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NOUVELLE
BIOGRAPHIE GÉNÉRALE
DEPUIS
LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
JUSQU'A NOS JOURS
TOME TRENTIEME.
Lavoisier. — Lettsom.
PAKIS. — TYPOGRAPHIE DE FIKMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie , RUE JACOB, 5f>.
NOUVELLE
BIOGRAPHIE GÉNÉRALE
LES TEMPS LES PLUS RECULES
JUSQU'A NOS JOURS,
AVEC LES RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
HT L'INDICATION DES SOURCES A CONSULTER ;
PUBLIÉE PAK
MM. FI UN IN DIDOT FRÈRES,
SOUS LA DIRECTION
DE M. LE Dr HOEFEK
lame Hventième
VKh
PARIS,
FIRM1N DIDOT FRÈRES, FILS ET C'«, ÉDITEURS,
IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE LINSTITUT DE FRANCE,
RUE JACOB, 5H.
M DGCC LIX.
Les éditeurs se réservent le droit de traduction et de reproduction à l'étranger.
es 20
NOUVELLE
BIOGRAPHIE
GÉNÉRALE
DEPUIS LIS TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU'A NOS JOUES.
lavoisier (Antoine- Laurent), le principal
fondateur de la chimie moderne, né à Paris, le
26 août 1743 (1), guillotiné le 8 mai 1794. Il reçut
de son père, riche commerçant, une éducation
soignée, et comptaitparmi les meilleurs élèves du
collège Mazarin. Les sciences surtout avaient
pour lui le plus vif attrait : il suivait les cours
d'astronomie de La Caille à l'Observatoire , ma-
nipulait dans le laboratoire de Rouelle au Jardin
des Plantes, et accompagnait Bernard de Jussieu
dans ses herborisations. Il ne vivait, pour ainsi
dire, qu'avec ses maîtres et ses condisciples.
Aussi dès l'âge de vingt-et-un ans put-il con-
courir pour le prix extraordinaire de l'Aca-
démie des Sciences, qui avait, en 1764, proposé
pour prix de trouver la meilleure manière
d'éclairer les rues d'une grande ville, en
combinant ensemble la clarté, la facilité
du service et l'économie. On raconte qu'il fit
teindre sa chambre en noir et qu'il s'y en-
ferma pendant six semaines sans voir le jour,
afin de rendre ses yeux plus sensibles aux diffé-
rentes intensités de la lumière des lampes. Le
prix de 2,000 fr. fut partagé entre trois artistes,
que la question avait entraînés à des dépenses
onéreuses. Lavoisier, qui l'avait traitée en savant,
obtint une médaille d'or, qui lui fut remise
dans l'assemblée publique, le 9 avril 1766, et
son mémoire fut imprimé par ordre de l'A-
cadémie. L'année précédente il avait recueilli,
dans un voyage minéralogique entrepris avec
Guettard , les matériaux d'un mémoire, égale-
ment imprimé par ordre de l'Académie, Sur les
Couches des Montagnes; ce mémoire fut bien-
tôt suivi d'un autre Sur l'Analyse des Gypses
des environs de Paris, ainsi que de divers ar-
ticles insérés dans les recueils scientifiques
(1) C'est la date donnée par J. Lalande dans le Maga-
sin encyclopédique de Millin, t. V, année 1795.
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXX.
d'alors, Sur le tonnerre, Sur l'aurore boréale,
Sur le passage de l'eau à l'état de glace, etc.
Ces travaux lui ouvrirent, en 1768, les portes de
l'Académie. Il y succédait à Baron, et avait eu pour
concurrent le minéralogiste Jars, qui était vive-
ment appuyé par Buffon, Trudaine, et recommandé
même par le premier ministre. C'est Lalande
qui nous apprend ces détails : « Je contribuai,
ajoute le célèbre académicien, à l'élection de La-
voisier, quoique plus jeune (il n'avait que vingt-
cinq ans) et moins connu, par cette considéra-
tion qu'un jeune homme qui avait du savoir, de
l'esprit, de l'activité et que sa fortune dispensait
d'avoir une autre profession, serait naturelle-
ment très-utile aux sciences (1). »
Le titre d'académicien ne le fit que redoubler
d'efforts pour le progrès de sa science favorite :
son temps et sa fortune étaient employés à des
expériences de chimie; c'est principalement
pour subvenir à ces expériences coûteuses,
qu'il sollicita et obtint, en 1769, une place de
fermier général. Régulièrement un jour par se-
maine, Lavoisier réunissait chez lui des savants
français et étrangers pour leur soumettre les ré-
sultats de ses recherches et provoquer des ob-
jections ou l'émission d'idées nouvelles; ces con-
férences étaient une académie dans l'Académie,
mais une académie militante, qui battait en brèche
l'édifice vermoulu de la chimie ancienne, offi-
cielle. Un ministre qui savait découvrir le vrai
mérite, Turgot, appela en 1776 le grand chimiste
à la direction générale des poudres et salpêtres.
Les expériences que Lavoisier fit à-Essonne, et qui
coûtèrent malheureusement la vie à plusieurs
assistants, l'amenèrent à perfectionner la poudre
à canon au point de donner cent toises de portée
dans les circonstances où avant lui la meilleure
poudre ne portait qu'à quatre-vingt-dix toises,
(1J Magas. Encyclop., t. V, p. 176.
3
LAVOISIER
Il lit en même temps supprimer les recherches
que l'on l'ai sait jusque alors dans les maisons pour
se procurer du salpêtre, et parvint à quintupler
la production de ce sel, en délivrant la France
du tribut qu'elle payait à l'Angleterre pour le
nitre des Indes. La chimie appliquée à l'agricul-
ture occupait aussi ses loisirs. De 1778 à 1785
il taisait valoir par lui-même deux cent qua-
rante arpents de terre dans le Vendômois, afin,
comme il disait , de donner des exemples utiles
aux habitants de la campagne : « Il récol-
tait, rapporte Lalande, trois setiers là où les
procédés ordinaires n'en donnaient que deux;
au bout de neuf ans il avait doublé la produc-
tion. » Pour encourager encore l'agriculture , il
proposa de diminuer l'intérêt de l'argent et d'au-
toriser des baux de vingt-sept ans.
Député suppléant à l'Assemblée nationale,
Lavoisier présenta, dans la séance du 21 no-
vembre 1789, le compte rendu de la Caisse d'Es-
compte. « Nous venons, dit-H, au nom de la
compagnie de la Caisse d'Escompte, remercier l'as-
semblée de ce qu'elle avait bien voulu seconder
ses désirs, en nommant des commissaires qui,
après un examen réfléchi , fussent en état de
présenter un tableau exact de sa situation, de ses
moyens, de ses ressources et de son crédit. La
plupart des personnes qui s'élèveraient contre
cet établissement n'en parleraient que d'après
des préventions d'autant plus injustes, qu'elles
dissimuleraient même le bien qu il avait pu pro-
duire (1) ». Nommé, en 1791, commissaire de la
trésorerie, il proposa, pour simplifier la percep-
tion des impôts, un nouveau plan qu'il devait
développer dans un ouvrage spécial intitulé : De
la richesse territoriale du royaume de France.
De cet ouvrage, qui classe Lavoisier au premier
rang des économistes de son temps, il ne parut
qu'un résumé sous forme d'une brochure ( exces-
sivement rare); Paris, Imprim. nat.., 1791,in-8°
(réimprimé en 1819). Voici en quels termes
le Moniteur du 26 mai 1791 en a rendu compte :
« Ce travail n'est pas de nature à être extrait.
Nous nous bornons à citer un calcul très -pa-
triotique, et dont l'exactitude arithmétique pa-
raît démontrée : « Les ci-devant nobles, en y
comprenant les anoblis, formaient un trois-cen-
tième de la population du royaume, et leur
nombre, hommes, femmes et enfants compris,
n'étaient que de 83,000, dont 18,323 seulement
étaient en état de porter les armes. Les autres
classes de la société, celles qu'on avait coutume
de confondre sous la dénomination de tiers
état, peuvent fournir un rassemblement de
5,500,000 hommes en état de porter les armes. »
Lavoisier prit une part très-active aux tra-
vaux de la commission pour le nouveau système
des poids et mesures. Il avait fait construire
dans le jardin de l'Arsenal un appareil où des
règles métalliques, plongées dans l'eau et sou-
(i) Moniteur, 1789, n« •>.
mises à différents degrés de température, faisaient
mouvoir une lunette qui marquait, sur un ob-
jet éloigné, les plus faibles dilatations; et lors-
qu'en 1793 il s'agissait de mesurer une base
pour la nouvelle méridienne, c'est Lavoisier qui
fournit les thermomètres de métal qu'on em-
ploya pour la triangulation opérée entre Lieu-
saint et Melun. Comme trésorier de l'Académie,
il mit de l'ordre dans les comptes et les inven-
taires : « Il fit, ajoute un de ses savants collè-
gues (1), tourner au profit des sciences des fonds
morts que l'Académie avait , sans le savoir.
Enfin, l'on trouvait Lavoisier partout; il suffisait
à tout par sa facilité et son zèle, qui étaient
également admirables. Un homme aussi rare,
aussi extraordinaire, devait, ce semble, être
respecté par les hommes les moins instruits et
les plus méchants. Il fallait que le pouvoir fût
tombé dans les mains d'une bête féroce qui ne
respectait rien et dont l'ambition aveugle et
cruelle sacrifiait tout à l'espoir de plaire o,\
peuple : on crut que le sacrifice des fermiers
généraux pourrait lui plaire. » Supposant les
hommes meilleurs qu'ils ne sont et avec la con-
viction des services rendus à la science et à
l'humanité, Lavoisier avait, jusqu'au dernier
moment, conservé l'espoir d'être sauvé. Peu de
temps avant sa mort, qui est une des plus grandes
taches de la révolution française,il disait à Lalande
qu'il « prévoyait qu'on le dépouillerait de tous ses
biens, mais qu'il travaillerait, qu'il se ferait phar-
macien pour vivre ». Le bureau des consultations
tenta,par l'organe de Halle, un suprême effort pour
sauver l'illustre victime; il présenta au tribunal
de sang un rapport détaillé sur les travaux de
Lavoisier : tout fut inutile; la tête du grand
citoyen roula sur l'échafaud ; c'était le quatrième
des vingt-huit fermiers généraux qui périrent
le même jour. Son beau-père, M. Paulze, dont
il avait épousé la fille en 1771, fut guillotiné le
troisième (2).
Lavoisier ne laissa pas de postérité. Il était
d'une physionomie gracieuse et spirituelle, grand
de taille, d'un caractère doux, sociable et obli-
(1) Lalande, dans la notice citée.
(2) Le massacre Judiciaire des fermiers généraux avait
été provoqué par le rapport d'un nommé Dupin, membre
de la Convention (moniteur, 1792, n° 227 ); les considé-
rants portent ; « Convaincus d'être auteurs ou complices
d'un complot tendant à favoriser le succès des ennemis
de la France (c'était là le considérant banal, appliqué
Indistinctement à toutes les victimes du tribunal révo-
lutionnaire), notamment en exerçant toutes espèces
d'exactions et de concussions sur le peuple français , en
mêlant au tabac de l'eau et des Ingrédients nuisibles à
la santé des citoyens qui en faisaient usage, en prenant
six et dix pour cent tant pour l'intérêt de leur caution-
nement que pour la mise des fonds nécessaires à leur
exploitation, tandis que la loi ne leur aicordait que
quatre, en tenant dans leurs mains des fonds provenant
des bénéfices qui devaient être versés dans le trésor
public, en pillant le peuple et le trésor national pour
enlever à la nation des sommes immenses et nécessaires
à la guerre contre les despotes coalisés et les fournir à
ees derniers, etc., ont été condamnes à la peine de
mort.... » (. Moniteur, 19 floréal, an n).
LAVOISIER
6
géant. A ce portrait, Lalande ajoute : « Sou cré-
dit, sa réputation, sa fortune, sa place à la tré-
sorerie, lui donnaient une prépondérance dont il
ne se servait que pour faire le bien, mais qui
n'a pas laissé de lui faire des jaloux. J'aime à
croire qu'ils n'ont pas contribué à sa perte. »
Cette remarque , pleine de réticences , est fort
triste. Parmi ses collègues les plus capables
d'apprécier la valeur de Lavoisier, il y en avait
de très-influents : pourquoi les membres de
l'ancienne Académie des Sciences ne tentèrent-ils
pas une démarche en commun pour soustraire
à la mort une de leurs plus grandes illustrations ?
Analyse des travaux de Lavoisier. La dé-
couverte de l'oxygène est une des preuves les
plus éclatantes à l'appui de la thèse que nous
avons toujours soutenue , savoir que toutes les
grandes découvertes , comme toutes les idées
vraiment fécondes , sont le patrimoine du genre
humain, qu'elles existent d'abord comme à l'état
'citent, qu'elles sont ensuite pendant leur période
il !! çubation plus ou moins nettement signalées
par quelques esprits d'élite, jusqu'à ce qu'enfin
elles viennent à éclore sous le souffle du génie.
C'est là ce que nous avons montré entre autres
pour la découverte de l'Amérique et du système
du monde ( voy. Christophe Colomb et Koper-
nik. ) ; la découverte de l'oxygène le fera encore
mieux ressortir.
Dans l'antiquité , quelques philosophes grecs
avaient avancé que l'air contient l'aliment du
feu et de la vie. Mais c'était là une de ces as-
sertions vagues qui, faute de preuves, passèrent
inaperçues. A la fin du moyen âge, un alchimiste
allemand, Eck de Sulzbach, observa, l'un des
premiers, que les métaux augmentent de poids
quand on les calcine. Ce fait, il le démontra
par une expérience précise (la calcination du
mercure), qui fut répétée au mois de novembre
1489. Ce n'est pas tout. D'où vient cette aug-
mentation de poids? « Cette augmentation vient,
répond cet alchimiste, de ce qu'un esprit s'unit
au corps du métal; et ce qui le prouve,
ajoute-t-il, c'est que le cinabre artificiel (oxyde
rouge de mercure) soumis à la distillation dé-
gage un esprit. » A cet esprit il ne manquait
plus, comme on voit, que le nom de gaz oxy-
gène (1). Mais, à son tour, cet esprit d'où vient-
il? Ce fut un médecin périgourdin, Jean Rey, qui
répondit le premier à cette importante question
dans un petit livre in-8° (de 142 pages) publié
à rëazasen 1630, sous le titre : Essays sur la
recherche de la cause pour laquelle l'estain
et le plomb augmentent de poids quand on
les calcine. « A cette demande doncques , je
responds, dit-il, et soustiens glorieusement que
ce surcroit de poids vient de l'air, qui dans
le vase a esté espessi , appesanti et rendu aucu-
nement adhésif par la véhémente et longuement
continue chaleur du fourneau, lequel air se mesle
(1) foy, Theatrum Chemicum., 1. 1.
avec la chaux ( oxyde de plomb ou d'étain ) et
s'attache à ses menues parties. » Ce qui nous
parait aujourd'hui si simple était alors une af-
firmation bien hardie, contraire à l'opinion de
tous les physiciens, qui n'admettaient pas la ma-
térialité de l'air. Le novateur lui-même ne se
faisait à cet égard aucune illusion : « Je prévois
très-bien, ajoute Rey, que j'encourray d'abord
le reproche de téméraire, puisque je choque
quelques maximes approuvées depuis longs
siècles parla plupart des philosophes. » — Mais,
est-ce tout l'air ou une partie seulement de ce
fluide, ainsi démontré pondérable, qui se fixait
sur les métaux? Pour répondre eufin à cette
dernière question, qui ne fut complètement ré-
solue que par Lavoisier, il fallait d'abord trouver
le moyen de recueillir l'air de manière à l'étu-
dier commodément. Ce moyen, qui peut aujour-
d'hui paraître d'une simplicité puérile, ne fut
inventé qu'au commencement du dix-huitième
siècle, par un physicien français, qui habitait à
Paris dans une misérable mansarde de la rue
Saint-Hyacinthe. Pour gagner sa vie, il avait
résolu de faire un cours de manipulations : il
l'annonçait ainsi par voie d'affiches : La ma-
nière de rendre l'air visible et assez sensible
pour le mesurer par pintes ou par telle
autre mesure que l'on voudra; pour Jaire
des jets d'air, qui sont aussi visibles que
des jets d'eau. La première expérience qu'il
devait faire consistait à montrer, à l'aide de
cloches renversées dans des cuves d'eau , que
« tout est plein d'air et que nous en sommes en-
vironnés de toutes parts, comme les poissons
sont environnés d'eau au fond des mers. » Moi-
trel (c'est le nom du pauvre physicien) avait
demandé sur la valeur de ses travaux un rap-
port à l'Académie ; mais les princes de la science
le traitèrent de visionnaire , d'esprit malade et le
tuèrent moralement : personne ne vint à son se-
cours. Pour ne pas mourir de faim , Moitrel en-
treprit alors de résumer ses idées dans une bro-
chure « dédiée aux dames », et imprimée en
1719; elle se vendait trois seus, chez Thiboust,
imprimeur libraire au Palais de Justice (1).
Sans la méthode de Moitrel , toute la chimie
des gaz et partant toute la chimie moderne se-
rait peut-être encore à créer. Cependant le nom
de Moitrel est aussi obscur que celui d'Eck de
Sulzbach. C'e3t le cas de rappeler que la gloire
même est une ehance : combien d'hommes mé-
ritants sont ensevelis dans un éternel oubli,
parce qu'aucune voix ne les a célébrés : curent
quia vate sacro !
Quoique si bien préparée et de si longue date,
la découverte de cette « partie de l'air qui en-
tretient la vie et la combustion » , fut encore
retardée de près d'un siècle par la fameuse
(1) Voy. l'analyse détaillée dej cette curieuse et raris-
sime brochure dans notre Hist. de la Chimie, tome II,
p. 312-345.
LAVOISIER
8
théorie du phlogistique, dont les partisans étaient
aussi nombreux qu'opiniâtres. Cependant les re-
cherches « sur la fixation de l'aii » se multi-
plièrent dans presque tous les pays de l'Eu-
rope. C'est l'histoire de ces recherches qui de-
vint, en 1773, pour Lavoisier l'objet d'un travail
spéoial, consigné dans la première partie de
ses Opuscules physiques et chimiques , dont
la lre édition parut en 1777 (1). Cette his-
toire commence au gaz sylvestre de Van Hel-
mont et se termine par une notice de Beaumé
sur Vair fixe (2), après avoir passé en revue
Y air artificiel de Boyle, les expériences de
Haies sur la quantité de fluide élastique
qui se dégage des corps , dans les combinai-
sons et dans les décompositions ; les expé-
riences de Venel sur les eaux appelées acidu-
lés et sur le fluide élastique qu'elles contien-
nent, la théorie de Black sur l'air fixé dans
les terres calcaires, et sur les phénomènes
que produit en elles la privation de ce même
air, les recherches du comte de Saluées sur le
fluide élastique qui se dégage de la poudre
à canon , les expériences de Cavendish sur la
combinaison de l'air fixe avec différentes
substances, la théorie de Meyer sur la calci-
nation des terres calcaires, le développement
de la théorie de Black sur l'air fixe par
Jacquin , la Réfutation de la théorie de Bach,
Mactride et Jacquin par Crans, les recher-
ches de Smeth sur les émanations élastiques
qui se dégagent des corps, les recherches de
Priestley sur les différentes espèces d'air, les
expériences de Duhamel sur la chaux , les
observations de Bouelle sur l'air fixe et sur
ses effets dans certaines eaux minérales,
enfin les expériences de Bacquet Sur l'air qui
se dégage des corps dans le temps de leur
décomposition. — Les chimistes ne s'étaient
guère occupés autrefois que de la manipulation
des corps solides et liquides ; mais dès le milieu
du dix-septième siècle leur attention se portait
sérieusement sur un ordre de corps nouveaux,
sur les gaz ou fluides élastiques ; telle est la si-
gnification de la partie du livre que Lavoisier
a lui-même intitulée : Précis historique sur
les Émanations élastiques qui se dégagent
des corps pendant la combustion, pendant
la fermentation et pendant les effervescen-
ces (3). Dans la seconde partie, qui a pour titre:
Nouvelles Recherches sur l'existence d'un
fluide, élastique fixé dans quelques substan-
ces, et sur les phénomènes qui résultent de
son dégagement ou de sa fixation, l'auteur
répète d'abord lui-même les principales expé-
riences de Black, de Meyer, de Jacquin, de Crans
(1) ta seconde et dernière édition { que nous avons
sons les yeux ) parut en 1801 ; Paris ( Déterville).
(2i Page 1 à 188 de la 2e édit. des Opuscules Physiques
et Chimiques.
(3) C'est le titre de la première partie des Qmscules
Physiques et Chimiques.
et de Smeth, et il en conclut <•• que le môme
fluide élastique qui a été reconnu dans la craie
existe également dans les alcalis fixes et vola-
tils ; qu'il en peut être chassé par la dissolu-
tion dans les acides , et que l'effervescence qu'on
observe dans le moment de la combinaison est
un effet du dégagement de ce fluide (1). »
Si l'on voit dans l'histoire des sciences non
plus un champ clos de misérables débats de
priorité , mais une immense arène où l'esprit
humain se trouve aux prises avec des croyances
invétérées , avec les formes ondoyantes de la
vérité qui échappe au moment où l'on croit la
saisir, si enfin on vient à éclairer cette lutte
prodigieuse au flambeau du progrès péniblement
acquis à travers la marche du temps, on trou-
vera dans l'histoire des sciences ainsi comprise
à la fois les effets du drame le plus saisissant
et les leçons du plus haut enseignement.
Voyons plutôt. Après le préambule historique,
Lavoisier aborde hardiment la solution du pro-
blème proposé. Sachant que la calcination des
métaux ne peut avoir lieu dans des vaisseaux
exactement fermés et privés d'air, et qu'elle est
d'autant plus prompte que le métal offre à l'air
des surfaces plus multipliées , il commençait à
soupçonner ( selon ses propres expressions )
« qu'un fluide élastique quelconque contenu
dans l'air était susceptible , dans un grand
nombre de circonstances, de se fixer, de se com-
biner avec les métaux, et que c'était à l'addition
de cette substance qu'étaient dus les phéno-
mènes de la calcination, l'augmentation de poids
des métaux convertis en chaux ». Malheureuse-
ment ce soupçon, qui était la vérité même , La-
voisier l'appuya sur des expériences qui l'indui-
sirent d'abord en erreur. Ces expériences con-
sistaient à brûler avec soin , à l'aide d'un miroir
ardent, un mélange pesé de minium (chaux de
plomb) et de charbon dans une quantité d'air
mesurée d'avance. Nous savons le résultat
qu'elles devaient donner : le fluide ( oxygène )
qui par sa combinaison avec le plomb formait
la chaux ( oxyde de plomb), se portait , en aban-
donnant le plomb ( qui redevenait métallique ),
sur le charbon pour produire un nouveau fluide
(gaz acide carbonique), et cela sans changer
sensiblement le volume de l'air. Or, le fluide
élastique ainsi obtenu, l'habile et sagace expéri-
mentateur le prit d'abord pour le même que celui
qui se fixe sur le métal pendant sa calcination.
Évidemment il se trompait; les plus habiles
chimistes, à la place de Lavoisier, se seraient
trompés comme lui: n'oublions jamais, dans nos
jugements, que ce qui nous parait aujourd'hui
si simple et bon pour les écoliers est le fruit des
plus pénibles efforts de nos ancêtres, et que
notre intelligence grandit par la sueur et<le
sang des générations éteintes. Il n'y a pas, dans
toute l'histoire , de spectacle plus grandiose que
(1) Opuscules chim., p. 252.
LAV0IS1ER
10
celui du génie aux prises avec les innombrables
erreurs qui, comme autant de feux-follets,
semblent prendre plaisir à l'égarer, et arrivant
enfin, à force de sagacité et de patience, à la
découverte des vérités, glorieux héritage de la
postérité.
Nous venons de voir que Lavoisier s'était
trompé. Guidé en quelque sorte par l'instinct du
vrai , il recommence ses expériences , et cette
fois il parvient à conclure « que ce n'est point
le charbon seul, ni le minium seul , qui produit
le dégagement de fluide élastique ainsi obtenu,
mais que celui-ci résulte de l'union du charbon
avec le minium ». Cette fois il tenait la vérité,
mais il la lâcha presque aussitôt, pour sacrifier à
une théorie alors régnante, dont il subissait
malgré lui l'empire, en même temps qu'il était
entraîné par cette tendance à la généralisation ,
si naturelle à l'esprit humain. D'après la fa-
meuse théorie du phlogistique , imaginée par
Stahl, le charbon avait la propriété de rendre à
la chaux métallique le phlogistique ( matière du
feu ) que le métal avait perdu par la calcination.
Pour mettre les faits d'accord avec cette théorie,
Lavoisier se hasarde à croire « que tout fluide
élastique résulte de la combinaison d'un coips
quelconque, solide ou fluide , avec un principe
inflammable, ou peut-être même avec la matière
du feu pur, et que c'est de cette combinaison
que dépend l'état d'élasticité : j'ajouterais ( c'est
Lavoisier qui parle) que la substance fixée
dans les chaux métalliques et qui en aug-
mente le poids ne serait pas, à proprement par-
ler, dans cette hypothèse un fluide élastique,
mais la partie fixe d'un fluide élastique , qui a
été dépouillée de son principe inflammable. Le
charbon alors, ainsi que toutes les substances
charbonneuses employées dans les réductions,
aurait pour objet principal de rendre au fluide
élastique fixé le phlogistique , la matière du
feu , et de lui restituer en même temps l'élasti-
cité qui en dépend (1). »
Faites vivre nos savants à l'époque de Lavoi-
sier, et ils n'auraient pas mieux raisonné ; peut-
être, pour juger d'après ce que nous voyons ,
n'y auraient-ils pas mis la même réserve que ce
génie immortel, lorsque, comme correctif de ce
qu'il venait de dire, il s'empresse d'ajouter : « Au
surplus, ce n'est qu'avec la plus grande circons-
pection qu'on peut hasarder un sentiment sur
cette matière si délicate et si difficile, et qui
tient de très-près à une plus obscure encore, je
veux dire la nature des éléments même ou au
moins de ce que nous regardons comme élé-
ments. » D'autres expériences le portèrent à éta-
blir « que l'air dans lequel on a calciné des
métaux n'est point dans le même état que
celui dégagé des effervescences et des réduc-
tions ». Il reconnut en même temps que si tous
deu? éteignent des corps allumés, ils se dis-
(I) Optucules, p. 288.
tinguent l'un de l'autre , en ce que le dernier
(acide carbonique) trouble l'eau de chaux,
tandis que le premier (azote) est à peu près
sans effet sur cette liqueur. Toutes ces données
sont émises avec une extrême réserve ; il y en a
qui reposent sur des expériences évidemment
inexactes, comme celle qui prétend qu'un oiseau
pourrait vivre sans souffrir dans le résidu (azote)
de l'air dans lequel on a brûlé du phosphore. Ce
qu'il y a de curieux, c'est que cette dernière
erreur se trouve solennellement confirmée dans
le rapport fait au nom de l'Académie des Sciences
par Macquer, Le Roy, Cadet et de Trudaine,
chargés d'examiner l'ouvrage de leur illustre
collègue (1). Voici les termes du passage par
lequel l'Académie sanctionne cette erreur :
« Enfin, l'air dans lequel le phosphore avait cessé
de brûler sous cloche , faute de renouvellement
de l'air, éprouvé sur les animaux, ne les a pas
fait périr, comme celui des effervescences et des
réductions métalliques, quoiqu'il éteignit la
bougie dans le moment même où il en touchait
la flamme. »
Un point surtout avait, dans presque toutes
ces expériences, vivement frappé l'attention de
Lavoisier, c'est que « la calcination des métaux
dans des vaisseaux exactement fermés cesse dès
que la partie fixable de l'air qui y est contenu a
disparu ; que l'air se trouve diminué d'environ
un vingtième par l'effet de la calcination et que
le poids du métal se trouve augmenté d'autant ».
C'est de ce point que vont désormais rayonner
la plupart de ses travaux. Dès 1774, revenant sur
le même sujet, le grand chimiste lut à l'Académie,
dans la séance publique de la Saint-Martin, son
beau mémoire qui a pour titre : Sur la calci-
nation de l'étain dans les vaisseaux fermés
et sur les causes de l'augmentation de poids
qu'acquiert ce métal pendant cette opération.
Un célèbre physicien anglais, Robert Boyle, avait
calciné du plomb et de l'étain dans des vases
de verre hermétiquement fermés ; mais l'aug-
mentation de poids qu'il avait trouvée au métal,
il l'attribuait à la fixation de la matière du feu
qui devait avoir passé à travers les pores du
verre. Lavoisier entreprit de contrôler les ex-
périences de Boyle , en partant de ce raisonne-
ment :
« Si l'augmentation de poids des métaux calcinés
dans les vaisseaux fermés est due, comme le pen-
sait Boyle, à l'addition de la matière du feu qui
pénètre à travers les pores du verre et se combine
avec le métal , il s'ensuit que si, apri's avoir intro-
duit une quantité connue de métal dans un vais-
seau de verre et l'avoir scellé hermétiquement, on en
détermine exactement le poids, qu'on procède en-
suite à la calcination par le feu des charbons,
comme l'a fait Boyle, enfin qu'on repèse le même
vaisseau après la calcination, avant de l'ouvrir
(1) Ce rapport, publié le 7 décembre 1773, se trouve
imprimé à la fin des Opuscules Physiques et Chimiques,
p. 364-387.
ii
LAVOISIER
i:
son poids doit se trouver augmenté de toute la quan-
tité de matière du feu qui s est introduite pendant
la caleination. Si, au contraire , l'augmentation de
poids de la chaux métallique n'est point due à la
combinaison de la matière du feu- ni d'aucune ma-
tière extérieure, mais à fa fixation d'une portion
de l'air contenu dans la capacité du vaisseau , le
vaisseau ne devra point être plus pesant après la
caleination qu'auparavant ; il devra seulement se
trouver en partie vide d'air, et ce n'est que du mo-
ment où la portion d'air manquante sera rentrée
que l'augmentation de poids du vaisseau devra
avoir lieu, s
Fortde ce raisonnement parfaitemeraent fondé,
Lavoisier répéta les expériences de Boyle, en les
variant d'une mauière ingénieuse (1) : il en con-
clut « qu'on ne peut calciner qu'une quantité
déterminée d'étain dans une quantité d'air don-
née, et que les cornues scellées hermétiquement,
pesées avant et après la portion d'étain qu'elles
contiennent, ne présentent aucune différence de
pesanteur, ce qui prouve évidemment que l'aug-
mentation de poids qu'acquiert le métal ne pro-
vient ni de la matière du feu ni d'aucune matière
extérieure à la cornue ». — Il remarque aussi en
passant, mais sans y insister, « que la portion de
l'air qui se combine avec les métaux est un peu
plus lourde que l'air de l'atmosphère, et que
celle qui reste après la caleination est au con-
traire un peu plus légère; de sorte que dans
cette supposition l'air atmosphérique forme-
rait, quant à sa pesanteur spécifique, un ré-
sultat moyen entre ces deux airs ». — « Mais,
ajonie-t-il, il faut des preuves plus directes
pour prononcer sur ce sujet...... C'est le sort
de tous ceux qui s'occupent de recherches phy-
siques et chimiques d'apercevoir un nouveau pas
à faire sitôt qu'ils en ont fait un premier, et
ils ne donneraient jamais rien au public s'ils at-
tendaient qu'ils eussent atteint le bout de la car-
rière qui se présente successivement à eux, et
qui paraît s'étendre à mesure qu'ils avancent. »
C'est là le langage du génie allié à la mo-
destie, alliance si rare, hélas, de nos jours. Et
cependant, rien de plus exact que ce qu'il
donnait ici sous forme d'hypothèse; c'est ainsi
que sans même s'en douter l'on marche de
découverte en découverte quand une fois on se
trouve engagé dans la voie de la vérité. Enfin,
l'auteur termine son mémoire par cette conclu-
sion capitale, savoir « qu'une portion de l'air
est susceptible de se combiner avec les substances
métalliques pour former des chaux, tandis qu'une
autre portion de ce même air se refuse constam-
ment à cette combinaison; cotte circonstance
fait soupçonner que l'air de l'atmosphère n'est
point un être simple, qu'il est composé de deux
substances très-différentes,., que la totalité de
l'air de l'atmosphère n'est pas dans un état res-
pirable, que c'est la portion salubre qui se com-
bine avec les métaux pendant leur caleination,
(1) Détails extraits de son Journal d'Expériences, à la
date du 14 février 1774.
et que ce qui reste après la caleination est une
espèce de mofette, incapable d'entretenir la res-
piration des animaux ni la combustion des
corps » (1).
L'air n'est point un corps simple : c'est de
cette déclaration que date le 89 de la chimie :
rompant avec toutes les traditions du passé , elle
devint le signal d'une explosion universelle d'at-
taques et d'injures de la part des chimistes at-
tachés aux croyances anciennes. L'auteur de la
grande révolution de la science moderne fut
brûlé à Berlin en effigie par les partisans du
phlogistique, en attendant qu'il tombât lui-même,
dans sa ville natale, victime de la grande révo-
lution politique. La fable de Prométhée n'est-ce
pas une allégorie de l'expiation du génie?
De ce que l'air n'était point un élément il n'y
avait plus qu'un pas à faire pour appliquer la
même conclusion à l'eau. Mais il fallait auparavant
montrer aux plus incrédules cette portion sa-
lubre qui mêlée à une espèce de mofette com-
pose l'air de l'atmosphère. Le piomb et l'étain,
qui avaient particulièrement servi à ce genre
d'expériences, absorbent bien par la caleination
Vêlement salubre , mais ils ne le rendent plus
par la même opération ; et comme on ne peut
guère l'enlever qu'avec du charbon, on obtient,
comme nous l'avons dit, un air aussi irrespi-
rable (quoique tout autre) que celui qui reste
après la caleination du plomb ou de l'étain
dans l'air. Heureusement ( la bonne fortune a
aussi sa part aux grandes découvertes) il existe
un métal, bien connu des alchimistes, un métal
étrange, liquide, qui remplit merveilleusement
toutes les conditions nécessaires à l'analyse en
question. Le mercure, en effet, comme le savait
déjà Eck de Sulzbach, a la propriété d'abandon-
ner, sans autre intermédiaire que la continua-
tion de la chaleur, la portion d'air qu'il avait
absorbée par la caleination ; il est facile ensuite
de recueillir cet air dans des vases appropriés.
Mais laissons parler ici Lavoisier lui-même :
« L'air qui restait après la caleination du mer-
cure et qui avait été réduit aux cinq sixièmes de
son volume, n'était plus propre à la respiration ni
à la combustion ; car les animaux qu'on y introdui-
sait y périssaient en peu d'instants, et les lumières
s'y éteignaient sur-le-champ, comme si on les eût
plongées dans l'eau. D'un autre côté, j'ai pris qua-
rante-cinq grains de matière rouge (chaux de mer-
cure ) qui s'était formée pendant l'opération ; je
les ai introduits et chauffés dans une très-petite
cornue de verre , à laquelle était adapté un appa-
reil propre à recevoir les produits liquides et aéri-
formes qui pourraient se séparer. Lorsque la cor-
nue a approché de l'incandescence, la matière rouge
a commencé à perdre peu à peu de son volume, et
en quelques minutes elle a entièrement disparu ;-en
même temps il s'est condensé dans le petit récipient
Ai grains { de mercure coulant, et il a passé sous
la cloche 7 à 8 pouces cubes d'un fluide élastique
beaucoup plus propre que l'air de l'atmosphère à
(1) Mém, de l'dcad. des Sciences, année 1774, p. 366.
13
entretenir la combustion et la respiration des ani-
maux. Ayant fait passer une portion de cet air
dans nn tube de verre d'un pouce de diamètre,
et y ayant plongé une bougie, elle y répandait un
éclat éblouissant; le charbon, au lieu de s'y con-
sommer paisiblement comme dans l'air ordinaire,
y brûlait avec flamme et une 8ortede décrépitation,
a la manière du phosphore, et avec une vivacité
de lumière que les yeux avaient peine à supporter.»
C'est à cet air, seul propre à entretenir la
combustion et la respiration , que Lavoisier
donna le nom d'oxygène « en le dérivant, dit-il,
de deux mots grecs ô?û;, acide et ydvo\t.ai, fen-
gendre » ( 1). Il le découvrit, comme il l'avoue
lui-même, presque'en même temps que Pries-
tley en Angleterre et Scheele en Suède. Quant
à la partie non respirable de l'air, Lavoisier l'ap-
pela azote, de l'a privatif des Grecs et de Çwy],
vie. Oxygène et azote ont depuis remplacé
les noms, un instant usités, d'air vital ou res-
pirable (air déphlogistiqué de Priestley, et air
empiréal de Scheele) et d'air non respirable.
Depuis lors l'oxygène devint le point de dé-
part de travaux aussi nombreux qu'importants ;
il servit de base à la nomenclature chimique,
et fut rangé en tête de tous les corps réputés
simples. L'étude de ce gaz fut pour ainsi dire
un objet de mode. Entraîné par son puissant
esprit de généralisation, Lavoisier fit entrer
Yoxygène dans la composition de tous les
acides et de toutes les bases. Pour réduire en
même temps le langage de la science à quel-
ques règles fort simples, il donnait aux acides
la désinence ique lorsqu'ils contiennent le plus
d'oxygène, et en eux quand ils en contiennent
moins (acide sulfurique, ac. sulfureux, etc.);
il désignait les bases par le nom d' oxydes, et
faisait terminer en ates ou en ites , suivant le
degré d'oxygénation de l'acide , tous les sels ,
c'est-à-dire les composés des acides avec les bases
(sulfate de fer, sulfite de fer, etc.), innova-
tion des plus heureuses, en ce qu'elle prévient
de longues périphrases et aide à mieux graver les
faits dans la mémoire. Cette importante réforme
du langage chimique Lavoisier l'opéra en com-
mun avec Guy ton de Morveau (voy. ce nom).
Rien de plus curieux et d'instructif à la fois
que le développement d'une erreur enfantée par
l'exagération d'une théorie. L'oxygène étant le
générateur des acides par excellence, l'esprit
de sel ou acide muriatique, obtenu par la réac^
tion de l'acide sulfurjque sur le sel marin, devait
aussi avoir l'oxygène pour élément : c'était là
une erreur. Voici le raisonnement du grand chi-
miste ; nous le donnons comme une leçon à
méditer aux savants d'aujourd'hui, qui, eux
aussi, semblent exagérer bien des idées : « Quoi-
(1) Lavoisier se trompe ici : yeivofiat ou plutôt ■yivo-
u,ca, signifie je devient; c'est Yevvâw qui veut dire
j'engendre ,• le terme ainsi formé devrait donc être oxy-
génète et non oxygène. Mais on peut pardonner à un
grand chimiste d'avoir ignoré le grec.
LAVOISIER 14
qu'on ne soit pas encore parvenu, dit Lavoisier,
ni à composer, ni à décomposer l'acide qu'on
retire du sel marin, on ne peut douter cependant
qu'il ne soit formé, comme tous les autres ,
de la réunion d'une base acidifiable avec l'oxy-
gène. Nous avons nommé cette base inconnue
base muriatique , radical muriatique , en
empruntant ce nom du mot latin murias, donné
anciennement au sel marin. Ainsi, sans pouvoir
déterminer quelle est exactement la composition
de l'acide muriatique, nous désignerons sous
cette dénomination un acide volatil,... dans le-
quel le radical acidifiable tient si fortement à
l'oxygène, qu'on ne connaît jusqu'à présent
aucun moyen de les séparer ». (1) Dans cette
dernière phrase le grand réformateur faisait un
appel aux efforts de tous les chimistes de son
temps. Hélas ! on cherchait dans l'acide mu-
riatique ce qui ne s'y trouve pas , l'oxygène.
Ce n'est pas tout : une erreur devait être suivie
d'une autre. Laissons encore parler Lavoisier :
« L'acide muriatique présente au surplus une
circonstance très-remarquable; il est, comme
l'acide du soufre, susceptible de plusieurs de-
grés d'oxygénation; mais, contrairement à ce
qui a lieu pour l'acide sulfureux et l'acide sulfu-
rique, l'addition d'oxygène rend l'acide muria-
tique plus volatil, d'une odeur plus pénétrante,
moins miscible à l'eau, et diminue ses qualités
d'acide (ceci aurait dû lui être un trait de lu-
mière). Nous avions d'abord été tentés d'expri-
mer ces deux degrés de saturation, comme nous
avions fait pour l'acide du soufre, en faisant
varier les terminaisons. Nous aurions nommé
l'acide le moins saturé d'oxygène acide mu-
rialeux et le plus saturé acide muriatique ;
mais nous avons cru que cet acide, qui présente
des résultats particuliers et dont on ne connaît
aucun autre exemple en chimie, demandait une
exception; et nous nous sommes contentés de
le nommer acide muriatique oxygéné (2). »
Or, ce prétendu acide muriatique oxygéné
était précisément le radical que l'on cherchait :
c'était le chlore, qui ne fut découvert que plus
de quarante ans après (voy. Davt) : il se com-
bine , nous le savons aujourd'hui , non pas avec
l'oxygène, mais avec l'hydrogène, l'un des élé-
ments de l'eau , pour former l'acide chlorhy-
drique, qui est le même que l'acide muriatique.
Cependant le mystérieux radical de l'acide
muriatique était devenu pour Lavoisier l'objet
de toutes ses préoccupations ; il y revenait très-
souvent, et chaque fois avec certaine hésitation :
« Nous n'avons, dit-il ailleurs , nulle idée de la
nature du radical de l'acide muriatique; ce n'est
que par analogie que nous concluions qu'il con-
tient le principe acidifiant ou oxygène. M. Ber-
thollet avait soupçonné que ce radical pouvait
être de nature métallique; mais comme il parait
(1) Lavoisier, Traité élémentaire de Chimie, t. I,
p. 75 ( 3e édit.;.
(?) Ibid., p. 77.
15
LAVOISIER
16
que l'acide muriatique se forme journellement
dans les lieux habités, il faudrait supposer qu'il
existe un gaz métallique dans l'atmosphère , ce
qui n'est pas sans doute impossible, mais ce
qu'on ne peut admettre au moins que d'après
des preuves (1). »
V acide muriatique oxygéné (chlore) s'obtient
en distillant l'acide muriatique sur des oxydes
métalliques (oxydes de maganèse, deplomb,etc),
et se combine avec les bases : c'est à ces deux
circonstances, jointe à l'exagération du rôle de
l'oxygène, qu'il faut attribuer la double erreur
dont nous venons d'esquisser l'historique.
Dès que la composition de l'air fut clairement
démontrée,beaucoup de chimistes entreprirent de
soumettre à l'analyse tous les autres corps réputés
simples. La découverte de l'air inflammable, au-
quel Lavoisier donna le nom d'hydrogène ( gé-
nérateur de l'eau ) amena bientôt celle de la dé-
composition de l'eau en ses deux éléments cons-
titutifs (oxygène et hydrogène). En brûlant une
livre d'esprit-de-vin dans un appareil propre à re-
cueillir toute l'eau qui se dégage pendant la com-
bustion, il en obtint 17 à 18 onces : d'où il conclut
avec justesse que l'esprit-de-vin contient un des
principes de l'eau, l'hydrogène, et que c'est l'air
de l'atmosphère qui fournit l'autre, l'oxygène :
« nouvelle preuve, ajoute-t-il , que l'eau est une
substance composée ». La décomposition de
l'alcali volatil ( ammoniaque ) par Berthollet fit
penser à Lavoisier que les alcalis fixes (potasse
et soude) n'étaient pas non plus des corps sim-
ples : cette conclusion générale fut plus tard
parfaitement confirmée par Davy; mais il se
trompait dans les détails; car il cherchait dans
la potasse et la soude l'un des éléments, l'azote,
qui combiné avec l'hydrogène forme l'ammo-
niaque. Quant à la chaux, la magnésie, la baryte
et l'alumine, « la composition de ces quatre
terres, dit-il, est absolument inconnue; et comme
on n'est point encore parvenu à déterminer
quelles sont leurs parties constituantes et élé-
mentaires , nous sommes autorisés , en atten-
dant de nouvelles découvertes , à les regar-
der comme des êtres simples ». Revenant
ailleurs sur le même sujet, qui devait le préoc-
cuper vivement, puisqu'il définit lui-même la
chimie « la science qui a pour objet de décom-
poser les différents corps de la nature , » il
complète ainsi sa pensée : « Nous ne pouvons
donc pas assurer que ce que nous regardons
comme simple aujourd'hui le soit en effet; tout
ce que nous pouvons dire, c'est que telle sub-
stance est le terme actuel auquel arrive l'analyse
chimique, et qu'elle ne peut plus se subdiviser
au delà dans l'état actuel de nos connaissances.
Il est à présumer que les terres cesseront
bientôt d'être comptées au nombre des sub-
stances simples ; elles sont les seules de cette
classe qui n'aient point de tendance à s'unir à
(1) Lavoisier, Traité élémentaire de Chimie, 1. 1, p. 255.
l'oxygène, et je suis bien porté à croire que cette
indifférence pour l'oxygène tient à ce qu'elles
en sont déjà saturées. Les terres, dans cette ma-
nière de voir, seraient peut-être des oxydes
métalliques Ce n'est, au surplus qu'une
simple conjecture que je présente ici (1). » L'a-
venir, qui est maintenant pour nous le passé,
montra bientôt que le grand chimiste ne s'était
pas trompé dans ses conjectures.
Lavoisier, partageant le sort de tous les esprits
créateurs, se plaignait de n'être pas toujours
bien compris , bien qu'il soit difficile de s'expri-
mer plus clairement que lui. « Presque tous les
corps de la nature, dit-il dans un de ses plus
beaux mémoires (2) , peuvent exister dans trois
états différents : dans l'état de solide, dans celui
de liquide et dans celui de vapeurs , c'est-à-dire
sous forme de fluides aéri formes.... Ces mots
airs, vapeurs, fluides aériformes n'expriment
donc qu'un mode de la matière ; ils désignent une
classe de corps infiniment étendue , et ce prin-
cipe, que je n'ai cessé de répéter depuis plusieurs
années , sans jamais avoir eu la satisfaction
d'être entendu, va nous donner la clef de presque
tous les phénomènes relatifs aux différentes es-
pèces d'air età la vaporisation. » L'auteur part de
là pour établir que si la chaleur change les
corps en vapeur, la pression de l'atmosphère et
en général toute pression apporte à ce change-
ment une résistance déterminable , enfin que « la
tendance des corps volatils à se vaporiser est en
raison directe du degré de chaleur auquel ils sont
exposés et de la raison inverse du poids ou de la
pression qui s'oppose à la vaporisation ». —
Jusqu'à Lavoisier, les chimistes ne s'étaient guère
occupés que des corps liquides et solides ; c'est
ce qui lui valut le titre de fondateur de la chimie
pneumatique.
La physique aussi doit à Lavoisier d'impor-
tants progrès. Son mémoire sur le calorique
témoigne d'un esprit également apte à saisir
l'ensemble et sonder la profondeur des détails.
« Je supposerai, dit-il, dans ce mémoire et (3)
dans ceux qui suivront , que la planète que
nous habitons est environnée de toutes parts
d'un fluide très-subtil, qui pénètre, à ce qu'il
paraît sans exception, tous les corps qui la com-
posent; que ce fluide, qui a été appelé fluide
igné, matière de feu, etc., et que les chimistes
modernes désignent sous le nom de calorique,
tend à se mettre en équilibre dans tous lescorps,
mais qu'il ne les pénètre pas tous avec une égale
(1) Lavoisier, Traité élémentaire de Chimie, t. II,
p. 194-195 (3'' édit.)
(2) Sur quelques substances qui sont constamment dans
Pétât de fluides aériformes, au degré de chaleur et
de pression habituel de l'atmosphère , mémoire déposé à
l'Académie des Sciences, le 5 septembre 1777, publié dans
le t. I, p. 348-385 des Mémoires de Physique et de
Chimie de. L.
(3) Du -principe constitutif de la chaleur, auquel les
chimistes modernes ont donné le nom de calorique,
Acad. des Sclenc, an 1777. Mémoires de Physique et de
Chimie, t. 1, p. 1.
17
LAV0IS1ER
18
facilite ; enfin , que ce fluide existe tantôt dans
un état de liberté , tantôt dans un état de com-
binaison Lorsque j'aurai fait voir que cette
hypothèse est partout d'accord avec les phéno-
mènes , que partout elle explique d'une manière
naturelle et simple le résultat des expériences ,
elle cessera d'être une hypothèse , et on pourra
la regarder comme une vérité. » Voici comment
il rattache l'attraction moléculaire à la gravita-
tion universelle : « Cette loi générale, que les
corps se dilatent par l'effet de la chaleur et se
condensent par l'effet du refroidissement, ne peut
s'expliquer qu'en supposant que les molécules
des corps ne se touchent pas , qu'elles sont au
contraire placées à une certaine distance les unes
des autres Mais si le calorique tend conti-
nuellement, par une cause quelconque, à s'intro-
duire entre les molécules des corps et à les écar-
ter, comment ne cèdent-elles pas à cet "effort ?
Comment ne se désunissent-elles pas ? Et com-
ment concevoir alors qu'il existe des corps so-
lides ? Il faut donc admettre une force dont les
effets soient en opposition avec la précédente ,
qui retienne et lie entre elles les molécules des
corps, et cette force, quelle qu'en soit la cause,
est la gravitation universelle.-» C'est ainsi qu'il
considère les molécules élémentaires des corps
comme obéissant à deux forces, le calorique, qui
tend à les écarter, et l'attraction, qui les rap-
proche; lorsque ces deux forces sont à l'état
d'équilibre, le corps est liquide ; il passe à l'état
aérïforme lorsque la force répulsive, le calo-
rique, l'emporte. L'intervalle qui existe pour
chaque corps entre le degré de chaleur qui
opère la liquéfaction et celui qui opère la va-
porisation , l'auteur l'attribue à la pression de
l'atmosphère. Quant à l'espace que les molécules
laissent entre elles, il n'est pas non plus le même
pour toutes les substances; ce qui doit, selon
lui , faire varier encore les dimensions de cet
espace, c'est la figure des molécules primitives
des corps, puisqu'il est impossible que des
sphères, des tétraèdres, des hexaèdres, des
octaèdres, laissent entre eux des vides d'une
même capacité. C'est pourquoi il faut une quan-
tité de calorique différente pour élever la tem-
pérature de différents corps d'un même nombre
de degrés du thermomètre, ou, ce qui revient au
même, différents corps qui se refroidissent d'un
même nombre de degrés abandonnent une quan-
tité différente du calorique. Pour vérifier ce fait
essentiel, Lavoisier entreprit avec Laplace une
série d'expériences (1), fondées sur ce que « la
quantité de glace que les corps fondent en se
refroidissant, mesure exactement la quantité
de calorique qu'ils abandonnent. »
La chaleur est-elle un fluide ou une force?
Cette grave question, remise depuis quelque
temps à l'ordre du jour par les physiciens, La-
(1) Consignées dans un mémoire intitulé : Sur- le prin-
cipe de la chaleur et les moyens d'en mesurer les ef-
fets ( Mem. de Physique et de Chim., 1. 1 ).
voisier l'aborda avec sa supériorité habituelle. En
partant de l'hypothèse d'un fluide, « on arrive,
dit-il, à cette singulière conséquence, démon-
trée à l'égard de l'atmosphère , et qui le serait
aussi à l'égard du calorique, savoir que si l'on
prend un nombre de distances de la surfaee de
la terre, qui soient en proportion arithmétique,
les densités des caloriques, à ces distances,
seront en proportion géométrique ». D'après
celte hypothèse, le calorique fluide est répandu
dans toute la nature ; il peut se combiner avec les
coips qu'il pénètre, et ainsi combiné (chaleur
latente), il cesse de se communiquer d'un corps
à l'autre et d'agir sur le thermomètre; dégagé de
ses combinaisons et susceptible de se mettre en
équilibre dans les corps, il forme la chaleur
libre. Dans la seconde hypothèse, la chaleur
s'explique par l'oscillation continuelle, quoi-
qu'insensible; des molécules de la matière; con-
sidérée comme force vive , elle est la source des
produits de la masse de chaque molécule par le
carré de sa vitesse. Si l'on met en contact deux
corps de température différente , les quantités de
mouvement qu'ils se communiqueront récipro-
quement seront d'abord inégales ; la force vive
du plus froid augmentera de la même quantité
dont la force vive de l'autre diminuera , et cette
augmentation aura lieu jusqu'à ce que les quan-
tités de mouvement communiquées de part et
d'autre soient égales (1). Cette seconde hypo-
thèse explique mieux certains phénomènes, tels
que celui de la chaleur produite par le frottement
de deux corps. Pourquoi l'impulsion directe des
rayons solaires est-elle inappréciable, tandis que
réfléchis ilsproduisentbeaucoupde chaleur? c'est
que leur impulsion directe est le produit de leur
masse par la vitesse simple ; quoique cette vitesse
soit excessive , leur masse est si petite , que ce
produit est presque nul , au lieu que leur force
vive , étant le produit de leur masse par le carré
de leur vitesse, la chaleur qu'elle représente est
d'un ordre très-supérieur à celui de leur impul-
sion directe (2). L'hypothèse de la chaleur-mou-
vement paraît décidément prévaloir aujourd'hui
dans la science.
Les derniers travaux de Lavoisier portaient
principalement sur l'application de la chimie
à la physiologie. Priestley avait conclu d'une
série d'expériences très-ingénieuses que la res-
piration des animaux avait, comme la calci-
nation des métaux , la propriété de phlogisti-
quer l'air et que celui-ci ne cessait d'être respi-
rable qu'au moment où il était surchargé dephlo-
gistique. Lavoisier était arrivé, comme nous
l'avons vu, à des conclusions toutes opposées à
celles du célèbre physicien anglais. Le premier
il avait constaté que l'air qui a servi quelque
temps à la respiration a, par sa qualité délétère,
(1) Sur le principe de la chaleur et sur les moyens
d'en mesurer les effets , p. 34, dans le t. I des Mem. de
Physique et de Chimie.
(2) lbid.
19 LAVOISIER — IAVRADIO
beaucoup d'analogie avec celui dans lequel unmé
20
tal a été calciné, mais que ces deux airs diffèrent
chimiquement l'tin de l'autre en ce que le premier
précipite l'eau de chaux, tandis que le dernier la
trouble à peine; que l'un est de l'acide carboni-
que et l'autre de l'azote; enfin que, pour ra-
mener à l'état d'air commun ou respirable l'air
qui a été vicié par la respiration, il faut 1° en-
lever à cet air, par un alcali caustique, la portion
d'acide carbonique qui s'y trouve, 2° lui rendre
une quantité d'oxygène égale à celle qu'il a perdue.
Or, voici les conséquences qu'il en tire : « De
deux choses l'une : ou la portion d'oxygène con-
tenue dans l'air est convertie en acide carbonique
en passant par le poumon, ou bien il se fait un
échange dans ce viscère : d'une part, l'oxygène
est absorbé, et de l'autre le poumon restitue à la
place une portion d'acide carbonique presque
égale en volume (1). v De ,ces deux théories,
qui , ne l'oublions pas , ont également pour au-
teur Lavoisier, c'est la dernière qui est aujour-
d'hui adoptée par la plupart des physiologistes.
Il faut cependant ajouter que Lavoisier inclinait
vers la première théorie, et que dès 1777 il avait
soutenu que la respiration est une combustion
lente d'une portion de carbone contenue dans le
sang et que la chaleur animale est entretenue par
la portion de calorique qui se dégage au moment
de la conversion de l'oxygène en gaz acide car-
bonique, comme il arrive dans toute combustion
de carbone; enfin, en 1785, il annonça, dans
un mémoire publié dans le recueil de la So-
ciété de Médecine, que très-probablement la
respiration ne se borne pas à une combustion
de carbone , mais qu'elle occasionne encore la
combustion d'une partie de l'hydrogène contenue
dans le sang; de là une formation à la fois d'eau
et d'acide carbonique pendant l'acte de la res-
piration.
Dans ses deux mémoires Sur la transpiration
des animaux, Lavoisier distingue fort bien la
transpiration cutanée delà transpiration pul-
monaire (2). Pour séparer les produits de cette
double fonction , si nécessaire à l'entretien de la
vie, il employait, dans ses expériences, « un ha-
billement de taffetas enduit de gomme élastique,
qui ne laissait pénétrer ni l'air ni l'humidité ».
On voit, pour le dire en passant, que l'inven-
tion des étoffes imperméables date au moins de
Lavoisier. La différence de la pesée avant d'en-
trer dans l'appareil et après en être sorti don-
nait la perte de poids due aux effets réunis de
la respiration et de la transpiration. En se pe-
sant quelques instants après être entré dans
l'appareil, et quelques instants avant d'en être
sorti, on avait la perte de poids due seulement
à l'acte de la respiration (3). En prenant la
moyenne des effets réunis de la respiration, de la
transpiration cutanée et de la transpiration pul-
(1) Lavoisier, Traité élém. de Chimie, t. II, p. 183.
(2) Mém. de Phys et de Chim., t. II).
(9) Lavoisier, Traité élément, de Chimie, t. II, p. 222.
monaire Lavoisier constata qu'un homme dans
les conditions ordinaires d'âge, de travail et de
santé, éprouve une perte de poids total de 18 grains
par minute, ou de 2 livres 13 onces en vingt-
quatre heures ; que lesdeux extrêmes autour des-
quelles oscille cette moyenne sont de 1 1 et de
32 grains par minute, ou de 1 livre 11 onces
4 gros, et de 5 livres par vingt-quatre heures;
enfin, que le même individu après avoir aug-
menté de poids de toute la nourriture qu'il a
prise , revient tous les jours, après la révolution
de vingt-quatre heures au même poids que la
veille , et que si cet effet n'a pas lieu , l'individu
est dans un état de souffrance ou de maladie.
C'est par les travaux de ce genre que Lavoisier
mérita le titre de philosophe dans le sens qu'y
attachait Descartes : on se rappelle que pour ce
grand chef d'école le principal but de la philoso-
phie était de travailler aux progrès de la méde-
cine et des sciences qui s'y rattachent.
Outre les ouvrages déjà mentionnés , voici les
titres des principaux mémoires de Lavoisier in-
sérésdans le recueil de l'Académie des Sciencesou
dans d'autres recueils : Sur la nature de VEau;
Mém. de l'Acad., année 1770; — Expériences avec
le Diamant; ibid., 1772 ; — Sur la Calcination
de VÉtain;MA., 1774; — Sur la Nature du
Principe qui se combine avec l'Étain, etc.;
ibid., année 1775; — Sur l'existence de l'Air
dans l'Acide nitreux ; ibid., 1776 et 1783; —
Sur la Combustion du Phosphore et du Soufre;
ibid., 1777, p. 65 et 592 ; — Stir la Dissolu-
tion du Mercure dans V Acide nitrique; ibid.,
1777; — Sur l'Acide Oxalique et sur l'Oxygène;
ibid., 1778 ; — Changement du Phosphore en
Acide Phosphorique ; ibid., 1780; — Sur l'Acide
Carbonique; ibid., 1781, et 1784; — Sur le
Phlogistique ; ibid., année 1783 ; — Expériences
sur le Platine; dans les Annales de Chimie,
t. V, p. 137; Expériences sur l'Éther, dans
YHist. de la Société (^Médecine, 1780 et 1781 ;
— Recherches sur 'l'E/florescence , dans le
Journal de Physique, 1. 1, p. 10. Une édition
complète des Œuvres de Lavoisier, depuis
longtemps promise, reste encore à faire.
F. Hoefer.
Magasin Encyclopédique de Millin, t. V {Notice de
J. de Lalande). — Fourcroy, Notice sur Lavoisier. —
Moniteur de 1789-1794. — Cuvier, Notice sur Lavoisier.
— Dumas, Philos, chimique.
lavradio (D. Antonio de Almeiiu Soa-
kese Portugal, marquis «e), administrateur por-
tugais, né le 27 juin 1729, mort le 2 mai 1790.
Il fut depuis 1760 gouverneur général du Brésil;
il y développa la culture de l'indigo et du riz,
dota le pays de quelques pieds de café, s'occupa
de la civilisation de quelques tribus indiennes,
et trouva pour cela un puissant auxiliaire dans
le commerce de l'ipéeacuanha qu'elles recueil-
laient, de même que le cacao, la vanille et le
guarana avaient naguère contribué à la civilisa-
tion des tribus du Para. JI s'appliqua aussi à amé-
liorer le régime intérieur de Ja cité de Rio, qui
2!
LAVRADIO — LAW
22
de nos jours a voulu perpétuer le souvenir de ce
service en donnant le nom de Lavradio à l'une
des rues de cette cité. F. D.
Adolfo de Varnhagen, Historia gérai do Brazil.
LAW de LMJRiSTON (Jean), fameux finan-
cier écossais , que l'on désigne aussi , mais
inexactement sous le nom de Lass, naquit à
Edimbourg, en 1 67 1 , etmourut à Venise, en 1729.
Jl descendait de la célèbre maison d'Argyle, par
sa mère, Jeanne Campbell. Son père, William
Law, exerçait la profession d'orfèvre, à laquelle
il joignait les opérations de change et d'es-
compte. Il amassa une fortune considérable, et
acheta en Ecosse les importants domaines de
Raudleston et de Lauriston : la terre de Lau-
riston passa, après lui, à l'aîné de ses fils, Jean
Law, qui en conserva le nom. William Law
mourut jeune, et laissa à sa veuve le soin de di-
riger l'éducation de ses deux enfants. Doué
d'une intelligence vive et précoce, Jean Law
montra de bonne heure une aptitude remar-
quable pour les études de tous genres, mais i!
s'appliqua particulièrement aux sciences dont le
calcul forme la base. Il resta près de sa mère
jusqu'à l'âge de vingt ans, époque à laquelle il
quitta Edimbourg pour se fixer à Londres. Sa.
figure noble et régulière, ses manières distin-
guées, son habileté à tous les exercices du corps
et sa grande fortune faisaient de lui un gentle-
man accompli ; et il ne tarda pas à se lier avec
les plus grands seigneurs de la capitale. Parta-
geant son temps entre le plaisir et le travail, il
menait de front les aventures galantes et l'étude
de toutes les questions qui se rattachaient au
commerce et au crédit. La banque de Londres,
créée vers cette époque (1694), parait avoir
fixé particulièrement son attention. Mais il fut
brusquement enlevé à cette vie spéculative
et facile par un duel qu'il eut avec un sieur
Whilston. Law ayant eu le malheur de tuer
son adversaire fut condamné à mort : grâce
aux instantes sollicitations de ses amis , il ob-
tint la commutation de sa peine; après être
resté quelque temps en prison, il parvint à s'é-
vader, et gagna le continent : il avait alors
vingt-quatre ans. Il visita en peu d'années
Amsterdam, Paris , Venise , Gênes , Naples et
Rome. Recherchant toujours les moyens d'ac-
croître ses connaissances en matière de finan-
ces, Law pendant son séjour en Hollande entra
en qualité de commis chez le résident anglais
d'Amsterdam, afin d'être mieux à portée d'ap-
profondir le mécanisme de la banque de cette
ville. En 1700 Law revint en Ecosse, et, vou-
lant faire profiter son pays des découvertes
qu'il croyait avoir faites en économie sociale,
il exposa dans une brochure le plan d'un nou-
veau système de banque qu'il avait conçu. Ce
système reposait sur cette idée fondamentale,
que l'abondance du numéraire est la principale
source de la prospérité des États. Considérant
en outre les monnaies comme ayant une va-
leur purement conventionnelle, Law faisait re-
marquer qu'il était facile de suppléer au numé-
raire par le crédit, attendu que les banques pou-
vaient procurer au papier la valeur et l'efficacité
de l'argent. Il admettait enfin que du moment
où un vaste établissement de banque concen-
trerait entre ses mains les principales sources
de revenus d'un État, il pourrait racheter tout
le numéraire, émettre, pour une valeur triple ou
quadruple, des billets de crédit, et augmenter
ainsi , dans une égale proportion , la richesse
publique du pays. Quant à l'application, voici
en quoi consistait le plan de Law. Sa banque
devait être un établissement public, auquel les
hôtels des monnaies serviraient de bureaux
correspondants : elle devait être chargée de la
perception des impôts et de la négociation des
emprunts publics ; de plus , les monopoles des
différentes compagnies spéciales lui seraient
attribués, et elle aurait le droit de joindre le
négoce à ses autres opérations. « Réunissant
les profits de l'escompte, comme banque, ceux
de l'administration comme fermière des revenus
publics, ceux du commerce, comme compagnie
privilégiée, elle pourrait diviser son capital en
actions , et en répartir les bénéfices : elle of-
frirait ainsi son papier comme monnaie circu-
lante , et ses actions comme moyen de place-
ment^). » Ce système, dont il devait être fait plus
tard en France une si funeste application, était
hardi et habilement conçu; malheureusement, il
péchait par la base : c'était en effet une erreur
de croire que l'augmentation de numéraire est
une source de prospérité pour un État : le nu-
méraire n'est qu'un équivalent servant à pro-
curer toutes choses par échange ; si les objets
ne se multiplient pas en même temps que lui,
les prix s'élèvent, sans que la richesse réelle
s'accroisse. Le parlement d'Ecosse repoussa le
projet. Law ne se découragea pas ; et en 1705 il
publia un nouveau mémoire intitulé : Considé-
rations sur le Numéraire et le Commerce,
dans lequel il développa le plan d'une banque
territoriale, qui aurait livré aux propriétaires
écossais du papier ayant cours obligatoire, jus-
qu'à concurrence d'une certaine portion de la
valeur de leurs terres. Cette institution ne fut
pas mieux accueillie en Ecosse que ne l'avait été
le premier système : elle n'eut pas un meilleur
succès en Angleterre, où Law l'avait également
présentée. Law reprit alors sa vie vagabonde.
Après avoir passé quelque temps à Bruxelles, il
vint à Paris, « où, nous apprend un contem-
porain, il fit une assez belle figure qu'il soutint
par le jeu. Il taillait ordinairement le pharaon
chez la Duclos , la tragédienne en vogue , quoi-
qu'il fût extrêmement souhaité par les princes
et les seigneurs de premier ordre ainsi que dans
les plus célèbres académies, où ses manières
(1) Voir l'article de M. Thiers sur Law, Revue Progres-
sive, lre livraison, 1826.
23 LA.W 24
nobles le distinguaient des autres joueurs. Lors- | vernement et distribuant le crédit au nom et
qu'il allait chez Soisson, rue Dauphine , il n'y
«.__ _._*•.£! .,....■ i,i,.in.' An .l.iiiv Cif>C nltïinc il i'ii'
apportait pas moins de deux sacs pleins d'or,
qui faisaient environ la somme de 100,000 livres.
La main ne pouvant contenir la quantité d'or
qu'il voulait masser, il lit frapper des jetons
qui faisaient bon de dix-huit louis chacun. Malgré
toutes ses bonnes manières , il trouva cepen-
dant des ennemis, qui le rendirent suspect au
gouvernement et surtout à M. d'Argenson, lieu-
tenant de police. Ce magistrat lui ordonna de
sortir de Paris, sous prétexte qu'il en savait
trop aux jeux qu'il avait introduits dans la ca-
pitale (1) ». Pendant son séjour à Paris, Law
avait fait la connaissance du jeune duc d'Or-
léans, qui le mit en relation avec le contrôleur
général des finances Desmarets. 11 ne paraît
pas toutefois que les plans de Law aient été à
cette époque fort goûtés en France, et même
très-bien compris. Louis XIV, qui voyait en lui
un huguenot, ne voulut jamais, dit-on, entendre
parler de ses projets.
Au sortir de France, Law se rendit à Gênes,
à Rome, à Venise, à Turin, et dans plusieurs
cours d'Allemagne, espérant que quelque gou-
vernement dans l'embarras consentirait à faire
l'expérience de ses théories financières ; mais
il se vit partout éconduit. Le duc de Savoie ,
Victor-Amédée , lui répondit qu'il n'était pas
assez puissant pour se ruiner. L'empereur d'Au-
triche ne lui fit pas un accueil plus favo-
rable. Cependant Law se consolait de ses mé-
saventures politiques par le jeu et les spécula-
tions ; le pharaon et l'agiotage lui réussirent
tellement bien, qu'en 1715 , malgré le grand
train qu'il avait mené dans tous les pays qu'il
avait parcourus, il se trouvait à la tête d'une
fortune de 1,600,000 livres, représentant plus de
deux millions et demi de francs actuels.
Le 1er septembre 1715 Louis XIV mourut,
laissant à son successeur une dette de 2 milliards
412 millions. Pour faire face aux embarras causés
par cet énorme arriéré , on proposa la banque-
route , qui fut repoussée par le régent ; mais on
eut recours à d'autres mesures, qui , pour être
moins radicales , n'en étaient pas moins rigou-
reuses : réductiondes créances au moyen du visa,
diminution de la valeur des monnaies, création
d'une chambre de justice, taxations arbitraires,
tels furent les violents expédients que l'on mit
en œuvre pour amoindrir les charges léguées
par le grand roi. Au milieu de ce désordre des
finances, Law crut le moment propice pour ren-
trer en France. Un mois à peine après la mort
de Louis XIV , il arriva à Paris apportant avec
lui son immense fortune, et se présenta au régent
comme un sauveur, se faisant fort, si l'on adop-
tait ses plans, de libérer l'État, et de relever le
commerce, sans léser personne. Il proposait alors
de créer une banque rojale gérée par le gou-
(1) Histoire du Système de £., par Duhautchamp, t. Ier.
au profit de l'État. Le conseil des finances
repoussa le projet. Law, transformant son
idée, demanda alors l'autorisation de fonder à
ses risques et périls une banque particulière.
Des lettres patentes du 2 mai 1716, enregistrées
au parlement le 23 du même mois, autorisèrent
la création de cet établissement. La Banque
générale se constitua au capital de 6 millions
de livres, divisé en 1,200 actions de 5,000 li-
vres , payables en quatre versements , un quart
en espèces et trois quarts en billets d'État.
D'après ses statuts, la banque devait escomp-
ter les lettres de change, se charger des comp-
tes des négociants, au moyen de virements
de parties, et émettre des billets payables au
porteur en écus du poids et titre de ce jour.
Deux clauses surtout méritent d'être remarquées
dans la constitution de cette banque. D'une part
la banque tendait à relever le crédit public,
en acceptant au pair, pour le paiement de ses
actions, des billets d'État qui perdaient alors
environ 75 ou 80 pour cent de leur valeur no-
minale ; de l'autre, elle contribuait à rétablir la
sécurité qui manquait aux transactions com-
merciales, en déclarant que ses billets seraient
toujours remboursés au poids et titre du jour,
c'est-à-dire que l'argent étant, par exemple, a
40 livres le marc, à l'époque de l'émission du
billet, le payement devait avoir lieu à 40 livres
le marc, quelle que fût postérieurement la va-
leur de l'argent. De cette manière, les porteurs
de billets , au lieu d'être exposés aux risques
résultant des remaniements alors très-fréquents
de la monnaie, étaient assurés de recevoir in-
tégralement la somme sur laquelle ils avaient
compté. Grâce à cette combinaison et à la ré-
duction que Law fit subir au taux de l'escompte,
abaissé successivement à 6 et à 4 pour cent , la
Banque générale, dont le régent s'était déclaré
le protecteur, devint l'objet d'une faveur ex-
traordinaire, et Law put, avec ses 6 millions de
capital, émettre jusqu'à 15 ou 20 millions de
billets sans ébranler la confiance. Mais la circu-
lation du papier restait encore concentrée dans
Paris et dans quelques grandes villes ; Law, vou-
lant la faire pénétrer dans les provinces, obtint
un édit (10 avril 1717) qui déclarait que les
billets de la Banque générale pourraient être
donnés en paiement des impôts et que les fer-
miers, sous-fermiers, etc., seraient tenus d'en
acquitter la valeur en espèces lorsqu'ils leur
seraient présentés. — Labanque rendit à son ori-
gine d'incontestables services, et elle contribua
puissamment à ranimer ,1e crédit : si Law s'en
était tenu à cet établissement, il aurait été con-
sidéré comme un bienfaiteur; mais, suivant la
remarque de M. Thiers, son impatience et celle
de la nation le perdirent.
Le financier Crozat avait obtenu le privilège
du commerce de la Louisiane, récemment dé-
couverte par de La Salle. Law demanda et fut
25
LAW
26
admis à lui succéder. Des lettres patentes en
date de la fin d'août 1717 autorisèrent en sa fa-
veur la création d'une compagnie dite Compa-
gnie d'Occident, ou Indes occidentales, à la-
quelle fut attribué un droit de souveraineté sur
la Louisiane, à la seule condition de rendre foi
et hommage au roi de France. La Compagnie
reçut en outre le monopole du commerce des
cantons avec le Canada. Elle se constitua au ca-
pital de 100 millions de livres distribué en 200,000
actions de 500 livres payables comme les actions
de la banque, le quart en argent et les trois quarts
en billets d'État. D'après cette dernière combi-
naison, l'opération revenait à ceci : l'État abandon-
nait à une partie de ses créanciers la propriété et
le commerce de la Louisiane et du Canada moyen-
nant qu'ils ajoutassent à leurs créances une avance
en argent , pour faciliter l'exploitation de ces co-
lonies.
A mesure que son œuvre s'accroissait , Law
grandissait dans la faveur du régent; mais il
voyait en même temps s'augmenter le nombre
de ses adversaires. Le parlement, qui ne lui avait
jamais été favorable, rendit, le 12 août 1718, un
arrêt par lequel il défendait aux dépositaires des
deniers publics de recevoir les billets de la
Banque générale. Cet arrêt fut cassé dans un lit
de justice tenu le 21 du même mois. Mais une
cabale nouvelle ne tarda pas à se former contre
Law. D'Argenson, qui avait remplacé le duc de
iNoailles comme président du conseil des finances,
prêta son appui aux frères Paris (du Dauphiné)
pour susciter une rivale à la compagnie d'Occi-
dent : cette nouvelle compagnie, créée sous le nom
àeY Anti-Système, obtint la concession des fermes
générales, dont le produit paraissait beaucoup plus
solide que les revenus hypothétiques de la Loui-
siane et du Canada. L'appui que le régent prêtait
à Law devait rendre cette concurrence stérile.
Le 4 décembre 1718, une déclaration du roi
transforma la Banque générale en Banque
royale, à partir du 1er janvier 1719. Le roi devint
garant des billets ; Law fut nommé directeur de
la banque. Les 1,200 actions qui constituaient le
capital primitif furent intégralement remboursées
en espèces aux porteurs , et comme sur ces ac-
tions de 5,000 livres, il n'avait été versé que le
premier quart, c'est-à-dire 312 1. 10 s. en espèces
et 937 1. 10 s. en papier décrié, le remboursement
devint pour les actionnaires la source d'un très-
brillant bénéfice. La transformation de la Banque
générale en Banque royale devait avoir pour le
crédit public de funestes effets ; on commença
par multiplier dans une énorme proportion le
nombre des billets, qui bientôt atteignit le
chiffre de 100 millions de livres. De plus on dé-
créta que le numéraire de la banque consisterait
à l'avenir en livres tournois, d'une valeur fixe et
invariable quelles que dussent être les variations
futures de la monnaie métallique : c'était un pre-
mier expédient destiné à soutenir le papier aux
dépens de l'argent. Un arrêt du conseil institua
ensuite dans plusieurs grandes villes des succur-
sales de la banque, avec deux caisses, l'une pour
convertir à vue ses billets en argent, l'autre
pour recevoir l'argent offert en échange des bil-
lets. Sur les places où ces succursales furent
créées (Lyon, La Rochelle, Tours, Orléans et
Amiens ) les payements au-dessus de 600 livres
devaient se faire en billets ; au-dessous de cette
somme, il était facultatif de payer en argent ou
en billets ; mais le papier, s'il était offert, ne pou-
vait être refusé. Le transport des espèces d'or
et argent fut interdit dans les villes à succursales.
Ces mesures coercitives produisirent sur l'opi-
nion publique une fâcheuse impression et ébran-
lèrent la confiance que la banque inspirait.
Cependant Law travaillait à développer l'ins-
titution qu'il avait créée. Un édit du mois de
mai 1719 attribua à la Compagnie d'Occident le
privilège exclusif du commerce depuis le cap de
Bonne-Espérance jusque dans les mers du Sud :
elle avait seule le droit de fréquenter Madagas-
car, Bourbon, l'île de France, Sofola (Afrique),
la mer Rouge , la Perse , le Mogol , Siam, la
Chine et le Japon : le commerce du Sénégal fut
également ajouté à ses autres attributions. Ainsi
enrichie par la réunion de tous les monopoles
qui lui étaient accordés pour le commerce exté-
rieur, la Compagnie d'Occident prit le nom de
Compagnie des Indes , et augmenta son eapital
par l'émission de 50,000 actions d'une valeur
nominale de 500 livres, mais qu'on fit payer 550
livres aux actionnaires : elles n'étaient d'ailleurs
délivrées que sur la présentation de quatre actions
anciennes. On nomma les anciennes actions de
la Compagnie d'Occident les mères; les nouvelles
actions furent appelées les filles : elles furent
bientôt suivies des petites-- filles. Cette troisième
série d'actions était destinée à payer à l'État
50 millions de livres, en échange de l'abandon
qui était fait à la Compagnie des Indes de l'admi-
nistration et de la fabrication des monnaies ; les
actions furent vendues 1,000 livres. Law, pour
stimuler l'empressement des actionnaires, déclara
que le registre de souscription pour ces nouvelles
actions ne resterait ouvert que vingt jours et
qu'on ne pourrait obtenir une nouvelle action (pe-
tites-filles), qu'en en présentant cinq anciennes
( mères ou filles). Il annonça en même temps
qu'il donnerait par an deux dividende* de 6 p. 100
chacun. Nous dirons plus loin ce qu'il y avait de
fondé dans cette promesse. Law songeait à com-
pléter son système en réunissant ses fermes à la
Compagnie des Indes et en remboursant la dette
publique. La dette était alors de 15 à 18,00
millions, dont l'intérêt annuel s'élevait à 80 mil-
lions. Law imagina de substituer la Compagnie
des Indes à l'État, et de convertir la dette pu-
blique en actions de la Compagnie. Il offrit de
prêter 15,000 millions, à la condition que la Com-
pagnie serait autorisée à émettre de nouvelles
actions jusqu'à concurrence de cette somme, que
l'État lui payerait un intérêt annuel de 48 mil-
27
lions et lui accorderait les fermes générales. Les
propositions de Law furent acceptées offieielle-
raent le 2 septembre i7iy. De nouvelles émis-
sions d'actions eurent lieu ; mais cette fois elles
furent délivrées à bureau ouvert, sans aucune
condition, et on lit payer 5,000 livres aux action-
naires un titre nominal de 500 livres. Au mois
de novembre, la Compagnie avait émis en tout
024.000 actions de 500 livres représentant 312
millions de livres; mais, profitant de la plus-value
elle les avait vendues 1,797,500,000 livres.
L'ensemble des recettes probables s'élevait à
82 millions de livres, ce qui représentait environ
130 livres par action. Si les titres fussent restés
au pair, ce résultat eût été très-satisfaisant; mais
comme la plupart des souscripteurs les avaient
achetés à 5,000 livres, le dividende se trouvait
réduit pour eux à moinsde 3 pour 100 ; c'était loin,
comme on voit, des 12 pour 100 promis par Law.
Cependant, sur la foi des brillantes destinées
que l'on croyait réservées à la Compagnie des
Indes, le cours des actions ne tarda pas à dé-
passer la valeur d'émission ; le mouvement ra-
pide de hausse qui se produisit excita dans le
public une véritable fièvre d'agiotage. Chacun
voulut avoir sa part des bénéfices qui résul-
taient des violentes oscillations des titres, et
pendant deux mois on se disputait les actions
avec un tel acharnement qu'à la fin du mois de
novembre elles atteignirent trente-six à quarante
fois leur capital nominal, et se vendirent 18 à
20,000 livres. La rue Vivienne, où était situé
l'hôtel de la Compagnie, et surtout la rue Quin-
eampoix, alors habitée par les banquiers et les
gens d'affaires, devinrent le rendez-vous des
spéculateurs. La rue Quincampoix, alors dési-
gnée sous le nom de Mississipi , fut transformée
en une bourse , et l'affluence devint si considé-
rable qu'on fut obligé de fermer la rue par des
chaînes à ses deux extrémités.
Tandis que l'agiotage donnait lieu dans Paris
aux scandales les plus effrénés, la Banque royale
augmentait sou papier dans une proportion telle
(pie ses billets, qui n'atteignaient que 1 10 millions
a la finde 1718, s'élevaient à un milliard au mois
de décembre 1719.
Law était alors à l'apogée de sa gloire : le peuple
et la cour l'idolâtraient ; la presse ne tarissait pas
sur la grandeur de son génie, et les lettres et les
arts célébraient à l'envi ses louanges. Dans l'in-
térêt de sa popularité, il s'était fait de protes-
tant catholique, et l'abbé de Tenciu s'était chargé
de sa conversion. Pour que rien ne manquât à
son triomphe, le régent le nomma contrôleur
-nierai des finances (5 janvier 1720), et exila à
Pantoise le parlement, qui s'était toujours montré
hostile au financier; le chancelier d'Aguesseau,
par un motif analogue, fut également disgracié.
L'engouement pour le système dura environ
trois mois, de la lin d'octobre 1719 au commen-
cement defévrier 1720. Mais le désenchantement
devait être aussi cruel que rapide : les nouveaux
LAW 28
enrichis, qui étaient pressésde jouir, les personnes'
dont la confiance commençait à faiblir, furent
les premiers à semer l'alarme : ils vendirent leurs
titres ; leur exemple eut de nombreux imitateurs.
Une panique commença à se déclarer, et les ac-
tions fléchirent brusquement de 20,000 à 15,000
livres. Law, prévoyant le désastre qui menaçait
son entrcprise,cherchait à le conjurer par des me-
sures de rigueur, qui ne servirent qu'à accélérer sa
ruine. Dès la fin de décembre 1719 il avait été
fait défense d'employer les espèces d'argent dans
les payements supérieurs à 10 livres et celles
d'or dans les payements qui dépassaient 300 li-
vres. Le 28 janvier 1720 le cours forcé des billets
fut proclamé dans tout le royaume. Le 4 février
il fut interdit de porter des diamants, des perles
ou des pierres précieuses; le 18 parut un édit
qui restreignait dans les plus étroites limites la
fabrication des objets d'or et d'argent. Le 27 l'em-
ploi des billets fut rendu obligatoire pour les
payements supérieurs à cent livres; cette in-
jonction fut accompagnée de la défense de conser-
ver chez soi plus de 500 livres d'espèces, sous
peine de confiscation et de 10,000 livres d'a-
mende. Le 1 1 mars les espèces d'or furent dé-
monétisées, et les monnaies d'argent réduites
aux livres, sixièmes et douzièmes d'écus. Enfin,
pour couronner l'œuvre qu'il avait poursuivie,
Law fit réunir (mars 1720) la Banque royale
à la Compagnie des Indes. La valeur des actions
fut fixée invariablement à 9,000 livres, et il fut
déclaré qu'elles pourraient être échangées à bu-
reau ouvert contre des billets, et réciproque-
ment. Dès que cette mesure fut connue, tous
les porteurs d'actions se présentèrent à la Banque
afin d'échanger leurs titres ; pour satisfaire à ces
demandes, on commença par émettre des billets
jusqu'à concurrence de 2 milliards 700 millions.
Cette somme étant encore insuffisante, on prit le
parti de diminuer la valeur des billets et des ac-
tions ; l'éditdu 21 mai 1720 prononça la réduc-
tion graduelle de l'action à 5,000 livres et celle
du billet à moitié. A cette époque la valeur du
papier était déjà descendue à un taux qui n'était
pas supérieur à celle qui était fixée par l'édit;
mais la déclaration officielle de la dépréciation
des titres, en constatant une banqueroute par-
tielle, excita l'indignation gérierale. Le régent
dut céder à la pression exercée par l'opinion pu-
blique et retirer à Law le contrôle général des
finances. L'édit du 21 mai fut, à vrai dire, l'arrêt
de mort du système, qui ne disparut cependant
d'une manière définitive qu'à la fin du mois df;
novembre suivant. A cette époque, la Banqu 5
fut abolie, la Compagnie, privée des ferme..,
des recettes générales, des revenus de l'État
du monopole du tabac, devint exclusivenuv
commerciale, et continua d'exister sous le noon
de Compagnie des Indes. Quant à Law, il
quitta la France au mois de décembre 1720,
chargé de l'exécration publique et n'emportant
avec lui que 2,000 louis, seuls débris de son
LAW — LAWES
30
opulence passée. Il se retira d'abord à Guer-
mande, près de Bruxelles, puis il vécut quelque
temps à Londres, des libéralités du marquis de
Lassay ; enfin, il mourut à Venise, en 1729, dans
un état voisin de la misère : « De telles révolu-
tions, dit Voltaire, en racontant cette triste fin,
ne sont pas les objets les moins utiles de l'his-
toire. » — Les œuvres complètes de Law ont été
traduites pour la première fois en France en
1790. Depuis cette époque elles ont été réim-
primées, en 1843, et insérées dans la collection
des principaux économistes et financiers du dix-
huitième siècle, publiée par M. Guiilaumin.
Robert de Massy.
Marmont du Hautchamp ( Barthélémy ). — Histoire
du Système des Finances sous la minorité de Louis Xf
pendant les années 1719 et 1720; La Haye, 1739, 3 vo-
lâmes. — De Tôt, Réflexions politiques sur le Commerce
et les Finances; La Haye, 1738. — Duvcrney, Histoire du
Système des Finances sous la minorité de Louis Xf. —
Law, par M. Thiers (article inséré dans la Revue pro-
gressive, lre livraison; 1826). — Vial (Théodore),/. Law
et le Système du Papier-Monnaie de 1716 préconisé de
nos jours ; Paris, 1843. — A Cochut, Lato , son système et
son époque, 1716-1729; Paris, 1853. — Recherches histo-
riques sur le Système de Law, par Levasseur; Paris,
18S7. — Lawof Lauriston ( John ). — Sketch on the Life
and Projectof J.Law, comptroller gênerai oj 'the finances
in France ; Londres et Edimbourg, 1791. — ; Kosegarten
i Johann Gottfried Ludwig), Commentatio exhibent his-
toriam criticamprincipiorum quw J. LaivSçotus etfihi-
lippus dux Aurelxanensis, regni Franco-Gallici vica-
rius, in tractandis debitis publias secuti sunl; Gœtting.,
1815. — Wood (John-Philip ), Memoirs of the Life of
J . Law ; Édimb,, 1824 ; London, 1826. — J Law und sein
System, Beitrag zur Finanzgescliichte ; Munich, 1853.
LAW (Lord Edward), baron Ellenborough,
jurisconsulte anglais , né à Great Salked ( Cum-
berland), en 1750, mort le 13 décembre 1818. Il
était ie quatrième enfant d'Edmond Law, évoque
de Carlisle , en qui avait commencé l'illustration
de cette famille jusque là obscure. Le jeune Law
montra une vocation décidée pour l'étude des
lois; mais sa naissance et son éducation pre-
mière furent pour beaucoup dans les opinions
exclusives qu'il professa au sein du parlement
sur les privilèges de l'Église anglicane et sur l'é-
mancipation des catholiques. 11 débuta au bar-
reau avec succès; mais ce qui le mit surtout en
évidence , c'est la défense du gouverneur Has-
+ings, que son illustre confrère Erskine avait re-
fusée, et qu'il soutint avec succès, pendant cinq
ans que dura ce procès mémorable , contre des
accusateurs tels que Burke, Fox et Sheridan.
avocat énergique et consciencieux, mais brusque
et violent , Law paraissait plutôt voué aux luttes
^rageuses de la plaidoirie qu'aux fonctions calmes
cl la magistrature. Cependant, après avoir
i ércé un an l'emploi d'attorney gênerai, il suc-
n«?a, en 1802, dans la présidence du King's
chic/î, à lord Kenyon, contre lequel il avait
o^réenu plus d'une vive controverse. La même
année il fut créé pair, sous le titre de baron El-
lenborough. Il ne fit que passer au ministère
avec l'éphémère administration dite des talents,
qui eut pour chefs Fox, puis Grenville ( 1806,
1807), et fut un des commissaires nommés pour
examiner la conduite de la princesse de Galles. La
fatigue et la contrariété qu'il éprouva lors du
procès de "William Hone , accusé de libelles im-
pies et acquitté par le jury, altérèrent sa santé,
déjà chancelante. 11 mourut, laissant de son ma-
riage avec miss Dowry, descendante de Thomas
Morus , de nombreux enfants, qui occupent des
places éminentes dans l'Église et au barreau.
[Rathery, dansl'.Ë'ne. des G. d'u M.]
Burke, Peerage.— Campbel[,Lives of Lords chiefs justice.
— Townshend, Lives of eminent judges of the tust and
ofthe présent cenlury- — Brougham, Historical S ket-
ches of Sta tesmen.
* law {Edouard), comte d'Ei.LENBOROUGH ,
homme politique anglais, fils du précédent, né
le 8 septembre 1790. Après avoir siégé quelque
temps à la chambre des communes , il hérita ,
en 1818, des titres de son père ainsi que de sa
place à la chambre haute. Attaché comme lui au
parti des tories, il présida deux fois, en 1834 et
en 1841, le bureau des affaires des Indes , et se
fit remarquer à la tribune par de brillantes qua-
lités. Désigné, au mois d'octobre 1841, par Ro-
bert Peel pour remplacer lord Auckland comme
gouverneur général de l'Inde, il signala son gou-
vernement par des entreprises hardies, telles que
les expéditions de l'Afghanistan , du Scind et du
Beloutchistan, si vaillamment conduites par les
généraux Nott et Charles Napier. Mais ces con-
quêtes nouvelles imposaient de lourdes charges
à la Compagnie , qui en rejetait la responsabilité
sur l'humeur belliqueuse de lord Ellenborough.
Celui-ci , malgré l'intervention chaleureuse du
duc de Wellington, fut brusquement rappelé
(avril 1844); on le créa comte, et il remplit en-
core durant les derniers mois du ministère Peel
les fonctions de premier lord de l'amirauté. Sorti
des affaires en juillet 1846, il y rentra à la fin de
février 1858, en qualité de président de bureau
du contrôle de l'Inde , dans le cabinet dirigé par
lord Derby, et se retira au bout de quelques
mois , par suite de difficultés relatives aux me-
sures à employer pour la pacification de l'Hin-
dostan. P. L — y.
Men ofthe Time. — Burke, Peerage.
lawes ( Henry), compositeur anglais, né en
1600, à Salisbury, mort en 1662, à Londres. II
étudia la musique sous la direction de John Coo-
per, qui avait italianisé son nom en Caparario, fut
admis en 1625 parmi les chanteurs de la chapelle
de Charles 1er, et composa beaucoup d'inter-
mèdes et des mascarades ainsi que des chansons
sur les paroles des poètes à la mode. Waller et
Milton parlent de lui avec de grands éloges. Il
adopta le style italien , mais en gardant assez
d'originalité pour être mis au rang des maîtres
anciens de son pays. On a de lui : Cornus, poëine
de Milton, joué en 1634, à Ludlow-Castle; —
trois recueils d'Ayres and Dialogues for one,
two and three voices; Londres, 1653, 1655 et
1669, comprenant cent cinquante chants, duos
et trios. Cet artiste fut enterré à l'abbaye de
Westminster.
31
LAWES — LAWRENCE
3i
Son frère, William Lawes, entra aussi à la
chapelle de Charles 1er, prit les armes dans les
troupes royales lors des guerres civiles , obtint
une commission de capitaine, et fut tué en 1645,
au siège de Chester. Ce fut aussi un composi-
teur distingué ; son œuvre principal est une col-
lection de Psaumes pour trois voix , arrangés
depuis par Sandys. K.
Hawkins, Diction, of Music.
\ lawœstine (Charles - Anatole- Alexis ,
marquis de), général et sénateur français, né à
Paris, le 25 octobre 1786. Issu d'une ancienne
famille flamande et petit-fils de Mme de Genlis,
il entra à l'école militaire de Fontainebleau le
23 décembre 1804, passa le 19 avril 1806
sous-lieutenant au neuvième régiment de dra-
gons , et devint aide de camp des généraux De-
france et Valence les 4 mars et 27 octobre
1808. Il fit les campagnes de 1806 et 1807 à la
grande armée d'Allemagne, et prit part aux
batailles d'Iéna et de Friedland. Parti pour l'ar-
mée d'Espagne à la fin de 1808, il fut griève-
ment blessé à la bataille d'Almonacid, le 9 août
1809, et mis à l'ordre de l'armée par le géné-
ral Sebastiani , qui se l'attacha le mois sui-
vant en qualité d'aide de camp. Capitaine le
22 juin 1810, il assista au passage de la Siera-
Morena, et continua à servir en Espagne jusqu'à
la fin de 1811. Les campagnes de 1812 et 1813,
en Russie et en Saxe, lui offrirent de nouvelles
occasions de se distinguer, notamment aux ba-
tailles de Lutzen, de Bautzen et de Leipzig.
Chef d'escadron le 8 juillet 1813, il se fit remar-
quer au combat de Saint-Dizier du 27 janvier
1814. Colouel du 3e régiment de chasseurs à che-
val le 3 avril suivant, il fit à la tête de ce corps
la campagne de France de. 1815, et se signala à
Waterloo dans une charge contre la cavalerie
anglaise, qui fut forcée de se reployer en dé-
sordre. Le colonel Lawœstine avait suivi l'armée
sur les bords de la Loire ; après son licenciement,
il envoya sa démission au ministre de la guerre.
Cette démission, datée du 26 février 1816, et
motivée sur son attachement à l'empereur, le fit
exiler de France. Rentré en 1829, il fut témoin
de la révolution de Juillet, reprit du service,
le 12 août 1830, à la sollicitation du maréchal
Gérard, et alla prendre le commandement du
6e régiment de hussards. Le 2 avril 1831 il reçut
le brevet de maréchal de camp, et le 21 avril
1841 celui de lieutenant général attaché au co-
mité de la cavalerie, position qu'il conserva jus-
qu'à la révolution de février 1848., époque on il
fut rayé des cadres de l'armée par le gouverne-
ment provisoire. Réintégré en vertu de la loi
du 11 août 1849, il fut désigné en même temps
pour présider le comité de cavalerie. La veille
du 2 décembre 1851, il reçut le commandement
supérieur de la garde nationale de Paris, et fut
élevé le 26 janvier 1852 à la dignité de sénateur.
M. de Lavœstine est grand'croix de la Légion
d'Honneur. Sicard.
notoires et Conquêtes (première édition). — Biotir.
des Membres du Sénat; Paris, 18B2.
Lawrence ( Sir Thomas), célèbre peintre an-
glais, né à Bristol, le 13 avril 1769, mort à Lon-
dres, le 7 janvier 1830. Il était fils d'un aubergiste,
et suivit les leçons de Reynolds (1787) ; il se
fit bientôt une grande réputation par ses portraits,
et en 1792 fut nommé peintre de la cour. A la
mort de West le roi Gerges IV le créa baronet, et
l'Académie de Peinture le choisit pour président.
Il ne peignait jamais de portrait à moins de 500 gui-
nées ( 12,500) et il exigeait d'avance la moitié de
cette somme. Il eût pu faire une immense fortune
si le jeu n'eût absorbé tous les instants qu'il ne
donnait pas au travail. On cite parmi les nom-
breux portraits qu'il exécuta ceux de lord Tur-
low; d'Estime; de Mackintosh ; de Caroline,
princesse de Galles ; de Metternich ; de Castle-
reagh ; de Hardenberg ; du duc de Richelieu ;
du comte de Nesselrode ; des principaux diplo-
mates et des princes de l'époque (1814). En 1819
il représenta Pie VII, en 1825 Charles X et son
fils le duc d'Angoulême. Son dernier ouvrage
fut le portrait de l'actrice Fanny Kemble.
A. de L.
D. E. Williams, Life and Correspondance of six Thom.
Lawrence; Londres, 1831, 3 vol. in-8°. — Charles Blanc,
Histoire des Peintres, n°» 1-2 de l'école anglaise, liv. 15-16.
Lawrence ( Abbolt) , manufacturier et
homme d'État américain, né à Groton ( Massa-
chusetts), le 16 décembre 1792 , mort à Boston,
le 18 août 1855. Il était fils d'un fermier chargé
d'une nombreuse famille, et entra à quinze ans
chez son frère aîné, négociant à Boston. La mai-
son Lawrence devint peu à peu une des pre-
mières de Boston, et fonda, en 1830, une filature
à Lowel. Lawrence était whig, partisan du sys-
tème de protection pour les manufactures du
pays; il fut élu membre du congrès en 1834, et
réélu en 1839. En 1842 il fut nommé membre
de la commission chargée de régler avec le gou-
vernement anglais les frontières entre le Canada
et les États-Unis. Divers incidents en avaient fait
une question irritante : les Américains ne parlaient
de rien de moins que de la trancher par la guerre.
L'Angleterre avait envoyé avec pleins pouvoirs
lord Ashburton, chef de la famille Baring. Law-
rence prit la part principale aux discussions
avec un esprit plein de conciliation. Lord Ash-
burton lui fit connaître franchement les der-
nières limites que lui accordaient ses instruc-
tions. Tous deux finirent par s'entendre sur des
termes acceptables pour les deux pays. En 1848
son nom fut au premier rang pour la vice prési-
dence , dans l'élection où le général Taylor était
porté candidat comme président; quelques voix
seulement lui manquèrent pour être nommé.
En 1849 il accepta le poste de ministre des États-
Unis en Angleterre. Son prédécesseur, M. G. Ban-
croft, avait commencé des négociacions au sujet
d'un canal destiné à unir le gol fe du Mexique et l'o-
céan Pacifique. En raison du protectorat de la
Grande-Bretagne sur le territoire deMosquito,
33
LAWRENCE — LAYA
34
ki question était très-compliquée et n'avançait
point. Lawrence se livra à des travaux considé-
rables pour la faire avancer : il parait qu'il avait
découvert aux archives {State pu per office) des
documents manuscrits très-importants qui infir-
maient les droits que le gouvernement anglais
mettait en avant, et qu'il avait préparé un mémoire
pour lord Palmerston. Il élait sur le point de le faire
paraître lorsqu'il fut informé par le ministre des
affaires étrangères des États-Unis (Clayton) que les
négociations avaient été transférées à Washing-
ton, etqu'il n'avait plus à s'en occuper à Londres.
Ce fut un vif désappointement pour A. Lawrence.
Il adressa au secrétaire d'État américain une
lettre de quatre-vingt-cinq pages, où il discutait
la question à fond, et d'où, suivant lui, ressortait
la souveraineté en plein de l'Espagne sur le ter-
ritoire contesté. On sait que le traité dit Bul-
wer-Clayton , qui devait régler définitivement la
question, est devenu une source d'interprétations
et de contestations nouvelles, et n'a plus qu'une
existence précaire. Après trois années de fonc-
tions, il revint aux États-Unis (1852), et reprit en
simple citoyen le cours de ses affaires. En 1847
il donna au collège d'Harvard (université de Cam-
bridge ) 50,000 dollars ( 250,000 fr. ) pour j éta-
blir une école scientifique, avec des cours régu-
liers de sciences appliquées aux arts età l'indus-
trie : elle porte aujourd'hui son nom. Par son
testament, une autre somme de 50,000 dollars
lui fut léguée, afin d'en étendre le plan et les
bienfaits, li avait consacré des capitaux considé-
rables pour- fonder dans le comté d'Ecosse des
manufactures, pour en faire un centre de popu-
lation. Aujourd'hui ce lieu est devenu une petite
ville, qui porte son nom et qui est en pleine voie
de prospérité. J. Chanct.
Lives of American Merchants, by Preeman Hiint. —
— American Bingruptiy
* uwrexce( William), chirurgien anglais,
né vers 1785. Il suivit les cours de l'hôpital Saint-
Barthélémy à Londres, fut admis en 1813 à la
Société royale, et occupa, de 1815 à 1 819, la
chaire de médecine opératoire au Collège des
Chirurgiens; à cette dernière date, il eut la di-
rection d'un service à Saint-Barthélémy, et fut
chargé ensuite delà clinique à l'Hôpital ophthal-
mique. Depuis plusieurs années il a renoncé aux
fonctions publiques. Le nom de ce praticien ne
se rattache spécialement au progrès d'aucune
branche de l'art chirurgical ; mais ses nom-
breux écrits, sa lutte incessante contre les pré-
jugés de ses confrères, ses efforts pour propa-
ger les idées nouvelles lui ont fait en Angleterre
une certaine célébrité. Nous citerons parmi ses
ouvrages : Treatise on Hernia; Londres, 1807,
in-8° : essai qui gagna le prix du Collège des Chi-
rurgiens; une deuxième édition, sous le titre de
Trealiseon Ruptures, en fut faite en 1810, et
donna lieu à plusieurs réimpressions; il a été
traduit eu fiançais par MM. Béclard et Jules
Cloquet {Traité des Hernies); Paris, 1818,
SOL'V. EIOGR. GÉNÉR. — T. XXX.
in-8°); — An Introduction to comparative
A natnmtjand Physiologg ; Londres, 1 81 6, in-8° ;
— Lectures on Physiology, Zoology and
the Natural Bis tory of Mon; ibid., 1819,
in-8"; 6e édit., 1834; ces leçons furent très-
goûfées du public à cause de la nouveauté du
sujet et de la manière clai re et brillante avec la-
quelle il était traité; — Treatise on the Venereal
Diseoses of the Eye; ibid., 1830, in 8°; — Lee-
tures on the Anatomy, Physiology and Di-
seases of the lige, insérées dans La Lancette, en
1826, et trad. en français en 1830. M. Lawrence
a aussi donné une version du Manuel d'Ana-
tomie comparée de J -F. Blumenbach (1808),
et il a fourni un grand nombre d'articles dans
divers recueils ainsi que dans les Mémoires de
la Société Médicale et Chirurgicale. P. L — v.
Ciillisen, Medicinisches Schrlft.-bex., XXI. — English
Cyclop. ( Biograpfiy ).
s.awîsie ( Robert), graveur anglais, né vers
1740, mort en 1804. Il travailla à Londres, et
ses planches sont exécutées à la manière noire.
