de  Tyr;   Paris,    1620, 
in-8°.  C'était  son  livre  favori,  celui  qu'il  dédia 
au  roi  Jacques  d'Angleterre ,  un  simple  extrait 
pourtant  de  dix  gros  volumes  qu'il  avait  à  peu 
près  terminés,  et  qu'il  allait  mettre  au  jour, 
lorsque  la  mort  le  surprit.  Il  avait  encore  dans 
son  cabinet  divers  travaux  de  tous  genres ,  des 
versions  de  psaumes,  et  une  traduction  française 


de  la  Cité  de  Dieu  de  saint  Augustin.  La  Croix 
du  Maine  parle  aussi  d'un  grand  pocme  sur 
Thierry  d'Anjou  dans  le  genre  de  La  Franciade 
de  Ronsard  ou  deL'Angiade  de  Robin  du  Faux. 
Ces  pièces  sont  perdues.        Célestin  Port. 

Nicéron,  t.  XXVI,  p.  323.  —  Bayle,  Journal  de  Lou- 
vet  dans  la  Revue  de  V Anjou,  1856.  t.  2,  p.  363,  365.  — 
Thouraillc,  fjist.  d'Anjou,  njss.  fui.  68  et  429.  —  GouJeÈ 
Bibl  française,  t.  15  p.  35".  —  Ménage,  Not.  sur  la  uiç 
de  Pierre  Àyrhùlt,  p.  168.  —  Mémoires  de  la  Soc.  d'A~ 
gric,  Sciences  et  Arts  d'Angers,  t.  4,  p.  294. 

*  lélut  (  Louis- François  ),  médecin  et  phi- 
losophe français  ,  né  à  Gy  (  Haute-Saône  ) ,  le' 
15  avril  1804.  Appartenant  à  une  famille  où  la 
profession  de  médecin  est  en  quelque  sorte  hé- 
réditaire, il  fut  reçu  docteur  à  Paris  en  1827. 
Bien  qu'il  soit  depuis  1840  médecin  en  chef  de  la 
troisième  section  des  aliénés  à  l'hospice  de  laSal- 
pétrière,  et  depuis  1847  membre  du  conseil  de  sa- 
lubrité, M.  Lélut  se  livre  peu  à  l'exercice  de  la 
médecine  ;  pour  lui  cette  science  n'a  été  que  le 
point  de  départ  et  la  base  d'études  anthropolo- 
giques générales  applicables  à  la  psychologie  et 
surtout  à  l'économie  politique.  H  est  membre  de 
l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques 
depuis  1844.  Le  premier  il  fit  une  applicationi 
bien  hardie  de  la  physiologie  à  l'histoire ,  ap- 
plication qui  lui  fit  dire,  entre  autres  de  deux 
génies  des  plus  respectés ,  Socrate  et  Pascal 
«  On  ne  peut  en  vérité  rien  voir,  rien  entendre 
de  plus  extravagant ,  de  plus  caractéristique  de! 
la  folie....  (1)  » 

Ce  ne  fut  pas  seulement  par  l'étrangeté  de  se* 
conclusions  que  M.  Lélut  attira  vivement  l'atten-i 
tion  ;  ses  écrits  témoignaient  d'une  remarquable 
clarté  d'exposition  dans  ces  études  délicates  et 
abstraites.  Aujourd'hui  encore  il  poursuit  avec 
ardeur  la  solution  des  problèmes  ardus  que  pré- 
sentent les  rapports  de  l'intelligence  avec  le 
cerveau,  et  ses  dernières  publications  laissent 
voir  qu'il  a  entrepris  de  systématiser  le  fruit  de 
ses  méditations  en  écrivant  la  Physiologie  de  la 
pensée.  En  1848,  M.  Lélut  fut  envoyé  à  l'Assem-;j 
blée  constituante,  où  il  vota  constamment  avec  le  < 
parti  modéré.  Lorsqu'il  était  question  de  nommer' 
un  président  de  la  république,  M.  Lélut  soutint  le 
général  Cavaignac  ;  mais  aussitôt  que  le  résultai 
de  l'élection  fut  connu ,  il  se  rangea  au  vœu  de 
la  majorité,  et  fit  dès  lors  adhésion  complète  à' 
la  politique  du  prince  président;  tous  ses  voj 
tes  à  l'Assemblée  législative,  de  184.9  à  1852, 
furent  dans  le  sens  du  pouvoir  nouveau,  éî; 
lorsque  cette  assemblée  eut  été  dispersée  park 
coup  d'État  du  2  décembre,  M.  Lélut  persista 
à  soutenir  Napoléon,  qui  le  nomma  membre  de 
la  commission  consultative.  Peu  après,  soi 
département  l'élut  membre  du  corps  législatil 
comme  candidat  du  gouvernement,  et  il  lut  réélu 
en  1857.  C'est  pendant  cette  période  politiqut 
que  M.  Lélut  a  été  nommé  membre  du  consei 
impérial  de  l'Instruction  publique  (1852)  et  offi 

(1)  Démon  de  Socrate ,  p.  111. 


549  LELUT  — 

cier  de  la  Légion  d'Honneur  (1854).  A  ces  diffé- 
rentes phases  de  ces  événements  correspondent 
des  publications  et  des  travaux  de  M.  Lélut.  Ce 
fut  d'abord  un  Traité  de  i Égalité;  puis  d'im- 
portants mémoires  sur  la  Déportation  et  svr  le 
Régime  cellulaire;  pour  éclairer  cette  question 
et  plusieurs  autres  relatives  aux  systèmes  péniten- 
tiaires, M.  Lélut  n'hésita  pas  à  aller  visiter  les 
établissements  pénitentiaires   de  presque  toute 
l'Europe.  Plus  tard  il  présenta  le  rapport  sur  le 
projet  de  loi  concernant  la  taxe  des  chiens,  loi 
actuellement  en  vigueur;  le  rapport  sur  le  projet 
de  loi  concernant  la  conservation  et  l'aménage- 
ment des  sources  d'eaux  minérales;  enfin,  trois 
rapports  d'une  extrême  importance  ont  été  tout 
récemment  élaborés   et  lus  par   lui   au  corps 
législatif;  ces  rapports   ont  pour  objet  la  Ré- 
forme du   Code  Forestier.  Après  deux  jours 
de  discussion  ,  la  loi  qui  consacre  les  réformes 
étudiées  par  M.  Lélut  a  été  adoptée.  Voici  les 
titres  de  ses  principaux   écrits   :  Manie   chez 
un  auteur  de  mélodrame  et  Note  sur  les  hal- 
ucinations  au  début  de  la  manie  (  Journ. 
kebd.  de  Méd.,  1830)  ;  —  Recherche  des  analo- 
lies  de  la  Folie  et  de  la  Raison  (ibid.,  1834)  ;  — 
Inductions  sur  la  valeur  des  altérations  de 
'encéphale  dans  ledélireaigu  et  dans  la  folie; 
aris,  1836,  in-8°;  —  Qu'est-ce  que  la  Phré- 
Jo/"#;e?ibid.,in-8°;  — Du  Démon  de  Sociale: 
pécimen   d'une   application  de   la  science, 
isycliologique  à  celle  de  l'histoire;  ibid.,  1836, 
n-S°  ;  —  Sur  un  des  points  de  vue  de  la  ps'y- 
hologie  de  l'histoire  (  Gaz.  méd.  de  Paris, 
838  )  ;  —  Un  Mol  sur  la  valeur  intellectuelle 
e  la  Femme  (ibid.,  1840)  ;  —  De  la  Spécialité 
•rganique  considérée  dans  les  fonctions  in- 
eltectuelles  (ibid.,   1834);  —  Du  Poids  du 
erveau  dans  ses  rapports  avec  le  développe- 
ment de  l'intelligence  (ibid.,  1837);  —  Fa- 
ultés  instinctives  communes  aux  animaux 
l  à  l'homme  et  nécessaires  à  la  conserva- 
\on  de  l'espèce   (ibid.,   1834);  —  Examen 
omparatif  de  la  longueur  et  de  la  largeur 
u  crâne  chez  les  voleurs  homicides  (  Journ. 
niv.  ethebd.  de  Méd.,  1831);  —  De  l'Organe 
hrénologique  de  la  destruction  chez  les  ani- 
maux; Paris,  1836,  in-8°;  —  Recherches  pour 
1  jervirà  la  détermination  de  la  taille  moyenne 
>  Je  l'homme  en  France  (  Gaz.  méd.  de  Paris, 
(B41)  ;  —  L'Amulette  de  Pascal,  pour  servir  à 
^histoire  des  hallucinations  ;  Paris,  1846,  in-8°  ; 
Ër  Rejet  de  l'Organologie  phrénologique  de 
llall  et  de  son  successeur;  Paris,  1843,  in-8°  ; 
ïf  édition,  1858,  sous  ce  titre  :  De  la  Phréno- 
}\gïe:  son  histoire,  ses  systèmes  et  sa  con- 
amnation;   —  Formule  des  rapports  du 

rveau  à  la  pensée;  1842  ;  —  Mémoire  sur 

'■siège  de  l'âme  suivant  les  anciens;  1842  : 

eux  Mémoires  sur  la  physiologie  de  lapen- 
fe;lS55  et    1857;  —    Traité  de   l'Egalité; 

édit.,  1858;  —  Traité  de  la  Santé  du  peuple 
dans  les  traités  publiés   par    l'Académie  des 


LE  MAÇON  550 

Sciences  morales  et  politiques);  —  Mémoires 
sur  la  déportation  et  l'emprisonnement  cel- 
lulaire. Pour  le  détail  des  nombreux  écrits  que 
M.  Lelut  a  publiés  sur  ees  deux  sujets,  voyez. 
sa  Lettre  sur  l'emprisonnement  cellulaire; 
Paris,  1855,  in-8°.  D''  Dlch.vussoy. 

Dictionnaire  des  Contemporains.  —  Journal  de  la 
Librairie.  —  Moniteur,  de  1S4S  1859. 

lely,  peintre  vvestphalien.  J'oj/.Faes  (Pierre 

VAN  DKR  ). 

le  iMÀciiox  (  Jean  ) ,  fondeur  français,  natif 
de  Chartres,  mort  le  28  août  1501.  Georges  d'Am- 
boise,  qui  fit  les  frais  des  belles  grilles  du  chœur 
de  la  cathédrale  de  Rouen,  donna  4,000  liv.  pour 
la  cloche  qu'il  destinait  à  la  même  église  :  il  vou- 
lait qu'elle  fut  la  plus  belle  du  royaume.  Jean 
Le  Màchon  fut  chargé  de  ce  travail.  La  cloche 
fut  fondue  le  2  août  1501  ;  elle  pesait  30,000  livre* 
selon  les  uns,  35,000  selon  d'autres;  elle  avait 
par  le  bas  9  m.  745  m.  détour;  sa  hauteur, com- 
pris les  anses,  étaitde3  m.  248  m.  Sur  la  cloche 
on  lisait  : 

Je  fus   nommé  Georges  d'Amboise. 
Qui  bien  36,000  livres  poise 
lit  cil  qui  bien  me  poiser.i, 
Quarante  mille  y  trouvera. 

Jean  Le  Mâchon ,  demeurant  à  Chartres,  m'a 
faite.  » 

On  prétend  que  la  joie  de  la  réussite  de  l'en- 
freprjse  causa  la  mort  de  Le  Mâchon.  Il  fut  in- 
humé an  bas  de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Rouen. 
On  plaça  sur  sa  tombe  cette  inscription  : 

Cy  dessoubz  gist  Jehan  Le  Mâchon, 
De  Chartres  homme  de  facuon, 
Lequel  fondit  Georges  d'Aniboise, 
Qui  trente-six  mil  livres  poise, 
Mil  Vco  ung  un  Jour  d'août  deuxiesme, 
Puis  mourut  le  vingt- et-huitiesme.  » 

D.   DE    B — T. 

Langlois,  Tombeaux  de  la  cathédrale  de  Rouen,  p. 198. 

LE  maçon  ou  le  mâsson,  en  latin  Latho- 
mus  (  Robert  ),  chancelier  de  France ,  naquit 
vers  1365,  à  Château-du-Loir,  petite  ville  d'An- 
jou, et  mourut  le  28  janvier  1443  (1).  Il  devint 
bailli  de  sa  ville  natale,  et  fut  anobli  par  lettres 
données  en  mars  1401.  Depuis  1407,  conseil- 
ler de  Louis  II,  duc  d'Anjou  et  roi  de  Sicile, 
son  nom  figure  au  bas  d'une  ordonnance  im- 
portante, rendue,  le  6  avril  1408,  sous  l'ins- 
piration de  Louis  duc  d'Anjou,  pour  assurer  le 
maintien  de  la  tranquillité  publique. 

Dans  la  lutte  entre  la  maison  d'Orléans  et  celle 
de  Bourgogne ,  il  assista  le  roi  Louis,  qui  était 
pour  la  maison  d'Orléans,  et  prit  part,  le  21  oc- 
tobre 1413,  à  l'acte  royal  qui  rétablit  Jean ,  duc 
de  Berry,  comme  gouverneur  en  Languedoc  et 
en  Guyenne.  Devenu,  le  29  janvier  1414,  chan- 
celier d'Isabeau  de  Bavière,  il  souscrivit  au 
traité  d'alliance  de  celte  reine  avec  Charles,  duc 
d'Orléans ,   traité  demeuré  inconnu  aux  histo- 


(1!  Son  père  s'appelait  probablement  Hervé  Lemaçon  ; 
il  était  secrétaire  et  conseiller  de  Louis  I,  duc  d'Anjou  et 
roi  de  Sicile, en  1388.  (Ms.  9660  Colbcrt,  dernier  feuillet). 

18. 


551 

rien?.  Par  lettres  du  20  juillet  même  année,  il 
l'ut  nommé  commissaire  des  monnaies.  Le 
8  avril  1415,  il  fut  envoyé  à  Angers,  où  le 
comte  de  Vendôme  avait  convoqué  les  états  de 
la  province,  pour  fairejurer  la  paix  aux  Anglais. 
En  juin  de  l'année  suivante,  il  devint  chancelier 
du  comle  de  Ponthieu  (depuis  Charles  VII), 
acheta ,  le  1 6  août ,  la  terre  et  haronnie  de  Trêves 
en  Anjou,  et  porta  désormais  le  nom  de  seigneur 
de  Trêves.  Il  se  trouvait  auprès  du  dauphin  lors- 
que, dans  la  nuit  du  29  au  30  mai  14(8,  Paris  tut 
surpris  par  les  Bourguignons.  Ils  auraient  saisi  ce 
jeune  prince  endormi  (  à  l'hôtel  de  Sainl-Paul)  si 
Tanguy  Duchâtel  ne  l'eût  enlevé  dans  ses  bras  à 
peine  velu  :  Robert  Le  Masson  lui  prêta  son  che- 
val (1).  Charles  VII  n'oublia  jamais  cette  scène  de 
terreur.  En  récompense  du  service  que  lui  avait 
rendu  son  chancelier,  il  lui  concéda  en  1420  les 
produits  du  péage  royal  de  Trêves  en  Anjou. 

Le  duc  de  Bourgogne  voyait  avec  un  extrême 
déplaisir  le  crédit  du  chancelier  qui  avait  fait  por- 
ter défense,  le  30  octobre  1418,  au  nom  du  dau- 
phin, d'obtempérer  aux  ordres  du  roi  Charles  VI. 
Aussi,  par  un  acte  spécial,  en  datedu  1 3  novembre 
suivant,  le  chancelier  fut-il  nommément  exclu, 
avec  Louvet  et  Raimond  Baguier,  de  l'amnistie 
politique  conclue  le  même  jour  et  connue  sous 
le  nom  de  paix  de  Saint- Maur  des- Fossés.  Jean 
sans  Peur,  qui  en  ce  moment  était  maître  du 
roi  et  de  la  situation,  exigea  du  même  coup 
que  les  sceaux  fussent  retirés  au  seigneur  de 
Trêves.  Mais  cette  restitution  ne  fut  qu'appa- 
rente. Pendant  l'année  1419,  Le  Maçon  prenait 
part  à  la  convention  de  Pouilly  et  assistait,  près 
du  dauphin,  au  meurtre  de  Jean  sans  Peur  sur 
le  pont  de  Monlereau. 

Le  22  février  1422,  Robert  Le  Maçon  résigna 
la  garde  des  sceaux  de  France  entre  les  mains 
de  Gouge  de  Charpaignes.  Toutefois  il  continua 
de  recevoir,  à  titre  de  pension ,  les  gages  de  cette 
charge  (4  000  livres  tournois  ) ,  et  de  participer 
activement  aux  délibérations  du  grand  conseil. 
Un  de  ses  actes  politiques  à  celte  époque  fut  la 
réconciliation  qu'il  opéra  entre  le  duc  de  Brelagne 
et  le  roi  en  1426.  Au  mois  d'août  de  la  même 
année  142R,  comme  il  se  rendait  à  cheval  de  Trê- 
ves à  Thouarcé,  escorté  de  quelques  serviteurs,  il 
fut  assailli  par  une  troupe  de  gens  apostés  qui 
avaient  à  leur  tête  les  chevaliers  Jean  de,  Langeac 
et  Bobert  André,  et  emmené  en  Auvergne,  au 
château  d  Usson  (arrond.  d'Issoire).  Quoique 
d'un  âge  avan<  é.dlt  le  texte  original  (et  inédit)  (2), 
Robert  fut  obligé  de  franchir  pendant  la  nuit, 
tout  d'une  traite,  une  distance  de  dix-sept  lieues. 


(1)  I,e«  Bourguignons  avalent  pénétré  dan-  la  demeure 
du  chancelier,  et  s'étaient  empares  des  sceaux  du 
dauphiu.  I.e  31  mai  H18,  Robert  écrivit  aux  autorités 
du  D.inphiaé,  pour  leur  notifier  relte  soustraction  et 
pour  leur  dicter  les  instructions  qu'elles  avaient  à  suivre 
en  con-équence.  Cette  lettre  nous  a  été  conservée  (Ké- 
nin,  édition  Dupont,  p.  268). 

(S)  ,1e  dois  la  connaissance  de  ce  curieux  document  à 
une  obligeante  communication  de  M.  Crouzct. 


LE  MAÇON  552 

Dès  qu'il  fut  arrivé,  il  tomba  malade,  et  rendit 
le  sang perom nés  sni  corporis  vieatus.  Jean  de 
Langeac,  châtelain  d'Usson  pour  le  roi ,  son  sé- 
néchal d'Auvergne,  chambellan  de  Charles  VII, 
était  un  des  familiers  de  la  cour.  Au  sein  de 
l'anarchie  et  des  divisions  qui  régnaient  dans  le 
palais  même  du  roi,  il  avait  reçu,  pour  en  agir 
ainsi,  non-seulement  l'autorisation,  mais  ries 
ordres  réitérés ,  contenus  en  des  lettres  au- 
thentiques :  ces  lettres  avaient  ete  surprises  à 
l'insouciance  du  roi,  qui  se  gouvernait  aveuglé- 
ment par  ses  favoris.  Robert  était  la  victime  de 
quelque  influence  plus  puissante  que  la  sienne  (1). 
Il  recourut  au  roi  pour  être  délivré.  Le  roi  s'em- 
pressa de  contremander  les  ordres  antérieurs,  et 
écrivit  par  un  écuyer  chevaucheur,  à  Langeac, 
que  celui-ci  eût  à  relâcher  son  ministre  et  con- 
seiller. Sur  le  refus  du  sénéchal,  le  roi  lui  en 
voya  un  ordre  plus  formel  par  le  ministère  dei 
Pierre  Botherel ,  prévôt  des  maréchaux  (  plus 
tard  grand-prévôt  de  farinée  ).  Même  refus. 
Le  roi  et  la  reine  écrivirent  de  nouveau,  sans 
être  davantage  obéis.  Enfin,  après  trois  mois 
d'une  scandaleuse  captivité,  Robert  Le  Maçon 
souscrivit  à  la  condition  que  lui  avait ,  dès  le 
principe,  imposée  Jean  de  Langeac  :  il  paya 
une  forte  rançon,  et  retourna  siéger  parmi  les 
conseillers  de  la  couronne.  Treize  ans  plus 
tard,  en  1439,  il  poursuivit,  de  concert  avec  h 
procureur  général,  Jean  de  Langeac,  et  Rober 
André,  par  devant  le  parlement  de  Paris,  qui 
les  condamna  l'un  et  l'autre  à  des  réparations 
civiles.  Les  condamnés  se  pourvurent,  arguan 
des  ordres  qu'ils  avaient  reçus  au  nom  du  roi 
Les  conditions  de  l'arrêt  furent  au  reste  moi 
dérées  par  un  accord  survenu  en  1441  entre  Ici 
parties. 

Bobert  Le  Maçon,  veuf  en  premières  noces  d 
Jeanne  Cochon,  prit  alliance  une  seconde  fois 
avec  une  Mortemart ,  Jeanne  de  Mortemer, 
du  seigneur  de  Couhé-  Ces  deux  époux  se  tirer, 
donation  mutuelle  en  1424.  A  cette  époque  Ro 
bert  Le  Maçon  ne  pouvait  pas  compter   moin 
d'une  cinquantaine  d'années.  Sa  nouvelle  épouse 
en  se  mariant,  était  âgée  de  quinze  ans  :  la  pc 
litique   et   l'intérêt  présidèrent    évidemment  l 
cette  union.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  jeune  baroni) 
de  Trêves  suivit  le  ministre  à  la  cour.  Elle 
était  lorsque  Jeanne  Darc  vint  trouver  le  r< 
à  Chinon,  au  mois  de  mars  1429.  On  sait  qi 
cette  héroïne  fut  soumise  alors  à  des  épreuve 
physiques  plus  que  bizarres.  Madame  de  Gai 
court,  femme  du  gouverneur  d'Orléans,  et  Mi 
dame  de  Trêves  ,  femme  de  Robert  Le  Maçoi 
furent  chargées  deux   fois  de  la   visiter  et  ( 
constater  :  1°  si  elle  était  homme  ou  femme, 
2°  en  ce  dernier  cas,  si  elle  était  vierge;  ca 
dans  les  opinions  du  temps,  le  diable  ou  mal 
esprit  ne  pouvait  avoir  d'action  sur  une  vierg 
Jeanne  sortit,  comme  on  sait,  avec  avantage  < 


(1)  Probablement  celle  du  «ire  de  Glac. 


553  LE  MAÇON 

jçs  (preuves,  que  nous  estimons  aujourd'hui  fort 
bilieuses  et  très-ridicules. 

A  cette  même  époque  Jeanne  la  Pucelle ,  en 
présence  de  Robert  Le  Maçon  et  d'un  très-pelit 
nombre  de  témoins  choisis,  révéla  au  roi  le  se- 
jcret  de  l'oratoire  de  Loches  (I).  Elle  triompha 
jainsi,  du  moins  momentanément,  de  la  méfiance 
Ijet  du  scepticisme  de  Chartes  VII.  Au  mois  de 
jmai  suivant,  après  la  délivrance  d'Oriéans , 
jjeanne  alla  trouver  le  roi  à  Loches,  et  le  supplia 
de  marcher  sur  Reims,  pour  y  être  sacré.  Le 
ijroi,  peu  convaincu  encore,  l'interrogea  sur  son 
Inspiration,  sur  ses  visions,  sur  ses  voix.  L'hé- 
iroïne  réussit  encore  une  fois  à  satisfaire  son  iu- 
jcrélalité.  Robert  Le  Maçon  l'ut  un  des  témoins  de 
Icette  nouvelle  épreuve.  Le  roi  partit  pour 
■Reims.  Le  5  juillet,  accompagné  de  la  Pucelle, 
(il  vint  mettre  le  siège  devant  Troyes.  Le  8 
■'armée  assiégeait  vainement  la  place  depuis 
jtrois  jours;  le  conseil  mit  en  délibération  s'il 
«allait  décamper.  Comme  on  allait  aux  voix 
boiir  voter  sur  ce  dernier  parti,  Robert  LeMa- 
fcon  émit  l'avis  que  l'on  mandât  Jeanne  la  Pu- 
pelle  pour  la  consulter.  Celle-ci  arriva,  et  rassura 
Bes  timides;  elle  fit  décider  que  le  siège  serait 
[maintenu,  et  sortil  de  l'assemblée  pour  le  pousser 
[avec  vigueur.  Trois  jours  après  (  le  1 1  juillet), 
[la  Pucelle  introduisait  Charles  Vil  victorieux 
[dans  les  murs  de  Troyes,  capitale  de  la  Cham- 
pagne. Au  mois  de  décembre  1429  ,  Robert  Le 
plaçon  signa,  comme  ministre,  les  lettres  pa- 
tentes qui  anoblissaient  la  famille  de  la  Pu- 
celle. 

On  voit  par  ces  détails  que  Robert  Le  Maçon 
«tait  particulièrement  éclairé  sur  le  compte  de 
l'héroïne  el  que  ses  sentiments  personnels  n'é- 
rcaient  que  favorables  envers  elle.  Cependant,  le 
gouvernement  dont  il  faisait  partie  se  montra 
Nris-à-vis  de  cette  femme  immortelle  d'une 
pngratitude  et  d'une  lâcheté  impolitique,  pour 
lesquelles  l'histoire  ne  saurait  employer  de  pa- 
Toles  trop  sévères.  Robert  Le  Maçon,  en  effet, 
tout  à  la  dévotion  de  LaTrimouille(w»/.  ce  nom), 
élait  de  ces  hommes  faibles  et  bons  qu'on  ren- 
contre parfois  dans  le  camp  des  pervers  ;  inca- 
pables de  faire  le  mal  par  eux  mêmes,  mais  très- 
capables  de  le  tolérer,  et  incapables  de  l'empêcher 
avec  une  active  énergie. 

Le  6  décembre  1430,  le  seigneur  de  Trêves 
fut  chargé  d'une  nouvelle  ambassade  en  Bre- 
tagne. 11  assista,  comme  témoin,  le  16  août 
1436,  au  traité  de  mariage  qui  fut  passé  àTours, 
par  ordre  du  roi,  entre  sa  fille,  Yolande  de 
France,  et  le  prince  Amédée  de  Savoie.  Le  8  fé- 
vrier 1437,  il  paya  une  somme  de  deniers,  ré- 
duite par  composition,  pour  l'acquit  des  droits 
seigneuriaux  dus  à  la  duchesse  d'Anjou  à  Yolande, 
reine  de  Sicile,  d'Aragon,  à  raison  de  la  terre  de 
Trêves. 


(1)  Voy.    l'article  Darc   (  Jeanne  ) ,  t.  XIII ,  col.  84 
et  ss. 


-  LEMAIRE  554 

Roberl  Le  Maçon  ne  reparaît  plus  sur  la  scène 
politique  après  1436.  Ce  fut  probablement  l'é- 
poque où  le  vieux  serviteur  de  Charles  VII  prit 
volontairement  sa  retraite.  Les  actes  authenti- 
ques, étudiés  de  près,  montrent  le  seigneur  de 
Trêves  exerçant  ses  fonctions  au  sein  du  conseil, 
année  par  année  et  presque  jour  par  joitr,  depuis 
1416  jusqu'en  1436.  Cette  assiduité  à  travers 
une  époque  aussi  troublée,  celte  continuité  de 
services,  qui  le  faisait  survivre  à  tant  de  favoris, 
à  tant  d'élévations  et  de  disgrâces  de  cour,  méri- 
tent toute  l'attention  de  l'historien.  Nous  croyons 
pouvoir  signaler  dans  ce  fait  remarquable  la 
main  d'Yolande  d'Aragon,  belle-mère  de  Char- 
les VII.  Robert  mourut  à  peu  de  temps  de  là. 
Il  fut  inhumé  dans  l'église  paroi>siale  de  Trê- 
ves, à  côté  de  l'autel  d'une  chapelle  qu'il  y  avait 
fondée.  Ce  tombeau  subsiste  encore  avec  son 
épitaphe,  et  il  est  surmonté  d'une  slatue  cou- 
chée qui  reproduit  son  etfigie. 

Vali.et  de  VmrvîMjE. 

Areh'ves  du  Palais  Sonblse  :  K  carions  57.  pèce  n°  34 , 
et  59,  n»  ?0.  M  3e",.  KK  registre,  i.°  47.  folio  12  verso  et 
15,  KK  53.  folios  9  *°  et  119.  KK  BU,  folio  n.  Manus- 
crits de  la  Bibliothèque  impériale,  rue  de  R'Chelieu:  ne- 
c:imp«,  volume  48,  pièce  139.  Ms  Brienne  2*5.  —  Du  TilVt, 
Traites  de  la,  Primée,  etc.,  ibo>,  in-4°,  p.  193.  215. 
—  Godefroy,  Charles  FI  et  Charles  Fil,  éditions  du 
Louvre,  1653,  1661,  In-fol.  —  Besse,  Recueil  de  Pièces 
sur  Char/es  VI,  166».  in -4°,  p.  80,  291,  30fi.  -  Lanbe, 
Alliante  chronologique ,  etc..  1B61  ,  in-4° ,  tume  II  , 
p.  279,  etc.  —  Anselme,  Histoire  génèatoginue ,  aux 
Chanceliers,  —  Bouche,  Histoire  de  Provence,  1661, 
in-folio,  t.  Il,  p.  435  6  —  Ordonnances  d/>s  Rois  de 
France,  tomes  IX  et  suiv-inls,  aux  tables.  —  nom  Morlce, 
Histoire  de  hrrtayne,  1~44,  tome  II  des  preuves.  —  Hom 
Vais--éte,  Histoire  de  Languedoc,  t.  IV.  —  I).  Plancher, 
Histoire  de  Bourgogne,  tomes  III  et  IV.  —  Chronique. 
du  Religieux  de  Saint.  Denis,  in-folio  et  in-4°:  an»  ta- 
bles. —  Bodin ,  Recherches  historiques  sur  Sanmur, 
1812,  in-8°,  t.  I,  p.  379  et  sntv.  —  I.  hroniqtie  de  bénin, 
édition  de  M11"  huponl,  1837,  in  8".  —  Quichcrat,  Pro- 
cès de  la  Pucelle,  1841  t849,  in-8°  ,  aux  tables.  —  A/irr- 
çus  nouveaux ,  etc.,  1850,  page  29.  —  Chroniques  de 
Jean  Ch.arii.er  ;  1858.  —  De  f.ouslnot,  1859,  ln-16.  — 
Charles  Fil  el  ses  conseillers,  1859,  in-8»,  aiw  tables.  — 
Isabelle  de  Bavière  ;  Paris ,  1859,  in-88,  p.  23  et  sui- 
vantes. 

LE  maçon  (  Antoine-Jean), littérateur  fran- 
çais, né  en  Dauphiné,  vivait  dans  le  seizième 
siècle.  Il  était  conseiller  du  roi  et  trésorier  des 
guerres.  Il  quitta  ses  charges  pour  suivre  Mar- 
guerite de  Valois,  reine  de  France  et  de  Navarre, 
lorsqu'elle  se  retira  en  Béarn.  Pour  plaire  à  celte 
princesse,  il  traduisit  de  l'italien  le  Décaméron 
de  Boccace,  Paris  et  Lyon,  1 569.  D'autres  édi- 
tions suivirent  avec  des  retranchements  portant 
sur  les  passages  irréligieux  ou  licencieux.  Sui- 
vant Pasquier  «  la  langue  françoise  n'est  pas 
peu  redevable  à  Le  Maçon  ».  Suivant  d'autres 
critiques,  «  son  style  est  plus  suranné  que  celui 
d'Amyot  ».  —  On  a  aussi  de  Le  Maçon  :  Les 
Amours  de  Phydie  et  Gelasine;  Lyon,  1550, 
in-8°.  Il  a  édité  les  Œuvres  de  Jean  Le  Maire, 
in-fol.,  et  celles  de  Clément  Marot.      E.  D-s. 

Pasquier,  Recherches,  etc.,  liv.  Vil,  chap.  VI.  —  La 
Croix  du  Maine  et  Du  Verdler,  Biblioth.  françaises, 
édit.  de  Rlgolcy  de  Juvlgny,  t.  I,  p.  4J. 

I.EM&1RE  {Jacques       célèbre    navigateur 


555  LEM 

hollandais,  né  à  Egmont,  mort  sur  l'océan  Atlan- 
tique, le  31  décembre  1616.  Il  était  fils  d'Isaac 
Lemaire,  riche  marchand  d'Amsterdam,  dont 
la  famille,  d'origine  française,  avait  été  obligée 
de  quitter  sa  patrie,  à  la  suite  des  guerres  de 
religion.  Isaac  Lemaire  habitait  Egmont  lorsqu'il 
fit  la  rencontre  de  Willem-Cornelisz  Schouten, 
marin  expérimeuté,  qui  avait  visité  presque  toutes 
les  contrées  alors  connues.  Les  lettres  patentes 
accordées  par  les  états  généraux  de  Hollande  à 
la  Compagnie  des  Indes  orientales  défendaient  à 
tous  les  sujets  des  Provinces-Unies  de  doubler 
le  cap  de  Bonne-Espérance  et  de  passer  par  le 
détroit  de  Magellan  pour  aller  aux  Indes.  Schou- 
ten proposa  à  Isaac  Lemaire  d'éluder  cette  inter- 
diction en  cherchant  un  autre  chemin  dans  la 
partie  australe  de  l'Amérique  et  au  sud  de  la 
Patagonie.  Isaac  Lemaire  consentit  à  faire  la 
moitié  des  frais  de  l'expédition  à  la  condition 
que  Schouten  fournirait  l'autte  (1).  Ils  équipèrent 
à  Hoorn  un  vaisseau  de  trois  cent  soixante 
tonneaux  et  un  yacbt.  Schouten  fut  acclamé 
maître  (capitaine  )  et  Jaques  Lemaire  commis; 
son  frère  l'accompagnait  comme  second  com- 
mis (2)  ;  soixante-cinq  hommes  composaient 
l'équipage,  et  quarante-et-un  canons  ou  pierriers 
l'armement.  C'était  peu  pour  une  aussi  dange- 
reuse entreprise  ;  mais  tous  les  marins  étaient 
gens  expérimentés  et  de  cœur  et  les  bâtiments 
bien  fournis  de  vivres  et  de  manœuvres.  Us 
partirent  du  Texel  le  14  juin  1615,  et  arrivèrent 
le  18  janvier  1616  aux  îles  méridionales  de  Da- 
vis ou  de  Sebald  de  Weert.  De  là  ils  se  rendirent 
à  la  pointe  la  plus  méridionale  de  la  Terre  de 
Feu,  entre  laquelle  est  une  autre  île,  par  55°  36' 
de  latitude;  ils  découvrirent  un  canal  qu'ils  mi- 
rent moins  de  vingt-quatre  heures  à  parcourir  (du 
24  au  25  janvier)  et  se  trouvèrent  dans  la  mer 
du  Sud.  Ce  passage,  plus  facile  que  celui  de  Ma- 
gellan et  du  cap  de  Horn,  reçut  le  nom  de  dé- 
troit de  Lemaire.  On  appella  la  terre  située  à 
l'est  Staten-Island  en  l'honneur  des  États  de 
Hollande,  et  celle  de  l'ouest,  qui  formait  la 
pointe  orientale  de  la  terre  de  Feu  (  Terra  de 
Fuoco) ,  terre  de  Maurice  de  Nassau.  Le 
29  janvier  1616,  les  navigateurs  dépassèrent 
plusieurs  petites  îles  rocailleuses  qui  furent  ap- 
pelées Barnevelt.  Au  nord -nord -ouest  et  à 
l'ouest  la  Terre  de  Feu  paraissait  haute,  mon- 
tueuse  et  couverte  de  neige;  elle  se  terminait 
au  sud  en  une  pointe  qui  fut  nommée  cap  Horn. 
La  latitude  de  ce  cap  est  par  55°  58'  sud.  Il 
forme  l'extrémité  méridionale  de  l'Amérique. 
Lemaire  et  Schouten,  continuant  leur  route 


(1)  Picrre-Clemensz  'Brouwer,  bourgmestre;  Jenn 
Jansr.  Molenswerf,  échevin  ;  Jean  Clemensz  Kies,  secré- 
taire; Curnelisz  Serger,  Ions  de  la  ville  de  lleern,  lurent, 
avec  Schouten  et  Isaac  et  Jacques  Lemaire,  les  fonda- 
teurs directeurs  de  cette  Société. 

(2)  Ou  subrecargue  :  c'était  l'officier  chargé  de  repré- 
senter les  intérêts  des  armateurs.  Son  rôle,  à  la  fois  mi- 
litaire et  commercial,  effaçait  souvent  celui  du  chef  de 
l'expédition, 


AIRE  556 

par  la  mer  du  Sud ,  arrivèrent  en  novembre 
1556,  à  Batavia, où  leurs  navires  furent  saisis 
par  le  gouverneur  de.  la  compagnie  des  Indes 
hollandaise.  Arrêtés  eux-mêmes ,  ils  furent 
embarqués  pour  la  Hollande  afin  d'y  être  jugés. 
Lemaire  mourut  de  chagrin  à  la  hauteur  de  l'île 
Maurice.  A.  de  L. 

Vies  des  Gouverneurs  hollandais  aux  Indes  orien- 
tales, p.  30.  —  Raynal,  H istoire philosophique  des  deux 
Indes  (Londres,  1792),  t.  Il,  p.  121.  —  Dumont  ri'Orville 
Voi/ages  autour  du  Monde.  —  Ferdinand  Denis,  Le  Génie 
de  la  Navigation,  p.  49  50.  —  Frédéric  Lacroix,  Pata- 
gonie :  Terre  de  Feu,  dans  VVnivers  pittoresque,  p.  19' 
et  37.  —  Ternaux-Compans,  archives  des  Voyages  ,  pns- 
sim.  —  William  Smith ,  Collection  choisie  des  Voyuqes 
autour  du  Monde  :  Introduction  par  Duponchel,  t.  I, 
p.  69  ;  Voyage  de  Cook,  t.  Il,  p.  230. 

b.e  maiiie  [Guillaume),  prélat  français, 
mort  le  13  mai  1.314.  A  la  mort  de  Nicolas  Gel- 
lent,  évêque  d'Angers,  il  y  eut  de  grands  débats 
entre  les  candidats  qui  prétendaient  à  sa  succes- 
sion. Enfin,  dès  qu'il  fut  trop  prouvé  qu'on  ne 
pouvait  s'entendre,  on  eut  recours,  suivant  l'u- 
sage, à  un  compromis.  Les  mandataires  des 
électeurs  choisirent  alors  pour  évêque  Guillaume 
Le  Maire,  premier  chapelain  et  pénitencier  de  la 
cathédrale.  Le  16  mai  1291  le  nouvel  élu  était ; 
rendu  à  Vincennes,  et  prêtait  serment  au  roi 
Philippe.  Quelques  années  après,  nous  le  voyons 
excommunier  David  de  Sesmaisons,  bailli  d'An- 
gers, et  son  sous-bailli  Darien  Bidoyn.  La  cause 
de  leur  différend  doit  être  rapportée  :  il  s'agit  i 
des  immunités  ecclésiastiques.  Dans  l'état  fâ-1 
cheux  de  son  trésor,  le  roi  réclamait  partout  des 
subsides,  et  ses  officiers  imposaient  les  biens  de 
l'Église  comme  les  autres.  C'est  ce  que  ne  sup- 
portaient pas  un  grand  nombre  d'évêques,  parmi 
lesquels  Guillaume  Le  Maire  se  montra  consy- 
tamment  un  des  plus  intraitables  défenseurs  du 
vieux  privilège  ;  il  plaida  même  sur  cette  ques- 
tion contre  le  comte  d'Anjou.  Enfin,  vers  la  fin 
de  sa  vie,  il  eut  une  contestation  semblable  avec 
les  collecteurs  du  pape,  leur  refusant  le  droit  de 
gîte  dans  les  monastères  de  son  diocèse.  L'ad- 
ministration de  Guillaume  Le  Maire  fut  tout  à 
la  fois  très-laborieuse  et  très-agitée.  On  en  trouve 
l'histoire  dans  un  écrit  publié  dans  le  tome  X 
du  Spicilegium  de  dom  Luc  d'Achery,  lmhis  le 
titre  de  :  Gesta  Guill.elmi  Majoris.    B.  H. 

Gallia  Christiana,  t.  XIV,  col.  576. 

lemaire  (  Jean  )  de  Bavai,  prosateur, 
poète,  historien  belge,  né  à  Bavai  ,enHainaut, 
en  1473,  mort  vers  1548.  Il  était  neveu  du 
célèbre  Molinet,  chroniqueur  qui  lui  servit  à  la 
fois  de  précepteur  et  de  premier  prolecteur.  Son 
éducation  fut  aussi  distinguée  qu'elle  pouvait 
l'être  de  son  temps.  On  voit  dans  la  première 
épître  d'un  de  sesouvrages,  V Amant  vert,  qu'il 
savait  le  latin,  le  français,  le  flamand  et  le  cas- 
tillan ;  il  apprit  plus  tard  l'italien.  En  1498  il  entra 
au  service  du  duc  Pierre  de  Bourbon  ;  il  accepta 
ensuite  la  place  de  précepteur  des  enPants  d'un 
gentilhomme  bourguignon,  M.  de  Bolleur,  et 
fut,  vers   1503,  attaché  en  qualité  de   secré- 


«57 


LEMAIRE 


558 


taire  à  Ja  personne  de  Louis  de  Luxembourg, 
jcomte  de  Lugny.  Un  an  après,  Jean  Leraaire 
|  passa  au  service  de  Marguerite  d'Autriche,  gou- 
vernante des  Pays-Bas.  Ce  fut  alors  qu'il  pu- 
Iblia,  à  la  louange  de  Marguerite,  ses  livres  des 
\  Regrets  et  de  L'Amant  vert,  l'un  pour  déplorer 
île*  pertes  douloureuses  que  cette  princesse  avait 
faites  de  ses  divers  époux  et  de  son  frère  Phi- 
lippe le  Beau;  l'autre  pour  conter  les  peines 
causées  par  le  départ  de  la  princesse  pour  l'Al- 
lemagne à  un  cher  perroquet  qu'elle  avait  laissé 
Jau\  Pays-Bas,  et  qui,  ne  pouvant  supporter 
(l'absence  d'une  aussi  bonne  maîtresse,  en  mourut 
de  douleur. 

Quelque  temps  après  Jean  Lemaire  succéda, 
Mans  la  charge  de  bibliothécaire  de  la  princesse, 
à  son  oncle.  A  ce  titre  il  joignit  bientôt  celui 
id'indiciaire  et  d'historiographe,  c'est-à-dire 
d'écrivain  d'histoire  et  de  faiseur  de  remarques, 
et  c'est  comme  tel  qu'il  signa,  en  1509,  le 
tome  Ier  de  ses  Illustrations  de  Gaule  Bel- 
gique ;  Nantes,  1509-1512.  Il  commença  la  pu- 
blication de  ce  livre  après  un  séjour  de  quel- 
ques années  en  Italie,  séjour  qui  lui  avait  permis 
d'écrire  un  ouvrage  de  linguistique  intitulé  :  La 
\Concorde  des  deux  Languages  français  et 
\toscan  ;  — La  Légende  des  Vénitiens,  histoire 
et  pamphlet  politique,  publié  au  temps  de  la  li- 
eue de  Cambrai  ;  —  Le  Promptuaire  des  Con- 
ciles de  l'Église  catholique  avec  les  schismes 
\et  la  différence  d'iceux,  ouvrage  dirigé  contre 
la  politique  du  pape  Jules  II,  avec  qui  Louis  XII 
|t  trouvait  alors  en  guerre.  Ces  derniers  ouvrâ- 
tes le  firent  nommer  historiographe  de  la  cour 
me  France.  Il  perdit  cette  charge  lors  de  la  mort 
Wu  roi  Louis  XII  (  1515)  ;  n'ayant  plus  de  protec- 
teur et  en  proie  à  la  misère ,  il  voulut  noyer  ses 
souris  dans  le  vin  ;  il  en  perdit  latète,  et  alla  mourir 
à  l'hôpital,  d'une  manière  si  obscure  qu'on  n'est 
mas  certain  de  l'année  de  sa  mort.  Quelques  au- 
fteurs  cependant  placent  la  date  de  son  décès  à 
D'année  1548. 

Outre  les  ouvrages  indiqués  ci-dessus,  on 
connaît  de  Jean  Lemaire  :  Les  trois  Contes 
singuliers  de  Cupido  et  d'Atropos,  publiée  en 
1520;  —  Le  Temple  d'Honneur  et  de  Vertus, 
composé  en  l'honneur  du  duc  de  Bourbon.  Cet 
ouvrage  est  mêlé  de  prose  et  de  vers.  «  On  y 
reconnaît,  a  dit  un  de  ses  biographes,  que  l'au- 
teur ne  manquait  ni  de  facilité  pour  se  faire  un 
plan,  ni  de  justesse  pour  arranger  les  parties 
d'un  sujet  »  ;  —  La  Plainte  du  désiré,  dialogue 
entre  les  deux  nymphes  Bhétorique  et  Peinture, 
pour  déplorer  la  perte  de  Louis  de  Luxembourg, 
dont  Lemaire  fut  le  secrétaire;  —  Epitre  du  roi 
à  Hector  de  Troie,  pièce  de  vers  écrite  au  nom 
de  Louis  XII,  en  réponse  à  celle  que  Jean  d'Au- 
thon,  abbé  de  l'Angle  en  Poitou,  avait  envoyée 
au  roi  de  France.  Dans  cette  épitre,  l'auteur  met 
dans  la  bouche  de  Louis  XII  le  récit  de  la  bataille 
d'Agnadel  ;  le  monarque  parle  de  la  violence  et 
de  la  perfidie  du  pape  Jules  II ,  et  fait  part  à 


Hector  de  la  croyance,  alors  répandue,  que  les 
rois  de  France  descendent  du  sang  troyen  ;  — 
La  Couronne  marguaritique,  pièce  d'une  assez 
grande  étendue,  que  la  mort  de  Jean  Lemaire 
l'empêcha  de  mettre  lui-même  au  jour,  et  où  se 
trouvent  l'éloge  de  Marguerite  de  Savoie,  des 
détails  curieux  sur  tout  ce  que  l'auteur  avait 
recueilli  de  l'esprit  et  des  réponses  de  la  prin- 
cesse. 

De  tous  les  ouvrages  de  Jean  Lemaire,  le  plus 
important  est  les  Illustrations  de  Gaule.  Bel- 
gique :  il  y  considère  Bavai  comme  la  princi- 
pale ville  des  Gaules,  et,  accueillant  les  asser- 
tions fabuleuses  de  Jacques  de-  Guyse,  des  Gran- 
des Chroniques  de  Saint-Denis,  tirées  pour  la 
plupart  du  faux  Berose  et  d'Annius  de  Viterbe, 
il  attribue  la  fondation  de  la  Belgique  à  une 
émigration  dirigée  par  Bavo,  roi  de  Bifhynie, 
contemporain  de  la  guerre  de  Troie,  et  les  rois 
de  France  comme  descendant  de  Francus,  fils 
d'Hector,  opinions,  du  reste,  généralement  ad- 
mises au  moyen  âge,  et  qui  ne  doivent  point  en- 
lever à  l'ouvrage  de  Jean  Lemaire  le  mérite  de 
certains  faits  curieux  pour  l'histoire  du  nord  de 
la  France. 

Jean  Lemaire  «  fut  ,  dit  Pasquier  dans  ses 
Recherches  de  la  France  (liv.  VIII),  le  pre- 
mier qui  à  bonnes  enseignes  donna  vogue  à  no- 
Ire  poésie,  et  nous  lui  sommes  infiniment  rede- 
vables pour  avoir  grandement  enrichi  notre  lan- 
gue d'une  infinité  de  beaux  traits,  tant  en  prose 
qu'en  vers,  dont  les  meilleurs  écrivains  de  notre 
temps  se  sont  sceu  quelquefois  bien  aider.  » 
M.  Moke,  dans  son  Histoire  de  la  Littérature 
française,  caractérise  ainsi  notre  auteur  :  «  Des 
allégories  parfois  ingénieuses  et  surtout  une 
bonne  facture  du  vers  assignent  à  Jean  Lemaire 
la  première  place  parmi  ses  contemporains.  Ce 
fut  lui  qui  signala  le  mauvais  effet  des  césures 
qui  tombaient  sur  des  syllabes  muettes,  et  Marot, 
qui  tenait  de  lui  l'habitude  de  s'interdire  les  chu- 
tes, en  fit  une  loi  que  l'usage  vint  consacrer.  » 
Ces  éloges  ont  été  repétés  par  MM.  Nizard 
et  Sainte-Beuve.  Z.  Pierart. 

Saint-Julien,  Origines  Bourguignonnes.  —  Paquot-, 
Mém.  littéraires.  —  I.aserna  .Semainier,  Mémoire  his- 
torique sur  la  Bibliothèque  de  Bourgoane  de  llru.relles. 
—  ne  Reiffenberg,  Mémoires  de  lu  Société  d'Emulation 
de  Cambrai,  année  1S33.  —  L'.ibbi,'  Massieu,  Histoire  de 
la  Poésie  française.  —  Z.  Pierart,  Guide  du  Touriste  et 
de  V archéologue  dans  l'arrondissemont  d' Avcsnes ,  etc. 
(Maubeiige,  1859,  in-8°  ). 

lemaire  (  François),  historien  français,  né 
à  Orléans,  en  1575,  mort  dans  la  même  ville,  le 
17  août  1C58.  11  fit  ses  études  à  Orléans,  et  de- 
vint conseiller  au  présidial  de  cette  ville,  puis 
échevin  en  16?2.  Il  fut,  après  Charles  de  la 
Saussaye,  le  second  historien  d'Orléans.  Son  ou- 
vrage est  connu  sous  le  titre  de  :  Antiquités 
de  la  Ville  et  du  Duché  d'Orléans;  1645, 
in-4°;  1648,  in-folio.  Dom  Gerou  et  Lenglet-Du- 
fresnoy  critiquent  sévèrement  le  style,  la  pro- 
lixité et  la  crédulité  de  l'auteur.  Cependant,  Le- 
maire  a  laissé  une  quantité  de  renseignements 


55!) 


qu'on  ignorerait  aujourd'hui  sans  ses  recherches. 
On  a  en  outre  de  lui  :  Recueil  de  Poèmes  et 
Panégyriques  de  la  ville  d'Orléans,  d'après 
Léon  Trippault,  Pyrrhus  d'Anglebermes,  Ray- 
mond de  Massac,  Raoul  Bouthrais,  etc.,  en- 
semble V Hercule  Guépin,  ou  louange  du  vin 
d'Orléans;  1646,  in-4°  ;  —  Origine  de  la  Ville 
d'Orléans,  etc.  Ces  deux  derniers  ouvrages, 
dédiés  à  M.  de  Beauharnais,  sont  fort  rares. 

L — Z — E. 

Dom  Gerou,'dans  Les  Hommes  illustres  de  l'Orléanais, 
t.  I,  p.   806. 

LE  maire  (Pierre),  peintre  et  graveur  fran- 
çais, né  en  1597,  à  Dammarlin  (Brie),  mort 
en  1659,  à  Gaillon.  Issu  de  parents  pauvres,  il 
entra,  par  la  protection  du  marquis  de  Chan- 
vallon,  dans  l'atelier  de  Claude  Vignon,  et  se 
rendit  ensuite  à  Rome,  où  il  résida  près  de  vingt 
années.  A  son  retour  en  Franc  e,  il  peignit,  entre 
autres  compositions ,  les  célèbres  perspectives  de 
Bagnolet  et  de  Rueil,  détruites  il  y  a  longtemps. 
S'étant  lié  étroitement  avec  Poussin,  dont  le 
nom  fut  même  quelquefois  accolé  au  sien,  il  re- 
tourna avec  lui  a  Rome  en  1642,  y  lit  un  séjour 
de  peu  de  durée,  et  obtint  un  logement  au  palais 
des  Tuileries.  On  lui  doit  encore,  d'après  Claude 
Vigneron,  quatorze  estampes  gravées  à  Feau- 
fortc  représentant  ['Histoire  de  Paris ,  et  d'a- 
près le  Dominiquin,  David  dansant  devant 
l'arche. 

Il  ne  faut  pas  confondre  Pierre  Le  Maire, 
comme  l'ont  fait  quelques  auteurs,  avec  un  ar- 
tiste du  même  nom,  François  Le  Maire,  né  en 
1620,  à  Maison-Rouge,  près  Fontainebleau,  et 
mort  en  1688;  ce  dernier  peignait  le  portrait  et 
fut  reçu  en  1688  à  l'Académie  royale.  Poussin, 
qui  l'employa  à  Rome  à  faire  des  copies,  l'appe- 
lait le  petit  Le  Maire  pour  le  distinguer  de  son 
ami.  P.  L— y. 

Robert  Dumrsnil,  Ije  Peintre  graveur,  VI,  204-211.  — 
Félibien,  Entretiens  sur  les  plus  excellents  Peintres,  IV, 
415.  —  Lettres  de  N.  Poussin  ;  1824,  ln-8°. 

LE  maire,  inventeur  français,  né  vers  la 
fin  du  seizième  siècle.  On  n*a  point  de  rensei- 
gnements sur  ce  personnage ,  qui  avait  le  titre, 
probablement  honoraire,  de  gentilhomme  de  la 
chambre  du  roi  Louis  XIII.  On  sait  seulement 
que  des  lettres  patentes  du  27  août  1644,  con- 
firmatives  d'un  brevet  délivré  l'année  précédente, 
lui  accordaient  le  droit  de  publier  et  d'imprimer 
ses  secrets  et  inventions  en  même  temps  que  de 
construire  plusieurs  machines  et  instruments 
avec  privilège.  Le  sieur  Le  Maire  y  est  dit 
«  avoir  acquis  une  longue  et  curieuse  connais- 
sance, »  non-seulement  des  sciences  qui  servent 
de  secours  et  d'ornement  à  la  vie  civile ,  mais 
aussi  des  langues  qui  entretiennent  le  commerce 
public  des  princes  et  des  États ,  et  qu'il  en  a 
fait  connaître  les  résultats  par  de  grands  et 
judicieux  mémoires.  Il  prétendait  avoir  des 
recettes  infaillibles  pour  accélérer  l'éducation 
de  l'esprit  humain;  mais  soit  qu'il  n'ait  point 
trouvé  d'encouragement  chez  ses  contemporains, 


LEMA1RE 

soit  qu'il  ait  renoncé  à  les  mettre  cri 


560 


ratique,  j 

Je  secret  a  été  perdu  avec  lui.  Ses  découvertes 
sont  du  genre  le  plus  opposé  ;  en  voici  quelques-  ! 
unes  :  Méthode  universelle  pour  traduire  les 
langues;  —  L'Art  de  Mémoire  pour  se  sou-\ 
venir  de  plusieurs  choses;  —  Méthode  nou-\ 
velle  pour  apprendre  en  fort  peu  de  temps  ■ 
la  musique,  tant  pour  la  spéculative  que  pour 
la  pratique;  le  P.  Mcrsenne,  dans  son  traité 
d'Harmonie  universelle,  cile  Le  Maire  comme 
l'inventeur  de  la  syllabe  zn,  qu'il  voulait  intro- 
duire dans  la  solmisation  pour  la  septième  note, 
et  il  ajoute  même  qu'il  avait  imaginé  de  nou- 
veaux signes  pour  la  notation;  ce  qui  pourrait: 
faire  supposer  avec  quelque  apparence  de  vérité 
que  notre  inventeur  était  le  même  personnage 
qu'un  musicien  de  la  grande  bande  des  violonsi 
du  roi,  nommé  Guillaume  Le  Maire;  — unei> 
Nouvelle  Méthode  d'imprimer;  —  une  Ma- 
chine pour  élever  les  eaux  ;  —  Manière  de 
faire  le  fer  blanc  et  le  fer  noir  en  feuilles  et 
de  le  vernir  de  toutes  couleurs  ;  —  une  Ma- 
chine à  bâtir  en  moellons  et  en  bois  toute 
sortes  d'édifices  à  deux  étages,  avec  toutes' 
sorte  d' architecture  ou  enrichissement  d'une* 
même  matière,  comme  si  te  tout  était  dè\ 
pierre  de  taille  ,  laquelle  matière  résiste  à 
l'eau  et  au  feu  et  diminue  la  dépense  dé 
moitié.  K. 

Extrait  communiqué  des  Archives  riu  château  de  La> 
Grange.  —  Mersenne,  Harmonie  universelle  :  Traité  des 
Consonnances,  liv.  VI,  p.  342.—  Itrossard,  Diclwnn.  de.< 
musique. 

lemaibe,  voyageur  français,  vivait  aun 
dix-septième  siècle.  Il  était  chirurgien  à  l'hotel-l 
Dieu  de  Paris,  lorsqu'il  résolut  de  s'embarquer 
à  Brest,  le  9  avril  1682,  avec  Oancourt,  direc-i 
teur  général  de  la  Compagnie  d'Afrique  II  abordai 
à  Ténérife,  fit  un  court  séjour  au  cap  Vert,  et 
débarqua  au  Sénégal,  où  il  fit  une  suite  d'obser- 
vations qui  furent  envoyées  à  Snviard;  elles  ont 
été  publiées  sous  ce  titre:  Les  Voyages  du  sieur 
Lemaire  aux  islrs  Canaries,  cap  Verd,  Sénégal: 
et  Gambie,  sotts  M.  Dancourl,  directeur  géné- 
ral de  la  Compagnie  rc'iale  dHJJfrique  ;  Paris, 
(Jacques  Collombat),  1695,  in- 12,  avec  fig.;, 
c'est  un  livre  intéressant  et  fort  peu  connu.  F.  D. 

Documents  particicliers. 

le.\iaire  (Henry),  romancier  et  journa- 
liste français,  né  à  Nancy,  en  1756,  et  mort  à 
Francfort,  le  3  mai  J808.  Son  véritable  nom  de 
famille  était  Jeartmaire.  Né  sans  fortune,  ii  dut 
aux  dispositions  généreuses  d'un  de  ses  parents, 
négociant,  les  bienfaits  d'une  éducation  distinguée. 
Desiiné  à  la  carrière  du  commerce,  il  fut  envoyé  à 
Wurtzbourg,  où  il  resta  quelques  années.  Il  les 
mit  à  profit  pour  se  perfectionner  dans  l'étude 
delà  langue  allemande.  Revenu  à  Nantes,  il  mon- 
trait peu  de  goût  pour  le  commerce ,  et  cultivait 
en  secret  la  littérature.  Pour  suivre  son  pen- 
chant avec  plus  de  liberté,  il  se  rendit  à  Paris, 
et  ensuite  à  Cologne,  où  il  prit  part  à  la  rédac- 
tion du  journal   français  qui  s'imprimait  dans 


•ette  ville.  11  obtint  par  la  suite  le  privilège  de  la 
gazette  de  Francfort,  à  laquelle  il  sut  impri- 
mer une  direction  qui  exerça  sur  l'esprit  pu- 
blic en  Allemagne  une  influence  favorable  à  la 
iiolitique  française.  Le  succès  de  ce  journal  ré- 
concilia le  rédacteur  avec  la  fortune.  Il  put  dès 
[fors  satisfaire  son  penchant  à  la  bienfaisance. 
i  Plus  d'un  de  ses  compatriotes  émigrés  trouva 
,  près  de  lui  un  asile  et  des  secours.  11  avait 
}  Ipousé  la  fille  d'un  conseiller  aulique,  qu'une 
jmort  prématurée  vint  enlever  peu  d'années 
|  iiprès  son  mariage.  Il  ne  se  consola  jamais  de 
cette  perte,  qui  jeta  l'amertume  sur  ses  der- 
niers jours ,  et  qui  en  avança  peut  être  le  terme. 
JOn  connaît  de  lui  un  cerlain  nombre  de  romans, 
jharmi  lesquels  on  distingue  :  Le  Gil-Blas  fran- 
çais, ou  aventures  de  Henry  Lançon,  écrites 
par  lui-même;  Paris,  1792,  3  vol.  in  I2;réim- 
iprimé  plusieurs  fois  en  France  et  à  l'étranger, 
}|:t  traduit  en  allemand,  en  anglais  et  en  suédois. 
jJLa  vogue  qu'obtint  ce  roman  tient  sans  doute  à 
lia  complication  d'aventures  extraordinaires  dont 
Il  est  rempli.  Son  héros  ,  à  l'imitation  du  Gil 
JJBIas  espagnol,  fait  le  premier  apprentissage  du 
•Inonde  dans  une  caverne  de  voleurs,  et  parcourt 
jfensuite  les  deux  hémisphères.  Jeté  par  la  tera- 
flpête  dans  une  île  déserte,  il  finit ,  comme  Ro- 
Ijbinson  Crusoé,  par  trouver  son  salut  et  sa  for- 
utune  dans  les  ressources  de  sa  propre  industrie. 
«L'auteur  a  su  rajeunir  par  l'intérêt  delà  narration 
Ices  réminiscences  de  situations  déjà  connues.  Les 
[autres  romans  de  Lemaire  n'ont  pas  eu  le  même 
({succès  :  Virginie  Belmont;  Paris,  an  vu,  in- 12  ; 
||— Rosine,  ou  le  pas  dangereux  ;  Paris,  an  vu, 
|jin-l2;  —  Mélanie  et  Félicité,  ou  ladifférence 
\\des  caractères  ;  Paris ,  an  vu,  in-12;  —  Hor- 
mense  de  Séticourt;  Paris,  an  vu,  in-12  ;  —  La 
mauvre  Rentière  ;  Paris ,  an  vu,  in-12;—  Le 
\\Conscrit,  ou  le  billet  de  logement;  Paris, 
Iran  vm,  in-12.  Tous  les  bibliographes  modernes, 
ilet  M.  Quérard  lui-même,  confondent  avec  Henry 
(ternaire  un  homonyme,  auteur  d'un  grand 
Ijnombre  d'ouvrages  destinés  à  l'éducalion  de  la 
«jeunesse;  mais  la  date  seule  de  ces  publications 
(.suffit  pour  faire  reconnaître  le  peu  de  fondement  de 
r  (cette  indication.  Un  certain  nombre  de  produc- 
tions dramatiques  et  quelques  écrits  politiques 
i  iqu'on  lui  attribue  aussi  sont  l'ouvrage  d'autres 
personnes  portant  le  même  nom.  J.  Lamoukeux. 

|  Ersch ,  France  Littéraire.  —  Quèrard,  La  France 
llÂttéraire.  —  Pigoreau,  Petite  Bibliographie  bwyraphi- 
\ro-romaiuière. —  Documents  particuliers. 

lrmairr  (Nicolas  É loi),  philologue  fran- 
Içais,  né  à  Triaucourt  (  Meuse),  le  1er  décembre 
1767,  mort  le  3  octobre  1832.  Il  fit  ses  études  à 
Sainte-Barbe,  el  après  de  brillants  succès  sco- 
laires, il  devint  professeur  de  rhétorique  au  col- 
lège du  Cardinal-Lemoine,  en  1790.  Bientôt  la  ré- 
volution bouleversa  l'université,  et  Lemaire,  qui 
se  jeta  avec  ardeur  dans  les  opinions  les  plus 
avancées,  fut  nommé  en  1793  juge  suppléant  au 
tribunal  du  sixième  arrondissement.  Du  reste, 


AIRE  562 

dans  son  exaltation,  il  n'alla  pas  au  delà  des  pa- 
roles ,  et  il  procura  des  certificats  de  civisme  à 
plusieurs  anciens  professeurs,  Lhomond,  l'abbé 
Haiiy,  Daubenton.  Après  le  9  thermidor,  il  perdit 
sa  placedejuge;  mai^  en  1798  il  obtint,  par  la  pro- 
tection de  Baudin  des  Ardennes.la  place  de  commis- 
saire du  gouvernement  près  le  bureau  central  de 
police  à  Paris,  et  fut  chargé  en  cette  qualité  de 
fermer  la  Société  du  Manège.  Révoque  de  ses 
fonctions  après  le  18  brumaire,  et  n'ayant  pu 
vaincre  les  préventions  du  premier  consul ,  il 
crut  prudent  de  faire  un  voyage  en  Italie,  et 
donna  à  Milan,  à  Parme,  à  Turin  le  spectacle  de 
brillantes  improvisations  latines.  De  retour  d'I- 
talie, il  continua  de  cultiver  la  poésie  latine,  et 
se  fit  de  son  talent  en  ce  genre  un  titre  à  la  faveur 
impériale.  Une  pièce  de  vers  sur  la  grossesse  de 
l'impératrice  contribua  à  sa  nomination  à  la 
chaire  de  poésie  latine  de  la  Faculté  des  Lettres 
en  181 1.  Il  paya  sa  dette  de  reconnaissance  pat- 
un  centon  virgilien  rempli  de  llatteries.  Sous 
la  restauration ,  il  entreprit  une  collection  des 
classiques  latins  :  Bibliotheca  classica  la- 
tina,  qu'il  dédia  à  Louis  XVIII,  et  pour  laquelle 
il  obtint  de  fortes  souscriptions  ministérielles. 
En  1825  il  fut  nommé  doyen  de  la  Faculté  des 
Lettres,  et  mourut  avant  d'avoir  terminé  son  utile 
collection,  que  le  public  avait  accueillie  avec 
faveur.  Lemaire  possédait  bien  le  latin  classique, 
et  maniait  avec  une  extrême  facilité  la  versifica- 
tion latine.  Mais  il  n'avait  ni  le  savoir  précis  d'un 
philologue  ni  la  sagacité  d'un  critique.  Son  véri- 
table titre  est  d'avoir  conçu  le  projet  et  surveillé 
l'exécution  de  la  Bibliotheca  classica  lalina , 
qui  comprend  dix-huit  poètes  :  Virgile,  Ovide, 
Lucain,  Valerius  Flaccus,  Stace,  Silius  Italicus, 
Claudien,  Catulle,  Horace,  Properce,  Tibulle, 
Perse,  Juvénal,  Martial,  Phèdre,  Plaute,  Té- 
rence,  Lucrèce ,  les  petits  poètes  latins  (  Poète 
latini  minores)  et  seize  prosateurs  :  César, 
Salluste,  Tite-Live,  Suétone,  Cornélius  Nepos, 
Justin,  Florus,  Velleius  Paterculus,  Valère 
Maxime  (avec  Julius  Obsequeus),  Quinte-Curce, 
Cicéron,Sénèque,Quintilien,  Pline  le  Naturaliste, 
Pline  le  jeune.  On  reproche  à  ces  éditions  d'être 
en  général  compilées  sans  discrétion  et  sans  choix 
sur  les  commentaires  des  philologues  allemands; 
celles  dont  Lemaire  s'est  particulièrement  oc- 
cupé :  César,  Cicéron  (  Discours  et  Lettres  ) , 
Horace,  Juvénal,  Quinte  Curce,  Stace,  Tite 
Live  et  Virgile,  ont  surtout  ce  caractère  de  com- 
pilation. Le  reste  de  la  collection  contient  des 
commentaires  plus  originaux  ou  exécutés  avec 
plus  de  goût.  On  remarque  les  éditions  de  Pline, 
de  Salluste,  de  Valère  Maxime,  de  Properce, 
d'Ovide,  de  Martial,  de  Valprius  Flaccus.  En 
somme  cette  collection  des  classiques  latins,  mal- 
gré tous  ses  défauts,  est  la  meilleure  qui  existe; 
mais  on  regrette  qu'elle  soit  très- incomplète  et  en 
même  temps  trop  volumineuse  ;  elle  forme  cent 
cinquante-quatre  volumes  grand  in-8°.  On  a  en- 
core de  Lemaire  :  Carmen  in  proximum  et 


563 


LEMA1RE 


564 


auspicatissimum  aùgustae  et  prseynantis 
partum;Par'\s,  1811,  in-4°; —  Premier  Anni- 
versaire de  la  naissance  de  S.  M.  le  roi  de  Rome, 
ou  Virgile  expliqué  par  le  siècle  de  Napoléon  ; 
Paris,  1812,  in-4°  ;  —  Ludovico  XVIIF,  optato 
Galliarum  régi ,  augusto  litterarumpatrono, 
perito  veterumjudici,  Latïni  Scriptores  clas- 
sici;  Paris,  1819,  iri-4°.  C'est  un  tirage  à  part  de 
ja  dédicace  de  la  Bibliolheca  classïca  latina. 

N. 

r Notice  sur  Nic.-Êloi  ternaire;  Paris,  184Î,  in-8°.  — 
Arnault,  Jay,  Jouy,    Biographie  nouvelle  des  Contemp. 

*  lemaire  (Pierre- Auguste),  humaniste 
français,  neveu  de  JNicoIas-Eloi  Lemaire,  né  à 
Triaucourt  (Meuse),  le  11  janvier  1802.  Agrégé 
de  l'université,  il  a  été  professeur  au  collège  Saint- 
Louis  ;  il  professe  actuellement  la  rhétorique  au 
lycée  Bonaparte.  On  a  de  lui  :  Athenarum  Pa- 
norama, seu  Grivcix  veteris  Encomium  ;  Pa- 
ris. 1822,  in-8°  ; —  Carmen  de  Bello  Hispanico; 
Paris,  1823,  in-8°;  —  f)e  l'Histoire,  et  de  Tite 
Live  en  particulier  ;  Paris,  1823,  in-4°,  thèse 
pour  le  doctorat;  —  De  Certitudine  Histo- 
rica;  Paris,  1823,  in-4° ,  thèse  pour  le  doc- 
torat; —  V Affranchissement  des  Grecs, 
pièce  qui  a  remporté  le  prix  dé  poésie  dé- 
cerné par  l'Académie  française  en  1827  ;  Paris, 
1827,  in-4°.  Quelques  poésies  latines  de  M.  P. -A. 
Lemaire  ont  été  publiées  dans  la  Bibliotheca 
classica  latina,  appendix;  Paris,  F.  Didot, 
1833,  in-8°.  M.  P.-A.  Lemaire  succéda  à  son 
oncle  dans  la  direction  de  la  Bibliolheca  clas- 
sica latina  ;  il  a  donné  les  éditions  avec  com- 
mentaires de  La  Pharsale  de  Lucain  (1830); 
des  Comédies  de  Terence,  3  vol.;  de  C.  Vell. 
Paterculus,  de  Silius  ïtalicus,  2  vol.;  de  Pline 
le  jeune  (Epislolarum  Lib.  X  et  Panegyricus), 
2  vol.  ;  De  Rerum  Natura  de  Lucrèce  (1838), 
2  vol.;  quant  à  l'édition  de  Properce,  dont  il  a 
fait  la  préface,  elle  avait  été  préparée  par  un  sa- 
vant qui  n'a  pas  voulu  être  nommé.  M.  P.-A.  Le- 
maire a  revu,  corrigé  et  augmenté,  d'après  les 
principes  du  nouveau  Dictionnaire  de  l'Académie 
la  Grammaire  des  Grammaires,  ou  analyse 
raisonnée  des  meilleurs  traités  sur  la  langue 
française,  par  Girault-Duvivier.  J.  V. 

Quérard,  La  France  LÏÎtér.  —  Bourquelot  et  Manry,  La 
JAttér.  Franc,  contemp.  —  Vapereau,  Dict.  imiv.  des 
Contemp. 

*  lemaire  (Philippe-Henri),  sculpteur  fran- 
çais, né  à  Valenciennes,  en  1798.  Élève  de  Cartel- 
lier,  il  remporta  le  deuxième  grand  prix  de  sculp- 
ture à  l'ÉcoledesBeaux-Arls  en  1 81 9, et  le  premier 
grand  prix  en  1821  sur  ce  sujet:  Alexandre  chez 
les  Oxydraques.  A  son  retour  de  Rome,  une 
Jeune  fille  tenant  un  papillon,  charmante  statue 
en  marbre  exposée  en  1827  et  achetée  par  la  du- 
chesse de  Berry,  attira  l'attention  sur  lui.  La 
même  année,  il  exposa  un  Laboureur  trouvant 
des  armes  et  des  ossements  humains,  statue  en 
marbre  dont  le  sujet  est  tiré  de  Virgile  et  qui 
vint  orner  le  jardin  des  Tuileries.   A  la  même 


exposition,  on  voyait  encore  de  M.  Lemaire  m  j 
groupe  en  plâtre  représentant  La  Vierge,  l'EM 
fant  Jésus  et  saint  Jean,  qui  se  trouve  mainte  j 
nant  à  l'église  Saihte-Élisabèth,  rue  du  Temple  i 
à  Paris.  Tous  ces  ouvrages  valurent  à  leur  au! 
teur  une  médaille  d'or  de  première  classe.  Plu,'! 
tard,  M.  Lemaire  fit  une  statue  en  marbre  di 
duc  de  Bordeaux,  le  Tombeau  de  Mile  j)u. 
chesnois  au  cimetière  du  Père- Lâchai  se 
une  statue  de  Thémistocle  pour  le  jardin  des 
Tuileries,  et  la  statue  de  L'Espérance,  uni 
de  celles  qui  couronnent  le  fronton  de  l'é! 
glise  Notre-Dame  de  Lorette.  Au  salon  de  1831  I 
on  voyait  de  M.  Lemaire  une  Jeune  fille  ef< 
frayée  par  une  vipère ,  statue  en  marbre  qu 
fut  achetée  pour  le  musée  du  Luxembourg.  Êil 
1835,  il  exposa  le  buste  en  plâtre  de  M.  Rœhni' 
L'année  suivante ,  lé  fronton  de  l'église  de  1; 
Madeleine  ayant  été  mis  au  concours,  M.  Lemain 
présenta  un  dessin,  qui  fut  préféré.  Dans  cett<i 
vaste  composition  de  trente-huit  mètres  de  déve> 
loppement,  l'artiste  a  représenté  le  Christ  ad 
cordant  àla  Madeleine  agenouillée  devant  lu 
le  pardon  de  ses  fautes.  A  la  droite  du  Christ 
l'ange  des  miséricordes  contemple  avec  honheun 
la  pécheresse  convertie ,  et  laisse  approcher  l'In-i 
nocerice,  l'Espérance  et  la  Foi.  A  gauche  l'angi 
des  vengeances  célestes  repousse  les  Vices  :  l'En 
vie,  l'Hypocrisie ,  l'Impudicité  s'enfuient  devant 
sa  flamboyante  épée.  M.  Lemaire  a  en  outn 
exécuté  pour  le  pourtour  de  la  même  église  tinii 
statue  de  saint  Marc.  M.  Lemaire  a  aussi  exë- 
cutéle  bas-relief  représentant  les  Funérailles  dï 
général  Marceau  sur  l'arc  de  triomphe  de  l'É-i 
toile  ;  —  Henri  IV  achevai,  bas-relief  en  bronzt 
pour  la  façade  de  l'hôtel  de  ville  de  Paris  ;  —  « 
fronton  du  palais  de  justice  à  Lille,  représen-i 
tant  La  Religion  consolant  les  prisonniers; 
deux  statues  en  marbre,  Louis  XIV  et  Kleber. 
pour  lemuséede  Versailles,  — lebuetede  Racine^ 
pour  le  même  musée;  —  la  statue  colossale  de 
Hoche,  en  bronze,  pour  la  place  Hoche  à  Ver- 
sailles; —  la  statue  de  Chevert,  pour  Verdun  ;  - 
et  les  deux  frontons  de  l'église  Saint  Isaac,  à  Saint-i 
Pétersbourg,  représentant  La  Résurrection  du 
Christ  et  L'Empereur  Valens  allant  conïj 
battre  les  Goths,  bas-reliefs  immenses  fondus 
en  bronze.  En  1843  M;  Lemaire  exposa  un  1 
relief  en  bronze,  représentant  la  Distribution 
des  Croix  au  camp  de  Boulogne,  pour  la  colonne 
de  la  grande  armée  à  Boulogne.  Le  12  sep- 
tembre 1845,  il  fut  élu  à  l'Académie  des  Beaux- 
Arts,  section  de  sculpture,  àla  place  de  Bosio. 
L'année  suivante  il  exposa  une  tête  de  Vierge,  et 
en  1847  le  buste  d'Apollodore  Callet,  et  la  sta- 
tue à'Archidamas  se  préparant  à  lancer  le 
disque,  qui  décore  le  jardin  du  Luxembourg. 
En  1854  il  exécuta  pour  la  ville  de  Lille  une  sta- 
tue de  Napoléon  placée  à  la  Bourse,  et  en  1856 
il  lit  pour  sa  ville  natale  la  statue  de  Froissart. 
En  1852  M.  Lemaire  fut  élu  député  au  corps  lé- 
gislatif par  la  circonscription  de  Valenciennes, 


65  LEMAIRE   - 

|ans  le  département  du  Nord,  comme  candidat  du 
wuverneraent.  11  a  été  réélu  en  1857. 

L.  L— t. 

Ch  Gabcl  Dict.  des  artistes  de  l'École  franc,  au  dix- 
lenviéme  siècle.  —  V.  l.acainc  et  Ch.  Laurent,  Uiogr.  et 
ftcrol.  des  Hommes  marquants  du  dix-neuvième  siècle, 
Lue  I,  p.  368.  —  Les  grands  Corps  politiques  de  l  État.— 
.  Mgntz,  dans  le  Dict.  de  la  Convers. 

lemaistre  (  Martin  ) ,  philosophe  et  mora- 
ste  français,  né  à  Tours, en  1432,  mort  enjuil- 
i't  1-182.  S'étant  t'ait  recevoir  docteur  en  théologie 
h  1473,  il  devint  principal  du  collège  de  Sainte- 
!;irbe ,  et  fut  ensuite  chargé  par  Louis  XI  dedé- 
'udre  les  intérêts  de  la  couronne  de  France  contre 
ï  pape;  en  1480  il  devint  aumônier  et  confes- 
eui'du  roi.  On  a  de  lui  :  Qiicts/iones  morales 
'e  Cerlititdine;  Paris,  1489,  in-lbl.  ;  —  De  Tem- 
erantia  ingenerali;  Paris,  1490, in-fol.;  —  De 
ihetorica;  Paris,  1491,  in-fol.;  —  Quxstio  de 
•a>o,  sans  date;  —  Consequenlitc  ex  Nomina- 
itim  Doc/ritia;  Paris,  1 50 1 ,  in-fol.;  —  Por- 
'hr/rii  un'iversal'mm  Explicatio;  Paris,  1499. 

E.  G. 
Dupin,  Bibliothèque  des  Juteurs  ecclésiastiques. 

lemaistre  (Gilles),  jurisconsulte  et  ma- 
istrat  français ,  né  à  Montlhéry,  vers  1499,  mort 

5  décembre  1562.  Il  était  petit-fils  de  Jears  Le- 
jaiftre,  avocat  général  au  parlement  de  Paris, 
t fils  de  Geoffroi  Lemaistre,  prévôt  de  Monlhléry. 
yant  embrassé  la  carrière  du  barreau ,  il  se  dis- 
ngua  par  sa  connaissance  approfondie  des  lois 
t  coutumes, si  nombreuses,  qui  régissaient  alors 

France.  Nommé  avocat  général  au  parlement 
e  Paris  en  1540,  il  y  devint  en  1550  président 

Mortier  et  en  1551  premier  président;  il  se  lit 
emarquer  par  sa  sévérité  contre  les  protestants. 
)n  a  de  lui  :  Décisions  notables;  Paris,  15(56, 
j-4°;  ibid.,  1583,in-8°;  et  1601,  in-12;  Lyon, 
b9à,in-\H;— Œuvres;  Paris,  1653, 1675  et  1680, 
i-4°;  dans  ce  recueil,  publié  par  les  soins  de  Claude 
Sernard,  se  trouvent  les  cinq  traités  suivants  : 
¥ès  Criées  et  Saisies  réelles; — Des  Amortisse- 
ments et  des  francs  fief  s  ; —  Des  Régales,  des 
'<ïefs,  Hommages  et  Vassaux  ;  —  Des  Appella- 
ions  comme  d'abus.  E.  G. 

Talsni'l,  f'ie-s  des  Jurisconsultes.  —  Moréri,  Diction.— 
ilanch.-ird.  Éloges  des  premiers  Présidents  du  Parle- 
ment de  l'eiris. 

le  maistre  (Jean),  jurisconsulte  et  homme 
l'État  français,  neveu  du  précédent,  mort  à  Paris, 
e  22  février  1601.  Il  entra  au  barreau  du  parle- 
nent  de  Paris,  et  il  s'y  distingua  par  sa  pro- 
bnde  connaissance  des  lois  (1).  Nommé  pendant 
a  Ligue  d'abord  avocat  général  et  ensuite  prési- 
dent du  parlement  après  la  mort  de  Brisson,  il 
lit  partie  des  états  tenus  en  cette  année  à  Paris  ; 
il  y  fut  chargé  avec  Du  Vair  de  faire  le  rapport 
sur  l'opportunité  de  la  publication  sans  réserve 
desdécrets  du  concile  de  Trente;  ses  conclusions, 
tendant  à  repoussercette  mesure,  furent  sanction- 


(1)  «  C'estoit  de  vérité ,  dit  de  lui  l.oyscl,un  fort  et 
puissant  advocat,  résolu  en  points  de  droict,  de  coutumes 
et  de  pratique,  fort  prudent  et  avisé  en  ses  causes.  >> 


LEMAISTRE  566 

nées  par  l'assemblée.  Le  28  juin  il  parvint  avec 
l'aidede  Du  Vair,  de  Mole  et  quelques  autres  mem- 
bres du  parti  politique,  à  réunir,  sans  éveiller  les 
soupçons  de  Mayenne,  toutes  les  chambres  du 
parlement,  et  à  leur  faire  rendre  le  fameux  arrêt 
qui  porte  son  nom  et  qui  empêcha  la  France  de 
tomber  entre  les  mains  de  Philippe.  II  ou  des 
Guise.  Cet  arrêt,  formulé  sous  forme  de  remon- 
trances, défendait  de  transférer  la  couronne  à  un 
prince  étranger,  maintenait  dans  toute  sa  ri- 
gueur la  loi  salique,  et  enfin  déclarait  nul  et  de 
nul  effet  tous  les  actes  faits  pour  l'établissement 
d'un  souverain  étrapger.  Par  cela  le  parlement 
infirmait  directement  la  décision  prise  huit  jours 
auparavant  par  les  états ,  qui  avaient  ordonné 
l'élection  d'un  roi,  écartait  d'autorité  du  trône 
l'infante,  l'archiduc  Ernest,  ainsi  que  les  Guise, 
et  sauvegardait  entièrement  les  droits  de  la  mai- 
son de  Bourbon.  Or,  comme  toul  récemment 
les  états,  aussi  bien  que  Mayenne,  avaient  re- 
connu au  parlement  le  droit  d'accorder  ou  de 
refuser  aux  actes  législatifs  sa  sanction  définitive, 
l'arrêt  était  donc,  comme  l'a  établi  M.  Poirson , 
un  empêchement  politique  et  légal  à  ce  que 
l'ordre  de  la  succession  au  trône  fût  troublé.  Le 
lendemain  vingt  conseillers  allèrent  signifier  l'ar- 
rêt à  Mayenne  ;  Le  Maistre,  qui  portait  la  parole, 
prononça  un  discours  hardi  et  vigoureux  contre 
l'Espagne,et  pressa  May  ennedeconclure  une  trêve 
avec  Henri  IV".  Leduc  ayant  répondu  avecbeau- 
coupdemécontentement,  Le  Maistre  fit  le  rapport 
de  ce  qui  s'était  passé  dans  cette  entrevue  ;  les  ma- 
gistrats jurèrent  de  mourir  pour  le  maintien  de 
leur  arrêt,  auquel  Mayenne,  voyant  la  bourgeoisie 
de  Paris  prête  à  les  soutenir,  n'osa  pas  s'opposer. 
L'arrêt  devint  le  point  de  départ  de  la  reconnais- 
sance de  Henri  IV  par  le  parti  appelé  la  ligue 
française,  et  arrêta  les  efforts  de  l'usurpation, 
qu'elle  démasqua  et  déconcerta.  Après  la  réduc- 
tion de  Paris,  Le  Maistre  dut  abandonner  la 
place  de  premier  président,  qui  fut  restituée  à 
Achille  de  Harlay  ;  mais  Henri  IV  créa  pour  lui 
l'office  de  septième  président  à  mortier.  Le 
Maistre  se  démit  de  cet  emploi  sur  latin  de  1596, 
et  se  retira  dans  la  vie  privée.  11  a  publié  :  Ex- 
trait des  registres  de  f  Assemblée  tenue  à  Pa- 
ris sous  le  nom  d'États ,  en  1593,  sur  la  ré- 
ception du  concile  de  Trente;  Paris,  1593, 
in-8°  ;  —  dans  le  Recueil  de  Lannel  on  trouve 
la  Proposition  de  M.  le  président  Le  Maistre 
à  la  cour  du  Parlement  du  mardi  29  juin 
1593.  E.  G. 

L'Estoile,  Journal.  —  De  Thon,  Histoire,  liv.  XXXHI. 
—  Blanchard.  Éloges  des  Premiers  Présidents  du  Parle- 
ment de  Paris.  — -  Miralmont,  De  l'Origine  et  de  l  Éta- 
blissement du  Parlement.  —  Poirson,  Histo'we  du  règne 
d'Henri  If,  t.  1. 

le  maistre  (  Guillaume)  ou  Guill.  Ma- 
gister,  médecin  llamand,  mort  à  Lille,  en  1585. 
On  a  de  lui  :  Isagoge  therapeutica  de  satvï- 
tia,  curatione,  et  prsevenlione  Pestis;  Venise, 
et  Francfort,  1572,  in-12.  L— z— e. 

Valère  André,  Bibliotheca  Belgica,  p.  3'27.  —  Mangel, 


567 


Mbliolinca  Scriploram  Midicorum,   t.  111,  p 
Élut,  Dutionnatre  Histcriquv  de  la  Médecine. 

lemaistre  (  Antoine),  célèbre  avocat  et 
«cri vain  français,  né  à  Paris,  le  2  mai  1608,  mort 
le  4  novembre  1658,  à  Port-Royal.  Il  était  fils 
d'Isaac  Lemaistre,  maître  des  comptes,  et  de 
Catherine  Arnauld,  fille  d'Antoine  Aruauld, 
avocat  au  parlement  de  Paris,  et  sœur  d'Amauld 
d'Aiidilly.  Des  dissentiments  s'étant  élevés  entre 
ses  père  et  mère,  à  raison  du  changement  de 
religion  de  Lemaistre,  qui  embrassa  le  culte  ré- 
formé, Antoine  Lemaistre  fut  élevé  par  son  grond- 
père  Antoine  Arnauld,  qui  s'appliqua  à  préparer 
en  lui  son  successeur  au  barreau.  Nourri  de  fortes 
études,  et  imbu  surtout  de  l'éloquence  des  Pères 
de  l'Église  ,  il  débuta  à  vingt  ans,  et  se  plaça  dès 
l'abord  au  premier  rang,  à  côte  de  Patru  (1).  Son 
mérite,  si  incontestablement  reconnu  par  ses 
contemporains,  a  été  beaucoup  trop  déprécié  par 
Voltaire  (Siècle de  Louis  XIV),  par  Marmontel 
(Principes  oV É loq uence)  et  par  M.  Sainte-lieu ve. 
La  Harpe  lui  rend  plus  de  justice ,  et  reconnaît 
qu'eu  égard  à  la  jeunesse  de  Lemaistre  et  à  l'état 
de  la  langue  française,  qui  commençait  à  peine 
à  se  former,  il  était  véritablement  orateur.  S'il 
a  péclie  souvent  contre  le  bon  goût,  s'il  a  singu- 
lièrement abusé  des  citations  profanes  et  sacrées, 
c'est  qu'il  cédait  à  l'engouement  de  ses  contem- 
porains. Marmontel  cite  d'ailleurs  les  échantil- 
lons de  ses  métaphores  de  mauvais  goût  qui  ne 
sont  pas  exacts  ;  parce  que,  après  la  retraite  de 
Lemaistre  du  palais  ,  deux  éditions  furent  suc- 
cessivement faites  de  ses  plaidoyers  à  son  insu, 
et  comprenant  non-seulement  des  passages  dé- 
figures ,  mais  même  des  plaidoyers ,  qui  n'avaient 
jamais  été  prononcés  :  un  domestique  infidèle 
avait  livré  aux  contrefacteurs  des  notes  tronquées, 
qui  servirent  de  base  à  ces  deux  éditions  de 
1651  et  1653  La  seule  édition  authentique  est 
celle  faite  avec  l'autorisation  de  Lemaistre  un 
an  seulement  avant  sa  mort,  en  1657  par  M.  Is- 
sali ,  avocat  au  parlement  de  Paris  (  Paris, 
in-4°)  et  dédié  à  M.  de  llellièvre,  premier  pré- 
sident. Le  chancelier  Seguier,  frappé  du  mérite 
lu  jeune  avocat,  l'avait  fait  nommer  conseiller 
d'État  et  lui  avait  offert  les  fonctions  d'avocat 
général  au  parlement  de  Metz,  honneur  que  Le- 
maistre ne  voulut  pas  accepter.  C'était  lui  qui 
avait  été  chargé  par  Seguier  de  prononcer  le 
discours  de  présentation  de  ses  lettres  de  chan- 
celier au  parlement  (1636).  Tout  récemment,  deux 
magistrats  distingués,  MM.  La  Vallée  et  Sapey, 
ont  publié  des  études  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Lenitistre.  Le  premier,  qui  pousse  peut-être 
un  peu  trop  loin  l'admiration  pour  ses  plai- 
doyers, nous  paraît  cependant  plus  près  de  la 
vérité  que  le  second  ,  qui  les  déprécie  outre  me- 
sure pour  n'admirer  en  Lemaistre  que  sa  retraite 
à  Port-Royal  et  sa  vie  mystique. 

(1)  C'est  à  tort  que  M.  Foumcl,  dans  son  Histoire  des 
Avocats  (tome  II,  p.  407  ),  fixe  l'inscription  de  Lemaistre 
au  tableau  de  1  ordre  a  l'année  1642  ;  car  il  ne  plaida  que 
pendant  dix  ans,  de  1628  à  1638. 


LEMAISTRE 

127.  - 


568 


Ce  qu'il  y  a  d'incontestable,  c'est  qu'au  mi- 
lieu de  défauts  réels,  la  lecture  de  ses  plai- 
doyers, si  on  se  reporte  à  l'époque  où  ils  ont  étt 
prononcés,  c'est-à-dire  antérieurement  à  l'appari- 
tion des  chefs-d'œuvre  de  Corneille  et  des  Provin 
ciales,  présente  un  langage  noble,  éievé,  et  sou- 
vent  éloquent,  qui  faisait  contraste  avec  le! 
déclamations  des  avocats  antérieurs,  tels  que  Gau- 
thier. Un  bon  juge  en  pareille  matière,  d'Agnes- 
seau ,  recommande  à  son  fils  de  lire  les  dis- 
cours de  Lemaistre.  En  1637  il  songeait  à  si 
marier,  lorsqu'il  en  fut  détourné  et  déterminé  à  si 
retirer  du  monde  par  Saint  tyran  et  les  sœurs  Ar 
nau!d,  ses  tantes.  Il  quitta  donc  le  palais,  pour  si 
consacrer  entièrement  aux  pratiques  d'une  piéU 
sévère  dans  la  retraite  de  Port-Royal,  et  son  his 
foire  se  confond  dès  lors  avec  celle  des  membres 
de  cette  illustre  congrégation.  Il  y  composa  desi 
ouvrages  religieux  et  des  traductions,  que  noui' 
énumérons  ci-après ,  et  eut  la  gloire  de  fournir 
des  matériaux  à  Pascal  pour  la  composition  deii 
Provinciales,  et  de  collaborer  à  la  traduction  di 
Nouveau  Testament  de  son  frère  Lemaistre  di 
Sacy.  li  y  mourut,  à  cinquante  ans.  Après  la  des- 
truction du  monastère,  ses  restes  furent  traus 
portés  à  Saint-Étienne-du-Mont  etensevelis  àcôti 
de  ceux  de  Pascal  et  de  Racine. 

On  a  de  Lemaistre  ,  outre  les  plaidoyers  déjf 
cités  :  la  traduction  du  Traité  du  Sacerdou 
de  saint  Jean  Chrysostome,  avec  une  belli 
préface,  in-12,  1699;  —  une  Vie  de  saint  Ber 
nard,  in-4°  et  in-8°,  sous  le  nom  de  Lamy 
Paris,  1648,  iu-4°;  la  traduction  de  trois  trailéil 
de  ce  père  :  1°  De  la  Conversion  des  mœurs 
2°  Delà  Vie  solitaire;  3°  Des  Commandements 
et  Dispenses;  Paris,  1656,  in-12; —  la  Vie  du' 
don  Barthélémy  des  Martyrs  (cet  ouvrage  es^ 
attribué  par  quelques  auteurs  à  Lemaistre  de 
Sacy); —  L'Aumône  chrétienne,  vu  la  tradi- 
tion de  V  Église  louchant  la  charité  envers  let 
pauvres,  recueillie  de  V Écriture  Sainte  et  deii 
saints  Pères  ;  Paris,  1658,  in-12,  2  vol.;  -  frar 
duction  du  Traité  de  la  Mortalité  de  saint  Cy) 
prien  ;  —  Psautier,  avec  notes  tirées  de  sain 
Augustin;  Paris,  1674,  in-12;  —  Relations  di 
Port-Royal  par  la  mère  Marie- Angélique  Ar- 
nauld ;  in- 12.  M.  Sapey  lui  attribue  en  outre  l'o- 
puscule suivant,  publié  à  la  fin  du  tome  1er  d'uni 
édition  des  Provinciales  (Paris,  Lelèvre,  1819 
in  8°  )  :  Lettre  d'un  avocat  au  Parlement  di 
Paris  à  ses  amis,  touchant  l'inquisition,  qu'or, 
veut  rétablir  en  France,  à  l'occasion  de  le 
nouvellebulle d' Alexandre  VII,  1" juin  1657. 
Ant.  Isxmbert. 

Voltaire,  Siècle  de  Louis  XI V.  —  Fnurnel,  i/isloirt 
des  Avocats,  —  Laharpç,  Cours  de  Littérature.  —  Mar- 
iiionti-l,  Principes  d'Êloquem  e,  —  Les  plaidoyers  et  ha- 
rangues de  M.  Lemaistre,  etc.,  par  M.  issati  advocalac 
parli  nient  de  Paris.  —M.  Sapey,  Études  pour  servir  c 
l'IUstoii  c  de  l'ancienne  Magistrature  française  ;  l8Bs.  - 
M.  de  Vallée,  De  l'Éloquence  judiciaire  au  dix-septième 
*lécfe;1856. 

lemaistre  (Tsaac-Louis)  de  Saci(1),  théo- 
(1)  Saci  est  l'anagramme  i'haac. 


19 


LKMAISTRE 


570 


I  tien  français,  frère  du  précédent,  né  à  Paris,  le 
•  mars  1613,  mort  le  4  janvier  1684.  11  fit  ses 

,  lides  au  collège  de  Beauvais  avec  Antoine  Ar- 
Juld,  son  oncle,  qui  n'avait  qu'un  an  de  plus  que 

r  i    11  réussit  mieux  dans  les  lettres  que  dans  la 

I  lilosophie,  et  dès  le  collège  il  composa  des  vers 
■i  promettaient,  sinon  un  poêle,  du  moins  un  bon 
Irivain.  Placé  jeune  sous  la  direction  de  Saint- 

j  Iran,  il  se  trouvait  à  Port-Royal-des-Champs 
1rs  de  la  première  dispersion  des  solitaires, en 
[J38.  Pendant  la  captivité  deSaint-Cyran,  il  resta 

II  liaison  étroite  avec  de  Barcos,  neveu  de  cet  il- 
j|stre  abbé,  et  avec  les  autres  membres  du  jan- 
k  jnisme  naissant.  Bien  qu'il  ne  fut  pas  étranger 
[leurs  passions,  il  tempérait  leur  ardeur  impru- 
[Inte;  car  à  beaucoup  de  force  morale  il  joi- 
Hait  une  réserve  scrupuleuse  et  de  la  timidité, 
longtemps  il  hésista  à  entrer  dans  les  ordres,  ne 
Il  jugeant  pas  digne  des  fonctions  sacrées.  Il  fai- 
lli que  Singlin,  une  des  plus  grandes  auto- 
■és  du  jansénisme,  lui  imposât  la  prêtrise.  Il 

Sait  trente-sept  ans  lorsqu'il  franchit  les  der- 
Hers  degrés  de  l'autel,  le  25  janvier  1650,  et  dé- 
fis cette  époque  il  fut  le  principal  directeur  de 
|s  personnes  si  distinguées  que  le  dégoût  du 
Jonde  avait  conduites  dans  la  solitude ,  et  qui 
Malheureusement  y  contractèrent  des  habitudes 
i  secte.  Une  polémique  violente  avait  éclaté 
Jtre  les  jésuites  et  les  disciples  de  Jansenius. 
(es  jésuites  tirent  paraître  en  décembre  1653  un 
■nanach  intitulé  La  Déroule  et  la  Confession 
ks  Jansénistes.  On  voyait  eu  tête  une  estampe 
lotesque  où  figurait  entre  autres  personnages 
jt  Jansenius  en  habit  d'évêque  et  avec  des  ailes 
e  diable.  Lemaistre  répondit  à  celte  grossière 
jcétie  par  un  pamphlet  en  vers  intitulé  :  Les 
\nluminures  de  VAlmanach  des  Jésuites. 
£t  écrit,  d'un  goût  détestable,  eut  du  succès 
jins  le  parti.  Les  autres  ouvrages  poétiques 
p  Lemaistre  de  Saci  ne  valent  guère  mieux. 
\  peine  parmi  des  milliers  de  vers  en  trouve- 
on  quelques-uns  de  supportables.  La  persécu- 
pn  suspendue  depuis  plusieurs  années  sur  Port- 
joyal  éclata  en  1661  avec  une  telle  violence  que 
lemaistre  de  Saci  dut  s'y  soustraire  par  la  fuite. 
I  quitta  Port-Royal-des-Champs  en  1661,  et  se 
£cha  avec  trois  ou  quatre  amis  dans  quelque 
'111  bourg  de  Paris.  Malgré  le  danger  d'être  dé- 
Ouvert,  il  continua  ses  visites  aux  personnes 
jlacées  sous  sa  direction ,  entre  autres  à  la  du- 
jhesse  de  Longueville.  Il  fut  arrêté  le  13  mai 
J666,  et  enfermé  à  la  Bastille,  où  il  resta  plus  de 
eux  ans.  Libre,  il  avait  eu  la  principale  part  à 
\  traduction  du  Nouveau  Testament  entre- 
irisé  par  les  docteurs  de  Port-Royal;  prison- 
ier,  il  se  mit  à  traduire  V Ancien  Testament,  et 
ette  pieuse  occupation  lui  rendit  moins  lourd 
poids  de  la  captivité  :  «  Les  barrières  qu'on  a 
posées  aux  avenues  de  ma  chambre,  disait-il, 
ont  pour  empêcher  de  venir  à  moi  le  monde 
||ui  me  dissiperait,  plutôt  que  pour  m'empêcher 
Ile  l'aller  voir,  moi  qui  ne  le  cherche  point.  » 


Il  fut  mis  en  liberté  le  31  octobre  (668.  Il  avait 
achevé  la  veille  sa  traduction  de  l'Ancien  Testa- 
ment. Rendu  à  ses  pénitents,  qui,  grâce  à  la  con- 
ciliation religieuse  appelée  la  paix  de  l'Église, 
pouvaient  se  grouper  autour  des  deux  maisons 
de  Port-Royal,  il  se  donna  tout  à  la  direction 
des  consciences  et  à  l'impression  de  sa  Bible. 
La  persécution  recommença  en  1679.  Suri'ordre 
de  l'archevêque  de  Paris ,  de  Harlay,  il  dut 
quitter  Port-Royal-des-Champs.  Il  se  retira  dans 
la  maison  de  campagne  de  M.  de  Pomponne,  et 
consacra  les  dernières  années  de  sa  vie  à  pu- 
blier des  éclaircissements  sur  la  Bible.  II  mou- 
rut à  l'âge  de  soixante-et-onze  ans ,  et  fut  en- 
terré à  Port-Royal-des-Champs.  On  a  de  Le- 
maistre de  Saci  :  Le  poème  de  saint  Prosper 
contre  les  Ingrats,  traduit  en  vers  françois , 
Paris,  1646,  et  en  prose,  ibid.,  1650,  sous  le 
nom  de  Saint-Aubin  :  Les  Fables  de  Phèdre 
traduites  en  françois  ;  Paris,  1647,  in-12;  — 
Les  Comédies  de  Térence,  traduites  en  fran- 
çois, et  rendues  très-honnêtes  en  y  changeant 
fort  peu  de  chose;  Paris,  1647,  in-12.  Le- 
maistre n'a  traduit  que  L'Andrienne,  Les  Adel- 
phès  et  le  Phoi  mion  ;  —  sous  le  nom  de  Jean 
Dumont  :  L'Office  de  l'Église,  trad.  en  fran- 
çois; Paris,  1650,  in-12;  —  Les  Enluminures 
du  fameux  Almanach  des  Jésuites  intitulé  La 
Déroute  et  la  Confusion  des  Jansénistes  ;  Paris, 
1654,  in-8°;  —  L'Imitation  de  Jésus-Christ 
trad.  en  françois,  sons  le  nom  de  Beuil,  prieur 
de  Saint- Val;  1662,  in-8°.  D'après  Barbier,  cette 
traduction  a  eu  cent  cinquante  éditions  ;  —  Trad. 
des  quatrième  et  sixième  livres  de  L'Enéide 
de  Virgile  (sous  le  nom  de  Bonlieu);  1666, 
in-4°;  —  Le  Nouveau  Testament,  traduit  en 
françois,  1667,  2  vol.  in-8°.  Cette  traduction, 
si  connue  sous  le  nom  de  Nouveau  Testament 
de  AJons,  parce  que  les  premières  éditions,  im- 
primées à  Atnsterdam  parles  Elzevier,  portent  la 
rubrique  de  Mons,  fut  l'ouvrage  de  cinq  personnes, 
Saci,  Arnauld,  Antoine  Lemaistre,  Nicole  et  le 
duc  de  Luynes  :  Saci  tint  la  plume,  et  les  autres 
se  chargèrent  de  la  révision.  On  raconte  que, 
dans  les  conférences  tenues  à  ce  sujet,  les  pre- 
miers essais  de  de  Saci  parurent  d'un  style 
trop  élevé.  Il  ne  se  corrigea  de  ce  défaut  que 
pour  tomber  dans  le  contraire.  Son  second  essai 
sembla  trop  familier,  et  il  dutdanssa  troisième  et 
définitive  tentative  prendre  une  moyenne.  Cette 
traduction,  suspecte  de  jansénisme,  ne  put  être 
imprimée  à  Paris.  Aussitôt  qu'elle  eut  paru,  elle 
fut  atta  ;uée  en  chaire  par  les  jésuites.  Des  évo- 
ques lancèrent  contre  elle  des  mandements  ;  elle 
fut  même  l'objet  d'un  bref  du  pape  Clément  IX. 
Lors  de  la  paix  de  l'Église,  les  docteurs  de  Port- 
Royal  soumirent  leur  traduction  à  Bossuet,  qui 
y  blâma  un  tour  trop  recherché,  trop  d'industrie 
de  paroles ,  une  affectation  de  politesse  et  d'a- 
grément que  le  Saint-Ksprit  avait  dédaignée  dans 
l'original;  mais  au  point  de  vue  dogmatique,  il 
ne  la  condamna  pas.  Des  conférences  pour  la 


571  LEMATSTRE 

révision  de  cet  ouvrage  eurent  lieu  à  l'hôtel  de 
Longueville  enire  Bossuet,  Arnauld,  Nicole,  La- 
lane,  Saci  ;  mais   elles  restèrent  sans    résultat. 
Les  réimpressions  de  cette  traduction  soit  avec 
celle  de  Y  Ancien  Testament,  soit  séparément, 
sont  innombrables;—  La  Sainte  Bible,  en  latin 
et  en  français,  avec  des  explications  du  sens  lit- 
téral et  du  sens  spirituel;  Paris,  1672  et  années 
suivantes,  32  vol.  in-8J.  Lemaistre  de  Saci  n'ob- 
tint la  permission  de  publier  cet  ouvrage  qu'à  la 
condition  de  joindre  des  explications  à  la  suite 
de  chaque  partie  traduite.  Ses  explications  com- 
prennent La  Genèse,  V Exode,  Le  Létiitique,elc, 
jusqu'aux  douze  petits  prophètes  inclusivement. 
Du  Fossé  continua  jusqu'aux  Actes  des  Apôtres 
ce  commentaire.que  Huré  et  Beaubrun  terminè- 
rent. Cette  traduction  n'est  pas  strictement  con- 
forme à  la  lettre  et  au  génie  de  l'original.  Saci 
n'avait  ni  érudition  ni  critique,  et  savait  très- 
peu  l'hébreu  et  le  grec.  Il  s'est  contenté  en  gé- 
néral de  traduire  la  Vulgate  en  s'aidant  des  noies 
de  Vatable.  Il  s'est  efforcé  de  rendre  avec  clarté 
et  avec  suite  le  sens  traditionnel  en  effaçant  ce 
que  le  texte  offre  de  rude  et  d'étrange.  Lui-môme 
se  rendait  bien  compte  de  cette  espèce  d'infidé- 
lité, et  il  en  sentait  l'inconvénient,  non  au  point 
de  vue  littéraire,  dont  il  se  préoccupait  peu,  mais 
au  point  de  vue  religieux.  ><  Une  des  principales 
raisons,  disait-il, qui  portentles  gens  à  rechercher 
ces  livres,  est  qu'ils  n'y  voient  plus  les  difficultés 
qu'ils  trouvaient  auparavant  dans  l'Écriture.  Us 
supportent  bien  de  n'en  pas  comprendre  les  vé- 
rités et  les mj stères;  mais  ils  ne  peuvent  souffrir 
le  langage  obscur  et  embarrassé  dont  le  Saint- 
Esprit  se  sert  pour  les  leur  proposer...  Que  sais- 
je  si  je  ne  fais  rien  en  cela  contre  les  desseins 
de  Dieu?  J'ai  tâché  d'ôter  de  l'Écriture  Sainte 
l'obscurité  et  la  rudesse  ;  et  Dieu  jusqu'ici  a  voulu 
que  sa  parole  fût  enveloppée  d'obscurités.  N'ai-je 
donc  pas  sujet  de  craindre  que  ce  ne  soit  ré- 
sister aux  desseins  du  Saint-Esprit  que  de  don- 
ner, comme  j'ai  tâché  de  faire,  une  version  claire, 
et  peut-être  assez  exacte  par  rapport  à  la  pureté 
du  langage  ?  Je  sais  bien  que  je  n'ai  affecté  ni 
les  agréments  ni  les  curiosités  qu'on  aime  dans 
le  monde,  et  qu'on  pourrait  rechercher  dans  l'A- 
cadémie Française.  Dieu  m'est  témoin  combien 
ces  ajustements  m'ont  toujours  été  en  horreur; 
mais  je  ne  puis  me  dissimuler  à  moi-même  que 
j'ai  tâché  de  rendre  le  langage  de  l'Écriture  clair, 
pur  et  conforme  aux  règles  de  la  grammaire;  et 
qui  peut  m'assurer  que  ce  ne  soit  pas  là  une 
méthode  différente  de  celle  qu'il  a  plu  au  Saint- 
Esprit  de   choisir...  Je  vois  dans  l'Ecriture  que 
le  feu  qui  ne  venait  point  du  sanctuaire  était 
profane  et  étranger,  quoiqu'il  put  être  plus  clair 
et  plus  beau  que  celui  du  sanctuaire.  »  La  plus 
belle    édition   est   celle  de  Paris;   1789-1804, 
12  vol.  gr.  in-8°  ;  —  Lettres   chrétiennes  et 
spirituelles;  Paris,  1690,  2  vol.  in-8°;  —  Les 
Psaumes  de  David  traduits  en  français,  sui- 
vant l'hébreu  et  la  Vulgate  avec  une  expli- 


■  LEMA1TRE  67jj 

cation    tirée  des  saints   Pères;  Paris,   1696 
3  vol.  in-12.  L-  J- 

Fontaine,  Mémoires  sur  Port-Royal.  —  Du  Kossé,  Mé 
moires  pour  sertir  à  l'histoire  de  Port- Hoy al-des 
Champs  —  Le  P.  Lelong,  BibUliothèquc  sacrée.  —  Sainte 
Beuve,  Port-Royal,  t  II.  1.2. 

lemaistre  (Pierre),  jurisconsulte  fran 
çais,  né  à  Paris,  en  1638,  moitié  17  octobr 
1728.  A  l'âge  de  trente  ans,  il  se  fit  reçeypj 
avocat  au  parlement  de  Paris.  On  a  de  lui  :  ^ 
Coutume  de  Paris  rédigée  dans  l'ordre  natii 
rel  de  la  disposition  de  ses  articles  ;  Paris 
1700,  in-4°;  une  nouvelle  édition  a  été  donné 
par  Guyot;  Paris,  1741,  in-l'ol.;  l'ouvrage  de  f.| 
maistre  est  un  de  ceu\  dont  le  chancelier  d'A 
guesseau  recommande  la  lecture  à  son  fils.  E.  0 

Dcsessarts,  Les  Siècles  littéraires. 

lemaître  de  claville  (Charles-Fray 
çois-Nicolas),  moraliste  français,  né  à  Rotiei 
vers  1670,  mort  dans  la  même  ville,  en  1740. lift! 
président  au  bureau  des  finances  de  Rouen,  oceuf 
ses  loisirs  à  la  composition  de  l'ouvrage  intitnlt 
Traité  du  vrai  Mérite  de  l'homme  considé\ 
dans  tous  les  âges  et  dans  toutes  les  cond 
lions,  avec  des  principes  d'éducation  propn 
à  former  les  jeunes  gens  à  la  vertu.  Ce  livi 
fut  imprimé  en  1734,  1735,  1742;  2  vol.  in-11 
1783  en  2  vol.  petit  in-12.  Cet  ouvrage,  aujou 
d'hui  oublié,  eut  beaucoup  de  succès  à  son  aj 
parition.  A.  J. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

lemaître  (  Pierre- Jacques),  conspiratej 
français,  né  à  Magny,  en  1750,  fusillé  à  Parj 
en  1795.  Il  appartenait  à  une  famille  honorabl 
et  occupait  à  la  révolution  le  poste  de  sécrétai 
du  conseil  des  finances.  Il  perdit  cette  place» 
1790,  passa  auprès  des  princes  émigrés  en  All<: 
magne,  et  se  chargea  de  leur  correspond 
avec  l'intérieur.  11  s'établit  pour  cela  vers  17J' 
à  Bâle  en  Suisse,  d'où  il  se  mit  en  relation  ay« 
les  agents  Brottier,  Rattel  et  Lavillebeurnoj. 
En  1795  il  vint  à  Paris,  et  prit  part  à  la  tent 
tive  d'insurrection  du  13  vendémiaire.  Arrê: 
avec  d'autres  agents,  Lemaître  fut  traduit  à 
vant  un  conseil  de  guerre  et  condamné  à  mo» 
le  17  brumaire  an  iv  (  7  novembre  179.51 
comme  agent  de  l'étranger,  et  pour  avoir  entii 
tenu  avec  les  émigrés  et  les  ennemis  de  la  H 
publique  des  correspondances  tendant  à  rétabli 
la  royauté.  Ses  coaccusés  furent  condamné^ 
la  déportation  ou  à  la  détention.  Lemaître  mp 
rut  avec  courage,  et  ne  fit  aucune  révélation.  S 
papiers  soulevèrent  une  vive  discussion  à  laCp 
vention,  parce  que  plusieurs  députés  y  étaie 
désignés  comme  prêts  à  servir  son  parti.  On] 
prit  cependant  aucune  mesure  contre  eux  ;  m? 
cela  empêcha  Cambacérès  d'être  élu  directeur. 

J.  V. 

Ainault,  Jay,  Jouyet  Norvins,  Biogr.nouv.  des  Co 
temp.  —  Moniteur  universel,  an  iv,  n°»  26,  28,80,: 

38,  44, 45,  49  et  68.  *  ' 

«lemaître  (Augustin -François),  gravei 
français ,  né  à  Paris,  en  1797.  Élève  de  Miclii 


(73 

In  et  de  Fortier,  il  se  fit  connaître  en  1S24  par 
Us  paysages  gravés  d'après  Claude  Lorrain; 
fie  vue  des  Ruines  de  Taormine,  gravée 
[après  M.  le  comte  Turpin  de  Crissé,  lui  valut 
Jie  médaille  de  2e  classe  au  salon  de  1824,  et 
|  Mort  de  Roland,  d'après  Michallon,  lui  lit 
btenir  la  médaille  de  première  classe  au  salon  de 
•::îl.  Ses  principales  gravures  sont  :  L'Enlève- 
lentde  Proserpine,  d'après  Rémond;Zo  Cha- 
elle  des  Feuillants,  d'après  Daguerre;  une 
ternie  de  Napoléon  et  un  Bivouac,  d'après 
I.  Bellangé;  Le  port  d'Alger,  d'après  Ra- 
bisié,  etc.  Il  a  gravé  des  planches  pour  pill- 
eurs ouvrages  importants,  tels  que  les  Souve- 
irs  du  golfe  de  Naples ,  de  M.  le  comte  Tur- 
in de  Crissé;  Y  Expédition  scientifique  en 
forée,  etVVnivers  pittoresque,  etc.  G.  de  F. 

l^miMaire  statistique  des  artistes,  1836.  -  Documents 
arliculiers. 

I  ?  lemaÎtke  (Frederick),  artiste  dramatique 
lançais,  né  au  Havre,  en  juillet  1798.  Son  grand- 
ère  était  musicien,  son  père  architecte.  Tout 
lune  il  déclamait  des  vers;  on  l'habillait  en 
[agédien,  et  ses  parents  s'amusaient  à  lui  faire 
eciter  La  Veuve  du  Malabar.  Venu  à  Paris , 
jrédérick  se  présenta,  en  1820,  au  Conservatoire, 
jt  sur  une  audition  où  Michelot,  président  du 
Jry,  l'arrê.ta  au  quatrième  vers ,  il  fut  admis  à 
•école  de  déclamation,  où  il  eut  Lafont  pour  maî- 
}e.  Deux  ans  plus  tard,  un  concours  fut  ouvert  à 
bdéon  pour  les  élèves  du  Conservatoire  ;  Frédé- 
jck  y  échoua  :  Il  n'avait  eu  qu'une  voix;  il  est 
Irai  q.ue  c'était  celle  de  Talma;  mais  Frederick 
[ignorait,  et  il  se  retira  découragé.  Grand,  beau, 
Ben  fait,  intelligent,  il  débuta  pourtant  au  théâtre 
les  Variétés  Amusantes  dans  le  rôle  du  lion,  de 
lyrame  et  Thisbé ,  il  passa  ensuite  aux  Funam- 
bules, puis  au  Cirque  deFranconi,  enfin  en  qua- 
[té  de  confident  tragique  à  l'Odéon,  où  il  ne  resta 
ue  quelques  mois.  Le  2  juillet  1823,  il  débuta  à 
iAmliigu-Comique  dans  L'Auberge  des  Adrets. 
a  pièce,  prise  au  sérieux ,  fut  sifïlée  le  premier 
)ur;  Frederick  Lemaître  la  releva  à  la  seconde 
«présentation  par  la  façon  originale  et  effrontée 
,ont  il  composa  le  rôle  de  Robert  Macaire.  En- 
ragé ensuite  au  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin, 
l  y  trouva  des  rôles  plus  dignes  de  lui  dans  les 
productions  du  drame  moderne.  On  le  vit,  sui- 
rant  l'expression  de  Ourry,  prêter  une  sombre  et 
effrayante  énergie  au  joueur  de  Trente  ans,  ou 
\a  vie  d'un  joueur,  de  Victor  Ducange  ;  une  caus- 
jique  et  infernale  malignité,  au  Méphistophélès  de 
aust  ;  une  noblesse  sans  emphase  et  une  sen- 
sibilité vraie  à  Leicester  et  à  l'Edgar  de  La  Fiancée 
ie  Lanunermoor.  Il  reparut  ensuite  au  théâtre 
le  l'Odéon  dans  La  Maréchale  d'Ancre ,  Les 
Vêpres  siciliennes ,  Othello ,  La  mère  et  la 
îlle,  etc.  Quelque  temps  après,  il  revint  à  la 
Porte-Saint-Martin,  où  il  créa  le  rôle  de  Richard 
i'Arlington,  dans  la  pièce  de  ce  nom,  deM.  Alex. 
Dumas.  Ayant  eu  des  différends  avec  son  di- 
recteur, Frederick  Lemaître  s'en  alla  donner  des 


LEMAÎTRE  5?4f 

représentations  en  province.  A  son  retour,  il 
porta  au  petit  théâtre  des  Folies-Dramatiques  le 
rôle  de  Robert  Macaii  e,  dans  la  pièce  de  ce  nom, 
dont  il  était  un  des  auteurs.  La  première  repré- 
sentation eut  lieu  le  14  juin  1834  avec  un  succès 
incroyable.  Frederick  animait  cette  extravagante 
conception  d'une  verve  frondeuse  et  désordonnée, 
pleine  de  génie;  il  en  fit  un  type  de  son  temps. 
Il  alla  ensuite  jouer  cette  pièce  en  province;  puis 
il  revint  à  Paris,  et  entra  au  théâtre  des  Variétés, 
qui  se  jetait  alors  dans  le  drame.  Le  marquis  de 
Brunoy  ne  lui  fournit  pas  un  de  ces  rôles  aux- 
quels il  savait  mettre  son  cachet;  mais  il  fut 
plus  heureux  dans  Kean,  ou  désordre  et  génie, 
de  M.  Alexandre  Dumas,  «  personnage  qu'il  de- 
vait saisir  et  comprendre  mieux  »,  selon  Ourry. 
Frederick  Lemaître  ne  tarda  pas  toutefois  à  se 
sentir  à  l'étroit  dans  ce  théâtre.  Le  théâtre  de  la 
Renaissance  allait  s'ouvrir.  M.  Victor  Hugo  le  fit 
engager  pour  jouer  son  Ruy  Bios,  en  1836.  Fre- 
derick jeta  un  vif  éclat  dans  ce  rôle  aventureux. 
La  manière  large  et  hardie  dont  il  joua  L'A  vare  de 
Florence  ne  put  sauver  ce  drame.  L'arliste  avait 
d'ailleurs  indisposé  le  public  par  des  discussions 
d'intérêt  avec  l'administration  du  théâtre  ,  refu- 
sant de  jouer  au  moment  même  de  la  représen- 
tation. Forcé  par  les  tribunaux  de  paraître  sur 
la  scène,  il  brava  cavalièrement  la  colère  du 
parterre,  et  ne  parvint  pas  à  se  faire  pardonner. 
Un  autre  malheur  l'attendait  en  1 840,  à  la  Porte- 
Saint-Martin,  dans  la  pièce  de  Vautrin,  composée 
par  Balzac.  Frederick  y  fut  splendide,  éclatant; 
suivant  M.  Edouard  Thierry,  il  lança  des  notes  qui 
étincelaient  comme  des  flammes  vives,  des  éclairs 
d'un  sublime  bouffon.  La  pièce  choqua;  les  tra- 
vestissements de  Frederick  Lemaître,  qui  éfait 
allé  jusqu'à  singer  la  silhouette  de  Louis-Philippe 
et  à  déguiser  Napoléon  en  bourgeois ,  devaient 
déplaire.  La  pièce  fut  défendue  le  lendemain. 
En  1842  Frederick  Lemaître  parut  au  Théâtre- 
Français  dans ,  Brunehaut  et  Frédégonde  et  dans 
Othello ,  mais  il  ne  fut  pas  goûté.  Revenu  à  a 
Porte-Saint-Martin,  il  y  parut  dans  Don  César 
de  Bazan,  La  Dame  de  Saint-Tropez,  Les 
Mystères  de  Paris,  Le  Chiffonnier  de  M.  Félix 
Pyat,  Michel  Brémond,  Le  Docteur  noir, 
Mlle  de  La  Vallière,  Tragaldabas ,  etc.  En 
1845,  il  alla  en  Angleterre,  où  il  fit  réussir  Ro- 
bert Macaire.  En  1848  il  refusa  un  engagement 
que  lui  offrait  M.  Bocage  à  l'Odéon.  Depuis  il 
a  encore  joué  Paillasse,  à  la  Gaité,  en  1850; 
Toussaint  Louverlure,  à  la  Porte-Saint-Martin, 
en  1851;  le  Roi  des  Drôles  ,  aux  Variétés,  en 
1852  ;  Levieux  Caporal,  à  la  Porte-Saint-Martin, 
en  1853;  La  bonne  Aventure,  à  la  Gaité,  en 
1854;  Henri  II'I,  à  la  Gaité,  en  1856;  André 
Gérard,  à  l'Odéon,  en  1 856  ;  Le  Maître  d'École, 
à  l'Ambigu,  en  1859.  Artiste  éminent,  Frederick 
Lemaître  a  été  le  plus  grand,  interprète  du  drame 
moderne ,  aussi  puissant  dans  les  pleurs  que  dans 
le  rire,  dans  le  bouffon  que  dans  le  tragique,  aussi 
naturel  que  profond  dans  la  douleur  ou  dans  la 


57S 


LEMAITRE  —  T. 


joie,  et  ce  n'est  pas  sans  raison  qu'on  l'a  sur- 
nommé le  Tahna  des  boulevards. 

On  lui  attribue  une  part  dans  la  composition 
des  pièces  suivantes  :  Le  Prisonnier  amateur, 
comédie  en  un  acte  et  en  prose ,  mêlée  de  cou- 
plets, avec  Uarlois,  Alex.  Comberousse  et  Fer- 
dinand Laloue;  Paris,  1826,  iu-8'*;—  Le  Vieil  Ar- 
tiste ou  la  Séduction ,  mélodrame  en  trois 
actes,  avec  de  Cliavanges,  Alex  de  Combe- 
rousse et  Maillard-,  Paris,  1820.  in  8°;  —  Le 
Chasseur  noir,  mélodrame,  avec  M.  Antier; 
Paris,  1828,  in-8°  ;  —  Robert  Macaire,  pièce  en 
quatre  actes  et  six  tableaux,  avec  MM.  Amand 
Lacoste  et  Antier;  Paris,  1836,  in-8°. 

Le  tils  de  M.  Frederick  Lemaître,  Charles- 
Frédérick  LeiiaÎtiie,  suit  la  carrière  de  son  père. 
Il  a  joué  le  vaudeville  et  le  drame,  et  a  obtenu 
du  succès  dans  La  Tour  de  Londres ,  à  l'Am- 
bigu. On  lui  doit  quelques  productions  dra- 
matiques, telles  que  :  Fais  la  cour  à  ma  femme, 
joué  à  la  Gatté  en  1851  ;  —  La  Maruière  des 
Saules,  drame  en  cinq  actes  et  six  tableaux 
joué  à  la  Gaîté  eu  1858  (avec  M.  Alphonse  Brot); 
—  Le  Marin  de  Cherbourg ,  vaudeville  en  un 
acte,  joué  à  la  Gaîté  en  1858  (avec  M.  Dulertre). 
II  a  aussi  écrit  des  biographies  d'artistes  drama- 
tiques. L.  L — t. 

Adolphe  Dumas  ,  Fréâérick-LcmuUrc,  dans  la  Galerie 
des  .artistes  dramatiques  de  Pans.  —  Ourry,  dans  Y  En- 
cyclopédie des  Cens  du  Monde.  —  W.-A.  Duckctt,  dans 
le  Dictionnaire  de  la  Conversation.  —  Eug.  de  Mire 
court,  Les  Contemporains.  —  Quérard,  l.a  France 
Littéraire,  —  Bourquelot  et  Matiry,  la  Littérature 
Française  contemp.  —  Vapereau,  Dict.  unio  des  Con- 
temp.  —  Ed.  Thierry,  Moniteur  du  3  juin  1856. 

le  man  (  Maur  ) ,  surnommé  en  religion 
Maur  de  V Enfant-Jésus ,  carme  de  l'étroite 
observance,  né  au  Mans,  suivant  le  P.  Cosme 
de  Villiers,  mort  à  Bordeaux,  le  19  avril  1690. 
Nous  le  voyons  maître  des  novices  au  couvent 
de  Bordeaux  ,  ensuite  prieur  de  ce  couvent ,  et 
enfin  provincial  de  Gascogne.  Trois  fois  les  suf- 
frages de  ses  confrères  l'appelèrent  à  cette  der- 
nière dignité.  C'était  un  homme  d'une  austérité 
rare,  même  chez  les  carmes,  que  la  pratique 
régulière  des  macérations  jeta  plus  d'une  fois 
dans  cet  état  violent  que  l'on  peut  appeler  le 
délire  de  l'extase  :  il  recevait  alors ,  nous  dit  un 
de  ses  biographes,  le  don  de  prophétie  :  pro- 
phétise gralia  donatus,  plurimos  eventus 
longeanteprœdixit  ;  ainsis'expvimeleP.  Cosme 
de  Villiers.  On  a  de  lui  :  La  Crèche  de  V En- 
fant-Jésus ;  Bordeaux,  in-12  ;  —  Entrée  à  la 
divine  Sagesse,  comprise  en  plusieurs  traités 
spirituels,  qui  contiennent  les  secrets  de  la 
théologie  mystique;  1652, in-12;  —  Le  Royaume 
de  Jésus-Christ  dans  les  âmes;  Paris,  1664, 
in-12.  Nous  trouvons,  en  outre,  parmi  les  ma- 
nuscrits français  de  Saint-Germain-des-Prés, 
num.  1744,  un  ouvrage  du  même  auteur  qui  pa- 
raît inédit.  Il  a  pour  titre  :  Traité  de  la  Vie 
intérieure.  Nous  signalons  ces  ouvrages  comme 
burlesques.  Quand  la  piété  fait  usage  d'un  style 
aussi  étrangement  emphatique,  elle  ne  tourbe 


E  MARCHANT  576 

plus ,  elle  fait  sourire.  Les  mystiques  du  moyen 
âge,  que  l'on  accuse  à  bon  droit  d'avoir  péché 
contre  le  goût,  emploj  aient  avec  modération  l'an- 
tithèse et  la  métliaphore  en  comparaison  de  cer- 
tains mystiques  du  dix-septième  siècle.     B.  H. 

Cosme  de  Villiers ,   Bibliotheca  Carmelitana.  —  Spe-  . 
etilum  Carmetitanum.   —  R.   Hanréau,  Hist.   Lut.  du 
Maine,  t.  III,  p.  238,  et  t.  IV,  p.  401. 

*  LEMAOUT  (Emmanuel),  naturaliste  fran- 
çais, né  à  Gningamp,  vers  1806,  exerça  d'abord 
la  pharmacie,  et  fut  reçu  docteur  en  1842.  Nommé 
démonstrateur  à  la  faculté  de  médecine  de  Pa-. 
ris,  il  y  devint  professeur  agrégé.  Il  s'est  fait 
connaître  par  des  ouvrages  fort  estimés  :  Le 
Règne  végétal  dans  le  Jardin  des  Plantes  de 
M.  Curmer;  1840,  in-8";  —  Cahiers  de  Phy- 
sique, de.  Chimie  et  d'Histoire  naturelle; 
ls41,  in-4°;  —  Leçons  analytiques  de  Lecturt 
à  haute  voix;   1848,  in-8°;  2e  édit.  en    " 

—  Leçons  élément  aires  de  Botanique; 
2  parties  in-8",  avec  500  gravures;  — 
élémentaire  de  Botanique  ;  1848;—  Ls  Troi 
règnes  de  la  nature  :  Règne  végétal;  1852; 

—  La  Flore  des  jardins  et  des  champs,  avec 
M.  Decaisne;  1854.  G.  de  F. 

Documents  particuliers. 

le  marchas  i>  (  Françoise  Duché  de, 
Vancy,  Mme  ),  femme  de  lettres  française ,  fuit 
de  Duché,  membre  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions, née  à  Paris,  morte  vers  1754.  File  aidait:. 
dit-on,  souvent  son  père  dans  la  composifioi 
de  ses  ouvrages.  Elle  avait  épousé  un  receveu» 
général  des  domaines  et  bois  de  la  généralité  d<, 
Soissons,  et  recevait  chez  elle  les  personnage; 
célèbres  de  son  temps  ;  Coy  pel  venait  y  ré<  iter  se; 
comédies.  Elle  publia,  sous  le  voile  de  l'anonyme 
Nouveaux  Contes  des  Fées  allégoriques;  Paris 
1736,  in  12  ;  cet  ouvrage  contenait  quatre  contes 
Le  Phénix,  delà  présidente  DreullM, Lisandre 
Carline  et  Boca.  En  1756,  Mm<=  Husson  fit  pa 
raître  sous  son  propre  nom  le  roman  de  Boca, 
ou  la  vertu  récompensée;  Paris,  in-12.  O 
larcin  fut  rc'v  élé  par  la  lettre  d  un  anonyme  in; 
sérée  dans  l'Année  littéraire  pour  1757 
Mme  Husson,  qui  au  dire  de  l'abbé  de  Laporte 
était  une  jeune  et  très-jolie  femme,  convint  d 
bonne  foi  du  larcin  qu'elle  avait  fait,  et  par  un 
lettre  très-spirituelle,  insérée  dans  le  journal  o 
avait  paru  la  dénonciation  ,  elle  fit  une  sorte  d'ex 
cuse  à  ses  lecteurs.  JSoca  a  été  reproduit  en  1776; 
dans  la  Bibliothèque  universelle  des  Romans 
ainsi  que  l'analyse  de  deux  comédies  de  Mme  L 
Marchand ,  intitulées  :  Le  Mystérieux  et  L 
Défiant.  3.  V. 

Abbé  rie  I.aporte,  Hist,  littér.  des  Femmes  française. 
tome  IV,  paje  182.  --  Chnmlon  et  Delandine,  Dict.  unit 
Histor.  crit.  et  bibliogr.  —  Quérard ,  La  France  Li, 
téraire. 

le  marchant  (Jacques),  en  latin  Mar 
chantius,  historien  flamand  ,  né  à  Furnes,  e 
1537,  mort  à  Bruxelles,  en  1609.  Il  appartena 
à  une<  famille  noble  originaire  de  Nieuport.  En 
voyé  à  Louvain  pour  y  étudier  les  lettres  et  I 


J577  LE  MARCHANT 

'droit,  il  écrivit  de  bonne  heure  le  latin  avec  la 
iplus  grande  facilité ,  et  fut  chargé,  comme  pré- 
cepteur, de  diriger  l'éducation  des  enfants  de 
Jean  de  Melun.  Ayant  par  la  suite  embrassé  le 
'parti  des  états  contre  la  domination  espagnole, 
H  remplit  divers  emplois  politiques,  et  siégea  au 
conseil  d'amirauté  institué  en  1580.  Après  la 
Soumission  de  toute  la  Flandre  au  roi  d'Espagne , 
I  se  retira  à  la  campagne  et  reprit ,  jusqu'à  l'é- 
poque de  sa  mort,  la  culture  des  lettres,  qu'il 
hvait  trop  longtemps  sacrifiée  aux  charges  de  la 
lie  publique.  Le  Marchant  s'adonna  surtout  à 
'étude  de  l'histoire  nationale,  et  marcha  digne- 
ment dans  la  voie  que  venait  de  tracer  Jacques 
ae  Mégère,  le  père  des  historiens  flamands.  Nous 
[itérons  de  lui  :  De  Rébus  gestis  a  Flandrix 
lomitibus  Elegiarum  Liber;  Louvain,  1557, 
pi-8°  ;  —  De  Rébus  Flandrix  memorabilibus 
liber  singularis  ;  Anvers ,  1567,  in-8°,  dont  la 
lédicace,  datée  de  Bruges,  porte  le  nom  de  l'in- 
prtuné  comte  d'Egmont;  —  Principes  Flan- 
ïrix  carminé  descripti ;  Anvers ,  1567,  in-S°: 
lèdiés  au  môme  personnage  ;  l'un  et  l'autre  de 
■es  ouvrages  ont  été  réimprimés  à  Francfort, 
!58o,  dans  la  collection  des  Scripiores  Bel- 
\ici  de  Feirabent  ;  —  Flandria  commentario- 
mm  lib.  IV  descripta ,  in  quibus  de  Flandrix 
\rigine ,  commoditatibus ,  oppidis,  ordinibus, 
\iagistratibus  indigenisque  tractatur  ;  An- 
ers,  1596,  in-8°  :  par  un  singulier  revirement 
[opinion  chez  un  homme  qui  avait  lutté  contre 
Espagne ,  ce  livre  est  dédié  à  l'archiduc  Albert; 
hais  les  passages  qui  avaient  trait  aux  troubles 
Svils  sous  le  règne  de  Philippe  II  en  ont  été 
etranchés  par  ordre  de  la  censure.  P.  L — y. 

iFoppens,  Bibliot/i.  Belgica,  526.  —  Biogr.  des  Hom- 
les  remarq.  de  la  Flandre  occid.,  1, 305-308. 

Ile  marchant  (Pierre),  en  latin  Mar- 
nantius,  casuiste  flamand  ,  né  en  1585,  mort 
1 11  novembre  1661, à  Gand.  Admis  à  seize  ans 
ans  l'ordre  de  Saint-François,  il   remplit  di- 
prses  missions,  et  s'occupa  de  la  réformation 
ps  couvents  du  Limbourg.  On  a  de  lui  :  Expo- 
\tio  litteralis  in  regulam  S.  Francisci  ;  An- 
fers,  1631,  in-8°;  —  Sanctificatio  S.  Josephi, 
bonsi    Virginis ,  nutritii   Jesu ,  in  utero; 
pnd,  1631,  in-8°,  livre  qui  fut  interdit  en  1633 
»r  la  congrégation  de  l'index  ;  —  Eaculus  pas- 
traits ,  sive  potestas  episcopalis  in  regulares 
vn  exemptos;  Bruges,  1638,  in-S°;  —  Tri- 
\tnal  sacramentale  et  visibile  animarum  in 
jac  vita  mortali;  Gand,  1643-1650,  3  vol. 
fol.  ;  —  Fundamenta  XII  ordinis  FF.  Mi- 
wumS.  Francisci;  Bruxelles,  1657,  in-fol.  ; 
Resolutiones  notabiles  variorum  casuum 
quxstionum  practicarum ;  Anvers,  1656, 
Cologne,  1672,  in-fol.,  etc.  Cet  auteur  était 
ère  de  Jacques  Le  Marchant,  qui ,  entre  au- 
es  écrits  sur  la  théologie,  a  publié  celui  qui  a 
é  connu  sous  le  titre  de  Hortus  pastorum 
concionatorum.  K. 

Foppens,  Biblioth.  Belgica,  989-981. 

KOUV.   BIOCR.    GÊNER.   —   T.   XXX, 


LEMARE 


578 


lemarcis  (Pierre-Marie  ),  homme  politique 
et  littérateur  français,  né  à  Kouen,  en  1 762,  mort 
à  Paris,  le  8  mars  1826.  Son  père,  négociant  à 
Bolbec,  dépensa  sa  fortune  pour  venir  au  secours 
des  victimes  d'un  incendie  qui  avait  dévoré  cette 
ville  en  1765.  A  vingt-deux  ans  Lemarcis  fut 
nommé  secrétaire  général  de  l'intendance  d'Or- 
léans. En  1789,  Cypierre,  son  supérieur,  l'en- 
voya vers  Necker  pour  offrir  à  ce  ministre  un 
plan  d'approvisionnement  de  Paris  ;  Necker  re- 
çut favorablement  Lemarcis,  et  le  présenta  au  roi. 
Quelque  temps  après ,  Lemarcis  fut  appelé  aux 
fonctions  de  procureur  syndic  du  district  d'Or- 
léans. Il  rédigea  une  pétition  qui  lui  valut  d'être 
traduit  devant  le  tribunal  révolutionnaire.  Un  bon 
mot  le  sauva.  Menacé  une  seconde  fois,  il  se 
réfugia  à  Bolbec,  et  obtint  d'avoir  sa  maison 
pour  prison.  De  l'an  iv  à  l'an  vu  (  1795  à  1799  ) 
Lemarcis  siégea  au  Conseil  des  Cinq  Cents  ;  il  y 
vota  avec  le  parti  modéré  et  même  avec  la  frac- 
tion qui  fut  atteinte  par  le  coup  d'État  du  18 
fructidor.  En  1804  Lemarcis  obtint  la  place  "de 
directeur  des  contributions  directes  du  départe- 
ment de  la  Seine,  qu'il  a  remplie  jusqu'à  sa 
mort.  On  a  de  lui ,  sous  le  voile  de  l'anonyme  : 
Conseils  à  une  jeune  femme,  ou  lettres  d' Au- 
gustin? L.  M.  (Le  Marcis )  à  Pauline  D.  N. 
(de  Noailles  );  Paris,  an  v  (1797),  in-8°;  1826, 
in-8°  :  tirés  à  petit  nombre;  —  Les  Amours 
d'Ovide,  traduction  libre  en  vers  français, 
suivie  du  Remède  d'Amour,  poème  en  deux 
chants,  imité  d'Ovide;  Paris,  an  vu  (1799), 
in-12.  J.  V. 

annales  biographiques,  1826,  p.  48î.  —  Eeuehot, 
Journal  de  la  Librairie,  1826. 

i.emare  (  Pierre-Alexandre  ),  grammairien 
français,  né  en  1766,  dans  le  canton  de  Saint- 
Laurent,  en  Franche-Comté,  mort  à  Paris,  en 
1835,  était  le  fils  d'un  pauvre  laboureur.  Dès 
son  enfance,  il  montra  une  volonté  énergique  et 
une  persévérance  opiniâtre.  Il  fit  presque  seul 
son  éducation ,  et  se  mit  en  mesure  à  dix-neuf 
ans  de  professer  la  rhétorique  au  collège  de 
Saint-Claude.  Il  était  principal  de  ce  collège, 
lorsque  éclata  la  révolution  de  89.  Il  se  montra 
dès  lors ,  et  continua  d'être  toute  sa  vie  sincère 
ami  d'une  liberté  réglée  et  légale.  Devenu  après 
le  31  mai  membre  de  l'administration  du  dépar- 
tement du  Jura,  il  s'opposa,  autant  qu'il  put, 
aux  excès  de  zèle  du  comité  de  surveillance.  La 
Convention  le  proscrivit  deux  fois ,  et  deux  fois 
le  réintégra  :  on  le  savait  honnête  homme.  Au 
moment  du  18  brumaire,  Lemare  présidait  le 
département  du  Jura.  Il  proclama  Bonaparte 
traître  à  la  patrie,  et  reçut  de  l'administration 
centrale  le  commandement  de  la  force  armée 
destinée  à  marcher  contre'lui.  Un  jugement  par 
lequel  il  était  condamné  par  contumace  à  dix 
années  de  fers  fut  la  récompense  de  cette  har- 
diesse. Lemare  n'hésita  pas  à  se  constituer  pri- 
sonnier à  Chàlons-sur-Saône,  fit  casser  son  arrêt, 
et  vint  afficher  lui-même  son  jugement  à  Lons* 

19 


579 


LEMARE  — 


ie-Saulnier;  mais  il  renonça,  ostensiblement  du 
moins,  à  la  politique,  professa  le  latin  pendant 
plusieurs  années  à  Paris ,  au  collège  des  colo- 
nies, et  fonda  Y  Athénée  de  la  Jeunesse,  qui 
obtint  une  grande  vogue.  En  1808,  dès  qu'il  vit 
arrêter  le  général  Mallet  et  plusieurs  autres  per- 
sonnes avec  lesquelles  il  avait  eu  quelques  re- 
lations compromettantes,  il  quitta  Paris,  et  par- 
courut l'Europe  sous  différents  noms.  Arrêté  en 
Autriche,  et  reconduit  à  la  frontière,  il  alla 
incognito  suivre  les  cours  de  médecine  de  la  fa- 
culté de  Montpellier,  et,  sous  le  nom  de  Jaoquet, 
se  fit  donner  une  commission  de  chirurgien  aide- 
major  des  armées.  11  fit  même  en  qualité  de  chi- 
rurgien major  la  campagne  de  Russie,  et,  à  son 
retour,  en  1814,  il  se  fit  recevoir  docteur  en  mé- 
decine de  la  faculté  de  Paris.  A  la  première  en- 
trée des  alliés ,  il  fit  afficher  dans  Paris  une  pro- 
clamation violente  contre  Napoléon,  accepta, 
en  mars  1815,  une  mission  dans  les  départe- 
ments de  l'est,  et  se  montra  quelque  temps  zélé 
partisan  du  gouvernement  des  Bourbons ,  dans 
lesquels  il  voyait  les  représentants  des  idées  li- 
bérales. Mais  il  paraît  qu'il  ne  trouva  pas  ses 
espérances  suffisamment  réalisées  ;  car,  dès  la 
seconde  restauration,  il  quitta  pour  jamais  la  vie 
politique. 

On  a  de  Lemare  :  Panorama  des  Verbes 
français;  1801,  in-8°  ou  grand  in-folio;  — 
Panorama  latin;  1802,  in-8°,  ou  grand  in-fol.  ; 
—  Abréviateur  latin,  oumanuel  latin;  1802, 
in-8°  ;  cet  ouvrage  et  le  précédent  ont  été  re- 
fondus sous  le  titre  de  Cours  théorique  et  pra- 
tique de  la  langue  latine,  ou  abréviateur  et 
amplialcur  latin,  suivi  du  Novitius,  ou  diction- 
naire, etc.;  Paris,  1804,  deux  v.  in-8°  oblong; 
3e  édition,  entièrement  refondue,  1817,  in-8°.  Le 
Lycée  des  Arts,  présidé  par  Fourcroy,  proclama 
pour  les  premières  éditions  l'auteur  digne  du 
maximum  d'encouragement  décerné  aux  décou- 
vertes utiles-,  —  Le  Rudiment  ou  Grammaire 
latine  de  Lhomond,  augmentée  décent  quatre- 
vingt-dix-sept  Notes  et  d'une  Table;  1805, 
in-8°  ;  —  Le  De  Viris  de  Lhomond  prototypé, 
c'est-à-dire  indiquant  à  côté  du  texte  la 
forme  sous  laquelle  chaque  mot  se  trouve 
dans  les  dictionnaires  ;  1805,  in-24,  procédé 
ingénieux,  mais  un  peu  superflu,  et  abandonné 
d'ailleurs  aujourd'hui,  à  cause  de  la  difficulté  de 
son  exécution  typographique;  —  Cours  théo- 
rique et  pratique  de  la  Langue  Française; 
1807,  in-4°  oblong;  2e  édition,  entièrement  re- 
fondue sous  ce  titre  .  Cours  de  Langue  Fran- 
çaise, etc.;  1817,  in-8°  ;  1819,  deux  v.  in-8°; 
dans  cet  ouvrage  comme  dans  son  cours  de  langue 
latine,  l'auteur,  sur  les  pas  de  Oondillac,  soumet 
à  un  examen  philosophique  les  règles  de  la  gram- 
maire, et  cherche  dans  la  nature  même  des 
idées  les  éléments  du  langage,  leurs  dénomina- 
tions, leur  classification  méthodique,  leurs  di- 
verses combinaisons;  ces  cours,  aujourd'hui 
encore  justement  estimés,  n'ont  pu  cependant 


i 


LEMARQUANT  580 

devenir  classiques,  à  cause  de  la  complexité  dessj 
matières  et  aussi  d'un  excès  de  formules  d'éru- 
dition :  moins  savants,  ils  auraient  pu  être  plus 
utiles;  —  Racines  latines,  mises  en  phrases 
et  mnémonisées  d'après  laméthode  de  M.  Fi- 
naigle,  etc.;  1810,  in-18;  —  Le  Chevalier  d( 
la  Vérité,  traduit  de  l'allemand  de  Langhein: 
1814,  3  in-12;  —  Système  naturel  de   Lec- 
ture, etc.  :  ouvrage  refondu  sous  le  titre  suivant 
Cours  de  Lecture,  où, procédant  du  composa 
au  simple,  on  apprend  à  lire  des  phrases j 
puis  des  mots,  sans  connaître  ni  syllabes  n 
lettres,  composé  de  quarante  et  une  figures' 
4e  édition,   1818,  in-8°  et  in-folio;  —  Manier* 
d'apprendre  les  Langues,  suivie  de  V Analyse 
et  de  l'Examen  des  Méthodes  ou  Projets  d 
Méthode  de  Despautère,  Comenius ,   Pon 
Royal,  etc.  :  et  d'un  mot  sur  le  procédé 
Lancastre;  1817,  in-8°:  c'est  surtout  à  cet  o 
vrage  qu'on  peut  adresser  le  reproche  général  fa 
à  Lemare  par  Chénier  sur  l'impolitesse  de  se 
attaques  et  la  lourdeur  de   ses   plaisanteries 
«  lorsqu'il  croit  devoir  combattre  ou  des  gran 
mairiens  accrédités  ou  des  corps  littéraires,  q« 
ne  sont  pas  infaillibles,  mais  qui  sont  au  moii 
respectables  »  ;  —  Supplément  au  Cours  thén 
rique  et  pratique  de  la  Langue  Françaist 
1818,  in-4°;  —  Dictionnaire  français,  par  oi 
dre  d'analogie,  etc.;  1820;in-8°;  et  quelqm 
brochures  moins  importantes. 

Lemare  s'est  aussi  occupé  des  applicatioi 
de  la  chaleur  à  l'industrie.  On  lui  doit  l'inve 
tion  des  Marmites  autoclaves,  que  des  conti 
façons  mal- faites  et  dangereuses  firent  abandoi 
ner,  et  une  sorte  de  fourneau  économique,  le  C 
lèf acteur  Lemare,  approuvé  par  l'Académie  di 
Sciences.  Il  a  écrit  sur  ce  sujet  une  Notice  s 
le  Caléfacteur  Lemare  ;8e  édition,  1825,  in-i 
Charles  Defodon 

Rabbe,  Vieilh  de  Boisjolin  et  Sainte-Preuve,  Diogi 
phie  universelle  et  portative  des  Contemporains. 
Bouillet,  Dictionnaire  Historique  et  Géographique, 
Chénier,  Tableau  de  la  Littérature. 

*  LE  MAîiOiS  (Napoléon- Jules -Polydoi 
comte),  sénateur  français,  né  à  Paris,  le  15 
cembre  1802.  Il  débuta,  fort  jeune  encore,  dans 
carrière  diplomatique  comme  secrétaire  d'à 
bassade.  Membre  de  la  chambre  des  dépu 
(centre  gauche)  sous  le  règne  de  Louis-Philipj 
il  fit  des  essais  agricoles  sur  des  terres  incult* 
et  siégea  à  l'assemblée  législative.  Le  26  janv 
1852,  il  fut  élevé  à  la  dignité  de  sénateur. 

S— D. 

Biographie  des  sept  cent  cinquante  Représentant 
l'Assemblée  législative;  Paris,  1849.  —  Les  grandsCt 
politiques  de  l'État,  etc.  ;  Paris,  1862.  —  Biographie 
Membres  du  sénat;  Paris,  1852. 

lemarqitant  (Louis-François-Augu. 
fils  de  Jean  Lemarquant,  lieutenant  des  chas 
du  duc  et  de  la  duchesse  du  Maine,  en  la  pii* 
cipauté  d'Anet,  né  à  Anet  (  Eure-et-Loir  |1 
2  octobre  1734,  mort  le  30  juin  1807. 11  fut  r  j» 
avocat  au  parlement  de  Paris,  et  occupa  H 


1581  LEMARQUANT  —  LEMENE 

sieurs  charges  importantes  dans  le  comté  de 
Dreux  et  la  principauté  d-'Anet.  Il  sut  se  conci- 
ier  l'estime  et  labienveillanc.edu  comte  d'Eu, 
îjiii  lui  légua  son  grand  télescope,  instrument 


les  plus  puissants  de  l'époque.  Le  duc  de  Pen- 
[hws  re  le  nomma  membre  de  son  conseil.  Après  la 
jnort  du  duc  (le  4  mars  1 793),  Lemarquant  rentra 
|ians  la  vie  privée,  s'occupantdes  sciences  et  des 
ettres.  Il  a  laissé  quatre  volumes  manuscrits  de 
lûtes  et  observations,  et  il  publia  en  1777  la 
peseription  du  château  d'Anet,  réimprimée 
■n  1789.  A.  V— ï. 

i  Documents  particuliers. 

I  le  masson  (Innocent),  écrivain  religieux, 
té  à  Noyon,  le  10  mars  162S,  mort  le  8  mai 
70.:.  A  l'âge  de  dix-neuf  ans,   il  entra  dans 
tordre  des  Chartreux,  devint  vicaire,  prieur  et 
jisiteur  de  la  province  de  Picardie.  Élu  général 
es  Chartreux  en  1675,  il  fit  rebâtir  la  grande 
lhartreuse,  qui  avait  été  presque  entièrement 
fcduite  en  cendres.  N'étant  encore  que  prieur 
le  la  chartreuse  de  Noyon,  il  lit  imprimer  une 
Théologie  morale.  Plus  tard  il  s'appliqua  à  une 
réduction  française  de  l'office  de  la  Vierge,  de 
lufticf  des  morts,  des  psaumes  de  la  pénitence, 
wec  une  paraphrase  très-instructive  et  des  mé- 
|u»tions.  11  fit  ensuite  imprimer  une  traduction 
lu  Cantique  des  Cantiques  avec  des  notes  fort 
pcherchées.  Ennemi   des  jansénistes,  il  avait 
rit  une  lettre  au  père  de  La  Chaise  pour  le 
pplier  de  lui  procurer  le  pouvoir  de  punir 
suxde  son  ordre  qui  seraient  soupçonnés  d'être 
ce  parti  :  cette  lettre  ne  parut  qu'après  sa 
ort,  et  fit  beaucoup  de  bruit.  Le  Masson  avait 
it  imprimer  à  Lyon,  en  T700,le  livre  du  père 
e  Porq,  de  l'Oratoire,  contre  Jansenius,  et  il 
donnait  en  présent.  Il  avait  écrit  contre  le 
stème  de  la  grâce  de  Nicole.  Son  meilleur  ou- 
•age  est  sa  nouvelle  collection  des  Statuts  des 
hartreux,  avec  des   notes  savantes;   Paris, 
'03,  in-fol.  Il  avait  donné,  en  1683,  VExplica- 
on  de  quelques  endroits  des  anciens  statuts 
l'ordre  des  Chartreux  ;  in-4°.  On  a  en  outre 
!  Le  Masson  :  Vie  de  Jean  d'Aranthon  d'A- 
x,  évéque  et  prince  de  Genève,  général  des 
hartreux;  Lyon,  1697,  in- 8°;  —  Annales 
■dinis  Carthusiensis;  Coire,  1687,  in-fol.  Il  a 
it  aussi  paraître  anonyme  :  Introduction  à  la 
e  religieuse  et  parfaite,  distribuée  en  tin- 
tante -  trois   leçons,   tirées  de  l'Écriture 
inte,  de  V Introduction  à  la  vie  dévote  de 
•int  François  de  Sales  et  de   l'Imitation 
'■Jésus-Christ;  Lyon,    1677,  in-8°  :  Suivant 
rbier,  «  L'Imitation  se  trouve  presque  en  en- 
!r  dans  ce  volume,  avec  des  notes  marginales 
(les  explications.  »  En  1692,  Le  Masson  donna 

!i  appendice  à  cet  ouvrage;  il  y  réunit  tous  les 
issages  de  l'Imitation  relatifs  à  la  grâce,  pour 
ouver  la  conformité  des  principes  de  ce  livre 
j'ec  ceux  de  l'Église.  J.  V. 

poujct,  suppl,  au  Grand  Dict.  Histor.  -de  Morëri.  — 
puulon  et  Dclanfline,  Dict.  unir.  Histor ,  Crit.  et  Bi- 


582 

blioyr.  —   Bjrbier,  Dissertation  sur  soixante  trad.  de 
l'Jmit.  de  J.-C,  p.  105. 

tEMAzntiER  (Pierre-David),  littérateur 
français,  né  à  Gisors,  le  30  mars  1775,  mort  à 
Versailles,  le  7  août  1836.  Il  obtint  dans  l'ad- 
ministration des  contributions  directes  une  place 
qu'il  perdit  peu  de  temps  après  pour  avoir  élevé 
sa  voix  en  faveur  des  victimes  de  la  révolution. 
Il  se  livra  alors  aux  lettres  sous  les  auspices  de 
La  Harpe,  et  débuta  par  des  poésies  fugitives 
insérées  dans  les  recueils  du  temps,  et  dont  un 
certain  nombre  ne  sont  pas  signées.  Lemazurier 
fut  nommé,  en  1808,  secrétaire  du  comité  d'ad- 
ministration de  la  Comédie-Française,  et  c'est 
alors  qu'il  entreprit  de  mettre  en  œuvre  les 
nombreux  et  curieux  matériaux  contenus  dans 
les  archives  de  ce  théâtre  et  de  publier  des  no- 
tices historiques  sur  les  anciens  acteurs,  qui 
parurent  en  1810,  précédées  d'un  excellent  dis- 
cours préliminaire,  sous  le  titre  de  Galerie 
historique.  Lemazurier  conserva  ses  fonctions, 
où  son  urbanité  et  son  obligeance  extrêmes 
furent  appréciées  de  tous  les  gens  de  lettres 
qui  recouraient  à  son  érudition,  jusqu'en  1830, 
époque  où  il  perdit  tout  à  fait  la  vue,  affaiblie 
depuis  longtemps  par  des  travaux  multipliés  et 
fatigants.  On  a  de  lui  :  Galerie  historique  des 
Acteurs  du  Théâtre-Français ,  depuis  1600 
jusqu'à  nos  jours;  Paris,  1810,  2  vol.  in-8°. 
Une  seconde  édition  devait  être  publiée  en  1826; 
elle  n'a  pas  paru;  —  L'Opinion  du  Parterre, 
ou  revue  des  Théâtres  français,  de  l'Acadé- 
mie impériale  de  Musique,  etc.;  Paris,  1803- 
1813,  10  vol.  in-8°.  Le  premier  volumea  été  pu- 
blié sous  le  nom  de  Courtois  ;  le  deuxième  et  le 
troisième  sous  celui  de  Valleran.  Les  autres 
sont  anonymes;  —  La  Récolle  de  l'Hermite, 
ou  choix  de  morceaux  d'histoire  peu  con- 
nus, d'anecdotes,  etc.,  anonyme;  Paris,  1813, 
in-8°.  Lemazurier  a  été  le  collaborateur 
d'Auger  dans  le  commentaire  des  œuvres  de 
Molière  par  cet  académicien.  Il  a  laissé  en 
portefeuille  des  contes,  des  épUres ,  des 
stances,  etc.,  et  autres  poésies  qu'il  a  lues  soit 
à  l'Athénée,  où  il  professait  un  cours  en  1817, 
soit  à  la  société  Philotechnique,  dont  il  était 
membre.  Il  a  aussi  laissé  inédite  une  Histoire 
de  la  troupe  de  Molière,  dont  on  doit  regretter 
la  perte.  E.  de  M. 

Annuaire  Nécrologique.  —  Quérard ,  La  France  Lit- 
téraire. 

LE  MEINGRE.   Voy.  BOCCICAUT. 

lemene  (François,  comte  de),  poète 
italien,  né  à  Lodi,  en  1634,  mort  à  Milan,  le 
24  juillet  1704.  Sa  vie  ne  contient  pas  d'événe- 
ments remarquables  ;  mais  le  P.  Ceva,  son  bio- 
graphe, assure  que  pour  l'amabilité  des  manières, 
la  probité  des  mœurs  et  le  bonheur  du  talent 
il  eut  peu  d'égaux  dans  son  temps.  Lemene  cul- 
tiva la  poésie  en  amateur,  et  se  refusa  longtemps 
à  publier  ses  vers;  enfin,  dans  sa  vieillesse,  il  se 
décida  à  donner  un  recueil  de  poésies  diverses 
qui,  sans  être  exemptes  du  mauvais  goût  du 

19. 


683 


LEMEISE  —  LEMERCIER 


temps,  offrent  des  beautés  nombreuses.  «  Le 
comte  de  Lemene,  dit  Tiraboschi,  osa  le  pre- 
mier exposer  en  sonnets  et  en  canzones  les  plus 
augustes,  les  plus  profonds  mystères  de  la  reli- 
gion révélée  ;  mais  quoique  le  style  ne  soit  pas 
toujours  très-cultivé,  et  qu'on  y  puisse  désirer 
une  inspiration  plus  vive,  cependant  les  mérites 
de  ses  vers  ne  sont  pas  peu  nombreux,  surtout 
si  l'on  tient  compte  de  la  difficulté  du  sujet. 
Mais  quelques-uns  de  ses  madrigaux  et  d'autres 
pièces  légères,  où  il  décrit  les  jeux  des  enfants, 
des  pasteurs,  des  nymphes  sont  d'une  telle 
grâce  et  d'une  élégance  si  véritablement  grecque, 
que  je  ne  sais  si  la  poésie  latine  a  rien  en  ce 
genre  qui  puisse  leur  être  comparé.  »  On  a  de 
Lemene  :  Délia  discendenza  e  nobiltà  de'  mac- 
caroni,poemaeroica  ;  1675,  in-8°  ;  —Poésie  di- 
verse; 1698,2  vol.  ia-n;  —  LaSposafrancesca, 
comédie,  1709,  in-8°  Z. 

Ceva,  Memorie  d'alcune  virtù  del  sig.  conte  Franc, 
de  Lemene  con  alcune  riflessioni  salle  sue  poésie.  — 
Tiraboschi,  Storia  délia  Letteratura  italiana,  t.  VIII 
p.  376. 

lemercier  {Timothée),  sieur  de  La  Hé- 
rodière,  poète  français,  né  vers  1570.  Conseiller 
et  secrétaire  d'Henri  IV,  il  publia  en  1616  un 
poème  de  plus  de  deux  mille  vers  sous  le  titre  : 
Deuil  sur  la  mort  de  Henri  le  Grand,  qui 
n'est,  de  l'aveu  de  l'auteur,  que  la  traduction  en 
vers  de  La  Navarre  en  deuil ,  de  Pierre  de 
l'Hostal.  Au  jugement  de  Goujet ,  c'est  un  ou- 
vrage fastidieux  qui  dégoûte  par  son  mauvais 
style  et  rebute  par  sa  longueur.  K. 

Goujet,  Biblioth.  française. 

lemercier  (Jacques),  architecteet  graveur, 
français,  né  à  Pontoise,  vers  la  fin  du  seizième 
siècle,  mort  à  Paris,  en  1660.  Il  fit  dans  sa  jeu- 
nesse un  long  séjour  à  Rome;  car  on  possède  de 
lui  deux  eaux-fortes  gravées  dans  cette  ville,  en 
1607  et  1620;  la  première  reproduit  le  projet  de 
Michel-Ange  pour  l'église  Saint-Jean  des  Floren- 
tins ;  la  seconde  le  tombeau  de  Henri  III,  dont 
Lemercier  avait  envoyé  en  France  le  dessin. 
C'est  pendant  cette  période  de  sa  vie  qu'il  puisa 
dans  l'étude  des  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité  un 
sentiment  du  beau  qui  l'abandonna  rarement. 
Lorsqu'il  revint  en  France,  le  cardinal  de  Riche- 
lieu, qui  sut  l'apprécier,  lui  confia  un  travail  bien 
important,  auquel  son  séjour  dans  la  patrie  des 
arts  avait  dû  le  préparer  merveilleusement.  Il 
s'agissait  de  l'achèvement  du  Louvre,  dont  il 
n'existait  encore  que  les  deux  ailes  en  équerre 
élevées  par  Pierre  Lescot  au  coté  sud-ouest  de  la 
cour  actuelle.  Sincère  admirateur  de  ces  mer- 
veilles de  la  renaissance,  Lemercier  eût  aimé  à 
ne  pas  s'écarter  des  proportions  primitives  adop- 
tées par  le  grand  architecte  de  Henri  II  ;  mais  les 
temps  avaient  marché,  et  ce  projet  modeste  ne 
pouvait  plus  être  agréé.  Lemercier  proposa, 
sans  toucher  aux  deux  ravissantes  façades,  de 
bâtir  un  palais  quatre  fois  plus  grand,  en  con- 
tinuant les  deux  corps  de  logis  déjà  bâtis,  pn  les 
conduisant  jusqu'au  double  de  leur  longueur,  en 


584 


reproduisant  exactement  sur  la  partie  prolongée 
l'architecture  de  la  partie  existante,  puis  de 
faire  du  coté  de  l'est  et  du  coté  du  nord,  pour 
compléter  le  quadrangle,  deux  autres  corps  de 
logis  égaux  aux  premiers.  Par  ce  moyen  on 
doublait  l'étendue  des  bâtiments  et  on  quadru- 
plait la  superficie  de  la  cour.  La  seule  innova- 
tion que  se  permit  Lemercier  fut  d'ajouter  aux 
quatre  grands  pavillons  du  plan  primitif,  dont  un 
seul  s'élevait  déjà  à  l'angle  sud-ouest,  quatre  au- 
tres pavillons,  placés  au  centre  de  chaque  façade 
et  destinés  à  rompre  l'uniformité  de  ces  longues 
lignes.  Ces  pavillons  avaient  en  outre  l'avantage 
de  fournir  le  motif  naturel  de  quatre  grands  ves- 
tibules donnant  des  accès  faciles  et  commodes 
à  la  cour  du  palais.  Un  seul  de  ces  pavillons, 
un  seul  de  ces  vestibules  furent  élevés  par  Le- 
mercier; ce  sont  ceux  de  l'ouest,  regardant  les 
Tuileries.  Le  vestibule  qui  a  servi  de  modèle 
aux  antres  est  une  heureuse  réminiscence  de 
celui  dont  Antonio  da  San-Gallo  avait  orné  le 
palais  Farnèse.  Le  pavillon  central  fut  surmonté 
d'un  dôme  et  enrichi  des  belles  cariatides  dues 
au  ciseau  de  Pierre  Sarrazin.  La  première  pierre 
de  cet  achèvement  du  Louvre  fut  posée  par 
Louis  XIII,  le  28  juin  1624;  mais  les  travaux 
furent  poussés  avec  lenteur,  et  interrompus  à 
la  mort  du  roi  en  1643,  et  Lemercier  n'acheva 
que  les  deux  demi-cicles  en  équerre  de  l'ouest 
et  du  nord  faisant  pendant  à  celles  de  Pierre 
Lescot  ;  ce  ne  fut  que  sous  le  règne  de  Louis  XIV 
que  l'enceinte  de  la  cour  fut  complétée  par 
Levau. 

Cinq  ans  après  le  commencement  des  travaux 
du  Louvre,  Richelieu  demandait  à  la  fois  à  Le- 
mercier deux  édifices  importants,  son  propre 
palais  et  la  Sorbonne.  Du  palais  Cardinal ,  plus 
tard  palais  Royal,  commencé  par  Lemercier  en 
1629,  il  reste  bien  peu  de  chose,  grâce  aux  ad- 
ditions et  aux  changements  faits  dans  les  siècles 
suivants  ;  il  n'y  a  plus  en  vue  que  la  galerie  des 
proues  située  au  coté  occidental  de  la  cour;  on 
sait  que  ces  proues  faisaient  allusion  à  la  charge 
de  surintendant  de  la  marine  et  du  commerce 
dont  le  ministre  était  revêtu. 

La  première  pierre  de  la  Sorbonne  fut  égale- 
ment posée  en  1629.  L'ensemble  se  compose  de 
deux  édifices  distincts,  les  bâtiments  destinés 
aux  écoles,  et  l'église,  qui  a  deux  façades,  la 
principale  sur  la  place,  l'autre  au  nord  sur  la 
cour  de  la  Sorbonne.  L'extérieur  de  cette  église 
n'a  rien  de  bien  remarquable  ;  mais  l'intérieur, 
est  d'une  rare  élégance,  d'une  pureté  de  style 
et  d'une  sobriété  d'ornementation  plus  rares 
encore  à  cette  époque. 

Lemercier  succéda  à  Mansard  dans  la  direc- 
tion des  travaux  du  Val-de- Grâce;  l'église  ne 
s'élevait  encore  qu'à  trois  mètres  du  sol  ;  il  la 
continua  tant  au  dedans  qu'au  dehors  jusqu'à  l« 
hauteur  de  la  corniche.  11  succéda  également  l< 
Metézeau  dans  la  construction  de  l'église  de.< 
prêtres  de  l'Oratoire ,  de  la  rue  Saint-Honoré, 


585 

Obligé  de  terminer  une  composition  dont  il  n'a- 
vait pas  donné  la  première  idée,  et  qui  semblé 
n'avoir  pas  été  très-heureusement  conçue,  il  s'ef- 
força d'en  corriger  les  défauts,  et  il  allongea  l'é- 
glise de  toute  la  partie  circulaire  qui  lui  sert  de 
chœur.  Il  reste  cependant  dans  cet  édifice  un 
grand  nombre  d'irrégularités  et  d'imperfections  ; 
mais  les  autres  œuvres  de  Lemercier  prouvent 
qu'il  ne  doit  point  en  être  accusé.  Sa  dernière 
grande  entreprise  fut  l'église  Saint-Roch,  com- 
mencée en  1653  ;  il  ne  put  l'achever,  et  à  sa  mort 
il  n'avait  encore  élevé  que  le  chœur  et  une  partie 
de  la  nef. 

On  doit  encore  à  Lemercier  quelques  cons- 
tructions de  moindre  importance,  telles  que  les 
portails  des  églises  de  Ruel  et  de  Bagnolet, 
l'église  de  l'Annonciade  à  Tours,  l'église  parois- 
siale et  le  château  de  Richelieu.  Une  mention 
toute  spéciale  doit  être  faite  du  fameux  escalier 
en  fer  à  cheval  que  Louis  XI II  rit  élever  par 
Lemercier  au  fond  de  la  cour  du  Cheval-Blanc, 
au  palais  de  Fontainebleau.  Cet  escalier  célèbre 
ne  coûta  pas  moins  de  100,000  écus,  somme 
énorme  pour  le  temps.  C'est  un  des  morceaux 
d'architecture  les  plus  majestueux  du  palais,  et 
il  s'harmonise  parfaitement  avec  la  vaste  cour 
qui  le  renferme  et  dont  il  est  le  plus  bel  orne- 
ment. 

Malgré  tant  et  de  si  glorieux  travaux,  malgré 
son  titre  d'architecte  du  roi,  Lemercier  mourut 
sans  fortune  ;  mais  il  a  laissé  une  renommée  qui 
le  place  au  premier  rang  parmi  les  architectes 
français  du  dix-septième  siècle.        E.  B — n. 

Quatremère  de  Quincy,  Histoire  de  la  Vie  et  des  Ou- 
vrages des  plus  célèbres  Architectes.  —  Fontenay,  Dic- 
tionnaire des  Artistes.  —  Vitet.Ze  Louvre.  — E.  Jamin, 
Fontainebleau  ou  notice  historique  et  descriptive  sur 
cette  résidence  royale. 

lemercier  {Louis- Nicolas,  comte),  homme 
(politique français,  né  à  Saintes,  le  23  décembre 
1755,  mort  en  janvier  1849,  à  Paris.  A  l'âge  de 
vingt  ans,  il  succéda  à  son  père  dans  la  charge 
de  lieutenant  général  criminel  au  présidial  de 
Saintes.  Élu  député  du  tiers  état  de  sa  province 
aux  états  généraux,  il  s'y  fit  peu  remarquer, 
et  vota  l'abolition  de  l'hérédité  des  fonctions 
judiciaires.  Après  la  clôture  de  l'Assemblée  cons- 
tituante, il  fut  élu  par  ses  compatriotes  juge  au 
tribunal  du  district  de  Montlieu,  puis  président 
du  tribunal  criminel  du  département.  En  1798, 
il  fut  élu  membre  du  Conseil  des  Anciens.  Mem- 
bre de  plusieurs  commissions,  il  rédigea  dos  rap- 
ports importants  sur  les  droits  de  bacs  et  sur 
l'établissement  des  conseils  de  guerre.  Il  de- 
manda qu'une  retenue  fût  faite  sur  les  appointe- 
ments des  fonctionnaires  publics  pour  subvenir 
aux  frais  de  la  guerre  et  combattit  le  projet 
d'un  impôt  sur  le  sel.  Au  18  brumaire,  Lemer- 
cier, qui  était  président  du  Conseil  des  Anciens, 
se  prononça  en  faveur  de  Bonaparte.  La  part 
quCil  prit  au  succès  de  cette  journée ,  tant  au 
fauteuil  qu'à  la  tribune,  le  fit  comprendre  dans 
les  commissions  législatives  qui  remplacèrent 


LEMERCIER  586 

les  deux  Conseils.  Le  24  décembre  il  fut  admis 
parmi  les  premiers  membres  du  sénat  conserva- 
teur. 11  devint  président  de  ce  corps  politique 
après  Sieyès  et  Roger  Ducos.  En  1804  l'empe- 
reur lui  conféra  la  sénatorerie  d'Angers,  et  en 
1808  il  le  créa  comte.  En  1814  Lemercier 
adhéra  à  la  déchéance  de  Napoléon  et  au  rappel 
des  Bourbons ,  ce  qui  lui  valut  d'être  porté  dès 
l'origine  dans  la  chambre  des  pairs.  Napoléon 
ne  l'ayant  pas  compris  dans  la  chambre  des  pairs 
des  Cent  Jours ,  Lemercier  reprit  son  siège 
au  retour  du  roi.  Il  parla  sur  la  liberté  de  la 
presse,  sur  la  contrainte  par  corps,  sur  les  attri- 
butions judiciaires  de  la  cour  des  pairs,  sur  la 
liberté  individuelle,  sur  le  serment  des  fonction- 
naires publics,  etc.  Lors  du  procès  du  maréchal 
Ney,  il  vota  contre  la  peine  de  mort;  après  la  ré- 
volution de  Juillet,  il  se  prononça  avec  la  même 
fermeté  dans  le  procès  des  ex-ministres  de 
Charles  X,  déclarant  qu'il  ne  voterait  jamais  la 
mort  en  matières  politiques.  Il  ne  siégea  pas  non 
plus  dans  le  procès  des  accusés  d'avril  1834; 
mais  il  reparut  sur  son  fauteuil  lors  de  l'attentat 
de  Fieschi.  La  révolution  de  Février  1 848  le  rendit 
au  repos  de  la  vie  privée. 

Sarrut  et  Salnt-Edme,  Biog.  des,  Hommes  du  Jour, 
tome  II,  2e  partie,  p.  291.  —  V.  Lacalne  et  Charles  Lau- 
rent, Biog.  et  Nécrol.  des  Hommes  Marquants  du  dix- 
neuvième  siècle,  t.  I,  p.  428. 

lemercier  (Jules-César-*Suzanne),  baron 
d'Equevilley,  général  français,  né  à  Faverney, 
près  Vesoul ,  en  1765,  mort  à  Montpellier,  le 
1er  novembre  1828.  11  entra  au  service  en  qua- 
lité de  cadet-gentilhomme  dans  l'infanterie  de 
marine.  Il  était  lieutenant  lors  de  la  révolution, 
et  émigra  dès  1791.  Il  joignit  l'armée  des  princes, 
et  figura  dans  les  rangs  des  chasseurs  nobles , 
puis  des  chevaliers  de  la  Couronne.  En  1805  il 
rentra  en  France,  et  sollicita  du  service.  Napo- 
léon le  nomma  capitaine  dans  le  régiment  de 
La  Tour-d'Auvergne,  alors  en  Calabre.  Le  baron 
Lemercier  se  distingua  en  Portugal  sous  les 
ordres  de  Massena  :  il  fut  grièvement  blessé  au 
combat  du  pont  de  Callegar,  et  était  chef  d'es- 
cadron et  aide  de  camp  du  général  Sainte-Croix 
en  1814.  Il  se  rallia  aux  Bourbons,  qui  le  créèrent 
colonel  de  la  légion  de  Vendée.  En  1822,  il  fut 
nommé  maréchal  de  camp  et  commandant  de 
Perpignan.  En  182-3  il  commandait  la  première 
subdivision  de  la  neuvième  division  militaire  à 
Perpignan.  H.  L. 

Le  Moniteur  universel,  1S  novembre  1828. 

lemercier  (  Louis- Jean-Népomucène),  de 
l'Académie  Française ,  littérateur,  né  à  Paris, 
le  21  avril  1771,  mort  le  7  juin  1840.  Son  aïeul 
était  avocat  au  parlement  de  Bourgogne  ;  son 
père  devint  successivement  secrétaire  du  duc 
de  Penthièvre,  du  comte  de  Toulouse  et  de  ma- 
dame de  Lamballe.  Cette  infortunée  princesse 
fut  la  marraine  de  Lemercier.  La  violence  d'une 
chute  qu'il  fit  dans  son  enfance  lui  ôta  l'usage 
d'une  partie  de  ses  membres;  il  ne  marcha 
plus  qu'avec  peine ,  et  ne  put  écrire  que  de  la 


587  LEMERCIER. 

main  gauche.  Une  jeunesse  maladive  ne  retarda 
point  le  développement  de  sa  rare  intelligence, 
et  l'ardeur  de  l'étude  l'entraîna  de  bonne  heure 
dans  la  carrière  où  la  gloire  l'attendait.  A  peine 
âgé  de  quinze  ans,  il  eomposa ,  sous  le  titre 
da  iVéléagre ,  une  tragédie,  dont  le  style,  di- 
sait-on alors,  paraissait  aussi  juvénile  que  l'au- 
teur. Cependant  sa  puissante  marraine,  soutenue 
par  Marie-Antoinette,  obtint  un  ordre  de  faire 
jouer  la  pièce.  Le  public  l'entendit  avec  indul- 
gence; mais  Lemercier  la  retira  à  la  seconde  re- 
présentation :  sacrifice  d'amonr-propre  qui  dans 
un  si  jeune  poète  ressemblait  à  la  pudeur  d'un 
talent  près  d'éclore.  De  nouveau  il  s'essaya  dans 
un  drame  en  vers ,  imité  de  l'anglais ,  Clarisse 
Harlowe.  Ce  second  effort  attira  l'attention  sur 
l'auteur  adolescent.  Déjà  il  avait  acquis  une  es- 
pèce de  célébrité,  qui  chagrina  son  homonyme, 
le  dramaturge  Mercier.  Cet  homme  bizarre, 
craignant  une  méprise  de  noms  ,  publia  une 
lettre  dans  laquelle  il  recommandait  de  ne  pas 
le  confondre  avec  Lemercier  Méléagre,  ou 
tout  autre  Le  Mercier.  «  Qu'on  se  souvienne, 
ajoutait-il,  que  je  suis  Mercier  sans  article.  » 
Ainsi  se  répandit  le  nom  du  poète  naissant,  qui 
entrait  alors  dans  le  grand  monde.  Son  mérite , 
la  grâce  de  son  esprit  et  de  ses  manières  lui  va- 
lurent de  nombreux  amis  ,  parmi  lesquels  on 
remarque  Florian  ;  il  se  lia  avec  une  foule  de 
grands  seigneurs  et  de  lettrés  célèbres;  il  leur 
communiquait  ses  vers,  facilement  faits ,  et  tou- 
jours applaudis.  Habitué  aux  délices  de  cette 
noble  sphère,  il  semblait  plus  flatté  d'y  figurer 
en  homme  du  monde  qu'en  littérateur.  Hélas  ! 
ce  monde  brillant  se  livrait  à  une  joyeuse  insou- 
ciance sur  le  gouffre  où  déjà  la  révolution  fer- 
mentait. L'orage  éclate  avec  violence,  les  lois 
sont  foulées  aux  pieds  ,  le  trône  est  ensanglanté, 
l'édifice  social  s'écroule  :  tout  se  couvre  de 
ruines  ;  les  plus  illustres  protecteurs  de  Lemercier 
tombent  immolés;  il  voit  jeter  en  proie  aux 
cannibales  révolutionnaires  les  membres  palpi- 
tants de  son  auguste  marraine.  Frappé  dans  ses 
entours  ,  menacé  lui-même ,  il  se  réfugie  à  la 
campagne,  où  bientôt  les  illusions  de  son  âge,  le 
calme  des  champs  et  l'amour  de  l'étude  adoucis- 
sent ses  regrets. 

Trois  ans  de  malheurs  écoulés,  il  sort  de  sa 
retraite  et  apporte  au  théâtre  une  spirituelle  pa- 
rodie :  Le  Tartufe  révolutionnaire ,  dont  les 
traits  mordants  frappaient  les  démagogues,  en- 
core puissants.  Le  succès  fut  complet;  on  applau- 
dissait surtout  avec  chaleur  une  scène  où  le 
nouvel  Orgon  dit  à  son  trompeur  : 

Faut-il  fuir  et  sauver  ma  tête? 
Tartufe  répond  : 

Il  faut,  en  homme  libre,  attendre  qu'on  t'arrête. 

L'année  suivante ,  Lemercier  donna  Le  Lévite 
d'Éphraïm,  ingénieux  essai  d'un  nouveau  genre 
dramatique,  qui  accrut  la  réputation  de  l'auteur, 
mais  ne  présageait  pas  encore  l'un  des  triomphes 
les  plus  rares  du  théâtre  français. 


583 

Studieux  admirateur  de  l'antiquité,  Lemercier 
s'empara  des  beautés  éparses  dans  Eschyle, 
dans  Sophocle  et  dans  Sénèque  ;  et  s'aidant, 
même  des  inspirations  d'Alfieri,  il  composa 
Agamernnon ,  ingénieuse  imitation,  où  le  poète 
brille  de  sa  propre  originalité  et  devient  créateur 
à  force  d'art,  il  prépare  et  développe  les  évé- 
nements avec  un  tact  exquis,  en  accroît  pro- 
gressivement l'intérêt,  prête  à  chaque  caractère 
le  langage  qui  lui  convient ,  et  s'enflamme  de 
cette  éloquence  touchante  dont  tous  les  cœurs 
sont  émus.  Les  principaux  personnages  de  ce 
magnifique  drame  apparaissent  comme  ces 
grandes  figures  que  le  génie  antique  anime  d'une 
vie  réelle  et  impérissable. 

L'attention  publique  se  porta  avidement  vers 
le  poète  qui  à  vingt-six  ans  promettait  un  con- 
tinuateur de  nos  maîtres.  L'enthousiasme  fut  uni- 
versel ;  l'autorité  d'alors  décerna  au  jeune  poète 
une  palme  dans  une  solennité  nationale  du  Champ 
de  Mars. 

Fatigué  de  cet  essor,  le  jeune  poète  ne  sou- 
tint pas  son  vol  d'aigle  ,  et  ne  tenta  plus  que  ra- 
rement de  s'élever  dans  cette  haute  région.  D'ail- 
leurs, enclin  à  se  frayer  des  routes  nouvelles, 
il  abandonna  ses  guides.  Et  puis,  dans  le  champ 
dramatique  où  il  avait  fait  une  si  belle  récolte, 
chacun  avaitsapart,  la  moisson  paraissait  termi- 
née. Le  public,  lassé  des  formes  antiques,  deman- 
dait qu'on  le  délivrât  des  Grecs  et  des  Romains. 
Lemercier  se  livra  au  courant  de  l'opinion,  qui, 
exerçant  une  influence  souveraine  sur  les  esprits 
les  plus  fermes ,  devient  une  espèce  de  fatalité  : 
elle  dirige  celui  qui  cède,  et  contraint  celui  qui 
résiste. 

La  littérature  avait  subi  ses  révolutions  ;  on 
avait  délaissé  les  formes  mythologiques  ;  les  as- 
pirations religieuses  se  perdaient  avec  les 
croyances;  le  sentiment  moral  demeurait  sans  di- 
rection. Toute  fiction  se  dépouillait  de  sa  puis- 
sance; le  public  d'élite  se  complaisait  dans  le 
scepticisme;  le  matériel  remplaçait  l'idéal.  On 
examinait,  on  raisonnait  sèchement;  et  les  arts 
mêmes  avaient  perdu  leur  prestige;  l'ima- 
gination ne  déployait  plus  ses  ailes  magiques. 
Ainsi,  les  philosophes,  les  écrivains  ,  les  poètes 
qui  entourèrent  le  déclin  de  Voltaire  furent,  à 
différents  degrés,  frondeurs,  sentencieux,  didac- 
tiques ou  descriptifs.  Lemercier,  entraîné  par  son 
époque  ,  se  détourna  de  la  route  de  son  premier 
succès.  Il  délaissa  pour  un  moment  la  tragédie, 
et  reparut  à  la  scène  avec  une  comédie,  La 
Prude,  fille  inattendue  du  père  à'Agameinnon. 
On  y  trouva  bien  l'empreinte  de  sa  verve  et 
son  allure  originale;  mais  l'absence  d'intérêt, 
la  négligence  du  style  ne  permirent  à  celte  piè 
qu'un  succès  de  circonstance.  Le  Directoire 
demanda  des  suppressions  ;  et  l'auteur,  qui.ne 
transigeait  pas  même  avec  la  nécessité,  retira 
l'œuvre  eu  pleine  réussite  ;  elle  ne  fut  pas  im- 
primée. 

A  la  stupeur  du  régime  terroriste,  que  le  plus 


589 


brave  des  peuples  venait  de  subir  si  docilement, 
succéda  dans  toute  la  population  parisienne  un 
enivrement  joyeux;  à  peine  délivrée  des  écha- 
fauds,  elle  s'abandonnait  à  l'imprévoyante  étour- 
derie,  aux  plaisirs  effrénés  de  la  régence.  Celte 
société,  bouleversée  par  la  tempête,  subissait 
encore  le  système  de  l'égalité.  Ainsi  les  per- 
sonnages marquants ,  hommes  et  femmes,  op- 
posés par  les  opinions ,  les  goûts ,  la  naissance , 
se  rapprochaient  dans  un  pêle-mêle  étrange  ;  les 
dames  les  plus  distinguées,  les  plus  opulentes, 
étaient  les  plus  abandonnées.  Ces  femmes  libres, 
émancipées  parla  révolution,  regardaient  la  mo- 
destie comme  un  préjugé  détruit  :  maîtresses  des 
modes,  elles  en  inventaient  chaque  jour,  aux  dé- 
pens de  la  pudeur;  leurs  vêtements  devinrent 
d'une  élégance  si  diaphane,  qu'ils  ne  laissaient 
rien  à  deviner  aux  regards  les  moins  indis- 
crets (1).  La  gaieté  folle  avait  banni  la  bien- 
séance de  ces  réunions ,  véritables  bals  masqués, 
où  sans  se  connaître  on  s'aborde  familière- 
ment ,  où  chacun  provoque  avec  malice  l'esprit 
de  ses  voisins  afin  d'en  montrer  soi-même  à  des 
gens  qu'on  oublie  en  sortant. 

Lemercier  était  l'ornement  de  ces  cercles 
joyeux.  Son  agréable  et  fine  causerie  attirait 
l'attention  de  tout  le  monde,  et  surtout  des 
femmes.  Il  avait  une  petite  taille  et  les  formes 
grêles  ;  mais  son  corps  fluet ,  quoique  gêné 
par  la  paralysie,  conservait  de  la  grâce  et  de 
la  distinction.  Son  regard  pénétrant  et  vif  dé- 
celait sa  pensée,  et  semblait  lire  dans  celle  des 
autres  ;  la  malignité  de  son  sourire  n'avait  rien 
de  blessant.  Affable  avec  dignité ,  simple  sans 
être  familier,  il  ne  s'éloignait  de  personne,  et  se 
prêtait  volontiers  aux  goûts  du  moment  ;  il  de- 
vint absolument  à  la  mode,  et  vivait  dans  un 
monde  de  plaisirs.  Le  goût  des  lettres  le  tenait 
aussi  rapproché  de  plusieurs  hommes  célèbres, 
noble  reste  de  l'ancien  régime.  Il  était  lié  avec 
l'abbé  Delille,  Marie-Joseph  Chénier,  Bernardin 
de  Saint- Pierre.  Il  fréquentait  indistinctement 
les  hommes  les  plus  opposés  d'opinions,  le  peintre 
David ,  l'incorruptible  royaliste  duc  de  Fitz- 
James ,  le  respectable  Daunou ,  l'évêque  d'Au- 
tun ,  cet  apostat  de  toutes  les  causes ,  Asmodée 
révolutionnaire,  qui  n'apparut  que  dans  les  jours 
sinistres  et  ne  servit  que  les  heureux. 

Ces  personnages  remarquables  à  des  titres  si 
divers ,  lancés  hors  de  leur  place  par  le  cata- 
clysme politique ,  se  rencontraient  sur  les  ruines 
de  l'État,  confondus  comme  les  débris  d'un  édi- 
fice renversé. 


(1)  Un  riiueur  afficha  ces  vers  à  la  porte  de  M" 
lien  ,  surnommée  Thermidorine  : 

La  gaze  est  encore  un  outrage 
Aux  doux  contours  de  votre  sein, 
Vénus  se  voilait  d'un  nuage: 
C'en  est  trop  pour  un  corps  divin. 
De  plus  près  suivez  la  nature; 
Pourquoi  s'arrêlcr  en  chemin? 
Belles ,  reprenez  la  parure 
De  la  mère  du  genre  humain. 


LEMERCIER  590 

Un  certain  ordre  commençait  à  renaître.  La 
fleur  de  la  population  revenait  à  la  littérature 
et  aux  arts.  Le  vainqueur  de  l'Italie  en  avait  ra- 
nimé le  goût  par  la  conquête  des  chefs-d'œuvre 
dont  il  ornait  la  capitale.  Des  poètes,  des  ro- 
manciers ,  des  compositeurs,  des  peintres,  se  dis- 
tinguaient avec  éclat;  et  l'Institut,  cette  grande 
création  préparée  par  des  hommes  éminents 
dans  les  lettres  et  les  sciences,  acquérait  de  la 
considération  en  représentant  nos  anciennes  aca- 
démies ;  le  plus  illustre  de  nos  généraux  se 
glorifiait  d'en  devenir  membre.  En  ce  temps 
Lemercier  composa  une  nouvelle  tragédie, 
Ophis,  sujet  égyptien  et  purement  d'invention  : 
elle  eut  un  singulier  rapport  avec  les  événements 
qui  se  préparaient.  Bonaparte,  revenu  triom- 
phant, méditait  une  expédition  ,  qu'il  voulait 
rendre  à  la  fois  militaire,  politique  et  scientifi- 
que. Un  soir,  chez  le  jeune  conquérant,  Lemer- 
cier fut  invité  à  lire  sa  tragédie.  Parmi  les  audi- 
teurs se  trouvaient  Desaix,  Kleher,  Monge, 
Bertholet,  Laplace  ,  Fourrier.  Après  la  lecture, 
Bonaparte  dit  à  l'auteur,  en  lui  serrant  la  main  : 
«  Vous  avez  créé  un  magnifique  sujet,  qui 
peut-être  est  plus  de  circonstance  que  vous 
ne  le  pensez.  »  Le  général  lui  confia  ses  projets 
sur  l'Orient,  et  l'invita  à  l'accompagner.  Mais  le 
père  de  Lemercier  s'opposa  au  départ  de  son 
fils.  Bonaparte  suivit  bientôt  sa  route  victorieuse, 
et  la  pièce  fut  jouée  re  jour  même  où  l'on  ap- 
prenait à  Paris  la  conquête  prodigieuse  de  l'em- 
pire des  Pharaons.  Le  public  crut  voir  une  allu- 
sion à  l'immortel  guerrier,  dans  ces  vers  : 


Il  court  pour  son  pays  de  victoire  en  victoire; 
Son  génie  accomplit  tous  ses  rêves  de  gloire. 

Cet  heureux  à-propos  du  hasard  fut  saisi  avec 
transport.  Le  général  apprit  cette  circonstance 
aux  bords  du  Nil,  et  sut  gré  au  poëte  d'avoir 
donné  aux  Français  l'occasion  de  manifester  un 
enthousiasme  approbateur  de  son  héroïque  en- 
treprise. 

La  littérature  se  ranimait.  Lemercier,  que  les 
plus  mauvais  jours  n'avaient  pu  contraindre  au 
silence,  sentit  sa  verve  s'échauffer  d'une  sève 
nouvelle;  toujours  avide  de  tentatives  hardies, 
il  affirma,  en  présence  de  gens  de  lettres,  que 
dans  le  langage  poétique  les  sujets  les  plus 
voluptueux  pouvaient  être  peints  avec  décence. 
Lucrèce,  disait-il,  en  offre  d'admirables  exem- 
ples. Lemercier  n'était  pas  un  Lucrèce;  mais, 
pour  soutenir  sa  thèse,  il  composa  les  Quatre 
Métamorphoses ,  assemblable  de  tableaux  que 
la  bienséance  n'a  point  assez  voilés.  Cette  œuvre, 
presque  oubliée  aujourd'hui,  se  ressent  de  l'époque 
où  elle  fut  conçue.  L'auteur  regretta  toujours  de 
l'avoir  publié  (1). 

Lemercier  ne  voulut  reparaître  au  théâtre 
que  riche  de  quelque  nouveauté.  Le  célèbre  au- 
teur du  Barbier  de  Séville ,  dans  sa  verte  et 


(1)  Ce  poëme  eut  deux  éditions.  11  est  difficile  aujour- 
d'hui d'en  trouver  un  exemplaire. 


591 


LEMERCIER 


>92 


spirituelle  vieillesse,  lui  avait  voué  une  juste 
affection  ;  c'est  sous  les  regards ,  et  peut-être 
avec  les  conseils  de  Beaumarchais,  que  Pinlo 
lut  composé;  entre  ce  personnage  et  Figaro 
perce  en  effet  un  air  de  parenté.  L'adroit  mé- 
lange du  noble  et  du  vulgaire,  le  ton  du  dia- 
logue, hardi  et  vif,  surtout  l'apologie  de  certains 
principes,  sympathiques  à  la  foule,  donnèrent 
une  grande  vogue  à  ce  drame,  dont  le  gouver- 
nement directorial  interdit  la  représentation. 
Après  le  Dix-huit  Brumaire,  Pinto  reparut 
accueilli  par  des  applaudissements  renouvelés 
pendant  vingt  représentations.  Cependant,  il  se 
forma  contre  la  pièce  une  ligue  que  le  jeu  de 
Talma  et  de  MUe  Devienne  avait  peine  à  maî- 
triser. Les  représentations  cessèrent  tout  à  coup, 
et  l'interdiction  fut  attribuée  au  chef  de  l'État. 
Le  fait  est  contestable  ;  cependant  il  prit  de  la 
vraisemblance,  par  la  rupture  qui  se  manifesta 
entre  l'auteur  et  le  premier  consul.  On  ne  se 
doutait  pas ,  et  peu  de  gens  savent  aujourd'hui 
que  leur  inimitié  subite  avait  une  cause  plus  futile 
encore  que  la  suspension  d'un  drame.  Si  les 
hommes  de  talent ,  de  savoir,  de  génie ,  sont 
doués  d'une  force  d'âme  qui  résiste  aux  grandes 
secousses ,  l'exquise  finesse  de  leur  perception , 
leur  ardente  vivacité,  leur  fébrile  amour-propre, 
en  font  des  espèces  de  sensitives.  Difficiles  pour 
l'éloge,  ils  s'offensent  d'un  mot,  d'un  geste,  et 
même  d'un  oubli;  ils  passent  donc  rapide- 
ment de  la  vigueur  de  l'esprit  à  la  faiblesse  du 
cœur. 

Voici  le  fait ,  tel  qu'on  le  tient  de  la  bouche 
même  de  Lemercier.  Vers  l'automne  de  1803,  il 
lut  à  la  Malmaison  un  de  ses  ouvrages  inédits. 
Après  la  lecture,  le  premier  consul  le  félicita,  et 
s'entretint  longtemps  avec  lui.  L'heure  de  la  re- 
traite, sonna ,  aucun  appartement  n'était  préparé 
pour  Lemercier.  Soit  encombrement  du  château 
(très-petit),  soit  oubli  de  l'officier  chargé  des 
logements ,  le  célèbre  écrivain  fut  obligé  de  che* 
miner  péniblement  la  nuit  jusqu'au  village  voi- 
sin ;  il  s'offensa  de  ce  manque  d'égards ,  et  ne 
reparut  plus  chez  le  consul.  L'excellente  José- 
phine et  son  aimable  fille  parvinrent  à  l'y  ra- 
mener ;  mais  le  commerce  entre  le  consul  et  le 
poëte  n'avait  plus  ce  libre  épanchement  d'une 
amitié  qui  n'a  pas  encore  subi  d'altération.  Leur 
causerie  avait  souvent  de  l'aigreur.  Les  desseins 
du  chef  de  l'État  ne  se  cachaient  plus,  et  Lemer- 
cier les  combattait.  Quoique  victime  de  la  révo- 
lution ,  l'écrivain  avait  caressé  une  vague  image 
de  liberté  politique;  l'expérience  ne  faisait  pas 
évanouir  son  rêve. 

Bonaparte  permettait  la  controverse  à  un  es- 
prit si  distingué  et  si  opiniâtre.  Les  malheurs 
de  la  révolution,  le  sang,  les  sacrifices  qu'elle 
avait  exigés,  étaient  pour  le  poëte  des  motifs  de 
s'attacher  à  ses  résultats.  «  Conservons,  disait-il, 
ce  qui  nous  a  coûté  si  cher.  »  Ce  raisonnement 
spécieux  blessait  le  consul.  Leur  discussion 
s'envenima  au  point  que  Lemercier  osa  dire  : 


«  Vous  vous  amusez  à  refaire  le  lit  des  Bourbons  ; 
je  vous  le  prédis ,  vous  n'y  coucherez  pas  dix  ' 
ans.  »  Le  consul  fut  justement  offensé  de  ce  mot; 
mais  il  semblait,  par  un  caprice  de  vanité,  vou-  j 
loir  triompher  d'un    caractère   si   inflexible  et 
d'un  esprit  si  éminent.  Dans  sesbadinages  aigres-  j 
doux,  il  appelait  Lemercier  mon  petit  Romain, 
mon  crédule  fanatique  ;  les  fanatiques  ne  ména- 
gent guère  leurs  expressions.   «  Vous  rougissez, 
lui  dit  un  jour  le  consul,  de  votre  propre  raison- 
nement. « — «Vous,  répliqua  le  petit  Romain, 
vous  en  pâlissez.  »  Discussion  inouïe  entre  deui 
hommes  dont  l'un  osait  tout,  quand  l'autre  pou- 
vait tout. 

L'éclat  des  triomphes  couvrait  les  désastres 
de  la  révolution.  La  France,  désabusée  aspirait 
au  rétablissement  d'un  ordre  de  choses  respecté 
par  quatorze  siècles.  Mais  l'amour-propre  des 
novateurs  se  plaisait  dans  les  illusions.  L'auda- 
cieux Lemercier  dit  au  consul,  prêt  à  ceindre  la  ; 
couronne  :  «  Moderne  César,  ne  suivez  pas  la  route 
du  premier,  vous  avez  son  génie  et  sa  gloire; 
faites  plus  que  lui,  respectez  la  liberté.  ><  Napoléon 
ne  dédaignait  pas  de  répondre  :  «  Prise  d'une  ma- 
nière absolue,  la  liberté  n'est  qu'un  mot  vide  de 
sens.  Jusque  ici  ce  mot  a  été  le  cri  de  ralliement 
des  factions,  le  signal  du  meurtre  et  de  l'incen- 
die ;  c'est  à  ce  cri  qu'une  populace,  esclave  des 
intrigants,  envahit  les  palais  souverains ,  en  89 
et  au  10  août  ;  c'est  à  ce  cri  qu'on  égorgea  tant 
de  nobles  martyrs.  La  liberté  réelle  n'est  que  le 
droit  de  faire  tout  ce  qui  ne  nuit  à  personne.  » 
L'évidence  ne  ramenait  pas  Lemercier.  L'oppo- 
sition d'ailleurs  lui  était  tellement  naturelle  que 
si,  par  impossible,  l'état  républicain  se  fût  main- 
tenu, Lemercier  serait  devenu  monarchiste. 

II  avait  depuis  quelque  temps  composé  une 
tragédie  de  Charlemagne.  Napoléon  affectait  d'y 
trouver  un  rare  mérite;  le  style  en  était ,  disait- 
il,  cornélien.  Cet  éloge  peut  paraître  intéressé; 
le  consul  désirait  que  le  poëte  ajoutât ,  vers  le 
dénoûment,  une  scène  où  les  envoyés  d'un  grand 
nombre  de  peuples  offrissent  à  Charlemagne 
l'empire  d'Orient.  Si  l'effet  scénique  avait  ré- 
pondu à  l'espoir  de  Napoléon ,  une  haute  récom- 
pense attendait  Lemercier.  Il  se  refusa  obstiné- 
ment à  la  demande  du  maître,  et  ne  fit  jouer 
cette  tragédie  qu'au  commencement  de  la  Res- 
tauration ;  elle  obtint  du  succès. 

Les  rapports  continuaient  entre  Napoléon  et  le 
poëte;  mais  des  tracasseries  mutuelles  troublaient 
sans  cesse  leur  reste  d'amitié.  Dès  que  l'empire 
fut  proclamé ,  Lemercier  ne  garda  plus  de  me- 
sure; il  renvoya  le  brevet  et  l'insigne  de  la  Lé- 
gion d'Honneur.  Il  y  joignit  une  lettre  où  il  dé- 
clarait ne  pouvoir  se  soumettre  au  nouveau 
serment  exigé  des  membres  de  l'ordre.  Quand 
la  guerre  se  déclare  entre  des  esprits  ailiers,  tous 
les  moyens  servent  à  la  colère ,  et  l'égarement 
de  la  rancune  rapetisse  souvent  les  hommes  les 
plus  éminents  ;  on  va  le  voir. 

On  disposait  alors  le  terrain  de  la  place  des 


|»93 

\Pyramides.  Il  fallait  exproprier  Lemercier  de 
l'hôtel  de  son  père.  L'indemnité  se  faisait  attendre  ; 
fct  ce  retard  insolite  le  contraignait  à  des  em- 
prunts onéreux.  L'empereur,  à  qui  l'on  parlait 
souvent  de  la  gêne  du  poète  ,  semblait  se  plaire 
k  la  prolonger.  Un  jour  qu'on  lui  présentait 
lune  pressante  requête  du  propriétaire  dépouillé, 
l'empereur  éluda  la  question,  et  dit  avec  impa- 
tience au  haut  fonctionnaire  qui  insistait  :  >c  Ne 
-Voyez-vous  pas  que  Talma  est  ici  ;  il  attend ,  il 
ra  me  lire  une  pièce  qu'on  jouera  après-demain.  » 
ffalma  connaissait  la  détresse  de  Lemercier;  il 
Rapproche,  et  dit  avec  le  ton  libre  que  le  prince 
^permettait  à  l'artiste  :  «  Sire,  quand  on  a  faim, 
Jôn  n'attend  pas.  Lemercier  a  été  dépouillé  de  son 
«unique  bien  ,  il  souffre  :  il  faut  lui  rendre  ce  qui 
ilui  appartient.  Voilà  le  plus  pressé.  »  Napoléon 
Oui  lance  un  regard  sévère  ;  et ,  souriant  tout  à 
jcoup ,  dit  au  comte  Daru  :  «  Vous  entendez  la  sen- 
tence arbitrale  de  Talma?  Présentez-moi  donc 
jce  rapport.  »  L'homme  d'État,  dont  le  caractère 
jgénéreux  se  manifestait  dans  tousses  actes,  se 
jliâta  de  faire  régler  l'indemnité  de  Lemercier, 
iqui  reçut  450,000.  fr. 

j  Dans  l'espace  de  quelques  années,  il  publia, 
(sans  intervalle ,  un  grand  nombre  d'ouvrages  de 
genres  divers,  qu'on  nementionne  ici  que  comme 
des  faits ,  parce  qu'ils  n'ajoutent  presque  rien  à 
Isa  réputation  :  Homère  et  Alexandre,  poème; 
'Les  Trois  Fanatiques  ;  Un  de  mes  Songes;  Les 
\  Ages  français,  autre  poème  en  quinze  chants, 
|espèce  de  fastes  nationaux,  très-louables  par 
U'intention  ,  et  manquant  leur  effet  par  la  négli- 
jgence  du  style  ;  I-sule  et  Orovèse,  tragédie,  qui  à 
la  représentation  souleva  une  violente  rumeur 
i  par  sa  nouveauté  bizarre  et  que  le  talent  ne  sou- 
l  tenait  pas.  L'auteur,  impatienté,  s'élance  vçrsle 
(souffleur,  et  lui  arrache  des  mains  le  manuscrit. 
!  Ce  mouvement  du  poète  en  courroux  fut  pour 
j  le  public  une  comédie  qui  le  dédommagea  de  la 
I  privation  de  la  pièce.  Il  composa  aussi  à  cette 
|  époque  des  épîtres,  des  traductions,  des  poésies 
i  diverses  et  des  opuscules,  dont  la  bibliographie 
;  rappellera  les  titres. 

Lemercier  semblait  distraire  ses  contrariétés 

.  politiques  par  des  travaux  incessants  ;  il  composa 

i  latragédie de Beaudoin.Le Corrupteur, comédie 

i  de  caractère ,  lui  fut  inspiré  par  un  excellent 

I  sentiment  de  morale  ;  mais  la  précipitation  de 

i  Lemercier  ne  lui  laissait  pas  donner  à  ses  œuvres 

une  forme  durable;  il  savait  pourtantquele  plus 

j  beau  sentiment  n'a  de  puissance  qu'avec  la  jus- 

i  tesse  et  le  charme  de  l'expression,  et  que  ce  n'est 

qu'à  force  de  travail  que  l'ait  s'élève  jusqu'au 

naturel. 

Lemercier,  de  nouveau,  invoqua  l'antiquité.  Il 
composa  sa  Comédie  romaine,  et  mit  en  scène 
Plaute  lui-même  ,  faisant  agir  des  personnages 
réels,  afin  de  les  peindre  à  mesure  qu'ils  agis- 
saient. Boursault  eut  la  même  invention  quand 
il  fit  composer  des  tables  à  Esope  dans  le  même 


LEMERCIER  594 

Dans  la  pièce  de  Lemercier,  le  dialogue  est  vif  et 
spirituel ,  et  les  mœurs  romaines  sont  peintes 
avec  une  vérité  comique  et  instructive.  La  pièce 
est  écrite  en  vers  libres,  rhithme  difficile,  avec  le- 
quel de  bons  écrivains  n'ont  pas  toujours  réussi. 
Après  cette  comédie,  qui  obtint  un  grand  succès, 
l'auteur  tenta  une  autre  hardiesse,  Christophe 
Colomb.  La  nouveauté  de  la  mise  en  scène  sou- 
leva des  orages  au  parterre;  cependant  ce  drame, 
dont  le  style  est  facile  et  le  dénoûment  trop 
prévu  ,  n'offrait  d'extraordinaire  qu'une  intrigue 
commencée  en  Espagne ,  continuée  sur  l'Océan 
dans  l'intérieur  d'un  vaisseau ,  et  dénouée  au 
rivage  de  l'Amérique. 

A  l'occasion  du  mariage  de  l'empereur,  Le- 
mercier composa  un  hymne  à  V Hymen.  Au  lieu 
d'envisager  le  côté  moral  dans  la  critique  du  di- 
vorce, il  ne  songea  qu'à  rimer  des  banalités 
rancunières.  Vers  1810,  Lemercier  épousa  une 
femme  de  son  choix,  remarquable  par  la  distinc- 
tion de  l'esprit  et  du  caractère  ;  elle  ne  lui  donna 
qu'une  fille,  seule  héritière  du  beau  nom  qu'elle 
porte  dignement.  A  cette  époque,  un  fauteuil 
devint  vacant  à  l'Académie  Française  ;  la  voix 
publique  y  appelait  Lemercier.  Chénier  s'honora 
en  contribuant  puissamment  à  l'élection  de  l'au- 
teur d'Agamenmon.  L'empereur  s'empressa  de 
confirmer  cet  acte  de  justice  littéraire.  Le  nou- 
vel académicien  publia  bientôt  VAtlantiade,ou 
la  théogonie  newtonienne.  Le  poète  étale  ses 
connaissances  scientifiques  dans  ce  singulier  ou- 
vrage ;  il  y  développe  aussi  les  effets  de  la  poé- 
sie, de  la  législation  et  de  la  guerre.  Son  imagi- 
nation capricieuse  s'élève  souvent  à  un  idéal 
source  de  nobles  images  et  de  sentiments  géné- 
reux. Les  descriptions,  quoique  amenées  par  le 
sujet  et  colorées  avec  talent,  sont  multipliées  à 
l'excès,  et  le  poème  manque  d'intérêt. 

Lemercier  vit  tomber  le  grand  empire,  dont 
il  ne  comprit  jamais  l'influence  sur  les  destinées 
de  la  France;  au  milieu  du  deuil  public,  il  se  donna 
le  tort  de  jeter  des  insultes  au  héros  dont  il  avait 
admiré  le  génie.  A  son  retour  miraculeux,  en 
1815 ,  l'empereur,  recevant  aux  Tuileries  une 
foule  d'hommes  considérables ,  remarqua  l'ab- 
sence de  Lemercier.  Un  indiscret  prétendit  que 
sa  dernière  diatribe  l'empêchait  sans  doute,  de 
paraître  :  «  Que  fait  cela?  répondit  Napoléon, 
il  a  bien  pu  écrire  ce  qu'il  osa  me  dire  en 
face.  ». 

Sous  la  seconde  restauration ,  notre  inépui- 
sable écrivain  produisit  en  peu  de  temps  plu- 
sieurs ouvrages  :  Le  Frère  et  la  Sœurjumeatix; 
Le  Faux  Bonhomme  ;  Hérologues,  ou  les  chants 
du  poète  roi;  l'Homme  renouvelé;  puis  une 
Mérovéide,  poëme  en  quatorze  chants.  Un  si  vaste 
sujet,  traité  par  un  tel  homme,  renferme  néces- 
sairement des  beautés  ;  mais  elles  s'ensevelissent 
dans  un  entassement  de  vers  que  le  temps  n'a 
pas  mnris  ;  il  le  fit  suivre  du  petit  poëme  d'A- 
gar  et  Ismael.  Puis,  en  J  818,  il  donna  Saint 


but. Goldoni essaya  un  Térence  de  cettemanière.      Louis,  tragédie  remarquable  par  de  beaux  sen- 


,r>95 


LEMERCIER 


596 


timents  et  des  scènes  où  le  courage  pieux  du 
héros  est  exprimé  avec  une  touclianle  éloquence. 
Cette  œuvre,  qui  parut  être  un  hommage  rendu 
au  nouveau  gouvernement,  manque  du  souffle 
poétique  qui  anime  Agametnnon. 

Le  théâtre  ne  répondant  qu'imparfaitement  à 
sou  attente,  Lemercier  résolut  de  terminer  un 
grand  poëme  commencé  vers  la  fin  du  consulat 
et  publié  en  1819.  Cet  ouvrage,  qu'il  appela 
Panhijpocrnïade,  ou  la  comédie  infernale  du 
seizième  siècle,  offre  un  amas  de  scènes  sans 
liaisons ,  que  l'on  joue  aux  enfers  devant  un  par- 
terre de  démons;  les  hôtes  infernaux  des  deux 
sexes  remplissent  la  salle.  Une  discussion  scien- 
tifique entre  la  Terre  et  Copernic  forme  le  prolo- 
gue. Puis  se  succèdent  des  diables,  des  dia- 
blesses, des  princes,  des  princesses,  des  prélats, 
des  femmes  de  mauvaise  vie,  des  écrivains,  des 
bandits,  des  guerriers,  des  fous  et  des  saints. 
Enfin  des  personnifications  abstraites ,  ou  plutôt 
absurdes ,  se  mêlent  à  la  foule  des  interlocuteurs. 
Les  rois  dialoguent  avec  les  maladies  honteuses , 
le  bonheur  avec  la  peine,  les  moines  avec  la 
luxure.  De  vifs  débats  s'élèvent  entre  l'hypocrisie 
et  Michel  Ange,  puis  entrent  en  lutte  la  ville  de 
Paris  et  le  parlement,  la  veille  et  le  lendemain, 
les  brigands  et  la  justice,  la  belle  Féronnière 
et  son  triste  mari  ;  François  1er  et  le  chagrin, 
Charles- Quint  et  saint  Jérôme,  la  création  et 
la  destruction,  la  Vie  et  la  Mort.  Les  personnages 
abstraits  et  réels  sont  innombrables  dans  ce 
chaos  où  s'entassent  tant  de  faits  incohérents, 
tant  de  parleurs  et  tant  de  vers  étonnés  d'être 
ensemble  ;  on  y  cherche  vainement  un  poëme  ; 
aucun  fil  ne  vous  guide  à  travers  un  vaste  mé- 
lange de  récits  curieux,  d'images  grandioses ,  de 
peintures  grotesques,  de  détails  trop  libres  ,  et  de 
traits  d'une  haute  morale.  Seize  chants  ainsi 
composés,  écrits  d'un  style  inégal,  ont  armé  la 
critique,  qui  souvent  a  frappé  juste;  mais  ce 
qu'elle  n'a  point  assez  hautement  proclamé, 
c'est  qu'on  trouve  dans  cette  surprenante  com- 
position des  scènes  touchantes ,  des  pensées 
profondes,  des  études  du  cœur  humain,  des  sen- 
timents généreux,  exprimés  avec  la  force  et  l'éclat 
d'un  talent  hors  ligne.  On  reconnaît  même  dans 
les  caprices  du  poëteun  mérite  d'observation,  une 
haine  des  vices,  qui  révèlent  en  lui  l'homme  de 
bien.  En  le  suivant  à  travers  ses  longues  digres- 
sions, on  sent  ce  qu'il  vaut,  et  l'on  reconnaît  le 
pas  du  maître.  Le  sage  artifice  de  la  composi- 
tion ,  l'ordre  des  idées ,  enfin  le  goût  sévère , 
cette  fleur  délicate  de  la  raison ,  l'ont  souvent 
abandonné;  il  s'égare  et  tombe  ,  mais  de  haut. 
Ses  débris  même  attestent  sa  supériorité. 

Comme  les  écrivains  qui  ont  tenté  de  l'imiter, 
dominé  par  la  passion  de  la  nouveauté  ,  il  prit 
la  fantaisie  pour  un  type  original.  Mais  la  fan- 
taisie naît  d'une  imagination  incomplète  et  ca- 
pricieuse ;  l'originalité,  au  contraire,  n'est  due 
qu'à  la  vigueur  d'une  haute  intelligence  qui  dé- 
couvre et  féconde  ce  que  la  foule  n'a  point  encore 


aperçu.  Le  vrai  talent  ne  cherche  pas  l'originalité  n 
il  la  porte  en  lui-même. 

Après  avoir  éparpillé  ses  richesses,  et  n'aspi-  < 
rant  plus  à  remonter  vers  la  sphère  de  son  pie-  jl 
mier  succès,  Lemercier  ne  garda  plus  la  craintt  1 
salutaire  des  reproches  publics;   il  se  présent 
tait  au  combat  avec  toutes  espèces  d'armes  el'  <* 
comme  préparé  à  la  défaite;  il  publia  en  peu  à\  I 
temps   des  épîtres,  des  discours,   des  odes,  S 
lut  à  l'Académie  des  scènes  de  drames  inachevés,! 
et  fit  paraître  un  poëme  en  quatre  chants, Moïse,] 
sujet  qui  en   France  ne  porta  jamais  bonheur' 
qu'aux  compositeurs  de  musique.  Clovis,  tra-1 
gédie   en  cinq  actes,  vint  échouer  au  Théâtre-*] 
Français,  et  fut  suiviedeLaZtéme«ce  de  Char* 
les  VI,  tragédie,  où  le  rôle  du  roi  était  hà-r 
bilement  tracé.  La  censure  interdit  la  représen-1 
tation  de  cette  pièce  dont  le  sujet  peu  de  temps' 
après   fut  traité  avec  succès  par  un  auteur  de 
mérite,  M.  Delaville 

Notre  poète,  qui  avait  introduit  à  la  scène  le*! 
plus  singulières  bizarreries,  se  vit  bientôt  primé 
par  des  imitateurs  inférieurs  à  lui.  Dans  le  fracas 
des  nouveautés  grotesques,  Lemercier  n'était  plus 
même  remarqué ,  lorsque  sa  tragédie  de  Frédé-1 
gonde  et  Brunehaut  lui  ramena  un  moment 
l'attention  publique  ;  un  vers  de  situation  avail 
fait  à  l'Odéon  le  succès  de  cette  pièce ,  qui  ne 
se  soutint  pas  à  la  reprise  qu'on  essaya  en  1845. 
Le  prodigieux  talent  de  Rachel  ne  put  faire 
goûter  au  public  la  dureté  d'un  style  vraiment 
mérovingien. 

Le  désir  de  tout  tenter  avait  porté  Lemercier 
à  se  faire  professeur  de  littérature.  Pendant 
quatre  ans  iî  donna  à  l'Athénée  des  leçons  de 
l'art  qu'il  avait  cultivé  avec  une  si  haute  dis-» 
tinction.  Une  grande  justesse  de  vues,  des  prin-i 
cipes  excellents ,  une  profonde  connaissance  de 
l'antiquité,  et  même  une  finesse  de  goût  dont  il 
avait  peu  profité  lui-même,  une  manière  neuve 
et  persuasive  d'exciter  au  respect  et  à  la  culture 
des  lettres,  une  élocution  gracieuse,  facile  et  pi- 
quante ,  donnèrent  la  vogue  à  ses  leçons,  qui,  > 
malgré  quelques  jugements  trop  absolus  ,  res-; 
feront  comme  un  ensemble  d'enseignements 
utiles.  Ces  cours  ont  été  publiés  en  quatre  vo- 
lumes. 

A  aucune  époque  de  son  existence,  Lemercier 
ne  resta  oisif:  le  travail  était  sa  vie.  Les  sujets 
étrangers  étaient  alors  en  vogue;  il  composa 
Jeanne  Shore ,  imitation  de  l'anglais  :  elle  obtint 
un  assez  grand  nombre  de  représentations  ;  puis 
il  voulut  mettre  au  théâtre  Les  Martyrs  de 
Souly  :  la  représentation  ne  fut  point  autorisée; 
dans  ce  drame  brillent  de  véritables  beautés. 
Il  publia  Le  Chant  héroïque  des  matelots  grecs 
au  moment  où  la  France  soutenait  ardemment 
les  Hellènes ,  qu'elle  ne  connaissait  pas.  Ca- 
mille, ou  Rome  sauvée,  succomba  sous  les  sif- 
flets. Une  autre  pièce,  Richelieu,  ou  la  Journée 
des  Dupes,  passa  à  peu  près  inaperçue;  Caïnt 
ouïe  premier  meurtre,  production  burlesque, 


97 

iorte  en  naissant.  Lemercier,  qui  essaya  tous 
s  genres,  avait  aussi  publié  à  peu  près  dans 
même  temps  un  roman  ,  Almanty,  ou  le 
ariage  sacrilège;  enfin  V Héroïne  de  Mont- 
ellier,  drame  où  l'on  remarqua  une  admirable 
ène,  termina  la  carrière  littéraire  du  labo- 
eux  écrivain. 

Son  triomphe   si  précoce  et  si  complet ,   ses 
intatives  hardies,  ses  travaux  multipliés   dans 
es  genres  différents  ,  le  firent  considérer  comme 
n  de  ces  rares  esprits  que  l'abondance  des  pen- 
ses ,  la  hardiesse  inventive,   l'originalité  et  la 
lagie  de  l'expression  élèvent  dans  cette  sphère 
il  la  sublimité  delà  raison  se  nomme-génie.  Le 
femps  révoque  ou  confirme  les  arrêts  de  la  foule, 
lemercier  sentit  lui-même  qu'en  débutant   par 
jn  chef-d'œuvre,  ou  du  moins  par  unecomposi- 
on  de  premier  ordre,  l'écrivain  contracte  une 
Jette  qui  trop  souvent  le  rend  insolvable. 
I  On  reconnaîtra  que  Lemercier   possédait  une 
jartie  des  éminentes  qualités  du  grand  écrivain , 
nais  qu'il  lui  manquait  le  sentiment  exquis,  le 
tout  qui  en  dirige  l'emploi  ;  il  méconnut  trop 
jouvent  la  précision  harmonieuse  du  langage , 
«beauté  des   formes  qui  "donnent  la  vie  et  la 
«irée  aux  créations  idéales.  Sa  verve  facile,  sa 
iapricieuse  fécondité  n'ont  produit  que  peu  de 
■hits  durables  ;   dispersant   ses  ressources,  il  a 
perdu  en   valeur  ce  qu'il  gagnait  en   étendue. 
Ouoi  qu'il  en  soit ,  il  a  conquis  sa  place  parmi 
jes  hommes  considérables  d'une  époque  de   dé- 
sordre et  de  transition  littéraire. 

La  noblesse  de  son  caractère  ajoutait  à  l'éclat 
ne  sa  renommée.  Quand  les  partis  et  les  écoles, 
avec  non  moins  de  turbulence,  tendaient  en- 
semble à  l'anarchie,  Lemercier,  opposé  à  leurs 
Bxcès,  ne  craignit  pas  de  se  rendre  l'ennemi  de 
pus  les  ennemis  de  l'ordre  et  de  la  raison  publi- 
que. Recherché  dans  la  haute  société ,  il  en  était 
^'ornement.  Causeur  aimable  et  piquant,  il  con- 
servait dans  la  discussion  un  calme  malicieux , 
controversait  avec  aménité ,  mais  ne  cédait 
pas  un  pouce  de  terrain.  Adversaire  adroit  et  poli, 
tout  en  triomphant  de  ses  interlocuteurs ,  il  sa- 
vait leur  plaire  ;  la  foule,  avide  de  l'entendre ,  se 
pressait  autour  de  lui  ;  loin  d'affecter  la  supério- 
rité ,  noblement  simple  ,  il  prêtait  son  attention 
au  moindre  causeur  comme  au  plus  considérable  ; 
il  unissait  la  grâce  de  l'homme  du  monde  à  l'as- 
cendant d'une  juste  célébrité.  Toujours  disposé 
à  encourager  les  jeunes  écrivains,  il  tentait  de 
les  détourner  des  routes  incertaines  où  lui-même 
les  avait  devancés.  Comme  tous  les  novateurs, 
il  se  voyait  dépassé  ;  il  en  gémissait,  mais  il  n'é- 
tait plus  temps  de  fermer  la  barrière. 

La  force  de  son  esprit  compensait  la  faiblesse 
de  sa  complexion.  Ni  la  souffrance  ni  l'âge  n'a- 
moindrirent son  ardeur  laborieuse.  Assidu  aux 
séances  de  l'Académie ,  il  y  apportait  le  tribut 
de  ses  connaissances  profondes  et  variées;  il 
arriva  au  terme  dé  sa  vie  sans  avoir  subi  la 
vieillesse  ;  aussi  disait-on  de  cet  homme  célèbre  : 


LEMERCIER  —  LÉMERY 


598 

Juin  senior,  sed  cruda  deo  viridisque  senectus. 
De  Poncerville.  (  de  l'Acad.  Franc.  ) 

*  lemercier  (  Augustin-Louis,  comte),  sé- 
nateur français  ,  fils  du  comte  Louis-Nicolas  Le- 
mercier, né  le  22  février  1787,  à  Saintes  (Charente- 
Inférieure  }.  Admis  très-jeune  à  l'École  militaire 
de  Fontainebleau  en  1803,  il  en  sortit  pour  entrer 
dans  les  pages  de  l'empereur,  et  passa  peu  de 
temps  après  au  9e  régiment  de  chasseurs  à  cheval. 
Il  était  capitaine  dans  le  8e  de  hussards  lorsqu'il 
fut  admis,  en  1813,  avec  le  même  grade,  dans  les 
chasseurs  à  cheval  de  la  garde  impériale.  Chef 
d'escadron  en  1814,  il  combattit  à  Waterloo,  fut 
nommé  lieutenant-colonel,  et  donna  sa  démission 
après  la  seconde  abdication  de  Napoléon.  Député 
du  centre  gauche,  depuis  1827,  il  devint  en  1831 
colonel  de  la  10*  légion  de  la  garde  nationale,  et 
fut  appelé  à  la  chambre  des  pairs  le  9  juillet 
1845.  Il  fit  partie  de  la  commission  consultative 
créée  après  le  coup  d'État  du  2  décembre  1851, 
et  fut  nommé  sénateur  par  décret  présidentiel 
du  26  janvier  1852.  S. 

liiogruphie  des  Députés;  Paris,  1828  et  1829.  —  Les 
Grands  corps  politiques  de  l'État;  Paris,  18S2.  —  Bio- 
graphie des  Sénateurs;  Paris,  1852  —l'Album  delà 
Semaine;  Paris,  1853. 

lemerre  (Pierre),  jurisconsulte  français, 
né  à  Coutances,  en  1 644,  mort  à  Paris,  le  7  octobre 
1728.  Il  étudia  les  Pères  de  l'Église  ,  l'histoire 
ecclésiastique  et  le  droit  canon.  Reçu  avocat  au 
parlement  de  Paris,  et  chargé  des  affaires  du 
clergé,  il  fut  nommé  en  1691  lecteur  royal  en 
droit  canon  au  Collège  de  France.  Il  se  démit 
plus  tard  en  faveur  de  son  fils,  Pierre  Lemerre, 
aussi  avocat,  mort  en  1763,  qui  lui  fut  adjoint 
dans  les  affaires  du  clergé  en  1715  et  qui  lui 
succéda  en  1730.  Les  deux  Pierre  Lemerre  ont 
souvent  travaillé  ensemble.  Leurs  principaux  ou- 
vrages sont  :  Recueil  des  actes ,  titres  et  mé- 
moires concernant  les  Affaires  du  Clergé  de 
France,  augmenté  et  mis  en  nouvel  ordre; 
Paris,  1716-1750,  13vol.  in-fol.;  Avignon,  1771, 
14  vol.  in-4°;  l'abbé  Marc  du  Saulzet  en  a 
donné  une  table  sous  ce  titre  :  Abrégé  du  Re- 
cueil,  etc.,  ou  table  raisonnée  en  forme  de 
précis  des  matières  contenues  dans  ce  Re- 
cueil; Paris,  1752  et  1764,  in-fol.;  —  De  l'é- 
tendue de  la  puissance  ecclésiastique  et  de 
la  temporelle,  et  de  leur  subordination,  sui- 
vant Vordre  que  Dieu  a  établi  dans  le  inonde 
pour  le  gouvernement  des  hommes;  Paris, 
1754,  in-12.  Les  Lemerre  avaient  laissé  des 
manuscrits  qui  ont  été  imprimés  en  partie  dans 
la  Collection  des  procès-verbaux  des  assem- 
blées générales  du  clergé;  Paris,  1767  et  an- 
nées suivantes.  J.  V. 

Moréri,  Grand  Oict.  Historique.  —  Desessarls,  Siècles 
Litler.  de  la  France. 

lémery  (Nicolas),  célèbre  chimiste  français, 
né  à  Rouen,  le  17  novembre  1645,  mort  à  Paris, 
le  19  juin  1715.  Son  père,  Julien  Lémery,  pro- 
cureur au  parlement  de  Normandie,  professait 
la  religion  reformée,  et  le  fit  élever  dans  les 


599 


LÉMERY 


coo 


mômes  croyances.  Nicolas  Lémery  fit  ses  études 
dans  sa  ville  natale;  il  entra  ensuite  chez  un  de 
ses  parents,  apothicaire  de  Rouen,  pour  appren- 
dre la  pharmacie.  Comme  les  explications  qu'il 
entendait  donner  des  phénomènes  chimiques 
ne  satisfaisaient  pas  son  esprit,  il  partit  pour 
Paris  en  1666.  Il  s'adressa  à  Glazer,  démons- 
trateur de  la  chimie  au  Jardin  du  Roi,  etse  mit  en 
pension  chez  lui;  mais  Glazer  était  alchimiste, 
ses  idées  étaient  obscures,  et  il  ne  les  commu- 
niquait pas  facilement  :  il  était  en  outre  peu  so- 
ciable. Lémery  le  quitta  au  bout  de  deux  mois, 
et  résolut  de  voyager  pour  se  composer  une 
science  à  lui.  Il  séjourna  trois  ans  à  Montpellier, 
pensionnaire  chez  un  apothicaire  du  nom  de 
Verchant,  qui  le  laissait  disposer  de  son  labora- 
toire. Il  y  donna  des  leçons  de  chimie  à  de  jeu- 
nes étudiants,  et  ses  leçons  acquirent  une  telle 
réputation,  que  tous  les  professeurs  de  la  faculté 
de  Montpellier  et  les  curieux  de  la  ville  voulu- 
rent y  assister.  Quoiqu'il  ne  fût  point  docteur, 
Lémery  exerçait  la  médecine  à  Montpellier  même 
sans  qu'il  s'élevât  aucune  réclamation.  Après 
avoir  fait  le  tour  entier  de  la  France ,  Lémery 
revint  à  Paris  en  1672.  Il  y  avait  alors  dans 
cette  ville  des  réunions  de  savants  auxquelles 
Lémery  se  fit  admettre  et  où  il  brilla.  Il  se  lia 
avec  l'apothicaire  du  prince  de  Condé,  et,  profi- 
tant du  laboratoire  qu'avait  son  ami  à  l'hôtel 
de  Condé,  il  y  fit  un  cours  de  chimie:  le  prince 
apprit  à  le  connaître,  et  l'appela  souvent  à  Chan- 
tilly. Lémery  voulut  enfin  avoir  un  laboratoire 
à  lui.  Il  se  fit  recevoir  maître  apothicaire,  et 
aussitôt  il  ouvrit  des  cours  publics  dans  la  rue 
Galande,  où  il  se  logea.  L'affluence  fut  grande 
dans  son  officine  ;  Rohaut,  Bernier,  Auzout,  Ré- 
gis, Tournefort  vinrent  suivre  ses  leçons.  Des 
dames  même  se  laissèrent  entraîner  à  ces  réu- 
nions savantes;  quarante  Écossais  vinrent  à 
Paris  pour  l'entendre.  Lémery  recevait  des 
pensionnaires  ;  sa  maison  fut  bientôt  trop  petite, 
et  le  quartier  se  remplit  de  ses  auditeurs.  Sa 
réputation  d'apothicaire  s'accroissait  encore  de 
ses  succès  de  professeur.  «  Les  préparations 
qui  sortoient  de  ses  mains  étoient  en  vogue,  nous 
apprend  Fontenelle;  il  s'en  faisoit  un  débit  pro- 
digieux dans  Paris  et  dans  les  provinces,  et  le 
seul  magistère  de  bismuth  suffisait  pour  toute 
la  dépense  de  la  maison.  Ce  magistère  n'est  pour- 
tant pas  un  remède  ;  c'est  ce  qu'on  appelle  du 
blanc  d'Espagne.  Il  étoit  le  seul  alors  dans  Paris 
qui  possédât  ce  trésor.  » 

La  chimie  avait  été  jusque  là  une  science  où, 
pour  parler  comme  Lémery,  un  peu  de  vrai  était 
tellement  dissous  dans  une  grande  quantité  de 
faux,  qu'il  en  était  devenu  invisible  et  tous  deux 
presque  inséparables.  «  Au  peu  de  propriétés 
naturelles  que  l'on  connaissoit  dans  ses  mixtes, 
dit  Fontenelle,  on  en  avoit  ajouté  tant  qu'on  avoit 
voulu  d'imaginaires,  qui  brilloient  beaucoup  da- 
vantage ;  les  métaux  sympathisoient  avec  les 
planètes  et  avec  les  principales  parties  du  corps 


humain  ;  un  alcahest  que  l'on  n'avoit  jamais  yn 
dissolvoittout;les  plus  grandes absurditésétoient 
révérées  à  la  faveur  d'une  obscurité  mystérieuse 
dont  elles  s'enveloppoient  et  où  elles  se  retran- 
choient  contre  la  raison.  On  se  faisoit  honneur 
de  ne  parler  qu'une  langue  barbare  semblable  à 
la  langue  sacrée   de  l'ancienne  théologie  d'E- 
gypte, entenduedes  seuls  prêtres  et  apparemment 
assez  vide  de  sens.  Les  opérations  chimiques 
étoient  décrites  dans  les  livres ,  d'une  manière  I 
si  énigmatique ,  et  souvent  chargées  à  dessein  | 
de  tant  de  circonstances  impossibles  ou  inu- 
tiles qu'on    voyoit  que  les  auteurs  n'avoient 
voulu  que  s'assurer  la  gloire  de  les  savoir  et 
jeter  les  autres  dans  le  désespoir  d'y  réussir... 
Lémery  fut  le  premier  qui  dissipa  les  ténèbres 
naturelles  ou  affectées  de  la  chimie,  qui  la  rédui- 
sit à  des  idées  plus  nettes  et  plus  simples,  qui 
abolit  la  barbarie  inutile  de  son  langage,  qui  ne 
promit  de  sa  part  que  ce  qu'elle  pouvoit  et  cejf 
qu'il  la  connoissoit  capable  d'exécuter,  et  de  là  | 
vint  le  grand  succès.  »  On  avait  lieu  d'être  sur 
pris,  dans  les  leçons  de  Lémery,  de  contempler1 
des  merveilles  dont  on  comprenait  la  cause,  et 
«  le  public,  selon  l'expression  de  Voltaire,  fut1 
étonné  de  voir  une  chimie  dans  laquelle  on  ne 
cherchait  ni  le  grand  œuvre  ni  l'art  de  prolon- 
ger la  vie  au  delà  des  bornes  de  la  nature  ». 
Pour  rendre  sa  science  plus  populaire,  Lémery 
publia  sou  Cours  de  Chimie  en  1675.  Le  succès 
en  fut  immense  ;  les  éditions ,  les  contrefaçons!' 
et  les  traductions  se  succédèrent  avec  une  rapiJi 
dite  surprenante.  «  Malgré  les  imperfections  qu'il' 
renferme,  dit  M.  Cap,  et  qui  tiennent  à  l'époque 
où  il  vit  le  jour,  ce  livre  a  fait  autorité  en  chimie}1 
pendant  une  période  de  plus  de  cent  ans.  Réim 
primé  vingt  fois  en  France,  traduit  dans  la  plu 
part  des  langues  modernes ,  il  a  été  le  guide,  le 
pode,  le  manuel  obligé  des  chimistes  du  dix 
huitième  siècle,  et  même  après  le  renouvelle 
ment  de  la  science,  après  l'admirable  réforme 
qui  marqua  la  fin  de  cette  période,  on  cherclw 
longtemps  encore  dans  le  livre  de  Lémery  def 
procédés,  des  détails  pratiques  que  l'on  ne  trou- 
vait point  ailleurs,  et  qui  sont  aussi  précieu: 
par  leur  clarté  que  par  leur  précision  et  leur  certi 
tude.  »  Ce  n'est  pourtant  qu'un  cours  de  chimii 
médicale  et  non  un  traité  complet  des  science!1 
chimiques.  Dans  ce  livre,  qu'il  destinait  surtou'f 
aux  étudiants  en  médecine  et  en  pharmacie 
Lémery  décrit  spécialement  les  préparations  d'ur 
usage  médicinal  et  un  petit  nombre  seulement  di1 
celles  qui  pouvaient  s'appliquer  aux  arts.  Il  ni 
cherche  à  créer  aucun  système  général  ni  à  établi  I 
aucune  théorie.  Il  ne  s'occupe  que  de  la  pratique  j 
Ses  principes  sont  ceux  de  van  Helmont  modifié; 
par  Lefebvre  et  par  lui-même ,  sans  qu'il  y  at 
tache  d'ailleurs  beaucoup  d'importance.  Il  trouv 
le  principe  universel  de  Paracelse  bien  métaphy 
sique,  et  lui  reproche  de  ne  pas  tomber  sous  le 
sens.  11  plaisante  des  cinq  autres  principes  ad 
mis  par  la  même  école  :  il  trouve  qu'on  pour 


LÉMERY 


602 


t  se  passer  de  l'esprit,  qu'il  regarde  comme 
e  «  chimère  propre  seulement  à  embrouiller 
esprits  et  à  rendre  la  chimie  difficile  à  com- 
jndre  ».  11  convient  que  Y  huile  existe;  mais 
{ en  a  de  tant  d'espèces  que  ce  principe  pour- 
t  bien  être  complexe.  Quant  au  phlegme,  que 
uns  plaçaient  au  nombre  des  principes  actifs, 
autres  parmi  les  principes  passifs ,  Lémery 
uve  cette  question  problématique  etsansimpor- 
ce.  Enfin  pour  la  terre  ou  caput  mortuum, 
'on  appelait  aussi  terre  damnée ,  il  est  loin 
la  regarder  comme  morte  et  inutile,  et  il 
Mite  :  «  On  pouvoit  être  plus  charitable  envers 
tte  pauvre  terre  et  ne  la  damner  pas  si  facile- 
snt  ;  mais  sans  doute  l'origine  de  cette  dénomi- 
tion  vient  de  quelque  alchimiste  de  mauvaise 
imeur  qui,  n'ayant  pas  trouvé  ce  qu'il  cher- 
oit  dans  la  terre  des  mixtes,  lui  donna  sa  malé- 
ction.  »  La  physique  de  Lémery  était  celle  de  son 
oque.  Il  n'y  croyait  guère  sans  doute,  et  trou- 
it  ses  principes  «  capables  d'élever  l'esprit  par 
grandes  idées,  mais  ne  prouvant  rien  dé- 
onstrativement  ».  Il  donne  parfois  des  explica- 
>ns  hypothétiques  et  étranges  ;  ainsi,  pour  faire 
mprendre  l'action  réciproque  des  alcalis  et  des 
ides,  il  imaginait  ceux-ci  formés  de  pointes 
us  ou  moins  aiguës ,  et  ceux-là  de  pores  plus 
i  moins  ouverts,  dans  lesquels  les  premiers 
Jengagent,  s'émoussent  ou  se   brisent.    «  Ce 
l'il  faut  admirer  sans  restriction  dans  le  Cours 
i  Chimie,  dit  M.  Cap,  c'est  la  route  que  l'au- 
ur  a  su   choisir  pour  l'enseignement  d'une 
;ience  jusque  là  tout  empreinte  d'inexactitudes 
d'idées  erronées  ;  c'est  son  langage  simple , 
écis,  jamais  diffus,  toujours  intelligible;  le 
>in  qu'il  met  à  décrire  les  opérations  de  la  ma- 
ère  la  plus  claire,  la  plus  exacte,  à  donner  les 
éritables  procédés  pratiques ,  sans  obscurité, 
ins  réticences,  à  les  entourer  de  tous  les  détails 
ui  peuvent  en  éclairer  l'exécution  ;  c'est  là  cri- 
que adroite  et  spirituelle  dont  il   frappe  les 
rreurs  ou  les  supercheries  des  alchimistes  ;  ce 
Dnt  les  réflexions  judicieuses  à  l'aide  desquelles 
fait  justice  de  certains  médicaments  alors  fort 
n  usage  et  dont  l'emploi  lui  semblait  inutile, 
inon  funeste.  »  Quoiqu'il  eût  divulgué  par  son 
vre  les  secrets  de  la  chimie ,  Lémery  s'en  était 
éservé  quelques-uns,  suivant  Fontenelle;  par 
xemple  un  émétique  fort  doux  et  plus  sûr  que 
émétique  ordinaire,   ainsi  qu'un    opiat   mé- 
entérique  avec  lequel  il  faisait  des  cures  ex- 
raordinaires. 

En  1681,  sa  vie  commença  à  être  troublée 
mur  cause  de  religion.  Il  reçut  l'ordre  de  se 
léfaire  de  sa  charge  dans  un  temps  donné, 
'électeur  de  Brandebourg  s'empressa  de  lui 
aire  offrir  par  son  envoyé  à  Paris,  une  charge 
le  chimiste  à  Berlin.  Lémery  refusa.  Le  temps 
narqué  étant  expiré,  il  donna  encore  quelques 
eçons  de  chimie  à  un  grand  nombre  d'écoliers 
qui  se  pressaient  d'en  profiter  ;  enfin  les  rigueurs 
se  firent  sentir,  et  Lémery  passa  en  Angleterre 


en  1683.  Il  présenta  la  cinquième  édition  de  son 
Cours  de  Chimie  au  roi  Charles  II.  Ce  prince 
accueillit  Lémery  avec  distinction;  mais, celui-ci 
prévoyant  des  troubles  en  Angleterre,  se  décida  à 
revenir  en  France.  A  la  fin  de  1633,  il  prit  le 
grade  de  docteur  en  médecine  à  la  facultéde  Caen. 
De  retour  à  Paris ,  il  se  livra  à  la  pratique ,  et 
se  fit  bientôt  une  immense  clientèle  ;  la  révoca- 
tion de  l'éditde  Nantes,  en  1685,  interdit  l'exercice 
de  la  médecine  aux  réformés  ;  Lémery  resta  sans 
profession  et  sans  ressources.  11  fit  encore  deux 
cours  de  chimie,  l'un  pour  les  deux  plus  jeunes 
frères  du  marquis  de  Seignelay,  secrétaire  d'État, 
l'autre  pour  lord  Salisbury,  qui  était  venu  exprès 
d'Angleterre.  Fatigué  de  toutes  ces  persécutions, 
Lémery  abjura  le  protestantisme  au  commence- 
ment de  1686.  Il  reprit  de  plein  droit  l'exercice  de 
la  médecine  ;  mais  pour  les  cours  de  chimie  et  la 
vente  de  ses  préparations,  il  eut  besoin  de  lettres 
patentes  du  roi,  parce  qu'il  n'était  plus  apothi- 
caire. Il  les  obtint  facilement,  mais  le  lieutenant 
général  de  police ,  la  faculté  de  médecine  et  les 
maîtres  et  gardes  apothicaires  s'opposèrent  à  leur 
enregistrement  en  parlement;  les  apothicaires  se 
désistèrent  en  faveur  du  mérite  personnel  de  Lé- 
mery, qui  vit  enfin  revenir  les  jours  tranquilles 
avec  les  écoliers,  les  malades  et  le  grand  débit  des 
préparations.  Dans  sa  Pharmacopée  et  et  son 
Traité  des  Drogues  simples  ,  il  avait  fait  con- 
naître les  remèdes  employés  chez  toutes  des  na- 
tions et  toutes  les  substances  qui  entrent  dans  les 
remèdes  reçus. 

Quand  l'Académie  des  Sciences  se  renouvela 
en  1699.  Lémery  y  fut  admis  comme  nssocié 
chimiste;  à  la  fin  de  l'année,  il  en  devint  pen- 
sionnaire à  la  place  de  Bourdelin.  H  s'occupa 
alors  d'un  traité  de  l'antimoine,  qu'il  mit  long- 
temps à  faire  paraître.  Après  l'impression  de  cet 
ouvrage,  il  fut  plusieurs  fois  frappé  d'apoplexie;  il 
dut  enfin  rester  chez  lui,  et  succomba  à  une  at- 
taque de  cette  maladie.  Il  s'était  démis  de  sa 
place  de  pensionnaire,  qui  avait  été  donnée  à  son 
fils  aîné.  «  Presque  toute  l'Europe  a  appris  de 
lui  la  chimie,  disait  Fontenelle.  C'étoitun  homme 
d'un  travail  continu;  il  ne  connoissoit  que  la 
chambre  de  ses  malades,  son  cabinet,  son  labo- 
ratoire, l'Académie,  et  il  a  bien  fait  voir  que  qui 
ne  perd  pas  de  temps  en  a  beaucoup.  »  Selon 
M.  Dumas,  Lémery,  «  comparé  à  Lefèvre ,  est 
l'homme  positif  succédant  à  l'homme  d'imagina- 
tion. Ce  qui  caractérise  le  cours  de  Lefèvre,  c'est 
l'étendue  des  idées  ;  ce  que  l'on  remarque  dans 
celui  de  Lémery,  c'est  la  clarté  de  ses  descrip- 
tions. » 

Les  ouvrages  de  Lémery  ont  pour  titres  :  Cours 
de  Chimie,  contenant  la  manière  de  faire  les 
opérations  qui  sont  en  usage  dans  la  médecine, 
par  une  méthode  facile,avec  desraisonnements 
sur  chaque  opération,  pour  l 'instruction  de 
ceux  qui  veulent  s'appliquer  à  cette  science  ; 
Paris,  1675,  in-8°  :  cet  ouvrageaeu  trente-et-une 
éditions;  la  meilleure  est  celle  donnée  par  Baron 


603  LÈMERY 

en  175G,  in-4°;  —  Pharmacopée  universelle, 
comprenant  toutes  les  compositions  de  phar- 
macie qui  sont  en  usage  dans  la  médecine, 
tant  en  France  que  par  toute  l'Europe  ; 
leurs  vertus,  leurs  doses,  les  manières  d'o- 
pérer les  plus  simples  et  les  meilleures; 
Paris,  1097,  in-4°  :  on  en  compte  huit  éditions; 
la  dernière  parut  à  Paris  en  1763;  —  Traité 
universel  des  Drogues  simples ,  mis  en  ordre 
alphabétique;  Paris,  1698,  in-4°,  réimprimé 
plusieurs  fois;  —  Traité  de  V Antimoine,  con- 
tenant l'analyse  chimiquede  ce  minéral,  etc.; 
Paris,  1707,  in-12;  —Nouveau  Recueil  des  Se- 
crets et  Curiosités  les  plus  rares;  Amster- 
dam, 1709,  2  vol.  in-8°.  Lerrery  a  donné  dans 
les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences  : 
Observations  sur  une  extinction  de  voix 
guérie  par  les  herbes  vulnéraires  (1700);  — 
Note  sur  une  fontaine  pétrifiante  des  en- 
virons de  Clermont  en  Auvergne  (1700)  ;  — 
Explication  physique  et  chimique  des  feux 
souterrains,  des  tremblements  de  terre,  des 
ouragans,  des  éclairs  et  du  tonnerre  (  1700); 

—  Examen  chimique  des  Eaux  de  Passy 
(  1701  )  ;  —  Observations  sur  le  Camphre  et 
sa  purification  (  1701  )  ;  —  Sur  un  Sel  ammo- 
niac naturel  trouvé  près  du  Vésuve(i70l  );  — 
Examen  de  l'Eau  minérale  de  Vezelay  en 
Bourgogne  (1701  );  —  Examen  de  l'Eau  de 
Carensac  dans  le  bas  Rouergue  (1701);  — 
Observation  sur  le  miel  et  son  analyse 
(  1706  )  ;  —  Examen  d'une  eau  minérale  dé- 
couverte dans  le  faubourg  Saint-Antoine  à 
Paris  (1706);  —De  l'Urine  de  vache,  de 
son  analyse  et  de  ses  effets  en  médecine 
(  1707)  ;  —  Mémoire  sur  l'Hydromel  vineux 
(  1707)  ;  —  Observations  sur  la  Cire  (  1708  )  ; 

—  Observations  sur  la  Manne  (1708);  — 
Observations  et  Expériences  sur  le  Sublimé 
corrosif  (  1709);  —  Notice  sur  les  Cloportes 
(  1709);  —  Observations  sur  l'Odeur  déve- 
loppée pendant  la  précipitation  de  l'or  dis- 
sous dans  l'eau  régale,  par  l'esprit  de  sel 
ammoniac  et  par  l'huile  de  tartre  (1712). 

L.  Louvet. 

Fonlcnelle,  Éloge  de  HT.  Nicolas  Lémcry;  1715.  — 
P.-A.  Cap,  Éloge  de  JV.  Lëméry ,  qui  a  remporté  le  prix  de 
l'Académie  des  Sciences,  arts  et  belles-lettres  de  Rouen,  le 
9aoùtl838,  imprimé  dans  les  Études  Biographiques  pour 
servir  à  l'histoire  des  sciences.  —  F.  Hœfer,  fjist.  de  la 
Chimie.  —  MM.  Huag,  La  France  Protestante. 

LÉmery  (  Louis  ),  chimiste  français,  fils  du 
précédent,  né  à  Paris,  le  25  janvier  1677,  mort 
dans  la  même  ville,  le  9  juin  1743.  Élève  de  son 
père,  il  fut  reçu  docteur  en  médecine  à  la  faculté 
de  Paris  en  1698.  En  1708  il  fit  an  Jardin  du 
Roi  un  cours  de  chimie,  qu'il  avait  à  peine  eu  le 
temps  de  préparer  et  qui  eut  néanmoins  un  im- 
mense succès.  En  1731  il  fut  nommé  démonstra- 
teur royal.  Médecin  de  l'hôtel-Dieu  pendant 
trente-trois  ans,  il  acheta  une  charge  de  méde- 
cin du  roi.  L'Académie  des  Sciences  le  reçut 
comme  élève  chimiste  en  1702,  comme  associé 


fi04  j| 
en  1712,  et  il  succéda  à  son  père  comme  pen-;i 
sionnairc  en  1715.  Comme  médecin,  il  jugeait. 
toutes  les  maladies  d'après  l'état  du  pouls,  et  il  .i 
passait  pour  émettre  un  pronostic  sûr  dans  les 
maladies.  On  a  de  lui  :  Traité  des  Aliments,  où 
l'on  trouve  par  ordre  et  séparément  la  dif- 
férence et  le  choix  qu'on  doit  faire  de  cha-\ 
cun  d'eux  en  particulier,  les  bons  et  les 
mauvais  effets  qu'ils  peuvent  produire,  les] 
principes  en  quoi  ils  abondent,  etc.  ;  Paris,) 
1702,  1705,  in-12;  3e  édition,  augmentée  pari 
Bruhier  d'Ablaincourt  ;  Paris,  1755,  in-12;  — 
Dissertation  sur  la  nature  des  O-,  où  l'on 
explique  la  nature  et  l'usage  de  la  moelle,, 
avec  trois  Lettres  sur  le  livre  De  la  Généra- 
lion  des  Vers  dans  le  corps  de  l'homme  (d'An- 
dery);  Paris,  1704,  in-12.  Louis  Lémcry  a  fourni) 
un  grand  nombre  de  mémoires  à  la  collection; 
de  l'Académie  des  Sciences  ;  nous  citerons  seule! 
ment  :  Analysede  Plantes  fer mentées  (1702);— 
Diverses  Expériences  et  Observations  chimi- 
ques et  physiques  sur  le  Fer  et  sur  l'Aimam 
(  1706);  —  Que  les  plantes  contiennent  réel, 
lement  du  fer  (  1706)  ;  —  Expériences  nou- 
velles sur  les  Huiles  (  1707  )  ;  —  Réflexions  e\ 
Observations  diverses  sur  une  végétation  chl 
mique  du  fer  (  1707);  —  Conjectures  et  Ré- 
flexions sur  la  matière  du  Feu  ou  de  le 
Lumière  (1709);  — Sur  les  Précipitatiom 
chimiques  (1711  );  —  Conjectures  sur  les 
couleurs  différentes  des  Précipités  de  Mer- 
cure (1712);  —  Examen  de  la  manièn 
dont  le  Fer  opère  sur  les  liqueurs  de  notn 
corps,  et  dont  il  doit  être  préparé pour  servit 
utilement  dans  la  pratique  de  la  médecim 
(  1713  )  ;  —  Explication  mécanique  de  quel 
ques  différences  assez  curieuses  qui  résul 
tent  de  la  dissolution  de  différents  sels  dan: 
l'eau  commune  (1716);  —  Sur  le  Nitre  e\ 
sur  la  Volatilisation  vraie  ou  apparente  des 
Sels  fixes  (1717); —  Réflexions  physique; 
sur  le  défaut  et  le  peu  d'utilité  des  Analyse: 
ordinaires  des  Plantes  et  des  Animaux (17 19) 

—  Sur  un  Fœtus  monstrueux  (1725);  — 
Sur  le  Borax  (1728,1729  )  ;  —  Sur  le  Sublima 
corrosif  (1734);  —  Nouveaux  Éclaircisse- 
ments sur  l'Alun,  sur  les  vitriols,  etc.  (1735). 

—  Mémoires  sur  les  Monstres  (  17381740) 

—  Mémoires  sur  le  Trou  ovale  (1739); 
Mémoire    sur  un    nouveau    Monstre   don.. 
M.  Winslow  a  donné  la  description  (1740)! 

L.  L— t. 

Mairan,  Éloge  de  M.  Louis  Lémcry  jlls,  dans  VHis-\ 
toire  de  l'Académie  des  Sciences,  1743.  —  Quérard,  H\ 
France  Littér. 

lemery  jeune  (Jacques),  chimiste  fran- 
çais, frère  cadet  du  précédent,  baptisé  le  6  jan- 
vier 1678,  mort  en  1721.  Il  suivit  la  même  car- 
rière que  son  père,  et  fut  nommé  associé  de  l'A- 
cadémie des  Sciences  en  1715.  Il  a  donné  au> 
Mémoires  de  ce  corps  savant  :  De  l'Action  de.1 
Sels  sur  différentes  matières   inflammable; 


05 


LÉMERY  —  LEMIERRE 


1713);  — Expériences  sur  la  diversité  des 
udières  qui  sont  propres  à  faire  un  Phos- 
kore  avec  VAlun  (1714  )  ;  —  Réflexions  phy- 
ques  sur  un  nouveau  phosphore  et  sur  un 

\iandnombre  d'expériences  qui  ont  été  faites 

,  son  occasion  (  1715  ).  L.  L— t. 

I  Quérard ,  La  France  Littéraire. 

\  LEMESSJER.  VolJ.  BELLEROSE. 

le  métel,  sieur  o'ouville  (Antoine), lit- 
trateur  français  ,  vivait  en  1650.  Il  était  frère 
je  François  Le  Métel,  si  connu  sous  le  nom  de 
labbë  de  Bois-Robert  ;  ses  contemporains  ont 
[retendu  que  la  moitié  de  son  esprit  apparte- 
ait  à  son  frère.  Il  est  au  moins  très-supposable 
Le  Bois-Robert  a  largement  aidé  d'Ouville, 
urtout  dans  ses  contes,  dont  les  sujets,  un  peu 
f  «ers,  n'auraient  pu  être  avoués  par  un  prêtre, 
félon  Parfaict,  «  d'Ouville  versifiait  encore  plus 
Jnal  que  son  frère  l'abbé;  mais  il  entendait 
Liieux  la  marche  du  théâtre,  et  répandait  plus  de 
fornique  dans  son  dialogue  ».  On  a  de  Le  Métel  : 
les  Trahisons  d'Arbiran,  tragi-comédie,  1637. 
Cette  pièce ,  dédiée  à  M.  Bouthilier,  surintendant 
Mes  finances,  eut  beaucoup  de  succès  ;  l'intrigue, 
Lssez  bien  imaginée,  faisait  excuser  la  faiblesse 
Besvers;  —  L' Esprit-follet;  —  Les  Fausses 
Wérités,  ou  croire,  ce  qu'on  ne  voit  pas  et  ne 
pas  croire  ce  qu'on  voit,  comédie;  1642;  — 
y] Absent  de  chez  soij,  comédie;  1643;  —  La 
\Dame  suivante,  comédie;  1645;  —  Aimer 
kans  savoir  qui,  comédie;  1645;  —  Les  Morts 
Rivants,  tragi-comédie;  1645;  —  La  Coiffeuse 
à  la  mode,  comédie;  1646;  —  Jodelet  astro- 
logxie,  comédie;  1 64/> ;  —  Les  Soupçons  sur  les 
apparences,  héroï-comédie  ;  1650.  A.  J. 

Parfaict  frères,  Histoire  du  Théâtre-Français,  tora.v, 

353.    —   Titon    du  Tillet,    Le   Parnasse  Français, 

p.  280.— L'abbé  de  Marolles,  Dénombrement  des  Auteurs, 

p.  408. 

lemettay  (Pierre-Charles),  peintre  fran- 
çais, né  à  Fécamp,  en  1726,  mort  à  Paris,  en 
1760.  Il  était  élève  de  Boucher,  gagna  le  pre- 
mier prix  de  peinture,  et  fut  envoyé  à  Rome; 
mais  il  y  resta  peu  de  temps.  Son  goût  l'entraî- 
nant vers  la  peinture  des  scènes  maritimes, 
il  se  dirigea  successivement  vers  les  principaux 
ports  de  l'Adriatique,  et  y  peignit  des  vues  fort 
exactes ,  animées  par  des  groupes  de  matelots 
de  différentes  nations  et  des  débarquequements 
de  barbaresques.  Lemettay  vint  ensuite  à  Turin, 
où  il  eut  beaucoup  de  commandes.  De  retour 
en  France ,  il  fut  admis  à  l'Académie  de  Pein- 
ture, et  le  roi  Louis  XV  l'attacha  à  sa  personne. 
Parmi  les  principales  toiles  que  Lemettay  a  pro- 
duit, on  cite  des  Bergers  romains  (  gravé  par 
Leveau)  ;  —  Vue  du  Golfe  de  Naples  (gravé  par 
Zingg),  etc.  A.  de  L. 

Mémoires  de  V Académie  de  Peinture,  ann.  1760. 

lemierre  (  Antoine-Marin  ) ,  poète  fran- 
çais, né  à  Paris,  le  12  janvier  1723,  mort  le 
4  juillet  1793,  à  Saint-Germain-en-Laye.  Son 
père,  simple  artisan,  s'imposa  les  plus  grands 
sacrifices  pour  lui  procurer  le  bienfait  de  l'édu- 


600 

cation,  et  ses  progrès  récompensèrent  les  soins 
de  la  tendresse  paternelle.  Couronne  plusieurs 
fois  dans  les  concours  universitaires,  après  avoir 
fini  ses  études,  Lemierre  entra  en  qualité  de  se- 
crétaire chez  Dupin,  riche  fermier  général,  qui 
à  l'intelligence  des  affaires  unissait  l'amour  des 
lettres.  De  175-3  à  1757  son  jeune  protégé  rem- 
porta quatre  fois  le  prix  de  poésie  décerné  par 
l'Académie  Française.  Les  pièces  auxquelles  il 
dut  des  succès  si  remarquables  étaient  intitu- 
lées :  La  Tendresse  de  Louis  XIV  pour  sa  fa- 
mille ,  L'Empire  de  la  Mode ,  Le  Com- 
merce (1),  Les  Hommes  unis  par  les  talents. 
Nous  devons  mentionner  encore  le  poème  sur 
L'Utilité  des  découver  les  faites  dans  les  arts 
et  dans  les  sciences  sous  le  règne  de  Louis  XV. 
Cet  ouvrage,  couronné  par  l'Académie  de  Pau  , 
commence  par  ces  deux  vers ,  où  une  haute 
pensée  philosophique  revêt  l'expression  de  la 
plus  magnifique  poésie  : 

Croire  tout  découvert  est  une  erreur  profonde; 
C'est  prendre  l'horizon  pour  les  bornes  du  monde. 

Ces  succès  académiques  ne  furent  pour  Le- 
mierre que  le  prélude  de  ceux  qui  l'attendaient 
au  théâtre.  Il  y  débuta  dès  1758,  par  Hyper- 
mneslre,  et,  malgré  la  bizarrerie  et  l'invraisem- 
blance de  la  donnée  fabuleuse,  la  pièce  réussit 
complètement,  grâce  au  pathétique  entraînant 
des  situations,  à  l'art  qui  présidait  aux  dévelop- 
pements de  l'action ,  et  enfin  au  mérite  du  style, 
où  quelques  incorrections  et  une  recherche  am- 
bitieuse de  vers  à  effet  étaient  bien  rachetées 
par  la  vivacité,  la  couleur  tragique  et  la  coupe 
heureuse  du  dialogue.  Jouée  en  1761,  la  tragédie 
de  Térée  ne  réussit  point.  L'aspect  d'une  prin- 
cesse à  qui  son  séducteur  a  arraché  la  langue 
devait  révolter  la  délicatesse  des  spectateurs,  et 
l'atroce  vengeance  de  Progné,  qui  punit  sur  son 
fils  innocent  le  crime  de  son  époux  incestueux, 
excita  autant  d'horreur  que  la  muette  Philomèle 
inspirait  de  dégoût.  En  1764,  Idoménée  fut 
beaucoup  mieux  accueilli  ;  cette  pièce,  conçue 
d'une  tout  autre  manière  que  celle  de  Crébillon 
sur  le  même  sujet,  beaucoup  plus  touchante  et 
beaucoup  mieux  écrite,  se  serait  sans  doute 
maintenue  avec  avantage  sur  la  scène  sans  l'iné- 
vitable et  écrasante  rivalité  à'Iphigénie,  ce  chef- 
d'œuvre  de  Racine.  Lemierre  avait  plus  beau 
jeu  à  lutter  contre  Crébillon,  surtout  en  l'atta- 
quant par  ses  côtés  faibles,  et  sa  tragédie  d'Ar- 
taxerce,  donnée  1766,  parut  fort  supérieure  au 
Xerxès  de  l'auteur  de  Rhadamiste.  Ce  sujet, 
déjà  mis  au  théâtre  par  Th.  Corneille,  sous  le 
titre  de  Stilicon,  venait  d'être  traité  avec  le  plus 
grand  bonheur  par  Métastase,  quand  Lemierre  s'en 
empara;  —  Guillaume  Tell,  en  1766,  La  Veuve 
du  Malabar,  en  1770,présentèrentuntraitd'assez 


(1)  C'est  dans  cette  pièce  que  se  trouve  le  fameux  vers 
tant  de  fois  cité  : 


Le  trident  de  Neptune  est  le  sceptre  du  monde. 


607  LEMIERRE 

fâcheuse  analogie,  dans  le  froid  accueil  que  le 
public  fit  à  ces  deux  tragédies,  dont  le  genre  s'é- 
carlait  de  celui  des  autres  compositions  drama- 
tiques de  Lemierre.  Une  âpreté  affectée  dans  le 
style  de  la  première  fit  dire  à  Voltaire  «  que 
la  pièce  était  écrite  en  langue  du  pays,  »  et  l'on 
ne  tint  compte  que  de  ce  qu'il  y  avait  de  défec- 
tueux à  cet  égard  dans  Guillaume  Tell.  On 
blâma  aussi  les  disparates  choquantes  que  la 
donnée  principale  de  La  Veuve  du  Malabar 
offrait  avec  nos  mœurs.  L'auteur,  cependant,  ne 
se  tint  pas  pour  battu.  11  obtint,  en  1780,  une 
reprise  de  cette  pièce,  et  il  suffit  d'un  simple  chan- 
gement dans  la  mise  en  scène  du  cinquième  acte 
pour  procurer  un  succès  d'enthousiasme,  cons- 
taté par  trente  représentations  avec  affluence  du 
public,  à  l'ouvrage  délaissé  dix  ans  auparavant. 
A  la  reprise,  en  1786,  le  succès  de  Guillaume 
Tell  surpassa  encore  celui  de  La  Veuve  du  Ma- 
labar. A  la  veille  de  la  révolution,  le  libérateur 
de  la  Suisse  fut  accueilli  comme  le  précurseur 
de  la  liberté  en  France.  Nous  ne  mentionnons  que 
pour  mémoire  Céramis,  tragédie  jouée  en  1785, 
qui  n'eut  que  trois  représentations  et  n'a  point 
été  imprimée.  Ce  fut  par  Barnevelt,  représenté 
en  1790,  qu'eut  lieu  la  clôture  de  la  carrière 
dramatique  de  Lemierre.  Cette  tragédie  politique, 
ouvrage  froidement  régulier,  passa  presque  in- 
aperçue à  côté  du  succès  frénétique  de  Char- 
les IX.  On  n'a  retenu  de  Barnevelt  qu'un  seul 
trait;  mais  il  est  sublime  :  à  la  fin  du  quatrième 
acte,  le  fils  de  ce  grand  citoyen  l'engagea  se  dé- 
rober au  supplice  par  un  trépas  volontaire  : 
Libre  au  moins  dans  la  mort.— Mon  fils,  qu'avez-vous  dit? 
—  Caton  se  la  donna.  —  Socrate  l'attendit. 