On cite de lui : La Nativité, de Rubens ; —
Jésus crucifié, de van Dyck ; — La Tempête
et Le Naufrage, de Joseph Vernet ; — Le Chan-
teur ambulant, d'Adrien van Ostade; —
Diane et les Nymphes au bain, d'Angelica
Kauffmann, etc. K.
Basan, Dirt. des Graveurs. — Br.van, DM. of Pointers.
— Nngler, Kunsttrr- Lexicon.
lax ( William >, mathématicien anglais, né
en 1751, mort le 29 octobre 1836, à Saint-Ibbs,
près d'Hitchin (Hertfordshire). Élève du collège
de La Trinité, il prit les degrés de maître es arts
en 1785, et obtint à la même époque le premier
prix de Smith. Il devint fellow de son collège, et
après quelques années passées dans cette posi-
tion, il accepta les cures de Saint-Hippolyte et de
Marsworlh en 1801. En 1795 il avait été élu à
la chaire d'astronomie et de géométrie fondée
par Lowndes à l'université de Cambridge. Reçu
membre de la Société royale, Lax obtint encore
la place de vicaire de Saint Ibbs. 11 est auteur
de divers travaux relatifs à la science ; les plus
importants sont des Tables destinées à être em-
ployées avec le Nautical Almanach et que pu-
blia l'ancien Bureau des Longitudes anglais en
1821 ; une nouvelle édition de ces tables occupa
la dernière partie de la vie de Lax. J. V.
Anmial Begister, 1836, p. 818.
LAVA {Jean-Louis ), auteur dramatique fran-
çais, né à Paris, le 4 décembre 1761, mort au mois
d'août 1833, était d'une famille originaire d'Espa-
gne. Il fit ses études au coll'-ge deLisieux, à Paris.
Ce fut en collaboration avec Legouvé qu'il dé-
buta, en 1785, par une comédie. Le Nouveau
Narcisse, qui, bien que reçue au Théâtre-Fran-
çais, ne fut jamais représentée; l'année suivante
il donna un recueil d'héroïdes : Essai de deux
Amis, qui ne fut pas sans quelque succès.
Uni par la parenté et par des rapports d'esprit
et de caractère avec madame Dufresnoy, il lui
inspira dès seize ans le goût des vers, et garda
2
35
LAYA
36
depuis une grande influence sur son talent. En
1789, au moment de la révolution, il publia
seul' quelques écrits politiques de circonstance,
et donna au Théâtre- Français sa première bonne
pièce, Jean Calas, tragédie en cinq actes et en
vers, déclamation dramatique contre l'intolé-
rance religieuse , que l'intérêt du fond soutint
sur tous les théâtres malgré les imperfections
du style. Elle fut imprimée en 1791, avec une
préface historique. A la fin de l'année suivante
il fit jouer au Théâtre-Français Les Dangers
de V Opinion, drame en cinq actes et en vers,
où il lutte contre le préjugé qui flétrit de la
honte d'un coupable toute une famille innocente.
Cette pièce fut reçue alors, et a été revue plu •
sieurs fois depuis avec plaisir.
Mais de tous les ouvrages de Laya celui qui
fait le plus d'honneur à son talent comme à son
caractère est L'Ami des Lois , comédie en cinq
actes, en vers, représentée pour la première
fois le 2 janvier 1793 , sur le Théâtre-Français,
devenu théâtre de la Nation. Dix-neuf jours
avant la mort de Louis XVI, au plus fort de
son procès, c'était sans contredit, un grand acte
de courage que de réclamer en vers énergiques
et fortement frappés le maintien de la légalité
et d'attaquer par des allusions où personne ne
pouvait se méprendre le despotisme tout puis-
sant de Marat et de Robespierre. La pièce a un
peu perdu aujourd'hui, privée du prestige de
l'actualité. C'est une satire bien plutôt qu'une
comédie, à laquelle on peut reprocher avec Ché-
nier les imperfections d'une composition trop
hâtée, et aussi l'enflure ordinaire des ouvrages
dramatiques de cette époque. Mais elle eut en 93
un des plus prodigieux succès qu'aient jamais
enregistrés les archives théâtrales. Toute la
France voulut voir L'Ami des Lois ; à Marseille
on le représenta deux fois en un jour sur le
même théâtre. Dès dix heures du matin, le pu-
blic commençait à envahir les bureaux de la Co-
médie-Française ; les rues avoisinantes étaient
encombrées : on mettait les billets à l'enchère.
A chaque représentation , on demandait l'au-
teur, et Laya, « qui comptait, dit l'acteur Fleury,
sur l'entraînement du bon exemple, ne mettait
ni orgueil ni fausse modestie en se rendant aux
vœux du public ». La commune, exaspérée, dé-
nonça le parterre comme un rassemblement fac-
tieux d'émigrés et de contre-révolutionnaires.
Anaxagoras Chaumette lança contre L'Ami des
Lois un fougueux réquisitoire, et le conseil gé-
néral de la commune en défendit la représenta-
tion. Mais la Convention renvoya l'examen de
l'ouvrage à une commission d'instruction. La
commune, ne trouvant pas son compte à cette
mesure légale, et sachant bien que pour qu'une
pièce fût défendue il fallait qu'elle excitât
un trouble patent , s'arrangea pour le faire
naître. Le 12 janvier, au moment même de
la représentation, elle fit placarder dans tout
Paris l'arrêt qui défendait la pièce. Ce que la
commune avait prévu arriva. La foule ne vou-
lut rien entendre. En vain le commandant de la
garde nationale, Santerre, paraît-il sur le théâtre
en grand uniforme : il est hué. La commune fait
cerner la salle : deu\ pièces de canon sont bra-
quées au coin de la rue de Bussy ( le Théâtre-
Français était alors où est situé aujourd'hui l'O-
déon ) ; on crie : La pièce ou la mort ! Le maire
de Paris , Chambon , se présente alors ; séance
tenante , on le force d'écrire à la Convention ;
Laya lui-même joint à la lettre du maire une
réclamation vigoureuse où il dénonce la com-
mune pour tait de tyrannie et traite ses princi-
paux agents de « modernes gentilshomme de la
chambre ». Là double dépêche excita grand tu-
multe à la Convention ; les jacobins accusaient le
ministre Roland d'avoir demandé et payé L'Ami
des Lois. Pourtant, sur la proposition du marin
Kersaint, on passa à l'ordre du jour. La pièce
fut jouée d'enthousiasme à neuf heures du soir
devant deux mille spectateurs , plus de trente
mille citoyens gardant la salle. Le lendemain,
Louis XVI fit prier Laya de lui faire connaître
son ouvrage, et Laya, au rapport de Cléry, le
lui fit passer dans sa prison. Cependant Mar-
seille avait envoyé une députation à l'auteur de
L'Ami des Lois. Cet hommage, voté par les sec-
tions et consigné dans le registre des séances
que Fréron rapporta, à son retour de cette ville,
au comité du salut public, servit de prétexte à
un décret de mise hors la loi, sous lequel Laya
gémit pendant quinze mois. Marat, si durement
caricaturé dans le personnage de Duricrane,
réclama plusieurs fois l'a tête de. l'auteur, que ce-
lui-ci eut bien de la peine à cacher. On ne se
borna pas à poursuivre Laya lui-même, plusieurs
personnes furent guillottinées parce qu'on avait
trouvé chez elles un exemplaire de L'Ami des
Lois ; l'acteur Larive fut emprisonné pour
l'avoir joué.
Sauvé par le neuf thermidor, Laya joua dès
lors un certain rôle politique. 11 rédigea en
même temps, de 1799 à 1802, avec Arnault, Le-
gouvé,Vigée, etc.tL'Almanack des Muses, Les
Veillées des Muses, puis, avec Salgues, L'Ob-
servateur des Spectacles; il fut chargé de la
critique littéraire dans Le Moniteur, et y écri-
vit pendant quinze ans avec un remarquable
talent ; il coopéra aussi à la Nouvelle Biblio-
thèque des Romans. En 1797, il revint au
théâtre, et composa pour la salle Louvois, dont
MUe Ràucourt était nommée directrice, une
pièce d'inauguration : Les Deux Stuarts. En
1799, il peignit, dans le drame de Falkland, le
coupable aux prises avec le remords. Falkland
était un des beaux rôles de Talma. La même
année, il donna encore : Une Journée du jeune
Néron, en deux actes et en vers, et quelque
temps après YÉpitre à un jeune Cultivateur
nouvellement élu député, « où l'on retrouve,
a dit Charles Nodier, cette philanthropie sans
faste qui était la règle de ses ouvrages comme
37
LAYA
38
celle de ses mœurs ». Sous le gouvernement
consulaire, Laya faillit entrer dans la carrière
administrative, et sollicita la sous-préfecture
de Fontainebleau; mais il ne put l'obtenir.
Plus tard, il accompagna son ami et pro-
tecteur Alexandre de La Rochefoucault dans
son ambassade à Dresde; puis il se tourna vers
l'enseignement, et, lors de la réorganisation de
l'instruction publique, il fut nommé suppléant
de Saint-Ange à la chaire de belles-lettres du
Lycée Cbarlemagne , puis, en 1 809, à celle du
Lycée Napoléon, et en 1 813 à la chaire d'histoire
littéraire et de poésie française, vacante à la
faculté des lettres par la mort de Delille. Il fut
admis, le 6 août 1817, à l'Académie Française,
en remplacement du comte de Choiseul-Gouf-
fier, et prononça son discours de réception le
27 novembre suivant. Les œuvres de Laya
n'ont jamais été réunies. On a de lui : Es-
sai de deux Amis; 1786, in-8° , avec Legouvé ;
- Voltaire aux Français sur leur constitu-
tion; 1789, in-8°; — La Régénération des Co-
médiens en France, ou leurs droits à l'état
civil; même année, in-8°; — Les Dangers de
l'Opinion, drame en cinq actes et en vers ; 1790,
in-8° ; — Jean Calas, tragédie en cinq actes et
en vers, précédée d'une préface historique; 1791,
in-8° ; — L'Ami des Lois , comédie en cinq
actes ef en vers ; 1793, in-8° ; 5e édition, 1822,
in-8° ; — Épîlre à un jeune Cultivateur nou-
vellement élu député; 1799, in-8°; nouvelle
édition, 1818, in-8°; — Les derniers Moments
de la présidente de Tourvel , héroïde ; 1799,
in-S° ; — Essai sur la Satire; 1801, in-8°; —
Eusèbe, héroïde, 1807; 3e édition, 1815; —
Un mot à M. le Directeur de l'imprimerie
et de la librairie, ou abus dé la censure théâ-
trale; 1819, in-8°; — Falkland, ou la cons-
cience, drame en cinq actes et en prose; 1821,
in -8°. Charles Defodon.
Etienne, Histoire du Théâtre-Français depuis la ré-
volution. — Mémoires de bleury. — CM. Nodier, Dis-
cours de réception à V Académie Française ( il fut le
successeur de Laya). — Rabbe, Vieilh de Boisjolin et
Sainte Preuve, Biogr. univ. et portât, des Contemp. —
Feller, continué par Charles Weiss, Biographie Univer-
selle.
* laya ( Alexandre ) , juriste et publiciste
français , fils aîné du précédent , né à Paris, en
1806. Après avoir fait son droit, il entra sous
M. de Montalivet au ministère de l'intérieur, et
y devint chef de bureau. Ayant donné sa démis-
sion, il passa quelque temps en Angleterre, et à
son retour il se fit inscrire au tableau des avo-
cats. En 1849 il dirigea la partie littéraire du
journal L'Ordre. On a de lui : Le Guide Mu-
nicipal, almanach quotidien des maires, etc.;
Paris, 1842, deux tableaux iu- piano; — Droit
anglais, ou résumé de la législation anglaise
sous la forme de codes : 1° politique et ad-
ministratif; 2° civil; 3° de procédure civile
et d'instruction criminelle; 4° pénal; suivis
d'un Dictionnaire de termes légaux, techni-
ques et historiques , et d'une table analy-
tique; Paris, 1845,2 vol.in-8°; — E tildes his-
toriques sur la vie privée, politique et lit-
téraire de M. A. Thiers, histoire de quinze
ans ( 1830-1846 )'; Paris, 1846, 2 vol. in-8°; —
De la Présidence de la république ; Paris,
1848, in-12; — Les Romainssous la république;
Paris, 1850, in-8°; — Théâtre de M. Alexan-
dre Laya, contenant : César Borgia, Jane
Shore, Corinne, Paul Didier; Paris, 1854,
in-8° : aucune de ces pièces n'a été jouée.
M. Laya a donné avec son frère une édition
des Œuvres de leur père , avec notice ; Paris ,
1836, 5 vol. in- 8°. Il a fourni des articles au
Bien -Etre universel , et il a travaillé au Jour-
nal L'Époque en 1845. Enfin il a donné dans
Le Siècle une nouvelle intitulée : On ne juge
pas un mort, et dans le tome XII du Livre
des Cent et Un : Paris fashionable en minia-
ture; il a rédigé le Bulletin communal; fondé
Le Journal des conseillers municipaux, Le
Journal des conseils de fabrique; dirigé La
Revue parlementaire et administrative, et,
avec M. Belin, La Revue municipale, contenant
toutes les matières du droit communal , ou
manuel à l'usage des administrateurs et des
administrés des communes de France ; Paris,
1841, in-8°. L. L— t.
Vapereau, Dict. univ. des Contemp. — Bourquelot et
Maury, La Littér franc, contemp.
*lata ( Léon), auteur dramatique français,
frère du précédent, né à Paris, en 1809. Il a
été pendant quelque temps sous bibliothécaire
du palais de Fontainebleau. On a de lui : La
Liste de mes Maîtresses, comédie en un acte
mêlée de couplets ( avec M. Regnault ) ; Paris,
1838, in-8°; — La Lionne, comédie en deux
actes mêlée de chant (avec M. Ancelot ) ; Paris,
1840, in-8°; — Le Hochet dune Coquette, co-
médie en un acte; Paris, 1840, in-8°; — L'Œil
de Verre, comédie en un acte mêlée de chant ;
Paris, 1840, in-8°; — Je connais les Femmes,
comédie en un acte, mêlée de chants; Paris,
1840, in-8°; — Un Mari, du bon temps, co-
médie en un acte mêlée de chants (avec M. Re-
gnault); Paris, 1841, in- 8"; toutes les pièces
qui précèdent parurent sous le nom de Léon;
— Le Premier Chapitre, comédie en un acte
mêlée de chant; Paris, 1842, in-8° : — Une Mai-
tresse anonyme, comédie en deux actes,
mêlée de chant; Paris, 1842, in-8°; — La Peau
du Lion , comédie en deux actes , mêlée de
chant; Paris, 1844, in-8° ; — VÉtourneau,
comédie en trois actes mêlée de couplets (avec
Bayard); Paris, 1844, in-8°; — Emma , ou
un ange gardien , comédie en trois actes ,
mêlée de chant; Paris, 1844, in-8°; — Un
Poisson d'Avril , comédie en un acte mêlée de
couplets; Paris, 1845, in-8°; — Georges et
Maurice , comédie-vaudeville en deux actes
( avec Bayard ) ; Paris, 1846,'in-8°;— Les De-
moiselles de noce, comédie-vaudeville en deux
2.
39 LAYA —
actes lavcc. Bavard ), au Gymnase, en 1846; —
La Revlierclv rie l'inconnu , comédie- vaude-
ville en deux actes, jouée au théâtre du Palais-
Royal, en 1847;— Un Coup rie Lansquenet,
comédie en deux actes en prose; Paris, 1847,
in-18; — Léonie, drame en un acte mêlé de
chants; Paris, 1848, in-18; — Rnge d'Amour,
ou lajemme d'un ami, vaudeville en un acte
(avec Bayard); Paris, 1849, in-18; — Le
Groom, comédie mêlée de couplets ( avec le
même); Paris, 1849, in-18; — Les Cœurs a" Or,
vaudeville en trois actes ( avec M. Jules de Pré-
maray/,au Gymnase, en 1854; Paris, 1854, in-18;
— Les Jeunes Gens , comédie en trois actes en
prose, au Théâtre-Français, en 1855; Paris, 1856,
in-18 ; — Les Pauvres d'esprit, comédie en trois
actes et en prose , jouée san* succès au Théâtre-
Français, en 1 856; Pans, 1857, in-18 M. Laya a
en outre fait en collaboration avec M Carmouche
L'Esclave à Paris, et avec M. Duveyrier Le
Portrait vivant. De 1844 à 1848, il a publié des
articles littéraires dans Le Moniteur universel.
L. L— t.
Viiperean, Met. vniv. des Contemp. — Bourquelot et
Maur.v, La Littér, Franc, contemp.
la yard ( Daniel-Pierre), médecin anglais,
né à Greenwich, mort le 5 février 1802. Il prit
le grade de docteur à Oxford, et fut nommé mé-
decin de la princesse douairière de Galles, mère
de Georges 111. H fut ensuite successivement
vice- président de la maison d'accouchement de
Greenwich, dont il avait été l'un des fondateurs,
directeur de l'hôpital français (1775) et membre
de la Société royale de Goettingue (1780) et de
la Société des Antiquaires de Londres. On a de
lui : An Essay on the nature, causes and
cure of the contagions distemper among the
horntd caille of thèse Kingdoms ; Londres,
1757, 1770, in-8°; réimprimé en 1780 dans les
Transactions philosophiques ; — On the Use-
fulness of inoculation of horned Cattle;
ibid., 1760; — Essay on the Eite of a m d
dog ; ibid., 1762, 1772, in-12; — Directions to
prevenl the contagion of the. joli Distemper;
ibid., 1772, in-8°; — Pharmacopée a in us uni
Gravidarum, Paerperarum et Infant 'um re-
cens-natorum ; ibid , 1772, 1776, in-8°. On
trouve encore plusieurs dissertations de Layard
dans les Transactions philosophiques.
P. L-Y.
Rose, Riogruph. Dictionary. — Callisen, Lexikon.
layakd ( Charles- Pierre ) , théologien an-
glais, fils du précédent, né ec 1748, mort le
11 avril 1803. Reçu docteur en théologie, il fut
membre de la Société royale, prébendaire de
Worcester, doyen de la cathédrale de Bristol et
chapelain ordinaire du roi. On a de lui : Cha-
rity, a poetical essay; Londres, 1774, in-4°;
— A poetical Essay on Duelling; ibid., 1776,
in-4° ; — et quelques Sermons. P. L — v.
Haag frères, La France Protestante.
layakd (Austen Henry), archélogue et
LAYARD
40
voyageur français, né à Paris, le 5 mars 1817, ap-
partient à l'une de cesfamilles de protestants fran-
çais auxquelles la révocation de redit de Nantes fit
quitter la France. Il se destina d'abord au droit,
auquel il renonça bientôt pour voyager en
Orient. Il se rendit à Constantinople, et visita les
différentes parties de l'Asie Mineure. C'est lui qui
lit entreprendre, avec le concours de son ambas-
sadeur, lord Stratford de Radcliffe, des fouilles
aux environs de Mossoul, qui amenèrent la dé-
couverte de ces magnifiques monuments de
l'antique Perse, faussement attribués, selon
M. Hoefer, aux anciens Assyriens. Le gouver-
nement français avait déjà chargé M, Botta (voy.
ce nom ) du soin de diriger des fouilles sur ce
même territoire. M. Layard en 1852 fut atta-
ché à l'ambassade de la Porte ; et à l'époque
des changements opérés à la suite de la retraite
de lord Palmerston du ministère des affaires
étrangères, il devint sous-secrétaire d'État au
même département. Peu après il fut élu membre
du parlement pour Aylesbury. En 1853 il accom-
pagna lord Stralford de Radcliffe, qui retournait
à Constantinople; mais comme il ne partageait
pas les vues de ce diplomate, il le quitta, re-
vint en Angleterre, et reparut au parlement
comme l'un des plus ardents orateurs sur la
question d'Orient. M. Layard repartit en 1854
pour l'Orient, où il fut spectateur des événements
qui se passaient en Crimée. A son retour, il de-
manda avec instance une enquête sur l'état de
l'armée anglaise, et prit une part active dans
l'investigation qui mit au jour l'incurie de
l'administration. Après la formation du minis-
tère de lord Palmerston, il devint l'un des chefs
de Y Administrative Reform Association.
C'est en cette qualité qu'en juin 1855 il porta
devant la chambre des communes une motion
sur la nouvelle confédération; mais elle fut re-
poussée à une grande majorité. Ses attaques
personnelles lui firent beaucoup d'ennemis; aussi
en 1857 les électeurs d'Aylesbury ne le renvoyè-
rent pas au parlement. On a de M. Layard :
Nineveh and its remains; Londres, 1849,
in-8°; — Inscriptions in the cuneiform cha-
racler from Assirian Monuments, discovered
by A. H. L.; 1851, in-fol.; — A popular Ac-
count of Discoveiies al Nineveh... abridged;
Londres, 1851, in-8°; — Inaugural Address
of A. H. L. on his installation as lord Reclor
of the Murischal Collège and University of
Aberdeen; — Discoveries in the Ruinsof Ni-
neveh and Babylon, with travels in Armenia,
Kurdistan and the Désert, being the resuit
of a second expédition underlaken for the
trustées of the British Muséum; Londres,
1H53, in-8°; — A second Séries <f the Monu-
ments of Nineveh... from drauings tnade on
the spot, during a second expédition to As-
syria; Londres, 1853, in-fol.; — The Nineveh
Court in the Crystal Palace; Londres, 1854,
in-8° ; — The Prospects and Conduct of the
41 LAYARD
War. Speech delivered in ihe House of Com-
monsondec, in-12, 1854; Londres, 1854,in-8"î
— The Turkish Question. Speeches delivered
in the House qfcommonsin nig. 16, 1853, /eô.,
march. 31, 1854,in-8°. J. L. deR.-F.
Doc. part. — Parlumentary Débutes, »~ avril et 18 mai
1853 — Men of the Time.
* layens [Mathieu de), architecte belge,
mort à Louvain, vers le commencement de 1484.
Son nom, qui ne se trouve dans aucune b:ogra-
phie, a été révélé au public, il y a peu d'années,
par les recherches de M. Edward van Even. De
Layens fut l'architecte de l'hôtel de ville de Lou-
vain , l'un des chefs-d'œuvre de l'architecture
ogivale secondaire. En 1445 il devint, selon le
langage de cetle époque , maître ouvrier des ma-
çonneries de la ville. Les magistrats ayant formé,
en 1447, le projet de construire un hôtel de
ville digne de leur riche cité, chargèrent de
Layens d'en dresser le plan. La première pierre
de l'édifice fut posée le 29 mars 1448 ( nouveau
style ) , par Walther van Nethene , lieutenant
mayeur, et Henri van Linthere, bourgmestre.
Les travaux de construction dirigés par l'habile
auteur du plan furent achevés en 1459, et les
travaux de l'intérieur en 1463. Quinze années
furent donc nécessaires pour l'édification « du
plus élégant, du plus gracieux, du plus régulier
des monuments civils construits en Belgique
sous i'opulente maison de Bourgogne (1) ». On
éleva aussi, dans la même ville, sur les plans de
Layens , en 1480, l'ancien local des serments et
des chambres de rhétorique, connu sous le nom
de Table ronde, et qui fut démoli en 1S18. L'ad-
ministration municipale de Louvain a fait placer
dans l'une des niches de l'hôtel de ville la statue
de cet artiste éminent. E. Régna rd.
Archives municipales de Louvain. — M Edward van
Even, NoUce sur Mathieu de l.ayens, dans L Écho de
Louvain, journal de la ville et de l'arrondissement,
n° du 7 mai 1848. — Compte rendu des séances de la
commission royale d'histoire, tom. XIV, pag. 887.
* latnes ( D. Francisco ), missionnaire
portugais, né à Lisbonne, en 1656, mort le 11
juin 1715. Il s'appelait dans le siècle Francisco
Troyano, se lit jésuite en 1672, et passa à la côte
de Malabar en 1681. Après avoir débarqué à
Goa, il alla se fixer à Catour dans le Maduré
On rapporte qu'il y baptisa 13,600 individus, en
dépit des efforts que firent les brahmes pour
l'en empêcher. Après vingt-deux ans d'apostolat,
il fut appelé à Rome, et nommé évêque de Me-
liapour. Il se rembarqua en 1708 pour les Indes,
et après dix-sept mois de voyage il arriva, le 25
septembre 1709, à Goa, où les autorités hindoues
lui suscitèrent mille tracasseries II s'était retiré
dans la maison des jésuiies à Chandernagor
lorsqu'il mourut. On a de lui : Dcfensio Imli-
caritm Vissionum Madurensis et Carno/en-
sis,editaocca.sione decreti ab ilusfrissimo do-
mino Patriarcha Antiocheno, D. Carolo May-
nard de Tour non, visitatore aposlolico in
(I) Expressions de M. Van Even.
— LAYS 42
IndUs orientations ; Rome , 1707, in-4°;
Caria escrita de Madure aos padres da com-
panhia missionarios acerca do V. P. Joâo
de Rrifo ; elle est traduite en français dans les
Lettres édifiantes et curieuses, t. Il, p. 1 à 56, et
elle a paru également dans le Mercure sous le
titre de : Lettre du P. François de. La y nés jé-
suite, supérieur de la mission de Madure dans
les Indes, dans laquelle il rend compte de. la
mort du P. Jean de Brito ; mars, 1 695. F. D.
Barhnsa Marhadn, Biblintheca Lu'itana. — Le P. Prat»
Vie de Jean de liritn, ï vol. tu 8°. — Franco. Im-'igem
da virtude vro nooiciado deCoimbra, in-fol. port. 2 vol.
laynez, deuxième fondateur de l'ordre des
Ichutes. Voy. Leynez.
lays (François Lay, dit), chanteur fran-
çais, né le 14 février 1758, à La Barthe-Nestès,
bourg de l'ancienne province de Gascogne, mort
à Ingrande, le 10 mars 1831. 11 fut d'abord
destiné à l'état ecclésiastique, et entra comme
enfant de chœur au monastère de Notre-Dame
de la Guaraison( Hautes-Pyrénées ), où, sous la
direction du maître de chapelle, il reçut une
bonne éducation musicale. A dix-sept ans, il se
rendit à Auch pour y faire son cours de philoso-
phie ; il revint ensuite dans sa soiitude de Gua-
raison afin de se livrer exclusivement à ses études
théologiques. C'est au fjnd de cette retraite
qu'un ordre du roi vmt le chercher et le força
de se rendre à Paris pour être entendu à l'Opéra.
Bientôt l'abbé Lay jeta le froc aux orties, et , au
mois d'octobre 1779, il débutait, sous le nom de
Lays, dans L'Union de l'Amour et des Arts (l).
Le public l'accueillit favorablement, et le compo-
siteur Floquet n'hésita pas à lui conutr le rôle
du bailli, dans Le Seigneur bienfaisant (18 dé-
cembre 1780), dont le chanteur qui en avait
d'abord été chargé s'était fort mal acquitté à la
première représentation II fut dès lors tout à
fait adopté, et son succès s'est constamment sou-
tenu; il est vrai qu'il conserva jusque dans un
âge avancé sa voix, qui était forte et puissante.
Gros, court , sa structure le rendait peu propre
à l'emploi tragique; mais ces défauts devenaient
des qualités dans le genre comique. Panurye, La
Dandinière, Husca dans La Caravane, mirent
le sceau à sa réputation. Après quarante-trois
ans d'exercice, Lays prit sa retraite, au mois
d'octobre 1822; sa représentation à bénéfice eut
lieu le Ie mai 1823. Lays avait embrassé avec
ardeur les principes de la révolution. Mission-
naire d'anarchie, il parcourut, en 1795, les pro-
vinces du midi, cherchant à y propager le sys-
tème de la terreur; ce qui lui suscita quelques
tracasseries contre lesquelles il essaya de se dé-
fendre par la publication d'un mémoire apolo-
gétique , intitulé : Lays , artiste du Théâtre
des Arts, à ses concitoyens ; 1795, in-s° de 12
pages. Cet écrit est devenu très-rare. Plus heu-
(l! Ballet héroïque, en trois actes, de Lemonnier el
Floquet, représenté pour la première fots le 7 sep-
tembre 1772.
43
LAYS —
reux que quelques-uns de ses camarades, il
échappa toutefois aux vengeances des réactions,
et la seule expiation qu'on lui fit subir consista
à (hanter le Réveil du Peuple, après le 9 ther-
midor. Encore ne l'acheva-t-il pas; car, pâle et
tremblant, à peine avait il commencé le chant
exigé, au milieu des*huéeset des menaces, qu'au
troisième vers le public l'interrompit, en le dé-
clarant indigne de faire entendre cet hymne de
régénération, que Lainez fit alors retentir au mi-
lieu de l'enthousiasme général (t). C'est encore
Lays,qui, le 1er avril 1814, fut obligé de chanter,
à la fin du spectacle , l'air populaire Vive
Henri IV! en présence des souverains alliés.
Lays,qui avait conservé, môme après sa retraite,
les fonctions de professeur de chant au Conser-
vatoire de Musique, auxquelles il avait été
nommé en 1819, s'en démit volontairement au
mois de décembre 1826, et quitta tout à fait Paris
pour se retirer dans une petite propriété qu'il
avait acquise sur les bords de la Loire. Il n'avait
pas été étranger, dit-on, à l'arrangement de
Bocchoris, dans les Mystères d'Isis ( 23 août
1801 ), et passait pour avoir écrit le rôle de
Saûl, dans l'oratorio-pastichedecenom (6 avril
1803). Ed. de Manne.
Histoire de l'Opéra, par Castil-Blaze. — Alrnanach
Musical. — Fétis, biographie des Musiciens.
Lazare, archevêque d'Aix, mort dans la pre-
mière moite du cinquième siècle. On suppose
qu'il fut élevé sur le siège d'Aix en 408, qu'il
abdiqua le gouvernement de cette église en 4 1 1 ,
après la mort de Constantin. Mais ce sont des
conjectures auxquelles on peut en opposer d'au-
tres. Quoi qu'il en soit, il se fait compter avant
l'année 415 au nombre des adversaires les plus
ardents de Pelage et de son disciple Cœlestius.
Le concile de Diospolis, assemblé le 20 décembre
415, condamna la doctrine attribuée à Pelage,
sur la dénonciation écrite de Lazare, archevêque
d'Aix et de Héros, évêque d'Arles. Cependant
Pelage avait été assez habile pour persuader aux
évêques d'Orient qu'il n'avait jamais lui-même
professé les erreurs qui lui étaient imputées.
C'est pourquoi Héros et Lazare, après la clôture
du concile de Diospolis, adressèrent-ils aux
évêques d'Afrique, qui devaient bientôt se réu-
nir à Carthage et à Milère, de nouveaux actes
d'accusation contre les deux hérétiques. Pelage
et Nestoiïus furent alors définitivement condam-
nés Les lettres du pape Zosime sont pleines
d'invectives contre Lazare. On y voit que ce
pape, considérant les dénonciateurs de Pelage
comme des agitateurs mal inspirés, les priva de
la communion ecclésiastique , et plaida vivement
la cause de leurs contradicteurs. Il ne faut pas
s'en étonner. Les opinions les plus contraires
;1) Le Réveil du Peup'e avait pour auteur de* paroles :
Souriguères de Saint-Marc, Claveaux, acteur de l'Opéra-
Comique et compositeur, en avait fait la musique. Ses frè-
res, éditeurs de musique, en vendirent 3J.O0O exemplaires
en deux jours-
LAZERI 44
avaient alors un nombre à peu près égal de fa-
natiques adhérents. Tel docteur condamné comme
hérétique à Antioche , à Carthage , passait pour
un martyr de l'orthodoxie à Rome ou à Lyon.
Il ne faut donc pas accepter à la lettre tout ce
qu'écrivent les uns contre les autres les évêques
de ce temps-là. B. H.
S. Augustin, Epistolse, passim, et Gesta Pelugii. —
Marius Mercatnr, Commonitorium. — Zosimi , Epistolse,
a J. Sirmondo editse. — Gallia Christ., t. 1, col. 299. —
Hist. Litt de la France, t. II, p. 147.
Lazare, krale ou despote de Servie, mis à
mort en 1389. L'empire servien, fondé par Dou-
khan fut démembré après sa mort, et lorsque
les Ottomans sous Amurat attaquèrent les Slaves
du Danube, ils trouvèrent les Serves divisés
entre plusieurs despotes dont les deux princi-
paux étaient Woukaschin et Lazare, lequel pas-
sait pour être un fils naturel de Ooukhan, et
régnait au nord-ouest de la Servie dans le pays
nommé Syrmie. Woukaschin perdit la couronne
et la vie dans sa lutte contre Amurat, et Lazare
n'obtint la paix qu'en s'engageant à fournir au
sultan mille cavaliers et mille livres d'or (1375).
Il agrandit ses États d'abord de l'héritage de
Woukaschin, puis par la réunion des domaines
de plusieurs autres petits princes. Le peuple
crut que la grandeur du règne de Doukhan allait
renaître, et le clergé engagea Lazare à prendre le
titre de tzar. La Servie jouit pendant dix ans
d'un repos troublé seulement par des escar-
mouches à la frontière; mais en 1387 Lazare
voyant Amurat occupé en Asie contre les Kara-
maniens, résolut de profiter de cette circonstance
pour s'affranchir du tribut qu'il payait au sultan.
Il s'allia à Sisman, krale de Bulgarie, et défit un
corps d'Ottomans qui ravageait la Bosnie. A cette
nouvelle Amurat envoya en Europe son grand-
vizir Ali , et ne tarda pas à venir diriger en per-
sonne la guerre contre les deux princes chré-
tiens. Sisman, vaincu, se soumit. Lazare soutint
la lutte avec les auxiliaires qui lui vinrent de
Bosnie, d'Herzegowine, d'Albanie, de Valachie.
L'armée chrétienne, redoutable par le nombre et
le courage, mais indisciplinée, rencontra les mu-
sulmans dans la plaine de Kossovo (champ des
merles , Amselfeld en allemand , Rigomazen
en hongrois ). La bataille se termina à l'avantage
des Ottomans (1) (Voy. Amurat.) Z.
Ducas, Historia Byzantina. — Engel , Histoire de la
Servie. — Wuk Stephanowitch , Chants populaires de
ta Servie, trad. en français par Mme Élisa Voïarl. —
Hanimcr, Histoire des Ottomans, 1. V.
lazeri (Le P. Pierre), écrivain ecclésias-
(1) Amurat tomba dans l'action mortellement blessé
par le Serve Mllosch Kobilovitch, et Lazare, fait prison-
nier, fui égorge par l'ordre du sultan mourant. Les chro-
niques turques, les chants populaires de la Servie et
l'histoire byzantine varient beaucoup sur les détails de
cette mémorable bataille ; mais elles s'accordent à la re-
présenter comme le dernier jour de l'indépendance sur-
vienne Etienne Lazarewitch, fils de Lazare, lui succéda
dans le titre de despote, et régna sous la suzeraineté des
Ottomans. 11 mourut sans postérité, et légua la couronne
à Georges Brankowitch.
45
LAZERI — LAZZARELLI
46
tique italien, né à Sienne, en 1710, mort à Rome,
au mois de mars 1789. Il entra dans l'ordre des
Jésuites, et passa la plus grande partie de sa vie
à Rome en qualité de professeur d'histoire ec-
clésiastique et de bibliothécaire du collège ro-
main. A la suppression de la Compagnie de Jésus,
il se démit de ses emplois , qui lui avaient été
conservés par une honorable exception, et accepta
la place de bibliothécaire du cardinal Zelada. Ses
travaux sur l'histoire ecclésiastique sont consi-
déraLles et ne manquent pas de critique. Voici
les titres des principaux : Thèses selectae ex
historia ecclesiastica : de persecutionibus in
Ecclesiam excitatis sevo apostolico; Rome,
1649, in-4°; — De factis sseculi qiïtnti ; ibid.,
1751 ; — De Arte Critica et gêner alibus ejtis
regulis ad historiam ecclesiasticam relatïs;
ibid., 1754, — De Conciliis romanis prioribus
qu-atuor Ecclesise sxculis; ibid., 1755; — De
veraetfalsa Traditione Historica ;ibid., 1755;
— De Hseresi Marcionitarum ; ibid., 1775; — ■
De falsa veterum christianorum rituum a
rïtibus ethnicorum Origine ;ibid., 1777; — une
Notice sur Perpinien publiée en tête de ses
Œuvres. Lazeri est l'éditeur des Miscellanea
ex mss. libris bibliothecas collegii romani
Soc. Jesu; Rome, 1754-1757, 2 vol. in-8°. Z.
Caballero , Supplementum bibliothecas Societatis Jem.
— Zaccaria, Istoria letleraria d'Italia, t. X, p. S18.
lazius ( Wolfgang), philologue et historien
allemand, né à Vienne, le 31 octobre 1514, mort
le 20 juin 1565. Il accompagna en 1532 dans les
Pays-Bas et en France le jeune Staremberg, dont
il était le précepteur. Reçu docteur en médecine
à Ingolstadt, il exerça sa profession à Neustadt,
petite ville dans les environs devienne, et devint
médecin de rém'ment à l'armée de Hongrie. Vers
1540 il fut nommé professeur de belles lettres, et
peu de temps après professeur de médecine à
l'université de Vienne. C'est vers cette époque
qu'il se mit à faire dans les archives et dans les
bibliothèques des recherches sur l'histoire de son
pays natal. Les ouvrages qu'il publia sur ce su-
jet attirèrent sur lui l'attention de l'empereur
Ferdinand Ier, qui le nomma son médecin et son
historiographe. Lazius avait beaucoup d'érudi-
tion ; mais on peut lui reprocher de manquer de
critique et de s'être appuyé sur des documents
contestables. On a de lui : Vienna Austriee, seu
rerum Viennensium commentant ; Bàle, 1546,
in-fol. ; beaucoup d'erreurs ont été relevées dans
ce livre par Lambecius; — ReipubUcœ Romanai
in exteris provinciis bello acquisitis consti-
tutae, commentariorum libri XII, in quibus
munia, tam mîlitaria quam civilia, ritus
denique cuncti explicantur et partim repree-
sento.ntur ; Bàle, 1551, in-fol.; Francfort, 1598,
in-fol.; avec des additions de Et. Zamoski,
compilation assez savante, mais faite sans ordre
et sans jugement; — De Gentium aliquol Mi-
grationibus, reliquiis, linguarumque initiis
et immutationibus ; Bàle, 1557 et 1572, in-fol. ;
Francfort, 1600, in-fol., ouvrage défectueux; —
Commentationum Rerum Grgecarum Libri II ;
Vienne, 1558, in-fol.; Hanau, 1605, in-fol.; in-
séré dans le t. VI du Thésaurus Antiquitatum
Grsecarum de Gronovius, sous le titre de : Grx-
cia yiumismatibus illustrata; — Commen-
tarius in antiquas urbis Viennensis in-
scriptiones opéra H. Schallanczeri erutas;
Vienne, 1560, in-fol.; — Commentariorum in
genealogiam Austriacam libri II ; Bàle, 1564,
in-fol. ; — Conjurationis Smalkaldensis Li-
bri III ; — Rei contra Turcasgestse anno 1556
Descriptio, dans le tome II des Scriptores Re-
rum Germanicarum de Echard et dans les
Scriptores Rerum Hungaricarum de Bongars;
— dans le Theatrum d'Ortelius, les cartes de
l'Autriche, de la Hongrie, du Tyrol, de la Ca-
ry nthie, de la Styrie et de la Carniole ont été
faites sur les mémoires géographiques de La-
zius qui se trouvent à la bibliothèque de Vienne.
E. G.
Diom. Cornarius, Oratio in funere W '. Lazii ( Vienne,
1665, ln-4°). — Panlaleo , Prosopographia. — Adami,
Vitx German. Medicorum. — Nicéron, Mémoires,
t. XXXI. — Lambecius, Comment, bibl. vindob., tom. I,
p 37. — Pope-Blount , Censura. — Crenius, Anïmadver-
siones. — j. Fabricius, Hlst. Bibl., pars III, p. 34. —
Sax, Onomasticon, t III, p. 201 et 628.
lazzarelli ( Louis ), philosophe et poëte
italien, né en 1450, à San-Severino, dans la marche
d'Ancône, mort le 23 juin 1500. Le seul fait no-
table de sa vie, c'est qu'il fut honoré de la cou-
ronne de laurier par l'empereur Frédéric III.
Les ouvrages qui lui valurent cette distinction
sont depuis longtemps oubliés. En voici les
titres : Crater Ber métis, dialogue philosophique
publié à la suite de la traduction latine du Pi-
mander de Mercure Trismégiste, sans date,
in-4°, et dans l'édition de Lefebvre d'Étaples ;
Paris, 1505, in-4°. Gabriel du Préau l'a traduit
en français sous ce titre : Le Bassin d'Hermès,
Paris, 1577, in-8°, et Du Verdier a donné dans
sa Bibliothèque Française un long fragment de
cette traduction; — Asclepii seu Œsculapii
Definitiones ad Ammonem regem e grœc. in
lat. traductse, publiées par S. Champier, dans
\eLiber de quadruplici Vita, Lyon, 1507, in-4°,
et le Duellum epistolare Galliee et Italias an-
tiquïtates complectens ; Lyon, 1519, in-8°; —
Bombyx; 1518, in-4°: curieux poëme latin sur
le ver à soie qui précéda celui de Vida sur le
même sujet; l'abbé Lancellotti en donna une se-
conde édition; 1765, in-4°; — Fasti Sacri,
restés inédits et dont il existe un manuscrit dans
la bibliothèque Brera à Milan. Z.
Lancellotti, Notice sur Lazzarelli, en tête de son édi-
tion du Bombyx. — Du Verdier, Bibliothèque française ,
t. IV, 601, édition Ae Rigorey de Juvif»ny. — Tiraboschi,
Storia délia Letteratura italiana, t VI, part. II, p. 282.
lazzvrklli (Jean-François), poëte ita-
lien, né à Gubbio, en 1621 , mort à La Mirandole,
en 1694. Après avoir exercé différentes charges
dans le gouvernement pontilieal, il passa en 1661
au service du duc Alexandre Pic de La Miran-
47
LAZZARELLI — LAZZARINI
4S
dole,qui le fit son conseiller et le nomma, en
1682, prévôt de l'église de La Miranriole. Lazza-
relli faisait partie de l'Académie des Arcades,
sous le nom d'AUemione Sépale. « Il fut, dit
Tiraboschi, du petit nombre des poètes qui ne
suivirent pas le mauvais goût du siècle, et ai-
mèrent mieux prendre la vote frayée par des
écrivains plus élégants. Il serait à désirer qu'il
eût exercé son style sur un plus digne sujet, et
qu'il n'eût pas employé son talent à mordre et
à déchirer l'infortuné Don Ciccio, c'est à-dire
Bonaventura Arrighini, son collègue dans le tri-
bunal de ta Rote de Macerata. » L'ouvrage dont
parle Tiraboschi est intitulé Cicceide légitima.
C'est une série de sonnets dans lesquels il tourne
en ridicule avec beaucoup de verve et trop de
cynisme un de ses collègues de la Rote. Cette
amusante et licencieuse production, que Lazza-
relli ne destinait pas au public, parut sans son
aveu dans une édition incorrecte ; — Cosmopoli
(sans date), 1691, in-8°; une seconde édition,
corrigée et augmentée, fut publiée à Paris, 1692,
in-12. Il en existe plusieurs autres éditions; la
meilleure est celle de Pérouse, 1774, in- 8°. Z.
Sébastien Ranghiasci, Vita di J.-Fr. iMzzarelli. —
Tiraboschi, Sloria délia Ixtterulura Itahann, t. VIII,
p 3'8. — Gamba, Série dei Testi di Lingua. — Bayle,
Dictionnaire Historique.
lazzaki {Michèle), antiquaire italien, né le
13 décembre 1694, à Venise, où il est mort, en
1770. Il suivit les cours de l'université de Pa-
doue, y fut reçu docteur en droit, et, de retour
dans sa vide natale, fut attaché à l'administration
de l'artillerie. Il est auteur de plusieurs mémoires
sur les antiquités et la numismatique, notam-
ment : Confutazioni di alcuni Errori di Ber-
nardino Zannet/i nella Storia del regno de'
Longoùardï; RôveféSo, 1746, in-4°; — Appen-
dice a' Discorsi apologetici sopra la cilla di
Asolo èilsuo Vescovado; Ferrare, 1752, in-4°.
K.
Novelle Letterarie; 1759, p. 642-667. — Tipaldo, liiogr.
degli ltaliani illustri, X
lazzaki ( Donato). Voy. Bramante.
lazzakim (Gre^ono), peintre de l'école
vénitienne, né à Venise, en 1655, mort en 1730.
Élève du Génois Francesco Rosa, il s'éloigna du
style sombre et ténébreux de son maître, et de-
vint un des meilleurs peintres que Vernse ait
possédés à la fin du dix-septième siècle. Quoi-
qu'il ne se soit jamais éloigné de sa patrie, il
montre dans ses ouvrages une pureté de dessin
vraiment raphaélesque, jointe à un coloris digne
de l'école vénitienne, et à un grandiose qui
vappeilecelle des Can ache. Carlo Maratta, qui ne
prodiguait pas les éloges à ses contemporains,
savait lui rendre justice, car il refusa de l'acre, un
tableau pour la salle du scrutin du palais des
doges, disant à l'ambassadeur vénitien que quand
on avait à Venise le Lazzarini, il était inutile
de venir chercher un peintre a Rome. Lazzarini
justifia cette généreuse îvcomman lation en pei-
gnant pour l'arc de triomphe érigé dans cette
salle six sujets allégoriques en l'honneur de Mo-
rosini le Peloponésien. Ces compositions ne sont
guère inférieures en mérite au beau tableau de i'é-
glise Sainl-l'ierre, qui passe pour le chef-d'œuvre
de Lazzarini, Saint Laurent Giushmuni dis-
tribuant des aumônes. Venise possède encore
de ce maître La Chute de la Manne à Saint-
Jean-et-Paul, Le Ravissement de saint Paul
àSaint-Eustache, Saint Gervais et saint Protais
dans leur église, V Adoration des Mages à Saint-
Clément, et L' Adoration du Veau d'or à Saint-
Michel de Murano.
Lazzarini excella aussi dans les figures de pe-
tite proportion, comme il l'a prouvé pour les
sujets de l'histoire sainte qu'il a peints sur le
garde fou de l'orgue de Sainte-Catherine à Vi-
cence. La même église possède de lui une Sainte
Cécile. Il eut pour élèves sa sœur Elisabetta ,
née en 1662, Giuseppe Camerata et Silvestro
Manaigo. E. B— n.
Orlandi , Abbecedario. — Lanzi , Storia Pittorica. —
Zaneiti, Délia Pittnra Veneziana. — Longhi , Compen-
dio délie Vite de' Pitlori Peneziani. - Ticozzi. Dizio-
nario. — Viardot, Musées de l Europe. — A. Quadri,
Otto Giorni in f-'enezia. — Bertese, Guida per Vicenza.
lazzarini (Dominique), poète italien, né à
Morrovalle, près de Macerata, le 20 août 1668,
mortà Padoue, le 22 juillet 1734. Il fit ses études
chez les jésuites de Macerata, et obtint à dix-
neuf ans le grade de docteur en théologie et en
jurisprudence. S'apercevant qu'il n'avait jusque
là appris que des mots, il s'enferma dans sa cam-
pagne de Morrovalle, et sans autres maîtres
que des livres, il refit son éducation; puis, muni
d'une solide instruction classique et d'une con-
naissancede l'italien littéraire rare à cette époque,
il revint à Macerata, et attaqua sans ménagement
l'enseignement des jésuites. Il fut nommé en
1690 professeur de jurisprudence à l'université
de Macerata, et promu l'année suivante à la
chaire de droit canonique. L'étude approfondie
qu'il avait faite des œuvres de saint Augustin
lui valut cette place. Mais il était bien plus lit-
térateur que théologien, et son principal mérite
fut de ramener la poésie italienne dégénérée vers
l'imitation des modèles toscans depuis Dante jus-
qu'à Ange Politien. En 1711 il fut nommé pro-
fesseur de littérature grecque et latine à Padoue.
Son interminable polémique contre l'enseigne-
ment des jésuites et ses censures toujours sé-
vères, souvent injustes des poètes contemporains,
l'exposèrent à des haines qui survécurent même
à sa mort. On a de lui, outre des opuscules peu
importants: Oralio pro optimis studiis, habita
in gijmnasio palavino; Padoue, 1711; —
Ulisse il Giovane, tragédie; 1720, in-8°. Cette
tragédie, imitée du théâtre grec, parut barbare à
plusieurs critiques, et Zaccaria Valaresso en pu-
blia, sous le titre de Rutzvanchad il Giovane,
une parodie qui eut beaucoup de succès, et qui
a été réimprimée avec VQiisse dans le Nuovo
Teatro Italiana; Venise, 1743; — La Sanesc,
comédie; Venise, 1734; —Poésie; 1736, in-S".-
49 LAZZARIN1
recueil de diverses compositions de Lazzarini
qui avaient déjà paru séparément. On y trouve
un grand nombre de sonnets, neuf Canznni,
YVlisse, Tobin, drame sacré, une traduction de
l'Electre de Sophocle, quelques vers grecs et
latins; — Osservazioni sopra la Mcrope del
sig. Mardi. Scipione Md/fei, ed altre varie
opérette, parte finora quàe là disperse, parte
non pubblicate; Rome, 1743, in-4°; — Tre
Letlere mile quali si prova che Verona ap-
parient ai Cenomani; Brescia, 1745, in-4°; —
Note ed osservazioni al Lucrezio Caro di Ates-
sandro Marchetti ; Londres, Venise, 1764, 2 vol.
in-4°. Z.
Fabroni, Vitx Itnlorum, t. XIV. — Tipaldo, Bioyrafia
degli ltaliani iltiistri, vol. I.
lazzarini (Le chanoine Giovanni- Andréa),
littérateur et peintre de l'école bolonaise, né à
Pesaro, en 1710, mort en 1801. Élève de Fran-
cesco Mancini, il mania le pinceau avec une telle
habileté, il écrivit sur les arts avec tant dégoût,
d'érudition et de talent, qu'il serait difficile de
décider à quel titre il a le mieux mérité de la
postérité. Un glorieux et double témoignage a
été rendu à sa valeur artistique et littéraire par
le célèbre Alg^rotti, qui d'un côté déclare avoir
beaucoup profité de ses écrils pour composer
son fameux traité, Saggio sulla Pïtiura, et de
l'autre hii commanda pour sa galerie deux ta-
bleaux, Là mort d'Archimèrle et Cinciunutus
appelé à la dictature. Le savoir de l'érudit se
retrouve tout entier dans les œuvres du peintre;
chaque détail y est conforme à l'histoire , et on
n'y rencontre aucun de ces anachronismes si
fréquents dans les ouvrages même des plus
grands maîtres ; l'architecture est pure et de bon
goût, la perspeclive irréprochable, le faire facile
et sans négligences; le coloris seul est parfois
un peu faible, surtout dans la seconde moitié de
sa vie. Absorbé par ses études et les devoirs de
son état, Lazzarini, malgré la durée de sa longue
carrière, n'a malheureusement pas laissé un grand
nombre de tableaux ; on en trouve cependant
plusieurs dans les églises de Pesaro, dans les
cathédrales d'Osimo et de Foligno, à Saint-Au-
gustin d'Ancône, à Saint-Dominique de Fano et
à Saint-Jacques de Forli. Son chef-d'œuvre est
La Vierge avec sainte Catherine et le bien-
heureux Marco Fantuzzi , qu'il peignit pour
la chapelle des comtes Fantuzzi à Gualdo, dans
le diocèse de Rimini. La sainte et l'un des anges
sont, dit Lanzi, dignes de Raphaël.
L'Italie compte peu d'écrivains qui puissent
être comparés à Lazzarini lorsqu'il traita des
sujets relatifs à la peinture; la Description des
Tableaux de la cathédrale d'Osimo, le Cata-
logue des Peintures des églises de Pesaro, les
Dissertations sur les diverses branches de
l'art qu'il écrivit pour l'académie de Pesaro,
où il professa gratuitement depuis 1753 , sont
des ouvrages qui accusent dans leur auteur une
science profonde et le sens le plus exquis du
— LEAKE hO
beau et du vrai dans les arts. Il compta parmi
ses élèves son neveu Placido Lazzarini. Les
Œuvres de Lazzarini ont été publiées à Pesare;
1806, 2 vol. E. B— n.
Fantuzzi, Kotizie del canonieo fjizzarini. — Lanzi,
Storia delta PUliira.— T.tciuzl, Dizionano. — AI. Mag-
glore.Le Pilture, Scuititre e Archiiettnre délia i-ittà
d' Jncona — (iuida per la città di Forli. — Tipaldo,
Bioiirafla degli ltaliani itlustri, t. IV.
leade (Jeanne), femme mystique anglaise,
née en 1623, morte le 19 août 1704. Devenue
veuve d'un négociant qui lui laissa une fortune
considérable , elle se laissa aller aux rêveries du
mysticisme, dont les ouvrages de Bœhm avaient
chez elle développé le goût. Après s'être associée
aux coneiliabules d'une secte d'illuminés orga-
nisée par le médecin John Pordage , elle institua
une sorte de culte secret en l'honneur de la sa-
gesse féminine, dont elle emprunta le type à une
des figures allégoriques du philosophe allemand ;
s'en déclarant exclusivement l'organe , elle fonda
la société des Philadelphes, et publia une suite
de révélations , d'après lesquelles le règne millé-
naire devait rétablir toutes choses suivant le plan
divin. Jeanne Leade occupait parmi les théoso-
phes un rang distingué, s'il faut en croire la cor-
respondance de Saint-Martin. D'après Kirchber-
ger, c'était une somnambule de l'ordre extatique,
qui se magnétisait elle même et jouissait ainsi
des manifestations astrales Poiret, de son côté,
dans une Èpltre sur les caractères des auteurs
mystiques, pense que ses révélations sur la res
tauration de l'Église chrétienne viennent de la
source la phs pure, contredisant en cela l'opinion
émise par un discple enthousiaste de Bœhm,
Gichtel, qui prétendait placer la prophétesse
anglaise bien au-dessous de son maître Les
nombreux ouvrages de Jeanne Leade, écrits en
anglais et devenus assez rares, ont été l'objel de
plusieurs versions à l'étranger; nous citerons
entre autres : Les Nuages célestes, ou l'échelle
de la résurrection ; 1682, in-S° ; — La Révé-
lation des Révélations ; 1686, in-4° ; — La Vie
Énochienne , ou le cheminement avec Dieu;
1694, in-4°; — Les Lois du Paradis; — La
Fontaine du Jardin, ou journal des commu-
nications et des manifestations de l'auteur;
— Les Guerres de David et le pacifique Em-
pire de Salomon ; 1695, in-8°; — Les Mer-
veilles de la Création en huit mondes diffé-
rents, tels qu'ils ont été montrés à l'auteur;
1695, in-8° ; — Le céleste Messager de la Paix
universelle, signes du règne du Christ; 1695,
in-8°; — L'Arbre de vie qui croît dans le Pa-
radis de Dieu; 1696, in-12; — L'Arbre de la.
Foi ; 1696, in-12; — Motifs et Établissement
de la Société des Philadelphes; 1696, in-12.
P. L— Y.
Lep, Life of Jane f.eade. — Arnold, Kircken und Kel-
zerhisiorie, 1 1, H57. — J. W. Jœgpr, Diss. de vita et
doitrina Janae lœadie. — A. Feusiklng, Cyneceeum.
leake ( Richard), officier de la marine an-
glaise, né à Harwich,en 1626, mort à Woolwicb,
51
LEAKE
52
en 1696. Il entra dans la marine royale, arriva
rapidement au grade d'officier, et se distingua
dans plusieurs sanglantes affaires contre, les Hol-
landais et les Danois. En 1673, le 14 juin, dans
une grande bataille où van Tromp commandait
les Hollandais et l'amiral anglais Georges Rooke
les Anglais, Leake portait son pavillon sur le
Royal- Prince; dématé complètement, ayant ses
ponts et ses batteries encombrés par quatre cents
tués ou blessés et le tiers de ses canons démontés,
il reçut l'ordre de son amiral d'abandonner son
vaisseau et de le faire sauter. Leake répondit
qu'il ne quitterait pas vivant le Royal- Prince.
Secondé de ses deux fils, il ranima son équipage
découragé; un de ses fils fut tué, mais Leake
réussit à dégager son vaisseau des lignes en-
nemies, et le ramena à Chatam. Cet acte de cou-
rage fut récompensé par la charge de maître-
artilleur de la Grande-Bretagne, que l'ami-
rauté créa en sa faveur ; il fut aussi préposé à
la garde des projectiles de l'arsenal de Wool-
wich. A. de L.
Rose, General Biographical Dictionary.— Annual He-
gister.
leake (Sir John), amiral anglais , fils du
précédent , né à Rotherhithe (comté de Surrey ),
en 1656, mort à Greenwich, en 1720. Il fit ses
études maritimes sous les ordres de son père,
auprès duquel il combattait, le 14 juin 1673,
contre les Hollandais ( voy. l'art, précédent). Il
passa dans la marine marchande, et fit deux ou
trois voyages dans la Méditerranée. En 1675 il
reprit le service militaire en qualité de maître
canonnier à bord du Neptune. En 1688 il reçut
le commandement du brûlot Drake, se distingua
en diverses occasions durant les troubles d'Ir-
lande, et devint capitaine du vaisseau Eagle ( de
soixante dix canons ). Il embrassa le parti du
prince d'Orange Guillaume , et la manière bril-
lante dont il se conduisit au combat de La Hogne
(19 mai 1692) lui concilia l'affection de lord Chur-
chill, frère du duc de Marlborough et depuis ami-
ral. Jusqu'à lapaixdeRyswick (1697), il tinteons-
tamment la mer. En 1701 il fut promu au com-
mandement du Britannia, et en 1702 chargé
d'expulser les Français de Terre-Neuve. Cette
expédition fut pour Leake aussi glorieuse que
lucrative. A son retour, il fut. nommé contre-ami-
ral du pavillon bleu, et peu après chevalier. Il
assista utilement sir Georges Rooke au combat
de Malaga, le 13 août 1704, et dans l'expédition de
Catalogne. Les 29 octobre et 3 novembre sui-
vants, avec la coopération du prince de Hesse-
Darmstadt, il ravitailla Gibraltar, que les Français
et les Espagnols assiégeaient par terre et par
mer. Le 14 janvier 1705 il attaqua et défit com-
plètement la flotte française commandée par le
baron Louis de Pointis, qui perdit sept bâtiments
pris ou brûlés et mourut des blessures qu'il reçut
dans le combat. Sir Leake, rallié par la flotte
hollandaise de van Almonde, se porta ensuite sur
les côtes de la Catalogne; ii y débarqua lord Pe-
terborough et le prince de Hesse; Barcelone,
attaquée le 1 1 août, dut capituler le 6 septembre.
L'archiduc Charles, rival de Philippe V, en fit
aussitôt sa résidence, et avec l'aide des Anglais
soumit rapidement le reste de la Catalogne. Leake
tenta d'enlever les riches galions espagnols
mouillés dans le port de Cadix ; mais cette fois
il fut vigoureusement repoussé ; il se dédommagea
amplement de cet échec par la prise d'Alicante,
de Carthagène et des îles Majorque et Yviça. Ce-
pendant le comte de Toulouse était venu blo-
quer Barcelone avec vingt-cinq vaisseaux, et le
maréchal de Tessé en faisait le siège par terre
avec trente et un escadrons et trente-sept batail-
lons. Peterborough en était réduit aux der-
nières extrémités lorsque la flotte de l'infatigable
Leake apparut, força le comte de Toulouse à se
retirer et de Tessé à fuir laissant son artillerie,
ses bagages et quinze cents blessés au pouvoir
des vainqueurs (1). Il retourna ensuite en An-
gleterre, où il fut promu vice-amiral, et reçut les
félicitations publiques de la reine et du parlement.
Ensuite il fut nommé amiral de l'escadre blanche.
11 fut en cettequalité chargé d'escorter la princesse
qui allait épouser l'archiduc Charles à Barcelone.
Laissant sa Hotte à Vado, il se rendit à Milan ; la
future impératrice se décida à le suivre à Vado, où
elles'embarqua,le2 juillet 1708, sur VAlbermarle,
et le 15 descendit à Mataro (2). Le mariage se fit
à Barcelone le 21 Cette affaire terminée, Leake
disposa toutes choses pour la soumission de la
Sardaigne. Il prit sur sa Hotte quelques troupes
commandées par le comte de Cifuentes, arriva le
1er août devant Cagliari, et en peu de temps fit
proclamer Charles III (3) dans l'île entière. Sou-
tenu par le lieutenant général Stanhope, Leake
n'eut pas un moindre succès dans son attaque
contre Minorque. En son absence, Harwick et
Rochester l'avaient élu pour leur député à la
chambre des communes; il opta pour Rochester,
qu'il continua de représenter jusqu'à sa mort. II
fut nommé en mars 1709 membre de l'amirauté,
et en 1710 la reine lui offrit de remplacer lord
Oxford comme premier lord de l'amirauté; mais
il déclina cet honneur, préférant le service actif.
En 1711 et 1712 on le vit à la tête de flottes
considérables ; mais ses opérations se bornèrent
à l'occupation de Dunkerque. Sa grande faveur
cessa à l'avènement de Georges 1er. Il fut mis en
non activité, et se borna dès lors à siéger au par-
lement. Alfred de Lacaze.
Lord Mahon, Warof the Succession, ch. III, p. 120.—
Rose, New Biographical Dirtiimary . — Van Tenac, His-
toire générale de la Marine, t. III, p. 193 202. — Zscha-
kwitz, Leben und Thaten Kaiser Caroli PI} Franc-
fort, 1723. — Eugène Sue, Histoirede la Marine française
(1) Le même jour il y eut une éclipse totale de Soleil.
La reine Anne fil frapper une médaille où, par allusion
à IVmblènne choisi par Louis XIV, l'éelipse était repré-
sentée au-dessous de la ville de Barcelone.
(2) Port de la Catalogne a 27 kll. nord-est de Barcelone.
(3) L'archiduc était ainsi nommé comme successeur
de Charles II sur le trône d'Espagne. Il devint empe-
reur on 1711, sous le nom de Charles PI.
53
LEAKE — LEAL
54
sous Louis XIV. — Sismondi, Hist. des Français,
t. XXVI, p. 449-467.
leake (Stephen Martin), numismate an-
glais, neveu du précédent, né le 5 avril 1702,
mort le 24 mars 1773. Sa fortune lui permit
de se livrer paisiblement à l'étude du blason et
d'entrer dans le collège héraldique , où il s'éleva
jusqu'au grade supérieur de garter (jarre-
tière). Il montra un zèle souvent intolérant en
faveur des privilèges de son collège. Il employa
mieux son temps en publiant un des plus anciens
ouvrages de numismatique qui aient paru en An-
gleterre Ce livre a pour titre : Nummi Britan-
nici Historia, or hixtorical accounl of en-
glish money ; 1726; deuxième édition très-aug-
mentée, 1745. On a encore de lui : Reasons for
granting commissions to the provincial kings
at arms for visiting their provinces; 1744;
— Life of the admirai John Leake; 1755; —
Statutes of the order of Saint-George; 1766 :
ces deux ouvrages ont été tirés à petit nombre.
Leake a aussi laissé plusieurs manuscrits relatifs
à l'art héraldique. Z.
Noble, History of the Collège of Arms. — Chalmers,
General Biographical Dictionary.
leake (John ), médecin anglais, né à Ains-
table, près de Kirkoswald, dans le Cumberland,
vers 1720, mort à Londres, le 8 août 1792. Après
avoir achevé à Londres son cours de médecine,
il alla perfectionner sur le continent ses études
médicales, et visita le Portugal et l'Italie. Il re-
vint ensuite s'établir à Londres. On a de lui : A
Dissertation on the Properties and efficacy
of Lisbon diet-drink; Londres, 1757,in-8°; —
Lecture introductory to the theory and prac-
tice of Midivifery ; Londres, 1773, in-4° ; —
Practical Observations on the child-bed Fever ;
Londres, 1773, in-8°; — A practical Essay on
the diseasesof the Viscera , particulary those
of the Stomach and Bowels ; the liver, spleen
and urinary passages , in which their na-
ture, treatmenl and cure clearly laiddown
and explained; Londres, 1792, in-8°. Z.
Gentleman's Magazine, t. LXII. — Hutchinson , Bio-
graphia Medicn. —Chalmers, General Biographical
Dictionary.
* LEAKE ( Le lieutenant-colonel William
Martin ), archéologue et voyageur anglais, né
vers 1780. Il entra dans l'artillerie royale, et reçut
de son gouvernement plusieurs missions en
Orient. Il commença ses excursions dans l'Asie
Mineure, en janvier 1800. En 1805 et dans les
années suivantes il voyagea dans la Morée, qu'il
visita deux fois, et dans la Grèce septentrio-
nale, qu'il parcourut à quatre reprises. Il séjourna
aussi pendant plusieurs années en Albanie. De
retour en Angleterre vers 1810, il s'occupa de
mettre en ordre les nombreux renseignements
qu'il rapportait de ses courses à travers la Tur-
quie d'Europe et l'Asie Mineure, et dès 1814 il
commença cette série d'excellentes publications
qui l'ont placé au premier rang des voyageurs
archéologues de notre époque. Ses ouvrages for-
ment une description de la Grèce également pré-
cieuse pour le géographe, l'antiquaire et le phi-
lologue. Ce grand travail n'est pas exempt de
lacunes et d'erreurs, et pour plusieurs parties
de la Grèce septentrionale il laisse beaucoup à dé-
sirer ; sur d'autres points, il a été heureusement
complété par les voyages récents des élèves de
l'école d'Athènes ; mais, en somme, les trois ou-
vrages que le colonel Leake a consacrés à la to-
pographie d'Athènes, à la Morée et à la Grèce
septentrionale, sont fort supérieurs à ceux que
l'on possédait sur le même sujet, et les deux
derniers ne semblent pas devoir être surpassés de
longtemps. M. Martin Leake quitta le service en
1823, avec le grade de lieutenant-colonel. Depuis
cette époque il a poursuivi ses études favorites,
revoyant ses premiers ouvrages et en publiant de
nouveaux, qui, à l'exception d'un mémoire sur
les hiéroglyphes, ont tous pour objet l'antiquité
hellénique ou ta Grèce moderne. Il est vice-pré-
sident de la Société royale Littéraire. On a de lui :
Researches in Greece, Part. I containing
Remarks on the modem languages of Greece ;
Londres, 1814, in-4°; — The Topography of
Athens,, with some remarks on its antiqui-
ties ; Londres, 1821, in-8° avec des planches
in-4° ; deuxième édition ( Topography ofAthens
and the Demi); 1841, 2 vol. in-8°; — Journal
of a tour in Asia Minor, with comparative re-
marks on the ancient and modem geography
of that country; Londres, 1824, in-8° avec une
carte; — An hislorical Autline of the Greek
Révolution, with afew remarks on the présent
state of affairs in that country ; 1826, in-12;
— Mémoire sur les principaux Monuments
égyptiens du Musée Britannique, et quelques
autres qui se trouvent en Ami leterre , expli-
qués d'après le système phonétique ( avec le
très-hon. Charles Yorke) ; Londres, 1827, in-4°,
avec des gravures au trait; — Travels in the
Morea; Londres, 1830, 3 vol. in-8°, avec cartes
et plans; une seconde édition a paru en 1839 ,
et l'auteur a donné un supplément sous le titre
de Peloponnesiaca ; Londres, 1846, in-8"; —
Travels in Northern Greece; Londres, 1835,
4 vol. in-8°; — Greece at the end of tiventy
three years protection ; Londres, 1851, in-8°;
— Numismata Hellenica, Catalogue of greek
Coins; Londres, 1854, in-4°. L. J.
English Cyclopœdia ( liiosraphy ).
leal (Jozé Joaquim), géographe portugais,
mort au commencement du dix-huitième siècle. Il
a fait imprimer un dictionnaire qui est demeuré
incomplet; il est intitulé : Diccionario estatis-
lico-geographtco do Reino de Portugal Al-
garves , ou descripçâo circumstanciada de
todas as provincias, governos militares, diocè-
ses, comarcas , concelhos , villas freguezias ,
logares ou aldeas e mais poavaçoes do Reino;
Lisbonne, 1822, in fol. F. D.
César de Figanière , Bibliografta Historica.
55 LEANDER — LEAPOR
LEANDER A SANCTOMARTINO. Voy. JOXES
(John).
ijavder. Voy. Meanoer.
lEAMiitK (Saint), évêque espagnol, mort le
13 mars 601 suivant la plupart des hagiographes,
ou le 27 lévrier 596 selon quelques auties. Il
était fils <ie Severianus, gouverneur de Carlha-
gène, et frère de Fulgence, évêque de la même
ville, et de saint Isidore, qui lui succéda sur le
siège apostolique de Séville. Léandre se fit remar-
quer par le zèle qu'il déploya contre l'arianisme.
11 convertit entre autres Hermenigilde, fils aîné
de Leuvigilde, roi des Gotlis, qui envoya le prélat
en exil avec plusieurs de ses collègues. Rappelé
la même année, Léandre ramena à la foi catho-
lique Reccarède, le second des lilsdu roi, et aus-
sitôt la mort de Leuvigilde convoqua le troi-
sième concile de Tolède, dans lequel il fit con-
damner l'arianisme d'une manière absolue. Ses
reliques sont conservées dans la cathédrale de
Séville, et sa fête est, célébrée le 13 mars. Il nous
reste de lui: De Institutions Yirginum et con-
temptu mundi , c'est une lettre adressée à sa
sœur sainte Florentine : elle se trouve dans la
troisième partie du Codex Reqularum de saint
Benoît d'Amiane publié par Holstenius. Elle a été
réimprimée dans la Bibliotheca Patrum,t.X\l.
Suivant Richard et Giraud « le style en est concis
et sententieux, et cette pièce est très-instructive
pour les vierges consacrées à Jésus- Christ » ; —
Humilia in laudem Ecclcsiec- , etc., harangue
sur la conversion des Goths, qu'il prononça pen-
dant le troisième concile de Tolède ; elle se trouve
dans la collection du P. Labbe, t. V. (à la fin des
Actes du concile de Tolède). On attribue à saint
Léandre l'origine du rite mozarabique, que son
frère saint Isidore compléta. Saint Grégoire le
Grand a dédié à saint Léandre ses Morales sur
Job, qu'il avait entreprises à sa prière. A. L.
Saint Isidore. De firis iltustribvs, etc. — Saint Gré-
goire le Grand, Epist.; le même, Dialog. — Saint Grégoire.
de Tours. Hist., Iib. v — Raronius, Annales - Dom Ma-
\i\\\on,Jn>iale> Ordinis HeneJicti, ete., lPl'sec. — Raille»,
fies des Saints, t. I, 18 mars. — Dom Ceillipr, Histoire
des Auteurs sacres et ecclésiastiques, 1. XVII, p. 113, elc.
-Dom Rivet, Histoire Litt. delà France. —Richard et
Giraud, Bibliothèque Sacrée.
LEAXiuto do sacramento f Le Père ),
naturaliste brésilien, né vers 1762, à Rio-de-Ja-
neiro , mort dans les premières années du dix-
huitième siècle. Il étudia à l'université de Coïm-
bre, entra dans l'ordre des Carmes, et devint
professeur de botanique au jardin des plantes
de Rio-de-Janeiro Lié d'une étroite amitié avec
Aug. de Saint-Hilaire, il enrichit le Muséum
d'Histoire Naturelle de Paris. On a de lui une
Analyse des eaux minérales d'Araxa (Eschwcge,
Neue Welt, t. I, p. 74 ), des Observations
botaniques, insérées parmi les mémoires de l'a-
cadémie de Munich, et un mémoire sur les Ar-
chimérJées ou Ratanophorées, travail dont Au-
guste de Saint-Hilaire a signalé le mérite. Leandro
a coopéré à la vaste flore du Brésil , commencée
56
par "Veloso en 1799 et terminée à Paris en 1825.
F. D.
Balbi , Essai de Statistique sur le royaume de Portu-
gal et d' Atgarve. — Auguste de Saint-H taire. Voyage
dans le district des Diamants et sur le littoral du Bré-
sil, t II.
leao ou mao (Duarte Nunez do), histo-
rien portugais, né à Evora, dans la seconde
moitié du seizième siècle, mort en (608. Il étu-
dia le droit, et entra dans la magistrature à Lis-
bonne. En 1599 il quitta la capitale pour se sous-
traire aux ravages de la peste, et se retira à Al-
verca. Ses ouvrages ont pour titres : Ortograjia
porlugueza, imp. en 1576, pet. in-4° (très-rare);
— Genealogia verdadeira dos Reis de Portu-
gal con sus etogios e summario de sus vidas;
Lisbonne, 1598 et 1608, in-8°. C'est la traduction
espagnole d'un ouvrage que l'auteur avait écrit
en latin contre le F. Teixeira, qui avait voulu
prouver que la couronne de Portugal était élec-
tive, et pour donner de la force à son opinion,
n'avait pas craint d'altérer les faits ; — Prime\ra
parle das Chronicas dos Reis de Portugal re-
formadas pelo licenciado Duarte Nunez do
Liào, Desembargadorda casada supplicaçào,
per mandado del Rei Dom Philippe , o pri-
meiro de Portugal, da gloriosa memoria, con
lirença da Sancta Diquisiçào e privilegio
Real.; Lisboa , impresso por Pedro Cras-
bceck anno 1600, in fol., réimprimé à Lisbonne
en 1677, in fol. et réédité de nouveau dans la
même ville en 1774 (2 vol. in-4°). On publia
quatre ans après sa mort un livre qui est au-
jourd'hui d'un grand secours poui connaître les
divisions topographiques du Portugal au seizième
siècle et même certains usages propres aux loca-
lités dont le souvenir s'est effacé peu à peu ; il
porte, ce titre : Descripçâo do Reino de Portu-
gal, dirigida ac illus/rissimo e. muito excel-
lente Senhor D. Diogo da Sylva duque de
Francavilla, présidente du Coroa de Portu-
gal; Lisbonne, 1610, iii-4°, et même ville chez.
Thaddeu Ferreira, 1785, in-8°. Sans être un
historien ni un géographe du premier ordre,
c'est Nunez de Leâo qui a commencé à intro-
duire la critique dans l'histoire du Portugal.
F. D.
Catalogo dos Mitores, dans le grand Dictionnaire
portugais del'lcadern c. — Sylvestre Ribeiro, Primeiros
Trucos d'una ltesenfia da Litteratura Porlugueza;
I.i b., 1853, t I. — Cé-fâr de Figaniére, Hiblinlheca His-
tonca. - Rarliosa M diado . llibliotheca Lusitaua. —
Perd. Denis , liésuinc de l'Histoire Littéraire du Portu-
gal et du Brésil:
leapor {Marie), femme poète anglaise,
née le 26 février 1722, morte le 12 novembre
1746 Elle était (ille d'un jardinier. Son éduca-
tion se bornait à savoir lire et écrire. Elle
commença de bonne heure à composer des vers,
malgré l'opposition de ses parents, qui redou-
taient pour elle la profession littéraire. Ils fini-
rent cependant par la laisser libre de suivre son
inclination et elle donnait l'espérance d'un beau
talent lorsqu'elle fut enlevée par une mort pré-
57 LEAPOR —
maturée. Deux volumes de ses poèmes furent
publiés par souscription; 1748, 1751, in-8°. Le
second contient une tragédie intitulée : The
vmhappy Fnther, et plusieurs actes d'une se-
conde pièce. L'excellent poète Cowper avait une
hante idée du talent de Marie Leapor. Z.
Mugraphia Dramatica. — Hayley, Life nf Cowper,
t. 111, p. 296. — nrntlenvtn's Muuazine, vol. LIV. — Chal-
mers, General Hingrapkical Dirtionary.
LKARon: ( Aîap/.oç ) de Rhénium, statuaire
grec, vivait dans le sixième siècle avant J.-C. Il
est un de ces artistes dédaliens placés aux con-
fins de la période mythique et de la période
historique, et sur lesquels on ne possède pas de
renseignements certains. Nous le plaçons au
sixième siècle d'après l'opinion la plus accrédi-
tée, qui le met au nombre des disciples de Di-
pène et de Scyllis, statuaires, qui vivaient vers
550 avant J.-C. Ma:s cette op-nion est sujette à
de graves difficultés. Pausanias rapporte qu'il vit
dans la Maison de Bronze de Sparte une sta-
tue de Jupiter par Léarque, faite de pièces de
bronze forgées séparément et adaptées les unes
aux autres avec des cous. Il ajoute que c'est la
plus ancienne statue de bronze qui existât de
son temps. Léarque aurait donc vécu à une
époque où l'on ignorait l'art de couler les sta-
tues de bronze; mais cet art, dont on attribue
l'invention à Phœcus et à Théodore, paraît re-
monter à 700 environ avant J.-C. Il faudrait donc
reculer jusqu'au huitième siècle l'existence de
Léarque, ce qui est absolument inconciliable avec
la tradition, qui le place parmi les élèves de Di-
pène et de Scyllis. La difficulté augmente encore
si, avec plusieurs éditeurs , on substitue dans le
texte Cléarque (K/iapxov) à Léarque (Asap^ov).
Dans les deux cas on ne peut sortir d'embarras
qu'en admettant que deux arlistes du nom de
Léarque ou du nom de Cléarque ont vécu, l'un
au commencement, l'autre à la fin de la période
dédalienne (800-500), ou en supposant qu'une
de ces vagues traditions si communes dans l'an-
tiquité avait attaché le nom d'un ancien sta-
tuaire célèbre à un ouvrage encore plus ancien
et dont l'auteur était inconnu.
On trouve dans la collection du prince deCa-
nino à Rome des vases peints qui portent le nom
de Léarque de Rheginm, et semblent appartenir
à deux artistes différents. L. J.
Pausanias, III, n. — Quatremère de Quiney, Jupiter
OlympU-n. — O. Millier. Hannburh d. Archàoingie lier
Kunst. - Nagler, .Veues MUaemeines KUyistli-r -Lexicon.
L'eau (Corneille), missionnaire français, né
à Lyon, en 1659, mort à Vienne (Dauphiné). le 29
décembre 1734. 11 entra chez les jésuites, et
passa la plus grande partie de sa vie dans les
missions étrangères. Sa mauvaise santé le força
de revenir en France, où il se consacra à la cul-
ture des lettres. On a de lui : Axiomes de Phi-
losophie chrétienne, trad. du latin de Mannis;
— Œuvres du P. Segneri, trad. de l'italien,
7 vol. in- 12. A. L.
Pernetty , tes Lyonnais dignes de mémoire, tom. II,
p. J68.
LEBA1LLY 58
lebaillif ( Alexandre-Ctaude-Mariiu ),
physicien français, né à Saint-Fargeau, le 11 no-
vembre 1764, mort à l'aris, le 27 décembre 1831.
Il fit ses études chez les Oratoriens de Lyon,
devint en 1790 greffier du tribunal de Saint-
Fargeau, et de 1798 à 1799 fut employé au mi-
nistère de la police, division des émigrés. Il per-
dit cet emploi, et fit un voyage à Saint-Domingue.
A son retour, il entra au ministère de la guerre,
où il resta jusqu'en 1S09 ; à cette époque, il passa
au ministère de l'intérieur dans une des divisions
de la police générale. Angles ayant été nommé
préfet de police appela Lebaillif près de lui, et
lui confia en 1819 la caisse de la préfecture unie
plus tard à celle des prisons. Ses fonctions ne
l'empêchaient pas de s'occuper de physique. Il
construisit d'excellents micromètres sur verre
destinés à mesurer les grandeurs microscopiques,
et en forma son mensurateur des microscopi-
ques. Il aida le physicien Charles à perfectionner
son microscope, et grava pour lui des micromè-
tres et des objectifs. Lebaillif fit des recherches
pour l'achromatisme des lentilles et fit appliquer
aux microscopes les diaphragmes mobiles. II se
servait avec une grande précision du chalumeau,
et inventa des petites coupelles d'argile réfrac-
taire. Par un sMéroscope de son invention, il
démontra la répulsion de l'aiguille aimantée
pour le bismuth et l'antimoine et l'existence du
fer dans un grand nombre de corps. Il exécuta
un galvanomètre d'une extrême sensibilité, des
électromèlres parfaits, des piles sèches, etc. Il
fit aussi des recherches sur la coloration du sang,
sur les dissolutions du fer au maximum d'acide
par le sulfocjanure de potasse, etc. On lui doit
encore l'invention d'aiguilles d'argile pour re-
connaître Pinfusibilité des terres destinées à la
fabrication de la porcelaine, des méthodes d'a-
nalyse pour reconnaître les subsiances métal-
liques employées dans la coloration des papiers,
des notes sur l'aventurine artificielle et la défla-
gration des fils de fer et de la fonte blanche. En
1826, il signala le danger de certains bonbons
coloriés. On a de lui : Mémoire sur l'emploi
des petites coupelles au chalumeau , ou nou-
veaux moyens d'essais minéralogiques (extrait
des Annales de l'Industrie) ; Paris, 1823, in-8°.
J. V.
Henrinn . annuaire Biographique. — Quérard, ta
France Littéraire.
lebailly (Antoine- François), poète fran-
çais, né à Caen, le 1er avril (756, mort le 13
janvier 1832. Il étudia le droit dans sa ville na-
tale, et y exerça la profession d'avocat. Venu
ensuite à Paris, il s'y lia a%'ee Court de Gébe-
lin. 11 débuta par quelques fables et par la tra-
duction de quelques satires d'Horace, qui furent
insérées dans des recueils périodiques. Bien-
tôt il publia un recueil de fables, qu'il dédia au
duc de Valois, petit-fils du duc d'Orléans et qui
fut depuis le roi Louis-Philippe; il devint ensuite
un des principaux collaborateurs delà Petite Ri-
59 LEBAILLY —
bliothèque des Théâtres, et eu 1786 il fit repré- I
senter sur le théâtre de Nicolet, à la foire Saint- |
Laurent, une petite comédie en vers. Tous ces
travaux rapportaient peu, et Lebailly dut pen- j
dant la révolution demander un emploi dans les
administrations publiques. Nommé vérificateur
à la liquidation de la dette des émigrés, il fut
réformé en 1 800 lors de la suppression de cette
caisse. Il obtint une place de rédacteur à l'ad-
ministration centrale des droits réunis en 1811,
et perdit cet emploi en 1814, lorsque la Restau- j
ration changea les droits réunis en contributions
indirectes. Lebailly passa alors à la liquidation
des dettes de la maison d'Orléans, et y resta,
soit comme titulaire, soit comme pensionnaire,
jusqu'à sa mort. C'est à ses fables que Lebailly
doit sa réputation. « Elles se distinguent, dit un
biographe, par la justesse des moralités, par un
style élégant et correct, par une grande variété
de tons, et surtout par la bonhomie, qualité fort
rare chez la plupart de nos fabulistes, et qui chez
quelques autres dégénère en niaiserie et en trivia-
lité. » Ses écrits ont pour titres : Fables nouvelles,
suivies de poésies fugitives ; Paris, 1784, in-12;
2e édition, diminuée et sans les poésies fugitives ;
Paris, 1811, in-12, avec figures; — Fables nou-
velles; Paris, 1814, in-12 : suite du recueil pré-
cédent, avec une table raisonnée des matières;
une nouvelle édition complète , imprimée en
1823, in-8°, est dédiée au duc d'Orléans; —
Corisandre, ou les fous par enchantement,
opéra en trois actes , du baron d'Hogger et du
comte de Liniers , refait et arrangé par Le-
bailly, et joué à Bordeaux en 1795; — Le Choix
d'Alcide , apologue grec , mis en opéra-bal-
let, musique de Langlé; Paris, 1811, in-8°, et
à la fin du recueil des Fables de la même an-
née, in-12; — Œnone, opéra en deux actes,
musique de Kalkbrenner; Paris, 1812, in-8°;
— Diane et Endymion, fable arrangée en deux
actes, séparés par un intermède où l'on voyait
en action le fameux tableau de Girodet ; Paris,
1814, in-12, à la suite des Fables ; — Notice sur
la vie et les ouvrages de feu Grainville;
Paris, 1808, in-8°; — Le Procès d'Ésope avec
les Animaux , comédie en un acte, en vers et
en prose; Paris, 1812, in-12; — Le Gouver-
nement des Animaux, ou l'ours réforma-
teur, poème ésopéen; Paris, 1816, in-8o, et à la
suite du recueil de Fables de 1823, — Arion,
ou le pouvoir de la musique, cantate à deux
parties, arrangée sur la musique de Mozart;
Paris, 1817, in-8°; — Hommages poétiques à
La Fontaine, ou choix de pièces en vers com-
posées en son honneur par J.-B. Rousseau,
Louis Racine, Voltaire, Marmonlel, Delille,
Boni fiers, Imberl, Lemonnier, Ducis, Collin,
Laija, et accompagné de notes biographiques
et d'anecdotes littéraires; Paris, 1821, in 18;
— La Chute des Titans , ou le retour d'As-
frée, cantate à l'occasion du sacre de Charles X;
Paris, 1825, in-8°. Lebailly a laissé inédits plu-
LEBARBXER
60
sieurs opéras intitulés : Soliman et Éronyme,
ou Mahomet II ; — Gustave Vasa; — Her-
cule au mont Œta; — Le Mariage secret de
Vénus; — Calisto; — Les Amants napoli-
tains, ou la gageure, indiscrète, opéra bouffon
en trois actes, arrangé sur la musique de Cosi
fan tutte de Mozart ; — V Amour vengé. Il avait
préparé avec Noë! une Histoire de V Apologue,
qui n'a pas été publiée. Lebailly a donné dans la
Petite. Bibliothèque des Théâtres des noticessur
Campistron , Lefranc de Pompignan et autres
auteurs dramatiques. Il composa pour la nais-
sance du roi de Rome une allégorie intitulée
L'Oracle du Destin , ou les Héraclides , qui
parut dans YAlmanach des Muses. Le Nid
d'Alcyon a été composé pour la naissance du duc
de Nemours. Dans la troisième édition de se
Fables , Lebailly remplaça les vingt-cinq vers à la
louange de Napoléon qui terminaient l'épilogue
de son premier recueil par vingt-sept vers en
l'honneur des Bourbons.
Lebailly avait eu un fils , officier d'artillerie
distingué, qui périt en 1812, dans la retraite de
Moscou, et une fille, qui hérita en partie de son
talent pour l'apologue. L. L — t.
Rabbe, Vieilh de Boisjolio et Sainte-Preuve, Biogr.
univ. et portât, des Contemp. — Quérard, ta France
Littéraire.
lebarbier (Gervais), sieur de Francourt,
calviniste français , né à 'forcé , près de Mont-
fort, au Maine, vers le commencement du sei-
zième siècle, mort à Paris, dans la nuit sanglante
du 24 août 1572. Il exerçait au Mans la profes-
sion d'avocat, quand le ministre Henri de Salvert
vint chercher des prosélytes parmi les habitants
de cette ville. Au 1" janvier de l'année 1560,
Gervais Lebarbier nous est signalé dans l'as-
semblée secrète des protestants manceaux :
il est un des cinq surveillants désignés par
cette assemblée pour administrer un des cinq-
cantons de la province, et sous sa conduite sont
venus d'eux-mêmes se ranger les sieurs de Pes-
chèvre , de Nue, de Noyen, de Lavardin, de La
Suze, de La Vallière , du Tronchet , etc., etc.
Presque toute la noblesse du Maine ayant
embrassé la cause de la réforme, avec un em-
pressement qui fut bientôt de mauvais augure
pour l'avenir de cette cause , Gervais Lebarbier
devait en effet avoir dans son canton un nombre
considérable des seigneurs du pays.
Au mois d'août 1561, il fut envoyé en mission
auprès d'Antoine de Bourbon. C'est alors que
pour la première fois il vit Théodore de Bèze.
Après le massacre de Vassy, de Bèze et Fran-
court , ayant conçu l'un pour l'autre une égale
estime, se rendirent ensemble près du roi de
Navarre et du prince de Condé, et conseillè-
rent la résistance ouverte , une prise d'armes
générale du parti. Nous le voyons ensuite, en
1562, un des seigneurs les plus accrédités au-
près de Jeanne d'Albret, avec le titre de chan-
celier du royaume de Navarre. En 1563, cette
61
LEBARBIER
princesse ayant été citée par le pape devant le
tribunal des inquisiteurs, Lebarbier fut envoyé
par elle à Paris, et plaida sa cause devant la
reine mère. Le pape étant intervenu dans cette
affaire avec une grande passion, il s'agissait
de démontrer que la cour de Rome avait dé-
passé la limite de ses droits, et que le roi de
France ne pouvait permettre sans péril , que
pour telle ou telle cause, la reine de Navarre fût
inquiétée dans la possession même de sa cou-
ronne. Lebarbier se montra dans cette occasion
habile diplomate, orateur éloquent, et il gagna
sa cause. Charles IX protesta contre l'assigna-
tion signifiée à Jeanne d'Albret , et la cour de
Rome , calmée par cette protestation , ne com-
mença pas les poursuites. Il y eut ensuite entre
h- -, deux partis une trêve, une apparence de paix.
Lebarbier profita de ce moment de repos
pour faire un voyage au Mans. Après s'être
rendus maîtres de cette ville et l'avoir occupée
quelques mois, les protestants en avaient été
chassés par des forces supérieures, et les vain-
queurs n'avaient pas épargné les vaincus. Les
amis, les complices du puissant chancelier
avaient presque tous été proscrits ou massacrés
par une réaction féroce. II entendit les plaintes
de leurs fils , de leurs veuves , et se chargea de
les transmettre au roi. C'est alors que le roi
nomma Gabriel Myron , conseiller au parlement
de Paris, commissaire général dans le gouverne-
ment de Touraine , et que celui-ci se rendit au
Mans. Mais son arrivée fut en quelque sorte le
signal de violences nouvelles. S'il ne les encou-
ragea pas ouvertement , il les permit. Lebarbier
osa faire encore de vaines remontrances.
Les autres provinces du royaume n'étant pas
plus tranquilles, il y eut un congrès des chefs
protestants. Pouvait-on plus longtemps suppor-
ter ces injures ? Ne valait-il pas mieux tenter la
fortune, et, au pis, mourir en combattant? C'est
à ce dernier parti qu'on s'arrêta. Lebarbier fut
donc envoyé vers les princes protestants d'Alle-
magne solliciter le concours de leurs armes en
faveur des protestants français. Il ne faut pas
supposer qu'à cette époque on ne distinguait pas
avec autant de rigueur que de nos jours le con-
citoyen de l'étranger, et que l'amour de la pa-
trie, étant sans vivacité, était aussi sans scru-
pules. Voyez de même, en d'autres temps, les
libéraux bataves, italiens, invoquer le bras de
l'étranger contre leurs tyrans domestiques : c'est
que la religion et l'esprit d'indépendance , qui
est une autre religion , parlent quelquefois aux
consciences généreuses un langage plus impérieux
que la patrie elle-même. Si d'ailleurs Lebarbier
et les chefs de l'armée protestante ont suivi les
mauvais conseils de la passion, lorsqu'ils ont ap-
pelé sur le territoire français des légions alleman-
des, ils n'ont fait en cela que suivre un exemple
donné par la reine mère, qui venait de confier à
des bataillons suisses l'exécution de ses atroces
desseins contre une partie de la noblesse fran-
çaise. Voilà ce qui les justifiera, ou du moins
les excusera toujours.
De retour en France, Lebarbier prit part au col-
loque de Chàtillon. A ce colloque, suivant La Noue,
lurent convoqués dix ou douze des plus signalés
gentilshommes. Ainsi, bien que le sieur de Fran-
court fût d'une médiocre noblesse, son mérite
et l'éclat de ses services le faisaient marcher de
pair avec les plus hauts personnages de son
parti. Et il ne jouissait pas seulement d'un grand
crédit auprès des chefs : qui avait conquis plus
d'autorité sur les soldats ? Quand l'armée de Jean
Casimir et celle du prince de Condé se joignirent
près de Pont-à-Mousson, le II janvier 1568, les
Allemands, suivant leur coutume, déclarèrent
qu'ils n'avanceraient pas au delà s'ils n'étaient
payés. Mais comment sur ce point les satis-
faire? Le prince de Condé n'avait dans sa bourse
que deux mille écus. C'est alors que Lebarbier
se rendit au eamp français, harangua les officiers,
les soldats, et obtint d'eux la somme exigée.
« Cette libéralité fut si générale, dit La Noue,
'jiie, jusques aux goujats des soldats, chacun
bailla, de manière qu'à la fin on réputait à dé-
shonneur d'avoir peu contribué. » C'est un des
plus grands succès de l'éloquence. Quatre-vingt-
mille livres furent ainsi recueillies par le sieur
de Francourt, et versées dans la caisse du prince
Casimir. Cette affaire réglée, les protestants en-
trèrent en campagne, et eurent d'abord quelques
avantages. Pour les désarmer, on leur offrit la
paix. On recommença la guerre dès qu'ils eurent
déposé leurs armes. Après la bataille de Jarnac,
si funeste à la cause protestante, nous retrou-
vons Lebarbier, avec la reine de Navarre, au
camp de Cognac. Il fait ensuite, par les ordres
de cette princesse, un nouveau voyage en Alle-
magne, et en revient annonçant l'arrivée pro-
chaine d'une nouvelle armée, commandée par le
duc de Deux-Ponts. Enfin la cour de France
ne parle plus que de terminer définitivement de
si longs malentendus , que de signer de bonne
foi les conditions, les garanties, d'une paix inal-
térable : les seigneurs protestants sont appelés
à Paris, présentés au roi, conviés à de grandes
fêtes, et dès l'abord admis sans égard à la
diversité de leur religion au partage de toutes
les charges auliques. Dans cette distribution des
faveurs royales, le sieur de Francourt reçoit le
titre de maître des requêtes. Mais ce n'était, on
le sait trop, qu'une abominable tromperie. Le-
barbier habitait le Louvre quand fut donné le
signal du massacre, et il fut une des premières
victimes de la fureur catholique conjurée avec
la raison d'État. Ses assassins eux-mêmes ont
à leur manière fait son éloge funèbre, en pre-
nant soin de le distinguer dans la foule des
morts. Il est nommé dans le Déluge des Hu-
guenots de Coppier de Velay :
Cak- de Beauvais avec Francourt
Sont allés régenter la court
Du harenc [rais et de l'aiauze
63
LEBARBIER — LEBAS
64
Ne citons rien de plus. Les politiques pourront
diversement apprécier les conséquences de la
Saint Barthélémy : tout le monde sera éternel-
lement d'accord pour flétrir l'écrivain qui a pu
trouver dans celte affreuse tuerie la matière d'un
poème burlesque.
Il est vraisemblable que Lebarbier de Fran-
court a rédige, durant le cours d'une vie. si la-
borieuse, beaucoup de mémoires, de notes et
de lettres; mais il n'a fait imprimer que deux
de ces pièces, et comme elles sont l'une et l'autre
pleines de curieux détails, nous allons en donner
exactement les titres. La première , publiée en
1565, au Mans, à Orléans, et, dit-on, à Strasbourg,
est intitulée: Remontrance envoyée au roi par
la noblesse de la religion réformée du pays et
comté du Maine. Elle a été plus tard insérée
dans les Mémoires de Condé. Nous trouvons
encore dans les mêmes Mémoires le deuxième
libelle de Lebarbier, sous ce titre : Avertisse-
ment des crimes horribles commis par les
séditieux catholiques romains au pays et
comté du Maine. Ces écrits, inspirés par une
vive passion, sont encore intéressants au point
de vue littéraire. B. Hauréau.
Registre du Consistoire du Mans, parmi les manus-
crits de la biblinth. du Mans, sous le nnm. R47. — Blon-
deau , des Portraits des Hommes illustres du Moine. —
I,e Tocsin contre les Massacreurs , dans les archives
curieuses de l'histoire de France, lre série, t. vu, p. 57.
— .tac. Aug. Thuanus, Hist. sui temporis, lib. 43. —
K. Haureau , Hist. Littér. du Maine, t 11, p. 899.
lebarbier (Jean - Jacques - François),
peintre français, né à Rouen, en 1738, mort à
Paris, le 7 mai 1826. Après avoir remporté, en
1756 et 1758, les premiers prix de dessin à l'a-
cadémie de sa ville natale, il vint à Paris, où il
reçut des leçons de Pierre, premier peintre du roi.
En 1776 il fut chargé par le ministre d'aller lever
des vues en Suisse. H partit ensuite pour Rome,
et à son retour il dessina des études à la manière
noire, qui répandirent le goût des bons modèles
dans les écoles. Membre de l'ancienne Académie
de Peinture, il fut admis à l'Académie des
Beaux-Arts, lors de la réorganisation en 1816.
Ses compositions manquent de verve et d'ori-
ginalité, et il écbouait dans les sujets qui com-
portent un certain nombre de personnages;
mais dans les tableaux plus simples il a sou-
vent des têtes d'un beau style. Parmi les ta-
bleaux de Lebarbier on cite : Le Premier
Homme et la Première Femme ( 1 80 1 ) ; — Hé-
lène et Paris (1801) ; — Une Lacédémonienne
donnant un bouclier à son /t/s(1806); —
Une Vierge ( 1 806 ); — L'Amour perché sur
un arbre lançant ses traits (1806);— Anti-
gone, ou la piété fraternelle (1808) ; — Agrip-
pine quittant le camp de Germanicus (1808);
- La Chasse aux papillons (1810); — Saint
Louis recevant V oriflamme des mains d'Eudes
avant de partir pour la première croisade
(1812), tableau conservé à Saint-Denis; —
Hetiri IV et la marquise de Verneuil ri 814)-
— Sujet tiré de la VIe églogue de Virgile
(1814); — Médias assassinant sa belle-mère
Mania, satrape de l'Éolide; — Le Thébain
Phyllidas tuant Léontiade qui avait livré la
Cad niée à Phébidas (1817); — Exercices des
Lacédémoniens sur les bords de l'Eurotas
(1817); — Les Adieux d'Abradate et de Pan-
ifiée (1817) ; - Panthée expirant sur le sein
de son mari (1817); — Jupiter sur le mont
Ida, à Versailles ; — Jeanne Hachette, à l'hô-
tel de ville de Beauvais; — Le Siège de Nancy,
à l'hôtel de ville de Nancy. Lebarbier avait ob-
tenu une médaille d'or au salon de 1808. H a
fait des dessins pour des éditions d'Ovide, de
Racine, de Rousseau et de Delille. On a de lui :
Des causes physiques et morales qui ont in-
flué sur les progrès de la peinture et de. la
sculpture chez les Grecs; Paris, 1801, in-8°;
— Principes de Dessin, dessinés d'après na-
ture; Paris, 1801, six cahiers in-fol.; — Prin-
cipes élémentaires du Dessin, à l'usage de
la jeunesse; études de la fêle, premier cahier ;
Paris, 1801, in fol. Lebarbier a donné dans les
Mémoires de l'Académie Celtique : Notice sur
M. Legrand, architecte (tome 11, 1808); —
Notice sur la manière dont les monuments
doivent être dessinés (tome III, 1808). Après
sa mort, on a fait paraître le Catalogue des
tableaux, dessins, livres et estampes prove-
nant du cabinet et de la bibliothèque de feu
Lebarbier; Paris, 1826, in-8". L. L— t.
Ch. Gabet, Met. des Artistes de l'école franc, au dix-
neuvième siècle. — Iliour. univ. et portât, des Contemp.
— Quérard , La France Littéraire.
* le barbier DE tinan ( Marie-Charles-
Adalbert), amiral français, né le 30 août 1803.
Admis à l'âge de quinze ans à l'école navale, il
fit comme enseigne l'expédition maritime sur
les côtes d'Espagne en 1823. Lieutenant de vais-
seau en 1829, capitaine de corvette en 1837, et
capitaine de vaisseau en 1843, il siégeait au con-
seil d'amirauté lorsqu'il fut promu contre amiral
le 3 février 1851. Au début de la guerre d'Orient,
il reçut le commandement de la station navale
du Levant, et prit part au débarquement des
troupes françaises à Gallipoli, bloqua les ports
de la Grèce et reçut le commandement du corps
expéditionnaire qui débarqua au Pirée. Nommé
vice-amiral le 7 juin 1855, il laissa son com-
mandement à M. Jacquinot. En 1856 M. Le
Barbier de Tinan fut nommé membre du comité
consultatif de l'Algérie, et en 1858 membre ti-
tulaire du conseil d'amirauté. L. L — t.
Vaprreau , Dict. uni», des Contemp.
LEBAS (/. ), poète et cuisinier français, vi-
vait dans la première moitié du dix-huitième
siècle. Nous n'avons pu nous procurer des ren-
seignements exacts sur sa vie, mais nous savons
du moins qu'il est l'auteur d'un recueil de vers
imprime à Paris en 1738 : Le Festin joyeux, ou
la Cuisine en musique, 2 tomes in 12, musique
gravée. Amateur passionné de. la cuisine et de la
65
LEBAS
r.c
musique, il voulut, il le dit lui-même, faciliter
aux clames les moyens d'enseigner en chantant
à leurs subalternes la manière de faire des ra-
goûts et sauces. Il mit donc en chansons les
recettes d'un grand nombre de mets, l'ordon-
nance des plats sur la table aux différents ser-
vices, et bien d'autres choses relatives à l'art
culinaire. Ce livre est donc utile pour faire con-
naître qu'elle était vers le commencement du
règne de Louis XV la situation des connaissances
gastronomiques. G. B.
Viollet-Le duc, Bibliothèque Poétique, t. II, p. 16.
lebas (Jacques-Philippe), graveur français,
né à Paris, en 1707, y mourut en 1783. Il fut
graveur du CabinetduRoi,et produisit avec suc-
cès un grand nombre de planches d'après dif-
férents maîtres ; on compte de lui plus de cinq
cents morceaux. Les plus remarquables sont :
Les Œuvres de Miséricorde, grande planche en
taille-douce d'après Teniers ; — L'Enfant Pro-
digue, pendant de la précédente , d'après le
même; — une suite de Fêtes de Village, en
taille-douce; — Le Sanglier féroce, gr. planche
en taille-douce, d'après Philippe Wouvermans ;
— La Chasse à l'italienne et Le Pot au Lait,
deux grandes planches en taille-douce, d'après
le même et faisant pendants; — Le Départ de
la Chasse; — La Prise du Héron, deux: planches
en taille-douce, faisant pendants, d'après van
Falens; — Le Rendez-vous de Chasse, V Heu-
reux Chasseur, deux planches d'après le même;
— L'Alliance de Bacchus et de Vénus, moyenne
planche, d'après Noël Nicolas Coypel ; — divers
grands portraits, d'après Verner, et nombre
d'autres pièces, d'après Berghem, Adrien van de
Velde, Ruysdaël, Watteau, Oudry, Ch. Parro-
cel, Lancret, etc. G. de F.
Bazan, Dictionn. des Graveurs.
le bas (Philippe-François- Joseph), homme
politique français, né à Frévent (Artois), en 1765;
il se donna la mort à Paris, le 10 thermidor an n
(28 juillet 1794). Son père était notaire; lui-
même fit ses études à Paris, au collège de Mon-
taigu, fut reçu, en 1789, avocat au parlement, et
exerçait sa profession à Saint-Pol lorsque éclata
la révolution, dont il adopta les principes avec
enthousiasme. D'abord délégué pour représenter
ses concitoyens à la fédération du 14 juillet 1790,
il fut nommé en 1791 administrateur du district
de Saint-Pol, et dès le mois de décembre de la
même année il fit partie de l'administration
du Pas-de Calais. 11 fut élu, en septembre 1792,
membre de la Convention nationale, et y vota la
mort de Louis XVI sans appel ni sursis. Il ne se
prononça contre les girondins (31 mai) qu'avec
une certaine répugnance ; ami et compatriote
de Robespierre, et convaincu de la pureté de ses
intentions , il fit taire en cette occasion, comme
dans plusieurs autres qui suivirent, sa bonté na-
turelle et la droiture de son esprit. Quoique Le
Bas eût donné des preuves d'éloquence, il prit
peu de part aux luttes oratoires, et consacra son
nocv. biogh. cénéu. — t. xxx.
activité aux travaux des comités. Il fut avec sou
liaient Duquesnoy envoyé en mission à l'armée
de Sambre et Meuse. A son retour (fin août 1793),
il épousa Elisabeth Duplay, l'une des filles de
l'hôte de Robespierre, et cette union resserra en-
core leur intimité (1). Le 14 septembre suivant,
il fut nommé membre du comité de sûreté gé-
nérale, et partit presque aussitôt pour l'armée du
Rhin. Il accompagnait Saint-Just, dont il tempéra
plus d'une fois la sévérité. Cette mission, dans
laquelle Le Bas et son collègue donnèrent de nom-
breuses preuves de valeur, eut pour résultat la
reprise des lignes de Wissembourg et le déblocus
de Landau. En janvier 1794 il revint à Paris; mais
dès le mois d'avril suivant il alla de nouveau
avec Saint-Just rejoindre l'armée de Sambre et
Meuse, qui reprit l'offensive sur les Autrichiens,
enleva Charleroi et gagna la bataille de Fleurus.
Au retour de cette campagne, Le Bas fut chargé
de la surveillance de l'École de Mars, établie dans
la plaine des Sablons. « Le Bas, écrit Lamariine,
ami de Robespierre, jadis son condisciple, se dé-
voua, par undouble culte, à ses principes comme
révolutionnaire et comme ami. Il suivait sa pen-
sée comme l'étoile fixe de ses opinions. Probe,
modeste, silencieux, sans autre ambition que
celle de servir les idées de son maître, il croyait
à sa vertu comme à son infaillibilité. Aussi le
9 thermidor an h, lorsque Robespierre fut dé-
crété d'accusation avec Couthon et Saint-Just,
Le Bas s'écria « qu'il ne voulait pas partager
l'opprobre d'un tel décret , et qu'il demandait
pour lui la même mesure ». Cette demande lui
fut accordée, et, arrêté aussitôt, il fut incarcéré
avec eux à La Force. Henriot vint les délivrer,
et les conduisit à l'hôtel de ville. Là Le Bas et
Saint-Just pressèrent Robespierre d'appeler aux
armes les sections et de marcher contre la Con-
vention. Robespierre hésita, puis refusa formel-
lement. Les Conventionnels, sous la conduite de
Léonard Bourdon, envahissaient déjà la place de
Grève, « II ne reste donc plus qu'à mourir, s'é-
cria Le Bas, et jetant un pistolet à Robespierre
aîné, il s'en déchargea un autre sur le cœur. II
tomba mort. ( Voy. Robespierre.) H. Lesueur.
Moniteur général.— Arrêtés publiés par saint- Just
et Le Bas pendant leur mission à Strasbourg, publiés
par Bûchez et Roux, Histoire parlementaire de la Révo-
lution, t. XXXI, p. 30-40. — Recueil des lettres écrites par
Le Bas à sa la mille et à ses amis, ibid., t. XXXV, p. 317-
365. — Biographie moderne ( Paris, 1815 ). — Thfers ,
Histoire de la Révolution française, t. V.— Lamartine,
Histoire des Girondins, t. VU et VIII.
*le bas (Philippe) , historien et archéolo-
gue français, fils du précédent, naquit à Paris, le
18 juin 1794. Après avoir, dès l'âge de seize ans,
servi dans la marine impériale sur le lougre Le
Vigilant et le vaisseau Le Diadème , puis dans
la garde impériale (au troisième régiment des
gardes d'honneur), après avoir rempli ensuite les
fonctions de sous-chef de bureau à la préfecture
(1) Robespierre devait épouser l'autre demoiselle Du-
play (Éléonore),
67
de la Seine, il fut , en 1820, chargé par la reine
Hortense de faire, en qualité de gouverneur,
l'éducation du jeune prince Charles-Louis-Napo-
léon Bonaparte (aujourd'hui empereur), près de
qui il resta jusqu'au 1er octobre 1827. De retour
en France, il prit près de la faculté des lettres
de Paris les grades de licencié et de docteur, fut
reçu en 1829 agrégé des classes supérieures et
devint l'année suivante professeur au lycée
Saint-Louis (1829), puis maître de conférences
d'histoire à l'École normale supérieure ( 1830),
titre qu'il échangea quatre ans plus tard contre
celui de maître de conférences de langue et lit-
térature grecques à la même école. Chargé , le
17 novembre 1842, par le ministre de l'instruc-
tion publique, d'une mission scientifique en Grèce
et en Asie Mineure, il recueillit un grand nombre
de documents précieux sur cette contrée, si peu
connue jusque alors. La publication en fut ordon-
née par le gouvernement, et les parties que
M. Le Basa déjà publiées prouvent l'étendue de
ses connaissances archéologiques. M. Le Bas
fut nommé en 1846 conservateur administra-
teur de la Bibliothèque de l'Université. Depuis
1838 il est membre de l'Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres.
M. Le Bas est auteur de nombreux écrits,
dont voici les principaux : Explication des
Inscriptions grecques et latines recueillies
en Grèce par la commission de Morée, in-8°;
Paris, 1er cahier, 1835; 2ecahier, 1837; —Ex-
plication de quelques inscriptions latines
trouvées par l'armée d'Afrique à Tîemcen ;
Paris, 1836, in-8°( extrait du Journal général
de l'Instruction publique ) ; — Commentaire
sur Tite Live; Paris, grand in-8" à 2 col.;
1840; — Restitution et explication des Ins-
criptions grecques et latines de la grotte de
la Vipère de Cagliari, avec quelques observa-
tions sur les inscriptions latines du même mo-
nument; Paris, 1840, in-8°; — Historiens
occidentaux des Croisades, t. I*r : Guillaume
de Tyr ( le texte latin a été revu et annoté par
M. Le Bas, depuis le cahier 105 jusqu'à la fin du
volume; Paris, 1844) ; — Voyage archéologique
en Grèce et en Asie Mineure ; Paris, 1 847 et
ann. suiv. ; — Mémoire sur une Inscription
métrique trouvée à Athènes vers la fin du
siècle dernier, près le temple d'Érechthée,
dans les Mémoires de l'Acad. des Inscript, et
Belles- Lettres , t. XXIII , 2e partie ; — Expli-
cation d'une Inscription grecque de l'île
(PÉgine, et Sur deux Bas-Reliefs provenant,
l'un de Gortyne dans Pile de Crète, et l'au-
tre d'Athènes , dans les Nouvelles Annales
de l'Institut de Correspondance Archéolo-
gique de Rome, t. II et t. XVIII; — des
Fragments inédits de deux Romans grecs,
dans la Bibliothèque, de l'École des Chartes
(I8'il) ;des articles archéologiques et historiques
dans la Revue de l'Instruction ptiblique,
dans le Dictionnaire de la Conversation;
LEBAS 68
— dans la Collection des Romans grecs :
Aventures de Hysminé et llysménias, par Eu-
mathe le Macrombolite , trad. du grec avec re-
marques; 1828, in-8o; — Aventures de Dro-
silla et Chariclès, par Nicétas Eugenianus ,
trad. du grec, avec des remarques et variantes
1841, in-8°; en 1856 M. Le Bas en adonné
dans la Bibliothèque des Auteurs grecs publiée
par M. Amb.-Firmin Didot, une édition colla-
tionnée sur dix-sept manuscrits qui se trouvent
à Munich, à Milan et à Paris; — dans YUnivers
pittoresque: Suède et Norvège; 1838, t vol.
in-8°; — Allemagne; 1838, 2 vol. in-8o; —
États de la Confédération Germanique; 1842,
jn-go ; _ L'Asie Mineure; 1 vol. in-8°. M. Le
Bas est l'un des auteurs du Dictionnaire encyclo-
pédique de l'Histoire de France; 12vol. in-8°.
Il a publié pour l'usage des classes plusieurs
ouvrages historiques, qui ont eu un grand succès :
Précis de l'Histoire Ancienne; 2 vol. in-12 ; —
Précis d' Histoire Romaine ; 2 vol. in-12; —
Histoire du Moyen Age ; 2 vol. in-1 2; — plusieurs
éditions (texte grec et trad.
franc. ) d'histo-
riens , orateurs et poètes tragiques grecs. Enfin,
en collaboration de M. Ad. Régnier, il a com-
posé, pour l'enseignement de la langue alle-
mande , plusieurs ouvrages , qui sont devenus
classiques. C Mallet.
Journal de la Librairie. — Renseignements particu-
liers.
* lebas (Louis- Hippoly te ), architecte fran-
çais , né à Paris, en 1782. Il étudia son art sous
Vaudoyer, Percier et Fontaine à l'École des
Beaux- Arts. En 1806 il remporta un second
grand prix d'architecture. En 1810 il exposa
l'intérieur d'une salle ornée de peintures du
quinzième siècle et servant de musée de sculp-
ture. On lui doit le monument élevé à Males-
herbes au Palais de Justice. Il fut en outre
chargé de l'inspection des travaux de la Bourse
et de ceux de la chapelle expiatoire de là rue d'An-
jou-Saint-Honoré, et de la direction des travaux
de l'église Notre-Dame-de-Lorette, dont le mo-
dèle, exposé par lui en 1824, obtint l'avantage
au concours ouvert par le préfet de la Seine.
M. Lebas a également dirigé les travaux de la
prison de La Roquette, ainsi que de plusieurs édi-
fices publics en province. En 1825 il fut appelé
à remplacer Delespine à l'Académie des Beaux-
Arts. Membre de la commission des beaux-arts
à la préfecture de la Seine, il devint ensuite
architecte en chef d'une des conservations
des monuments de Paris. Membre du conseil
des bâtiments civils jusqu'en 1854, il a cons'
truit les nouveaux bâtiments de l'Institut, la
salle des séances particulières , et restauré la
salle des séances de l'Académie de Médecine.
Professeur de l'histoire de l'architecture à l'É-
cole des Beaux-Arts , puis membre du jury et
enfin président de cette école , en même temps
qu'il dirigeait un atelier, il a déjà vu couronner
un grand nombre de ses élèves à l'Académie.
69
LEBAS
70
En 1827 M. Lebas commença avec M. Debret
un ouvrage intitulé : Œuvres complètes de-
Jacques Barrozzi et Vignole, qui n'a pas été
continué.
Son fils, M. Gabriel- Hïppoly te Lebas, pein-
tre de paysages et d'aquarelles , a obtenu une
médaille au salon de 1845. L. L — t.
Ch Gabet, Dict. des Artistes de l'École franc, au dix -
neuvième siècle. — Vapereau, Dict. univ. des Cont.
* lebas ( Jean- Baptiste - Apollinaire ) ,
ingénieur français, né dans un village du dépar-
tement du Var, le 13 août 1797. Comme il était
d'une constitution délicate, on négligea beaucoup
son instruction élémentaire ; des exercices vio-
lents le fortifièrent, et, arrivé à l'adolescence ,
il travailla avec tant d'ardeur qu'à vingt ans il
était admis le second à l'École Polytechnique.
Deux ans après, M. Lebas entra dans le génie
maritime, et il sei'vittour à tour dans les différents
ports militaires delà France. Après avoir organisé
la flottille qui devait bloquer Barcelone en 1823,
il fut choisi par l'amiral Dnperré, lors de l'ex-
pédition d'Alger, pour veiller spécialement aux
réparations des bateaux à vapeur de l'escadre.
Dès que les troupes furent débarquées, M. Le-
bas organisa un chantier de radoub au camp de
Sidi-Férnch. Le gouvernement lui confia ensuite
la mission d'aller chercher à Thèbes les obélis-
ques du palais de Luxor que le pacha d'Egypte
avait donnés à la France. M. Lebas n'en rap-
porta qu'un ; mais tout le monde a pu apprécier
les difficultés que présentait l'enlèvement d'un
morceau de pierre du poids de 230,000 kilo-
grammes dans un pays dénué de ressources et
sans autres appareils que ceux que l'ingénieur
avait pu apporter deFrance. Aidéde huit hommes
seulement, il fit détacher et descendre de sa base
cette masse énorme en moins de vingt-cinq mi-
nutes. La difficulté ne consistait pas uniquement
dans le poids du monolithe : on avait remarqué
que l'une de ses faces était sillonnée par une fis-
sure assez prolongée qui pouvait en faire craindre
la rupture, soit en l'enlevant du socle sur lequel
il était assis en Egypte, soit en le replaçant à
Paris sur un nouveau piédestal ; il était donc
essentiel de ne lui faire supporter aucune se-
cousse ni dans chacune de ces deux opérations,
ni pendant le transport. M. Lebas ayant conçu
l'idée de faire pivoter l'obélisque sur une des
arêtes de sa base, il ne s'a'gissait que d'établir
un appareil suffisant pour soutenir le mono-
lithe pendant le temps de sa rotation. Il ima-
gina d'appliquer à cette opération un procédé
fréquemment en usage dans les travaux de la
marine lorsqu'il faut mouvoir de lourds fardeaux;
mais cette fois on devait le disposer sur une
échelle extraordinaire. « La solution de M. Le-
bas, dit le rapporteur du jury de l'exposition de
1834, est un modèle d'invention et de simplicité.
Pour faire passer un obélisque pesant 230,000
kilogrammes de la position verticale à la posi-
tion inclinée , sur le plan qui devait conduire
I cette masse jusqu'au navire, il a décomposé les
! mouvements en plusieurs rotations suecessive-
j ment opérées sur des axes différents : de telle
I sorte que le centre de gravité du monolithe res-
| tât toujours peu distant du plan vertical mené
! par l'axe de rotation , et qu'une force modérée
pût retenir cette énorme masse dans toutes ses
positions. Deux groupes de forces furent appli-
I qués à des systèmes funiculaires , savoir : un
système d'impulsion pour abattre ; un système de
retenue pour maîtriser et régulariser les mouve-
ments. On multipliait les forces d'impulsion par
des cabestans , et les forces de retenue par des
moufles. M. Lebas avait conçu l'idée ingénieuse
1° de retenir l'obélisque comme un màt de vais-
seau par un ensemble de cordages déployés en
éventail et symétriquement de chaque côté du
plan dans lequel devait graduellement s'incliner
l'axe de l'obélisque; 2° de rendre mobile une
base horizontale ou chevalet sur lequel seraient
solidement attachés les haubans ou cordes de
retenue. A l'arête horizontale et saillante de ce
chevalet il avait fixé huit de ces cordes , dont
la force était multipliée par des moufles ; enfin
huit hommes , un par corde , en tenaient à la
main l'extrémité libre. Tel est l'art et le calcul
de cette combinaison que ces huit hommes ont
suffi pendant toute l'opération pour retenir l'o-
bélisque et modérer au gré de l'ingénieur la des-
cente graduelle de 230,000 kilogrammes , poids
qui représente celui de trois mille quatre cents
hommes. Les dispositions primitives pour des-
cendre l'obélisque du plan incliné jusqu'au na-
vire et pour l'introduire de ce plan dans le na-
vire , les dispositions inverses pour l'extraire de
cette carène et le remonter suivant un nouveau
plan incliné jusque sur la place de la Concorde,
sont par leur simplicité ingénieuse dignes d'une
si belle opération. » Le succès de M. Lebas fut
tel en Egypte que les indigènes, qui d'abord
avaient témoigné avec ironie leur incrédulité
sur le résultat, furent stupéfaits lorsqu'ils vi-
rent le colosse couché s'avançant paisiblement
vers le navire qui l'attendait. L'obélisqne fut
transporté d'Egypte au Havre sur un navire amé-
nagé exprès, nommé Le Luxor, et commandé par
M. Verninac-Saint-Maur. Le monolithe fut en-
suite transporté àParis par la Seine, et le navire
qui le portait vint s'échouer au pied du quai qui
borde la place de la Concorde. L'obélisque, cou-
vert d'une chemise de madriers, franchit avec
bonheur la rampe qui le séparait de la place
ainsi que le plan incliné en pierres qui avait été
préparé pour l'amener à pied d'oeuvre, c'est-à-
dire à la hauteur d'un piédestal en granit édifié
par M. Hittorff au centre de la place. Le 25 oc-
tobre 1836, par une manœuvre inverse de celle
qui avait été exécutée en Egypte, l'obélisque pi-
vota encore sur son arête et une fois debout
prit possession de sa nouvelle base, aux applau-
dissements de 200,000 spectateurs; une inscrip-
tion et des dessins gravés sur le socle indiquent
3.
7( LEBAS -
les différentes opérations. Rien n'avait été laissé
au hasard ; toutes les parties de l'appareil avaient
été exactement calculées. L'ingénieur connaissait
d'avance sous quel effort chacune d'elles devait
agir; il avait pu prévoir ce que chaque cordage
devait opérer ; il était certain qu'aucun d'eux
ne manquerait à sa fonction. Son succès était
donc assuré. « Il aurait pu voir, selon l'expres-
sion de Biet, comme dans le rapport de Pline,
le fils d'un Pharaon suspendu au sommet de l'o-
bélisque sans avoir rien à redouter pour sa res-
ponsabilité; » et cependant il n'avait pas, comme
l'architecte de Rhamsès, 20,000 hommes à sa dis-
position, car la manoeuvre fut opérée en deux
heures par deux cents ouvriers au plus choisis
parmi les artilleurs de la marine et les charpen-
tiers les plus expérimentés virant aux cabes-
tans. Le roi Louis-Philippe assistait à cette ma-
nœuvre des fenêtres du ministère de la marine;
quelques jours après, M. Lebas fut nommé con-
servateur du musée naval, place qu'il conserva
après la révolution de février. A l'exposition de
1834, M. Lebas avait obtenu une médaille d'or
pour l'abattage de l'obélisque de Luxor. 11 a
publié : L'Obélisque de Luxor, histoire de sa
translation à Paris, description des travaux
auxquels il a donné lieu, avec un appendice
sur les calculs des appareils d'abattage,
d'embarquement, de halage et d'érection ;
détails pris sur les lieux et relatifs au sol,
aux sciences , aux mœurs et aux usages de
l'Egypte ancienne et moderne; suivi d'un
extrait de l'ouvrage de Fontana sur la trans-
lation de l'obélisque du Vatican; Paris,
1839, in-4°. L. Lodvet.
A. I.ebas, L'Obélisque de Luxor. — Rapport du Jury
central de l'Expos. des produits de l'industrie en 1834,
1. 111, p. 192. — Charles Dupin, Mémoire sur le trans-
port en France des obélisques de Thèbes, lu le 15 mai
1832 à l'Académie des Sciences. — Verninac-Saint-
Maur, Voyage du Luxor. — Biet, dans VEncycl. des
Gens du Monde, article Érection. — Moniteur, 1836.
LE BATTEUX. Voy. BA.TTEUX.
lebaud ( Pierre), historien français, né,
suivant Moréri, en Bretagne, mais plutôt, suivant
l'abbé Ray nouard, à Saint-Ouen-des-Toits, sur les
frontières de la Bretagne et du Maine , dans le
doyenné de Laval, mort à Laval, le 19 septembre
1505. Si nous avons peu de renseignements sur
les diverses actions de sa vie , nous savons
toutefois qu'il remplit un assez grand nombre de
charges, puisqu'il nous est tour à tour désigné
comme chanoine de l'église de Laval , trésorier
de La Madeleine de Vitré , chantre de Saint-Tu-
gal , aumônier de Guy de Laval et d'Anne de
Bretagne. Lebaud a successivement rédigé plu-
sieurs Histoires de Bretagne. La première , inti-
tulée : Compilation des Chroniques et Histoires
des Bretons, n'a pas été imprimée; on la trouve
à la Bibliothèque d'Angers, qui l'a reçue de l'ab-
baye de Saint-Aubin. La Bibliothèque impériale
à Paris et la bibliothèque du Mans en possèdent
une traduction latine, qui est l'ouvrage du célèbre
LE BÉ 72
Bertrand d'Argentré , petit-neveu de Lebaud ; —
l' Histoire de Bretagne, avec les Chroniques
des maisons de Vitré et de Laval, deuxième
et meilleure mise en œuvre des laborieuses re-
cherches de Lebaud, a été publiée en 1638, par
d'Hozier, en un volume in-fol. Dans ce volume
on lit encore un poëme historique de Lebaud in-
titulé : Le Bréviaire des Bretons, et la Généa-
logie d'Anne de Bretagne, par Disarouez Pen-
guern. La Croix du Maine distingue expressé-
ment les Chroniques des Maisons de Vitré et
de Laval d'un Discours de l'Origine et Anti-
quité de Laval, dont il avait, dit-il , une co-
pie manuscrite dans sa bibliothèque. B. H.
N. Desportes , Bibliogr. du Maine. — D. Lobineau ,
Préface de son Histoire de Bretagne. — Gaillard, Notices
et Extraits des Manuscrits de la Biblioth. Nationale ,
t. VII, p. 415. — B. Hauréau, Hist. Litt. du Maine, t. II,
p. 165, et tome IV, p. 399.
le bé, nom commun à une famille d'impri-
meurs et de graveurs , dont les principaux sont :
le BÉ (Guillaume) , imprimeur et fondeur
en caractères, né à Troyes, en 1525, mort à Pa-
ris, en 1598. Il était fils d'un papetier champenois.
François Ier lui commanda la gravure et la fonte
de ces beaux caractères orientaux dont s'est.
servi Robert Estienne; Philippe II lui demanda
des types semblables pour l'impression de la
fameuse Bible polyglotte d'Anvers. Il grava
vers- 1555 deux sortes de caractères de musique
et une suite de caractères pour la tablature de
luth. La première sorte , qui était en grosse mu-
sique, était faite pour imprimer en une seule fois
les notes et la portée. La seconde était disposée
de manière à imprimer la musique en deux ti-
rages , l'un pour les notes , l'autre pour la por-
tée. Cette portée n'était pas d'une seule pièce,
mais se composait au moyen de filets et de
cadrats. Adrien Le Roy et Robert Ballard ont
employé ces sortes de caractères ; les poinçons et
les matrices ont passé dans l'imprimerie des
Ballard, où ils existaient encore en 1766- Marc-
Antoine Justiniani, imprimeur vénitien renommé,
fit mander Guillaume Le Bé à Venise pour gra-
ver des assortiments de caractères hébraïques.
Gando père et fils, Observations sur le Traité histo-
rique des Caractères de fonte par Fournler.— Casaubon,
Préface des Opuscules de Scaliger.
le bé ( Henri-Guillaume ), fils du précédent,
né vers 1570, fut reçu imprimeur-libraire, gra-
veur et fondeur en 1625. Longtemps avant, dès
1581, il présidait à l'édition in 4° des Lnstitu-
tiones Clenardi in Linguam Greccam, qui est
un véritable chef-d'œuvre d'impression. Les
autres ouvrages qu'il a édités sont également
remarquables. Par un inventaire de sa fonderie,
qu'il a fait lui-même et qui a été cité par Four-
nier dans son ouvrage , on voit que les poinçons
et les matrices de la fonderie de Nicolas Duche-
min pour la musique , gravés par Duehemin, Ni-
colas de Villierset Philippe Danfrie, étaient pas-
sés dans la sienne; ils existaient encore en
1765 dans l'imprimerie de Fournier l'aîné. On a
73 LE BÉ —
de Le Bé une Petite Grammaire Arabe, qui se
trouve en manuscrit à la Bibliothèque impériale.
Schnurrer, Bibl. Arab., p. 506. — Fournier, Traité
historique et critique sur l'Oriyine et les Progrès des
Caractères de fonte pour PImpression de la Musique.—
Félis, Biogr. unir, des Musiciens.
le bé ( Guillaume), fils et successeur du
précédent, fut reçu libraire , graveur et fondeur
en 1636, et mourut en 1685. Il compta, comme as-
socié dans la compagnie des libraires dite du
Grand-Navire, ainsi que l'indique le fleuron du
navire surmonté d'un B, par allusion à son nom,
imprimé entête de toutes ses éditions. Guillaume
laissa une venve, qui soutint la réputation de sa
maison pendant plus de trente ans, et quatre filles,
qui se distinguèrent dans l'art de la fonderie.
Jean Le Bé, son parent, peut-être son frère,
gravait pour lui. Il a travaillé surtout à la belle
édition des Figures de la sainte Bible, accom-
pagnées de brie/s discours composés par le
libraire Jean Le Clerc, beau-père de Guillaume
Le Bé; 1643, in-folio.
Mémoires de l'abbé de Marolles. — Heinecken, Dict.
des Artistes.
le BÉ (André ), maître d'écriture, mort vers
1690, a publié un livre sur la calligraphie.
Mémoires de l'abbé de Marolles.
lebeac (Jean-Baptiste), en latin Bellus,
historien français, né dans un village du comtat
Venaissin, mort à Montpellier, le 26 juillet 1670;
Il entra dans l'ordre des Jésuites, et se consacra à
l'archéologie et à l'histoire. On a de lui : De Par-
tibus Templi Auguralis ; Toulouse, 1637, in-8°;
— De Mense et Die Victorix Pharsalicee ; Tou-
louse , 1637, in-8° ; — Breviculum expeditionis
hispaniensis Ludovici XIII ; Toulouse, 1642,
in-4°; — Polyeenus gallicus, sive stratage-
mata Gallorum; Toulouse, 1643, in-12, dont
il parut une nouvelle édition, sous ce titre :
Otia regia Ludovici XIV; Paris, 1658, in- 8°;
— Idée excellente de la haute perfection ec-
clésiastique en l'histoire de la vie de Fran-
çois d'Estaing, évêqtie de Rhodez ; Paris, 1656,
in-4° : cet ouvrage, abrégé en 1660, a été attri-
bué à Lacarry par le P. Lelong. L— z— e.
Uupuv, ftinqe de Lebeau, dans les Mémoires de l'Aca-
n.ie, t.XXXIV.
le beau (Charles), historien français, né à
Paris, le 15 octobre 1701, mort dans la même
ville, le 13 mars 1778. Il fit de très-bounes
études au collège de Sainte- Barbe et au collège
du Plessis. II quitta Sainte-Barbe à la suite d'une
réprimande sévère, que lui attira, dit-on, la lec-
ture d'un volume de Bacine , et après avoir
terminé son éducation au Plessis, il y resta
comme professeur. Il occupait la chaire de se-
conde lorsqu'il se maria , ce qui l'obligea de
quitter son collège, qui n'admettait que des céli-
bataires ; mais il obtint presque aussitôt après la
chaire de rhétorique au collège des Grassins.
En 1752 il fut nommé professeur d'éloquence au
Collège de France. Sa réputation de latiniste et sa
piété le signalèrent à l'abbé de Rothelin, qui pré-
parait une édition du poème de Y Anti- Lucrèce,
LE BEAU 74
laissé inédit par le cardinal de Polignac. Le ma-
nuscrit de ce poème, auquel le cardinal avait tra-
vaillé fort irrégulièrement pendant quarante ans,
était dans un grand désordres; c'était un assem-
blage de pièces rapportées, dont la liaison ne se
montrait pas au premier coup d'œil. Des addi-
tions écrites sur des feuilles volantes formaient
plus de trois mille vers séparés du texte. Le Beau
débrouilla ce chaos, et V Anti- Lucrèce allait pa-
raître lorsque l'abbé de Rothelin mourut. Le Beau,
resté seul chargé du travail de l'édition, la donna
en 1747, avec une élégante préface, qu'il ne signa
pas. Rien n'indique dans cette édition la part
qu'il y a prise. Maniant avec facilité la prose et la
versification latine, Le Beau était dans les circons-
tances solennelles l'organe applaudi de l'univer-
sité ; mais son mérite d'érudit était moins connu.
L'Académie des Inscriptions l'admit cependant
parmi ses membres en 1748. Il justifia ce choix
par la sûreté et la variété de ses connaissances.
Non-seulement il lut à l'Académie de savants
mémoires sur la numismatique et l'organisation
militaire des Romains; mais il entreprit de réu-
nir en un corps d'ouvrage les récits des histo-
riens byzantins et d'en former une narration
aussi complète que possible de la période qui
commence à Constantin et finit à la prise de
Constantinople par les Turcs. Ce grand tra-
vail était encore loin du terme lorsque l'auteur
mourut. Malgré sa maladie et l'affaiblissement
de l'âge, il n'avait pas voulu renoncer à ses habi-
tudes studieuses. Son médecin Bouvard lui in-
terdisait la lecture. Il parut docile; mais ayant
caché des livres dans son lit, il s'empressait de
les saisir aussitôt qu'on le laissait seul. On s'a-
perçut de la ruse, et on lui en fit des reproches.
« Je mourrai , répondit-il , encore plus vite par
l'ennui que par le travail. » On a de lui : Ad
Card.A. H. deFleury, ode; Paris, 1729 in-4°;
— De légitima Laudatione, oratio ; Paris, 1 733,
in-4"; — In restitutam Régi Valetudinem ,
oratio; Paris, 1744, in-4°; — De Pace, oratio;
Paris, 1749, in-4°. Les œuvres latines de Le Beau,
odes, fables,discours,ont été réunies sous ce titre :
Carmina, adjectis quibusdam aliis; Paris,
1782-1783, 3 vol. in-8°;il en a paru une édition
augmentée, Paris, 1816, 2 vol. in-8°; —His-
toire du Bas-Empire, en commençant à
Constantin le Grand ; Paris, 1756-1779, 22 vol.
in-12. Cet ouvrage, destiné à faire suile à V His-
toire Romaine de Rollin continuée par Crevier
et à Y Histoire des Empereurs par Crevier, est
un résumé judicieux et exact des historiens
byzantins; mais l'auteur, quoique fort instruit,
et bien qu'il remonte soigneusement aux sources,
manque tout à fait de cette puissance de combi-
naison qui avec des détails épais ou incohé-
rents reconstruit une période historique; il n'est
pas moins dépourvu du talent d'écrire. Son style,
terne, diffus, incorrect même, vise parfois à
l'élégance et au mouvement, et devient alors
recherché et déclamatoire, Cependant, comme
75
LE BEAU
76
cette histoire est un abrégé méthodique , com-
mode et sûr d'écrivains que l'on ne lit plus,
elle eut du succès; et l'auteur l'ayant laissée
inachevée, Ameilhon la continua à partir du
vingt-deuxième volume, et la conduisit jusqu'à
la prise de Constantinople. L'ouvrage forme
ainsi vingt-sept vol. (1756-181 1), auxquels il a
ajouté deux volumes de Tables et de Ré-
flexions politiques , morales , etc.; Paris, 1817,
in-12. Une nouvelle édition, revue entièrement,
corrigée et considérablement augmentée d'après
les historiens orientaux, avait été entreprise par
Saint-Martin; Paris, 1836 (Didot), 21 vol. in-8o.
Saint-Martin mourut après l'impression du dou-
zième volume. Un autre orientaliste distingué,
M. Brosset, a continué sur le même plan que
M. de Saint-Martin son savant travail. Le Beau,
nommé en 1755 secrétaire perpétuel de l'Acadé-
mie des Inscriptions, rédigea l'histoire de cette
société depuis le 25e volume jusqu'au 39e, et pu-
blia dans le recueil de l'Académie . six mémoires
Sur les Médailles de restitution (1) (t. XXI,
XXIV) ; — De la Légion romaine, en vingt-six
mémoires (t. XXV-XLII). Dans ce savant tra-
vail, qui est son chef-d'œuvre, Le Beau a suivi le
légionnaire depuis l'enrôlement jusqu'au moment
où, après de longs et pénibles services, il allait se
reposer dans les colonies : « Détail immense qui
l'engageait à traiter de la levée des soldats . du
serment militaire, du nombre des soldats, de la
légion, des diverses sortes d'enseignes, d'armes
et d'habillements, des exercices, de l'ordre de la
marche, du campement et de la bataille; de la
police des légions, de leur paye, de leur nour-
riture, deleurs punitions, de leurs récompenses,
de leurs privilèges , des divers noms donnés aux
légions, du congé et de la vétérance; et enfin
des villes où elles furent envoyées et qu'elles for-
mèrent , soit par des colonies , soit par des
campements. » (2) Le même recueil contient
encore, du XXV au XLIlvol.,les éloges des aca-
démiciens morts depuis 1755, savoir : ceux du
cardinal Quirini, de Maffeï, de Boyer, ancien
évêque de Mirepoix, de Blanchard, de l'abbé de
Pomponne, de Fontenelle, du marquis d'Ar-
genson , de Peyssonnel , de Lamoignon, de l'abbé
de Fontenu , de Mellot, de l'abbé Lebeuf, de
l'abbé Sallier, de Bon, de du Resnel, du card.
Passioneï, de Lévêque de La Ravallière, de Fal-
conet, du comte d'Argenson , de Caylus, de
Hardion, de Tercier, de Ménard, deNoinville,
de l'abbé Vatry, de Bonamy, du prés. Hénault ,
de l'abbé Mignot, de Schœpflin, de Gibert et des
(1) H s'agit de ces médailles frappées sous les règnes
de Titus, de Doraitien , de Nerva et de Trajan qu'on ap-
pelle médailles restituées. Elles portent le nom de deux
personnages, d'abord celui d'un magistrat de l'ancienne
république ou d'un empereur, ensuite le nom du prince
qui fait frapper la médaille et qui s'annonce comme res-
tauraUur par le mot restitua entier ou abrégé. Le Beau
a démontré que ces médailles ont été frappées en com-
mémoration du rétablissement de quelques anciens mo-
numents.
■ï) Dupuy, Éloge de Le Beau.
abbés Belley etMazocchi. On a encore de Le Beat!
une édition annotée des Orationes de Cicéron ,
3 vol. in-12. N.
Dupuy, .éto^e de LeBeau, dans les Mémoires de V Aca-
démie des Inscriptions, t. XLII, et en tête de l'Histoire
du lias-Empire, edit. de Saint-Martin.
le beau (Jean-Louis), philologue français,
frère du précédent, né à Paris, le 8 mars 1721,
mort le 12 mars 1766. Il succéda à son frère
dans la place de professeur de rhétorique au
collège des Grassins, et fut admis à l'Académie des
Inscriptions. Il a publié dans le recueil de cette
société des mémoires : Sur le Margetès d'Ho-
mère, modèle de la comédie ( t. XXIX ) ; — Sui-
te vrai dessein d'Aristophane dans la comédie
intitulée Concionatrices ; sur le Plutus d'A-
ristophane et sur les caractères assignés par
les Grecs à la comédie moyenne ( t. XXX ) ; —
Remarques sur la Description que fait Athé-
née d'une fête d'Alexandrie, donnée par Pto-
lémée Philadelphe ( t. XXXI ) ; — Sur le Lu-
cius ou L'Ane de Lucien ; sur L'Ane d'Or d'A-
pulée; sur un roman grec de Jamblique
intitulé Les Baby Ioniques; sjir les Auteurs
dont Parthénius de Nicée a tiré ses Narra-
tions (t. XXXIV) ; — Sur les Tragiques grecs
(t. XXXV ).
Un abbé Le Beau , frère des deux précédents,
a donné un Tableau précis du Globe terrestre
pour l'intelligence de la Géographie ; Paris,
1767, in-12. N.
Garnier, Éloge de Le Beau, dans le Recueil de l'Acad.
des Inscriptions, t. XXXIV. — Quérard, La France Lit-
téraire.
lebkau (Isidore-Gabriel-Joseph), anti-
quaire français, né à Avesnes (Nord), en 1767,
mort vers 1830. Président du tribunal de pre-
mière instance d' Avesnes et membre de la Société
des Antiquaires de France, il a publié sur sa
ville natale : Mémoire sur les Antiquités de
l'arrondissement d'Avesnes ; 1826 , in-8°, et
dans les Mémoires de la Société centrale du
Nord, année 1826 ; — Notice sur le Pèlerinage
de saint Ethon à Dampierre , village près
d'Avesnes ; dans les Archives du nord de la
France, de 1829 à 1833 ; — Traduction de la
parabole de l'Enfant Prodigue en patois des
alentours d'Auvergne , avec des remarques
sur ce patois et la langue ivallonne, etc.; dans
le t. Xdes Mém. de la Société royale des An-
tiquaires;— Précis de l'histoire d'Avesnes;
1836, in-8J. G. de F.
Statistique des Gens de Lettres.
* lebeau ( Jean- Louis- J oseph) , homme
d'État belge, né le 2 janvier 1794, à Huy ( pro-
vince de Liège). Il étudia le droit à Liège, où il
prit le grade de docteur en 1819 ; après avoir
exercé la profession d'avocat à Huy, il se fit ins-
crire au tableau de l'ordre près la cour d'appel de
Liège. M. Lebeau commença sa réputation en
1824, lorsqu'il se chargeait, avec MM. Devaux et
Rogier, de la direction du Mathieu Lmnsberg,
journal politique jusque alors sans influence, et
77
LEBEAI3 — LE BÈGUE
78
qui ne tarda pas à en acquérir sous le nom de
Journal politique de Liège. Cette feuille con-
tribua puissamment à amener la coalition des li-
béraux et des catholiques connue sous le nom
d'union , coalition qui devint funeste au gouver-
nement néerlandais. M. Lebeau s'abstint néan-
moins de toute démonstration d'opposition , et
jusqu'en 1830 il se livra presque exclusivement
à des études politiques et administratives, et
publia deux ouvrages remarquables- A l'époque
des premiers troubles de Bruxelles au mois
d'août 1830, on établit dans toutes les grandes
villes de Belgique des commissions de sûreté ,
et le gouverneur de la province de Liège
nomma M. Lebeau membre de celle de Liège.
C'est en cette qualité qu'il fut envoyé à Bruxelles
avec une députation pour solliciter du prince
d'Orange une séparation administrative des pro-
vinces du nord et du sud sous le sceptre de la
maison de Nassau. Le prince saisit avec empres-
sement cette idée ; mais la révolution qui éclata
au mois de septembre ne permit pas d'y donner
suite. Le gouvernement provisoire établi à
Bruxelles nomma M. Lebeau avocat général à
la cour d'appel de Liège, et l'invita à prendre
part aux délibérations de la commission chargée
de préparer un projet de constitution. Liège le
choisit en même temps pour député au congrès
national. Dans la chambre des représentants ,
M. Lebeau s'opposa constamment à toute espèce
de réunion médiate ou immédiate avec la France,
et pour empêcher l'élection du duc de Nemours,
il proposa la candidature du duc Auguste de
Leuchtenberg. Le duc de Nemours fut élu à la
majorité d'une voix ; mais le roi Louis-Philippe
refusa cette couronne pour son fils. M. Lebeau
songea, dit-on, alors, ainsi que plusieurs de ses
amis , à élever le prince de Ligne au trône de
Belgique ; mais cette idée n'eut pas de suite.
Lorsque le régent Surlet de Chokier forma son
premier ministère, il confia à M. Lebeau le por-
tefeuille des affaires étrangères. Les événements
les plus importants pour le nouvel État s'accom-
plirent pendant son ministère. Il appuya l'élec-
tion du prince Léopold de tous ses efforts , et
lors de la discussion du traité dit des dix-huit
articles , qui contenait les conditions de l'accep-
tation de ce prince, son discours entraîna le plus
de suffrages ; le projet fut adopté. Pour prouver
son désintéressement, il donna aussitôt sa démis-
sion du ministère ; mais il fut choisi à la presque
unanimité pour faire partie de la députation char-
gée d'aller porter au nouveau roi, à Londres, le
vœu de la Belgique. Le congrès ayant été dissous
à l'arrivée de Léopold , M. Lebeau rentra dans la
vie privée; mais il en fut bientôt tiré par l'élection
de sa ville natale, et le 20 octobre 1832 il rentra
dans le ministère au département de la justice.
Ce cabinet avait à combattre une opposition sys-
tématique et opiniâtre. Les scènes de pillage du
mois d'avril 1834 amenèrent quelques mois plus
tard la retraite de M. Lebeau ; mais en récom-
pense de ses services il obtint le gouvernement
de la province de Namur. Député de Bruxelles
en 1834 il employa son influence à la chambre à
soutenir le gouvernement. 11 parla et vota en
-faveur du traité du 19 avril 1839, et bientôt après
il partit pour Prancfort-sur-le-Mein avec le titre
d'envoyé extraordinaire du roi des Belges près
de la diète germanique, poste dans lequel il s'ef-
força d'entraîner son pays vers la sphère des in-
térêts allemands. Au retour de sa mission en dé-
cembre 1839, il prit part, en mars 1840, à la lutte
que suscita contre le ministère de Theux la réad-
mission du général Vandermissen sur les cadres
del'armée. M. Lebeau vota contre le ministère, au-
quel il envoya sa démission de gouverneur de Na-
mur : elle fut acceptée ; mais le ministère s'étant
retiré, M. Lebeau fut chargé de la composition
d'un nouveau cabinet. Au mois d'avril 1&40
M. Lebeau reprit le ministère des affaires étran-
gères. Il se trouva bientôt l'objet des plus vives
attaques delà part del'opposition cléricale, et dut
donner sadémissionenavril 1841, àla suite d'une
proposition du sénat, sur le refus du roi de dis-
soudre le parlement. En quittant le pouvoir,
M. Lebeau refusa, pour conserver toute son indé-
pendance, les fonctions publiques qui lui furent
offertes. Siégeant toujours dans la seconde cham-
bre, il continua d'y représenter l'opinion libérale.
En 1856 il attaqua la loi présentée par les minis-
tres pour renforcer la loi d'extradition des per-
sonnes accusées d'attentats contre les souverains
étrangers , et en 1 857 il parla contre la loi sur
les établissements de bienfaisance. On a de lui :
Recueil politique et administratif pour la
provincede Liége;Uége, 1829, in-12; — Obser-
vations sur le pouvoir royal dans tes Etats
constitutionnels ; Liège, 1830, in-8°. L. L — t.
Sarrut et Saint-Edme , Biogr. des Hommes, du Jour,
tome VI, lre partie, p. 230. — Conversations-Lexikon. —
— Encyclop.des Gens du Monde. — Dict. de la Convers.
— Vapereau, Dict. univ. des Contemp.
lebedef ( Guérasim) , né en 1749, mort
après 1815. Il fit partie en 1775 d'une ambassade
russe à Naples , la quitta pour visiter Paris et
Londres, et partit de là pour les grandes Indes.
Il vécut deux ans à Madras, et vint, en 1787,
s'établir à Calcutta, où il se familiarisa si bien
avec les langues bengale, hindoustani et sanscrite,
qu'il traduisit un grand nombre de pièces dans
ces idiomes; il fut autorisé par l'administration
anglaise à créer un théâtre indien, qui l'occupa
durant douze ans. De retour à Londres en 1801,
il y publia A Grammar ofthepure and mixted
East-lndian Dialects , et il obtint une forte
somme de l'empereur Alexandre Ier, pour fon-
der à Saint-Pétersbourg , une Imprimerie In-
dienne, d'où sortit, en 1805, Étude impartiale
sur les Systèmes des Bratimanistes des Indes
orientales ; in-4° . A. G.
Messager Russe, mai 1886.
LE BÈGUE. Voy. BÈGUE.
EE BÈGUE DE PKESLE ( Ackille-Guil-
laume). Voy. Bècue de Presle.
79 LE BEL —
le bel (Jean-Marie), latiniste français, mort
à Paris, le 22 janvier 1784'. Il était avocat au par-
lement, et avait une grande réputation comme
orateur et comme légiste. Il consacra les der-
nières années de sa vie à la littérature latine.
On a de lui : V Art poétique d'Horace, trad. en
français; 1769; — Abrégé de l'Histoire Romaine
de Florus; 1776; — Anatomie de la Langue
Latine; — L'Art d'apprendre seul sans
maître et d'enseigner en même temps le la-
tin d'après nature, et le français d'après le
latin ; 1780, in-8°; 2e partie, Paris et Berlin,
1788, in-8°. L— z— e.
Dict. hist. édit. de 1822.
le bel (Jehan), chroniqueur belge du qua-
torzième siècle. II était chanoine de la cathédrale
de Liège et conseiller de Jean II d'Avesnes,
comte de Hainaut. Il a laissé des chroniques
manuscrites, dont Froissart a fait un grand
profit, ainsi qu'il le reconnaît lui-même dans le
Prologue du 1er vol. de sa Chronique : « Je me
vueil fonder et ordonner, écrit-il, sur les vrayes
Chroniques, jadis faittes par révérend homme,
discret et sage monseigneur maistre Jehan Le
Bel, chanoine de Saint Lambert de Liège, qui
grand cure et toute bonne diligence meit en cette
manière et la continua tout son vivant, et plus
justement qu'il pût : et moult luy cousta à
querre et à l'avoir : et volontiers voyoit le sien
despendre. Aussy il fut en son vivant moult
aimé et secret à monseigneur messire Jehan de
Hainaut, qui bien est ramensteu, et de raison, en
ce livre ; car de moult belles et nobles advenues
fut-il chef et cause, et des roys moult prochain.
Pourquoy le dessusdit messire Jehan Le Bel peut
de lez lui voir plusieurs nobles besongnes les-
quelles sont contenues cy-après. » Il ne paraît
pas que la chronique de Le Bêlait été imprimée.
L Z— E.
. Valère André, Bibliotheca Belgica, p. 457.
LE BEL (Le Père), historien français , vivait
dans le dix-septième siècle. Il appartenait à
l'ordre des Trinitaires, et n'est guère connu que
par le rôle qu'il joua à Fontainebleau lorsque
Christine, ex-reine de Suède, fit assassiner son
grand-écuyer Monaldeschi. Trois fois le P. Le
Bel vint demander la grâce du condamné; trois
fois il fut refusé. Il dut se borner à confesser Mo-
naldeschi, déjà blessé grièvement, et, le meurtre
consommé, il fit enterrer l'ancien amant de
Christine. Le P. Le Bel publia plus tard une Re-
lation du Meurtre de Monaldeschi, grand-
écuyer de la reine Christine de Suède, etc.;
Cologne, 1664, in-12. L— z— e.
Sismondi , Histoire des Français, t. XXill, p. 545-547.
* leber (Jean-Michel-Constant), littéra-
teur français, né à Orléans, le 8 mai 1 780. Entré
en 1807, dans les bureaux du ministère de l'in-
térieur il devint chef du bureau du contentieux
des communes , puis , admis à la retraite en
183S, il s'est retiré dans sa ville natale. Con-
sacrant ses loisirs à des travaux d'érudition, il
LEBERECHT 80
fait partie de la Société des Antiquaires de Fran-
ce. On a de lui : Des Cérémonies du Sacre,
ou recherches historiques et critiques sur
les mœurs, les coutumes, les institutions
et le droit public des villes et des Fran-
çais dans V ancienne monarchie ; Paris, 1825,
in-8° ; — Histoire critique du Pouvoir muni-
cipal ; de la condition des cités, des bourgs,
et, de l'administration comparée des com-
munes en France depuis l'origine de la
monarchie jusqu'à nos jours; Paris, 1829,
in-8° ; — De l'état de la Presse et des Pam-
phlets, depuis François Ier jusqu'à Louis XIV;
Paris, 1834, in-8°; — Plaisantes Recherches
d'un Homme grave sur un Farceur. Prologue
tabarinique pour servir à l'histoire litté-
raire et bouffonne de Tabarin, par C. L.;
Paris, 1835, gr. in-16, réimprimé à Paris,
1856, in-16; -— (en société avec M. de Pui-
busque) Code municipal annoté, etc.; Paris,
1838, in-8°; — Essai sur l'appréciation de
la fortune privée au moyen âge, relati-
vement aux variations des valeurs monétaires
et du pouvoir commercial de l'argent; suivi
d'un examen critique des tables de prix du
marc d'argent , depuis Vépoque de saint
Louis, 2e édit. ; Paris, 1847, in-8°: savant mé-
moire, imprimé pour la première fois dans le
tome 1" du Recueil des Savants Étrangers de
l'Académie des Sciences morales et politiques.
M. Leber a fourni divers articles aux Mémoires
de là Société des Antiquaires de France. Il a
mis au jour, avec MM. J.-B. Salgues et J. Cohen,
une Collection des meilleures dissertations,
notices et traités particuliers relatifs à
l'histoire de France, composée en grande
partie de pièces rares et qui n'ont jamais
été publiées séparément; Paris, 1826-1842,
20 vol. in-8°. Cette collection contient beaucoup
de notices et de dissertations de M. Leber sur
des sujets curieux qui n'avaient pas encore été
traités ou épuisés. Bibliophile très-distingué,
il avait formé une précieuse collection de livres,
depuis acquise par la ville de Rouen , et inven-
toriée sous ce titre : Catalogue des livres im-
primés, manuscrits, estampes, dessins et
cartes à jouer, composant la bibliothèque de
M. C. Leber, avec des notes par le collec-
teur ; Paris , 1839-1852 , 4 vol. in-8°, fig.
E. Regnard.
Quérard, La France Littéraire.— Louandre etBour-
quelot, La Littér. Franc, contemp. — Bibliographie de
ta France. — Doc. partie.
lebekecht ( Charles de ), célèbre graveur
en médailles allemand, né à Meiningen, en 1749,
mort en 1827. En (1775 il se rendit à Saint-Pé-
tersbourg, et y obtint un emploi à la monnaie.
Catherine II ayant remarqué le talent de Leberecht
pour l'exécution des médailles, l'envoya à Rome
pour qu'il s'y perfectionnât dans son art. De re-
tour en Russie deux ans après, il devint en 1S00
directeur de la cour des monnaies, et fut nwmmé
81 LEBERECHT
en 1806 conseiller d'État. Il était membre des |
Académies des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg ;
et de Berlin. Il a gravé plus de quarante mé- |
dailles commémoratives à propos d'événements
importants arrivés en Russie de son temps.
Leberecht a aussi gravé un certain nombre de
pierres fines, conservées à l'Ermitage; elles re-
présentent pour la plupart des sujets allégoriques
de l'histoire de Russie. E. G.
Kunstblalt (année 1828).
Lexkon.
Nagler, Allqem. Kunsller-
le BEKitiAYS ( René ), agronome français,
né le 31 mai 1722, au bourg de Brecey, près
d'Avranclies , mort le 7 janvier 1807, à sa
terre de Bois-Guérin, dans la même contrée.
Né de cultivateurs propriétaires, il commença ses
études au collège d'Avranches, d'où il sortit
pour faire sa philosophie au collège de Vire.
Quelques années après, il fut appelé à Paris par
son grand-oncle, oratorien , qui lui enseigna la
théologie et l'engagea à suivre la carrière ecclé-
siastique. Le Berryais s'en tint aux ordres mi-
neurs. Il n'avait de goût que pour la littérature;
mais, faute de fortune, il accepta la place de pré-
cepteur du fils de Gilbert de Voisins, greffier
en chef du parlement de Paris. Étudiant avec
son élève ce qu'il ne savait pas, Le Berriays ap--
prit ainsi l'italien, l'anglais, le dessin, l'architec-
ture et la musique. L'élève obtint une place
de président à mortier. Lorsque le parlement fut
exilé, Le Berriays suivit son ancien disciple dans la
retraite. C'est là qu'il prit du goût pour l'agricul-
ture. Duhamel-Dumonceau lui demanda son aide
pour la publication du Traitédes Arbres fruitiers-.
Le Berriays accepta avec empressement, et se mit
à décrire, dessiner et colorier un grand nombre
d'arbres. L'ouvrage parut en 1768, sons le
nom de Duhamel ; mais il est dû en grande
partie à son collaborateur. Le Berriays composa
ensuite un ouvrage de jardinage , qui fut publié
sous son nom et répandit au loin sa réputation.
La perspective d'une place à l'Académie des
Sciences ne put le retenir à Paris ; il préféra
retourner dans son pays, où il choisit pour re-
traite la terre du Bois-Guérin près d'Avranches.
De cette terre la vue s'étend sur la baie au milieu
de laquelle s'élève le mont Saint-Michel. Il s'y oc-
cupa de jardinage, et termina son livre. Adonné
à la pratique, il taillait lui-même ses arbres,
et après de nombreuses expériences il par-
vint à obtenir plusieurs variétés de fruits , no-
tamment des cerises remarquables par leur
grosseur et leur goût délicieux. Il se plaisait à
offrir des greffes et des graines aux amateurs.
U répandit dans les environs d'Avranches la
culture de la pomme de terre, et forma une
école gratuite de jardinage où tout le monde
était admis. En peu de temps il amena les plus
heureux changements dans la culture de ses voi-
sins. Dans un de ses voyages à Paris, il offrit à
Louis XV des greffes de cerises que le roi vou-
lut placer lui-même. On attribue à Le Berriays les
— LEBERT 82
plans des plus belles maisons d'Avranches et du
collège de celte ville. A la révolution, Le Berriays
fut obligé de se réfugier à Rouen, où il resta ca-
ché jusqu'en 1794. En 1800, la Société d'Agricul-
ture de Paris lui envoya une médaille d'or et
le titre de correspondant. Il s'occupait d'une
nouvelle édition de son grand ouvrage lorsqu'il
mourut. Son livre porte le titre de : Traité des
Jaidins, ouïe Nouveau La Quintinie; Paris,
1775, 2 vol. in-8° : le premier volume traite du
jardin fruitier, le second du jardin potager. Plus
tard il lit paraître le Traité des Jardins d'orne-
ment, et acheva son travail par le traité de l'o-
rangerie, dans lequel, après avoir exposé les rè-
gles de la construction des châssis et des serres,
il enseigne la culture des plantes exotiques. Les
gravures de cet ouvrage ont été exécutées d'après
les dessins de Le Berriays. Le Nouveau La
Quintinie eut un grand succès, et il le méritait.
Au jugement de Le Bègue de Presles, censeur du
livre : « C'est un exposé exact des connaissances
théoriques et pratiques les plus intéressantes sur
les jardins. Il n'existe sur cet objet aucun livre
qui réunisse des descriptions aussi bienfaites, des
principes aussi solides et d'aussi bons procédés.
Ils sont simples , sans aucun mélange de puéri-
lités et de faux préjugés , si communs dans les
anciens livres d'agriculture. » Le Nouveau La
Quintinie a été réimprimé plusieurs fois. Pour
le mettre, à la portée de tout le monde, Le
Berriays en rédigea un abrégé, clair et précis,
sous le titre de Le Petit La Quintinie; Avran-
ches, 1791, in-18 ; réimprimé depuis un grand
nombre de fois. Dans les dernières années de sa
vie, Le Berriays avarà composé sur les haricots
un traité orné de 49 planches dessinées et enlu-
minées par lui, dont il fit présent à Barenton, et qui
est resté manuscrit. Il avait commencé un travail
sur le cidre et le poiré ; mais, n'espérant pas pou-
voir terminer ce travail, il pria la Société d'Agri-
culture de Caen de s'en charger. Le Berryais
avait ajouté les figures d'un grand nombre d'es-
pèces nouvelles obtenues dans ses essais à son
Traité des Arbres fruitiers. Il avait fait quel-
ques corrections et beaucoup d'additions au même
ouvrage, qui devait ainsi former 3 volumes in-4".
Il en avait également réduit les dessins et le
texte en deux volumes in-8° , qu'il avait intitulés
Petite Pomone française. Tous ces manuscrits
restèrent dans les mains de Le Court.
L. Louvet.
P. A. Lair, Notice sur M. Le Berriays; Caen, 1808.
* lebert (Eer'mann), médecin allemand, né
vers 1810. Après avoir étudié la médecine en
Allemagne, il fut reçu docteur en 1834 par l'u-
niversité de Zurich, vint s'établir en 1847 à
Paris, et y obtint l'autorisation d'exercer sa pro-
fession. Vers 1855, il retourna à Zurich, où il
est professeur de clinique médicale à l'université.
On a de lui : Physiologie pathologique ; Zu-
rich, 1845, 2 vol. in-8° avec atlas: ce sont des
recherches expérimentales faites avec le micros»
83 LEBERT — LEBEUF
cope sur les tumeurs, les tubercules, etc.; —
Traité pratique des Maladies Scrofuleuses
et Tuberculeuses; Paris, 1849, in-8° : travail
couronné par l'Académie de Médecine de Paris,
dans les Mémoires de laquelle il avait été publié
sous un autre titre (tome XIV) ; — Traité pra-
tique des Maladies Cancéreuses; Paris, 1851,
in-8°; — Traité d' Anatomie pathologique gé-
nérale et spéciale, ou description et, icono-
graphie pathologique des altérations mor-
bides, tant liquides que solides, observées dans
le corps humain ; Paris, 1855-1858, in-fol.
L. L-t.
Vapereau, Dict. wiiv. des Contemp. — Daremberg,
dans le Journal des Débats du 18 nov. 1888.
le besnier ou besnier (N ), inventeur
français du dix-septième siècle , était serrurier à
Sablé, dans le pays du Maine. Il fabriqua une
machine à quatre ailes pour voler en l'air. Cette
machine consistait en deux bâtons ayant à cha-
que bout un châssis oblong de taffetas, châssis
se pliant de haut en bas comme des bâtons de
volets brisés. Pour voler on ajustait ces bâtons
sur les épaules, de manière à avoir deux
châssis devant et deux derrière. Les châssis de
devant étaient remués par les mains et ceux de
derrière par les pieds en tirant une ficelle qui
leur était attachée. L'ordre de mouvoir ces sor-
tes d'ailes était tel que, quand la main droite
faisait baisser l'aile droite de devant, le pied
gauche faisait baisser l'aile gauche de derrière ;
ensuite la main gauche faisant baisser l'aile gau-
che de devant, le pied droit faisait baisser l'aile
droite de derrière, et ainsi alternativement en
diagonale. Ce mouvement en diagonale semblait
très-bien imaginé parce que c'est celui qui est
naturel aux quadrupèdes et aux hommes quand
ils marchent ou quand ils nagent. La première
paire d'ailes sortie des mains de Le Besnier fut
portée à Guibray, et achetée par un baladin qui
s'en servit heureusement. Le Besnier ne pré-
tendait pas cependant pouvoir s'élever de terre
par sa machine ni se soutenir longtemps en l'air,
à cause du défaut de la force et de la vitesse
pour agiter fréquemment et efficacement ces
sortes d'ailes ; mais il assurait qu'en partant d'un
lieu médiocrement élevé , il passerait aisément
une rivière d'une largeur considérable, l'ayant
déjà fait de plusieurs distances et à différentes
hauteurs. 11 avait commencé d'abord par s'élancer
de. dessus un escabeau , ensuite de dessus une
table, puis d'une fenêtre peu élevée, puis de la
fenêtre d'un second étage , et enfin d'un grenier,
d'où il avait passé par-dessus les maisons du voi-
sinage. Ces essais n'allèrent pas pourtant plus
loin, et des physiciens du temps regrettaient que
l'inventeur de cette machine n'y eût pas adapté
quelque chose de très-léger et de grand volume
qui pût contrebalancer dans l'air le poids du
corps de l'homme, ainsi qu'une queue qui pût
servir à soutenir et conduire celui qui volerait ;
malheureusement on trouvait bien de la difficulté
à donner le mouvement et la direction à cette
queue. On ignore comment finit Le Besnier.
L. Louvet.
Journal des Savants du 12 sept. 1678, n° XXXVI,
p. 460 et suiv.
lebecf (L'abbé Jean), historien français,
né à Auxerre, le 6 mars 1687, mort le 10 avril
1760. Il était d'une des plus anciennes familles
d' Auxerre. Il prit la carrière ecclésiastique, et
devint chanoine et sous-chantre de l'église cathé-
drale de sa ville natale. II entreprit plusieurs
voyages pour examiner dans diverses parties de
la France les restes précieux et les monuments
de l'antiquité, et devint en 1741 membre de l'A-
cadémie des Inscriptions. Ses principaux ouvra-
ges sont : De l'Étal des Sciences dans l'éteûdue
de la Monarchie française sous Charlemagne ;
Paris, 1734, in-12; — Dissertation sur l'État
des Anciens Habitants du Soissonnais avant
la conquête des Gaules par les Francs ; Paris,
1735, in-12; — Dissertation sur plusieurs
Circonstances du règne de Clovis; Paris, 1738,
in-12; — Recueil de divers Écrits pour servir
d'éclaircissement à l'Histoire de France, et de
Supplément à la Notice des Gaules /Paris, 1738,
in-12; — Mémoires contenant V Histoire ecclé-
siastique et civile d'Auxerrej Paris, 1754, et
1757, 15 volumes in-12.— H istoiredela Ville et
du Diocèse de Paris, 1754, 15 volumes in-12.
Cet ouvrage contient plutôt des mémoires qu'une
histoire; — Essai historique , critique, philo-
logique sur les Lanternes; 1755; — Mémoire
touchant l'usage d'écrire sur des tablettes de
cire, dans lequel on examine s'il est vrai que cet
usage a cessé avec le cinquième siècle depuis
I.-C, et où l'on prouve qu'il a été pratiqué dans
tous les siècles suivants et même dans celui-ci ; et
pour confirmation du fait , on donne le détail de
plusieurs voyages de nos rois des treizième et
quatorzième siècles, écrits surdelacire; — Sur
quelques Antiquités de Perigueux, avec 2 pi.;
— Conjectures sur la reine Pédauque, où
l'on recherche quelle pouvait être cette reine, et,
à cette occasion , ce qu'on doit penser de plu-
sieurs figures anciennes prises jusqu'à présent
pour des statues de princes ou de princesses de
France ( tom. XXIII, part. hist. ); — Notice
raisonnée des Annales Védastines, manuscrit
du dixième siècle. La Bibliothèque des Auteurs
de Bourgogne , imprimée dix-huit ans avant la
mort de Lebeuf , indique cent soixante ouvrages
ou opuscules publiés par cet écrivain et conte-
nus la plupart, soit dans le Mercure , soit dans
les Mémoires de Desmolets. Papillon reconnaît
lui devoir la plus grande partie des documents
historiques utiles à son œuvre. 11 avait, en outre,
eu part à la nouvelle édition du Glossaire de
Du Cange, à la nouvelle édition du Dictionnaire
Géographique de La Martinière , entreprise à
Dijon en 1740, etc. Il a fourni au Journal de
Verdun vingt-cinq Dissertations ou Lettres
remplies d'érudition, indépendamment de plu-
85
sieurs autres, qu'il n'a pas signées. On trouvera
dans Le Long, t. V, le détail de tout ce que
l'abbé Lebeuf a écrit sur l'histoire de Fiance,
formant cent soixante-treize pièces. Il est aussi
auteur, en société avec l'abbé Mignot, de la Tra-
dition de V Église d'Auxerre, insérée dans Le
Cri de la Foi. Enûn, il a édité Y Histoire de
la Ville de Verdun de Roussel , à laquelle il
a ajouté des Notes ; 1 745, in-4u. L— z — e.
Papillon , Bibliothèque des Auteurs de Dourqoyne. —
Le Beau , Éloge de l'abbé Lebeuf ilans les Mémoires de
l'Académie des Inscriptions. — Quérard , La France
Littéraire. — Abbé Leloog, Histoire Littéraire de la
France.
lebeuf ( Louis ), financier et sénateur fran-
çais, né à L'Aigle (Orne), le 26 mai 1792, mort
le 10 novembre 1854. Fils d'un notaire, il fut des-
tiné au commerce , et débuta à dix-neuf ans
comme simple commis dans une maison dont il
devint le chef. Il se vit bientôt à la tête d'une
riche maison de banque , devint membre du
conseil d'escompte de la Banque de France et
juge au tribunal de commerce. Nommé régent
de la banque de France en 1835, il acquit la
manufacture de porcelaine de Fontainebleau ,
et fut, le 7 novembre 1837, élu député parle
département de Seine-et-Marne. Réélu pen-
dant toute la durée du^ règne de Louis-Philippe,
il prit part à toutes les discussions d'intérêt gé-
néral, particulièrement à celles relatives aux
finances, prononça à la tribune plusieurs dis-
cours sur l'organisation et la compétence des tri-
bunaux de commerce, sur les douanes, sur le
travail des enfants dans les manufactures, sur le
système de concession des grandes lignes de
chemin de fer, etc. Il s'est fait remarquer dans
toutes les commissions chargées d'examiner ces
diverses matières , et s'est constamment montré
dévoué aux intérêts matériels du pays. En 1849
de nombreux suffrages l'appelèrent à l'Assemblée
législative ; il fit partie de la commission con-
sultative du 13 décembre 1851, et fut élevé à
la dignité de sénateur par décret du 26 janvier
1852. S— n.
Biographie des Membres du Sénat ; Paris , 1852. —
V Album, de la Semaine; Paris, 1853.
lebeydebatilly (Denis), en latin Lebecs
Batillds , jurisconsulte et poète français , né à
Troyes, le 27 novembre 1551, mort à Metz, le
17 septembre 1607. Après avoir étudié à Genève
et à Lausanne les belles-lettres et la philosophie
sous la direction d'Antoine de La Faye et de
Pierre Ramus, il vint vers 1571 étudier le droit
à Paris. En 1572 il alla entendre les leçons de
Cujas à Valence, et se fit en 1575 inscrire au
barreau du parlement de Paris. Patronné par
Loisel et Pithou , il fut, quoique calviniste, choisi
par le cardinal de Bourbon pour avocat du mar-
quisat d'Isle, et le duc d'Anjou le nomma son
maître de requêtes. En 1585 il quitta la France,
et se retira d'abord a Montbéliard; mais les
luthériens, devenus tout- puissants dans cette
ville , le forcèrent bientôt à l'abandonner. Après
LEBEUF — LEBLANC 86
avoir passé quelque temps à Bâle, et ensuite à
Sainte-Marie -aux-Mines, il alla en 1587 re-
joindre à Metz son beau-père Georges Bertin, mé-
decin distingué. Envoyé en 1591 par le magis-
trat de Metz auprès du duc d'Épernon et en-
suite auprès de Henri IV, il fut, quelque temps
après, nommé par ce prince maître des re-
quêtes de l'hôtel et président de la justice dans
la ville de Metz. Il garda cet office jusqu'en 1605,
année où il se retira des fonctions publiques. On
a de lui : Emblemata ; Francfort, 1596, in-4°:
dans ce livreles emblèmes, dessinés par Boissard,
et gravés par Th. de Bey, sont chacun accom-
pagnés d'une page d'explication en prose et d'une
pièce en vers latins ; — Traité de l'Origine des
anciens Assassins porte-cou t eaux ; Lyon, 1603,
in-8° ; une première édition parut à Metz, avant
1598. Lebey a aussi publié, sans y mettre son
nom, des notes à Pétronne dans l'édition du
Satyricon parue à Lyon en 1374; il a laissé en
manuscrit : Thésaurus Linguœ Gallicse; De
Reliquis Gigantium ; Poemata varia; Far-
rago Proverbiorum ; Commentant de Rébus
Mediomatricorum, etc.
Son fils, Antoine de Batilly, né en 1601,
prit du service dans l'armée française , participa
à presque toutes les campagnes des dernières
années de Louis XIII, devint en 1644 maréchal
de camp, et fut tué en 1646 par le marquis de
Repaire. E. G.
Boissard, Icônes (pars secunda ). — Haag, La France
Protestante.
le bigot (Jean), écrivain français, né à
Teilleul (Normandie), en 1549, n'est connu que
parles ouvrages suivants : Larmes sur le trépas
de Bastien de Luxembourg, pair de France ,
gouverneur de Bretagne, etc.; Paris, 1569,
in-4° ; — Vœu et Actions de grâces au cardinal
Charles de Bourbon; Paris, 1570, in-4°; —
La Prise de Fontenay-le-Comte, le 21 sep-
tembre , parle duc de Montpensier; 1574,
in-4°. L— z— e.
Dictionnaire Historique ( édit. de 1822 ).
Leblanc (Richard), traducteur français,
né à Paris, vers 1510, mort vers 1580, se rendit
très-habile dans la connaissence du grec et du
latin , fut instituteur des enfants d'Elienne de
Mérainville, maître d'hôtel du duc de Guise , et
mérita la bienveillance de la princesse Margue-
rite , fille de François Ier, à laquelle il dédia la
plupart de ses traductions. On cite de Leblanc
les traductions suivantes : Les Œuvres et les
Jours d'Hésiode, qu'il traduisit pour les enfants
d'Etienne de Mérainville; Lyon ou Paris, Royard,
1547, in-8°. Cette traduction est en vers de dix
pieds , seul mètre que Leblanc ait employé dans
ses traductions en vers ; —L'Histoire de Tan-
credus , prise des vers de Philippe Beroaldo ;
Paris, 1553, in-16; — Dialogue de saint Chry-
sostome, de la Dignité Sacerdotale; Paris,
1553, in-16; —les Centons de Proba Falconia^
Paris, 1553, in-16; — L'Élégie de la Corn-
87
LEBLANC
88
plainte du Noyer, qu'on attribuée Ovide, tra-
duction en vers; Paris, 1554, in-80;— les
Géorgiques de Virgile; ibid., 1554, 1574, 1578,
in-8° ; — les Bucoliques de Virgile, moins la
première, dont Marot avait donné plutôt une imi-
tation qu'une traduction; ibid., 1555, in-8°, fig.;
ibid., 1574; — Les Livres de la Subtilité de
Jérôme Cardan; ibid., 1554, in-4°; 1578, 1584,
in-8». F-*- T-
Lelong, Bibliothèque Historique de la France.
Leblanc ou dcblanc (Guillaume), théo-
logien et traducteur français, né à Alby, vers
1520, mort à Avignon, en 1588. Il entra dans
les ordres, et accompagna à Rome le cardinal
d'Armagnac. Il y découvrit deux manuscrits de
Xipbilin, et en fit une traduction latine. De re-
tour en France, il devint conseiller clerc du par-
lement de Toulouse, chancelier de Puniversité de
cette ville, évêque de Toulon en 1571, et vice-
légat à Avignon en 1575. Leblanc fut un zélé
protecteur des lettres; lui-même était instruit, et
composa plusieurs ouvrages, savoir une traduc-
tion latiue de Xiphilin, 1550; des vers latins
insérés dans les Musée pontiftciœ de son neveu ;
— Recherches et Discours sur les points
principaux de la Religion catholique qui
sont aujourd'hui en controverse entre les
chrétiens; Paris, 1579, in-8°; — Discours
des Sacrements de V Église en général, con-
tenant la doctrine d'iceux , enseignée par
Jésus-Christ , annoncée par ses ambassa-
deurs et reçue de toute l'Église catholique,
où les plus grossiers et aveugles pourront
comprendre et voir à l'œil, selon la vérité
évangélique, tous arguments et erreurs des
hérétiques repoussés et découverts , avec
deux discours, l'un du célibat et l'autre des
vœux; Paris, 1583, in-8°. N.
Gall. Christ., 1. 1, c. 754. — Du Verdier, Biblioth.franç.,
édit. de Rig. de Juvigny. ;
Leblanc ( Guillaume ), prélat français, ne-
veu du précédent, né à Alby, en 1561, mort à Aix,
le 21 novembre 1601. La position de son oncle
facilita à Leblanc l'accès des dignités ecclésiasti-
ques. Camérier du pape Sixte V, il fut nommé,
en 1588, à l'évêché de Vence, qu'une bulle de
Clément VIII réunit en 1591 au siège épiscopal
de Grasse. Cette réunion, que le chapitre de
Vence repoussa énergiquement, devint pour Le-
blanc une source inépuisable d'embarras et de
procès. Il fut même l'objet d'uue tentative d'as-
sassinat, et vit annuler l'acte d'union par le par-
lement d'Aix. On a de lui quelques ouvrages,
dont le principal mérite est la rareté. En voici
les titres : Poemata ; Paris, 1588, in-8°, réim-
primé avec des additions sous le titre de Musse
pontificise ; Paris, 1618, in-4° ; — Discours sui-
te déloyal Assassinat entrepris sur la per-
sonne de Guillaume Le Blanc, et inopiné-
ment découvert le 27 septembre 1596, in-8°;
— Discours à ses diocésains touchant l'Af-
fliction qu'ils endurent des loups en leurs
personnes et des vermisseaux en leurs
figuiers; Lyon, 1598, in-8°; Paris, 1599,
in-12; — Discours des Parricides; Lyon,
1606, in-8° : ouvrage posthume publié par son
neveu le P. Leblanc. N.
Ch. de Saint-Sixt, Consolations sur le trépas de Guil-
laume Leblanc ; Aix, 1601, in-S". — Reusner, Anagram-
matog raphia. — Mémoires, de Trévoux, novembre 1765,
1266-76.
le blanc (Jean ), poëte français , né à
Paris, dans la seconde moitié du seizième
siècle; on manque de détails sur sa vie; il
publia en 1610 un volume intitulé : La Néo-
témachie poétique ; in-4° : sous ce titre bizarre
on trouve des Odes pindariques adressées au
roi, à la reine , à des princes , à des personnages
éminents, des baisers (nom donné à des épîtres
familières) , des poëmes, des satires, qui sont ce
qu'il y a de moins faible dans ces productions
diverses. Le Blanc avait de la facilité, quelque
verve, quelque originalité , mais la correction, le
sentiment poétique lui sont demeurés complè-
tement inconnus ; aussi son nom n'a-t-il pu échap-
per a l'oubli. G. B.
Viollet-Leduc, Bibliothèque Poétique, 1. 1, p. 356.
le blanc ( Vincent ), voyageur français, né
à Marseille, en 1554, mort vers 1640. A peine
âgé de quatorze ans, il s'embarqua pour l'Egypte,
qu'il parcourut durant huit mois. A son retour,
il fit naufrage sur les côtes de Candie, fut re-
cueilli par le consul français de La Canée, qui
lui procura les moyens de passer en Syrie. Le
Blanc, s' étant associé à un marchand levantin ,
débarqua à Tripoli, et visita successivement la
Palestine , l'Arabie , la Perse et une grande
partie de l'Asie Mineure ; il descendit vers l'Inde,
fitdutraficà Diu, à Cambaye, àGoa, sur lacôtede
Malabar, sur celle de Coromandel, au Bengale, au
Pégu; puis, dans l'archipel malais, à Sumatra, à
Java. Au retour, il toucha à Madagascar, et de
là en Abyssinie. Il revint à Alexandrie, et en
1578, après avoir relâché à Malte, il débarqua
à Marseille. Il eut beaucoup de peine à se faire
reconnaître par sa famille, qui depuis six an-
nées avait fait publier son décès. Quelques
mois plus tard , Le Blanc s'embarquait de nou-
veau à la suite d'un ambassadeur français en-
voyé au sultan du Maroc par Henri III. Il es-
suya encore un naufrage, et fut emprisonné par
les Espagnols. Relâché après amples explica-
tions, il gagna la terre africaine, descendit à La-
rache, et, entraîné par ses idées aventureuses,
pénétra jusqu'à Mequlnez, puis jusqu'à Fez. Dans
cette ville, une imprudence lui valut la bas-
tonnade ; il eût même été condamné à mort
si des mahométans, à raison de son jeune
âge, n'eussent pas imploré sa grâce. Le Blanc
put se réfugier dans les colonies portugaises, et
combattit à la bataille de Mucazam, où fut tué
Sébastien, roi de Portugal. En 1579 il fit un
voyage à Constantinople, revint en France, et
visita l'Italie. En 1580 on le retrouve au
siège de La Fère, ou il fut blessé ; puis il aç-
89
LE BLANC
90
compagnale duc d'Alençon dans sa folle équipée
dansles Pays-Bas, En 1583 il se maria au Havre,
« avec une des plus terribles femmes du monde,
et telle que, pensant me reposer, je fus, dit-il,
contraint, pour la fuir, de voyager de rechef : et
de fait je m'en allai en Portugal, sous tromperie
d'acheter des perles, dès l'an 1 584. » Si Le Blanc
resta peu en ménage, il prit du moins au
sérieux son commerce supposé, et après avoir
encore parcouru l'Espagne, l'Italie, revu Malte et
Marseille en 1592, il était établi joaillier à Séville,
lorsque quelques Provençaux lui suggérèrent
l'idée de trafiquer en Afrique. Le Blanc ne put
résister à pareille tentation, et le 22 octobre il
reprit la mer. Le 15 novembre il atterrissait en
Sénégambie. Son voyage fut fructueux; cependant
à peine revenu à Cadix il repartit pour l'Amé-
rique espagnole. Il semblerait même, d'après
quelques passages de son récit, qu'il alla jus-
qu'au Brésil. Le Blanc revit Marseille en 1619;
Peiresc l'engageait à publier ses voyages, mais il
y trouva tant d'absurdités et de choses incroya-
bles qu'il ne voulut pas se charger de les
éditer. Il en confia l'épuration et la rédaction
définitive à Bergeron, qui mourut avant de ter-
miner ce travail. Coulon le mit au jour sous le
titre de : Les Voijages fameux du sieur Vin-
cent Le Blanc, Marseillais, qu'il a faits de-
puis l'âge de douze ans jusques à soixante
aux quatre parties du monde; Paris, 1649, et
Troyes, 1658, in-4°. Pour beaucoup de géogra-
phes et de voyageurs cet ouvrage est plus ingé-
nieux qu'utile. A. de Lacaze.
Beckraann, Beitrâge zur gesckichte der Erftndungen;
Leipzig, 1786-1805, 5 vol. in-8°,. — Etienne de Kla-
court, histoire de la grande île Madagascar ,- Paris,
1658, in-4°,; - Tournefort , Voyage du Levant. —
A. A. Bruzen de La Martlalère, Dictionnaire Géogra-
phique, historique et critique; La Haye, 17Î6-1730,
10 vol. ln-fol.
le blanc ( Thomas), moraliste français,
né à Vitry (Champagne), en 1599, fut ad-
mis chez les Jésuites le 27 septembre 1617,
prononça ses vœux le 6 août 1634, et mourut à
Reims, le 25 août 1669. Il enseigna pendant
vingt ans les humanités, la rhétorique, la
langue hébraïque et la théologie. 11 fut, en
outre, recteur des collèges de Chàlons, de Ver-
dun, de Pont-à-Mousson, d'Auxerre, de Dijon
et de Reims. Nommé provincial de Champagne,
il fit deux voyages à Rome pour assister aux
congrégations générales de son ordre. La plu-
part des livres qu'il publia sont des Guides
spirituels et moraux, pour servir aux hommes
dans les diverses conditions de la vie. Voici les
titres de ses ouvrages principaux : La Pau-
vreté contente; Pont-à-Mousson, 1650, in-8°;
— La Vie du R. P. Vincent Caraffe, huitième
général de la Compagnie de Jésus, etc. ; Lyon,
1653, in-88 ; — Le Guide des Beaux- Esprit s ;
Pont-à-Mousson, 1654, in-8". Ces trois ou-
vrages sont traduits'de l'italien de Daniel Bar-
toli ; — Le Soldat générevx, pour Vutilité
de toxis les soldats, de; Pont-à-Mousson,
Î655, in-8°; — V Homme de bonne compa-
gnie ; ibid., 1658, in-8° ; — Le Chrétien dans
l'église; Dijon, 1658, et Reims, 1669, in-12 ; tra-
duit en italien par Joseph Anturini, jés.;
Rome, 1662; — Dieu vengeur et ennemi des
Jurement; Pont-à-Mousson, 1660, in-12; —
Le saint Travail des Mains , ou la manière
de gagner le ciel par la pratique des actions
manuelles, etc.; Lyon, 1661, in-4° ; — Le
bon Vigneron, le bon Laboureur, le bon Ar-
tisan; Dijon, 1661, in-12; — Le Miroir des
Vierges, dédié aux Vrsulines de toute la
France; Dijon, 1661, in-12 ; — Le bon Riche,
le bon Pauvre; Dijon, 1662, in-12 ; — Ana-
hjsis Psalmorum Davidicorum, cum amplis-
simo commentario ; Lyon, 1665-1676, 6 vol.
in-fol.; et Cologne, 1681 : les trois derniers
volumes de cet ouvrage important et asseï es-
timé ont été publiés après la mort de l'auteur.
Il a laissé des Commentaires sur les Oraisons
et les Epîtres de Cicéron, et un Traité sur les
Anges Gardiens, qui n'ont point été imprimés.
Ap. Briquet.
Solwel, Bibliot. Scrip. S, 3. - Morèri, Dictionnaire
Historique.
Leblanc ( Marcel ) , missionnaire jésuite
français, néà Dijon, en 1653, mort à Mozambique,
en 1693, fut un des quatorze mathématiciens en-
voyés par Louis XIV au roi de Siam Phra-Na-
rai. Il travailla avec zèle à la conversion des
bonzes, et s'embarqua pour la Chine ; mais le
vaisseau sur lequel il était ayant élé battu par la
tempête, le P. Leblanc reçut à la tête un coup
dont il mourut. Nous avons de lui : L'Histoire
de la Révolution de Siam en 1688; Lyon, 1692,
2 vol. in-12, avec un détail de l'état des Indes
à cette époque. Cette relation, d'une exactitude
irréprochable , offre aux nagivateurs plusieurs
remarques utiles. F.-X. T.
De Montozon et Estève, Mission du Tonkin et de la
Cochinchine ; Paris, 1858. — Tachard, Voyages à Siam,
in-4°; Paris, 1697-
Leblanc ( Horace ) , peintre français du
dix-septième siècle. Il était de Lyon, et mourut
dans cette ville, à un âge avancé. Il étudia la
peinture en Italie sous Lanfranc ; mais il pré-
féra la manière du Josépin. Il s'était exercé dans
la peinture à l'huile et à fresque. Rappelé à
Lyon, où il reçut le titre de peintre de la ville, il
fit avec François Perrier les peintures du cloître
des Chartreux. Il exécuta ensuite le Martyre de
saint Irènée et des premiers chrétiens de
Lyon, pour la chapelle de Saint-Irénée du cou-
vent des Feuillants de cette ville, et le tableau
dû grand autel de la même église. Il représenta
La Mère de Dieu accompagnée d'une partie
de la cour céleste dans un tableau cintré à
l'autel de la Vierge dans l'église des Cordeliers;
et cette production fut si goûtée qu'on lui en
demanda une répétition pour le maître autel de
l'église de la Charité. Son meilleur ouvrage fut
un Christ au tombeau, qu'il pciçiîiit pour l'é-
91
glise des Carmélites. Les portraits d'Horace Le-
blanc jouissent d'une grande réputation, surtout
sous le rapport de la ressemblance. J. V.
Pernetti, Les Lyonnois dignes de mémoire, tome 11,
p. 105.
Leblanc (François), numismate français,
né en Dauphiné, mort à Versailles, en 1098.
Possédant une fortune considérable, et ayant
besoin d'une occupation suivie pour se distraire
de sa mélancolie babituelle,il se livra par goût
à l'étude des médailles, et en forma une belle
collection. Vers 1688 il accompagna en Italie le
comte deCrussol, et parcourut une grande partie
de ce pays. De retour en France, il publia le ré-
sultat de ses recherches sur les monnaies fran-
çaises. L'érudition solide dont il fit preuve dans
ses ouvrages le fit choisir pour enseigner l'his-
toire au\ enfants de France; mais il mourut
avant d'être entré dans l'exercice de ses fonc-
tions. On a de lui : Traité historique des
Monnaies de France depuis le commence-
ment de la monarchie jusqu'à présent ; Pa-
ris, 1690, in-4° ; ce volume ne contient que
les monnaies des rois de France; la deuxième
partie, qui traitait des monnaies des seigneurs,
est restée en manuscrit. L'ouvrage de Leblanc,
appuyé sur les documents les plus authen-
tiques, notamment à partir du règne de Phi-
lippe le Bel sur les registres de la cour des mon-
naies , contient entre autres des tables où se
trouvent le prix du marc d'or et d'argent année
par année, le nom, le titre, le poids et la va-
leur des espèces ; — Dissertation sur quel-
ques monnaies de Charlemagne, Louis le
Débonnaire, Lothaire et ses successeurs, frap-
pées dans Borne; Paris, 1689, in-4°; cet opus-
cule fut joint à l'édition de l'ouvrage précédent,
donnée à Amsterdam, 1692, in-4°. E. G.
Chaudon et Delandine, Dict. ffistor.
Leblanc (Claude), homme d'État français,
né le 1er décembre 1669, mort à Versailles, le
19 mai 1728. Son père, Louis Leblanc, était
maître des requêtes, intendant en Normandie;
sa mère était sœur du maréchal de Bezons.
Claude Leblanc, reçu conseiller au parlement de
Metz en 1696, devint maître des Tequêtes en
1697, intendant d'Auvergne en 1704, de Dun-
kerque et d'Ypres en 1706, et membre du con-
seil de la guerre en 1716. Saint-Simon dit qu'il
était « plein d'esprit, de capacité et d'expé-
dients. » Le 24 septembre 1718, Leblanc fut
nommé secrétaire d'État du département de la
guerre. On lui doit d'utiles ordonnances, entre
autres celles de mars 1720 portant réorganisa-
tion de la maréchaussée dans tout le royaume,
des 6 mai et 24 août 1720 sur la discipline et
l'habillement des troupes, et du 22 mai 1722
sur le service de l'artillerie. Il fit augmenter le
nombre des dignitaires et le taux des pensions
de l'ordre de Saint-Louis, et fixa à 150 livres le
prix de remplacement de chaque homme de
milice. En 1719, il devint grand'eroix, grand-
LEBLANC 92
prévôt et maître des cérémonies de l'ordre de
Saint-Louis. Au rapport de Saint-Simon, il eut une
grande part au choix que fit le régent de Claude
Leblanc lorsque ce prince rétablit les fonctions
de secrétaire d'État de la guerre qui avaient été
supprimées à la mort de Louis XlV. Lors de la
conspiration de Cellamare, Leblanc fut initié par
Dubois au secret de cette affaire ; mais il ne sut
que ce que Dubois voulut bien luilaisseï savoir. Il
assista, d'après Saint-Simon, à la visite des pa-
piers de cet ambassadeur, qui le traita poliment;
mais le voyant prêt à fouiller une petite cassette
particulière, lui dit : « Monsieur Leblanc, laissez
cela; cela n'est pas pour vous ; cela est bon pour
l'abbé Dubois,.... ce ne sont que lettres de
femmes. » Leblanc se garda toujours, avant
comme après sa disgrâce, de dire ce qu'il pou-
vait connaître d'une affaire dont « les principaux
et les plus grands coupables, selon Saint-Simon,
étaient non-seulement sortis de prison dès avant
sa plus profonde chute , mais rétablis en leur
premier état, grandeur et splendeur, ainsi que
tous les autres accusés et soupçonnés. » Dans
l'affaire de la bulle Unigenitus, Dubois, ne trou-
vant pas les membres du parlement assez faciles,
imagina de suppléer à l'enregistrement au moyen
d'une déclaration du grand conseil ; Leblanc fit
entendre combien il importait à la cour de Rome
que le parlement fût le garant de la conciliation
des évêques. Le duc de Bourbon, poussé par sa
maîtresse, la marquise de Prie, se déclara l'en-
nemi de Leblanc. Mmede Prie était jalouse de l'af-
fection que ce ministre portait à sa mère, la-
quelle avait épousé le financier Berthelot de
Pleinœnf. Leduc saisit pour le perdre l'occasion
de la banqueroute de La Jonchère , trésorier de
l'extraordinaire des guerres, qui était un protégé
de Leblanc. Ce ministre fut accusé d'avoir puisé
dans la caisse du trésorier, et d'avoir contribué
à sa faillite. Le régent eût voulu sauver un homme
qui l'avait bien servi ; mais depuis longtemps sa
volonté était soumise à celle du cardinal Dubois,
qui n'osait déplaire au duc de Bourbon. Leblanc
dut donc donner sa démission; il fut remplacé
par Breteuil. Le 1er juillet 1723, on mit Leblanc
à la Bastille, et la chambre de l'Arsenal fut
chargée d'instruire son procès; l'affaire ayant été
renvoyée au parlement, Leblanc fut acquitté. On
remarqua que le duc de Chartres couvrit l'ac-
cusé d'une protection toute spéciale. Le 19 juin
1726, Leblanc, qui était en exil, se vit rappelé
au poste de secrétaire d'État de la guerre à la
place du marquis de Breteuil. Il occupait encore
ces fonctions à sa mort. Duclos peint Leblanc
comme « un ministre consommé, actif, plein
d'expédients, aimé destroupes, estimé du public,
ferme sans hauteur ». Il avait épousé, en 1699,
Madeleine Petit de Passy, fille du doyen du par-
lement de Metz, dont il eut une fille, mariée au
marquis de Tresnel, morte sans postérité. Son
héritage fut recueilli par Bertin, grand-audien-
cier de France, neveu de Leblanc.
93
Leblanc avait deu\ frères engagés dans les
ordres; le premier, César Leblanc, né en 1672,
religieux et curé de Dammartin, devint évèque
d'Avranches en 1719, et mourut le 13 mars
1746; le second, Denis- Alexandre Leblanc, né
en 1678, fut évoque de Sarlat en 1722, et mou-
rut le 3 mai 1747. L. L— t.
Saint-Simon, Mémoires.— Duclos, Mèm. secrets sur
les règnes de Louis XI f et de Louis XV. — Leraontey,
Hist. de la Régence. — Villars, Journal. — Richelieu,
Mcm.
i.eblanc (Louis), chirurgien français, né
à Pontoise, mort à Orléans, à la fin du dix-hui-
tième siècle. 11 était chirurgien de l'hotel-Dieu
d'Orléans, professeur royal de l'école de chirur-
gie de la même ville, et membre de l'Académie
de Chirurgie de Paris. Il s'est surtout fait con-
naître par ses services pour l'opération des her-
nies. On a de lui : Discours sur futilité de
l'Anatomie; Paris, 1764, in-8°; — Nouvelle
Méthode d'opérer les Hernies, suivie d'un mé-
moire très-étendu sur le même sujet par Hoin
de. Dijon; Orléans, 1766, in-8°; — Réfutation
de quelques réflexions sur l'opération de la
Hernie, dans le 4e volume des Mémoires de
l'Académie de Chirurgie; Londres et Paris,
1768, in-8°; — Précis d'Opérations de Chirur-
gie; Paris, 1775, 2 vol. in-8°; — Œuvres chi-
rurgicales, contenant un précis d'opérations
et une méthode de traiter les hernies; Paris,
1779, 2 vol. in-8°. On trouve en outre un cer-
tain nombre d'observations de. Leblanc dans les
Mémoires de l'Académie de Chirurgie et dans
l'ancien Journal de Médecine. J. V.
Quérard, La France Littéraire.
le blanc (Jean- Bernard), littérateur et
historien français, né à Dijon, le 3 décembre
1707, vivait encore en 1774. Il laissa : Poème
par M' L. C. sur l'histoire des Gens de Lettres
de Bourgogne; Dijon, 1726; — Élégies de
M. L. B. C. avec un discours sur ce genre de
poésie; Paris, 1731 ; — Aben-Saïd, empereur
des Blogols, tragédie; Paris, 1736 et 1743,
in-8°; — Lettres d'url François concernant
le gouvernement, la politique et les mœurs
des Anglois et des François ; La Haye, 1745,
et Lyon, 1758; — Le Patriote anglais, ou
réflexions sur les hostilités que la France
reproche à V Angleterre ; 1756, sans nom d'au-
teur. V. R.
Papillon , DibHothèque des Auteurs de Bourgogne.
Leblanc de oeillet (Antoine Blanc, dit),
littérateur français, né à Marseille, le 2 mars 1730,
mort à Paris, le 29 juillet 1799. Il fit ses études
au collège d'Avignon. Son père ie destinait au
commerce, mais il préférait la médecine ; con-
trarié dans son goût, il entra dans la congréga-
tion de l'Oratoire en 1746, et professa pendant
dix ans les humanités et la rhétorique. En même
temps il composa quelques discours latins et
quelques drames de collège. Ayant quitté l'Ora-
toire, Leblanc vint à Paris, où il travailla d'a-
bord au Conservateur. En 1761 il publia les
LEBLANC 94
Mémoires du comte de Guine (Amsterdam;
in-12), roman d'amour qui eut du succès. Il
composa ensuite des tragédies, dans lesquelles il
s'élevait avee chaleur contre le despotisme, mais
qui sont écrites d'un style emphatique et quel-
quefois bizarre. On cite particulièrement ce vers
de Manco Capac :
Crois-tu de ce forfait Manco Capac capable?
Dénué de ressources , malgré le succès de ses
ouvrages, Leblanc de Guillet refusa en 1788 une
pension du gouvernement; mais en 1795 il ac-
cepta un secours de 2,000 fr. de la Convention.
Il était membre du jury des écoles primaires
quand il fut nommé professeur de langues an-
ciennes à l'école centrale de la rue Saint-Antoine
à Paris. En 1798, Leblanc fut n<$mmé membre,
de l'Institut. On a de lui : Manco-Capac , tra-
gédie en cinq actes, représentée en 1763 et re-
prise en 1782; Paris, 1782,in-8°; — Les Druides,
tragédie en cinq actes, jouée en 1772; Paris,
1783, in-8° : le clergé fit défendre les représen-
tations de cette pièce remplie de maximes philo-
sophiques ; — L'heureux Événement , comédie
en trois actes et en vers, 1763, in-8°; — Le
Lit de Justice; Paris, 1774, in-8°;— Albert 1er,
ou Adeline, comédie héroïque en trois actes et
en vers; Paris, 1775, in-8°; — Discours sur la
nécessité du dramatique et du pathétique en
tout genre de poésie; Paris, 1783, ir:-8°; —
Virginie, tragédie non représentée; 1786, in-8°;
— De la Nature, des Choses, poëme de Lucrèce,
traduit en vers; 1788-1791, 2 vol. in-8°; — Le
Clergé dévoilé, ou les états généraux de 1303,
tragédie non représentée ; Paris, 1791, in-8°; —
Tarquin,ou la royauté abolie, tragédie, 1794,
in-8° ; — Une traduction du commencement de
L' Anti-Lucrèce , insérée dans le Mercure. Le-
blanc a laissé en manuscrit des pièces de
théâtre et des traductions d'auteurs anciens.
J. V.
Maheranlt, Notice, sur Ant. Leblanc, 1799. — Bïogr.
vniv.'et port, des Contcmp. -Quérard, La France Lit ter.
le blanc (Nicolas), chimiste et industriel
français, né à Issoudun (Indre), en 1753, mort
en 1806. Son père, qui était directeur des forges
d'Yrvoy, lui fit étudier la médecine. Vers 1780,
le jeune Le Blanc fut attaché à la maison du
duc d'Orléans en qualité de chirurgien. Il s'oc-
cupa de recherches chimiques, principalement
des phénomènes de la cristallisation; en 1786,
il communiqua à l'Académie des Sciences des
travaux à cesujet. Sur un rapportde l'Institut, du
30 thermidor anx, le ministre François de Neuf-
chfiteau ordonna l'impression aux frais du gouver-
nement de son ouvrage intitulé : Cristallo-
technie, ou essai sitr les phénomènes de la cris-
tallisation et sur les moyens de conduire cette
opération pour en obtenir des cristaux com-
plets, et les modifications dont chacune, des
formes est susceptible; Paris, 1802, in-8°. Il
s'était livré aussi à un autre, travail dont les ré-
sultats furent immenses. En 1786, l'Académie
95
LE BLANC
9 6
«les Sciences avait rais au concours un prix de
2,400 livres, qui devait être décerné à l'au-
teur d'un procédé de fabrication de la soude
au moyen du sel marin. Il s'agissait de sous-
traire plusieurs industries importantes aux
effets fâcheux résultant du renchérissement
croissant des potasses, de la hausse des sou-
des naturelles de l'Espagne ;et de la rareté des
gîtes de natron naturel. L'objet de ce concours
attira l'attention de Le Blanc, qui en 1789,
répétant des expériences indiquées dans le
Journal de Physique de La Métherie, parvint à
extraire, par des moyens nouveaux, la soude du
sel marin. Il exposa au duc d'Orléans tous
les avantages qu'offrirait une exploitation en
grand de ses procédés. Ce prince demanda un
examen préalable à D'Arcet, professeur au Col-
lège de France, où Dizé, préparateur, fut chargé
de suivre les épreuves du procédé. Sur le rap-
port favorable, un traité d'association intervint,
le 12 février 1790, entre le duc d'Orléans, Le
Blanc, Dizé et Henri Shée, traité par suite
duquel une usine fut créée à la Maison-de-
Seine, près Saint-Denis, pour l'exploitation de
la soude artificielle. En 1791, par un nouvel acte,
l'association reçut une forme définitive , et tout
présageait le plus brillant avenir à cette nouvelle
industrie. La méthode de Le Blanc était un im-
mense service rendu aux arts industriels; elle
mettait à leur disposition un alcali puissant, à
bas prix , dont la fabrication n'avait pas de li-
mites, puisqu'elle a pour base le sel marin. Son
exploitation a donné l'essor à la fabrication
de l'acide sulfurique , et elle a été de la sorte
l'occasion de beaucoup de progrès industriels. En
donnant comme produit secondaire une grande
quantité d'acide chlorhydrique, la fabrication de
la soude artificielle a donné une matière première
à bas prix, propre à la préparation du chlorure de
chaux, que les blanchisseries de fils et de toiles de
lin, de coton et de chanvre, ainsi que les pape-
teries consomment eu masses prodigieuses ; les
verreries, les savonneries ont fait par ces soudes
des progrès immenses pour la qualité et le bon
marché de leurs produits. Aussi l'Europe fa-
brique-telle aujourd'hui pour trois cent millions
de soude factice. La découverte de Le Blanc,
comme l'a déclaré l'Académie des Sciences, est
donc un des plus grands bienfaits, sinon le plus
grand, dont les arts chimiques aient été dotés
depuis soixante ans. Malheureusement pour l'in-
venteur, lamortduduc d'Orléans et les désastres
de la révolution vinrent le priver des fruits
de ses travaux. Le comité de salut public
l'obligea de livrer son secret au gouvernement,
qui le publia comme étant d'utilité publique.
L'association se trouva naturellement dissoute.
L'inventeur, dépouillé du fruit de ses labo-
rieuses recherches, réclama une indemnité : on
ne lui en donna que d'illusoires, et le reste de sa
vie se passa en vaines démarches. Toutes ses res-
sources se consumèrent dans cette longue lutte à
laquelle une mort prématurée vint mettre fin.
En 1855 sa famille adressa à l'empereur une
supplique à l'effet d'obtenir l'indemnité que Ni-
colas Le Blanc avait vainement sollicitée. Ren-
voyée à l'Académie de Sciences, cette demande fut
l'objet d'un rapport en date du 31 mars 1856,
fait par les membres de la section de chimie.
On y constate la haute importance et les ré-
sultats féconds du procédé de Le Blanc; on y
examine aussi la prétention qu'avait élevée Dizé,
son associé, en 1810, d'avoir pris une part
réelle aux expériences préalables,et, sur les pièces
présentées, entre autres, d'après l'acte fait entre
les associés, le 12 lévrier 1790, dans lequel Le
Blanc est désigné comme posesseur du secret,
comme auteur du procédé, l'Académie n'hésita
pas à le regarder comme le véritable auteur de
la méthode; Dizé n'aurait fait que modifier
les proportions des matières à employer dans la
fabrication de la soude, et que le seconder dans
l'exploitation (1). Gcyot de Fère.
Compte rendu des séances de l'Acad. des Sciences,
31 mars 1856. — Documents 'particuliers.
leblanc de beaulieu ( Jean- Claude) ,
prélat français, né à Paris, le 26 mai 1753, mort
le 13 juillet 1825. Chanoine régulier de Sainte-
Geneviève avant la révolution, il devint en 1791
curé constitutionnel de la paroisse Saint-Seve-
rin. Après la terreur il fut nommé curé de
Saint-Étienne-du-Mont. Choisi pour archevêque
de Rouen, à la mort de Gratien, il fut sacré, le
18 janvier 1800, à Paris, et tint dans son église
métropolitaine un concile des évêques de son
diocèse, le 5 octobre suivant. En 1801 Le-
blanc de Beaulieu assista au concile national
qui se tint à Paris. Après la signature du con-
cordat, il donna sa démission, et en 1802 il fut
nommé àl'évêché de Soissons. II refusa d'abord,
dit-on, de rétracter les principes de l'Église cons-
titutionnelle, qu'il abandonna pourtant bientôt
après. Il écrivit alors au pape, et renonça non-
seulement au schisme mais au jansénisme. Il
établit un séminaire dans sa ville épiscopale.
Invité en 1815 à se rendre au champ de mai
convoqué par î'empereur après son retour de
l'île d'Elbe, Leblanc de Beaulieu écrivit au mi-
nistre pour protester de sa fidélité à LouisXVIII.
Cette déclaration fut imprimée, et l'évêque de
Soissons se retira en Angleterre. Le retour du
roi lui rendit son diocèse, et en 1817 Leblanc
de Beaulieu fut nommé à l'archevêché d'Arles,
rétabli par le nouveau concordat. Ayant donné
sa démission en 1822, il se retira au séminaire
des missions étrangères à Paris , se chargea de
la direction des petits Savoyards, et fut nommé
membre du chapitre de Saint-Denis. J. V.
Arnault, Jay, Jony et Norvins, Biogr. nouv. des
Contemp.
"(l)Seul, l'un des membres de la section de chimie,
M. Chevreul a pensé que Dizé avait eu une plus grande
part à l'Invention, et qu'il aurait coopéré aux expériences
qui ont servi de base à la fabrication de la soude, avant
les actes qui ont été désignés.