Lemierre  avait  encore  composé  une  tragédie  de 
Virginie ,  qu'il  ne  voulut  jamais  mettre  au 
théâtre,  dans  la  crainte  de  donner  une  nouvelle 
excitation  aux  passions  révolutionnaires;  le 
même  sentiment  lui  dictait  cette  réponse  aux  re- 
proches fréquents  dont  son  silence  était  l'objet  : 
«  Que  voulez-vous?  maintenant,  la  tragédie  court 
les  rues.  » 

Aux  lauriers  de  la  scène  tragique  Lemierre 
unit  les  palmes  de  la  poésie  didactique.  La 
Peinture,  poëme  en  trois  chants,  parut  en  1769. 
11  y  a  beaucoup  de  mérite  dans  cet  ouvrage, 
imité  en  partie  d'un  poëme  latin  de  l'abbé  de 
Marsy  sur  le  même  sujet.  Le  poète  y  traite  suc- 
cessivement du  dessin  ,  du  coloris  et  de  Vin- 
vention.  Plusieurs  fragments,  et  entre  autres 
l'Invocation  au  Soleil  et  l'Origine  de  la  Chi- 
mie, peuvent  être  placés  parmi  les  morceaux 
d'élite  dans  le  genre  didactique  et  descriptif.  Les 
Fastes,  ou  les  usages  de  l'année,  autre  poëme 
en  seize  chants ,  publié  en  1779,  n'obtint  pas 
autant  de  succès  et  ne  jouit  pas  de  la  même  es- 
time que  La  Peinture  :  un  sujet  vague,  un  plan 
bizarre  et  une  exécution  peu  soignée  attirèrent 
de  nombreuses  critiques  à  ce  dernier  ouvrage, 
que  recommandent  cependant  de  très-heureux 
détails,  tels  que  Le  Clair  de  Lune,  Le  Prin- 


608 
temps,  Les  Jardins  anglais;  mais  un  trop 
grand  nombre  de  vers  négligés  ou  de  mauvais 
goût  firent  méconnaître  ces  beautés  clairsemées, 
et  aujourd'hui  encore  on  accole  constamment  au 
nom  de  Lemierre  l'épithète  de  poëte  rocailleux. 
Avec  le  talent  de  la  composition,  il  eut  cepen- 
dant à  un  haut  degré  le  don  de  la  pensée,  et  il  y 
joignit  souvent  le  mérite  de  l'exécution.  Quand 
Voltaire  eut  disparu  de  la  double  scène  du 
théâtre  et  du  monde,  aucun  auteur  dramatique 
de  l'époque,  si  ce  n'est  Ducis,  ne  se  montra  su- 
périeur à  Lemierre,  très-supérieur  lui-même  à 
La  Harpe  et  à  Dubelloy.  Admis,  en  1781,  à 
l'Académie  Française,  comme  successeur  de 
l'abbé  Le  Batteux,  son  discours  de  réception  fit 
reconnaître  en  lui  un  prosateur  distingué.  Es- 
sentiellement homme  de  bien,  la  dignité  réelle 
de  son  caractère  voilait  les  petits  ridicules  d'un 
amour-propre  tout  en  dehors,  dont  les  saillies 
burlesques  sont  dans  la  mémoire  de  tout  le 
monde,  et  qu'il  expliquait  en  disant  :  «  Je  n'ai 
point  de  prôneurs,  il  faut  bien  que  je  fasse  mes 
affaires  tout  seul.  » 

Les  catastrophes  sanglantes  de  la  révolution 
jetèrent  Lemierre  dans  un  état  de  stupeur  et  d'a- 
tonie physique  auquel  il  succomba.  Ses  œuvres 
ontétépubliéesen  1810,3  vol. in-8°.  [P.-A.  Vieil- 
lard, dans  YEncyclop.  des  G.  du  M.]. 

R.  Perrin,  Notice  en  tête  de  Fédition  de  Paris  ;  1810, 
3  vol.  in-8°.  —  Geoffroy,  Cours  de  Littérature  drama- 
tique, t.  III,  p.  348.  —  La  Harpe,  Cours  de  Littérature. 

LEMiEURE-  d'akgy  {Auguste  -  Jacques  )\ 
littérateur  français,  neveu  du  précédent  (l),  né 
à  Paris,  le  1er  mars  1762,  mort  dans  la  même 
ville,  le  12  décembre  1815.  Il  était  interprète 
assermenté  près  du  tribunal  des  prises  mari- 
times, et  devint  plus  tard  co-directeur  du  bu- 
reau de  la  législation  étrangère.  Son  penchant  à 
l'ivrognerie  le  força  de  résigner  ses  fonctions.  II 
fut  alors  réduit  pour  vivre  à  faire  un  petit  com- 
merce de  librairie;  mais,  n'ayant  en  rien  changé 
ses  habitudes  crapuleuses,  il  tomba  bientôt  dans 
une  profonde  misère ,  et,  atteint  d'infirmités,  il 
alla  mourir  à  l'hospice  de  La  Charité.  C'est  seu- 
lement après  son  décès  que  son  identité  fut  cons- 
tatée; car  il  s'était  fait  inscrire  sous  un  nom 
supposé.  On  a  de  cet  écrivain  :  Calas,  ou  le 
fanatisme,  drame  en  quatre  actes  et  en  prose, 
représenté  sur  le  théâtre  du  Palais-Royal  (au- 
jourd'hui Théâtre-Français),  le  17  décembre 
1790,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  Ca- 
las de  Laya,  ni  avec  celui  de  Chénier,  repré- 
senté sur  la  même  scène,  le  7  janvier  1791;  — 
Les  Cent  Pensées  d'une  jeune  Anglaise,  etc.; 
Paris,  1798,  in-1 8  ;  plusieurs  fois  réimprimées  ;  — 
Les  Heureux  Modèles, ou  l'école  du  bonheur; 
Paris,  2  vol.  in-18,  anonyme.  Il  avait  commencé 
une  traduction  de  Martial,  et  il  a  laissé  en  porte- 
feuille une  tragédie  intitulée  :  Mazaniello.  On 


fl)  C'est  pour  se  distinguer  sans  doute  de  son  parent 
qu'il  ajouta  à  son  nom  patronymique  celui  A'.lrgy, 
doit  11  n'existe  aucune  mention  dans  ses  actes  civils. 


609  LEMIÈRE 

loi  a  faussement  attribué  un  roman  qui  est  de 
Révérony-Saint-Cyr,  et  qui  a  pour  titre  :  Nos 
Folies,  ou  mémoires  d'un  musulman;  1799, 
2  vol.  in-12;  —  Ladouski  et  Floriska;  1801  : 
roman  qui  est  l'œuvre  de  Lacroix ,  père  de 
l'homme  de  lettres  qui  s'est  popularisé  sous  le 
pseudonyme  du  Bibliophile  Jacob;  —  Dus- 
seldorf,  roman  traduit  de  Anne  Mackenzie,  par 
Marquant,  1799,  3  vol.  in  12.  C'est  égale- 
ment à  tort  qu'on  lui  a  attribué  une  part  au  ro- 
man de  Dorvo  intitulé  :  Mon  histoire  ou  la 
tienne.  Ce  dernier  eut  pour  collaborateur  Le- 
mierre  de  Corvey,  et  c'est  cette  analogie  dans 
le  nom  qui  explique  la  confusion  des  biblio- 
graphes. E.  de  Manne. 

Quérard ,  ta  France  Littéraire.  —  Journal  de  la  Li- 
brairie. 

lemière  i»e  corvey  (Jean-Frédéric- Au- 
guste),  musicien  compositeur  français,  né  à 
Rennes  (Bretagne),  en  1770,  et  mort  à  Paris, 
le  19  avril  1832.  Admis  dès  l'enfance  à  la 
maîtrise  de  la  cathédrale  de  Rennes,  il  y  ap- 
prit la  musique.  Fort  jeune  encore  et  sans  avoir 
étudié  l'harmonie,  il  fit  quelques  essais  en  com- 
position, et  lit  représenter  dans  sa  ville  natale 
un  petit  opéra  en  un  acte  intitulé  Constance.  A 
l'époque  de  la  révolution ,  il  s'engagea  comme 
volontaire  dans  un  bataillon  républicain  de  la 
Vendée,  et  fut  nommé  sous-lieutenant.  Après  le 
10  août  1792,  il  vint  à  Paris,  s'y  lia  avec  Ber- 
ton,qui  lui  donna  des  leçons  de  composition,  et 
écrivit  pour  le  théâtre  Montansier  Les  Cheva- 
liers errants,  opéra  en  un  acte  ;  mais  ce  qui 
fixa  plus  particulièrement  sur  lui  l'attention  pu- 
blique ce  fut  la  singularité  d'une  de  ses  produc- 
tions :  il  avait  mis  en  musique  un  article  du 
journal  du  soir  sur  la  sommation  faite  à  Cus- 
tines  de  rendre  Mayence  et  sur  la  réponse  de  ce 
général  ;  ce  morceau  eut  un  succès  de  vogue. 
Bientôt  après  Lemière  partit  pour  la  Belgique,  où  il 
servit  en  qualité  d'aide-de-camp  du  général  Thié- 
Daud.  Son  retour  à  Paris,  en  1794,  fut  marqué 
par  plusieurs  opéras  qu'il  fit  représenter,  no- 
tamment par  celui  d'Andros  et  Almona,  en 
trois  actes ,  qui  passe  pour  être  son  meilleur 
ouvrage  en  ce  genre.  En  1796  il  suivit  son  gé- 
néral en  Allemagne,  revint  à  Paris  après  le 
traité  de  Campo-Formio,  et  y  travailla  de  nou- 
veau pour  le  théâtre.  Mais  en  1806  il  reprit 
du  service  actif,  fit  successivement  les  campa- 
gnes de  Prusse,"  de  Pologne  et  d'Espagne,  et  se 
retira  après  la  bataille  de  Waterloo,  avec  le 
grade  et  la  pension  de  lieutenant-colonel.  Il  vou- 
lut alors  reprendre  ses  travaux  de  composition 
dramatique;  mais  il  n'obtint  pas  de  succès,  et 
mourut  du  choléra  à  l'âge  de  soixante-deux  ans. 
Malgré  l'activité  qu'il  déploya  dans  sa  carrière 
militaire,  Lemière  a  beaucoup  écrit  pour  le  théâtre 
et  pour  la  chambre.  Voici  l'indication  des  opéras 
qu'il  a  fait  représenter  :  Constance,  en  un  acte, 
à  Rennes  (  1790  );  —  Les  Chevaliers  errants, 
un  acte,   au  théâtre  Montansier  (1792);    — 

KOUY.   BlOClt.    GÉNÉR.   —  T,    X\X. 


-  LEMIRE  610 

Crispin  rival  de  son  maître,  un  acte,  id  m 
(1793);  —  Le  Poème  volé,  un  acte,  en  pro- 
vince (  1793  );  —  Scène  patriotique,  jouée  au 
théâtre  Favart  (  1793)  ;  —  La  frise  de  Tou- 
lon, un  acte,  au  même  théâtre  (1794)  ;  — Andros 
et  Almona,  trois  actes,  idem  (1794)  ; —  Le  Con- 
grès des  Rois  ;  en  collaboration  avec  plusieurs 
autres  compositeurs  ;  —  Babouc,  quatre  actes, 
au  théâtre  Feydcau  (1795)  ;  —  L'Ecolier  en  va- 
cances, un  acte;  au  théâtre  Favart  (  1 795  )  ;  — 
Les  Suspects,  un  acte,  au  théâtre  Louvois 
(  1795  )  ;  —  La  Blonde  et  la  Brune,  un  acte, 
idem  (  1795)  ;  —  La  Moitié  du  Chemin,  trois 
actes, idem  (1796)  ;  —  Lesdeux  Orphelines,  un 
acte,  au  théâtre  Molière  (  1798)  ;  —  Les  deux 
Crispins  (paroles  et  musique),  un  acte,  idem 
(  1798  )  ;  —  La  Maison  changée,  un  acte,  idem 
(  1798);  —  La  Paix  et  l'Amour,  un  acte,  en 
province  (  1798  )  ;  — Le  Porteur  d'eau,  un  acte, 
idem  (  1801);  —  Henri  et  Félicie,  trois  actes 
(1808)  ;  —  La  Cruche  cassée,  ou  les  rivaux  de 
village,  deux  actes,  au  théâtre  Feydeau  (1819); 

—  La  Fausse  Croisade,  deux  actes,  idem  (1825); 

—  La  Dame  du  Lac,  en  quatre  actes,  arrangée 
sur  la  musique  de  Rossini,  pour  le  théâtre  de  l'O- 
déon  (  1825);  —  Le  Testament,  deux  actes,  au 
même  théâtre  (1827)  ;  —  Tancrède,  trois  actes, 
arrangé  sur  la  musique  de  Rossini,  idem  (  1 827)  ;  — 
Les  Rencontres,  trois  actes,  au  théâtre  Feydeau 
(  1828  )  ;  —  une  cantate  exécutée  à  l'Opéra,  en 
1792.  On  a  publié  aussi  du  même  composi- 
teur :  La  Bataille  d'Iéna,  symphonie  militaire 
à  grand  orchestre;  —  Pot-pourri  militaire,  pour 
harmonie;  —  Des  œuvres  de  sonates  pour 
piano  et  violon,  et  pour  piano  seul  ;  —  Un  trio 
pour  harpe,  cor  et  basson;  un  duo  pour  harpe 
et  piano  ;  plusieurs  cahiers  de  contredanses , 
des  recueils  de  romances,  etc.,  etc.  Lemière 
de  Corvey  a  laissé  en  manuscrit  un  ouvrage  sur 
la  défense  des  places  fortes. 

Dieudonné  Denne-Bakon. 
Gabet,  Dictionnaire  des  artistes  de  l'École  française 
au  dix-neuvième  siècle.  —  Fetis,  Bioijrapluc  universelle 
des  Musiciens. 

lemire  (Jean),  en  latin  Mirseus,  prélat  et 
érudit  belge,  né  à  Bruxelles,  le  6  janvier  1560, 
mort  dans  la  même  ville,  le  12  janvier  1611.  11 
appartenait  à  une  ancienne  et  noble  famille  de 
Cambrai  (1).  Il  était  évêque  d'Anvers  et  publia  : 
Décréta  synodi  diœcesanx  Anlverpiensis , 
mense  maio  anno  1610  celebratx,e\c.  ;  Anvers, 
1610,  in-8";  réimprimé  dans  les  Concilia  du 
P.  Labbe.  A.  L. 

Jean  del  Rio  ,  Oraison  funèbre  de  J.  Le  Mire  (Anvers). 
lemire  (Aubert),  plus  connu  sous  le  nom 
de  Miraeus,  historien  belge,  neveu  du  précé- 
dent, né  à  Bruxelles,  le  30  novembre  1573,  mort 
à  Anvers,  le  19  octobre  1640.  Il  fit  ses  humanités 
et  sa  philosophie  à  Douai,et  vint  étudier  la  théo- 


(1)  Leur  écussnn  était  d'azur  chevronné  d'argent,  por- 
tant sur  champ  trois  miroirs  du  même  métal,  avec  la 
devise  Futura  prospice. 

20 


611 


LEMIRE 


612 


logic  à  Louvain,  où  il  enseigna  ensuite  pendant 
qui  :  ie  temps  les  belles-lettres  et  fut  aidé  des 
conseils  de  Juste  Lipse.  Devenu  prêtre ,  il  fut 
nommé  chapelain  des  archiducs  Albert  et  Isa- 
belle, et  Jean  Lemire,  son  oncle,  ayant  été  ap- 
pelé à  l'évèché  d'Anvers,  Aubert  Lemire  fut 
pourvu  d'un  canonicat  du  chapitre  de  cette  ville, 
puis  chargé  par  son  oncle  d'une  mission  sé- 
crète relative  à  la  trêve  conclue,  le  9  avril  l 609, 
entre  l'Espagne  et  les  Provinces-Unies.  Cette 
mission  le  mit  en  relation  avec  les  personnages 
les  plus  distingués  de  la  cour  de  Henri  IV  et  les 
principaux  savants  de  France,  et  il  profita  de 
son  séjour  à  Paris  pour  suivre  à  la  Sorbonne  un 
cours  de  droit  canonique.  Jean  Le  Mire  étant 
mort  en  1611,  Aubert  Lemire  se  rendit  à  Douai 
pour  y  établir  six  bourses,  trois  pour  la  philo- 
sophie et  trois  pour  la  théologie,  que  ce  prélat 
avait  fondées  par  son  testament;  il  s'y  fit  en 
même  temps  recevoir  docteur  en  théologie.  Il 
fut  nommé  en  1617  bibliothécaire  de  l'archiduc 
Albert.  En  1624  il  devint  doyen  de  la  cathé- 
drale d'Anvers  et  vicaire  général  de  l'évèché  de 
cette  ville.  Doué  d'une  extrême  activité,  il  con- 
sacrait tous  les  moments  que  lui  laissaient  ses 
devoirs  à  des  recherebes  sur  l'histoire  politique 
et  littéraire  des  Pays-Bas,  et  il  a  laissé  des  tra- 
vaux nombreux  et  importants ,  mais  dans  les- 
quels on  lui  reproche  de  s'être  en  général  montré 
inexact  et  peu  judicieux. 

Voici  les  principaux  de  ses  écrits  :  Elogia 
illus/rium  Belgii  Scriptorum,  qui  vel  eccle- 
siam  Dei  propugnarunt ,  vel  disciplinam  il- 
lustrarunt,  centuria  decadibus  distincta; 
Anvers,  1602,  in-8°;  ibid.,  1609,  in-4"; —  Elen- 
chus  Historicorum  Belgii  nondum  iypis  edi- 
toriun;  Anvers,  1606,  in-12;  Bruxelles,  1622, 
in-8°  :  cet  opuscule,  où  l'auteur  traite  principa- 
lement des  histoires  manuscrites  conservées 
dans  les  bibliothèques  des  Pays-Bas,  est  réim- 
primé dans  la  Bibliotheca  Belgica  manuscripta 
de  Sanderus;  —  Vita  Justi  Lipsii,  sapientix 
et  litterarum  antistilis,  etc.;  Anvers,  1606, 
et  1609,  in-8°;  —  Origïmtm  monasticarum 
libri  IV,  in  quibus  ordinum  omnium  reli- 
giosorum  initia  ac  progressus  breviter  de- 
scribuntur,  etc.;  Cologne,  1620,  in-12;  — 
Fasti  Belgici  ac  Burgundici,  seu  historia 
rerum  belgicarum  juxta  dies  in  quibus  eve- 
nerunt;  Bruxelles,  1622,  in-8°;  cet  ouvrage 
contient  les  vies  des  saints  des  Pays-Bas  et  de 
quelques  pays  voisins,  selon  l'ordre  du  calen- 
drier; —  Rerum  Belgicarum  Annales,  in  qui- 
bus christianae  religionis,  et  variorum  apud 
Belgas principatuum,  origines  ex  vetuslis  ta- 
bulis  principumque  diplomatibus  haustœ, 
explicantur;  Bruxelles,  1624,  in-8°  ;nouv.  édit., 
augmentée  de  plus  de  moitié  par  l'auteur,  sous 
le  titre  de  Rerum  Belgicarum  Chronicon,  ab 
Julii  Csesaris  in  Galliam  adventu  usque  ad 
vulgarem  Chrtsti  annum  1636,  etc.  ;  Anvers,' 
1636,  in-fol.  J.-F.   Foppens  a   réuni  et  publié 


sous  ce  titre  :  A.  Mirée'),  Opéra,  diplomatica  ei 
hislorica,  etc.;  Bruxelles,  1723-1748,  4  vol. 
in-fol.;  les  divers  ouvrages  de  Lemire  relatifs  a 
l'histoire  civile  et  ecclésiastique  des  Pays-Bas, 
L'Académie  royale  de  Belgique  a  inséré  dans  la 
collection  de  ses  Bulletins,  mais  en  un  volumt 
à  part,  qui  leur  sert  d'appendice,  une  Revue 
critique  des  Opéra  diplomatica  de  Mirxuf. 
sur  les  titres  reposant  aux  archives  dépar- 
tementales à  Lille,  par  M.  A.  LeGlay;  Bruxel- 
les, 1856,  in-8°. 

Lemire  a  fait  paraître  comme  éditeur:  Rerum 
toto  orbe  gestarum  a  Christo  nato  ad  noslrc 
usque  tempora,  auctoribus  Eusebio  Cxsa- 
riensi,  episcopo,  B.  Hieronymo,  presbytero. 
Sigcberto  Gemblacensi,  monactio ,  Anselme 
Gemblacense,  abbate,  Auberto  Mirxo,  uliis- 
que,  omnia  ad  antiquos  codices  manuscriptoi 
partim  comparata,  partim  nunc  primun 
in  lucem  édita,  opéra  et  studio  ejusdem  Au- 
bert i  Mirai  ;  Anvers,  1 608,  gr.  in-4 °  ;  —  Rerun 
Brabanticarum  LibriXIX,  auctore  Petro  Di- 
vxo,  Lovaniensi;  Anvers,  1610,  in-4°  :  le! 
quatre  dernières  pages  sont  de  l'éditeur  ;  — Bi- 
bliotheca Ecclesiastica,  sive  nomenclatoret 
septem  veteres  F.  Hieronymus,  presbyter  ei 
doctor  Ecclesix ,  Gennadius  Massiliensis. 
S.  lldefonsus  Toletanus,  Sigebertus-  Gem 
blacensis,  S.  Isidorus  Hispalensis,  Honoriu: 
Augustodunensis,  Henricus  Gandavensis,  Au- 
bertus  Mirxus  auctarïis  ac  scholiis  illustra- 
bat;  Anvers,  1639,  in-fol.  Une  suHe  de  cet  ou- 
vrage, par  Lemire,  a  paru  après  sa  mort  sou; 
ce  titre  :  Bibliotheca  ecclesiastica ,  sive  dt 
scriptoribusecclesiasticis  qui  abanno  Christ 
1494,  quo  Johannes  Trifhemius  desinit,  ac 
usque  tempora  nostra  Jloruerunt ,  pars  al- 
téra; Anvers,  1649,  in-fol.  Ces  deux  volumes 
sont  réimprimés  dans  la  Bibliotheca  ecclesias- 
tica, etc.;  Hambourg,  1718,  in-fol. 

Lemire  avait  laissé  divers  ouvrages  manus- 
crits qui,  devenus  la  propriété  de  1 i'imprimeui 
E.  Friex ,  de  Bruxelles,  allaient  être  mis  sous 
presse  quand  ils  furent  détruits  dans  l'incendie 
de  sa  maison ,  lors  du  bombardement  de  cett< 
ville  par  les  Français  en  1695.  M.  Léon  de  Bur 
bure  a  inséré  des  Lettres  inédites  d'Auber 
Lemire,  dans  le  Messager  des  Sciences  histo- 
riques de  Belgique,  année  1859,  pag.  318  ei 
433.  On  trouve  une  Lettre  d" Aubert  Lemin 
aux  Bollandisies  dans  le  Bibliophile  Belge, 
tom.  II,  pag.  155.  Enfin,  le  baron  de  Reilfen- 
berg  a  donné  dans  le  même  recueil ,  tom.  II. 
pag.  134,  et  tom.  III,  pag.  253,  le  Catalogut 
des  ouvrages  d' Aubert  Lemire;  ils  sont  au 
nombre  de  cinquante-sept.  Le  portrait  de  Le- 
mire, peint  par  Antoine  van  Dyek,  a  été  gravé 
par  P.  Pontius.  E.  Regnard. 

Foppens,  Bibliotheca  Belgica.  —  Paqnot,  Mémoire*, 
pour  servir  à  l'histoire  littéraire  des  dix-sept  pro- 
vinces des  Pays-Bas.  —  Nicénm,  Mémoires  pour  servir 
à  l'histoire  des  hommes  illustres  de  la  répuolique  dei 
lettres.  —  De  Reiffenberg,  Chronique  rimée  de  Philippe 


613 


LEMÎ11E  — 


mouskes,  introduction,  p.  XVI.  —  Messuqer  des  Sciences 
historiques  de  Belgique,  année  1849,  pas.  SIS. 

lemike  (Noël),  graveur  français,  né  à 
Rouen,  en  1724,  mort  à  Paris,  en  1801.  Élève 
de  Le  Bas,  il  a  excellé  dans  la  vignette.  Ses 
paysages  et  ses  marines  sont  également  estimés. 
Il  a  aussi  reproduit  avec  succès  les  tableaux  de 
'Téniers.  On  cite  de  lui  :  le  portrait  de  Piron, 
d'après  Lépicié,  1773  ;  —  le  portrait  de  Mlle  Clai- 
ron, d'après  Gravelot;  —  le  portrait  en  pied 
de  Washington,  d'après  Lepaon;  —  le  portrait 
de  La  Fayette,  d'après  le  même; —  Le  Partage 
de  la  Pologne,  ou  le  gâteau  des  rois,  signé  de 
l'anagramme  Erimel,  pièce  rare,  dessinée  et 
gravée  par  Lemire;  la  planche  fut  brisée  par 
ordre  de  l'autorité,  mais  l'auteur  en  put  impri- 
mer quelques  exemplaires  ;  —  Jupiter  et  Da- 
naé,  d'après  Carrache; —  La  Mort  de  Lucrèce, 
d'après  André  del  Sarte;  —  Latone  vengée;  — 
Les  Nouvellistes  flamands;  et  L'Étang  du  châ- 
teau, d'après  Téniers;  —  La  Curiosité,  ou  la 
lanterne  magique,  d'après  Reynier  Brakelen- 
bourg;  —  Vue  du  mont  Vésuve  en  1757;  — 
Restes  d'un  Temple  de  Vénus  dans  Vile  de 
Nisida;  —  les  portraits  du  grand  Frédéric, 
de  Henri  IV,  de  Louis  XV  et  de  Joseph  II; 
—  Vignettes  pour  les  Contes  de  La  Fontaine, 
pour  les  Métamorphoses  d'Ovide  et  pour  des 
éditions  de  Voltaire,  de  Rousseau,  de  Bocace  et 
de  T.  Corneille.  J.  V. 

Ba«an,  Dict.  des  Graveurs  anc.  et  modernes.  —  Chau- 
tlon  et  Delandine,  Dict.  unw.,  Histor.  Crit.  et  Bibliogr. 
;~Ch.  GabeL,  Dict.  des  Artistes  de  l'École  française  au 
dix-neuvième  siècle. 

lemsiege  (Jean  van)  ou  Joannes  a  Lem- 
migo,  chroniqueur  hollandais,  vivait  en  1500. 
îl  n'est  connu  que  par  une  Chronique  de  Gro- 
ningue,(\m  commence  à  l'an  1100  et  s'arrête  à 
l'année  1436.  Elle  a  été  publiée  par  Antoine  Mat- 
thseus  dans  ses  Vêler is  JEvi  Analecta ;  Leyde, 
1698,  in-8°,  1. 1,  p.  102-129.  Cet  ouvrage,  quoi- 
que d'un  style  inculte ,  donne  de  curieux  ren- 
seignements sur  les  troubles  qui  désolèrent  la 
'Frise  dans  le  quinzième  siècle.      L — i. — e. 

Suff.  Pétri,  De  Scriptorihus  Fris.,  p.  121.  —  Paquot, 
\Mém.  pour  servir  d  l'hist.  litt.  des  Pays-Bas,  tom.  III, 
p.  402  403. 

lejimens  (1)  ou  lemnius  (Livin),  philo- 
sophe hollandais,  né  à  Ziriczée  (Zélande),  le 
20  mai  1505,  mort  dans  la  même  ville,  le  1er  juil- 
let 1568.  11  commença  ses  études  à  Ziriczée,  les 
continua  à  Gand,  et  les  acheva  à  Louvain,  où 
il  prit  ses  degrés  en  médecine  sous  l'enseigne- 
ment d'André  Vesale,  de  Rembert  Dodonée,  de 
Jason  Pratensis,  de  Conrad  Gesner,  etc.  De 
retour  à  Ziriczée,  en  1527,  il  y  pratiqua  son  art 
durant  quarante  années  avec  autant  de  succès 
que  de  réputation.  Il  avait  fait  sculpter  sur  la 
porte  de  sa  maison  :  «  Rerum  irrecuperabilium 
summa  félicitas  oblivio.  »  Après  la  mort  de  sa 
femme ,  il  entra  dans  l'état  ecclésiastique,  et  de- 
vint chanoine  de  Saint-Livin  de  Ziriczée,  où  il 

(15  Ce  nom  signifie  en  ilanianil  :  fils  de  Guillaume. 


LEMMENS  614 

fut  enterré.  Pâquier  Oens  a  fait  son  éloge  fu- 
nèbre en  vers  latins  ;  cet  éloge  se  trouve  eu  tête 
des  réimpressions  de  plusieurs  des  ouvrages  de 
Lemnius.  On  a  de  lui  :  De  Astrologia  Liber 
unus,  in  quo  obiter  indicatur  quid  illa  veri, 
quidjicti  falsique  habeat,  etc.*  guatenus  arti 
sit  habenda  fides,  précédé  d'une  Épître  dé- 
dicatoire  en  vers,  adressée  à  Corneille  à  Wel- 
dam,  conseiller  de  l'empereur  Charles  V  ;  An- 
vers, 1554,  in-8°;  Iéna,  1587,  in-S°;  Francfort, 
1608  et  1626,  in  16;  Leyde,  1638,  in- 16;  —  De 
Termino  Vitœ,  ou  De  pr se fi.ro  cuique  Vital  Ter- 
mino  ;  cet  ouvrage,  dans  lequel  l'auteur  soutient 
«  que  le  moment  de  la  mort  de  chaque  homme 
est  fixe  et  invariable  »,  a  été  imprimé  avec  le 
précédent;  dans  les  éditions  de  Anvers,  1554, 
in-89;  léna,  1587,  in-8°;.  et  Leyde,  1038,  in-16. 
Cette  dernière  a  élé  augmentée  d'une  préface  de 
Marc  Zuerius  Boxhorn;  —  De  honeslo  anïmi 
et  corporis  Oblectamento,  et  quee  e.xercilatio 
homini  libero  potissimum  conveniat,  etc.; 
Leyde,  1638,  in-16;  —  De  occultis  naturx 
Miraculis,  Libri  II;  Anvers,  1559,  in-12;  — 
quatre  autres  livres  dédiés  à  Éric  XIV,  roi  de 
Suède,  parurent  ensuite;  Anvers,  Plantin,  1564, 
in-12;  Gand,  1571,  in-12;  Cologne,  1573,  in-12; 
Heidelberg,  Bibliopolium  Commelianum,  sans 
date,  in-12;  trad.  en  allemand,  avec  des  notes 
de  Jacques  Horstius,  ibid.;  le  même  ouvrage 
suivi  de  :  De  Vita  cum  animi  et  corporis  in- 
columitate  recte  insliluenda;  Anvers,  1581, 
in-8°;  et  Cologne,  1581,  in-12;  ce  second  ou- 
vrage fut  imprimé  suivi  de  Parœnesis ,  sive 
Exhortatio  ad  vitam  optime  instituendam; 
Francfort,  1591  et  1655,  in-16;  1593,  in-8°  ; — 
De  Habitu  et  Constitutione  corporis,  quant 
Grseci  Kpàonv  triviales  complexionem  vocant, 
lib.  Il;  Anvers,  1561,  in-12;  Erfurt,  158i,in  8°, 
avec  corrections  et  table;  Francfort,  1596, 1604; 
—  Similitudinum  ac  Parabolarum  quge  in 
Biblis  ex  herbis  atque  arboribus  desumuntur 
dilucida  Explvcatio;  Anvers,  1569,  in-8°; 
Erfurt,  1581,  in-8°  ;  Lyon,  1588  et  1595,  in-12, 
Francfort,  1591  et  1596,  in-12;  avec  le  De  As- 
trologia, Francfort,  1608  et  1626,  in-16;  avec 
le  De  Gemmis  de  François  Rueus,  Francfort, 
1596,  in-12.  Lemnius  est  le  premier  qui  ait  traité 
des  plantes  sacrées;  mais,  comme  il  n'entendait 
pas  les  langues  originales  de  l'Écriture  et  qu'il 
lui  manquait  en  outre  les  connaissances  néces- 
saires sur  la  Terre-Sainte  et  les  contrées  voi- 
sines, il  était  impossible  qu'l  réussit  dans  son 
œuvre.  Ses  descriptions  sont  d'ailleurs  trop 
courtes  et  manquent  d'exactitude;  —  De  Zetan- 
dis,  etc.;  Leyde ,  Plantin ,  1611,  in-4°;  et  dans 
la  Batavia  illustrata  de  Pierre  Scriverius, 
Harlem,  1609  et  1 650.  Lemmens  avait  commencé 
Descriptio  Algie,  etc.,  et  Compendium  de  Pis- 
cium  trivialium  nomenclaturis  ;  mais  la  mort 
l'empêcha  d'achever  ces  ouvrages.  Le  latin  de 
Lemnius  se  fait  remarquer  par  sa  pureté  et  son 
élégance.  L— z— e. 

30. 


615 


LRMMENS  —  LEM01JNE 


G16 


Le  Mire,  Elog.  êely.  Serlptor.,  p.  lis,  114.  —  Melchior 
Adam ,  De  Fith  Medicorum  Germanorum,  p.  4».  —  Va- 
lérc  André,  Bibliotfiec/t  Ile/oit  a,  p.  SI,  322,  608,  609.  — 
Vaquât,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  littéraire 
des  Pays- fias,  t.  1er,  p.  361-369. 

lemmus  (Simon),  poète  latin  suisse,  né 
vers  1510,  à  Margadant  (canton  des  Grisons)  ,mort 
à  Goire,  le  24  novembre  1550.  Il  fut  reçu  maître 
en  philosophie  à  l'université  de  Wittemberg, 
où,  grâce  à  la  protection  de  Mélanchthon,  il  es- 
pérait obtenir  une  chaire;  mais,  compromis  déjà 
par  son  genre  de  vie  assez  dissipé,  il  acheva  de 
se  perdre  en  publiant  en  1538  un  volume  d'épi- 
grammes,  où  il  mit  quelques  vers  à  l'éloge  d'Al- 
bert, archevêque  de  Mayence.  Luther,  qui  détes- 
tait l'archevêque,  fut  trè3-irrité  contre  Lemnius  ; 
sur  ses  instances,  tous  les  exemplaires  du  livre 
furent  saisis,  l'imprimeur  jeté  en  prison,  et  l'au- 
teur décrété  d'arrestation.  Pour  justifier  ces  me- 
sures violentes,  on  prétendait  que,  dans  plusieurs 
de  ses  épigrammes,  Lemnius  avait  voulu  dési- 
gner l'électeur  de  Saxe,  le  chancelier  Pontanus 
et  d'autres  personnes  de  distinction.  Cette  accu- 
sation, comme  Lessing  l'a  établi,  était  entière- 
ment fausse  :  Lemnius  s'était  borné  à  persifler 
en  termes  généraux  les  vices  et  les  sottises  com- 
munes à  tous  les  temps.  Mais,  effrayé  de  ia  co- 
lère de  Luther,  abandonné  par  Mélanchthon, 
Lemnius  s'enfuit  à  Worms.  Après  une  procédure 
sommaire,  où  toutes  les  formes  judiciaires  étaient 
violées  (1),  il  fut  condamné,  en  juillet  1538,  au 
bannissement  perpétuel;  quelques  jours  aupa- 
ravant, Luther  avait  prononcé  contre  lui  en 
chaire  un  décret  infamant,  inséré  dans  le  t.  XIV, 
p.  1334  de  ses  Œuvres  (éd.  Walch).  Exas- 
péré par  tant  d'injustices,  Lemnius  attaqua  ses 
persécuteurs  dans  des  écrits  satyriques,  où 
il  employait  tour  à  tour  l'ironie  fine  et  mordante 
et  la  plus  grossière  plaisanterie.  Il  séjourna 
quelque  temps  à  Francfort,  puis  à  Halle,  et  se 
rendit  ensuite  à  Bàle,  où  il  devint  correcteur 
dans  l'imprimerie  d'Oporinus.  En  1540  enfin,  il 
se  retira  à  Coire,  et  fut  nommé  professeur  au 
gymnase  de  celte  ville.  On  a  de  lui  :  Epigram- 
inaton  Libri  duo;  Wittemberg,  1538,  in-8°;  des 
extraits  en  ont  été  donnés  dans  le  tome  IV  de 
la  Nachtese  der  Reformations-TJrkunden  de 
Kapp.  Luther  lança  contre  ces  épigrammes  un 
écrit  virulent,  qui  se  trouve  dans  le  t.  VI  de 
ses  Œuvres  (éd.  d'Altembourg).  Vers  la  fin  de 
1538,  Lemnius  publia  une  nouvelle  édition  de 
ses  Epigràmmata ( sans  lieu,  in  8°),  augmentée 
d'un  troisième  livre,  où  il  stygmatise  l'esprit 
d'intolérance  de  Luther,  de  Jonas  et  des  autres 
réformateurs  par  des  traits  acérés,  auxquels 
Camerarius  essaya  en  vain  d'opposer  ses  Elé- 
gie ôSontopixat;  —  Apologia  Simonis  Lem- 
nii  contra  decretum  quod  lyranni  de  Lutheri 
et  Justi  Jonœ  Wilembergensis  universïtas 
coacta  iniquissime  et  mendacissime  evulga- 

(1)  Les  diverses  pièces  de  cette  procédure  se  trouvent 
dans  la  Nachlese  der  Reformations- Urhunden  de  Kapp, 
t.  III,  p.  376-351. 


vit;  Cologne,  in-8°.  (  Voy.  Schellhorn,  Amœni- 
tates  historiée  ecclesiasticas ,  t.  I,  p.  850,  et 
Seckendorf,  Historia  Luther  anismi,  tom.  H, 
lib.  III,  p.  197);  —  Lucii  Pisœi  Monochopor- 
nomachia,  dation  ex  Achaja  olympiade  nona, 
comédie  obscène,  où  Luther,  Jonas,  Spalatin, 
leurs  femmes  et  les  amants  que  Lemnius  prêtait 
à  celles-ci,  jouent  les  principaux  rôles:  l'ou- 
vrage est  devenu  extrêmement  rare;  Voy.  Frey- 
tag,  Adparalus  Lïtlerarius,  t.  III,  p.  366  et 
382,  et  Analecta  litteraria,  p.  523;  —  Amo- 
rum  Libri  IV;  1542,  in-8"; —  JEylogx  quin- 
que;  Bàle,  1551;  une  de  ses  églogues,  intitulée 
lier  JJelveticum,  se  trouve  clans  les  JJodœ- 
porica  de  Reusner.  On  doit  encore  à  Lemnius 
une  traduction  latine  en  vers  de  l'Odyssée; 
elle  parut  à  Bàle,  1549,  in-8°,  et  à  Paris,  1581, 
in-8°.  E.  G. 

Der  Biograph;  Halle,  1803,  t.   II.  —  Lessing,  Briffe  \ 
aus  Uem  zueiten  T/ietle  der  Schiften  (n°  2-8).  —  Stro- 
i>el,  Neue  lleylrœge  zur  Litterulur,  t.  III.  —  Riederer 
Nachricliten  zur  Kirchengeschichte,   t.  IV,  p.  348.  — 
Roteïmunu,  Supplément  à  Jucher. 

lemoike  (Jean),  prélat  français,  né  à 
Cressy  (Ponthieu),  dans  le  treizième  siècle, 
mort  à  Avignon,  le  22  août  1313.  Après  avoir 
terminé  ses  études,  il  prit  le  degré  de  docteur 
en  théologie  à  l'université  de  Paris,  et  fit  un 
voyage  à  Rome,  où  il  fut  honorablement  accueilli 
et  nommé  auditeur  de  rote.  Son  commentaire 
sur  le  6e  livre  des  Décrétâtes,  qu'il  écrivit  à 
Rome,  lui  valut  le  titre  de  cardinal.  Boniface  VIII 
le  nomma  son  légat  en  France  en  1302,  et  dans 
cette  positiou  il  lit  tous  ses  efforts  pour  rétablir 
la  paix  entre  Philippe  le  Bel  et  le  saint-siége. 
Il  agit  avec  tant  de  prudence  qu'il  se  concilia 
l'estime  du  roi  sans  perdre  son  crédit  auprès 
du  pape.  Il  assista  en  1305  au  conclave  qui  se 
tint  à  Pérouse  pour  l'élection  de  Clément  V,  et 
il  suivit  ce  pontife  à  Avignon.  Après  sa  mort, 
son  corps  fut  transporté  à  Paris  et  inhumé  dans 
l'église  du  collège  qu'il  avait  fondé, en  1303,  dans 
cette  ville,  rue  Saint-Victor,  sur  l'emplacement 
de  maisons,  chapelle  et  cimetière  qui  avaient  ap- 
partenu aux  religieux  augustins  (1). 

Son  frère,  André  Lemoine,  mort  en  1315, 
évêque  de  Noyon,  l'aida  de  ses  deniers  dans 
la  fondation  du  collège  qui  portait  le  nom  du 
cardinal  Lemoine.  Les  deux  frères  furent  réunis 
dans  le  même  tombeau.  J.  V. 

Moréri,  Grand  Dut.  Hlst.  —  Cliaudon  et  Delandiue, 
Dict.  univ  ,  hist.,  crit.  et  bibliogr. 

lemoine  {  Pasquier),  littérateur  français, 
vivait  dans  la  première  moitié  du  seizième  siècle.  Il 
se  qualifie  lui-même  de  portier  ordinaire  du  roi 
François  Ier,  emploi  analogue  à  celui  d'huissier 
de  la  chambre,  et  c'est  sous  le  pseudonyme  bi- 
zarre de  Moine  sans  froc  qu'il  obtint  le  privilège 
de  faire  imprimer  ses  ouvrages.  On  a  de  lui  :  une 
Description ,  faite  en  1515,  du  sacre  et  du  cou- 
ronnement de  François  Itr,  et  insérée  dans  Le 

(1)  Une  rue  du  nom  du  Cardinal  Iœmoine  a  été  percée 
dans  ces  derniers  temps  sur  remplacement  de  ce  collège. 


617  '  LEMOINE 

Cérémonial  /rançois  ;  —  Voyage  et  Conquête 
du  duché  de  Milan  en  1515  par  François  Ier, 
rédigé  en  vers  et  en  prose  ;  Paris,  1520,  in-4°. 
Le  P.  de  Colonia,  qui  rapporte  quelques  vers  de 
cet  ouvrage ,  accuse  le  style  d'être  d'un  burles- 
que souvent  plat  et  rampant  ;  mais  cette  relation 
est  curieuse  à  cause  de  certaines  particularités 


618 


.omises  par  les  écrivains  du  temps.     P.  L — y. 
De  Colonia  ,  Histoire  littér.  de  Lyon,  11,  493  et  suiv. 

uîkïim;  (  Le  P.  Pierre  ),  jésuite  et  poète 
français,  né  en  1602,  à  Chaumont  en  Bassigny, 
mort  à  Paris,  le  22  avril  1C72.  A  dix-sept  ans 
il  entra  dans  l'ordre  des  Jésuites,  à  Nancy,  et  y 
occupa  différents  postes.  Il  cultiva  la  poésie,  et 
obtint  une  grande  renommée  avec  son  poème  en 
huit  chants  de  Saint  Louis, ou  la  couronne 
reconquise  (sur  les  infidèles),  qui  parut  en 
1658.  Une  imagination  vive  et  des  vers  pom- 
peux firent  d'abord  mettre  ce  poème  au  rang 
des  chefs-d'œuvre.  Lamotte  lui-même  le  dé- 
clara préférable  à  VIliade.  Mais  bientôt  on  re- 
connut, à  côté  des  qualités  réelles  de  certains 
passages ,  le  mauvais  goût ,  l'extravagance  et 
l'enflure  de  beaucoup  d'autres.  Boileau  a  dit  du 
P.  Lemoine  :  «  11'  est  trop  poète  pour  que  j'en 
dise  du  mal;  il  est  trop  fou  pour  que  j'en  dise 
du  bien.  »  L'abbé Goujet  (Biblioth.  françoise), 
avoue  que  la  lecture  du  poème  de  Saint  Louis 
«  J'a  ennuyé  jusqu'à  la  fatigue  ». 

Le  P.  Lemoine  est  aussi  l'auteur  d'Epîtres, 
qui  ont  paru  d'abord  séparément  et  qui  furent 
réunies  en  1665,  sous  le  titre  d' Entretiens  et 
Lettres  poétiques;  une  deuxième  édition  en  fut 
donnée  en  1672.  Enfin,  il  a  publié  un  Mémoire 
apologétique  sur  la  Doctrine  des  Jésuites, 
1644,in-8°,  et  La  Dévotion  aisée,  1652,  in-8°. 
Mme  d'Aiguillon,  nièce  du  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  qui  faisait  au  P.  Lemoine  une  pension  de 
1,400  livres,  l'avait  chargé  d'écrire  une  histoire 
de  cet  homme  d'État,  d'après  les  manuscrits 
laissés  par  lui.  L'impression  allait  en  commencer, 
lorsque,  en  1667,  Mme  d'Aiguillon  changea  d'a- 
vis. L'ouvrage  est  resté  manuscrit. 

G— t  de  F — e  . 

Le  P.  Lelong,  Bibliothèque  Histor.  de  la  France.  — 
Goujet,  Bibliothèque  des  Écrivains  franeois,  l.  XVII. 

lemoine  (François),  peintre  français,  né 
à  Paris,  en  1688,  mort  par  suicide  le  4  juin 
1737.  Élève  de  Galloche,  il  obtint,  en  1711,  le 
grand  prix  de  peinture  à  l'Académie;  mais  la 
guerre  ne  lui  permit  pas  de  se  rendre  en  Italie 
aux  frais  du  roi.  En  1718  il  fut  reçu  membre 
de  l'Académie  de  Peinture  sur  son  tableau  d'Her- 
cule et  Cacus.  Quelque  temps  après,  il  peignit 
Persée  délivrant  Andromède.  En  1723  il  ac- 
compagna Bergier,  riche  amateur,  en  Italie; 
il  n'y  resta  que  six  mois,  et  en  rapporta  un 
excellent  tableau  représentant  une  Femme  en- 
trant au  bain.  A  son  retour,  Lemoine  termina 
la  peinture  du  cliœur  de  l'église  des  Jacobins 
de  la  rue  Saint-Dominique,  qu'il  avait  ébauché 
avant  de  partir  pour  l'Italie.  II  fut  ensuite  nommé 


professeur  de  l'Académie.  Chargé  de  peindre  le 
plafond  de  la  chapelle  de  la  Vierge  à  Saint-Sul- 
pice,  il  y  représenta  une  Assomption ,  qui  fut 
restaurée  par  Callet  en  1780,  et  disparut  à  peu 
près  sous  le  travail  du  réparateur.  On  avait 
trouvé  de  grandes  qualités  dans  la  peinture  de 
Lemoine. ,  une  certaine  vigueur,  de  la  fermeté, 
de  la  fratcheur  dans  le  coloris;  mais  les  groupes 
étaient  mal  disposés  et  les  figures  n'étaient  pas 
en  perspective.  Pour  décorer  le  plafond  du  salon 
d'Hercule  au  palais  de  Versailles,  il  y  représenta 
une  espèce  d'allégorie  serni  païenne  et  semi- 
chrétienne  en  l'honneur  du  cardinal  de  Fleury, 
son  protecteur.  Celte  composition,  de  64  pieds 
de  long,  sur  54  de  large ,  et  contenant  142  figures 
peintes  à  l'huile  sur  toile,  entièrement  de  la  main 
de  Lemoine,  lui  coûta  quatre  années  de  travail. 
Sur  le  point  de  la  terminer,  il  s'aperçut  que  le 
groupe  principal  était  mal  placé;  il  n'h;sita  pas 
à  l'effacer  et  à  le  repeindre,  ce  qui  l'obl'gpa  de 
retoucher  aux  groupes  voisins  et  lui  donna  un 
an  de  travail  de  plus.  Ce  plafond  valut  à  Lemoine 
le  titre  de  premier  peintre  du  roi  et  une  pension 
de  4,000  livres.  Ces  honneurs  ne  le  satisfin  nt  pas. 
La  perte  de  sa  femme  augmenta  sa  mélancolie  ; 
il  avait  excité  la  jalousie  de  quelques-uns  de 
ses  émules  par  la  haine  qu'il  leur  portait;  sa  tête 
s'affaiblit.  Un  jour,  en  entendant  frapper  à  sa 
porte ,  il  s'imagina  qu'on  venait  l'arrêter,  et  se 
frappa  de  neuf  coups  d'épée;  il  ouvrit  pourtant 
et  tomba  aux  pieds  de  son  ami  Bergier,  qui  ve- 
nait le  chercher  pour  l'emmener  à  la  campagne. 
On  citait  encore  six  tableaux  que  Lemoine  avait 
peints  pour  le  réfectoire  des  Cordeliers  d'Amiens. 
Il  disposait  bien  ses  groupes,  variait  les  mou- 
vements de  ses  figures,  savait  parfaitement  dé- 
grader les  lumières;  son  coloris  séduisait  par  sa 
fraîcheur;  il  mettait  de  l'âme  dans  ses  composi- 
tions; son  pinceau  était  doux  et  gracieux,  sa 
touche  fine,  mais  son  dessin  était  mou ,  incor- 
rect; ses  formes  étaient  maniérées;  ses  têtes 
avaient  de  l'affectation  ou  manquaient  de  carac- 
tère. Il  avait  un  amour- propre  excessif,  qui  le 
rendait  jaloux  et  satirique.  Comme  il  déchirait 
surtout  ses  confrères,  l'un  d'eux  lui  dit  un  jour  : 
«  Vous  qui  peignez  si  bien,  comment  ignorez -vous 
que  ce  sont  les  ombres  qui  font  valoir  les  clairs  ?  » 
Il  se  plaignait  au  duc  d'Ayen  qu'on  n'avait  pas 
assez  payé  son  plafond  de  Y  Apothéose  d'Her- 
cule à  Versailles  :  «  Voudriez-vous,  lui  répondit 
le  duc,  qu'on  payât  vos  ouvrages  comme  si  vous 
étiez  mort?  »  L.  L— t. 

Cliandon  et  IMnndinc,  Dict.  vniv.  Hist.,  Crit.  et  Bi- 
blioyr.  —  L  -C.  Soyer,  dans  ÏEncycl.  des  Cens  du  Monde. 

lemoine  (Pierre-Camille),  littérateur 
français,  né  le  21  décembre  1723,  à  Paris.  Il  fut 
archiviste  de  l'église  de  Saint-Martin  de  Tours, 
de  Toul  et  des  chanoines-comtes  de  Lyon ,  et  fit 
partie  des  académies  de  Rouen  et  de  Metz.  On 
a  de  lui  :  Dissertation  sur  la  Fierté  ou  Châsse 
de  Saint-Romain  de  Rouen;  —  Essai  surf  an- 
cien état  du  royaume  d'Austrasie ;  1760;  — 


619 


LEMOUNE 


Dissertation  sur  les  anciennes  lois  de  Metz; 
17i;3  ;  —  Mémoire  sur  VÈchiquier  de  Rouen  ; 
1766;  ces  quatre  pièces  ont  remporté  chacune 
nn  prix  dans  les  académies  de  Rouen  ,  de  Nancy 
et  de  Metz;  —  Diplomatie  pratique, ou  fraifé 
de  l'arrangement  des  archives  et  trésor  des 
chartes;  Metz,  1765,  in-4°,  avec  planches; 
réimpr.  par  les  soins  de  Battheney  de  Bouvou- 
loir,  Paris,  1772,  2  vol.  in-4°,  et  augmentée  d'un 
supplément  considérable  pour  les  planches;  — 
Nouvelle  Méthode  raisonnée  des  Blasons,  ou 
de  l'art  héraldique ,  du  P.  Menestrier,  mise 
dans  un  meilleur  ordre  et  augmentée,  etc., 
par  L***  ;  Lyon,  1770,  in-8°;  l'auteur  a  com- 
plètement refondu  l'ouvrage  du  P.  Menestrier  ; 
-r  Observations  sur  le  nouvel  Abrège  chro- 
nologique de  l'Histoire  de  Lyon  (  de  Poullin 
de  Lumina  );  s.  1.  n.  d.,  in-4°;  —  Idées  préli- 
minaires ou  Prospectus  d'un  ouvrage  sur  les 
pêches  maritimes  de  France;  1777,  in-8o.  K. 

La  France  Littér.  de  1769.  —  Desessarts,  Les  Siècles 
Littéraires.  —  Breghot  du  I,ut  et  Perieaud  aîné,  Catal. 
des  Lyonnais  dignes  de  mémoire,  p.  168. 

lemoine  d'essoies  (  £rfme-i»/arie-/o- 
seph),  mathématicien  et  géographe  français,  né 
à  Essoies  (Champagne  ),  en  1751,  mort  à  Paris, 
le  17  août  1816.  11  fit  de  bonnes  études,  prit 
ses  degrés  en  droit ,  et  suivit  le  barreau  ;  puis 
il  renonça  à  cette  carrière  pour  se  livrer  à  l'é- 
ducation de  jeunes  nobles.  Il  publia  quelques 
ouvrages  élémentaires,  fut  nommé  professeur  de 
mathématiques  et  de  physique,  et  devint  membre 
du  jury  d'instruction  publique  de  Paris.  11  fonda 
une  école  connue  sous  le  nom  d'institution  poly- 
technique. On  a  de  lui  :  Traité  élémentaire 
de  Mathématiques,  ou  principes  d'Arithmé- 
tique, de  géométrie,  de  trigonométrie  avec 
les  sections  coniques  ;  Paris,  1778,  1790,  1793, 
fn-8°  ;  1797,  2  vol.  in-8°;  à  lasuite  se  trouve  une 
histoire  abrégée  des  mathématiques;  —  Prin- 
cipes de  Géographie  ;  Paris,  1780,  1784,  in-12; 

—  Traité  du  Globe,  rédigé  d'une  manière  nou- 
velle; Paris,  1780,  in-12  ;  —  Principes  d'Arith- 
métique décimale  ;  Paris ,  1801,  1804,  in-12. 

J.V. 
Notice  dans  le  Moniteur  du  Ie'  sept.  1816.  —  Biogr. 
univ.  et  portât,  des  Contemp.  —  Quérard,  La  France 
Littér. 

*  lemoine  (  Jacques-Joseph  ) ,  littérateur 
français ,  né  à  Paris,  le  12  janvier  1770.  Il  a  été 
chef  de  division  au  ministère  du  commerce  et 
secrétaire  du  conseil  supérieur  d'agriculture  au 
ministère  de  l'intérieur.  On  a  de  lui  :  Quelle  a 
été  l'influence  des  croisades  sur  la  liberté  ci- 
vile des  peuples  de  l'Europe,  sur  leur  civili- 
sation et  sur  les  progrès  des  lumières,  du 
commerce  et  de  l'industrie,  discours  qui  ob 
tint  la  première  mention  honorable  de  l'Institut; 
Paris,  1808,  in-8°  ;  —  Les  Français  justifiés 
du  reproche  de  légèreté,  ouvrage  couronné  par 
l'Académie  de  Dijon;  Paris,  1809,  1815,  in-8°; 

—  Les  trois  Voyageurs,  essai  philosophique; 
Paris,  1819,  2  vol.  in-8°;  —  Loisirs  de  M.  de 


LE  MONMER  620 

I  Villeneuve,  ou  voyage  d'un  habitant  de  Paru 
à  Fest  de  la  France  en  Savoie,  et  en  Suisse; 
Paris,  1827,  in- 8°.  J.  V. 

Biogr.  unlv.  et  portât,  des  Contemp.  —  (Jucrard ,  Lç 
France  Littéraire. 

*  lemoine  (  Gustave  ) ,  compositeur  de  mu- 
sique français,  né  à  Paris,  le  29  octobre  1786. 
Il  obtint  plusieurs  prix  au  Conservatoire,  entre 
autres  ,  en  1809,  celui  de  piano.  En  1817,  il  suc- 
céda à  son  père  dans  le  fonds  d'éditeur  de  mu- 
sique qu'il  possédait.  On  a  de  lui  :  Méthode 
pratique  pour  le  Piano,  très-estimée ,  quia  eu 
depuis  1827  un  grand  nombre  d'éditions;  — 
Solfège  élémentaire  (avec  Carulli  ),  1829,  sou- 
vent rééditée;  —  Traité  d' Harmonie  pratique  ; 
1836,  in  8°;  —  Tablettes  du  Pianiste;  1844, 
in-8°.  G.  de  F. 

Documents  particuliers. 

LEMOINE-MONTIGNY.    Voy.   MONTIGNY. 

le  MONNiEB  (Pierre  de  L'É.nauderie  ) , 
moraliste  français,  né  à  Saint  Germain-d'Auvil- 
lers  (  pajs  d'Auge), vers  1450,  mort  en  1515.  Il 
fit  ses  études  à  Caen,  et  y  devint  successivement 
maître  es  arts,  greffier  de  la  cour  des  privilèges 
apostoliques,  et  recteur  de  l'université,  à  laquelle 
il  fit  de  riches  legs.  On  a  de  lui  :  Des  Droits  et 
Privilèges  des  Docteurs  ;  —  louange  du  Ma- 
riage et  des  Femmes  vertueuses  ;  —  Sur  la 
Vie  contemplative;  —  Exhortation  à  la  Vie 
active;  —  Historique  de  l'Université  de  Caen. 
Ces  ouvrages,  qui  ont  eu  plusieurs  éditions,  ont 
paru  en  latin  et  en  français  presque  simulta- 
nément. L — z — E. 

Huet,  Traité  des  Origines  de  Caen.  2e  édit.  p.  413.  — 
Moréri,  ie  Grand  Dictionnaire  Historique. 

le  monnier  (  Pierre),  voyageur  flamand, 
né  dans  la  Pévèle,  près  Lille,  en  1552,  mort  après 
1615.  Il  posséda  longtemps  la  charge  de  notaire 
à  Lille.  Le  10  mars  1G09,  il  partit  pour  l'Italie, 
traversa  la  France,  s'arrêta  à  Rome,  à  Naples,  et 
revint  par  l'Allemagne.  De  retour  en  juin  1610,  il 
quitta  le  notariat  pour  se  faire  maître  d'école.  On 
a  de  lui  une  relation  de  son  voyage  intitulée  : 
Mémoires  et  Observations  remarquables  d'é- 
pitaphes,  tombeaux ,  colosses ,  obélisques, 
arcs  triomphaux,  dictiers,etinscriptions,etc, 
tant  du  royaume  de  France,  duché  et  comté 
de  Bourgogne,  Savoye,  Piedmont,  que  d'I- 
talie et  d'Allemagne;  Lille,  1614,  in-12.  Le 
Monnier  a  donné  dans  son  livre  des  particula- 
rités assez  curieuses  et  un  grand  nombre  d'ins- 
criptions aujourd'hui  perdues.  A.  de  L. 

Piquot,  Mém.  pour  servira  Vhist.  des  Pays-Bas, 
t.  III,  p.  300-302. 

LE  monnier  (Pierre),  astronome  français, 
né  à  Saint-Sever,  près  de  Vire  (Normandie),  en 
1675,  et  mort  le  27  novembre  1757.  Professeur 
de  philosophie  au  collège  d'Harcourt,  il  devint 
en  1725  membre  de  l'Académie  des  Sciences,  et 
observa  à  Paris,  le  1er  août  1736,  l'immersion 
d'Aldebaran  à  3h  41'  42".  C'est  cette  observa- 
tion qui  servit  à  déterminer  la  longitude  deTor- 
néo.  On  a  de  lui  :  Cursus  Philosophie;  Paris, 


621 

1750,  6  vol  in-12.  On  y  trouve  plus  de  géo- 
métrie que  n'en  comprenait  alors  l'enseigne- 
ment pratiqué  dans  les  écoles;  —  Premières 
observations  faites  par  ordre  du  roi  pour 
reconnaître  la  distance  terrestre  entre  Pa- 
ns et  Amiens;  Paris,  1757,  in-8u;  —  Traités 
élémentaires  de  Mathématiques,  dictés  en 
.  l'université  de  Paris,  1758,  in-8°,  ouvrage  pos- 
thume et  anonyme.  J — b. 

Lalande,  Bibliographie  Astronomique. 

le  monnier  {Pierre-Charles),  célèbre  as- 
tronome français,  fils  du  précédent,  né  à  Paris, 
le  23  novembre  1715,  et  mort  àHéricprès  Bayeux, 
le  31  mai  1799.  A  seize  ans  il  observait  déjà 
l'opposition  de  Saturne,  et  fut  reçu  à  vingt-et-un 
ans  à  peine  à  l'Académie  des  Sciences,  à  la- 
quelle il  avait  présenté,  en  1735,  une  nouvelle 
figure  de  la  lune  avec  la  description  de  ses  ta- 
ches. Il  accompagna  Maupertuis  dans  son  ex- 
pédition scientifique  vers  le  cercle  polaire.  Dans 
les  Mémoires  de  1738,  il  remit  en  honneur  la 
méthode  de  Flamsteed,  méthode  ingénieuse ,  à 
laquelle  on  doit  toute  la  précision  qu'il  y  a 
dans  les  tables  du  Soleil  et  dans  les  positions 
des  étoiles.  Les  premières  observations,  en 
1740,  fuient  faites  dans  la  tour  de  Pascal  au 
nord  du  collège  d'Harcourt.  Deux  ans  après,  le 
roi  lui  donna  un  logement  aux  Capucins  de  la 
rue  Saint-Honoré,  qu'il  a  occupé  jusqu'à  la  révo- 
lution. En  1741  il  l'ut  à  la  séance  publique  de 
rentrée  le  projet  d'un  nouveau  catalogue  d'étoiles 
zodiacales,  et  il  présenta  une  nouvelle  carte  du 
zodiaque.  Il  n'a  publié  que  565  étoiles  ;  mais  on 
en  a  trouvé  beaucoup  dans  ses  manuscrits.  Ce 
fut  encore  lui  qui  détermina  le  premier  les  chan- 
gements des  réfractions  en  hiver  et  en  été  ;  il  en- 
treprit aussi  de  corriger  les  catalogues  des  étoiles 
et  de  bien  déterminer  la  hauteur  du  pôle  de 
Paris.  En  1741  il  introduisit  en  France  l'instru- 
ment des  passages,  dont  on  n'avait  point  encore 
fait  usage  à  l'Observatoire,  et  que  Graham ,  cé- 
lèbre horloger  de  Londres,  avait  exécuté.  Quel- 
que temps  après ,  il  essaya  de  dissiper  le  pré- 
jugé qui  régnait  encore  en  France  sur  les  co- 
mètes; il  annonça,  dans  une  séance  publique  de 
l'Académie,  que  la  comète  qui  paraissait  alors 
avait  un  mouvement  rétrograde.  En  1743  il  fit 
à  Saint-Su lpice  une  grande  et  belle  méridienne 
où  il  plaça  un  objectif  de  80  pieds  de  foyer. 
On  savait  que  Saturne  devait  avoir  des  inégalités 
considérables  causées  par  l'attraction  de  Jupiter; 
Le  Monnier  les  détermina  par  un  grand  travail 
l'ait  sur  les  observations  de  Saturne ,  calculées 
avec  un  soin  et  une  habileté  rares.  L'Académie 
proposa  ces  inégalités  pour  le  sujet  du  prix  de 
1748.  La  pièce  d'Euler,  qui  remporta  le  prix, 
justifia  le  travail  de  Le  Monnier.  En  1748  Le 
Monnier  visita  l'Angleterre  :  il  alla  jusqu'en 
Ecosse  avec  Short  et  lord  Maclesfied  pour  ob- 
server l'éclipsé  du  25  juillet,  qui  devait  y  être 
presque  annulaire;  il  eut  la  satisfaction  de  me- 
surer le  diamèfre  de  la  Lune  sur  le  disque  même 


LE  MONNIER  622 

du  Soleil.  Professeur  au  Collège  de  France ,  Le 
Monnier  expliqua  le  premier  la  théorie  analy- 
tique de  l'attraction.  La  Lune  était  le  principal 
objet  des  travaux  de  Le  Monnier.  Il  fallait  tout 
le  zèle  dont  il  était  animé  pour  s'assujettir  à  se 
lever  toutes  les  nuits  à  quelque  heure  qu'arrivât 
le  passage  de  la  Lune  au  méridien.  Il  est  le  pre- 
mier qui  ait  fait  des  boussoles  propres  à  bien  dé- 
terminer la  déclinaison  de  l'aiguille  au  moyen 
d'une  lunette.  Les  observations  météorologiques 
l'occupèrent  aussi;  il  reconnut  le  premier  l'in- 
fluence de  la  Lune  sur  l'atmosphère.  Louis  XV  l'ai- 
mait beaucoup,  et  lui  faisùt  un  accueil  distingué. 
Plus  d'une  lois  on  vit  le  roi  sortir  de  son  cabinet 
pour  appeler  Le  Monnier.  Il  fut  nommé  membre 
de  l'Institut  lors  de  la  formation  de  ce  corps  sa- 
vant. On  a  de  lui  :  Histoire  céleste;  1741,  in-4°; 

—  La  Théorie  des  Comètes ,  où  l'on  traite  du 
progrès  clé  cette  partie  de  V astronomie;  1743, 
in-8°;  —  Institutions  astronomiques;  1746, 
in-4°.  C'est  un  des  meilleurs  ouvrages,  a  dit  La- 
lande, qu'on  ait  faits  en  français  sur  l'astronomie 
élémentaire  ;  en  réalité  c'est  une  traduction  de 
Keill,  mais  améliorée;  —  Observations  de  la 
Lune,  du  Soleil  et  des  É  toiles  fixes  ;  1751, 
in-fol.  :liv.II,  1754,  liv.  III,  1759,  liv.  IV,  1775; 

—  Lettre  sur  la  Théorie  des  Vents,  spéciale- 
ment sur  le  vent  de  l'équinoxe  ;  1754,  iii-8"; 

—  Nouveau  Zodiaque  réduit  à  l'année  1755; 
Paris,  in-8°;  —  Premières  Observations  faites 
par  ordre  du  roi  pour  la  mesure  du  Degré 
entre  Paris  et  Amiens;  1757,  in-8°;  —  As- 
tronomie nautique  lunaire,  où  l'on  traite  de 
la  latitude  et  de  la  longitude  en  mer  ;  1771, 
in-8°  ;  —  Exposition  des  moyens  les  plus  fa- 
ciles de  résoudre  plusieurs  questions  dans 
l'art  de  la  navigation  ;  1772,  in-8°;  —  Essai- 
sur  les  Marées  et  leurs  effets  aux  grèves  du 
Mont  Saint- Michel;  1774,  in-8°;  —  Descrip- 
tion et  Usage  des  principaux  Instruments 
d'asti onomie;  1774,  in-fol.;  —  Lois  du  Ma- 
gnétisme, 1776,    in-8°;  2e  partie,  1778,  in-8»; 

—  Traité  de  la  construction  des  vaisseaux 
par  Chapmanjtrad.  du  suédois,  1779,  in-fol.;  — 
Mémoires  concernant  diverses  questions  d'As- 
tronomie; 1781,  1784,  in-4°,  etc.         Jacob. 

Lalande ,  Bibliographie. 

le  JMOftiMEU  {Louis- Guillaume),  médecin  et 
naturaliste  français,  frère  du  précédent,  né  à  Paris, 
le  27  juin  1717,  et  mort  à  Monlreuil(  faubourg  de 
Versailles),  le  7  septembre  1799.  A  vingt-deux  ans, 
il  accompagna  Cassini  de  Thury  et  Lacaille,  qui 
allèrent  en  1739  dans  le  midi  de  la  France  pour  y 
prolonger  ia  méridienne  de  l'Observatoire, il  re- 
cueillit les  observations  de  physique  qui  se  présen- 
tèrent sur  leur  route.  Il  décrivit  les  mines  d'o- 
cre,de  houille,  de  fer,  d'antimoine  et  d'amé- 
thyste de  l'Auvergne  et  les  eaux  minérales  du 
mont  Dore.  Reçu  médecin,  il  fut  attaché  en  1738 
à  l'infirmerie  de  Saint-  Germain  -en- Laye.  Un 
jardinier  fleuriste,  nommé  Richard  ,  avait  ras- 
semblé, par  goût  et  par  spéculation,  un  grand 


623 


LEMOJNNIER 


624 


nombre 'de  plantes  étrangères;  Le  Monnier  se 
plut  à  disposer  ces  plantes  suivant  le  système 
de  Linné.  Le  duc  d'Aven,  qui  visitait  quelquefois 
le  jardin  de  Richard ,  y  rencontra  Le  Monnier. 
Les  entretiens  du  jeune  savant  inspirèrent  bientôt 
le  goût  de  la  botanique  au  grand  seigneur  et 
par  suite  à  Louis  XV,  dont  le  duc  était  le  favori. 
Le  roi  voulut  lui-même  voir  et  entendre  Le  Mon- 
nier. Dès  ce  moment,  ce  dernier  obtint  du  mo- 
narque des  marques  d'une  affection  qui  se  chan- 
gea en  véritable  faveur.  Appelé  à  la  cour,  il  fut 
nommé  à  la  chaire  de  botanique  du  Jardin  du  Roi, 
que  la  mort  de  Jussieu  l'atné  laissait  vacante;  il  ob- 
tiut  aussi  la  survivance  de  la  charge  de  premier 
médecin  ordinaire  du  roi,  dont  il  devint  titulaire 
après  Quesnay,et  qu'il  conserva  sous  Louis  XVI. 
Ce  fut  lui  qui  présenta  à  LouisXVRernardde  Jus- 
sieu pour  avoir  soin  du  jardin  de  Trianon.  Plus 
tard  il  choisit  le  neveu  de  Bernard,  le  célèbre  Lau- 
rent de  Jussieu ,  pour  suppléant  au  Jardin  des 
Plantes,  et  finit  par  lui  céder  sa  place.  Le  Monnier 
sut  profiter  du  goût  de  Louis  XV  pour  la  botanique 
et  de  son  crédit  à  la  cour,  et  à  l'Académie  pour 
faire  envoyer  dans  toutes  les  parties  du  monde 
des  voyageurs  éclairés  chargés  d'en  rapporter 
des  plantes.  Lui-même  parcourut  l'intérieur  de 
la  France.  En  1775  il  fit  quelques  herborisations 
avec  J.-J.  Rousseau.  Le  Monnier  aurait  pu  se 
placer  au  rang  des  plus  célèbres  botanistes;  mais, 
comme  son  ami  Bernard  de  Jussieu,  il  n'écrivit 
point  sur  cet  objet  de  ses  études.  On  lui  doit  l'in- 
troduction de  la  belle-de-nuit  à  longues  fleurs  {Mi- 
rabilis longiflora  ),  et  du  faux  acacia  à  fleurs 
couleur  de  rose  (  Robïnia  hispida). 

Premier  médecin  de  Louis  XVI  depuis  1782, 
Le  Monnier  n'accepta  aucun  honoraire  pour  les 
soins  qu'il  donnait  aux  particuliers.  Ce  fut  à  son 
extérieurimposant  et  aux  services  qu'il  avaitren- 
dus  à  des  hommes  du  peuple  qu'il  dut  la  vie  dans 
la  journée  du  10  août  1792.  Il  se  trouvait  au 
château ,  dans  sa  chambre,  lorsque  la  foule  se 
précipita  dans  les  appartements  en  proférant  des 
cris  de  mort.  Déjà  il  se  préparait  à  une  triste 
fin,  lorsqu'un  inconnu  sans  arme  l'apostrophe 
d'une  voix  dure  et  lui  ordonnede  le  suivre.  «  Mais 
lecombat  dure  encore,  ditLeMonnier.  — Ce  n'est 
pas  le  moment  de  craindre  les  balles  »,  répond 
l'inconnu ,  et  il  l'entraîne  au  milieu  des  morts. 
Son  conducteur,  sans  dire  mot,  le  conduit  jus- 
qu'à son  logement  au  Luxembourg.  Chemin  fai- 
sant, il  lui  apprit  qu'il  était  un  ancien  militaire 
engagé  par  ses  opinions  politiques  à  diriger  une 
partie  de  l'attaque,  et  que,  frappé  de  son  air  vé- 
nérable, il  s'était  intéressé  à  lui.  C'est  à  la  suite 
de  ces  événements  qu'on  vit  ce  vieillard  presque 
sans  fortune  établir  une  boutique  d'herboriste  à 
Montrcuil  et  y  recevoir  gaîment  un  modique  sa- 
laire des  hommes  auxquels  il  avait  si  souvent 
prodigué  ses  soins  et  son  or;  cependant  ses 
arftis,  il  faut  le  dire,  ne  l'abandonnèrent  pas. 
Deux  de  ses  nièces  faisaient  tour  à  tour  le 
charme  de  cette  société.  Aussi  répctait-il  sou- 


vent :  «  Mes  dernières  années  ont  été  les  plus  heu- 
reuses. »  La  plus  jeune'  voulut  l'épouser  :  dès 
lors  elle  ne  le  quitta  plus  pendant  dix  mois  d'une 
maladie  douloureuse.  Lors  de  la  formation  de 
l'Institut,  il  tut  nommé  seulement  associé  parce 
que  son  séjour  hors  de  Paris  ne  permettait  pas 
de  le  déclarer  membre  résidant.  On  a  de  Lc- 
monnier  :  Ergo  cancer  ulceratus  cicutam  élu- 
dit?  1763,  in-4°;  —Leçons de  Physique  expé- 
rimentale sur  Véquilibre  des  liquides,  etc., 
traduit  de  l'anglais,  1742;  —  Lettre  sur  la  Cul- 
ture du  Café;  Amsterdam  et  Paris,  1773,  in-12; 
et  plusieurs  Mémoires,  dans  le  Recueil  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  1744  à  1752.      Jacob. 

Éloge  de  Le  Monnier,  dans  les  Mémoires  de  l'Institut, 
an  ix,  tome  lit. 

lkmox  m  eu  (Guillaume- Antoine),  fabuliste 
et  traducteur  français,  né  à  Saint-Sauveur-Ie-Vi- 
comte,  en  1721,mortàParis,le  4  avril  1797. 11  fit 
ses  études  au  collège  de  Coutances  et  au  collège 
d'Harcourt  à  Paris.  Chapelain  de  la  Sainte-Cha- 
pelle en  1743,  il  obtint  plus  tard  une  cure  en 
Normandie.  Pendant  la  révolution,  il  fut  arrêté, 
conduit  à  la  prison  de  Sainte-Marie-duMont,  et 
amené  à  la  prison  de  Sainte-Pélagie  à  Paris. 
Rendu  à  la  liberté  après  le  9  thermidor,  il  était 
sans  ressource  lorsque  la  Convention  le  mit  sur 
la  liste  des  gens  de  lettres  à  qui  elle  accorda  des 
secours.  Letonrneur  de  la  Manche  le  fit  nommer 
bibliothécaire  du  Panthéon.  On  a  de  lui  :  Le  Bon 
Fils,  ou  Antoine  Masson,  pièce  dont  Philidor  fit  la 
musique  et  qui  fut  représentée  au  Théâtre-Italien, 
en  1773,  sous  le  nom  de  Devaux;  Paris,  1773; 

—  Comédies  de  Térence ,  traduites  enfrançais, 
avec  le  texte  en  regard;  Paris,  1770,  3  vol. 
in-8°  avec  fig.;  —  Satires  de  Perse,  traduites 
en  français,  Paris,  1771,in-8°; — Fables,  Contes 
et  Épltres;  Paris,  1773,  in-S".  Ses  Fables  ont 
joui  d'un  succès  mérité.  J.  V. 

Mulot,  Notice  sur  la  vie  de  Lemonnier  ;  1797,  ln-8".  — 

—  Descssarls,  Les  Siècles  Littér.  de  la  France.  —  Qué- 
rard,  La  France  JAttér. 

lkmoxsîkr  (Pierre- René),  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Paris,  en  1731,  mort  à 
Metz,  le  8  janvier  1796.  Il  fut  secrétaire  du  ma- 
réchal de  Maillebois,  puis  commissaire  des 
guerres.  On  a  de  lui  :  Les  Pèlerins  de  la  Cour- 
tille,  parodie  jouée  à  l'ancien  Opéra-Comique; 
1760;  —  Le  Maître  en  Droit,  opéra  comique 
en  deux  actes,  joué  à  l'Opéra-Comique  ;  1760, 
in-8°  ;  —  Le  Cad)  dupé ,  opéra  comique  en  un 
acte,  joué  à  l'Opéra-Comique;  1761,  in-8°;  — 
La  Matrone  chinoise,  comédie  en  deux  actes 
mêlée  d'ariettes,  jouée  au  Théâtre-Italien; 
1764,  in  8°;  —  Renaud  d'Ast,  comédie  en 
deux  actes,  mêlée  d'ariettes,  tirée  d'un  conte  de 
La  Fontaine,  jouée  au  Théâtre-Italien  ;  1765, 
in-8°;  —  La  Meunière  de  Gentilly ,  opéra 
comique  en  un  acte,  joué  au  Théâtre-Italien; 
1768,  in  8°;  —  Le  Mariage  clandestin,  comé- 
die en  trois  actes  et  en  vers  libres ,  imitée  de 
Garrick,  représentée  au  Théâtre-Français;  Ams- 
terdam et  Paris,  1768,  in-8°  ;  —  V  Union  de  VA* 


j  J625  LEM0NN1ER 

|  \tnour  et  des  Arts,  ballet  héroïque  à  trois  entrées, 

I  ijoué  à  l'Académie  royale  de  Musique;  1773,  in-4°; 
\  L*  Azolan,  ou  le  serment  indiscret,  ballet  hé- 
|  j  roïque  en  trois  actes,  tiré  d'un  conte  en  vers  de 

I I  Voltaire  et  joué  à  l'Opéra;  1774,  in-4°.    J.  V. 
I     Biogr.  vniv.  et  port,  des  Contemp.  —  Quérard,  La 

M  France  Litter. 

lemowier  (Ancinet-  Charles-Gabriel) , 
I  peintre  français,  né  à  Rouen,  le  0  juin  1743, 
j  mort  à  Paris,  le  17  août  1824.  Il  fit  ses  études  au 
I  collège  des  jésuites  de  sa  ville  natale.  Ses  parents 

I  le  destinaient  au  commerce;  mais,  cédant  à  une 
j  vocation  marquée,  il  vint  à  Paris  étudier  la  pein- 
ture à  l'école  de  Vien.  Il  s'y  trouva  condisciple 
de  David  et  de  Vincent,  à  côté  desquels  il  fit 

I  de  rapides  progrès.  Dans  sa  jeunesse,  il  fut  admis 
I  chez,  MmeGeoffrin,  qui  l'avait  pris  en  affection  jus- 
qu'à le  tutoyer.  En  1770,  Lemonnier  remporta  le 
grand  prix  de  peinture  sur  le  sujet  As  Molière  et 
sa  famille.  Il  composa  ensuite,  d'après  les  ordres 
du  gouvernement,  la  Résurrection  de  Tabithe , 
tableau  qui  orne  l'ancienne  cathédrale  deLisieux. 

II  se  rendit  à  Rome,  en  1774,  en  qualitéde  pension- 
naire de  l'Académie  de  France.  Il  parcourut  l'I- 
talie, et  setrouvaità  Naplesen  1779,  époqued'une 
fameuse  éruption  du  Vésuve ,  dont  il  reproduisit 
plusieurs  épisodes.  Plus  tard  il  fit  un  second  voyage 
à  Rome,  et  fut  bien  accueilli  par  le  cardinal  de  Ber- 
nis,  ambassadeur  de  France.  De  retour  à  Paris, 
Lemonnier  exposa  au  salon  de  1785  son  tableau  de 
Saint  Charles  Borromée,  portant  les  secours 
de  lareligion  aux  pestiférés  de  Milan.  «Toutes 
les  expressions  de  ce  tableau,  dit  Landon,  sont 
pleines  de  sentiment,  et  les  différentes  parties  de 
l'art  répondent  à  l'intérêt  du  sujet.  »  Le  tableau  de 
Cléombrote  fut  exposé  au  salon  de  1787.  «  Cet  ou- 
vrage, ajoute  Landon,  l'un  des  plus  capitaux  de 
Lemonnier,  est  recommandable  par  le  goût  de  la 
composition,  l'expression  des  personnages  et  la 
fermeté  du  pinceau.  «  Deux  fois  exécuté  en  tapis- 
serie ,  il  est  maintenant  placé  dans  le  château  de 
Versailles.  David  dit,  en  voyant  le  Cléombrote  : 
«  Voilà  un  tableau  d'excellent  professeur.  »  En 
1786,  Louis  XVI  passa  par  Rouen,  à  son  retour 
de  Cherbourg,  où  il  était  allé  visiter  les  construc- 
tions de  ce  port.  Les  notables  commerçants  de 
la  ville  de  Rouen  furent  présentés  au  roi ,  qui 
leur  fit  un  gracieux  accueil.  La  chambre  du 
commerce,  voulant  perpétuer  la  mémoire  de  cet 
événement ,  invita  Lemonnier  à  le  retracer  sur  la 
toile.  Ce  grand  tableau,  composé  de  vingt-deux 
figures,  la  plupart  vêtues  de  noir,  fut  exposé  au 
salon  du  Louvre,  en  1789;  il  fut  ensuite  placé 
dans  la  salle  des  séances  de  la  chambre  du  com- 
merce de  Rouen,  où  on  le  voit  aujourd'hui.  Les 
traits  de  Louis  XVI  ont  été  fidèlement  rendus 
par  l'artiste,  qui  avait  obtenu  une  séance  du  roi. 
Autour  de  ce  prince  sont  placés,  le  duc  d'Har- 
court,  gouverneur  de  la  Normandie,  le  maré- 
chal de  Castries,  ministre  de  la  Marine,  M.  de 
Villedeuil ,  intendant  de  la  province ,  et  plusieurs 
autres  personnes  de  la  cour.  Seize  membres  de 


«26 

la  chambre  du  commerce,  habilement  groupés, 
sont  peints  avec  vérité.  Sous  le  rapport  de  l'art, 
pour  l'entente  du  clair-obscur,  l'harmonie  des 
lignes    et  des  plans,    ce   sujet   présentait    de 
grandes    difficultés,   qui  ont   été  heureusement 
surmontées.  Le  Génie  du  Commerce,  allégorie, 
ligure  en  face  de  la  présentation  de  la  chambre 
du  commerce   à  Louis  XVI,  et  dans  la  môme 
salle.  Cette  grande  toile,  de  vingt-six  pieds  de 
longueur,  sur  quatorze   pieds  de    hauteur,  ne 
fut  terminée  qu'en  1791.  Lemonnier  était  membre 
de  l'Académie  royale  de  Peinture  depuis  1789. 
La    Mort   d'Antoine    lui   fournit  le    sujet  de 
son  morceau  de  réception.  Logé  au  Louvre  du- 
rant la  révolution,   il  fit  partie  de  la  commis- 
sion des  monuments,  ce  qui  le  mit  à  même  de 
conserver  une  foule  d'objets  précieux.  En  1794 
le  comité  d'instruction  publique  ayant  organisé 
l'École  de  Médecine  de  Paris ,  Lemonnier  fut 
choisi  pour  remplir  l'emploi  de  peintre-dessina- 
teur de   cette  école  :  elle  lui  doit  quatre  beaux 
portraits  et  beaucoup  de  dessins  où  des  bizar- 
reries de  la  nature  sont  fidèlement  retracées.  Les 
Ambassadeurs  romains  venant  demander  à 
l'Aréopage  communication  des  loisdeSolon  : 
tel  est  le  sujet  d'un  des  bons  tableaux  de  Lemon- 
nier, qui  fut  exposé  au  salon  de  1808.  L'année 
suivante,   la  place  de  directeur  de  l'académie 
française  de  Rome  se  trouvant  vacante,  Lemon- 
nier se  mit  sur  les  rangs.  II  obtint  la  majorité  des 
voix,  dans  la  classe  des  Beaux-Arts  de  l'Institut; 
mais  un  autre  fut  choisi  par   le  chef  de  l'État. 
Pour  dédommager  Lemonnier,  on  le  nomma,  en 
1810,  administrateur  de  la  Manufacture  des  Ta- 
pisseries de  la  couronne.  Pendant  les  six  années 
qu'il  dirigea  cet  établissement,  il  fit  faire  des 
progrès  à  l'art  de  la   tapisserie,  et  c'est  durant 
son  administration   que  les  Gobelins  ont  fourni 
quelques-uns  de  leurs  plus  beaux  ouvrages, 
notamment,  La  Peste  de  Jaffa,  d'après  Gros. 
Lemonnier    avait   reçu    en  1814   la  croix   de 
la  Légion  d'Honneur.  Il  fut  destitué  au  mois 
de  mai   1816,  sans  motif  connu,  sans  égard 
pour  son  âge  avancé  et  ses  longs  travaux.  Peu 
d'années  après,  la  ville  de  Rouen  protesta  contre 
cette  inj  ustice  en  lui  votant  une  somme  de  3,000  fr. 
de  rente.  L'artiste  ne  voulut  pas  se  laisser  vaincre 
en    générosité ,  et  fit  hommage  au  muséum  de 
cette  cité  d'un  de  ses  tableaux  de  grande  dimen- 
sion, représentant  Les  Adieux  d'Ulysse  et  de 
Pénélope  à  Icarius,  qui  avait  figuré  avec  dis- 
tinction à  l'exposition  de  1811.  Le  muséum  de 
Rouen,  qui  a  été  organisé  par  Lemonnier,  contient 
douze  de  ses  ouvrages,  dont  les  plus  remarqua- 
bles sont  :  La  Peste  de  Milan,  une  Mission  des 
Apôtres,   Jésus-Christ  dans  la  Synagogue, 
un  Sinite  parvulos  venire  ad  me,  etc.  Tous  ces 
tableaux  se  distinguent  par  de  beaux  caractères 
de  tète,  par  la  noblesse  des  expressions  et  par 
une  grande  manière  de  draper.  Quelque  temps 
avant  la  chute    de  l'empire,  Lemonnier  avait 
exécuté  pour  l'impératrice  Joséohine  son  tableau 


627 


LE  MONNIER 


d'Une  Soirée  chez  madame  Geoffrin  (  gravé  par 
Jazet).  Il  entreprit  fie  lui  donner  deux  pendants  : 
D'une  nain  octogénaire,  mais  guidée  encore  par 
un  génie  plein  de  verdeur,  il  peignit  Fran- 
çois Ier  recevant  à  Fontainebleau,  clans  la 
galerie  (le  Diane,  La  Sainte  Famille  de  Ra- 
phaël (gravé  par  Debucourt),  et  Louis  XIV 
assistant,  dans  le  parc  de  Versailles,  à  l'in- 
auguration de  la  statue  de  Milon  de  Cro- 
tone,  du  Puget.  Ces  trois  sujets  avaient  pour 
principale  donnée  de  rassembler  les  personnages 
qui  ont  illustré  le  siècle  où  les  arts  et  les 
lettres  ont  jeté  te  plus  grand  éclat  en  France.  Le 
prince  Eugène  acquit  ces  tableaux  pour  sa  gale- 
rie de  Munich,  et  une  médaille  d'or,  à  son  ef- 
figie, exprima  sa  satisfaction  à  l'auteur.  La  Lec- 
ture chez  Mm0  Geojfiin  offre  un  intérêt  tout 
particulier.  Le  peintre  avait,  connu  la  plupart 
des  personnages  célèbres  qu'on  y  voit  figurés, 
et  les  avait  encore  si  bien  présents  à  la  mémoire 
qu'on  peut  dire  qu'il  les  peignit  d'après  nature. 
Non-seulement  il  a  copié  les  traits  de  leur  phy- 
sionomie, mais  encore  il  a  pu  exprimer  les  ha- 
bitudes de  leur  corps  et  ces  riens  qui  sont  tout 
pour  la  ressemblance.  Près  de  soixante  figures, 
groupées  autour  de  Le  Kain  et  de  Mlle  Clairon, 
qui  lisent  une  tragédie  de  Voltaire,  remplissent 
sans  confusion   un  cadre  assez  étroit. 

A.  de  Lacaze. 
Landon,  Annales  du  Minée,  t.  X,  p  41  et  i3;î.  —  Mer- 
cure de  France,  25  juin  1791.  —  Lemo:inier  fils,  Notice 
historique  sur  la  vie  et  les  ovvrwjes  de  A.-C.  G,  Lemon- 
nier;  Pari>,  I824.in-S°. 

lemontey  (  Pierre-Edouard),  historien  et 
publiciste  français,  né  à  Lyon,  le  14  janvier  1762, 
mort  à  Paris,  le  26  juin  1826.  Ses  parents,  qui 
étaient  des  commerçants,  lui  firent  faire  de  bonnes 
études,  et  le  destinèrent  au  barreau.  Il  l'ut  reçu 
avocat  à  Lyon,  en  1782,  et  exerça  cette  profession 
jusqu'au  moment  de  la  révolution.  Il  se  livra 
en  même  temps  à  son  goût  naturel  pour  les  let- 
tres., et  obtintdeux  prix  à  l'Académie  de  Marseille, 
l'un  pour  Y  Éloge  de  Peiresc,  l'autre  pour  VÉ- 
loge  de  Coo/t,  en  1789.  Vers  la  même  époque,  il 
mit  sa  plume  au  service  des  protestants,  qui  ré- 
clamaient contre  les  restrictions  de  l'édit  de 
1787.  Cet  acte  royal  leur  accordait  l'état  civil, 
mais  les  excluait  des  fonctions  publiques.  Le- 
montey combattit  cette  exclusion  ,  et  demanda 
que  les  protestants  pussent  être  électeurs  et  éli- 
gibles  aux  états  généraux.  La  question  fut  en 
effet  résolue  en  ce  sens  par  l'administration 
qu'inspirait  Necker.  Le  jeune  avocat  était  grand 
admirateur  du  ministre  ,  et  il  eut  lapins  grande 
part  à  la  rédaction  de  l'adresse  que  la  ville  de 
Lyon  envoya  à  Louis  XVI  pour  demander  le 
rappel  de  Necker.  ■<  Nous  avons  un  Henri  IV,  y 
était-il  dit,  il  nous  faut  un  Sully.  »  Ce  langage 
était  sincère  dans  la  bouche  de  Lemontey,  qui 
avait  toutes  les  idées  de  son  temps ,  qui  détestait 
les  abus  de  l'ancien  régime,  mais  qui  ne  s'aban- 
donnait pas  aux  passions  révolutionnaires.  Son 
talent  et  ses  opinions  modérées  le  désignaient  aux 


—  LEMONTEY  628 

suffrages  de  ses  concitoyens.  D'abord  nommé 
membre  du  comité  qui  remplaça  en  1789  les  an- 
ciennes autorités  de  Lyon ,  il  fut  appelé  quelques 
mois  après  à  la  place  de  procureur  de  la  com- 
mune, qu'il  conserva  jusqu'à  son  élection  à  l'As- 
semblée législative  comme  député  de  Rhône-et- 
Loire.  Il  fit  partie  de  la  minorité  modérée  de 
cette  assemblée,  dont  il  fut  élu  président  en  dé- 
cembre 1791;  mais  ses  efforts  et  ceux  de  ses 
collègues  pour  défendre  la  monarchie  constitu- 
tionnelle de  1790  furent  inutiles,  et  après  l'insur- 
rection du  10  Août,  il  crut  prudent  de  se  sous- 
traire par  l'exil  à  la  colère  des  vainqueurs.  Il 
passa  en  Suisse  tout  le  temps  de  la  terreur,  et  ne 
revint  à  Lyon  qu'en  1795.  Nommé  administra- 
teur du  district,  il  usa  de  son  influence  en  faveur 
des  Lyonnais  qui  s'étaient  dérobés  par  la  fuite 
aux  vengeances  révolutionnaires  de  1793,  et 
obtint  pour  beaucoup  d'entre  eux  leur  radiation 
de  la  liste  des  émigrés  et  la  restitution  de  leurs 
biens.  En  1797  il  vint  s'établir  à  Paris,  et  se  con- 
sacra aux  lettres.  Un  petit  opéra,  intitulé  Palma, 
ou  le  voyage  en  Grèce,  qu'il  fit  jouer  sur  le 
théâtre  Feydeau,  au  mois  d'août  1798,  eut  beau- 
coup de  succès,  grâce  à  la  musique  de  Plantade 
et  à  des  allusions  contre  le  vandalisme  de  la  ter- 
reur. Son  second  opéra,  Romagnesi,  réussit 
moins,  et  l'auteur  abandonna  un  genre  qui  ne  lui 
convenait  pas.  En  1801  il  publia  Raison  et  Folie, 
piquant  recueil  de  mélanges  qui  contient  des 
morceaux  remarquables,  entre  autres  Les  Cour- 
tisans; Quelle  Journée  !  ou  les  sept  Femmes; 
Les  Poulets  sacrés  ;  Influence  morale  de  la  di- 
vision du  travail.  On  trouve  dans  ces  divers 
essais  des  idées,  de  l'observation,  de  l'esprit,  de 
la  verve  satirique;  il  ne  leur  manque,  pour  rap- 
peler les  mélanges  de  Voltaire,  qu'un  style  plus 
léger,  une  gaité  plus  facile,  plus  d'imprévu  et  de 
grâce  dans  la  plaisanterie.  Lemontey  était  un 
écrivain  de  beaucoup  de  sens  et  de  savoir,  un 
moraliste  caustique  ;  il  n'était  pas  dénué  d'ima- 
gination, mais  il  eut  toujours,  surtout  dans  les 
sujets  légers,  quelque  chose  de  lourd  et  de  vul- 
gaire. Ces  défauts  sont  sensibles  dans  une  suite 
de  Raison  et  Folie,  qu'il  publia  sous  le  titre  des 
Observateurs  de  la  Femme,  opusculequi  abonde 
d'ailleurs  en  traits  piquants  et  en  réflexions 
fines.  On  trouve  les  mêmes  défauts,  mais  sans 
aucune  qualité,  dans  trois  ouvrages  de  circons- 
tances qu'il  écrivit  pour  reconnaître  les  faveurs 
de  l'empereur  Napoléon.  Malgré  sa  fortune,  qui 
lui  permettait  de  vivre  indépendant,  malgré  des 
habitudes  d'économie  qui  lui  rendaient  superflue 
une  augmentation  de  fortune,  il  plia  son  humeur 
chagrine  à  solliciter  les  bienfaits  du  pouvoir. 
Nommé,  lors  de  la  création  des  droits  réunis, 
membre  du  conseil  de  cette  administration,  il 
joignit  à  cette  sinécure  la  place  de  chef  d'un 
bureau  de  poiiee  littéraire.  Enfin  il  fut  chargé, 
moyennant  une  pension  de  6,000  f.,  d'écrire  une, 
histoire  delà  France  au  dix-huitième  siècle.  Les 
archives  de.  l'État  lui  furent  ouvertes,  et  il  en 


629 

tira  les  matériaux  d'un  ouvrage  qui  ne  répond 
pas  aux intentions  du  princequi  l'avait  demandé, 
et  que  l'auteur  s'abstint  prudemment  de  publier. 


Lemontey,  sans  aucune  indépendance  dans  le  ca 
Iractère,  avait  un  certain  courage  d'esprit,  et 
I  s'il  se  montra  très-attaché  à  ses  places,  il  ne  fut 
pas  ouvertement  infidèle  à  ses  opinions  politi- 
ques. La  première  restauration  lui  donna  la 
croix  de  la  Légion  d'Honneur  et  lui  laissa  ses 
places  et  sa  pension ,  moins  le  traitement  aux 
Broits-Réunis.  Pendant  les  Cent-Jours  Fouché  le 
rappela  au  bureau  de  la  librairie.  Il  perdit  cette 
place  à  la  seconde  restauration ,  et  fut  nommé. 
un  des  examinateurs  des  ouvrages  dramatiques. 
Cet  emploi  ne  l'empêcha  pas  d'écrire  daus  les 
journaux  de  l'opposition,  Le  Constitutionnel, 
La  Minerve ,  mais  toujours  avec  assez  de  ré- 
serve pour  ne  pas  se  brouiller  avec  le  pouvoir. 
Le*  régime  libéral  de  la  restauration  lui  permit 
de  publier  divers  ouvrages  préparés  sous  l'em- 
pire, entre  autres  son  Essai  sur  l'établissement 
monarchique  de  Louis  XI  V.  Ce  livre,  fondé  sur 
des  documents  alors  peu  connus  ou  même  iné- 
dits, contient  beaucoup  de  vues  neuves  et  des 
.aperçus  d'une  grande  portée.  Lemontey  a  si- 
gnalé le  premier  que  la  véritable  originalité  du 
règne  de  Louis  XIV  consiste  dans  l'adminis- 
tration intérieure;  il  a  montré  aussi  que  la  cen- 
tralisation excessive  inaugurée  par  Louis  XIV, 
ce  roi  «  novateur  et  révolutionnaire  »,  prépara 
la  ruine  d'un  pouvoir  qu'elle  avait  rendu  d'abord 
plus  éclatant  et  plus  facile.  Son  portrait  du 
grand  roi  a  paru  sévère;  ses  réflexions  sur  le 
caractère  français  ne  sont  pas  moins  amères  ; 
mais  si  l'on  fait  la  part  d'une  certaine  rudesse 
d'expression  qui  conviendrait  mieux  à  un  mo- 
raliste satirique  qu'à  un  historien ,  on  reconnaît 
que  Lemontey  a  presque  toujours  rencontré 
juste  dans  ses  jugements.  Cet  Essai  formait 
l'introduction  d'une  Histoire  de  la  Régence  qui 
parut  après  la  mort  de  l'auteur.  On  retrouve 
dans  cet  ouvrage  le  même  esprit  pénétrant  et 
sarcastique,  les  mêmes  recherches  solides  et 
neuves.  Lemontey  fut  élu  membre  de  l'Acadé- 
mie Française  au  mois  de  mars  1819.  11  y  succéda 
à  son  compatriote  Morellet.  11  lut  dans  les 
séances  particulières  de  cette  compagnie  plusieurs 
notices  sur  des  personnages  célèbres  du  dix- 
septième  siècle  et  une  curieuse  Étude  sur  les 
origines  historiques  de  Paul  et  Virginie.  Dans 
la  séance  du  25  août  !  825,  il  prononça  Y  Éloge  de 
Vicq-d'Azyr.  Ce  fut  son  dernier  ouvrage.  Sa 
santé  s'altéra  gravement  dès  le  commencement 
de  1826,  et  au  mois  de  mai,  à  la  suite  d'une 
longue  marche  faite  par  un  temps  chaud  ,  il 
tomba  malade,  et  s'alita  pour  ne  plus  se  relever. 
On  attribua  sa  mort  à  son  avarice,  qui  l'avait 
empêché  de  prendre  une  voiture  (I).  Malgré  des 

(1)  C'est  ce  que  prétend  la  Biographie  des  frères  Mi- 
ohaud.  La  notice  imprimée  en  tête  des  OEuvres  de  lemon- 
tey donne  sur  sa  dernière  maladie  des  détails  différents 
et  curieux,  «  Dés  le  commencement  de  182G,  dit-elle,  il 


LEMONTEY  630 

habitudes  parcimonieuses  qui  se  trahissaient 
jusque  dans  ses  habits,  il  aimait  le  monde  et  il 
en  était  recherché  ;  on  a  même  prétendu  qu'il 
s'était  assuré  trois  cent  soixante  invitations  par 
an.  Du  reste,  cet  homme  si  avare  pour  lui-même 
était  obligeant  pour  les  autres,  et  on  trouva  dans 
ses  papiers  la  preuve  qu'il  avait  rendu  à  des 
amis  de  nombreux  services  pécuniaires.  Sa  for- 
tune considérable  passa  à  des  collatéraux.  On 
a  de  lui  :  Du  Droit  des  non-catholiques  aux 
états  généraux,  ou  examen  impartial  d'un 
écrit  intitulé  :  Réflexions  sur  la  question 
de  savoir  si  les  protestants  peuvent  être  élec- 
lecteurs  et  éligibles  pour  les  états  généraux  ; 
(Lyon),  1789,  in-8°;  —  Eloge  de  Jacques  Cook, 
avec  des  notes ,  discours  qui  a  remporté  le 
prix  au  jugement  de  l'Académie  de  Marseille, 
le  25  août  1789;  Paris,  1792,  in-8°  ;  —  Palma, 
ou  le  voyage  en  Grèce ,  opéra  en  deux  actes 
(prose  et  vers);  Paris,  1799,  in-8°  ;  —Raison, 
Folie,  chacun  son  mot ,  ou  petit  cours  de  mo- 
rale mis  à  la  portée  des  vieux  enfants;  Paris, 
1801,  m-80;  —  Récit  exact  de  ce  quis'est  passé 
à  la  Société  des  Observateurs  de  la  Femme, 
le  mardi  2  novembre  1802;  Paris,  1803, 
in-18.  Cet  opuscule,  dirigé  contre  une  société 
qui  s'intitulait  les  Observateurs  de  l'Homme, 
a  été  joint  à  Raison  et  Folie  dans  la  troisième  édi- 
tion, augmentée  de  quelques  dissertations  à  peu 
près  philosophiques  et  de  quatre  contes  iné- 
dits :  La  Nourriture  d'un  Prince,  ou  le  danger 
des  coutumes  étrangères;  Le  Pécheur  du  Da- 
nube; Le  Jardinier  de  Samos,  ou  le  père  du  sé- 
nat; L'Enfant  de  l'Europe,  ou  le  dîner  des 
libéraux  à  Paris,  en  1814;  Paris,  1816,  2  vol. 
in-8";  _  irons-nous  à  Paris?  ou  la  famille 
du  Jura,  roman  plein  de  vérité;  Paris, 
1805,  in-12;  —  La  Vie  du  Soldat  français,  en 
trois  dialogues,  composée  par  un  conscrit  du 
déparlement  de  l'Ardèche,  et  dédiée  à  son 
colonel;  Paris,  1805,  in-8°;  —  Thibaut,  ou  la 
naissance  d'un  comte  de  Champagne; poème 
en  quatre  chants,  sans  préface  et  sans  no- 
tes, trad.  de  la  langue  romane  sur  l'origi- 
nal composé  en  1200  par  Robert  de  Sor- 
bomie,   clerc  du  diocèse  de    Reims;  Paris, 


éprouva  divers  symptômes  fâcheux.  Cne  légère  blessure 
au  pied  eut  des  suites  plus  graves  qu'on  ne  devait  le  sup- 
poser, et  le  força  de  garder  longtemps  la  chambre.  Accou- 
tumé à  une  vie  actlve.il  se  plaignnit  souvent  du  repos 
auquel  il  était  condamné,  l'eu  de  temps  après  il  eut  une 
ophthaluiie  accompagnée  de  phénomènes  singuliers.  Un 
soir,  en  rentrant  chez  lui,  il  crut  voir  la  neige  tomber  à 
gros  flocons,  quoique  nous  fussions  au  mois  de  mars;  l'il- 
lusion était  si  complète,  qu'il  ne  cessait  de  secouer  la  pré- 
tendue neige  de  ses  habits.  Arrivé  dans  son  appartement, 
sitôt  que  ses  yeux  furent  frappes  par  la  lumière,  les  flo- 
cons de  neige  se  changèrent  en  une  multitude  de  papillons 
noirs  dont  sa  chambre  lui  parut  remplie....  Depuis  ce 
moment  il  fut  obligé  à  de  grands  ménagements  et  à  un 
régime  suivi....  Vers  la  fin  de  mai,  Il  se  rendit  à  Sceaux, 
chez  l'amiral  russe  Tzitztakoff  ;  il  y  était  depuis  quelque 
temps,  lorsqu'il  tomba  dangereusement  malade.  Il  fut  ra- 
mené à  Parlsdans  un  état  déplorable,  et  mourut  après  une 
courte  maladie.  » 


631 


LEMONTEY 


1811,  in-8"  :  ouvrage  composé  à  l'occasion  de  la 
naissance  du  fils  de  Napoléon  ;  —  Essai  sw  l'é- 
tablissement monarchique  de  Louis  XIV,  et 
sur  les  altérations  qu'il  éprouva  pendant  la 
vie  de  ce  prince,  morceau  servant  d' 'intro- 
duction à  une  histoire  critique  de  la  France 
depuis  la  mort  de  Louis  XIV,  précédé  de 
nouveaux  Mémoires  de  Dangeau,  contenant 
environ  mille  articles  inédits  sur  les  événe- 
ments, les  personnes,  les  usages,  les  mœurs 
de  son  temps,  avec  des  notes  autographes, 
curieuses,  anecdotiques  ajoutées  à  ces  mé- 
moires par  un  courtisan  de  la  même  époque; 
Paris,  1818,  in-80;—  Des  bons  Effets  de  la 
Caisse  d'Épargne  et  de  Prévoyance,  ou  trois 
visites  de  M.  Brune;  Paris,  1819,  in-12;  Lille, 
1821,  in-12;—  Élude  littéraire  sur  la  partie 
historique  de  Paul  et  Virginie ,  accompagnée 
de  pièces  officielles  relatives  au  naufrage  du 
vaisseau  Le  Saint-Géran  ;  Paris,  1 823,  in-8°  ;  — 
De  la  Précision  considérée  dans  le  style,  les 
langues  et  la  pantomime;  Paris,  1824,  in-8°; 
—  De  la  Peste  de  Marseille  et  de  la  Provence 
pendant  les  années  1720-21.  Chapitre  extrait 
d'un  ouvrage  inédit  intitulé  :  Histoire  criti- 
que de  la  France  depuis  la  mort  de  Louis  XIV; 
Paris,  1821,  in-8°  ;  —  Notices  sur  Mme  de  La 
Fayette,  M™  et  W^  Deshoulières,  lues  à  l'A- 
cadémie française ;  Paris,  l822,in-8°;  —Notice 
sur  Claude-Adrien  Helvélius;  Paris,  1823, 
in-8°;—  Notice  sur  M"*  Clairon;  Paris,  1823, 
in-8°  ;  —  Histoire  de  la  Régence  et  de  la  Mi- 
norité de  Louis  XV  jusqu'au  ministère  du 
cardinal  de  Fleury;  Paris,  1832,  2  vol.  in-8°. 
Lemontey  avait  préparé  une  édition  de  ses  Œu- 
vres, d'où  il  avait  exclu  son  petit  écrit  en  faveur 
des  protestants,  et  ses  trois  ouvrages  de  circons- 
tance sous  l'empire;  elle  parut  après  sa  mort; 
Paris,  1829,  5  vol.  in-8°  :  elle  contient,  outre  la 
plupart  des  ouvrages  cités  plus  haut,  un  certain 
nombre  de  notices  que  Lemontey  destinait  à  la 
galerie  française  savoir  :  Marguerite  de  Valois, 
reine  de  Navarre  ;  François  de  Guise,  le  Ba- 
lafré; Jeanne  d1 Albret  ;  Gaspard  de  Coligny; 
J.-A.  de  Thou.  J.-Fr.-Paul  de  Gondi ,  car- 
dinal de  Retz;  Anne-Geneviève  dît  Bourbon, 
princesse  de  Condé,  duchesse  de  Longueville  ; 
Chaulieu;  Adrienne  Découvreur.       L.  J. 

Villetuain,  Ditcours  prononcé  aux  funérailles  de  Le- 
montey. —  Btgnan ,  Notice  sur  Lemontey  ;  dans  la  Revue 
encyclopédique,  vol.  XXXI,  p.  Î82.  —  Dugas-Monlbel,  lans 
Y  Annuaire  nécrologique  de  Mahul,  année  1826.  —  notice 
en  têle  àcsOEuvres  de  Lemontey.  —  Revue  Française, 
n°  XIV,  mars  1830. 

1  LEMORT  (Jacques),  chimiste  hollandais,  né 
à  Harlem,  le  13  octobre  1650,  mortà  Utrecht,  le 
1er  mars  1718.  Destiné  par  son  père  à  l'état 
ecclésiastique,  il  étudia  d'abord  la  tbéologie  ;  plus 
lard  il  s'adonnaaux  sciences  naturelles,  et  ouvrit 
à  Leyde  un  cours  public  de  pharmacie  et  de 
chimie.  La  jalousie  des  professeurs  de  la  faculté, 
qui  le  firent  interdire  et  condamner  à  une 
amende,  le  décida  à  aller  s'établir  à  Utrecht,  où 


—  LEMOS  632 
il  obtint,  eu  1702,  la  chaire  de  chimie,  qu'il  oc- 
cupa jusqu'à  sa  mort.  On  a  de  lui  :  Chymia 
medico-physica ,  rationibus  et  experimentis 
superstructa  ;  Leyde,  1676,  in-4°;  ibid.,  1684, 
in-8°;  —  Compendium  Chymicum;  Leyde, 
1682,  in-12;  — Pharmacia  medico-Pliysica, 
rationibus  et  experimentis  instructa,  neenon 
observationibus  medicis  illustrata;  Leyde, 
1684,  in-8°;  ibid.,  1685  et  1688,  in-8°;  —Chy- 
mia rationibus  et  experimentis  auctoribus , 
iisque  demonstrativis  superstructa ,  in  qua 
malevolorum  cotumniœ  modeste  simul  di- 
luuntur;  Leyde,  1688,  in-8°;  —  Idea  aclionis 
corporum,  molum  inteslinum,  preescrlimfer- 
mentationem,  delineans  ;  Leyde,  1693,  in-12  ; 

—  Chymix  veree  Nobilitas  et  militas  in  phy- 
sica  corpusculari,  theoria  medica,  ejusque 
materie  et  signis  ;  Leyde,  1696,  in-4°;  —  De 
Concordantia  Operationum  Naturee,  chymix 
et  medicinx;  Leyde,  1702,  in-12;  —  Théorise 
medicinx  fundamenta  novanliqua;  Leyde, 
1700  et  1718,  in-8°;  —  Faciès  et  Pulchri- 
tudo  Chymix  ab  adficlis  maculis  purificata 
et  ad  veras  naturx  et  sut  artis  leges  exor- 
nata;  Londres,  1700,  in-8°;Leyde,  1712,  in-8". 

Dr  L. 
Biographie  médicale.  —  Hoefer,  IJistoirede  la  Chimie. 

lemos  (Thomas  de),  tbéologien  espagnol, 
né  à  Rivadavia,  en  Calice,  vers  1560,  mort 
le  23  août  1629.  11  entra  jeune  dans  l'ordre  de 
Saint-Dominique,  devint  professeur  de  théologie 
à  Valladolid  en  1594,  et  se  signala  par  son  zèle 
contre  le  molinisme  naissant.  Son  ordre  le 
chargea  d'aller  soutenir  à  Rome  les  doctrines 
de  saint  Augustin  et  de  saint  Thomas.  La  con- 
troverse entamée  devant  Clément  VIII  continua 
sous  Paul  V,  et  n'eut  pas  de  résultat  décisif. 
Les  papes  s'abstinrent  de  donner  une  décision 
sur  cet  obscur  sujet  de  la  grâce.  Lemos ,  qui 
dans  plus  de  quarante  disputes  publiques  avait 
défendu,  avec  du  savoir  et  de  l'éloquence,  les 
doctrines  dominicaines,  fut  nommé  en  1607  con- 
sulteur  de  la  sainte  et  universelle  inquisition 
romaine.  Il  passa  les  dernières  années  de  sa  vie 
au  couvent  delà  Minerva .  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Panoplia  Grattas,  seu  de  rationaliscrea- 
turx  infinem  supernaturalem  gratuita ,  di- 
vina,  suavipotente  ordinatione,  ductu,  me- 
diis,  liberoque  progressu,  dissertationes 
theologicx ;  Beziers  (avec  la  fausse  indication 
de  Liège),  1676,  4  t.  in- fol  ;  —  Acta  omnium 
Congregationumacdisputalionum  qux  coram 
SS.  Clémente  VIII  et  Paulo  V  summ'ts  ponli- 
ficibus  sunt  celebratx  in  causa  et  conlroversia 
illa  magna  de  auxiliis  divinx  gratise,  quas 
dispulationes  ego  F.  Thomas  de  Lemos  eadem 
gratta  adjutus  sustinui  contra  plures  ex  So- 
cietate;  Louvain,  1702,  in-fol.  Z. 

J.  H.  Serry,  fie  de  Th.  de  Lemos,  en  têle  des  Jeta 
omnia.  —  Nie  Antonio,  Ribliotheca  Hispana  nova. — 
Quétif  et  Échard.  Scriptores  Ordinis  Prœdicutorum. 

lemos  (Don  Pedro-Fernandez  de  Castro 
marquis  de  Sarria,  comte  de),  homme  d'État 


633  LEMOS  - 

L  né  à  Madrid,  vers  1576,  mort  dans  la  même  ville, 
bien  1G22.  Destiné  par  sa  naissance  aux  grandes 
[charges  militaires,  il  entra  de  bonne  heure  au 
■service,  et  se  distingua  dans  les  campagnes  de 
■Flandre.  (I  se  rit  aussi  remarquer  par  la  protec- 
[jtion  qu'il  accordait  aux  littérateurs.  Il  n'était 
Meneore  que  marquis  de  Sarria  lorsqu'il  eut  Lope 
jde  Vega  pour  secrétaire.  Ce  poëte  lui  écrivait 
i\  dans  la  suite  :  «  Vous  savez  combien  je  vous 
naime  et  vous  vénère,  et  que  bien  des  nuits  j'ai 
)|  dormi  à  vos  pieds  comme  un  chien.  »  Plus  tard 
m  le  marquis  de  Sarria,  devenu  comte  de  Lemos,  fut 
(le  patron  de  Cervantes  et  des  Argensolas.  Il 
I  épousa  une  fille  du  comte  de  Lerme,  et  grâce  à  la 
U  faveur  du  tout-puissant  ministre,  il  s'éleva  aux 
il  plus  hautes  dignités.  Président  du  conseil  des 
|  Indes  en  1603,  capitaine  général  en  1604,  il  devint 
!  vice-roi  de  Naples  en  1610.  Ce  fut  la  plus  brillante 
I  période  de  sa  vie.  Il  tenait  à  Naples  un  cours  litté- 
j  raire  dont  les  frères  Argensolas  étaient  les  prin- 
|  cipaux  ornements,  et  déployait  une  magnificence 
j  royale.  La  chute  du  comte  de  Lerme  en  1618 
i  amena  celle  du  comte  de  Lemos,  qui  passa  dans 

Ila  disgrâce  les  dernières  années  de  sa  vie.   Z. 
J.  "ïafiez,   JHemorias  para  la  historia  de  don  Fe- 
lippe  III,  rey  de  Espafta.   —  Watson,  History  ofthe 
i  Hiegn  of  Philippe  III.  —  Ticknor,  History  of  Spanish 
Literature,  t.  II.  p.  1J3. 

lemos  mesa  (  Manoel  de  ) ,  jurisconsulte 
i  portugais,  né  à  Estremoz,  en  1670,  mort  en  1744. 
Il  a  laissé  sur  les  premiers  temps  delà  colonisa- 
tion du  Brésil  un  opuscule  fort  curieux,  et  quia 
pour  titre  :  Doaçao  da  Capitania  de  Porto  se- 
guro  em  favor  de  Pedro  Tourinho,  etc.  Cette 
pièce  précieuse,  imprimée  à  Madrid,  sans  date, 
est  devenue  introuvable  ;  elle  renferme  les  con- 
ditions auxquelles  fut  vendue  la  province  la  plus 
anciennement  connue  d'un  vaste  empire,  lorsque 
Leonor  de  Campo  Tourinho  la  céda  après  la  mort 
de  son  père.  F.  D. 

Documents  particuliers. 
LEMOS    DE  FARIA    E  CASTRO    (  Damiào- 

Anlonio  de  ),  géographe  et  historien  portugais, 
né  en  1715,  à  Villanova  de  Portimâo,  dans  le 
royaume  des  Algarves,  mort  en  1789.  On  lui  doit 
Historia  gérai  de  Portugal  et  suas  conquis- 
tas;  Lisbonne,  1786,1804,  20  vol.  in-8°.  Cette 
histoire,  dépourvue  de  critique,  commence  au 
mariage  du  comte  don  Henrique  avec  Dona 
Theresa,  et  va  jusqu'au  règne  de  Philippe  II  ;  on  l'a 
réimprimée  partiellement  en  1830  et  1831  ;  —  Po- 
litica  moral  e  civil,  in-4°.  Ce  grand  traité  fait 
partie  de  l'histoire  générale.  F.  D. 

J.  R.  da  Sylva  Lop^s,  Chorographia  ou  memoria  eco- 
nomica  estatisticue  topographica  do  Iieino  do  Jlyarve; 
Llsb.,  18*1,  111-8".  —  César  de  Figaniere,  Hibliographia 
historica  Portugueza. 

lemot  {François-Frédéric) ,  sculpteur,  né 
à  Lyon,  en  1773,  mortà  Paris,  en  1827.  Fils  d'un 
simple  menuisier,  il  apprit  à  Besançon  les  pre- 
miers principes  du  dessin  ;  puis  étant  venu  à 
Paris  compléter  ses  études,  il  y  devint  le  meil- 
leur élève  de  Dejoux.  Il  remporta  à  dix-sept  ans 
le  premier  grand  prix  ;  le  sujet  du  bas-relief  de 


LEMOYNE 


634 


concours  était  le  jugement  de  Salomon.  Il  était 
à  Rome  comme  pensionnaire  de  l'académie, 
quand  la  révolution  vint  l'arracher  à  ses  études 
pour  le  jeter  dans  les  rangs  de  l'armée  du  Rhin, 
avec  laquelle  il  fit  plusieurs  campagnes.  Rappelé 
à  Paris  en  1795  pour  coopérer  à  l'érection  d'une 
statue  colossale  du  peuple  français  imaginée  par 
David  et  décrétée  par  la  Convention ,  il  fut  chargé 
dès  lors  de  nombreux  travaux  ;  on  lui  demanda 
un  Numa  Pompilius  pour  le  conseil  des  Cinq 
Cents,  un  Cicéron  pour  le  tribunal,  un  Léonidas 
aux  Thermopyles  pour  le  sénat,  un  Brutus.uu 
Lycurgue  et  un  bas-relief  allégorique  pour  le 
Corps  législatif.  En  1801  il  exposa  une  bac- 
chante en  marbre,  qui  fut  acquise  par  le  premier 
consul,  et  en  1804  un  buste  de  Jean  Bart,  qui  fut 
envoyé  par  Napoléon  à  la  ville  de  Dunkerque.  En 
1808  il  fit  le  char  et  les  deux  figures  de  plomb 
doré  destinés  à  accompagner  sur  l'arc  du  Car- 
rousel les  fameux  chevaux  de  Venise,  et  qui  fu- 
rent enlevés  ainsi  qu'eux  en  1815.  En  1808  Le- 
mot sculpta  le  grand  bas-relief  du  fronton  du 
Louvre,  dont  la  figure  principale,  changée  par  la 
restauration,  représentait  Napoléon  sur  un  char 
de  triomphe.  Ce  vaste  travail  fut  jugé  digne  du 
prix  décennal  ;  il  le  méritait,  ne  fût-ce  que  par  la 
difficulté  vaincue.  Lemot  mit  au  salon  en  1810 
la  statue  de  Murât  et  un  dessin  du  fronton  du 
Louvre;  en  1812,  La  Rêverie,  figure  couchée, 
et  Hébé  versant  le  nectar  à  l'aigle  de  Jupiter. 
Lorsque  les  Bourbons  rentrèrent  en  France  en 
1814,  un  de  leurs  premiers  soins  fut  de  charger 
Lemot  de  refaire  la  statue  équestre  d'Henri  IV, 
placée  autrefois  su  rie  terre-plein  du  Pont-Neuf  et 
renversée  à  la  révolution.  Cette  nouvelle  statue 
ne  fut  érigéee  qu'en  1817.  On  lui  demanda  aussi 
la  belle  statue  équestre  de  Louis XIV,  également 
en  bronze,  qui  fut  inaugurée  à  Lyon  sur  la  place 
Bellecour,  le  4  novembre  1826. 

On  doit  encore  à  Lemot  une  Renommée,  bas- 
relief  placé  sous  le  vestibuledu  palais  du  Luxem- 
bourg, un  modèle  en  plâtre  de  la  statue  du  gé- 
néral Corbineau,  enfin  un  Apollon,  figure  colos- 
sale, que  la  mort  ne  lui  permit  pas  d'achever. 

Depuis  1805,  Lemot  était  membre  de  l'Ins- 
titut ,  et  professeur  à  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  ;  à  ce  titre  il  a  formé  plusieurs  de  nos  plus 
habiles  sculpteurs  ,  et  entre  autres  Denis  Foya- 
tier.  La  restauration  lui  décerna  le  titre  de  ba- 
ron. Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  il 
était  devenu  propriétaire  des  précieuses  et  pit- 
toresques ruines  du  château  de  Clisson ,  et  il 
a  bien  mérité  des  archéologues  et  des  artistes 
en  les  conservant  avec  le  plus  grand  soin  et  en 
publiant  en  1817  un  vol.  in-4"  intitulé  :  Notice 
historique  sur  la  ville  et  le  château  de  Clis- 
son. E.  B— n. 

Gabct ,  Dictionnaire  des  artistes  de  l'école  française 
au  dix-neuvième  siècle.  —  Dulaure,  Histoire  de  Paris. 
—  C.  J.  Cl) t,  Panorama  de  la  ville  de  Lyon. 

lemoyne  d'iberville,  navigateur  cana- 
dien ,  né  à  Montréal,  en  1642,  mort  à  la  Ha- 


635 


LEMOYNE 


636 


vane,  le  9  juillet  1706,  était  le  second  des  huit 
fils  de  Charles  Lemoyne  de  Longueil ,  gentil- 
homme normand  établi  depuis  1640  au  Canada, 
où  il  semble  avoir  joui  d'une  certaine  influence, 
puisque  trois  cantons  de  la  colonie  le  choisirent 
en  1684  pour  ménager  la  paix  entre  eux  et  les 
Français.  Les  sept  frères  d'iberville,  qui  tous 
prirent  part,  ou  avec  lui  ou  séparément,  aux 
événements  dont  le  Canada  fut  le  théâtre  pen- 
dant les  dernières  années  du  dix-septième  siècle 
et  les  premières  du  dix-huitième,  se  nommaient: 
Lemoyne  de  Longueil ,  Lemoyne  de  Sainte-Hé- 
lène, Lemoyne  de  Maricourt,  Lemoyne  de  Séri- 
gny  et  Lemoyne  de  Châteauguay;  les  deux  der- 
niers paraissent  avoir  porté  l'un  et  l'autre  le 
nom  de  Lemoyne  de  Bienville.  D'iberville,  qui  se 
livrait  à  la  navigation  dès  son  plus  jeune  âge, 
s'était  fait  une.  grande  réputation  de  bravoure  et 
de  capacité  lorsqu'en  1686  le  gouverneur  d'É- 
nouville  jeta  les  yeux  sur  lui  et  ses  deux  frères 
Sainte-Hélène  et  Maricourt  pour  expulser  les 
Anglais  des  forts  Monsipi,  Ripert  et  Kichi- 
chouanne,  qu'ils  avaient  construits  dans  la  baie 
d'Hudson,  où  ils  s'étaient  en  outre  emparés  du 
fort  Bourbon ,  dont  ils  avaient  changé  le  nom  en 
celui  de  Nelson.  Partie  de  Montréal,  au  mois  de 
mars,  sous  le  commandement  supérieur  du 
chevalier  de  Troyes,  capitaine  d'infanterie  à 
Québec,  l'expédition  eut  à  surmonter  tant  de 
fatigues  et  de  privations  dans  sa  route  à  travers 
des  marais  et  des  chemins  non  frayés  qu'à  son 
arrivée,  le  20  juin,  devant  Monsipi,  elle  était  ré- 
duite à  quatre-vingt-deux  hommes.  Quoi  qu'il  en 
soit,  le  fort  fut  immédiatement  attaqué,  d'un  côté 
par  d'iberville  et  Sainte-Hélène,  de  l'autre  par 
de  Troyes  et  Maricourt;  et  bien  que  sa  position 
sur  une  éminence  concourût,  avec  les  ouvrages 
dont  il  se  composait ,  à  en  rendre  la  conquête 
difficile  et  périlleuse,  il  lui  fallut  céder  devant 
l'impétuosité  des  Français,  devant  celle  surtout 
d'iberville  et  de  Maricourt  qui  payèrent  brave- 
ment de  leur  personne.  Tous  deux,  accompa- 
gnés de  neuf  hommes  seulement,  surprirent  et 
enlevèrent,  le  1er  juillet  suivant,  un  bâtiment  de 
guerre  anglais  mouillé  devant  le  fort  Ripert,  que 
Sainte- Hélène  venait  de  reconnaître,  et  ils 
firent  plusieurs  prisonniers,  au  nombre  desquels 
était  le  gouverneur  général  de  la  baie  d'Hudson, 
pendant  que  de  Troyes  prenait  et  détruisait  le 
fort.  Peu  après,  le  fort  Kichichouanne  se  rendit 
à  Sainte-Hélène  et  à  d'iberville,  auquel  Frontenac 
en  confia  la  garde,  quand  la  rupture  de  la  paix 
de  Nimègue  étendit  à  l'Amérique  la  guerre  re- 
commencée en  Europe.  Les  Anglais  vinrent 
bientôt  l'attaquer,  mais  sans  succès.  Au  com- 
mencement de  l'année  1690,  accompagné  de 
Maricourt,  il  les  contraignit  à  incendier  eux- 
mêmes  le  fort  de  Newsavanne  dont  il  se  serait 
infailliblement  rendu  maître,  et  après  avoir  hi- 
verné à  Sainte- Anne  (c'était  le  nom  qu'il  avait 
donné  au  fort  de  Kichichouanne),  il  résolut  de 
passer  en  Fiance  pour  y  vendre  les  pelleteries 


fruit  de  sa  conquête,  mais  plus  encore  pour  se 
concerter  sur  les  moyens  de  reprendre  le  fort 
Nelson  ou  Bourbon  avec  le  gouvernement  fran- 
çais et  la  compagnie  de  la  baie  d'Hudson  qui 
avaient  également  à  cœur  de  le  recouvrer. 

Pendant  son  absence,  ses  frères  continuèrent 
de  se  montrer  les  intrépides  défenseurs  du . 
Canada,  alors  en  butte  aux  attaques  non- 
seulement  des  Anglais,  mais  encore  des  Iro- 
quois  et  de  quelques  autres  tribus  indiennes 
dont  ils  avaient  su  nous  faire  des  ennemis.  Le 
gouverneur  français,  de  Frontenac,  s'élant  dé- 
cidé à  attaquer  les  Anglais  dans  leurs  propres' 
possessions,  avait  arrêté  une  expédition  contre 
Corlav ,  grosse  bourgade  de  la  Nouvelle-York. 
Suinte-Hélène  partagea  avec  M.  d'Aillebout  le 
commandement  des  troupes,  qui  s'emparèrent 
des  fortifications  établies  sur  ce  point.  Quand  peu 
après  l'amiral  Phips  fut  venu  prendre  position, 
avec  trente-quatre  bâtiments  de  guerre,  du  côté 
de  Beauport,  dans  le  grand  bassin  que  forme  le 
Saint-Laurent  au-dessous  de  Québec,  et  eut 
adressé  au  comte  de  Frontenac  une  sommation 
insolente  de  se  rendre  sous  une  heure,  Sainte- 
Hélène  prouva  combien  le  gouverneur  avait  été 
fondé  à  compter  sur  le  courage  de  ses  officiers 
en  motivant  son  énergique  refus  sur  le  concours 
qu'il  attendait  d'eux.  Pointant  lui-même  les 
pièces  dirigées  contre  le  vaisseau  amiral,  il  lui 
tua  un  si  grand  nombre  d'hommes  et  lui  fit 
éprouver  de  telles  avaries  que ,  pour  ne  pas 
couler,  il  dut  aller  se  cacher  et  se  radouber 
derrière  le  Cap  aux  Diamants,  où  les  autres 
vaisseaux  le  suivirent.  A  quelques  jours  de  là 
l'intrépide  Sainte-Hélène  mourait  blessé  par  une 
arme  qu'on  soupçonna  empoisonnée,  dans  une 
affaire  sur  le  bord  de  la  rivière  Saint-Charles, 
affaire  où,  avec  son  frère  de  Longueil,  il  avait 
empêché  les  Anglais  de  franchir  cette  rivière. 
Les  Canadiens,  qui  l'adoraient,  furent  tellement 
exaspérés  de  sa  mort  qu'ils  redoublèrent  d'é- 
nergie pour  la  venger,  et  y  parvinrent  promp- 
tement.  Ceux  des  ennemis  qui  avaient  débar- 
qué abandonnèrent  leurs  canons  et  regagnèrent 
leurs  vaisseaux,  qui  eux-mêmes  s'éloignèrent 
au  plus  vite,  à  l'exception  de  neuf,  désemparés 
au  point  de  ne  pouvoir  mettre  à  la  voile.  Reve- 
nons à  d'iberville.  A  son  arrivée  en  France,  il 
avait  été  nommé  capitaine  de  frégate  Reparti 
de  La  Rochelle,  sur  L 'Envieux,  commandé  par 
M.  Bonaventure ,  il  avait  l'ordre  de  prendre  à 
Québec  le  commandement  de  la  frégate  Le  Poli, 
qui  attaquerait  le  fort  Nelson  avec  deux  autres 
bâtiments  fournis  par  la  compagnie.  Mais, 
n'ayant  pu  appareiller  aussi  promptement  qu'il 
le  désirait,  contrarié  d'ailleurs  par  les  vents, 
pendant  sa  traversée,  il  n'arriva  à  Québec  que 
le  18  octobre  1692,  trop  tard  pour  que  l'expé- 
dition pût  être  entreprise  avec  succès.  En  at- 
tendant ,  il  obtint  que  Le  Poli  et  L'Envieux 
iraient  attaquer  par  mer  le  fort  dePemkuit,  en 
Acadie,  que  le  chevalier  de  Villebon  investirait 


637 


LEMOYNË 


638 


simultanément  par  terre.  Ce  projet  n'eut  pas  les 
suites  qu'on  s'en  était  promises,  d'Iberville,  à 
son  arrivée  devant  le  fort,  ayant  reconnu  qu'il 
était  trop  bien  défendu  pour  qu'on  pût,  sans  une 
folle  témérité,  hasarder  une  attaque.  Enfin,  au 
mois  de  septembre  de  l'année  suivante,  il  put 
satisfaire  son  impatient  désir  de  restituer  à  la 
France  le  fort  Nelson,  contre  lequel  avaient  été 
envoyées  les  deux  frégates  Le  Poli  et  La  Sala- 
mandre, cette  dernière  commandée  parSérigny, 
comme  lui  l'un  des  chefs  de  l'expédition.  Le 
succès  couronna  l'entreprise  après  quinze  jours 
de  siège,  mais  non  sans'  douleur  pour  les  deux 
Chefs,  qui  y  perdirent  leur  frère  de  Chateau- 
guay. 

Repassé  en  France,  où  il  arriva  le  9  octobre 
1G95,  d'Iberville  en  ramena  les  navires  L'En- 
vieux et  Le  Profond,  avec  lesquels  lui  et  le  ca- 
pitaine Bonaventure  prirent  et  détruisirent  cette 
fois  (juillet  1696)  le  fort  de  Pemkuit,  après  avoir, 
chemin  faisant,  capturé  un  vaisseau  anglais. 
D'Iberville  se  rendit  ensuite  dans  la  baie  de  Plai- 
sance, où  il  s'attendait  à  trouver  M.  de  Brouillan, 
qui  devait  l'attendre  avec  le  vaisseau  de  guerre 
Le  Pélican  et  huit  bâtiments  malouins  pour  qu'ils 
s'emparassent  ensemble  de  Saint- Jean,  le  prin- 
cipal des  établissements  anglais  à  Terre-Neuve. 
Mais,  à  son  arrivée,  le  12  septembre,  il  ne  vit 
point  M.  de  Brouillan;  depuis  trois  jours  il  s'é- 
tait éloigné  avec  ses  neuf  bâtiments  pour  atta- 
quer seul  Saint-Jean  ,  contrairement  à  leurs 
conventions.  Ce  dernier,  homme  violent,  cupide 
et  jaloux,  n'ayant  pas  réussi,  revint  au  mouil- 
lage de  Plaisance,  mais  se  refusa  longtemps  à 
seconder  d'Iberville  dans  une  opération  contre  la 
partie  nord  de  l'Ile,  mal  gardée  par  les  Anglais. 
11  finit  bien  par  adhérer  au  projet  d'Iberville,  à 
la  condition  que  le  commandement  supérieur 
lui  serait  personnellement  dévolu  ;  mais  il  lui 
suscita  une  foule  d'obstacles  et  de  mauvais  pro- 
cédés auxquels  ce  dernier  opposa  une  constante 
modération.  Toutefois,  la  crainte  de  pousser 
trop  loin  le  mécontentement  des  Canadiens,  ir- 
rités de  sa  conduite  peu  loyale,  le  décida  à  mar- 
cher sur  Saint-Jean,  dont  la  conquête  fournit  à 
d'Iberville  plus  d'une  occasion  de  signaler  sa  ca- 
pacité et  sa  bravoure  réfléchie.  Pendant  les 
deux  mois  qui  suivirent,  d'Iberville,  agissant 
sans  le  concours  de  Brouillan,  remporta  sur  les 
Anglais  de  si  nombreux  succès  qu'il  ne  leur  resta 
plus  dans  toute  l'île  que  deux  quartiers ,  qu'il 
aurait  soumis  s'il  avait  reçu  de  France  les  se- 
cours qu'il  y  avait  demandés.  Quand  Sérigny  ar- 
riva de  France  avec  une  division,  le  18  mai 
1697,  il  lui  fallut,  d'après  les  ordres  du  gouver- 
nement, renoncer  à  achever  la  conquête  de  Terre- 
Neuve  pour  entreprendre  celle  du  fort  Nelson, 
que  les  Anglais  avaient  repris  au  mois  de  sep- 
tembre 1696.  D'Iberville  mit  à  la  voile  le  8  juillet 
1697  avec  cinq  navires,  dont  un  fut  brisé  parles 
glaces  le  3  août.  Trois  autres  s'étant  séparés  de 
lui  par  suite  de  l'épaisseur  des  brumes  et  des 


rudes  secousses  que  leur  avaient  fait  essuyer  les 
glaces  charriées  par  de  violents  courants,  Le 
Pélican,  de  cinquante  canons  qu'il  montait,  se 
présenta  seul  devant  le  fort  Nelson,  le  4  sep- 
tembre. Le  lendemain,  de  grand  matin,  il  re- 
connut, à  trois  lieues  sous  le  vent,  trois  vais- 
seaux anglais  qui  manœuvraient  pour  entrer 
dans  la  baie.  Certain  d'être  attaqué  au  mouil- 
lage, où  il  aurait  alors  été  placé  entre  deux  feux 
également  redoutables,  d'Iberville  préféra  aller 
au-devant  de  l'ennemi.  Cette  détermination  eut 
un  succès  qu'on  ne  devait  pas  espérer.  Par  une 
série  de  manœuvres  habilement  calculées,  il 
réussit  à  prendre  un  des  navires  ennemis,  à  en 
couler  un  autre  et  à  faire  s'éloigner  le  troisième. 
Chassé  le  lendemain  par  une  violente  tempête  de 
son  mouillage,  qu'il  avait  regagné ,  Le  Pélican 
sombra  à  l'entrée  de  la  rivière  Sainte-Thérèse; 
mais  fort  heureusement  pour  d'Iberville,  qui  avait 
pu  se  sauver  avec  son  équipage,  il  y  retrouva  les 
trois  navires  qui  s'éiaient  séparés  de  lui  et  qui 
l'aidèrent  à  prendre  le  fort  après  quatre  jours  de 
bombardement. 

Le  but  de  l'expédition  ainsi  atteint,  d'Iberville 
revint  en  France,  où  son  premier  soin  fut  de  sug- 
gérer à  M.  de  Pontchartrain  l'idée  de  profiter  de 
la  paix,  récemment  signée  à  Kiswick,  pour  tenter 
de  nouveau  la  reconnaissance  de  l'embouchure 
du  Mississipi,  reconnaissance  que  l'intrépide 
La  Sale  avait  été  si  fatalement  empêché  d'ac- 
complir onze  ans  auparavant.  A  ce  projet  se 
joignait  celui  d'élever  un  fort  à  l'embouchure  du 
fleuve.  L'un  et  l'autre  obtinrent  l'assentiment 
du  gouvernement  français.  Avec  La  Renommée, 
qu'il  commandait,  et  Le  Français,  sous  les  or- 
dres du  marquis  Châteaumorand ,  il  appareilla 
deRochefort,  et  relâcha  à  Saint-Domingue,  où  il 
eut  avec  Ducasse  un  entretien  dans  lequel  il  lui 
développa  ses  plans,  dont  ce  grand  homme  fut  si 
impressionné  qu'il  en  témoigna  son  admiration 
à  M.  de  Pontchartrain.  Arrivé,  le  27  janvier 
1699,  dans  la  baie  de  Pensacola,  et  quatre  jours 
après,  se  hâtant  de  prendre  les  devants  sur  les 
Espagnols  qui  venaient  de  s'établir  en  cet  en- 
droit, dans  le  même  but  que  lui,  il  jeta  l'ancre 
au  sud  sud-est  de  la  pointe  orientale  de  la  Mo- 
bile, rivière  parallèle  au  Mississipi,  et  débarqua, 
le  2  février,  dans  une  île  voisine,  de  quatre 
lieues  de  circuit,  à  laquelle  il  donna  le  nom  d'île 
du  Massacre,  parce  que,  vers  la  pointe  sud- 
ouest,  il  trouva  les  têtes  et  les  ossements  d'en- 
viron soixante  personnes,  qu'il  présuma  y  avoir 
été  tuées.  Ayant  ensuite  gagné  la  terre  ferme,  il 
découvrit  la  rivière  du  Pascagoulas,  et,  accom- 
pagné de  son  frère  Bienville,  le  jeune,  d'un  re- 
ligieux etde  quarante-huithommes,  tous  montés 
sur  des  barques  longues,  et  emportant  pour  quinze 
jours  de  vivres,  il  se  mit  à  la  recherche  du 
Mississipi,  que  les  Indiens  appelaient  Malbou- 
chia,  et  les  Espagnols  la  Palissade.  Entré 
enfin  dans  ce  fleuve,  le  2  mars,  il  trouva  que  ce 
dernier  nom  convenait  assez  à    l'embouchure 


639 


I.EMOYJNE 


640 


cherchée,  hérissée  qu'elle  était  d'arbres  inces- 
samment charriés  par  les  courants.  Sa  recon- 
naissance terminée,  il  revint  sur  ses  pas,  pour 
faire  part  de  sa  découverte  à  M.  de  Château- 
morand,  qui  reprit  aussitôt  la  route  de  France 
afin  d'y  apporter  sans  retard  cette  importante 
nouvelle.  Quant  à  d'Iberville,  poursuivant  ses 
explorations,  il  rentra  dans  le  fleuve,  constata 
plusieurs  erreurs  dans  la  relation  attribuée  à 
Tonti  (1)  et  dans  la  description  de  la  Louisiane 
du  P.  Hennepin,  qu'il  avait  déjà  trouvé  en  défaut 
sur  plusieurs  points  du  Canada  et  de  la  baie 
d'Hudson ,  arriva  au  village  du  Bayagoulas , 
composé  de  sept  cents  cabanes,  et  monta  ensuite 
jusqu'aux  Oumas,  où  il  trouva  une  lettre  écrite 
au  mois  d'avril  1685  à  La  Sale  par  Tonti,  et  dé- 
posée par  ce  dernier  dans  le  creux  d'un  arbre, 
lorsqu'il  s'était  décidé  à  descendre  le  Mississipi 
pour  venir  au-devant  de  son  infortuné  compa- 
gnon ,  après  l'avoir  longtemps  attendu  au  point 
de  rencontre  convenu  entre  eux.  Rassuré  par 
cette  lettre  sur  l'appréhension  qu'il  avait  conçue 
de  ne  plus  être  dans  le  fleuve,  il  revint  dans  la 
baie  du  Biloxi,  entre  la  Mobile  et  le  Mississipi; 
et,  après  y  avoir  construit,  à  trois  lieues  de  la 
rivière  du  Pascagoulas,  un  fort  dont  il  nomma 
M.  de  Sauf  oie  commandant,  et  Bienville  lieute- 
nant, il  repassa  en  France.  Il  n'y  séjourna  pas 
longtemps,  car  le  8  janvier  1700  il  était  de  re- 
tour au  Biloxi.  11  se  hâta ,  à  son  arrivé* ,  de 
renouveler  la  prise  de  possession  faite  plus  de 
vingt  ans  auparavant  par  La  Sale,  et  de  cons- 
truire sur  le  bord  du  fleuve  un  petit  fort  armé 
de  quatre  canons ,  dont  il  confia  le  commande- 
ment à  Bienville,  résolu,  comme  lui,  à  repousser 
les  Anglais ,  qui  pendant  son  absence  avaient 
hautement  annoncé  leur  projet  de  venir  en  for- 
ces le  chasser  de  sa  position.  On  devait  d'autant 
plus  craindre  de  les  voir  exécuter  leurs  menaces 
que  le  cabinet  britannique  s'apprêtait  à  jeter 
dans  la  nouvelle  colonie  les  protestants  ex- 
pulsés de  France  et  forcément  conduits  à  faire 
cause  commune  avec  les  Anglais ,  repoussés 
qu'ils  étaient  par  Louis  XIV,  à  qui  ils  avaient 
fait  la  proposition  d'assurer  à  leur  mère-patrie 
la  possession  de  ce  beau  pays,  proposition  re- 
jetée par  ce  monarque,  qui  ne  voulait  à  aucun 
prix  tolérer  soit  en  France,  soit  dans  ses  pos- 
sessions d'outre-mer,  d'autre  religion  que  la  re- 
ligion catholique.  Sentant  la  nécessité  d'étendre 
au  plus  tôt  ses  moyens  d'action  et  de  défense, 
afin  de  pouvoir  repousser  plus  sûrement  les  at- 
taques qu'il  pressentait,  d'Iberville,  le  fort  du 
Biloxi  terminé ,  remonta  le  Mississipi  jusqu'au 


(1)  Tonti,  que  d'Iberville  eut  occasion  de  voir  en  1700, 
pendant  qu'il  construisait  le  fort  du  Bilox ,  désavoua 
énerglquement  cette  relation,  composée,  lui  dit-Il,  sur 
de  mauvais  mémoires,  p?r  un  aventurier  parisien  qui 
avait  spéculé  sur  son  nom.  Ce  désaveu  de  Tonti  est 
confirmé  par  sa  déclaration  au  P.  Marest  (  Lettres  édi- 
fiantes ,  t.  VI,  p.  323,  cdit.  Qucrbeuf  ),  de  n'avoir  eu  au- 
cune part  à  cet  ouvrage,  tissu  d'inexactitudes  et  d'asser- 
Uons  exagérées. 


pays  des  Natchez,  y  traça  le  plan  d'une  ville  qui 
devait  s'appeler  Rosalie,  du  nom  de  Mme  de 
Pontchartrain,  fit  reconnaître  une  mine  de  cui- 
vre sur  les  bords  de  la  rivière  Verte,  qui  sedé-* 
charge  dans  la  rivière  Saint-Pierre,  éleva  un 
fort  sur  là  Mobile,  et  construisit  des  magasins, 
des  casernes,  des  fortifications  sur  l'île  du  Mas* 
sacre,  dont  il  changea  alors  le  nom  en  celui  de 
Dauphine.  La  population  se  porta  sur  ce  der- 
nier point,  qui  devint  promptement  le  centre  de 
la  colonie.  Ces  résultats  ,  quelque  satisfaisants 
qu'ils  fussent ,   lui  semblaient  néanmoins  bien 
incomplets.  Rien  ne  se  faisait  pour  assurer  le 
développement  agricole  du   pays,  dont  le  sol 
conviait  pourtant,  par  sa  fécondité,  à  des  ex- 
ploitations qui  eussent  assuré  une  prospérité  ra- 
pide et  durable.  La  colonie  produisait  des  bœufs 
fournissant  de  la  laine  et  des  cuirs  susceptibles 
de  faire  l'objet  d'un  commerce  avantageux  avec 
la  France,où  ces  quadrupèdes  auraient  pu  d'ail- 
leurs être  naturalisés  ;  mais,  comme  il  n'est  que 
trop  souvent  arrivé  dans  nos  tentatives  de  colo- 
nisation, l'incurie  locale  et  l'insouciance  de  la 
métropole  contrarièrent  ses  projets.  Le  grade 
de  capitaine  de  vaisseau,  qu'ilobtint  en  1702,  fut 
la  seule  récompense   de    ses  longs  services. 
Quatre  ans  plus  tard ,  à  la  tête  de  trois  vais- 
seaux qu'il  avait  armés  à  la  Martinique,   il  fit 
une  descente  dans  l'île  anglaise  de  Névis,  dont  il 
s'empara,  et  mourut  à  la  Havane,  sur  le  vais- 
seau Le  Juste,  qu'il  commandait,  à  la  veille  de 
faire  une  expédition   contre  la  Jamaïque.  Sa 
mort  causa  de  longs  regrets  au  Canada,  où  il 
était  si  aimé  et  si  considéré  qu'avec  lui,  disaient 
les  colons,  ils  seraient  allés  au  bout  du  monde. 
Il  justifiait  cette  affection  par  sa  bravoure,  sa 
mansuétude,  sa  droiture  et  son  équité.  Son  nom 
avait  été  précédemment  donné  à  une  passe  qu'il 
avait  heureusement  franchie  au  sud  de  l'île  aux 
Coudres,  située  à  quinze  lieues  de  Québec  et  de 
Tadoussac. 

Deux  de  ses  frères,  Sainte-Hélène  et  de  Châ- 
teauguay,  nous  l'avons  vu,  étaient  morts  avant 
lui  ;  il  en  avait  été  de  même  de  Bienville,  l'aîné, 
tué  à  l'attaque  d'un  fort,et  de  Maricourt,  que  les 
Iroquois  avaient  brûlé  avec  quarante  Français 
dans  une  maison  en  1704.  Sérigny  et  Bienville, 
le  jeune,  qui  lui  survécurent,  parvinrent  au 
grade  de  capitaine  de  vaisseau.  Lemoyne  de 
Longueil,  l'aîné  des  frères,  était  gouverneur  de 
Montréal,  à  sa  mort  en  1716.  Lemoyne  de  Châ- 
teauji,uay,  fils  de  celui  qui  avait  succombé  à 
l'attaque  du  fort  Nelson,  en  1693,  fut  nommé 
commandant  en  second  de  la  Louisiane  en  1722, 
et  plus  tard  gouverneur  de  la  Guyane,  après 
avoir,  dans  l'intervalle,  été  employé  à  la  Marti- 
nique. De  1745  à  1747,  année  de  sa  mort,  il  fut 
chargé  de  la  défense  de  Louisbourg,  et  s'en  ac- 
quitta avec  succès.  P.  Levot. 

Archives  de.  la  marine.  —  Histoire  de  la  Nouvelle- 
France,  par  le  P.  Ciiarlevoix.  —  Histoire  de  Sa>nl*Do- 
mingue,  par  le  même.  —  Les  dernières  Découvertes  de 
La  Sale  dans  V Amérique  septentrionale,  par  le  ebeva- 


641 


LEMOYNE  —  L'EMPEREUR 


642 


lier  Tûntl;  Paris,  1697,  in-lî.  —  Lettres  édifiantes.  — 
Histoire  générale  des  Voyages.  —  Léon  Guérin,  Les 
Navigateurs  français. 

lemoyne  (Jean-Louis  ),  sculpteur,  né  en 
1665,  mort  en  1755.  Il  fut  reçu  membre  de  l'A- 
cadémie royale  de  Peinture  et  Sculpture  le 
30  juin  1703.  Le  musée  du  Louvre  possède  de 
lui  un  buste  de  Mansart  avec  cette  inscription  : 
Ardouin  Mansart  coin.  sac.  reg.  œd.  pr. 
1705.  Lemoyne  fut  le  maître  de  son  (ils  Jean- 
Baptiste  (voy.  ci-après).  E.  B— n. 

H.  Barbet  de  Jouy ,  Description  des  Sculptures  mo- 
dernes dtt  Musée  du  Louvre.  —  Lenolr,  Musée  des  mo- 
numents français. 

lemoyne  ( Jean- Baptiste) ,  sculpteur,  né 
à  Paris,  en  1704,  mort  en  1778.  11  fut  élève  de 
son  père  Jean-Louis  Lemoyne  et  de  Robert  Le 
Lorrain.  I!  fut  reçu  à  l'Académie  royale  de 
Peinture  et  Sculpture  en  1 73S,  sur  la  présentation 
d'un  joli  groupe,  aujourd'hui  au  Musée  du  Lou- 
vre, représentant  la  mort  d'Hippolyte.  Les  prin- 
cipaux ouvrages  de  cet  artiste  furent  la  statue 
équestre  de  Louis  XV  érigée  à  Bordeaux ,  une 
statue  du  même  prince  pour  Rennes,  le  mau- 
solée du  cardinal  de  Fleury,  enfin,  le  tombeau  de 
Mignard,  que  nous  voyons  encore  à  Paris  dans 
l'église  Saint-Roch.  E .  B — n. 

Mémoires  inédits  de  V Académie  de  Peinture  etSculp- 
ture.  —  H.  Barbet  de  Jouy,  Description  des  Sculptures 
modernes  du  Louvre. 

le  movne  (Jean-Baptiste  Moyne,  dit), 
[compositeur  français,  né  à  Eymet  (Périgord), 
le  3  avril  1751,  mort  à  Paris,  le  30  décembre 
1796.  Il  était  fils  de  Louis  Moyne,  ancien  consul. 
Son  oncle,  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de 
Périgueux,  lui  apprit  la  musique.  A  quatorze  ans 
|  il  parcourut  la  France,  et  visita  l'Allemagne,  où 
[il  reçut  des  leçons  de  composition  de  Graun 
et  de  Kirnberger.  A  Berlin,  il  composa  un  Chant 
d'orage,  qui,  intercalé  dans  l'opéra  de  Toinon  et 
Toinette,  eut  un  grand  succès  et  lui  valut  la 
place  de  second  maître  de  musique  au  théâtre 
du  prince  royal.  Il  donna  à  Varsovie  Le  Bouquet 
de  Colette,  opéra  en  un  acte,  pour  les  débuts  de 
lMme  Saint-Huberti.  De   retour  en  France,  en 
j  1782,  Le  Moyne  fit  jouer  à  l'Académie  royale  de 
[Musique  Electre,  dont  les  paroles  élaient  de 
i  Guillard.  On  y  trouvait  des  morceaux  remar- 
quables ,  mais  trop  de  bruit,  et  Gluck  désavoua 
j  Le  Moyne,  qui  se  disait  son  élève.  Le  Moyne  étu- 
i  dia  alors  Paccini  et  Sacchini,  et  fit  représenter, 
en  17S6,  Phèdre,  dont  le  poëme  était  de  Hoff- 
mann. Cet  opéra  eut  du  succès.  Le  Moyne  fit 
i  ensuite  un  voyage  en  Italie  ;  à  son  retour,  en 
1789,  il  donna  Les  Prétendus,  opéra  bouffe, 
paroles  de  Bochon  de  Chabannes,  et  Nephté, 
tragédie  lyrique,  de  Hoffmann.  Ces  deux  ou- 
vrages réussirent.  En  1790  Le  Moyne  fit  avec 
Forgeot  Les  Pommiers  et  le  Moulin ,  et  avec 
Guillard  et  Andrieux  Louis  IX  en  Egypte.  En 
1792  il  donna  au  théâtre  Favart  Elfrida,  pa- 
roles de  Guillard.  L'année  suivante,  l'Opéra  joua 
de  lui  Miltiade   à   Marathon,   et  en    1794 

NOUV.  BIOGR.  GÊNER.  —  T.   XXX. 


Toute  la  Grèce,  pièces  de  circonstances.  Enfin 
il  donna  au  théâtre  Feydeau  Le  Petit  Batelier, 
ou  les  vrais  Sans-Culottes  ;  1794  ;  —  Le' 
compère  Luc,  1794,  et  Le  Mensonge  officieux, 
1795.  Le  Moyne  a  laissé  trois  opéras  inédits  : 
Nadir,  ou  le  dormeur  éveillé,  paroles  de  Pa- 
trat;  Sylvhts  Nerva,  ou  la  malédiction  pa- 
ternelle ,  paroles  de  Befroy  de  Begny  ;  et 
L'Ile  des  Femmes,  paroles  de  Rochon  de  Cha- 
bannes. J.  V. 

Grimra,  Correspondance.  —  Fétis,  Biogr.  univ.  des  Mu- 
siciens. —  Choron,  Dict.  histor.  des  Musiciens  —  Biogr. 
univ.  et  portative  des  Contemp. 

le  moyne  (  Gabriel),  compositeur  français, 
fils  aîné  du  précédent,  né  à  Berlin,  le  14  octobre 
1772,  mort  à  Paris,  le  2  juillet  1815.  A  l'âge  de 
neuf  ans,  il  suivit  son  père  à  Paris,  et  reçut  de 
Clémenti  des  leçons  de  clavecin  et  d'harmonie.  II 
devint  ensuite  élève  d'Edelmann.  Et  fit  avec  le 
violoniste  Lafont  un  voyage  en  France  et  dans 
les  Pays-Bas,  vers  1800.  De  retour  à  Paris,  Le- 
moyne se  livra  à  l'enseignement,  et  publia  des 
œuvres  pour  le  piano.  Bon  pianiste,  il  a  laissé 
des  sonates,  des  romances  et  l'opéra  comique 
de  V Entresol ,  composé  avec  Piccini  fils,  pa- 
roles deDesaugiers,  et  joué  au  théâtre  Montansier 
en  1802.  J.  V. 

Biog.  univ.  et  portât,  des  Contemp.  —  Fétis,  Biogr. 
univ.  des  Music. 

l'empereur  (Constantin  ),  célèbre  orien- 
taliste hollandais,  né  à  Oppyck,  vers  1570,  et 
mort  à  Leyde,  en  1648.  A  la  connaissance  du 
droit  et  de  la  théologie  il  joignit  celle  des  lan- 
gues orientales,  qu'il  étudia  sous  Erpenius.  11 
professa  d'abord  pendant  huit  ans  la  théologie 
à  Harderwick  ;  en  1627  il  fut  appelé  à  la  chaire 
d'hébreu  à  Leyde,  et  une  vingtaine  d'années 
après  à  celle  de  théologie,  qu'il  n'occupa  que 
quelques  mois.  L'empereur  ne  fut  pas  au-des- 
sous de  sa  tâche  dans  cette  célèbre  université 
dans  laquelle  enseignèrent  et  où  se  formèrent 
les  plus  habiles  orientalistes  du  dix-septième 
siècle.  On  compte  parmi  ses  élèves  plusieurs 
hommes  distingués  qui  consacrèrent,  à  leur 
tour,  leurs  travaux  aux  langues  orientales.  La 
plupart  de  ses  ouvrages  sont  des  traductions, 
avec  des  notes,  de  divers  écrits  talmudiques  et 
rabbiniques  et  des  livres  destinés  à  faciliter  l'é- 
tude de  la  langue  et  de  la  littérature  du  peuple 
juif.  On  peut  regarder  les  suivants  comme  les 
plus  remarquables  :  De  Dignitate  et  Utilitate 
Linguds  Hebraicse;  1627,  in-8°.  C'est  le  discours 
d'ouverture  de  son  cours  d'hébreu  à  Leyde;  — 
Talmudis  babylonïci  Codex  Middoth,  sive  de 
mensuris  templi,  hebr.  cum  versione  et  com- 
ment.; Lugd.-Bat.,  1630,  in-4°; —  Mosis  Kim- 
chi  Introductio  ad  scientiam;  Lugd.-Bat., 
1631,  in-8°;  —  Itinerarium  Benjamini  Tu- 
delensis,  hebr.  lat.  cum  notis;  Lugd.-Bat., 
1633,  in-12;  —  Clavis  talmudica,  hebr.  lat.; 
Iugd.-Bat.,  1634,  in-4°;  —  Liber  halicoth 
clam,  E.  Josuse  Levitx  et  lib.  Mare  Hagge- 
maza  R.  Samuelis   hannagide  hebr.  lat.; 

21 


643 

Lugd.-Bat.,    1634 ,    in-4°  ;    —    Bisputationes 
theologicx;  Lugd.-Bat.,  1648,in-8°. 

Michel  Nicolas. 

Paquot,  Mémoires.  —  Rolermmid,  Supplément  à  Adc- 


lempriere  (John),  biographe  anglais,  né 
dans  l'île  de  Jersey,  mort  le  1er  lévrier  1824,  à 
Londres.  Après  avoir  l'ait  ses  études  à  Oxford, 
oîi  il  prit  tous  ses  degrés  en  théologie,  il  fut 
chargé  de  la  direction  du  collège  d'Abingdon, 
passa  ensuite  à  celui  d'Exeter,  et  renonça,  vers 
1810,  à  la  carrière  de  l'enseignement  à  la  suite 
de  quelques  démêlés  avec  ses  collègues.  L'année 
suivante  il  obtint  deux  bénéfices  dans  le  Devon- 
shire,  sinécures  d'un  revenu  médiocre,  mais  qui 
lui  procurèrent  l'indépendance  nécessaire  à  ses 
travaux.  Lempriere  avait  une  instruction  éten- 
due; il  connaissait  fort  bien  l'antiquité,  et  sa 
Bibliolheca  classica,  1788,  in-8°,  revue  et 
augmentée  par  lui,  est  encore  d'un  usage  géné- 
ral dans  les  universités.  On  a  encore  de  lui  : 
une  traduction  d'Hérodote  avec  notes,  1792, 
dont  il  n'a  paru  que  le  tome  Ier  ;  —  Universal 
Bîography;  1808,  in-4°  et  111-8"  :  cette  compi- 
lation, faite  avec  soin,  a  été  aussi  l'objet  de  fré- 
quentes réimpressions.  P.  L — y. 

Annttat  Biography,  1824. 

LE  muet  (Pierre),  architecte  français,  né  à 
Dijon,  en  1591,  mort  à  Paris,  en  1669.  Non  moins 
bon  ingénieur  qu'habile  architecte,  il  fut  chargé 
par  Mazarin  de  créer  ou  de  réparer  les  fortifica- 
tions de  plusieurs  villes  de  Picardie.  Il  cons- 
truisit à  Paris  un  grand  nombre  de  maisons  et 
d'hôtels,  et  plusieurs  châteaux  en  province; 
mais  il  est  surtout  connu  pour  avoir  achevé  l'é- 
glise du  Val  de  Grâce,  commencée  en  1645  sur  les 
dessins  de  Mansard  et  continuée  sur  ceux  de 
Lemercier  jusqu'à  la  hauteur  de  l'entablement. 
On  doit  donc  à  Le  Muet  la  coupole  et  les  voûtes, 
et  il  est  également  auteur  de  la  façade,  composée 
de  deux  ordres  corinthiens  superposés  et  cou- 
ronnés d'un  fronton.  Le  Muet  avait  donné  en 
1656  les  dessins  de  l'église  Notre-Dame  des-Vic- 
toires  pour  les  Augustins  déchaussés,  dits  les 
Petits-l'ères;  mais  les  travaux  à  peine  commen- 
cés furent  suspendus  faute  de  fonds,  et  ne  furent 
repris  qu'en  1737,  par  Libéral  Bruant,  et  achevés 
plus  tard  par  Gabriel  Leduc.  Le  Muet  a  laissé 
trois  ouvrages  didactiques  :  Traité  des  Cinq 
Ordres,  traduit  de  Palladio  ;  Paris,  1626;  — 
Les  Règles  des  Cinq  Ordres  d'Architecture  de 
Vignole  augmentées,  et  réduites  de  grand  en 
petit  ;  Paris,  1632,  in-4°  ;  —  La  manière  de  bien 
bdtir  pour  toutes  sortes  de  personnes;  1665, 
infol.  E-  B— N 

Quatremère  de  Quincy,  Histoire  de  la  Vie  et  des  Ou- 
vrages des  plus  célèbres  Architectes.  —  Dulaure,  Histoire 
de  Paris. 

LESAiiv(Dom  Pierre),  écrivain  ecclésias- 
tique, néàParis,en  1640,  mort  à  La  Trappe,  près 
Soligny  (Perche),  en  1713.  Il  était  frère  du  sa- 
vant Sébastien  Lenain  de  Tillemont,  et  fit  pro- 
fession chez  lesVictorins  de  Paris.  Plus  tard,  en 


L'EMPEREUR  —  LENAU  644 

1662,  lorsque  Armand  Le  Bouthillier  de  Rancé 
eut  réformé  les  cisterciens  du  monastère  de  La 
Trappe,  dom  Lenain  s'y  retira,  et  en  devint 
sous-prieur.  On  a  de  lui  entre  autres  :  Essai 
de  V histoire  de  l'Ordre  de  Cîteaux;  Paris, 
1696,  9  vol.  in-12.  Le  style  de  cet  ouvrage  est 
négligé,  la  critique  y  manque;  l'auteur  a  déployé 
plus  de  piété  que  de  savoir  ;  —  Homélies  sur 
Jérémie;  1705,  2  vol.  in-8°;  —  une  Traduc- 
tion de  saint  Dorothée,  Père  de  l'Église  grec- 
que; in-8°;  —  Vie  de  J.  Le  Bouthillier  de 
Rancé,  abbé  et  réformateur  de  La  Trappe; 
Rouen,  1715,  3  vol.  in-12.  Revu  par  Bossuet, 
cet  ouvrage  a  eu  de  nombreuses  éditions  ;  — 
Relation  de  la  Vie  et  de  la  mort  de  plusieurs 
Religieux  de  La  Trappe,  6  vol.  in-12.  A.  L 

Richard  et  Giraud,  Bibliothèque  Sacrée.  —  Moréri,  Le 
grand  Dictionnaire  Historique. 

LENAIN   DE  TILLEMONT.   Voy.  TlLLEMONT. 

lenau   (  Nicolas  ),  poète   allemand  ,    né  à  ' 
Csatad,   en  Hongrie,  le  15  août  1802,  mort  à'1 
Oberdoebling,  près  Vienne,  le  22  août  1850.  Son]' 
véritable  nom  était  JSiembsch  de  Strahlenau  ;f 
mais  il  est  beaucoup  plus  connu  sous  celui  dejj 
Lenau.  Quoique,  par  sa  naissance,  il  appartînt  àf 
la  Hongrie,  l'allemand  lui  était  devenu  familier!11 
dès  son  enfance.  Après  avoir  achevé  son  cours  jj 
de  philosophie  à  l'université  de  Vienne,  il  s'ap-J 
pliqua d'abord,  pendant  trois  ans,  à  l'étude  delà" 
jurisprudence,  qu'il  abandonna  ensuite  pour  se0 
livrer  à  celle  de  la  médecine  et  des  sciences  na-f 
turelles.  Son  génie  poétique  se  montra  pour  lap 
première  fois  dans  une  excursion  qu'il  fit  aux|" 
Alpes  autrichiennes.   Non  content  d'errer  dans?1 
les  steppes  de  la  Hongrie  et  de  courir  la  post€|u. 
sur  la  grande  route  de  l'Europe,   en  1832,   if 
franchit  même  l'Océan,  et  fit  son  tour  du  NoujJ1 
veau   Monde.  Après  son  retour  d'Amérique,  if1 
habita  alternativement  Vienne,  Ischl  et  StuttJJ 
gard.  Ce  fut  dans  cette  dernière   ville,  qu'ai10' 
mois  d'octobre  1844,  il  fut  atteint  d'une  maladif 
mentale,   au  moment  où  il   allait  se  rendre  i 
Francfort-sur-le-Mein  pour  s'y  marier.    On  h 
conduisit  dans  la  maison  de  santé  de  Winne 
thaï,  et  de  là,  en  1847,  à  Oberdoebling,  prè 
Vienne ,  où  se  termina  sa  carrière.  Ce   fut  ei 
1832,  l'année  même  où  Lenau  partit  pour  l'Ame 
rique,  que  Gustave  Schwab  publia  le  premier  re 
cueil  de  poésies  de  notre  poëte,  qui  eut  tout  d'à 
bord  un  grand  succès,  et  qui  déjà,  en  1 838 ,  époqm 
où  parurent   également  ses  Neuere  Gedïch0 
(Poésies  nouvelles),  eut  une  2e  édition.  Ces  deu?  " 
recueils  furent  plus  tard  réunis  sous  le  titre  di 
Gedkhte  (  Poésies).,  tome  I,  14e  édit.;  Stuttgard 
1852;  t.  II,  12e  édit;  ibid.,  1852.  C'est  dans  ce 
pièces  que  se  manifestent  avec  le  plus  de  bon 
heur  les  énergies  natives  et  les  délicatesses  di 
son  âme.  Toutes  ses  poésies  justifient  amplemen 
la  sympathie  dont    il   est  l'objet  de  la  par 
de  ses  compatriotes,  et  l'on  peut,  sans  hésiter' 
le  placer  au   rang  des  premiers  poètes  lyrique  « 
de  l'Allemagne.   Ses  meilleures  pièces  de  ver  jtr 


ii, 


îltr 


645  LENATT  — 

réunissent   toutes    les    qualités  auxquelles   les 
poésies  fugitives  de  Goethe  doivent  leur  excel- 
lence.  Le  premier  recueil  de  poésies  de  Lenau 
fut  suivi  de  Faust,  qui  parut  d'abord  par  frag- 
ments, en  1836,  dans  YAlmanach  du  Prin- 
temps (Fruehlings  Almanach),  que  publiait  alors 
e  poëte  à  Stuttgard.  On  en  a  donné  une  qua- 
trième édition  dans  la  même  ville,  en  1852.  — 
^ai/sf.  est  un  poëme  épico-dramatique,  entre- 
nèlé  de  dialogues,  de  scènes  dramatiques,  de 
issertations,  de  ballades  et  de  morceaux  des- 
riptifs.  On  y  retrouve  quelques-unes  des  ligures 
e  Gœthe,  mais  tellement  dénaturées,  qu'elles 
int  supposer  le  poëte  frappé  de  cécité  par  son 
ueil.  Après  Faust  parut  Savonarole ;  Stutt- 
anl ,  1837  ;  2e  édit.;  ibid.,  1844.  On  n'y  trouve 
en  de  ce  qui  doit  caractériser  un  poëme  épique, 
enau  nous  montre  dans  le  fameux  dominicain 
e  Florence  le  visionnaire  extatique,  le  prophète 
bstiné,  le  croyant  réformateur  et  le  prédicateur 
ustère  ;  mais  il  ne  nous  montre  pas  l'homme 
vec  ses  oscillations  et  ses  contradictions ,  ses 
pirationsdésintéresséesetses  passions.  Le  troi- 
ème  grand  poëme  de  Lenau  est  intitulé  :  Die 
Ibinenscr  (Les  Albigeois),  et  a  paru  pour  la 
"emière  fois  à  Stuttgard,  en  1841  ;  3e  édit.,  ib., 
352.  Dans  ce  poème,  Lenau  nous  propose  les 
forts  tentés   par  les  hérétiques  du  douzième 
I,  îcle  comme  une  grande  et  glorieuse  consolation 
!  >ur  les  contemporains  qui   travaillent  à  pré- 
j,  irer  un  avenir  plus  digne ,  selon  lui,  de  l'hu- 
|anité.    Après   la   mort   de  Lenau,    son   ami 
lastasius  Gruen  publia  de  lui,  sous  le  titre  : 
1  le  h  (e  risc  lier    Nachlass    (  Succession   poéti- 
le)   une   série  de  petites    poésies,  dont    la 
incipale  est  Don  Juan  (Stuttgard,  1851),  que 
uteur  lui-même  regardait  comme  ce  qu'il  avait 
t  de  mieux.  Le  nom  de  Lenau  eut  de  l'écho 
sqifen  Angleterre  même,  où  il  était  estimé  et 
noré.  Le  Foreign  Monthly  Review  and  con- 
^hental  literary  journal  du    mois  de   sep- 
jjiibre  1839  a  publié  une  critique  remarquable 
|e  ît  en  faveur  de  son  Faust  et  de  ses  Poésies , 
John  Brydges  a  traduit  un  assez  grand  nombre 
ses  poésies  sous  le  titre  de  Poem  ofN.  Lenau; 
ndon,    1838.   Les   écrits    suivants   prouvent 
ubien  devait  être  vif  l'intérêt  qu'on  prenait 
îéralement  aux  grands  poèmes  de  Lenau ,  et 
nbien   en  même  temps    on   devait  avoir  de 
f ficultés  pour  les  comprendre:  Ueber  Lenau's 
■^ust  (  Sur  le  Faust  de  Lenau),  par  J.  M  — r; 
ieB ittgard ,  1836;  —   Nikolaus  Lenau,   seine 
fcSichsten  und  Tendenzen,  etc.  (Nicolas  Le- 
■  î,  ses  vues  et  ses  tendances),  par  Uffo  Horn; 
;  |  mbourg,  1 838  ;  —  Nikolaus  Lenau.  Fine  Aus- 
ï    •hrl.iche  Characteristik  des  Dichters  (Nico- 
,  if  Lenau,  Charactéristique  complète  de  ce  poëte), 
Jj   Opiiz;  Leipzig,  1850;  — Lenau  in  Schwa- 
i  (Lenau  en  Souabe),  par  Niendorf;  Leipzig, 
isllg  >3;  —  N.  Lenau's  Briefe  an  einen  Freund 
îttres  de  N.  Lenau  à  un  ami  ) ,  publiées  par 
ï(Jver;  Stuttgard,  1853.  Henri  Wilmès. 


LENCLOS 


646 


Conrersations-T,exikon.  —  Revue  de  Paris,  1er  février 
1854,  article  de  M.  Henri  Seufferl.  —  Documents  divers. 

le  nautonnier  (Guillaume),  sieur  dk 
Castelfranc,  astronome  français,  né  le  15  juillet 
1560,  près  de  Vénès  (Languedoc),  mort  le 
10  août  1620,  à  Castres.  Destiné  à  la  carrière  ec- 
clésiastique ,  il  fit  violence  à  ses  goûts,  qui  le  por- 
taient vers  l'étude  des  mathématiques,  et  entre- 
prit un  voyage  pour  vérifier  l'exactitude  de  ses 
calculs  sur  la  déviation  de  l'aiguille  aimantée 
avant  d'accepter  la  direction,  en  qualité  de  pas- 
teur, de  la  paroisse  protestante  de  Montredon 
(159i).  Plus  tard,  il  fut  député  par  les  églises  du 
haut  Languedoc  à  l'assemblée  politique  de  Chà- 
tellerault  etausynode.national  deSaint-Maixent. 
Ses  devoirs  religieux  ne  le  détournèrent  pas  ce- 
pendant des  sciences  exactes,  et  il  puWia  les  ou- 
vrages suivants,  dont  le  premier  sortit  d'une 
presse  qu'il  avait  établie  dans  son  château  de 
1  Ourmarié  :  Mécométrie  de  V  aymant,  c  est-à- 
dire  de  la  manière  de  mesurer  les  longitudes 
par  le  moyen  de  Vaymant,  par  laquelle  est 
enseigné  un  très-certain  moyen,  auparavant 
inconnu,  de  trouver  les  longitudes  géogra- 
phiques de  tous  lieux,  aussy  facilement  que 
la  latitude.  Davantage  y  est  montré  la  dé- 
clinaison de  la  guide  aymant  pour  tous  les 
lieux  ;  1604,  in-folio  avec  cartes  et  gravures.  Ce 
livre,  fruit  de  plusieurs  années  de  recherches, 
rendit  d'utiles  services  à  la  navigation  et  valut  à 
l'auteur  une  pension  de  1,200  livres  de  la  part 
de  Henri  IV;  il  est  suivi  de  la  Mécométrie 
arithmétique  deV aymant ,  dédié  à  Jacques  1er; 
—  De  Artificiosa  Memoria;  Castres,  1607, 
in-4°;  résumé  des  moyens  mnémotechniques  re- 
commandés par  les  anciens  et  les  modernes.  Il 
laissa  en  manuscrit  un  Diaire  astrologique  et 
une  Cosmographie.  P.  L —  y. 

Delambre,  bibl.  Astronom.—  La  France  Prot. 

lenclos  (Anne  dite  Ninon  de),  femme  cé- 
lèbre du  dix-septième  siècle.  Elle  naquit  à  Paris 
en  1615,  et  mourut  en  cette  même  ville,  le  17  oc- 
tobre 1705-  M.  de  Lenclos,  son  père,  n'était  pas 
un  joueur  de  luth ,  comme  l'ont  supposé,  d'après 
Voltaire,  quelques  biographes,  mais  un  gentil- 
homme tourangeau,  qui  avait  beaucoup  de  goût 
pour  la  musique.  Madame  de  Lenclos  appartenait 
à  une  bonne  famille  ;  elle  s'efforça  en  vain  d'in- 
culquer à  sa  fille  ses  propres  principes  de  morale 
et  de  religion.  M.  de  Lenclos,  de  son  côté,  s'appli- 
quait à  lui  inspirer  le  goût  de  la  philosophie,  non 
de  celle  qui  incite  l'esprit  humain  à  rechercher 
en  tout  la  souveraine  vérité  et  a  élargir  les  voies 
du  perfectionnement  moral,  mais  de  celte  philo- 
sophie qui  conduit  seulement  au  sensualisme  et 
que  l'on  qualifie  d'épicurienne.  Dans  cette  lutte 
de  principes  entre  les  deux  instituteurs  naturels 
de  Ninon,  le  père  demeura  victorieux;  ses  en- 
seignements s'accordaient  a\cc  les  instincts  de 
son  élève.  Tout  enfant ,  Ninon  était  belle ,  «  et 
elle  le  fut  toujours  »,  dit  Guyon  de  Sardière,  qui 
décrit  minutieusement  sa  beauté,  suivant  lui, 

21. 


647 


LENCLOS 


648 


parfaite.  Selon  d'autres  écrivains,  le  eharme 
irrésistible  de  Mlle  de  Lenclos  consistait  princi- 
palement dans  la  mobilité  de  sa  physionomie  et 
dans  la  grâce  de  sa  personne.  L'éducation  de 
Ninon  fut  très -soignée;  son  père  lui  fit  apprendre 
plusieurs  langues  étrangères  ;  elle  excellait  dans 
l'art  de  la  musique  et  dans  celui  de  la  danse;  de 
plus,  elle  avait,  comme  on  disait  alors,  beaucoup 
de  lecture,  ce  qui  ne  la  rendait  pourtant  pas 
pédante.  Son  caractère  était  égal  et  facile ,  son 
esprit  vif  et  mordant.  Mlle  de  Lenclos  avait 
seize  ou  dix-sept  ans  lorsqu'elle  entra  dans  la 
carrière  de  la  galanterie ,  et  elle  n  en  sortit  pas 
d'un  demi-siècle  tout  entier,  assure-t-on.  Sa 
première  liaison  d'amour  fut  cependant  enve- 
loppée de  quelque  mystère  ;  à  l'époque  où  elle 
eut  lieu,  Ninon  vivait  sous  le  toit  maternel,  qu'elle 
abandonna  dans  la  suite  pour  se  livrer,  sans  au- 
cune retenue,  au  plaisir.  Les  apologistes  de 
M,le  de  Lenclos  veulent  que  son  excentricité 
ait  été  le  résultat  de  la  profondeur  de  sa  raison. 
«  Le  penchant  qu'elle  avait  à  réfléchir,  dit 
Sardière,  lui  lit  porter  bientôt  ses  regards  sur 
le  partage  inégal  des  qualités  qu'on  est  con- 
venu d'exiger  dans  les  deux  sexes.  Elle  en 
vit  l'injustice,  et  ne  put  la  soutenir.  —  «  Je  vois, 
dit- elle  à  ses  amis,  qu'on  nous  a  chargées  de 
ce  qu'il  y  a  de  plus  frivole,  et  que  les  hommes 
se  sont  réservé  le  droit  aux  qualités  essen- 
tielles ;  de  ce  moment  je  me  fais  homme.  »  Le 
mépris  de  l'hypocrisie  et  l'indifférence  pour  les 
richesses  furent  les  deux  seules  règles  de  con- 
duite que  se  posa  Ninon  ;  elles  lui  assuraient 
l'indépendance  dans  l'amour.  Il  y  a  divergence 
d'opinions,  parmi  les  biographes  de  mademoi- 
selle de  Lenclos,  quant  à  l'objet  de  sa  pre- 
mière inclination  de  cœur.  Voltaire  prétend  que 
Ninon  fut  passagèrement  la  maîtresse  du  cardi- 
nal de  Richelieu  ;  il  ajoute  que  cette  intrigue 
amoureuse  dut  être  la  première  de  l'une  et  lader- 
nière  de  l'autre.  Il  semble  qu'en  écrivant  ceci, 
Voltaire  ait  confondu  Ninon  de  Lenclos  avec 
Marion  Délorme.  Richelieu  aurait  donné  à  Ninon 
(toujours  d'après  le  même  auteur)  une  rente 
viagère  de  deux  mille  francs.  Ce  choix  d'un 
amant  qui,  selon  toutes  probabilités,  ne  pouvait 
pas  personnellement  plaire  à  une  belle  tille  de 
dix-sept  ans,  et  le  don  qui  s'en  serait  suivi,  se 
trouvent  démentis  par  le  désintéressement  de 
Ninon  dans  toutes  ses  relalions  intimes.  Voltaire 
se  contredit  lui-même  lorsque  ensuite  il  dit  «  qu'il 
fallait  beaucoup  d'art  et  être  fort  aimé  d'elle, 
pour  lui  faire  accepter  des  présents  ».  Au  reste, 
la  notice  sur  mademoiselle  de  Lenclos,  pu- 
bliée dans  les  Œuvres  de  Voltaire  sous  le 
titre  de  Lettre,  fourmille  d'erreurs.  On  lit  dans 
la  Segraisiana  que  Ninon  eut  pour  premier 
amant  un  M.  de  Saint-Étienne.  Le  fait  est  que 
celui  qui  assujettit  le  cœur  encore  tout  neuf  de 
Ninon  fut  un  beau  et  valeureux  jeune  homme  (1), 

(1)  Celte  assertion  de  Guyon  de  Sardière  est  corroborée 
p.'tr  leu  vers  suivants  deSalnt-Évreroond  : 


Gaspard  de  Coligny,  comte,  pnis  duc  de  Châ- 
tillon.  Ces  liens,  tout  charmants  qu'ils  étaient,  se 
rompirent  vite.  De  cette  époque  datent  les  ré- 
flexions de  Ninon  sur  l'instabilité  de  l'amour.  Elle 
regarda  ce  sentiment  «  comme  un  mouvement 
aveugle  et  machinal .  qui  ne  suppose  aucun  mé- 
rite dans  l'objet  qui  le  fait  naître  ».  Parmi  les 
successeurs  presque  innombrables  que  Ninon  don- 
na au  comte  de  Chàtillon ,  il  y  en  eut  un ,  —  un 
seul,  —  dont  elle  récompensa  l'attachement  par 
une  fidélité  qui  ne  dura  pas  moins  de  trois  ans. 
Ce  privilégié  fut  le  marquis  de  Villarceaux  ;  Ni- 
non l'avait  enlevé  à  son  amie,  Mme  Scarron,  sans 
se  brouiller  pour  cela  avec  elle.  Ils  passèrent  tout 
le  temps  de  leurs  amours  dans  la  retraite  à  la 
campagne.  Une  telle  infraction  aux  coutumes 
de  Mlle  de  Lenclos  ne  pouvait  manquer  d'émou- 
voir ceux  de  ses  adorateurs  qui  avaient  subi  les 
conséquences  de  son  humeur  volage.  Saint- 
Évremond  lui  adressa  V Élégie  dont  nous  venons 
de  citer  un  fragment,  et  qui  commence  ainsi  : 

Chère  Philis,  qu'êtes-vous  devenue? 
Cet  enchanteur  qui  vous  a  retenue 
Depuis  trois  ans  par  un  charme  nouveau 
Vous  retient-il  en  quelque  vieux  château? 

Un  peu  plus  loin  le  poète  mentionne  outre  Chà- 
tillon ,  «  un  maréchal  (d'Albret),  l'ornement  de 
la  France,  »  et  «  ce  jeune  duc  (d'Enghien)  qui 
gagnait  des  batailles,  »  comme  ayant  obtenu  les 
faveurs  de  Philis. 

On  a  donné  à  Ninon  la  qualification  d'honnétt 
homme,  parce  qu'elle  n'avait  jamais   plusieurs 
amants  à  la  fois.  A  la  vérité,  celui  qu'elle  congé 
diait  était  si  promptement  remplacé  par  un  autre 
que  le  marquis  d'Estrées  et  l'abbé  d'Effiat  (  quel 
ques  auteurs  ont  substitué  à  ce  dernier  Vil- 
larceaux) s'en  rapportèrent  au  hasard  d'une  par 
tie  de  dés  pour  trancher  une  question  de  pa- 
ternité au  sujet  de  laquelle  Ninon  elle-même  res 
tait  indécise.  D'Estrées  ayant  gagné  la  partie  s 
chargea  du  sort  de  l'enfant,  qu'il  regarda  de 
lors  comme  sou  fils....  Ce  fils,  le  chevalier  de  L 
Boissière,   se  distingua  dans  la  marine.  On 
loué  Mile  de  Lenclos  outre -mesure,  selon  nou; 
pour  un  simple  trait  de  probité,  auquel  donn 
du  relief  le  contraste  de  la  conduite  d'un  indi 
vidu  que  Voltaire  désigne  par  l'épithète  de  dévol 
et  l'auteur  de  la  Vie  de  Ninon  par  le  titre  d 
grand-pénitencier.  Lors  de  l'arrestation  de  Fou 
quet  en  1661,  Gourville  s'étant  enfui  de  France 
laissa  deux  cassettes  renfermant  chacune  di 
mille  écus  d'or,  en  dépôt,  l'une  chez  le  persoo 
nage  ci-dessus,  l'autre  à  M1Ie  de  Lenclos,  dont 


Ce  beau  garçon  dont  vous  fûtes  éprise 

Mit  en  vos  mains  son  aimable  franchise; 

II  était  jeune,  il  n'avait  point  senti 

Ce  que  ressent  un  cœur  assujetti; 

Et,  jeune  encor,  vous  ignoriez  l'usage 

Des  mouvements  qu'excite  un  beau  visage  ; 

Vous  Ignoriez  la  peine  et  le  plaisir 

Qu'ont  su  donner  l'amour  et  le  désir. 

Dans  les  transports  d'une  première  flamme 

vous  voos  nommiez  et  mon  cœur  et  mon  âme. 


649 

avait  été  l'amant.  A  son  retour,  le  dévot  préten- 
dit avoir  employé  le  dépôt  en  oeuvres  pies; 
d'autres  ont  écrit  qu'il  le  nia.  Ninon,  à  qui  Gour- 
ville  ne  redemandait  pas  l'autre  cassette,  la  lui 
remit,  en  disant  :  «  J'ai  perdu  le  goût  que  j'avais 
pour  vous;  mais  je  n'ai  pas  perdu  la  mémoire.  » 
Malgré  son  libertinage,  qu'elle  prolongea  fort  au- 
delà  des  limites  de  l'âge  mûr,  mademoiselle  de 
Lenclos  jouit  dans  sa  vieillesse  d'une  considéra- 
tion qui  toutefois  était  un  peu  factice.  Son  esprit 
fin,  vif,  original,  soutint  la  célébrité  que  lui  avait 
faite  la  licence  de  ses  mœurs  ;  et  sa  maison , 
après  avoir  été  une  école  de  matérialisme,  devint 
un  petit  hôtel  Rambouillet.  Le  cercle  de  ses  ad- 
mirateurs s'augmenta  d'une  société  de  femmes 
du  monde  etde  la  cour,  au  nombre  desquelles  se 
trouvaient  mesdames  de  La  Sablière,  de  Bouillon, 
de  Coulanges,  de  Castelnau,  Cornuel,  d'Olonne... 
'Ce  dernier  nom,  honni  par  tous  les  chroniqueurs 
du  temps,  prouve  que  la  société  des  femmes  y 
était  un  peu  mêlée.  Quelques  auteurs  ont  mis 
sur  cette  liste  Mme  de  Grignan  ;  la  fière  et  sage 
gouvernante  de  Provence  n'alla  jamais  chez  Ni- 
non. Le  jeune  marquis  de  Grignan  avait  seize 
ans  lorsqu'il  fut  présenté  à  «  cette  vieille  célèbre  », 
comme  l'appelle  Voltaire.  A  propos  de  la 
présentation  du  marquis  de  Grignan  à  SP'e  de 
Lenclos,  nous  allons  citer  ce  passage  de  la  no- 
tice sur  monsieur  de  Sévigné,  par  Grouville. 
«A  cinquante-six  ans,  dit  cet  écrivain,  elle 
(Ninon)  séduisit  celui  (Charles  de  Sévigné) 
dont  elle  avait  enflammé  le  père  (Henri  de  Sé- 
vigné) à  trente-quatre,  et  c'est  le  moment  de 
remarquer  qu'on  vit  encore  vingt  ans  après, 
son  amitié  recherchée  par  le  jeune  marquis  de 
Grignan  ;  elle  captiva  ainsi  les  trois  générations 
dans  la  même   famille.  » 

On  regardait  Ninon  comme  un  modèle  de  poli- 
tesse. En  1679,  MmedeMaintenon  écrivait  à  made- 
moiselle de  Lenclos  :  «Continuez  à  donner  de  bons 
conseils  à  mon  frère,  il  a  bien  besoin  des  le- 
çons de  Léontium.  »  Les  leçons  de  Léontium 
n'empêchèrent  pas  d'Aubigné  d'être  jusqu'à  sa 
mort  un  homme  de  mauvaise  compagnie.  Ce 
parallèle  entre  Ninon  et  Léontium  ,  parallèle  si 
souvent  reproduit  et  établi  par  Saint-Évremond, 
n'était  pas  très-flatteur  pour  M"e  de  Lenclos  : 
même  chez  les  anciens  la  maîtresse  d'Épicure 
n'a  pas  joui  de  l'estime  publique.  Au  reste, 
les  adulateurs  de  Mi'e  de  Lenclos  ont  souvent 
commis  à  son  sujet  des  inconséquences  ana- 
logues :  Voltaire,  après  s'être  attaché  à  marquer 
la  différence  qui  existe  entre  la  femme  qui  cède 
aux  caprices  de  son  cœur  ou  de  son  imagination 
et  la  femme  dont  on  achète  les  faveurs,  s'écrie  à 
propos  de  l'anecdote  si  connue  du  bon  billet 
qu'a  la  Châtre,  que  les  Thaïs  et  les  Laïs  n'ont 
jamais  rien  fait  de  plus  plaisant.  D'autres, 
comme  Châteauneuf  et  Saint-Évremond  ,  sont 
tombés  dans  une  exagération  ridicule  en  décla- 
rant, le  premier,  que  Ninon  s'était  mise  au  rang 
des  hommes  illustres  ;  le  second,  que  son  âme 


LENCLOS  650 

était  formée  «  de  la  volupté  d'Epieure  et  de  la 
vertu  de  Caton  ».  La  position  que  Ninon  se  fit 
dans  le  grand  monde  au  déclin  de  sa  vie  carac- 
térise d'ailleurs  son  époque;  et  l'on  peut  dire 
avec  quelque  fondement  que  l'irréligion  et  le  bi- 
gotisme,  le  libertinage  et  la  pruderie,  qui  se 
partageaient,  pour  ainsi  dire,  la  société,  étaient 
représentées  par  ces  deux  anciennes  amies, 
Mlle  de  Lenclos  et  Mme  de  Maintenon. 

Quelques  soins  qu'aient  pris  en  général  les 
panégyristes  de  Ninon  de  Lenclos  pour  dissimu- 
ler ses  peines  morales,  elles  sont  rendues  évi- 
dentes par  les  efforts  même  de  ses  amis  pour 
fortifier  sa  vieillesse  contre  l'envahissement  de 
regrets  inutiles.  La  détresse  de  son  esprit 
perce  dans  l'intimité  de  sa  correspondance  avec 
Saint-Évremond.  On  ne  trouve  même  pas  dans 
aucune  de  ces  pages  un  léger  reflet  de  l'esprit 
railleur  qui  s'était  souvent  manifesté  dans  sa 
conversation  par  des  plaisanteries  fort  libres, 
que  Mme  de  Sévigné  appelait  par  antithèse  des 
gentillesses,  et  aussi  par  des  reparties  pleines  de 
sel.  Ainsi  le  grand-prieur  de  Vendôme,  dont  Ni- 
non avait  repoussé  les  hommages ,  ayant  voulu 
se  venger  de  ses  dédains  par  l'épigramme  sui- 
vante : 

Indigne  de  mes  feux,  indigne  de  mes  larmes, 
Je  renonce  sans  peine  à  tes  faibles  appas. 

Mon  amour  te  prêtait  des  charmes, 

Ingrate,  que  tu  n'avais  pas. 

Elle  lui  répondit  : 
Insensible  à  tes  feux,  Insensible  <*  tes  larmes, 
Je  te  vois  renoncer  à  mes  faibles  appas. 
Mais  si  l'amour  prête  des  charmas, 
Pourquoi  n'en  empruntais-tu  pas?» 

Vainement,  pour  l'étourdir  sur  la  perte  de  sa 
jeunesse,  Saint-Évremond  lui  répète,  sur  tous 
lestons,  qu'il  n'y  aura  point  de  vieillesse  pour 
elle.  «  Votre  vie,  ma  très-chère,  a  été  trop  il- 
lustre pour  n'être  pas  continuée  de  la  même  ma- 
nière jusqu'à  la  fin.  Que  l'enfer  de  M.  de  La  Ro- 
chefoucault  ne  vous  épouvante  pas...  »  (  Ou  sait 
que  La  Rochefoucault  dit  un  jour  à  Ninon  avec 
une  arrière-pensée  malicieuse  :  «  L'enfer  des 
femmes,  c'est  la  vieillesse.  »)  «  ...Vous  êtes 
née  pour  aimer  toute  votre  vie...  Vous  pouvez 
toujours  prononcer  hardiment  le  mot  d'amour... 
Quelle  ingratitude  d'avoir  honte  de  nommer  l'a- 
mour, à  qui  vous  devez  votre  mérite  et  vos  plai- 
sirs !  »  Puis,  voyant  sans  doute  l'impuissance  de 
ces  consolations,  Saint-Évremond  recourt  à  un 
autre  genre  d'éloges.  «  Vous  êtes,  écrit-il  à  sa 
vieille  amie,  plus  spirituelle  que  n'était  la  jeune 
Ninon.  »  Et  dans  une  autre  occasion  :  «  J'ai  reçu 
la  seconde  lettre  que  vous  m'avez  écrite,  obli- 
geante, agréable,  spirituelle,  où  je  reconnais 
les  enjouements  de  Ninon  et  le  bon  sens  de  ma- 
demoiselle de  Lenclos.  »  (  Il  est  à  remarquer  que 
ce  fut  seulement  vers  le  déclin  de  sa  vie  que  les 
amis  de  M!le  de  Lenclos  s'accoutumèrent  à  la  dé- 
signer par  son  nom  de  famille;  pendant  cette 
longue  période  de  son  existence  qu'elle  consacra 
à  la  galanterie,  on  ne  l'appelait  que  «  Ninon  »  ). 


651  LENCLOS 

Enfin.  Saiut-Évrémond,  se  trouvant  à  bout  d'ar- 
guments, lui  conseille  «  d'avouer  toutes  ses 
passions  pour  faire  valoir  toutes  ses  vertus  », 
ajoutant  :  «  11  n'y  a  rien  de  mieux  que  la  part 
qui  regarde  vos  amis,  rien  de  plus  sec  que  ce 
qui  regarde  vos  amants.  »  Vains  efforls  d'une 
amitié  compatissante  !  «  Vous  disiez  autrefois  que 
je  ne  mourrais  que  de  réflexion,  —  écrit  Ninon  à 
Saint- Évremond  ;  —  je  tâche  à  n'en  plus  faire  et 
à  oublier  le  lendemain  le  jour  que  je  vis  àujbur- 
d'iiui.  Tout  le  monde  me  dit  que  j'ai  moins  à  me 
plaindre  du  temps  qu'une  autre.  De  quelque 
sorte  que  cela  soit,  qui  m'aurait  proposé  une 
telle  vie,  je  me  saurais  pendue.  »  Les  lettres  im- 
primées de  Ninon  de  Lenclos  à  M.  de  Sévigné , 
publiées  au  dix-huitième  siècle  par  un  avocat 
nommé  Damours,  sont  écrites  moins  incorrecte- 
ment et  moins  sèchement  que  celles  qui  sont 
adressées  à  Saint-Évremor.d.  Il  y  rènue  un  ton 
enjoué  qui  s'accorderait  bien  avec  le  caractère 
qu'avait  Ninon  au  temps  où  elle  partageait,  avec 
une  célèbre  comédienne,  le  cœur  du  marquis. 
Mais  ces  lettres  sont  apocryphes  ;  il  en  est  de 
même  de  la  Correspondance  secrète  entre 
Ninon  de  Lenclos,  M.  de  Vïllarceaux  et 
Mme  de  Maïntenon  (1).  Par  des  motifs  divers, 
indulgence  naturelle  des  hommes  pour  la  cour- 
tisane qui  se  voue  à  leurs  plaisirs,  timidité  des 
femmes  à  critiquer  celles  d'entre  elles  qui  se  sont 
assuré  les  suffrages  des  hommes ,  propension  du 
public  à  adopter  sans  examen  un  jugement  tout 
fait ,  il  est  arrivé  que,  sauf  de  rares  exceptions, 
les  contemporains  de  Ninon  de  Lenclos  ont  uni 
leurs  voix  dans  un  concert  de  louanges  à  sou 
adresse.  Néanmoins  quelques-unes  de  ces  voix 
protestaient  en  secret  contre  un  enthousiasme 
qu'elles  approuvaient  tout  haut.  Ainsi ,  Mme  de 
Coulanges,qui ,  suivant  Grouvelle  ,  fut  liée  jus- 
qu'à sa  mort  d'une  très-étroite  amitié  avec  Ni- 
non, écrivait  en  1695,  à  Mme  de  Sévigné  :  «  Les 


652 


(1)  Puisque  nous  venons  de  mentionner  la  Champmêlé, 
c'est  ici  le  lieu  de  rapporter  un  trait  de  Ninon  qui  nous 
semble  d'autant  plus  injustifiable  que  la  moderne  Lëiffi- 
tivm  ne  se  montrait  pas  jalouse  de  ses  amants  en  gé- 
néral, et  au  peu  de  cas  qu'elle  l'aisiit  en  particulier  du  se- 
cond marquis  de  Sévigné,  il  est  évident  qu'elle  ne  se  sou- 
ciait nullement  de  sa  fidélité.  Même  elle  l'avait  quitté, 
lorsqu  elle  usa  de  l'ascendant  qu'elle  exerçait  encore  sur- 
lui  pour  l'entrainer  à  commettre  «une  trahison  basse  et 
indigne  d'un  homme  de  qualité  ».  Laissons  Mme  de  Sé- 
vigné raconter  cette  aventure  de  son  fils  à  Mme  de  Gri- 
gnan.  «  Elle  I  Ninon  )  voulut  l'autre  jour  lui  faire  donner 
des  lettres  de  la  comédienne;  il  les  lui  donna:  elle  en 
a  été  jalouse;  elle  voulait  les  donner  à  un  amant  rie  la 
princesse  ,  afin  de  lui  faire  donner  quelques  coups  de 
baudrier.  Il  me  le  vint  dire  :  je  lui  fis  voir  que  c'était 
nne  infamie  de  couper  ainsi  la  gorge  à  une  petite  créa- 
ture pour  l'avoir  aimée;  je  représentai  qu'elle  n'avait 
point  sacrifié  ses  lettres  (de  M.  de  Séoinné),  cnmine 
on  voulait  le  lui  faire  croire  pour  l'animer.  Il  entra 
dans  mes  raisons;  il  courut  chez  Ninon,  et  moitié  par 
adresse ,  et  moitié  par  force ,  il  retira  les  lettres  de 
eette  pauvre  diablesse.  »  Les  biographes  de  Ninon  pas- 
sent volontiers  sous  silence  cette  petite  noirceur.  Ce- 
pcu'l  a  ni,  pour  donner  une  Juste  idée  du  caractère  d'un 
individu,  il  faut  présenter  son  portrait  moral  sous  toutes 
ses  faces. 


femmes  courent  après  M1,e  de  Lenclos  comme 
d'autres  gens  y  couraient  autrefois;  le  moyeu 
de  ne  pas  haïr  la  vieillesse  après  un  tel  exemple.  » 
On  s'émerveilla  fort  d'une  visite  de  la  reine  Chris- 
tine à  Ninon,  en  1656.  Voici  comment  cette  vi- 
site eut  lieu.  «  Passant  à  un  certain  bourg  proche 
de  Senlis,  raconte  Mme  de  Motteville,  elle  (  Chris- 
tine )  voulut  voir  une  demoiselle  qu'on  appe- 
lait Ninon ,  célèbre  par  son  vice,  par  son  liber- 
tinage et  par  la  beauté  de  son  esprit.  Ce  fut  à 
elle  seule,  de  toutes  les  femmes  qu'elle  vit  ert 
France ,  à  qui  elle  donna  quelques  marques  d'es- 
time. Le  maréchal  d'Albret  et  quelques  autres  ■ 
en  furent  cause. ,  par  les  louanges  qu'ils  donnè- 
rent à  cette  courtisane  de  notre  siècle.  » 

De  tous  les  points  de  vue  sous  lesquels  on  peut 
considérer  Ninon,  le  plus  désavantageux  à  son 
caractère,  c'est  celui  du  sentiment  maternel;  ce 
sentiment  resta  inconnu  à  son  cœur.  M1'1-'  de 
Lenclos  avait  eu  deux  fils  ;  nous  avons  déjà 
parlé  de  celui  qui  s'appelait  La  Boissière;  si 
sa  mère  ne  lui  fut  pas  toujours  absolument 
étrangère,  du  moins  ne  s'occupa- t- elle  ja- 
mais de  lui.  Quant  au  second  des  enfants  de 
Ninon,  il  reçut  de  son  père,  le  marquis  d.e 
Gersay,  fameux  par  la  témérité  de  sa  passion 
pour  la  reine  Anne  d'Autriche,  le  nom  de  Vil- 
liers.  Il  fut  élevé  loin  des  yeux  de  sa  mère,  et 
on  lui  fit  un  secret  de  sa  naissance.  Ce  secret 
qui  ne  pouvait  être  motivé  par  la  crainte  de 
nuire  à  la  réputation  de  Ninon ,  devenait  une  in- 
jure pour  la  mère.  Mlle  de  Lenclos  ne  la  res- 
sentit pas,  à  ce  qu'il  semble;  car  on  ne  voit  pas 
qu'elle  ait  fait  aucune  tentative  pour  avoir  une 
entrevue,  un  entretien  avec  ce  fils,  jusqu'au 
jour  où  on  le  lui  présenta,  sans  laisser  soup- 
çonner au  jeune  homme  le  lien  sacré  qui  les 
unissait.  Villiers  avait  alors  dix-neuf  ans.  Déjà, 
à  cette  époque,  il  était  du  bel  air  de  mener 
chez  M'ie  rie  Lenclos  Us  jeunes  gens  qu'on  vou- 
lait façonner  aux  manières  du  grand  monde  ;  et 
ces  manières-là,  nous  l'avons  dit,  M"e  de  Len- 
clos les  avait  au  suprême  degré.  Villiers ,  sur 
l'imagination  duquel  devait  puissamment  agir 
la  renommée  extraordinaire  des  charmes  de 
Ninon ,  éprouva  pour  elle ,  dès  qu'il  la  vit ,  une 
admiration  sur  les  mouvemenls  de  laquelle  il 
se  méprit;  il  crut  être  à  son  tour  amoureux  de 
cette  femme  si  séduisante.  Un  jour,  comme  il 
se  promenait  avec  Mlle  de  Lenclos  dans  le  jardin 
d'une  petite  maison  qu'elle  avait  à  Picpus,  et  où 
elle  passait  ordinairement  l'automne ,  il  lui  dé- 
clâfa  ses  sentiments  avec  une  impétuosité  qui  ! 
épouvanta  Ninon  et  lui  ôta  sa  présence  d'esprit. 
D'ailleurs ,  elle  n'était  pas  à  la  hauteur  de  sa  po-  ! 
sition  de  mère;  les  inspirations  de  cette  sainte  | 
tendresse  lui  firent  défaut  en  ce  moment  cri- 
tique.  Au  lieu  de  préparer  graduellement  son  fils  ' 
à  la  connaissance  de  l'affinité  qui  existait  entre  i 
elle  et  lui ,  Ninon  déchira  brusquement  le  voile  ! 
qui  couvrait  ce  mystère  ;  elle  livra  ainsi  le  mal- 
heureux jeune  homme  à  toute  l'horreur  que  de-  : 


653  LENCLOS  — 

vait  lui  causer',  un  entraînement  dont  le  trouble 
de  ses  sens  ne  lui  permit  pas  de  définir  d'abord 
la  véritable  nature.  Bouleversé  par  cette  révé- 
lation, il  alla  prendre  un  de  ses  pistolets  d'arçon, 
et  se  brûla  instantanément  la  cervelle.  Cette 
catastrophe,  le  coup  le  plus  terrible  qui  puisse 
être  porté  au  cœur  d'une  mère,  ne  modifia  au- 
cunement le  caractère  de  Ninon  ;  elle  en  fut  pas- 
sagèrement affligée;  elle  n'en  devint  pas  plus 
sérieuse.  Au  reste,  les  voluptés  de  i'épicurisme, 
dont  M"1'  de  Lenclos  s'était  fait  une  doctrine, 
furent  pour  elle  mélangées  d'amertumes.  Une 
querelle  qui  eut  lieu  entre  deux  de  ses  amants  et 
qui  fit  du  bruit  dans  ie  monde  ,  ayant  porté  le 
scandale  de  sa  conduite  jusqu'aux  oreilles  d'Anne 
d'Autriche,  alors  régente,  quelques  rigides  con- 
seillers engagèrent  cette  princesse  à  la  faire  ren- 
fermer dans  un  couvent.  Ninon ,  ayant  appris 
cela,  dit  qu'elle  le  voulait  bien,  pourvu  que  ce 
fût  dans  le  couvent  des  Cordeliers.  On  lui  ré- 
pliqua qu'elle  pourrait  être  mise  aux  Filles 
repenli-es.  Elle  répondit  qu'elle  n'était  ni  fille, 
ni  repentie.  Elle  aurait  pu  ajouter  que  ses  amis 
étaient  trop  nombreux,  trop  haut  placés  pour 
que  l'on  osât  la  traiter  avec  tant  de  sévérité. 
Effectivement ,  la  reine  ne  donna  point  de  suite 
à  cette  menace,  déjà  fort  blessante  pour  MU<=  de 
Lenclos,  qui  était  plus  sensible  aux  affronts 
qu'elle  ne  voulait  le  paraître.  Elle  fut  très- 
affectée  de  l'indiscrétion  du  jeune  seigneur  pour 
i'amour  duquel  elle  manqua  à  la  parole  que 
La  Châtre,  au  moment  de  s'absenter  pour  peu 
de  temps,  lui  avait  fait  donner  par  écrit  de  lui 
rester  fidèle  jusqu'à  son  retour.  Le  nouvel 
amant,  favorisé  par  Ninon,  avait  répété  à  ses 
amis  la  plaisante  exclamation  de  la  belle  infi- 
dèle :  «  Ah  !  le  bon  billet  qu'a  La  Châtre  !  »  Et 
il  eut  quelque  peine  à  obtenir  son  pardon.  M"e  de 
Lenclos  avait  exclu  Chapelle  de  sa  société , 
parce  qu'il  était  enclin  à  l'ivrognerie.  La  rancune 
de  cet  auteur  le  poussa  à  faire  contre  elle  de 
grossières  chansons,  dont  elle  eut  beaucoup  de 
chagrin. 

Ninon  ne  se  montra  pas  non  plus  aussi  inva- 
riable qu'on  le  croit  généralement  sur  le  cha- 
pitre du  matérialisme.  A  la  date  du  15  février 
1690,  et  à  propos  de  la  conversion  de  la  maré- 
chale de  La  Ferté ,  Mme  dé  Sévigné  dit  :  «  Ninon 
en  est  étonnée ,  ébranlée.  »  Ces  mots  choquent 
le  commentateur  et  biographe  de  notre  célèbre 
épistolaire.  «  Il  n'était  pas  juste,  s'écrie  Grou- 
velle,  de  mettre  à  côté  d'une  telle  femme  (  la 
maréchale)  Ninon,  qui  n'avait  jamais  trompé 
un  mari ,  qui  même  resta  toujours  fidèle  à  l'a- 
mant qu'elle  aimait,  qui  surtout  était  trop  sa- 
vante en  volupté  pour  la  faire  dégénérer  en  dé- 
bauche. »  Avant  cette  époque,  et  alors  que 
Ninon  était  encore  dans  la  splendeur  de  sa 
beauté,  elle  alla  se  jeter  dans  un  couvent  de 
Feuillantines  à  Paris.  Cette  fantaisie  de  retraite 
lui  était  venue  dans  les  premiers  moments  qui 
avaient   suivi  la  mort  de  sa  mère.   Pendant  la 


LEND1NARA 


654 


maladie  qui  termina  l'existence  de  Mrae  de  Len- 
clos, Ninon  l'avait  soignée,  et  veillée  avec  beau- 
coup de  sollicitude.  La  mère  avait  profité  de  ce 
retour  de  tendresse  pour  tenter  encore  une  fois 
d'arracher  sa  fille  à  «  la  vie  libertine  »  qu'elle 
menait.  Ninon  s'était  laissé  émouvoir  par  les 
remontrances  et  les  prières  de  la  mourante; 
mais  cette  impression  de  tristesse  ne  dura  pas 
longtemps  ;  Marion  Delorme  et  Saint-Évremond 
allèrent  voir  leur  amie  aux  Feuillantines  ,  et  ils 
la  décidèrent,  probablement  sans  beaucoup  de 
difficulté,  à  rentrer  dans  le  monde.  Nous  avons 
dit  que  dans  sa  vieillesse  Mlle  de  Lenclos  vit  sa 
société  recherchée  par  les  beaux  esprits  aussi 
bien  que  par  les  dames  de  haut  rang  et  par  les 
jeunes  gens  que,  suivant  l'expression  usitée  alors, 
on  voulait  mettre  dans  le  monde;  et  n'étaient 
pas  admis  chez  elle  tous  ceux  qui  le  désiraient. 
Quelques  mois  avant  sa  mort ,  Ninon  se  lit 
amener  le  jeune  Arouet,  alors  âgé  de  moins  de 
treize  ans,  et  dont  on  lui  avait  vanté  le  talent  poé- 
tique; l'esprit  pétillant  de  l'enfant  lui  plut;  elle 
lui  légua  dans  son  testament  une  somme  de  deux 
mille  francs  pour  acheter  des  livres.  Voltaire 
avait  conservé  un  agréable  souvenir  de  cette 
femme  singulière;  mais  comme  elle  était  très- 
vieille  et  lui  fort  jeune  lorsqu'ils  se  connurent , 
l'illustre  écrivain  n'a  composé  sa  notice  sur 
M11*-"  de  Lenclos  que  d'après  des  renseignements 
dont  la  plupart  sont  controuvés.  11  aurait  dû 
pourtant  se  tenir  en  garde  contre  l'inexactitude, 
lui  qui,  en  1752,  écrivait  de  Postdam  :  «La  plupart 
des  anecdotes  sur  M"8  de  Lenclos  sont  vraies  ; 
mais  plusieurs  sont  fausses Les  lettres  qui  cou- 
rent ou  plutôt  qui  ne  courent  plus  sous  son  nom 
sont  au  rang  des  mensonges  imprimés.  »  11  faut 
mettre  au  rang  de  ces  mensonges  l'extravagante 
et  honteuse  assertion  que  Ninon  avait  quatre- 
vingts  ans  lorsqu'elle  eut  sa  dernière  aventure 
amoureuse  avec  l'abbé  Gedoyn.  D'autres  biogra- 
phes ont  prétendu  qu'elle  était  âgée  de  soixante- 
dix  ans  quand  elle  renonça  à  ia  galanterie,  et 
que  ce  fut  Châteauneuf  qui  ferma  la  liste  de  ses 
amants.  Quelques  auteurs  ont  attribué  à  Ninon 
de  Lenclos  un  opuscule  qui  fut  publié ,  de  son 
vivant,  sous  le  titre  de  La  Coquette  vengée, 
en  réponse  à  un  petit  livre  intitulé  :  Le  Por- 
trait de  la  Coquette.       Camille  Lebrun. 

Guyon  de  Sardièrc ,  Vie  de  Ninon  de  Lenclos.  — 
SaiiH-Évremond,  OEuvres.  —  Tallemant  des  Réaux , 
Historiettes.  —Saint-Simon,  Mém.  —  I5ret .  Mémoire 
sur  Ninon  de  Lenclos.  —  Dauxmesnil ,  idem.  —  lettres 
de  Mlle  de  Lenclos.  —  Molteville,  Mémoires.  —  Sevigné, 
Lettres.  —  Grouvclle,  Notice  sur  le  marquis  de  Sëvigne. 
—  Voltaire.,  Lettre  sur  Mlle  de  Lenclos. 

leivdinara  (  Cristoforo  Genesini  de'  Ca- 
nozzi  da  ) ,  peintre  de  l'école  de  Modène ,  né 
dans  cette  ville,  vivait  dans  la  seconde  moitié 
du  quinzième  siècle.  Les  auteurs  contemporains 
parlent  de  lui  avec  les  plus  grands  éloges.  Il 
eut  pour  frère  Lorenzo,  qu'il  aida  dans  ses  tra- 
vaux de  marqueterie. 

lëndiivara  (  Lorenzo  Genesini  de'  Canozzi 


655 


LENDINAKA  —  LEWEUS 


656 


da  ),  peintre  et  sculpteur  de  l'école  de  Modène, 
né  dans  cette  ville,  mort  vers  1477.  Nous  ne 
possédons  aucune  peinture  qui  puisse  lui  être 
attribuée  avec  certitude  ;  mais  nous  tenons  par 
les  historiens  de  l'art  qu'il  égala  souvent  les  plus 
illustres  de  ses  contemporains.  Il  excella  dans 
l'art  de  la  marqueterie,  et  orna  de  travaux  en  ce 
genre,  en  1465,  le  chœur  de  la  cathédrale  de  Mo- 
dène, et  plus  tard  le  chœur,  quelques  confes- 
sionnaux et  la  sacristie  de  Saint-Antoine  de  Ga- 
doue. Il  fut  aidé  par  Cristqforo,  son  frère  et 
Pierantonio,  son  gendre.  Vasari  parle  aussi  de 
quelques  figures  en  terre  que  Lorenzo  aurait 
exécutées  également  pour  la  basilique  de  Pa- 
doue.  On  connaît  encore  les  noms  de  plusieurs 
autres  artistes ,  de  la  même  famille,  Daniello  , 
Giovanni  Maria,  Bernardino,  etc.,  qui  se 
distinguèrent  également  dans  l'art  de  la  marque- 
terie. E.  B— n. 

Vasari,  Vite.  — '  TiraboscM,  Notizie  deqli  Artiflci 
Modenesi.  —  Vidriani.  rite  de'  Pittori,  Scuttori  ed  Ar- 
cfiitetti  Modenesi.  —  Orlandi,  Abbecedario.  —  Lanzi, 
Storia  Pittorica.  —  Ticozzi,  Dizionario.  —  Campori , 
Gli  urtisti  negli  Stati  Estensi. 

lenet  (  Pierre  ) ,  diplomate  et  historien 
français,  né  à  Dijon,  mort  en  1671.  Conseiller 
au  parlement  de  Dijon,  procureur  général  (1641), 
et  conseiller  d'État,  il  se  jeta  dans  le  parti  de  la 
Fronde,  et  remplit  les  fonctions  d'intendant  de 
justice,  de  police  et  des  finances  pendant  le  siège 
de  Paris.  Il  suivit  le  prince  de  Condé  à  Bor- 
deaux ;  mais  il  ne  put  empêcher  la  soumission 
de  cette  ville  à  l'armée  royale  (1653).  Lenet  re- 
présenta le  prince  de  Condé  à  la  conférence  des 
Pyrénées,  et  défendit  fort  bien  les  intérêts  de 
son  patron.  Après  la  paix ,  il  revint  à  Paris , 
fut  accueilli  par  la  cour  et  envoyé  en  mission 
en  Suisse.  «  Lenet,  dit  madame  de  Sévigné,  avait 
de  l'esprit  comme  douze.  »  On  a  de  lui  :  Mé- 
moires contenant  V histoire  des  guerres  civiles 
des  années  1649  et  suivantes,  principalement 
celles  de  Guienne en  1650;  Paris,  1729,  2  vol. 
in-12.  Quoique  mal  écrits  et  diffus  ,  ces  Mé- 
moires offrent  de  bons  documents  pour  l'histoire 
de  France  ;  car  l'auteur  n'y  relate  que  des  faits 
dont  il  a  été  témoin.  Une  nouvelle  édition  beau- 
coup plus  complète,publiée  sur  des  manuscrits 
inédits, a  été  donnée  en  1838  dans  la  collection 
des  mémoires  de  Michaud  et  Poujoulat.  Elle 
se  compose  de  trois  parties  :  la  première  contient 
beaucoup  d'additions  et  corrections,  comprend 
l'histoire  du  prince  de  Condé  pendant  la  fin  de 
1649  et  toute  l'année  1650.  La  deuxième, publiée 
pour  la  première  fois ,  donne  tous  les  faits  qui  se 
rapportent  à  la  jeunesse  du  prince  depuis  1627 
jusqu'à  la  fin  de  1643.  La  troisième  partie,  dont 
tous  les  matériaux  avaient  été  rassemblés  par  Le- 
net, a  été  rédigée  sur  les  notes  et  le  plan  manuscrits 
de  Lenet;  notes  indiquant  les  faits  dont  il  voulut 
parler,  et  les  documents  déposés  à  la  bibliothèque 
royale.  Cette  troisième  partie  comprend  l'histoire 
du  prince  de  Condé  depuis  1644  jusqu'au  milieu 
de  1649;  les  événements  de  la  fin  de  cette  année 


et  de  la  suivante  sont  racontés  dans  la  première 
partie.  Cette  sorte  de  nouveaux  mémoires,  dont 
l'ensemble  forme  une  Histoire  complète  du 
grand  Condé  depuis  sa  naissance  (1627)  jusqu'en 
1659,  c'est-à-dire  pendant  tout  le  temps  des 
troubles  politiques  de  la  France,  ajoute  un  grand 
intérêt  à  ce  qui  avait  paru  jusque  alors.  Ces  évé- 
nements nous  sont  racontés  par  un  témoin  ocu- 
laire ,  l'un  des  conseillers  les  plus  influents ,  les 
plus  intimes  du  prince  et  le  seul  qui  connût 
bien  toutes  ses  affaires,  les  dirigeant  presque 
toujours  à  lui  tout  seul.  Personne  ne  pouvait 
donc  mieux  nous  initier  aux  secrètes  pensées  et 
aux  actions  en  partie  ignorées  du  prince  de 
Condé.  On  y  voit,  entre  autres,  que  c'est  la  haine 
et  la  jalousie  de  Mazarin  qui  déterminèrent  en 
grande  partie  le  prince  à  faire  la  guerre  à  la 
couronne,  du  moment  où  il  n'avait  plus  au- 
près de  la  reine  ni  la  sécurité  ni  les  garanties 
nécessaires  à  son  rang  et  à  sa  dignité.  L'ordre 
chronologique  est  tellement  interverti  dans  ces 
mémoires  qu'il  est  à  désirer  qu'un  nouvel  éditeur 
ait  le  courage  de  refondre  le  tout,  ce  qui  en  fa- 
ciliterait la  lecture.  M.  Aimé  Champollion-Figeac 
a  publié  :  Mémoires  inédits  de  Pierre  Lenet 
sur  le  grand  Condé  d'après  le  manuscrit  au- 
tographe ;  Paris,  1840,  in-8°. 

Un  des  frères  de  Lenet,  connu  sous  le  nom 
d'Abbé  de  la  Victoire,  est  souvent  cité  par  ma- 
dame de  Sévigné  pour  son  esprit  et  ses  mots 
heureux.  A.  n'E — p — c. 

Moréri,  Le  Grand  Dictionnaire  Historique  —  Papillon, 
Hutoir»  des  Écrivains  de  la  Bounjoqne.  —  Petitot,  Mé- 
moires —  Mémoires  sur  l'hist.  de  France,  par  Michaud 
et  Poujoulat.  —  V.  Cousin,  La  Jeunesse  de  Mme  de  Lon- 
gueville  et  la  fronde  à  Bordeaux. 

L.ENÈUS  (Pompeius) ,  grammairien  latin,  vi- 
vait dans  le  premier  siècle  avant  J.-C.  Natif  d'A- 
thènes, il  possédait  une  grande  connaissance  de 
l'histoire  naturelle,  et  savait  plusieurs  langues.  Il 
devint,  on  ne  sait  dans  quelle  circonstance,  esclave 
de  Pompée,  qui  lui  donna  la  liberté.  L'affranchi, 
reconnaissant,  l'accompagna  dans  toutes  ses  ex- 
péditions (1),  et  traduisit  par  son  ordre  en  latin 
l'ouvrage  de  Mithridate  sur  les  poisons.  Après 
la  mort  de  Pompée  et  de  ses  fils,  Leneus,  qui 
ne  s'était  pas  enrichi  à  leur  service  et  qui  gar- 
dait un  grand  attachement  pour  la  mémoire  de 
son  ancien  maître,  ouvrit  une  école  près  du 
temple  de  Tellus  dans  le  quartier  des  Carines  où 
était  située  la  maison  de  Pompée.  Salluste  ayant 
attaqué  dans  son  histoire  cet  illustre  général, 
Léueus  lui  répondit  avec  une  extrême  virulence, 
et  le  traita  de  débauché,  de  glouton ,  de  fripon, 
d'ivrogne,  de  corrompu  dans  sa  vie  et  dans  ses 
écrits,  de  voleur  très-ignorant  des  vieux  mots 
de  Caton  (lastaurum,  lurconem,  nebulonem, 

(1)«  On  raconte,  dit  Suétone,  que  dans  son  enfance, 
ayant  été  enlevé  d'Athènes,  il  s'enfuit  dans  sa  patrie,  et 
qu'après  avoir  acquis  dans  les  lettres  une  grande  instruc- 
tion ,  il  rapporta  à  son  maître  le  prix  de  sa  liberté  ,  mais 
que  celui-ci,  émerveillé  de  son  esprit  et  de  son  savoir, 
l'affranchit  sans  vouloir  rien  accepter,  » 


G57  LENEUS  - 

juopinonem,  vita  scriptisque  monstruosum ,  pris- 
[sorum  Catonisque  verborum  ineruditissimum 
furem  ).  Y. 

|  Suétone,  De  illustr.  Crammat.,  2,  15.  —  Pline,  XV, 
MO,  39;  XXIV,  9.  41;  XXV,  G,  7.  —  Millier,  ffistor.  Krit. 
IDarsleltnng  der  Nachricht.  vom  l.eben  des  Saltust., 
|p.  10   —  Drninann ,  <Jcsch.  Roms.,  vol.  IV,  p.  556. 

lenfant  (Jacques),  célèbre  théologien  pro- 
testant, né  à  Bazoche,  dans  la  Beauce,  le  13  avril 
1661,  et  mort  à  Berlin,  le  7  août  1728,  d'une  at- 
taque d'apoplexie.  Il  commença  ses  études  à 
Saumuret  les  acheva  à  Genève.  En  1683  il  se 
rendit  à  Heidelberg,  où  il  reçut  l'imposition  des 
mains  en  août  1684,  et  où  il  resta,  en  qualité  de 
chapelain  de  l'électrice  palatine  douairière  et  de 
pasteur  de  l'Église  française,  jusqu'en  1688.  Il  se 
retira  alors  devant  l'armée  française ,  dans  la 
crainte  des  suites  fâcheuses  que  pouvait  avoir 
pour  lui  la  publication  récente  d'un  livre  de  con- 
|  traverse,  dans  lequel  il  avait  vivement  attaqué 
les  jésuites.  A  Berlin,  où  il  chercha  un  refuge,  il 
fut  nommé  pasteur  de  l'Église  française.  Il  rem- 
plit ces  fonctions  pendant  près  de  quarante  ans. 
En  1707,  dans  un  voyage  qu'il  fit  en  Angleterre, 
il  prêcha  devant  la  reine  Anne,  qui  lui  fit  pro- 
poser de  rester  auprès  d'elle  en  qualité  de  cha- 
pelain. Il  refusa ,  ne  voulant  pas  quitter  Berlin, 
où  il  avait  été  accueilli  avec  la  plus  grande  bien- 
veillance et  où  il  jouissait  d'une  grande  consi- 
dération. Il  réussissait  dans  la  prédication ,  au- 
tant par  ses  qualités  physiques  que  par  les  qua- 
lités, plus  solides,  de  penseur  et  d'écrivain.  Son 
érudition  était  étendue,  et  s'alliait  chez  lui  à  un 
esprit  fin  et  délicat ,  et  à  un  caractère  doux  et 
conciliant. 

Lenfant  a  beaucoup  écrit  dans  la  Bibliothèque 
choisie  de  Leclerc,  dans  les  Nouvelles  de  la 
République  des  Lettres ,  journal  fondé  par 
Bayle,  et  continué  par  La  Roque,  puis  par  Ber- 
nard, et  enfin  par  Leclerc,  dans  V Histoire  cri- 
tique de  la  République  des  Lettres  de  J.  Mas- 
son  ,  et  surtout  dans  la  Bibliothèque  Germa- 
nique, dont  il  fut  un  des  fondateurs  et  à  la  ré- 
daction de  laquelle  il  prit  une  part  très-active , 
principalement  à  partir  du  4e  vol.  Outre  quel- 
ques ouvrages  de  controverse,  on  a  encore  de 
lui  :  Histoire  du  Concile  de  Constance,  ti- 
rée principalement  d'auteurs  qui  ont  assisté 
au  concile,  enrichie  de  portraits  ;  Amsterd., 
1714,  2  vol.  in-4°;  nouv.  édit.,  corrigée  et  aug- 
mentée; Amsterd.,  1727,  2  vol.  in-4°;trad.  angl. 
Londr.,  1730,  2  vol.,  in-4°.  C'est  un  ouvrage 
exact,  impartial  et  intéressant;  —  Poggiana,  ou 
la  vie,  le  caractère,  les  sentences  et  les  bons 
mots  dePogge  Florentin,  avec  son  Histoire  de 
la  République  de  Florence,  et  un  supplément 
de  diverses  pièces  importantes  ;  Amsterdam, 
1720,  2  vol.  in-12.  Recanati  a  relevé  plusieurs 
erreurs  commises  par  Lenfant,  dans  la  vie  qu'il 
a  publiée  de  Poggio,  entête  de  l'édit.  de  1715 
de  l'Histoire  de  Florence  de  cet  auteur,  imprimée 
alors  en  latin  pour  la  première  fois  ;  —  Histoire 
du  Concile  de  Pise  et  de  ce  qui  s'est  passé  de 


LENFANT 


658 


'  plus  mémorable  depuis  ce  concile  jusqu'à 
celui  de  Constance ,  enrichie  de  portraits; 

j   Amsterd.,  1724,  2  vol.  in-4°  ;  —  Histoire  de  la 

;   Guerre  des  Hussilrs  et  du  Concile  de  Bdle  ; 

;  Amsterd.,  17-31,  2  vol.  in-4°;  contref.  la  même 
année  à  Utrecht  (Paris);  trad.  allem.,  Vienne, 

>  1783-1784,  4  vol.  in-8".  La  mort  ne  permit  pas 
à  l'auteur  de  mettre  la  dernière  main  à  cet  ou- 
vrage ;  —  Le  Nouveau  Testament,  trad.  en 
franc,  sur  l'original  grec;  Amsterd.,  1718, 

j   2  vol.  in-4°,  en  collaboration  avec  Beausobre. 

;   Les  notes  sont  des  deux  écrivains;  la  préface 

|  générale,  qui  forme  une  véritable  introduction  à 
la  lecture  du  Nouveau  Testament,  est  tout  en- 
tière de  Lenfant  ;  —  Seize  Sermonssur  divers 
textes  de  V Écriture  Sainte;  Amsterd.,  1 728, 
in-8°;  trad.  en  allem.  par  Rambach ,  Halle, 
1742,  in-8°.  Lenfant  a  traduit  en  latin  la  Recher- 
che de  la  Vérité  de  Malebranche,  sous  le  titre 
De  inquirenda  Veritate;  Genève,  1691,in-4°. 
Michel  Nicolas. 

Son  éloge  dans  la  Biblioth.  Germaniq.,  t.  XVI,  p.  115 
et  suiv.  —  Nicéron,  Mémoires.—  Chaufepié,  Diction. 
Hisl.  —  MM.  Haag,  La  France  Protest. 

lenfant  (Alexandre-Charles-Anne),  pré- 
dicateur français,  né  à  Lyon,  le  6  septembre 
1726,  massacré  à  Paris,  le  3  septembre  1793.  Sa 
famille  était  originaire  du  Maine.  11  étudia  chez 
les  jésuites  de  Lyon ,  et  demanda  son  admission 
dans  leur  ordre.  Reçu  en  1741  au  noviciat  d'A- 
vignon, il  fut  envoyé  deux  ans  après  à  Marseille 
comme  professeur  de  rhétorique.  Il  avait  du 
talent  pour  la  prédication ,  et  y  obtint  du  suc- 
cès. Il  prêcha  dans  les  principales  villes  de 
France,  et  à  Marines  il  convertit  un  ministre 
anglican.  Après  la  suppression  de  sa  société,  en 
1773,  il  vécut  dans  le  monde,  et  prêcha  plusieurs 
stations  à  Lunéville,  à  Vienne  et  à  Versailles. 
Il  se  plaisait  à  combattre  les  schismatiques  et 
les  philosophes.  Diderot  et  D'Alembert  suivirent 
un  carême  qu'il  prêcha  à  l'église  Saint-Sulpice, 
et  on  raconte  que  le  premier  dit  un  jour  à  son 
ami  après  avoir  entendu  un  sermon  du  Père 
Lenfant  sur  la  foi  :  «  Quand  on  a  entendu  un  pa- 
reil discours,  il  est  difficile  de  rester  incrédule.  » 
Sans  doute  le  débit  de  l'orateur  était  pour  beau- 
coup dans  ses  succès ,  car  à  la  lecture  les  ser- 
mons du  père  Lenfant  ne  paraissent  pas  à  la  - 
hauteur  de  sa  réputation.  Il  électrisait  surtout 
son  auditoire  par  l'harmonie  de  sa  voix  et  par 
son  air  de  conviction.  Il  prêchait  le  Carême  à  la 
cour  en  1791  lorsque  son  refus  de  prêter  serment 
à  la  constitution  civile  du  clergé  le  força  de  s'in- 
terrompre. Le  30  août  1792  il  fut  arrêté  et  con- 
duit à  la  prison  de  l'abbaye.  «  Le  3  septembre, 
à  dix  heures  du  matin,  raconte  Jourgniac  .de 
Saint-Méard ,  l'abbé  Lenfant  et  l'abbé  Rastignac 
parurent  à  la  tribune  de  la  chapelle  qui  nous 
servait  de  prison;  ils  annoncèrent  que  notre 
dernière  heure  arrivait,  et  nous  invitèrentà  nous 
recueillir  pour  recevoir  leur  bénédiction.  Un 
mouvement   électrique,  qu'on   ne   peut  définir 


659 


LENFANT  —  LENGLET 


6b0 


nous  précipita  tous  à  geuoux ,  et  les  mains 
jointes,  nous  la  reçûmes.  »  Après  le  massacre  de 
quelques  victimes,  Lenfant  fut  appelé  devant 
l'espèce  de  tribunal  que  les  meurtriers  avaient 
institué.  On  assure  que  les  administrateurs  de 
police  et  de  surveillance  consultés  par  Maillard 
sur  ce  qu'il  fallait  faire  de  l'abbé  Lenfant  avaient 
répondu  :  «  Nous  déclarons  au  peuple  qu'il  im- 
porte beaucoup  à  l'intérêt  public  que  l'abbé  Len- 
fant soit  conservé;  mais  qu'il  ne  soit  pas  mis 
en  liberté,  au  contraire  très-étroitement  gardé.  » 
Le  peuple  demanda  sa  grâce.  Elle  lui  fut  accor- 
dée. De  tous  côtés  on  lui  criait  :  Sauvez-vous  ! 
Il  était  hors  de  la  foule  lorsqu'une  femme  s'é- 
cria :  «  C'est  le  confesseur  du  roi.  »  Et  en  effet 
Louis  XVI  l'avait  choisi  pour  confesseur  lorsque 
le  curé  de  Saint-Eustache  eut  prêté  le  serment 
constitutionnel.  Saisi  de  nouveau,  le  père  Len- 
fant fut  ramené  à  l'abbaye.  11  se  mit  à  genoux, 
et  périt  en  disant  fout  haut  cette  prière  :  «  Mon 
Dieu,  je  vous  remercie  de  pouvoir  vous  offrir 
ma  vie  comme  vous  avez  offert  la  vôtre  pour 
moi  !»  On  a  de  lui  :  Oraison  funèbre  de  M.  de 
Belzunce,  évéque  de  Marseille,  prononcée  en 
latin,  et  imprimée  avec  une  traduction  française; 
1756,  in-8"; —  Oraison  funèbre  du  Dauphin 
père  de  Louis  XVI ;  Nancy,  1766,  —  Sermons 
pour  l'Avenu  et  pour  le  Carême;  Paris,  1818, 
8  vol.  in- 12.  J.  V. 

Jourgniac  de  Saint-Méard,  Mon  Agonie  de  trente-huit 
heures.  —  lliogf.  vniv.  et  portât,  des  Contemp.  —  Ar- 
nault,  Jay,  Jouy  et  Nojvins,  Biogr.  nouv.  des  Contemp. 

leng  (John),  érudit  anglais,  né  en  1665,  à 
Norwich,  mort  le  26  octobre  1727.  Après  avoir 
prisses  degrés  à  Cambridge,  il  devint  chapelain 
du  roi  Georges  1er,  qui  l'éleva  en  1723  au  siège 
épiscopal  de  Norwicb.  Au  jugement  de  Richard- 
son  ,  c'était  un  savant  du  premier  mérite.  On 
a  de  lui  :  une  édition  de  Térence,  Cambridge, 
1701  et  1723,  in-4°,  qui  passe  pour  une  des  plus 
correctes  que  l'Angleterre  ait  produites  et  qu'il 
enrichit  de  remarques  critiques  et  d'une  disser- 
tation De  Ralione  et  licentia  metri  Teren- 
tiani;  — P tutus  et  Les  Nuées,  d'Aristophane  ; 
1695,  in-8° ,  en  grec  et  en  latin  ;  —  la  6e  édition 
de  la  version  anglaise  du  traité  DeOfJictis,  assez 
mauvais  ouvrage  de  Roger  L'Estrange;  —  et 
quelques  écrits  religieux.  P.  L — y. 

.Nichnls  et  Bowycr,  Literarg  Anecdotes, 

lenuard  (Samson).,  littérateur  anglais, 
mort  en  1633.  Dans  sa  jeunesse  il  suivit  la  car- 
rière des  armes,  et  se  trouva,  sous  les  ordres  de 
Philippe  Sydney,  à  la  bataille  de  Zutphen.  Il 
s'occupa  ensuite  de  faire  passer  dans  sa  langue 
plusieurs  ouvrages  latins  et  français,  entre  autres 
Y  Histoire  des  Vaudois  de  Perrin ,  V  Histoire 
de  la  Papauté  de  du  Plessis-Mornay,  et  La  Sa- 
gesse de  Charroi).  Il  était  aussi  très-versé  dans 
la  connaissance  du  blason  et  des  armes,  et  l'on 
a  conservé  de  lui  au  British  Muséum  plusieurs 
compilations  héraldiques  justement  estimées. 

P.  L— Y. 
Oranger,  Biog,  Dict.  —  Noble,  Collège  of  Arms. 


lengelE  (  Martin  ),  peintre  hollandais,  vi- 
vait à  La  Haye  en  1656,  et  était  l'un  des  trois 
recteurs  de  l'Académie  de  Peinture  de  cette 
ville.  On  cite  surtout  de  lui  un  tort  beau  tableau, 
représentant  une  revue  de  la  milice  bourgeoise. 
Les  officiers  de  grandeur  naturelle  sont  des  por- 
traits ;  celte  toile  ligure  dans  les  salles  de  la  mai- 
son de  ville  de  La  Haye.  A.  de  L. 

Descamps,  Jm  Vie  des  Peintres  hollandais,  1. 11,  p.  26. 

lengerke  (Alexandre  de  ) ,  agronome  al- 
lemand ,  né  à  Hambourg,  le  30  mars  1 802,  mort 
le  23  décembre  1853.  Après  avoir  fait  un  voyage 
dans  l'Amérique  du  Nord,  et  aux  Indes,  il  s'a- 
donna à  l'agriculture,  et  fit  valoir  successivement 
plusieurs  domaines  dans  le  nord  de  l'Allema- 
gne. 11  fut  nommé  en  1842  professeur  d'agro- 
nomie à  Berlin  et  secrétaire  général  de  la  com- 
mission pour  l'économie  rurale  de  la  Prusse. 
Parmi  ses  ouvrages,  qui  sont  très-estimés ,  on 
remarque  :  DarsleUuny  der  Schleswig-Hol- 
steinischen  Landvnrthschafl  (Exposé  de  mo- 
des de  culture  en  usage  dans  le  Sleswig-Hol- 
stein);  Berlin,  1826,  2  vol.;  —  Beise  durch 
Deutschland  in  besonderer  Beziehung  auf 
Ackerbau  und  Industrie  (Voyage  à  travers 
l'Allemagne,  faisant  surtout  connaître  l'agricul- 
ture et  l'industrie  de  ce  pays)  ;  Prague,  1839;  — 
Landwirt fis  chafl  lie  fies  Conversations  -  Lexi- 
kon  (  Dictionnaire  d'Agronomie);  Prague,  1835- 
1838,  4  vol.;  un  volume  de  supplément  parut 
à  Brunswick  en  1842  ;  —  Anleitung  zum  prak- 
tischen  Wiesenbau  (Méthode  pour  la  Culture 
des  Prairies  );  Prague,  1836  et  1844;  —  Land- 
voirthschaflliche  Statistik  der  deutschen 
Bundestaaten  (Statistique  rurale  de  la  Confédé- 
ration Germanique)  ;  Brunswick,  1840,  2  vol.; 
—  Beitràge  zur  Kenntniss  der  Laudvnrlhs- 
chaft  in  den  Preussischen  Slaaten  (  Docu- 
ments pour  servir  à  la  connaissance  de  l'état  de 
l'Agriculture  en  Prusse);  Berlin,  1846-1852, 
4  vol.;  —  Die  làndliche  Arbeiterfrage  (La 
question  des  Travailleurs);  Berlin,  1849  ;  —  Der 
Ackerbau im  Landgebiet  der  Steedte  (L'Agri- 
culture aux  environs  des  villes);  Berlin,   1850; 

Der  Gardenbau  im  Preussischen  Slaale 

(l'Horticulture  en  Prusse);  Berlin,  1852;  — 
Landwirthschafliiche  Jahreschrift  (Revue 
Agronomique);  Berlin,  1852.  Pendant  les  onze 
dernières  années  de  sa  vie,  Lengerke  a  été  le 
rédacteur  en  chef  des  Annalen  der  Land- 
wirlhschaj't  in  den  Preussischen  Staaleii 
(Annales  agronomiques  de  la  Prusse),  pu- 
bliées à  Berlin  par  le  gouvernement  prussien. 

E.   G. 
Conv.-Lex. 

le.\glet  (Étienne-Géry),  homme  politique 
français,  né  à  Arras,  en  1757,  mort  à  Douai,  en 
octobre  1834.  11  exerçait  la  profession  d'avocat 
dans  sa  ville  natale  à  la  révolution.  Partisan 
des  idées  nouvelles,  il  fut  appelé  par  ses  conci- 
toyens à  diverses  fonctions  publiques.  Ami  des 
Girondins,  il  refusa  de  signer  une  adnes^  de  la 


:  661  LENGLET  • 

I  Société  populaire  d'Arras  à  la  Convention  dans 
I  laquelle  on  se  félicitait  de  la  chute  des  députés 
fédéralistes.  Après  la  dissolution  de  la  Conven- 
|  tion,  Lenglet  fut  envoyé  au  Conseil  des  Anciens 
par  le  département  du  Pas-de-Calais.  11  parut 
|  plusieurs  (ois  à  la  tribune,  et  parla  pour  la  li- 
berté de  la  presse  et  la  liberté  individuelle.  Au 
18  brumaire,  il  osa  demander  à  la  tribune,  en 
face  de  Bonaparte,  le  maiutien  de  la  constitu- 
tion. 11  refusa  ensuite  son  adhésion  à  la  consti- 
tution de  l'an  vhi.  Bonaparte  le  nomma  néan- 
moins président  du  tribunal  d'appel  de  Douai, 
qui  devint  successivement  cour  impériale  et 
cour  royale.  On  a  de  Lenglet  :  Essai  ou  Obser- 
vations sur  Montesquieu;  Paris,  1792, 
in-8°;  —  Rêveries  diplomatiques  après  la 
prise  de  la  Hollande;  in-S°;  —  Essai  sur 
la  Législation  du  Mariage ,  suivi  d'observa- 
tions sur  les  dernières  discussions  du  Conseil 
des  Cinq  Cents  concernant  le  divorce;  1797, 
in-8°  ;  —  De  la  Propriété,  et  de  ses  rapports 
avec  les  droits  et  avec  la  dette  du  citoyen  ; 
Paris,  1793,  in-8u;  —  Introduction  de  l'his- 
toire, ou  recherches  sur  les  dernières  révo- 
lutions du  globe  et  sur  les  plus  anciens  peu- 
ples connus;  1812.  J.  V. 

Arnault.  .lay,  Jouy  et  Norvins,  Biographie  nouv.  des 
Contemporains.  —  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp. 

lenglet-  DUFRESNOY  (Nicolas,  abbé), 
célèbre  érudit  français,  né  à  Beauvais  (Oise), 
le  5  octobre  1674,  mort  le  16  janvier  1755.  Il 
fit  ses  études  à  Paris  ,  et  se  livra  d'abord  à  la 
théologie,  qu'il  quitta  bientôt  pour  la  diplomatie, 
et  dès  lors  la  politique,  l'histoire  et  la  littérature 
se  disputèrent  l'emploi  de  son  temps.  En  1705 
il  fut  envoyé  par  M.  de  Torcy  auprès  de  l'élec- 
teur de  Cologne,  qui  résidait  alors  à  Lille;  il  eut 
l'occasion  de  rendre  un  service  important  à  ce 
prince  par  la  découverte  d'un  complot  tramé 
contre  lui.  Lors  delà  prise  de  Lille  parle  prince 
Eugène,  il  obtint  un  sauf-conduit  pour  tout  ce 
qui  appartenait  à  l'électeur.  En  1718,  il  servit 
dïnslrument  au  régent  pour  découvrir  ceux  qui 
avaient  pris  part  à  la  conspiration  du  prince  de 
Cellamare.  Les  moyens  dont  il  usa  en  cette  oc- 
casion ne  témoignent  pas  d'une  excessive  délica- 
tesse :  il  se  lit  mettre  à  la  Bastille  (  où  il  devait 
retourner  si  souvent  ) ,  comme  auteur  d'un  pré- 
tendu mémoire  du  parlement  en  faveur  du  duc 
du  Maine.  11  n'eut  pas  de  peine  à  s'attirer  ainsi 
la  confiance  de  ceux  que  la  même  cause  avait 
fait  arrêter.  Toutefois  Lenglet  ne  se  chargea  de 
cette  commission  déshonorante  que  sur  la  pro- 
messe qu'il  exigea  qu'aucun  des  coupables  qu'il 
découvrirait  ne  subirait  la  peine  capitale.  Len- 
glet essaya  d'effacer  cette  tache  par  de  nom- 
breux travaux  d'érudition.  Son  amour  de  l'indé- 
pendance, un  des  traits  les  plus  distinctifs  de  son 
caractère,  lui  valut  des  emprisonnements  plus 
sérieux  que  le  premier.  On  a  porté  jusqu'à  dix  et 
douze  le  nombredeses  séjours  à  la  Bastille. C'est 
une  exagération,  qu'expliqua  la  franchise  si  connue 


DUFRESNOY 


662 


de  Lenglet.  La  vérité  est  qu'il  y  fut  enfermé  pour 
la  deuxième  fois  en  1725;  pour  la  troisième  en 
1743;  pour  la  quatrième  en  1750,  à  cause  de  son 
calendrier  historique,  et  pour  la  cinquième  et  der- 
nière fois  en  1751,  pour  une  lettre  qu'il  écrivit  au 
contrôleur  général  et  qu'on  prétendit  insolente. 
Aussi  aurait-on  pu  dire  de  lui  en  l'allant  voir 
à  la  Bastille  ce  que  disait  à  Boufflers  un  plai- 
sant qui  le  rencontra  sur  une  grande  route  :  «  Je 
suis  bien  aise  de  vous  trouver  chez  vous.  » 

Un  séjour  qu'il  lit  en  Autriche,  où  il  vit 
J.-B.  Bousseau,  et  le  prince  Eugène,  ayant  of- 
fusqué la  cour  de  France,  il  fut  arrêté  à  son 
retour,  en  1723,  et  détenu  six  mois  dans  la  cita- 
delle de  Strasbourg.  L'année  suivante  il  fut  en- 
fermé pendant  quelque  temps  à  Vincennes. 
Toutes  ces  contrariétés  ne  ralentirent  ni  son  ar- 
deur pour  la  liberté  ni  son  zèle  pour  le  travail. 
Elles  ne  portèrent  même  pas  la  moindre  atteinte 
à  sa  gaieté.  Il  eût  pu,  grâce  à  un  heureux  con- 
cours de  circonstances  et  aux  nombreuses  et 
importantes  relations  que  lui  valurent  les  ser- 
vices qu'il  rendit  et  le  talent  qu'on  lui  connais- 
sait, se  laisser  entraîner  par  l'ambition  et  parve- 
nir à  une  position  très  élevée  dans  Ja  diplomatie. 
Il  refusa  toujours  les  offres  brillantes  que  lui 
faisaient  pour  se  l'attacher,  le  prince  Eugène,  le 
cardinal  Passionei  et  le  secrétaire  d'État,  ministre 
delà  guerre,  M.  le  Blanc.  Il  préférait  penser, 
écrire  et  vivre  librement.  Ainsi ,  même  dans  ses 
vieux  jours ,  à  cet  âge  où  l'on  aime  ordinaire- 
ment les  jouissances  du  confortable  et  les  dou- 
ceurs du  far  niente,  il  refusa  d'aller  demeurer 
à  Paris,  avec  une  sœur  opulente  qui  l'aimait  et 
qui  lui  faisait  les  offres  les  plus  séduisantes.  Ce 
refus  nous  valut  près  de  quarante  ouvrages,  qui 
tous  témoignent  de  vastes  connaissances  scien- 
tifiques et  littéraires.  L'histoire  des  temps  passés 
semble  avoir  été  son  étude  de  prédilection  :  «  Je 
veux,  disait-il,  être  franc  Gaulois  dans  mon 
style  comme  dans  mes  actions.  ■> 

L'abbé  Lenglet  est  le  véritable  modèle  de 
l'homme  de  lettres  indépendant  :  sa  vaste  érudi- 
tion lui  fît  quelquefois  défaut.  11  est  tombé  dans 
des  erreurs  grossières,  que  certains  critiques  at- 
tribuent plutôt  à  une  mauvaise  foi  intéressée 
qu'à  l'ignorance.  Ses  notes  et  ses  écrits  respirent 
la  malignité  et  la  mordante  causticité  de  Guy  Pa- 
tin. Il  appartient  par  ses  sarcasmes  à  la  famille 
de  Babelais.  Sur  ses  derniers  jours,  il  se  livra  à 
la  chimie  ;  on  prétend  même  qu'il  cherchait  la 
pierre  philosophale.  Un  instant  il  eut  l'idée  d'é- 
crire ses  mémoires. 

Lenglet-Dufresnoy  mourut  d'une  manière  tra- 
gique^ l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans.  Un  soir, 
qu'il  s'était  endormi  au  coin  de  son  feu,  en  li- 
sant un  livre  nouveau  qu'on  venait  de  lui  en- 
voyer :  Considérations  sur  les  révolutions 
des  Arts,  par  le  chevalier  de  Mehegen,  il  se 
laissa  tomber  au  milieu  des  flammes.  Ses  voisins 
arrivèrent  trop  tard  pour  le  secourir;  l'infortuné 
vieillard  avail  déjà  la  tète  presque  toute  brûlée. 


663 

On  a  «le  lui  :  Lettre  à  MM.  les  doyen,  syn- 
dics et  docteurs  en  théologie  de  la  faculté  de 
Paris,  1696,  signée  E.  Ë.  T.  S.  M.  M.  D.  L. 
et  P.  c'est-à-dire  :  étudiant  en  théologie  sous 
MM.  de  Lestocq  et  Pirot ,  et  relative  à  la 
dénonciation  faite  à  la  faculté  de  théologie  de 
Paris,  du  premier  volume  de  la  Vie  de  la  mainte 
Vierge,  traduit  de  l'espagnol,  attribué  à  la  mère 
Marie  de  Jésus;  la  Sorbonne  ayant  censuré  cette 
lettre,  à  laquelle  le  P.  Clouseil  avait  répondu , 
Lenglet  répliqua  par  uu  nouveau  mémoire  sur 
le  môme  sujet,  et  écrivit,  le  30juin  1697,  une 
lettre  latine  au  P.  Matthieu,  prieur  des  Carmes 
déchaussés  de  Madrid  ;  —  Traité  historique  et 
dogmatique  du  secret  inviolable  de  la  con- 
fession, 1708,  in-12;  augmenté  en  1713  Réim- 
primé en  1733;  — Mémoires  sur  la  collation 
des  canonicats  de  l'église  de  Tournay ;  1711, 
1712,  1713,  in-8°;  —  Méthode  pour  étudier 
l'histoire^  avec  un  catalogue  des  principaux 
historiens;  1713,  2  vol.  in-12;  5e  édition,  1729, 
4  vol.  in-4°;  1735,  1737;  supplément  en  1740, 
2  vol.  in-4°.  La  meilleure  édition  est  celle  en 
15  vol.  in-12;  Paris,  1772,  dont  le  catalogue 
des  historiens,  augmenté  par  Drouet,  est  encore 
le  plus  complet  que  nous  ayons  eu  en  français; 
—  Méthode  pour  étudier  la  géographie,  avec 
un  catalogue  des  cartes  géographiques,  des 
relations  de  voyages,  et  des  descriptions  les 
plus  yiécessaires  pour  la  géographie  ;  1716, 
4  vol.  in-12,  1718,  etc.  L'édition  la  plus  estimée 
est  celle  de  1768,  10  vol.  in-12,  dont  le  cata- 
logue a  été  augmenté  par  Drouet  et  Barbeau-La- 
bruyère;  —  Tables  chronologiques  de  l'histoire 
universelle;  1729;  réimprimées  en  1733;  —  De 
l'Usage  des  Romans,  avec  une  bibliothèque  des 
romans;  1734,  2  vol.  in-12  :  publié  sous  le  nom 
de  Gordon  de  Percel,  contenant  une  violente  satire 
contre  J.-B.  Rousseau,  et  "dont  les  états  géné- 
raux ordonnèrent  la  suppression  ;  —  L'Histoire 
justifiée,  contre  les  Romans  ;  1735,  in-12  :  réfu- 
tation de  l'ouvrage  précédent,  qui  avait  été  cen- 
suré par  la  police  ;  ces  deux  ouvrages  ont  été 
réimprimés  en  Hollande;  —  Histoire  de  la 
Philosophie  Hermétique ,  accompagnée  d'un 
catalogue  raisonné  des  écrivains  de  cette  science, 
avec  le  véritable  Philalète,  revu  sur  les  origi- 
naux ;  1742,  3  vol.  :  ouvrage  très-critiqué;  — 
Tablettes  chronologiques  de  l'histoire  uni- 
verselle, sacrée  et  profane;  1744,  2  vol.  in-8°; 
réimprimées  plusieurs  fois  et  revues  par  M.  Pi- 
cot; —  Calendrier  historique  pour  l'année 
1750,  avec  l'origine  de  toutes  les  maisons 
souveraines  ;  1750,  in-12  :  ouvrage  qui  fit  em- 
prisonner l'auteur,  parce  qu'il  traitait  le  roi 
Georges  d'usurpateur  du  royaume  d'Angleterre 
aux  dépens  du  prince  Edouard;  —  Traité  his- 
torique et  dogmatique  sur  les  Apparitions , 
les  visions,  et  les  révélations  particulières, 
avec  des  observations  du  R.  P.  dom  Calmet 
sur  les  apparitions  et  les  revenants;  1751, 
2  vol.  in-12  :  la  préface  de  cet  ouvrage  est  une 


LEiN'GLET-DUFRESNOY  —  LENNEP  664 

de  ses  meilleures;  —  Recueil  de  Dissertations 
anciennes  et  nouvelles,  sur  les  Apparitions,  les 
visions  et  les  songes,  avec  une  préface  histo- 
rique et  un  catalogue  des  auteurs  qui,  ont 
écrit  sur  les  esprits,  les  visions,  les  appari- 
tions, les  songes  et  les  sortilèges;  1752,  4  vol.; 
—  Histoire  de  Jeanne  d'Arc,  vierge,  héroïne 
et  martyre  d'État,  suscitée  par  la  Providence 
pour  rétablir  la  monarchie  française,  tirée 
des  procès  et  autres  pièces  originales  du 
temps;  1753,  in-12,  divisée  en  deux  parties;  — 
Plan  de  l'Histoire  générale  et  particulière  de 
la  Monarchie  française;  1754,  3  vol.  in-12  : 
ouvrage  non  terminé;  —  Lettres  d'un  cha-  ' 
noine  de  Lille  à  un  docteur  de  Sorbonne,  au 
sujet  d'une  prière  hérétique;  1707,  in-12. 

L'abbé  Lenglet-Dufresnoy  a  en  outre  édité 
un  très-grand  nombre  d'ouvrages,  qu'il  a  enri- 
chis de  notes  et  de  préfaces.  On  lui  a  attribué 
plusieurs  livres  dont  il  n'est  pas  l'auteur.    P. 

Michault,  Mém.  pour  servir  à  l'hist.  de  la  vie  et  des 
ouvrages  de  l'abbé  Lenglet- Dujfresnoy  ;  Paris ,  1761.  — 
Quérard ,  La  France  Littér. 

lenker  [Jean),  opticien  allemand,  mort  le 
28  novembre  1585.  Il  séjourna  presque  constam- 
ment à  Nuremberg,  sa  ville  natale,  y  exerça 
l'art  de  l'orfèvrerie,  et  se  fit  aussi  remarquer  par 
son  habileté  dans  la  construction  d'instruments 
d'optique.  On  a  de  lui  :  Perspectiva  Hier  aria; 
Nuremberg,  1567  et  l595,in-fol.  -—Perspectiva 
mit  exemplen;  Nuremberg,  1571,  in-fol.  ;  Ulm, . 
1617,  in-fol. 

Son  fils ,  Jean  Leuker,  bourgmestre  de  Ratis- 
bonne,  exécuta  de  nombreux  ouvrages  ciselés, . 
très-estimés  ;  quelques-uns  sont  encore  conser-  • 
vés  dans  les  collections  de  Vienne  et  de  Munich.  , 
Lenker  était  aussi  habile  graveur. 

Nagler,  Allgem.  Kûnstlcr-Lcxikon.  —  Doppelmayer, 
Von  Nurnbergischen  Mathematikern,  p.  S9. 

lennep  (Jean-Daniel),  philologue  hollan- 
dais, né  à  Leuwarden,  en  1724,  mort  en  juillet 
1771.  Élève  de  Valkenaër,  il  devint,  en  1752, 
professeur  de  grec  et  de  latin  à  Groningue; 
quinze  ans  après  il  fut  appelé  àFraneker  pouri 
y  enseigner  le  grec.  On  a  de  lui  :  Coluthi  Rap- 
tus  Helensc,  cum  animadversionibus  ;  Leu- 
warden, 1747,  in-8°;  —  De  Linguarum  Ana- 
logia  exanalogis  mentis  actionibus  probata; 
Groningue,  1753,  in-4°;  —  Ce  Altitudine  Dic- 
tionis  sacrée  Novi  Testamenti  ad  excelsam 
Longini  disciplinant  exacla;  Groningue,  1763, 
in-4°.  —  Lennep  avait  aussi  traduit  en  latin  et 
annoté  les  Lettres  de  Phalaris;  son  travail  fut 
publié  après  sa  mort  par  Valckenaër  (Grœnin- 
gue,  1777,  in-4°).  Le  principal  ouvrage  de 
Lennep  est  son  Etymologicum  LingueeGrxcse; 
Utrecht,  1790  1808,  2  vol.  in-8°,  publié  par  les 
soins  de  Scheid  :  l'auteur  a  pris  pour  point  de 
départ  les  idées  judicieuses  exprimées  par  Hems- 
terhuis  au  sujet  des  étymologies  grecques;  il 
a  donc  évité  les  comparaisons  arbitraires,  si 


:665  LENNEP  —  LENNOX 

fréquentes  autrefois,  entre  la  langue  grecque  et 
les  idiomes  orientaux. 


666 


Strodtraann,  Neues  gelehrtes  Europa.  t.  IX,  p.  219.  — 
Sax  ,  Onomasticon,  t.  VII,  p.  117. 

lennep  (David -Jacob),  philologue  hollan- 
dais, de  la  même  famille  que  le  précédent,  né  à 
Amsterdam,  le  15  juillet  1774,  mort  le  10  février 
1853.  Appelé,  en  1799,  à  enseigner  les  langues 
anciennes  à  l'Athénée  d'Amsterdam,  en  rempla- 
cement de  Wyttenbach,  il  devint  plus  tard  pro- 
fesseur d'éloquence  à  l'université  de  Leyde.  Re- 
gardé comme  un  des  premiers  latinistes  de  notre 
époque,  il  se  fit  en  outre  remarquer  par  les  dis- 
cours qu'il  prononça  aux  états  généraux,  dont  il 
faisait  partie  depuis  1838;  les  pièces  de  poésie 
qu'il  composa  dans  sa  langue  maternelle  sont 
des  modèles  de  pureté  et  d'élégance.  On  a  de  lui  : 
Carmina  juvenilia;  Amsterdam,  1791;  — 
Exercitationes  Juris ;  Leyde,  1796,  in-4°;  — 
De  prseclaris  vitse  prsesidiis  contra  adversam 
fortunam,  quibus  veterum  auctorum  scripta 
abundant  ;  Amsterdam,  1800,  in-4°;  — Ovidii 
Heroides  et  Sabini  epistolœ  cum  animadver- 
sionibus;  Amsterdam,  1809  et  1812,  in-12;  — 
Hesiodi  Theogonia  et  Scutum  Herculis,  cum 
comment ario ;  Amsterdam,  1843,  in-S°.  Len- 
nep,  qui  a  aussi  publié  le  cinquième  volume  de 
l'édition  de  Y  Anthologia  Grscca,  commencée  par 
Bosch ,  a  encore  fait  paraître  de  nombreuses  dis- 
sertations sur  divers  sujets  de  philologie  et  de 
littérature;  on  lui  doit  enfin  une  traduction  en 
vers  hollandais  des  Opéra  et  Dies  d'Hésiode; 
Amsterdam,  1823.  E.  G. 

I  Conversations  Lexikon. 

lennox  {Charlotte),  romancière  et  auteur 
dramatique  anglaise,  née  en  1720,  morte  en 
1804.  Son  père,  te  colonel  Ramsay,  lieutenant- 
gouverneur  de  New-York,  la  renvoya  en  Angle- 
terre à  l'âge  de  quinze  ans,  et  mourut  peu  après. 
Laissée  sans  fortune,  elle  se  soutint  par  ses  tra- 
vaux littéraires.  On  ne  sait  presque  rien  de  son 
histoire  personnelle,  et  on  ignore  même  l'époque 
de  sa  mort.  Elle  publia  en  1747,  lorsqu'elle  n'é- 
tait encore  que  miss  Ramsay,  des  Poems  on 
several  occasions;  en  1751,  les  Memoirs  of 
HarrietStuart,  eten  1752,  Thefemale  Quixote, 
roman  dont  Johnson  écrivit  la  dédicace  au  comte 
de  Middlesex.  Son  Shakspeare  illustrated  pa- 
rut en  1753,  2  vol.  in-12,  et  fut  augmenté  bientôt 
après  d'un  troisième  volume.  C'est  un  recueil 
des  nouvelles  et  des  histoires  sur  lesquelles  les 
pièces  de  Shakspeare  sont  fondées.  Miss  Lennox 
les  a  recueillies  et  traduites  d'après  les  auteurs 
originaux,  et  y  a  joint  des  notes  destinées  à 
prouver  que  Shakspeare  a  gâté  les  sujets  de  ses 
pièces  en  les  surchargeant  de  basses  inventions, 
d'absurdes  intrigues  et  d'incidents  improbables. 
On  a  encore  de  Charlotte  Lennox  :  The  Me- 
moirs of  the  coun/ess  of  Bercy,  traduits  du 
français;  1756,  2  vol.  in-12  ;  —  Suily's  Memoirs, 
traduits  du  français;  1756,  3  vol.  in-4°;  —  Hen- 
riette, roman;  1758,  2  vol.  in-12;  —  une  tra- 


duction du  Théâtre  grec  du  père  Bruinoy; 
1 760,  3  vol.  in-4°,  avec  le  comte  Orrcry  et  le 
docteur  Johnson;  —  Sophia,  roman;  1762, 
2  vol.  in-12;  —  The  Sister,  comédie  ;  1769, 
in-8°;  —  Old  city  Manners,  comédie;  1775, 
in-8°;  —  Euphemia,  roman;  1790,  4  vol.  in-12. 
Johnson  avait  une  haute  opinion  de  miss  Len- 
nox, et  il  la  plaçait  comme  romancière  au-dessus 
de  miss  Hannah  More  et  de  miss  Burney  ;  mais 
le  talent  et  les  travaux  de  cette  dame  ne  pu- 
rent mettre  ses  dernières  années  à  l'abri  de  la 
pauvreté.  Z. 