97 LEBLANC — LEBLOND
LEBLANC DE BEAULIEU (Louis). Voy.
ÎÎEAULIEU.
* Leblanc ( Urbain), vétérinaire français,
né à La Commanderie, près de Bressuire ( Deux-
Sèvres), le 26 novembre 1796. Il étudia à l'École
d'Alfort, y devint professeur, et fut élu en 1852
membre de l'Académie de Médecine. Ses princi-
paux travaux sont : Recherches relatives à
la détermination de l'âge des lésions des
plèvres et des poumons du cheval, au point de
vue médico-légal ; Paris, 1811,in-8°; — Traité
des Maladies des Yeux observées chez les
principaux animaux domestiques, etc.; Paris,
1823, in 8°, avec 7 pi.; — Atlas du Diction-
naire de Médecine et de Chirurgie vétéri-
naires ( avec M. Trousseau) ; Paris , gr. in-fo-
lio de 27 pi. ; — Recherches expérimentales
sur les caractères physiques du Sang dans
l'état sain et dans l'état de maladie ( avec
M. Trousseau); 1832,in-8°; — Des diverses
espèces de Morve et de Farcin considérées
comme des formes variées d'une même af-
fection générale contagieuse; Paris, 1839,
in-S°; — Recherches expérimentales et com-
paratives sur les effets de l'Inoculation au
cheval et à l'âne du pus et du mucus mor-
veux et d humeurs morbides d'autre na-
ture; Paris, 1839, in-8°; — Traité de Pa-
thologie comparée, oti éléments de médecine
et de chirurgie comparée dans l'homme et
les animaux, avec M. Follin ; Paris, 1 855, 2 vol.
in-8°. M. Leblanc a donné aussi un grand nombre
de dissertations dans les Journaux de médecine
vétériaaire. G. de F.
Documents particuliers .— Journal de la Librairie.
LEBLANC DE CASTILLON. Voy. CaSTILLON.
leblond (Gaspard Michel, surnommé),
archéologue français, né à Caen, le 24 novembre
1738, mort à Laigle, le 17 juin 1809. Il embrassa
l'état ecclésiastique, et depuis 1772 fut adjoint
à l'abbé de Vermont, bibliothécaire du collège
Mazarin. Quelques notices d'archéologie et de
numismatique le firent admettre en 177'2 à l'A-
cadémie des Inscriptions et Belles-Lettres. Au
commencement de la révolution, il fut nommé
membre de la commission créée par l'Assemblée
constituante, et chargé du dépouillement des
bibliothèques supprimées et des archives natio-
nales. Les soins qu'il donna à cette mission en-
richirent de près de 50,000 volumes la Biblio-
thèque Mazarine, dont il devint conservateur en
1791. Compris dans la première organisation
de l'Institut, il fut appelé après le 18 brumaire
au corps législatif; il en sortit en 1802. Quel-
ques années avant sa mort, il se retira à Laigle.
Dupuis composa l'inscription du tombeau qui
lui fut élevé dans cette ville. Quelques jours
avant sa mort Leblond anéantit ses manuscrits,
dont plusieurs ont été regrettés. Il a publié les
écrits suivants : Observations sur les Médailles
du cabinet de M. Pellerin, 1771, in-4°; 2e édi-
tion, revue, corrigée et augmentée par l'auteur,
nouv. BiOGK. cr:Ni;::. — t. xxx.
98
suivie de nouvelles remarques de M. Pellerin sur
l'ouvrage de M. Erkel ; 1823, in-4° ; — Mémoires
pour servir à l'histoire de la révolution opé-
rée dans la musiquepar Gluck; 1781, in-8° : en
collaboration avec plusieurs autres savants; —
Lettre d'un amateur des beaux-arts sur le
Saint-Âlype de Caf/ieri ; 1790, in-8°; —Ob-
servations présentées au Comité des Monnaies
de l'Assemblée nationale ( publié sous le nom
deDupré, graveur); 1790, in-8°. lia ajouté au
Mémoire sur Vénus pa.r Larcher un index in-8»,
intitulé : Drôleries éparses de côté et d'autres
dans ce volume; cet index a été imprimé deux
fois : la deuxième édition , plus ample que la
première, commence à la p. 337, et finit à la
p. 376. Les Mémoires de l'Académie des Ins-
criptions et Belles-Lettres contiennent de l'abbé
Leblond les mémoires suivants : Recherches sur
deux Médailles impériales delà ville d'Hip-
ponv , t. XXXIX; — Mémoire sur la Vie et les
Médailles d' Agrippa, gendre d'Auguste, et Re-
cherches sur la ville de Lamia, Sïir les Maliens
et sur quelques-unes de leurs médailles, t. XL,
partie histor.; — Observations sur le prétendu
dieu Lunus, t. XLII; — Dissertations sur les
Vases Murrhins,t. XLIII. — Les deux mémoires
suivants , rédigés par lui avec Laporte-Dutheil
et Mongez, sont dans le Recueil de l'Institut,
classe de Littérature et Beaux-Arts : Rapport sui-
te fragment d'un monument antique envoyé
à l'Institut national par Achard, conserva-
teur du Musée de Marseille , avec une pi.,
t. Ier, année 1797; — Observations sur la Ma-
gie, dans le môme recueil : avec Vien; — Rap-
port sur des Vases trouvés dans un tom-
beau près de Genève , dont le dessin a été
adressé à l'Institut par la Société pour l'A-
vancement des Sciences et Arts de Genève,
avec une pi., t. II, 1798. Leblond a inséré dans le
Journal de Paris, en mars 1783, sous le nom
d'Un Savant en Us, plusieurs lettres en faveur
des inscriptions en langue latine, contre les let-
tres de Boucher, qui plaidait pour la langue fran-
çaise. Comme éditeur, il a publié, de concert avec
l'abbé de Lachau, la Description des Pierres
gravées du cabinet du duc d'Orléans; 1780,
2 vol. in-fol., ouvrage de l'abbé Arnaud et H. Co-
quille, mais qui est souvent attribué aux édi-
teurs, parce qu'ils ont signé la dédicace. L'abbé
Leblond passe pour avoir pris part à l' Origine de
tous les Cultes de Dupuis. Guyot de Fère.
Boissard, Les Hovunes remarquables du Calvados.—
Quérard, La France Littéraire.
leblond ou leblon ( Michel ), orfèvre et
graveur au burin allemand, né à Francfort-snr-
le-Mein, à la lin du seizième siècle, mort à Am-
sterdam, en 1656. Sandrart, qui avait reçu ses
conseils à Francfort, dit que Leblond ne se bor-
nait pas à laculture des arts, mais qu'il jouissait
d'une certaine réputation d'éloquence, et qu'il
fut envoyé en Angleterre et près de plusieurs
cours du Nord. Cet artiste avait une. finesse
99
LEBLOND
100
et une délicatesse extrêmes dans le burin. Toutes
ses pièces sont d'un travail précieux. Il signait
Mie li aelBlondus ou d'un M et d'un B entrelacés.
On cite surtout : Saint Jérôme;— Figures
dansantes ; — Une Noce; 1615; —Armoiries;
— Suite de .Manches de couteau. En 1616,
Leblond publia un recueil de gravures estimé,
contenant divers Ornements et Feuillages pour
les armoiries ainsi que des Fruits et des
Fleurs. 3. V.
F. Basan, Dict. des Grav. anciens et modernes. —
Sandrart, Teutsche académie.
lekloni) {Jean- Baptiste) , voyageur et
naturaliste français , né à Toulongeon , le 2 dé-
cembre 1747, mort à Guzy, le 15 août 1815. Il
avait à peine vingt-et-un ans lorsqu'il passa aux
colonies. En 1756 il se fixa sur les côtes occiden-
tales de la Martinique. Après un examen attentif
des îles, il alla visiter les bouches de l'Orénoque.
Le premier, il fiit à même de décrire une tribu
nombreuse , que la civilisation n'avait pu encore
réduire, et qui, aux temps des voyages aventu-
reux de Ralegh, avait donné lieu aux contes les
plus merveilleux et les plus fantastiques. Sur des
images devenues populaires, on représentait
ces sauvages comme perchant au sommet des
arbres. Les Guaraonos ou Waraons, que visita
Leblond, logent en réalité dans des cabanes se-
mi-aériennes, qu'ils établissent dans les terres
noyées des îles, situées à l'embouchure du fleuve,
sur les tiges du manglier. Ils accueillirent
le médecin français, lui firent visiter en détail
leurs habitations et lui prouvèrent que, protégés
par leurs forêts maritimes , ils pouvaient vivre
des produits d'un seul arbre : le palmier mu-
richi subvient en effet à tous leurs besoins.
Leblond partit pour la Guyane française , et en
fit en quelque sorte sa seconde patrie. En 1789
il avait déjà exécuté plusieurs courses le long du
littoral de Cayenne et dans l'intérieur, lorsqu'il
entreprit un voyage plus pénible à travers des
forêts inexplorées. Suivi de quelques nègres, et
n'ayant souvent d'autre guide que la boussole,
il parvint au delà des sources du Camopi , à plus
de quatre-vingts lieues des côtes, et fit sur ces ré-
gions désertes des observations géologiques d'un
grand intérêt; il visita en même temps dans la
haute Guyane des tribus indiennes , dont la po-
pulation ne dépassait pas alors quatre mille in-
dividus (1).
De retour en France en 1802, Leblond rédigea
ses divers voyages ; mais il ne put les faire im-
primer d'abord, et plusieurs de ses observations
scientifiques ne parurent même qu'après sa mort.
En l'année même de son retour, il publia dans le
Moniteur un article Sur le moyen de civiliser
(1) Plusieurs de ces petites tribus ont disparu depuis
l'époque où notre médecin naturaliste les visitait. Et
nous n'hésitons pas à dire que jamais les Indiens de
la Guyane n'eurent un meilleur observateur, puisque
durant un séjour de dix-huit ans dans cette contrée Le-
blond ne cessa point, pour ainsi dire, de s'occuper d'eux.
les Indiens de la Guyane française. Leblond
avait été nommé commissaire du roi, avec mis-
sion d'explorer les forêts qui renferment l'arbre
à quinquina. Ses recherches furent dès lors
utiles, et se prolongèrent jusqu'en' 1772. Il vi-
sita ainsi les principales villes de la Guyane
espagnole , la capitainerie de Caracas , aujour-
d'hui république de Venezuela , la nouvelle Gre-
nade et la plus grande partie du Pérou. 11 forma
une collection d'objets d'histoire naturelle, que
contenaient à peine vingt-huit caisses, dont une
partie enrichit aujourd'hui le Muséum de Paris.
De retour en France vers 1785, Leblond tit
connaître ses observations sur la région, pour
ainsi direinconnae, qu'avait décrite Piedrahitd,
et publia un mémoire sur Santafé de Bogota (1)
et ses Observations sur le Platine, dont les di-
vers gisements étaient alors tout à fait ignorés.
Deux ans plus tard parut un travail beaucoup
plus considérable, intitulé : Observations sur la
Fièvre jaune et sur les maladies des tropiques
faites dans un voyage aux Antilles , à l'inté-
rieur de l'Amérique méridionale, au Pérou;
Paris, 1805, in-8°. De tous ses ouvrages, c'est
celui dont le voyageur semble avoir fait ie plus
de cas. Huit ans plus tard , il donna sa grande
relation, qu'il voulait publier en quatre volumes
in-8°, mais dont il ne fit jamais imprimer que le
premier tome. Ce livre, répandu à très-petit
nombre d'exemplaires, est intitulé : Voyages aux
Antilles et à l'Amérique méridionale com-
mencé en 1767 et fini en 1802, contenant un
précis historique des révoltes, des guerres
et des faits mémorables dont l'auteur a été
témoin, etc., suivi de recherches géologiques
sur l'état primitif du globe , sur les change-
ments qu'il a subis et qu'il continue à éprou-
ver, avec des observations sur les effets du
courant général de l'Océan etc.; Paris, 1813,
in-8° (2).
(1) Ce mémoire fut imprimé en 1785 et est deveuu d'une
telle rareté, que jusqu'à ce jour nous n'avons pu par-
venir à en prendre connaissance. 11 en est de même de
plusieurs mémoires de ce naturaliste: durant cette même
année 1785, on imprima son Mémoire sur le Platine
et la manière de l'extraire de la mine. Plus tard, et avant
son départ pour Cayenne, il offrit au gouvernement
200 livres de ce métal. En 1786 Leblond lut à la Société
de Médecine de Paris ses divers mémoires sur l'Élé-
phantiasis, le Pian, les Maladies de la Peau, sous les
tropiques En 1790 après avoir reçu 6,000 fr. de Louis XVI,
pour aller chercher de nouveau sur le continent l'arbre
à quinquina, il envoya à l'Académie des Sciences une
carte gëogranhico-minèralogique de ses deux voyages
dans l'intérieur de la Guyane. En 1791 il expédia au
Journal de Physique son Essai sur l'Indigotier. Ses mé-
moires Sur le Poivrier et sur le Roucouyer parurent
dans les annules du Muséumd'Histoire Naturelle.
(2) Nous avons la certitude que le t. II de cet impor-
tant ouvrage avait été complètement rédise, et il était,
vers 1823, entre les mains de l'éditeur Nepveu, qui en
avait fait l'acquisition, Il nous fut communiqué et il nous
a fourni pour un travail sur la Guyane, publié vers cette
époque, de curieux renseignements sur ces Guaraonos
ou )¥araons, dont plusieurs tribus habitaient encore les
bouches de l'Orénoque en 1841, époque à laquelle le sa-
vant Codazzt écrivait sa géographie de l'État de Ve-
nezuela. Il serait vivement à désirer que le t. Il ili..
101
LEBLOND
A la fin de cet ouvrage remarquable , Leblond
se plaint du déclin de ses forces et de l'impossi-
bilité de trouver un collaborateur qui consente
à l'aider dans la rédaction de ses derniers tra-
vaux ; il n'en donna pas moins l'année suivante
un opuscule fort substantiel sur la Guyane, dans
lequel il consigna les résultats de dix-huit ans
d'observations faites sur le continent américain.
Cette brochure,qui n'a pas cent pages, est intitulée :
Description de la Guyane française , ou ta-
bleau des productions naturelles et commer-
ciales de cette colonie, expliquées au moyen
d'une carte géologicu- topographique dres-
sée par M. Poirson , ingénieur géographe;
Paris, 1814, in-8°. Quelques mois après cette
publication, Leblond se retira dans son pays, et
y mourut. Ferd. Denis.
Leblond ( neveu î, Biographie placée en tête d'un
deuxième tirage du Voyage à, la Guyane. — L. A. M.
Uourgelat, Mercure de France d'octobre 1818. — Rap-
port de V Académie des Sciences.
LEBLOND DE SAINT-MARTIN ( NiCOlOS-
François), jurisconsulte et humaniste français,
né à Château-Thierry, le 19 juin 1748, mort à la
fin du dix-huitième siècle. Après avoir suivi les
cours de droit, il s'était fait recevoir avocat au
parlement. On a de lui : Mémoire sur le Par-
tage et les Défrichements des Communes de
l'Artois; — Horace, édition latine avec des
notes; Orléans, 1767, in-12; — Traduction
nouvelle des Œuvres de Virgile, avec des
notes et un discours préliminaire; 1783, 3 vol.
in-8°; — Idées d'un citoyen sur la munici-
palité, ou la commune gouvernée par elle-
même; Paris, 1790, in-8°. J. V.
Quérard, La Fvance Littër.
leblond ( Auguste-Savinien ) , mathéma-
ticien et naturaliste français, né à Paris, le 19 oc-
tobre 1760, mort dans la même ville, le 22 fé-
vrier 1811. Il était employé au cabinet des
estampes à la Bibliothèque impériale. On a de
lui : Le Portefeuille des Enfants, mélange d'a-
nimaux, de fleurs, de fruits, etc., dessinés et
accompagnés de courtes explications ; Paris, 1784
et ann. suiv., 24 cahiers in-4° : le texte de cet ou-
vrage a été réimprimé séparément sous le titre de
Livret du Portefeuille des Enfants;Pàris, 1798,
2 vol. in-18 ; — Sur la Fixation d'une Mesure
et d'un Poids ; 1791, in-8°; — Sur le Système
Monétaire; Paris, 1798, in-8°; — Cadrans lo-
garithmiques adaptés aux poids et mesures ;
1799, in-8" : cet instrument est composé de trois
cercles concentriques; — Notice historique sur
la Vie et les Ouvrages de Montucla, lue à la
Société d'Agriculture de Versailles, le 15 janvier
1800; —Barème Métrique (avec A. N. *bu-
chesne ) ; Versailles, 1802 , 2 vol. in-12 ; — Dic-
tionnaire abrégé des Hommes célèbres de l'An-
tiquité et des Temps modernes; Paris, 1802,
2 vol. in-12; — Sur la Ponctuation décimale,
Voyages de Leblond ne fût pas perdu pour la science ;
car l'auteur montre en général une grande sagacité dans
ses observations.
— LEBON !02
dans les Mémoires de la Société libre d'Instruc-
tion (n° 2, p. 25); — Dé l'Instruction par les
Yeux, dans le même recueil, p. 35. L. L— t.
Hiogr. un<v. et portât, des Contemp. — Quérard, La
France littér.
lebobe (Auguste-Stanislas), magistrat et
homme politique français, né à Couilly (Seine-et-
Marne), le 19 décembre 1790, mort à Pont-aux-
Dames, le 8 avril 1858. Fils d'un meunier de la
vallée du Morin, il vint à Paris, où il entra
comme eommis chez un entrepreneur de couver-
tures de bâtiments. Grâce à ses efforts, il devint
bientôt un des notables commerçants de la capi-
tale, et fut en 1832 élu juge et en 1841 prési-
dent du tribunal de commerce. Il appela
à diverses reprises , dans ses discours officiels ,
l'attention du chef de l'État sur l'utilité d'obtenir
l'extradition des banqueroutiers frauduleux, afin
d'établir, suivant son heureuse expression « la
solidarité de l'honneur commercial entre toutes
les nations». Son vœu fut exaucé. Avantde quitter
laprésidenoedutribunalde commerce, il fit adop-
ter par les syndics un règlement qui, en apportant
plus de promptitude et d'équité dans l'adminis-
tration des faillites, augmentait en même temps la
dignité de l'institution des syndics. Élu député
de l'arrondissement de Meaux le 10 juillet 1842,
il prit place dans l'assemblée sur les bancs du
parti conservateur; et à la révolution de 1848 il
rentra dans la vie privée. Sa fille avait épousé le
célèbre chirurgien Blandin, qui précéda son
beau-père au tombeau. A. Is.
Documents particuliers. — Le Publtcateur de l'arron-
dissement de Meaux, n° du 17 avril 1848. ,
lebœcf. Voy. Lebeof.
lebon ( Jean ) , médecin français, né à Au-
treville, en Champagne, dans la première moitié
du seizième siècle, fut un de ceux qui opérè-
rent une réaction contre la médecine galénique
et signalèrent le retour vers la médecine hippo-
cratique. Lebon fut médecin du cardinal de
Guise , puis du roi Charles IX. On a de lui :
Therapeia Puerperarum, in-16, réimprimé à
Paris, en 1577, avec le Thésaurus Sanilatis de
Liébault. C'est un des bons ouvrages sur les ma-
ladies des femmes. Il a été réimprimé à Franc-
fort, 1586, in-16 ; à Paris, 1589, dans la collec-
tion de Pachias; à Gênes, 1635; Paris, 1664,
in-4°, à la suite des œuvres de Jacques Houllier ;
—Abrégé des EauxdePlombières,en Lorraine;
Paris, 1576, in-8°; 1616, in-16; — La Physio-
nomie du grand philosophe Aristote, c'est-à-
dire sa science de juger de quelle vie et com-
plexion est un chacun; Paris, 1553, in-#°; —
Oraison en invectives contre les poètes con-
frères de Cupidon et rithmailleurs de notre
temps (sous le nom de Nobel, anagramme de
Lebon); Rouen, 1554, in-16; — Traité de Ga-
lien Que les mœurs de l'âme suivent la com-
plexion du corps ; Paris, 1566, in-16; — Opus-
cule de Galien d'aillaigrir le corps, traduit en
français; Paris, 1556, in-16; — La Physionomie
103
LE BON
104
d'Adonnant, sophiste, traduit en français, avec
un livre des nèves et verrues natxirelles;
Paris, 1556, in-8°; — Lucien, de la Beauté,
traduit en français; Paris, 1557; — Dialogue
du Coural; Paris, 1557 ; —L'Art de connaître
les affections de V esprit et d'y remédier ; —
Dialogue de l'-antre de Mercure; — Épitre à
ses amis touchant la liberté parisienne; Paris,
1557, in-16; — Avertissement à Ronsard lou-
chant sa Franciade; Paris, 1568, in-8°; — Le
Rhin au roi, oit, à Vimitation du Danube qui
a parlé plusieurs fois, par prosopopée, aux
empereurs romains , l'auteur introduit le
fleuve du Rhin, parlant au roi, l'exhortant
de le venir voir et jouir de ce qui lui appar-
tient, et en ce faisant être terreur à reistres
qui viennent fourrager la Lorraine et rava-
ger la Champagne ; Paris, 1569, in-S° ; — Éty-
mologicon franc ois ; Paris, 1571, in-8° ; — Le
tumulte de Bassigny apaisé par le cardinal
de Lorraine ; Paris, 1573, in-8°; — Adages ou
Proverbes françois (sous le pseudonyme de
Solondes Vosges); Paris, 1 576, in-8°; — De l'O-
rigine et Invention de la rime ; Lyon, 1 582 ; —
Les Bâtiments, Érections et Fondations des
Villes et Cités assises es trois Gaules ; Lyon ,
1590, in-16. La Croix du Maine attribue en outre
à Letton une Grammaire Françoise et une tra-
duction des Antiquités de Bérose. F.-X. T.
La Croix du Maine, Bibliothèque franc.
le box (Joseph), homme politique fran-
çais, né à Arras, le 25 septembre 1765, mort sur
l'échafaud révolutionnaire à Amiens, le 24 ven-
démiaire an iv (16 octobre 1795). 11 fit ses
études chez les oratoriens, et entra dans cette
congrégation. Dès l'âge de dix-huit ans il en-
seignait la rhétorique au collège de Beaune, et se
fit remarquer par sa régularité à remplir ses
devoirs. Ses sympathies non dissimulées pour
la révolution le brouillèrent bientôt avec ses
confrères : à la fin de mai 1790 il s'en sépara
avec éclat, et accepta la cure constitutionnelle du
Vernois près Beaune. En juillet 1791 il obtint
celle de Neuville-Vitasse, près Arras, qui le rap-
prochait de sa famille, dont il était le principal
soutien. Ses liaisons avec Robespierre, Saint-
Just et Le Bas, ses compatriotes, l'entraînèrent
hors de la route qu'il avait suivie jusque alors.
Il se maria, et se mit à fréquenter les sociétés
politiques. Maire d'Arras (16 septembre 1791),
puis procureur syndic du département du Pas-
de-Calais, il se fit remarquer par une grande
modération, et fut nommé, en septembre 1792,
député suppléant à la Convention nationale; mais
il n'y siégea qu'après le 31 mai 1793. Envoyé
une première fois, en octobre 1793, en mission
dans le Pas-de-Calais, il s'y montra encore si
indulgent que Guffroy, son compatriote et son
ennemi, l'accusa de fédéralisme, et le dénonça
comme le protecteur des contre-révolutionnaires
et le persécuteur des patriotes. Il accusait en
outre Le Bon d'avoir refusé de faire partie de
la société des Jacobins. Le comité de salut pu-
blic se hâta de le rappeler ; mais, sur la garantie
de Robespierre et sur sa promesse de travailler
à faire oublier son passé , il fut presque aussitôt
renvoyé dans son département avec des pouvoirs
illimités etla mission « d'étouffer, parles mesures
les plus efficaces et les plus actives, les mouve-
ments contre - révolutionnaires qui s'élevaient
dans la ville d'Aire et dans d'autres endroits du
Pas-de-Calais. » Le 9 nivôse an h, il reçut l'ordre
d'établir le gouvernement révolutionnaire dans
les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Il accomplit sa mission avec trop de rigueur ;
effrayé de sa responsabilité en présence des Au-
trichiens sur les frontières de France et des in-
trigues de la coalition, il vit partout des enne-
mis de la république et fit couler le sang sur
son passage. Il fut terrible et inflexible à la fois.
Dénoncé à la convention par Guffroy, son en-
nemi acharné, Le Bon fut renvoyé de l'accusation
portée contre lui, ce qu'il devait plus peut-être
à la mauvaise renommée du dénonciateur qu'à
sa propre défense, qui fut présentée par Barrère
au nom du comité de salut public, qui « tout en
improuvant les formes un peu acerbes de Lebon » ,
déclara que par son énergie il avait sauvé Cam-
bray en se jetant courageusement dans cette ville
attaquée par les Autrichiens. On éleva contre lui
d'autres accusations, mais elles ont manqué de
preuves (1). Dénoncéde nouveau le 15 thermidor
(2 août), Joseph Le Bon fut décrété d'accusa-
tion; ce ne fut pourtant que le 18 floréal (7 mai
1795) que l'Assemblée chargea une commission
de vingt-et-un membres d'examiner sa conduite.
Quirot, rapporteur de cette commission, fit son
rapport le 1er messidor (19 juin). Il avait divisé
en quatre classes les délits imputés à Le Bon
1* assassinats juridiques; 2° oppression des
citoyens en masse; 3° exercice de vengeances
personnelles ; 4° vols et dilapidations. Cette der-
nière accusation, l'assemblée refusa de l'écouter,
« déclarant que Le Bon en était complètement
absous ». Sur les autres points, qui se réduisaient
réellement à un seul, à l'emploi illimité de la
guillotine, il répondit : « Vous vouliez donc que
je fusse de glace quand vous étiez tout de feu ?
Quand mes actes étaient rigoureux, les vôlres
étaient terribles ! Vous vouliez donc que je vous
désobéisse quand vous aviez mis la terreur à
l'ordre du jour? Si j'étais coupable en exécu-
tant vos décrets, étiez-vous innocents en les
faisant? « Ce moyen de défense ne pouvait pas
lui concilier l'indulgence de l'assemblée , ainsi
appelée, à se condamner elle-même; aussi fut-il
traduit devant le tribunal criminel d'Amiens, qui
le condamna à mort. Ce tribunal jugeait sans
appel, en vertu de la loi du 12 prairial. Le' Bon
(1) Sa correspondance intime montre le contraste d'un
homme aussi bienveillant dans son intimité qu'il était
impitoyable dans ses fonctions publiques. Le Bon eut du
reste cela de commun avec plusieurs autres des plus
exaltés terroristes.
105
LE
demandait à profiter du bénéfice de la constitution
qui venait d'être achevée, et à se pourvoir en
cassation ; la convention passa à l'ordre du jour,
et donna l'ordre de l'exécution. En endossant la
chemise rouge, Le Bon s'écria : « Ce «'est pas
moi qui devrais l'endosser : il faudrait l'envoyer
à la Convention, dont je n'ai fait qu'exécuter les
ordres! »
Lamartine dit de Le Bon : « 11 décima à Arras
et à Cambray les départements du Nord et du
Pas-de-Calais. Cet homme est un exemple du
vertige qui saisit les têtes faibles dans les grandes
oscillations d'opinion. Les temps ont leurs crimes
comme les hommes. Le sang est contagieux
comme l'air. La fièvre des révolutions a ses
délires. Le Bon en éprouva et en manifesta tous
les accès pendant les courtes phases d'une vie
de trente ans. Dans un temps calme il eût laissé
la réputation d'un homme de bien ; dans des
jours sinistres il laissa le renom d'un proscrip-
teur sans pitié. » H. Lesueur.
Le Moniteur universel, an 1er, n° 259 ; an n, n° 277,
28, 29, 1G3, 316, 327 ; an III. n°» 6, 108, 199, 274, 294, 303,
349; an iv, n0» 25. — Thiers, Histoire de la Révolution
française, tom. IV, passim; t. V, liv. XXIII, p. 374. —
lamnrline, Histoire des Girondins, t. VII, liv. LUI,
p. 325. - Lettres de Joseph Le Bon à sa femme pendant
les quatorze mois de prison qui ont précédé sa mort,
avec une préface par .-.on fils, Emile Le Bon ; Chalons-
sur-Saône. 1845. — Quelques Lettres de Joseph Le Bon,
antérieures à sa carrière politique (1783-1791) ; Chalons,
1853. — Réfutation du rapport à la Convention na-
tionale sur la mise en accusation de Joseph Le Bon ;
Chalons. 1835, in-8°. — Doc. part.
lebox ( Philippe ) , ingénieur et chimiste
français, inventeur de l'éclairage au gaz, naquit
à Bruchay, près de Joinville, aujourd'hui dépar-
tement de la Haute-Marne, le 29 mai 1769, et
mourut à Paris, le 2 décembre 1804. L'institu-
teur de son village fut son premier maître. En-
voyé ensuite à Paris pour compléter son éduca-
tion, il y obtint les plus grands succès, et il n'a-
vaitpas encore vingt-cinq ans quand il fut nommé
ingénieur des ponts et chaussées d'abord à An-
goulême, puis à Paris, où il professa la méca-
nique à l'École des Ponts et Chaussées. Vers
1797, il commença ses essais sur le gazprovenant
de la combustion du bois. Peut-être avait-il con-
naissance de quelques observations déjà faites
avant lui sur l'éclairage par ce gaz ; telles que
celles de Delsemius, qui eurent lieu à Paris, en
1686; celles du docteur anglais Clayton,en 1739,
sur le même objet, et celles consignées dans un
mémoire que Driller avait lu en 1 787 à l'Académie
des Sciences de Paris, où il indiquait les moyens
d'employer à l'éclairage ce même gaz. Quoiqu'il
en soit, Lebon fit à sa campagne de Bruchay
ses premières expériences, et il ne se borna
point à préparer un gaz inflammable, il s'oc-
cupa aussi à purifier ce gaz , à le débarrasser
des matières étrangères et de l'odeur due à
la présence de l'acide pyroligneux. Pour obte-
nir ce résultat, il imagina de faire passer le
tuyau de dégagement dans un vase rempli d'eau
froide : l'eau condensait les vapeurs acides et les
BON 106
I matières bitumineuses, tandis que l'hydrogène
J carboné se dégageait pur. Dès ses premiers es-
sais, Lebon aperçut dans une même opéra-
I tion la carbonisation complète de tous les corps
i combustibles , la production de l'acide pyroli-
gneux, du goudron et de la flamme qui pouvait
i servir aux usages domestiques en procurant la
lumière et le chauffage. Il avait bâti un appareil
en briques, qu'il remplissait de bois, et après l'a-
voir fermé hermétiquement, en laissant un tuyau
pour la fumée, il dirigeait ce tuyau dans une
cuve où il s'élargissait de manière à former un
large récipient condensateur. On allumait le feu
sous l'appareil ; le bois placé dans l'intérieur se
carbonisait parfaitement; la fumée parvenue
dans la cuve d'eau se purifiait en abandonnant
le goudron et l'acide pyroligneux; le gaz dégagé
à la sortie du condensateur donnait une lumière
assez vive et assez pure pour faire espérer un
succès complet après de nouveaux lavages et de
nouveaux essais. Lebon vint continuer ses expé-
riences à Paris, dans sa demeure rue et île Saint-
Louis, en face l'hôtel Bretonvilliers. Fourcroy,
Prony et dJautres savants l'encouragèrent de
leurs conseils, et il fit.de grandes dépenses pour
perfectionner sa découverte. En l'an vu, il lut à
l'Institut un Mémoire sur les résultats qu'il avait
obtenus, et le 6 vendémiaire de l'an vm (21 sep-
tembre 1799) il reçut un brevet d'invention pour
de nouveaux « moyens d'employer les combus-
tibles plus utilement, soit pour le chauffage,
soit pour la lumière , et d'en recueillir diffé-
rents produits )>: Quelques mois après il pro-
posait au gouvernement des appareils de chauf-
fage et d'éclairage plus économiques. H transporta
alors ses appareils dans l'hôtel de Seignelay, rue
Saint-Dominique-Saint-Germain, et leur donna le
nom de thermolampes. Il établit dans ce local
des ateliers pour leur confection, distribua la
lumière et la chaleur dans de grands apparte-
ments, dans les cours et dans les vastes jardins,
qu'il illuminait de milliers de jets de lumière,
sous la forme de gerbes, de rosaces, de fleurs, etc.
Dans un mémoire qu'il publia sur ses thermo-
lampes , il invita tout Paris à en venir voir les
brillants effets. La Gazette de France du 19 ven-
démiaire an x contient l'annonce des expériences
de Lebon, qui excitèrent alors une vive curiosité.
Un rapport officiel fait au ministre de la Marine
par le général Saint-Haouen déclare « que lef
résultats avantageux qu'ont donnés les expé-
riences du thermolampe du citoyen Lebon ont
comblé et même surpassé les espérances des
amis des sciences et des arts ». L'invention
était loin, cependant, d'avoir obtenu la perfec-
tion à laquelle on est arrivé depuis. II n'avait
pas encore été possible de dégager complètement
la flamme d'une odeur empyreumatique , et la
lumière n'avait pas acquis la pureté , le brillant
qu'on obtient aujourd'hui. Mais les perfectionne-
ments arrivaient , et les autres produits de la
carbonisation offraient des avantages immenses.
107 LEBOJN - LEBORGNE
Pour utiliser ceux-ci, Lebon sollicita l'adjudica-
tion d'une portion des pins de la forêt de Rou-
vray près du Havre. La concession lui lut donnée
le 9 fructidor an xi (27 août 1803) , à la condi-
tion de fabriquer cinq quintaux par jour. Use mit
à l'œuvre , associé à un Anglais , et le succès
qu'il obtint fut tel que les princes russes Galitzin
et Dolgorouki lui proposèrent, au nom de leur
gouvernement, de transporter en Russie ses pro-
cédés en le laissant maître de fixer les conditions.
C'était une fortune assurée; mais il répondit que
son invention appartenait à son pays, qui seul
devait en profiter.
Il n'était pas donné à cet homme laborieux
de recueillir le fruit de ses travaux. Il était ins-
tallé -au Havre avec sa famille ; il fut appelé à
Paris comme ingénieur pour les travaux du sacre
de l'empereur. Le jour même de la cérémonie,
il mourut subitement , à peine âgé de trente-six
ans. On le rapporta chez lui mourant et ensan-
glanté. Le bruit courut, qu'il avait été victime
d'un assassinat ; mais on ne put en acquérir la
preuve. D'autres malheurs atteignirent sa veuve :
un associé infidèle fit disparaître les bénéfices
obtenue dans l'exploitation de Rouvray, qu'elle
fut forcée d'abandonner; elle se vit sans res-
sources, exposéeaux poursuites du domaine pour
une somme de 8,000 fr. restant due sur le prix de
la concession. Elle essaya en 1811 de rouvrir
une fabrique de thermolainpes, mais ce fut sans
succès. La Société d'Encouragement pour l'In-
dustrie lui décerna, le 1 1 septembre 1811, un prix
de l,200fr. proposépowr les expériences faites
en grand sur les divers produits de la distil-
lation du bois ; un rapport de Darcet avait
constaté les services rendus par Lebon à l'indus-
trie et à la science, son application du gaz hydro-
gène carboné à l'éclairage , invention dont les An-
glais ont profité avant les Français, en la perfec-
tionnant. En même temps la Société d'Encoura-
gement demandait au ministre de l'intérieur
qu'une pension fût accordée à la veuve de Lebon,
et par un décret de la même année une pension
viagère de 1 ,200 fr. lui fut en effet donnée.
Mme Lebon n'en jouit pas longtemps : elle mou-
rut en 1813. Un fils de Philippe Lebon, officier
d'artillerie, a été aussi frappé d'une mort pré-
maturée. G. DE FÈRE.
Notice sur l'Invention de l'Éclairage par le Gaz
hydrogène carboné , par M. Gaudry, avocat à la cour de
Paris, 1856. — Recueil des Brevets d'invention, t. VIH,
p. 121. — Moniteur du il sept. 1811. — Mémoire de la
Société d'Encouragement, année 1811. — L'Invention,
année 1856.
leborgne de soigne ( Claude- Pierre-
Joseph ), homme politique français, d'origine
Sarde, né à Chambéry, le 8 mars 176.4, mort à
Paris, en janvier 1832. Frère du général comte de
Boigne ( voy. ce nom), il vint de bonne heure à
Paris, où il entra dans l'administration des co-
lonies. En 1.791 , il fut nommé secrétaire de la
commission et envoyé à Saint-Domingue pour pa-
cifier cette île ; mais les pouvoirs des commissaires
108
ayant été contestés par l'assemblée coloniale,
les commissaires revinrent en France en laissant
Leborgne chargé des affaires de la métropole. 11
y favorisa de tout son pouvoir la cause des noirs
et de la révolution. En 1792 il promulgua à
Saint-Domingue la loi qui reconnaissait les
droits politiques des noirs et des hommes de
couleur; mais les colons s'opposèrent à l'exécu-
tion de cette loi, et de nouveaux commissaires
furent envoyés avec des troupes. Leborgne partit
en janvier 1793, comme commissaire médiateur
avec le général Rochambeau, gouverneur de La
Martinique, qui s'était réfugié à Saint-Domingue.
Ils attendirent vainement à La Désirade l'escadre
qui devait les porter à La Martinique, et s'em-
barquèrent pour La Guadeloupe, d'où ils purent
enfin passer à La Martinique. La guerre venait
d'éclater avec l'Angleterre. Le 11 mai 1793, une
escadre anglaise parut devant La Martinique ;
Leborgne contribua à défendre cette île. Arrivé à
Paris à la fin de 1793, il fut arrêté par ordre,
du comité de sûreté générale, et envoyé à la
Conciergerie comme girondin, malgré les ré-
clamations du ministre de la marine. Leborgne
obtint enfin sa liberté. En 1796 il fut renvoyé à
Saint-Domingue en qualité de commissaire or-
donnateur du corps d'armée que Truguet fit
passer dans cette colonie avec Sonthonax et
Rigaud, pour y organiser le régime républicain
et prendre possession de la partie espagnole, qui
venait d*être cédée à la France par le traité de
Bàle. Leborgne concourut aux opérations des
deux commissaires, et fut nommé, en avril 1797,
député de Saint-Domingue au Conseil des Cinq
Cents. Le 16 novembre, il proposa à cette assem-
blée d'établir un comité chargé d'aviser aux
moyens de réorganiser la marine française et de
préparer une descente en Angleterre. En 1798 il
fit une motion pour que les nouvelles élections de
Saint-Domingue fussent annulées , parce qu'elles
avaient été influencées par Toussaint Louverture.
Le 7 septembre 1799, il présenta un rapport sur
l'armement en course, qu'il appelait la marine
auxiliaire, et proposa d'encourager les corsaires
par des primes. Cette proposition, adoptée par le
Conseil des Cinq Cents, fut rejetée par le Conseil
des Anciens. Lorsqu'on proposa d'aggraver le sort
des déportés de fructidor, Leborgne combattit
Rouchon, qui avait parlé en faveur de l'humanité.
Au 18 brumaire, Leborgne s'opposa de toutes ses
forces au succès de Bonaparte. Il reprit alors son
grade de commissaire ordonnateur; mais il resta
longtemps sans emploi. En 1813 il fut envoyé à
l'armée d'Allemagne et fait prisonnier de guerre.
Le retour de Louis XVIII lui permit de revenir
en France. En 1817 Leborgne publia un ouvrage
sur les moyens de rattacher Saint-Domingue à
son ancienne métropole. 11 avait eu peu de rap-
ports avec sou frère, et n'eut aucune part à
son immense fortune. On a de lui : L'Ombre de
la Gironde à la Convention nationale, ou
notes sur ses assassins, par un détenu à la
109
Conciergerie ; Paris, 1794, in-8°; — Essai de
Conciliation de L'Amérique et de la nécessité
de Vunion de cette partie du monde avec l'Eu-
rope; Paris, 1817, in-8° ; — Nouveau Système
de Colonisation pour Saint-Domingue, com-
biné avec la création d'une compagnie de
commerce pour rétablir les relations de la
France avec cette ile, précédée de considéra-
tions générales sur le régime colonial des
Européens dans les deux Indes ; Paris, 1817,
in-8°. J. V.
Biog. univ. et portât, des Contemporains.
LEBORGNE DE BOIGNE (Benoît). Voy.
BOIGNE.
le bossu (René), religieux génovéfain, né
à Paris, en 1631, d'un avocat général à la cour
des aides, mort sous-prieur de l'abbaye de Saint-
Jean de Chartres, en 1680. Il contribua beaucoup
à toi mer la bibliothèque de Sainte-Geneviève de
Paris. On a de lui : un Parallèle de la Philo-
sophie de Descartes et d' Aristote, Paris, 1674,
in-12, qu'il voulait concilier. « Il ne savait pas ,
dit un bel esprit, qu'il fallait les abandonner l'un
et l'autre ». Nous ajouterons que Le Bossu était
plus capable de raisonner sur les chimères ancien-
nes que de les détruire ; — un Traité du poème
épique , dont la 6e édition a été imprimée à La
Haye, 1714, in-8#. Dans cet ouvrage il n'omet au-
cune des règles ni aucune des ressources du genre.
Le P. Bossu veut que le poème épique ait tou-
jours un but moral; et il prétend tirer ces prin
cipes d'Homère. Voltaire assure que ces règles
ne sont ni dans Y Iliade ni dans l'Odyssée, et
que ces deux poèmes étant d'une nature totale-
ment différente, les crifiques seraient fort en
peine de mettre Homère d'accord avec lui-même.
L'embarras n'aurait pas été moindre à l'égard
de Virgile, qui réunit dans sou Enéide le plan
de Y Iliade et celui de YOdyssée. B. H.
Lelong, Biblioth. Hist. de la France, — Cbaudon et
Delandine, Dictionnaire Historique.
leboucher (Odet- Julien), historien fran-
çais, né à Bourcy, près de Coutances, le 13 juin
1744, mort le 23 septembre 1826. Il était maire
de sa ville natale. On a de lui : Histoire de la
dernière Guerre entre la Grande-Bretagne et
les Etats-Unis de l'Amérique, la France,
l'Espagne, etc.; Paris, 1787, in-4°.
Son fils , M. Emile Lbbodcher, a donné une
nouvelle édition de ce livre sous ce titre : His-
toire de la Guerre de V Indépendance des
États-Unis; Paris, 1830, 2 vol. in-8°. J. V.
Notices dans Le Moniteur, la Gazette de France, et le
Journal de Paris, du 8 octobre 1826. — annales Bio-
graphiques, 18S6, p. 497.
le boucq (Jacques), écrivain héraldique
français , mort le 2 mai 1573. Il était fils de Noël
Le Boucq, mort au siège de Valenciennes , le
15 mars 1567. Il fut hérault d'armes et lieute-
nant de la Toison d'Orsous Charles Quint et Phi-
lippe II, et a laissé plusieurs manuscrits relatifs
à la science héraldique, qui périrent pour la plu-
LEBORGNE — LE BOUCQ 110
part dans l'incendie arrivé au palais de Bruxelles
en 1731. Les seuls ouvrages qui restent de cet
auteur sont : LeTriumpM d' Anvers, faict pour
les nobles Festes de la Thoyson d'Or, ternies
par le très- liault et très-puissant prince Phi-
lippe, roi d'Espagne, de France et d'Angle-
terre, 1555, manuscrit petit in-folio, qui faisait
partie de la collection de M. Lammens, biblio-
thécaire de l'université de Gand ; — Recoel de
tous les Festes et Chapitres de la noble ordre
du Thoison d'Or depuis lapreiiiièreinsti/ution
jusques à notre temps, manuscrit in-folio, fai-
sant partie de la bibliothèque de Mans; — Le
noble Blason des armes, 1564 et 1572, manus-
crit autographe, petit in-folio , appartenant en
1842 à uu propriétaire de Gand. La bibliothèque
de Vienne en Autriche possède aussi un manus-
crit de Jacques Le Boucq.
Documents inédits.
le boucq (Henri), petit neveu du précé-
dent, seigneur de Camcourgean et de Lamfret,
ne. le 19 juillet 1584, mort le 19 décembre. 1660.
Créé chevalier par Philippe IV, roi d'Espagne, en
1659, il fut échevin de Valenciennes et bailli du
vicomte de Sebourg. Il ajouta, en 1648, à 1 his-
toire de S«bourg, publiée par son fils Pierre, une
troisième partie, formant les chapitres 19 à 23,
supplément beaucoup plus rare que le livre même.
Il a laissé en outre un manuscrit petit in-4°, ayant
pour titre : Traité des Choses les plus remar-
quables concernant la singularité des au-
thorités et privilèges de Vallenciennes. Ce
manuscrit fait aujourd'hui partie de la biblio-
thèque de M. le chevalier Amédée Le Boucq de
Ternas, demeurant à Douai.
Documents inédits.
le boucq (Simon), historien français, né
à Valenciennes, le 15 juin 1591, mort dans la
même ville, le 1er décembre 1657. Dans sa jeu-
nesse, il passa plusieurs années à Anvers chez
François Sweerts , écrivain belge, qui faisait le
commerce, et puisa chez lui le goût de l'étude.
De retour à Valenciennes , il fut nommé lieute-
nant, puis surintendant de l'artillerie et des mu-
nitions de cette ville. Il en devint en 1618 éche-
vin, en 1644 prévôt, et plus tard conseiller
pensionnaire. L'histoire, les antiquités et la nu-
mismatique occupaient ses loisirs. Il avait une
riche bibliothèque et une précieuse collection de
médailles romaines. En 1655 il fit don à l'ar-
chiduc d'Autriche Léopold-Guillaume , gouver-
neur des Pays-Bas, qui se trouvait alors à l'ab-
baye de Vicoigne, de six cent trente-six médailles
romaines, dont dix-neuf étaient d'or. On a de
lui : Bref Recueil des Antiquités de Valen-
tienne. Où est représenté ce qui s'est passé
de remarquable en la dicte ville et seigneu-
rie, depuis sa fondation jusques à l'an 1619,
par S. L. B.; Valenciennes, 1619, in-8°, réim-
primé dans les Archives historiques et litté-
raires du nord de la France et du midi de
la Belgique , 2e série, tom. IV; — Histoire ec-
111 LE BOUCQ -
clésiastique de la ville et comté de Valen-
tienne; Valenciennes , 1844, gr. in-8°, publié
par M. Arthur Dinaux : le manuscrit de cet
ouvrage se trouve a la bibliothèque publique
de Valenciennes ; — Guerre de Jean d'Avesnes
contre la ville de Valenciennes ; 1290-1297;
et Mémoires sur l'histoire, la juridiction ci-
vile et le droit public , particulièrement
des villes de Mons et de Valenciennes,
du onzième au dix-septième siècle, recueillis
et publiés par A. Lacroix; Bruxelles, 1846,
gr. in-8°, mis au jour par la société des Bi-
bliophiles belges. M. Arthur Dinaux indique de
Le Boucq vingt ouvrages manuscrits dont voici
les principaux : Antiquités, et Mémoires de la
très-renommée et très-fameuse ville et comté
de Valentienne, avecq les généalogies , ordre
et suite de ses comtes et seigneurs ; ensemble
la fondation des églises, lieuz pieux de la dite
ville; 2 vol. in-fol., conservés à la bibliothèque
publique de Cambrai; — Libvr-e contenant
plusieurs copies de Chartres, privilèges,
lettres et advenues de lavilledeValentiennes,
escripts et recueillis la pluspart des origi-
nelles, 4 vol. in-fol., ,qui appartiennent à la
bibliothèque publique de Valenciennes. L'An-
nuaire de la Bibliothèque royale de Belgique,
sixième année, 1845, pag. 135, contient un extrait
d'un manuscrit de cette bibliothèque, intitulé :
Description de Notre-Dame- la- Grande et
Saint-Jean en Valentienne, avecq les épita-
phes qui se retrouvent en .celles, recueilli
par Simon Le Boucq, escuier, 1616. Les ou-
vrages de Le Boucq sont mal écrits, mais ils se
recommandent par leur grande exactitude.
E. Begnard.
A. Dinaux, Notice historique et bibliographique sur
Simon Le Boucq, eu tète de l'Histoire ecclésiastique de
la ville et comté de Falencienne. — Le Glay, Catalogue
des Manuscrits de la bibliothèque de Cambrai, p. 221.
le boucq (Pierre), historien français, de
la famille du précédent, né le 14 février 1612,
mort le 22 février 1676. Il fit son droit à Douai,
où il devint licencié en 1632, puis il se livra à
l'étude des coutumes du Hainaut et du droit mu-
nicipal de Valenciennes. En 1633, Isabelle, in-
fante d'Espagne, le nomma échevin de cette
ville. 11 y commandait la garde de la porte Car-
don lorsque, le 8 juin 1639, il empêcha les
Français, sous les ordres du sieur de Valicourt,
de piller et de brûler les faubourgs. Sa femme
étant morte en 1650, sans laisser d'enfant, il
embrassa l'état ecclésiastique. Il est auteur des
ouvrages suivants : Histoire de la terre et
vicomte de Sebourcq, jadis possédée par les
comtes de Flandre et de Hainnault, ensemble
de leurs faits héroïques et mémorables, de-
puis descendue aux très-illustres maisons de
W'ilhem et Berghe, avec plusieurs belles et
remarquables singularité z ; Bruxelles, 1645,
iu-4° ; — Histoire de la vie et des miracles
au glorieux saint Druon (patron de Sebourcq) ;
Douai, 1646, in-10; — flistoire des Choses les
LEBOURDAYS
112
plus remarquables advenues en Flandre,
Hainaut, Artois et pays circonvoisins, de-
puis 1596 jusqu'à 1674, etc., publiée avec une
notice sur l'auteur et sa famille, par le cheva-
lier Le Boucq deTernas; Douai, 1857, in-8°.
E. Regnard.
Foppens, Dibliotheca Belgica. — Lelonj; , Bibliothèque
I Historique de lu France, tora. III, n° 39,064. — Jiiogra~
[ phle P'alenciennoise, pag. S6. — M. Le Boucq de Ternas,
i Famille Le Boucq, de Valenciennes : A'otes biographi-
ques, p. 268, à la suite de l'Histoire des choses tes }Hus
remarquables, etc.
leboulanger (Jean), magistrat français,
! mort le 24 février 1481. Sa famille portait ori-
. ginairement le nom de Montigny; mais un de
I ses aïeux, Jean de Montigny, ayant fait distri-
buer du pain aux habitants de Paris pendant
trois jours dans un moment de disette, le peuple,
par reconnaissance, le surnomma Le Boulanger,
; et cette qualification devint le nom de sa famille.
Fils de Raoul Leboulanger, grand -panetier du
i roi et capitaine des gardes du duc de Bour-
' gogne, Jean Leboulanger était président au par-
lement de Paris lorsque la plupart des princes
du sang et des grands vassaux de la couronne
formèrent la ligue du bien public contre Louis XI.
Quand l'armée rebelle assiégea Paris, Jean
Leboulanger fut choisi pour aller négocier avec
les chefs de l'insurrection, et il fit si bien que le
traité de Conflans fut signé peu de temps après.
En récompense Leboulanger fut élevé, en 1471,
à la dignité de premier président au parlement
de Paris. Tout dévoué à la politique de Louis XT,
Leboulanger avait instruit en 1469 le procès du
cardinal La Balue; en 1475, il présida au procès
du connétable de Saint-Pol, et deux ans plus
tard à celui de Jacques d'Armagnac, duc de Ne-
mours. J. V.
Blanchard , Hist. des Premiers Présidents. — Moréri,
Grand Dict. Histor.
lebovrokys (Hardouin), sieur de La Ge-
nevraie, littérateur français, né au Mans, vers la
fin du seizième siècle, mort vers l'année 1640.
Sa profession était modeste : il était clerc au
greffe de la sénéchaussée du Mans. En l'exer-
çant, il apprit à connaître les procureurs, les
avocats, et ne conçut pas trop bonne opinion
de leur délicatesse. C'est du moins ce que tend
à prouver son Libre Discours sur l'Origine des
Procès, publié au Mans, en 1610, in-8°. Libre
discours en effet, et très-libre, plein d'invectives
acerbes et de scandaleuses anecdotes. La même
année. Lebourdays fit imprimer Regrets sur la
mort de Henri IV, morceau composé dans un
genre plus grave. Mais puisque nous avons à
dire quelque bien de Lebourdays, reconnaissons
sincèrement que ces Regrets sont peu touchants,
et qu'avec lui le genre grave est le genre en-
nuyeux. Plus tard il publia : Discours et ordre
tenu à l'entrée de leurs MM. Louis XIII et
Marie de Médicis en la ville du Mans, 1614.
Cette pièce est une relation assez plaisante, que
précèdent des vers supportables. Ansart raconte
Il:
LEBOURDAYS - LE BOUVIER
114
que, plus avancé en âge, Lebourdays devint
avocat au présidial du Mans. Quelle figure dut-
il faire dans une compagnie qu'il avait si peu res-
pectée ? Avec ou sans le titre d'avocat, il publia ,
dans l'intérêt des échevins du Mans, le factum
suivant : Réponse faite en forme de correc-
tion fraternelle à quelques écrits ci-devant
mis en lumière sous le nom de Fr.-J. B. L'a-
nonyme auquel s'adresse cette réponse est Jean
Boucher, gardien des cordeliers du Mans. Le-
bourdays a aussi composé divers opuscules en
prose et en vers contre les protestants, sous le
titre de : La Concorde en l'état ecclésiastique ;
1624, in-4°. Ce volume est incontestablement
le meilleur de ceux qui portent son nom. Il n'est
pas d'un théologien, mais d'un lettré versé dans
la théologie, qui aborde résolument les questions
les plus délicates et les tranche avec une vi-
vacité quelquefois éloquente. Ses vers ont le tour
et l'accent de ceux. d'Agrippa d'Aubigné. On lui
attribue encore La Défense de la Vérité contre
les Errants de ce temps; Paris, 1628, in-8°.
Mais cet ouvrage nous est inconnu. B. H.
Ansart, Biblioth. du Maine. — Narc. Desportes, Bi-
bliogr. du Maine. — B. Haureau, Hist. Littër. du Maine,
t. 1, p. 383.
LEBOURGEOIS. Voy. HEACVILLE.
LE BOUTILLIER DE RANCE. Voy. RANCÉ.
le bouvier ( Gilles (1)), dit Berry, roi
d'armes, chroniqueur et voyageur français, né à
Bourges, en 1386, mort vers 1460. A l'âge de
seize ans, comme il nous l'apprend lui-même, il
quitta son pays natal, pour voir et parcourir le
monde. Il vint à Paris; introduit à la cour, pro-
bablement sous le patronage de Jean, duc de
Berry, il obtint de Charles VIT, alors régent,
l'office de hérault d'armes, en 1420. Le 25 dé-
cembre ( de la même année), jour de Noël, il fut
créé roi d'armes du pays et marche de Berry.
Cette cérémonie eut lieu au château de Mehun-
sur-Yèvre, résidence habituelle du dauphin (2).
En 1426, G. Le Bouvier fit partie de l'ambas-
(1) Denis Godefroy (Charles VI, p. 411 ) l'appelle « Jac-
ques Le Bouvier ». Mais cette variante est fautive : des
actes authentiques ne "donnent à Bouvier dit Berry que le
prénom de Gilles.
(2) Ms. 9653, 5,5, fol. 13. Les Lettres d'institution de
Gilles Le Bouvier ne nous sont point connues. Mais on en
retrouve la formule, avec le nom de Berry, dans un re-
cueil de protocoles qui fut à l'usage des secrétaires de
Charles VII. (Ms. français du roi, n° 9676, 2, a,fol. 64). Mons-
trelet raconte qu'en 1422, lorsque Charles VI fut inhumé à
Saint-Denis, le roi d'armes de Berry, accompagné de plu-
sieurs héraults et poursuivants, assistait à la cérémonie.
Le corps ayant été déposé dans la fosse, le roi d'armes
cria : « Dieu veuille avoir pitié et merci de l'âme de très-
haut et très-excellent prince Charles , roi de France,
sixiesrae de ce nom, notre naturel et souverain sei-
gneur! » Et derechef, poursuit Monstrelet, après ce,
le dessus dit roi d'armes cria : « Dieu doint bonne vie à
Henry, par la grâce de Dieu, roi de France et d'An-
gleterre, notre souverain seigneur '. » Ce passage montre
quelles étalent les attributions du roi d'armes de Berry.
Mais le roi d'armes dont parle Monstrelet n'était pas
Gilles Le Bouvier. Il y avait alors deux gouvernements ,
deux maisons royales, deux personnels d'officiers royaux;
l'un à Paris, sous la domination des Anglais; l'autre à
Bourges, autour de Charles Vif.
sade que Charles VIT envoya auprès du duc de
Bretagne pour rallier à la cause royale ce grand
vassal mécontent. Gilles en rapporta au roi la ré-
ponse en qualité de hérault chevaucheur. C'est
encore lui qui, comme roi d'armes, fut chargé de
peindre les armoiries de la Pucelle sur le modèle
annexé aux lettres patentes du 2 juin 1429. Le
8 novembre 1437, Charles VII fit son entrée so-
lennelle dans Paris. En avant du groupe dont le
roi occupait le centre, et à la tête de sa mai-
son, marchait Gilles Le Bouvier, vêtu de la cote
d'armes de France, de velours azuré, chargée de
trois fleurs de lis d'or, brodées et bordées de
grosses perles. En 1449, il prit part aux négo-
ciations et aux opérations militaires qui eurent
pour résultat le recouvrement de la Norman-
die (1). En 1454 Gilles Le Bouvier se trouve
mentionné pour une gratification de cent vingt
livres qui lui fut allouée par le roi sur les aides
du bas pays d'Auvergne. Ces renseignements di-
vers fournissent comme une esquisse authen-
tique de la vie de ce personnage, demeurée jus-
qu'ici à peu près inconnue des biographes.
Voici la liste de ses ouvrages : Chronique
ou histoire de Charles VU, roi de France.
Cette chronique commence à l'an 1402 (1403
nouveau style), année où naquit Charles VII.
Ce prince, à partir de 1417, devient comme
le point central du récit, qui se termine à la
mort du connétable de Richemont , le 26 dé-
cembre 1458. Les principaux manuscrits de cette
chronique , œuvre principale de Gilles Le Bou-
vier, sont, par ordre de mérite: 1° ms.9676, 1, A,
Colbert, Bibliothèque impériale. Ce ms., sur pa-
pier, a pour filigrane un écu royal de France
avec le chiffre C ( qui pourrait être le chiffre
royal) au-dessous de l'écu. Les annotations
dont il est recouvert paraissaient indiquer la
main de l'auteur (2) -, 2° ms. S415, B Colbert,
parchemin; 3° ms. 9676, 3,3, Colbert, papier;
4°rns. 8415, C; 5° ms. Sorbonne435; 6° ms.
9671,5, 5, Colbert; 7° ms. 9627 Béthune ; 8°ms.
137, Notre-Dame (3); 9° ms. 10045 du Bristisli
Muséum (4).
La chronique est anonyme dans beaucoup de
manuscrits. Aussi a-t elle été d'abord attribuée,
(1) Jacques Cœur fut, comme on sait, le banquier qui
pourvut, par ses avances financières, à toutes les dépenses
de l'expédition. Sous la date du 11 novembre 1449 (len-
demain de l'entrée de Charles VU à Rouen) Gilles Le
Bouvier donna quittance au célèbre argentier d'une
somme de neuf écus. C'est ainsi que le hérault Berry
figure parmi les débiteurs de Jacques Cœur. On remarque
que, dans sa chronique, Gilles Le Bouvier garde un si-
lence complet sur la disgrâce et la chute imméritées de
ce grand financier. Nous croyons que ce silence est un
acte de dignité, qui doit être imputé honorablement au
caractère du chroniqueur.
(2) Ce manuscrit, qui en 1617 appartenait à de Thou, a
servi à l'édition de Duchesne.
(3) Le carton 55 n° 34 des Archives au palais Soubise,
contient un cahier du seizième siècle, où se trouve un
fragment anonyme et mutilé de la chronique du hérault
Berry.
(4) Le ms. n° 790 de la bibliothèque de Troycs contient
également la chronique du hérault Berry.
115
par erreur, au poëte Alain Chartier, secrétaire
du roi Charles VII.
La première édition qui ait été imprimée de ee
mémorial parut sous le titre suivant : Les Chro-
niques du, feu roi Charles septiesme, par feu
maistre Alain Chartier ; 1528, Paris, François
Regnault, petit in-folio gothique. Elle a été
réimprimée sous ce titre : Histoire mémorable
des grands troubles de France sous Char-
les Vil, par Alain Chartier; Nevers, Pierre
Roussin, 1594, in-4°. Sur la foi de cette tradi-
tion erronée , André Duchesne , à son tour,
comprit l' Histoire de Charles VII, roi de
France, dans l'édition des Œuvres de maistre
Alain Chartier qu'il publia en 1617, à Paris,
chez Pierre Le Mur, in-4°, 'd'après les éditions
antérieures et le ms. anonyme de J.-A. de
Thou (t). En tête de ce recueil, A. Duchesne a
placé une notice, dans laquelle il a malheureu-
sement confondu et mêlé ensemble des faits .bio-
graphiques relatifs les uns au hérault Berry, et
les autres au poëte Alain Chartier (2), que Du-
chesne croyait être l'auteur de la chronique. De
ces deux individus distincts, Duchesne, égaré
par une tradition reçue, a fait un seul et même
personnage. Mais le savant éditeur, en poursui-
vant le cours de ses recherches , rencontra le
ms. Bigot (aujourd'hui 8415 B), dans lequel
« Gilles le Bouvier, dit Berry roi d'armes de
France », se nomme en toutes lettres au préam-
bule de son œuvre, comme étant l'auteur de cette
chronique.
Duchesne, après cette découverte, rectifia pu-
bliquement l'erreur qui sur ce point avait régné
jusque alors (3). Enfin, la chronique du hérault
Berry a été publiée pour la dernière fois en deux
parties, sous le véritable nom de l'auteur, par
Denis Godefroy, historiographe de France. La
première partie, depuis 1403 jusqu'à 1422, se
trouve dans {'Histoire de Charles VI, roi de
France, imprimée au Louvre, in-folio, en 1653,
page 411 à 444. La suite, qui embrasse tout le
règne de Charles VII, reprend à 1423 et se pour-
suit ( avec une continuation depuis 1458 ) jusqu'à
la mort du roi, arrivée en 1461. Cette suite a été
insérée par Godefroy dans l' Histoire de Char-
les VII, également imprimée au Louvre, en
1661, in-folio, p. 369 à 480.
Recouvrement de la Normandie. — Cette
relation delà guerre de Normandie en 1449 se
trouve à part dans les mss. suivants : 1° 9669, 2,2,
fonds du roi, autrefois Colbert 1416 ; 2° 9675, 2,
ibidem ; 3° 9675, 3,3, ibidem; 4° Duchesne, n° 79,
aux folios 277 etsuiv.,5° ms. de la bibliothèque
Sainte-Geneviève à Paris : L, f , n° 2 ; du folio 105
au folio 129. Le Recouvrement de la Normandie
a été fondu ensuite par l'auteur, et se trouve
(1) Aujourd'hui ras. 9676, 1, A.
(2) Voy. ce nom dans la Biographie générale.
(3! Voy. Labbe, Alliance chronologique, etc., 1651, in-4°,
p. I, p. 69S.
LE BOUVIER 116
reproduit dans le texte de sa chronique de
France.
Chronique de Normandie. — Charles VU,
que l'un de ses contemporains qualifiait historien
grand, était en effet grand amateur d'histoire. Pour
appuyer moralement les expéditions deson règne,
il fit faire et publier des compilations historiques
propres à manifester le bon droit de ses guerres
et à rendre plus assurés dans l'avenir les titres
de sa possession royale. Le Recouvrement de la
Normandie fut un ouvrage de ce genre, ou
plutôt la suite d'un ouvrage, plus étendu, que
le roi fit exécuter par son hérault Berry. Dans
les manuscrits les plus complets, cette relation
est précédé* d'une chronique de Normandie qui
remonte aux origines du Eou, et qui se continue,
d'une manière à peu près suivie, jusqu'au recou-
vrement de cette province. Tels sont notam-
ment les manuscrits du roi 9669, 2,2 ; Duchesne
79 du folio 277 au fol. 318, et D. D, 7 de la bi-
bliothèque de Lille (1).
Mémoire du fait et destruction d'Angle-
terre en partie ; Histoire du roi Richard. —
En 1440, au moment où s'élevait la Praguerie,
le connétable de Richemont vint trouver Char-
les VII, et l'engagea à sévir avec énergie. Sou-
venez-vous, lui dit-il , du roi Richard (2). Le
connétable faisait ailusion à Richard II, roi
d'Angleterre, qui laissa ses parents s'emparer
de son autorité, et qui fut à la (in sacrilié et
supplanté par son successeur, Henri de Lan?-
castre. Le Mémoire dont il s'agit est un tra-
vail historique entrepris par ordre du roi et par
le hérault Berry, sur cet épisode de l'histoire
d'Angleterre. Il subsiste, manuscrit (3), dans le
volume déjà cité 9669, 2, 2, du folio 106 verso au
fol. 132.
Armoriai, ou registre de noblesse. — Cet
ouvrage, extrêmement curieux, a été mis en
ordre et présenté au roi Charles VII , par le
hérault Berry, de 1454 à 1458 environ (4). Use
compose d'une suite de blasons, recueillis par le
hérault lui-même, de pays en pays et de pro-
vince en province, pendant le cours desa longue et.
laborieuse carrière. Ce recueil est distribué mé-
thodiquement par ordregéographique. L'auteur a
(1) A la suite du Recouvrement de la Normandie,
on trouve dans le ms. 9669, 2, 2, fol. 193 et suiv., une
pièce intitulée Lettre d'Aristote à son ftls Alexandre.
On lit au commencement de ce morceau : « .le, qui suis
serviteur du roy, ay rais à exécution son commande-
ment et ay donné oeuvre de acquérir le livre de bonnes
mœurs au gouvernement de luy. » Berry est peut-être
le serviteur désigné ici comme étant l'auteur de cette
compilation.
(2) Chronique de Grue! dans Godefroy, p. 776,
(3) On peut voir le cas que Duchesne faisait de ce traité,
alors inédit : OEuvres d'Alain Chartier, p. 814; Gode-
froy, Charles VI, p. 746. Voir la Chronique de Ri-
chard II, dans le Panthéon littéraire, volume intitulé
Supplément à Froissart , etc.
(4) La Chronique de France s'arrête à 1458. Gilles Le
Bouvier était alors âgé de soixante-douze ans. Il y a lieu
de présumer d'après cela que Berry survécut peu à la
dernière date que porte sa chronique.
117 LE BOUVIER
placé en tête un court mais très-instructif préam-
bule. Il nous y apprend qu'il a dressé ce registre
pour restituer le tableau officiel des armoiries
de la noblesse de France, et nous fait connaître
les circonscriptions héraldiques entre lesquelles
se partageait le royaume. Vingt- huit miniatures
ou grandes vignettes peintes représentent le roi,
les princes et les grands barons, armés de toutes
pièces et décorés de tous leurs insignes héraldi-
ques et militaires, av.ec les devises et cris d'armes
propres à chacun d'eux. Indépendamment des
blasons de France, l'auteur y a réuni les armoi-
ries de villes et de personnages appartenant à
des régions lointaines et diverses qu'il avait per-
sonnellement visitées. Tels sont les royaumes
d'Angleterre, Ecosse et Irlande, Hongrie, Sicile,
Bohême, Aragon, Chypre, Espagne, Portugal,
Navarre, Pologne , l'Italie, l'Allemagne, l'empire
d'Allemagne. Telles sont les armoiries qu'il
donne à l'empereur de Constantinople, au prêtre
Jehan, au grand-khan de Tartarie, et autres em-
pires qu'il avait parcourus dans ses nombreux
voyages. Ce manuscrit se termine par une série
de trois planches incunables, du plus haut prix
pour l'histoire de l'imprimerie en France. Ces
trois planches, datées (de 1454 environ) par le
manuscrit même auquel elles sont annexées ,
sont gravées sur bois , tirées en noir avec une
encre pâle , composée d'eau et de noir de fumée.
Elles représentent les neuf preux, revêtus de
leurs armes ou vêtements de guerre et de leurs
blasons. Les figures sont enluminées à la main
et accompagnées de notices ou épitaphes en vers
français. L'armoriai du hérault Berry, plus
d'une fois cité par les érudits, est demeuré
inédit jusqu'à ce jour. H porte dans les manus-
crits de la Bibliothèque impériale la cote 9653,
5,5 (ancien fonds de Colbert).
Géographie en forme de voyages. — Enfin,
sous ce titre, Gilles Le Bouvier nous a laissé
un dernier ouvrage , qui mérite également tout
l'intérêt des historiens ou des archéologues. Il
contient la description, succincte mais très-
sensée et fort piquante, de tous les pays que
nous avons énurnérés en traitant de l'armoriai
et de plusieurs autres encore. Toutes les no-
tions que renferme cette suite curieuse de rela-
tions, l'auteur affirme qu'elles sont le résultat
de sa propre expérience et qu'il les offre au
lecteur de visu La géographie de Le Bouvier,
dans son ensemble, est demeurée également
inédite jusqu'à ce jour. On en trouve le texte
dans un manuscrit très-élégant, décoré en tête
des armoiries de Charles VIII, roi de France.
Tout porte à croire en effet qu'il a été transcrit,
par ordre de ce prince , d'après le texte original,
qui n'est point parvenu jusqu'à nous. Ce ma-
nuscrit n'a jamais cessé d'appartenir à la biblio-
thèquedes souverains de la France, et porteaujour-
d'hui la cote 10368 de l'ancien fonds français.
Le père Labbe, dans son Alliance chronolo-
gique, 1651,in-4°,t. 1, p. 696etsuiv.,M.P. Clé-
— LEBOYER 118
ment, dans son Charles Vil et Jacques Cœur,
t. I, p. 154 et suiv., ont successivement donne
des extraits de cette curieuse géographie.
Vallet de Viriville.
Registres des comptes des rois de France, K.K 53, folios
93 verso et 95 verso, Ms. Legrand, tome «, folio 3<« Ms.
Béthune,8442, fol. 25. - l.a Thaumasswr*, dans Histoire dr,
Berry, 1689, in-folio, page 79. — liodefroy, Charles y l et
Charles y II. —Journal des Annonces berru y ères, n" du
29 décembre 1836. - Raynal, Histoire de tlerry, in-8°,
t. Il, p. 466; - Bibliothèque de l'École des Chartes, tome
VIII, pages 113 et 135. — Pierre Clément, Charles y 11 et
Jacques Cœur, i853, in-8°,au mol (.Mes ( à la table). —
Nouvelles Recherches sur la Famille de Jeanne Darc ,
1854, in-8°, pages 18 et 29 — Hulletin de la Société de
l'Histoire de France; 1859, in 8°.
lebocvier-desmortiers (Urbain- René-
Thomas), littérateur français, né à Nantes, le
1er mars 1739, mortdans lamème ville, le 1 1 mars
1827. Maître des requêtes à la chambre des
comptes de sa ville natale avant 1789, il adopta
d'abord les principes de la révolution ; mais il re-
vint bien vite aux opinions monarchiques , ce qui
lui attira des persécutions. Ayant publié en 1809
une apologie du général Charette, qui, suivant
ce qu'il déclare, lui avait conservé la vie, il fut
emprisonné et poursuivi par la police impériale
qui fit saisir l'édition de l'ouvrage. Il a laissé son
cabinet de physique à la ville de Nantes. On a
de lui : Épître à une dame qui allaite son
enfant; Paris, 1766, in-8°; — Coup d' œil sur
l'Auvergne, ou lettres à M. Perron; Paris,
1789, in-8° ; — Mémoire et Considérations sur
les Sourds-Muets ; Paris, 1800, in-8°; — Re-
cherches sur la décoloration spontanée du
bleu de Prusse; Paris, 1801 ,in-8° ; — Madame
Antigall,ou réponse au Journal de V Empire;
Paris, 1808, in-8°; — Réfutation des calom-
nies publiées contre le général Charette, com-
mandant en chef des armées catholiques et
royales dans la Vendée; Paris, 1809, 2 vol.
in-8°; nouv. édition, sous ce titre : Vie de Cha-
rette; Nantes, 1823; — Examen des princi-
paux Systèmes sur la Nature du Fluide élec-
trique; Paris, 1813, in-8°; — Examen de la
Charte constitutionnelle; Paris, 1815, in-8°;
— Babioles d'un Vieillard; Bennes, 1818,
in-4°; — Lettre aux auteurs anonymes de
Vouvrage intitulé: Victoires, conquêtes, dé-
sastres, etc., des Français; Paris, 1818, in-8°;
— Correspondance de M. le comte Arthus de
Bouille et de M. Lebouvier-Desmortiers, con-
cernant la gloire militaire de M. de Bon-
champ, général vendéen; Paris, 1819, in-8".
J. V.
Beuchot, Journal de la Librairie; 1827. — Quérard,
La France Littér.
leboter (Jean-François), mathématicien
français, né à Yvetot (Normandie), le 4 janvier
1768, mort le 5 mars 1835. Après avoir achevé
ses études, il devint professeur de philosophie
au collège de Valognes et à celui de Saint-
Brieuc , professeur de mathémaliques à l'école
centrale des Côtes-du-Nord , professeur des
sciences physiques au lycée impérial de Nantes
119
LEBOYER — LEBRECHT
120
en 1 806, professeur de mathématiques au collège
royal de.Ja même ville en 1827, enfin officier
de l'université, inspecteur de l'académie de Ren-
nes en 1831. On a de lui : Instruction sur les
nouveaux Poids et mesures; Saint-Brieuc,
18C5,in-8° ; — Traité complet du Calendrier :
Nantes, 1822, in-8°; — Notices sur la ville de
Nantes et le Département de la Loire-Infé-
rieure; Nantes, 1823, in-12; 1825, in-12; 1832,
2 vol. in-12. Il a donné dans le Lycée armori-
cain : Biographie nantaise, contenant environ
cent-trente notices très-concises; — Observa-
tions sur la Gaule celtique et V Atmorique ;
— Nécrologie bretonne : notices sur Pomme-
reul et Freteau; — Dissertation sur le Tor-
rebendes Bretons; —Sur une Monnaie trou-
vée à Nantes, etc. Leboyer a fait imprimer en
outre un grand nombre de discours prononcés
à des distributions de prix et dans les séances
de l'Académie de Nantes, dont il a été secrétaire
et président. J. V.
Quérard, La France Littér.
lebras (Auguste), littérateur français, né
à Loriènt, en 1816, mort par suicide avec Es-
cousse (voy. ce nom), au mois de février 1832.
Fils d'un huissier, Lebras avait montré de bonne
heure des dispositions pour la poésie. Fixé à Pa-
ris, il rencontra Escousse, et travailla avec lui au
drame de Farruck le Maure, qui eut du succès au
théâtre de la Porte-Saint- Martin, et à Raymond,
dont la chute au théâtre de La Gaîté entraîna
les deux jeunes auteurs à se donner la mort
par le charbon. Lebras avait adressé quelques
pièces de vers à Béranger. Il alla voir le chan-
sonnier à La Force, et malgré le bon accueil que
celui-ci lui fit il cessa de le visiter après sa
sortie de prison. « Sa constitution était faible et
maladive, dit Béranger, mais tout annonçait en
lui un cœur honnête et bon... Il y eut fatalité pour
Lebras et pour Escousse à s'être rencontrés avec
des dispositions semblables. Loin l'un de l'autre,
peut-être se fussent-ils soumis à leur destinée,
qu'ils s'encouragèrent à terminer violemment. »
Lebras avait en outre publié : Les trois Règnes,
poëme suivi à' Un mot à Béranger; Paris,
1828, in-8°; — Trois Jours du Peuple, stan-
ces; Paris, 1830, in-8°; — Les Armoi'icaines,
en vers; Paris, 1830,in-18. En 1833, M. F.
Gaillardet a fait paraître Georges, ou le crimi-
nel par amour, d'après les notes de Lebras.
L. L— t.
Béranper, Chansons nouvelles et dernières : Le Suicide
et note 88. — H. L. G. ( du Morbihan ), Une Visite au
tombeau d'Aug. Lebr-us. -Quérard, La France Litté-
raire. — Bourquelot et Maury, La Littér, franc, con-
temp.
lebrassecr (1) (Pierre), historien fran-
çais, né à Évreux, vers 1680, mort dans la pre-
mière moitié du dix-huitième siècle. Entré dans
les ordres , il se rendit à Paris , où il devint
précepteur du fils aîné du chancelier d'Agues-
(i) Il a été plusieurs fois confondu avec Philippe Bras-
seur.
seau. En 1722, il était aumônier du Conseil et
bibliothécaire du chancelier. On a de lui : His-
toire civile et ecclésiastique du comté d'É-
vreux; Paris, 1722 , in-4°. Cet ouvrage, basé
sur des documents authentiques tirés dediverses
archives , a été l'objet d'une critique violente et
injuste de la part de Du Sauzet, dans la Biblio-
thèque Française, III, 34. E. G.
Frère , Manuel du bibliographe normand.
lebrasseur (J.-A.), Voyageur et adminis-
trateur français, né à Rambouillet, en 1745,
guillotiné à Paris, le 27 prairial an n ( 15 juin
1794). H entra en 1762 dans l'administration de
la marine, et fut successivement commissaire
des colonies, ordonnateur à Gorée, administra-
teurgénéral (1774), intendant de Saint-Domingue
(1779), premier président des deux conseils su-
périeurs du Cap (1784), intendant général des
fonds de la Marine et des Colonies ( 1er avril
1788 ). Il était en même temps chargé du détail
des approvisionnements et de celui des officiers
civils, des hôpitaux et des invalides de la marine.
Cette place fut supprimée par décret de l'As-
semblée constituante. Lebrasseur se fit cons-
tamment remarquer par son opposition à toute
innovation, et c'est ce qui empêcha Louis XVI
de lui confier le ministère de la Marine; cepen-
dant, il était aussi actif qu'intelligent; et a publié
plusieurs ouvrages savants et étendus, qui furent
longtemps les guides des agents du gouverne-
ment dans les colonies. Il fut condamné à mort
par le tribunal révolutionnaire de Paris,» comme
convaincu de conspiration entre les ennemis du
peuple , tendant à anéantir la liberté en soute-
nant les projets hostiles de Capet, en entrete-
nant des intelligences avec les ennemis de la ré-
publique, en calomniant le patriotisme, en
persécutant les patriotes , en compromettant la
fortune publique et le salut de la république par
des obstacles apportés à la fabrication des as-
signats, en faisant soulever les ouvriers impri-
meurs employés à cette fabrication, en faisant de
faux rôles d'impositions, etc. » (1). Son exécution
fut immédiate. On a de lui : De VÉtat de la
Marine et des Colonies; Paris, 1792, in-8°;
— De Vlnde, ou réflexions sur les moyens
que doit employer la France relativement à
ses possessions en Asie; Paris, Didot, 1790-
1793,in-8°. A. ne L.
Le Moniteur universel, an il (1794), n° 274. — Chau-
don et Detondine, Dictionnaire Universel, etc. (édit. de
1810). — Quérard , La France Littéraire.
eébrecht (Michel), historien allemand,
mort en 1807. Après avoir été pendant plusieurs
années professeur au gymnase de Hermann-
stadt, il devint pasteur àKleinscheuem. On a de
lui : Versuch einer Géographie von Sieben-
(l) Avec Le Brasseur furent condamnés, comme s.es
complices, G.-H. de r.amache; G. de Levielllard, gentil-
homme du roi; le comte de Gamache, porte-guidon de la
gendarmerie rovaie : le prince C. A. G. de lii Tri-
mouille ; un coiffeur et sa femme, les sieur et dame Man-
tienne, et un domestique , F. L'Homme.
121
LEBRECHT —
bûrgen ( Essai d'une géographie de la Transyl-
vanie ) ; Hermannstadt, 1789, in-8°; — Die
Fiirsten von Siebenbiirgen und die Schicksale
des Landes unter ihrer Regierung ( Les Sou-
verains de la Transylvanie.et l'histoire de ce pays
sous leur gouvernement); ibid., 1790-1792,
2 vol. in-8°; — Geschichte der Dacischen Vol-
ker (Histoire des peuples de la Dacie); ibid.,
179I,in-8°. E. G.
OEsterreicliische National-Encyctopàdie.
lebret ( Cardin ), seigneur de Fiacourt,
jurisconsulte français, né à Paris en 1558, et
mort doyen des conseillers d'État, le 24 janvier
1655, s'est fait un nom dans les lettres et dans
la jurisprudence par ses ouvrages intitulés :
Traité de la Souveraineté du Roi, de son Do-
maine et de sa Couronne; Paris, 1632, in-4°;
— Harangues et Plaidoyers à la cour des aides
et au parlement; — Ordoperantiquus Judicio-
rum civilium. Ces ouvrages ont été imprimés
à Paris, 1635, 1642, 1689, in-folio. F.-X. T.
Lambert (Claude-François), Histoire littéraire du
siècle de Louis Xlf ; Paris, 1751.
lebret ( Henri ), historien français, né à
Paris, vers 1630, mort vers 1708. Il appartenait
à une famille originaire du Vexin, et fut d'abord
tourmenté par l'ambition, selon qu'il le raconte
lui-même; mais de grandes afflictions et des
emplois divers altérèrent sa santé. Il embrassa
alors l'état ecclésiastique, et devint chanoine et
théologal de la cathédrale de Montauban. En
1663 il en fut créé prévôt, et en 1705 il devint
archidiacre. On a de lui : Histoire de la Ville
de Montauban; Paris, 1668, in-4" : nouv. édi-
tion, revue et annotée d'après les documents ori-
ginaux par MM. l'abbé Marcellin et G. Ruck;
Montauban, 1841, 2 vol. in-8°; — Abrégé de
V Histoire universelle ; Paris, 1675, 3 vol. in-12;
cet ouvrage inachevé ne contient que l'histoire
de l'Église; — Histoire de l'Ancien et du Nou-
veau Testament ; Paris, 1684, in-8°; — Tra-
duction d'un manuscrit latin contenant plu-
sieurs choses curieuses touchant la province
de Languedoc; 1698, in-49; — Récit de ce
qu'a été et de ce qu'est Montauban; 1701,
in-8°. J. V.
I.elong, Bibl. Histor. de la France.
lebret ( Alexis ou Alexandre- Jean), lit-
térateur français, né à Beaune, en 1693, mort à
Paris, le 7 janvier 1779. Il était avocat au par-
lement de Paris et censeur royal. On a de lui :
Instructions nouvelles sur les Procédures ci-
viles et criminelles du Parlement; Paris,
1725, in-12; — L'Avare, comédie de Molière,
avec des remarques; 1751, in-12; — Nouvelle
École du Monde; Lille, 1764, 2 vol. in-12; —
Élise, ou Vidée d'une honnête femme; Ams-
terdam et Paris, 1766, in-12 : « ce volume n'est
autre chose , dit Barbier, que la 2e partie de
Y Honnête Femme du père Dubosc, cordelier,
dont le style a été légèrement retouché;» — En-
tretiens d'une Ame pénitente avec son Créa-
teur; Lille, 1767, in-12; 1771, 3 vol. in-12; —
LE BRETON 122
Mémoires secrets de Bussy-Rabutin, conte=
nant sa vie publique et privée; Amsterdam
(Lille), 1768, 1774, 2 vol. in-12; Lille, 1786,
3 vol. in-12 ; — La Nouvelle Lune, ou Histoire
de Pœquillon; Amsterdam et Lille, 1768,2 vol.
in- 1 2 ; — Les Amants illustres, ou la nouvelle
Cléopdtre; Londres et Paris, 1769, 3 vol. in-12 ;
— L'Emploidu Temps dans la solitude; Paris,
1773, in-12. Lebret a fourni à Aublet de Mau-
buy des matériaux pour le troisième volume des
Femmes illustres. J. V.
Barbier, Dict. des Anonymes. — Quérard,£<i France
Littéraire.
lebuet (Jean-Frédéric), érudit et histo-
rien allemand , né à Untertùrkenheim, le 19 no-
vembre 1732, mort le 6 avril 1807. Il étudia à
Tubingae, et devint en 1757 précepteur chez un
négociant à Venise. De retour en Allemagne en
1762, il fut nommé en 1763 professeur au gym-
nase de Stuttgard, ensuite bibliothécaire du duc
de Wurtemberg , enfin chancelier de ce prince.
Il accompagna son souverain dans les voyages
que celui-oi fit vers 1775 en Italie, en France,
en Angleterre et dans les Pays-Bas. Ses prin-
cipaux écrits sont : Origines Thusçise diplo-
maticse; ibid., 1763, in-4°; — Geschichte
der Deutschen (Histoiie d'Allemagne); cet ou-
vrage, en deux volumes in-8°, imprimés en 1771
et 1772, fait partie delà Collection d'histoires
publiées à Heilbronn; — Geschichte von Ita-
lien (Histoire d'Italie ); Halle, 1778-1787,
10 vol. in-4° , ouvrage qui forme les tomes 40-
46 de la Allgemeine Welthislorie ; — Vorle-
sungen ùber die Statistik der italienschen
Staaten ( Cours de Statistique des États ita-
liens) ; Stutgard, 1783-1789, 2 vol. in- 8° ; — De
fragmentis Theodori Mopsvesteni ;ibid., 1790,
in-4"; — Magazin zum Gebrauch der Staa-
ten-and kirchengeschichte (Magasin à l'usage
de l'histoire civile et ecclésiastique); Ulm et
Francfort, 1771-1787, 10 vol. in-8°. Lebret a
encore publié un grand nombre d'opuscules sur
diverses matières de théologie, d'histoire et
d'archéologie. E. G.
Baier, Magazin Jûr Prediger, tom. XII (autobiogra-
phie). — Gradmann, Dus gelehrte Schivaben, p. 62.
le breton, sieur de La F on (Guillaume),
auteur dramatique français , né à Nevers , mort
en 1578. Il fit ses études à Paris, et se fit rece-
voir avocat au parlement ; mais il quitta bientôt
le barreau pour se consacrer à la littérature. Il
fut l'un des poètes préférés par Charles IX, au-
quel il dédia plusieurs de ses pièces. On ne con-
naît plus de lui que Adonis, tragédie représen-
tée en 1574. Les vers suivants débités par
Vénus, qui se plaint que Vulcain ait découvert
ses amours avec Mars, donneront une idée de
la pièce et du goût de l'auteur et de ses admi-
rateurs •
raieurs .
Cruel soufle-charbon, et ta fameuse trongne,
Quand tu me procuras une telle vergogne,
Je n'avais seulement le moyen de cacher.
123
LE BRETON
124
Et puisqu'il m'a laissé tels terribles escornes,
Je lui ferai porter dessus le front des cornes;
Et ne s'en faudra rien , advienne qui pourra, etc.
Cette pièce fut imprimée à Paris, 1579, par les
soins de François d'Amboise, qui la dédia à la
duchesse Saint-Paul de Beaupréau ainsi que les
suivantes également de Le Breton, et représen-
tées à des dates incertaines : Tu (lie, La Charité,
Didon, Dorothée. Le Breton a aussi laissé des
poésies; mais elles ne sont pas parvenues jusqu'à
nous. A. Jadin.
La Croix du Maine, Bibliothèque Française, p. US». —
Du Verdier, Jiiblinthèque Française. — Parfaict frères,
Histoire du Théâtre Français, p. 393-389.
le breton (François), écrivain ascétique
français du seizième siècle , né à Coutances (Nor-
mandie). On a de lui : La Fontaine d'Honneur
et de Vertu, où est montré comme un chacun
doit vivre en tout âge, en tout temps et en
tout lieu, envers Dieu et envers les hommes,
traduit du latin; Lyon, 1555, in-16. Dans une
note de la Bibliothèque Françoise de Du Ver-
dier, article de François Le Breton, La Monnoye
présente cet ouvrage comme une version de 1'/-
mitation de Jésus- Christ; l'abbé de Saint-Lé-
ger, dans son précieux exemplaire des deux an-
ciens bibliographes delà France, semble adopter
la note de La Monnoye. Mais Barbier ayant
trouvé à acheter un exemplaire de La Fontaine
d'Honneur et de Vertu, édition de 1544, déclare
que c'est un ouvrage traduit du latin de Baptiste
Maniuan, ainsi que l'avait annoncé La Croix du
Maine. J. V.
La Croix du Maine et Du Verdier, Biblioth. Françoises.
— A. Barbier, Dissert, sur soixante traductions franc,
de l'Imitation de Jésus-Chirts, p. 114.
lebreton (François), pamphlétaire fran-
çais du seizième siècle , pendu le 22 novembre
1586, dans la cour du palais à Paris. Il était
avocat à Poitiers. Ému des malheurs de la
France sous le règne de Henri III, il osa expri-
mer ses sentiments dans trois pamphlets qu'il
vint faire imprimer à Paris. 11 eut le courage
d'envoyer ses écrits au roi lui-même. Henri III
ordonna de poursuivre le téméraire. Le parle-
ment condamna bien vite l'audacieux écrivain,
qui fut pendu après avoir vu brûler devant lui
tout ce qu'on avait saisi de son livre. L'imprimeur
Ducarroy et le compositeur Martin furent con-
damnés à être battus de verges au pied de la
potence et bannis du royaume pour neuf ans.
Lebreton mourut sans faiblesse, et lorsqu'on ôta
son corps pour le porter à Montfaucon, « le peu-
ple y étoit à grande foule qui lui baisoitles pieds
et les mains », suivant un écrivain du temps.
Les pamphlets de Lebreton se composent de
trois opuscules ; le premier a pour titre : Re-
monstrances aux Estais de France et à tous
les peuples chrestiens pour la délivrance du
pauvre et des orphelins; Paris, imprimerie
de Gilles Ducarroy, 1.586 ; la seconde partie est
intitulée : Accusation contre le chancelier
Brisson; la troisième s'intitule: Remonstrance
au roy sur l'accusation qui lui a été pré-
sentée, laquelle il n'a onc voulu ouïr. Ces
opuscules sont aujourd'hui d'une rareté extrême ;
on n'en connaît que deux ou trois, exemplaires.
J. V.
G. Brunet, dans le Dict. de la Conversation.
LEBRETON DE LA LOUTIÈRE ( Amable-
Louis-François), poète français, né à Cogners
près Saint-Calais, mort assassiné en 1796, dans
le bourg de Vassé. Il appartenait à la congréga-
tion de l'Oratoire, et avait reçu les ordres. On a
de lui : Les Juvénales ; 1776, in-12. Ce sont
quatre satires en vers faciles. B. H.
N. Desportes, Bibliographie du Maine. — B. Hau-
réau, Hist. Litt. du Maine, t. IV, p. 381.
lebreton ( André- François) , imprimeur
français, né à Paris, au mois d'août 170S, mort
dans la même ville, le 5 octobre 1779. Il était
fils d'un conseiller en l'élection de Paris et petit-
fils par sa mère de Laurent d'Houry, fondateur
de l'Almanach royal. Lebreton devint juge
consul, syndic de sa corporation et premier im-
primeur du roi. Le succès de l'Encyclopédie an-
glaise de Cliambers avait donné l'idée aux li-
braires associés de Paris de la faire traduire en
français ; l'abbé de Gua s'était chargé d'y faire
les corrections et additions nécessaires; mais
cet abbé ne s'occupant pas de ce travail avec
assez de suite, les libraires proposèrent à Di-
derot et à D'Alembert, qui étaient unis de la plus
étroite amitié depuis plusieurs années, de ras-
sembler les matériaux de cet ouvrage, de les
ranger dans l'ordre qui leur conviendrait, de re-
trancher ce qui leur paraîtrait erroné, et d'a-
jouter ce qui leur semblerait utile pour com-
pléter l'histoire des sciences et des arts. Les
deux amis y consentirent, et tracèrent le plan
d'un ouvrage qui, tout en conservant ce qu'il y
avait de bon dans celui de Chambers, devait être
en même temps un dictionnaire raisonné des
sciences , des arts et métiers , un vocabulaire
universel de la langue, objet qui n'a pu être
rempli qu'en partie. D'Alembert fit le discours
préliminaire, Diderot le prospectus, le tableau
des connaissances humaines et l'explication de
cette table. Sans doute, il était peu satisfait des
matériaux qu'on lui avait remis; car il disait
dans l'article Encyclopédie : « Nous sommes
en droit d'exiger un peu d'indulgence. L'ou-
vrage auquel nous travaillons n'est point de
notre choix : nous n'avons point ordonné les
premiers matériaux qu'on nous a remis, et on
nous les a pour ainsi dire jetés dans une confu-
sion bien capable de rebuter quiconque aurait
eu moins d'honnêteté ou moins de courage. »
L' Encyclopédie fut commencée en 1751 ; sept vo-
lumes avaient paru lorsque l'impression fut ar-
rêtée, par un arrêt du conseil en 1759. D'Alem-
bert se retira, et tout le poids de l'ouvrage re-
tomba sur Diderot. Tout ce que celui-ci put ob-
tenir de son collègue après une année de peine,
ce fut que D'Alembert achèverait la partie ma-
125
thématique. Voltaire engageait les deux philo-
sophes à aller terminer leur œuvre à l'étranger;
Diderot répondit que les manuscrits apparte-
naient aux libraires. Enfin, Lebreton obtint de
pouvoir continuer l'impression d'une manière
clandestine en mettant la rubrique de Neu-
chàtel sur les volumes. On lit de nouvelles con-
ditions à Diderot , qui compare son nouveau
traité avec les libraires à celui du diable et du
paysan de La Fontaine : « Les feuilles sont pour
moi, écrit- il à Voltaire, les grains pour eux;
mais au moins ces feuilles me seront assurées :
voilàce que j'ai gagné à la désertion de mon collè-
gue. » Lebreton, effrayé, revoyait les épreuves de
l'Encyclopédie avant de les mettre sous presse,
supprimait et adoucissait tout ce qui lui parais-
sait trop fort. Diderot fut quelque temps sans
s'en apercevoir ; mais lorsqu'il le sut il écrivit
à Lebreton une lettre sévère où il disait : «Vous
avez oublié que ce n'est pas aux choses cou-
rantes et communes que vous devez vos pre-
miers succès ; qu'il n'y a peut-être pas un
homme dans la société qui se soit donné la peine
de lire dans l'Encyclopédie un mot de géogra-
phie, de mathématiques ou d'arts, et que ce que
l'on y recherche c'est la philosophie ferme et
hardie de quelques-uns de vos travailleurs. »
L. Louvet.
Naigeon, Mémoire historique et philosophique sur la
vie et les ouvrages de Diderot. — Grimm, Correspon-
dance, t. VU, p. 368.
le breton (R. -P. -François ), homme po-
litique français , né en 1753, aux environs de
Rennes, mort vers 1826. Il fut nommé en
1790 procureur syndic du district de Fougères,
en 1791 député d'Ille-et-Vilaine à l'Assem-
blée législative, et réélu l'année suivante à
la Convention nationale. Lors du jugement de
Louis XVI, il s'exprima en ces termes : « Sans
doute Louis XVI mérite la mort : ses crimes
sont ceux sur lesquels s'appliquent les disposi-
tions les plus sévères du Code Pénal. Si donc
je prononçais comme juge, je voterais pour la
mort; mais alors, je voudrais qu'il y eût les deux
tiers des voix. Mais comme législateur je pense
que Louis peut être un otage précieux et un
moyen d'arrêter tous les ambitieux. Je vote
pour la réclusion à perpétuité. » Le Breton vota
contre l'appel au peuple. Le 3 octobre 1793 il
fut décrété d'accusation comme partisan des
girondins et emprisonné. Il ne rentra à la Con-
vention qu'après la révolution du 9 thermidor
an il ( 27 juillet 1794). Il insista fortement pour
que chaque député rendît un compte fidèle de sa
fortune et que les biens non déclarés fussent con-
fisqués. Élu au Conseil des Anciens, Le Breton fit
un rapport favorable à l'augmentation du tarif
des lettres et journaux ; il fit rejeter la mesure
proposée sur les postes et messageries, etc. Il parla
contre la résolution relative aux domaines con-
géables, et fit approuver celle qui supprimait les
listes de candidats pour les élections , et vota
LE BRETON 126
contre le projet de maintenir la poste aux che-
vaux au compte de la république. Il était secré-
taire du Conseil lors du coup d'État du 18 fruc-
tidor an v (4 septembre 1797). Il cessa ses
fonctions l'année suivante, et abandonna la scène
politique. Le Breton est auteur de plusieurs écrits
politiques ou administratifs, aujourd'hui sans in-
térêt. H. L.
Le Moniteur universel, an ir, nos 277, 278; an ni,
n°» 80, 236 ; an iv, n°» 8, 281 ; an v, n°» SI, 38? ; an VI,
n°« 43, 188. — Biographie moderne (1806 ). — Arnault,
Jay, etc.', Biogr. nouv. des Contemporains (1823).
lebreton (Jean- Pierre), homme politique
et bibliographe français, né en 1752, dans la pro-
vince de Bretagne, mort à Paris, le 21 avril 1829.
Il était entré dans l'ordre des Bénédictins, et était
prieur à Redon avant la révolution. Il fut député
du clergé de Vannes à l'Assemblée constituante, où
il vota pour les réformes, et où il fit partie du
comité ecclésiastique. Il demanda l'ajournement
de la fixation du sort des moines jusqu'à ce que
l'on connût les ressources que leurs biens pou-
vaient offrir. Il fit décréter que les reliquats des
caisses des impositions du clergé seraient versés
au trésor public. Après la session il resta dans la
capitale, et traversa tranquillement l'époque de la
terreur. Plus tard il fut nommé bibliothécaire de
la cour de cassation. On a de lui : Catalogue
des livres composant la Bibliothèque de la Cour
de Cassation, 2e partie -.jurisprudence ; Paris ,
1819, in-8°. J. V.
A. Taillandier, Notice sur M. Lebreton, dans les Mé-
moires de la Société des Antiquaires de France,
tome IX. — Moniteur univ., 1790, n°» 43 et 288.
lebreton ( Joachim), littérateur français,
né à Saint-Méen (Bretagne), le 7 avril 1760, mort à
Rio-Janeiro (Brésil), le 9 juin 1819. Son père était
maréchal ferrant et chargé d'une nombreuse
famille. Lebreton montra de bonne heure d'heu-
reuses dispositions, et obtint une bourse dans un
collège des théatins, où il acquit une bonne éduca-
tion. Il entra ensuite dansl'ordrede ses maîtres,
et fut envoyé à Tulle, où il professa la rhéto-
rique. Il était sur le point de recevoir les or-
dres lorsque éclata la révolution, dont il em-
brassa chaudement les principes. Venu à Paris,
il épousa la fille aînée de Darcet, inspecteur gé-
néral de la monnaie. Sous le Directoire il obtint
la place de chef du bureau des beaux-arts au
ministère de l'intérieur. Après le 18 brumaire il
entra au Tribunat, où il ne se fit pas remarquer.
Admis dès 1796 à l'Institut, il devint, en 1803,
membre de la troisième classe (histoire et littéra-
ture ancienne), etfut nommé secrétaire perpétuel
de la quatrième classe (beaux-arts); il apporta
beaucoup de zèle et d'activité dans l'exercice de
cette fonction, concourut à la formation du Mu-
sée impérial, et le 18 octobre 1815 il osa rap-
peler tout le soin que la France avait eu des objets
d'art enlevés à l'étranger et revendiquer pour
sa patrie le culte des arts. Répondant à un ma-
nifeste du duc de Wellington , il reprochait à
l'Angleterre d'avoir enlevé les marbres du Par-
127
thénon. Ce courageux discours le fit exclure de
l'Institut. En 1810 il se rendit au Brésil pour y
fonder une colonie d'artistes et d'hommes in-
dustrieux choisis en France. Le voyage fut heu-
reux ; Lebreton fut présenté au roi ainsi que le
peintre de paysage Taunay, qui était avec lui. Ils
reçurent du souverain du Brésil l'accueil le plus
flatteur ; mais les résultats ne répondirent pas à
leurs espérances. Lebreton mourut, et Taunay re-
vint en France. Lebreton a donné une Notice sur
Rayndlâans la Décade Philosophique, une autre
Notice sur Deleyre, et des articles dans différents
journaux. Comme secrétaire de la quatrième classe
de l'Institut, il a rédigé en 1810 le B apport de
cette classe sur Vétat des beaux-arts pour le
concours des prix décennaux. Dans la même qua-
lité, il à rédigé les notices des travaux de cette
classe et celles des membresou associés dont elle
était privée par la mort , entre autres celles de
Grétry, Haydn, etc. Il est auteur de la Logique
adaptée à la Rhétorique /Tulle, 1789,in-8°; Bar-
bier lui attribue la rédaction de Y Accord des vrais
Principes de l'Église, de la Morale et de la Rai-
son sur la constitution civile du clergé, par les
évêques constitutionnels ; Paris, 1791, in-8° :
la famille de Lebreton a désavoué cet ouvrage.
J. V.
Barbier, Dictionnaire des Anonymes. — Arnault, Jay,
Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Contemp. — Quérard,
La trance littéraire.
* lebreton (Eugène-Casimir), général
français, né en 1791. D'une famille de labou-
reurs de la Beauce, il entra au service en 1813
comme engagé volontaire, et fit les campagnes
de 1813 et 1814. En 1828 et 1829, il futattaché
comme rapporteur au conseil de guerre de Paris.
Chef de bataillon au 53e de ligne, il fut employé
dans la Bretagne, lors des troubles qui agitèrent
ce pays après la révolution de juillet 1830. En-
voyé en Afrique en 1S35, il devint le premier
commandant de Mascara, après la prise de cette
capitale de l'émir. En 1836 il fut nommé comman-
dant en second et directeur des études à l'école
militaire de La Flèche. Promu .colonel du 22e de
ligne en 1840, il alla rejoindre son régiment en
Algérie, et le dirigea dans les expéditions des
années 1841, 1842, 1843, 1844, 1845 et 1846.
Aux élections générales de 1846, M. Lebreton
se présenta au collège de Nogent-le-Rotrou ; il
échoua. L'année suivante il fut nommé général de
brigade. Après la révolution de février 1848, il
fûtélu représentant à l'Assemblée constituante par
le départementd'Eure-et-Loir. Dans lajournéedu
15 mai, le général Lebreton s'élança à latribune;
mais n'ayant pas pu obtenir la parole, il pénétra
dans les groupes qui avaient envahi la salle, leur
parla, et lutta même avec des hommes qui mal-
traitaient un huissier. Quand le président eut
quitté son siège, le général Lebreton se rendit à
la caserne du quai d'Orsay, et engagea le colonel
di's dragons qui s'y trouvait à faire prendre les
armes à son régiment. Le général revint avec
LEBRETON 128
ce corps, ralliant plusieurs détachements de la
garde nationale, et reprit possession du palais de
la représentation nationale avec ses collègues.
Dans la journée du 24 juin 1848, il demanda
que l'Assemblée, pour être plus sure des événe-
ments qui se passaient, envoyât quelques-uns de
ses membres auprès des troupes. Cette propo-
sition, combattue parle général Laidet,ne fut pas
prise en considération; mais l'avis du général
Lebreton fut suivi volontairement par plusieurs
de ses collègues. Chargé du commandement d'une
des colonnes d'attaque, il enleva le clos Saint-
Lazare après un combat des plus vifs. A la suite
de ces événements, le général Lebreton fut choisi
pour questeur par l'Assemblée constituante, à la
place du général Négrier, mort dans le combat.
Votant avec le parti modéré , il releva avec
énergie le nom de hochet donné à la décoration
de la Légion d'Honnem par M. Clément Thomas,
alors général en chef de la garde nationale; il
demanda que les militaires en possession d'une
retraite pussent la cumuler avec un traitement
civil; il défendit le commandant Tombeur, qui
avait été forcé de déposer les armes devant l'in-
surrection à la placedes Vosges dans les journées
de juin, et demanda pour ce chel'de bataillon la jus-
tice d'un conseil de guerre. Réélu à l'Assemblée
législative, le général Lebreton se mit àladisposi-
tion du président de la république le 2 décembre
1851, et fit partie de la commission consultative.
Le 15 janvier 1852, il fut chargé du commande-
ment du département d'Eure- et-Loir. Élu membre
du conseil général d'Eure-et-Loir, il fut nommé la
même année général de division. Au mois de sep-
tembre 1853, il fut élu député au Corps législatif,
commecandidatdugouvernement,par la troisième
circonscription électorale du département de la
Vendée, et réélu en 1857. En 1855, il proposa des
amendements à la loi de dotation de l'armée ; ces
amendements furent repoussés, et il vota néan-
moins cette loi, qu'il déclarait imparfaite, accu-
sant la chambre de précipitation. J. V.
Archives des Hommes du Jour. — Lesaulnier, Biogra-
phie des 900 Représentants à V Assemblée nationale. —
Biographie des 900 Représentants à V Assemblée cons-
tituante. — Raincelin de Sergy, Véritable Physiologie
de V Assemblée nationale constituante de 1848, p. 16. —
C, Mulliè, Biographie des Célébrités militaires. — Va-
pereau, Diet. univ. des Contemp. — Moniteur, 1810-
1859.
* lebreton (Théodore), poète français, néà
Rouen, le 1er décembre 1803. Son père était jour-
nalier etsa mère blanchisseuse. A l'âge de sept ans
il entra dans une fabrique d'indiennes de sa ville
natale , où on lui enseigna le métier d'impri-
meur sur étoffes. Il savait à peine épeler; à force
de persévérance, il apprit à lire et à écrire, et au
bout de quelques années, il éprouva le désir de
tracer ce qu'il ressentait. A quatorze ans, il était
parvenu dans son atelier à être un ouvrier excel-
lent et instruit. Il économisait sur son salaire
pour aller au spectacle compléter son éducation.
Le goût de la poésie se révélant en lui, il se laissa
entraîner par l'inspiration, et exhala en vers les
Î29
LRBRETON ~ LE BRUN
130
impressions de son âme, ses douleurs, ses joies,
ses espérances et ses amours. M«e Desbordes-
Valmore fit connaître les essais du poète ouvrier
dans un journal de Rouen, et enfin, en 1836, un
homme de lettres rouennais, M. Ch. Richard, at-
tira l'attention sur M. Lebreton en traçant une es-
quissedesa vie d'ouvrier et de penseur, et en con-
courant à la publication d'un recueil de ses poésies.
Jusque alors M. Lebreton était resté dans son ate-
lier ; mais vers cette époque la ville de Rouen ayant
acheté la collection des livres de Leber, on créa
une nouvelle place d'employé à la Bibliothèque
publique , et M. Lebreton obtint cette position
modeste et honorable. Dans son second recueil ,
M. Lebreton s'était comparé à l'oiseau en cage :
Esclave comme lui, comme lui dans mon être
Je sens que la nature et soupire et fait naître
Des chants qui voudraient s'envoler.
Mais calme et résigné je subis la sentence
Du juge souverain arbitre de mon sort.
« La poésie, disait alors un critique, est venue
le trouver d'elle-même ; elle a voulu des chants
avant qu'il put les écrire. Aujourd'hui qu'il les
trace en lignes informes, il étonne par les ins-
pirations réelles qui sortent de cette plume gros-
sièrement taillée, par les idées heureuses qui se
font jour à travers les déguisements d'une ortho-
graphe bizarre. » En 1848 M. Lebreton fut choisi
pour représentant à l'Assemblée constituante par
le département de la Seine-Inférieure; il ne fut
pas réélu à l'Assemblée législative. Poète reli-
gieux, M. Lebreton, dans ses premiers vers, pei-
gnait la misère du travailleur sans y voir d'autre
remède que la résignation sur la terre et le re-
pos dans le ciel ; plus tard son indignation a pris
un accent plus vif sans aller plus loin. On a de
lui: Hommage au grand Corneille,\ers; 1834,
in-8°; — Ode sur lamort de Boieldieu; 1835,
in-:80 ; — Heures de repos d'un Ouvrier, poé-
sies; Rouen, 1837, in-8°; 1840, in-18; — Hom-
mage à l'Académie de Caen, vers; 1840,
in-8°'; — Aux Poètes, dithyrambe; 1840, in-8° ;
— Baptême du comte de Paris, cantate, 1841,
in-8°; — Nouvelles Heures de repos d'un
ouvrier, poésies, avec un portrait de l'auteur;
Rouen, 1842, in-8°; — La Mort du duc d'Or-
léans, vers; 1842, in-8°; — Espoir, poésies
nouvelles; Rouen, 1845, in-12; — Biographie
Normande. Becueil de notices biographiques
et bibliograpMques sur les personnages cé-
lèbres nés en Normandie et sur ceux qui se
sont seulement distingués par leurs actions
et par leurs écrits; Rouen, 1857-1858, in-8° :
deux volumes ont jusqu'ici paru. L. L— t.
Fr. Glmet, Les Mutes prolétaires, p. 202. — Lesaul-
nier, Biogr. des 900 Députés à l'Ass. nationale. — Va-
pereau, Dict. univ. des Contemp. — Bourquelot et
Maury, La I.ittér. Franc, contemp.
le brefon (Guillaume). Voy. Guillaume.
LE KRIGAM T. Voy. BRIGANT.
lebrixa ( Antonio de ). Voy. Antoine.
le brun ( Charles ) , célèbre peintre fran-
çais, né à Paris, le 22 mars 1619, mort dans la
NOUV. BIOGR. GÉNF.R. — T. XXX.
môme ville, le 12 février 1690. Sa famille était
originaire de Crouy dans le Beauvoisis, et son père,
qui était assez bon sculpteur (1), l'initia au des-
sin dès l'enfance. A peine âgé de dix ans, Char-
les Le Brun suivit les leçons de Perrier, sur-
nommé le Bourguignon, qu'il quitta pour entrer
dans l'atelier de Vouet. Ses progrès répondirent
si bien aux soins de ces. excellents maîtres qu'à
treize ans il peignit les portraits de son père et
de son oncle. U.exécuta à la même époque, mais
à la plume et sur velin, Louis XIII à cheval
au milieu d'un champ de bataille. Ce dessin fut
présenté à Pierre Seguier, chancelier de France,
qui se déclara le protecteur du jeune artiste et
le logea dans son hôtel. Le Brun composa alors
un tableau allégorique, à la gloire du cardinal de
Richelieu, et, jouant adroitement surce nom, il
représentait le roi dans un palais magnifique
(un riche lieu), entouré de tous les symboles
qui pouvaient rappeler les services du premier
ministre. On le voit, Le Brun était aussi bon
courtisan qu'excellent peintre, et rien dans sa vie
ne vint démentir ses premières années. Le car-
dinal reconnaissant lui commanda aussitôt trois
tableaux: Le Ravissement de Proserpine ; Her-
cule faisant dévorer Dïomède par ses propres
chevaux et La Mort d'Hercule; ces toiles,
qui reçurent les applaudissements du Poussin,
décorèrent longtemps le Palais-Royal. Lorsque
Le Poussin retourna à Rome, en 1642, il emmena
Le Brun, dont le chancelier paya la pension quatre
années. Tout concourait à développer le grand
talent de Le Brun; aussi à son retour à Paris, en
1648, le Crucifiement de saint André, le
Martyre de saint Etienne , Moïse frappant
le rocher et quelques tableaux du même mérite
le placèrent justement au premier rang des pein-
tres français. Le surintendant des finances, Fou-
quet, le chargea de la décoration de son château
de Vaux ( près Melun ), et lui accorda une pen-
sion de douze mille livres. Le cardinal de Ma-
zarin le présenta à Louis XIV, qui l'accueillit
avec faveur. En 1662, Colbert le fit nommer
premier peintre du roi, et obtint pour lui des let-
tres de noblesse. II fut placé à la tête de la ma-
nufacture des Gobelins et nommé successivement
recteur, chancelier et directeur de l'Académie de
Peinture; quoique absent et étranger, il avait été
élu peintre de l'Académie de Saint-Luc à Rome;
enfin, ladirection de tous les ouvrages de peinture,
de sculpture et d'ornement qui se faisaient dans
les bâtiments delà couronne lui fut attribuée. On
a reproché souvent à Le Brun l'espèce de dicta-
ture qu'il exerça alors sur l'art en France. « Il
était, ditWatelet, despote et orgueilleux avec
les aptistes, et entravait continuellement leur gé-
nie. Il les enfermait dans le cercle de ses idées,
et ne leur laissait rien exécuter que sur ses des-
sins et d'après ses avis. Plusieurs préférèrent
(l) Il était en même temps juré dans le corps de la maî-
trise des peintres, des sculpteurs et des doreurs de la
ville de Paris.
131
une entière inaction à une telle dépendance....
Le tapissier, le peintre décorateur, le statuaire,
l'orfèvre tenaient de lui leurs modèles ; l'ébéniste,
le menuisier, le serrurier, etc. , travaillaient égale-
ment sur ses données. Bronzes, vases de toute
substance, mosaïques, marqueteries, candélabres,
girandoles, horlogerie, etc., tout venait de lui,
tout émanait de sa pensée , tout subissait son
empreinte. » Ces accusations peuvent avoir quel-
que rondement, mais il faut convenir que sans
une direction ferme et éclairée comme celle de
Le Brun on n'aurait pu obtenir l'ensemble in-
time et parfait qui règne dans toutes les décora-
tions des demeures royales de cette époque.
D'ailleurs ce fut lui qui fit créer l'école française
à Rome ( 1666) et donna l'idée d'y faire entrete-
nir aux frais du gouvernement les jeunes gens qui
auraient remporté les premiers prix aux con-
cours de Pans. Ce service rendu aux arts et sur-
tout aux artistes peut bien racheter, ce nous sem-
ble, l'espèce de despotisme qu'on l'accuse d'avoir
exercé, il consacra quatorze années à la décora-
tion du château de Versailles, et durant ce temps
sa faveur auprès du roi ne s'affaiblit pas. Mais à
la mort de Colbert (1683), Louvois, qui sem-
blait se faire une loi d'écarter tous ceux qu'avait
soutenus son prédécesseur, n'épargna pas Le
Brun, et se déclara le protecteur de Mignard
( voy. ce nom ), qu'il produisit à la cour, et au-
quel Louis XIV accorda bientôt la décoration de
la petite galerie de Versailles (1). Le Brun en
conçut un si vif chagi in qu'il abandonna ses tra-
vaux et se retira à Montmorency. Sentant sa fin
approcher, il se fit ramener aux Gobelins, où il
mourut. Il fut enterré dans l'église Saint-Nicolas-
du Chardonnet, où sa veuve lui lit ériger un su-
perbe mausolée sur les dessins de Coysevox.
Le Brun a été l'objet de louanges et de criti-
ques également exagérées ; on lui reproche géné-
ralement un coloris faible, un dessin lourd. La
lumière dans ses tableaux est mal disposée;
frappant presque toujours sur le premier plan,
elle nuit à l'effet général, el l'intelligence du
clair- obscur semble ne lui être arrivée que tardi-
vement. Mais l'application sur une grande
échelle de la peinture décorative et allégorique,
si générale à cette époque, explique certaines er-
reurs. Le Brun, il est vrai, abusa de l'allégorie.
Devenu creuse et flasque sous son pinceau, plus
[D Malgré l'estime que Louis XIV faisait de Mignard,
il ne cessa pas d'être bienveillant pour Le Brun ; nous en
trouvons une preuve dans l'anecdote suivante, rapportée
par le chevalier Alexandre Lenoir. « Un Jour que Le Brun
était dans la grande galerie de Versailles, où se trouvait
le roi, jetant un coup d'œil sur les plafonds qu'il avait
peints, il dit assez haut pour être entendu que « les
beaux tableaux semblaient devenir plus admirables après
la raort de leur auteur A. — « Quoi qu'on en dise, lui dit
Louis XIV en allant à lui, ne vous pressez pas de mourir;
nous estimons vos ouvrages dès aujourd'hui autant que
la postérité pourra le faire. » Durant la maladie de Le
Brun, le roi ne cessa de s'informer de sa position, et le
prince de Condé lui fit plusieurs visites. Le| Brun ne
mourut donc pas disgracié; il mourut de jalousie , mala-
die commune chez les artistes.
LE BRUN 132
fécond que consciencieux, elle le con luteit quel-
quefois au lieu commun par la vulgarité des em-
blèmes ou à l'énigme par leur obscurité ; mais
le plus souvent il sut réunir l'histoire à la fable,
et par cette heureuse combinaison former une
sorte de poëme épique des grandes choses qui
marquèrent le règne de Louis XIV. On en a la
preuve dans la superbe galerie de Versailles, où
il a retracé l'histoire de son temps depuis la paix
des Pyrénées jusqu'à celle de Nimègue. Il pei-
gnit ensuite à Paris, dans la galerie d'Apollon au
Louvre, les Victoires d' Alexandre, composi-
tions admirables par leur étendue, le nombre et
la disposition des personnages et rendues popu-
laires par les magniOques gravures de Gérard
Audran. La Clémence d1 Alexandre envers la
famille de Darius est une œuvre de premier
ordre. Nous ne pouvons donner ici le catalogue
de ses productions; car aucun- peintre d'histoire
n'a plus occupé la gravure que Le Brun : la
Bibliothèque impériale possède sept cent quatre-
vingt six pièces exécutées d'après lui, par Ede-
linck, 'Gérard Audran, Nicolas Tardieu, Sébas-
tien Leclerc, Simonneau, Poilly, van Schuppen,
Masson, Nanteuil, Bernard-Picart, Saint-André,
Massé, etc. Comme œuvres hors ligne nous
mentionnerons (aux Gobelins) : La Défaite
de Maxence, Le Triomphe de Constantin, La
Chasse du sanglier de Calydon, La Mort de
Méléagre, Les Quatre Saisons, Les Quatre
Éléments, Les Résidences royales , etc., qui
se déroulèrent en tissus ; — à Notre-Dame : Le
Martyre de saint Etienne, et Le Christ aux
Anges ; — La Madeleine pénitente , peinte
pour Mi|e de La Vallière dans l'église des Car-
mélites de la rue d'Enfer; — La Madeleine aux
pieds du Christ, tableau échangé en 18 15 contre
Les Noces de Cana de Paul Véronèse , apparte-
nant à l'empereur de Russie Alexandre ; — Le
Massacre des Innocents;— La MortdeSénè-
que; — La Pentecôte et La Résurrection, dans
l'église de Saint-Sulpice ; — Saint Louis, roi de
France, autrefois au château de Villeneuve-le-
Roi; — Saint Charles Borromee , à Saint-Ni-
colas-du-Chardonnet;— Moise défendant les
Filles de Jéthro ; — Le Mariage de Moïse
avec Sephora ; — La Chute des mauvais
Anges, scène grandiose sur une petite toile ; ■
La Vierge apprêtant le repas de l'enfant
Jésus., ouïe Bénédicité,h l'église Saint-Paul ;-
Le Sommeil de Jésus, ou le Silence;— La
Charité; — La Constance de Mulius Scévola ;
— La Mort de Caton ; — une Descente de
Croix, dans la chapelledu château de Versailles;
le Christ au jardin des Oliviers ; — Les
travaux d'Hercule; son Mariage avec Hébé
et son Apothéose, huit morceaux qui ornaient
l'hôtel Lambertdans l'île Saint-Louis, etc. Parmi
ses portraits on remarque Louis XIV, Colbert,
Seguier, Lamoignon, Fouquet, Bellièvre-
Pomponne, Charles Perrault, Félibien, Is-
raël Sylvestre , Alphonse Dufresnoy, etc. Le
133
LEBRUN
134
Brun s'est aussi exercé dans la gravure à l'eau-
forte : on a de lui : le buste de Saint Charles
Borromée; — L'Enfant Jésus à genoux sur
la croix; — Les Quatre Heures du Jour, etc.
I! a laissé trois ouvrages sur son art : Confé-
rences sîir l'expression des différen ts carac-
tères des passions ; Paris, 1667, in-4°, avec
fig. ; — Traité de la Physionomie, ou sur les
rapports de la physionomie de l'homme avec
celle des animaux; Paris, in-fol. avec fig. ; —
Livre de Portïaiture pour ceux qui commen-
cent, méthode nouvelle de dessin, mais dans
laquelle les exigences didactiques ne sont pas
formulées avec assez de rigueur ; — et plusieurs
discours prononcés à l'Académie de Peinture,
dont il était un des membres les plus actifs.
A. de Lacaze.
De Piles, Abrégé de la fie des Peintres, p. 510 521. —
D'Argenville, La fie des Peintres français. —Voltaire,
Siècles de Louis XI f, chap 83. — Watelct, Réflexions
sur la Peinture. — Miel, dans l' Encyclopédie des Gens
dtc Monde. — Charles Blanc, Hist. des Peintres, n°« 179-
180 ; École française, n°s 57-58 — Guillet de Saint-Geor-
ges, dans les Mémoires inédits sur les membres de CA-
caaémie royalede peinture et de Sculpture, t. I,p. 1-7Î.
— Féllbien, Fies des Peintres. — Perrault, Nommes iltuit*
très de la France. — Bayle, Dict Hist. — Florent Le-
comte, Cabinet des Singularités, t. 111, p. 219 243. —
Desportes, fies des premiers Peintres du Roi, t. I, p. 1-
103. — Archives de l'Art français, publiées par M. l*h.
de Chennevières et A. de Montaiglon, t I, p. 52-69, t. III,
p. 171. 186. — Mémoires inédits des Académiciens, t. \,
p. 1-73.
lebrun ( Laurent ) , poète latin français, né
à Nantes, en 1607, mort à Paris, le 1er septembre
1663. Il appartenait à la Compagnie de Jésus,
et a composé un grand nombre de poèmes la-
tins , dont voici les principaux : Virgile chré-
tien; Paris, 1661, in-8°. C'est un recueil d'é-
glogues et de géorgiques spirituelles terminé
par un poème héroïque : L'ignatiade. L'auteur
raconte en douze livres le pèlerinage de saint
Ignace à Jérusalem et la fondation de la So-
ciété de Jésus à Paris, qu'il prétend avoir pu se
faire dans la même année. Le P. Lebrun, qui
avait voulu suivre les traces du P. Pierre
Mambrun, autre imitateur de Virgile, est resté
fort loin de son prédécesseur; — Les sept
Psaumes pénitentiaux , ou David pénitent,
suivi d'autres pièces d'une moindre importance;
L'Ovide Chrétien, qui comprend 1° le livre
des Fastes, ou Y H exaémeron, contenant l'ou-
vrage de six j urs : l'auteur a voulu y décrire
l'œuvre des six journées de la création génésique;
2° De Tristibus, ou les lamentations de Jé-
rémie, suivies de celles de l'auteur sur la mort
de Bertrand Deschaux, archevêque de Tours ;
3° De Ponto (occidentali scilicet), ou de la Bar-
barie des peuples du Canada; 4° Épîlres
d'Héroïdes ( et non A' Héroïnes comme l'ont
écrit plusieurs bibliographes). Ces Epîlres sont
des élégies destinées à faire le second livre de
La Franciade. — De l'Eloquence poétique :
ce traité est suivi des Métamorphoses, qui n'ont
rien de commun que le titre avec celle d'Ovide.
Baillet, Jugementsdes Sçavans sur les Poètes moder-
nes, t. v, a« 1500. — Titon du Tillet, Le Parnasse fran-
çois, ëdit. in-fol. de 1730, p. 284-283-
lebrcn ( Pierre), théologien français j né
à Brignolles, le 11 juin 1661, mort à Paris, le
6 janvier 1729. Entré dans la congrégation de
l'Oratoire , il étudia la théologie à Marseille et à
Toulon, professa la philosophie à Toulouse, la
théologie à Grenoble en 1687, et fut enfin ap-
pelé, en 1688, au séminaire de Saint-Magloire à
Paris. On lui doit : Lettres qui découvrent
l'illusion des philosophes sur la baguette et
qui détruisent leurs systèmes; Paris, 1693,
in-12; — Discours sur la Comédie, où l'on
voit la réponse au théologien qui la défend ,
avec l'histoire du théâtre et les sentiments
des docteurs de l'Église depuis le premier
siècle jusqu'à présent ; Paris, 1694, in-12 : c'est
une réponse au père Caflaro , théatin, qui avait
écrit en faveur du théâtre la Lettre d'un Théo-
logien, insérée au commencement du Théâtre
de Boursault; Lebrun revit son travail, dont une
seconde édition, publiée par l'abbé Granet, parut
après sa mort sous ce titre : Discours sur la
Comédie, ou traité historique et dogmatique
des jeux de théâtre, etc.; Paris, 1731, in-12;
— Essai de la Concordance des Temps, avec
des tables pour la concordance des ères et
des époques; 1700, in-4°; — Histoire criti-
que des pratiques superstitieuses qui ont sé-
duit les peuples et embarrassé les savants ;
Paris, 1702, in-12; 1732, 3 vol. in-12 : on y
trouve à la fin les Lettres sur la Baguette; un
libraire de Hollande ayant réimprimé ces trois
volumes, augmentés d'un quatrième, composé de
différentes pièces, en 1 736, l'éditeur parisien lit
paraître un Recueil de pièces pour servir de
supplément à l'Histoire des Pratiques su-
perstitieuses du père Lebrun ; trois de ces
pièces seulement sont du père Lebrun, savoir :
Dissertation sur l'apparition du prophète
Samuel à Saiil ; dissertation sur les moyens
par lesquels on consultait Dieu dans l'an-
cienne loi ; et Dissertation sur le purgatoire
de saint Patrice; ces quatre volumes ont été
réimprimés en 1750-1751, in-12; — Explica-
tion littérale, historique et dogmatique des
prières et cérémonies de la sainte messe;
Paris, 1716-1726, 4 vol. in-8°. J. V.
Quérard, La France litt.
lebrun (Antoine- Louis), poète français, né
à Paris, le 7 septembre 1680, mort dans la même
ville, le 28 mars 1743. Il voyagea en Angleterre,
en Hollande et en Italie. Voltaire lui attribuait les
fameux J'ai vu qui l'avaient fait mettre à la Bas-
tille.OnadeLebrun : Bilinguis Musarumalum-
nus, auspicé Phœbo; 1707, in-8° : recueil de
pièces latines de l'auteur traduites par lui en
vers français; — Epigrammes d'Owen , tra-
duites en vers français, 1709, in-12; réimpri-
mées sous ce titre : Pensées diverses , ou épi-
grammes ; 1710 : le traducteur a supprimé les
pièces d'Owen contre les moines et la cour de
b.
135
LEBRUN
136
Rome; — Les Aventures d'Apollonius de Tyr ;
Paris, 1710, in-12; Rotterdam, 1710, in-12;
Paris, 1712, in-12; 1796, in-18; il existe une
autre édition sous ce titre : L'Inconstance de
la Fortune dépeinte dans les aventures d'A-
pollonius; Rotterdam, 1726, in-12 : « Cet ou-
vrage, dit Barbier, n'est pas traduit du grec,
comme le titre le porte , mais du latin, de l'ou-
vrage intitulé : Gesta Romanorum ; Hagenœ,
1508, in-fol., dont l'auteur paraît être le célèbre
Berchœur; »— Théâtre lyrique; Paris, 1712,
in-12 : ce recueil renferme sept opéras, qui n'ont
jamais rencontré de musiciens : Arion, Europe,
Frédéric, Hippocrale amoureux, Mélusine ,
Sémélé et Zoroastre; dans la préface l'auteur
traite du poëme de l'opéra ; — Epigrammes ,
madrigaux et chansons ; Paris, 1714, in-8°;
— Aventures de Calliope; Paris, 1720, in-12;
— Fables; Paris, 1722, uM2; — Œuvres di-
verses en verset en prose; Amsterdam (Paris),
1736, in-12. J. V.
Barbier, Dict. des Anonymes. — Quérard, La France
littéraire.
lebrujî ( Denis ) , jurisconsulte français ,
mort à Paris, le 15 ou le 16 avril 1706. 11 était
avocat au parlement de cette ville depuis le 2 dé-
cembre 1659. On manque d'ailleurs de détails
sur sa vie. Il a laissé : Traité des Successions;
Paris, 1G92, 1709, in-fol. François Bernard Es-
piard de Saux en a donné une nouvelle édition ;
Paris , 1743, 2 lom. en 1 vol. in-fol. Une autre
édition, augmentée par M*** ( J. Adr. Sérieux ),
ancien avocat au parlement , est de Paris, 1775,
in-fol. ; la dernière est de Paris, 1777, 2 tom. en
1 vol. in-fol. Dans cet important ouvrage, qui
fait encore autorité devant les tribunaux , l'au-
teur examine les questions qui naissent de cette
matière, l'une des plus vastes du droit civil, et
pour les résoudre s'appuie principalement sur
les dispositions des lois romaines ; — Traité de
la Parole; Paris, 1705, in-12, de 47 pag., ano-
nyme, omis par Barbier, et très-rare : l'exem-
plaire de la Bibliothèque impériale de Paris a
fait partie de la bibliothèque de Maillard, avocat
au parlement, puis de celle du séminaire de
Saint-Sulpice, et enfin de celle du Tribunat. Par
une note manuscrite placée sur le frontispice, le
premier possesseur de cet opuscule fait connaître
qu'il lui a été donné par Lebrun, qui en était
l'auteur; — Traité de la Communauté entre
mari et femme, avec un Traité des Commu-
nautés ou Sociétés tacites , ouvrage posthume,
mais indiqué à tort comme anonyme par Bar-
bier, et mis au jour par les soins de Louis Hi-
deux ; Paris, 1709, 1734, in-fol.; autre édit., aug-
mentée des décisions nouvelles et de notes cri-
tiques (par Augeard et Brunet) ; Paris, 1754, 1776,
in fol. ; — Essai sur la prestation des fautes,
où Von examine combien les lois romaines en
distinguent d'espèces ; avec une dissertation
du célèbre Pothier sur cet Essai, et des notes
indicatives des lois nouvelles concernant les
fautes (par J. S. Loiseau ) ; Paris, 1813, in-12,
travail savant, mais peu connu, sur une matière
qui, dans la pratique, présente souvent des diffi-
cultés. E. Regnard.
G. Blanchard , Liste des avocats au parlement de
Paris depuis son institution, manuscrit de la Biblioth.
de la Cour de Cassation. — Note ms. sur l'exemplaire du
Traité de la Parole de la Biblioth. imp. — Camus, Bi-
bliothèque choisie de livres de Droit. — Barbier, Dic-
tion, des ouvrages anonymes. — Quérard, La France
Littér.
lebritn ( Louis-Joseph ) , physicien fran-
çais , né à Reims, le 3 novembre 1722, mort à
Epernay, le 3 janvier 1787. Il fit ses études dans
sa ville natale, et fut reçu prêtre oratorien. 11
professa l'anatomie, la botanique, la médecine.et
devint régent du collège de son ordre à Angers.
Plus tard la reine de France le nomma précep-
teur de ses pages. On a de lui : Explication
physico-théologique du Déluge et de ses ef-
fets; 1762. Le P. Lebrun fit exécuter une ma-
chine pour cette explication. L— z — e.
Revue historique et litt. de Champagne , n° il, p. 5S.
lebrun ( Charles-François , duc de Plai-
sance), célèbre homme d'État français , né le
19 mars 1 739, à Saint-Sauveur, près de Coutances
( Manche), mort le 16 juin 1824, à son château de
Saint-Mesme , près Dourdan ( Seine-et-Oise ). 11
commença ses études au collège de Coutances, et
vint les achever au collège des Grassins, à Paris.
Bientôt il acquit à fond la connaissance des lan-
gues latine et grecque. Il apprit avec un égal succès
l'italien , l'anglais et l'espagnol, et composait avec
facilité dans ces cinq idiomes. Il n'embrassa d'a-
bord aucune profession; il Hsait et méditait les
ouvrages de droit public, alors fort peu cultivés
en France. Un penchant particulier l'attachait à
l'Esprit des Lois de Montesquieu, qui devint son i
livre favori. La lecture lui avait beaucoup ap-
pris , et les connaissances déjà acquises , il
résolut de les perfectionner et de les agrandir
encore par les Voyages à l'étranger. Dans ce
but il visita la Hollande, où il admira la .puis-
sance de l'ordre, de l'économie, de l'industrie
et du commerce , et étudia avec soin l'état
florissant des principales villes, les monu-
ments, surtout les institutions et les mœurs.
En Angleterre, il s'instruisait par la conversation,
la lecture des journaux qui reproduisaient les
séances du parlement , l'étude des ouvrages qui
traitaient du gouvernement et de la jurispru-
dence. En parcourant les campagnes, il les vit
sous la tutelle des grands et des lords : « Quoi !
se dit-il , ce peuple qui se croit libre est encore
chargé des liens de la féodalité ! » Son étonne-
ment cessa dès qu'il eut pénétré plus profon-
dément dans le caractère de la nation, qui to-
lère ce qui est défectueux pour conserver in-
tact ce qui est grand et beau. C'est ce que lui
expliqua le célèbre historien Robertson, avec
qui il eut un entretien sur ce sujet. « Notre sys-
tème social, dit-il en résumé, est loin d'être
parfait ; il se perfectionnera par le seul effet des
137
LEBRUN
138
progrès delà raison humaine. Chez nous, l'a-
ristocratie ne se montre pas oppressive. C'est
elle qui dès l'origine comprima la tyrannie et
fonda la liberté commune. Jamais on ne la vit
animée d'un esprit d'hostilité contre le peuple.
Elle est à la tête de tous les grands intérêts de
la nation. Quant aux abus, il y a prudence et sû-
reté à en confier la correction à la seule puis-
sance combinée de la raison et du temps. » Le
jeune voyageur fut frappé de ces vues , et l'im-
pression qu'il en reçut ne s'effaça jamais de son
souvenir (1762).
De retour à Paris, et pressé par sa famille de
choisir un état, il se détermina pour la carrière
du barreau. Il suivit le cours de droit de Lorry,
professeur distingué, et ne tarda pas à gagner
son amitié. A sa recommandation , il fut chargé
par Maupeou, premier président du parlement,
de diriger dans l'étude du droit son fils aîné.
Les rapports les plus intimes s'établirent bientôt
entre cette famille et lui. Le premier président
avait déjà conçu le projet d'opérer des réformes
dans l'administration de la justice; il commu-
niqua ses pensées au jeune avocat. Il fut satis-
fait à tel point des connaissances et du talent.de Le-
brun,qu'il lui confia la rédaction de ses discours
et de ses écrits. On a dit qu'il était le secrétaire
de Maupeou ; l'assertion n'est pas exacte : il était
traité comme un ami intime, un conseiller qui
inspirait toute confiance. Vers 1766, Lebrun fut
nommée censeur royal. Ces fonctions étaient con-
traires à ses idées et à ses goûts. Mais le premier
président, qui avait sollicité la place à son insu,
lui en remit le brevet avec de tels signes de sa-
tisfaction, qu'un refus n'eût pas manqué de le
blesser. Lebrun porta dans l'examen des ou-
vrages cet esprit de justice et de modération
qui depuis lui concilièrent dans les plus hautes
fonctions l'estime de tous les gens de bien. Par-
venu , en 1768, au poste de chancelier, Maupeou
le fit nommer successivement payeur des rentes
et inspecteur général des domaines de la cou-
ronne ; mais sous ces divers titres Lebrun était
de fait directeur de la chancellerie ; on se rap-
pelle ce mot de Louis XV : « Que ferait Mau-
peou sans Lebrun ? » 11 composa les célèbres
discours que prononça le chancelier lors de la ré-
forme des parlements (1771 ) et ceux qui ac-
compagnèrent les édits instituant des conseils
supérieurs et organisant un nouveau parlement.
On sait comment l'opinion publique se souleva
contre ce parlement. Attaqué à la fois par l'an-
cienne magistrature et par le parti de l'ancien
ministre Choiseul , il fut renversé quelques mois
après l'avènement de Louis XVI. Le 24 août
1774. Meaupou reçut avec une lettre de cachet,
ordre de remettre les sceaux, et Lebrun fut ren-
voyé le même jour. Mais la conduite de ce der-
nier avait été si droite que Malesherbes lui dit en
entrant au ministère : « Monsieur Lebrun, on n'a
rien à vous reprocher ; vous n'avez fart que votre
devoir. »
Lebrun avait épousé, en 1773, M|lfdeLagoutte,
fille et nièce d'hommes estimés dans le barreau.
Par ce mariage, il se trouva , à la disgrâce du chan-
celier, dans une position de fortune tout à fait in-
dépendante. Il n'avait point d'ennemis personnels ,
était connu et estimé de personnages puissants,
et s'il avait eu un peu de souplesse de caractère ,
il aurait pu obtenir quelque grâce de la cour. Il
se (détermina à une retraite absolue. Ayant acquis
près de Dourdan la terre de Grillon, il s'y retira
pour s'y livrer à la culture des lettres. Les quinze
années qui s'écoulèrent de 1774 à 1789 furent
pour lui des années d'un repos qui ne fut pas
stérile. Il publia bientôt sa traduction de la Jé-
rusalem délivrée, sans nom d'auteur, et avec
une préface remarquable par l'originalité et la
concision. L'élégance et la force de cette belle
prose firent attribuer l'ouvrage à J.-J. Rousseau.
Deux ans après parut Y Iliade, dont le style,
moins riche peut-être, était aussi harmonieux
que poétique. Il plaça en tête un dialogue en
langue grecque, qu'il attribua à l'un de ces rap-
sodes qui jadis parcouraient la Grèce , et le style
en était si pur, que les savants le prirent pour
un fragment de l'antiquité. « J'aurais donné,
disait Lebrun plus tard , en même temps
l'Odyssée; mais je crus que la Jérusalem et
Ylliade suffisaient pour me mettre dans la
classe innocente des littérateurs, et faire oublier
que j'avais joué un autre rôle. » Cependant il
suivait d'un œil attentif le cours des événe-
ments.
Versé dans l'économie sociale, initié aux se-
crets du gouvernement , il aurait pu donner des
conseils utiles, au milieu de toutes les fautes des
ministres. Mais, ayant appartenu à une autre ad-
ministration, il craignait que ses avis ne fussent
mal interprétés, et garda le silence. La révo-
lution arriva. Il rompit alors le silence, et pu-
blia un écrit intitulé La Voix du Citoyen , qu'il
avait médité depuis deux ans. Cet écrit présente
au plus haut degré le savoir, la solidité des
principes et l'éclat du style. Il s'y trouve plus
d'une page prophétique , notamment sur l'époque
impériale , et l'on est saisi d'étonnement en
voyant l'avenir prédit avec tant de précision. Il
mérite d'être relu en entier même aujourd'hui.
Envoyé aux états généraux par le bailliage de
Dourdan, Lebrun voulait sincèrement la réforme
des abus et un régime qui pût satisfaire les besoins
réels du pays ; mais il voulait aussi l'établisse-
ment d'un gouvernement fort et régulier, appuyé
sur les lois. A l'assemblée constituante , on ne
le vit pas ambitionner les triomphes de la parole.
Cependant il parut souvent à la tribune, parla
sur les biens du clergé , et s'opposa à la créa-
tion du papier monnaie et au maintien des lo-
teries. Il brillait surtout dans les discussions in-
térieures des comités, qui le choisirent habituel-
lement pour leur organe. Il fut, tâche immense,
le rapporteur et le rédacteur de presque toutes
les lois de finances. Ses discours , écrits dans
139
LEBRUN
140
un beau style, sont des modèles de clarté et de
discussion. Les principes qu'il y développe fe-
ront toujours autorité pour les hommes d'État
qui traiteront les mêmes matières. Lebrun avait
demandé dès le début l'établissement de deux
chambres , au lieu d'une assemblée unique, qui
ne pouvait produire que le despotisme ou l'a-
narchie. La majorité fut entraînée par les attaques
de Sieyès et l'éloquence de Mirabeau, et le sys-
tème anglais fut rejeté. Son opinion n'en resta
pas moins invariable. La Constituante s'étant
dissoute, Lebrun fut nommé président du di-
rectoire du département de Seine et-Oise. En
1792 des troubles graves y éclatèrent. 11 com-
prima les fauteurs de désordre par des mesures
à la fois sages et vigoureuses. Après le 10 août
il renonça à toute fonction publique, et se retira
dans ses foyers. Les délateurs vinrent l'y cher-
cher. En septembre 1793 il fut arrêté et enfermé
à Versailles. Un des proconsuls de la Conven-
tion ayant passé par Dourdan , d'honnêtes ci-
toyens eurent le courage de lui parler de Lebrun
et de réclamer sa liberté. Le représentant parut
touché, et, arrivé à Versailles, il envoya l'ordre
de mise en liberté. Lebrun rentra dans sa famille,
mais sous surveillance. Après quelques mois d'une
demi-captivité, il fut reconduit dans sa première
prison ( 28 messidor an n ). 11 eût infailliblement
péri sur l'échafaud si Robespierre n'eût enfin
succombé le 9 thermidor. Les partis rivaux, qui
tour à tour avaient dominé la Convention et dé-
cimé la France, s'étant dévorés entre eux, le
petit nombre d'hommes sages échappés aux
proscriptions reparurent sur la scène politique.
Au commencementde 1795, Lebrun, cédant aux
instances du représentant en mission dans le dé-
partement de Seine-et-Oise, reprit la présidence
du département. En l'an rv (octobre 1795), il fut
élu député au Conseil des Anciens avec Tron-
chet, Dumas et Tronçon-Ducoudray, hommes
sages et éclairés; il fut réélu en l'an vu ( 1799),
et obtint promptement l'estime et la con-
liance de l'assemblée. Il parla avec énergie en
faveur des parents d'émigrés, combattit les em-
prunts forcés , et fit presque tous les rapports
sur les lois d'économie publique.
Cependant les événements de l'intérieur s'é-
taient aggravés d'année en année. En 1797 le Di-
rectoire avait soulevé contre lui l'indignation pu-
blique par la banqueroute. En 1799 des élections
faites dans le sens démagogique avaient amené,
au 30 prairial, un mouvement réactionnaire qui
semblait présager un retour aux excès révolu-
tionnaires. L'ouest était en pleine insurrection.
Dans le midi , les massacres recommençaient.
Partout les factions redressaient la tête et sem-
blaient près d'en venir aux mains. C'est dans
ces circonstances que le général Bonaparte
arriva à Paris. Toutes les espérances de salut se
portèrent sur lui. C'était aussi l'opinion de Le-
brun ; cependant il ne prit aucune part aux mou-
vements qui amenèrent la révolution du 18 bru-
maire et le consulat provisoire de Sieyès, Bona-
parte et Roger-Ducos. Quelque temps après,
la nouvelle constitution fut achevée. Elle confiait
l'action du gouvernement à trois consuls; mais
le premier, qui devait prendre l'avis de ses col-
lègues , restait libre de se déterminer selon sa
volonté. Lebrun y était désigné comme troisième
consul. Par modestie autant que par amour
de l'indépendance, il voulait refuser cette haute
magistrature. Il hésita beaucoup. Dans une en-
trevue, le premier consul insista pour son accep-
tation, et lui serrant la main ajouta avec un ac-
cent expressif: Acceptez! vous serez content.
Lebrun accepta , déterminé par la pensée qu'il
pourrait être encore utile à son pays, justifier
encore l'estime de la partie éclairée de la nation.
Selon le vœu de la constitution, ce fut le consul
Lebrun qui, de concert avec Cambacérès, Sieyès
et Roger-Ducos, nomma la majorité du sénat, qui
se compléta ensuite lui-même. Cette première
promotion est remarquable par le mérite de
presque tous les hommes qui furent élus. Lebrun
disait en parlant de cet acte de puissance sou-
veraine : « Cambacérès et moi nous fîmes taire
dans nos choix toute affection personnelle , ne
nous attachant qu'au mérite , aux services et à
la réputation des candidats. » Le premier consul
laissa à Cambacérès la suprême direction de la
justice , et confia à Lebrun la réorganisation des
finances et de l'administration intérieure. Il les
consultait en outre sur toutes les autres affaires,
profitant ainsi dans l'intérêt de l'État de leur
vieille expérience des hommes et des choses.
Un jour, après un conseil , le premier consul re-
tint Lebrun : « J'ai passé ma vie dans les camps,
dit-il ; la guerre est mon élément. Je me trouve
ici dans un monde nouveau ; je n'y suis point
sans quelque embarras. J'ai besoin d'un guide
sûr, éclairé et, comme moi, animé du désir de
reconstituer la société sur des bases solides. Ce
. guide, je l'ai trouvé en vous, monsieur Lebrun. Je
vous ai promis que vous seriez content : en m'ai-
dant de votre expérience et de vos conseils, vous
mé fournirez le moyen d'accomplir mes promes-
ses. En tout, je compte sur vous ». Touché de ce
témoignage de confiance, Lebrun s'en montra
digne en parlant toujours au premier consul le
langage de la conscience et de la vérité. La
France, sous son administration vigoureuse et
i éclairée, se releva promptement de ses ruines,
l et parut dans une attitude imposante devant
! l'Europe. L'intérieur jouissait d'un calme , d'un
j bien-être inconnus depuis longtemps On en dé-
sirait la continuation, et l'on s'attachait chaque
| jour davantage à celui auquel on le devait. On
I avait vu dans le sénatus-consulte qui proclamait
; Bonaparte consul à vie (août 1802) un gage de
jp tranquillité, dans celui qui lui déférait le droit de
nommer son successeur un gage de sécurité contre
les entreprises qui menaçaient sa vie ; de là à l'em-
pire il n'y avait qu'un pas. Les transitions avaient
été si habilement ménagées , que la masse de la
Ul
LEBRUN
14^
nation applaudit à l'élévation du premier consul
à la dignité impériale. L'empereur écrivit au
consul Lebrun pour lui annoncer les hautes
(onctions d'architrésorier dont il était revêtu.
Les attributions en furent fixées par un sénatus-
consulte, et Lebrun conserva la direction su-
prême des finances (mai 1804). La France lui doit
l'institution de la cour des comptes, à la tête de
laquelle fut placé son ami Barbé-Marbois. Na-
poléon, voulant environner son trône récent des
prestiges de grands titres, institua une nouvelle
noblesse. Lebrun fut le seul dans le conseil qui
s'y opposa avec fermeté ; l'empereur dans son
exil lui a rendu ce témoignage. Ces principes,
Lebrun les manifesta encore plus tard , quand
furent institués les titres héréditaires de prince,
duc, comte, baron, etc., en accordant aux ti-
tulaires la faculté de fonder des majorats en fa-
veur de leurs descendants. Cependant lui-môme,
indépendamment du titre de prince attaché à la
dignUéd'archi-trésorier, se vit revêtu de celui
de duc de Plaisance, qu'il ne crut pas pouvoir
refuser. La modération était son caractère dis-
tinctif. Au conseil, il exprimait ses opinions
avec loyauté et noblesse; mais quand une me-
sure était arrêtée, il croyait de son devoir d'en
subir les conséquences. Son opposition n'a-
vait pas la violence de l'esprit de système. Il
s'abstint d'instituer le majorât nécessaire à l'hé-
rédité de son titre , et il n'y consentit que très-
peu de temps avant de mourir. En 1805, pen-
dant que Napoléon était à Milan pour se faire
couronner roi d'Italie , une députation du sénat
et du peuple de Gênes vint demander la réunion
de cette république à l'empire français. Il fallait
pour l'accomplir et y établir une nouvelle orga-
nisation un fonctionnaire qui réunît les qualités
propres à concilier les esprits , à ménager les
amours-propres et à procéder avec expérience
dans les affaires. L'empereur choisit l'archi-
trésorier ; il trouvait en lui la dignité de l'âge ,
du caractère , une position élevée , des manières
simples et bienveillantes ; tout devait rendre ce
choix agréable à cette ville de Gênes qui se sou-
venait du passé. Les espérances de l'empereur
furent complètement justifiées. Lebrun passa
une année à Gênes , comme gouverneur général,
et par l'équité de ses décisions, par la sagesse de
ses actes, parvint à pacifier les dissensions et à
gagner les cœurs à la France. A son départ , il
fut entouré de regrets et d'hommages. Peu après
son retour à Paris , Napoléon résolut d'abolir le
Tribunat , ombre et reste de liberté. Lebrun le
défendit, comme tenant son existence de la cons-
titution elle-même et la sauve- garde des libertés
publiques. « Monsieur l'archi-trésorier, lui dit
assez brusquement l'empereur, ce sont là des idées
de constituant. — Sire, repartit Lebrun avec ce
calme et cette dignité qui ne l'abandonnaient ja-
mais, la Constituante avait des idées saines ; si
elle se trompa, ce fut par l'excès de l'amour du
bien public : je regrette que ces idées déplaisent
aujourd'hui à Votre Majesté. » De pareilles ré-
pliques n'étaient pas propres à lui concilier une
grande participation dans les affaires : il espérait
et désirait terminer paisiblement sa carrière. Il
ne fut pas peu surpris , et même éprouva une
sorte d'effroi , quand une lettre de Napoléon lui
annonça une mission extraordinaire en Hollande
( 1810), par suite de l'abdication du roi Louis.
L'archi-trésorier avait soixante onze ans : il fallait
s'arracher à ses habitudes de famille et d'inti-
mité ; il fallait s'exposer au déclin de la vie aux
atteintes d'un climat insalubre. L'espoir de faire
encore quelque bien et le désir d'être utile à un
peuple qu'il estimait le décidèrent : il partit avec
le titre et les pouvoirs de lieutenant général de
Vempereur. Son administration fut des plus ac-
tives et des plus laborieuses. A six heures du ma-
tin , il était dans son cabinet, entouré de secré-
taires. En quinze mois toutes les branches du ser-
vice public se trouvèrent organisées 11 désirait
alors rentrer dans sa famille; mais l'empereur
jugea nécessaire sa présence dans ces contrées éloi-
gnées du centre. Lebrun resta comme gouverneur
général. Il s'appliqua avec constance a tempérer
la rigueur des ordres impériaux par son empres-
sement à recevoir toutes les réclamations , par
la facilité de son abord, l'accueil plein de bonté
qu'il faisait à tous, tes consolations qu'il adres-
sait à ceux qu'il ne pouvait satisfaire. 11 prenait
un intérêt profond à la situation pénible de ce
peuple navigateur, alors sans activité ni com-
merce. Les Hollandais lui rendaient justice, et ne
l'appelaient que le bon stalhouder. La désas-
treuse expédition de Russie le frappa doulou-
reusement dans ses affections de famille. Son
second fils, colonel d'un régiment de lanciers,
fut tué dans la retraite de Moscou , au moment
où il chargeait pour protéger les restes de l'ar-
mée. La jeune femme de ce fils avait succombé
peu auparavant. Ces pertes précipitées alté-
rèrent gravement la santé de l'archi-trésorier.
L'année suivante, après le désa4re de Leipsig,
les Cosaques pénétrèrent en Hollande. Les Hol-
landais, déjà exaltés par les revers de Napoléon,
ne gardèrent plus de mesure. Une grave insur-
rection éclata dans Amsterdam. Les principaux
citoyens craignaient des violences et des excès ,
même contre le gouverneur général , et lui en-
voyèrent une députation pour lui offrir de l'em-
mener avec sa suite dans leurs voitures et de lui
servir d'escorte. Le prince leur dit : « Je suis
sensible à votre démarche; mais j'estime trop
vos compatriotes pour accepter vos offres. » U
rejeta bien loin l'idée de partir la nuit , clandes-
tinement, comme un fugitif. Peu de jours après,
une administration provisoire ayant été établie
par les notables, le prince quitta son palais en
plein jour, le 16 novembre, et traversa la Hol-
lande en recueillant partout des signes de res-
pect. On connaît les événements de 1814. L'âgo
et la position du duc de Plaisance ne lui per-
mettaient pas d'y prendre une part active. Il fut
143
LEBRUN
144
jusqu'au dernier moment fidèle au gouvernement
impérial. Il le prouva en se prononçant, lors de
l'approche des armées étrangères , contre le dé-
part de l'impératrice de Paris. 11 déplora, comme
tous les bons citoyens, les maux qui accablaient
la France. Il ne prit pas part à l'acte du sénat
qui prononçait la déchéance de Napoléon ; mais
après l'abdication il signa celui du rétablissement
des Bourbons, et fut appelé à la chambre des
pairs, avec la plus grande partie des membres
du sénat. Pendant les Cent Jours il accepta
la place de grand-maître de l'université. C'é-
tait un acte de dévouement. Là il y avait du
bien à faire , du mal à empêcher. L'exaltation
était très-vive dans les esprits de la jeunesse ;
des professeurs avaient été insultés à cause de
leurs opinions. Il rétablit le calme nécessaire
aux études, empêcha toute réaction dans le corps
enseignant, et son administration fut un modèle
d'équité et de sagesse. A la seconde restauration,
son nom fut rayé de la liste des pairs; il y fut
rétabli en 1819. Ce fut lui qui, dans l'installation
du conseil des prisons, institué alors, répondit
par un discours à quelques paroles prononcées
par le duc d'Angoulême. Ce discours d'un vieil-
lard de quatre-vingts ans montre comment on
peut parler aux princes avec respect, noblesse et
dignité, et comment, en leur rendant de justes
hommages, on peut leur donner d'utiles conseils.
L'étude, cette passion de sa jeunesse, embellit
ses derniers jours. Ses lectures étaient en géné-
ral sérieuses; mais son esprit et ses manières
étaient remplis de bienveillance et de bonne
grâce. II passait tous ses étés au château de
Saint-Mesmes, et c'est là qu'il mourut, à l'âge de
quatre-vingt-cinq ans. Lebrun était remarquable
par la distinction de son extérieur. Sa belle tête
avait cette dignité qui inspire le respect. Ses
manières étaient simples, nobles et prévenantes.
Son langage et ses idées révélaient de suite
l'homme supérieur. Il conserva jusqu'au der-
nier moment les qualités intellectuelles qui
avaient distingué sa virilité , sans qu'on pût re-
marquer le moindre affaiblissement dans sa mé-
moire ou la faculté de combiner et développer
ses idées. Il pratiqua dans un haut degré la pro-
bité et le désintéressement, et après avoir vingt
ans occupé les plus hautes fonctions, accompa-
gnées de traitements immenses, il ne laissa que
cent mille livres de rente.
Lebrun filt non-seulement un véritable homme
d'État et un grand administrateur, mais encore
un savant du premier ordre en économie
sociale, versé dans les langues anciennes et
modernes, et l'un des écrivains qui ont manié
la prose française avec le plus d'énergie et de
perfection. Ses ouvrages sont : La Jérusa-
lem délivrée, poëme du Tasse , traduit de l'ita-
lien ; Paris, 1774, et souvent réimprimé ; — VI-
liade d'Homère, traduction nouvelle; 1776,
presqu'entièrement refaite, 1809; — La Voix
du Citoyen ; 1789, nouvelle édition, 1804;" —
Lettres sur les finances (voir Le Moniteur,
n° 46, de i791 ) ; — V Odyssée d'Homère, tra-
duite du grec; 1809. J. Cbanut.
Biographie nouvelle des Contemporains. — Mémoire
sur le prince Lebrun, duc de Plaisance, par Marie du
Mesnil; Paris, 1828. — Opinions, Rappoj'ts et Choix d'é-
crits politiques de Lebrun, recueillis et mis en ordre
par son fils aine, et précédés d'une Notice biographique ;
Paris, 1829.
Lebrun ( Anne- Char les , duc de Plai-
sance), général et sénateur français, fils du
précédent, né à Paris, le 28 octobre 1775, mort
en 1859. Il passa sous-lieutenant au 5e ré-
giment de dragons, fit d'abord partie de l'ar-
mée de réserve de l'intérieur en 1799 et 1800,
et devint aide de camp du premier consul. Ce
fut lui qui à la bataille de Marengo reçut dans
ses bras le général Desaix, mortellement frappé
d'une balle à la poitrine. Capitaine le 17 mars
1801, et chef d'escadron le 31 octobre suivant,
il servit en 1801 et 1802 dans le corps d'ob-
servation de la Gironde, et en 1803 et 1804 au
camp de Montreuil. Colonel du 3e régiment de
hussards le 1er février de cette dernière année,
il se signala pendant la campagne de 1805,
et fut chargé d'apporter à Paris la nouvelle
de la victoire d'Austerlitz. De retour à la
grande armée, il se fit remarquer à Iéna à la
tête de son régiment, qui attaqua le premier
les carrés de l'infanterie saxonne et lui prit plu-
sieurs drapeaux, qu'il présenta à l'empereur sur
le champ de bataille. Nommé général de brigade
le 1er mars 1807, inspecteur général de cava-
lerie le 6 octobre, et aide de camp de Napoléon,
il donna de nouvelles preuves de valeur à Eylau
et à Wagram. A la fin de 1809, il organisa la
défense de la place, des forts et des batteries
extérieures d'Anvers et parvint à approvisionner
les places de Breda, de Berg-op-Zoom, les îles
de Cadzan et de Walcheren. Général de divi-
sion le 23 février 1812, il reçut en avril 1813 la
grand'croix de l'ordre de la Réunion. Comme
fils d'un grand dignitaire de l'empire , il portait
le titre de duc Charles de Plaisance. Appelé en
1813 au commandement des lre et 3e divisions
de réserve de la grande armée, il fut nommé le
7 octobre de cette année gouverneur d'Anvers.
Le 25 janvier 1814 il reprit ses fonctions d'aide
de camp auprès de l'empereur. Le 22 avril,
après la première abdication de Napoléon,
Louis XVIII le nomma commissaire du roi dans
la 14e division militaire, et le 14 juillet pre-
mier inspecteur général des hussards. Au retour
de l'île d'Elbe, l'empereur lui confia (4 avril
1815) le commandement provisoire du 3e corps
d'observation, et le rappela près de lui en qua-
lité d'aide de camp. Dans les Cent Jours il fut
nommé député à la chambre des représentants
par le département de Seine et-Marne. Mis en
non-activité sous la seconde restauration, il fut
replacé dans le cadre de disponibilité le 30 oc-
tobre 1818. Le 16 juillet 1824 il fut admis à
prendre rang à la chambre des pairs, à titre hé
U')
LEBRUN
146
réditaire. Placé dans la section de réserve, le
29 octobre 1840, il fut mis à la retraite en 1848
par le gouvernement provisoire. Lors de la créa-
tion du sénat (26 janvier 1852), il en fut nommé
membre, devint grand- chancelier de la Légion
d'Honneur et fut rétabli dans le cadre de réserve
(décret du 1er octobre 1852 ). Son nom est ins-
crit sur le côté ouest de l'arc de triomphe de
l'Étoile. Sicard.
IHographie universelle et portative des Contempo-
rains; Paris, 1833-1834. — Archives de la guerre. — Les
grands Corps politiques de l'État, etc.; Paris, 1852. —
Biographie des Membres dti Sénat; Paris, 1852.
lebrcn (Sophie de Barbé-Marbois, Mme),
duchesse de Plaisance, femme du précédent, née
le 2 avril 1785, morte le 14 mai 1854, dans une
campagne près d'Athènes, où elle vivait retirée
depuis plusieurs années. Fille du marquis de
Barbé-Marbois, elle épousa le fils de l'archi-tré-
sorier, eteneut unefille, qu'elle perdit en Orient.
Établie en Grèce, la duchesse de Plaisance se dis-
tinguait par une bienfaisance inépuisable, qui ne
faisait point acception de religion. Elle s'était
mise à étudier la Bible avec ardeur, et à la mort
de sa fille elle fonda un prix d'hébreu pour en-
courager l'étude de cette langue. J. V.
Journal des Débats, du 3 juillet 1854. — Archives
Israélites, 1853 et 1854.
lebrun ( Ponce - Denis Écouchard ) , sur-
nommé Lebrun-Pindare , poète français, né à
Paris, le 11 août 1729, mort dans la même ville,
le 2 septembre 1807. Il appartenait à une famille
de petits marchands, et son père était valet de
chambredu prince de Conti. Le futurpoëte naquit
dans l'hôtel du prince (situé sur l'emplacement
où s'éleva depuis l'hôtel de la Monnaie). Il fit de
brillantes études au collège Mazarin, et annonça
dès l'enfance du talent pour la poésie. Plusieurs
pièces de vers qu'il composa au collège ont trouvé
place dans le recueil de ses œuvres. Camarade
du jeune Bacine, fils de l'auteur du Poème de la
Religion et petit-fils de l'auteur A'Athalie, il re-
çut les conseils de Louis Bacine , et se trouva
ainsi rattaché à la tradition des grands écrivains
du dix-septième siècle. La poésie lyrique, rare-
ment cultivée avec succès en France, l'attira par-
ticulièrement. Ses premières odes furent consa-
crées à son jeune ami Bacine, qui avait quitté les
lettres pour le commerce et qui périt bientôt à
Cadix dans le tremblement de terre qui agita
toutes les côtes occidentales de la péninsule et
renversa Lisbonne. Lebrun avait chanté le dé-
part de Bacine, et la douloureuse émotion que
lui causa la mort de ce jeune ami anime son
ode sur la ruine de Lisbonne, publiée en 1755.
L'année suivante, il donna une ode sur les causes
physiques des tremblements de terre, et la fit
précéder d'un discours sur le génie de l'ode. Ces
productions, qui annonçaient un émule hardi de
Pindare et de Lucrèce, furent remarquées. L'au-
teur, attaché au prince de Conti comme secré-
taire des commandements, put attendre avec tran-
quillité que les événements lui fournissent des
sujets d'inspiration. En 1760 il rencontra une
petite nièce de Corneille réduite à la misère, et
la recommanda à Voltaire dans une ode qui,
parmi beaucoup de vers lourds et emphatiques,
contient des accents émus et élevés. Voltaire fut
touché; il appela immédiatement Mlle Corneille
auprès de lui, et veilla sur son éducation et son
avenir. Cette adoption fit du bruit, et Lebrun, ne
voulant pas qu'on ignorât la part qu'il y avait
prise, publia son ode avec la correspondance
échangée à ce sujet entre Voltaire et lui. Fréron
ne manqua pas cette occasion de railler Voltaire
et le jeune poète qui se déclarait son admira-
teur. Il prétendit n'avoir jamais lu d'ode aussi
mauvaise que celle de Lebrun (1), et insinua
que l'hospitalité de Ferney ne convenait pas à
une jeune fille honnête. Voltaire, diffamé, se plai-
gnit à la justice ; Lebrun, critiqué, composa ou fit
composer par son frère contre Fréron deux pam-
phlets plus violents que spirituels, La Wasprie
et L'Ane littéraire. Cette polémique eut pour
effet de développer les penchants satiriques de
Lebrun, qui dès lors se détourna trop souvent
de la poésie lyrique pour composer des épi-
grammes. Ces petites pièces acres, amères, ra-
rement gaies, mais pleines d'esprit et de verve,
font honneur à son talent et donnent une idée
triste, mais véritable, de son caractère. Ce poète,
qui affecte dans ses odes les sentiments les plus
généreux et qui dans ses élégies s'efforce de
montrer de la tendresse, eut une vie privée
des plus fâcheuses. En 1759 il se maria avec
Mlle Marie- Anne de Surcourt, personne spiri-
tuelle, qu'il a célébrée dans ses élégies. Cette
union, contractée sous des auspices poétiques, de-
vint bientôt orageuse, et se prolongea pendant
quatorze ans à travers toutes sortes de scènes
violentes et honteuses. On accusa Lebrun d'a-
voir vendu sa femme au prince de Conti, ce qui
est au moins douteux ; mais il est certain qu'il
la traitait avec une révoltante brutalité. En 1774
Mme Lebrun alla se réfugier chez sa belle-mère,
et forma une demande en séparation. Le procès
fut long et offrit cette circonstance singulière que
la mère et la sœur du poète déposèrent contre
lui. Lebrun a consacré cette douloureuse parti-
cularité de sa vie dans une élégie intitulée Né-
mésis. Il y rappelle la destinée de Méléagre vic-
time de son effroyable mère, le frère de Médée
massacré et mis en pièces par sa sœur, les époux
des Danaïdes égorgés par leurs femmes , et il
ajoute :
Mais aucun d'eux n'a vu , dans ses derniers abois,
Epouse et mère et sœur le frapper à la fois.
(1) Fréron se moquait assez agréablement du pindu-
risme factice de Lebrun : « Comme apparemment, dit-il,
on n'émeut bien les poètes que par des vers, M. Lebrun
s'est frotté la tête, a dressé ses cheveux , froncé le sour-
cil, rongé ses doigts, ébranlé par ses cris les solives de
son plancher, et, dans un enthousiasme qu'il a pris pour
divin, a fait sortir avec effort de son cerveau rebelle
une ode de trente-trois strophes seulement, qu'il a en-
voyée aux Délices. »
147
LEBRUN
J48
La séparation fot prononcée d'abord au Châtelet,
puis définitivement, en 1781, par un arrêt du
parlement de Paris. Les avantages que l'arrêt
adjugeait à Mme Lebrun détruisirent presque
entièrement la fortune du poète. 11 en rassembla
les débris, qui formaient un capital de 18,500 fr-
et plaça cette somme chez le prince de Gué-
roéné; elle fut engloutie dans la banqueroute de
ce grand seigneur, en 1782. Depuis 1776 Lebrun
n'était plus secrétaire des commandements à
l'hôtel Conti, et une pension de 1,000 francs qui
lui avait été promise par l'héritier du prince lui
était mal payée. Dans cette triste position, il
fut protégé par M. deVaudreuil, qui le recom-
manda au ministre Calonne, au comte d'Ar-
tois, à la reine. Le poète reçut une pension an-
nuelle de 2,000 livres, et espéra des faveurs
plus éclatantes. Il témoigna sa reconnaissance
par des adulations qu'on ne lui reprocherait pas
si dans un autre temps il n'avait insulté les
princes qu'il flattait en 1786. Le souvenir des fa-
veurs récentes de la cour ne l'empêcha pas de se
jeter dans la révolution et de dépasser en violence
les poètes les plus passionnés de l'époque. Lui
qui dans son Exegi momimenlum (1787) avait
dit en parlant de la Seine :
Mais tant que son onde charmée
Baignera l'en.pire des lys,
Elle entendra ma lyre encore
D'un roi généreux qui l'honore
Chanter les augustes bienfaits!
il vouait maintenant à la mort ce roi prisonnier,
et s'écriait en parlant de Marie-Antoinette :
Reine que nous donna la colère céleste,
Que la fondre n'a-t-elle embrasé ton berceau!
Combien ce coup heureux eut épargné de crimes!
Ivre de notre sang, désastreuse beauté,
Femme horrible
11 provoqua la violation des tombes royales de
Saint-Denis (1). Un peu plus tard, au plus fort
de la terreur, il trouva des éloges pour Robes-
pierre (2). Sous le Directoire il publia plusieurs
odes, les unes composées depuis longtemps, les
autres plus récentes. Ce fut à cette époque que
circulèrent un grand nombre d'épigrammes qu'il
décocha contre desécrivains contemporains. Il eut
des démêlés très-vifs avec le grammairien Do-
mergue et le poète Baour-Lormian, et ne sortit pas
toujours vainqueur de ces guerres de plume (3).
On a souvent répété qu'il avait adulé Bonaparte.
Chénier et Ginguené eux-mêmes, cédant aux
(1) Il disait dans une ode écrite en 1792 :
Purgeons le sol des patriotes,
Par des rois encore Infecté :
La terre de la liberté
Rejette les os des despotes.
De ces monstres divinisés
Que tons les cercueils soient brises!
(2) I,'éloge que Lebrun a fait de Robespierre se trouve
dans un avanl-propos , en prose,qu'il mit à son ode sur
l'Être Suprême lorsqu'il la publia pour la première (ois.
Voy. Sainte Beuve, Causeries du lundi, t. V, p. 130.
(3) Consultez sur ces querelles V Acunttiologic, ou re-
cueil d'épigrammes, publiée par M. Fayolle, en 1817.
exigences imposées alors, ont écrit que le con-
sulat avait ranimé sa verve. C'est ce que Na-
poléon aurait désiré. Mais la vérité est que Le-
brun ne l'a loué que dans de petites pièces de
vers, la plupart antérieures au consulat , et dans
une ode de six couplets ( Les Routes de l'O-
lympe), composée lors de la paix de Luné-
ville. Deux ans après, il présentait au premier
consul une ode contre l'Angleterre, composée
évidemment vers 1760, et à laquelle il avait
ajouté une strophe qui la menaçait d'un nouvel
Alexandre. Cette ode valut à Lebrun un re-
merciement et une gratification de 3,000 francs.
Une pension de 6,000 f. qui lui fut accordée en
1806 et diverses gratifications le mirent fort au-
dessws du besoin dans ses dernières années. Il
mourut à l'âge de soixante-dix-huit ans, laissant
une grande réputation, qui jusqu'à présent s'est
assez bien maintenue. On ne lit plus ses odes,
mais on continue de joindre à son nom celui de
Pindare, et ce nom composé éveille l'idée d'un
talent lyrique plein dé force et d'éclat. Chénier,
le jugeant quelque temps après sa mort, a dit :
« Lebrun avait plus d'un ton sans doute; mais
presque toujours c'est Pindare qu'il aime à suivre,
et dont il atteint souvent la hauteur S'il est
permis de lui reprocher le luxe et l'abus des figu-
res, l'audace outrée des expressions et trop de
penchant à marier des mots qui ne voulaient pas
s'allier ensemble, l'envie seule oserait lui con-
tester une élude approfondie de la langue poé-
tique, une harmonie savante, et ce beau dé-
sordre essentiel au genre qu'il a spécialement
cultivé. Aussi quoiqu'il ait excellé dans l'épi-'
gramme, quoiqu'il ait répandu des beautés re-
marquables en des poëmes que par malheur il
n'a point, achevés, il devra surtout à ses odes
l'immortalité qu'il s'est promise; et dût cette
justice rendue à sa mémoire étonner quelques
préventions contemporaines, il sera dans la pos-
térité l'un des trois grands lyriques français. »
Ce jugement est trop favorable. Lebrun est peut-
être l'égal de Rousseau, mais il ne l'est pas de
Malherbe, et surtout il faut bien se garder de le
comparer à Pindare. Le souffle immense, l'ins-
piration profonde et inépuisable du poète thébain
dont Horace a dit :
Fcrvet, immensusque ruit profundo
Pindarus ore,
fait un contraste accablant avec la stérilité labo-
rieuse de Lebrun, qui a de l'élan, mais qui ne
se soutient pas. Il a très-peu d'odes belles d'un
bout à l'autre, mais il a rencontré des strophes
magnifiques. C'est en parlant de Buffon qu'il a
eu ses plus beaux accents, des accents dignes du
sujet. Célébrant les Époques de la Nature, il
s'écrie :
Au sein de l'infini ton âme s'est lancée ;
Tu peuplas ses déserts de ta vaste pensée.
La Nature, avec toi, fit sept pas éclatants;
Et de son règne immense embrassant tout l'espace.
Ton immortelle audace
A pose sept flambeaux sur ta route des temps.
J49
LEBRUN
150
Dans une autre ode,qui est son chef-d'œuvre, il
oppose les succès faciles de l'esprit aux œuvres
durables du génie :
Flatté de plaire aux goûts volages,
L'esprit est le dieu des instants;
Le génie est le dieu des âges.
Lui seul embrasse tous les temps.
Ceux dont le présent est l'idole
Ne laissent point de souvenir:
Dans un succès vain et frivole
Ils ont usé leur avenir;
Amants des roses passagères,
Ils ont les grâces mensongères
El le sort des rapides fleurs :
Leur plus long règne est d'une aurore
Mais le temps rajeunit encore
L'antique laurier des neuf sœurs.
De pareilles strophes , même lorsqu'elles sont
peu nombreuses, suffisent pour assurer la mé-
moire d'un poète. Si Lebrun n'a jamais complè-
tement réussi, il a eu le mérite à une époque
peu poétique de conserver le culte de la grande
poésie, du style élevé, de la gloire éclatante
obtenue par de nobles labeurs. On est tenté au-
jourd'hui de sourire de son Exegi monumen-
tum et de ce « jour éternel » qu'il se promet;
et cependant la postérité n'a pas tout à fait
trompé son espoir : elle a conservé le souvenir
de son généreux effort, et même dans ses œu-
vres elle a distingué certains passages qui se-
ront toujours lus avec admiration.
Lebrun semble avoir eu lui-même le sentiment
qu'il n'avait pas réalisé son idéal. Il médita pen-
dant loute sa vie une édition de ses œuvres, et
ne l'exécuta pas. Ses Odes, ses Élégies, ses Épi-
grammes ne parurent que par feuilles déta-
chées. Ses œuvres furent mises en ordre et pu-
bliées par Ginguené; Paris, 1811, 4 vol. in-8°.
[Elles contiennent : t. 1er, six livres d'odes, pré-
cédées d'un avertissement et d'une notice de
l'éditeur. Dans ce recueil on remarque, outre les
odes à Buffon que nous avons déjà citées, Le
Triomphe de nos Paysages, qui offre des pein-
tures gracieuses, quoique surchargées de cou-
leurs mythologiques (1), Mes Souvenirs, ou les
(1) Quelques vers pris au hasard dans cette ode don-
neront une idée de cet abus de la mythologie. Après avoir
visité" Vincennes, espoir des dryades; Passy, fameux par
ses naïades, » le poète arrive à Montmartre et à ses mou-
lins à vent :
La colline qui vers le pôle
Borne nos fertiles marais,
Occupe les enfants d Éole
A broyer les dons de Cerès.
Vanvres , qu'habite Galatée,
Sait du lait dlo, d'Amalthée,
Épaissir les flots ecumeux ;
Sans doute l'amant d'Érigone
De Surène a fui les coteaux;
Mais là Montreuilfixe Pomone
Dans ses labyrinthes nouveaux.
Toute l'ode est de ce ton. Les autres odes ne sont
pas exemptes de ce défaut, qui dépare singulièrement
l'Ode sur le vaisseau Le Vengeur, admirable d'énergie,
mais trop artificielle.
deux rives de la Seine, et l'Ode sur le Vais-
seau Le Vengeur; t. II: quatre livres d' Élégies:
ces Élégies sont une imitation laborieuse de Ti-
bulle et de Properce ; on y trouve plus d'ardeur
sensuelle que de tendresse, rarement de la grâce
et jamais de la fraîcheur ; deux livres à'Épilres,
parmi lesquelles on distingue une Épitre sur la
bonne et la mauvaise plaisanterie ; les Veil-
lées du Parnasse, poëme en quatre chants,
mais dont le premier chant seul est fini ; la Na-
ture, ou le bonheur philosophique et cham-
pêtre, poëme qui devait avoir quatre chants et
dont il n'existe que des fragments, à l'exception
du troisième chant, qui est presque entier; des
traductions, entre autres celle du débat de L'I-
liade et d'une Idylle deThéocrite-, Vers de la
première jeunesse de l'auteur ; t. III : six li-
vres A'Épigrammes; Poésies diverses, t. IV,
Correspondance et Mélanges en prose. Gin-
guené « crut devoir aux circonstances et à quel-
ques considérations de ne pas admettre dans son
édition certaines pièces dont on pourrait former
un volume assez piquant «.Parmi ces pièces figu-
raient, dit-on, une dizaine d'épigrammes contre
Ginguené lui-même. L'éditeur s'abstint aussi de
réimprimer les odes révolutionnaires. Les Œu-
vres choisies de Lebrun ont paru à Paris, 1821,
1828, 2 vol. in-18; Paris, 1828, in-S°. Ce poète
a fourni des notes pour l'édition des Œuvres
poétiques deBoileau, 1808, in-8°, et des Œu-
vres choisies de J.-B. Rousseau, 1808, in-8°.
L. J.
Ginguené, Notice sur la vie et les ouvrages de Lebrun,
en tête de ses œuvres. — M. .1. Chénier, Tableau de la
Littérature. — Boncharlat, Cours de Littérature, t. II,
n. 898-437. — B Jullien, Hist. de la Poésie française à
l'époque impériale. — Dussauls, Annales littéraires ,
t. III, p. 28". — Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. 1 ;
Causeries du lundi, t. V.
LEBRUN de GRANYiLXE (Jean- Etienne
Écouchard), littérateur français, frère du
précédent, né à Paris, le 22 août 1738, mort
dans la même ville, le 19 septembre 1765. « Ses
ouvrages , soit en prose , soit en vei s , étaient
morts avant lui, dit Sabatier. Si l'on en croit
plusieurs littérateurs qui l'ont connu, Lebrun de
Granville avait beaucoup d'esprit, une érudi-
tion vaste et de la facilité pour écrire. » On a
de lui : L'Ane littéraire, ou les dneries de
maitre Aliboron,dit Fr....; Paris, 1761, in-12 ;
— La Wasprie, ou l'âne Wasp , revu et
corrigé; Paris, 1761, 2 vol. in-12 : ces deux
ouvrages sont dirigés contre Fréron ; Sabatier et
Barbier les attribuent à Lebrun-Pindare; M.Qué-
rard pense que du moins celui-ci a contribué
à ces deux compositions, que La France Litté-
raire de 1769 et Chaudon donnent à son irère;
— La Renommée littéraire, nouvel ouvrage
périodique ; Paris, 1762-1763, 2 vol. in-1 2 : « Cette
espèce de journal offre quelques analyses laites
avec beaucoup de goût et de précision, dit en-
core Sabatier; telle est celle où il rend compte
de la poétique de Marmontel, dont il relève assez
151
LEBRUN
152
ingénieusement les défauts » ; — E pitre sur les
progrès et la décadence de la Poésie; 1762,
in-12. J. V.
Chaudon et Delandinc, Dictonnaire universel Hist.,
Crit. et Bibliogr. — Sabatier, Les trois Siècles Littér. de
la France.— Barbier, Dict. des Anonymes. — La France
Litt. de 1"89. — Quérard, La France Littér.
lebrun (Jean-Baptiste- Pierre), amateur
de peinture et critique français , né à Paris, en
1748, mort le 6 aoûtl813. Grand connaisseur en
peinture, il s'occupait du commerce des tableaux,
et y acquit une belle fortune. Possesseur d'une
galerie considérable, il contribua aux progrès de
M"e Vigéc, qui demeurait avec sa mère dans la
même maison. Il lui prêtait obligeamment des ta-
bleaux d'un grand prix, et après six mois de con-
naissance, il la demanda en mariage. Mme Lebrun
raconte qu'elle ne voulait pas l'épouser, quoiqu'il
lût bien fait et qu'il eût une figure agréable ; mais
sa mère, qui voyait Lebrun très-riche, engagea sa
fille à ne pas refuser un parti aussi avantageux
et à contracter cette union. « Ce n'est pas que
M. Lebrun fût un méchant homme, ajoute
M'n« Lebrun. Son caractère offrait un mélange
de douceur et de vivacité : il était d'une grande
obligeance pour tout le monde, en un mot assez
aimable; mais sa passion effrénée pour les
femmes de mauvaises mœurs , jointe à la pas-
sion du jeu , a causé la ruine de sa fortune
et de la mienne, dont il disposait entièrement ,
au point qu'en 1789 , lorsque je quittai la
France , je ne possédais pas vingt francs de re-
venu, après avoir gagné pour ma part plus d''un
million : il avait tout mangé. » Comme Le-
brun avait dû épouser la fille d'un habitant delà
Hollande , pays avec lequel il faisait d'immenses
affaires en tableaux, il pria sa femme de tenir
leur mariage secret ; elle y consentit, et pendant
quelque temps elle reçut de ses amis les avis
les plus surprenants pour la détourner d'un en-
gagement qui était ignoré, mais qu'elle avait con-
clu. Pour se faire des ressources, Lebrun força sa
femme de prendre des élèves ; mais Mme Lebrun
s'en lassa bien vite. Dès les premiers temps de
leur union , les deux époux avaient un appar-
tement séparé; celui du mari était vaste et riche-
ment meublé; celui de la femme était simple et
exigu. Elle y recevait pourtant la plus brillante
société. Lebrun, tout entier à ses bonnes fortu-
nes de bas étage, paraissait peu chez sa femme,
s'inquiétant peu du reste des bruits qui cou-
raient sur l'origine de leur opulence. Lorsqu'il
faisait bâtir rue du Gros-Chenet un hôtel qui a
gardé son nom, Mme Lebrun sut que l'on disait
dans le monde que c'était le contrôleur général
de Calonne qui en faisait les frais. Elle s'en plai-
gnit à son mari : t Laissez-les dire, répondit Le-
brun, quand vous serez morte, je ferai élever
dans mon jardin une pyramide sur laquelle je
ferai graver la liste de vos portraits ; on saura
bien alors à quoi s'en tenir sur votre fortune. »
Il ne lui laissait cependant pas d'argent, et pour
pouvoir aller en Italie elle futobligée d'en cacher.
Pendant son voyage, elle reçut de son ma.i des
lettres si lamentables qu'elle lui envoya une fois
mille écus et une fois cent louis. Lebrun passa
tranquillement le temps de la terreur à Paris.
Mme Lebrun fut portée sur la liste des émigrés; j!
Sonmariadressaàla Convention une pétition pour i
qu'elle en fût rayée , invoquant en sa faveur les J
décrets qui exceptaient de la proscription les sa- ]
vants, les littérateurs , les artistes et même les j
artisans qui allaient recueillir de nouvelles con- j
naissances sous un ciel étranger. 11 fit imprimer ]
sa réclamation sous ce titre ; Précis historique ]
de la vie de la citoyenne Lebrun, peintre, par
le citoyen J.-B.-P. Lebrun, an ii,in-?8u. Lorsque
Mme Lebrun revint à Paris en 1802, elle trouva
sa maison arrangée d'une manière convenable;
mais l'intimité ne se rétablit pas entre les deux
époux, qui continuèrent à vivre séparément.
On a de Lebrun : Almanach historique et
raisonné des Architectes, Peintres, Sculpteurs,
Graveurs, Ciseleurs; Paris, 1776, in-12; —
Galerie des Peintres flamands, hollandais,
et allemands, avec 201 planches gravées d'a-
près leurs meilleurs tableaux; Paris, 1792-1796,
3 vol. grand in-fol. : le texte, qui est de Lebrun,
montre toute l'étendue de ses connaissances en
peinture ; les planches ont été réimprimées plus
tard par M. Arsène Houssaye (voy. ce nom);
— Réflexions sur le Muséum national ; Pa-
ris, 1793, in-8° ; — Observations sur le Mu-
séum national ; Paris, 1793, in-8° ; — Quel-
ques idées sur V arrangement et la décora-
tion du Musée national; Paris, 1794, in-8";
— Essai sur les moyens d'encourager la
Peinture, la Sculpture, l'Architecture et la
Gravure; Paris, 1794, in-8° ; — Examen his-
torique et critique des Tableaux exposés pro
visoirement venant de Milan; Paris, 1798,
in-8°. L. L — t.
M™e Lebrun, Souvenirs. — Quérard, La France Litté-
raire.
lebrun ( Marie - Louise - Elisabeth Vi-
gée, Mmc), célèbre femme peintre, épouse du pré-
cédent, neeà Paris, le 16 avril 1755, morte dansla
même ville, le30mars 1 842. Fille du peintreVigée,
elle apprit pour ainsi dire toute seule la peinture
dans la maison paternelle. Elle perdit son père en;
1768. A l'âge de quinze ans, elle fit un portraili
de sa mère aussi ressemblant que gracieux. Elle
reçut des leçons de Davesne et de Briard , elj
Joseph Vernet lui donna d'excellents conseils.r
Sa mère la conduisait à toutes les galeries où;
elle pouvait rencontrer de grands modèles. Lai
jeune artiste copia alors des tableaux de Rubens,!
des portraits de Rembrandt et de VanDyck ainsi
que des têtes dé Greuze. Vigée n'avait laissé au-
cune fortune; mais sa fille, ayant beaucoup de
portraits à faire , gagnait assez pour vivre. Sa
mère épousa en secondes noces un riche joaillier,
très-avare, qui refusait le nécessaire à la mère
et à la fille, bien que celle-ci lui donnât tout-ce
qu'elle gagnait. Sa jeune réputation attirait des
153
orangers dans son atelier. Elle fit le portrait du
omte Orloffet du comte Schouwaloff. MmeGeof-
rin vint la voir; enfin les portraits de la du-
hesse de Chartres et de la comtesse de Brionne
a mirent à la mode. On la voyait aux spectacles
t dans les promenades avec sa mère , et sa
•eauté lui valut de nouveaux succès. Plusieurs
imateurs de sa figure, comme elle le raconte elle-
nême, lui faisaient peindre la leur, dans l'espoir
e parvenir à lui plaire; mais elle était si oc-
cupée de son art qu'il n'y avait pas moyen de
'en distraire. Ayant peint les portraits de La
huyère et de l'abbé Fleury d'après des gravures
lu temps , elle en fit hommage, en 1775, à l'A-
adémie française, qui chargea son secrétaire
^Alembert de remercier la donatrice, et qui,
»ar une délibération spéciale, lui accorda ses
ntrées à toutes les séances publiques. L'année
uivante, elle épousa Lebrun. La Harpe la oi'ta
ivec éloge dans son discours sur le talent des
mes. Elle assistait à la séance de l'Académie
>ù cette pièce de vers fut lue par son auteur,
lorsqu'il en vint à ce passage :
Lebrun, de la beauté le peintre et le modèle.
Moderne Rosalba , mais plus brillante qu'elle,
Joint la voix de F«vart au souris ûz Vénus,
out le monde se leva et applaudit avec transport,
(ans en excepter la duchesse de Chartres et le roi
le Suède. Mme Lebrun avait alors à faire un
îombre prodigieux de portraits. En 1779 elle
ixécuta son premier portrait de la reine Marie-
Antoinette ; depuis cette époque jusqu'en 1789 elle
>eignit au moins vingt-cinq fois cette princesse,
dont elle était devenue l'amie. Comme Mme Lebrun
ivait une jolie voix, Marie- Antoinette se plaisait
t chanter des duos avec elle chaque fois qu'elle lui
lonnait séance. En 1786 Mme Lebrun exposa un
jortrait delà reine en chapeau de paille et enrobe
le mousseline blanche , ce qui fit dire à la mali-
mité que la reine s'était fait peindre en chemise;
;e tableau n'en eut pas moins un immense succès.
L'année suivante, Mme Lebrun représenta la reine
intourée de ses trois enfants. Louis XVI, à qui
'artiste fut présentée, lui dit alors : « Je ne me
connais pas en peinture , mais vous me la faites
limer. » Tous les membres de la famille royale,
k l'exception du comte d'Artois, posèrent devant
M"e Lebrun. Elle raconte qu'un jour, pendant
qu'elle peignait le comte de Provence, le comte
l'Artois se mit à chanter de la voix la plus
fausse des chansons, sinon indécentes du moins
fort communes : « Comment trouvez-vous que
je chante ? lui dit-il à la fin. — Comme un prince,
monseigneur, » répondit-elle, et le prince se tut.
En 1782 Mme Lebrun accompagna son mari à
Bruxelles , où l'on vendait la galerie du prince
Charles de Lorraine. Elle profita de ce voyage
pour admirer les chefs-d'œuvre de Vanloo, de
van Dyck et de Rubens , à Bruxelles, à Amster-
dam et à Anvers. Dans cette dernière ville elle
rencontra chez un particulier un tableau connu
sous le nom du Chapeau de paille, lequel re-
LEBRUN 154
présente une femme de Rubens,et qui est curieux
par l'effetdes deux différentes lumières que donne
le jour et la lueur du soleil , celle-ci étant inter-
ceptée en partie par les bords du chapeau ;
Mme Lebrun voulut reproduire cet effet , et se
peignit elle-même avec un chapeau de paille orné
d'une plume et d'une guirlande de fleurs des
champs , sa palette à la main. Ce tableau ajouta
encore à la popularité de l'artiste. Lorsqu'elle
fut de retour, Joseph Vernet présenta Mme Le-
brun à l'Académie royale de Peinture. Pierre,
premier peintre du roi , ne voulait pas que l'on
reçût de femmes à l'Académie , et fit de l'opposi-
tion ; mais Mme Lebrun fut néanmoins admise, et
elle donna pour son tableau de réception : La
Paix ramenant V Abondance.
Mme Lebrun ne pouvait plus suffire aux de-
mandes de portraits qu'on lui faisait; elle pei-
gnait pourtant avec « fureur », suivant sa propre
expression, donnant trois séances dans la même
journée; sa santé s'altéra : elle dut renoncer à
un travail exagéré et au plaisir de dîner en
ville; mais elle passait ses soirées au milieu
d'une société brillante, dans une petite chambre
fort modeste. La foule était telle que faute de
sièges on s'asseyait par terre. Grétry, Sac-
chini et Martini y faisaient entendre des mor-
ceaux de leurs opéras avant la représentation ;
Garât, Azevedo et Richer y chantaient avec elle.
Sans avoir appris la musique, elle chantait d'une
manière si agréable que Grétry disait que sa
voix avait des sons argentés. Viotti , Jarnovick,
Cramer s'y faisaient entendre sur leurs instru-
ments. Aux soupers qui terminaient les soirées
se trouvaient Delille, Lebrun Écouchard, Bouf-
flers, le vicomte de Ségur, etc. On rapporte qu'à
l'époque où parut le Voyage du jeune Ana-
ckarsis, Mme Lebrun ayant entendu la lecture
de la description d'un repas grec dans cet ou-
vrage, s'imagina d'en donner une représentation ;
la salle fut arrangée en conséquence , la cuisine
préparée à la Spartiate; à mesure que les convives
arrivaient on les habillait à la grecque ; Lebrun
devint Pindare ou Anacréon ;Chaudet, Ginguené,
Cubières , Vigée, frère de Mme Lebrun, se cou-
vrirent de draperies ; Mme de Bonneuil, Mrac Vi-
gée, Mme Chalgrin se drapèrent en Athéniennes :
on chanta le Dieu de Papkos et de Gnide de
Gluck; Cubières accompagnait sur la lyre;
Lebrun-Pindare récita des odes d'Anacréon. Des
raisins de Corinthe, des figues, des olives, une
volaille et deux anguilles avec des sauces primi-
tives , des gâteaux de miel , quelques entremets
légers couvraient la table. Deux jeunes filles en
esclaves vêtues de longues tuniques versaient aux
convives du vin de Chypre dans des coupes d'Her-
oulanum. Deux personnes en retard, Je comte
de Vaudreuil et le financier Boutin', furent bien
surpris en arrivant au milieu de cette fête, dont
le bruit se lépandit le lendemaindans tout Paris.
On pria Mme Lebrun de la renouveler, elle s'y
refusa. On avait dit au roi que cette fête avait
ir>5 LEBRUN
coûté 20,000 fr.; à Rome, Mœe Lebrun entendit
dire *0,000 fr. ; à Vienne, la baronne de Strogonof
lui apprit qu'elle avait dépensé 60,000 fr. pour
son souper grec; à Saint-Pétersbourg on lui parla
de 80,000 fr. « La vérité, dit-elle, est que ce sou-
per m'a coûté quinze francs. » La calomnie ne
ménageait pas alors Mme Lebrun. On disait que
Ménageot n'était pas étranger à ses peintures. On
lui supposait des liaisons avec le comte deVau-
dreuil et beaucoup d'autres. On prétendait que
!e contrôleur général de Calonne avait payé son
portrait avec des bonbons enveloppés dans des
billets de caisse. « Le fait est, dit Mme Lebrun,
que M. de Calonne m'avait envoyé 4,000 fr.
dans une boîte estimée vingt louis. On fut même
étonné de la modicité de cette somme; car, peu
de temps auparavant, M. Beaujon, que je venais
de peindre de la même grandeur, m'avait envoyé
S, 000 fr. sans qu'on s'avisât de trouver ce prix
trop énorme. » Mme Lebrun allait souvent à Ge-
nevilliers, ohez le comte de Vaudreuil, où on
jouait la comédie, et surtout l'opéra comique ,
genre dans lequel elle excellait. En 1786, Gau-
dran, négociant de Marseille, ayant acheté
au financier Watelet une maison de campagne
nommé Moulin Joli, pria Mme Lebrun d'y ve-
nir passer un mois avec sa famille. Le bruit cou-
rut que de Calonne lui avait donné celte pro-
priété; elle démentit ce bruit dans le Journal de
Parût
A la révolution, Mme Lebrun crut devoir quit-
ter la France. Au mois d'octobre 1789, elle
partit pour l'Italie. Trois jours après son arrivée
à Bologne, elle fut reçue membre de l'Institut
et de l'académie de cette ville. A Rome, le
peintre Ménageot, qui était directeur de l'école
de France, lui lit préparer un logement dans l'A-
cadémie. L'Académie de Saint-Luc l'accueillit
dans son sein, et lui demanda son portrait pour
morceau de réception. Elle fit dans la capitale
du monde chrétien les portraits de mesdames
Adélaïde et Victoire de France , du peintre Ro-
bert et de miss Pitt en Hébé. A Naples, elle fut
bien reçue de la reine, et peignit toute la famille
royale , les artistes éminents , les beautés cé-
lèbres et les étrangers de distinction qui se trou-
vaient à cette cour. On cite surtout les portraits
de lady Hamilton, qu'elle représenta en bac-
chante couchée sur les bords de la mer et sous
les traits d'une sibylle, ainsi que le portrait de
Paisiello. M™' Lebruu alla ensuite à Florence et
à Parme, où elle fut admise à l'Académie sur
une petite tête faite d'après sa fille. Elle visita
encore Venise, Vérone et Milan , d'où elle partit
pour Vienne. Le comte de Kaunitz la fit rece-
voir à la cour. Le prince de Ligne lui prêta un
couvent pour habitation, et lui adressa des vers.
Elle fit à Vienne un grand nombre de portraits.
De Vienne M">e Lebrun se rendit en Prusse, où
le prince Henri la reçut oomme une ancienne
amie : il l'avait eonnueà Paris; enfin, elle arriva
à Saint-Pétersbourg en juillet 1795. L'impéra-
156
trice Catherine lui fit faire tous les portraits de
la famille impériale. Le souvenir de la reine
Marie-Antoinette et du roi Louis XVI poursuivait
partout Mme Lebrun. Voulant les peindre dans un
des moments solennels et touchants qui durent
précéder leur mort, elle écrivit à Cléry ; les détails
qu'elle obtint firent sur elle une telle impression
qu'elle n'eut pas le courage d'entreprendre un
pareil ouvrage; elle se contenta de tracer de sou-
venir un portrait de Marie-Antoinette qu'elle en-
voya à la duchesse d'Angoulême à Mittau en
1800. Mme Lebrun conserva la faveur dont elle
jouissait à la cour de Russie après l'avènement
de l'empereur Paul 1er, qui lui fit peindre l'impé-
ratrice Marie. Le 16 juin 1800, Mme Lebrun fut re-
çue membre de l'Académie de Saint-Pétersbourg,
et on lui demanda encore son portrait pour
morceau de réception. A cette époque, sa fille
unique épousa, contre sa volonté , un Français
nommé Nigris, secrétaire du comte Czernitchef,
lequel n'avait aucune fortune. Mme Lebrun la
dota avec le produit des portraits qu'elle avait i
faits en Russie. Après la mort de Paul Ier, le
nouvel empereur Alexandre Ier se fit peindre
par Mme Lebrun, d'abord en buste , puis à
cheval. Le mauvais état de sa santé força
bientôt Mme Lebrun de quitter la Russie. Elle
revint en juillet 1801 à Berlin, où elle fit le por-
trait de la reine de Prusse. Avant de partir de
Berlin, Mme Lebrun reçut des mains du direc-
teur de l'Académie de Peinture un diplôme de
membre de cette académie. L'ambassadeur de
France lui apprit qu'elle avait été rayée de la
liste des émigrés ; elle passa à Dresde, et arriva
à Paris pendant l'hiver de 1801. Le 15 avril
1802, Mme Lebrun partit pour l'Angleterre, où ,
elle resta trois ans, et où elle fit le portrait du
prince de Galles, de lord Byron, de Mme de ,
Polastron , et d'autres.
Revenue à Paris , Mrae Lebrun fut chargée ,
par Bonaparte de faire le portrait de Mme Murât. ;
Bientôt elle s'en alla en Suisse, où elle passa les
années 1808 et 1809. A Coppet Mme Lebrun,
s'imagina de représenter M"»e de Staël en Co-
rinne, tableau qu'elle acheva à Paris et qui eut
un immense succès. Elle rapporta de Suisse des
vues pittoresques comme elle en avait pris en
Ecosse. A son retour, elle acheta à Lucienne, près
de Marly, une maison de campagne, qui devint le |
rendez-vous d'une aimable société. En 1814 ses
appartements furent pillés par les Prussiens , et
elle ne fut pas mieux traitée en 1815. LouisXVIIIi
lui fit un accueil favorable. En 1817 elle exposa ,
Amphion jouant de la lyre, puis le portrait dei
Marie-Antoinette qui avait déjà paru en 1786. |
Ces productions ramenèrent l'attention sur
Mme Lebrun, et, suivant l'expression d'Alexandre
Lenoir, « elle fut admirée pour la première fois
des jeunes peintres qui ne la connaissaient pas ».
En 1818, M'»e Lebrun avait perdu sa fille, quilui j
-< avait causé, dit-elle, bien des chagrins, et à qui
jamais elle n'avait pu inspirer le goût de la bonne |
157
LEBRUN
158
ociété. » En 1820 elle perdit Vigée, son frère.
Pour se distraire elle fit un petit voyage dans le
midi de la France. De retour à Paris , elle reprit
ses habitudes de travail. Au salon de 1824, elle
\posa les portraits de la duchesse de Berry et
le la duchesse de Guiche. A quatre-vingts ans elle
fit encore le portrait de M^ede Rivière, sa nièce,
ïuvre qui ne se sent pas de la vieillesse, et pré-
sente de la vigueur dans le coloris et de la fer-
meté dans la touche. Rien ne consolait pourtant
\lme Lebrun de n'avoir pu retrouver sa place
îans la nouvelle Académie des Beaux-Arts de
'Institut, qui avait succédé à l'ancienne Académie
!e Peinture, mais qui, moins galante, n'admet pas
es femmes. Son salon continuait d'être le rendez-
kous du meilleur monde. Elle consacrait ses
loirées à la société; mais dans le jour, palette en
nain, seule ou avec son modèle, elle se livrait
omplétement à son travail et n'admettait aucune
listraction : sa porte était close autant pour les
ouverains et les princes que pour ses anus. Une
bis hors de l'atelier, elle redevenait une femme
limable, désireuse de plaire. Une parfaite in-
elligence du clair-obscur, l'art de jeter les dra-
leries avec grâce , des carnations vraies et va-
iées , quelque chose de tendre et de délicat qui
aisse deviner la force, l'expression franche des
aractères, la vivacité de l'âme, tels sont les
raits distinctifs de son talent. Elle avait ras-
emblé chez elle un certain nombre de ses ta-
leaux ; elle en a légué quelques-uns au musée
lu Louvre.
Mme Lebrun a publié : Souvenirs de Mme
•E. Vigée- Lebrun; Paris, 1835-1837, 3 vol.
a-8° : le premier volume contient le récit de la
■remière partie de la vie de l'auteur jusqu'à son
épart pour l'Italie en 1789, racontée sous forme
e lettres adressées à la princesse Kourakin, son
mie ; à la suite, sous le titre de notes et portraits,
n trouve des appréciations et des anecdotes sur
■ivers personnages : Delille , David , Champfort ,
Ime de Genlis, la duchesse de Poiignae, etc. La
lort de la princesse Kourakin , enlevée par le
holéraen 183-1, avait fait renoncer Mme Lebrun
ce travail ; mais, sur les instances de ses amis ,
lie se décida à l'achever sous la forme ordi-
laire des mémoires , et elle remplit ainsi deux
utres volumes. Son voyage en Suisse est ra-
onté dans une dizaine de lettres adressées à
princesse Vincent Potowska ; chaque volume
termine par la liste des portraits et des
sbleaux exécutés par Mme Lebrun L'ouvrage
st illustré des portraits de Catherine II, de
lme Lebrun et de la reine Louise de Prusse. Son
uvre se compose de 662 portraits, 15 tableaux,
t près de 200 paysages pris en Suisse ou en An-
leterre. Avant son mariage, Mlle Vigée avait
lit paraître un opuscule ayant pour titre :
mour des Français pour leur Roi; Paris,
774, in-8°. L. Louvet.
M1" Lebrun, Souvenirs. — Alex. Lenoir, dans le Dict.
? la Convers. — Aimé Martin, tfotice sur Mme Lebrun.
— /liour. univ. et portât, des Contemp — Arnault, ,lay,
Jou.v et Norvins, Biogr. nouv. des Contemp. — ■ Journal
des Débuts, 6 avril 184i. — L'Artiste, 28 avril 1842.
leuiutn-tossa ( Jean-Antoine ) , littéra-
teur fiançais, né à Pierrelatte (Dauphiné), le
24 septembre 1760, mort à Paris, le 29 mars
1837. Venu dans la capitale à l'époque de la
révolution, dont il avait embrassé les principes, il
travailla aux journaux républicains et fit jouer sur
les théâtres des pièces empreintes de l'esprit du
temps. Sous l'Assemblée législative il s'était lié
avec les girondins. En 1793 il dut soumettre
une de ses pièces au comité de l'Instruction pu-
blique pour être autorisée à la faire jouer ; Lebrun
fut adressé par Domergueau député Romme, qui
faisait partie de ce comité ; et l'on raconte que
Lebrun dut subir la censure de la servante du
représentant, qui la consultait. Il s'agissait de la
folie d'un roi d'Angleterre; Romme trouva que
le dénoûment de la pièce n'était pas assez ré-
publicain, parce que l'auleur se contentait d'en-
voyer son héros à Bedlam au lieu de le faire
monter sur un échafaud. Payan fut moins rigou-
reux, et la pièce fut jouée. Plus tard Lebrun-
Tossa fit des vers en l'honneur de Charlotte
Corday , et essaya de traduire les sans-culottes
sur la scène. Il figura parmi les défenseurs
de la Convention dans la journée du 13 ven-
démiaire, et sous le Directoire il fut employé
comme rédacteur dans les bureaux de la po-
lice. Il passa ensuite au ministère de l'intérieur,
d'où il sortit en 1804 pour entrer dans l'ad-
ministration des droits réunis dont Français
de Nantes était le directeur. A la restauration,
Lebrun-Tossa était chef de bureau dans cette
administration. Une brochure républicaine qu'il
fit pendant les Cent Jours le fit mettre à la re-
traite le 1er décembre 1815. Comme il assistait
un jour à un triage de papiers dans les archives
de la police , alors qu'il était employé dans cette
administration, il s'empara d'un poëme drama-
tique intitulé Conaxa, qui provenait de la bi-
bliothèque d'un monastère de Bretagne. Lebrun-
Tossa prétendit avoir remis ce manuscrit à
Etienne ( voy. ce nom ), qui venait de débuter
avec succès au théâtre, pour qu'il en tirât le plan
d'une pièce qu'ils devaient faire ensemble. Pen-
dant deux ans , toujours à ce qu'il raconte, Le-
brun attendit vainement la communication du tra-
vail de son spirituel dépositaire, et après quelques
lettres demeurées sans résultat, il vit paraître
les Deux Gendres , qui furent bientôt signalés
au public comme empruntés à Conaxa. Les
amis d'Etienne reprochèrent à Lebrun-Tossa d'a-
voir violé les droits d'une ancienne amitié et les
lois de la délicatesse. Lebrun-Tossa déclara que
malgré les torts dont il croyait Etienne coupable
envers lui, il n'aurait jamais songé à l'accuser
devant le tribunal de l'opinion publique si des
admirateurs imprudents d'Etienne ne l'avaient
forcé de rompre le silence après la découverte
d'une copie de Conaxa à la Bibliothèque impé-
159
LEBRUN
160
riale. Quoi qu'il en soit, le public s'amusait à la
pièce des Deux Gendres; la critique ne trouva
pas qu'Etienne eût fait un plagiat coupable, et
une grêle de brochures tomba sur le pauvre Le-
brun-Tossa, qui eut aussi une lutte d'épigram-
mes à soutenir contre Fabien Pillet. On a de
Lebrun-Tossa : Les Noirs et les Blancs , drame
en trois actes et en prose; — V Honnête Aven-
turier, comédie en un acte et en vers , au théâtre
Louvois; Paris, 1798, in-8°; — La Folie du
roi Georges, ou l'ouverture du parlement,
comédie en trois actes au théâtre de la Cité;
Paris, 1794, in-8°; — Apothéose de Charlotte
Corday ; — Arabelle et Vascos, ou les jaco-
bins de Goa, drame lyrique en trois actes,
musique de Marc, au théâtre Favart; Paris,
1794, in-8°; — Le Cabaleur, comédie en un
acte au même théâtre ; 1794, in-8°; — Alexan-
drine de Bauni, ou l'innocence et la scéléra-
tesse; Paris, 1797, in-12; — Le Terne à la
loterie, ou les aventures d'une jeune dame
écrites par elle-même, traduit de l'italien,
1800, in-12; — Le Mont Alphéa, opéra co-
mique en trois actes; Paris, 1796, in-8°; — Le
Savoir-faire , opéra en deux actes; Paris, 1795,
in-8° ; — Les faux Mendiants , opéra comique
en un acte et en vers, au théâtre Montansier;
Paris, 1798, in-8°; — . Washington, drame
lyrique en trois actes, au théâtre Louvois; —
La Jolie Parfumeuse, ou la robe de conseil-
ler, vaudeville en un acte ( avec Bonel ) ; Paris,
1802, in-8° : jouée avec succès sur différents
théâtres ; — Mes Révélations sur M. Etienne ,
les Deux Gendres et Conaxa; Paris, 1812,
in-8° ; — Supplément à mes Révélations, en
réponse à MM. Etienne et Hoffmann; Paris,
1S12, in-8°; — La Patrie avant tout! Eh!
que m'importe Napoléon! 1815, in-8°; —
L'Evangile et le Budget; Paris, 1817, in-8°;
— Les Consciences littéraires d' à-présent,
avec un tableau de leurs valeurs comparées,
indiquant de plus les degrés de talent et
d'esprit, par un jury de vrais libéraux;
Paris, 1818, in-8° : Lebrun-Tossa se traita lui-
même assez mal dans cet ouvrage, ne se donnant
ni conscience ni esprit et ne s'accordant qu'une
faible dose de talent ; — Voltaire jugé par les
faits; Paris, 1817, in-8° ; — Plus de charte
octroyée ; plus de noblesse héréditaire! par
l'aveugle du Marais (qui n'y voit que trop
clair); Paris, août 1830, in-8°. J. V.