Cbalmers,  General  Biographical  Dictionary.  —   Bi'o- 
graphia  Dramatica. 

lennox  (N....  comte),  aéronaute  français, 
né  à  Philadelphie,  en  1795,  mort  à  Paris,  en 
1836.  Sa  famille  était  originaire  d'Ecosse.  Il  vint 
très-jeune  en  France,  où  il  fit  ses  études.  En 
1813,  le  comte  de  Montlosier  l'emmena  avec  lui 
dans  un  voyage  en  Italie ,  et  lui  servit  de  guide. 
Le  comte  Lennox  entra  dans  les  gardes  d'hon- 
neur de  Napoléon.  Après  les  désastres  de  1815, 
il  devint  aide-de-camp  du  général  Damas ,  puis 
entra  comme  instructeur  à  l'École  militaire  de 
Saint-Cyr  ;  de  là  il  passa  comme  capitaine  ins- 
tructeur à  l'école  de  cavalerie  de  Saumur.  Il  se 
trouvait  à  Paris  en  juillet  1830,  et  se  mêla  aux 
insurgés.  Peu  de  jours  après  il  accompagnait  le 
lieutenant  général  du  royaume  à  l'hôtel  de  ville. 
Le  général  Gérard  le  chargea  de  la  formation  d'un 
régiment  de  lanciers,  et  lui  donna  le  grade  de  chef 
d'escadron.  S'étant  mis  à  la  tête  d'une  association 
nationale  de  l'armée,  Lennox  encourut  la  disgrâce 
du  gouvernement,  et  dut  donner  sa  démission. 
Actionnaire  du  journal  La  Révolution  de  1830, 
il  s'en  rendit  bientôt  propriétaire,  et  lui  donna 
une  couleur  bonapartiste  prononcée  ;  ce  journal 
succomba  bientôt  sous  le  poids  des  saisies  et  des 
amendes.  A  chaque  crise  Lennox  était  arrêté  et 
emprisonné.  Lors  de  l'insurrection  de  Pologne 
il  voulut  former  un  régiment  à  ses  frais  ;  mais  le 
gouvernement,  l'en  empêcha.  Il  acheva  de  se 
ruiner  en  venant  en  aide  aux  proscrits  et  aux 
prisonniers  politiques.  Ses  idées  se  tournèrent 
alors  vers  la  navigation  aérienne.  Il  fit  construire 
un  énorme  ballon,  à  qui  il  donna  le  nom  de 
L'Aigle,  et  qui  avait  dix  mètres  de  long  sur  onze 
de  large;  la  nacelle  avait  vingt-deux  mètres  de 
long  ;  l'enveloppe  de  ce  ballon  était  d'une  toile 
imperméable  capable  de  contenir,  disait-on,  le 
gaz  pendant  plus  de  quinze  jours.  Il  y  avait  un 
gouvernail  en  avant  et  un  en  arrière  de  la  na- 
celle, et  de  chaque  côté  des  roues  en  toile  cons- 
truites à  l'imitation  des  roues  des  bateaux  à  va- 
peur. Chaque  gouvernail  et  chaque  roue  devait 
frapper  l'air  tantôt  d'une  manière  permanente 
aux  dépens  de  la  vitesse,  tantôt  dans  le  but  de 
l'accélérer;  les  roues  étaient  disposées  de  ma- 
nière à  aller  successivement  ou  simultanément 
en  sefls  contraire.  Pour  faire  monter  ou  des- 
cendre l'aérostat,  Lennox  avait  eu  l'idée  d'intro- 
duire dans  son  ballon  un  sac  imité  de  la  vessie 


667  LENNOX 

natatoii'e  des  poissons  qu'on  pouvait  remplir  d'air 
plus  ou  moins  comprimé,  el  qui  devait  ajouter 
jusqu'à  quinze  kilogrammes  au  poids  du  navire 
aérien.  Lennox  et  ses  associés  pensaient  se 
servir  en  l'air  des  courants  atmosphériques;  lou- 
voyer, monter,  descendre  dans  les  différentes 
couches,  et  réussir  ainsi  à  aller  où  ils  voudraient. 
La  première  ascension  de  L'Aigle  devait  emporter 
Lennox,  Orsi,  Guibert,  Ajasson  de  Grandsagne, 
Laurent,  Edan,  Mraes  Lennox  et  Edan  ;  l'aérostat 
ne  put  s'enlever,  et  il  fut  mis  en  pièce  par  la  foule. 
L.  L— t. 
Sarrut  et  Saint-Edme,  Iiiogr.  des  Hommes  du  Jour, 
tome  111,  lre  partie,  p.  133.  —  Duckett,  dans  le  Dict.  de 
la  Convers.  —  Turgan  ,  Les  Ballons. 

lenoble  (Eustarhe) ,  baron  de  St-Georges 
etDK  Tenelière,  litlérateurfrançais,  né  à  Troyes, 
en  1643,  mort  à  Paris,  le  31  janvier  1711.  1|  ap- 
partenait à  une  famille  de  robe,  et  jeune  encore 
il  obtint  la  charge  de  procureur  général  au  par- 
lement de  Metz.  Adonné  aux  plaisirs,  il  dut  vendre 
sa  charge  pour  payer  ses  dettes;  cette  ressource 
ne  lui  suffit  pas  ;  accusé  d'avoir  fabriqué  des  actes 
faux ,  il  fut  enfermé  au  Châtelet  et  condamné 
à  un  bannissement  de  neuf  années.  Sur  son  appel, 
il  fut  enfermé  à  la  Conciergerie,  où  il  rencontra 
Gabrielle  Perreau,  connue  sous  le  nom  de  la 
Belle  Épicière,  que  son  mari  avait  fait  enfermer. 
Lenoble  devint  l'amant  de  cette  femme.  Tous 
deux  parvinrent  à  s'évader,  et  se  cachèrent. 
Repris  enfin,  il  composa  en  prison  un  grand 
nombre  d'ouvrages  Bayle  lui  trouvait  «  infiniment 
d'esprit  et  beaucoup  de  lecture;  il  sait  traiter, 
ajoutait-il,  une  matière  galamment,  cavalière- 
ment; il  connaît  l'ancienne  et  la  nouvelle  philo- 
sophie ;  cependant  il  se  vante  d'avoir  fait  beau- 
coup d'horoscopes  qui  ont  réussi,  et  il  s'attache 
avec  soin  à  maintenir  le  crédit  de  l'astrologie 
judiciaire.  »  Les  Œuvres  complètes  de  Lenoble 
ont  été  réunies  en  20  vol.  in-12  ;  Paris,  171S. 
Vignaoourt  a  réuni  plusieurs  des  nouvelles  de  Le- 
noble dans  ses  Amusements  de  la  Campagne; 
Paris,  1743,  8  vol.  in-12;  un  autre  recueil,  dont 
les  pièces  lui  sont  également  empruntées,  est  in- 
titulé :  Le  Gage  touché,  histoires  galantes  et 
comiques^  Liège,  1771,  2  vol.  in-12.    L.  L— t. 

Bayle,  i'ensèes  diverses  sur  la  Comète.  —  Barbier, 
Dict.  des  anonymes. 

lenoble  ( Pierre-Madelaine),  économiste 
et  physicien  français,  né  à  Autun,  en  1772,  mort  à 
Paris,  le  28  mai  1824.  En  1792, il  fut  nommé  com- 
missaire des  guerres  à  l'armée  de  Belgique  ,  et 
depuis  lors  ne  cessa  d'être  employé  en  cette  qua- 
lité dans  les  contrées  qu'envahirent  les  armées 
françaises.  Parmi  ses  écrits  on  remarque  :  Es- 
sais sur  l "administration  militaire;  1797  et 
181 1  ;  —  Mémoires  sur  la  panification  ;  1798  ; 
—  Découverte  sur  le  galvanisme,  comme 
cause  des  sensations  de  l'organe  de  l'ouïe  et 
des  effets  de  la  voix;  suivi  de  Quelques  Idées 
philosophiques  sur  nos  sens;  Milan  et  Paris, 
1803,  in-4°;  —  Considérations  générales  sur 
l'état  actuel  de  l'administration  militaire  en 


LENOIR 


668 


France  au  1er  janvier  1816;  Paris,  1816, 
in-4°;  —  Mémoires  sur  les  opérations  mili- 
taires des  Français  en  Galice,  en  Portugal  et 
dans  la  vallée  du  Tage,  en  1809,  sous  le  com 
mandement  du  maréchal  Soult  ;  avec  un  Atlas 
militaire;  Paris,  1821,  in-8°,  et  Atlas;  —  Exa 
men  général  et  détaillé  des  récolles  et  des 
consommations  de.  blé  en  France,  etc.  ;  Paris, 
1822,  in-8°.  H.  L. 

Moniteur  universel,  n°"  36  et  38,  ann.  1821.  —  Manu), 
Annuaire.  Nécrologique,  année  1824. 

le  nobletz  (Michel),  missionnaire  fran- 
çais, né  le  29  septembre  1577,  au  cbàteau  de 
Kerodren  près  Plouguerneau,  mort  au  Conquet. 
le  5  mai  1652.  Il  commença  ses  études  à  Bor- 
deaux, et  les  acheva  a  Agen,  chez  les  jésuites. 
Le  30  septembre  1598,  il  fit  profession  à  Quim- 
per  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  et  dès  lors  se 
livra  à  la  prédication  ;  il  apprit  les  langues  grec- 
que et  hébraïque,  afin  de  pouvoir  expliquer  les 
écritures  dans  leurs  textes  primitifs.  Le  iNobletz 
possédait  surtout  un  grand  penchant  vers  le 
mysticisme.  Il  se  fit  bâtir  une  petite  cellule  sur 
le  bord  de  la  mer  à  Tremenach,  et  là  il  s'imposa 
toutes  les  privations  et  les  austérités  qu'un  corps 
humain  peut  endurer.  Toujours  revêtu  d'un  ci- 
lice,  chaque  nuit,  dit  son  biographe,  il  ne  cessait 
de  se  frapper  qu'inondé  de  sang.  Ces  excentri- 
cités religieuses  le  firent  facilement  passer  pour 
un  prédestiné  parmi  les  populations  ignorantes 
et  dévotes  de  la  Bretagne  ;  mais  les  dominicains 
de  Morlaix  crurent  devoir  le  chasser  de  leur  mo- 
nastère, à  la  suite  d'un  scandale  qui  attira  à  Le 
Nobletz  «  une  peine  bien  crueile  et  bien  honteuse, 
puisque  son  biographe  (M.  Levot)  ajoute  que 
plusieurs  criminels  lui  préféreraient  la  mort  ». 
Le  Nobletz  n'en  continua  pas  moins  à  prêcher 
la  foi  catholique  dans  la  basse  Bretagne  et  dans 
les  îles  d'Ouessant,  de  Molène,  de  Batz,  etc.  Il 
fut  souvent  expulsé  par  le  clergé  régulier,  qui  ne 
demeurait  .pas  convaincu  des  conversions  écla- 
tantes, des  miracles,  des  prophéties  que  la  cré- 
dulité publique  attribuait  à  ce  nouvel  apôtre, 
resté  au  surplus  en  très-grande  vénération  dans 
son  pays.  On  a  de  Le  Nobletz  :  un  Journal  de 
ses  Missions;  Paris,  1666,  1668,  in-8°,  et  Lyon, 
1836,  2  vol.  in-12;  —  De  l'Union  de  la  volonté 
humaine  avec  la  volonté  divine,  etc.,  publié 
par  Dan.-Louis  Miorcec  de  Kerdanet  ;  Brest,  184 1 , 
in-18.  A.  L. 

Le  P.  Antoine  de  Verjus  .  La  vie.  de  Michel  Le  Nobletz, 
prêtre  et  missionnaire  en  Bretagne. 

lenoir  (Nicolas),  dit  le  Romain ,  architecte 
français,  né  à  Paris,  en  1726,  mort  en  1810.  Elève 
de  Blondel,  il  obtint  le  grand  prix  de  l'Acadé- 
mie, séjourna  quelque  temps  à  Rome,  et  devint 
l'architecte  de  Voltaire,  qui  l'employa  à  Ferney. 
En  1779,  il  bâtit  le  marché  Beauvan,  entre 
les  rues  du  faubourg  Saint-Antoine  et  de  Cha- 
renton.  Bientôt  il  dut  sa  réputation  à  un  vé- 
ritable tour  de  force.  Le  théâtre  de  l'Opéra,  con- 
tigu  au  Palais-Royal ,  ayant  été  détruit  par  un 


ÎC9 


LENOIR 


670 


ncendie,  le  8  avril  1781,  Lenoir  s'engagea  par 
in  dédit  de  24,000  livres  à  reconstruire  une 
aile  qui  pût  être  ouverte  au  public  le  5  octobre 
uivant.  11  lit  travailler  les  ouvriers  nuit  et  jour, 
;t  dans  l'espace  de  soixante-quinze  jours,  le 
héàlre  fut  construit  et  entièrement  décoré.  Cette 
aile,  l'une  des  plus  vastes  et  des  plus  commodes 
le  Paris,  quoique  pour  ainsi  dire  improvisée, 
l'a  jamais  eu  besoin  de  réparation;  l'opéra  l'a 
iccupée  jusqu'en  1793;  c'est  aujourd'hui  le 
médire  de  la  Porte  Saint-Martin.  En  1790, 
Lenoîr  éleva  sur  la  place  du  Palais-de-Justice, 
t  sur  l'emplacement  de  l'ancienne  église  Saint- 
Barthélémy  une  autre  salle  de  spectacle,  qui  prit 
e  nom  de  Théâtre  de  la  Cité,  et  qui,  abandonnée 
n  1807,  est  devenue  le  bal  du  Prado.  E.  B— n. 

Diilaure,  Histoire  de  Paris. 

lenoir  (Etienne),  mathématicien  et  ingé- 
lieur  français,  né  à  Mer,  en  1744,  mort  à  Paris, 
în  1832.  On  n'a  guère  de  détails  sur  sa  première 
jeunesse  :  il  est  même  vraisemblable  qu'il  n'ar- 
riva qu'assez  tard  à  la  renommée,  dans  un  art 
où  l'inspiration  n'est  que  secondaire  et  dont  le 
mérite  principal  consiste  dans  une  longue  pra- 
tique, mûrie  par  de  continuelles  études.  Chez 
Lenoir  la  main  devint  aussi  habile  que  la  tête 
était  savante.  En  1772,  il  fut  chargé  d'exécuter 
le  cercle,  de  réflexion  inventé  par  Borda  pour 
la  détermination  des  longitudes  en  mer.  La  per- 
fection qu'il  apporta  dans  ce  travail  lui  mérita  le 
brevet  d'ingénieur  du  roi  Louis  XVI.  La  cons- 
truction du  cercle  astronomique  répétiteur 
attira  de  nouveau  sur  Lenoir  l'attention  du  gou- 
vernement, qui  le  chargea  d'établir  tous  les  ins- 
truments nécessaires  à  La  Pérouse,  d'Entrecas- 
teaux  et  Baudin  pour  leurs  voyages  autour  du 
monde.  C'est  dans  les  ateliers  de  Lenoir  que  fut 
construit,  en  1788,  le  premier  fanal  à  miroir 
parabolique,  placé  sur  la  tour  de  Cordouan  près 
de  Bordeaux.  Depuis  cette  époque  il  s'appliqua 
à  perfectionner  les  fanaux,  et  découvrit  que 
plus  on  diminue  la  mèche  placée  au  foyer  d'une 
parabole  et  plus  la  lumière  devient  intense;  ré- 
sultat précieux,  puisqu'il  augmente  les  produits 
en  diminuant  les  dépenses.  En  1792,  il  confec- 
tionna les  instruments  que  Méchain  et  Delambre 
employèrent  pour  mesurer  un  arc  du  méridien 
terrestre.  On  sait  que  la  longueur  de  cet  arc  a 
servi  de  base  à  la  détermination  du  mètre  :  Le- 
noir exécuta  le  mètre- étalon  en  pla1ine,qui  est 
déposé  aux  Archives,  dans  l'armoire  dite  à  trois 
clefs,  et  tous  les  autres  étalons  commandés  par 
te  gouvernement  lors  de  l'établissement  du  nou- 
veau système  de  poids  et  mesures.  Ce  fut  à  Le- 
noir que  M.  Pictet  confia  l'exécution  de  son 
comparateur,  qui  a  servi  à  déterminer  avec  pré- 
cision le  rapport  exact  entre  les  mesures  anglaises 
et  françaises.  C'est  à  lui  aussi  que  s'adressèrent 
les  savants  qui  prirent  part  à  l'expédition  d'E- 
gypte. Lenoir  s'est  fait  remarquer  à  presque 
toutes  les  expositions  de  l'Industrie,  et  a  obtenu 
quatre  médailles  d'or.  11  reçut  la  croix  d'Honneur 


sous  la  restauration,  et  fut  appelé  à  faire  partie 
du  bureau  des  longitudes. 

Son  fils,  Paul-Étienne-Marie  Leixoik,  mort 
en  1827,  avait  suivi  la  même  carrière  que  son 
père,  qu'il  aidait  dans  ses  travaux.  Il  avait  été 
membre  de  l'Institut  d'Egypte.  A.  de  L. 

Le  Ras.  Dictionnaire  encyclopédique  de  la  France.  — 
C.  l'.raiano,  dans  Les  Hommes  illustres  rfe  l' Orléanais, 
t.  I,  p.  311-312. 

lenoir  (Jean-  Charles-Pierre),  adminis- 
trateur français,  né  en  1732,  mort  le  17  no- 
vembre 1807.  Conseiller  au  Châtelet  en  1752, 
il  fut  appelé  le  10  juin  1776  à  l'administration 
de  la  police.  Parmi  les  progrès  dont  il  fut  plus 
spécialement  le  promoteur,  il  faut  citer  l'orga- 
nisation d'une  école  de  boulangerie  où  deux  pro- 
fesseurs devaient  donner  des  cours  théoriques 
et  pratiques;  l'institution  du  mont-de-piété  et  la 
suppression  des  vaisseaux  de  cuivTe  dont  se  ser- 
vaient les  laitières.  Il  provoqua  aussi  la  destruc- 
tion du  cimetière  des  Innocents.  On  se  plaignait 
beaucoup  alors  de  la  malpropreté  des  rues  de 
Paris;  au  mois  de  janvier  1780,  il  proposa  un 
prix  de  600  livres  pour  l'auteur  d'un  mémoire 
qui  renfermerait  les  meilleures  vues  sur  cette 
partie  importante  de  la  salubrité  publique;  il 
en  résulta  un  ordre  de  choses  qui  diminua  un 
peu  l'excès  du  mal.  Enfin,  on  lui  doit  l'éclairage 
non  interrompu  des  rues  de  Paris.  Avant  lui,  on 
faisait  à  l'entrepreneur  de  l'éclairage  des  retenues 
pour  les  moments  d'interruption  où  la  lune  de- 
vait éclairer  suffisamment,  ce  qui  n'arrivait  pas 
toujours;  de  ces  retenues,  on  formait  un  fonds 
de  gratification  qu'on  nommait  les  pensions  sur 
le  clair  de  lune  ;  ce  fonds  fut  supprimé,  et  la  ville, 
éclairée  en  tout  temps.  Pour  bien  apprécier  l'en- 
semble des  perfectionnements  apportés  par  Le- 
noir dans  toutes  les  branches  de  son  adminis- 
tration ,  il  faut  consulter  un  volume  de  64  pages 
in-fol.,  rédigé  sous  ses  yeux,  et  qui  a  pour  titre  : 
Détail  de  quelques  établissements  de  la  ville 
de  Paris,  demandé  par  sa  majesté  impériale 
Ja  reine  de  Hongrie  à  M.  Lenoir,  conseiller 
d'État,  lieutenant  général  de  police  ;  Paris, 
1780.  Le  11  août  1785  Lenoir  quitta  la  Police,  et 
fut  nommé  simultanément  président  de  la  com- 
mission des  finances  et  bibliothécaire  du  Boi.  Il 
fut  un  moment  compromis  dans  le  scandaleux 
procès  de  Beaumarchais  contre  Kornmann  ;  mais 
sa  justification  fut  rapide  et  complète.  Sa  place 
de  bibliothécaire  lui  suscita  aussi  de  nombreux 
ennemis  ;  il  était  traité  de  la  manière  la  plus  ou- 
trageante dans  un  misérable  pamphlet,  intitulé  : 
L'An  1787,  précis  de  ^administration  de  la 
Bibliothèque  du  Roi  sous  M.  Lenoir,  in-12  de 
18  pages,  sans  lieu  ni  date.  La  révolution  ne  lui 
fut  pas  plus  favorable  :  il  existe  un  autre  pam- 
phlet virulent,  publié  en  1789  et  accompagné  de 
gravures  très-singulières,  sous  le  titre  :  Apologie 
de  M.  Lenoir.  En  1790,  il  donna  sa  démission 
de  bibliothécaire,  et  quitta  la  France  ;  il  gagna  la 
Suisse,  puis  l'Autriche ,  où  il  épousa  une  veuve 


671  LENOIR 

française;  il  refusa  toutes  les  offres  qui  lui  furent 
faites  alors  par  les  souverains  de  l'Angleterre  et 
de  la  Russie,  qui  l'appelaient  dans  leurs  conseils. 
Il  revit  la  France  en  1802  ;  sa  fortune  était  com- 
plètement anéantie.  Le  gouvernement  autorisa  le 
mont-de-piété  à  lui  faire  une  pension  de  4,000  fi\, 
qu'il  toucha  jusqu'à  sa  mort.  Lenoir  a  laissé  une 
réputation  incontestée  d'honnêteté  et  détalent; 
ses  conseils  eurent  une  grande  part  dans  l'aboli- 
tion de  la  torture  en  France.    Alfred  Fkanklin. 

Frégier,  Histoire  de  l'Administration  de  la  Police  de 
Paris  depuis  Philippe-  Auguste  jusqu'aux  états  géné- 
raux de  1789;  Paris,  1850,  S  vol.  in-8°.  —  P.  Manuel,  Jjx, 
Police.de  Paris  dévoilée  ;  Paris,  an  n,2vol.  in-8°.  — 
H.  Raisson  ,  Histoire  de  la  Police  de  Paris;  Paris,  1843, 
iu-8°  ;  —  B.  Satnt-Edme  ,  Biographies  des  Lieutenants 
généraux,  ininistres,  directeurs  généraux  et  préfets  de 
police  en  France;  Paris,  1829,  in-8°.  —  L.  Lurine,  His- 
toire secrète  et  publique  de  la  Police  ancienne  et  mo- 
derne; Paris  ,  1847,  2  vol.  in-8".  —  Moniteur  universel; 
1789,  p.  34;  an  III,  p.  186. 


672 


lenoiu  {Marie -Alexandre),  archéologue 
français,  né  à  Paris,  le  26  décembre  1761,  mort 
dans  la  même  ville,  le  1 1  juin  1839.  Il  fit  ses  pre- 
mières études  sous  la  direction  de  l'abbé  Lenoir, 
et  les  termina  au  collège  des  Quatre-Nations. 
Il  fut  placé  ensuite  chez  Doyen,  peintre  du  roi 
et  professeur  de  l'Académie  de  Peinture  ;  il  s'y, 
lia  avec  une  foule  d'artistes  qui  devinrent  célè- 
bres. Lenoir  fréquenta  aussi  les  cours  de  l'É- 
cole dramatique,  où  il  connut  Talma,  avec  qui 
il  joua  la  tragédie  au  château  de  Saint-Ger- 
main. Admis  à  copier  les  tableaux  de  la  galerie 
d'Orléans,  il  composa  une  petite  comédie  en  un 
acte  intitulée  :  Les  Amis  du  temps  passé,  ou  les 
ressources  de  l'amitié,  qu'il  lut  devant  la  du- 
chesse d'Orléans  ;  cette  pièce  fut  jouée  en  société 
et  imprimée  en  1786.  Lenoir  fitaussi  paraître  des 
Critiques  raisonnées  sur  les  tableaux  successi- 
vement exposés  au  Louvre.  En  1790  il  conçut 
le  projet  d'enlever  à  la  vente  des  domaines  na- 
tionaux tous  les  objets  d'art  qui  pouvaient  s'y 
trouver;  Bailly  approuva  ce  projet;  Lenoir  vint 
avec  Doyen,  son  maître,  exposer  ses  vues  à  l'As- 
semblée nationale.  Cette  assemblée  rendit  un  dé-, 
cret  qui  chargeait  Lenoir  de  réunir  les  objets 
d'art  dignes  d'être  conservés  par  la  nation  ;  une 
commission  des  monuments  fut  créée  et  des 
commissaires  furent  institués  pour  faire  des  in- 
ventaires. Sur  la  proposition  du  duc  de  La  Ro- 
chefoucauld, le  couventdes  Petits-Augustins  fut 
désigné  pour  servir  de  dépôt  aux  objets  d'art. 
Leur  enlèvement  se  fit  d'abord  avec  ordre;  au 
nom  de  la  nation,  Lenoir  forçait  les  moines  ré- 
calcitrants à  lui  livrer  leurs  richesses  artistiques, 
en  même  temps  qu'il  arrêtait  la  vente  des  objets 
précieux  et  se  les  faisait  délivrer.  En  1793,  il  eut 
à  lutter  contre  les  dévastateurs  qui  voulaient 
tout  briser;  il  se  décida  alors  à  faire  apporter 
précipitamment  et  pêle-mêle  à  son  musée  la  tota- 
lité des  tableaux  ,  statues  et  autres  monuments 
qu'il  rencontrait  dans  les  couvents  et  les  églises. 
Les  bronzes  et  les  cuivres  peu  importants,  portés 
aux  Bavnabites  et  mêlés  au  métal  des  cloches, 


servaient  à  la  fabrication  de  la  monnaie,  sous  la 
direction  de  l'abbé  Rochon  ;  d'autres  monuments 
de  bronze  étaient  portés  à  l'Arsenal  pour  être 
convertis  en  canons.  Cependant,  à  la  suite  d'ob- 
servations faites  au  procureur  de  la  commune, 
Chaumette ,  Lenoir  parvint  à  sauver  des  pièces 
très-importantes,  comme  les  statues  en  bronze 
de  Germain  Pilon,  qui  ornaient  le  tombeau  de 
Henri  II,  les  quatre  esclaves  qui  accompagnaient 
le  piédestal  de  la  statue  de  Henri  IV,  les  bas- 
reliefs  de  la  statue  de  Louis  XIV,  un  bas-relief 
du  tombeau  de  De  Thou ,  etc.  Il  sauva  ainsi  plus 
de  cinq  cents  monuments  précieux,  et  fut  blessé . 
à  la  main  droite  d'un  coup  de  baïonnette  en  vou- 
lant préserver  de  la  destruction  le  mausolée  du 
cardinal  de  Richelieu  à  la  Sorbonne.  Un  décret 
du  comité  de  salut  public,  du  17  septembre  1793, 
ordonna  le  transport  à  l'Arsenal  et  à  la  Monnaie 
des  cuivres  dorés,  bronzes  et  autres  matières 
métalliques  qui  se  trouvaient  au  dépôt  et  ailleurs. 
Lenoir  en  sauva  quelques-uns  en  les  couvrant 
d'un  badigeon.  Le  25  juillet  1792,  Lenoir  avait 
sollicité  l'autorisation  de  livrer  au  public  le  dépôt 
des  Petits-Augustins;  il  ouvrit  ce  musée  le 
12  vendémiaire  an  ni:  Lenoir  avait  fait  impri- 
mer un  catalogue  des  monuments  qu'il  renfer- 
mait, et  les  artistes  furent  admis  à  copier  ces 
monuments.  Roland,  directeur  général  des  beaux- 
arts,  ayant  établi  au  Louvre  un  Musée  central, 
nomma  une  commission  chargée  de  ramasser 
les  objets  nécessaires  à  la  formation  de  ce  mu- 
séum, auquel  l'ancienne  collection  de  tableaux  de 
la  galerie  du  Luxembourg  servit  de  noyau.  Le- 
noir dut  faire  la  part  de  ce  nouvel  établissement, 
il  proposa,  dans  un  mémoire  détaillé,  d'enri- 
chir le  musée  du  Louvre  de  tous  les  tableaux, 
de  toutes  les  statues  antiques,  ainsi  que  des  co- 
lonnes en  marbre  précieux  qu'il  avait  recueillis, 
et  de  former  aux  Petits-Augustins  un  Musée 
des  Monuments  français.  Le  Comité  d'Instruc- 
tion publique  de  la  Convention  approuva  ce  pro- 
jet, et  le  29  germinal  an  iv  un  arrêté  de  la  Con- 
vention le  rendit  exécutoire.  Lenoir  disposa  les 
monuments  qui  lui  restaient  dans  un  ordre  chro- 
nologique et  par  siècles  dans  des  salles  particu- 
lières ,  construites  avec  des  fragments  mêmes 
de  l'architecture  appartenant  à  chaque  époque  : 
il  voulait  en  faire  une  sorte  «  d'histoire  monu- 
mentale de  la  monarchie  française  ». 

Lucien  Bonaparte,  ministre  de  l'intérieur, 
nomma  Lenoir  administrateur  du  Musée  des  Mo> 
numents  français,  le  28  vendémiaire  an  ix.  Le 
même  ministre,  voulant  établir  un  musée  pitto- 
resque de  monuments  dans  le  jardin  de  Mon- 
ceaux, nomma  quelques  jours  après  Lenoir 
administrateur  de  ce  domaine  national.  Le  pre- 
mier consul  vint  visiter  le  Musée  des  Monuments 
français  avec  Joséphine.  Il  félicita  Lenoir,  et 
empêcha  le  démembrement  de  son  musée.  José- 
phine connaissait  depuis  longtemps  Lenoir, 
dont  elle  appréciait  le  zèle  et  le  talent  :  elle  le 
chargea  des  embellissements  artistiques  de  la 


073 

Malmaison,  résidence  sur  laquelle  il  a  publié 
un  travail  très-curieux  dans  le  Dictionnaire  de 
la  Conversation.  Lenoir  fit  transporter  à  la 
Malmaison  des  copies  de  l'antique  provenant  de 
Marly,  et  aida  l'impératrice  Joséphine  dans  le 
choix  de  ses  tableaux  et  autres  objets  d'art.  Elle 
le  nomma  conservateur  de  son  musée  privé; 
mais  il  ne  voulut  jamais  accepter  de  traitement. 
Lenoir  fut  aussi  chargé  d'orner  le  parc  de  ce  châ- 
teau, que  Joséphine  fit  dessiner  suivant  les  pré- 
ceptes de  l'art  anglais  et  orner  des  morceaux  les 
plus  rares  de  la  sculptureet  de  l'architecture.  Le- 
noir acquit  la  façade  du  château  d'Anet,  d  ue  à  Phi- 
libert Delorme  et  à  Jean  Goujon  (voy.  ces  noms), 
que  les  propriétaires  mettaient  en  démolition ,  et 
la  fit  transporter  à  Paris,  où  elle  fut  placée  et  res- 
taurée par  les  soins  de  Percier.  Le  succès  de  cette 
restauration  fit  entreprendre  à  Lenoir  celle  de  l'arc 
le  Gaillon  et  des  façades  gothiques.  11  orna  ainsi 
trois  cours  du  musée,  représentant  à  la  suite  l'ar- 
chitecture des  seizième,  quinzième  et  treizième 
siècles.  Au  bout  de  ces  cours,  on  arrivait  à  un 
ardin,  planté  avec  goût,  où  se  trouvaient  réunies 
lans  des  sarcophages  de  sa  composition  les  dé- 
rouilles de  Turenne,  de  Descartes,  de  Molière, 
le  La  Fontaine,  de  Mabillon,  de  Montfaucon, 
l'Héloïse  et  d'Abélard  ;  pour  ces  deux  derniers 
1  fit  construire  une  chapelle  avec  les  débris 
lu  Paraclet.  Fourcroy  demanda  une  augmen- 
ation  pour  le  Musée  des  monuments  fran- 
çais ;  Napoléon  répondit  que  cela  était  inutile  : 

M.  Lenoir  est  le  meilleur  administrateur  de 
'empire,  ajouta-t-il  :  avec  rien  il  fait  de  grandes 
it  belles  choses.  »  Lenoir  termina  plusieurs 
salles,  fit  restaurer  les  mausolées  de  Louis  XII, 
le  François  1er  et  de  Henri  II,  enlevés  à  Saint- 
Denis.  En  1806,  il  se  transporta  au  château  de 
Richelieu,  en  Poitou,  pour  y  faire  le  relevé  des 
objets  d'art  qui  étaient  à  vendre.  11  y  fit  des 
Itcquisitions  pour  l'impératrice  Joséphine,  et  di- 
rigea la  restauration  et  le  placement  des  objets 
lichetés.  En  1807,  les  ministres  de  l'intérieur  etde 
la  guerre  l'autorisèrent  à  enlever  de  Metz  le  fond 
lu  maître  autel  de  l'église  des  Grands  Carmes, 
monument  gothique  d'une  légèreté  extraordinaire, 
jjui,  donné  à  l'impératrice,  fut  transporté  à  la  Mal- 
inaison.  11  devait  être  relevé  par  Lenoir,  mais  il 
resta  dans  des  caisses  jusqu'à  la  mort  de  Jo- 
(îéphine  ;  et  on  ne  sait  ce  qu'il  est  devenu.  La 
jRestauration  ne  respecta  pas  les  collections  du 
Musée  des  Monuments  français.  Sans  doute  beau- 
coup de  monuments,  comme  les  tombeaux  de 
isaint-Denis  et  quelques  autres,  semblaient  de- 
voir être  rendus  aux  églises  d'où  ils  avaient  été 
3nlevés,   mais   bien   des    morceaux  pouvaient 

ester  à  leurs  places,  et  le  Musée  eût  pu  re- 
cueillir bien  des  pièces  rares  que  les  démolitions 
illaient  détruire.  Sa  fermeture  fut  ordonnée. 
Louis  XVIII,  en  voyant  les  dessins  des  salles  du 
Musée, dit  plus  tard  à  Lenoir  :  «Ce  n'est  certai- 
lement  pas  moi  qui  ai  donné  l'ordre  de  détruire 
:ela.  »  Le  duc.  d'Angoulême  était  venu  admirer 

NO'JV.   BIOCR.  CÉÎVPK.    —  T.   XXX. 


LENOIR  674 

le  Musée  des  Monuments  français;  mais  il  ne 
voulut  rien  faire  pour  sa  conservation,  ne  s'oc- 
cupant,  disait-il,  que  des  affaires  de  la  guerre.  Il 
paraît  qu'on  avait  d'abord  pensé  pouvoir  rendre 
au  clergé  le  domaine  des  Petits-Augustins,  qui 
n'avait  pas  été  aliéné,  et  que  c'était  pour  cela  qu'on 
lui  avait  ôté  sa  destination  d'établissement  pu- 
blic. Le  ministre  Laine  s'opposa  à  cette  mesure, 
et  donna  le  local  à  l'École  des  Beaux- Arts.  En 
1816,  Lenoir  fut  chargé  avec  d'autres  commis- 
saires de  la  réintégration  dans  l'église  de  Saint- 
Denis  des  ossements  des  rois,  des  reines  et  des 
princes  jetés  hors  de  leurs  sépulcres  en  1793,  et 
de  la  restauration  de  leurs  monuments.  En  1820 
il  fut  nommé  un  des  commissaires  chargés  de 
la  restauration  du  Palais  des  Thermes.  Sous  la 
Restauration ,  il  fit  quelques  cours  à  l'Athénée 
royal  ;  puis  il  se  renferma  dans  l'étude,  et  tra- 
vailla à  différents  recueils.  Ses  principaux  ou- 
vragessont  :  Notice  historique  des  Monuments 
des  Arts  réunis  au  Dépôt  national,  rue  des 
Petits-Augustins  ;  Paris,  1793,  in-8°;  —  Col- 
lection des  Monuments  de  Sculpture  réunis 
au  Musée;  Paris,  1798,  in-fol.;  —  Rapport 
historique  sur  le  Château  d'Anet;  Paris,  1800, 
in-fol.;  —  Musée  des  Monuments  français; 
Paris,  1804,  8  vol.  in-8";  —  Histoire  de  la 
Peinture  sur  Verre,  et  description  des  vi- 
traux anciens  et  modernes  pour  servir  à 
l'histoire  de  l'art  relativement  à  la  France; 
Paris,  1804,  in-8°  :  c'est  un  volume  séparé  de 
l'ouvrage  précédent;  —  Nouveaux  Essais  sui- 
tes Hiéroglyphes  ;  Paris,  1 809-1822, 4  vol.  in-8°  : 
l'auteur  alla  en  Egypte  pour  étudier  l'écriture 
hiéroglyphique;  —  Nouvelle  Collection  d'Ara- 
besques; Paris,  1810,  in-4°;  —  Histoire  des 
Arts  en  France,  prouvée  par  les  monuments; 
Paris,  1810,  in-4°  ;  —  La  Franc-maçonnerie 
rendue  à  sa  véritable  origine;  Paris,  1814, 
5  vol.  in-8°  ;  —  Mémoire  sur  la  Sépulture 
d'Héloïse  et  d'Abélard;  Paris,  1815,  in-8°;  — 
Considérations  générales  sur  les  Sciences  et 
les  Arts;  Paris,  1816,  in-8°;  —  Description 
historique  des  statues,  bas-reliefs,  etc.,  du 
Musée  Royal  ;  Paris,  1820,  in-8°;  —  Allas  des 
Monuments  des  Arts  libéraux,  mécaniques 
et  industriels  de  la  France ,  depuis  les  Gau- 
lois, etc.;  Paris,  1820-1821,  1840,  1848,  in-fol.; 

—  Observations  scientifiques  et  critiques  sur 
le  génie  et  les  principales  productions  des 
peintres  et  autres  artistes  les  plus  célèbres 
de  l'antiquité,  du  moyen  âge  et  des  temps 
modernes;  Paris,  1821,  in-8";  —  Disserta- 
tions, Recherches  et  Observations  critiques 
sur  les  statues  dites  Vénus  de  Médecis ,  du 
Capitule,  Callipyge  et  autres,  ^'Apollon  du 
Belvédère,  et  la  statue  découverte  à  Milo,  etc.; 
Paris,  1822,  in-8°;  —  Essai  sur  le  zodiaque 
circulaire  de   Denderah;  Paris,  1822,  în-s°; 

—  La  vraie  Science  des  artistes  ;  Paris,  1823, 
2  vol.  in-8°; —  Observations  sur  les  Comé- 
diens et  sur  les  Masques  à  l'usage  du  thcd- 

22 


«75  LEN01R  — 

tre  des  anciens  ;  Paris,  1825,  in-8°  ;  —  Examen 
des  nouvelles  salles  du  Louvre  contenant  les 
antiquités  égyptiennes  de  Palenque  et  de 
Milla;  Paris,  1833,  in-8°;  —  Description  des 
Tableaux  de  la  galerie  de  Freinays;  Paris, 
1835,  in-S".  Lenoiradonné  des  articles  à  Y  Ency- 
clopédie moderne,  au  Dictionnaire  Historique 
de  Prudhomme  et  au  Dictionnaire  de  la  Con- 
versation. L.  L — t. 

Allou,  Notice  biographique  sur  M.  Alex.  Lenoir, 
dans  les.Vem.  de  la  Sociélédes  Antiquaires  de  France, 
t.  VI.  —  Sarrut  et  Saint  Edme ,  Biogr.  des  Hommes  du 
Jour,  tome  I,  2e  partie,  p.  8S5.  —  Aubenas,  Hist.  de 
l'imper.  Joséphine. 

*  lexoik  (  Alexandre-Albert  ).  architecte  et 
archéologue  français,  fils  du  précédent,  né  à 
Paris,  le  21  octobre  1801.  Élève  de  Debret,  il 
parcourut  en  1830  et  1831  l'Italie,  où  il  fit  sur- 
tout des  recherches  sur  l'architecture  étrusque. 
Il  voyagea  ensuite  dans  diverses  contrées,  entre 
autres  en  Orient,  où  il  étudia  les  monuments 
grecs  et  byzantins.  A  son  retour  en  France,  un 
travail  historique  sur  le  Palais  des  Thermes  et 
un  projet  de  Musée  municipal  à  y  établir  lui  lit 
donner  une  première  médaille,  en  1833,  par 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Il 
fut  chargé,  en  outre,  de  diriger  l'établissement  de 
ce  Musée  dans  le  Palais  des  Thermes  réuni  à 
l'hôtel  de  Cluny,  dont  la  restauration  et  l'agran- 
dissement furent  confiés  à  ses  soins.  Ses  prin- 
cipaux écrits  sont  :  Statistique  monumentale 
de  Paris  depuis  les  Romains;  1839,  in-fol.; 

—  Architecture  et  Archéologie  :  instruction 
pour  le  peuple  ;  1839,  in-8°  ;  —  Architecture 
monastique  -.documents  inédits  ;  1852,  in-4°  ; 

—  des  notices  dans  Monuments  anciens  et 
modernes  ,  de  M.  Gailhabaut  et  dans  beaucoup 
d'autres  recueils.  G.  de  F. 

Documents  particuliers. 
lknoiii.  Voy.  La.  Thorillière. 

LEXONCOUKT.    Voy.   COURCF.LLES. 

lesormaxd  ( Marie-Anne  Adélaïde),  fa- 
meuse devineresse  française,  née  à  Alençon,  le 
27  mai  1772  (et  non  en  septembre  1768),  d'une 
honnête  famille  de  commerçants,  morte  à  Paris,  le 
25  juin  1843.  Elle  perdit  son  père  de  bonne  heure, 
et  sa  mère  s'étant  remariée,  elle  ne  reçut  qu'une 
éducation  fort  incomplète.  Ne  recevant  qu'un  mé- 
diocre appui  de  sa  famille,  elle  fut  réduite,  pour 
vivre,  à  travailler  chez  une  couturière.  Lasse  de 
cette  existence ,  elle  quitta  sa  ville  natale,  à  vingt- 
et-un  ans,  et  partit  pour  Paris,  sans  avoir  de  projet 
arrêté.  Elle  se  plaça  d'abord  dans  un  magasin  de 
lingerie  comme  demoiselle  de  comptoir.  En 
l'an  h  de  la  république,  MUe  Lenormand  s'étant 
rencontrée  avec  une  femme  Gilbert,  tireuse  de 
cartes  réputée  de  l'époque,  sentit  se  développer 
en  elle  le  goût  de  la  nécromancie,  qui  allait  de- 
venir l'occupation  de  toute  sa  vie.  Ces  deux 
personnes  résolurent  alors,  en  s'adjoignant  un 
garçon  boulanger,  nommé  Flammermont ,  de 
former  une  association  dont  le  but,  il  faut  bien 
le  dire,  était  d'exploiter  la  crédulité  publique. 


LENORMAND  676 

Ayant  été  dénoncée  à  la  police,  Mlle  Lenormand 
fut  condamnée  comme  diseuse  de  bonne 
aventure  (ce  sont  les  termes  propres  du  juge- 
ment). Lorsqu'elle  fut  redevenue  libre,  elle  ou- 
vrit, rue  Honoré-Chevalier,  un  cabinet  de  di- 
vination qu'elle  transporta,  plus  tard,  rue  de 
Tournon,  dans  un  logement  qu'elle  a  habité 
jusqu'à  sa  mort.  C'est  là  que,  depuis  l'humble 
bourgeoise  jusqu'à  la  plus  grande  dame,  depuis 
l'artisan  le  plus  obscur  jusqu'aux  hommes  le 
plus  haut  placés,  la  moderne  sibylle  vit  passer 
devant  elle,  pendant  l'espace  de  quarante  années, 
le  cortège  de  tous  ceux  que  dévore  la  fièvre 
de  l'inconnu.  On  n'ignore  pas  que  l'impéra- 
trice Joséphine  contribua  beaucoup  à  cette 
vogue.  Après  la  chule  de  l'empire,  qu'elle  n'avait 
pourtant  pas  prédite,  Mlle  Lenormand  entreprit 
le  voyage  d'Aix-la-Chapelle,  où  se  tenait  le  con- 
grès des  souverains  alliés,  et  elle  y  recul  un  ac- 
cueil bienveillant,  surtout  de  la  part  de  l'em* 
pereur  Alexandre.  Son  crédit  se  soutint  dans  le 
public  pendant  la  restauration.  Les  événements 
de  1830  la  firent  rentrer  dans  l'obscurité,  quel- 
ques efforts  qu'elle  fît  pour  rappeler  l'attentioo 
sur  elle ,  et  elle  s'éteignit  comme  une  simplel 
mortelle,  à  l'âge  de  soixante-onze  ans,  bien 
qu'elle  eût  prédit  dans  un  de  ses  livres  qu'elle) 
vivrait  un  siècle  et  quart.  L'opinion  la  plus  fa- 
vorable que  l'on  puisse  se  former  sur  M"e  Le-* 
normand,  c'est  qu'elle  a  fini  par  être  elle-même 
de  bonne  foi  dans  le  métier  qu'elle  a  exercé,  et 
qui,  du  reste,  lui  fut  très-lucratif.  On  a  d'elle  : 
Anniversaire  de  la  mort  de  VimpératriÀ 
Joséphine;  Paris,  1815,  in-8°;  — Souvenirs 
prophétiques  d'une  sibylle  ;  Paris,  1815,  in-8°  : 

—  La  Sibylle  au  tombeau  de  Louis  XV 1  ;  1816/ 
in-8°;  —  Les  Oracles  sibyllins;  1817,  in-8° :il 

—  La  Sibylle  au  congrès  d' Aix-la-Chapelle ,-n 
1819,  in-8°;  —  Souvenirs  de  la  Belgique;  1822. 
in-8°;    —    L'Ombre   immortelle    de    Cathe- 
rine Il  au  tombeau  d'Alexandre  Ier  ;  Paris 
1826,  in-8°;  —  L'Ange  protecteur  de  la  Franct 
au  tombeau  de  Louis  XVI ;  —  Mémoires  his-i 
toriqueset  secrets  sur l'impératrice  Joséphine  j  ! 
1829,  3   vol.  in-8°;  —  L'Ombre  d'Henri  I}' 
au  palais  d'Orléans;  1830,  in-8c  ;  —  Mani- 
feste des  dieux  sur  les  affaires  de  France, 

1832,  in-8°;  —  Le  Petit  Homme  rouge  av 
palais  des  Tuileries;  1830,  in-8°;  —  Arrèi 
suprême  des  dieux  en  faveur  de  madame  U 
duchesse   de   Berry  ;   —    Révélations ,  etc. 

1833,  in-8°.  M,le  Lenormand  avait  publié,  et 
1825,  le  prospectus  d'un  ouvrage  intitulé  :  Al- 
bum de  Mlle  Lenormand,  mis  en  ordre  et  en 
richi  de  manuscrits  autographes,  de  comme» 
taires,  de  notes  biographiques  sur  la  révolutioi 
française  et  sur  les  auteurs  de  ce  drame  po- 
litique. Cet  album  devait  former  5  vol  in-4° 
Il  n'a  jamais  paru.  Après  sa  mort,  ses  papier.' 
se  sont  trouvés  en  la  possession  d'Alboize  di 
Pujal,  qui  était  allié  à  Mlle  Lenormand  par  soi 
mariage  avec  une  de  ses  nièces.  Cet  homme  d< 


677  LENORMAJND 

lettres  avait  l'intention  d'en  extraire  les  faits  les 
plus  remarquables   et  de  les  publier  sous  le 
titre  de  :  Mémorial  de  Mlte  Lenormund.  La 
mort  a  empêché  l'exécution  de  ce  projet. 
Ed.  de  Manne. 

Documents  particuliers.  —  Quérard,  La  France  Lit- 
téraire. 

*  LEN'omiAXT  (Charles),  savant  archéo- 
logue et  historien  français,  né  à  Paris,  le  1er  juin 
1802.  Après  avoir  étudié  la  jurisprudence  ,  il  se 
préparait  à  l'enseignement    du  droit   romain, 
lorsqu'un  voyage  en  Italie  lui  inspira  le  goût  des 
études  archéologiques.  A  son  retour  en  Fiance, 
ï  la  fin  de  1825,  il  fut  attaché  à  la  maison  du 
"oi,  comme  inspecteur  des  beaux-arts.  En  1828 
il  partit  pour  l'Egypte  avec  son  ami  Champollion 
e  jeune ,  parcourut  ce  pays  dans  toute  son  éten- 
due, et  alla  ensuite  prendre  une  part  active  aux 
ravaux  de  la  commission  de  Morée.  Après  la  ré- 
solution de  Juillet,  il  devint  chef  de  la  section  des 
)eaux-arlsau  ministère  de  l'intérieur,  fut  nommé 
;n  octobre  1830  conservateur  à  la  bibliothèque 
le  l'Arsenal,   et  en  1832  conservateur  adjoint 
lu  cabinet  des  antiques  à  la  Bibliothèque  royale. 
In  1837  il    succéda  à  M.  van  Praet,  comme 
onservateur  des  imprimés,  et  fut  appelé  quatre 
:us  après  aux  fonctions  de  conservateur  du  ca- 
tinet  des  antiques.  Dès  1835  il  avait  été  chargé 
e  suppléer  M.  Guizot  à  la  Sorbonne  :  son  en- 
eignement  fut  troublé,  en  1846,  par  quelques 
uditeurs,  qui  trouvaient  les  opinions  du  profes- 
eurtrop  favorables  à  l'Église  catholique  ;  M.  Le- 
ormant  se  vit  forcé  de  donner  sa  démission, 
n  1848  il  fut  nommé  professeur  d'archéologie 
gyptienne  au  Collège  de  France.  11  est  membre 
e  l'Académie  des  Inscriptions  depuis  1839.  On 
de  lui  :  Des  Artistes  contemporains;  Paris, 
833,  2  vol.  in  8°  ;  —  Trésor  de  iSumismalï- 
ue  et  de  Glyptique;  Paris,  1836-1850,  5  vol. 
î-fol. ,  publié  avec  le  concours  de  Paul  Dela- 
jche  et  d'Henriquel  Dupont;  —  Introduction 
l'histoire  orientale;  Paris,  1838,  in-8°;  — 
fusée    des    Antiquités    égyptiennes;    Paris, 
842,  in-fol.,  en  collaboration  avec  Lhote;  — 
'dite    des    monuments    céramographiques; 
arîs,  1844-1857,  3  vol.  in-4°  ,  en  collaboration 
?ec  M.  de  Witte;  —  Questions  historiques  ; 
aris,  1845,  2  vol.  in-8".  M.  Lenormant  a  aussi 
ublié  beaucoup  de  mémoires,  dont  plusieurs 
ès-importants,  dans  les  Annales   de  l'Ins- 
tut  Archéologique  de  Rome,  dans  la  Revue  de 
Numismatique  et  dans  le  Recueil  de  VAca- 
\émie  des    Inscriptions ,   ainsi  qu'un  grand 
ombre  d'articles  sur  des  sujets  de  religion,  d'his- 
■>ire  et  d'art  dans  divers  recueils,  notamment 
■ans  Le  Correspondant ,  revue  qu'il  a  dirigée 
iepuis  sa  fondation  jusqu'en  1855. 
Il  Son  fils,  FhAHçois  Lenormaht,  né  en  1835,  a 
Itablié    un    Essai  sur   la  classification   des 
i  Monnaies  des  Lagides,  plusieurs  articles  dans 
|  |i  Revue  de  Numismatique ,  dans  le  R'heinis- 


—  LE  NOTRE  678 

ches  Muséum  fur  Philologie,  et  dans  Le  Cor- 
respondant. 
Le  Bas,  Dict.  L'neyc—  Diction,  des  Contemporains. 
le  nôtre  (André),  célèbre  dessinateur  de 
jardins,  né  à  Paris,  en  1013,  mort  dans  la  même 
ville,  en  1700.  Son  père  était  intendant  des  jar- 
dins des  Tuileries.  Placé  chez  Simon  Vouel,  le 
jeune  Le  Nôtre  y  étudia  la  peinture,  et  s'y  lia 
d'amilié  avec  Le  Brun.  Le  Nôtre  succéda  à  son 
père  dans  son  emploi ,  et  devint  contrôleur  des 
bâtiments  du  roi ,  dessinateur  de  ses  jardins, 
chevalier  de  son  ordre,  etc.  Il  dut  à  Fouquet 
l'occasion  de  faire  connaître  ses  talents.  Ce  mi- 
nistre voulant  orner  de  jardins  son  château  de 
Vaux- le- Vicomte,  chargea  Le  Nôtre  de  les  exé- 
cuter. Le  Nôtre  y  déploya  une  grande  habileté. 
Il  fit  des  portiques,  des  treillages,  des  berceaux, 
des  grottes,  des  cabinets,  des  labyrinthes  et  d'au- 
tres embellissements  d'une  grande  nouveauté. 
Louis  XIV  ayant  vu  ces  magnificences  confia  à 
Le  Nôtre  la  direction  de  tous  les  jardins  de  ses 
résidences,  et  le  chargea  de  la  distribution  du 
parc  de  Versailles.  Malgré  les  obstacles  que  pré- 
sentait le  terrain,  Le  Nôtre  se  surpassa  dans 
les  plans  des  jardius  de  cette  résidence.  Un 
jour  il  en  soumettait  au  roi  les  principales  par- 
ties; Louis  XIV,  à  chaque  pièce  qu'il  lui  expli- 
quait, l'interrompait  en  lui  disant  :  «  Le  Nôtre, 
je  vous  donne  vingt  mille  livres.  »  A  la  qua- 
trième interruption,  LeNôtrearrêta  le  monarque 
par  cette  boutade  :  «  Sire,  Votre  Majesté  n'en 
saura  pas  davantage  :  je  la  ruinerais.  »  Ce  fut  Le 
Nôtre  qui  eut  l'heureuse  idée  de  rassembler  dans 
le  canal  qui  termine  le  parc  les  eaux  d'un  ma- 
rais que  l'on  proposait  de  dessécher.  Le  Nôtre 
créa  encore  le  jardin  de  Trianon  ;  on  lui  doit  aussi 
la  superbe  terrasse  de  Saint-Germain.  Le  Nôtre 
fit  ensuite  les  délicieux  jardins  de  Clagny,  et  le 
beau  parterre  du  Tibre  à  Fontainebleau.  Il  fut 
choisi  par  le  duc  d'Orléans,  frère  du  roi ,  pour 
arranger  le  parc  de  Saint-Cloud,  et  il  fit  pour 
le  prince  de  Condé  les  jardins  de  Chantilly. 
Il  travailla  encore  à  Villers-Cotterets ,  à  Meu- 
don,  à  Chaillot,  à  Livry,  à  Sceaux  et  aux  Tui- 
leries. Ce  dernier  jardin  a  été  bien  changé  de- 
puis :  on  a  fait  disparaître  les  treillages  de  ver- 
dure qui  servaient  de  fond  aux  statues  du  côté 
du  fera  cheval;  les  parterres,  dont  les  des- 
sins figuraient  des  croix  de  Malte  autour  des 
pièces  d'eau,  ont  été  peu  à  peu  supprimés  et 
remplacés  dans  ces  derniers  temps  par  des  pe- 
louses de  verdure  masquées  d'un  jardinet  à  l'an- 
glaise qui  contraste  avec  les  masses  du  jardin  ;  la 
grande  allée  a  été  élargie  ;  les  statues  ont  été 
multipliées  sans  être  en  accord  avec  l'ensemble 
général;  enfin,  les  terrasses  ont  été  chargées  -dé 
constructions;  néanmoins  rien  n'est  plus  majes- 
tueux et  plus  grandiose  encore  que  les  deux 
groupes  de  marronniers  qui  composent  le  jar- 
din des  Tuileries  alignés  par  Le  Nôtre.  Amiens 
lui  doit  sa  promenade  de  YAutoi,  si  chère  à 
Gresset.  En  Angleterre  même,  Le  Nôtre:  des- 

22. 


679 


LE  NOTRE 


sina  les  parcs  de  Greenwich  et  île  Saint-Ja- 
mes. Curieux  de  connaître  les  jardins  de  l'I- 
talie, il  obtint  la  permission  de  visiter  ce  pays 
en  1678.  Arrivé  à  Rome,  il  se  lia  d'une  étroite 
amitié  avec  Bernin.  Reçu  d'une  manière  distin- 
guée par  le  pape  Innocent  XI,  à  qui  il  montra 
les  plans  de  Versailles,  il  lui  dit  à  la  fin  d'une 
audience  particulière  :  «  Non,  je  n'ai  plus  rien 
à  désirer  ;  j'ai  vu  les  deux  plus  grands  hommes 
du  monde,  Votre  Sainteté  et  le  roi  mon  maître. 
—  11  y  a  une  grande  différence,  reprit  le  pape;  le 
roi   est   un  grand  prince  victorieux ,  et  moi  je 
suis  un  pauvre  prêtre,  serviteur  des  serviteurs 
de  Dieu  !  »  Le  Nôtre,  enchanté  de  cette  réponse, 
frappa  familièrement  sur  l'épaule  du  souverain 
pontife,  et  lui  répondit  :  «  Mon  révérend  père, 
vous  vous  portez  bien,  et  vous  enterrerez  tout 
le  sacré  collège.  »  Innocent  XI  ne  put  s'empêcher 
de  rire.  Le  Nôtre,  de  plus  en  plus  ravi,  se  jeta 
au  cou  du  pape,  et  l'embrassa.  Rentré  chez  lui, 
il  écrivit  l'aventure  à  Bontemps,  premier  valet  de 
chambre  de  Louis  XIV.  La  lettre  fut  lue  au  petit 
lever  du  roi.  Le  duc  de  Créqui  ne  voulait  pas 
croire  aux  détails  qu'elle  contenait,  et  offrait  de 
parier  que  l'enthousiasme  de  Le  Nôtre  n'était  pas 
allé  jusqu'aux  embrassements  :  «  Ne  gagez  pas, 
interrompit  Louis  XIV;  quand  je  reviens  d'une 
campagne,  Le  Nôtre  m'embrasse;  il  a  bien  pu 
embrasser  le  pape.  »  A  son  retour  en  France,  Le 
Nôlre  embellit  encore  les  jardins  royaux  de  su- 
perbes ouvrages.  11  fit  entre  autres  le  magnifique 
bosquet  dit  la  salle  de  bal,  à  Versailles,  et  aug- 
menta considérablement  les  jardins  de  Trianon. 
Agé  de  près  de  quatre-vingts  ans,  Le  Nôtre  de- 
manda au  roi  la  permission  de  se  retirer  de  son 
service.  Louis  XIV  y  consentit  à  la  condition  qu'il 
viendrait  de  temps  en  temps  le  voir.  Dans  une 
des  dernières  visites  qu'il  fit  au  roi ,  il  le  trouva 
dans  les  jardins  de  Marly.  Louis  XIV  monta 
dans  sa  chaise  couverte  traînée  par  des  Suisses, 
et  voulut   que  Le  Nôtre  prît   place  dans  une 
autre  chaise  à  peu  près  semblable,  pendant  que 
Mansart,  surintendant  des  bâtiments,  marchait  à 
côté  d'eux.  Le  Nôtre,  pénétré  de  reconnaissance, 
s'écria,  les  larmes  aux  yeux  :  «Sire,  en  vérité, 
mon   bonhomme  de  père  ouvrirait  de  grands 
yeux  s'il  me  voyait  dans  un  char  auprès  du 
plus  grand  roi  de  la  terre.  Il  faut  avouer  que 
Votre  Majesté  traite  bien  son  maçon  et  son  jar- 
dinier. »  En  1675,  Louis  XIV  lui  ayant  accordé 
des  lettres  de  noblesse  et  l'ordre  de  Saint-Mi- 
chel, voulait  lui  donner  des  armoiries.  Le  Nôtre 
répondit  qu'il  avait  les  siennes,  qui  étaient  trois 
limaçons  couronnés  d'une  pomme  de  chou:  «  Sire, 
ajouta-til,  pourrais-je  oublier  ma  bêche  -.combien 
doit-elle  m'ôtre  chère!  n'est-ce  pas  à  elle  que  je 
dois  les  bontés  dont  Votre  Majesté  m'honore?  » 
Le  Nôtre  fut  enterré  à  Saint- Roch,  dans  une 
chapelle  qu'il  y  avait  fondée.  Il  avait  un  talent 
particulier  pour  la  peinture,  et  il  a  laissé  de 
bonnes  toiles.  Il  n'était  pas  étranger  aux  sciences, 
et  dans  un  rapport  à  Colbert,  dont  on  possède  en- 


—  LENS  680 

core  le  manuscrit,  il  recommande  l'usage  de  la 
brouette,  qui  venait  d'être  inventée  par  Pascal. 
On  possède  le  buste  de  Le  Nôtre  exécuté  par 
Coysevox.  L.  L — t. 

Abbé  Lambert ,  Histoire  littéraire  du  règne,  de 
Louis  Xir,  tome  III,  livre  X,  page  144.  —  Moréri,  Crand 
Diet^  tlist.  -  Chaiidonet  Delandine.  Dictionnaire  univer- 
sel Hisl ,  Crit  et  Hibliogr. 

le  nocirry  (Denis -Nicolas),  latiniste  fran- 
çais, né  à  Dieppe,  en  1647,  mort  à  Paris,  le 
24  mars  1724  11  fit  ses  premières  études  dansi 
le  collège  de  l'Oratoire  de  sa  ville  natale,  et  entra 
dans  la  congrégation  des  Bénédictins  de  Ju- 
miéges,  le  8  juillet  1665.  Sa  vie,  tout  entière 
consacrée  au  travail,  se  passa  dans  les  abbayes 
de  Bonne-Nouvelle  el  de  Saint-Onen  de  Rouen. 
On  a  de  lui  :  une  édition  des  Œuvres  de  Cas- 
siodore,  dont  il  fit  la  Préface  (avec  dom  Jean' 
Garet);  1679;  —  une  édition  des  Œuvres  dt 
saint  Ambroise  (avec  doms  Jean  du  Chesne,' 
Julien  Bellœise,  et  Jacques  du  Friche  ),  Paris, 
1686-1690,  2  vol.  infol.  Le  P.  Le  Nourry  a  pu- 
blié seul  :  Apparatus  ad  Bibliothecam  maxi- 
mum Patrum  veterum  el  sciiptomm  eccle 
siaslicorwn  ;  c'est  un  supplément  à  l'édition  d< 
Lyon.  Il  en  fit  successivement  paraître  des  vo- 
lûmes  in- fol.,  1694,  1697,  1703  et  1715.  On  f 
joint  ce  travail  à  la  Bibliothèque  des  Pères  d» 
Marguerin  de  La  Bigue  ;  Lyon,  1677,  27  vol 
in-fol.  ;  et  avec  17 ndex  de  Siméon  de  Sainte> 
Croix;  Gênes,  1707,  30  vol.  in-fol.;  —  Luci: 
Cœcilii  Liber  ad  Donatum  confessorwn  dt 
mortibus  persecutorum,  hactenus  Lactantil 
adscriptus  ad  Colbertinum  codicem,  denut 
emendatus,e\c;  Paris,  1710,  in-8°.  Le  P.  H 
Nourry  prétend  que  cet  ouvrage  n'est  pas  de  Lac 
tance.  L— z— e. 

Journal  Littéraire,  t.  VII,  p.  I.  —  Journal  des  Sça 
vans,  juin  1716  r l  août  1724.  —  Bibliotheca  Mauriuna.  - 
bibliothèque  des  auteurs  delà  Congrégation  de  Saint 
Main:  —  Kicéron,  mémoires  pour  servir  à  l'/iistoirt 
des  hommes  illustres,  t.  I,  p.  275-278. 

lens  (Jean  de),  théologien  français,  né 
Bailleul,  en  1541,  mortàLouvain,en  1593.  Jlétai 
chanoine  de  l'église  de  Tournai  et  professeur  d 
théologie  àLouvain,  où  il  mourut.  Il  a  compos 
un  grand  nombre  d'ouvrages,  dont  voici  les  prim 
cipaux  :  De  una  Christi  in  terris  Ecclesia* 
Louvain,  1577  et  1588,  in-8°;  —  De  unicu  Reli 
gione  conservanda ;  Cologne ,  1579,  in-80;- 
De  admirabili  Ecclesiœ  Concordia  ;  Louvain 
1582,  in-8°;  —  De  Liberlate  Chris/iana; 
Anvers,  1590,  in-8°;  —  De  Offtcio  homim 
christiani  constitua  in  perseculione;  Lou 
vain,  1578,  —  De  Doctrina  Facullalis  thec 
logicx  Lovaniensis,etc;  Louvain,  1581,in-12 
et  des  controverses  contre  les  principaux  théolc 
giens  dissidents  de  son  époque.  A.  L. 

Valcre  André  et  Koppens,  Bibliotliecas  Belgicœ  Pa\ 
secunda,  p.  674-676. 

lens  (  Arnoul  de),  en  latin  Lensseus,  mathi 
maticien  belge,  né  à  Bailleul,  près  d'Ath  (Ha 
naut),  brûlé  dansMoscow,  en  1575.  Après  u 
voyage  dans  les  Pays-Bas,  il  passa  en  Moscovii 


581 


)ù  il  devint  médecin  du  czar.  Lens  périt  à  Mos- 
ou  lorsque  cette  ville  fut  inoendiée  par  les 
Irartares.  On  a  de  lui  :  Isagogc  in  Geometrica 
ûementa  Euclidis;  Anvers  (Plantin),  1565, 
n-8°  (très-rare).  L— z— e. 

'  Valèrc  André,  llibliothecse  Belgicx  Pars  prima,  p.  98. 

lens  (André-Côrneille),  peintre  belge,  né 
V  Anvers,  en  1739,  mort  à  Bruxelles,  en  1822. 
Il  ouvrit  une  école  à  Anvers,  où  il  fit  de  nombreux 
Élèves,  et  vint  en  1781  se  fixer  à  Bruxelles ,  où 
fempereur  Joseph  II  vint  le  visiter.  Ses  princi- 
pales toiles  sont  :  à  Gand ,  une  Annonciation; 
[-diverses  peintures  pour  l'église  des  Alexiens, 
L  Liège;  —  à  Lille,  divers  sujets  empruntés  à 
F Histoire  de  la  Madeleine  ;—  Hélène  et  Paris  ; 
I—  V Ange  conduisant  Tobie;  —  Coriolan;  — 
Présentation  de  Jésus  au  Temple  ;  —  Curius 
refusant  l'or  des  Samnites,  etc.  On  a  aussi  de 
Lens  deux  ouvrages  estimés  :  Du  bon  Goïit 
\t  de  la  Beauté  de  la  Peinture  considérée 
plans  toutes  ses  parties;  1811,  in-8°;  —  Le 
vCostume,  ou  essai  sur  les  habillements  et  les 
Usages  de  plusieurs  peuples  de  l'antiquité, 
prouvés  par  les  monuments  ;  Liège,  1776,  in-4°. 
fralma  se  servait  beaucoup  de  cet  ouvrage  pour 
réformer  les  costumes  usités  jusque  alors  sur  la 
scène  française.  A.  de  L. 

Biographie  générale  des  Belges. 

lens  (Bernard),  peintre  et  graveur  belge, 
mort  en  1741.  Il  fut  attaché  à  la  cour  d'Angle- 
terre sous  le  titre  de  peintre  en  émail.  Il  excellait 
surtout  dans  la  miniature,  et  a  laissé  de  nom- 
preux  ouvrages  en  ce  genre,  portra its,  paysages, 
marines,  fleurs,  etc.  Il  gravait  aussi  fort  cor- 
rectement, et  a  publié  des  Recueils  de  vues  et  des 
«aicres  de  dessins  pour  faciliter  l'étude  de  son 
art.  Le  style  de  ses  ouvrages  est  simple  et  clair. 

A.  de  L. 
I  Biographie  générale  des  Belges. 

\  *  lens  si;  oem  (Charles- Jules) ,  littérateur 
Suédois,  né  à  Gèfle,  en  181 1.  Après  avoir  étudié 
la  théologie  à  Upsal,  il  enseigna  l'histoire  littéraire 
tet  plus  tard  l'esthétique.  Il  parcourut  ensuite  le 
Danemark  et  l'Allemagne,  devint  en  1843  pro- 
fesseur de  philosophie  au  gymnase  de  sa  ville  na- 
tale, et  fut  nommé  trois  ans  après  pasteur  dans 
la  province  de  Westmanland.  On  a  de  lui  :  Si- 
tgurdah  Brynhilda;  Upsal,  1836,  poème  en 
vingt  quatre  chants;  —  Lyrisha  Fôrstlingar 
[(premiers lyriques  );  Gèfle,  1837;  —  Konstheo- 
fiernas  historia  (Histoire  des  Théories  de  l'Art); 
Upsal,  1839,  2  vol.  ;  —  Svenska  Poesiens  His- 
toria (  Histoire  de  la  Poésie  suédoise)  ;  Œrebro, 
18391840,  2  vol.; —  Bidragtill  den  Svenska 
Aestetihens  historia  (Document  pour  servira 
l'histoire  de  l'esthétique  en  Suède)  ;  Upsal,  1840  ; 
—  Svensk  Anthotogi;  Œrebro,  1840-1841, 
3  parties;  —  Sveriges  Lilleratur  och  Konst- 
Historia  (Histoire  de  la  Littérature  et  de  l'Art  en 
Suède);  Upsal,  1841;—  Allmàn  Konst-His- 
toria  (Histoire  générale  de  l'Art);  Stockholm, 
1848.  E.  G. 

Conversations- Lexilton. 


LENS  —  LENTULUS  682 

lentulus  ,  nom  d'une  des  plus  célèbres  fa- 
milles de  la  gens  Cornelia  (maison  des  Cor- 
nélius). L'histoire  romaine  et  les  Fastes  consu- 
laires font  mention  de  quarante-trois  person- 
nages du  nom  de  Lentulus.  (  Voy.  Smith ,  Dic- 
tionary  of  Greek  and  Roman  Biography  ).  Les 
principaux  sont  : 

lehtclus  (Publius- Cornélius),  surnommé 
Sura,  le  principal  complice  de  Catilina ,  mis  à 
mort  en  63  avant  J.-C.  Il  fut  questeur  de  Sylla 
en  8t.  Devant  lui  et  devant  L.  Triarius,  Verres 
eut  à  rendre  compte  de  l'argent  qu'il  avait  reçu 
des  Gaulois  Cisalpins.  Appelé  à  son  tour  à  rendre 
des  comptes  pour  un  fait  analogue,  Lentulus  fut 
acquitté.  En  75  il  devint  prêteur,  et,  se  mon- 
trant aussi  indulgent  pour  les  autres  qu'on  l'a- 
vait été  pour  lui,  il  acquitta  Terentius  Varron, 
accusé  d'extorsion.  En  71  il  obtint  le  consulat. 
Ce  fut  le  terme  de  sa  fortune  politique.  L'année 
suivante,  lui  et  soixante-trois  autres  furentexclus 
du  sénat,  à  cause  de  l'infamie  de  leurs  mœurs. 
Cette  mesure  jeta  Lentulus  dans  le  parti  qui  mé- 
ditait le  bouleversement  de  la  république  et  se 
groupait  autour  de  Catilina.  Fier  de  sa  haute  nais- 
sance et  de  son  titre  de  consulaire,  il  espérait  de- 
venir le  chef  de  la  conspiration,  et  s'appliquait 
un  oracle  sibyllin  qui  promettait  à  trois  Cornélius 
l'autorité  souveraine.  Deux  Cornélius,  Sylla  et 
Cinna,  avaient  déjà  occupé  le  rang  suprême,  et 
il  se  croyait  le  troisième  que  désignaient  les  des- 
tins. Quoique  consulaire,  il  sollicita  de  nouveau 
la  préture,  afin  de  rentrer  au  sénat,  et  l'obtint  en 
63,  l'année  même  où  éclata  le  complot.  Besté 
chef  de  l'entreprise  par  le  départ  de  Catilina,  il 
se  montra  indiscret  et  irrésolu,  incapable  de  ca- 
cher ses  projets  et  de  les  mettre  à  exécution.  11 
eut  l'imprudence  de  divulguer  la  conspiration  et 
les  noms  des  conjurés  aux  députés  allobroges, 
qui  allèrent  tout  révéler  à  Cicéron.  Celui-ci  les 
décida  à  lui  servir  d'instruments.  Il  fut  convenu 
qu'ils  exigeraient  de  Lentulus  des  lettres  pour 
leur  nation.  Lentulus,  donnant  dans  le  piège,  re- 
mit la  lettre  demandée,  et  chargea  les  Allobroges 
d'une  lettre  pour  Catilina.  Les  deux  missives 
passèrent  bientôt  des  mains  des  Allobroges  dans 
celles  de  Cicéron,  qui  ordonna  l'arrestation  des 
chefs  du  complot.  Lentulus,  après  avoir  été  dé- 
posé de  la  préture,  fut  étranglé  avec  ses  com- 
plices dans  la  prison  du  Capitule,  le  5  décembre 
(  Voy.  Catilina  et  Cicéron).  Lentulus  était  lent 
d'esprit  et  de  parote;  mais  il  déguisait  ce  défaut 
par  la  dignité  de  sa  personne ,  la  grâce  expres- 
sive de  son  action ,  et  la  puissance  de  sa  voix. 
Les  désordres  de  sa  vie  le  jetèrent  dans  la  cons- 
piration de  Catilina,  et  son  manque  de  résolution 
fut  une  des  causes  de  la  ruine  de  ce  parti.       Y. 

Cicéron,   In  Fer.  I,  14;  Catilin.,  III,  4,   S.  7;  IV,  1,(3; 
Pro  Svlla,  25.  —  Plutarque,  Cicer.  17.  —  Salluste,  Catil., 
17,  32,  43,46  '>7,  So,  53.  —  Mérimée,  Conjuration  de  Cati- 
j    lina. 

lentulus  (Publius- Cornélius),  surnommé 
I  Spinlher,\iva\t  dans  le  premier  siècleavant  J.-C. 
i  II  dut  son  surnom  à  sa  ressemblance  avec  l'ac- 


683  LENTULUS 

teur  Spinther.  Édile  curule  en  63  dans  l'armée  du 
consulat  de  Ciceron,  il  garda  prisonnier  P.  Len- 
tulus  Sura,  un  des  complices  de  Catilina.  II  donna 
des  jeux  qui  restèrent  longtemps  célèbres  pour 
leur  splendeur  ;  mais  il  offensa  les  spectateurs 
en  portant  une  toge  bordée  de  pourpre,  lyrienne. 
Préteur  en  60,  il  obtint  l'Espagne  pour  province 
par  la  protection  de  César.  Ce  fut  encore  à  la 
protection  de  César  qu'il  dut  son  éleclion  au  con- 
sulat eu  58.  Dès  le  premier  jour  de  son  entrée  en 
charge,  1er  janvier  57,  il  proposa  le  rappel  im- 
médiat de  Cicéron.  H  ne  tarda  pas  à  se  séparer  de 
César  pour  prendre  parti  avec  l'aristocratie,  et  il 
demanda,en  compétition  avec  Pompée,  la  mission 
d'aller  rétablir,  sur  la  terre  d'Egypte,  Ptolémée 
Aulitès.  11  échoua  dans  ses  prétentions,  et  se  con- 
tenta de  la  province  proconsulaire  de  Cilicie.  11  y 
resta  trois  ans  (56-53),  et  sollicita,  au  retour, 
les  honneurs  du  triomphe,  qu'il  n'obtint  qu'en  3t. 
Quand  la  guerre  civile  éclata  en  49,  Lentulus  se 
déclara  contre  César,  et  eut  le  commandement  de 
dix  cohortes  dans  le  Pieenum.  A  l'approche  de 
l'ennemi,  il  s'enfuit,  et  s'enferma  dansCorfmum. 
Après  la  capitulation,  il  alla  rejoindre  Pompée, 
qu'il  accompagna  jusqu'en  Egypte,  et  se  relira 
ensuite  à  Rhodes.  On  ne  connaît  pas  les  der- 
niers moments  de  sa  vie.  Lentulus  fut  un  homme 
médiocre,  et  dut  son  importance  politique  à  sa 
haute  naissance,  et  à  sa  liaison  avec  Cicéron.  Y. 
César,  Bellum  Civile,  I,  15-23;  II,  83.  102.  -  Cicéron, 
ad  Atticum,;ad  Fam.,  etc.—  Orelli,  Unomasticum  Tût- 
Uunum. 

lentulus  (P.  Cornélius),  fils  du  précé- 
dent, né  en  74  avant  J.-C,  mort  vers  20  avant 
J.-C.  Il  prit  la  toge  virile  en  57,  et  fut  admis  la 
même  année  dans  le  collège  des  augures.  Il  suivit 
son  père  dans  le  parti  de  Pompée,  fut  amnistié 
par  le  vainqueur,  et  retourna  en  Italie,  où  on  le 
voit  étroitement  lié  avec  Cicéron  et  Mardis  Bru- 
tus.  Après  le  meurtre  de  César,  il  se  joignit  aux 
conspirateurs,  et  alla  en  Asie  comme  proques- 
teur du  proconsul  C.  Trebonius.  Il  rendit  en 
cette  qualité  des  services  à  la  cause  de  Bru- 
tus  et  de  Cassius, assista  l'un  dans  l'expédition 
de  Rhodes,  l'autre  dans  l'expédition  de  Lycie.ll 
survécut  à  la  bataille.de  Philippes,et  rentra  sans 
doute  en  grâce  auprès  d'Auguste,  puisque  son 
nom  figure  avec  les  insignes  d'augure  sur  des 
deniers  de  ce  prince.  Y. 

Cicéron,  Ad,  Famil.,  XII,  14,  15;  Ad  Alt,  XI,  13,  15, 
S;  XII,  52;  XIII,  7.  -  Appien,  Bel.  Civ.  IV,  72,  82. 

lentulus  (  Cossus- Cornélius  ) ,  surnommé 
Gelulicus  ,  né  vers  50  avant  J.-C,  mort  en  25 
après  J.-C.  Consul  avec  L.  Calpurnius  Pison  en  6 
après  J.-C,  il  futenvoyéen  Afrique,  où  il  défit  les 
Gétules,  qui  avaient  envahi  le  royaume  de  Juba. 
Ce  succès  lui  valut  le  surnom  de  Gelulicus  et  les 
ornements  du  triomphe.  A  l'avènement  de  Tibère 
en  14  après  J.-C,  il  accompagna  Drusus,  qui  était 
envoyé  pour  apaiser  la  révolte  des  légions  de  Pan- 
nonie.  Les  rebelles,  qui  redoutaient  sa  sévérité, 
tournèrent  leur  colère  contre  lui,  et  furent  sur  le 
point  de  le  massacrer.  Plus  tard  Lentulus  cou- 


684 
rut  un  égal  danger  dans  le  sénat,  par  suite  d'une 
accusation  de  haute  trahison  qui  lui  fut  intentée.; 
mais  Tibère  ne  permit  pas  qu'elle  fût  soutenue. 
Lentulus  mourut  à  un  âge  avancé,  laissant  une 
honorable  réputation.  «  Il  avait  supporté  la  pau- 
vreté avec  patience,  dit  Tacite,  acquis  une, 
grande  fortune  par  d'honnêtes  moyens ,  et  il  en 
avait  joui  avec  modération.  »  Y. 

Dion  C.issius,  l.v,  28;  LVII.  24.  —  Velleius  Paterculus. 
II.  116  — Fionis,  IV,  12.—  Oro<e,  vi,  21.  -  Tacite,  Ann., 
I, .27;  II,  32;  III,  68;  IV,  29,44. 

lentulus  (Cneius  Cornélius  Gelulicus), 
historien  latin,  fils  du  précédent,  né  vers 
20  avant  J.-C,  mort  en  39  après  J.-C.  Il  fut' 
consul  en  26  après  J.-C,  et  eut  ensuite  le  com- 
mandement des  légions  de  la  haute  Germanie 
pour  dix  ans.  Il  se  fit  aimer  de  ses  soldats  par 
sa  douceur,  et  exerça  en  même  temps  une  grande 
influence  sur  l'armée  de  basse  Germanie,  com- 
mandée par  son  beau  père,  L.  Apronius.  Sonj 
crédit  sur  les  soldats  lui  sauva  la  vie  à  l'époque  : 
de. la  chute  de  Séjan.  Il  avait  promis  sa  fille  au 
fils  du  ministre,  et  seul  de  tous  ceux  qui  étaient 
liés  avec  lui,  il  échappa  à  la  mort.  On  prétend 
que  Lentulus  écrivit  à  l'empereur  qu'il  serait 
fidèle  tant  qu'on  le  laisserait  à  la  tête  de  son 
armée  ;  mais  que  si  sa  province  lui  était  retirée, 
il  lèverait  l'étendard  de  la  révolte.  Tibère,  vieilli, 
crut  prudent  de  ménager  un  sujet  si  redoutable; 
mais  Caligula,  plus  hardi,  le  fit  tuer,  sans  que 
cette  exécution  excitât  aucun  trouble  parmi  les 
soldats  de  Germanie. 

Lentulus  Getulicus  était  historien  et  poète.  Il 
ne  reste  rien  de  ses  écrits  historiques,  qui  sont 
mentionnés  par  Suétone,  et  on  n'a  de  ses  poèmes 
que  trois  vers,  qui  semblent  appartenir  à  un 
poème  astronomique,  et  qui  ont  été  conservés 
par  Probus  dans  ses  Scholies  sur  les  Géorgi- 
ques  de  Virgile.  Meyer  les  a  insérés  dans  son 
Anthologïa  latina  {Ep.  113).  Les  poèmes  de 
Lentulus  consistaient  principalement  en  épi- 
grammes,  remarquables  par  leur  caractère  licen- 
cieux. V Anthologie  grecque  contient  neuf  épi- 
grammes  d'un  Getulicus  (  rairovXiou ,  TaiTou- 
Àtxou  ,  Y<uto\Aiypv ,  raitoù).Xou ,  raixouXiKi'ou , 
PetouXtou),  que  plusieurs  critiques  ont  identifiés 
avec  Lentulus  Getulicus.  Cette  hypothèse  est 
probable.  Cependant  les  neuf  épigrammes  grec- 
ques n'ont  pas  le  caractère  licencieux  qui  distin- 
guait, suivant  Martial,  les  poésies  de  Getulicus  (1). 

Y. 

Velleius  Paterculus,  II,  116.  —  Tacite,  Annales,  IV, 
4-2,  46;  VI,  30.  —  Dion  Cassius,  t.  LXX,  22.  —  Suétone, 
Galba,  6;  Claud.,  9.  —  0.  Vossius,  De  Historicis  latinis,: 
c.  xxv.  -  Martial, Pnsèf.,  I.  —  Pline,  Epist.,  V,  3.  -; 
Sidoine  Apollinaire,  Epist.,  II,  10,  p  148;  Carm.,  IX, 
p.  256.  —  Brunck,  Anal.,  vol.  Il,  p  166.  —  Jacobs,  . 
thnl.  Grœca,  vol.  II,  p.  151,  vol.  XIII,  p.  896. 

(1)  Un  autre  poète,  du  nom  de  Lentulus,  acquit  de  la 
réputation  comme  acteur  et  auteur  de  mimes ,  dans  le 
premier  siècle  avant  l'ère  chrétienne.  Il  était,  dit-on, 
de  haute  naissance,  mais  on  n'a  pas  de  deuils  sur  sa  vie. 
Scoliaste  de  Juvénal,  Sut,  VIII,  187.  -  Tertullien,  Apo- 
to?.,15;de  Pallio,  4.  —  Bothe,  Poetx  latiniscenic./rag., 
vol.  Il,  p.  279,  260. 


685  LENTULTJS 

lextctlus  (Scipion),  grammairien  napoli- 
taiu,  vivait  dans  le  seizième  siècle.  Forcé  de  quit- 
ter Naples  pour  avoir  embrassé  les  doctrines  pro- 
testantes, il  prêcha  à  Ferrare  devant  la  duchesse 
Renée  de  France,  fut  ensuite  ministre  de  l'église 
de  Saint-Jean  dans  la  vallée  de  Luzerne,  et  finit 
par  se  retirer  à  Chiavenne  dans  le  pays  des  Gri- 
sons. Il  était  zélé  pour  sa  secte,  mais  il  ne  pra- 
tiquait pas  à  l'égard  des  autres  la  tolérance  qu'il 
réclamait  des  catholiques.  On  a  de  lui  :  une 
Grammaire  Italienne;  Genève,  1568; —  Res- 
ponsio  orthodoxa  pro  edicto  ill.  D.  D.  trium 
fœderum  Rhetiœ  adverstts  hxreticos,el  alios 
ecclesiarum  rheticarum  perlurbatores  pro- 
mulgalo;  in  qua  de  magistrat  us  autoritate 
et  officio  in  coercendis  heereticis,  ex  verbo 
disputatur ;  Genève,  1592,  in-8°.  Z. 

Gesner,  Bibliotheca.  —  Bayle,  Diction.  Historique  et 
Critique. 

lentclus  (Cyriaque),  pubiiciste  et  phi-  | 
losophe  allemand,  né  à  Elbingen,  vers  1620,  ! 
mort  le  18  mai  1678.  En  1650  il  devint  profes-  ! 
scur  de  politique  et  d'archéologie  à  Herborn  ;  i 
six  ans  après,  il  fut  appelé  à  enseigner  à  Mar-  I 
bourg  la  langue  grecque  et  l'histoire  ecclésias- 
tique ;  il  se  fit  surtout  remarquer  par  ses  attaques  j 
violentes  contre  Grotius  et  Descartes.  Ses  prin- 
cipaux écrits  sont  :  Cartesius  triumphatus  et 
nova  sapientia  ineptiarum  et  blasphemiœ 
convicta  ;  Francfort,  1653,  in-4°;—  Arcana 
regnorum  et  reritm  publicarum  e  Taciti 
penu  eruta  et  spatioso  veteris  et  nostratis 
xvi  scriptorum  hausta,  longo  peregrinatio- 
'riiiin  et  aularum  usu  corroborala  ;  Herborn, 
1655  et  1666,  in-8°; —  Politicorum,  seu  de 
republica  novameditatio;  Cassel,  1661,  in-12; 
—  Princeps  absolutus ;  Politicus  in  sex  pos- 
teriores  Annalium  Taciti  libros;  Herborn, 
1663,  in-8°;  —  Imperator,  seu  de  jure  circa 
belta ;  ibid.,  1664,  in-8°;  —  Prudenlia  mili- 
taris  prisa,  et  recenlioris  sévi  ;  Marbourg,  1 664, 
in-8°;  — Janus  politicus ,  in  Taciti  Historias 
comment  arius  ;  ibid.,  1665,  in-4°;  —  Ger- 
mania  cum,  vita  Agricole  :  Politicorum 
in  Tacitum  comment ariorum  complemen- 
tum;  ibid.,  1666,  in-8°;  —  Quid  consilii  seu 
perplexorum  ,  in  rébus  publicis  casuum  et 
circum  eos  heesitaiiones  expeditio,  CCCCX 
dubia  ex  omni  temporum  memoria  collecta 
et  decisa;  Marbourg,  1671,  in-8°.  Schurtz- 
fleisch  ayant  attaqué,  sous  le  pseudonyme  de 
Sarckmasius ,  les  opinions  politiques  de  Lentu- 
lus,  celui-ci  répondit  par  son  XTZEcxx.amay.6z 
proscriptis  C.  Lentuli  ;  Marbourg,  1669,  in-4°. 

E.    G. 
S"  Wiltc,  Diarium  Biographicum.  —  Stricder,  Hess.  Gel. 
Geschichte.  —  Rotcrmiind,  Supplément  à  Jôcher. 

lexz  (Jean-Michel-  Reinhold) ,  poète  alle- 
mand, né  le  14  janvier  1750,  à  Sessweyen  en 
Livonie,  mort  à  Moscou,  le  24  mai  1792.  Après 
avoirétudié  à  Kônigsberg,  il  parcourutune  grande 
partie  de  l'Allemagne,  et  séjourna  quelque  temps 
à  Strasbourg.  11  y  fit  connaissance  avec  Gœthe, 


LENZ  686 

qu'il  alla  pins  tard  rejoindre  à  Weimar.  S'étant 
livré  de  bonne  heure  a  la  littérature,  il  se  fit  re- 
marquer parmi  ceux  qui  voulaient  secouer  le  joug 
du  goût  classique  et  français.  Doué  d'un  grand 
talent  pour  le  théâtre,  il  y  réussissait  surtout  dans 
les  pièces  comiques,  mais  il  ne  sut  pas  éviter  la 
licence  et  la  bizarrerie,  défauts  de  l'école  litté- 
raire à  laquelle  il  appartenait,  et  il  les  rechercha 
même  souvent  avec  intention.  Atteint  d'une  affec- 
tion hypocondriaque,  à  laquelle  se  joignit  une  pas- 
sion malheureuse  pour  Frédéiïque  Brion,  célèbre 
parsesrelationsavecGœthe,iltombaen  1777  dans 
un  état  de  frénésie  dont  il  ne  se  remit  jamais  com- 
plètement. On  a  de  lui  :  —  Der  Hojmeïster 
(  Le  Précepteur);  Leipzig,  1774,  in-8",  comédie; 

—  Anmerkungen  uber  das  Théater  (Remar- 
ques sur  le  Théâtre);  Leipzig,  1774,  in-8°;  — 
Eloge  de  Wieland  (en  français);  Hanau , 
1775,  in-8°;  — Die  Hôllenrichter  (  Les  Juges 
des  Enfers );  Zurich,  1776,  in-S";  —  Die  Solda- 
ten  (Les  Soldats  ),  comédie.  Ses  Œuvres  com- 
plètes ont  été  recueillies  par  L.  Tieck  ;  Berlin, 
1828,  3  vol.  in-8°.  On  lui  doit  aussi  une  tra- 
duction allemande  de  cinq  pièces  de  Plaute,  ar- 
rangées pour  le  théâtre  moderne;  il  fut  secondé 
dans  ce  travail  par  Gœthe.  E.  G. 

A.  Stôber,  hertz  uud  Frideriké  Sesenheim ,-  Mâle,  1812, 
in-8°.   —  Schlcliti'groll ,  JVecrolog  (année   i"a2,   t,  li). 

—  Jorrtei.s,  texthon  deutsc/ter  Dichter,  t.  VI,  p.  482  — 
Dorer-E^lolf,  Lenz,  und  seine  SchriJtiM  ;  Bade,  1857. 

lenz  (Charles-Gotthold),  archéologue  al- 
lemand ,  né  à  Géra,  le  6  juillet  1763,  mort  à 
Gotha,  le  27  mars  1809.  Il  eut  quelque  temps 
une  place  de  professeur  au  collège  de  Zelle,  et 
vint  en  1796  à  Gotha,  où  il  rédigea  pendant 
trois  ans  la  Gazette  nationale  (Nattonalzei- 
tung).  On  a  de  lui  :  une  édition  de  Catulle, 
avec  traduct.  allemande;  Altenbourg,  1787;  — 
Geschichte  der  Weiber  im  heroischeh  Zeit- 
aller  (Histoire  des  Femmes  aux  temps  héroï- 
ques); Hanovre,  1790,  gr.  in-8°;  —  Erklae- 
rende  Anmerkungen  zu  der  Encyklopxdie 
der  lateinischen  Klassiker  (  Notes  explicatives 
pour  l'Encyclopédie  des  classiques  latins;; 
Brunswick,  1792,  in-8°.  Le  catalogue  complet 
de  ses  ouvrages  se  trouve  dans  Rotermund  ; 
supplément  au  Gel.  Lcxicon  de  Jôcher.    R.  L. 

Méusel,  Gelehrtes  Teutschland,  t.  IV,  p.  411  et  suiv.; 
t.  X,  p.  198  et  suiv. 

lenz  (Samuel),  historien  allemand,  né  à 
Stendal,  en  1686,  mort  vers  1760.  Il  exerça  de- 
puis 1723  la  profession  d'avocat  à  Zerbst, 
hérita  en  1739  d'une  fortune  considérable,  se 
retira  des  affaires,  et  alla  vivre  à  Halle  en 
simple  particulier.  Ses  principaux  écrits  sont  : 
Chronik  der  Stadt  Stendal  (Chronique  de  la 
ville  de  Stendal);  Halle,  1747-1748,2  vol.  in  8"; 

—  Diplomatische  Sti/les-und  Landeshïstorie 
von  Halberstadt  (Histoire  diplomatique  de  l'é- 
vèché  et  du  pays  d'Halberstadl  ;  Halle,  1749, 
in-4°;  —  Diplomatische  Stif/s- Historié  von 
Brandenburg  (Histoire  diplomatique  de  l'evê- 
ché   de  Brandebourg);  Halle,  1750,  in-4°;  — 


687 


LENZ  —  LEO 


688 


Dïplomatische  Stifts  Historié  von  Havelsberg 
(Histoire  diplomatiquede  l'évêchéde  Havelberg); 
Halle,  1750,  in-4°  ;  —  Dïplomatische  Sti/tes- 
und  Lalideshtstorie  von  Magdeburg  (  Histoire 
diplomatique  de  l'évéché  et  du  pays  de  Magde- 
bourg)  Kôthen  et  Dessau,  1756,  in-4\  —  Lenz 
a  aussi  publié  des  éditions  augmentées  du  Gra- 
fensaal  de  Fr.  Lucae  ,  et  de  la  Historische- 
ijenealogische  Fiïrstellung  des  Hanses  An- 
hall  de  Beckmann.  E.  G. 

Gunriting,  Historié  der  Gelahrtkeit,  p.  496  (antibio- 
graphie ,  allant  Jusqu'à  l'an  1745).  —  Huch,  S.  Leuzens 
£fte»;Kotlien  et  Uessau,  1758,  in-4°. 

leo  (Léonard),  célèbre  compositeur  italien, 
né  à  Naples,  en  1694.  Les  biographes  ne  s'ac- 
cordent point  sur  l'époque  de  sa  mort  ;  selon 
les  uns,  il  aurait  cessé  de  vivre  en  1742,  selon 
d'autres  en  1743  ou  1745,  et  même  en  1756, 
ainsi  que  tendrait  à  le  prouver  l'inscription  mise 
au  Iras  d'un  portrait  de  cet  artiste,  qui  était 
autrefois  au  conservatoire  de  la  Pieta,  et  que 
l'on  voit  maintenant  au  Collège  royal  de  Mu- 
sique, à  Naples.  On  trouva  Leo  la  tête  appuyée 
sur  son  clavecin,  dans  l'attitude  d'un  homme 
qui  dort,  mais  il  avait  été  frappé  d'apoplexie. 
L'abbé  Bertini  assure,  cependant  que  cet  évé- 
nement arriva  en  1745.  Quoi  qu'il  en  soit,  Leo, 
après  avoir  appris  dès  son  enfance  les  éléments 
de  la  musique,  se  rendit  à  Rome,  où  il  termina 
ses  études  sous  la  direction  de  Pitoni;  il  re- 
tourna ensuite  à  Naples,  et  y  fut  nommé,  en 
1717,  maître  de  chapelle  de  l'église  Santa-Maria- 
della-Solitaria.  Jusque  là  il  n'avait  travaillé  que 
pour  l'Eglise;  mais  en  1718  il  écrivit  pour  le 
théâtre  son  opéra  de  Sofosnibe ,  dans  lequel 
on  apercevait  déjà  le  sentiment  et  l'expression 
qui  caractérisent  particulièrement  le  talent  de  ce 
compositeur,  et  à  ce  début  succédèrent  rapide- 
ment d'autres  ouvrages.  Nommé  professeur  au 
conservatoire  de  la  Pieta,  Leo  alla  ensuite  rem- 
plir les  mêmes  fonctions  à  celui  de  Santo  Ono- 
frio,  où  il  eut  pour  élèves  Jomelli  et  Piccini ,  et 
partagea  avec  son  prédécesseur  Scarlatti,  et  ses 
contemporains  Durante  et  Fio  ,  la  gloire  d'avoir 
fondé  la  belle  école  napolitaine  du  dix-huitième 
siècle,  qui  a  produit  tant  de  célèbres  compositeurs 
dramatiques. 

Leo  occupe,  comme  professeur  et  comme 
compositeur,  une  des  premières  places  parmi 
les  artistes  de  son  temps.  Sa  musique  religieuse 
est  empreinte  d'un  sentiment  d'élévation  et  d'une 
pureté  de  style  qu'il  avait  puisés  dans  les  tradi- 
tions de  l'école  romaine;  son  Miserere  à  deux, 
ehœurs  est  un  chef-d'œuvre  en  ce  genre.  Son 
style  n'a  pas  moins  de  majesté  que  celui  de  Du- 
rante; mais  Leo  touche  davantage  le  cœur  par  le 
charme  qu  il  a  répandu  dans  ses  œuvres,  notam- 
ment dans  son  Ave,  maris  slella,  pour  voix  de 
soprano,  et  dans  son  Credo  à  quatre  voix.  On 
cite  encore,  comme  un  de  ses  meilleurs  ouvrages, 
son  oratorio  de  Santa  Elena  al  Calvario. 
Dans  la  musique  de  théâtre,  Leo  est  également 


remarquable  par  la  noblesse  delà  pensée;  sou- 
vent pathétique  et  passionné,  c'est  par  les  moyens 
les  plus  simples  qu'il  produit  les  plus  grands 
effets.  L'air  Misero  Pargolelto,  de  son  Démo- 
foonte  ;  le  duo  Nei  gïorni  tuoi  felici,  de  son 
Olimpiade,  et  l'air  Non  so  donde  vienne,  du 
même  opéra  ,  sont  des  modèles  d'expression 
dramatique. 

Voici  la  liste  des  principales  productions  de 
Leo  :  Musique  d'église  :  Miserere  à  deux  chœurs, 
sans  orchestre  ;  —  motet  pour  voix  de  soprano, 
avec  accompagnement  d'orgue  ;  —  motet  (  Heu  ! 
nos  miseros,  etc.  )  à  cinq  voix  et  orgue  ;  —  trois 
Messes,  dont  une  à  quatre  voix  et  les  deux  autres 
à  cinq ,  avec  accompagnement  d'orchestre  ;  — 
deux  Dixit,  le  premier  à  quatre  voix  et  orgue, 
l'autre  à  deux  chœurs  et  deux  orchestres;  —  ; 
Credo,  à  quatre  voix  et  orchestre  ;  —  Te  Deunt, 
à  quatre  voix  et  orchestre  ;  —  deux  Magnificat, 
l'un  à  quatre  voix ,  avec  accompagnement  de  deux 
violons  et  orgue ,  l'autre  à  cinq  voix  et  orchestre; 

—  Cxintata  per  il  miracolo  delglorioso  S.  Gen- 
naro,  à  cinq  voix  et  orchestre  ;  —  Cantata  per 
il  gloriosoS.  Vincenzo  Feirari,  o sia moletto 
à  cinqne  voci  conslromenti  ;  —  motet  :  Jam 
surrexit  dies  gloriosa,  à  cinq  voix  et  orchestre  ; 

—  Miserere mei,  à  quatre  voix,  et  orgue;  —  Ave, 
maris  Stella,  pour  voix  de  soprano,  deux  violons, 
viole  et  orgue;  —Santa  Elena  al  calvario,  ora- 
torio; —  Cain  et  Abel,  idem;  —  Musique  de 
théâtre  :  Sofonisbe,  opéra,  à  Naples  (1718)  ;  — 
Lucio  Papirio,  id.,  à  Naples  (  1720  )  ;  —  Cajo 
Gracco,  Idem  (1720)  ;  —  Artaserce;  —  Tamer- 
lano ,  Rome  (  1722  )  ;  —  Arianna  e  Teseo ,  can- 
tate à  deux  voix  ; —  Timocrate,  à  Venise  (1723); 

—  L'Olimpiade  ;  —  Demofoonte  ;  —  Andro- 
macca  ;  —  Catone  in  Vtica  (  1726)  ;  —  Ciro 
riconosciuto  (  1727  )  ;  —  Argene  (  1728  )  ;  — 
Achille  in  Sciro  ;  —  Le  Aozze  de  Psiche  con 
Amore;  —  La  Zingarella,  intermède  (  1731); 

—  La  Clemenza  di  Tito  (1735)  ;  —  Bajazetto; 

—  Cioè  ,  opéra  bouffe  ;  —  Siface  (1737)  ;  — 
Coponimento  pastorale,  en  deux  parties  ;  — 
Serenata  per  le  Spagna  ,  idem  ;  —  Festa 
théâtrale  (  1739)  ; — La  Contessa  dell  amore 
e  délia  virtù  (  1740);  —  Vologeso  (1744). 
Leo  a  écrit  aussi ,  comme  ouvrages  d'étude  : 
Partimenti,  basses  chiffrées  pour  servir  à  l'é- 
tude de  l'accompagnement  ;  un  solfège  pour 
voix  de  basse  ;  et  un  ouvrage  intitulé  Principi 
di  Musica,  qui  est  resté  en  manuscrit. 

Dieudonné  Denne- Baron. 
Gerbcrt,  Historisch  Bionraphisc/tes  Lerikon  der  Ton- 
Jcunstler.  —  Arteaga,  /,e  Revoluzioni  del  Teatro-ita- 
liano,  etc.  —  Bertini,  Dizzion.  stor.  crit.  degli  scrittori 
di  musica.  —  Choron  et  Fayolle,  Dictionnaire  historique 
des  Musiciens.  —  Fétis,  Biographie  universelle  des  Mu- 
siciens. 

*  leo  (  Henri),  célèbre  historien  allemand, 
né  à  Rudolstadt,  le  19  mai  1799.  Après  avoir  étu- 
dié à  Breslau  et  à  Iéna,  où  il  devint  en  1 820  doc- 
teur en  philosophie,  il  se  rendit,  en  1822,  à  Berlin, 
et   y  suivit  assidûment  les  leçons  de  Hegel. 


689 

L'année  suivante  il  fit  un  voyage  en  Italie,  avec 
les  moyens  que  lui  procura  sa  protectrice,  la 
princesse  douairière  de  Schwartzbourg-Rudol- 
stadt,  et  fut  en  1828  appelé  à  l'université  de 
Halle  comme  professeur  d'histoire,  place  qu'il 
occupe  encore  aujourd'hui.  Ayant  rompu  avec 
lies  démagogues  et  avec  les  sectateurs  de  Hegel, 
fil  se  distingua  bientôt  parmi  les  adversaires  les 
plus  résolus  du  radicalisme  moderne.  Après  1848 
il  se  prononça  de  plus  en  plus  dans  le  sens  réac- 
tionnaire; on  peut  improuver  ses  opinions,  mais 
Ion  ne  saurait  contester  son  talent  de  polémiste, 
(d'historien  et  surtout  de  narrateur.  Ses  princi- 
paux travaux  sont:  De  Johanne  grammatico; 
|léna,  1819,  in-4°;  —  Ueberdie  Verfassung  der 
I  lombardïschen  Staedte  (  Sur  la  Constitution 
des  cités  lombardes);  Radolstadt,  1820;— 
Ueber  Odins  Verehrung  in  Deutschland  (  Sur 
l'adoration  d'Odin  chez  les  Germains)  ;  Erlangen, 
1822;  —  Entwickelung  der  Verfassung  der 
lombardïschen  Staedte  (  Développement  de  la 
constitution  des  cités  lombardes  )  ;  Hambourg, 
1824,  ouvrage  remarquable,  où  l'auteur  établit 
Tidée,  alors  nouvelle,  que  les  cités  lombardes  ne 
sont  pas  filles  des  municipalités  de  l'empire  ro- 
main ,  mais  qu'elles  sont  le  résultat  des  institu- 
tions germaniques  ;  —  Vbrlesungen  iiber  die 
Geschichte  des  judischen  Staals  (Cours  d'his- 
toire du  peuple  juif);  Berlin,  1828,  in-8°;  — 
Handbuch  der  Geschichte  des  Mittelalters 
(Manuel  de  l'histoire  du  moyen  âge);  Halle, 
1830,  in-8°;  —  Geschichte  der  italisenischen 
Staaten  (Histoire  des  États  Italiens);  Ham- 
bourg, 1829-1830,  5  vol.  in-8"  :  cet  ouvrage, 
traduit  en  français  (Paris,  1844,  3  vol.  grand 
in-8°  ),  fait  partie  de  la  collection  d'histoires  de 
Heeren  et  Ukert  ;  —  Zwôlf  Bûcher  nieder- 
lecndischer  Geschichte  (  Douze  livres  d'his- 
toire des  Pays  Bas);  Halle,  1832-1835,  2  vol. 
in-8°  ;  —  Studien  und  Skizzen  zur  Naturges- 
chichle  des  Slaats  (  Études  et  Esquisses  pour 
une  histoire  naturelle  de  l'État);  Halle,  1833;  — 
Lehrbuch  der  Vniversal- Geschichte  (Manuel 
d'Histoire  universelle  )  ;  Halle,  1835-1844  ;  ibid., 
1839-1845,  6  vol.  in-8°;  ouvrage  très-remar- 
quable,mais  où  l'auteur  juge  souvent  les  personnes 
et  les  événements  du  passé  avec  les  préoccirpa- 
tions  politiques  d'aujourd'hui  ;  —  Leitfaden  der 
Vniversal-  Geschichte  (Guide  d'histoire  univer- 
selle); Halle,  1838-1840,  4  vol.  in-8°  ;  —  Send- 
schreiben  an  Gôrres  (Lettre  à  Gôrres);  Halle, 
1838,  écrit  à  l'occasion  de  l'arrestation  de  l'ar- 
chevêque de  Cologne  ;  —  Die  Hegelinge  (  Les 
Hégéliens);  Halle,  1838  et  1839;  —  Altssech- 
sische  und  angelsœchsische  Sprachproben 
(  Documents  de  l'ancienne  langue  saxonne  et  de 
l'idiome  anglo-saxon);  Halle,  1838;  —  Beo- 
wulf,  dasœlteste  deutsche,  in  angelssechsis- 
cher  Mundart  erhaltene  Beldengedicht,  nach 
seinen  kistorischen  und  mythologischen  Be- 
ziehungen  betrachtet  (  Béowulfe,  poëme  anglo- 
«axon,  la  plus  ancienne  épopée  germanique  con- 


LEO  —  LÉOCHARÈS 


690 

sidéré  au  point  de  vue  de  l'histoire  et  de  la  mytho- 
logie); Halle,  1839; —  Eectitudines  singula- 
rum  persvnarum  ;  Halle ,  1 842,  in-8°  ;  cette  édi- 
tion des  coutumes  des  Anglo-Saxons  contient  aussi 
des  détails  sur  l'agriculture  et  sur  lacondition  des 
paysans  chez  ce  peuple;  —  Die  Malbergische 
Glosse  (La  Glose  Malbergique  ) ;  Halle,  1842- 
1845,  2livraisonsin-8°:  dans  ce  livre  l'auteur  Léo 
cherchée  prouver  que  la  glose  malbergique.  ainsi 
qu'on  désigne  les  notes  ajoutées  à  la  loi  salique 
dans  quelques  manuscrits,  n'est  pas  écrite  dans  un 
idiome  germanique,  mais  en  celtique  ;  cette  opi- 
nion, assez  hasardée,  a  été  combattue  entre  au- 
tres par  Jacob  Grimm  dans  sa  Geschichte  der 
deutschen  Sprache;  — Ferien-Schri/'.en  (Mé- 
langes de  vacance)  ;  Halle,  1847-1852, 2  vol.in-8"  ; 
eet  ouvrage  se  compose  principalement  d'études 
sur  la  langue  et  les  antiquités  celtiques  ;  —  Si- 
gna/ura  temporis  ;  Halle,  1849  :  ouvrage  sur  la 
politique  de  l'époque.  Léo  a  aussi  publié  un 
grand  nombre  d'articles  dans  le  Berliner  Wo- 
chenblatt  dans  la  Evangelische  Kirchenzei- 
tung  et  dans  le  Halle'sches  Volksblatt,  dont 
il  est  un  des  principaux  rédacteurs.        E.  G. 

Conv.-Lex. 

léocharès  (  b.ztùyâ.wz  ),  sculpteur  athé- 
nien, vivait  dans  le  quatrième  siècle  avant  J.-C. 
II  fut  un  des  principaux  artistes  de  la  seconde 
école  athénienne,  dont  les  chefs  étaient  Scopas  et 
Praxitèle.  Pline  le  place  avec  Polyclès,  Céphi- 
sodote  et  Hypatadore  dans  la  102e  olymp.  (372 
avant  J.-C.  ).  Dans  la  106e  olymp.  et  les  années 
suivantes,  il  travailla  au  tombeau  de  Mausole. 
Il  fut  un  des  artistes  que  Philippe  employa  pour 
consacrer  le  souvenir  de  la  bataille  de  Chéronée 
(338  av.  J.-C).  Pline,  à  qui  nous  devons  pres- 
que tous  ces  renseignements,  rapporte  aussi  que 
Léocharès  fit  une  statue  d'Autolycus,  vainqueur 
au  pancrace  des  enfants  dans  les  Panathénées  de 
l'olympiade  89  ou  90,  et  dont  la  victoire  donna 
lieu  au  Symposium  de  Xénophon.  Ce  témoi- 
gnage ne  semble  pas  concorder  avec  les  pré- 
cédents ,  puisque  la  victoire  d'Autolycus  et  la  ba- 
taille de  Chéronée  sont  séparées  par  un  inter- 
valle de  quatre-vingts  ans  :  la  carrière  active 
d'un  artiste  ne  peut  pas  avoir  rempli  un  aussi 
long  espace  de  temps.  Mais  il  n'est  pas  néces- 
saire que  la  statue  d'Autolycus  ait  suivi  immé- 
diatement la  victoire  du  jeune  athlète;  elle  a  pu 
être  exécutée  beaucoup  plus  tard  comme  un  mo- 
nument comroémoratif. 

Le  chef-d'œuvre  de  Léocharès  était  un  groupe 
représentant  V enlèvement  de  Ganymède.Suixant 
la  vive  description  de  Pline,  l'aigle  semblait  com- 
prendre le  trésor  qu'il  portait,  et  se  gardait  de 
déchirer  de  ses  serres  une  proie  destinée  au 
maître  des  dieux.  L'ouvrage  original  était  cer- 
tainement en  bronze,  mais  il  fut  souvent  repro- 
duit en  marbre  et  sur  des  pierres  précieuses.  Des 
copies  en  marbre  qui  existent  la  meilleure  est 
un  groupe  de  demi-grandeur  dans  le  musée  Pio- 
Clemerrtino.  Un  autre  groupe  de  la  bibliothèque 


691  LÈOCHARÈS  —  LtfON 

Saint-Marc  à  Venise  est  plus  grand  et  peut-être 
mieux  exécuté ,  mais  beaucoup  moins  bien  con- 
servé. Ces  copie»,  quoique  très-imparfaites,  don- 
nent une  idée  de  ce  mélange  de  dignité ,  de  grâce 
et  d'élégance  sensuelle  qui  caractérise  la  seconde 
école  athénienne.  Parmi  les  autres  ouvrages  my- 
thologiques de  Léocharès,  Pausanias  mentionne 
un  Jupiter  et  une  personnification  du  Peuple 
(  Zeùç  y.cd  Ayj(xoç  )  dans  le  long  portique  du  Pirée 
et  un  autre  Jupiter  dans  l'Acropole  d'Athènes , 
ainsi  qu'un  Apollon  dans  le  Céramique.  Pline 
parle  de  son  Jupiter  tonnant  du  Capitole, 
«  œuvre  louable  entre  toutes  »,  et  de  son  Apollon 
avec  un  diadème ,  et  Vitruve  mentionne  sa  statue 
de  Mars  dans  l'Acropole  d'Halicarnasse.  Léo- 
charès fit  aussi  des  statues  d'hommes  vivants, 
entre  autres  celles  de  Philippe,  d'Alexandre, 
tfAmintas ,  d'Olympias  et  à' Eurydice,  qui 
étaient  en  ivoire  et  en  or  et  placées  dans  lePhi- 
lippeion,  bâtiment  circulaire,  que  Philippe  avait 
fait  construire  dans  l'Altis  d'Olynipie ,  en  mé- 
moire de  la  bataille  de  Chéronée.  On  cite  encore 
de  Léocharès  une  statue  d'Isocrale,  que  Timo- 
thée,  fils  de  Conon,  consacra  à  Eleusis. 

Un  autre  sculpteur  athénien  du  même  nom 
et  probablement  de  la  même  famille  vivait  à  l'é- 
poque romaine.  On  a  découvert  à  Athènes  un 
bloc  de  marbre  qui ,  d'après  l'inscription,  avait 
servi  de  piédestal  à  une  statue  de  Marcus  Anto- 
nius  (sans  doute  le  triumvir)  par  Léocharès.  Y. 

Pline,  Hist.  nàt.,  XXXIV,  8  ;  XXXVI,  5.  -  Pausanias  , 
V,  20.  —  Vitruve,  VII,  Prwf.,  13.  —  Viscnnti,  HJuseo 
Clément.,  vol.  111,  pi.  49.  —  Millier,  Denkmaler  (1er  allen 
Kunst,   vol.  I,  pi.  36.  -  Zanetti  ;  Statue,   vol.   Il,  t.   7. 

—  Meyer,  Kunstgesçhivhte ,  vol.  11,97,  98.  —  SchOll, 
Arcliâologische  illltthcilitngen  aus  Griechenland,  nacti 
C.-O.  Miiiler's  hihterlassêheti  Papieren,  p.  I,  p.  127,  etc. 

—  R.  Rochcttc,  Lettre  à  M.  Schorn  ,  341,  etc. 

léodamas  (  AEU)3âu.a;  ) ,  orateur  athénien , 
vivait  dans  la  première  moitié  du  quatrième  siècle 
■  avant  J.-C.  11  étudia  l'éloquence  à  l'école  d'Jso- 
crate,  et  fut ,  dit-on,  le  maître  d'Eschine.  Celui- 
ci  ,  qui ,  il  est  vrai ,  n'était  pas  impartial ,  parle 
de  Léodamas  avec  beaucoup  d'éloges,  et  le  place 
au-dessus  de  Démosthène  pour  les  grâces  de  la 
diction.  On  ne  possède  aucun  des  discours  de 
Léodamas;  mais  on  sait  qu'il  en  prononça  un 
contre  Callistrate,  un  autre  contre  Chabrias,  et 
qu'il  se  défendit  lui-même  contre  une  accusation 
qui  lui  avait  été  intentée  par  Thrasybule.      Y. 

l'lutarque,  V Use  decem.  Orat.  —  Eschine,  Cont.  Ctesi- 
phnntem,  138.  —  Uéiuosthèoe,  In  Lept.,  p.  SOI.  —  Aris- 
tote,  K/tetor.,  1,  7,  13;  II,  23,  23.  —  Photius,  ISibliolkeca, 
cod.  264.  —  Ruhulihen,  Hislorta  crit.  Orat.  Grse- 
corum. 

LÉodius  (Hubert-Thomas),  historien  belge, 
né  à  Liège,  vers  la  fin  du  quinzième  siècle,  mort 
vers  le  milieu  du  seizième.  Après  avoir  étudié 
le  droit,  il  fut  nommé  assesseur  auprès  de  la 
chambre  impériale.  En  1622  il  devint  secrétaire 
de  l'électeur-palatin  FrédéricII,  et  reçut  plus  tard 
de  ce  prince  le  titre  de  conseiller.  Il  fut  chargé 
par  son  maître  de  diverses  négociations  diplo- 
matiques. On  a  de  lui  :  Annalium  de  vita  et 
rébus  gestis  Friderici  II,   comitis  palatini, 


692 
libri  XIV;  Francfort,  1624  et  1665,  in-4°; 
traduit  en  allemand ,  Scheusingen ,  1628,  in-4°- 
— Hislorta  Belli  Ruslicani  in  Germania, dans 
le  tome  III  des  Scriptores  de  Freher  ;  —  His- 
toriola  de  Francisa  a  Sickingen  rébus  gestis; 
ibid  ;  —  De  Palalinorum  origine  et  Heidel- 
bergec  antiquïtatibus ,  à  la  suite  des  Origines 
Palatines  de  Freher  ;  —  De  Tungris  et  Ebu- 
ronibus;  Strasbourg,  1641,  in  8°;  reproduit 
dans  le  tome  I  des  Scriptores  de  Schard  ;  —  Epis- 
tola  de  monte  Tauno,  dans  les  Monumenta  de 
Miegius.  e.  G. 

André,  Bibl.  Belgica.   —  Roterraund,  Supplément  à 
Jucher. 

Empereurs  d'Orient. 
léon  1er,  Flavius,  surnommé  le  Thraceet  le 
Grand,  né  vers  400,  dans  la  contrée  des  Lcsses, 
en  Thrace,  mort  en  janvier  474.  A  la  mort  de 
Marcien,  il  n'était  qu'un  obscur  tribun  militaire 
et  commandait  Selymbrie.  Aspar,  qui  avait  été 
toul-puissant  sous  le  dernier  prince,  pouvait  pré- 
tendre à  l'empire;  mais,  Alain  de  naissance  et 
arien  de  religion ,  il  craignit  que  son  avènement 
ne  fût  le  signal  d'une  guerre  civile  et  religieuse,  et 
espéra  qu'en  abandonnant  l'apparence  du  pou- 
voir suprême,  il  en  conserverait  mieux  la  réalité. 
Il  jeta  les  yeux  sur  Léon,  qui  avait  été  son  inten- 
dant et  qui  s'était  élevé  par  sa  protection   Son 
choix  entraîna  le  sénat  et  l'armée.  Léon  Ier  fut 
proclamé  empereur,  le  7  février  457,  et  reçut  la 
couronne   des  mains  du   patriarche  Anatolius. 
C'est  le  premier  exemple  d'un  prince  chrétien 
couronné  par  un  prêtre.  Cette  cérémonie  fut  dans 
la  suite  adoptée  par  tous  les  autres  princes  chré- 
tiens, et,  selon  la  remarque  de  Gibbon,  elle  de- 
vint pour  le  clergé  un  formidable  moyen  d'à  tion. 
Le  nouveau  prince  n'entendait  pas  être  un  ins- 
trument complaisant  de  son  ministre.  D'ailleurs,  , 
à  défaut  de  son  caractère,  sa  ferveur  catholique 
l'eût  porté  à  secouer  l'influence  d'un  arien.  Les 
événements  lui  fournirent  bientôt  une  occasion 
de  montrer  sa  fermeté.  Des  troubles  religieux 
éclatèrent  en  Egypte.  Les  eutychiens  d'Alexan- 
drie tuèrent  l'évêque  orthodoxe  Protérius,  et  le 
remplacèrent  par  un  évêque  de  leur  secte  Ti- 
mothée  Elurus,  que  protégeait  Aspar.  Malgré  l'in- 
tervention du  ministre,  Elurus  fut  déposé  et  exilé 
dans  la  Chersonèse  Taurique  par  l'ordre  de  Léon. 
Voyant  que  dans  cette  circonstance,  et  dans  plu- 
sieurs autres  l'empereur  tenait  peu  compte  de 
ses  avis,  Aspar  lui  reprocha  d'oublier  ses  pro- 
messes. Le  prenant  un  jour  par  le  pan  de  son 
manteau,  il  lui  dit  :  «  Convient-il  à  celui  qui  porte 
cette  pourpre  de  manquer  à  sa  parole?  —  Il  lui 
convient  encore  moins,  répondit  Léon,  de  souf- 
frir qu'on  lui  fasse  la  loi  comme  à  un  esclave.  » 
Les  chroniqueurs  byzantins  rapportent  que  la 
première  année  du  règne  de  Léon  fut  signalée 
par  un  éclatant  succès  des  armes  romaines;  mais 
on  ignore  jusqu'au  nom  de  la  peuplade  barbare 
qui  fut  vaincue.  Pendant  ce  temps  l'empire  d'Oc- 
cident, ravagé  par  les  Vandales  de  Genséric, 


693 


LÉON 


694 


menacé  par  ses  propres  défenseurs,  les  Suèves  de 
Ricimer,  approchait  de  sa  ruine.  Léon  s'inquié- 
tait peu  de  ce  démembrement  de  l'empire.  Les 
exercices  de  piété  l'occupaient  plus  que  les  af- 
faires de  l'État.  11  faisait  de  fréquentes  visites  au 
solitaire  Daniel  Stylite,  qui  passait  sa  vie  sur 
une  colonne ,  et  écoutait  ses  conseils.  «  Si  Da- 
niel, dit  Le  Beau,  s'était  permis  de  se  mêler  des 
affaires  de  l'État,  il  lui  eût  sans  doute  conseillé 
de  ne  pas  le  visiter  si  souvent,  et  de  s'occuper 
davantage  de  l'honneur  et  de  l'intérêt  de  l'em- 
pire, qui  périssait  en  Occident.  »  Un  péril  pres- 
sant tira  Léon  de  son  apathie.  En  466  une  bande 
de  Huns,  commandée  par  Hormidas,  traversa  le 
Danube  sur  la  glace,  et  pénétra  dans  la  Mésie. 
Léon  envoya  contre  ces  barbares  Anthémius, 
qui  les  battit  à  Sardique.  Une  seconde  horde  de 
Huns,  sous  les  ordres  de  Dengisic,  fils  d'Attila, 
éprouva  le  même  sort.  Dengisic  périt  deux  ou 
trois  ans  plus  tard  dans  une  rencontre  avec  le 
général  romain  Anagaste,  et  sa  tête,  apportée  à 
Constantinople  pendant  qu'on  y  célébrait  les  jeux 
du  cirque,  et  plantée  au  bout  d'une  lance,  servit 
de  spectacle  pendant  plusieurs  jours.  Délivré  des 
Huns,  Léon  s'occupa  sérieusement  de  rendre  la 
paix  à  l'empire  d'Occident.  Il  négocia  avec  Ri- 
cimer et  l'amena  à  reconnaître  pour  empereur 
d'Occident  le  général  byzantin  Anthémius,  en 
467.  Les  deux  princes  concertèrent  aussitôt  une 
grande  expédition  contre  Genséric.  Un  arme- 
ment formidable,  sous  les  ordres  de  Basilique, 
frère  de  l'impératrice,  fit  voile  pour  Cari  liage; 
mais  le  général  romain,  soit  trahison,  soit  lâ- 
cheté, n'osa  pas  attaquer  cette  ville.  Tandis 
qu'il  perdait  le  temps  en  pourparlers,  les  Van- 
dales lancèrent  des  brûlots  sur  la  flotte  romaine, 
qui  fut  la  proie  des  flammes,  en  468.  Basilique 
revint  en  Sicile  avec  quelques  vaisseaux  et  un 
petit  nombre  de  soldats.  L'indignation  excitée 
par  cet  ignominieux  désastre  retomba  moins  sur 
Basilique  que  sur  Aspar.  On  prétendit  que  le 
ministre  arien  avait  lait  échouer  une  expédition 
dirigée  contre  les  Vandales  ses  coreligionnaires. 
Léon  augmenta  encore  le  déchaînement  de  l'o- 
pinion en  faisant  courir  le  bruit  que  Aspar  exi- 
geait pour  son  fils  lamaind'Ariadne,  fille  de  l'em- 
pereur. A  la  nouvelle  du  mariage  projeté,  les  ha- 
bitants de  Constantinople  coururent  aux  armes, 
et  assaillirent  la  maison  d'Aspar,  qui  fut  forcé  de 
se  réfugier  avec  ses  trois  fils  Ardaburius,  Pa- 
tricius  et  Ermenaric,  dans  l'église  de  Sainte- 
Euphémie  à  Chalcédoine.  Le  patriarche  vint  les 
assurer,  de  la  part  de  l'empereur,  qu'ils  n'avaient 
rien  à  craindre.  Léon  lui-même  se  rendit  à  Chal- 
cédoine sous  prétexte  de  veiller  à  leur  sûreté. 
Aspar  et  ses  fils  eurent  l'imprudence  de  quitter 
leur  asile;  mais  à  peine  avaient-ils  pénétré  dans 
l'enceinte  du  palais,  que  Trascalisseus  (  depuis 
l'empereur  Zenon  )  se  précipita  sur  eux  avec 
une  bande  de  gardes,  et  massacra  Aspar  et  Ar- 
daburius (471).  Léon  avait  ordonné  le  meurtre. 
Cette  violation  de  la  foi  promise  fut  pour  l'em- 


pire une  source  de  malheurs.  Les  ariens  et  les 
barbares,  que  l'influence  d'Aspar  avait  contenus, 
se  soulevèrent.  Ricimer  recommença  ses  intri- 
gues en  Occident,  et  les  Goths  envahirent  la 
Thrace,  et  ravagèrent  pendant  deux  ans  les  en- 
virons de  Constantinople.  Les  fléaux  naturels 
s'ajoutèrent  aux  malheurs  de  la  guerre  pour  at- 
trister les  dernières  années  de  Léon.  En  465  un 
incendie  éclata  à  Constantinople,  et  détruisit  les 
édifices  publics  et  privés  dans  un  espace  de  1,750 
pieds  de  long  de  l'est  à  l'ouest,  sur  500  de 
large  du  nord  au  sud.  En  469  des  inondations 
dévastèrent  diverses  parties  de  l'empire.  En  472 
eut  lieu  une  des  plus  terribles  éruptions  du  Vé- 
suve. On  rapporte  que  les  cendres  furent  pous- 
sées par  le  vent  jusqu'à  Constantinople.  Le  1 1  no- 
vembre, tandis  qu'on  célébrait  les  jeux  du  cir- 
que, à  l'heure  de  midi,  le  ciel  s'obscurcit  fout  à 
coup,  et  les  ténèbres  couvrirent  la  ville.  Le 
peuple  crut  voir  une  pluie  de  feu  ,  et  même  lors- 
que la  cause  du  phénomène  eut  été  reconnue,  il 
continua  de  croire  que  c'était  un  véritable  feu 
que  la  miséricorde  divine  avait  changé  en  cen- 
dres. En  mémoire  de  cet  événement,  on  institua 
des  processions  et  des  actions  de  grâce  annuelles. 
Tous  les  chroniqueurs  byzantins  s'accordent  sur 
ce  phénomène  extraordinaire;  mais  comme  ils 
vivaient  longtemps  après  cet  événement,  leurs  té- 
moignages ne  sont  pas  indubitables.  Les  actions 
de  grâces  commémoratives  seraient  plus  dignes 
de  foi  si  l'origine  en  était  bien  avérée. 

Léon  Ie"  reçut  des  orthodoxes  le  surnom  de 
Grand,  qu'il  ne  justifia  point  par  ses  actions. 
Les  ariens  lui  donnèrent  le  surnom  de  Macela 
ou  Macellarius  (le  Boucher  ou  le  Meurtrier), 
sans  doute  à  cause  de  la  mort  violente  d'Aspar, 
car  aucun  autre  acte  de  Léon  ne  mérite  une 
pareille  épilhète.  On  lui  reprocherait  plutôt  d'a- 
voir manqué  de  fermeté.  Sa  piété  était  vive. 
Quoique  sans  instruction,  il  aimait  les  lettres  et 
les  sciences.  Un  jour  qu'un  de  ses  ministres  lui 
reprochait  d'avoir  donné  une  pension  au  philo- 
sophe Eulogius,  «  Plut  à  Dieu,  répondit-il,  que 
je  n'eusse  à  payer  que  les  gens  de  lettres  !  » 

Léon  eut  de  sa  femme  Verina  un  fils,  qui 
mourut  jeune,  et  deux  filles  :  Aiiadne,  qui  épousa 
Trascalisseus  (  Zenon  ),  et  Léontia,  qui  épousa 
Marcien,  fils  d'Anthémius.  Sentant  sa  fin  appro- 
cher, il  choisit  pour  successeur  et  proclama  au- 
guste son  petit-fils,  Léon,  fils  de  Zenon  et  ,d'A- 
riadne.  11  mourut  moins  d'un  an  après,  et  fut 
enseveli  dans  le  mausolée  de  Constantin. 

LÉON  il  succéda  à  son  grand-père,  à  l'âge  de 
quatre  ans  (janvier  474),  et  mourut  an  mois  de 
novembre  suivant  (  voy.  Zenon).  L.  J. 

Cedrenus,  p.  346.  —  Zonaras,  vol.   II,   p.  49,  etc.    — 
j   Théophanes,    p.    95,  etc.  —  Suidas,  aux  mots  AÉtoV  et 
Z'/jvwv.  —  Le  Beau,  Histoire  du  lias-Empire ,  1,  XXXIV, 
XXXV,  t.  VI  et  VU,  édit.  de  Saint -Martin. 

lëox  m  flwics,  surnommé  Vlsaurien 
(  Isaurus),  né  vers  680,  mort  le  18  juin  741.  Il 
naquit  en  Isaurie,  de  parents  pauvres  qui  aban- 


695 

donnèrent  ce  pays  pour  s'établir  en  Thrace.  Le 
futur  empereur,  qui  se  nommait  alors  Conon,  en- 
tra comme  spathaire  dans  l'armée  de  Justinien  II 
Rhinotmète,  arriva  en  peu  de  temps  aux  pre- 
miers grades  militaires,  et  changea  son  nom  en 
celui  de  Léon.  L'empereur  Anastase  lui  confia  en 
713  le  commandement  général  des  troupes  d'O- 
rient. Lorsque  ce  prince  fut  détrôné  et  exilé,  en 
716,  Léon  refusa  de  reconnaître  l'usurpateur 
Théorlose  III,  et  prit  les  armes,  sous  prétexte  de 
rétablir  Anastase ,  mais  en  réalité  pour  s'élever 
lui  même  à  l'empire,  dont  il  était  digne  par  ses 
grandes  qualités.  Artabaze,  commandant  des 
troupes  d'Arménie,  le  seconda  dans  ce  dessein, 
et  les  soldats  le  proclamèrent  sous  les  murs  d'A- 
morium  en  Galatie.  11  était  alors  occupé  à  dé- 
fendre contre  les  Sarrasins  les  provinces  grecques 
d'Orient.  Entouré  par  des  forces  supérieures,  il 
parvint  à  échapper  au  général  arabe  Moslemah 
en  lui  faisant  des  propositions  de  paix,  et  gagna 
la  Cappadoce.  Molesmah  l'y  suivit  de  près; 
mais  la  mauvaise  saison  l'obligea  de  s'arrê- 
ter. Léon  profita  de  ce  moment  de  répit,  et  se 
porta  rapidement  sur  les  troupes  impériales , 
qu'il  battit  et  dispersa  à  Nicomédie.  Il  marcha 
ensuite  sur  Constantinople.  A  son  approche,  le 
faible  usurpateur  déposa  la  couronne,  et  se  retira 
dans  un  cloître.  Léon  fut  couronné,  le  27  mars 
718,  au  milieu  des  acclamations  du  peuple,  qui 
attendait  beaucoup  de  son  courage.  Bientôt  les 
Sarrasins,  qu'il  avait  devancés  par  la  rapidité  de 
sa  marche ,  arrivèrent  en  face  de  Constantinople, 
et  leur  flotte  couvrit  le  Bosphore.  Le  khalife  So- 
liman, regardant  la  feinte  négociation  de  Léon 
avec  Moslemah  comme  une  injure  personnelle, 
avait  juré  d'en  tirer  vengeance,  et  il  voulutcom- 
mander  lui-môme  l'expédition.  Ce  siège,  le  troi- 
sième que  Constantinople  eût  eu  à  soutenir  contre 
les  Arabes,  dura  deux  ans,  du  15  août  718  au 
15 août  720.  Il  n'en  vitquele  commencement; 
mais  son  successeur  Omar  renouvela  son  ser- 
ment, et  poursuivit  le  siège  avec  une  ténacité 
que  les  plus  rudes  échecs  ne  rebutèrent  pas. 
L'empereur  Léon,  sortant  de  la  Corne  d'Or  avec 
une  escadre  précédée  de  nombreux  brûlots  rem- 
plis de  feu  grégeois,  porta  le  désordre  et  l'incen- 
die dans  la  flotte  ennemie.  Dans  deux  autres 
rencontres  navales,  les  Arabes  éprouvèrent  des 
pertes  encore  plus  sensibles,  et  au  commencement 
du  mois  d'août  720  leurs  forces  de  terre  furent 
mises  en  déroute  avec  une  perte  de  vingt-huit 
mille  hommes.  Cette  défaite  força  les  Arabes  à 
lever  le  siège.  De  trois  flottes  qui  avaient  été 
successivement  équipées  pour  la  conquête  de 
Constantinople,  quelques  vaisseaux  seulement 
rentrèrent  dans  les  ports  de  Syrie.  Jusque  là  la 
capitale,  malgré  les  sorties  victorieuses  des  as- 
siégés, avait  été  si  étroitement  bloquée  que  les 
rapports  entre  le  gouvernement  et  les  provinces 
avaient  cessé.  Le  bruit  courut  même  en  occident 
que  le  khalife  était  monté  sur  le  trône  de  Cons- 
tantinople. Cette  rumeur  enhardit  Sergius  à  se 


LÉON  696 

rendre  indépendant;  mais,  n'osant  pas  encore 
prendre  la  couronne  pour  lui ,  il  fit  proclamer 
son  lieutenant  Basile  roi  de  Sicile  et  de  Calabre. 
Léon,  après  la  levée  du  siège,  envoya  en  Sicile 
quelques  vétérans  sous  un  général  énergique 
nommé  Paulus.  La  révolte  fut  promptement  ré- 
primée. Basile,  fait  prisonnier,  paya  ses  préten- 
tions de  sa  têle.  Sergius  se  réfugia  en  Italie  au- 
près des  Lombards,  et  finit  par  rentrer  en  grâce 
auprès  de  l'empereur,  qui  lui  rendit  son  gouver- 
nement d'Italie.  Anastase  fut  moins  heureux. 
Dans  cette  crise,  il  laissa  mettre  en  avant  ses 
droits  à  l'empire,  et  recruta  de  nombreux  parti- 
sans. Léon  réprima  avec  célérité  cette  nouvelle 
conspiration,  et  en  punit  sévèrement  les  auteurs. 
Il  n'épargna  pas  son  ancien  bienfaiteur  Anastase, 
qui  eut  la  tête  tranchée. 

Le  khalife  Omar,  malgré  sa  défaite,  continua 
la  guerre  contre  les  Grecs,  et  en  721  il  s'empara 
de  Césarée  en  Cappadoce  et  de  Néo-Césarée  dans 
le  Pont.  Léon  ne  s'inquiéta  guère  de  ces  succès, 
et  dirigea  toute  son  attention  sur  l'administration 
intérieure.  Comme  beaucoup  de  princes  byzan- 
tins, il  eut  le  tort  de  trop  s'immiscer  dans  les  af- 
faires religieuses.  En  722,  il  ordonna  sous  peine 
de  morl  aux  juifs  répandus  dans  l'empire  de  se 
faire  baptiser,  et  obtint  une  soumission  apparente. 
Des  sectaires,  que  Théophane  appelle  des  mon- 
tanistes,  reçurentlemêmeordre, et  résolurentde 
mourir  plutôt  que  de  s'y  conformer.  D'un  accord 
général,  ils  se  brûlèrent  tous  à  jour  nommé  dans 
leurs  églises.  Cet  affreux  événement  n'eut  pas 
d'effet  sur  la  volonté  inflexible  de  Léon.  Il  pro- 
mulgua en  726  un  édit  qui  est  un  des  actes  légis- 
latifs les  plus  importants  de  l'histoire  byzantine. 
Cet  édit  abolissait  le  culte  des  images.  Des  mo- 
tifs religieux  et  politiques  le  poussèrent  à  cette 
résolution.  Chrétien  sincère,  il  voyait  dans  le 
culte  des  images  une  profanation  païenne.  De 
plus  il  était  touché  du  reproche  d'idolâtrie  que 
les  musulmans  et  les  juifs  adressaient  aux  chré- 
tiens, et  espérait  peut-être  que  les  diverses 
croyances  des  populations  de  l'empire  se  ral- 
lieraient à  une  religion  réformée.  Ces  motifs 
étaient  sérieux  sans  doute  ;  mais,  avec  plus  de 
prévoyance,  Léon  aurait  vu  que  le  douteux  es- 
poir de  rattacher  les  mahométans  à  l'empire  ne 
compensait  pas  l'inconvénient  de  mécontenter  les 
catholiques  et  peut-être  de  les  pousser  à  la  ré- 
volte. Il  méconnut  ou  brava  ce  danger,  et  les 
suites  de  son  imprudence  furent  la  perte  de  Ra- 
venne,  de  Rome,  de  toutes  les  possessions 
grecques  en  Italie,  et  enfin  la  séparation  de  l'É- 
glise grecque  et  de  l'Église  latine.  Les  plus  hauts 
dignitaires  ecclésiastiques  donnèrent  le  signal  de 
la  résistance.  Le  patriarche  Germanus,  Jean  Da- 
mascène,  Jean  Chrysorrhoas  en  Orient  et  le  pape 
Grégoire  H  en  Occident  furent  les  chefs  de  l'op- 
position. Grégoire  II  condamna  l'édit  dans  un 
synode  et  en  demanda  énergiquement  la  révoca- 
tion. Léon  répondit  à  ses  représentalions  en  or- 
donnant à  Paulus,  évoque  de  Ravenne,  de  se  saisir 


G97 


LEON 


698 


du  pape.  Paulus  fit  marcher  des  troupes  sur 
Rome.  Les  Lombards  de  Spolète  et  de  la  Tos- 
cane accoururent  au  secours  du  pape,  et  les 
troupes  grecques  rentrèrent  dans  Ravenne,  où 
Paulus  eut  bien  de  la  peine  à  se  maintenir  contre 
le  mécontentement  de  la  population.  En  Orient  la 
révolte  éclata  dans  le  Péloponnèse  et  dans  les  Cy- 
clades,etConstantinople  fut  encore  assiégée,  mais 
cette  fois  par  des  Grecs.  Dans  Constantinople 
même  plusieurs  émeutes  firent  couler  des  flots 
de  sang.  Léon  triompha  de  tous  ces  soulèvements. 
Il  déposa  et  bannit  le  patriarche  Germanus,  et  le 
remplaça  par  l'iconoclaste  Anastase,  en  730.  La 
majorité  des  professeurs  des  nombreuses  écoles  et 
académies  de  Constantinople  se  déclara  contre 
l'édit.  Léon  en  fut  sans  doute  fort  irrité;  mais 
il  est  absurde  de  supposer  que  l'incendie  qui  dé- 
vora la  bibliothèque  de  Sainte-Sophie  et  coûta 
la  vie  à  plusieurs  professeurs  fut  allumé  par 
son  ordre.  Cette  étrange  imputation,  inventée  par 
quelque  moine,  fut  perpétuée  par  les  ennemis  re- 
ligieux de  Léon.  Ce  prince  envoya  en  734  une 
puissante  expédition  contre  l'Italie,  avec  mission 
de  réduire  Ravenne  La  flotte  grecque  fut  dis- 
persée par  la  tempête  et  les  troupes  qui  dé- 
barquèrent essuyèrent  une  défaite.  L'exarchat  fut 
perdu  pour  l'empire.  Désespérant  de  ramener 
l'Italie  sous  son  obéissance,  Léon  détacha  la 
Grèce,  l'Illyrie,  la  Macédoine  de  l'autorité  spiri- 
tuelle des  papes,  et  les  soumit  à  celle  des  pa- 
triarches de  Constantinople;  ce  fut  la  cause  réelle 
du  schisme  des  deux  églises.  Pendant  que  l'im- 
prudente politique  de  Léon  hâtait  le  démembre- 
ment de  l'empire  en  Occident,  les  Sarrasins  le 
dévastaient  en  Orient.  Le  khalife  Hesham  sou- 
tint en  734  les  prétentions  d'un  aventurier  qui 
se  faisait  passer  pour  Tibère,  fils  de  Justinien  II. 
L'imposteur  fit  son  entrée  à  Jérusalem  avec  les 
ornements  impériaux,  et  parcourut  ensuite  la 
Syrie.  Cet  appareil  ne  produisit  aucun  effet  sur 
la  multitude.  Les  événements  de  739  furent  plus 
graves.  Le  général  Soliman  envahit  le  territoire 
romain  avec  une  armée  de  quatre-vingt  dix 
mille  hommes  divisée  en  trois  corps.  Le  premier 
entra  dans  la  Cappadoce,  qu'il  dévasta  ;  le  se- 
cond, commandé  par  Melick  et  Batal,  envahit  la 
Phrygie.  Soliman  resta  avec  le  troisième  près 
de  Tyane.  Léon  rassembla  à  la  hâte  des  troupes 
qui,  sous  les  ordres  du  général  Acroninus, 
défirent  complètement  les  troupes  de  Melick 
et  Batal.  Ces  deux  chefs  furent  tués  dans  l'ac- 
tion ,  et  Soliman,  découragé,  se  retira  en  Syrie. 
L'anné  740  fut  marquée  par  un  des  plus  affreux 
tremblements  de  terre  dont  il  soit  fait  mention 
dans  les  chroniques  byzantines.  «  Le  26  octobre, 
sur  les  trois  heures  après  midi,  la  terre  se  souleva 
par  des  secousses  redoublées,  détruisit  quantité 
de  maisons,  de  portiques,  d'égiises,  de  monas- 
tères, et  fit  tomber  les  statues  de  Constantin,  de 
Théodose  le  Grand  et  d'Arcadius.  Les  murs  de 
Constantinople  s'écroulèrent  du  côté  du  conti- 
nent; la  plus  grande  partie  du  peuple  s'enfuit 


de  la  ville ,  et  se  logea  dans  des  baraques  au  mi- 
lieu de  la  campagne.  La  Thrace  fut  couverte  de 
ruines;  Nicomédie  et  Prénète  en  Bithynie  furent 
renversées;  de  toute  la  ville  de  Nicée,  il  ne  resta 
d'entier  qu'une  église."  Ce  tremblement  se  fit 
sentir  à  diverses  reprises  pendant  le  cours  d'une 
année,  et  s'étendit  jusqu'aux  extrémités  de  l'O- 
rient. En  Egypte,  des  villes  entières  furent  abî- 
mées avec  leurs  habitants, et  la  mer,  perpétuel- 
lement agitée,  engloutit  un  grand  nombre  de 
vaisseaux.  Ce  terrihle  fléau  fit  périr  des  multi- 
tudes d'hommes  et  d'animaux  (1).»  Léon  ne  sur- 
vécut que  de  quelques  mois  à  ces  désastres.  Il 
fut  enseveli  dans  l'église  des  Apôtres.  Son  fils 
Constantin  V  fut  surnommé  Copronyme. 

LÉON  m  fut  le  fondateur  de  la  dynastie  isau- 
rienne.  C'est  un  des  princes  les  plus  remar- 
quables de  l'histoire  byzantine.  Sa  grande  erreur 
fut  de  croire  qu'il  pouvait  régler  les  choses  re- 
ligieuses et  imposer  une  réforme  par  un  édit.  Ce 
tort  l'entraîna  à  des  actes  violents  et  odieux,que 
les  écrivains  orthodoxes  ont  relevés  en  les  exa- 
gérant, mais  qui  ne  peuvent  faire  oublier/  que  Léon 
fut  un  administrateur  actif,  énergique,  équitable, 
un  prince  enfin  tel  qu'il  convenait  aux  Grecs  dégé- 
nérés. L.  J. 

Théophane,  p.  327,  etc.  —  Cedrenus,  p.  450,  etc.  —  Ni- 
céphore,  p.  34.  etc.  —  Glycas,  P-  189,  etc.  —  Zonaras, 
vo!.  H,  p.  101,  etc.  —  Paul  Di;icre,  De  Geitis  Longol/bard. 
VI,  47  —  Gibbon,  History  of  Déclina  and  l'ail  of  Ro- 
man Empire,  i 

léon  iv  flavius,  surnommé  Chazarus, 
petit-fils  du  précédent,  et  fils  aîné  de  Constan- 
tin V  Copronyme ,  né  le  25  janvier  750,  mort  le 
8  septembre  780.  11  fut  surnommé  Chazare  à 
cause  de  sa  mère,  qui  était  une  princesse  de  cette 
nation.  Il  succéda  à  son  père,  le  14  septembre 
775.  Il  était  d'une  si  faible  santé  que,  prévoyant 
sa  fin  prochaine,  il  fit  dans  l'année  qui  suivit 
son  avènement,  couronner  son  fils  Constantin, 
âgé  de  cinq  ans.  Il  obtint  de  ses  cinq  frères,  Nicé- 
phore,  Christophe,  Nicétas,  Anthemeus  et  Eu- 
doxas  le  serment  qu'ils  reconnaîtraient  le  jeune 
auguste  comme  leur  maître  futur.  Les  princes 
ne  l'observèrent  pas,  et  furent  bientôt  convaincus 
de  conspiration.  Léon  les  fit  raser  et  battre  de 
verges,  et  les  relégua  dans  la  Chersonèse.  Après 
quelques  vaines  tentatives  pour  recouvrer  la 
liberté,  ils  allèrent  finir  leurs  jours  à  Athènes. 
En  777  Téléric,  roi  des  Bulgares,  qui  s'était  traî- 
treusement conduit  à  l'égard  de  Constantin,  se 
voyant  en  danger  à  la  tête  de  sa  horde  barbare , 
se  réfugia  auprès  de  Léon,  reçut  le  baptême  et 
fut  créé  patrice.  En  778  les  Arabes  envahirent 
l'empire.  Léon  leur  opposa  une  armée  nombreuse 
commandée  par  Lachano  Draco.  Le  général  ro- 
main remporta  sur  le?  Arabes  une  victoire  com- 
plète dans  laquelle  Othman,  fils  du  khalife  Ma- 
hadi  ou  Modi,  fut  tué.  Quand  les  nouvelles  de 
cet  éclatant  succès  arrivèrent  à  Constantinople, 
l'empereur  n'était  plus.  Léon  n'eut  ni  les  vices 

(i)l.e  Beau,  Histoire  du  Bas-Empirt,  I.  I.XI1I. 


699 


de  son  père ,  ni  l'énergie  de  son  aïeul  ;  il  fut 
comme  eux  iconoclaste  zélé,  mais  il  n'imita  pas 
leur  intolérance.  L.  J. 

Théophane,  p.  378.  etc.  —  Cédrène,  p.  468,  etc.  —Cons- 
tantin Manassès.  p.  89.-Zonaras,  vol.  II,  p.  113.— Glycas, 
p.  285  (  de  la  Collection  byzantine  du  Louvre). 

léon  v,  Flavius  Armenius,  régna  de 
813  à  820.  11  était  Arménien  d'origine  et  fils  du 
célèbre  Bardas.  Il  s'acquit  dès  sa  jeunesse  une 
grande  réputation  d'habileté  et  de  courage,  et 
obtint  la  confiance  de  Nicéphore  I"  (  802-81 1  ). 
Il  la  justifia  fort  mal,  et,  soit  imprévoyance,  soit 
trahison,  il  se  laissa  surprendre  par  les  Arabes 
dans  son  gouvernement  d'Hélénopont ,  perdit 
presque  tous  ses  soldats  et  la  caisse  de  son  ar- 
mée. L'empereur,  indigné,  le  fit  battre  de  verges, 
et  l'envoya  en  exil.  Cet  événement  eut  lieu  au 
mois  de  mars  811,  et  en  juillet  Nicéphore  périt 
dans  un  combat  contre  les  Bulgares.  Son  fils 
Staurace  ne  lui  survécut  que  peu  de  mois,  et  eut 
pour  successeur  Michel  l"r  Rhangabe.  Le  premier 
acte  du  nouvel  empereur  fut  de  rappeler  Léon. 
Il  lui  donna  ensuite  le  titre  de  patrice  et  le 
nomma  commandant  en  chef  des  troupes  d'Asie. 
Léon  ne  fut  pas  plus  fidèle  à  Michel  qu'à  Nicé- 
phore. Il  suborna  les  troupes  tandis  que  ses 
partisans  agissaient  sur  la  superstition  populaire. 
Il  y  avait  à  Constantinople  une  vieille  femme 
qui  passait  pour  pythonisse.  Toutes  les  fois 
qu'elle  voyait  passer  l'empereur,  elle  lui  criait  : 
«  Descends,  prince,  descends  ;  cède  la  place  à  un 
autre.  »  Michel  se  contenta  de  faire  enfermer 
cette  folle.  Mais  sa  prédiction,  commentée,  exa- 
gérée eut  de  l'inlluence  sur  le  public  et  sur  Léon 
lui-même,  qui  se  regarda  comme  prédestiné  au 
trône.  Ce  général  remporta  de  grands  avantages 
sur  les  Arabes  en  812,  et  accourut  au  secour-s 
de  Constantinople  menacé  par  les  Bulgares.  Au 
mois  de  mai  813,  Michel  et  Léon  quittèrent  la 
capitale  à  la  tête  d'une  nombreuse  armée.  L'em- 
pereur n'aurait  voulu  que  harceler  les  Bulgares. 
Léon  représenta  cette  prudence  comme  de  la 
timidité ,  et  demanda  la  bataille.  Elle  se  livra 
près  d'Andrinople,  ie  22  juin  813,  et  tournait  en 
faveur  des  Grecs,  lorsque  Léon  prit  la  fuite  avec 
ses  Orientaux  et  entraîna  le  reste  de  l'armée.  Les 
fugitifs  se  retirèrent  à  Andrinople,  et  Michel,  les 
laissant  sous  les  ordres  du  général  dont  il 
ignorait  la  trahison ,  rentra  à  Constantinople. 
Aussitôt  après  son  départ,  Léon  se  fit  proclamer, 
et  marcha  sur  la  capitale.  A  cette  nouvelle  Mi- 
chel quitta  les  insignes  du  pouvoir  suprême,  et 
entra  dans  un  cloître.  Léon  fut  couronné  le 
11  juillet.  A  peine  avait-il  pris  possession  du 
trône  que  Crum,  roi  des  Bulgares,  arriva  devant 
Constantinople  et  dévasta  les  environs  de  la 
ville.  Léon  n'avait  pas  d'armée  à  leur  opposer; 
mais  la  mort  le  délivra  de  Crum,  en  avril  814, 
et  les  Bulgares,  privés  de  leur  chef,  essuyèrent 
une  défaite  complète.  Léon  ne  fut  pas  moins 
heureux  l'année  suivante,  et  imposa  aux  Bul- 
gares une  trêve  de  trente  ans.  Délivré  de  ces 


LÉON  700 

redoutables  ennemis,  l'empereur  renouvela  les 
projets  de  réforme  religieuse  qui  sous  la  dy- 
nastie isaurienne  avaient  excité  tant  de  troubles. 
Il  fil  une  guerre  acharnée  au  culte  des  images, 
exila  le  patriarche  Nicéphore,  lui  substitua  Théo- 
dole  Cassitéras,  commandant  d'une  des  compa- 
gnies de  la  garde,  et  fit  confirmer  par  un  concile 
d'iconoclastes  les  actes  du  concile  tenu  sous 
Constautin  Copronyme.  Son  activité  se  déploya 
d'une  manière  plus  méritoire  dans  la  réforme 
du  système  administratif.  Avant  lui  toutes  les 
charges  civiles  et  militaires  étaient  vendues  au 
plus  offrant.  Il  abolit  ce  honteux  trafic,  donna, 
l'exemple  du  désintéressement,  et  n'avança  que 
le  mérite.  Il  ne  connaissait  ni  le  repos  ni  les 
plaisirs.  Il  consacrait  l'hiver  à  exercer  ses  troupes, 
l'été  à  parcourir  les  provinces ,  punissant  les 
vexations  et  les  injustices,  rétablissait  les  villes 
et  les  forteresses  minées  par  la  guerre  ;  sou- 
vent il  présidait  les  tribunaux,  et  réprimait  avec 
une  égale  inflexibilité  les  crimes  et  les  abus 
de  pouvoir.  Sa  justice  n'observait  pas  les  for- 
mes légales,  et  déployait  trop  souvent  une  ri- 
gueur barbare.  L'exil,  la  mutilation,  la  décapi- 
tation étaient  infligés  pour  des  fautes  légères. 
Un  prince  si  violent  ne  pouvait  manquer  d'avoir; 
beaucoup  d'ennemis.  Léon  V  en  trouva  même 
parmi  ses  anciens  partisans.  Michel  le  Bègue, 
qui  avait  beaucoup  contribué  à  le  mettre  sur  le 
trône,  ne  lui  épargnait  pas  les  reproches.  Léon, 
pour  se  débarrasser  de  ce  censeur  importun, 
lui  ordonna  d'aller  inspecter  les  troupes  d'Asie. 
Michel  refusa,  et  se  mêla  à  une  conspiration 
contre  l'empereur.  Elle  fut  découverte,  et  Michel 
fut  condamné  à  être  brillé  vif  dans  la  fournaise 
des  bains  du  palais.  C'était  la  veille  de  Noël. 
On  conduisait  Michel  au  supplice,  et  l'empereur 
avait  voulu  lui-même  assister  à  cette  horrible 
punition;  mais  l'impératrice,  invoquant  la  so- I 
lennité  du  jour,  obtint  une  remise.  Léon  l'ac- 
corda ,  bien  que  de  sombres  pressentiments  lui 
fissent  croire  qu'elle  serait  funeste.  En  effet,  il 
suffit  aux  conjurés  de. quelques  heures  pour  re- 
nouer leurs  trames  et  s'entendre  sur  les  moyens 
de  tuer  l'empereur.  Le  lendemain  Léon  se  rendit 
à  l'église  avec  ses  courtisans,  parmi  lesquels  se 
trouvaient  les  conspirateurs,  et  suivant  sa  cou- 
tume il  entonna  le  premier  les  chants  sacrés.  Ce 
fut  le  signal  de  sa  mort.  Il  se  défendit  quelque 
temps  avec  une  croix  qu'il  avait  saisie  sur  l'au- 
tel. Voyant  un  des  meurtriers,  d'une  taille  gigan- 
tesque, lever  sur  lui  son  cimeterre,  il  demanda 
grâce.  «■  Ce  n'est  pas  le  moment  de  la  pitié, 
répondit  l'assassin ,  c'est  le  moment  de  la  ven- 
geance »  ;  et  il  l'abattit  sur  le  sol;  un  autre  lui 
coupa  la  tête.  Les  conspirateurs  conrurent  en- 
suite à  la  prison,  et  en  tirèrent  Michel,  qui  fut 
couronné  le  jour  même. 

Léon  laissa  quatre  fils,  qui  furent  mutilés  par 
l'ordre  de  Michel  et  enfermés  dans  un  couvent. 
L'aîné,  SarbatiusouSymba(ius,mourni  des  sui- 
tes de  cette  mutilation.  Léon  eut  les  qualités  d'un 


70  î  LÉON 

grand  souverain  ;  mais  il  les  ternit  par  ses  perfi- 
dies, ses  violences  et  son  intolérance.  Nicéphore, 
apprenant  dans  son  exil  la  mort  de  l'empereur, 
s'écria  :  «  La  religion  est  délivrée  d'un  grand  en- 
nemi, mais  l'État  perd  un  prince  utile.  »    L.  J. 


702 


Théoptiane,  p.  412,  etc. 
p.  428,  etc.   —  Cedrenus 
t.  II,  p.  124.    —  Léon    le  Grammairien, 
Constantin  Manassès,  p.  94.  —  JoBl,  p 
p.  287,  ete.  —  Genesius,  p.  2,  etc. 


Continuation  de  Théophane, 

t.  II,  p.  481,  etc.  —  Zonaras, 

p.   445,  etc.  — 

287.   —  Glycas, 

Historia    1/  iscet- 


lanea,  dans  Muratori,  t.  I.  —  Gibbon,  Hîstory  oj  Décline 
and  l'ail  of  lioman  Empire. 

b-î':o.\  VI  Flavius,  surnommé  le  Sage  et 
le  Philosophe,  (ils  de  Basile  1er,  le  Macédonien, 
et  de  sa  seconde  femme,  Eudoxie,  né  en  805, 
mort  en  911.  Dans  sa  jeunesse  il  faillit  périr 
victime  des  intrigues  de  Santabaren,  favori  de  son 
père.  Santabaren  l'accusa  d'avoir  projeté  un 
parricide,  et  l'empereur,  trop  crédule,  le  ht  en- 
fermer en  prison.  11  l'en  tira  sur  les  instances 
de  toute  sa  cour,  lui  rendit  tous  ses  honneurs  , 
et  le  créa  auguste.  Les  chroniqueurs  byzantins 
rapportent  cette  histoire  avec  d'étranges  détails, 
qui  rappellent  les  contes  des  Mille  et  une,  Auits, 
mais  qui,  malgré  leur  invraisemblance ,  sont 
peut-être  vrais.  Le  palais  de  Constantinople  of- 
frait les  intrigues  tortueuses ,  les  révolutions 
soudaines  ,  les  caprices  sanguinaires  d'une  cour 
orientale.  Le  1er  mars  886  Léon  VI  succéda  à 
son  père.  Sa  première  idée  fut  de  se  venger  de 
Santabaren.  Il  commença  par  écarter  le  fameux 
patriarche  Photius,  qui  était  le  principal  soutten 
de  l'ancien  favori.  Photius  fut  déclaré  déchu  de 
sa  dignité  et  enfermé  dans  un  monastère  de 
Constantinople.  Santabaren  eut  un  soit  encore 
plus  trisje  :  Léon  lui  fit  crever  les  yeux,  et  le  re- 
légua dans  un  coin  de  l'Asie  Mineure.  Ces  ri- 
gueurs préludèrent  à  un  règne  qui  fut  une  suite 
continuelle  de  guerres  et  de  conspirations.  En 
887  et  888  les  Arabes  envahirent  l'Asie  Mineure, 
débarquèrent  en  lialie  et  en  Sicile,  et  pillèrent 
Samos  et  d'autres  îles  de  l'Archipel.  En  889, 
Stylianus,  beau-père  de  Léon  et  son  premier  mi- 
nistre, fut  cause  d'une  guerre  terrible  avec  les 
Bulgares.  Ce  peuple  commençait  à  se  civiliser, 
et  entretenait  un  commerce  considérable  avec 
l'empire  byzantin.  Ils  avaient  leurs  principaux 
comptoirs  a  Thessalonique,  où  ils  jouissaient  de 
grands  privilèges.  Stylianus  méconnut  ces  pri- 
vilèges ,  et  gêna  le  commerce  des  Bulgares. 
Ceux-ci,  désespérant  d'obtenir  justice  du  premier 
ministre, recoururent  aux  armes.  Leurroi  Siméon 
ravagea  la  Macédoine,  et  mit  en  dérouie  l'armée 
grecque  commandée  par  Léon  Cataealou  et 
Théodose.  Ce  dernier  périt  dans  l'action,  au 
grand  regret  de  la  nation  et  de  l'empereur. 
Léon  détourna  l'invasion  qui  menaçait  Cons- 
tantinople en  poussant  les  Hongrois  à  attaquer 
les  Bulgares.  Vers  le  même  temps  Stylianus 
perdit  son  crédit  par  la  mort  de  l'impératrice 
Zoé,  et  ne  tarda  pas  à  mourir  lui-même  du  cha- 
grin de  sa  disgrâce  en  894.  La  fin  de  ce  ministre 
ouvrait  une  carrière  aux  ambitieux.  Basile,  ne- 


veu de  Stylianus,  osa  même  aspirer  au  trône.  Il 
(it  part  de  son  projet  à  un  Sarrasin  nommé  Sa- 
monas.  qui  s'était  converti  au  christianisme,  et 
jouissait  de  quelque  crédit  à  la  cour.  Samonas 
révéla  tout  à  l'empereur.  Basile  fut  fouetté  en 
place  publique,  et  relégué  en  Grèce,  où  il  mourut 
misérablement;  Samonas  devint  premier  mi- 
nistre, et  fit  regretter  Stylianus.  Le  mécontente- 
ment se  traduisait  par  des  conspirations.  En  902, 
comme  l'empereur  entrait  dans  l'église  de  Saint- 
Maure  à  la  suite  d'une  procession,  un  homme, 
sautant  en  bas  du  jubé,  lui  déchargea  sur  la  tête 
un  coup  de  bâton  qui  le  renversa.  Le  sang  qui 
sortait  abondamment  de  sa  blessure  effraya  tel- 
lement ceux  qui  l'accompagnaient  qu'ils  s'en- 
fuirent en  s'écrasant  les  uns  les  autres.  Cepen- 
dant la  blessure  n'était  pas  mortelle,  et  l'assassin 
fut  arrêté.  Il  périt  dans  les  tortures  sans  révé- 
ler les  noms  de  ses  complices.  L'inaction  de  Léon 
favorisait  les  invasions  des  barbares  voisins  de 
l'empire.  Pendant  qu'il  s'occupait  de  ses  plai- 
sirs et  employait  ses  soldats  à  construite  des 
églises,  les  Arabes  firent  une  descente  en  Sicile, 
et  s'emparèrent  de  Taormine.  D'autres  Arabes, 
conduits  par  un  renégat  nommé  Damien,  prirent 
Séleucie,  l'ile  de  Lemnos  et  Démétriade  en  Thes- 
salie  (902).  En  904,  ils  firent  une  entreprise  plus 
considérable  sur  Thessalonique,  la  première  ville 
de  l'empire  après  Constantinople.  Leur  flotte, 
conduite  par  Léon  le  Tripolitain,  renégat  et  pi- 
rate fameux,  arriva  le  29  juillet  devant  Thessa- 
lonique, qui  n'avait  ni  bonnes  fortifications  ni 
garnison.  Malgré  la  vaillanle  résistance  des  ha- 
bilants,  les  Arabes  pénétrèrent  dans  la  ville,  la 
saccagèrent  pendant  dix  jours,  et  s'en  retournèrent 
avec  leurs  vaisseaux  chargés  de  butin  et  de 
captifs.  Jean  Cameniata,  témoin  du  pillage  et  un 
des  prisonniers  que  les  Arabes  emmenèrent  à 
Tarse,  a  laissé  un  intéressant  et  pathétique  récit 
de  la  prise  de  Thessalonique  (t)  En  910  Samo- 
nas fut  condamné  à  une  prison  perpétuelle  pour 
avoir  abusé  de  la  confiance  de  l'empereur.  En 
91 1  les  Arabes  défirent  la  Hotte  grecque  de  Samos, 
commandée  par  Romain  Lecapène,  depuis  em- 
pereur. Ce  malheur  fut  le  dernier  événement 
du  règne  de  Léon,  qui  mourut  dans  la  même 
année,  le  11  mai  ou  le  11  juillet.  Il  s'était  marié 
quatre  fois,  ce  qui  l'avait  fait  exclure  de  la  com- 
munion des  fidèles  par  le  patriarche  Nicolas  ; 
car  l'Église  grecque  ne  tolère  qu'un  second  ma- 
riage. La  première  femme  de  Léon  était  Théo- 
pbano,  fillede Constantinus  Martinacius  ;  il  épousa 
ensuite  Zoé,  veuve  de  Théodore  Guniatzita  et 
fille  du  ministre  Stylianus  ,  qui,  après  le  mariage 
de  Zoé  avec  l'empereur,  reçut  le  titre  de  ba.si' 

(1)  Cet  ouvrage  est  intitulé  :  Twdtvvou  xXsoihoO  xat 
y.oupûuy.AEKji'ou  toù  Kajj.£vidreou  'H  àXwffi?  ttjç 
GîiJaa/.ovÎKriç  ;  il  est  plus  connu  sous  le  titre  de  De 
Excidio  Tliessalnnicensi  ;  il  a  été  inséré  dans  les  Historix 
Byzantines  Scriptores  post  Theophanem  ;  Parte,  1686, 
in-fol.  qui  forme  une  partie  de  la  collection  byzantine  du 
Louvre;  il  se  trouve  aussi  dans   la  collection  de   Bonn, 


703 


leopator  (père  d'empereur);  la  troisième  était 
Eudoxie,  uue  Phrygienne  d'une  rare  beauté  ;  la 
quatrième  s'appelait  Zoé  Carbonopsina,  et  survé- 
cut à  son  mari.  Léon  eut  pour  successeur  son 
fils  encore  enfant,  Constantin  Porphyrogénète, 
qu'il  avait  eu  de  sa  quatrième  femme. 

Les  historiens  byzantins  donnent  à  Léon  les 
épilhètes  peu  méritées  de  sage  et  àephilosophe. 
Cette  flatterie  a  été  relevée  par  Gibbon  en  quel- 
ques lignes  spirituelles.  «  Léon  Vf,  dit-il,  a  été 
honoré    du    titre   de    philosophe;    l'union   du 
prince  et  du   sage ,  des  vertus  actives  et  des 
vertus  spéculatives  constitueraient  la  perfection 
de  la  nature  humaine.   Mais  il  s'en  faut  que 
Léon  ait  des  droits  à  cette  excellence  idéale .  A- 
t-il  soumis  ses  passions  et  ses  appétits  au  joug 
de  la  raison  ?  Sa  vie  se  passa  dans  la  pompe  du 
palais,  dans  la  société  de  ses  femmes  et  de  ses 
concubines;  même  la  clémence  qu  il  montra  et 
son  amour  de  la  paix  doivent  être  attribués  à 
la  mollesse  et  à  l'indolence  de  son  caractère. 
Triompha-t-il  de  ses  préjugés  et  de  ceux  du  peu- 
ple? Son  esprit  était  teint  des  plus  puériles  su- 
perstitions ;  ses  lois  consacrèrent  l'influence  du 
clergé  et  les  erreurs  populaires;  les  oracles  où 
il  révèle  en  style  prophétique  les  destins  de  l'em- 
pire sont  fondés  sur  l'astrologie  et  la  divination. 
Si  l'on  s'informe  encore  du  motif  de  cette  épi- 
thète  de  Sage,  on  peut  seulement  répondre  que 
le  fils  de  Basile  était  moius  ignorant  que  la  plu- 
part de  ses  contemporains   ecclésiastiques    et 
laïques;  que  son  éducation  avait  été  dirigée  par 
le  savant  Photius,  et  que  plusieurs  ouvrages  de 
science  profane  et  ecclésiastique  ont  été  com- 
posés par  la  plume  ou  au  nom  du  philosophe 
impérial.  »  Les  ouvrages  écrits  par  Léon  ou  qui 
lui  ont  été  attribués  sont   :   Tûv   èv  roùéu-oi; 
Tay.Tixwv  cûvtofio;  TcapâSoffi;  (  Exposition  som- 
maire de  l'art  militaire).  Cet  important  ouvrage 
est  en  grande  partie  compilé  sur  d'anciens  écri- 
vains ;  mais  l'auteur  y  a  joint  des  observations 
et  des  réllexions  qui  ne  manquent  pas  de  prix. 
Joannes  Checus  (  John  CheUe  ),  de  Cambridge, 
en  fit  une  traduction  latine,  qui  est  dédiée  au  roi 
Henri  VI11  et  fut  publiée  à  Bâle,  1554,  in-8°.  Le 
texte  grec  avec  la  traduction  de  Cheke,  revue 
par  Jo.  Meursius,  parut  à  Leyde,  1612,  in-4°; 
il  fut  réimprimé  avec    les    Taclica  d'Élien, 
Leyde,  1613,  in-4°,  et  inséré  dans  les  Opéra  de 
Meursius    publiés  par  Lami ,  Florence,   1745, 
in-fol.  ;  il  a  été  traduit  dans  plusieurs  langues 
modernes.  La  meilleure  traduction  est  en  fran- 
çais; elle  est  intitulée  :  Institutions  militaires 
de  l'empereur  Léon  le  Philosophe ,  traduites 
du  grec  par  M.  Joly  de  Mezeray  ;  Paris,  1771, 
2  vol.  in-8%  avec  des  gravures;  la  traduction 
allemande,  publiée  à  Vienne,  1771-1781,   5  vol. 
in-8°,  asec  des  notes  et  des  gravures,  paraît 
faite  sur  le  français  plutôt  que  sur  le  grec,  mais 
les  notes  sont  excellentes  ;  —  Leonis  Nauma- 
clda,  sive  poilus  supplementum  capitis  XIX 
Tacticorum,  e  cod.  Gudiano,  dans  la  Biblio- 


LËON  70.4 

theca  Grœca  de  Fabiïcius,  t.  V,  p.  372  (t.  VU, 
p.  707,  éd.  de  Har.  )  ;  —  XVII  Oracula,  écrits 
en  vers  iambiques,  sur  la  destinée  des  futurs 
empereurs  et  patriarches  de  Constantinople.  Le 
dix-septième  oracle  fut  publié  en  grec  et   en 
latin   par  Jean  Leunclavius  à  la  fin  de  son 
Constantin  Manasses;  Bàle,  1573,  in-8°.  Janus 
Rutgersius  publia  les  seize  autres  oracles  avec 
une  traduction  latine  par  Georges  Dousa  ;  Leyde, 
1618,   in-4°.  La  meilleure  édition  est  celle  de 
Pierre  Lambecius,  à  la  suite  de  Codinus  ;  Paris, 
1655,  in-fol.,  dans  la  collection  byzantine  du 
Louvre  ;  —  Orationes  XXXIII,  principalement  . 
sur  des  sujets  théologiques.  Ces  discours  sont 
dispersés  dans  les  Annales  de  Baronius,  dans 
les  Opéra  de  Gretser ,  Ingolstadt,  1600,  in-4°; 
dans  l'Auctarium  novumet  dans  la  Bibliotheca 
concionatoria  ae  Combéfis;  dans  la   Biblio- 
theca Patrum  de  Lyon.  Scipion  Maffei  a  publié 
l'homélie  consacrée  à  la  réfutation  de  Photius  ; 
Padoue,  1751,  in-8°;  —  Epistola  ad  Omarum 
Saracenum  de  fidei  christianx  veritate  et 
Saracenorum  erroribus ;  Lyon,  1509  traduc- 
tion  latine  de  Champier  faite  sur  une  version 
chaldaïque.   L'original   grec  paraît   perdu.  On 
trouve  cette  Épitre  dans  les   différentes  Bi- 
bliothèques des  Pères  ;  —  Canticum  compunc- 
tionis  et  meditationes  extremi  judicii ,  pu- 
blié en  grec  et  en  latin,  par  Jac.  Pontanus  ;  In- 
golstadt, 1603,   in-4°  ;  —  Carmen  iambicum 
de  misero  Grseciee  statu,  publié  par  Léo  Al- 
latius,  dans  son  traité  De  Consensu  utriusque 
Ecclesix  ;—  Versus  retrogradt  (Kocpxivoî),  pu- 
bliés par  Léo  Allatius  dans  les  Excerpta  Grsec.  , 
Rhetor.;  1641 ,  in-8";  —  Dispositio  facta  per 
imperatorem  Leonem,  par  J.  Goar,  à  la  suite  de  : 
Codinus; Paris,  1648,  in-fol.;  —  des  Èpigram-- 
mes ,  dans  Y Anthologia  de  Jacobs,  t.  IV,  p.  97. 
Léon  a  réuni  en  un  seul  code,  appelé  BauOixâ  <■ 
vofuu.à  ),  les  prescriptions  de  la  législation  de 
Justinien  encore  en  vigueur  et  les  ordonnances  i 
des  empereurs  postérieurs.  Les  meilleures  édi- 1 
lions  de  recueil,  si  important  pour  le  droit  ro- 
main ,  sont  celles  de  Fabrot  et  Heimbach  (  voy. 

MONTREUIL  ET  ZaGHARLE).  L.  J. 

Zonaras,  vol.  II,  p.  174,  etc.  —  Côdrène ,  p.  139,  etc.  —  • 
Joël,  p.  179.  —  Manasses,  p.  108,  etc.  —  Glycas,  p.  296.  etc. 

—  Genesius,  p.  61.  —  Codinus,  p.  68, etc.  —  Le  Beau,  His- 
toire du  Bas-Empire,  I.  lxxh,  t.  XIII,  édit.  de  Saint- 
Martin.  —  Gibbon,  History  of  Décline  and  Fall  of  Koman 
Empire.  —  Fabricliis  ,  Bibliotheca  Crœca ,  vol.  VII, 
p.  693,  etc.  —  Hamberger,  Nachrichten  von  Gelehrten 
Mànnern.  —  Cave,  Htst.  Lit.  —  Hawkins,  Script.  Byzunt. 

—  Oudin,  Comment,  de  SS.  Eccles.,  vol.  II.  —  Smith, 
Dictionary  of  Greeh  and  Roman  Bioyi-aphy. 


III.  LÉON  papes. 

léon  Ier  (Saint), dit  le  Grand,  quarante-sep- 
tième pape,  né  à  Rome,  vers  390,  successeur  de 
Sixte  I II,  élu  le  29  septembre  440,  mort  le  1 1  avril 
461.  La  jeunesse  de  Léon  Ie'"  est  à  peu  près  incon- 
nue ;  on  sait  seulement  que  son  père  se  nommait 
Quintien  et  était  originaire  de  la  Toscane.  Léon 
fut  choisi  pour  porter  aux  évoques  d'Afrique 


705 


LÉON 


706 


les  lettres  de  Zozime  qui  condamnaient  Pelage 
et  Célestius;  il  fit  pendant  ce  voyage  connais- 
sance avec  saint  Augustin ,  et  revint  à  Rome 
vers  419.  Célestinler  le  fit  diacre,  et,  ayant  eu 
occasion  d'apprécier  son  mérite  et  son  habileté, 
l'employa  dans  toutes  les  affaires  importantes  ; 
c'est  à  lui ,  comme  premier  ministre ,  que  s'a- 
dressa saint  Cyrille,  patriarche  d'Alexandrie, 
pour  prévenir  le  pape  des  desseins  ambitieux  de 
Juvénal  de  Jérusalem. 

Une  femme  et  un  enfant,  Placidie  et  Valenti- 
nien  111.  gouvernaient  alors  l'empire  d'Occident, 
qui  n'avait  pour  soutien  réel  qu'Aétius  ;  ce  grand 
capitaine  était  dans  les  Gaules,  occupé  avec  Albin 
à  conserver  le  territoire  que  les  Goths,  les  Huns 
et  les  Bourguignons  avaient  laissé  aux  Romains. 
La  division  se  mit  entre  les  deux  chefs  ;  en  un 
pareil  moment  le  péril  était  immense,  car  les 
frontières  étaient  couvertes  de  barbares  qui 
l'attendaient  qu'une  occasion  pour  fondre  sur 
l'empire.  Léon  fut  dépêché  dans  les  Gaules, 
ivec  mission  de  réconcilier  les  deux  généraux; 
1  montra  dans  cette  négociation  délicate  autant 
3e  prudence  que  de  courage,  et  elle  venait  d'être 
îouronnée  de  succès  quand  Sixte  III  mourut. 
Léon,  quoique  simple  diacre,  fut  élu  à  sa  place, 
;t  une  députation  alla  lui  porter  cette  nouvelle 
m  camp  d'Aétius.  Quarante  jours  après,  le  nou- 
veau pontife  entrait  à  Rome  ;  il  connaissait  bien 
a  situation  de  l'Église  et  ses  besoins  ;  nul  n'é- 
iait  alors  plus  capable  de  la  diriger.  On  avait  ra- 
•ement  vu  jusque  là  un  pape  monter  en  chaire  : 
Léon  sut  se  faire  admirer  et  aimer  par  ses  pré- 
lications;  enfin,  voulant  être  aussi  utile  aux 
idèles  éloignés,  il  prit  la  plume,  et  écrivit  pour 
eux.  Une  première  lettre  (édit.  du  P.  Quesnel) 
lulla  rétablir  la  discipline  en  Afrique,  où  le  dé- 
sordre était  à  son  comble;  une  seconde  (sans 
jlate,  mais  rapportée  à  l'année  442  ),  adressée  à 
iRusticus,  évêque  de  Narbonne,  vint  annuler  des 
(élections  frauduleuses  et  poser  des  règles  pour 
iravenir.  Léon  défend  aux  prêtres  les  pénitences 
publiques,  étend  le  célibat  jusqu'aux  sous-dia- 
j:res,  et  ordonne  de  châtier  les  moines  qui  se 
(marient.  Ce  fut  contre  les  hérésies  qu'il  tourna 
ensuite  son  zèle  et  son  énergie.  Les  manichéens 
étaient  devenus  très-nombreux  à  Rome;  Léon 
i exhorta  les  fidèles  à  dénoncer  ceux  qu'ils  con- 
naîtraient; il  put  ainsi  découvrir  leurs  assem- 
blées secrètes  et  faire  brûler  les  livres  qui  con- 
tenaient leur  doctrine;  il  obtint  même  de  Va- 
ientinien  III  un  édit  qui  confirmait  toutes  les 
ordonnances  rendues  contre  eux  par  ses  prédé- 
cesseurs, les  déclarait  infâmes,  incapables  de 
toutes  charges  civiles,  de  porter  les  armes,  de 
lontracter  et  de  tester.  Le  manichéisme  ren- 
versé, Léon  attaqua  le  pélagianisme,  et  enfin  le 
wiscillianisme,  qui  avait  acquis  une  grande  in- 
luence  en  Espagne  depuis  le  supplice  de  Pris- 
îillien.  La  longue  querelle  de  saint  Léon  contre 
Eutychès  s'ouvrit  alors.  Eutychès  était  prêtre 
ît  abbé  d'un  monastère  près  de  Constantinople  ; 

KOOV.  BIOGR.   GÉNÉR.   —  T.   XXX. 


il  reconnaissait  bien  les  deux  natures  du  Christ; 
mais  il  soutenait  que  la  divinité  et  V humanité 
s'étaient  confondues  en  lui  depuis  l'incarnation, 
ce  qui  laissait  supposer  que  la  divinité  avait  pu 
souffrir.  Eusèbe,  évêque  de  Dorilée,  se  présenta 
comme  accusateur  d 'Eutychès dans  un  concilede 
trente  évêques,  tenu  à  Constantinople  et  présidé 
par  saint  Flavien  (8  novembre  448).  Eutychès  y 
avoua  sa  doctrine,  fut  condamné,  déposé  et 
excommunié.  Il  en  appela  au  pape  ;  l'empereur 
Théodose  II  prit  le  parti  de  l'hérésiarque,  et  écrivit 
en  sa  faveur  à  Léon  Ier  ;  en  même  temps  il  or- 
donna (8  avril  449)  la  révision  des  actes  du 
concilede  Constantinople  et  la  convocation  d'un 
concile  universel.  Ce  concile  s'ouvrit  à  Éphèse  le 
8  août  ;  Léon  refusa  d'y  assister,  et  s'y  fit  représen- 
ter par  Jules,  évêque  de  Pouzzoles  ;  René,  prêtre, 
qui  mourut  en  route  ;  et  Hilaire,  diacre  (  voyez 
t.  XXIV,  p.  659).  Dioscore,  évêque  d'Alexan- 
drie, présida,  et  la  sentence  de  déposition  pro- 
noncée contre  Eutychès  par  le  concile  de  Cons- 
tantinople fut  annulée.  Vainement  Hilaire  pro- 
testa au  nom  de  Léon ,  vainement  Flavien  en  ap- 
pela à  lui ,  le  pape  fut  excommunié  et  Flavien 
envoyé  en  exil.  Théodose,  par  un  édit,  approuva 
le  concile,  qui  fut  formellement  condamné  par  un 
autre  concile  tenu  à  Rome,  au  mois  d'octobre  ;  et 
Léon  écrivit  à  Théodose  pour  obtenir  la  convo- 
cation d'un  concile  universel  en  Italie. 

Théodose  mourut  sur  ces  entrefaites  (  29  juillet 
450),  et  Marcien  lui  succéda.  Sous  ce  catholique 
zélé,  les  affaires  de  l'Église  changèrent  de  face  ;  un 
premier  concile,  assemblé  par  Anatolius,  évêque 
de  Constantinople,  prononça  l'anathème  contre 
Eutychès,  et  le  8  octobre  (  451  )  un  concile  œcu- 
némique,  composé  de  trois  cent  soixante  évê- 
ques, s'ouvrit  à  Chalcédoine  par  l'ordre  de  Mar- 
cien. Les  quatre  légats  de  Léon  Ier  présidèrent  ; 
on  lut  une  lettre  du  pape  contenant  l'exposition 
de  la  doctrine  catholique  sur  l'incarnation  ;  la 
déposition  de  Flavien  fut  déclarée  irrégulière. 
Anatolius  rédigea  une  définition  de  la  foi,  qui 
(ut  approuvée  par  le  concile  et  que  l'empereur 
vint  en  personne  faire  souscrire  aux  évêques. 
Avant  de  se  dissoudre,  le  concile  décida,  sous 
l'influence  d' Anatolius,  que  l'évêque  de  Cons- 
tantinople aurait  le  second  rang  après  celui  de 
Rome  et  le  droit  d'ordonner  les  métropoli- 
tains des  provinces  de  Pont,  de  Thrace  et 
d'Asie.  Léon  protesta  énergiquement  contre  cette 
décision;  il  écrivit  (  22  mai  452)  à  Marcien  et 
à  Pulchérie,  et  menaça,  mais  en  vain,  d'excom- 
munier Anatolius.  En  457 ,  après  la  mort  de 
Marcien,  le  parti  d'Eutychès  fit  un  dernier  effort, 
et  supplia  le  nouvel  empereur  d'assembler  un 
concile  pour  faire  condamner  les  doctrines  émises 
à  Chalcédoine  ;  grâce  aux  lettres  du  pape,  l'em- 
pereur refusa  de  céder. 

Dans  l'intervalle,  de  graves  événements  s'é- 
taient passés  à  Rome.  En  452,  Attila,  le  ter- 
rible roi  des  Huns,  envahit  l'Italie;  déjà  il  avait 
pris  et   pillé  Aquilée,  Pavie  et  Milan;  il  allait 

23 


707 


LÉON 


70S 


fondre  sur  Rome.  Valentinien  restait  lâchement 
enfermé  dans  Kavenne.  Aélius  lui-même  ne 
voyait  de  salul  que  flans  la  fuite.  Le  sénat  ro- 
main s'assembla  pour  délibérer  sur  les  moyens 
de  défendre  Rome  contre  ce  déluge  de  barbares, 
qui  semblaient  avoir  inondé  l'empire.  Employer 
la  force  était  impossible;  le  pape  fut  choisi 
comme  médiateur.  Léon,  accompagné  des  séna- 
teurs et  des  consuls ,  alla  se  prosterner  aux 
pieds  d'Attila;  le  roi  des  Huns  fut  ébranlé  par 
l'éloquence  du  pontife  ;  il  céda  ,  et  s'engagea , 
moyennant  un  tribut,  à  se  retirer  au  delà  du  Da- 
nube. Cette  concession  parut  si  étrange  de  la 
part  d'Attila,  qu'on  n'a  cru  pouvoir  l'expliquer 
que  par  un  miracle.  Suivant  la  légende ,  le  roi 
des  Huns  aurait  avoué  à  ses  officiers  que  pen- 
dant le  discours  de  Léon  il  avait  vu  paraître  un 
vieillard  vénérable,  qui,  tenant  une  épée  nue, 
menaçait  de  l'en  frapper  s'il  ne  cédait  à  la  voix 
de  Dieu.  L'éloquence  de  Léon  eut  moins  de  suc- 
cès auprès  de  Genséric,  qui,  profitant  des  trou- 
bles occasionnés  par  la  mort  de  Valentinien, 
débarqua  en  Italie  à  la  tête  des  Vandales.  Rome, 
incapable  de  résister,  ouvrit  ses  portes.  Léon 
alla  au-devant  de  Genséric,  et  tenta  de  l'adoucir 
par  ses  prières;  tout  ce  qu'il  obtint,  ce  fut  que 
la  ville  ne  serait  pas  livrée  aux  flammes  et  qu'il 
n'y  aurait  pas  de  sang  répandu;  en  revanche, 
les  Vandales  se  jetèrent  sur  Rome,  et  la  pillèrent 
pendant  quatorze  jours ,  après  lesquels  ils  se 
rembarquèrent.  Le  reste  du  pontificat  de 
Léon  Ier  s'écoula  sans  troubles  et  n'est  marqué 
que  par  des  reforme;  dans  la  discipline  ecclé- 
siastique ;  ce  fut,  dit-on,  à  la  sollicitation  du  pape 
que  l'empereur  Majorien  rendit  une  loi  (458) 
contre  les  parents  qui  forçaient  leurs  filles  à  vivre 
dans  le  célibat.  C'est  encore  au  pontificat  de 
Léon  Ier  qu'on  a  fait  remonter  l'origine  des 
jeûnes  du  carême  et  de  la  Pentecôte.  On  ne  peut 
passer  sous  silence  une  vieille  légende  qui  est 
rapportée  par  tous  les  anciens  auteurs,  et  qui 
raconte  que  vers  la  fin  de  sa  vie  Léon  se  serait 
coupé  la  main;  les  uns,  comme  Th.  Raynaud, 
disent  qu'une  femme  d'une  très-grande  beauté 
ayant  été  admise,  le  jour  de  Pâques,  à  lui  baiser 
la  main,  le  pontife  sentit  la  rébellion  de  la  chair, 
et  voulut  s'en  punir;  c'est  de  cette  époque,  ajou- 
tent-ils, que  date  la  coutume  de  baiser  les  pieds 
du  pape  ;  les  autres ,  comme  Sabellicus ,  pré- 
tendent que  Léon  se  reprochait  seulement  d'a- 
voir conféré  les  ordres  à  un  homme  indigne. 
Tous  d'ailleurs  s'accordent  à  dire  qu'un  miracle 
rendit  la  main  au  pontife.  Léon,  après  le  ravage 
des  Vandales,  renouvela  l'argenterie  dans  toutes 
les  églises  de  Rome;  il  répara  la  basilique 
de  Saint-Pierre ,  et  rebâtit  celle  de  Saint-Paul, 
qui  avait  été  détruite  par  la  foudre.  Léon  a  beau- 
coup écrit ,  et  ses  ouvrages  ont  été  souvent 
réimprimés.  On  trouve  cent  onze  lettres  écrites 
par  lui,  dans  la  collection  des  Conciles  de 
Labbe,  t.  III,  p.  1293  à  1445;  elles  ont  été  pu- 
bliées sous  différents  titres  :  Epislolœ  ad  fa- 


miliarps  omnes ;  Cologne,  1548,  in-8°  ;  — j 
Epislolœ  contra  Eutychem ;  Bàle,  1578.1 
in-8u  ;  —  Epist.  ad  Flavianum;  Hambourg, 
1614,  in-8°.  Ses  sermons  ont  eu  également  plu- 
sieurs éditions  :  Sermones  et  Opuscula  quee 
dam,  ex  recensione  J.  Andrew,  episcopi  Aie- 
riensis  ;  1742,  in-fol.  ;  réimprimé  en  1474  e 
1485  ;  ils  ont  été  traduits  en  iialien  par  Barth' 
Corsini,  Florence,  1485,  in-fol,,  et  en  françai; 
par  l'abbé  de  Bellegarde,  Paris,  1701,  in-8";  - 
Sancti  Leonis  Magni,  papse  primi,  Opéra  om 
nia,  notis  et  observationibus  adornata,  stu 
dio  Pétri  Thomee  Cacciari,  carmelitx  ;Rom« 
1753-1755,  3  vol.  in-fol.  ;  on  cite  encore  l'édi 
tion  de  ses  œuvres  complètes  donnée  à  Venise 
1753-1757,  3  vol.  in-fol.  parles  frères  Ballerini 
etcelleduP  Quesnel,  Lyon,  1700,  3  vol.  in-fol. 

—  des  extraits  assez  étendus  des  ouvrages  d 
Léon  Ier  ont  été  reproduits  dans  la  Bibliothèqu 
des  Pères  de  M.  de  La  Bigne ,  tomes  V,  VII  < 
XV;  on  a  enfin  publié  d'après  lui  Passio  D. 
Jesu-Christi,  ex  variis  D.  Leonis  Magni  si 
monibus  collecta;  Anvers,  1614,  in-8°;  et  Je 
Bapt.  Lauri  Leonidos,  sive  de  Victoria  ai 
versus  Athilam  libri  II I  ;  Pérouse,  1606,  in-8 

Alfred  Fbanklin. 

Ph/de  Mornay,  Histoire  Pontificale,  1612,  in-12,  p.  1 

—  Bruys ,  Histoire  des  Papes;  La  Haye,  1732,  5  jf 
in-4°  ;  t  Ier,  p.  218.  —  Baronius,  Annales  ecclesiastic 
Lucques,  1738,  19  vol.  in-fol.;  t.  Vil,  p.  535  à  63: 
t.  VIII,  p.  1  à  240.  —  G.  Bertazzolo,  Brève  Descrittio: 
délia  Vita  di  san  Leone  primo  et  di  Attila  Flagella 
Dio;  Mantoue,  1614,  in-4°. 

. L.ÉOK  il,  quatre-vingt-deuxième  pape,  su 
cesseur  d'Agathon,  né  à  Cedelle,  dans  l'Abruzz  , 
élu  en  682,  mort  le  23  mai  684.  Le  père  « 
Léon  H  se  nommait  Paul,  et  exerçait  la  méd 
cine;  il  destina  son  fils  à  l'état  ecclésiastiqu 
Léon  dès   son  enfance  se  livra  à  l'étude  d- 
auteurs   sacrés;  la  nature   l'avait   doué  d'ui 
grande  facilité  de  parole,  et  sa  vive  intelligent 
lui  permit  de  devenir  réellement  instruit  poim 
son  temps  ;  tous  les  historiens  s'accordent  de  pli| 
à  louer  sa  grande  piété.  Dès  qu'il  fut  installé  &\\ 
le  saint-siége,  il  assembla  un  synode  pour  ai 
prouver  les  actes  du  concile  qui  venait  d'êj 
tenu  à  Constantinople.  Il  envoya  l'année  suivant 
à  l'empereur  Constantin  Pogonat  un  légat  char» 
d'une  lettre  qui  anathématisait  les  partisans  i 
l'hérésie,  entre  autres  le  pape  Honorius  (  pa| 
de  625  à  638.  Voy.  t.  XXV,  p.  88),  «  qui,  au  II 
de  purifier  l'Église  apostolique  par  la  doctri 
des  apôtres,  a  pensé  renverser  la  foi  par  u 
trahison  profane  ■».  (Conciles  de  Labbe,  t.  \ 
p.  1246.)  Léon  s'efforça  de  faire  accepter  p 
toutes  les  églises  les  décisions  de   ce  concil 
c'est  ce  but  qu'il  se  propose  dans  les  lettres 
lui  qui  nous  ont  été  conservées;  dans  celle  qi 
adressa  aux  évêques  d'Espagne,  il  condam 
encore  Honorius  en  ces  termes  :  «  Honorïi 
qui  a  laissé  fausser  la  règle  inviolable  de 
tradition  apostolique,  qu'il  avait  reçue  de  s 
prédécesseurs.  »  Enfin,  il  traduisit  lui-même 


709 

grec  les  actes  du  concile  de  Constantinople,  afin 
de  les  répandre  dans  tout  l'occident.  Léon  mourut 
après  un  court  pontificat,  et  fut  très-regretté.  Il 
avait  bâti  une  église  consacrée  à  saint  Paul,  il  y 
fit  déposer  les  corps  de  Simplicius  ,  de  Faustin, 
de  Béatrix  et  de  quelques  autres  martyrs;  on 
croit,  enfin,  qu'il  institua  la  coutume  de  jeter  de 
l'eau  bénite  sur  le  peuple.  Benoît  II  lui  succéda. 
On  trouve  cinq  lettres  de  Léon  II  dans  la  Col- 
lection des  Conciles  de  Labbe  et  Cossart,  t.  VI, 
p.  1245  à  1254;  le  cardinal  Baronius,  qui  vou- 
lait réhabiliter  la  mémoire  d'Honorius,  a  con- 
testé leur  authenticité  :  on  peut  consulter  à  cet 
égard  la  Bibliothèque  des  Auteurs  ecclésias- 
tiques de  Dupin,  t.  V,  p.  105.  A.  F. 

Plalina  ,  Histnria  délie  File  déi  Sommi  Pnnleftci.  — 
iatonins,  f'itœ  et  fies  gestae  Bontifiçum  Romanorum ; 
orne,  1677,  4  vol.  in-fol.,  t.  I,  p.  478. 

i,Éo:v  ni,  centième  pape,  successeur  d'A- 

ien  Ier,  né  à  Borne,  élu  le  26  décembre  795, 

mort  le  1 1  juin  8 1 6.  Léon  III  fut  élu  le  jour  des 

unérailles  d'Adrien  Ier;  il  avait  été  élevé  dans 

palais  de  Latran,  était  prêtre  du  titre  de 
ainte- Suzanne,  et  s'était  concilié  l'affection  gé- 
îérale  par  sa  douceur  et  son  instruction.  Aus- 
tot  après  son  élection  ,  il  envoya  à  Charlemagne 
es  légats  chargés  de  lui  offrir  les  clefs  de  la  ba- 
lique  de  Saint-Pierre  et  de  riches  présents;  ils 
evaient  en  outre  le  prier  de  désigner  un  seigneur 
e  sa  cour  qui  viendrait  recevoir  le  serment  de 
délité  des  Romains:  Charlemagne  envoya  An- 
Ibert,  abbé  de  Saint-Biquier,  qui  emporta  une 
ttre  pour  le  pape  :  Alcuin  nous  a  conservé  ce 
ocument.  Dans  une  autre  lettre,  qui  renfer- 
ait  des  instructions  pour  Angilbert,  l'empereur 
exprimait  ainsi  :  «  Représentez  souvent  à  Léon 
ue  la  dignité  de  pontife  se  conserve  peu  d'an- 
ées  ;  mais  que  la  gloire  de  celui  qui  la  conserve 
"gnement  est  éternelle  ».  Angilbert  apportait 
core  au  pape,  une  partie  des  trésors  que  Henri, 
uc  de  Frioul,  avait  pris  en  Pannonie  après 
foir  pillé  la  capitale  des  Huns.  Les  deux  an- 
ées  qui  suivirent  cetteambassade  n'offrentaucun 
vénement  important;  mais  au  commencement 
e  799  une  conspiration,  dont  on  ignore  les  vé- 
tables  motifs,  se  forma  contre  le  pape  ;  le  25  avril, 
éon,  étant  sorti  à  cheval  pour  assister  à  une 
«cession  solennelle,  fut  tout  à  coup  assailli 
ir  les  conjurés,  qui  le  renversèrent,  et  s'effor- 
irent  de  lui  arracher  la  langue  et  les  yeux  ;  ils 

traînèrent  ensuite  devant  l'autel  de  l'église 

int-Étienne,  où  ils  voulurent  l'achever;  de  là 
fut  transporté  et  enfermé  dans  le  monastère  de 
ïint-Érasme.  Albin,  camérier  du  pape,  et  quel- 
les serviteurs  fidèles  parvinrent  à  l'en  arracher; 
,  ne  se  croyant  plus  en  sûreté  à  Borne,  il  s'en- 
it,  et  gagna  la  France ,  où  Charlemagne,  alors 
Paderborn  en  Saxe ,  lui  fit  le  plus  brillant  ac- 
leil,  et  lui  donna  une  escorte  pour  retourner 
Rome.  Il  y  rentra  le  29  novembre  au  milieu 
>s  acclamations  du  peuple.  Charles  avait  promis 

pape  qu'il  irait  bientôt  lui  faire  justice;  il 


LÉON  710 

tint  parole,  et,  le  25  décembre  800,  il  vint  re- 
cevoir la  couronne  impérialeà  Saint-Pierre  (vo/j. 
Charlemagne  ).  On  instruisit  alors  le  procès  des 
conjurés,  qui  s'accusèrent  réciproquement,  sans 
pouvoir  alléguer  contre  le  pape  aucun  fait  réel. 
Léon  intercéda  pour  eux ,  et  fit  commuer  en 
exil  la  sentence  de  mort  qui  avait  été  prononcée. 
Trois  ans  après,  le  pape  se  rendit  de  nouveau  en 
France,  et  vint  passer  les  fêtes  de  Noël  à  Quiercy, 
auprès  de  Charlemagne;  on  ignore  les  véritables 
motifs  de  ce  voyage,  qui  eut  pour  prétexte  des 
miracles  que  l'on  disait  avoir  été  opérés  à  Mantoue 
par  quelques  gouttes  du  sang  de  Jésus-Christ. 
En  809,  Charlemagne  assembla  à  Aix-la-Chapelle 
un  concile  qui  devait  prononcer  sur  la  question 
de  savoir  si  le  Saint-Esprit  procède  du  Fils  comme 
du  Père,  et  s'il  fallait  retrancher  du  symbole  le 
Filioque.  Ces  deux  mots,  que  les  Français  te- 
naient à  conserver,  étaient  une  source  de  divi- 
sions entre  les  Grecs  et  les  Latins.  Deux  évè- 
ques  furent  envoyés  à  Borne  pour  avoir  l'avis  du 
pape.  Après  de  longs  pourparlers,  Léon,  qui  te- 
nait à  ménager  l'empereur,  déclara  qu'il  recon- 
naissait la  vérité  exprimée  parle  Filioque,  mais 
qu'il  engageait  vivement  le  concile  à  retrancher 
ces  deux  mots,  puisqu'ils  fournissaient  aux  Grecs 
de  continuels  sujets  de  discussions  avec  les  La- 
tins et  pourraient  devenir  l'occasion  d'un  schisme 
complet.  Quelque  sages  que  fussent  ces  con- 
clusions, l'empereur  ne  crut  pas  devoir  les  adopter, 
et  le  Filioque  fut  maintenu  en  France  comme  en 
Espagne.  La  mort  de  Charlemagne  réveilla  à 
Borne  les  idées  de  révolte;  une  nouvelle  cons- 
piration se  forma  contre  le  pape  en  815;  mais 
elle  fut  découverte  avant  d'avoir  éclaté,  et  Léon 
fit  exécuter  tous  les  conjurés.  Louis  le  Débon- 
naire se  plaignit  qu'on  eût  sans  le  consulter 
infligé  un  châtiment  si  sévère  ;  il  envoya  auprès 
du  pape  Bernard,  roi  d'Italie,  pour  examiner  l'af- 
faire; le  pape,  de  son  côté,  dépêcha  vers  l'em- 
pereur deux  légats  qui  terminèrent  ce  différend. 
Léon  mourut  l'année  suivante;  on  s'accorde  à 
louer  son  éloquence ,  sa  sagesse  et  la  pureté  de 
ses  meeurs;  grâce  aux  libéralités  de  Charle- 
magne, il  put  faire  d'importantes  réparations  aux 
églises  de  Borne.  Son  successeur  fut  Etienne  IV. 
La  collection  des  Conciles  de  Labbe  contient  treize 
lettres  de  Léon  ni,  tome  VII,  p.  1111  à  1127. 
On  a  publié  du  même  pape  :  Epistolee  ad  Ca- 
rolum  Magnum  imp.,  ex  editione  et  cum  notis 
Hermanni  Conringii  ;HelmstEedt,  1647,  in-4°. 
On  a  faussement  attribué  à  Léon  III  VEnchiri- 
dion  Leonis  papse,  qui  contient  les  sept  psaumes 
de  la  pénitence,  quelques  oraisons énigmatiques, 
et  qui  a  été  très-recherché  autrefois.  La  première 
édition  est  de  1525,  et  a  pour  titre  :  Hoc  in  en- 
chiridio  manualive,  pie  lector,  proxime  se- 
que.nti  habentur  septem  psalmi  penitentia- 
les ,  oratio  devota  Leonis  papse,  oratio  beati 
Axigustini;  aliquot  item  orationes  adversus 
omnia  mundi  pericula.  V Enchiridion  a  été 
réimprimé  à  Lyon,  en  1601,  1007,  1633,  et  à 

23. 


711  LÉON 

Mayence  en  1637.  Il  a  été  traduit  en  français 
sous  le  titre  :  Manuel  ou  lnchiridion  (  sic)  de 
prières  ,  contenant  les  sept  psaumes  péniten- 
tiaux,  diverses  oraisons  de  Léon  pape,  etc.  ; 
cette  traduction,  attribuée  par  du  Verdier  à  Fran- 
çois de  Taboet,  a  été  publiée  à  Lyon,  1 584,  in-12. 
Alfred  Franklin. 

Ph.  Ja(fè,Regesta  Pontiflcum;  Berlin*  1851,  in-4°,  p.  215. 
—  K.  Pagi,  Breviarinm  historico-chronologico-critieum 
illustriora  pontif.,  in-4°,  t.  Il,  p.  1.  —  .1.  G.  Faber,  Dis- 
serlatio  de  Leone  III,  paparomano;  Tubingue,  1748, 
in-4°. 

LÉON  iv,  cent  septième  pape,  successeur  de 
Sergius  II,  né  à  Rome ,  élu  en  février  847,  mort 
le  17  juillet  855.  Léon  IV,  dont  le  père  se  nom- 
mait Rodoalde,  avait  été  fait  sous-diacre  par 
Grégoire  rv  et  prêtre  du  titre  des  quatre  cou- 
ronnes par  Sergius  II  ;  il  fut  élu  pape  avant 
même  que  l'on  eût  procédé  aux  obsèques  de 
Sergius,  car  on  craignait  les  Sarrasins,  qui  me- 
naçaient Rome.  Son  ordination  fut  pourtant  re- 
tardée jusqu'au  1 2  avril  ;  on  n'osait  procéder  à 
cette  cérémonie  sans  le  consentement  de  l'em- 
pereur ;  on  s'y  décida  enfin ,  mais  en  protestant 
que  l'on  ne  prétendait  point  par  là  déroger  à 
la  soumission  qui  lui  était  due.  Le  premier  soin 
du  nouveau  pape  fut  de  mettre  Rome  à  l'abri 
d'une  invasion  ;  il  leva  des  troupes,  et  engagea 
les  habitants  de  Naples  et  de  Gaète  à  venir  dé- 
fendre les  côtes  et  le  port  d'Ostie  ;  en  même 
temps,  il  fit  entOHrer  de  murailles  l'église  Saint- 
Pierre,  et  entreprit  auprès  de  cette  église  la  cons- 
truction d'un  nouveau  quartier.  Lothaire  ap- 
prouva ce  projet,  et  y  concourut  par  de  nombreux 
envois  d'argent;  le  pape  fit  appel  à  tous  les  ou- 
vriers d'Italie  ;  on  en  tira  même  des  monastères. 
Léon  IV  employait  à  la  surveillance  de  ces  tra- 
vaux tout  le  temps  que  lui  laissaient  ses  exercices 
religieux.  Au  bout  de  quatre  ans,  le  nouveau 
quartier  était  achevé;  le  27  juin  852  le  pape  le  bap- 
tisa solennellement  et  de  son  nom,  en  l'appelant 
la  Cité  Léonine.  Vers  la  même  époque,  il  fit 
réparer  les  murs  et  les  portes  de  Rome,  qui  tom- 
baient en  ruines,  et  rebâtir  quinze  tours  de  fond 
en  comble.  Il  tint  l'année  suivante  (  8  décembre 
853)  un  concile  où  assistèrent  soixante-sept  évo- 
ques ;  Anastase,  prêtre  cardinal  de  Saint-Marcel, 
fut  déposé,  comme  coupable  d'avoir  quitté  Rome 
depuis  cinq  ans,  et  d'avoir  refusé  d'y  rentrer 
malgré  les  quatre  citations  qui  lui  avaient  été 
faites.  Léon  IV  mourut,  vivement  regretté.. des 
Romains,  pour  lesquels  il  avait  un  peu  oublié  le 
reste  de  la  chrétienté.  C'est  entre  son  pontificat 
et  celui  de  Benoît  III  qu'on  pince  l'élection  de  la 
papesse  Jeanne.  On  trouve  deux  lettres  de  Léon  IV 
dans  les  Conciles  deLabbe,  t.  VIII,  p.  30.  A.  F. 

Baronius,  Annal.,  t..  XIV,  p.  340.;—  Platina.  —  Cia- 
conius,  t.  Ier,  p.  614. 

léon  v,  cent  dix-septième  pape  selon  les 
auteurs  de  l'Art  de  vérifier  les  dates,  cent 
vingtième  selon  Artaud  de  Montor,  était  né  à 
Priapi  près  d'Ardea,  et  mourut  à  Rome,  le  0  dé- 


712 
cembre  503.  Il  fit  profession  chez  les  Bénédic- 
tins de  Brandallo.  Devenu  cardinal,  il  fut  élu 
pontife,  le  28  octobre  903,  à  la  place  de  Benoît  IV. 
Peu  de  jours  après,  Christophe,  prêtre -cardinal 
de  Saint  Laurent-in-Damaso,  suscita  une  émeute, 
s'empara  du  pontife,  l'obligea  de  renoncer  au 
pontificat,  et  se  fit  proclamer  à  sa  place.  Léon  V 
mourut  en  prison  un  mois  et  neuf  jours  après 
sa  déposition,  «  de  chagrin  »  suivant  Sigonius. 
Christophe  avait  été  constamment  le  protégé  de 
Léon  V  ;  aussi  Platina  s'écrie-t-il,  à  cause  de  son 
ingratitude  : 

Enutrito  lupos  qui  te  comedant. 

A.  de  L. 
Platina,  Hystoria  de  Fitis  Pontiflcum,  etc  ,  in-fol.  exil). 

—  Artaud  de  Montor,  Histoire  des  souverains  Pontifes 
romains  ,  t.  Il,  p.  62.  —  Du  Chêne ,  Histoire  des  Papes. 

—  Genébrard ,  Ckron. 

léon  vi ,  cent  vingt-sixième  pape  suivant: 
Artaud  de  Montor,  cent  vingt-tmisième  selon 
Y  Art  de  vérifier  les  dates,  né  à  Rome,  mort 
dans  cette  même  ville,  le  3  février  929.  Il  était 
de  la  famille  Gemina,  succéda  le  6  juillet  928  au 
pape  Jean  X,  et  gouverna  l'église  sept  mois  et 
cinq  jours.  Suivant  Platina ,  «  il  régna  avec  au- 
tant de  sagesse  qu'en  permettaient  ces  temps, 
où  les  mœurs  étaient  si  corrompues,  et  n'exerçai 
aucune  tyrannie  ».  Albret  Krang  «  s'étonne  du 
peu  de  durée  de  la  vie  des  papes  à  cette  époque, 
et  il  suppose  qu'alors  on  faisait  fréquemment 
usage  du  poison  ».  Léon  VI  n'a  laissé  aucune 
trace  historique  de  son  court  pontificat.  Quel 
ques  auteurs  prétendent  que  c'était  un  intrnsi 
placé  sur  le  saint-siége  par  les  ennemis  dd 
Jean  X,  à  la  tête  desquels  étaient  Gui  et  la  fa-i 
meuse  Marozie,  sa  femme.  11  eut  pour  successeui 
Etienne  VIL  A.  de  L. 

Novaes,  Hist.,  notes  du  t.  II,  p.  167.  —  Albert  Kranff 
Metropolis,  liv.  V,  cap.  I,  p.  117.  —  Platina,  Fitii 
Pontiflcum  romanorum ,  p.  282.  —  Artaud  de  Monton 
Histoire  des  souverains  Pontifes  romains,  t.  II,  p 

—  Baronius,  Annales,  dixième  siècle.  —  Flodoard 
Chron.  Rom.  —  Liutprand,  1.  III.  —  Le  P.  Papebroct 
Conatus  chronologico-historicus  ad  cataloguai  roma> 
norum  Pontiflcum.  —  Le  P.  Pagi,  Critica  historiée 
chronologica  in  Annales  ecclesiasticos  card.  Baronii 
Anvers,  1705,  4.  vol.  in-fol. 

léon  vu,  appeléaussi  léon  vi dans  plusieuri 
catalogues,  cent  vingt-sixième  pape  suivant  VAr 
de  vérifier  les  dates,  cent  vingt-neuvième  selo: 
Artaud  de  Montor,  né  à  Rome,  mort  dans  1 
même  ville,  le  18  juillet  939.  Il  succéda,  I 
8  janvier  936,  à  Jean  XI,  réforma  la  disciplin 
des  Bénédictins,  et  lit  paraître,  disent  tous  se 
biographes  ,  autant  de  charité  que  de  zèle  chre 
tien  dans  sa  conduite.  Dès  le  commencement  d 
son  pontilicat  il  réussit  par  l'entremise  de  sait 
Odon,  abbé  de  Cluny,  à  rétablir  la  paix  entr 
Ugo,  roi  deLombardie,et  Albéric,  duc  de  Spoletl 
et  gendre  de  ce  monarque.  On  a  de  Léon  VI 
auquel  Etienne  VIII  succéda,  une  Epistola 
Hugues,  duc  des  Français  et  abbé  de  Sain; 
Martin  de  Tours;  cette  lettre,  par  laquelle 
pontife  défend  l'entrée  des  femmes  dans  les  nu 
nastères  d'hommes ,  se  trouve  dans  le  Veterui 


71: 


LÉON 


714 


aliquot  Scriptorum  quiin  Gallix  bibliothecis, 
maxime  Benedictorum,  latuerant  Spicilegium 
de  dom  Jean-Luc  d'Achery  (Paris,  1655-1677, 
13  vol.  in-4°)  ;  —  une  seconde  Lettre  de  Léon  VII 
est  adressée  à  Gérard,  archevêque  de  Lorch, 
auquel  il  accorde  le  pallium  ;  —  une  troisième, 
aux  évêques  de  France  et  d'Allemagne,  est  une 
réponse  à  plusieurs  réponses  que  lui  avait  faites 
I  Gérard  de  Lorch  touchant  les  devins ,  les  en- 
chanteurs, les  malfaiteurs,  les  mariages,  les 
|co-évêques,  etc.  Frodoard  termine  sa   Chro- 
\nica  roinan.  Pont,  par  l'éloge  de  Léon  VII  : 
ce  sont  des  vers  d'un  latin  barbare.    A.  de  L. 

Mabillon ,   Annales  Ordinis  Sancti  Benedicti,    t.    II 
et  IV.  —  Miiratori ,  Rerum  Italicarum  Scriptores,  t.  III. 

—  Fleury,  Histoire  Ecclésiastique.  —  Artaud  de  Montor, 
\  Histoire  des  Souverains  Pontifes  romains,  t.  Il,  p.  76. 

—  Platlna,  Vilse  Pontiflcum  romanorum,  fol.  165  166.  — 
Baronius ,  annales,  dixième  siècle. 

Léon  vin,  cent  trente- cinquième  pape,  suc- 
cesseur de  Jean  XII ,  né  à  Rome ,  élu  le  4  dé- 
cembre 963,  chassé  en  février  964,  rétabli  le 
23  juin  964,  mort  en  avril  965.  Albéric,  fils  in- 
cestueux de  Marozie,  conserva  après  la  mort 
de  Jean  XI  toute  l'autorité  dans  Rome;  l'élec- 
tion des  papes  se  faisait  conformément  à  ses  or- 
dres :  aussi  Léon  VII,  Etienne  VIII,  Martin  III 
et  Agapet  II,  qui  se  succédèrent  sur  le  trône 
pontifical,  n'eurent-ils  jamais  aucun  pouvoir  réel. 
Albéric  mourut  en  954  ;  mais  son  fils  Octavien 
hérita  de  ses  dignités  et  de  son  influence ,  et 
réussit  à  se  faire  élire  lui-même  en  remplace- 
ment d'Agapet  II,  et  prit  le  nom  de  Jean  XII. 
Ses  débauches  exaspérèrent  bientôt  les  Romains, 
qui  portèrent  plainte  à  l'empereur  :  «  Le  palais 
de  Latran  ,  disaient-ils,  jadis  l'habitation  des 
saints,  est  devenu  un  lieu  infâme,  où  le  pape  loge 
sa  concubine ,  sœur  de  celle  de  son  père.  Il  n'y 
a  plus  de  femmes  qui  osent  venir  visiter  l'église 
des  Apôtres  ,  sachant  que  depuis  quelques  jours 
il  a  abusé  de  plusieurs  d'entre  elles.  Mariées, 
veuves  ou  vierges ,  belles  ou  non ,  riches  ou 
pauvres ,  tout  lui  est  bon  »  (  Bruys ,  II,  242  ). 
Othon  crut  devoir  se  rendre  à  Rome  ;  Jean  XII 
s'enfuit  à  son  approche,  emportant  la  plus  grande 
partie  des  trésors  de  l'Église.  L'empereur  fut 
reçu  comme  un  libérateur,  et  trois  jours  après 
son  arrivée  il  assembla  un  concile  dans  l'église 
Saint-Pierre.  Jean  XII,  convaincu  d'homicide, 
d'adultère,  de  viol,  d'inceste  et  de  sacrilège,  n'osa 
venir  se  défendre;  il  fut  déposé,  et  le  proto- 
scriniaire  Léon  élu  à  sa  place.  Débarrassés  de 
Jean  XII,  les  Romains  comprirent  la  faute  qu'ils 
avaient  commise  en  intronisant  l'influence  al- 
lemande en  Italie;  une  conspiration  se  forma 
pour  renverser  le  nouveau  pape  et  chasser  l'em- 
pereur. Othon  battit  les  Romains ,  et  Léon  VIII 
intercéda  pour  les  coupables.  Mais  à  peine  l'em- 
pereur avait-il  quitté  l'Italie  qu'un  second  sou- 
lèvement eut  lieu.  Jean  XII  parvint  à  rentrer 
dans  Rome,  et  Léon  se  sauva  au  camp  d'Othon 
(  février  964  ),  qui  fit  aussitôt  de  grands  prépa- 
ratifs pour  retourner  à  Rome.  Il  y  arriva  au  mois 


de  juin.  Dans  l'intervalle,  Jean  XII  avait  été 
tué  dans  les  bras  d'une  femme  adultère ,  et  Be- 
noît V  lui  avait  succédé.  Rome  ouvrit  ses  portes 
à  l'empereur,  le  23  juin  964.  Benoît  fut  exilé,  et 
Léon  VIII  remonta  sur  le  trône  pontifical.  II 
jouit  peu  de  temps  de  la  tranquillité  qui  suivit 
ces  désordres,  car  il  mourut  à  un  âge  peu  avancé, 
quelques  mois  après  son  rétablissement.  Son  suc- 
cesseur, élu  encore  par  l'inlluence  d'Othon ,  fut 
Jean  XIII.  A.   F. 

Baronius,  t.  XVI,  p.   129.  —  Platlna ,  p.   14.  —  Claco- 
niiis,  t.  I,  p.  715.  —  F.  Pagi,  t.  il,  p.  Î57. 

léon  ix  (  Brunon  ),cent  cinquante-cinquième 
pape,  successeur  de  Damase  II,  né  le  21  juin 
1002,  élu  le  11  février  1049,  mort  le  19  avril 
1054.  A  la  mort  de  Damase  II,  Conrad  le  Salique 
convoqua  une  diète  à  Worms  pour  nommer  un 
nouveau  pontife;  depuis  Othon  le  Grand  les 
empereurs  d'Allemagne  présidaient  à  l'élection 
des  papes.  L'assemblée  désigna  à  l'unanimité 
Brunon,  évêque  de  ïoul  ;  ce  prélat,  de  l'illustre 
maison  d'Alsace  et  de  Lorraine,  et  parent  de 
l'empereur,  remplissait  depuis  vingt-deux  ans 
les  fonctions  épiscopales.  Son  instruction  et  sa 
piété  lui  avaient  conquis  le  respect  des  fidèles  : 
il  était  dévoué  aux  intérêts  des  pauvres,  plein 
de  zèle  pour  la  réforme  des  monastères ,  et  avait 
une  telle  dévotion  pour  saint  Pierre  que  tous  les 
ans  il  faisait  à  Rome  un  pèlerinage  auquel  s'as- 
sociaient parfois  plus  de  cinq  cents  personnes. 
Brunon  fut  surpris  de  son  élection,  non  qu'il 
crût  illégale  une  nomination  provoquée  par  l'em- 
pereur; mais  les  maux  dont  gémissait  l'Église 
effrayaient  sa  responsabilité.  Il  déclina  longtemps 
cet  honneur;  pressé  plus  vivement,  il  demanda 
trois  jours  pour  réfléchir,  les  passa  dans  la  prière 
et  l'abstinence,  et  finit  par  se  rendre  aux  ins- 
tances de  la  diète.  Il  prit  le  nom  de  Léon  IX,  et 
partit  pour  Rome.  En  traversant  la  Bourgogne, 
il  voulut  visiter  l'abbaye  de  Cluny  ;  Hildebrand, 
si  célèbre  depuis  sous  le  nom  de  Grégoire  VII,  en 
était  prieur;  il  gémissait  de  l'autorité  que  l'Em- 
pire exerçait  sur  l'Église,  et  déjà  méditait  son 
affranchissement.  Hildebrand  s'empara  de  l'esprit 
de  Léon  IX,  lui  démontra  que  son  élévation  sur 
le  saint-siége  était  contraire  aux  canons,  qui  exi- 
geaient une  élection  librement  consentie  par  le 
peuple  et  le  clergé,  et  l'émut  par  le  tableau  de 
l'abaissement  que  préparaient  à  l'Église  les  pré- 
tentions de  l'empereur.  Le  nouveau  pape,  con- 
vaincu, se  dépouilla  des  ornements  pontificaux, 
et  se  rendit  à  Rome  en  habit  de  pèlerin;  puis, 
assemblant  le  clergé  et  le  peuple ,  il  leur  déclara 
qu'il  ne  voulait,  conformément  aux  règles  cano- 
niques, tenir  son  élection  que  de  leurs  suffrages. 
Nommé  par  acclamation ,  il  fut  intronisé  le 
22  février  1049.  Son  premier  soin  fut  de  réunir 
un  concile  à  Rome  pour  remédier  aux  abus  qui 
déshonoraient  la  chrétienté.  On  y  déclara  nulles 
un  grand  nombre  d'ordinations  simoniaques,  et 
un  second  concile,  tenu  à  Pavie  deux  mois  après, 
réprima  les  mêmes  abus.  Léon  IX  passa  ensuite 


715 


LÉON 


716 


les  Alpes,  revint  à  Toul  visiter  son  ancienne 
église,  et  se  rendit  à  Reims,  malgré  les  répu- 
gnances du  roi  de  France  Henri  1er,  pour  faire 
ia  dédicace  d'une  nouvelle  basilique  et  tenir  un 
concile.  Il  l'ouvrit  solennellement  au  milieu  d'un 
immense  concours  de  fidèles,  et  provoqua  l'an- 
nulation de  plusieurs  promotions  simoniaques; 
l'assemblée  promulgua  aussi  de  nouveaux  ca- 
nons ,  et  fulmina  des  excommunications  contre 
quelques  seigneurs  incestueux  ou  adultères.  En 
regagnant  l'Italie,  le  pape  passa  par  Mayence,  et 
y  tint,  en  présence  de  l'empereur,  un  concile 
où  furent  anathématisés  la  simonie  ainsi  que  le 
mariage  des  prêtres.  Une  interprétation  erronée 
de  l'eucharistie  réclama  bientôt  son  intervention, 
et  nécessita  la  convocation  d'un  concile  à  Rome. 
Bérenger,  chanoine  de  Tours,  reprenant  l'opinion 
de  Jean  Scott  Érigène,  soutenait  que  dans  la 
communion  le  pain  et  le  vin,  tout  en  subissant 
la  présence  réelle  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  ne  changeaient  cependant  pas  de  nature, 
et  conservaient  leur  substance  physique.  Cette 
proposition  fut  déclarée  hérétique ,  et  condamnée 
de  nouveau  au  concile  qui  se  tint  à  Verceil 
quelques  mois  après. 

La  situation  de  l'Italie  méridionale,  ravagée  par 
les  Normands,  était  devenue  intolérable.  Léon  IX 
se  rendit  en  Allemagne  pour  solliciter  contre  eux 
des  secours.  L'empereur  lui  en  accorda,  et  le  pape, 
par  reconnaissance ,  tenta,  mais  sans  succès,  de 
le  réconcilier  avec  André,  roi  de  Hongrie,  qui  re- 
fusait de  payer  le  tribut  accoutumé.  De  retour  en 
Italie,  Léon  marcha  contre  les  Normands  ;  ceux-ci 
demandèrent  la  paix,  offrant  de  soumettre  à  la 
suzeraineté  du  saint-siége  tout  ce  qu'ils  avaient 
usurpé  sur  l'Église  ;  le  pape  réclama  une  restitu- 
tion sans  réserves;  les  Normands  refusèrent,  et 
remportèrent  une  victoire  complète.  Léon  atten- 
dait l'issue  du  combat  dans  une  petite  ville  voi- 
sine; il  y  fut  assiégé  et  pris,  mais  traité  avec 
respect  et  conduit  à  Bénévent.  Vers  cette  époque, 
Léon  IX  tenta  de  réprimer  les  déclamations  de 
Michel  Cérulaire,  patriarche  de  Constantinople, 
qui  s'était  élevé  contre  certaines  pratiques  de 
l'Église  romaine,  et  surtout  contre  l'usage  de 
célébrer  l'eucharistie  avec  des  azymes,  coutume 
empruntée  aux  juifs,  disait-il,  et  abolie  par  Jé- 
sus-Christ. Le  pape  envoya  auprès  de  l'empe- 
reur d'Orient  des  nonces  chargés  de  faire  triom- 
pher l'opinion  du  saint-siége.  Constantin  Mono- 
maque  les  accueillit  avec  bienveillance,  et  facilita 
l'accomplissement  de  leur  mission;  mais  ils  ne 
purent  vaincre  la  fermeté  de  Michel  Cérulaire. 
Léon  IX  était  toujours  à  Bénévent;  il  cherchait  à 
tromper  les  ennuis  de  la  captivité  par  les 
abstinences  et  les  macérations  de  toutes  sortes; 
couché  sur  une  planche  garnie  d'un  seul  tapis, 
la  tête  appuyée  sur  une  pierre,  et  couvert  d'un 
cilice,  il  passait  les  nuits  à  réciter  des  psaumes. 
Ces  austérités  ne  tardèrent  pas  à  altérer  sa 
santé;  il  obtint  l'autorisation  de  quitter  Bénévent, 
et  se  rendit  à  Rome.  Sentant  sa  fin  approcher,  il 


se  fit  transporter  à  Saint-Pierre,  où  il  reçut 
l'evtiême-onction,  et  mourut  âgé  de  cinquante- 
deux  ans,  après  avoir  occupé  le  saint-siége  cinq 
ans,  deux  mois  et  neuf  jours.  Cette  fin  couronna 
dignement  sa  vie  pieuse,  modeste  et  dévouée; 
la  légende  s'en  empara ,  fit  de  son  tombeau  le 
théâtre  de  plusieurs  miracles,  et  l'Église  le  mit 
au  nombre  des  saints. 

On  a  de  Léon  IX  dix-neuf  lettres  dans  la  Col- 
lection des  conciles  de  Labbe  et  Cossart,  t.  IX, 
p.  949  à  1001.  Alfred  Franklin. 

Baronius,  t.  XVII,  p.  19  à  107.  —  Ciacoilius,  tom.  I", 
p.  789.  —  F.  Pagi,  t.  Il,  p.  327.  —  A.  du  Chesne,  Hist. 
des  Papes,  1653,  2  vol.  in-fol.  ;  t.  Il,  p.  1.  —  Vila  Leo- 
nis  IX  papx,  a  Nicolas  Aragonix  cardinali,  dans  Mu- 
ratori,  Rerum  Itatlcarum  Scriptores ;  Milan,  1733,  27  v. 
in-fol.;  t.  111,  p.  277.  —  f  tta  S.  Leonis  IX  papx,  Len- 
coruyi  anlea  episcopi,  ff-'iberts  archidiacono  auctove; 
Paris,  1615,  in-12.  Reproduite  dans  Muratori,  tom.  III, 
p.  278.  —  F.-X.  Hunkler,  Léon  IX  et  son  temps;  1851, 
in-fol. 

léon  x  (Jean  de  Méoicis),  pape,  né  à  Flo- 
rence, le  11  décembre  1475,  mort  à  Rome,  le 
1er  décembre  1521.  Il  était  fils  de  Laurent  le 
Magnifique.  Dans  cette  maison  protectrice  des 
arts  et  amie  des  lettres,  le  jeune  Médicis  ne 
pouvait  manquer  de  recevoir  une  brillante 
éducation,  et  le  soin  de  former  son  cœur  et 
son  esprit  fut  confié  aux  plus  célèbres  littéra- 
teurs de  l'époque  de  la  Renaissance,  au  nombre 
desquels  on  comptait  Chalcondyle  et  Ange  Po- 
litien.  L'élève  était  digne  des  maîtres;  quoi- 
que bercé  dans  l'orgueil  des  honneurs  sou- 
verains et  nourri  parmi  toutes  les  voluptés  de 
la  fortune ,  le  jeune  Médicis  ne  tarda  pas  à  pro- 
fiter des  leçons  qu  il  recevait;  il  montra  de 
bonne  heure  des  inclinations  studieuses ,  un  es- 
prit étendu  et  un  caractère  aimable.  Il  avait  à 
peine  douze  ans,  lorsqu'il  fut  créé  cardinal;  il 
ne  reçut  les  ordres  que  quatre  ans  après.  L'in- 
vasion de  Charles  VIII  en  Italie  (1494)  commença 
pour  cette  contrée  une  série  de  calamités  qui 
n'épargnèrent  pas  la  famille  de  Médicis.  Alexan- 
dre VI  occupait  alors  la  chaire  de  Saint-Pierre. 
Le  cardinal  de  Médicis  se  retira  d'abord  dans  la 
retraite  que  les  Vitelli  lui  ouvrirent  à  Caslello; 
et  puis  il  visita  une  partie  de  l'Europe,  mettant 
à  profit,  pour  son  instruction  et  son  plaisir, 
cette  espèce  d'exil  auquel  il  était  condamné.  De 
retour  à  Rome,  il  trouva  sur  le  trône  pontifical 
une  famille  ennemie  de  la  sienne,  celle  de  la 
Rovère;  il  comprit  que  son  avenir  dépendait 
d'une  réconciliation,  et  il  ne  tarda  pas  à  dévenir 
l'ami  de  Jules  II,  qui  lui  donna  le  gouvernement 
de  Pérouse.  Pris  à  la  bataille  de  Ravenne,  le 
cardinal  ne  recouvra  sa  liberté  que  lorsque  le 
sort  des  armes  eut  enlevé  le  Milanez  à  la  France. 
Jules  II  mourut  bientôt,  et  le  cardinal  de  Mé- 
dicis lui  succéda  (11  mars  1513).  Un  des  pre- 
miers actes  de  son  pontificat  fut  un  trait"  de  clé- 
mence; il  accorda  leur  grâce  aux  auteurs  d'une 
conjuration  tramée  à. Florence,  quelque  temps 
auparavant,  et  dont  il  avait  failli  être  victime. 
C'est  le  complot  dans  lequel  Machiavel  fut  im- 


717 


pliqué.  A  peine  élu,  le  pape  voulut  gouverner 
par  lui-môme  et  traiter  sans  intermédiaire  les 
affaires  de  l'Église,  qui  se  mêlaient  alors  à  celles 
du  monde.  Vettori,  l'ambassadeur  de  Florence 
à  Rome,  écrivait  à  Machiavel  ces  paroles  dignes 
de  souvenir  :  «  Autrefois  il  fallait  voir  et  entre- 
tenir une  foule  de  cardinaux  ;  aujourd'hui  cela 
n'est  plus  nécessaire,  c'est  de  la  bouche  du  pape 
lui-même  que  l'on  apprend  ce  qu'il  veut  dire.  » 
Ce  pape,  dont  le  règne  devait  être  celui  des  arts 

jet  des  lettres,  mais  qui  succédait  à  un  pontife  à 
moitié  soldat,  et  dont  l'humeur  belliqueuse  avait 
mis  l'Italie  en  feu,  fut  d'abord  tout  occupé  lui- 

f  même  de  soins  guerriers.  Les  conjonctures  étaient 
pleines  d'embarras  et  de  périls.  Louis  XII  pré- 
parait une  nouvelle  invasion;  Léon  X  suscita 
contre  lui  les  Suisses,  en  Italie;  en  France, 
Henri  VIII  d'Angleterre.  La  conduite  de  Léon 
à  l'égard  de  Louis  fut  conforme  à  la  politique 
du  temps,  cauteleuse  et  perfide;  il  sollicitait  son 
alliance  ou  lui  cherchait  des  ennemis,  selon  l'in- 
térêt variable  de  son  ambition  ;  et  les  affaires  du 

|  roi  de  France  furent  bientôt  ruinées  dans  la  pé- 
ninsule. Un  nouveau  traité  se  négocia  entre  la 
France,  l'Autriche  et  l'Espagne;  le  pape  eut  l'a- 
dresse d'en  empêcher  la  conclusion,  menaçante 
pour  l'Italie.  Il  portait  sur  cette  contrée  des 
regards  avides;  il  songeait  à  placer  la  couronne 
de  Naples  sur  la  tète  de  Julien,  son  frère;  à 
joindre,  pour  son  neveu  Laurent,  les  duchés  de 
Ferrare  et  d'Urbin  à  la  Toscane;  tamlis  que 
lui-même  était  maître  des  États  de  l'Église, 
auxquels  il  avait  secrètement  résolu  d'ajouter 
Parme  et  Plaisance,  conquis  par  Jules  II,  mais 
qu'avait  repris  le  duc  de  Milan.  Dans  cette  com- 
binaison, la  famille  des  Médicis  aurait  réuni  sous 
un  triple  sceptre  une  grande  portion  de  l'Italie. 
Les  événements  ne  secondèrent  point  cette 
politique;  Julien  de  Médicis  devait  bientôt  mou- 
rir, et  Léon  fut  obligé  de  concentrer  ses  vues 
ambitieuses  sur  son  neveu  Laurent,  bien  peu 
digne  d'en  être  l'objet,  et  qui  d'ailleurs  mourut 
aussi  avant  Léon  X.  François  Ier  ayant  succédé 
à  Louis  XII,  au  commencement  de  l'année  1515, 
ne  tarda  pas  à  rétablir  la  fortune  de  la  France  en 
Italie.  Vainqueur  à  Marignan  de  la  ligue  formée 
sous  les  auspices  du  pape ,  entre  les  Suisses,  la 
république  de  Florence,  l'empereur  Maximilien, 
Sforza,  duc  de  Milan,  et  Ferdinand  V,  roi  d'Espa- 
gne et  de  Naples ,  mais  dans  laquelle  le  pape  resta 
inactif,  François  Ier  redevint  maître  de  Parme 
et  de  Plaisance,  et  se  ht  céder  le  Milanais  par 
François  Sforza.  Machiavel  considère  comme 
une  faute  capitale,  dans  la  politique  de  Léon  X, 
la  neutralité  que  le  pontife  garda  dans  cette  cir- 
constance, et  il  explique  avec  sa  lucidité  accou- 
tumée les  raisons  sur  lesquelles  il  fonde  son 
opinion  ( Discours  sur  Tïte-Live,  livr.  II, 
ch.  22).  Après  la  victoire  de  François  Ier,  le 
pape  se  rapprocha  de  la  France,  et  la  célèbre 
entrevue  de  Léon  X  et  de  François  Ier  eut  lieu 
à  Bologne  (9  novembre  1515;.  Dans  cette  con- 


LÉON  7l8 

férence  la  paix  fut  signée,  et  on  prépara  le  con- 
cordat qui  fut  conclu  en  1516. 

Le  concordat  fut  un  acte  à  peu  près  imposé 
à  François  1er.  Malgré  ses  victoires,  ce  prince 
se  trouvait  dans  une  position  difficile;  il  était 
cité,  avec  toute  l'Église  gallicane,  pour  voir  abo- 
lir la  pragmatique  devant  le  concile  de  Latran, 
dont  le  pape  réglait  les  décisions.;  et  de  plus  il 
avait  besoin  de  Léon  X  pour  l'accomplissement 
de  ses  desseins  politiques.  Le  concordat  lui  sem- 
bla un  moyen  de  diminuer  ses  embarras  ;  mais 
il  suffit  de  lire  le  préambule  de  cet  acte  pour  se 
convaincre  de  la  violence  que  subissait  Fran- 
çois Ier  et  du  triomphe  de  LéonX.  Ce  concordat, 
qui  en  détruisant  quelques  abus  changeait  la 
condition  de  l'Église  de  France  et  donnait  au 
pape  une  influence  et  des  droits  que  ne  lui  re- 
connaissait pas  la  pragmatique,  fut  repoussé  à 
la  fois  par  l'Église,  par  la  magistrature,  par  l'u- 
niversité. Le  roi  et  le  pape  le  maintinrent  vigou- 
reusement. Quant  à  la  paix ,  elle  ne  fut  qu'une 
trêve,  et  ne  mit  le  frein  à  aucune  ambition.  Fran- 
çois Ier  médita  la  conquête  de  Naples  ;  Léon  X 
provoqua  l'invasion  de  l'empereur  Maximilien 
dans  le  Milanais,  afin  d'en  expulser  les  Français; 
et  en  même  temps,  renouvelant  auprès  de  Fran- 
çois Ier  la  politique  dont  il  avait  usé  envers 
Louis  XII,  il  affectait  les  démonstrations  de 
l'allié  le  pins  fidèle.  De  son  côté,  le  roi  chevalier 
n'épargnait  point  au  pape  les  faux  semblants. 

Deux  points  surtout  sont  saillants  dans  la  po- 
litique de  Léon  X  :  l'ambition  d'agrandir  les 
domaines  de  l'Église  ainsi  que  les  possessions  de 
la  famille  des  Médicis,  et  le  désir  d'affranchir 
l'Italie  de  la  domination  étrangère;  mais  dans 
la  pensée  du  pape  ce  second  dessein  était  évi- 
demment subordonné  au  premier.  Il  dépouilla 
violemment  La  Rovère  du  duché  d'Urbin,  pour 
en  donner  l'investiture  à  son  neveu  (1516).  Les 
historiens  les  plus  modérés  n'ont  trouvé  aucune 
excuse  pour  cette  inique  entreprise,  qui  coûta  à 
l'Église  des  sacrifices  énormes  et  jeta  le  pape 
dans  un  embarras  dont  il  résulta  des  mesures 
désastreuses.  Après  la  mort  de  Laurent  (1590), 
Léon  X  réunit  le  duché  d'Urbin  ainsi  que  ses 
dépendances,  Pesaro  et  Sinigaglia,  au  domaine 
de  l'Église.  Il  s'empara  successivement  de  Pé- 
rouse,  de  Fermo,  de  la  plupart  des  villes  et  des 
forteresses  de  la  marche  d'Ancône.  Les  souve- 
rains de  ces  petits  États,  quand  Léon  X  les  fai- 
sait prisonniers,  ou  quand  il  pouvait  les  attirer 
à  Rome,  étaient  livrés  au  bourreau.  L'Italie  était 
alors  accoutumée  à  ce  code  sanglant  de  la  con- 
quête, et  en  était  d'autant  moins  émue,  que 
tous  ces  petits  tyrans  étaient  odieux,  et  que  si 
le  supplice  était  infligé  sans  droit  par  le  vain- 
queur, il  n'était  que  trop  bien  mérité  par  le 
vaincu.  Léon  convoitait  aussi  le  duché  de  Fer- 
rare,  et  la  conquête  de  ce  duché  se  liait,  dans 
ses  projets,  à  son  autre  grand  dessein ,  l'expul- 
sion des  étrangers. 

Depuis  l'invasion  de  Charles  VIII,  l'esprit  de 


719  LÉON 

nationalité  avait  été  cruellement  froissé  en  Italie; 
les  papes  semblaient  vouloir  se  constituer  les 
représentants  de  cette  nationalité,  et  se  procla- 
maient les  restaurateurs  de  l'indépendance  ita- 
lienne; mais  pour  arriver  à  ce  but  ils  prenaient 
une  voie  funeste,  où,  du  reste,  les  jetait  fatale- 
ment la  faiblesse  de  leur  puissance  matérielle. 
L'Italie  était  devenue  le  champ  de  bataille  des 
étrangers,  et  les  papes  ne  pouvaient  espérer  de 
chasser  un  prince  qu'en  s'unissant  à  un  autre. 
Léon  X  essaya  d'abord  de  faire  de  François  Ier 
l'instrument  de  la  ruine  des  Espagnols;  mais 
François  Ier,  qui  ne  se  fiait  point  au  pape,  n'ac- 
cepta pas  l'alliance  que  celui-ci  lui  offrait.  Alors 
ce  furent  les  Français  dont  Léon  X  entreprit 
l'expulsion.  Il  conclut  un  traité  avec  l'empereur 
Charles-Qnint  (8  mai  1521),  et  la  lutte  s'enga- 
gea bientôt  dans  toute  la  haute  Italie.  Les  succès 
et  les  revers  se  balancèrent  d'abord;  mais  la 
prise  de  Milan  commençait  à  donner  l'avantage 
aux  alliés  du  pape,  quand  la  mort  enleva  Léon  X, 
le  1er  jour  de  décembre  1521,  à  quarante-six 
ans,  et  après  huit  ans  et  huit  mois  de  règne.  La 
maladie  à  laquelle  succomba  LéonX  dura  quatre 
jours  à  peine ,  et  ne  semblait  qu'une  indisposi- 
tion sans  gravité,  lorsque  la  mort  le  frappa  pres- 
que soudainement.  Les  médecins  déclarèrent 
que  la  cause  de  cette  mort  était  un  rhume,  dont 
le  pape  avait  été  saisi  à  Malliana,  villa  où  il  avait 
passé  quelques  jours;  mais  personne  ne  crut 
aux  médecins,  et  le  secret  de  cette  fin  si  prompte 
n'a  pas  été  dévoilé,  quoiqu'il  ait  été  l'objet  de 
beaucoup  de  conjectures.  Les  uns  ont  fait  mourir 
Léon  X  de  la  joie  qu'il  ressentit  en  apprenant  le 
triomphe  des  coalisés,  dans  le  Milanais;  d'autres 
soupçonnèrent  une  cause  moins  innocente,  et 
supposèrent  un  empoisonnement,  imputé  au  duc 
d'Urbin  ou  au  duc  de  Ferrare.  S'il  faut  en  croire 
le  journal  du  majordome  du  pape,  Paris  de  Gras- 
sis,  les  médecins  l'auraient  ouvert  et  auraient 
déclaré  qu'ils  avaient  trouvé  des  traces  de  poi- 
son. Cette  opinion  a  prévalu  chez  les  historiens 
les  plus  dignes  de  foi  ;  cependant ,  le  fait  n'est 
pas  suffisamment  démontré.  L'échanson  du  pape, 
arrêté  dans  le  premier  moment ,  fut  rendu  à  la 
liberté,  rien  ne  prouvant  qu'il  fût  coupable;  et 
le  cardinal  de  Médicis,  parent  de  Léon  X,  qui 
devait  bientôt  porter  la  tiare  sous  le  nom  de 
Clément  VII,  mit  fin  à  toutes  les  poursuites. 
Léon,  dont  le  nom  est  resté  illustre,  ne  doit 
cette  célébrité  ni  à  la  politique  ni  à  la  religion. 
Pontife,  il  ne  siégea  point  sans  éclat  dans  la 
chaire  apostolique;  mais  il  commit  des  fautes 
assez  graves  dans  le  gouvernement  de  l'Église; 
prince,  il  ne  manqua  pas  de  cette  habileté  qui 
met  à  profit  quelques  chances  heureuses  ;  mais 
il  ne  déploya  dans  les  grandes  affaires  où  il  fut 
mêlé  aucun  talent  supérieur,  et  ue  mit  en  œuvre 
aucune  de  ces  ressources  qui  révèlent  le  génie. 
On  le  voit  en  toute  occasion  obéir  assez  servi- 
lement aux  règles  de  la  politique  de  ce  temps-là, 
prenant  son  intérêt  pour  mesure  de  sa  loyauté, 


720 

et  professant  la  morale  du  succès.  User  de  ruse, 
se  croire  habile  parce  que  l'on  est  perfide,  si- 
gner une  alliance  d'une  main  et  de  l'autre  une 
trahison,  c'est  ce  qu'on  voyait  presque  partout 
à  cette  époque,  et  en  Italie  plus  qu'ailleurs.  A 
cet  égard  Léon  X  fut  de  son  temps  et  de  son 
pays. 

Toutefois,  quelque  sévérité  qu'on  puisse  ap- 
porter dans  le  jugement  de  la  politique  de  Léon  X, 
il  est  juste  de  reconnaître  que  cette  politique  fut 
quelquefois  généreuse  et  véritablement  digne  du 
chef  de  la  chrétienté.  La  découverte  récente  de 
l'Amérique  avait  été  l'occasion  de  bien  des  cri- 
mes, commis  au  nom  de  la  religion  :  Léon  X  ' 
prit  en  main  la  cause  des  malheureux  indigènes 
contre  les  conquérants  catholiques.  11  condamna 
les  persécutions  atroces,  dont  on  faisait  contre  les 
Indiens  un  moyen  de  conversion.  Malheureuse- 
ment la  décision  du  pape  eut  peu  d'influence  sur 
le  sort  des  Américains  ;  il  était  trop  loin,  et  son 
règne  fut  trop  court.  Comme  les  prédécesseurs 
de  Léon  X  avaient  fait  concession  aux  princes 
européens  des  terres  découvertes  dans  le  Nou- 
veau Monde  par  Christophe  Colomb  et  Améric 
Yespuce ,  une  ambassade  solennelle  d'Emma- 
nuel le  Grand  vint  demander  à  Léon  X  la  dona- 
tion des  pays  découverts  depuis  plusieurs  années 
dans  les  Indes  orientales  par  Vasco  de  Gama  et 
les  navigateurs  portugais.  Ce  fut  là  un  de  ces 
événements  qui  flattaient  l'orgueil  du  pontife,  et 
qu'il  ne  manquait  jamais  de  célébrer  par  quel- 
qu'une de  ces  fêtes  dont  il  aimait  la  magnifi- 
cence. 

Une  des  affaires  les  plus  considérables  du 
pontificat  de  Léon  X,  et  qui  eut  sur  les  desti- 
nées du  monde  les  plus  graves  conséquences , 
c'est  l'affaire  des  indulgences.  Lorsque  Léon  X 
publia  sa  bulle,  en  1517,  il  y  avait  déjà  longtemps 
que  les  abus  de  l'Église  avaient  rencontré  des 
adversaires  redoutables,  soit  par  la  grandeur  de 
leur  nom,  soit  par  l'adresse  de  leurs  attaques. 
La  pointe  effilée  du  sarcasme,  la  raillerie  aux  al- 
lures légères  avaient,  plus  que  la  gravité  des  cen- 
sures ,  plus  que  les  paroles  ardentes  de  l'indigna- 
tion ,  blessé  profondément  les  prétentions  injustes 
de  l'Église  romaine;  Léon  X  ne  vit  point  qu'il  ne 
pouvait  pas  oser  impunément  ce  qu'avaient  osé 
ses  prédécesseurs.  H\  ne  .vit  point  que  s'il  y 
avait  encore  possibilité  de  recueillir  des  indul- 
gences en  Europe,  le  seul  moyen  d'y  réussir 
c'était  de  dissimuler  l'exaction  sous  un  prétexte 
qui  frappât  l'imagination  des  populations,  ou  qui 
intéressât  leur  charité.  On  l'avait  pu  avec  l'en- 
thousiasme des  croisades ,  on  le  pouvait  encore 
peut-être  avec  la  pensée  de  quelque  grande  fon- 
dation pieuse  et  utile  à  l'humanité.  Léon  X  fit 
publier  que  le  produit  des  indulgences  servirait  à 
achever  de  bâtir  Saint-Pierre  de  Rome;  de  fa- 
natiques prédicateurs,  entraînés  par  leur  zèle, 
inventèrent  une  échelle  des  peines  du  purgatoire, 
et  un  tarif  proportionnel  pour  le  rachat  des  âmes. 
Léon  X  ne  songea  pas  à  congédier  ces  ouvriers 


721 

malhabiles ,  à  brider  ce  zèle  fougueux.  Et  puis 
il  eut  le  hasard  de  rencontrer  en  face  de  lui  un 
de  ces  hommes  comme  on  en  rencontre  rarement, 
et  le  malheur  de  ne  pas  soupçonner  la  puissance 
de  te  redoutable  adversaire.  Léon  X  traita  Luther 
eE  pédant  bavard,  en  argumentateur  de  collège, 
ce*  >™e  dit  Roscoë,  et  commença  par  le  dédai- 
i»tt,  r,  à  une  époque  où  peut-être  il  eut  été  pos- 
sible de  s'entendre  avec  lui.  Ensuite  il  procéda 
contre  Luther  avec  une  lenteur  remarquable.  Par 
une  lettre  du  7  août  1518,  il  le  fait  citer  à  Rome, 
et  consent  ensuite  qu'il  n'y  comparaisse  pas.  Le 
9  décembre  de  la  même  année ,  une  bulle  est 
lancée  contenant  menace  d'excommunication, 
mais  sans  même  que  le  nom  de  Luther  y  fût  pro- 
noncé. Enfin,  le  15  juillet  1520,  furent  condamnés 
les  95  articles  de  la  doctrine  de  Luther;  lui-même 
fut  excommunié,  ainsi  que  ses  adhérents.  Tan- 
dis qu'on  brûlait  les  écrits  de  Luther,  celui-ci 
faisait  brûleries  bulles  du  pape,  et  les  anathèmes 
pu  moine  répondaient  aux  anathèmes  du  pontife, 
cependant  on  conseillait  à  Léon  X  de  ne  point 
s'en  tenir  à  ces  innocentes  escarmouches,  et 
d'employer  contre  l'hérésie  du  réformateur  des 
armes  plus  efficaces  que  les  armes  spirituelles  ; 
l'inquisiteur  Hoogstraten  sollicitait  le  pape  de 
Confondre  Luther  avec  le  feu,  la  flamme  et  le  fer. 
Si  Luther  n'est  pas  monté  sur  un  bûcher,  faut-il 
[en  faire  honneur  à  la  modération  de  Léon  X? 
Nous  ne  savons.  Toujours  est-il  que  le  pape 
^'adressa  tour  à  tour  pour  le  faire  arrêter  à  l'é- 
lecteur de  Saxe,  qui  éluda  la  sommation,  et  à 
Charles  Quint,  qui  s'y  refusa  tout  net,  pour  mé- 
nager l'électeur  de  Saxe,  protecteur  de  Luther. 
Mais  si  Léon  X  est  couronné  d'une  auréole  qui 
ne  pâlira  jamais,  si  son  pontificat  conserve,  à 
Iquelque  distance  qu'on  s'en  éloigne ,  l'éclatante 
Renommée  qui  le  place  au  nombre  des  plus  mer- 
veilleuses époques  de  l'histoire  de  l'esprit  hu- 
main ,  c'est  à  la  renaissance  que  ce  pape  doit 
'cette  gloire.  La  renaissance ,  qui  succédait  en 
fltalie  au  moyen  âge,  était  apparue  avec  Dante, 
jdeux  siècles  auparavant  ;  mais  la  réunion ,  au 
itemps  de  LéonX,  des  plus  éminents  génies,  et 
'la  protection  savante,  affectueuse,  passionnée 
ique  le  pape  leur  accorda ,  ont  fait  de  son  règne 
|le  point  culminant  de  cette  éblouissante  période 
ides  destinées  du  monde;  Léon  se  montra  digne 
.d'une  telle  époque,  et  mérita  d'en  partager  la 
igloire  en  lui  donnant  son  nom.  La  renaissance  se 
j propageait  peu  à  peu.  Parmi  les  populations  qui 
i l'entretenaient  le  plus  religieusement  en  France, 
'en  Espagne,  aussi  bien  qu'en  Italie,  la  population 
de  Florence  tenait  le  premier  rang,  et,  parmi 
les  familles  florentines,  la  famille  des  Médicis. 
!  Amateur  passionné  des  lettres,  doué  du  plus' vif 
sentiment  des  arts,  Léon  X  mit  son  bonheur  et 
son  orgueil  à  leur  accorder  de  magnifiques  en- 
couragements. Les  plus  grands  artistes,  d'admi- 
|  râbles  poètes,  de  profonds  pnblicistes,  des  sa- 
]  vants  du  premier  ordre,  se  pressaient  en  foule 
j  dans  ce  siècle  privilégié;  et  partout  les  largesses 


LÉON  722 

de  Léon  X  les  allaient  chercher.  Il  n'était  pas 
moins  sensible  aux  charmes  de  l'art  musical 
qu'à  celui  des  lettres  et  des  arts  du  dessin  ;  la 
musique  aussi  fit  de  rapides  progrès  à  cette 
époque.  Quand  on  a  nommé  Michel-Ange,  Ra- 
phaël, Arioste,  Machiavel,  Bembo,  il  faut  placer 
après  ces  grands  noms  une  foule  de  noms  illus- 
tres,dont  la  simple  liste  atteindrait  les  bornes 
d'uu  article.  Il  faut  également  renoncer  à  indi- 
quer, même  sommairement,  tout  ce  que  ce  pon- 
tife a  fait  pour  protéger  la  science ,  pour  enrichir 
et  honorer  les  savants,  pour  glorifier  les  arts 
et  les  lettres,  et  pour  doter  de  cet  éclatant  héri- 
tage non  pas  seulement  Rome ,  mais  Florence , 
sa  patrie,  la  ville  de  ses  affections,  mais  l'Italie 
elle-même,  mais  le  monde  entier.  Un  volume 
suffirait  à  peine  à  cette  tâche  immense.  Léon  X 
enrichit  la  bibliothèque  du  Vatican  et  fonda  la 
Laurentienne  à  Florence',  dont  il  confia  l'exé- 
cution à  Michel-Ange.  Ces  grands  dépôts  de  li- 
vres ,  ainsi  que  les  vastes  collections  d'objets 
d'arts ,  qui  devaient  être  le  témoignage  de  l'an- 
tique civilisation  et  l'enseignement  de  la  civilisa- 
tion nouvelle,  furent  remis  par  lui  à  la  garde 
des  hommes  les  plus  dignes  de  conserver  de 
telles  richesses.  Les  bibliothèques  fondées,  rien 
n'était  épargné  pour  les  remplir  des  manuscrits 
les  plus  rares ,  des  plus  magnifiques  imprimés. 
Léon  X  envoyait  de  savants  explorateurs  à  la 
recherche  de  ces  précieux  restes  de  l'antiquité; 
il  payait  cinq  cents  sequins  un  manuscrit  des 
cinq  premiers  livres  de  Tacite,  qui  passèrent  de 
l'abbaye  de  Corvey  au  Vatican  ;  il  encourageait 
de  ses  largesses  les  Alde-Manuce,  les  Calliergi, 
savants  imprimeurs  dont  les  belles  éditions  grec- 
ques et  latines  sont  encore  aujourd'hui  des  mo- 
numents remarquables  de  l'art  typographique.  Il 
créait  d'illustres  écoles,  où  l'on  apprenait  à  lire 
ces  ouvrages  rendus  si  prodigieusement  difficiles 
par  l'ignorance  ou  l'incurie  des  copistes ,  ainsi 
que  par  l'absence  de  tout  commentaire.  L'uni- 
versité de  la  Sapience,  richement  dotée  par 
Léon ,  recouvra  les  biens  qui  lui  avaient  été  en- 
levés par  d'autres  papes,  et  prit  dès  ce  moment 
l'importance  qui  convenait  à  une  école  fondée 
pour  l'enseignement  du  monde.  Léon  X  y  réu- 
nit des  savants  choisis  dans  toute  l'Europe  et 
célèbres  dans  toutes  les  sciences;  les  maîtres 
étaient  récompensés  par  de  riches  bénéfices  et 
de  hautes  dignités  ecclésiastiques;  les  étudiants 
étaient  protégés  par  des  privilèges.  Tout  ce 
qu'on  savait  alors  était  enseigné  au  collège  de  la 
Sapience  :  à  l'étude  de  la  théologie  et  du  droit 
canon  on  joignait  l'étude  du  droit  civil, 
des  mathématiques  et  de  la  médecine  ;  le  pro- 
grès de  l'astronomie  accompagnait  celui  des 
sciences  naturelles ,  et  déjà  le  système  de  Ko- 
pernik  fut  presque  deviné.  La  philosophie,  la 
logique,  la  rhétorique,  toutes  les  lettres  hu- 
maines y  trouvaient  un  enseignement  nouveau , 
et  les  immortels  chefs-d'œuvre  de  la  Grèce  et 
de  Rome,  dont  on  recherchait,  dont  on  décou- 


723 

vrait  les  manuscrits,  étaient  révélés  à  une  jeu- 
nesse avide  et  charmée.  La  langue  grecque,  qui 
était  pour  cette  jeunesse  une  révélation  plus 
complète,  était  aussi  l'objet  d'un  plus  vif  en- 
thousiasme ;  Jean  Lascaris,  appelé  par  Léon  X 
à  Rome,  y  vint  accompagné  d'un  grand  nombre 
de  jeunes  gens,  qui  donnèrent  à  la  littérature 
d'Athènes  un  nouveau  droit  de  cité  dans  cette 
même  ville  de  Rome  où  elle  avait  déjà  reçu  un 
si  bel  accueil  tant  de  siècles  auparavant,  au 
temps  de  Térence  et  de  Virgile.  La  langue  ma- 
ternelle du  christianisme ,  l'hébreu ,  était  aussi 
enseignée  par  un  savant  traducteur  des  livres 
saints,  Santé  Pagnini  ,•  et  en  même  temps  les 
autres  idiomes  de  l'Orient  se  propageaient  à 
Rome,  où  paraissait  la  traduction  d'un  manuscrit 
arabe,  intitulé  :  Philosophie  mystique  d'A- 
ristote.  Platon  était  imprimé,  commenté,  et  sa 
philosophie,  déjà  ressuscitée  jadis  dans  l'école 
d'Alexandrie,  ressuscitait  pour  la  seconde  fois  à 
Rome  et  à  Florence.  Les  élèves,  qui  se  ren- 
daient en  foule  à  la  grande  école  de  la  Sapience, 
puisaient  à  cet  universel  foyer  de  lumières  des 
clartés  qui  se  réfléchissaient  ensuite  sur  l'univers 
catholique.  Une  foule  de  poètes  latins,  à  la  tête 
desquels  se  présentent  Bembo,  Sannazar  et  Vida, 
rendaient  une  nouvelle  voix  aux  muses  de  Ca- 
tulle, de  Virgile  et  d'Horace.  Cette  universelle 
prédilection  pour  les  lettres  antiques  s'alliait 
avec  l'amour  et  le  culte  des  lettres  modernes. 
Déjà  brillait  d'un  vif  éclat  l'aurore  du  second 
âge  de  la  poésie  italienne  ;  d'admirables  génies 
faisaient  entrer  les  faits  et  les  sentiments  mo- 
dernes dans  le  domaine  de  l'imagination  :  Arioste 
donnait  à  la  chevalerie  une  vie  poétique,  et 
bientôt  le  Tasse  allait  chanter  les  croisades; 
Machiavel  créait  la  comédie  nouvelle  en  dessi- 
nant, dans  son  chef-d'œuvre  de  La  Mandragore, 
le  premier  tableau  de  mœurs ,  la  première  pein- 
ture de  caractères  qu'on  ait  mise  au  théâtre  dans 
les  temps  modernes.  Léon  X  protégeait  YOr- 
lando  en  donnant  au  poète  un  privilège  portant 
excommunication,  non,  comme  on  l'a  dit,  contre 
ceux  qui  critiqueraient  ce  poème,  mais  bien 
contre  le  pillage  des  contrefacteurs;  il  proté- 
geait La  Mandragore ,  cette  comédie  si  remar- 
quable par  le  mélange  des  mauvaises  mœurs  et 
des  pratiques  dévotes,  en  la  faisant  souvent  re- 
présenter devant  lui.  A  cette  époque  il  n'y 
avait  pas  encore  de  théâtres  permanents  en 
Italie  et  parmi  ce  peuple ,  si  sensible  aux  plai- 
sirs de  la  scène,  les  productions  dramatiques, 
qui  commençaient  à  naître,  étaient  représen- 
tées par  les  lettrés  et  les  académiciens.  Léon  X 
fit  venir  à  Rome  ceux  qui  avaient  joué  La  Man- 
dragore à  Florence ,  ainsi  que  les  décorations 
dont  on  s'était  servi  pour  cette  représentation  ; 
et  lorsque  le  pape  fit,  en  1515,  un  voyage  en 
Toscane,  il  voulut  revoir  encore  cette  comédie. 
Le  plaisir  que  prenait  LéonX  à  cette  licencieuse 
satire  des  moines  doit  aussi  être  considéré 
comme  un  trait   du  caractère    de  ce  pontife. 


LÉON  724 

Léon  X  avait  l'humeur  enjouée ,  l'esprit  enclin 
à  la  bouffonnerie  ;  il  passait,  avec  une  extrême 
facilité  et  un  plaisir  assez  visible,  des  entretiens 
les  plus  sérieux  aux  plaisanteries  les  plus  fri- 
voles, et  faisait  contraster  avec  la  dignité  de  ses 
hautes   fonctions  les   légèretés  d'un    caractère 
tout  mondain.  Il  se  plaisait  aux  festins   splen- 
dides ,  mais  il  savait  être  sobre  parmi  les  délices 
des  tables  plantureuses.  Il  avait  montré  de  bonne 
heure  un  goût  si  violent  pour  la  chasse,  que  les 
vicissitudes  de   ce  divertissement  finirent   par 
influer  sur  son  humeur,  et  le  pape  était  moins 
aimable  les  jours  où  le  chasseur  avait  été  moins 
adroit  ou  moins  heureux.  Aimant  avec  passion' 
la  société  des  hommes  d'élite,  dont  il  s'entourait, 
il  encourageait  les  lettres  et  les  arts  autant  par 
l'affectueuse  familiarité  avec  laquelle  il  accueillait 
les  savants  et  les  artistes ,  que  par  les  largesses  j 
dont  il  les  comblait.  Si  Léon  X  était  loin  d'avoir  h 
les  vertus  nécessaires  au  chef  de  la  chrétienté,  il 
était  doué  à  un  degré  éminent  du  goût  et  des  il 
penchants  qui  font  d'un  prince  le  protecteur  ac- 
compli des  lumières  et  le  puissant  propagateur 
de  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  civiliser  et  em-i 
bellir  les  sociétés.    Les  magnificences   de  som 
luxe  enrichissaient  l'industrie;  le  commerce  de- 
vint florissant  par  la  liberté,  et  le  bien-être  des 
populations   produisit  une  telle  prospérité  que 
sous  le  pontificat  de  ce  pape  le  nombre  des  ha- 
bitants de  Rome  fut  presque  doublé. 

Parmi  les  beaux  ouvrages  de  Raphaël ,  o»i 
compte  un  portrait  de  LéonX.  Une  tête  un  peu 
grosse,  des  yeux  saillants,  un  teint  fortement) 
coloré ,  donnaient  peu  de  distinction  à  cette  phy- 
sionomie ;  mais  les  proportions  et  les  habitudes- 
du  corps  ne  manquaient  pas  d'élégance.  Léon  X' 
a  été  décrié  outre  mesure  par  les  uns  ,  d'autres 
en  ont  parlé  avec  une  indulgence  qui  semblel 
plus  impartiale;  W.  Roscoë,  qui  a  résumé  et  ba-? 
lancé  ces  divers  jugements,  nous  semble  avoin 
exprimé  une  opinion  à  laquelle  on  peut  croire, 
lorsqu'en  blâmant  dans  Léon  X  des  passe- 
temps  peu  conformes  à  la  sainte  dignité  d'uni 
pontife,  il  affirme  qu'on  n'en  peut  rien  conclure 
contre  la  décence  et  la  pureté  des  mœurs  de 
Léon.  La  haine  a  d'ailleurs  été  si  passionnée  dans 
ses  accusations,  qu'il  faudrait  pour  y  croire  être 
aussi  aveugle  qu'elle.  La  politique  de  Léon  X 
fut  perfide  envers  les  autres  souverains.  Elle  fut 
d'une  sévérité  quelquefois  cruelle  dans  son  gou- 
vernement intérieur;  mais  les  mœurs  et  les 
exemples  de  son  temps  ont  sans  doute  fait  vio- 
lence à  son  naturel';  car,  dans  les  relations  ordi- 
naires de  la  vie,  Léon  X  était  rempli  de  douceui 
et  d'aménité.  Souverain  politique  assez  médiocre, 
il  fut  un  admirable  souverain  littéraire.  Son  es- 
prit, son  caractère  et  ses  penchants  se  trouvè- 
rent merveilleusement  en  harmonie  avec  les  cir- 
constances spéciales  de  cette  grande  époque;  son 
règne,  qui  dura  moins  de  neuf  années,  fut  asseï 
fécond  en  prodiges  pour  rester  à  jamais  l'une  de; 
grandes  périodes  de  l'histoire  du  monde ,  et  ce' 


r25 

ieuls  mots  :  le  siècle  de  Léon  X,  seront  un 
ternel  honneur  pour  sa  mémoire.  [àvenel,  dans 
'Enc.  des  G.  du  M.] 