Fabien Pillet, Revue des Auteurs vivants grands et
petits, an vi, in-lî. — Arnault, Jay, Jouy et Norvins,
Bioqraphie nouvelle des Contemporains. — Biogr. des
Hommes vivants. — Biogr. univ. et portât, des Contemp.
— Quérard , La France Littéraire.
lërrcn (Pierre), magistrat français, né
à Montpellier, en 1761, mort à Paris le 17 no-
vembre 1810. Il se destina de bonne heure à la
magistrature, et obtint une charge de conseiller
à la cour des aides de Montpellier. Cette place
ayant été supprimée en 1791, il vint se fixer à
Paris, où il était juge à la cour d'appel à l'é-
poque de sa mort. Dès sa jeunesse, il avait cul-
tivé la poésie avec succès et donné des pièces
de vers à divers recueils. La traduction de l'Art
poétique en vers français, qui se trouve dans
la traduction des poésies d'Horace publiée par
le comte Daru, appartient à Pierre Lebrun, qui
était le beau-frère du comte. On a en outre de
Lebrun une traduction de Salluste; Paris, 1809,
2 vol. in-12. 11 a publié aussi le Journal des
Causes célèbres, et il a/travaillé au Journal du
Barreau. J. V.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Con-
temp. — Biogr: univ. et portât, des Contemp.
lebrcn ( Pierre- Henri- Hélène- Marie
Tondu ), homme d'État et publiciste français, né
à Noyon, en 1763, guillotiné à Paris, le 7 nivôse
an il ( 27 décembre 1793). Il fit ses études au.
collège Louis-le-Grand, à Paris, suivit la carrière
ecclésiastique, et fut d'abord connu sous le nom
de l'abbé Tondu. 11 avait, obtenu une place à
l'Observatoire, et s'adonnait aux mathématiques
lorsqu'il lui prit fantaisie de se faire soldat.
Bientôt dégoûté de l'état militaire, il eut recours
à la bienveillance de Louis XVI pour obtenir sa
libération. Il se rendit alors dans les Pays-Bas,
se fit compositeur et journaliste, et en 1787
joua un rôle dans la révolution de Liège. En
1790, il s'établit imprimeur à Hervé ( Limbourg),
et critiqua vivement van der Noot, van Eupen
et « la tournure monacale » que prenait la ré-
volution belge. En 1791, il vint à Paris, et parut à
l'Assemblée nationale à la tête d'une députation
de patriotes liégeois; il rédigeait alors le Journal
général de l'Europe et soutenait avec quelque
talent les idées nouvelles. Dumouriez et Brissot
s'intéressèrent à lui, et le firent entrer dans les
bureaux des Affaires étrangères. Le zèle et le pa-
triotisme qu'il déploya décidèrent les girondins
à le porter au ministère de ce département après
le 10 août 1792. « Et, dit M. Thiers, l'on récom-
pensa dans sa personne l'un de ces hommes labo-
rieux qui faisaient auparavant tout le travail dont
les ministres avaient l'honneur. C'était au surplus
un homme faible, mais attaché aux girondins par
ses lumières.» Le 25 septembre Lebrun rendil
à la Convention un compte détaillé de son ad-
ministration, de la situation de la France vis-à-vis
des puissances étrangères, et esquissa le tableau
de l'Europe politique. En octobre il fut provi-
soirement chargé du portefeuille de la Gueire
abandonné par Servan. Les 19 et 31 décembre,
il fit des rapports sur les intentions hostiles àt
l'Angleterre; il déposa en même temps les pro-i
testations de l'Espagne en faveur de Louis XVI,
Comme président de quinzaine du Conseil exécu
tif il signa, le 20 janvier 1793, l'ordre du sup-
plice de ce monarque. Le 7 mars suivant, il
apprit à l'assemblée la rupture des relations di-
plomatiques avec l'Espagne et l'imminence d'une
guerre avec cette puissance. Dans le même
temps il cherchait à se rapprocher du cabinel
anglais; néanmoins Bobespierre l'accusa formel-
161
lement d'avoir provoqué la guerre sans être en
mesure de la soutenir. Une lettre de Talon trou-
vée dans la fameuse armoire de fer ayant fait
suspecter Sémonville d'avoir été en intelligence
avec Louis XVI, Lebrun se hâta de destituer ce
fonctionnaire. Cependant cette mesure parut tar-
dive au comité de sûreté générale, et le 2 juin
la Convention fit arrêter Lebrun ainsi que son
collègue Clavière. Il fut mis en jugement le
5 septembre. Billaud réclama son prompt sup-
plice ; mais Lebrun parvint à s'évader le 9. L'a-
gent Héron découvrit sa retraite, et l'arrêta de
nouveau le 4 nivôse an H ( 24 décembre 1793),
et trois jours après Lebrun était condamné à
mort par le tribunal révolutionnaire de Paris
« comme contre-révolutionnaire, ayant été appelé
au ministère par Brissot, Roland, Dumouriez, et
ayant à cette époque été l'âme du parti d'Orléans
et appuyé de tous ses efforts , avec Clavière et
Roland , la proposition de Kersaint de fuir au delà
de la Loire avec l'Assemblée législative, le conseil
exécutif et Capet ». La sentence fut exécutée le
jour même. Mme Roland dit de Lebrun -Tondu
« qu'il passoit pour un esprit sage parce qu'il
n'avoit d'élans d'aucune espèce, et pour un ha-
bile homme parce qu'il éto'it assez bon commis ,
mais qu'il n'avoit ni activité, ni esprit, ni carac-
tère. » H. Lesueuk.
Le Moniteur universel , an 1792, nos 225, ?6l, 277, 291,
314, 339, 34a, 368 ; an 1er, n°s 3, 64, 88, 104, 251, 253 ; an II,
95, 100. — IMme Roland , Mémoires. — Biographie
moderne ( 1806). — Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr.
nouv. des Contemp. — Thiers, Histoire de la République
française, t. II, p. 224; t. III, p. 43, 126-127, 228; t. IV,
S. — Dulaure, Esquisses historiques de la Révolution
française, t. II, p. 287. — Lamartine, Histoire des Gi-
rondins, t. III, p. 304, 308.
LiEBRUis ( Louis-Sébastien ) , compositeur
français, né à Paris, le 10 décembre 1764, mort
dans la même ville, le 28 juin 1829. Entré comme
enfant de chœur à la maîtrise de Notre-Dame en
1771, il y apprit la musique et la composition.
Il en sortit en 1783, pour remplir les fonctions de
maître de chapelle à l'église Saint-Germain-
l'Auxerrois. Trois ans après , il débuta comme
ténor à l'Académie royale de Musique, en mars
1787, par le rôle de Polynice dans Œdipe à
Colorie; mais il fit peu d'effet. Il se fit entendre
ensuite au concert spirituel , où il eut un doublé
succès comme chanteur et comme compositeur.
En 1791 il passa au théâtre Feydeau , où il resta
jusqu'en 1799. Il retourna alors à l'Opéra, comme
double, et se retira de la scène en 1803; à cette
époque il obtint une place de maître de chant à
l'Académie impériale de Musique. En 1807 il fut
admis à la chapelle de Napoléon comme ténor, et
n 1810 il devint chef du chant de la même
chapelle. On a de Lebrun : VArt d'Aimer, ou
'.'amour au village, opéra comique en un acte,
m théâtre Montansier ; 1790 ; — Ils ne savent
oas lire, en un acte, au même théâtre; 1791 ;
— Le Bon fils, un acte, au théâtre Feydeau;
1795; —Emilie et Melcour, au théâtre Lou-
rois; 1797; — Un Moment d'erreur, en un
NOUV. BIOGR. GENER. — T. XXX.
LEBRUN lfî2
acte, au même théâtre; — L'Astronome, un
acte, même théâtre; 1798; — Le Menteur ma-
ladroit, en un acte, au théâtre Molière; 1798;
— La Veuve américaine , en deux aetes, au
théâtre Louvois; 1799; — Le Maçon, en un
acte, au théâtre Feydeau ; 1800; — Marcellin,
en un acte, au même théâtre ; 1800; — Eléo-
nore et Dorval, ou la suite de la Cinquan-
taine, en un acte, au théâtre Montansier; 1800;
— Les petits Aveugles de Franconville , en un
acte, au même théâtre; 1802; — Le Rossignol,
opéra en un acte, à l'Opéra ; 1816 : ouvrage qui
a eu du succès, grâce au talent de Mme Albert
Hymm, qui jouait le rôle principal, et au talent
deTulou sur la flûte; — Zéloïde, ou les fleurs
enchantées , en deux actes, au même théâtre;
1818. Un opéra de Lebrun, en cinq actes, inti-
tulé : L'An II, reçu et répété, tut ajournéen l'an iv
par suite de considérations politiques. Plusieurs
de ses partitions ont été gravées. Il a aussi pu-
blié un recueil de romances. On connaît enfin de lui
quelques morceaux d'église, entre autres un Te
Deum avec orchestre exécuté à Notre-Dame en
1809, en actions de grâces de la victoire de Wa-
grarn ; — une Messe solennelle, chantée à Saint-
Eustacheà la fêle de Sainte-Cécile en 1815; — et
une autre Messe en trio avec instruments à cor-
des exécutée à Saint-Maur en 1826, à la fête de
Sainte-Thérèse.
J. V.
Fétis, Biogr. univ. des Musiciens. — Arnault, Jay, Jouy
et Norvins, Biographie nouv. des Contemp. — Biogr.
■univ. et portât, des Contemp.
ijebron ( Louis ), architecf e français , né à
Douai, en 1770, mort vers 1840. Dès son enfance
il montra beaucoup de goût pour le dessin. Reçu
à l'École Polytechnique, il fit, après sa sortie de
cette école, un voyage aux terres australes avec
le capitaine Baudin. De retour, il appliqua à l'ar-
chitecture l'étude des mathématiques , et préten-
dit que l'architecture n'était point une simple
connaissance des lignes , un art arbitraire, mais
bien une science positive ayant pour base les
lois de la stabilité , constituée sur le principe de
l'égalité entre les supports et le fardeau. Sans
ménagement pour ses confrères , il prétendit que
l'architecture de son temps n'était qu'une rou-
tine, sans principes arrêtés ; que les construc-
tions publiques et particulières ne dépendaient
plus, pour la conception et l'exécution, que des
idées et de la modération ou de l'exigence de
l'architecte qui en fixait la dépense à sa volonté
ou plutôt à son caprice. Si les monuments restent
debout sans que les constructeurs connaissent
la statique, c'est selon lui parce que les archi-
tectes sont guidés à leur insu par les règles des
anciens conservées dansquelquesdébris. Combat-
tant les écoles et les professeurs en renom ainsi
que les académies, il alla jusqu'à adresser ses
réclamations à la chambre des députés, mais sans
pouvoir se faire entendre. On a de lui : Formation
géométrique des quatre ordres de L'architec-
ture grecque, et leurs proportions déduites des
163
LEBRUN
164
proportions arithmétiques et fondées sur la
stabilité^ par laquelle on démontre que les
principes de l'équilibre ne sont pas applica-
bles à la construction; Paris, 1816, in-8<>,
oblong; — Mémoire contre l'enseignement
professé jusqu'à présent dans l'École royale
d'Architecture, appuyé de la correction des
plans de la coupe et de l'élévation de l'église
de Sainte-Geneviève ( ci-devant Panthéon
français); Paris, 1817, in-4° ; — Appel aux
savants, aux ingénieurs et aux géomètres
dans l'examen des principes retrouvés de
l'architecture, et au gouvernement pour
l'admission de ces mêmes principes dans l'en-
seignement, tant public que particulier, de
cette science; Paris, 1S20, in-4°; — Mémoire
au roi, en son conseil, sur les routines qui
existent dans l'enseignement des écoles roya-
les d'architecture, sur la tolérance ou l'a-
veuglement à cet égard du ministère de l'in-
térieur; sur les fausses doctrines projessées
par les membres de V Académie d'Architec-
ture , et sur la nécessité de réformer toutes
les parties de cet enseignement, réorganiser
les cours publics, changer les professeurs,
réinstruire les élèves, enfin rendre à la
science de l'architecture l'éclat et la gran-
deur dont elle a joui sous les Grecs au temps
des beaux siècles de cet empire; — Précis
général contre le manque des principes de
proportion et de stabilité des deux Écoles
d' Architecture et des Ponts et Chaussées et
Application de ces principes au transport et à
la pose de l'obélisque de Louqsor mis en place
avec six hommes; Paris, 1834, in-4°. J. V.
Arnault, Jay, Jony et Norvins, Biogr.nouv. des Con-
temp. — lliour. tmiv- et portât- des Contemp. — Que-
rard, La France Littéraire.
* LE BRUN DE CHARMETTES ( Philippe
Alexandre), historien et poète français, né à Bor-
deaux, le 7 avril 1785- Après avoir été canon-
nier de la compagnie d'artillerie de la garde na-
tionale de l'Ile-de-France (île Maurice ) en 1801
et 1802, il fut attaché au conseil d'État (secréta-
riat de la section de l'intérieur ) du 1er no-
vembre 1810 au 30 juin 1811. Il fut sous- préfet
depuis 1815, et était préfet de la Haute-Saône
en 1830. Outre plusieurs traductions de l'an-
glais et de l'italien , on a de lui : Histoire de
Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d'Or-
léans, tirée de ses propres déclarations, de
144 dépositions de témoins oculaires, et des
manuscrits delà Bibliothèque du Roi et delà
Tour de Londres ; Paris, 1817, 4 vol. in-8° ; —
L'Orléanide, poème national en 28 chants ; Paris,
1819, 2 vol. in-8°; et 1821, 2 vol. in-8°, avec
des changements; — Muséum Littéraire, ou
éludes de littératureet de morale, extraits des
ouvrages en vers et en prose des grands écri-
vains des dix-sept, dix-huit et dix-neuvième
siècles ; Paris, 1822, 2 vol. in-8° ; — Monuments
historiques ; dans le Journal des Villes et Cam-
pagnes d'octobre 1834;— L'Abeille, journal des
intérêts des eampagnes d'Eure-et-Loir et de
l'Orne, dont M. de Charmettes fut le rédacteur
en chef du 21 mars 1848 au 2 septembre 1849.
L'un des numéros de décembre 1848 contient :
Ode au souverain pontife Pie ÎX.
Lebrun de Charmetteî a publié un certain
nombre d'articles politiques dans le Journal
politique et littéraire, du département de la
Sarthe, du 12 novembre 1817 au 16 décembre
1818; diverses proclamations dans les Petites
Affiches de l'arrondissement de Coulommiers,
de 1821 à 1823; dans le Journal dît départe-
ment de la Haute-Saône et dans le Recueil
des actes administratifs de ce département on
1829 et 1830,et un grand nombre d'articles po-
litiques dans la Gazette de France, dans la
Gazette de la Franche- Comté etc. Son porte-
feuille contient inédits des poèmes épiques, tra-
gédies, satires, odes, romances, chansons, fa-
bles, etc., qui mériteraient de voir le jour.
Roullier.
Documents inédits.
* LKRRrx (Pierre-Antoine), poète et sénateur
français, néà Paris, le 29décembre 1785. Dès l'âge
de douze ans une vocation poétique remarquable
se révéla en lui. Quelques essais communiqués
à François de Neufchâteau , ministre de l'inté-
rieur, méritèrent au jeune Lebrun d'être admis
au Prytanée français ; le ministre voulut l'y me-
ner lui-même, et le présenta aux professeurs et
aux élèves. M. Lebrun réussit dans ses classes
sans négliger la poésie. Parmi les pièces de vers
qu'il fit au collège, on cite un petit poème pour
la plantation d'un arbre de la liberté à Van-
vres, maison de campagne du Prytanée. Ses ca-
marades prétendirent que ces vers lui avaient
été dictés par le poète Lebrun, qu'ils appelaient
son oncle. « Je puis bien avoir fait une chanson,
leur disaitle jeune écolier puisquej'ai fait une tra-
gédie (1). M. Lebrun fut au nombre des élèves
qu'on envoya en colonie à Saint-Cyr, où le premier
consul avait ordonné la formation d'un nou-
veau prytanée. Un jour que Bonaparte visitait
cet établissement, il fut bien étonné de voir
en chaire un professeur revêtu de l'uuiforme
des écoliers. C'était M. Lebrun qui suppléait le
professeur de rhétorique, de Guérie, malade. Bo-
naparte prit part à la leçon, interrogea les élèves
sur les tropes, les leur expliqua, dit-on, à sa ma-
nière, et satisfait de la façon dont le professeur
imberbe s'acquittait de sa tâche, il lui demanda en
sortant à quoi il se destinait ? « A chanter votre
gloire », réponditM. Lebrun. Quelques jours après
la bataille d'Austerlitz, Napoléon, étant au château
de Schœnbrun, ouvrit le Moniteur après dîner.
Il y vit une Ode à la grande armée signée Le-
brun. «■ Lisez-la, » dit-il à Daru , et pendant la !
(1)11 y avaiten effet dans les essais mis sous les yeux de
François de Neufchâteau une tragédie de Corolian, dont
M. Sainte-Beuve dit qu'il existe encore une scène
165
LEBRUN
166
lecture.il loua, critiqua, et conclut en ordonnant
d'écrire à Lebrun Ecouchard que l'empereur lui
accordait une pension de 6,000 fr. Des journaux
de Paris tombèrent dans la môme méprise, et dé-
clarèrent que jamais !e chantre du Vengeur n'a-
vait été mieux inspiré. François de Neufchàteau
écrivit au Pindare français que cette ode était son
meilleur ouvrage, et Cliénier le louaencoresursa
tombe de cette ode qu'il n'avait point laite, comme
aussi Renouard dans son discours de réception,
lorsqu'il vint prendre la place de Lebrun à l'Aca-
démie. Cependant l'erreur avait été reconnue , et
lorsque l'empereur sut que l'ode était de l'élève
de Saint-Cyr, les 6,000 fr. se convertirent pour
le jeune homme en une pension de 1 ,200 fr. Le
vieux Lebrun en eut beaucoup de mauvaise
humeur. Ginguené, qui n'avait pas été dupe,
donna des encouragements sérieux au véritable
auteur. Fontanes, président du corps législatif,
dans le discours qu'il prononça à l'occasion des
drapeaux envoyés à celte assemblée par Napoléon
du champ de bataille d'Auterlitz, fit lui-même allu-
sion au jeune poète qui avait chanté la victoire, et
à la pension qui venait de lui être donnée. « Un
jeune talent s'élève, dit-il, l'empereur le récom-
pense. » En 1806, M. Lebrun composa une
tragédie ou pastorale dramatique, intitulée Pal-
las, fils cT Evandre, inspirée des derniers chants
de ['Enéide, où l'on trouve plus de naturel et de
pathétique que semblait n'en comporter la litté-
rature impériale. Lorsque le vieux Lebrun mou-
rut, en 1807, son jeune émule publia une ode
dans laquelle il paraissait ne se souvenir que du
talent de son jaloux et peu généreux homonyme.
11 lit eneore deux Odes sur les campagnes de
1806 et de 1807, une ode adressée Au vaisseau
de l'Angleterre, etc. Un jour, à Fontainebleau,
en (808, l'empereur dit à une dame du palais
qui s'intéressait à M. Lebrun : « Que fait-il? J'ai
lu dans le temps son ode à l'armée : ce jeune
homme a de la verve, mais on dit qu'il s'en-
dort. » Ce mot fut rapporté au poète, qui fit une
réponse dans laquelle perçaient des allusions à
une ancienne passion qu'avait ressentie Napo-
léon pour la dame du palais qui lui servait d'in-
termédiaire; ces vers ne furent, pas imprimés
alors non plus que d'autres que M. Lebrun avait
composés sur la mort du fils aîné de la reine
Hortense. Napoléon fit dire à l'auteur qu'il dé-
sirait que ces vers ne fussent pas publiés. Fran-
çais de Nantes attirait comme on sait les litté-
rateurs dans l'administration des droits réunis,
où il leur donnait des fonctions qui leur laissaient
tout le temps de chanter la gloire de l'empire.
M. Lebrun fut nommé à la place de receveur
principal des droits réunis au Havre, position
qui lui permettait de résider une grande partie
de l'année à Rouen et même à Paris. Ulysse,
tragédieen cinq actes, fut représentée à la Comé-
dje-Française, le 28 avril 1814, cinq jours avant
la rentrée de Louis XVI II dans la capitale. Un
succès d'estime accueillit cet ouvrage , que
jouaient Talma, Mllp Georges etMlieDuchesnois.
On voulut y voir des allusions au retour du roi
légitime. La pièce n'eut que quelques représenta-
tions, et fut reprise l'année suivante. La chute
de l'empire remplitd'amerlume l'àme de M. Le-
brun. Il fit alors deux odes ou messéniennes;
l'une est intitulée : Jeanne d'Arc ; l'autre est une
paraphrase du psaume Super jlumina. La perte
de sa place rendit complètement M. Lebrun à la
littérature, et en 1817 il remporta l'un des prix de
l'Académie Française pour son poème du Bon-
heur que procure l'étude dans toutes les si-
tuations de la vie. Marie Stuart , représentée
en 1820, eut un grand succès au Théâtre-Fran-
çais. C'est l'ouvrage capital de M. Lebrun. Re-
prise en 1840 par M"e Hache!, cette pièce fut
reçue avec la même faveur. On y trouve des
situations pathétiques, et le poète, s'inspirant à
la fois de Racine et de Schiller, sut combiner
avec la simplicité régulière et savante de l'an-
cienne tragédie classique une certaine mesure
de liberté, de couleur et de mouvement néces-
saire au drame moderne. M. Lebrun satisfaisait
les novateurs par certaines qualités de langage
qu'à cette époque on ne trouvait pas au même
degré chez les autres tragiques. « En redescen-
dant du cothurne de l'empire, dit M. Sainte-Beuve,
on goûtait fort chez lui quelque chose de senti,
de naturel , et de vrai dans la diction , d'assez
voisin de la prose, avec du feu poétique pourtant
et des veines dechaleur. » Hégésippe Moreau, dans
une épître adressée à M. Lebrun, caractérise le
succès de Marie Stuart par ces deux vers :
On voudrait applaudir; mais le bruit aes bravos
Est sans cesse étouffe par celui des sanglots.
Le surlendemain de la première représentation
de Marie Stuart, M. Lebrun, s'arrachant au
triomphe, selon l'expression de M. Sainte Beuve,
partit pour la Grèce. Il s'embarqua à Marseille
sur Le Thémistocle , commandé par Tombasi,
depuis navarque de la flotte grecque. 11 visita
l'archipel ; Ithaque attira surtout ses regards, et
une ode consacra ses impressions. De retour à
Paris en 1821, il publia un poème lyrique sur
la mort de Napoléon ; « morceau étendu ,
plein d'harmonie , de souffle et d'émotion, » au
jugement de M. Sainte-Beuve. La pension de
1,200 fr. qu'il devaità l'empereur et qui lui avait
été conservée, lui fut ôtée alors par le ministère
Villèle.
Le Cid d'Andalousie fut représenté le 1er mars
1825 , après mille tracasseries de la censure.
C'était à Chateaubriand, alors ministre, que
M. Lebrun avait dû l'autorisation de faire jouer
sa pièce, non sans mutilation. Il s'était adressé
à ce ministre littérateur comme au patron na-
turel des gens de lettre». Chateaubriand l'avait
reçu par ces paroles : « On dit qu'un roi joue
un vilain rôle dans votre pièce; cependant,
monsieur, il serait bien temps, ce me semble, de
laisser les rois tranquilles. » M. Lebrun pro-
testa contre toute allusion, et se retrancha dans
6.
167
LEBRUN
1G8
la vérité de l'histoire. A la représentation, la
pièce ne passa pas sans opposition, quoiqu'elle fût
jouée par Talma et M1'0 Mars. Quelques scènes
déplurent, notamment ce qu'on a nommé lascène
du banc, dans laquelle le héros de la pièce, assis
aux pieds de sa bien aimée, lui rappelle les pro-
grès de leur amour. La seconde représentation
réussit, mais à la quatrième une indisposition de
Desmousseaux arrêta la pièce. Desmousseaux
remis, Talma partit en congé ; au retour de Tal-
ma, Michelot refusa de reprendre son rôle, qui
lui paraissait odieux. Talma mourut, et la pièce
ne put être reprise. Pendant que ses confrères
chantaient le sacre de Charles X, le 29 mai 1825,
M. Lebrun chantait sa retraite de Champrosay.
La même année M. Lebrun allait en Ecosse, et y
passait trois jours à Abbotsford , visitant avec
Walter Scott tous les environs. En 1828 parut
le poème de La Grèce. « La Grèce était devenue
à la mode, remarque M. Sainte-Beuve, et le trou-
peau desrimeurs y avait passé. Tout l'Eurotas,
chaque semaine, était bu ; on ne voyait qu'abattis
de lauriers roses. M. Lebrun, dans ses vers, rendit
aux rivages célèbres quelque chose de leur na-
turelle et sauvage verdeur ; on sentit l'homme
qui avait visité ce pays de renaissante mémoire,
avant de le chanter... A travers des portions
quelque peu incultes et rudes comme le pays
même, on sentait partout un fond de récitatif qui
n'était pas écrit d'après les impressions d'autrui.
La façon du vers , libre dans sa forme et sou-
vent hardi sans système , ne rompait pas ab-
solument avec l'ancien genre, mais jurait encore
moins avec le goût nouveau , avec le rhythme
émancipé de 1828. » Le 22 février 1828, M.Le-
brun fut élu membre de l'Académie Française,
à la place de François de Neufchàteau, le pro-
tecteur de son enfance. Ce jour-là on jouait au
Théâtre-Français La Princesse Aurélie. Lors-
qu'on arriva au point où la princesse dit à un
homme de lettres de sa cour :
Ah! votre Académie a fait un fort bon choix ,
Le public avec vous a nommé cette fois ,
des applaudissements partirent de tous les points
de la salle. Mlle Mars, qui jouait la princesse, dit
à ce sujet au nouvel académicien après la re-
présentation : « Je vous en ai fait mon compliment
en plein théâtre , le public y a joint le sien. »
Le 22 mai suivant M. Lebrun fut solennelle-
ment reçu à l'Académie Française. Depuis lors
le poète s'est moins fait sentir en lui. Appelé
plusieurs fois à la présidence de l'Académie
Française , il a fait des rapports sur les prix
Montyon, reçu M. de Salvandy et M. Emile Au-
gier, et rempli les fonctions de secrétaire per-
pétuel pendant les deux ministères de M. Ville-
main. M. Lebrun contribua de tout son pouvoir
à faire entrer M. V. Hugo à l'Académie ; il dési-
rait beaucoup y voir siéger aussi Béranger, dont
il fut constamment l'ami, et dont il a été chargé
de revoir et de publier les chansons posthumes.
Au mois de mars 1831, M. Lebrun fut appelé
à la direction de l'Imprimerie royale, place qu'.l
conserva jusqu'à la révolution de février 1848.
Nommé maître des requêtes le il mai 1832,
conseiller d'état le 27 septembre 1838, une
ordonnance royale du 7 novembre. 1839 l'appela
à la chambre des pairs. En 1840 il fit un rapport
sur un projet de loi relatif à l'achèvement des mo-
numents publics. L'année suivante il prit part à
la discussion du projet de loi sur les fortifications
de Paris, et fut chargé du rapport sur le projet
de loi relatif aux dépenses de la translation des
restes mortels de l'empereur et de la pose de la
statue impériale sur la colonne de Boulogne. La
révolution de Février le rendit à la vie privée.
Remplacé au moment de cette révolution dans
la direction de l'Imprimerie royale, il fut alors
l'objet d'une remarquable manifestation. Les
ouvriers de ce grand établissement allèrent en
masse à l'hôtel de ville redemander au gouver-
nement provisoire leur directeur, qui leur fut
immédiatement rendu. « Lebrun , écrivait Bé-
ranger, doit être bien fier de se voir rendre
ainsi justice. » Mais M. Lebrun crut devoir
toutefois peu de temps après résigner ses fonc-
tions. Il n'exerça pas de fonctions sous la ré-
publique; mais après la reconstitution de l'em-
pire, il fut nommé sénateur par décret du 8 mars
1853. Depuis il a fait partie de la commission
chargée de donner des primes à l'art dramatique;
M. Lebrun est membre honoraire de l'Académie
royale de Bavière, et depuis 1838 directeur du
Journal des Savants.
On a de M. Lebrun : couplets signés de l'élève
Lebrun, âgé de treize ans, dans un recueil de
pièces intitulé : Plantation de l'arbre de la li-
berté par les élèves du prytanée dans le châ-
teau de Vanvres, le t6 ventôse an vu (6 mars
1799); — L'Ane et le Singe, fable, dans les Pe-
tites A/fiches ; 1799; — Les Souvenirs, poème,
dans la Distribution des prix faite aux élèves
du Prytanée de Saint-Cyr, le 28 thermidor
an X (16 août 1802); — Ode à la Grande
Armée; Paris, 1805, in-s° : elle a paru également
dans Le Moniteur en 1806 et dans la Couronne
poétique de Napoléon le Grand; Paris, 1807;
— Ode sur la guerre de Prusse, dans Le Moni-
teur de 1806 et dans la Couronne poétique
de Napoléon ; — La Colère d'Apollon , ode ;
Paris, 1807, in-8°; — Ode sur la mort de
Lebrun, de l'Académie Française; Paris,
1807, in-S°; — Ode sur la campagne de
1807; Paris, 1808, in-8°; — Ulysse, tragédie en
cinq actes; Paris, 1815, in-8°; — Le Bonheur
que procure l'étude dans toutes les sihia-
tions de la vie, couronné par l'Académie Fran-
çaise le 25 août 1817 ; Paris, 1818, in-4°; 1822,
in 8°; dans le Moniteur en 1818; — Marie
Stuart, tragédie en cinq actes; Paris, 1820,
in-8°; 1835, 1839, 1844, in-8°; —Odes : Au
Vaisseau de l'Angleterre; Sur un Cygne; Su-
per flumina; Jeanne d'Arc; Olympie; Itha-
que; Paris, 1822, in-8°; — Poème lyrique sur
169
LEBRUN
170
la mort de l'empereur Napoléon; Paris,
1822, 1839, in-8°; — Pallas, fils d'Êvandre,
tragédie en trois actes et en vers; Paris, 1822,
in-8°: tiré à un petit nombre d'exemplaires; —
Le Voyage de Grèce, poème; Paris, 1828, in-8°;
— Discours de réception à l'Académie Fran-
çaise, prononcé dans la séance publique du 22 mai
1828; Paris, 1828, in-4°; — OEuvres; Paris,
1844, 2 vol. in-8°: on y trouve Ulysse, Marie
Stuart, Le Cid d' Andalousie, Poème sur la
Mort de Napoléon, avec trois strophes qui
avaient été supprimées en 1822; Poème de la
Grèce, avec un chant qui manquait à l'édition
de 1828; Poésies sur la Grèce, La Méditer-
ranée, La Vallée d'Olympie, Le Parnasse,
Ithaque, Le Ciel d' Athènes, etc. On a en outre
de M. Lebrun des discours prononcés à l'Aca-
démie Française, sur les prix de vertu en 1831
et 1837, en réponse au discours de réception
de M. deSalvandy en 1836, à l'inauguration de
la statue de Corneille à Rouen en 1834, au roi au
nom de l'Institut en 1847, comme président des
cinq académies en 1852, en réponse au discours
de réception de M. Emile Augier en 1838, sur
la tombe de Parseval-Grandmaison en 1834, de
Michaud en 1839, d'Alex. Guiraud en 1845, du
général Haxo en 1838. Ses discours à la cham-
bre des pairs sur les fortifications de Paris
(1841), sur les entreprises théâtrales (1843),
sur la liberté de l'enseignement (1844), sur la
translation des restes de Bertrand et de Duroc
(1845), ont été imprimés à part. lia donné dans
le journal La Renommée, en 1819, des articles
sur lord Byron, André Chénier, Baour-Lormian,
Dupaty, etc., et des stances récitées par Mlle Mars
à Arnault à son retour d'exil.
L. Louvet.
Sainte-Beuve. Portraits contemporains, 15 janvier
1841, lome II, p. 116. — V. Lacaineet Cli. Laurent, Biogr.
et nècrol. des Hommes Marquants du dix-neuvième
siècle, tome II, p. 278. — P.-A. Vieillard, dans VEncycl.
des Gens du Monde.
* lebki"n (Isidore- Frédéric-Thomas), litté-
rateur français, né à Caen, le 16 août 1786. Fils
d'un manufacturier, il descend par sa mère du
poète Sarrazin. A l'âge de quatorze ans, il com-
posa deux tragédies , en prose. En 1 808 il entra
dans la carrière de l'enseignement, comme pro-
fesseur de l'université, et s'éleva successivement
jusqu'à la chaire de belles-lettres , qu'il occupait
en 1816. Il donna alors sa démission, en voyant
que l'on voulait remettre l'enseignement aux cor-
porations religieuses. On a de lui : Épithalame
( en vers grecs-) et Poésies diverses ; 1810, in-8e;
— Conciones ex greecis epicis poetis excerptee;
Bayeux, 1812, in 12; — De l'Université; 1814,
in-8° ; — Haro sur Bonaparte ! 1815, in-8° ; —
Vues sur l'Instruction publique et sur l'Éduca-
tion des Filles ; Paris, 1816,in-8°;— L'Émigra-
tion indemnisée par l'ancien régime et depuis
la Restauration; Paris, 1825, in-8°; — Du
Sacrilège et des Jésuites; 1825, in-8°; — La
bonne Ville,ou le maire et le jésuite; 1826,
2 vol. in-12; — Tableau statistique et poli-
tique des deux Canadas; Paris, 1833, in-8°. Il
a fourni des articles au Dictionnaire des Ano-
nymes de Barbier, à l' Encyclopédie des Gens
du Monde, au Dictionnaire de la Conversa-
tion , ainsi qu'à différents journaux ou recueils
périodiques et au journal Le Réveil, publié en
Amérique. Le Mercure de France a publié de
lui en 1815 une Analyse d'un Cours d'Élo-
quence militaire chez les anciens et les mo-
dernes, ouvrage qui n'a pas été publié, mais
qui a été imité par un autre auteur.
J. V.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Con-
temp. — Biogr. univ. et port, des Comtemp. — Quérard,
La France Littér. ,
* lebrun (M™e Camille), pseudonyme de
Mlle Pauline Guyot, femme de lettres française,
née à Paris, en 1805. On a de Mmc Camille Le-
brun : Une Amitié de Femme, roman de
mœurs; Paris, 1843, in -8°; — Histoire d'un
mobilier, scènes de mœurs; Paris, 1844, grand
in- 8° avec vignettes; — Lé Dauphiné, ouvrage
historique, biographique et descriptif ; Paris,
1848, in-8°; — Le Miroir de la France, ou-
vrage historique , biographique, artistique, litté-
raire et descriptif, 2 vol. grand in-8° avec
24 portraits. Le premier volume a été édité par
livraisons mensuelles avec le sous-titre de Re-
vue pour tous, et imprimé à Paris, de 1849 à
1850; le deuxième volume a été publié en 1854,
et imprimé à Beauvais. Lors de l'impression du
premier volume, Mme Camille Lebrun a été dési-
gnée seulement comme directrice de cette publi-
cation ; mais tous les articles de cet ouvrage ont
été entièrement rédigés par elle.
Mme Camille Lebrun a écrit plusieurs ou-
vrages d'éducation : Julien Morel, ou l'aîné
de la famille, in-12; — Le Bracelet, ou l'é-
tourdie corrigée, grand in-18; — Amitié et
Dévouement, ou trois mois à la Louisiane,
in-12; — La Famille Raimond, in-12; — Les
Vacances à Fontainebleau, in-12; — Ma-
deleine, ou la jeune montagnarde, in-12; —
Contes moraux, in-12 ; — La Famille Aubry,
in- 1 2 ; — Récréations , in-12, etc.
Le même auteur a traduit de l'italien et de
l'anglais divers ouvrages, entre autres L'Au-
triche en Italie, par Bianchi-Giovini , 2 vol.
in-8°; — L'Improvisatore, ou la vie en
Italie, par Andersen, 2 vol. grand in-12; —
Les Mémoires de sir Hudson Lowe, tomes I et
II, grand in-8°. Mme Camille Lebrun a tra-
duit plusieurs articles pour la Revue Britan-
nique : Jacques Clair -de-Lune (scène mari-
time;— Un Ouragan à Antigoa; — La Sar-
daigne en 1849 (1er et 2e article); — Une
Conspiration italienne ( Burlamacchi ) ; — La
Civilisation en Russie, etc. Elle a publié un
grand nombre d'articles dans divers journaux
et recueils périodiques , entre autres dans le
Musée des Familles et dans la Biographie gé-
17! LEBRUJN -
nerale. Enfin, elle a signé'quelquefois des articles
de divers genres , et des traductions de poésies
anglaises et italiennes, d'un autre pseudonyme,
Fabien de Saint-Léger, et des lettres P. G.,
initiales de ses véritables noms.
LÉBYO (Abou-OkU-Lebid ben Rabiat), un
des plus célèbres (1) poètes arabes qui ont vécu
depuis l'origine du mabométisme, naquit vers
l'an 57 5, et mourut sous le khal yfat de Moaviah 1er,
l'an 42 de l'hégire (662 de J.-C). 11 était fils
de Rabiat, de la tribu d'Emir-Ibn-Sassaa, que sa
libéralité avait fait surnommer Habïat Almoh-
terin (le Rabiat des indigents). Sa mère, Ternira,
était de la tribu d'Abs. Lébyd se distingua par
ses vertus plus encore que par ses talents. Voici
d'après les auteurs arabes la première circons-
tance où se manifesta son génie poétique. Vers
l'an 592 de J.-C, il avait accompagné à la cour
de Noman , roi de Hira, les députés de la tribu
deDjafar. Prévenu par son ministre Rabi, fils de
Gyad, Noman reçut mal les députés. Le soir ils
rentrèrent tristes. Le jeune Lébyd, qui gardait
leurs chameaux, apprenant la cause de leur tris-
tesse, se fit conduire chez Noman. 11 récita de-
vant le prince une pièce de vers dans laquelle,
après avoir exalté le mérite de la famille de
Djafar, ii attaquait Rabi, et lui attribuait des ha-
bitudes si dégoûtantes que Noman, sans vouloir
entendre sa justification, le bannit pour jamais
s\e sa présence. Lébyd , encore idolâtre lorsque
Mahomet commença à publier sa loi, se mon-
tra d'abord hostile au mahométisme. Vers
l'an 9 de l'hégire (630 de J.-C.,) son oncle pa-
ternel Abou-Réra, surnommé Motaïb-Alasbna
(celui qui joute contre les lances), étant at-
taqué d'une maladie d'entrailles, le chargea d'al-
ler de sa part offrir à Mahomet un présent de
chameaux et lui demander un remède à son mal.
Le prophète refusa les présents, en témoignant
toutefois de l'estime pour Abou-Réra : « Si j'ac-
ceptais quelque chose d'un idolâtre, dit-il, ce
serait de Molaïb el Acima. » Puis il ramassa
une motte de terre, cracha dessus, et la remit à
Lébyd en lui recommandant de la délayer dans
l'eau et de là faire prendre à son oncle. La pres-
cription fut exécutée, et opéra, dit on, la guérison
demandée. Pendant son séjour à Médine, Lébyd
fut charmé des discours du prophète et des beau-
tés du Coran, dont il copia un chapitre, intitulé
Errahman le. Miséricordieux. L'année suivante
(631; la mort funeste d'Amir et d'Ardab, frère
utérin de Lébyd, qui étaient venus à Médine
dans le dessein d'assassiner le prophète, déter-
(1) Léb.yd passait un jour dans la ville de Coufah prés
d'un lien où étaient assemblés les Henou-Nahal; il portait
un bâton sur lequel il s'appuyait. On lui demanda quel
était le meilleur des poètes arabes. Lébyd répondit que
c'était le roi errant couvert d'ulcères t Arorilkaïs)1. On
lui demanda quel était le second. C'est, dit-il, le jeune
homme de dix-huit ans (Tarât). A cette question : Quel
est le troisième des poètes arabes? il répondit. C'est
l'homme qui porte le bâton ,- c'est ainsi qu'il se désignait
lui-même.
LE CAMUS
172
mina la conversion des Benou-Amir ibn-Sassaa à
l'islamisme. Lébyd fut un des députés qui appor-
tèrent au prophète cette bonne nouvelle. Il com-
posa une élégie sur la mort d'Ardab, et embrassa
l'islamisme. Devenu sincèie musulman, Lébyd s'é-
tablit à Médine. Son fils Gyad fut lieutenant de
Mahomet dans le Hadramant. Mahomet eut une
grande joie de la conversion de Lébyd, qui passait
pour le plus bel esprit des Arabes de son temps.
11 lui ordonna de faire des vers pour répondre
aux invectives et aux satires que le poète infidèle
Amrilcaïs composait souvent contre la nouvelle
religion et ses sectateurs. On prétend que depuis
sa conversion à l'islamisme il ne fit d'autres vers
que ceux par lequel il remercia Dieu de son re-
tour à la vérité. On lui attribue cependant ce dis-
tique qu'il aurait fait en mourant : « L'on dit
que toute nouveauté a quelque agrément; je n'en
trouve cependant aucun dans la mort, qui me
paraît nouvelle. » Lébyd fixa son séjour à Cou-
fah sous le règne d'Omar. Ce khalyfe lui fit de-
mander un jour les vers qu'il avait composés
après avoir embrassé l'islamisme. Lébyd copia le
second chapitre du Coran, et dit : « Voilà ce que
Dieu m'a donné pour me tenir lieu de la poé-
sie. » Omar-et Moaviah lui accordèrent une pen-
sion de 2,500 pièces d'argent. Lébyd mourut
après avoir, à son ordinaire, fait distribuer des
aliments à la mosquée et recommandé à ses
deux filles, poètes comme lui, de ne porter
son deuil qu'une année. Outre ses Satures
contre Rabi, une élégie sur la mort d'Ardab,
Lébyd est auteur d'une Moallacat, dont le texte
se trouve à la Ribliothèque impériale ( Manusc.
arabes, n° 1416), et dont la traduction française
a été publiée par Silvestre de Sacy. Mahomet
professait la plus haute estime pour les ouvrages
et la personne de Lébyd. « La plus belle sentence
qui soit sortie de la bouche des Arabes , disait-
il, est celle que Lébyd prononça, lorsqu'il dit :
Illa colscheimakkal a Allah balhel : (Tout ce
qui n'est pas Dieu n'est rien). »
F.-X. Tessier.
Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des arabes
avant Mahomet, I, 30B, 403. 404; II, 487-489, 567; 111,289,
297, _ De Sacy, Notice sur le poète Lébyd.— D'Herbclot,
Bibliothèque Orientale.
le camus (Etienne), cardinal et théologien
français, né à Paris, en 1632, mort à Grenoble,
le 12 septembre 1707. Il appartenait à une fa-
mille ancienne dans la magistrature et le bar-
reau. Il fut reçu docteur en Sorbonne en 1650,
et devint aumônier du roi Louis XIV encore mi-
neur. Entraîné par un caractère gai et léger, il
se montra fort ami du plaisir, et sa conduite fut
loin d'être édifiante. Néanmoins, en 1671, il fut
nommé évêque de Grenoble. A partir de cette
époque, un changement merveilleux s'opéra dans
sa vie; il continua d'être indulgent pour les pé-
chés d'aulrui; il donna l'exemple de la charité,
de la modestie et de la piété. Il disait, en faisant
allusion au temps de sa jeunesse: « On a dit plus
17o
.le mal que je n'en faisais alors, et depuis plus
de bien que je n'en mérite. C'est une sorte de
compensation. » En 1686, Louis XIV demanda le
chapeau de cardinal pour M. de Harlay, arche-
vêque de Paris; Innocent XI, qui n'aimait pas ce
prélat , prenant d'ailleurs en considération la con-
version sincère elles vertus de Le Camus, envoya
la pourpre romaine à ce dernier. Louis XIV fut
irrité de ce choix ; il manda le nouveau cardinal
à Versailles, et voulut lui faire des reproches;
mais l'évêque de Grenoble le désarma par une
plaisanterie : en le saluant, il lui dit, désignant
M. de Harlay, « Sire, voilà le cardinal camus,
et voici lé cardinal Le Camus ». Le roi rit de cette
saillie , et l'affaire en resta-là. Le Camus laissa
tous ses biens aux pauvres de son diocèse. FI
avait fondé deux séminaires, l'un à Grenoble,
l'autre à Saint-Martin-de-Miseré , et plusieurs
établissements de charité. Un mot de Le Camus,
mot digne du curé de Meudon, fera connaître
complètement l'esprit de tolérance qui animait
ce prélat. Un de ses curés se plaignait à lui de
ne pouvoir empêcher ses paroissiens de danser
les dimanches et fêtes : « Eh , monsieur, répon-
dit-il, laissez-leur au moins la liberté de secouer
Jeur misère ! » Cependant il avait fait traduire et
publier dans son diocèse l'ordonnance du cardinal
Carpegna, vicaire du pape, contre le luxe des
femmes. Ce fut sous sa direction que François
Genêt (depuis évêque de Vaison) écrivit sa
Théologie morale, ou solution des cas de cons-
cience selon l'Écriture Sainte, les canons et
les saints Pères, composée par Tordre de mon-
seigneur l'évêque et prince de Grenoble ( la
3e édit.,revueet augmentée, parutà Paris, 1682-
1683,7 vol.iu-12). On a de Le Camus: un recueil
d'Ordonnances synodales, pleines de sagesse;
— Déjense de la Virginité perpétuelle de la
mère de Dieu, selon V Écriture et les Pères;
Lyon, 1680, in-12; — Traité de l'Eucharistie;
c'est une réfutation des écrits^ sur le même su-
jet, publiés par le célèbre controversiste protes-
tant Jean Claude; ■— huit le/ très imprimées
parmi celles du docteur Antoine Arnauld ; Paris ,
1783. A. L.
Ambroise I.allnuette. Abrégé de la Vie du cardinal
Etienne Le Camus, etc. ; Paris, 1760, in 12. — Gras-
Uuvillard, chanoine dn Saint-André de Grenoble, Dis-
cours sur la Vit, et la mort de M. le cardinal Le Ca-
mus, et<\; Lausanne, 1748, in-12. — Le P. Boyer, Hist.
de l'Église de Vaison.
le camus (Jean ), magistrat et jurisconsulte
français, frère du précédent, né à Paris, en 1636,
mort dans la même ville, le 28 juillet 1710. Il
fut successivement conseillera la cour des aides,
maître des requêtes et lieutenant civil au Châ-
telet de Paris. Il exerça durant quarante années
cette dernière charge, et laissa une réputation
d'austère probité et de grand savoir. On a de
lui : Observations sur la coutume de Paris ,
insérées à la suite du Nouveau Commentaire
sur la coutume de la prévôté et vicomte de
Paris (par Claude de Ferrière); Paris, 1679,
Lli CAMUS 174
2 vol. in-12; Paris, 1714, 4 vol. in- toi.; souvent
réimprimé; — Les Actes de notoriété du Châ-
telet sur la jurisprudence et les usages qui
s'y observent; Paris, 1682; réimprimé par
Jean- Baptiste Denisart, avec Annota/ions; Paris,
1759, in-4°; etpardeVaricourt, lieutenant civil;
Paris, 1769, in-4°. L— z— e.
La France Littéraire de 17f9 — Camus, Bibliothèque
choisie des Livres dr Droit. — Taisand, Vies des plus cé-
lèbres Jurisconsultes.
le cuirs de mflso\s (Mme), femme
de lettres française, morte vers 1705. Elle était
femme d'un conseiller d'État. Son esprit et sa
beauté la mirent fort bien en cour. Elle fit en
vers un Portrait de Louis XIV, assez flatteur
pour que le monarque crût devoir lui envoyer
en échange une belle peinture représentant sa
royale image. Mme Le Camus était membre de
l'Académie des Ricovrati de Padoue. On trouve
plusieurs pièces de vers de cette dame dans le
Recueil de Vertron, t. II. E. D— s.
Titon du Tillet, Le Parnasse Jrançois , édit. de 1782,
p. +89.
le camus de mezières (Nicolas), ar-
chitecte français, né à Paris, en 1721, mort en
1789. 11 est surtout célèbre par la construction de
la halle au blé de Paris, commencée en 1762, et
achevée dans l'espace de trois années. Lorsque
l'édifice fut terminé, on reconnut que la place
était insuffisante, et on chercha à utiliser la cour
au moyen d'échoppes aussi laides qu'incom-
modes. On revint alors à la pensée de couvrir
cette cour, pensée qui avait été conçue par Le
Camus de Mezières lui-même à l'époque de la
construction. La coupole , fort élégante , qu'il
avait proposée se trouve gravée dans son ou-
vrage ; malheureusement son projet ne fut pas
suivi, et la coupole de bois que MM. Legrand
et Molinos élevèrent en 1782 fut incendiée en
1802. En 1811, elle à été remplacée par la cou-
pole de fer et de cuivre qui existe aujourd'hui.
Le Camus de Mezières a publié lui-même les
détails de ce vaste édifice sous ce titre : Re-
cueil des dij/érents Plans et Dessins concer-
nant la nouvelle Halle aux Grains située
aux lieu et place de l'ancien hôtel de Sois-
sons; Paris, 1769, in-fol., pi. H est également
auteur de plusieurs autres ouvrages, dans les-
quels les architectes peuvent puiser d'utiles
renseignements : Dissertation sur les Bois de
charpente ; Paris, 1763, in-12 ; — Le Génie de
l'Architecture , ou l'analogie des arts avec
nos sensations; Paris, 1780, in-8°; — Le
Guide de ceuxqui veulent bâtir ; Paris, 1781,
2 vol. in-8° ; — Traité de la Force des Bois ;
Paris, 1782, in-S°. E. B— n.
Quatremere de Qulncy, Dict. d' Architecture. — Ron-
delet, Art de bâtir.
le camus (Antoine), médecin et poète
français, né à Paris, le 12 avril 1722, mort dans
la même ville, le 2 janvier 1772. Reçu docteur
en médecine en 1742, il fut nommé en 1762
175
LE CAMUS — LECANU
176
professeur de thérapie à Paris en 1766. Il se dé-
clara contre l'emploi excessif des drogues , et
conseillait souvent d'abandonner à la nature la
guérison des maladies. Ce pyrrhonisme , qull
poussa lui-même trop loin dans une indisposi-
tion légère, lui coûta la vie à l'âge de cinquante
ans. On a de lui : Amphitheatrum Medicum,
poema; Paris, 1745, in-4° (à l'occasion du
nouvel amphithéâtre , que la faculté avait fait
construire); — La Médecine de V Esprit, où
l'on traite des dispositions et des causes phy-
siques qui influent sur les opérations de
l'esprit; Paris, 1753, 2 vol. in-12; 1769, in-4°
et 2 vol. in-12; — Abdekers, ou l'Art de con-
server la Beauté; Paris, 1754-1756, 4 vol.
in-12 (Traité de charlatanerie sur tous les cosmé-
tiques, etc., dont usent les dames, et qui indique
une bonne hygiène comme, le meilleur moyen
de conserver la beauté ) ; — Essai historique,
critique, philologique, moral, littéraire et
galant sur les Lanternes ( avec Dreux du Ra-
dier, Lebœuf et Jamet); Dole, 1755, in-12; —
Les Amours pastorales de Daphnis et Chloè,
traduites du grec de Longus, avec une
double traduction; Paris, 1757, in-4°; —
Mémoires sur différents sujets de la Méde-
cine ; Paris, 1760, in-12; — L'Amour et l'A-
mitié, comédie; Paris, 1763, in-4°; — Mé-
moire sur l'état actuel de la Pharmacie ;
Paris, 1765, in-12; — Journal économique,
partie médicale; Paris, 1753-1765; — Mé-
decine pratique, rendue plus simple , plus
sûre et plus méthodique ; Paris, 1769, in-4°
et in-12; le vol. II, posthume, d'après ses ma-
nuscrits, par Bourrel, avec son éloge, Paris,
1772, traite les maladies de la tête: R.
Éloy, DUtionnaire de la Médecine. — Dictionnaire
des Sciences médicales, éd. Panckoucke. — Adelung, Sup-
plément à Jucher, Ailaem. Gelehrten-Lexikon.
le camcs ( Louis- Florent), publiciste fran-
çais, frère du précédent,, né à Paris, le 4 juillet
1723. 11 était marchand de fer, et comprit le
premier l'utilité d'une feuille périodique destinée
spécialement à représenter les intérêts commer-
ciaux et à procurer aux négociants les rensei-
gnements nécessaires à chaque profession. Il
s'adjoignit pour cette entreprise l'abbé Roubaud,
et fit paraître, de 1759 à 1762, le Journal du
Commerce. Il changea ce titre le 15 mars 1762
pour prendre celui de Le Négociant, qu'il con-
tinua jusqu'au 15 mars 1763; Paris, 1763, in-8°.
On a aussi de Le Camus : La Bergère, pastorale,
1769, in-12. A. nE L.
Quérard , La France Littéraire.
LECAMUS DE BEAITLiulT. y0y. BeATJUEU.
lecanu {Robert ) , hébraïsant et chronologiste
hollandais, vivait à Amsterdam en 1590. Il des-
cendait d'une famille française protestante, émi-
grée à la suite des persécutions religieuses, et
tenait une école préparatoire de marine. On a
de lui ; Kortelnleidingc derFeesten Izraëls,
zynde regte tydkaarten, waar in men zien
mag hoe veel groote jaren de wereld ges-
taen heeft on nog staan zal, etc. ( Courte in-
troduction à l'intelligence des faits d'Israël, ou
tables chronologiques dans lesquelles on peut
voir combien de grandes années le monde a
duré et durera encore ) ; Amsterdam, 1.590, et
Franeker, 1693, in-12. Suivant Paquot, l'au-
teur prend dans l'Écriture les jours pour des
années, et, partageant à son gré celles qui se
sont écoulées depuis Adam jusqu'à Abraham et
d'Abraham jusqu'à Jésus-Christ, suppose celles
qui s'écouleront entre la mort de Jésus-Christ
et la fin du monde en multipliant les premières
par 8, 6, et 7. A ce calcul, tout arbitraire, il
joint des explications des types de l'Ancien
Testament, qui ont beaucoup d'analogie avec
les explications par les coccéiens. Son traité
est précédé et suivi de quelques pièces de vers
qui prouvent que l'auteur était aussi fantai-
siste en poésie qu'en mathématiques.
L— Z — E.
P. Rabin, Boekzaal von Europe, novembre et dé-
cembre 1693, p, .538-541 — Paquot, Mémoires pour ser-
vir à l'histoire litt. des Pays- lias , t. IV, p. 63-64.
* lecanu (Louis-René ), chimiste fran-
çais, né le 18 novembre 1800. Reçu docteur
en 1837, ancien chef des travaux chimiques
du Collège de France, préparateur de Thé-
nard, professeur à l'École de Pharmacie de Pa-
ris , membre de l'Académie de Médecine, il
est membre du conseil de salubrité de la Seine.
On a de lui : De V Hématosine, ou matière co-
lorante du sang, mémoire lu à l'Académie des
Sciences en 1830; Paris, 1830, in-8°; — Nou-
velles Recherches sur le Sang, mémoire au-
quel l'Académie de Médecine à décerné une
médaille d'or de 500 francs; Paris, 1831, in-8°;
— Observations sur la composition chimique
des Corps gras ; Paris, 1834 , in-8° : mémoire
lu à l'Académie des Sciences ; — Études chi-
miques sur le Sang humain; Paris, 1837,
in-4°, thèse ; — Cours complet de Pharma-
cie; Paris, 1842, 2 vol. iu-8°; — Documents
scientifiques et administratifs concernant
l'emploi des Chlorures d'oxydes et spéciale-
ment du Chlorure d'oxyde de sodium ou li-
queur de Labarraque ; Paris, 1843, in-8°; —
Des Falsifications des Farines ; Paris, 1849,
in-8°; — Éléments de Géologie; Paris, 1856,
in-8° ; — Souvenirs de M. Thénard; Paris,
1857, in-8°. M. Lecanu a publié avec M. Bussy
des Essais chimiques; il a été un des colla-
borateurs „ du Dictionnaire de Médecine
usuelle , et il a donné dans les recueils scien-
tifiques, notamment dans le Journal de Phar-
macie, un grand nombre de mémoires, de no-
tices, d'observations et de rapports.
L. L— t.
Quérard, La France Littéraire. — Bourquelot et
Maury, La Litterat. Franc, contemp. — Vapereau, Dicl,
univ, des Contemp.
J7i
LECARLIER — LECARPENTIER
178
lecarlier (1) ( Marie- Jean-François-
Philibert ), homme d'État français, né en Pi-
cardie, mort en mai 1799. Il était secrétaire
Jii roi et maire de la ville de Laon avant la ré-
volution. L'un des plus riches et des plus in-
fluents propriétaires de sa province, il fut élu,
en 1789, député du tes état aux états gé-
néraux par le bailliage de Vermandois. Jl y dé-
fendit vivement les intérêts de son ordre, et de-
vint en juin 1791 secrétaire de cette assemblée.
Le département de l'Aisne l'envoya, en 1792, à
la Convention nationale ; il y siégea sur les
bancs de la gauche, et vota la mort de Louis XVI
sans appel ni sursis. En 1797 le Directoire
îxécutif le nomma commissaire plénipotentiaire
mprès de l'armée d'Helvétie. Il imposa seize
Billions d'impôts sur les patriciens de Berne, Fri-
bourg, Soleure et Zurich. En floréal an vi
[ mai 1798), Le Carlier succéda à Dondeau dans
le ministère de la poliœ générale et fut lui-
même remplacé par Duval, le 11 brumaire
m vu (1er novembre 1798). Il alla remplir en
Belgique les fonctions de commissaire général.
Élu en 1799 membre du Conseil des Anciens
:>ar le département de l'Aisne, il mourut peu
iprès. Son éloge fut prononcé par Jean De Bry.
« Celait, dit l'auteur des Mémoires tirés des
oapiers d'un homme d'État, un homme probe
;t intègre, d'un patriotisme éprouvé, mais d'un
caractère dur et brusque. »
Le Carlier a laissé un fils qui, sous la res-
tauration , était membre de la chambre des dé-
ratés pour le département de l'Aisne, et votait
ivec l'opposition. H. Lesueur.
Le Moniteur général, an 17S9, n° ill; an v, n°s 357,
159; an vi, n°" 189-239; an vu, n°s 43, 341. — Biogra-
phie moderne (1806 ). — Galerie historique des Con-
temporains ( 1819 J. — Arnault, Jay, Jouy et Norvins,
Biogr. nouv. des Contemp. (1823).— Le Bas, Dict. ency-
:lopedique de la France.
LE caron, dit CHAROMtAS (2) (Louis), ju-
risconsulte français, né à Paris, en 1536, mort
en 1617. Après avoir pendant quelque temps
cultivé la poésie, il étudia la jurisprudence,
exerça pendant plusieurs années !a profession
d'avocat, et fut enfin appelé aux fonctions de
lieuteûant du bailliage de Clermont en Beau-
voisis, qu'il garda jusqu'à sa mort. On a de lui :
Sonnets; le Démon d'Amour; Odes, etc.; Paris,
1554, in-8° ; — La Claire, ou de la prudence
de droit ; Paris, 1554, in-8° : dans ce livre se
trouvent aussi en appendice soixante-dix-neuf
sonnets de Le Caron ; — La Philosophie ;
Paris, 1555, in-4° ; — Dialogues; Paris, 1556,
in-8",: ces dialogues, au nombre de quatre, rou-
(1) Plusieurs biographes ont confondu Le Carlier avec
Carlier, né a Coucy et aussi député à l'Assemblée légis-
lative par le département de l'Aisne, où il vota cons-
tamment avec le côté droit. Ces deux hommes publics,
quoique collègues et compatriotes, se sont presque
toujours trouvés divisés d'opinions dans les luttes poli-
tiques.
(2) C'est lui-même qui imagina de prendre le nom du
célèbre législateur de Thurlum.
lent sur des sujets de philosophie et de poésie ;
— Réponse du Droit français ; Paris, 1576-
1582; Paris, 3 vol. iu-8°; — Questions diver-
ses et Discours; Paris, 1579, in4°. On doit
aussi à Le Caron des éditions annotées des ou-
vrages suivants : Catalogus Legum antiqua-
rum per Joh.-Ulricum Zazium; Paris, 1554,
1555 et 1578, in-18; — Coutume de Paris,
avec commentaires ; Paris, 1598, 2 vol. in-4° ;
ibid., 1602, 1605, 1613, in-fol. ; — Le grand
Coutumier de Charles VI ; Paris, 1598, in-4° ;
— La Somme rurale de Jean Bouteillier,
avec annotations ; Paris, 1603, 1611, 1612 et
1621, in-4° ; — Code du roi Henri III, rédige
par Barn. Brisson, avec annotations ; Paris,
1603, in-fol. ; — Pratique judiciaire de Lizet,
avec annotations notables; Paris, 1603, in-8°.
Le Caron a aussi donné une édition estimée
du Corpus Juris ; elle a été publiée à Anvers,
1575, 2 vol. in-fol. , et contient un choix judi-
cieux des notes de Russard et de Contius. Les
Œuvres de Le Caron ont paru à Paris; 1637,
2 vol. in-fol. E. G.
La Groix du Maine et du Verdler, Bibliothèques Fran-
çaises, t. II et IV.— Simon, Bibliothèque des Auteurs de
Droit.
lecarpentier (CAorZes-iowis- François),
écrivain artistique français, né a Rouen, en 1750,
mort dans la même ville, au mois de septembre
1822. Il était professeur à l'école des beaux-
arts de sa ville natale. On a de lui : Galerie des
Peintres célèbres, avec des remarques sur le
genre de chaque maître ; Rouen et Paris, 1810-
1821, 2 vol. in-8° : quelques-unes des notices de
cette galerie ont été imprimées séparément après
avoir été lues dans les séances publiques de la
Société d'Émulation deRouen, dont Lecarpentier
était membre, et insérées dans le recueil de cette
société ; on cite entre autres : Bouteillier,
Houel , Jean Letellier, l'Albane , Paul Pot-
ier, etc.; — Essai sur le Paysage, dans lequel on
traitedes diverses méthodes pour se conduire
dans l'étude du paysage, suivi de courtes no-
tices sur les plus habiles peintres en ce genre ;
Rouen et Paris, 1817, in-8° ; — Itinéraire de
Rouen, ou guide des voyageurs pour visiter
av€c intérêt les lieux les plus remarquables
de cette ville ou des environs ; Rouen , 1816 ,
in-8°; 1817, in-18; 1826, in-12. J.V.
Maliul, Jnnuaire Nècrol. 1822. — Biogr. univ. et
port, des Contemp. — Quérard, La France Ltttér.
lecarpentier, dit De La Manche (Jean-
Baptiste) , homme politique français, né en
1760, à Hesleville, près de Cherbourg, mort en
1828, dans la prison du Mont-Saint-Michel. Il
était huissier à "Valognes au commencement de
la révolution, dont il se déclara partisan.
Nommé en septembre 1792 député à la Conven-
tion nationale par le département de la Manche,
il prit place parmi les montagnards, et fit dé-
créter que la Convention jugerait Louis XVI.
Il voulut que l'on prononçât sur le sort du
roi avant l'appel au peuple, et fit ajouter de
179
LECARPENTIER — LE CAT
180i
nouveaux griefs à ceux présentés contre ce
prince. Plus tard (les 31 mai, 1er et 2 juin),
il se prononça pour la proscription des giron-
dins et de leurs adhérents. Envoyé en mission
extraordinaire (fin juin (793) dans les départe-
ments de la Manche, d'Ille-et-Vilaineetdes Côtes-
du-INord, il y lit régner la terreur, et ordonna
de nombreuses exécutions. Il s'en vantait même
dans sa correspondance avec le comité de salut
public. Il était brave, et dirigea lui-même la vi-
goureuse défense de Granville, attaqué par l'ar-
mée vendéenne; ses mesures énergiques, ainsi
que son exemple, contribuèrent à la défaite des
assaillants. Rentré à la Convention après le
1) thermidor, il resta fidèle au parti révolution-
naire , et fut accusé d'avoir pris part au mou-
vement insurrectionnel du 1er prairial an m
(20 mai 1795). Décrété d'arrestation le même
jour et. d'accusation deux jours plus tard, il fut
conduit au château du Taureau et ensuite com-
pris dans la loi d'amnistie du 4 brumaire an iv
(25 octobre). Il se retira à Valognes, où il reprit
la profession de jurisconsulte. 11 fut exilé en 1816
par les Bourbons, et se retira à Jersey. Étant ren-
tré en France, il fut arrêté et traduit en 1819
devant la cour d'assises du département de la
Manche, qui lecondamnaà la déportation. Trans-
porté au Mont-Saint-Michel, il y mourut après
neuf annéesde détention. H. Lesueur.
Le Moniteur gênerai, an 1792, n°s 341-352; an 1er,
n°s 17-138 195, 232; an II, nos 41, 66, 69, 120. 160, 290,
307 ; an m, n° 75. — Biographie Moderne (1806). — Ca-
lerie historique des Contemporains (1819). — Arnault,
Jay. Jouy et Norvins , tsiogr, nouv. des Contemp. —
M. Thiers, Histoire de la Révolution française, t. VI,
liv. XXV111, p. 266.
LE carpentier ( Antoine-Michel). Voy.
Carpeintier.
le cat (Claude- Nicolas), célèbre chirurgien
français, né à Blérancourt ( Picardie ), le 6 sep-
tembre 1700, mort le 20 août 1768. Il était des-
tiné à l'état ecclésiastique; mais, se sentant peu
de vocation pour l'Église, il étudia le génie mili-
taire; sa famille le força à renoncer à cet art. Il
se décida alors pour la chirurgie. Son père lui
en apprit les premiers éléments, et lui lit ré-
diger des observations et des mémoires sur plu-
sieurs points d'anatomie. Le Cat vint terminer
ses études médicales à Paris, et en 1728 l'arche-
vêque de Rouen le choisit pour chirurgien. En 1731
Le Cat obtintau concours la survivance delà place
de chirurgien en chef de l'hôtel-Dieu de Rouen,
quoiqu'il ne fût pas encore maître en chirurgie; car
il n'obtint ce titre qu'en 1733. La même année il
remporta le premier accessit du prix proposé par
l'Académie royale de Chirurgie. L'année suivante
il obtiat le premier prix décerné par cette com-
pagnie, et encore les années suivantes jusqu'à
1738. « Jusques à quand, demanda le secrétaire
de l'Académie, dans son rapport, M. Le Cat ga-
gnera-t-il tous les prix que l'Académie propose?
Les règles de l'équité nous font pressentir la dé-
cision, et nous engagent à le prier de ne plus
entrer en lice : c'est un nouveau triomphe que I
l'Académie est obligée de lui décerner pour ne j
point décourager ceux qui travaillent. Il est temps
qu'un concurrent si formidable se repose sur ses
lauriers. » Éloigné ainsi des concours de l'A.- 1
cadémie de Chirurgie, il se mit à travailler poul-
ies Académies étrangères, et fut bientôt associé!
à la plupart d'entre elles. En 1755 il présenta
un mémoire à l'Académie de Chirurgie sous
un nom supposé, et son mémoire fut encore]
couronné. L'Académie des Curieux de la Na-
ture le désigna par le nom de Pleistonicus.
Après bien des démarches, il obtint en 1736
l'autorisation d'établir un amphithéâtre de dis-
section à Rouen, et il y commença des cours d'a-i
natomie. En 1739 l'Académie de Chirurgie le!
choisit pour associé. Le Cat refusa en 1740
l'offre que lui faisait La Peyronie de venir se,
fixer à Paris, et fonda en 1744 à Rouen une
académie, dont il rédigea les statuts et dont 1
fut nommé le secrétaire pour les sciences en;
1752. Il pratiquait l'opération de la taille sui-i
vant la méthode de Cheselden, et avait établi en
principe que l'incision des parties extérieures de-
vait avoir plus d'étendue que celle des parties in-
térieures. Lorsque le frère Cosme {voy. ce nom)
fit connaître son lithotome, Le Cat s'éleva contre-
la méthode de ce religieux; mais voyant que l'Aca-
démie hésitait entre les deux systèmes, il vint à;
Paris, et opéra avec tant d'habileté qu'il emporta
tous les suffrages. En 1764 il reçut des lettres del
noblesse, et il adopta pour devise cette phrase de
Tacite : Catli fortunam inter dubia, virtu-
tem inter certa numerant. Une grande partie
de sa bibliothèque avait péri dans un incendie
en 1762, ainsi qu'un mémorial auquel il travail-
lait depuis longtemps. Il en eut un grand chagrin,
et le travail forcéauquel il se condamna, pour ré-
parer ses pertes acheva de ruiner sa santé ,qui avait
toujours été délicate. Praticien distingué,il tombait
dans des idées bizarres lorsqu'il voulaitexpliquer
les faits de la physiologie. Il avait peu de foi dansi
les lithotriptiques; il croyait la dilatation du
corps de la vessie préférable aux grandes inci-
sions, et il avait imaginé des instruments pour
opérer ce résultat. II regardait le corps mu-
queux comme l'organe de la couleur de la peau,
et l'esprit séminal préparé par les houpes ner-
veuses de l'utérus et de ses dépendances comme
la cause des menstrues. Il attaqua Haller sur
l'irritabilité et particulièrement sur la sensibilité
des méninges.
a Le Cat, dit Monfalcon, avait dans le carac-
tère une gaîté naturelle : il était avide de gloire,
très-prévenu en faveur de son mérite et sou vent in-
juste envers celui de ses contemporains. » Grimm
dit de Le Cat : « C'était un homme médiocre en
tout, remplissant toujours les journaux de sesj
faits et gestes, faisant toujours du bruit et ne J
jouissant d'aucune réputation en France. » Par- ;|
tisan du fluide nerveux , il a donné de l'action \
musculaire une théorie inintelligible, établie sur :
81 LE CAT —
«es hypothèses. Il prétendait que le fluide ner-
veux était composé de lymphe et d'esprit vital.
Jelon lui les ganglions remplaçaient les nerfs, et
'les glandes étaient les substituts des ganglions.
"1 On trouve çà et là dans les ouvrages de Le
mat, dit M. Monfalcon, des observations de dé-
lail ingénieuses et quelques aperçus originaux,
■nais ils sont pauvres en laits, en expériences,
%a bonnes vues physiologiques, et ne sont guère
■ne des romans sans vraisemblance II a ïn-
■enté des instruments et des procédés opéra-
toires ; il proposa en 1733 l'emploi de deux ins-
truments pour extraire les calculs de la vessie,
mwéthrotome, petit couteau destiné à inciser
■urètre sur le cathéter, crénelé sur sa lame, afin
Ile guider un instrument destiné à l'incision de
la vessie, très-épais, à tranchant convexe, lé-
gèrement concave sur le dos, et nommé cysti-
ttome. Bientôt après, Le Cat, pour exécuter la
même opération, proposa un nouvel instrument,
le gorgeret-cysfitome, et un procédé qui appar-
tient à l'appareil latéralisé. Le Cat a disputé à
Pouteati l'invention du procédé opératoire de la
lîstule lacrymale, qui consiste dans l'incision
nu sac en dedans de la paupière inférieure. » On
b de Le Cat Dissertation physique sur le
walancement d'un arc-boutant de l'église de
wSaint-Nicaise de Reims; Reims, 1724, in-12;
— Eloge du Père J.-B. Mercastel, de l'Ora-
toire, professeur de mathématiques, dans le Mer-
:ure de France de novembre 1734 ; — Disser-
tation sur le dissolvant de la pierre, et en
particulier sur celui de Mlle Stephens ; Rouen,
1739, in-12 ; — Traité des Sens; Rouen, 1740,
in-8° : on a dit de ce traité que la partie anato-
nique était digne de Winslow, et que la partie
norale eût été avouée par Platon ; — Remar-
ques sur les Mémoires de l'Académie de Chi-
rurgie; Amsterdam, 1745, in-12 ; — Lettres
concernant l'opération de la Taille pratiquée
stir les deux sexes; Rouen, 1749, in-12; —
Recueil des pièces sur l'opération de la
Taille; Rouen, 1749-1753, in-8° ; — Lettre
sur la prétendue cité de Limmes ; dans les
Mémoires de Trévoux, avril 1752; — Éloge
de Fontenelle ; Rouen, 1759, in-8° ; — Traité
de l'existence de la nature du fluide des
nerfs , et son action dans le mouvement
musculaire; Berlin, 1765, in-8° : couronné par
l'Académie de Berlin ; — Traité de la Couleur
de la Peau humaine en général et de celle
des nègres en particulier ; Amsterdam (Rouen),
1765, in-8°; — Lettre surl'ambi d'Hippociate,
perfectionné; dans le Journal des Savants,
décembre 1765 et mars 1767 : l'amb-i est un
instrument destiné à réduire les luxations de
l'humérus; Le Cat en avait donné une première
description dans les Transactions Philosophi-
ques de 1742; — Nouveau Système sur la
cause de V E radiation périodique du Sexe ;
Amsterdam (Rouen), 1766, in-8°; — Lettre sur
les avantages de la réunion des titres de
LE GAUCHIE
182
docteur en médecine avec celui de maître en
chirurgie; Amsterdam, 1766, in-8°; — Traite
des Sensations et des fassions en général, et
des sens en particulier ; Paris, 1766, in- 8° :
cet ouvrage est rempli d'hypothèses hasardées
et d'explications singulières; l'auteur y a joint
une Théorie de l'Ouïe qui avait remporté le
triple prix de l'Académie de Toulouse en 1757 ;
— Parallèle de la Taille latérale; Amsterdam,
1766, in-8° ; — Cours abrégé d'Ostéologie ;
Rouen, 1768, in 8° : ce traité se recommande
par l'ordre et l'exactitude des descriptions. On
trouve encore de Le Cat, dans l'Histoire de
l'Académie des Sciences de 1738 à 1766: Cinq
observations ; — dans le Journal de Verdun,
des articles sur La larme batavique ; sur son
Hygromètre comparable et son nouveau Ther-
momètre, décembre 1747; sur la Cause du
Flux et du Reflux de la mer ; sur la Gran-
deur apparente de la Lune, sur Les Influen-
ces de la Lune, etc. Depuis la mort de Le Cat
on a imprimé de lui : un Mémoire sur les In-
cendies spontanés de l'économie animale;
Paris, 1813, in-8°, et Dissertation sur la Sup-
puration de la Vessie et des autres organes
munis d'un velouté; dans le Recueil pério-
dique de la Société de Médecine, tome XIV.
Il avait laissé en manuscrit un Mémoire pour
servir à l'histoire naturelle des environs de
Rouen ; des Observations météorologiques et
■nosologiques (de 1747 à 1748); un Éloge de
Dubocage de Bléville et un Mémoire sur la
Sèche. Le Traité des Sensations et le Traité des
Sens ont été réunis sous le titre d'Œuvres Phy-
siologiques; Paris, 1767, 3 vol. in-8°. J. V.
Louis, Éloge de Le Cat ; dans les Mémoires de V Aca-
démie de Chirurgie. — Valentin, Éloge de M. Le Cat;
Londres ( Paris ), 1769 , in-12.— Ballière de Lesement,
Éloge de Le Cat, prononcé à l'Académie de Rouen, le
2 août 1769; Rouen, 1769, in-8». — Monfalcon, dans la
Biographie Médicale. — Grimm, Correspondance, sep-
tembre 1768. — Haller, Hibliot. Chirurg. tome 11, p. 171.
— Éloy, Dict. hist. de la Médecine.
le catchie ( Antoine de), en français de
La. Chaussée, poète belge, néàMons, en 1584,
mort à Douai, le 27 septembre 1625. Il entra
dans la Compagnie de Jésus en 1605, et était
coadjuteur formé lorsqu'il mourut de la peste.
Ou a de lui : La pieuse Alouette, avec son
tirelire (1); le petit cors et plumes de nôtre
Alouette sont chansons spirituelles qui
toutes luy font prendre le vol, et aspirer
aux choses célestes et éternelles. Elles sont
partie recueillies de divers autheurs, partie
aussi composées de nouveau ; la plus part
sur les airs mondains et plus communs, qui
servent aussi de vois à notre Alouette pour
(1) Mot formé par onomatopée pour imiter le chant de
l'allouette : c'est ce que le P. LeCauchie essaye d'exprimer
dans les vers suivants :
Ipsa suum tirelir, tlrelir, tire, tir, tire tractim
lngcminans, secat aslra levis ; dein trainite recto
lma petens : di,di,di, di.lnquit Alauda, vatetc.
183
LE CAUCHIE — LECÈNE
m
chanter les louanges denotre Créateur com-
mun , lre partie; Valenciennes, 1619, in-12;
2e partie, ibid., 1621, in-12. L'extrême rareté
de cet. ouvrage fait aujourd'hui sou seul mérite.
Pour faire apprécier la poésie du P. Le Cauchie,
nous citerons le premier couplet de sa première
chanson :
Ce jour, qui jour d'été vaut.
Par les charos me pourmenant,
J'ay veu l'Alouéte haut
Le Printans nous ramenant,
Chantant un tel chant,
Que m'allechant.
Elle a ravy de moy,
Et a de ce bas Heu
Tiré mon cœur à soy,
Et fait voler chez Dieu.
O chant doux ! chantre beau !
Chante ainsi toujour, petit oiseau.
Une grande partie des airs du recueil du P. de
Le Cauchie a été composée par Jean Bettig'ny,
maître des primlier s de la cathédrale de Tournai.
L — Z— E.
Brasseur, III. Harmonise Sydera , p. 61, 62. — Aie-
gambe, Scriplores Societatis Jesu, p. 37 et suiv. —
Sotwell, Bibliotkeca Societatis Jesu, p. 68. — Paquot,
Mémoires pour servir à l'hist. litt. des Pays-Bas, t. VI,
p. 125-126.
lecce (Matteo da), peintre de l'école na-
politaine, né à Lecce, dans la terre d'Otrante,
travaillait à Rome à la fin du seizième siècle,
sous le pontificat de Grégoire XIII. On croit
qu'il fut élève de Salviati. Mais il prit pour mo-
dèle Michel-Ange, ayant recherché comme lui
les charpentes robustes et les muscles prononcés
et saillants. Il travailla le plus ordinairement à
fresque, et obtint un grand succès en peignant
un prophète pour la confrérie del Gonfalone ;
mais lorsqu'il entreprit dans la chapelle Sixtiae,
en facedu Jugement dernier de Michel-Ange, de
retracer la Chute des Anges rebelles, et Saint
Michel disputant à Satan le corps de Moise,
on ne vitque trop l'immense distance qui séparait
l'artiste original de son imitateur. Découragé
par le peu de succès d'une œuvre dans laquelle
il s'était efforcé de se surpasser lui-même, il
quitta Rome, et, après avoir travaillé quelque
temps à Malte et en Espagne, il s'embarqua
pour l'Inde. 11 revint dans sa patrie avec une
brillante fortune amassée dans le commercé;
mais cherchant à l'augmenter encore , il l'eut
bientôt perdue, et mourut pauvre. E. B— n.
Orlaudi , Abbecedario. — Lanzi , Sioria délia Pit-
tura. — Baglione, Vite de' Pittori del 1573 al 1642. —
Ticozzi, Diziotiario. — Siret, Dictionnaire historique
dei Peintres.
lecchi (Jean-Antoine), mathématicien ita-
lien, né à Milan, le 17 novembre 1702, et mort
le 24 août 1776. Il se fit jésuite à seize ans, en-
seigna d'abord les belles-lettres à VeFceil et à
Pavie, et devint professeur d'éloquence à Milan,
dans le fameux collège de Brera. En 1739 il fut
appelé à Pavie pour y enseigner les mathéma-
tiques; ses travaux le firent remarquer de l'impé-
ratrice Marie-Thérèse, qui le fit venir à Vienne et
le nomma mathématicien de la cour. Plus tard le
pape Clément XIII le rappela en Italie pour lui
faire diriger les travaux relatifs à l'endiguement
du lit du Reno et des autres fleuves qui traver-
sent les provinces de Bologne, de Ferrare et de'
Ravenne. Pendant six ans il s'occupa de cette
immense entreprise. Après la mort du pontife, '
Leechi se retira à Milan, où il finit ses jours. On
a de lui un grand nombre d'ouvrages, dont les •■
principaux sont : Theoria Lucis,opticam, per-\
spectivam, dioptricam complectens ; Milan, i
1 759 ; — Descriptio apparatus quem in fu-
nere Caroli Vf, imper., instituendum curaviti
regium canonicum a Scala collegium ; 1741,;
in-fol.: — Arithmetïca, universalis ïsaaci\
JNewtonis, sive de compositione et resolu-
tione arithmetica perpetuis commentariis m
lustrata et aucta, auctore Pantonio Lecchi ;\
Milan, 1752, in-8°, 3 vol. ; — Elementa Géomé-
trie theoreticae et practicœ ; Milan, 1753,
2 vol. in-8° ; — Elementa trigonométrie
theorico-practicx, plante, et sphsericx; Mi-
lan, 1758; — De Sectionibus conicis; ibid.,
1758 ; — Idrostatica esaminatane' suoi prin-
cipii et abïlila nelle sue regole délia misura>
dell' acque correnti ; Milan, 1765, in-4° avec
ligures; — Memorie Idrostatiche , isloriche;
Modène, 1770, 2 vol. in-4° ; — Trattato de'
Canali navigabili; Milan, 1776, in-4°. Jacob.
Alois de Bâcher, Bibliothèque des Écrivains de la}
Compagnie de Jésus. — Tipaldo, Bioy. degli Ilaliani
illustri, t. V.
lecêxe ( Charles ), théologien protestant,'
né à Caen, vers 1647, et mort à Londres, en mai.
1703. Après avoir étudié la théologie à Sedan,
Genève et Saumur, il fut nommé en 1672 mi-
nistre à Honneur. Appelé en 1682 à desservir
momentanément l'église réformée de Charenton,
il y prêcha pendant une année. Dénoncécomme
pélagien par Sartre, ministre de Montpellier, et
ne pouvant obtenir du consistoire de Charenton
qu'un certificat d'orthodoxie qui lui paraissait
insuffisant, il en appela au prochain synode na-
tional, et, soutenu par Allix, qui prit chaudement
sa défense , il travailla à obtenir satisfaction du
consistoire. La révocation de l'Édit de Nantes
mit fin à cette affaire. Lecène se retira en Hol-
lande, et se rangea du côté des arminiens. Quel-
que temps après, il passa en Angleterre, où le !
crédit d'Allix lui aurait été utile, s'il avait voulu
se soumettre à une réordination. Son refus et
le soupçon de socinianisme qui planait sur lui
lui attirèrent des désagréments. Il retourna enj
Hollande. Il y resta jusqu'en 1697. A cette épo-
que il passa de nouveau en Angleterre, et s'éta-
blit à Londres, où il essaya en vain d'établir une
église arminienne.
Lecène était, de l'aveu même de ses adver-
saires théologiques, un savant théologien. A des
connaissances étendues il joignait un esprit
plein de finesse et de sagacité ; mais il était en-
tier dans ses opinions , et cette roideur de ca-
ractère lui attira plusieurs affaires désagréables,
s:, LECÈNE
n a de lui : De l'État de l'homme après le
iiché et de sa prédestination au salut, où
Ion examine les sentiments communs et où
k»i explique ce que V Écriture nous en dit;
mstevdam, 1684, in-12. Dans cet ouvrage Le-
pne soutient les opinions arminiennes; — En-
\etien sur diverses matières de théologie, où
on examine particulièrement la question
le la grâce immédiate, du franc-arbitre, du
Vché originel, de l'incertitude de la méta-
physique et de la prédestination ; Amsterdam,
R85 , in-12. Cet ouvrage est. divisé en deux
àrties : la première seule est de Lecène; la
"conde est de J. Leclerc. Le système arminien
ir la grâce et la prédestination est encore plus
rononcé dans cet ouvrage que dans le précé-
ent ; — Conversations sur diverses matières
e religion, avec un traité delà liberté de
mscience ; Philadelphie (Amsterdam), 1687,
i-12. Le traité de la liberté de conscience est
édié au roi de France et à son conseil, et est
ne traduction du livre de Crell : Junii Bruti
oloni Vindicte pro religionis libertate. Nai-
;on â retouché cette traduction de Lecène et l'a
ise à la suite de l' Intolérance convaincue de
'ime et de folie du baron d'Olbach; Lon-
•es (Amsterdam), 1769, in-12; — Projet
unenouvelle Version françoise de la Bible;
otterdam, 1698, in-8°; La Haye, 1705, et sous
;t autre titre : Nouvelle Critique de toutes
s Versions de la Bible en françois ; Ams-
rdam, 1722, in-8° ; traduction anglaise, Lon-
•es, 1727, in-8°. Gousset attaqua vivement le
'stèmé de traduction proposé par Lecène ; —
a sainte Bible contenant les Livres de l'An-
en et du Nouveau Testament, nouvelle ver-
on françoise par Lecène ; Amsterdam, 1742,
vol. in-fol. : cet ouvrage fut publié par le fils
s l'auteur, Michel-Charles Lecène , libraire à
msterdam, qui a inséré dans l'avertissement
i Abrégé de la vie de Charles Lecène. En
te du premier volume se trouve Projet d'une
ouvelle Version, etc., mais augmenté d'une
conde partie, destinée à répondre aux attaques
ont le projet avait été l'objet. Chaque livre de
i Bible est précédé d'un avertissement qui en
idique l'auteur. Cette traduction, qui a le mé-
te d'un style clair et coulant, offre d'un autre
Hé des défauts considérables. Lecène a enlevé
la Bible sa couleur antique, et lui a donné un
r moderne, fort ridicule , en remplaçant des
:rmes usités et caractéristiques par d'autres qui
ppartiennent à notre temps. Les scribes y sont
apelés des avocats, les satrapes des bâchas, les
onseillers du roi des cadis, etc. En outre de
lusieurs interprétations arbitraires, il s'est per-
)is d'expliquer et de lier le texte à sa manière,
y introduisant des développements qui ne
ont pas toujours heureux,etqui dans tous les
as font souvent de sa traduction une espèce d«
araphrase. Il a aussi parfois corrigé le texte
i'çn sur l'autorité de manuscrits d'ailleurs es-
LE CHANTEUR 186
timés; mais il a eu soin d'indiquer les change-
ments. Le synode de l'Église wallonne con-
damna cette traduction en 1742. Il en demanda
même la suppression aux magistrats; mais ceux-
ci, dans un esprit de tolérance qui les honore, ne
voulurent pas l'accorder. Michel Nicolas.
Abrégé de la Fie de Charles lœcène; dans ['Avertisse-
ment de sa traduction de la Bible. — Chaufepié, Dict.
histor. — MM. Haag, La France Protestante. — Revue
de Théologie, par M. Colani, 1857, vol. VU, pag. 343.
le cerf de la viéville (Philippe), his-
torien et biographe français, né à Bouen,en 1677,
mort à Fécamp, en 1748. Il entra dans la congré-
gation des Bénédictins de Saint-Maur-les-Fossés
près Paris. Jeune encore, vers 1718, il fut at-
taqué d'une maladie qui le força à garderie lit
durant trente années, c'est-à-dire jusqu'à sa
mort. Malgré cet état de souffrance continuelle ,
il put composer des ouvrages et dicter un grand
nombre de sermons remarquables par l'éloquence
et le savoir. On a de lui : Bibliothèque histo-
rique et critique des Écrivains de la Congré-
gation des Bénédictins de Saint- Maur; La
Haye, 1726, in-12: ce livre ayant été attaqué par
plusieurs érudits , le P. Le Cerf en fit paraître
la Défense; Paris, 1727, in-12; — Eloge des
Normands , ou histoire abrégée des grands
hommes de cette province ; Paris, 1731, in-12.
L— z — E.
Lelong, Bibliothèque Historique de la France, t. I,
n» 11615 ; t. 111, n° 33176; t. IV, n° 45727. — Dictionnaire
Historique (1822).
LECERF DE LA VIÉVILEE ( Jean-Louis),
seigneur de Fresneuse, critique musicien, de la
même famille que le précédent, né à Rouen, en
1674, mort le 10 novembre 1707. 11 était garde
des sceaux du parlement de Normandie. On a
de lui : Comparaison de la Musique italienne
et de la Musique françoise, où en examinant
en détail les avantages des spectacles et le
mérite des compositeurs des deux nations,
on montre quelles sont les vraies beautés de
la musique; Bruxelles , 1704, 1705, in-12 :
l'auteur a pour but de venger la France de la
préférence que l'abbé Raguenet avait accordée à
la musique italienne sur la musique française;
— L'Art de décrier ce qu'on n'entend pas,
ou le médecin musicien : exposition de la.
mauvaise foi d'un extrait du Journal de
Paris; Bruxelles (Rouen), 1706, in-12; — Dis-
sertation sur V empoisonnement d' Alexandre
le Grand : Lecerf soutient qu'Alexandre ne fut
pas empoisonné. J. V.
Mém. biogr. et littér. de la Seine-Inférieure. — Qué-
rard, La France Littéraire.
VE chanteur ( Jean-Louis ) , magistrat
français, né à Paris, en 1719, et mort dans la
même ville, le 3 avril 1766, fut reçu conseiller
auditeur à la chambre des comptes, en 1747. On
lui doit un ouvrage important sur l'histoire et
les accroissements de la compagnie à laquelle il
appartenait; c'est une Dissertation historique
et critique sur la Chambre des Comptes en
187 LE CHANTEUR
général, sur l'origine , l'état et les fonctions
de ses différents officiers; Paris, 1765,
in- 4°. J. L.
France Littéraire de 1769. — Gazette des Tribunaux,
i novembre 1810.
LE chapelain (Charles-Jean-Baptiste),
prédicateur et théologien fiançais, né à Rouen,
le 15 août 1710, mort à Malines, le 26 décembre
1779. Il était fils d'un procureur général au par-
lement de Rouen, fit ses études chez les jésuites,
et filtra dans leur société. Il eut beaucoup de
succès comme prédicateur, et prêcha souvent
devant la cour. Lors de la dissolution de sa
compagnie, il se retira auprès de l'impératrice
d'Autriche Marie-Thérèse; plus tard il devint le
secrétaire et l'ami du cardinal archevêque de
Malines. Il mourut d'apoplexie en célébrant la
messe. On a de lui : Discours sur quetqttes
sujets de piété et de religion; Malines, 1760,
ia-12; — Oraison funèbre de l'empereur
François Ier; 1766, in-4° ; — Recueil de Ser-
mons; 1767, 6 vol. in-12, commenté par l'abbé
de Londres; — Panégyrique de sainte Thé-
rèse, 1770 et 1772, in-12 ; trad. en allemand,
Augsbourg, 6 vol. in-8° . A. L.
Desessarts, Les trois Siècles Littéraires. — Richard et
Giraud, Bibliothèque Sacrée.
LE chapelier (Isaac- René- Guy), homme
politique français, né à Rennes, le 12 juin 1754,
guillotiné à Paris, le 22 avril 1 794. Fils d'un avocat
du barreau breton, il embrassa la même carrière.
Après de bonnes études, le jeune Le Chapelier se
plaça bientôt , et par son éloquence et par la
loyauté de son caractère, au-dessus de collè-
gues qui montraient le plus de talent, Je plus
d'activité. On le citait surtout pour la sagesse
de ses conseils et sa droiture dans les affai-
res. La plus légère apparence de fraude lui
faisait repousser ceux qui voulaient lui confier
leurs intérêts dans une contestation. Le Cha-
pelier prit une part active dans les dissensions
qui éclatèrent, en 1787, entre le gouvernement
et les parlements. Il était à la tête du barreau
de Rennes pour défendre les droits des citoyens
et s'opposer aux prétentions des ordres privilé-
giés. Le tiers état envoya Le Chapelier comme son
représentant à l'Assemblée constituante. Dès les
premières séances , il prit rang parmi les meil-
leurs orateurs, et prit part aux discussions les
plus graves. En qualité de membre du conseil
de constitution , il présenta plusieurs rapports
importants. Le premier, il demanda la garantie
de la dette publique; il s'opposa à la violation
du secret des lettres qu'on sollicitait comme
mesure de sûreté générale, et provoqua l'arme-
ment de tous les citoyens sons le titre de garde
nationale. Il présidait l'Assemblée nationale
dans la nuit du 4 août 1789, qui renversa la
féodalité et frappa à mort les corporations fa-
meuses par leur tyrannie. Plus tard, il fit abo-
lir le partage inégal dans les successions, comme
attentatoire au repos, à l'honneur des familles
— LE CHARRON 188
et aux droits de tous les enfants d'un même
père, d'une même mère. Lors de la discussion
sur l'établissement des tribunaux, il demanda
que la nomination des juges émanât du peuple,
et que le pouvoir exécutif n'eût qu'à faire exé-
cuter les sentences. Il ne voulait point, non plus,
que l'on cumulât deux emplois à la charge du
trésor public , ni qu'aucun fonctionnaire pût
être appelé à siéger au corps législatif. Ce fut lui
qui le premier éleva la voix pour garantir aux
éorivains la propriété de leurs œuvres, et L«l
Chapelier est l'auteur de la loi du 28 juillet
1791, qui assura cette propriété pendant toute le
vie de l'écrivain et quelques années après sjj
mort. Toutes ces grandes pensées, expressior
d'une âme droite et sans ambition, furent er
même temps développées dans les articles four
nis par Le Chapelier à la Bibliothèque dt
l'homme public, publiée par Condorcet. L<
Chapelier fut l'un des ehefs de la majorité roya
liste constitutionnelle qui, vers la fin de la ses
sion , lutta contre la tendance démocratiqiH
d'une portion de l'assemblée. En 1793 il fa
dénoncé au tribunal révolutionnaire par lei
agents d'un chef de parti dont il avait eu le cou
rage d'attaquer les projets ambitieux , dans 1;
séance de la constituante du 25 août 1791. L<
Chapelier quitta de suite l'Angleterre, où dei
affaires l'avaient conduit; il crut par sa préseno
empêcher le séquestre des biens de sa famille e
répondre victorieusement aux attaques dirigée
contre lui. Sa voix fut étouffée, on le rondamni
sans l'entendre ; il se vit avec calme conduin
à l'échafaud , et reçut la mort comme un der
nier sacrifice fait à la cause de la liberté. Il péri
avec ses deux collègues Tbouret et Duval d'É
prémesnil en même temps que Malesherhes et si
fille. La veuve de Le Chapelier épousa plus tan
Corbière. [A. Thiébaut de Berneaud, dans VEn
cycl. des Gens du Monde, avec additions.]
Arnnult, Jay,Jony pt Norvins, Biotir. nouv. des C on-
temp. — Biogr. univ. et portât, des Contemp. — Mont
teur, 1789-179?.
le charron (André-Louis- Lambert ', ba
ron), officier et historien vendéen, né en mar
1759, dans leGàtinais, mort à Montfort l'Amaury
en novembre 1837. Elevé à l'École Militaire
il entra en 1776 comme sous-lieutenant dans \t
régiment de Limosin-infanterie, et y devint capi
taine. Chassé de son régiment par l'insubordina
tion de ses soldats en 1792, il entra dans 1.
garde constitutionnelle de Louis XVI. Après li
10 août, il rejoignit l'armée de Condé, et dans le:
régiments de Royal-Émigrant et d'Hervilly il fi
contre les Français les campagnes de Flandre e
de Hollande. En 1795, après un séjour en An
gleterre, il prit part à l'expédition de QuiberonJ
et fut fait prisonnier. Incarcéré à Vannes, i
réussit à s'échapper, et rentra en France dans lei
premières années de l'empire. Sous la restaura
tion, il reprit du service comme colonel et obtin
la croix de Saint-Louis. On a de lui : Exp< "
189 LE CHARRON
Uon de Quiberon, suivie de l'Évasion des pri-
ions de Vannes, avec une earte de la presqu'île;
i>aris, 1826, in-S°. H. L.
m. .Muret, Histoire des Guerres de la Vendée.
LE chat ( Julien- Pierre- Louis), littérateur
rançais, né à Fougères ( Ille-et- Vilaine ), le
5 juin 1795, mort à Nantes, le 9 octobre 1849.
Ses études terminées à Rennes, il entra au grand
éniinaire de cette ville, où il fit sa théologie de
811 à 1814. 11 professa ensuite la seconde à
Itré, puis à Saint-Malo. En 1823 il vintoccuper
a chaire de philosophie au collège de Nantes, où
i resta jusqu'à sa mort. Outre plusieurs dis-
ours et fragments littéraires et philosophiques
|iie l'abbé Léchai a fait imprimer, mais qui n'ont
as été réunis, on a de lui : Du fiera, thèse ; Paris,
833, iii-4°; — De humanarum Cognitionum
)rigine et Principiis, thèse; Paris, 1833, in-4,u;
-Philosophie de V Histoire, professée en dix-
uit leçons publiques à Vienne par F. Schle-
el, traduit de l'allemand; Paris, 1836, 2 vol.
i-8° ; — Sur le Critérium de la Vérité , ou
rincipe fondamental de la certitude; Nantes,
843, in-8°; — Recueil de Sermons et d'Ins-
ruct ions religieuses à l'usage des maisons d'é-
'ucation et des familles ; Nantes, 1847, in-8o.
a laissé un traité de philosophie en manus-
rit. J. V.
Arm.'inil Uucraud, Biogr. Bretonne. — Bourquclot et
mry, La lÀttér, Franc, contemp.
* LECHATÉLiER(jLowis), ingénieur français,
éà Paris, en février 1815. Entré à l'École Po-
technique en 1834, il en sortit deux ans après
our faire partie du service des mines. On
de lui entre autres : Mémoires sur les Eaux
orrosives employées dans les chaudières à
apnir (extr. des Annales des Mines); 1842,
i-8°; — Recherches expérimentales sur les
lachines locomotives ( avec M. Gouin ) ; 1844,
i-8°; — Chemins de fer de l'Allemagne, des-
ription statistique, système d'exécution,
'acé, voie de fer, stations, matériel , frais
'établissement , exploitations ; 1845, in-8°,
vec une carte ; — Études sur la Stabilité des
lachines locomotives en mouvement; 1849,
i-8°, avec 2 pi.; — Guide du Mécanicien
instructeur et conducteur de machines lo-
omotiics ( avec MM. E. Flachat,Poiseuille, etc.);
851, in-8° et atlas. G. de F.
Renseignements particuliers. — Tournai de la Librai-
ie. - Huurquciot et Maury, La littérut. Franc, content-
raine.
L échelle ( ***), général français, né en
aintonge, mort à Nantes, en 1793. Il exerçait à
aintes la profession de maître d'armes lorsque
îlata la révolution II s'engagea dans la garde na-
onalc de la Charente-Inférieure , et parvint ra-
idement aux premiers grades militaires. Il dut
la faveur du ministre de la guerre Bouchotte
'être nommé, le 30 septembre 1793, général en
aef de l'armée de l'ouest, malgré l'incapacité
ont il avait donné des preuves dans diverses
irconstances. Il remporta d'abord quelques
LECHEVALIER
î'jO
avantages sur l'armée royale à Mortagne, puis à
Chollet; mais le 26 octobre, méprisant les avis
de Kleber et des autres généraux mayençais, il
se fit battre complètement devant Laval par le
comte Henri de la Roche-Jacqueleiu. Il fut ar-
rêté par les ordres du représentant Merlin (de
Tliionville) qui le fit incarcérer à Nantes. Lé-
chelle mourut quelques jours après, et, suivant
Le Moniteur, il s'empoisonna pour éviter l'é-
chafaud. H. L.
Le Moniteur universel, art il (1793), n°8 27B, 30, 57, 61
( 1794 ;, n° ISS. — Le Bas, Dict. encyclopédique de la
France. — Thiers, Histoire de la Révolution française,
t. IV.
* lechesne ( Auguste - Jean- Baptiste ) ,
sculpteur français, né à Caen, en 18l8. Venu à
Paris, il se fit connaître, en 1840, par l'exécution
d'une frise à la maison dorée dans laquelle on
remarqua un heureux mélange de branchages et
d'animaux. Il orna ensuite divers hôtels et mai-
sons particulières. En 1848 il exposa : Amour
et Jalousie, combat d'oiseaux, groupe en terre
crue ; — Nid d'oiseaux, terre crue ; — en 1 849 :
Pendant le sommeil, groupe en plâtre; — Une
Orfraie défendant sa proie contre une belette,
groupe en bois de chêne; — Douleur et Com-
bat, groupe d'oiseaux et animaux, en terre; —
en 1850 : Animaux et Enfants, groupe en
plâtre ; — Victoire et Reconnaissance, groupe
en plâtre; — en 1852 : Vases en plâtre; — en
1853 : Chasse au sanglier, groupe en plâtre;
— Combat et Frayeur, groupe en marbre ; —
en 1855, Dénicheurs d'oiseaux, en deux grou-
pes en plâtre; — en 1857 : Dénicheurs, grou-
pes en bronze. En 1858, M. Lechesne a ouvert
une exposition particulière de ses œuvres. Il
avait obtenu une médaille de deuxième classe en
1848 et la croix d'Honneur après l'exposition uni-
verselle de 1855. L. L — t.
Vapcreau, Dict. univ. des Contemp. — Livrets des Sa-
lons, 1848-1857.
lêchevalier ( Jean-Baptiste ), voyageur
et archéologue français, né à Trelly, près de Cou-
tances, le Ier juillet 1752, mort le 2 juillet 1836.
Destiné à l'état ecclésiastique, il fit ses études au
séminaire Saint-Louis à Paris ; mais quoiqu'il por-
tât le titre d'abbé, il n'entra pas dans les ordres. Il
professa dans plusieurs collèges de Paris. En
1784, le comte deChoiseul-Gouffier,'nommé am-
bassadeur à Constantinople, lui proposa de l'em-
mener en qualité de secrétaire particulier. L'abbé
Lêchevalier accepta, et; après un court voyagea
Londres pour les intérêts de l'ambassadeur, il se
rendit en Orient. Il s'associa ( 1785-1786) avec
ardeur aux explorations que M. de Choiseul
avait entreprises dans la Troade, et fit, ou crut
faire, des découvertes qui, selon lui, excitèrent
la jalousie de son patron. Pour cette raison, ou
une autre, il quitta Constantinople etfut envoyé à
Jassi auprès du hospodar de Moldavie avec mis-
sion d'observer les mouvements de l'armée russe
qui opérait sur le bas Danube. Il revint à Paris
en 1788; mais les événements de la révolution
J9t
LECHEVAL1ER — LECLERC
192
le décidèrent à quitter la France , et il séjourna
quelque tempsenAllemagne,où il fut reçu membre
de l'Académie de Goellingue. Il visita le Dane-
mark, la Suède, la Russie , la Hollande, et passa
eusuite en Angleterre. Il y trouva une généreuse
hospitalité dans la maison de sir Francis Bur-
dett, et ne rentra en France qu'en 1797. Il en
repartit bientôt après, et jusqu'en 1805 il voyagea
presque constamment eu Espagne et en Italie. A
son retour en France, il obtint la place de con-
servateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève, et
passa le reste de sa vie dans une studieuse re-
traite. On a de lui : Voyage dans la Troade ,
contenant la description de la Plaine de
Troie; Paris, 1800, in-8°. Cet ouvrage n'était
primitivement qu'un mémoire que l'auteur lut à
la Société royale d'Edimbourg, et qui fut traduit
en anglais par A. Dalzel, sous ce titre: Descrip-
tion of the Plain of Troy, ivith notes and il-
lustrations ; Londres, 1791, in-4°. Bryant y
répondit par des Observations , où il s'efforça
de démontrer que les découvertes de Lecheva-
lierétaieiitillusoires,et révoqua en doute la guerre
de Troie et jusqu'à l'existence de cette ville. Le
voyageur français ne se rendit pas aux observa-
tions de Bryant ; en publiant son mémoire sous
une forme plus développée, il persista à croire qu'il
avait découvert le véritable emplacement de 1T-
lion homérique et qu'il avait reconnu dans les
plaines de la Troade les lieux chantés par l'au-
teur de L'Iliade. Ses conjectures, appuyées sur
une érudition abondante sinon solide , eurent du
succès, Choiseul-Gouffier les admit, tout en con-
testant à Lechevalier le droit de publier des re-
cherches qui avaient été faites aux frais d'un
autre et pour un autre ouvrage. Plusieurs voya-
geurs anglais, Morrit, Hawkins, Gell, Hamilton,
Foster, Leake, les ont adoptées; mais dès 1813
M. Hobhouse fit remarquer que la topographie
réelle de la Troade ne correspond pas aux des-
criptions de L'Iliade, et aujourd'hui on admet
généralement que la géographie d'Homère est
en grande partie imaginaire, et que toute tenta-
tive pour faire concorder les indications du poète
avec les sites de la Troade serait vaine (1). Une
troisième édition du Voyage de la Troade, re-
vue, corrigée et considérablement augmentée,
parut à Paris, 1802, 3 vol. in-8°; — Voyage
dé la Propontide et du Pont-Euxin, avec la
carte générale de ces deux mers, la descrip-
tion lopographique de leurs rivages, le ta-
bleau des mœurs , des usages et du commerce
des peuples qui les habitent ; la carte par-
ticulière de la plaine de Brousse en Bithynie,
(1) Malgré tant d'efforts et malgré le -vif désir que l'on
aurait de se laisser convaincre par les séduisantes as-
sertions de Lechevalier et de Choiseul-Gouffier, on est
obligé de reconnaître qu'aucun sysième ne peut ni ne
pourra faire concorder les descriptions d'Homère avec
l'état des lieux, quand même on se permettrait de di-
riger au gré des conjectures le cours du Scamandre et
du Simoïs, et de changer la configuration du rivage à
l'aide (les allnvions de ces deux ruisseaux. A. -F. D.
celle du Bosphore de Thrace, et celle de Cois- j
tantinople accompagnée de la description
des monuments anciens et modernes de cette
capitale; Paris, 1801, 2 vol. in-8° : ouvrage
moins conjectural et plus instructif que le pré-
cédent; — Ulysse-Homère, ou du véritable
auteur de L'Iliade et, de L'Odyssée; Paris, 1829,
in-8°. Dans cet ouvrage, qui fut publié sous le
pseudonyme de Constantin Koliades, professeur
dans l'université ionienne, Lechevalier prétend
prouver que Ulysse est le véritable auteur de
L'Iliade et de L'Odyssée. Ce pédantesque enfan-
tillage ne mérite pas même une réfutation. L. J.
Noël, Notice sur la Fie et lis Ouvrages de feu
M. J.-B Lechevalier; Paris, 1840, in-8». — Letronne,
dans le Journal des Savants, 1829, 1830.
* lechevalier (Jules ), publiciste Iran*
çais, né vers 1800. Adepte de la religion saint-
simonienne, puis de l'école fouriériste ou socié-
taire, il a été seerétake de la commission colo-
niale en 1843. Le 8 août 1849, il fut mis en ac-
cusation pour complot dans l'affaire du 13 juin,,
et condamné par contumace à la déportation.
On a de lui : Leçons sur l'art d'associer les
individus et les masses : Exposition du sys-
tème social de Charles Fourier ; Paris, 1832,
5 leçons, in-8°; — Question sociale ; de la
ré/orme industrielle considérée comme pro-
blème fondamental de la politique positive;
Paris, 1833, in-8° ; — Études sur la science
sociale; Paris, 1832-1834, in-8°; — Vues po-
litiques sur les intérêts moraux et matériels'
de la France , et sur les principaux actes de
son gouvernement depuis le 9 août 1830;
Paris, 1837, in-8°; — Rapport sur les ques-
tions coloniales, adressé à M. le duc de Bro-
glie, président de la commission coloniale,
à la suite d'un voyage fait aux Antilles et
aux Guyanes, pendant les années 1838 et
1839, publié par ordre du ministre de la marine;
Paris, 1844, 3 vol. in-fol.; — De l'Avenir de la
Monarchie représentative en France; Paris,
1845, in-8°; — Qui donc organisera le tra-
vail? Les travailleurs eux-mêmes. Organi-
sons-nous! discours prononcé le 18 juin 1848;
Paris, 1848, in-fol.; — Au Peuple ; Paris, 1849,
in-4°. M. J. Lechevalier a été rédacteur en chef1
du journal La Paix, et après 1848 de La Tri-
bune des peuples. L. L — t.
Bourquelot et Maury, La Littér. franc, contemp. —
Moniteur, 1849, p. 8687.
le clerc ( Perrïnet ), jeune Parisien qu'un
acte de trahison a rendu célèbre, vivait dans la
première moitié du quinzième siècle. Il était fils
d'un marchand de fer ou fertier dont la bou-
tique était située sur le Petit-Pont , et avait suc-
cédé en cette qualité à son père, chargé, comme
quartenier, de garder les clefs de la porte Saint-
Germain-des-Prés. Tandis qu'il faisait le guet |
à cette porte, il fut injurié et battu par les ser-
viteurs d'un des seigneurs du conseil du roi; il
s'en plaignit vivement au prévôt, et ne put obtenir
aucune justice. « Pour lors, dit M. de Barante,
m
il jura de s'en venger. Comme on était au plus
fort de l'indignation contre le connétable et qu'on
savait ce Perrinet Le Clerc plein de courage et
de résolution, des parents du sire de L'isle-
Adam , partisans secrets du duc de Bourgogne ,
lui vinrent proposer d'introduire ce seigneur dans
la ville avec la garnison de Pontoise, dont il était
capitaine. Perrinet Le Clerc y consentit, et as-
sembla quelques-uns de ses compagnons , de
conduite assez déréglée, de beaucoup de témé-
rité et de peu de réflexion. La plupart étaient fils
de bouchers. » De leur côté le* Bourguignons
se préparèrent : ils réunissaient à peine sept ou
huit cents chevaux et comptaient dans leurs rangs
Guy de Bar, Chastellux, Chevreuse, Ferry de
Mailly et Lyonnet de Bournonville. Dans la nuit
du 28 au 29 mai 1418, Perrinet déroba à son
père les clefs que celui-ci gardait sous son chevet,
monta la garde à la porte Saint-Germain avec
ses complices, et l'ouvrit à L'Jsle-Adam dès
qu'il se présenta. Les Bourguignons avancèrent
en silence jusqu'au Châtelet, où ils rencontrè-
rent quatre cents bourgeois armés que Perrinet
avait fait entrer dans la conspiration. Alors écla-
tèrent les cris de « Vive Bourgogne! Vive ie
roi ! Que ceux qui veulent la paix s'arment et
nous suivent! » La population seconda la troupe
de L'Isle-Adam,et le triomphe fut assuré ; mais
il fut. acheté par des massacres et des pillages
dont les historiens contemporains tracent le
plus lugubre tableau. Quant à Perrinet, il ne
ouit pas longtemps des fruits de sa trahison : il
ut trouvé mort à quelques jours de là , frappé,
i ce qu'on prétend , de la propre main de son
père. P. L — v.
Monstrelet , IV. — Ju vénal des Ursins. — Le Fèvre
aint-Bemi, c, 85. — Chronique du religieux de Saint-
lenis. — Barante, Hist. des Ducs de Bourgogne, IV.
- Sismondi, Hist des Français, XI!.
le clerc (Jean), premier martyr de la re-
igion réformée en France , né à Meaux, vers la
în du quinzième siècle, brûlé en 1525, à Metz.
I était cardeur de laine, et fut gagné , ainsi que
)eaucoup d'artisans, à la cause ds la réforme par
a lecture du Nouveau Testament, traduit en fran-
çais par Lefèvre d'Étaples et répandu dans le
liocèse par l'évêque Briçonnet. Ayant eu la har-
iiesse d'afficher aux portes de la cathédrale un
ilacard où le pape était traité d'antechrist, il fut
ïondamné, par arrêt du parlement, à être fouetté
i Paris et à Meaux , marqué au front et banni.
Ise retira à Rosoy, en Brie, puis à Metz (1525),
)ù il travailla de son métier. Emporté par Par-
leur de son zèle , il brisa un jour les images qui
levaient servir à une procession catholique.
i Loin de nier le sacrilège dont on l'accusa , il
'en fit gloire; aussi son procès fut-il bientôt jugé.
1 fut condamné à un épouvantable supplice.
)n lui coupa le poing droit, on lui arracha le
lez, on lui tenailla les bras, on lui déchira les
namelles, on lui ceignit la tête de deux ou trois
cercles de fer rouge, et pendant que le bourreau
'acharnait ainsi sur son corps, l'intrépide con-
NOUV. B10GR. GÉNÉK. — T. XXX.
LE CLERC 19-1
I fesseur de la foi protestante chantait à haute voix
I ce verset du psaume CXV : Leurs idoles sont
(Toi et d'argent , etc. Son chant ne cessa qu'au
. milieu des flammes du bûcher dans lequel on
j finit par le jeter, sanglant et mutilé ».
Son frère Pierre, cardeur comme lui, et qui
avait été choisi comme ministre par les protes-
I tants de Meaux, paya aussi de sa vie en 1546 son
I attachement à la réforme. K.
Haag frères , La France Protestante, \ 1.
le cleuc (Jean), graveur français, né à
I Paris, dans la seconde moitié du seizième siècle.
11 a gravé sur cuivre et sur bois dès l'an 1596.
i Le plus fameux de ses ouvrages est une grande
j Carte de France en neuf feuilles, contenant plus
de 30,000 indications géographiques , composée
I par François de La Guillotière et présentée vers
j 1612 au jeune roi Louis XIII. On en a fait plusieurs
I tirages, notamment en 1624 et en 1640; mais
ce spécimen curieux de gravure en bois n'en est
j pas moins fort rare. K.
Papillon, Traité de la Gravure en bois.
le clerc de la forest (Antoine), érudit
j français, né le 23 septembre 1563, à Auxerre,
i mort le 23 janvier 1628, à Paris. Issu d'une fa-
j mille qui descendait de Jean Le Clerc, chancelier
: de France en 1420, il se destina d'abord à l'état
ecclésiastique ; mais , après avoir reçu la tonsure,
I il prit le parti des armes, et combattit, de 1585
! à 1592 , dans les rangs des calvinistes, dont il
I était devenu le coreligionnaire. En 1595 il pro-
| nonça son abjuration à Paris, et s'y maria. Nommé
j maître des requêtes de l'hôtel de Marguerite de
| Valois , il se distingua par sa profonde connais-
sance des auteurs sacrés et profanes dans les
conférences qui se tenaient chez cette princesse;
| il aimait et protégeait les lettres; beaucoup de
savants se faisaient honneur d'être en relation
avec lui; c'est à lui que presque tous étaient re-
devables des gratifications qu'ils recevaient de
Marguerite, du cardinal du Perron , des maisons
de Puisieux, d'Étarnpes, etc. Sa charité était
inépuisable; aussi entra-t-il dans tout le bien
qui se lit de son temps et fut-il lié avec les per-
sonnages les plus vertueux , tels que saint Fran-
çois de Sales , la mère Alix Le Clerc et Saint-
Vincent de Paul, ainsi qu'avec les réformateurs
des ordres religieux, qu'il appuya de son crédit
et de ses conseils. Il mourut en odeur de sain-
teté, et fut enterré dans l'église des Pénitents de
Picpus. On a de lui : Explications de quelques
endroits de V Écriture Sainte : relatives, d'après
l'abbé Lebeuf, au livre intitulé : De Mundi Opère ;
1618; — Commentaire latin sur les lois an-
ciennes de Rome; Paris, 1603, in-4°, signé An-
tonius Clarus Sylvius ; — Défense des puis-
sances de la terre, contre Mariana; Paris,
1610, in-8°; — Lettres de piété, accompa-
gnées de Méditations et de Maximes, réimpr.
eu 1644 avec sa vie. On lui attribue l'édition
De Romanorum Genlibus etFamiliis, d'A. Au-
gustintts et F. Ursinus; Lyon, 1592, in-4°. Là
7
195
LE CLERC
196
■vie d'Antoine Le Clerc a été imprimée sous le
titre : Le Séculier parfait ; par Louis Provansal
de La Forest; Paris, 10i4, in-8°;dans i' Histoire
du Tiers Ordre de Saint-François (1607) ; et les
Annules latines du même ordre (1680, t. 111 ).
P. L— y.
Lebciif ( abbd>, Mem. concernant l'hist. eccles. et civile
l'Auxerre, 11,508 el sniv.
leclerc, en latin clericcs, famille ori-
ginaire du Beauvaisis et réfugiée à Genève, con-
nue par deux ou trois générations d'érudits; les
principaux sont les suivants :
leclekc ( David), théologien protestant, né
à Genève, le 19 février 1591, et mort dans la
même ville, le 21 avril 1654. Après de bonnes
études faites dans sa patrie, il alla les perfec-
tionner à Strasbourg, et puis à Heidelberg, où il
travailla avecGruler à une édition des Lettres de
Cicéron à Atticus. En 1015, il passa en Angle-
terre avec l'intention de se perfectionner dans
l'étude de la langue hébraïque. La mort de son
père et de sa mère, en!e\és presqu'au même mo-
ment par la peste , le rappela bientôt à Genève.
Il y obtint, en 1618, la chaire d'hébreu, qu'il
remplit sans rétribution. Dix ans après, il se fit
recevoir ministre. On a de lui : Qttxstiones sa-
crx,inquibus milita Script urx loca variaque
iingux sacrx idiomata explicantur ; accesse-
runt similiiunaryumentorumdiatribx Steph>
Gltrici; Amsterdam, l08i, in-8" , publiées par
les soins de J. Leclerc, qui y ajouta des notes et
une notice biographique des deux auteurs; — Ora-
tiones (XIII), conspectus ecclesiasticus et poe-
mata ; accedunt Steph. Clerici Disserlationes
philologicx ; Amsterdam, 1087, in-8°, avec une
préface de J. Leclerc; — une traduction latine
de la synagogue de Buxtorf; Bâle, 1641, in-8°
et in-4° ; — des traductions dt quelques ouvrages
anglais; — plusieurs pièces de vers latins, grecs,
hébreux, imprimées en tête de divers ouvrages.
M.N.
La vie de D. Leclerc, dans ses Qvœstiones sacrw. —
MM. ilaag , La France Protestante.— Sèneblér, Hist.
Littèr. de Genève.
leclerc (Etienne), frère du précédent, né
à Genève, le 13 août 1599, et mort dans cette
ville, le 3 octobre 1076. Il suivit d'abord la car-
rière militaire; il se fit ensuite recevoir docteur
en médecine. En 1643 il obtint une chaire de
langue grecque; il l'occupa jusqu'en 1662.
Nommé en 1654 membre du Conseil des Deux
Cents, il entra en 1662 dans le Petit Conseil. On
a de lui: une édition d'Hippocrate; Genève, 1657,
iu-fol. ; — sepl dissertations dans les Quxstïones
sacrx de son frère ; — et les Disserlationes phi-
lologicx à la suite des Oraliones du même.
M. N.
La vie d'fitlen. Leclerc dans les \4uxstiones sacrée. —
Scnebirr, Hist. Littéraire de Genève. — MM. Haag, La
France protestante.
leclerc (Daniel), médecin et érudit , fils
du précédent, né à Genève, le 4 février 1652 ,
mort dans cette ville, le 8 juin 1728. Après avoir
suivi les cours des écoles de médecine de Mont-
pellier et de Paris, il se lit recevoir docteur à
Valence en 1672. Il exerça ensuite la médecine
dans sa patrie avec succès, se délassant des
travaux de sa profession par l'étude de la litté-
rature ancienne et par celle des médailles, pour
laquelle il avait un goût décidé. En 1080, il en-
tra au Conseil des Deux Cents et en 1704 au Petit
Conseil. En 1713, il proposa aux docteurs en
médecine de Genève la fondation d'une société,
dont il fut nommé président. En outre de la Bi-
bliotheca Anatomica ; Genève, 1685, 2 vol.
in-fol., qu'il publia en collaboration avec J.-J.
Manget, on a de lui : Chirurgie complète;
Paris, 1695, in-12; et 1706, in-8°; — Historia
naturalis et medica latorum lumbricorum ;
Genève, 1715, in-4o ; trad. en angl., Londres,
1721,in-8°; — Histoire de la Médecine, où
Von voit l'origine et les progrès de cet art;
Genève, 1696, in-8° ; 2e édit. augmentée; Ams-
terdam, 1723, in-4°; 3e édit., La Haye, 1729,
in-4°; trad. en angl., Londres, 1699, in-8°. La
partie la plus estimée de ce travail est celle qui
traite de l'histoire de la médecine ancienne, jus-
qu'à la fin du second siècle. La partie qui est
consacrée à l'histoire de cet art, depuis le troi-
sième siècle jusqu'au milieu du dix-septième,
n'est donnée par l'auteur lui-même que comme
un Essai; elle est fort abrégée et manque d'exac-
titude. M. N.
MM. Haag, La France Protestante. — Sénebier,
Hist. Littér. de Genève.
leclerc (Jea«), littérateur, philosophe, théo-
logien et surtout célèbre critique, frère du précé-
dent, né à Genève, le 19 mars 1657, mort à Ams-
terdam, le 8 janvier t736. Il acquit de bonne
heure des connaissances étendues et variées, grâce
à la facilité qu'il trouva de satisfaire sa passion
pour l'étude, dans les riches bibliothèques de son
père et de son oncle, et en même temps il puisa
dans la lecture des ouvrages de Courcelles, son
grand-oncle, un goût prononcé pour l'arminia-
nisme. Ainsi, dès sa jeunesse, il montra ce qu'il
serait plus tard, un grand érudit et un esprit indé-
pendant, tolétant et ennemi des préjugés et de la
routine. En 1678, il se rendit à Grenoble pour
faire l'éducation dufilsainé du conseiller Sarrasin
de La Pierre. L'année suivante il profita d'un sé-
jour à Genève pour se faire admettre au minis^-
tère évangélique. 11 retourna aussitôt après à
Grenoble, d'où, en 1680, il alla à Saumur pour-
suivre ses études de théologie. En 1682, il se>
rendit à Londres , où pendant six mois il prê-
cha avec succès dans l'église wallonne et dans
celle de la Savoie. Le climat de I Angleterre ne
convenant pas à sa santé, il passa en Hollande
avec Gregorio Leti, dont il épousa (1691 ) la
fille. Il se lia alors intimement avec Limborch, le
plus célèbre Remontrant de cette époque, et avec >
Locke, qui, tuyant sa patrie, arriva eu Hollande !
peu de temps après lui. Les ministres de l'église
wallonne l'ayant fait interdire du ministère évan- '
197
LECLERC
199
Clique , à cause de ses opinions théologiques ,
il fut nommé en lf>84 professeur de belles-let-
tres, de philosophie et d'hébreu, et, après la mort
dp Limhorch , professeur d'histoire ecclésias-
tique au Collège des Remontrants à Amsterdam.
Il remplit ces fonctions jusqu'en 1/28, époque
à laquelle une première attaque de paralysie lui
enleva en partie la mémoire. Une nouvelle atta-
que
e priva en 1732 de l'usage de la parole et
le réduisit à un état d'enfance qui dura jusqu'à
sa mort.
« Leclerc, dit M. Haag, ne fut point un homme
de génie, il n'a rien créé; il ne fut pas même un
homme d'esprit ; ses productions ne se distin-
guent ni par la délicatesse des pensées ni par la
grâce du style. C'était un savant doué d'un bon
sens droit et sûr, d'un jugement ferme et clair-
voyant, d'une conception nette , d'une raison
éclairée, chez qui une érudition vraiment extraor-
dinaire était encore rehaussée par un caractère
noble, bien que trop irritable, et par des mœurs
pures. Champion courageux de la liberté de
penser, ennemi intraitable du dogmatisme et de
'intolérance, il a passé sa vie à combattre pour
es droits de la raison , et l'on ne saurait douter
me ses nombreux ouvrages n'aient contribué à
iccélérer le mouvement du dix-huitième siècle.
D'est à ce titre surtout qu'il mérite notre estime
t notre reconnaissance. » Dans le champ de la
héologieexégetique, Leclerc marcha sur lestraces
le Grotius, et il se fit le défenseur de la méthode
'interprétation à laquelle Scruler et Augusti
onnèrent ensuite de nouveaux développements,
t qui est acceptée aujourd'hui comme la seule
alable.
On a de lui : Liberii a Sancto Amore epis-
olse theologices , in quïbus varii scholasti-
orvm errores castigantur ; Irenopoli ( Sau-
mr), 1679, in-8°. Ce livre, dans lequel il prend
arti pour les droits de la conscience et de la
lison, le rendit suspect à Genève ; — Entretiens
ir diverses matières de théologie; Amster-
am, 1C85, in-8°. La seconde partie seule est de
eclerc; la première est de Lecène ; — Senti-
ents de quelques Théologiens de Hollande
ir /'Histoire critique du Vieux Testament
mposee par le P. Rich. Simon; Amsterdam,
85, in 8°; 2e édit., ibid. 1711, avec une nou-
lle préface; trad. en allem. et augmenté de
tes par H. Corrodi , Zurich, 1779, in-8°. Le-
erc, qui avait eu à se plaindre de R. Simon, se
oposa, dans ce livre, de faire ressortir les er-
urs et les lacunes de YHist. criliq. du Vieux
slnment. Rich. Simon repoussa ces inculpa-
ns sous le pseudonyme du Prieur de, Belle-
Ile, dans Réponse au livre intitulé Senti-
ents de quelques théologiens , etc. ; Rotter-
:tn, 1686, in -4°; — Défense des Sentiments
quelques théologiens de Hollande contre
Réponse du Prieur de Belleville ; Amster-
. jm, 1686, in-8°. Rich. Simon répondit l'année
J Jivante : De V Inspiration des livres sacrés ;
Rotteidam, 1687, in-4°. On trouve dans ces deux
écrits de Leclerc des opinions fort hardies pqur
l'époque à laquelle ils furent composés, sur
l'inspiration des Écritures, sur l'auteur du Pcn-
taleuque, sur h livre de ./«A, etc.; — Commen-
tarii phUolngici et Paraphrases in Yet Tes-
tam.; Amsterdam, 1690-1731,4 vol. in-fol. Ces
commentaires parurent dans l'ordre suivant :
Abdïas en 1690, la Genèse en 1693, les, quatre
autres livresdu Peutaleuque en 1696, les livres
historiques en 1~08, les Psaumes, les livres de
Salomon et les Prophètes en 1 731 ; mais ces
derniers, dans un état assez imparfait à cause de
la maladie de Leclerc; 2e édit, revue et corrigée
sur les manuscrits de l'auteur, Amsterdam, 173$,
4 vol. in-fol.; — Lellre à M.Jurieu sur la ma-
nière dont il a traité Episeopius dans son.
Tableau du Socinianisme ; 1690, in-8" ; -r- Opère-
Philosophica; Amsterdam, 1698,4 vol in-80}
plusieurs édit. Les divers ouvrages qui com-
posent ce recueil avaient été imprimés d'abord
séparément ; — Compendium historiœ uni-
versalis, ab initio mundi usque ad temporel
Caroli. Magni; Amsterdam, 1698, in-8°; plus,
édit.; trad. en franc, par P. Morrier, Amsterdam,
1730, in-8°; — ISovum Testamentum ex edi-
tione vulgata, cum paraphrasi et adnolatiO'
nibus H. Hammondi, ex angl. ling. in latin,
translation et anima iversionib us illustr.;
Amsterdam, 1698, 2 vol. in-fol.; 2e édit, aug-
mentée, Francfort, 1714, 2 vol. in-fol. Les notes
de Leclerc rendent cette traduction préférable à
l'original ; — Le Aouveau Testament traduit
sur Voriginal avec des remarques où L'on
explique le texte et où Con rend raison de
la version ; Amsterdam, 1703, 2 vol. in 4° ; —
Harmonia Evangelica, çui subjecta est histo*
ria Christi ex quat. Evangel. concinnata,
accesserunt très Dissertât.; Amsterdam, 1699,
in-fol.; réimprimé sans le texte grec, mais avec
une préface de Langius, Leyde (Altorf), 1700,
in-4°,et Londres, 1701, in 4°. Cet ouvrage donna
lieu à une longue polémique entre Leclerc et les
journalistes d^ Trévoux qui accusèrent les notes
et les dissertations d'être imprégnées de soci-
nianisme; — Historia Ecclesiastica duorum
primorum seculorum ; Amsterdam, 1716,
in-4° ; — Traité de V Incrédulité ; Amsterdam,
1696, in-8°; plus, édit, dont la meilleure est
celle de 1714, in-8°. Ce traité est suivi de deux
lettres : la première sur la vérité des faits évan-
géliques, et la seconde sur celle des miracles du
Nouv. Testam.; — Quœstioncs hieronymianse,
in quibus expenditur Hieronymï nupera edi-
tio Parisiana multaque ad criticam sacram
et profanant pertinenlia agitantur; Amster-
dam, 1700, in-12. Il s'agit ici de l'édition des
œuvres de saint Jérôme publiée à Paris par
dom Martianay, que Leclerc accuse d'être peu
versé dans la connaissance des matières théolo-
giques, surtout dans celle de l'antiquité hébraï-
que. Saint Jérôme n'y est pas toujours épargné;
7.
199 LECLERC
— Ars eritica; Amsterdam, 1696, 2 vol. in-8°;
plus, éditions, dont les meilleures sont celles de
t712 et de 1731, en 3 vol. pet. in-8°. Le troi-
sième volume est formé des Epistolx criticse
et ecclesiaslica' qui avaient élé publiées séparé-
ment; Amsterdam, 1700, in-8°. L'Ars eritica
est le premier traité systématique qui ait été
publié sur la meilleure méthode d'interpréter
les écrivains de l'antiquité, et en particulier les
écrivains sacrés. Cet ouvrage remarquable a été
fort utile aux progrès de l'exégèse biblique ; —
Parrhasiana, ou Pensées diverses sur des
matières de critique, d'histoire, de morale
et de politique , avec la défense de divers
ouvrages de M. L. C. (Leclerc) par Theod.
Parrhase; Amsterdam, 1699, in-12; 2e édit,
augm., 1701,2 vol. in-8°; trad. angl., Londres,
1700, in- 8°. Recueil de pièces diverses qui atti-
rèrent à leur auteur des atlaques assez vives et
lui firent une affaire avec Bayle ; — Réflexions
sur ce qu'on appelle bonheur et malheur en
matière de loterie et sur le bon usage qu'on
en peut faire; Amsterdam, 1694, in-12; et
1696, trad. holland., 1696, in-8°. Dans cet opus-
cule, qui, selon Bayle, est de Leclerc, l'au-
teur déploie une grande érudition pour jus-
tifier les loteries ; — Vie du cardinal de Ri-
chelieu ; Cologne (Amsterdam), 1694, 2 vol.
in-12 ; plusieurs édit., dont la dernière, avec des
pièces justificatives, est de 1753, 5 vol. in-12 ; —
Histoire des Provinces unies des Pays-Bas;
Amsterdam, 1723-1738, 4 tom. en 2 vol. in-fol.
Cette histoire s'étend de 1560 à 1716. C'est une
compilation peu exacte ; — Lettre à M. Ber-
nard sur l'apologie de F. -A. GabMon; Ams-
terdam, 1708, in-8", opuscule curieux, dans le-
quel Leclerc se défend contre un certain Gabil-
lon, qui avait pris son nom et qui en Angleterre
se donnait pour lui ; — Johannis Clerici Vita
et Opéra ; Amsterdam, 1711, in-8°; trad. angl.,
Londres, 1712, in-8° : c'est une autobiogra-
phie;— De Prxstantia et TJtilitale Historiée
Ecclesiasticx ; Amsterdam, 1712, in-4°; —
Oratio funebrisin obitumPhil. a Limborch;
Amsterdam, 1712, in-4° ; trad. angl., Londres,
1713, in-8° ; — trois publications périodiques cé-
lèbres : 1" Bibliothèque universelle et histori-
que; Amsterdam, 1686-1693, 26 vol. pet. in-12:
en société d'abord avec Cornand de La Croze, dont
ilfutbientôtobligédeseséparer; 2° Bibliothèque
choisie pour servir de suite à la Biblioth. uni-
verselle et historique ; Amsterdam , 1703-1713,
28 vol. pet. in-12, y compris la table, qui ne fut
publiée qu'en 1718; 3° Biblioth. ancienne et
moderne; Amsterdam, 17 14-1727, 28 vol. in-18;
la table, formant le 29e vol., parut en 1730 ; les
derniers cahiers sont de Bernard. Ces trois pu-
blications contiennent des dissertations sur di-
vers sujets curieux et intéressants; des extraits
étendus et des comptes-rendus bien faits de la
plupart des bons ouvrages de cette époque.
Quelques-unes des dissertations et des biogra-
200
phies écrites pour ces recueils ont été imprimées
séparément; il faut citer entre autres : Essai de
Critique sur la Poésie des Hébreux; Amster-
dam, 1688, in-12; La Vie de saint Cyprien;
Amsterdam, 1689, in-8»; La Vie de sainte
Piudence; Amsterdam, 1689, in-8°. —On doit
encore à Leclerc la traduction d'ouvrages de
Burnet, de Locke, de Stanley, ainsi que des
éditions annotées d'un grand nombre d'anciens
auteurs grecs et latins, et des préfaces, des notes
et des augmentations pour des éditions de plu-
sieurs écrivains modernes. M. N.
J. Clerici f-'ita et Opéra ad annvm 1711, amici ejus
Opusculum ; Amsterd., 1711, in-8».— Bibliothèq. Germa-
niq., t. XLVl . art. 12. — G. W. Meyer, GeschicMe der
Schrifterklserung, tom. IV, p. 193, 307 309, 333-336. —
MM. Haag, La France Protestante. — Sénebier, Histoire
Littér de Genève. — A Soyons, FJist. de la Littérature
franc, a Vétranyer, t. 11, p. 33-57.
leclerc {Jacques-Théodore), orientaliste
et théologien, fils du médecin Daniel Leclerc et
neveu du précédent, né à Genève, le 25 novem-
bre 1692, et mort dans la même ville, en 1758. Il
était pasteur et professeur de langues orientales
dans sa ville natale depuis 1725 jusqu'à l'époque
de sa mort. On a de lui : Préservatif contre le
fanatisme, ou réfutation des prétendus ins-
pirés de ce siècle, trad. du latin de Sam.
Turretin; Genève, 1723, in-8°, à l'occasion des
prophètes des Cévennes ; — Supplément au Pré-
servatif contre le fanatisme; Genève, 1723, in-8°;
— Les Psaumes trad. en franc, sur l'original '
hébreu; Genève, 1740 et 1761, in-8°. M. N.
Sénebier, Hist. Littér. de Genève. — MM. Haag, La
France Protest.
leclerc (Sébastien), graveur français, né
à Metz, le 26 septembre 1637, mort à Paris, le
29 octobre 1714. Son père, Laurent Leclerc,,
orfèvre, mort centenaire à Metz, en 1695, lui en-
seigna les éléments du dessin. A sept ans, Se--
bastien Leclerc commençait déjà à graver; ai
douze ans il enseignait le dessin. Il s'appliqua à 1
la géométrie et à la physique, et devint habile J
dans la perspective. Nommé ingénieur géographe 1
du maréchal de La Ferté en 1660, il leva les
plans des principales places du pays Messin eti
du Verdunois-, mais lorsquil apprit qu'on avait
mis sous le nom d'un autre le plan de Marsal,
qu'il avait exécuté avec soin, il quitta son em-
ploi, et revint à Paris, en 1665, pour solliciter
une position dans le génie. Lebrun lui conseilla
de se livrer entièrement à la gravure, et bientôt
Leclerc y acquit une grande réputation. Colbert
lui fit avoir un logement aux Gobelins, avec
1,800 livresde pension. En 1672 Leclerc fut ad-
mis à l'Académie de Peinture et nommé profes-
seur de perspective, fonctions qu'il exerça jus-
qu'en 1702 ; il r°nonça alors à cette place, et ne
conserva qu'une pension de 40.0 livres. Louis XIV
le nomma graveur de son cabinet et professeur
à l'école des Gobelins. Les compositions de Le- j
clerc ont de l'étendue, de la profondeur, du
grandiose; son faire est large, sa pointe moelleuse
et son burin agréable. L'œuvre de Leclerc monte
201
LECLERC
202
à quatre mille pièces, presque toutes de sa corn-
I position. On cite : Batailles d'Alexandre; —
i Conquêtes de Louis XIV, en treize pièces; —
\Le Mai des Gobelins; — Le Concile de, Nicée;
— L'Arc de triomphe de la porte Saint-An-
toine; — L'Apothéose d'fsis; — Les Figures
là la mode, en vingt feuilles; — La Passion,
en trente-six planches; — Les Caractères des
[passions, d'après Le Brun, en vingt feuilles; —
\ Principes à dessiner, cinquante-deux planches;
_ Costumes des Grecs et des Romains, vingt-
cinq sujets; — Médailles, Jetons et Monnoies
\de France, en trente feuilles. On a en outre
de Sébastien Leclerc : Pratique de la Géomé-
\trie sur le papier et sur le terrain, avec un
Inouvel ordre et une méthode particulière ;
1669, in-12, avec fig. ; 1683, 1719, 1735, 1745,
in-8° ; nouvelle édition sous ce titre : Traité de
\Géométrie théorique et pratique à l'usage des
\artistes, avec trente-sept planches de Cochin et
(augmentées de planches originales de Sébastien
JLeclerc; Paris, 1774, in-8°; — Système de la
\vision fondée szcr de nouveaux principes;
11679, in-12 ; Paris, 1712, in-8°; nouv. édit. sous
!ce titre : Discours touchant le point de vue;
— Nouveau Système du Monde conforme à
l'Écriture Sainte, où les faits sont expli-
qués sans excentricité de mouvements, avec
figures; Paris, 1706, in-8°; 1708, in-8°; —
Traité d' Architecture, avec des remarques
et des observations très-utiles pour les jeunes
gens qui veulent s'appliquer à ce bel art; Pa-
ris, 1714, 2 vol. in-4°; Nuremberg, 1782, in-4°;
— Figures de la passion de Jésus- Christ ,
présentées à Mme de Maintenon, in-4°; réim-
primées sous ce titre : La Passion de Jésus-
Christ, et les actions du prêtre à la sainte
messe, avec des prières correspondantes aux
tableaux; Paris, 1729, in-12; — Calendrier
des Saints, ou figures des vies des saints pour
tous les jours de l'année; Amsterdam, 1730,
2 vol. in-4° ; — Les vrais Principes dît dessin,
suivis du Caractère des Passions ; 1784, in-12,
— Œuvre choisi de Séb. Leclerc, contenant
229 estampes; Paris, 1784, in-4°. J. V.
Béein , Biogr de la Moselle. — Ch.-Ant. Jombert, Ca-
talogue des pièces gravées par Séb. Leclerc, avec un
abrégé de sa vie; Paris, 1774, 2 vol. in-8°. — Quérard,
La France Littéraire.
leclkrc (Laurent- Josse), érudit français,
le troisième des dix enfants du précédent, né le
22 août 1677, à Paris, mort le 6 mai 1736, à
Lyon. Admis dans la communauté des prêtres
de SaintSulpice, il devint en 1704 licencié de
Sorbonne, et enseigna la théologie à Tulle et à
Orléans. En 1722 il se rendit à Lyon pour y
prendre la direction du séminaire. On a de lui :
Remarques sur différents articles des trois
premiers volumes du Dictionnaire de Moréri,
de l'édition de 1718 (Orléans), 1719-1721,
3 vol. in-8°; ce livre, publié, en trois parties sé-
parées et à petit nombre , contient les correc-
tions de l'auteur jusqu'à la lettre L inclusive-
ment; il en fit usage dans l'édition du Moréri
de 1 725, à laquelle il eut beaucoup de part avec
La Barre. Quant à la suite des Remarques, qui
s'étendaient, à ce qu'il paraît, jusqu'à la fin de
la lettre P, elle n'a pas été imprimée ; — Biblio-
thèque des Auteurs cités dans le Dictionnaire
de Bichelet, placée en tête de l'édition de cet
ouvrage faite à Lyon, 1728, 3 vol. in-fol., et
supprimée dans l'édit. d'Amsterdam , in-4° ; —
Lettre critique sur le Dictionnaire de Bayle,
avec une préface qui contient un jugement
de ce Dictionnaire; La Haye (Lyon), 1732,
in-12 ; — Dissertation sur l'auteur du sym-
bole « Quicumque », etc. ; in-12 ; — Lettre pour
servir d'éclaircissement aux articles 82 et 88
des Mémoires de Trévoux ( août et sept. 1735),
insérée dans le même recueil (mai 1736), et dans
laquelle il justifie son père de l'accusation de pla-
giat élevée contre lui par M. d'Aleman au sujet de
l'ordre françois; — Lettre (apologétique) sur
saint Fauste de Riez, dans les Mémoires de
Trévoux (juill. 1736). L'abbé Leclerc, dont la
critique, en général exactp, se perdait souvent
dans les détails les plus minutieux, avait encore
écrit une Histoire des Papes; une Chronologie
des Rois de France de la première race; un
abrégé de la Vie de son père avec le catalogue
de ses ouvrages; un Traité du Plagiat, qui se
conservait au séminaire de Lyon ; une Apologie.
du P. Labbe, etc.; mais aucun de ces manuscrits
n'a vu le jour. P. L — y.
Mercure de France, février 1737. — Mémoires de l'abbe
d'Attigny, V. - Moréri, Grand Met Histor , III, éd. 17S9.
LE clerc (Paul), théologien français, né
le 19 juin 1657, à Orléans, mort le 29 décembre
1740, à Paris. Il entra en 1677 dans la Société
des Jésuites , enseigna d'abord les humanités et
la rhétorique, et fut ensuite appelé à Paris, où
il occupa divers emplois, entre autres celui de
procureur de la maison à laquelle il était attaché.
On a de lui : La Vie d'Antoine- Marie Ubal-
din ; La Flèche, 1686, in-16; plusieurs fois réim-
primée ; l'édition de Paris, 1726, intitulée : La Jeu-
nesse sanctifiée dans ses études, ou l'écolier
chrétien, contient en outre, du même auteur,
la Vie d'Alexandre Bercius (1686), et la Vie
de Guillaume Ruffin (1690); — Abrégé de la
vie du bienheureux Jean- François Régis;
Lyon, 1711, in-12 (anonyme), attribué aussi au
P. de Colonia; — Réflexions sur les quatre
fins dernières; — Réflexions sur les obstacles
et les moyens du salut; in-16; — Considéra-
tions chrétiennes pour tous les jours du mois ;
— Les véritables Motif s de confiance que doi-
vent avoir les fidèles dans la protection de la
sainte Vierge; Paris, 9e édit., 1786, etc. K.
Moréri . Grand Dict. Hist.
LE clerc (Michel) , avocat et auteur dra-
matique français, né à Alby, en 1622, mort à
Paris, le 8 décembre 1691. 11 vint à Paris en
1645, pour y faire représenter sa première tra-
gédie, La Virginie romaine , qui obtint up
S08 LECLERC
succès mérité. Cependant cette réussite n'encou-
ragea pas le jeune auteur à suivre la carrière
littéraire : il se lit recevoir avocat au parlement,
et pendant plus de trente ans ne donna rien au
théâtre. Il avait été reçu à l'Académie Française
le 26 juin 1062. On a de lui : La Virginie ro-
maine, tragédie, 1645. On trouve dans cette
pièce des vers dignes de Corneille. Ceux-ci, par
exemple, adresses par Virginie au décemvir Ap-
pius Claudius, qui lui peint sa passion :
Venu -tu dans mon esprit passer pour véritable?
Veux-tu même à mes yeux devenir agréable,
tyériler mon esiiuie et vaincre mes mépris?
Fais sans plus différer ce que je le prescris :
Dépouille sans tarder ce pouvoir tjranuique,
Sons qui tombe et gémit la liberté publique;
Car tu peux l'assurer que j'aimerai bien mieux
yn simple citoyen, qu'un tyran glorieux
Quitte ces vains f.lsceaux et tant d'indignes marques
De l'injuste pouvoir de nos derniers monarques.
Qui ne témoignent rien qu'un courage abattu,
Et marche accompagné de ta seule vertu.
De les soldats mu'lns réprime l'insolence,
Fais fleurir la vertu, protège l'innocence,
Honore le sénat et respeete nos lois,
Rends au peuple romain sa franchise et ses droits,
SI lu m'oses aimer, si tu veux que Je t'aime :
autrement
204
lphigénie, tragédie (avec l'abbé Boyer): 1675;
— Oreste, tragédie, 1681, non imprimée. Racine
lit cette épigramme sur Vlphi'jénie de Le Clerc :
Entre Le Clerc et son ami Coras,
Deux grands auteurs, rlminl de compagnie,
N'a pas longtemps s'ourdirent grands débats
Sur le propos de leur lphigénie.
Coras lui dit : I a pièce est de mon crû;
Le Clerc répond : Elle est mieine, et non vôtre.
Mais aussitôt que la pièce eut paru .
Plus n'ont voulu l'avoir fait l'un ni l'autre.
A. Jadin.
Parfaict frères, Histoire du Théâtre Français, t. VI ,
p. 316. — Pelllsson, Histoire de V Académie Française.
LECLERC ( David), peintre suisse, né à
Berne, en 1680, mort à Francfort, en 1738. Après
des voyages faits à Paris et à Londres, Leclerc
s'établit à Francfort, où il passa le reste de ses
jours. 11 a peint à l'huile et en miniature les
portraits d'un grand nombre de princes et de
princesses de l'Allemagne. Son dessin est cor-
rect; quant au coloris, il avait pris pour modèles
Rubens et Rigaud. Il a aussi exécuté quelques
paysages et des tableaux de fleurs.
Jean-Frédéric Lfclehc, son fils, né à Londres,
en 1717, s'adonna à la peinture, et travailla long-
temps à la cour de Deux-Ponts.
Isaac Lecleuc frère de David, mort en 1746,
apprit l'art de la gravure sur acier et en pierres
fines auprès de son père, qui était médailleur de
la cour de Cassel, fonctions dans lesquelles
Lsàaç lui succéda. E. G.
Fiissli AHnem. KUnstlcr-Lcrikon , el Ceschichle der
besten Kilnsller uus der Mchwcitl.
leclerc ( Gabriel), médecin français, du
dix-septième siècle. Il était médecin ordinaire
de Louis XIV, et il exerçait avec succès la mé-
decine et la chirurgie. On a de lui : L'Appareil
commode en faveur des jeunes chirurgiens;
Paris, 1700, in-12; — La Médecine aisée, où
l'on donne à connaître les causes des mala-
dies internes et externes et les remèdes
propres à les guérir; Paris, 1719, in-12. On
lui attribue encore : V École du Chirurgien, ou
les principes de la chirurgie, par un docteur
en médecine de la faculté de Montpellier; Paris,
1684, in-12, ainsi que le Catalogue particulier
des Drogues; Paris, 1701 , in-12. On a publié
sous le nom de Gabriel Leclerc : La Chirurgie
complète, par demandes et par réponses; Pa-
ris, 1694, in-12; un second volume a pour titre
Ostéologie exacte et complète; Paris, 1706,
in-12; ces deux ouvrages ont été réimprimés à
Paris, en 1719, et à Bruxelles, en 1724, en 2 vol.
in-12. Quelques bibliographes attribuent la Chi-
rurgie complète au médecin genevois Daniel
Leclerc. Fontenelle attribue YOsléologie à Fran-
çois Pou part. J. V.
Éloy , Dict. histor. de la Médecine anc. et mod. — ■
Quérard, La France Littéraire.
leclerc (Pierre), théologien janséniste
français, né en 1706, dans le diocèse de Rouen,
mort vers 1781, en Hollande. Reçu maître es
arts par l'université de Paris, il embrassa l'état'
ecclésiastique, et devint sous-diacre en 1729;
mais après avoir signé le formulaire il désa-
voua cet acte de soumission, partagea les illu-
sions d'un parti qui reconnaissait comme pro-
phète un prêtre nommé Vaillant, et n'avança*
pas davantage dans les ordres. Son zèle exagéré
l'exposa à quelques persécutions, et il fut obligé •
de se retirer en Hollande, où il dépassa en fana-
tisme les appelants, réappelants et autres sec-
taires jansénistes. Ainsi, non-seulement il blâ-
mait la paix de Clément IX, mais il rejetait la I
profession de foi de Pie IV, soutenait que l'épis-
copat n'était pas d'institution divine et ne re-
connaissait pour œcuméniques que les sept pre-
miers conciles généraux. Les prêtres dUtrecht,
réunis en concile le 13 septembre 1763, l'invi-
tèrent à présenter sa délense; Leclerc refusa
avec hauteur et publia de nouvelles lettres, dans
lesquelles il attaquait la procession du Saint-
Esprit, la primauté du pape et le concile de
Trente, qu'il traitait Rassemblée de novateurs.
Condamné par les prêtres d'Utreclit, excommu-
nié par l'évêque van Stipliont, qu'il avait pendant
longtemps assisté en qualité de sous-diacre, il
perdit toute mesure, récusa l'évêque et les prêtres,
en appela à un concile général, et finalement se
plaignit d'avoir été jugé sans être entendu. Ses
principaux écrits sont : Acte de révocation de
la signature du formulaire ; 1733. in-12; — ■
Homélies de S. Grégoire, pape, sur Ezéchiel ;
1747 ; — Vies intéressantes de plusieurs Re-
ligieuses de Port- Royal ; Utrecht, 1750-1752,
4 vol. in-12; — Renversement de la religien
et des lois divines et humaines par toutes
les bulles et brefs contre Bains, Jnnse-
nins, eic; Rouen, 1756, 2 vol. in-12; ce recueil
ayant donné lieu à une vive critique, insérée
dans les Nouvelles Ecclésiastiques (mai 1757),
Î05
LECLERC
266
l'auteur en fit l'apologie sous le titre de Réponse,
1757, in-12; — Idée de la vie et des écrits de
G. de Wttte; Amsterd., 1756, in-12 ; — Précis
d'un acte de dénonciation d'une multitude
de bulles, brefs, etc.; ibid., 1758, in-12; —
Lettre et Dénonciation sur les matières les
plus importantes ;Md., 1763, in-12;— Lettre
encyclique à MM. les pasteurs de V Église de
Hollande; ibid., 1765, in-12; — Préface his-
torique qui contient l'histoire abrégée du
mystère d'iniquité , ou le concile célébré à
Vtrecht convaincu de brigandage ; ibid., 1765,
in-12, un des écrits les plus curieux de Leclerc;
— Borne redevenue païenne et pire que
païenne; 1764; — Description d'un Plahi-
sphère céleste; Amsterdam, 1775, in-80;— L'As-
tronomie mise à la portée de tout le monde,
dédiée aux princes de Nassau - Dietz et
Orange; ibid., 1780, 2 vol. in-8°; ces deux ou-
vrages sont attribués par M. Quérard à cet au-
teur, qui aurait été confondu par quelques bio-
graphes avec un de ses homonymes, né aussi en
Normandie. L'abbé Leclerc édita en outre : His-
toire des Persécutions des Religieuses de
Port-Royal, in-4°; — Mémoires de Walon de
Beaupuis; 1751, in 12; — Journal de l'abbé
Borsannè; 1753, 2 vol. in-4°, et 6 vol. in-12 ;
Vie de la Mère des Anges, abbesse de
Port-Royal; 1754, in-12; — Recueil de pièces
qui n'ont point encore paru sur le formu-
laire; 1754, in-12, etc. K.
Picot, Mémoires ecclésiastiques. — Nouvelles ecclé-
siast., 1754 1765. — Guilbert, Mém. biogr. et littér. de
la Seine-Inf. — Quérard , La France LUI.
lecleuc de LA brcère ( Charles-An-
toine), auteur dramatique français, né àCrépy
en Valois, en 1714, selon les uns, ou à Paris, en
1715, 1716 ou 1717 selon d'autres, mort à Rome,
le 18 septembre 1754. Il était allé à Rome, en
1749, comme secrétaire d'ambassade à la suite
du duc de Nivernois. On a de lui • Les Mécon-
tents, comédie en un acte, précédée d'un pro-
Jllogue et suivie d'un divertissement, le tout en
|J vers libres; Paris, Utrecht , 1735, in-12; 1740,
in-8°; — Les Voyages de l'Amour, ballet en
quatre actes et un prologue en vers libres ; Paris,
1736, in-4°; — Dardanus, tragédie lyrique en
cinq actes et un prologue; Paris, 1739, 1744,
1760, 1763, 1768, 1769, in-4° ;la même en quatre
actes, avec des changements, parGuillard; Paris,
1784, in-4"; la même, en trois actes, Paris 1785,
1803, in-8°; 1786, in-4°; - Histoire de Char-
lemngne; P.iris, 1745, 2 vol. in-12 ; — Érigone,
ballet en un acte, 1748, 1750, in 8°: ce ballet a
été ajouté sous le titre de Bacchus et Érigone,
comme deuxième acte aux Fé/cs de Paphos ,
ballet héroïque, 1758, in-4c; — Le prince de
\J\oisy, baHet héroïque en trois actes; 1749, 1750,
1752, in-8°; Paris, 1760, in-4°. En 1744, Leclerc
de la Bruère avait obtenu avec Fuselier le brevet
et privilège du roi pour la composition du Meil-
leure; en 1749 il abandonna ce travail par suite
de son départ pour Rome. Il composa avec le duc
de INivernois à Rome, en 1751, un opéra, paroles
et musique, qui fut brûlé en 1793. J. V.
QuéraM, La France Littéraire.
LECLERC DE MOJiTMERCV ( ClaildeGèV-
main), poète français, né à Auxerre, en 1716,
mort à une époque incertaine. Il étudia le droit,
et se fit recevoir avocat au parlement de Paris.
11 cultivait surtout la poésie et a laissé des
éplfres dont quelques-unes ont plus de deux
mille vers. « On peut présumer, dit Sabatier, que
ceux même à qui elles ont été adressées n'ont
pas eu le courage de les lire en entier. » On a de
lui : Épitre au Père de Latour ; Paris, 1749.
in-4° ; — Vers sur la mort de M. le duc d'Or-
léans, fils du régent; Paris, 1752; — Les Écarts
de l'Imagination , épîlre à D'Alembert; Paris,
1753, in- 8° ;— Voltaire, poëmeen vers libres ; Pa-
ris, 1764, in-8°;— Épitre en vers àAnt. Petit;
Paris, 1770, in 8° : il y fait lYloge des plus cé-
lèbres médecins. J. V.
Sabatier, Les trois Siècles Littéraires de la France.
LECLEKC DE BEAf-BERON ( Nicolas-Fratt-
çoisj, théologien français, né en i7i4,àMéray, près
Condi;-sur-JNoireau, mort à Caen, le 4 décembre
1790. Il était presque imbécile dans son enfance;
mais, dit un de ses biographes, ayant reçu sur la
tête un violent coup de marteau dont il faillit mou-
rir, son intelligence se développa tout à coup. Il
fit ses études à Caen , et y obtint une chaire de
théologie après a voir pris la carrière ecclésiastique;
il professa quarante-neuf années, fut doyen de sa
faculté, deux fois recteur de l'université de Caen,
et mourut chanoine de l'église de Rouen et offi-
ciai de l'abbaye de Saint-Élienne. On a de lui :
Tructalus theologico-dogmaticus de homine
lapso et reparato; Luxembourg, 1777, 2 vol.
in-8°; Paris, 1779, 2 vol. in-8°; — Mémoire
pour les curés à portion congrue; 1765, in-4° :
Lapoix de Fréminville réfuta ce mémoire (Paris,
t766,in-4°); — divers ouvrages restés manuscrits
et concernant les principaux points théologiques.
A. L.
Lair, Notice sur Leclerc de Beau-Bèron ; Caen , 1813.
leclerc ( Charles - Guillaume ) , libraire
français, né à Paris, le 28 octobre 1723, mort le
26 septembre 1795. Reçu libraire à l'âge dedix-
buit ans, il devint adjoint, puis syndic de sa cor-
poration, juge consul en 1773, et chef de la juri-
diction consulaire en 178'». Le roi le désigna
pour présider l'assemblée des électeurs du His-
trict de la Sorbonne en 1789, mais il ne remplit
pas cette fonction. Les électeurs le choisirent
pour député aux états généraux, qui devinrent
l'Assemblée constituante. Élu inspecteur de l'im-
primerie de cette assemblée, il devint membre
et président du comité des assignats. Il pré-
senta le projet d'organisation du tribunal de com-
merce, et y fut nommé juge aux premières élec-
tions en 1792. On a de lui : Lettre à M. de
*** ( Neville ) ; Paris , 19 décembre 1 778, iu-8°;
(Londres), 1778, in-12;— Instruction sur
207 LECLERC
les affaires contenlieuses des négociants, la
manière de les prévenir oude les suivre dans
les tribunaux; 1784, 1789, in-12. On lui doit
une nouvelle édition du Dictionnaire His-
torique et biographique portatif de Ladvocat,
revue et considérablement augmentée, 1777,
3 vol. in-8°; plus un supplément du même ou-
vrage, 1789, in-8°; ainsi qu'une nouvelle édition
du Dictionnaire Géographique du même auteur,
connu sous le nom de Vosgien , 1 779 ; une autre
édition, de 1794, in-8°, contient une table des
noms nouveaux donnés à quelques villes de la
France pendant la révolution. J. V.
Quérard, La France Littér.
leclerc de MONTLiNOT ( Charles-An-
toine- Joseph), érudit français, né à Crépy
en Valois, en 1732, mort à Paris, en 1801. Engagé
dans les ordres et chanoine de l'église Saint-
Pierre de Lille, il quitta cette ville à la suited'une
querelle littéraire que lui suscita son Histoire de
la Ville de Lille , et vint à Paris s'établir li-
braire. Relégué à Soissons par une lettre de
cachet, il fut placé à la tête du dépôt de mendicilé
de cette ville; à la révolution, il revint à Paris.
On a de Leclerc : Préjugés légitimes contre
ceux du sieur Chaumeix; 1759, in-12 : « L'an-
née suivante, dit Barbier, cet écrit fut intitulé :
Justification de plusieurs articles de VEncy-
clopédïe , ou préjugés légitimes, etc. ; les auteurs
de La France Littéraire de 1769, trompés par
la diversité de ces titres , ont cru qu'il s'agissait
de deux ouvrages différents; » — Étrennes
aux Bibliographes, ou notice abrégée des
livres tes plus rares, avec leurs prix; Paris,
1760, in-24; — V Esprit de Lamoihe Levayer,
par M. de M. G. D. S. P. D. L. (M. de Mon-
tlinot, chanoine de Saint-Pierre de Lille);
( Paris), 1763, in-12; — Dictionnaire portatif
d'Histoire naturelle, précédé d'un discours sur
l'histoire naturelle; Paris, 1763, 2 vol. in-8° ; —
Histoire de la Ville de Lille , depuis sa fon-
dation jusqu'en 1434; Paris, 1764, in-12; —
État actuel du dépôt de Soissons, précédé
d'un Essai sur la mendicité ; Soissons, 1789,
in-4°. Leclerc de Monllinot a travaillé au Jour-
nal Encyclopédique. 3. V.
La France Littéraire de 1769. — Barbier, Dict. des
.fnonymes. — Quérard , La France Littéraire.
leclerc ( Jean-Baptiste) (l) , connu dans
la révolution sous le nom de Leclerc ( de
Maine-et-Loire ) , homme politique et littéra-
teur français, né à Angers, le 29 février 1756,
mort à Chalonnes-sur-Loire ( Maine-et-Loire ) ,
le 16 novembre 1826. Conseiller à l'élection
d'Angers , il consacrait ses loisirs à l'étude de
la musique, de la littérature et de la philosophie,
et il avait été admis, des 1786, à l'Académie
des Sciences et Belles-Lettres de cette ville.
Disciple fervent de J.-J. Rousseau, il adopta
208
(1) Leclerc a constamment porté les prénoms de Jean-
Baptiste, quoique son acte de naissance lui donne le seul
prénom de Jean.
avec ardeur les principes et les espérances de la
révolution française , et fut nommé par le tiers
état de la sénéchaussée d'Anjou député sup-
pléant aux états généraux; il entra dans la vie
politique sans en avoir véritablement le goût, et
sans aucune ambition personnelle. Au mois
d'août 1790, il fut admis à l'Assemblée consti-
tuante en remplacement de Milscent, démission-
naire, et vota constamment avec la majorité,
mais sans jamais prendre la parole. Envoyé par
son département à la Convention nationale, il y
vota la mort du roi, sans appel et sans sursis;
mais la montagne ayant, malgré ses efforts,
triomphé des girondins , il donna sa démission,
après avoir adhéré à la protestation qui fut faite
en leur faveur dans Maine-et Loire. Arrêté par
ordre du comité de sûreté générale, il fui enfermé
à la prison de la Bourbe, d'où plus tard un ar-
rêté de la Convention le tit sortir. Il occupait au
bureau des Musées et Dépôts des Sciences et Arts
un emploi pour lequel la commission d'instruc-
tion publique l'avait désigné , lorsqu'eu 1 795 il
entra au Conseil des Cinq Cents comme repré-
sentant de Maine-et-Loire. Ami intime de La-
révellière-Lépeaux, il développa, le 31 août 1797,
une motion d'ordre en faveur d'un culte fonda-
mental et politique, basé sur les principes de la
religion naturelle, mais dont il ne put faire adop-
ter le projet. Il présenta aussi, au nom de la
commission des institutions républicaines, un
rapport sur les institutions civiles destinées à
constater l'état des citoyens; il vota contre la
déportation des prêtres insermentés, et il fit, au
nom de la commission d'instruction publique,
le rapport sur la création du Conservatoire de
Musique. Appelé à la présidence au commence-
ment de 1799, il prononça sur l'anniversaire du
21 janvier le discours d'usage, dans lequel se
trouve une énergique apostrophe à l'odieux. Fer-
dinand, roi de Naples. N'ayant point été réélu,
il sortie du Conseil le 20 mai suivant. Après le
18 brumaire, Leclerc fut élu au corps législatif,
dont il devint président en ventôse an ix (février
1801). Sorti du corps législatif en mars 1802, il
se condamna à une retraite absolue, et vint ha-
biter, à Chalonnes, la demeure qu'il avait relevée
après les incendies de la guerre civile. 11 refusa
toute fonction publique, et ne voulut pas même
de la bourse au lycée d'Angers qui lui fut offerte
pour son fils. Dans les Cent Jours, après avoir
refusé de signer l'acte additionnel, il céda aux sol-
licitations de quelques habitants de sa petite ville,
et donna sa signature. Retiré à Liège, même
avant la loi du 12 janvier 1816, qui le condam-
nait à l'exil, il remporta le prix de poésie pro-
posé par la Société d'Émulation de cette ville, et
dont 'le sujet était Le Dévouement des Fran-
chimontois; quelques années après, il reçut, sous
le ministère Decazes, l'autorisation de rentrer
dans ses foyers.
D'abord associé de la classe de littérature et
beaux-arts de l'Institut, Leclerc était devenu cor-
209
LECLERC
!10
respondant de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres. On a de lui : Mes Promenades
champêtres, ou poésies pastorales ; Paris, 1 786,
in-8° ; traduites en allemand par L.-H. Heyden-
reich, Leipzig, 1788, in-8°;nouv. édit., sous ce
titre : Idylles et Contes champêtres , Paris,
1798, 2 vol. in-8°. Chaussard a inséré dans sa
Bibliothèque pastorale plusieurs de ces idyl-
les ; _ j)ela Poésie considérée dans ses rap-
ports avec l'éducation nationale; Paris,an vi,
in-8°; — Essai sur la Propagation de la Mu-
sique en France, sa conservation, et ses rap-
ports avec le gouvernement; Paris, an vi,
jn-8°; — Éponine et Sabinus ; Liège, 1817,
in-8° : poëme en prose, peut-être un peu froid ,
mais très-bien écrit; — Abrégé de V histoire de
Spa,ou mémoire historique et critiquesur les
eaux minérales et thermales de la province
de Liège; Liège, 1818, in- 18 : opuscule publié
sous les initiales J.-B. L., et fort estimé. Leclerc
a inséré dans la Revue Philosophique, litté-
raire et politique ( 1807, 3etrim., p. T$ ) une
Lettre sur Guillaume Penn et le navigateur
J. Diel Duparquet, et dans le Mercure belge
plusieurs morceaux de poésie. Il avait adressé
diverses lettres manuscrites , relatives à des
points intéressants de l'histoire de l'Anjou, à
Bodin, qui en a fait un ample usage dans ses
Recherches historiques sur Angers et le bas
Anjou. Divers opuscules de Leclerc, réunis à
quelques écrits de Larevellière-Lépeaux, ont reçu
des frontispices sur lesquels se trouve le titre
suivant : Opuscules moraux de L.-M. Révei-
ller e-Lépcaux et de J.-B. Leclerc.
11 a laissé manuscrits : René d'Anjou, roi,
duc, comte, peintre, poète, musicien et fleu-
riste, — Recueil de Mémoires et de fragments
divers, avec ou sans annotations du copiste
pour servir à V histoire de V Anjou; — Chro-
nique d'tin petit village et de ses environs ,
sorte de roman anecdotique dans lequel l'auteur
introduit plusieurs personnages de la fin du siècle
dernier ; — Dialogues en vers ; — Filouzac,
poème badin et satirique; — Coup d'œil
philosophique sur l'origine, les progrès et les
vicissitudes de la Musique ancienne et mo-
derne; les causes morales et politiques de
ses principales révolutions ; ce que l'art a
gagné, ce qu'il a perdu dans ses divers chan-
gements ; enfin, la possibilité ou l'impossibi-
lité de réparer ses pertes. Leclerc a souvent
exprimé le regret de ne pouvoir terminer avant
de mourir cet ouvrage, auquel il attachait de l'im-
portance et qui comprend deux parties à peu près
achevées, relatives la première aux origines, la
seconde à la musique des anciens peuples; il en
avait lu plusieurs fragments à la Société d'Émula-
tion de Liège. Il a laissé en outre un grand nom-
bre de compositions musicales inédites. E. R.
Correspondance de MM. les députes des communes
de la province d'Anjou, avec leurs commettons, rela-
tivement aux états généraux tenans à Versailles en
1789; Angers , 1789-1790, 6 vol. in-S°. — Lettre ( inédite)
de Bodin à J.-B. Leclerc, datée du 13 juin 1823. — Do-
cuments particuliers.
leclerc (Oscar), connu sous le nom de
Leclerc Thoûin, agronome français, fils du pré-
cédent, né à Paris, le 18 mars 1798, mort à An-
gers, le 5 janvier 1845. 11 passa une partie de
son enfance au Jardin des Plantes, dans la fa-
mille du professeur André Thoûin , frère de sa
mère. C'était cette famille dont le nom est resté
si cher aux sciences , si respecté de tous ceux
qui ont connu les hautes vertus, la simplicité
antique , 1« désintéressement qui la caractéri-
saient. Il fut initié dès ses premières années au
goût de l'agriculture et des sciences qui s'y ratta-
chent, par ses deux oncles André et Jean Thoûin.
Nommé en 1818 aide du premier, il fut aussi
celui de Bosc, son successeur. 11 fit même le
cours de culture pendant la maladie et après la
mort de celui-ci, en 1828; mais il renonça à ses
fonctions lorsque la même année Mirbel remplaça
Bosc. De nouvelles chaires ayant été créées en
1836 au Conservatoire des Arts et Métiers, Le-
clerc fut appelé à celle de culture générale. Mem-
bre de la Société centrale d'Agriculture depuis
1828, il en devint secrétaire perpétuel en 1843,
et il fit aussi partie du conseil général d'agricul-
ture, du comité consultatif d'agriculture au mi-
nistère de l'intérieur et du conseil général de
Maine-et-Loire. Nous avons été témoin des suc-
cès qu'obtint son cours au Jardin des Plantes et
plus tard au Conservatoire des Arts et Métiers.
A son extérieur mâle, grave et bienveillant à la
fois, au beau son de sa voix , à son élocution
simple et correcte, se joignait chez lui le talent,
très -heureux pour quiconque enseigne les scien-
ces physiques, de compléter sur le tableau, pat-
un dessin clair et rapide, une description com-
mencée avec des notes; tout cela faisait de lui
un professeur accompli.
Leclerc a rédigé presque en entier la partie de
théorie générale de la Monographie des Greffes
d'André Thoûin; Paris, 1821, in-4°. lia rédigé
et annoté le Cours de Culture du même agro-
nome; Paris, 1829, 3 vol. in-8° et atlas in-4°,
précédé d'une notice qu'il consacrait à son oncle.
Il avait fait paraître une Lettre à M. leministre
del' Agriculture et du Commerce, à propos des
droits d'entrée sur les bestiaux étrangers ,
par un habitant du département de Maine-
et-Loire; Paris, 1840, in-8° , lorsqu'à la suite
d'une mission donnée par leministre, il publia:
L'Agriculture de l'ouest de la France, étudiée
spécialement dans le département de Maine-
et-Loire; Paris, 1843, gr. in-8° : modèle de sta-
tistique sans aridité , sans sécheresse , et aussi
agréable qu'instructive; c'est celui de ses ou-
vrages qui lui fait peut-être le plus d'honneur
comme écrivain. Il a été l'un des principaux
collaborateurs de V Encyclopédie d'Agriculture,
ou Maison rustique du dix-neuvième siècle,
et il a donné d'importants articles aux Mémoires
de la Société centrale d' Agriculture, aux An-
211
LECLERC
212
nales de V Agriculture française, à Y Ency-
clopédie des Gens du Monde, aux Annales de
la Société d' Horticulture, au Journal d'Agri-
culture pratique et de Jardinage, à la Revue
agricole, et au Bulletin de la Société indus-
trielle d'Angers. Deux Lettres de Leclerc au
naturaliste Paul Gaimard sont imprimées parmi
les Instructions dans le tom. I, p. 107 à 120,
du Voyage en Islande et au Groenland exé-
cuté pendant les années 1835 et 1836 sur la
corvette La Recherche. E. Recnahd.
M. Adolphe Bronfrniart, Notice sur Oscnr Leclerc-
Tkouin, dans les Mémoires publiés par la Société
'royale et centrale d'.Juricullure, année 18+7, p. 143. —
Bévue Agricole, année 1845, p. 46. — Documents parti-
culiers.
leclerc ( Antoine - François) , littérateur
français , fils du médecin Clerc ( voy. ce nom ),
qui avait changé son nom en Leclerc, né à Baume-
les-Dames, le 31 août 1757, mort à Versailles,
le 21 octobre 1816. Ayant embrassé l'état mili-
taire, il devint officier dans le régiment des dra-
gons de Durfort. Zélé royalisie, il lit une dépo-
sition énergique sur les événements des 5 et
6 octobre 1789 devant le Chàtetet de Paris.
Chabroud n'ayant pas reproduit avec exactitude
les faits indiqués par Leclerc, celui-ci crut de-
voir lés rétabPir dans une brochure. Il donna de
nouvelles preuves de son dévouement à la royauté
dans les journées des 24, 28 février et 18 avril
1791. A la fin de l'année, il émigra , mais il ne
tarda pas à rentrer en France. En juillet 1792 il
retourna à l'étranger, fit la campagnedans l'armée
des princes, et après sa dissolution il suivit le
duc d'York en Angleterre. En 1795 il rejoignit en
Suisse l'agent anglais Wickam. Revenu en France
sous le consulat, Leclerc vécut dans la retraite
à Versailles. La restauration lui fit une modeste
pension. Il a eu part à la rédaction de Y Atlas
du Commerce ainsi qu'aux derniers volumes de
Y Histoire moderne de Russie. 1! a revu la tra-
duction de Y Histoire de Russie par Tooke, 1802,
et fourni des notes à plusieurs ouvrages sur les
États du Nord. J. V
Quérard, La Franôe Littéraire.
leclkiic ( Claude ■ Barthélerny - Jean),
chirurgien français, né à Paris, en 1762, mort
dans la môme ville, le 23 janvier 1808. Fils d'un
docteur régent de la faculté de médecine de Pa-
ris, il suivit d'abord les cours de droit, et aban-
donna bientôt la jurisprudence pour la médecine.
Après avoir pris ses grades, il devint docteur
régent en 1 787, obtint la chaire d'anatomie, et
succéda à son père comme médecin du Châlelet.
Pendant la révolution, il Fut employé à l'armée du
nord , puis à l'liô;>ital militaire de Saint-Cvr, et
enfin attaché à ri'.cole de Médecine de Paris en
1790. Nommé plus fard médecin de la maison de
l'empereur et des infirmeries impériales, il fut
souvent appelée donner des soins à l'impératrice
Joséphine, qu'il accompagna plusieurs lois aux
eaux. Médecin en chef de l'hospice Saint-An-
toine, il y contracta le germe de la maladie qui
l'emporta : en palpant un malade atteint d'une
fièvre maligne il s'était inoculé le virus, par une
écorchure qu'il avait au doigt. Tout entier à te
pratique de son art, Leclerc n'a pas laissé d'ou-
vrages ; on n'a de lui que des Rapports et des
Discours prononcés à là Société de l'École de
Médecine, dont il était secrétaire général. J. V.
Tartra , Notice nécrol. sur C.-B.-J. Leclerc, lue à la
Son. mêriic. d'Émulation, et insérée dans le Bulletin des
Sciences médicales.
leclekc (Julien-René), conspirateur fran-
çais, né à Bazoche (Normandie), en 1762, mort
en 1839. Engagé dans les ordres lorsque éclata
la révolution, il n'adopta point les principes de
la, constitution civile du clergé, fut poursuivi, et
n'échappa aux massacres de septembre qu'en se
cachant dans le nois de Vincennes. Revenu à
Paris, il entra chez un procureur, et se fit passer
pour jurisconsulte. 11 se lia avec des agents
royalistes; mais lorsqu'il apprit que Lavillelieur-
nois venait d'être arrêté, il se rendit à l'agence,
enleva les papiers compromettants, et s'aboucha
avec les conspirateurs qui n'avaient pas été sai-
sis pour aviser aux moyens d'influer sur les
élections; il les poussa même, dit-on, à essayer
d'enlever les directeurs. Le 18 fructidor dé-
joua ce complot. Leclerc ne se rebuta point.
Pensant que Barras ne serait point inaccessible
à la corruption, il eut de fréquents rapports avec
un ami intime de ce directeur qu'il espérait ga-
gner à la cause royaliste. En 1800 Leclerc se
rendit à Londres, et chercha à réconcilier Moreau
avec Pichegru. La saisie des papiers de Hyde de
Neuville, avait interrompu la correspondance des
agents royalistes de la capitale de la France
avec l'étranger : Leclerc fut renvoyé à Paris pour
la renouer ; il y réussit , mais la police fut bientôt
sur la voie. Leclerc chercha un refuge sur les
côtes; un individu qu'il avait employé à porter
ses dépêches révéla sa retraite; et dans la nuit
du 15 au 16 février 1804, Savary se présenta!
chez Leclerc : il ne put saisir que ses effets
et ses papiers; Le Moniteur publia le contenu
de ces derniers. Leclerc s'échappa comme par
miracle , traversant pendant la nuit le nord
de la France, la Belgique, la Hollande, le nord
de l'Allemagne et le Holstein. De là il regagna
l'Angleterre, d'où il revint en Allemagne. Le
1er novembre 1804 il avait été condamné à moit
par une commission militaire siégeant à Rouen :
la crainte d'une extradition le détermina à re-
gagner l'Angleterre, où il vécut dans la retraite.
La restauration lui rouvrit les portes de la France,
et lui lit une pension. J. V.
Arnault , .Tiy, Jouy et rtorvins , Biogr nouv îles Con-
temp. — lliogr unie. et portai, des Conlemp. — Moni-
teur, 1799-1804.
LECLERC (Louis-Claude), littérateur fran-
çais, mort à la fin du dix huitième siècle. Il
embrassa d'abord la carrière des armes, fit la
guerre de Sept Ans, et devint officier d'artillerie;
Ayant pris sa retraite, il alla se fixer à Bor-
deaux, où il fit paraître un journal intitulé L'Iris
213 LECLERC
de Guiettne; 1763, 2 vol. in-12. On a en outre
de Leclerc : L'Envieux, comédie en trois actes
et en vers; Bordeaux, 1763, in-8d; Paris, 1778.
in-8° ; — Le Retour de Mars, divertissement
en l'honneur du maréchal de Richelieu, gou-
verneur de Guyenne; Bordeaux, 1762, in-12.
J. V.
Si 4
Quérard, La France Littér.
LECLERC DES ESSARTS ( LOUÎS-NlColaS-
Marin, comte), général fiançais, né à Pontoise,
le 25 avril 1770, mort à Paris, le 18 mai 1820.
Parti comme volontaire en 1792, il devint aide
de camp du général Saboureux, fut nommé capi-
taine au siège de Toulon, le 27 nivôse, an ti, puis
adjoint à son frère le 26 germinal suivant, et
combattit à Fleurus. Destitué en l'an iv (1796),
rappelé en l'an vu ( 1799 ) comme capitaine de
hussards, il servit à l'armée du Rhin, et se dis-
tingua à Mœskirch et à Biherach. Il accompagna
son frère à Saint-Domingue avec le grade de chef
de bataillon, et fit trois campagnes dans cette
contrée. De retour en France, il fut nommé adju-
dant commandant en l'an xi, et employé au camp
de Bruges en qualité de chef d'état-major d'une
division sous les ordres de Davout. Il prit part à
la campagne d'Austerlitz, fut nommé généra! de
brigade, fit encore les campagnes de Prusse en
1806 et de Pologne en 1807, d'Autriche en 1809,
et se trouva à tckmùhl et à Wagram, où il fut
grièvement blessé. Il reçut en récompense le titre
de comte et une dotation. En 1812 il fit partie de
l'expédition de Russie, se distingua à la bataille
de Smolensk et au combat de Valoutina, et reçut
un instant le commandement d'une division.
Leclerc fut blessé à là Moskowa. Après la retraite
il continua de servir sous Davout, et en 1813 il
s'enlerma avec son chef dans Hambourg, où il fut
attaqué, le 7 février 1814, par l'armée russe. Il
conserva cette position jusqu'à la restauration.
Mis en non-activité le 1er septembre 1M4 , il
fut promu lieutenant général le 14 mai 1815, et
commanda la première division des gardes na-
tionales à Sainte-Menehould. Remis en non acti-
vité le 1er août suivant, il fut compris dans le
cadre d'état-major général en 1818. Il mourut
d'une hydropisie de poitrine. Le général Leclerc
avait épousé la veuvedu général d'Hautpoul, et ne
laissa pas d'enfants.
Un de ses frères, Louis Leclerc , mort en
1 82 1 . embrassa d'abord la carrière ecclésiastique,
à laquelle il renonça à la révolution Agent con-
sulaire, puis membre du corps législatif, il devint
préfet de la Meuse sous l'empire; il perdit cet
emploi à la restauration. Le général Leclerc
avait aussi deux so-ms; l'une épousa le général
Friant, l'autre le maréchal Davout. L. L — t.
C. Mullic, hiog. dfs Célébrités militaires.
leclerc (Victor- Emmanuel), général fran-
çais, Irèredes précédents, né à Pontoise, le 17 mars
1772, mort le 2 décembre 1802, dans l'Ile de La
Tortue, près de Saint-Domingue. Ayant chaude-
ment adopté les principes de la révolution fran-
çaise, il s'enrôla comme volontaire dans le 2e ba-
taillon de Seine-et-Oise. Ses camarades le nom-
mèrent lieutenant d'une compagnie de ce bataillon.
Peu de temps après, il entra dans un régiment de
cavalerie. Aille de camp d'un général à l'armée
qui faisait le siegedeToulon.il y gagna le grade de
capitaine, et quoiqu'il n'eût que vingt-et-un ans,
on lui confia les fonctions de chef d'état-major de
l'aile gauche. Placé à la tête de la colonne qui
s'empara du fort Farni, il fut nommé, par suite de
cette action brillante, adjudant général. Remarque
par Bonaparte, il reçut la mission de porter à
Paris la nouvelle de la prise de Toulon. Leclerc
servit ensuite à l'armée desArdennes, et prit part
à la victoire de Fleurus. Chargé de l'attaque du
monfCenis, il y passa l'hiver de 1794 à 1795 avec
des soldats qui manquaient défont. La discipline
qu'il sut maintenir parmi eux lui valut le com-
mandement de Marseille, où il sut rétablir l'ordre.
En 1796 il suivit Bonaparte en Italie en qualité
de sous-chef d'état-major. Il se distingua sur le
Mincio, à Salo, aux combats de Borghetto et de
Saint-Georges ; à la suite de cette dernière affaire,
Bonaparte demanda le grade de général de bri-
gade pour Leclerc, qui se fit encore remarquera
la bataille de Roveredo et à celle de Rivoli, où il
commandait la cavalerie. A l'époque de l'armistice
de Leoben, il fut envoyé à travers leTyrol pour
en donner connaissance à l'armée du Rhin ; de là
il se rendit auprès du Directoire, qui le renvoya à
l'armée d'Italie, le21 mars 1797, avec le grade que
Bonaparteavaitdemandé pour lui. Arrivé à Milan,
Leclerc épousa Pauline Bonaparte, sœur du gé-
néral, dont il avait fait la connaissance à Marseille.
Après le traité de Campo-Formio , Leclerc de-
vint chef d'état-major de Berthierà l'armée d'I-
talie, et fit la campagne de Rome. Lorsque Ber-
thier partit pour l'Egypte, Brune le remplaça, et
Leclerc continua de servir sous ce dernier. Il fut
appelé avec les mêmes fonctions auprès du gé-
néral Kilmaine à l'armée de l'ouest. Leclerc
contribua à la pacification de cette contrée, et
le Directoire lui donna le commandement supé-
rieur de Lyon, où s'entassaient les débris mécon-
tentsde l'armée d'Italie. 11 parvint à réorganiser
cette multitude. Bonaparte, revenu d'Egypte,
appela Leclerc près de lui, et celui-ci contribua
au succès de la journée du 18 brumaire, en diri-
geant contre la représentation nationale un peloton
degrenadiers. Après avoir pénétré dans lasalledu
conseil, Leclerc montra les fenêtres de l'orangerie
aux dépulé> de l'opposition en s'écriant : « Au nom
du général Bonaparte, le corps législatif est dis-
sous : que. les bons citoyens se retirent. Grena-
diers, en avant! «Bonaparte le récompensade son
dévouement en lui donnant le grade de général
de division, le 3 décembre 1799, et il l'envoya
prendre le commandement de la deuxième divi-
sion du centre de l'armée du Bhin, alors sous les
ordres de Moreau. Leclerc se distingua à Lands-
hut. Il reçut ensuite le commandement supérieur
de plusieurs divisions militaires; et en 1801 il
215
tnt chargé du commandement du corps d'armée
chargé d'aller soumettre le Portugal en passant
par l'Espagne. Cette entreprise fut couronnée de
succès. Le prince du Brésil signa avec la France
le traité de Badajoz. Après la paix d'Amiens, Bo-
naparte résolut d'envoyer une expédition à Saint-
Domingue; il en donna le commandement à Le-
clerc, avec le titre de capitaine général. Sa femme
le suivit dans cette expédition. Leclerc parut en
vue du cap Samana, le ier février 180^, avec un
immense armement, composé de quarante-cinq
vaisseaux ou frégates, et de trente-quatre mille
combattants. Il eut des démêlés avec l'amiral Vil-
laretde Joyeuse sur le mode etl'à-propos du dé-
barquement, et fut obligé de consentir à des tem-
porisations qui permirent auxnoirsdese réunir et
d'incendier la ville du Cap une seconde fois ; bien-
tôt des vents contraires disloquèrent la flotte. Dé-
barqué enfin, Leclerc battit et soumit l'armée noire
en moins de trois mois ; mais cette pacification fut
de courte durée : l'enlèvement de Toussaint Lou-
verture, l'exécution de plusieurs chefs, l'incor-
poration des troupes vaincues dans les troupes
victorieuses amenèrent une nouvelle révolte, qui
éclata à la suite de la fièvre jaune. Les troupes
du général Leclerc avaient été décimées par les
maladies. La désertion affaiblit ses forces, et
aucun renfort ne lui arrivait. Miné par les cha-
grins et le climat, il se retiradansTîledeLa Tor-
tue, où il établit son quartier général. Voyant sa
fin approcher, il remit le commandement au
général Rochambeau. Ses dépouilles mortelles
furent rapportées en France par sa femme, et
déposées dans la terre de Montgabert près de
Soissons. Sa femme épousa plus tard le prince
Borghèse. Napoléon regardait le général Leclerc
comme un officier du premier mérite , propre, à
la fois aux travaux du cabinet et aux manœuvres
du champ de bataille. L. L— t.
Arnault, .lay, Jouy et Norvins, Biogr.nouv. des Con-
ternp. — Hiogr. univ. et port, des Contemp — Thiers,
Hist. de la Hèvol. et du Consulat.
leclerc ( Louis ), économiste français, né
à Paris, en 1799. Il fut d'abord employé dans les
forges, et entra comme comptable à l'École de
Commercede Paris, où en 1830 il professait la lit-
térature et la géographie. Il fut membre du jury
de l'exposition de 1849 et membre suppléant de
l'exposition universelle de Londres, et fut chargé
en 1852, par le gouvernement, d'une mission dans
le midi de la France, relative à la maladie de la
vigne et à l'industrie viticole. On a de lui :
Études sur les Vins français et étrangers
( avec M. Joubert); Paris, 1842, in-8° ; — Les
Vignes malades; 1853, in-8°; — La Caisse
d'Épargne et de prévoyance; Paris, 1848,
in-8". Ha publié des articles dans V Encyclopédie
des Gens du Monde, dans la Revue d'Économie
politique, dans le Journal des Économistes,
dans le Journal d' Agriculture, dans le Cons-
titutionnel. G. de F.
Dictionnaire d'Économie politique.
LECLERC 216
* le clerc (Joseph-Victor), littérateur fran-
çais, savant philologue , né à Paris, le 2 dé-
cembre 1789, fit ses études au Lycée Napoléon, j
obtint deux fois le prix d'honneur de rhétorique !
au concours général (1806 et 1807), et y joignit j
ce qu'on appelait alors le grand prix de l'Institut
pour les lettres, accordé à l'élève qui avait ob-
tenu le plus de succès au concours général en
rhétorique. Nommé en 1815 professeur de rhé-
torique, il devint en 1821 maître de confé-
rences à l'École Normale, et succéda le 20 avril
1824 à M. de La Place dans la chaire d'élo-
quence latine à la faculté des lettres de Paris,
où il exposa l'histoire de la prose latine, animant :
ses savantes leçons par les souvenirs que lui i
avaient laissés ses voyages en Italie. En 1832 il fut I
nommé doyen de cette même faculté, place qu'il !
occupe encore aujourd'hui. M. Le Clerc est de-
puis 1834 membre de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres, et a été promu, le 25 juin 1847,
au grade de commandeur de la Légion d'Honneur.
Ses principaux écrits sont : Éloge de Montaigne ; ,
Paris, 1812,in-8°; — Lysis, poëme trouvé par un
jeune Grec sous les ruines du Parthénon, et tra-
duit par l'éditeur ; Paris, 1814, in-8° (le poëme
grec est l'œuvre de l'éditeur); — Pensées de
Platon, grec-français, avec un commentaire; ,
Paris, 1818, in-8°; — Œuvres complètes de
Cicéron, en latin et en français, 1821-1825,,
30vol. in-8°; 2e édit., 1823-1827, 35 vol. in-18.
Les introductions et les notes françaises ont été
traduites en italien dans l'édition commencée à j
Milan en 1826 par le libraire Stella. Le texte
latin a été reproduit dans le Cicéron de la collec-
tion de M. Lemaire; — Des Journaux chez les
Romains, recherches précédées d'un Mémoire
sur les Annales des Pontifes, et suivies de Frag-
ments de Journaux de V ancienne Rome; Paris, .
1838, in-8°. Cet ouvrage avait été dès 1835 lu à
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et
par extraits dans les séances publiques de l'Ins-
titut ; — Édition des Essais de Montaigne, pré-
cédée d'un discours sur sa vie et ses écrits, et ac-
compagnée de notes; Paris, 1826, 5 vol. in-8°,
réimprimée en 1834, 1 vol. in-8° ; en 1836, 2 vol.
in-8° ; — Nouvelle Rhétorique ; in-12 ; huit édi-
tions de 1823 à 1845. Élu en 1838 par l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, membre de la
commission chargée de continuer, au nom de l'Ins-
titut, la grande Histoire Littérairede la France,
commencée par les Bénédictins, M. Le Clerc, après
avoir donné une nouvelle édition du t. XI, avec
ses observations (Paris, 1841, in-4°), a coin-
posé en partie les tomes suivants /les annales
littéraires du treizième siècle : tome XX (1842),
où on lui doit la Notice sur Daunou, son pré-
décesseur dans la direction de l'ouvrage , et ,
entre autres articles, ceux de Nicolas de Ha-
nap'es'; Baudouin de Ninove; Raymond de
Meullion; Marguerite de Duyn; Guillaume
Durant),, surnommé le Spéculateur; t. XXI
(1847 ), la Notice sur Fauriel, son ancien col-
217
LECLERC
laborateur ; et les articles Geoffroi de. Courlon ;
Jean de Thielrode ; Siger de Brabant, pro-
fesseur aux écoles de la rue du Fouarre ;
Brocard, voyageur en Terre Sainte ; Gilles de
Corbeil, médecin et poète ; Notices collectives
sur les Vies de Saints et de Saintes, les Sta-
tuts synodaux, les Chroniques, les Lettres ;
tome XXII ( 1852 ), Poésies latines de Vital de
Biais, Guillaume de Blois, Matthieu de Ven-
dôme, Jean de Garlande, hymnes, chansons,
satires latines; tome XXIII (1856), Notice très-
étendue sur les Fabliaux, examen d'un grand
nombre de poésies françaises, ou morales, ou
historiques. Pour le tome XXIV, qui sera pro-
chainemenl publié, M. Victor Le Clerc a été chargé
par ses confrères du Discours préliminaire sur
fétat des lettres en France au quatorzième
siècle. M. Le Clerc a fourni, en outre, de nom-
breuses rectifications ou additions pour les deux
premiers tomes du Catalogue général des Ma-
nuscrits des Bibliothèques publiques des dé-
partements, publié sous les auspices du ministre
le l'instruction publique, in-4°; Paris, 1849, 1855.
knfin, il a pris part à la rédacion du Journal des
pébats et de la Revue Encyclopédique, et publié
les articles dans plusieurs autres recueils.
C. Mallet.
Journal de la Librairie. — France Littéraire.
leclerc (Nicolas-Gabriel). Voy. Clerc.
leclekc (Jean-Louis). Voy. Buffon.
leclerc (Antoine-Éléonore-Léon). Voy.
Iuigné.
leclerc des sept-chènes. voy. sept-
^HÊNES.
LECLERC DU TREMBLAY. Voy. JOSEPH.
leclercq (Chrétien), missionnaire et voya-
geur français, né en Artois, vers 1630, mort à
Lens, vers 1695. Il entra chez les Récollets, et en
1655 fut envoyé comme missionnaire au Canada.
Le 27 octobre de la même année, il débarqua
lans la baie de Gaspé, et durant six années ré-
aandit parmi les nations indiennes la parole
vangélique. Il fit en 1661 un voyage en France
xmr obtenir la permission de foncier un couvent
le Récollets à Montréal. Il retourna au Canada en
1682, et ne revint dans sa patrie qu'en 1690 ; c'est
ilors qu'il devint gardien du couvent de Lens,
t qu'il publia : Nouvelle Relation de la Gas-
oésie, qui contient les mœurs et la religion
des sauvages gaspésiens, porte-croix, adora-
teurs du Soleil et d'autres peuples de V Amé-
rique septentrionale, dite le Canada; Paris,
1691, in-12; — Établissement de la foi dans
la Nouvelle-France , contenant l'histoire des
colonies franco ises et des découvertes qui s'y
sont faites jus qu'à présent ; ibid. A. de L.
Dict. univ. (édit. de 1822).
LE clercs (Pierre), littérateur hollandais,
né en 1692, à Naarden, mort le 20décembre 1759,
à La Haye. Il résida successivement à Goor,
à Zwolle, à Hasselt, et fut appelé à La Haye pour
y occuper un emploi subalterne dans l'adminis-
LECLERCQ 218
tralion des États. On a de lui : une traduction
des Satires de Boileau ; Utrecbt, 1712, in-4° ;
— Huwelijks Min-tafereel, leerdigt, begre-
pen in drie Boeken; Amsterdam, 1722, in-8°,
paraphrase de la Callipeedia de Claude (Juillet ;
— De Engelsche Spectator ; ibid., 1725, 9 vol.
in-8°, traduit de l'anglais ; — Natuurkundige.
aanmerkingen uyt de Philosophical Tran-
sactions; ibid., 1735, 2 vol. in-8°, extraits du
Recueil de la Société royale de Londres; —
Schouwtooneel der Natuur ( Le Spectacle de
la Nature); ibid., 1739, 14 vol. in-8°, pi., trad.
du français de l'abbé Pluche; — Hemelgeschie-
denissen (Histoire du Ciel) ; Delft, 2 vol. in-8°,
pi., d'après le même auteur; — Geschiedenis-
sen der Nederlanden ( Histoire des Pays Bas
depuis 1714 ); Amsterdam, 1753, in-fol. etin-4°,
pi., etc. K.
Chalmot, Biogr. Tf^oordenb., vu. — ;J. de Vrles,
Proeve eener Gesehied. der Nederd. Dichters, III. —
A.-G. van der Aa, Bioyr. Ifoordenb ■ I, 436.
leclercq ( Michel-Théodore ), auteur dra-
matique français, né à Paris, le 1er avril 1777,
mort dans la même ville, le 15 février 1851. Sa
famille appartenait à la bourgeoisie. Son père,
Charles-Théodore Leclercq, administrateur mu-
nicipal du 2e arrondissement en 1796, célébra le
mariage du général Bonaparte avec Joséphine
de Beauharnais. Entré fort jeune dans l'admi-
nistration des droits réunis, sous Français de
Nantes, Th. Leclercq devint receveur principal
de celte administration à Paris, en 1810, place
qu'il occupa jusqu'en 1819, époque à laquelle il
donna sa démission. Il avait déjà écrit un roman
médiocre ayant pour titre Le Château de Dun-
can ; il employa les loisirs que lui faisait la perte
de sa place à composer, à l'imitation de Carmon-
telle, des petites pièces de salon , appelées pro-
verbes dramatiques ; elles eurent un grand succès.
Ainsi encouragé, il en fit imprimer deux volumes,
qui réussirent aussi bien à la lecture. Le fonda-
teur de la Revue de Paris demanda des prover-
bes dramatiques à Leclercq, qui plus tard en donna
aussi à la Revue des Deux Mondes. Les pro-
verbes de Théodore Leclercq se font remarquer
par une certaine finesse et de l'originalité. Posses-
seur d'une fortune indépendante, il observait à
loisir les mœurs et les travers de la société mo-
derne. Chacune de ses petites comédies est un
tableau d'autant plus fidèle que l'auteur s'était af-
franchi de toutes les censures et de toutes les ca-
bales qui embarrassent la carrière du théâtre. H
avait été longtemps l'ami intime de Fiévée, qui
signait ses articles du Journal des Débats des
initiales de Théodore Leclercq, T. L. On a de
Théodore Leclercq : Proverbes dramatiques ;
Paris, 1823-1826,4 vol. in-8°; 1826-1827, 5 vol.
in-8°; 1827-1828, 7 vol. in-18; 1828, 6 vol.
in-8°; nouvelle édition illustrée parles frères
Johanuot; Paris, 1834-1838, 8 vol. in-8°; —
Nouveaux Proverbes dramatiques; Paris,
1830 in-8°; 2 vol. in-18; t. VIII et IX, Paris,
2i9 LECLERCQ
1833, 2 vol. in -8°. MM. Lemoine-Montigny et
Edouard Lemoine ont arrangé pour la scène
Norbert, ou le campagnard, comédie-vaude-
ville en un acte, tirée des Proverbes de Th. Le-
clercq ; Paris, 1832, in-8°; 1837, in-32. Leclercq
a donné dans l'Artiste un article intitulé : Pre-
mier Aviour, Premier Remords, Première Le-
çon, 1831 ; et dans le Salmigotidis une nouvelle
iulitulée Félix. L. L — t.
V. Laeaine et (h Laurent, Uiogr. et Nérrol. des Hom-
mes marquants du dix nmrième siècle, tome 11, p. 217,
— Dict. de lu Conrcrs. — Quérard, Ial France IMIér. —
Couiiiuelor et Mac ry, La l.ittér. Frauç contemp.
le CLOU (Etienne), hagiographe français,
né à Arras, mort dans la même ville, le 6 mars
1616. 11 fit profession chez les dominicains de
*a ville natale, y devint quatre fois prieur, li-
cencié en Ihéologie et vicaire du provincial de
la basse Allemagne. On a de lui : Le sacré Ro-
saire de la Vierge Marie en trois livres ;
Arras, 1608, in-16 ; Valcnciennes, 1615, in-16;
— Histoire de la Vie, Miracles et Canonisation
(17 avril 1594 ) de S. Hiacinthe, Polonois,de
l'ordre des Frères Prescheurs, en 4 livres, tra-
duite du latin du P. Séverin Lubomlius; Arras,
1602,in-12 ;le traducteur y donne une notice sur
les premiers PP. provinciaux de son ordre en
Pologne. A. L.
Échard, Script, ord. Prœdicat., t. Il, p. 405, 411, 412.
— Paquot, mémoires pour servir à Vkistoire littéraire
des Pays-Bas, t V, p. 376 -377.
léclusk ou lescluse (Charles de), en
latin Clusius, célèbre botaniste français, né à
Arras, le 18 février 1524 ou 1525, mort à Leyde,
le 4 avril 1609. Son père, Michel de Lescluse,
était seigneur de Walènes et conseiller d'Artois.
Charles fit ses études à Gand et à Louvain, où
il suivit des cours de droit. En 1547 il se rendit
en Allemagne, s'arrêta à Marbourg, et y reçut
les leçons d'Oldendorp; puis il se dégoûta de la
jurisprudence, et partit en 1549 pour Wittenberg,
où il vit Melanchlhon. L'année suivante il vi-
sita Francfort, Strasbourg, la Suisse et la Savoie,
d'où il passa à Lyon et ensuite à Montpellier.
Il resta trois ans dans cette ville, chez Guillaume
Rondelet, qui lui enseigna la médecine et la bo-
tanique. Après avoir reçu le titre de docteur en
1559, Lécluse retourna dans les Pays-Bas par
Genève, Bâle, Cologne et Anvers. En 1560 il re-
vint en France, et demeura deux ans à Paris,
d'où les guerres civiles Péloignèrent. Il resta un
an à Louvain, repassa en Allemagne et se trou-
vait à Angsbourg en 1563. Il retourna dans cette
ville l'année suivante, reprit la route des Pays-
Bas avec les frères Fugger, qu'il accompagnait,
puis il voyagea le long des côtes occidentales
de la France jusqu'en Espagne. Il parcourut
ce royaume ainsi que le Portugal en herbo-
risant , et se cassa la jambe dans une chute
de cheval en se rendant à Gibraltar. De re-
tour en i565, il demeura près de cinq ans dans
les Pays-Bas. En 1570 il se rendit encore à
Paris, et passa en Angleterre par Dieppe ou
- LÉCLUSE 220
quelque port du pays de Caux. Il resta ensuite
dans les Pays-Bas jusqu'en 1573. L'empereur
Maximilien 11 l'appela bientôt après à Vienne pour
lui confier la direction de son jardin des plantes.
Lécluse en profita pour étudier la flore de l'Au-
triche et de la Hongrie, pays qu'ilparcourut. 11 fit
encore un voyage en Angleterre, et après qua-
torze ans de séjour à Vienne, il se retira, en
"1587, à Francfort sur-le-Mein,où il vécut six ans
dans la solitude, allant voir seulement le land-
grave de Hesse, qui se plaisait à sa conversation
et lui faisait une pension. Les curateurs de l'uni-
versité de Leyde, tirèrent Lécluse, de sa solitude de
Francfort, où il s'était démis une hanche, et le
nommèrent en 1593 professeur de botanique. 1|
remplit cette chaire avec beaucoup de réputation
pendant seize ans, et mourut d'une hernie étran-
glée. Lécluse n'avait pas été marié. A cinquante-
cinq ans, il s'était cassé la jambe, ce qui l'obligea
à se servir de béquilles jusqu'à sa mort. 11 avait
plusieurs fois tenté le voyage d'Italie, et il re-
grettait d'avoir toujours été empêché. Il pos-
sédait le latin, le grec, l'italien, l'espagnol,
l'allemand, le flamand et le français. Heinsius le
met avec Sca'iger au rang des plus savants hom-
mes de son temps. Il excellait dans la bota-
nique, et s'était fait une loi de ne se fier au té-
moignage de personne sur le fait des plantes et
de n'en croire que ses yeux ; aussi l'exactitude la
pins scrupuleuse règne dans ses descriptions et
dans ses figures. Le premier il a eu soin de mettre |
à côté de la synonymie latine le nom des plantes
dans les langues modernes, et donne des rensei-
gnements sur leur emploi dans la médecine, les
arts et l'agriculture. Il caractérisait les plantes par
la structure de leurs fruits. C'est Lécluse quiain-
troduitdans les Pays-Bas les patates ou camotesr
qui sont devenues si communes sous le nom de
pommes de terre. Elles avaient été apportées
du Pérou en 1 586 par Drake, qui en donna à Gé-
rard, habile botaniste de Londres ; ce dernier les
cultiva dans ses jardins, et en partagea les pro-
duits avec Lécluse. Celui-ci les cultiva en Hol-!
lande, et en envoya en Italie. 11 les décrivit sous
les noms de arachidna Theophrasti et papas?