Paul  Jnve,  De  Vita  Leonis  X  Lib.  If;  Florence,  1651, 
n-fol.  —  Pallavicini,  Istoria  del  Concilio  di  Trento,  llv.  I. 
-  Cglielli,  llaliu  Sacra  —  Sponde,  Annules  Ecclesiast. 
UVarillas,  Anecdotes  de  Florence,  liv.  VI.—  Tractattis 
jConctrdatorum  inti  r  Leonem  et  Franciscum  I.  Golliœ 
b-euem  ;  Lyon,  1620,  in-fol.  —  Muratorl,  Jlerum  Italica- 
Vum  Scriptores.  —  Gnichardin ,  Histoire  d'Italie.  — 
L.  Jacob,  biblioth.  Pontificale.  —  Bayle,  DUtionn.  Hist. 
I—  Fabbroni,  f'itci  Leonis  X  ;  Pise  ,  179",  in-4°.  — 
|W.  RoscoP,  Life  and  l'ontiflcate  of  Léo  X,-3eedit. 
(Londres,  1840  G  vol.  in-«°;  trad.cn  français  par  P  F.  Henry, 
B808,  1813,  4  vol.;  et  en  italien  par  le  comte  Bossi,  1818.  — 
Urtmd  de  Montur,  Hist.  des  Souverains  Pontifes,  t.  IV. 
f-Audin,  Hist.  de  Léon  X;  1844,  1846,  2  vol.  in-8". — 
llRanke,  Hist.  de  la  Papauté  au  seizième  siècle. 


LÉON  726 

184S,  î  vol.  in-8°.  —  Wlseman,  Hist.  des  quatre  derniers 
Papes. 

LÉON  rois  d'Arménie.  Yoij.  Livon. 

Savants,  écrivains,  artistes,  etc. 
Léon  l'Académique,  philosophe  grec,  vivait 
dans  le  quatrième  siècle  avant  J.-C.  On  croit 
qu'il  était  né  à  Héraclée  dans  le  Pont ,  et  qu'il 
avait  étudié  la  philosophie  sous  Platon.  Il  tut 
un  des  complices  de  Chion  pour  le  meurtre  de 
Cléarque,  tyran  d'Héraclée,  en  353.  On  ne  sait 
s'il  périt  avec  les  autres  conjurés.  Plusieurs 
écrivains  anciens  lui  attribuent  un  dialogue  sur 
la  puissance  de  Dieu  se  déployant  dans  ses  œu- 
vres. Ce  dialogue,  intitulé  Alcyon,  a  été  aussi 
attribué  à  Platon,  et  on  l'a  inséré  parmi  les  ou- 
vrages de  Lucien  ,  quoiqu'il  ne  soit  pas  dans  la 
manière,  de  cet  écrivain.  Justin  et  Suidas  don- 
nent au  meurtrier  de  Cléarque  le  nom  de  Léo- 
nldès.  Y. 

Meinnon,  dans  la  Bibliothèque  de  Photius,  cod.  224.  — 
Justin,  XVI,  5.  —  Suidas,au  mot  KXéocpyo;.  —  Athénée, 
XI,  S06.  —  Diogène  Laeree,  III,  37.  —  Fabricius,  Biblioth. 
Graeca,  vol.  III,  p.  108,  173,  178. 

LÉONc/'iîg'î/p^mythographe  grec,  vivait,  sui- 
vant la  tradition,  dans  le  quatrième  siècle  avant 
J.-C.  Saint  Augustin  fait  mention  d'une  pré- 
tendue lettre  d'Alexandre  à  Olympias,  dans  la- 
quelle le  conquérant  macédonien  prétend  avoir 
appris  d'un  grand-prêtre  égyptien  que  les  dieux 
avaient  d'abord  été  des  hommes.  Cette  doctrine, 


LÉON  xi  (  Alexandre-Octavien  de  Médi- 
cis),  deux  cent  trente- sixième  pape,  né  en  1535, 

Florence ,  mort  le  29  avril  1605,  à  Rome.  Il 
était  (ils  d'Octavien  de  Médicis  et  de  Françoise 
Salviati,  nièce  de  Léon  X.  Après  avoir  pendant 
plusieurs  années  représenté  la  cour  de  Tos- 
cane près  de  Pie  V,  il  fut  nommé  en  1573 
évêque  de  Pistoie  et  transféré  en  1574  à  l'ar- 
Ghevêché  de  Florence.  Créé  cardinal  en  1583, 
il  fut  envoyé  en  1596  comme  légat  a  latere  en 
France ,  où  il  demeura  deux  ans,  à  la  grande 
satisfaction  de  Henri  IV.  Le  let  avril  1605  le 
choix  unanime  du  conclave  donna  pour  succes- 
seur à  Clément  VIII  le  cardinal  Alexandre,  qui 
prit   possession  de   la  tiare    sous  le  nom   de  |  qui  flattait  les  prétentions  d'Alexandre  à  la  di 


Léon  XI.  Il  mourut  après  vingt-six  jours  de  règne. 
Ce  fut  Paul  V  qui  lui  succéda.  K. 

Artaud  de  Montor,  Hist.  des  Souverains  Pontifes. 
LÉON  xil  (Annibal  della  Genga),  pape, 
né  le  2  août  1"60,  au  château  de  la  Genga,  sur 
le  territoire  de  Spolète,  mort  le  10  février  1829. 
Après  avoir  rempli  les  fonctions  de  nonce  du 
saint-siége  près  de  plusieurs  cours  de  l'Alle- 
magne ,  il  fut  chargé  par  Pie  VII  d'une  mission 
particulière  auprès  de  Louis  XVIII.  De  retour 
à  Rome,  il  fut  nommé  évêque  de  Sinigaglia  et  car- 
dinal (8  mars  181 6),  puis  vicaire  général.  Pie  VII 
étant  mort,  le  cardinal  della  Genga  lui  succéda, 
le  27  septembre  1823,  sous  le  nom  de  Léon  XII. 
Il  s'occupa  de  la  répression  du  brigandage  et  de 
la  mendicité  ;  il  releva  quelques  monuments  de  sa 
capitale,  protégea  les  lettres,  et  encouragea  l'ins- 
truction publique.  Il  avait  à  cœur  la  conservation 
des  droits  et  prérogatives  du  saint-siége,  et  la 
manière  ferme  dont  il  les  soutint  lui  attira  quel- 
ques démêlés  avec  la  France  et  l'Autriche,  en 
lS2i.  Dans  la  même  année,  il  annonça  solennel- 
lement le  jubilé  de  1825.  Ennemi  du  fanatisme, 
Léon  XII  blâma  certaines  menées  du  jésuitisme, 
et  approuva  les  ordonnances  que  rendit  le  gou- 
vernement français,  en  1828,  contre  les  Pères  de 
la  Foi.  Ses  concordats  avec  les  Pays-Bas  et  les 
États-Unis  attestent  son  esprit  conciliant.  Il  eut 
pour  successeur  Pie  VIII. 

P.  Rudoni,  Leone  XII  e  Pio  fUV;  Milan,  1829.  in- s».  - 
Chr.  Schmid,  Trauerrede  au/  Léo  XII,-  Augsb.,  1829, 
in-8».  —  Artaud  de  Montor,  Hist.  du  pape  Léon  Xli ; 


vinité,  n'a  rien  d'invraisemblable  chez  un  prêtre 
égyptien  ;  mais  il  est  singulier  qu'un  prêtre  de 
cette  nation  ait  porté  le  nom  de  Léon.  Arnobe, 
Hygin,  Clément  d'Alexandrie,  Tertullien  parlent 
aussi  de  Léon,  mais  ne  sont  guère  plus  explicites 
sur  sa  personne  et  ses  écrits.  On  n'en  peut  rien 
affirmer  sinon  que  dans  les  premiers  siècles  de 
l'ère  chrétienne  des  ouvrages  qui  exposaient 
des  doctrines  analogues  à  celle  de  Évémère 
(voy.  ce  nom)  circulaient  sous  le  nom  de 
Léon  l'Égyptien  ou  Léon  de  Pella.  11  est  peu  dou- 
teux que  ces  écrits  fussent  apocryphes.      Y. 

Hygin,  Poeticon  Aslronomicon.  —  Tertullien,  De  Co- 
rona,  7.  —  Augustin,  De  Consensu  Kvangel.,  I,  33  ;  De 
Ciiit.  Dei ,  VIII,  5.  —  Clément  d'Alexandrie,  Stromata, 
vol.  II,  p.  75, éd.  Klotz.  —  Fabricius,  ISibliotheca  Créera, 
vol.  VII,  p.  713,  719  ;  vol.  XI,  p.  664.  —  Vossius,  De  His- 
torien Grxcis,  I.  III.  — C.  Multer,  Historié.  Grsec.  Frag- 
menta, t.  II,  p.  331,  Pseudo-Calisthène,  p.  XIX,  n.  — 
Lobeck,  Aglaophamtis,  p.  1000.  —  Smith,  Dictionary  of 
Grcek  and  Rnman  Biography. 

LÉON  de  Byzance,  rhéteur  et  historien  grec, 
vivait  dans  le  quatrième  siècle  avant  J.-C.  Selon 
Philostrate,  il  était  disciple  de  Platon.  Suidas  et 
Eudocie  le  rangent  avec  plus  de  vraisemblance 
parmi  les  disciples  d'Aristote  et  les  philosophes 
péripatéticiens.  11  occupait  une  place  distinguée 
dans  le  gouvernement  de  Byzance  lorsque  cette 
ville  fut  attaquée  par  Philippe  de  Macédoine. 
Hésychius  de  Milet  prétend  même  qu'il  était 
straléye  ou  général  en  chef.  Byzance  fut  sauvée 
par  l'intervention  des  Athéniens.  Soit  pendant 
le  siège,  soit  à  toute  autre  époque,  Léon  eut 
une   mission  à  Athènes.  On  raconte  qu'il  es- 


727  LEON 

saya  de  rétablir  la  concorde  parmi  les  habitants. 
Mais  lorsqu'il  parut  à  la  tribune,  sa  corpulence 
excita  les  éclats  de  rire  de  l'assemblée.  «  Pour- 
quoi riez-vous,  Athéniens  ?  s'écria-t-il.  Est-ce 
parce  que  je  suis  gras  et  grand?  J'ai  une  femme 
encore  plus  grasse  que  moi.  Quand  nous  som- 
mes d'accord,  nous  tenons  dans  un  seul  lit; 
quand  nous  sommes  en  querelle  nous  n'avons 
pas  assez  de  toute  la  maison.  »  Cette  anecdote 
est  rapportée  par  Plutarque  avec  une  variante 
qui  fait  douter  qu'elle  soit  vraie  (1).  On  a  aussi 
plusieurs  versions  de  la  mort  de  Léon.  D'après 
Hésycbius,  il  mourut  pendant  le  siège  de  By- 
zance.  Selon  Suidas,  au  contraire,  Philippe,  après 
son  échec,  accusa  Léon  d'avoir  offert  de  lui  li- 
vrer la  ville  pour  une  forte  somme  d'argent.  Les 
Byzantins,trompés  par  cette  calomnie,assaillirent 
la  maison  de  Léon.  Celui-ci,  craignant  d'être 
lapidé,  se  pendit.  Suidas  se  contredit  lui-même 
en  affirmant  que  Léon  écrivit  une  histoire  d'A- 
lexandre. Voici  d'après  Suidas  et  Eudocia  les 
titres  des  ouvrages  de  Léon  :  Ta  xaxà  3>iXi7:Ttov 
xat  BvÇâvTiov  fkê.  Ç.  (De  l'Expédition  de  Phi- 
lippe contre  Byzance,  en  sept  livres  )  ;  —  Teu- 
ôpavixôv  ou  ïeu^pavTtxôv,  sans  doute  une  his- 
toire de  Teuthrania  ou  de  Teuthras,  roi  de  My- 
sie  ;  —  Oepi  BirçffàXov  ou  Bri;atov  (  Sur  Besalus  ou 
Beséùs),  probablement  sur  l'oracle  de  Besa;  — 
'O  îepôç  nôXê^o;  (La  Guerre  sacrée)  ;  —  Ikpî 
atâaswv,  sur  les  séditions,  selon  les  uns;  sur 
les  bases  des  questions  ou  propositions  d'a- 
près les  autres,  qui  voient  dans  cet  ouvrage  un 
traité  de  rhétorique;  —  Ta  xcct'  'AXsgavSpov 
(Histoire  d'Alexandre).  Tous  ces  ouvrages  sont 
perdus,  et  ne  nous  sont  connus  que  par  des  in- 
dications contradictoires.  La  Guerre  sacrée  et 
le  flepi  cTàffewv  sont  aussi  attribués  par  Suidas 
à  un  Léon  d'Alabanda,  rhéteur  et  historien  d'une 
époque  incertaine.  Y. 

Suidas  et  Eudocia,  aux  mots  Aéwv  et  Aétûv  AXa6av- 
ûéu;.  —  PJutarque,  Moralia  ,  p.  804.  —  Hésychius  de 
Mllet,  Origines.  —  Philostrate,  Vitse  Sophistarum.  — 
Vossius,  De  Historicis  Grxcis  ,  édit.  de  Westermann.  — 
C.  Millier,  Fragmenta  Historicorum  Grxcorum,  t.  II, 
p. 328. 

léon  (  Saint),  archevêque  de  Sens,  mort  vers 
l'année  547.  Son  prédécesseur  sur  le  siège  de 
Sens,  saint  Paul,  avait  achevé  sa  carrière  en  525  : 
cependant,  on  n'a  pas  conservé  d'actes  anté- 
rieurs à  l'année  533,  où  se  rencontre  le  nom  de 
saint  Léon  :  il  se  fait  alors  représenter  par  le 
prêtre  Orbatus  au  second  concile  d'Orléans.  Jl 
assiste  lui-même  au  troisième  concile  tenu  dans 
cette  ville ,  en  l'année  538.  Ses  débats  avec  le 
roi  Childebert  l'ont  principalement  rendu  cé- 
lèbre. La  ville  de  Sens  appartenait  à  Théode- 
bert,  et  comprenait    dans  sa  circonscription 


(i)  Plutarque  prétend  que  Léon  était  petit,  et  rapporte 
ainsi  ses  paroles  aux  Athéniens  qui  riaient  de  son  humble 
stature.  «  Que  serait-ce,  Athéniens,  si  vous  voyiez  ma 
femme  ,  qui  me  vient  a  peine  au  genou?  »  Et  comme  on 
riait  davantage.  «  Eh  bien,  ajouta-t-ll,  si  petits  que  nous 
■oyons,  quand  nous  sommes  en  querelle,  la  ville  de 
Byzance  nous  contient  à  peine.  » 


728 
diocésaine  la  ville  très-importante  de  Melun , 
qui  obéissait  à  Childebert.  Celui-ci,  trouvant 
que  saint  Léon  négligeait  l'église  de  Melun,  forma 
le  dessein  de  l'ériger  en  évêché.  11  reçut  alors  du 
métropolitain  outragé  une  lettre  pleine  de  se- 
vères  remontrances,  qui  a  tour  à  tour  été  publiée 
par  le  P.  Sirmond ,  dom  Ruinait,  Labbe,  les 
Sainte-Marthe  et  les  auteurs  du  nouveau  Gal- 
lia  Chrisliana.  Childebert  abandonna  son  pro- 
jet. L'anniversaire  de  saint  Léon  était  célébré 
le  22  avril  dans  le  diocèse  de  Sens. 

Gallia  Christ.,  t.  XII,  col.  6.  -  Hist.  Litt.  de  la  France, 
t.  III,  p.  244. 

léon  de  Thessalonique,  philosophe  et  pré- 
lat byzantin,  vivait  dans  le  neuvième  siècle. 
Les  historiens  byzantins  mentionnent  souvent 
Léon  ;  mais  ils  n'indiquent  ni  le  lieu  ni  la  date  de 
sa  naissance.  Malgré  l'étendue  et  la  profondeur 
de  ses  connaissances,  il  resta  longtemps  dans  une 
position  obscure.  Enfin  l'empereur  Théophile, 
informé  que  le  khalife  Al-Mamoun  cherchait  à 
attirer  Léon  près  de  lui ,  le  retint  à  Constanti- 
nople,  en  le  nommant  professeur  public  en  839. 
Il  lui  donna  ensuite  l'archevêché  de  Thessalo- 
nique. Après  la  mort  de  Théophile,  en  842,  sous 
le  gouvernement  de  sa  veuve  Théodora,  le  parti 
orthodoxe  l'emporta,  et  Léon, qui  était  iconoclaste, 
fut  déposé  de  son  siège.  Le  césar  Bardas  le  mit 
à  la  tête  de  l'école  de  mathématiques  établie 
dans  le  palais  de  Magnaura  à  Constantinople  : 
Léon  vivait  encore  en  869.  On  ignore  la  date  de 
sa  mort.  L'historien  Syméon  décrit  un  remar- 
quable système  de  télégraphie  inventé  par  Léon 
et  pratiqué  sous  l'empereur  Théophile  et  son 
fils  Michel.  Des  feux  allumés  à  certaines  heures 
transmettaient  à  Constantinople.  les  nouvelles 
des  incursions  hostiles,  des  batailles  et  des  au- 
tres incidents  de  guerre  qui  se  passaient  sur  la 
frontière  de  Syrie.  L'heure  où  le  feu  était  allumé 
indiquait  la  nature  de  l'événement  suivant  cer- 
taines conventions  inscrites  sur  le  cadran  d'une 
horloge  placée  dans  le  château  deLulus,  près 
de  Tarse  et  sur  une  horloge  correspondante  dans 
le  palais  de  Constantinople.  11  n'existe  pas  d'ou- 
vrage que  l'on  puisse  rapporter  avec  certitude  à 
Léon  de  Thessalonique.  On  lui  attribue  des  vers 
carcini,  ou  rétrogades,  publiés  par  Léo  Allatius 
dans  ses  Excerpta  varia  Grsecorum  Sophis- 
tarum.  Le  nom  de  Léon  de  Thessalonique  figure 
sur  divers  traités  d'astrologie  manuscrits.   Y. 

Théophane,  Contin.,  IV,  26,  29.  —  Syméon  Magister, 
de  Miohaele  et  Théodora,  î,  18-20,  40,  46.  —  Cedrenus, 
Compendium ,  p.  547,  édit.  de  Paris,  vol.,  p.  165.  —  Zo- 
naras,  XV,  21.  —  Fabricius,  Bibliotkeca  Grœca,  vol.  IV, 
p.  148.  158;  VII,  p.  697  ;  XI,  p.  665.  —  Allatius,  De  Psel- 
lis,  3  6.  —  Labbe,  De  fiyzant.  hist.  Scriploribus,  pars  II, 
p.  45v 

leon  Diacre  ou  le  Diacre,  historien  byzan- 
tin, vivait  au  dixième  siècle.  Le  peu  que  l'on 
sait  de  lui  se  trouve  dans  son  principal  ouvrage. 
Il  naquit  à  Caloé,  ville  d'Asie  située  au  pied  du 
Tmolus  près  des  sources  du  Caïstre.  11  était 
fils  d'an  certain  Basile,  dont  on  ignore  la  pro- 
fession. ,  et  fut  envoyé  jeune  à  Constantinople 


'29 


lour  y  achever  ses  éludes.  Il  assista  en  966  à 
une  émeute  populaire,  et  admira  le  courage  de 
l'empereur  Nicéphorell  Phocas.  Il  nous  apprend 
Epa'il  était  alors  tout  jeune  (  peipdtxiov  ),  ce  qui 
place  sa  naissance  vers  950.  Plus  tard,  on  le 
Jetrouve  en  Asie  à  l'époque  de  la  déposition  de 
Basile  1er,  patriarche  de  Constantinople,  et  de  l'é- 
lection de  son  successeur  Antoine  III,  en  973  ou 
JB74.  Après  avoir  été  ordonné  diacre,  il  accom- 
pagna l'empereur  Basile  II  dans  la  malheureuse 
Expédition  contre  les  Bulgares  en  981,  et  échappa 
ijlifrtcilement  à  la  mort  ou  à  la  captivité  dans  la 
ijiésastreuse  retraite  qui  suivit  la  levée  du  siège 
me  Tralitza  ou  Triaditza  (l'ancienne  Sardica).  On 
lie  sait  rien  de  plus  sur  sa  vie,  et  on  ignore  la  date 
ne  sa  mort.  Mais  comme  il  fait  mention  de  la 
chute  de  la  coupole  de  Sainte-Sophie,  accident 
pause  par  le  tremblement  de  terre  de  987,etqu'il 
«aile  de  la  restauration  de  cet  édifice  ,  laquelle 
pura  six  ans,  il  vécut  au  moins  jusqu'en  993. 
loutre  un  Discours  à  l'empereur  Basile,  et  une 
Womélie  sur  V archange  Michel  (deux  opus- 
cules inédits  et  dont   le   second  est  peut-être 
l'ouvrage  d'un  autre  Léon  Diacre)»  on  a  de  lui, 
i(7Too£a;  piëÀîot  u'.  Cette  histoire  s'étend  depuis 
l'expédition  de  Nicéphore  Phocas  en   Crète, 
sous  le  règne  de  Bomain  II ,  en  959  ,  jusqu'à  la 
mort  de  Jean  Ier  Tzimiscès,  en  975.  Elle  com- 
prend les  victoires  des  empereurs  Nicéphore  et 
Tzimiscès  sur  les  mahométans  en  Cilicie  et  en 
Syrie,  et  les  guerres  de  ces  deux  empereurs 
contre  les  Bulgares  et  les  Busses.  M.  Hase,  qui 
a  fait  une  étude  approfondie  de  cet  historien, 
regarde  son  style  comme  vicieux  et  surchargé  de 
locutions  impropres  ,  d'expressions  maladroite- 
ment empruntées  à  Homère,  à  l'historien  Aga- 
thias,  aux  Septante.  Ses  connaissances  en  géo- 
graphie et  en  histoire  ancienne  sont  légères. 
Malgré  ces  défauts,  ses  écrits,  venant  d'un  con- 
temporain honnête  et  bien  informé,  sont  fort  im- 
portants. Scylitzès  et,  après  lui,Cedrenus  en  ont 
fait  un  fréquent  usage.  Combéfis  avait  préparé 
une  édition  de  Léon  Diacre  pour  la  collection 
byzantine,  mais  sa  mort,  en  1679,  l'empêcha  de 
la  publier.  La  traduction  latine  qu'il  en  avait  faite 
fut  communiquée  par  Montfaucon  à  Pagi,  qui  en 
inséra  quelques  portions  dans  sa  Critice  in  lia- 
ronium.  Les  papiers  de  Combétis  passèrent  en- 
suite entre  les  mains  de  Michel  Lequien,  qui 
avait  entrepris  et  qui  commença  même  l'impres- 
sion de  Y  Histoire  de  Léon.  Les  événements  mi- 
rent encore  une  fois  obstacle  à  cette  publication, 
et  pendant  les  troubles  de  la  révolution  les  pa- 
piers de  Combéfis  disparurent.  M.  C.-B.  Hase 
publia   enfin  Y  Histoire  de  Léon,   aux  frais  du 
comte  Nicolas  Bomanzof,  chancelier  de  Bussie  : 
Leonis,  diaconi  Caloensis,  Hisloria  scriptores- 
gue  alii  ad  res  byzantinas  pertinentes.  E 
bibliotheca  re.gia  nunc  primum  in    lucem 
ediclit ,  versione  latina  et  notis  illustravit; 
Paris,  1819,  in-fol.  Cette  édition  est  devenue 
rare,  parce  que  la  plus  grande  partie  des  exem- 


LÉON  730 

plaires  furent  engloutis  dans  un  naufrage.  Mais  le 
texte,  la  traduction,  la  préface  et  les  notes  ont 
été  reproduits  dans  le  Corpus  Histoiiœ  Byzan- 
tinas de  Bonn  ;  1828,  in-8".  L.  J. 

Fabrlclus,  Bibliotheca  Grœca,  vol.  VII.  p.  684.  — 
J.-C.-l!.  Hase,  dans  les  Notices  et  Extraits  des  manus- 
crits, t.  VIII, et  dans  la  Préface  de  son  édition. 

LÉON  le  Grammairien,  historien  byzantin, 
vivait  vers  le  commencement  du  onzième  siècle. 
Il  est  un  des  continuateurs  de  Théophane.  D'a- 
près une  note  relevée  par  Combéfis  sur  le  ma- 
nuscrit parisien  de  Georges  Syncelle,  Théophane 
et  Léon  le  Grammairien,  la  Chronographie  des 
récents  empereurs,  complétée  par  Léon  le  Gram- 
mairien, fut  terminée  le  8  du  mois  de  juillet,  à  la 
fête  du  saint  martyr  Procope,  en  l'an  6521  de  l'ère 
du  monde  byzantine  (  1013  de  l'ère  commune). 
Mais  cette  date  paraît  se  rapporter  à  l'achève- 
ment non  de  l'ouvrage  original,  mais  de  la  trans- 
cription. Un  post-script um  du  même  manuscrit 
donne  à  Léon  le  surnomde  TÇixàvSaXo;,  et  rap- 
porte qu'il  était  gouverneur  civil  et  militait  e  des  Ci- 
byréens,  et  un  des  familiers  de  l'empereur  (  pro- 
bablement Constantin  VII  Porphyrogénète).  Sur 
cette  indication  Combéfis  pense  qu'on  peut  iden- 
tifier le  continuateur  de  Théophane  avec  Léon 
de  Carie  mentionné  par  Cedrenus,  puisque  le 
département  des  Cibyréens  (8éjj.a  KiëuppaiwTûv) 
comprenait  la  Carie.  Léon  le  Grammairien  est 
peut-être  le  même  que  Léon  Asinus  (ô  Asivoç), 
mentionné  par  Jean  Scylitza.  L'ouvrage  de  Léon 
le  Grammairien  est  intitulé  :  Xpavo-ypain'a,  t6c 
tûv  vemv  potfftXéwv  ■KEçtiéyovaa.  (  Chronographie, 
comprenant  les  faits  des  récents  empereurs), 
et  s'étend  depuis  l'avènement  de  Léon  V  l'Armé- 
nien, en  813,  jusqu'à  la  mort  de  Bomain  Leca- 
pène,  en  948  ou  949.  Il  fut  publié  par  Combéfis, 
Paris,  1655,  in-fol.  dans  la  collection  byzantine 
du  Louvre,  et  réimprimé  dans  la  collection  de 
Venise,  1729.  Y. 

Fabriclus,  Bibliotheca  Grœca,  t.  VII,  p.  451;  t.  VIII, 
p.  318,  éd.  de  Harles.— Cave,  Scriptorum  ecclesiasticorum 
Historia,  t.  Il,  p.  94.  —  Schœll,  Hist.  de  la  Littérature 
Grecque,  t.  VI,  p.  369.  —  Hankius,  De  Byzant.  Hcrum 
Scriptonbus,  p.  II,  c.  VII.  —  Smith,  Dictionary  ofGreek 
and  Roman  Biography. 

LÉON,  abbé  de  Laubes  ,  né  à  Fumes,  dans  la 
Flandre  occidentale,  mort  en  1163.  Sa  famille 
étant  d'une  haute  noblesse,  Léon  fut  élevé  à  la 
cour  des  comtes  de  Flandre.  A  l'âge  de  vingt- 
deux  ans,  il  la  quittait  pour  aller  prendre  l'habit 
de  religieux  au  monastère  d'Anchin.  Nous  le 
voyons  ensuite  abbé  de  Laubes  en  1 1 31 ,  puis  abbé 
de  Saint-Bertin  en  1137.  L'abbaye  de  Saint-Ber- 
lin avait  alors  de  grands  débats  avec  l'ab- 
baye de  Cluny,  que  gouvernait  Pierre  le  Véné- 
rable. Léon  pria  le  saint-siége  de  terminer  cette 
querelle,  qui  s'envenimait  chaque  jour,  et  mal- 
gré l'autorité  de  l'abbé  de  Cluny,  Saint-Bertin 
gagna  sa  cause  devant  le  pape.  Il  s'agissait  de  sa- 
voir si  les  moines  de  cette  abbaye  étaient  sous 
la  juridiction  de  ceux  de  Cluny,  ou  s'ils  avaient 
droit  à  une  pleine  indépendance.  Us  furent  pro- 
clamés indépendants.  Léon  est  le  premier  auteur 


731  LEON 

de  la  coutume  de  Poperingue,  bourg  voisin  de 
Fumes  qui  dépendait  de  Saint-Bertin.  L'ancien 
texte  de  celte  coutume  ne  subsiste  plus;  mais 
on  croit  qu'il  a  passé  avec  des  modifications  sans 
importance  dans  la  charte  de  confirmation  qui 
porte  la  date  de  l'année  1G20.  B.  H. 

Hist.fJtler.de  la  France,  t.  XIII,  p.  317.  —  Gall. 
Christ.,  t.  111,  coi.  197.—  Chronicon  Sancti-Bertini,  dans 
le  3e  vol.  des  Anecdota&c.  I).  Marieur. 

Léon,  géomètre  de  l'école  de  Platon,  élève  de 
Néoclès.  Il  composa  des  éléments  de  géométrie. 
On  prétend  qu'il  fut  le  premier  qui  donna  la  dis- 
cussion des  problèmes  qu'il  traitait. 

Montucla,  Histoire  des  Mathématiques,  t.  I. 
LÉON ,  nécrologue  hollandais  du  douzième 
siècle,  était  moine  dans  la  fameuse  abbaye  des 
Bénédictins  d'Egmond.  On  a  de  lui  :  forma 
majorum  Breviculorum,  cum  Epitaphiis  co- 
mitum  et  comitissarum  in  monasterio  Hœc- 
mundensi  quiescentium.  Ce  sont  les  Éloges 
des  comtes  de  Hollande  en  prose,  avec  leurs  epi- 
taphes  en  vers,  depuis  Thierri  Ier,  mort  le  6  oc- 
tobre 900,  jusqu'à  Thierri  VII,  mort  le  4  no- 
vembre 1203.  Ce  travail,  qui  se  trouve  dans  le 
Chronicon  Egmundanum  d'Antoine  Matthœus, 
p.  146-156,  est  différent  de  celui  sur  le  même 
sujet  entrepris  par  un  autre  bénédictin,  Thierri 
de  Leyde,  et  qui  se  trouve  à  la  suite  du  Chronicon 
Egmundanum  du  carme  Jean  Gerberants  de 
Leyde,  p.  145-146.  L— z— e. 

Paquot,  Mém.  pour  servir  à  l'kist.  Utt.  des  Pays-Bas, 
t.  VU,  p.  374-375. 

LÉON  d'Orviète,  en  latin  Léo  Urbevetanus, 
chroniqueur  italien  du  commencement  du  qua- 
torzième siècle,  et  dont  le  surnom  indique  la  pa- 
trie. Les  Dominicains  et  les  Franciscains  le  re- 
vendiquent également  comme  ayant  appartenu  à 
leur  ordre.  On  a  de  lui  une  Chronique  des 
Empereurs,  qui  s'arrête  à  1308,  et  une  Chro- 
nique des  Papes,  terminée  à  1314.  Ces  deux 
ouvrages  ont  été  publiés  par  Jean  Lami,  1737, 
2  vol.in-8°.  Quoique  sans  critique  et  écritsdans 
un  latin  presque  barbare,  ces  chroniques  four- 
nissent quelques  faits  ignorés  et  intéressants, 
surtout  lorsque  l'auteur  parle  de  son  temps. 
L — z — E. 

Échard  ,  Scriptores  Ordinis  Prœdicatorum,  t.  II.  — 
Richard  et  Glraud,  Bibliothèque  Sucrée.  —  Moréri , 
Le  grand  Dictionnaire  His'orique. 

LÉON  Magentenus  ( MayevTr;vo<;  ) ,  commen- 
tateur d'Aristote,  vivait  dans  la  première  moitié 
du  quatorzième  siècle.  H  fut  moine  puis  arche- 
vêque de  Mitylène.  On  a  de  lui  un  commentaire 
sur  le  traité  d'Aristote  De  V Interprétation 
(îlspi  lpp.r,vcia:),  publié  par  Aide;  Venise,  1503, 
in-fol.,  avec  le  commentaire  d'Ammonius;  Ra- 
sarius  en  a  donné  une  traduction  latine  plusieurs 
fois  réimprimée;  —  un  commentaire  sur  les 
Premières  analytiques  d'Aristote  (xà  ^pÔTepa 
'AvaXuTixa),  imprimé  avec  le  commentaire  de 
Jean  Philoponus  sur  lemême  ouvrage  par  Trin- 
cavellus  ;  Venise,  1536,  in-fol.,  traduit  par  Rasa- 
rius.  On  a  encore  de  Léon  Magentenus  des  com- 


73: 
mentaires,  restés  manuscrits,  sur  divers  traité 
d'Aristote.  Y. 

Fabricius,  Bibt.  Grseca,  vol.  III,  p.  210,213,  215,211 
49S;  VII,  717;  VIII,  143;  XI],  208.  -  lîuhle,  Opéra  Àrit 
totelis,  vol.  1,  édit.  de  Deux-Ponts.  —  Catalogus  Manus 
crit.  Bibl.  Heoix;  Paris  ,  1740.  —  Smith,  Dictionary  a 
Greeh  and  Roman  Biography . 

LÉON  {Jean),  surnommé  V Africain,  géo 
graphe  arabe,  né  à  Grenade,  vers  1483,  mort 
Tunis,  en  1552.  Suivant  Casiri,  il  se  nomma 
Al  Hassan  ben  Mohammed  Alvazas  Alfas\ 
Après  la  prise  de  Grenade,  en  1491,  Léonencot 
enfant  fut  emmené  en  Afrique,  et  fit  ses  études 
Fez.  En  1500,  son  oncle  fut  envoyé  par  le  9 
de  Fez  vers  le  roi  deTombut.  Le  jeune  Léon  l'ai 
compagna,  et  ne  revint  que  quatre  ans  après.  ' 
lit  ensuite  plusieurs  voyages  dans  la  partie  occ 
dentale  du  nord  de  l'Afrique  et  en  Barbarie; 
traversa  l'Atlas,  le  grand  désert,  visita  Constan 
tinople,  l'Arabie,  la  Perse,  la  Tartarie,  l'Armé 
nie,  la  Syrie  et  l'Egypte.  Il  revenait  de  ce  der 
nier  pays  pour  la  seconde  fois,  lorsqu'il  fut  pri 
aux  environs  de  Zerbi ,  sur  la  côte  de  Tripoli 
par  des  corsaires  chrétiens  (1517),  et  conduit 
Rome.  Il  portait  avec  lui  le  manuscrit  arabe  d 
sa  description  de  l'Afrique.  Le  pape  Léon  X  1 
fit  instruire  dans  la  religion  chrétienne.  L'es 
clave  arabe  quitta  son  nom  de  Ai-Hassan  pou 
ceux  de  Jean  Léon ,  qui  étaient  les  deux  nom 
du  pontife.  Léon  se  fixa  à  Rome,  et  fréquent 
aussi  Bologne.  Il  apprit  l'italien  et  le  latin,  < 
ouvrit  un  cours  d'arabe.  Il  compta  parmi  ses  dis 
ciples  Gille  Antonini ,  cardinal,  évêque  de  Vi 
terbe  et  général  des  Augustins.  On  ignore  c 
qu'il  devint  après  la  mort  de  Léon  X,  son  pre 
tecteur  (1).  Les  ouvrages  connus  de  Léon  l'A 
fricain  sont  :  Description  de  l'Afrique,  d'abor 
composée  en  arabe  et  traduite  en  italien  pa> 
l'auteur  lui-même,  à  la  demande  du  pape  Léon  X 
La  traduction  italienne  est  remplie  de  fautes  di 
grammaire.  Terminée  en  1526,  elle  fut  égarée,  < 
resta  inconnue  jusqu'en  1550.  Ramusio,  qui  I 
trouva  par  hasard,  la  publia  en  tête  de  son  Recum 
de  Voyages  et  de  Navigations .  Marmol,  Dappei 
Hartmann,  Bruns,  et  tous  les  auteurs  qui  oc 
écrit  sur  l'Afrique,  ont  profité  du  livre  de  Léon 
«  Léon,  dit  Bruns,  connaît  parfaitement  la  languei 
les  mœurs,  l'histoire,  la  géographie,  rhiston 
naturelle  des  pays  qu'il  décrit....  11  annonc 
plus  d'instruction ,  et  bien  moins  de  penchant . 
la  superstition  et  à  la  crédulité  que  la  plupar 
des  écrivains  de  son  temps.  »  Son  livre  cepen 
jdant  manque  d'enchaînement  dans  le  récit  de 
faits  et  de  précision  dans  l'indication  des  lieux  e 

(1)  On  lit  dans  la  quatrième  édition  de  Ramusio  (1588 
que  Jean  Léon  resta  à  Rome,  et  qu'il  y  mourut.  Dans  l. 
seconde  édition,  qui  avait  paru  en  1554,  du  vivant  de  l'au 
tenr,  il  est  dit  si  ulement  qu'il  resla  longtemps  à  Rome 
Widmanstadt,  savant  orienta.liste  allemand  du  seizièrui 
siècle,  affirme,  avec  plusieurs  autres,  que  Jean  l.éon,  ne 
gllgc  sous  les  successeurs  de  Léon  X,  retourna  en  Afrique  | 
et  se  fixa  à  Tunis,  où  il  fit  de  nouveau  profession  d'isla 
raisme.  «  J'ai  eu  deux  fois  l'intention,  ajoute  le  mém( 
auteur,  d'entreprendre  le  voyage  d'Afrique  pour  profitci 
de  l'entretien  et  des  lumières  d'un  homme  si  docte...  » 


ps 

|es  distances.  V Afrique  de  Léon  a  été  traduite 
|n  latin  par  Jean  Flavius,  recteur  à  Anvers,  sous 
Je  titre  :  Joannis  Leonis  Africain  De  lotius 
ifricx  Descriptione  Lib.  IX;  Anvers,  1556, 
Ji-I2;ibid.,  1558,  in-12  ;  Zurich,  1559,  in-12; 
yde,  Elzevier,  1632.  On  trouva  en  lête  d'un 
ecueil  de  voyages  traduits  de  l'italien  par  Jean 
'emporal,  une  traduction  française  de  la  Des- 
ripiion  de  V Afrique.  Elle  est  intitulée  :  Des- 
ription  de  l'Afrique,  tierce  partie  du  monde, 
erite  de  notre  temps,  par  Jean  Léon  Afri- 
ain,  premièrement  en  langue  arabe,  puis  en 
oscane  et  à  présent  mise  en  frcoiçois;  An- 
ers,  1556,  in-12;  La  Description  de  l'Afrique 
le  Jean  Léon  a  été  aussi  traduite  en  anglais; 
,ondres,  1600,  in-4°;  en  hollandais  ,  Rotterdam, 
605,  in-4°;  en  allemand,  par  Lorsbach ;  Her- 
jorn,  1805,  in-8°.  On  attribue  à  Jean  Léon  un 
jelit  livre  en  trente  chapitres  sur  les  Savants 
rélèbres  (  les  médecins  et  les  philosophes  )  qui 
ont  écrit  en  arabe  ;  nous  n'en  possédons  qu'une 
traduction  en  mauvais  latin  dans  le  Biblio- 
thecarium  quadripartitum  de  Hottinger  et 
lans  le  tome  XIII  de  la  Bibliothèque  Grecque 
JeFabricius; — un  Vocabulaire  Arabe  et  Espa- 
gnol ,  écrit  à  Bologne,  pour  un  médecin  juif, 
dans  les  manuscrits  de  l'Escurial,  n°  59  ;  — des 
joésies  arabes,  et  un  recueil  d'épitapbes  arabes. 

F.-X.  Tessier. 
Casiri,  Biblioth.  Arab. Hispan.,  I,  35,  172  et  seq.;  Hj*ï 
—  Bruns,  Notice  sur  Jean  Léon,  dans  les  Éphémérides 
Géograpk.  de  Zach,  t,  I,  309  et  seq.  —  Lorsbach ,  dans  la 
Préface  de  sa  traduction  de  l'Afrique  de  Léon. 

LÉON  de  Modène,  dont  le  vrai  nom  était 
Juda  Arièh,  fils  d'Isaac,  célèbre  rabbin,  né  à 
Venise,  en  1571  (1),  et  mort  dans  la  même  ville, 
en  1654  ou  1648,  selon  Wolf.  Il  composa  fort 
jeune,  en  l'honneurdesonmaître,lerabbinMoïse, 
un  poëme  disposé  de  telle  manière  qu'au  rapport 
de  Plantavit,  il  pouvaitètre  rendu  avec  les  mêmes 
lettres  en  italien  et  en  hébreu,  A  vingt-deux  ans, 
il  prononça  son  premier  discours  à  la  synagogue 
de  Venise  dont  il  eut  longtemps  la  direction.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  Biblia  Hebrsea  Rab- 
binica;  Venise,  1610,  4  vol.  in-fol.  Cette  édition 
renferme  le  Targum,  la  Grande  et  la  Petite 
Massore,  et  les  commentaires  des  rabbins.  L'au- 
teur avait  entrepris  de  donner  une  traduction 
italienne  de  l'Ancien  Testament  à  l'usage  des 
juifs  et  des  chrétiens  ;  mais  les  inquisiteurs 
s'opposèrent  à  ce  dessein.  Il  essaya  alors  d'y 
suppléer  par  un  nouveau  dictionnaire  hébreu- 
italien  imprimé  à  Venise  sous  ce  titre  :  Novo 
Dittionario  Hebraico  et  Italiano,  cioè  dichia- 
ratione  di  tutte  le  voci  hebraiche  piu  difft- 
cili  délie  scritture  hebree  nellavolgar  lingiia 
italiana;  Venise,  1612,  in-4%  réimprimé  à  Pa- 
doueen  1640  ;  — Historiu  degli  Biti  Hcbraïci, 
dovesi  ha  brève  e  total  relatione  di  lutta 
la  vita,  costumi,  riti  e  osservanze  hebrei  di 


(i)  Dans  la  préface  de  son  livre,    intitulé  Désert  de 
Juda,  Léon  dit  lui-même  qu'il  naquit  à  Venise ,  en  1 511. 


LÉON  734 

quesli  tempi.  Cette  histoire  a  été  écrite  en  ita- 
lien ;  dom  Calmet  a  dit  par  erreur  qu'elle  lut 
publiée  en  hébreu,  à  Mantoue,  en  1612  :  il  la 
confond  avec  un  ouvrage  plus  considérable  d'A- 
braham, fils  de  David  Arie.  Elle  fut  éditée  à 
Paris,  1637,  par  les  soins  de  Gaffarelli.  L'édition 
de  Venise  1638  est  plus  correcte.  Cet  ouvrage  a 
été  traduit  en  anglais  par  Okley,  et  en  français 
par  B.  Simon.  F.-X.  T. 

Wolf,  Bibliotheca  Hebraica,  tomell,  pag.  41V;  ton). III, 
pag.  296  ;  tom.  IV,  pag.  828.  —  Bartolur.ci,  Bibliotheca 
Habbinica.—  l'Iantavit,  Dictionnaire  Hébreu. —  lias- 
nage,  Histoire  des  Juifs,  tom.  IX,  pag.  898.—  Halle- 
vorld,  Bibliothèque  curieuse.  —  Selilen,  llxor  Hebraica, 
liv.  I,  Ghap.  V.  —  Dom  Calmet,  Dictionnaire  de  la  bi- 
ble, tom.  IV,  p.ag.   175. 

LÉON,  nom  commun  à  plusieurs  peintres  es- 
pagnols, dont  les  principaux  sont  par  ordre  chro- 
nologique : 

léon  (  André  de  ),  qui  vivait  à  Séville,  au 
commencement  du  seizième  siècle.  Il  peignait 
l'histoire,  et  exécuta  pour  la  cathédrale  de  Sé- 
ville, entre  autres,  cinq  grands  tableaux  qui  ont 
disparu.  On  les  attribue  probablement  aujour- 
d'hui à  quelque  autremaître. 

léon  léal  (Don  Simon  de),  né  à  Madrid!, 
en  1610,  mort  dans  la  même  ville,  en  1687.  Il 
fut  élève  de  Pedro  de  Las  Cuevas,  et  devint 
peintre  de  la  reine.  Son  chef-d'œuvre  est  le 
grand  tableau  du  maître  autel  des  Jésuites  à 
Madrid.  Ses  autres  ouvrages,  jadis  aux  Pré- 
montrés, aux  Capucins  del  Prado,  aux  Enfants- 
Trouvés,  à  l'église  du  Sauveur,  etc. ,  ont  été  tous 
transportés  au  Rosaire.  Les  principales  qualités 
de  Léon  Léal  sont  une  grande  perfection  de  dessin 
et  un  coloris  naturel. 

LÉos  (  Felipe  de),  mort  à  Séville,  en  1728, 
se  rapprocha  beaucoup  du  style  de  Murillo. 
Parmi  ses  meilleurs  tableaux,  la  plupart  à  Séville, 
on  cite  Élie  montant  au  ciel  sur  un  char  de 
feu.  Felipe  de  Léon  a  laissé  aussi  quelques  co- 
pies d'après  Murillo,  dont  les  amateurs  doivent  se 
défier,  tant  elles  se  rapprochent  des  originaux. 

léon  (  Christophe  de),  frère  du  précédent, 
mort  à  Séville,  en  1729.  Il  était  l'un  des  meil- 
leurs élèves  de  Juan  de  Valdes  Léal.  II  a  décoré 
à  fresque  Saint-Philippe-de-Neri  à  Séville,  et  a 
exécuté  à  l'hui'e  pour  la  même  congrégation  une 
collection  de  dix-huit  de  ses  plus  vénérables 
membres.  Ces  tableaux  sont  remarquables  par 
un  dessin  large  et  une  grande  hardiesse  d'exé- 
cution. A.  de  L. 

Francisco  Pacheco,  El  Arte  de  la  Pintura.  —  Antonio 
Pons,  Viuge  artistico  à  varios  puebtos  de  Espana.  — 
Quilliet ,  Dictionnaire  des  Peintres  Espagnols. 

léon  (  Luis- Ponce  de),  poète  et  théologien 
espagnol,  né  en  1528,  mort  en  1591.  1!  reçut 
une  éducation  qui  à  cette  époque  était  presque 
uniquement  réservée  aux  enlants  des  familles 
nobles  et  riches.  Il  fut  envoyé  de  bonne  heure 
à  l'université  de  Salamanque,  et  à  l'âge  de  seize 
ans  il  entra  dans  l'ordre  de  Saint-Augustin.  Dès 
ce  moment  sa  carrière  fut  décidée;  il  ne  quitta 
plus  la  profession  monastique  ni  l'université,  où 


735 

il  avait  été  élevé.  Licencié  en  théologie  en  1560 
et  reçu  docteur  immédiatement  après,  il  obtint 
l'année  suivante   la  chaire   de  Saint-Thomas- 
d'Aquin.  A  cette  place  il  ajouta,   dix  ans  plus 
tard,  la  chaire  de  littérature  sacrée.  Sa  réputa- 
tion et  le  succès  de  son  enseignement  excitèrent 
l'envie,  et  ses  ennemis  saisirent  avidement  la 
première  occasion  de  le  persécuter.  Un  ami,  qui 
ne  comprenait  pas  les  langues  .meiennes ,  lui 
avait  demandé  une  traduction  du  Cantique  des 
Cantiques  de  Salomon.  Le  père  Louis  de  Léon 
y  consentit,  et  dans  sa  version  il  conserva  fidè- 
lement le  caractère  de  l'original,  c'est-à-dire 
qu'il  traduisit  tout  le  poëme  comme  une  églogne 
dont  les  différents  acteurs  parlent  le  langage 
des  pasteurs.  Cette  interprétation  n'est  pas  celle 
que  l'Église  catholique  a  adoptée.  Mais  le  pro- 
fesseur de  Salamanque  avait  bien  entendu  que 
sa  traduction  ne  sortirait  pas  des  mains  de  l'ami 
à  qui  elle  était  destinée.  Un  domestique  infidèle 
en  fit  circuler  quelques  copies  dans  le  public,  et 
un  ennemi  en  remit  une  copie  à  l'inquisition  de 
Valladolid.  Louis  de  Léon  comparut;  en    1572 
devant  ce  redoutable  tribunal  sous  l'inculpation 
d'être  luthérien   et  d'avoir  traduit  des  livres 
saints  contrairement  aux  décrets  du  concile  de 
Trente.  Il  répondit  sans  peine  à  la  première  ac- 
cusation. Quant  à  la  seconde,  il  ne  put  que  faire 
valoir  des  circonstances  qui,  jointes  aux  iecom- 
mandations  de  puissants  amis,  lui  procurèrent 
sa  liberté  après  cinq  années  d'emprisonnement. 
L'université  lui  resta  fidèle  :  il  fut  réinstallé  dans 
ses  fonctions  avec  les  plus  grandes  marques  de 
respect,  le  30  décembre  1576.  La  foule  nom- 
breuse pressée  autour  de  sa  chaire  attendait 
sans  doute  quelques  allusions  à  cette  longue  cap- 
tivité; Louis  de  Léon  surprit  son  auditoire  en 
reprenant  son  cours,  par  ces  simples  paroles  : 
«  Comme  nous  l'avons  remarqué  dans  notre  der- 
nière conférence...  »  Il  semblait  ne  garder  aucun 
souvenir  de  son  emprisonnement.  Il  n'oubliait 
pas  cependant  la  version  qui  en  avait  été  la  cause, 
et  pour  se  laver  du  reproche  d'hérésie  il  publia 
en  latin  (  1580)  un  commentaire  étendu  sur  le 
Cantique  des  Cantiques,  qu'il  interpréta  direc- 
tement, symboliquement  et  mystiquement  ;  «  le 
tout ,  dit  M.  Ticknor,  d'une  manière  aussi  théo- 
logique   et  aussi  obscure  que  le  plus  ortho- 
doxe pouvait  le  désirer,  mais  sans  cacher  son 
opinion  que  ce  poëme  dans  l'intention  première 
de  l'auteur  avait  été  une  églogue  pastorale.  »  Il 
composa   encore  un  autre  ouvrage  du  même 
genre,  en  espagnol,  et  par  conséquent  interdit 
par  les  décrets  du  concile  de  Trente.  Aussi  eut-il 
la  prudence  de  ne  pas  le  publier.  Ce  traité  ne 
fut  imprimé  qu'en  1798,  et  sans  qu'on  osât  y 
joindre  la  belle  traduction  en  octaves  espagnoles 
qui  devait  l'accompagner.  Cette  version  fort  re- 
marquable ne  parut  qu'en  1806.  Louis  de  Léon 
composa  dans  sa  prison  un  ouvrage  qu'il  ne  de- 
vait pas  achever  et  dont  trois  livres   parurent 
sous  ce  titre  :  De  los  Nombres  de  Christo;  Sa- 


LÉON  736 

lamanque,  1583-1585,  in-4°,  sous  prétexte  d'ex- 


pliquer les  divers  noms  ou  épithètes  données  au 
Christ  :  fils,  prince,  berger,  roi,  etc.,  l'éloquent 
théologien  donna  une  série  de  brillants  et  quelque- 
fois admirables  discours  sur  le  caractère  du 
Christ.  Deux  autres  traités  religieux  de  Louis 
de  Léon  :  La  per/ecta  Casada  ;  Salamanque , 
1583,  in-4°,  et  la  paraphrase  de  Job,  publiée  en 
1631,  offrent,  comme  le  précédent,  un  style  plein 
d'images,  une  éloquence  abondante  et  de  beaux 
élans  d'enthousiasme. 

Louis  de  Léon  survécut  quatorze  ans  à  sa  mise 
en  liberté  ;  mais  il  ne  se  remit  jamais  complè- 
tement des  prisons  de  l'inquisition ,  et  il  n'eut 
pas  la   force   de  terminer  plusieurs  ouvrages 
qu'il  avait  commencés  avant  sa  captivité.  II 
avait  des  habitudes  austères  et  vivait  par  goût 
dans  la  retraite.  Cependant  il  exerça  une  grande 
influence  sur  son  ordre,  et  il  venait  d'en  être (| 
nommé  prieur  lorsqu'il  mourut.  Il  laissa,  entre 
autres  ouvrages,  des  poésies  qui  attestent  un 
grand  talent  poétique.  Elles  consistent  en  tra- 
ductions de  toutes  les  Églogues  et  de  deux  li- 
vres des  Géorgiques  de  Virgile ,  de  trente  odes 
d'Horace ,  de  quarante  psaumes  et  de  quelques 
passages  des  poètes  grecs  et  latins.  Ses  poèmes 
originaux  sont  peu  nombreux.  «  Ils  ne  remplis- 
sent pas  plus  de  cent  pages,  dit  Ticknor;  mais 
ils  ne  contiennent   presque  pas    un  vers  qui 
n'ait  du  prix ,  et  leur  ensemble  occupe  la  pre- 
mière place  dans  la  poésie  lyrique  espagnole.  Ils 
sont  généralement  consacrés  à  des  sujets  reli-i 
gieux,  et  on  ne  peut  se  méprendre  sur  leur  source' 
d'inspiration.  Louis  de  Léon  a  l'âme  hébraïque i 
et  son  enthousiasme  s'enflamme  presque  tou- 
jours dans  la  lecture  de  l'Ancien  Testament.  Il 
conserve  cependant  sans  altération  le  caractère 
national.  Ses  meilleures  compositions  sont  des: 
odes  écrites  dans  la  vieille  versification  castillane,  j 
avec  une  pureté  classique  et  un  fini  vigoureux 
que  la  poésie  espagnole  n'avait  jamais  connu  jus- 
que là  et  qu'elle  a  difficilement  atteint  depuis.  » 
Parmi  ses  odes ,  qui  sont  toutes  remarquables 
par  l'élévation  des  idées  et  la  beauté  sévère  de  la 
forme ,  on  cite  :  La  Prophétie  du  Tage  (l), 
La  Vie  dans  la  retraite,  V Immortalité,  Les 
deux  étoiles,  L'Hymne  sur  l'Ascension.  Ces 
poésies,  qui  font  aujourd'hui  la  gloire  de  Louis  de 
Léon,  lui  auraient  nui  plutôt  dans  l'esprit  de  ses 
contemporains,  qui  regardaient  le  travail  de  la 
versification    comme    peu  digne  d'un  illustre 
théologien.  Louis  de  Léon  partageait  peut-être 
cette  opinion  ;  car  il  ne  publia  pas  ses  poèmes 
composés  dès  sa  jeunesse,  et  s'il  les  rassembla, 
ce  fut  à  la  fin  de  sa  vie,  et  pour  plaire  à  un  ami. 
Quevedo  les  publia  (Obr  as  proprias,  y  traduc- 
ciones  latinas,  griegas  y  italianas  :  con  la 
paraphrasi  de  algunos  salmos  y  capitulos  de 

(1)  La  Prophétie  du  Tage  sur  la  chute  de  là  monarchie 
des  Golhs  en  Espagne,  est  imitée  de  la  prophétie  de  Né- 
rée  sur  la  prise  de  Troie  dans  Horace  ;  elle  a  été  traduite 
en  vers  français  par  M.  Flnuin  Dldot. 


i 


i 


« 


737 


LEON 


Jcb);  Madrid,  1631,  în-16.  Elle?,  ont  été  sou- 
vent réimprimées  depuis ,  et  elles  forment  le 
dernier  volume  de  ses  œuvres  :  Obras  del 
M.  Fr.  Luis  de  Léon;  Madrid,  1804-1816, 
S  vol.  in-8°.  N. 

Nicolas  Antonio,  Bibliotheca  Hispuna  nova.  —  Mayans 
Siscar,  Cartas  de  varios  autores.  —  Sedano,  Parnnso 

fcspanol,  t.  V    —  Semanario  Pintoresco  ;   1844,   p.  374. 

-Tirknor,  History  of  Spanish  Literature,  t.  H,  c.  ix.  — 

Lillemnln ,  Essais  svr  la  Poésie  lyrique.  —  Laboulaye, 

La  Liberté  religieuse. 

LEON  (Diego),  général  espagnol,  né  en  1804, 
fusillé  à  Madrid,  le  15  octobre  1841.  Il  appar- 
enait  à  une  bonne  famille,  fut  élevé  dans  les 
Ecoles  militaires,  et  entra  comme  officier  dans  la 
tavalerie.  Il  était  colonel  à  la  mort  de  Ferdi- 
nand VII,  et  ne  tarda  pas  à  recevoir  le  grade  de 
brigadier  général.  Renommé  par  sa  bravoure  et 
pillant  par  sa  riche  tenue,  il  se  distingua  dans 
plusieurs  rencontres ,  fut  promu  lieutenant  gè- 
lerai et  revêtu  du  titre  de  comte  de  Belascoain 
ur  le  champ  de  bataille.  Il  comptait  dix-huit 
hevaux  tués  sous  lui.  En  1840  il  couvrit  la 
Houvelle-Castille  contre  les  incursions  des  car- 
istes, et  contribua  à  repousser  le  général  Balsa- 
peda.  Au  mois  de  juillet  il  fit  connaître  son  dé- 
joueraient à  la  reine  régente,  sans  se  séparer 
putefois  d'Espartero.  Marie-Christine  le  nomma 
u  mois  d'octobre  capitaine  général  de  Madrid. 
>eon  ne  put  prendre  possession  de  sa  place  ;  il 
[rriva  dans  la  capitale  pour  assister  à  la  défec- 
lon  des  troupes,  et  l'abdication  de  la  régente 
pnula  sa  nomination.  Diego  Léon  fit  un  mou- 
lement  vers  Aranjuez  dans  le  but,  dit-on,  d'en- 
pver  la  jeune  reine  Isabelle  II.  Ce  projet  échoua, 
|t  Espartero  mit  Léon  en  inactivité.  Le  2  octobre 
1841 ,  O'Donnel  paraissait  à  Pampelime  pour  in- 
[urger  l'Espagne  contre  Espartero.  Léon ,  aidé 
les  généraux  Pezuela  et  Concha,  devait  soulever 
■adrid.  Espartero,  averti  le  3  du  complot  prémé- 
lité  pour  le  lendemain,  ordonna  d'arrêter  les  gé- 
[éraux  et  officiers  compromis;  aucun  ne  fut  décou- 
lert.  Pezuela,  déguisé,  renoua  tous  les  fils  de  la 
bnspiration.  L'insurrection  devait  éclater  le  8. 
le  ?  le  général  Concha,  trompé  par  un  faux  signal, 
jiarcha  sur  le  palais  après  avoir  enlevé  un  ré- 
liment :  il  éprouva  de  la  résistance.  Diego  Léon 
h  Pezuela  réussirent  à  le  rejoindre,  et  à  la  suite 
l'un  combat  acharné  contre  les  hallebardiers  de 
h  reine,  tous  les  trois  se  retirèrent.  Diego  Léon 
lit  arrêté  quelques  jours  après  et  mis  en  juge- 
ment. Le  13  il  comparut  devant  un  conseil  de 
lierre.  On  avait  trouvé  sur  lui  une  lettre  dans 
«quelle  il  engageait  Espartero,  au  nom  de  Marie- 
Ihristine,  à  renoncer  à  la  régence  pour  éviter 
jeffusion  du  sang,  et  une  proclamation  aux  Es- 
agnols  pour  les  engager  à  reconnaître  l'autorité 
je  la  régente.  Accusé  de  complicité  dans  le  corn- 
Ilot  qui  venait  d'échouer  à  Madrid,  Léon,  dé- 
rndu  par  le  général  Roncali,  fut  condamné  à 
liort  par  quatre  voix  contre  trois,  le  lendemain. 
p  grâce  était  demandée  avec  insistance  ;  la  reine 
;abelle  voulait  écrire  elle-même  pour  la  solli- 

NOCV.   BIOGR.    GÉNÉR,  —    T.  XXX. 


LEONARD  738 

!  citer  du  régent.  Son  tuteur,  Arguelles,s'y  opposa, 
'  et  promit  de  faire  connaître  son  vœu  au  conseil. 
Léon  fut  exécuté  le  15,  à  deux  heures  de  l'après- 
midi,  à  la  porte  de  Tolède,  au  milieu  d'un  grand 
déploiement  de  forces  militaires.  Il  montra  beau- 
i  coup  de  sang-froid  à  sa  dernière  heure,  et  s'était 
revêtu  de  son  brillant  costume  de  colonel  de 
hussards;  il  embrassa  le  général  Roncali,  et  com- 
manda lui-même  le  feu.  Il  laissait  trois  enfants 
en  bas  âge.  L.  L — t. 

Journal  des  Débats  des  21  et  S2  ort.  1841. 

Léon  de  saint-jean,  théologien  et  con- 
troversiste  français,  né  à  Rennes,  le  9  juillet 
1600,  mort  au  couvent  des  Billettes  de  Paris,  le 
30  décembre  1671.  Il  occupa  successivement 
presque  toutes  les  charges  de  l'ordre  des  Car- 
mps,  et  publia,  entre  autres,  Carmelus  res- 
titutus ;  Paris,  1634,  in-4°.  C'est  l'histoire  de 
la  destruction  du  monastère  du  Mont-Carmel 
par  les  Sarrasins,  en  1291,  et,  de  son  rétablisse- 
ment en  1633  parle  P.  Prosperdu  Saint-Esprit; 

—  Encyclopediœ  Prsemissum,  seu  sapientix 
universalis  Delineatio,  etc.  ;  Paris,  1 635,  in-4°  ; 

—  Historia  Carmelitarum  provincise  Turo- 
nensis;  Paris,  1640,  in-4°.  Les  sermons  du 
P.  Léon  ont  été  réunis  dans  un  recueil  intitulé  : 
La  Somme  des  sermons  parénétiques  et  pané- 
gyriques; Paris,  1671-1675,4  vol.  in-fol. 

F.-X.  T. 
Côme  de  Saint-Étienne  de  Villiers,  Bibliotheca  Car- 
melitana.  —  Louis  de  Suinte-Thérèse,  Annales  des  Car- 
mes déchaussés  de  France,  liv.   1.  —  Bayle,  Jugements 
des  Érudits,  tom.  III,  p.  2*24. 

léon  Y  gama  (Antonio  de),  archéologue 
mexicain,  né  à  Mexico,  en  1735,  mort  en  1802. 
Il  étudia  avec  un  soin  minutieux  les  bas-reliefs 
extraits  du  sol  de  Mexico,  à  la  suite  du  nouveau 
pavage  qui  avait  été  exécuté  sur  l'emplacement  de 
l'ancien  Teocali  :  il  crut  y  retrouver  le  véritable 
calendrier  des  Aztèques.  Il  publia  le  résultat  de 
ses  recherches  dans  un  mémoire  intitulé  :  Des- 
cription historica  y  chronologica  de  las  dos- 
piedras  que  con  ocasion  del  nuevo  empedrado 
que  se  esta  formando  se  hallaron  en  ella  cl 
ano  de  1790;  Mexico,  1790,  pet.  in-4°;  réim- 
primée Mexico  en  1832,  in-8°,  et  traduit  en  italien  : 
Saggio  dell  Astronomia  dell  antichi  Messï- 
cani;  Rome,  1804,  in- 8°  avec  planches.    F.  D. 

Renseignements  particuliers. 

leon ( Pierre Cieça de).  Voy.  CiezadeLeon. 

LEON  DE  JCDA.   Voy.  JUDA. 

LÉONARD  DE  PISE,  OU  LÉONARD BONACCI  (1), 

mathématicien  italien,  né  à  Pise,  vers  1 170  ou 
1180.  On  ignore  l'année  de  sa  mort,  et  nous  ne 
connaissons  guère  de  sa  vie  que  ce  qu'il  nous  en 


(l)  Léonard  Bonacci  est  aussi  connu  sous  le  nom  de 
Fibonacci,  par  contraction  de  ftlius  Bonacci.  «  Les 
hommes  supérieurs,  dit  M.  Terquem,  passent  souvent 
pour  des  niais  chez  les  hommes  inférieurs.  C'est  ainsi 
que  les  négociants  de  Pise,  compatriotes  de  Léonanl,  lui 
ont  donné  le  sobriquet  de  Bighelone.  >■>  Bighelone  est 
peut-être  le  synonyme  de  Bonacci,  qui  revient  au  bonasse 
français. 


24 


739 

dit  lui-même  au  commencement  de  son  Liber 
Abaci,  dont  on  possède  heureusement  plusieurs 
exemplaires  manuscrits.  Voici  la  traduction  de 
ce  passage,  que  M.  Libri  reproduit  en  entier  dans 
son  Histoire  des  Sciences  mathématiques  en 
Italie  :  «  ici  commence  le  livre  de  YAbacus 
composé  par  Léonard  ,  fils  de  Bonacci  de  Pise, 
dans  l'année  1202,  et  corrigé  par  le  même  en 
1228....  Mon  père  ayant  été  constitué  par  les 
marchands  de  Pise,  qui  affluaient  continuellement 
chez  lui,  comme  pubiicus  scriba  (1)  à  la  douane 
de  Bougie ,  il  me  fit  venir  dès  mon  enfance ,  et 
voulut  que  je  restasse  pendant  quelque  temps 
pour  m'appliquer  à  l'étude  de  l'abaque  (2),  en  vue 
d'un  avantage ,  d'une  utilité  à  venir.  Un  admi- 
rable maître  m'ayant  initié  dans  l'art  des  figures 
indiennes.je  pris  tant  de  plaisir  à  l'esprit  de  cet  art, 
que  je  voulus  savoir  tout  ce  qu'on  enseignait  là- 
dessus  en  Egypte,  en  Syrie,  dans  la  Grèce,  en  Si- 
cile et  dans  la  Provence  avec  les  diverses  variétés. 
Ayant  parcouru  ces  contrées,  je  m'y  instruisis  par 
beaucoup  d'études etdediscussionsjmaisjeconsi- 
dérai  tout  ceci  et  même  l'4/yorisj?iedePythagore 
comme  défectueux  en  comparaison  de  la  méthode 
indienne.  C'est  pourquoi  ayant  serrédeplus  près 
cette  méthode  et  étudié  plus  attentivement,  y 
ajoutant  quelque  chose  de  mon  propre  fonds  et  y 
appliquant  quelques  artifices  géométriques  d'Eu- 
clide,  j'ai  travaillé  à  la  composition  de  cet  ou- 
vrage, et  pour  être  le  plus  intelligible  qu'il  m'est 
possible,  je  l'ai  divisé  en  quinze  chapitres  dis- 
tincts. J'ai  tout  donné  avec  des  raisonnements 
démonstratifs ,  afin  que  ceux  qui  aspirent  à  cette 
science  seulement  parce  qu'elle  est  plus  parfaite 
que  les  autres,  puissent  s'instruire  etqu'àl'a- 
yenir  la  gente  latine  ne  s'en  trouve  pas  dépour- 
vue comme  jusqu'à  présent » 

Léonard  de  Pise  a  donc  propagé  en  Occident 
la  numération  et  l'algèbre  des  Arabes.  Plusieurs 
savants  ont  prétendu  que  le  premier  il  avait 
enseigné  l'arithmétique  arabe  en  Europe  ;  cepen- 
dant l'opinion  la  plus  générale  attribue  cette  im- 
portation à  Gerhert,.et  elle  s'appuie  sur  un  ou- 
Trage  du  pontife  géomètre  qui  porte  dans  les 
manuscrits  la  suscription  Constantino  suo  Ger- 
bertus  scolasticus  (3),  ouvrage  dont  fait  mention 
Guillaume  de  Malmesbury,  chroniqueur  du 
douzième  siècle,  qui  ajoute  :  Abacum  cerie 
primus  a  Saracenis  capiens ,  régulas  dédit 
quaR  a  sudanlibus  Abacistis  vix  intelligun- 
tur.  Pour  tout  concilier,  Colebrooke  suppose 
que  les  règles  de  Gerbert  étaient  tellement 
abstruses  et  inintelligibles ,  qu'elles  sont  restées 
stériles  et  qu'il  a  fallu  que  Léonard  réimportât  de 
nouveau  l'arithmétique  arabe,  en  1202.  Guillaume 
de  Malmesbury,  en  signalant  lui-même  l'obscu- 


(i)  Doit-on  traduire  ces  mots  par  notaire,  greffier? 
ÎJe  serait-ce  pas  plutôt  une  espèce  de  consul  commercial? 

(2)yi/6acMS  ne  désigne  pas  ici  la  machine  à  calculer 
dont  se  servaient  les  Romains.  Bu  temps  de  Léonard  de 
Pise  ce  terme  signifiait  arithmétique. 

(8)  Gette  pièce  est  ainsi  intitulée  parce  qu'elle  est 
adressée  k  Constantin,  moine  de  l'abbaye  de  Fleury. 


LÉONARD  740 

rite  de  ces  règles ,  qux  a  sudanlibus  Abacistis 
vixintelliguntur,  a  paru  favoriser  cette  inter- 
prétation. M.  Charles  a  émis  à  ce  sujet  une  opi- 
nion très-différente,  et  il  a  établi  que  le  traité  de 
Gerbert  n'était  pas  d'origine  arabe,  mais  se  rap- 
portait au  système  de  numératiou  de  Boèce. 
Quoi  qu'il  en  soit  ,  il  y  a  quelques  années  on 
ignorait  que  Léonard  de  Pise  eût  rendu  à  la 
science  des  services  bien  plus  importants  que 
ceux  qu'on  lui  conteste.  «  On  ne  se  doutait 
guère,  dit  M.  Terquem,  qu'un  géomètre  du 
treizième  siècle  eût  dépassé  beaucoup  Diophante 
et  les  Arabes,  et  qu'il  n'a  été  dépassé  que  par 
Fermât  au  dix-septième  siècle,  découverte  his- 
torique que  nous  devons  aux  persévérantes  in- 
vestigations du  célèbre  prince  Boncompagni,  dé- 
couverte infiniment  supérieure  à  ces  travaux  sui- 
des écrivains  obscurs  qu'on  se  plaît  à  tirer  des 
ténèbres  du  moyen  âge  et  qui,  pour  être  publiés 
et  illustrés ,  n'en  restent  pas  moins  obscurs.  » 
Il  résulte  des  savantes  recherches  de  M.  B.  Bon- 
compagni que  Léonard  de  Pise  a  composé  les 
ouvrages  suivants  :  un  traité  d'arithmétique  et 
d'algèbre  intitulé  :  Liber  Abacï.  M.  Libri  en  a 
ipublié  le  quinzième  chapitre ,  qui  concerne  l'al- 
gèbre, dans  son  Histoire  des  Sciences  matJié- 
maliques  en  Italie  (tome  II,  p.  307  etsuiv.); 

—  un  traité  de  géométrie  théorique  et  pratique, 
composé  vers  1220,  et  intitulé  :  Practica  Geo- 

smetricas; —  Liber  Quadratorum.  C'est  l'œuvre* 
principale.  Réunie  aux  "deux  traités  suivants, 
elle  a  été  publiée  par  le  prince  Boncompagni. 
sous  ce  titre  :  Tre  Scritti  inédite  di  Leonardo, 
Pisano,  pubblicati  da  Baldassarc  Boncom- 
pagni, secondo  la  lezione  di  un  codice  délia. 
Biblioteca  Ambrosiana  di  Milano ;  Florence, 
1854,  in-8°  de  122  pages  et  1  planche;  2e  édi- 
tion, 1856;  —  Flos  super  solutionibus  qua- 
rundam  queestionum  ad  numerum  et  ad 
geometriam,  vel  adutrumque  pertinentimn;, 

—  un  opuscule  intitulé  :  De  Modo  solvendi 
questiones  avium  et  simiiium;  —  un  com- 
mentaire sur  le  dixième  livre  des  Éléments 
d'Euclide;  —  un  ouvrage  intitulé  :  Libro  di 
merchatanti  dettodi  minor  guisa,  qui  traitait 
des  règles  d'alliage ,  mais  qui  paraît  être  perdu.. 

En  1225,  Léonard  était  à  Pise  lors  du  pas- 
sage de  l'empereur  Frédéric  II  de  Hohenstaufen 
dans  cette  ville.  Ce  souverain ,  qui  cultivait  les 
lettres  et  les  sciences,  engagea  deux  géomètres  i 
de  sa  suite,  nommés  Jean  de  Palerme  et  Théo- 
dore, à  adresser  en  sa  présence  des  questions  à 
Léonard.  C'est  ce  tournoi  scientifique  qui  donna 
naissance  aux  trois  traités  publiés  en  1854  pai 
M.  Balth.  Boncompagni  :  Léonard  ayant  écrit 
ses  réponses,  les  adressa  à  l'empereur.  Le  cardi- 
nal Raniero  Capocci  de  Viterbe  en  demanda  uni 
copie,  que  Léonard  lui  dédia  sous  le  titre  de  Flot 
sxtper  solutionibus,  etc.  «  Il  l'a  intitulée  Flos 
dit-il, en  l'honneur  de  Son  Éminence,  rayonnan 
d'une  éloquence  fleurie  parmi  les  savants  (flo 
rida  clericorum  eleganlia  radiantibus),  & 


741 


LÉONARD 


742 


(- 

V12 


aussi  parce  que  plusieurs  questions,  quoique 
épineuses,  sont  exposées  d'une  manière  fleurie; 
et  de  même  que  les  plantes  ayant  des  racines  en 
terre  surgissent  et  montrent  des  fleurs,  ainsi  de 
ces  questions  on  en  déduit  une  foule  d'autres.  » 
Jean  de  Païenne  avait  posé  pour  première 
question  :  Trouver  un  nombre  carré  qui 
augmente  et  diminue  de  5  reste  toujours  un 
nombre,  carré.  Léonard  donne  pour  solution 
41  /4l\2  A9\2     /41\2 

3l\2 

—   )   .  En  réfléchissant  sur  la  solution  de 

cette  question,  Léonard  fut  amené  à  examiner 
certaines  propriétés  générales  des  nombres  car- 
rés, ce  qui  lui  donna  occasion  de  composer  le 
Liber  Quadraiorum. 

La  seconde  question  que  traite  le  Flos  est 
celle  ci  :  Trouver,  au  moyen  d'une  des  quinze 
espèces  de  longueurs  du  dixième  livre  d'Eu- 
clide,  une  longueur  x  qui  satisfasse  à  la  con- 
dition x3-f-2x2-f-  tOx  =  20.  Par  des  considé- 
rations géométriques  très-rigoureuses,  dont 
M.  Wœpcke  a  donné  la  traduction  analytique 
ians  le  Journal  de  M.  Liouville  (t.  XX,  1855), 
[iéonard  démontre  qu'aucune  des  quinze  lon- 
çueurs  euclidiennes  ne  peut  satisfaire.  Il  fait 
)lus,  il  donne  une  valeur  approchée  de  la  racine 
>ositive  de  l'équation.  On  ne  sait  par  quelle  mé- 
uode  il  obtint  cette  valeur,  d'une  surprenante 
ixactitude. 

En  employant  le  langage  algébrique ,  la  troi- 
ième  question  du  Flos  peut  s'énoncer  ainsi  : 
Vrois  hommes  ont  en  commun  une  somme  in- 
onnue  t;  la  part  du  premier  est  ~  t;  celle 
lu  second  jt,  et  par  conséquent  celledu  troi- 
sième 1 1.  Voulant  déposer  cette  somme  en  lieu 
Mus  sûr,  ils  prennent  au  hasard,  le  premier 
Let  n'en  dépose  que  ~  x,  le  second  y  et  n'en 
repose  que  ^  y,  le  troisième  z,  et  n'en  dépose 
lue  \  z  ;  de  sorte  que  la  somme  déposée  se  monte 
I  ix  +iv  -f--J  z,et  lorsqu'ils  retirent  ce  dépôt, 
tkacun  en  prend  le  tiers;  il  s'agit  de  trouver 
ks  valeurs  de  x,  y,  z.  Léonard  montre  que  le 
jroblème  est  indéterminé.  En  prenant  7  pour  ce 
Bue  chacun  retire  du  dépôt,  il  trouve  t— 47,  x= 
bwy=13,  z=  1 .  Il  dit  qu'il  y  a  trois  modes  de 
Blutions,  qu'il  a  donnés  dans  son  Liber  Abaci. 
le  Flos  est  terminé  par  d'autres  questions  d'a- 
fialyse  indéterminée  du  même  genre  que  la  pré- 
sente. 

H  Le  petit  traité,  :  De  Avibus  commence  par 
[pe  lettre  adressée  ad  magistrum  Theo- 
lèrMm,  philosophum  Domini  Imperatoris. 
l'auteur  dit  avoir  composé  ce  livre  à  la  prière 
l'un  ami  qui  voulait  connaître  le  moyen  de  ré- 
r  j)udre  les  questions  su?;  les  oiseaux  et  autres 
ijimblables,  et  il  ajoute  avoir  trouvé  ainsi  les 
i  bgles  relatives  aux  alliages  des  métaux.  Pour 

Dmprendre  l'analogie  que  Léonard  aperçoitentre 
les  questions,  il  suffit  de  lire  l'énoncé  du  premier 


problème  -.  Quelqu'un  achette  des  moineaux, 
des  tourterelles  et  des  colombes ,  en  tout 
30  oiseaux  pour  trente  deniers;  3  moineaux 
coûtent  1  denier,  de  même  2  tourterelles , 
et  l  colombe  coûte  2  deniers.  On  demande 
combien  il  y  avait  d'oiseaux  de  chacune  de 
ces  trois  espèces?  Léonard  traite  ces  sortes  de 
questions  par  un  procédé  analogue  à  celui  qu'em- 
ploie la  règle  dite  de  fausse  position. 

Le  Liber  Quadratorum,  dont  nous  avons  in- 
diqué plus  haut  l'origine,  est,  de  l'avis  de 
M.  Terquem,  le  monument  arithmologique  le 
plus  précieux  que  nous  ait  transmis  le  moyen 
âge.  Par  des  procédés  graphiques,  Léonard  y  dé- 
montre de  belles  propriétés  des  carrés  des 
nombres.  U  trouve  l'expression  de  la  somme  des 
carrés  de  leur  suite  naturelle,  et  aussi  de  la 
suite  des  nombres  impairs.  Enfin  il  résout  ce 
problème  :  Trouver  trois  carrés  et  un  nombre 
tel,  qu'en  ajoutant  ce  nombre  au  plus  petit 
de  ces  carrés ,  on  trouve  le  carré  moyen ,  et 
qu'en  ajoutant  ce  nombre  au  carré  moyen , 
on  trouve  le  plus  grand  carré-  C'est  la  géné- 
ralisation de  la  question  posée  par  Jean  de  Pa- 
lerme. 

M.  Balthasar  Boncompagni  a  entrepris,  avec 
un  zèle  digne  des  plus  grands  éloges,  une  édition 
des  Œuvres  complètes  de  Léonard  de  Pise, 
dont  le  premier  volume,  contenant  Liber  Abaci, 
a  paru  à  Rome,  1857,  splendidement  imprimé. 
Le  savant  éditeur  a  suivi  pour  le  texte  le  ma- 
nuscrit le  plus  correct  (C.  d.  2616  de  la  Biblio- 
thèque Magliabechiana  de  Florence).  Les  cha- 
pitres IXIV  sont,  sauf  un  petit  nombre  de  pas- 
sages, tous  inédits.  E.  Merliecx. 

Memorie  istoriche  di  più  uomini  illustri  Pisani  ;  Pise, 
4  vol.  in-4°;  1790-1792.  —  Guglielmini,  Eloyio  di  Lio- 
nardo  Pisano ;  Bologne,  in-8°  ,  1813.  —G.  Libri,  Histoire 
des  Sciences  mathématiques  en  Italie  ;  Paris,  4vol.  in-8°; 
1838-1841.  —  B.  Boncompagni,  Aiti  dell'  Accademia  de 
Lincei  1851-1852.  —  Le  même,  lntorno  ad  nuovi  a/cvne 
opère  di  Leonardo  Pisano,  mutematico  del  serolo  de- 
cimoterzo  ;  Rome,  in-8°,  1854.  —Terquem,  Nouvelles 
Annales  de  ■mathématiques;  Bulletin  de  Bibliographie, 
d'Histoire  et  de  Biographie  mathématiques  (  Paris, 
in-80  ;  années  1835  et  1856).  —  Doc.  partie. 

LÉONARD  de  Pistoye  ,  dominicain ,  qui 
écrivit,  vers  1280,  un  traité  de  géométrie  et  d'a- 
rithmétique. Il  s'occupa  aussi  d'astronomie  ou 
plutôt  d'astrologie.  La  bibliothèque  de  Florence 
possède  do  lui  deux  manuscrits,  le  Tractatus  de 
Arithmetica  et  de  Practica  Geometrise  et  De 
Gomputo  Lunée. 

Tiraboschi,  Storia  délia  Litteratura  Haliana.  — 
J.  Quetif  et  J.  Échard,  Scriptores  Ordinis  Prœdicato- 
rum,  1. 1. 

Léonard  de  Chio  (ainsi  surnommé  à  cause  de 
sa  patrie),  né  vers  la  fin  du  quatorzième  siècle, 
se  rendit  fort  jeune  en  Italie  ,  et  étudia  à  Gênes 
et  à  Padoue  ;  après  être  entré  dans  l'ordre  des 
Dominicains,  il  devint  en  1446évêque  catholique 
de  Mitylène;  en  1452,  il  se  rendit  à  Constanti- 
nople  pour  travailler  à  la  réunion  des  églises 
grecque  et  latine;  sa  mission  ne  réussit  pas; 

24. 


743 


l'empire  grée,  au  moment  de  succomber  sous  les 
coups  des  Turcs  s'agitait  dans  les  convulsions  de 
l'agonie,  et  le  prélat  revint  à  Chio,  où  il  mourut, 
en  1458,  au  dire  de  quelques  auteurs;  d'autres 
prétendent  qu'il  périt  en  1462,  lors  de  la  con- 
quête de  Lesbos  par  les  Turcs.  Il  a  laissé  une 
lettre  latine  adressée  au  pape  Nicolas  V,  et  con- 
tenant une  relation  de  la  prise  de  Constanti- 
nople  par  Mahomet  II,  en  1453.  Publiée  Nurem- 
berg en  1553,  cet  écrit  fut  plusieurs  fois  réim- 
primé ;  M.  Lécuy  en  a  donné  à  Paris,  en  1 823,  une 
édition  accompagnée  de  notes  et  de  diverses 
pièces  sur  le  même  sujet,  et  il  se  trouve  dans 
divers  recueils,  tels  que  les  Annales  ecclesias- 
ticiàe  Bzovius  (adannum  1453)  et  le  Ckroni- 
con  Turcicum  de  Lonicer.  On  connaît  aussi  de 
Léonard  un  Tractatus  de  veraNobilitate,  qui 
a  été  imprimé  en  1657,  in-4°.  G.  B. 

Quétlf,  Scriptores  Ordinis  Prxdicutorum,  1. 1,  p.  816. 
—  Fabriclus,  Bibliotheca  Lallna  médise  eetatis,  t  IV, 
p. 781.  —  Cave,  Script,  eccles.  Historia,  t.  Il,  p  110.  — 
Oudln,  Comment,  de  Script  eccles.,  t.  III,  p.  2422. 

Léonard  dit  Limousin,  peintre  français,  natif 
de  Limoges,  appelé  par  Thevet  le  plus  excellent 
ouvrier  dn  monde,  naquit  vers  1505,  et  mourut 
vers  1580  (1).  François  Ier  le  mit  à  la  tète  de  la 
manufacture  d'émaux  fondée  à  Limoges,  et  lui 
commanda  divers  ouvrages,  d'après  les  dessins  de 
Léonard  de  Vinci,  de  Jules  Romain,  de  Prima- 
tice  et  de  Jean  Cousin.  Alors  sortirent  de  la  ma- 
nufacture de  Limoges  ces  vases ,  ces  aiguières, 
ces  candélabres  et  ces  cadres  qui  ont  fait  l'ad- 
miration de  tous.  La  peinture  sur  émail  fut 
portée  à  son  apogée  et  mise  au  niveau  des  ta- 
bleaux sur  toile  des  grands  maîtres  de  la  Re- 
naissance. Léonard  Limousin  peignit  en  pied  le 
portrait  de  François  Ier,  de  la  reine  Claude, 
à' Henri  II  et  de  Diane  de  Poitiers.  M.  Dussome- 
rard  a  reproduit  dans  son  album  la  plupart  des 
principaux  émaux  de  cet  artiste,  et  Alexandre 
Lenoir  a  décrit  ceux  qui  ornaient  le  tombeau  de 
Diane  de  Poitiers.  On  y  voyait  François  1er  vêtu 
en  saint  Paul,  et  l'amiral  Chabot  en  saint  Pierre, 
idée  assez  commune  au  seizième  siècle,  où  le 
peuple  vénérait  dans  le  saint  le  roi  ou  le  guerrier. 
De  magnifiques. scènes  de  la  Passion  étaient  en- 
core représentées  au  même  tombeau.  C'est  en 
parlant  de  ces  cadres  que  Lenoir  a  dit  que 
Léonard  se  surpassa  et  qu'il  réunit  «  deux  choses 
extrêmement  rares  à  allier  dans  les  arts  dépen- 
dant du  dessin  :  l'art  d'unir  à  une  conception 
vraiment  sentimentale  un  dessin  gracieux  et 
expressif,  un  travail  correct  et  soigné  ».  Le  mu- 
sée du  Louvre  possède  aujourd'hui  ces  émaux. 
Le  musée  de  Limoges  n'a  de  Léonard  qu'un  ta- 
bleau sur  bois  :  Y  Apparition  de  Jésus-Christ 
à  saint  Thomas.  Il  est  signé  Léonard  Limosin 
Esmalievr,  peintre  valet  de  chambre  du  roy, 
1551  (2).  «  Léonard  conserva,  ajoute  M.  de  La- 


LÉONARD  744 

borde,  le  caractère  français  dans  ses  peintures, 
et  tout  en  imitant,  mêlant,  assimilant  et  con- 
fondant avec  goût  les  compositions  italiennes  et 
allemandes,  il  créa  comme  un  style  particulier  à 
Limoges.  La  souplesse  de  son  talent  donna  à  l'é- 
maillerie  un  caractère  et  un  essor  tout  nouveaux. 
Ses  mérites  appréciés  par  le  roi,  père  des  lettres  ! 
et  des  arts,  ont  été  reconnus  et  sanctionnés  pari 
la  postérité.  » 

Martial  Audoin  (de Limoges). 

Thevet,  Cosmographie.  —  Archives  du  Limousin.  —  I 
Lenoir,  Musée  des  Monuments  français,  t.  IV.  —  De  La- 
borde.  Notice  des  Émaux  du  Ixtuvre.  —  Tcxier,  Essai 
sur  les  Émailleurs.  —  Maurice  Ardant,  Émailleurs  et 
Émaillerio  de  Limoges.  —  Bulletin  de  la  Société  royale 
d' agriculture ,  des  Sciences  et  des  Arts  de  Limoges, 
n°2,t.  XX. 

Léonard  (Nicolas-  Germain),  poète  et 
romancier  français,  né  à  La  Guadeloupe,  en  1744, 
mort  à  Nantes,  le  6  janvier  1793.  Il  fut  conduit 
très-jeune  en  France,  où  il  fit  ses  études,  entra 
dans  la  carrière  diplomatique,  et  obtint  en  1773, 
par  la  protection  du  marquis  de  Chauvelin,  la 
place  déchargé  d'affaires  à  Liège.  Quelques  an- 
nées avant,  il  avait  publié  (1766)  des  Idylles 
morales,  où  il  mêlait  avec  agrément  la  sentimen- 
talité de  Gessner  et  des  traits  de  passion  em- 
pruntés aux  élégiaques  latins.  Ce  petit  recueil, 
qui  reparut  avec  des  additions  en  1775  et  en 
1787,  était  trop  dans  le  goût  du  temps  pour  ne 
pas  obtenir  du  succès;  aujourd'hui  encore  on 
distingue  au  milieu  de  beaucoup  de  pièces  faibles, 
fades  et  monotones,  plusieurs  passages  et  même 
une  ou  deux  idylles  qui  se  lisent  avec  plaisir. 
Léonard  était  poète  par  le  cœur  plus  que  par  le 
talent,  et  il  ne  se  faisait  pas  un  jeu  des  senti- 
ments qu'il  chantait  avec  trop  peu  de  force  et 
de  nouveauté.  On  raconte  que  des  chagrins 
d'amour  ne  furent  pas  étrangers  au  besoin  de 
changement  qui  agita  la  seconde  partie  de  sa  vie, 
et  à  la  maladie  de  langueur  qui  le  conduisit  au 
tombeau.  Il  quitta  Liège  et  la  diplomatie,  revint 
à  Paris,  qu'il  abandonna  bientôt  pour  La  Guade- 
loupe, où  il  resta  peu  de  temps.  De  retour  à  Paris, 
il  ne  tarda  pasà  repartir  pour  La  Guadeloupe  avec 
le  titre  de  lieutenant  général  de  l'amirauté.  Les 
troubles  qui  éclatèrent  dans  cette  île  en  1791  lui 
en  rendirent  le  séjour  insupportable.  Il  traversa 
encore  une  fois  l'Océan  ;  mais,  à  peine  arrivé  en 
France,  il  fut  de  nouveau  atteint  de  nostalgie. 
La  mort  le  surprit  à  Nantes,  le  jour  même  où  i 
devait  se  rembarquer  pour  La  Guadeloupe.  Outr< 
les  Idylles  déjà  citées ,  et  qui  sont  le  véritabfc 
titre  de  Léonard,  on  a  de  lui  :  une  imitalion  er 
vers  du  Temple  de  Gnide  de  Montesquieu; 
1772,  in-8°;  — deux  romans  :  La  nouvelle 
Clémentine,  ou  lettres  d'Henriette  de  Berville. 
1774,  in-8° ;  —  Lettres  de  deux  Amants,  ha- 
bitants de  Lyon,  contenant  Vhistoire  ira- 


(1)  Etnon  en  1480,  comme  l'ont  dit  quelques  biographes. 

(î)  Vingt   tableaux    d'une    dimension  extraordinaire, 

commandés  par  Trançois  I".  pour  décorer  le  château 


de  Madrid,  près  Paris  (  dans  le  bols  de  Boulogne),  m 
furent  pas  livrés  au  roi.  Ils  restèrent  chez  les  héritier: 
de  Léonard,  et  ont  passé  en  1803  en  Angleterre.  Us  re 
présentaient  des  sujets  mythologiques. 


J745  LÉONARD  — 

Igiqitede  Thérèse  et  de  Faldoni,  1783,  3  vol. 
lin-12,  et  quelques  autres  petits  ouvrages  sans 
«importance.  Campenon,  neveu  et  exécuteur  tes- 
itamentaire  de  Léonard,  publia  ses  œuvres  com- 
plètes; Paris,  1798,  3  vol.  in-8°.  N. 

Campenon,  Notice  sur  Léonard.  —  Desessarts,  Siècles 
Littéraires.  —  Sainle-Beuve,  Portraits  Littéraires. 
LÉONARD  ARÉTIN.   YoiJ.   BbUNI. 
LÉONARD  DE  VINCI.  VoiJ.   VlNCI. 

leonakdi  {Jean  ),  instituteur  des  Clercs  de 
la  Mère  de  Dieu,  né  à  Decimo,  près  Lucques,  en 
1541,  mort  à  Rome,  le  8  octobre  1609.  Après 
avoir  fait  ses  études  comme  apothicaire,  il  em- 
brassa l'état  ecclésiastique,  et  reçut  la  prêtrise  en 
décembre  1571.  Il  appartenait  à  l'ordre  des  Do- 
minicains, et  s'occupait  beaucoup  de  la  réfor- 
mation de  sou  ordre.  11  voulut  constituer  une 
congrégation  destinée  à  l'instruction  de  la  jeu- 
nesse; mais  il  rencontra  une  grande  opposition 
dans  les  Lucquois,  qui  ne  voulaient  pas  confier 
l'éducation  de  leurs  enfants  à  des  ecclésiastiques. 
Cependant,  protégé  par  la  cour  de  Rome,  il 
réussit  à  former  une  congrégation  qui,  sous  le 
litre  de  Clercs  de  la  B.  Vierge,  fut  confirmée 
canoniquement  le  8  mars  1583.  Leonardi  en  fut 
îommé  recteur;  le  sénat  lucquois  lui  interdit 
alors  l'entrée  de  Lucques.  Clément  VIII,  comme 
dédommagement,  lui  accorda  un  établissement  à 
Rome,  et  l'employa  en  1596  à  la  réforme  des 
moines  du  Mont-Vierge  et  en  1601  à  celle  du  mo- 
nastère de  Vallombreuse.  Le  grand-duc  de  Tos- 
cane le  commit  aussi  à  la  surveillance  des  Ser- 
vîtes du  Mont-Senaire.  Jean  Leonardi  mourut  de 
la  peste  ou  d'une  autre  maladie  contagieuse.  Il  a 
laissé  plusieurs  écrits  traitant  de  matières  reli- 
gieuses. A.  L. 

Lodovlco  Macacci,  Pita  del  vener.  P.  Giovanni  Leo- 
nardi. —  Richard  et  Giraud,  Bibliothèque  Sacrée. 

leonardi  ou  LEONARDONi  (  Francesco), 
peintre  de  l'école  vénitienne,  né  à  Venise,  en  1654, 
mort  à  Madrid,  en  1711.  Ayant  quitté  sa  patrie 
par  suite  de  quelques  contrariétés,  il  parcourut 
une  partie  de  l'Europe,  semant  sur  son  passage 
des  portraits  pleins  de  grâce,  de  finesse  et  de 
relief.  Quoiqu'il  ait  moins  bien  réussi  dans  le 
genre  historique ,  on  reconnaît  un  mérite  réel 
dans  les  Funérailles  de  saint  Joseph  et  Vin- 
carnation  du  musée  de  Madrid ,  ville  dans  la- 
quelle il  vint  se  fixer  en  1680.  Il  travailla  aussi 
pour  le  palais  du  Buen-Retiro.        E.  B— n. 

Pa loin  no,  Las  Vidas  de  los  Pintores  y  Statuarios 
mminenies  espaiïoles.  —  Siret,  Dictionnaire  historique 
mes  Peintres. 

I  leonardo  (Fra  Augustin),  peintre  espa- 
gnol, né  à  Valence,  vers  1590,  mort  dans  la 
même  ville  (1),  dans  un  ûge  peu  avancé.  Il 
fit  profession  dans  le  couvent  de  Saint-Phi- 
lippe à  Valence,  et  s'adonna  à  la  peinture.  Le 
P.  Francisco  Martinez  cite  les  œuvres  de  Leo- 
nardo comme  «  sorties  du  plus  brillant  pinceau 
que  virent  les  royaumes  de  Valence  et  d'Ara- 

(1)  Suivant  Palomino,  Leonardo  mourut  à  Madrid. 


LEONARDUCCI  746 

gon  ».  Fra  Augustin  exécuta  pour  le  couvent  de 
Notre-Dame  -del-Puig:  la  Découverte  de  Notre- 
Dame  del-Puig  ;  le  Blocus  de  Valence  par 
te  roi  don  Jayme;  la  Reddition  de  cette  ville 
et  la  Bataille  du  Puig,  gagnée  sur  les  Maîtres. 
En  1738  ces  quatre  grands  morceaux  furent 
transportés  à  Valence,  dans  le  couvent  de  la 
Merced.  En  1623,  Leonardo  peignit  à  Séville  La 
Samaritaine  et  le  Christ;  la  même  année  il  fut 
appelé  à  Madrid  pour  y  décorer  le  couvent  de 
son  ordre.  Les  tableaux  qu'il  exécuta  dans  le 
grand  escalier  portent  les  dates  de  1624  et  1625. 
Il  dessinait  parfaitement,  entendait  très-bien  la 
perspective  et  la  composition,  et  ne  s'est  montré 
faible  que  dans  le  portrait.  On  voit  à  Paris  ce 
qu'il  fit  de  mieux  dans  ce  genre  le  Portrait  du 
chroniqueur  don  Gabriel.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  à  Notre-Damedel-Puig,  à  Madrid,  à 
Tolède  et  à  Cordoue.  A.  de  L. 

Palomino  Velasco,  Museo  de  la  Pintura.  —  Qullliet,' 
Dictionnaire  des  Peintres  espagnols.  —  Francisco  Pa- 
clieco,  El  Jrte  de  la  Pintura. 

leonardo  (José),  peintre  espagnol ,  né  à  Ma- 
drid (l),en  1616,mortàSaragosse,  en  1656.  Il  fut 
l'un  des  élèves  les  plus  distingués  de  Pedro  de  Las 
Cuevas,  et  devint  fort  jeune  peintre  du  roi.  Cette 
faveur  et  son  mérite  lui  suscitèrent  des  jaloux, 
qui  dans  un  guet  apens  le  forcèrent  à  avaler  un 
breuvage  qui  eut  pour  effet  immédiat  de  le  priver 
delà  raison  :  il  languit  ainsi  jusqu'à  quarante  ans. 
On  voit  au  Retiro  plusieurs  tableaux  de  Leonardo, 
dignes  des  grands  maîtres,  tels  sont  les  Por- 
traits des  marquis  de  Spinola  et  de  Leganes 
assiégeant  Bréda;  celui  du  duc  de  Frias  con- 
duisant une  colonne  de  soldats;  le  portrait 
en  pied  du  roi  goth  Alaric  ;  etc.      A.  de  L. 

José  Martinez  ,  Discursos  practicables  del  nobilisimo 

arte  de  la  Pintura.  —  Palomino,  Museo  de  las  Pintura. 

LEONARDO      DA     PISTOJA.     Voy.     GrAZIA. 

(Leonardo). 

leonardoni.  Voy.  Leonardi  (Francesco). 

leonardiïcci  (Gaspare),  poète  italien,  né 
en  1685,  à  Venise,  mort  le  8  juin  1752,  àCividale 
(Frioul).  Admis  tout  jeune  dans  la  congrégation 
des  pères  Somasques,  il  enseigna,  de  1706  à  1718, 
les  belles  lettres  à  Cividale,  passa  de  là  au  col- 
lège Clementino  à  Rome,  et  fut  recteur  de  l'Aca- 
démie des  Nobles  à  Venise.  Deux  ans  avant  de 
mourir,  il  avait  repris  sa  chaire  à  Cividale.  Il  se 
mit  fort  tard  à  cultiver  la  poésie,  et  ce  fut  la  lec- 
ture du  Dante  qui  l'y  décida  ;  il  unit  ses  efforts 
à  ceux  de  Maffei  et  de  Maufredi  pour  tirer  ses 
œuvres  de  l'injuste  oubli  où  elles  étaient  tombées. 
Admirateur  enthousiaste  de  ce  poète,  il  se  péné- 
tra si  bien  de  son  style  qu'il  lui  arriva  à  plusieurs 
reprises  de  lui  emprunter  jusqu'à  ses  locutions 
inusitées  ;  aussi  on  peut  dire  qu'il  est  le  parfait 
imitateur  d'un  modèle  accompli.  On  a  de  Leo- 
narducci  :  la  Provvidenza  ;  Venise,  1739,  in-4*. 
Ce  poème,  réduit  d'abord  à  trois  chants,  prit 
une  extension  considérable,  grâce  au  nouveau 

(1)  Martinez  te  fait  naître  en  Catalogne. 


747  LEONARDUCCI  —  I 

plan  adopté  par  l'auteur;  il  est  divisé  en  deux 
parties,  dont  l'une  a  quarante-cinq  chants,  et 
l'autre  seize;  celle-ci  parut  pour  la  première  fois 
à  Venise,  1827-1828,  2  vol.  in-8°;  —  La  Ma- 
niera di  ben  communicarsi  ;  Venise,  1732;  — 
et  quelques  opuscules  religieux.  P.  L — y. 
Hoschini,  Letteratura  Veneiiana,  III. 

leonbruno  (Lorenzo),  peintre  de  l'école 
de  Mantoue,  né  dans  cette  ville,  en  1489,  mort 
vers  1537.  Il  était  encore  inconnu  quand,  en 
1825,  l'abbé  Prandi  découvrit  et  fit  graver  trois 
peintures  qui  n'ont  entre  elles  aucun  rapport  de 
manière  ni  de  sujet,  la  Métamorphose  de  Mi- 
das,  Saint  Jérôme  et  le  Christ  mort,  et  que, 
malgré  cette  différence  de  style,  il  n'hésita  pas 
•à  attribuer  à  un  seul  et  même  maître,  par  la 
raison  qu'elles  portaient  toutes  trois  en  lettres 
d'or  le  nom  de  Leonbruno  ;  mais  ces  tableaux 
sortaient  des  mains  d'un  certain  brocanteur  de 
Mantoue  nommé  Belluti,  connu  par  une  foule  de 
supercheries  de  ce  genre,  qui  faisaient  plus 
d'honneur  à  son  adresse  qu'à  sa  bonne  foi,  et  il 
est  probable  que  des  trois  peintures ,  deux  au 
moins  ne  sont  pas  de  Leonbruno.  Un  document 
plus  authentique  nous  a  fait  depuis  connaître 
d'autres  ouvrages  qui  peuvent  avec  certitude  lui 
être  attribués.  Il  résulte  d'un  compte  conservé 
dans  les  archives  des  Gonzague,  et  publié  par 
Gualandi,  qu'une  somme  de  1053  livres  fut  payée 
à  cet  artiste  pour  avoir,  du  9  septembre  1521 
au  10  novembre  1522,  travaillé  à  la  décoration 
de  deux  chambres  du  palais  des  ducs  de  Man- 
toue, et  y  avoir  peint  des  arabesques ,  divers 
sujets  dans  des  lunettes,  un  Apollon  et  une 
Renommée  aux  plafonds.  E.  B — n. 

Prandi,  Notizie  Uoriclie  spettanti  la  Vita  e  le  Opère 
di  Loreuzo  leonbruno  ;  Mantoue  182S.  —  M.  A.  Gua- 
landi ,  Memorie  orujiuali  di  Belle-Arti. 

LÉONCE  (Saint),  prélat  français,  né  à  Nîmes, 
mort  vers  4 10.  Eluévêque  de  Fréjusen  361,  il  se 
lia  avec  saint  Hilaire,  évêque  d'Arles;  avec  saint 
Honorât,  qui  fonda,  à  sa  prière,  le  célèbre  mo- 
nastère de  Lérins  ;  et  avec  Jean  Cassien ,  fonda- 
teur de  Saint- Victor  de  Marseille,  qui  lui  dédia 
les  dix  premiers  livres  de  ses  Collations.  L'Église 
honore  saint  Léonce  le  13  janvier.        A.  L. 

El  lies  Du  Pin,  Bibliothèque  des  /tuteurs  ecclésiastiques. 
—  Baillet,  Vies  des  Saints.  —  Godescard,  Fie  des  prin- 
cipaux Saints,  etc. 

LÉONCE,  usurpateur  byzantin,  mis  à  morten 
488  de  J.-C.  Il  était  Syrien  d'origine,  et  avait  de  la 
réputation  comme  général.  Illns  l'entraîna  dans 
sa  révolte  et  le  fit  proclamer  empereur,  en  484. 
Cette  tentative  échoua,  et  eut  pour  résultat  le 
supplice  de  Léonce  et  d'Illus.  Pour  les  détails  de 
cette  révolte ,  voy.  Jvlvs,  et  Zenon.  Y. 

LÉONCE,  empereur  byzantin,  régna  de  695  à 
698,  et  fut  mis  à  mort  en  705.  Jl  parait  pour  la 
première  fois  dans  l'histoire  comme  général  des 
troupes  impériales  contre  les  Maronites.  Ses 
succès  excitèrent  la  jalousie  de  l'empereur  Justi- 
nien  II,  qui  le  fit  arrêter,  et  le  laissa  languir  en 
prison  pendant  plusieurs  années,   sans  oser  le 


OiNCE  748 

faire  mourir.  Il  finit  par  lui  offrir  la  liberté,  à 
condition  qu'il  quitterait  sur-le-champ  ConsT 
tantinople  pour  aller  prendre  le  gouvernement 
de  la  Grèce.  Léonce  y  consentit;  mais  au  mo- 
ment de  mettre  à  la  voile,  il  se  laissa  entraîner 
à  l'église  de  Sainte-Sophie  par  ses  amis,  qui  le 
proclamèrent  empereur.  La  révolution  s'acheva  \ 
rapidement.  Léonce  maître  du  sort  de  son  pré- j 
décesseur  ne  lui  ôta  pas  la  vie,  comme  le  deman- 
dait la  foule  furieuse  ;  il  lui  fit  couper  le  nez,  et 
le  relégua  à  Cherson.  La  première  année  de  son 
règne  ne  fut  troublée  que  par  une  émeute  de 
Ravenne,  où  une  querelle  de  quelques  jeunes 
gens,  pour  un  motif  futile,  causa  une  affreuse  ef- 
fusionde  sang.  En  697  s'accomplit  un  événement 
qui,  d'abord  presque  inaperçu,  eut  de  grandes 
conséquences.  Venise  avait  jusque  là  appartenu 
à  l'empire  byzantin,  et  formé  une  partie  du1 
gouvernement  de  l'Istrie.  Sa  position  avanta- 
geuse ,  l'esprit  indépendant  et  entreprenant  de 
ses  habitants  augmentèrent  sa  fortune  et  son 
importance  à  un  tel  point  qu'une  plus  longue 
sujétion  au  pouvoir  mobile  des  empereurs  by- 
zantins lui  devint  insupportable.  De  plus  les  fré- 
quentes querelles  des  îles  vénitiennes  avec  les 
Lombards,  leurs  voisins,  décidèrent  ces  petites 
républiques  à  s'unir  contre  l'ennemi  commun 
Christophe,  patriarche  de  Grado,  le  clergé ,  les 
tribuns,  les  nobles  et  le  peuple  s'étant  assem 
blés  dans  la  ville  d'Héraclée,  créèrent  leur  prc 
mier  duc  ou  doge  Paulus  Lucas  Anafestus ,  vul 
gairement  nommé  Paoluccio.  Ce  changement,  qu 
donnait  naissance  à  un  nouvel  État,  fut  accepté  i 
Byzance,  et  des  relations  amicales  continuerai 
entre  la  métropole  et  la  ville  émancipée.  Vers  1< 
même  temps  l'empire  fit  en  Afrique  une  perti 
bien  plus  sensible.  En  697  les  Arabes,  sous  Iei 
ordres  d'Hasan,  envahirent  pour  la  cinquièmi 
fois  la  province  romaine,  et  s'emparèrent  d< 
Carthage.  A  la  première  nouvelle  de  l'invasion 
Léonce  envoya  en  Afrique  une  flotte  chargé 
de  soldats  et  commandée  par  le  patrice  Jean.  G 
général  n'eut  pas  de  peine  à  reprendre  Carthage 
mais  l'année  suivante  il  perdit  une  bataille  na 
vale,  et  s'enfuit  avec  les  débris  de  sa  flotte.  Ha1 
san,  redevenu  maître  de  Carthage,  en  rasa  le; 
fortifications  et  les  édifices.  C'est  ainsi  que,  qua 
torze  ou  quinze  siècles  après  sa  fondation ,  l'an 
tique  colonie  de  Tyr,  la  superbe  rivale  de  Rome 
disparut  de  la  surface  du  monde. 

Jean  faisait  voile  vers  Constantinople  ave> 
l'intention  de  demander  à  l'empereur  des  ren 
forts,  et  de  tenter  une  seconde  fois  la  fortune 
mais  ses  officiers,  honteux  et  indignés  de  lett 
défaite  dont  ils  rejetaient  la  responsabilité  su 
leur  général,  n'étaient  pas  disposés  à  lui  obéir 
Absimarus,  un  des  princ'pau\  chefs,  fomenta  1 
mécontentement  des  soldats  et  des  officiers ,  e 
les  poussa  à  une  révolte  ouverte.  Les  insurgé 
massacrèrent  Jean,  et  proclamèrent  Absimaru 
empereur,  sous  le  nom  de  Tibère  II.  Le  nouveau 
prince  fit  voile  pour  Constantinople,  et  jeta  l'ancr 


749 


LÉONCE 


750 


dans  le  golfe  de  Céras.  Léonce,  soutenu  par 
l'affection  des  habitants,  résista  quelques  jours; 
mais  les  troupes  étrangères,  chargées  de  garder 
le  faubourg  des  Blaquernes,  en  livrèrent  l-'entrée 
aux  rebelles.  Une  plus  longue  défense  était  im- 
possible. Léonce,  devenu  prisonnier  de  Tibère  If, 
reçut  le  même  traitement  qu'il  avait  infligé  à 
Justinien.  Il  eut  le  nez  coupé,  et  fut  enfermé  dans 
un  monastère.  Justinien ,  rétabli  sur  le  trône  en 
705,  le  tira  de  sa  prison,  et,  après  l'avoir  exposé 
aux  insultes  de  la  foule,  lui  lit  trancher  la  tête. 

L.  J. 

Théophane,  p.  309,  etc.  —  Cedrènes,  p.  443,  etc.  —  Nicé- 
phore,  p.  26.  —  Constantin  Manassès,  p.  80.  —  Zonaras, 
II,  94,  95.  —  Glycas,  p.  279.  —  Paul  Diacre,  VI,  10-14.  — 
André  Dandolo,  Chronique.  1.  VII,  c.  1.  —  Le  Beau,  His- 
toire du  Bas-Empire,  t.  XII,  édit.  de  Saint-Martin.  — 
Gibbon,  Htstory  of  Décline  and  Fall  of  Roman  Empire. 

léonce-pilate,  un  des  premiers  philolo- 
gues qui  répandirent  en  occident  la  connaissance 
du  grec,  mort  en  1364.  Boccace  et,  d'après  lui, 
l'abbé  de  Sade  le  font  naître  à  Thessalonique  ;  mais 
Pétrarque  prétend  qu'il  était  Calabrais,  et  que  s'il 
se  faisait  passer  pour  Grec,  c'était  par  vanité  (1). 
Il  avait  longtemps  vécu  en  Grèce.  Pétrarque  le 
rencontra  à  Padoue,  et  lui  fit  traduire  en  latin 
quelques  vers  d'Homère.  Émerveillé  des  beautés 
du  poète,  il  souhaita  en  avoir  une  traduction 
complète,  et  fit  part  de  son  désira  Boccace,  qu'il 
vit  à  Milan  quelque  temps  après.  Boccace,  en- 
trant avec  ardeur  dans  ce  projet,  se  rendit  aus- 
sitôt à  Florence,  et  obtint  du  sénat  la  création 
d'une  chaire  de  grec,  la  première  chaire  de  ce 
genre  qui  ait  été  ouverte  en  Italie  et  même  en  Oc- 
cident. Léonce-Pilate  était  alors  (1360)  à  Venise, 
d'où  il  comptait  se  rendre  à  Avignon.  Boccace 
alla  le  chercher  lui-même,  l'emmena  à  Florence 
comme  en  triomphe,  et  le  logea  dans  sa  maison. 
Ce  n'était  pas  un  hôte  commode  que  le  philo- 
logue calabrais.  Boccace  nous  le  représente 
comme  un  homme  d'un  aspect  effrayant,  d'un 
Visage  hideux,  portant  une  longue  barbe,  des 
cheveux  noirs,  mal  peignés,  toujours  plongé  dans 
une  méditation  profonde,  avec  des  manières  in- 
cultes, très-versé  dans  la  littérature  grecque, 
mais  moins  instruit  en  latin.  Léonce  resta  pen- 
dant trois  ans  à  Florence.  Il  expliqua  en  entier 
à  Boccace  les  deux  poèmes  d'Homère  et  en  ré- 
digea une  traduction  latine.  Il  expliqua  et  tra- 
duisit de  même  seize  dialogues  de  Platon.  Quant 
aux  leçons  publiques,  la  rareté  ou  plutôt  le  manque 
presque  total  de  livres  grecs  en  retarda  le  succès. 
Léonce,  mélancolique  et  sauvage  de  sa  nature,  se 
dégoûta  de  Florence,  et  ayant  suivi  à  Venise 
Boccace,  qui  allait  visiter  Pétrarque,  en  1363,  il 
refusa  de  revenir  occuper  sa  chaire.  Pétrarque 
le  garda  quelque  temps  près  de  lui,  et  «  en  tira , 
dit  Ginguené,  les  deux  seules  choses  qu'il  pût 

(1)«  Notre  Léon  est  réellement  de  Calabre;  mais  lui- 
même  se  donne  pour  Thessalien  ,  comme  s'il  était  plus 
noble  d'être  Grec  qu'Italien.  Cependant,  de  même  qu'il 
est  Grec  chez  nous,  il  est,  je  pense,  Italien  chez  eux,  afin 
de  s'ennoblir  de  part  et  d'autre  par  une  origine.  »  Pé- 
trarque, Epist.,  III,  6. 


I  gagner  dans  un  commerce  de  cette  espèce,  une 
I  connaissance  un  peu  plus  approfondie  du  grec, 
I  et  quelques  livres  grées  entièrementinconnusjus- 
!  qu'alors  en  Italie,  entre  autres  un  beau  manus- 
j  cri t  de  Sophocle  ».  Il  ne  put  pas  le  retenir  au- 
j  delà  de  quelques  mois  ;  Léonce  partit  pour  Cons- 
I  tantinople,  et  il  n'y  fut  pas  plus  tôt  arrivé  qu'il 
demanda  à  revenir.  Pétrarque,  qui  le  connais- 
j  sait  bien  (1),  fut  sourd  à  ses  prières.  «  Non,  écri- 
vait-il à  Boccace,  combien  qu'il  m'en  prie,  il 
n"aura  pas  de  moi  de  lettre  qui  le  rappelle.  Qu'il 
reste  où  il  a  voulu  être.  Qu'il  habite  misérable- 
ment là  où  insolemment  il  est  allé.  »  Le  mal- 
heureu\Léonce,ne  recevant  pas  de  réponse  à  ses 
lettres,  se  détermina  cependant  à  retourner  eu 
Italie,  bien  sûr  d'être  accueilli  par  ses  deux  pro- 
tecteurs. 11  s'embarqua  sur  un  vaisseau  qui  fai- 
sait voile  pour  Venise.  Il  était  entré  heureusement 
dans  la  mer  Adriatique,  lorsque  s'éleva  un  ter- 
rible ouragan.  Pendant  que  l'équipage  du  vais- 
seau s'occupait  à  la  manœuvre,  le  Grec,  épou- 
vanté, se  fit  attacher  à  un  mât,  sur  lequel  tomba 
la  foudre.  Léonce  périt  instantanément  et  son 
cadavre,  à  demi  consumé,  fut  jeté  à  la  mer.  Pé- 
trarque donne  ces  détails  dans  une  lettre  à  Boc- 
cace (janvier  1365).  La  traduction  latine  de 
l'Iliade  et  de  l'Odyssée,  la  première  qui  eût 
été  faite,  resta  entre  les  mains  de  Boccace,  qui 
en  envoya  une  copie  à  Pétrarque.  La  copie  ne 
contenait  pas  tonte  l'Odyssée,  et  on  a  supposé 
que  Léonce  n'avait  pas  traduit  tout  ce  poème. 
C'est  une  erreur.  La  traduction  complète  des 
deux  poèmes  existait  dans  la  bibliothèque  de 
l'abbaye  Florentine  du  temps  de  l'abbé  Méhus 
qui  en  parle  dans  sa  Vie  d'4mboise  le  Camal- 
dule.  Baldelli,  dans  sa  Vie  de  Boccace,  cite  un 
passage  de  la  traduction  de  l'Odyssée  d'après  un 
manuscrit  de  la  bibliothèque  desMédicis.  L.  J. 

Pétrarque,  Epistolm,  I.  V  et  VI.  —  Boccace,  Geneal. 
Deorum,  1.  XV,  c.  VI.  —  Humpbred  Hodi,  De  Grœcis  iltus- 
tribus,  linguse  grseese,  Uterarumque  humaniorum  ins- 

(l)  Il  écrivait  à  Boccace  le  5  mars  1364  {Epist.,  1.  III,  6i: 
«  Ce  Léon  ,  qui  vraiment  à  tous  égards  est  une  grande 
bête,  bien  que  je  ne  le  voulusse  pas  ,  et  que  je  cherchasse 
à  l'en  dissuader,  plus  sourd  néanmoins  que  les  rochers 
auxquels  il  voulait  s'exposer,  est  parti  depuis  ton  départ. 
Tu  nous  connais  bien  lui  et  moi,  et  tu  ne  saurais  décider 
s'il  est  plus  mélancolique  que  je  ne  suis  joyeux.  Crai- 
gnant donc,  si  je  continuais  de  vivre  avec  lui.de  contracter 
sa  mauvaise  humeur,  je  lui  ai  permis  de  s'en  aller,  et  je 
lui  ai  donné  pour  compagnon  de  voyage  le  comique  Té- 
rence;  car  j'avais  remarqué  qu'il  se  plaisait  infiniment 
dans  cette  lecture,  bien  que  je  ne  comprisse  pas  ce  que  ce 
Grec  mélancolique  avait  affaire  avec  cet  Africain  si  ai- 
mable, tant  il  est  vrai  qu'il  n'y  a  pas  d'êtres  si  dissem- 
blables qui  par  quelque  côté  ne  s'appareillent.  Il  s'est 
donc  en  allé  sur  la  fin  de  l'été  après  avoir  prononcé  en 
ma  présence  mille  invectives  amères  contre  l'Italie  et 
contre  le  nom  latin.  A  peine  pouvait-il  être  arrivé  en 
Grèce  que  voilà  qu'à  l'improviste  m'arrlve  une  lettre  de 
lui  plus  longue  et  plus  hérissée  que  sa  barbe  et  ses  che- 
veux; dans  cette  missive,  entre  autres  choses,  11  loue  et 
exalte  comme  une  terre  céleste  l'Italie,  qu'il  maudissait 
naguère,  et  il  maudit  Constantinople,  naguère  si  loué  de 
lui,  et  il  me  prie  de  lui  commander  de  revenir  près  de 
moi  en  Italie;  il  m'en  pile  plus  instamment  que  Pierre  au 
moment  du  naufrage  ne  demandait  à  être  sauvé  de 
l'onde.  » 


751 


LÉONCE  —  LEONHARD 


752 


tauratoribus.  —  Tiraboschl,  Sloria  délia  Lttleratura  ita- 
liana,  t.  V,  p.  401.  —  Ginguené,  Histoire  Littéraire  d'I- 
talie,t.  II,  p.  436;  t.  111,  p.  1S. 

LÉONCE.  Voy*  Leontius. 
LEONCLAV1CS.  Voy.  LOEWENTEAU. 

LEONE  (Gitglielmo  da),  peintre,  dessinateur 
et  graveur  italien,  né  à  Parme,  en  1664,  mort 
vers  1 740,  a  été  confondu  avec  plusieurs  de  ses  ho- 
monymes. Onle  suppose  élève  deGiulioRomano, 
dont  il  prit  le  genre.  Mais  il  abandonna  bientôt 
cette  branche  de  l'art  pour  la  gravure.  Deux 
recueils  d'animaux  qu'il  publia  eurent  un  grand 
succès;  —  on  cite  encore  de  lui  :  Un  Paysage 
montagneux,  animé  par  divers  animaux  ;  — 
Vénus  mettant  un  bandeau  sur  les  yeux  de 
V Amour; —  et  divers  paysages.        A.  de  L. 

Giovanni  Gori  Gandellini,  Notizie  degl'  lngliatori 
(Slena,  1813),  t.  XII. 

leone  (Evasio),  littérateur  italien ,  né  le 
16  avril  1765,  à  Casai,  mort  vers  1821. 11  prit  de 
bonne  heure  l'habit  religieux,  enseigna  quelque 
temps  la  théologie  morale  à  Rome  et  occupa,  de 
1809  à  1814,  une  chaire  au  lycée  de  Fermo.  Il 
s'établit  ensuite  à  Corfou ,  d'où  il  s'embarqua  en 
1821  pour  parcourir  la  Grèce  et  l'ancienne  Asie 
Mineure.  On  ignore  s'il  a  péri  dans  un  naufrage 
ou  s'il  a  été  tué  aux  environs  de  Smyrne ,  la 
dernière  ville  qu'il  ait  visitée.  On  a  de  lui  :  Il 
Cantica  dei  Cantici  ;  Turin  ,  1796,  in-8°,  tra- 
duction en  vers  plusieurs  fois  réimprimée;  des 
Variazioni  furent  ajoutées  par  l'auteur  en  1823; 
—  Le  Lùmentazioni  di  Geremia;  Bassano, 
1807;  2e  édit.,  augmentée,  Plaisance,  1812, 
3  vol.  in-8°;  —  Pianlo  di  Maria;  Florence, 
1823;  —  Pigmalione  et  la  Vittoria  di  Mosca, 
petites  poèmes.  K. 

Tipaldo,  Biogr.  degli  Italiani  illustri,  V. 

leonelli  (Zecchini),  savant  architecte  et 
mathématicien  italien,  né  à  Crémone, en  1776, 
mort  à  Corfou,  le  12  octobre  1847. 11  étudia  l'ar- 
chitecture à  Rome  en  1792.  En  1800,  il  se  rendit 
à  Bordeaux,où  il  donna  pendant  quelques  années 
des  leçons  de  mathématiques  et  d'architecture. 
Il  publia  un  petit  ouvrage  qui  révéla  un  analyste 
distingué ,  et  dont  voici  le  titre  complet  :  Sup- 
plément logarithmique  contenant  la  décom- 
position des  grandeurs  numériques  quelcon- 
ques en  facteurs  finis,  reconnue  très-propre 
et  incomparablement  plus  courte  que  toute 
autre  méthode  pour  calculer  directement  les 
logarithmes  et  leurs  valeurs  naturelles  à 
l'aide  des  logarithmes  de  ces  facteurs, et  munis 
de  trois  Tables  de  logarithmes  fadeurs  :  les 
deux  premières  pour  les  logarithmes  vul- 
gaires et  hyperboliques  à  vingt  décimales,  et 
la  troisième  pour  les  logarithmes  vulgaires  à 
quinze  décimales,  dont  l'application  est  en- 
core plus  simple  et  plus  utile  ;  et  La  Théorie 
des  logarithmes  additionnels  et  déductifs  ou 
de  certains  logarithmes  qui  donnent  direc- 
tement les  loganithiries  des  sommes  et  des 
différences  des  valeurs  naturelles,  dont  on 
ne  connaît  que  les  logarithmes  ;  Bordeaux, 


an  XI,  in-8°.  Présenté  à  l'Institut,  le  Supplé- 
ment logarithmique  fut  l'objet  d'un  rapport 
favorable  de  Delambre.  «  Cet  opuscule,  aussi 
remarquable  qu'ignoré ,  dit  M.  Terquem  ,  con- 
tient deux  parties.  La  première  partie  donne  un 
moyen  de  calculer  rapidement  les  logarithmes 
des  nombres  et  les  nombres  correspondant  aux 
logarithmes  à  l'aide  d'une  décomposition  des 
nombres  en  facteurs ,  décomposition  très-ingé- 
nieuse et  d'une  extrême  simplicité La  se- 
conde partie  contient  une  table  au  moyen  de 
laquelle,  connaissant  log  m  et  log  n,  on  trouve 
immédiatement  log  (  m  -f-  n  )  sans  connaître  ni 
m  ni  n.  C'est  cette  table  que  M.  Gauss  a  perfec- 
tionnée et  mise  en  vogue,  et  il  dit,  en  effet,  en 
devoir  l'idée  à  Leonelli,  dont  elle  devra  porter 
le  nom  (1).  »  Une  traduction  allemande  de  l'ou- 
vrage de  Leonelli  avait  paru  à  Dresde  en  1806. 
Leonelli  habita  successivement  Milan,  Venise, 
Strasbourg,  où  il  fit  paraître  sa  Démonstration 
des  Phénomènes  Électriques ,  ou  théorie  de 
l'électricité  prouvée  par  l'expérience  (1813, 
in-8°).  Il  alla  ensuite  à  Carlsruhe  au  service  du 
grand-duc  de  Bade,  puis  à  Vienne,  à  Trieste,  et 
enfin  à  Corfou,  où  il  fut  nommé  directeur  du 
Cabinet  de  Physique.  Leonelli  a  communiqué  à 
l'Académie  des  Sciences  de  Paris  plusieurs  mé- 
moires :  Sur  la  Chute  des  Graves;  —  Sur  la 
trajectoire  des  projectiles  terrestres  ;  —  Sur 
la  cause  de  la  cessation  des  oscillations  du 
pendille;  —  Sur  la  Force  vive;  —  Modifica- 
tions à  la  méthode  d'extraction  des  racines 
numériques  (voyez  Comptes  rendus  de  l'A- 
cadémie des  Sciences,  t.  IV,  p.  961,  et  t.  VII, 
p.  653);  —  Invention  et  Tables  de  logari- 
thmes additionnels  et  déductifs  (t.  XIII, 
p.  807  )  ;  —  Note  sur  la  comète  de  mars  1843 
(t.  XVII,  p.  179),  etc.                      E.  M. 

Terquem,  Nouvelles  Annales  de  Mathématiques  (  mal 
1853  et  novembre  1858). 

leonello  {Antonio),  peintre  de  l'école  bo- 
lonaise ,  né  près  de  Bologne,  vivait  à  la  fin  du 
quinzième  siècle.  Il  fut  très-habile  dans  l'art  de 
peindre  les  tleurs,  les  fruits  et  les  animaux.  Il  a 
fait  aussi  quelques  portraits.  E.  B — n. 

Ticozzi,  Dizionario.  —  Winckelmann,  Neues  M&hler- 
lexikon. 

*  leonharo  (Charles-César  de  ),  géologue 
allemand,  né  le  12  septembre  1779,  à  Rum- 
pelheim  près  Hanau ,  étudia  aux  universités  de 
Marbourg  et  de  Gôttingue ,  où  il  fut  l'élève  de 
Blumembach.  De  1800  à  1814  il  remplit  diverses 
charges  dans  l'administration  du  duché  de  Ha- 
nau et  du  grand-duché  de  Francfort,  fit  plusieurs 
voyages  en  Saxe,  en  Bavière  et  en  Autriche ,  se 
retira  en  1815  du  service  de  l'État,  et  fut 
nommé  en    1818  professeur  de  minéralogie  à 

(1)  Dans  la  Correspondance  de  Zach ,  Gauss  s'exprime 
ainsi  :  Die  Idée  dazu  hat  Leonelli  so  viel  ich  weis 
zuerst  angegeben;  alleinseine  Meinungwar,  eine  solc/ie 
Ta/elfùr  Hechnunaen,  mit  14  decimalen  zu  construiren 
(Gotha,  181Î,  t.  XXVI,  p.  499). 


753 


LEONHARD  —  LEONI 


754 


l'université  de  Heidelberg.  Parmi  ses  nombreux 

icrits  on  remarque  :  Ckaracteristik  der  Fel- 
sarten   (Caractères   des   espèces   rocheuses); 

Heidelberg,  1824,  3  vol.  in-8°;  —  Die  Ba- 
«altgebilde(Les  Formations  basaltiques)  ;  Stutt- 
nard,  1832;  —  Agenda  geognostica ;  Heidel- 
berg, 2e  édit.,  1837;  —  Topographische  Mine- 
yalngie  (Minéralogie  topographique);  Franc- 
fort, 1805-1809,  3  vol.;  —  Grundziige  der 
iOryck/ngnosie  (  Éléments  d'Oryctognosie);  Hei- 
Helberg,  2e  édit.,  1833  ;  —  Handbuch  der  Oryk- 
Uognosie  (Manuel  d'Oryctognosie);  Heidelberg, 
bc  édit.,  1826  ;  —  Grundziïge  der  Geognosie 
\und  Géologie  (Éléments  de  Geognosie  et  de  Géo- 
Bogie)  ;  Heidelberg,  3e  édit.,  1839  ;  —  Lehrbuch 
mer  Geognosie  und  Géologie  (  Traité  de  Geo- 
gnosie et  de  Géologie);  Stuttgard ,  2e  édit., 
1849.  Ses  leçons  publiques  populaires  ont  été 
publiées  sous  le  titre  de  :  Géologie  oder  Natur- 
geschichte  der  Erde  (  Géologie  ou  Histoire 
naturelle  de  la  Terre);  Stuttgard,  1836-1845, 
8  vol.  in-s° ,  traduite  en  français,  en  anglais  et 
en  hollandais  ;  —  Naturgeschichte  des  Stein- 
reichs  (Histoire  naturelle  du  Règne  Minéral); 
Stuttgard,  nouvelle  édit.,  1853.  Depuis  1830 
M.  Léonhard  rédige  aussi  l' Annuaire  de  Miné- 
ralogie, de  Géologie,  de  Geognosie  et  de  la 
science  des  Pétrifications  (Jahrbiicher  fur  Mi- 
néralogie, Géologie,  Geognosie  und  Petrefac- 
tenkunde). 

Son  fils,  Gustave  Léonhard,  né  à  Munich,  le 
22  novembre  1S16,  a  publié  :  Handwôrterbuch 
der  topographischen  Minéralogie  (Diction- 
naire de  Minéralogie  topographique  )  ;  Heidel- 
berg, 1843; — Geognostische  Skizze  des  Gross- 
herzogthums  Badin  (Esquisse  géognostique 
du  grand-duché  de  Bade);  Stuttgard,  1846;  — 
Die  Mineralien  Badens  (  Les  Minéraux  de 
Bade)  ;  Stuttgard,  2e  édition,  1854.    R.  Meyer. 

Conv.-Lex. 

leonhardi  (Jean-Godefroy),  chimiste 
allemand,  né  à  Leipzig,  le  18  juin  1746,  mort  à 
Dresde,  le  11  janvier  1823.  11  enseigna  la  méde- 
cine successivement  à  Leipzig  et  à  Svittemberg, 
et  devint  en  1791  médecin  particulier  de  l'élec- 
teur de  Saxe.  Ses  principaux  travaux  sont  :  Ob- 
servationes  Chemicx;  Leipzig,  1775;  —  De 
Salibus  Sutcineis;  ibid.,  1775,  in-4°;  —  De 
Chemicorum  Instrumentis  mechanicis  erro- 
rum  et  dissensus  fontibus;  ibid.,  1783,  in-4°; 
—  De  succorum  humanorum  Salibus  dulci- 
bus;  ibid.,  1790,  in-4°  ;  —  Pharmacopoea 
Saxonica;  Dresde,  1820,  grand  in-8°.      Dr  L. 

Biographie  Médicale. 

LEONI  (  Lttigi  ),  sculpteur,  graveur  et  peintre 
de  l'école  vénitienne,  né  à  Padoue,  en  1531, 
mort  à  Rome,  en  1606.  Il  passa  dans  cette  der- 
nière ville  la  plus  grande  partie  de  sa  vie,  et  s'y 
fit  connaître  sous  le  nom  du  Padovano.  Il  exé- 
cutait en  cire,  et  souvent  de  mémoire,  des  por- 
traits de  la  plus  parfaite  ressemblance,  et  parfois 
après  n'avoir  vu  qu'une  seule  fois  l'original.  Il 


ne  se  montra  pas  moin3  habile  dans  l'art  de 
graver  des  estampes,  des  sceaux  ou  des  mé- 
dailles, et  dans  celui  de  modeler  des  figures  ; 
il  peignit  avec  talent  à  l'huile  et  à  fresque  l'his- 
toire et  le  paysage  ;  en  un  mot,  il  peut  être  consi 
déré  comme  un  artiste  universel.  Honorable  par 
son  caractère,  recoramandable  par  son  instruc- 
tion, il  fréquentait  tous  les  hommes  distingués 
de  son  temps ,  et  en  était  justement  apprécié. 
Plein  de  sentiments  religieux,  afin  de  s'entre- 
tenir dans  la  pensée  continuelle  de  la  mort  et 
de  l'autre  vie ,  on  dit  qu'il  avait  toujours  sous 
son  lit  deux  caisses ,  l'une  vide  destinée  à  lui 
servir  de  cercueil,  l'autre  pleine  de  cierges  ré- 
servée à  ses  funérailles,  et  qu'il  ne  passait  pas 
un  jour  sans  donner  un  coup  d'œil  à  ce  perpé- 
tuel mémento  mori.  Il  fut  enterré  en  grande 
pompe  dans  l'église  de  Sancta-Maria-del-Po- 
polo.  E.  B— n. 

Orlandi,  Abbecedario.  —  Ticozzi,  Dizionario. 

leom  (Cav.  Ottavio),  graveur  et  peintre 
de  l'école  vénitienne,  fils  du  précédent,  né  en  1 578, 
mort  en  1630.  Élève  de  son  père,  il  fut  comme  lui 
surnommé  le  Padovano,  bien  que,  selon  toute 
apparence,  il  fût  né  à  Rome ,  où  Luigi  se  fixa  de 
bonne  heure.  Son  coloris  est  satisfaisant,  son  des- 
sin correct  et  facile ,  sa  touche  fine  et  délicate.  Il  a 
laissé  à  Rome  quelques  tableaux  et  quelques 
fresques,  et  on  voit  de  lui  une  Cornélie  au  musée 
deLondres  ;  mais  il  s'adonna  surtout  aux  portraits, 
qu'il  rendait  avec  une  rare  perfection.  Il  a  gravé 
d'après  ses  propres  dessins  une  précieuse  collec- 
tion de  portraits  de  peintres.  Cet  artiste,  dont 
malheureusement  un  travail  excessif  avait  ruiné 
la  santé ,  avait  été  nommé  par  Grégoire  XV  che- 
valier de  l'ordre  du  Christ,  et  il  fut  membre  de 
l'Académie  de  Saint-Luc.  E.  B — n. 

Baglione,  Vile  de'  Pittori,  Scultori  ed  ArchUelti  del 
1573  al  1642.  —  Lanzi,  Storia  Pïttorieu. 

leom  (Leone),  architecte,  orfèvre,  graveur 
de  médailles  et  sculpteur  italien,  mort  en  1592. 
Le  surnom  de  Cav.  Aretino,  qu'il  prenait  lui- 
même,  ne  permet  pas  dé  douter  qu'Arezzo  n'ait 
été  sa  patrie,  bien  que  quelques  auteurs  le  fas- 
sent naître  à  Menaggio,  dans  le  diocèse  de  Côme. 
Le  long  séjour  qu'il  fit  à  Milan  ne  contribua  pas 
peu  à  y  naturaliser  le  bon  goût  de  l'école  flo- 
rentine qui  y  avait  été  introduit  par  Léonard  de 
Vinci.  La  protection  de  D.|  Ferrante  Gonzaga, 
gouverneur  de  la  Lombardie,  fut  l'origine  et  la 
principale  cause  de  la  renommée,  des  richesses 
et  des  honneurs  dont  il  devait  étrs  comblé  plus 
tard,  et  il  la  dut  sans  doute  à  une  médaille  qu'il 
grava  d'après  Ippolita  Gonzaga,  fille  de  D.  Fer- 
rante, alors  âgée  de  seize  ans  ;  cette  médaille  est 
signée  en  caractères  grecs  du  surnom  à' Aretino. 
L'année  suivante,  Leoni  fournit  le  dessin  d'une 
autre  médaille  de  la  même  princesse,  que  Ja- 
copo  da  Trezzo  exécuta  vers  1552;  enfin,  en 
1556,  il  fit  la  médaille  de  D.  Ferrante  lui- 
même. 
,   Après  la  mort  de  celui-ci,  César,  son  fils,  vou- 


755  LEONI  —  LEONICENUS 

lant  honorer  la  mémoire  de  son  père  tout  en 

contribuant  à  l'embellissement  de    sa  ville  de 

Guastalla,  demanda  à  Leoni  une  statue  en  bronze 

de  D.  Ferrante,  vainqueur  de  l'Envie,  destinée  à 

la  place  principale  de  cette  ville.  Ce  travail,  sans 

cesse  interrompu  par   d'autres  commandes  et 

par  les  voyages  de  l'artiste,  traîna  tellement  en 

longueur,  que  le  groupe  ne  fut  érigé  qu'en  1594, 

après  la  mort  de  César  Gonzaga  et  de  Leoni  lui- 
même,  sur  la  place  de  Guastalla,  qu'elle  orne  en- 
core aujourd'hui. 
Charles  Quint,  appréciant  les  rares  talents  de 

Leoni,  voulut  qu'il  lit  sa  statue  en  bronze  et  qu'il 

gravât  plusieurs  médailles  à  son  effigie.  Pour 

s'assurer  ses  services,  il  lui  assigna  une  pension 
de  150  ducats,  l'anoblit,  et  lui  donna  à  Milan 
un  logement  sur  la  place  Belgiojoso,  dans  le 
palais  Pozzi ,  aujourd'hui  encore  reconnaissable 
à  des  cariatides  dont  le  décora  Leoni.  Philippe  II 
continua  à  employer  cet  habile  artiste ,  et  l'Es- 
pagne admire  les  grandes  figures  de  bronze 
que  Leoni  fit  pour  l'Escurial  avec  l'aide  de 
son  fils  Pompeo.  Le  chef-d'œuvre  de  Leoni  se 
trouve  dans  la  cathédrale  de  Milan;  c'est  le 
tombeau  de  Jacques  de  Médicis,  marquis  de  Ma- 
rignan,  monument  exécuté  d'après  un  dessin 
donné  par  Michel-Ange.  La  statue  du  guerrier 
n'est  pas  la  plus  heureuse  comme  ajustement; 
mais  les  figures  de  La  Paix,  La  Vertu  militaire, 
La  ProAïdence  et  La  Renommée,  placées  dans  les 
entrecolonnements,  ont  fourni  à  Leoni  l'occa- 
sion de  déployer  tout  son  talent  de  fondeur. 
Quoique  dans  ces  statues  on  trouve  un  peu  de 
manière  et  une  grâce  un  peu  étudiée,  on  y  re- 
connaît cependant  une  grande  élégance  de  style 
et  une  certaine  hardiesse  sagement  modérée  sur 
la  corniche.  Leoni  a  signé  son  œuvre  :  Léo.  Are- 
tin,  equesfecit.  E.  B n. 


Goselini,  P'ita  di  D.  Ferràndo  Gonzaga.  —  Affo, 
Storia  di  Guastalla.  —  Cicognara  ,  Storia  délia  Scul- 
tura.  —  Cainpori,  Gïi  artisti  negliStati  Estensi. 

leoniceno  (  Nicolas  ),  médecin  et  philo- 
logue italien,  né  en  1428,  à  Lonigo  (Leoniaim), 
château  du  Vicentin,  mort  en  1524.  Il  fit  ses 
études  à  Vicence  sous  le  grammairien  Ognibene 
de  Lonigo ,  et  acquit  une  connaissance  appro- 
fondie des  auteurs  grecs  et  latins.  Il  se  rendit  en- 
suite à  Padoue  pour  y  suivre  les  cours  de  philo- 
sophie et  de  médecine.  Brasavola,  son  disciple  et 
son  biographe,  prétend  qu'après  avoir  reçu  le 
grade  de  docteur,  il  fit  un  voyage  en  Angleterre. 
A  son  retour  il  professa  successivement  à  Pa- 
doue, à  Ferrare,  à  Bologne  les  diverses  sciences 
qui  composaient  alors  la  philosophie.  On  ne  pos- 
sède sur  sa  vie  que  des  détails  peu  nombreux  et 
douteux  ;  mais  il  paraît  certain  qu'il  renonça  à 
l'enseignement,  et  qu'il  passa  le  reste  de  ses 
jours  à  Ferrare.  «  Ce  médeein,  dit  la  Biogra- 
phie Médicale ,  fut  un  des  premiers  qui  s'éloi- 
gnèrent de  la  barbarie  des  scolastiques,  et  qui  re- 
mirent en  honneur  les  principes  et  surtout  la  mé- 
thode des  anciens  Grecs.  Hippocrate,  Paul  d'É- 


756 

gine  et  Rhazès  étaient  ses  auteurs  favoris,  ce  qui 
témoigne  assez  de  la  pureté  de  son  goût.  Son 
estime  pour  les  anciens  ne  l'aveuglait  cependant 
pas  jusqu'à  l'empêcher  de  reconnaître  leurs  er- 
reurs, et  il  fut  assez  sage  pour  se  préserver  de 
cette  admiration  servile,  de  cet  enthousiasme 
irréfléchi,  qui  plus  tard  exerça  une  si  perni- 
cieuse intluence  sur  la  médecine.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  qu'il  consacra  un  ouvrage  tout  entier  à 
relever  les  erreurs  de  Pline  et  d'autres  anciens 
écrivains,  et  qu'en  plusieurs  occasions  il  blâme 
assez  vertement  Celse  de  s'être  écarté  des  au- 
teurs originaux,  dont  son  élégant  traité  n'est 
qu'une  compilation...  Celui  qui  se  propose  de 
lire  les  ouvrages  des  médecins  du  moyen  âge 
doit  s'y  préparer  en  méditant  ceux  de  Leoni- 
ceno, qui  sont  remplis  d'excellentes  vues  et  de 
remarques,  dont  plus  d'un  écrivain  moderne  se 
ferait  honneur.  >»  On  a  de  Leoniceno  :  De  Pli- 
nii  et  aliorum  mediçorum  in  medicina  Erro- 
ribus;  Ferrare,  1492,  in-4°;  deux  philologues,- 
Ermolao  Barbaro  et  Ange  Politien,  moins  versés 
dans  les  sciences  naturelles  que  Leoniceno, 
mais  connaissant  mieux  l'antiquité',  relevèrent 
les  nombreuses  fautes  qu'il  avait  commises  dans: 
cette  critique,  d'ailleurs  pleine  de  sens  et  de  pé- 
nétration; —  Liber  de  Epidemia  quatn  Itali 
morhutn  gallicum  vocant ,  vulgo  brossulas; 
Venise,  1497,  in-4°;  —  De  Dipsade  et  pluribus 
aliis  serpenlibus  ;  Bâle,  1529,  in-4°;  —  Opus- 
cula  Medica;  Bâle,  1532,  in-fol.  Leoniceno  a 
traduit  en  latin  plusieurs  ouvrages  de  Galien;  le 
traité  De  Partibus  Animalium  d'Aristote, 
l'Histoire  de  Dion  Cassius  et  les  Dialogues  de 
Lucien.  Z. 

Angiolgabriello,  Bibliotheea  degli  Scriltori  Vicentini, 
t.  II,  p.  138.  —  Paul  Jove,  Elogia,  n.  LXX.  p.  162,  183.  —  - 

—  Papadopoli,  H istoria  Gymnasii  Patavini,  vol.  I,  p.  297.' 

—  Fabricius,  bibliotheea  Lat.  med.  et  inf.  œt.  —  Tirabus-i 
cbi,  Storia  délia  Letterat.  Italiana,  t.  VI,  part.  I,  p.  414.: 

—  liiog.  Méd. 

leonicénus  (  Omnibonus) ,  nom  latinisé 
de  Ognibuono  de  Lonigo ,  grammairien  italien 
du  quinzième  siècle.  Leonicenus  était  né  dans  le 
Vicentin  et  de  la  même  famille  que  Nicolas  Leo- 
nicenus. Il  fut  l'élève  de  Victorin  de  Feltre  et 
d'Emmanuel  Chrysoloras,  et  devint  professeur 
de  belles-lettres  à  Venise.  On  croit  qu'il  dirigea 
l'imprimerie  de  Nicolas  Jenson  à  Venise.  II  a  du 
moins  présidé  à  quelques-unes  des  meilleures 
éditions  données  par  cet  imprimeur.  On  a  de  lui  : 
Liber  de  octo  partibus  orationis  ad  Frédéric, 
de  Gonzaga;  Venise,  1473,  in-4°;  réimprimé  à 
Ferrare  en  1474,  par  Aug.  Carnerio  :  c'est  le 
premier  livre  imprimé  à  Ferrare;  —  De  Fersu 
heroico  Liber;  Milan,  1473,  in-4°;  —  Trac- 
tatus  ad  Scandendum  (sans date),  in-4°  :  ces 
trois  opuscules  ont  été  réunis  sous  le  titre  de 
Grammatices  Rudimenta,  cum  libello  de.  Arte 
Metrica;  Vicence,  1506;  —  Commêntarii  in 
Lucani  Pharsalia;  Venise,  1475,  in-fol.;  — 
In  Tullii  dial.  De  Oratore;  Venise,  1476, 
in-fol.;—  In  Valerium  Maximum;  Venise, 


757  LEONICEISUS 

1482,  in-fol.;  —  In  Sallustii  Catilinam;  Ve- 
nise, 1500,  in-fol.;  — une  édition  des  deux 
traités  de  Cicéron  :  Rhetoricorum  ad  Hcren- 
nium  Libri  IV ;  De  Inventione  Rhetorica,  Li- 
bri II;  Venise  (Nie.  Jenson),  1470,  in-4°  ;  — 
une  édit.  des  Institutiones  Oratorix  de  Qnin- 
tilien;  Venise,  1471,  in-fol.  Leonicenus  a  traduit 
en  latin  quelques  fables  d'Ésope,  le  traité  de 
Xénophon  Sur  la  Chasse  et  les  deux  traités  de 
saint  Atlianase  Contre  les  Gentils  et  les  Héré- 
tiques. Z. 

Fabrlcius  ,  Bibliotkeca  Latina  medix  et  inflmx  xtatis 
(édit.  de  Mansl  ).  —  Ant.  Orlandi,  Origine  e  Proqrcssi 
délia  Stampa.  —  Le  P.  Laire,  Spécimen  Typ.  romunœ, 
p.  225.  —  Index  libr.  ab  invent,  ti/pogr.  —  Quirini, 
Brixiana  Literatura,  part.  1,  p.  114, 123. 

LEOKlco  (  Angelo  ),  poëte  italien,  qui  vivait 
au  milieu  du  seizième  siècle  ;  il  était  Génois,  et 
composa  un  ouvrage  intitulé  :  L'Amorc  di 
Troilo  et  Griseida,  ove  si  traita  in  buona 
parte  la  guerra  di  Troia.  Ce  volume ,  im- 
primé à  Venise  en  1553,  est  devenu  fort  raie; 
les  bibliographes  italiens  ne  l'ont  pas  signalé  ou 
à  peine  en  ont-ils  fait  mention  ,  et  ils  ne  four- 
nissent pas  de  renseignements  sur  la  vie  de  l'au- 
teur. Il  parait  avoir  écrit  d'autres  productions 
en  vers;  mais  une  seule  a  été  imprimée,  c'est 
une  tragédie  en  versi  sciolti,  intitulée  II  Sol- 
dato;  Venise,  1550.  G.  B. 

Quadrio,  Storia  d'ogni  Poesia,  t.  IV. 

léonidas  (  AEwvi'ôaç  ),  roi  de  Sparte,  le 
dix-septième  de  la  famille  des  Agides ,  tué  àïix 
Thermopyles,  en  480  avant  J.-C.  Il  était  l'un  des  J 
fils  d'Anaxandride  (  voy.  ce  nom  )  par  sa  pre- 
mière femme,  et  selon  certains  récits  le  frère 
jumeau  de  Cléombrote.  Il  épousa  Gorgo,  fille  de 
son  demi-frère  Cléomène,  et  succéda  à  ce  prince 
vers  490  (  son  frère  aîné  Dorieus  était  mort  du 
vivant  de  Cléomène).  Lorsque  Xerxès  envahit 
la  péninsule  hellénique  et  occupa  la  Macédoine, 
au  printemps  de  480,  les  Grecs  songèrent  d'a- 
bord à  défendre  le  cours  du  Pénée;  mais  à  l'ap- 
proche des  Perses ,  ne  se  croyant  pas  en  force 
pour  résister,  ils  évacuèrent  la  vallée  de  Tempe, 
et  allèrent  prendre  position  avec  leur  flotte  à 
l'entrée  de  l'Euripe.  Cependant,  le  conseil  fédéral 
rassemblé  sur  l'isthme  de  Corinthe ,  ne  voulant 
pas  sacrifier  sans  combat  des  provinces  aussi 
importantes  que  la  Béotie  et  l'Attique,  décida 
qu'on  défendrait  les  Thermopyles,  la  seule  route 
par  où  l'ennemi  pût  passer  de  la  Thessalie  dans 
la  Béotie.  Le  défilé  des  Thermopyles  compris 
entre  les  derniers  escarpements  du  mont  Œta 
et  le  rivage  marécageux  du  golfe  Maliaque  (au 
nord  de  l'Euripe)  était  à  ses  deux  extrémités, 
Anthéla  et  Alpéni,à  peine  assez  large  pour  laisser 
passer  un  char.  L'espace  situé  entre  ces  deux 
points  était  peu  praticable,  à  cause  de  l'abondance 
des  sources  thermales,  qui  formaient  des  marais. 
Ce  défilé  étroit,  protégé  d'un  côté  par  des  mon- 
tagnes inaccessibles,  de  l'autre  par  la  mer,  dont 
la  Hotte  grecque  était  maîtresse ,  fermé  de  plus 
par  un  mur  à  demi  ruiné,  qu'on  pouvait  relever 


—  LÉONIDAS  758 

facilement,  se  prêtait  très-bien  à  la  défense.  Le 
conseil  fédéral  résolut  d'y  envoyer  des  forces 
capables  d'arrêter  les  Perses.  Malheureusement 
il  n'avait  que  très-peu  de  troupes  à  sa  disposi- 
tion. Les  Athéniens  étaient  à  bord  de  la  (lotte, 
et  à  la  veille  d'une  bataille  navale  il  n'eût  pas 
été  prudent  de  dégarnir  les  vaisseau*  grecs.  La 
plus  grande  partie  des  forces  du  Péloponnèse  ne 
devaient  être  disponibles  qu'après  la  célébration 
des  jeux  Olympiques  et  des  Carnéennes,  deux 
fêtes  nationales  qu'il  eût  semblé  impie  de  négliger 
au  moment  où  l'invasion  étrangère  mettait  en 
péril  la  nationalité  hellénique.  Dans  cet  embarras, 
les  Spartiates,  qui  avaient  le  commandement  en 
chef  de  l'armée  fédérale  (  hégémonie  )  résolurent 
d'envoyer  un  corps  d'élite  qui  gardât  les  Ther- 
mopyles en  attendant  que  des  forces  suffisantes 
se  réunissent  sur  ce  point.  Léonidas  fut  chargé 
de  cette  mission  dangereuse.  Il  rassembla  à  la 
hâte  les  contingents  disponibles  du  Péloponnèse  : 
trois  cents  Spartiates,  tous  hommes  faits  et  lais- 
sant dès  enfants  pour  réparer  leur  perte ,  des  hi- 
lotes  et  des  troupes  légères,  et  un  certain  nombre 
d'hoplites  lacédémoniens ,  cinq  cents  hoplites 
de  Tégée ,  cinq  cents  de  Mantinée ,  cent  vingt  de 
l'Orchomène  arcadienne,  mille  du  reste  de  l'Ar- 
cadie ,  quatre  cents  de  Corinthe ,  deux  cents  de 
Phlius,  et  quatre-vingts  de  Mycènes,  en  tout 
quatre  mille  hommes  au  moins  (1).  Avec  ces 
troupes  il  marcha  vers  les  Thermopyles  à  la  fia 
de  juin,  et  recueillit  sur  la  route  sept  cents  hopli- 
tes de  Thespie,  d'un  dévouement  à  toute  épreuve, 
et  quatre  cents  Thébains,  beaucoup  moins  fidèles  à 
la  cause  hellénique.  Aussitôt  arrivé  aux  Thermo- 
pyles, il  invita  les  Phocidiens  et  les  Locriens  à  se 
joindre  à  lui  en  leur  annonçant  qu'il  formait  seu- 
lement l'avant-garde  d'une  puissante  armée.  Les 
Locriens  et  les  Phocidiens ,  enhardis  par  cette 
déclaration,  envoyèrent  un  contingent  de  trois  à 
quatre  mille  hommes.  Jusque  là  tout  se  présen- 
tait d'une  manière  favorable  ;  mais  bientôt  deux 
nouvelles  fâcheuses  vinrent  révéler  à  Léonidas 
les  dangers  de  sa  situation.  La  flotte  grecque,  à 
la  suite  d'un  engagement  malheureux  avec  les 
Perses,  avait  abandonné  le  golfe  Maliaque.  Un 
passage  peu  connu,  mais  praticable,  traversait 
la  chaîne  de  l'CEta  et  aboutissait  un  peu  au-des- 
sous de  l'extrémité  sud-est  des  Thermopyles. 
Ainsi  la  position  des  Grecs  pouvait  être  tournée 
des  deux  côtés.  Les  troupes  du  Péloponnèse  de- 
mandèrent instamment  à  se  retirer  sur  l'isthme 
de  Corinthe.  Léonidas  refusa  de  livrer  ses  alliés 
à  la  merci  des  Perses.  Il  confia  aux  Phocidiens 
la  défense  du  passage  de  PŒta,  et  resta  avec  le 
gros  de  ses  troupes  aux  Thermopyles.  En  même 
temps  il  pressa  l'arrivée  des  renforts. 

(1)  L'inscription  placée  sur  le  tombeau  des  Grecs  tués 
aux  Thermopyles  porte  à  quatre  mille  le  nombre  des 
I'éioponnésiens  qui  défendirent  le  défilé;  elle  est  ainsi 
conçue  : 

Ici  contre  trois  millions  d'hommes  combattirent 

Quatre  mille  I'éioponnésiens. 


759 


LÉONIDAS 


7G0 


Xerxès,  parvenu  à  l'entrée  du  défilé,  attendait 
pour  commencer  l'attaque  que  sa  Hotte,  fort 
maltraitée  par  la  tempête,  fût  en  état  d'agir.  Le 
quatrième  jour,  quoique  privé  de  l'appui  de  ses 
vaisseaux,  il  ordonna  aux  troupes  mèdes  d'en- 
lever le  passage.  Les  Mèdes  étaient  braves,  mais 
mal  armés  et  mal  exercés.  Leurs  petites  piques, 
leurs  légers  boucliers  d'osier  ne  pouvaient  rien 
contre  les  longues  piques,  les  larges  boucliers 
de  métal  des  Grecs.  Leurs  attaques  confuses  se 
brisèrent  contre  la  ligne  serrée  et  mobile  des 
hoplites  helléniques ,  et  ils  furent  forcés  de  se 
retirer  après  avoir  fait  des  pertes  énormes.  L'at- 
taque du  lendemain,  exécutée  par  les  soldats  de 
la  garde  (  les  immortels  ),  ne  réussit  pas  mieux, 
et  Xerxès  désespérait  de  forcer  ce  défilé,  si  vail- 
lamment défendu,  lorsqu'il  apprit  d'un  Malien 
nommé  Éphialtès,  l'existencedu  passage  de  l'Œta. 
Il  chargea  aussitôt  le  général  perse  Hydarnès  de 
s'en  emparer  pendant  la  nuit  de  manière  à  enve- 
lopper le  lendemain  les  troupes  grecques.  Hydar- 
nès exécuta  sa  mission  avec  peu  de  difficultés. 
Léonidas  en  fut  averti  au  point  du  jour  avant  que 
!e  mouvement  fût  achevé,  mais  lorsqu'il  était  déjà 
trop  tard  pour  s'y  opposer.  La  retraite  restait  ou- 
verte, et  les  officiers  aussi  bien  que  les  soldats 
étaient  d'avis  de  décamper  immédiatement.  Léo- 
nidas repoussa  énergiquement  leurs  conseils.  Ne 
supportant  pas  l'idée  d'avoir  perdu  le  poste  qui 
lui  était  confié,  pensant  avec  désespoir  aux  cris 
d'indignation  qui  allaient  s'élever  dans  la  Grèce , 
contre  lui  et  contre  l'hégémonie  Spartiate,  il 
résolut  de  réparer  sa  faute  (c'en  était  une  de  n'a- 
voir pas  mieux  surveillé  le  passage  de  l'Œta  ) 
par  un  acte  éclatant  d'héroïsme.  11  fut  encouragé 
dans  sa  résolution  par  l'oracle  de  Delphes,  qui 
avait  déclaré  que  Sparte  elle-même  ou  un  roi 
de  Sparte  devait  tomber  sous  les  coups  des 
Perses.  Il  permit  aux  contingents  de  se  retirer, 
ne  gardant  avec  lui  que  les  trois  cents  Spartiates 
avec  leurs  hilotes,  les  Thespiens,  qui  demandèrent 
à  rester,  et  les  Thébains,  qui  furent  retenus  malgré 
eux.  Avec  cette  petite  troupe  il  prit  hardiment  l'of- 
fensive.et  avant  qu'Hydarnès  eût  débouché  vers 
Alpéni,  il  enfonça  les  premières  lignes  des  Perses. 
Il  tomba  mort  dans  la  mêlée ,  et  ses  soldats,  ar- 
rachant son  cadavre  aux  Perses  et  rétrogradant 
lentement  vers  Alpéni ,  s'arrêtèrent  à  la  sortie 
du  défilé ,  et  exposés  d'un  côté  à  l'attaque  du 
corps  principal  des  Perses,  de  l'autre  à  celle  du 
détachement  d'Hydarnès,  ils  se  firent  tuer  jus- 
qu'au dernier  (1).  Les  Thébains  seuls  désertèrent 
au  milieu  du  combat,  et  se  rendirent  aux  Perses. 
Dans  les  trois  journées  des  Thermopyles  les 


(1)  Hérodote  raconte  que  deux  Spartiates,  Eurylus  et 
Aristodèmc,  atteints  d'une  ophlhalmie  très-grave,  étaient 
restés  à  Alpéni.  Enrytus,  en  apprenant  la  résolution  de 
Léonidas,  ne  voulut  pas  séparer  son  sort  de  celui  de  ses 
camarades,  lise  fit  conduire  par  son  hilote  dans  la  mêlée, 
et  périt  eu  combattant.  Aristodème  au  contraire  revint 
&  Sparte.  Il  y  fut  l'objet  du  mépris  général,  et  ne  re- 
couvra l'honneur  qu'en  se  faisant  tuer  a  la  bataille  de 
Platée. 


Grecs  perdirent  quatre  mille  hommes,  les  Perses    | 
eurent  vingt   mille  morts  suivant  l'évaluation    | 
assez  vraisemblable  d'Hérodote.  La  légende  et  la    ] 
poésie  s'emparèrent  très-vite  de  l'action  héroïque    ] 
de  Léonidas,  et  la  surchargèrent  de  détails  fabu- 
leux (1).  Le  récit  d'Hérodote,  quoique  venant  d'un 
contemporain,  n'est  pas  exempt  d'exagération  et 
d'un  certain  arrangement  poétique;  mais  dans  son 
ensemble  il  est  incontestablement  vrai.  Les  dé- 
tails qu'y  ajoutèrent  des  historiens  postérieurs 
sont  indignes  de  confiance.  Pausanias  dit  que  les    I 
restes  des  héros  des  Thermopyles  furent  rap-    I 
portés  à  Sparte  par  Pausanias  quarante  ans  après    j 
la  bataille.  Si  ce  Pausanias  est  le  même  que  le 
vainqueur  de  Platée,  il  faut  lire  quatre  ans.  L.  J.    | 

Hérodote,  V,  39-41;  VII,  175,  202.-225.  —  Pausanias,  III, 
3,  4, 14;  VU,  15.—  Diodore,  XI,  4-11.  -  Plutarque,  De 
Herodotis  Malignitate ,  32  ;  Apoph.  Lac.  —  Strabon  ,  I, 
p.  10;  IX,  p.  429.  —  Élien,  Var.  Hist..  111,25.  —  Justin, 
II,  U.  —  C.  Népos,  Themis.  3.  —  Valerius  Maximus,  III, 
2.  —  Cicéron,  De  Fin.,  II,  19,  30;  Tuscul.  Disput.,  I,  42, 
49.  —  Simonide ,  Epigram.  dans  VAnthologia  Grseca 
de  Jacobs,  vol.  1,  p.  61.  —  Grote,  History  of  Greece , 
t.  V.  . 

léonidas  il,  roi  de  Sparte,  fils  de  Cléo- 
nyme  et  vingt-huitième  prince  de  la  famille  des 
Agides,  né  vers  315  avant  J.-C.,  mort  en  236. 
Il  sucoéda  en  256  à  son  parent  Aréus  II,  à  un 
âge  déjà  avancé.  11  avait  passé  une  grande  partie 
de  sa  jeunesse  à  la  cour  de  Séleucus  Nicator,  et 
épousé  une  femme  asiatique,  dont  il  avait  eu  deux 
enfants.  Ses  rapports  avec  la  Syrie  le  décidèrent 
à  abandonner  la  politique  de  ses  prédécesseurs, 
qui  avaient  cultivé  avec  soin  l'alliance  de  l'Egypte, 
et  ses  mœurs,  fort  opposées  à  la  vieille  austérité 
Spartiate,  le  rendirent  l'adversaire  déclaré  des  ré- 
formes d'Agis  II.  Il  les  fit  rejeter  par  le  sénat. 
Agis  et  les  autres  réformateurs  se  trouvant  alors 
dans  la  nécessité  de  se  débarrasser  de  lui,  l'é- 
phore  Ly sandre  renouvela  l'ancienne  loi  qui  dé- 
fendait à  un  Héraclide  d'épouser  une  étrangère, 
et  lui  interdisait,  sous  peine  de  mort,  de  séjourner 
en  pays  étranger.  A  cette  accusation  le  parti 
d'Agis  en  ajouta  d'autres ,  moins  fondées,  mais 
qui  ne  produisirent  pas  moins  d'effet  sur  le 
peuple.  On  prétendit  que  l'inspection  des  as- 
tres attestait  que  les  dieux  étaient  irrités  contre 
Léonidas.  On  l'accusa  d'avoir  fait  à  son  père,  le 
traître  Cléonyme,  le  serment  solennel  de  tra- 
vailler à  la  ruine  de  Sparte.  Léonidas,  n'osant 
pas  attendre  son  jugement,  se  réfugia  dans  le 
temple  d'Athéné  Chalcièque,  où  sa  fille  Chilonis 
vint  le  rejoindre.  Il  fut  déposé  et  remplacé  par 
son  gendre  Cléombrote.  Ses  intrigues  pour  re- 


(t)On  sait  que  d'après  la  légende  de  Léonidas  et  ses 
Spartiates,  après  s'être  préparés  à  la  mort  par  un  ban- 
quet, pénétrèrent  au  milieu  de  la  nuit  dans  le  camp  des 
Perses,  et  jusque  dans  la  tente  du  grand  roi,  et  firent  un 
affreux  massacre  des  barbares,  surpris  ;  Xerxès  lui-même 
n'échappa  à  la  mort  que  par  sa  fuite  précipitée  En  réalité, 
le  combat  commença  un  peu  avant  midi ,  et  si  les  Spar- 
tiates prirent  l'offensive,  ils  trouvèrent  les  Perses  sous 
les  armes  depuis  le  point  du  jour  et  n'attendant  pour  at- 
taquer que  le  signal  de  l'arrivée  de  Hydarnès  sur  le* 
derrières  de  la  petite  armée  grecque. 


7G! 


LÉON  IDA  S  —  LÉONNAT 


7&2 


prendre  le  trône  échouèrent,  et  il  dut  se  retirer 
à  Tégée.  Quelques  années  plus  tard,  en  240,  les 
Spartiates,  fatigués  de  la  mauvaise  administration 
d'Agésilas,  ODcle  d'Agis ,  rappelèrent  Léonidas, 
qui  usa  cruellement  du  pouvoir  et  fit  périr  Agis. 
Son  règne,  qui  dura  encore  quatre  ans,  n'offre 
plus  rien  de  remarquable  ;  il  laissa  en  mourant 
le  trône  à  son  fils ,  CléomènelH.         L.  J. 

Plutarque,  Jgis,  3,  7,  10-lî,  16,  21  ;  Cleomenes,  1-8.  — 
Vausanlas,  III,  6.  —Clinton,  Fasti  Hellenici,  vol.  Il, 
p.  sn.  —  Droysen ,  Hellenlsmus ,  vol.  II. 

léoxidas  de  Tarente,  poète  grec,  vivait 
dans  le  troisième  siècle  avant  l'ère  chrétienne. 
On  a  sous  son  nom  une  centaine  d'épigrammes  ; 
recueillies  dans  la  Guirlande  de  Méléagre  ,  elles 
passèrent  de  là  dans  les  diverses  anthologies 
anciennes.  Brunck  les  a  rassemblées  dans  ses 
Analecta,  en  y  ajoutant  des  épigrammes  qui 
appartiennent  à  Léonidas  d'Alexandrie ,  tandis 
qu'il  en  a  omis  d'autres,  qui  sont  réellement 
l'œuvre  du  poëte  de  Tarente.  Jacobs  a  signalé 
ces  erreurs  dans  son  Anthologia  Grœca, 
vol.  XIII,  p.  909,  et  Aug.  Meineke  les  a  réparées 
dans  son  Delectus  Poetarum  Anthol.  Grsecœ, 
p.  24-52.  Dans  cette  dernière  collection  les  épi- 
grammes  de  Léonidas  sont  au  nombre  de  cent 
huit;  elles  consistent  principalement  en  inscrip- 
tions pour  des  offrandes  pieuses  et  des  objets 
d'art;  le  style  en  est  un  peu  sec,  mais  ingé- 
nieux et  de  bon  goût.  On  n'a  sur  Léonidas  que 
des  détails  peu  nombreux,  dispersés  dans  ses 
épigrammes.  Il  semble  qu'il  vivait  du  temps  de 
Pyrrhus.  D'après  son  épitaphe,  il  naquit  à  Ta- 
rente, et  à  la  suite  de  longs  voyages,  pendant 
lesquels  les  Muses  furent  sa  principale  conso- 
lation ,  il  mourut  et  fut  enseveli  loin  de  sa  terre 
natale. 

léonidas  d'Alexandrie,  dont  les  épigram- 
mes ont  été  quelquefois  confondues  avec  celles 
du  précédent,  était  né,  comme  il  nous  l'apprend, 
sur  les  bordsduNil.  Il  quitta  l'Egypte pourRome, 
où  il  enseigna  longtemps  la  grammaire  sans  atti- 
rer l'attention,  mais  où  il  finit  par  obtenir  le 
patronage  de  la  famille  impériale.  Il  vivait  sous 
Néron.  Ses  épigrammes  sont  fort  médiocres; 
quelques-unes  se  distinguent  par  un  singulier  ar- 
tifice, qui  consiste  à  renfermer  dans  chaque  disti- 
que le  même  nombre  de  lettres.  Ces  poésies  se 
nommaient  épigrammes  d'une  valeur  numéri- 
que égale  (  "aoty^a.  èirtYpàjijxaTa).  Les  poésies 
des  deux  Léonidas  ont  été  publiées  séparément 
par Ch. Meineke:  Utriusque  Leonidœ  Carmina, 
cum  argumentis ,varietate lectionis ,  scholiis 
et  commenlario ;  Leipzig,  1791,  in-8°.      L.  J. 

Fabrlcius,  Bibliotheca  Grxca,  vol.  IV,  p.  479-480.  — 
llgen ,  Poeseos  Iœonidee  Tarentini  Spécimen ,  dans  ses 
Opimcula  varia  Phi/ologica.  t.  I.  —  Clinton,  fasti 
Hellenici.  t.  II,  p.  503.  —  Bernhardy,  Grundriss.  d. 
Griech.  LÏtt.,  vol.  Il,  p.  101S. 

léonidès,  médecin  grec,  vivait  pendant  le 
second  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Ses  ouvrages 
sont  perdus;  il  est  cité  dans  un  des  écrils  qui 
portent  le  nom  de  Gallien.  mais  que  la  critique 


moderne  regarde  comme  supposés  ;  il  avait  adopté 
les  principes  de  l'école  dite  méthodique,  non 
sans  les  modifier.  jG.  B. 

Fabrlcius.  Bibliotheca  Grxca,  t.  IV,  p.  408.  -  Sprcn- 
gel,  Hist.  de  la  Médecine  (  en  allemand  ) ,  t.  II,  p.  130. 

léonio  (  Vincent),  poëte  italien,  né'à  Spo- 
lète,  en  1650,  mort  le  26  juin  1720.  Il  était  avocat 
à  Rome.  Il  fut  un  des  fondateurs  de  l'Académie 
des  Arcades,  en  1 690,  et  contribua  par  ses  exem- 
ples et  ses  préceptes  à  réformer  la  poésie  ita- 
lienne. Ses  poésies  ont  été  insérées  dans  le  re- 
cueil Délie  Rime  e  délie  Prose  degli  Arcadi ,  et 
dans  les  Arcadum  Carmina ,  pars  prior.  On 
a  encore  de  lui  un  éloge  de  Justin  Ciampini,  dans 
les  Vite  degli  Arcadi  illustri,  t.  If.      Z. 

Vite  degli  Arcadi  illustri. 

leonics  ,  poète  latin  moderne ,  vivait  vers  le 
milieu  du  douzième  siècle.  Les  critiques  l'ont  di- 
versement supposé  chanoine  de  Saint-Victor,  de 
Saint-Benoît,  et  de  Notre-Dame  de  Paris.  M.  Gin- 
guené  s'efforce  d'établir  que  Léonins  ne  fut  jamais 
chanoine  régulier  de  Saint-Victor,  mais  qu'il  fut 
successivement  chanoine  séculier  de  Saint-Be- 
noît et  de  Notre-Dame.  Ses  poèmes  n'ont  pas 
été  imprimés.  Le  principal  est  une  traduction 
de  l'Ancien  Testament  en  vers  latins.  Il  faut  y 
joindre  quelques  épîtres.  Le  volume  97  du  fonds 
de  Saint- Victor  nous  offre  le  recueil  le  plus  com- 
plet de  ses  œuvres.  Suivant  la  mode  de  son 
temps,  Leonius  a  composé  quelques  vers  rimes  ; 
mais  rien  ne  prouve  qu'il  ait  jamais  fait  usage 
de  la  rime  léonine.  On  l'a  donc  mal  à  propos 
considéré  comme  l'inventeur  de  ce  rhythme.  On 
a  des  vers  léonins  du  sixième,  et  même  du 
cinquième  siècle.  B.  H. 

Lebeuf,  Hist.  du  Diocèse  de  Paris,  t.  I.  —  Hist. 
Littér.  de  la  France ,  t.  XIII,  p.  434. 

léonîvat  (  AeowaTo;  ) ,  général  macédonien 
de  Pella ,  un  des  lieutenants  les  plus  distingués 
d'Alexandre,  mort  en  322  avant  J.-C.  Suivant 
Quinte-Curce  il  descendait  de  la  famille  royale, 
ce  qui  explique  pourquoi  il  occupait  une  des 
premières  places  à  la  cour  de  Philippe.  Il  ac- 
compagna Alexandre  en  Asie  comme  officier  des 
gardes  (âTaTpoi),  et  pendant  l'expédition  d'Egypte, 
en  331,  il  devint  un  des  sept  gardes  du  corps 
(  ffwfxaToqjûXaxeç  )  ou  plutôt  aides  de  camp  du 
roi.  Il  partagea  en  cette  qualité  l'intime  con- 
fiance d'Alexandre  avec  Héphestion ,  Perdiccas 
et  Ptolémée.  Ainsi  il  fit  partie  du  conseil  secret 
qui  informa  sur  la  culpabilité  de  Philotas,  et 
assista  au  meurtre  de  Clitus,  qu'il  tenta  vaine- 
ment d'empêcher.  En  327  il  fut  blessé  à  côté 
d'Alexandre  dans  la  première  attaque  contre  les 
tribus  barbares  de  la  vallée  du  Choès,  et  avec 
Peucestès,  il  sauva  la  vie  à  ce  prince  dans  l'as- 
saut de  la  ville  des  Malliens.  Il  commanda  en- 
suite la  cavalerie  légère  qui  protégea  la  flottille  en 
suivant  la  rive  droite  de  lTndus.  Lorsque  les 
Macédoniens  revinrent  en  Perse ,  Léonnat  resta 
avec  un  corps  de  troupes  dans  le  pays  des  Oiiles, 
nour  soumettre  cette  tribu  et  maintenir  les  com- 


763  LÉONNAT  - 

munications  entre  la  Hotte  de  Néarque  et  l'année 
d'Alexandre.  Il  s'acquitta  de  cette  double  mis- 
sion avec  un  succès  qui  lui  mérita  une  des  cou- 
ronnes d'or  décernées  par  Alexandre  pendant  son 
séjour  à  Suse,  en  325.  Il  tenait  une  place  si  dis- 
tinguée parmi  les  généraux  macédoniens  que 
dans  les  premières  délibérations  après  la  mort 
d'Alexandre,  il  fut  question  de  l'associer  à  Per- 
diccas  pour  la  tutelle  du  jeune  roi.  Cependant 
les  derniers  arrangements  ne  lui  concédèrent  que 
la  satrapie  de  la  Phrygie  mineure.  Fort  mécon- 
tent de  sa  part,  il  attendit  avec  impatience  l'oc- 
casion de  s'agrandir  aux  dépens  de  ses  collègues, 
et  crut  la  trouver  dans  le  double  appel  que  lui 
adressèrent  Antipater,  attaqué  par  les  Grecs  in- 
surgés, et  Cléopâtre,  sœur  d'Alexandre,  laquelle 
voulait  se  défaire  d' Antipater  lui-même.  Il  se 
hâta  donc  de  passer  en  Europe,  avec  l'intention 
de  repousser  d'abord  les  Grecs  qui  bloquaient 
Antipater  dans  Lamia,  de  chasser  ensuite  An- 
tipater et  d'épouser  Cléopâtre,  qui  lui  apporte- 
rait en  dot  la  couronne  de  Macédoine.  Mais  dès 
sa  première  rencontre  avec  les  Grecs  confé- 
dérés, en  322,  il  fut  vaincu  et  tué.  On  ne  cite 
d'autres  traits  particuliers  de  son  caractère  que 
son  excessive  passion  pour  la  chasse,  et  son 
.  amour  de  la  magnificence.  Y. 

Arrien,  Anabasis,  II,  12;  111,  S;  IV,  12,21,  23,  24;  VI, 
10,  18,  20,  22,  28;  VU,  S;  Indica,  18,  23,  42.  —  Quinte- 
Curce,  III,  12;  VI,  8;  Vlll,  1;  IX,  10;  X,  7,  9.  —  Diodore 
de  Sicile,  XVI,  94;  XVII,  3,  37  ;  XVIII.  12,  14,  16.  - 
Plutarque,  Alexand.,  21,  40;  Eumenes,  3;  Phocion,  25. 
—  Élien,  Var.  Hist.,  IX,  3.  —  Justin,  XIII,  2,  4,  S. 

leonori  ( Pietro- Giovanni) ,  peintre  de 
l'école  bolonaise,  avait  vers  1400  peint  dans  le 
bureau  de  l'impôt  du  sel  une  Madone  et  quatre 
saints  ,  et  décoré  d'autres  fresques  quelques 
édifices  publics  de  Bologne.  E.  B—  n. 

Masini  {Antonio),  Bologna  perlttstrata,  1666. 

■„  léontief  (Alexis-Léontiévitch),  sinologue 
russe,  mort  à  Saint-Pétersbourg,  le  12  mai  1786, 
fit  partie  de  l'ambassade  que  l'impératrice  Eli- 
sabeth envoya  en  1742  auprès  de  l'empereur  de 
Chine  à  l'occasion  de  son  avènement  au  trône , 
séjourna  dix  ans  à  Pékin,  fut  nommé  à  son  re- 
tour à  Saint-Pétersbourg  traducteur  au  collège 
des  affaires  étrangères ,  fit  partie  une!  seconde 
fois  d'une  mission  en  Chine  en  1767,  et  de- 
vint membre  de  l'Académie  des  Sciences  et 
conseiller  de  chancellerie.  Voici  la  liste  de  ses 
traductions  du  chinois  en  russe  :  les  Œuvres 
du  philosophe  chinois  Depej  ;  Saint-Péters- 
bourg, 1771,  in-80.;  — Instruction  sur  la  Cul- 
ture du  Thé  et  de  la  Soie,  traduction  en  vers 
du  Wang-pou  -  Kouang ;  Saint-Pétersbourg, 
1775,  in-8°  ;  —  Fables  chinoises  ;  Saint-Pé- 
tersbourg, 1776  ;  —  Relation  de  la  guerre  des 
Chinois  contre  les  Songaris  ;  Saint-Péters- 
bourg, 1777,  in-8°; —  les  Préceptes  du  khan 
Yung-Cliing  ;  Saint-Pétersbourg,  1778;  — 
Pensées  chinoises;  Saint-Pétersbourg,  1772, 
in-8°;  —  le  Code  chinois;  Saint-Pétersbourg, 
1778,  2  vol.  in-  8°;  ----  Statistique  de  la  Chine;  | 


LÉONTIUS  764 

Saint-Pétersbourg,  1778,  in-8°;  —le  Si-chou- 
gey  de  Confucius;  Saint-Pétersbourg,  1780, 
in-8°;  —  un  Alphabet  chinois  ;  Saint-Péters- 
bourg, 1780,  in-8°;  —  un  recueil  des  lois  chi- 
noises;  Saint-Pétersbourg,  1781,3vol.;—  Tian- 
chinko,  ou  Entretien  angélique;  Saint-Péters- 
bourg, 1781;  —  Voyage  d'un  ambassadeur 
chinois  chez  les  Kalmouks  ;  Saint-Pétersbourg, 
1782;  —  Prophétie  chinoise  touchant  N.  S. 
J. -Christ;  Saint-Pétersbourg,  1784;  —  Des- 
cription des  huit  bannières  qui  composent 
la  nation  mandchoue  ;  Saint  -  Pétersbonrg, 
1784,  16  vol.  in-8°;  —  Notice  sur  le  Jeu  des. 
Échecs.  A.  G. 

Bantich  -  Kamenskt,  Rapports  diplomatiques  de  la 
Russie  avec  la  Chine.  —  Dictionnaires  Historiques  de 
liantieh-Karoenski  et  du  métropolite  Eugène. 

léontium  (Aéovxiov),  courtisane  grecque, 
vivait  dans  le  troisième  siècle  avant  J.-C.  Elle 
fut  l'élève  et  la  maîtresse  d'Épicure.  Si  on  ne  tient  ; 
pas  compte  d'une  prétendue  lettre  de  Léontium 
à  Lamia  insérée  dans  les  Lettres  d'Alciphron  , 
tout  ce  que  l'on  sait  de  cette  courtisane  se  ré- 
duit à  quelques  lignes  de  Diogène  Laerce  ,  et  à 
de  brèves  mentions  de  Pline  et  de  Cicéron.  Dio- 
gène Laerce  rapporte  quelques  mots  d'une  lettre 
qu'Épicure  écrivit  à  cette  courtisane  :  «  Pan 
Apollon,  ma  chère  Léontium,  de  quel  enthou- 
siasme nous  avons  été  remplis  en  lisant  ta  petite 
lettre.  »  Il  semble  que  l'attachement  du  philo- 
sophe fut  vif  et  durable  et  que  Léontium  n'en 
était  pas  indigne,  du  moins  par  son  intelligence.  , 
Elle  s'occupa  elle-même  de  philosophie,  et  sui- 
vant Cicéron  elle  écrivit  en  style  élégant  .et  at- 
tique  un  traité  contre  Théophraste .  Pline  ajoute 
que  cette  audace  donna  lieu  au  proverbe  «  choi- 
sir un  arbre  pour  se  pendre  »  (  suspendio  ar-  • 
borem  eligere).  Ce  proverbe  énigmatique  signifie 
sans  doute  qu'après  un  tel  excès  d'audace  il  ne 
restait  plus  qu'à  se  pendre.  Pline  cite  un  portrait 
d'elle  par  Théodore  ,  qui  l'avait  représentée  dans 
une  attitude  méditative.  Entre  ses  nombreux 
amants  on  trouve  mentionnés  Métrodore ,  dis- 
ciple d'Épicure,  et  le  poète  Hermésianax  de  Co- 
lopbon.  Léontium  eut  une  fille  nommée  Danaé,  \ 
qui  fut  aussi  une  hétaire  célèbre.  Y. 

Diogène  I.aerce,  X,  4.  -  Athénée,  XIII,  588,  693,  697. 
—  Cieéron,  De  Nat.  Deorum,  I,  33;  —  Pline,  Hist.  Nat , 
XXXV,  il. 

léontius  ,  philosophe  et  mathématicien  du 
sixième  siècle.  Il  nous  a  laissé  un  ouvrage  de 
peu  d'importance,  intitulé  De  la  Construction 
de  la  sphère  d'Aratus,  dans  Astron.  veterum 
Scripta;  Venise,  1499.  11  y  explique  la  cons- 
truction et  les  usages  d'une  sphère  céleste  où  il 
avait  disposé  les  constellations,  comme  les  dé- 
crit ce  poëte,  qu'il  contredit  plus  d'une  fois  : 
c'est  une  sorte  de  commentaire  de  l'œuvre  d'A- 
ratus. E.  M. 

Fabricius,  Biblïoth.  Grseca,  t.  IV. 

léontius  de  Byzance  (1),  historien  byzantin 

(t)  On  connaît  encore  un  Léontius  de  Byzance  ou  de 
Constantxnople,  écrivain  ecclésiastique,  qui  vivait  au  com- 


65  LÉ0NT1US  - 

ivait  dans  !a  première  moitié  du  dixième  siècle. 
m  nom  de  Léontins  a  été  donné  peut-être  à  tort 
,u  continuateur  anonyme  de  la  Chronographie 
le  Théophane.  Cet  écrivain,  quel  que  fut  son  nom, 
lisait  sous  le  règne  et  dans  l'intimité  de  Cons-  • 
Jantin  Porphyrogénète,  qui  lui  demanda  d'entre- 
Irendre  cette  continuation ,  et  lui  en  fournit  les 
matériaux.  Cet  ouvrage,  dans  sa  forme  actuelle, 
a  jusqu'à  la  seconde  année  du  règne  de  Romain, 
ils  et  successeur  de  Constantin  Porphyrogénète, 
it  finit  si  brusquement  que  l'on  suppose  qu'il  n'a 
las  <Hé  achevé  ou  qu'il  ne  nous  est  pas  parvenu 
jout  entier.  Dans  la  rédaction  actuelle  de  la 
'Chronographie,  on  distingue  l'œuvre  de  trois 
auteurs  :  1°  L'histoire  des  empereurs  Léon  V 
l'Arménien,  Michel  II  d'Amorium,  Théophile,  fils 
te  Michel ,  et  Michel  III  et  Théodora ,  fils  et 
mive  de  Théophile,  par  Léonce,  sur  les  maté- 
riaux fournis  par  Constantin  Porphyrogénète; 
1°  la  Vie  de  Basile  le  Macédonien ,  par  Cons- 
antin  Porphyrogénète  lui-même,  bien  .que  Labbe 
;t  Cave  l'assignent  aussi  à  Léontius;  3°  les  Vies 
te  Léon  VI  et  d'Alexandre,  fils  de  Basile,  celle 
te  Constantin  Porphyrogénète  et  le  commence- 
ment du  règne  de  Romain  H  par  un  auteur  in- 
;onnu.  Cette  troisième  partie  est  plus  succincte 
Epie  les  deux  premières,  et  est  en  grande  partie  em- 
pruntée à  des  sources  connues.  La  première  édi- 
tion de  la  Chronographie  fait  partie  de  la  collec- 
tion byzantine  de  Bonn  ;  elle  avait  étépréparée  par 
Combefis,  et  parut  après  sa  mort,  en  1685  ,  dans 
te  volume  intitulé  Oî  (ieto  QeoçdcvYiv,  Scriptores 
\post  Theophanem.  Cet  ouvrage  a  été  réim- 
primé dans  la  collection  de  Venise,  1729,  et  dan6 
celle  de  Bonn,  par  les  soins  de  Bekker,  1838, 
in-8°.  La  Vie  de  Basile  par  Constantin  Porphy- 
rogénète avait  été  imprimée  séparément  dès  1653, 
dans  les  Su[i[AixTâ  d'Allatius.  :Y. 

Labbe,  De  Byzantinœ  historiée  Scriptoribus  Protrep- 
ticon;  Catttlogus  Scriptorum,  c.  28  ;  Delineatio  Appa- 
ratus,  pars  II.  —  Vossius,  De  Historicis  Grxcis,  1.  IV, 
c.  81.  —  Fabricius,  Bibl.  Crœca,  vol.  Vil,  p.  681;  vol. 
VIII,  p.  318. —  Cave,  Hist.  Lit.,  vol.  II,  p.  90. 

LEONTORICS.   Voy.  CONRAD  DE  LEONBERG. 

léopard  (Paul),  érudit  flamand,  né  à 
Isambergprès  Fumes,  en  1510,  mort  à  Bergues- 
Saint-Winoc,  le  3  juin  1565.  Il  fit  ses  études  à 
Louvain,  et  apprit  la  langue  grecque  sous  Nicolas 
Clénard  et  Rutger  Rescius.  11  ouvrit  ensuite  à 
Hondscot  une  école  d'humanités  qu'il  transporta 
plus  tard  à  Bergues-Saint-Winoc,  où  il  mourut. 
Son  érudition  a  été  hautement  appréciée  par 
Juste-Lipse,  Scaliger,  Casaubon,  etc.  On  a  de 
Léopard  :  Vila  et  Chrise,  sive  Apophtegmata, 
Aristippi,  Diogenis,  Demonactis ,  Stratonis, 

mencement  du  septième  siècle  et  sur  lequel  on  peut  con- 
sulter Canisius,  Vita  Leontii,  dans  la  Bibliolheca  Patrum 
de  Lyon,  vol.  IX,  et  Lectiones  antiqux,  vol.  I,  p.  527. 
—  Cave,  Hist.  Lit.,  vol.  I,  p.  543.  —  Vossius,  De  Histo- 
ricis Grxcis,  1.  IV,  c.  xvm.  —  Fabricius ,  Bibliotheca 
Grxca,  vol.  VIII,  p.  309,  etc.  vol.  XII,  p.  G48.  -  Oudin,  De 
Scriptoribus  et  Scriptiseccles.,  vol.  I,  col.  1462.  —  Mansi, 
Concilia,  vol.  vu,  col.  79".  —  Galland,  Bibliotheca  Pa- 
trum, vol.  XII,  Prolegom.,  c.  80. 


LEOPARDl  766 

Demosthenis  et  Aspasix  ;  Anvers,  1 556,  in- 1 2  ; 
—  Emendationum  et  Mtscellaneorum  Li- 
bri  XX  (posthumes);  Anvers,  Plantin,  1568, 
in-4".  Suivant  Colomiez  «  le  savoir,  le  bon  goût 
et  le  bon  sens  brillent  de  toutes  parts  dans  cet 
ouvrage  ».  L — z— e. 

De  Tliou,  Histor.,  lib.  XXXIX  (Paris,  1606),  p.  353.  - 
Valère  André,  bibliotheca  Belgica,  p.  714-715.  —  Colo- 
miez, Bibliothèque  choisie,  p.  65. 

lecpardi  (Le  comte  Giacomo),  célèbre 
poète  italien,  né  à  Recanati,  entre  Loreto  et  Ma- 
cerata,  dans  la  marche  d'Ancône,  le  29  juin  1798, 
mort  à  Naples,  le  14  juin  1837.11  était  fils  aîné 
du  comte  Monaldo  Leopardi  et  de  la  marquise 
Adélaïde  Antici ,  et  fut  élevé  dans  la  maison  pa- 
ternelle. Deux  ecclésiastiques,  Torres  et  San- 
chini,  lui  enseignèrent  le  latin  et  les  éléments  de 
la  philosophie.  A  partir  de  quatorze  ans  il  n'eut 
plus  pour  ses  études  ni  maîtres  ni  guides  d'au- 
cune sorte,  et  depuis  plusieurs  années  déjà  il  sa- 
vait s'en  passer.  Selon  M.  de  Sinner  «  dès  l'âge 
de  huit  ans,  Leopardi  essaya  seul  d'apprendre  le 
grec,  et  trouvant  la  grammaire  classique  de  Pa- 
doue  au-dessous  de  ce  qu'il  désirait,  il  se  mit 
à  lire,  dans  un  ordre  chronologique,  les  auteurs 
que  contenait  la  riche  bibliothèque  de  son  père  ». 
Lui-même  dit  qu'à  l'âge  de  dix  ans  il  se  lança 
dans  cette  entreprise  folle  et  désespérée  (  matto 
e  disperatissimo  ) ,  sans  maître,  sans  la  moindre 
indication  qui  pût  le  guider,  sans  rencontrer 
autour  de  lui  des  encouragements  et  de  la  sym- 
pathie. A  l'âge  de  seize  ans  il  possédait  toute 
la  littérature  ancienne  classique,  une  grande 
partie  des  auteurs  grecs  et  latins  de  la  décadence, 
une  partie  des  Pères  de  l'Église.  Il  avait  acquis 
en  même  temps  une  connaissance  exquise  et 
profonde  de  sa  propre  langue;  il  savait  aussi 
le  français,  l'anglais,  l'espagnol,  l'allemand  et 
l'hébreu,  et  on  trouve  dans  ses  œuvres  la  preuve 
qu'il  écrivait  facilement  au  moins  les  deux  pre- 
mières de  ces  langues.  Ce  précoce  amas  de  sa- 
voir n'encombrait  pas  sa  jeune  tête,  et  laissait  à 
ses  riches  facultés  intellectuelles ,  à  sa  raison,  à 
son  imagination  leur  libre  et  puissant  essor. 

La  carrière  de  Leopardi  se  divise  en  trois  pé- 
riodes non  pas  nettement  tranchées,  mais  cepen- 
dant distinctes.  La  première  partie  appartient  à 
la  philologie,  la  deuxième  à  la  poésie,  la  troi- 
sième à  la  philosophie.  En  lui ,  le  génie  critique, 
soutenu  et  excité  par  une  immense  lecture,  se 
développa  d'abord.  En  1814  l'érudit  adolescent 
prépara  une  édition  de  la  Vie  de  Plotin  par 
Porphyre  avec  la  traduction  de  Marsile  Ficùi 
corrigée.  Ce  travail,resté  inédit,  fut  communiqué 
plus  tard  à  Creuzer,  qui  en  tira  les  matériaux  de 
plusieurs  pages  des  Addenda  et  Corrigenda  qui 
terminent  son  édition  de  Plotin  (t.  III,  p.  499). 
A  cette  même  année  1814  se  rapportent  une 
grande  dissertation  sur  la  vie  et  les  écrits  des 
principaux  rhéteurs  du  deuxième  siècle  de  l'ère 
chrétienne ,  et  un  recueil  des  fragments  des  pre- 
miers Pères  de  l'Église.  La  lecture  des  écrivains 


767 


LEOPARD! 


768 


grecs  et  latins  de  la  décadence  et  des  premiers 
historiens  ecclésiasliqueslui  suggéra  l'idée  et  lui 
fournit  la  matière  d'un  Essai  sur  les  Erreurs 
populaires  des  Anciens,  qu'il  composa  en  1815, 
dans  l'espace  de  deux  ou  trois  mois.  Il  y  dé- 
termine par  des  textes  précis  les  opinions  répan- 
dues parmi  les  anciens  au  sujet  des  dieux ,  des 
oracles,  de  la  magie,  des  songes,  des  géants, 
des  pygmées.  Ce  n'est  pas  une  simple  compila- 
tion. Le  jeune  auteur  manie  en  maître  les  in- 
nombrables renseignements  que  ses  lectures  lui 
ont  fournis,  et  il  les  juge  avec  une  critique  ferme 
et  fine,  bien  qu'un  peu  arriérée;  ce  qui  n'a  rien 
d'étonnant  puisque  Leopardi  ne  connaissait  pas 
alors  les  travaux  de  la  critique  allemande  mo- 
derne. Tout  ce  qu'il  savait  il  le  devait  à  lui- 
même  ,  à  son  application  au  travail.  La  cons- 
cience de  son  génie,  le  pressentiment  de  la  gloire 
le  stimulaient  dans  ces  années  d'immenses 
labeurs  et  de  grandes  espérances.  En  septembre 
1817  il  écrivait  à  son  ami  Giordani  :  «  Je  suis 
bien  certain  que  je  n'ai  pas  de  disposition  à  vivre 
dans  la  foule  :  la  médiocrité  m'ennuie  à  mourir, 
mon  désir  est  de  prendre  l'essor,  de  devenir 
grand  et  immortel  par  le  génie  et  par  l'étude  , 
entreprise  ardue  et  peut-être  chimérique  ;  mais 
l'homme  ne  doit  pas  être  pusillanime  et  déses- 
pérer de  lui-même.  »  Pour  apprécier  tout  le 
mérite  des  efforts  de  Leopardi,  il  faut  tenir 
compte  du  triste  état  des  études  philologiques 
eu  Italie  et  du  peu  de  ressources  que  le  jeune 
auteur  trouvait  dans  sa  ville  natale.  Il  sentait 
vivement  les  inconvénients  d'un  plus  long  sé- 
jour à  Recanati,  et  il  aspirait  à  quitter  cette  ville. 
Mais  son  père ,  catholique  zélé ,  soupçonnant 
peut-être  chez  l'érudit  de  dix-neuf  ans  des  ten- 
dances contraires,  voulait  le  garder  à  la  mai- 
son, afin  de  mieux  le  contenir  dans  l'orthodoxie. 
Forcé  de  rester  à  Recanati,  Leopardi  multipliait 
les  œuvres  qui  pouvaient  signaler  son  nom  à  ses 
compatriotes.  Il  fut  en  1816  et  1817  un  des 
collaborateurs  du  Spettatore  de  Milan,  auquel 
il  adressa  des  dissertations  critiques  et  des  tra- 
ductions de  poètes  grecs  et  latins.  11  attachait 
une  grande  importance  aux  traductions,  et  com- 
prenait parfaitement  les  conditions  de  ce  genre 
littéraire,  bien  qu'il  ne  parvînt  pas  toujours  à  en 
surmonter  les  difficultés.  Ses  versions  en  vers 
de  Moschus  (1815),  du  premier  livre  de  Y  Odys- 
sée (1816),  du  second  livre  AeYÉnéide  (1817), 
sont  remarquables,  quoique  très -inférieures  à 
ses  excellentes  traductions  en  prose  d'opuscules 
de  Xénophon,  d'Épictète,  d'Isocrate,  composées 
beaucoup  plus  tard  et  publiées  après  sa  mort. 
Sans  s'asservir  à  la  lettre  des  auteurs  anciens , 
ces  libres  et  exquises  traductions  en  reproduisent 
fidèlement  l'esprit ,  et  sont  aussi  fraîches,  aussi 
vives  que  des  ouvrages  originaux.  En  1817  il  fit 
paraître  deux  petites  odes  grecques  anacréon- 
tiques,  qu'il  attribuait  à  quelque  ancien  et  qui 
sont  de  bons  exercices  d'écolier,  et  un  hymne 
à  Neptune,  qu'il  prétendait  traduit  sur  un  texte 


grec  récemment  découvert.  Cette  dernière  com- 
position est  tout  à  fait  dans  le  goût  de  l'anti- 
quité hellénique,  et  prouve  combien  Leopardi  di- 
sait vrai  en  assurant  qu'il  concevait  plus  nette- 
ment  et  plus  vivement   la  manière  de  penser 
des  Grecs  que  celle  des   Latins  et  même  des 
Italiens.  Vraiment  antique  dans  ses  traductions, 
il  ne  le  fut  pas  moins  dans  ses  œuvres  poétiques  . 
originales.  En  1818  il  adressa  à  l'illustre  poète 
V.  Monti  et  fit  imprimer  à  Rome  ses  deux  pre- 
mières canzones,  l'une  sur  V Italie,  l'autre  sur  le 
monument  de  Dante  que  l'on  préparait  à  Flo- 
rence. En  1820  il  publia  à  Bologne  une  troisième 
canzone  adressée  à  AngeloMaï,  au  sujet  de  la  Ré- 
publique de  Cicéron  que  ce  savant  venait  de  ; 
découvrir.  Un  sentiment  amer  et  triste  ,  tour  à  . 
tour  morne  et  impétueux,  anime  ces  trois  can- 
zones ,  le  sentiment  de  la  déchéance  de  l'Italie. 
C'est  surtout  dans  la  cmzom  sur  le  monument  de 
Dante  que  la  douleur  patriotique  du  poète  éclate  ■ 
avec  majesté  :  «  O  père  illustre  du  mètre  tos- 
can,  s'écrie-t-il,  si  des  choses  de  la  terre ,  si  de 
ce  pays  que  tu  as  placé  si  haut ,  quelque  nou- 
velle parvient  à  vos  rivages,  je  sais  bien  que  ce 
n'est  pas  pour  toi  que  tu  ressens  de  la  joie.  Car 
moins  solides  que  la  cire  et  moins  que  le  sable, 
au  prix  du  renom  que  tu  as  laissé ,  sont  les  bron- 
zes et  les  marbres ,  et  si  jamais  de  nos  esprits  • 
tu  déchus ,  si  jamais  tu  pouvais  déchoir,  que 
croisse ,  s'il  peut  croître,  notre  malheur,  et  que  < 
dans  un  deuil  éternel  se  lamente  ta  nation  oubliée  ■ 
du  monde  entier  !  »  A  ces  fiers  accents  auxquels  • 
Dante  aurait  reconnu  un  poète  de  sa  race,  les1 
Italiens  saluèrent  l'espoir  de  leur  poésie  lyrique. 
Encouragé  par  sa  réputation  naissante,  Leopardi  i 
se  décida,  malgré  la  pénurie  de  ses  ressources, . 
à  quitter  Recanati,  dont  le  climat,  un  peu  rude, 
ne  convenait  pas  à  sa  santé  ruinée  par  l'excès  j 
du  travail.  Il  se  rendit  en  septembre   1822  M 
Rome,  où  il  fut  chargé  de  dresser  le  catalogue  ti 
des  manuscrits  grecs  de  la  bibliothèque  Barbe- 
rine.  Pendant  ce  premier  séjour  à  Rome,  il  fit' 
paraître  dans  les  Effemeridi  letterarie  Romane 
deux  savants  articles  sur  le  Philon  arménien! 
d'Aucher  et  sur  l'édition  de  la  République  de 
Cicéron  par  A.  Mai,  et  un  travail  critique  très- 
remarquable  sur  la  Chronique  d'Eusèbe  nou- 
vellement donnée  par  Mai  et  Zohrab.  Ce  dernier 
article  procura  à  Leopardi  la  connaissance  de  i 
Niebuhr,  alors  ministre  de  Prusse  à  la  cour  pon- 
tificale. Legrand  historien,  apprenant  que  l'auteur 
des  articles  sur  Eusèbe  était  à  Rome,  se  mit  à  sa 
recherche,  et  eut  beaucoup  de  peine  à  le  trou- 
ver. «  Imaginez  mon  étonnement,  dit-il  à  Bun- 
sen ,  quand  je  vis  devant  moi,  dans  une  pauvre 
petite  chambre,  un  tout  jeune  homme,  pâle  et 
gauche ,  et  dont  la   figure  amaigrie  annonçait 
une  mauvaise   santé.   Ce  jeune  homme  est  de 
beaucoup  le  premier,  ou  plutôt  le  seul  véritable 
helléniste  de  l'Italie ,  et  l'auteur  d'observations 
critiques  qui  feraient  honneur  au  premier  phi- 
lologue de  l'Allemagne,  et  il  n'a  que  vingt-deux 


769 


LEOPARDI 


770 


ans  (1).  Il  a  atteint  ce  profond  savoir,  sans  école, 
sans  maître,  sans  secours,  sans  encouragement, 
séquestré  daus  la  maison  de  son  père  !  J'apprends 
aussi  qu'il  est  un  des  premiers  poètes  italiens 
contemporains.  Quel  peuple  noblement  doué  !  » 
Niebuhr  ne  se  contenta  pas  de  confier  son  ad- 
miration à  un  ami,  il  la  consigna  dans  la  préface 
de  son  édition  de  Mérobaude  (2).  Désolé  de  voir 
le  jeune  et  grand  écrivain  dans  une  position  si 
précaire,  il  aurait  voulu  l'attirer  en  Allemagne, 
et  lui  fit  entrevoir  une  chaire  de  philosophie 
grecque  à  l'université  de  Berlin.  La  faible  santé 
île  Léopardi  ne  lui  permit  pas  d'accepter  cette 
proposi  tion .  Niebuhr  essaya  alors  de  lui  faire  don- 
ler  un  emploi  par  le  cardinal  Consalvi  ;  mais  le 
jrélat  exigeait  que  le  poète  entrât  dans  les  ordres  : 
'était  une  condition  que  Léopardi  ne  pouvait  ac- 
septer.  Les  convictions  catholiques  de  son  en- 
ance  avaient  disparu,  sans  être  remplacées  par 
es  doctrines  d'une  philosophie  religieuse.  Une 
bis  sur  la  pente  du  doute,  il  dépassa  les  extrêmes 
mites  du  déisme,  et  arriva  jusqu'à  la  négation 
adicale  des  idées  théologiques  et  métaphysiques, 
ion  séiour  à  Rome  ne  le  ramena  pas  à  des  sen- 
iments  orthodoxes.  Dans  cette  disposition  d'es- 
rit,  ne  pouvant  pas  prétendre  à  la  prêtrise,  la 
eule  carrière  qui  lui  offrît  quelque  perspective 
e  fortune ,  et  à  bout  de  ressources,  il  dut  re- 
aurner  à  Recanati  (3),  en  mai  1823.  Là  solitaire, 
n  désaccord  avec  son  père,  forcé  par  la  maladie 
e  renoncer  à  l'étude,  qui  avait  été  jusque  là  sa 
rincipale  consolation,  il  se  réfugia  dans  une 
lélancolie  hautaine ,  dans  une  sorte  de  stoï- 
sme  sans  repos  et  sans  espérance.  Il  composa 
lors  sa  canzone  de  Marcus  Brutus  (  Brato  mi- 
ore).  Dans  les  suprêmes  paroles  qu'il  prête  au 
ernier  des  Romains  il  est  facile  de  reconnaître  ses 
'opres  sentiments.  «  O  hasards,  s'écrie  Brutus  ! 
frêle  humanité  !   Nous  sommes  une  abjecte 
irtie  des  choses  ;  et  ni  les  glèbes  ensanglantées, 
'.  les  cavernes  pleines  de  hurlements  ne  s'é- 
euvent  de  notre  malheur,  et  l'humaine  sotif- 


1(1)  Léopardi  en  avait  alors  vingf-quatre;  mais  il  avait 
llunposé  son  article  à  l'âge  de  vingt  ans. 
B(2)  Voici  les  paroles  de  Niebuhr  :  «  Cornes  Jacobus 
|  'opardius,  Recanatensis,  Picens,  quem  ltaliœ  suae  jam 
(  me  conspiouum  ornamentum  esse  populnribus  tneis 
IJintio;  in  diesque  eum  ad  majorera  claritalem  perven- 
I  jrum  esse  spondeo  :  ego  vero.  qui  candidissimum  pras- 
liiri  adolescentis  ingenium,  non  secns  quaio  egregiam 
lictrinaru,  valde  diligam ,  omne  ejus  honore  et  incre- 
Hento  lœtabor.  »   (  Prsef.  ad  Flavii  Merobaudis  Car* 

I  ma,  cd.  2,  p.  13  ). 

|  l!3J  Léopardi  détestait  le  séjour  de  Recanati.  Il  appelle 
fcjlte  ville  un  désert,  une  cage,  une  caverne,  une  prison, 

II  trou  noir,  un  Tartare,  une  tomb<\  «  La  Marelle,  dit-il, 
Kt  la  plus  sombre  partie  de  l'Italie,  et  Recanati  la  plus 

I  ]ire  partie  de   la  Marche  ;  sa  littérature  consiste  dans 

■  jlphabct,  ni  plus  ni  moins.  »  La  mauvaise  humeur  du 
Bête  allait  sans  doute  trop  loin  ;    RecanaHi  offrait  plus 

II  ressources  littéraires.  Le  père  du  poète  était  lui-même 

■  |  archéologue  instruit,  et  on  cite  de  lui  un  ouvrage  in- 
\  julé  :  La  santa  Casa  di  l.oreto  ;  discussioni  istoriche 

Slxriticke.  Ce  traité,  remarquable  par  la  bonne  fol  et  la 
Jtité  de  l'auteur,  n'était  pas  un  de  ces  ouvrages  que 
I  opardi  pût  apprécier  et  qui  pussent  le  consoler  dans 
h  désert  de  Recanati. 


NOUV,  B10GR.    GÊNER, 


T.   XXX. 


frante  ne  fait  point  pâlir  les  étoiles.  Je  n'in- 
voque en  mourant  ni  les  rois  sourds  de  l'O- 
lympe et  du  Cocyte,  ni  l'indigne  terre,  ni  la 
nuit,  ni  toi  suprême  rayon  de  la  mort  noire, 
ô  souvenir  de  l'âge  futur!  Que  peuvent  pour  l'a- 
paisement et  pour  l'honneur  d'un  fier  tombeau 
les  sanglots,  les  paroles  et  les  dons  d'une  vile 
multitude?  Les  temps  se  précipitent  vers  le 
pire,  et  c'est  à  tort  que  l'on  confierait  à  la  pos- 
térité corrompue  l'honneur  des  nobles  âmes  et 
la[suprême  vengeance  des  vaincus.  Qu'autour  de 
moi  le  fauve  oiseau  de  proie  agite  ses  ailes  ;  que 
la  bête  féroce  serre  mon  corps  dans  ses  griffes, 
que  l'orage  entraîne  ma  dépouille  inconnue, 
et  que  le  vent  recueille  mon  nom  et  ma  mé- 
moire !  »  Cette  admirable  élégie  de  Brutus  te 
jeune  parut  dans  l'édition  des  Canzoni;  Bo- 
logne, 1824,  avec  une  préface  intitulée  :  Compa- 
raison des  paroles  de  Brutus  et  de  Théo- 
phraste  à  l'article  de  la  mort.  On  sait  que 
Théophraste  près  de  mourir  déclara  à  ses  dis- 
ciples que  rien  n'est  plus  vain  que  la  gloire,  et 
Brutus,  au  moment  de  se  jeter  sur  son  épée,  s'é- 
cria que  la  vertu  n'est  qu'un  nom.  Léopardi,  ap- 
profondissant le  sens  de  ces  paroles,  leur  at- 
tribue une  portée  peut-être  excessive.  Il  y  voit 
comme  le  dernier  mot  de  l'antiquité  reconnais- 
sant la  vanité  des  deux  puissants  mobiles,  la 
gloire  et  la  vertu,  qui  jusque  là  l'avaient  excitée 
aux  grandes  actions.  A  partir  de  ce  moment, 
selon  lui,  l'humanité,  dépouillée  de  ses  illusions 
terrestres,  se  réfugia  dans  la  suprême  illusion 
d'une  autre  vie.  Mais  la  gloire  a  de  la  douceur 
même  pour  ceux  qui  en  proclament  la  vanité,  et 
Léopardi  tiouva  quelques  consolations  dans  le 
succès  de  ses  poésies.  Il  quitta  une  seconde  fois 
le  toit  paternel,  et  partagea  les  années  1825  et 
1826  entre  Milan  et  Bologne.  De  1827  à  1829  il 
vécut  à  Florence.  Il  passa  à  Recanati  le  rude  hiver 
de  1829-1830,  puis  revint  à,  Florence,  où  il  de- 
meura jusqu'en  1831.  Obligé,  par  la  sévérité  de 
son  père,  de  demander  des  ressources  au  travail 
littéraire,  si  faiblement  rétribué  en  Italie,  il  pu- 
blia une  édition  des  Poésies  de  Pétrarque  avec 
un  excellent  commentaire,  puis  deux  Chresto- 
mathies  italiennes,  l'une  en  prose  et  l'autre  en 
vers.  Il  participa  activement  à  la  rédaction  de 
YAnthologia  de  Florence.  Ces  années  de  1825  à 
1830  furent  la  période  la  plus  brillante  de  sa  vie 
littéraire.  En  1826  il  traduisit  dans  le  langage 
italien  des  trécentistes  des  actes  des  martyrs 
tirés  du  recueil  de  Combéfis,  lllustiium  Mar- 
tyrum  lecti  Triumphi,  et  ce  pastiche  érudit 
trompa  les  juges  les  plus  exercés.  En  1826  il  fit 
paraître,  sous  le  simple  titre  de  Versi,  un  se- 
cond recueil  de  poésies  composé  d'idylles,  d'élé- 
gies, de  traductions  en  vers  de  la  Batracho- 
myomachie  et  des  ïambes  de  Simonide  d'A- 
morgos  contre  les  femmes.  Ce  petit  volume 
complète  heureusement  les  Canzoni,  et  par 
les  teintes  gracieuses  et  tendres  des  élégies,  par 
la  gaieté  satirique  des  deux  traductions,  il  cor- 

25 


771 


LEOPARD! 


772 


rige  les  couleurs  dures  et  sombres  du  premier 
recueil.  En  1827  Leopardi  publia  ses  opuscules 
moraux  (  Opérette  morali  )  presque  tous  sous 
forme  de  dialogues,  et  dont  quelques-uns  avaient  - 
déjà  paru  dans  Nuovo  Ricoglitore  de-  Milan. 
Pour  le  style,  ce  recueil  est,  suivant Manzoni,  ce 
que  la  prose  italienne  a  produit  de  plus  parfait 
au  dix-huitième  siècle;  pour  le  fond, c'est  un  chef- 
d'œuvre  d'observation  morale.  Jamais  les  illu- 
sions et  les  sottises  humaines  n'avaient  été  péné- 
trées avec  plus  de  finesse,  ni  raillées  avec  une 
ironie  plus  impitoyable  (1). 

Dans  ces  années  si  bien  remplies,  au  milieu 
d'amis  éprouvés,  tels  que  Capponi,  Niccoîini, 
Pucci,  Leopardi  aurait  trouvé  quelque  bonheur 
si  ses  infirmités  n'avaient  augmenté  de  jour  en 
jour.  Dès  l'âge  de  vingt  ans  il  avait  dû  inter- 
rompre en  partie  ses  études  philologiques,  et 
plus  tard  le  progrès  du  mal  le  contraignit  d'y 
renoncer  tout  à  fait.  La  maladie  de  Leopardi 
était  des  plus  compliquées  :  par  suite  d'un  ra- 
mollissement et  d'une  déformation  des  os,  tous 
les  viscères  de  la  poitrine,  comprimés  d'une  ma- 
nière anormale,  éprouvèrent  des  altérations  pro- 
fondes ;  la  circulation  et  la  digestion  se  faisaient 
mal,  la  respiration  était  haletante  et  difficile;  des 
symptômes  de  phthisie  pulmonaire  et  d'hydro- 
pisie  se  manifestèrent.  Cet  état  maladif  remon- 
tait à  la  jeunesse  de  Leopardi,  et  c'est  à  peine  si 
dans  les  vingt  dernières  années  il  eut  quelques 
mois  de  répit.  Depuis  Pascal  on  n'avait  pas 
d'exemple  d'une  aussi  grande  intelligence  si 
cruellement  opprimée  par  les  infirmités  du  corps. 
Désespérant  de  pouvoir  jamais  reprendre  ses  tra- 
vaux, il  remit  en  octobre  1830  tous  ses  manus- 
crits philologiques  à  M.  de  Sinner,  qui  devait  les 
publier  (2).  Vers  la  même  époque  (  décembre 
1830),  il  publia  à  Florence  une  édition  de  ses  poé- 
sies avec  une  belle  et  touchante  dédicace  à  ses 
amis.  11  se  rendit  ensuite  à  Rome,  revint  en  1832 
à  Florence,  où  il  donna  une  édition  nouvelle  des 
Opérette  morali,  avec  des  additions,  et  alla 
en  octobre  1833  s'établir  à  Naples  avec  son  ami 
dévoué  Ranieri,  qui  entoura  de  soins  ses  der- 
nières   années.   Là    il    commença   une  édition 


(1)  Dans  les  Opérette  morali  on  distingue  les  Dits  mé- 
morables de  Philippe  Ottonieri,  lictiun  piquante  où 
l'auteur  s'est  peint  lui-même  et  c,ui  se  termine  par  cette 
épitaphe  ironique  •- 

Les  os 

De  Philippe  Ottonieri, 

né  pour  les  oeuvres  devertu 

Et  pour  la  gloire. 

Il  a  vécu  ojsie  et  inutile  ; . 

Il  est  mort  sans  renommée, 

Non  sans  avoir  connu  sa  nature 

Et  sa  fortune. 

On  y   remarque   encore   le    Dialogue    de    l'anatnmiste 

Ruysch  et  do  ses  momies  ,  celui  de  la  iVature  et  d'un 

Islandais,  et  la  Gageure  de  Prométhée.  Ces  trois  essais 

ont  été  traduits  en  fiançais  par  M.  Sinner,  et  insérés  dans 

Le  Siècle,  recueil  périodique  en  1833. 

(2)«  Egli ,  se  piacerà  a  Dlo,  li  rédigera  e  complétera, 
et  li  farà  piibblicnre  In  Gennania,  c  me  ne  promette  da- 
pari  e  un  gran  nome.  »  {  Leopardi,  Oper.,  VI,  p.  152). 


complète  de  ses  œuvres  italiennes.  Les  Canti 
reparurent  corrigés  et  augmentés  de  onze  pièces 
nouvelles  ;  mais  la  réimpression  des  Opérette 
morali  fut  arrêtée  par  la  censure   napolitaine. 
Le  climat  de  Naples  produisit  une  amélioration 
sensible  dans  sa  santé.  Le  poète  commença  à  es. 
pérer  de  longues  années,  et  lui  qui  jusque  ià 
avait  si  souvent  appelé  la  mort  comme  une  li- 
bératrice, s'attacha  à  la  vie  comme  à  un  bien 
d'autant  plus  précieux  qu'il  était  moins  espéré. 
Mais  le  mieux  n'était  qu'apparent.  La  maladie 
poursuivait  sourdement  ses  ravages,  et  le  mer- 
credi 14  juin  1837,  à  cinq  heures  de  l'après-midi,  - 
au  moment  où  il  allait  monter  en  voiture  pour 
se  rendre  à  sa  petite  habitation  de  campagne,  il 
mourut   subitement  d'un  épanchement  dans  la 
poitrine.  Il  venait  d'achever  une  épopée  satirique 
en  huit  chants,  sous  le  titre  de  Continuation 
(Paralipomeni)  de  la   Batrachomijomaclde 
d'Homère.  La  versification  de  ce  poème  est  ex- 
cellente ,  mais  la  gaieté  en  est  singulièrement 
amère  et  forcée.  Les  sentiments  .que   Leopardi 
y  exprime  sont  d'autant  plus  tristes  qu'ils  se 
présentent    sous    une    forme    sarcastique.  Les 
mêmes  sentiments  se  reproduisent,  mais  d'une 
manière    sérieuse   et   plus   propre  à  exciter  la' 
sympathie  dans  sa   Correspondance.  C'est  làl 
que  ce  grand  esprit,  si  misérablement  tourmenté 
par  les  circonstances  extérieures,  se  révèle  dansj 
sa  fierté  simple,  dans  l'étonnante  fertilité  de  son 
talent  etaussi  dans  l'irrémédiable  angoisse  de  sa- 
pensée.  Une  de  ses  lettres  les  plus  remarquables! 
est  celle  que  M.  Sainte-Beuve  a  publiée,  et  qui' 
est  adressée  à  M.   de  Sinner.   «  Leopardi,  M 
beau  milieu  d'une  lettre  écrite  en  italien,  s'ex-< 
prime  tout  d'un  coup  en  français,  comme  poun| 
rendre  plus  nettement  sa  pensée  et  pour  adresse) 
sa  profession  de  foi  à  plus  de  monde  (1).  »  il 
poète  venait  de  lire  dans  Yftesperus  de  Stutti 
gard  un  article,  d'ailleurs  bienveillant,  où  l'oi 
attribuait   ses  sentiments  philosophiques  à  ses 
souffrances   personnelles.   «  Quels   que  soient 
écrit-il,  mes  malheurs,   qu'on  a  jugé  à  propo 
d'étaler  et  que  peut-être  on  a  un  peu  exagéré 
dans  ce  journal,  j'ai  eu  assez  de  courage  pou> 
ne  pas  chercher  à  en  diminuer  le  poids,  ni  pa 
de  frivoles  espérances  d'une  prétendue  félicit 
future  et  inconnue,  ni  par  une  lâche  résigna 
tiou.  Mes  sentiments  envers  la  destinée  ont  et 
et  sont  toujours  ceux  que  j'ai  exprimés  dan 
Bruto  minore.  C'a  été  par  suite  de  ce  mêm 
courage,  qu'étant  amené  par  mes  recherches 
une  philosophie  désespérante,  je  n'ai  pas  hésii 
à  l'embrasser  tout  entière  ;  tandis  que,  de  l'auti 
côté,  ce  n'a  été  que  par  effet  de  la  lâcheté  d( 
hommes ,  qui  ont  besoin   d'être  persuadés  d 
mérite  de  l'existence ,  que  l'on  a  voulu  cons 
dérer   mes  opinions  philosophiques  comme 
résultat  de  mes  souffrances  particulières,  et  qi 
l'on  s'obstine  à  attribuer  à  mes  circonstanci 

(1)  Sainte-Beuve,  Portraits  contemporains,  t.  III, 


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LEOPARD! 


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matérielles  ce  qu'on  ne  doit  qu'à,  mon  entende- 
ment. Avant  de  mourir,  je  vais  protester  contre 
cette  invention  de  la  faiblesse  et  de  la  vulgarité, 
et  prier  mes  lecteurs  de  s'attacher  à  détruire 
mes  observations  et  mes  raisonnements   plutôt 
que  d'accuser  mes  maladies.  »  Noble  protesta- 
tion et  digne  de  sympathie  bien  qu'elle  ait  pour 
objet  des  doctrines  désolantes  !  Quelque  chose 
de  celte  fierle  et  de  cette  résignation  hautaine, 
mais  avec  plus  d'attendrissement  et  une  admi- 
rable suavité  d'expression,  se  retrouve  dans  le 
>lus  beau  de  ses  chants  lyriques,  dans  sa  can- 
ione  Sur  l'Amour  et  la  Mort.  Nous  en  tradui- 
ras  les   derniers  vers  :   «   Et  toi  que  depuis 
nés  premiers  ans  j'invoque  comme  une  déesse 
lonorée ,  belle  Mort,  qui   seule  compatis  aux 
ouffrances  du  monde,  si  jamais  je  t'ai  célébrée, 
j'ai  tenté  de  venger  ton  divin  pouvoir  des  af- 
ronts   d'un   vulgaire   ingrat ,   ne   tarde  plus , 
xauce  des  prières  comme  tu  en  entends  rare- 
lent,  ferme  pour  jamais  à  la  lumière  ces  tristes 
eux ,  ô  souveraine    du  temps  !    Mais  certes  , 
uelle  que  soit  l'heure  où  pour  moi  tu  déploies 
ailes,  tu  me  trouveras  fier,  armé  contre  le 
ort  et  ne  lui  cédant  pas.  La  main  qui  en  me  fla- 
ellant  se  rougit  de  mon  sang  innocent,  je  ne  la 
omblerai  pas  d'éloges  et  de  bénédictions  comme 
fait  l'antique  bassesse  de  la  race  humaine, 
outes  ces  vaines  espérances  avec  lesquelles  se 
onsole  le  monde,  pareil  aux  petits  enfants,  tous 
s  soutiens  illusoires  ,  je  les  repousserai  loin  de 
ioi.  Je  n'espérerai  jamais  qu'en  toi  seule.  Le 
ml  jour  serein  que  j'attends  est  celui  où  je  re- 
oserai mon  visage  endormi  sur  ton  sein  vir- 
nal.  »  Leopardi  est  tout  entier  dans  ces  paroles 
npreintes   d'une  fière  et  gracieuse  tristesse, 
hez  lui  l'agitation  de  la  pensée  ne  trouble  ja- 
ais  la  pureté  du  style.  Si  ses  idées  semblent 
un  contemporain  de  Pline  l'ancien  et  de  Lu- 
en,  si  son  érudition  grammaticale  rappelle  les 
)ëles  d'Alexandrie,  la  sobriété,  la  finesse,   l'é- 
:rgie  et  l'éclat  de  son  style  sont  dignes  d'un 
)ëteattique. 

Depuis  la  mort  de  Leopardi,  sa  renommée  a 
wtucoup  grandi  en  Italie.  En  France  elle  s'est 
ipandue  lentement,  bien  que  le  génie  du  poète 
it  été  signalé  dans  des  vers  brillants  d'Alfred 
;  Musset  (1),  et  sa  vie  racontée  dans  une  très- 
ille  notice  de  M.  Sainte-Beuve;  mais  enfin  elle 
surmonté  l'indifférence  publique.  Tout  récem- 


(1)  O  toi  qu'appelle  encor  ta  patrie  abaissée, 
Dans  ta  tombe  précoce  à  peine  refroidi, 

I     Sombre  amant  de  la  mort,  pauvre  Leopardi, 
Si  pour  faire  une  phrase  un  peu  mieux  cadencée, 
j    II  t'eût  jamais  fallu  toucher  à  ta  pensée, 
.    Qu'aurait-il  répondu,  ton  cœur  simple  etbardi? 
:    Telle  fut  ia  vigueur  de  ton  sobre  génie, 
i     Tel  fut  ton  chaste  amour  pour  l'àprc  vérité, 
|     Qu'au  milieu  des  langueurs  du  parler  d'Ausonie, 
[il   Tu  dédaignas  la  rime  et  sa  molle  harmonie, 
|     Pour  ne  laisser  vibrer  sur  ton  luth  irrite 
t|  Que  l'accent  du  malheur  et  de  la  liberté. 
1 1  (  Alfred  de  Musset,  dans  la  Rente  des  Deux  Mondes, 
du  15  nov.  1S42.) 


ment  un  critique  (1)  français  n'a  pas  craint  d'ap- 
peler Leopardi  le  plus  grand  des  poètes  italiens 
depuis  Dante  (2).  Sans  pousser  l'admiration  jus- 
que là,  sans  mettre  sa  jeune  gloire  au-dessus  des 
gloires  séculaires  de  Pétrarque,  de  l'Arioste,  du 
Tasse,  sans  même  lui  décerner  prématurément 
une  supériorité  si  marquée  sur  ces  autres  illus- 
tres Italiens  modernes,  Allieri,  Menti,  Man/oni, 
nous  croyons  qu'il  est  impossible  de  mécon- 
naître dans  ses  œuvres  les  qualités  variées,  fortes 
et  exquises  qui  constituent  un  penseur  original 
et  un  grand  poète. 

La  grande  réputation  de  Giacomo  Leopardi 
donne  du  prix  à  ses  moindres  ouvrages;  nous 
indiquerons  ici  tous  ceux  qu'il  a  composés, 
bien  que  plusieurs  aient  déjà  été  mentionnés 
dans  cet  article  ou  soient  restés  inédits.  Nous 
noterons  en  même  temps  la  date  de  la  compo- 
sition de  ces  écrits  :  1813-1814  :  Por/irio,  Vita 
di  Plolino  volgarizzata,  inédit;  —  Esichio 
Milésio.  Degli  uomini  per  dottrina  chiari, 
tolgar.,  in.;  —  Porphyrii  de  vita  Plotird  et 
ordine  librorum  ejus  Commentarius,  grâce  et 
latine,  ex  versione  Marsilii  Ficini  emendata. 
Grœce  emendavit,  in.;  —  Commentant  de 
vita  et  scriptis  rhetorum  quorumdam  {JElii 
Aristidis,  Hermogenis,  Frontonis,  Dionis 
Chrysostomi),qui  secundo  post  C/iristum  sœ- 
culo  vel  primo  déclinante  vixerunt  :  ad  cal- 
cem  adjectis  et  observât,  illustratis  vet.  ali- 
quot  opuscul. ,  inéd.;  —  Collectio  fragmen- 
torum  SS.  Patrum,  in.;  —  1815  :  Saggio 
sopra  gli  errori  popolari  degli  antichi;  pu- 
blié plus  de  trente  ans  après  avoir  été  composé , 
Florence,  1846,  in-12;  M.  Berger  de  Xivrey  en 
a  inséré  un  chapitre  dans  ses  Traditions  téra- 
tologiques  ;  —  Commen.  in  Julvi  A/ricani 
Cestos,  inachevé  et  inédit.;  —  Discorso  sopra 
Mosco  ;  Idilii  di  Mosco  volgar.  ;  dans  le  Spet- 
tatore  italiano  e  straniero  de  Milan,  t.  VI,  et 
dans  les  Sludi  filologici  de  Leopardi;  —  Dis- 
corso sopra  la  Batracomiomachia ; LaGuerra 
clei  Topi  e  délie  Rane,  volgar.  dans  le  Spett. 
iial.,  t.  VII,  et  dans  les  St.  fil.  ;  —  18 1 6  :  Sag- 
gio di  traduzione  delV  Odissea;  dans  le  Spet. 
ilal.  ;  et  dans  les  St.  fil.  ;  —  Notizie  isloriche 
e  geografiche  sulla  citta  e  chiesa  arcivesco- 
vile  di  Damiata;  Loreto,  1816;  et  dans  les  St. 
fil.; — Dellafama  avuta  da  Orazio  pressa  gli 
Antichi; dans  le  Spet.,  t.  VII,  et  dans  les  Stud. 
fil.  ;  —  Discorso  sopra  la  vita  e  le  opère  di 
M.  Cornelio  Frontone,  in.;  —  Lellere  di 
Frontone  a  M.  Aurelio  tradotte,  in.';—  1817  : 
La  Torla  (Moretum),  poemetlo  tradotlo  dal 

(1)  M.  Brisset,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  1er  mai 
1859. 

(2)  Le  nom  de  Dante  se  présente  naturellement  aux  ad- 
mirateurs de  Leopardi  comme  le  terme  de  comparaison 
le  plus  éclatant.  Giord'ani  dit  dans  .son  proemio  du  troi- 
sième volume  des  œuvres  du  poète  :  «  le  contemplo  e 
adoro  Dante  corne  astro  dcl  mattinu  alla  gloria  délia  sa- 
piente  poesia  in  Italia;  e  Leopardi  comme  stella  dell'  uc- 
caso. » 

25. 


775 


LE0PARD1 

Ual.,  t.  VII,  et  dans  les  :  Pepoli  (  1S26); 


latino,  dans  le  Spet 
Slud.  l'ilol.;—  Iidio  a  Aettuno  ;—  Odx  ades- 
potse,  dans  la  Spet.,  t.  VII,  et  dans  les  Stud. 
'jilol.  ; —   Titanomachia  di  Eslodo  volgar.; 
dans  le  Spett.,  t.  VIII;  —  Sonetti  in  persona 
di  Ser.  Pecora  Fiorenlino  Beccaio;  dans  les 
versi  del  C.   G.   Leopardi  et  dans  les  Stud. 
filol.  ;  —  Libro  secondo  delV  Enéide,  volg.  ; 
Milan,  1817,  in-8",  et  dans  les  Stud.  Jilol. ;  — 
Lellera  a  Pietro  Giordani  sopra   il  Dionigi 
d'Alicamasso  publicato  da  Mai ,  in.  ;  —  Can- 
zoni  :  P  ail'  Italta,  lla  sopra  il  monumento 
di  Dante  che  si  prépara  a  Firenze;  Rome, 
1818  ;  —  1819  :  Annotazioni  sopra  la  cronica 
d'Eusebio  pubblicata  l'anno  MDCCCXVill 
in  Milano  dai  dottori  Angelo  Mat  e  Giovanni 
Zohrab,    scritte  l'anno  appresso  dal  C.  G. 
Leopardi  a  un  amico  suo;  dans  les  Effeme- 
ridi  letterarie  di  Roma;  1823,   vol.  10,  11, 
12;  —  1820  :  Canzone  ad  Angelo  Maiquand' 
ebbe  trovato  i  libri  di  Cicérone  délia  Repu- 
blica;  Bologne,  1820,  et  dans  toutes  les  édi- 
tions des  Canti  de  Leopardi;  —  1822  :  Philo- 
nisJudaei  Sennones  très  hactenus  inédit  i,  etc. 
nunc  primum   in  latinum  fideliler    trans- 
lati  per  J.-B.  Aucher,   article  sur  cette  tra- 
duction dans  les  Effemeredi  letterarie ,  1822, 
t.  IX, et  dans  les  Stud.  pli.;  —  article  sur  la 
République  de  Cicéron  publiée  par  Mai  dans  les 
Ejfem.  lett. ,  1822,  t.  IX;  —  181b-1822  :  In- 
torno  al  participio  reso  ed  al  verbo  sortire  , 
in.  ;  —  Storia   delV   Astronomia,  dalla  sua 
origine  fino  alU  anno  1811,  in.;   —Sopra 
Celso,  De  Arte  dicendi,  in.  ;  —  Sopra  il  pre- 
teso  Longino,  in.;   —  Sopra  Vlmpresa  e  le 
Cose  greche  di  Seno/onte,  in.;  —  Sopra  le 
Arpie ,  in.  ;   —  Osservazioni  filologiche ,  in. 
M.  Sinner  en  a  donné  dans  le  Rheinisches  Mu- 
séum  de  Bonn,  1834,  un  extrait  de  quatorze 
pages;  —  Canzoni;  Bologne    1824  :  outre  les 
trois  canzones  déjà  citées,  cette  édition  contient 
les  suivantes  :  JSelle  nozze  délia  sorella  Pao- 
lina  ;   A    un  vincitore  nel  pallone  ;  Bruto 
minore;  Alla  primaver a  e  délie  Favole  an- 
tiche;  Vltimo  can/o  di  Saffo;   lnno  ai  Pa- 
triarchi,  o  dei  principii  del  génère  umano  ; 
Alla  sua  donna;  on  y  trouve  aussi  une  dis- 
sertation morale  intitulée  Comparazione  délie 
sentenze  di   Bruto  minore  e    di   Teofrasto 
vicini  a  morte,  et  des  Annotazioni  aile  Can- 
zoni; —  18'/5  :  Frammento  di  una  tradu- 
zione  in  volgare  délia  Impresa  di  Ciro  ;  dans 
le  Nuovo  Ricoglitore,  an.  i,  et  dans  les  Opère 
de  Leopardi,  vol.  II;  —  1826   :    Martirio  de 
santi  Padri  ;  Milan ,   182Ô,  et  dans  les  Op., 
t.  11;  —  Interprelazione  délie  Rime  del  Pe- 
trarca ,  imprimées  dans   les  éditions  de  Pé- 
trarque; Milan,  1820;  Florence,  1837-1840;  — 
Versi;  Bologne,  1826.  Cette  petite  collection  de 
vers  se  compose  des  pièces  suivantes  avec  les 
datesde  composition:  idilii  (1819);  —  Elégie 
1817);  —  Sonetti  (1817);  —Epistolao.Carlo 


776 
La  Guerra  dei  Topi  e  délie 


Rane  (1815)  ;  —  La  Eatracomiomachiarifatta 
(1826)  ;  —  Volgarizzamento  deda  salira  di 
Simoniae  (1823);  —  1827  :  Discorso  in  pro- 
posilo  di  una  orazione  greca  di  Giorgio  Ce- 
mislo  Pletone,  e  volgarizzamento  délia  me- 
desima;  dans  le  Nuovo  Ricogl.,  an.  1827,  et 
dans  les  Op.,  vol.  II  ;  —  Crestomazia  ita- 
liana  raccol.  degli  scritti  italiani  in  prosa; 
Milan,  1827;  — Opérette  morali,  contenant 
vingt  dialogues;   Milan,  1827;  Florence,  1834; 

—  Crestomazia  italiana  poelica ;  Miian,  1828; 

—  Canti;  Florence,  1839  :  cette  édition  con-.. 
tient  quelques  pièces  nouvelles  et  une  très-belle 
dédicace  Agli  amici  di  Toscana;  —  secondei 
édition  des  Opérette  avec  deux  dialogues  nou- 
veaux; —  Canti,  édition  revue  et  corrigée  avec 
onze  chants  nouveaux;  Florence,  1836;  les 
corrections  faites  dans  cette  édition  sont  nom- 
breuses, et  on  peut  la  regarder  comme  la  der-| 
nière  leçon  adoptée  par  l'auteur.  Depuis  la  mort 
de  Leopardi,  on  a  publié  de  lui  :  Paralipomeni 
delta  Batracomiomachia,  pr  emetto  in  otlaca 
rima  e  in  otlo  canti;  Paris,  1842;  —  Opère 
de  G.  L.  edizione  accresciula,  ordinata,  e 
corret ta,  secondo  Cullimo  intendimento  delV 
au  tore  da  Antonio  Ranieri  ;  Florence,  1845 

2  vol.  in-12.  Cette  édition  contient  plusieurs! 
morceaux  inédits  d'un  grand  mérite,  savoir  deux; 
pièces  de  vers  :  Il  Tramonta  délia  Luna  ;  La 
Ginestra,  o  il  fiore  del  deserto;  des  opuscules 
moraux  :  Frammento  apocri/odi  Stra/one  dai 
Lampsaco;  —  Il  Copernico  ;  —  Diatogo  dv 
Plolino  edi  Porfirio;  —  Centundici  pensien 
morali;  des  traductions  :  Manuale  d' Epitlelo^ 
con  preambolo;  —  Ercolejavoladi  Prodico , 
—  Opérette  morali  d'Isocrate  ;  —  Studi  filolo-i 
gici  raccolti  e  ordinali  da  Pietro  Pellegr,nit 
Pietro  Giordani;  Florence,  1845,  in-12.  Le  m 
cueil  composé  d'opuscules,  de  préfaces,  de  no- 
tes, etc.,  déjà  publiés,  et  en  général  d'une  impor- 
tance secondaire,  ne  contient  pas  les  papiers  con-i 
liés  à  M.  de  Sinner.  Pellegrini  et  Giordani  rap-i 
portent  dans  leur  préface  que  «  M.  de  Sinner,  prk 
de  favoriser  leur  pieuse  entreprise,  s'en  est  excusi 
(  se  n'è  scusato)  ;  et  que  ce  refus  les  a  empêché! 
de  donner  les  nombreux  manuscrits  de  Léopard 
qui  sont  sortis  de  l'Italie.  »  Un  des  principaux 
ouvrages  remis  à  M.  de  Sinner,  le  Saggio  soprt 
gli  Errori  popolari  degli  Antichi,  a  été  publiil 
par  Prosper  Viani;  Florence,  1846,  in-12.  Li 
même  éditeur  a  donné  un  recueil  des  lettres  di 
Leopardi  (  Epistolario);  Florence,  1849,  2  vol. 
in-12.  Les  œuvres  de  Leopardi  forment  actuelle 
ment  six  volumes  in-12,  et  ne  comprennent  pa 
plusieurs  de  ses  plus  importants  travaux  philo 
logiques.  Ses  poésies  ont  été  traduites  en  aile 
mand  par  M.  Charles  Kannegiesser.      L.  J. 

Montanari,     Bioç/rafta  del  conte    Leopardi;    Home! 
1838,  in-8°.  —  Louis  de  Sinner,  dans  YEncycl.  des  C'en 
du  Monde.  —  Sainte-Beuve,  Portraits  comte mporatoti 
t.  111.   —  Schulz,    Notice  sur  Leopardi;  dans  l'Italie 
Rome,  1840.  —  Gazette  d'Jagsbourg,  septembre,  lS'.l 


J777  LE0PARD1  • 

L_  Ranieri,  Notice  sur  G.  Leopardi,  en  tête  des  Opère. 
_  Olordani,  Proemio  des  Studj  ftlologici.  —  Pellegrini, 
//îtfire  délie  scritture  di  G.  L.  édite  ed  inédite  ;  à  la  fin 
des  Stwli  filoloçici.  —  Gioberti ,  Il   Gesuita  moderno, 

\preface.  —  Quarterly  Reviciv,  mars  1S50. 

leopakdo  (Alessandro),  architecte,  sculp- 
teur et  fondeur  italien,  né  à  Venise,  vers  1450, 
mort  en  1515.  Toute  sa  vie  fut  consacrée  au 
service  de  la  république  de  Venise,  pour  laquelle 
en  1505  il  exécuta  les  magnifiques  piédestaux  de 
bronze  des  trois  mats  ou  pili  qui  sur  la  place 
Saint-Marc  portaient  le»  étendards  de  Chypre, 
de  Candie  et  de  Morée,  ouvrages  qui  ne  le  eè- 
dent  en  rien  à  ce  que  l'antiquité  a  produit  de 
plus  élégant  et  de  plus  parfait  en  ce  genre.  En 
1495 .  Leopardo  avait  élevé  sur  la  place  de 
Saint-Jean-et-Paul  la  statue  équestre  du  général 
Bartolommeo  Calleoni  de  Bergame  ,  groupe 
dont  le  modèle  avait  été  exécuté  dix  ans  aupara- 
vant par  Andrea'da  Verocchio,  que  la  mort  avait 
empêché  de  compléter  son  œuvre.  Yasari  a  re- 
proché injustement  à  Leopardo  d'avoir  voulu 
s'approprier  la  gloire  du  sculpteur  florentin  en 
gravant  sur  la  sangle  du  cheval  cette  inscrip- 
tion :  Alexander  Leopardus  h.  opusf.;  mais 
Cicognara  fait  remarquer  avec  raison  qu'il  faut 
lire  l'abbréviation  /,  fudit  et  non  pas  fecit. 
C'est  en  effet  Leopardo  qui  fondit  et  répara  ce 
beau  groupe,  opération  qui  eût  suffi  à  l'immor- 
taliser quand  même  le  piédestal,  dont  il  donna 
seul  le  dessin,  ne  serait  pas  le  plus  élégant  et  le 
plus  magnifique  que  possède  l'Italie.  Du  reste 
sur  le  tombeau  de  Leopardo  au  cloître  de  Santa- 
Maria  dell'  Orto,  il  n'était  désigné  que  comme 
auteur  de  ce  piédestal,  Bartholomsei  Colei  sta- 
tuas basis  opïfex.  On  doit  encore  à  Leopardo 
l'autel  et  la  statue  de  saint  Jacqxies  de  la  cha- 
pelle Zeno  à  Saint-Marc,  et  trois  beaux  candé- 
labres en  bronze,  conservés  à  l'Académie  des 
Beaux-arts.  On  croit  aussi,  qu'à  l'exception  des 
statues  d'Adam  et  Eve,  qui  étaient  dues  au  ci- 
seau de  Tullio  Lombardo,  le  splendide  mausolée 
du  doge  Andréa  Vendramini  à  Saint-Jean-et- 
Paul  est  l'œuvre  de  Leopardo  ;  si  le  fait  n'est  pas 
certain  ,  tous  les  historiens  sont  d'accord  pour 
reconnaître  que  ce  monument,  le  plus  considé- 
rable de  Venise,  appartient  au  moins  à  son  école. 
E.  B— s. 

Temenza.  File  degli  Architettx.  —  Cicognara.  Storia 
délia  Sculptura.  —  Ticozzi,  Dizionariu.  —  Quadri,  Otto 
Giorni  in  Venezia. 

léophanès  (Aeoç<xvy]ç),  médecin  et  phy- 
siologiste grec,  d'une  époque  incertaine.il  n'est 
pas  plus  récent  que  le  quatrième  siècle  avant 
J.-C.  ,  puisqu'il  est  cité  par  Aristote  et  Théo- 
phraste.  Aristole  mentionne  de  lui  une  opinion 
particulière  sur  la  génération,  opinion  qui  se 
retrouve  dans  le  traité  De  Superfœtatione  at- 
tribué à  Hippocrate.  M.  Littré  pense  que  ce  traité 
appartient  à  Léophanès.  Y. 

Aristote,  De  Générât,  animal.,  IV,  i.  —  Theophraste, 
De  Cousis  Plant.,  II,  4.  —  Plntarque,  De  Placitis  l'hi- 
losoph,  V,  7.  —  Littré,  OEuures  d'Hippocrate,  vol.  I, 
p.  879. 


-  LÉOPOLD  778 

I.  Léopold  empereurs  d'Allemagne, 

léopold  i  (Ignace),  empereur  d'Allemagne, 
né  le  9  juin.  1640,  à  Vienne,  mort  dans  cette 
ville,  le  5  mai  1705.  Second  hls  de  l'empereur 
Ferdinand  III,  il  fut  d'abord  destiné  à  l'état  ec- 
clésiastique, et  reçut,  sous  la  direction  du  jésuite 
Neidhart,  une  instruction  littéraire  et  scientifi- 
que. Après  la  mort  de  son  frère  aîné,  il  fut  ap- 
pelé en  1655  à  la  couronne  de  Hongrie  et  l'année 
suivante  à  celle  de  Bohême.  Son  père  étant  dé- 
cédé en  avril  1657,  l'archiduc  Léopold-Guillaume 
prit  la  régence  des  États  autrichiens  au  nom  du 
jeune  Léopold  ;  il  conclut  en  mai  contre  Charles- 
Gustave  de  Suède  un  traité  avec  la  Pologne,  que 
ce  prince  avait  déjà  conquise  en  partie.  Peu  de 
temps  après  s'ouvrit  à  Francfort  la  diète  con- 
voquée à  l'effet  de  pourvoir  à  la  vacance  du 
trône  impérial.  Par  suite  du  refus  du  duc  de 
Bavière  de  se  porter  candidat,  les  envoyés  fran- 
çais, Grammont  et  Lionne,  ne  purent  empêcher 
l'élection  de  Léopold  ;  mais  ils  parvinrent  à  faire 
insérer  dans  la  capitulation ,  jurée  par  le  jeune 
empereur  en  juillet  1658,  qu'il  nepourrait  donner 
aucun  secours  à  l'Espagne  dans  la  guerre  qu'elle 
faisait  actuellement  à  la  France.  Le  vicariat  de 
l'Empire  en  Italie  fut  rendu  au  duc  de  Savoie,  et 
il  fut  défendu  en  même  temps  à  Léopold  de  rien 
entreprendre  contre  le  duc  de  Modène.  Les  am- 
bassadeurs français  conclurent  aussi,  malgré  les 
efforts  des  ministres  de  l'empereur,  avec  plu- 
sieurs princes  puissants,  tant  catholiques  que 
protestants,  un  traité  garantissant  à  tous,  et  parti- 
culièrement à  la  France ,  la  possession  paisible 
de  ce  que  leur  assurait  la  paix  de  Westphalie  ; 
cette  ligue  prit  le  nom  de  Confédération  du 
Rhin.  Sur  ces  entrefaites,  les  seize  mille  Impé- 
riaux envoyés  au  secours  de  la  Pologne  avaient 
forcé  Rakoczy,  prince  de  Transylvanie,  l'allié  de 
Charles-Gustave ,  à  demander  la  paix.  &j 

En  1658,  le  général  impérial  Montecuculi  s'em- 
para du  Holstein,  et  pénétra  en  Jutland  ;  il  aida 
l'année  suivante  l'électeur  de  Brandebourg  à  con- 
quérir une  grande  partie  de  la  Poméranie  sué- 
doise. La  paix  d'Oliva,  conclue  en  1660  entre  la 
Pologne  et  la  Suède,  permit  à  Léopold  de  renforcer 
ses  troupes  en  Hongrie,  afin  de  pouvoir  à  temps 
iptervenir  en  Transylvanie,  pays  que  les  Turcs 
dévastaient  depuis  deux  ans  sous  le  prétexte  d'y 
établir  Achaz  Barcsay,  désigné  comme  prince  par 
le  sultan,  mais  non  reconnu  par  les  états,  qui 
avaient  choisi  comme  souverain  Jean  Kemény. 
Jean,  pressé  par  le  beglerbey  de  Bude ,  invoqua 
l'aide  de  Léopold ,  qui  ordonna  à  Montecuculi  de 
se  porter  en  Transylvanie  (1).  S'étant  joint  à 


(1)  Montecuculi  aurait  préféré  marcher  sur  Budc,  dé- 
nué de  moyens  de  défense;  «  mais,  dit  il  dans  ses  Mé- 
moires, les  ministres  n'entendent  rien  à  la  guerre,  et  ne 
veulent  accepter  d'avis  de  personne;  au  contraire,  ils 
mettent  leur  amour-propre  à  rejeter  tous  les  conseils 
qu'on  leur  donne.  »  Ceci  donne  la  clef  des  nombreuses 
maladresses  commises  par  le  gouvernement  impérial  sous 
le  règne  de  Léopold. 


779 


LEOPOLD 


■SÙ 


Kemény  sur  la  fin  de  1661 ,  le  général  autrichien 
prend  possession  de  Klausenbourg,  y  met  une 
garnison ,  et  se  retire  à  Kaschau ,  pour  des 
raisons  qui  n'ont  jamais  été  éclaircies.  Les  Turcs 
quittèrent,  aussi  le  pays,  après  y  avoir  laissé 
comme  prince  Michel  Apafy,  presque  malgré  lui. 
Kemény  ayant  été  tué  en  janvier  1662,  dans  une 
bataille  contre  son  compétiteur,  celui-ci  réclama 
secrètement  le  concours  de  Léopold ,  contre  l'in- 
solence croissante  des  Turcs.  Sommé  par  eux 
pendant  ces  pourparlers  d'assiéger  Klausenbourg, 
il  n'y  mit  que  très-peu  de  diligence,  et  se  retira 
à  l'approche  du  général  impérial  Schneidau. 

A  la  diète  de  Hongrie,  tenue  à  Presbourg  par 
Léopold  depuis  le  mois  de  mai  1662,  les  protes- 
tants se  plaignirent  des  vexations  illégales  dont 
ils  étaient  l'objet  depuis  plusieurs  années.  L'em- 
pereur leur  fit  répondre  qu'ils  devaient  réclamer 
par  les  voies  de  droit  ordinaires  ;  mais  comme  ils 
y  avaient  déjàeu  souvent  recours  sans  obtenir  jus- 
tice, ils  regardèrent  ce  conseil  comme  dérisoire, 
et  quittèrent  la  diète  après  trois  mois  de  vaines 
discussions.  Les  affaires  les  plus  pressantes  fu- 
rent expédiées  et  des  subsides  extraordinaires 
votés;  mais  ils  refusèrent  de  reconnaître  force 
obligatoire  aux  décisions  prises  en  leur  absence, 
ce  qui  devint  une  des  principales  causes  des 
troubles  qui  éclatèrent  dans  la  suite. 

Au  printemps  de  1663  le  grand- vizir  Koprili- 
Ogli  s'avança  avec  plus  de  cent  millehommes  sur 
Neuhausei,  dont  il  s'empara  ainsi  que  de  Neutra, 
Neograd,  Leva  et  d'autres  places,  pendant  que 
vingt  mille  Tartares  ravageaient  la  Moravie. 
Montecuculi,  ne  disposant  que  de  trente  mille 
hommes  de  troupes  médiocres ,  se  replia  sur 
Presbourg.  En  Croatie  seulement  les  Turcs  ne 
Tirent  aucun  progrès  ;  ils  y  furent  plusieurs  fois 
battus  par  les  frères  Zrinyi.  Malgré  les  demandes 
de  secours  adressées  par  Léopold  à  la  diète, 
cette  assemblée,  plus  lente  que  jamais  à  prendre 
une  résolution,  exigeait  avant  tout  le  règlement 
des  points  laissés  indécis  par  la  paix  de  West- 
phalie.  Cène  fut  qu'en  février  1664  que  Léopold, 
étant  venu  en  personne  supplier  les  membres 
les  plus  influents ,  obtint  une  levée  de  soixante 
mille  hommes  aux  frais  de  l'Empire.  Louis  XIV 
offrit  d'envoyer  autant  de  Français  sur  le  Da- 
nube; mais  Léopold,  pour  ne  pas  devoir  son  sa- 
lut à  l'ennemi  de  sa  maison ,  n'en  demanda  que 
six  mille ,  qui ,  placés  sous  les  ordres  de  Coli- 
gny,  arrivèrent  en  Hongrie  en  juillet  1664.  A 
cette  époque  Léopold  ,  qui  avait  reçu  du  pape 
sept  cent  mille  florins  d'or  et  quatre  cent  mille 
des  Génois,  avait  rassemblé  une  armée  presque 
aussi  forte  que  celle  des  Turcs.  Les  quelques 
succès  obtenus  au  commencement  de  la  campagne 
par  Niklas  Zrinyi  et  Hohenlohe  au  sud  et  par 
Souches  au 'nord  avaient  été  suivis  de  revers, 
dent  le  plus  grave  était  la  prise  de  Neu-Zrin 
sur  la  Mur.  Montecuculi ,  qui  s'était  avancé  jus- 
qu'à ce  fleuve  avec  le  gros  de  l'armée ,  ne  fit 
rien  pour  sauver  cette  forteresse,  par  jalousie 


contre  Zrinyi,  auquel  elle  appartenait,  et  alla  se 
retrancher  derrière  la  Raab,  près  de  Saint-Go- 
thard.  C'est  là  que  le  vizir  vint  l'attaquer,  le 
1er  août ,  après  avoir  été  empêché,  huit  jours  au- 
paravant, parles  Français  dépasser  la  rivière  à 
Kerment.  Les  troupes  allemandes  ne  purent 
soutenir  le  clioc  des  janissaires  et  des  spabis; 
elles  commençaient  à  se  débander,  lorsque  les 
Français,  que  le  vizir  avait  traités  de  jeunes 
filles  à  cause  de  leurs  perruques  et  de  leurs 
rubans,  s'étant  précipités  au-devant  des  janis- 
saires, les  arrêtèrent  par  une  charge  impétueuse. 
Les  Impériaux,  ranimés  par  cet  exemple,  s'élan- . 
cèrent  sur  les  Turcs,  les  culbutèrent  dans  la  ri- 
vière et  en  tuèrent  un  grand  nombre.  Trois  jours 
auparavant  le  beglerbey  de  Bude  avait  été  com- 
plciement  battu  à  Leventz  par  le  général  Sou- 
ches. Tout  le  monde  s'attendait  à  voir  sous  peu 
les  Turcs  chassés  de  Hongrie ,  lorsque  Léopold 
conclut,  à  l'étonnement  général,  le  10  août,  une 
trêve  de  vingt  ans  :  il  fut  convenu  que  les  parties 
belligérantes  garderaient  leurs  conquêtes,  que  la 
Transylvanie  resterait  à  Apafy  sous  la  suzerai- 
neté de  la  Porte ,  et  que  Léopold  ferait  au  sul- 
tan un  présent  de  deux  cent  mille  florins.  Deux 
considérations  portèrent  Léopold  à  ne  pas  mieux 
profiter  de  ses  succès  :  la  crainte  de  voir  les  se- 
cours de  l'Empire  lui  être  retirés,  après  la  dis- 
parition du  danger,  et  le  désir  d'avoir  la  main 
libre,  pour  peser  efficacement  sur  la  politique 
des  États  de  l'Europe.  Pendant  ce  temps  la  diète, 
au  lieu  de  se  dissoudre  comme  d'ordinaire,  avait 
continué  de  siéger  pour  élaborer  la  capitulation 
perpétuelle,  dont  la  rédaction  était  prescrite  par 
le  traité  de  Westphalie.  Les  discussions  traî- 
nèrent en  longueur,  et  bientôt  après  une  diète 
permanente,  à  laquelle  les  membres  de  l'Empire 
ne  se  présentaient  plus  que  par  délégués,  fut  éta- 
blie à  Ratisbonne  (1). 

Quoiqu'il  eût  recouvré  en  1665,  par  la  mort  de 
l'archiduc  Sigismond,  le  Tyrol  et  l'Autriche  an- 
térieure ,  Léopold  ne  se  crut  cependant  pas  as- 
sez fort,  en  1667,  pour  soutenir,  contre  les  atta- 
ques de  Louis  XIV  son  neveu  le  roi  d'Espagne, 
dont  il  avait  épousé  la  sœur  l'année  précédente  ; 
il  n'osa  même  pas  augmenter  ses  troupes  (2),  de 
crainte  de  mettre  obstacle  aux  négociations  se- 
crètes qu'il  avait  entamées  avec  Louis  XIV  au 


(1)  Loin  de  donner  plus  de  force  et  d'unité  au  gouver- 
nement central,  ce  changement  dans  la  constitution  de 
l'Empire  contribua  à  rendre  les  princes  plus  indiférents 
encore  au  bien  général  de  l'Allemagne  et  à  cmpêclier 
toute  entente  dans  les  grandes  afia.res,  qui  ne  se  trai- 
taient plus  à  la  dièle.  Auparavant  l'Empire,  quelque  mal 
organisé  qu'il  fût,  formait  un  seul  corps  ;  maintenant 
ilestdevenu  une  agrégation  d'États  presque  indépendants, 
unis  par  un  lien  de  confédération  assez  lâche. 

(2)  «  Le  roi,  écrivait  Lionne  a  l'ambassadeur  Grémon- 
ville,  le  roi  vous  trouve  le  ministre  de  la  terre  le  plus 
effronté  (et  en  cela  Sa  Majesté  vous  donne  la  plus  grande 
louange  que  vous  puissiez  désirer)  de  vous  être  mis  cri 
tète  d'empêcher,  par  vos  persuasions  et  par  vos  menaces, 
qu'un  empereur,  successeur  de  tous  les  césars,  n'ose  pas 
faire  des  recrues  à  ses  troupes.  » 


\781 

|  sujet  du  partage  de  la  succession  d'Espagne.  Le 
mécontentement  croissant  en  Hongrie  lui  causait 
aussi  de  grandes  appréhensions.  La  diète,  qui 
selon  la  constitution  devait  être  convoquée 
tous  les  trois  ans ,  ne  l'était  plus  que  dans  les 
cas  extraordinaires;  les  troupes  allemandes, 
qui  auraient  dû  être  congédiées ,  commet- 
taient toutes  sortes  d'excès  ;  les  protestants,  enfin, 
continuaient  d'être  persécutes.  Irrités  de  cet 
état  de  choses,  plusieurs  magnats  puissants 
conspuèrent  en  1668  pour  secouer  le  joug  de 
l'Autriche.  Pierre  Zrinyi,  ban  de  Croatie,  le 
jeune  prince  Rakoczy,  les  comtes  Frangipani, 
Nadasdy  et  Tattenbach  envoyèrent  un  émissaire 
auprès  du  grand-vizir  pour  l'engager  à  leur  prê- 
ter main-forte  contre  Léopold.  Le  vizir  refusa 
son  concours,  sur  les  conseils  d'un  Grec  Pana- 
jolti,  un  de  ses  confidents,  qui  dévoila  toute 
l'affaire  au  cabinet  de  Vienne.  Repoussés  de  ce 
côté,  les  conjurés  s'adressèrent  à  Apafy  ;  long- 
temps indécis ,  Apafy  ne  voulut  pas  non  plus  les 
seconder,  lorsqu'il  eut  appris  que,  loin  de  lui 
destiner  la  souveraineté  en  Hongrie,  Zrinyi  pré- 
tendait l'acquérir  pour  lui-même.  Les  conjurés , 
se  voyant  découverts,  s'apprêtèrent  à  lutter  avec 
leurs  propres  forces;  mais,  surpris  en  1670  an 
milieu  de  leurs  armements,  Zrinyi  et  Frangipani 
durent  se  retirer  avec  deux  mille  bommes  seu- 
lement dans  la  forteresse  de  Csaktornya ,  qui  fut 
assiégée  immédiatement  par  le  général  Spankau  ; 
ils  se  rendirent  après  avoir  reçu  des  ministres  de 
Léopold  l'assurance  qu'on  les  traiterait  avec 
douceur.  Rakoczy  marcha  avec  huit  mille  hom- 
mes sur  Munkacs ,  fort  appartenant  à  sa  mère  ; 
mais  elle  lui  en  refusa  l'entrée.  Obligé  de  se 
soumettre,  il  obtint  que  sa  peine  fût  réduite  à 
une  amende  de  quatre  cent  mille  florins.  Quant 
aux  autres  conjurés,  ils  furent  jugés  à  Vienne 
par  une  commission ,  condamnés  à  mort  et  exé- 
cutés (1).  Ce  jugement  était  inique  quant  au  fond, 
puisque  la  constitution  hongroise  permettait  à 
tout  noble  d'attaquer  même  à  main  armée  le  sou- 
verain qui  violait  les  lois  du  pays;  il  était  illégal 
quant  à  la  forme ,  car  les  accusés  ne  pouvaient 
être  traduits  que  devant  des  magistrats  hongrois. 
Aussi  souleva-t-il  une  indignation  générale,  que 
Léopold  s'efforça  de  comprimer  par  des  exécu- 
tions et  des  confiscations  sans  nombre,  par  des 
taxes  écrasantes  et  par  de  nouvelles  persécutions 
de  protestants.  Plusieurs  milliers  de  fugitifs  se 
réfugièrent  en  Transylvanie;  fournis  d'armes, en 
secret  par  Apafy,  ils  entrèrent  en  Hongrie  en 
septembre  1672,  et  y  obtinrent  quelques  succès 
sur  les  troupes  impériales;  mais,  battus  le  26  oc- 
tobre à  Gyorkô,  ils  repassèrent  la  frontière. 

Le  22  juin  de  la  même  année,  Léopold  signa 
avec  l'électeur  de  Brandebourg  un  traité,  par 
lequel  ils  s'engageaient  à  secourir  la  Hollande 
menacée  dans  son  existence  par  les  armées  de 


(1)  Toute  la  famille  des  Nadasdy  Tut  contrainte  de 
changer  de  nom  ;  chacun  de  se»  membres  dut  doréna- 
vant porter  un  ruban  rouge  autour  du  cou. 


LÉOPOLD  782 

Louis  XIV.  Le  12  septembre,  l'électeur  et  Mon- 
tecuculi,  général  en  chef  des  Impériaux,  se  réu- 
nirent à  Halberstadt;  leur  armée  était  de  qua- 
rante mille  hommes,  le  double  à  peu  près  de 
celle  que  Turenne  avait  à  leur  opposer.   Mais 
Léopold,  de  nouveau  inquiété  parles  troubles  en 
Hongrie  et  par  les  entreprises  des  Turcs  en  Po- 
logne, ne  leur  permit  pas  de  prendre  l'offensive. 
Ils  cherchèrent   à  joindre  le  prince  d'Orange; 
Turenne  les  en  empêcha,  et  les  repoussa  même, 
en  mars  1673  au  delà  du  Weser.  Mais  en  octobre 
Montecuculi,  ayant  reçu  des  renforts,  parvint  à 
atteindre  l'arméejlu  stathouder,  campée  près  de 
Bonn,  dont  il  s'empara.  Poussé  par  le  chance- 
lier Hacker  et  le  comte  de  Schwartzenberg,  en- 
nemis du  ministre   Lobkowïtz ,  partisan  de  la 
paix ,  Léopold  s'était  enfin  décidé  à  rompre  avec 
Louis  XIV,  contre  lequel  il  avait  signé  le  30  août 
un  traité  avec  la  Hollande,  l'Espagne  et  le  duc  de 
Lorraine.  Pour  rendre  impossible  tout  accom- 
modement avec  la  France,  il  fit,  contre  le  droit 
des  gens,  enlever  en  février  1674  Guillaume  de 
Furstenberg,  ministre  plénipotentiaire  de  l'arche- 
vêque de  Cologne  au  congrès  ouvert  depuis  quel- 
ques mois  dans  cette  ville.  Étant  ensuite  parvenu 
à  détacher  de  la  France  la  plupart  de  ses  alliés, 
tels  que  le  roi  de   Danemark ,  les  électeurs  de 
Trêves,  de  Mayence  et  le  Palatin  ,  il  amena   la 
diète  à  déclarer,  le  28  mai,  la  guerre  à  Louis  XIV. 
Mais  ce  prince,  beaucoup  plus  actif  que  les  mem- 
bres de  la  coalition  ,  neutralisa  leurs  efforts,  qui 
manquaient  d'une    direction   forte    et  unique. 
D'un  côté  il  s'empara  de  la  Franche  Comté  ;  de 
l'autre,  Condé  livra  contre  le  prince  d'Orange  et 
Souches,   qui  avait  remplacé   Montecuculi,  la 
sanglante  bataille  de  Seneff,  et  les  empêcha  de 
pénétrer  en  France.  Sur  le  Rhin,  Turenne,  après 
avoir  battu  à  Sintzheim  le  duc  de  Lorraine  et  à 
Entzheim  les  troupes  impériales  et  les  contin- 
gents de  plusieurs  princes  de  l'Empire,  chassa 
au  commencement  de  l'année   1675,  dans  une 
campagne  à  jamais  célèbre,  tous  les  alliés  de 
l'Alsace.  En  cette  année  Louis  XIV  reprit  sur  les 
Impériaux  les   places   de  la  moyenne  Meuse; 
Turenne  arrêta  en  Souabe  tous  les  mouvements 
de  Montecuculi ,  jusqu'au  27  jnillet,  jour  où  il 
fut  tué  ;  son  armée  alors   repassa  le  Rhin,  et 
i   empêcha,  dirigée  par  Condé,  l'ennemi  de  s  éta- 
blir en  Alsace.  En  revanche  les  ducs  de  Lorraine 
,   et  de  Brunswick  défirent  à  Consarbruck  le  ma- 
,   réchal  de  Gréqui  et  s'emparèrent  de  Trêves.  En 
1676  les  alliés,  malheureux  dans  les  Pays-Bas, 
prirent  sur  le  Rhin  l'importante  place  de  Phi- 
lippsbourg.   L'année    suivanle    les  Français  se 
i   rendirent  maîtres  de  Valenciennes,  de  Cambrai 
i   et  de  Saint-Omer,  et  défirent  le  prince  d'Orange 
|   à  Cassel  ;  l'armée  impériale,  forte  de  soixante 
mille  hommes  ,  commandée  par  le  duc  de  Lor- 
I   raine,  essaya  de  pénétrer  en  Lorraine;  mais  elle 
j   fut  partout  repoussée  grâce  à  l'habileté  de  Cré- 
qui,  qui,  après  avoir  empêché  le  duc  d'aller  re- 
I  joindre  le  prince  d'Orange,  s'empara  de  Fribourg. 


783 


Malgré  ces  échecs ,  Léopold  regagna  dans  cette 
guerre  l'influence  que  sa  maison  avait  eue  autrefois 
sur  l'Allemagne,  où  la  France  n'avait  plus  pour 
alliés  que  l'électeur  de  Bavière  et  le  duc  de  Ha- 
novre. Se  promettant  des  avantages  encore  plus 
grands  de  la  continuation  de  la  lutte,  il  con- 
tribua au  rejet  des  propositions  de  paix,  faites  par 
Louis  XIV  au  congrès  deNimègue,  ouvert  depuis 
mars  1 677.  Quant  au\  États  généraux,  qui  payaient 
d'énormes  subsides  aux  alliés,  ils  n'étaient  pas 
éloignés  de  traiter  ;  cependant,  lorsque  l'Angle- 
terre vint  se  joindre  à  la  coalition ,  ils  recouru- 
rent de  nouveau  aux  armes.  Mais  après  la  prise 
de  Gand  et  d'Ypres,  voyant  qu'ils  ne  pouvaient 
eompter  sur  Charles  II,  ils  signèrent,  le  10  août 
1678,  à  Nimègue,  un  traité  de  paix,  auquel  l'Es- 
pagne accéda,  quatre  mois  après,  en  cédant  à 
Louis  XIV  la  Franche -Comté.  Bien  que  le  duc 
de  Lorraine  eût  été  en  Souabe  tenu  en  échec  par 
le  maréchal  de  Créqui,  Léopold  et  les  princes 
allemands  voulaient  la  continuation  de  la  guerre. 
Mais  l'insurrection  de  Hongrie  força  l'empereur  de 
conclure,  le  5  février  1679,  un  traité  qui  ramenait 
les  choses  à  peu  près  aux  termes  du  traité  de 
Westphalie.  La  Lorraine  devait  être  rendue  au 
duc  Charles,  à  la  condition  que  la  France  y 
garderait  quatre  grandes  routes  stratégiques, 
condition  que  le  duc  rejeta.  La  paix  signée  par 
Léopold  sans  le  concours  de  la  diète,  contraire- 
ment au  traité  de  Westphalie,  fut  ratifiée  par  l'Em- 
pire ,  trop  épuisé  pour  se  formaliser  de  cette  vio- 
lation de  la  constitution. 

Il  était  temps  que  Léopold  pût  diriger  ses 
forces  vers  la  Hongrie,  où  depuis  1672  son  au- 
torité avait  été  fortement  ébranlée.  En  1673  et 
en  1674,  les  Hongrois,  réfugiés  en  Transylvanie, 
appelés  Kouroutzes,  avaient  fait  plusieurs  in- 
cursions en  Hongrie;  et  quoiqu'ils  eussent  été 
battus  en  plusieurs  rencontres,  leur  nombre  aug- 
mentait de  jour  en  jour,  à  cause  de  l'exaspéra- 
tion produite  par  les  traitements  barbares  infligés 
aux  ministres  protestants  ainsi  que  par  les  bru- 
talités de  la  soldatesque.  Béthune,  ambassadeur 
français  à  la  cour  de  Pologne,  leur  lit  remettre 
des  secours  d'argent,  et  engagea  beaucoup  de  Po- 
lonais à  se  joindre  à  eux  ;  ayant  mis  à  leur  tête 
le  comte  Emerik  Tekely  (  voy.  ce  nom),  ils  bat- 
tirent à  leur  tour  les  troupes  impériales.  Les  Turcs 
profitèrent  de  ces  troubles  pour  dévaster  une 
partie  de  la  Hongrie  et  de  la  Croatie  autrichienne. 
En  1678  une  diète  fut  convoquée  à  Presbourg  pour 
aviser  aux  moyens  de  pacifier  les  esprits;  mais 
le  délégué  impérial  Hacker  ayant  traité  avec  in- 
solence cette  assemblée,  qui  conseillait  le  rétablis- 
sement de  la  constitution  et  la  tolérance  envers 
les  protestants,  on  se  sépara  sans  rien  décider. 
Tékely,  qui  avait  pris  plusieurs  places  impor- 
tantes telles  qu'Eperiès  ,  Neusohl  et  Leva,  fai- 
sait d'un  côté  ravager  l'Autriche  et  la  Moravie 
par  des  corps  francs,  et  s'avançait  de  l'autre , 
avec  le  gros  de  son  armée  sur  Presbourg,  lors- 
que les  généraux  de  Léopold  lui  proposèrent,  sur 


LÉOPOLD  784 

la  fin  de  1678,  la  conclusion  d'une  trêve,  à  la- 
quelle il  consentit.   On  entra  en  négociations 


mais  Léopold  les  fit  échouer  par  ses  intrigues 
et  par  son  refus  à  faire  franchement  des  con- 
cessions. Les  hostilités  furent  reprises  avec  un 
acharnement  redoublé.  En  novembre  1680 
une  nouvelle  trêve  fut  conclue,  et  en  mai  1681 
l'empereur  réunit  à  Œdenbourg  une  diète  char- 
gée d'examiner  les  griefs  des  révoltés.  Pres- 
que toutes  leurs  réclamations  furent  reconnues 
fondées;  la  diète  y  fit  droit,  révoqua  toutes  les 
mesures  par  lesquelles  Léopold  avait  peu  à  peu 
entièrement  détruit  la  constitution  et  l'indépen- 
dance du  pays ,  et  accorda  aux  protestants  la 
tolérance;  une  amnistie  complète  fut  promise 
aux  insurgés.  Pour  engager  Tékely  à  se  soumettre 
à  ces  conditions ,  Léopold  autorisa  le  mariage 
du  comte  avec  la  belle  et  riche  Hélène,  veuve 
du  prince  Bakoczy.  Tékely  était  prêt  à  poser 
les  armes  ;  mais  ses  lieutenants ,  avides  de  pil- 
lage, l'en  dissuadèrent  en  lui  représentant  la 
déloyauté  proverbiale  du  cabinet  de  Vienne,  et 
le  poussèrent  à  conclure  avec  la  Porte,  en  mai 
1682,  un  traité  offensif  et  défensif ,  par  lequel  il 
fut  déclaré  prince  souverain  de  Hongrie.  Le  sul- 
tan s'engagea  à  garantir  l'indépendance  du  pays, 
stipulant  toutefois  un  tribut  annuel  de  quarante 
mille  écus  ;  il  déclara  ensuite  la  guerre  à  l'Au- 
triche, et  fit  avancer  contre  elle  une  armée  de 
deux  cent  mille  hommes,  commandée  par  le 
grand-vizir  Kara-Moustapha,  qui,  chassant  de- 
vant lui  les  trente  mille  hommes  du  duc  de  Lor- 
raine, vint,  le  12  juillet  1683,  mettre  le  siège  de- 
vant Vienne ,  dont  la  garnison  n'était  que  de 
dix  mille  hommes.  Léopold  se  réfugia  à  Passau, 
d'où  il  adressa  des  demandes  de  secours  à  Jean 
Sobieski ,  roi  de  Pologne ,  avec  lequel  il  était 
parvenu  à  conclure,  le  31  mai,  un  traité  d'alliance 
contre  les  Turcs,  malgré  les  efforts  de  Louis  XIV, 
qui  désirait  voir  l'empereur  implorer  l'aide  de  la 
France  Dansles  premiers  jours  de  septembre  So- 
bieski arriva  près  devienne  avec  vingt-sept  mille 
hommes  ;  il  y  trouva  douze  mille  Saxons ,  autant 
de  Bavarois ,  et  les  huit  mille  hommes  que  la 
diète,  après  des  longueurs  infinies,  s'était  enfin 
décidée  à  mettre  sur  pied.  L'armée  chrétienne ,. 
bientôt  rejointe  par  le  corps  du  duc  de  Loiraine, 
qui  dans  l'intervalle  avait  empêché  Tékely  de 
pénétrer  au  delà  de  la  Taja,  descendit  le  12  sep- 
tembre des  hauteurs  du  Kahlenberg,  et  vint  at- 
taquer le  vizir.  Celui-ci,  incapable  de  diriger  des 
opérations  militaires,  n'avait  pas  pressé  le  siège, 
afin  que  la  ville,  forcée  de  capituler  par  la  famine, 
ne  fût  pas  livrée  au  pillage,  et  qu'il  pût  s'empa- 
rer seul  des  trésors  qu'il  croyait  enfermés  dans 
le  palais  impérial.  Cependant ,  malgré  tout  le 
courage  de  la  garnison  ,  secondée  par  le  dévoue- 
ment des  habitants  ,  la  place  allait  se  rendre 
lorsque  l'arrivée  de  Sobieski-chungea  la  face  des 
affaires.  Les  Turcs ,  encore  au  nombre  de  cent 
cinquante  mille,  furent  entièrement  défaits  et  re- 
jetés bientôt  au-delà  de  Strigonie.  Loin  de  té- 


r8b 


LÉOPOLD 


786 


moigner  au  roi  de  Pologne  la  reconnaissance  due 
ce  fait  glorieux,  qui  sauvait  la  capitale  et  l'Em- 
Ipire,  Léopold  évita  d'allord  de  se  rencontrer  avec 
(lui,  et  dans  une  courte  entrevue  ne  lui  montra 
que  de  la  froideur  (voij.  Sobieski). 
j_Après  avoir,  en  1684,  remporté  plusieurs  suc- 
(cèssur  iès  troupes  du  sultan  et  celles  de  Tékely, 
Iles  Impériaux  prirent  en  1685  Neuhausel  et 
(beaucoup  de  places  de  la  haute  Hongrie.  Dispo- 
sant d'une  armée  de  cent  mille  hommes,  dont 
pente  mille  fournis  par  l'Empire  (1),  ils  battirent 
ues  armées  turques  à  plusieurs  reprises,  notam- 
ment à  Mohacs ,  eu  cent  soixante-six  ans  aupa- 
ravant l'indépendance  hongroise  avait  succombe 
sous  les  coups  de  Soliman  ;  ils  repoussèrent 
(aussi  toutes  les  attaques  de  Tékely  et  s'empa- 
nrèrentde  Bude,  Eilau,  Essek  et  Peterwardein.  A 
la  fin  de  1 6S7  les  1  uros  étaient  chassés  de  presque 
toute  la  Hongrie.  En  cette  même  année,  le  duc  de 
Lorraine  entra  en  Transylvanie,  et  força  Apafy 
I  remettre  entre  les  mains  de  Léopold  la  direc- 
tion militaire  du  pays.  Sur  ces  entrefaites  le  gé- 
néral Caraffa  institua  à  Eperiès  un  tribunal,  qui, 
en  dehors  de  toutes  les  lois,  fit  exécuter,  par 
trente  bourreaux,  toutes  les  personnes  soup- 
çonnées d'avoir  favorisé  les  entreprises  de  Tékely; 
cette  boucherie,  qui  dura  plusieurs  semaines, 
avait  lieu  sur  une  estrade  célèbre  sous  le  nom 
du  théâtre  sanglant  d'Eperiès.  A  la  diète  de 
Presbourg,  tenue  en  octobre  1687,  Léopold  fit  dé- 
créter la  renonciation  des  Hongrois  à  leur  droit 
de  choisir  leur  souverain  parmi  tous  les  princes 
delà  maison  de  Habsbourg;  dorénavant  la  cou- 
ronne devait  appartenir  à  l'aîné  de  cette  famille. 
Après  avoir  encore  fait  retrancher  de  la  consti- 
tution l'article  qui  autorisait  tout  gentilhomme  à 
prendre  les  armes  contre  le  souverain  qui  ne  res- 
pecterait pas  les  lois  du  pays,  Léopold  fit  cou- 
ronner roi  de  Hongrie  son  fils  Joseph. 

A  dater  de  ce  moment,  Léopold  donna  toute  son 
attention  aux  affaires  de  l'Europe,  où  son  autorité 
avait  été  singulièrement  amoindrie  par  suite  des 
embarras  que  lui  avait  causés  la  guerre  avec  les 
Turcs.  Ainsi,  lorsque  Louis  XIV  avait  occupé  les 
territoires  de  l'Empire  que  les  fameuses  chambres 
de  réunion  lui  avaient  adjugés  comme  ayant  au- 
trefois dépendu  des  trois  évêchés  lorrains  et  de 
l'Alsace,  Léopold  n'avait  pu  que  protester,  et  il 
s'était  même  vu  forcé  de  signer,  le  1 5  août  1 684  à 
Ratisbonne,  une  trêve  de  vingt  ans,  qui  permettait 
à  Louis  de  garder  tout  ce  que  les  chambres  de 
réunion  lui  avaient  attribué  avant  le  1er  août 
1681.  Mais  lorsqu'en  1685  Louis  XIV  vint  ré- 
clamer, après  la  mort  de  Charles,  dernier  rejeton 
de  la  brandie  aînée  des  électeurs  palatins  ,  tous 
les  biens  meubles  et  allodiaux  de  cette  maison 
pour  la  duchesse  d'Orléans,  sœur  de  l'électeur, 
Léopold,  enhardi  par  ses  victoires  sur  les  Turcs, 
conclut,  le  9  juillet  1686,  contre  la  France  la  fa- 
ut 11  faut  encore  ajouter  à  ce  chiffre  un  nombre  con- 
sidérable de  volontaires  venus  de  toutes  les  parties  rie 
l'Europe  pour  prendre  part  à  cette  dernière  croisade. 


meuse  ligue  d'Augsbourg  avec  les  rois  d'Espagne 
et  de  Suède,  l'électeur  de  Bavière  et  les  cercles 
de  Bavière,  de  Franconie  et  du  Haut-Rhin.  Le 
traité  n'était  que  défensif;  Louis  XIV  pensait 
qu'il  engageait  les  coalisés  à  venir  l'attaquer  im- 
médiatement. Cette  pensée,  jointe  à  l'irritation 
que  lui  causait  l'insuccès  de  Guillaume  de  Furs- 
tenberg,  son  protégé,  dans  la  candidature  à  l'élec- 
torat  de  Cologne,  le  décida  à  déclarer  la  guerre  à 
Léopold  et  au  nouvel  électeur  palatin.  Il  fit  occuper 
par  son  armée  les  trois  électorats  ecclésiastiques 
presque  en  entier  ainsi  que  le  Palatinat,  qu'il  fit 
complétementdévaster,  parce  que  le  nombre  crois- 
sant de  ses  ennemis  l'empêcha  de  le  garder.  Léo- 
pold profita  de  l'exaspération  que  cette  mesure 
barbare  excita  non-seulement  en  Allemagne,  où  la 
diète  mit  les  Français  au  ban  de  l'Empire  et  inter- 
dit tout  rapport  avec  eux,  mais  encore  dans  toute 
l'Europe,  pour  conclure,  dans  le  courant  des  an- 
nées 1689  et  1690,  successivement  avec  la  Hol- 
lande, avec  l'Angleterre,  qui  venait  de  prendre 
pour  roi  le  prince  d'Orange,  avec  l'Espagne,  la 
Savoie  et  les  principaux  membres  de  l'Empire, 
les  traités  connus  sous  le  nom  de  Grande  Al- 
liance. 

Sur  le  Rhin,  les  campagnes  de  la  guerre  ne 
furent  pas  heureuses  pour  les  alliés  :  ils  ne  par- 
vinrent pas  à  pénétrer  en  France.  Dans  les  Pays- 
Bas,  les  Français  sous  Luxembourg  remportèrent, 
de  1690  à  1693,  les  victoiresde  Fleurus,  deStein- 
kerque  et  de  Neerwinde,  et  s'emparèrent  de 
Mons ,  de  Namur  et  de  Charleroi.  Mais  ces  succès 
ne  furent  pas  suivis  de  résultats  décisifs,  et 
LouisXIV,  se  voyant  bientôt  réduitàla  défensive, 
traita  en  1696  avec  le  duc  de  Savoie  en  lui  aban- 
donnant Casai  et  Pignerol  ;  il  obtint  par  là  de 
Léopold  et  du  roi  d'Espagne  la  reconnaissance  de 
la  neutralité  de  l'Italie  (1).  Le  mauvais  état 
financier  de  l'Angleterre,  les  pertes  énormes  que 
les  corsaires  français  faisaient  éprouver  au  com- 
merce anglais  et  hollandais ,  décidèrent  peu  de 
temps  après  le  roi  Guillaume  à  entrer  en  négocia- 
tion avec  Louis  XIV,  malgré  les  représentations 
de  Léopold,  désireux  d'abattre  la  puissance  de  la 
France,  pour  ne  plus  avoir  à  la  craindre  dans  le 
débat  sur  la  succession  d'Espagne ,  qui  ne  devait 
pas  tarder  à  s'ouvrir.  Le  20  septembre  1697  un 
traité  de  paix  fut  signé  à  Ryswick,  entre  la 
France,  l'Angleterre ,  l'Espagne  et  la  Hollande. 
Léopold  et  l'Empire  se  virent  forcés  d'accéder 
bientôt  après  à  ce  traité ,  par  lequel  la  France 
gardait  Strasbourg  et  la  pleine  suzeraineté  en 
Alsace,  restituait  la  Lorraine ,  en  y  conservant 
toutefois  le  libre  passage  pour  ses  troupes ,  et 
rendait  les  parties  de  l'Empire  qu'elle  s'était 
appropriées  d'après  les  décisions  des  chambres 
de  réunion. 

Si  Léopold  n'avait  pas  atteint  son  but  dans  sa 

(1)  Léopold  venait  de  renouer  en  Italie  la  chaîne  qui 
attachait  autrefois  ce  pays  à  l'Allemagne,  en  es'ïennt 
des  contributions  de  tout  ce  qui  n'appartenait  pus  à  1 15s- 
pagp.r. 


787 


lutte  contre  la  France,  il  avait  en  revanche  ob- 
tenu, dans  l'intervalle,  de  nombreux  succès  sur 
les  Turcs,  avec  lesquels  la  guerre  n'avait  pas 
discontinué  depuis  16S8.  En  cette  année  le  gé- 
néral Carat'fa,  après  avoir  forcé  la  Transylvanie 
à  reconnaître  la  suzeraineté  de  l'Autriche,  s'était 
emparé  de  Lippa,  tandis  que  l'armée  principale, 
commandée  par  l'électeur  de  Bavière,  prenait 
Stuhl,  Weissenbourget  Belgrade,  et  que  le  mar- 
grave de  Bade  pénétrait  en  Bosnie.  En  1689, 
malgré  la  retraite  des  troupes  de  l'Empire,  em- 
ployéees  contre  les  Français,  le  margrave, 
chargé  du  commandement  en  chef,  envahit  la 
Servie  et  la  Bulgarie,  et  prit  Szigeth,  Nissa  et 
Widdin ,  grâce  à  la  triple  diversion  des  Véni- 
tiens en  Grèce,  des  Polonais  en  Podolie,  et  des 
Russes  dans  la  petite  Tartaric.  Le  sultan  de- 
manda la  paix;  l'Angleterre,  la  Hollande  et  la 
diète  germanique  intercédèrent  pour  lui;  mais 
Léopold,  à  qui  on  avait  prédit  que  l'impératrice 
accoucherait  de  deux  fils  jumeaux,  dont  l'un  de- 
viendrait empereur  d'Occident,  l'autre  empereur 
d'Orient,  voulait  conquérir  toutes  les  provinces 
turques  d'Europe,  en  même  temps  qu'il  se  pré- 
parait à  recueillir  seul  toute  la  succession  d'Es- 
pagne.. Il  proposa  donc  aux  Othomans  des  con- 
ditions humiliantes,  et  les  hostilités  recommen- 
cèrent. En  1690  les  Turcs  reprirent  JNissa  et 
Widdin,  et  Tékely,  nommé  par  le  sultan  prince 
de  Transylvanie,  occupa  une  grande  partie  de 
ce  pays;  mais  il  fut  forcé  de  se  retirer  à  l'ap- 
proche du  margrave  de  Bade.  De  leur  côté,  les 
troupes  impériales  durent  évacuer  la  Servie  et  ne 
purent  empêcher  le  vizir  Kuprili-Moustapha  de 
reprendre  Belgrade.  En  1691  l'armée  de  Kuprili, 
forte  decentmiliehommes,fut  entièrement  défaite 
par  le  margrave  à  Szalankemen;  le  vizir  se  jeta 
au  plus  fort  de  la  mêlée,  et  se  fit  tuer  par  désespoir, 
Plusieurs  places  de  l'Esclavonie  tombèrent  entre 
les  mains  des  Impériaux  à  la  suite  de  cette  victoire. 
Dans  la  même  année  Léopold  octroya  une  nou- 
velle constitution  à  la  Transylvanie,  dont  il  avait 
confié  le  gouvernement  à  Georges  Banfy  jusqu'à 
la  majorité  du  jeune  Apafy  II,  fils  d'Apafy  Ier, 
mort  en  1690;  contre  son  habitude,  il  consentit 
deux  ans  après  à  modifier,  sur  la  demande  des 
états,  quelques  points  de  cette  constitution.  Les 
succès  des  Impériaux  furent  arrrêtés  parle  dé- 
part de  leur  habile  général  en  chef,  le  margrave 
de  Bade,  remplacé  par  le  duc  de  Croy,  le  gé- 
néral Caprara  et  enfin  par  l'électeur  Auguste  de 
Saxe.  Pour  compenser  les  quelques  échecs 
qu'il  éprouva  de  la  part  des  Turcs ,  Léopold  fit 
amener  à  Vienne,  en  1696,  le  prince  Apafy,  qui, 
devenu  majeur,  avait  pris  en  main  le  gouverne- 
ment de  la  Transylvanie,  et  il  le  contraignit  à 
céder  s  in  pays  à  l'Autriche  pour  une  pension  mi- 
nime. L'année  suivante  le  jeune  et  courageux 
sultan  Moustapha  II  conduisit  en  personne  en 
Hongrie  une  armée  de  plus  décent  millehommes, 
et  marcha  sur  Szegedin  ;  trompé  par  un  faux 
rapport,  qui  lui  fit  croire  que  la  prise  de  cette 


LÉOPOLD  788 

place  exigerait  un  long  siège,  il  se  rendit  à  Zenta 
pour  y  passer  sur  la  rive  gauche  de  la  Theiss;le 
11  septembre  il  venait  de  traverser  la  rivière 
avec  sa  cavalerie  et  une  partie  de  son  infanterie, 
torque  le  prince  Eugène  de  Savoie,  qui,  nommé 
généralissime  impérial  depuis  deux  mois,  suivait 
en  secret  tous  les  mouvements  du  sultan,  arriva 
sur  la  rive  droite  vers  la  fin  de  la  journée.  Il  fit 
rompre  les  ponts  par  son  artillerie,  et  jeta  dans 
le  fleuve  la  moitié  de  l'armée  turque,  séparée  du 
sultan.  Bien  que  cette  brillante  victoire,  api  es  la- 
quelle Eugène  pénétra  en  Bosnie,  pût  faire  espé- 
rer à  Léopold  de  chasser  les  Turcs  de  l'Europe,  . 
l'épuisement  de  ses  finances  lui  fit  écouter  les 
propositions  de  paix  du  sultan,  d'autant  plus  fa- 
cilement qu'il  désirait  pouvoir  disposer  de  toutes 
ses  forces  pour  les  différends  prêts  à  s'élever 
sur  la  succession  d'Espagne.  Il  conclut  donc  avec 
Moustapha  en  janvier  1699,  àCarlowitz,  une  trêve 
de  vingt-cinq  ans;  les  Turcs  abandonnèrent  la 
Transylvanie,  une  grande  partie  de  la  Croatie  et 
toute  la  Hongrie ,  sauf  le  Banat.  L'ambition  de 
Léopold  avait  au  moins  eu  pour  résultat  de  rendre 
impossible  une  invasion  musulmane  dans  les 
autres  pays  de  l'Europe. 

Ébloui  par  le  bonheur  de  ses  armes ,  Léopold 
voulait  absolument  ne  rien  céder  de  ses  droits  à  la 
succession  d'Espagne  ;  il  refusa  d'accepter  le  traité 
de  partage  concertéen  mars  1700  entre  la  France, 
l'Angleterre  et  la  Hollande,  qui  donnait  à  l'archi- 
duc Charles,  fils  de  Léopold,  l'Espagne,  les  Indes 
et  la  Belgique,  au  dauphin  les  deux  Siciles  et  les 
présides  de  Toscane,  et  au  duc  de  Lorraine  le  Mi- 
lanais, à  la  condition  que  ce  prince  abandonnerait 
son  pays  à  la  France.  Ce traitéexcita  la  plus  grande 
agitation  chez  les  Espagnols,  qui  ne  voulaient  pas 
le  démembrement  de  la  monarchie  :  ils  éprou- 
vaient un  grand  éloignement  pour  l'Autriche,  par 
suitedediversescauses,dont  les  principales  étaient 
l'insolence  de  l'ambassadeur  autrichien  à  Madrid, 
l'arrogance  de  la  reine,  belle-sœur  de  Léopold, 
enfin  le  peu  d'avantages  que  l'Espagne  avait  re- 
tirés depuis  longues  années  de  son  alliance  avec 
l'Autriche.  Enfin  ils  croyaient  Louis  XIV  seul 
assez  puissant  pour  maintenir  en  un  faisceau 
toutes  leurs  vastes  possessions.  Dans  cette  dispo- 
sition des  esprits,  Charles  II,  pressé  parle  cardi- 
nal Portocarrero,  institua  pour  son  héritier,  sur 
les  conseils  du  pape,  Philippe  d'Anjou,  petit- 
fils  de  Louis.  Dans  les  premiers  mois  de  1701 
le  jeune  prince  arriva  à  Madrid  ,  et  les  troupes 
françaises  occupèrent  sans  difficulté  le  Milanais 
et  la  Belgique,  dont  le  gouverneur,  Maximilien, 
électeur  de  Bavière,  s'était  entièrement  rallié 
à  la  France  ainsi  que  son  frère,  l'électeur  de  Co- 
logne. Léopold  protesta  immédiatement  contre 
le  testament  de  Charles  IT,  revendiqua  toute  la 
monarchie  espagnole  pour  son  fils,  l'archiduc 
Charles,  et  s'apprêta  à  faire  valoir  ses  prétentions 
par  les  armes.  Pouvant  compter  sur  l'aide  du 
duc  de  Hanovre ,  pour  lequel  il  avait  créé  en 
1691  uu  nouvel  électorat,  il  s'assura  de  l'appui 


789 

He  l'électeur  de  Brandebourg  en  lui  donnant  le 
titre  de  roi  de  Prusse.  En  revanche,  les  cercles 
de  Franconie,  de  Bavière,  du  Rhin  et  deSouabe 
pe déclarèrent  neutres;  les  ducs  de  Brunswick- 
ïiUnebourg  et  Wolfenbuttel  avaient  fait  alliance 
avec  Louis  XIV,  niais  ils  furent  bientôt  contraints 
Ipar  les  troupes  hanovriennes  d'envoyer  sept  ré- 
feiments  à  l'armée  impériale.  Tout  dépendait  de 
«'attitude  que  prendraient  l'Angleterre  et  la  Hol- 
lande. Dans  le  premier  de  ces  pays,  les  torys,  alors 
|au  ponvoir,  ne  voyaient  pas  une  nouvelle  guerre 
H'un  meilleur  œil  que  le  peuple  marchand;  mais 
[Louis  XIV  ayant  blessé  le  sentiment  national  des 
Unglais  en  donnant  au  fils  de  Jacques  II  le  titre 
de  roi  d'Angleterre,  Guillaume  III  parvint  à  faire 
élire  un  nouveau  parlement  whig  et  tout  à  fait 
hostile  à  la  France.  La  Hollande,  effrayée  de  voir 
la  Belgique  entre  les  mains  de  Louis  XIV,  ne 
'voulait  pas  non  plus  admettre  que  l'équilibre  euro- 
péen fut  rompu  par  l'avènement  au  trône  espa- 
gnol d'un  prince  français,  soumis  à  la  volonté 
de  sortaient.  Enfin,  les  deux  pays  voyaient  avec 
envie  les  immenses  avantages  commerciaux  que 
les  Français  allaient  retirer  de  leur  alliance 
intime  avec  l'Espagne.  En  présence  de  l'opinion 
publique  ainsi  manifestée,  Guillaume  III  et 
le  grand-pensionnaire  Heinsius   conclurent,   le 

septembre  1701,  avec  Léopold,  un  traité 
par  lequel  ils  partagèrent  la  monarchie  espa- 
gnole à  leur  profit  respectif.  En  mars  1702  les 
cercles  de  Franconie,  du  Rhin,  de  Souabe 
et  d'Autriche  se  prononcèrent  aussi  contre  la 
France ,  et  quelques  mois  après  la  diète  se  dé- 
clara dans  le  même  sens. 

La  guerre  commença  dans  le  Milanais,  où 
le  prince  Eugène  pénétra,  en  juin  1701,  avec 
vingt-cinq  mille  hommes,  par  des  chemins  re- 
gardés comme  impraticables  pour  une  armée.  II 
s'avança  rapidement  jusqu'à  l'Oglio,  malgré  les 
efforts  de  Catinat,  qui,  gêné  par  les  ordres  mal- 
entendus du  ministre  Cbamillart  et  de  Vaude- 
mont,  gouverneur  du  Milanais,  ne  put  profiter  du 
nombre  supérieur  de.  ses  soldats.  Tirant  habile- 
ment parti  des  fautes  commises  par  Villeroy,  qui 
remplaça  bientôt  après  Catinat ,  Eugène  vint  as- 
siéger Mantoue;  mais  il  fut  rejeté  au  delà  du 
Mincio  par  Vendôme,  en  1702.  En  cette  année 
la  lutte  devint  générale.  Dans  les  Pays-Bas,  les 
alliés,  commandés  par  Marlborough,  emportèrent 
une  grande  partie  des  places  de  la  Meuse ,  et  ils 
prirent  les  autres,  sauf  Namur,  en  1703,  année 
où  ils  achevèrent  la  conquête  de  l'électorat  de 
Cologne.  En  Allemagne  l'électeur  de  Bavière, 
fallié  de  la  France  ,  obtint  plusieurs  avantages, 
ainsi  qneVillars,  qui,  envoyé  pour  le  soutenir, 
battit  le  margrave  de  Bade  à  Friedlingen.  Lors- 
qu'ils se  furent  joints,  en  mai  1703,  Villars  con- 
seilla à  l'électeur  de  marcher  sur  Vienne,  entre- 
prise dont  le  succès  était  immanquable  et  qui, 
comme  le  dit  plus  tard  le  prince  Eugène,  aurait 
forcé  Léopold  à  demander  la  paix,  d'autant  plus 
que  le  roi  de  Prusse,  et  rélecteur  de  Saxe  étaient 


LÉOPOLD  790 

alors  exclusivement  occupés  à  se  défendre  contre 
Charles  Xll  de  Suède  ,  et  que  la  Hongrie  était 
de  nouveau  soulevée.  L'électeur  préféra  envahir 
le  Tyrol,  où  il  pénétra  fort  en  avant;  mais  au 
moment  où  il  s'apprêtait  à  donner  la  main  à 
Vendôme,  qui,  venu  d'Italie,  était  déjà  arrivé  à 
Arco,  il  dut  rétrograder  devant  l'insurrection 
spontanée  du  peuple  tyrolien,  irrité  par  le  poids 
des  contributions  de  guerre.  Réuni  de  nouveau  à 
Villars,  l'électeur  défit  à  Hochstedt  le  général 
impérial  Styrum;  mais  léger,  inconséquent,  en- 
touré de  courtisans  vendus  à  Léopold,  il  se  re- 
fusa de  nouveau,  malgré  les  instances  de  Villars, 
à  entrer  en  Autriche.  Vers  la  fin  de  l'année, 
pressé  par  Louis  XIV,  il  marcha  enfin  sur 
Vienne.  Comme  toutes  les  troupes  préposées  à 
la  garde  de  cette  capitale  avaient  été  envoyées 
contre  les  insurgés  hongrois,  les  Bavarois  et 
les  Français  s'avancèrent  sans  encombre  jusqu'à 
l'Ens,  après  avoir  pris  Passau  en  deux  jours. 
Léopold  était  dans  la  consternation  ;  mais,  pré- 
textant la  saison  avancée,  l'électeur  refusa  de 
pousser  en  avant,  et  laissa  ainsi  échapper  pour 
la  troisième  fois  l'occasion  de  frapper  l'Autriche 
au  cœur.  Sur  le  Rhin  l'armée  française  prit 
Brisach  et  Landau,  dont  les  alliés  s'étaient  em- 
parés en  1702,  et  battit  près  de  Spire  le  corps 
du  prince  de  Hesse-Cassel.  En  Italie  Starem- 
berg,  qui  commandait  les  Impériaux  à  la  place 
du  prince  Eugène,  appelé  à  Vienne  pour  diriger 
l'ensemble  des  opérations,  résista  aux  attaques 
de  Vendôme,  qui  montra  une  indécision  et  une 
lenteur  inaccoutumées ,  et  parvint,  en  janvier 
1704,  à  joindre  avec  quinze  mille  hommes  sur 
le  Tanaro  le  duc  de  Savoie,  gagné  par  Léo- 
pold ,  qui  lui  promit  le  Montferrat,  la  Lommel- 
line,  le  Val  de  Sesia,  Alexandrie  et  Valenza.  En 
170i  la  guerre  prit  une  tout  autre  tournure.  Le 
prince  Eugène  s'entendit  avec  Marlborough  pour 
frapper  un  grand  coup  en  Bavière ,  et  ils  par- 
vinrent à  décider  la  Hollande  à  y  envoyer 
des  troupes  au  secours  de  l'Autriche,  qui  de  ce 
côté  pouvait  être  écrasée  d'un  moment  à  l'autre 
par  une  action  combinée  des  Bavarois,  des  Fran- 
çais et  des  Hongrois.  Marlborough  et  le  mar- 
grave de  Bade  se  réunirent  le  22  juin  prèsd'UIm, 
culbutèrent  avec  soixante  mille  hommes  les 
trente-cinq  mille  que  leur  opposèrent  l'électeur 
et  iMarsin ,  retranchés  derrière  le  Schellenberg, 
et  devinrent  bientôt  maîtres  de  presque  toute  la 
ligne  du  Danube.  Le  margrave,  qui  ne  pouvait 
s'entendre  avec  Marlborough,  alla  ensuite  faire  le 
siège  d'Ingolstadt,  tandis  que  le  général  anglais 
était  rejoint  à  Donauwerth  par  Eugène,  ac- 
couru du  bas  Neckar.  L'électeur,  qui  avait  reçu 
des  renforts  amenés  par  Tallard,  résolut  d'aller  à 
la  rencontre  des  alliés  malgré  les  représentations 
du  maréchal,  qui  préférait  les  affamer.  Le  13  juil- 
let eut  lieu  la  fameuse  bataille  de  Hochstedt, 
qui  se  termina  par  la  déroute  complète  du  corps 
deTallard.  Les  suites  de  cette  bataille  furent  plus 
funestes  aux  Français  que  leur  défaite  même.- 


701  LÉOPOLU 

l'électeur,  qui  était  encore  en  force  pour  dé- 
fendre son  pays,  l'évacua  à  l'instant.  Toute 
la  Bavière  fut  occupée  par  les  Impériaux; 
Léopold  la  fit  dévaster  avec  une  barbarie  au 
moins  égale  à  celle  qu'il  avait  tant  reprochée  à 
Louis  XIV  lors  de  l'incendie  du  Palatinat.  En 
Italie  les  Impériaux  furent  repousses  jusqu'au 
Tyiol ,  et  le  duc  de  Savoie  ne.  put  empêcher 
que  la  plus  grande  partie  de  ses  États  ne  fût 
occupée  par  Vendôme.  Au  moment  où  les  alliés 
se  disposaient  à  rouvrir  la  campagne  avec  deux 
cent  vingt -cinq  mille  hommes,  chiffre  alors 
formidable,  Léopold  mourut  dans  l'espoir  que 
la  puissance  de  son  glorieux  rival  serait  bientôt 
renversée. 

D'un  autre  côté,  il  était  très-inquiet  de  la  tour- 
nure des  événements  en  Hongrie.  Les  habitants 
de  ce  malheureux  pays  n'avaient  pas  cessé  un 
instant  d'être  soumis  à  des  exactions  révol- 
tantes ;  aucune,  propriété  n'y  était  assurée  devant 
la  rapacité  des  autorités,  qui,  choisies  presque 
exclusivement  parmi  les  Allemands ,  faisaient 
ratifier  leurs  extorsions  par  des  commissaires 
nommés  arbitrairement.  Aussi  fut-il  facile  à  deux 
simples  déserteurs,  Kiss  et  Esza,  de  rassembler, 
au  commencement  de  1703,  une  troupe  de  mé- 
contents et  de  courir  impunément  le  pays.  Us 
mirent  à  leur  tête  le  jeune  François  Rakoczy, 
fils  de  Georges  Rakoczy ,  prince  de  Transylvanie 
et  de  l'héroïque  Hélène  Zvinyi,  qui  avait  épousé 
en  secondes  noces  Emerik  Tékely.  Il  avait  été 
jeté  en  prison  en  1701,  par  ordre  de  Léopold, 
sous  le  prétexte  qu'un  de  ses  amis  intimes  avait 
eu  des  pourparlers  avec  plusieurs  magnats  hon- 
grois; parvenu  à  se  sauver,  il  s'était  réfugié  à 
Varsovie,  où  il  fut  accueilli  par  l'ambassadeur 
de  France.  Brûlant  de  se  venger  du  despote 
qui  le  persécutait,  il  alla  prendre  le  commande- 
ment des  insurgés,  et  s'empara,  dans  le  courant 
de  l'année  1703 ,  d'un  grand  nombre  de  forte- 
resses, alors  dégarnies  de  troupes  à  cause  de  la 
guerre  avec  la  France.  Secondé  par  les  deux 
magnats  Berczényi  et  Karolyi,  il  était  en  no- 
vembre maître  du  pays  plat  en  Transylvanie,  de 
la  haute  Hongrie,  et  de  plusieurs  villes  impor- 
tantes sur  la  droite  du  Danube  ;  ses  bandes 
vinrent  même  brûleries  villages  des  environs  de 
Vienne ,  quïl  n'aurait  pas  hésité  d'investir  si, 
comme  il  s'y  attendait,  l'électeur  de  Bavière  s'é- 
tait approché  pour  le  soutenir.  Pendant  l'année 
1704,  l'insurrection  fit  des  progrès  si  alarmants, 
que  Léopold,  voyant  le  général  Heister  forcé  de 
se  replier  sur  la  capitale,  fit  des  propositions 
d'accommodement  ;  elles  n'aboutirent  pas,  parce 
que  les  Hongrois,  habitués  à  voir  l'empereur 
manquer  à  la  foi  jurée,  exigèrent  que  l'arrange- 
ment fût  garanti  par  l'Angleterre  et  la  Hollande. 
Les  hostilités  furent  reprises  avec  une  nouvelle 
fureur,  et  bien  que  Rakoczy  fût  battu  à  Tyrnau 
par  Heister  au  commencement  de  1705,  Léopold 
n'en  éprouva  pas  moins,  en  mourant,  les  craintes 
les  plus  sérieuses  sur  le  rétablissement  de  l'au- 


792 
torité  impériale  en  Hongrie.  Ce  n'est  qu'en  aban- 
donnant franchement  le  système  de  cruautés  et 
de  spoliations  suivi  par  Léopold,  que  son  fils 
Joseph  Ier,  qui  lui  succéda  dans  l'Empire  et  en 
Autriche,  parvint  à  recouvrer  la  Hongrie  pour 
la  maison  de  Habsbourg. 

Tout  en  flétrissant  les  excès  du  règne  de  Léo- 
pold, l'historien  ne  doit  pas  oublier  qu'ils  doivent 
être  en  grande  partie  attribués  à  ses  conseillers. 
Us  lui  firent  cependant  prendre  plusieurs  mesures 
utiles  au  commerce  et  des  réformes  nécessaires 
dans  la  législation.  Doué  de  beaucoup  de  vertus 
privées,  Léopold  eut  encore  le  mérite  de  protéger 
avecsollicitude  les  sciences  etlesarts;ilfonda  les 
universités  de  Breslau  et  d'Inspruck,  et  patronna 
l'Académie  Léopoldine  des  naturalistes  et  autres 
institutions  propres  à  hâter  le  progrès  des  lu- 
mières. Regardé  comme  le  prince  le  plus  savant 
de  son  époque,  il  était  versé  en  théolog'e,  en 
philosophie,  en  mathématiques  et  en  jurispru- 
dence; il  parlait  toutes  les  langues  de  l'Europe, 
et  s'amusait  souvent  à  écrire  des  épigrammes  ou 
des  fables  latines,  ou  bien  à  composer  des  airs 
de  musique,  art  qu'il  aimait  avec  passion.  Con- 
trairement à  Louis  XIV,  il  détestait  le  faste  et 
aimait  à  vivre  au  sein  de  sa  famille,  qu'il  chéris- 
sait tendrement.  Ernest  Grégoire. 

Comnzzi,  Isloria  di  Lenpoldo  I;  Vienne,  1697,  in-8°. 
—  Life  nf  l.eopold  J  ;  Londres,  1706,  in  8°.  —  Meucke, 
Leben  Leopolds  I  ;  Leipzig,  1707,  et  1710,  in-8°.  —  Rick; 
l£bcn  Lenpolds  des  Crossen  ;  Cologne,  1708;  Leipzig, 
1713,  9  vol.  in-8°.  —  Wagner,  Historia  Leopoldi  Hlagni,- 
Angsbourg,  1719-1731,  2  vol.,  in-fol.  —  Hauff,  Denkiviir- 
digkeiten  aus  dem  Leben  Leopolds  I;  Tublngue,  1818, 
ln-8°v 

léopuld  il,  empereur  d'Allemagne,  né  le 
5  mai  1747,  mort  le  1er  mars  1792.  Fils  de 
l'empereur  François  Ier  et  de  l'impératrice  Marie- 
Thérèse,  il  succéda  à  son  père  comme  grand- 
duc  de  Toscane  en  1765;  il  se  signala  par  son 
zèle  pour  la  réforme  de  toutes  les  parties  de 
l'administration.  «  Il  pensa,  dit  Cantu  dans 
son  Histoire  de  Cent  Ans,  que  le  luxe  de 
soldats,  de  police,  de  cachots,  d'entraves  à 
la  liberté,  que  l'on  regardait  comme  le  cortège 
obligé  de  tout  gouvernement,  n'était  pas  indis- 
pensable au  bien  des  peuples  et  à  la  sûreté  des 
princes.  L'ancienne  république,  formée  par  l'a- 
grégation successive  de  petits  corps,  chacun 
avec  ses  privilèges  et  sa  juridiction  particulière, 
avait  laissé  un  ordre  de  justice  civile  très- vicieux, 
et  des  lois  qui  variaient  de  la  ville  à  la  cam- 
pagne, d'une  province  à  l'autre.  Léopold  rendit 
les  lois  uniformes:  les  magistrats  inutiles  furent 
supprimés;  il  réduisit  le  nombre  des  juges, et  fit 
un  choix  sévère  parmi  eux.  11  promulgua  un 
nouveau  règlement  de  procédure,  et  chargea  Ver- 
naccini  et  ensuite  Michel  Ciani  de  rédiger  un 
code,  qui  fut  continué  par  Lampredi,mais  inter- 
rompu par  la  révolution.  Convaincu  que  l'extrême 
rigueur  empêchait  moins  les  crimes  que  les  châ- 
timents modérés,  mais  prompts  et  certains,  ac- 
compagnés d'une  surveillance  exacte,  il  sup- 
prima la  peine  de  mort,  et  y  substitua  les  travaux 


793  LEOPOLD 

forcés.  11  abolit  toute  immunité,  tout  privilège 
personnel  ou  droit  d'asile,  la  torture,  la  confis- 
jcation,  les  procès  de  haute  trahison,  le  serment 
Ides  prévenus,  les  dénonciations  secrètes,  les  ac- 
jcusations   contre   les   parents,   les  procès  de 
\chambre,  où  les  accusés  n'étaient  pas  admis  à 
jse  défendre,  les  dépositions  de  témoins  officiels, 
lia  condamnation  par  contumace.  Les  amendes 
{devaient  former  un  fonds  destiné  à  indemniser 
iceuxqui  auraient  élé  emprisonnés  injustement.  » 
(Abandonnant  l'ancien  système  de  douanes ,  qui 
jisolait  les  unes  des  autres  les  villes  du  grand- 
Iduché,  Léopold  affranchit  le  commerce  de  toutes 
[les  denrées;  détruisant  les  privilèges  des  cor- 
porations, il  accorda  des  encouragements  à  l'in- 
|dustrie,  et  construisit  des  routes  et  des  canaux 
pour  le  transport  des  produits.  Il  abolit  les  cor- 
vées des  paysans,   donna   l'administration  des 
communes  aux  habitants,  fonda  des  collèges  et 
autres  maisons  d'éducation,  et  des  hospices  pour 
les  indigents.  Il  lit  avec  succès  dessécher  et  en- 
suite cultiver  beaucoup  de  maremmes.  «  Léopold, 
ajoute  M.  Cantu,  abolit  aussi  les  fermes  pour 
l'impôt  qui  pesaient  lourdement  sur  le  peuple  et 
rapportaient  peu   au  trésor;  il  renonça  à  cer- 
tains monopoles  onéreux  et  à  l'obligation  su- 
posée  à  chaque  famille  d'acheter  une  quantité 
déterminée  de  sel.  11  laissa  libre  la  culture  du 
tabac,  ainsi  que  le  débit  des  eaux-de-vie  et  les 
fonderies  de  fer.  Non-seulement,  il  combla  les 
vides  causés  par  ces  réformes  au  moyen  d'une 
perception  plus  économique,  mais  il  accrut  les 
revenus  de  1,238,000  livres  par  an;  et  dans  l'es- 
pace de  trente-  sept  ans  il  réduisit  la  dette  pu- 
blique de  quatre-vingt-sept  millions  et  demi  à 
vingt-quatre ,  en  y  employant  sa  fortune  propre 
et  la  dot  de  sa  femme.  Il  dépensa  trente  millions 
en  améliorations,  et  en  laissa  cinq  dans  le  trésor 
de  son  successeur,  après  avoir  embelli  la  capi- 
tale et  les  villes  impériales.  »  Il  lit  publier  l'exposé 
complet  de  l'état  des   finances  et  des  mesures 
prises  par  lui  pour  les  augmenter.  »  Mais  son 
tort  fut  de  tout  faire  par  lui-même;  le  peuple 
était  étranger  à  ces  réformes  auxquelles  il  ne 
comprenait  rien,  et  les  citoyens  s'embarrassèrent 
peu  d'étudier  la  chose  publique,  qui  semblait  ré- 
servée au  gouvernement.  Il  put  donc  faire  et  dé- 
faire à  sou  gré,  heurter  les  opinions,  léser  les 
intérêls,  et  être  tout  à  son  aise  un  despote  phi- 
losophe. 11  fit  tort  à  tant  de  belles  qualités  par 
un  espionnage  frivole  ettracassier  de  même  que 
par  son  défaut  de  modération  dans  les  matières 
religieuses.  »  Il  eut,  comme  son  frère  Joseph  11, 
la  malheureuse  idée  de  vouloir  réglementer  de 
vive  force  depuis  les  questions  les  plus  ardues 
du   dogme  jusqu'aux  moindres  cérémonies  du 
culte.  Appuyant  de  toute  son  autorité  les  ré- 
formes, les  unes  utiles,  les  autres  ridicules,  que 
lui  proposa  l'évêque  de  Pistoie,  Scipion  Ricci 
(voy.  ce  nom),  il  se  mil  à  imposer  les  doctrines 
jansénistes  sur  la  grâce,  et  à  contrarier  par 
toutes  espèces  de  vexations  les  manifestations  de 


794 

la  piété  populaire,  telles  que  processions,  expo- 
sitions d'images,  pèlerinages,  etc.  Ricci,  ayant  fait 
sanctionner  ses  idées  par  le  fameux  synode  de 
Pistoie,  ne  trouva  pas  tous  les  évêques  disposés 
à  les  accepter;  ce  qui,  joint  à  la  révolte  des  ha. 
bitants  de  Prato,  excités  par  l'enlèvement  d'un 
autel  ordonné  par  Ricci,  et  à  plusieurs  autres 
émeutes,  donna  à  réfléchir  à  Léopold  sur  l'op- 
portunité de  faire  intervenir  l'État  dans  des 
questions  purement  religieuses.  Cependant,  par 
entêtement,  il  fit,  avant  de  révoquer  en  défi- 
nitive les  changements  arbitraires  introduits 
dans  la  discipline  de  l'Église,  envoyer  aux  ga- 
lères plus  de  six  cents  personnes ,  qui  ne  vou- 
laient pas  accepter  le  joug  des  doctrines  jan- 
sénistes. Telle  fut  avec  tes  bons  comme  avec 
ses  mauvais  côtés  le  règne  de  Léopold  en  Tos- 
cane. 

Lorsqu'il  succéda,  en  février  1790,  à  son  frère 
Joseph  II  sur  le  trône  d'Autriche,  il  se  trouva 
au   milieu   des   plus  grands  embarras.  Partout 
les  peuples  s'étaient  révoltés  contre  les  inno- 
vations imprudentes  de  Joseph;  et  ils  avaient 
trouvé  un  soutien  dans  Frédéric-Guillaume  de 
Prusse,   qui  encourageait  la   Porte  à  pousser 
vivement  la  guerre  commencée  depuis  deux  ans 
avec  l'Autriche,  contre  laquelle  il  excitait  en- 
core les  Polonais.  Léopold,  pour  couper  court 
à  cette  hostilité  latente  de  la  Prusse,  l'appela 
au   congrès  de  Reichenbach,    qui    s'ouvrit   le 
27  juin  avec  le  concours  de  l'Angleterre  et  de 
la  Hollande;  en  séduisant  la  mobile  imagina- 
tion de  Frédéric- Guillaume  parle  double  ta- 
bleau des  délices  de  la  paix  et  des  dangers  de 
la  révolution  française,  il  déjoua  les  entreprises 
du  ministre  prussien  Hertzberg  (votj.  ce  nom), 
et  accepia  ensuite  comme  base  de  ses  négo- 
ciations  avec   le  sultan    le   statu   quo  avant 
la  guerre,  moyennant  l'engagement  pris  par  les 
autres  puissances  de  l'aider  à  recouvrer  la  Bel- 
j  gique.   Le  10  septembre  il  signa  à  Giurgewo 
avec  la  Porte  un  armistice  qui  fut  converti  en 
paix  à  Sistova,  le  4  août  1791.  Ensuite  il  s'oc- 
cupa de  calmer  les  esprits  de  ses  sujets  par  une 
grande  condescendance,  et  par  la  révocation  des 
mesures  de  Joseph  II,  qui  avaient  excité  le  plus 
d'animosité.  Il  rétablit  les  anciens  impôts,  sup- 
prima les  séminaires  généraux,  l'absolutisme  de 
la  police  et  de  l'administration,  les  entraves  ap- 
portées au  commerce  au  nom  de  la  liberté,  et  les 
améliorations  du  système  judiciaire  qui  avaient 
entraîné  tant  d'abus.  Il  ne  laissa  guère  subsis- 
ter des  innovations  de  Joseph   que  l'édit  de 
tolérance.  En  même  temps  il  s'attachait  à  dé- 
ployer dans  l'occasion  une  grande  fermeté  pour 
écarter  de  lui  le  soupçon  que  ce  retour  aux  ins- 
titutions du  temps  de  Marie-Thérèse  lui  fut  im- 
posé par  la  peur;  ainsi,  malgré  les  réclamations 
menaçantes  des  Hongrois ,  il  ne  céda  pas  à  leurs 
demandes  pour  le  rétablissement  de  leurs  an- 
ciens privilèges;  et  étant  entré  en  Hongrie  avec 


une  armée  considérable ,  il  déclara  à  la  diète , 


795 

réunie  à  Bude,  qu'il  leur  promettait,  de  son 
propre  mouvement,  que  l'indépendance  de  leur 
pays  serait  sauvegardée  et  qu'il  aurait  égard  aux 
vœux  des  populations.  En  Belgique,  de  même,  il 
rétablit  la  joyeuse  entrée  et  les  privilèges  pro- 
vinciaux ;  mais  lorsque  les  patriotes  eurent  re- 
fusé de  se  soumettre  à  ces  conditions,  il  lit 
occuper  le  pays  par  trente  mille  hommes,  con- 
duits par  Bender,  et  ressaisit  ainsi  la  domination 
de  ces  provinces. 

Mais  bientôt  après,  Léopold,  élu  empereur  en 
septembre  1790,  se  trouva  en  face  delà  confla- 
gration produite  par  la  révolution  française.  Il 
avait  déjà  eu  à  appuyer  auprès  de  l'Assemblée 
constituante  les   réclamations  des    princes  de 
l'Empire  médiatisés  en  Alsace  et  lésés  par  les 
lois  nouvelles  de  la  France;  il  n'avait  pu  obte- 
nir que  des  promesses  d'indemnités  en  argent, 
et  non  pas  des  compensations  en  biens-fonds , 
comme  le  voulaient  les  princes.    En  mai  1791 
Léopold  fit  avertir  Marie-Antoinette,  sa  sœur, 
qu'il   ferait  bientôt   marcher  trente-cinq  mille 
hommes  en  Flandre,  quinze  mille  en  Alsace, 
et  qu'aidé  de  soixante  mille  Suisses,  Piémon- 
tais  et   Espagnols,  il  s'efforcerait  de  rendre  à 
Louis  XVI  tout  son  ancien  pouvoir;  il  recom- 
mandait surtout,  pour  la  réussite  de  ce  plan,  que 
le  roi  ne  s'éloignât  pas  de  Paris.  Affligé  mais  non 
supris  du  triste  résultat  du  voyage  de  Varennes, 
Léopold  envoya  une  circulaire  aux  diverses  puis- 
sances de  l'Europe,  les  engageant  à  intervenir  en 
commun  pour  faire  rendre  à  Louis  XVI  toute 
sa  liberté.  Frédéric-Guillaume  répondit  le  pre- 
mier à  cette  demande,  conclut  le  25  juillet  avec 
l'empereur  un  traité   d'alliance   provisoire,   et 
s'apprêta  à  faire  avancer  des  troupes  sur  le  Rhin. 
Mais  lorsque  les  deux  souverains  se  réunirent  le 
24  août  à  Pilnitz,  Léopold  se  montra  entièrement 
opposé  à  laguerre.  Marie-Antoinette  lui  avait  écrit 
qu'elle  avait  confiance  dans  les  efforts  des  cons- 
titutionnels ;  ceux-ci  avaient  fait  assurer  à  l'em- 
pereur que  leur   intention  était  non  d'amoindrir 
mais  de  sauvegarder  l'autorité  du  roi;  enfin  le 
maréchal  Lascy  avait   persuadé,  à   l'empereur 
qu'une  guerre  contre  les  Français  était  des  plus 
périlleuses  et  entraînerait  en  tous  cas  la  perte 
immédiate  des  Pays-Bas.  Aussi,  malgré  les  ins- 
tances du  comte  d'Artois,  accouru  à  Pilnitz  dans 
l'espoir  d'y  voir  décréter  une  croisade  contre  la 
révolution ,  Léopold  ne  voulut  s'engager  à  au- 
cune entreprise  décisive  ;  il  se  borna  à  signer  la 
fameuse  déclaration  de  Pilnitz,  manifeste  vague, 
où  les  deux    souverains  annonçaient    que  dans 
le  cas  où  ils  seraient  approuvés  par  toutes  les 
autres  puissances,  ils  aviseraient  à  aiderLouis  XVI 
dans  l'établissement  «d'un  gouvernement  monar- 
chique également  convenable  aux  droits  des  sou- 
verains et  au  bien-être  des  Français  ».  Cette  pru- 
dence et  cette  réserve  exaspérèrent  les  émigrés, 
d'autant  plus  que  Léopold  donna  quelque  temps 
après  l'ordre  de  faire  disperser  leurs  rassemble- 
ments qu'ils  fussent  armés  ou  non.  Mais  plusieurs 


LÉOPOLD 


796 

princes  allemands  voisins  de  la  France,  l'électeur 
de  Trêves  entre  autres ,  se  montraient  tout  dis- 
posés à  la  guerre,  et  encourageaient  ouvertement 
tes  préparatifs  militaires  des  émigrés.  Certains 
des  intentions  pacifiques  de  Léopold,  les  cons- 
titutionnels, désirant  former  une  armée,  pour 
arrêter  la  révolution,  sommèrent  ces  princes 
d'empêcher  les  armements  de  la  noblesse  fran- 
çaise, et  les  menacèrent  d'une  invasion  immédiate 
dans  le  cas  contraire.  Mais  l'esprit  belliqueux, 
une  fois  excité,  prit  bientôt  des  proportions  bien 
plus  étendues  que  ne  le  voulaient  les  constitu- 
tionnels. Les  girondins  adoptèrent  l'opinion,  d'à-  ' 
bord  isolée,  de  Robespierre,  que  la  France  avait 
pour  mission  de  délivrer  de  leurs  rois  tous  les 
peuples  de  la  terre.  Aussi  lorsque  Léopold  envoya 
en  le  ratifiant  le  conclusum  de  la  diète,  où  elle 
refusait  de  reconnaître  les  décrets  du  4  août  1 789 
quant  aux  princes  de  l'Empire  médiatisés  en  Al- 
sace ou  en  Lorraine,  lorsqu'il  annonça  le  21  dé- 
cembre qu'il  ferait  marcher  le  maréchal  Bender 
au  secours  de  l'électeur  de  Trêves,  si  ce  prince 
était  attaqué  sans  motifs  plausibles,  l'Assemblée 
législative  décréta,  le  25  janvier  1792,  que  Léo- 
pold serait  mis  en  demeure  de  déclarer  s'il  re- 
nonçait à  tout  traité  dirigé  contre  la  pleine  sou- 
veraineté de  la  nation  française,  et  que  si  l'em- 
pereur ne  répondait  pas  avant  le  1er  mars  ou 
le  faisait  d'une  manière  évasive,  la  guerre  lui  se- 
rait déclarée  sans  délai.  Léopold  ,  reconnaissant 
l'impossibilité  du  maintien  de  la  paix,  fit  rassem- 
bler ses  troupes,  et  envoya  six  mille  hommes  en 
Brisgau.  Le  19  février  il  fit  connaître  sa  réponse, 
où,  tout  en  prétendant  que  ses  pourparlers  avec 
les  autres  puissances  n'avaient  qu'un  caractère 
défensif,  il  rejetait  tout  le  mal  sur  les  jacobins, 
qu'il  qualifiait  de  secte  pernicieuse  et  d'ennemis 
du  repos  public.  Ces  expressions  imprudentes, 
suggérées  à  Léopold  peut-être  par  la  cour  de 
France,  excitèrent  une  tempête  générale.  C'est 
au  milieu  de  ces  complications  que  Léopold 
mourut,  subitement,  à  la  suite,  dit-on,  d'excès 
de  femmes.  E.  Grégoire. 

Skizze  de?'  Lesbensbeschreibtmq  Leopolds  II  ;  Prague, 
1790,  in-8°.  —  Leben  Leopolds  II;  Prague,  1791,  in-8°. — 
Foucault,  Histoire  de  Léopold  II;  Bruxelles,  1791,  in-8'°. 
—  Sartoii ,  Leopoldinische  Anualen  ;  Augsuourg,  i'792, 
2  vol.,  in-8°.  —  Alxinger,  Ueber  Léopold  11;  lierlin, 
1792,  in-8°.  —  Milbiller,  Ceschichte  der  Deutschen  tinter 
Joseph  I  and  Léopold  II  ;  XJIm,  180S.  —  Beitràue  zur 
Charakterishik  Josephs  I,  Leopolds  II  itnd  Franz  I; 
Paris,  1797,  réimprimé  sous  le  titre  de  -,  Die  Jakobiner 
in  /lieu  ;  Stuttgard,  1841,  in-8°.  —  Cliarakteristik  Leo- 
polds II;  Vienne,  1792,  in-8°. 

IL  Léopold  margraves  et  ducs  d'Autriche. 

léopold,  dit  V Illustre,  margrave.  d'Au- 
triche, mort  le  10  juillet  994.  C'est  de  lui  que 
descendent  les  margraves  et  ducs  d'Autriche  de 
la  maison  de  BabenbergouBamberg  qui  gouverna 
ce  pays  jusqu'en  1246.  Son  grand-père,  Henri  duc 
de  Thuringe  et  de  Saxe,  mourut  en  S8-6,  au  siège 
de  Paris  par  les  Normands.  Après  avoir  été 
ehargé  de  l'administration  des  comtés  du  Donau- 


797 

du  Sundergau,  Léopold  fut  nommé  mar- 

d'Autriehe  en  983  par  l'empereur  Olhon  II. 

i  il  défit  en  plusieurs  rencontres  les  Hon- 

,  qui  dévastaient  le  margraviat,  et  les  re- 

J;:  au  delà  de  la  March  et  de  la  Thaya.  Il  prit 

la  ville  de  Moelk,  en  fit  sa  résidence,  et 

la  en  985  une  abbaye  de  bénédictins,  de- 

lèbre.  Ayant  fait  venir  de  Bavière  et 

.ie  un  grand  nombre  de  colons,  pour 

ilei   l'Autriche,  il  rebâtit  plusieurs   villes 

ar  les  Hongrois,  et  éleva  pour  ar. 

urs  invasions  beaucoup  de  châteaux  forts. 

-  oérité  qu'il  fit  régner  dans  son  pays  ex- 

ousie  de  ses  voisins ,  et  trois  d'entre 

.  de  Bavière,  celui  de  Carinthie,  et  l'é- 

i'assau,  s'unirent  pour  imposer  à  l'Au- 

diverses  obligations  en  leur  faveur.  En 

lans  un  tournoi   à  Wurtzbourg ,  Léopold 

.  blessé  mortellement  par  une  flèche  destinée 

à  son  neveu  Henri,  comte  de  Schweinfurt. 

E.  G. 
Pez ,  Scriptores  Rerum  Austrïdcarwm,  t  1.— Eccard, 
(tenealoyia  Principum  Saxoniœ,  t.  1,  Préface.  —  Rauch, 
Ceschictitt!  Oestreichs. 

léopold,  dit  le  Beau,  margrave  d'Au- 
Iriche,  mort  le  12  octobre  1096,  Ayant  succédé 
en  1075  à  son  père  Ernest  le  Vaillant,  il  sou- 
tint par  les  armes  le  parti  de  Rodolphe  de 
Souabe  contre  l'empereur  Henri  IV;  mais  ce 
dernier  dévasta  en  1079  les  pays  de  Léopold  ,  et 
les  réduisit  à  se  soumettre.  Deux  ans  après,  le 
margrave  se  joignit  de  nouveau  aux  ennemis 
de  Henri ,  qui  le  déclara  déchu  de  ses  possessions 
et  en  investit  son  allié  Vratislas,  duc  de  Bohême. 
Celui-ci  pénétra  en  Autriche,  et  battit  en  1082  les 
troupes  de  Léopold  à  Malberg;  mais  il  fut  lui- 
même  défait  en  1085  par  Léopold  ,  qui,  s'étant 
lallié  à  Ladislas ,  roi  de  Hongrie ,  chassa  en  cette 
■année  tous  les  Bohémiens  de  ses  États,  qu'il  gou- 
verna ensuite  paisiblement  jusqu'à  sa  mort. 

E.  G. 
Pez,  Scriptores  Rerum  Austriacarum ,  t.  I,  passim. 
—  Rauch.  Geschichle  Oestreichs. 

léopold  (Saint),  dit  le  Pieux,  mar- 
grave d'Autriche,  mort  le  15  novembre  1136. 
Quoique  encore  jeune  à  l'époque  de  son  avène- 
ment, il  gouverna  dès  le  début  avec  une  sa- 
gesse rare  chez  les  princes  de  son  époque. 
(Améliorer  le  sort  de  ses  sujets ,  les  faire  ins- 
truire et  adoucir  leurs  mœurs ,  tel  fut  le  bat  de 
son  règne.  Évitant  les  guerres ,  il  ménagea  les 
ressources  de  son  pays,  et  put  tout  en  diminuant 
les  impôts  fonder  un  grand  nombre  de  monastères 
etpropagerainsi  la  civilisation.  IlsoutintHenrilV, 
auquel  il  envoya  en  1105  des  troupes  auxiliaires, 
et  fut  entraîné  bientôt  après  par  son  beau-frère 
Borzywoy  II,  duc  de  Bohême,  dans  le  parti  de 
Henri  V,  dont  il  épousa  en  1106  la  sœur,  Agnès, 
veuve  de  Frédéric  de  Souabe.  Les  chroniqueurs 
nous  ont  laissé  peu  de  détails  sur  le  reste  de  son 
règne,  tranquille  et  heureux,  mais  dépourvu  de 
hauts  faits;  ils  nous  apprennent  cependant  qu'à 
plusieurs  reprises,  notamment  en  1118,  Léopold 


LÉOPOLD  798 

repoussa  les  Hongrois.  En  1 125,  après  la  mort  de 
Henri  V,  beaucoup  de  princes  désiraient  porter  le 
margrave  au  trône  impérial  ;  mais  il  les  pria  de 
réunir  leurs  voix  sur  Lotuaire,  duc  de  Saxe,  qui 
fut  élu.  De  sa  femme  Agnès ,  Léopold  eut  dix- 
huit  enfants,  parmi  lesquels  on  remarque  Henri 
Jochsamirgott,  et  Ollon  de  freisingue,  le  cé- 
lèbre historien  de  Frédéric  Barbe-Rousse.  Il  fut 
canonisé  en  1485.  E.  G. 

Pez,  V ila  sancti  Leopoldi.  —  Pez,  Scriptores  Rerum 
Austriacaritm,  t.  I,  p.  575.  —  Poltzinanii,  Compendium 
vitœ  S.  Leopoldi. 

léopold,  duc  d'Autriche,  né  en  1157, 
mort  le  21  décembre  1194.  11  succéda  en  1177 
à  son  père,  Henri  Jochsamirgott,  et  fit  la  paix 
avec  Bêla,  roi  de  Hongrie,  en  lui  livrant  le  prince 
Geyssa,  frère  de  Bêla  et  prétendant  à  la  couronne 
de  Hongrie,  qui  avait  été  accueilli  et  soutenu 
par  Henri  Jochsamirgott.  Il  contribua  ensuite  à 
chasser  de  Bohême  le  roi  Sobieslav  il  et  à  y 
faire  monter  sur  le  trône  Frédéric  1er.  En  1186 
le  duc  de  Styrie  Ottocare  Ier,  n'ayant  pas  d'hé- 
ritier, le  choisit  pour  lui  succéder,  et  le  fit  recon- 
naître comme  souverain  futur  par  les  états.  Bêla, 
roi  de  Hongrie,  qui  réclamait  depuis  longtemps 
quelques  parties  de  la  Styrie,  les  fit  alors  oc- 
cuper par  ses  troupes,  ce  qui  le  mit  en  lutte 
avec  Léopold.  Le  différend  ayant  été  arrangé 
en  1190  par  l'empereur,  Léopold  partit  pour 
la  croisade,  et  alla  rejoindre  l'armée  chré- 
tienne, qui  faisait  le  siège  de  Saint-Jean-d'Acre. 
Lors  de  la  prise  de  cette  ville,  il  montra  la  plus 
grande  bravoure;  ilfut,  dit-on,  tellement  couvert 
de  sang,  qu'il  ne  restait  de  blanc  sur  sou  vêtement 
que  ce  qui  était  couvert  par  son  baudrier;  c'est 
pour  cela  que  les  armes  de  l'Autriche  furent  rem- 
placées par  un  écu  de  gueulesàla  fasce  d'argent. 

I  Léopold  s'établit  dans  une  maison  de  la  ville,  et  y 
fit  arborersa  bannière;  Richard  Cœurde  Lion  la 

I  fit  arracher  et  traîner  dans  la  boue.  Léopold,  ir- 
rité de  cet  outrage,  alla  camper  hors  de  la  ville,  et 
retourna  bientôt  en  Autriche.  Lorsqu'en  1192  Ri- 
chard, ayant  fait  naufrage  à  Pola,  cherchait  sous 
un  déguisement  à  gagner  l'Angleterre,  il  arriva 
à  Erdsberg,  près  de  Vienne;  reconnu  par  un 
croisé,  il  fut  arrêté  par  ordre  de  Léopold,  qui  le 
livra  à  l'empereur  Henri  VI.  Malgré  les  représen- 
tations du  pape  CélestinlII,  Richard  ne  put  re- 
couvrersaliberté  qu'en  donnant  à  Henri  cent  cin- 
quante mille  marcs  d'argent,  et  vingt  mille  à 
Léopold.  Excommunié  par  le  pape  pour  avoir 
arrêté  un  croisé,  Léopold  mourut  bientôt,  après 
d'une  chute  de  cheval ,  après  avoir  ordonné  à 
son  fils  Frédéric  de  remettre  à  Richard  l'argent 
qu'il  lui  avait  extorqué,  ordre  que  Frédéric 
n'exécuta  jamais.  E.  G. 

Otlion  de  Saint-Biaise,  Ctironicon.  —  Gulllelmus  Neu- 
brigensis,  De  Rébus  anglicis.  —  Richardus  Divie'nsls, 
Gesta  Richurdi  I.  —  Heroingford,  Chronicon.  —  Mat- 
thieu Paris.  — Rauch,  Geschichte  Oestreichs,  t.  II. 

léopold,  dit  le  Glorieux,  duc  d'Autriche, 
petit-fils  de  l'empereur  Rodolphe  de  Habsbourg, 
né  en  1292,  mort  à  Strasbourg,  le  28  février 


799  LÉOPOLD 

132G.  Se  trouvant  en  Souabe  en  1308,  lors  de 
l'assassinat  de  son  père,  l'empereur  Albert ,  il 
arrêta  par  son  énergie  les  entreprises  des  nom- 
breux partisans  des  meurtriers.  Au  lieu  de  par- 
tager avec  ses  frères  les  possessions  de  sa  mai- 
son, il  consentit  à  ce  qu'elles  restassent  indivises, 
et  il  en  prit  en  main  l'administration  en  commun 
avec  son  frère  aîné  Frédéric  le  Beau  (  voy.  ce 
nom),  ses  autres  frètes  étant  enrore  mineurs. 
Cette  union  leur  permit  d'établir  solidement 
leur  autorité  malgré  le  mauvais  vouloir  de  l'em- 
pereur Henri  Vil,  malgré  l'inimitié  des  ducs  de 
Bavière  et  l'insubordination  de  la  noblesse  d'Au- 
triche. En  1310  Léopold  alla  rejoindre  à  Lau- 
sanne, avec  deux  cents  chevaliers  et  autant  d'ar- 
chers, l'empereur  Henri  Vil ,  et  pénétra  avec  lui 
en  Italie.  Après  avoir  puissamment  contribué  à 
étouffer  l'émeute  suscitée  à  Milan  contre  Henri 
par  les  délia  Torre,  il  accompagna  l'empereur 
au  siège  de  Brescia;  mais,  tombé  malade,  il 
retourna  bientôt  en  Souabe.  Après  la  mort  de 
l'empereur  Henri,  il  fit  beaucoup  de  démarches 
auprès  des  électeurs  pour  les  décider  à  choisir 
son  frère  Frédéric,  et  acheta,  entre  autres,  la 
voix  de  l'archevêque  de  Cologne  pour  quarante 
mille  marcs  d'argent.  En  octobre  1314  une  double 
élection  eut  lieu  à  Francfort  :  les  archevêques  de 
Mayence  et  de  Trêves ,  le  roi  Jean  de  Bohême  et 
le  margrave  de  Brandebourg  se  prononcèrent 
pour  Louis  de  Bavière  ;  Frédéric  fut  élu  par  l'ar- 
chevêque de  Cologne ,  par  le  comte  palatin ,  par 
le  duc  de  Saxe  et  le  duc  de  Carinthie  :  ce  dernier 
votait  comme  prétendantau  royaume  de  Bohême. 
Louis  fut  sacré  à  Aix-la-Chapelle,  Frédéric  à  Co- 
logne ;  la  guerre  civile  éclata.  L'égoïsme  des  prin- 
ces et  l'indifférence  des  villes  laissèrent  les  deux 
compétiteurs  réduits  à  leurs  propres  forces.  Plein 
d'activité  et  de  courage,  Léopold  fut  prêt  le  pre- 
mier, et  envahit  la  Bavière  dès  la  fin  de  l'été  de 
1315.  Louis  ne  voulut  pas  accepter  la  bataille, 
et  s'enferma  dans  Augsbourg.  Forcé  à  la  retraite 
par  des  pluies  torrentielles,  Léopold  se  borna  à  dé- 
vaster le  pays  plat.  De  retour  en  Souabe,  il  apprit 
le  rejet  des  offres  d'accommodement  faites  par 
lui  aux  habitants  de  Schwitz,  d'Uri  et  d'Unter- 
wald,  qui,  appuyés  par  l'empereur  Louis,  avaient 
refusé  de  reconnatre  son  autorité.  Pou  r  les  châtier, 
il  se  transporta  à  Zug  avec  plusieurs  milliers  de 
soldats.  Les  confédérés,  avertis  par  Henri  de  Hu- 
nenberg  de  l'endroit  où  le  duc  devait  passer,  se 
portèrent  à  Hasslern.  Le  1 5  novembre  l'armée  au- 
trichienne, composée  principalement  de  cavalerie 
pesamment  armée,  arriva  près  du  lac  d'yEgri  ; 
la  route  où  elle  s'engagea  est  bordée  d'un  côté 
par  le  lac ,  de  l'autre  par  des  rochers  taillés  à 
pic,  appelés  le  Margasten.  Lorsque  les  troupes 
de  Léopold  approchèrent  du  Mattligiitsch,  lieu  où 
le  chemin  n'a  plus  que  quelques  pieds  de  largeur, 
elles  se  virent  tout  à  coup  assaillies  par  des  blocs 
de  pierre  et  des  troncs  d'arbres  lancés  du  haut 
des  rochers  par  une  cinquantaine  de  Suisses  exilés 
de  leurs  cantons  et  qui  voulaient  participer  à  la  dé- 


S00 
fense  de  leur  patrie  pour  être  admis  a  y  rentrera 
Ces  blocs  tombant  sur  les  rangs  serrés  de; 
chiens  en  écrasèrent  un  grand  nombre,  et  bar- 
rèrent entièrement  la  route  ;  les  confédérée 
dant  le  bruit  de  cette  lutte,  accoururent  à  I 
et  joignant  leurs  efforts  à  ceux  des  exilés , 
rouler  de  nouveaux  quartiers  de  roche  sur  ei 
ennemis,  qui  se  retirèrent  en  désordre.  C'esUors 
que  les  confédérés,  légèrement  équipés,  fon<irent  " 
sur  les  Autrichiens  et  massacrèrent  tous  le  traî- 
nards. Léopold  perdit  quinze  cents  homi.es,  et 
parmi  eux  beaucoup  de  nobles  de  SouaL.  Re-  I 
nonçant  à  combattre  ces  montagnards,  qu  pro-  1 
tégés  par  la  nature  de  leur  pays,  l'emportai  ù  sur  1 
les  chevaliers  bardés  de  fer,  quelque  val 
qu'ils  fussent,  il  conclut  avec  eux,  troi 
après,  une  trêve. Il  reprit  avec  plus  d'; 
jamais  sa  lutte  contre  Louis  ;  ayant,  un  des  ,  .• 
miers,  reconnu  que  la  force  des  armées  ailair-, 
consister  dorénavant  dans  uneinlanterie  biendii 
ciplinée,  il  en  forma  principalement  les  troupes  > 
avec  lesquelles  il  défitcomplétement,  en  1 320,  sur 
le  Bruch  les  quatre  mille  cavaliers  que  Louis  lui 
opposa.  Mais,  comme  la  science  des  mouvements 
stratégiques  lui  manquait  ainsi  qu'aux  autres  ca- 
pitaines de  sou  temps,  qui  ne  faisaient  la  guerre 
qu'en  chefs  de  partisans ,  il  ne  tira  d'autre  ré- 
sultat de  cette  victoire  que  de  dévaster  l'année 
suivante  toute  la  Bavière;  après  quoi  il  reprit 
ses  positions  de  Souabe. 

En  1322  il  résolut  d'exécuter  un  plan  qui  de- 
vait amener  la  ruine  entière  de  Louis.  II  passa  le 
Lech  en  septembre ,  se  proposant  de  tomber  sur 
les  derrières  de  l'armée  bavaroise  que  Frédéric, 
venu  d'Autriche,  devait  attaquer  de  front  :  pour 
initier  son  frère  à  ce  plan,  il  lui  expédia  un  mes- 
sage, l'engageant  à  refuser  le  combat  jusqu'à  j 
l'approche  de  l'armée  de  Souabe.  Mais  les  por- 
teurs de  cette  dépêche,  dépouillés  en  route  de 
leurs  chevaux,  n'arrivèrent  pas  à  temps  pour  em- 
pêcher Frédéric  de  livrer  bataille.  La  rencontre 
eut  lieu  à  Muhldorf  sur  l'Inu.  Malgré  l'avis  de  ses 
lieutenants,  Frédéric,  attaqua  avec  une  dizaine 
de  mille  hommes  trente-deux  mille  Bavarois  et 
Bohémiens.  Il  était  sur  le  point  de  remporter  la 
victoire,  lorsque  le  burgrave  de  Nuremberg  s'a- 
vança avec  la  réserve  de  l'ennemi;  les  Autri- 
chiens, prenant  cette  troupe  pour  l'armée  de 
Léopold,  allèrent  au-devant  d'elle  en  amis,  et 
se  débandèrent,  ce  qui  causa  leur  défaite.  Fré- 
déric et  son  frère  Henri  furent  au  nombre  des  pri- 
sonniers. Cette  nouvelle  causa  tant  de  chagrin  à 
Léopold,  que  «  oncques,  dit-on,  on  ne  le  vit  rire 
depuis.  »  Après  quelques  tentatives  d'accommo- 
dement ,  que  Louis  fit  échouer  par  ses  préten- 
tions, le  duc  alla  s'aboucher  en  juillet  1324  i 
Bar-sur-Aube  avec  le  roi  de  France  Charles  1( 
Bel  afin  de  concerter  les  moyens  défaire  élire  c< 
roi  à  l'Empire.  En  cela  il  agit  d'après  les  conseils 
du  pape  Jean  XXII,  qui  venait  d'excomrnuniei 
Louis,  et  du  roi  de  Bohême,  devenu  l'adversain 
de  Louis,  Un  traité  fut  conclu  entre  le  duc  et  1< 


801 


roi  ;  mais  leur  projet  ne  réussit  pas.  Léopold  con- 
tinua néanmoins  à  miner  par  les  armes  et  par 
îles  négociations  l'autorité,  déjà  assez  faible,  de 
Louis,  qui  se  décida  enfin,  en  septembre  1325,  à 
partager  le  pouvoir  avec  Frédéric  (  voy.  Louis 
de  Bavière,  empereur).  Léopold  ne  souscrivit 
pas  sans  réserve  à  cet  arrangement ,  et  con- 
tinua de  négocier  secrètement  avec  le  pape,  avec 
le  roi  de  France  et  avec  le  roi  de  Naples ,  pour 
renverser  la  puissance  de  Louis.  Ce  dernier 
remit  enfin  tout  le  pouvoir  entre  les  mains  de 
Frédéric,  ne  gardant  pour  lui  que  le  titre  de 
roi.  Léopold  triomphait  de  son  ennemi,  lorsque, 
quelques  semaines,  après  il  mourut,  à  la  suite 
d'une  courte  maladie.  On  vit  alors  clairement 
qu'il  avait  été  le  principal  appui  de  Frédéric; 
car,  revenant  sur  sa  renonciation  à  l'Empire, 
Louis  s'empara  sans  résistance  de  la  direction 
souveraine  des  affaires.  De  sa  femme  Catherine 
de  Savoie ,  Léopold  eut  deux  filles,  dont  l'une, 
Catherine,  fut  la  mère  du  célèbre  Enguerrand  de 
Coucy.  É.  G. 

Anonymus  Leobiensis.  —  Volcmarus,  Chronicon.  — 
Albertns  Argentinensis.  —  Vitoduranus,  Chronicon.  — 
Chronicon  Èœnigsfeldense-  —  Kurz,  Geschichte  Frie- 
drichs  des  Schonen.  —  Lichnowsky,  Geschichte  des 
Hanses  Habsbury,  t.  III. 

léopold  m,  dit  le  Preux,  duc  d'Autriche, 
né  en  avril  1351,  tuéà  Sempach,  le  9  juillet  1386. 
En  1365,  à  la  mort  de  son  frère  Rodolphe  IV,  il 
fut  appelé  par  son  autre  frère  Albert  III  à  venir, 
selon  la  tradition  de  la  maison  de  Habsbourg, 
diriger  en  commun  le  gouvernement  de  leurs 
possessions  héréditaires.  Les  deux  frères  s'atta- 
chèrent d'abord  à  conjurer  les  dangers  que  la  hau- 
teur et  l'étourderie  de  Rodolphe  avaient  attirés 
sur  l'Autriche,  et  s'allièrent  à  cet  effet  avec 
l'empereur  Charles  IV.  En  1369  ils  obtinrent 
moyennant  cent  seize  mille  florins  la  renoncia- 
tion des  princes  de  Bavière  au  comté  de  Tyrol, 
pays  qui,  cédé  en  1363  aux  Habsbourg  par  la  du- 
chesse Marguerite  de  Bavière,  était  spécialement 
réservé,  avec  l'Autriche  antérieure,  à  l'adminis- 
tration de  Léopold.  En  novembre  de  cette  même 
année,  Léopold  marcha  avec  dix  mille  hommes 
au  secours  de  Trieste,  qui,  assiégée  par  les  Vé- 
nitiens ,  s'était  donnée  à  l'Autriche  ;  mais  il  dut 
bientôt  retourner  chez  lui,  sans  avoir  pu  faire' 
lever  le  siège.  Voyant  que  leurs  finances  souf- 
fraient beaucoup  depuis  que  les  marchandises  de 
Venise  n'étaient  plus  introduites  en  Allemagne 
par  l'Autriche,  les  ducs  se  hâtèrent  de  conclure 
l'année  suivante  la  paix  avec  Venise.  Pour  se  pro- 
curer de  l'argent,  ils  recoururent,  en  1370,  à  la 
confiscation  des  biens  de  tous  les  juifs  de  leurs 
États.  En  novembre  de  la  même  année,  Léo- 
gold  se  rendit  en  Lithuanie  pour  prendre  part 
avec  les  chevaliers  teutoniques  à  une  de  ces  tristes 
expéditions  contre  les  malheureux  et  inoffensifs 
païens  du  nord;  après  bien  des  massacres  et  des 
pillages,  Léopold  fut  créé  chevalier.  En  1372  il 
commença  la  série  de  ses  tentatives  pour  faire 
modifier  le  pacte  de  famille,  qui  statuait  l'indi- 

NOUV.   BIOGR.    GÉNÉR.   —   T.   XXX. 


LÉOPOLD  802 

visibilité  des  États  de  Habsbourg;  sans  en  venir 
encore  à  un  partage  définitif,  il  exigea  l'adminis- 
tration séparée  et  indépendante  de  la  Souabe , 
du  Tyrol  et  de  la  Carinthie.  En  janvier  1573  il 
envoya  une  armée  à  Trévise  pour  combattre  le 
vicaire  impérial  François  de  Carrare,  contre 
lequel  il  venait  de  conclure  un  traité  avec  la  ré- 
publique de  Venise,  qui  lui  avait  payé  ce  service 
avec  des  sommes  considérables;  mais  s'étant 
arrangé  plus  tard  avec  François  de  Carrare,  qui 
lui  abandonna  Feltre,  Bellune  et  le  val  de  Su- 
gana,  il  tourna  ses  armes  contre  la  république; 
mais  il  cessa  bientôt  les  hostilités,  lorsque  Ve- 
nise eut  triomphé  des  armées  réunies  de  Carrare 
et  du  roi  de  Hongrie.  En  1375  il  attira  de  grands 
malheurs  sur  la  Souabe  et  l'Alsace,  par  son 
refus  opiniâtre  de  remettre  à  son  cousin,  En- 
guerrand de  Coucy,  les  biens  de  Catherine,  fille 
de  Léopold  II  et  mère  d'Enguerrand.  Ce  der- 
nier pénétra  en  Allemagne  avec  quarante  mille 
routiers ,  et  mit  tout  le  pays  plat  à  feu  et  à  sang; 
mais,  faute  de  machines  de  siège,  il  se  retira  en 
janvier  1376,  et  transigea  avec  Léopold ,  qui  lui 
céda  les  seigneuries  de  Buren  et  de  Nidau.  En 
mai  delà  même  année,  Léopold  prit  de  nou- 
veau les  armes  contre  Venise  ;  après  une  guerre 
de  quelques  mois,  où  les  Autrichiens  se  servirent 
pour  la  première  fois  de  canons ,  on  conclut  une 
trêve ,  qui  fut  convertie  deux  ans  après  en  une 
paix,  qui  donna  à  Léopold  Rochetta  et  San-Vit- 
tore.  En  1379  le  duc  reçut  de  l'empereur  Vences- 
las  ,  auprès  duquel  il  était  en  faveur,  l'adminis- 
tration des  prévôtés  impériales  en  Souabe  ;  l'année 
précédente,  il  avait  conclu  un  traité  avecle  roi  de. 
France  pour  engager  ce  prince  à  secourir  Léopold, 
s'il  était  attaqué  comme  partisan  de  l'antipape 
Clément  VIL  En  septembre  1379,  il  força  enfin 
son  frère  à  partager  leurs  États.  Albert  reçutl'Au- 
triche ,  la  Styrie  et  quelques  seigneuries  situées 
hors  de  ces  pays  ;  le  reste  fut  adjugé  à  Léopold,  qui 
s'attacha  pendant  les  années  suivantes  à  arrondir 
ses  possessions  en  Souabe  par  l'acquisition  des  sei- 
gneuries de  Hohenberg  et  de  Lauffenberg,  ainsi 
que  des  villes  de  Feldkircb  et  de  Petit-Bàle.  En 
1382  la  ville  de  Trieste  se  soumit  de  nouveau  au 
duc,  parce  qu'il  gouvernait,  dit  un  historien  con- 
temporain, ses  sujets  avec  justice.  En  avril  1381 
il  était  descendu  en  Italie  avec  une  armée  consi- 
dérable pour  prendre  possession  de  la  marche 
Trévisane  et  du  comté  de  Ceneda,  que  la  ré- 
publique de  Venise  lui  avait  cédés  pour  être  se- 
courue par  lui  contre  François  de  Carrare;  mais 
craignant  d'indisposer  le  roi  Louis  de  Hongrie, 
l'allié  de  François ,  il  n'osa  pas  attaquer  ce  der- 
nier ;  quoique  ayant  ainsi  manqué  de  parole  pour 
la  seconde  fois  aux  Vénitiens ,  ceux-ci  ne  lui  en 
abandonnèrent  pas  moins,  à  la  paix  conclue  en  août 
1381,  Trévise  et  Ceneda,  avec  leurs  territoires, 
préférant  les  voir  entre  ses  mains  qu'entre  celles  de 
François.  Celui-ci,qui  convoitait  depuis  longtemps 
ces  contrées  ,  déclara  en  avril  1382  la  guerre  à 
Léopold ,  qui ,  faute  d'argent ,  ne  put  envoyer 

26 


803 


qu'à  la  fin  d'octobre  du  secours  à  ïrévise,  dont 
François  allait  s'emparer.  François  abandonna 
pour  le  moment  le  siège  de  cette  ville  ;  il  le  re- 
prit l'année  suivante ,  mais  il  dut  se  retirer  de 
nouveau ,  lorsque  Léopold  vint  au  mois  de  mai 
l'attaquer  avec  des  forces  supérieures.  Léopold 
ayant  dû  repasser  les  Alpes  peu  de  temps  après, 
François  dévasta  encore  une  fois  tout  le  pays 
autour  de  Trévise.  Enfin  Léopold,  impuissant  à 
secourir  cette  ville  efficacement,  la  vendit,  en 
janvier  l3S3,à  François  pour  cent  dix-huit  mille 
florins  d'or,  quoiqu'il  eût  juré  de  ne  jamais  la 
céder  à  François. 

De  graves  complications  survenues  en  Alle- 
magne forcèrent  Léopold  à  abandonner  ainsi  ses 
projets  d'agrandissement  en  Italie.  L'affaiblisse- 
ment du  pouvoir  impérial  avait  eu  pour  résultat 
un  manque  général  de  sécurité  ;  il  se  forma  plu- 
sieurs associations  entre  les  princes ,  les  nobles 
et  les  villes ,  dont  les  membres  s'engageaient  à  se 
secourir  réciproquement  en  cas  d'attaque  par  des 
bandes  de  brigands  organisées. 

Ces  associations  se  méfiaient  les  unes  des  autres  ; 
et  il  régnait  particulièrement  en  Souabe,  malgré 
les  efforts  louables  de  l'empereur  pour  établir 
la  concorde ,  une  sourde  fermentation ,  qui  me- 
naçait de  se  transformer  en  lutte  ouverte.  Les 
villes  de  Souabe  liguées,  mécontentes  d'avoir 
été  soumises  par  l'empereur  à  l'autorité  de  Léo- 
pold, et  craignant  d'être  opprimées  par  lui, 
conclurent  en  février  1385  un  traité  d'alliance 
défensive  avec  Zurich,  Berne,  Soleure,  Lucerne 
et  Zug.  Ces  cantons,  qui  cherchaient  depuis 
quelque  temps  à  rompre  avec  Léopold  ,  enhardis 
par  cette  alliance,  attaquèrent  sans  déclaration 
de  guerre,  en  décembre  1385,  le  fort  de  Rotem- 
bourg,  appartenant  à  Léopold,  s'en  emparèrent 
et  le  rasèrent.  Léopold  ,  furieux  de  cet  acte  de 
violence,  rassembla  une  armée  considérable ,  et 
arriva,  le  7  juillet  1386,  à  Zotingue.  Les  Suisses, 
qui  venaient  de  saccager  le  pays  de  Thurgovie  , 
se  replièrent  en  toute  hâte,  au  nombre  de  deux 
mille,  sur  Lucerne,  ville  qui  avait  le  plus  excité 
la  colère  de  Léopold;  Ce  prince  détacha  une 
partie  de  ses  troupes  pour  pénétrer  dans  les  can- 
tons par  l'Albis ,  et  marcha  avec  le  reste  vers 
Rotembourg.  Le  9  juillet  il  arriva  à  Sempach, 
qu'il  venait  de  dépasser  lorsque  tout  à  coup,  vers 
l'heure  de  midi,  il  se  trouva,  au  tournant  d'une 
pente  de  montagne,  en  face  des  deux  mille  Suisses 
qui  revenaient  de  Thurgovie.  La  surprise  fut 
grande  des  deux  côtés.  Léopold  avait  laissé  toute 
son  infanterie  en  arrière  et  n'avait  avec  lui  que 
sa  cavalerie-  il  n'en  accepta  pas  moins  immé- 
diatement le  combat.  Comme  le  terrain  oppo- 
sait beaucoup  d'obstacles  aux  mouvements  des 
chevaux,  les  cavaliers  mirent  pied  à  terre, 
et  quoique  gênés  par  leurs  pesantes  armures , 
et  accablés  de  chaleur,  ils  attaquèrent  résolu- 
ment les  Suisses.  Ceux-ci  se  formèrent  en  coin, 
et  se  ruèrent  sur  leurs  adversaires.  Ils  rompi- 
rent facilement  les  rangs  des  chevaliers  inaccou- 


LÊOPOLD  804 

tumés  à  ce  genre  de  combat,  et  en  tuèrent  en- 
viron trois  cents ,  entre  autres  Léopold ,  qui  mou- 
rut en  défendant  la  bannière  d'Autriche  (1).  E.  G. 
Konigshoven  ,  Chronieon.  —  Gataro ,  Chronicon  Pa- 
duensc.  —  .Tustinger,  Chronïk  von  liern.  —  Kurz,  Ocs- 
trcich  unter  Albreclit  III.  —  l'aster,  Geschichtc  von 
Schwaben.  —  Sucheuwirtli ,  Werkc  (passim).  —  LiGh- 
nowsky,  Geschichte  des  Hanses  Ilabsburg,  t.  IV. 

III.  Belgique. 
*  léopold  Ier  (  Georges-Christian-Fré- 
déric), roi  des  Belges,  prince  de  Saxe-Cobourg- 
Saalfeld,  né  le  16  décembre  i790.  Après  avoir 
reçu  une  excellente  éducation ,  il  entra  dans 
l'armée  russe  avec  le  grade  de  général,  faveur 
qu'il  dut  au  mariage  de  sa  sœur  Anne-Fœdorovna 
avec  le  grand-duc  Constantin.  Pendant  le  voyage 
que  son  frère  fit  en  Russie  en  1808,  Léopold 
resta  chargé  des  affaires  du  gouvernement,  et  il 
accompagna   l'empereur  Alexandre  au  congrès 
d'Erfurt.  En  1810,  il  quitta  le  service  de  la 
Russie.  En  1811,  il  conclut  à  Munich,   avec  le 
roi  de  Bavière,  un  traité  relatif  à  la  délimitation 
de  la  Bavière  et  du  duché  de  Saxe-Cobourg.  En 
1813,  Léopold  alla  en  Pologne  rendre  compte  à 
l'empereur  Alexandre  des  dispositions  hostiles 
de  l'Allemagne  à  l'égard  de  la  France.  Il  suivit 
l'armée  russe  jusqu'à  Paris,   et  eut  plus  d'une 
occasion  pendant  la  campagne  de  montrer  sa  va- 
leur personnelle.  Il  passa  en  Angleterre  avec  les! 
souverains  alliés  en  1814,  et  au  commencement!' 
de  l'année  suivante    il   assista   au  congrès   de'^ 
Vienne.  Rappelé  à  l'armée  du  Rhin  par  le  retour  ; 
de  Napoléon,  il  rentra  dans  Paris  avec  elle;  il' 
en  repartit  au  bout  de  quelque  temps  pour  se 
rendre  à  Berlin.  Pendant  son  séjour  dans  cette 
ville,  Léopold  reçut  l'invitation  de  revenir  en 
Angleterre.   Il  avait  su  plaire  à  l'héritière  pré- 
somptive de  la  couronne  ,  Auguste-Charlotte , 
née  le  7  janvier  1796,  et  le  16  mars  1816  le 
prince   régent   annonçait  par  un  message  au 
parlement  le  mariage  de  cette  princesse,  sa  fille, 
avec  le  prince  Léopold.  Le  27  mars,  Léopold  fut 
naturalisé  par  acte  du  parlement,   décoré  du 
titre  de  duc  de  Kendal,  ayant  le  pas  sur  tous 
les  ducs  et  les  grands  fonctionnaires  publics,  et  il 
reçut  la  dignité  de   feld-maréchal  avec  entrée 
au  conseil  privé.  Le  mariage  se  célébra  le  2  mai  ; 
la  princesse  mourut  en  couches,  le  5  novembre 
1817.  Une  pension  annuelle  de  cinquante  mille 
livres  sterling  fut  assignée  au  prince  Léopold,  qui 
continua  de  résider  en  Angleterre,  au  château  de 
Claremont.  Le  3  février  1830,  un  protocole  de 
la  conférence  de  Londres  lui  offrit  le  trône  de  la 


(1)  La  plupart  des  historiens  modernes  attribuent  la 
victoire  des  Suisses  au  dévouement  d'Arnold  de  Winkel- 
ried,  qui,  saisissant  plusieurs  lances  des  Autrichiens, 
aurait  en  tombant  permis  à  ses  compatriotes  de  péné- 
trer par  dessus  son  cadavre  dans  les  lignes  de  l'ennemi; 
mais  les  auteurs  les  plus  anciens  qui  parlent  de  la  ba- 
taille, notamment  Russ  et  Justinger,  ne  mentionnent  au- 
cunement ce  fait)  qu'on  peut  reléguer  parmi  les  anec- 
dotes inventées  après  coup,  sans  porter  tort  à  la  valeur 
des  Suisses  (  F oy.  Schweizer  GescMchls  -Forsc/ier, 
t.  IX). 


805 

Grèce.  Léopold  accepta,  mais  sous  certaines  con- 
ditions, telles  que.  l'extension  des  frontières ,  la 
garantie  de  l'indépendance  du  nouvel  État,  et  des 
secours  financiers.  Les  trois  cours  protectrices 
ne  répondirent  pas  complètement  aux  demandes 
du  prince,  et  d'un  autre  côté  le  président  Ka- 
podistrias  semblait  multiplier  les  difficultés.  Il 
regrettait  que  le  choix  du   souverain  n'eût  pas 
été  soumis  à  l'adhésion  des  représentants  de  la 
nation,  et   faisait  des  réserves  en  faveur  des 
droits  du  peuple  grec,  dont  la  conférence  n'avait 
pas  parlé.  Un  manifeste  du  sénat  hellénique, 
conforme  aux  observations  du  président,  voté  le 
10  avril,  appuya  fortement  sur  le  maintien  des 
libertés  publiques  de  la  Grèce,  et  s'éleva  contre 
la  délimitation  fixée  par  la  conférence.  Il  expri- 
mait en  outre  formellement  le  vœu  que  la  re- 
bgion  grecque  fût  la  religion  dominante  de  TÉtat 
et  que  le  prince  appelé  à  régner  en  Grèce  con- 
sentit à  l'embrasser.  Ces  observations,  les  lettres 
du  président,  qui  devaient  lui  donner  une  idée 
fâcheuse  del'état  du  pays,  d'autres  raisons  encore 
peut-être,  déterminèrent  Léopold  à  refuser  la  cou- 
ronne qu'on  lui  avait  proposée;  le  21  mai  il  écrivit 
la  conférence  pour  lui  remettre  son  abdication. 
Le  4  juin  1831,  Léopold  fut  élu  roi  des  Belges. 
Le  prince  n'accepta  qu'à  la  condition  que  les 
dernières  propositions  émanées  de  la  conférence 
le  Londres  fussent  sanctionnées.  Le  congrès  belge 
idopta  ces  propositions;  Léopold    quitta  l'An- 
;leterre  et  débarqua  en  Belgique.  Le  21  juillet 
1  jura  solennellement,  entre  les  mains  du  re- 
lent Surlet  de  Chokier,  d'observer  la  constitu- 
ion  et  la  loi  du  peuple  belge,  de  maintenir  l'in- 
lépendance  nationale  et  l'intégrité  du  territoire, 
t  fut  proclamé  roi  des  Belges  sous  le  nom  de 
léopold  Ie*.  «  Fier  d'être  Belge  par  votre  adop- 
ion,  dit-il  dans  son  discours,  je  me  ferai  aussi 
ne  loi  de  l'être  toujours  par  ma  politique.  »  La 
uei  re  avec  les  Hollandais  ne  tarda  pas  à  écla- 
ir. Les  Belges  furent  défaits.  Léopold,  qui  avait 
ris  le  commandement  d'une  partie  de  l'armée, 
ut  sa  position  tournée  à  Louvain.  Il  se  décida 
lors  à  appeler  les  troupes  que  le  gouvernement 
•ançais  avait  mises  à  sa  disposition.  Le  maréchal 
érard  franchit  la  frontière  à  la  tête  de  cinquante 
lille  hommes ,  le  9  août.  Le  roi  des  Pays-Bas 
ippela  aussitôt  ses  troupes  ;  les  Français  se  re- 
lièrent ,   en   laissant   seulement  un  corps  de 
Buze  mille  hommes  en  Belgique  pour  donner 
î  roi  le   temps  de  réorganiser  l'armée.   Le 
septembre  Léopold  ouvrit  pour  la  première  fois 
s  chambres  belges,  élues  en  vertu  de  la  cons- 
ution  du  pays.   Il  leur  demanda  bientôt  l'au- 
|>risation  d'adhérer   au   traité  dit  des   vingt- 
Utre  articles,  qae  la  conférence  de  Londres 
posait  aux  parties  belligérantes.  Il   l'obtint, 
m  sans  difficulté,  car  les  Belges,  qui  perdaient 
Limbourg  et  le  Luxembourg  allemand,  pro- 
staient  contre  ce  traité  autant  que  le  roi  des 
ays-Bas.  Néanmoins  le  traité  fut  signé  à  Lon- 
es  le  15  novembre.  Longtemps  encore  la  Hol- 


LÉOPOLD  SOG 

lande  refusa  de  le  ratifier,  et  se  tint  en  élat 
d'hostilité  contre  la  Belgique.  La  France  et  l'An- 
gleterre restèrent  unies  pour  en  assurer  l'exé- 
cution. Le  3  août  1832  Léopold  épousa  la  fille 
aînée  du  roi  des  Français,  Louise-Marie-Thé- 
rèse-Caroline-Isabelle,  princesse  d'Orléans ,  née 
àPalerme,  le  3  avril  1812.  Ce  mariage  fut  célébré 
au  château  de  Compiègne  avec  une  grande  sim- 
plicité, sous  la  double  consécration  de  l'évêque 
de  Meaux  et  d'un  pasteur  protestant.  Peu  de 
temps  après,  à  la  suite  de  nouvelles  négocia- 
tions infructueuses,  la  France  entreprit  le  siège 
d'Anvers,  pendant  que  l'Angleterre  bloquait  les 
côtes  de  la  Hollande.  Le  24  juillet  1833,  la  reine 
des  Belges  accoucha  d'un  prince.  Léopold  an- 
nonça qu'il  ferait  élever  son  fils  dans  la  reli- 
gion catholique,  qui  est  celle  de  l'immense  ma- 
jorité de  la  nation  belge ,  et  le  baptême  fut  cé- 
lébré le  8  août.  Cet  enfant  mourut  le  1C  mai 
1834.  Les  mesures  énergiques  de  la  France  et 
de  l'Angleterre  avaient  amené  le  roi  des  Pays- 
Bas  à  signer  avec  ces  puissances,  le  2t  mai 
1833,  nn  traité  en  vertu  duquel  il  s'engageait  à 
ne  point  recommencer  les  hostilités  contre  la  Bel- 
gique en-  attendant  un  traité  définitif.  Dès  lors 
la  Belgique  s'occupa  du  développement  de  ses 
institutions  et  des  intérêts  matériels.  Une  loi  du 
1er  mai  1834  établit  les  bases  d'un  vaste  réseau 
de  chemins  de  fer  dont  le  gouvernement  pour- 
suivit l'exécution  avec  persévérance  :  «  C'est  la 
grande  affaire  nationale,  disait  M.  Nothomb,  ce 
sera  le  monument  du  règne  du  premier  de  nos 
rois.  C'est  le  premier  essai  que  la  Belgique  fait  de 
ses  forces  comme  nation  indépendante.  »  Une 
banquenationalefutinstituéeen  1835.  L'industrie 
prit  une  grande  extension  ;  des  traités  furent 
conclus  avec  les  nations  étrangères;  le  roi  Léo- 
pold s'attacha  à  maintenir  l'équilibre  entre  les 
partis  par  des  mesures  conciliatrices,  et,  sage 
interprète  des  principes  constitutionnels,  il 
laissa  arriver  au  pouvoir  tous  ceux  que  l'opi- 
nion y  portait,  sans  faire  acception  de  personnes. 
Des  troubles  intérieurs  ,  suscités  par  la  faction 
orangiste  ou  par  les  partis  avancés,  furent  faci- 
lement réprimés.  Le  9  avril  1835,  la  reine  était 
accouchée  d'un  second  prince,  qui  reçut  les  noms 
de  Léopold-Louis-Philippe- Marie-Victor  et  le 
titre  de  duc  de  Brabant  ;  un  second  fils  naquit  le 
24  mars  1837,  et  fut  appelé  Philippe- Eugène- 
Ferdinand  -  Marie-Clément  -  Becmdouin- Léo- 
pold- Georges,  comte  de  Flandres.  Le  7  juin 
1840,  la  reine  donna  le  jour  à  une  princesse, 
Marie-Charlolte  -Amélie  -  Auguste  -  Victoire- 
Clémentine-  Léopoldine. 

A  la  fin  de  1838,1e  roi  des  Pays-Bas,  renonçant 
à  cette  politique  belliqueuse  qui  ruinait  les  deux 
pays,  consentit  à  donner  son  adhésion  au  traité 
des  vingt-quatre  articles.  Cette  décision  fut  mal 
accueillie  en  Belgique,  le  statu  quo  ayant  laissé 
ce  royaume  en  possession  des  portions  du  Luxem- 
bourg et  du  Limbourg  adjugées  aux  Pays-Bas 
parce  traité.  De  nouvelles  démonstrations  eurent 

26. 


807 


LÉOPOLD 


808 


lieu  ;  le  gouvernement  belge  engagea  le  général 
polonais  Skrzynecki:  la  cour  de  Russie,  non  en- 
core représentée  à  Bruxelles,  se  plaignit  haute- 
ment, et  les  cours  d'Autriche  et  de  Prusse  rap- 
pelèrent leurs  envoyés.  Néanmoins,  après  une 
vive  discussion  au  congrès  belge,  le  traité  qui 
consommait  la  séparation  de  la  Hollande  et  de  la 
Belgique  fut  conclu ,  entre  ces  deux  États,  le 
19  avril  1839,  et  en  second  lieu  avec  les  cinq 
puissances.  Les  questions  de  nationalité  épui- 
sées, la  Belgique  reprit  avec  activité  le  cours  de 
ses  travaux  d'organisation  intérieure  et  com- 
merciale. L'industrie  multiplia  ses  produits.  Il 
fut  un  moment  question  d'une  union  douanière 
avec  la  France;  mais  les  producteurs  français  s'é- 
murent: on  se  contenta  de  certaines  concessions, 
et  la  Belgique  dut  chercher  d'autres  marchés. 
La  révolution  de  février  1848  n'eut  qu'un  faible 
contre-coup  en  Belgique,  quoique  l'émotion  fût 
grande  à  Bruxelles  lorsqu'on  y  apprit  les  événe- 
ments de  Paris.  Léopold,  par  sa  décision  et  sa 
franchise ,  prévint  tout  conflit;  il  réunit  autour 
de  lui  les  chefs  des  différentes  fractions  parle- 
mentaires ,  leur  rappela  dans  quelles  circons- 
tances il  avait  accepté  la  couronne,  leur  déclara 
qu'il  était  prêt  à  en  faire  le  sacrifice  si  la  nation 
pensait  devoir  être  plus  heureuse  en  adoptant 
le  gouvernement  républicain;  il  ajouta  que  s'il 
en  était  ainsi  il  était  inutile  de  recourir  à  la  vio- 
lence, puisqu'il  ne  demandait  pas  mieux  que 
d'aller  vivre  philosophiquement  dans  sa  retraite 
de  Claremont.  Cette  déclaration  du  roi,  digne 
d'admiration,  mit  fin  à  toutes  les  hésitations.  La 
Belgique  comprit  que  la  république  compromet- 
trait sa  nationalité;  tous  les  partis  se  groupèrent 
autour  de  Léopold  Ier,  et  lorsque  des  bandes  in- 
surrectionnelles échappées  de  France  apparu- 
rent àRisquons-Tout,  il  suffit  de  quelques  troupes 
pour  leur  faire  rebrousser  chemin.  Franchement 
lié  à  la  constitution  la  plus  libre  qui  existe,  Léo- 
pold épousa  loyalement  les  intérêts  de  la  nation 
qui  l'avait  appelé  au  trône;  encore  en  1857  il 
sut  se  séparer  à  temps  d'un  ministère  qui  avait 
la  majorité  dans  les  chambres,  à  propos  d'une 
loi  sur  les  établissements  de  bienfaisance  trop 
favorable  à  l'influence  du  clergé  et  qui  pouvait 
compromettre  la  tranquillité  du  pays.  Três-po- 
pulaire  en  Belgique,  Léopold  a  su  maintenir  de 
bonnes  relations  avec  toutes  les  puissances  de 
l'Europe.  De  nouveaux  liens  de  parenté  l'ont 
rattaché  à  l'Angleterre  par  le  mariage  du  prince 
Albert  avec  la  reine  de  la  Grande-Bretagne.  Les 
États  du  Nord  ont  fini  par  reconnaître  la  sagesse 
de  son  gouvernement  et  ont  accrédité  des  agents 
près  de  lui;  la  Hollande  a  négocié  un  traité  de 
commerce  avec  la  Belgique,  et  depuis  le  réta- 
blissement de  l'empire  en  France  Léopold  a 
trouvé  des  alliances  en  Autriche  pour  ses  en- 
fants. La  reine  Louise  d'Orléans  est  morte  au 
mois  d'octobre  1850.  Le  prince  royal  ayant  été 
déclaré  majeur,  le  9  avril  1853,  le  roi  son  père 
entreprit  un  voyage  avec  lui  en  Allemagne ,  et 


à  son  retour  le  duc  de  Brabant  épousa  l'archi- 
duchesse Maria-Henrica-Anna  d'Autriche ,  fille 
de  l'archiduc  Joseph-Antoine,  née  le  23  août  1836. 
En  1857,  le  roi  Léopold  maria  sa  fille  à  l'archi- 
duc Ferdinand-Maximilien,  frère  de  l'empereur 
d'Autriche,  et  alors  chargé  de  la  vice-royauté  de 
Lombardie. 

Simple  dans  sa  vie  privée,  le  roi  Léopold  n'a 
qu'une  liste  civile  de  2,751,322  fr.,  qu'il  emploie 
en  grande  partie  en  actes  de  bienfaisance  et  en 
encouragement  aux  lettres,  aux  arts  et  aux 
sciences.  Tous  les  actes  de  l'état  civil  de  sa  fa- 
mille sont  simplement  transcrits  avec  ceux  des  , 
autres  citoyens  à  la  mairie  de  Laeken,  village 
voisin  de  Bruxelles,  où  il  possède  un  charmant 
domaine  et  où  il  aime  à  passer  sa  vie.    L.  L — t. 

Sarnit  et  Saint  Edme,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour; 
tome  VI,  lre  partie,  p.  25.  —  La  Guéronnière,  Étudesqft 
Portraits  politiques.  —  Capefigue,  Diplomates  et  Hommes 
d'État  européens,  tome  IV.  —  Dict.  de  la.  Convers.  — 
M  en  of  the  Time.  —  Convers.  Lexikon, 

IV.  TOSCANE. 

* léopold  ïi  (  Jean-Joseph-François-Fer' 
dinand-Charles),  grand-duc  de  Toscane,  né  à 
Florence,  le  3  octobre  1797.  Il  est  le  second 
fils  du  grand-duc  Ferdinand  III,  qui  fut  chassé 
de  ses  États  par  les  Français  en  1799  et  obtint 
en  dédommagement,  par  la  paix  de  Lunéville, 
l'archevêché  de  Salzbourg,  qu'on  sécularisa  à  cet 
effet,  et  qu'il  échangea  plus  tard,  aux  termes  de 
la  paix  de  Presbourg ,  contre  l'évêchédeWurtz- 
bourg,  érigé  en  grand-duché.  Le  prince  Léopold 
reçut  une  éducation  distinguée.  En  1814  il  revint 
à  Florence  avec  son  père,  épousa  en  1817  la  prin- 
cesse Anne,  fille  du  prince  Maximilien  de  Saxe,  et 
succéda  le  17  juin  1824  à  Ferdinand  III.  A  la  tête: 
d'un  État  florissant,  Léopold  II  continua  la  poli- 
tique conciliante  de  son  prédécesseur.  Pendant 
longtemps  son  gouvernement  fut  le  moins  op- 
pressif de  toute  l'Italie.  Un  jour  même  il  conquit 
une  grande  popularité  en  refusant  de  livrer  des 
réfugiés  à  un  gouvernement  voisin.  En  1847, 
lorsqu'une  grande  agitation  politique  éclata  en 
Italie,  Léopold  11  fut  un  des  premiers  à  concé- 
der une  constitution  à  son  pays.  La  même  année 
il  acheta  l'abdication  du  duc  de  Lucques,  moyen- 
nant une  rente  de  1,200,000  fr.;  qu'il  lui  paya 
jusqu'à  la  mort  de  la  duchesse  de  Parme, 
Marie-Louise,  à  qui  le  duc  de  Lucques  succéda 
aux  termes  du  traité  de  Vienne.  La  Toscane  s'é- 
tait  agrandie  de  ces  États,  si  agités  jusque  alors 
Plus  tard  ,  le  triomphe  du  parti  démocratique 
le  força  d'aller  plus  loin  :  il  dut  laisser  son  ar 
mée  prendre  part  aux  opérations  militaires 
contre  l'Autriche ,  et  subir  un  ministère  repu 
blicain.  Léopold  prit  la  fuite ,  et  fut  ramené  dan.1 
ses  États  par  les  troupes  autrichiennes,  qui  avaieh 
battu  les  soldats  italiens  et  refoulé  la  Sardaigne 
Rentré,  le  28  juillet  1849,  à  Florence,  Léopol( 
abolit  la  constitution,  oublia  ses  principes  d< 
tolérance ,  s'inféoda  de  plus  en  plus  à  la  poli 
tique  de  l'Autriche,  et  persécuta  les  protestants 
En  1852,  il  rétablit  la  peine  de  mort  pour  lei 


[ 


809  LÉOPOLD  - 

attentats  contre  le  gouvernement  et  contre  la 
religion.  Le  27  avril  1859,  en  apprenant  le  pas- 
sage du  Tessin  par  les  Autrichiens,  les  troupes 
toscanes  se  prononcèrent  pour  la  cause  dé  l'in- 
dépendance italienne,  et  demandèrent  leur  union 
avec  les  troupes  sardes  pour  combattre  l'étran- 
ger. Le  grand-duc  chargea,  dit-on,  le  marquis 
'de  Lajatico  de  former  un  ministère  qui  aurait  dé- 
claré la  guerre  à  l'Autriche.  Mais  le  marquis  ne 
put  taire  adopter  cette  combinaison,  et  l'abdi- 
cation de  Léopold  II  fut  exigée.  Le  grand -duc 
abandonna  de  nouveau  Florence,  et  se  retira  à 
Bologne.  La  Toscane  se  mit  alors,  après  avoir 
protesté  auprès  du  corps  diplomatique  ,  sous  la 
direction  de  la  Sardaigne,  qui  y  nomma  un  com- 
missaire royal  extraordinaire,  et  bientôt  le  prince 
Napoléon  s'y  rendit  avec  un  corps  d'armée  fran- 
çais. Arrivé  à  Ferrare,  le  grand-duc  adressa  au 
pape  et  à  tous  les  souverains  une  nouvelle  protes- 
tation contre  tout  ce  qui  s'était  fait  à  Florence  et 
contre  l'occupation  de  la  Toscane.  L'empereur 
d'Autriche,  adhéra  à  cette  protestation,  comme 
chef  de  la  famille. 

L'édition  des  Opère  di  Lorenzo  de  Medici 
(Florence,  1825,  4  vol.  in-folio),  préparée  par 
Léopold  II,  lorsqu'il  était  encore  prince  hérédi- 
taire, témoigne  de  la  variété  de  ses  connaissances. 
Après  la  mort  de  sa  première  femme,  arrivée 
le  24  mars  1832,  Léopold  se  remaria,  le  7  juin 
1833,  avec  la  princesse  Antoinette  de  Naples,  née 
le  19  décembre  1814.  Le  seul  de  ses  enfants  du 
premier  lit  qui  ait  survécu  est  la  princesse  Au- 
usta,née  en  1825,  mariée  en  1845  au  prince 
Luitpold  de  Bavière.  De  sa  seconde  femme  Léo- 
pold a  eu  le  prince  Ferdinand,  né  le  10  juin  1835; 
e  prince  Charles,  né  en  1839  ;  la  princesse  Isa- 
belle, née  en  1834;  et  la  princesse  Marie ,  née 
8n  1838.  L.  L— t. 

Conversât  ions-Lexikon. 

léopold.  Voy.  Anhalt. 

léopold  Ier  grand-duc  de  Bade.  Voy.  Bade. 

léopold.  Voy.  Brunswick. 

léopold.  Voy.  Lorraine. 

léopold  (Jean-Frédéric),  naturaliste  al- 
lemand, né  à  Lubeck,  le  2  février  1576,  mort  le 
i  mai  1711.  Il  étudia  à  Altorf,  Strasbourg,  Zu- 
rich et  Bàle,  où  il  se  fit  recevoir  docteur  en 
médecine,  parcourut  l'Italie,  l'Angleterre,  la 
France,  la  Hollande, le  Danemark,  la  Suède,  et 
se  fixa  en  1706  dans  sa  ville  natale  pour  y  exer- 
cer la  médecine.  On  a  de  lui  :  Relatio  de  iti- 
nere  sno  Suecico,  publiée  Londres,  1720, 
in-8°,  par  les  soins  du  docteur  Woodward. 

E.  G. 

Seelcn,  Athenœ  Lubecenses,  pars  III,  p.  290. 

léopold  (Achille- Daniel),  littérateur  al- 
lemand, né  à  Lubeck,  le  11  juin  1691,  mort  le 
11  mars  1753.  Aveugle  de  naissance,  mais  doué 
l'une  mémoire  extraordinaire,  il  apprit  rapide- 
ment  la  philologie ,  la  philosophie,  la  théologie, 
la  jurisprudence  ,  et  publia  plusieurs  ouvrages, 
ctont  voici  les  principaux  :  Commentatio   de 


■  LÉORIER  81.0 

cœcis  ita  natis ,  varia  theologico-juridico- 
moralia  exhibons  ;  Lubeck,  1726;  _  Ver- 
schiedene  Gedichte  (  Poésies  diverses  )  ;  Hams- 
bourg,  1732,  in-8°. 

Il  ne  faut  pas  confondre  le  précédent  avec 
son  père,  qui  s'appelait  aussi  Achille- Daniel- Léo- 
pold (1651-1722)  et  qui  a  publié,  entre  autres  : 
Nova  literaria  Septentrionis  et  maris  Bal- 
thici  Lubecencia,  ab  Leopoldo  et  collegis 
1698  ad  17 08  collecta  ;  Lubeck,  1698-1708.  R.  L. 

J.  H.  v.  Seelen,  Prseclarissimum  Cseci  eruditi  exem- 
plum,  etc.;  Lubeck,  1753,  in-4°.  —  Strodtiriaun,  Jetztle- 
bendes  Gelehrtes  Earopa,  t.  IX,  p.  175.  —  Moller,  Cimbr. 
Utt.,  t.  1,  p.  341. 

léopold  (  Jean  -  Dielrich  ) ,  naturaliste  et 
biographe  allemand,  né  à  Ulm,  en  1702,  mort  en 
1736.11  étudia  la  médecine  à  Strasbourg  et  à 
Tubingue,  et  exerça  depuis  1728  son  art  dans 
sa  ville  natale.  On  a  de  lui  :  Deliciœ  sylvestres 
florae  Ulmensis;  Ulm,  1728,  in-8°;  —  Dequi- 
busdam  Médias  Vlmensibus  de  republica 
înicrocosmica  bene  meritis  ;  Ulm,  1731,  in-4°. 
—  Léopold  a  laissé  en  manuscrit  :  Memoria  Phy- 
sicorum  Ulmanorum ,  seu  biographie  medi- 
corum  Ulmensium ,  ab  anno  1377  usque  ad 
annum  1733;  l'original  a  été  détruit  en  1785, 
lors  de  l'incendie  de  la  bibliothèque  d'Ulm  ;  mais 
on  en  a  conservé  des  copies.  E.  G. 

Wegermann,  Nachricht  von  Gelehrten,  aus   Ulm, 

p.  377. 

léopold  (Charles-Gustave) ,  poète  suédois, 
né  en  1756,  à  Stockholm,  mort  en  novembre 
1829.  Il  vécut  quelque  temps  en  Allemagne,  et 
devint  en  1784  conservateur  de  la  bibliothèque 
de  l'université  d'Upsala.  En  1789  Gustave  III 
l'appela  auprès  de  lui,  et  le  nomma  son  secré- 
taire particulier.  Après  l'assassinat  de  ce  roi, 
Léopold  se  retira  à  Linkceping;  mais  Gustave  rV 
le  rappela  dans  sa  capitale,  et  le  créa  conseiller 
de  chancellerie.  En  1822  Léopold  perdit  la 
vue.  Ce  malheur  troubla  son  esprit  :  il  devint 
mélancolique,  et  passa  les  dernières  années  de  sa 
vie  dans  One  apathie  complète.  Léopold  était 
le  principal  représentant  du  goût  français  en 
Suède  ,  et  fut  par  cette  raison  souvent  attaqué 
par  la  critique,  qui  demandait  aux  poètes  suédois 
un  théâtre  national.  Ses  tragédie  Odin  (1760)  et 
Virginia  (  1799  )  ont  été  traduites  en  français 
(  Chefs-d' Œuvre  des  théâtres  étrangers  pu- 
bliés par  Vincent  Saint-Laurent).  Un  recueil  de 
ses  écrits  a  paru  à  Stockholm,  1814,3  vol.; 
nouvelle  édition,  plus  complète;  ibid.,  1731-1833. 

R.  L. 

Conv.-I.ex. 

léorïer-delïsle  (  Pierre- Alexandre), 
célèbre  manufacturier  français ,  né  à  Valence 
(Dauphiné),  en  1744,  mort  à  Montargis,  le  25  août 
1826.  Il  suivit  d'abord  la  carrière  des  armes, 
et  il  était  officier  de  dragons  lorsqu'une  affaire 
d'honneur  avec  un  de  ses  chefs  le  força  de  quitter 
le  corps.  Presque  sans  fortune,  il  accepta  la 
direction  de  la  papeterie  de  Langlée,  près  de 
Montargis,  qu'il  trouva  dans  un  état  déplorable. 


311 


LÉORIER  —  LÉOSTHÈNE 


11  ramena  bien  vite  la  prospérité  dans  cet  éta- 
blissement, et  rechercha  des  procédés  nouveaux. 
Il  essaya  de  fabriquer  du  papier  avec  des  plantes 
et  des  écorces  de  végétaux  communs.  Léorier 
annonça  ses  découvertes  dans  YÉpîfre  déclica- 
tôire  des  Œuvres  du  marquis  de  Villette;  Lon- 
dres, 1786,  in-16,  très-rare.  Celte  dédicace  est 
adressée  au  marquis  Ducrest,  surintendantdu  duc 
d'Orléans.  Les  cent  cinquante-six  premières  pages 
de  ce  livre  sont  imprimées  sur  papier  d'écorce  de 
tilleul,  et  les  vingt  et-un  feuillets  suivants  sont 
faits  de  diverses  substances ,  guimauve,  orties , 
houblon,  mousse,  roseaux,  conferve  (mousse 
d'eau  ), 'écorces  d'osier,  de  saule,  de  peuplier, 
d'orme,  de  chêne,  de  racine  de  chiendent,  de 
bo'is  de  fusain,  de  coudrier,  de  feuilles  de  bar- 
dane ,  de  pas-d'âne ,  et  de  chardons.  Ayant  eu 
des  discussions  avec  les  intéressés  de  la  ma- 
nufacture de   Langlée,    Léorier-Delisle   quitta 
cet   établissement,  et    fonda    la    papeterie   de 
Buges,  moins  considérable,  mais  parfaitement 
agencée.  Quelques  années  plus  tard,  il  devint 
propriétaire  de  l'usine  de  Langlée,   qui  n'avait 
pu  se  soutenir  après  son  départ.  Ce  fut  dans 
ces  deux  papeteries,   où  huit  cents   ouvriers 
étaient  occupés,  que  Léorier    fit  fabriquer  les 
papiers  du  gouvernement  destinés  aux  assignats. 
Ensuite  Léorier  obtint  la  fourniture  des  papiers 
nécessaires  à  l'administration  du  timbre.  Il  avait 
établi  un  moulin  à  vent  d'un  modèle  particulier 
au  moyen  duquel  il  faisait  subir  aux  vieilles 
étoffes  de  laine  une  préparation  qui  permettait 
de  les  filer  et  tisser  de  nouveau.  Léorier  tenait 
un  grand  état  de  maison,  et  finit  par  tomber 
dans  la  gêne;  il  fit  des  emprunts  que  la  crise  de 
1806  l'empêcha  de  rembourser,  il  s'ensuivit  un 
long  procès,  qui  se  termina  par  une  expropriation 
forcée  ;  Léorier  se  retira  ruiné  à  Monfargis,  où  il 
mourut.  J.  V. 

liiotjraphie  universelle  et  portative  des  Contemp. 
iL,É©STHÈKE(Aew<j6Évr]ç),  général  athénien, 
tué  vers  la  fin  de  l'année  323  avant  J.-C.  Sa 
carrière  fut  aussi  courte  qu'éclatante.  On  ne  sait 
rien  de  sa  vie  avant  l'époque  où  il  prit  le  com- 
mandement des  Grecs  confédérés  contre  la  puis- 
sance macédonienne  en  323.  Pour  obtenir  une  di- 
gnité si  importante, il  devait  avoir  quelque  répu- 
tation militaire,  et  il  n'en  était  pas  sans  doute  à 
ses  premières  armes.  On  a  généralement  sup- 
posé, d'après  un  passage  de  Strabon  (IX,  443) 
qu'il  avait  servi  en  Asie,  sous  Alexandre,  mais 
c'est  probablement  une  erreur,  et  il  faut  lire 
sans  doute  Léonnat  dans  le  texte  de  Strabon. 
Léosthène  paraît  pour  la  première  fois  dans  l'his- 
toire en  323.  Alexandre,  revenu  triomphant  de 
l'expédition  de  l'Inde,  était  au  plus  haut  point  de 
puissance,  et  ne  gardait  plus  aucun  ménagement 
pour  les  villes  grecques.  En  324  il  leur  ordonna 
de  rappeler  tous  les  exilés  politiques.  Cette 
sommation,  sous  l'apparence  de  l'équité,  cachait 
une  grave  atteinte  à  l'indépendance  des  villes. 
Les  Athéniens  et  les  Étoliens  protestèrent  éner- 


312 

giquement,  et  se  préparèrent  à  soutenir  leur 
droit  par  les  armes.  Les  mercenaires  qui  avaient 
suivi  Harpalos  en-  Grèce,  d'autres  mercenaires, 
licenciés  par  les  satrapes  d'Asie,  étaient  campés  à 
Tsenare.  Léosthène  aila  en  prendre  le  commande* 
meut  au  printemps  de  323,  et  il  s'efforça  d'atti- 
rer de  nouveaux  mercenaires  d'Asie  en  même 
temps  qu'il  pressait  la  formation  des  contingents 
athénien  et   étolien.   Pendant  ces  préparatifs, 
Alexandre  mourut  (juin  323),  et  la  nouvelle  de 
sa  mort  précipita  le  mouvement  insurrectionnel 
des  Grecs.  Léosthène,  accourant  à  Athènes  et 
soutenu  par  Hypéride,  fit,  malgré  l'opposition  de 
Phoeion,  déclarer  la  guerre  à  la  Macédoine.  11  se 
mit  ensuite  à  la  tête  des  mercenaires  de  Tsenare, 
traversa  le  golfe  de  Corinthe,  recueillit  les  con- 
tingents des  Étoliens  et  des  Acarnaniens,  et, 
devançant  les  Macédoniens  au  défilé  des  Ther- 
mopyles,  il  pénétra  dans  la  Thessalie,  dont  les 
tribus  se  soulevèrent  à  son  approche  et  lui  four- 
nirent des  renforts,  tandis  que  les  villes  du  Pé- 
loponnèse, excepté  Sparte,  se  coalisaient  contre 
l'ennemi  commun  à  la  voix  de  Démosthène  et 
d'Hypéride.  La  confédération  formée  contre  la. 
Macédoine  était  plus  nombreuse   que  celle  qui 
avait  repoussé  l'invasion  de  Xerxès,  et  il  sembla 
d'abord  qu'elle  n'aurait  pas  moins  de  succès.  Le 
principal  appui  de  la  Macédoine  en  Grèce  était 
la  ligue  béotienne,  enrichie  par  la  ruine  de  Thè- 
bes,  et  qui  avait  tout  à  perdre  d'une  renaissance 
de  cette  ville.  Les  Béotiens,  campés  sur  le  mont 
Cithéron,  empêchaient  la  jonction  du  contingent 
athénien  et  de  l'armée  principale.    Léosthène 
fondit  sur  eux,  les  mit  en  pleine  déroute,  et  avec 
ses  forces  réunies  marcha  à  la  rencontre  d'Auti- 
pater,  qui  arrivait  de  Macédoine.  Antipater  fut 
complètement  vaincu,  coupé  de  laMacédoine  ,  et' 
se  réfugia  dans  la  ville  forte  de  Lamia,au  sud 
de  la  Thessalie.  Léosthène  commença  aussitôt 
le  siège,  et  tenta  d'enlever  la  ville  d'assaut  ;  mais 
les  fortifications  étaient  redoutables ,  la  garnison 
nombreuse,  et  l'armée  grecque  n'avait  pas  les 
machines  nécessaires  pour  un  siège.  Le  général 
athénien  fut  forcé  de  convertir  l'attaque  en  blo- 
cus. Malgré  ce  contre-temps ,  les  affaires  des 
confédérés  étaient  en    bon  état ,  lorsque  Léos- 
thène, en  visitant  les  tranchées,  fut  blessé  mor- 
tellement à  la  tête  par  une  large  pierre  lancée 
des  remparts.  Il  mourut  deux  jours  après.  Pm> 
cion  en  apprenant  ses  premiers  succès  s'était 
écrié  :  «  Il  a  fait  brillamment  le  stade  (  petite 
course),  mais  je  crains  qu'il  n'ait  pas  assez  de 
force  pour  fournir  la  longue  course.  »  Léosthène 
aurait  probablement  démenti  cette  prédiction  si 
la  mort  ne  l'avait  arrêté  au  début  de  sa  carrière 
Avec  lui  périt  l'espoir  de  la  Grèce.  La  ruine  ne 
fut  pas  cependant  immédiate,  et  dans  l'intervalle 
qui  s'écoula  entre  la  mort  de   Léosthène  et  la 
défaite  des  confédérés  à  Cranon,  Hypéride  pro- 
uonça  l'oraison  funèbre  du  général  tué  au  mo- 
ment où  il  allait  affranchir  la  Grèce.  Quoique 
mort  très-jeune,  Léosthène  laissa  des  enfants, 


813  LÉ0STHÈ1SE 

dont  les   statues   du  temps  de  Pausanias   se 
voyaient  au  Pirée  à  côté  de  la  sienne.    L.  J. 

Hypéridc,  Oraison  funèbre  de  Léosthène  et  de  ses  com- 
pagnons d'armes  ,  édit.  de  Babington;  Londres,  1858, 
In-fol.  -  Strabon,  IX,  p.  433,  avec  la  note  de  Groskurd. 

—  Pausanias,  I,  1,  25,  29.  —  Diodorc,  X  VHI,  8  -13.  -  Plu- 
tarque,  Pliocion,  23;  De- Hep.  ycrend.,  6.  —  Justin,  Mil. 

—  Thirlwall,  Greece,  vol.  VU,  p.   164.  —  Grotc,  History 
ofGrcece,  p.  XCV. 

leotaud  (  Vincent),  géomètre  français ,  né 
en  1595,  à  La  Val-Louise,  dans  le  diocèse  d'Em- 
brun, mort  en  1672.  Il  se  fit  jésuite  aussitôt  qu'il 
eut  terminé  ses  études,  et  professa  pendant  qua- 
torze ans  les  mathématiques  au  collège  de  Dôle. 
De  là  il  fut  envoyé  au  collège  de  Lyon,  et  vers 
la  fin  de  sa  vie  il  se  retira  dans  la  maison  de  son 
ordre  à  Embrun.  On  a  de  lui  :  Geometrias 
practiese  Elementa,  Ubi  de  sectionibus  coni- 
cis  habet  quxdam  insignia;  Dole,  1631,  in-16  ; 
cet  ouvrage  est  dédié  à  Jean  Boy  vin ,  conseiller 
au  parlement;  —  Examen  circuli  quadraturee 
haclenus  editarum  celeberrim.se  quam  Apol- 
lonius aller,  magno  illo  Pergaco  non  minor 
geometra  R.  P.  Gregorius  a  Sanclo-Vincentio 
Societatis  Jesu,  exposuit,  etc.  C'est  sans  doute 
l'ouvrage  que  Sotwel  cite  sous  ce  titre  :  Etymon 
quadratures  circuit  haclenus  editorum  ce- 
leberrimse ,  quam  Gregorius  a  S.-Vincentio, 
exposuit  ;  Lyon,  1653,  in-4°;  c'est  une  réfu- 
tation de  l'ouvrage  publié  quelques  années  au- 
paravant par  le  père  Grégoire  de  Saint- Vincent, 
qui  se  flattait  d'avoir  trouvé  la  quadrature 
du  cercle.  Quelques-uns  des  disciples  du  P.  de 
Saint-Vincent  répondirent  au  P.  Léotaud,  qui  leur 
répliqua  par  l'ouvrage  suivant  :  Cyclomathia, 
seu  de  multiplici  contemplatione  libri  III; 
Lyon,  1663,  in-4°.  Cet  écrit  est  suivi  d'un  traité 
sur  la  quadratice  de  Dinostrate,  où  l'auteur  dé- 
veloppe quelques  propriétés  non  encore  aperçues 
de  cette  courbe.  Ses  autres  ouvrages  sont  :  lns- 
tilutionum  Arithmeticarum  Libri  IV;  Lyon, 
1660,  in-4°;  —  Magnetologia ,  sive  nova  de 
magneticis  philosophia  ;  Lyon,  1668,  in-4°. 

J-B. 

Lalande,  Bibliograpk.  Astronomique.  —  Backer,  Bi- 
bliothèque des  Écrivains  de  ta  Compagnie  de  Jésus. 

téoTROPHiDE  (  AEtoTpotp£ôï]ç  ),  poète  di- 
thyrambique athénien ,  vivait  dans  le  cinquième 
siècle  avant  J.-C.  On  n'a  rien  de  lui,  et  il  n'est 
connu  que  par  une  plaisanterie  d'Aristophane. 
La  maigreur  de  sa  personne  et  la  médiocrité  de 
sa  poésie  l'exposaient  également  aux  railleries 
des  poètes  comiques.  Y. 

Aristophane,  Aves,  U05, 140U,  avec  les  scholies.  —  Sui- 
das, au  mot  AeoJTpoçîSr);.  —  Athénée,  XII,  p.  551. 

léotychiioe  (  AewTuy.iSïiç),  roi  Spartiate, 
fils  de  Ménarès  et  le  seizième  de  la  famille  des 
Eurypontides ,  mort  en  469  avant  J.-C.  De- 
venu roi  en  491,  au  détriment  de  Démarate  et 
avec  la  connivence  de  Cléomène,  il  s'associa  aux 
projets  de  celui-ci  contre  l'ile  d'Égine.  Après  la 
mort  de  Cléomène ,  les  Éginètes  réclamèrent  la 
mise  en  liberté  des  otages  que  les  deux  rois  leur 
avaient  enlevés  et  qu'ils  avaient  confiés  à  la  garde 


-  LEOW1TZ  814 

des  Athéniens.  Les  détenteurs  des  otages  refu- 
sèrent de  les  rendre  même  aux  instances  de 
Léotychide.  En  479,  après  la  fuite  de  Xerxès,  le 
roi  Spartiate  eut  le  commandement  de  la  flotte 
grecque.  Il  était  peu  capable  d'en  faire  un  vi- 
goureux usage ,  et  il  fallut  une  ambassade  des 
Samiens  pour  le  décidera  faire  voile  vers  la  côte 
d'Asie.  La  flotte  perse  s'enfuit  à  son  approche, 
et  se  réfugia  à  Mycale.  Les  équipages  descendi- 
rent à  terre  et  tirèrent  leurs  vaisseaux  sur  le  rivage. 
Les  Grecs  débarquèrent  à  leur  tour,  et  rempor- 
tèrent une  victoire  complète  sur  les  Perses,  flus 
tard  Léotychide  fut  envoyé  en  Thessalie  avec 
une  aimée  pour  châtier  les  tribus  qui  s'étaient 
rangées  du  côté  des  barbares.  Il  fut  heureux 
dans  les  combats  ;  mais  il  se  laissa  gagner  par 
les  présents  des  Alévades,  et  revint  à  Sparte  sans 
avoir  rempli  sa  mission.  Mis  en  jugement  et  con- 
damné à  l'exil,  il  alla  mourir  à  Tégée.  Sa  maison 
de  Sparte  fut  rasée  jusqu'au  sol.  Il  eut  pour  suc- 
cesseur son  petit-fils  Archidamus. 

Un  autre  Léotychide  ,  descendant  du  précé- 
dent au  quatrième  degré,  petit-fils  d'Archidamus 
et  fils  d'Agis  II,  fut  exclu  du  trône  par  l'in- 
fluence de  Lysandre  et  d'Agésilas,  sous  prétexte 
que  sa  naissance  était  illégitime  et  qu'il  était  le 
fruit  d'un  adultère  entre  Alcibiade  et  Timeea , 
femme  d'Agis.  Y. 

Hérodote,  VI,  65,71,  72;  VIII,  131,  132;  IX,  90-92,  96- 
106.  —  Pausanias,  11,  4;  111,  7.  —  Aristote,  Pol.,  Il,  9.  -- 
Diodore,  XI, 34,  48.  —  Clinton,  Fastt  Hellenici,  vol.  II, 
p.  209,  210.  —  Pausanias,  III,  8.  —  Plutarque,  Ages.,  3; 
Alcib.,  23;  Lysand.,  22.  —  Xénophon,  Ages.,  I;  HelL, 
III,  3.  —  Justin,  V,  2. 

leovigiede.  Voy.  Leuwigïld. 

I  léouzon-jleduc  (N.),  littérateur  français, 
né  vers  1820.  Après  avoir  fait  plusieurs  voyages 
dans  le  nord  de  l'Europe,  il  fut  en  envoyé  à  la  fin 
de  1848  en  Finlande  pour  choisir  le  marbredestiné 
au  tombeau  deNapoléonIer,  et  reçut  la  croix  de  la 
Légion  d'Honneur.  Sesprincipauxouvrages  sont  : 
Une  Saison  de  bains  au  Caucase,  extrait  de 
Lermontoff  ;  1845,  in-8°;  —  La  Finlande,  son 
histoire  primitive,  sa  mythologie ,  sa  poé- 
sie, etc.;  1845,2  vol.  in-8°;  1848,  in-8°;  —  His- 
toire Littéraire  du  Nord;  1850-1852,  2  vol. 
in-8°  ;  —  Essai  biographique  et  critique  sur  le 
comte  Ouvaroff  (en  tête  des  Esquisses  de  cet 
écrivain)  ;  —  La  Russie  contemporaine;  1853, 
in-8°  et  in-16;  —  L'Écho  de  la  Guerre;  1854, 
in-8";  —  L'empereur  Alexandre;  1855,  iu-s°. 
M.Léouzon-Leducacrééenl856Z,'0£sert'a£eMr, 
journal  financier.  G.  de  F. 

Documents  particuliers. 

leowitz  (Cyprien),  astrologue  bohémien, 
né  en  1 524,  à  Leonicia,  près  de  Hradisch,  mort  en 
1574,  à  Lawingen  en Souabe.  Il  devint  mathéma- 
ticien de  l'électeur  palatin,  Otton-Henri,  et  reçut 
en  1569  la  visite  deTycho-Brahé.  De  ses  prédic- 
tions astrologiques,  qui  lui  acquirent  de  la  re- 
nommée, aucune  ne  se  réalisa.  Ainsi  il  avaitassuré 
que  l'empereur  JVIaximilien  II  régnerait  un  jour 
sur  le  monde  entier.  Il  avait  prédit  aussi  l'arrivée 


815 


LEOWITZ  —  LE  PAIGE 


816 


de  la  fin  du  monde  pour  l'année  1584,  ce  qui  trou- 
bla la  conscience  de  tous  les  gens  crédules  (1). 
On  a  de  Leowitz  :  Tabulée  Ascensionum  om- 
nium obliquarum  ad  plures  altitudinis  gra- 
dus  productse ;  Augsbourg,  1551,  in-4°;  — 
Eclipsium  abanno  1554  usque  ad  annum  1606 
Descriplio  ;  Augsbourg ,  1554  et  1556,  in-fol.; 

—  Ephemeridum  novum  atque  insigne  Opus, 
ab  anno  155C  ad  annum  1606  supputatum; 
accesserunt  :  1°  Eclipsium  Typi  elegantis- 
simi;  2°  Expedita  Ralio  constituendi  cœlestis 
thematis,  cum  tabulis  e  quibus  motus  pla- 
netarum  tain  in  nativitate  quam  in  révolu- 
tionibus ,  citra  laborem  haberi  possunt; 
3°  Brevis  Ratio  genesis  judicandi  ;  4°  Loca  stel- 
larum  ftxarum  ab  anno  1349  usque  in  an- 
num 2029  diligenter  annotata;  5°  Themata 
quatuor  temporum  ;  Augsbourg,  1557,  in-fol.; 

—  De  conjonctionibus  magnis  insigniorum 
superiorum  planetarum ,  Solis  De/ectionibus 
et  Cometis.  Prognosticon  ab  anno  1564  in  20 
sequentes  annos  ;  Lauingen,  1564,  in-4°; 
Londres,  1573,  in-49;  Wittemberg,  1586,  in-8°; 
Marbourg,  1618,  in-4°,  avec  YAcroteleution  de 
Gorlenius;  traduit  en  français,  1568,  in-12:  c'est 
dans  cet  ouvrage  que  Leowitz  prédit  la  fin  du 
monde  pour  1584.  Une  de  ses  principales  raisons 
était  que  «  la  conjonction  de  Jupiter  et  de  Sa- 
turne devait  en  1583  avoir  lieu  dans  la  constel- 
lation des  Poissons ,  et  que  le  monde  ayant  com- 
mencé par  la  conjonction  dans  le  trigone  de  feu, 
devait  finir  par  cette  conjonction  dans  le  trigone 
d'eau.  »  E.  G. 

Bayle,  Diction.  —  Weidler,  Historia  Jslronomiae.  — 
Kàstner,  (Jesckiclite  der  Mathematik,  t.  II,  p.  344  et  538. 

*  lelpage  {Henry),  littérateur  et  paléo- 
graphe français,  naquit  à  Amiens,  le  3  septembre 
1814.  Simple  compositeur  d'imprimerie,  il  con- 
sacra une  partie  de  ses  nuits  à  écrire  pour  le 
journal  de  la  Meurthe  une  série  d'articles,  réim- 
primés sous  le  titre  de  Fleurs  Lorraines;  1842, 
2  vol.  in- 18.  Le  succès  de  cette  publication  dé- 
cida de  sa  carrière.  En  1843  il  quitta  l'im- 
primerie, pour  s'occuper  de  la  rédaction  d'une 
Statistique  du  département  de  la  Meurthe,  qui 
parut  en  1843,  2  vol.  gr.  in-8°,  et  qui  lui  valut 
la  place  d'archiviste  du  département.  Parmi  les 
travaux  qu'il  inséra  dans  les  Mémoires  de  l'A- 
cadémie de  Stanislas,  et  dans  les  Bulletins  de 
la  Société  d'Archéologie  lorraine,  dont  il  est  le 
président,  on  remarque  les  notices  sur  l'exploi- 
tation des  mines  en  Lorraine;  sur  l'origine 
de  diverses  industi'ies  importantes,  telles 
que  les   verreries,  les  papeteries,  la  fabri- 

(1)  «  L'an  1584,  raconte  Guyon  dans  ses  leçons  diverses, 
il  courut  un  bruit  par  toute  la  chrétienté ,  que  sans 
doute  la  On  du  monde  aviendroit  ceste  année,  dont  il  prit 
telle  frayeur  à  plusieurs  qu'ils  prindrent  le  saint  sacre- 
ment ayant jeusné  et  s'estant  confessez  avant.  Mesmes 
en  aucuns  bourgs  de  ce  pays  et  de  la  Marche,  que  je 
neveux  nommer,  ils  firent  leur  testament;  et  mVstant 
trouve  la,  je  leur  remonstroy  que  si  toutes  personnes 
périssoient  qu'ils  ne  pourroyent  trouver  d'héritiers, 
ine&mes  aussi  que  tous  les  biens  périroyent.  » 


cation  des  cartes  à  jouer,  etc.,  Sur  le  droit 
d'asijle,  le  Roi  des  Ribaucls,  etc.  On  a  de  lui  en- 
core :  la  Statistique  historique  et  administra- 
tive dudéparlement  des  Vosges;  1843,gr.  in-8° 
(en  collaboration  avec  M.  Charton)  ;  —  Recherche 
sur  l'Origine  et  les  premiers  temps  de  JSancy; 
1856,  in-8°;  —  Le  trésor  des  Chartes  de  Lor- 
raine ;  1858,  in-8°;  —  Les  Communes  du  dé- 
partement de  la  Meurthe,  journal  historique 
des  villes,  bourgs,  villages,  hameaux,  etc.,  de 
ce  département;  1855,  2  vol.  grand  in-8°.  C'est 
à  lui  qu'on  doit  en  grande  partie  la  création  à 
Nancy  d'un  Musée  Lorrain,  établi  dans  l'ancien 
Palais  des  ducs  de  Lorraine.  M.  Lepage  est 
depuis  1845  correspondant  du  ministère  de  l'Ins- 
truction publique  pour  les  travaux  historiques. 

J.  L. 
Documents  particuliers. 

lepaige  (  Jean),  biographe  et  théologien 
français,  né  vers  1575,  mort  vers  1650.  S'étant 
fait  recevoir  docteur  en  Sorbonne  en  1604,  il 
devint  bientôt  prieur  du  collège  de  Prémontré, 
dans  l'université  de  Paris  et  procureur  général 
de  l'ordre,  et  fut  chargé  de  faire  revenir  à  l'an- 
cienne règle  de  l'ordre  les  maisons  de  France. 
En  1635  il  fit  tous  ses  efforts  pour  faire  élire  le 
cardinal  de  Richelieu  abbé  général  des  Prémon- 
trés; mais,  loin  d'amener  le  chapitre  à  se  rendre 
aux  vœux  du  cardinal,  Lepaige  s'attira  par  ses 
démarches  le  ressentiment  des  membres  influents 
de  l'ordre,  qui  lui  firent  retirer  son  office  de  pro- 
cureur général.  Il  s'établit  alors  à  Nantouillet,  en 
Brie,  village  dont  il  fut  nommé  curé.  On  a  de 
lui  :  Sanctorum  Confessorum  Prœmonstra- 
tensis  Ordinis  Vitae;  Paris,  1620,  in-80;  —  Bï- 
bliotheca  Prsemonstratensis  Ordinis;  Paris, 
1633,  in-fol.  Cet  ouvrage,  publié  sans  l'autorisa- 
tion des  supérieurs  de  l'ordre,  manque  de  cri- 
tique; il  est  divisé  en  cinq  livres  :  le  premier 
est  un  commentaire  de  la  Vie  de  saint  Notbert, 
écrite  par  le  cardinal  Jacques  de  Vitry  ;  le  se- 
cond renferme  les  vies  des  saints  et  saintes  de 
l'ordre  de  Prémontré  ;  dans  le  troisième  se  trou- 
vent les  privilèges  qui  lui  furent  accordés  par 
les  papes  et  les  princes;  le  quatrième  contient  les 
anciens  statuts  de  l'ordre,  et  le  cinquième  une 
suite  chronologique  des  abbés  de  Prémontré, 
avec  leurs  biographies.  E.  G. 

Moréri,  Diction. 

le  paige  (Thomas),  auteur  ascétique  fran- 
çais, né  le  25  novembre  1597,  en  Lorraine;  mort  i 
le  14  mars  1658,àChàteauvillain  (Champagne). 
Il  entra  dans  l'ordre  des  Dominicains,  et  y  fit 
profession  en  1618.  Il  avait  toutes  les  qualités 
d'un  bon  prédicateur,  la  composition  facile,  la 
voix  sonore,  l'action  véhémente;  il  possédait 
fort  bien  les  Écritures  et  les  Pères ,  saint  Au- 
gustin surtout,  et  savait  en  tirer  parti  dans  ses 
discours.  L'oraison  funèbre  de  M.  de  Verdun, 
premier  président  du  parlement  de  Paris,  qu'il 
prouonçaen  1627,  commença  sa  réputation;  il 
fut  dès  lors  recherché  avec  empressement  pour 


817 

prêcher  dans  les  villes  épiscopales.  Le  eardinal 
de  Richelieu,  qui  l'avait  entendu  plusieurs  fois 
avec  plaisir,  lui  avait,  dit-on,  promis  un  evêché. 
On  a  de  ce  religieux.  :  Manuel  des  Confrères  du 
saint  Rosaire  ;  Nancy ,  1625,  in-12;  —  V Homme 
content,  œuvre  pleine  de  graves  sentences, 
d'heureuses  reparties  et  de  bonnes  pensées; 
Paris,  1629-1633,  2  vol.  in-8",  plusieurs  Ibis 
réimprimé;  -  Oraison  funèbre  du  maréchal 
de  Vitry  ;  Paris,  1649;  —  Harangue  funèbre 
du  duc  de  Chaulnes  ;  Paris,  1651.         K. 

Échard, Script,  ord.  frscdicat.,  Il,  590.  —  Dom  Calmet, 
Biblioth.  Lorraine. 

le  paige  (Jean),  érudit  français,  né  en 
1651 ,  en  Lorraine,  mort  en  1713.  Il  exerça  les 
fonctions  de  conseiller  et  d'auditeur  en  la 
chambre  du  conseil  de  Bar-le-Duc.  On  a  de  lui  : 
Nouveau  Commentaire  sur  la  Coutume  de 
Bar-le-Duc,  conférée  avec  celle  de  Saint- 
Michel;  la  seconde  édition  a  été  revue,  corrigée 
et  augmentée  de  nouvelles  notes  ;  —  Chrono- 
logie historique  des  Comtes  et  Ducs  de  Bar ,  de 
leur  origine  et  antiquité,  en  manuscrit.    K. 

.   Dom  Calmet,  Biblioth.  Lorraine. 

le  paige  (Guillaume),  physicien  belge,  né 
à  Humbeke-Saint-Lambert,  le  10  juillet  1688, 
mort  à  Louvain,  le  17  juin  1765.  Il  professa  suc- 
cessivement les  mathématiques  et  la  philosophie 
à  Louvain.  11  devint  recteur  de  l'université  de 
cette  ville,  et  publia  :  Méthode  générale  pour 
trouver  le  vuide,  et  le  reste  de  iouter  sortes 
de  tonneaux  entamés;  très-utile  pour  ceux 
qui  font  profession  de  jauger  les  tonneaux 
à  vin  et  autres  liqueurs;  Louvain,  1749,  in-8°. 
L— z — E. 

Paquot,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  Pays- 
Bas,  t.  VI U,  p.  404-407. 

le  paige  (André-René) ,  géographe  fran- 
çais, né  vers  1699, à  La  Suze  (Maine),  mort  le 
2  juillet  1781,  au  Mans.  Après  avoir  été  pendant 
vingt-cinq  ans  curé  de  Chemiré-le-Gaudin,  il  fut 
nommé,  en  1756,  chanoine  de  l'église  du  Mans. 
On  a  de  lui  :  Dictionnaire  Topographique,  his- 
torique ,  généalogique  et  bibliograghique 
de  la  province  et  du  diocèse  du  Maine;  Le 
Mans,  1777,  2  vol.  in-8°;  cet  excellent  ouvrage 
renferme  des  notions  sur  l'histoire,  l'industrie  et 
les  productions  de  chaque  commune,  ainsi  qu'une 
description  sommaire  des  provinces  de  Touraine 
et  d'Anjou ,  tirée  des  mémoires  manuscrits  de 
M.  de  Miroménil.  K. 

Hauréau,  Hist.  Litt.  du  Maine,  III. 

LE  paige  (  Louis- Adrien  ),  littérateur  fran- 
çais, né  en  1712,  à  Paris,  où  il  est  mort,  en  1802. 
11  était  avocat  et  bailli  du  Temple.  Parmi  ses 
nombreux  écrits,  qui  ont  presque  tous  paru  sans 
nom  d'auteur,  nous  citerons  :  Annales  pour 
servir  d'élrennes  aux  amis  de  la  vérité; 
(1733),  in-24  :  contenant  les  faits  qui  ont  pré- 
cédé la  bulle  Unigenitus ;  —  Recueil  des  Let- 
tres pacifiques  ;  Paris,  1752,  in-12;  1753, in-4°; 
—Lettres  historiques  sur  les  fonctions  essen- 


LE  PAIGE  —  LEPAULMIER  818 

tielles  du  Parlement,  le  droit  des  pairs,  etc.; 
Amsterdam,  1753-1754,  2  part,  in-12;  —  Mé- 
moire au  sujet  d'un  écrit  (  de  l'abbé  Capmartin 
de  Chaupy)  contre  le  Parlement;  1754,  in-12; 
attribué  à  dom  La  Taste  par  Goujet;  —  Histoire 
de  la  Détention  du  cardinal  de  Retz  et  de  ses 
suites;  1755, in-12  :  en  sociélé  avec  le  président 
de  Menières;  —  Histoire  abrégée  du  Parle- 
ment durant  les  troubles  du  commencement 
du  règne  de  Louis  XIV;  1754,  in-12  ;  —  Lettre 
sur  les  lits  de  justice;  1756  et  1765,  in-12;  — 
La  Théologie  suppliante  aux  pieds  du  sou- 
verain pontife;  1756  :  trad.  du  latin  de 
Serry,  etc.  Le  Paige  est  encore  auteur  de  la  se- 
conde partie  de  V Histoire  générale  de  la  nais- 
sance et  des  progrès  de  la  Compagnie  de  Jé- 
sus,  de  l'abbé  Coudrette.  K. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

LEPAULMIER     DE     GRENTEMESNIL  (Ju- 
lien ),  en  latin  Palmerius,  médecin  français   né 
en  1520,  dans  le  Cotentin,   mort  en  décembre 
1598,  àCaen.  D'une  famille  noble  et  ancienne,  il 
fit   ses  études  de  médecine  et  de  philosophie  à 
Paris,  où,  selon  le  témoignage  de  Huet,  «  il  de- 
meura onze  ans  avec  Fernel,  et  profita  si  bien 
sous  son  savant  maître  qu'il  fut  estimé  un  des 
plus  savants  médecins  de  son  siècle  ».  Après 
avoir  été  reçu  docteur  à  Caen,  il  obtint  le  même 
grade  à  la  faculté  de  Paris,  y  devint  professeur, 
et  subit  deux  fois  le  sort  de  ses  collègues  pro- 
testants ;  mais  sa  réputation  d'excellent  praticien 
était  telle  qu'il  fut  deux  fois  rétabli  dans  sa  place. 
Après  la  Saint-Barthélémy,  il  se  retira  à  la  cam- 
pagne, et  y  continua  ses  observations  médicales, 
afin,  disait-il,  de  ne  pas  perdre  son  temps.  Appelé 
auprès  de  Charles  IX,  il  le  guérit  d'une  insomnie 
cruelle,causée  par  des  veilles  immodérées.  Il  suivit 
le  duc  d'Anjou  dans  les  Pays-Bas,  puis  le  maré- 
chal de  Matignon,  et  déploya  tant  de  prudence, 
de  valeur  même  à  plusieurs  sièges  que  Henri  III 
le  combla  de  présents  et  le  déclara  par  lettres  pa- 
tentes très-digne  de  la  noblesse.  Sur  ses  vieux 
jours  il  s'établit  à  Caen  pour  y  vivre  dans  l'exer- 
cice de  la  religion  réformée  ainsi  que  sa  femme, 
Marguerite  de  Chaumont,  qu'il  avait  épousée  en 
1574.  On  a  de  lui  :    Traité  de    la  nature  et 
curation  des  Plaies  de  pistolle,  arquebuse  et 
autres  bastons  àfeu;  Paris,  1568,  in-8°;  Caen, 
1569,  in-4°;  l'auteur,  dans  ce  rare  opuscule,  ne 
partage  pas  l'erreur  générale  qui  faisait  alors  re- 
garder comme  brûlé  le  trajet  des  plaies  d'armes 
à  feu;  —  De  Morbis  contagiosis  Lib.  VII;  Pa- 
ris, 1578,  in-4°  ;  réimp.  à  Francfort  et  à  La  Haye 
en  1601  et  en  1664,  in-8°;  il  y  est  question  de 
la  maladie  vénérienne  (partie  qui  a  dû  paraître 
séparément  et  que  Jacques  de  Cahaignes  a  tra- 
duite en  français),  du  mercure,de  l'élépbantiasis, 
de  l'hydrophobie  et  de  la  peste  ;  —   De  Vino 
Pomaceo  Lib.  II;  Paris,  1588,  in-8°:trad.  en 
français  par  Jacques  de  Cahaignes,  1589;  in-8°  : 
c'est  une  apologie  du  cidre,  à  l'usage  duquel  il 
croyait  devoir  la  guérison  des  palpitations  de 


819  El    PAULMIER 

cœur  qui  lui  étaient  restées  à  la  suite  des  mas- 
sacres de  la  Saint-Barthélémy,        P.  L— y. 

feloy,  Dict.  de  Médecine,  III,  soi.  —  Moréri,  Dict.  His- 
torique. —  Bibliotti.  Mgronomigue,  «o. 

le  paclmîer  (Jacques),  érudit français, fils 

du  précédent,  né  le  5  décembre  1587,  dans  le 
pays  d'Auge,  mort  le  1er  octobre  1670,  à  Caen. 
Resté  orphelin  à  l'âge  de  douze  ans,  il  fut  confié, 
par  son  frère  aîné,  aux  soins  du  fameux  ministre 
protestant  Pierre  du  Moulin,  étudia  la  philosophie 
et  le  droit,  et  s'appliqua  particulièrement  à  la 
langue  grecque,  sans  négliger  les  littératures  mo- 
dernes. Il  termina  son  éducation  en  visitant  les 
principales  villes  de  France,  et  telle  était  la  consi- 
dération qu'il  s'était  acquise  de  bonne  heure  chez 
ses  coreligionnaires  qu'il  fut  député  par  eux  à 
la  cour  afin  de  se  plaindre  de  certaines  infractions 
aux  édits.  En  1620  il  passa,  en  Hollande,  et  ser- 
vit pendant  huit  ans  sous  les  ordres  des  princes 
Maurice  et  Frédéric-Henri  de  Nassau.  A  peine  re- 
venu dans  son  pays,  il  eut  le  malheur  de  tuer  un 
gentilhomme  qui  l'avait  brutalement  attaqué  dans 
la  rue;  obligé  de  venir  se  justifier  devant  le  conseil 
du  roi,  il  futabsous  après  bien  des  procédures  (1). 
Lorsque  M.  de  Longueville  entreprit  son  expé- 
dition de  Lorraine  (1635),  Le  Paulmier  alla  le 
rejoindre,  et  obtint  une  compagnie  de  cavalerie,  à 
la  tête  de  laquelle  il  rendit  des  services  signalés. 
Vers  1650,  il  s'établit  définitivement  à  Caen,  con- 
tribua beaucoup,  avecMoisant.  à  la  fondation  de 
l'Académie,  et  la  soutint  avec  énergie  contre  les 
gens  qui  voulaient  la  ruiner.  11  mourut  à  l'âge  de 
quatre-vingt-trois  ans,  après  avoir,  dans  sa  vieil- 
lesse, subi  deux  fois  la  douloureuse  opération  de 
la  taille.  «C'était,  dit  son  biographe  Etienne  Morin, 
un  homme  d'un  esprit  excellent  et  d'un  jugement 
exquis,  dont  les  mœurs  étaient  irrépréhensibles, 
et  qui  était  l'ennemi  déclaré  du  mensongeet  de  la 
dissimulation.  »  On  a  de  lui  :  Exercitationes  in 
optimos  autores  grœcos  ;  Leyde,  1668,  in-4°; 
cet  ouvrage,  où  un  grand  nombre  d'endroits  dif- 
ficiles sont  expliqués  avec  beaucoup  de  netteté 
et  d'érudition ,  fut  publié  d'après  le  conseil  de 
Huet  ;  Maittaire  et  Gronovius  en  ont  tiré  les  re- 
marques les  plus  intéressantes  ;  —  Grsecias  an- 
tiquai Descriptio  ;  Leyde,  1678,  pet.  in-4°  :  tra- 
vail inachevé  et  publié  par  Etienne  Morin,  qui  l'a 
fait  précéder  d'une  "vie  frès-dëtaillée de  l'auteur; 
—  Kpixixôv  £7uxeîpï)[Jia,  sivepro  Lucano  [contra 
Virgilium  ]  apologia  e  scriniis  Jani  Ber- 
kelii  édita  ;  inséré  dans  les  Dissertationes  se- 
lectx  crilicse  de  J.  Rerkel;  Leyde,  1704,  in-8°, 
et  dans  le  Lucain  d'Oudendorp,  ibid.,  1728, 
in-4°  ;  dans  cette  étude,  composée  dès  1 629,  Le 
Paulmier  s'efforce  de  venger  Lucain  des  injustes 


(1)  «  II  parait,  dit  Cbaufeplé,  que  M.  Le  Paulmier  étoit 
au  poil  et  à  la  plume,  et  qu'il  n'était  pas  moins  adroit  à 
manier  les  armes  qu'habile  à  traiter  les  sciences.  »  Il 
conserva  jusque  dans  un  âge  avancé  celle  humeur  bouil- 
lante. On  raconte  qu'à  snixnnte-dix  ans  il  se  bSttità  l'épée 
et  au  poignard  contre  un  jeune  homme,  et  qu'il  parvint  à 
le  désarmer.  Tous  les  savants  ne  sont  pas  aussi  coura- 
geux.. 


—  LEPAUTE  820 

attaques  de  Scaliger;  —  un  Éloge  de  Claude 
Sarrau,  en  tète  du  recueil  des  lettres  de  ce 
dernier;  Orange,  1654,  in-8°;  —  Notas  in  Scy- 
lacis  Periplum  (1700),  in  Slrabonem  (1707)  et 
in  Polybium  (1716);  — des  Poésies  grecques, 
latines,  italiennes  et  françaises,  en  partie  inédites. 
P.  L— Y. 

Et  Morin ,  Vie  de  J.  Le  Paulmier,  dans  la  Crxcise 
Descriptio  —  Huet,  Origines  de  Caen.  —  Moysant,  lii- 
bliolli.  des  Écrivains  français.  —  Burmann,  Syllotje  Epis- 
tolarum,  V.  —  Journ.  des  Savants,  170i.  —  Nictron, 
Hommes  illustres,  VIII.  —  Moreri,  Dict.  Hist.  —  Chats 
iepié,  Nouveau  Dict.  Hist.  et  crit.,  111.  —  Haag  frères, 
La  France  Protestante. 

lepaute  (Jean-André),  horloger  et  méca- 
nicien français,  né  à  Montmedi,  en  1709,  mort  à  : 
Saint-Cloud,  le  11  avril  1789.  Il  vint  fort  jeune 
à  Paris,  et  ne  tarda  pas  à  se  faire  connaître  par 
la  bonne  composition  et  la  belle  exécution  des 
grandes  horloges  publiques,  qu'il  porta  à  la  der- 
nière perfection  ;  celles  qu'il  fit  pour  le  palais  du 
Luxembourg,  les  châteaux  de  Bellevue,  des  Ter- 
nes, etc.  sont  des  modèles  en  ce  genre.  C'est  dans 
le  Traité  d'Horlogerie  qu'il  publia  en  1755 
qu'il  a  exposé  les  descriptions  des  inventions  et 
des  perfectionnements  dont  il  était  l'auteur.  Ce" 
livre  contient  en  outre  l'histoire  très-abrégée  des 
machines  propres  à  mesurer  le  temps,  la  des- 
cription de  toutes  sortes  de  montres  et  de  pen- 
dules, un  traité  des  échappements,  un  autre  sur 
les  engrenages.  L'ouvrage,  dédié  au  marquis  de 
Marigny,  frère  de  la  fameuse  marquise  de  Pom- 
padour,  est  divisé  en  deux  parties  :  la  première 
est  spécialement  consacrée  aux  montres  et  la 
seconde  aux  pendules.  Comme  inventeur,  Le- 
paute  se  présente  avec  l'échappement  à  chevil- 
les, qu'il  a  perfectionné  ;  on  peut  voir  une  ap- 
plication de  cet  échappement  à  l'horloge  du  ca- 
binet d'histoire  naturelle  (Jardin  des  Plantes). 
Une  autre  invention  ou  plutôt  un  autre  perfec- 
tionnement, dont  il  a  fait  usage  le  premier,  c'est 
de  faire  tourner  les  pivots  des  roues  dans  des 
entailles  demi-circulaires  pratiquées  sur  les  côtés 
des  cages  des  horloges  et  couvertes  de  cha- 
peaux fixés  par  des  vis;  ce  qui  permet  d'enlever 
une  roue  sans  démonter  toute  la  machine.  Voici 
les  inventions  auxquelles  il  parait  ajouter  de 
l'importance  :  une  pendule  qui  est  entretenue 
en  mouvement  par  un  courant  d'air.  On  sait 
qu'un  moulinet,  placé  dans  le  tuyau  d'une 
cheminée  ou  dans  une  ouverture  pratiquée  dans 
un  carreau  de  vitre,  tourne  sans  cesse  tantôt 
dans  un  sens,  tantôt  dans  un  sens  contraire  sui- 
vant que  le  courant  d'air  entre  dans  la  pièce 
dans  laquelle  se  trouve  l'horloge  ou  en  sort.  Ce 
mouvement  alternatif  du  courant  d'air  est  inces- 
sant. Si  donc  un  moulinet  d'une  force  quelque 
peu  considérable  portait  sur  son  axe  un  pi- 
gnon qui  engrènerait  dans  les  dents  d'une  roue 
qui  remontrerait  le  poids ,  l'horloge  marcherait 
sans  interruption  pendant  un  temps  indéfini.  Il 
est  bon  de  savoir  qu'il  existe  des  moyens  méca- 
niques pour  faire  que  le  moulinet  fasse  tourner, 


S2i 

toujours  dans  le  même  sens  ,  la  roue  du  remon- 
toir. —  Pendule  à  une  seule  roue  faite  en  1751, 
présentée  au  roi  en  mai,  môme  année.  Cette 
machine  n'est  qu'un  tour  de  force  sans  résultat 
utile,  Il  est  fort  singulier  que  l'auteur  la  présente 
comme  un  modèle  de  simplicité.  —  Les  mêmes 
observations  s'appliquent  à  la  pendule  sans 
roues  de  mouvement  qu'il  exécuta  l'année  sui- 
vante. Ici  ce  sont  les  queues  des  marteaux  des 
quarts  et  des  heures  de  la  sonnerie  qui  impri- 
ment des  impulsions  au  pendule  et  l'entretien- 
nent en  mouvement,  c'est-à-dire  que  le  pendule 
doit  marcher  seul  et  comme  isolé  pendant  un 
quart  d'heure  ;  mais,  comme  dit  l'auteur,  ce  chef- 
d'œuvre  de  simplicité  a.  l'inconvénient  de  mar- 
cher irrégulièrement,  par  la  raison  que  le  pen- 
dule reçoit  des  degrés  variables  de  force,  suivant 
les  heures  :  douze  fois  autant,  par  exemple ,  à 
midi  qu'à  une  heure.  A  la  suite  de  cette  des- 
cription, qui  remplit  plus  de  trois  pages  in-4°, 
en  vient  une  autre  d'une  pendule  à  une  roue 
avec  une  sonnerie  sans  rouage,  inventée  par 
son  frère.  C'est  encore  un  tour  de  force ,  à 
•la  description  duquel  l'auteur  a  consacré  une 
planche  et  sept  pages  in-4°.  Ce  serait  perdre  son 
temps  et  sa  peine  que  d'entreprendre  de  débrouil- 
ler ce  galimathias;  les  jeunes  horlogers  n'y  trou- 
veraient aucun  profit,  pas  même  le  germe  d'une 
idée  neuve  et  raisonnable.  —  On  fait  à  Lepaute 
l'honneur  d'avoir  construit  la  première  horloge 
horizontale  qu'on  ait  vue  à  Paris  (1);  il  con- 
vient lui-même  que  les  avantages  de  cette  dispo- 
sition avaient  été  connus  et  signalés  avant  lui.  Le- 
paute enseigna  aussi  divers  procédés  pour 
s'assurer  de  la  bonté  d'une  montre;  le  plus  sim- 
ple de  tous,  dont  chacun  peut  facilement  faire 
l'épreuve,  consiste  dans  les  diverses  positions 
qu'il  faut  faire  prendre  successivement  à  la 
montre  et  la  laisser  dans  chacune  de  ces  positions 
pendant  des  espaces  de  temps  égaux  (2).  —  Hor- 


(1)  Une  horloge  est  dite  horizontale  quand  ses  roue3 
sont  placées  les  unes  à  lî  suite  des  autres,  au  lieu  que  le 
plus  souvent  elles  tournent  les  unes  au-dessus  des  au- 
tres. 

Au  premier  abord  on  croirait  que  la  disposition  des 
roues  d'engrenage  est  indifférente,  ce  qui  n'est  pas,  du 
moins'à  quelque  chose  près.  Quand  les  roues  sont  les 
unes  au-dessus  des  autres,  si  les  trous  des  pivots  s'a- 
grandissent du  haut  en  bas,  il  arrive  nécessairement  que 
les  dents  des  roues  se  rapprochent  ou  s'éloignent  plus  ou 
moins  de  celles  des  pignons  avec  lesquels  elles  engrènent, 
d'où  résultent  des  variations  dans  la  marche  de  tout  le 
système  dont  le  rouage  se  compose. 

Dans  le  cas,  au  contraire,  de  la  disposition  horizontale 
des  roues,  l'élargissement  des  trous  des  pivots  se  faisant 
parallèlement  de  haut  en  bas,  les  roues  et  les  pignons 
conservent  respectivement  une  position  Invariable  et 
l'engrenage  n'est  plus  sujet  à  des  irrégularités,  du 
moins  par  cette  cause. 

(2)  Ainsi,  on  placera  la  montre  horizontalement  sur 
le  fond,  puis  sur  le  verre,  après  quoi  on  la  dressera 
verticalement  le  chiffre  XII  en  haut  et  successivement 
les  chif Ires  toujours  en  h;iut,  I,  II.  La  montre  sera  ré- 
putée bonne,  excellente  même,  si  la  régularité  de  sa 
marche  reste  invariable  pendant  toute  la  durée  de 
l'épreuve.  Pour  qu'une  montre  soit  bonne,  il  n'est  pas 
nécessaire  qu'elle  soit  d'accord  avec  les  astres,  il  suffit 
que  ses  aiguilles  reviennent  au  même  point  en  des  temps 


LEPAUTE  822 

loge  de  la  ville  de  Paris  composée  et  exécutée 
par  Lepaute,  oncle  et  neveu  (17SO-1781).  Cette 
magnifique  machine,  la  plus  parfaite  et  la  plus 
intéressante  peut-être  de  toutes  celles  du  même 
genre  qui  existent  en  Europe,  marche  six  mois 
sans  s'écarter  de  l'heure  vraie  du  soleil. 

Tesseydre. 

I-epaute,  OEuvres. 

LEPAUTE  (  Nicole  -  Reine  Ét\ble  de  la 
Brière,  Mme),  mathématicienne  française, 
femme  du  précédent,  née  le  5  janvier  1723,  à 
Paris,  morte  le  6  décembre  1788.  Son  père 
avait  été  attaché  à  la  reine  d'Espagne,  Elisa- 
beth d'Orléans.  A  vingt-cinq  ans  elle  épousa 
le  célèbre  horloger  dont  elle  porte  le  nom.  Amie 
de  Clairaut  et  de  Lalande,  qui  se  plaisaient  à  en- 
courager ses  observations  et  ses  essais,  elle  les 
servit  habilement  par  la  justesse  de  ses  calculs 
sur  une  comète  dont  le  retour  avait  été  an- 
noncé pour  1757,  mais  qui  ne  parut  que  sur  la 
fin  de  1758,  à  cause  du  retard  apporté  à  sa 
marche  par  l'action  troublante  des  planètes 
Jupiter  et  Saturne.  «  Au  mois  de  juin  1757,  dit 
Lalande,  j'engageai  Clairaut  à  appliquer  sa  so- 
lution du  problème  des  trois  corps  à  la  comète 
qu'on  attendait,  et  à  calculer  l'attraction  de  Jupi- 
ter et  de  Saturne  sur  la  comète,  pour  avoir  exac- 
tement son  retour.  Mme  Lepaute  nous  fut  d'un 
si  grand  secours ,  que  nous  n'aurions  point  osé 
sans  elle  entreprendre  cet  énorme  travail,  où  il 
fallait  calculer  pour  tous  les  degrés  et  pour  cent 
cinquante  ans  les  distances  et  les  forces  de 
chacune  des  deux  planètes  par  rappoit  à  la  co- 
mète. Je  lui  ai  rendu  justice  à  cet  égard ,  dans 
ma  Théorie  des  Comètes.  »  En  1759,  Clairaut 
avait  également  cité  Mœe  Lepaute  dans  son  livre 
sur  la  comète,  où  il  profitait  de  cet  immense 
travail;  mais  il  supprima  cet  article,  par  com- 
plaisance pour  une  femme  jalouse  du  mérite  de 
Mme  Lepaute,  et  qui  avait  des  prétentions  sans 
aucune  espèce  de  connaissance.  Mme  Lepaute 
publia  une  carte  pour  l'éclipsé  du  1er  avril 
1764  :  on  y  voit  la  trace  de  l'ombre,  qui  formait 
sur  la  terre  une  courbe  ovale.  Le  naturaliste 
Commerson  dédia  à  Mme  Lepaute,  sous  le  nom 
de  Lepautia,  la  rose  du  Japon,  que  de  Jussieu 
appela  depuis  Hortensia.  On  a  de  cette  femme 
savaqte  :  Table  des  Longueurs  des  Pendules, 
insérée  dans  le  Traité  d'Horlogerie  de  son  mari; 
—  Observations  imprimées  dans  la  Connais- 
sance des  Temps  de  1759  à  1774  :  les  volumes 
de  1763  et  de  1764  renferment  la  Table  des 
Angles  parallactiques  nécessaire  aux  marins, 
et  les  Calculs  de  V Éclipse  annulaire  du  Soleil 
annoncée  pour  le  1er  \avril  1764,  avec  une 
carte  où  est  tracée  la  marche  de  cette  éclipse  et 
ses  différentes  phases  pour  tous  les  pays  de 
l'Europe;  —  Tables  du  Soleil,  de  la  Lune  et 
des  autres  planètes,  publiées  dans  les  Ëphé- 


égaux;  c'est-à-dire  que  si  la  petite  aiguille  fait  le  tour 
du  cadran  en  il  heures,  elle  doit  le  faire  six  fols  en 
soixante-six  heures. 


823 


LEPAUTE  —  LEPAUTRE 


824 


mérides  des  mouvements  célestes,  tomes.VII 
et  VIII;  —  Mémoires  d' 'Astronomie,  lus  à  l'A- 
cadémie de  Béziers,  dont  l'auteur  était  membre, 
imprimés  dans  le  Mercure.  J.  V. 

Lalande,  Histoire  de  V Astronomie  ;  1788.  —  Arnault, 
Jay,  Jouy  et  Norvins,  Oiog.  nouv.  des  Contemp. 

lepaute  (Jean-Baptiste),  horloger  fran- 
çais, frère  de  Jean-André  Lepaute,  néàThon- 
nelalong  (Lorraine),  en  1727,  mort  à  Paris,  le 
18  mars  1802.  Il  allait  embrasser  l'état  ecclé- 
siastique lorsque  son  frère  aîné  l'appela  en  1748 
à  Paris,  où  il  exerçait  avec  succès  l'horlogerie. 
Le  jeune  Lepaute  avait  de  telles  dispositions  pour 
cet  art  qu'au  bout  de  quelques  mois  de  pratique 
il  fut  en  état  de  construire  une  horloge  horizon- 
tale pour  le  château  royal  de  La  Muette.  Il  aida 
son  frère  dans  la  fabrication  de  l'horloge  du  pa- 
lais de  Luxembourg,  qui  passa  au  Palais-Royal. 
En  1754,  il  conçut  une  pendule  analogue  à  celle 
que  son  frère  avait  dotée  d'un  nouvel  échappe- 
ment à  repos.  Eu  1760  et  1763,  les  deux  frères 
firent  venir  de  leur  pays  leurs  neveux,  Pierre 
Henri  et  Pierre-Basile.  En  1774,  Jean-André 
abandonna  à  son  frère  sa  part  dans  l'établisse- 
ment commun,  et  Jean-Baptiste  s'adjoignit  ses 
deux  neveux.  Il  construisit  avec  eux,  en  1780, 
pour  l'hôtel  de  ville  de  Paris  la  plus  belle  et 
la  plus  importante  horloge  qui  existât  alors  dans 
cette  capitale  :  cette  machine,  d'un  grand  volume, 
est  à  équation,  et  indique  jour  par  jour  le  retour 
du  soleil  au  méridien.  En  1784  ils  firent  pour 
l'hôtel  des  Invalides  une  horloge  qui  égalait  en 
perfection  celle  de  l'hôtel  de  ville ,  mais  d'un 
moindre  volume.  En  1789  Lepaute  se  retira  des 
affaires,  et  laissa  sa  maison  à  ses  neveux.  Pierre- 
Henri,  né  en  1743,  mourut  au  mois  de  juillet 
1806,  à  la  suite  d'une  longue  et  douloureuse 
maladie  provenant  d'une  blessure  qu'il  avait  re- 
çue lors  de  l'explosion  de  la  machine  infer- 
nale du  3  nivôse.  Pierre-Basile  exposa  en  1806 
un  remontoir  d'égalité  d'une  disposition  très- 
simple,  se  remontant  douze  fois  par  minute, 
et  appliqué  à  une  pendule.  En  1812,  il  employa 
ce  mécanisme  pour  la  pendule  astronomique 
qu'il  construisit  pour  le  Bureau  des  Longitudes, 
et  qui  fut  placée  à  l'Observatoire  de  Paris.  En 
août  1813,  il  fit  encore  entrer  ce  mécanisme  dans 
la  construction  de  l'horloge  qu'il  plaça ,  avec  son 
fils  aîné,  au  château  de  Compiègne,  et  qui  figura  à 
l'exposition  de  1819.  Pierre-Basile  Lepaute,  né 
à  Thonnelalong,  en  1749,  mourut  au  mois  d'août 
1843.  —  Son  fils,  mort  en  1849,  a  construit  la 
belle  horloge  de  la  Bourse  de  Paris,  qui  est  regar- 
dée comme  le  chef-d'œuvre  de  la  haute  horlogerie 
de  précision.  On  lui  doit  aussi  celles  de  la  Poste 
et  de  beaucoup  d'autres  monuments.  Il  avait  été 
membre  du  conseil  des  prudhommes.  L.  L — t. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Con- 
tenu). —  Rapport  du  Jury  de  l'exposition  des  produits  de 
l'industrie,  1806.  1819,  1834. 

lepaute  (  Joseph) .  Voy.  Agelet. 
lepautre  (Antoine),  architecte  français, 
né  à  Paris,  en  1614,  mort  en  1691.  Il  avait  le 


titre  d'architecte  du  roi  et  de  Monsieur,  lorsqu'il 
construisit  pour  le  duc  d'Orléans  les  deux  ailes 
du  château  de  Saint-Gloud.  Ce  fut  lui  qui  donna 
le  dessin  des  cascades  du  château  de  Saint-Cloud. 
En  1625,  il  éleva  aussi  l'église  de  Port-Royal, 
au  faubourg  Saint-Jacques.  Il  publia  en  1652  ses 
Œuvres  d'Architecture,  qui  contiennent  un 
grand  nombre  de  dessins  très-estimés,  surtout 
pour  la  décoration.  Mme  de  Montespan  avait 
désigné  Lepautre  pour  bâtir  le  château  de  Clagny  ; 
maisMansard,  poussé  par  Le  Nôtre,  le  supplanta. 
Il  avait  été  nommé  membre  de  l'Académie  de 
Sculpture  lors  de  son  institution,  en  1671.  [Le 
Bas,  Dict.  encycl.  de  la  France.  ] 

Ladvocat,  Dict.  Hist.  portât.  —  Moréri,  Grand  Dict. 
hist. 

lepautre  (Pierre),  sculpteur  français ,  fils 
du  précédent,  né  à  Paris,  le  4  mars  1659,  mort 
dans  la  même  ville,  le  22  janvier  1744.  Son  père 
l'avait  d'abord  destiné  à  l'architecture  ;  mais  son 
goût  l'entraîna  vers  la  sculpture.  Il  remporta  le 
grand  prix,  se  rendit  à  Rome,  et  y  demeura  pen- 
dant quinze  ans.  Ce  fut  là  qu'il  exécuta  en  1716  le 
groupe  d'Énée  et  Anchise  que  l'on  voit  dans  le 
jardin  des  Tuileries.  Le  groupe  d'Aria  et  Pêlus, 
qui  fait  pendant  à  celui-ci,  est  aussi  de  lui.  Tout 
en  regrettant  de  ne  pas  trouver  dans  ces  deux 
sujets  un  peu  plus  de  simplicité,  on  y  recon- 
naît de  grandes  qualités  et  la  connaissance  de 
l'antique.  Peut-être  n'est-ce  pas  une  preuve  de 
bon  goût  que  d'avoir  placé  dans  le  groupe  d'Aria 
et  Petus  la  figure  allégoriqne  de  l'Amour  qui  se 
couvre  les  yeux  ;  mais  on  comprend  que  cette 
idée  ingénieuse  ait  pu  séduire  l'artiste,  et  on 
pardonne  à  l'imagination  du  poëte  de  s'être  fait 
sentir  dans  l'œuvre  sévère  du  sculpteur.  On  a 
encore  au  jardin  des  Tuileries  deux  statues  de 
cet  artiste,  une  Atalante  et  un  Faune  à  la 
biche,  toutes  deux  copiées  de  l'antique.  Lepautre 
a  aussi  exécuté  les  sculptures  en  bois  de  l'œuvre 
de  Saint-Eustache,  sculptures  bien  composées 
et  finement  exécutées.  La  modestie  de  Lepautre 
l'empêcha,  dit-on,  de  se.  présenter  à  l'Académie, 
et  il  mourut  sans  y  avoir  été  admis.  Lepautre  a 
fait  plusieurs  gravures  à  l'eau -forte;  celle  qu'on 
cite  comme  la  plus  remarquable  représente  la 
statue  de  Louis  XIV  exécutée  par  Coysevox,  et 
que  la  ville  de  Paris  fit  ériger  en  1089.  [  Le  Bas, 
Dict.  encycl.  de  la  France.  ] 

Ladvocat,  Dict.  Histor.  portât.  —  Moréri,  Le  Grand, 
Dictionnaire  Historique. 

lepautre  (Jean),  graveur  français ,  oncle 
du  précédent,  né  à  Paris,  en  1617,  mort  dans  la 
même  ville,  le  2  février  1682.  Placé  chez  un  me- 
nuisier, qui  lui  donna  les  premiers  éléments  du 
dessin,  il  devint  bientôt  un  excellent  dessinateur 
et  un  habile  graveur.  Il  publia  presque  exclusi- 
vement des  dessins  d'architecture  et  d'orne- 
ments ,  qu'il  entendait  parfaitement.  Lepautre.  a 
aussi  gravé  plusieurs  portraits,  entre  autres  celui 
de  Louis  XIV,  habilié  à  la  romaine,  et  assis  dans 
son  cabinet  ;  quelques  paysages ,  avee  des  vues 
de  grottes,  de  jardins,  de  jets  d'eau,,  etc.,  et  des 


S25 


LEPAUTRE  —  L'ÉPÉE 


326 


vues  perspectives  de  Fontainebleau,  avec  les  fêtes 
du  baptême  du  dauphin.  Il  avait  été  reçu  à 
l'Académie  en  1677.  Son  œuvre  comprend  plus 
de  mille  planches,  dont  le  chevalier  Bernin  faisait 
grand  cas.  J.  V. 

Ladv'ocat,  Dict.  Hist.  portatif.  —  Morèri,  Grand  Dict. 
hisl. 

le  payen  (Charles  -  Bruno),  agronome 
français,  né  à  .Metz,  en  1715,  mort  dans  la  même 
ville,  le  11  novembre  1782.  Il  était  procureur  du 
ro;  au  bureau  des  finances  de  la  généralité 
de  Metz  et  d'Alsace,  et  publia  :  Essais  sur  les 
moulins  à  soie,  et  description  d'un  moulin 
propre  à  servir  seul  à  Vorgansinage  et  à  toutes 
les  opérations  du  tord  de  la  soie  ;  Metz,  1767, 
in-4°  et  in-12;  —  Description  de  la  constnic- 
tion  qui  s'est  faite  à  Metz  de  Vaisseaux  en 
maçonnerie  propres  à  loger  et  à  conserver 
le  vin;  Metz,  1780,  in-4°  et  in-12;  —  Obser- 
vations nouvelles  sur  les  vignes  en  treilles 
et  sur  les  moyens  de  perfectionner  cette  nou- 
velle méthode  de  culture ,  mémoire  lu  à  l'A- 
cadémie de  Metz  et  inséré  presque  en  entier 
dans  les  Affiches  de  Metz,  pour  1781  et  1782. 

J.  V. 
Bégln,  Biogr.  de  la  Moselle. 
F  le  pays  (René), sieur  du  Plessis-Villenecve, 
poète  français,  né  à  Nantes,  en  1636,  mort  à 
Paris,  le  30  avril  1690.  Allard  le  met  dans  le  ca- 
talogue des  écrivains  du  Dauphiné,  parce  que, 
dit-il,  «  la  plus  grande  partie  de  ses  ouvrages 
sont  dauphinois,  conçus  dans  Grenoble  et  dans 
Valence  >;.  Le  Pays  fut  nommé  directeur  général 
des  gabelles  du  Dauphiné  et  de  Provence ,  et 
publia  en  1664  ses  Amitiés,  Amours  et  Amou- 
rettes ,  recueil  de  lettres  et  de  poésies  qui  ob- 
tint du  succès  en  province  et  même  à  Paris.  «Il 
y  eut  des  dames  de  la  première  qualité  qui  les 
lurent  avec  beaucoup  de  plaisir,  dit  Bayle,  et  qui 
s'informèrent  du  libraire  comment  l'auteur  était 
fait.  Dès  qu'il  eut  su  que  la  duchesse  de  Nemours 
avait  eu  cette  obligeante  curiosité  ,  il  lui  envoya 
«ne  description  de  sa  personne.  Cet  écrit  est 
intitulé,  Portrait  de  Vauteur  des  Amitiés, 
Amours  et  Amourettes  ;  il  est  mêlé  de  vers  et 
de  prose.  »  Le  livre  de  Le  Pays  est  curieux  à 
consulter  comme  témoignage  du  goût  du  temps. 
C'est  une  imitation  de  Balzac  et  de  Voiture , 
imitation  lourde,  sans  esprit,  sans  tact,  qui  exa- 
gère tous  les  défauts  des  deux  auteurs  originaux 
et  ne  reproduit  pas  une  seule  de  leurs  qualités. 
Cependant,  au  milieu  d'un  fatras  insupportable, 
on  reconnaît  quelque  imagination  dans  les  dé- 
tails et  un  certain  talent  d'expression.  Ces  mé- 
rites assez  minces  ne  justifient  pas  un  succès  qui 
fut  surtout  une  vogue  provinciale  à  une  époque 
où  les  rapports  moins  fréquents  entre  la  capitale 
et  le  reste  de  la  France  laissaient  toujours  la 
province  fort  en  retard  sur  le  goût  parisien. 
Boileau  a  fait  dire  à  son  campagnard  ridicule  : 

Le  Pays  sans  mentir  est  un  bouffon  plaisant., 
Mais  je  ne  trouve  rien  de  beau  dans  ce  Voiture. 


Le  Pays  ne  se  fâcha  pas  de  cette  mention  peu 
flatteuse,  et  de  Grenoble  il  écrivit  sur  ce  sujet 
une  lettre  badine  à  un  de  ses  amis  de  Paris.  Son 
second  ouvrage,  un  roman  de  Zélotide,  n'ayant 
pas  réussi,  il  revint  à  son  premier  genre,  et 
donna  encore  un  recueil  de  lettres  et  de  pièces 
mêlées.  «  Il  paraît,  par  quelques-unes  de  ses 
lettres,  dit  Bayle,  qu'il  avait  été  en  Hollande  et 
en  Angleterre.  Les  relations  qu'il  a  faites  de  ces 
pays-là  sont  trop  folâtres  et  bien  injustes;  et  il 
y  a  mêlé  des  réflexions  sérieuses  qui  sont  très- 
fausses.  »  Le  Pays  était  membre  de  l'Académie 
d'Arles  ;  le  duc  de  Savoie  le  fit  chevalier  de 
Saint-Maurice.  Ces  distractions  et  ces  succès 
littéraires  l'empêchèrent  de  remplir  ses  devoirs 
d'administrateur.  Appelé  à  rendre  compte  pour 
un  de  ses  employés  qui  avait  «  dissipé  les  deniers 
de  sa  majesté  « ,  il  allégua  entre  autres  raisons 
en  sa  faveur  :  «  1°  qu'il  ne  s'est  point  enrichi 
depuis  trente  ans  qu'il  est  dans  les  fermes  du  roi  ; 
2°  qu'il  est  trop  bel  esprit  (1)  pour  s'engager 
dans  des  comptes  et  dans  des  calculs  de  finan- 
ces. «  Ces  raisons  ne  parurent  sans  doute  pas 
suffisantes,  et  le  directeur  des  gabelles  fut  l'objet 
d'un  arrêt  «  qui  l'écrasa  »  selon  son  expression, 
mais  sur  lequel  on  n'a  pas  de  détails.  Le  Pays 
ne  survécut  que  peu  d'années  à  cette  condam- 
nation. On  a  de  lui  :  Amitiés ,  Amours  et 
Amourettes  ;  Grenoble,  1664,  in-12; — Zélotide, 
histoire  galante  ;  Paris,  1665,  in-12;  — Nou- 
velles Œuvres  contenant  des  lettres  et  des  pièces 
de  poésie ,  églogues  ,  sonnets  ,  élégies,  stances  ; 
Paris,  1672,  2  vol.  m-12;  Leipzig,  1738,  2  vol. 
in-8°;  —  Pièces  choisies  des  Œuvres  de  Le 
Pays;  La  Haye,  1680,  2  vol.  in-12  ;  —  Le  Dé- 
mêlé de  V Esprit  et  du  Cœur  ;  Paris,  168S, 
in-12.  •     N. 

Eayle,  Dictionnaire  historique  et  critique.  —  Bros- 
sette,  Commentaire  sur  Boileau,  sat.,  III.  —  Titon  du 
Tillet,  Parnasse  français.  —  Moréri,  Grand  Diction- 
naire Historique.  —  ÀUard,  Bibliothèque  du  Dauphiné. 

L'Épée  (Charles-Michel,  abbé  de),  célèbre 
philanthrope  français,  né  à  Versailles,  le  25  no- 
vembre 1712,  mort  à  Paris,  le  23  décembre  1789. 
Son  père  était  architectedu  roi.  De  bonneheure  de 
L'Épée  tourna  ses  vues  vers  le  sacerdoce,  dans  le- 
quel il  espérait  trouver  le  moyen  de  satisfaire  son 
ardente  charité.  Il  avait  achevé  ses  études  théo- 
logiques ,  et  allait  recevoir  la  prêtrise  lorsqu'une 
difficulté  sembla  devoir  arrêter  sa  carrière.  La 
querelle  du  jansénisme  était  alors  fort  animée; 
on  demandait  qu'il  signât  le  formulaire ,  sorte 
de  déclaration  moliniste  dressée  dans  le  diocèse  de 

(1)  Pour  mieux  prouver  sans  doute  qu'il  était  un  bel 
esprit,  Le  Pays  présenta  à  Louis  XIV  un  placet  emei:; 
qui  finissait  ainsi  : 

Mon  petit  bien  n'est  pas  un  fief  impérial; 
N'attaquez  jamais  de  bicoque 
Indigne  d'un  siège  royal. 
Subjuguez  tout  le  Rbin.  la  gloire  en  sera  grande. 
La  justice  le  veut  ;  voire  droit  le  demande  : 

Ce  sont  des  coups  dignes  d'un  roi. 
Prenez  sur  l'empereur,  prenez  sur  la   Hollande. 
Mais,  sire,  au  nom  de  Dieu,  ne  prenez  rien  sur  mot. 


827 


L'ÉPÉE 


828 


Paris.  De  L'Épée,  qui  inclinait  peut-être  vers  les 
opinions  opposées,  s'y  refusa  :  il  lui  fallut  renoncer 
aux  ordres.  Il  voulut  alors  se  consacrer  au  bar- 
reau ,  et  se  fit  recevoir  avocat  au  parlement  de 
Paris.  Cependant,  l'état  ecclésiastique  lui  sem- 
blait toujours  sa  vocation;  l'évêque  de  Troyes, 
neveu  du  grand  Bossuet,  dont  il  portait  le  nom, 
lui  offrit  un  canonicat  dans  son  diocèse,  et  de 
L'Épée  put  enfin  recevoir  l'ordination.  La  mort 
lui  ayant  enlevé  ce  protecteur,  il  revint  à  Paris, 
où  sa  liaison  avec  Soanen  fit  prononcer  l'inter- 
diction contre  lui  par  l'archevêque  deBeaumont. 
Forcé  de  quitter  les  fonctions  de  son  état,  le 
jeune  abbé  se  créa  un  autre  ministère  :  il  se  dé- 
voua tout  enti'er  à  l'instruction  des  sourds-muets. 
Le  hasard  lui  avait  fait  rencontrer  deux  jeunes 
sœurs  sourdes-muettes ,  qu'un  prêtre  de  la  doc- 
trine chrétienne,  le  P.  Vanin,  avait  essayé  de 
tirer  de  l'ignorance  où  les  plongeait  la  nature,  au 
moyen  d'estampes  combinées  pour  l'instruction  : 
de  L'Épée  s'offrit  à  remplacer  ce  bon  religieux, 
qui  venait  de  mourir.  Ce  fut  là  le  commencement 
de  cette  belle  carrière  qu'il  parcourut  si  glorieu- 
sement. A  cette  époque,  un  nommé  Pereira  était 
en  grand  renom  à  Paris  pour  des  succès  obtenus 
par  des  procédas  dont  il  faisait  mystère ,  et  parmi 
lesquels  on  place  l'invention  de  X alphabet  ma- 
nuel. L'abbé  de  L'Épée  a  déclaré  dans  la  préface 
de  son  livre  n'avoir  rien  su  de  la  méthode  de 
son  compétiteur,  non  plus  que  de  ses  devan- 
ciers :  ce  serait  donc  uniquement  par  lui-même 
qu'il  serait  arrivé  à  ses  résultats.  «  L'instruc- 
tion des  sourds  muets  ,  dit-il ,  consiste  à  faire 
entrer,  par  les  yeux,  dans  leur  esprit,  ce  qui 
est  entré  dans  le  nôtre  par  les  oreilles.  »  A 
l'aide  du  dessin  et  de  l'alphabet  manuel,  il  par- 
vint à  fixer  dans  l'esprit  de  l'élève  la  nomen- 
clature grammaticale  et  à  exprimer  par  des  si- 
gnes naturels  les  relations  simples  des  objets  ; 
mais  il  restait  à  créer  une  grammaire  par  signes 
conventionnels  qui  pût  servir  à  rendre  la  di- 
versité des  opérations  de  l'esprit  et  le  nombre 
infini  de  relations  dont  la  combinaison  des  idées 
rend  les  objets  susceptibles  ;  cette  dernière  partie 
de  la  tâche  devait  appartenir  à  l'abbé  Sicard 
(voy.  ce  nom  ).  «  La  méthode  de  l'abbé  de  L'É- 
pée, dit  M.  Dufau,  consiste  à  s'emparer  des 
signes  dont  la  nature  a  enseigné  l'usage  aux 
sourds-muets ,  et  qui  leur  servent  pour  com- 
muniquer avec  leurs  proches  ;  à  les  perfectionner, 
à  en  faire  une  langue  véritable  ,  langue  expres- 
sive et  féconde  :  et  cette  langue  des  signes  mé- 
thodiques ,  depuis  perfectionnée  par  l'abbé  Si- 
card, est  bien  véritablement  la  création  de  l'abbé 
de  L'Épée.  L'Anglais  Wallis  l'avait  pressentie; 
mais  ici,  comme  en  tout,  à  celui  qui  applique  et 
systématise  l'honneur  de  l'invention  !  » 

L'abbé  de  L'Épée  élaborait  doucement  sa  mé- 
thode, à  mesure  qu'il  la  mettait  en  pratique.  Il 
parvint  en  peu  de  temps  à  instruire  quelques 
sourds-muets.  Ses  succès  l'enhardirent  :  il  les 
prit  chez  lui  à  ses  frais  pour  pouvoir  suivre  leur 


éducation.  Il  avait  7,000  livres  de  revenus,  qui 
bientôt  ne  furent  plus  suffisants  :  il  s'adressa  à 
quelques  personnes  bienfaisantes,  notamment 
au  duc  de  Penlhièvre,  et  il  put  continuer  et 
agrandir  son  établissement,  qu'il  ne  réussit-pour- 
tant  pas  à  placer  sous  le  patronage  du  gouver- 
nement. Dévoué  corps  et  âme  à  ses  élèves,  il 
se  privait  de  tout  pour  leur  entretien ,  et  l'on  ne 
peut  raconter  sans  attendrissement  cette  scène 
touchante  où  les  sourds-muets  vinrent  le  sup- 
plier, au  milieu  d'un  dur  hiver,  d'acheter  du  bois 
pour  se  chauffer.  Il  réfusa  les  offres  brillantes 
de  l'étranger.  Rejetant  les  présents  de  l'impéra- 
trice Catherine  II,  il  lui  demanda,  comme  preuve 
de  bienveillance,  un  sourd-muet  à  instruire;  et 
il  répondit  à  l'empereur  Joseph  II,  qui  était  venu 
lui-même  le  visiter  pendant  son  séjour  en  France, 
que  s'il  voulait  du  bien  aux  sourds-muets  c'était 
sur  l'œuvre  même  qu'il  fallait  le  placer.  Pour 
satisfaire  ce  vœu,  l'empereur  lui  envoya  un  ec- 
clésiastique qui ,  après  avoir  reçu  ses  leçons , 
devint  à  Vienne  le  directeur  du  premier  établis- 
sement national  de  cette  ville  en  faveur  de  ces 
infortunés.  L'excès  de  son  zèle  suscita  à  l'abbé 
de  L'Épée  quelques  tracasseries  :  ayant  cru  re- 
connaître l'héritier  dépouillé  de  la  riche  et  puis- 
sante famille  des  comtes  de  Solar  dans  un  mal- 
heureux muet,  nommé  Joseph,  qu'on  avait  trouvé 
couvert  de  haillons  sur  la  route  de  Péronne, 
en  1773,  il  mit  toute  son  ardeur  à  faire  triom- 
pher les  droits  de  son  protégé.  Un  long  et  dis- 
pendieux procès  s'ensuivit  :  l'abbé  de  L'Épée 
n'en  vit  pas  la  fin.  Une  sentence  du  Châtelet 
avait  admis  les  prétentions  de  Joseph  en  1781; 
mais  on  fit  traîner  l'affaire  en  longueur,  et  en 
J792,  après  la  mort  de  l'abbé  de  L'Épée,  et  dans 
les  derniers  mois  de  la  vie  du  duc  de  Penthièvre, 
les  seuls  protecteurs  du  sourd  muet,  un  juge- 
ment d'un  des  nouveaux  tribunaux  de  Paris  in- 
firma la  sentence  du  Châtelet,  et  défendit  à  Jo- 
seph de  porter  à  l'avenir  le  nom  de  Solar.  Le 
malheureux,  se  voyant  abandonné  de  tout  le 
monde,  s'enrôla  dans  un  régiment  de  cuirassiers, 
et  mourut  au  bout  de  quelque  temps  dans  un 
hôpital  (t). 

L'abbé  de  L'Épée  ,  après  avoir  vu  s'élever  de 
tous  côtés  des  institutions  analogues  à  la  sienne  , 
d'après  ses  vues,  et  à  la  tête  desquelles  se  trou- 
vaient placés  des  hommes  à  qui  il  avait  appris 
lui-même  son  art  ingénieux,  mourut  au  milieu 
de  ses  élèves,  en  recevant  la  consolante  assu- 
rance que  le  gouvernement  ne  laisserait  pas  périr 
après  lui  l'établissement  auquel  il  s'était  voué. 
Le  roi  le  prit  en  effet  sous  sa  protection ,  et 
l'Assemblée  conlituante  fonda  en  1 791  l'Institu- 
tion nationale  des  Sourds-Muets  à  Paris.  Des 
honneurs  publics  furent  rendus  à  la  mémoire  de 
l'abbé  de  L'Épée  :  l'Assemblée  nationale  déclara 


(1)  M.  Bouilly  a  mis  en  scène  cet  épisode  de  la  vie  de 
l'abbé  de  L'Épée,  dans  une  comédie  en  prose  et  en  cinq 
actes  qui  porte  le  nom  du  charitable  abb-'-,  et  qui  a  tu 
du  succès. 


829  L'ÉPÉE  — 

qu'il  avait  bien  mérité  de  la  patrie  et  de  l'hu- 
manité. Son  oraison  funèbre  fut  prononcée  à 
Saint-Étienne-du-Mont ,  le  23  février  1790,  par 
l'abbé  Fauchet.  On  a  de  l'abbé  de.  L'Épée  : 
Institution  des  Sotirds  et  Muets;  1774,  in-12  : 
c'est  un  recueil  des  exercices  soutenus  par  ses 
élèves  depuis  1771,  avec  quatre  lettres  où  il 
traite  les  points  principaux  de  sa  méthode;  — 
Institution  des  Sourds  et  Muets  par  la  voie 
des  signes  méthodiques;  1776,  in-12;  c'est  le 
même  ouvrage  que  le  précédent  avec  des  déve- 
loppements nouveaux,  tels  que  le  projet  d'une 
langue  universelle  par  l'entremise  des  signes 
naturels  assujettis  à  une  méthode  artificielle;  — 
La  véritable  manière  d'instruire  les  Sourds 
et  Muets,  confirmée  par  une  longue  expé- 
rience; 1784,  in-12;  c'est  encore  le  même  ou- 
vrage que  le  précédent  avec  les  pièces  d'une 
polémique  que  l'auteur  eut  à  soutenir  avec  Hei- 
nicke,  qui  avait  attaqué  la  méthode  des  signes 
méthodiques.  L'abbé  de  L'Épée  s'occupa  long- 
temps de  la  composition  d'un  Dictionnaire 
général  des  Signes  employés  dans  la  langue 
des  Sourds-Muets  ;  mais  ce  travail  n'a  pu  être 
achevé  que  par  son  successeur,  l'abbé  Sicard.  En 
1820,  on  publia  VArt  d'enseigner  à  parler 
aux  Sourds-Muets  de  naissance,  par  l'abbé 
de  L'Épée,  augmenté  de  notes  explicatives  et 
d'un  avant-propos  par  l'abbé  Sicard ,  précédé 
de  Y  Éloge  historique  de  l'abbé  de  L'Épée, 
par  M.  Bebian ,  couronné  par  l'Académie  des 
Sciences,  1  vol.  in-8°.  En  1838,  on  retrouva  dans 
une  fouille,  sous  les  dalles  d'une  chapelle  de  l'é- 
glise Saint-Roch,  les  ossements  de  l'abbé  de  L'É- 
pée. Une  souscription  s'ouvrit ,  et  un  monument 
lui  fut  élevé  dans  cette  église;  il  se  compose  du 
buste  en  bronze  de  ce  bienfaiteur  de  l'humanité 
par  M.  Préault.  L.  Louvet. 

Cl.  Fauchet ,  Oraison  funèbre  de  l'abbé  de  L'Épée.  — 
Bebian,  Éloge  de  Ch.-M.  de  L'Épée.  —  Aléa,  Eloge  de 
l'abbé  de  L'Épée.  —  Et.-Morel,  Notice  biogr.  sur  l'abbé 
de  L'Épée.  —  Dufau,  dans  le  Dict.  de  la  Conversation. 
—  Le  Bas,  Dict.  Encyclopédique  de  la  France.  —  J.  Va- 
lette ,  Vie  de  l'abbé  de  L'Épée  ;  1837,  in-18. 

lepeintre  [Charles-Emmanuel),  ac- 
teur français,  né  à  Paris,  le  5  septembre  1782, 
mort  le  5  avril  1854.  11  fit  d'abord  partie  de  la 
troupe  enfantine  des  Jeunes  Artistes  (1),  et 
après  la  mort  de  son  père ,  qui  était  peintre,  il 
s'engagea  pour  le  théâtre  de  Bordeaux,  où  il 
resta  pendant  plus  de  sept  ans.  Après  avoir  figuré 
quelque  temps  sur  la  scène  de  Lyon,  il  vint,  le 
11  novembre  1817,  à  Paris,  où  il  entra  dans  la 
troupe  des  Variétés.  En  1827  il  quitta  ce  théâtre 
pour  celui  du  Vaudeville,  où  l'avait  appelé  Des- 
augiers.   On  le  vit  plus  tard  sur   la  scène  du 


(1)  Ce  théâtre,  fondé  le  12  avril  1779,  s'appelait  dans 
['origine  le  Théâtre  lyriqite  et  comique  de  la  rue  de 
Bond  y.  II  prit  plus  tard  le  titre  de  Variétés  amusâmes. 
Déruoli  en  1784,  il  fut  remplacé  par  une  manufacture  de 
papiers  peints.  Plus  tard  on  y  construisit  la  salle  dont 
nous  parlons,  et  qui  fut  supprimée,  en  vertu  du  décret 
de  1807. 


LEPEKHIN  830 

Palais-Royal  (1).  Puis,  il  retourna  au  Vaude- 
ville, et  y  resta  jusqu'à  l'incendie  de  ce  théâtre. 
A  partir  de  cette  époque,  Lepeintre  ne  fut 
plus  qu'un  comédien  nomade.  Dans  les  dernières 
années  de  sa  vie,  il  avait  adjoint  à  l'exercice  de 
sa  profession  l'exploitation  d'un  des  hôtels  les 
mieux  achalandés  du  quartier  des  Tuileries.  Cette 
entreprise  prospérait ,  lorsque  la  révolution  de 
184s  porta  un  coup  fatal  à  son  industrie.  Il  dut 
alors  demander  au  théâtre  des  ressources  qui 
lui  faisaient  souvent  défaut,  et  depuis  long- 
temps, en  butte  à  des  chagrins  domestiques ,  il 
perdit  la  tête,  et  mil  un  terme  à  ses  jours  en 
se  jetant  dans  le  caual  Saint-Martin.  Lepeintre 
était  un  comédien  habile,  vif,  entraînant,  mais 
manquant  de  naturel.  E.  de  M. 

annuaire  dramatique  de  Bruxelles.  —  Renseigne- 
ments inédits. 

lepeîwtre  (  Emmanuel- Augustin) ,  frère 
du  précédent,  né  à  Paris,  en  1788,  mort  dans  la 
même  ville,  le  24  janvier  1847,  fut  de  1823à  1845 
attaché  au  théâtre  du  Vaudeville  et  entra  plus 
tard  aux  Variétés,  où  il  resta  jusqu'à  la  fin  de  ses 
jours.  Il  mourut  à  la  suite  d'une  chute,  occa- 
sionnée par  un  embonpoint  excessif.  A  l'inverse 
de  son  frère ,  le  jeu  de  Lepeintre  le  jeune  était 
l'expression  même  de  la  nature,  et  pour  citer  les 
rôles  dans  lesquels  il  a  excellé,  il  faudrait  les 
citer  tous.  Il  était  doué  d'un  esprit  très-vif,  de 
beaucoup  de  gaîté  et  tournait  très-facilement  le 
couplet.  11  a  composé  un  certain  nombre  de 
pièces  pour  les  scènes  secondaires,  et  qui  toutes 
ont  eu  du  succès.  Il  est  aussi  auteur  de  la 
Physiologie  du  Parrain;  Paris,  1843,  in-24. 
E.  de  Manne. 

Courrier  des  Spectacles.  —  Annuaire  dramatique  de 
Bruxelles. 

lepekhia'  (  Ivan-Ivanovitch  ) ,  naturaliste 
russe,  né  vers  1739,  mort  le  6  avril  1802.  Il 
étudia  à  l'université  de  Strasbourg,  et  devint  mem- 
bre de  l'Académie  des  Sciences  de  Saint-Pé- 
tersbourg, dont  il  fut  en  1783  nommé  secrétaire 
perpétuel.  Chargé  par  Catherine  II  d'explorer 
son  vaste  empire  au  point  de  vue  des  sciences 
naturelles ,  Lepekhin  a  renfermé  le  fruit  de  ses 
explorations  dans  un  Journal  de  Voyages  en 
diverses  provinces  de  l'empire  russe  ;  Saint-Pé- 
tersbourg, 3  v.  in-4°,  1771-1780;  traduit  en  alle- 
mand par  Hase,  Altenburg,  1774,  avec  fig.  On  a 
encore  de  lui  :  Discours  sur  la  nécessité  de  se 
rendre  compte  de  la  valeur  médicale  des  plan- 
tes indigènes;  Saint-Pétersbourg,  1785  ;  — Dis- 
sertation sur  la  culture  des  vers  à  soie;  Saint- 
Pétersbourg,  1798  ;  —  Sur  les  Moyens  de  pré- 
server et  de  guérir  les  bestiaux  de  l'épizootie  ; 
Saint-Pétersbourg,  1790;  —  latraduction«n  rosse 

(1)  Ancien  théâtre  de  la  Montansier,  fermé  également 
depuis  1807.  C'est  dans  son  local  que  fut  établi  depuis  le 
fameux  Café  de  la  Paix.  Un  nouveau  privilège,  accordé 
en  1830  au  comédien  Dormeuil,  autorisa  sa  réouverture, 
qui  eut  lieu,  le  6  juin  1831,  sous  la  dénomination  de 
Théâtre  du  Palais- Roy  al. 


831 

fie  la  moitié  du  1er  tome  et  les  t.  5,  6,  7,  8,  9  et 

10  de  VHistoire  naturelle  de  Buffon.     A.  G. 

Grelcli,  Opit  Kratkoi  istoriirouskài  Literatouri  (Es- 
sai sur  l'histoire  de  lu  littérature  russe  ). 

le  peletier  (  Pierre),  poëte  français,  né 
à  Paris,  où  il  est  mort,  en  1680.  Il  était  avocat; 
mais  sa  principale  occupation  était  de  composer 
des  sonnets  à  la  louange  de  toutes  sortes  de  gens. 
«  Dès  qu'il  savait  qu'on  imprimait  un  livre,  dit 
Moréri,  il  ne  manquait  pas  d'aller  porter  un 
sonnet  à  l'auteur  pour  avoir  un  exemplaire  de 
l'ouvrage.  Il  gagnait  sa  vie  à  aller  en  ville  ensei- 
gner la  langue  française  aux  étrangers.  »  Boileau 
parle  plusieurs  fois  de  lui  dans  ses  satires  de 
même  que  dans  son  discours  au  roi  et  dans  Y  Art 
"poétique;  il  le  dépeint  comme  un  flatteur  et  un 
parasite  (1)  : 

Cependant  l'abbé  de  Marolles  cite  Le  Peletier 
avec  estime  ,  et  Richelet ,  dans  son  traité  de  la 
versification  française,  prétend  que  «  jamais 
personne  ne  fut  moins  parasite  que  le  bonbomme 
du  Peletier;  hors  qu'il  alloit  montrer  en  ville, 
c'étoit  un  vrai  reclus.  »  On  prétend  que  ce  mau- 
vais rimeur  appartenait  à  la  même  famille  que 
les  précédents.  On  a  de  lui  plusieurs  pièces  in- 
sérées dans  les  recueils  poétiques  du  temps ,  et 
une  série  de  lettres  qu'il  a  intitulées  Nouvelles. 
P.  L— Y. 
Moréri,  Grand  Dict.  Hist.  —  Boileau ,  Notes  de  Bros- 
sette.  —  Mchelet,  Les  plus' belles  Lettres  françoises,  1. 
—  Marolles,  Dénombrement  des  Auteurs. 

le  peletier.  (Dom  Laurent),  archéologue 
français  ,  vivait  à  la  fin  du  seizième  et  au  com- 
mencement du  dix-septième  siècle.  Il  était  moine 
et  prieur  de  l'abbaye  Saint-Nicolas  d'Angers ,  et 
embrassa  la  réforme  introduite  à  Angers  par- 
Guillaume  Ayrault.  Une  de  ses  sœurs  épousa  le 
frère  de  l'historien  Claude  Ménard.  On  a  de  lui  : 
Légende  de  Robert  d'Arbrissel  avec  le  cata- 
logue des  abbesses  de  Fontevrauld ;  Angers, 
1586,  in-4°,  sans  nom  d'auteur;  — Brevicu- 
lumfundationis  et  séries  abbatum  Sancti-Ni- 
colai  Andegavensis  ;  Angers,  1616,  in-4°  ;  — 
Histoire  ou  Briefve  description  des  Ordres  re- 
ligieux et  congrégations  ecclésiastiques  ;  An- 
gers, 1626,  in-8°.  Elle  est  dédiée  à  Henri  Ar- 
nauld,  et  précédée  de  pièces  de  poésie  à  la  louange 
de  l'auteur  ;  —  La  Chasteté,  et  combien  l'in- 
continence est  dommageable,  et  de  la  di- 
gnité et  excellence  du  mariage  et  de  la  sain- 
teté de  plusieurs  femmes  et  filles  illustres  ; 
Angers,  1634,  in-8°.  L'ouvrage  est  dédié  à  Si- 
monne de  Maillé  Brézé ,  abbesse  du  Ronceray. 
La  bibliothèque  d'Angers  possède  encore  de  Le 


(15  Dans  la  satire  II,  il  ajoute  en  se  moquant  : 
J'envie,  en  écrivant,  le  sort  de  Peletier. 
S'il  faut  en  croire  les  commentateurs  de  Boileau,  Pe- 
letier prit  ce  vers  pour  une  louange;  et,  dans  cette 
pensée,  il  lit  imprimer  cette  satire  dans  un  recueil  de 
poésies,  où  il  avait  inséré  quelques  pièces.  Boileau  s'e> 
tant  plaint  au  libraire  de  ce  qu'il  avait  imprimé  cette 
satire  sans  son  aveu,  le  libraire  lui  répondit  que  c'était 
Peletier  qui  l'avait  donnée,  parce  qu'elle  était  à  sa 
louange. 


LEPEKHIN  —  LE  PELLETIEPv  832 

Peletier  un  manuscrit  très-important  :  Le  second 
Cartulaire  de  Saint- Nicolas,  où  parmi  les 
pièces  authentiques  se  trouvent  insérées  .  de  cu- 
rieuses notes  sur  l'histoire  provinciale. 

C.  Port. 

Pocquet  de  Livonnière  ,  Les  Illustres  d'Anjou;  mss.  à 
la  Bib.  d'Angers.  —  Rente  de  l'Anjou,  lie  année,  t.  II,  p.  3. 

LE  peletier  (Claude),  magistrat  français, 
né  à  Paris,  en  1630,  mort  dans  la  même  ville, 
le  10  août  1711.  Il  remplit  d'abord  plusieurs 
charges  dans  la  magistrature,  et  se  distingua  sur- 
tout comme  prévôt  des  marchands  en  1668.  Il  fit 
construire  à  cette  époque  le  quai  de  Paris  que 
l'on  appelle  encore  quai  Le  Peletier.  Il  était  con- 
seiller d'État ,  lorsque  le  roi  l'appela  à  la  difficile 
mission  de  remplacer  Colbert  dans  sa  charge  de 
contrôleur  général  des  finances.  Le  Peletier  était 
un  homme  circonspect,  complaisant,  et  comme 
il  était  parent  deLeTellier  et  de  Louvois  et  leur 
devait  sa  place,  il  ne  s'appliqua  qu'à  leur  plaire 
et  à  déprécier  l'administration  de  son  illustre  et 
habile  prédécesseur.  Il  ne  possédait  pas  les  ta- 
lents qu'exigeait  la  situation  malheureuse  du 
royaume,  et  quand  il  désespéra  d'arriver  au 
port,  il  abandonna  la  conduite  du  vaisseau.  Il 
se  démit  en  effet  de  sa  charge  au  bout  de  six 
ans;  mais  il  resta  membre  du  conseil,  comme 
ministre  d'état,  devint  surintendant  des  postes  à 
la  mort  de  Louvois,  en  1691,  et  renonça  à  ces 
deux  emplois  en  1697,  malgré  le  désir  du  roi, 
qui  lui  conserva  toujours  sa  bienveillance.  Il 
passa  le  reste  de  sa  vie  dans  la  retraite.  On 
lui  doit  :  Le  Corps  de  Droit  canon,  Y  An- 
cien Code  ecclésiastique,  et  des  Observations 
sur  le  Code  et  les  Novelles  (d'après  les  manus- 
crits de  P.  Pithou  )  ;  —  Cornes  Rusticus;  Paris, 
1692,  in-12;  1708,  petit  in-8°;  —  Cornes  Senec- 
tutis;  ibid.,  1709,  in-12.  Il  avait  aussi  donné  des 
éditions  nouvelles  du  Cornes  Juridicus  et  du 
Cornes  Theologus  de  P.  Pithou.  [Le  Bas,  Dict. 
Encijcl.  de  la  France.  ] 

Boivin,  Fie  de  Claude  Le  Peletier.  —  Moréri,  Grand 
Dict.  Histor.  —  Bresson,  Hist.  fin.  de  la  France. 

LE  PELLETIER  DE  SAINT-FARGEAU  (Loilis- 

Michel),  magistrat  et  homme  politique  français, 
arrière-petit-tilsde  Michel-Robert  LePelletier-des- 
Forts,  comte  de  Saint-Fargeau,  contrôleur  général 
des  finances  en  1726-1730,  naquit  à  Paris,  le 
29  mai  1780,  et  fut  assassiné  dans  la  même  ville,  le 
20  janvier  1793. 11  était  à  l'époque  de  la  révolution 
président  à  mortier  au  parlement  de  Paris,  et  jouis- 
sait d'une  fortune  de  six  cent  mille  livres  de  rente. 
En  mai  1789,  la  noblesse  de  la  capitale  le  choisit 
pour  son  représentant  aux  états  généraux.  Il 
parut  d'abord  hésiter  sur  le  parti  qu'il  adopterait. 
Des  dix  députés  de  la  noblesse  de  Paris,  lui  et 
le  comte  de  Mirepoix  furent  les  seuls  qui  ne 
se  réunirent  au  tiers  état  que  le  27  juin  1789, 
lorsque  le  roi  eut  invité  les  deux  premiers 
ordres  à  cette  réunion  ;  il  protesta  même ,  les  3, 
9  et  1 1  juillet ,  contre  cette  réunion  et  ses  con- 
séquences ;  mais  il  changea  tout  à  coup  decondaite 


833 


LE  PELETIER 


834 


politique,et  redoutant  l'avenir,  il  proposa,lel'3  juil- 
let, «  qu'on  invitât  Louis  XVI  à  rappeler  M.  Nec- 
ker  et  ses  collègues  »  ;  et  il  ajoutait  :  «.  Représen- 
tons le  peuple,  de  peur  qu'il  ne  se  représente  lui- 
même.  »  Il  se  rangea  dès  lors  parmi  les  députés 
les  plus  connus  par  leurs  principes  démo- 
cratiques. Ce  ne  fut  pas  sans  réflexion;  car 
on  l'entendit  répondre  à  plusieurs  de  ses  amis 
qui  lui  reprochaient  son  changement  de  parti  : 
«  Que  voulez-vous,  quand  on  a  six  cent  mille 
livres  de  rente ,  il  faut  être  à  Coblentz  ou  au 
faîte  de  la  Montagne!  »  Nommé,  en  janvier 
1790,  membre  du  comité  de  jurisprudence  crimi- 
nelle, il  en  fut  le  rapporteur  habituel  en  1790  et 
1791  ;  d'un  caractère  naturellement  doux,  il  vota 
constamment  pour  l'abolition  de  la  peine  de 
mort,  de  celle  des  galères  et  de  toute  flétrissure 
indélébile.  Le  1er  juin  1790  il  fit  décréter  que 
la  décapitation  serait  substituée  au  supplice  de 
la  corde,  et  soutint  avec  talent  la  discussion 
établie  sur  le  nouveau  code  pénal.  Le  19  du 
même  mois,  il  demanda  «  qu'il  fût  défendu  de 
prendre  d'autre  nom  que  les  noms  patronimiques 
et  celui  de  famille;  cette  motion  fut  adoptée. 
Le  surlendemain,  Le  Peletier  fut  élu  président 
de  l'assemblée.  Le  conseil  général  de  l'Yonne, 
dont  il  était  membre,  le  choisit  pendant  la  ses- 
sion de  l'Assemblée  législative  pour  son  prési- 
dent, et  en  septembre  1792  le  même  département 
le  députa  à  la  Convention  nationale.  Le  30  oc- 
tobre, dans  un  discours  fort  éloquent,  il  défendit 
la  liberté  de  la  presse,  et  fit  rejeter  une  proposi- 
tion de  Buzot  amendée  par  Bailleul.  Dans  le 
procès  de  Louis  XVI,  il  soutint  que  ce  monarque 
pouvait  et  devait  être  jugé  par  la  Convention;  toute- 
fois, fidèle  à  son  aversion  pour  la  peine  de  mort,  il 
hésitait  à  l'appliquer  en  cette  circonstance,  et  pro- 
posait la  réclusion.  On  n'a  jamais  bien  connu  les 
causes  qui  le  firent  changer  d'avis  ;  quelques 
historiens  affirment  que  la  question  politique 
l'emporta  dans  son  esprit  sur  la  question  de  lé- 
galité et  d'humanité  ;  selon  d'autres  il  céda  aux 
suggestions  du  duc  d'Orléans,  avec  lequel  il  était 
très-lié;  toujours  est-il  que  Le  Peletier  se  pro- 
nonça pour  la  mort.  «  S'il  arrivait ,  s'écria-t-il, 
que  nous  vinssions  à  prononcer  sur  le  sort  de 
Louis  d'une  manière  évidemment  contraire  à  la 
conscience  intime  de  tout  le  peuple  français,  se- 
rait-ce contre  Louis  au  Temple  que  ce  même 
peuple  devrait  exercer  sa  vengeance? Non;  car 
là  est  la  trahison  désarmée.  Ce  serait  contre  les 
mandataires  infidèles  de  la  nation  que  l'insurrec- 
tion deviendrait  légitime,  parce  que  là  seraient 
réunies  la  trahison  et  la  puissance.  »  Ces  paroles 
menaçantes  entraînèrent  un  certain  nombre  de 
membres  et  décidèrent  de  la  majorité. 

Nous  empruntons  à  M.  Thiers  le  récit  du 
drame  qui  termina  les  jours  de  Le  Peletier. 
«  Un  garde  du  corps ,  nommé  Paris ,  avait  ré- 
solu de  venger  la  mort  de  Louis  XVI  sur  l'un 
de  ses  juges.  Le Peletier-Saint-Fargeau  avait, 
comme  beaucoup  d'hommes  de  son  rang ,  voté 

NOUV.   BIOGR.   GENER.   —  T.  XXX. 


la  mort,  pour  faire  oublier  sa  naissance  et  sa 
fortune.  Il  avait  excité  plus  d'indignation  chez 
les  royalistes,  à  cause  même  de  la  classe  à  la- 
quelle il  appartenait.  Le  20  au  soir,  chez  Février, 
restaurateur  au  Palais-Royal,  on  le  montra  au 
garde  du  corps  Paris,  tandis  qu'il  se  mettait  à 
table.  Le  jeune  homme,  revêtu  d'une  grande 
houppelande,  sous  laquelle  il  cachait  un  sabre 
se  présente,  et  lui  dit  :  «  C'est  toi ,  scélérat  de 
Le  Peletier,  qui  as  voté  la  mort  du  roi?  — 
Oui ,  répond  celui-ci ,  mais  je  ne  suis  pas  un 
scélérat,  j'ai  voté  selon  ma  conscience.  — 
Tiens,  reprend  Paris,  voilà  pour  ta  récompense  1  » 
Et  il  lui  enfonça  son  arme  dans  le  flanc.  Le  Pe- 
letier tombe,  et  Paris  disparaît  sans  qu'on  ait  le 
temps  de  s'emparer  de  sa  personne  (1) .  Le  Pele- 
tier, blessé  à  mort,  ne  proféra  que  ces  seules  pa- 
roles :  «  J'ai  froid  !  »  Transporté  aussitôt  dans 
son  hôtel,  situé  au  Marais,  il  expira  peu  de 
temps  après.  Ses  obsèques,  qui  eurent  lieu  le 
24  janvier,  devinrent  l'objet  d'une  fête  funèbre. 
La  convention  lui  décerna  les  honneurs  du  Pan- 
théon (2),  et  adopta  sa  fille,  âgée  de  huit  ans  (3). 
La  mort  de  Le  Peletier  avait  fourni  à  David  le 
sujet  d'un  de  ses  plus  beaux  tableaux  ;  il  ornait  la 
salle  des  séances  de  la  Convention ,  d'où  il  fut 
retiré  après  le  9  thermidor  (24  juillet  1794).  On 
a  de  Le  Peletier  de  Saint-Fargeau  un  Plan  d'É- 
ducation publique;  des  Discours  et  des  Rap- 
porta, qui  ont  été  publiés  par  "son  frère;  Bruxelles, 
1826,  in-8°. 

Son  frère  (le  comte  Félix),  né  en  1769,  mort 
près  Paris,  en  1837,  fut  d'abord  aide-de-camp  du 
prince  de  Lambesc,  devint  un  fougueux  jacobin 
après  l'assassinat  de  son  frère,  et  adopta  le  fils 
de  Babeuf  après  le  supplice  de  ce  démagogue.  Le 
Peletier  fut  transféré  à  l'île  de  Ré,  à  la  suite  de 
l'affaire  de  la  machine  infernale  (3  nivôse  an  ix). 
Envoyé  en  surveillance  en  Suisse  (1803),  il  fut 
autorisé  à  rentrer  en  France  en  1805.  En  mai 
1815  le  collège  électoral  de  Dieppe  le  nomma 
membre  de  la  chambre  des  représentants.  Félix 
Le  Peletier  fut  exilé  par  les  Bourbons  en  vertu 
de  la  loi  du  12  janvier  1816;  de  retour  dans  sa 
patrie,  il  y  mourut,  dans  la  retraite.  On  a  de  lui 
plusieurs  brochures  politiques,  aujourd'hui  sans 
intérêt.  H.  Lesueur. 

Le  Moniteur  général,  année  1789,  n°»  13,  46, 77  ;  ami. 
1791,  n°»  20, 151;  ann.  1792,  306;  an  Ier  (1793),  n°  6;  an  il, 
(1794).  —  Thiers,  Histoire  de  laRévolution  franc.,  t.  III, 

(1)  Paris,  sur  le  point  d'être  arrêté,  se  brûla  la  cervelle, 
dix  jours  après,  à  Korges-les-Eaux  (Seine-Inférieure). 
On  a  prétendu  que  son  Intention  avait  d'abord  été  de 
frapper  le  duc  d'Orléans. 

(2)  Ce  décret  fut  rapporté,sur  la  proposition  d'André 
Dumont,  le  8  février  1795;  mais  la  famille  de  Le  Peletier 
alla  retirer  le  corps  de  son  parent  avant  la  notification 
du  décret. 

(3)  Mlle  Le  Peletier  épousa  en  1798  M.  de  Witt,  riche 
Hollandais,  dont  elle  se  sépara  au  bout  de  deux  années. 
Elle  se  remaria  avec  son  cousin,  M.  Le  Peletier  de  Morte- 
Fontaine.  «  On  sait,  dit  Le  Bas,  que  cetle  dame  fit  ache- 
ter aux  héritiers  de  David  le  tableau  représentant  îa 
mort  de  son  père,  afin  de  le  détruire.  »  La  gravure  a  sou- 
vent reproduit  le  meurtre  de  Le  Peletier, 

27 


835  LEPELLETIER 

p.  220.  —  A.  de  Lamartine,  Histoire  des  Girondins,  t.  V, 
livre  XXXVI,  p.  130-136. 

i,i  pelletier  (Jean),  archéologue  et  al- 
chimiste français ,  né  à  Rouen ,  le  29  décembre 
1633,  mort  clans  la  même  -ville,  le  31  août  1711. 
Parmi  ses  principaux  écrits,  on  remarque  :  Dis- 
sertations sur  l'Arche  de  Mé  et  sur  V Her- 
mine et  Le  Livre  de  saint  Benoit;  Rouen,  1704, 
1710,  in-12;  —  VAlkaest,  ou  le  dissolvant 
universel  de  van  Helmont,  révélé  dans  plu- 
sieurs traités  qui  en  découvrent  le  secret; 
Rouen,  1704,  in-12  ;  —  Suite  du  traité  de  VAl- 
kaest, où  Von  rapporte  plusieurs  endroits  des 
ouvrages  de  Georges  Starkey  qui  découvrent 
la  manière  de,  volatiliser  les  alcalis,  etc.; 
Rouen,  1706,  in-12;  —  Tableau  des  Monnoles, 
des  Poids  et  des  Mesures  des  Hébreux  réduites 
à  celles  de  France,  imprimé  entête  du  Com- 
mentaire sur  la  Genèse  de  Dom  Calmet.  Le- 
pelletier  a  publié  Fragmenta  regalia,  ou  vé- 
ritable-caractère de  la  reine  Elisabeth,  tra- 
duitde  l'anglais  de  Robert  Nuanton;  Rouen,  1683, 
in-12;  Lyon,  1695,  in-12;  Amsterdam,  1703; 
La  Haye,  1741,  1753,  2  vol.  in-12;—  des  no- 
tices dans  les  Mém.  de  Trévoux.      J.  V. 

Moréri,  Grand  Dict.  Histor.  —  Chaudon  cl  Delandine, 
Dict.  univ.  Hist.i  Crit.  et  Bibliogr. 

le  père  (Jean-Baptiste),  architecte  fran- 
çais, né  à  Paris,  en  1761,  mort  dans  la  même 
ville,  le  16  juillet  1844.  En  1787,  le  goût  des 
voyages  le  lit  partir  pour  Saint-Domingue,  où  il 
construisit  plusieurs  grandes  habitations.  De  re- 
tour à  Paris  en  1790,  il  y  continua  ses  études,  et 
en  1796  il  partit  avec  d'autres  artistes  et  arti- 
sans pour  établir  une  fonderie  de  canons  à  Cons- 
tantinople.  Après  deux  ans  de  séjour  en  Turquie, 
Le  Père  revint  en  France,  et  fut  presque  aussitôt 
appelé  à  faire  partie  de  l'expédition  d'Egypte. 
Membre  de  l'Institut  d'Egypte,  il  prit  part  aux 
importants  travaux  dont  le  résultat  est  consigné 
dans  l'ouvrage  publié  par  ce  corps  savant.  Ses 
collègues  trouvèrent  plus  d'une  fois  dans  son 
portefeuille  les  moyens  de  compléter  ou  rectifier 
leurs  dessins ,  et  lui-même  y  puisa  des  maté- 
riaux de  planches  importantes  représentant  les 
plans,  élévations  géométrales  et  vues  perspectives 
des  édifices  de  l'Egypte  ancienne.  Chargé  par 
le  général  Bonaparte  de  relever  sur  le  terrain 
l'ancien  canal  des  Pharaons  à  travers  l'isthme  de 
Suez  et  de  présenter  un  plan  de  restauration  de 
ce  canal  remplissant  la  double  condition  d'unir 
directement  SuezàThineh  (ancienne  Peluse),  et 
de  déboucher  dans  le  Nil  auprès  du  Caire,  Le 
Père  s'acquitta  de  cette  tâche  avec  zèle.  Le  mé- 
moire, très  développé,  qu'il  rédigea  à  cette  occa- 
sion a  été  inséré  dans  la  publication  de  l'Institut 
d'Egypte,  et  Prony  présenta  au  conseil  général 
des  ponts  et  chaussées  un  rapport  sur  ce  mé- 
moire. Le  Père  regardait  l'établissement  de  ce 
canal  comme  très-facile,  le  sol  étant  à  peu  près 
de  niveau,  et  le  terrain  sablonneux  d'une  extrac- 
tion aisée.  11  en  évaluait  la  dépense  à  dix-sept 
millions.  Après  son  retour  en  France,  Le  Père  fut 


—  LE  PETIT  8iG 

nommé,  en  1802,  architecte  delà  Malmaison,  qu'il 
agrandit  et  orna.  En  1805  il  fut  chargé  par  Napo- 
léon d?ériger  avec  Gondouin  une  colonne  en  bronze 
à  la  grande  armée  sur  la  place  Vendôme.  Il  venait 
de  terminer  cet  immense  travail  lorsque  l'em- 
pereur lui  confia  la  construction  d'un  obélisque , 
destiné  à  décorer  le  terre-plein  du  Pont-Neuf.  Le 
soubassement  seul  en  fut  commencé,  et  sous  la 
restauration  Le  Père  compléta  ce  soubassement 
en  pierres  de  taille  et  y  éleva  le  piédestal  de  la 
statue  équestre  de  Henri  IV.  Nommé  architecte 
de  l'empereur  à  la  résidence  de  Saint-Cloud,  puis 
sous  la  restauration  architecte  du  roi  à  Fontai- 
nebleau, il  perdit  cette  dernière  place  en  1830. 
En  1824  Le  Père  avait  donné  les  plans  de  l'égliso 
Saint-Vincent-de-Paul ,  qu'il  acheva  avec  son 
gendre  M.  Hittorf.  Indépendamment  de  ces  tra 
vaux,  Le  Père  a  donné  les  dessins  de  la  plupart 
des  médailles  exécutées  sous  la  direction  àv 
Denon  pour  perpétuer  le  souvenir  des  grand; 
événements  de  l'empire;  il  a  trouvé  un  moyen 
ingénieux  pour  sculpter  le  granit.  On  lui  doit 
aussi  l'érection  de  la  nouvelle  statue  de  Napo- 
léon au  sommet  de  la  colonne  Vendôme,  en 
1S33.  Enfin,  il  avait  imaginé  un  mécanisme  pour 
accorder  les  pianos  à  l'aide  de  la  vue  seulement, 
invention  qui  suivant  un  rapport  à  l'Institut 
pouvait  être  considérée  comme  un  des  plus  grands 
perfectionnements  que  cet  instrument  eût  reçus 
de  nos  jours.  L.  L — t. 

Le  Bas,  Dict.  Encyclop.  de  la  France.  —  Moniteur  et 
Journal  des  Débats,  1844. 

le  pessier  (Jean),  jésuite  belge,  né  en 
1596,  à  Tournay,  où  il  est  mort,  en  1646.  Il  pro- 
fessa longtemps  les  belles-lettres  et  la  philoso- 
phie à  Douai,  et  dirigea  le  collège  de  Cambrai. 
On  a  de  lui  :  trois  dissertations  en  latin  sur  la 
Lune,  dans  lesquelles  il  examine  si  la  Lune  estha- 
bi  table,  s'il  y  a  des  montagnes  et  des  vallées,  et 
quelle  est  la  nature  du  pays;  —  Incitatlo  ad 
amplexum  Crucis,  et  quelques  autres  écrits 
religieux.  K. 

Alegambe,  Bibl.  Scriptor.  Soc.  Jesu,  263. 

le  petjt  (Jean- François),  historien  belge, 
né  à  Béthune,  en  1546,  mort  en  Hollande,  après 
1615.  Quoique  de  famille  noble, il  exerçait  les 
modestes  fonctions  de  greffier  de  sa  ville  natale  ; 
plus  tard  il  abjura  le  catholicisme ,  et  se  réfugia 
à  Aix-la-Chapelle.  On  a  de  lui  :  La  grande 
Chronique  ancienne  et  modems  de  Hollande, 
Zélande,  West- Frise,  Utrecht,  Frise,  Over- 
Ysselet  Grœningen  jusques  à  la  fin  de  Van 
1600;  Dordrecht,  1601,  2  vol.  in-fol.  avec  por- 
trait (1).  Cette  chronique  ,  écrite  en  mauvais 
français ,  est  fort  curieuse  pour  les  nombreux 
faits  qu'elle  relate,  et  que  l'auteur  a  puisés  aux 
sources  originales.  Elle  a  été  réimprimée  deux 
fois  en  France  et  trad.  en  anglais;  —  Neder- 
tandis  ghemeene  beste,  bestaende  in  staelen  ; 

(1)  Ce  portrait  est  bien  gravé,  par  Christ  van  Sichem. 
On  lit  au  haut  :  Mt.  LVI.  Anag.  «  Jaten  ci  la  fin  et  re- 
pos, petit  à  petit.  » 


S37 


LE  PETIT  — 


soo  Alghenieene  uls  bysondere  vanH  Her- 
toghdom  ghelre  grxffchap  van  Hollandt, 
West-Vrieslandt,  etc.  (La  République,  de  Hol- 
lande, contenant  une  ample  description  des 
états,  tant  généraux  que  particuliers ,  du  duché 
de  Gueldre,  des  comtés  de  Hollande,  et  de 
Zflandeetdes  provinces  d'Utrecht,  de  Frise,  d'O- 
vei  -Yssel,  et  de  Groningue,  avec  toutes  leurs 
villes  et  places  remarquables),  comparés  avec 
ceux  des  cantons  suisses.  On  y  a  joint  les  motifs 
qui  ont  porté  ces  deux  républiques  à  secouer  le 
joug  de  la  maison  d'Autriche,  et  les  moyens  par 
lesquels  elles  ont  recouvré  leur  liberté;  Arn- 
heim,  1615,  in-4°  oblong.  Le  Petit  dédia  cet  ou- 
vrage aux  états  généraux  :  il  dit  dans  son 
épître  dédicatoire  qu'il  a  décrit  les  choses  après 
les  avoir  vues  sur  les  lieux,et  promet  d'être  beau- 
coup plus  exact  que  Guichardin  qu'il  contredit 
souvent.  L — z — e. 

Préliminaires  de  la  grande  Chronique  de  Le  Petit. 
—  Ferry  de  Locre,  Ckronicon  belgicum  (Arras,  1616, 
in-4°),  p.  m  et  689.  —  l'aquot,  ;)/ émoires  pour  servir  à 
l'/iisloire  littéraire  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  869-371. 

LE  petit  (Chaînes),  poëte  français  du 
dix-septième  siècle.  Il  était  avocat  au  parlement 
de  Paris,  et  s'est  fait  une  célébrité  par  ses  poé- 
sies satiriques.  Outre  celles  qui  ont  été  imprimées 
dans  le  recueil  ayant  pour  titre  :  Tableau  de  la 
vie  et  du  gouvernement  de  MM.  les  cardi- 
naux Richelieu  et  Mazarin  et  de  M.  Col- 
bert  (Cologne,  1094,  in-12  ),  telles  que  sa  Chro- 
nique scandaleuse,  ou  Paris  ridicule  (  Cologne, 
1668,  in-12),  il  avait  publié  un  poëme  ordurier 
et. impie,  qui  lui  attira  le  sort  de  ses  livres  :  il  fut 
brûlé  vif,  en  place  de  Grève.  Le  Paris  ridicule, 
ouvrage  qui  est  devenu  aujourd'hui  une  rareté 
bibliographique,  peut  être  consulté,  même  par 
des  lecteurs  sérieux ,  pour  les  allusions  histo- 
riques et  les  détails  topographiques  et  descriptifs 
qui  s'y  trouvent. 

Le  Bas,  Dict.  Encycl-  de  la  France. 

le  picard  ou  picart  {Jean),  trésorier  de 
France,  né  vers  1380,  mort  en  1456.  Nommé, 
le  19  octobre  1407, notaire  et  secrétaire  du  roi  en 
Ja  chancellerie  de  France,  il  recevait  pour  gages, 
suivant  la  taxe  d'alors,  six  sous  par  jour,  plus 
un  manteau  par  an.  En  1408,  il  devint  secrétaire 
de  la  reine  Isabeau  de  Bavière,  avec  cent  livres 
de  pension.  Lors  de  la  révolte  des  cabo- 
chiens  (  12  mai  1413),  il  fut  pris  par  les  in- 
surgés, en  présence  d'Isabean  de  Bavière  et 
du  duc  de  Guyenne,  dans  la  demeure  royale, 
et  emmené  captif  au  Louvre  avec  Louis  de 
Bavière,  frère  de  la  reine,  avec  le  confesseur  et 
plusieursdames  etdemoiselles  de  cette  princesse. 
Sa  captivité  ne  fut  pas  de  longue  durée;  cardes 
le  6  août  1413  on  le  retrouve  au  service  de  la 
reine.  Le  Picard  figure  dans  le  secret  traité  d'al- 
liance qu'Isaheau  de  Bavière  conclut,  le  29  jan- 
vier 1414,  avec  Charles  duc  d'Orléans,  ainsi 
que  dans  plusieurs  négociations  de  cette  reine. 
Mais  lorsque,  après  la  mort  du  dauphin,  le  con- 
nétable d'Armagnac  devint   tout-puissant,  Le 


LE  PICARD  838 

Picard  la  trahit.  Vers  le  mois  de  juin  1417,  la 
reine  fut  arrêtée  et  conduite  à  Tours  en  capth  ité. 
On  lui  donna  pour  gardiens  son  propre  chance- 
lier, son  premier  secrétaire  Jean  Le  Picard  ,  et 
un  troisième  personnage,  tous  trois  à  la  dévo- 
tion du  connétable.  Mais  la  reine  ourdit,  bientôt 
un  plan  d'évasion,  à  i'insu  de  ses  satellites.  Le 
2  novembre  1417,  jour  des  Morts,  elle  se  rendit 
à  l'office,  accompagnée  de  ses  trois  gardiens,  en 
l'église  de  Marmoutiers,  près  de  Tours.  Tout  à 
coup  l'église  est  cernée  par  Hector  de  Saveuse, 
lieutenant  de  Jean  sans  Peur,  et  par  soixante 
hommes  d'armes.  Bientôt  le  duc  de  Bourgogne 
apparaît  lui-même  en  libérateur  de  la  reine.  Isa- 
belle se  fait  enlever  et  conduire  à  Chartres,  où 
elle  reprit  les  rênes  du  gouvernement.  Au  fort 
du  tumulte,  Le  Picard  avait  embrassé  un  cru- 
cifix, en  invoquant  le  droit  d'asile.  Mais  il  fut  ar- 
rêté avec  ses  compagnons,  et  racheta  sa  liberté 
par  une  forte  rançon.  Cependant,  dès  1421  il 
était  premier  secrétaire  du  dauphin  ,  lieutenant 
général  du  royaume  (plus  tard  Charles  VII). 
En  1424  il  devint  général  et  gouverneur  des 
finances  du  roi  en  Languedoc  et  en  Guyenne,  tout 
en  gardant  sa  charge  de  secrétaire  (1).  En  1430 
il  y  joignit  les  fonctions  de  maître  des  comptes, 
et  en  1445  celles  de  trésorier  de  France,  qu'il 
résigna  sept  ans  après,  en  faveur  d'Etienne  Che- 
valier (voy.  ce  nom).  Il  figura  en  1453,  comme 
magistrat,  dans  le  procès  de  Jacques  Cœur  :  les 
enfants  de  cet  infortuné  financier  réclamaient  la 
moitié  des  biens  de  leur  père ,  provenant  de  la 
succession  de  leur  mère.  Courtisan  jusqu'au  der- 
nier jour,  Jean  Le  Picard  repoussa,  d'accord 
avec  tous  ses  collègues,  moins  un  seul,  les 
conclusions  de  cette  requête. 

La  famille  Le  Picard,  alliée  aux  Budé,  aux 
Chevalier  et  autres  familles  parisiennes  de  robe, 
se  perpétua,  jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle, 
dans  les  charges  de  la  chancellerie  de  France. 
Pierre  Le  Picakd,  frère  de  Jean,  selon  toute 
apparence,  ou  son  collatéral,  élait  notaire  au 
trésor  des  chartes  en  1443  et  1445.  Jean  Le 
Picard,  fils  ou  descendant  du  premier  Jean, 
était  à  la  date  du  25  avril  1477  notaire  secré- 
taire du  roi  et  receveur  du  collège  ou  commu- 
nauté de  ces  notaires  et  secrétaires.  Jacques 
Le  Picard,  en  1489,  était  secrétaire  du  roi  et 
clerc  des  comptes;  il  compila,  sous  cette  date, 
une  Chronique  de  France,  qui  subsiste,  ma- 
nuscrite et  inédite,  sous  le  n°  812,  à  la  biblio- 
thèque deTroyes.  Cet  ouvrage,  qui  a  appartenu 
à  l'un  des  frères  Pithou  ,  paraît  avoir  été  en 
grande  partie  extrait  de  la  Chronique  de 
Charles  VII,  composée  par  Gilles  Le  Bouvier, 
ditBerry.  Elle  contient  quelques  particularités, 
que  l'auteur  avait  recueillies  de  tradition  de  sa 
propre  famille.  Vallet  de  Viriville. 

archives  de  l'empire  (JJ  Registre,  177,  folio  53, 
JJ.  180,  folios  8  et  9  ;  K,  carton  59,  pièce  30,  K  62,  n°  23  ; 

(1)  Les  actes  permettent  de  le  suivre  auprès  du  roi  de 
lien  en  lieu  et  d'année  en  année,  de  14U  à  1451. 

27. 


839 


LE  PICARD  —  LEPIDUS 


840 


K.  64,  n°  8;  KK  Registre  31  folios  11  et  15  et  suivants). 
—  Manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale  (  Cabinet  des 
titres  :  Dossiers  Duchatel,  Montlaur,  Picard;  Manus- 
crits noat,  n°  814,  p.  30T,  347;  Dupuy,  n°  1,  folios 
819,  222 ,  n°  657,  folio  288;  Ms.  Legrand,  tome  6,  p.  10  ).  — 
Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  p.  143.  —  Leroux  de 
Llncy,  Femmes  célèbres,  tome  I,  page  625.  —  P.  Clément, 
Charles  y  II  et  Jacques  Cœur,  p.  280.  —  Quicherat , 
Procès  de  la.  Pucelte.  -  Chroniques  de  Jean  Chartier, 
1858,  in-16;  de  Cousinot,  1859,  in-16;—  Charles  Vil  et 
ses  conseillers,  1859,  in  8°. 

le  picard  (Philippe), conteur  français,  né 
en  Normandie,  au  seizième  siècle.  On  n'a  sur  lui 
d'autre  renseignement  que  cette  épigramme, 
assez  inintelligible,  dont  il  est  l'auteur  : 

Bon  Philip,  ton  puz  et  ton  pic  et  ton  art, 
Tous  sont  picquiers,  harquebusiers,  gendarmes, 
Fouster,  tirer,  bransler  de  toutes  parts, 
Sans  larme  à  l'œil  avoir,  n'au  coste  d'armes. 

On  y  peut  retrouver  le  nom  de  Le  Picard  ainsi 
que  dans  l'anagramme  sous  lequel  il  se  cache 
au  titre  de  son  ouvrage  que  voici  :  «  La  nou- 
velle Fabrique  des  excellens  traits  de  vérité, 
livre  pour  inciter  les  resveurs  tristes  et 
mérancoiiques  à  vivre  de  plaisir,  par  Phi- 
lippe d'Alcripe,  sieur  de  Neri  en  Verbos,  »  ce 
qui  veut  dire  Seigneur  de  rien  en  paroles. 
Philippe  Le  Picard  était  doué  d'une  heureuse  ima- 
gination ;  son  style  est  naturel  et  réussit  assez 
bien  à  provoquer  le  rire.  Il  y  a  eu  quatre  éditions 
de  la  Nouvelle  Fabrique  :  on  ne  connaît  plus 
d'exemplaires  de  la  première  (Paris,  J.  de 
Lastre,  1579, in-16),  la  dernière  (Bibliothèque 
Elzevirienne  de  P.  Jannet,  1853,  in-12)  est 
la  meilleure.  Louis  Lacour. 

Nodier,  Mélanges  tirés  d'une  petite  bibliothèque,  — 
Du  Vcrdier,  Bibliothèque  française.  —  Brunet,  Man.  du 
Libraire,  t.  Ier,  au  mot  Alcripe. 

le  picart  (François),  prédicateur  fran- 
çais, né  en  1504,  à  Paris,  où  il  est  mort,  le 
17  septembre  1556.  Il  appartenait  à  une  famille 
noble,  et  se  rendit  savant  dans  les  lettres  et  la 
théologie.  Il  se  signala  surtout,  par  son  zèle  pour 
arrêter  la  propagation  des  doctrines  de  Luther; 
aussi  fut-il  fort  maltraité  par  Calvin,  de  Bèze  et 
leurs  adhérents.  Sa  piété,  sa  douceur  et  son  dé- 
sintéressement le  rendirent  si  cher  au  peuple 
de  Paris  que  plus  de  vingt  mille  personnes  assis- 
tèrent à  son  enterrement.  En  1548  il  avait  été 
nommé  doyen  de  Saint- Germain-l'Auxerrois.  On 
a  de  lui  :  Sermons  de  François  Le  Picart,  excel- 
lent zélateur  de  l'honneur  de  Dieu;  Reims, 
1557  ou  1559,  in-16;  et  Paris,  1574.  Le  P.  Hi- 
larion  de  Coste  a  écrit  sa  vie  sous  ce  titre  :  Le 
parfait  Ecclésiastique  ;  Paris,  1658,  iu-8°.  K. 

Dupin,  Juteurs  ecclés.  au  seizième  siècle ,  col.  1078. 

lépicié  (Bernard),  peintre  et  graveur  fran- 
çais, né  à  Paris,  en  1698,  mort  dans  la  même 
ville,  en  1755.  Il  cultivait  à  la  fois  la  peinture,  la 
gravure  et  les  lettres.  Il  fit  fort  jeune  un  voyage 
en  Angleterre,  et  grava  les  cartons  de  JRaphael 
qui  ornent  le  palais  de  Hamptoncourt.  Admis  à 
l'Académie  de  Peinture  et  de  Sculpture  en  1737, 
il  en  fut,  en  1740,  nommé  secrétaire  perpétuel 
et  historiographe,  et  publia  le  Catalogue  rai- 


sonné des  tableaux  du  roi,  avec  un  Abrégé  de 
la  vie  des  Peintres  ;  Paris,  1744  et  1752,  2  vol., 
in-4°.  Il  composa  à  la  même  époque  (1752)  un 
Recueil  des  vies  des  Peintres  du  Roi.  Lépicié 
était  alors  professeur  des  élèves  protégés  par 
le  roi  pour  l'histoire,  la  fable  et  la  géogra- 
phie. Le  burin  de  Lépicié  est  sage  et  correct, 
mais  sans  roideur.  On  cite  parmi  ses  estampes  : 
Jupiter  et  Io,  d'après  Jules  Romain;  —  La 
Circoncision,  d'après  le  même  ;  —  Jupiter  et 
Junon,  d'après  le  même;  —  Vertumne  et 
Pomone,  d  après  Rembrandt;  —  Le  Philosophe 
flamand,  d'après  Teniers  ;  —  Le  Jeu  de  Piquet, 
d'après  Netscher;  —  L'Amour  précepteur, 
d'après  Coypel;  —  Charles  1er  embrassant  ses 
enfants  pour  la  dernière  fois;  d'après  Raoux; 
—  La  Prédication  de  saint  Jean,  d'après  le 
Baciccio;  —  Les  Francs- Maçons,  d'après 
Teniers;  —  Thalie  chassée  par  la  Peinture, 
d'après  Coypel. 

lépicié  (Nicolas  -  Bertrand),  peintre  et 
graveur  français,  fils  du  précédent,  né  à  Pa- 
ris, en  1735,  mort  à  Paris,  en  1784.  Élève  de 
son  père,  il  fut  d'abord  destiné  à  la  gravure; 
mais  la  faiblesse  de  sa  vue  ne  lui  permit  pas  de 
suivre  cette  branche  de  l'art.  Carie  Van  Loo 
l'aida  de  ses  conseils  dans  la  peinture,  et  il  pro- 
duisit beaucoup,  peut-être  trop.  Son  dessin  est 
généralement  incorrect,  ses  compositions  ma- 
niérées, et  sa  couleur  trop  uniforme.  Son  meil- 
leur ouvrage  est  le  Suicide  de  Porcia  (  exposé 
au  salon  de  1773);  —  Adonis  changé  en  ané- 
mone (1768)  ;  —  Narcisse  changé  en  fleur 
(1770);  —  Le  Martyre  de  saint  André;  — 
Le  Martyre  de  saint  Denis  ;  —  Saint  Louis 
rendant  la  justice  sous  un  chêne;  —  une 
Descente  de  croix  (dans  la  cathédrale  de  Cha- 
lons-sur-Saône).  On  a  encore  de  lui  quelques 
scènes  familières  et  un  assez  grand  nombre  de 
dessins  d'animaux.  A.  de  L. 

F.  Basan,  Dictionnaire  des  Graveurs.  —  Le  Bas,  Dict. 
Encyclopédique  de  la  France. 

lepidus,  nom  d'une  famille  illustre  de  la 
gens  jEmilia,  une  des  plus  anciennes  maisons 
patriciennes.  Cette  famille  paraît  pour  la  pre- 
mière fois  dans  l'histoire  romaine  au  commen- 
cement du  troisième  siècle  avant  J.-C.  Elle  at- 
teignit vite  à  une  haute  distinction,  s'allia  par  le 
mariage  à  la  famille  impériale  des  César,  et  dis- 
parut vers  la  fin  du  premier  siècle  de  l'ère  chré- 
tienne. Y. 

Perlzonius,  Animadversiones  lit.,  p.  131.  —  Eckhel , 
Doctrina  Num.,  vol.  V,  p.  123.  —  Clément,  Memorie 
romane  di  Aniichità,  vol,  I,  p.  182.  —  Orelli,  Onom. 
TnlL,  vol.  Il,  p.  15.  —  Drumann,  Rom.  Gesch.,  vol.  I, 
p.  1,  etc.  —  Smitl),  Dictionary  o/Greek  and  Roman  Bio- 
graphy. 

lepidds  (M.  Mmïlius),  homme  d'État  et 
orateur  romain,  vivait  dans  le  deuxième  siècle 
avant  J.-C.  Consul  en  137,  il  alla  remplacer  en 
Espagne  son  collègue  C.  Hostilius  Mancinus,  qui 
avait  été  défait  par  les  Numantins.  Eu  attendant 
des  renforts  qui  lui  permissent  d'attaquer  ce 
peuple ,  il  employa  ses  soldats  contre  les  Vac- 


841 


LEPIDUS 


842 


céens,  sous  prétexte  qu'ils  avaient  fourni  des  se- 
cours aux  ennemis  de  Rome.  Le  sénat,  qui  ne 
voulait  pas  étendre  en  Espagne  le  cercle  des 
hostilités,  interdit  au  consul  d'entreprendre  cette 
expédition.  Lorsque  la  défense  arriva,  Lepidus 
était  trop  avancé  pour  reculer.  Accompagné  de 
son  parent  D.  Brutus,  général  habile  et  expé- 
rimenté, il  mitle  siège  devant  Pallantia,  capitale 
des  Vaccéens.  Les  deux  généraux  eurent  tant  à 
souffrir  du  manque  de  provisions  qu'ils  levèrent 
le  siège.  Pendant  leur  retraite  ils  perdirent  une 
partie  de  leur  armée.  Lepidus  fut  immédiate- 
ment rappelé  et  condamné  à  une  amende.  Au- 
gure en  125,  il  eut  à  rendre  compte  devant  les 
censeurs  de  la  magnificence  excessive  qu'il  avait 
déployée  dans  la  construction  de  sa  maison. 

Lepidus  était  un  homme  de  savoir  et  de  goût 
et  le  plus  grand  orateur  de  son  temps,  si  l'on 
en  croit  Cicéron,  qui  avait  lu  ses  discours.  Le 
premier  il  introduisit  dans  les  harangues  du 
Forum  l'élégance  et  l'art  des  Grecs,  et  par  ses 
exemples  il  contribua  beaucoup  à  former  l'élo- 
quence de  Tiberius  Gracchus  et  de  C.  Carbon.  Y. 

Appien,  flisp.,  80-83.—  Tite-Live,  Epit.,  56.  —  Orose, 
V,  5.  —  Vclleius  Paterculus,  II,  10.  —  Valère  Maxime, 
VIII,  1.  —  Cicéron,  Brutus,  25,  86,  97  ;  De  Orat.,  I,  10; 
Tuscul.,  I,  3  ;  Ail  Herenu.,  IV,  5.  —  Meyer,  Orator.  ro- 
man, fragmenta. 

lepidus  (  Marcus- Mmilius  ),  neveu  du 
précédent  et  père  du  triumvir,  mort  en  77  avant 
J.-C.  Préteur  en  Sicile  en  81,  il  se  signala  par 
des  actes  d'oppression  que  Verres  devait  à 
peine  surpasser.  Dans  les  guerres  civiles  de 
Marius  et  de  Sylla,  il  embrassa  d'abord  le  parti 
aristocratique,  et  s'enrichit  en  achetant  à  vil  prix 
des  propriétés  de  proscrits.  L'ambition  l'entraîna 
bientôt  vers  le  parti  populaire,  dont  il  espérait 
devenir  le  chef,  rôle  auquel  l'avait  préparé  son 
mariage  avec  Appuleia ,  fille  du  célèbre  tribun 
Appuleius  Saturninus.  Il  se  porta  candidat  aux 
élections  consulaires  de  79,  contrairement  aux 
vues  de  Sylla.  Le  vieux  général,  qui  cette  année 
même  avait  abdiqué  la  dictature,  se  sentait  trop 
solidement  appuyé  sur  ses  colonies  militaires 
pour  avoir  quelque  chose  à  craindre  de  l'oppo- 
sition étourdie  de  Lepidus,  personnage  médiocre 
et  peu  estimé.  Il  n'usa  donc  pas  de  son  influence 
contre  une  élection  que  Pompée  soutenait  avec 
ardeur.  Lepidus  fut  élu  consul,  et  obtint  même 
plus  de  voix  que  son  collègue  Q.  Lutatius,  qui 
appartenait  au  parti  dominant.  Sylla,  bien  certain 
que  son  pouvoir  durerait  autant  que  sa  vie,  ne 
témoigna  aucune  colère  de  cette  manœuvre,  et  se 
contenta  d'avertir  Pompée  qu'il  fortifiait  un  ri- 
val. La  mort  de  Sylla,  arrivée  l'année  suivante, 
peu  après  l'entrée  en  charge  des  deux  consuls, 
enhardit  Lepidus  à  s'atlaquer  ouvertement  au 
parti  aristocratique  en  provoquant  l'abrogation 
des  lois  du  dictateur.  Bien  que  ces  lois  fussent 
odieuses  au  peuple  et  qu'il  existât  de  nombreux 
éléments  de  révolte,  le  moment  de  renverser  la 
constitution  de  Sylla  n'était  pas  venu .  Le  sou  venir 
du  grand  adversaire  des  plébéiens,  vivant  dans  le 


cœur  de  ses  anciens  soldats,  protégeait  sa  poli- 
tique contre  des  attaques  prématurées.  Lepidus 
commença  par  s'opposer  à  ce  que  les  funérailles 
de  Sylla  fussent  célébrées  au  champ  de  Mars. 
L'intervention  de  Pompée,  sur  lequel  il  avait 
compté,  et  qui  au  contraire  resta  fidèle  au  parti 
aristocratique,  le  força  de  renoncer  à  cette  pre- 
mière mesure.  11  n'en  persista  pas  moins  dans 
ses  projets,  et  proposa  une  série  de  lois  dont  le 
but  général  était  l'abolition  des  réformes  légis- 
latives de  Sylla,  mais  dont  les  dispositions  par- 
ticulières sont  inconnues.  Entre  autres  choses  il 
demanda  le  rappel  de  tous  les  proscrits  et  la 
restitution  des  biens  confisqués.  Ces  mesures, 
quoique  fort  équitables,  auraient  tout  bouleversé 
dans  l'État.  Catulus  les  repoussa  obstinément,  et 
décida  un  des  tribuns  à  y  opposer  son  veto.  Les 
deux  partis,  exaspérés,  étaient  sur  le  point  d'en 
venir  aux  mains  lorsque  le  sénat  obtint  des 
deux  consuls  l'engagement  de  ne  pas  recourir 
aux  armes.  Le  sénat,  pour  se  débarrasser  du 
turbulent  consul,  l'envoya  dans  la  Gaule  Nar- 
bonnaise  sous  prétexte  que  cette  province  était 
en  danger.  Lepidus  quitta  Rome,  et  n'alla  pas 
au  delà  de  l'Étrurie,  où  il  rassembla  une  armée. 
Le  sénat,  alarmé,  lui  ordonna  de  revenir  à  Rome 
pour  y  tenir  les  comices.  Lepidus  s'y  refusa,  et 
fut  déclaré  ennemi  public  au  commencement  de 
77.  Sans  attendre  les  forces  de  Brutus,  qui  com- 
mandait dans  la  Gaule  Cisalpine  et  qui  s'était 
déclaré  pour  la  cause  démocratique,  il  marcha 
droit  sur  Rome.  Il  comptait  sur  un  mouvement 
populaire,  qui  n'eut  pas  lieu.  Pompée  s'unit  à 
Catulus,  et  les  deux  généraux  allèrent  à  la  ren- 
contre des  rebelles.  La  bataille  se  livra  sous  les 
murs  de  Rome,  en  face  du  champ  de  Mars,  à  la 
vue  d'une  foule  innombrable  accourue  pour  voir 
un  combat  dont  elle  n'était  séparée  que  par  le 
Tibre.  Les  soldats  de  Lepidus  ne  purent  sou- 
tenir le  choc  et  s'enfuirent.  Catulus  les  pour- 
suivit, tandis  que  Pompée  marchait  contre  Brutus, 
qui  fut  vaincu  et  mis  à  mort.  Lepidus,  déses- 
pérant de  tenir  plus  longtemps  en  Etrurie,  passa 
avec  le  reste  de  ses  troupes  en  Sardaigne.  Re- 
poussé par  le  préteur  de  l'île ,  il  mourut  ■  peu 
après,  de  chagrin.  Les  débris  de  son  armée 
allèrent,  sous  les  ordres  de  Perpenna,  rejoindre 
Sertorius  en  Espagne.  Le  parti  aristocratique 
usa  de  sa  victoire  avec  modération.  Y. 

Salluste, Hist.,  1. 1,  Fragm.  —  Appien,  Bel.  Civ.,  I, 
105,  107.  —  Plutarque,  Sulla,  3»,  38;  Pomp.,  15,  16.  — 
Tite  Live,  Epit.,  90.  —  Florus,  III,  23.  —  Orose,  V,  22.'— 
Eutrope,  VI,  5.  -  Tacite,  Annal.,  III,  27.  —  Suétone, 
Cses.,  3,  B.  —  Cicéron,  In  Cat.,  III,  10  ;  In  Ferr.,  III,  91. 
—  Pline,  Hist.  Nat.,  vu,  36,  54.  -  Drumann,  Rom. 
Geseh.,  vol.  IV,  p.  339-346. 

lepidcs  (Paullus-jEmilius),  fils  du  pré- 
cédent et  frère  du  triumvir,  mourut  vers  40  avant 
J.-C.  Il  ne  se  laissa  pas  entraîner  par  son  père 
dans  le  parti  populaire  ,  et  débuta  dans  la  car- 
rière politique  en  soutenant  chaudement  la 
cause  de  l'aristocratie.  Son  premier  acte  public 
fut  une  accusation  contre  Catilina,  en  63.  Trois 


843  LEPIDUS 

ans  plus  tard,  il  fut  questeur  en  Macédoine,  et 
en  57  il  travailla  activement  au  rappel  de  Ci- 
céron.  Pendant  son  édilité  en  55,  il  restaura  une 
des  anciennes  basiliques  placées  au  milieu  du  Fo- 
rum, et  en  commença  une  d'une  grandeur  et 
d'une  magnificence  extraordinaires.  Il  obtint 
la  préture  en  53,  et  fut  élu  consul  pour  l'année 
50,  avec  M.  Clandius  Marcellus.  Le  parti  aris- 
tocratique en  le  portant  à  cette  charge  suprême 
croyait  choisir  un  ennemi  déterminé  de  César. 
Lepidus  trompa  l'espoir  de  son  parti,  et  se  laissa 
gagner  par  César.  Il  en  reçut  quinze  cents  talents 
(9,000,000  de  francs),  qu'il  employa,  dit-on,  à 
l'achèvement  de  sa  basilique.  Sa  vénalité  lui  fit 
perdre  la  confiance  du  sénat  sans  lui  concilier 
celle  du  peuple,  et  il  ne  joua  aucun  rôle  dans  la 
lutte  entre  Pompée  et  César.  Après  le  meurtre 
du  dictateur,  en  44,  il  se  rattacha  au  parti  aris- 
tocratique, et  prit  part  au  vote  du  30  juin  43  qui 
déclara  ennemi  public  son  propre  frère  Marcus 
Lepidus,  coupable  de  s'être  joint  à  Antoine. 
Quelque  temps  après  eut  lieu  la  formation  du 
triumvirat,  et  le  nom  de  Paullus  Lepidus  figura  le 
premier  sur  la  liste  de  proscription  dressée  par 
son  frère.  Les  soldats  envoyés  pour  le  tuer  le 
laissèrent  fuir,  probablement  avec  l'assentiment 
du  triumvir.  Il  alla  rejoindre  Brutus  en  Asie,  et 
après  la  mort  de  ce  général  il  se  fixa  à  Milet.  Il 
y  resta,  bien  qu'il  eût  été  amnistié  par  les  trium- 
virs. A  partir  de  cette  époque,  il  ne  paraît  plus 
dans  l'histoire ,  et  l'on  pense  qu'il  mourut  peu 
après. 

La  basilique  que  Paullus  iEmilius  Lepidus 
construisit  avec  l'argent  de  Jules  César  semble 
avoir  reçu  dans  la  suite  le  nom  de  Basilica  Ju- 
lïa.  Quant  à  celle  qu'il  releva  à  ses  frais,  c'était 
sans  doute  la  Basilica  sÈmilïa  dans  le  Forum.  Y. 

Salluste,  Catil.y  31.  —  Scoliaste  de  Bobbio,  In  Patin., 
p.  320,  éd.  Oielli.  —  Cicéron,  In  Patin-,  10;  Ad  Ait.,  II, 
24;  V|,  i,  3;  Ad  Famil.,  VIII,  4,8,  10,  11;  XV,  12,  13; 
Ad  Quintum  frat.,  Il,  4;  Pro  MU.,  9.  —  Appien,  Bel. 
CiV.,  II,  26:  IV,  12,  37.  —  Dion  Cassius,  XL,  43,  63; 
XLVII,  6.  —  Suétone,  Cxsar,  29.  —  Plutarque,  Cœsar, 
29;  Pom peins,  68.  —  Tile  Uxe,  Epit.,  120.  —  Becker, 
Handb.  der  Hâm.  Alterthilmer,  vol.  I,  p.  301-306.  — 
Smith,  Dictionary  of  Greeh  and  Roman  Biography. 

lepjdus  (  Marcus- Mmilius) ,  le  triumvir, 
frère  du  précédent,  mort  en  13  avant  J.-C.  Le- 
pidus grandit  au  milieu  des  troubles  qui  ame- 
nèrent la  ruine  de  la  république,  et  il  semble 
avoir  hésité  quelque  temps  entre  les  deux 
grands  partis  qui  se  disputèrent  le  pouvoir. 
Nommé  interrex  en  52,  pour  la  tenue  des  co- 
mices consulaires,  après  le  meurtre  de  Clodius, 
il  refusa  cette  mission ,  et  vit  sa  maison  pillée 
par  la  foule,  qui  prétendait  venger  la  mort  de 
Clodius.  Sa  vie  fut  même  en  danger.  Cependant 
il  se  rapprocha  bientôt  du  parti  populaire,  et 
lorsque  la  guerre  civile  éclata  en  49  il  adhéra  à 
la  cause  de  César.  Il  était  alors  préteur;  et 
comme  les  deux  consuls  avaient  suivi  Pompée, 
il  se  trouvait  le  plus  haut  magistrat  resté  en 
Italie.  César,  en  partant  pour  l'expédition  d'Es- 
pagne, lui  laissa  le  gouvernement  nominal  de 


844 
Rome.  Mais  la  puissance  réelle  fut  confiée  à 
Antoine.  Lepidus  tint  ensuite  les  comices  qui 
décernèrent  à  César  le  titre  de  dictateur.  C'était 
une  pure  formalité  pour  procéder  régulièrement 
aux  élections  des  consuls;  et  après  les  comices 
consulaires,  César  déposa  sa  nouvelle  dignité. 
L'année  suivante, en  48,  Lepidusreçutle  gouver- 
nement de  l'Espagne  Citérieure  avec  le  titre  de 
proconsul.  Ses  exploits  se  bornèrent  à  rétablir 
l'ordre  entre  Quintus  Cassius  Longinus,  pro- 
consul de  l'Espagne  Ultérieure,  et  son  questeur 
Marcellus.  Il  n'en  prit  pas  moins  le  titre  d'im- 
peralor,  et  César,  flattant  sa  vanité,  lui  accorda 
en  47  les  honneurs  du  triomphe.  «  Les  seuls  tro- 
phées qu'il  pouvait  déployer,  dit  Dion  Cassius, 
étaient  l'argent  qu'il  avait  volé  dans  sa  pro- 
vince. »  Vaniteux,  avide,  sans  aucune  qualité 
supérieure,  Lepidus  devint  cependant  sous  César 
le  second  personnage  de  l'État.  Il  fut,  dans  les 
années  46,  45,  44,  maître  des  chevaliers  du  dic- 
tateur, et  son  collègue  dans  le  consulat. 

En  44  Lepidus  reçut  de  César  le  gouvernement 
de  la  Gaule  Narbonnaise  et  de  l'Espagne  Ci- 
térieure. Il  se  disposait  à  quitter  Rome,  il  avait 
même  rassemblé  les  troupes  qui  devaient  l'ac- 
compagner en  Gaule  lorsque  le  dictateur  fut  as- 
sassiné. Il  avait  dîné  avec  lui  la  veille  du  jour 
fatal,  et  l'on  pense  qu'il  assista  à  la  séance  du 
sénat  où  César  fut  tué.  11  apprit  du  moins  im- 
médiatement la  nouvelle  du  meurtre  (  1 5  mars 
44  ),  et  alla  se  mettre  à  la  tête  de  ses  troupes.  Il 
disposait  de  la  seule  force  armée  présente  dans 
le  voisinage  de  Rome,  et  avait  entre  les  mains 
le  sort  de  la  république.  Les  meurtriers  es- 
sayèrent d'entrer  en  négociation  avec  lui  ;  il  ne 
repoussa  pas  leurs  ouvertures ,  et  après  s'être 
entendu  au  préalable  avec  le  consul  Marc  An- 
toine, principal  chef  du  parti  césaiïen,  il  promit 
une  réponse  pour  le  lendemain.  Dans  la  nuit  il 
occupa  le  Forum  avec  ses  troupes,  et  provoqua 
un  mouvement  populaire  contre  les  meurtriers 
qui  avaient  la  majorité  dans  le  sénat.  Antoine, 
qui  ne  voulait  pas  que  ce  mouvement  s'accom- 
plit sous  les  auspices  de  Lepidus,  ménagea  un 
arrangement  entre  le  parti  aristocratique  et  les 
amis  de  César  ;  Lepidus  s'y  prêta,  et  reçut  pour 
prix  de  son  adhésion  la  dignité  de  souverain 
pontife.  Il  partit  ensuite  pour  ses  provinces  de 
Gaule  et  d'Espagne  avec  mission  de  négocier  un 
accommodement  entre  Sextus  Pompée  et  le 
nouveau  gouvernement  romain.  Il  y  parvint,  et 
en  fut  publiquement  remercié  par  le  sénat  sur 
la  proposition  d'Antoine  (28  novembre).  Cette 
fausse  réconciliation  générale  cachait  la  guerre 
civile.  L'accord  d'Antoine  et  du  sénat  se  rompit 
brusquement,  et  des  deux  côtés  on  rechercha 
l'appui  de  Lepidus.  Le  sénat  flatta  sa  vanité  en 
lui  décernant  une  statue  équestre  et  le  titre 
d'imperator.  Lepidus  ne  se  rendit  pas  à  ces 
avances,  et  dans  l'incertitude  des  événements, 
il  ne  voulut  pas  prendre  d'engagement  irré- 
vocable. Il  ne  remercia  pas  même  le  sénat  du 


845 


LEPIDUS 


décret  rendu  en  son  honneur,  et  quand  on  lui 
prescrivit  de  venir  en  Italie  et  de  se  joindre 
aux  consuls  Hirtius  et  Pansa  contre  Antoine,  il 
se  contenta  d'envoyer  un  petit  corps  de  troupes 
avec  l'ordre  que  Silvanus,  qui  le  commandait, 
se  joignît  à  Antoine.  Celui-ci,  battu  devant  Mo- 
dène,  passa  les  Alpes  avec  les  débris  de  ses 
troupes,  et  se  réfugia  auprès  de  Lepidus,  qui,  re- 
nonçant à  garder  plus  longtemps  la  neutralité, 
réunit  son  armée  au\  débris  de  celle  d'Antoine 
(28  mai  43).  A  cette  nouvelle  le  sénat  le  proclama 
ennemi  public  (50  juin).  Pour  faire  exécuter 
ce  décret,  il  aurait  fallu  des  forces,  et  les  troupes 
du  sénat  étaient  entre  les  mains  d'Octave.  Le 
jeune  général  agissait  encore  au  nom  du  sénat; 
mais,  prévoyant  que  le  parti  aristocratique  ne 
pouvait  pas  résister  à  l'attaque  de  Lepidus  et 
d'Antoine,  auxquels  venaient  de  se  joindre  les 
deux  gouverneurs  de  la  Gaule  et  de  l'Espagne, 
Munatius  Plancuset  Asinius  Pollion,  il  se  détacha 
d'une  cause  perdue.  Il  força  le  sénat  de  lui  ac- 
corder le  consulat  (août  43)  et  de  révoquer  les 
décrets  rendus  contre  Antoine  et  Lepidus.  Ces 
deux  mesures  jetèrent  les  bases  du  célèbre  ac- 
cord qui,  vers  la  fin  d'octobre,  fut  conclu  entre  le 
neveu  de  César  et  les  deux  chefs  du  parti  cé- 
sarien  (voy.  Auguste).  Dans  la  distribution  des 
provinces  entre  les  triumvirs,  Lepidus  obtint 
l'Espagne,  la  Gaule  Narbonnaise  avec  la  mission 
de  gouverner  l'Italie  en  qualité  de  consul,  tandis 
que  ses  collègues  allaient  combattre  en  Orient 
Brutus  et  Cassius.  De  toute  son  armée  on  ne  lui 
laissa  que  trois  légions.  11  se  résigna  facilement 
à  ne  jouer  qu'un  rôle  secondaire  et  s'autorisa  du 
décret  rendu,  l'année  précédente,  pour  se  décerner 
un  triomphe  (31  décembre). 

Dans  le  nouveau  partage  qui  eut  lieu  en  42, 
Octave  et  Antoine,  vainqueurs  à  Philippes,  re- 
tirèrent à  Lépide  ses  deux  provinces, sous  pré- 
texte qu'il  avait  eu  des  intelligences  avec 
Sextus  Pompée.  On  convint  cependant  que  s'il 
pouvait  se  justifier  de  cette  accusation  il  rece- 
vrait l'Afrique  comme  dédommagement.  II  ne 
fut  mis  en  possession  de  cette  province  qu'en 
l'année  40,  par  Octave,  qui,  en  prévision  d'une 
rupture  avec  Antoine,  essaya  de  rendre  Lepidus 
favorable  à  ses  intérêts.  Celui-ci  resta  en  Afrique 
jusqu'en  36,  et  lorsque  ses  deux  collègues  re- 
nouvelèrent, en  37,  leur  triumvirat  pour  cinq  ans, 
il  n'en  fut  pas  exclu.  En  36  Octave  lui  demanda 
secours  contre  Sextus  Pompée.  Il  obéit;  mais, 
ennuyé  d'un  rôle  subalterne,  il  résolut  de  faire  la 
guerre  pour  son  compte.  Il  s'empara  deLilybée, 
de  Messine.dont  la  garnison,  composée  de  huit 
légions,  se  joignit  à  lui.  Se  trouvant  dès  lors  à  la 
tête  de  vingt  légions,  il  crut  pouvoir  faire  ses 
conditions,et  demanda  à  Octave  la  Sicile  et  une 
part  égale  dans  le  pouvoir  triumviral.  La  guerre 
civile  était  imminente;  mais  Lepidus  ne  possé- 
dait pas  la  confiance  de  ses  soldats.  Octave,  qui 
connaissait  leurs  dispositions,  se  présenta  har- 
diment devant  eux,  et  leur  demanda,  au  nom  de 


LEPILEUR  846 

la  patrie  commune,  de  ne  pas  exciter  une  nou- 
velle guerre.  Les  soldats  l'écoutèrent  avec  fa- 
veur, et  Lepidus,  se  voyant  abandonné,  fut  réduit 
à  se  jeter  aux  pieds  de  son  rival.  Octave  lui  laissa 
la  vie,  sa  fortune  particulière  et  la  dignité  de 
souverain  pontife;  mais  il  lui  retira  le  titre  de 
triumvir  et  la  province  d'Afrique.  Lepidus  vécut 
à  Circei ,  dans  une  condition  privée.  Son  fils , 
M.  ^Emilius  Lepidus,  forma  en  30  le  projet  d'as- 
sassiner Auguste  à  son  retour  d'Actium.  Mé- 
cène découvrit  le  complot,  se  saisit  du  jeune 
Lepidus  et  l'envoya  à  Auguste,  qui  le  fit  mourir» 
L'ancien  triumvir  n'avait  eu  aucune  part  à  ce 
dessein  ;  cependant  l'empereur  le  manda  à  Rome, 
et  le  traita  avec  le  dernier  mépris.  Ces  insultes 
n'abrégèrent  pas  les  jours  de  Lepidus,  qui  vécut 
encore  dix-sept  ans.  Auguste  lui  succéda  comme 
souverain  pontife.  Velleius  Paterculus,  toujours 
sévère  pour  les  adversaires  d'Octave,  prétend  que 
Lepidus  n'avait  mérité  par  aucune  vertu  la 
longue  faveur  de  la  fortune  à  son  égard.  Mon- 
tesquieu n'est  pas  plus  indulgent  :  «  C'était,  dit-il, 
le  plus  méchant  citoyen  qui  fût  dans  la  répu- 
blique, et  l'on  est  bien  aise  de  voir  son  humilia- 
tion. Il  manquait  de  fermeté  et  de  talent;  et  il 
dut  uniquement  aux  circonstances  la  pface  im- 
portante où  la  fortune  ne  semble  l'avoir  élevé 
un  instant  que  pour  rendre  sa  chute  plus  écla- 
tante. »  La  vie  publique  de  Lepidus  justifie  ces 
jugements  rigoureux.  Élevé  par  César  aux  plus 
hauts  emplois ,  malgré  sa  médiocrité,  peut-être 
à  cause  de  sa  médiocrité,  il  se  trouva  à  la  mort 
du  dictateur  l'arbitre  suprême  de  la  situation.  Il 
n'usa  de  son  influence  que  dans  un  but  d'intérêt 
personnel,  qu'il  n'atteignit  même  pas.  Car,  après 
avoir  plus  que  personne  contribué  à  la  chute  de 
la  république,  il  n'eut  dans  les  dépouilles  du 
pouvoir  tombé  qu'une  faible  part,  qui  lui  fut  bien- 
tôt enlevée  ;  après  avoir  trompé  le  sénat,  il  se 
laissa  duper  par  ses  complices,  et  ne  s'étant  pas 
contenté  d'être  un  des  premiers  citoyens  de  la 
république,  il  mourut  le  sujet  méprisable  et 
méprisé  d'Auguste.  L.  J. 

Clcéron  (pour  les  nombreux  passages  de  Cicéron  rela- 
tifs à  Lepidus),  voy.  Orelli,  Onomasticon  Tulliamim, 
vol.  Il,  p.  14-lS.  —  Appien,  Bellum  civ.,  1.  II,  V.  —  Dion 
Cassius,  1.  XL1-XLIX,  UV  ,  15.  —  Veileius  Paterculus, 
11,  64,  80.  —  Florus,  IV,  6,  7.  -  Tite  Live,  119,  120,  129, 
133.  —  Suétone,  Octav.,  1619,  31.  —  Sénèque,  De  Clem., 
1,  9,  10.  —  Merivale,  The  Romans  under  the  Emperors. 

LEPiLEcn  (  Henri- Avgustin  ),  linguiste  fran- 
çais, né  à  Paris,  le  3  août  1763,  mort  à  Charen- 
ton,  le  16  décembre  1828.  Capitaine  de  frégate 
avant  la  révolution,  il  se  fit  recevoir  plus  tard 
docteur  en  droit,  philosophie  et  belles-lettres,  et 
résida  quelque  temps  à  Leyde.  Atteint  d'aliéna- 
tion mentale,  il  fut  conduit  à  l'hospice  de  Cha- 
renton,  où  il  termina  sa  vie.  On  lui  doit  :  Elé- 
ments de  la  Langue  Hollandaise  ;  Leyde,  1 807, 
in-8°;  —  Mélanges  d'histoire,  de  littérature, 
de  géographie,  de  morale,  etc.;  Leyde  et  Pa- 
ris, 1808-1809,  3  vol.  in-8°;  les  deux  derniers 
volumes  traitent  de  l'histoire  de  France  et  du 


847  LEPILEUR 

droit  public;  —  Tableaux  synoptiques  des 
mots  similaires  gui  se  trouvent  dans  les 
langues  persane,  sanskrite,  grecque,  latine, 
mœso-gothique,  islandaise,  etc.,  précédés  de 
V abrégé  d'une  grammaire  analytique  du  per- 
san, et  d'un  Essai  sur  Vanalogie  des  mots 
persans  entre  eux  et  avec  ceux  de  plusieurs 
idiomes;  Paris,  1812,  in-8°.  J.  V. 

Quêrard,  La  France  Littër. 

lépine  (Guillaume- Joseph  de),  médecin 
français,  né  à  Paris,  vivait  au  dix-huitième 
siècle.  Reçu  docteur  à  Paris,  en  1724,  il  fut  élu 
doyen  de  sa  compagnie  en  1744 ,  et  continué 
dans  ces  fonctions  en  1745.  Il  n'était  point  par- 
tisan de  l'inoculation  de  la  petite  vérole,  et  écri- 
vit contre  cette  méthode  :  Rapport  sur  le  fait 
de  l'inoculation  ;  Paris,  1765,  in-4°;  —  Sup- 
plément au  rapport  précédent;  Paris,  1767, 
in-4°.  J.  V. 

Éloy ,  Dict.  Mstor.  de  la  Médecine  anc.  et  moderne. 

L.EPITPRE  (Louis).  Voy.  Bassée. 

lepitre  (Jacques-François),  littérateur 
français,  né  le  6  janvier  1764,  mort  à  Versailles, 
le  18  janvier  1821.  Avant  la  révolution  il  ap- 
partenait à  l'université,  et  tenait  un  pensionnat 
à  Paris.  Partisan  des  idées  nouvelles,  il  fut 
nommé,  après  le  14  juillet  1789,  un  des  trois 
cents  représentants  de  la  première  commune 
de  Paris.  Il  donna  sa  démission  en  1790.  Le 
2  décembre  1792,  il  fut  réélu  dans  la  section 
de  l'Observatoire  comme  membre  de  la  munici- 
palité provisoire.  Désigné  par  le  sort  pour  être 
un  des  commissaires  chargés  de  la  surveillance 
de  la  famille  royale  au  Temple,  il  eut  des  égards 
pour  ces  infortunés ,  et  tâcha  d'adoucir  les  ri- 
gueurs des  mesures  dont  ils  étaient  l'objet. 
Lepitre  s'entendit  avec  son  collègue  Toulan 
pour  procurer  aux  prisonniers  des  livres,  des 
journaux,  et  s'acquitta  de  leurs  commissions  au 
dehors.  Étant  de  garde  un  jour  auprès  de 
Louis  XVI  avec  un  collègue  maussade  qui  ne 
répondait  guère  que  par  des  signes  de  tête,  Le- 
pitre demanda  au  roi  la  permission  de  prendre 
les  œuvres  de  Virgile  qui  étaient  sur  la  chemi- 
née: «Vous  savez  donc  le  latin,  lui  dit  Louis  XVI. 
—  Oui,  Sire,  répondit  Lepitre,  et  il  ajouta  : 

Non  ego,  cum  Oanais,  trojaoaiu  excidere  gentem 

Aullde  juravi... 

Un  regard  expressif  du  roi  lui  prouva  qu'il  avait 
été  compris.  Lorsque  Lepitre  reparut  au  Temple 
après  la  mort  de  Louis  XVI,  il  offrit  à  la  reine 
une  romance  qu'il  avait  composée  sur  ce  triste 
sujet;  quelques  jours  plus  tard,  il  vit  que  Marie- 
Antoinette  la  faisait  apprendre  à  ses  deuxenfants. 
Si  l'on  en  croit  Lepitre,  il  aurait  conçu  le  projet 
de  faire  évader  la  famille  royale,  en  s'associant 
Toulan  et  le  chevalier  de  Jarjayes.  Tout  était 
prêt  pour  l'exécution  de  ce  projet,  qui  fut  fixée 
au  2  mars  1793.  Les  relais,  les  postillons  étaient 
disposés  ;  un  mouvement  populaire  qui  eut  lieu 
dans  Paris  ce  jour-là  fit  manquer  l'occasion.  Il 
parait  pourtant  que  ce  plan  avait  été  conçu  par 


—  LEPITRE 


848 


Toulan,  soumis  à  Jarjayes,  qui  l'avait  approuvé , 
et  que  Lepitre  n'en  avait  été  instruit  que  parce 
qu'il  était  ulile  à  sa  réussite.  Président  de  la 
commission  des  passeports,  il  devait  procurer 
ceux  qui  étaient  nécessaires.  Lepitre  se  montra 
pusillanime  :  il  remit  de  jour  en  jour,  malgré  les 
instances  de  Toulan  et  les  impatiences  de  Jarjayes. 
La  reine,  dit-on,  lui  donna  une  mèche  de  ses 
cheveux  et  de  ceux  de  ses  enfants  avec  cette 
devise  :  Poco  ama  ch'  il  morir  terne.  Rien  ne 
put  vaincre  ses  craintes.  Toulan  et  Jarjayes 
combinèrent  alors  un  autre  plan  pour  sauver  la 
reine;  mais  elle  devait  s'échapper  seule  :  la 
veille  du  jour  convenu  elle  refusa.  Vers  la  fin 
de  mars,  Toulan  et  Lepitre  furent  dénoncés  au 
conseil  de  la  commune,  à  cause  de  leur  con- 
duite auprès  des  prisonniers  du  Temple;  Hébert 
demanda  le  scrutin  épuratoire  contre  eux,  et  ils 
cessèrent  de  faire  partie  des  commissaires  sur- 
veillants à  la  tour  du  Temple.  Lepitre  fut  bientôt 
réélu  par  sa  section  à  la  municipalité  définitive; 
sa  nomination  fut  annulée.  Arrêté  avant  le 
jugement  de  Marie-Antoinette,  Lepitre  fut  con- 
duit à  Sainte-Pélagie  avec  d'autres  commissaires 
accusés  d'avoir  été  corrompus  par  les  promesses 
de  l'ex-reine  et  d'avoir  conspiré  avec  elle  con- 
tre la  sûreté  de  l'État.  Il  comparut  comme  té- 
moin devant  le  tribunal  révolutionnaire  dans  le 
procès  de  la  reine;  interrogé  sur  les  conférences 
secrètes  qu'il  avait  eues  avec  cette  princesse,  il 
nia  tout,  et  fut  ramené  en  prison.  Le  23  no- 
vembre Lepitre  reparut  avec  d'autres  comme 
inculpé  devant  le  tribunal  révolutionnaire;  le 
concierge  de  la  tour  du  Temple  le  signala  comme 
un  de  ceux  qui  montaient  vite  auprès  de  la  fa- 
mille royale  sans  attendre  ses  collègues;  il  fut 
pourtant  acquitté.  Après  le  9  thermidor,  la  fille 
de  Louis  XVI  eut  la  permission  de  se  promener 
dans  le  jardin  du  Temple;  Mme  Cléry  loua  dans 
une  maison  voisine  deux  chambres  qui  avaient 
vue  sur  le  jardin.  Lepitre  composa  quelques  ro- 
mances, dont  cette  dame  fit  la  musique;  elle  les 
chantait  avec  une  de  ses  amies,  et  la  princesse 
venait  les  écouter.  La  police  fit  cesser  ces  con- 
certs. A  l'époque  du  13  vendémiaire,  Lepitre 
était  président  d'une  des  sections  qui  se  soule- 
vèrent contre  la  Convention.  Les  présidents  et 
secrétaires  de  ces  sections  furent  renvoyés  de- 
vant une  commission  militaire.  Lepitre  parvint 
à  se  soustraire  à  cet  ordre  d'arrestation,  que  ses 
amis  réussirent  à  faire  révoquer.  En  1797  il 
accepta  les  fonctions  d'électeur;  il  fut  encore 
nommé  au  conseil  municipal,  mais  le  Directoire 
annula  son  élection.  Il  reprit  alors  son  institution. 
A  la  restauration ,  la  duchesse  d'Angoulême  le 
reçut  avec  bienveillance.  En  1816  il  fut  nommé 
professeur  de  rhétorique  au  collège  de  Rouen, 
et  passa  quelque  temps  après  au  collège  de  Ver- 
sailles. On  a  de  Lepitre  :  La  première  réquisi- 
tion, pièoe  républicaine  en  un  acte  (en  société 
avec  Picard),  représentée  en  1793,  sur  le  théâtre 
de  la  Cité  ;  —  Annan  d,  ou  le  bienfait  des  per- 


849 


LEPITRE  —  LEPLAT 


850 


ruques,  pièce  anecdotique  en  prose  mêlée  de 
vaudevilles  (avec  Mme  Dufrénoy),  donnée  aux 
Troubadours;  1799,  in-8°; —  L'Aveugle  sup- 
posé, comédie  en  un  acte,  en  prose  et  en  vau- 
devilles; 1809,  in-8°;  —  Histoire  des  dieux, 
des  demi-dieux  et  des  héros  adorés  à  Rome 
et  dans  la  Grèce,  nouvelle  édition,  revue,  corri- 
gée et  augmentée  ;  Paris,  1814,  1819,  in-12;  — 
Quelques  Souvenir  s,  ou  notes  fidèles  sur  mon 
service  au  Temple,  depuis  le  8  décembre 
1792  jusqu'au  20  mars  1793;  Paris,  1814,  1817, 
in-8°;  —  Cinq  Romances  composées  en  1793 
et  1795,  pour  les  illustres  prisonniers  du 
Temple,  musique  de  Mme  Cléry;  Paris,  1814, 
in-4°.  L.  L— t. 

Lepitre ,  Quelques  Souvenirs,  etc.  —  Mahul,  Annuaire 
Alécrol.,  1821.  —  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Bioyr. 
nouv.  des  Conlemp.  —  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Con- 
temp. 

le  plaisant  (  Jean  ),  ou  Joannes  Léo 
Placentius,  poète  et  chroniqueur  liégeois,  né  à 
Saint  Trond,  vers  1485,  mort  à  Maestricht,  en 
1548.  II  fit  ses  études  à  Liège,  chez  les  Frères 
de  la  Vie  commune  (  ou  de  Saint-Jérôme),  prit 
i'habit  des  dominicains  à  Maestricht,  vers  1502, 
et  professa  jusqu'en  1519  la  théologie  à  Louvain. 
On  lui  reproche  une  certaine  crédulité ,  mais  son 
style  ne  manque  pas  d'élégance.  On  connaît  de 
lui  :  Catalogus  omnium  Anlistilum  Tunga- 
rorum,  Trajectensium,  ac  Leodiorum,  et  re- 
rum  domi,  bellique  gestarum  Compendium ; 
Anvers,  in-12  ;  et  dans  la  Respublica  Leodiensis 
de  Boxhornices;  Amsterdam,  Elzevier,  1633, 
in-32  :  cet  ouvrage  est  suivi  de  plusieurs  pièces 
de  poésie  latine;  —  Pugna  Porcorum,  per  Pla- 
centiam  porcium  poëtam;  Bâle,  1546,  in-12  : 
avec  l'ouvrage  du  moine  Hucbaud,  De  Laude 
Calvorum;  Louvain,  1546,  in-12,  etc.  Ce  poème 
commence  par  ces  vers  : 

Plaudite,  Porcelli;  porcorum  pigra  propago 
Progreditur;  porci  plures,  etc. 

—  Chronicon  a  temporibus  Apostolorum  ad 
annum  1408  :  cette  chronique  est  en  vers  ;  elle 
est  restée  manuscrite.  L — z — e. 

Nicéron,  Mémoires,  t.  XXIV,  p.  67-68.  —  Échard, 
Scriptores  Ordinls  Prœdicalorum  ,  t.  II,  p.  134.  —  Pa- 
quot,  Mém.  pour  servir  à  l'hist.  litt.  des  Pays-Bas, 
t.  III,  p.  262-Ï65. 

leplat  (Josse),  jurisconsulte  belge,  né 
àMalines,  le  18  novembre  1732,  mort  à  Coblentz, 
le  6  août  1810.  Il  étudia  le  droit  à  l'université  de 
Louvain ,  où  il  obtint  en  1768  une  chaire  de  droit 
romain,  qu'il  quitta  en  1776  pour  une  chaire  de 
droit  canonique.  Ayant  fait  soutenir  en  1771  une 
thèse  (  Dissertation  hislorico-canonique  sur 
l'indissolubilité  du  mariage  de  l'infidèle  con- 
verti), le  P.  Maugis,  professeur  de  théologie, 
essaya  de  réfuter  Leplat,  qui  lui  répondit  d'une 
manière  victorieuse.  En  1782,  ce  dernier  fit  sou- 
tenir une  nouvelle  thèse  (  Dissertatio  canonica 
de  sponsalibus  et  matrimoniorum  impedi- 
mentis). Deux  ans  après,  Van  de  Velde,  pro- 
fesseur de  théologie ,  attaqua  avec  violence,  dans 
une  thèse  De  impedimentis  matrimonii ,  Le- 


plat, qu'il  accusait  d'imposture  et  d'hérésie.  Non- 
senlement  celui-ci  repoussa  avec  succès  les  at- 
taques de  son  adversaire,  dans  un  écrit  intitulé  : 

Vindiciae  Dissertationis  canonicœ  de  sponsa- 
libus  et  matrimoniorumimpedimenlis,  etc.  (1); 
mais  le  gouvernement  de  l'empereur  Joseph  II, 
alors  sur  le  point  de  publier  l'édit  du  23  sep- 
tembre 1784,  relatif  au  mariage,  suspendit  le 
cours  de  van  de  Velde.  Lors  de  la  création  en 
1786  d'un  séminaire  général  à  Louvain,  Leplat, 
partisan  des  réformes  libérales  introduites  par 
l'empereur,  fut  l'un  des  professeurs  conservés 
pour  le  nouvel  établissement;  mais  le  clergé  ex- 
cita une  révolte  parmi  les  étudiants,  qui  refu- 
sèrent de  suivre  les  cours  de  théologie  du  sémi- 
naire; il  ameuta  même  la  foule  contre  Leplat, 
qui ,  contraint  de  s'éloigner  de  Louvain,  se  ré- 
fugia à  Maestricht,  où  il  résida  quelque  temps. 
Il  revint  ensuite  à  Louvain  pour  reprendre  son 
enseignement;  mais  les  nouvelles  manœuvres  du 
clergé  l'en  empêchèrent.  Dépourvu  de  moyens 
d'existence,  il  se  retira  en  Allemagne,  puis  en 
Hollande,  auprès  de  l'abbé  Mouton,  son  ami, 
qu'il  aida  dans  la  rédaction  des  Nouvelles  ec- 
clésiastiques, recueil  périodique  imprimé  à 
Utrecht.  Nommé  en  1806  professeur  de  droit 
romain  et  directeur  de  la  faculté  de  droit  de 
Coblentz,  il  occupa  ces  fonctions  jusqu'à  sa  mort. 
Outre  les  écrits  mentionnés,  on  a  de  Leplat  : 
Claudii  Fleurit  in  Historiam  Ecclesiasticam 
Dissertationes,  etc.;  Louvain,  1780,  2  vol. 
in-8°  ;  ouvrage  anonyme.  Leplat  a  publié  comme 
éditeur  divers  recueils ,  parmi  lesques  nous  ci- 
terons :  Monumentorum  ad  historiam  con- 
cilii  Tridentini  potissimum  illustrandam 
spectantium  amplissima  Collectio;  Louvain, 
1781-1787,  7  vol,  in-4°.  L.  Stockmans ,  Opéra 
omnia;  1783,  4  vol.  in-8°.  Leplat  fit  paraître  au 
commencement  de  1792  le  Conspectus  d'un  nou- 
veau supplément  aux  œuvres  de  Van  Espen, 
qui  devait  en  former  le  sixième  volume,  et  qui 
n'a  pas  été  imprimé,  à  cause  de  l'invasion  des 
armées  françaises.  Ce  Conspectus,  dont  un  exem- 
plaire est  joint  à  celui  du  Jus  ecclesiaslicum 
universum  (Louvain ,  1753-1768,  5  vol.  in-fol.) , 
que  possède  la  bibliothèque  royale  de  Bruxelles, 
mérite,  dit  le  bibliophile  van  Hulthem,  d'être 
conservé,  parce  qu'il  fait  connaître  les  intrigues 
du  P.  Amyot,  jésuite  français,  confesseur  de 
Marie-Elisabeth ,  sœur  de  Charles  Vf,  et  gou- 
vernante des  Pays-Bas.  Ce  jésuite  voulait  intro- 
duire en  Belgique  une  espèce  d'inquisition  litté- 
raire. E.  Regnard. 

Relation  fidèle  de  la  dispute  élevée  entre  les  docteurs 

(1)  Nous  avons  inutilement  cherché  dans  les  bibliothè- 
ques publiques  de  Paris  les  éditions  originales  de  ces 
divers  opuscules,  tous  devenus  rares.  La  thèse  de  Leplat 
de  1782,  celle  de  van  de  Velde  de  1784,  et  la  réponse  de 
Leplat,  sont  reproduites  dans  un  recueil  que  possède  la 
Bibliothèque  impériale,  et  dont  voici  le  titre  :  Collectio 
variarurn  elucubrationum,  quibus  potissimum  discu- 
titur  qusestio  an  et  quo  jure  Ecclesia  fruatur  in  indu- 
cendis  impedimentis  contractum  matrimonii  dirimen- 
tibus  ;  s'aa  nom  de  lieu,  1"84,  ln-8\ 


851 


LEPLAT  —  LEPORIUS 


de  théologie  de  Louvain ,  à  F  occasion  d'une  thèse  :  De 
impcdiraentts  matrimonil;  Lille,  1786,  2  vol.  in-8°.  — 
B.  Vlguerle,  La  Justice  en  llel  lique  avant  89.  —  lliblio- 
theea  Ilulthemiana,  t.  I,  n°  :iuô3.  —  Barbier,  Diction- 
naire des  Ouvrages  anonymes.  —  Documents  particu- 
liers. 

*le  play  (Pierre-GuWaume-Frédéric) , 
ingénieur  et  statisticien  fiançais,  né  au  Havre, 
en  1806.  Élève  de  l'École  Polytechnique  de  1825 
à  1S27,  il  entra  dans  le  corps  des  mines,  où  il 
est  parvenu  au  grade  d'ingénieur  en  chef  de 
première  classe.  Professeur  de  métallurgie  et 
inspecteur  des  études  à  l'école  des  mines  de 
Paris,  il  fut  commissaire  général  de  l'exposition 
universelle  de  Paris  en  1855  et  nommé  conseiller 
d'État  à  la  fin  de  la  même  année.  On  a  de  lui  : 
Observations  sur  l'histoire  naturelle  et  sur 
la  richesse  minérale  de  l'Espagne;  Paris, 
1834,  in-8°  ;  —  Vues  générales  sur  la  statis- 
tique, suivies  d'un  aperçu  d'une  statistique 
générale  de  la  France;  Paris,  1840,  in-8°; 
—  Description  des  procédés  métallurgiques 
employés  dans  le  pays  de  Galles  pour  la 
fabrication  du  cuivre,  et  recherches  sur 
l'état  actuel  et  sur  l'avenir  probable  de  la 
production  et  du  commerce  de  ce  métal; 
Paris,  1848,  in-8°  ;  —  Les  Ouvriers  européens, 
études  sur  les  travaux,  la  vie  domestique 
et  la  condition  morale  des  populations  ou- 
vrières de  l'Europe,  précédées  d'un  exposé 
de  la  méthode  d'observation;  Paris,  Impr. 
impér.,  1855,  gr.  in-fol.,  ouvrage  couronné 
du  grand  prix  de  statistique  par  l'Académie  des 
Sciences,  en  1856;  —  des  notices  dans  l'Ency- 
clopédie nouvelle  et  dans  les  Annales  des 
Mines.  M.  Le  Play  a  été  un  des  collaborateurs 
du  Voyage  dans  la  Russie  méridionale  et  la 
Crimée,  par  la  Hongrie,  la  Valachie  et  la 
Moldavie,  exécuté  en  1837  sous  la  direction  du 
comte  Anatole  Demidoff.  L.  L — t. 

Bourquelot  et  Maury,  La  Lillèr.  Franc,  contemp.  — 
Vapereau,  Dict.  Univ.  des  Contemp. 

le  pojs  (Antoine),  numismate  français,  né 
en  1525,  à  Nancy,  mort  en  1578.  Appartenant  à 
une  famille  lorraine  qui  a  produit  plusieurs 
hommes  de  mérite  ,  il  était  fils  d'un  apothicaire 
qui  reçut  de  son  souverain  des  lettres  de  no- 
blesse, et  vint  à  Paris  faire  ses  études  sous  la  di- 
rection du  célèbre  Jacques  Dubois  (Sylvius). 
Après  avoir  complété  son  éducation  littéraire  et 
médicale,  il  retourna  dans  sa  ville  natale,  et  ne 
tarda  pas  à  obtenir  la  place  d£  premier  médecin 
du  due  Charles  III  et  de  sa  femme,  la  princesse 
Claude.  Dès  lors  il  se  livra  à  son  goût  pour  l'é- 
tude des  médailles  et  des  pierres  gravées ,  en 
réunit  une  précieuse  collection ,  et  écrivit  un 
livre  estimé,  qui  fut  publié  par  les  soins  de 
son  frère  puîné  ;  ce  livre  a  pour  titre  :  Discours 
sur  les  Medalles  (sic)  et  Graveures  antiques, 
principalement  romaines  :  plus  une  exposi- 
tion particulière  de  quelques  planches  ou 
tables;  Paris,  1579,  in-4°,  avec  vingt  figures 
gravées  par  Pierre  Woeriot,  fameux  orfèvre  et 
graveur  de  Bar-le-Duc.  P.  L— y. 


852 


Renauldin,  Les  Médecins  numismates,  71-75.  —  Cal- 
met,  Biblioth.  Lorraine. 

lepois  (  Charles),  Carolus  Piso,  célèbre 
médecin  lorrain,  né  à  Nancy,  en  1563,  mort  eu 
_  1633.  Il  était  fils  de  Nicolas  Lepois,  auleur  d'un 
ouvrage  resté  classique  jusque  dans  le  siècle  der- 
nier (1).  Après  de  brillantes  études  au  collège 
de  Navarre,  il  vint  étudier  la  médecine  à  Paris, 
voyagea  en  Italie,  devint  médecin  consultant  de 
Charles  III,  duc  de  Lorraine,  et  doyen  de  la  fa- 
culté que  ce  prince  avait  créée  à  Pont-à-Mousson. 
On  a  de  Lepois  :  Selectiorum  Observatlonum  et 
corisùiorum  de  prselervisis  hactenus  viorbis 
ajfeclibusque  'prseter  naturam  ab  aqua  seu 
serosa  colluvieet  diluvie  ortis,  1  vol.  in-4°; 
Pont-à  -  Mousson ,  1618.  Boerhaave,  qui  pro- 
fessait une  grande  estime  pour  Lepois,  a  publié 
une  édition  enrichie  d'une  préface  de  sa  main 
(  Lugduni-Batavorum,  1733,  in  4°  )  ;  un  abrégé 
parut  sous  le  titre  de  Piso  enucleatus  (  Elze- 
vier  ),  in-8°,  1639.  Ce  qui  donnait  à  cet  ou- 
vrage une  valeur  réelle ,  c'étaient  les  excellentes 
descriptions ,  les  faits  intéressants  dont  il  abon- 
dait. Un  siècle  avant  Willis,  Lepois  professa  l'o- 
pinion que  l'hystérie  devait  être  rangée  parmi 
les  affections  convulsives,  et  que  comme  telle 
son  siège  est  dans  l'encéphale.  La  thérapeutique 
de  Lepois  n'eut  de  remarquable  que  sa  simplicité, 
à  une  époque  où  une  absurde  polypharmacie 
avait  fait  de  l'art  de  guérir  un  assemblage  de  re- 
cettes bizarres.  Lepois  mourut,  noble  victime  de 
la  science  et  de  l'humanité ,  d'un  typhus  épidé- 
mique  qui  ravageait  sa  ville  natale,  au  secours 
de  laquelle  il  avait  voulu,  malgré  son  âge,  ap- 
porter ses  talents  et  son  expérience. 

Dr  C.  Saucerotte. 
Notice  sur  Le  Pois,  par  C.  S.  dans  les  Mèm.  de  l'Acad. 
de  Nancy,  ann.  1853.  —  Sprengel,  Histoire  de  la  Mé- 
decine. 

le  poivre,  géomètre  de  Mons ,  vivait  à  la 
fin  du  dix-septième  siècle  et  au  commencement 
du  dix-huilième.  M.  Chastes,  dans  son  Aperçu 
historique,  donne  une  excellente  analyse  d'un 
ouvrage  de  Le  Poivre,  intitulé  Traité  des  Sec- 
tions du  Cylindre  et  dû  Cône,  considérées 
dans  le  solide  et  dans  le  plan ,  avec  des  dé- 
monstrations simples  et  nouvelles  (  Paris , 
1704,  in-8°  de  60  pages).  La  méthode  de  Le 
Poivre  offre  une  grande  analogie  avec  celle  de 
La  Hire  ;  mais  ce  qui  donne  à  l'ouvrage  du  pre- 
mier de  ces  géomètres  un  mérite  particulier, 
c'est  qu'il  contient  un  second  mode  de  descrip- 
tion des  figures,  basé  sur  leurs  relations  métri- 
ques. E.  M. 

Journal  des  Savants,  1704.  —  Jeta  Eruditorum,  J70T. 
—  Chastes ,  Aperçu,  historique  sur  l'origine  et  le  déve- 
loppement des  Méthodes  en  Géométrie  ,■  Bruxelles,  1  vol. 
in-4%  1837. 

leporïus,  écrivain  ecclésiastique  latin, 
Gaulois  de  naissance,  vivait  au  commencement 


(1)  Cet  ouvrage  a  pour  titre  :  De  cognoscendis  et  cu- 
randis  prœcipue  internis  humant  corporis  morbis, 
Libri  III;  Francf.,  1680,  in-fol. 


853 


LEPORIUS  —  LE  PRÉDOU'R 


854 


du  cinquième  siècle.  11  embrassa  la  vie  monas- 
tique sous  les  auspices  de  Cassien  à  Marseille. 
Il  jouissait  d'une  grande  réputation  de  sainteté, 
lorsqu'il  tomba  dans  l'hérésie  de  Pelage.  Il  en 
exagéra  même  les  erreurs,  et  soutint  à  la  l'ois 
que  l'homme  n'a  pas  besoin  de  la  grâce  divine, 
et  que  le  Christ  était  né  avec  une  nature  humaine 
seulement.  Ayant  été  excommunié  par  suite  de 
ces  doctrines,  il  se  rendit  en  Afrique  auprès  de 
saint  Augustin ,  dont  il  écouta  les  leçons  avec 
tant  de  prolit  qu'il  renonça  bientôt  à  ses  er- 
reurs. Il  adressa  une  rétractation  solennelle  à 
Proculus,  évêque  de  Marseille  et  à  Cyllinius,  évo- 
que d'Aix ,  tandis  que  quatre  évoques  africains 
garantissaient  la  sincérité  de  sa  conversion  et 
intercédaient  en  sa  faveur.  Bien  que  réintégré 
dans  ses  droits  ecclésiastiques,  Leporius  ne 
semble  pas  être  revenu  dans  sa  contrée  natale. 
11  quitta  la  profession  monastique,  et  fut  ordonné 
prêtre  par  saint  Augustin,  vers  425.  On  ne  sait 
rien,  du  reste,  de  sa  carrière,  sinon  qu'il  vivait 
encore  en  430. 

La  rétractation  de  Leporius  forme  un  traité  in- 
titulé :  Libelius  emendationis  sive  satisjac- 
tionis  ad  episcopos  Gallise ,  quelquefois  avec 
cette  addition,  confessionem  ftdei  cathnlicse 
continens  de  mysterio  incarnationis  Christi, 
cum  erroris  pristini  detestatione.  Cet  ouvrage 
fut  tenu  en  haute  estime  par  les  anciens  théo- 
logiens, qui  regardaient  l'auteur  comme  un  des 
plus  fermes  défenseurs  de  l'orthodoxie  contre 
les  attaques  des  nestoriens.  Quelques  critiques 
modernes,  entre  autres  Quesnel,  ont  supposé  que 
le  Libellas  de  Leporius  appartient  moins  à  cet 
écrivain  qu'à  saint  Augustin.  Cette  opinion,  qui 
est  peu  fondée,  a  été  réfutée  par  les  bénédictins. 
Après  avoir  repoussé  les  objections  de  Quesnel, 
ils  ajoutent  :  «  La  rétractation  de  Leporius  est 
le  langage  d'un  cœur  pénitent  et  humiiié,  et  il 
faut  avoir  senti  ce  qui  y  est  dit  pour  l'exprimer 
de  la  sorte.  Si  elle  était  d'une  autre  plume  que 
la  sienne ,  ce  serait  l'esprit  et  non  le  cœur  qui  y 
parlerait.  Elle  serait  peut  être  mieux  raisonnée  ; 
mais  elle  serait  moins  touchante.  On  y  trouve- 
rait peut-être  de  plus  grandes  beautés ,  mais  il  y 
aurait  moins  d'onction ,  de  simplicité  et  de  can- 
deur. » 

Des  fragments  du  Libelius  furent  recueillis 
pour  la  première  fois  par  Sirmond ,  et  insérés 
dans  sa  collection  des  conciles  des  Gaules  ;  Paris, 
vol.  I,  p.  52.  Le  même  éditeur  découvrit  bientôt 
après  et  publia  l'ouvrage  entier  dans  ses  Opus- 
cula  Dogmatica  veterum  quinque  Scripto- 
rura;  Paris,  1630,  in-8° ,  avec  la  lettre  des  évo- 
ques africains  en  faveur  de  Leporius.  Le  Li- 
belius se  trouve  aussi  dans  la  collection  des  con- 
ciles de  Labbe  ;  Paris,  1671,  in-fol.,  dans  l'édition 
de  Marius  Mercator  par  Garnier;  Paris,  1673, 
in-fol.,  1. 1,  p.  224;  dans  la  Bibliot/ieca  Patrum 
maxima  de  Lyon,  t.  VII,  p.  14  ;  dans  la  Biblio- 
theca  Patrum  de  Galland,  t.  IX,  p.  396.  Y. 

*  Gennadius,  De  y  iris  illust.,  p.  59.  —  Cassien,  De  In- 


carnat., I,  *.  —  Quesnel,  Dissert.,  dans  son  édition  des 
œuvres  de  saint  Léon  le  Grand  .  1.  II,  p.  90G.  —  Jlistoire 
littéraire  de  la  France,  vol.  Il,  p.  167.  —  Garnier,  Dis- 
sert.,  dans  son  édition  de  Mar.  Mercator,  vol.  I,  p.  230. 
—  Sihœnemann,  Biblintlieca  Patrum  Latinoriim,  t.  Il, 
p.  883.  —  Baulir,  Vie  c/<riMich-rôinische  T/ieotogie, 
p.  323. 

LE  poïtlchre  (  Français  ),  seigneur  de  La 
Motte  Messemé,  né  à  Mont-dc-Marsan,  en  1546, 
mort  vers  1597.  Son  père  était  surintendant  de 
Marguerite  de  Navarre.  Il  suivit  de  bonne  heure 
la  carrière  des  armes,  assista  à  la  bataille  de 
Dreux,  en  1562,  et  devint  gentilhomme  de  la 
chambre  de  Charles  IX.  On  a  de  lui  :  Les  Sept 
livres  des  honnestes  loisirs  de  M.  de  la 
Motte-Messemé  ;  Paris,  1587,  in-12;  —  Passe- 
temps  de  messire  Fr.  Le  Poulchre,  seigneur 
de  la  Motte-Messemé,  chevalier  des  ordres 
du  roi;  Paris,  1597,  in-12.  On  trouve  dans  ces 
deux  ouvrages  des  détails  curieux  sur  les  chan- 
gements introduits  dans  la  manière  de  combattre 
depuis  François  Ier  jusqu'à  Charles  IX.  Le  Poul- 
chre prétendait  descendre  en  droite  ligne  du 
consul  Appius-Claudius  Pulcher. 

I.e  Bas,  Dict.  Encyclop.  de  la  France.  —  Chaudon  et 
Delandine,  Dict.  univ.  Hist.,  Crit.  et  Hibliogr. 

le  PRÉsoca  ( Louis- Joseph- Marie) ,  ad- 
ministrateur français,  né  le  2  juillet  1758,  à  Pléy- 
ben  (  Bretagne  ),  guillotiné  à  Brest,  le  3  prairial 
an  ii  (  22  mai  1794).  11  fit  ses  études  à  Quimper 
et  son  droit  à  Rennes,  où  il  fut  reçu  avocat  au 
parlement  en  1779.  Il  se  montra  partisan  des 
réformes  libérales,  et  devint  successivement  pro- 
cureur de  la  commune  de  Chàteaulin,  juge  au  tri- 
bunal de  cette  ville,  membre  de  l'administration 
du  département  duFinistère,  et  organisa  en  1792 
la  garde  nationale  de  cette  contrée.  Il  prit  parti 
pour  les  girondins,  et  essaya  de  les  soutenir  par 
des  moyens  militaires;  cette  tentative  échoua,  et 
le  9  juillet  1793  Le  Prédour  fut  décrété  d'accusa- 
tion. Ilseconstituaprisonnierà  Brest.  Ayant  été 
mis  en  jugement  avec  vingt-cinq  de  ses  collègues, 
une  condamnation  capitale  s'en  suivit.  Le  Pré- 
dour mourut  avec  courage.  H.  L. 

Galerie  des  Contemporains  (1819). 

*  le  prédour  (  Fortuné-Joseph-Hyacin- 
the ),  amiral  français,  fils  du  précédent,  né  le 
16  février  1793.  Entré  à  l'âge  de  onze  ans  dons 
la  marine ,  il  prit  part  aux  guerres  maritimes 
de  l'empire,  et  fut  nommé  successivement 
enseigne  en  1812,  lieutenant  de  vaisseau  eu 
1822,  capitaine  de  vaisseau  en  1838.  Promu 
contre-amiral  le  27  mars  1847,  il  fut  mis  à  la 
tête  de  la  station  navale  du  Brésil.  Chargé  de? 
intérêts  de  la  France  dans  la  Plata,  il  eut  à  sur- 
veiller le  blocus  de  cette  rivière,  et  négocia  en 
1849  avec  Rosas  un  traité  stipulant  la  libre  na- 
vigation du  Parana,  le  rétablissement  de  l'état 
de  choses  existant  avant  la  guerre  et  l'indépen- 
dance de  la  République  Orientale.  En  1851  il 
résigna  son  commandement,  et  revint  en  France. 
Nommé  vice-amiral  le  3  février  1852,  et  membre 
titulaire  du  conseil  d'amirauté,  il  a  été  élevé  à  la 
dignité  de  sénateur  le  8  février  1858,  et  admis 


855  LE  PRÉDOUR 

dans  la  section  de  réserve  de  l'armée  navale  à  la 
môme  époque.  On  a  de  lui  :  Instructions  nau- 
tiques sur  la  mer  de  Chine,  traduites  de  l'an- 
glais de  James  Horsburgh  ;  Paris,  1824,  in-4°; 
—  Résumé  des  Opérations  hydrographiques 
faites  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique  dans 
les  années  1826  et  1827,  à  bord  de  la  frégate 
La  Flore  et  de  la  goélette  La  Dorade;  Paris, 
1828,  in-8°  ;  —  Instructions  nautiques  sur 
les  mers  de  l'Inde,  tirées  et  traduites  de  l'an- 
glais de  J.  Horsburgh;  Paris,  1837-1839,  5  vol. 
in-8°;  1851,  3  vol.  in-4°.  L.  L— t. 

État  de  la  Marine.  —  Vapereau,  Dict.  univ.  des  Con- 
temp. 

*  leprévost  (Auguste)  y  historien  et  ar- 
chéologue français,  né  à  Dernay,  en  Normandie, 
le  3  juin  1787.  11  fut  nommé  sous-préfet  de 
Rouen  en  1814,  et  remplacé  vers  la  fin  de  1815. 
Rentré  dans  la  vie  privée,  il  s'adonna  à  des 
travaux  sur  l'histoire  et  l'archéologie  de  la  Nor- 
mandie, et  s'attacha  surtout  à  l'étude  attentive 
des  sources.  Il  fit  partie,  de  1834  à  1848,  pour 
le  département  de  l'Eure,  de  la  chambre  des 
députés,  où  il  votait  ordinairement  avec  la  ma- 
jorité. Membre  libre  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions et  belles-lettres  depuis  1838,  il  est  corres- 
pondant du  ministère  de  l'instruction  publique 
pour  les  travaux  relatifs  à  l'histoire  de  France. 
Ses  principaux  travaux  sont  :  Notice  historique 
et  archéologique  sur  le  département  de 
l'Eure;  in-12,  1832  ;  —  Dictionnaire  des  an- 
ciens noms  de  lieu  du  département  de  l'Eure; 
Évreux,  1840,  in-12  et  in-8°;  —  une  édition 
d'Orderic  "Vital,  avec  les  notes;  Paris,  1838- 
1855,  5  vol.  gr.  in-8°;  —  Ancienne  division 
territoriale  de  la  Normandie  ;  Caen,  in-4°, 
1840  ;  —  Monuments  de  l'arrondissement  de 
Bernay  et  du  département  de  l'Eure,  ins- 
truction pour  le  Comité  des  Arts  (extérieur 
des  églises  );  —  Histoire  de  Saint-Martin- 
de-Tilleul ;  in-4°,  1840;  —  plusieurs  notices 
dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  Normandie,  et  dans  l'Annuaire  his- 
torique. M.  Leprévost  fut  d'avis  que  le  cœur 
trouvé  dans  la  Sainte-Chapelle  de  Paris  était  ce- 
lui de  saint  Louis,  et  il  fit  une  Réponse  à  l'écrit 
de  M.  Letronne  intitulé  :  Examen  du  pré- 
tendu cœur  de  saint  Louis  ;  Paris,  1844,in-8°. 
Cet  opuscule,  reproduit  dans  les  Preuves  de  la 
découverte  du  cœur  de  saint  Louis,  Paris, 
1846,  in-8°,  contient  aussi  les  lettres  adres- 
sées par  M.  Leprévost  au  Moniteur  univer- 
sel, au  moment  de  la  découverte  du  cœur  de  ce 
saint  monarque.  E.  Regnard. 

Bibliographie  de  la  France.— Documents  particuliers. 

LE  Prévost  d'ira y  (Chrélien-Siméon , 
vicomte),  poëte  et  archéologue  français ,  né  au 
château  d'Iray,  près  de  Mortagne  (Normandie), 
le  13  juin  1768,  mort  au  même  endroit,  le  15  sep- 
tembre 1849.  Il  suivit  la  carrière  de  l'enseigne- 
ment, professa  l'histoire  aux  écoles  centrales  de 
Fontainebleau  et  de  Paris,  devint  censeur  des 


—  LEPRINCE 


856 


études  au  lycée  Impérial ,  et  inspecteur  général 
de  l'université.  Nommé  inspecteur  général  ho- 
noraire sous  la  restauration ,  il  fut  créé  à  la 
même  époque  gentilhomme  ordinaire  de  la 
chambre  du  roi.  En  1818,  il  remplaça  Clavier 
à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 
On  a  de  lui  :  Tableaux  comparatifs  de  l'his- 
toire ancienne  et  de  l'histoire  moderne;  1802, 
1804, 1805,  in-fol.  ;—  Histoire  de  l'Égyptesous 
le  gouvernement  des  Romains ,  ouvrage  cou- 
ronné par  la  troisième  classe  de  l'Institut,  le 
3  juillet  1807;  Paris,  1816,  in-8°;  —L'Hercule 
Thébain;  Paris,  1817,  in-8°  :  il  n'existe  que 
trois  ou  quatre  exemplaires  de  cet  ouvrage  eu 
épreuves;  — Essai  sur  les  Prophéties  dlsaïe; 
Paris,  1835,  in-8°  ;  —  Influence  de  la  Grèce 
en  général,  et  de  Corinlhe  en  particulier,  sur 
les  arts  de  UÉtrurie  et  de  Rome;  Paris,  1838, 
in-8°;  —  La  Pierre  de  Rosette,  ou  succès  et 
revers  de  l'expédition  d'Egypte ,  ode  dédiée  à 
la  France,  toujours  glorieuse  quand  même!.. 
Paris,  1838,  in-8°;  —  Êpltre  à  M.  Flourens; 
1842;  —  Vertu  et  Repentir,  poëme,  1843;  — 
Boileau  mis  à  l'index,  ou  le  nouvel  Art  poé- 
tique; 1844,  in-8°.  Le  prévost  d'Iray  a  composé 
aussi  en  collaboration  un  certain  nombre  de 
Vaudevilles,  et  seul  une  tragédie  de  Manlius 
Torquatus,  jouée  à  l'Odéon  en  1798.  L.  L — t. 
Sarrut  et  Saint-Ednoe,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour, 
t.  V,  i"  partie,  p.  387.  —  V.  Lucaine  et  Ch.  Laurent, 
biogr.  et  nécrol.  des  Hommes  Marquants  du  dix-neu- 
vième siècle,  tome  I,  p.  380. 

le  prince  (Jean),  peintre  français,  né  à 
Metz  (  Lorraine), en  1733,  mort  à  Saint-Denis-du 
Port,  près  de  Lagny,  le  30  septembre  1781. 
Protégé  par  le  maréchal  de  Belle-Isle,  il  vint  à 
à  Paris,  et  entra  dans  l'atelier  de  Boucher,  où  il 
s'appliqua  surtout  au  paysage,  gravant  en  même 
temps  à  la  pointe  ses  compositions.  Par  suite 
d'embarras  domestiques,  il  alla  chercher  fortune 
en  Russie.  Parfaitement  accueilli  à  Saint-Péters- 
bourg ,  il  peignit  quelques  plafonds  dans  le  palais 
impérial,  ainsi  qu'une  vue  de  Saint-Pétersbourg, 
qui  a  été  gravée  par  Lebas.  L  dessina  d'après  na- 
ture des  costumes,  des  maisons,  des  voitures, 
des  traîneaux  en  usage  chez  les  différentspeuples 
de  l'empire  russe.  Le  climat  de  la  Russie  lui  étant 
contraire,  il  revint  en  France,  et  fut  agréé  à  l'A- 
cadémie de  Peinture  en  1764,  et  reçu  académi- 
cien en  1765  sur  son  tableau  représentant  un 
Baptême  dans  le  rit  grec.  Il  se  fit  remarquer 
depuis  à  toutes  les  expositions  de  peinture  par 
une  quantité  de  tableaux  d'une  touche  légère  et 
d'un  coloris  transparent ,  mais  d'une  pratique 
trop  facile.  En  1772,  il  fut  nommé  conseiller  de 
l'Académie.  Il  mourut  en  terminant  un  tableau 
des  Frères  questeurs  distribuant  des  agnus 
à  la  porte  d'un  cabaret.  Dans  les  derniers 
temps  de  sa  vie,  il  se>faisait  apporter  son  chevalet 
sur  son  lit  et  travaillait  couché.  Leprince  avait 
un  certain  talent  pour  les  dessins  lavés  à  l'encre 
de  Chine  et  essaya  de  rendre  cette  manière  de 
dessin  sur  le  cuivre  à  l'aide  du  pinceau.  En  1769 


857  LE  PRINCE 

il  montra  ses  essais  de  lavis  gravé  à  l'Académie, 
qui  les  approuva.  L.  L — t. 

Chaudon  et  Delandine,  Dict.  \miv-.  Histor.,  crit,  et 
Bibtiog. 

le  prince  (Nicolas-Thomas),  bibliographe 
et  littérateur  français,  né  à  Paris,  en  1750,  mort 
àLagny  (Seine-et-Marne),  le  31  décembre  1818. 
D'abord  employé  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  il  de- 
vint inspecteur  delà  librairie  près  de  la  chambre 
syndicale  de  Paris,  chargé  de  veiller  au  recou- 
vrement des  exemplaires  dus  à  cette  bibliothèque, 
dont  plus  tard  il  fut  nommé  secrétaire  adjoint; 
mais  il  fut  privé  de  cet  emploi  lorsque  Cham- 
fort  et  Carra  remplacèrent  d'Ormesson  de  Noy- 
seau,  bibliothécaire  du  roi,  destitué  sous  le  mi- 
nistère de  Roland.  On  a  de  Le  Prince  (en  so- 
ciété avec  Nougaret  )  :  Anecdotes  des  Beaux- 
Arts  ,  contenant  tout  ce  que  la  peinture,  la 
sculpture,  la  gravure,  l'architecture,  la 
littérature. ,  la  musique,  etc.,  offrent  de  plus 
curieux  et  de  plus  piquant  chez  tous  les 
peuples  du  monde ,  depuis  Vorigine  de  ces  dif- 
férents arts  jusqu'à  nos  jours,  etc.;  Paris, 
1776-1781,  3  vol.  in-8°;  —  Catalogue  raisonné 
ides  livres  de  la  bibliothèque  de  M.  Hue  de 
Miroménil;  Paris,  1781,  in-4°,  tiré  à  douze 
exemplaires; —  Essai  historique  sur  la  Biblio- 
thèque du  Roi,  et  sur  chacun  des  dépôts  qui 
la  composent,  avec  la  description  des  bâti- 
ments, et  des  objets  les  plus  curieux  à  voir 
dans  ces  dijférents  dépôts;  Paris,  1782,  petit 
in-12;  nouv.  édit.,  Paris,  1856,  in-8°  :  l'éditeur, 
M.  Louis  Paris,  s'estefforcé  de  continuer  l'œuvre 
de  Le  Prince  dans  des  notes  réunies  sous  le  titre 
d'Annales  de  la  Bibliothèque  ;  —  (en  société 
avec  Baudrais)  :  Petite  Bibliothèque  des 
Théâtres ,  contenant  un  recueil  des  meil- 
leures pièces  du  Théâtre-Français,  tragique, 
comique,  lyrique  et  bouffon,  depuis  l'ori- 
gine des  spectacles  en  France  jusqu'à  nos 
jours  ;  Paris,  1784-1789,  80  vol.  in-18,  jolie  col- 
lection ,  dont  font  partie  les  trois  premiers  vo- 
lumes des  Essais  historiques  sur  l'Origine  et 
les  Progrès  de  l'Art  dramatique  en  France, 
ouvrage  des  éditeurs,  mais  malheureusement 
inachevé;  on  y  trouve  aussi ,  outre  de  bonnes 
notices,  seize  pièces  imprimées  pour  la  première 
fois.  Tous  ces  travaux  sont  anonymes  ;  pourtant 
quelques  exemplaires  de  l'Essai  historique  sur 
la  Bibliothèque  du  Roi  portent  le  nom  de  Fau- 
teur (1). 

Son  frère  puîné,  René,  né  à  Paris,  en  1753, 
que  les  biographes  confondent  quelquefois  avec 
lui,  était  aussi  attaché  à  la  bibliothèque  du  Roi; 
il  a  inséré  dans  le  Journal  des  Savants  (juillet 

(1)  D'après  les  informations  que  nous  avons  prises  au 
département  des  manuscrits  delà  Bibliothèque  impériale, 
la  Biographie  universelle  de  Miohaud  dit  par  erreur 
que  Le  Prince  y  déposa,  lors  de  sa  retraile,  une  Biblio- 
thèque pittoresque ,  ou  catalogue  raisonné  des  livres 
qui  traitent  de  la  peinture ,  sculpture,  architecture, 
gravure,  perspective,  etc.  On  y  conserve  seulement  de 
Le  Prince  de  nombreuses  notes  bibliographiques  qui 
peuvent  être  utilement  consultées.  (  E.  R.  ). 


—  LEPS1US  858 

et  octobre  1782)  :des  Remarques  sur  l'état  des 
Arts  dans  le  moyen  dgre ,  tirées  à  part;  Paris, 
1732,  in-12.  Fr.  Fayolle  en  a  reproduit  un  extrait: 
Sur  l'Origine  du  Violon,  dans  les  préliminaires 
de  ses  Notices  sur  Correlli,Tartini,  Gaviniès 
et  Viotti;  Paris,  1810,  in-8°.  Le  Prince  a 
édité  :  Traité  du  choix  et  de  la  méthode 
des  Études,  par  l'abbé  Fleury;  Nîmes  et  Pa- 
ris, 1784,  in-12,  édition  corrigée ,  et  augmentée 
de  plus  d'un  tiers  d'après  un  manuscrit  de  l'au- 
teur. E.  Regnard. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  de  ÎSorvlns,  Biographie  nouvelle 
des  Contemporains.  —  Almanach  royal  de  179t.  — 
Barbier.  Dictionnaire  des  ouvrages  anonymes.- Wblioth. 
dramatique  de  M.  de  Soleinne,  t.  III,  p.  38. 

le  prince  de  beacmont  (Marie).  Voy. 
Beaumont. 

*lepsius  (  Charles- Richard),  célèbre  égyp- 
tologue  allemand,  fils  de  Charles-Pierre,  l'his- 
torien de  la  ville  de  Naumbourg ,  est  né  à 
Naumbourg,  le  20  décembre  1813.  11  étudia  la 
philologie  à  Leipzig,  Gœttingue  et  Berlin,  et  vint 
en  1833  à  Paris,  où  il  se  fit  connaître  par  son 
travail  :  Paléographie  als  Mit  tel  der  Sprach- 
forschung  (La  Paléographie  considérée  comme 
un  moyen  d'études  linguistiques)  ;  Berlin,  1834; 
2e  édition,  Leipzig,  1842  :  ouvrage  qui  lui  valut 
le  prix  Volney.  Protégé  par  Alexandre  de  Hum- 
boldt,  il  fut  chargé  d'une  expédition  scientifique 
en  Egypte,  et  partit  de  Londres  en  septembre 
1842  :  les  résultats  en  sont  consignés  dans  Benk- 
mseler  aus  JUgypten  und  ^Ethiopien  (  Monu- 
ments d'Egypte  et  d'Ethiopie);  Berlin,  1855, 
62  livraisons  avec  460  planches  grand -in- 
folio, etc.  De  retour  à  Berlin,  en  1846,  M.  Lep- 
sius  fut  nommé  professeur  d'archéologie  égyp- 
tienne. Outre  les  ouvrages  déjà  cités,  on  a  de  lui  : 
Ueber  den  Vrsprung  und  die  Verwandtschaft 
der  Zahlwœrter  in  der  indogermanischen , 
semitischen  und  koptischen  Sprache  (De  l'O- 
rigine et  de  la  Parenté  des  mots  qui  servent  à 
désigner  les  nombres  dans  les  langues  indo-ger- 
manique, sémitique  et  copte);  Berlin,  1836;  — 
Lettre  à  M.  Rosellini  sur  l'alphabet  hiéro- 
glyphique; Rome,  1837  ;  —Auswahl  der  wich- 
tigsten  Vrkunden  des  eegyptischen  Al- 
terthums  (  Choix  des  principaux  Documents  de 
l'antiquité  égyptienne);  Leipzig,  1842,  avec 
23  planches;—  Todtenbuch  der Mgypter  nach 
dem  hierogliphischen  Papyrus  in  Turin 
(Livre  des  Morts  des  Égyptiens  d'après  le  Pa- 
pyrus hiéroglyphique  de  Turin);  Leipzig,  1842, 
avec  79  planches;  —  Inscriptiones  Umbricse 
et  Oscse;  ibid.,  1841;  —  Veber  die  tijrrheni- 
schen  Pelasger  in  Etrurien  (Les  Pelasges 
tyrrhéniens  en  Étrurie);  ibid.,  1842;  —  Ueber 
die  Verbreilung  des  italienischen  Mùnzsy- 
stems  von  Etrurien  (De  l'Origine  étrusque 
du  système  monétaire  de  l'Italie);  ibid.,  1842; 
—  Chronologie  des  JEgypter  (  Chronologie  des 
Égyptiens);  Berlin,  1849;  —  Veber  den  ersten 
segyptischen  Gôtterkreis  (Les  premiers  Dieux 
de   l'Egypte);  Berlin,   1851;  —   Briefe  aus 


859  LEPSIUS  —  LE  QUIJNIO 

mgyptcn ,  JElhiopien  und  der  Halbinscl  des 


S60 


Sinai  (  Letires  sur  l'Egypte,  l'Ethiopie  et  Ja 
presqu'île  du  Sinaï);  ïbid.,  1852;  —  Das  allge- 
rneine  linguislische  Alphabet  (L'Alphabet  lin- 
guistique général);  Berlin,  1855;  —  Ueber  eine 
hieroglyphische  inschrift  am  Tcmpel  von 
Edfa  (  D'une  Inscription  hiéroglyphique  sur  le 
temple  d'Edfu);  Berlin,  1855  ;  —  Ueber  die  12te 
œgyptische  Kœnigsdynastie  (De  la  douzième 
Dynastie  royale  de  l'Egypte);  Berlin,  1853;  — 
plusieurs  Mémoires,  insérés  dans  le  recueil  de 
l'Académie  des  Sciences  de  Berlin.    B.  L— d— u. 

Conv.-Ler. 

lept t M E  ( Aetctivïk) ,  général  sy racusain ,  frère 
de  Denys  l'ancien,  mort  en  383  avant  J.-C.  Son 
frère,  engagé  dans  une  lutte  contre  les  Carthagi- 
nois, lui  donna  le  commandement  d'une  flotte  en 
397,  et  le  chargea  peu  après  de  diriger  le  siège  de 
Motya.  Après  la  prise  de  cette  ville,  Leptine  con- 
tinua d'y  séjourner  avec  cent  vingt  vaisseaux 
pour  intercepter  la  Hotte  de  Himilcon.  Le  géné- 
ral carthaginois  se  déroba  à  la  surveillance  de 
Leptine,  et  parvint  à  gagner  Panorme.  Cette  ma- 
nœuvre changea  la  face  des  affaires.  Les  Car- 
thaginois ,  considérablement  renforcés,  prirent 
l'offensive  sur  terre  et  sur  mer,  et  s'avancèrent 
contre  Syracuse.  Leptine  livra  bataille  à  leur 
flotte,  et  se  conduisit  avec  beaucoup  de  courage; 
mais  il  se  laissa  entraîner  par  son  ardeur  au 
milieu  des  ennemis,  y  perdit  l'élite  de  ses 
vaisseaux,  et  n'échappa  à  la  captivité  qu'en  se 
jetant  à  la  mer.  Il  essaya  vainement  de  rétablir 
le  combat,  et  se  retira  dans  le  port  de  Syra- 
cuse avec  les  débris  de  sa  flotte.  Pendant  le 
siège  qui  suivit,  il  rendit  de  grands  services,  et 
il  commanda,  avec  le  Lacédémonien  Pharacidas 
l'attaque  finale,  qui  eut  pour  résultat  la  complète 
destruction  de  la  flotte  carthaginoise  et  la  déli- 
vrance de  la  ville.  En  390,  Denys  lui  confia 
une  flotte  avec  mission  d'assister  les  Lucaniens 
contre  les  Grecs  d'Italie.  II  arriva  au  moment  où 
les  Lucaniens  avaient  remporté  une  grande  vic- 
toire sur  la  ville  de  Thurium.  Au  lieu  de  les 
aider  à  accabler  leurs  ennemis,  il  offrit  un  refuge 
aux  vaincus,  et  ménagea  un  accommodement 
entre  les  parties  belligérantes.  Cette  conduite  si 
contraire  aux  vues  de  Denys  valut  à  Leptine  une 
disgrâce  immédiate,  et  quelque  temps  après  il 
fut  banni  pour  avoir  donné  une  de  ses  filles  en 
mariage  à  Philastus  sans  la  permission  de  Denys. 
Il  se  retira  à  Thurium,  dont  les  habitants  l'ac- 
cueillirent avec  faveur,  et  bientôt  il  acquit  une 
telle  influence  sur  les  Grecs  d'Italie,  que  Denys, 
craignant  de  le -voir  former  unÉtat  indépendant, 
le  rappela  à  Syracuse.  La  guerre  contre  les  Car- 
thaginois recommença  en  383.  Leptine  com- 
manda l'aile  droite  de  l'armée  syracusaine  à  la 
bataille  de  Cronium.  Il  tomba  dans  l'action ,  et 
sa  mort  fut  pour  ses  troupes  le  signal  de  la  dé- 
route (1).  Y. 

(1)  On  connaît  plusieurs  personnages   anciens  du  nom 
de  Leptine,  savoir  :  trois  syracusains  qui  vivaient  l'un 


Diodore  de  Sicile,  XIV,  48,  S3-S5,   59,    60,  G4,   72,    102; 
XV,  7,  17.  —  Plutarqne,  Dion.,  11. 

lequien    (  Michel),  érudit  français,  né  à 
Boulogne-sur-Mer,  le   8  octobre  1661,  mort  à 
Paris,  le  12  mars  1733.  11  entra  à  vingt  ans  en- 
viron chez  les   dominicains ,  et  passa  la  plus 
grande  partie  de  sa  vie  dans  la  maison  que  son 
ordre  possédait  à  Paris  dans  la  rue  Saint-Honoré. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Défense  du  texte 
hébreu  et  de  la  version  vulgale;  Paris,  1690, 
in-12,  ouvrage  dirigé  contre  le  livre  du  P.  Per- 
zon intitulé  :  V Antiquité  des  temps  rétablie, 
où  cet  érudit  soutenait  la  chronologie  des  Sep- 
tante contre  celle  du  texte  hébreu  et  de  la  Vul- 
gale; —  P-anoplia  contra  schisma  Grsecorum; 
Paris,  1718,  in-4<>:  publié  sous  le  pseudonyme 
de  Stephanus  de  Altimura  ;  —  Oriens  Christia- 
nus ,   in  quatuor  patriarchatas    digeslus; 
Paris,  1740,  3  vol.  in-fol.,  faisant  partie  de  la 
Collection  byzantine  du  Louvre;  cet  excellent 
ouvrage,  rédigé  sur  le  modèle  de  la    Gallia 
Chrisliana,  donne  la  description  géographique 
de  chaque  diocèse,  l'origine  et  l'établissement 
des  églises  ,  leurs  droits ,  leurs  prétentions  ,  la 
succession  et  la  suite  de  leurs  évoques.  Lequien 
donna  une  édition  des  Œuvres  de  Jean  Damas- 
cène;  Paris,  1712,  2  vol.  in-fol.,  réimprimés  à 
Venise  en  1748;  le  troisième  volume,  qui  devait 
contenir  les  écrits  apocryphes  de  Jean  Damas- 
cène,  resta  inachevé.  E.  G. 

Échard,  Scri/itores  Ordinis  Prxdicaiorum,  t.  11.  — 
Journal  des  Savants,   années  1730,  1733  et  1742. 

leqîjjen  de  la.   neufville.   voy.  la 
Neufville. 

le  QUiNio  (  Joseph-Marie),  homme  poli- 
tique et  publiciste  français ,  né  à  Sarzeau ,  près 
de  Vannes,  en  1740,  mort  vers  1813.  Il  accepta 
les  idées  révolutionnaires,  et  fut  successivement 
nommé  maire  de  Rennes  (1790),  juge  au  tribu- 
nal de  Vannes  (1791)  et  député  du  Morbihan  à 
l'Assemblée  législative,  où  il  combattit  d'abord 
les  mesures  proposées  contre  les  émigrés 
(20  octobre  1791).  Mais  il  changea  bientôt  d'o- 
pinion ,  et  le  1er  janvier  suivant  demanda  que  le 
séquestre  fût  apposé  sur  les  biens  «  des  déser- 
teurs de  la  France  ».  Il  vota  le  même  jour  pour 
la  mise  en  accusation  des  princes,  et  appela  la 
I  sévérité  de  l'assemblée  sur  les  prêtres  inser- 
j  mentes.  En  février  suivant,  il  fit  une  motion  en 
faveur  du  divorce.  Réélu  à  la  Convention,  il  y 
vota  la  mort  de  Louis  XVI  sans  appel  et  sans 
sursis,  «  regrettant  toutefois  que  la  sûreté  de  l'É- 
tat ne  permît  pas  de  le  condamner  aux  galères 
perpétuelles  ».  Le  Quinio  fut  envoyé  en  avril 
1793  à  l'armée  du  nord,  puis  dans  les  départe- 
sons  Denys  le  jeune,  l'autre  sous  Agathocle,  le  troisième 
sous  Hieron ,  un  Athénien  connu  pour  avoir  proposé 
une  loi  que  Démostliène  combattit  et  fit  probablement 
rejeter  (  Voy.  Wolf ,  Prolegom.  ad  Démosth.  orat. 
adver.Leptinem) ,  un  grec  de  Syrie  qui,  sous  le  règne 
d'AntiochusEupator,en  162  avant  J.-C.,  assassina  Cn.  Oe- 
tavius,  chef  d'une  ambassade  romaine  (l'olybe,  XXXII, 
19;  XXXll,  4,6,7;  Appien,  Syriœ.  46,47.). 


861  LE  QUINIO 

ments  de  l'Aisne  et  de  l'Oise,  et  le  9  septembre 
àRochofort.  Ses  concussions  et  sa  cruauté  soule- 
vèrent dans  ces  diverses  contrées  l'indignation 
générale.  A  Rochcfort  il  taisait  manger  le  bour- 
reau à  sa  table  (1).  Peu  de  temps  après  il  de- 
mandait qu'on  fusillât  sans  pitié  et  sur  l'heure 
tous  les  prisonniers  vendéens,  et  se  vantait  d'a- 
voir brûlé  la  cervelle  h  deux  de  ces  malheureux. 
Le  Quinio,  de  l'aveu  de  tous  les  historiens, 
contribua  beaucoup  à  faire  de  la  guerre  de 
l'ouest  une  guerre  d'extermination.  De  retour  à 
la  Convention,  il  s'y  montra  tour  à  tour  athée  et 
flatteur  de  Robespierre,  qui ,  dans  la  séance  du 
22  floréal  an  u  (il  mai  1794),  venait  de  pro- 
clamer l'existence  de  l'Être  suprême  et  l'immor- 
talité de  l'âme.  Robespierre  repoussa  avec  mé- 
pris ses  éloges,  et  le  lit  exclure  du  club  des  Ja- 
cobins «  comme  fourbe  et  hypocrite  ». 

Le  Quinio,  qui  s'était  associé  après  le  9  ther- 
midor avec  les  dames  de  Saint-Chamand  et  de 
Vassy,  qui  tenaient  alors  un  espèce  de  bureau 
d'esprit  public,  voulant  s'effacer  du  monde  po- 
litique et  faire  oublier  ses  excès,  donna  sa  dé- 
mission de  représentant  en  mai  1795  ;  sa  démis- 
sion ne  fut  pas  acceptée  ;  il  essaya  alors  de  faire 
décréter  «  qu'aucun  législateur  ne  pourrait  être 
en  même  temps  membre  d'une  assemblée  pri- 
maire »  ;  cette  motion  fut  rejetée,  et  il  dut  se  ré- 
signer à  reprendre  sa  place  dans  l'assemblée, 
où  il  attaqua  avec  véhémence  le  royalisme  et 
l'anarchie.  11  demanda,  le  30  décembre,  en  dési- 
gnant le  fils  de  Louis  XVI  «  que  l'on  purgeât  le 
sol  de  la  liberté  du  dernier  rejeton  de  la  race 
impure  du  tyran».  Dénoncé  comme  terroriste, 
il  déclara  <•-  qu'il  abhorait  également  les  buveurs 
de  sang,  les  ambitieux  et  les  terroristes  ».  Ce 
double  langage  ne  le  sauva  pas  longtemps,  et  le 
21  thermidor  an  m  (  8  août  1795  )  il  fut  décrété 
d'accusation  (2)  ;  mais  l'amnistie  du  4  brumaire 
an  iv  (  26  octobre  1795  )  le  rendit  à  la  liberté. 
Élu  en  1798,  par  le  département  du  Nord,  dé- 
puté au  Conseil  des  Cinq  Cents ,  il  en  fut  exclu 
par  la  loi  du  22  floréal  (  12  mai  1798).  Après  le 
18  brumaire  (9  novembre  1799),  il  obtint  un 
emploi  d'inspecteur  forestier,  et  fut  ensuite  en- 
voyé à  New-Port  (États-Unis)  comme  sous- 
commissaire  des  relations  commerciales.  Il  revint 
en  France  vers  1804,  et  ne  s'occupa  plus  que  d'a- 
griculture, science  dans  laquelle  il  était  très- 

(1)  Voici  le  passage  de  la  lettre  dans  laquelle  il  se  vante 
de  ce  lait  :  cette  lettre  est  en  date  du  17  novembre  1793, 
et  adressées  la  Convention  :  «  J'ai  eu  l'avantage  de 
trouver  à  Rochcfort  plus  de  guillotineurs  que  je  n'en 
voulais;  après  en  avoir  choisi  un, Je  l'ai  fait  manger  avec 
moi  et  mes  collègues  Guezno  et  Topsent.  » 

(2)  Le  rapporteur  de  la  commission  chargée  d'examiner 
sa  conduite  conclut  en  demandant  qu'il  fût  traduit  de- 
vant un  tribunal  criminel  pour  :1°  avoir  mangé  habituel- 
lement avec  les  bourreaux;  2°  avoir  dufruit  de  ses  rapi- 
nes pavé  douze  raille  francs  de  dettes,  acheté  des  pro- 
priétés et  envoyé  à  son  frère  des  sommes  considérables; 
S°  avoir  fait  servir  la  guillotine  de  Iribuneaux  harangues; 
4°  avoir  forcé  des  enfants  à  tremper  leurs  pieds  dans  le 
sang  de  leur  père;  enfin,  d'avoir  lui-même  brûlé  la  cer- 
velle à  des  détenus. 


—  LERAY  862 

versé.  On  a  de  lui  :  VÉcole  des  Laboureurs, 
journal  d'abord  imprimé  à  Rennes,  puis  à  Paris; 

—  Les  Préjugés  détruits;  1792,  1793,  1798, 
in-8°  :  dans  cet  ouvrage,  qui  eut  du  succès,  Le 
Quinio  se  qualifiait  de  Citoyen  du  globe;  — 
De  la  Nécessité  du  Divorcerais,  1792;  — 
La  Richesse  de  la  République;  1792,  in-8°;  — 
La  Guerre  de  la  Vendée  et  des  Chouans; 
1795,  in-8°;  —  Philosophie  du  peuple,  ou 
éléments  depMlosophie  politique  et  morale, 
à  la  portée  des  habitants  des  campagnes  ; 
179fi,  in- 12;  — ■  Voyage  pittoresque  et  physico- 
économique dans  le  Jura;  1801,  2  vol.  in-8°. 
Le  Quinio  avait  d'abord  dédié  cet  ouvrage  au 
premier  consul  Bonaparte,  qui  refusa  cet  hom- 
mage assez  durement;  l'auteur  le  dédia  alors 
Au  tonnerre  :  cette  flatterie  adroite  eut  son 
effet.  H.  Lesueur. 

Le  Moniteur  universel,  an  1791,  nos  67,  293,  312;  an. 
1792,  n°»  3,  48,  99,  127  ;  an  Ie'  (1793),  n°"  97, 106,  257  ;  an  II, 
n°»  45,  66.  —Bertrand  de  Molleville,  Histoire  de  la  Ré- 
volution. —  Paierie  historique  des  Contemporains,  1817. 

—  Thiers,  Histoire  de  La  Révolution  française,  t.  IV  et 
V.—  A.  de  Lamartine,  Histoire  des  Girondins,  t.  Vil  et 
VIII.  —  Théodore  Muret,  Histoire  des  Guerres  de  l'Ouest. 

leraîibekt  (Louis),  sculpteur  français , 
né  à  Paris,  en  1614,  mort  en  1670.  Élève  de 
Vouet,  il  forma  lui-même  de  bons  élèves,  et  fut, 
en  1663,  nommé  membre  de  l'Académie  royale 
de  Peinture  et  Sculpture.  Sa  manière  ne  manque 
pas  de  vérité,  et  généralement  on  trouve  dans 
ses  ouvrages  un  goût  assez  rare  à  son  époque. 
Il  a  beaucoup  travaillé  pour  le  parc  de  Versailles, 
où  il  a  laissé  une  bacchante  avec  un  enfant 
jouant  des  castagnettes,  deux  sphinx  de  mar- 
bre portant  des  enfants  de  bronze,  une  nymphe 
dansant,  plusieurs  satyres  en  marbre  et  divers 
groupes  d'enfants  en  bronze.  Non  moins  recom- 
mandable  par  son  esprit  et  son  caractère  que 
par  son  talent,  Lerambert  sut  mériter  la  pro- 
tection du  cardinal  Mazarin,  et  l'amitié  cons- 
tante de  Vouet,  de  Le  Brun  et  de  Le  Nostre. 
E.  B— n. 

Fontenay,  Dictionnaire  des  Artistes. 

leray  {Théodore- Constant),  amiral  fran- 
çais, né  à  Brest,  le  13  novembre  1795,  mort  le 
23  avril  1849.  A  l'âge  de  neuf  ans,  il  entra  au 
service  en  qualité  de  mousse ,  sur  la  prame  La 
Ville  de  Mayence,  faisant  partie  de  la  flottille  de 
Boulogne,  en  1804.  Un  an  après,  il  entra  au  col- 
lège de  Rennes  pour  faire  ses  études,  et  en  sor- 
tit aspirant  de  marine  de  deuxième  classe,  le  28 
janvier  1812.  Embarqué  sur  la  frégate  Le  Rubis, 
le  14  novembre  1812,  il  fit  naufrage  aux  lies  de 
Los,  le  9  février  1813,  étant  en  croisière  contre 
les  Anglais  Le  29  janvier  1814  il  fut  nommé  as- 
pirant de  première  classe,  et  enseigne  de  vais- 
seau le  8  janvier  1817.  A  cette  époque  il  com- 
manda pendant  plusieurs  mois  la  gabare  V In- 
fatigable, dont  l'état-major  et  l'équipage  avaient 
été  décimés  par  la  fièvre  jaune.  Leray  fut  nommé 
lieutenant  do  vaisseau  an  choix,  le  25  août  1823, 
et  s'embarqua  sur  la  frégate  La  S  y  rêne,  le  3  fé- 


863 


LERAY  —  LERCARI 


864 


vrier  1825, comme  chef  d'état-major  de  l'escadre 
du  Levant.  Le  1er  août  1327  il  fut  décoré  de  la 
Légion  d'Honneur,  pour  s'être  distingué  lors  de 
la  reddition  de  la  citadelle  d'Athènes.  Après  la 
bataille  de  Navarin,  à  laquelle  il  assista,  il  fut, 
en  récompense  de  sa  belle  conduite,  promu  au 
grade  de  capitaine  de  frégate.  Nommé  comman- 
dant du  brick  de  20  canons  Le  Grenadier ,1e  27 
mai  1830,  il  fit  partie  de  la  station  du  Levant,  et 
pendant  les  années  1829,  1830  et  1831,  chargé 
de  plusieurs  missions  importantes  dans  ces 
mers.  En  1832  il  prit  le  commandement  de  la 
corvette  L' Ariane,  et.  fit  pendant  le  siège  d'An- 
vers la  campagne  des  mers  du  nord  pour  blo- 
quer les  ports  de  la  Belgique  et  de  la  Hollande. 
L'armée  française  ayant  emporté  cette  place,  Le- 
ray  fut  désigné  pour  faire  partie  de  la  division 
navale  chargée  de  s'emparer  de  la  place  de 
Bougie  sur  les  côtes  d'Afrique.  Quelques  jours 
après  l'occupation  de  cette  place,  les  Arabes 
ayant  tenté  de  la  reprendre,  Leray  débarqua 
à  la  tête  de  son  équipage,  et  soutint  la  garnison. 
Rentré  en  France  en  mars  1834,  il  fut  promu  au 
grade  de  capitaine  de  vaisseau,  le  17  mai.  Le  4 
mai  1838,  le  gouvernement  lui  confia  le  comman- 
dement de  la  frégate  La  Médée  et  d'une  division 
envoyée  sur  les  côtes  occidentales  de  l'Espagne. 
Dans  le  mois  de  septembre  de  la  même  année  il 
rallia  la  division  navale  commandée  par  le  contre- 
amiral  Baudin,  et  destinée  à  agir  contre  le  Mexi- 
que. Arrivé  sur  la  rade  de  Sacrificios,  à  la  fin 
d'octohre,  Leray  fut  envoyé  à  Mexico  avec  les 
pleins  pouvoirs  de  l'amiral  Baudin  pour  exposer 
au  gouvernement  mexicain  les  griefs  du  gouver- 
nement français  et  en  demander  satisfaction.  Il 
débarqua  à  la  tête  de  son  équipage,  le  5  novembre, 
et  se  distingua  à  la  prise  d'assaut  de  la  ville  de 
Vera-Cruz  en  montant  un  des  premiers  sur  les 
murailles.  De  retour  en  France  avec  La  Médée, 
en  mai  1839,  Leray  contribua  au  transport,  de 
France  en  Algérie ,  des.troupes  destinées  à  s'op- 
poser aux  nouvelles  levées  d'Abd-el-Kader; 
puis  il  rejoignit  l'escadre  de  l'amiral  Lalande 
dans  les  mers  du  Levant  au  printemps  de  1840. 
L'escadre  étant  rentrée  à  Toulon  en  novembre, 
il  continua  à  en  faire  partie  jusqu'en  juin  1841 , 
époque  à  laquelle  il  fut  envoyé  devant  Tunis, 
ayant  sous  son  commandement  une  division  na- 
vale composée  du  Mo ntebello,  du  Neptune , 
et  de  la  frégate  L'Alcmène.  Le  but  de  sa  mission 
était  de  s'opposer,  même  par  la  foFce,  à  une  ex- 
pédition envoyée  par  la  Porte  Ottomane  contre 
Tunis.  Peu  après  il  fut  rallié  successivement  par 
les  vaisseaux  L'Hercule,  Le  Diadème  et  Le 
Trident.  La  présence  de  cette  force  imposante 
ayant  fait  renoncer  la  Porte  à  ses  desseins,  Le- 
ray rentra  à  Toulon  à  la  fin  d'octobre  avec  la 
division  sous  ses  ordres.  Ce  fut  en  récompense 
des  services  qu'il  avait  rendus  dans  l'exercice 
de  ce  dernier  commandement  que,  le  10  décem- 
bre ,  il  fut  élevé  au  grade  de  contre-amiral.  Le 
24  mars  1842,  il  fut  appelé  à  faire  partie  du  con- 


seil d'amirauté,  et  au  mois  d'août  1843  il  obtint 
le  commandement  de  la  station  du  Levant.  Au 
mois  de  novembre  de  la  même  année,  Leray 
reçut  une  notification  de  l'amiral  Mackau,  alors 
ministre  de  la  marine ,  qui  portait  que ,  sur  sa 
proposition ,  il  avait  été  décidé  en  conseil  des 
ministres  qu'à  l'avenir  les  agents  diplomatiques 
auraient  autorité,  en  ce  qui  concernait  la  poli- 
tique, sur  les  commandants  des  stations  navales 
à  l'étranger  ;  qu'en  conséquence  il  se  trouvait 
placé  sous  l'autorité  de  l'ambassadeur  à  Cons- 
tantinople  et  sous  celle  du  ministre  de  France 
en  Grèce.  Convaincu  qu'une  pareille  atteinte 
portée  à  la  liberté  d'action  et  de  commandement 
d'un  amiral  était  dangereuse  pour  les  intérêts 
du  pays  et  fâcheuse  pour  la  discipline,  Leray 
fit  de  respectueuses  observations  au  ministre, 
et  ajouta  :  «  que ,  dans  le  cas  où  une  pareille 
décision  serait  maintenue,  il  le  priait  de  lui  dé- 
signer un  successeur.  »  Deux  mois  après,  il  était 
rappelé  en  France.  A  partir  de  cette  époque,  il 
reprit  sa  place  à  la  chambre  des  députés,  rentra 
au  conseil  d'amirauté,  où  il  remplaça  l'amiral 
Lalande ,  et  dont  il  fut  un  des  membres  les  plus 
zélés  et  les  plus  laborieux.  Le  choléra  emporta, 
jeune  encore,  ce  marin  distingué.     A.  Jadin. 

Documents  particuliers. 

lerbeke  (Hermandoon) ,  dominicain,  né  à 
Minden  ,  vivait  dans  la  seconde  moitié  du  qua- 
torzième siècle;  il  jouit  d'une  grande  faveur  au- 
près du  comte  Othon  de  Schaumburg,  mort  en 
1404,  et  il  laissa  deux  ouvrages  historiques,  pas- 
sablement arides  et  écrits  en  assez  mauvais  la- 
tin, mais  qui  renferment  quelques  renseigne- 
ments utiles  :  Chronicon  Episcoporum  Minden- 
sium  (inséré  dans  le  recueil  de  Leibnitz , Scrip- 
tores  Brunsvicenses,  t.  H,  p.  157-211);  — 
Chronicon  Comitum  Schawenburgensium,  ab 
anno  1030-1404  (édité  par  H.  Meibom;  Helm- 
stadt,  1620,in-4°,et  réimprimé  dans  les  Scripto- 
res  Rerum  Germanicarum ,  publiés  par  la 
même  savant,  t.  I,  p.  491  ).  G.  B. 

Fabricius,  Bibliotheca  latina  medii  xvi,  t.  III,  p.  713. 

—  Bibliotheca  Scriptorum  Ordinis  Priedicatorum,  t.  I, 
p.  7S0. 

lerber  (  Sigismond- Louis  ),  littérateur 
suisse,  né  en  1723,  à  Berne,  où  il  est  mort,  le 
20  avril  1783.  Après  avoir  siégé  au  conseil  des 
Deux  Cents  et  exercé  les  fonctions  de  bailli  à 
Trachselwaldt ,  il  fut  appelé  en  1748  à  la  chaire 
de  droit  de  l'académie  de  Berne.  On  a  de  lui  : 
Defontibus  Juris  patrii  ;  Berne,  1748,  in-4°; 
bonne  dissertation, plusieurs  fois   réimprimée; 

—  Essai  de  Poésie;  Cologne,  1746,  et  Zurich, 
1747;  —  De  legis  naturalis  summa  Liber 
singularis;  Zurich,  1752;  —  Essais  sur  l'É- 
tude de  la  Morale;  Berne,  1773,  1776,  in-8°; 

—  La  Vue  d'Anet;  Ma.,  1776,  in-8°,  poëme 
descriptif  inséré  d'abord  dans  le  Journal  hel- 
vétique; —  Poésies  et  opuscules  philosophi- 
ques; ibid.,  1798,  in-8°.  K. 

Quérard ,  La  France  Littéraire. 

lerca&i  (Nicolas-Marie),  cardinal  italien, 


865  LERCARI  — 

né  à  Tabia.dans  l'État  de  Gênes,le  19  novembre 
1675,  mort  le  20  mars  1757.  Il  occapa  divers 
emplois  à  la  cour  pontificale  ,  et  devint  ensuite 
successivement  gouverneur  de  Todi,  de  Béné- 
vent,  de  Camerino,  d'Ancùne,  de  Civita-Vec- 
chia  et  de  Pérouse.  Appelé  à  Rome  en  1724  par 
le  pape  Benoît  XIII,  avec  lequel  il  s'était  lié  à 
Bénévent ,  il  fut  sacré  archevêque  in  partibus , 
et  nommé  deux  ans  après  premier  ministre. 
Les  ambassadeurs  des  cours  étrangères  ayant 
refusé  de  traiter  d'affaires  avec  lui,  sous  le  pré- 
texte que  sa  dignité  n'était  pas  assez  élevée ,  il 
reçut  le  chapeau  de  cardinal  en  décembre  1726. 
Dans  son  emploi  de  secrétaire  d'État,  Lercari  se 
montra  habile  négociateur;  il  résista  plusieurs 
fois  avec  succès  aux  entreprises  de  la  cour  impé- 
riale. En  1730,  à  la  mort  de  Benoît  XIII,  il  fut 
dépouillé  de  tous  ses  emplois  et  cité  devant  une 
congrégation  de  cardinaux  pour  rendre  compte 
de  sa  gestion.  Son  intégrité  y  fut  reconnue; 
mais  il  n'en  perdit  pas  moins  toute  influence 
sur  la  conduite  des  affaires.  E.  G. 

Hirsching,  Histor.  litter.  Handbuch. 
lerche  [Jean- Jacques),  naturaliste  alle- 
mand, né  à  Potsdam,le  27  décembre  1703,  mort 
à  Saint-Pétersbourg,  le  23  mars  1780.  Après 
avoir  étudié  la  médecine  à  Halle ,  il  parcou- 
rut la  Hollande,  l'Autriche  et  la  Hongrie,  et  se 
rendit  en  1731  en  Russie.  Il  fut  envoyé  l'année 
suivante  à  Astrakan  comme  médecin  de  régi- 
ment, et  explora  à  deux  reprises  différentes  une 
grande  partie  de  la  Perse.  On  a  de  lui  :  Orycto- 
graphia  Halensis;  Halle,  1730;  —  Extraits 
d'Observations  météorologiques  faites  àAstra- 
canpendant  l'hiver  de  1745,  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  de  Berlin  ,  année  1746.  Les 
relations  de  ses  voyages  sur  les  côtes  de  la  mer 
Caspienne  et  en  Perse  se  trouvent  dans  le  Ma- 
gasin de  Biisching,  tomes  III  et  X.  Lerch  a 
aussi  publié  divers  Mémoires  dans  les  Nova 
Acta  Naturx  Curiosorum.  E.  G. 

Biisching,  Lercks  Lebens-und  Reisegeschichte  ;  Halle, 
1761,  in-8°.  —  Roteruiund,  Supplément  à  JOcher. 

lerebours  (Noël-Jean),  ingénieur  opti- 
cien français ,  né  à  Mortain  (  Normandie  ),  le  25 
décembre  1762,  mort  le  13  février  1840.  Lors- 
que Lerebours  commença  de  s'occuper  de  la 
construction  des  instruments  d'optique,  on  allait 
chercher  en  Angleterre  les  meilleurs  instruments 
de  ce  genre.  Il  parvint  à  égaler  les  instruments 
anglais ,  et  leur  appliqua  des  perfectionnements 
précieux.  Dès  1810  il  présenta  à  l'Observa- 
toire deux  lunettes  «  fort  supérieures,  dit  le 
Rapport  du  jury  sur  les  prix  décennaux,  aux 
lunettes  de  Dollond  ;  »  elles  étaient  encore  cons- 
truites avecdescristaux  étrangers.  Lerebours  était 
convaincu  que  les  cristaux  français  donneraient 
un  résultat  aussi  satisfaisant.  A  l'exposition  de 
l'an  x,  il  avait  obtenu  une  mention  honorable 
pour  ses  instruments  d'optique;  en  1806  une 
mention  honorable  pour  ses  lunettes  astronomi- 
ques; en  1819,  il  reçut  une  médaille  d'or  pour 

KOOV.  BIOGR.   GENER.   —  T.   XXX. 


LEREBOURS 


866 


ses  lunettes  achromatiques  ayant  environ  quatre 
pouees  d'ouverture  et  des  distances  focales  com- 
prises entre  trois  pieds  et  einq  pieds  et  demi.  Il 
présentait  en  outre  trois  objectifs  de  six  pouces, 
également  achromatiques,  de  huit  pieds  de  dis- 
tance focale ,  une  lunette  de  sept  pouces  et  demi 
d'ouverture  et  de  dix-huit  pieds  de  foyer,  un  ins- 
trument nouveau  qu'il  désignait  sous  le  nom  de 
micro-télescope  ;  une  lentille  de  crown-glassde 
quatorze  pouces  de  diamètre,  des  verres  plans, 
et  une  grande  variété  d'instruments  de  moindres 
dimensions.  Trois  de  ces  lunettes  avaient  été 
achetées  par  le  gouvernement  pour  l'observatoire 
de  Paris,  une  pour  l'observatoire  de  l'École  mili- 
taire et  une  pour  l'observatoire  de  Marseille.  A  la 
suite  de  cette  exposition,  Louis  XVIII  nomma 
Lerebours  chevalier  de'  la  Légion  d  Honneur. 
Son  micro-télescope  pouvait  servir,  comme 
microscope ,  à  l'étude  de  l'histoire  naturelle  : 
il  permettait  de  voir  les  objels  transparents  et 
les  objets  opaques  à  la  distance  de  un  à  dix 
pieds  ;  comme  lunette ,  on  pouvait  l'employer 
pour  les  petites  et  les  grandes  distances,  et  même 
pour  les  observations  astronomiques.  Cet  ins- 
trument fut  acheté  pour  Constantinople.  En 
1823,  Lerebours  exposa  plusieurs  instruments 
d'optique,  entre  autres  deux  lunettes  qui  lui  va- 
lurent une  nouvelle  médaille  d'or.  Une  de  ces 
lunettes,  de  neuf  pouces  et  demi  d'ouverture  et 
de  dix  pieds  de  foyer,  avait  été  commandée  par 
Louis  XVIII  pour  l'observatoire  de  Paris.  En 
1834,  Lerebours  obtint  une  nouvelle  médaille 
d'or  pour  une  lunette  de  324  millimètres  d'ou- 
verture placée  encore  à  l'observatoire  de  Paris. 
Il  avait  aussi  composé  un  microscope  sui- 
vant le  système  du  docteur  Amici ,  pouvant 
supporter  un  grossissement  de  deux  mille  trois 
cents  fois  ;  jusque  alors  on  n'était  arrivé  qu'à  un 
pouvoir  amplifiant  de  mille  trois  cents  fois. 
Opticien  de  l'Observatoire  royal  et  de  la  marine, 
Lerebours  devint  membre  du  Bureau  des  Longi- 
tudes, du  conseil  général  des  manufactures  et  de 
la  Société  d'Encouragement. 

Son  fils,  Noël-Paymal  Lerebours,  associé  de 
bonne  heure  à  ses  travaux  ,  également  opticien 
de  l'Observatoire  et  de  la  marine,  adjoint  comme 
artiste  au  Bureau  des  Longitudes,  obtint  des 
rappels  de  médaille  d'or  en  1839  et  1844,  et  une 
médaille  d'honneur  en  1855  pour  un  objectif 
d'une  très-grande  dimension.  On  lui  doit  : 
Traité  de  Photographie  ;  Paris,  1843,  in-8°; 
5e  édition,  Paris,  1846,  in-8°  ;  —  Traité  de  Gal- 
vanoplastie ;  Paris,  1843,  in-8°;  —  Gâterie 
Microscopiqzie,  traduite  de  l'anglais  de  Pritchard, 
augmentée  de  notes  et  de  douze  planches  ;  Paris, 
1843,  in-8°;  —  Instruction  pratique  sur  les 
Microscopes  ;  Paris,  M46,  in-8o;  —  Excur- 
sions daguerriennes  ;  Paris,  1844,  in-4o. 

L.  L— t. 

Arnault,  Jay,  Jouy  e'  JNorvins,  Bto.gr.  nouv.  des  Con- 
temp.  —  Biogr,  uniu  et  portât,  des  Conlemp.  —  Rap- 
ports des  jurys  sur  es  expos,  des  prod.  de  l'industrie 

de  1819  à  1858. 

28 


867 


LE  RICHE 


868 


LE    RICHE    DE   LA    POPELINIERE    OU    LA 

poppllmère  (  Alexandre-Jean-Joseph  ), 
financier  français,  né  à  Paris,  en  1692,  et  mort 
le  5  décembre  1 762,  célèbre  par  son  faste,  ses 
dépenses,  et  par  la  protection  qu'il  accorda  aux 
lettres  et  aux  arts.  Fils  d'un  receveur  général 
des  finances,  il  obtint  en  1718  la  place  de  fer- 
mier général.  Son  esprit,  ses  manières  aimables, 
ses  prodigalités  lui  valaient  de  nombreux  succès 
auprès  des  femmes.  Il  se  prit  de  belle  passion 
pour  la  demoiselle  Desbayes,  fille  de  la  comé- 
dienne de  ce  nom,  plus  connue  sous  celui  de 
Mimi  Dancourt,  et  en  fit  sa  maîtresse  en  titre; 
mais  au  bout  de  quelques  années  celle-ci,  se 
posant  comme  une  victime  de  la  séduction , 
parvint,  à  l'aide  de  Mme  de  Tencin,  à  intéresser 
le  cardinal  Fleury,  qui  lors  du  renouvellement 
du  bail  des  fermes  signifia  à  La  Popelinière 
qu'il  eût  à  régulariser  sa  position  par  un  ma- 
riage, s'il  voulait  être  maintenu  dans  ses  fonc- 
tions de  fermier  général.  MLlc  Deshayes  devint 
Mme  de  La  Popelinière.  Sa  beauté,  son  esprit, 
ses  talents  tant  vantés  par  Vollaire ,  attirèrent 
bientôt  dans  ses  salons,  dont  elle  faisait  les 
honneurs  avec  une  grâce  charmante ,  tout  ce 
que  la  cour  et  la  ville  offraient  alors  de  plus 
distingué.  Concerts,  bals,  spectacles,  soupers, 
tout  concourait  à  faire  de  la  maison  que  le 
financier  possédait  à  Passy  un  séjour  enchan- 
teur de  plaisirs  continuels.  Au  milieu  du  tour- 
billon du  monde,  Mme  de  La  Popelinière  resta 
longtemps  fidèle  à  son  mari  ;  mais ,  dans  le 
courant  de  1748,  des  lettres  anonymes  aver- 
tirent celui-ci  que  sa  femme  le  trompait  ;  il  vou- 
lut s'en  assurer,  et  un  jour  que  Mme  de  La 
Popelinière  était  allée  en  grande  compagnie  à 
la  revue  des  hussards  du  maréchal  de  Saxe, 
dans  la  plaine  des  Sablons,  il  profita  de  son 
absence  pour  faire  une  visite  minutieuse  de  son 
appartement.  En  entrant  dans  le  boudoir  de  sa 
femme,  il  remarqua  qu'il  n'y  avait  aucune 
trace  de  feu  dans  la  clieminée  ,  quoique  cepen- 
dant la  saison  fût  déjà  rigoureuse,  et  machinale- 
ment il  heurta  de  la  pomme  de  sa  canne  l'âtre 
du  foyer;  la  plaque  rendit  un  son  creux.  L'ha- 
bile mécanicien  Vaucanson,  qui  accompagnait 
le  fermier  général  dans  sa  visite,  s'approcha,  et 
reconnut  que  la  plaque  était  montée  à  charnière 
et  qu'elle  cachait  une  large  ouverture  servant 
de  communication  avec  un  appartement  de  la 
maison  voisine.  On  sut  que  cet  appartement 
avait  été  loué  secrètement  par  le  duc,  depuis 
maréchal,  de  Richelieu.  La  Popelinière  n'en  de- 
manda pas  davantage  ;  il  envoya  aussitôt  cher- 
cher un  commissaire,  exigea  que  sa  découverte 
et  sa  disgrâce  fussent  constatées  par  un  procès- 
verbal,  et  lorsque  sa  femme,  à  son  retour,  se 
présenta  à  la  porte  de  l'hôtel,  il  lui  en  fit  défendre 
l'entrée.  Mmc  de  La  Popelinière  jugea  qu'il  n'y 
avait  plus  de  ressources;  elle  se  retira  avec  une 
pension  alimentaire  de  20,000  livres  dans  un 
quartier  obscur  de  Paris,  où  elle  mourut    de 


chagrin,  en  1752,  délaissée  de  ce  peuple  d'adora- 
teurs qui  l'avaient  divinisée,  et  négligée  du  duc 
de  Richelieu  lui-même,  qui  avait  été  la  cause  de 
son  malheur. 

Blessé  au  cœur,  le  fermier  général  parut 
prendre  en  horreur  le  monde  et  ses  plaisirs  :  il 
ferma  son  hôtel  au  public;  mais  peu  à  peu  les 
portes  s'entrouvrirent  :  les  ris,  les  jeux,  les 
amours  s'y  introduisirent  d'abord  à  petit  hruit  ; 
les  girandolles  et  les  lustres  se  rallumèrent;  les 
festins ,  les  danses  et  les  chants  recommen- 
cèrent, et  bientôt  La  Popelinière  ne  songea  plus 
qu'à  vivre  en  homme  libre,  prodiguant  ses  ri- 
chesses pour  satisfaire  ses  goûts.  —  Quoiqu'il 
ne  fût  pas  le  plus  opulent  des  fermiers  géné- 
raux, nul  de  ses  confrères  ne  possédait  mieux 
que  lui  l'art  si  rare  de  dépenser  son  or  aussi 
bien  à  l'avantage  d'autrui  qu'au  profit  de  ses 
propres  plaisirs.  Tous  les  jeunes  talents  qui  dé- 
butaient dans  la  carrière  des  lettres  et  des  arts 
trouvaient  en  lui  un  chaleureux  protecteur.  Les 
virtuoses  étrangers,  chanteurs,  cantatrices  vio- 
lonistes, qui  arrivaient  à  Paris  étaient  reçus,  lo- 
gés, entretenus  dans  sa  maison  de  Passy,  et 
chacun  s'empressait  de  contribuer  à  l'ornement 
de  ses  concerts  ;  la  célèbre  cantatrice  Mme  Van- 
loo,  femme  du  peintre  de  ce  nom,  y  mettait  à 
la  mode  le  chant  italien.  Marmontel,  Vaucan- 
son, Rameau,  les  peintres  Latour  et  Vanloo,  et 
bien  d'autres  hommes  de  talent  en  tous  genres, 
que  le  généreux  mécène  admettait  dans  sa  plus 
intime  familiarité,  venaient  tlatter  sa  vanité. 
Rameau,  qui  habitait  chez  le  financier,  tenait  le 
clavecin  dans  les  concerts,  touchait  l'orgue,  les 
jours  de  fête,  à  la  chapelle  domestique,  et  com- 
posait ses  opéras  dans  cette  harmonieuse  re- 
traite où  il  avait  à  sa  disposition  un  théâtre  spa- 
cieux, les  meilleurs  sujets  de  l'Opéra,  et  un  or- 
chestre excellent.  Ce  spectacle  était  le  premier 
degré  qui  conduisit  plus  d'un  compositeur  à 
notre  grande  scène  lyrique.  Un  débutant  pou- 
vait y  faire  entendre  ses  œuvres  avec  tous  les 
avantages  désirables  ;  La  Popelinière  faisait  tous 
les  frais  ;  si  l'épreuve  était  favorable  au  jeune 
musicien,  le  bruit  de  son  succès  retentissait  à 
Versailles  et  à  Paris,  et  l'artiste  était  bientôt 
appelé  à  se  produire  sur  un  plus  grand  théâtre. 
On  n'essayait  toutefois  sur  celui  de  Passy  que 
des  fragments  de  drame  lyrique;  la  raison  en  est 
simple,  le  maître  de  la  maison  écrivait  des  co- 
médies ,  des  opéras  comiques  et  des  ballets  dont 
lui-même  ou  Rameau  composaient  la  musique. 
Des  acteurs  pris  dans  la  société  jouaient  ces  ou- 
vrages,qui,  quoique  médiocres,étaient  d'assez  bon 
goût  et  assez  bien  écrits  pour  mériter,  sans  trop 
de  complaisance,  les  applaudissements  d'un  audi- 
toire disposé  d'ailleurs  à  les  accueillir.  On  bri- 
guait avec  lureur  les  invitations  à  ces  spectacles, 
qui  étaient  suivis  d'un  somptueux  souper,  dans 
lequel  se  trouvaient  réunis  des  princes,  des  am- 
bassadeurs, des  hommes  de  lettres,  des  ar- 
tistes, et  les  plus  jolies  femmes  de  la  capitale. 


869  LE  RICHE  —  LERIS 

Dans  ces  nuits  asiatiques,  au  milieu  de  tout  ce 
que  le  luxe  peut  offrir  de  plus  magnifique  et  de 
pius  délicat,  après  que  de  belles  voix  avaient 
charmé  l'oreille,  lorsque  Jéliotte  et  M"e  Fel 
avaient  chanté  les  délices  de  l'amour  heureux, 
et  que  Chassé  avait  frappé  de  sa  voix  éclatante 
et  sonore  la  dernière  cadence  d'une  chanson 
bachique,  en  était  agréablement  surpris  de  voir 
la  divine  Salle,  la  vive  Lany,  la  jeune  Pluvigné 
quitter  la  table  et  former  mille  pas  voluptueux 
sur  les  airs  que  l'orchestre  exécutait. 

En  1760,  La  Popelinière,  quoique  âgé  alors 
de  soixante-huit  ans,  eut  l'idée  de  se  remarier; 
il  épousa  MUe  de  Mondran  de  Toulouse,  dont  l'es- 
prit, les  grâces  et  surtout  le  talent  pour  le 
théâtre  rendirent  encore  plus  brillantes  les  fêtes 
de  Passy.  Les  dépenses  excessives  du  financier 
attirèrent  l'attention  du  contrôleur  général,  qui 
se  décida,  au  mois  de  janvier  1762,  à  le  sup- 
primer de  la  liste  des  fermiers  généraux.  Les 
fêtes  n'en  continuèrent  pas  moins  et  ne  ces- 
sèrent qu'à  la  mort  de  la  belle-mère  de  La  Po- 
pelinière, et  quelques  jours  plus  tard  l'ex-fer- 
mier  général  expirait  lui  -  même,  à  l'âge  de 
soixante-dix  ans.  Un  mois  après  sa  mort,  sa 
veuve  mit  au  monde  un  fils,  dont  on  lui  con- 
testa la  paternité;  cette  circonstance  donna  lieu 
à  un  procès  fameux,  à  la  suite  duquel  les  droits 
du  fils  furent  reconnus  (1). 

Poète,  musicien  et  dessinateur  lui-même,  La 
Popelinière  a  vécu  au  milieu  d'un  concert  de 
louanges.  Comme  il  aimait  l'encens,  chacun  lui 
en  donnait  pour  son  argent.  Voltaire  l'appelait 
Mecenas  La  Popelinière,  ou  Pollion  tout  court; 
dans  la  bouche  de  Marmontel,  c'était  le  Médi- 
as, le  Périclès  de  la  finance  ;  c'était  Apollon, 
Plutus  dans  celle  de  Rameau,  le  plus  cher  de 
ses  favoris.  On  lit  dans  les  Mémoires  de  Bachau- 
mont,  à  la  date  du  2  janvier  1763,  l'épitaphe  sui- 
vante : 


Sous  ce  tombeau  repose  un  financier. 
Il  fui  de  son  état  l'honneur  et  la  critique  : 
Généreux,  bienfaisaut,  mais  toujours  singulier, 

Il  soulagea  la  misère  publique. 
Passant  priez  pour  lui,  car  il  fut  le  premier. 

Il  faut  certainement  en  rabattre  de  ces  éloges; 
mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  fit  beau- 
coup de  bien,  et  l'on  doit  lui  en  savoir  gré  sans 
examiner  s'il  y  fut  porté  par  la  vanité  ou  par 
une  véritable  générosité;  il  eut  d'ailleurs  beau- 
coup d'envieux,  et  obligea  souvent  des  ingrats. 
Ses 'manières  étaient  nobles;  il  avait,  au  plus 
haut  degré  le  sentiment  de  la  bienséance  et  une 
politesse  simple  et  naturelle,  qui  convenait  aux 
différentes  classes  de  gens  qu'il  recevait.  Per- 
sonne n'était  plus  aimable  que  lui  lorsqu'il  vou- 
lait plaire.  11  écrivait  facilement  en  vers  et  en 


(1)  La  femme  de  ce  fils ,  M"»<=  de  La  Popelinière,  vi- 
vait encore  en  1823.  Son  fils,  qui  avait  embrassé  la  car- 
rière des  armes,  figurait  à  cette  époque  sur  les  cadres 
de  l'année  en  qualité  de  maréchal-decamp  et  de  com- 
mandant d'une  subdivision  militaire. 


870 
prose,  faisait  de  fort  jolies  chansons,  et  assai- 
sonnait la  conversation  de  bons  mots  qui  au- 
raient suffi  pour  faire  la  réputation  d'un  bel-es- 
prit. L'anonyme  a  dérobé  la  plupart  de  ses  nom- 
breuses productions;  à  peine  s'est-on  occupé 
d'imprimer  ses  romances  et  ses  chansons,  qui 
ont  cependant  beaucoup  de  grâce  et  de  facilité; 
elles  n'ont  pas  dépassé  le  cercle  des  fidèles 
qui  en  avaient  la  primeur  aux  soupers  intimes. 
Ce  qui  a  couru  de  sa  musique  dans  le  public 
n'est  même  pas  connu  sous  son  nom.  Les  Bru- 
nettes,  qui  ont  été  si  répandues;  Aimable  Cli- 
mène;  Petits  Oiseaux  sous  le  feuillage,  sont 
de  La  Popelinière  ainsi  que  l'air  Charmante 
Prairie,  publié  dans  le  Mercure  en  1731,  et  qui 
est  attribué  à  tort  à  Du  Buisson.  «  La  villageoise 
ingénue  :  0  ma  tendre  Musette,  qui  eut  tant 
de  vogue  sans  qu'on  en  sache  l'auteur,  est 
pourtant  bien  certainement ,  dit  un  écrivain 
contemporain,  de  La  Popelinière,  qui  a  produit 
cette  charmante  musique  et  vingt  autres  mor- 
ceaux qu'il  faisait  avec  une  singulière  facilité  en 
s'accompagnant  de  la  vielle  ou  d'une  guitare. 
Tout  ce  qu'il  savait  en  musique,  ajoute  le 
même  auteur,  lui  avait  été  appris  par  Rameau, 
qui  n'a  pas  dédaigné  d'introduire  dans  ses  bal- 
lets quelques  airs  de  La  Popelinière,  comme  le 
menuet  des  Talents  lyriques,  la  seconde  chan- 
son oVHébé,  dans  Castor  et  Pollux,  et  le  joli 
récit  du  Temple  de  la  Gloire  :  Un  Roi  qui  veut 
être  heureux.  »  On  cite  aussi  comme  étant  de 
La  Popelinière,  Haïra,  histoire  orientale,  Paris, 
1760,  in-8",  et  les  Mœurs  du  siècle,  en  dialo- 
gues; ces  deux  ouvrages,  qui  sont  loin,  dit-on, 
de  briller  par  le  côté  moral,  n'ont  été  imprimés 
qu'àuntrès-petit  nombre  d'exemplaires.  LaPope- 
linièrefut  lepremierprotecteur  deMmedeGenlis. 
Dieudonné  Denne-Baron. 
Bachaumont,  Mémoires  secrets.  —  Grimro,  Correspon- 
dance. —  Voltaire,  Correspondance.  —  Le  Mercure, 
années  1741  et  1763.  —  Souvenirs  d'un  octogénaire,  dans 
la  Revue  et.  Gazette  musicale,  du  S  août  1845.  —  Castil- 
Blaze,  L'Académie  impériale  de  Musique,  histoirelil  - 
téraire,  musicale,  etc.  ;  Paris,  1853. 

lekidant  (  Pierre  ),  jurisconsulte  français, 
né  en  Bretagne,  vers  le  commencement  du  dix- 
huitième  siècle,  mort  le  28  novembre  1768.  Il 
était  avocat  au  parlement  de  Paris,  et  publia: 
Examen  de  deux  questions  importantes  sur 
le  mariage;  Paris,  1753,  in-4°;  —  Disserta- 
tion théologique  et  historique  sur  la  Con- 
ception de  la  Vierge;  Paris,  1756,  in-12;  — 
Institutiones  philosophiez  in  novam  metho- 
dum  digestœ;  Paris,  1761,  3  vol.  in-12;  —  Le 
code  matrimonial;  Paris,  1766,  in-12;  ibid., 
1770,  2  vol.  in-4°,  augmenté  et  annoté  par  Ca- 
mus. On  attribue  à  Léridant  :  V  Antifinancier  ; 
Paris,  1764,  ln-12. 
Cbaudon  et  Delandine,  Dict. 

LER1GBT.  Voy.  Lafaye. 

leris  (Antoine  de  ),  littérateur  français,  né 
à  Montlouis,  le  28  février  1723,  mort  en  1795. 
Il  était   premier  huissier  de  la  chambre  des 

28. 


87!  LERIS  - 

comptes  de  Paris.  On  a  de  lui  :  La  Géogra- 
phie rendue  aisée,  ou  traité  méthodique  pour 
apprendre  la  géographie;  Pans,  1753,  in-8°; 
—  Sentiment  d'un  Harmonophile  sur  dif- 
érents  ouvrages  de  Musique  (  avec  l'abbé 
Moramberl);  Amsterdam,  1756,  in-12;  —  Les 
Après-Soupers  de  la  Campagne ,  ou  recueil 
d'histoires  courtes,  amusantes  et  intéres- 
santes (avec  le  chevalier  Bruix);  Amsterdam 
et  Paris,  1759-1764,  4  vol.  in-12;  —  Diction- 
naire portatif  historique  et  littéraire  des 
théâtres,  contenant  V origine  des  différents 
théâtres  de  Paris;  Paris,  1754, 1763,  in-8°,  sou- 
vent réimprimé.  C'est,  suivant  M.  Quérard,  une 
compilation  assez  bien  faite ,  d'après  l' Histoire 
du  Théâtre- Français  des  frères  Parfaict. 

L— Z— E. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

le  km  (  Gabriel  de  ),  poète  latin  moderne, 
mort  à  la  fin  du  seizième  siècle.  Gentilhomme 
protestant  du  Languedoc,  il  fut  maître  des  re- 
quêtes de  la  reine  de  Navarre*  et  se  fit  con- 
naître par  la  traduction  de  plusieurs  ouvrages 
italiens  ainsi  que  par  un  certain  nombre  de 
poèmes  ,  épîtres  et  discours  dont  il  n'a  publié 
qu'une  partie.  Selon  La  Croix  du  Maine,  c'était 
un  «  très-docte  poète  latin  et  français  ».  Nous 
citerons  de  lui  :  La  Première  Semaine;  Paris, 
1584,  1585,  in-12;  Londres,  1591  ;  traduction 
en  vers  latins  du  poème  de  Du  Firtas,  dédiée  à 
la  reine  Elisabeth  et  réimprimée  dans  les  Deli- 
ciee  Poetarum  Gallorum;  elle  a  été  jadis  fort 
estimée;  —  Introductio  in  artem  jesuiticam, 
suivie  du  poème  de  Locusta  (Genève),  1599, 
in-8°.  K. 

Haag  frères,  La  France  Protestante.  —  La  Croix  du 
Maine ,  Bibliothèque  Française. 

lerme  (  François  de  Roxas  de  Sandoval, 
marquis  de  Dénia,  duc  de),  homme  d'État 
espagnol,  né  vers  le  milieu  du  seizième  siècle, 
mort  en  1625.  11  n'était  encore  que  marquis  de 
Dénia  lorsqu'il  fut  nommé  premier  écuyer  de 
l'infant  Philippe  III.  Ce  prince  en  montant  sur 
le  trône  le  créa  duc  de  Lerme  et  le  choisit  pour 
premier  ministre.  Bien  que  le  duc  de  Lerme, 
suivant  l'expression  de  l'historien  Juan  Vitrian, 
fût  le  plus  modéré  et  le  meilleur  des  favoris,  il  était 
ïoin  d'être  à  la  hauteur  de  sa  situation.  11  eut  à 
son  tour  des  favoris,  et  partagea  le  gouvernement 
de  l'Espagne  avec  Rodrigo  Calderon,  qui  avait 
été  son  page.  Ces  deux  hommes  d'État  médio- 
cres continuèrent  la  politique  de  Philippe  II,  et 
malgré  l'épuisement  de  l'Espagne,  ils  main- 
tinrent des  prétentions  hautaines,  qui  n'avaient 
jamais  eu  de  chances  de  succès.  Le  duc  de 
Lerme,  voulant  signaler  le  commencement  de 
son  administration,  fit  équiper  cinquante  vais- 
seaux pour  porter  la  guerre  en  Angleterre 
(  1599)  ;  mais  cette  flotte  fut  dispersée  par  la 
tempête  avant  d'avoir  rencontré  l'ennemi.  Une 
seconde  expédition,  destinée  à  soutenir  les  Ir- 
landais insurgés,  ne  fut  pas  plus  heureuse.(l602), 


LERME 


872 


et  le  ministre  fut  obligé  de  conclure  la  paix 
avec  l'Angleterre  en  1604.  Il  ne  réussit  pas 
mieux  contre  les  Hollandais ,  et,  fatigué  d'une 
lutte  à  laquelle  il  attribuait  les  plus  graves  em- 
barras de  l'Espagne,  il  consentit  à  reconnaître 
l'indépendance  des  Provinces-Unies,  en  1608. 
Ces  concessions  révoltèrent  l'amour-propre  na- 
tional ;  mais  comme  elles  étaient  nécessaires, 
elles  ne  feraient  aucun  tort  à  la  mémoire  du  duc 
de  Lerme,  s'il  eût  mis  la  paix  à  profit  pour  ré- 
parer les  maux  de  la  guerre  et  rétablir  les 
finances  de  l'Espagne,  qui,  malgré  les  énormes 
envois  métalliques  du  Pérou  et  du  Mexique, 
étaient  dans  un  état  déplorable.  Mais  il  montra 
autant  d'incapacité  à  l'intérieur  qu'au  dehors,  et 
son  administration  fut  une  suite  d'actes  de  vio- 
lence et  de  faiblesse.  En  1601  il  voulut  mettre 
un  impôt  sur  la  seigneurie  de  la  Biscaye  sans 
consulter  ses  fueros,  et  recula  presque  aus- 
sitôt devant  le  mécontentement  de  cette  pro- 
vince. Plus  ferme  contre  ceux  qui  étaient  inca- 
pables de  résister,  il  dépassa  la  cruauté  de 
Philippe  II  à  l'égard  des  Morisques,  et  fit  rendre, 
le  11  septembre  1609,  une  ordonnance  qui  pres- 
crivait à  cette  malheureuse  population  de  quitter 
immédiatement  l'Espagne.  Cette  expulsion  en 
masse  fut  encore  aggravée  par  d'odieuses  con- 
fiscations. Dans  l'Andalousie,  dans  les  deux 
Castilles,  dans  les  royaumes  de  Grenade  et  de 
Murcie,  il  leur  fut  défendu,  sous  peine  de  mort, 
de  faire  sortir  du  royaume  ni  or  ni  argent.  En 
Catalogne  on  déclara  leurs  biens  confisqués. 
Rien  n'égala  l'horreur  de  cette  proscription, 
dont  la  responsabilité  retombe  sur  le  duc  de 
Lerme,  qui  aurait  pu  l'empêcher,  et  qui  en  profita 
largement.  Sur  les  dépouilles  des  Morisques,  il 
se  fit  donner  250,000  ducats  ;  son  fils  en  reçut 
100,000,  le  comte  deLemos,son  gendre,  100,000, 
la  comtesse  de  Lemos,  sa  fille,  50,000  :  en  tout 
500,000  ducats,  près  de  cinq  millions  de  francs. 
Les  résultats  d'une  pareille  administration  ne 
pouvaient  être  douteux.  «  Le  gouvernement 
d'Espagne,  a  dit  un  historien,  se  montrait  tous 
les  jours  plus  incapable  et  plus  oppressif;  le 
commerce ,  l'industrie  et  l'agriculture  étaient 
ruinés  dans  les  pays  soumis  aux  gouverneurs 
espagnols;  il  n'y  avait  de  sécurité  devant  la  jus- 
tice ni  pour  les  biens  ni  pour  les  personnes; 
la  population  décroissait  rapidement.  »  L'Es- 
pagne ne  souffrait  pas  moins  que  ses  dépen- 
dances (1).  «  Une  tranquillité  apparente  cou- 
vrait ses  misères,  ajoute  le  même  historien;  mais 
l'agriculture  et  l'industrie  avaient  reçu  un  échec 
fatal  par  l'expulsion  des  Maures;  des  impôts  acca- 
blants étaient  perçus  de  la  manière  la  plus  oppres- 
sive, et  la  population  comme  la  richesse  décrois- 
saient rapidement.  »LeducdeLerme,quisesavait 
haï  du  peuple  et  de  la  noblesse,  crut  se  mettre  à 
l'abri  des  coups  de  la  fortune  en  demandant  après 
la  mort  de  sa  femme  et  en  obtenant  du  pape 

(1)  Sisraondi,  Hitt.  des  Français,  t.  XXII,  p.  420,  466. 


oJJ  LERME  — 

Paul  V,  en  1618,  le  chapeau  de  cardinal.  Ce  fut 
la  cause  immédiate  de  sa  chute.  Le  roi,  habitué  à 
traiter  familièrement  son  vieux  serviteur,  se 
sentit  gêné  et  mécontent  devant  un  grand  digni- 
taire de  l'Église ,  et  le  confesseur  du  roi  et  le 
duc  d'Uceda  profilèrent  de  cette  disposition  du 
roi  pour  perdre  le  premier  ministre.  Uceda  ne 
craignit  pas  de  noircir  son  père  par  d'odieuses 
accusations,  et  le  20  octobre  1618  le  duc  de 
Lerme  reçut  l'ordre  de  quitter  la  cour.  Son  fils 
le  remplaça  comme  premier  ministre.  A  la  mort 
de  Philippe  111  l'animosité  publique  contre  l'ancien 
ministre  éclata  avec  tant  de  violence  que  le 
nouveau  roi  Philippe  IV  ordonna  une  enquête 
judiciaire  sur  la  conduite  du  duc  de  Lerme.  Ro- 
drigue Calderon,  son  confident,  fut  condamné  à 
mort,  et  le  duc  de  Lerme  dut  restituer  au  trésor 
une  somme  considérable.  Il  ne  survécut  que 
quelques  années  à  sa  disgrâce.  N. 

J.  Yanez,  Memorias  para  la  historia  de  D.  Fe- 
lippe  III,  rey  de  Espafia.  —  Wulson,  History  of  the 
reign  of  Phiiipp  III.  —  Fonseca,  Relacion  de  la  Expul- 
sion de  los  Morïscos. 

lerminier  (Jean-  Louis  -  Eugène) ,  publi- 
ante français ,  né  à  Paris  ,  le  29  mars  1803,  et 
mort  le  25  août  1857.  Il  étudia  le  droit,  et  se 
fit  d'abord  connaître  par  une  analyse  des  idées 
de  M.  de  Savigny  sur  la  possession  en  droit 
romain  (1827).  Un  cours  volontaire,  accueilli 
pendant  deux  ans  par  un  vif  succès ,  le  signala 
aupouvoir(  1828-1830)  :  Lerminier  fut  nommé  à 
la  chaire  des  Législations  comparées,  l'une  des 
troischaires  créées  en  1831  au  Collège  de  France, 
et  devint  bientôt  l'interprète  éloquent  des  préoc- 
cupations ardentes  de  l'époque.  Ce  fut  pendant 
quelques  années  un  des  plus  beaux  triomphes  ora- 
toires. L'enthousiasme  excité  par  le  professeur 
ne  se  renfermait  pas  dans  l'enceinte  du  Collège  de 
France  :  ses  leçons,  reproduites  par  la  presse, 
provoquaient  partout  une  attention  passion- 
née. Toute  cette  gloire  devait  avoir  un  brusque 
retour.  Dès  l'année  1836  Lerminier,  dans  son 
enseignement,  laissa  entrevoir  de  notables  mo- 
difications; il  fut  surtout  explicite  en  s'adres- 
sant  au  public  comme  écrivain  (voir,  dans  la 
Revue  des  Deux  Mondes ,  les  articles  inti- 
tulés :  Bu  nouveau  Ministère,   t.   VI,  année 

1 836  ; —  De  l' Assassinat  politique,  t.  VII,  même 
année;  — Six  Ans,  même  tome,  même  année; 
—  Des  Rapports  de  la  France  avec  le  monde, 
t.  VIII,  1836, etc.;  —  Politique d'Aristote,  t.  XI, 
1837, etc.; — LeLivredu  Peuple,etla.  polémique 
avec  George  Sand,  t.  XIII,  1838,  etc.).  Ainsi 
que  le  constatent  les  écrits  cités,  dès  1836  Ler- 
minier s'était  rallié  au  centre  gauche,  que  M.  Odi- 
lon  Barrot  proclamait  plus  tard  «  le  parti  de  la 
France  entière,  »  et  il  s'était  surtout  prononcé  pour 
cette  conciliation  libérale  de  toutes  les  opinions, 
dont,  un  an  après,   le   ministère  du   15  avril 

1837  devait  prendre  l'initiative.  Conformément 
à  la  tendance  qui  pendant  deux  ans  l'avait  rap- 
proché du  pouvoir,  il  accepta,  en  1838,  du  mi- 
nistère du  15  avril,  deux  titres  honorifiques, 


LERMINIER  874 

ceux  de  chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  et 
de  maîtrecies  requêtesen  service  extraordinaire. 
Rien  n'était    plus    évident    que   la    conversion 
opérée  dans  les  idées  de  Lerminier  ;  cependant  le 
public  ne  s'en  était  pas  encore  ému.  Au  milieu 
de  la   coalition  des  partis  que  le  ministère  du 
15  avril  1837  avait  voulu  concilier,  et  qu'il  n'é- 
tait parvenu   qu'à  rapprocher    pour  une  ligue 
contre  lui-même,  vers  la  fin  de  1838,  la  Revue 
des   Deux  Mondes  publia  une  Lettre  sur  la 
Presse  politique  (t.  XVI  ),  dans  laquelle  Lermi- 
nier s'indignait  contre  les  alliances  et  surtout 
contre  la  polémique  des  adversaires  du  cabinet. 
Cette  Lettre  n'ajoutait  rien  à  la  position  de  Ler- 
minier; elle  ne  faisait  que  le  montrer  servant 
avec  talent  dans  le  camp  où  il  s'était  établi  de- 
puis  plus  de  deux  années.  Mais  l'opinion  pu- 
blique, habilement  excitée  par  la  vengeance  des 
organes  de  la  coalition  et  par  les  vieilles  ran- 
cunes, l'envie  et   la  crainte  d'un  rival  de  plus 
des  membres  du  gouvernement,  amoncela  sur 
la  tête  du  professeur  un  orage  terrible  :  deux 
fois  il  voulut  aborder  sa  chaire;  deux  fois  il  en 
fut  arraché  par  une  des  émeutes  les  plus  fu- 
rieuses qui  depuis  Ramus  aient  troublé  la  paix 
du  Collège  de  France.  En  1849,  sous  le  minis- 
tère de   M.   de   Falloux,    il   voulut   reprendre 
son  cours  de  droit  international  et  de  législation 
comparée;  mais  les  mêmes  troubles  se  renouve- 
lèrent, et  il  donna  sa  démission  pour  reprendre 
la  plume  de  publiciste.  En  1850  il  fonda  un  re- 
cueil bimensuel,  les  Tablettes  Européennes ,  et 
fut  attaché   depuis  1852  à  la  rédaction   de  l'As- 
semblée nationale.  Lerminier  est  remarquable 
comme  orateur  et  écrivain  par  le  mouvement  du 
style,  la  vigueur  et  l'éclat  des  images,  la  noblesse 
de  l'expression ,  et  par  la  puissance  singulière 
de  l'ironie  sérieuse  et  de  la  passion  contenue. 
On  lui  a  reproché  le  vague   dans  les  idées,  la 
prétention  dans  la    forme,  le   néologisme  ger- 
manique dans    le   langage;    mais  on   convient 
généralement    que    dans    ses    derniers    écrits 
ces  défauts  font  place  à  des  qualités  contraires. 
On  a    de  lui     :    De  Possessione    analytica 
Savignianees  doclrinse  ,  in-8°;  —  Introduc- 
tion générale    à    l'histoire   du  Droit;  deux 
éditions,  in-8°;  —  Philosophie  du  Droit;  deux 
éditions,   2  vol.    in-8°;   —   Lettres    philoso- 
phiques à   un  Berlinois;  in-8°;  —  Histoire 
des  Législateurs  et  des  Constitutions  de  la 
Grèce  antique;    1852,  2  roi.   in-8°;  —  De 
l'Influence  de  la  philosophie  du    dix-hui- 
tième siècle  sur  la  législation  et  la  sociabi- 
lité du  dix-neuvième  ;  1  vol.  in-8°  ;  —  Au  delà 
du  Rhin,  ou  de  l'Allemagne  depuis  madame 
de  Staël;  2  vol.  in-8°  ;  —  Études  d' Histoire  et 
de  Philosophie;  2  vol.  in-8°  ;  — Cours  d'histoire 
romaine,  depuis  Auguste  jusqu'à  Commode; 
in-8°;  —  Dix  Ans  d'Enseignement;  in-8°;  — 
des  articles  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes, 
dans  Le  Droi  t,  Le  Bon-Sens,  la  Revue  de  Paris, 
la  Revue  Contemporaine,  etc.  L'article  Guizot 


875  LERMINIER 

dans  la   Biographie  générale  est  le   dernier 
morceau  littéraire  de  cel  éminent  écrivain. 
Le  Bis,  Dict.  de  la  France,  avec  addlt. 

LEKMiNiER  (  Théodortc-Nelamond),  méde- 
cin français,  né  à  Saint- Valery-sur-Somme ,  en 
1770,  mort  à  Paris,  le  8  juin  1836.  Orphelin  de 
bonne  heure ,  il  fut  recueilli  par  une  tante  qui 
demeurait  à  Reims,  et  qui  prit  soin  de  lui.  Après 
avoir  fait  ses  études  à  Abbeville,  il  vint  étudier 
la  médecine  à  Paris,  et  suivit  la  clinique  de  Cor- 
visart,  qui  l'adopta  pour  élève  et  pour  ami.  Il 
composa  pour  le  doctorat ,  qui  lui  fut  conféré 
après  1800,  une  thèse  estimée  sur  les  crises. 
En  1806  Leriiiinier  fut  envoyé  avec  Desgenettes 
en  Bourgogne,  où  la  présence  des  prisonniers 
austro-russes  avait  fait  déclarer  une  fièvre  épi- 
démique.  A  son  retour,  Lerminier  fut  nommé 
médecin  de  l'hôtel-Dieu  de  Paris  et  membre  de 
la  Société  de  Médecine.  En  1808,  il  remplaça 
Leclerc  comme  médecin  par  quartier  de  la 
maison  de  l'empereur.  Il  suivit  Napoléon  en 
Espagne  et  en  Russie,  où  il  montra  beaucoup 
de  courage  pendant  l'incendie  de  Moscou.  En 
1813,  il  se  consacra  au  traitement  des  soldats 
malades  du  typhus,  à  l'hôpital  de  la  Pitié.  Extrê- 
mement désintéressé,  on  a  dit  de  lui  «  qu'il 
avait  le  cœur  ouvert  à  l'humanité  et  les  mains 
fermées  à  l'or  ».  Nommé  médecin  de  La  Charité 
en  1815,  il  remplit  ses  fonctions  jusqu'à  sa  mort. 
11  avait  été  appelé  à  l'Académie  de  Médecine  dès 
les  premières  nominations.  J.  V. 

Panset,  Discours  prononcé  aux  funérailles  rie  T.  N. 
Lerminier.  —  Dr  Isid.  Bourdon,  dans  le  Dict.  de  la  Con- 
vers.,  Suppl. 

l'ermite  (Daniel),  en  latin  Erepiita,  la- 
tiniste belge,  né  à  Anvers,  en  1584,  mort  à  Li- 
vonrne,  en  16 1 3.  11  appartenait  à  une  famille 
protestante,  réfugiée  dans  les  Pays-Bas;  mais 
par  les  conseils  de  Vie,  ambassadeur  de  France 
en  Suisse,  qui  Pavait  attaché  à  sa  personne,  il 
changea  de  religion,  et  suivit  de  Vie  en  Italie. 
Là,  il  devint  secrétaire  particulier  de  Côme  de 
Médicis,  duc  de  Toscane ,  qui  le  chargea  de  plu- 
sieurs missions  politiques.  Daniel  L'Ermite  mou- 
rut à  la  fleur  de  l'âge.  On  a  de  lui  :  lier  Ger- 
manicum;  Leyde,  1637,  in-16;  c'est  Je  récit  de 
ses  ambassades  en  Allemagne;  —  De  Helvetio- 
rum,  Rkastorum,  Sedunensium  Situ,republica 
et  moribus;  Leyde,  1627,  in-24  ;  —  Aulicse 
vitee  ac civilis  Librï  IV,  suivis cYOpuscula varia 
et  publiés  avec  annotations  par  Grœvius  ;  Utrecht, 
1701,  in-8".  L— z— e. 

Coupé  Soirées  Littéraires,  t.  VU,  pag.  124.  -  Chaudon 
et  i)e)andlne    Dict.  Hist. 

lekmoxt  (  Thomas),  poète  anglais.  Voy. 
Thomas  le  Rimecr. 

lebjiostof  (3Hchel),  poète  russe,  né  en 
1811,  tué  en  duel,  au  Caucase,  en  1841.  Il  appar- 
tenait à  une  famille  originaire  d'Ecosse,  entra 
dans  le  corps  des  pages,  et  passa  de  là  dans  les 
gardes.  La  fin  tragique  de  Pouchkin  lui  inspira 
ses  premiers  vers  :  il  y  demandait  au  tzar  de  ne 
pas  laisser  impuni   celui  qui  avait  enlevé  à  la 


—  LERNOUT 


87G 


Russie  le  plus  glorieux  de  ses  enfants.  Mais 
l'empereur  Nicolas  fit  pendre  seulement  en  effigie 
le  meurtrier  de  Pouchkin,  M.  d'Anthès,  et  en- 
voya Lermontof  au  Caucase.  C'est  durant  son 
séjour  de  quatre  ans  dans  ce  pays  que  Lermon- 
tof composa  les  belles  poésies  qui  lui  valurent 
le  surnom  de  poète  du  Caucase,  et  parurent 
à  Saint-Pétersbourg,  1840,3  vol.  in-8°,  souvent 
réimprimées  depuis,mais  jamais  sans  de  nombreux 
retranchements.  Il  y  composa  aussi  un  roman  : 
Le  Héros  de  notre  temps,  où  l'un  de  ses  ca- 
marades ayant  cru  se  reconnaître ,  lui  en  de- 
manda raison.  «  Il  avait  décrit  dans  ce  roman, 
rapporte  M.  Saint-René  Taillandier,  un  duel 
terrible,  qui  a  lieu  sur  la  plate-forme  d'un  ro- 
cher, si  bien  qu'à  la  moindre  blessure  les  adver- 
saires, placés  au  bord  même  de  l'abîme,  sont 
condamnés  à  une  mort  inévitable.  C'est  ainsi  que 
Lermontof  voulut  se  battre.  Il  tomba  frappé 
d'une  balle,  plus  malheureux  que  Pouchkin,  puis- 
que c'est  une  main  russe  qui  l'avait  dirigée,  et 
disparut  au  fond  du  gouffre,  montrant  encore  à 
ce  dernier  moment  son  double  caractère  :  d'une 
part  la  soumission  du  gentilhomme  aux  pré- 
jugés de  son  pays  et  de  sa  caste,  de  l'autre  l'im- 
pétuosité d'une  âme  loyale  qui  préfère  l'état  de 
nature  aux  mensonges  d'une  civilisation  factice, 
le  Tcherktsseet  le  Cosaque  du  Caucase  aux  élé- 
gants Tartares  de  Saint-Pétersbourg,  et  une 
lutte  à  mort  à  un  combat  de  parade.  «  Le  Héros 
de  notre  temps  a  été  trad.  en  allemand  par 
A.  Boltz;  Berlin,  1852.  Les  principales  poésies 
de  Lermontof,  traduites  en  allemand  par  M.  Bo- 
denstedt;  Berlin,  1852,  2  vol.  in-8°,  sont  : 
Le  Novice,  ou  le  jeune  Tcherkesse ,  qui  peint 
cet  amour  invincible  qui  enchaîne  le  Caucasien 
au  sol  de  ses  montagnes.  «  C'est  bien  là ,  dit  le 
même  critique,  de  la  poésie  primitive,  non  pas  de 
cette  grande  poésie  homérique  à  laquelle  il  ne  faut 
rien  comparer  pour  l'union  de  la  sérénité  et  de  la 
force,mais  de  cette  poésie  particulière  à  l'héroïque 
enfance  des  nations  modernes;  on  dirait  un  frag- 
ment du  Poëme  du  Cid.ou  de  la  Chanson  de  Ro- 
land; »  —  Valérik,  toile  pleine  de  mouvement 
et  de  bruit;  —  Hadschi-Abrek,  drame  compa- 
rable pour  la  précision  ,  pour  la  rapidité  ,  pour 
l'effrayante  logique  des  sentiments ,  au  Mateo 
Falcoe  de  M.  Prosper  Mérimée;  —  Ismail- 
Bey,  longue  histoire  de  guerre  et  d'amour; 
—  Le  Démon,  poëme  récemment  publié  à  Ber- 
lin, 1857;  —  Le  Vaisseau  Fantôme  et  Us  Cen- 
dres de  Napoléon  à  Paris,  où  le  poêle  cé- 
lèbre non  le  Napoléon  conquérant,  mais  le  Napo- 
léon vaincu.  Enfin,  le  (hnnt  du  tzar  Ivan 
Dasiliéntch,  que  M.  Saint-René  Taillandier  a 
si  bien  rendu  en  français.        Pce  A.  Galitzin. 

Lakier,  Ronsslcaia  Gucraldiha.  —  Cyi>.  Roberf,  La 
Poésie  slave  au  dix -neuvième  siècle.  —  Revue  des  Deux 
Mtmdes,  avril  1854.  —  Saint-René  Taillandier,  Le  l'cëte 
du  Caucase;  ibid.,  1er  février  1885.  —  Les  Poètes  russes 
parle  prince  Elain  Macher>ki. 

lkknoitt  (Jean)  ou  ,/flm<sLERNtjTnjs,  poète 
latin  belge,  né  à  Bruges,  le  13  novembre  1545, 


877  LERNOUT  - 

mort  dans  la  même  Tille,  le  29  septembre  1619. 
En  1567,  il  se  joignit  à  Juste  Lipsc  et  à  Victor 
Giselin  pour  visiter  les  principales  académies 
de  l'Europe,  et  fut  de  retour  à  Bruges  au  com- 
mencement de  1577.  Il  était  échevin  de  sa  ville, 
en  1587,  lorsque  des  soldats  de  la  garnison 
d'Ostende  l'enlevèrent  aux  portes  de  Bruges  et 
le  conduisirent  à  leur  gouverneur.  Cet  officier 
jela  l'inoffensif  Lernout  dans  un  cachot  infect. 
Les  souffrances  ébranlèrent  la  raison  du  mal- 
heureux prisonnier.  Il  fut  alors  transporté  en 
Angleterre,  d'où  il  ne  revint  que  cinq  mois  plus 
tard,  après  avoir  payé  une  rançon.  Une  vie  calme 
et  retirée  lui  rendit  peu  à  peu  la  santé  ;  il  vécut 
encore  trente-deux  années ,  qu'il  consacra  aux 
lettres.  Lernout  tient  un  rang  distingué  parmi 
les  poètes  latins  de  sa  patrie.  L'empereur  Ro- 
dolphe II  l'avait  anobli  dés  1581.  On  a  de  ce 
poète  -.Basia,  Ocelliet  alla poemata ;  Anvers, 
Plantin,  1579.  in-12;  Lignitz,  1603  etLeyde, 
Elzevier,  1614,  in-12;  cette  dernier*  édition  est 
considérablement  augmentée;  plusieursdes  poé- 
sies de  Lernout  ont  été  publiées  séparément;  — 
Commen/arius  de  natura  et  cultu  Caroli  Flan- 
drix  comitis,  nec  non  deesede  ipsius,  et  vin- 
dicta  in  percussores  mox  secuta  (posthume); 
Bruges,  1621,  in-8°;  c'est  à  tort  qu«Valère  André 
dit  que  cet  ouvrage  fut  publié  à  Paris  durant  le 
séjour  que  Lernout  fit  dans  cette  capitale;  com- 
posé en  effet  vers  cette  époque,  il  ne  fut  publié 
qu'après  la  mort  de  l'auteur  et  par  les  soins  de 
sou  iils  Jacques,  qui  lui-même  cultiva  avec  goût 
la  poésie  latine  et  a  donné  :  Preces  metriese  a 
Salomone  Macrino,  Petro  Aurato,  Petro 
Bacherio,  Victor e  Giselino,  et  ahis  poetis, 
exerciiiis  christianse  pieiatis  aptatx ;  Bruges, 
1616,  in-12; —  quelques  poésies  latines  de 
lui-même,  1623;  —  une  édition  des  Poésies  de 
Maximilien  de  Vriendt.  L — z — e. 

Juste  Lipse,  EpUt.  Cent,  prlm.,  n°  3.  —  Valcre  André, 
Bibliotheca  Belyica,  p.  440.  —  Acta  SS.,  2  mars,  t.  I, 
p.  1S4, 185.  —  Paquot,  Mémoires  pour  servira  l'histoire 
littéraire  des  Pays-Bas,  t.  VI,  p  363-369. 

le  rocquez  (  Robert  ),  poète  français,  né  à 
Carentan,morten  1586.  Un  poème  qu'il  laissa  iné- 
dit à  l'époque  de  sa  mort  fut  imprimé  vingt-neuf 
ans  plus  tard  sous  le  titre  :  Le  Miroir  de  l'É- 
ternité, comprenant  les  sept  âges  du  monde, 
les  quatre  monarchies  et  diversité  des  règnes 
d'iceluy  ;  Caen,  1585  Cette  composition  est  de- 
venue très-rare;  elle  renferme  quelques  passages 
en  dialecte  provincial.  Il  lit  imprimer  à  Cou- 
tancesen  1605 ses  Premières  Œuvres,contenant 
diverses  amours  (59  sonnets)  et  plusieurs 
belles  figures  et  anagrammes.  On  trouve 
eu  effet  dans  ce  volume  des  vers  figurés  ,  re- 
présentant des  pyramides,  des  colonnes,  des 
ailes,  etc.  On  sait  que  ce  n'est  pas  le  talent 
poét;que  qu'il  faut  chercher  dans  ces  nugse  dif- 
ficiles. G.  B. 

Viollet-Lediic,  Bibliothèque  poétique,  I,  33S. 

leroi  (Charles -  François),  controversiste 
français,  né  à  Orléans,  en  1698,  mort  à  Paris,  le 


LEROUILLÉ  878 

13  juin  1787.  Il  fit  ses  études  chez  les  jésuites  à 
Saumur  et  à  Juilly.  En  1716,  il  entra  chez  les 
Oratoriens,  mais  ne  lit  point  profession,  et  prit 
part  aux  grandes  disputes  soulevées  par  la  bulle 
Unigenitus,  contre  laquelle  il  se  prononça. 
Parmi  ses  travaux  on  remarque  :  Examen 
du  Figurisme  moderne  ,  7  juillet  1736  ;  —  Dé- 
fense de  la  Déclaration  du  Clergé  de  France  en 
1662;  traduction  d'un  ouvrage  latin  de  Bossuet, 
faite  d'après  les  manuscrits  que  lui  avait  remis 
l'évêquedeTroyes,  neveu  de  l'auteur;  1745,5  vol. 
iu-4"  ;  réimprimée  plus  tard  par  les  soins  de  Bos- 
suet, évéque  de  Troyes,  avec  tables  et  notes  ; 

—  une  édition  des  Œuvres  posthumes  de  i.os- 
suet,  3  vol.  in-4°. 

Richard  et  Giraud,  Bibliothèque  Sacrée. 

leroi.  Voy.  Leroy. 

leroi  (Marin).  Voy.  Gombervtixe. 

lerouge  (Georges-Louis),  géographe  fran- 
çais, né  à  Hanovre,  mort  vers  la  fin  du  dernier 
siècle.  Il  était  ingénieur,  et  eut  le  titre  de  géo- 
graphe du  roi  Louis  XV.  Parmi  ses  nombreuses 
publications ,  nous  citerons  :  Théâtre  de  la 
guerre  en  Allemagne  ,  contenant  les  opéra- 
tions militaires  des  campagnes  de  1733, 1734 
et  1735;  Paris,  1741,  in-4°,  contenant  65  plan- 
ches; —  Nouvel  atlas  portatif,  suivi  de  V In- 
troduction à  la  géographie  ;  Paris,  1748,  1756, 
2  vol.  in-4°,  contenant  192  pi.;  —  Descrip- 
tion du  château  de  Chambord  ;  1750,  in-fol.  ; 

—  Recueil  des  côtes  maritimes  de  la  France; 
1757,  in-4°;  —  Atlas  prussien  ;  Paris,  1758, 
25  feuillets  in-fol.,  —  Topographie  des  chemins 
de  l'Angleterre,  en  101  cartes;  1760,  in-8°; 

—  Curiosités  de  Londres;  Bordeaux,  1765, 
in-12  ;  —  Curiosités  de  Paris  et  de  ses  envi- 
rons ;  Paris,  1778,  3  vol.  in-12  ;  cette  troisième 
édition  est  la  plus  complète.  K. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 
lerouge  (André- Joseph-Etienne), littéra- 
teur français,  né  en  1766,  à  Commercy,mort  en 
1833,  à  Paris.  Ancien  sous-chef  de  bureau  au 
ministère  des  finances,  il  lit  partie  de  plusieurs 
sociétés  savantes,  et  fournit  un  grand  nombre  de 
notices  aux  Mémoires  de  l'Académie  celtique 
et  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France ,  au 
Dictionnaire  historique  de  Chaudon  et  De- 
landine  (  édit.  Prudhomme),à  l'Hermès,  h  la 
Revue  encyclopédique  et  à  la  France  Litté- 
raire de  Quérard.  K. 

Quérani,  La  France  Littéraire. 

lerouillÉ  (Guillaume) ,  jurisconsulte 
français,  né  en  1494, à  Alençon.ou,  suivant  \'Al- 
manach  Manceau,  à  Beaumont- le- Vicomte 
(Maine),  mort  après  l'année  I5ô0.  Il  fut  lieu- 
tenant général  de  Beaumont  et  de  Fresuay, 
ainsi  que  conseiller  à  l'échiquier  d'Alençon.  Les 
ouvrages  qu'il  a  laissés  sont:  Le  grand  Cous- 
Minier  du  pays  et  comté  du  Maine,  avec 
la  glose ,  addition,  allégations,  etc.;  Pa- 
ris, 1509,  in-4u;  et  1535,  in  fol.  ;  —  Le  grand 
Couslumier  du  pays  et  duché  de  JSorniundie  ; 


879 

Paris,  1534,  in-fol.,  et  Rouen,  1539,  in-fol.  ;  — 
Justitiae  atque  injustifiée  descriptionum  Com- 
pendium;  Lyon,  1530,  in-4%  et  1531,  in-8°, 
dissertation  réimprimée  dans  le  Tractatus 
Vniversi  Juris  publié  à  Venise  en  1584;  —  Le 
Recueil  de  l'antique  préexcellence  de  Gaule 
et  des  Gauloys  ;  Poitiers,  1546,  in-8°,  et  Paris, 
1551,  in-8°  ;  — Épîlre  des  Rossignols  du  paix 
d'Alençon  à  la  très-illustre  royne  de  Navarre, 
dans  le  même  volume.  Lerouillé  passe  pour  un 
jurisconsulte  éclairé  ;  c'était  certainement  un 
poète  très-médiocre.  B.  H. 

B.  Hauréan  ,  Hist.  Litt.  du  Maine,  t.  IV,  p,  1Î0.  — 
N.  Desportes,  Bibliographie  du  Maine. 

leroulx  or  chÀtelet  (Louis -Onuphre), 
législateur  et  publiciste  français,  né  à  Arras, 
mort  le  19  novembre  1834.  Député  du  Pas-de- 
Calais  depuis  1815,  jusqu'en  1827,  il  siégeait 
au  côté  droit ,  combattit  le  cumul  des  em- 
plois et  des  traitements,  et  fut  le  seul  qui 
soutint,  avec  M.  Janbowski,  le  projet  d'éloigner 
de  la  chambre  tous  les  fonctionnaires  du  gouver- 
nement. Lors  de  la  mise  en  vente  des  biens  com- 
munaux, il  fit  opposition  pour  ceux  des  vallées 
de  la  Scarpe  et  de  la  Sensée,  et  réussit  à  con- 
server aux  habitants  cette  source  de  prospérité. 
Plus  tard,  il  obtint  la  formation  d'un  syndicat  de 
dessèchement  dont  on  le  nomma  président,  et 
qui  rendit  à  la  culture  une  immense  étendue  de 
terrain.  Commissaire  voyer,  il  rendit  praticable 
la  plupart  des  voies  abandonnées,  et  présenta  de 
nouveaux  projets  de  communication,  dont  l'exé- 
cution a  depuis  démontré  l'utilité.  Enfin,  il  créa 
le  Conseil  d'Agriculture  de  son  département, 
dont  il  fut  longtemps  président,  et  dota  de  di- 
verses fondations  la  commune  qu'il  habita.  11  a 
publié  beaucoup  de  brochures ,  de  mémoires 
et  d'ouvrages  dont  les  principaux  sont  :  Les 
Finances  d'après  le  système  de  Sully,  adap- 
té à  la  situation  de  la  France;  1818,  in-8°; 
—  Traité  de  Morale  et  de  Politique ,  1 834, 
5  vol.  in-8°.  G.  de  F. 

Le  Biographe  et  Le  Nécrologe,  année  1885. 

LEROUX  (Philibert-Joseph),  lexicographe 
français,  dont  on  ignore  la  vie  et  la  mort.  11 
s'était  réfugié  à  Amsterdam,  où  il  mourut,  vers 
1790,  et  y  publia  un  Dictionnaire  Comique,  sa- 
tirique,  burlesque,  libre  et  proverbial  ;  Ams- 
terdam, 1718,  1750,  in-8°;  Lyon,  1735  (très- 
rare),  1750,  in-8°;  Pampelune,  1786,  2  vol.  in-8°; 
Paris,  1808,  2  vol.  in-8°.  Suivant  Chaudon  cet 
ouvrage  est  très-mal  fait  et  le  style  en  est  in- 
correct. D'autres  biographes ,  moins  sévères , 
déclarent  que  le  Dictionnaire  Comique  a  été 
l'objet  de  sérieuses  recherches,  dont  il  faut  tenir 
compte  à  l'auteur,  et  qu'il  est  fort  utile  aux  per- 
sonnes qui  font  de  la  langue  française  et  de  ses 
étymologies  une  étude  particulière.      G.  de  F. 

Dictionnaire  historique  (1822).  —  Quérard,  La  France 
Littéraire. 

lerocx  (Claude- Pierre),  chirurgien  fran- 
çais, né  à  Dijon,  en  1730,  mort  le  23  novembre 


LEROUILLÉ  —  LEROUX 


880 

1792.  Il  était  chirurgien  de  l'hôpital  de  Dijon  et 
membre  de  l'académie  de  cette  ville.  Une  trop 
forte  dose  d'opium  qu'il  prit  pour  calmer  les 
douleurs  de  la  gravelle  causa  sa  mort.  Ses  prin- 
cipaux écrits  sont  :  Observations  sur  les  pertes 
de  sang  des  femmes  en  couches;  Dijon,  1776, 
in-8°;  Dijon  et  Paris,  1810,  in-8°;  —  Mémoire 
sur  la  Taille;  in-8°  ;  —  des  Observations  sur 
la  Rage,  couronnées  par  l'Académie  de  Dijon; 
Dijon,  1780,  in-4°;  —  une  Discussion  sur  la 
rage,  qui  a  remporté  le  premier  prix  de  la  Société 
royale  de  Médecine  de  Paris,  1783,  in-8u  ;  un  Mé- 
moire sur  le  Traitement  local  de  la  Rage  et 
de  la  Morsure  de  la  vipère ,  Edimbourg  et  Pa- 
ris, 1785,  in-8°.  G.  de  F. 
Dezelmeris,  Biographie  Médicale. 

leroux  des  tillets  (Jean-Jacques), 
médecin  et  homme  politique  français,  né  à  Sè- 
vres près  Paris,  le  17  avril  1749,  mort  à  Paris,  le 
9  avril  1832.  Reçu  docteur  en  1778,  il  exerçait 
sa  profession  lorsque  la  révolution  éclata.  Nommé 
en  1790  officier  municipal  et  administrateur 
des  établissements  publics,  il  contribua  à  main- 
tenir l'ordre.  Le  17  juillet  1791,  au  Champ  de 
Mars,  ce  fut  Leroux  qui,  porteur  d'un  drapeau 
rouge,  et  après  avoir  parlementé  avec  les  chefs 
des  émeutiers ,  proclama  la  loi  martiale.  On 
sait  les  terribles  résultats  qu'eurent  cette  pro- 
clamation et  la  fusillade  qu'elle  amena.  Leroux 
protesta  plus  tard  contre  les  mesures  prises  par 
le  conseil  municipal;  mais  cette  protestation 
semblait  tardive.  Le  10  août  1791  il  fit  quelques 
efforts  pour  préserver  la  famille  royale  de  toute 
insulte.  Sous  le  règne  de  la  terreur,  il  se  cacha  à 
sa  campagne  de  Senteny  près  Brie-Comtc-Robert, 
et  ne  reparut  qu'après  le  18  brumaire.  Plus  tard 
il  devint  professeur  et  doyen  de  l'École  de 
Santé,  depuis  Faculté  de  Médecine,  et  fut  mis  à  la 
retraite.  Ses  principaux  écrits  sont  :  Instruction 
sur  le  Typhus,  fièvre  des  camps,  etc.  ;  Paris, 
1814,  in-8°  ;  —  Essais  de  Littérature  ;  Par.is, 
1820,  2  vol.  in-8°;  —  Cours  sur  les  Généralités 
de  la  Médecine  pratique;  Paris,  Didot  jeune, 
1325,  1826,  8  vol.  in-8°.  Leroux  des  Tillets  a 
rédigé  pendant  dix  ans  le  Journal  de  Médecine 
de  Backer.  L— z— e. 

Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Médecine  de  Pa- 
ris, t,  II,  lre  partie  (  1833  ).  —  Diclionnaire  historique 
de  Médecine,  t.  III,  p.  437. 

leroux  (  Adrien  ),  littérateur  français,  né 
vers  1770.  Il  fit  les  campagnes  de  la  république 
et  de  l'empiredans  le  corps  du  génie,  et  se  retira 
après  1815  avec  le  grade  de  capitaine.  On  a  de 
lui  :  Voyage  sur  les  frontières  et  à  Paris; 
Paris,  1792,  in- 1 8  ;  —  Azélie  et  Montalban, 
comédie  en  trois  actes,  1796;  —  Les  Charmes 
de  la  Solitude,  rêveries  et  contes  en  vers;  Pa- 
ris, 1799,  in-18;  —  Contes  et  Historiettes  ero- 
tiques, philosophiques,  berniesques  (sic)  et 
moraux  ,  en  vers;  Paris,  nouvelle  édition  aug- 
mentée, 1801, in-18;  —  Les  Adriennes, nouvelles 
en  vers;  Paris,  1805,  in-18;  —  L'Ausoniadeou 


8SI 


LEROUX 


882 


la  Bataille  deMarengo,  poëme  en  dix  chants; 
Paris,  1807,in-12.  K. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

* lerocx  (Jean-Marie),  graveur  français, 
né  à  Paris,  le  6  janvier  1788.  Élève  de  David, 
il  grava  d'abord  des  vignettes  et  des  portraits 
d'après  le  Titien,  Horace  Vernet,  Desenne  et 
divers  maîtres,  et  en  exposa  plusieurs  au  sa- 
lon de  1819:  Ses  principales  planches  depuis 
sont.  :  François  1er,  d'après  le  Titien  ;  une  Ma- 
deleine ,  d'après  Gennari  (  exposées  au  salon 
de  1822);  —  Une  Dame  de  charité,  d'après 
madame  Haudebourt-Lescot  (  salon  de  1824); 

—  Jeanne  d'Aragon,  d'après  Raphaël  (ibid.)  ; 

—  Portraits  du  roi  et  de  la  reine  de  Na- 
ples,  d'après  Dun  (  salon  de  1S27  );  —  La  Re- 
ligieuse défendue,  d'après  Deveria  (ibid.);  — 
Rendez-vous  de  Bianca  Capello;  —  Fuite  de 
Bianca  Capello  :  ces  deux  gravures  d'après  De- 
nis ,  exposées  au  salon  de  1831  ;  —  La  Vierge 
à  V auréole,  d'après  le  tableau  de  Murillo  qui 
fait  partie  du  musée  du  Louvre  (  salon  de 
1848),  etc.  M.  A.  Leroux  a  gravé  un  grand 
nombre  de  vignettes  et  de  portraits  pour  divers 
ouvrages,  entre  autres  pour  les  œuvres  de  Mo- 
lière, de  Boileau,  de  Voltaire,  de  J.-J.  Rousseau. 

G.  DE  F. 

Annuaire  statistique  des  Artistes.—  Livrets  des  Ex- 
positions. 

*lerocx  (Pierre),  philosophe  et  écono- 
miste français,  naquit  à  Paris,  en  1798.  Fils  d'un 
artisan,  il  commença  ses  études  au  collège 
Charlemagne,  et  les  continua  à  Rennes.  Reçu  à 
l'École  Polytechnique,  il  renonça  au  bénéfice  de 
son  admission  pour  se  consacrer  au  soutien  de 
sa  famille  :  son  père  venait  de  mourir,  et  sa 
mère,  réduite  à  une  extrême  pauvreté,  ne  pou- 
vait suffire  à  élever  les  trois  jeunes  enfants  qui 
restaient  à  sa  charge.  Demandant  au  travail  ma- 
nuel des  moyens  d'existence,  il  se  fit  d'abord 
maçon.  Peu  de  temps  après,  il  entra  comme 
compositeur  dans  une  imprimerie  de  son  cousin, 
et  devint  ensuite  prote  dans  l'imprimerie  Pane- 
koucke  ,  où  il  inventa  un  appareil  mécanique 
destiné  à  faciliter  le  travail  des  ouvriers  compo- 
siteurs, et  qu'il  appela  pianotype;  mais,  faute 
d'être  pratique ,  cette  invention  dut  être  aban- 
donnée. En  1824,  Pierre  Leroux  fonda  avec 
MM.  de  La  Chevardière  et  Dubois  Le  Globe, 
qui  en  1831  se  fit  l'organe  du  saint-simonisme. 
Il  se  sépara  de  M.  Enfantin,  apôtre  de  la  doc- 
trine nouvelle,  au  sujet  de  l'affranchissement  de 
la  femme  et  des  fonctions  du  oouple-prêtre. 
Leroux  s'essaya,  à  son  tour,  au  rôle  de  novateur 
dans  quelques  articles  de  Y  Encyclopédie  nou- 
velle, mais  surtout  dans  trois  ouvrages,  publiés 
de  1838  à  1840,  sous  les  titres  :De  V Égalité; 
Réfutation  de  V Éclectisme  ;  et  V Humanité. 
Le  système  qu'il  y  développe  n'est  que  la  re- 
production confuse  des  théories  pythagoriciennes 
et  bouddhistes,  mêlées  d'idées  saint-simonien- 
nes.    «   M.  Pierre  Leroux,  dit  M.   L.   Rey- 


baud  (1),  croità  la  métempsycose  ;  il  croit  à  la  ca- 
bale, à  la  puissance  des  nombres,  à  l'efficacité  des 
formules  géométriques,  au  cône,  au  cylindre  et  à 
la  sphère  :  il  veut  couvrir  la  France  de  peupliers 
symboles  d'un  gouvernement  sans  défaut.  » 
C'est  surtout  au  nombre  trois  (triade)  que 
Pierre  Leroux  attache  de  remarquables  et  mysté- 
rieuses propriétés.  Suivant  M.Leroux,  «l'homme, 
créé  en  vue  de  cette  terre,  n'est  pas  destiné  à 
avoir  un  autre  séjour  :  il  y  a  déjà  vécu  et  il  y 
vivra;  il  y  recommencera  dix,  vingt,  trente  exis- 
tences ,  sous  des  noms  et  en  des  pays  divers 
tantôt  insecte  comme  la  chrysalide,  tantôt  bril- 
lant comme  le  papillon  ,  allant  chercher  l'oubli 
dans  la  mort,  afin  d'y  puiser  les  conditions  né- 
cessaires pour  une  renaissance.  Dès  lors ,  plus 
de  vie  future,  mais  des  vies  successives;  plus 
de  paradis,  ni  d'enfer,  mais  simplement  la 
terre,  en  vue  de  laquelle  l'homme  a  été  créé.  » 
Ce  système  d'une  rénovation  terrestre  se  repro- 
duisant à  l'infini  dans  un  cercle  uniforme ,  s'il 
n'est  pas  très-neuf,  n'a  pas  non  plus  le  mérite 
d'être  très-consolant  pour  l'humanité.  Ajoutons 
que,  pour  compléter  sa  thèse,  Pierre  Leroux  nie 
la  distinction  de  l'âme  et  du  corps  et  l'indivi- 
dualité de  la  personne  humaine. 

Quant  à  son  système  d'économie  sociale, 
M.  Leroux  est  beaucoup  moins  net  et  facila  à 
saisir  :  il  entend  conserver  la  propriété,  la  famille 
et  la  patrie;  mais  il  trouve  à  ce  triple  élément  de 
la  société  actuelle  le  grave  inconvénient  de  créer 
un  despotisme  universel,  la  famille,  en  recon- 
naissant des  pères  et  des  enfants,  la  propriété  en 
reconnaissant  des  pauvres  et  des  riches,  la  patrie 
des  chefs  et  des  sujets.  Pour  obvier  à  ces  vices 
de  l'organisation  sociale,  M.  Leroux  imagine  des 
combinaisons  spéculatives ,  dont  l'application 
pratique  échappe  complètement,  et  d'après  les- 
quelles la  propriété,  la  famille  et  la  patrie  de- 
vraient être  maintenues,  mais  ne  créeraient  plus 
ni  héritiers,  ni  propriétaires,  ni  sujets  :  partout 
devrait  régner  l'égalité  la  plus  absolue,  et  l'homme 
se  développerait  au  sein  de  la  société  rénovée, 
sans  être  soumis  à  aucune  autorité.  Il  y  a,  on 
le  voit,  dans  ces  théories ,  autant  de  ténèbres 
que  d'erreurs  :  le  style  de  M.  Leroux  ne  brille 
pas  non  plus  par  la  clarté,  et  il  est  peu  fait  pour 
élucider  la  pensée.  Il  est  difficile  d'imaginer  une 
manière  d'écrire  à  la  fois  plus  abstraite  et  plus 
tourmentée.  Pour  montrer  jusqu'à  quel  point 
l'auteur  a  pu  porter  l'exagération  de  ces  défauts, 
il  suffit  de  rappeler  la  définition  qu'il  a  prétendu 
donner  de  l'amour.  «  L'amour,  dit-il,  est  l'idéa- 
lité de  la  réalité  d'une  partie  de  la  totalité  de 
l'Être  infini ,  réuni  à  l'objection  du  moi  et  du 
non-wioi  ;  car  le  moi  et  non-moi ,  c'est  lui.  »  Si 
M.  Leroux  n'avait  eu  pour  disciples  que  ceux 
qui  pouvaient  comprendre  de  semblables  dé- 
finitions ,  c'eût  été  un  réformateur  peu  dange- 


(1)  Dictionnaire  de  l'Économie  politique,  article  So- 
eialisme. 


883 


reux  ;  malheureusement,  il  fit  partager  ses  idées 
à  un  écrivain  doué  d'une  grande  puissance  de 
stvle,et  possédant  un  talent  singulièrement  propre 
à  charmer  et  à  impressionner  les  masses  :  l'union 
philosophique  de  M.  Leroux  avec  Mm0  George 
Sând  fut  cimentée  par  la  création  de  la  Revue 
Indépendante ,  qu'ils  fondèrent  ensemble,  et 
dans  laquelle  ils  firent  paraître  de  nombreux 
articles,  et  vers  le  même  temps  Mme  George  Sand 
(Scrivit  plusieurs  romans  destinés  à  populariser 
les  doctrines  humanitaires  ;  tels  sont  Consuelo, 
Spiridion,  Le  Péché  de  M.  Antoine,  Le  Com- 
pagnon du  tour  de  France. 

En  1846,  M.  Leroux,  ayant  obtenu.de  M.  Du- 
châtel,  alors  ministre  de  l'intérieur,  un  brevet 
d'imprimeur,  résolut  de  mettre  en  pratique  ses 
doctrines  sociales,  et  il  fonda  à  Boussac  (  dépar- 
tement de  la  Creuse),  pour  l'exploitation  de 
son  imprimerie,  une  association  organisée  d'après 
le  système  humanitaire.  Deux  journaux  périodi- 
ques ,  L'Éclaireur  et  la  Revue  sociale ,  et  une 
foule  de  brochures  sortant  des  presses  de  Boussac, 
furent  répandus  dans  la  Creuse  et  les  départe- 
ments voisins.  Illusionné  par  quelques  manifes- 
tations populaires,  notamment  à  Limoges,  il  crut 
son  règne  arrivé  :  il  fit  son  entrée  à  Paris  sous 
le  costume  pittoresque  du  paysan  de  la  Creuse. 
Le 'gouvernement  ne  le  prit  pas  au  sérieux  ;  mais 
les  attaques  du  National  troublèrent  M.  Leroux 
au  point  qu'il  se  hâta  de  regagner  sa  province. 
Il  arriva  juste  à  temps  pour  proclamer  la  ré- 
publique à  Boussac,  et  le  25  février  il  fut  nommé 
maire  de  sa  commune.  Revenu  à  Paris  peu  de 
temps  après ,  il  reçut  un  chaleureux  accueil  de 
la  part  des  ultra-républicains.  Compromis  dans 
l'affaire  du  15  mai,  il  fut  condamné  à  l'emprison- 
nement; après  une  détention  de  trois  jours,  il 
fut  rendu  à  la  liberté  par  M.  Caussidière.  Le 
4  juin  1848,  M.  Leroux  fut  envoyé  à  l'Assem- 
blée constituante  par  quatre-vingt-dix  mille  suf- 
frages. Il  parla  dans  cette  assemblée  sur  l'orga- 
nisation du  travail,  sur  la  colonisation  de  l'Al- 
gérie, etc.,  mais,  sans  aucun  talent  d'orateur j 
il  ne  réussit  guère  qu'à  divertir  l'assemblée  par 
des  propositions  théoriques  irréalisables  et  qui 
devaient  paraître  assez  excentriques  à  tous  ceux 
qui  n'étaient  pas  initiés  à  ses  doctrines  :  telle 
était,  par  exemple,  la  proposition  relative  à  l'ins- 
cription du  principe  de  la  triade,  dans  le  préam- 
bule de  là  constitution.  M.  Leroux  fut  réélu  à 
l'Assemblée  législative.  Après  le  coup  d'État  du 
2  décembre  1851 ,  il  dut  quitter  la  France,  et  se 
réfugia  à  Londres,  n'emportant,  pour  toute  for- 
tune, que  quelques  secours  dus  à  la  générosité 
de  MM.  Pereire  et  de  M'"c  la  comtesse  d'Agout 
(  Daniel  Stern  );  plus  tard  il  se  relira  à  Jersey. 

M.  Pierre  Leroux  s'est  marié  deux  fois,  et  il 
a  eu  neuf  enfants  rie  son  doubie  mariage  :  toute 
la  famille  est  aujourd'hui  établie  dans  une  ferme 
près  de  Saint  Hélier,  où  M.  Leroux  se  livre  à  la 
culture  et  s'occupe  surtout  d'expérimenter  une 
nouvelle  espèce  de  guano,  dont  les  maraîchers 


LEROUX  884 

de  l'Ile  auraient ,  paraîtrait-il ,  retiré  des  résul- 
tats assez  avantageux.  On  a  de  M.  Leroux  :  De 
V 'Humanité,  de  son  principe,  etc.;  son  avenir, 
où  se  trouve  exposée  la  vraie  définition  de  la 
religion,  et  où  l'on  explique  le.  sens,  la  suite 
et  l'enchaînement  du  tnosaïsme  et  du  chris- 
tianisme; 1840  et  1845,  2  vol.  in-8°; —  De 
l'Égalité;  1838  et  1848,  in-8°  ;  —Réfutation 
de  l'Éclectisme  ;  1 839,  in-8°  ;  —  Revue  sociale, 
ou  solution  pacifique  du  problème  du  pro- 
létariat; 1845-1847,  3vol.;  —  D'une  Religion 
nationale;  Boussac,  1846,  in-18;  — Sur  la 
Situation  actuelle  de  la  société  et  de  l'esprit 
humain  ;  1847,  2  vol.  in-16;  —  Le  Carrosse  de 
M.  Aguado,  ou  si  ce  sont  les  riches  qui  payent 
les  pauvres  ?  in-8°  ;  —  Sur  la  Fixation  des 
heures  de  travail;  1848,  in-4°;  —  Projet 
d'une  constitution  démocratique  et  sociale... 
donnant  le  moyen  infaillible  d'organiser  le 
travail  national  sans  blesser  la  liberté,  etc.; 
1848,  in-8°;  —  De  la  Ploutocratie,  ou  du  gou- 
vernement des  riches;  1848,  Boussac,  in-16; 

—  Du  Christianisme  et  de  son  origine  démo- 
cratique; 1848,  Boussac,  in-16;  —  Malthus 
et  les  Économistes,  ou  y  aura-t-il  toujours 
des  pauvres?  1848,  Boussac,  in-16;  Paris,  1849. 

J.  Robert  de  Masst. 

Études  sur  les  Réformateurs  ou  Socialistes  modernes, 
par  Louis  Reybaud,  6e  édit.,  i85«,  2  vol.  in-18.  —  Dict. 
des  Économistes  ;  Paris,  (  Guillaumin  ),  1853.  —  Biogr. 
de  Pierre  Leroux,  par  Eugène  de  Mirecourt;  in-32, 
1836. 

*  LEROtrxDELiNCY(  Adrien- Jean-Victor), 
archéologue  français,  né  à  Paris,  le  22  août  1806. 
Ancien  élève  de  l'École  des  Chartes,  secrétaire  de 
la  société  des  Bibliophiles  français,  il  est  biblio- 
thécaire à  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal  de  Paris. 
On  lui  doit  :  Analyse  critique  et  littéraire 
du  roman  de  Garin  le  Loherain;  Paris,  1835, 
in-12;  —  Le  Livre  des  Légendes;  Paris,  1836, 
in-8°;  —  Analyse  critique  et  littéraire  du 
roman  de  Brut,  de  Wace;  Rouen,  1838,  in-8°; 

—  Les  quatre  Livres  des  Rois  traduits  en 
français  du  douzième  siècle,  suivis  d'un 
fragment  de  Moralités  sur  Job  et  d'un  choix 
de  Sermons  de  saint  Bernard  ;  Paris,  1842, 
in-4°  :  cet  ouvrage,  qui  fait  partie  de  la  Collec- 
tion de  documents  inédits  sur  l'histoire  de  France 
publiée  par  le  ministère  de  l'instruction  publi- 
que, a  obtenu  une  médaille  d'or  de  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres; —  Recueil  de 
Chants  historiques  français  du  douzième  au 
diXrhuilième  siècle,  Paris,  1841,  in  12;  —  Le 
Livre  des  Proverbes  français;  Paris,  1842, 
18.">9,  2  vol.  in-18  ;  —  Recherches  sur  la  grande 
confrérie  iSolre- Dame- aux  Prêtres-et- Bour- 
geois delà  ville  de  Paris;  Paris,  1844,  in-8°; 

—  La  Bibliothèque  de  Charles  d'Orléans  à  son 
château  de  Biais  en  1427;  Paris,  1843,  in-8°; 

—  Uôlel  de  Ville  de  Paris ,  histoire  de  ce 
monument  et  recherches  sur  le  gouvernement 
municipal  de  Pans;  Paris,  1844-184G,  in-4°; 

—  Les  Femmes  célèbres  de  l'ancienne  France; 


885 


LEROUX  —  LE  ROY 


886 


Paris,  1846-1847,  2  vol.  in-12;  ~  Registres  de 
l'Hôtel  de  ville  de  Paris  pendant  la  Fronde; 
Paris,  1846-1849,  2  vol.  in-8°  (avec  M.  Douët 
d'Arcq);  —  Chants  historiques  et  populaires  du 
temps  de  Charles  VII  et  de  Louis  XI  ;  Paris, 
1857,  in-8°;  tiré  à  352  exemplaires.  Comme 
éditeur,  M.  Leroux  de  Lincy  a  donné  les  Cent 
Nouvelles  nouvelles,  revues  sur  les  textes  ori- 
ginaux, Paris,  1841,  2  vol.  in-12;  et  la  Descrip- 
tion de  Paris  deGuillabertdeMetz,  Paris,  1855. 
11  a  fourni  de  nombreux  articles  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Ecole  des  Chartes ,  aux  Mémoires 
de  la  Société  des  Antiquaires  de  France,  à 
la  Revue  de  Pétris,  etc.  L.  L— t. 

Revue  des  Contemp.,  10e  livr.,  p.  252.  —  Bonrquelot  et 
Maiir.v,  1m,  Utter.  Franc,  contemp.  —  Vapereau,  Dlct. 
tthiv.  des  Contemp. 

LEROCX     DES     HACTERAYES.     VOIJ.    DES 

Hatjterates. 

le  roy  (  Louis  ),  en  latin  Regius,  humaniste 
et  publiciste  français  ,  né  à  Coutances,  au  com- 
mencement du  seizième  siècle,  mort  à  Pans, 
le  2  juillet  1577.  Après  avoir  étudié  les  belles- 
lettres,  il  visita  l'Italie  ,  l'Angleterre  et  l'Alle- 
magne, pour  augmenter  ses  connaissances  et 
pour  s'instruire  sur  les  mœurs  et  coutumes  de 
ces  contrées.  De  retour  dans  son  pays,  il  se  fit 
remarquer  pardes  traductionsde  divers  ouvrages 
grecs.  Il  reçut  un  emploi  auprès  du  chancelier; 
mais  son  caractère  hautain  et  sarcastique  lui  at- 
tira beaucoup  d'ennemis,  parmi  lesquels  on  re- 
marque Joachim  du  Bellay.  En  1572  Le  Roy 
devint  professeur  de  grec  au  Collège  royal,  en 
remplacement  de  Lambin.  L'excès  de  sa  vanité 
ne  doit  pas  faire  oublier  qu'il  a  beaucoup  con- 
tribué à  donner  à  la  prose  française  de  l'élé- 
gance et  de  l'harmonie.  On  a  de  lui  :  G.  Budeei 
Vi/a  ;  Paris,  1540,  1575  et  1577,  in-4° ,  biogra- 
phie écrite  en  excellent  latin  ;  —  Ad  prxstantes 
hujus  setatis  viros  Epistolœ  ;  Paris,  1 559,  in-4°  ; 

Considérations  sur  l'hisloir'e  françoise  et 

universelle  de  ce  temps;  1562,  in-8°;  —  De 
l'Origine  et  Excellence  de  l'Art  politique  et  des 
auteurs  qui  en  ont  écrit,  spécialement  de 
Platon  et  cVAristote;  Paris,  1567,  in-8°;  — 
Des  Troubles  et  Différends  advenant  entre 
les  hommes  par  la  diversité  des  religions;  Pa- 
ris, 1567,  in-8";  —  Projet  ou  Dessein  du 
royaume  de  France ,  pour  en  représenter  en 
dix  livres  l'état  entier  ;  Paris,  1569,  in-8°; 
une  nouvelle  édition  parut  en  1570,  avec  une 
Exhortation  aux  François  pour  vivre  en 
concorde  ;  —  Les  Monarchiques  de  Louis  Le 
Roi,  ou  de  la  monarchie,  et  des  choses  re- 
quises à  son  establissement  et  conservation  ; 
Paris,  1570,  in-8°;  —  Prolegomena  politica; 
Paris,  1575,  in-4°  ;  —  De  l'Excellence  du  gou- 
vernement royal,  avec  exhortation  aux  Fran- 
çois de  persévérer, étant  plus  utile  qu'il  soit 
héréditaire  qu'électif,  et  administre  par  l'au- 
torité du  roi  et  de  son  conseil,  que  par 
l'avis  du  peuple;  Paris,  1576,  in-4°;  — Douze 


livres  de  la  Vicissitude  ou.  Variété  des  Choses 
de  l'univers;  Paris,  1576,  in-fol.;  ibid.,  1583, 
in-8°  :  ouvrage  eurieux.  Outre  quelques  dis- 
cours latins  el  français,  Le  Roy  a  publié  des 
traductions  françaises  de  plusieurs  écrits  et 
morceaux  d'ouvrages  d'auteurs  grecs,  parmi 
lesquels  nous  citerons  :  Le  Tintée  de  Platon  et 
les  trois  Olynthiaques  de  Démosthène ;  Paris, 
1551,  in-4°  ;  —  Le  Phédon  de  Plalon  et  le 
dixième  livre  de  la  République  ;  Paris,  1553, 
in-4°; —  Les  premier,  second  et  dixième  livres 
de  la  République  de  Platon;  Paris,  1555, 
in-4°;  —  LeSympnse  de  Plalon,  avec  trois  li- 
vres de  commentaires;  Paris,  1559  et  1581, 
in-4°  ;  —  Traité  d'Aristole  sur  les  change- 
ments des  états  avec  commentaires  ;  Paris, 
1566,  in-8°; —  Les  Politiques  d'Aristote  avec 
expositions  prises  des  meilleurs  auteurs, 
éclaircies  par  innumérables  exemples  des 
plus  illustres  royaumes;  Paris,  1568,  in-4°; 
ibid.,  1576  et  1600,  in-fol.;  —  Trois  Olyn- 
thiaques et  quatre  Philippiques  de  Démos- 
thène; Paris,  1575,in-4°.  E.  G. 

Scévole  de  Sainle-Marthe,  Eloaia.  —  Teissler,  Eloqes, 
t.  II.  —  Du  Verdier  et  La  Croix  du  Maine,  Bibliothèques 
Françaises.  —  Nicéron,  Mémoires,  t.  XXIX. 

LE  ROY  (Adrien),  luthiste  et  compositeur 
français  du  seizième  siècle,  créa  à  Paris,  vers 

1550,  une  des  plus  célèbres  imprimeries  de  mu- 
sique de  cette  époque,  et  dans  laquelle  il  employa 
les  premiers  caractères  gravés  et  fondus,  en  1540, 
par  Guillaume  Le   Bé  (1).  Ayant   épousé,  en 

1551,  la  sœur  de  Robert  Ballard,  il  s'associa  à 
son  beau-frère,  qui,  à  l'aide  de  ses  protecteurs  à  la 
cour,  obtint  pour  la  nouvelle  société  des  lettres 
patentes  de  Henri  II,  datées  du  16  février  1552, 
qui  lui  conféraient  le  privilège  de  seul  imprimeur 
de  musique  de  la  chambre,  chapelle  et  menus 
plaisirs  du  roi.  Excellent  musicien ,  Adrien  Le 
Roy,  justement  estimé  de  ses  confrères  ,  était  en 
relation  avec  les  plus  célèbres  artistes  étrangers 
de  son  temps  ;  ce  fut  chez  lui  que  Roland  de  Las- 
sus  demeura  pendant  son  séjour  à  Paris,  en  1571. 
Parmi  les  nombreux  ouvrages  publiés  par  Adrien 
Le  Roy  et  Robert  Ballard,  on  trouve  vingt  livres 
de  Chansons  nouvellement  composées  en  mu- 
sique à  quatre  parties  par  bons  et  excellents 
musiciens;  ces  recueils  contiennent  plusieurs 
morceaux  d'Adrien  Le  Roy;  on  cite  comme  un 
des  meilleurs  sa  chanson  En  un  chasteau  ,  que 
renferme  le  septième  livre.  On  connaît  aussi  de 
ce  musicien  deux  ouvrages  ayant  pour  titre ,  le 
premier,  Instruction  de  partir  toute  musique 
des  huit  divers  tons  en  tnbla/ure  de  luth; 
Paris,  1557;  le  second,  Briefve  et  facile  Ins- 
truc/ion  pour  apprendre  la  tablature,  à  bien 
accorder,  conduire  el  disposer  la  main  sur 


(1)  Adrien  Le  Roy  ne  fut  pas,  pomme  le  dit  De  La 
Borde,  dans  son  Essai  sur  la  Musique,  le  premier  qui 
eut  une  imprimerie  de  musique  en  France.  Plus  de  vingt- 
cinq  ans  auparavant,  Pierre  Altaisnant  avait  déjà  formé 
un  établissement  de  ce  genre  à  Paris.       — 


887 


LE 


la  guiterne;  Paris,  1578.  Depuis  1551  jusqu'en 
1588,  toutes  les  publications  faites  par  la  maison 
Adrien  Le  Roy  et  Robert  Ballard  portent  sur 
leurs  titres  les  noms  de  ces  deux  éditeurs  ;  mais 
à  partir  de  cette  dernière  époque  le  nom  de  Ro- 
bert Ballard  figure  seul,  ce  qui  fait  supposer 
que  Adrien  Le  Roy  serait  mort  à  la  fin  de  1588 
ou  au  commencement  de  l'année  suivante. 
Dieudonné  Denne-Baron. 

De  La  Borde,  Essai  stir  la  Musique.  —  Anders,  Revue 
Musicale  de  Paris ,  numéro  du  17  septembre  1831.— 
Fétis,  Biographie  universelle  des  Musiciens. 

leroy  (  Toussaint),  poète  français,  né  au 
Mans ,  vers  le  milieu  du  seizième  siècle,  mort 
vers  1612.  Il  était  chanoine  à  la  cathédrale  du 
Mans.  C'est  un  de  ces  féconds  auteurs  de  noëls, 
que  La  Croix  du  Maine  a  pris  soin  de  recom- 
mander à  la  postérité.  On  a  de  lui  :  Noels  et 
Cantiques  sur  la  Nativité  de  Jésus-Christ  ; 
Le  Mans,  1579,  in-8°  ;  —  Cantiques  et  Noëls 
nouveaux;  Le  Mans,  1605,in-8°  ;  —  Noëls  nou- 
veaux pour  cette  présente  année,  1608;  Le 
Mans,  in-8°;  —  Noëls  nouveaux  pour  cette 
présente  année,  161 1  ;  Le  Mans ,  in-8°  ;  —  Noëls 
nouveaux;  Le  Mans,  1615  et  1624.  Nous  avons 
lu  quelques  recueils  de  Toussaint  Leroy.  Ce  n'é- 
tait pas  assurément  un  des  plus  méchants  poètes 
de  son  temps.  B.  H. 

N.  Desportes,  Bibliog.  du  Maine.  —  „B.  Hauréau,  His- 
toire Lttt.  du  Maine ,  t.  I ,  p.  157. 

le  roy  (Jacques,  baron),  historien  belge ,  né 
à  Bruxelles,  le  29  octobre  1633,  mort  à  Lierre  en 
Bnbant,  le  7  octobre  1719.  Sa  famille,  d'origine 
française,  avait  suivi  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bour- 
gogne, lorsque  ce  prince  fixa  sa  résidence  dans 
tes  Pays-Bas,  au  quinzième  siècle.  Le  Roy  fit  ses 
études  aux  plus  célèbres  universités  de  l'Europe, 
et,  de  retour  dans  sa  patrie,  il  succéda  à  son  père 
dans  la  place  de  membre  du  conseil  des  finances, 
à  laquelle  il  réunit  bientôt  celle  de  surintendant 
du  commerce.  Il  fut  envoyé  en  Espagne  par  le 
marquis  de  Caraceue  ,  gouverneur  des  Pays-Bas, 
pour  rendre  compte  au  roi  Philippe  IV  de  la  si- 
tuation de  ces  provinces.  Dans  la  suite ,  croyant 
avoir  à  se  plaindre  du  nouveau  gouverneur,  le 
marquis  de  Castel-Rodrigo ,  il  se  démit  de  ses 
emplois,  et  se  retira  près  d'Anvers,  dans  une  de 
ses  terres ,  où  il  consacra  tous  ses  moments  à 
l'étude  de  l'histoire  de  la  Belgique.  Il  réunit  de 
nombreux  documents ,  qu'il  utilisa  dans  diverses 
publication? ,  et  se  ruina  en  faisant  imprimer 
des  livres  en  grand  format  et  remplis  de  superbes 
gravures. 

Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Notitia  mar- 
chionatus  Sacri  Romani  imperii,  hoc  est,  ur- 
bis  et  agri  Antverpiensis ,  oppidorum,  etc.; 
Amsterdam,  1678,  in-fol.  :  les  tables  alphabé- 
tiques de  ce  livre,  l'un  des  plus  rares  et  des  plus 
recherchés  de  Le  Roy,  ont  été  publiées  à  La 
Haye  et  à  Bruxelles  ;  1781,  in-fol.;  —  Topogra- 
phia  historica  Gallo- Brabantùc  ;  Amsterdam, 
1692,  in-fol.  ;  —  Castella  et  Prœtoria  nobilium 
£rabantke,elc;  Anvers,  1694,  in-fol.,  rare; 


ROY  888 

ibid.,  1697,  in-fol.  ;  —  L'Érection  de  toutes  les 
terres ,  seigneuries  et  familles  titrées  du  Bra- 
bant,  prouvée  par  des  extraits  des  lettres  pa- 
tentes, tirés  des  originaux  ;  Leyde,  1 699,  in-fol.  ; 
Amsterdam,  1706,  in-fol.  ;  —  Institution  de  la 
Chambre  des  Comptes  du  Roi  en  Brabant  à 
Bruxelles,  etc.;  Bruxelles,  1716,  petit  in-8°; 
—  Le  grand  Théâtre  profane  du  duchéde  Bra- 
bant... à  quoi  Von  a  ajouté  la  Description  topo- 
graphique et  historique  du  Brabant  wallon  ; 
La  Haye,  1730,  in-fol.  Le  Roy  a  édité  :  Chro- 
nicon  Balduini  Avennensis;  Anvers,  1693, 
in-fol.,  très-rare.  Dom  Luc  d'Achery  avait  déjà, 
d'après  un  manuscrit  de  Du  Cange ,  inséré  au 
tome  VII  de  son  Spicilége ,  des  généalogies  ex- 
traites de  la  Chronique  de  Baudouin  d'Avesnes, 
qui  commence  à  Charles  de  Lorraine ,  frère  du 
roi  Lothaire,  et  finit  à  l'an  1289.  E.  R. 

Nicéron,  Mémoires.  —  De  Reiffenberg,  Chronique 
rimée  de  Philippe  Moushes,  introduction,  pag.  32.  — 
Catalogue  des  livres  de  M.  de  la  Sema  Santander. 

leroy  (Antoine),  littérateur  français,  né 
à  La Ferté- Bernard, mort  durant  le  dix-septième 
siècle ,  à  une  date  incertaine.  Il  fut  tour  à  tour 
curé  de  La  Chapelle  du  Bois ,  près  de  La  Ferté , 
chanoine  de  l'église  du  Mans,  licencié  en  droit, 
et  régent  de  philosophie  au  collège  d'Harcourt. 
On  a  de  lui  :  Romanx  S-  Pétri,  apostolorum 
principis,  in  Vaticano  basilicse  panegyricus ; 
Le  Mans,  1621,  in-4°;  —  Discours  funèbre  sur 
le  trépas  de  Charlotte -Anne  de  Bourbon; 
Le  Mans,  1623,  in-8°;  —  Floretum  Philoso- 
phicum,  seu  ludus  Meudonianus  in  termi- 
nas totius  philosophiœ ;  Paris,  1649,  in-4°; 
bizarre  apologie  de  Rabelais.  Rabelais  était  l'é- 
crivain préféré,  presque  l'idole  d'Antoine  Leroy. 
Il  a  écrit  encore  en  son  honneur  Elogia  Rabe- 
Isesiana,  en  six  livres,  ouvrage  inédit,  dont  le 
manuscrit  se  trouve  à  la  Bibliothèque  impé- 
riale ,  num.  8704  de  l'anc.  fonds.      B.  H. 

N.  Desportes,  liibliogr.du  Maine.  —  B.  Hauréau, 
Hist.  Littér.  du  Maine,  t.  III,  p.  17*. 

leroy  d'égcilly  (  Jérôme  ).  poète  fran- 
çais, né  à  Orléans,  mort  en  1760.  Il  fit  ses  étu- 
des chez  les  jésuites,  et  devint  précepteur  des  en- 
fants de  l'intendant  du  Bourbonnais.  On  a  de 
lui  :  Les  Anglais  vaincus,  poème  à  l'occasion 
de  la  bataille  de  Fontenoy;  Paris,  1744;  — 
Augustin ,  poème  en  cinq  chants  ;  1746  ;  —  des 
Odes,  des  traductions,  des  pièces  fugitives,  etc. 

E.  D— s. 

C.  Brainne,  dans  Les  Hommes  illustres  de  l'Orléanais, 

t.  I»"-,  p.  175. 

le  roy  (  Daniel  ) ,  prédicateur  protestant  et 
hébraïsant  hollandais,  né  à  Middelbourg,  le 
8  octobre  1661,  mort  à  Rotterdam,  le  11  mai 
1722.  Il  exerça  le  ministère  évangélique  succes- 
sivement à  Kœgh,  à  Nimègue,  puis  à  Rot- 
terdam. Parmi  ses  nombreux  écrits,  composés 
tous  en  hollandais,  on  remarque  :  Antiquités 
judaïques,  ou  abrégé  de  la  croyance  et  de  la 
religion  des  juifs,  tiré  de  leur  loi  orale  et  de 
leur  Talmud;  Rotterdam,  1720,  in-12;  -  Oor- 


889 


LEROY 


890 


deelkundige  Aanmerkingen,  etc.  (  Remarques 
critiques  sur  les  Danses  des  anciens  et  des  mo- 
dernes); Rotterdam,  1722,  in-12; —  beaucoup 
de  sermons.  A.  L. 

La  Rue,  Geletterd  Zeeland,  p.  87-89.  —  Paquot,  Mém. 
pour  servir  a  l'hist.  lit  t.  des  Pays-Bas,  t.  VU,  p.  316- 
320.  —  Haag  frères,  La  France  Protestante. 

leroy  (Julien),  célèbre  horloger  français,  né 
à  Tours,  en  1686,  et  mort  à  Paris,  en  1759.  Il  vint 
fort  jeune  à  Paris,  pour  apprendre  l'état  où  il  de- 
vait bientôt  se  distinguer.  Les  Anglais  avaient 
alors  une  supériorité  incontestable  dans  l'horlo- 
gerie ;  Leroy  voulut  lutter  avec  eux,  et  ce  ne  fut 
pas  sans  peine  qu'il  parvint  à  les  surpasser. 
Guidé  par  les  expériences  de  Newton  sur  les 
fluides ,  il  imagina  de  fixer  l'huile  sur  les  pivots 
des  roues  ou  sur  le  balancier  des  montres;  par 
cette  idée  ingénieuse  ,  il  diminua  beaucoup  l'u- 
sure et  le  frottement  des  pièces.  D'un  autre 
côté,  il  trouva  le  moyen  de  réduire  le  volume 
des  montres  à  répétition  en  augmentant  la  solidité 
des  ressorts,  sans  cependant  nuire  à  la  précision 
de  leur  marche.  En  1720  il  présenta  à  l'Académie 
des  Sciences  une  pendule  garnie  d'un  cadran  mo- 
bile qui  indiquait  le  temps  vTai,  le  lever  du  soleil  et 
la  déclinaison.  Ces  travaux  fixèrent  l'attention  de 
toute  l'Europe  sur  lui.  Cependant  personne  n'était 
plus  modeste  que  Leroy  ;  il  savait  rendre  justice 
au  mérite  de  ses  rivaux.  Graham,  un  des  fameux 
horlogers  d'Angleterre,  avait  toute  son  estime.  En 
1728  il  fit  venir  une  de  ses  montres  à  cylindre, 
la  première  qu'on  ait  vue  en  France.  Graham 
n'appréciait  pas  moins  bien  l'extrême  habileté  de 
l'artiste.  On  rapporte  qu'un  jour  ayant  eu  sous 
la  main  une  des  montres  de  Leroy,  il  s'écria , 
après  l'avoir  examinée  :  «  Je  voudrais  être  plus 
jeune,  je  pourrais  en  faire  sur  ce  modèle.  » 
Les  perfectionnements  que  Leroy  apporta  dans 
l'horlogerie  furent  adoptés  partout,  et  son  nom 
remplaça  sur  les  montres  de  Genève  ceux  des 
artistes  anglais.  C'e^t  à  cette  occasion  que  Vol- 
taire disait  à  l'un  des  fils  de  cet  habile  horloger, 
quelque  temps  après  la  bataille  de  Fontenoy  : 
«  Le  maréchal  de  Saxe  et  votre  père  ont  battu 
les  Anglais  ».  Depuis  1739  Leroy  était  l'hor- 
loger du  roi,  et  à  ce  titre  il  était  logé  au  Louvre. 
On  a  de  lui  :  Nouvelle  Manière  de  construire 
les  grosses  horloges  ;  dans  le  Mercure  de  juin 
1732;  —  Mémoire  sur  un  moyen  de  faire 
marquer  et  sonner  le  temps  vrai  aux  hor- 
loges publiques  ;  ibid.,  septembre  1734;  — 
Usage  d'un  nouveau  cadran  universel  à  bous- 
sole et  propre  à  tracer  des  méridiennes  ;  Paris, 
1734.  Ce  cadran  présente  plusieurs  avantages  sur 
ceux  de  Butlerfield  ;  —  Règle  artificielle  des 
temps  par  H.  Sully  avec  notes  de  Leroy;  1737, 
in-12;  —  Lettre  en  réponse  à  la  critique  que 
Thiout  avait  jaite  d'une  horloge  établie  sur 
les  ordres  de  Leroy  pour  les  missions  étran- 
gères; dans  les  Mém.  de  Trévoux,  mars  1742. 

Jacob. 

Éloge  de  J.  Leroy  ;  dans  les  Étrennes  chronomëtriques 


publiées parsonflls,  en  1760.  —  Encyclopédie  dudix-lnii- 
tième  siècle. 

leroy  (Pierre),  fils  aîné  du  précédent,  hor- 
loger, né  à  Paris,  en  1717,  et  mort  en  1785,  à 
Vitry  près  Paris.  En  1763  il  présenta  à  l'Académie 
des  Scienocs  une  montre  marine,  dont  le  marquis 
de  Courtanvaux,  accompagné  de  Peingre  et 
Messier,  fit  l'essai  sur  une  frégate  légère  qu'il 
avait  fait  construire  à  ses  frais  ,  et  qui  navigua 
pendant  quarante-cinq  jours  dans  les  eaux  de 
la  Manche  et  la  mer  de  Hollande.  Par  cette 
épreuve  on  constata  qu'une  des  montres  ne  s'é- 
tait écartée  que  de  sept  minutes  et  l'autre  de 
trente-huit  minutes  du  mouvement  à  terre. 
L'année  suivante  Cassini  répéta  l'expérience,  et 
dans  un  trajet  de  quarante  jours  il  remarqua 
qu'une  de  ces  montres  n'avait  donné  qu'une  er- 
reur d'un  l/8e  de  degré  sur  la  longitude.  L'A- 
cadémie récompensa  Leroy  en  lui  décernant  le 
double  prix  proposé  pour  la  meilleure  manière  de 
mesurer  le  temps  sur  la  mer.  Peu  après  Leroy 
trouva  l'isochronisme  du  ressort  spiral,  que 
lui  disputa,  il  est  vrai,  Berthoud.  D'autres  in- 
ventions non  moins  importantes  publiées  dans  le 
tome  VII  du  Recueil  des  Machines  de  l'Acadé- 
mie avaient  déjà  attiré  sur  lui  l'attention ,  telles 
que  la  pendule  à  sonnerie  à  une  seule  roue,  un 
échappement  à  détente,  etc.  Ses  écrits  sont  : 
Mémoire  pour  les  Horlogers  de  Paris;  1750, 
in-4°.  L'auteur  attaque  le  privilège  accordé  à  de 
Rivaz  pour  les  pendules  de  son  invention  ;  il 
cherche  à  prouver  qu'elles  ne  sont  pas  supé- 
rieures aux  ouvrages  du  même  genre  exécutés 
par  les  ouvriers  de  Paris.  Rivaz  répondit  à  son 
tour  à  cette  critique  ;  on  en  trouve  même  un 
extrait  dans  les  Mém.  de  Trévoux,  juin  1752  ;  — 
Lettre  sur  la  construction  d'une  montre  pré- 
sentée, le  18  août  1751,  à  VAcad.  des  Se;  dans 
les  Mém. de  Trévoux,  juin  1752;  —  Etrennes 
chronométriques  pour  l'année  1760;  Paris, 
in-12.  Cet  ouvrage,  publié  sous  la  forme  d'un 
almanach,  est  partagé  en  huit  parties ,  dans  les- 
quelles il  traite  des  divisions  naturelles  du  lemps, 
de  ses  divisions  artificielles  et  du  calendrier,  des 
instruments  propres  à  mesurer  le  temps  et  de 
leurs  usages,  etc.,  enfin  des  progrès  de  l'Iiorlogerie 
au  dix-huitième  siècle.  On  trouve  dans  cette  se- 
conde partie  l'éloge  de  Julien  Leroy.  Cet  ouvrage 
est  rare;  il  a  été  réédité  avec  des  additions  in- 
dispensables en  1811,  par  Antide  Janvier  ; —  Ex- 
posé succinct  des  travaux  de  Harrison  et  de 
Leroy  dans  la  recherche  des  longitudes  en 
mer,  et  des  épreuves  faites  de  leurs  ouvrages; 
Paris,  1767,  in-4°.  C'est  contre  cet  ouvrage  que 
Fleurieu  s'est  élevé  dans  un  écrit  intitulé  : 
Examen  critique  d'un  mémoire  publié  par 
M.  Leroy  sur  l'épreuve  des  horloges  propres 
à  déterminer  les  longitudes  en  mer  et  sur 
le  principe  de  leur  construction  ;  —  Mémoire 
sur  la  meilleure  manière  de  mesurer  le 
temps  en  mer,  imprimé  à  la  suite  du  Voyage 
de  Cassini;  —  Précis  des  recherches  faites  en 


891 


LEROY 


France  depuis  1730,  pour  la  détermination 
des  longitudes  en  mer  par  la  mesure  artifi- 
cielle du  temps;  Paris,  1773  et  1776,  in-4°  ;  — 
Lettre  à  M.  de  Marivets  sur  la  nature,  la 
propriété  et  la  propagation  de  la  lumière, 
sur  la  cause  de  la  rotation  des  planètes ,  sur 
la  durée  du  jour,  etc.;  Paris,  1785,  in-8°. 

Jacob. 

Recueil  des  Machines  de  l'Acad.  —  Mém.  de  Trévoux. 
leroy  {Jean-Baptiste),  physicien  français, 
né  à  Paris  ,  frère  du  précédent,  mort  le  20  jan- 
vier 1800.  Membre  de  l'Académie  des  Sciences 
depuis  1751,  il  s'est  occupé  principalement  d'é- 
lectricité. C'est  lui  qui  inventa  la  première  ma 
chine  électrique  positive  et  négative  dont  on  ait 
fait  usage.  Il  a  perfectionné  les  paratonnerres 
et  les  aréomètres.  Il  travailla  aussi  à  Y  Histoire 
de  V Académie  des  Sciences  pour  les  années 
1757,  1758,  1759  et  1760.  De  1751  jusqu'à  sa  fin 
il  n'a  cessé  d'écrire  des  mémoires  qui  ont  été  pu- 
bliés dans  les  recueils  de  l'Académie  et  dans  le 
Journal  de  Physique. 

Parmi  les  principaux  mémoires  de  Leroy  on 
remarque  :  Mémoire  sur  l'Électricité;  1753  : 
l'auteur  démontre  qu'il  y  a  deux  espèces  d'électri- 
cités, l'une  produite  par  la  condensation  du  fluide 
électrique ,  et  l'autre  par  sa  raréfaction  ;  — 
Mémoire  oit  l'on  rend  compte  des  tentatives 
faites  pour  guérir  plusieurs  maladies  par 
l'électricité;  —  Sur  l'Électricité  résineuse,  où 
l'on  montre  qu'elle  est  réellement  distincte  de 
l'électricité  vitrée  (Sav.  étrang.,t.  111,1760); 
—  Sur  la  Différence  des  Distances  auxquelles 
partent  les  étincelles  entre  deux  corps  mé- 
talliques de  figures  différentes  (  Mém.  de 
l'Acad.  des  Se,  1766);  —  Sur  les  Verges  ou 
Barres  métalliques  destinées  à  garantir  les 
édifices  des  effets  de  la  foudre;  —  Réflexions 
sur  les  Aréomètres,  avec  la  Description  d'aréo- 
mètres d'argent,  destinés  à  déterminer  les 
densités  de  l'alcool  et  des  eaux-de-vie,  etc. 
(ibid.,  1770); —  Sur  une  Machine  électrique 
d'une  espèce  nouvelle  (  ib.,  1772  )  ; —  Sur  la 
Forme  des  Barres  métalliques  destinées  à 
préserver  les  édifices  des  effets  de  la  foudre 
(1773);  —  Sur  les  Prisons;  17S0;  —  Sur 
quelques  Moyens  de  renouveler  l'air,  et  sur 
leur  application  (  1780)  ;  —  Sur  une  Machine 
électrique  qu'on  peut  regarder  comme  une 
pompe  à  feu  électrique,  etc.;  1783;  —  Précis 
d'un  ouvrage  sur  les  hôpitaux  sous  le  rap- 
port hygiénique;  1787;  —  Sur  un  Voyage  fait 
dans  les  ports  de  guerre  de  l'Océan,  pour  y 
établir  des  paratonnerres  ;  1787;  —  Sur  la 
Nécessité  et  les  Moyens  d'armer  les  édifices 
de  paratonnerres  (  1790).  J — b. 

Lefèvre  de  Gineau,  Éloge  de  Jean-Baptiste  Leroy, 
an  ix. 

Leroy  (Charles),  frère  du  précédent,  méde- 
cin et  physiologiste  français,  néà  Paris,  en  1 726,  et 
mort  dans  cette  même  ville,  le  12  décembre  1779. 
Après  avoir  pris  ses  grades  en  médecine,  il  fit  un 


voyage  en  Italie  ,  où  il  observa  les  phénomènes 
d'asphyxie  dus  au  dégagagement  de  l'acide  car- 
bonique qui  s'échappe  de  lagrottedu  Chien,  près 
de  Naples.  Il  chercha  aussi  à  expliquer  la  phos- 
phorescence des  eaux  de  la  Méditerranée.  De 
retour  à  Paris,  il  communiqua  à  l'Académie  un 
grand  nombre  de  ses  observations,  et  devint  pro- 
fesseur à  Montpellier.  Il  traita  le  premier  dans 
ses  cours  de  la  suspension  de  l'eau  dans  l'atmos- 
phère, de  l'analyse  de  plusieurs  eaux  minérales 
naturelles  et  des  procédés  propres  à  la  fabrica- 
tion des  eaux  sulfureuses  artificielles.  Il  s'occupa 
aussi  de  la  respiration  des  tortues  ,  de  la  struc- 
ture de  l'organe  de  l'ouïe,  etc.  Sa  connaissance 
profonde  des  doctrines  des  anciens  lui  permettait 
de  discerner  ce  qui  pouvait  être  accepté  ou  rejeté  : 
il  s'opposa  un  des  premiers  à  la  propagation  de 
la  théorie  des  jours  critiques.  En  1777  il  vint  se 
fixer  à  Paris,  où  il  acquit  une  grande  renommée 
comme  physicien.  Parmi  sesécritson  remarque: 
Mémoires  et  Observations  de  Médecine  :  pre- 
mière partie,  sur  les  fièvres  aiguës;  Paris,  1766, 
1784,  in-8°.  Seconde  partie  :  Du  Prognosfic  des 
maladies  aiguës;  Paris,  1776,  in-8°;  — Mé- 
langes de  Physique,  de  Chimie  et  de  Médecine  ; 
Paris,  1771,  in-8°;  —  Questioncs  Chimicaepro 
cathedra  vacante  per  obitum  D.  Serane  ;  1759, 
in-4°; —  Tentamen  medicum  de Purgantibus ; 
Montpellier,  1762.  J— b. 

Éloges  de  Ch.  Leroy  par  De  Ratte  à  Montpellier,  par 
Vic-d  Azir  à  Paris  et  par  Casiilhon  dans  le  Nécrologe  de 
1781. 

leroy  (Julien- David),  frère  des  précédents, 
architecte  français,  né  à  Paris,  en  1728,  et  mort  le 
28  janvier  1803.  lise  livra  de  bonne  heure  à  l'ar- 
chitecture, et  pour  en  étudier  avec  facilité  les  plus 
beaux  modèles,  il  se  rendit  en  Grèce.  En  1758, 
sous  le  titre  de  Ruines  des  plus  beaux  Monw 
ments  de  la  Grèce  (in  fol.  avec  fig.  ),  il  publia 
le  résultat  de  ses  recherches.  Les  principes  sages 
et  sévères  qu'il  développa,  après  quelques  légères 
modifications  dans  la  forme,  firent  disparaître 
des  écoles  le  mauvais  goût  introduit  par  les 
Daviler  et  les  Oppenord.  On  ne  parla  plus  que 
des  modèles  de  la  Grèce  Pendant  quarante  ans 
il  donna  comme  professeur  attaché  à  l'Académie 
d'Architecture  des  leçons  qui  achevèrent  la  révo- 
lution dans  l'architecture,  que  son  livre  avaitcom- 
mencée.  Sans  jamais  renoncera  l'étude  des  beaux- 
arts,  il  fit  aussi  quelques  tentatives,  quoique  in- 
fructueuses, pour  construire  sur  la  Seine  des  ba- 
teaux insubmersibles.  Il  avait  été  membre  de 
l'Académie  des  Inscriptions  et  de  celle  des 
Beaux-Arts.  A  sa  mort  une  médaille  en  son 
honneur  fut  frappée  par  ses  élèves  :  elle  portait 
d'un  côté  son  effigie  et  de  l'autre  une  colonne 
dorique  surmontée  de  l'oiseau  de  Minerve. 
Outre  l'ouvrage  cité,  on  a  de  lui  :  Histoire  de 
la  disposition  et  des  formes  différentes  que 
les  chrétiens  ont  données  à  leurs  Temples; 
1764,  in-8°;  traduite  en  allemand,  avec  les  re- 
marques de  l'abbé  Laugier   sur  l'architecture, 


893 

1778,  in-8°;  —  Observations  stir  les  Edifices 
des  anciens  peuples;  Amsterdam  et  Paris, 
1767,  in-8°;  — La  Marine  des  anciens  peu- 
ples expliquée  et  considérée  par  rapport,  aux 
lumières  qu'on  peut  en  tirer  pour  perfec- 
tionner la  Marine  moderne;  in-8°,  fig., 
1777; —  Les  Navires  des  anciens  considérés 
par  rapport  à  leurs  voiles  et  à  l'usage  qu'on 
pourrait  en  faire  dans  notre  marine;  1783, 
in-8°;  —  Recherches  sur  le  Vaisseau  long 
des  anciens,  sur  les  voiles  latines,  et  sur 
les  moyens  de  diminuer  les  dangers  que  cou- 
rent les  navigateurs;  1785,  in-8°;  —  Mé- 
moire sur  les  travaux  qui  ont  rapport  à 
l'exploitation  de  la  mâture  dans  les  Pyré- 
nées; in-4°,  1773  et  1776;  —  Canaux  delà 
Manche  à  Paris,  pour  ouvrir  deux  débou- 
chés à  la  mer,  et  faire  de  la  capitale  une 
ville  maritime,  etc.;  in-8°;  —  Nouvelle  Voi- 
lure proposée  pour  les  vaisseaux  de  toutes 
grandeurs,  et  pai'ticulièrvment  pour  ceux 
qui  seraient  employés  au  commerce,  etc.; 
1800,  in-8°.  Jacob. 

Gabet,  Dict.  des  Artistes. 

leroy  {Charles-François-Antoine),  ma- 
thématicien français,  né  vers  1780,  mort  à 
Paris,  le  23  février  1854.  Chargé  en  1810  des 
fonctions  de  maître  de  conférences  de  mathé- 
matiques à  l'école  Normale,  il  fut  plusieurs  fois 
chargé  des  cours  de  mécanique  et  d'astronomie 
à  la  faculté  des  sciences  ,  et  pendant  trente-cinq 
ans  il  professa  à  l'École  Polytechnique  le  cours 
de  géométrie  descriptive  et  de  ses  principales 
applications.  On  a  de  lui  :  Analyse  appliquée  à 
la  géométrie  des  trois  dimensions,  compre- 
nant les  surfaces  du  second  degré,  avec  la 
théorie  générale  des  surfaces  courbes  et  des 
lignes  à  double  courbure;  Paris,  1829,  1834, 
1843,  in-8°;  —  Traité  de  Géométrie  descrip- 
tive; Paris,  1842,  2  vol.  in-4°;  —  Traité  de 
Stéréotomie  ;  Paris,  1844,  in-4°,  avec  atlas.  ;  — 
des  articles  dans  les  Annales  de  Mathéma- 
tiques et  le  Journal  de  l'École  Polytech- 
nique. J.  V. 

S.  de  Sacy,  Journal  des  Débuts  du  17  mars  1854.  — 
Bouiquelot  et  Maury,  La  Littér.  Franc,  contemp. 

leroy  (Louis- Joseph),  graveur  et  peintre 
français,  né  à  Paris,  en  1812.  Il  entra  à  l'âge  de 
seize  ans  au  dépôt  de  la  guerre,  comme  gra- 
veur attaché  à  la  carte  de  France.  Resté  orphe- 
lin à  di\-huit  ans ,  et  entraîné  par  son  goût 
pour  la  gravure  et  la  peinture  de  paysage,  il  se 
livra  avec  ardeur  au  travail,  et  exposa  au  salon 
de  1 839  plusieurs  eaux-fortes  dont  l'une,  La  Cas- 
cade de  la  Vernière  (Mont-Dore),  lui  valut  la 
médaille  d'or;  il  ex  posa  au  même  salon  Un  ser- 
mon sur  la  Tempérance,  tableau  qui  s'est  fait 
remarquer  par  l'originalité  et  l'esprit  de  la  com- 
position, et  dont  l'auteur  fit  lui-même  la  gravure. 
Depuis  lors  son  nom  a  figuré,  comme  peintre 
ou  comme  graveur,  au  livret  de  toutes  les  expo- 
positions.  On  cite  notamment,   parmi  ses  pro- 


LEROY  894 

ductions,  plusieurs  grandes  eaux-fortes,  telles 
que  :  Un  Ravin  dans  le  Cuntal,  Une  Avalure 
dans  la  baie  des  Trépassés,  La  Grotte  de  la 
Mer  sauvage  (  Belle-Isle);  cette  dernière,  qui 
est  trôs-estimée,  a  valu  à  l'artiste  une  mention 
honorable  en  1854.  M.  Leroy  s'est  fait  con- 
naître aussi,  dans  le  monde  littéraire,  par  une 
comédie  en  trois  acles  et  en  prose,  La  Conquête 
de  ma  femme,  représentée,  au  mois  d'avril  1854, 
sur  le  théâtre  de  l'Odéon,  et  par  des  proverbes 
de  société  qui  ont  eu  du  succès.  Il  a  travaillé  au 
journal  L'Ai  tiste,\>om  lequel  il  aécritune critique 
d'art  et  gravé  plusieurs  eaux-fortes.      D.  D.  B. 

Renseignements  particuliers. 

LEROY  (  Pierre  ),  écrivain  français,  vivait  à 
la  fin  du  seizième  siècle.  Il  fut  chanoine  de  la 
cathédrale  de  Rouen,  et  remplit  plus  tard  auprès 
du  jeune  cardinal  de  Bourbon  les  fonctions  d'au- 
mônier. Il  est  l'auteur  de  la  première  partie  de 
la  Satyre  Ménippée,  comprenant  la  Vertu  du 
catholicon  d'Espagne,  la  Procession  de  la 
Ligue,  et  les  Pièces  de  tapisseries  dont  la 
salle  des  états  fut  tendue.  Personne  avant  lui 
n'avait  encore  usé  de  l'ironie  pour  démasquer 
les  projets  d'usurpation  de  Philippe  II  et  de 
Mayenne  ;  il  le  fit  avec  courage  et  esprit.  Mais 
son  pamphlet,  qui  parut  au  mois  de  février  ou 
de  mars  1593,  ne  pouvait  avoir  d'effet  sur  les 
masses ,  parce  qu'il  se  composait  principale- 
ment d'allusions  aux  événements  de  la  Ligue, 
souvent  inconnus  du  peuple.  «  Presque  rien 
n'était  en  action,  dit  M.  Poirson,  rien  en  dis- 
cours; on  ne  trouvait  dans  l'écrit  ni  peintures 
animées ,  ni  discussions  vigoureuses  sur  les 
questions  de  droit  public  ;  l'ouvrage  manquait 
donc  à  la  fois  de  ce  qui  frappe  et  entraîne  les 
esprits  et  de  ce  que  produit  les  convictions  ar- 
rêtées, les  résolutions  graves  et  fortes.  Mais 
l'ingénieux  ouvrage  était  un  excellent  prologue 
à  un  drame  dont  l'idée  première  était  donnée; 
de  plus  l'auteur,  par  la  description  de  sa  salledes 
états ,  avait,  comme  le  dit  de  Thon ,  dressé  le 
théâtre.  Il  s'agissait  maintenant  de  remplir  la 
scène,  d'y  attirer  comme  personnages  devant  y 
jouer  un  rôle  les  chefs  et  les  peuples  de  la  Ligue, 
et  par  l'instructif  spectacle  de  leurs  actes,  d'é- 
clairer la  nation  et  de  la  conduire  à  des  résolu- 
tions d'accord  avec  l'intérêt  et  le  salut  publics. 
C'est  ce  qu'entreprit  Pierre  Pithou,  en  asso- 
ciant à  son  travail  Gillot,  Rapin,  Chrétien  et 
Passerat.  »  (  Pour  de  plus  amples  détails  sur  la 
Satyre  Ménippée,  ses  éditions,  etc.  Voy.  Pierre 

PlTlIOU). 

De  Thon,  Historia,  liv.  CV,  §  18.  —  Lnbitte,  Us  Au- 
teurs de  la  Ménippée  (  en  tète  de  l'édition  de  la  Mé- 
nippre,  d  nnée  en  1845,  par  Libitle).  —  Poirson,  Histoire 
du  règne  d'Henri  1F~,  t.  Il,  p.  693. 

le  roy  (Jean-Jacques-Sébastien),  ingénieur 
français,  d'origine  suisse,  né  à  Paris,  le  15  sep- 
tembre 1747,  mort  dans  la  même  ville,  le  17  février 
1825.D'abordingénieurdesconstruclions  navales, 
H  fut  chargé  en  1765  de  former  aux  Pyrénées  un 
établissement  pour  l'explortàtiofl  des  Pins  des- 


895 

tinés  aux  mâtures  des  vaisseaux  ;  il  passa  ensuite 
en  Corse,  dirigea  de  nombreuses  constructions 
à  Lorient,  et  fit  deux  campagnes  en  1778  et  1779. 
En  1784  il  l'ut  envoyé  par  le  gouvernement  à 
Constantinople  pour  y  diriger  les  constructions 
navales  de  l'Empire  Otloman.  Il  rentra  en 
France  six  ans  après,  et  fut  nommé  en  1792 
sous-chef  d'administration  pour  les  constructions 
navales.  Arrêté  pendant  la  terreur,  il  fut  chargé 
des  constructions  maritimes  à  Toulon,  après  la 
prise  de  cette  ville  :  il  changea  alors  son  nom 
en  celui  d'Abauzir.  Inspecteur  en  1795,  com- 
missaire principal  de  la  marine  au  Havre  l'année 
suivante,  ordonnateur  des  côtes  de  la  Méditer- 
ranée en  1798,  il  fit  partie  de  l'expédition  d'E- 
gypte, où  il  remplit  les  fonctions  de  préfet  mari- 
time. Rentré  en  France  en  1801,  il  passa  au  mi- 
nistère des  affaires  étrangères,  devint  commis- 
saire à  Cadix,  puis  consul  général  à  Hambourg.  Il 
quitta  cette  ville  en  1813,  et  reçut  la  mission  d'aller 
acheter  des  bois  de  marine  à  Copenhague.  Ad- 
mis à  la  retraite  en  1814,  il  ne  fut  pas  rem- 
boursé des  énormes  avances  qu'il  avait  faites, 
et  quoique  réduit  à  sa  pension,  il  se  livra  à  une 
foule  d'actes  de  bienfaisance.  J.  V. 

De  Gerando,   Notice  biographique  sur  M.    Le  Roy  ; 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'Encouragement,  n°  CCL. 

—  Documents  particuliers. 
leroy  (Aimé- Nicolas),  littérateur  français, 

né  à  Valenciennes,  le  1 1  février  1 793,  mort  dans  la 
même  ville,  le  21  mars  1848.  Il  étudia  le  droit,  et 
sefit  le  30  juillet  1815  recevoir  avocat  au  barreau 
de  Douai.  Grand  amateur  de  livres,  il  forma  une 
Bibliothèque  riche  en  curiosités  (1).  En  décembre 
1821,  il  fonda l'^c/to  de  laFrontière,  et  en  1829 
un  ouvrage  périodique,  sous  le  titre  d'Archives 
historiques  et  littéraires  du  nord  de  la  France 
et  du  midi  de  la  Belgique,  et  fut  nommé,  en 
1831,  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Valen- 
ciennes, qu'il  augmenta  considérablement.  On  a  de 
lui  :  Molière  et  les  deux  Thalie;  1811,  in-8°; 

—  Promenades  au  cimetière  de  Valenciennes  ; 
1828,  in-12;  —  La  Légende  de  sainte  Aidé- 
gonde,  patronne  de  Maubeuge  ;  1830,  in-8°  ;  — 
Le  Barbet  et  le  Dogue  (en  vers);  1831,  in 8°. 

G.  de  F. 
Archives  du  nord  de   la  France,   t.  VI,  nouvelle 
série. 

«leroy  (Jean-Baptiste-Onésime),  littéra- 
teur français,  frère  aîné  du  précédent,  né  à  Va- 
lenciennes, en  1788.  Il  était  si  maladif  qu'on  dut 
le  laisser  jusqu'à  douze  ans  à  la  campagne.  11 
n'en  revint  que  pour  commencer  des  études  so- 
lides, qu'il  acheva  à  Paris ,  où  il  fit  son  droit. 
Forcé  par  raison  de  santé  de  revenir  dans  sa 
famille;  il  y  traduisit  ÏAululaire  de  Plaute.d'où 
il  tira  Le  Méfiant,  comédie  en  cinq  actes  et  en 


(1)  On  rapporte  que  présent  à  l'embaumement  du 
corps  de  Delille,  il  parvint  à  détacher  deux  fragments 
de  l'épiderme  qu'il  fit  mettre  dans  la  reliure  d'un 
exemplaire  des  Géorgiques  de  Virgile,  traduit  es  par  De- 
mie . 


LEROY  89C 

vers,  qu'il  fit  jouer  à  l'Odéon  à  la  tin  de  1S13, 
et  qu'il  dédia  à  son  maître  Gueroult.  M.  O.  Le- 
roy, abordant  alors  un  des  premiers  la  eomé- 
die.  politique. ,  fit,  avec  Bert,  L'Esprit  de  Parti, 
qui  fut  battu  par  tous  les  partis  à  l'Odéon,  en 
1817.  Deux  ans  après,  M.  O.  Leroy  donna  au 
Théâtre-Français  V Irrésolu,  petite  comédie  qui 
eut  un  grand  succès,  et  a  été  citée  comme 
un  modèle  de  dialogue.  Là  l'auteur  paraît 
s'être  inspiré  de  quelques  vers  d'Horace  et  de 
Froissart.  Les  deux  Candidats  parurent  en 
1821  à  l'Odéon;  mais  la  pièee  fut  défendue  à  la 
27e  représentation,  par  suite  d'une  indiscrète 
allusion  d'un  acteur  qui  avait  pris  le  costume 
et  les  ailes  de  pigeon  d'un  grand  personnage. 
On  offrit  une  indemnité  à  l'auteur,  qui  la  re- 
fusa, disant  qu'il  n'y  avait  dans  son  affaire 
«  qu'une  maladresse  de  coiffeur  et  quelques 
coups  de  peigne  impolitiquement  donnés  ». 
La  même  année,  M.  O.  Leroy  refit,  d'après 
Montfieury,  La  Femme  juge  et  partie;  sa  pièce 
obtint  un  brillant  succès,  qui  s'est  soutenu  jus- 
qu'à nos  jours.  Il  la  retira  pourtant  du  réper- 
toire en  1856,  ce  qui  déplut  et  l'empêcha  de 
faire  jouer  son  Caton  le  Censeur,  comédie  en 
cinq  actes  et  en  vers  avec  un  prologue.  Les 
mystères  et  l'origine  de  notre  théâtre  ont  aussi 
vivement  occupé  M.  O.  Leroy,  qui  a  fait  pa- 
raître :  Les  Époques  de  l'histoire  de  France 
en  rapport  avec  le  théâtre  Jrançais,  ou- 
vrage reproduit  et  complété  sous  le  titre  d'His- 
toire comparée  du  théâtre  et  des  mœurs  en 
France  dès  la  jormalion  du  langage  ;  Paris, 

1844,  in- 8°.  Ses  Études  sur  les  Mystères, 
monuments  historiques  et  religieux,  la 
plupart  inconnus,  et  sur  les  manuscrits  de 
Gerson,  Paris,  1838,  in-8°,  obtinrent  de  l'A- 
cadémie des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  un 
des  prix  destinés  aux  ouvrages  relatifs  aux 
antiquités  nationales.  Déjà  les  Études  de 
M.  O.  Leroy  sur  la  personne  et  les  divers 
écrits  de  Ducis,  avaient  été  couronnées  par  l'A- 
cadémie Française.  La  découverte  d'un  manuscrit 
de  L'internelle  Consolation  mêlé  à  des  sermons 
de  Gerson  provenant  des  ducs  de  Bourgogne,  et 
trouvé  à  Valenciennes,  dans  la  bibliothèque 
qu'administrait  son  frère,  parut  à  M.  O.  Leroy  un 
titre  si  puissant  en  faveur  du  fameux  chancelier 
de  Paris  comme  auteur  de  {'Imitation  de  Jé- 
sus-Christ, qu'il  devint  un  des  plus  ardents 
champions  de  cette  cause  ;  il  a  fait  paraître  sur 
cette  question  :  Corneille  et  Gerson  dans  l'I- 
mitation de  Jésus- Christ;  Valenciennes  et 
Paris,  1841,  in-S°;  et  Gerson,  auteur  de  l'I- 
mitation de  Jésus-Christ,  monument  à 
Lyon;  étrange  découverte  de  M.  T...  ;  Paris, 

1845,  in-8°.  M.  O.  Leroy  a  en  outre  donné  dans 
le  Livre  des  Cent  et  un  :  Un  Parisien  à  quinze 
cents  pieds  sous  terre ,  description  pittoresque 
des  mines  d'Anzin  et  des  mœurs  des  mineurs. 
L'Encyclopédie  des  Gens  du  Monde  lui  doit 
plusieurs  article».  Grâce  au  prix  décerné  par  l'A- 


897 


cadémie  Française  à  son  volume  mrYrmitalion 
de  Corneille  et  les  manuscrits  de  Gerson, 
M.  O.  Leroy  a  fondé  dans  l'arrondissement  de 
Valenciennes  une  bibliothèque  de  prêt  gratuit  qui 
depuis  1842  fonctionne  d'une  manière  utile.  En 
1849,  il  obtint  plus  de  50,000  voix  dans  le  dé- 
partement du  Nord,  comme  candidat  à  l'Assem- 
blée nationale.  Il  a  demandé  à  plusieurs  reprises 
dans  les  journaux  de  son  pays  l'établissement 
dans  les  mines  des  lampes  de  Davy,  qui  dans 
certaines  circonstances  peuvent  préserver  la  vie 
des  mineurs  ,  l'augmentation  du  salaire  des  ou- 
vriers, et  la  récompense  qui  lui  semble  due  à 
un  courageux  éclusier  méconnu.  Un  Anglais 
qu'ii  ne  connaissait  pas,  Spencer  Smith,  s'engoua 
si  bien  du  livre  de  M.  O.  Leroy  sur  Corneille  et 
Gerson,  qu'il  fit  imprimer,  sous  le  titre  de  Col- 
lectanea  Gersoniana  {  Caen,  1842,  1848),  la 
collection  de  tous  les  articles  publiés  en  France 
et  à  l'étranger  sur  cet  ouvrage.      L.  L — t. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des  Con- 
temp.  —  Biogr.  uni»,  et  portât,  des  Contemp.  —  Qué- 
rard,  La  France  Littéraire.  —  Raynouard,  dans  le  Jour- 
nal des  Savants,  mars  1834.  —  Daunou,  dan-;  le  même 
recueil,  juin  1837.  —  Viliemain,  dans  le  même  recueil, 
avril  1838.  —  Patin,  dans  le  même  recueil,  septembre  1842. 
—  Oinaux,  Archives  du  Nord.  —  Feylaud,  biogr.  f'a- 
lenciennoise,  18B9.  —  Th.  Louise  et  Grar,  Revue  du 
Nord,  1859. 

LEROY  DE  SAINT-ARXAUD  (Amaud-JaC- 
ques  ),  maréchal  de  France,  né  à  Paris,  le 
20  août  1801,  mort  le  29  septembre  1854,  à 
hord  du  Berthollet.  Il  entra  au  service  le  ^dé- 
cembre 1816,  dans  la  2e  compagnie  des  gardes 
du  corps,  commandée  par  le  duc  de  Grammont, 
passa  sous-lieutenant  dans  la  légion  Corse,  et  ser- 
vit ensuite  dans  celle  des  Bouches-du-Rhône  et 
dans  le  49e  de  ligne.  Il  avait  quitté  le  service  depuis 
quelques  années  lorsqu'il  le  reprit,  le  22  février 
1831;  il  fut  nommé  lieutenant  dans  le  64e  de 
ligne,  le  9  décembre  suivant,  prit  une  part  active 
à  la  guerre  de  la  Vendée,  et  devint  officier  d'or- 
donnance du  général  Bugeaud  ,  qu'il  suivit  à 
Blaye.  Là,  ses  bonnes  manières  lui  conquirent 
l'estime  affectueuse  de  la  duchesse  de  Berry, 
pendant  toute  la  durée  de  la  mission  délicate  et 
difficile  qu'il  eut  à  remplir  auprès  d'elle.  Entré 
dans  la  légion  étrangère,  il  devint  capitaine  le  15 
août  1837,  et  gagna  à  l'assaut  de  Constantine 
la  croix  de  la  Légion  d'Honneur.  Dès  cette  épo- 
que le  nom  de  Saint-Arnaud  se  trouve  lié  à  tous 
les  faits  d'armes  de  l'armée  d'Afrique.  Chef  de 
bataillon  au  18e  léger  le  25  août  1840,  il  passa 
peu  de  temps  après,  avec  le  même  grade,  dans 
le  régiment  des  zouaves,  se  signala  dans  les 
deux  expéditions  de  1840  et  1841 ,  fut  promu 
lieutenant-colonel  du  53e  de  ligne  le  25  mars 
1842,  et  se  distingua  au  blocus  de  Milianah. 
Élevé  au  grade  de  colonel  du  53e,  le  1er  octobre 
1844,  il  fut  appelé  au  commandement  de  la  sub- 
division d'Orléansville.  Pendant  la  levée  de  bou- 
cliers dirigée  par  Bou-Maza,  le  colonel  Saint- Ar- 
naud se  signala  à  la  tête  de  la  colonne  placée 
sous  ses  ordres,  soumit  le  Dahra,  fit  Bou-Maza 

NOUV.   BIOGR.   GÉNÉR.   —   T.    XXX. 


LEROY  898 

prisonnier,  prit  une  part  glorieuse  à  la  guerre 
dans  l'Ouarensenis,  et  fut  promu  commandeur 
de  la  Légion  d'Honneur  après  cette  brillante 
campagne.  Nommé  au  gradedemaréchal  de  camp 
le  3  novembre  1847,  et  mis  à  la  disposition  du 
gouverneur  général  de  l'Algérie,  il  passa  au 
commandement  de  la  subdivision  de  Mostaga- 
nem,  puis  de  la  subdivision  d'Alger  en  1849. 
En  1851  il  eut  le  commandement  en  chef  des 
nouvelles  opérations  militaires  dirigées  contre  les 
Kabyles,  tribus  qui  entretenaient  dans  leurs  mon- 
tagnes, presque  inaccessibles,  un  état  perpétuel 
de  guerre.  Après  une  série  de  combats  sanglants, 
la  colonne  expéditionnaire  parvint  à  vaincre  les 
tribus  insoumises.  Ce  succès  valut  à  Leroy  de 
Saint-Arnaud,  le  10  juillet  1851,  le  brevet  de  gé- 
néral de  division.  Appelé  le  26  du  même  mois 
au  commandement  de  la  2e  division  de  l'armée 
de  Paris ,  il  reçut  le  portefeuille  de  la  guerre 
le  26  octobre  suivant ,  et  prêta  son  concours 
énergique  au  prince-  président  dans  l'acte  du 
2  décembre  1851,  et  fut  nommé  maréchal  de 
France  par  décret  du  2  décembre  1852  et  grand- 
écuyer  le  31  décembre  de  la  même  année.  Au 
début  delà  guerre  d'Orient,  le  maréchal  de  Saint- 
Arnaud  ,  investi  du  commandement  en  chef  de 
l'armée  française,  mit  à  la  voile  les  24  et  29  avril 
1854,  franchit  les  Dardanelles,  et  vint  planter  les 
aigles  françaises  à  Varna  et  à  Gallipoli  ;  il  fait  en- 
suite voile  sur  les  côtes  de  Crimée ,  où  l'armée 
aborde  le  14  septembre.  Le  20,  le  maréchal,  déjà 
atteint  d'une  maladie  mortelle,  remporte  la  vic- 
toire de  l'Aima,  qui  couronne  si  glorieusement 
sa  vie  militaire.  Le  maréchal  Leroy  de  Saint- 
Arnaud  ne  fut  pas  moins  bon  administrateur 
qu'habile  général.  Les  principaux  actes  de  son 
ministère  peuvent  se  résumer  ainsi  :  reconsti- 
tution du  cadre  de  l'état-major  général  de  l'ar- 
mée; augmentation  de  la  solde  des  sous-officiers 
de  toutes  armes;  amélioration  du  pain  du  sol- 
dat; réorganisation  de  la  gendarmerie,  de  l'ar- 
tillerie, du  corps  de  santé  de  l'armée  de  terre, 
de  l'École  Polytechnique,  du  Prytanée  impérial, 
de  La  Flèche  et  de  l'école  de  cavalerie.  On  a  du 
maréchal  Leroy  de  Saint-Arnaud  des  Lettres, 
remarquables  par  l'originalité  des  aperçus  et  des 
jugements  qu'elles  contiennent  sur  plusieurs  su- 
jets de  l'histoire  contemporaine.  Sicard. 

Biographie  des  Membres  du  Sénat;  Paris,  18S2.  — 
L'Expédition  de  Crimée,  baron  de  Ba/.ancourt. 

* leroy  d'étiolles  (Jean-Jacques-Jo- 
seph), chirurgien  français,  né  à  Paris,  le  5  avril 
1798.  Fils  d'un  ancien  officier  vendéen,  il  fit  ses 
études  au  lycée  Impérial,  et  embrassa  la  car- 
rière médicale.  Déjà,  en  1822,  deux  ans  avant 
d'être  reçu  docteur,  il  présenta  à  l'Académie  de 
Chirurgie  les  premiers  instruments  à  l'aide  des- 
quels on  pouvait  parvenir  à  détruire  les  calculs 
urinaires  dans  la  vessie  sans  avoir  recours  à  la 
taille.  Cette  invention  lui  fut  disputée  par 
MM.  Amussat  et  Civiale.  En  1825  la  commis- 
sion du  prix  Montyon  de  l'Académie  des  Scien- 


29 


899  LEROY 

ees  fixa  ainsi  les  droits  des  trois  inventeurs  : 
«  M.  Civiale  comme  ayant  pratiqué  avec  succès 
quelques-unes  de  ces  opérations  sur  le  vivant; 
Amussat  pour  avoir  mieux  l'ait  connaître  la 
structure  de  l'urètre,  qui  permit  l'action  libre 
des  instruments;  M.  Leroy  d'Étiolles  pour  les 
avoir  imaginés,  les  avoir  l'ait  exécuter,  et  pour 
avoir  fait  connaître  successivement  les  perfec- 
tionnements que  ses  essais  lui  ont  suggérés.  » 
L'année  suivante  la  même  commission  lui  ac- 
corda une  récompense  de  2,000  fr.  pour  «  avoir 
publié  en  1825  un  ouvrage  de  lithotritie  et 
avoir  le  premier,  en  1822,  fait  connaître  les  ins- 
truments qu'il  avait  inventés  ».  En  1831  l'Aca- 
démie lui  décerna  un  prix  de  6,000  fr.  pour 
l'application  qu'il  a  faite  à  la  lithotritie  de  la 
pince  à  trois  branches,  instrument  tellement 
essentiel  que  sans  lui  cette  opération  ne  se 
serait  jamais  élevée  au  degré  de  perfection 
qu'elle  a  atteint.  »  M.  Leroy  d'Étiolles  a  aussi 
démontré  le  premier  que  l'insufflation  du  pou- 
mon, considérée  comme  moyen  de  secours  à 
donner  aux  noyés  et  asphyxiés,  était  non-seule- 
ment inefficace,  mais  souvent  nuisible  et  parfois 
mortelle.  11  s'est  en  outre  occupé  du  traitement 
des  anévrysmes  par  oblitération  de  l'artère  sans 
incision  sous  une  double  compression  ;  de  la  dis- 
solution des  calculs  urinaires  dans  la  vessie;  du 
traitement  des  hernies  étranglées  par  l'électro- 
puncture  et  la  rotation  rapide;  de  la  résorption 
par  l'électro-puncture  des  épanchements  séreux 
dans  les  cavités  du  corps;  du  polype  des  fosses 
nasales  ;  de  la  cure  radicale  des  hernies  par  in- 
vagination de  la  peau  sans  suture.  Il  a  inventé 
un  nouveau  tonsillotome,  pour  opérer  la  résec- 
tion des  amygdales,  une  curette  articulée  pour 
extraire  les  corps  étrangers  de  l'oreille,  un  nou- 
veau système  de  pessaire,  un  spéculum  appli- 
cable aux  déviations  de  l'utérus,  un  nouveau 
tire- balle,  etc.,  etc.  Ses  inventions  du  bourrelet 
à  réseau  élastique  pour  les  enfants  et  du  clysoir 
eurent  beaucoup  de  succès;  en  1830,  il  proposa 
au  comité  d'artillerie  un  obus  à  mitraille , 
une  bombe  éclatant  au  moment  du  choc  contre 
le  but  par  un  système  intérieur  d'amorce  à  per- 
cussion ;  un  canon  cannelé  se  chargeant  par  la 
culasse,  et  tirant  à  boulets  forcés  au  moyen 
d'une  couche  de  plomb  dont  le  boulet  est  re 
vêtu,  etc.  En  1830  comme  en  1848,  M.  Leroy 
d'Etiolles  donna  tous  ses  soins  aux  blessés;  en 
1832,  il  se  consacra  au  service  des  cholériques,  et 
remplaça  Récamier  à  l 'hôtel-Dieu.  Il  a  fait  gra- 
tuitement un  grand  nombre  d'opérations  litho- 
triptiques  dans  les  hôpitaux,  et  a  offert 60,000  fr. 
pour  la  création  d'un  service  descalculeux  si  on 
voulait  le  confier  à  son  fils.  On  a  de  M.  Leroy 
d'Étiolles  :  Dictionnaire  de  Chirurgie ,  traduit 
de  l'anglais  de  Cooper;  Paris,  1825,in-8°;  —  Sur 
la  Taille  hypogaslrique  ;  Paris,  1828,  in-8°;  — 
De  la  Lithotripsie  ;  Paris,  1836,  in-8°;  —  Hï$< 
toire  de  la  Lithotritie,  précédée  de  réflexions 
sur  la  dissolution   des  calculs   urinaires; 


-  LERY  9Û0 

Paris,  1839,  in-8°; —  Considérations  anato- 
miques  et  chirurgicales  sur  la  Prostate; 
Paris,  1S40,  in-8°;  —  Mémoire  sur  des 
moyens  nouveaux  de  traitement  des  fistules 
véiico-vaginales  ;  Paris,  1842,  in-8°  ;  —  Re- 
cueil de  lettres  et  de  mémoires  adressés  à 
V Académie  des  Sciences  pendant  les  aimées 
1842  et  1843;  Paris,  1.844,  in-8°  ;  —  Urologie. 
Des  angusties  ou  rétrécissements  de  Vur'è- 
tre,  etc.;  Paris,  1845,  in-8°. 

Son  fils,  M.  Raoul  Leroy  d'Étiolles,  a  publié  : 
Des  Paralysies  des  Membres  inférieurs  et 
Paraplégies  ;  Paris,  1855,  in-8°.        L.  L— t. 

Sarrut  et  Saint-Edme,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour, 
tome  III,  lre  partie,  p.  293.  —  V.  Lacaine  et  Ch.  Laurent, 
Biographies  et  Nêcrol.  des  Hommes  Marquants  du  dix- 
neuvième  siècle,  tome  1,  p.  90.  —  Pascallet,  Le  Biogra- 
phe universel,  llvr.  de  juillet  1842.  —  Sachaile,  Les 
Médecins  de  Paris.  —  Isid.  Bourdon,  dans  le  Dict.  de  la 
Convers.,  supp. 

LE  KOTER  DE  LA  SAUVAGÈRE.  Voy.  La 
Sauvagère. 

le  ruite,  hagiographe  liégeois,  du  seizième 
siècle.  Il  était  vicaire  de  la  communauté  des  Au- 
gustines  de  Mont-Cornillon,  et  a  publié  Y  His- 
toire mémorable  de  sainte  Juliéne  (1),  vierge, 
jadis  prieure  de  la  maison  de  Cornillonez  la 
cité  de  Liège,  à  laquelle  fut  divinement  ré- 
vélée et  par  elle  première  annoncée  et  intro- 
duite dans  VÉglise  de  Dieu,  la  haute  solen- 
nité du  saint-sacrement  de  V autel,  etc.;  avril 
1598,  in-12.  A.  L. 

Paquot,  itlèm.  pour  servir  a  l'hist.  litt,  des  Pays-Bas, 

t.  III,  p.  212  214. 

lery  ou  leri  (Jean  de),  voyageur  fran- 
çais, né  en  1534,  à  Lery,  près  de  La  Margelle 
(Rourgogne),  mort  à  Rerne,  en  1611.  D'après 
Senebier,  Lery  aurait  rempli  les  fonctions  de  mi- 
nistre de  l'église  de  Genève  dès  1555,  et  11  aurait 
été  envoyé,  en  1556,  par  cette  église,  à  Villega- 
gnon,  qui  lui  avait  demandé  un  ecclésiastique 
pour  établir  la  religion  réformée  au  Rrésil.  D'a- 
près Poupard,  Lery  faisait  seulement  ses  études  à 
l'époque  où  Villegagnon  l'emmena  avec  lui  dans 
son  expédition.  Lery  révint  en  France  avec  le 
ministre  Pierre  Richer.  Aussitôt  débarqué,  il  re- 
tourna à  Genève,  où  il  fut  reçu  bourgeois  en 
1560.  Quelque  temps  après  il  fut  envoyé  comme 
pasteur  à  Rellevillê.  Lorsque  cette  ville  fut  prise 
par  les  huguenots,  en  1562,  il  fit  tous  ses  efforts 
pour  préserver  les  églises  catholiques  ;  mais  il 
n'y  put  réussir.  Lery  retourna  à  Genève,  sans 
doute  après  la  conclusion  de  la  paix.  Au  mois 
de  novembre  1564,  il  fut  chargé  de  desservir  l'é- 
glise de  Nevers.  En  1572  il  était  à  La  Charité, 
assista  au  synode  de  Nîmes,  et  se  trouvait  lors  de 
la  Saint-Rarthélemy  près  de  son  troupeau ,  qui 
perdit  vingt-deux  personnes.  Lery  se  retira  en- 
suite à  Sancerre ,  et  vit  le  second  siège  de  cette 
ville,  dont  il  a  laissé  une  relation.  Suivant  Pou- 
pard, Lery  sortit  de  Sancerre  le  25  août,  et  se 

(l)«  Voltaire  la  nomme,  dit  Paquot,   Moncornillon ; 
.  c'est  prendre  une  montagne  pour  une  religieuse.  ». 


901 


LERY  — 


retira  à  Blet,sousla  protection  d'une  escorte  que 
lui  donna  le  chef  des  assiégeants  ;  de  là  il  ga- 
gna-Berne. On  a  de  lui  :  Histoire  d'un  voyage 
fait  en  la  terre  du  Brésil,  autrement  dite 
Amérique,  contenant  la  navigation  et  choses 
remarquables  vues  sur  mer  par  l'auteur,  le 
comportement  de  Villegaignon  en  ce  pays-là, 
les  mœurs  et  façons  de  vivre  étranges  des 
sauvages  brésiliens,  avec  un  colloque  de  leur 
langage;  ensemble  la  description  de  plu- 
sieurs animaux,  arbres,  herbes  et  autres 
choses  singulières  et  du  tout  inconnues  par 
deçà,  le  tout  recueilli  sur  les  lieux;  La 
Rochelle,  1578,in-8°;  Genève,  1580, 1585,  1593, 
1600,  1611,  in-8°;  —  Histoire  mémorable  de 
la  ville  de  Sancerre,  contenant  les  entre- 
prîmes, siège,  approches,  bateries,  assaux 
et  autres  efforts  des  assiégeants;  les  résis- 
tances, faits  magnanimes,  la  famine  extrême 
et  délivrance  notable  des  assiégez.  Le  nombre 
des  coups  de  canons  par  journées  distinguées. 
Les  catalogues  des  morts  et  blessez  à  la  guerre 
sont  à  la  fin  du  livre;  1574,  in-8°  ;  réimprimée 
dans  les  Arcfdves  curieuses,  tome  VIII;  — 
Barbier  attribue  à  Lery  le  Discours  du  siège 
tenu  devant  La  Char  UéV  an  1577,  par  J.  D.  L., 
gentilhomme  français;  Paris,  Orléans,  1577, 
in-8°.  L.  L— t. 

0ayle,  DM.  Critique.  —  La  Croix  du  Maine ,  Blbtioth. 
française.  —  Papillon,  Bibiiotfi.  des  Àvteurs  de  linur- 
goyne.  —  P.  L<long,  biblioth.  Histor.  de  la  France.  — 
Sénebier,  Hist.  littét.  de  Genève,  tome  11,  p.  28.  —  Pou- 
pard ,  Histoire  de  Sancerre.  —  Barbier,  Dict.  des  ano- 
nymes. —  Haag,  La  France  Protestante. 

le  sage  (Alain-René),  célèbre  romancier 
et  poète  dramatique  français,  né  le  8  mai  1668,  à 
Sarzeau,  petite  ville  de  la  presqu'île  de  Rhuys,  à 
quelques  lieues  de  Vannes,  mort  à  Boulogne,  le 
17  novembre  1747.  Il  était  fils  unique  de  Claude 
Le  Sage,  notaire  royal,  et  de  Jeanne  Brenugat. 
Privé  de  sa  mère  en  1677,  de  son  père  en  1682, 
il  hérita  d'une  petite  fortune,  qu'un  oncle  tuteur 
infidèle  dissipa,  dit-on,  presque  entièrement.  Le 
rutur  auteur  de  Gil  Blas  fit  de  bonnes  études 
chez  les  jésuites  de  Vannes.  On  le  perd  de  vue 
ïu  sortir  du  collège  (  vers  1686  ),  et  on  ne  le  re- 
trouve que  six  ou  sept  ans  plus  tard.  On  sup- 
pose que  dans  l'intervalle  il  occupa  une  place 
3ans  les  fermes  en  Bretagne,  qu'il  en  fut  dépos- 
édé  à  tort,  et  qu'il  conserva  de  cette  injustice 
an  vif  ressentiment,  qui  lui  inspira  Turcaret; 
rcais  tout  est  ici  incertain  :  l'emploi  et  la  disgrâce. 
En  général  les  détails  recueillis  sur  les  premières 
innées  de  Le  Sage  sont  incertains  et  confus.  Il 
paraît  qu'il  acheva  ses  études  à  Paris,  où  il  con- 
tracta avec  Danchet  une  amitié  qui  ne  se  dé- 
ïientit  jamais.  Vers  cette  époque  (1693)  on  place 
'anecdote  douteuse  d'une  femme  de  qualité  qui 
ui  aurait  offert  sa  fortune  et  sa  main.  Le  Sage 
efusa,  et  quelque  temps  après,  17  août  1694,  il 
5pousa  Marie-Elisabeth  Huyard,  fille  d'un  bour- 
geois de  la  cité,  fort  jolie  personne  qui  n'avait  de 
ortune  que  sa  beauté.  Marié  à  vingt-six  ans , 


LESA  902 

n'exerçant  pas  de  profession  lucrative  (il  était 
reçu  avocat),  il  chercha  des  ressources  dans  la 
littérature,  et  sur  le  conseil  de  son  ami  Danchet, 
il  traduisit  les  Lettres  du  sophiste  grec  Aristé- 
nète.  C'était  un  singulier  début  pour  un  auteur 
si  naturel.  Les  Lettres  d'Aristénète  sont  de  pures 
compositions  de  rhétorique  froides,  affectées 
et  dépourvues  de  goût,  de  sentiment  et  d'in- 
vention; leur  seul  mérite  consiste  dans  une  dic- 
tion curieusement  imitée  des  auteurs  attiques. 
Cette  qualité  unique  disparaît  tout  à  fait  dans  la 
paraphrase  languissante  de  Le  Sage.  Le  peu  de 
succès  de  ce  premier  ouvrage  le  décida  à  laisser 
pour  un  temps  les  lettres  de  côté.  Mais  comme 
il  ne  réussit  pas  mieux  au  barreau,  il  le  quitta 
également,  et  l'on  voit  qu'en  1698,  sur  l'acte  de 
baptême  de  son  second  fils,  il  ne  prend  plus  le 
titre  d'avocat,  et  se  qualifie  simplement  de  bour- 
geois. Dans  ces  années  d'obscurité  et  de  gêne, 
Le  Sage  dut  recueillir  bien  des  observations  qui 
enrichirent  plus  tard  ses  ouvrages,  et  il  dut  aussi 
pour  vivre  recourir  à  bien  des  expédients  ;  mais 
sa  vie  d'alors  n'a  laissé  que  de  faibles  traces.  Il 
eut  le  bonheur  de  trouver  dans  l'abbé  de  Lyonne 
un  protecteur  qui  lui  assura  une  pension  de 
600  livres,  et,  service  plus  essentiel,  lui  apprit  à 
connaître  et  à  goûter  les  beautés  de  la  littérature 
espagnole.  Comme  essai  il  traduisit  Le  Traître 
puni  de  D.  Francesco  de  Roxas,  Dom  Félix  de 
Mendocede  Lope  de  Vega,  et  les  fit  paraître  sans 
se  nommer,  en  1700.  Plus  hardi  deux  ans  après, 
il  donna  au  théâtre  Le  Point  d'Honneur,  tra- 
duit de  Roxas.  Le  travers  attaqué  dans  cette 
pièce  était  depuis  longtemps  passé  de  mode,  et 
le  public  comprit  à  peine  et  ne  goûta  pas  cette 
satire  rétrospective  des  ridicules  du  siècle  pré- 
cédent. Les  Nouvelles  Aventures  de  don  Qui- 
chotte, traduites  d'Avellaneda,  passèrent  aussi 
inaperçues,  et  Don  César  Ursin,  comédie  tra- 
duite de  Calderon,  tomba  au  Théâtre-Français,  le 
15  mars  1707;  mais  le  public  dédommagea  le 
traducteur  malheureux  en  applaudissant  sa  pe- 
tite comédie  de  Crispin  rival  de  son  maître. 
Les  deux  pièces,  déjà  jouées  à  Versailles,  avaient 
eu  un  sort  bien  différent.  Crispin  avait  déplu 
aux  courtisans,  que  charmait  Don  César  Ursin> 
Le  temps  a  confirmé  le  jugement  du  public  pa- 
risien. Crispin  est  une  pièce  fort  agréable,  qui 
annonce  que  Le  Sage  sera  bientôt,  ou  plutôt 
qu'il  était  déjà  un  des  observateurs  les  plus  vifs 
et  des  écrivains  les  plus  naturels  de  la  littéra- 
ture française.  On  y  remarque  beaucoup  de  ces 
traits  d'esprit,  à  la  fois  simples  et  imprévus,  qui 
surprennent  un  peu,  mais  dont  on  reconnaît  aus- 
sitôt la  vérité.  Après  cette  jolie  pièce,  Le  Sage 
(  alors  âgé  de  près  de  quarante  ans)  était  en  pos- 
session de  son  talent.  11  le  prouva  cette  année 
même  par  son  roman  du  Diable  boiteux.  C'est 
encore  une  imitation  de  l'espagnol  (  voy.  Gcje- 
vara),  mais  une  imitation  de  génie.  Le  Sage 
n'emprunta  à  Guevara  qu'un  cadre  heureux.  11 
s'appropria  le6  personnages  en  les  perfectionnant 

29- 


903 


LE 


et  peignit  les  mœurs  françaises.  Le  diable  de 
Guevara  est  vulgaire,  celui  de  Le  Sage  est  excel- 
lent :  «  C'est  un  diable  bonhomme,  a  dit  M.  Vil- 
lemain,  une  nature  fine  et  déliée,  malicieuse 
plutôt  que  méchante.  »  Les  autres  figures  offrent 
moins  de  relief;  ce  sont  des  esquisses  légères, 
qui  passent  rapidement  devant  le  lecteur  et  qui 
fatigueraient  si  le  romancier  moraliste  n'excellait 
à  rendre  les  plus  fines  nuances,  et  s'il  ne  faisait 
circuler  à  travers  les  détails  si  multipliés  une 
gaieté  facile.  Le  Diable  boiteux  eut  un  grand 
succès.  Il  s'en  fit  deux  éditions  en  un  an.  «  On 
travaille  à  une  troisième,  annonçait  le  Journal 
de  Verdun  (décembre  1707  )  ;  deax  seigneurs  de 
la  cour  mirent  l'épée  à  la  main  dans  la  boutique 
de  Barbin,  pour  avoir  le  dernier  exemplaire  de 
la  seconde  édition.  »  On  raconte  que  Boileau 
ayant  surpris  Le  Diable  boiteux  entre  les  mains 
de  son  petit  laquais  menaça  de  le  chasser  si  le 
livre  couchait  dans  la  maison.  Walter  Scott  a  vu 
dans  cette  anecdote  un  exemple  des  jugements 
rigoureux  que  les  hommes  de  génie  sont  trop 
disposés  à  porter  sur  leurs  contemporains.  La 
menace  de  Boileau  contre  son  petit  laquais  n'é- 
tait qu'une  boutade  ;  mais  il  est  certain  que  lui, 
l'ami  et  l'admirateur  de  Molière,  ne  rendait  pas 
justice  au  plus  digne  héritier  du  grand  comique 
français.  Il  est  vrai  que  Le  Sage  n'avait  pas 
encore  montré  tout  son  talent.  Il  le  manifesta 
dans  son  Turcaret  avec  une  vigueur  satirique 
et  une  âpreté  que  l'on  n'attendait  pas  de  l'in- 
dulgent et  aimable  auteur  du  Diable  boiteux. 
Le  Sage  avait  vu  de  près  ce  monde  des  finan- 
ciers où  les  brusques  alternatives  de  la  fortune 
développent  les  plus  laides  passions  de  l'huma- 
nité, la  plate  insolence,  les  folles  prodigalités, 
les  débauches  grossières  et  par-dessus  tout  la 
bassesse  et  la  friponnerie.  Il  eut  la  hardiesse  de 
produire  sur  la  scène  ces  vices  ignobles  et  puis- 
sants. On  raconte  que  les  traitants  menacés 
firent  offrir  à  l'auteur  cent  mille  livres  à  la  con- 
dition de  retirer  sa  pièce,  et  que  Le  Sage  refusa. 
Voici  une  anecdote  plus  authentique,  et  qui  té- 
moigne chez  lui  d'une  noble  fierté.  Il  devait  lire 
son  Turcaret  chez  la  duchesse  de  Bouillon; 
mais,  retenu  par  une  affaire  au  palais,  il  arriva  un 
peu  tard.  En  entrant  au  salon,  où  se  trouvait  une 
nombreuse  société,  il  voulut  s'excuser.  La  du- 
chesse, le  recevant  froidement,  lui  reprocha  d'a- 
voir fait  perdre  plus  d'une  heure  à  la  compa- 
gnie. «Eh  bien,  madame,  répondit  Le  Sage, 
puisque  je  vous  ai  fait  perdre  une  heure,  je  vais 
vous  en  faire  gagner  deux.  »  Et  tirant  sa  révé- 
rence ,  il  sortit  sans  qu'on  pût  le  retenir.  Collé, 
qui  raconte  cette  anecdote  ,  la  tenait  de  bonne 
source.  On  voit  que,  comme  Tartufe,  Turcaret 
s'essayait  dans  le  monde  avant  de  se  produire 
sur  le  théâtre.  La  représentation  rencontra  natu- 
rellement de  graves  difficultés  ;  Monseigneur,  fils 
de  Louis  XIV,  les  leva  par  un  ordre  formel  du 
13  octobre  1708,  conçu  en  ces  termes  :  «  Mon- 
seigneur étant  informé  que  les  comédiens  du  roi 


SAGE  904 

font  difficulté  pour  jouer  une  pièce  intitulée  Tur- 
caret ,  ou  le  financier,  ordonne  aux  dits  co- 
médiens de  l'apprendre  et  de  la  jouer  incessam- 
ment. »  Turcaret  parut  enfin  sur  la  scène,  le 
14  février  1709,  et  malgré  les  efforts  d'une  ca- 
bale puissante,  obtint  un  succès  éclatant,  qui  se 
maintint  en  dépit  d'un  hiver  rigoureux  et  de  la 
misère  publique.  Turcaret  méritait  cet  accueil 
favorable;  c'était  depuis  les  chefs-d'œuvre  de 
Molière  la  meilleure  comédie  de  mœurs.  Le 
Sage  sans  doute  n'a  ni  la  profondeur  comique , 
ni  le  génie  de  style,  ni  l'élévation  morale  de  Mo- 
lière ;  mais  il  est  aussi  vrai  et  atteint  avec  au- 
tant de  précision  les  vices  et  les  ridicules.  Un 
critique  anglais  (Quarterly  jReview,  juillet  1823) 
a  reproché  à  Le  Sage  d'avoir  peint  des  mœurs 
et  non  des  caractères,  d'avoir  fait  de  sa  comédie 
une  thèse  générale  et  non  un  tableau  individuel. 
Ce  défaut,  si  c'en  est  un,  est  commun  à  toutes 
les  comédies  françaises;  on  reprocherait  plus 
justement  à  Le  Sage  une  intrigue  sans  intérêt 
et  le  peu  de  liaison  des  scènes ,  excellentes  prises 
séparément,  mais  qui  ne  forment  pas  un  en- 
semble. De  Turcaret  même  on  peut  conclure 
que  l'auteur  n'était  pas  né  pour  le  théâtre.  Ce 
qui  est  médiocre  dans  sa  pièce ,  c'est  l'arrange- 
ment dramatique;  ce  qui  est  admirable,  c'est  la 
peinture  de  mœurs. 

C'est  encore  un  tableau  de  mœurs,  mais  plus 
large,  plus  aisé,  plus  aimable,  que  Gil  Blas, 
le  chef-d'œuvre  du  roman  de  mœurs  en  France 
et  peut-être  chez  tous  les  peuples.  Tout  a  été 
dit  sur  Gil  Blas,  et  après  les  jugements  de  La 
Harpe,  de  Walter  Scott,  de  M.  Patin,  de  M:  Vil- 
lemain,  de  M.  Sainte-Beuve,  on  ne  peut  guère 
espérer  de  rien  trouver  de  neuf.  «  Peu  de  per- 
sonnes ont  jamais  lu  ce  charmant  ouvrage  sans 
se  rappeler  comme  une  des  plus  délicieuses  oc- 
cupations de  leur  vie  le  temps  qu'ils  employèrent 
pour  la  première  fois  à  cette  lecture;  et  il  y  en 
a  peu  aussi  qui  ne  retournent  de  temps  en  temps 
à  ces  pages  avec  toute  la  vivacité  qui  s'attache 
au  ressouvenir  d'un  premier  amour.  II  n'importe 
en  rien  à  quelle  époque  nous  avons  d'abord 
éprouvé  la  fascination;  soit  dans  l'enfance,  où 
nous  fûmes  principalement  captivés  par  la  ca- 
verne des  voleurs  et  d'autres  scènes  de  roman; 
soit  dans  un  âge  plus  avancé,  mais  quand  notre 
ignorance  du  monde  nous  empêchait  de  voir  la 
satire  subtile  et  poignante  qui  se  cache  dans  tant 
de  passages  de  l'œuvre;  soit  que  nous  fussions 
assez  instruits  pour  saisir  les  diverses  allusions 
à  l'histoire  et  aux  affaires  publiques  dont  il 
abonde,  ou  assez  ignorants  pour  nous  contenter 
de  suivre  directement  le  cours  de  la  narration. 
Le  pouvoir  de  l'enchanteur  sur  nous  est  absolu, 
dans  toutes  ces  circonstances.  S'il  y  a  quelque 
chose  de  vrai  dans  l'opinion  de  Cray  qu'être  cou- 
ché sur  un  canapé  et  lire  des  romans  nouveaux 
donne  une  assez  bonne  idée  du  paradis,  com- 
bien cette  béatitude  s'augmenterait-elle  encore 
si  le  génie  humain  nous  fournissait  un  autre 


905 


LE 


Gil  Blas.  Le  principal  caractère  et  le  narrateur 
supposé  de  l'histoire  est  une  conception  qui  n'a 
jamais  été  égalée  dans  une  composition  fictive, 
et  qui  cependant  nous  paraît  si  réelle  que  nous 
ne  pouvons  nous  ôter  de  l'idée  que  nous  écou- 
tons le  récit  d'un  acteur  des  scènes  qu'il  nous 
raconte.  Gil  Blas  a  toutes  les  faiblesses  et  toutes 
les  inégalités  propres  à  la  nature  humaine,  et 
que  nous  reconnaissons  journellement  en  nous- 
mêmes  et  chez  les  personnes  de  notre  inti- 
mité (1).  »  —  «  C'estun  homme  d'esprit,  né  pour 
le  bien ,  mais  facilement  entraîné  vers  le  mal, 
profitant  de  l'expérience  qu'il  acquiert  à  ses  dé- 
pens pour  tromper  à  son  tour  les  hommes  qui 
l'ont  trompé;  se  livrant  sans  trop  de  scrupule  à 
cette  représaille,  et  quittant  volontiers  le  parti 
des  dupes  pour  celui  des  fripons  ;  capable  ce- 
pendant de  repentir  et  de  retour  ;  conservant 
jusqu'au  bout  le  goût  de  la  probité,  et  se  pro- 
mettant bien  de  redevenir  honnête  homme  à  la 
première  occasion  (2).  »  — «  Il  passe  tour  à  tour 
par  toutes  les  conditions,  par  les  plus  vulgaires 
et  les  plus  basses  :  il  ne  se  déplaît  trop  dans  au- 
cune,bien  qu'il  cherche  toujours  à  se  pousser  et 
à  s'avancer.  Il  est  la  dupe  de  ses  défauts  et 
quelquefois  de  ses  qualités  ;  il  fait  ses  écoles  en 
tous  sens,  et  nous  faisons  notre  apprentissage 
avec  lui.  Excellent  sujet  de  morale  pratique ,  on 
peut  dire  de  Gil-Blas  qu'il  se  laisse  faire  par  les 
choses;  il  ne  devance  pas  l'expérience:  il  la  re- 
çoit. Ce  n'est  pas  un  homme  de  génie  ni  d'un 
grand  talent ,  ni  qui  ait  en  lui  rien  de  bien  par- 
ticulier :  c'est  un  esprit  sain  et  fin,  facile,  actif, 
essentiellement  éducable,  ayant  toutes  les  apti- 
tudes. 11  ne  s'agit  que  de  les  bien  appliquer;  ce 
qu'il  finit  par  faire  :  il  devient  propre  à  tout,  et 
il  riiérite  en  définitive  cet  éloge  que  lui  donne 
son  ami  Fabrice  :  «  Vous  avez  Toutil  universel.  » 
Mais  il  ne  mérite  cet  éloge  que  tout  à  la  fin,  et 
cela  nous  encourage  ;  nous  sentons,  en  le  lisant, 
que  nous  pouvons  sans  trop  d'effort  et  de  pré- 
somption arriver  un  jour  comme  lui.  Toutes  les 
formes  de  la  vie  et  de  l'humaine  nature  se  ren- 
contrent dans  Gil  Blas,  toutes  excepté  une  cer- 
taine élévation  idéale  et  morale,  qui  est  rare  sans 
doute,  qui  est  jouée  souvent,  mais  qui  se  trouve 
assez  réelle  en  quelques  rencontres  pour  ne  de- 
voir pas  être  tout  à  fait  omise  dans  un  tableau 
complet  de  l'humanité.  Le  Sage,  si  honnête 
homme  d'ailleurs,  n'avait  pas  cet  idéal  en  lui.  Il 
était  d'avis  que  <-.  les  productions  de  l'esprit  les 
plus  parfaites  sont  celles  où  il  n'y  a  que  de  lé- 
gers défauts,  comme  les  plus  honnêtes  gens  sont 
ceux  qui  ont  les  moindres  vices  ».  Rien  de  plus 
vrai  qu'une  telle  remarque,  et  dans  Gil  Blas  il 
a  amplement  usé  de  cette  façon  de  voir  qui  dis- 
tribue quelques  petits  vices  aux  plus  honnêtes 
gens.  Gil  Blas  tout  le  premier,  s'il  n'a  pas  de 


(1)  Walter  Scott,  Miscellaneous prose  TPorKs,  vol.  III, 
édit.  Baudry. 

(2)  Patin,  Éloge  de  Le  Sage. 


SAGE  906 

vice  inné  bien  caractérisé,  est  très-capable  de 
les  recevoir  presque  tous  à  la  rencontre....  Les 
scènes  de  comédie  sont  sans  nombre  chez  Gil 
Blas,  et  elles  ne  laissent  pas  trop  le  temps  de  s'a- 
percevoir de  ce  que  peuvent  avoir  de  comqaun  ou 
d'ennuyeux  certains  épisodes,  certaines  nouvelles 
sentimentales  que  l'auteur  a  insérées  çà  et  là 
pour  grossir  ses  volumes,  et  qu'il  a  imitées  on 
ne  sait  d'où.  Les  deux  premiers  volumes  de 
l'ouvrage,  après  avoir  fait  passer  sous  les  yeux 
toutes  sortes  de  classes  et  deconditions,  voleurs, 
chanoines,  médecins,  auteurs,  comédiens,  lais- 
saient Gil  Blas  intendant  de  don  Alphonse,  et 
chargé  de  faire  en  son  nom  une  restitution. 
«  C'était  commencer  le  métier  d'intendant  par 
où  l'on  devrait  finir.  »  Le  troisième  volume,  pu- 
blié en  1724,  et  qui  est  le  plus  distingué  de 
tous,  nous  montre  Gil  Blas  montant  par  degrés 
d'étage  en  étage  ;  et  à  mesure  que  la  sphère  s'é- 
lève, les  leçons  peuvent  sembler  plus  vives  et 
plus  hardies...  Ce  troisième  volume  abonde  en 
récits  excellents.  Gil  Blas,  devenu  secrétaire  et 
favori  de  l'archevêque  de  Grenade,  se  perd  ici, 
comme  il  s'était  perdu  près  du  vieux  fat  amou- 
reux ,  en  disant  la  vérité.  —  Toutes  ces  scènes 
chez  l'archevêque  sont  admirables  de  naturel,  et 
respirent  une  douce  comédie  insensiblement  mê- 
lée à  toutes  les  actions  de  la  vie.  L'amour-propre 
d'auteur  est  peint  chez  le  bon  vieillard  dans  tout 
son  relief  et  toute  sa  naïveté  béate,  et  avec  un 
reste  de  mansuétude.  Les  scènes  chez  la  comé- 
dienne Laure  qui  succèdent  aussitôt  après  sont 
incomparables  de  vérité.  Le  Sage  connaissait  à 
fond  la  gent  comique...  Quand  il  est  passé  à  la 
cour,  et  qu'il  se  voit  secrétaire  et  favori  du  duc 
de  Lerme,  on  croit  un  moment  que  Gil  Blas  va 
s'élever  et  devenir  honnête  homme  à  certains 
égards;  mais  non,  il  a  affaire  à  des  dangers  d'une 
autre  sorte,  et  il  y  succombe.  Nous  n'avons  fait 
que  changer  d'étage;  mais  les  mobiles,  les  inté- 
rêts, les  passions  de  la  coulisse  sont  toujours 
les  mêmes.  Loin  de  s'améliorer,  il  arrive,  en  ce 
moment  d'ivresse,  au  pire  degré  de  faute  où  il 
soit  tombé,  à  l'insensibilité  du  cœur,  à  la  mécon- 
naissance de  sa  famille  et  de  ses  premiers  amis. 
Le  plus  haut  point  de  sa  prospérité  est  juste  le 
moment  où  va  commencer,  s'il  n'y  prend  garde, 
sa  dépravation  véritable.  Il  lui  faut  la  disgrâce 
pour  se  reconnaître,  et  pour  rentrer  dans  le 
vrai  de  son  habitude  et  de  sa  nature  (1).  »  Ce 
délicieux  ouvrage  est-il  une  œuvre  originale,  ou 
n'est-il  qu'une  imitation  de  l'espagnol  ?  Voltaire 
le  premier  a  osé  dire  avec  une  inconcevable  légè- 
reté que  Gil  Blas  est  entièrement  pris  du  Mar- 
cos  de  Obregon  d'Espinel.  Cette  assertion,  dont 
le  moindre  recours  au  roman  d'Espinel  (voy.ce. 
nom)  démontre  la  fausseté,  fut  cependant  repro- 
duite dans  deux  ou  trois  compilations  sans  au- 
torité, et  donna  au  jésuite  espagnol  Isla  l'idée  de 
revendiquer  pour  son  pays  l'origine  de  Gil  Blas, 

(1)  Sainte-Beuve ,  Causeries  du  lundi,  t.  II. 


907 


LE  SAGE 


908 


La  liction  qu'il  imagina  dans  ce  but  ressemble 
plutôt  à  une  plaisanterie  qu'à  une  fraude 
sérieuse  et  mérite  à  peine  une  réfutation  (1). 
Sans  répéter  ce  qui  a  été  dit  aux  articles  Espi- 
nel  et  Isla,  ajoutons  que  si  Le  Sage  pour  beau- 
coup de  détails  de  Gil  Blas  s'est  inspiré  des 
romanciers  espagnols  Juan  de  Luna,  Quevedo, 
Cervantes,  Espinel,  etc.  (.2),  il  doit  à  lui  seul 
le  plan  général,  les  meilleures  scènes ,  presque 
tous  les  personnages  et  surtout  le  caractère  de 
son  héros.  Gil  Blas  n'a  d'espagnol  que  le  cos- 
tume; pour  la  vivacité  et  l'esprit,  la  manière  de 
sentir,  de  penser  et  d'agir,  il  est  français. 

Il  semble  qu'après  ce  chef-d'œuvre  de  Gil 
Blas  Le  Sage  n'avait  plus  rien  à  dire  de  nou- 
veau sur  la  vie  humaine,  qu'il  ne  pouvait  que  se 
répéter.  Mais,  forcé  de  travailler  pour  vivre,  il 
continua  de  produire  sans  efforts  de  nombreux 
ouvrages,  où  l'on  trouve  encore  d'excellents  pas- 


(i)  Cependant  cette  thèse  a  été  reprise  par  Llorente  à 
un  point  de  vue  un  peu  différent  dans  deux  ouvrages 
l'un  en  français,  l'aulre  en  espagnol;  il  prétend,  en  se 
fondant  sur  l'évidence  intérieure  i  les  preuves  extérieures 
manquent  tout  à  fait)  que  Gil  Blas  est  certainement  d'o- 
rigine espagnole,  et  probablement  l'œuvre  non  de  l'avo- 
cat andalou  du  père  Isla,  mais  de  l'historien  Solis.  La 
seule  raison  que  Llorente  donne  à  l'appui  de  cette  hypo- 
thèse, c'est  qu'à  l'époque  où  le  Gil  Blas  espagnol  a  dû  être 
composé,  personne  excepté  Solis  n'était  en  état  d'écrire 
un  tel  roman.  Cet  argument  n'est  guère  plus  sérieux  que 
les  inventions  du  P.  Isla.  Du  reste,  un  juge  compétent  et 
impartial,  M.  Ticknor,  a  prononcé  sur  ce  point.  <c  II  y  a, 
dit-il,  une  réponse  facile  à  cette  critique  purement  con- 
jecturale. Le  Sage  procéda  comme  auteur  de  roman 
juste  comme  il  l'avait  fait  quand  il  écrivait  pour  le  théâtre, 
et  dans  les  deux  cas  il  aboutit  à  des  résultats  remarqua- 
blement semblables.  Dans  le  drame  il  commença  par  des 
traductions  et  imitations  de  lespagnol,  telles  que  Le 
Point,  d'Honneur  pris  de  Roxas,  Dnn  César  Ursin  pris 
dedlderon;  mais  ensuite  quand  il  comprit  mieux  son 
talent  et  que  le  succès  lui  eut  dominé  de  la  confiance,  il 
produisit  Turcaret,  comédie  entièrement  originale,  qui 
surpassait  de  beaucoup  tout  ce  qu'il  avait  tenté  aupara- 
vant et  montrait  combien  il  avait  perdu  de  sa  force  en 
se  réduisant  à  être  imitateur.  Il  fit  exactement  de  même 
en  écrivant  des  romans.  11  commença  par  traduire  le 
Bon  Quichotte  d'Avellaneda ,  et  remania  et  étendit  le 
Diablo  Cajuelo  de  Guevara.  Mais  Gil  Bla*,  le  plus  impor- 
tant de  ses  romans,  est  le  résultat  de  l'affermissement 
de  ses  forces,  et  pour  toutes  les  qualités  caractéristiques 
cet  ouvrage  lui  appartient  en  propre  aussi  bien  que 
Turcaret  » 

(2)  Voici,  d'après  M.  Ticknor,  l'indication  de  quelques 
sources  espagnoles  où  Le  Sage  a  puisé  pour  Gil  Blas  et 
pour  d'aulres  ouvrages  :  Le  Point  d  Honneur  est  tiré  de 
No  huy  amigo  para  amigo  de  Roxas;  Don  César  Ursin 
de  Peor  esta  que  estaba  de  Calderon.  Voir  à  l'article 
KspiNel  ce  que  Le  Sage  doit  à  IHarcos  de  Obregon;  il  a 
pris  en  outre  les  aventures  de  don  Raphaël  avec  le  sei- 
gneur de  Moyadas  (G.  B.,V,  l)  dans  Los  Empeilos  del 
Mentir  de  Mendoza  ;  l'histoire  du  mariage  de  vengeance 
(G.  B.,IV.  4;  dans  la  pièce  de  Roxas,  Cosarse  por  ven- 
garse;  l'histoire  de  Aurora  de  Guzman  (IV,  B,  6)  dans 
Todo  es  enredos  Amor  par  Diego  de  Cordoba  y  Figue- 
roa,  elc.  Sur  cette  question  d'imitation  :  »oy.  Tieck, 
préface  de  sa  traduction  àeMarcos  de  Obregon;  Adolfo 
de  Castro,  Poesias  de  Calderon  y  Plagias  de  Le  Sage , 
Cadix,  1846,  in-8°,  et  dans  le  quatrième  livre  de  son 
Conde  Duque  de  Olivarez,  Cadix,  .1846.  Dans  son  Ba- 
chelier de  Salamanque,l,e  Sage,  quoiqu'il  donne  cet  ou- 
vrage comme  «  traduit  d'un  manuscrit  espagnol  »,  a  In- 
séré une  histoire  de  Dona  Cintia  de  la  Carrera  qui  est 
prise  de  la  comédie  si  connue  de  Moreto,  Desden  con 
Desden. 


sages,  malheureusement  de  plus  en  plus  clair- 
semés. Malgré  le  succès  de  Turcaret,  il  ne  re- 
parut au  Théâtre-Français  que  par  une  petite  co- 
médie assez  gaie,  La  Tontine,  reçue  en  1708  et 
jouée  seulement  en  1732.  Les  comédiens  du 
Théâtre-Français,  on  le  voit,  traitaient  sans  façon 
l'auteur  de  Turcaret,  qui,  trouvant  plus  de  faci- 
lité sur  les  scènes  secondaires,  s'abandonna  à  son 
penchant  pour  les  farces  légères,  pour  les  paro- 
dies, les  opéras  comiques,  enfin  pour  tout  le  ré- 
pertoire des  spectacles  forains.  Il  composa  seul 
ou  en  société  avec  Fuzelier,  d'Orneval,  Autreau, 
Lafont,  Piron  et  Fromaget  une  centaine  d'opéras 
comiques,  dont  la  plupart  eurent  beaucoup  de 
vogue.  Ces  petites  pièces,  que  La  Harpe  traite 
trop  dédaigneusement,  peuvent  encore  se  par- 
courir sans  ennui  ;  quelques-unes  même,  La  Foire 
des  Fées,  Le  Monde  renversé,  sont  d'une  lecture 
fort  agréable.  Comme  le  remarque  spirituelle- 
ment M.  Sainte-Beuve,  «  Le  Sage  sema  son  sel  à 
pleines  mains  sur  les  tréteaux.  Ce  n'étaient  pas 
seulement  les  besoins  de  la  vie  qui  le  jetaient 
là,  c'étaient  aussi  chez  lui  attrait  et  vocation. 
En  faisant  parler  Arlequin,  il  ne  croyait  pas  si 
fort  déroger;  il  passa  même  un  instant  d'Arle- 
quin aux  marionnettes.  Arlequin,  marionnettes, 
acteurs  pour  acteurs,  il  était  d'avis  que  tout 
cela  revient  au  même  et  que  ce  sont  toujours 
les  mêmes  ficelles.  » 

Ces  spirituelles  bluettes  qui  échappaient  si  fa- 
cilement à  la  verve  de  Le  Sage  ne  l'empêchaient 
pas  de  se  livrer  à  d'autres  travaux  littéraires.  Il 
aimait  surtout  à  emprunter  aux  nations  étran- 
gères des  œuvres  qu'il  remaniait  et  qu'il  embel- 
lissait presque  toujours.  Ainsi  il  donna  une 
agréable  imitation  de  YOrlando  inamorato  du 
Boïardo,  une  traduction  fort  abrégée  des  Aven- 
tures de  Guzman  d'Alfarache,  le  plus  célèbre 
des  romans  picaresques  (voy.  Aleman),  trop 
long  dans  l'original  et  que  l'auteur  français  sut 
rendre  amusant.  Il  rédigea  encore  les  Aven- 
tures de  Robert  Chevalier,  dit  de  Beauchêne, 
d'après  des  papiers  fournis  par  la  veuve  de 
Beauchêne.  On  lit  à  ce  sujet  dans  un  journal 
tenu  par  un  curieux  du  temps  ;  «  Le  Sage,  auteur 
de  Gil  Blas,  vient  de  donner  (janvier,  1733)  la 
vie  de  M.  de  Beauchêne ,  capitaine  de  flibus- 
tiers. Ce  livre  ne  saurait  être  mal  écrit,  étant 
de  Le  Sage  ;  mais  il  est  aisé  de  s'apercevoir,  par 
les  matières  que  cet  auteur  traite  depuis  quelque 
temps,  qu'il  ne  travaille  que  pour  vivre,  et  qu'il 
n'est  plus  le  maître,  par  conséquent,  de  donner 
à  ses  ouvrages  du  temps  et  de  l'application.  Il  y 
a  six  à  sept  ans  que  laRibou  (  veuve  du  libraire) 
lui  a  avancé  cent  pistoles  sur  son  quatrième  vo- 
lume de  Gil  Blas,  qui  n'est  point  encore  fini  et 
qui  ne  le  sera  pas  de  si  tôt.  »  Le  Sage  en  effet 
travaillait  pour  vivre,  et  si  cette  nécessité  lui  fit 
produire  des  œuvres  peu  dignes  de  lui,  ne  re- 
grettons pas  qu'elle  l'ait  forcé  d'achever  Gil  Blas. 
Le  quatrième  volume  de  cet  ouvrage  n'offre  pas 
la  vivacité  et  l'intérêt  des  trois  premiers;  mais 


909 


LE  SAGE 


910 


on  y  trouve  la  même  observation  fine,  la  même 
philosophie  indulgente.  On  aime  à  voir  Gil  Blas 
revenir  avec  une  ironie  sans  amertume  sur  les 
traces  de  son  passé,  retrouver  un  peu  changes, 
mais  non  corrigés,  quelques  amis  de  sa  jeunesse 
vagabonde,  le  docteur  Sangrado,  qui  mêle  un 
peu  de  vin  à  son  eau,  et  le  poète  Fabrice  qui  fait 
encore  des  vers  à  l'hôpital,  et  enfin  après  s'être 
mêlé  une  fois  encore  aux  vices,  aux  ridicules, 
aux  folies  du  monde,  aller  se  reposer  au  sein  du 
bonheur  domestique,  au  milieu  de  ses  enfants 
qui  jouent  sur  les  vertes  pelouses  du  château  de 
Lirias,  et  s'égayer  par  la  lecture  d'un  de  ses  au- 
teurs favoris,  Horace,  Lucien,  Érasme.  Les 
teintes  plus  douces,  un  peu  tristes  même, du  qua- 
trième volume  de  Gil  Blas  ne  déparent  donc 
pas  les  vives  couleurs  des  trois  premiers,  et 
achèvent  de  faire  de  ce  roman  un  tableau  com- 
plet de  la  vie  humaine. 

Après  Gil  Blas  on  ose  à  peine  parler  des 
dernières  productions  de  l'auteur  :  l'Histoire 
d' Estevanille  Gonzalès ,  imitée  de  l'espagnol  (1); 
—  Le  Bachelier  de  Salamanque,  qui  rappelle 
■de  temps  en  temps  Gil  Blas;  —  Une  Journée 
des  Parques,  dialogue  philosophique,  où  l'on 
trouve  de  l'esprit  et  des  idées  hardies;  —  La 
Valise  trouvée  et  Le  Mélange  amusant,  qui  ne 
méritent  aucun  souvenir.  L'année  même  de  la 
publication  de  ce  dernier  ouvrage,  Le  Sage  per- 
dit son  fils,  Montménil,  qui  était  la  consolation  et 
l'appui  de  sa  vieillesse.  «Trop  vieux  pour  travail- 
ler;  trop  haut  pour  demander,  et  trop  honnête 
pour  emprunter,  dit  Voisenon,  »  il  se  retira  avec 
sa  femme  et  sa  fille  chez  un  autre  de  ses  fils,  qui 
était  chanoine  à  Boulogne-sur-Mer.  C'est  là,  dans 
une  petite  maison ,  qu'il  passa  ses  dernières  an- 
nées. Il  était  sourd.  Cette  infirmité,  qui  remontait 
à  sa  jeunesse,  devint  complète  avec  l'âge  ;  mais  si 
elle  l'éloigna  du  monde,  elle  ne  le  priva  pas  d'un 
petit  cercle  d'amis.  Il  y  portait  une  gaieté  qu'il 
conserva  même  lorsque  son  corps  et  son  esprit 
s'affaiblissaient  sous  le  poids  des  années.  C'est 
Voisenon  et  le  comte  deTressan,deux  amis  bien- 
veillants de  sa  vieillesse,  qui  l'attestent.  Tressan 
rapporte  aussi  une  singulière  particularité  sur  le 
déclin  intellectuel  de  l'illustre  romancier.  «  M.  Le 
Sage,  dit-il,  se  réveillant  le  matin  dès  que  le 
soleil  paraissait  élevé  de  quelques  degrés  sur 
l'horizon,  s'animait  et  prenait  du  sentiment  et  de 
la  force ,  à  mesure  que  cet  astre  approchait  du 
méridien  ;  mais  lorsqu'il  commençait  à  pencher 
vers  son  déclin, la  sensibilité  du  vieillard,  la  lu- 
mière de  son  esprit  et  la  sensibilité  de  ses  sens 
diminuaient  en  proportion  ;  et  dès  que  le  soleil 
était  plongé  sur  l'horizon,  M.  Le  Sage  tombait 

(1)  L'ouvrage  original  est  intitulé  :  Vida  y  Heckos  de 
Eslevanillo  Gonzalez,  hombre  debuen  hwnor,  compuesta 
por  il  mismo ;  Anvers,  1646;  Madrid,  1652  :  c'est  l'auto- 
biographie d'un  bouffon  qui  avait  été  longtemps  au  ser- 
vice d'Ottavio  Piccolomini,  le  grand  général  delà  guerre 
de  Trente  Ans,  mais  une  auto-biographie  si  pleine  de 
fictions  que  Le  Sage  eut  peu  de  peine  à  la  transformer 
en  roman. 


dans  une  sorfc  de  léthargie,  dont  on  n'essayait 
pas  même  de  le  tirer.  »  L'auteur  de  Gil  Blas  et 
de  Turcaret  s'éteignit  dans  sa  quatre-ving- 
tième année,  et  le  comte  de  Tressan,  alors  com- 
mandant en  Boulonais  et  en  Picardie ,  se  fit  un 
honneur  d'assister  aux  obsèques  avec  tout  son 
état-major.  Le  Sage  de  son  vivant  n'avait 
pas  été  mis  à  s;)  place.  L'obscurité  de  sa  vie  pri- 
vée, la  vulgarité  de  la  plupart  de  ses  pièces  dra- 
matiques et  de  plusieurs  de  ses  romans ,  l'ex- 
posèrent aux  dédains  d'auteurs  contemporains, 
qui  ne  le  valaient  pas;  mais  la  postérité  l'a  bien 
vengé,  en  le  mettant  au  rang  des  inventeurs  les 
plus  ingénieux  et  des  plus  habiles  peintres  de 
mœurs  ,  au-dessous  du  seul  Molière.  Ses  écrits 
sont  intitulés  :  Lettres  gâtantes  d'Aristénè'c, 
traduites  du  grec  ;  Paris  (sous  l'indication  de 
Rotterdam),  1695,  2  vol.  in-12;  —des quarante- 
deux  lettres  que  contient  cette  traduction,  vingt- 
quatre  furent  insérées  par  l'auteur  dans  sa  Va- 
lise trouvée; — Théâtre  espagnol  contenant:  Le 
Traître  puni,  comédie  en  cinq  actes  et  en  prose 
(de  Franc,  de  Roxas)  et  Dom  Félix  de  Men- 
doce,  comédie  en  cinq  actes  et  en  prose  (de 
Lope  de  Vega);  traduit  de  l'espagnol,  1700, 
in-12;  —  Nouvelles  Aventures  de  l'admirable 
don  Quichotte  ,  traduit  de  l'espagnol  d'Avella- 
neda;  Paris,  1704,  2  vol.  in-12;  —  Crispin  ri- 
val de  son  maître ,  comédie  en  un  acte  et  en 
prose;  Paris,  1707,  in-12;  — Le  Diable  boi- 
teux; Paris,  1707,  in-12;  nouvelle  édition,  cor- 
rigée, refondue  et  augmentée  des  Entretiens 
des  Cheminées  de  Madrid;  Paris,  1726,  2  vol. 
in-12; —  Turcaret ,  comédie  en  cinq  actes  et 
en  prose,  avec  la  critique  de  Turcaret  par 
le  Diable  boiteux,  dialogue  en  prose,  servant 
de  prologue  et  d'épilogue;  Paris,  1709,  in-12; 
— Histoire  de  Gil  Blas  de  Santillane;  Paris, 
1715,  2  vol.  in-12;  nouv.  édit.,  augmentée 
d'un  troisième  volume,  Paris,  1724,  3  vol, 
in-12  ;  nouv.  édit. ,  augmentée  d'un  quatrième 
vol.;  1735,  4  vol.  in-12.  Gil  Blas  .à  eu  de 
très  -  nombreuses  éditions  et  a  été  traduit 
dans  toutes  les  langues  de  l'Europe  ;  parmi  ces 
éditions  nous  citerons  celle  de  P.  Didot,  Paris, 

1819,  3  vol.  in-8°,  avec  un  Examen  de  la  ques- 
tion de  savoir  si  Le  Sage  est  l'auteur  de  Gil 
Blas,  ou  s'il  l'a  pris  de  l'espagnol,  par  Fran- 
çois de  Neufchàteau;  et  celle  de  Lefèvre,  Paris, 

1820,  3  vol.  in-8°,  avec  un  Examen  préli- 
minaire, de  nouveaux  sommaires  des  cha- 
pitres et  des  notes  historiques  et  littéraires, 
par  François  de  Neufchàteau  ;  parmi  les  traduc- 
tions on  distingue  celle  de  Smollett  en  anglais,  et 
celle  du  P.  Isla  en  espagnol  ;  —  Le  Thédire  de 
la  Foire,  ou  l'Opéra-Comique,  contenant  les 
meilleures  pièces  qui  ont  été  représentées  aux 
foires  de  Saint-Germain  et  de  Saint-  Laurent  ; 
enrichi  d'estampes  en  taille  douce,  avec  une 
table  de  tous  les  vaudevilles  et  autres  airs 
gravés,  notés  à  la  fin  de  chaque  volume; 
Paris,  1721-1737,  10  vol.  in-12.  Les  neuf  pre- 


911 


miers  volumes  de  ce  recueil  sont  composés 
presque  entièrement  de  pièces  de  Le  Sage  et  de 
ses  collaborateurs  ;  le  dixième  volume  contient 
des  pièces deCarol et.  Les  piècesdeLe  Sage,  seul 
ou  en  société,  sont  au  nombre  de  soixante-qua- 
tre, dont  on  trouvera  la  liste  dans  Quérard; 
mais  il  faut  remarquer  que  ce  recueil  ne  com- 
prend pas  toutes  les  pièces  de  ce  genre  de  Le 
Sage  ;  —  la  Petite  Bibliothèque  des  Théâtres 
lui  en  attribue  cent  une;  —  Le  Théâtre  de  la 
Foire,  moins  les  pièces  de  Carolet,  a  été  réim- 
primé; Paris,  1737,8  vol.  in-12;  —  Roland 
l'amoureux,  poème,  traduction  libre  de  l'i- 
talien; Paris,  1717-1721,  2  vol.  in-12;— -His- 
toire de  Guzman  d'Alfarache,  nouvellement 
traduite  et  purgée  des  moralités  superflues; 
Paris,  1732,  2  vol.  in-12;  —  Aventures  de 
M.  Robert  Chevalier,  dit  de  Beauchesnc,  ca- 
pitaine de  flibustiers  dans  la  Nouvelle- 
France;  Paris,  1732,  2  vol.  in-12;  — Histoire 
d'Eslevanille  Gonza lès,  surnommé  le  Garçon 
de  bonne  Humeur,  tirée  de  l'espagnol;  Paris, 
1734,  2  vol.  in-12  ;—TJne  Journée  des  Parques; 
1735, in-12;  —  Le  Bachelier  de Salamanque, 
ou  les  mémoires  del).  Chérubin  de  la  Ronda; 
Paris,  1736,2  vol.in-l2;  —  La  Valise  trou- 
vée;  Paris,  1740,  2  part,  in-12;  —  Mélange 
amusant  de  saillies  d'esprit  et  de  traits  his- 
toriques des  plus  frappants;  Paris,  1743, 
in-12.  Selon  Lenglet-Dufresnoy  (Bibliothèque 
des  Romans),  Le  Sage  a  retouché  le  style  des 
Mille  et  un  Jours,  contes  persans  trad.  par 
Petis  delà  Croix  (1710).  Il  n'existe  qu'une  édi- 
tion des  Œuvres  complètes  de  Le  Sage  ;  Paris, 
1828,  12  vol.  in-8°;  mais  on  a  plusieurs  éditions 
de  ses  œuvres  choisies;  entre  autres  celle  de 
Mayer,  Paris,  1810,  16  vol.  (moins  les  pièces 
de  la  Foire), in-8°,  etcellede  Buchot,  Paris,1818- 
1821,  14  vol.  in-12.  Le  Théâtre  compléta  été 
publié  à  Paris,  1774,  2  vol.  in-12.  On  a 
plusieurs  éditions  du  Théâtre  choisi.        L.  J; 

Beuchot,  Notice  sur  Le  Sage,  en  tête  de  l'édit.  de  1818- 
1821.  —  Audiffret,  Notice  historique  sur  A.-R.  Lesage,- 
Paris,  1822.—  Pdtin,  Éloge  de  Le  Sage;  l'aris,  1822.  —  Ma- 
litourne,  Éloge  de  Le  Sage;  1822.  —  Spence,  Anecdotes; 
Londres,  1820,-  Walter Scott,  Biographical  Notice;  dans 
les  Miscellaneous  JVorks,  vol.  111  (édit.  Baudry,  1887).— 
Vlllemain,  Littérature  française  du  dix-huitieme  siècle, 
t.  I.  —  Sainte-Beuve,  Causeries  du  lundi,  t  11.  —  Bio- 
graphie Bretonne,—  Ticknor,  History  of  Spanish  Litè- 
rature  ,  édit.  de  Londres,  1849;,  t.  I,  66  ;  II,  103,  879;  111, 
60,  65,  103,  249. 

LESAGE  DE  montménil  (René-André), 
comédien  français  ,  fils  aîné  du  précédent,  né 
à  Paris,  le  31  juillet  1695,  mort  à  La  Villette 
(près  Paris),  le  8  septembre  1743.  Son  père  le 
destinait  à  l'état  ecclésiastique  (ou  au  barreau, 
suivant  certains  biographes),  et  le  jeune  Le  Sage 
porta  quelque  temps  le  costume  d'abbé;  mais  sa 
vocation  l'entraîna  vers  une  autre  carrière  :  il  dé- 
buta au  Théâtre-Français  le  28  mai  1726.  Il  n'y 
fut  pas  d'abord  bien  accueilli,  et  dut  aller  se  for- 
mer en  courant  la  province.  De  retour  à  Paris, 
il  obtint  le  plus  grand  succès  dans  les  rôles  co- 


LE  SAGE  912 

miques.  Il  jouait  d'une  manière  inimitable 
Turcaret ,  l'avocat  Patelin ,  et  en  général  les 
valets  et  les  paysans.  Le  Sage,  qui  avait  eu  à  se 
plaindre  des  acteurs  et  qui  détestait  en  particulier 
les  comédiens  du  Théâtre-Français,  fut  longtemps 
à  pardonner  à  son  fils  d'avoir  pris  cette  profes- 
sion. Mais,  un  jour,  des  amis  le  menèrent  à  une 
représentation  de  Turcaret.  Il  y  vit  sa  plus  vi- 
goureuse création  comique  admirablement  inter- 
prétée par  son  fils ,  et  sentit  renaître  son  affec- 
tion paternelle.  Il  se  réconcilia  si  bien  avec 
Montménil  que  la  mort  subite  de  ce  fils  fut  la 
plus  grande  douleur  de  sa  vieillesse  (1). 

Audiffret,  Notice  sur  Le  Sage. 
le  sage  (Georges- Louis  ),  littérateur  fran- 
çais, né  le  9  janvier  1676,  à  La  Colombière,  près 
de  Conches,  en  Bourgogne,  moitié  5  février 
1759,  à  Genève.  En  1684,  il  fut  emmené  en  An- 
gleterre par  sa  famille,  qui  était  protestante  ;  une 
sentence  du  bailliage  de  Montcenis,  en  date  d'août 
1687,  condamna  le  cadavre  de  son  père,  comme 
mort  sans  sacrements,  à  être  exhumé  et  jeté  à  la 
voirie,  sentence  cassée  du  reste  par  le  parle- 
lement  de  Dijon.  Il  fit  ses  études  à  Genève,  re- 
nonça, par  indépendance  de  caractère,  à  embras- 
ser la  carrière  ecclésiastique ,  ce  qui  donna  oc- 
casion de  décrier  ses  mœurs ,  et  retourna  en 
1700  en  Angleterre,  où  il  se  voua  à  l'instruction 
de  la  jeunesse.  En  1711  il  alla  rejoindre  ses  pa- 
rents à  Genève,  et  y  passa  le  reste  de  sa  vie,  à 
l'exception  d'un  voyage  qu'il  fit  à  Paris  sous  la 
régence.  D'une  nature  douce  et  tranquille,  il  avait 
plus  d'esprit  que  de  science  et  plus  d'originalité 
que  de  profondeur.  On  lui  doit  un  grand  nombre 
de  publications ,  dont  la  plupart  ont  trait  à  la 
philosophie;  nous  citerons  :  Le  Mécanisme  de 
l'Esprit,  ou  la  morale  naturelle  dans  ses 
sources,  discours  qui  explique  les  divers 
mouvements  de  V amour-propre;  Genève, 
1699,  1700;  4e  édit.,  1718;  —  LaReligiondu 
Philosophe ,  ou  sentiments  raisonnables  sur 
diverses  matières  de  religion  et  de  morale; 
Londres,  1702-1709,  2  part.;  —  Essai  sur  les 
caractères  d'une  vocation  divine;  Amsterdam, 
1708  ; — Aphorismata  philosophica,  sive  spéci- 
men philosophise ecclecticee /Londres,  lrepart., 
1711  ;  Genève,  2e  part.,  1714-1715,  sorte  de  ré- 
sumé des  leçons  que  l'auteur  donnait  à  l'école 
libre  de  Westmoreland  ;  —  Court  Abrégé  de 
Philosophie  par  aphorismes  ;  Genève,  1711, 
in-12;  —  Remarques  sur  l'Angleterre  /dites 
par  un  voyageur  dans  les  années  1710  e^  1711; 

\'l)Le  Sage  eut  encore  deux  fils  :  Le  Sage  (  Julien- Fran- 
çois),nêà  Paris,  lc24avrlll698,mortà  Boulogne,  le 25  avril 
1762;  pourvu  d'un  petit  canonient  à  Boulogne,  il  donna 
un  asile  à  ses  parents.  —  Le  Sage  de  Pittënec,  né  à  Pa- 
ris, le  22  février  1700,  mort  vers  1765.  II  se  fit  aeteur, 
comme  son  frère  Montménil,  dont  il  était  loin  d'avoir  le 
talent,  courut  la  province  et  l'Allemagne  sous  le  nom  de 
Pltténec,  et  se  retira  ensuite  à  Boulogne,  où  il  mourut 
dans  l'obscurité  et,  à  ce  que  l'on  croit,  dans  la  misère; 
Le  Sage  eut  aussi  une  fille,  Marie-Elisabeth,  née  à  Paris, 
le  9  août  1702  ;  elle  survécut  à  toute  sa  famille,  et  mou- 
rut à  l'IiOpital  de  Boulogne. 


913 


LESAGE 


914 


Amsterdam  (Rouen),  1713,  1715;  —Pensées 
détachées  stir  la  Grammaire,  la  Rhétorique 
et  la  Poétique;  Genève,  1721  ;  —  Des  Études; 
ibid.,  1726;  —  Des  Corps  terrestres  et  des  Mé- 
téores ;  1730;  —  Court  Abrégé  de  Physique; 
Genève,  2e  édit.,  augmentée,  1732;  —  De  l'É- 
conomie; ibid.,  1747,  in-12;  — Les  Principes 
naturels  des  actions  des  hommes;  ibid.,  1747, 
in-12;  —  L'Esprit  des  lois  ;  ibid.,  1752,  in-12; 
—LaChaîne  des  Études  ;  ibid. ,  1755,in-12,etc; 

P.  L— Y. 
Papillon,  Bibloth.  des  Auteurs  de  Bourgogne.  —  Sé- 
nebier,  Hist.  littér.  de  Genève.  —  Prévost,  Notice  de  la 
Vie  et  des  écrits  de  Le  Sage;  Genève,  1802.  —  Mémoires 
de  Trévoux. 

lesage  (  Georges-Louis  ),  physicien  suisse, 
d'origine  française,  fils  du  précédent,  né  à  Ge- 
nève, le  lojuin  1724,  mort  dans  la  même  ville, 
le  9  novembre  1803.  11  commença  ses  études 
avec  son  père,  qu'il  fatiguait  de  ses  questions, 
«  voulant  toujours  savoir  le  comment  du  com- 
ment, et  le  pourquoi  du  pourquoi,  »  selon  l'ex- 
pression de  son  père.  Le  jeune  Lesage  apprit  la 
physique  sous  Calandrini,  les  mathématiques 
sous  Cramer,  et  se  lia  avec  de  Luc.  Lorsqu'il  fut 
d'âge  à  embrasser  une  profession ,  il  hésita  entre 
la  théologie  et  la  médecine,  et  se  décida  pour  la 
dernière,  qu'il  étudia  sous  Daniel  Bernoulli,  à 
Bâle.  Il  vint  ensuite  à  Paris,  où  il  suivit  les  cours 
des  plus  célèbres  professeurs.  Pour  subvenir  à 
ses  dépenses  ,  il  donnait  des  leçons  particulières. 
En  même  temps ,  il  s'occupait  de  physique.  Le 
15  janvier  1747,  il  écrivait  à  son  père  :  «  Eû- 
py\Y.a ,  Eîipr,xa  !  Jamais  je  n'ai  eu  tant  de  satis- 
faction que  dans  ce  moment,  où  je  viens  d'expli- 
quer rigoureusement  par  les  simples  lois  du 
simple  rectiligne  celles  de  la  gravitation  uni- 
verselle, qui  décroît  dans  la  même  proportion  que 
les  carrés  des  distances  augmentent...  Peut-être 
cela  me  procurera-t-il  le  prix  proposé  par  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  Paris  sur  la  théorie  de 
Jupiter  et  de  Saturne.  »  Cette  espérance  ne  se 
réalisa  pas.  C'était  en  lisant  les  Leçons  élémen- 
taires d' Astronomie  de  Lalande  que  Lesage 
s'était  jeté  dans  ces  sortes  de  recherches,  con- 
vaincu de  la  vérité  de  ce  principe  que  le  physi- 
cien peut  expliquer  mécaniquement  toute  l'as- 
tronomie. Son  père  aurait  voulu  qu'il  pratiquât  la 
médecine  à  Genève;  mais  l'obstination  qu'il  avait 
mise  lui-même  à  réclamer  la  bourgeoisie  comme 
un  droit  et  non  comme  une  faveur  l'avait  empêché 
de  l'obtenir,  et  sans  cette  qualité  on  ne  pouvait 
exercer  la  médecine  à  Genève.  Lesage  y  renonça 
donc,  et  se  voua  à  l'enseignement.  Il  composa 
pour  le  prix  académique  un  Essai  sur  les  forces 
mortes  ;  le  succès  ne  couronna  point  encore  sa 
tentative.  En  1750  il  devint  professeur  de  ma- 
thématiques, ce  qui  lui  assura  enfin  une  exis- 
tence indépendante.  En  1756  il  fit  insérer  dans 
le  Mercure  de  France  une  Lettre  à  un  Acadé- 
micien de  Dijon,  dans  laquelle  il  s'élevait  avec 
force  contre  la  manière  alors  en  usage  d'expli- 
quer la  pesanteur.  En  1758  il  partagea  le  prix 


proposé  par  l'académie  de  Rouen  sur  les  affini- 
tés chimiques.  Son  mémoire  a  été  imprimé  sous 
ce  titre  :  Essai  de  Chimie  mécanique  ;  1758, 
in-4°.  Ses  nombreux  travaux  lui  causèrent  des 
insomnies  qui  le  privaient  de  la  raison  par  inter- 
valles; en  outre,  il  devint  presque  aveugle  en 
1762.  Lesage  a  beaucoup  écrit  ;  mais  il  a  fait  peu 
imprimer.  Dès  1753  il  annonçait  à  D'Alembert 
qu'il  avait  d;ms  sa  bibliothèque  trente-huit  mé- 
moires, fruits  de  ses  méditations,  sur  les  ma- 
thématiques, la  géométrie  et  la  physique.  «Il 
prenait  plaisir,  disent  MM.  Haag,  à  entasser  ma- 
tériaux sur  matériaux,  et  le  temps  lui  manquait 
pour  les  mettre  en  œuvre.  Il  s'exprimait  et  ré- 
digeait avec  difficulté.  »  Reçu  bourgeois  de  Ge- 
nève en  1770,  il  devint  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  Paris  et  associé  de  la 
Société  royale  de  Londres.  On  connaît  de  lui  : 
Loi  qui  contient,  malgré  sa  simplicité,  toutes 
les  attractions  et  répulsions,  chacune  entre 
les  limites  conformes  aux  phénomènes  (dans 
le  Journal  des  Savants  d'avril  1764  )  ;  —  Suf- 
frages  britanniques  relatifs  à  la  Physique 
spéculative  (  dans  la  Bibliothèque  Britanni- 
que, vol.  VIII  et  IX  )  ;  —  Réflexions  sur  la 
manière  d'estimer  la  pesanteur  à  deux  dis- 
tances différentes  de  la  surface  de  la  terre 
pour  servir  de  réponse  aux  démonstrations 
proposées  par  le  père  Bertier  (  dans  le  Jour- 
nal des  Beaux-Arts  de  novembre  1772  et  fé- 
vrier 1773);  —  Réflexion  sur  une  nouvelle 
expérience  du  père  Bertier  qui  prouveroit 
que  la  pesanteur  atigmente  à  mesure  qu'on 
s'éloigne  de  la  terre  (  dans  le  Journal  de  Phy- 
sique de  novembre  1773);—  Expériences  et 
Vues  sur  l'intensité  de  la  pesanteur  dans 
l'intérieur  de  la  terre  (ibid.,  tome  VII);  — 
Lettre  sur  le  rapport  du  vuide  au  plein  dans 
un  espace  occupé  par  des  sphères  égales 
(  dans  le  Journal  Encyclopédique  de  mars 
1782  )  ;  —  Réflexions  sur  la  loi  de  continuité, 
soit  dans  la  physique  en  général,  soit  à  l'é- 
gard de  la  pesanteur  en  particulier  et  à  l'é- 
gard de  sa  cause  (  dans  les  Opuscoli  scelti , 
1784,  p.  3).  On  trouve  des  articles  de  Lesage 
dans  un  grand  nombre  de  recueils  scientifiques.  Il 
a  donné  l'article  Inverse  à  la  grande  Encyclopé- 
die ,  et  a  publié  Lucrèce  Newtonien  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  de  Berlin  pour  1784 
réimprimé  à  la  suite  de  la  notice  sur  la  vie  et 
les  écrits  de  l'auteur,  rédigée  d'après  ses  notes, 
par  Pierre  Prévost,  et  suivie  d'un  opuscule  de 
Lesage  Sur  les  Causes  finales ,  publié  déjà  à 
part  par  Reverdil ,  d'extraits  de  sa  correspon- 
dance avec  divers  savants  et  personnages  illus- 
tres, etc.;  Genève,  1805,  in- 8°.  Lesage  a  ajouté 
des  notes  à  un  ouvrage  de  l'abbé  Mann  Sur  les 
différentes  méthodes  de  préserver  les  édifices 
des  incendies  ;  1778,  in-8°.  Après  sa  mort,  plu- 
sieurs articles  trouvés  dans  ses  papiers  ont  été 
publiés  dans  les  Annales  de  Chimie  et  dans  les 
Archives  Littéraires,  par  M.  Prévost,  qui  en 


915 

1818  mit  au  jour  un  Traité  de  Physique  méca- 
nique, rédigé  d'après  Jes  notes  de  Lesage.  Parmi 
les  papiers  de  Lesage  qui  se  trouvent  à  la  biblio- 
thèque de  Genève ,  M.  Prévost  cite  un  Traité 
sur  les  corpuscules  ultramondains ,  une  His- 
toire de  la  Pesanteur,  des  écrits  sur  la  Cohé- 
sion, sur  l'Élasticité,  sur  la  Lumière,  sur  la 
Logique ,  sur  la  Morale ,  une  Téléologie,  enfin 
une  Étude  de  lui-même-  L.  L — t. 

P.  Prévost ,  Notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de  Lesage, 
1803.  —  Sénebier,  Hist.  Litter.  de  Genève,  t.  III ,  p.  200. 
—  Arnault,  Jiiy,  Jnuy  et  Norvins,  ISiogr.  nouv.  des  Con- 
temp.  —  Haag,  La  France  Protestante, 

lesage-sesaitlt  (/.-//.),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Lille,  mort  en  1823.  Il  fut  élu 
député  du  département  du  Nord  à  la  Convention 
nationale ,  où  il  vota  la  mort  de  Louis  XVI ,  sans 
appel  et  sans  sursis  ,  et  se  signala  constamment 
par  l'exaltation  de  ses  opinions  démocratiques. 
Envoyé  en  mission  à  l'armée  du  nord  ,  en  avril 
1793,  il  rendit  compte  de  la  défection  deDumou- 
riez ,  et  plus  tard  destitua  le  général  Lavalette , 
protégé  par  Robespierre,  ce  qui  le  brouilla  avec 
ce  dernier,  contre  lequel  il  se  prononça  vivement 
le  9  thermidor.  Il  fut  en  conséquence  placé  au 
nouveau  comité  de  sûreté  générale  ;  mais  il  ne 
tarda  pas  d'être  attaqué  lui-même  comme  ter- 
roriste. Il  se  distingua  par  sa  fougue  et  ses  em- 
portements ,  au  milieu  de  la  lutte  entre  les  restes 
de  la  montagne  et  les  thermidoriens.  Dans  les 
séances  des  27  et  29  décembre  1794,  il  fut  rap- 
pelé deux  fois  à  l'ordre  ,  pour  avoir  apostrophé 
le  président ,  en  criant  :  «  Assassine-nous  !  »  et 
avoir  dit  à  Girod-Pouzol,  qui  était  à  la  tribune  : 
«  Tu  en  as  menti  ».  Accusé,  en  avril  1795,  dans 
un  rapport  de  Pémartin  sur  les  événements  du 
12  germinal,  il  repoussa  ces  inculpations ,  et  fut 
justifié  par  Riou  et  Legendre,  qui  firent  écarter 
la  demande  de  son  arrestation.  A  la  fin  de  la 
session ,  il  réclama  la  liberté  de  Duhem  ,  Choy- 
dieu,  Chaylus  et  autres  démocrates  exaltés. 
Violent,  passionné,  hors  de  toute  mesure  dans 
ses  discours  comme  dans  ses  actions,  Lesage- 
Senault  tint  dans  le  Conseil  des  Cinq  Cents  la 
même  ligne  que  dans  la  Convention.  Le  12  avril 
1796,  au  milieu  d'une  discussion  très-vive  qui 
s'éleva  sur  l'impunité  dont  jouissaient  les  égor- 
geursdes  terroristes  dans  le  midi  ,il  s'élança  sur 
leurs  défenseurs,  en  vint  aux  mains  avec  eux,  et 
fut  reporté  à  sa  place  tout  meurtri  et  couvert  de 
contusions.  Le  8  octobre,  il  excita  un  nouveau 
tumulte  dans  le  Conseil ,  par  une  sortie  violente 
contre  les  royalistes ,  qu'il  dit  se  multiplier  par- 
tout, dans  les  autorités  constituées,  dans  le 
Directoire  même  et  dans  les  Conseils.  Sorti  du 
corps  législatif  en  mai  1797,  il  devint  quelques 
mois  après  président  de  l'administration  cen- 
trale du  départementdu  Nord, etfuten  1798  réélu 
député  de  ce  même  département,  au  Conseil 
des  Cinq  Cents.  Lesage-Senault  rentra  au  corps 
législatif  avec  la  même  exaltation  de  ses  senti- 
ments démocratiques  ;  il  s'opposa  au  rétablis- 
sement des   impôts  indirects  et  des  maisons 


LESAGE  —  LE  SAIGE  91 6 

1  de  prêts  sur  gages,  désignées  sous  le  nom  de 
J  monts-de-piélé  ;  pendant  l'été  de  1799,  il  se  joi- 
;  gnit  au  parti  démocratique,  qui  reprenait  le  des- 
!  sus,  concourut  à  faire  supprimer  dans  le  serment 
!  civique  la  formule  de  haine  à  l'anarchie ,  dont 
les  royalistes  abusaient,  disait-il -,  il  vota  pour  la 
j  déclaration  de  la  patrie  en  danger,  qui  était  aussi 
une  formule  pour  réinstituer  en  partie  le  gou- 
vernement révolutionnaire.  Dans  la  séance  du 
19  brumaire  à  Saint-Cloud,  il  fut  un  des  repré- 
sentants qui  se  prononcèrent  avec  le  plus  d'é- 
nergie contre  le  coup  d'État  qui  s'accomplissait. 
Il     fut  exilé   du  corps  législatif  avec  environ 
soixante  autres  membres  des   deux  Conseils  ; 
puis  déporté  quelque  temps  aux  îles  de  la  Cha- 
rente-Inférieure. Après  avoir  vécu  dans  la  re- 
traite sous  le  gouvernement  impérial,  il  se  vit 
obligé  de  quitter  la  France,  par  suite  de  la  loi 
d'amnistie    du    12  janvier    181  G.   Lesage-Se- 
nault se  retira  dans  les  Pays-Bas,  et  mourut  à 
Tournay.  H.  Lesueur. 

Moniteur  universel,  années  1789-1793,  passim.  —  La- 
martlne,  Histoire  des  Girondins  —  Thlers ,  Histoire  de 
la  Révolution  française,  l.  111  et  IV,  passim.—  MahuI, 
Annuaire  Nécrologique,  année  1823. 

lesage  (Hervé-Julien),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Alzel,  en  1757,  mort  à  Paris,  le 4  sep- 
tembre 1832.  11  entra  en  1777  dans  l'abbayedes 
Prémontrés  de  Beau-Port,  et  fut  nommé  en  1779 
prieur  du  couvent  de  Boqueho.  Il  se  montra  fort 
hostile  aux  idées  révolutionnaires,  refusa  le  ser- 
ment, et  émigra.  Il  ne  rentra  dans  sa  patrie  qu'en 
1802,  et  reprit  son  ancienne  cure.  On  a  de  lui  : 
Opinion  sur  le  Prêt  du  Commerce;  1805.  Cet 
ouvrage  fut  attaqué  par  l'abbé  E.  Pages  dans  sa 
Dissertation  sur  le  Prêt  à  intérêt,  etc.  (Avi- 
gnon, 1819,  in-8°;  Lyon  et  Paris,  1826,  in-8°). 
Lesage  répondit  par  une  Lettre  à  M.  Pages, 
ou  Observations  modestes;  Saint-Brieuc,  in-18, 
et  dans  L'Ami  de  la  Religion  ;  —  Notice  sur 
l'abbé  Lecbech,  curé  de  Plouha;  1830;  — 
Exposition  de  la  Morale  chrétienne,  trad.  du 
P.  Hammer,  1817,  2  vol.  in-12.  Le  P.  Lesage  a 
laissé  inachevés  :  Manuel  du  Catholique;  — 
Mémoires  sur  le  diocèse  de  Saint-Brieuc  ;  — 
Lettres  sur  les  causes  de  la  Révolution  et  de 
l'Émigration,  etc.  L— z— e. 

L'Ami  de  la  Religion,  1832.  —  Quërard ,  La  France 
Littéraire, 

le  saige  (Jacques), voyageur  français,  mort 
à  Douai,  le  11  février  1549.  Il  était  marchand  de 
draps  de  soie  dans  cette  ville,  où  il  avait  pour 
enseigne,  en  1525,  d'un  côté  les  armes  du  pa- 
triarcat de  Jérusalem,  et  de  l'autre  celles  du 
royaume  de  Jérusalem ,  avec  cette  devise  :  Laie 
soit  Dieu.  J'en  suis  revenu.  Il  entreprit  le 
voyage  de  Rome  et  de  Jérusalem,  et  parait  avoir 
fait  précédemment  celui  de  Saint-Jacques  de 
Compostelle,  en  Galice.  11  était  chevalier  de 
Saint-Jean-de-Jérusalem,  et  joignait  à  la  dévotion 
un  amour  prononcé  pour  le  vin  et  la  bonne 
chère.  On  a  de  lui  un  ouvrage  intitulé  :  Chy 
sens uy vent  les  gistes ,  repaistres  et  despens, 


LE  SAIGE  —  LESCALLIER 


918 


nie  moij  Jasques  Le  Saige, marchant  de  draps 
de  soye,  demourant  à  Douay,  ay  faict,  de 
Bouay  a  Hierusalem,  Venise,  Rhodes,  Rome, 
Notre-Dame  de  Lorete.  Avec  la  description 
des  lieux,  portz,  cites,  villes  et  aultres  pas- 
saiges,  que  moy  Jasqttes  Le  Saige  a  y  /aie  t  la 
mil  chincq  cens  XVI II,  avec  mon  retour  ; 
Cambrai,  sans  date,  in-4°,  gothique,  de  cent 
sept  feuillets.  Une  autre  édition  plus  récente  est 
un  petit  in-4°,  gothique,  de  soixante-dix-huit 
feuillets.  On  ne  connaissait  que  cinq  exemplaires 
de  ces  deux  éditions  lorsque  M.  Duthillœul  en 
a  donné  une  nouvelle,  sous  ce  titre  :  Voyage  de 
Jacques  Le  Saige  de  Douai  à  Rome,  Notre- 
Dame  de  Lorette,  Venise,  Jérusalem  et  au- 
tres saints  lieux  ;  Douai,  1851,  in-4°.  Le  Saige 
nous  apprend,  au  dernier  feuillet  de  son  livre, 
qu'il  a  fini  de  l'écrire  le  11  juillet  1523. 
E.  Regnard. 

Foppens,  Bibliotheca  Belgica.—  Du l h ill ceu  1,  Jacques 
Le  Saige  et  les  éditions  de  son  livre,  en  tête  de  l'édition 
de  1851. 

LE  SATLX.  FOT/.ESPANAY. 

lesîîoxax  (AecrêùvaE  ),  philosophe  et  rhé- 
teur grec ,  fils  de  Potamon  de  Mytilène,  vivait 
sous  Auguste,  vers  la  fin  du  premier  siècle  avant 
J.-C.  Il  fut  l'élève  de  Timocrate  et  le  père  de 
Polémon,  précepteur  et  ami  de  Tibère.  Suidas 
prétend  qu'il  composa  plusieurs  ouvrages  de 
philosophie  ,  mais  il  ne  le  mentionne  ni  comme 
orateur  ni  comme  rhéteur.  Malgré  le  silence  de 
Suidas,  on  ne  peut  guère  douter  que  le  philosophe 
de  Mytilène  ne  soit  le  même  que  le  Lesbonax 
auteur  des  MeXetocI  prJToptxat  et  des  'Ept«mxat 
imaxola.'.  mentionnés  par  le  scoliaste  de  Lucien, 
et  que  le  Lesbonax  dont  il  existait  du  temps  de 
Photius  seize  discours  politiques.  II  ne  nous 
reste  que  deux  de  ces  discours;  l'un  est  intitulé 
Tlepï  toù  tioXsu,ov>  KoptvSîcov  (Sur  la  guerre  des 
Corinthiens)  et  l'autre  npoxpETmxoç  Xôyoç  (Exhor- 
tation aux  Athéniens).  Ce  sont  de  pures  com- 
positions de  rhétorique ,  mais  dont  le  style  rap- 
pelle assez  heureusement  les  orateurs  attiques 
de  la  meilleure  époque.  Ces  discours  ont  été  in- 
sérés dans  les  collections  des  orateurs  grecs 
d'Aide,  de  Henri  Estienne,  de  Reiske,  de  Bek- 
ker,  de  Dobson.  C.  Orelli  eu  a  publié  une  édi- 
tion séparée;  Leipzig,  1820,  in-8°  (1).        Y. 

Suidas,  au  mot  AecëwvaÇ.  —  Scoliaste  de  Lucien ,  De 
Saltat.,  69.  —  Photius,  Bibl.,  cod.  74. 

lesbothémis  (  Aeffë68eu.i<; ),  statuaire  grec, 
d'une  époque  incertaine.  D'après  son  nom,  on 
pense  qu'il  était  natif  de  Lesbos.  C'est  le  seul 
artiste  grec  qui  appartienne  à  cette  île.  Eupho- 
rion,  dans  son  traité  Hepl  'Io-8fiîwv-,  mentionnait 
de  Lesbothémis  la  statue  d'une  muse  tenant  à 
la  main  une  lyre  (  ca\i£\r/.-i)  )  d'une  forme  anti- 
que. Y. 

(1)  Un  grammairien  du  même  nom/mais  d'une  époque 
plus  récente,  a  composé  un  traité  sur  les  figures,  publié 
par  Walckenaër,  à  la  suite  de  son  édition  d'Aromonius, 
et  inséré  dans  le  Thésaurus  de  H,  Estienrle  (  édit.  de 
Londres). 


Athénée,  IV,  p.  182;  XIV,  p.  635.  —  Meinekc ,  Evpho- 
rion,  ii.  Si,  et  dans  ses  Anal.  Alex.,  p.  67. 

LESUitoiTSSAiiT  (  Jean- Baptiste),  littéra- 
teur belge, d'origine  française,  né  à  Tilly-Saint- 
Georges  (Picardie),  le  21  janvier  1747,  mort  à 
Bruxelles,  le  10  décembre  1818.  Il  fut  professeur 
au  lycée  de  Bruxelles  et  membre  de  l'Institut 
des  Pays-Bas.  Ses  principaux  écrits  sont  :  Éloge 
historique  du  prince  Charles  de  Lorraine, 
couronné  par  l'Académie  de  Bruxelles;  Bruxelles, 
1781,  in-8°  ;  —  Éloge  de  VigiUus  de  Zuichem , 
accompagné  de  notes  historiques  sur  les 
troubles  des  Pays-Bas;  Gand,  1781,  in-8°;  — 
Éloge  de  Jeari  de  Carondelet ,  suivi  de  notes 
historiques  ;  Bruxelles,  1786,  in-4°;  —  Annales 
de  Flandre,  du  père  d' Oudegherst ,  enrichies 
de  notes;  Gand,  1789,  2  vol.  in-8";  —  Galerie 
historique  des  Contemporains;  Bruxelles, 
1817-1819,  8  vol.  in-8°  :  il  était  spécialement 
chargé  de  la  partie  littéraire  de  cet  ouvrage  : 
Julien  était  chargé  de  la  partie  politique,  et 
Gérard  van  Lenneps  des  littérateurs  et  savants 
hollandais.  J.  Y. 

Arnault,  Jay,  Jouy,   Biogr.  nouv.  des  Contemp. 

lescails.e  (Jacques),  poëte  flamand,  né  en 
lC10,morten  1677.  Il  était  d'une  famille  gene- 
voise qui  s'était  réfugiée  en  Hollande  pour  cause 
de  religion.  Lui-même  était  imprimeur-libraire, 
et  les  éditions  des  ouvrages  qu'il  publia  sont 
remarquables  par  la  netteté  des  caractères  et 
l'exactitude  du  texte.  La  plus  grande  partie  de 
ses  œuvres  fut  consumée  en  1671,  lors  de  l'in- 
cendie de  l'imprimerie  de  Blaeu  :  il  ne  reste  de 
Lescaille  qu'un  recueil  de  vers  flamands  «  qui 
montrent,  dit  Paquot ,  qu'il  avoit  porté  sa  muse 
à  un  haut  degré  d'élévation  et  de  politesse  ». 

Paquot,  Mém. 

lescaille  (  Catherine  ),  surnommée  la 
Sapho  hollandaise,  poétesse  flamande,  seconde 
fille  du  précédent,  née  en  1649,  morte  le  8  juin 
1711.  Elle  consacra  sa  vie  à  la  littérature,  et 
mourut  de  la  gravelle  sans  avoir  été  mariée. 
Parmi  ses  principales  productions  on  cite  les 
tragédies  Genseric;  —  Wenceslas  ; —  Hérode 
et  Mariamne;  —  Hercule  et  Déjanire;  — 
Nicomède;  —  Ariadne;  —  Cassandra.  Le 
recueil  des  Poésies  de  Catherine  Lescaille  a 
été  publié  par  son  beau-frère,  le  libraire  Rank, 
en  1728.  E.  D— s. 

Moréri,  Le  grand  Dictionnaire  historique.  —  Paquot, 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  littéraire  des  Pays- 
Bas,  t.  V,  p.  71-73. 

L'ESC  A  LE.   Voy.  SCALIGER. 

lescallier  (  Daniel),  écrivain  maritime 
français,  né  à  Lyon,  le  4  novembre  1743,  mort 
au  mois  de  mai  1822.  Après  avoir  fait  un  séjour 
de  cinq  années  en  Angleterre,  il  partit  pour 
Saint-Domingue  avec  le  comted'Estaing,  en  1764. 
Çhargéd'une  mission  dans  l'intérieurdecepays.il 
dressa  une  carte  ainsi  que  le  plan  de  la  ville  de 
Santo-Domingo.  De  retour  en  France  en  1766,  il 
entradans  l'administration  de  la  marine,  etdevint 
commissaire  de  la  marine  en  1776.  En  1780  il 


919  LESC  ALLIER  — 

partit  pour  l'île  de  Grenade  (Antilles),  en  qualité 
de  commissaire  des  colonies.  Deux  ans  après, 
il  fut  nommé  ordonnateur  des  colonies  de  la 
Guyane  hollandaise,  Démérary,  Berbice  et  Esse- 
quebo,  que  les  Français  venaient  de  reprendre 
aux  Anglais.  En  1784  il  remit  ce  pays  aux  Hol- 
landais, et  à  son  retour  il  reçut  une  pension 
pour  les  services  qu'il  avait  rendus.  En  1785  il 
devint  ordonnateur  de  la  Guyane  française, 
avec  le  rang  de  commissaire  général.  Revenu  en 
1788,  il  s'occupa  du  gréement  des  vaisseaux.  Au 
commencement  de  1790,  il  fut  adjoint  au  comité 
de  marine  de  l'Assemblée  constituante.  En  1792 
il  partit  pour  l'Ile  de  France  en  qualité  de  com- 
missaire civil  des  établissements  français  au  delà 
du  cap  de  Bonne -Espérance.  Il  fit  un  traité  avec 
Madagascar,  et  posa  des  bases  législatives  et 
d'administration  en  plusieurs  endroits.  A  son 
retour  en  France,  en  1797,  Lescallier  géra  le  bu- 
reau des  colonies ,  fut  nommé  ordonnateur  de 
marine  de  première  classe,  et  chargé  de  former 
un  grand  établissement  maritime  à  Corfou  ; 
mais  il  ne  put  parvenir  à  destination,  les  îles 
Ioniennes  étant  tombées  aux  mains  d'une  flotte 
turco-russe.  Après  le  18  brumaire,  Bonaparte 
appela  Lescallier  au  conseil  d'État ,  où  il  fut 
chargé  des  colonies.  Il  reçut  plusieurs  missions, 
et  fut  envoyé  à  la  Guadeloupe  comme  préfet  co- 
lonial. Il  y  rétablit  la  tranquillité ,  et  revint  en 
France  par  les  États-Unis.  En  février  1806  il  fut 
nommé  à  la  préfecture  maritime  de  Gênes,  d'où  il 
passa  en  1808  à  celle  du  Havre.  En  1811  il  par- 
tit comme  consul  général  pour  les  États-Unis; 
le  bâtiment  qui  le  portait  fut  pris  par  un  vaisseau 
anglais.  Ramené  en  Angleterre,  Lescallier  trouva 
le  moyen  de  s'échapper,  et  garda  son  titre  decon- 
sul  général  jusqu'en  1815.  11  fut  alors  éloigné 
des  fonctions  publiques ,  et  eut  à  discuter  des 
comptes  avec  l'administration.  Il  avait  été  nommé 
correspondant  de  l'Institut  lors  la  formation  de 
ce  corps.  On  a  de  Lescallier  :  Vocabulaire 
des  termes  de  marine,  anglais  français  et 
français-anglais;  Paris,  1777,  in-4°;  1797, 
3  vol.  in-4°;  —  Enlèvement  du  navire 
Bounty,  commandé  par  le  capitaine  Bligh, 
trad.  de  l'anglais;  1790,  1792,  in-8°;  —  Traité 
pratique  des  Vaisseaux  et  Bâtiments  de  i 
mer;  Paris,  1791,  2  vol.  in-4°;  —  Exposé 
des  moyens  de  mettre  en  valeur  et  d'admi- 
nistrer la  Guyane  ;  1791,  1798,  in-8°;  —  No- 
tions sur  la  culture  des  terres  basses  dans 
la  Guyane;  in-8°  ;  —  Essai  méthodique  et 
historique  sur  la  tactique  navale,  trad.  de 
l'anglais  de  Jean  Clerk;  Paris,  1792,  in-4°;  — 
Voyage  en  Angleterre,  en  Russie  et  en  Suède, 
fait  en  1775;  Paris,  1800,  2  vol.  in-8°;  — 
Description  botanique  du  Chirantodendron, 
arbre  du  Mexique,  traduit  de  l'espagnol  ;  1805, 
in-4°  ;  —  Bakhtiar  Nameh,  ou  le  favori  de 
la  fortune,  contes  traduits  du  persan;  1805, 
in-8°;  —  Le  Trône  enchanté ,  contes  indiens, 
traduits  du  persan;  New- York,    1808,  2  vol. 


LESCALOPIER 


920 


in-8"  ;  —  Contes  indiens,  traduits  du  persan, 
en  français  et  en  italien;  —  Neh-Manzer,  ou 
les  neuf  loges,  conte  oriental,  traduit  du  per- 
san; —  Dissertation  sur  Vorigïne  de  la 
Boussole;  —  Bases  de  l'administration  ma- 
ritime, ou  projet  pour  V amélioration  de  cette 
partie ,  proposé  au  gouvernement;  Paris, 
1819,  in-8°  ;  —  Mémoire  au  roi  et  aux  cham- 
bres par  le  baron  Lescallier;  Paris,  1820, 
in-8°.  J.  V. 

Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  M.  le  baron  Les- 
callier, par  lui-même 3  Paris,  1820,  in-8».  —  annales  ma- 
ritimes et  coloniales;  1822,  2e  partie,  pages  415-497.  — 
Mahul,  Annuaire  Nécrologique,  1822. 

lescalopier  (Pierre),  philologue  français, 
né  à  Paris,  en  1608,  mort  à  Dijon,  le  6  août 
1673.  Il  entra  dans  l'ordre  des  Jésuites,  et  en- 
seigna la  rhétorique  à  Reims  pendant  douze  ans. 
Il  devint  ensuite  professeur  d'Écriture  Sainte  à 
Dijon,  où  il  mourut.  On  a  de  lui  :  Humanitas 
theologica,  in  qua  M.  T.  Cicero,  De  INatura 
Deoram, argumentis ,  expositionibus ,  illus- 
trationibus,  nunc  primum  insignis  in  lucem 
prodit,  eademque  opéra  quidquid  homo  solo 
rationis  lumine  de  Deo  percipere  potuit, 
ex  omni  antiquitate  in  apertum  proferlur; 
Paris,  1660,  in-fol.  On  trouve  dans  ce  com- 
mentaire diverses  dissertations  sur  la  théologie 
d'Aristote,  sur  celle  d'Homère  et  sur'celle  des 
anciens  Gaulois.  D'Oli vet  prétend  queLescalopier 
a  beaucoup  emprunté  à  deux  commentateurs  de 
Cicéron,  Pietro  Marso  et  Sextus  Betuleius,  et 
que  son  travail  propre,  si  on  en  retranchait  les 
choses  superflues  et  puériles,  foi  nierait  un  petit 
volume;  —  Scholia,  seu  brèves  elucidationes 
in  librum  Psalmorum ,  ad  usum  et  commo- 
dum  omnium  qui  psalmos  cantant  vel  ré- 
citant. Adduntur  Scholia  in  cantica  Bre- 
viarii  romani;  Lyon,  1727,  in-8°,  ouvrage 
posthume  publié  par  le  P.  Thiroux.  Z. 

Moréri,  Grand  Dictionnaire  Historique.—  D'OIivet, 
préface  de  sa  traduction  du  traité  de  Cicéron  De  Ifatura 
Deorum. 

lescalopier  de  nourar  (  Charles- Ar- 
mand ),  traducteur  français ,  né  à  Paris,  le 
24  juillet  1709,  mort  dans  la  même  ville,  le 
7  mars  1779.  Il  était  maître  des  requêtes.  On  a 
de  lui  :  L'Aminte  du  Tasse,  pastorale,  traduite 
en  prose;  1735,  in-12;  —  Traité  du  Pouvoir, 
du  Magistrat  politique  sur  les  choses  sacrées, 
traduit  du  latin  de  Grotius  ;  1751,  in-12;  —  His- 
toire des  capitulaires  des  rois  françois  sous 
la  première  et  la  seconde  race ,  traduite  du 
latin  deBaluze;  La  Haye  (Paris),  1755,  in-12; 
—  De  la  République ,  traité  de  Jean  Bodin, 
ou  traité  du  gouvernement  ;  Londres  et  Paris, 
1756,2  vol.  in-12;—  Les  Écueils  du  Sentiment  ; 
1756,  in-12;  —  Le  Ministère  du  Négociateur  ; 
Amsterdam,  1763,  in-8°  ;  —  Recherches  sur  l'o- 
rigine du  Conseil  du  roi;  Paris,  1765,  in-12. 
Il  a  donné  une  édition  des  Œuvres  diverses 
de  l'abbé  Cliva,  qu'il  a  fait  précéder  d'un  éloge 
historique  de  cet  auteur;  1758,  in-8°.    J.  V. 


921 


LESCALOPÏER  — 


Desessarts,  Les  ^Siècles  Littéraires  de  la  France.  — 
Quérard,  La  France  Littéraire. 

lescan  (Agnès- François  ),  navigateur  fran- 
çais, né  à  Brest,  en  1728,  mort  en  1794.  Il  entra 
fort  jeune  dans  la  marine  marchande,  et  mérita, 
par  la  manière  distinguée  dont  il  se  comporta 
dans  plusieurs  occasions,  l'honneur,  très-rare 
alors,  d'être  employé  comme  officier  auxiliaire 
dans  la  marine  royale.  Ce  fut  en  cette  qualité 
qu'il  fit,  sous  les  ordres  de  Laclus,  la  campagne 
du  Canada,  et  qu'il  se  trouva  au  siège  de  Québec. 
Rentré  dans  la  marine  marchande,  il  dut  à  son 
courage,  à  ses  talents  et  à  sa  probité,  différentes 
expéditions  qu'il  termina  avec  succès.  En  1778, 
il  fut  nommé  lieutenant  de  frégate,  commandant 
la  flûte  du  roi  La  Baleine,  armée  de  vingt-quatre 
pièces  de  canons.  En  1781,  faisant  partie  de  l'es- 
cadre du  comte  de  Guichen,  chargé  de  l'escorte 
d'un  convoi  considérable,  il  s'aperçut,  malgré 
une  brume  épaisse,  que  la  queue  de  ce  convoi 
se  trouvait  presque  entre  les  mains  de  l'ennemi, 
sans  qu'on  pût  lui  porter  secours.  N'écoutant 
que  son  devoir,  le  brave  Lescan  coupa  la  ligne 
anglaise,  fit  feu  de  toutes  ses  pièces,  et  fut 
criblé  de  boulets  et  de  mousqueterie.  Cette  vi- 
goureuse résistance  donna  le  temps  à  l'escadre 
de  se  réunir,  et  il  fut  secouru  au  moment  où  il 
était  près  de  couler  à  fond.  Il  fut  nommé,  en  ré- 
compense, chevalier  de  Saint-Louis  et  capitaine 
de  vaisseau.  A.  de  L. 

Gérard ,  Fies  et  Campagnes  des  plus  célèbres  Marins 
français,  p.  235  ;  Paris  1825,  in-12. 

lescakbot  (Marc  ),  voyageur  français,  né  à 
Ver  vins,  vers  1590,  mort  vers  1630.  Il  était  avocat 
au  parlement  de  Paris,  nouvellement  marié,  et 
pourvu  d'une  bonne  clientèle ,  lorsque  l'idée  de 
fonder  une  colonie  française  protestante  l'en- 
traîna à  suivre  René  de  Laudonnière ,  gentil- 
homme poitevin  et  bon  officier  de  marine,  qui 
allait,  sous  les  auspices  de  l'amiral  de  Coligny, 
porter  des  secours  aux  colons  français  débar- 
qués dans  la  Floride.  Un  grand  nombre  d'ou- 
vriers et  plusieurs  gentilshommes,  la  plupart 
protestants ,  voulurent  faire  partie  de  l'expédilion 
et  s'embarquèrent  au  Havre  (  Franciscopole)  ;  ils 
firent  voile  de  ce  port  le  22  avril  1564,  et  arri- 
vèrent le  22  juin  dans  la  rivière  des  Dauphins,  où 
le  capitaine  Laudonnière  apprit  des  naturels  le 
départ  des  colons.  Alors  il  renvoya  trois  de  ses 
navires  en  France  et  Marc  Lescarbot,  qui  ne 
voyait  aucune  condition  de  réussite  dans  un  pays 
neuf,  profita  de  cette  occasion  pour  se  rapatrier. 
PJus  tard  il  était  secrétaire  de  l'ambassade  de 
France  en  Suisse.  On  a  de  lui  :  Tableau  des 
treize  Cantons;  1618,in-4°,  envers;  — Voyages 
de  Champlain  annotés  ;  —  La  Chasse  aux  An- 
glais dans  l'île  de  Rhé  et  au  siège  de  La  Ro- 
chelle;  Paris,  1629,  in-8°.  A.  deL. 

Basanier,  Voyage   des  Français  en  la  Floride.   — 
Champlain;  Voyages,  Uv.  I,  chap.  111. 

lescène  des  maisons  (Jacques  ),  littéra- 
teur français,  né  à  Granville,  en  1750,  mort  le 


LESCHASSIER  922 

10  octobre  1808.  Fils  d'un  officier  de  marine, 
il  fit  ses  étude9  au  collège  d'Harcourt  à  Paris, 
se  chargea  de  l'éducation  d'un  jeune  lord,  passa 
plusieurs  années  en  Angleterre,  et  visita  l'Italie 
avec  son  élève.  Il  fut  ensuite  attaché  aux  léga- 
tions françaises  dans  quelques  cours  du  Nord. 
Revenu  en  France  avant  la  révolution,  dont  il 
embrassa  les  principes,  il  fut  élu  en  1789  un  des 
officiers  municipaux  de  Paris,  et  eut  la  police 
dans  ses  attributions.  Nommé  en  1790  juge  de 
paix  du  faubourg  Montmartre,  ce  fut  sur  une 
adresse  qu'il  rédigea  que  l'Assemblée  consti- 
tuante supprima  l'octroi  de  Paris,  en  février  1791. 
Au  mois  de  mai,  Louis  XVI  le  choisit  pour  un 
des  trois  commissaires  médiateurs  qu'il  envoya 
rétablir  la  paix  dans  lecomtat  Venaissin.  Forcé 
de  se  cacher  pendant  la  Terreur,  Lescène  fut 
nommé  secrétaire  général  de  l'intendance  de  la 
liste  civile  en  1804,  et  c'est  en  cette  qualité  qu'il 
fit  l'inventaire  des  diamants  de  la  couronne.  On 
a  de  lui  :  Histoire  de  la  dernière  révolution 
de  Suède,  précédée  d'une  analyse  de  V histoire 
de  ce  pays;  Paris,  1781  ;  Amsterdam,  1782, 
in-12;  —  Le  Contrat  conjugal,  ou  lois  du  ma- 
riage, delà  répudiation  et  du  divorce;  Neu- 
châtel,  1785,  in- 8°;  — Essai  sur  les  travaux 
publics  ;  Paris,  1786,  in-8°;  —  Histoire  se- 
crète des  amours  d'Elisabeth  et  du  comte 
d'Essex;  Paris,  1787,  in-8°;  —  Qu'est-ce  que 
les  parlements  en  France?  La  Haye,  1788, 
in-8°  ;  —  Histoire  politique  de  la  révolution 
de  France,  ou  Correspondance  entre  lord 
D***  et  lord  T*k*  ;  Londres  (Paris),  1789, 2  vol. 
in-8°;  —  Compte  rendu  aux  assemblées  na- 
tionales au  nom  des  commissaires  civils  du 
comtat  Venaissin; Paris,  1791-1792,  in-8°;  — 
L'île  des  Amis  ,  ou  le  retour  du  capitaine 
Cook,  opéra  en  deux  actes  en  vers,  arrangé  sur 
diverses  musiques  italiennes  et  représenté  au 
théâtre  de  Monsieur  en  1790.  J.  V. 

Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nouv.  des 
Contemp.  —  Quérard,  La  France  Littér. 

leschassier  (Jacques  ),  jurisconsulte  fran- 
çais, né  à  Paris,  en  1550, mort  le  28  avril  1625. 
Avocat  au  parlement  de  Paris,  et  ensuite  substitut 
du  procureur  général, ilsuivitlacausede  Henri  IV, 
et  publia  entre  autres  :  De  la  Représentation 
aux  lignes  supérieures  ;  Paris,  1598,  in-8°  ;  — 
Du  Droit  de.  Nature  en  général.  De  la  Loy  sa- 
lique,  etc.;  Paris,  l601,in-8°;  —  Observation 
de  la  Digamie;  Paris,  1601 ,  in-8°;  —  De  la 
Liberté  ancienne  et  canonique  de  l'Église 
gallicane;  Paris,  1606,  in-8°  ;  —  Consullatio 
Parisini  cujusdam  de  controversiis  inter 
sanctitatem  Pauli  V  et  Republicam  Venetam; 
1 607,  in-8°  ;  cet  écrit,  dirigé  contre  le  pape,  valut 
à  son  auteur  une  magnifique  chaîne  d'or,  qui  lui 
fut  remise  par  la  république  de  Venise  ;  —  La 
Maladie  de  la  France;  Paris,  1618,  in-8°;  — 
De  Vocabulis  ad  geographiam  juris  Romani 
pertînentibus ;  1619.  Ces  ouvrages  ont.  été  re- 
cueillis avec  d'autres  écrits  dans  ses  Œuvres  ; 


923 


LESCHASSIER 


Paris,  1649,  in-4°;  nouvelle  édit.,  augmentée, 
Paris,  1652,  in4°.  E.  G. 

Taisand,  Fies  des  plus  célèbres  Jurisconsultes,  éditions 
de  1721  et  1737. 

LESCHENAULT  DE   LA   TOUR    [Jean-Bap- 

iiste- Louis-Claude-Théodore),  voyageur  et  na- 
turaliste français,  né  à  Châlons-sur-Saône ,  le 
13  novembre  1773,  mort  à  Paris,  le  14  mars  1826. 
Il  était  le  second  fils  de  Théodore  Leschenault, 
conseiller  procureur  du  roi  au  siège  présidial 
de  Châlons-sur-Saône.'  Incarcéré  avec  sa  famille 
en  1793,  d'après  la  loi  sur  les  suspects,  puis  re- 
lâché en  septembre  1 794  après  le  9  thermidor, 
il  entra  comme  employé  dans  l'administration 
des  transports  militaires.  Son  père  étant  mort  à 
Paris,  à  la  fin  de  1798,  le  jeune  Leschenault  obtint 
un  congé  en  juin  1799  pour  se  rendre  dans  cette 
capitale,  où  l'appelaient  des  affaires  de  famille. 
On  préparait  alors  l'expédition  du  capitaine 
Baudin:  l'histoire  naturelle  avait  été  l'objet  spé- 
cial des  études  de  Leschenault  pendant  tous  ses 
moments  de  loisir  ;  son  séjour  à  Paris  l'avait  mis 
en  rapport  avec  plusieurs  savants  distingués.  Le 
23  fructidor  an  vin  (10  septembre  1800),  il  fut, 
sur  la  présentation  d'une  commission  de  l'Ins- 
titut, nommé  botaniste  en  chef,  et  quitta  le  Havre, 
dans  le  mois  d'octobre  de  la  même  année,  à  bord 
de  la  corvette  Le  Géographe.  Il  prit  part  jusqu'en 
1803  aux  travaux  de  l'expédition;  mais,  étant 
tombé  malade  à  Timor,  il  dut,  d'après  l'avis 
des  médecins ,  rester  dans  cette  île ,  pour  s'y 
rétablir.  De  Timor  il  se  rendit  à  Batavia ,  dans 
le  mois  de  juin  de  la  même  année.  Toujours 
souffrant  et  privé  par  la  guerre  de  tout  moyen 
de  retour  dans  sa  patrie,  Leschenault  profita  d'un 
séjour  forcé  de  trois  années  à  Java ,  pour  étudier 
cette  île ,  qu'aucun  naturaliste  n'avait  encore 
bien  explorée.  Grâce  à  la  protection  du  gouver- 
neur hollandais  de  Samarang ,  il  se  procura 
les  moyens  de  pénétrer  dans  l'intérieur  de  Java, 
dont  il  parcourut  presque  toute  l'étendue,  «  n'é- 
pargnant ni  soins  ni  dépenses  pour  rassembler 
et  conserver  tout  ce  qu'il  rencontrait  de  re- 
marquable ».  C'est  pendant  ce  long  séjour  qu'il 
lui  fut  possible  d'étudier  à  fond  la  langue  malaise 
et  de  réunir  les  matériaux  d'un  dictionnaire 
qu'il  espérait  publier  plus  tard.  Parli  de  Java  à 
la  fin  de  1806,  Leschenault  s'arrêta  quelques 
mois  à  Philadelphie  ;  il  revint  en  France  au 
mois  de  juillet  1807,  rapportant  une  riche  collec- 
tion et  des  observations  intéressantes.  La  collec- 
tion avait  été  déposée  au  Muséum  d'Histoire 
naturelle.  Il  résulte  du  rapport  présenté,  le  14  oc- 
tobre 1807,  par  G.  Cuvier,  au  nom  de  la  commis- 
sion chargée  de  l'examiner,  que  «  le  séjour  que 
M.  Leschenault  a  été  contraint  de  faire  à  Java  a 
considérablement  augmenté  l'utilité  de  la  dernière 
expédition  (celle  du  capitaine  Baudin),  en  nous  fai- 
sant connaître  les  productions  intéressantes  de 
cette  grande  île,  où  les  autres  naturalistes  n'avaient 
pas  abordé  ».  Le  rapporteur  concluait  en  propo- 
sant de   solliciter  du  gouvernement  pour  Les- 


LESCHENATJLT  924 

chenault  une  récompense  ou  pension  analogue  à 
celle  qui  avait  été  accordée  à  MM.  Péron  et  Le- 
sueur.  Conformément  à  cette  proposition,  un  dé- 
cret du  3  novembre  1807  accorda  à  Leschenault 
une  pension  de  1,800  fr.  à  titre  de  récompense; 
le  28  août  1808,  un  autre  décret  lui  allouait  une 
somme  de  10,000  fr.  à  titre  d'indemnité  des  frais 
«  que  lui  avait  occasionnés  la  maladie  qu'il  a  es- 
suyée dans  le  cours  de  ses  voyages  et  pour  la 
collection  qu'il  a  rapportée  au  Muséum  du  Jar- 
din des  Plantes  ».  De  retour  à  Paris,  Lesche- 
nault s'occupa  de  mettre  en  ordre  les  observa- 
tions recueillies  pendant  les  six  années  de  ses 
voyages;  trois  mémoires  furent  publiés  dans  les 
Annales  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  an- 
nées 1810  et  1811  (tomes  XVI,  XVII  et  XVI 11)  :1e 
premier,  Sur  le  Strychnos  tieute  et  l'Anliaris 
toxicaria,  plantes  vénéneuses  de  l'île  de  Java, 
avec  lesquelles  les  indigènes  empoisonnent 
leurs  flèches,  et  sur  l'Andira  Harsfieldii, 
plantemédicinaledumêmepays  ;le  deuxième  est 
une  Notice  sur  un  lac  d'acide  sulfurique  qui  se 
trouve  au  fond  d'un  volcan  du  mont  Idienne, 
dans  la  province  de  Bagnia-Vangni  (cote 
orientale  del'îlede  Java);  le  troisième  et  le  plus 
important  traite  De  la  Végétation  de  la  Nou- 
velle-Hollande; il  a  été  imprimé  dans  le  deuxième 
volume  du  Voyage  aux  Terres  australes  de 
MM.  Péron  et  Freycinet.  Enfin,  il  fournit  au  mi- 
nistère de  la  marine  un  grand  nombre  de  notes 
et  mémoires  sur  Java ,  lorsque  par  suite  de  la 
réunion  de  la  Hollande  cette  colonie  devint  pos- 
session française.  Le  manuscrit  de  son  Diction- 
naire malais  étant  terminé,  M.  de  Montalivet  en 
autorisa  l'impression  à  l'Imprimerie  impériale 
sous  la  direction  de  M.  Langlès.  Les  événements 
de  1814  et  1815  puis  la  mort  de  Langlès  en 
suspendirent  la  publication  commencée.  Le 
22  juin  1811,  Leschenault  fut  nommé  inspec- 
teur particulier  des  dépôts  de  brebis  mérinos, 
organisés  par  le  décret  du  8  mars  précédent. 
Sur  l'ordre  du  ministre  de  l'intérieur,  il  rédigea 
une  Notice  sur  l'Epizootie  (la  pourriture) 
qui  a  régné  en  1812  sur  les  troupeaux  de 
bêtes  à  laine  des  départements  méridionaux 
de  l'empire  (  Paris,  de  l'Imprimerie  impériale, 
1813,  in-8°de  20  pages).  Mais  ces  travaux  ne 
suffirent  pas  à  son  activité. 

Leschenault  avait  bien  souvent  rêvé  un  voyage 
dans  l'Inde;  la  chute  del'ompire,  en  rétablissant 
la  paix  des  mers  et  les  relations  avec  l'Angleterre, 
lui  permettait  de  réaliser  son  projet.  Après  avoir 
obtenu,  parle  patronagedu  célèbre  Joseph  Banks, 
toutes  les  recommandations  dont  il  avait  besoin 
pour  visiter  l'Indoustan  britannique  et  Ceylan, 
il  s'embarqua,  le  17  mai  1816,  porteur  d'une,  com- 
mission qui  le  nommait  naturaliste  dans  les  éta- 
blissements français  de  l'Inde.  Son  voyage  dura 
six.  ans.  Après  avoir  étudié  à  Pondichéiy  l'état 
physique  de  la  colonie,  le  système  de  culture  et 
d'industrie  des  Indiens  de  la  côté  et  les  ressources 
que  pouvaient  offrir  le  climat  et  le  sol,  il  visita 


925 


LESCHENAULT 


92(5 


successivement  Karikal  et  Trinquebaf.  En  1818 
il  se  porte  à  l'ouest  au  milieu  des  terres,  pour 
se  rendre  à  Salem  ;  de  là  il  expédie  à  l'île  Bour- 
bon des  plantes  et  des  graines  utiles  à  cette  co- 
lonie, et  qui  s'y  sont  multipliées  depuis.  Au  mois 
d'octobre,  il  se  dirige  vers  le  centre  des  mon- 
tagnes  des   Gates;   le   choléra   sévissait  alors 
dans  cette   partie  de  l'Inde,  et  frappa  de  mort 
plusieurs  des  Indiens  de  sa  suite.  Leschenault 
tombe  lui-même  dangereusement  malade  à  Coim- 
betore,  où   l'on  désespère  de  sa  vie;  une  crise 
heureuse  le  sauve,  mais,  trop  faible  pour  conti- 
nuer sa  roule,  il  quitte  cette  ville,  et  reprend  la 
route  de   Pondichéry.  Des  collections  considé- 
rables et  la  possession  de  plusieurs  animaux  vi- 
vants, au   nombre  desquels  était  l'éléphant  que 
pendant  de  longues   années  le  public  a  pu  voir 
au  Jardin  des  Plantes,   furent   les  résultats  de 
cette  excursion,  opérée  dans  de  si  fâcheuses  cir- 
constances. A  peine  rétabli,  Leschenault.retourne 
à  Coimbetore,   parcourt  de  nouveau  la  chaîne 
des  Gates,  et  rentre  à  Pondichéry  avec  une  col- 
lection plus  nombreuse  encore  d'animaux  et  de 
plantes;  une  partie  de  ces  dernières  fut  expédiée 
pour  l'ile  Bourbon.  Toujours  infatigable,  il  entre- 
prend, en  septembre  1819,  le  voyage  du  Ben- 
gale, d'où  il  adresse  directement  à  Bourbon  plu- 
sieurs  plantes  économiques,   en  joignant  à  son 
envoi  des  instructions  sur  la  manière  de  les  cul- 
tiver. Au  mois  d'avril  suivant,  il  dirige  ses  re- 
cherches vers  le  sud ,  dans  le  royaume  de  Tan- 
jaor,  dont  le  riz  forme  la  principale  culture.  Il 
voit,  non  sans  étonnement,  chez  le  souverain  de 
cet  État  une  bibliothèque  nombreuse,  contenant 
au  milieu  d'autres  livres  français  une  Encyclo- 
pédie méthodique.  11  visite  ensuite  le  district  de 
Madura,  intéressant  par  ses  beaux  monuments 
d'antiquité  indienne  et  par  ses  cultures  de  co- 
tonniers, traverse  les  montagnes  de  Cotlalam ,  à 
dix  lieues  du  cap  Comorin,  et  s'embarque  enfin  à 
Tutti-Corrin  pour  se  rendre  à  Colombo  dans 
l'île  deCeylan;  six  mois  entiers  furent  employés 
par  lui  à  visiter   cette  île.   Après   un  court  sé- 
jour à  Colombo,  il  s'enfonça  dans  l'intérieur  des 
terres,  «  vaste  forêt,  écrivait-il  à  son  frère,  où 
l'on  ne  peut  pénétrer  que  par  de  rares  sentiers; 
les  chemins  sont  affreux,  mais  l'on  est  dédom- 
magé de  ses  fatigues  par  la  beauté  de  la  végé- 
tation qui  couvre  le  sol  jusqu'au  sommet  des  plus 
hautes  montagnes  ». 

Atteint  de  la  dyssenterie ,  Leschenault  trouva 
néanmoins  l'énergie  nécessaire  pour  continuer 
le  cours  de  ses  travaux.  C'est  dans  une  des  explo- 
rations aux  environs  de  Kandy  qu'il  découvrit,  à 
quelques  lieues  de  cetteancienne  capitale,  dans  une 
belle  pegmatite,  le  feldspath  nacré  de  Ceylan, 
recherché  des  lapidaires  sous  le  nom  de  pierre 
de  lune,  que  personne  jusque  alors  n'avait  trouvé 
dans  sa  gangue,  et  il  put  étudier  la  culture  du 
cannellier,  et  faire  parvenir  à  Pondichéry  plus 
de  cent,  pieds  de  cet  arbre  précieux,  malgré  les 
difficultés  que  présentait  son  exportation,  inter- 


dite sous  les  peines  tes  plus  sévères.  L'intro- 
duction du  cannellier  de  Ceylan  dans  les  colonies 
françaises  était  un  des  buts  de  son  voyage.  Il 
quitta  Ceylan  en  février  1821,  revint  à  Pondi- 
chéry, passa  à  Bourbon  pour  y  présider  à  l'ac- 
climatation de  ses  envois,  et  partit  en  février 
1822  pour  la  France,  qu'il  avait  enrichie  de  ses 
envois  successifs  (1).  Le  27  août  1822,  Lesche- 
nault reçut  la  croix  de  la  Légion  d'Honneur,  et 
huit  mois  plus  tard  il  partait  pour  l'Amérique, 
et  visitait  le  Brésil ,  Cayenne  et  la  Guyanne  hol- 
landaise. L'introduction  de  l'arbre  à  thé  à 
Cayenne,  plusieurs  envois  précieux  au  Muséum 
et  des  rapports  remarquables  sur  l'établissement 
de  la  Maria  et  la  colonie  de  Surinam  furent  les 
résultats  de  ce  voyage.  Mais  cette  vie  active  avait 
usé  la  santé,  si  robuste,  de  l'intrépide  voyageur. 
Revenu  malade,  le  9  novembre  1824,  après  dix- 
huit  mois  d'absence  ,  Leschenault  sentit  le  be- 
soin de  mettre  un  terme  à  sa  vie  errante  ;  il  avait 
clans  ses  trois  voyages,  et  pendant  l'espace  de 
quinze  années,  parcouru  plus  de  trente  mille 
lieues.  Il  jouissait  enfin  du  repos  au  milieu  de  sa 
famille  et  de  ses  nombreux  amis ,  lorsqu'il  mourut 
d-'apoplexie,  à  l'âge  de  cinquante-deux  ans. 

Un  des  principaux  titres  de  gloire  de  cet  infati- 
gable voyageur,  c'est  d'avoir  doté  les  colonies 
françaises  des  végétaiïx  les  plus  utiles  à  leur  pros- 
périté. Des  listes  imprimées  en  1821  à  Bourbon 
par  ordre  du  gouverneur  portent  à  plus  de  cent 
espèces  le  nombre  de  ceux  dont  l'acclimatation 
est  due  à  Leschenault,  et  parmi  lesquels  on  peut 
citer  le  cannellier  de  Ceylan,  l'herbe  de  Guinée, 
deux  espèces  de  canne  à  sucre,  six  de  coton- 
nier, qui  ont  contribué  à  relever  cette  culture 
dans  la  colonie,  le  nerium  tinctorium,  dont  on 
retire  une  espèce  d'indigo,  le  bois  de  Santal,  le 
caféier  du  Bengale ,  l'hibiscus  populeus,  qui 
réussit  dans  les  terrains  sablonneux  du  Sénégal, 
et  beaucoup  d'autres  arbres  employés  pour  l'a- 
limentation ou  la  construction.  L'introduction 
des  moutons  de  l'Inde  à  Bourbon  est  encore 
due  à  Leschenault. 


(1)  «  La  collection  d'objets  de  zoologie  envoyée  par 
St.  Leschenault ,  dit  le  rapport  au  ministre,  est  certaine- 
ment, après  celle  faite  par  les  naturalistes  qui  ont  ac- 
compagné  le  capitaine  Baudin  idu  nombre  desquels  était 

M.  Leschenault  )  la  plus  belle  que  nous  ayons  reçue.  » 

Et  plus  loin:  «Ce  que  nous  avons  dit  de  l'envoi  de  M.  Les- 
chenault suffit  pour  montrer  combien  il  enrichit  lecibinet 
du  Roi;  mais  nous  n'avons  pas  parlé  de  ce  qui  donne  un 
prix  extraordinaire  à  sa  collection  :  c'est  le  manuscrit 
qui  l'accompagne  »....  «  Tous  les  animaux  qui  n'étaient 
pas  bien  connus  sont  décrits;  il  indique  avec  soin  les 
lieux  où  l'animal  se  trouve  ,  la  manière  dont  il  se  nour- 
rit,  ses  habitudes  autant  qu'il  a  pu  les  connaître  ,  les 
opinions  populaires  ou  superstitieuses  dont  il  est  l'objet. 
S'il  est  question  d'animaux  venimeux,  il  examine  la  na- 
ture et  les  effets  de  leur  poison;  il  rend  compte  des 
expériences  qu'il  a  faites,  pour  avoir  à  ce  sujet  des  no- 
tions positives;  il  fait  connaître  les  moyens  qu'on  em- 
ploie pour  se  guérir  de  leurs  blessures  »>.,..  «  Enfin,  on 
peut  affirmer  que  le  manuscrit  de  M.  Leschenault  four- 
nira aux  professeurs  du  Muséum  les  renseignements 
nécessaires  pour  remplir  plusieurs'lacunes  dans  l'histoire 
des  animaux,  même  de  ceux  déjà  connus.   » 


927 


LESCHENAULT  —  LESGONVEL 


928 


Outre  les  mémoires  et  notices  déjà  indiqués, 
Lesclienault  de  Latour  a  publié  dans  les  tomes 
VI,  VIII,  IX  et  XI  des  Mémoires  du  Muséum 
d'Histoire  naturelle,  années  1820,  1822  et 
1824  :  —  Mémoire  sur  les  cultures  des  envi- 
rons de  Pondichéry  ;  —  Relation  d'un  voyage 
à  Karïkal  et  à  Salem;  —  Lettre  à  M.  de  Jus- 
sieu ,  contenant  quelques  observations  sur 
diverses  espèces  d'Orties;  —  Notice  sur  le 
Cannellier  de  l'île  de  Geylan,  sur  sa  culture, 
et  sur  ses  produits,  imprimée  également  à  Bour- 
bon (  Saint-Denis  )  ;  1821,  in-4°;  —  Relation 
abrégée  d'un  voyage  aux  Indes  orientales; 

—  Notice  sur  une  nouvelle  espèce  de  Vine- 
iier  (Berberis)  des  monts  Nelly-Gerry  dans 
la  péninsule  de  Vlnde;  —  Extrait  d'une 
lettre  à  MM.  les  professeurs  du  Muséum 
royal  d'Histoire  Naturelle  sur  la  nature  des 
terres  qui  environnent  la  rade  de  Rio-Janeiro  ; 

—  Notice  sur  la  roue  du  lapidaire  dont  on 
se  sert  dans  les  Indes  orientales  pour  tailler 
les  pierres  fines;  —  Notice  sur  le  Cocotier 
et  ses  produits,  et  principalement  sur  ce  qui 
est  relatif  à  l'extraction  de  l'huile. 

J.  Eugène  Deschamps. 
Vieilh  de  Boisjolin,  Biogr.  univ.  et  portât,  des  Con- 
temp.  —  annales  Commerciales  et  Maritimes,  1823.  — 

—  Documents  inédits. 

LESCHÈS  OU  LESCHECS  (  Ac'ffXYl?  OU  Aéa- 
Xevç  ),  un  des  poètes  cycliques  grecs,  fils  d'iEs- 
chylinus ,  né  à  Pyrrha,  dans  le  voisinage  de  My- 
tilène,  vivait  vers  la  18e  olympiade  (704  avant 
J.-C.  ).  On  lui  donne  quelquefois  le  surnom  de 
Lesbien  ou  de  Mytilénien,  à  cause  du  lieu  de  sa 
naissance.  Il  composa  un  poëme  en  quatre  chants 
intitulé  La  Petite  Iliade  (  'IXiàç  yj  EXocautov  ou 
'IXiàç  [nxpâ  ),  qui,  comme  tous  les  autres  poèmes 
cycliques,  a  été  attribué  à  différents  auteurs,  à 
Homère  lui-même,  à  Thestorides  de  Phocée,  au 
LacédémonienCynéthonet  à  Diodore  d'Erythrée» 
La  Petite  Iliade  était  une  continuation  de  VI- 
liade  d'Homère  ;  elle  rapportait  les  événements 
qui  suivirent  la  mort  d'Hector,  c'est-à-dire  la 
fin  tragique  d'Ajax,  les  exploits  de  Philoctète , 
de  Néoptolème  et  d'Ulysse,  la  prise  et  la  des- 
truction de  Troie.  Cette  dernière  partie  de  l'é- 
popée s'appelait  la  Destruction  de  Troie  (IXiou 
Tre'pdiç  ).  Il  n'y  avait  aucune  unité  dans  ce  poëme, 
dont  les  divers  épisodes  étaient  simplement  vat- 
tachés  par  l'ordre  chronologique.  Aussi,  d'après 
Aristote,  La  Petite  Iliade  avait  fourni  des  su- 
jets pour  huit  tragédies,  tandis  qu'on  ne  pouvait 
fonder  qu'une  seule  tragédie  sur  L'Iliade  et  sur 
Y  Odyssée.  Le  poème  de  Leschès  ne  nous  est 
connu  que  par  l'analyse  de  Proclus  ;  il  compre- 
nait des  événements  déjà  célébrés  dans  YsE- 
thiopis  d'Arctinus-,  ce  qui  a  fait  supposer  entre 
les  deux  poètes  une  lutte  directe,  un  combat 
poétique,  qui  ne  s'accorde  pas  avec  la  chrono- 
logie :  Arctinus  vivait  soixante-dix  ans  environ 
avant  Leschès.  Y. 

Proclus ,  Chrest.,  dans  la  Bibl.  de  Photius.  —  Pausa- 
nias,  X,  25.  —  Pseudo-Hérodote,    Vit.   Hom.,   16.— 


Arist.,  Poet,  23  —  Welcker,  Der  Epische  Cyclus,v.  272, 
358,  368   —  O.  Millier,  Hist.  of  Greeh,  llb.  V|,3. 

leschevin  de  pkécour  (Philippe-Xa- 
vier ),  chimistefrançais ,  né  à  Versailles,  le  16  no- 
vembre 1771,  mort  à  Dijonrle  6  juin  1814.  Fils 
d'un  premier  commis  du  contrôle  de  la  maison 
du  roi ,  il  avait  du  goût  pour  la  physique  et  la 
chimie,  et  suivit  avec  ardeur  les  cours  de  chimie 
de  Sage,  de  Darcet  et  de  Fourcroy,  les  leçons 
de  physique  de  Brisson  et  celles  de  minéralogie 
de  Daubenton.  Nommé,  en  1794,  contrôleur  des 
poudres  et  salpêtres  à  Colmar,  il  passa  succes- 
sivement en  qualité  de  commissaire  à  Vincennes, 
à  Luxembourg ,  à  Trêves ,  puis  à  Dijon,  où  il 
mourut  avec  le  titre  de  commissaire  en  chef  des 
poudres  et  salpêtres.  On  cite  parmi  ses  ouvrages  : 
Instruction  sur  les  nouveaux  poids  et  me- 
sures; 1798,  in-s°  ;  —  Mémoire  sur  le  Chrome 
oxyde  natif  du  département  de  Saône-et- 
Loire;  1810;  — Notice  sur  la  présence  du 
Zinc  et  du  Plomb  dans  quelques  mines  de  fer 
en  grain  de  la  Bourgogne  et  de  la  Franche- 
Comté;  1812;  —  Voyage  à  Genève,  en  Sa- 
voie, etc.;  1812,  in-8°;  —  des  traductions  de 
l'allemand  (  ouvrages  du  chimiste  Trommsdorf)  ; 
— -une  nouvelle  édition  du  Chef-d'œuvre  d'un 
inconnu,  avec  des  notes  et  une  notice  sur  l'au- 
teur; 1807.  Leschevin  avait  été  un  des  principaux 
rédacteurs  des  Annales  de  la  République  pu- 
bliées par  Laveaux;  1799,  6  vol.  in-8°.  J.  V. 
Amanthon,  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Les- 
chevinde  Préeoar,- dans  le  Mag.Encyclop.,  1814,  tome IV, 
et  dans  le  Journal  de  la  Côte  d'Or,  même  année. 

lesclache  (  Louis  de  ),  grammairien  fran- 
çais, né  vers  1620,  près  de  Clermont  (  Auvergne), 
mort  à  Lyon,  le  17  août  1761.  Il  était  institu- 
teur ;  mais  sa  vie  est  inconnue.  On  a  de  lui  : 
Cours  de  Philosophie  expliquée  en  tables, 
gravées  par  Richer;1650,  1652;  — L'Ordre 
des  principales  choses  dont  il  est  parlé  dans 
la  philosophie ,  qui  est  divisée  en  cinq  par- 
ties; in-16;  —  Des  Avantages  que  les  femmes 
peuvent  retirer  de  la  philosophie,  qui  est  di- 
visée en  cinq  parties  ;  in-16;  et  Paris,  1667, 
in-12;  —  Les  Fondements  de  la  Religion 
chrétienne  ;  ib.,  1663,  in-4°;  —  Les  véritables 
Règles  de  l'Ortografe  franceze,  ou  l'art  d'ap- 
prendre en  peu  de  temps  à  écrire  correcte- 
ment; ib.,  1668,  in-12.  L— z— e. 
Quérard,  La  France  Littéraire. 

lesconvel  (  Pierre  de),  historien  et  ro- 
mancier français ,  né  dans  son  château  (  dn> 
cèse  de  Saint-Pol-de-Léon  ),  vers  1650,  mort  à 
Paris,  en  1722.  Sa  vie  est  restée  obscure  ;  il 
n'est  connu  que  par  ses  œuvres.  On  a  de  lui 
Abrégé  de  THistoire  de  Bretagne  de  Ber- 
trand d'Argentré;  Paris,  1685,  in-12; 
Aventures  de  Jules  César  et  de  Murcie  dans 
les  Gaules;  Paris,  1695,  in-12;  —  La  Com- 
tesse de  Chateaubriand ,  ou  les  effets  de  la 
jalousie;  Paris,  1695,  in-12;  4e  édit.,  Paris, 
1724,  in-12.  «  Ce  roman,  dit  Barbier,  a  été  faus 
sèment  attribué    à    la   comtesse    de    Murât. 


929 


LESCONVEL  —  LESCOT 


930 


«  Rien,  ditLenglet-Dufresnoy,  n'était  plus  propre 
que  cette  héroïne,  maîtresse  de  François  1er, 
roi  de  France,  pour  en  faire  un  bon  morceau; 
mais  elle  n'est  pas  tombée  dans  des  mains  assez 
délicates  et  intelligentes.  »  —  Nouvelle  His- 
toire de  France  depuis  Pharamond  jusqu'à 
présent;  Paris,  1G98,  2  vol.  in-12.  Elle  fut 
supprimée  par  arrêt  du  parlement,  et  ce  fut,  sui- 
vant l'abbé  Lenglet,  un  vrai  service  rendu  à 
Fauteur;  —  Anecdotes  secrètes  des  règnes  de 
Charles  VI  II  et  de  Louis  XII.  etc.;  La  Haye, 
1741,  in-12  :  la  première  partie  contient  les 
amours  supposés  de  Charles  VIII  en  Italie,  et 
la  seconde  celles  de  Louis  XII,  alors  duc  d'Or- 
léans, avec  Anne  de  Bretagne  ;  —  Junte,  ou  les 
sentiments  romains;  Paris,  1695,  in-12;  — 
Anne  de  Montmorency,  connétable  de  France, 
nouvelle  historique;  Paris,  1696,  in-12;  —  Le 
prince  de  Longueville  et  Anne  de  Bretagne  ; 
Paris,  1697,  in-12  ;  —  Recueil  de  Contes  ;  1698, 
in-12;  —  Observations  critiques  sur  /'His- 
toire de  François-Eudes  de  Mézeray  ;  Paris , 
1700  et  1720,  in-12;  —  Le  Sire  d'Aubigny, 
nouvelle  historique;  Paris,  1698,et  Amsterdam, 
1700,  in-12;  —  Idée  d'un  Voyage  doux  et 
heureux,  ou  relation  du  Voyage  du  prince 
de  Montberaud  dans  Vile  de  Naudely  ;  Paris, 
1703,  in-12,  avec  fig.  L — z  —  e. 

Le!on<r,  Bibliothèque  Historique  de  la  France,  t.  H, 
II0'  15759,  15834,  17460,  25545;  t.  III,  n°s  31440,  35396; 
suppl.,  t.  I  et  IV,  n°»  48040.  —  Quérard,  La  France  Litté- 
raire. 

EESCO.  Voy.  Lesko. 

lescot  [Pierre),  architecte  français,  né  à 
Paris,  en  1510,  mort  en  1571.  Les  documents 
biographiques  manquent  sur  ce  personnage.  Tout 
ce  qu'on  sait  par  une  vague  tradition,  c'est  qu'il 
appartenait  à  la  famille  d'Alissy,  si  ce  n'est  plu- 
tôt la  famille  d'Alessi ,  connue  dans  les  arts  en 
Italie ,  au  commencement  du  seizième  siècle. 
François  Ier  avait  pensé  plusieurs  fois  à  rebâtir 
le  Louvre,  qui  tombait  en  ruines.  Il  avait  été 
fort  contrarié  des  réparations  considérables  qu'il 
avait  fallu  exécuter  au  château  de  Philippe-Au- 
guste ,  pour  le  simple  passage  de  l'empereur 
Charles-Quint.  Doter  Paris  d'un  monument 
digne  de  cette  capitale  était  aussi  une  idée  qui 
lui  souriait.  11  en  avait  été  question  entre  lui  et 
Serlio ,  son  architecte  à  Fontainebleau  ;  peut- 
être  même  Serlio  avait-il  été  appelé  en  France 
pour  substituer  aux  constructions  gothiques  un 
projet  d'architecture  régulière.  Quoi  qu'il  en 
soit ,  des  plans  lui  furent  demandés ,  et  furent 
remis  par  lui  :  Lescot  étudiait  alors  en  Italie. 
Mais  l'artiste  bolonais ,  peu  satisfait  de  son  tra- 
vail, l'avait  retiré.  D'un  autre  côté,  les  suites 
onéreuses  du  traité  de  Madrid,  les  complica- 
tions de  la  politique  au  dehors  et  les  premiers 
ferments  des  guerres  religieuses  au  dedans , 
avaient  fait  ajourner  les  brillantes  préoccupa- 
tions des  beaux-arts.  La  disgrâce  du  connétable 
Anne  de  Montmorency  fut  l'occasion  qui  ramena 
à  l'ordre  du  jour  la  réédification  du  Louvre. 

NOUV.   BIOGB.   CÉNÉR.    —  T.   XXX. 


Exilé  de  la  cour,  le  guerrier  avait  abandonné 
Chantilly  pour  habiter  son  château  d'Écouen,  et 
il  y  faisait  une  grande  figure.  Comme  cette  de- 
meure, ouvrage  de  Jean  Bullant,  surpassait  en 
magnificence  les  résidences  royales,  le  monarque 
en  fut  jaloux,  et,  ne  pouvant  consentir  à  se  voir 
éclipsé  par  un  sujet,  il  revint  à  son  projet  fa- 
vori. Lescot  était  de  retour;  désormais  fixé  dans 
sa  patrie,  il  lui  était  réservé  de  l'illustrer  par  ses 
talents.  Il  présenta  des  dessins.  Serlio  les  vit, 
les  déclara  préférables  aux  siens,  et  en  conseilla 
l'exécution  ;  rare  exemple  de  modestie  dans  un 
artiste  et  de  justice  rendue  par  un  émule.  Les- 
cot était  né  Français  ;  sa  conception  se  recom- 
mandait par  de  bautes  qualités  ;  la  réalisation 
en  devait  être  honorable  pour  le  pays  et  pour  le 
souverain  :  ses  plans  furent  adoptés.  Dès  le 
principe,  il  s'était  assuré  la  coopération  du 
sculpteur  Jean  Goujon,  cet  autre  lui-même  pour 
la  manière  de  sentir  et  de  rendre,  avec  qui, 
vraisemblablement  en  Italie,  il  avait  contracté 
la  plus  étroite  amitié.  La  portion  du  palais  dont 
il  s'agit  est  celle  qu'on  nomme  encore  aujour- 
d'hui le  vieux  Louvre,  par  opposition  aux 
constructions  érigées  à  diverses  époques  pos- 
térieures. Elle  consiste  dans  le  corps  de  bâti- 
ment qui  se  dirige  perpendiculairement  au 
cours  de  la  Seine,  depuis  le  pavillon  dit  de 
V Horloge  jusqu'à  l'angle  sud-ouest  de  la  cour, 
et  dans  le  corps  en  retour,  parallèle  au  lit  du 
fleuve,  depuis  le  même  angle  jusqu'à  l'entrée 
méridionale.  Commencée  sous  François  Ier,  en 
1540,  continuée  sans  interruption  par  son  fils, 
elle  ne  fut  terminée  qu'en  1548,  un  an  après  la 
mort  du  premier.  Ainsi  dès  l'origine  le  bâti- 
ment dut  se  développer  sur  un  quadrilatère, 
soit  celui  dont  la  disposition  primitive  eût  formé 
deux  côtés  et  qui  n'aurait  eu  en  surface  que  le 
quart  de  la  cour  actuelle,  soit  celui  qu'occupe 
la  totalité  de  cette  cour.  Mais,  pour  peu  qu  on 
réfléchisse  au*  convenances  de  la  destination  et 
aux  exigences  de  l'art,  on  se  convaincra  que  le 
quadrilatère  actuel  dut  être  la  pensée  première. 
L'achèvement  de  l'édifice  ayant  fait  sacrifier 
l'attique  dans  l'aile  du  midi,  la  composition  ne 
peut  plus  être  jugée  que  sur  celle  du  couchant, 
c'est-à-dire  sur  un  fragment  dépourvu  de  ces  di- 
mensions qui  ajoutent  à  l'effet  artistique  le  pres- 
tige de  la  grandeur  matérielle.  Néanmoins,  tel 
est  le  caractère  de  l'ordonnance  architecturale 
et  des  éléments  décoratifs,  que  ce  fragment 
suffit  pour  faire  apprécier  tout  le  génie  de  l'ar- 
tiste. Au  rez-de-chaussée ,  une  large  disposition 
de  portiques,  soutenant,  sur  des  faisceaux  de 
colonnes  d'un  dorique  ingénieusement  composé, 
l'immense  voûte  de  la  salle  des  gardes  ;  cette 
salle,  monumentalement  terminée,  d'un  côté, 
par  une  cheminée  colossale  en  marbre  blanc 
couverte  de  sculptures,  de  l'autre,  par  la  tri- 
bune aux  caryatides,  chef-d'œuvre  de  Jean  Gou- 
jon, que  surmonte  le  célèbre  bas-relief  de  Ben- 
;  venuto  Cellini,  en  bronze,  et  sous  laquelle  s'ou- 

30 


831 


LESCOT 


vrent  les  admirables  portes,  aussi  en  bronze , 
ciselées  par  Riccio  ;  au  premier,  une  suite  de  salles 
et  de  chambres  spacieuses ,  formant  le  logement 
du  monarque  et  se  distinguant  principalement  par 
leurs  boiseries  sculptées  ;  au-dessus,  un  attique 
desservant   cet  ensemble   d'apparat  ;   les  trois 
étages  liés  entre  eux  par  un  escalier,  où  la  sculp- 
ture tient  aussi  une  place  dominante,  tant  sur 
les  berceaux  de  son  cintre  que  sur  les  plafonds 
de  ses  paliers;  partout,  entre  les  plans  et  les 
élévations ,  une  harmonie  qui  saisit   le  specta- 
teur, des  profils  purs  et  fins,  la  sévérité  unie  à 
l'élégance,   des  détails  naïfs  et  grandioses,  un 
parti  pris  avec  décision  et  en  même  temps  avec 
sagesse  :  voilà   pour  l'ordonnance  architectoni- 
que,  comparable  à  ce  que  l'art  classique  nous  a 
transmis   de  plus  parfait.  Une  rare  précision 
dans   l'appareil  des   matériaux  ;   une  attention 
scrupuleuse  à  tirer  parti  des  vieilles  fondations, 
des  anciennes  murailles  et  même  des  petites 
distributions  locales,  quand  elles  s'adaptent  à  la 
nouvelle  reuvre,  afin  d'économiser  des  dépenses 
et  du  temps  ;  les  raccordements  exécutés  avec  la 
plus  intelligente  adresse  :  telles  sont  les  qualités 
qui  complètent  le  talent  et  qui  montrent  dans 
l'habile  architecte  un  constructeur  qui  ne  l'est 
pas  moins.  Quant  aux  éléments  décoratifs,  si  le 
goût  peut  en  être  aussi  excellent,  l'emploi  n'en 
est  pas  réglé  dans  une  mesure  aussi  heureuse  : 
la  richesse  y  va  jusqu'à  la  prodigalité,  surtout 
dans  l'attique.  Ce  luxe  n'est  pas  seulement  con- 
traire à  la  subordination  des  étages,  le  dernier 
n'étant  qu'une  dépendance  de  nécessité ,  il  nuit 
encore  aux  apparences  de  la  solidité,  en  plaçant 
au  haut  de  l'édifice  les  masses  les  plus  pesantes. 
On   conçoit   d'ailleurs   comment  l'artiste  a  été 
entraîné  à  cet  excès,   et  par  la  transition  de  la 
surabondance  gothique  à  la  simplicité  grecque, 
et  par  le  prétendu  principe  d'une   progression 
croissante   d'un  étage    à   l'autre.    Lescot,   qui 
avait  employé  le  corinthien  à  son  rez  de-chaussée 
et  appliqué  à  son  premier  un  somptueux  com- 
posite, ne  pouvant  plus  enchérir  par  l'architec- 
ture, eut  recours  à  la  sculpture  pour  son  attique. 
C'est   un   défaut  réel ,  mais  compensé  par  de 
telles  beautés,  que  plus  d'un  maître  a  pu  dire  à 
cet  égard  qu'on  serait  aux  regrets  de  ne  pas  l'y 
trouver.  Nous  n'avons  pas  à  parler  du  mérite 
de  ces  sculptures,  attribuées  à  Jean  Goujon; 
rappelons  seulement  que  dans  nul  édifice  connu 
le  concours  des  deux  arts  ne  produit  un  effet 
plus  un.  Toutefois,  nous  ne  voulons  pas  dire 
que  certains  détails  n'aient  pas  été  confiés  à 
d'autres  mains,  ni  même  que  cette  coopération 
auxiliaire  ait  été  sans  influence  sur  l'ensemble  : 
les  bas-reliefs  des  frontons  doivent  sans  doute 
à  Paul-Ponce  Trebatti,   sculpteur   florentin   et 
disciple  de  Michel-Ange,  quelque  chose  de  la 
fierté  et  de  la  résolution  qui  les  distinguent; 
mais  l'adjonction  de  cet   artiste   appartient   à 
Jean   Goujon,  qui  ,  chargé  d'énormes  travaux, 
fut  bien  obligé  d'emprunter  l'aide  de  quelques 


collaborateurs,  conservant  d'ailleurs  la  haute- 
main  sur  le  tout.  Lescot  dut  être  étranger  à  ces 
choix  accessoires.  Dans  les  dispositions  défini- 
tivement adoptées  pour  l'achèvement  du  Louvre, 
le  troisième  ordre  à  colonnes  a  prévalu  sur  l'at- 
tique sculpté.  Ce  dernier  système  n'a  été  con- 
servé qu'à  la  façade  occidentale  interne  ,  par 
respect  pour  l'œuvre  primitive.  Quant  à  la  partie 
externe,  Lescot  lui  avait  laissé  la  physionomie  du 
château -fort  par  les  murs  lisses,  les  fenêtres  rares 
et  les  angles  flanqués. 

Les  talents  et  les  services  de  Lescot  lui  va- 
lurent les  récompenses  dont  on  honorait  à  cette 
époque  le  mérite  civil,  et  qui  consistaient  prin- 
cipalement en  bénéfices  ecclésiastiques.  11  fut 
nommé  chanoine  de  l'église  métropolitaine  de 
Paris,  et  abbé  de  Clermont.  Dans  la  plupart  des 
livres  écrits  en  France  sur  les  arts  depuis  la  Re- 
naissance, il  est  désigné  par  la  qualification  à' abbé 
de  Claynij,  nom  qui  lui  Venait  de  ce  qu'il  pos- 
sédait la  seigneurie  de  Clagny  près  de  Versailles. 
Il  reçut,  en  outre,  le  titre  de  conseiller  des  quatre 
rois  successifs  François  1er,  Henri  II,  François  IF, 
et  Charles  IX.  [Miel,  dans  VEncycl.  des  G. 
du  M.] 

J.  Félibien,  Rectfeil  histor.  de  la  Vie  et  des  Ouvrages 
des  plus  célèbres  architectes  —M  Félibien,  Hist.  de  la 
Ville  de  Paris.—  Quatremère  de  Qnino.y,  Vies  des  plus 
illustres  architectes  —  Dulaure,  Hist.  de  Paris.  —  L.  Vi- 
tet,  Le  Louvre.  —  Pingeron,  Vies  des  Architectes  mo- 
dernes. 

lescot  (Simon  ),  chirurgien  français,  né  à 
Paris,  mort  le  7  septembre  1690.  Il  introduisit 
en  France  l'art  des  injections  avec  les  liqueurs 
et  la  cire  colorée  dont  Swammerdam  s'était  déjà 
servi  avec  succès.  Il  démontra  ainsi  la  distribu- 
tion des  artères,  des  veines  et  des  autres  vais- 
seaux du  Corps  humain.  Il  était  chirurgien  de 
Saint-Côme,  et  ses  talents  dans  l'anatomie  le 
rendirent  un  des  meilleurs  opérateurs  de  son 
temps.  Il  était  chargé  de  la  direction  du  grand 
hôpital  de  Gênes,  lors  du  bombardement  de 
cette  ville  par  les  Français,  en  1684.  On  a  de  Les- 
cot une  dissertation  sur  la  myologie,qu'on  trouve 
dans  le  Regnum  Animale  d'Emmanuel  Kônig, 
imprimé  àBâle,  en  1682  et  1698,  in-4°.  J.  V. 

Portai,  Histoire  de  V Anatomie  et  de  la  Chirurgie.  — 
Éloy,  Dictionnaire  Histor.  de  la  Médecine. 

lescot  (  -Charles  ),  ingénieur  français ,  né 
le  6  novembre  1759,  à  Pont-Sainte-Maxence, 
mort  en  1801.  Sorti  de  l'École  des  Ponts  et 
Chaussées,  il  travailla  d'abord  au  dessèchement 
des  marais  de  Rochefort.  Le  27  ventôse  en  vm 
il  fut  nommé  ingénieur  en  chef  et  attaché  à 
l'armée  d'Italie.  Après  la  bataille  de  Marengo, 
il  fut  désigné  pour  diriger  la  moitié  de  la  route 
du  Simplon ,  sous  l'inspection  de  Céard  et  du 
général  Turreau.  Les  difficultés  presque  insur- 
montables du  terrain,  les  neiges  qui  couvrent 
la  terre  huil  mois  de  l'année  dans  ces  monta- 
gnes, l'empêchèrent  longtemps  d'arrêter  un  tracé 
définitif  (  entre  Brigg  et  Algaby).  Les  besoins 
de  son  service  l'ayant  appelé  à  Milan,  il  partit 


933  LESCOT  - 

sans  s'arrêter  aux  dangers  du  passage,  et  dans  j 
la  plus  mauvaise  saison  de  l'année,  en  nivôse. 
Il  fut  atteint  à  sou  retour  d'une  pleurésie  qui 
mit  fin  à  ses  jours.  Houdouart  fut  chargé  de  la 
continuation  des  travaux. 

Documents  particuliers. 

lesccn  (  Thomas  de),  connu  aussi  sous  le 
nom  de  maréchal  de  Foix,  capitaine  français, 
né  en  Béarn,  mort  à  Milan,  en  1525.  11  était  frère 
d'André  de  L'Esparre  et  d'Odet  de  Lautrec,  et 
gouvernait  la  Lombardie  pour  ce  dernier  en 
1521.  Le  24  juin  de  cette  année,  il  tenta  de  sur- 
prendre Reggio,  ville  où  commandait  Guicciar- 
dini  l'historien;  mais  son  projet  échoua,  et  lui- 
même  fut  fait  prisonnier.  Mis  en  liberté  quelque 
temps  après,  ses  exactions  contribuèrent  autant 
que  les  violences  d'Odet  de  Foix  (Lautrec)  à 
soulever  le  Milanais.  Après  la  perte  de  la  ba- 
taille de  La  Bicoque,  livrée  le  29  avril  1522, 
contre  les  Impériaux,  Lescun  se  vit  assiégé 
dans  Crémone;  il  signa  le  21  mai  une  convention 
par  laquelle  il  s'engagea  à  évacuer  toute  la 
Lombardie,  s'il  n'était  pas  secouru  avant  qua- 
rante jours.  Cette  conduite  généralement  blâ- 
mée, car  Lescun  avait  encore  des  forces  redou- 
tables, fit  perdre  toute  l'Italie  aux  Français. 
Lescun  se  conduisit  mieux  dans  la  malheureuse 
campagne  qui  se  termina  par  la  défaite  de  Pa- 
vie.  Il  conseilla  d'abord  à  François  Ier  de  ne  pas 
se  mettre  en  marche  dans  la  saison  l'hiver;  plus 
tard  il  lui  conseilla  d'éviter  une  bataille  générale 
contre  les  Impériaux,  cette  armée,  formée  de 
nouvelles  recrues,  devant  se  dissoudre  d'elle- 
même  et  en  peu  de  temps.  Son  avis  fut  rejeté  ; 
il  ne  lui  resta  plus  qu'à  combattre,  et  il  reçut  aux 
côtés  du  roi  une  balle  de  mousquet  dans  le  bas- 
ventre.  Fait  prisonnier  par  les  Espagnols,  il 
mourut  cinq  jours  plus  tard. 

A.  d'E— p— c. 

F.  Guiccianlini  ,  Istoria  d'italia,  liv.  XIV.  p.  184-230. 

—  Sismondi,  Fiist.  des  Républiques  italiennes,  c.  cxm, 
p.  473.  —  Histoire  des  Français,  t.  XVI,  p.  129,  151, 
156,  ISS,  169,  220,  230,236.  —  Martin  du  Bellay,  Mémoires, 
liv.  II,  p.  318.   —  Belcarius,  Comment.,  lib.  XVII,  p.  507. 

—  Paolo  Paruta,  .Storia  venez..,  1.  IV,  p.  298.  —  Ta- 
vanncs,  Mémoires,  t,  XXVI,  p  13. 

'LESCUN  [Jean-Paul  de),  jurisconsulte  fran- 
çais et  un  des  chefs  du  parti  protestant  au 
commencement  du  dix-septième  siècle,  né  dans 
le  Béarn,  et  décapité  à  Bordeaux,  le  18  mai 
1622.  Ses  connaissances  en  jurisprudence,  son 
zèle  pour  les  intérêts  de  ses  concitoyens  et  de 
ses  coreligionnaires  et  l'énergie  de  son  caractère 
le  firent  nommer  d'abord  conseiller  à  la  cour 
souveraine  du  Béarn  et  plus  tard  conseiller  d'É- 
tat du  royaume  de  Navarre.  En  1616,  il  assista 
aux  conférences  de  Loudun,  et  l'année  suivante 
il  fut  chargé  de  présenter  à  Louis  XIII  les  ré- 
clamations des  élats  généraux  du  Béarn,  qui, 
dans  une  assemblée  extraordinaire  tenue  à  Or- 
thez,  avaient  protesté  contre  l'arrêt  du  conseil 
d'État  du  15  juin  1617,  ordonnant  le  rétablis- 
sement de  l'exercice  du  culte  catholique  dans  le 
Béarn  et  donnant  main-levée  des  biens  ecclé- 


LESCURE  934 

siastiques  saisis  autrefois  par  Jeanne  d'Albret. 
Ces  protestations  n'eurent  aucun  effet.  Le  20  oc- 
tobre 1620  un  nouvel  édit  réunit  la  Navarre  et 
le  Béarn  à  la  couronne  de  France.  Cependant 
Lescun ,  sous  le  coup  d'une  sentence  rendue 
contre  lui  par  le  parlement  de  Pau,  avait  été 
obligé  de  chercher  un  asile  à  Montauban. 

Bientôt  après,  il  assista  à  l'assemblée  de  Mil- 
hau ,  et  l'année  suivante  il  fut  député  par  les 
églises  réformées  du  Béarn  à  celle  de  La  Ro- 
chelle, qu'il  présida  du  25  décembre  1621  au 
25  janvier  1622.  Il  se  joignit  alors  à  l'expédi- 
tion conduite  par  Favas  dans  le  Médoc,  es- 
pérant réussir  à  pénétrer  dans  le  Béarn.  Mais 
Favas  fut  battu,  et  Lescun,  obligé  d'abandonner 
son  premier  projet,  prit  la  route  de  Clairac,  où 
il  comptait  trouver  La  Force.  Tombé  près  de 
Cozes  dans  un  parti  ennemi,  il  fut  fait  prison- 
nier, après  une  vigoureuse  défense,  et  conduit 
à  Bordeaux ,  où  il  fut  condamné ,  comme  cri- 
minel de  lèse-majesté,  à  avoir  la  tête  tranchée. 
On  a  de  lui  :  Requête  contre  te  livre  intitulé  : 
Le  Moine  surveillant  endormi;  Paris,  1616, 
in-8°.  Le  Moine  était  une  satire  violente  contre 
les  protestants,  publiée  par  un  prêtre  catho- 
lique, sous  le  nom  d'un  fou  de  Pau,  appelé  Ba- 
nere;  _  Généalogie  des  Seigneurs  souverains 
de  Béarn ,  empereurs ,  rois  et  autres  princes 
qui  en  sont  descendus ,  avec  les  preuves  ; 
Paris,  1616,  in-4°;  —  Avis  d'un  gentilhomme 
de  Gascogne  à  MM.  des  élats  généraux  du 
royaume  de  Navarre  et  de  la  souveraineté 
de  Béarn,  sur  la  main-levée  des  Mens  ec- 
clésiastiques obtenue  par  les  évéques  d'O- 
léron  et  de  Lescar  ;  Paris,  1617,  in-8°;  —  Mé- 
moires sur  les  oppositions  aux  poursuites 
des  évéques  d'Oléron  et  de  Lescar  et  les  de- 
mandes faites  par  les  églises  réformées  du 
Béarn  depuis  le  1er  juin  1616  jusqu'au 
13  avril  1617;  Paris,  1617,  in-8° ;  —  Deman- 
des des  églises  réformées  du  royaume  de  Na- 
varre présentées  au  roy  ;  Paris,  1618,  in-8°; 
—  Défense  contre  les  impostures,  faussetés 
et  calomnies  publiées  contre  le  service  du 
roy  et  la  souveraineté  de  Béarn  ;  contre  l'au- 
teur de  deux  libelles  intitulés  :  Le  Moine  et 
La  Mouche;  Orthez,  1618,  in-8°;  —  La  Persé- 
cution des  églises  réformées  de  Béarn  ;  Mon- 
tauban ,  1620,  in-8°;  —  Calamité  des  églises 
de  la  souveraineté  de  Béarn  ;  La  Rochelle , 
1621,  in-8°.  M.  N. 

MM-.  Haas,  La  France  Protest. 

lesccke  {Louis-Marie,  marquis  de)  (1),  gé- 
néral vendéen,  né  dans  le  Poitou,  le  13  octobre 
1766,  mort  entre  Ernée  et  Fougères,  le  3  no- 
vembre 1793.  Sorti  à  seize  ans  de  l'École  Mili- 
taire, il  entra  en  1791  dans  la  coalition  des 

(1)  La  famille  de  Lescure,  dont  le  nom  primitif  était 
Salgues,  était  originaire  de  l'Albigeois,  et  avait  depuis 
trois  cents  ans  pris  le  nom  de  I.escure  par  suite  d'un 
mariage. 

30. 


935 


gentilshommes  du  Poitou,  coalition  dont  le  but 
était  de  s'emparer  de  la  route  de  Lyon,  et  d'at- 
tendre là  les  princes  émigrés  qui  étaient  en 
Savoie.  Cette  entreprise  ayant  échoué,  par 
l'arrestation  de  Louis  XVI  à  Varennes,  Lescure 
retourna  dans  ses  terres.  Bien  qu'il  n'approuvât 
pas  l'émigration ,  il  fut  entraîné  par  l'exemple 
que  lui  donnait  toute  la  noblesse,  et,  cédant  aux 
reproches  qu'on  lui  adressait,  il  se  rendit  à 
Tournay.  Mais  bientôt  il  revint  en  France  pour 
soigner  son  aïeule,  qui  touchait  à  son  dernier 
moment.  Ce  fut  alors  qu'il  épousa  mademoiselle 
de  Donnissant,  fille  unique  du  marquis  de  Don- 
nissant,  gentilhomme  d'honneur  de  Monsieur. 
Il  se  fixa  à  Paris  afin  d'être  toujours  à  portée 
de  défendre  le  roi  ;  mais  après  avoir  assisté  aux 
journées  du  26  juin  et  du  10  août  1792,  il  fut 
obligé  de  se  retirer  dans  son  château  deClisson, 
près  Bressuire.  La  levée  de  trois  cent  mille 
hommes  ayant  fait  soulever  la  Vendée,  Lescure 
fut  arrêté  ainsi  que  toute  sa  famille  et  enfermé 
dans  les  prisons  de  Bressuire,  d'où  il  fut  délivré 
par  les  royalistes.  De  retour  à  Clisson,  il  de- 
vint un  des  principaux  chefs  de  l'armée  ven- 
déene.  Le  général  républicain  Quétineau  étant 
venu  s'établir  à  Thouars,  Lescure  l'attaqua  le 
5  mai,  mit  en  fuite  les  républicains  et  occupa  la 
ville  de  Thouars ,  entra  dans  Fontenay  ,  le 
25  mai,  et  le  10  juin  s'empara  de  Saumur,  où  il 
fut  blessé  au  bras.  Sur  la  proposition  de  Lescure, 
Cathelineau  (voir  ce  nom)  fut  nommé  généralis- 
sime des  armées  royales.  Après  une  attaque  infruc- 
tueuse sur  Nantes,  le  29  juin,  l'armée  royaliste  fut 
dissoute,  et  Lescure  se  rendit  clans  le  Bocage.  Lors- 
que les  républicains  eurent  brûlé  ses  châteaux 
d'Armaillou  et  de  Clisson,  Lescure  se  retira  à 
Bussière,  fit  sonner  le  tocsin,  et  parvint  à  réunir 
quatre  mille  paysans  et  quatre  pièces  de  ca- 
non. La  Rochejacquelein  lui  amena  de  Saumur 
un  nombre  à  peu  près  égal  de  combattants; 
mais  Westermann,  à  la  tête  de  cinq  mille 
hommes,  les  força  à  évacuer  Bussière  pour  dé- 
fendre Châtillon  ;  le  16  juillet,  l'armée  républi- 
caine s'avançant  rapidement  dans  la  basse 
Vendée,  les  chefs  royalistes  réunirent  toutes 
leurs  forces,  s'élevant  à  quarante  mille  hommes. 
Les  deux  armées  se  trouvèrent  en  présence  le 
19  septembre  entre  Tiffauges  et  Chollet.  Les 
Vendéens  forcèrent  les  républicains  à  une  re- 
traite qui  eût  été  désastrueuse  sans  une  savante 
mesure  prise  par  Kleber,  qui  commandait  les 
troupes  mayençaises.  Lescure  fit  preuve  de 
courage  aux  affaires  de  Montaigu,  de  Clisson  et 
de  Saint-Fulgens ,  les  21  et  23  septembre.  Le 
8  octobre  il  campait  sur  les  hauteurs  du  Moulin- 
aux-Chèvres,  lorsqu'il  fut  attaqué  par  les  généraux 
Chabot  et  Westermann  ;  il  commença  par  re- 
pousser les  républicains,  mais  l'aile  gauche  des 
Vendéens  fut  mise  en  déroute,  et  la  ville  de  Châ- 
tillon fut  enlevée  par  l'ennemi.  Lescure  se  dis- 
tingua encore  à  la  reprise  de  cette  ville  qui  eut 
Jieu  deux  jours  après.  Le  15  octobre  il  marchait 


LESCURE  —  LESCUREL  936 

avec  sa  division  sur  la  route  de  Mortagne  pour  ! 
se  diriger  sur  Chollet,  lorsqu'il  rencontra  l'avant- 
garde  des  républicains  dans  les  avenues  du 
château  de  La  Tremblaye;  s'étant  porté  en  avant 
pour  reconnaître  la  route,  il  monta  sur  un 
tertre,  et  découvrant  tout  près  un  poste  des  pa- 
triotes, il  cria  à  ses  soldats  :  Mes  amis,  eu 
avant!  A  peine  eut- il  prononcé  ces  mots,  qu'il 
fut  atteint  par  une  balle  qui,  entrant  près  du 
sourcil  gauche,  sortit  derrière  l'oreille.  Envoyant 
tomber  leur  général,  les  Vendéens  perdirent 
courage  ;  ramassé  par  quelques-uns  des  siens  et 
par  un  domestique  fidèle,  qui  s'aperçut  qu'il 
respirait  encore,  Lescure,  malgré  ses  soulfrances, 
fut  porté  à  la  suite  de  l'armée  vendéenne,  qui, 
pressée  de  toutes  parts,  était  obligée  de  passer  la 
Loire.  Il  trouva  encore  la  force  de  diriger  par 
ses  conseils  ses  compagnons  d'armes ,  et  leur 
donna  l'exemple  de  la  résignation  jusqu'à  sa 
mort,  qui  eut  lieu  à  la  suite  d'une  douloureuse 
agonie,  pendant  une  marche  de  l'armée. 

Le  marquis  de  Lescure  avait  sur  les  Vendéens 
un  grand  empire,  qu'il  devait  à  son  courage  et  à  sa 
piété;  même  dans  les  moments  les  plus  critiques, 
s'il  rencontrait  une  croix  sur  sa  route ,  il  s'age- 
nouillait, priait  quelques  instants  ainsi  que  toute 
sa  troupe,  qui  se  relevait  à  sa  voix  et  s'élançait 
au  combat  avec  une  nouvelle  énergie. 

M.  de  L.  et  A.  J. 
Mémoires  de  Mme  la  marquise  de  la  Rochejaque- 
leln;  Paris,  1817.  —  Théodore  Muret,  Histoire  des 
Guerres  de  l'Ouest;  Paris,  1848.  —  Crétineau-Joly, 
Guerres  de  la  Vendée.  —  De  Courcelles,  Dict  kistor. 
et  bioqraph   des  Généraux  français. 

lescurel  (Jehannot  de),  poète  français 
du  quatorzième  siècle.  On  ne  sait  rien  de  sa 
vie,  et  ses  œuvres  ont  été  exhumées  récemment. 
C'est  même  par  hasard  que  l'on  connaît  son 
nom.  Ses  poésies  se  trouvent  à  la  suite  du  ro- 
man de  Fauvel  (n°  6812  des  manuscrits  fran- 
çois  de  la  Bibliothèque  impériale  ).  Elles  occu- 
pent six  feuillets,  et  sont  écrites  à  trois  colonnes. 
Le  premier  couplet  de  chaque  chanson  est  ac- 
compagné de  la  musique,  et  les  autres  sont 
écrits  ccmme  de  la  prose  sans  distinction  de 
vers  (1).  Dans  la  table  générale  du  manuscrit  on 
lit  l'indication  suivante  :  «  Item  balades,  ron- 
deaux et  diz  entez  sur  refroiz  de  rondeaux,  les- 
quiex  fist  Jehannot  de  Lescurel,  dont  les  com- 
mencements s'ensuivent.  »  Cette  courte  mention 
ne  nous  apprend  rien  sur  l'époque  où  vivait 
Lescurel  ;  mais  il  ne  peut  pas  être  postérieur  au 
milieu  du  quatorzième  siècle,  puisque  le  ma- 
nuscrit est  de  cette  époque.  D'après  un  vers  d'une 
des  chansons,  M.  de  Montaiglon  pense  qu'il  était 
de  l'Ile-de-France  :  ses  poésies,  peu  nombreuses 

(1)  «  ÎJans  les  deux  dernières  pièces,  beaucoup  plus 
longues,  dit  M.  de  Montaiglon,  et  qui  sont  des  espèces 
de  fatrasies,  sans  avoir  l'obscénité  de  celles  publiées  par 
Méon  et  par  Jubinal,  les  vers  sont  distingués,  et  il  n'y  a 
de  musique  qu'aux  refrains,  qui  sont  prisa  d'autres  poé- 
sies, quelquefois  même  à  celles  de  l'auteur,  et  qui  sont 
le  cadre  et  l'échafaudage  de  ces  pièces,  comme  les  rimes 
dans  les  bouts  riinés.  » 


037 

et  assez  futiles,  offrent  quelque  intérêt  :  d'a- 
fiord  elles  montrent  des  formes  de  versification 
variées,  et  sont  une  preuve  nouvelle  que  la 
langue  du  quatorzième  siècle  était  plus  claire, 
plus  nette  et  plus  souple  que  celle  des  deux 
siècles  suivants  ;  ensuite  elles  ne  manquent  ni 
d'élégance  ni  de  naturel.  Les  Chansons,  Bal- 
lades et  Rondeaux  de  Jehannot  de  Lescurel  ont 
été  publiés  pour  la  première  fois  par  M.  de 
Montaiglon;  Paris  (Bibliot.  Elzev.),  1855,  in-16. 

N. 

A.  de  Montaislon,  Préjace  de  l'édition  de  Lescurel. 

lesccyer  de  V  Isle,  troubadour  du  treizième 
siècle;  on  ne  connaît  de  lui  qu'une  pièce  de  vers, 
où  il  déclare  qu'il  renonce  à  celle  qu'il  aimait, 
puisqu'elle  a  abandonné  l'honneur.  G.  B. 

Ravnouard,  Choix  de  Poésies  des  Troubadours,  t.  V, 
p.  18  et  139. 

lesdiguières  (François  de  Bonne,  duc 
de),  maréchal  de  France ,  né  à  Saint-Bonnet  de 
Champsaur,  le  1er  avril  1543,  mort  à  Valence,  le 
2S  septembre  1626.  Sa  famille  était  ancienne, 
mais  pauvre.  Il  perdit  son  père  de  bonne  heure. 
Un  oncle  se  chargea  des  frais  de  son  éducation. 
Sa  mère  le  destinait  au  barreau,  et  l'envoya  au 
collège  d'Avignon,  sous  la  conduite  d'un  précep- 
teur, qui,  lui  voyant  de  l'inclination  pour  l'état  mi- 
litaire, se  garda  de  contrarier  ses  goûts.  Lorsqu'il 
eut  achevé  ses  humanités,  le  jeune  Lesdiguières 
vint  à  Paris,  où  il  devait  suivre  les  cours  de 
droit.  La  mort  de  son  oncle  lui  ayant  rendutoute 
liberté,  il  retourna  aussitôt  dans  le  Dauphiné,  et 
s'engagea  comme  simple  archer.  Son  précepteur 
lui  avait  inculqué  les  opinions  réformées,  et  Les- 
diguières les  avait  embrassées  avec  tant  d'ar- 
deur qu'il  parvint  à  son  tour  à  convertir  sa  mère. 
Quand  la  première  guerre  de  religion  éclata,  il 
entra  dans  une  bande  de  protestants  comme  en- 
seigne, et  se  fit  remarquer  au  siège  de  Sisteron 
et  à  la  bataille  livrée  sur  les  bords  du  Drac,  qui 
délivra  Grenoble.  Il  reçut  alors  le  grade  de  gui- 
don d'une  compagnie  de  gendarmes.  Il  contri- 
bua encore  à  la  prise  de  Gap.  A  la  paix,  il  se 
retira  auprès  de  samère,  et  épousa  quelque  temps 
après,  en  1566,  Claudine  de  Béranger.  Sachant 
que  les  Gapençois  marchaient  pour  le  surprendre, 
il  leur  tendit  une  embuscade,  les  battit,  se  saisit 
de  plusieurs  places,  traversa  le  Bhône,  revint 
dans  le  Dauphiné,  et  assista  à  la  bataille  de  Mon- 
contour,  sous  les  ordres  de  Montbrun.  Après 
cette  défaite,  Lesdiguières  se  retira  à  Corps,  où  il 
se  maintint  jusqu'à  ce  que  Montbrun  pût  le  dé- 
gager. La  paix  conclue,  Lesdiguières  vint  assister 
au  mariage  du  roi  de  Navarre.  Son  ancien  précep- 
teur l'avertit  du  piège  tendu  aux  protestants;  il 
en  fît  part  au  roi  de  Navarre,  qui  le  rassura.  Par 
bonheur  une  maladie  de  sa  femme  le  rappela 
dans  le  Dauphiné,  et  il  échappa  ainsi  au  mas- 
sacre de  la  Saint-Barthélémy.  Dès  le  printemps 
suivant,  il  reprit  les  armes,  et  enleva  plusieurs 
places  aux  catholiques.  En  1574,  il  fit  lever  le 
siège  de  Livron  au  maréchal  de  Bellegarde.  Il 


LESCUREL  —  LESDIGUIÈRES 


938 

succéda  à  Montbrun,  après  la  mort  de  ce  chef 
des  huguenots,  et  en  1576  il  surprit  Gap  et 
d'autres  places.  Il  refusa  de  se  soumettre  aux 
conditions  de  la  pai\.  de  Poitiers,  qui  ne  laissait 
que  Serres  et  Nions  aux  protestants.  Henri  III 
envoya  Mayenne  dans  le  Dauphiné.  Lesdiguières 
perdit  quelques  places,  et  battit  une  division  de 
l'armée  catholique.  L'année  suivante  il  se  mit  à 
la  tête  d'un  soulèvement  de  paysans ,  soulève- 
ment plutôt  politique  que  religieux.  Ne  voyant 
pas  arriver  les  secours  que  le  princedeCondé  avait 
promis  de  lui  envoyer  d'Allemagne,  Lesdiguières 
renoua  des  négociations  avec  la  cour,  et  il  posa  les 
armes  après  avoir  obtenu ,  par  un  traité  signé 
au  Monestier  de  Clermont,  que  les  huguenots 
garderaient,  outre  Nions  et  Serres,  Gap,  La 
Mure,  Livron,  Die,  Pont-de-Royan,  Pontaix  et 
Châteauneuf.  La  guerre  s'étant  rallumée  en  1 585, 
Lesdiguières  assembla  une  petite  troupe,  s'em- 
para de  Montélimar,  Chàtillon,  Embrun,  etc., 
entra  en  Provence,  où  il  fit  éprouver  des  pertes 
aux  ligueurs,  et  en  délivra  le  château  d'Allemagne. 
Revenu  de  Provence,  il  se  tint  d'abord  sur  la  dé- 
fensive; mais  en  1587  et  1588  il  remporta  de 
nouveaux  avantages.  Le  14  août  1588,  il  conclut 
une  ligue  offensive  et  défensive  avec  La  Valette. 
Bientôt  il  courut  à  la  défense  de  Bourg  d'Oy- 
sans,  et  attaqua  vainement  Maugiron,  qui 
en  faisait  le  siège.  11  retourna  dans  le  Va- 
lentinois,  échoua  devant  Marsanne,  et  emporta 
une  foule  d'autres  places.  Le  vice-légat,  effrayé, 
se  hâta  de  signer  une  trêve.  Après  la  mort  de 
Henri  III,  Alphonse  d'Ornano,  que  les  ligueurs 
avaient  chassé  de  Grenoble,  s'allia  à  Lesdiguières, 
le  13  septembre  1589.  Tous  deux  entreprirent  le 
siège  de  Grenoble,  qu'ils  durent  ensuite  aban- 
donner. Lesdiguières  resta  l'hiver  à  Gap,  et  per- 
dit Montbonnot  et  le  fort  de  Gière;  en  revanche 
il  s'empara  de  Briançon,  passa  en  Savoie,  où  il 
emporta  Barcelonnette  et  prit  les  forts  Saint- 
Paul  de  Barles  et  d'Exilles.  S'étant  rapproché  de 
Grenoble,  il  s'empara  de  cette  ville  par  trahison 
pendant  une  nuit  obscure;  la  lutte  s'engagea  dans 
les  rues,  et  les  catholiques  restèrent  maîtres  du 
pont  de  l'Isère  et  de  la  moitié  de  la  ville;  ils  ne 
capitulèrent  qu'au  bout  de  trois  semaines  ,  le 
1er  mai  1591,  à  la  condition  que  le  culte  catho- 
lique serait  maintenu  à  Grenoble,  et  que  le  par- 
lement et  la  chambre  des  comptes  y  seraient  ré- 
tablis. Un  envoyé  de  Lesdiguières  vint  annoncer 
à  la  cour  cette  victoire,  et  demanda  pour  son 
maître  le  gouvernement  de  Grenoble.  Le  conseil 
du  roi  repoussa  cette  demande,  s'étonnant  qu'un 
huguenot  osât  prétendre  à  un  emploi  aussi  im- 
portant :  «  Avisez  alors  au  moyen  de  le  lui  ôter,  » 
répondit  fièrement  l'envoyé.  Le  commandement 
resta  à  Lesdiguières.  Celui-ci  retourna  en  Sa- 
voie, prit  Les  Échelles,  et  accourut  en  Provence 
au  secours  de  La  Valette,  menacé  par  une  inva- 
sion de  Savoisiens.  L'armée  du  duc  de  Savoie 
fut  battue  à  Esparron.  Lesdiguières  retourna  en- 
suite dans  le  Dauphiné,  battit  les  Savoisiens  au 


939 


LESDIGUIÈRES 


940 


pont  de  Beauvoisin,  pénétra  dans  le  Lyonnais,  et 
vint  jusqu'à  la  Guillotine,  qu'il  garda  quelques 
instants.  Il  prit  Givors,  courut  en  Provence,  re- 
vint en  Dauphiné,  et,  à  la  tête  de  huit  mille 
hommes,  il  battit  une  armée  de  quinze  mille  Sa- 
voisiens,  Maliens  et  Espagnols  à  Pontcharra ,  le 
19  septembre  1590.  Le  lendemain  il  rentrait  à 
Grenoble  ;  puis,  s'emparant  de  Barcelonnette  et 
de  Gaubert,  il  força  bientôt  Digne  de  capituler. 
La  mort  de  La  Valette  le  rappela  en  Provence , 
où  il  prit  nombre  de  places  et  défit  les  ennemis 
sur  les  bords  du  Var.  Lesdiguières  triomphait 
de  la  Ligue  en  Provence  lorsque  l'irruption  du  duc 
de  Nemours  le  rappela  en  Daupbiné.  Bientôt 
Lesdiguières  reçut  du  roi  l'ordre  d'envahir  le  Pié- 
mont. Il  avait  à  peine  trois  mille  cinq  cents  fan- 
tassins et  six  cents  cavaliers.  Il  divisa  son  armée 
en  deux  corps  ;  Le  Poet,  à  la  tête  de  l'un,  marcha 
contre  Suse;à  la  tête  de  l'autre,  Lesdiguières 
prit  le  chemin  de  Pignerol.  Le  château  de  La 
Pérouse  se  rendit  le  26  septembre  1592.  Les  Sa- 
voisiens  furent  battus  à  Vignon  le  4  octobre,  et 
Lesdiguières  se  fortifia  à  Briqueras  en  attendant 
les  renforts  qui  devaient  lui  venir  du  Dauphiné 
et  de  la  Provence.  Les  ayant  reçus,  il  mit  le 
siège  devant  Cavour.  Une  diversion  du  duc  de 
Savoie  sur  Briqueras  échoua.  Lesdiguières  atta- 
qua les  Savoisiens  àGresillane,  et  après  plusieurs 
assauts  Cavour  tomba  en  son  pouvoir,  le  5  ou 
6  décembre.  Lesdiguières  revint  alors  à.  Gre- 
noble. En  1593  le  duc  de  Savoie  reprit  le  fort 
d'Exilles;  le  7  juin  Lesdiguières  battit  près  de 
SabertranRoderic  de  Tolède,  général  des  troupes 
milanaises;  plusieurs  places  se  rendirent,  et  le 
duc  demanda  une  trêve  de  trois  mois.  A  l'expira- 
tion de  cette  trêve,  Lesdiguières  reçut  l'ordre 
de  s'opposer  aux  entreprises  d'Épernon,  qui  es- 
sayait de  se  rendre  indépendant  en  Provence.  Il 
le  défit,  et  rentra  en  Dauphiné  en  apprenant  que 
le  duc  de  Savoie  assiégeait  Briqueras.  Lesdiguières 
n'arriva  pas  à  temps  pour  sauver  cette  place  ; 
pour  se  venger,  il  s'empara  d'Exilles.  Il  revint 
encore  en  Provence,  passa  en  Dauphiné,  d'où  il 
apprit  que  Cavour  était  menacé  par  Charles-Em- 
manuel. Lesdiguières  y  courut;  il  ne  put  attirer 
l'ennemi  hors  de  ses  lignes,  et  le  commandant 
de  Cavour,  pressé  par  la  famine,  se  rendit.  Lesdi- 
guières battit  en  retraite,  s'emparant  de  Mirabel, 
des  Échelles  et  de  Morestel,  et  une  nouvelle 
trêve  suspendit  les  hostilités.  Lesdiguières  vint 
faire  une  visite  au  roi,  qui  était  arrivé  à  Lyon. 
Henri  IV  le  reçut  d'une  manière  gracieuse,  et  le 
nomma  conseiller  d'État;  mais  il  avait  de  la  mé- 
fiance contre  ce  chef,  que  l'on  accusait  d'avoir 
trop  de  puissance  dans  le  Dauphiné  et  de  viser 
à  l'indépendance.  Pour  l'éloigner  de  cette  pro- 
vince, le  roi  le  nomma  lieutenant  général  en 
Provence  sous  le  duc  de  Guise.  Lesdiguières 
accepta,  leva  une  armée,  et  le  t5  novembre 
1595  il  entra  en  Provence.  11  soumit  plusieurs 
villes;  mais,  contrarié  par  le  duc  de  Guise,  qui 
l'aimait  peu ,  il  licencia  ses  troupes,  et  se  retira 


dans  ses  terres.  Le  roi  le  rappela  à  Paris  pour  le 
consulter  sur  une  nouvelle  expédition  contre  le 
duc  de  Savoie,  et  le  nomma  lieutenant  général 
de  l'armée  de  Piémont.  Il  leva  des  troupes , 
et  à  la  tète  de  six  mille  hommes  et  de  six  cents 
chevaux,  qui  furent  rejoints  plus  tard  par  deux 
régiments  languedociens ,  il  entra  en  Savoie 
par  Saint-Jean  de  Maurienne.  Il  prit  plusieurs 
places,  et  battit  le  duc  de  Savoie  aux  Molettes,  le 
14  août  1597.  Cette  campagne  lui  valut  le  brevet 
de  lieutenant  général  du  roi  en  Dauphiné.  Pen- 
dant l'hiver  le  duc  de  Savoie  reprit  Aiguebelle  et 
la  Tour  de  Carbonnière;  Lesdiguières  s'empara 
du  fort  de  Barreaux  le  15  mars  1598,  et  la  paix 
fut  signée  le  2  mai.  La  guerre  ayant  recom- 
mencé en  1600,  Lesdiguières  rentra  en  Savoie, 
occupa  Chambéry  le  20  août,  força  les  châteaux 
de  Conflans,  de  Miolans  et  de  la  Tour  Car- 
bonnière à  se  rendre ,  soumit  la  Maurienne ,  re- 
vint dans  la  Tarentaise,  emporta  Briançonnet, 
et  mit  le  siège  devant  Montmélian  ,  qui  capitula 
le  16  octobre.  Le  17  janvier  1601  la  paix  fut  con- 
clue. 

Quoique  protestant,  Lesdiguières  pensait  qu'on 
devait  tout  sacrifier  au  bien  de  l'État,  et  jamais 
il  n'hésita  à  marcher  sans  condition  contre  l'é- 
tranger. En  1604,  lorsque  Blacons  refusa  de 
rendre  Orange  au  prince  Philippe,  parce  qu'il 
était  catholique,  le  roi  chargea  Lesdiguières  de 
faire  rentrer  dans  le  devoir  son  ancien  lieute- 
nant. «  L'empressement  qu'il  mit  à  obéir  dissipa 
pour  un  instant  seulement,  disent  MM.  Haag, 
les  craintes  du  roi  ;  car  elles  se  réveillèrent  lors- 
qu'il apprit  que  Lesdiguières  avait  signé  l'Union  à 
l'assemblée  politique  de  Chàtellerault  en  1605. 
Cependant  Henri  IV  sentait  qu'il  ne  pourrait  se 
passer  des  services  du  plus  heureux  de  ses  géné- 
raux pour  l'exécution  du  vaste  projet  qu'il  médi- 
tait d'un  remaniement  territorial  de  l'Europe. 
Aussi  lorsque  le  moment  d'y  donner  suite  ap- 
procha, manda-til  à  Paris  Lesdiguières  pour  le 
consulter  sur  son  grand  dessein  et  lui  accorda-t-il 
le  bâton  de  maréchal  de  France  en  1608,  ainsi  que 
le  titre  de  conseiller  d'honneur  au  parlement  de 
Paris.  Muni  de  ses  dernières  instructions,  Les- 
diguières retourna  dans  le  Dauphiné,  et  eut,  le 
21  avril  1610,  avec  le  duc  de  Savoie,  une  entre- 
vue où  furent  jetées  les  bases  d'un  traité  que  l'as- 
sassinat du  roi  rendit  inutile.  » 

La  régente  chercha  à  s'attacher  Lesdiguières. 
Dévouéà  l'auto  rite  royale,  il  promit  son  concours 
à  la  veuve,  de  Henri  IV.  Il  reçut  d'elle  le  brevet 
de  duc  et  pair,  mais  il  ne  put  obtenir  la  vérifica- 
tion de  ces  titres  qu'en  1620.  Il  donna  des  con- 
seils de  modération  aux  assemblées  protestantes. 
En  1612  il  s'employa  à  arranger  le  différend 
d'Aigues-Mortes,  et  la  même  année  il  fut  nommé 
administrateur  du  Dauphiné.  Il  mit  tous  ses  ef- 
forts à  maintenir  la  paix  dans  cette  province, 
ainsi  que  l'alliance  du  duc  de  Savoie  avec  la 
France ,  et  à  réconcilier  le  prince  de  Condé  avec 
la  régente.  Ce  premier  prince  du  sang  ayant  levé 


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LESDIGUIÈRES 


942 


l'étendard  de  la  révolte  contre  lareiue  mère,Les- 
diguières  conseilla  à  ses  coreligionnaires  de  ne  pas 
se  mêler  decette  affaire  ;  il  engageala  régente  à  ac- 
corder ce  qu'ils  demanderaient  aux  protestants, 
qui  devaient  se  réunir  à  Grenoble, promettant  de 
les  empêcher  de  rien  e\iger  qui  pût  nuire  au  pou- 
voir royal.  Apprenant  que  l'assemblée  persistait 
à  négocier  avec  Condé,  Lesdiguières   se  rendit 
auprès  d'elle,  et  lui  représenta  les  dangers  de  son 
entreprise. L'assemblée  se  transporta  à  Nîmes,  et 
envoya  bientôt  des  excuses  à  Lesdiguières,  en 
lui  demandant  son  adhésion  ;  il  la  refusa.  L'année 
suivante,  il  traversa  les  Alpes  pour  porter  se- 
coursau  duede  Savoie,  attaqué  par  les  Espagnols. 
Le  traité  d'Asti  faisait  un  devoir  à  la  France  de 
secourir  le  duc;  mais  la  cour  voulait  l'abandon- 
ner. Lesdiguières  ne  tint  aucun  compte  des  dé- 
fenses de  la  reine  mère  ;  il  entra  en  Piémont , 
joignit  ses  troupes  à  celles  du  duc,  et  remporta 
quelques  avantages  dans  le  Montferrat.  La  mort 
du  maréchal  d'Ancre  le  fit  revenir  dans  le  Dau- 
phiné.  Bientôt  il  put  retourner  dans  le  Piémont 
avec  l'agrément  du  roi.  Il  accéléra  les  négocia- 
tions, et  la  paix  fut  conclue.  Il  détourna  encore 
les    protestants  de  se  soulever  avec  le  duc  de 
Bouillon;  il  fut  moins  heureux  dans  le  Béarn, 
mais  il  contribua  à  la  dissolution  de  l'assemblée 
de  Loudun.  L'assemblée  de  La  Rochelle  lui  of- 
frit   le  commandement  d'une  armée  de  vingt 
mille  hommes  avec  100,000  écus  d'appointements; 
il  repoussa  ces  propositions,  et  se  déclara  contre 
cette  assemblée.  On  a  attribué  cette  conduite 
de  Lesdiguières  à    l'offre  de   l'épée  de  conné- 
table. MM.  Haag  pensent  que  ses  principes  po- 
litiques suffisent  pour  expliquer  le  refus  de  Les- 
diguières. Cependant  ils  avouent  qu'un  grand 
changement  s'était  opéré  dès  lors  dans  l'esprit  du 
vieux  maréchal;  mais  ce  revirement  ils  l'attri- 
buent moins  aux  séductions  de  la  cour  qu'à  l'in- 
fluence de  Marie    Vignon ,  femme   qu'il  avait 
épousée  en  1617,  et  avec  laquelle  il  avait  vécu 
longtemps  dans  un  double  adultère,  et  dont  il 
avait  deux  filles.  «Circonvenue par  les  jésuites, 
gagnée   par  les  faveurs  de   la    cour,     suivant 
MM.  Haag,  Marie  Vignon  s'employait  avec  ar- 
deur à  convertir  Lesdiguières,  et   l'amoureux 
vieillard,  qui  avait  encore  voulu  se  soumettre  à 
la  censure  des  ministres,  parce  que  son  mariage 
avait  été  célébré  selon  le  rite  catholique,  prêtait 
une  oreille  de  plus  en  plus  favorable  aux  inces- 
santes  obsessions  de  cette  femme.  Il  finit  par 
succomber.  »  D'autres  ont  fait  honneur  de  la 
conversion  de  Lesdiguières  à  Deageant.  Ce  qui 
est  sûr,  c'est  qu'il  promit,  à  cet  agent  de  rentrer 
un  jour  dans  l'Église  romaine.  Videl  affirme  que 
Lesdiguières  changea  secrètement  de  religion  dès 
1621.  A  l'entrée  de  la  campagne,  Lesdiguières 
fut  nommé  maréchal  général   par  provisions  du 
30  mars   1621.  Il  en  remplit  les  fonctions  aux 
sièges  de  Saint-Jean-d'Angely  et  de  Clairac.  De 
Luynes  ne  lui  laissa   pas   la   gloire    d'enlever 
Monlauban.  Montbrun  et  Blacons  avaient  sou- 


levé le  Dauphiné;  Lesdiguières  reçut  l'ordre 
d'aller  réduire  cette  province.  Montbrun  se  sou- 
mit aussitôt.  Blacons  résista,  etRohan  se  fit  re- 
mettre les  places  que  Blacons  occupait.  Lesdi- 
guières eut  avec  Rohan  une  entrevue  où  l'on  pré- 
para un  accommodement  qui  n'eut  pas  de  suite. 
De  Luynes  étant  mort,  Louis  XIII  offrit  à  Lesdi- 
guières l'epée  de  connétable  sous  la  condition 
qu'il  abjurerait  le  protestantisme.  Les  provisions 
furent  expédiées  le  6  juillet  1622  ,  enregistrées 
aussitôt,  et  le  26  du  même  mois  Lesdiguières 
recevait  le  collier  de  l'ordre  du  Saint-Esprit. 
Lesdiguières  rejoignit  le  roi ,  qui  allait  mettre 
le  siège  devant  Montpellier.  Il  signa  un  arran- 
gement avec  Rohan  à  Saint-Privat  ;  mais  le  peu- 
ple de  Montpellier  refusa  de  ratifier  ce  traité, 
et  le  siège  commmença.  Lesdiguières  ne  voulut 
pas  y  prendre  part,  revînt  dans  le  Dauphiné, 
et  ne  reparut  dans  le  camp  du  roi  que  lorsque 
les  négociations  furent  renouées.  La  paix  fut 
conclue,  au  grand  désappointement  de  Condé  et 
du  parti  clérical.  Nommé  gouverneur  de  Picar- 
die, le  M  mai  1623,  Lesdiguières  fit  un  voyage 
dans  cette  province.  De  retour  à  Paris  en  1624, 
il  assista  à  plusieurs  conseils ,  et  (it  prendre  une 
décision  pour  l'expulsion  des  Espagnols  de  la  Val- 
teline  et  l'occupation  de  Gênes.  Chargé  de  cette 
dernière  opération ,  il  joignit  avec  dix  mille 
hommes  le  duc  de  Savoie  le  2  février  1625. 
Pendant  que  ce  prince  attaquait  les  Génois  d'un 
côté,  Lesdiguières  assiégea  Gavy,  qui  se  rendit, 
et  battit  le  duc  de  Feria.  Des  dissentiments  écla- 
tèrent entre  les  deux  généraux  ,  et  Lesdiguières 
dut  opérer  une  retraite  qui  lui  fit  honneur.  Ren- 
tré en  Dauphiné,  il  préparait  une  opération 
contre  Le  Pouzin,  quand  il  fut  atteint  d'une  fièvre 
qui  l'emporta. 

Lesdiguières  fut  un  des  grands  capitaines  de 
son  temps.  11  avait  autant  de  prudence  que 
de  talents  et  de  générosité.  Pressé  un  jour  par 
ses  officiers  de  hâter  sa  marche  :  «  Je  vais  à 
la  guerre ,  et  non  à  la  chasse ,  »  répondit-il 
froidement.  L'archevêque  d'Embrun  avait  dé- 
terminé Platel ,  domestique  de  Lesdiguières,  à 
assassiner  son  maître  ;  Lesdiguières ,  l'ayant 
su,  ordonna  à  Platet  de  s'armer  d'une  épée; 
il  en  prit  une  autre,  et  lui  dit  :  «  Puisque  tu 
as  projeté  de  me  tuer,  essaye  maintenant  de 
le  faire ,  ne  perds  point  par  une  lâcheté  la  répu- 
tation de  valeur  que  tu  as  acqu;se.  »  Platel  se 
jeta  à  ses  pieds,  et  obtint  son  pardon.  On  blâmait 
Lesdiguières  de  cet  acte  de  générosité.  «  Ce  va- 
let a  été  retenu  par  la  grandeur  du  crime,  répondit 
Lesdiguières,  il  le  sera  encore  plus  par  la  gran- 
deur du  bienfait.  »  Comme  il  s'exposait  encore 
à  la  tin  de  sa  vie  autant  qu'un  soldat,  on  l'enga- 
geait à  prendre  garde.  «  Ne  vous  en  mettez  pas 
en  peine,  répliqua-t-il ,  il  y  a  soixante  ans  que 
les  mousquets  et  moi  nous  nous  connaissons.  » 
On  raconte  que  le  duc  de  Savoie  faisait  cons- 
truire le  fort  Barreaux  sur  la  terre  de  France , 
à  la  vue  de  Lesdiguières  et  de  son  armée,  6ans 


943  LESDIGUIÈRES 

que  celui-ci  y  mit  aueune  opposition,  ee  qui 
mécontentait  les  officiers  et  lui  valut  des  re- 
proches de  la  cour  :  «  Votre  Majesté,  écrivit 
Lesdiguières  au  roi,  a  besoin  d'une  bonne  for- 
teresse pour  tenir  en  bride  celle  de  Montmélian. 
Puisque  le  duc  de  Savoie  en  veut  faire  la  dé- 
pense, il  faut  le  laisser;  dès  que  la  place  sera 
suffisamment  garnie,  je  me  charge  de  vous  la 
donner.  »  Il  tint  parole,  et  l'enleva  en  deux  heures. 
Elisabeth  d'Angleterre  faisait  grand  cas  de  cegé- 
néral  :  «S'il  y  avait  en  France  deux  Lesdiguières, 
disait-elle  un  jour,  j'en  demanderais  un  au  roi  !  » 
Pinard  fait  de  lui  ce  portrait  :  «  Brave,  mais 
plus  éclairé  et  plus  prudent  encore,  il  sçut  tou- 
jours choisir  le  lieu  et  le  moment  de  combattre, 
où,  sans  exposer  ses  soldats,  il  étoit  sûr  de 
vaincre.  Jamais  il  ne  fut  ni  blessé  ni  battu; 
soixante  ans  de  succès  et  de  victoires  non  in- 
terrompues forment  l'éloge  d'un  grand ,  d'un 
heureux  capitaine ,  et  qu'aucun  héros  ancien  ne 
partage  avec  lui.  »  Les  écrivains  protestants  le 
traitent  sévèrement;  une  note  secrète  le  peint 
comme  «  vaillant  et  heureux,  grand  capitaine , 
père  des  soldats,  puissant  en  sa  personne,  mais 
libertin,  ami  de  son  plaisir  plus  que  de  la  cause.  » 
Il  avait  eu  de  sa  première  femme  deux  fils,  qui 
moururent  en  bas  âge ,  et  une  fille,  Madeleine 
de  Bonne,  qui  épousa  Charles  de  Créquy;  Fran- 
çoise de  Bonne,  fille  de  Lesdiguières  et  de  Marie 
Vignon,  fut  fiancée  à  l'âge  de  huit  ans  à  Mont- 
brun.  Créquy  fit  rompre  ce  mariage  et  épousa 
Françoise ,  après  la  mort  de  sa  première  femme, 
en  1623. 

Lesdiguières  avait  composé,  à  la  demande  de 
Henri  IV,  un  Traité  de  la  Guerre,  que  l'on  con- 
serve en  manuscrit  à  la  Bibliothèque  impériale. 
La  même  bibliothèque  possède  plusieurs  lettres 
de  Lesdiguières.  D'autres  ont  été  imprimées  dans 
divers  recueils.  L.  L — t. 


LESKE 


944 


Louis  Videl,  Vie  du  maréchal  de  Lesdiguières ,  1638, 
in-fol.  —  De  Thou,  Hist.  suitemp.  —  Brantôme,  Vies 
des  grands  capitaines.  —  Pinard ,  Chronologie  militaire. 
—  Le  Vassor,  Hist,  de  Louis  XIII-  —  Sully,  OEconomies 
royales.  —  De  La  Force,  Mémoires.  —  Anselme,  Hist. 
aéneal.  de  la  maison  de  France  et  des  grands  offlc.  de 
la  couronne.  —  Hénault.  Abrégé  cnronol.  de  l  Hist,  de 
France.  —  Daniel,  Hist.  de  France.  —  De  Courcelles, 
Dict.  biogr.  des  généraux  français.— Haag,  La  France 
protestante. 

lèse  (Benozzo  de).  Voy.  Gozzoli. 

*  le  senne  (Napoléon-Magdelaine),  juris- 
consulte français,  né  à  Sanzeusemare ,  près  de 
Fécamp  (Seine-Inférieure),  le  4  mars  1811.  Beçu 
docteur  à  la  Faculté  de  Droit  de  Paris  en  1844, 
il  devint  avocat  à  la  Cour  d'Appel.  Depuis  cette 
époque  il  a,  comme  jurisconsulte,  publié  divers 
ouvrages  :  en  1845,  Le  Livre  de  tous  les  Ci- 
toyens, ou  éléments  de  législation  usuelle;  — 
en  1846,  un  Traitédes  Droits  d' Auteur  et  d'in- 
venteur et  des  Brevets  d'Invention;— en  1847, 
un  traité  de  la  Condition  civile  et  politique  des 
Prêtres,  in-8°;  —  en  1852,  Le  Conseiller  de  la 
Jeunesse^  ou  entretiens  familiers  (ouvrage  il- 
lustré) ;  —  1855,  le  Code  de  la  Mère  de  famille; 


—  en  1856,  un  Commentaire  de  la  loi  du 
23  mars  1855  sur  la  Transcription  en  matière 
hypothécaire  ;  —  en  1857,  le  Code  des  Brevets 
d'Invention,  dessins  et  marques  de  fabriqueou  de 
commerce,  en  France  et  à  l'étranger;  —  en  1858, 
un  traité  De  la  Propriété,  avec  ses  démembre- 
ments (usufruit,  usage,  habitation  et  servitude) 
suivant  le  droit  naturel ,  le  droit  romain  et  le 
droit  français,  in-8°. 

Archives  générales  des  hommes  du  jour,  t.  XXVIU. 

LE  SESNE  DE  JHÉNILLE  D'ETEARE.  Voy. 
Etemare. 

lesecr  (Le P.),  mathématicien  français,  vivait 
au  milieu  du  dix-huitième  siècle.  Il  est  auteur 
d'un  Mémoire  sur  le  Calcul  intégral  (Rome, 
1748),  renfermant  des  recherches  sur  la  résolu- 
tion générale  des  équations.  L'auteur  fait  voir  que 
si  l'on  cherche  à  décomposer  en  facteurs  le  pre- 
mier nombre  d'une  équation  d'un  degré  supérieur 
au  quatrième,  on  est  amené  à  des  équations  dont 
le  degré  est  au  moins  égal.  Leseur  est  l'un  des 
auteurs  du  Commentaire  sur  Newton. 

Montuola,  Histoire  des  Mathématiques  ,  t.  III. 
lesfabgues  (Bernard),  imprimeur  et  tra- 
ducteur français,  né  à  Toulouse,  vers  1600.  On 
ignore  la  date  de  sa  mort.  Il  a  publié  :  His- 
toire d'Alexandre  le  Grand,\milée  de  Quinte- 
Curce  et  d'autres  auteurs;  1639,  in-8°;  — 
traduction  Des  oraisons  de  Cicéron  contre  Ver- 
res ;  1640,  h>4°;  —  David,  poëme  héroïque, 
1660,  et  1685,  in- 12  :  cet  ouvrage  n'est  guère 
connu  que  par  ce  vers  de  Boileau  :      A.  J.  (i) 

Le  David  imprimé  n'a  point  vu  la  lumière. 
Goujet,  Bibliothèque  française,  t.  XVII.   —  Mémoires 
pour  servir  a  l'histoire  des  hommes  illustres  en  France. 

leske  (Nathanael-Gode.froi),  naturaliste 
allemand,  né  le  22  octobre  1757,  à  Muskau,  dans 
la  haute  Lusace.  mort  à  Marbourg,  le  25  no- 
vembre 1786.  Professeur  à  Leipzig  et  à  Mar- 
bourg, il  publia  entre  autres  :  De  Generatione 
vegetabilium ;  Leipzig,  1773,in-4°;  —  Ichthyo- 
logix  Lipsiensis  Spécimen  ;  MA.,  1774,  in-8°; 

—  Physiologiee  animalium  Commentatio; 
Leipzig,  1775,  in-4°;  —  Anfangsgruende  der 
Naturgeschichte  (  Éléments  d'Histoire  Natu- 
relle); Leipzig,  1779,  et  1784,  in-8°,  trad.  en 
plusieurs  langues  ;  —  Magasin  zur  Naturkunde, 
Mathematik  und  Œkonomie  (Magasin  de 
Sciences  physiques ,  mathématiques  et  écono- 
miques); Leipzig,  1786-1788,  7  vol.  in-8°;  — 
lieise  durch  Sachsen  in  Rûcksicht  der  Natur- 
geschichte und  Œkonomie  unternommen  und 
dargestellt  (Voyage  à  travers  la  Saxe  au  point  de 
vue  d'histoire  naturelle  et  d'économie)  ;  Leipzig, 
1785,  in-4°.  Dr  L. 

Loeper,  Vie  de  Leske  ;  1787.  —  Meusel,  Lexikon,  VIII, 
p.  161. 

(1)  Quelques  critiques  (entre  autres  l'abbé  Goujet) 
disent  que  Boileau  avait  en  vue  en  faisant  cette  critique 
le  David  de  Céras  publié  en  1665;  mais  Brossetle,  dans 
ses  Éclaircissements  historiques ,  assure  qu'il  tenait  de 
Boileau  lui-même  que  le  satirique  voulait  parler,  non 
de  l'ouvrage  de  Céras,  mais  bien  de  celui  de  Lesfargues, 


945  LESKÔ  - 

lesko  ou  leszko  ,  nom  de  plusieurs  ducs 
de  Pologne,  dont  le  plus  connu  est  : 

lesko  V  (l),  dit  le  Blanc,  duc  de  Pologne, 
né  vers  1185,  assassiné  le  11  novembre  1227. 
Il  était  encore  mineur  lorsqu'il  l'ut  appelé  en 
1194  à  succéder  à  son  père,Casimir  II;  les  grands 
du  royaume  instituèrent  un  conseil  de  régence 
composé  d'évêques  et  de  palatins  et  dirigés  par 
Hélène ,  mère  du  jeune  duc.  Mais  l'oncle  de 
celui-ci ,  Miéczyslas  le  Vieux,  qui ,  après  avoir 
régné  de  1173  à  1177,  avait  été  déposé,  comme 
indigne  du  trône,  éleva  des  prétentions  à  la  cou- 
ronne, et  les  fit  valoir  par  les  armes,  avec  l'aide 
du  duc  de  Silésie  et  du  staroste  de  la  Poméra- 
nie  :  il  fut  battu  en  1196  par  Nicolas,  palatin  de 
Cracovie.  Mais  le  duc  de  Silésie  ayant  vaincu 
peu  de  temps  après  Goworek,  palatin  de  San- 
domir,  commandant  des  troupes  de  Lesko,  la 
duchesse  Hélène  entra  en  négociations  avec 
Miéczyslas,  et  lui  abandonna  le  gouvernement 
sous  la  condition  qu'il  adopterait  Lesko,  qui 
lui  succéderait  après  sa  mort.  Miéczyslas  n'exé- 
cuta pas  cette  convention  ,  qu'il  avait  acceptée, 
et  fut  de  nouveau  chassé  du  trône  ;  mais  il  y 
remonta  bientôt  après ,  étant  parvenu  à  gagner 
le  palatin  Nicolas,  et  régna  jusqu'à  sa  mort,  qui 
eut  lieu  en  1202.  Le  palatin  Nicolas,  devenu 
tout-puissant ,  exigea  alors  de  Lesko ,  comme 
condition  de  son  avènement  à  la  couronne,  qu'il 
exilât  le  palatin  Goworek,  qui,  ayant  été  le  gou- 
verneur du  jeune  duc,  avait  conservé  sur  son 
esprit  une  grande  influence.  Lesko  refusa  de 
congédier  son  vieil  et  fidèle  ami  ;  Nicolas  fit  alors 
proclamer  duc  Wladislas  ,  fils  de  Miéczyslas. 
Mais  après  trois  ans  de  règne,  Wladislas  s'é- 
tant  attiré  1  inimitié  du  clergé  ,  abdiqua  en  fa- 
veur de  Lesko,  qui  venait  de  remporter  la  bril- 
lante victoire  de  Zawichost,  sur  Roman,  duc  de 
Gallicia.  Lesko  ,  d'un  caractère  doux  et  conci- 
liant, ne  tira  aucun  profit  de  ses  succès  en  Gal- 
licie,  pays  qu'il  consentit ,  en  1214,  à  laisser  à 
Coloman,  fils  du  roi  de  Hongrie,  auquel  il  donna 
sa  fille  Salomée.  Pendant  les  années  suivantes 
il  soutint  son  gendre  contre  les  attaques  des 
Russes  ;  Coloman  ayant  été  fait  prisonnier  par 
eux  en  1220,  Lesko  négocia  un  accord  ;  Colo- 
man fut  mis  en  liberté,  mais  il  dut  renoncer  à 
la  Gallicie.  En  1225,  Conrad ,  frère  de  Lesko, 
auquel  celui-ci  avait  cédé  en  1207  la  Mazovieet 
la  Kuiavie,  ne  pouvant  mettre  fin  aux  invasions 
continuelles  des  Prussiens  idolâtres,  appela  à 
son  aide  les  chevaliers  teutoniques,  qui  une  fois 
établis  dans  le  Nord  ,  devinrent  les  ennemis 
déclarés  de  la  Pologne.  En  1227  Swientopelk, 
gouverneur  de  la  Poméranie,  se  mit  en  rébellion 
contre  Lesko ,  lorsque  celui-ci  lui  eut  refusé  le 
titre  de  duc  héréditaire  de  Poméranie  ;  une  as- 
semblée générale  fut  convoquée  à  Gonsawa,  pour 
le  juger. 

(1)  Les  trois  premiers  Lesko  appartiennent  à  l'histoire 
fabuleuse  de  la  Pologne.  Lesko  IV,  petit-fils  de  Piast , 
gouverna  ce  pays  de  892  à  913.  Son  règne  fut  insignifiant; 


LESLEY  946 

Swientopelk  entra  secrètement  dans  la  ville, 
pénétra  auprès  de  Lesko,  le  surprit  au  bain,- et  le 
tua  de  sa  propre  main.  Ainsi  périt  ce  prince,  dont 
tous  les  historiens  s'accordent  à  vanter  les  vertus. 
Il  eut  pour  successeur  son  fils  Boleslas  le  Chaste. 

E.  G. 

Dlugoss,  Historia  Polona.  —  Kadlubek,  Historia  Po- 
lonica.  —  Boguphatus,  Chronlcon  Polonorum.  —Jean 
deGuesne,  Cracoviœ  Clironicon. 

lesley  (John),  prélat  catholique  écossais,  né 
le  29  septembre  1527,  mort  près  de  Bruxelles,  le 
31  mai  1596. 11  appartenait  aune  très-ancienne  fa- 
mille. Élevé  à  l'université  d'Aberdeen,et  pourvu 
d'un  canonicat  dès  l'âge  de  vingt  ans,  il  alla  com- 
pléter ses  études  à  Toulouse,  à  Poitiers  et  à  Pa- 
ris. 11  fut  rappelé  en  Ecosse  en  1 554  par  la  reine 
régente,  entra  dans  les  ordres,  et  devint  vicaire 
général  d'Aberdeen.  Pendant  les  troubles  qui 
suivirent  la  mort  de  la  régente  et  l'introduction 
du  protestantisme  en  Ecosse,  Lesley,  catholique 
zélé,reçut  de  son  parti  la  mission  d'aller  chercher 
en  France  Marie  Stuart,  qui  venait  de  perdre  son 
mari,  le  roi  François  II.  Il  rencontra  cette  prin- 
cesse à  Vitry,  et  revint  avec  elle  en  Ecosse  en 
1561.  La  jeune  reine  le  nomma  peu  après  con- 
seiller de  justice,  membre  du  conseil  privé  et 
évêque  de  Ross.  Il  s'occupa  activement  avec 
quinze  autres  commissaires  de  réunir  les  lois 
de  l'Ecosse  en  un  code,  qui  fut  publié  à  Edim- 
bourg en  1566,  sous  le  titre  de  Black  Acts  of 
Parliament  (Actes  noirs  du  Parlement),  pat  ce 
qu'il  était  imprimé  en  lettres  noires.  Après  la 
fuite  de  Marie  Stuart  en  Angleterre,  Lesley  se 
rendit  à  York,  en  1568,  défendit  habilement  la 
cause  de  cette  reine  contre  ses  accusateurs,  et 
alla  ensuite  à  Londres  comme  son  ambassadeur. 
Ses  démarches  pour  obtenir  la  liberté  de  Marie 
Stuart  n'ayant  eu  aucun  succès,  il  essaya  d'ar- 
river au  même  but  en  ménageant  un  mariage 
entre  la  reine  d'Ecosse  et  le  duc  de  Norfolk.  Cette 
intrigue  irrita  Elisabeth,  qui  le  fit  emprisonner 
d'abord  dans  l'île  d'Ély,  puis  à  la  Tour.  11  obtint 
sa  mise  en  liberté  en  1573,  et  se  retira  dans  les 
Bays-Bas,  d'où  il  continua  àintercéderauprèsdes 
rois  d'Espagne  et  de  France,  des  princes  d'Alle- 
magne et  du  pape  en  faveur  de  la  royale  captive. 
Ln  1579  il  fut  nommé  suffragant  du  siège  de 
Rouen.  Dans  une  de  ses  visites  épiscopales,  il 
fut  enlevé  par  des  huguenots,  qui,  en  le  mena- 
çant de  le  livrer  aux  Anglais,  lui  extorquèrent 
une  rançon  de  trois  mille  pistoles.  En  1593  il 
obtint  l'évêché  de  Constance  jusqu'au  moment 
où  il  serait  réintégré  dans  celui  de  Ross.  Mais, 
reconnaissant  peu  après  l'impossibilité  de  rentrer 
eu  Ecosse ,  il  se  retira  dans  le  monastère  de 
Guirtenbourg,  où  il  mourut.  On  a  de  Lesley  :  Af~ 
flicli  animi  Consolationes,  et  tranquilli  animï 
Conservatio  duo-bus  libris  ;  Paris ,  1574,  in-8°  ; 
—  De  Origine,  Moribus  et  Rébus  gestis  Sco- 
torum,  a  primordio  gentis  ad  annum  1562; 
Rome,  1578.  Cet  ouvrage  eu  dix  livres  est  pour 
la  partie  ancienne  un  abrégé  de  l' Histoire  d'Hec- 


947  LESLEY 

tor  ooëthius  ;  les  trois  derniers  seulement  appar- 
tiennent en  propre  à  l'évêque  de  Ross,  qui  y  fait 
l'apologie  de  Marie  Stuart.  Lesley  publia  avec 
son  Histoire  une  Parœnesis  ad  nobilitatem 
populumque  Scotorum  et  une  Regionum  et 
insularum  Scoïtx  Description  —  Defence  of 
the  honnour  of  Mary,  queen  of  Scotland, 
with  a  déclaration  of  fier  right,  tille  and 
interest  to  the  croivn  of  England;  Liège, 
1571,  iu-8°;  —  A  Treatise  shewing  Huit 
the  regimen  of  Woman  is  conformable  to 
the  law  ofGod  and  nature ;Liége,  1571,  in-S°; 
et  trois  ouvrages  restés  manuscrits,  savoir  :  De 
Titulo  et  Jure  Mariœ,  Scotorum  reginss,  quo 
Anglise  successionem  jure  sibi  vindicat  ;  —  An 
Account  of  his  embassage  in  England,  front 
1568  to  1572  ;  —  An  Apology  jor  the  bishop 
of  Ross,  as  to  vohai  is  laid  to  his  charge 
concerning  the  duke  of  Norfolk.  Z. 

Macknnzie,  Lives  and  Characters  of  the  most,  emi- 
nent  IFriters  of  the  Scottish  nation,  t.  II.  —  Anderson, 
Collections  retatiwj  to  the  history  of  Mary,  queen  of 
Scotland,  t.  1.  —  Spotswood,  History  of  the  Church  and 
State  of  Scotlnnd,  1.  VI.  —  Nicholson,  Scot.  historical 
Library.  —  Laing.  History  of  Scotland.  —  Chaufepié, 
Dictionnaire  Historique.  —  Chalmers,  General  Biogra- 
phical  Dictionary. 

lesley  (  Alexandre),  orientaliste  écossais,  né 
dans  le  comté  d'Aberdeen,  en  lG94,mortà  Rome, 
le  27  mars  1758.  Il  appartenait  à  une  famille  ca- 
tholique, et  fit  ses  études  à  Douai.  Il  entra  en- 
suite dans  la  Société  de  Jésus,  et  professa  en 
Italie  dans  plusieurs  collèges  de  son  ordre.  Après 
avoir  rempli  plusieurs  missions  dans  sa  patrie, 
il  fut  nommé  en  1744  préfet  des  études  au  col- 
lège des  Écossais  à  Rome.  Il  passa  au  collège 
des  Anglais  comme  professeur  de  théologie  mo- 
rale ,  et  fut  associé  en  1749  au  jésuite  Émanuel 
de  Azevedo  pour  la  publication  du  Trésor  li- 
turgique. Ce  grand  travail  l'occupa  pendant  le 
reste  de  sa  vie.  On  a  de  lui  :  Missale  mixtum 
secundum  regulam  beati  Isidori  dictum, 
Mozarabes  ;  prsefatione  ,  notis  et  appendice 
ornatum;  Rome,  1755, deux  parties  in-4°.  C'est 
une  réimpression  du  Missel  mozarabique  publié 
à  Tolède  en  1500  par  l'ordre  du  cardinal  Ximé- 
nès  :  Lesley  y  a  joint  un  bon  commentaire,  et 
l'a  fait  précéder  d'une  préface  sur  l'origine  et  les 
variations  du  rite  mozarabique.  Z. 

Annali  Litterarj  d'ltalia,t.  III,  par.  2,  p.  494. 
leslie  (  John  ),  prélat  protestant  écossais,  né 
vers  1570,  à  Balquhaiue,mort  en  1671,àClogher. 
En  sortant  d'Oxford ,  il  se  mit  à  voyager,  et  par- 
courut l'Espagne,  l'Italie,  l'Allemagne  et  la  France; 
il  parlait  les  langues  de  ces  diverses  contrées 
avec  une  remarquable  facilité,  et  possédait  à  un 
tel  point  la  langue  latine  qu'en  Espagne  on 
disait  de  lui,  en  matière  de  proverbe  :  solus 
Lesleius  latine  loquitur.  Il  resta  vingt-deux 
ans  de  suite  à  l'étranger,  et  se  trouva  au  siège 
de  La  Rochelle  ainsi  qu'à  l'expédition  de  l'île 
de  Rhé  avec  le  duc  de  Buckingham.  Homme 
affable  et  de  façons  accomplies,  il  fut  bien  ac- 
cueilli dans  toutes  les  cours  qu'il  visita,  et  jouit 


—  LESLIE 


948 


d'une  faveur  particulière  auprès  de  Charles  Ier, 
qui  le  fit  entrer  au  conseil  privé.  Ce  ne  fut 
qu'assez  tard  (il  avait  près  de  cinquante  ans) 
qu'il  consentit  à  revêtir  les  honneurs  ecclésias- 
tiques ;  entré  de  bonne  heure  dans  les  ordres,  il 
avait  laissé  la  robe  de  côté  pour  courir  le  monde. 
Il  fut  d'abord  évêque  des  Orcades,  puis  de  Ra- 
phoe  (1633).  Lorsque  éclata  la  rébellion  de  1641, 
il  prit  parti  pour  le  roi,  et  soutint  même  un  long 
siège  dans  sa  résidence  épiscopale ,  sorte  de 
château  fortifié  qu'il  avait  bâti  récemment,  et 
qui  fut  le  dernier  de  l'Irlande  à  se  soumettre  aux. 
soldats  de  Cromwell.  En  1661  il  fut  transféré  à 
Ciogher.  Lorsqu'il  mourut ,  il  avait  plus  de  cent 
ans  ;  c'était  probablement  le  plus  ancien  des 
évêques  du  monde  chrétien.  P.  L — y, 

Chalmers,  Biog.  Dictionary. 

leslie  (Charles),  controversiste  anglais, 
fils  du  précédent,  né  en  Irlande,  où  il  est  mort, 
le  i3  avril  1722.  Il  quitta  l'étude  du  droit  pour 
celle  de  la  théologie,  reçut  les  ordres  en  1680,  et 
devint  chancelier  du  diocèse  de  Connor.  Sous 
le  règne  de  Jacques  H,  il  lutta,  par  ses  conseils 
et  dans  des  discussions  publiques,  contre  l'in- 
fluence croissante  du  parti  catholique,  et  pour- 
tant, obéissant  à  un  point  d'honneur  exagéré, 
il  crut  de  son  devoir  de  rester  fidèle  à  un  prince 
qu'il  n'aimait  pas.  Ayant  obstinément  refusé  de 
prêter  de  nouveaux  serments  à  Guillaume  et  à 
Marie,  il  fut  dépouillé  de  tous  ses  bénéfices,  ce 
qui  le  fit  regarder  comme  le  principal  chef  des 
non-jureurs.  Forcé  bientôt  de  quitter  le  royaume, 
il  rejoignit  le  prétendant  à  l'étranger,  et  fit  tout 
ce  qu'il  put  pour  le  persuader  d'embrasser  le 
protestantisme;  voyant  ses  tentatives  inutiles  et 
las  d'errer  si  longtemps  hors  de  son  pays,  il  y 
retourna,  en  1721,  et  mourut  quelques  mois  plus 
tard.  Les  écrits  théologiques  et  politiques  de 
Leslie  sont  en  très-grand  nombre,  «  Il  les  com- 
posait, dit  Moréri,  selon  les  occasions  que  lui 
en  fournissaient  ses  adversaires  ou  la  nécessité 
de  se  défendre.  Comme  il  s'était  trouvé  tantôt 
avec  des  juifs ,  tantôt  avec  des  presbytériens , 
quakers,  sociniens,  etc.,  le  zèle  de  les  convaincre 
lui  arrachait  les  traités  qu'on  a  de  lui  contre 
ces  sectarres.  Il  ménageait  encore  moins  les 
déistes.  »  Nous  citerons  de  lui  parmi  ses  écrits 
politiques,  presque  tous  anonymes  :  Answer  to 
the  State  of  the  protestants  of  Ireland; 
Londres,  1692,  in-4°;  —  Cassandra;  1703, 
in-4";  —  Rehearsals;  c'est  un  recueil  de 
feuilles,  publiées  d'abord  une  fois  la  semaine, 
ensuite  deux  fois,  en  deux  pages  in-folio,  en 
forme  de  dialogue  sur  les  affaires  du  temps  ;  il 
le  commença  en  1704  et  le  continua  pendant  six 
à  sept  ans  ;  —  Principles  of  dissenters  con- 
cerning toleration  and  occasional  confor- 
mity  ;  1705,  in-4°;  —  The  good  old  Cause,  or 
Lying  in  trufh  ;  1710,  pièce  qui  attira  contre 
lui  un  ordre  d'arrestation;  —  Analomy  of  a 
Jacobite;  —  plusieurs  brochures  en  réponse 
aux  attaques  de  Higden  et  de  Hoadly.  Ses  prjn- 


949 

cipaux  traités  de  controverse  religieuse  sont  : 
The  Snake  in  the  graas  (Le  Serpent  dans 
l'herbe ,  ou  Satan  transformé  en  ange  de  lu- 
mière); Londres,  1697,  in-8°;  —  History  of 
Sin  and  Heresy ;  1698,  in-8°,  contre  les  pres- 
bytériens ;  —  À  S/tort,  and  easy  me/hod  ivith 
the  Deists  ;  1699,  in-8°;  la  plupart  des  argu- 
ments de  cet  écrit  se  trouvent  reproduits  dans 
la  Méthode  courte  et  aisée  pour  combattre 
les  déistes  de  l'abbé  de  Saint  Real;  —  Essay 
concerning  the  divine  rùjht  of  tythes  ;  1700, 
in-8°  ;  —  The  présent  State  of  Quaherism  in 
England;  1701,  in-8°;  —  The  Case  of  the 
régal  and  pontificale  ;  1702,  in-8°;  —  The 
Truth  of  Christiani  ty  démons  tr a  ted;  17 11, etc. 
Tous  les  écrits  théologiques  de  Leslie  ont  été 
réimprimés  à  Londres,  en  1721,  2  vol.  in  fol. 

P.  L— ï. 

Burnet,  Own  Times.  —Encyclop.  Britannica  (suppl.  ). 
—  Moréri,  Dict.  Hist. 

leslie  (Sir  John),  physicien,  chimiste  et 
mathématicien  anglais ,  né  le  16  avril  1766,  à 
Largo,  dans  le  comté  de  Fife  (  Ecosse),  mort 
le  3  novembre  1832,  dans  sa  résidence  du  même 
comté.  Son  enfance,  débile  et  maladive,  oc- 
casionna de  fréquentes  interruptions  dans  sa  pre- 
mière éducation.  Il  montra  néanmoins  de  bonne 
heure  un  goût  décidé  pour  les  sciences  exactes, 
et  un  véritable  éloignement  pour  l'étude  des  lan- 
gues, plus  particulièrement  du  latin,  étude  dans 
laquelle  il  réussit  pourtant  plus  tard  d'une  ma- 
nière remarquable.  Avec  l'assistance  de  son  frère 
aîné,  Alexandre,  il  fit  bien  vite  d'assez  grands 
progrès  en  arithmétique  et  en  géométrie  pour 
attirer  attention  du  ministre  de  la  paroisse, 
par  l'intermédiaire  duquel  il  fut  probablement 
présenté  aux  professeurs  Robison  et  Stuart ,  et  à 
leur  instigation  il  fut  envoyé  en  1779  à  l'univer- 
sité de  Saint-André.  Là  ses  talents  lui  valurent 
le  patronage  du  comte  de  Kinnoul,  alors  chan- 
celier de  l'université,  qui  offrit  de  faire  les  frais  de 
l'éducation  du  jeune  Leslie,  si  son  père  consentait 
à  le  destiner  à  l'Église.  Après  six  ans  passés  dans 
cette  université,  il  alla  avec  James  Ivory  à  Edim- 
bourg, où  il  suivit  les  cours  de  divers  professeurs 
pendant  trois  années.  Dans  le  même  temps  il  fut 
engagé  par  Adam  Smith  pour  l'aider  dans  l'é- 
ducation de  son  neveu,  Douglas ,  depuis  lord 
Reston.  En  1788  il  devint  le  précepteur  de  deux 
Américains  du  nom  de  Randolph,  jeunes  étu- 
diants de  l'université  d'Edimbourg,  avec  lesquels 
il  partit  à  la  Virginie.  Après  une  absence  d'environ 
un  an,  pendant  laquelle  il  visita  New- York,  Phi- 
ladelphie ,  etc.,  Leslie  revint  en  Ecosse.  Au  com- 
mencement de  1790,  il  se  fixa  près  de  Londres, 
sans  doute  dans  l'intention  d'ouvrir  des  cours 
sur  la  philosophie  naturelle;  mais,  craignant  de 
ne  pas  réussir,  il  se  décida  à  écrire  dans  des  ou- 
vrages périodiques  pour  assurer  son  existence. 
Il  commença  par  donner  des  articles  au  Mon- 
tai y  Revievj,  et  vers  le  même  temps  il  fut  em- 
ployé par  \Y.  Thomson  à  fournir  des  notes  pour 


LESLIE  .  950 

une  Bible  qu'il  devait  publier.  Leslie  traduisit  de 
Buffon  Saturai  History  of  Birds ,  Londres, 
1793,  9  vol.  in-8°,  et  cette  publication  lui  pro- 
cura une  certaine  indépendance.  En  1794,  il  vi- 
sita la  Hollande,  et  en  1796  il  parcourut  l'Al- 
lemagne et  la  Suisse,  en  compagnie  de  Thomas 
Wedgwood.  A  son  retour,  il  fut  porté  candi- 
dat pour  une  chaire  de  l'université  de  Saint- 
André,  et  peu  de  temps  après  pour  celle  de 
philosophie  naturelle  à  Glasgow;  ces  deux  ten- 
tatives furent  infructueuses.  En  1799  Leslie  re- 
tourna sur  le  continent,  et  visita  le  Danemark, 
la  Norvège  et  la  Suède  avec  Robert  Gordon. 
En  1805  il  se  présenta  comme  candidat  à  la 
chaire  de  mathématiques  à  l'université  d'Édim» 
bourg ,  devenue  vacante  par  ia  promotion  du 
professeur  Playfair  à  la  chaire  de  philosophie 
naturelle.  Cette  nomination  appartenait  bien 
aux  magistrats  d'Edimbourg;  mais,  aux  termes 
de  la  charte  de  constitution  de  l'université , 
ces  magistrats  devaient  demander  l'avis  du 
clergé  pour  le  choix  des  professeurs.  Le  clergé, 
qui  désirait  la  nomination  de  Thomas  Macknight, 
fit  une  vive  opposition  à  l'élection  de  Leslie,  qu'il 
accusait  de  partager  les  idées  de  Hume.  Leslie 
obtint  néanmoins  cette  chaire,  qu'il  remplit  avec 
autant  de  zèle  que  de  talent  pendant  quatorze 
ans.  En  1819,  à  la  mort  de  Playfair.  il  fut  appelé 
à  lui  succéder  à  la  chaire  de  philosophie  natu- 
relle. Nommé  baronet  le  27  juin  1832,  il  mourut 
peu  de  temps  après. 

Vers  1794,  Leslie  s'était  occupé  d'expériences 
hygrométriques.  Avant  1800,  reprenant  les  es- 
sais de  Sturmius,  de  Dalton  et  de  Rumford,  il 
avait  inventé  son  thermomètre  différentiel , 
destiné  à  indiquer  les  moindres  variations  de 
température.  Avec  cet  instrument,  Leslie  vé- 
rifia et  développa  les  résultats  déjà  obtenus  par 
Rumford  au  moyen  de  non  thermoscope;  i!  con- 
firma la  doctrine  de  ce  savant  et  de  Dalton,  et 
prouva  que  la  nature  des  surfaces  influe  sur  la 
facilité  avec  laquelle  les  corps  reçoivent  et  émet- 
tent le  calorique,  et  q-ue  plusieurs  enduits  ou 
enveloppes ,  comme  celles  en  terres  poreuses, 
accélèrent  le  refroidissement  au  lieu  de  le  re- 
tarder. Leslie  suppose  que  le  rayonnement  ca- 
lorique a  lieu  au  moyen  de  pulsations  aériennes 
ou  de  vibrations  de  l'air,  supposition  qui  paraît 
inconciliable  avec  le  fait  du  rayonnement  dans 
le  vide.  Il  se  laisse  parfois  aller  à  la  fantaisie 
de  son  imagination,  comme  lorsqu'il  pense  que 
la  lune  est  phosphorescente  et  qu'elle  doit  un 
jour  s'obscurcir  ;  que  ia  terre  renferme  une  con- 
cavité pleine  de  lumière  concentrée  brillant  du 
plus  vif  éclat,  etc.  En  mélangeant  l'eau  avec  dif- 
férentes substances,  Leslie  trouva  en  1810  un 
procédé  de  congélation  artificielle  dont  l'industrie 
s'empara  pour  répandre  l'usage  des  glaces  dans 
les  pays  chauds.  En  1817,  il  montra  que  les 
substances  volcaniques  en  général,  particulière- 
ment la  pierre  ponce ,  réduites  en  poudre  et  dans 
un  état  complet  de  dessiccation,  ont  une  puissance 


951 


LESL1E 


952 


d'absorption  de  l'eau  aussi  forte  que  celle  de  l'a- 
cide sulfurique,  et  qu'avec  ces  substances  et 
d'autres  ayant  la  même  propriété  on  peut  opérer 
des  congélations  artificielles  très- promptes.  Enfin 
.Leslie  fit  exécuter  des  appareils  pour  obtenir  de 
la  glace  au  moyen  du  vide  produit  par  une  ma- 
chine pneumatique.  Ces  appareils  excitèrent  l'é- 
tonnement  et  la  curiosité.  On  s'en  servit  pour 
faire  des  glaces  à  Rio-Janeiro,  à  Babia,  au  Sé- 
négal, et  en  Egypte  le  pacha  voulut  en  faire 
l'essai  le  premier. 

Leslie  plaçait  la  faculté  d'invention  bien  au- 
dessus  de  la  faculté  d'induction.  Gomme  au- 
teur, son  style  est  faible  et  manque  de  sim- 
plicité; comme  professeur,  il  supposait  souvent 
une  capacité  trop  grande  ou  des  études  trop 
fortes  chez  ses  auditeurs ,  et  s'exposait  à  n'être 
pas  compris.  D'un  autre  côté,  son  active  cu- 
riosité, ses  lectures  variées  et  sa  puissante  mé- 
moire le  menèrent  à  de  vastes  connaissances, 
qu'il  appliqua  avec  succès  en  plusieurs  occasions 
à  l'avancement  de  la  science.  Ses  curieux  ins- 
truments et  ses  expériences  intéressantes  attes- 
tent à  la  fois  l'utilité  et  l'originalité  de  ses  travaux. 
On  a  de  Leslie  :  Essay  on  the  resolution  of 
indelerminate  équations,  dans  les  Edinburgh 
Philosophical  Transactions  pour  1788  ;  — Ex- 
périmental inquiry  into  the  nature  and  pro- 
perties  of  heat  ;  ,1804,  in-8°  :  travail  qui  lui 
valut  la  médaille  de  Rumford  de  la  Société 
royale  de  Londres;  —  Eléments  ofGeometry, 
geometrical  analysis  and  plane  trigonometry; 
1809,  in-8°;  —  Account  of  experiments  and 
instruments  depending  on  the  relations  of 
air  to  Heat  and  Moisture;  1813,  in-12;  — 
Philosophy  of  Arithmetic  ;  18t7  ;  —  Geometry 
of  curve  Lines;  1821,  in-8°;  —  Eléments 
of  natural  Philosophy,  volume  Ier,  contenant 
la  mécanique  et  l'hydrostatique;  1823,  in-8°. 
Leslie  a  donné  dans  les  Edinburgh  Philoso- 
phical Transactions  :  On  certain  impressions 
of  cold  transmilted  from  the  higher  atmos- 
phères ,  with  a  description  of  an  instrument 
adapted  to  measure  them;  1818;  —  Obser- 
vations on Electrical  Théories;  1824  ;  —  dans 
Y Encyclopxdia  Britannica ,  les  articles  Achro- 
rnatic  Glasses;  —  Acoustics  ;  —  Aeronaulics  ; 

—  Andes  ;  —  Angle  ;  —  Angle  (  trisection  of)  ; 

—  Arithmetic  ;  — Atmometer  ;  —  Barometer  ; 

—  Barometrical  Measurements  ;  — Climale; 

—  Cold  and  Congélation;  —  Beiv;  —  Inter- 
polation; —  Meleorology  ; —  Progress  ofthe 
malhematical  and  physical  Sciences  during 
the  eighteenth  century;  —  dans  l' Edinburgh 
Review  :  des  articles  sur  les  Mémoires  de  la 
Société  d'Arcueil  ;  — sur  ï'History  of  the  Baro- 
meter ; —  suri' Arithmétique  des  Grecs ,  de  De- 
lambre;  — ■  sur  les  Voyages  géologiques  deL.  de 
Buch; — sur  Vue  physique  des  régions  équato- 
riales  et  les  Voyages  de  Humboldt;  — et  sur 
Attemps  to  discover  a  North-  West  passage  ;  — 
dans  le  Philosophical  Journal  de  Nicholson  •. 


Description  of  an  Hygrometer  and  Photome- 
ter;  —  On  the  Absorbent  Powers  of  différent 
Earths;  —  Observations  on  Light  and  Heat, 
with  Remarks  on  the  Enquiries  of  Dr  Hers- 
chel.  Quelques  mémoires  de  Leslie  sur  des  sujets 
de  physique  ont  aussi  été  imprimés  dans  les 
Transactions  de  la  Société  royale  de  Londres. 

L.  L— T. 
Macvey  Napier,   Memoir  of  sir  J.  Leslie,  1838.  —  En- 
glisli  Cyclopœdia  (  Biography  ).  —  Rose,  New  Général 
Biogr.  Dict. 

leslie  (Ernest),  littérateur  français,  né 
en  1743,  en  Ecosse,  mort  en  1779,  à  Nancy.  Il 
entra  dans  l'ordre  des  Jésuites ,  fut  mis  par  le 
roi  Stanislas  à  la  tête  du  séminaire  de  Nancy,  et 
appartint  dès  sa  création  à  l'Académie  de  cette 
ville.  Il  connut  Voltaire  à  la  cour  de  Lunéville,  etc.: 
dans  sa  correspondance  avec  les  amis  qu'il  y 
avait  laissés,  l'auteur  de  La  Henriadc  ne  man- 
quait jamais  de  faire  assurer  le  P.  Leslie  de  ses 
tendres  rapports.  On  a  de  ce  dernier  :  Abrégé 
de  VHisloire  généalogique  de  la  Maison  de 
Lorraine;  Commercy,  1740,  in-8°  :  excellent 
travail,  qui  parut  sous  le  nom  d'un  de  ses  élèves, 
le  marquis  de  Ligniville;  —  trois  Odes  au  roi 
de  Pologne,  Stanislas.  J.  L. 

3Iém.  d  la  Soc.  roy.  des  Se.  et,  Belles  Lettres  de  Nancy, 
1754,  t.  I.  —  Fréron ,  Lettres  sur  quelques  écrits  de  ce 
temps,  t.  III. 

*  leslie  (  Éliza),  femme  de  lettres  améri- 
caine, née  le  15  novembre  1787,  à  Philadel- 
phie. Bien  qu'elle  eût  de  bonne  heure  mani- 
festé un  penchant  décidé  pour  les  lettres ,  elle 
ne  fit  paraître  aucune  production  de  sa  plume 
avant  l'âge  de  quarante  ans  ;  elle  se  mit  alors  à 
écrire  des  livres  d'économie  domestique,  qui  ob- 
tinrent une  grande  circulation.  Dans  un  genre 
plus  relevé,  elle  a  publié  :  The  Mirror,  recueil 
d'historiettes;  —  The  Wonderful  Traveller; 
—  Amelia,  or  a  young  ladifs  vicissitudes, 
roman  inséré  dans  un  annuaire  qu'elle  édita  sous 
le  titre  The  Gifl  ;  —  Pencil  Sketches;  3  vol.  :  re- 
cueil de  contes  et  nouvelles;  —  The  Behaviour 
Book;  1853;  —  beaucoup  de  livres  à  l'usage 
de  la  jeunesse.  P.  L — y. 

Cyclop.of  American  Literature ,  II. 

*  leslie  (Charles-Robert) ,  peintre  an- 
glais, frère  de  la  précédente  ,  naquit  à  Londres, 
en  1794.  Il  avait  cinq  ans  lorsque  ses  pa- 
rents quittèrent  Londres  pour  aller  s'établir 
à  Philadelphie.  Ses  premiers  essais  attirèrent 
l'attention  de  plusieurs  personnes,  qui  le  dé- 
cidèrent a  se  rendre  en  Angleterre  pour  y  pour- 
suivre ses  études,  et  lui  remirent  à  son  dé- 
part des  lettres  de  recommandation  pour  les 
chefs  d'une  maison  américaine  établie  à  Lon- 
dres. C'était  en  1811  ;  quatorze  ans  plus  tard, 
M.  Leslie  était  membre  de  l'Académie  royale. 
Ses  maîtres  avaient  été  deux  Américains,  Ben- 
jamin West  et  AVashington  Allston  ;  ses  tableaux 
de  Sir  Roger  de  Coveiiey  allant  à  l'église, 
Anne  Page  et  Slender,  et  Le  premier  Mai  au 
temps  de  la  reine  Elisabeth  avaient  commencé 


953 


LESLIE  — 


sa  réputation.  Au  milieu  de  ses  nombreux  tra- 
vaux M.  Leslie  trouva  le  temps  d'écrire  une 
vie  de  son  ami  Constable,  et  de  publier  en  1854 
un  Manuel  à  l'usage  des  jeunes  peintres.  Des 
raisons  de  santé  l'obligèrent  à  se  démettre  en 
1851  des  fonctions  de  professeur  à  l'Académie 
royale,  qu'il  exerçait  depuis  1848.  Dans  tous  ses 
tableaux  ,  cet  artiste  se  montre  intelligent  et  fi- 
dèle traducteur  des  écrivains  qui  l'inspirèrent. 
Jamais  Shakespeare,  Cervantes,  Molière,  Sterne, 
Walter  Scott  ne  furent  aussi  intimement  com- 
pris par  les  peintres  qui  ont  tenté  d'illustrer  leurs 
œuvres.  Le  caractère  des  différents  personnages 
est  toujours  parfaitement  saisi ,  l'expression  en 
est  juste  et  le  sentiment  vrai  ;  «  ce  sont  les  por- 
traits vivants  des  êtres  que  le  poète  a  rêvés  »,  dit 
un  de  ses  biographes.  Nous  mentionnerons  parmi 
sesœuvresles  plus  remarquables  :  Sancho  Pança 
et  la  Duchesse  (  1824),  sujet  favori  du  peintre, 
qui  en  a  fait  plusieurs  répétitions  avec  change- 
ments; —  Don  Quichotte  renonçant  à  ses 
projets  de  retraite  dans  la  Sierra  Morena 
(1826);  —  Le  Chapelain  reprochant  au  duc 
d'encourager  les  folies  du  chevalier  de  la 
Manche  (1849)  ;  —  Sancho  et  le  docteur  Pedro 
i?esm(1855),  etc.;  — plusieurs  toiles  traduisant 
Molière; —  Le  Bourgeois  gentilhomme  faisant 
des  armes  avec  sa  servante  (1841);  —  une 
scène  du  Malade  imaginaire  (1843)  ;  —  Trisso- 
tin  lisant  son  sonnet  aux  dames  (  1845  );  — 
Charles  II  et  ladij  Bellenden  déjeunant  dans 
la  tour  de  Tillietudlem  (1837)  ;—  plusieurs  scè- 
nes tirées  de  l'histoire  d'Henri  VIII  :  —  La 
reine  Catherine  priant  ses  femmes  défaire  de 
la  musique  pour  chasser  ses  tristes  pensées 
(1842);  — Wolsey  découvrant  le  Roi  dans 
La  Reine  donnant  son  dernier  message  pour 
le  bal  (1849)  ;  et  Le  Roi  (  1850)  ;  —  Slender 
courtisant  Anne  Page  (1825);  —  Le  Dîner 
chez  M.  Page  (1831  )  ;  scène  des  Joyeuses  Com- 
mères de  Windsor  (1838);  la  scène  du  tail- 
leur dans  La  méchante  Femme  mise  à  la  rai- 
son (1832);  —  Autolycus  (1836)  et  Florizel  et 
Perdita  (  1837  )  ;  —  scènes  du  Conte  d'hyver; 

—  une  scène  de  La  douzième  Nuit  (1842  );  — 
V  Oncle  Toby  et  la  veuve  Wadman  (1831),  ta- 
bleau bien  connu  enFrance  ;  —  Tristram  Shandy 
retrouvant  ses  manuscrits;  1833;  — La  Lec- 
ture du  testament  de  Roder ick  Random 
(1846);  —  Roger  de  Coverley  et  les  Gypsies 
(1829)  ;  —  scènes  du  vicaire  de  Wakefield  (1843)  ; 

—  De  Tom  Jones  (1850);  etc. 

Outre  ses  tableaux  littéraires,  M.  Leslie  a 
produit  quelques  tableaux  de  genre  et  deux 
toiles  officielles  qui  ont  eu  beaucoup  de  succès 
en  Angleterre:  Là  Reine  recevant  le  sacrement 
à  son  couronnement  (  1843  ) ,  et  Le  Baptême 
de  la  princesse  royale  (1855).  Parmi  les  por- 
traits qu'il  a  peints,  les  plus  estimés  sont  ceux 
de  M.  Anyelo,  de  C.  Dickens  et  du  chirurgien 
Travers;  la  plupart  de  ses  ouvrages  ont  été 
gravés.  E.  Oottenet. 


LESPINASSE  954 

The  art  Journal  (1886).  —  M  en  ofthe  Time.  -  Tuckrr- 
man,  Sketc/iesof  American Painter s;  —  New-York,  1847. 

—  Arnold,  Magazine  of  the  Fine  Arts ,  1834.  —  Waa- 
gen,  Kvnstwerke  vnd  liiinsteler  in  /ingland, ■  Berlin. 

l'espagnandel  (Matthieu).  Voy.  Espa- 

GNANDEL. 

l'esparre  (  André  de  Foix,  seigneur  de  ), 
capitaine  français,  mort  en  1547.  Frère  cadet  de 
Lautrecet  de  Lescun,  maréchal  de  Foix,«  il  fut,  dit 
Brantôme,  très-vaillant  comme  ses  deux  frères  »; 
suivant  d'autres  écrivains,  «  c'était  un  jeune 
homme  sans  talent  et  sans  expérience  ».  Il  com- 
mandait en  Guyenne,  et  fut  chargé  en  1521  de 
chasser  les  Espagnols  de  la  Navarre.  Fran- 
çois 1er  s'était ,  par  le  traité  de  Noyon ,  réservé 
le  droit  de  secourir  le  roi  de  Navarre.  C'était 
d'ailleurs  un  moyen  pour  lui  de  plaire  à  la  com- 
tesse de  Château briant,  parente  de  ce  roi.  Il 
permit  à  André  de  L'Esparre  de  lever  cinq  ou 
six  mille  Gascons ,  de  les  joindre  à  trois  cents 
lances  de  Lautrec  et  d'entrer  avec  cette  petite 
armée  en  Navarre.  L'Esparre  accomplit  en  quinze 
jours  la  conquête  de  cette  province.  Pampelune 
même  ne  lui  opposa  qu'une  faible  résistance,  et 
Ignace  de  Loyola,  son  défenseur,  y  tomba  blessé 
grièvement.  L'Esparre  vint  ensuite  mettre  le 
siège  devant  Logrono ,  ville  frontière  de  la  VieilJe- 
Castille;  mais  il  affaiblit  imprudemment  son 
armée  par  de  nombreux  congés  qu'il  donna  à 
ses  soldats  afin  de  profiter  de  leur  solde.  Atta- 
qué le  30  juin  par  les  Castillans,  il  reçut  dans  le 
combat  tant  de  coups  de  masse  sur  son  casque 
qu'il  en  perdit  la  vue.  Ses  troupes  furent  tail- 
lées en  pièces,  et  la  Navarre  fut  reperdue  aussi 
rapidement  qu'elle  avait  été  conquise.  Dès  lors 
la  vie  de  L'Esparre  n'offre  plus  d'intérêt  histo- 
rique. A.  d'E— p — c. 

Du  Bellay,  Mémoires,  liv.  1,  p.  89-92.  —  Belcorius, 
Comment.,  liv.  XVI,  p.  481.  —  Arnold  Kerron,  De  Rébus 
Gallicar..  liv.  V,  p.  95  —  Brantôme,  Fies  des  Capitaines. 

—  Sisnooniii,  Hist.  des  Français,  t.  XVI,  p.  123  125,131. 
l'espÉe  (  Jacques  ) ,  chroniqueur  belge ,  né 

enHainaut,  en  1516,  mort  à  Liessies,  le  24  no- 
vembre 1546.  Ses  étudesterminées,  il  entra  chez 
les  Bénédictins  de  Liessies,  et  y  termina  sa  courte 
existence.  On  a  de  lui  :  Chronicon  Monasterii 
Lxtiensis,  ab  initio  (  751)  usque  ad  sua  tem- 
pora  (1544);  Liessies  et  Anvers,  in-4".  A.  L. 
Brasseur,  lit.  Hannoniœ  Sidéra,  p.  37.  -  Les  Bollan- 
distes,  Acta  Sanctornm,  t.  VII,  septembre,  p.  489. 

lespinasse  (  Claire-Françoise  (1)  Mlle  ), 
femme  célèbre  par  son  esprit,  naquit  à  Lyon,  en 
1731  ou  33,  et  mourut  à  Paris,  le  23  mai  1776  (2). 
Elle  était  fille  naturelle  d'une  grande  dame  qui 
vivait  séparée  de  son  mari  (3).  Quant  au  père,  il 
ne  se  fit  jamais  connaître  par  aucune  marque 


(1)  Prénoms  donnés  par  l'éditeur  de  ses  lettres,  publiées 
en  1806.  M.  Jules  Janin,  dans  sa  préface  à  une  nouvelle 
édition  des  Lettres  de  Mlle  Lespinasse  ,  la  nomme  Julie- 
Jeanne-Étèonore. 

(2)  Dates  données  par  M.  Jules  Janin. 

(3)  Guibert  citait  discrètement  le  nom  de  cette  dame 
dans  un  opuscule  dont  i\llle  Lespinasse  est  le  sujet; 
Grimm,  dans  sa  Correspondance  littéraire,  l'appelle  net- 
tement la  comtesse  d'Albon. 


955  LESPINASSE 

d'affection  ou  d'intérêt  pour  elle;  on  nommait 
tout  bas  le  cardinal  de  ïencin  :  Lespinasse  était 
un    nom  d'emprunt.  Après  la  mort  du  comte 
d'Albon,  la  comtesse,  qui  avait   confié  à   des 
étrangers  cette  enfant  qu'elle  ne  pouvait  pas  re- 
connaître pour  sa  fille,  la  prit  chez  elle,  en  appa- 
rence ,  par   un   sentiment  de   charité.  Elle  lui 
donna  une  éducation  distinguée;  mais  elle  lui  fit 
un  mystère  de  sa   naissance.  Mlle  Lespinasse 
entrait  à  peine  dans  sa  dix-huitième  année,  lors- 
qu'elle perdit  presque  subitement  sa  protectrice. 
«  Elle  resta  abandonnée  à  des  parents,  qui  bien- 
tôt ne  furent  plus   que   ses  persécuteurs  »  dit 
Guibert,  dans  son  Éloge  d'Éliza,  nom  fictif  sous 
lequel  il  désigne  Mlle  Lespinasse.  M.  Janin  ra- 
conte que  Mme  d'Albon,  se  voyant  près  de  mou- 
rir, avait  remis  à  sa  fille  «  une  cassette  de  papiers 
et  une  somme  considérable  en  bons  louis  d'or  ». 
11  ajoute  que  Mlle  Lespinasse  se  laissa  voler  la 
cassette  et  donna  l'argent  aux  héritiers  légitimes 
de  sa  mère.  La  jeune   fille    se  trouvant  alors 
dans  le  dénûment,  une  de  ses  sœurs,  qui  vivait 
dans  ses  terres ,  se  décida  à  la  prendre  chez  elle 
pour  faire  l'éducation  de  ses  enfants.  Quelques 
années  plus  tard,  IVHle  Lespinasse  renonça  à  cette 
place  d'institutrice,  pour  aller  vivre  à  Paris  chez 
la  marquise  du  Deffand ,  en  qualité  de  demoiselle 
de  compagnie.  Ces  deux  dames  furent  d'abord 
très  satisfaites  l'une  de  l'autre;  leur  bonne  en- 
tente ne  pouvait  pas  durer  longtemps.  La  mar- 
quise ,  femme  spirituelle ,  mais  bizarre  et  mé- 
chante, avait  perdu  presque  entièrement  la  vue; 
et  ce  n'était  pas  une  tâche  facile  que  celle  de  la 
distraire  de  ses  ennuis.  Bien  que  la  modicité  de 
son  revenu  l'eût  obligée  de  se  retirer  dans  un 
couvent,  elle  voyait  toujours  le  grand   monde 
au  milieu  duquel  elle  avait  passé  la  phase  bril- 
lante de  sa  vie;  ce  monde  fut  bientôt  la  seule 
compensation  que  Mlle  Lespinasse  trouva  aux 
désagréments  de  sa  place.  Mme  du  Deffand  fai- 
sait «  du  jour  la  nuit,  et  de  la  nuit   le  jour  ». 
Ce  renversement  de  la  distribution  naturelle  du 
temps  était  nuisible  à  la  constitution  délicate  de 
M'le  Lespinasse;  les  lectures  à  voix  haute  par 
lesquelles  il  lui  fallait  endormir   la  marquise  à 
l'issue  de  ses   longues  veillées  épuisaient  la  poi- 
trine, de  la  jeune  fille.   L'amitié   d'un  homme 
célèbre,  que  peut-être  un  lien  secret  de  parenté 
attacha  doublement  à  la  pauvre  orpheline,  con- 
solait celle-ci  de  son  état  de  dépendance  ;  le  fils 
si  longtemps  désavoué  de  Mme  de  Tencin,  dont  il 
punit  l'indifférence  en  la  désavouant  ensuite  à 
son  tour,  le  savant  géomètre  D'Alembert,  était 
un  des  habitués  du  salon  de  Mmc  du  Deffand, 
où  la  présence  de  Mlle  Lespinasse  l'attira  plus 
fréquemment  qu'auparavant.  Il  ne  fut  pas  seul 
parmi  les  amis    de  la  marquise  à  apprécier  le 
mérite  de  sa  demoiselle  de  compagnie;  Turgot, 
Chastellux,  et  beaucoup  d'autres  hommes  émi- 
nents ,  partagèrent  sa  sympathie  pour  elle.  Afin 
de  jouir  plus  librement  de  la  conversation  at- 
trayante de  MUc  Lespinasse,  ils  s'avisèrent  d'ar- 


956 


river  le  soir  chez  Mme  du  Deffand  un  peu»  plus 
tôt  que  l'heure  à  laquelle  cette  dame  était   vi- 
sible; ces  moments  d'attente,  ils  les  passaient 
dans  le  petit  appartement  de  MUe  Lespinasse.  On 
fit  d'abord  un  seeret  de  ces  réunions  à  la  mar- 
quise; mais  elle  en  eut  connaissance,  et  alors 
elle  éclata  en  reproches  à  l'adresse  de  ses  amis 
aussi  bien  que  de  M1|e  Lespinasse.  Il  y  eut  entre 
les  deux  femmes  une  brusque,  et  violente  rup- 
ture; la  fille  de  la  comtesse  d'Albon  se  serait 
trouvée  sans  moyens  d'existence  si  la  société 
presque  tout  entière,  de   la  marquise  ne  l'avait 
prise  sous  sa  protection.  On  obtint  pour  elle, 
par  l'entremise  du  duc  de  Choiseul,  une  gratifi- 
cation annuelle  sur  la  cassette  du  roi  ;  Mme  de 
Luxembourg  lui  meubla  complètement  un  ap- 
partement, rue  Bellechasse  ;  enfin  Mme  Geoffrin, 
cette  bienfaitrice  déclarée  des  gens  d'esprit,  lui 
fit  une.  pension  de  3,000  francs.  Ce  fut  alors  que, 
dans  l'aimable  liberté  du  chez  soi,  Mlle  Lespi- 
nasse révéla  à  ses  amis  toute  l'étendue  et  toute 
l'originalité  de  sa  rare  intelligence.  Cette  intelli- 
gence embellissait  son  visage  au  point  que  l'on 
oubliait  sa  laideur  dès  qu'elle  parlait.  Mlle  Les- 
pinasse était  grande  et  bien  faite;  mais  la  petite 
vérole  avait  entièrement  gâté  ses  traits.  C'était 
une  chose  merveilleuse  que  la  manière  dont  cette 
remarquable  personne  tenait  son  salon  ,  qui  ne 
devint  pas  une  coterie  comme   presque  toutes 
les  sociétés  exclusives  auxquelles  s'appropriait  la 
dénomination  de  bureau  d'esprit.  A  l'exception 
de  quelques  amis  de  d'Alembert,  son  cercle  n'é- 
tait pas  composé  de  gens  qui  fussent  liés  les  uns 
avec  les  autres.  «  Elle  les  avait  pris,  dit  Mar- 
montel,  çà  et  là  dans  le  monde,  mais  si  bien  as- 
sortis que  lorsqu'ils  étaient  dans  son  salon,  ils  s'y 
trouvaient  en  harmonie  comme  les  cordes  d'un 
instrument  monté  par  une  main  habile.  Nulle 
part  la  conversation  n'était  plus  vive,  ni  plus  bril- 
lante, ni  mieux  réglée  que  chez  elle  ».  Plus  loin, 
il  compare  M'ie  Lespinasse  à  «  une  fée  qui,  d'un 
coup  de  baguette,  change  à  son  gré  la  scène  de  ses 
enchantements  ».  Ce  n'est  pas  un  médiocre  ta- 
lent que  celui  de  savoir  animer  et  rendre  intéres- 
sante et  agréable   pour  tous,  durant  plusieurs 
heures  de  suite,  une  conversation  à  laquelle  on 
doit  faire  participer,  sinon  à  la  fois,  du  moins  tour 
à  tour,  trente  à  quarante  personnes  ;  c'était  le 
nombre  moyen  des  amis  qui  se  réunissaient  le 
soir  chez  Mu>  Lespinasse,  seulement  pour  causer  ; 
car  la  modicité  de  son  revenu  ne  lui  permettait 
pas  de  donner  à  souper.  L'esprit  le  plus  vif  et 
l'instruction  la  plus  variée  ne  suffisent  pas  à  pro- 
curer celaient;  pour  l'acquérir,  pour  l'exercer, il 
faut  avoir  un  fonds  de  cette  véritable  sociabilité 
qui   dérive  de  la   bienveillance   du   caractère. 
M"e  Lespinasse,  qui  était  «  toujours  exempte  de 
personnalité   et  toujours   naturelle  » ,  poussait 
cette  bienveillance  et  cette  sociabilité  jusqu'à  la 
philanthropie,  qualité    peu  commune   à  cette 
époque  et  qui  valut  à  Turgot  lui-même  les  sar- 
casmes des  grandes  dames,  Mais  Mlle  Lespinasse 


857 


LESPINASSE 


958 


n'était  pas  une  femme  frivole;  tout  ce  qui  se  rap- 
portait au  bien  public  et  au  progrès  de  l'huma- 
nité touchait  fortement  son  âme;  la  joie  qu'elle 
laissa  éclater  lors  de  l'édit  d'abolition  des  cor- 
vées en  est  une  preuve.  Compatissante  et  gé- 
néreuse, elle  regrettait  surtout  de  n'avoir  point 
de  fortune,  parce  qu'elle  ne  pouvait  pas  soulager 
les  malheureux.  Cependant,  l'aménité  de  ma- 
nières de  M"e  Lespinasse  était  plutôt  raisonnée 
que  spontanée.  Profondément  blessée  par  les 
durs  procèdes  d'une  famille  égoïste,  elle  avait 
dans  son  coeur  un  levain  de  chagrin  qui  lui  fai- 
sait rechercher  avec  une  sorte  d'ardeur,  comme 
un  adoucissement  à  d'amers  souvenirs,  les  dis- 
tractions du  grand  monde.  D'Alembert  lui  disait 
que  «  l'envie  d'avoir  une  cour  et  ce  qu'on  appelle 
dans  le  monde  des  amis  ,  la  portait  quelquefois  à 
sacrifier  sa  fierté  à  son  amour- propre,  en  faisant 
les  avances  lorsqu'on  n'allait  pas  au-devant 
d'elle  ».  Sa  santé  s'affaiblit  par  la  fatigue  de  cette 
agitation  incessante.  Suivant  Marrnontel ,  un  des 
charmes  de  Mlle  Lespinasse  était  ce  naturel  brû- 
lant qui  passionnait  son  langage  et  communiquait 
à  ses  opinions  la  chaleur,  l'intérêt,  l'éloquence  du 
sentiment.  ».  Mais  cette  exaltation  de  sentiment, 
ce  feu  de  l'imagination,  en  donnant  à  Mllc  Lespi- 
nasse un  éblouissant  prestige,  devint  aussi 
pour  elle  une  source  de  tourments  cachés  qui, 
sur  la  fin  de  sa  vie,  ne  laissèrent  pas  à  son  esprit 
un  seul  jour  de  trêve.  Grimm,  après  avoir  dit 
qu'elle  mourut  d'une  passion  malheureuse,  ajoute 
que  ce  fut  sa  cinquième  ou  sixième.  Ceci  est  Une 
exagération.  Il  était  assez  naturel  que  Mi|e  Les- 
pinasse désirât  sortir  de  la  situation  isolée  et 
précaire  dans  laquelle  elle  se  trouvait,  puis- 
qu'elle n'avait  pas  d'autres  ressources  que  les 
libéralités  du  roi  et  de  quelques  particuliers.  Si 
elle  n'eût  pas  porté  ses  vues  sur  des  hommes 
dont  la  haute  position,  la  grande  fortune,  l'am- 
bition de  leur  famille  ou  la  leur  propre ,  met- 
taient en  quelque  sorte  une  barrière  entre  elle  et 
eux,  elle  aurait  pu  s'établir  très-convenablement. 
Mais ,  se  voyant  l'objet  de  l'admiration  et  de 
l'adoration  déjeunes  gens  d'un  rang  élevé,  elle 
présuma  qu'un  de  ceux-là  pourrait  s'éprendre 
assez  fortement  d'elle  pour  l'épouser.  «  Cette 
ambitieuse  espérance,  plus  d'une  fois  trompée,  re- 
marque encore  Marrnontel ,  ne  se  rebutait  pas  ; 
elle  changeait  d'objet,  toujours  plus  exaltée,  et  si 
vive,  qu'on  l'aurait  prise  pour  l'enivrement  de 
l'amour  ».  C'était  bien  de  l'amour  que  ressentait 
M"e  Lespinasse,  lorsqu'elle  se  trouvait  sous  le 
charme  d'une  de  ces  illusions.  Dans  ses  lettres, 
il  y  a  des  expressions  qui,  pour  nous  servir  de 
la  métaphore  employée  par  leur  premier  éditeur, 
brûlent  le  papier. 

Vers  1772,  Mlle  Lespinasse  fit  la  conquête  du 
marquis  de  Mora ,  fils  du  comte  de  Fuentès,  am- 
bassadeur d'Espagne  en  France.  Bien  qu'elle 
fût  plus  âgée  que  lui  de  dix  ans,  il  conçut  pour 
elle,  un  attachement  si  profond,  que  sa  famille  en 
prit  de  l'inquiétude,  et  le  fit  rappeler  à  Madrid 


par  le  ministre.  Le  départ  du  jeune  Espagnol 
mit  au  désespoir  Mlle  Lespinasse;  néanmoins, 
ayant  fait,  peu  de  temps  après  ,  la  rencontre  de 
M.  de  Guibert ,  un  cadet  de  famille ,  chez 
Mme  Lebrun,  la  célèbre  artiste  peintre,  elle  se 
laissa  distraire  de  son  chagrin  par  une  nouvelle 
inclination  de  cœur,  qui  ne  fut  pas  plus  heureuse 
que  la  précédente;  elle  donna  lieu  à  un  com- 
merce de  lettres  dont  celles  seulement  qui  ont 
été  écrites  par  Mlle  Lespinasse  furent  publiées 
trente  ans  après  sa  mort;  on  les  avait  trouvées 
dans  ses  papiers  parce  qu'elle  se  les  était  fait 
rendre  par  Guibert,  lors  du  mariage  de  ce  der- 
nier. Tout  imprégnées  d'amour  et  de  jalousie 
que  sont  ces  lettres,  on  n'y  rencontre  pas  une 
phrase ,  pas  un  mot  qui  puisse  être  interprété 
autrement  que  comme  l'expression  d'un  amour 
romanesque.  Ce  qu'il  y  a  de  très-curieux,  c'est 
le  partage  presque  égal  que  Mllc  Lespinasse  fait 
de  son  cœur  entre  Guibert  et  Mora,  avec  une 
ingénuité  dont  on  trouverait  difficilement  un 
autre  exemple.  Comme  Guibert  n'était  pas  une 
nature  désintéressée  jusqu'à  faire  abnégation  de 
son  amour-propre ,  la  première  ardeur  de  ses 
sentiments  pour  Mlle  Lespinasse  dut  être  fort 
refroidie  par  l'incohérence  de  ceux  qu'elle  lui 
exprimait.  Ainsi  elle  lui  écrit,  en  parlant  de 
Mora  absent,  dont  la  santé  l'inquiète  :  «  J'ai 
reçu  beaucoup  de  détails  ;  ils  ont  calmé  mon  dé- 
sespoir... Mais  concevez  s'il  est  possible  d'avoir 
un  moment  de  repos  en  tremblant  sans  cesse 
pour  la  vie  de  quelqu'un  à  qui  l'on  sacrifierait 
la  sienne  à  tous  les  instants?...  Oh!  si  vous 
saviez  combien  il  est  aimable,  combien  il  est 
digne  d'être  aimé?...  Qu'êtes-vous  donc  pour 
m'avoir  détournée  un  instant  de  la  plus  char- 
mante et  de  la  plus  parfaite  de  toutes  les  créa- 
tures?... Je  ne  sais  par  quelle  fatalité  ou  par 
quel  bonheur  j'ai  été  susceptible  d'une  affection 
nouvelle.  »...  A  ces  lignes  détachées  de  billets 
de  dates  différentes ,  il  faut ,  pour  donner  une 
idée  de  la  variabilité  de  l'imagination  de 
Mlle  Lespinasse,  opposer  des  passages  d'autres 
lettres  où  son  amour  pour  Guibert  s'exhale  en 
ces  termes  :  «  Je  cède  au  besoin  de  mon  cœur, 
mon  ami ,  je  vous  aime  ;  je  sens  autant  de  plaisir 
et  de  déchirement  que  si  c'était  la  première  et  la 
dernière  fois  de  ma  vie  que  je  prononcerais  ces 
mots!  «  —  Mora  mourut;  son  souvenir  venait 
toujours  se  placer  entre  elle  et  Guibert  chaque 
fois  que  ce  dernier  lui  donnait  quelque  sujet  de 
jalousie.  «  Oh  !  que  vous  avez  bien  vengé  M.  de 
Mora  !  »  lui  écrit-elle  un  jour. 

Vers  le  milieu  de  l'année  1774,  on  proposa  à 
Guibert  un  mariage  qui  lui  convenait  fort,  et 
qui  se  fit  effectivement  l'année  suivante.  Il  cacha 
aussi  longtemps  que  cela  lui  fut  possible  ce  pro- 
jet à  son  amie  ;  quoique  celle-ci  lui  eût  elle-même 
proposé  de  riches  partis,  il  pressentait  que  son 
mariage  lui  causerait  une  peine  mortelle. 
Mlle  Lespinasse,  devinant  peut-être  ce  qu'on  lui 
cachait,  se  montre  inquiète,  tourmentée  ;  elle  se 


959  LESPINASSE 

reprend  à  vanter  Mora  ;  elle  rapporta  à  Guibert 
les  derniers  mots  que  lui  avait  adressés  le  jeune 
Espagnol  ;  elle  n'avait  reçu  le  billet  qui  les  con- 
tenait que  longtemps  après  qu'il  le  lui  avait 
écrit.  «  J'allais  vous  revoir,  lui  disait-il,  et  il 
faut  mourir!...  Quelle  affreuse  destinée  !  Mais 
vous  m'avez  aimé,  et  vous  me  faites  encore 
éprouver  un  sentiment  doux,...  je  meurs  pour 
vous  ».  Ce  dernier  adieu  était  attendrissant  ; 
aussi  Mlle  Lespinasse  ajoute-t-elle  qu'en  le  re- 
traçant sur  le  papier,  elle  ne  peut  s'empêcher 
de  fondre  en  larmes;  et  il  semble  qu'à  l'âge 
de  quarante-deux  ans  qu'elle  venait  d'atteindre , 
le  souvenir  d'un  tel  amour  aurait  dû  satisfaire 
son  cœur  et  sa  tête;  mais  on  eût  dit  que  chaque 
année  qui  s'écoulait  augmentait  la  vivacité  de  ses 
passions.  Elle  proclamait  son  culte  de  la  mémoire 
de  Mora  par  les  lignes  suivantes  :  «  Savez-vous 
le  premier  besoin  de  mon  âme  lorsqu'elle  a  été 
violemment  agitée  parle  plaisir  ou  la  douleur? 
C'est  d'écrire  à  M.  de  Mora ,  je  le  ranime ,  je  le 
rappelle  à  la  vie,  mon  cœur  se  repose  sur  le  sien, 
mon  âme  se  verse  dans  la  sienne  »...  Ensuite  elle 
s'écriait,  désolée  du  mariage  de  Guibert.  «  J'ai 
cru  mourir,  j'ai  voulu  mourir,  et  cela  me  parais- 
sait plus  aisé  que  de  renoncer  à  vous  aimer.  » 
Marmontel  définit  ainsi  cette  organisation  de  feu  : 
«Etonnant  composé  de  bienséance,  de  raison,  de 
sagesse,  avec  la  tête  la  plus  vive,  l'âme  la  plus 
ardente  et  l'imagination  la  plus  inflammable  qui 
ait  existé  depuis  Sapho.  »  Pourtant,  ce  fut  seule- 
ment à  la  mort  de  M1Ic  Lespinasse,  qui  arriva  un 
an  après  le  mariage  de  Guibert,  que  l'on  sut  à 
quel  point  son  imagination  était  inflammable; 
jusques  là  on  avait  cru  généralement  que  son 
cœur  était  consumé  par  le  chagrin  d'avoir  perdu 
le  marquis  de  Mora.  Les  accès  de  désespoir 
que  lui  causaient  la  froideur  et  l'inconstance  de 
Guibert ,  D'Alembert  les  attribuait  à  ses  regrets 
de  la  mort  du  jeune  Espagnol.  Elle  avait  des 
instants  d'égarement  qui  arrachaient  des  larmes 
à  ce  naïf  savant,  dont  le  caractère,  plein  d'abné- 
gation, ne  s'était  pas  démenti  un  instant  à  l'égard 
de  Mlle  Lespinasse,  quoique  cette  dernière  fût 
devenue  froide  et  aigre  pour  lui.  Lorsque  Mora 
avait  été  obligé  de  quitter  Paris,  D'Alembert 
avait  mis  en  usage  tous  les  moyens  imaginables 
pour  adoucir  la  douleur  de  son  amie  et  ramener 
auprès  d'elle  celui  qu'elle  aimait  d'amour.  Les 
jours  de  courrier,  il  allait  lui-même,  le  matin, 
chercher  à  la  poste  les  lettres  que  Mora  adres- 
sait à  Mile  Lespinasse  ,  afin  que  celle-ci  les  reçût 
plus  tôt.  La  santé  du  jeune  Espagnol  ayant  donné 
de  l'inquiétude  à  sa  famille,  D'Alembert  obtint 
du  médecin  Lorry  une  consultation  qui  pres- 
crivait l'air  de  la  France  au  malade.  Malheureu- 
sement ,  ce  dernier,  en  revenant  d'Espagne  ,  fut 
attaqué  d'une  fièvre  maligne,  qui  le  força  de 
s'arrêter  à  Bordeaux,  où  il  mourut.  Depuis  lors 
Mlle  Lespinasse  se  détacha  toujours  de  plus  en 
plus  de  D'Alembert;  il  ne  se  plaignit  pas  d'un 
changement  dont  il  souffrait  cependant  beaucoup. 


960 
C'est  à  la  constance  de  son  attachemeni  pour 
elle  que  l'on  doit  attribuer  le  bruit  auquel  Vol- 
taire faisait  allusion,  lorsqu'il  écrivait  en  1766  à 
son  ami  Damilaville:  «  Est-il  vrai  queProtago- 
ras(  ainsi  appelait-il  D'Alembert)  épouse  Mlle  de 
Lespinasse?  »  Mais  M"e  Lespinasse  voulait  faire 
un  mariage  d'amour,  et  il  ne  paraît  pas  qu'elle 
ait  jamais  éprouvé  pour  D'Alembert  un  senti- 
ment plus  vif  que  celui  d'une  amitié  frater- 
nelle. Ce  sentiment-là  justifie  un  acte  de  dévoue- 
ment que  des  esprits  secs  pourraient  seuls  blâ- 
mer, en  le  discutant  au  point  de  vue  des  bien- 
séances de  convention.  Quelque  temps  après  la 
brouillerie  de  Mme  du  Deffand  et  de  MIle  Lespi- 
nasse, D'Alembert  tomba  gravement  malade 
dans  l'insalubre  logement  qu'il  occupait  encore 
chez  la  vitrière,  sa  nourrice.  On  le  transporta 
chez  un  de  ses  amis  qui  demeurait  au  boule- 
vard du  Temple ,  et  M"e  Lespinasse  «  s'établit 
chez  lui  garde-malade,  quoi  qu'on  en  pût  penser 
et  dire.  Personne  n'en  pensa  et  n'en  dit  que  du 
bien  ».  Lorsque  D'Alembert  eutrecouvréla  santé, 
il  voulut  consacrer  ses  jours  à  l'amie  qui  avait 
pris  soin  des  siens.  Il  se  loge  après  d'elle.  «  Rien 
de  plus  innocent  que  leur  intimité  ;  aussi  fut-elle 
respectée;  la  malignité  même  ne  l'attaqua  jamais, 
et  la  considération  dont  jouissait  Mlle Lespinasse, 
loin  d'en  souffrir  aucune  atteinte,  n'en  fut  que 
plus  hautement  établie.  Mais  cette  liaison  si  pure, 
et  du  côté  de  D'Alembert  toujours  tendre  et  inal- 
térable ,  ne  fut  pas  pour  lui  aussi  douce ,  aussi 
heureuse  qu'elle  aurait  dû  l'être.  »  Ainsi  parle 
Marmontel,  et  il  est  facile  de  juger  par  la  préci- 
sion de  ses  paroles  qu'elles  étaient  l'écho  de  l'o- 
pinion publique.  Cependant,  plus  d'un  demi- 
siècle  après  que  cette  femme  remarquable  eut 
cessé  de  vivre,  nous  avons  vu  sa  mémoire 
exposée  au  mépris  de  la  postérité,  par  des  im- 
putations et  des  invectives  également  outra- 
geantes; et  cela  parce  que  dans  un  opuscule, 
résultat  d'une  de  ces  débauches  de  l'esprit  qui 
souillent  quelquefois  la  plume  d'écrivains  d'ail- 
leurs éminents ,  Diderot  eut  la  fantaisie  de  mettre 
en  scène  M1|e  Lespinasse.  Cet  opuscule,  intitulé  : 
Le  Rêve  de  D'Alembert,  à  peu  près  inconnu  du 
public  contemporain  de  l'auteur,  ainsi  quedu  pu- 
blic de  nos  jours,  a  été  tiré  de  l'oubli  où  il  res- 
tait par  M.  Jules  Janin,  qui  y  trouve  des  témoi- 
gnages irréfragables  de  l'immoralité  de  M"e  Les- 
pinasse. «  Diderot,  dit  M.  Janin,  suppose 
dans  ce  Rêve  que  l'amie  de  D'Alembert  a  copié 
un  dialogue,  lequel  dialogue  contient  des  dé- 
tails incroyables  dont  il  serait  impossible  même 
aux  plumes  les  moins  timorées  de  donner  une 
juste  idée....  Il  faut  en  effet  que  M'Ie  Lespinasse 
ait  été  reconnue  depuis  longtemps  la  reine  et  Je 
modèle  des  femmes  qui  ont  jeté  leur  bonnet  par- 
dessus les  moulins  ». 

Après  avoir  qualifié  M"e  Lespinasse  d'an,' 
tienne  servante  de  Mmc  du  Deffand,  et  sa  liai- 
son avec  D'Alembert  de  demi-mariage ,  le  mor- 
dant critique  littéraire,  devenant  un  rigide  cen- 


961 


LESPINASSE  —  LESSART 


962 


seur  des  mœurs  privées,  s'écrie,  indigné  que  i 
Mlle  Lespinasse  ait  osé  prononcer  le  nom  de  Cla-  ; 
risse  Harlowe  :  «  Clarisse  Harlowe,  l'ange  de  la 
chaste  vertu,  à  propos  de  la  maîtresse  publique 
de  D'Alembert!  Clarisse. ,  invoquée  par  M"e  de 
Lespinasse ,  voilà  de  ces  étonnements  dont  il  est 
difficile  de  revenir  !  »  En  regard  de  cette  dia- 
tribe, il  est  juste  d'insérer  ici  l'appréciation  que 
Voltaire  lit  de  Mlle  Lespinasse,  d'après  la  voix 
publique,  dans  une  de  ses  lettres  familières  : 
«  Je  n'ai  jamais  vu  M"e  Lespinasse,  écrivait-il  à 
M.  Devaisme,  le  17avrill776;  mais  tout  ce  qu'on 
m'en  a  dit  me  la  fait  bien  aimer  ;  je  serais  bien 
affligé  de  sa  perte.  » 

Mlle  Lespinasse  nous  paraît  avoir  été  digne  de 
l'estime  générale  dont  elle  jouit  de  son  vivant  et 
longtemps  aussi  après  sa  mort.  Les  chagrins  que 
les  erreurs  de  son  imagination  lui  occasionnèrent 
pendant  la  dernière  période  de  son  existence 
atténuent  même  beaucoup  ses  torts  envers,  le 
fidèle  ami  qui  ne  lui  demandait  en  retour  de  son 
dévouement  que  la  continuation  de  sa  confiance. 
MUe  Lespinasse,  par  ses  dispositions  dernières, 
avait  chargé  Mrae  Geoffrin  d'acquitter  ses  dettes, 
et  elle  avait  en  même  temps  nommé  D'Alembert 
son  exécuteur  testamentaire.  Mme  Geoffrin  n'é- 
tait pas  capable  de  manquer  à  un  appel  fait  à  sa 
libéralité.  D'Alembert  en  remplissant  la  mission 
qui  lui  était  imposée  fut  douloureusement  sur- 
pris de  découvrir  dans  les  papiers  de  M1(e  Les- 
pinasse ses  lettres  à  Guibert,  qui  révélaient 
toute  la  folie  d'une  passion  insurmontable;  il 
fut  encore  plus  affligé  de  reconnaître  combien 
ce  cœur  égaré  s'était  détourné  du  sien,  puisqu'il 
ne  retrouva  pas  une  seule  de  ses  propres  lettres 
parmi  tant  d'autres  qu'elle  avait  conservées.  Au 
reste ,  elle  et  lui  s'étaient  déjà  trahis  quant  à  la 
conscience  qu'ils  avaient  du  changement  effec- 
tué dans  leur  situation  vis-à-vis  l'un  de  l'autre, 
Mlle  Lespinasse  par  ce  passage  d'une  de  ses  let- 
tres à  Guibert  :  «  Si  je  ne  vous  paraissais  pas 
trop  ingrate,,  Je  vous  dirais  que  je  verrais  partir 
avec  une  sorte  de  plaisir  M.  D'Alembert.  Sa  pré- 
sence pèse  sur  mon  ame  et  me  met  mal  avec  moi- 
même  ;  je  me  sens  trop  indigne  de  son  amitié  et  de 
ses  vertus  »  ;  D'Alembert  par  ces  deux  lignes  qu'il 
avait  inscrites  au-dessous  de  son  portrait  lors- 
qu'il le  donna  à  Mlle  Lespinasse ,  en  1775  : 

Et  dites  quelquefois  en  voyant  cette  image  : 

De  tous  ceux  que  j'aimai,  qui  m'aima  comme  lui? 

Mlle  Lespinasse  avait  écrit  plusieurs  petits  ou- 
vrages de  littérature,  dont  quelques-uns  ont  été 
perdus.  On  a  de  MUe  Lespinasse  :  Lettres  (  pu- 
bliées  par  Mœe  de  Guibert,  avec  une  préface  par 
M.  Barrère);  Paris,  1809,  2  vol.  in-s°;  — 
Nouvelles  Lettres  (  elles  ne  sont  pas  authenti- 
ques) suivies  du  portrait  de  M.  de  Mora,  et 
d'autres  opuscules  ;  1820,  in-8°. 

Camille  Lebrun. 
Marmontel,  mémoires.  — Grimm,  Correspondance  lit- 
téraire. —  Guibert,  Éloge  d'Éliza-  —  D'Alembert,  Aux 
mânes  de  Mlle  Lespinasse,  et  Discours  sur  sa  tombe.  — 
Lettres  de  Lespinasse.   —  Préface  a  la  première  édition 


KOUV.    BIOGR.    GENER. 


T.    XXX. 


des  Lettres  de  Mlle  Lespinasse.  —  Voltaire,  Correspon- 
dance. —  M.  Jules  Janin,  Introduction  a  une  édition  des 
Lettres  de  Lespinasse.  —  Sainte-Beuve ,   Causeries  du 

lundi ,  loin.  II. 

lespinasse  (Augustin,  comte  de).   Voy» 

ESPINASSE. 

l'es  pin e  (Jean  de),  Joannes  de  Spina, 
théologien  français,  né  à  Daon,  en  Anjou,  mort 
à  Saumur,  en  1504.  11  fut  d'abord  religieux  au- 
gustin,  ensuite  ministre  protestant.  On  a  de  lui  : 
Traité  pour  ôter  la  crainte  de  la  mort  et  la 
faire  désirer  à  l'homme  fidèle;  Lyon,  1558, 
in-8°;  —  Discours  du  vrai  sacrifice  et  du 
vrai  sacrificateur,  œuvre  montrant  à  l'œil, 
par  les  témoignages  de  la  Sainte  Écriture, 
les  rêveries  et  les  abus  de  la  messe;  1563, 
in-8°,  et  Lyon,  1564,  in  8°;  —  Traité  conso- 
la toire  et  fort  utile  contre  toutes  les  afflic- 
tions ;  Lyon,  1565,  in-8°  -.  appel  énergique  aux 
armes  protestantes  contre  les  armes  catholiques; 
—  Traité  des  Tentations,  et  moyen  d'y  résis- 
ter; Lyon,  1566,  in-8°; —  Défense  et  Confir- 
mation du  Traité  du  vrai  Sacrifice;  Genève, 
1567.  B.  H. 

La  Croix  du  Maine  et  Du  Verdler,  Biblioth.  Franc.  — 
B.  Hauréau,  Hist.  Litt.  du  Maine,  t.  III,  p.  K6. 

l'espine  (Charles  de).  Voy.  Espine. 

LES  PIN  E  DE  GKAINVILLE.  Voy.  GRAIN- 
VILLE. 

LEsezYNSKi.  Voy.  Stanislas. 

lespinœil  (Charles  oe),  pseudonyme  sous 
lequel  le  P.  François  Garasse  fit  paraître  un  li- 
belle dilfamatoire  contre  l'avocat  général  Louis 
Servin  et  en  faveur  des  Jésuites,  sous  le  titre  de 
Le  Banquet  des  Sept  Sages  ;  1617,  in-3°.  Cet 
ouvrage  est  devenu  fort  rare,  parce  qu'il  fut  sup- 
primé peu  après  sa  publication.  (  Voy.  Garasse.  ) 

A.  L. 

lessabé  (Jacques),  latiniste  belge,  né  à 
Marchiennes,  mort  à  Tournai,  le  1er  juillet  1557. 
Il  était  moine  dans  un  couvent  de  sa  ville  natale, 
et  a  laissé  :  Hannoniœ  urbium  et  nomina- 
tiorum  locorum  ac  eœnobiorum,  adjectis 
aliquot  limitaneis,  ex  Annalibus,  Anacepha- 
Iseosis  :  c'est  une  description  chorographique  du 
Hainaut;  —  Penias  Declamatiuncula  ;  An- 
vers, 1534,  in-12;  discours  dans  lequel  l'auteur 
fait  parler  la  Pauvreté  en  vers  qui  n'ont  rien  de 
remarquable; —  Carminum  tumultuaria  Far- 
rago;  Anvers,  1534,  in-12  :  pièce  médiocre. 
Sweert  attribue  à  Lessabé  une  Chronicon  uni- 
versale.  L — z — e. 

Sweert,  Atli.  Belg.,  p.  366.  —  Valère  André,  Bibliotheca 
Belgica,  p.  417  et  862.—  Paquot,  Mémoires  pour  servir 
à  l'histoire  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  852. 

lessart  (Antoine  de  Valdec  de),  homme 
d'État  français,  né  en  Guienne,  en  1742,  massacré 
le  9  septembre  1792,  à  Versailles.  Il  obtint  en 
1768  une  charge  de  maître  des  requêtes.  Il  se  lia 
avecNecker,  partagea  ses  vues  politiques  et  admi- 
nistratives, et  sous  son  second  ministère,  en  1789, 
fut  chargé  de  la  direction  d'une  partie  de  l'ad- 
ministration des  tinances.  Nommé,  en  décembre 
1790,  contrôleur  général  deslinances  en  rempla- 

31 


963 


LESSART 


cernent  de  Lambert,  il  passa  le  mois  suivant  au 
ministère  de  l'intérieur,  et  le  30  novembre  1791 
fut  appelé  aux  affaires  étrangères.  Les  cir- 
constances changèrent;  son  dévouement  au  roi 
Louis  XVI  devint  un  motif  d'accusation,  et  le 
9  mars  1792  fJiïssot  demanda  sa  mise  en  juge- 
ment «  pour  avoir,  par  sa  lâcheté  et  sa  faiblesse, 
trahi  les  intérêts  de  la  nation  ».  L'assemblée  vola 
ce  décret,  et  de  Lessart  fut  conduit  à  Orléans 
pour  être  traduit  devant  la  haute  cour  nationale, 
qui  siégeait  en  cette  ville.  Ramené  vers  Paris, 
sur  un  ordre  spécial  signé  Danton,  le  convoi 
dont  il  faisait  partie  fut  assailli  dans  les  rues  de 
Versailles.  De  Lessart  tomba  l'un  des  premiers 
sous  les  coups  d'assassins  apostés,  suivant 
quelques  historiens,  ou  d'une  populace  égarée, 
suivant  d'autres  écrivains.  H.  L. 

Thiers,  Histoire  de  la  Révolution  française,  t.  III.  — 
A.  de  Lamartine,  Hist.  des  Girondins,  t.  II.  —  Dulaure, 
Esquisses  de  la  ftévolution,  t.  II. 

lesseps  (Jean- Baptiste-Barthélémy,  ba- 
ron de),  voyageur  et  homme  d'État  français, 
né  à  Cette,  le  27  janvier  1766,  mort  le  6  avril 
1834,  à  Lisbonne.  Son  père,  Martin  de  Lesseps, 
était  commissaire  de  marine  et  agent  consulaire; 
il  emmena  son  fils  dans  ses  diverses  résidences, 
principalement  à  Hambourg  et  à  Saint-Péters- 
bourg. Ce  fut  ainsi  que  le  jeune  Lesseps  se  fami- 
liarisa avec  la  plupart  des  langues  européennes. 
Il  n'avait  encore  quedix-septanslorsqu'en  1783  il 
fut  nommé  consul  de  France  à  Cronstadt.  En 
1784  il  se  trouvait  à  Versailles  lorsque  s'organisa 
l'expédition  de  La  Pérouse.  Il  demanda  à  servir 
sous  les  ordres  de  ce  navigateur,  et  prit  place  à 
bord  de  La  Boussole;  plus  tard,  il  passa  sur 
V Astrolabe  (voyez  pour  les  détails  du  voyage 
les  articles.  La  Pérouse  et  de  Lancle).  Parti  de 
Brest  le  1er  août  1785,  La  Pérouse  lui  confia,  le 
29  septembre  1787,  le  soin  de  porter  en  France 
les  dernières  nouvelles  de  l'expédition.  Lesseps  se 
mit  en  route  le  7  octobre,  et  dut,  à  cause  de  la 
mauvaise  saison,  séjourner  dans  le  Kamtschatka. 
Le  27  janvier  il  s'aventura  par  la  voie  de  terre,  et, 
partant  d'Avvatscha,  arriva  en  traîneau  le  1 8  mars 
à  Poustaresk.  Il  était  alors  en  pleine  Sibérie,  et 
voyageait  traîné. tantôt  par  des  chiens,  tantôt  par 
des  rennes  II  traversa  Ingiga,  Yamsk  et  Okostk. 
Le  dégel  le  retint  dans  cette  dernière  ville  jus- 
qu'au 8  juin.  SI  put  alors  continuer  son  voyage, 
tantôt  par  eau,  tantôt  par  terre.  II.  vit  successi- 
vement Itkoutsk,  Tomsk,  Tobolsk,  Kasan,  Nijni- 
Novogorod  ,  Moscou,  et  entrait  à  Saint-Péters- 
bourg le  22  septembre.  Il  ne  demeura  que  trois 
jours  dans  cette  capitale,  où  d'ailleurs  il  fut  fort 
bien  accueilli.  Lesseps  reprit  sa  course  à  travers 
l'Allemagne,  et  le  1 7  octobre  rendait  compte  de  son 
voyage  à  M.  de  La  Luzerne,  ministre  de  la  marine, 
auquel  il  remettait  les  relations  que  lui  avait 
confiées  La  Pérouse.  Lesseps  fut  alors  nommé 
consul  à  Cronstadt,  et  le  7  janvier  1793  consul 
général  à  Saint-Pétersbourg.  En  septembre  1794 
il  accompagna  Aubert  du  Bayet,  ambassadeur  à 


-  LESSEPS  964 

Constantinople.  Les  Français  étant  débarqués  en 
Egypte,  la  Porte  vit  dans  ce  fait  une  violation  des 
traités,  et  fit  emprisonner  les  agents  diplomati- 
ques français.  Lesseps  fut  incarcéré  au  château  des 
SeptTours,  et  ne  recouvra  la  liberté  que  le  9  oc- 
tobre 1801.  Le  8  mars  1802,  il  fut  nommé  com- 
missaire général  des  relations  commerciales  à 
Saint-Pétersbourg,  poste  qu'il  remplit  jusqu'au 
6  janvier  1807,  et  dans  des  circonstances  fort 
difficiles.  11  reprit  ses  fonctions  le  2  août  suivant, 
après  le  traité  de  Tilsitt;  mais  le  8  juin  1812 
il  dut  encore  une  fois,  devant  la  guerre,  rega- 
gner sa  patrie.  En  juillet  1815  il  fut  nommé 
consul  général  de  France  à  Lisbonne,  et  y  resta 
accrédité  jusqu'au  17  novembre  1833,  malgré 
les  changements  de  gouvernement  qui  affligèrent 
ce  pays.  Il  revenait  en  France  lorsqu'il  mourut. 
On  a  de  lui  :  Journal  historique  du  voyage 
de  Lesseps,  depuis  l'instant  oii  il  a  quitté  les 
frégates  françaises  de  La  Pérouse,  au  port 
Saint -. Pierre-et-Saint-Paul,  au  Kamtchatka, 
jusqu'à  son  arrivée  en  France;  Paris,  1790, 
2  vol.  in-8°,  fig.  ;  —  Voyage  de  La  Pérouse,  par 
M.  Lesseps,  seul  débris  vivant  de  l'expédi- 
tion; Paris,  1831,  in-8°,  avec  carte,  port.  etc. 
A.  de  L. 
Le  Moniteur  vniversel,  ann.  1802-1817.  —  Quérard,  La 
France  Littéraire. 

lesseps.  (  MaUMeu-Maximilien- Prosper ', 
comte  de),  diplomate' français,  frère  du  précé- 
dent, né  à  Hambourg,  le  4  mars  1774,  mort  à 
Tunis,  le  28  décembre  1832.  Il  avait  à  peine 
seize  ans  lorsqu'il  fut  nommé  secrétaire  de  lé- 
gation auprès  du  général  Durocher,  ambassa- 
deur extraordinaire  près  l'empereur  de  Maroc. 
Lesseps  demeura  dans  cette  contrée  en  qualité 
de  consul  général  jusqu'au  25  août  1797.  Il 
remplit  ensuite  les  mômes  fonctions  à  Tripoli, 
revint  dans  le  Maroc  (  23  mai  1799  ),  passa  en 
Espagne  (4  janvier  1800  ),  et  suivit  l'armée  fran- 
çaise en  Egypte.  D'abord  sous-commissaire  des 
relations  commerciales  à  Damiette,  il  demeura 
chargé  de  représenter  la  France  après  l'évacua- 
tion des  troupes  expéditionnaires.  Napoléon 
l'appela  à  Livournele  1er  août  1805,  et  en  1808 
le  nomma  commissaire  généra!  des  Iles  Ionien- 
nes. Lesseps  occupa  ce  poste  important  jusqu'à 
la  chute  de  l'empire.  Dans  les  Cent  Jours  il  fut. 
nommé  préfet  du  Cantal.  Destitué  à  la  seconde 
restauration,  il  reçut  en  1817  une  commission 
extraordinaire  pour  obtenir  de  l'empereur  du 
Maroc  la  permission  d'acheter  des  blés  dans 
ses  États.  Il  réussit  dans  sa  mission  ;  mais  lors- 
qu'il voulut  faire  enlever  les  blés  achetés ,  le 
peuple  s'ameuta,  et  dans  le  conflit  Lesseps  fut 
blessé  dangereusement  d'un  coup  de  pierre  à  la 
poitrine.  Le  16  septembre  1819  il  fut  investi 
du  consulat  de  Philadelphie,  et  le  1er  mai  1821 
nommé  consul  général  de  Syrie;  le  8  août  1827 
il  passa  à  Tunis,  où  il  mourut.  Il  avait  épousé  à 
Malaga,  le  22  mai  1801,  M,le  de  Grivegnée,  fiHe 
d'un  des  premiers  négociants  de  cette  ville.  A.  L. 


965 


LESSEPS 


Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Kouv.  Biog.  des  Con- 
temporains. 

*  lesseps  (Ferdinand  de),  diplomate 
français,  né  eu  1805,  à  Versailles.  Dès  l'âge  de 
vingt,  ans  il  suivit  la  carrière  diplomatique,  et 
fut  envoyé  à  Lisbonne,  d'où  il  passa,  le  19  oc- 
tobre 1828,  à  Tunis  en  qualité  d'élève  consul. 
A  la  suite  de  la  conquête  d'Alger,  il  eut  auprès 
du  maréchal  Clausel  une  mission  relative  à  la 
soumission  du  bey  de  Constantine.  En  1831  il  se 
rendit  en  Egypte,  et  y  fut  chargé,  à  trois  re- 
prises différentes,  de  la  gestion  du  consulat  gé- 
néral d'Alexandrie;  pendant  la  durée  de  ces 
fonctions  intérimaires,  il  sut  maintenir  l'in- 
fluence française  au  milieu  des  circonstances  les 
plus  difficiles,  obtint  d'Ibrahim-Pacha  une  pro- 
tection efficace  pour  nos  coreligionnaires  de 
Syrie,  et  s'employa  activement,  après  la  guerre, 
dans  le  rétablissement  des  rapports  administra- 
is entre  la  Porte  et  Méhémet-Ali.  Le  dévoue- 
ment qu'il  montra  à  propos  de  la  peste  qui  dé- 
sola en  1835  la  ville  d'Alexandrie  lui  lit  donner 
la  croix  de  la  Légion  d'Honneur.  Nommé  consul 
à  Rotterdam  (  17  juillet  1838),  puis  à  Malaga 
(8  juillet  1839),  il  fut  désigné,  le  24  mai  1842, 
pour  occuper  le  même  poste  à  Barcelone.  A 
quelques  mois  de  là,  lors  du  bombardement  de 
cette  ville  par  Espartero,  M.  de  Lesseps  agit 
avec  autant  de  courage  que  de  sang- froid  pour 
sauvegarder  les  intérêts  de  ses  compatriotes  : 
on  le  vit  courir  au  milieu  des  bombes  et  des 
boulets  tantôt  pour  arracher  des  victimes  à  la 
mort ,  tantôt  pour  porter  aux  combattants  des 
paroles  de  paix.  Pendant  plusieurs  jours  ses 
énergiques  protestations  suspendirent  le  bombar- 
dement, et  quand  ce  dernier  malheur  lui  parut 
inévitable,  il  fréta  pour  le  compte  du  gouver- 
nement les  navires  nécessaires  pour  mettre  ses 
nationaux  à  couvert ,  et  veilla  lui-même  jus- 
qu'au dernier  moment  aux  moindres  détails  de 
l'embarquement.  Les  honneurs  ne  firent  pas  dé- 
faut à  cette  courageuse  conduite,  qui  excita  les 
applaudissements  de  toute  l'Europe.  M.  de  Les- 
seps fut  promu  officier  de  la  Légion  d'Honneur 
(20  décembre  1842.)  et  reçut  des  gouvernements 
de  Sardaigne,  des  Deux-Siciles,  de  Suède,  des 
Pays-Bas ,  d'Espagne  même,  les  insignes  de 
leurs  ordres;  la  chambre  de  commerce  de  Bar- 
celone lui  adressa  des  remercîments  publics,  et 
décida  que  son  buste  en  marbre  décorerait  la 
salle  de  ses  séances  ;  la  colonie  française  de 
cette  ville  lit  frapper  en  son  honneur  une  mé- 
daille d'or.  Enfin,  par  ordonnance  du  26  janvier 
1847,  il  fut  maintenu  à  son  poste  avec  le  grade 
supérieur  de  consul  général.  Accrédité  à  Ma- 
drid comme  ministre  de  la  république  (  10  avril 
1848  ),  il  céda  sa  place  au  prince  Napoléon 
(10  février  1849;,  et  allait  prendre  possession 
de  la  légation  de  Berne  lorsque ,  le  8  mai  sui- 
vant, il  fut  envoyé  en  Italie.  Sa  mission  avait  un 
double  but  :  soustraire  les  États  de  l'Église  à 
l'anarchie  qui  les  désolait,  et  empêcher  que  le 


•  LESSER  966 

rétablissement  d'un  pouvoir  régulier  à  Rome  y 
fût  compromis  dans  l'avenir  par  une  réaction 
aveugle.  Pour  atteindre  ces  résultats  il  lui  était 
prescrit  de  se  concerter  avec  MM.  d  Harcourt  et 
de  Rayvenal  sur  tout  ce  qui  n'exigerait  pas  une 
solution  absolument  immédiate.  Malheureuse- 
ment ces  instructions ,  quoique  formelles ,  n'é- 
taient pas  assez  explicites  pour  donner  à  l'en- 
voyé les  moyens  d'agir,  de  côté  ou  d'autre, 
avec  la  moindre  autorité.  Aussi  dès  que  l'As- 
semblée constituante  eut  fait  place  à  la  législa- 
tive ,  M.  de  Lesseps,  qui  avait  dès  le  16  mai 
suspendu  les  hostilités,  qui  avait  dans  di- 
verses propositions  d'arrangement  stipulé  qu'on 
laisserait  au  peuple  romain  le  droit  de  se  pro- 
noncer sur  la  forme  de  son  gouvernement,  qui 
avait,  enfin,  rédigé  le  texte  des  conventions  du 
31  mai,  M.  de  Lesseps  fut  sacrifié  à  un  change- 
ment de  politique  et  rappelé  dans  les  premiers 
jours  de  juin.  On  déféra  l'examen  des  actes  de  sa 
mission  au  conseil  d'État,  qui,  dans  un  rapport 
en  date  du  8  août,  lui  infligea  un  blâme  sévère 
fondé  sur  ces  deux  points  :  l'opposition  absolue 
entre  les  instructions  de  l'envoyé  et  l'applica- 
tion qu'il  en  avait  faite,  et  la  signature  d'une  con- 
vention dont  les  stipulations  étaient  contraires 
aux  intérêts  de  la  France  et  à  sa  dignité.  Le 
fonctionnaire  réprimandé  justifia  sa  conduite 
avec  autant  de  force  que  de  ménagement  dans 
son  Mémoire  au  conseil  d'État,  et  sa  Réponse 
à  l'examen  de  ses  actes. 

Depuis  cette  époque  M.  de  Lesseps  a  tout  à 
fait  renoncé  à  la  carrière  diplomatique,  et  parait 
vouloir  consacrer  le  reste  de  sa  vie  à  la  direc- 
tion d'une  vaste  entreprise,  le  percement  de 
l'isthme  de  Suez,  à  laquelle  il  a  su  intéresser  la 
plupart  des  gouvernements  et  des  capitalistes 
de  l'Europe.  «  D-es  difficultés  diplomatiques,  les 
ombrages  de  la  Porte,  les  rivalités  de  l'adminis- 
tration anglaise,  interprétées  par  les  ministres 
eux-mêmes  et  soutenues  ouvertement  par  le 
parlement,  ont  suspendu  jusqu'en  1859  l'exécution 
de  ce  projet  grandiose.  »  Mais  cette  année  même 
les  travaux  ont  été  commencés,  et  si,  contraire- 
ment à  l'opinion  d'un  grand  nombre  d'ingénieurs, 
il  est  possible  de  les  mener  à  bonne  fin,  on  peut 
affirmer  que  cette  route  nouvelle,  ouverte  entre 
l'Europe  et  l'extrême  Orient,  sera  une  des  plus 
glorieuses  conquêtes  de  notre  siècle. 

Le  Moniteur,  1842,1849.  —  Vapereaa,  Dict.  dei  Con~ 
temp. 

lesser  ( Frédéric-Chrétien),  naturaliste  et 
théologien  allemand,  né  à  Nordhaosen,  le  29  mai 
1692,  mort  dans  cette  même  ville,  le  17  sep- 
tembre 1754.  Il  étudia  la  médecine  et  plus  tard: 
la  théologie,  et  fut  longtemps  pasteur  à  Nord- 
hausen.  Parmi  ses  ouvrages  on  remarque  : 
Lithotheologie  das  ist  die  naluerliehe  His- 
torié der  Steine  (Lithothéologie  ou  Histoire  na- 
turelle des  pierres);  Hambourg,  1735  et  1751, 
in-8'J  ;  —  De  Sapientia,  Omnipotentia  et  Pro- 
videntia  divina,  ex  partibus  insectomm  co- 

31. 


967 


LESSER  —  LESSING 


968 


(juosce7ida,  Disquinitio ;  Nordhausen,  1735, 
in-4°  ;  —  Insectotheologia  (  Démonstration  des 
perfections  de  Dieu  dans  tout  ce  qui  concerne 
les  insectes);  Francfort  et  Leipzig,  1738,  1740, 
1757,  in-8°;  trad.  en  ital. ,  Venise,  1751,  in-8°; 
trad.  en  franc  avec  des  notes  par  Lyounet,  La 
Haye.  1744, et  Paris,  1745; — Testaceolheologia; 
Leipzig,  1747,  1759, 1770,  in-8°;  trad.  en  français, 
avec  des  notes  par  Lyonnet,  Paris,  1748,  in-8°; 
—  Versueh  einer  Heltotheologie  ;  Nordhausen, 
1753,  in-8°.  V— u. 

Schmersahl,  Geschichte  jetzt  lebcnder  Gottesgelehr- 
ten.  —  Meusel,  Gelehrte*  Deutschland. 

lessek  (  Augustin  Creczé  de).  Voy.  Creuzé. 

lessing  (Gotthold-Ephraïm),  poète  et  cri- 
tique allemand,  et  l'un  de  ceux  qui  ont  le  plus 
contribué  à  donner  l'essor  à  la  littérature  de  son 
pays,  naquit  à  Kamenz,  petite  ville  de  la  haute 
Lusace,  le  22  janvier  1729,  et  mourut  le  15  fé- 
vrier 1781.  Fils  d'un  pasteur,  il  fut  de  bonne 
heure  destiné  lui-même  aux  études  théologiques, 
et  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  après  avoir  quitté 
l'école  de  Meissen,  il  se  rendit  à  l'université  de 
Leipzig.  Mais  son  esprit  inquiet  et  chercheur  le 
fit  passer  bien  vite  des  cours  de  théologie  à 
ceux  de  la  faculté  de  médecine ,  et  plus  vite  en- 
core il  quitta  cette  dernière  pour  s'adonner  aux 
études  littéraires  et  à  celle  de  la  philosophie  de 
Wolf.  Il  fit  sa  société  habituelle  des  acteurs  du 
théâtre  de  Leipzig,  et  de  quelques  esprits  origi- 
naux qu'il  avait  découverts  parmi  les  habitants 
de  cette  ville.  Le  départ  pour  Berlin  de  Mylius, 
avec  lequel,  de  même  qu'avec  Weisse,  il  s'é- 
tait étroitement  lié  et  dont  les  opinions  peu  or- 
thodoxes eurent  une  grande  influence  sur  les 
siennes,  décida  Lessing  à  se  rendre  également 
dans  cette  capilale,  où  il  avait  l'espoir  de  se  li- 
vrer fructueusement  à  des  travaux  littéraires. 
Cependant  il  n'y  fit  d'abord  qu'un  court  séjour 
(1750)  :  pour  obéir  à  son  père,  il  essaya  encore 
une  fois  d'étudier  l'exégèse  et  le  dogme  à  Wit- 
temberg,  mais  décidément  sa  nature  y  répugnait. 
Il  retourna  à  Berlin,  après  avoir  pris  le  degré  de 
magister,  et  y  gagna  sa  vie  par  les  articles  lit- 
téraires qu'il  rédigeait  pour  la  Gazette  de  Voss 
(1753),  et  en  publiant  quelques  volumes  de  mé- 
langes (  des  fables  concises,  pleines  d'esprit,  des 
épigrammes,  des  chansons,  etc.,  fort  goûtées  du 
public  et  des  éditeurs  de  recueils  littéraires). 
Auparavant  déjà  il  avait  composé  quelques  co- 
médies, Le  Jeune  Savtint,  satire  de  l'érudit 
ridicule;  L'Athée;  Le  Mysogijne,  ou  l'ennemi 
des  femmes; Les  Juifs,  prélude  de  Nathan  ;  Le 
Trésor.  Son  premier  drame  bourgeois,  Miss 
Sara  Sampson,  fut  composé  en  1755,  et  ouvrit 
la  série  de  ses  succès  dramatiques. 

En  1760,  Lessing,  qui,  s'étant  associé  à  Men- 
delssohn  et  à  Nicolaï  (voy.  ces  noms)  pour  la 
publication  de  la  Bibliothèque  des  Belles- 
Lettres  et  des  Lettres  sur  la  Littérature,  avait 
montré  son  talent  de  critique,  fut  nommé  membre 
de  l'Académie  de  Berlin.  Bientôt  après,  il  se 


rendit,  en  qualité  de  secrétaire  du  général  Tauen- 
zien,  à  Breslau,  dans  le  seul  but  de  voir  un 
monde  nouveau  pour  lui.  C'est  pendant  son  sé- 
jour en  Silésie  qu'il  composa  le  beau  drame  de 
Minna  Barnhelm,  et  qu'il  conçut  le  plan  du 
Laocoon.  Mais  il  quitta  cette  position  en  1765, 
bien  décidé  à  ne  plus  accepter  de  place  qui  ne 
fût  en  rapport  direct  avec  ses  occupaiions  favo- 
rites. Il  retourna  donc  à  Berlin,  et  publia  le  Lao- 
coon, ce  célèbre  fragment  d'esthétique,  et  se 
rendit  ensuite  (1767)  à  Hambourg,  où  il  essaya 
en  vain  de  créer  un  théâtre  national.  La  Dra- 
maturgie de  Hambourg,  journal  périodique, 
publié  par  lui  pendant  son  séjour  dans  la  ville 
anséatique  (1768,  2  vol.  in-8°),  lui  valut  du 
moins  un  surcroît  de  renommée  littéraire.  En 
1769,  il  passa  comme  bibliothécaire  à  Wolfen- 
bùttel,  où  il  déploya  une  activité  étonnante.  Son 
chef-d'œuvre,  la  tragédie  à'Emilia  Galotti,  le 
drame  iambique  de  Nathan  le  Sage,  puis  une 
longue  série  d'ouvrages  de  polémique,  de  cri- 
tique littéraire  et  artistique,  datent  de  son  sé- 
jour à  Wolfenbuttel.  Les  Fragments  d'un  in- 
connu, œuvre  mal  famée,  et  dirigée  contre  les 
dogmes  de  la  révélation,  lui  valurent  de  formi- 
dables inimitiés,  qui  remplirent  de  déboires  les 
dernières  années  de  sa  vie. 

Lessing  avait  épousé,  en  1778,  une  veuve  qui 
lui  fut  bientôt  enlevée  à  la  suite  de  ses  couches, 
ainsi  que  l'enfant  qu'elle  avait  mis  au  monde. 
Après  cette  perte,  Lessing  pressentit  sa  fin  pro- 
chaine; il  était  fatigué  de  vivre.  Ses  controverses 
théologiques  lui  donnaient  seules  quelque  dis- 
traction :  c'est  dans  cette  lutte  avec  l'intolérance 
qu'il  développa  sa  plus  grande  énergie  et  les 
plus  belles  ressources  de  son  esprit.  Son  anta- 
goniste le  plus  acharné  fut  le  pasteur  Gœtze  de 
Hambourg,  contre  lequel  il  lança  un  pamphlet 
(l'Anti-Gœtze),  qui  encourut  la  censure  ducale 
et  lui  attira  la  défense  d'imprimer  dorénavant 
quoi  que  ce  fût  à  Wolfenbuttel.  Lessing  lutta 
d'opiniâtreté  avec  ses  persécuteurs;  mais  ses 
forces  étaient  épuisées.  11  mourut  à  Brunswick, 
à  l'âge  de  cinquante-deux  ans.  C'était  un  carac- 
tère antique  ;  en  lui  rien  de  sentimental  ;  sou 
esprit  viril  lui  faisait  dédaigner  les  mystères  des 
religions  révélées  ;  le  besoin  de  croire  ne  le 
tourmentait  pas  au  même  degré  que  les  âmes 
tendres;  il  était  sceptique,  pas  précisément  à  la 
façon  de  Voltaire  ou  de  Bayle,  car  il  était  tour- 
menté du  désir  d'arriver  à  la  vérité;  mais  il  ne 
put  ou  ne  voulut  point  franchir  l'abîme  que  la 
foi  seule  aide  à  passer. 

Miss  Sara  Sampson,  tragédie  composée,  vers 
1755,  à  Potsdam,  inaugura  ce  qu'on  a  appelé  le 
drame  larmoyant.  La  tragédie  de  Philotas, 
malgré  sa  monotonie,  intéresse  par  la  peinture 
d'un  caractère  vraiment  antique.  Minna  de 
Barnhelm,  écrite  vers  la  fin  de  la  guerre  de 
Sept  Ans,  porte  tout  à  fait  l'empreinte  de  cette 
époque  :  l'armée  victorieuse  du  roi  de  Prusse 
est  mise  en  relief,  et  l'intérêt  des  spectateurs  se 


969 


LESSING 


&70 


porte  sur  le  sort  des  officiers  que  la  paix  réduit 
à  une  existence  gênée.  Cette  œuvre  de  bon  pa- 
triote fit  une  profonde  sensation,  et  donna  nais- 
sance à  une  foule  de  drames  militaires.  Ernilia 
Galotti  (1772),  tragédie  inspirée  par  le  sujet  de 
Virginie,  est  le  produit  d'un  goût  de  plus  en  plus 
épuré.  On  y  trouve  une  grande  vérité  de  carac- 
tères, jointe  à  la  véhémence  des  passions.  La 
dernière  œuvre  dramatique  de  Lessing  est  Na- 
than le  Sage  (1780),  pièce  dont  ses  discussions 
théologiques  lui  avaient  donné  l'idée  :  l'auteur  y 
prêche  la  tolérance  ;  il  cherche  à  faire  pénétrer 
dans  l'esprit  du  spectateur  ou  du  lecteur  la  con- 
viction que  devant  Dieu  toutes  les  religions 
sont  égales  et  que  l'homme  est  jugé  d'après  ses 
œuvres,  non  d'après  sa  croyance.  Le  christia- 
nisme, le  judaïsme,  le  mahométisme  mis  en  pré- 
sence dans  ce  drame,  et  représentés  par  des  ca- 
ractères qui  luttent  de  grandeur  et  de  générosité, 
montrent  jusqu'à  l'évidence  l'indifférence  de  Les- 
sing pour  le  dogme,  en  même  temps  que  son 
respect  pour  la  morale  universelle.  Saladin,  Na- 
than et  le  Templier  se  donnent  la  main  comme 
représentants  des  trois  grandes  tendances  reli- 
gieuses, et  comme  frères  devant  Dieu.  Le  plan 
de  cette  pièce  est  admirablement  conçu  :  les 
événements  en  apparence  les  plus  fortuits  coïn- 
cident à  la  fin  d'une  manière  toute  providentielle. 
Mais  la  versification  de  Nathan  le  Sage  est 
flasque;  la  dernière  consécration,  celle  du  rhythme 
et  du  style  poétique,  lui  manque. 

Toutes  les  pièces  de  Lessing  étaient  écrites 
pour  la  scène.  A  Hambourg,  il  avait  trouvé  un 
digne  interprète  dans  l'acteur  Eckhoff.  Comme 
auteur  dramatique  et  comme  critique,  Lessing 
renversa  l'école  de  Gottsched  et  de  Weisse,  et 
fut  le  digne  précurseur  de  Gœthe  et  de  Schiller, 
en  combattant  la  fausse  imitation  du  théâtre 
français  et  en  ramenant  l'art  guindé  à  la  repro- 
duction du  monde  réel  et  à  l'étude  de  Shaks- 
peare.  La  Dramaturgie  de  Hambourg  est  écrite 
avec  esprit  et  verve;  mais  le  paradoxe  y  abonde. 
On  y  reconnaît  l'influence  de  Diderot,  dont  Les- 
sing avait  traduit  quelques  ouvrages.  Déjà,  quel- 
ques années  avant  la  publication  de  La  Drama- 
turgie, Lessing  avait  attaqué  l'école  de  Gott- 
sched dansla Bibliothèque  Thâtrale  (1754-1758) 
et  dans  les  Lettres  sur  la  Littérature  (  1759  ). 

Son  Laocoon  (17C6  ),  qui  a  eu  un  retentisse- 
ment pour  le  moins  égal  à  celui  de  La  Drama- 
turgie, n'est  point,  ainsi  que  son  titre  pourrait 
le  faire  croire,  le  résultat  de  longues  études  sur 
les  monuments  de  la  statuaire  antique  :  c'est 
Fouvrage  fort  peu  méthodique  d'un  penseur, 
d'un  érudit  plein  de  sagacité,  qui  cherche  à  fixer 
les  bornes  au  dedans  desquelles  la  poésie  doit 
se  mouvoir.  Il  y  fait  de  la  polémique  comme 
dans  la  plupart  de  ses  écrits.  Ici,  ce  sont  les 
poètes  amateurs  de  la  description  et  de  l'allégo- 
rie contre  lesquels  il  s'escrime  en  prêchant  la 
simplification  de  l'art,  la  séparation  rigoureuse  des 
genres.  Lessing  établit  en  principe  que  dans  l'art 


antique  la  première  loi  était  la  beauté ,  et  que 
l'idéal  de  la  poésie,  c'était  l'action.  Aussi  se  rat- 
tache-t-il  aux  préceptes  d'Aristote,  qui  n'admet, 
en  fait  de  poésie,  que  l'épopée  et  le  drame, 
c'est-à-dire  des  genres  qui  ont  l'action  pour  base. 

11  existe  de  Lessing  deux  autres  ouvrages  de 
la  même  espèce  que  le  Laocoon  ;  l'un  est  inti- 
tulé :  Des  Images  de  la  mort  chez  les  an- 
ciens :  c'est  une  apologie  des  études  archéolo- 
giques lorsqu'elles  sont  faites  avec  goût.  L'aulre 
ouvrage  était  dirigé  contre  l'antiquaire  KIotz,  qui 
avait  attaqué  Laocoon  ;  il  porte  le  titre  de  Let- 
tres d'un  Antiquaire,  et  renferme  une  foule  de 
notices  historiques  pleines  d'intérêt  et  de  remar- 
ques esthétiques  d'une  grande  finesse. 

Quoique  Lessing  ne  se  soit  point  occupé  spé- 
cialement de  philosophie  spéculative,  il  a  laissé 
plusieurs  écrits  sur  des  sujets  philosophiques. 
Tel  est  celui  Sur  les  Rapports  de  Leibnitz 
avec  Spinoza,  dont  la  doctrine  lui  répugnait; 
un  autre  Sur  la  Réalité  des  objets  en  dehors 
de  la  divinité;  puisse  Christianisme  ration- 
nel, dans  lequel  Lessing  essaye  d'expliquer  phi- 
losophiquement les  dogmes  de  notre  religion; 
V Éducation  du  genre  humain,  où  il  développe 
la  théorie  de  la  perfectibilité  indéfinie;  Ernest 
et  Falk,  dialogues  sur  la  franc- maçonnerie;  le 
traité  Sur  les  Peines  éternelles  ;  enfin  l'ouvrage 
si  fameux  qui  le  fit  mettre  au  rang  des  alhées 
par  les  théologiens,  les  Fragments  d'un  in- 
connti,  ou  Fragments  de  Wol/enbuttel,  dont 
il  ne  fut,  à  vrai  dire,  que  l'éditeur  (  voy.  Rei- 
marus  ).  Les  principaux  de  ces  fragments  trai- 
tent De  V Impossibilité  d'une  révélation  ;  Du 
véritable  Caractère  du  livre  de  V Ancien  Tes- 
tament; Des  Contradictions  que  renferme 
l'histoire  de  la  résurrection  de  Jésus-Christ. 
Nous  avons  parlé  plus  haut  de  la  polémique  oc- 
casionnée par  cette  publication.  La  brochure 
que  Lessing  lança  contre  son  antagoniste  ham- 
bourgeors  ,  le  pasteur  Gœtze,  est  écrite  dans  un 
style  piquant  et  incisif.  Le  premier  il  a  su  donner 
à  la  prose  allemande  une  allure  dégagée;  son 
style  atteste  une  rare  lucidité.  C'est  même  là  un 
de  ses  principaux  titres  à  l'estime  des  littéra- 
teurs :  Winckelmann  et  Lessing  ont,  à  vrai  dire, 
créé  la  prose  allemande. 

La  vie  de  Lessing  ne  fut  qu'une  longue  lutte 
avec  les  théologiens,  les  antiquaires,  les  litté- 
rateurs de  son  époque.  Frondeur  de  sa  nature , 
il  cherchait  à  renverser  les  idoles  du  jour  et  à 
saper  les  préjugés.  Mais,  ainsi  qu'il  arrive  sou- 
vent dans  ce  genre  de  combats  ,  il  se  laissa  en- 
traîner par  l'ardeur  de  la  lutte;  ses  coups  por- 
tèrent plus  avant  qu'il  ne  voulait  lui-même.  Dans 
cette  polémique  de  tous  les  instants,  Lessing 
apportait  une  érudition  immense,  un  jugement 
sûr,  une  raison  saine,  un  bon  sens  exquis,  de 
l'esprit  à  défrayei  une  centaine  de  critiques  or- 
dinaires. Lessing  toutefois  ne  fut  point  un  homme 
de  génie  :  il  aurait  lui-même  récusé  cette  qua- 
lification ;  mais  il  est  le  père  spirituel  de  tous 


971  LESSING 

les  hommes  de  génie  qui  ont  illustré  l'Allemagne 
vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle.  Toutes  les 
productions  de  Lessing  ont  quelque  chose  de 
fragmentaire;  il  excitait  les  autres  à  produire, 
il  donnait  une  impulsion  à  l'ensemble  de  la  lit- 
térature ,  son  activité  se  répandait  dans  toutes 
les  directions;  mais  sa  carrière  morcelée,  bri- 
sée, peut-être  la  nature  de  son  esprit,  l'empê- 
chèrent d'arriver  lui-même  à  une  grande  créa- 
tion. De  tous  ses  ouvrages,  Emilia  Galottl 
seule  approche  de  la  perfection  ;  mais  cette 
pièce  est  écrite  en  prose,  et  il  lui  manque  ce 
parfum  d'idéalisme  que  les  Allemands  aiment  dans 
Schiller  ou  Goethe. 

Le  nom  de  Lessing  n'en  vivra  pas  moins  comme 
celui  du  critique  le  pins  éminent,  du  prosateur 
le  plus  distingué  de  l'Allemagne;  il  vivra,  parce 
qu'à  lui  se  rattache  la  crise  féconde  qui  a  doté 
ce  pays  de  ses  grands  poètes,  de  ses  savants 
théologiens ,  de  ses  philologues  ,  de  ses  philoso- 
phes et  de  ses  artistes  mimiques.  L'édition  la 
plus  complète  des  œuvres  de  Lessing  est  celle 
qu'a  publiée  M.  Lachmann,  Berlin,  1838-1840, 
13  vol.  in-8°.  Les  Fables  de  Lessing  ont  été 
traduites  en  français  par  d'Antelmy  (  Paris,  1764, 
in-12)  et  par  le  chevalier  Du  Coudray  (1770); 
Grétry  neveu  les  a  mises  en  français (1 8 il,in-8°). 
La  Dramaturgie,  ou  observations  critiques 
sur  plusieurs  pièces  de  théâtre,  tant  anciennes 
que  modernes,  a  été  traduite  par  Cacault 
(Paris,  1785,2  vol.  in-8°).  Ch.  Vanderbourg  a 
traduit  le  livre  du  Laocoon  ,  ou  des  limites 
respectives  de  la  poésie  et  de  la  peinture 
pour  ce  qui  concerne  les  descriptions  et  ima- 
ges (1802,  in-8°).  V Éducation  du  genre  hu- 
main a  été  insérée  à  la  suite  des  Lettres  sur  la 
Religion  et  sur  la  Politique  d'Eug.  Rodrigues 
(1829,  in-8°).  On  trouve  les  pièces  de  Lessing 
dans  différents  recueils.  Minna  de  Barnhelm 
a  été  traduite  par  M.  Merville,  et  Nathan  le 
Sage  par  M.  de  Barante,  pour  les  Chefs-d'œuvre 
des  Théâtres  étrangers.  MM.  Junker  et  Liébault 
ont  traduit  pour  le  théâtre  allemand  publié  par 
eux:  Minna  de  Barnhelm;  V 'Esprit /o?^, tra- 
gédie bourgeoise  en  cinq  actes  ;  Le  Mysogyne  , 
corn,  en  trois  actes  ;  Miss  Sara  Sampson,  trag. 
bourgeoise  en  cinq  actes  ;  Le  Trésor.  MM.  Friedel 
et  Bonneville  ont  également  publié  Emilie  Ga- 
lotti,  trag.  en  cinq  actes;  —  Philotas,  trag.  en 
un  acte,  etc.  Le  Maître  de  pension,  corn,  en  un 
acte,  traduite  par  Cacault,  se  trouve  à  la  suite  de 
La  Dramaturgie.  Enfin,  Minna  de  Barnhelm  a 
été  imitée  par  Rochon  de  Chabannes  sous  le  titre 
de  Les  Amants  généreux,  et  Nathan  le  Sage, 
par  Chénier  et  par  Cubières-Palmezaux.  Plu- 
sieurs traités  ou  mémoires  de  Lessing  sur  les 
antiquités  et  l'art  chez  les  anciens  ont  également 
été  traduits  en  français.  [L.  Spach,  dans  YEn- 
cyciop.  des  G.  du  M.  ] 

Gervinus,  National-  Literat.  der  Deutschen.  —  Grave, 
F ie de  Lessing  (  en  allemand  ;;  Leipzig,  1829.-  K  -G.  Les- 
sing, Fie  de  G.  E.  Lessing  d'après  ses  écrits  inédits  ;  Ber- 
lin, 1793,  3  vol.  in-8°.  —  F.  von  Scblegel,  Sitr  Lessing  et 


—  LESSON 


912 


l'etprit  de  ses  écrits  (  Caractères  et  Critiques,  1, 370)  — 
C.-G  Sehiitz  Sur  le  Génie  et  les  Écrits  de  Lessing;  Le4pzig, 
1804,  in-S° ,  et  dans  le  Panthéon  des  Allemands,  t.  II.  — 
E.-A.  Diller,  Souvenirs  de  Lessing ;Meissen,  l841,ln-8°.  — 
G.  Mohnike,  Lessitiçiana;  Leipzig,  1843,  in-8°.  — JOrdens, 
III,  23V ,  VI,  487.—  Tli.-W.  Dàuzeil,  J.cssing,  tavie  et  ses 
œuvres;  Leipzig,  1847 -53, 2  vol.in-8".  —  Schwarz,  Lessing 
comme  théologien;  Halle,  1834,  in-8<>.  —  La  Littérature 
de  Lessing  Allemagne  del7S0  à  1851;  Cassel,  l852,in-8°. 
(f-'oti.  pour  plus  de  sources,  OliUinger,  Bio-Bibtiogr.  ) 

*  le-;ssi.\<;  (Charles-Frédéric),  peintre  d'his- 
toire et  paysagiste  allemand,  arrière- petit-ne- 
veu du  précédent,  né  le  15  février  1808,  à  War- 
temberg  en  Silésie.  Après  avoir  passé  quelque 
temps  à  l'Académied'Archilecture  à  Berlin,  il  s'a- 
donna à  la  peinture.  En  1827  il  suivit  son  maître 
Schadowà  Dusseldorf,  et  devint  un  des  principaux 
fondateurs  de  l'école  de  peinture  qui  se  forma 
dans  cette  ville  en  rivalité  avec  l'école  de  Munich. 
Il  est  membre  de  l'Académie  de  Berlin  depuis 
1 832,  et  depuis  1837  chevalier  de  la  Légion  d'Hon- 
neur. Ses  principaux  tableaux,  remarquables  par 
une  poésie  émouvante  jointe  à  une  exécution  pure 
et  correcte  sont  -.  La  Bataille  d'iconium,  fresque 
peinte  à  Haltorf ,  dans  le  pavillon  du  comte  de 
Spee;  —  Le  Couple  royal  en  deuil  (  sujet  tiré 
d'une  ballade  d'Uhland):  appartient  à  l'impératrice 
de  Russie  ;  —  Lenore  :  appartient  au  roi  de  Prusse 
ainsi  que  Le  Prédicateur  hussite;  — Le  Retour 
du  Croisé  ;  —  Le  Brigand  et  son  enfant,  — Ez- 
zelinodi  Romano  en  prison  :  estau  musée Staëdel 
à  Francfort,  de  même  que  Jean  Huss  devant  le 
concile  de  Constance;  —  VArrestion  du  pape 
Pascal  II; —  Huss  marchant  au  bûcher;  — 
Bataille  contre  les  Mongols  à  Liegnitz;  — 
Luther  brûlant  la  bulle  papale.  Lessing  a 
aussi  peint  plusieurs  paysages  du  plus  grand 
mérite.  E.    G. 

Raczinki,  Gesckichte  der  neueren  deutschen  Kunst.  — 
Nagler,  Allgemeines  Kùnstler-Lexicon.—Conversations- 
Lexihon. 

lkssox  (  René-Primevère),  voyageur  et  na- 
turaliste français,  né  à  Rochefort,  le  20  mars 
1794,  mort  en  1849.  Fils  d'un  commis  de  ma- 
rine, il  fit  de  médiocres  études  ;  mais  il  y  sup- 
pléa à  force  de  travail  et  de  courage.  Son  goût 
pour  l'histoire  naturelle  se  manifesta  de  bonne 
heure  :  dès  l'âge  de  huit  ans,  il  avait  formé  une 
collection  de  bois  et  de  plantes  indigènes.  En 
1809  il  entra  à  l'école  de  médecine  navale  du 
port  deRochefort,  où  il  obtint  bientôt  le  grade  d'en- 
tretenu à  la  suite  d'un  concours.  Il  s'embarqua 
sur  différents  vaisseaux,  et  se  trouvait,  en  1814,  à 
Bordeaux, sur  Le  Régulus,  qui  fut  brûlé  en  rivière 
par  les  Anglais,  et  qu'il  quitta  un  des  derniers. 
En  1820  il  fut  reçu  pharmacien  de  la  marine.  Il 
était  chargé  delà  direction  du  jardin  botanique  de 
Rochefort,  lorsqu'il  fût  désigné  pour  faire  partie 
de  l'équipagede  La  Coquille,  destinée  à  un  voyage 
autour  du  monde  sous  les  ordres  du  lieutenant 
de  vaisseau  Duperrey.  Dès  le  début  de  la  cam- 
pagne, le  chirurgien  major  Garnol  ayant  été  at- 
teint dedyssenterie  fut  débarqué,  et  Lesson  resta 
seul  chargé  du  soin  de  la  santé  de  l'équipage  et 
de  réunir  des  objets  d'histoire  naturelle  pow 


973 


LESSON 


974 


le  Muséum.  Il  eut  le  bonheur  de  ne  pas  perdre 
un  seul  de  ses  compagnons,  et  son  zèle  comme 
naturaliste  fut  dignement  apprécié  dans  un  rap- 
port de  Cuvier  à  l'Académie  des  Sciences,  le 
22  août  1825.  Son  activité  enrichit  le  Muséum 
d'Histoire  Naturelle  d'une  foule  d'animaux  qui  y 
manquaient,  parmi  lesquels  on  peut  citer  qua- 
rante-six espèces  d'oiseaux,  vingt  espèces  de 
reptiles,  quatre-vingts  espèces  de  poissons  ;  il  y 
déposa  en  outre  plusieurs  crânes  appartenant  à 
des  peuplades  inconnues.  Il  s'était  appliqué  à  re- 
produire par  la  peinture  beaucoup  de  poissons  et 
de  mollusques  dont  les  procédés  de  conservation 
employés  jusque  alors  avaient  dénaturé  les  cou- 
leurs. Il  s'acquitta  également  de  recherches  géo- 
logiques qui  ont  fourni  des  notions  nouvelles  sur 
la  constitution  des  côtes  du  Pérou  et  du  Chili, 
sur  celles  des  îles  Malouineset  du  grand  Océan, 
et  surtout  sur  celles  des  montagnes  Bleues  de  la 
Nouvelle-Hollande.  Au  mois  de  novembre  1825, 
Lesson  reçut  la  croix  d'Honneur. 

La  publication  du  voyage  de  La  Coquille 
ayant  été  ordonnée,  Lesson  dut  se  livrer  à  des 
travaux  d'autant  plus  pénibles  qu'il  eut  à  com- 
pléter sou  éducation  première.  Il  travailla  aussi 
à  différentes  publications  périodiques ,  notam- 
ment au  Bulletin  des  Sciences  de  Férussac, 
dont  il  dirigeait  la  partie  zoologique.  La  ré- 
volution de  Juillet  vint  bouleverser  son  exis- 
tence :  il  jouissait  d'une  modique  solde  d'officier 
de  santé  à  Paris;  il  dut  rejoindre  sans  retard  le 
port  de  Rochefort,  où  il  devint  premier  pharma- 
cien en  chef  de  la  marine,  et  professeur  de 
chimie  à  l'école  de  médecine.  En  1S33,  l'Aca- 
démie des  Sciences  l'élut  correspondant.  On 
a  de  Lesson  :  Manuel  de  Mammalogie ;  Pa- 
ris, 1827,  in-18; —  Manuel  d'Ornithologie; 
Paris,  1828,  2  vol.  in-18;  —  Complément  des 
Œuvres  de  Buffon;  Paris,  1828  et  ann.  suiv., 
10  vol.  in-8°;  1835-1841,  10  vol.  in-8°;  le 
tome  Ier  renferme  les  cétacés;  les  tomes  II, 
III,  IV  et  V  les  races  humaines  et  les  mam- 
mifères; les  tomes  VI  à  X  les  oiseaux  et 
mammifères  ;  le  tome  X  a  été  publié  sépa- 
rément sous  ce  titre  :  Histoire  naturelle 
ou  générale  et  particulière  des  mammifères 
et  des  oiseaux  découverts  depuis  la  mort 
de  Buffon  ;  —  Voyage  médical  autour  du 
monde  exécuté  sur  la  corvette  La  Coquille 
pendant  les  années  1822,  1823,  1824  et  1825; 
Paris,  1829,  in-8°;  —  Histoire  naturelle  des 
Oiseaux-  Mouches  ;  Paris,  1829,  in-8°;  — 
Voyage  autour  du  monde  sur  la  corvette  La 
Coquille.  Zoologie,  publié  par  ordre  du  gou- 
vernement; Paris,  1830,  2  vol.  in-4°  (avec 
MM.  Garnot  et  Guérin);  —  Centurie  zoologi- 
que, ou  choix  d'animaux  rares  ou  impar- 
faits; Paris,  1830,  in-4°  et  in- 8°;  —  Histoire 
naturelle  des  Colibris,  suivie  d'un  supplément 
à  l'Histoire  naturelle  des  Oiseaux- Mouches  ; 
Paris,  1830,  in-8°;  —  Traité  d'Ornithologie, 
ou  tableau  méthodique  des  ordres,  sous-or- 


dres, familles,  tribus,  genres  et  snns-genres 
d'oiseaux;  Paris,  1831,in-8°;  —  Illustrations 
de  Zoologie,  ourecueil  d'animaux  peints  d'a- 
près nature;  Paris,  1831,in-4°  et  in-»";  —  Les 
Trochilidees  ou  les  Colibris  et  les  Oiseaux- 
Mouches  nouveaux,  suivis  d'un  index;  Pa- 
ris, 1S32,  in-8°;  —  Manuel  d'Histoire  natu- 
relle médicale  ou  de  pharmacog rapine  ;  Pa- 
ris, 1833,  in-18;  -  Manuel  d'Ornithologie  do- 
mestique, ou  guide  de  l'amateur  des  oi- 
seaux de  volière  ;  Paris,  1834,  in-18;  —  His- 
toire naturelle  des  Oiseaux  de  Paradis,  des 
Si  ricules  et  des  Épimaques ;  Paris,  1835,  in-4° 
et  in-8°;  —  Flore  roche/or  Une,  ou  description 
des  plantes  qui  croissent  spontanément  ou 
qui  sont  naturalisées  aux  environs  de  Ro- 
chefort ;  Rochefort,  1835,  in-8°; —  Prodrome 
d'une  monographie,  des  Méduses;  Rochefort, 
1835,  in-4°,  autographié;  —  Histoire  naturelle 
de  l'expédition  de  la  frégate  La  Thétis;  Paris, 
1837,  1  livr.  in-4°  ;  —  Mélanges  littéraires  et 
d'histoire  naturelle  ;  Rochefort,  1838,  in-fol.; 
—  Voyage  autour  du  monde  entrepris  par 
ordre  du  gouvernement  sur  la  corvette  La 
Coquille;  Paris,  1838,  2  vol.  in  8°  ;  —  Species 
des  Mammifères  bimanes  et  quadrumanes, 
suivi  d'un  Mémoire  sur  les  Oryctéropes  ;  Pa- 
ris, 1840,  in-8°  ;  —  Fastes  historiques, archéo- 
logiques, biographiques,  etc.,  du  département 
de  la  Charen  le- Inférieure  ;  Rochefort,  j  842- 
1846,  2  vol.  in-8°;  —  Mœurs,  Instinct  et  Sin- 
gularités delà  vie  des  animaux  Mammifères  ; 
Paris,  1842,  in-12;  —  Nouveau  Tableau  du 
Règne  Animal:  Mammifères;  Paris,  1842, 
in-8°;  —  Lettres  historiques  et  archéolog  ques 
sur  la  Saintonge  et  sur  l'Aunis;  La  Rochelle, 
1842,  in-8°  ;  —  Histoire  naturelle  des  Zoo- 
phytes  acalèphes;  Paris,  1843,  in-8°  :  pour  les 
SuHes  à  Buffon;  —  Histoire  archéologique 
et  Légendes  des  Marches  de  la  Saintonge;  Ro- 
chefort, 1846,  in-8°;  —  Description  de  Mam- 
mifères et  d'Oiseaux  récemment  découverts, 
précédée  d'un  tableau  sur  les  races  humai- 
nes; Paris,  1847,  in-18.  Presque  tous  ces  ou- 
vrages sont  ornés  défigures.  Lesson  a  coopéré  à 
la  Zoologie  du  Voyage  aux  Indes  de  M.  Bel- 
langer,  dont  il  a  fait  les  oiseaux,  les  reptiles  et 
les  zoophytes;  au  Dictionnaire  des  Sciences 
naturelles  en  6  vol.  in-8°  ;  au  Dictionnaire- 
classique  d' Histoire  naturelle,  en  16  vol.;  etc. 

L.  L— t. 

Sarrut  et  Saint-Edme,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour, 
tome  V,  lre  partie,  p.  197.  —  liourquelot  et  Maury,  La 
Littcr.  Franc,  contemp. 

*  lesson  (Pierre-Adolphe),  voyageur  fran- 
çais ,  frère  du  précédent ,  né  à  Rochefort,  le 
24  mai  1805.  Chirurgien  de  la  marine,  il  est  chi- 
rurgien en  chef  des  établissements  français  dans 
l'Océan ie.  On  a  de  lui  :  Voyage  aux  i/es  Man- 
gareva  (Océanie),  publié  avec  des  annotations 
parR.-P.  Lesson;  Rochefort,  1846,  in-8°,  avec 
pi.  M.  P.-A.  Lesson  a  en   outre  rédigé  avec 


975  LESSON  — 

M.  A.  Richard  la  partie  botanique  du  Voyage 
de  la  corvette  L'Astrolabe,  exécuté  en  1826, 
1827,  1828  et  1829,  sous  les  ordres  de  Dumont 
d'Urville;  1832.  T-  v- 

Bourquclot  et  Maury,  La  Littér.  franc,  contemp. 
lesta  m.  {Antoine  de),  sire  de  Belestang, 
érudit  et  magistrat  français,  né  en  Limousin,  en 
1538,  mortà  Toulouse,  le  9  décembre  1617.  llétait 
fils  d'Etienne  Guilhon,  sieur  de  Lestang  etduVia- 
lar,  président  au  présidial  de  Brives,  etde  Louise 
de  Juyé.  Protégé  par  le  chancelier  de  Birague,  il 
occupa  le  siège  présidial  de  Brives,  après  la  dé- 
mission de  son  père.  Député  aux  états  de  Blois, 
en  1576,  il  eut  la  confiance  du  duc  de  Mayenne, 
devint  intendant  de  justice  dans  l'armée  de  la 
Ligue,  président  à  mortier  au  parlement  de  Tou- 
louse et  premier  président  à  la  chambre  de  l'é- 
dit,  établie  à  Castres  par  Henri  IV,  en  1595.  Il 
fonda  à  Brives  la  maison  des  Pères  de  la  Doc- 
trine  chrétienne  et   du  monastère    de  Sainte- 
Ursule.  Aux  environs  de  Toulouse,  il  fit  cons- 
truire le  château  de  Belestang,  et  contribua  à 
l'établissement  des  jésuites  dans  cette  ville.  Il  a 
laissé  :   Traité   de  la  réalité  du  Saint-Sa- 
crement de  V autel;—  Traité  de  l'Orthogra- 
phe françoise  ;— Arrêts  et  Discours  pronon- 
cés en  robe  rouge;  Toulouse,  1612,  in-8D;  — 
Histoire  des  Gaules  et  conquêtes  des  Gaulois 
en  Italie,  Grèce  et  Asie,  avec  un  abrégé  de 
tout  ce  qui  est  arrivé  de  plus  remarquable 
esdites  Gaules  dès  le  temps  que  les  Romains 
commencèrent  à  les  assujettir  à  leur  empire, 
jusques  au  roi  Jean;  Bordeaux,  1618,  in-4°, 
avec  portrait  de  l'auteur.  «  Ce  livre,  est-il  dit 
dans  la  Bibliothèque  Historique  de  la  France, 
est  écrit  assez  nettement  et  d'assez  bon  sens, 
comme  il  convient  à  un  homme  de  condition.  On 
y  trouve  même  quelques  remarques  assez  cu- 
rieuses ;  mais  comme  ce  n'est  qu'un  simple  abrégé, 
et  que  î'auteur  s'y  est  attaché  particulièrement  à 
ce  qui  regardait  l'Aquitaine  ou  le  Languedoc,  il 
ne  peut  être  d'une  utilité  bien  grande  pour  l'his- 
toire générale  de  France.»Les  armes  d'Antoine 
de  Lestang  étaient  d'azur  à  carpes  d'argent. 
Martial  Acdoin. 
Gérard  de  Vie,  Chronique.  —  Dom  Vaissette,  Histoire 
de  Lannuedoc,  t.  V,  preuves,  p.  339,  854,  466.  -  Buluze, 
Notes  sur  les  ries  des   Papes   d'Avignon.   -  Lelong, 
Bibl  Hist,  édit.  Fontette,  p.  243,  n«  3907  -  Moreri,  Dict. 
Hist  (il  l'appelle  François,  contrairement  à  la  Chronique 
de  Gérard  de  Vie  et  à  l'inscription  qui  se  lit  autour  du 
portrait).  ......j 

lestang  {Christophe),  frère  du  précédent, 
prélat  français,  né  à  Brives,  en  1560,  mort  le 
il  août  1621.  11  n'avait  que  vingt  ans  lorsque, 
par  dispense  du  pape,  il  fut  promu  à  l'évêché  de 
Lodève.  A  peine  installé  dans  ses  fonctions,  il 
s'attacha  à  détruire  le  calvinisme,  très-puis- 
sant dans  le  Languedoc ,  et  il  reçut  pour  cela 
d'Henri  III  une  pension  de  12,000  écus  par  mois. 
La  Ligue  le  compta  parmi  ses  plus  chauds  parti- 
sans. 11  eut  à  lutter  contre  le  duc  de  Montmo- 
rency, qui  avait  mis  le  siège  devant  Lodève, 
qui  capitula  en  1585.  Lestang  en  sortit  avec  les 


LESTANG  976 

siens  ;  mais  il  perdit  tous  les  revenus  de  son 
évêché  et  le  palais  qu'il  avait  fait  construire  fut 
rasé.  Pour  le  dédommager,  Henri  III  lui  donna 
la  maison  épiscopale  et  les  revenus  de  l'évêché 
de  Carcassonne,  dont  Montmorency  avait  la  jouis- 
sance. En  1586  et  1587  il  présida  aux  états  tenus 
à  Carcassonne  et  à  Castelnaudary  ;  en   1589,  à 
ceux  de  Lavaur,  après  avoir  été  nommé  abbé  de 
Montolieu.  En  1591  il  se  rendit  en  Espagne  pour 
remercier  Philippe  II  des   secours  que  ce  roi 
avait  envoyés  à  la  Ligue  et  pour  l'engager  à  con- 
tinuer. De  retour  dans  sa  patrie,  il  présida  aux 
états  tenus  à  Toulouse,  et  fit  partie  du  conseil  dés 
finances  du  duc  de  Joyeuse.  Il  accompagna  ce 
duc  au  siège  de  Villemur,  et  gagna  son  amitié 
la  plus  intime.  Joyeuse  voulut  même  le  faire 
nommer  conseiller  d'État;  mais  le  roi  se  fit  la 
réserve  de   s'informer  «  des  bonnes  intentions 
de  Lestang».  Le  25  janvier  1596,  Lestang  pré- 
sida aux  états  tenus  à  Toulouse ,  et  déclara  que 
la  paix  étant  conclue  on  pouvait  en  sûreté  de 
conscience    reconnaître    Henri    IV;   qu'il    n'y 
avait  plus  de  difficulté,   le   pape   ayant  donné 
son  absolution.  Le  13  mars  de  la  même  année, 
il  alluma,  au  nom  du  clergé,  le  bûcher  d'un  feu 
de  joie,  et  fut  député  des  états  pour  féliciter  le 
nouveau  roi  et  l'assurer  de  la  fidélité  de  tout  le 
Languedoc.  11  présida  encore  plusieurs  états  te- 
nus dans  diverses  villes  du  midi,   de   1596  à 
1604,  date  de  son  entrée  à  l'évêché   de  Car- 
cassonne. Henri  IV  l'estimait,  et  lui  emprunta 
18,060  livres  en  lui  donnant  pour  gage  des  pa- 
piers  et  son   épée  enrichie  de  pierreries.  La 
somme   fut    remboursée  par    ordre   royal  du 
19  septembre  1607.  En  1608  Lestang  assista  à 
l'assemblée  du  clergé  de  France,  et  fut  député,  le 
29  septembre ,  par  les   états  de  Pézenas  pour 
rendre  hommage  à  Louis  XIII  et  l'assurer  d'o- 
béissance. Louis  XIII  le  fit  commandeur  de  ses 
ordres,  grand-maître  de  sa  chapelle,  membre  de 
son  conseil  privé  et  directeur  des  finances ,  aux 
appointements  de  16,000  livres.  «  Lestang ,  re- 
marque Moréri,ne  contribua  pas  peu  à  la  faveur 
du  connétable  de  Luynes  auprès  du  prince,  et 
on  prétend  que  le  favori  manqua  de  reconnais- 
sance ,  lorsque  l'évoque  de  Carcassonne  fut  mis 
sur  les  rangs  pour  être  fait  chancelier,  après  la 
mort  de  M.  du  Vair,  garde  des  Sceaux  (  1621).  » 
Quoi  qu'il  en  soit,  Lestang  n'en  continua  pas 
moins  à  remplir  des  missions  importantes  jus- 
qu'à la  fin  de  ses  jours.  Tombé  malade  au  siège 
de  Montauban,  il  se  fit  transporter  à  Carcas- 
sonne, où  il  mourut.  On  rapporte  qu'il  voulut, 
comme  Vespasien,  mourir  debout,  et  qu'il  s'écria, 
à  l'exemple  de  cet  empereur,  en   substituant 
episcopumàimperatorem:  Oportet  episcopum 
stantem  mori.  Son  tombeau  de  marbre  orné  de 
sa  statue  portait  entre  autres  inscriptions,  celle- 
ci  :  Exspecto  donec  veniat  immutalio  mea. 
Ami  de  d'Ossat ,  de  Duperron  et  de  Richelieu, 
des  pères  Cotton  et  Arnoux,  Lestang  ne  cessa 
de  favoriser  les  Jésuites.        Martial  Audoin. 


977 


LESTANG 


Nadaud,  tnss.  limousins.  —  Callia  Christiana,  t.  VI;  — 
Baluze,  fit.  Pap.  Aven.,  t.  I.  —  Valasselte,  Hist.  du 
Languedoc,  t.  V.  —  I  afnillc,  Ann.  de  I  oulouse.  —  Catel, 
Mémoires  sur  l'histoire  du  Languedoc,  p.  1009.  —  FiWi- 
blen  ,  Hist.  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  p.  SS7. 

lesterp-beacvais  (/?.),  homme  politique 
français,  né  à  Florac,  en  1750,  guillotiné  à  Paris, 
le  30  octobre  1793.  11  était  avocat  au  Dorât 
lorsque  la  révolution  commença,  et  fut  député 
aux  états  généraux  par  l'assemblée  bailliagère 
de  ce  pays.  Réélu  en  septembre  1792  par  le 
département  de  la  Haute-Vienne  à  la  Conven- 
tion nationale ,  il  vota  la  mort  de  Louis  XVI. 
Ami  intime  de  Gensonné  et  de  Lacaze,  bientôt 
il  se  rallia  au  parti  girondin,  et  se  conduisit  d'a- 
près leurs  principes  dans  les  départements  de 
l'est,  où  il  fut  envoyé  en  mission.  Dénoncé  le 
21  août  1793,  pour  avoir  permis  aux  Lyon- 
nais insurgés  d'enlever  un  grand  nombre  de 
fusils  de  la  manufacture  d'armes  de  Saint- 
Étienne  et  pour  avoir  fait  imprimer  qu'après  les 
événements  du  31  mai  les  décrets  de  la  Con- 
vention décimée  ne  devaient  plus  être  reconnus, 
il  fut  décrété  d'accusation  comme  fédéraliste, 
envoyé  à  Paris,  traduit  au  tribunal  révolution- 
naire, condamné  à  mort  et  exécuté  avec  les 
autres  chefs  de  la  Gironde.  H.  L. 

A.  de  Lamartine.  Histoire  des  Girondins,  t.  VII, 
liv.  XLVII,  p.  4  et  32.  —  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins, 
Biogr.  nouv.  des  Contemp.  —  Thlers,  Histoire  de  la  Ré- 
volution française,  t.  IV,  liv,  XVII,  p.  382. 

lestiboudois  (Jean- Baptiste),  botaniste 
français,  né  à  Douai,  en  1715,  mort  à  Lille,  le 
20  mars  1804.  En  1739  il  était  pharmacien  de 
l'armée  française  en  Allemagne;  il  profita  de  son 
séjour  dans  le  duché  de  Brunswick  et  aux  en- 
virons de  Cologne  pour  recueillir  et  décrire  les 
plantes  qui  y  croissent  spontanément.  Long- 
temps avant  Parmentier,  il  indiqua  les  avan- 
tages qu'on  pouvait  tirer  de  la  pomme  de  terre, 
et  dans  un  mémoire  qu'il  publia  en  1737  il  ré- 
futa tout  ce  qui  avait  été  dit  sur  la  prétendue 
insalubrité  de  ce  précieux  végétal.  S'étant  fixé  à 
Lille,  Lestiboudois  donna  l'idée  de  la  formation 
d'un  jardin  botanique  dans  cette  ville,  et  y  fut 
nommé  professeur  en  1770.  En  1772  il  concou- 
rut à  la  rédaction  de  la  Pharmacopxa  Insulen- 
sis.  Deux  ans  après  il  publia  une  carte  bota- 
nique, dans  laquelle  se  trouvent  réunis,  d'une  ma- 
nière ingénieuse  et  neuve,  les  systèmes  de  clas- 
sification de  Linné  et  de  Tournefort.  On  doit  en 
outre  à  Lestiboudois  un  Abrégé  élémentaire 
de  Botanique. 

Son  fils,  François-Joseph  Lestiboudois,  né  à 
Lille,  mort  en  1815,  succéda  à  son  père  dans  la 
chaire  de  botanique  fondée  au  jardin  de  Lille,  et 
publia  la  Botanographiebelgique;L\\\e,  1781, 
in-8°;  1796,  4  vol.  in-8°;  —  Abrégé  élémen- 
taire de  i  histoire  naturelle  des  Animaux; 
Lille,  1782,  in-8°.  J.  V. 

Biographie  médicale.  —  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Nor- 
vins, Biog.  nouvelle  des  Contemp.—  Biog.  univ.  et  port, 
des  Contemp. 

*lestibocdois  (Thémistocle) ,  médecin 
et  homme  politique  français,  fils  de  François- 


■  LESTOCQ  978 

Joseph  Lestiboudois,  né  à  Lille,  en  1797.  Reçu  en 
1818  docteur  en  médecineà  Paris,  il  alla  exercer 
à  Lille ,  et  professa  la  botanique  à  l'école  secon- 
daire de  cette  ville.  Élu  député  par  le  deuxième 
collège  de  Lille  en  1839,  il  siégea  à  la  chambre 
jusqu'à  la  révolution  de  février,  et  votait  avec 
la  gauche.  Le  8  juillet  1846,  il  tomba  dans 
les  marais  de  Fampoux  avec  le  convoi  du  che- 
min de  fer  ;  presque  asphyxié,  il  parvint  à  bri- 
ser une  glace  et  à  sortir  du  compartiment  où 
il  se  trouvait.  Parvenu  à  la  surface,  il  lut  re- 
cueilli par  un  bateau  :  il  était  presque  sans 
connaissance  ;  dès  qu'il  reprit  ses  sens,  il  s'em- 
pressa de  porter  des  secours  aux  autres  victimes 
de  la  catastrophe.  Correspondant  de  l'Acadé- 
mie des  Sciences,  il  fut  nommé  suppléant  à  la 
faculté  des  sciences  de  Paris  en  1849.  Élu  re- 
présentant du  département  du  Nord  à  l'Assemblée 
législative  en  1849,  il  y  vota  avec  la  majorité,  et 
fit  une  proposition  pour  la  création  d'une  caisse 
de  retraite  en  faveur  des  ouvriers.  En  1850  il 
fut  nommé  membre  du  conseil  central  d'agri- 
culture pour  l'Algérie.  Au  commencement  de 
1851,  lorsque  le  général  Changarnier  eut  perdu 
son  commandement,  Lestiboudois  proposa  avec 
MM.  Lebeufet  Mimerel,  comme  amenderoentà  la 
proposition  de  M.  de  Rémusat  de  voter  des  re- 
merciements au  général  et  de  passer  à  l'ordre  du 
jour,  pour  conserver  l'harmonie  entre  les  pou- 
voirs. Quelque  temps  après  il  défendit  les  inté- 
rêts du  sucre  indigène.  Quoique  grand  partisan 
de  la  loi  du  31  mai ,  qui  restreignait  le  suffrage 
universel,  loi  qu'il  appelait  «  la  dernière  forte- 
ressedans  laquelle  pussent  s'enfermer  les  amis  de 
l'ordre ,  «  il  fut  compris,  après  le  coup  d'État  du 
2  décembre  1851,  dans  la  commission  consulta- 
tive. II  passa  ensuite  comme  maître  des  requêtes 
de  première  classe  au  conseil  d'État,  et  fut 
nommé  conseiller  d'État  le  25  juillet  1855.  Pro- 
priétaire à  Oued-el-Amar  en  Algérie,  il  a  été 
nommé  en  1858  conseiller  général  de  la  province 
de  Constantine.  On  a  de  lui  :  Rapport  général 
sur  V Épidémie  du  Choléra  qui  a  régné  à  Lille 
en  1832  -,  Lille,  1833,  in-8°  ;  —  Des  Colonies  su- 
crières  et  des  Sucreries  indigènes;  Lille,  1839, 
in-86;  —  Etudes  sur  l'Anatomie  et  la  Phy- 
siologie des  Végétaux;  Lille,  1840,  in-8°,  avec 
planches;  —  Économie  pratique  des  Nations , 
ou  -système  économique  applicable  aux  dif- 
férentes contrées  et  spécialement  à  la  France; 
Paris,  1847,  in-8°;  —  Thèse  de  Botanique  pré- 
sentée à  la  faculté  des  sciences  de  Paris,  le 
28  août  1848;  Paris,  1848,  in-4° ;  —  Voyage 
en  Algérie;  Paris,  1853,in-8°.  M.  Lestiboudois 
a  réédité  la  Botanographie  belgique  et  Y  Abrégé 
élémentaire  de  Botanique  de  son  père.  L.  L — t* 

Biogr.  statistique  de  la  Chambre  des  Députés,  18'»6.  — 
Biog.  des  sept  cent  cinquante  Représ,  à  l'Ass.  législative. 
—  Profils  crit.  et  biogr.  des  Sénateurs,  Conseillers  d'État 
et  Députés.  —  Bourquelot  et  Maury,  Lu,  Littér.  franc, 
contemp. 

LESTOCARD.  Voy.  ESTOCARD. 

lestocq  (Jean-Herman,  comte),  favori 


979  LESTOCQ  —  L'ESTOILE 

de  l'impératrice  Elisabeth  de  Russie,  né  à  Zelle 
(Hanovre),  le  29  avril  1092,  mort  en  Livonie,  le 
12  juin  1767.  Fils  d'un  chirurgien  français  pro- 
testant, qui  abandonna  son  pays  à  la  suite  de  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes,  il  étudia  la  mé- 
decine, et  alla  en  17 13  chercher  fortune  en  Russie. 
Pierre  le  Grand  le  prit  à  son  service  comme 
chirurgien;  mais  ses  mœurs,  relâchées  au  point 
de  scandaliser  le  moins  scrupuleux,  des  monar- 
ques ,  lui  attirèrent  sa  disgrâce,  et  le  firent  exi- 
ler, en  1718,  à  Kazan.  Catherine  Ire  le  rappela 
à  son  avènement  au  trône  (1725),  et  l'attacha 
à  la  personne  de  sa  seconde  fille,  Elisabeth.  D'un 
esprit  fertile  en  intrigues,  Lestocq  sut  prendre 
une  si  grande  influence  sur  cette  princesse  que 
c'est  sans  aucun  doute  à  ce  favori  de  basse 
extraction  que  la  Russie  est  redevable  de  l'a- 
voir eue  pour  impératrice  durant  vingt  ans,  en 
quoi  il  fut  puissamment  aidé  non-seulement 
par  les  conseils,  mais  encore  par  les  secours 
pécuniers  et  considérables  du  cabinet  de  Ver- 
sailles, représenté  à  cette  époque  à  Saint-Pé- 
tersbourg par  le  marquis  de  La  Chétardie  (  voy. 
ce  nom).  Légère,  voluptueuse,  craintive  à 
l'excès,  mais  ne  manquant  pas  complètement 
de  cœur,  Elisabeth  hésitait  à  dérober  la  couronne 
à  un  enfant  auquel  elle  avait  juré  fidélité.  Les- 
tocq l'y  décida  en  lui  présentant  une  image  al- 
légorique où  il  l'avait  représentée  d'un  côté 
assise  sur  un  trône  de  fleurs,  soutenu  par  des 
amours,  de  l'autre  habillée  en  religieuse,  entourée 
de  divers  instruments  de  supplice.  «■  Choisissez  , 
lui  dit-il;  demain  la  pourpre  ou  la  torture.  » 
Elisabeth  choisit  la  pourpre,  pour  laquelle  elle 
n'était  pas  née.  Accompagnée  seulement  d'un  de 
ses  chambellans,  Michel  Voronzof ,  de  son  secré- 
taire Schwarz  et  de  Lestocq,  elle  se  rendit,  dans 
la  nuit  du  25  novembre  1741,  à  la  caserne  du 
régiment  de  Préobrajenski,  se  mit  à  la  tête  de 
trois  cents  grenadiers,  alla  au  palais  enlever  le 
jeune  tzar  ave«  ses  parents  endormis,  et  le  len- 
demain matin  des  salves  d'artillerie  annonçaient 
que  l'empire  de  Russie  était  de  nouveau  retombé 
en  quenouille.  Celui  qui  pouvait  se  vanter  de 
cette  révolution  reçut  les  titres  de  conseiller 
privé,  ce  qui  lui  donnait  le  rang  de  général  en 
chef,  de  médecin  ordinaire  de  Sa  Majesté,  de 
président  du  collège  médical,  une  pension  de 
7,000  roubles,  le  portrait  de  l'impératrice  en- 
touré de  diamants,  et  l'empereur  Charles  VII  se 
hâta  de  lui  envoyer  le  diplôme  de  comte  du 
Saint- Empire.  Riche  et  puissant,  il  se  fit  aisé- 
ment grand  seigneur  ;  mais  toutes  ces  faveurs 
avaient  été  trop  bassement  acquises  pour  être 
durables  :  coupable  d'avoir  restauré  un  régime 
où  les  plus  grands  étaient  mal  assurés  de  leur 
état,  il  en  fut  une  des  premières  victimes.  Accusé 
par  le  vice-chancelier  Bestoujef  d'entretenir  des 
relations  secrètes  avec  le  jeune  héritier  du  trône 
et  certaines  cours  étrangères,  ce  qui  était  pos- 
sible, Lestocq  fut  jeté  avec  sa  femme  innocente 
dans  la  citadelle  de  Saint-Pétersbourg,  soumis 


980 
à  la  torture,  puis  exilé  à  Ouglitch,  dans  le  gou> 
vernement  d'Iaroslaf,  d'où  il  fût  transporté,  en 
1753,  à  Ousticug,  dans  le  gouvernement  d'Ar- 
changel.  Pierre  III,  le  jour  même  de  son  avè- 
nement au  trône  (25  décembre  176t),  donna 
l'ordre  de  faire  revenir  Lestocq;  mais  ses  biens, 
qui  avaient  été  confisqués ,  ne  lui  furent  pas 
restitués  ;  Catherine  11  pourvut  à  l'existence  de 
ce  favori  tombé,  en  le  gratifiant  d'une  petite  pro- 
priété en  Livonie,  où  il  termina  ses  jours  dans 
une  médiocrité  qui  ne  lui  fit  pas  perdre  la 
gaieté  de  son  caractère.  Pcc  A.  G — n. 

Manstein,  /Mémoires  historiques  sur  la  Russie.  — 
Mémoires  du  prince  Chakliavskoi.  —  Biographie  de  Ban- 
tich-Karaenski  et  Histoire  du  Règne  d'Elisabeth  par 
Weydemer  (en  russe).  —  La  cour  de  Russie  il  y  a 
cent  ans;  Berlin,  1858. 

l'estoile  (Pierre  m),  chroniqueur  fran- 
çais ,  né  à  Paris,  en  1 546 ,  mort  en  cette  ville, 
en  1611.  Son  grand-père  et  son  père  avaient  été 
présidents  aux  enquêtes  du  parlement  de  Paris, 
et  sa  mère  était  fille  de  François  de  Monthalon, 
président  au  parlement,  puis  garde  des  Sceaux. 
Il  étudia  à  Bourges ,  où  il  eut  pour  précepteur 
le  savant  Arbuthnot,  et  ne  revint  à  Paris  que 
vers  1569;  ce  fut  à  cette  époque  qu'il  épousa 
la  fille  de  Jean  Bâillon,  baron  de  Bruyère,  tré- 
sorier de  l'épargne,  et  qu'il  acheta  une  charge 
d'audiencier  à  la  chancellerie.  D'un  caractère 
prudent,  il  ne  se  déclara  pendant  la  Ligue 
pour  aucun  parti  ;  cependant  sa  liberté  fut  plu- 
sieurs fois  menacée,  et  il  allait  être  proscrit 
lorsque  Henri  IV  fit  son  entrée  à  Paris  et  ré- 
tablit la  paix.  L'Estoile  se  défit  de  sa  charge,  es- 
pérant vivre  tranquille  au  milieu  de  ses  livres 
et  de  sa  nombreuse  famille,  composée  de  douze 
enfants;  quatre  de  son  premier  mariage  et  huit 
de  son  second  ;  mais  il  eut  à  soutenir  un  long 
procès  pour  toucher  le  prix  de  sa  charge ,  qu'il 
perdit  en  partie;  puis  son  fils  aîné  Louis  périt 
devant  Dourlans,  où  il  fut  «  vendangé  des  pre- 
miers »,  dit  son  père.  La  perte  de  son  procès 
contraria  vivement  son  amour  pour  les  livres 
rares  et  précieux  ,  pour  les  placards  curieux  , 
pour  les  gravures  de  toutes  sortes,  dont  il  faisait 
collection ,  souvent  au  prix  de  dangers  assez 
grands,  puisqu'il  était  défendu,  sous  des  peines 
sévères,  de  garder  les  nombreux  dessins  satiri- 
ques faits  du  temps  de  la  Ligue;  aussi  pour  se  les 
procurer  fut-il  forcé  de  vendre  peu  à  peu  ses 
propriétés  et  d'aliéner  ses  contrats  de  rente, 
ce  qui  rendit  sa  vieillesse  chagrine.  Pour 
bien  connaître  L'Estoile,  il  faut  l'étudier  dans 
son  Journal,  car  son  nom  n'est  pas  même  cité 
dans  les  mémoires  de  l'époque,  tant  il  avait  eu 
soin  de  se  faire  obscur  et  petit.  On  n'a  donc 
sur  lui  d'autres  détails  que  ceux;  qu'il  nous  a 
laissés  ;  mais  il  se  met  si  peu  en  scène  qu'on  ne 
sait  presque  rien  de  son  rôle  dans  les  affaires 
auxquelles  il  a  dû  se  trouver  mêlé;  quant  à  ses 
goûts,  ses  principes,  ses  habitudes,  son  carac- 
tère, voici  comment  il  se  peint  lui-même  :  «  Mon 
âme  est  libre  et  toute  mienne,  accoutumée  à  se 


98!  .L'ESTOILE  —  LESTONAC 

conduire  à  sa  mode,  non  toutefois  méchante  et 


982 


maligne,  mais  trop  portée  à  une  vaine  curiosité 
et  liberté  dont  je  suis  marry,  et  à  laquelle  toute- 
fois qui  me  voudrait  retrancher  ferait  tort  à  ma 
santé  et  à  ma  vie,  parce  que  si  je  suis  contraint, 
je  ne  vaux  rien,  estant  extrêmement  libre  et 
par  nature  et  par  art;  et  me  suis  logé  là  avec  le 
seigneur  de  Montagne  (  mon  vade  mecum),  que, 
sauf  la  santé  et  la  vie,  il  n'est  chose  pour  quoy 
je  veuille  me  ronger  les  ongles ,  et  que  je  veuille 
acheter  au  prix  du  tourment  de  l'esprit  et  de  la 
contrainte.  »  Ce  Journal,  ainsi  que  son  titre  l'in- 
dique d'ailleurs,  a  été  écrit  au  jour  le  jour; 
c'est  le  récit  de  tout  ce  qu'il  voit,  de  tout  ce 
qu'il  entend  ;  on  y  trouve  de  précieux  détails  sur 
les  mœurs,  les  usages  et  la  vie  intérieure  des  ha- 
bitants de  Paris;  les  affaires  de  l'État  sont  mêlées 
à  celles  de  la  famille  du  chroniqueur;  les  faits 
curieux,  les  faits  divers,  comme  on  dit  aujour- 
d'hui, le  prix  des  denrées,  les  anecdotes,  la  nais- 
sance de  monstres  ,  les  accidents ,  les  procès , 
les  jugements  sur  les  ouvrages  remarquables, 
les  bons  mots,  les  crimes,  les  exécutions,  tout 
cela  est  ensemble,  sans  ordre,  sans  méthode, 
mais  toujours  dans  un  style  mouvementé,  fa- 
cile, plein  de  malice  cachée  sous  une  fausse 
bonhomie  ;  suivant  le  Journal  de  Trévoux,  «  c'est 
une  relation  hardie,  vraie,  n'ayant  ni  l'enthou- 
siasme de  la  passion  ni  l'emportement  de  la  sa- 
tyre». SahanUe  Journal  des  Savants,  l'auteur  y 
peint  son  caractère  :  «  son  style  est  libre,  naturel, 
annonçant  la  probité  et  la  candeur  de  l'écrivain, 
son  zèle  pour  le  bien  public,  son  amour  et  sa 
fidélité  pour  le  souverain.  »  Ces  jugements  ont 
été  souvent  confirmés,  et  aucun  ouvrage  ne  fait 
mieux  connaître  le  Paris  des  seizième  et  dix- 
septième  siècles  que  le  journal  de  Henri  III  et 
Henri  IV.  La  première  partie  de  ce  journal  a  été 
d'abord  publiée  seule  en  1621,  sous  le  titre  de 
Journal  des  choses  advenues  durant  le  règne 
de  Henri  III,  roi  de  France  et  de  Pologne, 
par  Louis  Servin;  Paris,  in-4°.  Le  Journal  de 
Henri  IV  n'a  paru  qu'en  1719;  c'est  Denis  Go- 
defroy,  docteur  de  la  chambre  des  comptes  de 
Lille,  qui  le  premier  l'a  fait  connaître  en  réim- 
primant le  Journal  de  Henri  111  sous  ce  titre: 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  France, 
contenant  ce  qui  s'est  passé  de  plus  remar- 
quable dans  ce  royaume  depuis  1574  jus- 
qu'en 1611  ;  Cologne,  2  vol.  in-8°.  Dans  l'édi- 
tion donnée  à  La  Haye  en  1744,  5  vol.  in-8°,  par 
Lenglet-Dufresnoy,  on  trouve  plusieurs  pièces 
historiques  assez  curieuses,  mais  qui  ne  sont  pas 
de  L'Estoile,  telles  que  Gaspard  de  Coligny, 
de  Chantelouve  le  Discours  merveilleux  de  la 
vie  de  Catherine  deMédicis,  violente  satire, 
attribuée  à  Henri  Estienne;  etc.  L'édition  la  plus 
complète  est  celle  qui  a  été  donnée  par  M.  de 
Montmerqué  dans  la  collection  des  mémoires  sur 
l'histoire  de  France  de  Petitot.         H.  Malot. 

Lelong,  Bibl.  Historique  de  la  France.  —  Denis  Go- 
defroy,  Préface  de  l'éditiou  de  Cologne.  —  Moréri,  Dict. 


Historique.    —  Montmerqué,   Préface   de   l'édiUon   du 
1828.  —  OEttinger,  Dibliobiographie. 

l'estoile  (Claude  de), littérateur  français, 
né  à  Paris,  en  1597,  mort  en  1651.  Fils  du 
précédent,  il  était  assez  riche  pour  ne  pas  avoir 
besoin  de  quelque  emploi,  et  se  livra  à  son  goût 
pour  les  lettres.  Il  fut  un  des  premiers  mem- 
bres de  l'Académie  Française  ;  mais  il  n'avait 
guère  de  titres  à  figurer  dans  cette  illustre 
compagnie.  Pellisson,  qui  en  parle  avec  détail , 
dit  qu'il  avait  beaucoup  de  vertu  et  d'hon- 
neur et  qu'il  travaillait  avec  un  soin  extraor- 
dinaire, repassant  cent  fois  sur  les  mêmes 
choses  ;  de  là  vient  qu'il  a  laissé  si  peu  d'ou- 
vrages. Il  fut  l'un  des  cinq  auteurs  employés 
par  le  cardinal  de  Richelieu  pour  composer  les 
pièces  de  son  théâtre.  La  belle  Esclave,  tragé- 
die, 1643,  et  L'Intrigue  des  Filoux,  comédie, 
1648;  cette  dernière  pièce  est  dédiée  à  messire 
Charles  Testes,  chevalier  et  capitaine  du  guet 
de  Paris  ;  l'auteur  dit  qu'en  s'entre! enant  avec 
les  filoux  de  leurs  tours  de  souplesse,  ils  feront 
passer  quelques  heures  assez  agréablement.  La 
tragédie  est  imprimée  avec  des  caractères  nou- 
veaux inventés  par  P.  Moreau.  Au  moment  de 
sa  mort,  L'Estoile  venait  d'achever  une  co- 
médie: Le  Secrétaire  de  saint  Innocent;  elle 
ne  fut  ni  jouée  ni  imprimée.  Diverses  pièces  de 
vers  de  cet  auteur  sont  disséminées  dans  les 
recueils  du  temps  ;  personne  ne  sera  tenté  d'aller 
les  en  retirer.  Tallemant  des  Réaux  nous  ap- 
prend dans  une  de  ses  Historiettes,  si  indis- 
crètes, d'étranges  particularités  au  sujet  de  cet 
académicien,  «  qui  ne  savoit  presque  rien  et  qui 
étoit  extravagant  ».  Après  avoir  aimé  une  co- 
quette «  qui  prenoit  son  argent  et  se  moquoit 
de  lui  »,  il  épousa  la  fille  d'un  procureur  sans 
fortune  ;  elle  mourut  du  chagrin  «  que  luy  don- 
nèrent les  bizarreries  de  son  mary  ».  Il  était 
très-maigre  et  très-laid  ;  il  avait  la  manie  de 
ne  travailler  qu'après  avoir  fait  fermer  les  vo- 
lets et  allumé  la  chandelle,  fût-on  en  plein  midi; 
et  «  quand  il  avoit  composé  un  ouvrage,  il  le  li- 
soit  à  sa  servante  pour  connoistre  s'il  avoit  bien 
réussi  ».  On  en  a  dit  autant  de  Molière,  et  peut- 
être  avec  peu  de  fondement.  G.  B. 

Pellisson  et  d'Olivet ,  Histoire  de  l'Académie  fran- 
çaise, édit.  de  1  853,  1. 1,  p.  2iS.  —  Tallemant  des  Reaux, 
Historiettes,  t.  V,  p.  88,  édlt.  de  1855. 

lî-stoile  (Éon  de).  Voy.  Éon  de  Lestoile. 

lestonac  (Jeanne  de),  fondatrice  d'ordre 
religieux,  née  à  Bordeaux,  en  1556,  morte  dans 
la  même  ville,  le  2  avril  1640.  Elle  était  fille 
d'un  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux  et  de 
Jeanne  d'Eyquem  de  Montagne,  sœur  du  cé- 
lèbre philosophe  Michel  de  Montagne.  Quoique 
sa  mère  fût  protestante,  son  père  et  son  oncle 
firent  entrer  Jeanne  de  Lestonac  dans  la  reli- 
gion catholique.  On  la  maria  en  1573  au  mar- 
quis Gaston  de  Montierrand ,  soudan  de  La- 
tran,  sire  de  Landnas,  de  La  Motte,  etc.,  dont 
elle  eut  sept  enfants.  Après  la  mort  de  son  mari, 
elle  se  consacra  à  la  Vierge,  et  entra  en  1603 


983 


L'ESTONAC  —  L'ESTRANGE 


9S4 


chez  les  feuillantines  de  Toulouse.  Malgré  l'op- 
position de  sa  famille,  «  deux  pieux  jésuites,  dit 
Moréri,  la  préparèrent  à  la  pratique  des  vertus 
chrétiennes  ».  L'un  d'eux,  le  P.  La  Borde,  lui 
dressa  des  constitutions  tirées  de  celles  de  saint 
Ignace  de  Lovola,  et  bientôt  Jeanne  de  Lestonac 
se  vit  à  la  tête  d'une  communauté  de  jeunes 
filles,  la  plupart  arrachées  aux  familles  calvi- 
nistes. Les  nouvelles  religieuses  prirent  le  nom 
àejésuitines.  Le  cardinal  de  Sourdis,  archevê- 
que de  Bordeaux,  s'éleva  contre  cette  fondation; 
mais  le  pape  lui  ordonna  de  consacrer  ce  nouvel 
institut,  ce  qui  fut  exécuté  le  25  mars  1606  et 
confirmé  par  un  bref  de  Paul  V  (  7  avril  1607  ). 
Cet  ordre  prit  une  importance  rapide.  Lorsque 
Jeanne  de  Lestonac  mourut,  elle  gouvernait 
vingt-neuf  maisons  de  jésuitines.  Après  sa  mort 
on  détacha  une  partie  de  ses  os  pour  les  en- 
voyer dans  les  principaux  couvents  de  l'ordre, 
où ,  suivant  quelques  hagiographes,  ils  opérè- 
rent divers  miracles.  A.  deL. 

Jean  Bouzonie,  Histoire  de  l'Ordre  des  Filles  de  No- 
tre-Dame. —  Moréri,  Le  grand  Dictionn  Historique. 

lestra  (François),  voyageur  français,  vi- 
vait de  1650  à  1697.  Il  s'engagea  en  1671  au 
service  de  la  Compagnie  royale  des  Indes  fran- 
çaises, et  partit  de  Lorient  le  4  mars  1671.  Il 
débarqua  à  Surate,  le  26  octobre.  Lestra  na- 
vigua quelque  temps  sur  TescadrededeLaHaye; 
mais,  s'en  étant  séparé,  il  fut  pris  près  de  Tran- 
quebar  par  les  Hollandais.  Sa  captivité  fut  très- 
pénible  ;  et  il  eut  beaucoup  à  se  plaindre  de  la 
façon  brutale  dont  les  Néerlandais  traitaient 
leurs  prisonniers.  Transporté  de  Negapatnam  à 
Batavia,  où  il  fut  descendu  le  6  janvier  1 673,  il 
avait  échappé  à  un  naufrage  aux  embouchures 
du  Hongly  dans  le  golfe  de  Bengale.  En  décembre 
1674,  il  fut  rendu  à  la  liberté,  et  revit  la  France 
le  1er  août  suivant.  Il  a  publié  la  relation  de  ses 
aventures  sous  le  titre  de  :  Relation  ou  Jour- 
nal d'un  voyage  fait  aux  Indes  orientales, 
contenant  l'état  des  affaires  du  pays  et  les 
établissements  de  plusieurs  nations  qui  s'y 
sont  faits  depuis  plusieurs  années,  avec  la 
description  des  villes,  des  mœurs,  coutumes 
et  religions  des  Indiens;  Paris,  1677,  in-12. 
La  position  de  Lestra  et  le  peu  de  temps  qu'il 
eut  à  consacrer  à  l'étude  rendent  naturellement 
ses  observations  fort  incomplètes;  cependant, 
dit  Locke,  on  trouve  chez  ce  voyageur  plusieurs 
remarques  intéressantes  sur  les  établissements 
des  Européens  dans  l'Inde.  Son  style,  s'il  n'est 
pas  élégant,  est  du  moins  fort  concis. 

A.    DE  L. 

Vrevost,  Histoiregénéraledes  Voyages,  t.  IX.  —  Locke, 
History  of  the  Navigation,  etc. 

l'estrajjge  (  Sir  Roger  ) ,  publiciste  an- 
glais, né  à  Norfolk,  en  1616,  mort  en  1704.  Fils 
de  sir  Hammond  L'Estrange,  royaliste  zélé ,  il 
adopta  les  principes  politiques  de  son  père,  et 
suivit  le  roi  Charles  Ier  en  Ecosse  en  1639.  En 
1644  il  essaya  de  reprendre  par  surprise,  sur  les 
parlementaires,  la  ville  de  Lyn,   où  son  père 


avait  lui-même  des  amis.  Il  échoua  danscette  en- 
treprise, et  tomba  entre  les  mains  des  ennemis. 
Conduit  à  Londres  et  traduit  devant  une  cour 
martiale.qui  le  condamna  à  mort  comme  espion, 
il  passa  quatre  ans  à  Newgate  dans  la  crainte 
du  supplice,  il  s'échappa  de  prison  en  1648, 
tenta  d'exciter  une  insurrection  dans  le  comté 
de  Kent,  échoua  encore,  et  s'enfuit  sur  le  conti- 
nent, où  il  resta  jusqu'en  1653.  Quoique  non 
compris  dans  l'acte  d'amnistie,  il  eutla  hardiesse 
de  revenir  en  Angleterre ,  et,  voyant  sa  première 
demande  rejetée  par  le  conseil  de  Whitehall,  il 
recourut  directement  à  Cromwell,  qui  lui  accorda 
sa  grâce.  Cette  démarche  lui  fut  beaucoup  re- 
prochée après  la  restauration.  Il  finit  cependant 
par  triompher  des  soupçons  du  parti  royaliste,  et 
fut  nommé  en  1663  censeur  de  la  presse.  Cette 
place  lui  concédait  le  privilège  de  publier  des 
journaux  politiques.  Il  commença  en  1663  le 
Public  Intelligencer,  qui  cessa  de  paraître  en 
1665  pour  faire  place  à  la  Gazette  de  Londres, 
sorte  de  journal  officiel  qui  paraissait  le  lundi  et 
le  jeudi  de  chaque  semaine.  En  1679,  après  la 
dissolution  du  parlement  d'Oxford,  au  plus  fort 
de  la  lutte  de  la  royauté  contre  les  whigs,  le 
parti  royaliste  ou  tory ,  ne  se  trouvant  pas  assez 
défendu  par  la  Gazette,  qui  ne  donnait  que  des 
nouvelles  sans  commentaires,  favorisa  la  pu- 
blication d'un  nouveau  journal ,  que  L'Estrange 
fit  paraître  sous  le  titre  de  L'Observateur.  Ce 
journal,  vivement  patronné  par  la  cour,  devint 
l'oracle  du  parti  tory  et  du  clergé  anglican  ;  c'é- 
tait une  attaque  virulente  contre  toute  les  idées 
de  liberté  et  de  tolérance.  L'Estrange  redoubla 
de  violence  sous  Jacques  II,  qui  le  récompensa 
de  son  zèle  royaliste  par  le  titre  de  baronet. 
«  Il  s'en  fallait  de  beaucoup ,  dit  lord  Macau- 
lay,  que  L'Estrange  fut  dépourvu  de  facilité  et 
de  finesse  ;  son  style,  quoique  souvent  grossier 
et  défiguré  par  un  bavardage  de  bas  étage, 
alors  de  mode  dans  les  cafés  et  les  foyers  de 
théâtre ,  ne  manquait  ni  de  vigueur  ni  de  mor- 
dant; mais  sa  nature,  à  la  fois  ignoble  et  fé- 
roce, se  montrait  dans  chaque  ligne  qu'il  écri- 
vait. Quand  les  premiers  numéros  de  L'Obser- 
vateur parurent,  son  acrimonie  avait  quelque 
excuse  ;  car  les  whigs  étaient  tout-puissants,  et 
il  avait  à  se  défendre  contre  de  nombreux  ad- 
versaires, dont  les  violences  sans  bornes  pou- 
vaient expliquer  d'impitoyables  représailles.  En 
1685  l'opposition  était  écrasée  :  une  âme  gé- 
néreuse eût  dédaigné  d'insulter  un  parti  qui  ne 
pouvait  répondre  ,  d'aggraver  le  malheur  de 
prisonniers,  d'exilés  et  de  familles  éplorées; 
mais  contre  la  haine  de  L'Estrange  la  tombe  n'é- 
tait pas  un  abri,  la  maison  désolée  n'était  pas 
un  sanctuaire.  »  Le  vieux  pamphlétaire  tory 
poussa  le  zèle  jusqu'à  soutenir  le  pouvoir  que 
Jacques  II  s'attribuait  de  dispenser  les  fonc- 
tionnaires du  serment  exigé  par  les  lois.  Ce- 
pendant il  recula  devant  l'acte  de  tolérance ,  et 
cessa  son  journal  en  1687  plutôt  que  de  dé- 


985  L'ESTRANGE 

fendre  cette  grande  mesure,  qui  souleva  parmi 
les  anglicans  une  si  violente  opposition.  La  ré- 
volution de  1688  le  surprit  dans  cet  état  de  mé- 
contentement, et  en  lui  enlevant  sa  place  de  cen- 
seur ranima  son  ardeur  royaliste.  Il  subit  une 
courte  détention  sous  le  règne  de  Guillaume  III, 
et  mourut  dans  un  âge  très-avancé.  Outre  son 
Public  Inlelligencer,  son  Observator,  qui  forme 
trois  volumes ,  et  une  douzaine  de  pamphlets 
dont  on  trouve  les  titres  dans  Chalmers,  on  a  de 
L'Estrange  des  traductions  des  Œuvres  de  Jo- 
sèphe  (  d'après  Chalmers ,  c'est  son  meilleur 
ouvrage  ),  des  Offices  de  Cicéroh,  des  Œuvres 
morales  de  Sénèque,  des  Colloques  d'Érasme, 
des  Fables  d'Ésope,  des  Visions  de  Quevedo. 
Cette  dernière  traduction  fut  publiée  en  1G68, 
avec  un  tel  succès  qu'elle  était  déjà  à  sa  dixième 
édition  en  1708,  et  qu'elle  a  servi  de  base  aux 
traductions  des  Visions  insérées  dans  les  Œu- 
vres de  Quevedo;  Edimbourg,  1798,  t.  1,  et 
dans  les  Novelists  de  Roscoë,  1832,  vol.  II. 
«  Toutes  les  traductions  que  j'ai  vues ,  dit 
Ticknor,  sont  mauvaises  ;  la  meilleure  est  celle 
de  L'Estrange,  c'est  du  moins  la  plus  animée. 
Mais  L'Estrange  n'est  pas  fidèle  même  lorsqu'il 
comprend,  et  il  est  souvent  infidèle  par  ignorance. 
La  grande,  popularité  de  ses  traductions  fut 
probablement  due  en  partie  aux  additions  qu'il 
fit  hardiment  au  texte  et  à  sa  manière  d'accom- 
moder les  plaisanteries  de  l'original  au  goût  de 
son  temps  par  des  allusions  entièrement  an- 
glaises et  locales.  »  L.  J. 

Biouraphia  Britannica.  —  Cibber,  Lives.  —  Échard, 
Historyof  England.  -  Literary  Magazine  for  1758.  — 
Chalmers.  General  Biographical  Dictionary.  —  Macau- 
lay.  History  of  England,  c.  in.  —  Ticknor,  History  ef 
Spanish  Literature,  t.  II,  p.  Sol. 

lesueur  (Nicolas),  plus  connu  sous  le 
nom  latinisé  de  Sudorius,  philologue  et  juris- 
consulte français,  né  vers  1545,  mort  le  2  mai 
1594.  Il  appartenait  à  une  famille  parlemen- 
taire, et  fut  destiné  par  ses  parents  à  la  magis- 
trature. Conseiller,  puis  président  à  la  chambre 
des  enquêtes  du  parlement  de  Paris,  il  concilia 
l'étude  et  la  pratique  du  droit  avec  la  culture 
des  lettres  anciennes.  L'Estoilc  raconte  qu'il  fut 
assassiné  près  de  Paris  par  des  voleurs,  et  il 
ajoute  :  «  C'était  un  des  plus  doctes  du  parle- 
ment, mais  assez  mal  famé.  »  On  a  de  lui  une 
traduction  de  Pindare  en  vers  latins,  avec  un 
commentaire  sur  les  Néméennes;  Paris,  1575, 
1582,  in-8°;  1592,  in-12.  Cette  traduction,  élé- 
gante et  assez  exacte,  a  été  insérée  dans  l'édi- 
tion de  Pindare ,  Oxford,  1697,  in-fol.  On  a  en- 
core de  Lesueur  un  ouvrage  de  jurisprudence 
intitulé  :  Dispulalionum  civilium  Liber,  in 
guo  juris  cïvilis  quœsliones  complures  ,  diffi- 
ciles algue  obscurse,  accurate  tractantur; 
Paris,  1578,  in-4°;  réimprimé  dans  le  tome  II 
du  Thésaurus  Juris  de  Ever.  Otto.        Z. 

Kver.  Otto,  Préface  du  t.  II  du  Thésaurus  Juris, 
p.  32-33.  —  Freytag,  Adparatus  Litterarius ,  t.  III, 
n°  CLIII,  p.  570-B7J.  —  L'Estoilc,  Journal  de  Henri  iy, 
année  1594. 


—  LESUEUR  986 

LE  sueur  (Eustache),  célèbre  peintre 
français,  l'un  des  fondateurs  de  l'Académie  de 
Peinture,  né  à  Paris,  en  1617,  mort  dans  la 
même  ville,  en  1655.  Sa  famille  était  originaire 
de  Montdidier  (1),  peu  fortunée ,  mais  alliée 
aux  meilleures  familles  de  Picardie.  Le  père 
d'Eustache  Le  Sueur,  appréciant  de  bonne 
heure  les  dispositions  de  son  fils,  le  fit  entrer 
dans  l'atelier  de  Simon  Vouet,  premier  peintre 
du  roi  et  qui  était  alors  à  la  tête  de  la  peinture. 
Là  Le  Sueur  rencontra  pour  émule  Le  Brun,  qui 
plus  tard  devait  être  son  rival,  et  dont  la  ja- 
lousie ne  contribua  pas  peu  à  abréger  ses  jours. 
Tous  deux  reçurent  des  conseils  du  Poussin, 
mais  avec  cette  différence  que  Le  Brun,  puis- 
samment protégé,  suivit  le  grand  artiste  en 
Italie ,  tandis  que  Le  Sueur,  resté  en  France, 
dut  se  résigner  à  entretenir  avec  le  maître 
une  correspondance  accompagnée  d'envois  de 
croquis.  Le  Sueur  méditait  sur  ces  entretiens 
épistolaires.  Il  étudiait  en  même  temps  les 
meilleurs  peintres  italiens  d'après  quelques  re- 
productions chalcographiques  et  sur  un  petit 
nombre  d'originaux.  «  Son  goût,  dit  Charles 
Perrault,  lui  avait  fait  prendre  dans  l'étude  des 
figures  et  des  bas-reliefs  antiques  ce  qu'ils  ont 
de  grand,  de  noble  et  de  majestueux,  sans  en 
imiter  ce  qu'ils  peuvent  avoir  de  sec,  de  dur  et 
d'immobile,  et  lui  faisait  tirer  des  ouvrages  mo- 
dernes ce  qu'ils  ont  de  gracieux,  de  naturel, 
d'aisé,  sans  tomber  dans  le  faible  et  le  mesquin 
qu'on  leur  reproche.  »  Son  style  resta  donc  ori- 
ginal. On  se  sent  même  porté  à  le  féliciter  de  ne 
pas  avoir  vu  l'Italie;  car  son  talent  demeura  tou- 
jours vierge  et  naïf.  Il  ne  dut  rien  qu'à  lui,  et 
dans  ses  œuvres,  si  nombreuses,  on  chercherait 
vainement  une  réminiscence  d'un  peintre  ancien 
ou  moderne.  «  Ce  ne  fut ,  dit  un  bon  critique, 
ce  ne  fut  certainement  ni  dans  les  leçons  de 
Vouet,  ni  dans  les  œuvres  de  Le  Brun,  ni  même 
dans  celle  du  Poussin,  que  Le  Sueur  puisa  cette 
sensibilité  de  pinceau  qui  remue  l'âme  d'une 
manière  si  touchante  et  fait  presque  couler  les 
larmes  à  la  vue  de  ses  tableaux,  comme  pour- 
raient le  faire  la  poésie  la  plus  mélancolique, 
la  musique  la  plus  attendrissante.  »  Malgré  ces 
éloges  mérités,  on  peut  reprocher  à  Le  Sueur 
un  coloris  par  trop  égal,  sans  recherches,  pres- 
que monotone  et  une  entente  insuffisante  du 
clair-obscur.  Voilà  pourquoi  il  fut  plutôt  le 
peintre  de  l'âme  que  celui  de  la  matière. 

Le  Sueur  avait  rapidement  surpassé  son 
maître.  Vouet  le  prit  alors  pour  aide,  et  le  dis- 
ciple dut  se  conformer  encore  à  la  méthode  du 
professeur,    bien   qu'il  en    sentît  les  défauts. 


(1)  Son  père,  Cathelln  Le  Sueur,  était  venu  à  Paris 
pour  apprendre  la  profession  de  tourneur  ;  mais  il  s'at- 
tacha a  celle  de  sculpteur  en  bois;  il  ne  laissa  aucune 
réputation ,  et  mourut  âgé  de  quatre-vingt-seize  ans,  en 
1666.  Il  avait  épousé  Antoinette  Touroude  (Fie  de  Le 
Sueur,  par  Lépicié,  manuscrit  de  l'École  imp.  des  Beaux- 
Arts,  n°5). 


987 

D'ailleurs,  marié  de  bonne  heure  (1),  aimant  la 
vie  de  famille  et  les  émotions  intimes,  sans  for- 
tune et  sans  ambition,  il  dut,  pour  subvenir  aux 
besoins  journaliers  du  ménage,  consacrer  son 
crayon  et  ses  pinceaux  à  des  œuvres  indignes 
de  son  talent ,  et  pendant  plusieurs  années 
l'auteur  de  tant  de  tableaux  dont  la  France  est 
aujourd'hui  justement  hère  dessina  et  grava  des 
thèses  de  théologie  ,  des  frontispices  de  livres, 
une  Annonciation  pour  un  Office  à  l'usage  des 
Chartreux,  etc.  Jl  peignit  des  médaillons  pour 
des  religieuses,  des  portraits  de  saints,  etc.  Ce- 
pendant son  talent  perça,  comme  malgré  lui,  cette 
enceinte  bornée.  Vouet  y  contribua  beaucoup  : 
une  des  plus  importantes  entreprises  de  l'é- 
poque, la  décoration  de  l'hôtel  Bullion  (rue  Pla- 
trière),  lui  avait  été  confiée;  il  s'associa  Le  Sueur. 
L'élève  devint  alors  de  moitié  dans  les  com- 
mandes du  cardinal  de  Richelieu.  Une  de  celles- 
ci  consistait  en  huit  sujets  tirés  du  Songe  de 
Poliphile ,  ouvrage  bizarre,  mais  inspirateur, 
dont  le  mysticisme  erotique  sympathisait  avec 
l'âme  aimante  du  jeune  peintre.  Vers  ce  temps 
aussi  Le  Sueur  produisit  son  chef-d'œuvre  : 
Saint  Paul  guérissant  les  malades  par  l'im- 
position des  mains.  Ce  fut  alors  qu'il  mérita 
le  surnom  du  Raphaël  français.  Au  dix-sep- 
tième siècle,  on  récompensait  les  savants  et  les 
artistes  par  des  emplois.  Le  Sueur  fut  nommé 
inspecteur  des  recettes  à  la  barrière  de  l'Our- 
cine.  Dans  l'exercice  de  cet  emploi,  il  eut  une 
discussion  avec  un  gentilhomme  qui  ne  voulait 
pas  se  soumettre  aux  exigences  légales.  Un 
duel  s'en  suivit.  Il  fut  vidé  sous  les  murs  des 
Chartreux  du  Luxembourg  :  Le  Sueur  ayant  tué 
son  adversaire  se  réfugia  dans  le  couvent,  et  at- 
tendit que  sa  famille  calmât  celle  de  sa  victime. 
Ce  fut  là  que,  pour  occuper  ses  loisirs  et  récom- 
penser l'hospitalité  des  frères,  il  peignit  cette 
belle  série  de  tableaux,  la  Vie  de  saint  Bruno 
en  vingt-deux  sujets  (2).  Plus  tard,  lorsque  Le 
Sueur  eut  perdu  sa  femme,  et  que,  décou- 
ragé, il  lui  sembla  que  sa  vie  était  accomplie, 
il  vint  mourir  aux  Chartreux.  11  n'avait  que 
trente-huit  ans,  et  fut  enterré  dans  l'église  Saint- 
Étienne-du-Mont.  Il  nous  est  impossible  de 
donner  la  liste  des  tableaux  produits  par  Le 
Sueur,  nous  citerons  seulement  les  principaux  : 
La  Salutation  angéiique;  —  L'Enlèvement  de 
Ganymède  ;  —  Saint  Gervais  et  saint  Pro- 


(1)11  épousa,  en  1642,  Geneviève  Gousse,  fille  d'un 
marchand  cirier;  il  en  eut  un  garçon  et  une  fille.  Le 
garçon  reprit  le  commerce  de  son  grand-père  maternel 
(  même  manuscrit). 

(2)  Peints  à  fresque  en  13B0,  ces  vingt-deux  tableaux 
furent  repeints  à  l'huile  à  deux  reprises  différentes,  d'a- 
bord sur  toile,  en  1508,  par  un  artiste  inconnu,  ensuite 
sur  bois  par  Le  Sueur,  en  1648.  Chaque  cadre  était  ac- 
compagné d'une  inscription  explicative  en  vers  latins 
et  français.  Ces  inscriptions  furent  composées  pour  la 
seconde  suite  par  don  Jarry,  prieur  de  la  chartreuse  de 
Troyes;  elles  ont  été  recueillies  par  Chauveau,  qui  a 
gravé,  en  un  volume  in-fol.,  le  Cloître  entier  de  Le 
Sueur.  En  1776,  sur  la  demande  du  comte  de  Maurepas, 


LESUEUR  9SS 

tais  traînés  devant  les  idoles  (1); —  Phaéton 
demandant  à  Apollon  la  conduite  de  son 
char;  —  La  Messe  de  saint  Martin  ;  —  La 
Vision  de  saint  Benoit  ;  —  Phèbé  traversant 
les  airs  sur  son  char  nocturne;  —  Diane 
et  Actéon  ; —  Diane  et  Calisto;  —  Jésus  chez 
Marthe  et  Marie;  —  Le  Martyre  de  saint 
Laurent  ;  —  Résurrection  de  Tabithe  à  la 
voix  de  saint  Pierre  ;  —  Alexandre  prenant 
une  coupe  prétendue  empoisonnée  du  mé- 
decin Philippe;  —  Le  Portement  de  croix  ; 

—  La  Descente  de  croix  ;  —  L'Apparition 
du  Christ  à  la  Madeleine  dans  le  jardin  des 
Oliviers,  et  surtout  la  reproduction  de  cette 
belle  suite  de  vingt-deux  tableaux  représentant 
la  Vie  de  saint  Bruno,  et  exécutés  pour  le 
couvent  des  Chartreux  du  Luxembourg.  La 
majeure  partie  de  ces  tableaux  sont  aujour- 
d'hui au  Louvre.  Le  Sueur  n'ouvrit  jamais  d'é- 
cole, mais  il  eut  quelques  disciples  isolés,  tels 
que  Thomas  Goulai,  son  beau-frère,  Laurent 
Lefebvre,  Nicolas  Colombel  et  le  paysagiste 
Patel,  qui  lui  fut  d'un  grand  secours  dans  ses 
fonds.  A.    DE  LACA.ZE. 

De  Piles,  Vie  des  Peintres,  p.  689.  —  Charles  Blanc, 
Vie  des  Peintres  françai s ,  ni  42-43.—  Mémoires  de 
l'Académie  des  Peintres,  t.  1,  p.  147  et  suivantes. 

lesiteur  {Pierre),  graveur  français,  né  en 
1636,  à  Rouen,  mort  en  1716.  Il  fut  un  des  meil- 
leurs graveurs  en  bois  du  dix-septième  siècle,  et 
se  fit  remarquer  par  la  hardiesse  de  sa  manière. 
Il  eut  deux  fils,  qui  cultivèrent  le  même  art,  sous 
sa  direction  :  l'un,  Pierre,  né  en  1663,  montra 
de  grandes  dispositions,  et  laissa  quelques  bon- 
nes planches;  il  mourut  à  l'âge  de  trente-cinq 
ans;  l'autre,  Vincent,  mort  en  1743,  se  perfec- 
tionna à  Paris,  et  profita  si  bien  des  leçons  de 
Papillon  qu'il  ne  tarda  pas  à  surpasser  son 
maître.  K. 

Ch.  Le  Blanc,  Manuel  de  l'Amateur  d'Estampes. 
lesceur  (Nicolas),  graveur  français,  ne- 
veu du  précédent,  né  en  1690,  à  Paris,  où  il  est 
mort,  en  1764.  Il  s'appliqua  au  genre  de  gra- 
vure dit  en  camaïeu,  et  le  poussa  jusqu'à  la 
perfection  ;  comme  ses  œuvres  étaient ,  de  son 
vivant  même,  très -recherchées ,  il  en  donna  un 
nombre  considérable.  Il  y  en  avait  plusieurs 
dans  le  cabinet  du  roi  ;  elles  imitent  les  dessins 
au  lavis  rehaussés  de  blanc.  Cet  artiste  a  égale- 
ment gravé  au  burin.  Nous  citerons  de  lui  :  La 
Chute  de  Phaéton,  du  Josépin;  —  L'Inven- 
tion de  la  Croix,  du  Pinturicchio  ;  —  Des  Pê- 
cheurs retirant  leurs  filets,  de  Jules  Romain; 

—  La  Moisson,  de  P.  Caravage  ;  —  L'Homme 
et   le  Lion ,  de  Peruzzi  ;  —  Henri  IV  aux 

le  prieur  du  couvent  de  Paris,  dom  Robinet,  fit  hom- 
mage des  tableaux  à  Louis  XVI,  pour  la  galerie  du  Lou- 
vre. Enlevées  de  leurs  panneaux  et  appliquées  sur 
toile,  ces  peintures  ont  été  réparées  partiellement  dans 
les  endroits  où  elles  avaient  le  plus  souffert,  puis  in- 
tégralement restaurées.  On  ne  saurait  trop  regretter  la 
dispersion  des  ébauches  primitives,  qui  décoraient 
autrefois  la  chartreuse  de  Montlouis,  dans  les  Vosges. 
(1)  Achevé  par  Goulai. 


LE  SUEUR 


990 


pieds  du  pape  Grégoire  Vil,  de  Zucchero  ;  — 
et  l'édition  in- fol.  des  Fables  de  Lu  Fontaine, 
dessins  de  Bachelier. 

Il  avait  une  sœur,  Elisabeth,  qui  tint  le  burin 
avec  un  égal  succès.  Chargée  de  graver  les  es- 
tampilles ou  marques  des  toiles  pour  les  halles 
de  Rouen,  elle  s'acquitla  si  bien  de  ce  travail 
que  les  échevins  de  la  ville  lui  assignèrent  une 
pension  de  2,000  liv.  K. 

Basan,  Dut.  des  Graveurs.  —  Hubert!  et  Rost,  M  an. 
des  Jmateurs.  —  Ch.  Le  Blanc,  Man.  du  C Amateur 
d'Estampes. 

LE  SCEUK  {Jean -François  ),  célèbre  compo- 
siteur français,  né  à  Drucat-Plessiel ,  près  d'Ab- 
beville,  le  15 février  1760  (I),  et  mort  à  Paris,  le 
6  octobre  1837.  D'une  ancienne  famille  origi- 
naire du  comté  de  Pontbieu ,  il  était  arrière-pe- 
tit-neveu du  célèbre  peintre  Eustache  Le  Sueur. 
Son  père,  peu  favorisé  par  la  fortune,  l'envoya, 
à  l'âge  de  sept  ans,  à  l'école  de  la  maîtrise  d'Ab- 
beville,  et  le  plaça  bientôt  après,  comme  enfant 
de  chœur,  à  la  cathédrale  d'Amiens,  où  le  jeune 
Le  Sueur  apprit  les  premiers  éléments  de  la 
langue  latine;  il  en  sortit  à  quatorze  ans,  et  entra 
au  collège  de  cette  ville  pour  y  achever  ses 
études  et  y  faire  sa  philosophie.  En  1778,  la 
place  de  maître  de  musique  de  la  cathédrale  de 
Séez,  en  Normandie,  lui  ayant  été  offerte,  il 
l'accepta,  et  alla  en  prendre  possession.  Le  Sueur 
avait  alors  dix  huit  ans.  Six  mois  après  il  quitta 
cet  emploi  pour  celui  de  sous-maître  à  l'église 
des  Saints-Innocents,  à  Paris ,  et  reçut  à  cette 
époque  des  leçons  de  composition  de  l'abbé 
Roze;  mais  au  bout  d'une  année  d'exercice  il 
abandonna  sa  nouvelle  position  pour  celle  de 
maître  de  musique  de  la  cathédrale  de  Dijon, 
puis  passa  successivement  en  la  même  qualité 
à  la  maîtrise  du  Mans,  en  1782  ,  et  à  celle  de 
Saint-Martin  de  Tours,  en  1783.  Appelé  l'année 
suivante  dans  la  capitale  pour  y  faire  exécuter 
quelques-unes  de  ses  compositions  au  concert 
spirituel,  il  y  obtint,  sur  la  recommandation  de 
Grétry,  de  Philidor  et  de  Gossec,  la  direction 
de  la  maîtrise  des  Saints-Innocents.  Sacchini, 
qui  se  trouvait  alors  à  Paris,  ayant  eu  occasion 
de  voir  le  jeune  maître  de  chapelle,  s'intéressa 
vivement  à  lui,  revit  avec  soin  plusieurs  de  ses 
ouvrages,  lui  donna  de  précieux  conseils,  et 
l'engagea  à  travailler  pour  le  théâtre. 

En  1786,  la  place  de  maître  de  musique  à  l'é- 
glise cathédrale  de  Notre-Dame  de  Paris,  étant 
devenue  vacante ,  fut  mise  au  concours  ;  Le 
Sueur  se  présenta,  et  l'emporta  sur  tous  ses  ri- 
vaux,  quoiqu'il  n'eût  encore  que  vingt-six  ans. 
Jusque  là  il  avait  été  à  peine  connu  du  public  ; 
mais  à  partir  de  ce  moment  la  direction  qu'il 
imprima  à  ses  travaux  et  qu'il  a  toujours  suivie 
depuis  lors  ,  fixa  sur  lui  l'attention  ,  et  jeta  les 

(1)  Plusieurs  biographes  indiquent  le  13  janvier  1763 
comme  étant  la  date  de  la  naissance  de  Le  Sueur. 
Nous  avons  rectifié  cette  date  d'après  les  renseignements 
qui  nous  ont  été  fournis  dernièrement  par  la  veuve  du 
célèbre  compositeur. 


premiers  fondements  de  sa  réputation.  Il  pensait 
que  la  musique  était  susceptible  de  perfection- 
nements et  de  combinaisons  nouvelles,  et  qu'elle 
produirait  encore  plus  d'effet  si  elle  unissait  aux 
imposantes  et  sévères  beautés  de  l'art  ancien  les 
vives  inspirations,  les  formes  saisissantes  et 
dramatiques  de  l'art  moderne.  Sur  sesinstances, 
l'archevêque  de  Paris  et  le  chapitre  métropolitain 
consentirent,  à  ce  qu'une  musique  à  grand  or- 
chestre fût  établie  à  Notre-Dame  pour  les  gran- 
des solennités.  Ces  moyens  d'exécution  per- 
mirent au  compositeur  de  réaliser  ses  vues  et  de 
faire  entendre  des  motets  qui  produisirent  une 
vive  sensation  dans  le  monde  musical.  Dans  le 
cours  des  années  1786  et  1787,  la  foule  se  porta 
à  l'église  Notre-Dame.  Les  journaux  du  temps 
exprimèrent  des  opinions  diverses  sur  le  mérite 
des  œuvres  de  Le  Sueur,  notamment  sur  un 
Regina  cozli,  sur  un  Gloria  in  excelsis,  et  sur 
une  ouverture  servant  d'introduction  à  sa  messe 
de  Pâques.  Les  uns  approuvaient  les  innova- 
tions du  compositeur,  les  autres  les  blâmaient, 
comme  peu  convenables  au  recueillement  de  la 
prière.  Il  s'en  suivit  une  vive  polémique,  à  la- 
quelle Le  Sueur  lui-même  prit  part  en  indiquant 
ses  idées  sur  la  réforme  de  la  musique  d'é- 
glise, dans  une  brochure  publiée  en  1787,  sous 
le  titre  de  :  Exposé  d'une  musique  imita- 
tive,  et  particulière  à  chaque  solennité,  où 
Von  donne  les  principes  généraux  sur  les- 
quels on  rétablit  et  le  plan  d'une  musique 
propre  à  la  Jeté  de  Noël. 

Au  milieu  des  nombreuses  occupations  que 
lui  créaient  ses  fonctions  de  maître  de  musique 
à  Notre-Dame  et  de  ses  travaux  de  composi- 
tions religieuses,  Le  Sueur,  entraîné  par  son 
goût  pour  la  musique,  avait  écrit  un  grand 
opéra  en  trois  actes,  intitulé  Télémaque,  qui 
fut  reçu  par  le  comité  de  l'Académie  royale 
de  Musique,  mais  dont  il  ne  put,  malgré  ses 
sollicitations,  obtenir  la  mise  à  l'étude.  Son  pen- 
chant pour  le  théâtre,  sa  résistance  à  l'arche- 
vêque et  au  chapitre  métropolitain  qui  l'enga- 
geaient à  entrer  dans  les  ordres,  indisposèrent 
contre  lui  les  chanoines,  dont  la  plupart  trou- 
vaient d'ailleurs  le  nouveau  genre  de  musique 
trop  mondain  et  trop  dispendieux,  et  pendant 
une  absence  que  fit  Le  Sueur,  on  supprima  l'or- 
chestre dans  l'exécution  des  messes  en  musique 
et  on  rétablit  l'ancien  usage  d'accompagner  les 
voix  par  les  violoncelles  et  les  contrebasses.  Le 
Sueur,  irrité  de  ce  procédé  et  en  butte  à  une 
foule  de  tracasseries  de  tous  genres,  se  décida  à 
quitter  la  maîtrise,  et  se  retira,  vers  la  fin  de 
1788,  à  la  campagne  chez  M.  Bochart  de  Cham- 
pigny,où  pendant  quatre  années  il  se  livra  paisi- 
blement à  ses  travaux  de  composition.  Les  évé- 
nements de  la  révolution  le  ramenèrent  à  Paris 
en  1792,  et  Tannée  suivante  il  fit  représenter  au 
théâtre  Feydeau  La  Caverne,  opéra  en  trois 
actes,  qni  obtint  un  succès  éclatant,  et  dont  les 
chœurs,  en  harmonie  avec  les  tendances  de  lé- 


991 


LE  SUEUR 


992 


poque,  sont  restés  des  modèles  d'originalité  et 
de  sombre  énergie.  Il  donna  ensuite  au  même 
théâtre,  en  1794,  Paul  et  Virginie,  ouvrage 
dans  lequel  on  remarquait  surtout  un  bel 
Hymne  au  Soleil,  qu'on  a  pendant  longtemps 
exécuté  dans  les  concerts  publics,  puis,  en  1796, 
son  Télêmaque,  écrit  d'abord,  comme  on  l'a 
dit  plus  haut,  pour  le  grand  Opéra,  et  dont  les 
récitatifs  furent  transformés  en  dialogues  parlés. 
En  1795,  lors  de  la  formation  du  Conservatoire 
de  Musique,  Le  Sueur  fut  nommé  l'un  des  ins- 
pecteurs des  études  conjointement  avec  Gré- 
try,  Gossec ,  Cberubini  et  Méhul ,  et  coopéra  à 
la  rédaction  des  ouvrages  élémentaires  destinés 
à  l'enseignement.  Sa  réputation  comme  compo- 
siteur, sa  position  au  Conservatoire  semblaient 
avoir  désormais  assuré  son  sort;  de  nouvelles 
tribulations  devaient  cependant  abreuver  encore 
son  existence.  Deux  de  ses  ouvrages,  Les  Bar- 
des et  La  Mort  d'Adam ,  avaient  été  reçus  à 
l'Opéra ,  et ,  malgré  leur  rang  de  réception ,  il 
ne  pouvait  parvenir  à  les  faire  représenter.  D'un 
autre  côté,  les  musiciens  de  l'Opéra  et  les  par- 
tisans des  anciennes  écoles  des  maîtrises  de  ca- 
thédrale avaient  formé  une  ligue  contre  le  Con- 
servatoire, dont  ils  voyaient  avec  regret  les  bril- 
lants débuts,  qui  annonçaient  une  génération 
nouvelle  d'artistes  distingués  ;  ils  s'étaient  grou- 
pés autour  de  Le  Sueur,  qui ,  oubliant  sa  posi- 
tion dans  cet  établissement,  avait  critiqué  le 
mode  d'enseignement  qui  y  était  suivi,  et  au- 
quel on  attribuait  à  tort  une  brochure  anonyme 
publiée  en  l'an  ix  (1801)  sous  le  titre  de  Projet 
d'un  plan  général  de  l'instruction  musicale 
en  France.  Une  rupture  s'en  suivit  entre  Sa- 
rette,  directeur  du  Conservatoire,  et  Le  Sueur. 
Plusieurs  collègues  de  ce  dernier,  se  croyant  at- 
taqués, se  tournèrent  également  contre  lui.  Di- 
vers écrits  publiés  dans  l'intérêt  de  Le  Sueur, 
mais  empreints  d'un  caractère  passionné,  lui 
furent  plus  nuisibles  qu'utiles,  et  bientôt  il  se 
trouva  dans  une  situation  difficile,  dont  une  cir- 
constance imprévue  vint  heureusement  le  re- 
tirer. Au  mois  de  mars  1804,  Paisiello,  qui 
depuis  deux  ans  était  maître  de  chapelle  du  pre- 
mier consul  Bonaparte ,  demanda  sa  retraite, 
pour  raison  de  sa  santé.  Napoléon,  n'ayant  pu  le 
déterminer  à  rester  auprès  de  lui ,  l'invita  à  dé- 
signer lui-même  son  successeur.  Paisiello  pro- 
posa Le  Sueur,  qui  fut  accepté.  Le  Sueur  profita 
de  sa  nouvelle  position  pour  faire  représenter 
son  opéra  des  Bardes.  Ce  grand  ouvrage  en 
cinq  actes ,  auquel  l'étrangeté  des  mélodies  du 
compositeur,  le  coloris  antique  et  rêveur  de  son 
harmonie,  se  trouvaient  parfaitement  appropriés, 
eut  un  immense  succès.  La  première  représen- 
tation eut  lieu  le  10  juillet  1804.  Napoléon,  qui 
venait  d'être  proclamé  empereur,  y  assista  avec 
l'impératrice  Joséphine;  à  la  fin  du  troisième 
acte,  il  fit  appeler  Le  Sueur,  et  lorsque  l'artiste 
se  présenta ,  l'empereur  se  leva  en  lui  disant  : 
«  Je  vous  salue,  monsieur  Le  Sueur  :  venez  jouir 


«  de  votre  triomphe  »  ;  puis,  le  prenant  par  la 
main ,  il  le  fit  asseoir  entre  lui  et  l'impératrice, 
tandis  que  le  public  faisait  retentir  la  salle  de 
bruyants  transports  d'enthousiasme.  Quelques 
jours  après  cette  représentation,  le  général  Du- 
roc  se  rendit  chez  le  compositeur,  et  lui  remit, 
de  la  part  de  l'empereur,  le  brevet  de  cheva- 
lier de  la  Légion  d'Honneur  ainsi  qu'une  taba- 
tière d'or  portant  cette  inscription  :  L'empe- 
reur des  Français  à  l'auteur  des  Bardes, 
pt  dans  laquelle  se  trouvait  une  somme  de  six. 
mille  francs  en  billets  de  banque.  La  messe  et 
le  Te  Deum,  qu'il  écrivit  immédiatement  après 
pour  le  couronnement  de  l'empereur  acheva  de 
le  mettre  en  faveur  auprès  de  Napoléon.  Le 
Sueur  organisa  les  divers  services  de  la  mu- 
sique impériale  ;  les  symphonistes  de  la  chapelle 
faisaient  également  partie  des  services  du  théâtre 
et  des  concerts  de  la  cour.  Le  Sueur  était  chargé 
de  toutes  les  dépenses,  et  il  en  fut  encore  de 
même  lorsque  ensuite  Paër  devint  directeur  de 
la  musique  de  la  chambre;  les  virtuoses  italiens 
et  français  qui  y  étaient  attachés  n'étaient  payés 
que  sur  la  signature  du  maître  de  chapelle  (1). 
Un  jour  l'empereur,  ayant  entendu  l'oratorio  de 
Débora ,  demanda  à  Le  Sueur  combien  il  avait 
déjà  composé  de  messes  et  d'oratorios  :  «  Sire, 
vingt-deux,  réponditeelui-ci.  —  Vous  devez  avoir 
barbouillé  bien  du  papier,  reprit  Napoléon.  C'est 
encore  une  dépense,  et  je  veux  qu'elle  soit  à  ma 
charge.  Monsieur  Le  Sueur,  je  vous  accorde 
2,400  francs  de  pension  pour  le  papier  que  vous 
avez  si  bien  employé  :  c'est  pour  le  papier,  en- 
tendez-vous ,  car  pour  un  artiste  de  votre  mé- 
rite ,  le  mot  de  gratification  ne  doit  pas  être  pro- 
noncé. ■» 

Tout  en  consacrant  la  plus  grande  partie  de 
son  temps  aux  devoirs  de  sa  place,  Le  Sueur 
ne  perdait  pas  de  vue  le  théâtre.  11  donna  à 
l'Opéra,  en  1807,  en  collaboration  avec  Per- 
suis ,  L' Inauguration  du  Temple  de  la  Vic- 
toire, et  Le  Triomphe  de  Trajan.  Deux  ans 
après,  en  1809,  il  fit  représenter  sur  le  même 
théâtre  son  grand  opéra  biblique  de  La  Mort 
d'.ldam,  ouvrage  rempli  de  beautés  de  l'ordre 
le  plus  élevé  ,  mais  au  succès  duquel  nuisit  le 
défaut  d'action  du  drame.  En  1814,  après  la 
Restauration,  Le  Sueur  fut  nommé  surinten- 
dant de  la  musique  du  roi,  et  eut  pour  collè- 
gue d'abord  Martini ,  et  ensuite  Cherubini.  Il 
continua  d'écrire,  et  se  soutint  à  la  hauteur  où 
son  talent  l'avait  depuis  longtemps  placé.  Le  Te 
Deum  et  les  autres  morceaux  de  musique  qui 
furent  exécutés  à  Reims,  le  29  mai  1825,  pen- 
dant la  cérémonie  du  sacre  de  Charles  X,  sont 
tous  de  Le  Sueur,  à  l'exception  toutefois  de  la 
messe,  qui  fut  composée  par  Cherubini.  Membre 
de  l'Institut  depuis  1815,  comblé  d'honneurs  et 
de  témoignages  de  distinction.  Le  Sueur  a  exercé 


(1)  La  musique  de  l'empereur,  tous  les  services  com- 
pris, coûtait  360,000  francs  environ  par  an. 


993 


LE  SUEUR 


994 


les  fonctions  de  surintendant  de  la  chapelle  du 
roi  jusqu'en  1830,  époque  à  laquelle,  par  suite 
de  la  révolution ,  cette  chapelle  lut  supprimée. 
Il  cessa  de  vivre  à  l'âge  de  soixante-dix-sept 
ans,  avec  le  regret  de  n'avoir  pu  faire  représenter 
son  opéra  héroïque  d'Alexandre  à  Babylone, 
ouvrage  qui  avait  été  reçu  en  1823  par  le  co- 
mité de  l'Académie  royale  de  Musique ,  et  dont 
on  connaît  plusieurs  morceaux ,  entre  autres  un 
chœur  de  Mages,  d'une  splendeur  tout  orien- 
tale. Les  obsèques  de  Le  Sueur  eurent  lieu  à 
l'église  Saint-Roch,  et  le  10  août  1852  une  sta- 
tue, due  au  ciseau  de  l'habile  sculpteur  Rochet, 
fut  érigée  à  la  mémoire  du  célèbre  compositeur, 
sur  la  place  Saint-Pierre,  à  Abbeville,  voisine 
du  lieu  de  sa  naissance. 

Le  Sueur,  dont  le  caractère  était  d'une  can- 
deur et  d'une  bonté  parfaites,  eut  cependant 
des  ennemis  acharnés  parmi  ses  rivaux.  Marié, 
en  1806,  à  M"e  Adeline  Jamartde  Courchamps, 
il  trouva  heureusement  le  calme  et  le  bonheur 
dans  cette  union,  et  fut  constamment  soutenu 
par  le  dévouement  et  les  hautes  qualités  de  sa 
femme  dans  toutes  les  phases  de  sa  longue  et 
laborieuse  carrière.  Il  chérissait  ses  élèves,  leur 
prodiguait  ses  soins ,  et  ne  comptait  pour  rien 
le  temps  et  l'argent;  aussi  recherchait-on  avec 
empressement  la  faveur  d'être  admis  dans  la 
classe  de  composition  qu'il  faisait  depuis  sa  ren- 
trée au  Conservatoire,  en  1818,  et  qu'il  a  con- 
servée jusqu'à  l'époque  de  sa  mort.  Au  nombre 
des  élèves  qui  sont  sortis  de  cette  classe,  on 
compte  MM.  Berlioz,  Ambroise  Thomas,  Elwart, 
Gounod,  Reber,  Dietsch,  et  M.  Boisselot,  qui  a 
épousé  une  des  filles  du  célèbre  artiste. 

La  musique  de  Le  Sueur  a  un  cachet  qui  lui 
est  propre.  Tout  chez  lui  procédait  d'un  corps 
de  doctrines  musicales ,  philosophiques  et  reli- 
gieuses, puisées  aux  sources  de  l'antiquité.  Dans 
sa  musique  d'église ,  l'âme ,  en  s'élevant  vers 
Dieu ,  ne  cherche  pas  à  se  dégager  des  passions 
humaines,  comme  dans  les  œuvres  de  Pales- 
trina  et  des  autres  grands  maîtres  de  l'école  ro- 
maine; Le  Sueur  y  admet,  on  l'a  vu,  l'expres- 
sion imitative  et  dramatique.  Guidé  par  ce  prin- 
cipe ,  il  a  subordonné  toutes  ses  pensées,  et  en 
a  développé  les  conséquences  avec  une  incon- 
testable originalité ,  soit  par  les  formes  mélo- 
diques, soit  par  le  rhythroe,  soit  par  la  singula- 
rité des  successions  harmoniques ,  dans  son  ora- 
torio de  Noël  et  dans  ses  autres  ouvrages.  Son 
style  se  distingue  par  une  tendance  incessante 
vers  la  simplicité,  et  par  l'emploi  presque  cons- 
tant des  harmonies  consonnantes.  Sa  modula- 
tion semble  souvent  étrange ,  parce  qu'il  met  en 
contact  des  tons  qui  n'ont  entre  eux  aucun  rap- 
port d'analogie,  persuadé  qu'il  était  de  faire 
revivre  ainsi  les  formes  de  la  musique  antique. 
La  lenteur  qu'il  apporte  dans  la  succession  des 
accords,  sa  sobriété  d'ornementation  mélo- 
dique, attestent  une  grande  préoccupation  des 
phénomènes  de  la  résonnance,  et  font  de  Le 

NOUV.  BIOCR.  GENER.    —  T.   XXX. 


Sueur  bien  moins  un  maître  de  chapelle  qu'un 
maître  de  cathédrale;  e'est  un  musicien  qui  parle 
de  loin  à  la  foule  sous  les  voûtes  sonores  d'im- 
menses basiliques  et  qui  ne  lui  dit  que  de  ces 
grands  mots  qu'elle  puisse  comprendre.  Dans  la 
musique  de  théâtre,  il  a  souvent  saisi  avec  un 
rare  bonheur  le  sentiment  dramatique;  son  opéra 
de  La  Caverne,  celui  des  Bardes  offrent  des 
scènes  entières  de  la  plus  grande  beauté ,  prin- 
cipalement dans  l'expression  des  sentiments 
énergiques.  Son  drame  lyrique  de  La  Mort  d'A- 
dam ,  qui  peut  être  plutôt  considéré  comme  un 
oratorio,  est  un  monument  unique  dans  l'his- 
toire de  l'art ,  en  ce  que  chaque  page  de  cette 
partition  est  surchargée  de  notes  dans  lesquelles 
le  compositeur  expose  ses  idées  sur  la  manière 
d'exécuter  cette  musique  toute  patriarcale. 

Voici  l'indication  des  principales  productions 
de  Le  Sueur  :  Opéras  :  La  Caverne ,  trois  ac- 
tes, au  théâtre  Feydeau  (1793)  ;  —  Paul  et  Vir- 
ginie, trois  actes,  au  même  théâtre  (1794  );  — 
Télémaque,  trois  actes,  au  même  théâtre 
(1790)  ;  —  Ossian,  ou  les  Bardes,  en  cinq  actes, 
à  l'Opéra  (1804);  —  L'Inauguration  du 
Temple  de  la  Victoire,  un  acte,  à  l'Opéra 
(1807),  en  collaboration  avec  Persuis;  — Le 
Triomphe  de  Trajan,  trois  actes,  à  l'Opéra 
(1807),  en  société  avec  Persuis;  —  La  Mort 
d'Adam  et  son  apothéose,  trois  actes,  à  l'Opéra 
(1809);  —  Tyrthée,  en  trois  actes,  reçu  à  l'Opéra 
en  1794,  mais  non  représenté;  —  Ar  taxer  ce, 
trois  actes,  reçu  à  l'Opéra  en  1801,  non  repré- 
senté; —  Alexandre  à  Babylone ,  trois  actes, 
reçu  à  l'Opéra  en  1823,  non  représenté.  —  Mu- 
sique religieuse  :  Lesueur  a  écrit  trente-trois 
messes,  motets  ou  oratorios  ;  il  a  fait  graver  : 
Messe  ou  Oratorio  de  Noël;  Paris  (1826).  Cet 
ouvrage  ,  l'un  des  plus  originaux  du  composi- 
teur, a  été  arrangé  pour  deux  soprani  et  con- 
tralto, par  M.  Verschneider,  maître  de  chapelle 
du  couvent  des  Oiseaux,  musicien  instruit  et  de 
talent,  qui  s'est  tiré  avec  un  rare  bonheur  des 
difficultés  que  présentait  cet  arrangement;  — 
Première  messe  solennelle,  à  quatre  voix,  chœur 
et  orchestre  (1827  )  ;  —  Débora,  oratorio  (1828)  ; 
—  Trois  Te  Deum  (1829);  — Deux  oratorios 
pour  la  Passion  (  1 829)  ;  —  Deux  oratorios  pour 
la  Passion  (1829);  — Deuxième  messe  solennelle 
(1831)  ;  —  un  Super  flumina,  et  un  oratorio 
pour  le  carême  (1833);  —  Racket,  oratorio;  — 
Ruth  et  Booz,  oratorio  ;  —  Trois  oratorios  pour 
le  sacre  des  princes  souverains,  contenant  toutes 
les  cérémonies  de  cette  époque  ;  —  Cantates  re- 
ligieuses, et  Veni,  sponsa;  —  Deux  psaumes, 
Credidi  et  Cœli  enarrant;  —  Une  messe  basse, 
et  un  motet,  Joannes  baptizat  in  deserto;  — 
un  recueil  de  quelques  morceaux  sacrés.  Toutes 
ces  œuvres  forment  dix-sept  livraisons.  On  doit 
ajouter  à  cette  nomenclature  la  Marche  du 
couronnement  de  V Empereur,  à  grand  or- 
chestre, et  qui  a  été  gravée  pour  le  piano, 
et  la  musique  pour  la  fête  du  1er  vendémiaire 

32 


995 


LESUEUR  tt.  LESUIRE 


9rJP> 


an  îx,  exécutée  aux  Invalides,  par  quatre  or- 
chestres, non  publiée  Outre  les  ouvrages  que 
nous  venons  de  citer,  Le  Sueur  a  écrit  une  No- 
lice  sur  (a  Mclopce,  la  Rhythmopée  et  les 
grands  caractères  de  la  n\usique  ancienne; 
on  a  aussi  de  lui  une  Notice  sur  Paësiello  ; 
Paris,  1810,  in-8°,  et  des  articles  qu'il  avait  ré- 
diges pour  le  Dictionnaire  Technique  et  Histo- 
rique dunt  s'occupe  depuis  longtemps  l'Académie 
des  Beaux-Arts  de  l'Institut  de  Fiance.  Mais 
]V'iivre  quj  semble  avoir  été  la  préoccupation 
de  t<  ute  la  vie  de  Le  Sueur,  celle  qui  lui  a  coûté 
le  plus  de  travauN  de  toutes  espèces,  est  un  traité 
sur  la  musique  des  Grecs,  dans  lequel  Le  Sueur 
s'efforce  de  prouver  que  ces  maîtres  dans  tous 
les  arts  avaient  de  la  musique,  dans  le  sens  que 
nous  attachons  à  ce  mot,  une  connaissance  com- 
plète, approfondie,  et  qu'ils  employaient  l'harmo- 
nie, ou  la  science  des  sons  simultanés,  aussi  bien 
que  nous  le  faisons  aujourd'hui.  Cegrand  ouvrage 
n'a  pas  été  publié. 

Dieudonné  Denne-Barqi>|. 

Caslil-ninze,  Chapelle- Musique  des  rois  de  France.— 
Fétis,  Biographie  universelle  des  Musiciens.  —  R3onl 
Rochettc,  ,\olite  sti>  Lr  Sueur,  lue  en  1839,  à  l'Ins- 
titut. —  Pattïa,  Histoire  de  l'Art  Musical  en  France. 

lesueur  (Jean-Baptiste- Denis),  publiciste 
français,  né  au  Havre,  le29novembre  1750,  mort 
à  Paris,  le  5  juillet  (819.  Après  avoir  servj  dans  la 
marine,  il  devjnt  officier  d'amirauté,  puis  il  s'éta- 
blit au  Havre  comme  armateur.  On  a  de  lui  : 
Mémoire  sur  les  moyens  de  procurer  en  peu 
d'années  au  trésor  public  un  revenu  çlç  quatre 
cents  millions  et  plus,  de  favoriser  l'agricul- 
ture, le  commerce,  les  sciences  et  les  arts; 
Paris,  1801,  in-80;—  Notice  sur  l'expédition 
françqise.  aux  terres  austrqles  ordonnée  en 
Van  VIII,  et  exécutée  par  les  deux  corvettes 
de  l'Etat  Le  Géographe  et  Le  Naturaliste,  par- 
ties du  port  du  Havre  le  27  brim\airean  IX; 
in-s°;  —  Mémoire  sur  le  cqnal  de  Vauban, 
creusé  en  1667  entre  le  Havre  et  ffqrfteur, 
pendant  le  règne,  de  Louis  XIV,  sous  le  mi- 
nistère de  Calbert  ;  1802,  in-8u.        J.  V. 

Qnérard,  La  France  Litter. 

lesueur  (Charlçs-Alexandre),  voyageur, 
naturaliste  et  dessinateur  fiançais,  fils  du,  précé- 
dent, né  au  Havre,  le  1er  janvier  1778,  mort  à 
Sainte-Adresse,  en  décembre  18^p.  embarqué  en 
1800  comme  aide  canonnier  sur  la  corvette  Le 
Géographe,  qui  partait  pour  faire  un  voyage  de 
circumnavigation  sous  les  ordres  du  capitaine 
Bandin ,  il  fit  preuve  d'un  talent  si  remarquai  le 
de  dessinateur  peqdant.  la  traversée  du  Havre 
à  d'île  c|e  France,  que  le  chef  de  l'expédition  le 
dégagea  de  son  service  militaire  et  lui  donna  ie 
titre  de  dessinateur  pour  la  zoologie.  Lesueur 
se  lia  avec  Péron;  tous  deux  travaillèrent  en 
commun,  et  à  leur  retour,  en  1804,  ils  déposèrent 
au  Muséum  d'Histoire  Naturelle  de  Paris  plus  de 
cent  mille  échantillons  d'animaux,  parmi  les- 
quels il  y  avait  beaqcqup  de  genres  nouveaux  et 
près  de  deux  mille  cinq  cents  espèces  différentes. 


Lesueur  avait  en  outre  dans  ses  portefeuilles 
plqs  de  mille  dessins  d'animaux  invertébrés,  la 
plupart  nouveaux,  et  que  Péron  avait  décrits 
avec  soin.  Les  deux  naturalistes  avaient  exploré 
les  côtes  de  la  Nouvelle-Hollande,  la  terre  de 
Napoléon,  nouvellement  découverte,  les  îles 
Van-piémen  et  de  Timor,  et  le  cap  de  Bonne-Es- 
pérance. Péron  rédigea  une  relation  de  ce  voyage, 
que  Lesueur  illustra  d'un  grand  nombre  de 
figures.  Ils  publièrent  aussi  dans  les  A)inales 
du  Muséum  une  Monographie  complète  des 
Radiaires  de  la  classe  des  Méduses,  et  une 
autre  des  Mollusques  ptéropodes.  Lesueur  avait 
appris  la  gravure,  et  gravait  lui-même  ses  des- 
sins. Il  sculpta  aussi  le  buste  de  son  ami  Péron. 
En  1815  Lesueur  partit  pour  les  États-Unis, 
avec  le  géologue  anglais  Maclaure.  Ils  parcou- 
rurent ensemble  tous  les  grands  lacs  de  la  vallée 
du  Saint  Laurent,  et  en  recueillirent  des  pois- 
sons. Lesueur  se  fixa  à  Philadelphie,  d'où  il  fitdes 
envois  intéressants  au  Muséum  d'Histoire  Natu- 
relle de  Paris.  De  retour  en  France,  il  devint  con- 
servateur du  musée  du  Havre  :  ses  collections 
doivent  être  installées  dans  cet  établissement 
public.  Ha  publié  un  grand  nombre  de  mémoires 
sur  les  mollusques  et  les  reptiles  dans  le  Jour- 
nal de  Physique,  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
Philomatique,  dans  le  Journal  de  l'Académie 
des  Sciences  naturelles  de  Philadelphie  et  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  Philosophique,  etc. 

J.  V. 

Notice  biogr.  syr  M.  Ch.  Alex.  Lesueur,  natura- 
liste ; Le  Havre,  1858,  in-80. 

5J  lesueur  (Çicéron-Jean-Baptiste),  ar- 
chitecte français,  né  à  Clairefontaine,  près  de 
Rambouillet,  le  5  octobre  1794.  Élève  de  Percier 
et  de  Famin ,  i\  suivit  les  cours  de  l'École  des 
Beaux-Arts,  et  remporta  le  premier  grand  prix 
d'architecture  en  t8i9.  En  1828,  il  construisit 
l'église  de  Vincennes  ;  il  exéputa  ensuite,  avec 
M,.  Godde,  les  travaux  d'agrandissement  de 
l'hôtel  de  ville  de  Paris.  De  1854  à  1857  il  a 
construit  à  Genève  un  conservatoire  de  mu- 
sique. Membre  de  l'Académie  des  Beaux-Arts 
depuis  !846,  il  est  depuis  1852  professeur  de 
théorie  à  l'École  impériale  des  Beaux-Arts.  Il  est 
aussi  commissaire  voyer  du  sixième  arrondisse- 
ment de  Paris.  M.  Lesueur  a  publié  :  Vues 
choisies  des  Monuments  qntiqws  de  Rome 
(avec  P.  Alaux)  ;  1 827,  in-folio.;  —  Architecture 
italienne,  ou  palais,  maisons  et  autres  édi- 
fices de  l'Italie  moderne  (avec F.  Callet);  1829, 
in-folio;  —  Chronologie  des  Rois  d'Egypte; 
1848-1850,  in-4°  avec  3  planches  :  ouvrage  cou- 
ronné par  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres  et  imprimé  par  ordre  du  gouvernement. 

G.  de  F. 

Annuaire  statistique  des  Beaux-Arts.  —  Documents 
particuliers. 

lesuire  (Robert-Martin),  littérateur  fran- 
çais, néà  Rouen,  en  1737,mortà  Paris,lel7avrjl 
1815.  Venu  dans  la  capitale  après  avoir  achevé  ses 


997  LESUIRE  — 

études,  il  obtint  la  place  de  lecteur  du  ducde  Parme, 
suivit  ce  prince  en  Italie,  et  lit  plusieurs  voyages 
en  Angleterre.  De  retour  i\  Paris,  il  s'occupa  de 
littérature.  A  la  tin  de  la  révolution,  il  fut  nommé 
professeur  de  législation  à  l'école  centrale  de  Mou- 
lins; mais  il  perdit  cette  place  à  l'organisation 
des  lycées.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages  nous 
citerons:  Éloge  du  maréchal  de  Câlinât;  1775, 
in-8°;  —  Isaacel  Rebecca,  ou  les  noces  patriar- 
cales, poëme  en  prose  et  en  cinq  cbants;  1777, 
1780,  in- 12;  —  Histoire  de  la  Héputi/iqur  des 
Lettres  et  Arts  en  France  pour  les  années  1779, 
1780,  1781  et  1782,  quatre  parties  in-12  ;  —  Les 
Amants  français  à  Londres,  ou  les  délices  de 
V Angleterre;  1780,  in-12  ;—  Le  Nouveau  Monde, 
ou  la  découverte  de  l'Amérique,  poëme  en 
vingt-six  chants;  17S2,  2  vol.  in-12;  1800, 
2  vol.  in-8°;  —  L'Aventurier  français,  ou  mé- 
moires de  Grégoire  Merveil  ;  1782-1788, 
8  vol.  in-12;  —  Le  Philosophe  parvenu,  ou 
lettres  et  pièces  originales  contenant  les 
aventures  d'Eugène  Sans-Peur  ;  Paris,  1788, 
6  vol.  in-12;—  Le  Crime, ou  lettres  originales 
de  César  de  Parlencourt ;  1789,  4  vol.  in-12; 

—  Les  Confessions  de  Rabelais,  de  Marot,  de 
Michel  de  Montaigne;  1796-1798,8  vol.  in-18; 

—  Le  Secret  d'être  heureux,  ou  mémoires  d'un 

philosophe;  1797,  2  vol.  in-18;  —  Charman- 

sage,  ou  mémoires  a'un  jeune  citoyen  faisant 

l'éducation  d'un  ci-devant  noble;  1792,  4  vol. 

in-12  ;  —  Le  Législateur  des  Chrétiens,  ou  l'É- 

vangiledes  Déicoles ;  1798, in-18;  —  LaPaméla 

française,  ou  lettre  d'une  jeune  paysanne  ; 

1803,  4  vol.  in-12.  J.  V. 

Bioar.  univ    et  portât,  des  Contemp.  —  Quérard,  la 
France  Littér. 

LES.rït  (Charles-Louis),  littérateur  et  pu- 
bliciste  français,  né  à,  Guise  (Picardie  )  en  1770, 
mort  en  1849.  Venu  à  Paris  au  commencement 
de  la  révolution,  il  se  livra  à  la  poésie,  et  com- 
posa pour  le  Théâtre-Français  plusieurs  ouvrages 
dramatiques,  entre  autres  V Apothéose  de  Beau- 
repaire,  représenté  en  novembre  1792,  et  La 
Veuve  du  Républicain,  jouée  l'année  suivante. 
Appelé  aux  frontières  par  la  réqiiisilion,  il  obtint 
de  rester  à  Paris  comme  homme  de  lettres,  et 
fut  employé  dans  un  comité  du  gouvernement. 
Sous  le  Directoire,  il  fut  attaché  par  Talleyrand 
au  ministère  des  affaires  étrangères,  et  eut  la 
plus  grande  part  à  la  rédaction  des  articles  poli- 
tiques de  L'Argus,  journal  dont  l'objet  était  de 
combattre  l 'influence  anli-française  de  la  presse 
britannique.  En  1807  il  fit  paraître,  mais  sans  y 
melttre  son  nom,  un  volume  intitulé  Progrès 
de  la  Puissance  russe,  depuis  son  origine 
jusqu'au  commencement  du  dix -neuvième 
siècle,  écrit  qui  lui  valut  l'approbation  de  Na- 
poléon et  d'A'exandre.  En  18 14  il  donna  en 
deux  volumes  l'Histoire  des  Cosaques ,  et  en 
1817  La  France  et  les  Français,  tableau  mo- 
ral et  politique;  mais  sa  publication  la  pins 
importante  fut  celle  d'un  Annuaire  Historique 


LESURQUES  998 

et  Politique  dans  le  genre  de  V.Annual  Register 
anglais.  A  partir  de  1818  il  publia  tous  les  ans 
sous  ce  titre  un  gros  volume  où  étaient  exposés 
et  résumés  avec  un  esprit  sagement  indépendant 
les  faits  politiques,  littéraires  et  scientifiques  de 
la  France  et  des  États  de  l'Europe  et  des  autres 
parties  du  inonde.  Cette  collection  est  devenue 
une  source  précieuse  pour  l'histoire  contempo- 
raine; car,  outre  les  principaux  faits,  elle  ren- 
ferme beaucoup  de  documents  officiels  qu'il  se- 
rait difficile  de  se  procurer  ailleurs.  Vers  1830, 
Lesur  se  retira  dans  sa  ville  natale,  et  laissa  à 
un  de  ses  collaborateurs,  M.  Ulysse  Tcnce,  l'en- 
tière direction  de  l'Annuaire.  Devenu  maire  de 
Guise,  il  ne  s'occupa  plus  que  des  intérêts  de 
cette  ville.  Dans  ces  dernières  années,  l'An- 
nuaire a  passé  en  d'autres  mains,  qui  n'y  ont 
pas  apporté  les  soins  qui  distinguent  les  volumes 
antérieurs.  Il  est  aujourd'hui  interrompu.  J.  C. 
Moniteur,  octobre  18+9.  —  Biographie  universelle  des 
Contemporains. 

LESiHiouES  (Joseph),  célèbre  victime  d'une 
erreur  judiciaire,  naquit  à  Douai,  en  1763,  et  fut 
supplicié  à  Paris,  le  30  octobre  1796.  Après  avoir 
servi  dans  le  régiment  d'Auvergne,  il  revint  à 
Douai,  où  il  obtint  dans  l'administration  du  dis- 
trict un  emploi  qu'il  ne  tarda  pas  à  résigner  pour 
aller  se  fixer  à  Paris,  afin  d'y  surveiller  l'éduca- 
tion de  son  fils.  Il  jouissait  d'une  fortune  de  plus 
de  10,000  livres  de  rente  en  biens-fonds,  ce  qui 
le  mettait  lui  et  sa  famille  au-dessus  des  besoins. 
Il  était  depuis  très-peu  de  temps  à  Paris  lors- 
qu'eut  lieu,  le  27  avril  1796,  près  de  Lieusaint, 
sur  la  route  de  Melun ,  l'assassinat  du  coureier 
de  Lyon,  crime  dont  l'unique  mobile  fut  le  vol. 
La  fatalité  voulut  qu'à  quelque  temps  de  là  Le- 
surques  accompagnât  son  ami  Guenot  (1)  au 
bureau  central  de  la  police,  précisément  au  mo- 
ment où  M.  Daubenton  procédait  à  l'information 
sur  ce  crime.  Deux  femmes,  appelées  en  témoi- 
gnage et  qui  les  voyaient  passer,  déclarèrent  les 
reconnaître  comme  deux  des  individus  que  la 
clameur  publique  accusait  de  cet  odieux  attentat. 
Elles  firent  part  de  leurs  soupçons  au  juge,  et 
comme,  par  une  autre  fatalité,  le  signalement  de 
l'un  des  auteurs  présumés  du  meurtre  se  rap- 
portait parfaitement  à  celui  de  Lesurqnes ,  le  juge 
d'instruction  crut  devoir  en  ordonner  l'arres- 
tation ainsi  que  celle  de  son  ami  Guenot.  Le- 
surqnes n'eut  aucune  peine  à  démontrer  sa  par- 
faite honorabilité,  qu'attestaient  plus  de  quatre- 
vingts  témoins,  presque  tous  venus  de  Douai  à 
Paris  à  leurs  frais.  Le  vol  consistait  en  14,000  fr. 
en  numéraire  et  7  millions  en  assignats,  valeur 
dépréciée  qui  pouvait  représenter  5  à  6,000  livres 
argent.  Par  la  déposition  de  plusieurs  personnes 

11)  Guenot  et  Lesurqnes  étnient  en  relations  avec  Riehard 
(l'un  des  vrais  complices).  Ils  ignoraient  ce  qn  ctait 
Courriol,  l'un  des  vrais  coupa  blés,  avec  lequel  ils  avaient 
déj'ûné  une  fois  par  hasard.  Ce  furent  ces  rapports,  pu- 
rement fortuits,  qui  éveillèrent  les  soupçons  des  magis- 
trats chargés  de  l'information,  et  donnèrent  une  sorte  tic 
base  à  l'accusation. 

32. 


999  LESURQUES 

dignes  de  foi,  parla  représentation  des  registres 
de  service  de  la  garde  nationale  parisienne,  Lesur- 
ques  établissait  son  alibi  d'une  manière  péremp- 
toire;  à  cela  il  faut  ajouter  que  la  déclaration  des 
deux  femmes,  cause  première  de  la  mise  en  pré- 
vention de  Lesurques,  fut  mise  à  néant  par  l'élar- 
gissement de  Guenot  qu'elles  avaient  cru  aussi  re- 
connaître et  qui  néanmoins  prouva  matériellement 
sa  non-culpabilité.  Malheureusement  au  nombre 
des  personnes  que  Lesurques  avait  fait  assigner 
pour  établir  sa  présence  à  Paris  dans  la  journée 
du  27  avril  (  8  floréal  )  se  trouvait  un  bijoutier 
dont  les  registres  étaient  mal  tenus.  Lesurques 
avait  acheté  chez  ce  bijoutier  un  bol  d'argent  :  le 
fait  était  exact  ;  mais  le  carnetde  vente  portait  une 
date  surchargée,  9  floréal,  au  lieu  de  8.  Les  ac- 
cusés furent  jugés  par  le  tribunal  criminel  de  la 
Seine.  Le  président  de  ce  tribunal  eut  le  grave 
tort  d'attacher  une  importance  extrême  à  un 
indice  qui  dans  une  cause  ordinaire  eût  paru  in- 
signifiant, etil  parvint  à  faire  partager  ses  préven- 
tions au  jury.  La  déclaration  des  deux  femmes 
sur  l'identité  de  Lesurques  et  de  l'un  des  assas- 
sins, jointe  à  quelques  autres  circonstances  peu 
importantes,  toutes  dues  au  hasard,  ajoutèrent 
encore  aux  présomptions  de  culpabilité  que  l'ac- 
cusation groupa  et  développa  avec  une  habileté 
funeste.  L'irritation  où  l'on  était  alors  contre  le 
gouvernement  directorial  de  réussir  si  mal  à 
rendre  aux  routes  la  sûreté  qu'elles  avaient  au- 
trefois pesa  peut-être  aussi  sur  les  détermina- 
tions du  jury  :  on  voulait  faire  un  exemple.  Le 
18  thermidor  an  iv,  Lesurques,  Courriol  et  Ber- 
nard furent  condamnés,  les  deux  premiers  à  la 
peine  de  mort,  et  Richard,  qui  avait  prêté  en  con- 
naissance de  cause  des  chevaux  aux  assassins, 
aux  travaux  forcés  à  perpétuité.  Quant  à  Guenot 
et  à  Bruer,  autres  inculpés,  ils  furent  renvoyés 
absous.  Les  condamnés  se  pourvurent  en  cas- 
sation ;  leur  pourvoi  fut  rejeté.  Le  jour  de  l'exé- 
cution approchait,  quand,  vaincu  par  ses  remords, 
Courriol  nomma  les  véritables  coupables,  au 
nombre  de  cinq  lui  compris,  proclamant  ainsi 
l'innocence  de  celui  qu'on  lui  donnait  pour  com- 
plice. Une  pétition  fut  en  conséquence  adressée 
au  Directoire,  qui,  après  l'examen  des  pièces 
de  la  procédure,  adressa  un  message  au  Conseil 
des  Cinq  Cents  pour  réclamer  en  faveur  de  Le- 
surques, par  dérogation  aux  usages  judiciaires, 
nne  révision  du  procès.  Le  conseil  accorda  d'a- 
bord un  sursis,  et  nomma  une  commission  pour 
lui  rendre  compte  de  l'affaire.  Préoccupé  de  la 
crainte  de  voir  s'affaiblir  l'autorité  morale  du  jury 
si  on  annulait  un  jugement  sur  des  considérants 
en  dehors  des  vices  de  formes;  convaincu,  il  faut 
le  croire,  que  les  déclarations  si  explicites  de 
Courriol  étaient  un  roman  concerté  avec  l'ac- 
cusé, le  rapporteur  conclut  à  l'ordre  du  jour,  qui 
fut  prononcé.  Ce  fut  le  second  arrêt  de  mort,  irré- 
vocable cette  fois,  seconde  erreur  judiciaire,  plus 
atroce  que  la  première,  parce  qu'elle  repose  sur 
le  respect  des  formes,  qui  devraient  toujours  être 


1000 
subordonnées  au  fond;  surtout  quand  il  s'agit 
de  lavie  d'un  homme.  Lesurques  monta  sur  l'é- 
chafaud  le  30  octobre  1 796,  ne  cessant  de  protester 
de  son  innocence  devant  Dieu  et  les  hommes  jus- 
qu'au moment  où  la  hache  fatale  lui  trancha  la 
tête. 

Peu  de  temps  après,  la  vérité  tout  entière 
fut  connue  par  l'arrestation  d'un  certain  Dubosq, 
l'un  des  assassins  du  courrier  de  Lyon,  celui-là 
même  dont  la  ressemblance  avec  Lesurques 
avait  occasionné  un  irréparable  malheur.  Les 
femmes  dont  la  déclaration  formelle  avait  tant 
contribué  à  envoyer  un  innocent  à  l'échafaud 
reconnurent  leur  erreur,  en  en  demandant  pardon 
à  Dieu.  Dès  ce  moment  Lesurques  fut  justifié 
dans  l'opinion  publique.  Mais  cette  réparation 
ne  pouvait  suffire  à  sa  famille,  réduite  à  la  plus 
affreuse  misèr-e  par  suite  de  la  confiscation  des 
biens  de  son  chef  (1).  Il  fallait  une  réhabilita- 
tion; mais  comment  l'obtenir?  Moins  humaine 
que  celle  de  l'ancien  régime,  la  législation  actuelle 
ne  laisse  l'espoir  de  faire  réviser  son  procès  qu'à 
celui  qui,  victime  d'une  erreur  judiciaire,  peut 
venir  lui-même  protester  contre  l'arrêt  qui  l'a 
condamné  :  la  loi  criminelle  se  fait  donc  de  l'acte 
du  bourreau  un  argument  invincible  contre  le  con- 
damné ! 

Pendant  cinquante  ans,  sous  les  divers  régimes 
qui  se  sont  succédé  de  1796  à  1848,  la  famille 
Lesurques  a  multiplié  les  démarches  avec  une 
héroïque  persévérance  pour  obtenir  cette  réha- 
bilitation tant  désirée.  Elles  n'ont  jamais  pu 
aboutir  (2).  Pour  qu'il  en  fût  autrement,  il  eût 
fallu  combler  des  lacunes  laissées  à  dessein 
peut-être  par  le  législateur  dans  le  Code  d'Ins- 
truction criminelle,  parce  qu'elles  impliquent  l'in- 
faillibilité des  dépositaires  de  la  justice  humaine 
et  le  respect  absolu  de  la  chose  jugée  (3). 
Jean-Paul  Faber. 


(1)  Une  seule  de  ses  propriétés,  vendue  en>1810,  produi- 
sit 183,000  fr.  au  domaine. 

(S)  En  1821,  une  pétition  a  été  présentée  par  la  veuve 
Lesurques  à  la  chambre  des  pairs  et  a  celle  des  députés 
pour  obtenir  la  révision  du  jugement  de  son  mari.  Cette 
pétition  a  été  l'objet  de  trois  rapports,  l'un  à  la  chambre 
des  pairs  par  M.  le  comte  de  Valence  et  les  deux  autres 
à  la  chambre  des  députés  par  le  comte  de  Floirac  et  par 
M.  Bazire,  tous  trois  concluant  au  renvoi  a  M.  le  garde 
des  sceaux.  Nousignoronspourquolil  y  a  eu  à  la  chambre 
des  députés  deux  rapports  sur  un  même  objet.  Celui 
de  M.  de  Floirac  est  imprimé  à  la  suite  du  Mémoire  de 
M.  Saignes.  Le  travail  de  M.  Bazire  a  été  réproduit  par 
les  journaux  qui  ont  rendu  compte  de  la  séance  du 
1S  décembre  1821. 

(3)  Lesurques  n'a  pas  été,  suivant  l'opinion  de  plusieurs 
magistrats  et  jurisconsultes,  la  victime  d'une  erreur  judi- 
ciaire, comme  l'afflrme  l'auteur  de  cet  article;  ou  du 
moins  la  chose  n'est  pas  aussi  claire  qu'il  le  pense.  M.  le 
président  Zangiacoml,  l'un  des  magistrats  les  plus  éclai- 
rés et  les  plus  consciencieux  de  la  cour  de  la  cassation, 
a  fait  un  rapport  au  conseil  d'État  sur  cette  affaire,  le 
30  juillet  1822;  ce  rapport  a  été  publié  dans  Le  Moniteur 
du  7  août  suivant.  On  y  voit  qu'en  l'an  ix,  lors  du  pro- 
cès de  Dubosq,  qui  prétendait,  en  avouant  sa  participa- 
tion à  l'assassinat  du  courrier  de  Lyon,  que  Lesurques 
avait  été  pris  pour  lui  et  condamné  quoique  innocent,  que 
huit  témoins  sur  neuf  persistèrent  à  dire  qu'ils  ne  s'é- 
taient pas  trompés;  que  ce  n'était  pas  Dubosq,  mais  bien 


1001  LESURQUES 

Mémoire  au  roi  pour  le  sieur  Lesurques,  par  J.  B. 
Salgues;  Paris,  1822.  —  C— A.  Lcfebvre,  Une  Erreur 
judiciaire  ;  in  8°,  185S. 

LKTANDUÈliE  DES  HERBIERS  (  Henri- 
François,  marquis  de),  marin  français,  né  à 
Angers,  en  1682,  mort  en  1750.  Il  servit  sous 
Ducasse  et  Duguay-Trouin ,  et  commandait  au 
mois  d'octobre  1747  une  escadre  de  huit  vais- 
seaux, avec  laquelle  il  devait  escorter  aux  colo- 
nies d'Amérique  un  convoi  de  deux  cent  cin- 
quante bâtiments  chargés  de  vivres.  Attaqué  à 
la  hauteur  de  Belle-Isle  par  une  flotte  anglaise 
de  dix-neuf  vaisseaux,  aux  ordres  de  l'amiral 
Hawke,  il  n'hésita  pas  à  soutenir  le  combat 
pour  sauver  son  convoi;  l'engagement  dura  huit 
heures,  et  L'Étanduère  parvint,  par  l'habileté  de 
ses  manœuvres,  à  sauver  le  convoi,  en  ne  per- 
dant que  six  vaisseaux.  On  doit  à  ce  brave  of- 
ficier plusieurs  plans  des  côtes,  ports  et  rades 
des  Indes  orientales  et  des  côtes  du  Labrador 
et  d'excellents  relèvements  de  la  côte  du  Saint- 
Laurent. 

Le  Bas,  Dict.  Encgcl.  de  la  France. 

*  létang  (  Georges-Nicolas  -  Marc,  baron 
de),  général  et  sénateur  français,  né  à  Meulan, 
le  2  mai  1788.  Sorti  en  1807  de  l'École  Mili- 
taire de  Fontainebleau,  il  entra  comme  sous- 


Lesurques  qu'ils  avaient  vu  dans  la  compagnie  des  as- 
sassins. Or  ces  témoins  avaient  été  confrontés  deux  fois  à 
Dubosq,  et  ils  assignaient  entre  lui  et  Lesurques  toutes 
les  différences  de  taille  et  de  figure  qui  motivaient  leur 
persévérance.  Suivant  M.  Zangiacomi,  la  voix  de  ces  huit 
témoins,  non  reprochés  et  irréprochables,  doit  l'emporter 
sur  la  déclaration  d'hommes  qui  confessaient  avoir  tué 
le  courrier  de  Lyon  et  disaient  que  Lesurques  n'était  pas 
leur  complice: 

Mais,  ajoute-t-on  ,  la  justice  a  condamné  à  la  peine  ca- 
pitale sept  individus,  et  les  auteurs  du  crime  avouent 
qu'ils  n'étaient  qu'au  nombre  de  cinq  ou  six.  D'abord, 
cette  variation  du  nombre  des  assassins  est  déjà  fort  sin- 
gulière dans  la  bouche  des  accusés.  Puis  l'honorable  rap- 
porteur fait  observer  qu'il  résulte  de  la  déclaration  de 
deux  témoins  que  les  assassins  étaient  très-vraisembla- 
blement au  nombre  de  sept.  Enfin,  ce  qui  put  déterminer 
le  jury  dans  sa  conviction,  indépendamment  des  faits  qui 
viennent  d'être  rappelés,  c'est  que  Lesurques  avait  eu  des 
relations  avec  plusieurs  des  accusés,  notamment  avec 
Couriol,  l'un  des  assassins,  et  avec  Richard,  receleur  des 
effets  volés. 

Ce  qu'aurait  pu  ajouter  M.  Zangiacomi,  c'est  que  sous 
l'empire  du  code  criminel  du  3  brumaire  an  iv,  en  vi- 
gueur lors  du  procès  de  Lesurques,  les  garanties  favo- 
rables aux  accusés  étalent  beaucoup  plus  fortes  qu'elles 
ne  l'ont  été  depuis  ;  ainsi,  le  jury  d'accusation  existait 
alors,  et  il  fallait  que  huit  membres  sur  douze  de  ce  jury 
fussent  d'avis  qu'il  y  avait  lieu  à  accusation  pour  que 
l'affaire  fût  renvoyée  devant  le  jury  de  jugement;  et  ee 
dernier  jury  ne  pouvait  déclarer  un  accusé  coupable  qu'à 
la  majorité  de  dix  voix  sur  douze.  Alors,  comme  aujour- 
d'hui, la  loi  ne  demandait  pas  compte  aux  jurés  de  la  ma- 
nière dont  la  conviction  pénétrait  dans  leur  esprit;  elle 
leur  prescrivait  seulement  «  de  s'interroger  eux-mêmes 
dans  le  silence  et  le  recueillement,  et  de  chercher  dans 
la  sincérité  de  leur  conscience  quelle  Impression  ont  faite 
sur  leur  esprit  les  preuves  rapportées  contre  l'accusé  et 
les  moyens  de  sa  défense  ». 

Ce  sont  ces  principes  sur  le  débat  oral  qui  s'opposent 
à  la  révision  des  procès  juges  par  jurés ,  lorsque  les  con- 
damnes n'existent  plus,  à  moins  qu'en  matière  d'homicide 
la  personne  précédemment  tenue  pour  homicldée  ne 
vienne  à  être  représentée,  cas  qui  n'existait  pas  dans  l'af- 
faire Lesurques.  T— r. 


-  LETELLIER  1002 

lieutenant  dans  le  10e  régiment  de  chasseurs 
à  cheval,  fit  la  campagne  de  Prusse  de  1807  et 
celles  de  1808  à  1812  à  l'armée  d'Espagne,  se  si- 
gnala à  la  bataille  de  Talavera.  à  celle  d'Ocana, 
où  il  fut  mis  à  l'ordre  de  l'armée,  et  à  Rio-Secco. 
Nommé  capitaine  dans  le  21e  régiment  de  chas- 
seurs le  28  janvier  1813,  il  passa  le  27  février 
suivant  dans  les  chasseurs  à  cheval  de  la  garde 
impériale,  fitavec  ce  corps  les  campagnes  de  Saxe 
et  de  France,  se  signala  aux  batailles  de  Dresde 
et  de  Leipzig,  et  reçut  le  15  mars  1814  le  grade 
de  chef  d'escadron  dans  le  7e  régiment  de  dra- 
gons. Lieutenant-colonel  du  3e  de  la  môme  arme 
le  14  octobre  1821,  colonel  du  12°  de  chasseurs 
le  27  novembre  1829,  il  fit  la  campagne  de  Bel- 
gique de  1831,  se  distingua  dans  les  guerres 
d'Afrique  de  1832  et  1833,  à  la  tête  du  2e  régi- 
ment de  chasseurs,  et  fut  nommé  maréchal  de 
camp  le  31  décembre  1835.  11  prit  une  part  glo- 
rieuse aux  expéditions  dirigées  contre  les  Arabes 
et  les  Kabyles  en  1836  et  1837,  devint  lieute- 
nant général  en  1845,  et  inspecteur  général  de 
cavalerie,  commandant  les  10e  et  17e  divisions 
militaires  (Toulouse  et  Bastia).  Appelé  en  1849 
à  faire  partie  du  comité  de  la  cavalerie ,  il  fut 
élu  l'année  suivante  membre  du  comité  consultatif 
de  l'Algérie.  Élevé  à  la  dignité  de  sénateur  par 
décret  du  31  décembre  1852,  il  fut  placé  en  1853 
dans  le  cadre  de  réserve.  En  1854  il  fut  envoyé 
en  mission  auprès  de  l'empereur  d'Autriche,  pour 
des  affaires  relatives  à  la  guerre  d'Orient. 

SlCARD. 

archives  de  la  Guerre.  —  Notes  communiquées.  ' 
letbert,  abbé  de  Saint-Ruf,  mort  vers  l'an- 
née 1112.  Quelques  auteurs  lui  ont  donné  l'An- 
gleterre pour  patrie,  mais  par  simple  conjecture  : 
on  ignore  son  pays  natal.  Dans  sa  jeunesse,  il 
fut  chanoine;  chanoine  séculier  ou  régulier? 
C'est  une  question  débattue.  L'abbé  Lebeuf  le 
fait  chanoine  séculier  dans  l'abbaye  de  l'île  de 
Médoc,  insula  de  Medulio,  au  diocèse  de  Bor- 
deaux ;  les  auteurs  de  Y  Histoire  Littéraire  s'effor- 
cent d'établir  qu'il  fut  chanoine  séculier  dans  l'é- 
glise collégiale  de  Lille,  en  Flandre.  Il  ne  paraît 
pas  dans  les  titres  de  l'abbaye  de  Saint-Ruf,  dio- 
cèse de  Valence,  avant  l'année  1110. 

On  a  de  Letbert  :  Flores  Psalmorum,  ouvrage 
inédit,  qui  a  été  plus  d'une  fois  attribué  à  Gau- 
tier, évêque  de  Maguelone.  Les  manuscrits  en 
sont  nombreux.  Deux  lettres  de  Letbert  ont,  en 
outre,  été  publiées  par  D.  Martène,  Anecd.,  t.  I, 
p.  329.  B.  H. 

Hist.  Litt.  de  la  France,  t.  IX,  p.  570.  —  Lebeuf, 
Dissert,  sur  l'Hist.  eccl.  et  civ.  de  Paris,  t.  II,  p.  129,  803. 
letellier  (  Jean  -  Baptiste  ) ,  industriel 
français,  né  à  Tours,  dans  la  seconde  moitié  du 
seizième  siècle,  mort  à  une  époque  inconnue.  Il 
exerçait  la  profession  de  fabricant  de  soie 
dans  sa  ville  natale  lorsqu'un  édit  de  Henri  IV, 
du  21  juillet  1602,  prescrivit  de  planter  des  mû- 
riers dans  les  campagnes  auprès  des  grandes 
villes,  afin  de  favoriser  l'éducation  des  vers  à 


1003  LE  TELLIER 

soie.  Letellier  fit  planter  un  grand  nombre  de. 
mûriers  aux  environs  de  Tours,  et  l'industrie  de 
la  soie  prit  une  grande  extension  dans  cette  ville. 
Les  plantations  disparurent  après  la  révocation 
de  redît  de  Nantes,  qui  amena  la  décadence  de 
l'industrie  de  la  soie  à  Tours.  Letellier  a  laissé  un 
livre  intitulé  :  Mémoires  et  instructions  pour 
l'établissement  des  mûriers  en  France,  et  Art 
défaire  la  Soie  en  France  ;  Paris,  1603,  in  4°, 
avec  fig.  J.  V. 

Lelong,  Bibliotk.  Hist.  de  la  France.  —  L.-A.  Héris- 
sant, Bibl.  Phijs.  de  la  France.  —  Mercier-Saint-Léger, 
Note  manuscrite. 

le  tellier  (Michel),  chancelier  de  France, 
né  le  19  avril  1603,  mort  en  octobre  1685.  Fils 
d'un  conseiller  à  la  cour  des  aides,  il  fut  lui;même 
d'abord  conseiller  au  grand  conseil,  puis  procu- 
reur du  roi  au  Châtelet  de  Paris,  en  1 63 1 .  Nommé 
plus  tard  maître  des  requêtes,  il  accompagna  en 
cette  qualité  le  chancelier  Seguier;  lorsque  ce- 
lui-ci alla*  par  ordre  de  Richelieu,  instruire 
contre  les  révoltés  de  Normandie  connus  soits 
le  nom  de  Va-nu-pieds ,  et  dut,  en  1640 j  an 
zèle  qu'il  avait  montré  à  seconder  en  cette 
circonstance  les  rigueurs  et  là  cruauté  du  chan- 
celier, la  place  d'intendant  de  Piémont.  Ce 
fut  alors  qu'il  se  fit  connaître  de  Mazarin  ;  qui 
le  présenta  à  Louis  XIV;  et  le  fit,  lors  de  l'é- 
loignement  de  Desnoyers,  nommer  secrétaire 
d'État  au  département  de  ht  guerre.  Il  devint  en- 
suite conseiller  d'État  et  commandant  de  l'ordre 
du  Saint-Esprit.  Le  Tellier  partagea  la  bonne  et  la 
mauvaise  fortune  du  cardinal  pendant  les  troubles 
delà  Fronde;  il  eut  la  plus  grande  part  au  traité 
de  Ruel;  Anne  d'Autriche  le  retint  auprès  d'elle, 
lorsque  Mazarih  fut  forcé  de  se  retirer  pour  la  se- 
conde fois  et  de  sortir  du  royaume.  11  contribua 
puissamment  à  pacifier  le  royaume. 

Chargé  des  pleins  pouvoirs  de  la  reine,  Le 
Tellier  empêcha,  en  1654,  la  ville  de  Péronne  de 
tomber  entre  les  mains  des  ennemis;  il  prit  en- 
suite une  part  très-active  aux  négociations  re- 
latives au  mariage  du  roi,  et  conserva  après  la 
mort  de  Mazarin  la  charge  de  secrétaire  d'État; 
il  devint  même  membre  du  conseil  ;  sous  le  titre 
de  ministre  d'état.  En  1666  il  céda  à  son  fils 
Louvois  la  secrétairerie  d'État  de  la  guerre.  «Son 
esprit,  dit  M.  Sismortdi,  était  doux,  facile,  in- 
sinuant; ii  était  modeste  sans  affectation,  et 
il  cachait  la  faveur  dont  il  jouissait  avec  autant 
de  soin  que  sa  fortune.  Toujours  maître  de  ses 
passions,  il  était  civil  et  bienveillant  de  propos; 
mais  c'était  là  tout  le  bien  qu'il  faisait  à  ses 
amis,  en  même  temps  qu'il  ne  laissait  jamais 
échapper  une  occasion  de  nuire  à  ses  ennemis. 
Jamais  il  ne  les  croyait  assez  petits  ou  assez 
faibles  pour  se  permettre  de  les  mépriser.  Il 
avait  rétabli  dans  le  ministère  de  la  guérie  un 
'ordre  et  une  vigueur  qui  avaient  contribué  aux 
succès  de  la  régence.  » 

Après  la  mort  ded'Aligre.  en  1677,  LeTellier  fut 
nommé  par  Louis  XIV  chancelier  et  garde  des 


1004 
sceaux,  et  il  déploya  dans  ces  hautes  fonctions , 
contre  les  protestants ,  un  fanatisme  qui  fit 
plus  de  mal  à  la  France  que  les  guerres  san- 
glantes soutenues  par  elle  contre  l'Europe  en- 
tière. On  sait  qu'en  1685,  âgé  de  quatre-vingt- 
deux  ans,  malade  et  se  sentant  près  de  mourir, 
il  demanda  au  roi  de  lui  accorder  la  consolation 
de  signer  avant  de  rendre  le  dernier  soupir  un 
édit  qui  porterait  révocation  de  l'édit  de  Nantes. 
Il  signa  en  effet  cet  édit  le  2  octobre  1685,  en 
récitant  le  cantique  de  Siméon,  et  en  appliquant 
à  cet  acte  impolitiqtie  les  paroles  de  joie  qui 
dans  la  bouché  du  vieillard  hébreu  se  rappor- 
taient au  salut  du  genre  humain.  Il  mourut  avant 
la  fin  du  mois,  et  on  lui  érigea  un  fastueux  mau- 
solée dans  l'église  Saint-Gervais  à  Paris, 

«  Michel  Le  Tellier  avoit  reçu,  dit  l'abbé  Choisy, 
toutes  les  grâces  de  l'extérieur  :  un  visage 
agréable,  les  yeux  brillants,  les  couleurs  du 
teint  vives,  un  sourire  spirituel,  qui  prévenoit 
en  sa  faveur,  il  avoit  tous  les  dehors  d'un  hon- 
nête homme,  l'esprit  doux,  facile,  insinuant;  il 
parloit  avec  tant  de  circonspection  qu'on  le  croyoit 
toujours  plus  habile  qu'il  n'étoit ,  et  souvent  on 
attribuoit  à  sa  sagesse  ce  qui  ne  venoit  que  d'i- 
gnorance; modeste  sans  affeclation,  et  cachant 
sa  faveur  avec  autant  de  soin  que  son  bien,  il 
promettoit  beaucoup,  et  tenoit  peu;  timide  dans 
les  affaires  de  sa  famille ,  codrageux  et  même  en- 
treprenant dans  celles  de  l'État  ;  génie  médiocre 
et  borné,  peu  propre  à  tenir  les  premières  places, 
où  il  bàyoit  souvent  de  discrétion ,  mais  assez 
ferme  à  suivre  un  plan  quand  une  fois  il  avoit 
été  aidé  aie  former  ;  incapable  d'en  être  détourné 
par  ses  passions,  dont  il  étoit  toujours  le  maître; 
régulier  et  civil  dans  le  commerce  de  la  vie,  où 
il  ne  jetoit  jamais  que  des  fleurs  :  c'étoit  aussi 
tout  ce  qu'on  pouvoit  espérer  de  son  amitié; 
mais  ennemi  dangereux,  cherchant  l'occasion  de 
frapper  sur  celui  qui  l'avoit  offensé,  et  frappant 
toujours  en  secret,  par  là  peur  de  se  faire  des 
ennemis,  qu'il  ne  méprisoit  pas,  quelque  petits 
qu'ils  fussent.  Il  ne  laissoit  pas  de  sentir  les 
obligations  de  soh  emploi  et  les  devoirs  de  sa 
religion ,  à  laquelle  il  a  toujours  été  fidèle.  ■» 
L'abbé  de  Saint- Pierre  ajoute  que  c'était  un  très- 
habile  courtisan,  «  qui  avoit  instruit  son  fils  à  tou- 
jours louer  le  roi  par  quelque  endroit,  et  à  lui 
faire  croire  qu'il  étoit  le  plus  sage  et  le  plus  ha- 
bile homme  de  l'Europe,  et  que  c'étoit  par  cette 
raison  que  le  roi  se  plaisott  plus  à  travailler  avec 
Le  Tellier  et  avec  son  fils  qu'avec  les  autres  se- 
crétaires d'État.  »  [Le  Bas,  Dict.  Hist.  de  là 
France.  ] 

Bossnet,  Oraison  funèbre  de  Le  Tellier.  —  Choisy, 
Mémoires.  —  Voltaire,  Siècle  de  Louis  XIV.  —  Mme  de 
Motteville<  Mémoires.  —  Bazin,  Histoire  du  cardinal 
de  Mazarin. 

le  TKVLiFM  (Charles-Maurice) ,  prélat  fran- 
çais, fils  du  chancelier,  né  à  Turin,  en  1642,  mort 
le  22  février  17 10.  Destiné  de  bonne  heure  à  l'état 
ecclésiastique ,  il  parcourut ,  après  avoir  pris  les 
ordres ,  l'Italie,  la  Hollande  et  l'Angleterre ,  et  il 


1005 


LETELLIER 


IG  e 


en  rapporta  un  grand  nombre  de  livres  précieux. 
Nommé  en  1668  coadjuteur  de  François  Barbe- 
rini ,  archevêque  de  Reims ,  il  lui   succéda  en 

167  t.  Il  joua  dès  lors  un  rôle  important  dans  les 
affaires  du  clergé,  et  se  fit  surtout  remarquer  par 
la  violence  avec  laquelle  il  se  prononça  contre 
les  doctrines  ultramontaines.  Il  rendit  plusieurs 
ordonnances  contre  les  jésuites.  Du  reste,  les  mé- 
moires du  temps  le  représentent  sous  un  jourpeii 
favorable.  On  prétend  qu'il  disait  cju'il  ne  con- 
cevait pas  comment  «  on  pouvoit  vivre  sans  avoir 
cent  mille  écus  de  rente  ».  On  rapporte  aussi, 
comme  variante,  qu'il  «  disoit  qu'on  ne  pouvoit 
être  honnête  homme  si  on  n'avoit  dix  mille 
écris  de  rente  ».  Despréaux  questionné  par  lui 
sur  la  probité  dé  quelqu'un  répondit,  dit-on  : 
«  Monseigneur,  il  s'en  Faut  de  quatre  mille  livrés  dé 
rente  qu'il  soit  honnête  homme.  »  Ces  anecdotes, 
si  elles  sont  bien  authentiques,  peignent  l'homme. 
La  correspondance  de  Mme  de  Sevigné  contient 
sur  l'archevêque  de  Reims  plusieurs  traits  ana- 
logues. II  mourut  d'uneattaqued'apOplexie, après 
avoir  légué  à  l'abbaye  de  Sainte  Gehëviève  sa  bi- 
bliothèque, composée  de  cinquante  mille  volu- 
mes, et  riche  en  manuscrits  précieux.  II  en  avait 
fait  dresser,  par  Nicolas-Clément,  le  catalogue, 
qui  fut  imprimé  sous  le  titre  de  Bibliotheca  tel- 
leriana;  Paris,  imprimerie  royale,  1693,  in- fol. 
La  préface  du  catalogue ,  rédigée  par  Letellier 
lui-même,  renferme  de  curieux  renseignements 
sur  la  formation  de  sa  bibliothèque.  [Le  Bas, 
Dict.  Hist.  de  la  France,  avec  addit. ] 

Mme  de  Sévigné,  Mémoires.  —  Bolœna.  —  Fleury, 
Opuscules.  —  P.  d'Avrigny,  Mémoires  chronologiques 
et  dogmatiques.  —  Baussi-t,  Histoire  de  llossuet,  t.  IV. 
—  D'Aguessenu.  Mémoires  sur  les  affaires  de  l'Église. 

letellier  ( Michel) ,  théologien  français, 
né  près  de  Vire  (Basse-Normandie),  le  16  dé- 
cembre 1643,  mort  à  La  Flèche,  le  2  septembre 
1719.  Fils  d'un  procureur  de  Vire,  il  fit  ses 
études  au  collège  dès  jésuites  de  Caen,  et  entra 
dans  la  Société  de  Jésus  en  1661.  Il  fut  ensuite 
envoyé  au  collège  Louis-le-Grand  à  Paris.  Après 
avoir  occupé  les  chaires  d'humanités  et  de  phi- 
losophie, il  publia,  en  1678,  une  édition  de 
Quinte- Curce  à  l'usage  du  dauphin.  Il  fut  alors 
choisi  avec  d'autres  jésuites  pour  former  au 
collège  Louis-le-Grand  une  société  qui  rappelât 
la  mémoire  des  Sirmond  et  des  Petau.  Letellier 
préféra  se  jeter  dans  la  controverse.  II  publia 
plusieurs  écrits  contre  la  version  du  Nouveau 
Testament  dite  de  Mons,  et  prit  une  vive  part  k 
la  discussion  sur  les  cérémonies  chinoises.  Les 
jésuites  permettaient  à  leurs  néophytes  en  Chine 
les  cérémonies  de  Confucius,  qu'ils  regardaient 
comme  purement  civiles  :  les  missions  étran- 
gères les  prohibaient  comme  superstitieuses  et 
entachées  d'idolâtrie.  Les  pères  Letellier  et  Le- 
comte  publièrent  plusieurs  mértioires  à  ce  sujet. 
Un  livre  de  Letellier  fut  attaqué  par  Arnauld  et 
Duvaucel  et  déféré  à  Rome.  Letellier  y  donna 
une  suite,  et  répondit  à  ceux  qui  l'attaquaient.  Il 
contribua  avec  le  père  Besnier  à  la  traduction 


du  Nouveau  Testament  du  père  Bonhours.  Ed 
même  temps  il  acheva  le  traité  de  la  Pénitence  du 
pèle  l'etau  pour  les  dogmes  théotogiqnes.  Il 
publia  aussi  quelques  écrits  pour  la  justification 
des  jésuites  à  propos  de  ce  qu'on  appela  le  pé- 
ché philosophique.  11  s'associa  un  des  premiers 
à  la  rédaction  des  Mémoires  de  Trévoux\  pu- 
bliés par  sa  compagnie.  Enfin  il  lit  paraître  plu- 
sieurs ouvrages  violents  contre  les  jansénistes.  A 
la  mort  du  père  de  La  Chaise  (  voy .  ce  nom  )  Le- 
tellier était  provincial  de  son  ordre.  Le  roi  avait 
promis  à  son  confesseur  de  choisir,  lorqu'il  l'au- 
rait perdu  ,  pour  directeur  de  sa  conscience  un 
autre  jésuite.  Voici  comment  l'auteur  de  la  Vie 
de  M.  de  Cayhis,  évêque  d'Atixerre.,  raconte 
le  choix  qui  fut  fait  de  Letellier  :  «  M.  de  Cay- 
lus  tenoit  de  madame  'de  Maintenon  qu'après  la 
mort  du  père  de  La  Chaise  les  jésuites  pré- 
sentèrent trois  des  leurs.  Ils  parurent  en  même 
temps  devant  le  roi.  Deux  tinrent  la  meilleure 
contenance  qu'ils  purent  ;  et  dirent  ce  qu'ils 
ciurent  de  mieux  pour  parvenir  au  poste  émi- 
nent  qui  faisoit  tant  de  jaloux  ;  le  père  Letellier  se 
tint  derrière  eux,  les  yeux  baissés  )  portant  son 
grand  chapeau  sur  deux  mains  jointes  et  ne  di- 
sant mot.  Ce  faux  air  de  modestie  réussit  ;  le  père 
Letellier  fut  choisi.  Il  avait  raison  de  baisser  les 
yeux;  car  il  avait  quelque  chose  de  louche  ou  de 
travers  dans  son  regard.  » 

C'était  d'ailleurs  un  homme  de  mœurs  pures 
et  sévères;  mais  ardent,  inflexible,  couvrant  la 
violence  de  ses  idées  soUs  un  grand  flegme  ;  il 
s'était  acquis  une  haute  considération  dans  son 
ordre  par  ses  connaissances  et  par  son  zèle 
pour  la  discipline:  Duclos  a  peint  Letellier 
comme  un  homme  dur,  orgueilleux,  violent,  qui 
dirigeait  tout :j  et  dont  les  évêques  suivaient 
aveuglément  les  ordres.  Le  même  écrivain  ra- 
conte que  Louis  XIV  ayant  demandé  à  Letellier 
s'il  était  parent  des  Letellier  de  Louvois,  le  ré- 
vérend père  répondit  en  se  prosternant  :  «Moi  j 
sire ,  je  ne  suis  que  le  fils  d'un  paysan,  qui  n'ai 
ni  parents  ni  anvs.  »  Il  fut  tout  d'abord  chargé 
de  la  feuille  des  bénéfices,  et  son  zèle  intolérant 
se  fit  sentir  dans  ses  choix  ;  mais  le  roi  n'aimait 
pas  ceux  du  parti  contraire.  Son  caractère  âpre, 
dominateur,  implacable,  se  révéla  bien  vite.  11  af- 
fectait une  vie  retirée  et  presque  farouche;  le 
roi  lui  ayant  demandé  une  fois  pourquoi  il  ne  se 
servait  pas  pour  ses  voyages,  comme  son  pré- 
décesseur, d'un  carrosse  à  six  chevaux,  il  ré- 
pondit que  cela  ne  convenait  pus  à  un  homme 
de  son  état.  Letellier  signala  son  crédit  par  la 
destruction  de  Port-Royal.  Il  représenta  au  roi 
cette  maison  comme  le  foyer  dti  jansénisme, 
que  Louis  XIV  détestait.  Le  roi  hésitait  pour- 
tant à  frapper  cette  maison,  à  cause  du  grand 
nombre  d'hommes  illustres  qui  en  étaient  sortis. 
On  vantait  beaucoup  aussi  la  vie  régulière  de 
ces  pieux  solitaires.  Letellier  revint  plusieurs  fois 
à  la  charge,  et  obtint  enfin  l'ordre  qu'il  désira:!. 
Le  lieutenant  de  police  d'Argenson ,  chargé  de 


1011 


LÈTHALD 


fragments  de  cette  riehe  épave.  Aux  premiers 
coups  portés  contre  l'animal,  une  voix  humaine 
est  entendue  sortant  de  ses  entrailles  :  c'est  la 
voix  de  Within ,  qui  conjure  ses  anciens  com- 
pagnons de  respecter  sa  vie.  Tout  le  peuple  re- 
cule aussitôt  saisi  d'effroi.  On  va  chercher  l'é- 
vêque  de  Iiovicastra,  qui^  suivi  de  tout  son 
clergé,  se  rond  au  rivage ,  et  exorcise  le  démon 
caché  dans  les  flancs  de  la  baleine.  Aux  exor- 
cismes  le  pêcheur  répond  qu'il  est  Within,  et  ra- 
conte son  étrange  aventure.  On  le  dégage  alors 
de  sa  prison,  et  il  est  rendu  à  sa  femme,  à  ses 
enfants,  qui  après  quelque  hésitation  finissent  par 
le  reconnaître.  Voilà  le  poëme  deLéthald.  Sous 
le  rapport  de  l'invention,  il  nemériteaucun  éloge, 
nous  le  reconnaissons  volontiers  ;  mais  pour  des 
vers  du  dixième  ou  du  onzième  siècle,  ceux  de 
Léthald  nous  paraissent  très-recommandables. 
On  y  trouve  des  développements  poétiques,  des 
réminiscences  de  Virgile  et  quelque  recherche 
du  beau  style.  Comme  poëte  et  comme  prosa- 
teur Lélhald  mérite  également  cet  éloge  de  dom 
Ceillier  :  «  On  ne  connaît  guère  d'auteurs  dans 
le  dixième  siècle  qui  aient  écrit  avec  plus  de  po- 
litesse. »  B.  Hauréau. 

D.  Ceillier,  Hist.  générale  des  Juteurs  sacrés,  t.  XIX, 
p.  717.  —  Hist.  liti.  de  la  fiance,  t.  VI,  p.  528.  —  Apo- 
logeticus  Abbonis,  apud.  Pithoœum.,  Cod.  Canon  Fet, 
Eccl.  Rom.,  p.  400.  —6.  Hâuréau,  Hist.  Litt.  du  Maine, 
t.  II,  pi.—  Bulletin  des  Comités,  t.  I.  p.  178. 

lkthièke  (Gtiillaume  Guillon),  peintre 
français,  né  à  Sainte-Anne  (  Guadeloupe),  le 
lGjanvier  1760,  mort  à  Paris,  le  22  avril  1832. 
Il  était  fiis  naturel  de  Pierre  Guillon,  qui  le  re- 
connut, à  Paris,  le  18  germinal  an  vu.  Il  reçut, 
d'après  Marchangy ,  le  nom  de  Letiers,  qu'il 
changea  plus  tard  en  Lethiers,  puis  en  Le- 
thière,  parce  qu'il  était  le  troisième  enfant.  Les 
dispositions  qu'il  annonça  dès  l'enfance  pour 
la  peinture  décidèrent  son  père  à  l'envoyer  en 
France  en  1774.  Placé  d'abord  chez  Descamps, 
professeur  à  l'académie  de  Rouen,  il  y  resta  trois 
ans,  et  fit  des  progrès  rapides.  Il  vint  ensuite 
à  Paris,  et  entra  chez  Doyen,  peintre  du  roi,  chez 
qui  il  resta  jusqu'en  1786.  Ayant  remporté  le 
grand  prix  à  cette  époque,  il  partit  pour  Rome 
Il  avait  été  témoin  des  efforts  tentés  par  d'é- 
minents  artistes  pour  ramener  la  peinture  à  l'é- 
tude de  l'antique,  et  il  était  décidé  à  suivre  cette 
voie.  Ses  succès  furent,  grands  à  Rome  et  ses 
études  très-remarquées  en  France.  On  distingua 
surtout  son  Junius  Brutus.  De  retour  à  Paris 
en  1792,  il  consolida  sa  réputation  par  de  grands 
ouvrages,  qui  lui  valurent  en  1811  d'être  choisi 
par  la  quatrième  classe  de  l'Institut  comme  di- 
recteur de  l'Académie  de  Rome.  Son  '  mandat 
lui  ayant  été  renouvelé  à  l'expiration  de  son  exer- 
cice, il  y  resta  dix  ans.  11  s'y  trouvait  en  1815 
lorsqu'il  fut  nommé  membre  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts;  le  roi  refusa  d'abord  son  approba- 
tion ,  mais  il  finit  par  l'accorder.  Revenu  en 
France,  Lethière  ouvrit  un  atelier  d'où  sortit 
nombre  de  bons  élèves,  et  il  devint  professeur  de 


—  LETI  1012 

l'École  des  Beaux- Arts  en  1819. 11  fit  quatre  fois 
le  voyage  d'Italie,  d'Angleterre  et  d'Espagne.  Ses 
talents  étaient  variés;  il  traita  l'histoire  et  le  ( 
paysage  avec  supériorité;  il  peignait  aussi  l'ar- 
chitecture en  artiste  habile.  Ses  personnages  ont 
du  mouvement  ;  mais  il  exagère  parfois  le  sen- 
timent, soit  par  la  violence,  soit  par  une  naïveté 
cherchée;  son  dessin  est  correct,  sans  avoir  as- 
sez de  caractère,  et  sa  couleur  est  trop  souvent 
sans  éclat.  Ses  principaux  tableaux  sont  :  Ju- 
nius Brutus  faisant  exécuter  ses  fils  (  1801)  ; 

—  Le  Traité  de  Léoben  (1806);  —  Vue  de 
la  villa  Médicis ,  palais  de  l  Académie  de 
France  à  Rome  (1817)  ;  —  Énée  et  Didon  sur- 
pris par  un  orage,  paysage  historique  ;  —  Vénus 
sur  les  ondes  (  1819)  ;  —  Saint  Louis  visitant 
et  touchant  un  pestiféré  dans  les  plaines  de 
Carthage;  —  Esculape  allaité  par  une  chè- 
vre ;  —  Rémus  et  Romulus  allaités  par  une 
louve;  —  Fondation  du  Collège  royal  de 
France  par  François  /«'"(1824)  ;  —  L'héroïque 
Fermeté  de  saint  Louis  à  Damiette  (  1827); 

—  Virginius  poignardant  sa  fille;  —  Philoc- 
tète  gravissant  les  rochers  de  Lemnos;  —  La 
Madeleine  aux  pieds  de  Jésus-Christ,  pour 
l'église  Saiht-Roch;  —  Homère  chantant  ses 
poésies; —  Le  Jugement  de  Paris;  —  Her~ 
minie  chez  les  bergers  ;  —  Phorbas  déta- 
chant Œdipe  enfant;  —  La  Messe  dans  les 
Catacombes  ;  —  Le  Départ  d'Adonis;  —  La 
mort  d'Adonis;  —  Archimède  ;  —  Sainte 
Hélène  découvrant  la  Vraie  croix;  —  Le  Pas- 
sage du  pont  de  Vienne  (  1830  )  ;  —  La  Mort 
de  César;  —  La  Défaite  de  Maxime  par 
Constantin,  etc.  L.  L— t. 

Ch.  Gabet,  Dict.  des  Artistes  de  l'École  française  au 
dix-neuvième  siècle.  —  L.-C.  Soyer,  àansVEncyclop.  des 
Gens  du  Monde.  —  P.  Mantz,  dans  le  Dict.  de  la  Con- 
vers  ,  siippl. 

Leti  (  Gregorio  ),  fécond  historien  et  libel- 
liste  protestant  italien,  né  à  Milan,  le  29  mai 
1630,  mort  à  Amsterdam,  le  9  juin  1701.  Il  entra 
à  dix  où  onze  ans  chez  les  jésuites  de  Cosenza, 
et  y  fit  ses  études  jusqu'en  1644,  où  son  oncle 
Agostino  Francesco,  évêqued'Aquapendente, l'ap- 
pela à  Rome  pour  lui  faire  suivre  la  carrière  ec- 
clésiastique. Leti  raconte  lui-même  «  que  sa  vie 
n'était  pas  fort  réglée,  qu'il  était  quelque  peu 
scapestrato,  qu'à  force  de  vouloir  lui  inspirer 
la  dévotion  et  l'engager  dans  l'état  ecclésiastique, 
on  l'avait  dégoûté  de  l'une  et  de  l'autre;  que 
s'étant  accusé  en  confession  de  quelques  galan- 
teries, son  confesseur  n'avait  rien  trouvé  de 
mieux  à  lui  ordonner,  comme  pénitence,  que  de 
mâcher  sept  brins  de  paille  d'un  pied  de  long; 
qu'enfin*  la  Providence  a  tellement  disposé  les 
choses  qu'il  se  trouve  calviniste  ».  Voilà  les  ré- 
ponses qu'il  fait  à  sa  maîtresse  et  à  son  oncle, 
qu'il  avait  laissés  à  Aquapendente  sans  en 
prendre  congé.  Son  changement  de  religion  fit 
grand  bruit  en  Italie;  le  célèbre  Malpighi,  le  car- 
dinal Delfino,  le  P.  Noris  et  plusieurs  autres  pré- 
lats ou  savants  cherchèrent  à  le  ramener  dans 


1013 


LETI  —  LETOUUNOIS 


1014 


le  giron  de  l'Église.  Leti  vint  s'établir  à  Genève 
(mais  1661)  ;  plus  tard  on  le  retrouve  en  Angle- 
terre historiographe  de  Charles  11 ,  mais  son  ca- 
ractère d'indépendancedéplut  tellement  qu'il  dut 
bientôt  quitter  ce  pays, et  vint  linir  ses  jours  à 
Amslerdain.  Parmi  ses  nombreux  écrits  on  cite  : 
Dialoghi  historici,  overo  compendio  histo- 
rien delV  Ilalia,  e  ilello  stato  présente  de' 
principi  e  republichc  italiane;  Genève, 
1665,  in-12;  —  Dialoghi  Politiei,  overo  la 
politica  che  usano  in  questi  tempi  i  principi 
e  republiche  italiane  per  conservare  i  loro 
Stati  e  signoriè;  Genève,  1666,  2  vol.  in-12; 

—  Il  IVipotismo  di  Roma;  1667  (Amsterdam); 
trad.  en  français  et  en  hollandais,  (669,2  vol. 
in-12;  —  Vita  de  Sislo  V,  poMijice  romuno; 
Lausanne,  1669,  iri-1 2  ;  réédité  con  un  o.ggntnta 
di  due  terzi  depiu,  etc.;  Amsterdahi,  1686, 
2  vol.  in-S°,avec  grav.;  trad.  en  français  :  La 
Vie  du  pape  Sixte  V,  etc.,  Paris,  1093,  2  vol; 
in-12;  —  Eur'opa  gelosa,  à  gelosia  de'  prin- 
cipi d'Europa;  Colonid  (Genève),  1672,  in-121; 

—  L'italia  régnante,  overo  descrittione  dello 
stato  présente  di  tutti  Principali  e  Repu- 
bliched'lialia;  Genève,  1675,  4  vol.  in-12;  — 
Itinerario  délia  Cor  te  di  Roma,  overo  teatro 
délia  sede  apostolica,  dataria  e  caneellaria 
roman  a  ;  Valenza  (Genève),  1675,  3  vol. 
in-12;  —  Vita  del  calolico  rè  Filippo  II,  mo- 
narcha  délie  Spagne ;  Coligny  (Genève),  1679, 
2  vol.  in-4°  ;  —  Historia  Genevrina  ,•  Amster- 
dam, 1686,  5  vol.  in-12.  La  première  partie  avait 
paru  en  anglais  à  Londres  ett  1681.  L'auteur  n'y 
ménage  pas  les  Genevois;  —  Ritratti historici, 
politiei,  chronologici  délia  Casa  sereMsshna 
eelettorale  de  Brandeburg,  deux  parties  ;  Ams- 
terdam, 1687;  trad.  en  français  par  l'auteur, 
Amsterdam,  1687,  in-12;  —  La  Monarchia 
universale  del  re  Luigi  XIV,  en  deux  parties; 
Amsterdam,  1689,  in-12.  Ici  l'auteur,  qui  avait 
fait  le  panégyrique  de  Louis  XIV,  attaque  vive- 
ment ce  monarque,  contre  lequel  il  appelle  l'Eu- 
rope entière  :  il  est  vrai  qu'alors  Louis  XIV  ve- 
nait de  révoquer  l'édit  de  Nantes  ;  —  Historia, 
overo  vita  di  Elizabetta,  regina  de  Inghil- 
terru,  Amsterdam,  1693,  2  parties,  in-12; trad. 
en  français,  Amsterdam,  1694,  2  vol.  in-12;  — 
Vita  delV  invWissimo  imperadore  Carlo  V ; 
Amsterdam,  1700,  quatre  parties,  avec  gravures 
in-12.  L— z— e. 

Lelong,  Bibliothèque  Historiques  (supplément),  p.  387. 

—  Des  Maizeaux,  Notes  sur  1rs  Lettres  de  Bayle.  —  Ki- 
céron  ,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  ta  litté- 
rature françoise,  t.  Il,  p.  359-379,  et  t.  X,  p.  101-102.  — 
Paquot,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  Pays- 
Bas,  t.  11,  p.  371-391. 

leto  (Giulio  Pomponio).  Voy.  Pomponics. 

l'étoile.  Voy.  Lestoile. 

le  toïtrivecr  (  Charles- Lou\ s-François  • 
Honoré  ),  homme  politique  et  administrateur 
français,  né  à  Granville,  en  1751, mort  àLacken, le  . 
4  octobre  18t7.  Il  était  capitaine  dng<;nieenl789. 
Il  accepta  les  principes  révolutionnaires,  et  fut  dé- 


puté de  la  Manche  à  l'Assemblée  législative  et  à  la 
Convention.  Il  aida  souvent  Carnot  dans  ses  com- 
binaisons militaires,  et  devint  un  des  membres  les 
plus  actifs  du  comité  de  la  guerre.  Lors  du 
procès  de  Louis  XVI,  il  vota  pour  l'appel  au  peu- 
ple ,  puis  pour  la  mort  et  contre  le  sursis.  En  oc- 
tobre 1796,  il  fut  élu  membre  du  Directoire  exé- 
cutif, et  en  sortit  en  mai  1797  (prairial  an  v),par 
suite  de  tirage  au  sort.  Plus  tard  il  devint  ins- 
pecteur général  de  l'artillerie  et  l'un  des  pléni- 
potentiaires chargés  de  négocier  la  paix  avec 
l'Angleterre.  En  1800  il  fut  nommé  préfet  de  la 
Loire-Inférieure,  et  passa  à  la  cour  des  comptes 
en  1810.  Il  fut  banni  en  1816,  comme  régicide, 
et  mourut  dans  1  exil.  H.  L. 

Le  Moniteur  général,  an.  1792,  n°»39,  210.  261,  290,  317, 
343;  an  1er  11,  m,  iv,  v,  vi  passirn.—  IM.Thiers,  Histoire 
de  la  Révolution  française,  t.  V  et  VI,  passim.  —  Mlgri'et, 
Histoire  de  la  Révolution,  l.  IV.  —  Arnault,  Jay,  Jouy, 
Biographie  des  Contemporains. 

letourneux  (Nicolas),  prédicateur  et 
théologien  français,  né  à  Rouen,  le  30  avril 
1640,  mortàParis,le  28  novembre  1686.  Fils  de 
parents  sans  fortune,  il  fut  envoyé  chez  les  jé- 
suites à  Paris.  Après  avoir  fait  sa  philosophie  au 
collège  des  Grassins,  il  devint  vicaire  d'une  pa- 
roisse de  Rouen ,  où  il  se  distingua  par  la  prédi- 
cation. En  1675  il  remporta  un  prix  à  l'Académie 
française.  Venu  à  Paris,  il  obtint  un  bénéfice  à  la 
Sainte-Chapelle  et  une  pension  du  roi.  Louis  XIV 
demandait  un  jour  à  Boileau  qui  était  ce  prédi- 
cateur qu'on  nommait  Letourneux  et  auquel 
tout  le  monde  courait?  —  «Sire,  réponditle  poète, 
Votre  Majesté,  sait  qu'on  court  toujours  à  la  nou- 
veauté :  c'est  un  prédicateur  qui  prêche  l'Évan- 
gile. Quand  il  monte  en  chaire,  il  fait  si  peur  par 
sa  laideur  qu'on  voudrait  l'en  voir  sortir;  et 
quand  il  a  commencé  à  parler,  on  craint  qu'il 
n'en  sorte.  »  Nommé  prieur  de  Villiers-sur-Fère, 
en  Tardinois,  Letourneux  se  retira  dans  son 
prieuré,  et  y  vécut  dans  la  retraite.  11  mourut 
subitement,  à  Paris.  Attaché  aux  sentiments  des 
solitaires  de  Port-Royal,  il  avait  eu  à  subir  quel- 
ques désagréments.  On  cite  de  lui  :  Le  Caté- 
chisme de  la  Pénitence;  1676,  in-12  ;  —  Prin- 
cipes et  Régies  de  la  vie  chrétienne  ;  1688, 
in-12;  —  Explication  littéraire  et  morale  de 
l'Épttre  de  saint  Paul  aux  Romains;  1695, 
in-12;—  Vie  de  Jésus-Christ,  etc.  Sa  tra- 
duction du  Bréviaire  fut  censurée  par  l'official 
de  Paris  en  1688  *  et  Arnauld  prit  sa  défense. 
L'Année  chrétienne,  que  Letourneux  faisait  im- 
primer à  sa  mort,  et  que  Ruth  d'Ans  continua, 
fut  condamnée  à  Rome  sous  Innocent  XI,  en 
•1691.  L'Explication  des  Cérémonies  de  la 
Messe,  de  Letourneux ,  mise  en  tête  d'une  tra- 
duction de  l' Imitation  de  Jésus-Christ,  l'a  fait 
prendre  à  tort  pour  l'auteur  de  cette  traduction, 
que  Goujet  attribue  à  Nicolas  Fontaine.       J.  V. 

iflorérl)  Grand  Oirt.  Histor.  —  Chaudon  et  Delandine, 
Dict.nniv.  Hislor.,  Crit.  et  Bibliogr.—  Barbier,  Dissert. 
sur  soixante  Trad.  de  J'imit.  de  Jesus-Christ. 

letournois  (Nicolas),  savant  bénédictin 
français,  né  au  Havre,  le  22  février  1677,  mort  à 


1015  LETOURNOIS 

l'abbaye  de  Saint-Denis  près  Paris,  le  31  décem- 
bre 1741.  Après  avoir  été  marin  pendant  quel- 
ques années  ,  il  entra  dans  la  congrégation  de 
Saint-Maur,  et  s'adonna  principalement  à  l'étude 
des  langues  orientales,  et  fut  chargé  par  ses  supé- 
rieurs de  terminer  le  Lexicon  Hebraicum  et 
Chaldseo-Biblïcum ,  que  Dom  Guarin  (voy.  ce 
nom)  avait  conduit  jusqu'à  la  syllabe  Mem.  Le- 
tournois  acheva  ce  travail ,  sauf  les  deux  der- 
nières lettres  de  l'alphabet  ;  l'ouvrage  complet 
parut  à  Paris,  en  1746,  2  vol.  in-4°.  E.  G. 

Histoire  de  la  Congrégation  de  Saint-Maur. 

letronne  (Jean- Antoine),  célèbre  critique 
et  archéologue  français ,  né  à  Paris,  le  2  janvier 
1787,  mort  dans  la  même  ville,  le  14  décembre 
1848.  Son  père,  artiste  graveur,  sans  fortune,  le 
destina  à  la  carrière  des  beaux-arts,  et  le  fit  en- 
trer dans  l'atelier  de  David.  Le  jeune  Letronne, 
alors  âgé  d'une  dizaine  d'années,  n'avait  reçu 
qu'une  éducation  première  très-élémentaire; 
mais,  doué  d'un  très-vif  désir  d'apprendre,  d'une 
intelligence  singulièrement  nette  et  d'une  mé- 
moire tenace,  il  savait  déjà  beaucoup  de  choses, 
et  tout  en  fréquentant  l'atelier  de  David  il  trouva 
moyen  de  s'instruire  dans  le  latin  et  les  mathé- 
matiques. Ses  progrès  dans  ce  dernier  genre 
d'études  changèrent  à  son  égard  les  projets  de 
son  père,  qui  résolut  de  le  faire  entrer  à  l'École 
Polytechnique,  dont  l'accès  était  alors  gratuit. 
Letronne  se  préparait  à  passer  ses  examens 
quand  un  malheur  de  famille  le  força  de  renon- 
cer à  l'École  Polytechnique.  Son  père  mourut  en 
1801,  laissant  sans  ressources  une  veuve  et 
deux  fils.  Letronne,  l'aîné,  qui  n'avait  pas  encore 
quinze  ans,  dut  chercher  les  moyens  de  soutenir 
sa  mère  et  son  frère.  Mentelle ,  professeur  de 
géographie,  dont  il  suivait  le  cours  à  l'école  cen- 
trale, frappé  de  son  intelligence  et  de  son  ardeur 
au  travail ,  s'intéressa  à  sa  position,  et  le  prit 
pour  collaborateur  dans  diverses  compilations 
(Dictionnaire  de  Géographie  moderne,  Géo- 
graphie de  toutes  les  Parties  du  Monde  (1)  ), 
et  lui  procura  des  leçons  de  latin  et  de  mathéma- 
tiques. Avec  ce  qu'il  gagnait  chez  Mentelle  et  le 
produit  de  ses  leçons,  il  mit  sa  mère  à  l'abri 
du  besoin  et  aida  son  frère  à  poursuivre  l'étude 
de  la  peinture.  Libre  d'inquiétude  de  ce  côté, 
il  put  «  réaliser  un  projet  qu'il  avait  conçu,  dit 
M.  Walckenaër,  aussitôt  après  avoir  terminé 
ses  études;  c'était  de  les  recommencer  ».  Il 
réapprit  donc  seul  le  latin ,  l'anglais ,  les  ma- 
thématiques, et  se  livra  surtout  avec  ardeur  à 
i'étude  du  grec,  en  suivant  au  Collège  de  France 
le  cours  de  Gail,  helléniste  médiocre,  mais  qui 
avait  la  passion  du  grec,  et  qui  contribua  à  en 
ranimer  le  goût.  Il  montrait  dès  lors  ce  qui  de- 
vait être  sa  qualité  dominante ,  une  étonnante 
promptitude  à  deviner  ce  qu'il  ne  savait  pas. 
Ainsi,  à  une  époque  où  il  ne  possédait  que  des 

(1)  Lelronne  publia  plus  tard  sous  son  nom  un  Cours 
élémentaire  de  Géographie  ancienne  et  moderne,  qui  a 
eu  un  grand  nombre  d'éditions. 


—  LETRONNE 


tOlG 


notions  grammaticales  fort  incomplètes  sur  là 
langue  grecque,  il  s'exerçait  déjà  à  la  correction 
des  textes.  «  Il  achetait  à  vil  prix  les  éditions 
les  plus  incorrectes  des  auteurs  grecs,  celles  qui 
dans  les  premiers  temps  du  renouvellement  des 
études  étaient  souvent  imprimées  d'après  un 
seul  manuscrit  exécuté  par  un  copiste  ignorant. 
Il  faisait,  en  lisant,  toutes  les  corrections  qui  lui 
paraissaient  nécessaires  pour  rétablir  le  sens  des 
phrases  et  l'orthographe  des  mots  ;  quand  il 
avait  terminé  de  cette  manière  la  lecture  d'un 
auteur,  il  la  recommençait  dans  l'édition  la  plus 
estimée ,  la  plus  correcte ,  la  plus  riche  par  ses 
commentaires ,  et  il  comparait  ensuite  son  tra- 
vail improvisé  avec  le  travail  accumulé  des  éru- 
dits  qui  l'avaient  précédé  depuis  deux  siècles  et 
demi.  »  Le  jeune  étudiant  abordait  donc  presque 
sans  préparation  une  des  parties  les  plus  diffi- 
ciles de  la  critique ,  et  sans  doute  il  y  réussis- 
sait souvent  plus  par  instinct  que  par  savoir.  On 
assure  même  qu'il  ne  connut  jamais  parfaite- 
ment la  grammaire  grecque,  ce  qui  faisait  dire 
au  grand  helléniste  allemand  Godefroy  Her- 
mann  :  «  Il  ne  sait  rien ,  mais  il  a  de  la  saga- 
cité. »  Letronne  avait  mieux  que  de  la  sagacité, 
il  avait  le  génie  critique.  Un  passage  difficile  de 
Thucydide  lui  fournit  la  première  occasion  de 
montrer  ce  genre  de  mérite.  Gail  dans  sa  tra- 
duction n'avait  pas  même  aperçu  la  difficulté. 
Letronne  la  signala, et  la  fit  disparaître  par  une 
heureuse  correction.  La  petite  dissertation  qu'il 
publia  à  ce  sujet  dans  les  Annales  des  Voyages 
(1808)  fut  remarquée  ;  Gail  y  donna  son  assenti- 
ment, et  proposa  au  jeune  érudit  de  nouvelles 
difficultés  à  résoudre.  Mais  la  santé  de  Letronne, 
affaiblie  par  l'excès  du  travail,  ne  lui  permit  pas 
de  répondre  à  cet  appel.  11  accepta  une  offre 
qui  lui  fut  faite  de  suivre  un  riche  étranger  dans 
ses  voyages.  D'octobre  1810  à  juin  1812,  il  par- 
courut le  midi  de  la  France,  l'Italie  et  la  Suisse. 
De  retour  à  Paris,  il  s'annonça  aux  érudits  par 
une  lettre  où  il  corrigeait  plusieurs  passages 
d'Eunape,  de  Thucydide,  de  Plutarque,  de 
Pausanias  et  d'autres  auteurs;  par  une  disserta- 
tion où  il  déterminait  la  topographie  de  Syra- 
cuse pour  servir  à  l'intelligence  du  siège  de  cette 
ville  dans  Thucydide,  et  surtout  par  une  édi- 
tion du  livre  Sur  la  Mesure  de  la  Terre,  com- 
posé en  Irlande  au  commencement  du  neuvième 
siècle  par  le  moine  Dicuil.  Walckenaër,  qui  l'avait 
publié  pour  la  première  fois  d'après  deux  manus- 
crits fautifs,  promettait  d'en  donner  une  seconde 
édition  avec  des  corrections  et  un  commentaire. 
Letronne  prit  les  devants,  et  il  soumit  son  tra- 
vail au  premier  éditeur,  qui  l'approuva  de  très- 
bonne  grâce,  et  engagea  M.  Firmin  Didot  à  le 
publier.  Cet  ouvrage  (1814)  et  un  excellent  ar- 
ticle sur  le  Pausanias  de  Clavier  valurent  au 
jeune  géographe  l'honneur  d'être  choisi  par  le 
gouvernement  en  1815  pour  terminer  la  traduc- 
tion de  Strabon  commencée  par  Laporte-Dutheil. 
En  même  temps  l'Académie  des  Inscriptions,qui 


1017 

désirait  le  compter  parmi  ses  membres,  mit  au 
concours  une  question  qui  rentrait  dans  l'ordre 
de  ses  études,  Le  Système  métrique  des  Égyp- 
tiens ,  et  couronna  le  mémoire,  d'ailleurs  bien 
imparfait,  qu'il  composa  à  ce  sujet.  Mais,  dans 
l'intervalle ,  il  entra  à  l'Académie  des  Inscrip- 
tions par  l'ordonnance  du  22  mars  1816,  et  l'o- 
pinion publique ,  sévère  pour  d'autres  membres 
de  l'Institut  qui  devaient  leur  titre  à  la  môme  me- 
sure ,  n'en  voulut  pas  à  Letronne  de  tenir  de  la 
faveur  royale  ce  qu'il  aurait  certainement  ob- 
tenu de  l'élection  académique.  Il  était  de  ceux  à 
qui  tout  réussit.  Agé  de  vingt-neuf  ans,  et  n'en 
paraissant  guère  plus  de  vingt,  il  aimait  le 
monde  et  y  était  recherché.  Il  y  portait  «  l'ala- 
crité d'esprit  et  de  corps  d'un  artiste  ou  d'un 
écolier  qui,  pour  se  délasser,  s'est  échappé  de 
son  atelier  ou  de  sa  classe.  Ses  manières,  libres 
et  faciles ,  sa  parole,  prompte  et  brève,  qui  au- 
raient déplu  dans  un  autre,  plaisaient  en  lui, 
parce  qu'elles  ajoutaient  à  cet  air  d'adolescence 
qui  réjouissait  en  le  voyant.  11  chantait  agréa- 
blement. Ii  parlait  gaiement  de  choses  sérieuses, 
et  sérieusement  de  peinture ,  de  musique  et  de 
romans  (1)  ».  Cet  heureux  érudit  obtint  la  bien- 
veillance des  ministres  et  des  gouvernements  qui 
de  son  vivant  se  succédèrent  en  France.  Direc- 
teur de  l'École  des  Chartes  en  1817,  il  fut  nommé 
en  1819  inspecteur  général  de  l'université  et  ap- 
pelé en  1831  à  la  chaire  d'histoire  du  Collège  de 
France.  Il  échangea  l'année  suivante  sa  place 
d'inspecteur  général  des  études  contre  celle  de 
conservateur  des  antiques  de  la  Bibliothèque 
royale,  et  devint  le  12  novembre  1832  direc- 
teur-président du  conservatoire  de  cette  biblio- 
thèque. Il  fut  nommé  en  1838  administrateur 
du  Collège  de  France,  et  quitta  la  chaire  d'histoire 
pour  celle  d'archéologie.  Enfin ,  il  succéda  en 
1840  à  Daunou  comme  garde  général  des  archives 
du  royaume.  A  toutes  ces  places  il  ajoutait  de 
nombreuses  distinctions  académiques,  car  la 
plupart  des  corps  savants  et  littéraires  de  l'Eu- 
rope tinrent  à  se  l'attacher.  Il  porta  légèrement 
le  poids  de  tant  d'occupations,  et  trouva  du 
temps  pour  les  devoirs  de  famille.  Quoique  ri- 
chement marié,  il  voulut  faire  lui-même  l'édu- 
cation de  ses  enfants. 

L'énumération  des  travaux  de  Letronne  peut 
seule  donner  une  idée  de  son  activité  intellec- 
tuelle; mais  avant  de  citer  ses  ouvrages  il  im- 
porte de  bien  caractériser  son  talent  et  d'indi- 
quer les  principales  questions  auxquelles  il 
l'appliqua.  Letronne  était ,  dans  toute  la  force  du 
terme,  un  esprit  critique,  c'est-à-dire  qu'il 
excellait  à  discerner  dans  une  agrégation  de  faits 
les  éléments  positifs  des  éléments  fictifs ,  et  une 
fois  le  partage  accompli  avec  une  sûreté  de  coup 
d'oeil  qui  n'était  presque  jamais  en  défaut ,  il 
excellait  à  reformer  avec  les  seuls  éléments  po- 
sitifs une  agrégation  nouvelle.  Ce  pouvoir  de  dé- 
fi) Walckenaër,  Éloge  delLetronne. 


LETRONNE  1018 

truire  et  de  reconstruire  était  porté  chez  lui  à 
un  degré  de  précision  extraordinaire;  mais  Le- 
ttonne s'enfermait  dans  des  limites  relativement 
étroites.  Sans  beaucoup  d'élévation  ni  grande 
initiative,  il  avait  presque  toujours  besoin  d'un 
point  de  départ  extérieur  ;  il  lui  fallait  quelque 
préjugé  bien  accrédité  à  détruire,  quelque  il- 
lustre confrère  à  convaincre  d'erreur  ou  de  sot- 
tise. La  polémique  était  essentiellement  dans  ses 
goûts ,  et  bien  qu'elle  lui  ait  inspiré  quelques-uns 
de  ses  meilleurs  ouvrages,  et  qu'il  y  ait  déployé 
les  plus  rares  qualités,  la  sûreté  des  vues,  la 
variété  du  savoir,  la  finesse  du  jugement,  la 
netteté  du  style,  la  vivacité  ironique  de  l'argu- 
mentation, on  peut  regretter  qu'il  se  soit  trop 
complu  dans  ces  discussions ,  surtout  si  elles 
l'ont  empêché  d'achever  ses  travaux  sur  l'Egypte, 
l'étude  favorite  de  sa  vie  et  son  principal  titre  de 
gloire. 

L'expédition  d'Egypte  et  le  grand  ouvrage 
qui  exposa  les  résultats  scientifiques  et  littéraires 
de  l'occupation  française  avaient  mis  ce  pays  à 
la  mode.  Les  érudits  de  cette  époque  aimaient  à 
chercher  dans  le  voisinage  des  pyramides  le  ber- 
ceau de  la  civilisation  grecque,  comme  d'autres 
savants  le  cherchent  aujourd'hui  dans  l'Inde  et 
dans  l'Assyrie.  Ils  attribuaient  à  la  civilisation  de 
l'Egypte  une  antiquité  prodigieuse,  qui  leur  pa- 
raissait attestée  par  des  planisphères  célestes  ou 
zodiaques  découverts  à  Esneh  et  à  Denderah. 
Dupuis  s'était  servi  des  mêmes  planisphères 
comme  d'un  témoignage  irrécusable  de  l'origine 
astronomique  de  toutes  les  religions  y  compris 
le  christianisme;  de  sorte  que  ces  zodiaques 
fournissaient  à  la  fois  des  arguments  contre  l'o- 
riginalité de  la  civilisation  grecque  et  la  divinité 
du  christianisme.  Letronne  démontra  que,  loin 
de  remonter  à  une  haute  antiquité ,  ils  datent  du 
temps  des  empereurs  romains.  Cette  belle  dé- 
couverte, que  toutes  les  recherches  subséquentes 
sur  l'Egypte  ont  pleinement  confirmée  ,  fit  éva- 
nouir le  système  de  Dupuis  et  bien  d'autres  hy- 
pothèses ;  elle  faisait  prévoir  de  nouvelles  dé- 
couvertes. En  effet,  en  étudiant  avec  soin  les 
nombreuses  inscriptions  rapportées  d'Egypte, 
Letronne  parvint  à  déterminer  avec  une  préci- 
sion jusque  là  inconnue  la  chronologie  des  Pto- 
lémées,  et  cette  fois  encore  il  eut  le  plaisir  de 
voir  ses  conjectures  confirmées  par  les  investi- 
gations postérieures.  Ces  découvertes  donnèrent 
à  Letronne  une  sorte  d'autorité  supérieure  dans 
tout  ce  qui  concernait  l'Egypte,  et  il  vit  af- 
fluer dans  son  cabinet  toutes  les  inscriptions 
grecques  et  latines  que  les  voyageurs  rappor- 
taient de  ce  pays.  Il  s'occupa  de  les  restituer, 
de  les  interpréter,  de  les  commenter,  et  se  ré- 
serva d'en  faire  un  recueil  complet,  qui  devait 
être  le  couronnement  de  sa  carrière.  Comme 
spécimen  de  son  habileté  dans  ce  genre  de  tra- 
vaux, il  publia  un  mémoire  instructif  et  pi- 
quant sur  la  statue  de  Memnon.  On  sait  que  les 
Grecs  avaient  donné  le  nom  de  leur  poétique 


1019 


LETRONNE 


1020 


Memnon,  fils  de  Tithon  et  de  l'Aurore,  à  une  sta- 
tue colossale  trouvée  dans  le  Memnonium 
(  quartier  des  tombeaux)  de  Thébes.  Ce  colosse, 
fendu  à  moitié  par  suite  d'un  tremblement  de 
terre,  faisait  entendre  au  lever  du  soleil  des  sons 
harmonieux  (  à  ce  que  prétendent  poétiquement 
les  touristes  grecs  ou  romains  dans  les  nom- 
breuses inscriptions)  ou  plutôt  une  vibration 
reiii,;issante.  Les  beaux  esprits  d'Alexandrie  et 
de  Rome  trouvaient  assez  naturel  que  le  fils  de 
l'Aurore  saluât  sa  mère  par  un  chant  matinal  ; 
mais  cette  explication  ne  pouvait  suffire  aux 
modernes,  qui  en  imaginèrent  plusieurs,  entre 
autres  celle-ci  :  qu'un  prêtre  caché  dans  le  co- 
losse faisait  entendre  les  sons  merveilleux  (1). 
Letronne,  en  interprétant  avec  sa  sagacité  ordi- 
naire les  inscriptions  recueillies  par  Sait  (2), 
prouva  que  les  sons  plus  ou  moins  harmonieux 
de  la  statue  étaient  un  effet  de  la  dilatation  pro- 
duite par  les  rayons  du  soleil  sur  le  colosse  à 
moitié  fendu.  En  effet  la  statue  n'avait  com- 
mence à  chanter  qu'après  le  tremblement  de 
terre  de  l'an  27  avant  J.-C,  et  quand  on  eut 
réparé  le  colosse  les  chants  cessèrent. 

Sur  d'autres  questions  qui  étaient  moins  de 
sa  compétence,  la  peinture  murale  chez  les  an- 
ciens ,  les  antiquités  du  moyen  âge ,  à  propos  du 
prétendu  cœur  de  saint  Louis  trouvé  derrière  le 
maître-autel  de  la  Sainte  Chapelle  de  Paris, 
Letronne  montra  autant  de  perspicacité  et  d'as- 
surance ;  mais  s'il  releva  avec  une  finesse  impi- 
toyable les  erreurs  de  ses  adversaires  ,  il  en 
commit  lui-même  de  nombreuses.  On  voyait 
bien  qu'il  n'était  pas  là  sur  son  terrain.  Cepen- 
dant, même  en  archéologie ,  il  atteignit  vite  une 
véritable  supériorité  (3),  qu'il  déploya  un  peu 
trop  souvent  aux  dépens  de  ses  confrères. 

Mais  ces  travaux,  si  variés  et  en  général  ex- 
cellents, n'étaient  que  des  épisodes  de  sa  carrière, 
et  il  revenait  toujours  à  son  recueil  des  inscrip- 
tions de  l'Egypte.  Il  en  avait  réuni  sept  cents 
grecques  et  latines.  Il  les  divisa  en  trois  classes  : 
Inscriptions  relatives  à  la  religion;  inscrip- 

(1)  Strabon  chez  les  anciens  inclinait  déjà  vers  cette 
hypothèse. 

(2)  La  Société  littéraire  royale  de  Londres,  formée  en 
1821  sur  le  pl;in  de  l'Académie  des  Inscriptions,  fit  rele- 
ver par  le  consul  anglais  en  Egypte,  Sait,  les  inscriptions 
du  colosse  de  Memnon  données  déjà,  mais  moins  parfai- 
tement, par  Pockoke.  La  Société  transmit  ces  copies  à 
Letronne,  qu'elle  avait  inscrit  parmi  ses  membres  hono- 
raires. 

(3)  M.  Maury  en  c\te  un  curieux  exemple.  «Il  s'agissait 
d'expliquer  <  dans  une  inscription  apportée  de  Beyrout  ) 
les  deux  derniers  mots  qui  suivaient  une  ligne  effacée  et 
qui  avaient  été  eux-mêmes  incorrectement  transcrits. 
Les  lignes  précédentes,  également  incomplètes,  sem- 
blaient n'avoir  aucune  liaison  avec  ces  derniers  mots 
problématiques.  A  force  de  les  méditer  et  de  rechercher 
tout  ce  qui  pouvait  se  rapporter  au  pays  dans  lequel 
l'inscription  avait  été  trouvée,  à  l'époque  qu'elle  indiquait 
par  sa  forme  et  sa  teneur,  Letronne  arriva  à  conclure 
l'existence  d'un  aqueduc  romain,  élevé  sur  des  arcades, 
et  dont  il  donna  pour  ainsi  dire  les  dimensions  et  dé- 
termina la  place.  Un  habile  voyageur  alla  sur  les  lieux, 
et  l'aqueduc,  inconnu  jusque  alors,  fut  retrouve  :  il  était 
encore  en  partie  debout,  a 


tlons  relatives  au  gouvernement  et  à  l'intérêt 
privé  et  administratif;  inscriptions  chré- 
tiennes. La  première  partie  a  seule  paru,  et  forme 
deux  volumes  avec  un  atlas.  Letronne  avait  l'in- 
tention de  joindre  à  ce  grand  ouvrage  un  recueil 
plus  intéressant  et  peut-être  plus  neuf;  c'est  le 
texte  des  papyrus  trouvés  dans  les  tombeaux  de 
l'Egypte,  et  qui,  interprétés,  commentés  avec  le 
savoir  et  la  sagacité  de  l'habile  critique,  avaient 
révélé  les  particularités  les  plus  essentielles  de 
l'administration  et  les  détails  les  plus  intimes  de 
la  vie  domestique  des  Égyptiens.  Malheureuse- 
ment une  mort  que  la  robuste  santé  de  Letronne 
ne  faisait  pas  prévoir  l'enleva  avant  qu'il  eftt 
terminé  son  œuvre. 

On  a  de  lui  :  Essai  critique  sur  la  topogra- 
phie de  Syracuse  au  commencement  du  cin- 
quième siècle  pour  faire  suite  aux  éditions  et 
traductions  de  Thucydide;  Paris,  1812,  in-8°; 

—  Recherches  géographiqttes  et  critiques  sur 
le  livre  De  Mensura  orbis  Terrae,  composé  en  Ir- 
lande, au  commencement  du  neuvième  siècle, 
par  Dicuil,  suivi  du  texte  restitué;  Paris, 
1814,  in-8°;  —  Recherches  sur  les  fragments 
d'Héron  d'Alexandrie,  on  histoire  du  sys- 
tème métrique  des  Égyptiens  depuis  le  règne 
des  Pharaons  jusqu'à  l'invasion  des  Ara- 
bes, mémoire  couronné  par  l'Académie  des  Ins- 
criptions en  18 j 6,  et  publié  après  la  mort  de 
Fauteur;  —  Considérations  générales  sur 
l'évaluation  des  monnaies  grecques  et  ro- 
maines et  sur  la  valeur  de  Vor  et  de  l'argent 
avant  la  découverte  de  l'Amérique;  Paris, 
1817,  in-4°;  —  Recherches  pour  servir  à  l' his- 
toire d'Egypte  pendant  la  domination  des 
Grecs  et  des  Romains;  Paris,  1823,  in-8p;  — 
Observations  critiques  et  archéologiques  sur 
l'objet  des  représentations  zodiacales  qui 
nous  restent  de  l'antiquité;  Paris,  1824, 
in-8°  ;  —  Lettre  à  M.  Joseph  Passalacqua  sur 
un  papyrus  grec  et  sur  quelques  fragments 
de  plusieurs  papyrus  appartenant  à  sa  col- 
lection d'antiquités  égyptiennes  ;  1826,  in-8°; 

—  Analyse  critique  du  recueil  d'inscriptions 
grecques  et  latines  de  M.  le  comte  de  Vidua  ; 
1828,  in-8°;  —  Essai  sur  les  idées  cosmo logi- 
ques qui  se  rattachent  au  nom  d'Atlns  ,  con- 
sidérées dans  leurs  rapports  avec  les  repré- 
sentations antiques  de  ce  personnage  fabu- 
leux;  dans  le  Bulletin  de  Férussac,  février 
1831  ;  —  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire 
du  christianisme;  Paris,  1833,  in  4°;  —  La 
Statue  vocale  de  Memnon  considérée  dans  ses 
rapports  avec  l'Egypte  et  la  Grèce;  Paris,  1833, 
in-4°  ;  —  Lettres  d'un  Antiquaire  à  un  Artiste 
sur  l'emploi  de  la  peinture  historique  murale 
dans  la  décoration  des  temples  et  des  autres 
édifices  particuliers  chez  les  Grecs  et  les  Ro- 
mains; Paris,  1835,  in  8°  ;  —  Appendice  aux 
Lettres  d'un  Antiquaire  à  un  Artiste  sur  l'em- 
ploi de  la  peinture  murale;  Paris,  1837, 
in-8°;  —  Sur  l'Origine  grecque  des  Zodiaques 


1031 


LETRONNE 


prétendus  égyptiens;  Paris,  1837,  in-8°;  — 
Sur  l'Origine  du  zodiaque  grec  et  sur  plu- 
sieurs points  de  l'uranographie  et.  de  la 
chronologie  des  Chaldéens;  Paris,  1840,  in-4°; 
—  Fragments  des  poëmes  géographiques  de 
Srymnus  de  Chio  et  du  faux  Dicéarque  res- 
titués principalement  d'après  un  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  royale,  précédés  d'obser- 
vations littéraires  et  critiques  sur  ces  frag- 
ments ,  sur  Scylax,  Marcien  d'Héraclée,  Isi- 
dore de  Charac ,  et  le  Stadiasme  de  la  Mé- 
diterranée, pour  servir  de  suppl.  à  toutes 
les  éditions  des  Petits  Géographes  grecs  ; 
Paris.  1840,  in-8°;  —  Examen  critique  de  la 
découverte  du  cœur  de  saint  Louis  faite  à  la 
Saintc-C/utpeUc,  le  iâmai  1843;  Paris,  1844, 
in-8°;  —  Addition  à  ^'Examen  critique  de  la 
découverte  du  prétendu  cœur  de  saint  Louis  ; 
sur  l'authenticité  d'une  lettre  de  Thibaud, 
roi  de  Navarre,  relative  à  la  mort  de  saint 
Louis  ;  —  Recueil  des  inscriptions  grecques  et 
latines  de  l'Egypte,  étudiées  dans  leur  rap- 
port avec  l'histoire  politique ,  l'administra- 
tion intérieure,  les  institutions  civiles  et 
religieuses  de  ce  pays,  depuis  la  conquête. 
d'Alexandre  jusqu'à  celle  des  Arabes  ;  Paris, 
1842,  1848,  2  vol.  in-4°.  Ces  ouvrages  ne  con- 
tiennent qu'une  partie  des  productions  de  Le- 
tronne;  il  a  inséré  dans  le  Magasin  encyclopé- 
dique, le  Bulletin  universel  de  Ferussac,  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions,  la 
Biographie  universelle,  la  Revue  des  Deux 
Mondes,  la  Revue  archéologique ,  et  surlout 
dans  le  Journal  des  Savants,  dont  il  fut  depuis 
1817  le  collaborateur  assidu,  une  foule  d'articles 
d'un  grand  mérite.  11  est  à  désirer  qu'un  éditeur 
réunisse  ces  opuscules  qui  formeraient  un  tré- 
sor d'érudition  classique  et  de  discussion  cri- 
tique. L.  J. 

Burnouf  et  Quatremère,  Discours  prononcés  aux 
lunérailles  de  Letrorine  ;  Paris,  1848.  —  Egger,  Notice 
sur  Letronne  ;  dans  le  Journal  de  l'Instruction  publique, 
30  décembre  1848.  —  Maury ,  Notice,  dans  la  Revue  Ar- 
chéologique. 1849,  t.  V,  et  dans  I.e  Moniteur,  mai,  4  et  S, 
1853.  —  Walk enàfir,  kloue  de  Letronne;  dans  son  Re- 
cueil de  A'ntices  historiques  ;  Paris,  1850.—  Bourquelot  et 
Maury,  La  Littérature  Française  contemporaine. 

letrosse  (Guillaume-François)  ,  publi- 
ciste  et  économiste  français,  né  à  Orléans,  le 
13  octobre  1728,  mort  à  Paris ,  le  26  mai  1780. 
Son  père  était  conseiller  au  bailliage  et  présidial 
d'Orléans.  Installé  en  1753,  comme  avocat  du 
roi  à  la  même  cour,  Letrosne  conserva  cet  office 
pendant  vingt-deux  ans.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Methodica  Juris  naturalis  cum  jure 
civiii  collatio;  1750,  in-4°;  —  Discours  sur 
le  droit  des  gens  et  sur  l'état  politique  de 
l'Europe  ;  Amsterdam  (Paris),  1762,  in-12;  — 
La  Liberté  du  commerce  des  Grains  toujours 
utile  et  jamais  nuisible;  Paris,  1764,  1765, 
in-12;  —  Éloge  historique  de  M.  Polhier, 
1773,  in-12  ;  —  De  l'Ordre  et  de  l'Intérêt  so- 
cial; Paris,  1777,  in-8°;  —  Vues  sur  la  Jus- 
tice criminelle;  Paris,   1777,   in-8°;  —  De 


—  LETTSOM  1022 

l'Administration  provinciale,  et  delà  Réforme 
de  l'impôt ,  suivi  d'une  Dissertation  sur  la 
Féodalité;  Bâle,  1779,  in-4°  :  ouvrage  couronné 
par  l'Académie  de  Toulouse;  — Mémoires,  Con- 
sultations, Actes  de  notoriété  et  Délibérations 
sur  la  question  du  jeu  de  fief  et  le  sens  de 
l'article  7  de  la  Coutume  d'Orléans  ;  Orléans, 
1780,  in-  i".  Les  œuvres  économiques  de  Le- 
trosne ont  été  réimprimées  dans  la  Collection 
des  principaux  Économistes  de  Guillaumin. 

J.  V. 
Eug.  Daire,  Notice  dans  la  Collection  des  principaux 
Économistes  .-  Physiocrates.  — .  Dict.  de  l'Économie  po- 
litique. 

*!.etteris  (Maximilien),  orientaliste  al- 
lemand, d'origine  hollandaise,  naquit  à  Lem- 
berg,  en  1801.  Versé  dans  la  science  rabbinique, 
cjocteur  en  philosophie  et  membre  de  plusieurs 
sociétés  savantes,  il  a  publié  :  des  recueils  de 
poésies  hébraïques,  imitées  d'Homère,  de  Vir- 
gile, deSchiller,  de  Byron,  etc.;  1S29  et  1834; 
—  Imitation  hébraïque  A'Esther  et  d'Athalie  de 
Racine;  —  Poésies,  du  moyen  âge  en  hébreu, 
avec  des  commentaires,  et  trad.  allem.  ;  Prague, 
1845-1847,  in-8°;  —  des  Commentaires  de 
l'Ancien  Testament,  et  un  grand  nombre  d'ar- 
ticles dans  des  journaux  ou  recueils  périodiques 
qu'il  a  fondés  à  Vienne. 

Docum.  part. 

lettice  (Jean),  théologien  et  poète  anglais, 
né  à  Rushden,dansle  comté  deNorthampton,  en 
1737,  mort  à  Peasemarsh,  le  18  octobre  1832. 
Fils  d'un  ministre  anglican,  parent  du  docteur 
William  Cleaver,  évêque  de  Saint-Asaph  et  du 
docteur  Eusèbe  Cleaver,  archevêque  de  Dublin. 
Il  fut  élevé  à  l'école  d'Oakham  et  admis  en 
1756  au  Sidney-Sussex-collége  à  Cambridge.  A 
la  mort  de  son  père,  il  put  poursuivre  ses  études 
académiques.  Agrégé,  puis  professeur  public  et 
prédicateur  de  l'université,  il  remporta  en  1764  le 
prix  Seatonien  pour  un  poème  Sur  la  Conversion 
de  saint  Paul,  et  il  traduisit  en  vers  blancs  le 
poëmelatin  deHawkins  BrowneSî<r  l'Immorta- 
lité de  rdme.Ilaccompagna  sir  Robert  Grunning 
comme  chapelain  et  secrétaire  de  l'ambassade 
anglaise  à  Copenhague,  et  assista  à  la  révolution 
de  palais  qui,  en  1772,  coûta  la  vie  à  Struensée 
et  la  couronne  à  la  reine  Caroline-Mathilde. 
Lettice  visita  diverses  contrées  de  l'Europe  ,  et 
obtint  au  retour  la  cure  de  Peasemarsh-,  dans  le 
Sussex,  et  une  prébende  de  la  cathédrale  de 
Chichester.  On  a  de  lui  :  The  Antiquities  of 
Herculanum  ;  1773;  —  Tour  through  various 
parts  oj  Scotland;  1792;  —  Fables  for  the 
fire  side;  1812,  2  vol.  in-8°;  —  Structures  on 
Elocution  ;  1821  ;  —  Miscellaneous  Pièces  on 
sacrcd  subjects  in  prose  and  verse;  1821.   Z. 

Annual  Bioyraphy.  —  Gorton,  General  Hiographical 
Dictionary. 

lettsoih  (John  Coakley),  mé-decin  anglais, 
né  en  1744,  dans  l'île  de  Little-van-Dyke,  près 
de  Tortola,  dans  les  Indes  occidentales,  mort  à 
Londres,  le  1er  novembre  1815.  Sa  famille,  origi- 


1023  LETTSOM 

naire  du' comté  de  Chester,  avait  embrassé  les 
doctrines  des  quakers.  A  six  ans  Lettsom  fut 
envoyé  en  Angleterre  et  placé  à  une  école  près 
de  Warrington ,  où  le  docteur  Fothergill  sur- 
veilla ses  études.  Après  avoir  appris  les  belles- 
lettres,  la  physique,  l'histoire  naturelle  et  les 
éléments  de  la  médecine,  il  passa  quelque  temps 
dans  une  pharmacie  de  Settle,  dans  le  Yorkshire, 
selon  un  usage  habituel  alors  en  Angleterre , 
afin  de  se  familiariser  avec  la  matière  médicale. 
Il  entra  ensuite  à  l'hôpital  de  Saint-Thomas. 
Obligé  de  retourner  aux  Indes  occidentales  pour 
recueillir  la  succession  de  son  père,  il  y  donna 
la  liberté  à  ses  esclaves,  et  réduisit  ainsi  sa  for- 
tune; il  lui  resta  seulement  les  moyens  de 
revenir  en  Europe  achever  ses  études.  Il  visita 
la  France,  la  Hollande  et  l'Ecosse,  fut  reçu  doc- 
teur à  Leyde,  et  vint  se  fixer  à  Londres.  On  a  de 
lui  :  The  natural  History  of  the  Thea-Tree  , 
and  effects  of  thea-drinking  ;  Londres,  1772, 
1784,  1800,  in-4°;  traduit  en  français,  1773, 
in-12;  —  The  Naturalist's  and  Traveller's 
Companion,  containing  instructions  for  col- 
lecting  and  preserving  objects  of  natural 
history;  Londres,  1772,  1774,  1800,  in-8°  ;  tra- 
duit en  français  par  le  marquis]  de  Lezay-Mar- 
nesia;  Paris,  1775,  in-12;  —  Reflections  on 
the  gênerai  Treatement  and  Cure  of  Fevers  ; 
Londres,  1772,  in-8"  ;  —  Médical  Memoirs  of 
ihe  gênerai  Dispensary  o/London; Londres, 


1024 
1774,  in-4o;  traduit  en  français,  Paris/;  1787, 
in-8o  ;  —  Improvement  o/Medecinein  London, 
on  the  basis  of  public  good  ;  Londres,  1775, 
in-8°  ;  —  History  of  the  Origine  of  Médecine 
and  Oralion  delivered  at  the  anniversary 
meeting  o)  the  Médical  Society  of  London, 
january  19,  1778,  to  which  are  since  added 
varions  historical  illustrations;  Londres, 
1778,  in-8°;  —  Hortus  Uptonensis  ;  1780, 
in-8°  ;  —  Some  Account  of  the  Life  of  the  late 
John  Fothergill;  Londres,  1783,  in-8°;  — 
Hints  designed  to  promole  beneficence,  tem- 
pérance and  médical  science;  Londres,  1797, 
3  vol.  in-8°  ;  —  Observations  on  religions 
persécutions; Londres,  1800,  in-8°; —  Obser- 
vations on  the  Cowpox't  Londres,  1801,in-8°; 
—  An  Address  to  Parents  and  Guardians  of 
Children  and  others  on  variolous  and  vac- 
cine inoculation  ;  Londres,  1803,  in-8°.  Lettsom 
a  été  l'éditeur  de  Travels  through  the  interior 
part  of  North  America,  in  the  years  1766, 
1767  and  1768,  byJ.  Carver  ,-1774, 1778,1780, 
in-8°;  etde/l/owHo/o/a  Voyage  lo  the  South 
Sea  in  his  majestifs  ship  the  Endeavourer, 
faithfully  transcribed  from  the  papers  of 
the  late  Sydney  Parkinson;  Londres,  1784, 
in-8°.  L.  L— t. 

Pettlgrew ,  Memoirs  of  the  Life  and  Jfritings  of  the 
late  Dr  IMtsom:  Londres,  1817,  3  vol.  in-8°.  —  Rose,  A 
new  gen.  Biog.  Dictionary.  —  Desgenettes,  dans  la  Bio- 
graphie Médicale. 


FIN  BU   TRENTIEME  VOLUME.