Peruvianorum. On a de Lécluse : Histoirei
des Plantes, traduite du bas allemand de po.f
donée en français; Anvers, 1557 , in-fol. ; —,
Antidotarivm , sive de exacta componen-
dorum miscendorumque medicamentorum
ra/ione libri 1res, omnibus pharmacopœis
longe utilissimi ; ex Grascorum , Arabum et\
recentiorum medicorum. scriptis maxima
cura et diligentia collecti ; nunc vero pri-\
mum ex italica sermone latini facti ; An-
vers, 1561, in 8°; — Vies de Hannibul et del
Scipion l'Africain , traduites du latin de Do-
nat Acciajoli en français, avec les Vies des hom- ]
mes illustres de Plutarque traduites par
Amyot ; Paris, 1565, in-fol. ; plusieurs fois réim- J
primées ; — Aromatum et simplicium aliquot
medicamentorum apud Indos nascentium
221 LÉCLUSE
historia, traduit de Garcias de Orto; Anvers,
1567, in-12; 1574, 1579, 1593, in-8°; —
Simplichim medicamentoiwm ex novo Orbe
delatorvm quorum in nwdicina ustis est His-
toriu, traduit de l'espagnol de Nicolas Monar-
des; Anvers, 1574, 1579, in-8c; 1582, in-8° ; —
Christophori a Costa, medici et chirurgi,
Aromalum et Medicamentarum in Orientait
Jndia nascentium Liber; Anvers, 1574, 1582,
in-8°; — Rariorum aliquot stirpium per His-
panias observa tarum Historia ; Anvers, 1576,
in-8° ; — Rariorum aliquot Stirpium per
Pannoniam, Anslriam, et vicinas provincias
observatarum Historia; Anveis, 1583, in-8°;
Caroli Clusii aliquot Notée in Garciœ Aro-
malum Historiam; Anvers, 1582, in-8° ; —
Nicolai Monardi Libri très , magna medi-
cinw sfereta et varia expérimenta conti-
nentes; Lyon, 1601, in-8° ; — Pétri Bellonii,
venomani, piurimarum singularium et me-
morabilium rerum in Grxcia, Asia, JEqypta,
JutUra, Arabia, aliisque exteris prorinciis àb
ipso conspec/arum Observaliones, tribus libris
ixpressœ ; Anvers , 1589, in -8° ; — Rariorum
olantarum Historia ; Anvers, 1601, in-tol. ; —
Exolicorum Libri decem : quibus animalium,
olantarum, aromatum alïorumque peregri-
wrvm fructuum historix describun hir ; An-
gers, 1601, in-fol. ; Leyde, 1605, in fol. ; —
Vurse poster iores, etc.; Anvers, 1611, in-fol. ;
L.eyde, 1611, in-4° ; — Gallise Belgicaz choro-
iraphica Descriptio; Leyde, 1619, in-8°; —
Tabula chorographica Gallise Narbonensis ,
nsérée par Ortelius dans son T/ieatrum Orbis
'errarum. Lécluse avait trouvé à Salarnanque et
3 Grenade des lettres de Nicolas Clénatd ; il les
lonna àPlantin d'Anvers, qui les publia en 1566.
L. L-t.
Élius Éverhard Vorstins, Oratio funebris in obitum
aroli Clusii ; Leyde, 1609, in-8°. — Jean Meursius,
Uhenx Datante. — va 1ère André, Bibliotheca Belgica.
- K. Swertltis, Athènes Helgicœ. — L. Crasso, Élogil
huomini lelterati. — Nicéron, Mémoires des hom-
nes illustres, tome XXX, p. 38. — l'aquot , Mémoires
mur servir a l'histoire liltér. des Puiit-Has, t>nie xvn,
413. — Eioi, Dict.. histor. de la Médecine anc. et mo-
lerne. - Biographie. Médicale. Wildenow, Crundriss
1er KrtKuitr-knnde. - Haller, Uiblioth botan. —
loéhmer, Bihliolh Scriptor. Hist. Nat. — Eberls, Bi-
Ihgr Lexicon
léc.lise ( A'.... Fleury, dit), acteur et den-
iste français, né vers 1711, mort en 1792. Il
lébuta en 1737, à l'Opéra-Comique , dans une
>iece de Panard et de Carolet intitulée : VAs-
emhléedes Acteurs. Quoique favorablement ac-
:ueilli, il quitta la scène, et se mit à exercer la pro-
èssion de dentiste. Le roi de Pologne le nomma
on chirurgien dentiste, et Lécluse disait en plai-
antant qu'il » avait été nommé à cette place le
our où Sa Majesté perdit sa dernière dent ». Lé-
:luse ayant fait à Ferney une visite à Vollaii e, qui
'appelle un gentilhomme honorable, donna sans
loute quelques leçons de déclamation à M "e Cor-
leille, qui s'y trouvait; ce qui fit «lire à Fréron,
|u'on avait confié l'éducation de cette demoiselle'
à un comédien (I). De retour à Paris, Lécluse
vécut dans une société assez équivoque, dont il
était le bouffon. Il se ruina dans la construction
d'un théâtre qu il fit élever en 1777 au coin des
rues de IJondy et de bancry Ne pouvant payer
les ouvriers, il vendit ce théâtre, et y parut comme
acteur. Cette salle, connue sous le nom de théâtre
des Variétés, fut démolie en 1 784 Lécluse mourut
dans l'indigence. On lui reconnaissait de l'ha-
bileté comme dentiste, et il approchait de Vadé
comme auteur. La Lettre de M. de Lécluse,
seigneur de Tilloij, à monsieur son curé, est
une facétie de Voltaire. On a de Lécluse : Léclu-
sade, ou les déjeuners de la Râpée; Paris,
1748, in-8°; réimprimée sous ces litres : Pois-
sarderies , ou discours des halles et des ports ;
Paris, 1749, in-8° ; et Déjeuner de la Râpée, ou
discours des haltes et des ports; Paris, 1755,
in-12; — Traité utile au public, où Von en-
seigne la méthode, de remédier aux douleurs
et accidents qui précèdent et accompagnent la
sortie des premières dents des enfants; Paris,
1750, in-12 ; — Anatomie de la Bouche, à Vu-
sage des chirurgiens dentistes ; Paris, 1752,
in-12; — Nouveaux Éléments d'Odontalgie;
Paris, 1754, in-12; — Éclaircissements es-
sentiels pour parvenir à préserver les dents
de la carie ; Paris, 1755, in-12;— Dessert du
petit souper dérobé au chevalier du Pélican;
Paris, 1755, in 12. On a réuni les Œuvres
poissardes de J.-J. Vadé et de Lécluse; Paris,
1796, in-4°; 1799, in-18; an ix, in-18.
L. L— t.
Biog vniv. et portai, des Contemp. — Quérard, La
France Littéraire.
lécluse (Fleury de), helléniste français,
né à Paris, le 7 décembre 1774, mort à Autéuil,
le 16 mars 1845. Nommé, au commencement
de l'empire, professeur de belles-lettres aux
écoles militaires de La Flèche et de Saint-Cyr,
il fut plus tard appelé à occuper la chaire de
littérature grecque et de langue hébraïque à la
faculté des lettres de Toulouse, et devint en
1831 doyen de cette faculté. Il possédait la
connaissance d'une vingtaine de langues, y com-
pris le sanskrit et le chinois; il avait de plus
cultivé avec succès la poésie française et la mas-
sique On a de lui : Panhellénisme; Paris,
1800, in - piano ;— Manuel de la Langue Grec-
que; Paris, 1801 et 1820, in-8°; _ Téléma-
que polyglotte, ou Essai d'une traduction de
ce poème en douze langues; La Flèche; 1812,
in-8°; — Chrestomathie Hébraïque; Paris,
t8l4, grand in-3°; — Lexique Grec-Latin de
11) D'après la correspondance de Voltaire avec f,e Brun,
an sujet de M'1» Corneille, Voltaire traitait le dentiste Lé-
cluse de seigneur du Tilloy, â cause de la terre uuTilloy,
entiahnois que ce dernier possédait. Voltaire, no le con-
fondait pas avec lacteur, qu'il croyait seulement cousin
du dentiste. Tous les biographes ne font qu un seul per-
sonnage de l'acteur et du dentiste. Peut-être Voltaire
avait-tl inventé cette distinction pour repousser l'épi'
gramme de Fréron.
223
LECLUSK — LECOAT
224
Schrevelius, revu, etc.; Paris, 1819, in-8°; —
Lexique Français, Grec et Latin ; Paris, 1822,
in-8°, réimprimé plusieurs fois; — Disser-
tation sur la Langue Basque ; Toulouse,
1826,in-8°; — Manuel de la Langue Basque;
Toulouse, 1826, in-8°; — Piaule polyglotte ,
ou parlant hébreu , cantabre, celtique, irlan-
çais, hongrois, etc., etc. ( en espagnol ); Tou-»
Jouse, 1828, in-12; — Sermon de la Monta-
gne, texte grec et traduction basque en regard ;
Toulouse, 1831, in-S° ; — Bésumé de l'his-
toire de la Littérature Grecque et de la Litté-
rature Latine; Paris, 1837, 2 vol. in-18; —
Lexique Grec Français deMourcin, revu, etc. ;
Paris, 1840, in-8°. On lui doit encore plusieurs
éditions d'auteurs grecs enrichies d'annotations
et de scolies. Lécluse avait compose un dic-
tionnaire basque, espagnol et français, en
2 vol. in-4°, sous le titre de : Escuaron Gor-
putza ( Lexicon Cantabricum ), contenant
plus de 40,000 mots. Cet ouvrage, resté manus-
crit, fut vendu avec la bibliothèque de l'auteur,
au mois de juin 1845^ F. Bourgoin d'Orli.
Moniteur du 29 mars 1845. — Doc. particuliers.
lecoat ( Yves- Marie- Gabriel- Pierre) ,
baron de S.mnt-Haouen, amiral français, inven-
teur de signaux télégraphiques , né en Bretagne,
en 1756, mort à Calais, le 5 septembre 1826.
Il appartenait à une famille distinguée, fit ses
études au collège de Quimper, et entra fort jeune
dans la marine. Il débuta, comme enseigne de
vaisseau, par plusieurs campagnes dans les deux
Amériques et dans les mers de l'Inde. De grade
en grade, il parvint à celui de capitaine de fré-
gate, qu'il avait lorsque éclata la révolution.
Arrêté à l'époque de la terreur, le 9 thermidor
le fit sortir de la prison de l'Abbaye. En 1796
il fut nommé chef de division des armées na-
vales. Ce fut en l'an vin ( 1800) qu'étant chef
d'état-major de l'amiral Latouche-Tréville , il fit
les premiers essais d'un nouveau système de
signaux dont il s'occupait depuis longtemps, et
qui obtint l'approbation d'une commission de
l'Institut. Lors de la grande expédition projetée
contre l'Angleterre , Lecoat fut nommé chef mi-
litaire du port de Boulogne, et un ordre du jour
du 7 vendémiaire an xii fit mention de la ma-
nœuvre hardie par laquelle il sut réunir les deux
divisions de Dunkerque et de Calais à l'armée
navale combinée dans le port de Boulogne.
L'année suivante , il se distingua encore par
son intrépidité lorsque les Anglais poussèrent
des brûlots incendiaires contre la flottille. En 1812
il devint par intérim préfet du premier arrondisse-
ment maritime. Confirmé dans ce poste, comme
titulaire, il fut chargé, en 1814, par le ministre
de la marine, de se rendre auprès de Louis XVIII
à Hartwell. Il revint en France avec le roi, qui
descendit chez Lecoat à Boulogne. Durant les
Cent Jours Lecoat se retira à la campagne , et
à la seconde restauration il fut promu contre-
amiral et nommé major général du port de Brest.
Mis à la retraite en 1817, il perfectionna son
système de signaux , et à la suite de plusieurs
expériences faites à Paris il proposa au gou-
vernement, pour la correspondance entre les bâ-
timents et les côtes ou de navire à navire, une
télégraphie de jour et de nuit qui pouvait servir
aussi à la communication entre les divers points
de l'intérieur, et dont les avantages devaient être
communs à tous les peuples, malgré la différence
du langage. Des expériences répétées au Havre
devant une commission spéciale furent couron-
nées de succès. Une ligne télégraphique suivant
le système de Lecoat fut ordonnée, en 1821,
entre Paris et Bordeaux. On l'installa jusqu'à Or-
léans; mais les résultats parurent moins certains.
La guerre d'Espagne vint interrompre cet essai.
Toutefois une brigade télégraphique opérant
d'après le système indiqué suivit le quartier
général du duc d'Angoulême dans la péninsule,
et rendit quelques services pendant la cam-
pagne.
L'amiral Lecoat eut alors l'idée de livrer son
invention au commerce, et esquissa un projet
de société commerciale pour l'exploitation de sa
télégraphie. Il s'engagea personnellement dans
des dépenses qui le jetèrent dans l'embarras
et compromirent sa liberté. 11 se rendait en An- ■
gleterre pour proposer son plan à des capitalistes
lorsque la mort l'enleva. Lecoat croyait son
système seul praticable pendant la nuit. Chacun de
ses fanaux égalait en lumière de 15 à 120 bou-
gies, et ne consumait que pour cinq centimes ;
d'huile par heure, et son langage était des plus-
simples. Chaque poste télégraphique sur Ies>
côtes devait avoir un numéro particulier, vi-
sible de jour et de nuit, qui devait indiquer i
aux navigateurs le point où ils se trouvaient.
Ce système « exigeait en 1809, dit M. Jules-
Guyot, vingt lanternes pour fonctionner pen-
dant la nuit ; quinze pour représenter trois lignes
horizontales fixes, trois mobiles à six pieds det
distance, devant monter et descendre sur une
hauteur de vingt-huit pieds , deux réunies en-i
semble devant également monter et descendre.
Pour éclairer un tel télégraphe, il eût fallu près-
de deux heures ; chaque signal ne pouvait de-
mander pour être transmis et recueilli moins de?
deux minutes. Il est évident que ce système était!
frappé de nullité. M. de Saint-Haouen le sentit
bien, et en 1822 il modifia son système pour
la nuit. 11 réduisit ses lanternes au nombre de
cinq : trois fixes formant une ligne horizontale
répondant au régulateur du télégraphe Chappe,
et deux mobiles se hissant successivement le
long de quatre mâts verticaux de façon à formel
des angles avec la ligne horizontale. Ce procédé,
fort ingénieux et emprunté au télégraphe Chappe,
ne réussit cependant pas. Douze machines télé-
graphiques avaient été établies entre Paris el
Orléans; elles ne purent correspondre devant la
commission nommée pour en faire l'appréciation,
Cet essai coûta près de 80,000 fr. au gouver-
2L>5 LEdOAT
peinent, et s'il eût eu succès et qu'on eût établi
i ■ système télégraphique de nuit de M. Saint-
Haouen, il eût coûté plus de 5 millions de pre-
mier établissement et plus de 1,200,000 fr. d'en-
tretien annuel. »
Lecoat avait consigné son système dans une
brochure intitulée : Télégraphie universelle
de nuit et de jour sur terre et sur mer: acte
constitutif; Paris, 1823, in-4° ; — Observation
prcliminaire,ibid. L. Lodvet.
Annales biographiques , 1886, p. 455. — Jules Guyot,
De la Télégraphie de jour et de nuit, p. 85.
le cointe (Charles), historien français,
prêtre de la congrégation de l'Oratoire , né à
Troyes, le 4 novembre 1611, mort à Paris, le 18
janvier 1681. 11 professa d'abord pendant plu-
sieurs années dans différents collèges de la con-
grégation. Jl accompagna ensuite l'ambassadeur
servien en Allemagne, en qualité de chapelain et
îe confesseur de Mme Servien. L'ambassadeur
îut occasion pendant les conversations du voyage
^apprécier ses vastes connaissances en histoire,
;t profita de ses lumières dans les affaires les
>lus difficiles et les plus importantes. Ce fût
nême le P. Le Cointe qui travailla aux prélimi-
laires de la paix de Munster, et qui fournit les
nëmoires nécessaires pour gc. fameux traité. A
;on retour d'Allemagne, il remplit encore les
onctions de professeur pendant quelque temps,
;t fut appelé, en 1661, comme bibliothécaire, à
a maison de l'Oratoire de Paris, où il vécut en-
ouré de la considération des personnes de la
ilus haute distinction. Outre quelques ouvrages
aissés en manuscrit , on a de lui : Orationes
wo lectionum auspicatione in collegio An-
lino habitée, ann. Christi 1640 et 1641, in-4°;
— Annales ecclesiastici Francorum ; Paris,
665-1683, 8 vol. in-fol.; le huitième volume a
té publié par le P. Dubois... Cet ouvrage, résul-
at d'un travail immense, va de 417 à 845; il
!St très-savant, et sera toujours utilement con-
;ulté pour l'histoire des premiers temps de la
nonarchie. Il engagea l'auteur dans des disputes
«ce quelques savants. L'abbé B — n.
!.. P. Dubois, rie de C. Le Cointe en tête du 8e vol. des
(nnales, etc.-- Nicéron,. Mémoires, t. IV, p. 269. — Mo-
éri, Bief. Hist. - Lelong, ISibUotk. Hist.de la France,
dit. Fontette.
le coînte (Gédéon), littérateur suisse, né
i Genève, en 1714, mort en 1782. Il fut profes-
seur d'hébreu dans sa ville natale. On a de lui :
Varangue de Démosthène sur les immuni-
és, traduite en français; 1750, in-8°;— Lettre
m- le prix de la vie, dans le Journal britan-
vique, mai 1750 ; — Sermon sur la Révùca-
ion de l'Édit de Nantes; — Sermons choisis,
mvrage posthume; 1784, in-8°. L'abbé B— n.
Sénebier, Hist. litt. de Genève, t. III, p. 22.
le cointe (Jean-Louis), tacticien français,
ié à Nîmes, le 29 juillet 1729. On a de lui :
La Science des Postes militaires, ou traité
les fortifications de campagne, à l'usage des
\fficiers particuliers d'infanterie qui sont
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXX.
— LECÔINTE
226
détachés à la guerre; 1759, în-12 ; — Com-
mentaire sur la retraite des Dix Mille, ou
traité de la guerre; 1766, 2 vol. in-12; —
deux dissertations insérées dans les Observa-
tions sur ta Physique ; l'une est Szir la Pêche
des Paillettes d'Or qui se fait dans la rivière
de Cèze, dans les Cévennes, et l'autre Sur les
Cartes militaires. L'abbé B — n.
Quérard, La France Littéraire.
1jKCo\tstk-pjjirx\e.\c (Michel-Matthieu),
administrateur français, né à Saint-Maixent, vers
1750, mort à Bruxelles, en 1825. Reçu avocat au
parlement de Paris , il exerçait sa profession
dans sa ville natale lorsque éclata la révolution,
dont il se montra un des zélés partisans. Élu
administrateur du département des Deux-Sèvres
en 1790, l'année suivante il fut par ses conci-
toyens député à l'Assemblée législative. Il y
signala la conduite imprudente des prêtres inser-
mentés, qui déjà avaient soulevé les campagnes
de Bressuire et de Ghâtillon et fait couler le sang
dans plusieurs communes. Le 10 décembre 1791,
il appuya vivement une pétition des habitants de
Paris contre les ministres du Portail , de Nar-
bonne, de Grave et Lajard , qui plus tard furent
décrétés d'accusation, en août 1792. Le 15 mai, il
renouvela ses attaques contre les prêtres inser-
mentés, et contribua beaucoup, le 25, à faire pro-
noncer contre eux la déportation. Élu à la Conven-
tion nationale en septembre 1792, il y fit rendre
le décret qui défendait de prendre les ministres
parmi les représentants, et le 24 septembre
demanda la présence d'une force départemen-
tale à Paris pour garantir la sûreté de la Con-
vention. Le 4 octobre il accusa Marat d'avoir
organisé les massacres de septembre; celui-ci
riposta dans son Ami du peuple en traitant
Lecointe-Puiraveau de girondin et de fédéraliste.
En novembre Lecointe fut envoyé avec Biroteau
pour pacifier le département d'Eure-et-Loir;
leur mission fut accomplie avec courage , mais
non sans danger. Rentré à l'assemblée au com-
mencement de janvier 1 793, il prit part au procès
de Louis XVI, et vota pour l'appel au peuple. Le
10 mai 1793, il fut envoyé à l'armée de La
Rochelle avec son collègue Jard-Panvilliers , et
se trouva le 24 à Fontenay, lorsque l'armée
républicaine y fut défaite par les royalistes, com-
mandés par de Lescure. Rappelé après l'anéan-
tissement du parti girondin, il ne craignit pas de
protester contre les vainqueurs , osa justifier la
destitution de Rossignol, protégé par les jaco-
bins, parla en faveur du général Biron et le dé-
fendit, mais inutilement, par son témoignage de-
vant tribunal révolutionnaire. Il combattit comme
arbitraire la proposition de ranger parmi les en-
nemis de la république les marchands qui ven-
draient à un prix élevé les objets de première
nécessité. Le 16 novembre 1793, Amar demanda
la mise en accusation de Lecointe-Puiraveau,
en vertu d'une lettre anonyme datée de Rouen,
et qu'il prétendait avoir vue tomber de la poche
S
227
LECOINTE
228
de Lecointe. Cette lettré signalait Lecointe comme
un des instigateurs des tronblesde la Normandie
et de la Vendée. Déjà on allait voter le décret
d'accusation , lorsque Lecointe, s' étant fait com-
muniquer la pièce accusatrice, fit observer qu'elle
serait arrivée à Paris avant l'heure de la distri-
bution des dépêches de Rouen. Cette circons-
tance le sauva. Le 1er avril 1795, il accusa les
jacobins de répandre des écrits contre- révolu-
tionnaires, et soutint que les chefs de cette fac-
tion n'étaient que des royalistes masqués qui
poussaientau désordre et à l'anarchie pour dégoû-
ter le peuple de la liberté. A la fin de cette même
année, il s'opposa vigoureusement aux exceptions
sollicitées en faveur des émigrés postérieurement
au 31 mai, et demanda , à la suite du 13 vendé-
miaire, « que les biens des rebelles servissent
à indemniser les citoyens morts en défendant la j
Convention ». Devenu membre du Conseil des
Cinq Cents , il défendit la Constitution de l'an iii,
parla le 1er mars 1796 contre les magistrats qui |
avaient refusé de prêter le serment de haine à la
royauté, appuya le 7 avril la proposition de
mettre le séquestre sur le9 biens des pères et
mères des émigrés , et proposa des mesures ri-
goureuses pour empêcher l'importation des mar-
chandises anglaises. Il se montra aussi l'un des
soutiens de la loi du 3 brumaire an iv qui excluait
des fonctions publiques les parents d'émigrés. Il
attaqua spécialement Polissard , Ferrand-Vail-
lant et autres députés sujets à l'application de
cette loi, et voulut faire attribuer au Directoire
exécutif la radiation facultative des émigrés. Il
soutint la déportation des prêtres insoumis , de-
manda des lois contre la licence de la presse , et
cita à l'appui de cette mesure le journal de Bar-
ruel-Beauvert, qui médisait sans relâche du gé-
néral Bonaparte. En mars 1797 Lecointe pré-
sida le Conseil des Cinq Cents, d'où il sortit le
20 mai suivant, et fut nommé commissaire central
de l'administration du département des Deux-
Sèvres. Réélu en mars 1798 au Conseil des Cinq
Cents, il s'y opposa, le 3 juillet, à ce qu'on sursît
à l'exécution de d'Ambert, condamné comme
émigré, alléguant « que la France se remplissait
de ces sortes de gens, et qu'il avait vu lui-même
à Paris un chef de chouans ». Il se plaignit du
mépris des institutions républicaines et de l'ou-
verture des boutiques le dimanche. Élu de nou-
veau à la présidence le 20 juillet, il célébra les
fêtes des 9 thermidor et du 10 août dans des
discours qui furent traduits dans les diverses
langues européennes. Le 23 septembre, après
une sortie sur la perfidie des rois , il proposa la
levée de deux cent mille conscrits et vota la con-
fiscation des biens des déportés de fructidor. En
1799 il fit plusieurs rapports sur les impôts, le
payement des biens nationaux, les colonies, les
banques, le système électoral, la liberté de la
presse, dont il réclama derechef la compression,
attribuant aux journalistes les excès de la révo-
lution. En août 1799, il s'opposa à la mise en
accusation des directeurs Merlin, Larevellière-
Lépaux, Treilhard et Rewbell. À la fin de bru-
maire an vin ( novembre 1799 ) , il fut délégué
par le premier consul Bonaparte dans les dé-
partements de l'ouest pour, de concert avec le
général Hédouville, faire exécuter la pacification
convenue à Angers. Il entra ensuite au Tri-
bunat, d'où il sortit en mars 1800 pour aller
remplir les fonctions de commissaire général
de police à Marseille. Il resta dans cette ville
jusqu'en 1803, et y rétablit le bon ordre et
la sûreté. Quelque temps après, il fut désigné
pour une mission en Louisiane, mais il refusa
cet emploi, et rentra dans la vie privée jusqu'en
1815. Napoléon, à son retour de l'île d'Elbe, lui
confia la police supérieure de Lyon , Grenoble,
Marseille et des contrées qui avoisinent ces im-
portantes cités. A la rentrée des Bourbons, il
faillit partager le sort du maréchal Brune , et fut
enfermé au château d'If, d'où il s'échappa le
11 septembre 1815. Il put gagner les Pays Bas,
où il termina sa longue carrière. On a de lui :
Opinion dans l'affaire du roi; Paris, 1792,
in-8°. H. Lesueuf.
Le Moniteur universel, an. 1791, n° 346; an. 1792,
n°« 8, 90, US, 173, 207, 2SS, 283, 350; an 1er, II, III, IV, V,
vi et vu, passim. — Biographie moderne (1806:. -?■ Pa-
ierie historique des Contemporains. — Le Eas, Dut. en-
cyclopédique de la Francs. — Thiers, Histoire de la i
Révolution française, t. IV, V, VI, passim.
lecointe (Jean-François-Joseph), archi- ■
tecte français, né à Abbeville, le 21 juillet 1783,
mort à Versailles, le 8 avril 1858. Élève de Bé-
langer et de l'École spéciale d'Architecture de Pa-
ris, il remporta en 1810 le prix départemental, ,
et voyagea ensuite en Italie et dans les Pays-Bas. ,
Il a fait élever quelques hôtels à Paris, plu-
sieurs monuments au cimetière du Père-La- ■
Chaise, et continué, de 1818 à 1825, les écuries de I
Monsieur dans le faubourg du Roule, auxquelles
fut réuni l'établissement des pages. Il a exé-
cuté avec M. Hittorff la construction de la nou-
velle salle de l'Ambigu-Comique, et la restau- 1
ration de la salle Favarten 1825. Comme archi-
tectes du roi, ces deux artistes ont dirigé en-i
semble les travaux des fêtes et cérémonies roya-
les, la pompe funèbre du prince de Condé, celle
du duc de Berry, les funérailles de Louis XVIII,
les décorations des fêtes du baptême du duc de
Bordeaux, du sacre de Charles X, etc. Leur ou-
vrage sur le baptême du duc de Bordeaux, formé
de dessins à l'aquarelle, obtint une médaille d'or
à l'exposition de 1827. On leur doit en outre
plusieurs vues de la cathédrale de Reims et
des costumes pour l'ouvrage sur le sacre de
Charles X, le projet de restauration de l'église
Saint-Remy à Reims, le projet d'un monument
à élever au duc de Berry, d'une chapelle sé-
sépulcrale pour la princesse de Courlande, des
embellissements de la place Louis XVI (place de
la Concorde ), d'une salle de spectacle et de bal '
pour le baron de Brawn à "Vienne, etc. Lecointe
exposa, en 1830, un cadre contenant plusieurs
229
LECOINTE — LECOMTE
230
dessins à la sépia, représentant des vues d'Italie.
En 1841 il éleva avec M. Gilbert la prison cel-
lulaire dite la Nouvelle>Force ou Mazas. « Sa
carrière d'artiste fut des mieux remplies , a dit
M. Hitforff sur sa tombe , et il aurait pu pré-
tendre aux plus hautes distinctions sans une fidé-
lité peut-être trop exclusive à la branche aînée
des Bourbons. » L. L — t.
Ch. Gabet, Dict. des artistes de l'école franc, au
dix-neuvième siècle. — La Presse du 12 avril 1858.
* lecointe ( Suzanne- Alexandre ), littéra-
teur français, né à Laon (Aisne), le 11 novembre
1 797. Sous-chef de bureau à la préfecture du dépar-
tement de l'Aisne du la avril 1815 au 1er janvier
1833, chef du bureau du secrétariat général après
cette époque, il fut longtemps libraire dans sa
ville natale, et rédigea le Journal de V Aisne.
On a de lui : Éloge de la Clémence; Laon,
1819, in-8°; — Essais poétiques ; Laon, 1823,
in-8° ; — Le Vieillard religieux, ou la nuit,
poëme; Laon, 1823, in-8°; — Annuaire du
département de V Aisne.; Laon, 1827 et an-
nées suivantes, in-8° : cet annuaire avait déjà
seize années d'existence lorsque M. Lecointe en
prit la direction; — Collection annotée des
ictes administratifs de la préfecture de
"Aisne, édition nouvelle; Laon, 1836-1837,
i vol. in-8°. 11 a en outre publié avec M. J.-J. Ba-
;et un Dictionnaire des Communes du dépar-
'ement de V Aisne. J. V.
Quérard, La France Littér. — Bourquelot et Maury,
ia Littér. Franc, contemp. — Vapereau, Dict. vniv. des
Zontemp.
lecointre (Laurent), homme politique
rançais, né à Versailles, en 1750, mort à Gui-
mes , en 1805. Il était établi marchand de toile
lans sa ville natale lorsque éclata la révolution.
Vommé commandant en second de la garde na-
ionale du département, il se fit remarquer par
■es opinions très-avancées, et devint succes-
i veinent président du département, député
i l'Assemblée législative, puis à la Convention ,
ni il vota la mort de Louis XVI, sans appel
li sursis. Il fut un de ceux qui poursuivirent
vecle plus d'ardeur les girondins au 31 mai;
t il attaqua avec la même passion , après le
l thermidor, les partisans de la montagne. Dé-
rété d'arrestation après le 12 germinal, puis
mnistié , il ne fut plus réélu à aucune législa-
ure à partir de cette époque. Lorsque après l'or-
;anisation du gouvernement consulaire des re-
istres furent ouverts pour l'acceptation de la
ouvelle constitution, Lecointre fut le seul habi-
int de Versailles qui y écrivit : « Non » : son
vis était longuement motivé. Frappé d'exil , il
Dmba dans une extrême gêne à la fin de sa vie,
près avoir joui d'une grande aisance. On a de
ri: Conjuration formée, dès le 6 prairial,
ar neuf représentants du peuple, contre
îaximilien Robespierre , pour V immoler en
lein sénat; an n ( 1794), in-8°; les conjurés
taient Lecointre, Barras, Fréron, Courtois, Gar-
icr de l'Aube, Rovère, Thirion, Tallien et Guf-
froy; — Lecointre (Laurent) au peuple sou-
verain; an n (1794), in-8" : c'est une réfuta-
tion des attaques de Billaud-Varennes et Bour-
don ; — Les Crimes de sept Membres des an-
ciens Comités de Salut public et de Sûreté,
générale, ou dénonciation formelle contre
Billaud-Varennes, Barrère, Collot d'Her-
bois, Vadier, Vouland, Amar et David, se-
conde édit.; Paris, nivôse an m, in-8°. M. Dn-
laure a publié un supplément à cet ouvrage.
H. Lesueor.
Le Moniteur universel, an 1789, n08 19, 71 ; an 1791,
n<"> 302, 304 ; an 1792, n°> 50, 77, 107, 124, 159, 228, 284, 350,
362 ; an 1er, no» /l3> 12o, 239, 261 ; an II, n°» 29, 85, 89, 109,
239, 315, 345, 351 ; an III, n" 71, 90, 99, 131, 146, 182, 186,
195, 200; an iv, n° 44. — Thiers, Histoire de la Révolu-
tion française, t. IV, V et VI passim. — Lamartine,
Histoire des Girondins, t. VII et VIII.
cointos. Voyez Qcintus Calaber.
le comte (Jean), ministre protestant fran-
çais, né en 1500, à Étaples (Picardie), mort le
25 juillet 1572, à Grand son (Suisse). Disciple du
savant Lefèvre d'Étaples, il répandit les doctrines
de la réforme dans le diocèse de Meaux; les
poursuites du parlement l'obligèrent à chercher
un asile à la cour de Marguerite de Navarre.
Après avoir été précepteur des fils de l'amiral
Bonnivet, il passa en Suisse (1532), et acquit
beaucoup de réputation par ses prédications et
ses controverses. Telle était l'ardeur de son zèle
religieux qu'un jour, en prêchant à Grandson , il
interrompit son sermon pour aller renverser
l'autel. De 1558 à 1567, il occupa une chaire
d'hébreu à l'académie de Lausanne. On a de lui :
Démégories du comte d'Etaples sur les Di-
manches, les Sacrements, le Mariage et les
Trépassés; 1549. K.
Haag frères, La France protestante.
LECOMTE OU LECONTE DE BIÈVRE (Jean-
Joseph-François), littérateur français , né à
Bièvre, vers la fin du dix-septième siècle , fut
admis, comme associé, à l'Académie des Sciences
de Paris. On a de lui : Histoire des deux As-
pasies, femmes illustres de la Grèce; Paris et
Amsterdam, 1736, in-12, ouvrage devenu rare
et écrit avec élégance et plein d'une critique
judicieuse; — une Épltre en vers, adressée, en
1736, à Maupertuis, Clairault et Camus, sur leur
voyage dans le Nord. Les remarques cosmogra-
phiques qui précèdent cette pièce ont fait attri-
buer à Lecomte deux opuscules de Maupertuis,
intitulés : Examen des trois Dissertations que
M. Desaguilliers a publiées sur la figure de
laTerre; 1738, in-12 ; — Examen désintéressé
des différents ouvrages qui ont été faits pour
déterminer la figure de la Terre; Oldembourg
(Paris), 1738, in-12.
Lecomte de Bièvre, fils ou neveu du précé-
dent, avec lequel il a été souvent confondu, mort
le 27 août 1755, à Romorantin,où il était procu-
reur du roi, est auteur d'un Eloge de Pot hier ;
Orléans et Paris, 1772, in-12. F.-X. T.
Dreux du Radier et Pesselier, dans le Glaneur français,
8.
231
tora. II. — Barbier, Dictionnaire des anonymes.— Qué-
rard, La France Littéraire.
lecomte (Florent), archéologue français,
né vers le milieu du dix-septième sièele, mort à
Paris, en 1712. Jl prenait le titre de sculpteur et
de peintre, et s'occupait du commerce des ta-
bleaux. On a de lui : Cabinet des Singularités
d'Architecture , Peinture, Sculpture et Gra-
vure, ou introduction à la connaissance des
plus beaux arts figurés sous les tableaux,
les statues et les estampes; Paris, 1699-1700,
3 vol. in-12; Bruxelles, 1702, 3 vol. in-12. J.V.
Qu-érard, La France Littéraire.
lecomte (Marguerite), graveur française,
née à Paris, vers 1719, morte à la fin du dix-hui-
tième siècle. Mariée à un procureur du Châtelet,
elle se distingua par son goût pour les arts. Elle
a gravé à l'eau-forte des têtes et des paysages
qui ne sont pas sans mérite. On cite d'elle un
Portrait du cardinal Alexandre Albani, in-4°,
une Suite de Papillons exécutés d'après nature, et
des vignettes pour une traduction de Gessner par
Huber; 1764. On possède le portrait de Mar-
guerite Lecomte , dessiné par Watelet et gravé
par Lempereur. J. V.
Basan, Dict. clés Graveurs.
lecomte (Félix), sculpteur français, né à
Paris, en 1 737, mort en 1 8 1 7 . Élève de Vassé et de
Falconet, il remporta le premier prix au concours
de l'Académie par un bas-relief du Jugement de
Salomon, et alla visiter l'Italie comme pension-
naire de l'Académie; malheureusement, entraîné
par le goût de son temps , il semble y avoir
plutôt étudié les œuvres du Bernin que les chefs-
d'œuvre de l'antiquité. Revenu à Paris en 1769,
il fut, en 1771, admis à l'Académie royale de
Peinture et de Sculpture; son morceau de récep-
tion fut une Statue en marbre de Phorbas.
Ses autres ouvrages principaux sont sept bas-
reliefs en terre cuite représentant les Sacre-
ments, une Piété, groupe qu'il fit pour la ca-
thédrale de Rouen et la Statue de Fénelon, qui
décore la salle des séances de l'institut. Lecomte
employa les loisirs forcés que lui fit la révolu-
tion à se livrer à ses goûts littéraires, et com-
posa surtout des fables qui eussent mérité les
honneurs de l'impression. En 1810, il fut nommé
membre de la classe des Beaux- Arts de l'Insti-
tut. Il avait conservé toutes ses facultés , et il
professait encore à l'Académie quand il fut en-
levé par une attaque d'apoplexie, à l'âge de
quatre-vingts ans. E. B — n.
Quatremère de Quincy, Éloge da Lecomte.
legomte (Louis), missionnaire français, né
à Bordeaux, vers le milieu du dix-septième siècle,
mort dans cette même ville, eu 1729, fut un
des six mathématiciens jésuites qui s'embar-
quèrent avec le chevalier de Chaumont, nommé
ambassadeur extraordinaire à Siam, pour se
rendre dans ce royaume, d'où ils devaient passer
en Chine. Parti de Brest, le 3 mars 1685, Le-
comte, après avoir visité le cap de Bonne-Espé-
rance et Pondichôry, arriva à Siam, le 24 sep-
LECOMTE 232
tembre de la même année. Phra-Naraï, qui se
piquait de cultiver les mathématiques, le retint
près de deux ans à sa cour. Mais la révolution
qui suivit la mort de ce prince permit aux mis-
sionnaires de continuer leur route vers la Chine.
Lecomte arriva à Ning-Po le 27 juillet 1687, et
le 8 février suivant à Pékin. Les fonctions du
ministère apostolique qu'il eut à remplir dans le
Chen-si et dans d'autres provinces de la Chine
le mirent à portée de bien connaître ce pays, et
lui fournirent l'occasion de nombreuses obser-
vations astronomiques. Il en avait fait au cap
de Bonne-Espérance, à Pondichéry, à Siam et à
Lauvo ; il en fit à Canton, à Pékin et dans d'autres
endroits. Il observa deux comètes en 1686 et
1689, et le passage de Mercure sur le disque
du Soleil, en 1690. Vers 1692, Lecomte fut en-
voyé à Rome pour les besoins des missions, et
revint ensuite en France, où il fut quelque temps
confesseur de la duchesse de Bourgogne. Des
contestations venaient de s'élever en Chine entre
les jésuites et les missionnaires de la congréga-
tion des Missions Étrangères, au sujet de quel-
ques cérémonies pratiquées dans ce pays. Les
jésuites les toléraient, les missionnaires des
Missions Étrangères les rejetaient comme ido-
lâtres. Lecomte défendit le sentiment de ses
confrères dans ses Nouveaux Mémoires sur
l'État présent de la Chine, imprimés à Paris
en 1696, 1697 et 1701, 3 vol. in-12, fig. Cet ou-
vrage, écrit d'ailleurs d'une manière intéressante,
est répréhensible pour les paradoxes qu'il ren-
ferme : c'est un panégyrique outré de la civili- -
sation chinoise. Les Chinois , si l'on en croit i
l'auteur, ont de tout temps connu et adoré le
vrai Dieu. Lecomte développe les mêmes idées
dans une lettre au duc du Maine Sur les Ce- I
rémonies de la Chine; Liège, 1700, in-12. Les
directeurs des séminaires des Missions Étrangères :
à Paris déférèrent ces Nouveaux Mémoires et !
la lettre sur les Cérémonies de la Chine à la j
cour de Rome et à la faculté de théologie de :
Paris. Malgré les éclaircissements et les protes-
tations du P. Legobien , la faculté, sur le rap-
port des huit députés chargés d'examiner les
ouvrages incriminés, censura, le 18 octobre 1700,
dix-neuf extraits, tant des Nouveaux Mémoires
et de la lettre au duc du Maine que d'un autre
écrit , et condamna la plupart des propositions,
comme fausses, téméraires et erronées. Les
jésuites firent en vain paraître plusieurs lettres
et réponses pour justifier les livres censurés.
Lecomte ne fut pas plus heureux auprès d'Inno-
cent XII et de la congrégation nommée par ce
pape pour examiner l'affaire. Lecomte était en-
core à Rome en 1702; on le voit par une lettre
du 17 mars de cette année, qu'il adressa au su-
périeur du séminaire des Missions Étrangères à
Paris. Dupin attribue encore au père Lecomte,
sur ces matières, une Lettre d'un Missionnaire
de la Compagnie de Jésus; 1697. Les Nou-
veaux Mémoires furent compris dans la liste
233
des ouvrages que, par son arrêt du 6 août 1761,
le parlement de Paris condamna au feu. Cette
liste fut dressée par l'esprit de parti plus que
parle zèle de l'orthodoxie. F.-X. T.
Documents inédits. — Le P. Tachard , Relation d'un
Voyage a Siam. — Le chevalier de Chaumont, Relation
de l'Ambassade à Siam. — Legoblen, Éclaircissements
sur les honneurs que les Chinois rendent à Confucius
et aux morts. — Dupin , Histoire ecclésiastique du dix-
septième siècle, ton). IV.-
* lecomte (Hippolyte), peintre français,
né à Puiseaux, département du Loiret, en 1781.
Il eut pour maître Regnault. Son premier tableau
parut au salon de 1804, et il exposa successi-
vement à presque tous les salons jusqu'à ceux
de 1847. Les sujets qu'il a traités sont des ta-
bleaux de genre historique, des paysages, des
ibatailles sur toiles de moyenne dimension,
celles-ci pour le musée de Versailles. Voici la
liste de ses ouvrages principaux : Jeanne d'Arc,
sal. de 1808; — Humanité de Napoléon envers
îes prisonniers, sal. de 1810; — Louis XIII
Vorçant les retranchements du Pas-de-Suze,
pal. de 1819, est dans la galerie de Fontaine-
bleau; — Marie Stuart s' évadant du château
ne Loch-Leven', sal. de 1831; — Combat à la
wrte Saint-Denis en juillet 1830, sal. de
1831; — Combat de Mautern, en Styrie, en
1 809 , même salon ; — Prise et Capitulation
te Villefranche en Piémont, sal. de 1841; —
Bataille de Raab {campagne d'Autriche), id.;
U Prise de Palras en 1828, id.
G. DE F.
I Annuaire statistique, des Artistes. — Livrets des Sa-
vns.
I lecomte ( Hyacinthe- Louis-Victor- Jean-
Baptiste Aubry), dessinateur lithographe fran-
ais, né à Nice, en 1797, de parents d'origine
rançaise, mort à Paris, en mai 1858. Venu à
pris à la fin de l'empire, il entra en 1816 au
ïîinistère des finances , où il resta pendant neuf
pis, suivant en même temps l'atelier de Girodet
K se présentant aux concours de l'École des
teaux-Arts. 11 exposa pour la première fois en
1819, obtint des médailles en 1824 et 1831, et la
roix d'Honneur en 1849. Parmi ses lithographies
n cite : La Vierge de saint Sixte, V Enfant
Jésus-, Eve et La Danse des Amours, d'après
laphael; — La Joconde, d'après Léonard de
j'incy ; — une Sainte Famille d'après Poussin ;
- Danaé, Ariane, Érigone, Endymion, Zé-
wgre, Atala, Chactas, une Scène du Déluge,
'après Girodet; — Corinne au cap de MU
Me, V Amour et Psyché, La Peste de Mar-
klle, d'après Gérard; — V Enlèvement de
ïsyché, Une Famille malheureuse, d'après
trudhon; — La Paix du ménage, d'après
]-reuze; — La Druidesse, d'après M. Horace
émet; — LaFrancesca, d'après M. Ingres. On
ai doit en outre bon nombre de portraits et des
(ues d'Auvergne pour le voyage du baron
Mor. L. L— t.
Ch. Gabet, Dict. des Artistes de VÉcole franc, au
LECOMTE — LECONTE 234
dix-neuvième siècle. — Vjpereau, Dict. univ. des Con-
temp. — Livrets des Salons, 1819-1855.
* lecomte (Jules), littérateur français, né
à Boulogne- sur- Mer, le 20 juin 1812. Fils d'un
officier de marine, il fit plusieurs voyages de
long cours, devint lieutenant, puis, vers 1832,
renonçant à la carrière maritime, il vint à Pa-
ris, et se livra à la littérature. Après quelques
essais, il fonda en 1834 Le Navigateur, puis la
Revue Maritime, enfin La France Maritime,
ouvrages périodiques. Il écrivit des romans, des
ouvrages historiques, des pièces de théâtre, de-
vint rédacteur de divers journaux dans lesquels
il sème avec esprit un grand nombre d'anec-
dotes. Voici la liste de ses principaux travaux :
Pratique de la Pèche de la Baleine dans les
mers du Sud; 1833, in-8° ; c'est la relation
d'un voyage qu'il fit lui-même; — Dictionnaire
pittoresque de Marine; 1833, in-4°; 2eédit.,
en 1836; — L'Ile de La Tortue; 1837, 2 vol.
in-8°; — Lettres sur les Écrivains français;
Bruxelles, 1837, in-18; ces lettres, qui eurent
un grand succès, parurent sous le pseudonyme
de van Engeloom, d'abord dans L'Indépendance
belge et furent aussi réimprimées dans le Cabi-
net de Lecture; — Les Smoglers; 1838, 2 vol.
in-8°; — Le capitaine Sabord; 1839, 2 vol.
in-8°, et 1844, 4 vol. in-12 ; — Les Folies pari-
siennes, roman de mœurs; 1840, 2 vol. in-8°;
— Une Jeunesse orageuse; 1841, 2 vol. in-8°;
— Le Frelon des Cyclades; 1844, 3 voL
in-8°; — L'Italie des Gens du Monde : t. Ier,
Venise, description littéraire, historique et
artistique, etc.; 1844, in-8°; — Parme sous
Marie-Louise ; 1845, 2 vol. in-8°; — Les Pon-
tons anglais, roman maritime; 1850-52,
5 vol. in-8°, publié aussi dans les journaux La
Républiques L'Estafette, sous le nom de J. Du
Camp; — Histoire de la Révolution de Fé-
vrier, jusques et y compris le siège de Rome;
1850, in-8° , sous le même nom ; — Histoire de
l'Année 1850, in-8°; — Souvenirs de l'année
1856; 1857, in-8°. M. Lecomte a collaboré à un
grand nombre de journaux etrecueils périodiques.
G. de F.
Documents particuliers. — Journal de la Librairie.
leconte (Gabriel), plus connu sous le
nom de frère Gabriel de La Croix, ecclésias-
tique français, né à Alençon, le 17 mai 1617,
mort à Rouen, le 9 mars 1697. Il fit ses études
à Reims, et devint recteur de l'université de cette
ville. Dégoûté dn monde, il revêtit l'hahjt monas-
tique chez les carmes déchaussés en 1636, et
prit alors le nom de frère Gabriel de La Croix.
Devenu prieur à Rouen, il fonda, en 1660, une
nouvelle maison de sonordre à LaGarde-Châtel,
près Avranches. Il mourut provincial définiteur
des carmes déchaussés. On a de lui : une tra-
duction française de la Tabula cvangelica du
P. Maurice deLa Croix; — et l'Histoire générale
des Carmes déchaussés de la congrégation
d'Espagne, trad. de l'espagnol du P. François
235 LECONTE
«le Sainte-Marie; Paris, 1635-1660, in-fol. et
quelques autres ouvrages théologiques. A. L.
Richard et Glraud , Bibliothèque Sacrée.
LECONTE (Noël). Voy. CONTI.
* leconte (F.), voyageur français, né vers
1800. Il était capitaine de corvette lorsqu'il fut
chargé en 1843 de visiter le pays des Birmans,
et son passe-port , adressé au ministre de la
marine, se trouve inséré, à partir de Vannée 1846,
dans la Revue d'Orient, fondée par MM. Al-
phonse Denis et Abel Hugo. On y trouve des
détails curieux sur le pays des Birmans et par-
ticulièrement sur le Pégu. F. D.
Documents particuliers.
leconte ( Antoine ), en latin Contins , ju-
risconsulte français, né vers 1526, à Noyon, où
son père était prévôt, mort à Bourges, en 1586.
11 professa le droit à Bourges et à Orléans ; il
comptait parmi ses élèves l'historien de Thou, qui
l'appelle certi judicii et exactsc diligentiae ju-
risconsullus. Bien que cousin germain de Calvin,
il se montra constamment opposé aux doctrines du
novateur. Leconte a donné diverses corrections
aux textes du droit civil et du droit canonique;
ses opinions diffèrent ordinairement de celles de
Duaren et d'Hotman. Il a donné une édition an-
notée du Corpus Juris civilis; Paris, 1562, 9 vol.
in-8o; Lyon, 1571, 15 vol. in- 8°. Un choix de
ses notes se retrouve dans l'édition du même ou-
vrage due à Charondas; Anvers, 1575, 2 vol.
in-fol. Sestravaux, d'abord imprimés séparément,
ont été réunis sous ce titre : Antonii Contiï
Opéra omnia quse exstant, nunc primum, ex
manuscriptis auctoris, in unum redacta, di-
gestaque studio et diligentia Edmundi Me-
rûlii; Paris, 1616,in-4° ; Naples, 1725, in-f#i.
E.R.
,). Aug. de Thou , Histoire, liv. LX11I, an 1577. — Scé-
Milc de Sainte-Marthe, Éloges, liv. I. — Struvlns, Bi-
bliothecu Juris selecta. — D. Simon , Nouvelle Biblio-
thèque hist. et chron. des principaux Auteurs, etc. —
Camus, Bibliothèque choisie de Livres de Droit.
*le conte de lisle ( Charles- Marie),
poète français, né à l'île Bourbon, en 1820. A la
suite de plusieurs voyages en France , il vint se
fixer à Paris, en 1847. En 1848 il s'occupa de
politique ; mais il se voua bientôt tout entier à
la poésie. Son premier ouvrage était une imita-
tion de l'antique. « M. Le Conte de Lisle, disait
M. Sainte-Beuve, a un caractère des plus pro-
noncés et des plus dignes entre les poètes de ce
temps. Jeune , mais déjà mûr, d'un esprit ferme
et haut, nourri des études antiques et de la lec-
ture familière des poètes grecs , il a su en com-
biner l'imitation avec une pensée philosophique
plus avancée et avec un sentiment très-présent
de la nature. Sa Grèce à lui , c'est celle d'Alexan-
drie , et il l'élargit encore, et la reporte plus haut
vers l'Orient. On ne saurait rendre l'ampleur et
le procédé habituel de cette poésie si on ne l'a
entendue dans son récitatif lent et majestueux;
c'est un Ilot large et continu , une poésie amante
de l'idéal , et dont l'expression est toute faite
- LE COQ 236
aussi pour des lèvres harmonieuses et amies du
nombre. » L'Académie Française couronna ce
début en 1854 en accordant à l'auteur le prix
Maillé Latour-Landry , « dans le but d'encourager,
disait M. Villemain, le talent naissant, grave et
noble d'un jeune écrivain tout préoccupé de la
langue et de l'harmonie des Grecs, et leur em-
pruntant quelques beaux essais d'une forme son-
vent austère ou gracieuse ». Deux ans plus tard ,
lamême Académie offrait le prix Lambert à M. Le
Conte de Lisle, pour son second recueil. « C'est
un poète mûri dans la retraite et l'étude dont
nous saluons le nouvel avènement, ajoutait
M. Villemain. M. Le Conte de Lisle est un talent
à part, qui , loin des routes ordinaires de la Cor-
tune ou même du succès, aspire à la haute poésie.
Son art est à la fois savant et hardi, plus digne
de la gloire que sûr de la popularité. » En 1857,
l'Académie Française décerna au troisième recueil
de poésies de M. Le Conte de Lisle un des prix ré-
servés aux ouvrages les plus utiles aux mœurs.
M. Le Conte de Lisle appartient à la nouvelle école
poétique, qui s'attache avant tout à la forme ex-
térieure, qui moule admirablement le vers, le
façonne, le découpe savamment, le sculpte, le
cisèle en quelque sorte avec amour. Il est sur-
tout passionné pour la beauté physique, qu'il in-
voque dans Hypatie ;
Les Dieux sont en poussière et la terre est rnuelte;
Rien ne parlera plus dans ton ciel déserté ,
Dors, mais vivante en lui , chante au cœur du poëte
L'hymne mélodieux de la sainte beauté.
Elle seule survit, immuable, éternelle.
La mort peut disperser les univers tremblants ;
Mais la beauté flamboie, et tout renaît en elle ,
Et les mondes encor roulent sous ses pieds blanes.
On a comparé l'œuvre de M. Le Conte de Lisle à
une belle statue taillée dans l'antique , mais froide
comme le marbre; plus d'une pièce proteste
contre cette assimilation ; il suffît de citer Hé-
lène et Niobé , où l'on sent la vie et la passion
sous la forme antique. Il est vrai que l'auteur
célèbre en plus d'un endroit l'immobilité du I
néant : depuis, ses idées paraissent s'être mo-
difiées , et s'il n'admet pas le spiritualisme du
moyen âge ; s'il regarde le cycle chrétien comme
barbare , il s'est du moins inspiré des scènes de
l'Évangile. On a de M. Le Conte de Lisle : Poèmes
antiques; Paris, 1852, in-18; — Poésies nou-
velles ; Paris, 1854, in-t8; — Poëmes et poé-
sies; Paris, 1855, iu-18 ; — Poésies complètes ;
Paris, 1858, in-18 : c'est la réunion des trois
recueils précédents. L. L — t.
Rapports de M. Villemain à l'Académie Française
sur les prix décernésen 1853,1854, 1856 et 1857. —Sainte-
Beuve, Causeries du lundi, tome V, p. 312. — Cnvilier-
Fleury, De quelques Poésies nouvelles, dans le Journal
des Débats du 6 mars 1853 — Ph. Chasles , Les Poëmes <
M. Le Conte de Lisle; dans VAthenseum français, février
1856. — A. de Pontmartin, Nouvelles Causeries du sa-
medi, p. 876.
le coq (Pascal), médecin français, né en
1567, àVillefagnan(Poitou),morten 1632.11 passa
aeufans à parcourir diverses contrées de l'Europe
237 LE
(l|in d'en étudier les plantes, et se fit recevoir
docteur en médecine à Poitiers, en 1597. Sur la
(in de sa vie il obtint le titre de médecin ordi-
naire du roi. On a de lui : Bibliotheca Medica
sivecatalogus illorumqui ex professa artem
medicam scriptis illustrarunt ; Bâle, 1590,
in-8"; — 'A^e'xtwp npo),6YÔ[j.Evoç, sive oratio de
galli gallinacei natura et proprietatibus ;
Poitiers, 1613, in-8° : opuscule qui présente
un résumé de tout ce que les anciens ont dit du
coq et de ses vertus médicales. K.
Éloy, Dict. de Méd.
le coq ( Thomas ) , auteur dramatique fran-
çais, né en Normandie, vivait dans le seizième
siècle. Il était prieur curé de La Sainte-Trinité de
Falaise et de Notre-Dame de Guibray en Norman-
die. 11 a écrit en vers français une tragédie morale
iHtitulée : L'Odieux et sanglant meurtrecommis
par le maudit Caïn à V encontre de son frère
Abel , extraite du quatrième chapitre de la Ge-
nèse; Paris, 1580. E. D— s.
Rigoley de Juvigny, Bibliothèque Française, etc., t. II,
p. 433.
lecoq -madelaine, littérateur français,
né dans la seconde moitié du dix-septième siècle.
Appartenant à une famille noble, il suivit la car-
rière militaire, et parvint au grade de lieutenant-
colonel. On a de lui : La Fidélité couronnée ,
ou histoire de Parménide, prince de Macé-
doine; Bruxelles, 1706; Lyon, 1711, in-12; —
Abrégé historique de la maison d'Egmont;
1707, in-4" ; — Service de la Cavalerie; Paris,
1720, in-12; — Histoire et Explication des
Calendriers hébreu, romain et français; Va-
ns, 1721, in-12 , dédié au cardinal Fleury. J. V.
Querard, La France Littér.
lecoq (Luc), prédicateur et écrivain français,
né en 1669, mort le 20 février 1742. Il était cha-
noine de la cathédrale d'Orléans. On a de lui Orai ■
son funèbre du cardinal deCoislin, évêque
d'Orléans ; Orléans, 1706, in-4° ; — Abrégé des
raisons qui condamnent la comédie, -et Réfu-
tation des prétextes dont on se sert pour la
justifier; Orléans, 1717, in-12; — Recueil
de cantiques spirituels sur les mystères de la
religion; Orléans, in-16. A. L.
Richard et Girand, Bibliothèque sacrée.
lecoq ( Pierre ) , canoniste français , né à
Ifs, près Caen, le 29 mars 1728, mort le l«r sep-
tembre 1777. Il entra en 1753 dans la congré-
gation des Eudistes, dont il devint supérieur gé-
néral en 1775. On a de lui : Dissertation théo-
logique sur l'usure du prêt de commerce et
sur les trois contrats; Rouen, 1767, in-12;
— Lettres sur quelques points de la disci-
pline ecclésiastique ; Caen, 1769, in-12; —
Traité de l'état des personnes selon les prin-
cipes du droit français et du droit coutumier
de la province de Normandie pour le foi de
la conscience; Rouen, 1777, 2 vol. in-12; —
Traité des différentes espèces de biens; 1-778;
— Traité des Actions; 1778. E. G.
Desessarts, Siècles Littéraires.
COQ 238
lecoq (Char les-Chrétien-Erdmann-Edler),
général allemand , né à Torgau , le 28 octobre
1767, mort le 30 juin 1830, à Brieg, canton de
Vaud. 11 descendait d'une famille de calvinistes
réfugiés de France. Son père était major général
au service de Saxe. Sa mère, née Bitaubé, était
la sœur de l'écrivain français de ce nom. Envoyé
à l'école de Meissen à l'âge de neuf ans, il en
sortit deux ans après pour entrer au service
comme cadet , et au bout de quelques mois il était
sous-officier; en 1780, il obtint le grade d'en-
seigne dans le régiment de son père. Il fit avec
distinction les premières campagnes de l'époque
de la révolution contre la France. Nommé major
en 1800, il propagea dans l'armée saxonne ce
qu'on appelait les heures d'entretien, lesquelles
contribuèrent beaucoup à l'instruction du soldat.
En 1806, il commandait uu bataillon de grena-
diers, avec lequel il rejoignit le corps de Blù-
cher après la bataille d'Iéna, et se dirigea sur
l'Oder. Tout à coup, il quitta le camp des coa-
lisés sans en donner aucun avis, mouvement
qui lui a été reproché , mais qui fut suivi de la
conclusion de la paix entre la France et la Saxe.
Wittenberg ayant été fortifié dans l'intérêt de
l'armée française, Lecoq en fut nommé comman-
dant. Bientôt après il devint colonel, puis adjudant
général. En 1809 il prit le commandement d'un
régiment d'infanterie, et au commencement de la
guerre contre l'Autriche il fut placé comme gé-
néral major à la tête d'une brigade d'infanterie.
Il se fit remarquer à la bataille de Wagram, où il
fut blessé. L'armée saxonne ayant été réorganisée
au retour de cette campagne, Lecoq fut promu
lieutenant général et commanda une division.
Bientôt il fut chargé de la formation d'un nou-
veau corps d'infanterie légère ; il en rédigea les
règlements, et s'occupa de son instruction. En
1812, un corps de vingt mille Saxons fut mobi-
lisé pour agir, comme septième corps , dans la
grande armée qui envahit la Russie sous la con-
duite de Napoléon. Lecoq organisa ce corps, et
y conserva le commandement d'une division. D
déploya beaucoup de bravoure dans cette cam-
pagne, et sut maintenir la discipline parmi ses
troupes. Revenu près de Dresde, après la retraite,
il se sépara des Français, et ramena les débris de
son corps à Torgau, où il les remit au général
Thielman. En 1813, il ne prit aucune part au
combat de Bautzen; mais pendant l'armistice
il réunit des troupes, et, arrivé au camp de Gorlitz
au commencement du mois d'août, il reprit le
commandementgénéral des Saxons, avec lesquels
il combattit à Grosbeeren etDennewitz. A la suite
de cette affaire il fondit ses deux divisions en une
seule, en remit le commandement au général Zes-
chau, et se rendit à Dresde. Après la bataille de
Leipzig, la Saxe se joignit aux confédérés; Lecoq
n'obtint aucun emploi , sans doute parce qu'on le
considérait comme un partisan de Napoléon. Il
suivit cependant l'armée, et prit spontanément le
commandement d'une brigade avec laquelle il
239
combattit près de Condé.
LE COQ — LECORVA1SIER
Ensuite il investit
Maubeuge, et résista à plusieurs sorties de la gar-
nison. Quand la paix de Paris fut signée , Lecoq
conduisit les troupes saxonnes dans leurs can-
tonnements sur la rive gauche du Rhin, et il éta-
blit son quartier général à Cotrtentz. Envoyé au
congrès de Vienne porteur d'une adresse des
soldats saxons inquiets sur le sort de leur pays,
Lecoq fut mal reçu par le général en chef, éloigné
de son corps et renvoyé en Saxe ; en même temps
l'ordre de le traduire devant un conseil de
guerre était expédié. Cette menace ne fut pas
exécutée; mais Lecoq resta sans emploi jus-
qu'en 1815. Le roi de Saxe l'appela alors près
de lui à Presbourg. Lorsque ce prince eut été
dépouillé de la moitié de ses États, il envoya Le-
coq auprès des troupes cantonnées dans la prin-
cipauté de Waldeck pour opérer la séparation des
soldats. Il remplit cette mission difficile avec pru-
dence, et conduisit à Osnabruck la partie de l'ar-
mée qui restait à la Saxe. La campagne de 1815
ne lui offrit aucune occasion de se distinguer; son
corps fut seulement chargé d'investir quelques
forteresses en Alsace. Après la nouvelle paix de
Paris, Lecoq retourna en Saxe, où le roi lui
donna le commandement général de l'armée
saxonne. Il s'y occupa avec zèle de l'instruction
des troupes et de nouveaux règlements pour le
service et les exercices. Relevé d'une maladie
grave, il entreprit un voyage en Suisse, où, il
mourut. J. V.
Cerrini, Les Campagnes des Saxons de 1812 et 1813. —
Arnault, Jay, JouyctNorvins, Bingr.nouv. des Contemp.
— Biogr. univ. et port, des Contemp. — Thlers, Hist. du
Consulat et de l'Empire.
* lecoq (Henri), naturaliste fiançais , né à
Avesnes (Nord), le 14 avril 1802.11 étudia la
pharmacie à Paris, et fut reçu docteur en 1827. II
alla s'établir à Clermont-Ferrand, où il devint
professeur d'histoire naturelle, directeur du jar-
din botanique et du cabinet minéralogique, cor-
respondant de l'Académie des Sciences et, depuis
1S50, membre de la Légion d'Honneur. Ses prin-
paux travaux sont : Eléments de Minéralo-
gie appliquée aux sciences chimiques (avec
M. de Girardin); 1826, 2 vol. in-8°; — Prin-
cipes élémentaires de Botanique et de Phy-
siologie végétale; Paris, 1828, in-8°; — De
la Préparation des Herbiers pour V étude de
la Botanique; Strasbourg, 1828, in-8°; — Vues
et coupes des principales formations géolo-
giques du département du Puy-de-Dôme ,
accompagnées de la Description et des Échan-
tillons des Rochers qui les composent (avec
M. J.-B. Bouillet); Clermont-Ferrand, 1828,
in-8° et atlas in-4°; — Dictionnaire raisonné
des Termes de Botanique et des Familles natu-
relles, contenant, etc. (avec M. Jullier); Cler-
mont-Ferrand, 1830, in-S°; — Coup-d'Œil sur
la formation géologique du groupe, des monts
Dore, accompagné de (a Description et des
échantillons des substances minérales (avec
M. J.-B. Bouillet); Clermont-Ferrand, 1831,
240
in-8" ;— Itinéraire du département du Puy-de-
Dôme, contenant Vindication des principales
formations géologiques , etc. (avec M. J.-B.
Bouillet); Clermont-Ferrand, 1831, in-8° ; —
Rercherches sur l'emploi des Engrais salins en
agriculture; Clermont-Ferrand, 1832, in-8° ;
— Description pittoresque de. V Auvergne; Pa-
ris, 1835-1837; — Éléments de Géographie
physique et de Météorologie ; Clermont-Fer-
rand, 1836 1837, in 8°avec quatre pi.; — Traité
des Plantes fotirragères, ou Flore des prairies
naturelles et artificielles de la France ; Cler-
mont-Ferrand, 1844, in- 8°; — De la Féconda-
tion naturelle et artificielle des végétaux et
de l'hybridation; Clermont-Ferrand, 1845,
in-S°; — Des Glaciers et des Climats; Paris,
1847, in-8°; — Recherches sur les forces
diluviennes indépendantes de la chaleur de
la terre, sur les phénomènes glaciaire et
erratique; Strasbourg, 1847, in-8°; — Ca-
talogue raisonné des Plantes vasculaires du
plateau central de la France composant
l'Auvergne, le Vélay, la Lozère, les Céoennes,
unepartiedu Bourbonnais et du Vivarais (avec
M. Martial-Lamotte) ; Paris , 1847, in-8° ;— De la
Toilette et de la CoquetteriedesVégétaux;lM7,
in-8°; — Observations météorologiques faites
pendant les années 1850 c? 1851 à Clermont-Fer.
rand; Clermond-Ferrand, 1855, in-8°; — Études
sur la Géographie botanique de l'Europe et
particulièrement sur la végétation du plateau
central de la France; Clermond-Ferrand,
1854-1857, 7vol.gr. in-8° (non terminé). C'est
l'ouvrage le plus important de l'auteur. M. H. Le-
coq a été collaborateur du Dictionnaire de Chi-
mie de Brismontier, et il a fourni des notes au
célèbre géologue allemand Léopold de Buch pour
ses Observations sur les volcans de l'Auvergne.
Il est rédacteur en chef des Annales scientifi-
ques,littéraires et industrielles de l'Auvergne,
publiées par l'Académie de Clermont-Ferrand,
depuis l'année 1828 jusqu'à ce jour. Enfin , en
1857, il a communiqué à l'Académie des Sciences
un Mémoire sur lu Circulation de l'air dans les
tubes aérifères des plantes aquatiques. G. deF.
Documents particuliers. — Journal de la Librairie.
— Compte-rendu des Séances de l'Acad. des Sciences,
1857, n" 21.
lecor. ( Carlos-Frederico ) , général portu-
gais, né à Faro (dans le royaume des Algarves),
le 11 septembre 1764, mort le 2 août 1836.11
prit part a la guerre de la Péninsule, et à la ba-
taille de Vittoria, il commandait la 6e brigade
d-'infanterie. Nommé lieutenant général en 1815,
il passa au Brésil à la tête des volontaires
royaux, et fit, en 1 817, la conquête de Montevideo,
s'empara de la Banda-Oriental , et resta gouver-
neur de ce vaste territoire jusqu'en 1828, époque !
à laquelle il revint à Rio-de-Janeiro. Ferd. D.
Baptista da Sylva Lopez, Corografla de Heino do Al-
garve ; Lisbonne, 1841. — Brossard, Les Provinces de la
Plata.
lecorvaisier (René), théologien français,
241
LEC0RVAIS1ER — LECOURBE
242
né à Angers, en 1580, mort dans la même ville,
vers 1630. 11 fit ses études en Sorbonne, devint
aumônier du roi, quitta bientôt la cour, et revint
à Angers, où il professa pendant trois ans la
théologie. En 1612 il fut appelé à prêcher
le Carême dans la paroisse de la Chateigneraye ,
envahie par l'hérésie. 11 s'y attaqua directe-
ment au propagateur des doctrines nouvelles ,
Georges Thompson, qui venait de publier : La
Chasse de la Bête Romaine, où ... il est recher-
ché et évidemment prouvé que le pape est
V Antichrist (La Rochelle, 1611, ou Genève,
1612, in-8*), et non content de la réfuter en chaire
à sa manière, il lui répondit par La Chasse au
Loup cervier, où est traité des jeûnes de l'É-
glise catholique contre les impies et héré-
tiques calomnies de Georges Thompson, soi-
disant ministre de La Chateigneraye ( Paris,
Martin- Virac, 1612). Un anonyme en donna une
réfutation, à laquelle Lecorvaisier riposta par La
Réplique Apologétique pour la déjense des
prêtres pasteurs et prédicateurs de l'Église
catholique, tant séculièreque régulière, contre
les calomnieuses hérésies publiées par Georges
Tonson, ministre prédicant de la nouvelle
opinion, ou Laprétendue Déroute de la Chasse
du Loup cervier (Le Mans, 1625, in-8°). On
a encore de Lecorvaisier : Renati Corvaserti
Andini, doctoris, christianissimi régis a con-
siliis et eleemosinis ad sacras Theologiee stu-
diosos, Orationes duee parasneticee (Angers,
1619 et 1626) ; — Ejusdem Oratio tertia pa-
reenetica (Angers, 1621). Ce sont les leçons
d'ouverture de ses cours de théologie. Cette der-
nière est dédiée à Fouquetde La Varenne, comme
la première à Pierre Dadie, chantre et chanoine
de Troyes, neveu de René Benoist; — six. ana-
grammes sur le nom A'Antonius Regitis dans
I le Floretum d'Ant. Leroy. Célestin Port.
Dupin, Biblioth. des Aut. ecclésiast. — Pocq. de Llvon-
nlères, Les Illustres, manusc.
lecourbe {Claude-Joseph, comte), géné-
ral français, né à Lons-le-Saulnier, en 1760,
mort à Béfort, le 23 octobre 1815. Son père, an-
cien officier d'infanterie, dirigea son éducation
vers l'état militaire. Le jeune Lecourbe quitta
ses études pour s'engager dans le régiment d'A-
quitaine; il en sortit au bout de huit ans, sans avoir
obtenu d'avancement. A la révolution il vivait re-
tiré dans sa famille. A l'époque de l'organisa-
tion des gardes nationales, il fut fait comman-
dant de celle de Lons-le-Saulnier, et ne tarda pas
à rejoindre l'armée du Haut-Rhin à la tête d'un
bataillon du Jura. Son habileté et son courage
lui valurent un avancement rapide. A Hond-
schotte il renversa avec son bataillon deux esca-
drons hanovriens, et à Maubeuge il entra le pre-
mier dans les lignes de "Wattignies. Il était déjà
chef de brigade à Fleurus, où il soutint pendant
sept heures, à la tète de trois bataillons seule-
ment, le choc de 1 0,000 Autrichiens. Il fut en-
suite successivement employé aux armées de
Sambreet Meuse, de Rhin et Moselle, du Danube
et de l'Helvétie; à la fin de 1795, pendant la re-
traite du camp retranché de Mayence, il contint
l'ennemi pendant vingtrquatre heures; mais
n'ayant pas reçu à temps l'ordre de se retirer,
son corps fut euveloppé. Il prit alors une attitude
si imposante et tua tant de monde à l'ennemi,
qu'il put passer et rejoindre le gros de l'armée.
Général de division en 1796, il assista aux
sanglantes batailles de Rastadt, les 6 et 9 juillet,
et il contribua beaucoup aux succès de ces deux
journées. Il se fit encore remarquer à la sertie
de Kehl effectuée par Desaix. En 1799 il com«
mandait l'aile droite de l'armée d'Helvétie; à
Frunsteremender, il mit les Autrichiens en dé-
route, et enleva le corps entier du général Lau-
don. Il s'était avancé vers le Tyrol lorsque l'ar-
rivée des Russes en Italie, le força de rentrer
en Suisse. Après une suite de combats contre
l'archiduc Charles, Lecourbe arrêta Souvarof,
qui paraissait en Suisse, pendant que Masséna
s'emparait de Zurich. Dans cette ville Lecourbe
eut à apaiser un soulèvement militaire, et il le fit
avec une grande énergie. Le général Moreau con-
fia l'aile droite de son armée à Lecourbe , qui
passa le Rhin près de Schaffhouse, le 1er mai
1800, s'empara de Memmingen, franchit le Leck,
se signala à Hochstsedt, et soumit le pays des Gri-
sons. La paix de Lunéville, en 1801, permità Le-
courbe de revenir en France, où il vécut dans une
campagne aux environs de Paris. Lors du procès
de Moreau, il prit un vif intérêt à la situation
de son ancien général. 11 fit en sa faveur toutes
les démarches que sa position lui permettait,
accompagna Mme Moreau aux audiences, assista
à tous les débats , et exprima souvent son
mécontentement par des gestes violents. Le pre-
mier consul raya Lecourbe du cadre de l'ar-
mée, et l'exila d'abord à Lons-le-Saulnier, puis
à Rourges, où il séjourna pendant toute la
durée de l'empire. En 1814 les souverains alliés
lui firent un accueil favorable à Paris; le roi
Louis XVIII lui rendit ses grades, et lui donna
le titre de comte. Lors du débarquement de Na-
poléon, Lecourbe, qui venait d'être nommé ins-
pecteur général d'armes dans la 6e division mi-
litaire, était dans sa terre de Ruffey (Jura).
Mandé par le maréchal Ney, ainsi que le comte
de Bourmont, il refusa de reconnaître l'empe-
reur: « Bonaparte, répondit-il, ne m'a fait que du
mal ; le roi ne m'a fait que du bien ; je suis venu
pour servir le roi. » Les troupes s'étant pronon-
cées pour Napoléon, Lecourbe partit furtive-
ment pour Paris , dans le but de prendre les
ordres de Louis XVIII. La France lui paraissait
ressembler alors à l'empire romain dans sa dé-
cadence : « Si l'usurpateur est tué, disait-il pen-
dant la route , il se présentera quatre ou cinq
ambitieux qui se disputeront les débris de son
empire. » Les généraux républicains se rallièrent
pourtant au gouvernement dés Cent Jours, et
vers la fin du mois de mai Lecourbe accepta
24.3
LECOURBE — LE COURRAYER
244
le commandement du corps d'observation du
Jura, dont le quartier général était à Béfort.
Opposé au corps d'armée de l'archiduc Ferdi-
nand, il perdit au mois de juin sa première ligue
de défense à la suite de plusieurs combats très-
vifs ; mais il se maintint dans un camp re-
tranché près de Béfort. Il envoya un des premiers
sa soumission au gouvernement royal à la se-
conde restauration, et mourut peu de temps après,
à Béfort. « Le général Lecourbe, qui fut soldat
intrépide et officier très-éclairé , né montagnard,
ardent chasseur, avait particulièrement étudié la
guerre des montagnes, dit le général Dumas. Il
y portait avec une rare sagacité des connais-
sances locales, une audace peu commune, et un
tact admirable. » On a de lui : Rapport au
général en chef Moreau, contenant le précis
des opérations de Vaile droite de ïarmée du
Rhin pendant le mois de frimaire de l'an IX;
Strasbourg, 1801, in-8°. Une statue a été inau-
gurée au général Lecourbe sur la place publique
de Lons-le-Saulnier, le 30 août 1857. L. L — t.
Notice biographique, sur le général Lecourbe, ses états
de services, ses blessures ; Lons-le-Saulnier, 1857. —No-
tice historique sur le général Lecourbe, et vue de sa sta-
tue ; Lons-le-Saulnier, 1857. — Général MaUh. Dumas,
Précis des événements militaires. — Arnault, Jay, Jouy
et Norvins, liiogr. nouv. des Contemp.
lecourbe ( Henri ), magistrat français,
frère du précédent , mort vers 1840. Il exerçait
les fonctions de juge au tribunal criminel de
Paris lorsque le général Moreau y fut traduit
comme complice de Pichegru , accusé de cons-
piration. Il opina pour l'absolution du général.
L'année suivante il se présenta aux Tuileries
pour demander au premier consul le rappel
d'exil du général Lecourbe. Bonaparte le ren-
voya rudement. « Comment osez-vous, lui
dit-il, juge prévaricateur, venir souiller mon pa-
lais par votre présence... Sortez. » Peu de temps
après, le juge Lecourbe fut suspendu de ses fonc-
tions. En 18141e roi le nomma conseiller honoraire
à la cour royale de Paris. On a de lui : Opinion
sur la conspiration de Moreau, Pichegru et
autres, sur la non-culpabilité de Moreau;
et procès -verbal de ce qui s'est passé à la
chambre du conseil, entre les juges, relative-
ment à ce général; Paris, 1814, in-8°. J. V.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Con-
temp. — Biogr. univ. et portât, des Contemp.
le covrraxer. (Pierre-François), théolo-
gien français, né le 17 novembre 1681, à Rouen,
mort le 16 ou 17 octobre 1776, à Londres. Admis
à l'âge de seize ans dans la congrégation de
Sainte-Geneviève , il fut chargé des cours de
philosophie et de tnéologie, et devint chanoine
en 1706 et bibliothécaire en 1711. Quoiqu'il fût
très-instruit, il ne s'avisa d'écrire qu'assez tard,
et son premier écrit l'exposa à des tribulations
nombreuses en même temps qu'il donna lieu à
beaucoup de retentissement; il parut sous le
voile de l'anonyme, et avait pour titre : Disser-
tation sur la validité des ordinations des
Anglais et sur la succession des évêques de
l'Eglise anglicane, avec les preuves justifica-
tives des faits avancés; Bruxelles (Nancy),
1723,2 part, in-12. Familier avec la théologie
anglicane, il lui empruntait, comme base de son
livre , cet argument favori , à savoir que les or-
dinations étaient valides parce que les évêques
d'Angleterre peuvent prouver une succession non
interrompue depuis l'avènement du christianisme.
Plusieurs théologiens, l'abbé Gervaise, les
PP. Hardouin et Lequien l'attaquèrent avec
vivacité; loin de se laisser intimider, il se déclara
l'auteur du livre, et prépara une défense où il
soutint plus vivement encore et avec plus de dé-
tails ses premières opinions : Défense de la
dissertation sur la validité des ordinations
des Anglais; Bruxelles ( Paris), 1726, 4 vol.
in-12; trad. en anglais, Londres, 1728, in-8°.
La dispute se ralluma. Mais l'autorité ecclé-
siastique et séculière intervint, et trancha ces ar-
dents débats par une double condamnation. Le
Courrayer fut d'un côté censuré par une assem-
blée de vingt-deux évêques qui se tint à Saint-
Germain-des-Prés, et vit de l'autre ses deux
écrits supprimés par arrêt du conseil d'État; enfin
l'abbé de Sainle-Geneviève lança contre lui l'ex-
; communication, et le cardinal de Noailles, arche-
vêque de Paris, déclara, dans une instruction pas-
toraIe,que de la doctrine de Courrayer était fausse,
scandaleuse, injurieuse à l'Église et favorisant le
schisme. Le chanoine répondit à ce dernier par
sa Lettre à M. de Noailles au sujet de son
instruction pastorale du 31 octobre 1727;
Londres, 1728, in-12, où il proleste de sa fidé-
lité à la religion catholique. On assure que
quelques mois auparavant il avait fait sa sou-
mission. Cependant, ne se croyant plus en sûreté
à Paris , il passa en Angleterre, et fut accueilli
avec beaucoup de bienveillance par Wake , pri-
mat de Cantorbéry, avec lequel il entretenait un
commerce de lettres, et qui lui fit obtenir une
pension du gouvernement. Il accepta en outre à
Oxford une place de chanoine et le diplôme de
docteur en tnéologie. Bien qu'il assistât aux of-
fices de l'Église anglicane, il ne voulut point ab-
jurer la foi catholique et romaine, dans laquelle
il mourut. Ses éerits, où il s'explique librement
sur les sacrements et les cérémonies , prouvent,
au contraire, combien peu il y était attaché.
« Dans les notes qu'il a jointes à ses traductions
de Sleidan et de Sarpi, disent MM. Haag, il nie
que le pape soit le vicaire de Jésus-Christ et le
chef de l'Église ; il lui refuse l'infaillibilité; il
rejette le caractère indélébile du sacerdoce,
condamne le célibat, le service en langue latine,
se prononce contre la transsubstantiation,
l'extrême-onction, le purgatoire, l'adoration des
saints. » Outre les ouvrages cités, on a de lui :
Lettre à mylord Percival; Londres, 1727,
in 8° ; — Relation historique et apologétique
des Sentiments et de la conduite du P. Le
Courrayer, avec les preuves; Amsterdam,
245 LE COURRAYER
1729,2 vol. in-12; — Supplément aux deux
ouvrages faits pour la défense delà validité
des ordinations anglicanes ;ibid., 1732, in-12;
— Epistola de Vita et Scriptis Molineti, dans
la Bibliotheca Thtolog.; Wittemberg, 1732; —
Histoire du Concile de Trente écrite en latin
par Paolo Sarpi et traduite de nouveau en
françois , avec des notes critiques , historiques
et théologiques ; Londres, 1736, 2 vol. in-fol.,
trois fois réimprimée et traduite en allemand ;
Halle, 1761-1765, 6 vol. in-8°, ainsi qu'en italien
et en anglais. Cette version est fort estimée, et
préférée souvent à l'original, qu'elle corrige ha-
bilement en plusieurs endroits ; le style en est
vif, clair et précis; — Défense de la traduc-
tion de /'Histoire du Concile de Trente ; Ams-
terdam, 1742, in-8° , en réponse aux lettres pas-
torales des évêques d'Embrun et de Montpellier;
— Histoire de la Réformation , traduite du
latin de Sleidan, avec des notes; La Haye,
1767-1709, 3 vol. in-4°; trad. en allemand,
Halle, 1771-1773, 4 vol.in-8°; — Déclaration de
ses derniers sentiments sur différents points
de doctrine; 17S7, in-12: ouvrage posthume pu-
blié en anglais par G. Bell. Le P. Le Courrayer
a aussi donné une édition des Lettres spirituelles
du P. Quesnel;Vd.T\s, 1721, 3vol, in-12, etdesdis-
sertations à V Europe savante. Paul Louisy.
MM. Haag, La France Protest.
lecocrt (Henri), naturaliste français, mort
à Pontoise, en 1828. Il occupait avant la révo-
lution un emploi à Versailles. Son attention s'é-
tait portée sur l'instinct des animaux. Vers 1800
ses conseils préservèrent une riche et vaste cam-
pagne d'une submersion totale. Une digue de
retenue faisait eau de plusieurs côtés , les répa-
rations étaient toujours insuffisantes. Lecourt
s'aperçut que cette immersion était due à des
taupes qui s'étaient logées et multipliées dans
la levée, et il s'occupa de les détruire. Le préfet
de Seine-et-Oise reconnut les services que Le-
court rendait alors parla création d'une école de
l'art du taupier, qu'il mit sous la surveillance de
cet homme observateur. La sagacité de Lecourt
lui fit d écouv ri r le passage de la Taupe, nom qu'il
donne à une route fréquentée par la taupe quatre
fois par jour et qu'elle parcourt avec tant de con-
fiance qu'elle est infailliblement prise au moyen du
piège le plus grossier au bout de quatre ou cinq
heures. Cadet de Vaux a publié les observations
de ce praticien consommé dans un ouvrage
ayant pour titre : De la Taupe, de ses mœurs
et des moyens de la détruire; Paris, 1803,
in-12. J. V.
Geoffroy Saint-Hllaire, Nécrologie dans la Revue En-
cyclopédique, octobre 1828, p. 261.
lecocteplx de cantelec ( Jean-Bar-
théîëmy), homme politique français, né en 1749,
mort à Paris, le 18 septembre 1818. Fils d'un pre-
mier président de la chambre des comptes de Nor-
mandie,il était premier échevin de Rouen lorsque
éclata la révolution, dont il adopta les principes.
— LECOUTEULX
246
Nommé député aux états généraux de 1789 par
le tiers état du bailliage de Rouen, il s'occupa
surtout des matières de finances et d'adminis-
tration publique. Il appuya la plupart des pro-
jets de Necker, et fut chargé de faire le rapport
relatif à la vente de 400 millions de biens du
clergé. En 1790, Lecouteulx fut désigné pour
remplir l'emploi de caissier de l'extraordinaire ;
mais il refusa pour ne rien perdre de son indé-
pendance comme député. Plus tard il proposa
même d'ériger en loi oe principe qu'aucun dé-
puté ne devait accepter une fonction à la nomi-
nation du gouvernement. Au mois de mars 1790,
Lecouteulx proposa un projet de banque terri-
toriale. Quand on discuta la suppression du
privilège de la Compagnie des Indes , il demanda
qu'on prît auparavant des renseignements sur la
situation de cette Compagnie et sur les droits
des actionnaires. Le 17 avril il appuya la de-
mande d'un emprunt de 40 raillions présentée par
Necker. Ayant fait connaître à l'assemblée le ré-
sultat de la contribution patriotique, il démontra
qu'elle était loin de suffire aux besoins du trésor.
Il fit suspendre l'échange des billets de la caisse
d'escompte contre les assignats et décréter l'ad-
mission des assignats dans les caisses publiques.
A la suite de ces mesures, il fut accusé d'avoir
fait un voyage à Rouen dans le but d'y cor-
rompre l'opinion publique , et il publia une jus-
tification dans Le Moniteur du 18 septembre
1790. Peu de temps après il fit voter la suppres-
sion des receveurs généraux et la création des
receveurs de district, etc. En 1791 il présenta un
rapport sur l'émission d'une monnaie de cuivre,
et s'opposa à l'application d'un droit sur les
lettres de change venant de l'étranger. Enfin il
proposa la division des assignats en petites frac-
tions. Comme il s'était fait des amis dans tous
les partis en évitant de heurter personne , il
passa sans danger l'époque de la terreur. Au
mois de septembre 1795, il fut élu membre du
Conseil des Anciens par le département de la
Seine. Il s'y occupa encore des questions de
finances, rédigea un grand nombre de rapports
et fut nommé secrétaire du Conseil le 21 jan-
vier 1796. Il parla en faveur de l'emprunt forcé,
défendit la loi du 9 floréal an iv sur les pa-
rents des émigrés, et s'éleva contre une réso-
lution du Conseil des Cinq Cents, qui dans une
vente de biens nationaux faisait une exception
pour les maisons religieuses de Paris. Élu pré-
sident du Conseil des Anciens, le 20 avril 1796,
il contribua à l'adoption des résolutions relatives
au mode de payement des biens nationaux sou-
missionnés, vota pour l'adoption du droit de pa-
tente , s'opposa à la résolution qui autorisait le
payement des biens nationaux en mandats terri-
toriaux , et fit adopter celle qui prohibait l'in-
troduction des marchandises anglaises en France.
11 fit ensuite un rapport sur la résolution qui or-
donnait le payement en numéraire du traitement
des fonctionnaires publics, et appuya la resti-
M 7 LECOUTEULX •
tulion aux actionnaires de la banque de Saint-
Charles et de la Compagnie des Philippines de
leurs actions déposées au trésor. Le 31 mars
1797, il s'opposa au rétablissement de la loterie
nationale, et le 4 décembre il fit un long rapport
sur la liquidation de la dette publique et sur le
mode de remboursement des deux tiers. Lors
du coup d'État du 18 fructidor, il s'opposa à la
proscription de ses collègues, et déclara qu'il ne
voyait rien dans les pièces déposées qui pût
motiver leur déportation. Lorsque le commerce
de Paris envoya une députation au Directoire
afin d'être autorisé à ouvrir un emprunt, Lecou-
teulx fut chargé de porter la parole. Il fit approu-
ver au Conseil des Anciens l'émission de 25 mil-
lions en mandats territoriaux pour l'extinction de
la dette publique. Il vota ensuite pour une pro-
position en faveur des créanciers et co-parta-
geants des biens d'émigré6, et combattit celle qui
accordait des pensions aux veuves des défen-
seurs de la patrie, laquelle fut néanmoins adoptée.
Le 9 novembre 1797, il plaida la cause des dé-
portés , représenta l'état déplorable de ceux qui
étaient à La Guyane, et demanda qu'il fût créé
une commission chargée d'aviser aux moyens
d'améliorer leur sort. En revanche, il attaqua
vigoureusement les journaux royalistes, qui l'a-
vaient surnommé par plaisanterie Lecouleulx
le cauteleux, en faisant allusion à sa prudence
mêlée de finesse. Ses relations avec la banque
de Saint-Charles de Madrid donnèrent lieu à un
grand procès relativement aux fonds que lui avait
versés l'Espagne lors du procès de Louis XVI.
Lecouteulx demanda l'impôt du sel dans une
brochure, et en vota le l'établissement an Conseil
des Anciens. Il parla encore dans cette assem-
blée sur les prises maritimes et sur les douanes.
Il cessa d'en faire partie le 20 mai 1799; et
quelques mois avant le 18 brumaire (novembre
même année) il devint président de l'administra-
tion départementale de la Seine. Admirateur dé-
voué de Bonaparte , Lecouteulx de Canteleu fut
nommé membre du sénat lors de la formation
de ce corps. Bientôt il devint régent de la Banque
de France; plus tard il reçut le titre de comte et
la sénatorerie de Lyon. Nommé pair de France
en 1814, il ne siégaa pas dans les Cent Jours, et
reprit sa place à la chambre haute à la seconde
restauration. Il y vota avec l'opposition libé-
rale. Outre un grand nombre de rapports et de
discours , on a de Lecouteulx de Canteleu : Ré-
futation de la lettre de Dupont de Nemours
adressée à la Chambre de Commerce de Nor-
mandie; 1788, in-8°; — Essai sur les Contri-
butions proposées en France pour Van VII;
1796, 1818,in-8°; — Le citoyen L- C.'C.,sén.,
à un de ses collègues, sur une lettre d'un An-
glais (relative au prix des terres); 1802 ; — A
M. le rédacteur de la Revue Philosophique,
littéraire et politique , sur l'article de M. Vi-
gée sur les richesses; 1807, in-8°. Lecouteulx
de Canteleu a été l'éditeur de l'Essai sur la
■ LECOUVREUR 248
Littérature espagnole, par Marmontel , 1810,
in-8°. L. L— t.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Jiiogr. noua, des Con-
temp. — Biogr. univ. et portât, des Contemp.
le covtCRiËH (Nicolas-Jérôme), pané-
gyriste français , né près de Rouen, le 2 juin
1712, mort à Paris, en 1778. Il fut chanoine de
Saint-Quentin, et mourut aumônier de La Charité
à Paris. On a de lui : Panégyrique de saint
Louis; Paris, 1746, 1769, in-4°; ce pané-
gyrique, dans lequel l'auteur blâmait les croi-
sades et leur but, lui fit interdire la chaire par
l'archevêque Christophe de Beaumont ; — Pané-
gyrique de sainte Elisabeth; 1754, in-12; —
La Calomnie, ode; 1764, in-12 ; — Recueil de
Discours prononcés en différentes solennités;
1766, 1774 et 1779, in-12 ; — Éloge du Dau-
phin; 1766 et 1779, in-8°; — Éloge de ma-
dame de Ligny, abbesse de Fervaques ; 1767,
in-4° ; — Vie d'Elisabeth de France, sœur de
saint Louis; 1772, in-8°; — Éloge de Marie-
Thérèse; 1781, in-8°. A. L.
Richard etGiraud, Bibl. Sacrée. — Cliaudon et Delan-
dine, Dict. univ. (édit. de 1813).
lecoutcrier ( François-Gervais ) , écri-
vain militaire français, né à Falaise, le 13 juin
1768, mort à Paris, le 10 mars 1830. Il fit toutes
les campagnes de la révolution et de l'empire, et
parvint au grade de colonel. On a de lui : Réfu-
tation (en ce qui concerne le siège d'Ancâne
en 1799) du XIe tome des Victoires et Con-
quêtes, de 1792 à 1815; Paris, 1819, iu-8°; —
Réflexions sur le corps royal d'état-major
général réorganisé par les ordonnances du
6 mai et 22 juillet 1818 ; Paris, 1819, in-8° ; —
Considérations sur les retraites des mili-
taires, les pensions de leurs veuves et les se-
cours à accorder à leurs enfants ; Paris, 1821,
in-8°. J. V.
Quérard, La France Littéraire.
* lecoutcrier ( Charles-Henri ) , savant
français, né le 6 mai 1819, à Condé-sur-Noireau.
Fils d'un officier de l'empire, il étudia le droit
à Caen, et vint en 1845 à Paris se perfectionner
dans les lettres et les sciences. Il rédigea la
partie scientifique du Pays, fonda La Science
pour tous, Le Musée des Sciences , La Colo-
ration industrielle, journal de chimie pratique
pour les teinturiers, et commença en 1858 la pu-
blication d'un ouvrage important, sous le titre de
Panorama des Mondes ; Ve Partie : Astronomie
planétaire. M. Lecouturier est attaché à la ré-
daction de la partie scientifique du Moniteur.
Doc. part.
lecouvreur ( Adrienne Couvreur, dite ),
actrice française du premier ordre, née à Da-
mery, près d'Épernay, le 5 avril 1692, et non
à Fismes (1), en 1690, morte à Paris, le lundi
(1) Ce qui a pu accréditer l'erreur des biographes sur le
lieu de sa naissance, c'est que son père exerçait dans
cette dernière ville «on métier de chapelier. N'y trou-
vant pas fortune, il vint s'établir en 1702 à Paris, dans le
voisinage de la Comédie-Française.
249
20 mars 1730. « Dès son enfance Adrienne, ra-
conte l'abbé d'Allainva! , se plaisait à réciter
des vers. Plusieurs des bourgeois de Fismes
m'ont dit qu'ils l'attiraient souvent dans leurs
maisons pour l'entendre. » Bientôt elle prit
part à des représentations particulières qui
avaient lieu dans l'enclos du Temple, et après
quelques mois d'études sous le comédien Le-
grand, elle s'engagea au théâtre de Strasbourg,
où elle ne resta qu'une année. De retour à Paris,
le 14 mai 1717, elle débuta à la Comédie-Fran-
çaise, dans le rôle de Monime, avec un succès
prodigieux.. Elle joua successivement les rôles d'E-
lectre, de Bérénice, et un mois après elle était
reçue. Elle appliqua tous ses soins à prendre le ton
îaturel, sans pour celadédaignerledegréd'anima-
:ion « nécessaire pour exprimer les grandes pas-
sons et les faire sentir dans toute leur force ».
Elle n'avait pas une grande variété de tons dans
a voix, qui était même quelque peu voilée ; mais,
sachant leur donner les plus touchantes in-
lexions, elle ne tarda pas à faire justice de cette
déclamation exagérée et chantante en usage
fchez tous les comédiens qui l'avaient précédée, à
l'exception de Baron, et que la fameuse Duclos,
fcn possession de la faveur publique depuis
tingt ans, avait mise à la mode. Jamais tragé-
dienne ne poussa aussi loin l'art d'écouter son
interlocuteur; sa pantomime dans les scènes
muettes était d'une expression si grande que sa
physionomie reflétait les sentiments de l'acteur
ijui lui parlait. Cette actrice n'était pas d'une
faille élevée ; mais elle avait beaucoup de di-
gnité dans le maintien et savait donner à sa dé-
inarche l'expression la plus imposante. Elle n'eût
>as rendu son nom célèbre dans son art, que sa
liaison si connue avec le maréchal de Saxe, qui
jxerça une si grande influence sur sa vie, aurait
:>uffi pour la tirer de l'oubli. On sait que lors-
qu'il fut nommé duc de Courlande, elle mit en
gage son argenterie et ses diamants pour une
jiomme de 40,000 francs qu'elle lui fit accepter;
mais tout en se montrant ainsi amante dévouée,
elle ne prit pas l'engagement de lui rester fidèle,
iixcoutumée depuis sa jeunesse à recevoir les
Hommages de bien des adorateurs, elle compta
Voltaire parmi les plus illustres. Deux filles
iiaquirent de ses liaisons : l'une, née à Stras-
bourg, eut pour père M. de Klinglin, premier ma-
gistrat de cette cité. L'autre, née à Paris , était
niant d'un officier du duc de Lorraine. Cette
llernière fut mariée à ï^ancœur, surintendant de
ijî musique du roi (1).
La lin d'Adrienne Lecouvreur fut triste. On a
retendu que les infidélités de Maurice la firent
nourir de chagrin. Suivant une version plus
raisemblable , elle serait morte empoisonnée,
ictime d'une vengeance féminine. On n'a pas
Iraint d'accuser de ce crime une princesse, sa
(1) Directeur de l'Opéra en 1757. Le mathématicien
r*scoeur, membrede l'Institut, et mort en 1849. était
>su de ce mariage.
LECOUVREUR — LE COZ 250
rivale. L'abbé Languet, curé de Saint-Sulpicc,
refusa de lui donner la sépulture ecclésiastique.
Son corps fut donc enlevé la nuit dans un fiacre,
et deux portefaix, accompagnés de M. de Lau-
binière, ami d'Adrienne, l'inhumèrent au coin de
la rue de Bourgogne, à l'endroit où est aujour-
d'hui la maison qui porte le n° 109. Voltaire fit
à propos de cet enterrement clandestin un petit
poème intulé : La Mort de mademoiselle Le-
couvreur, qui devint pour lui le sujet d'une
persécution sérieuse et l'obligea même à quitter
la capitale. Beaucoup d'autres pièces de vers
furent inspirées par les regrets que causait cette
perte; et Grand val, son camarade, fit intervenir
son éloge dans le discours qu'il prononça, le
24 mars, jour de la clôture de cette année. Il
existe un beau portrait d'Adrienne Lecouvreur
parCoypel. E. de Manne.
Nereure de France. — Lettres de Mlle Mssë.— Let-
tres à Mylord ***, par d'Allainval. — Galerie historique
des Acteurs du Théâtre-français, par l.emazurier. —
Journal de Barbier. — Éludes biographiques , par
KdonarJ Barthélémy. — Causeries du Lundi, par Sainte-
Beuve. — Voltaire, édition Beuchot.
le coz (Claude), prélat français, né à Plou-
nevez-Porzay (Bretagne), le 2 septembre 1740,
mort à Villevieux, près de Lons-le-Saulnier, le
3 mai 1815. Il fit ses études au collège de
Quimper. Lorsqu'il les eut terminées, l'évêque
de cette ville lui fit obtenir une chaire au même
collège, dont Le Coz devint principal. Il occu-
pait cette place à la révolution, dont il adopta
les principes. En 1791 il fut élu évêque consti-
tutionnel du département d'Ille-et-Vilaine, et
sacré le 10 avril. Il écrivit alors pour prouver la
légitimité de sa mission et réfuter les brefs pon-
tificaux qui fulminaient contre la nouvelle Église.
La même année il fut élu député d'Ille-et-Vilaine
à l'Assemblée législative, où il exprima des opi-
nions modérées en parlant-en faveur des prêtres
nonassermentés et défendant les ministres du roi.
En 1792 il s'éleva contre le mariage des prêtres
et blâma un de ses suffragants qui avait donné
la bénédiction nuptiale à un ecclésiastique. Pen-
dant la terreur il fut emprisonné, et les commis-
saires de la Convention l'envoyèrent au Mont-
Saint-Michel , où il resta enfermé pendant qua-
torze mois. Mis en liberté en 1795, il reprit ses
fonctions épiscopales, et adhéra aux encycliques
publiées par le synode des évêques constitution-
nels réunis à Paris. Le Coz présida le concile
national des mêmes évêques tenu dans la capi-
tale, du 15 août 1797 au 12 novembre suivant.
En 1799 il assembla un synode à Rennes ; mais
tous les prêtres de son diocèse étaient loin de
reconnaître son autorité. Il publia les Statuts
et règlements de ce synode et fit paraître vers la
même époque un Avertissement pastoral sur
l'état actuel de la religion catholique. Appelé
encore à la présidence du concile de 1801, il s'op-
posa au projet d'un sacramentaire français. Au
moment du concordat du premier consul avec le
pape, Le Coz donna sa démission, et fut nommé
251 LE COZ
archevêque de Besançon. Il parvint à éviter de
donner la fétraotatîen demandée aux évêques de
l'Église constitutionnelle, et s'entoura des anciens
partisans de cette église. En 1804 il vint faire vi-
site au pape à Paris, et signa, après quelques diffi-
cultés, une formule d'adhésion et de soumission
aux brefs du saint-père. La même année il adressa
aux protestants une lettre pour les engager à se
réunir au culte catholique. Son admiration pour
Napoléon se manifesta de plus en plus vive, et le
20 décembre 1813 il lança une Instruction pas-
torale sur V amour de la patrie qui était tout
empreinte de son dévouement au chef de l'État.
Il parla au contraire avec froideur du retour des
Bourbons en 1814, et lorsque le comte d'Artois
passa à Besançon, ce prince lit défendre à l'arche-
vêque de se présenter devant lui; mais il fallut
user de violence pour empêcher Le Coz d'arriver
jusqu'au frère du roi. Le Coz ressentit vivement
cet affront, et ses plaintes retentirent jusqu'à la
chambre des députés. Lorsque l'empereur revint
de l'île d'Elbe, Le Coz se déclara pour lui; il
vint à Paris lui présenter ses hommages, et re-
tourna dans son diocèse, où il mourut, d'une
fluxion de poitrine, dans une tournée pastorale.
Il était membre de l'Académie Celtique et de
l'Académie de Besançon. Il laissa sa bibliothèque,
qui était considérable, à son chapitre métropoli-
tain. On a de lui : Accord des vrais Principes
de V Église, de la Morale et de la Raison sur
la Constitution civile du clergé ; 1792 : c'est
un écrit signé en 1791 par dix-huit évêques
constitutionnels et destiné par eux à servir de
réponse à l' Exposition des Principes, publiée
par trente autres évêques en 1790. Barbier croit
que l'écrit des évêques constitutionnels est de
Lebreton; — Statuts et Règlements; 1799,
in-s° ; — Observations sur les Zodiaques d'E-
gypte; 1802, in-8°; — Défense de la Révéla-
tion chrétienne ; 1802 , in-8° ; —Lettre à
M. de Beaufort sur le projet de réunion de
toutes les communions chrétiennes; 1808,
in-8° ; — Quelques détails sur Latour d'Au-
vergne, Corret, premier grenadier de France ;
Paris, 1815, in-8°; publiés par l'abbé Grap-
pin, Besançon, 1815, in-8°. On cite encore de
l'abbé Le Coz, dans les Annales Catholiques
de mars 1797, une Lettre Pastorale dans la-
quelle il accusait Pie VI d'avoir provoqué une
guerre de religion , etc. On a en outre de lui
des mandements, avertissements et lettres pas-
torales et une foule d'opuscules dont Beuchot â
flonné la liste complète. On lui attribue : Caté-
chisme sur le Célibat ecclésiastique, ou pré-
servatif contre un écrit qui a pour titre :
« Correspondance de deux ecclésiastiques ca-
tholiques sur cette question : Est-il temps
d'abroger la loi du célibat des prêtres ? ré-
digée par M. Henry, prêtre français, curé à
léna, » par un Français catholique; Paris,
1808, in-8°. J. V.
Beuchot, Journal de la Librairie; 1815, p. 132. — Grap-
- LECT 252
pin, Éloçie de M. Lecoz, archevêque de Besançon , dans
le Recueil de l' Académie de Besançon. — Querard, La
France Littéraire.
lecreulx (François-Michel) , ingénieur
français, né à Orléans, en 1734, mort à Paris, en
1812. Élève de Perronet, il fut d'abord employé
comme ingénieur ordinaire dans les généralités
d'Orléans et de Tours, et contribua à l'érection
des plus grands ponts qui furent construits à
cette époque en France. Nommé; ingénieur en
chef des provinces de Lorraine et du Barrois en
1775, il porta son attention sur la navigation
des fleuves et rivières, et fit élever le pont de
Ffouard, sur la Moselle, entre Metz et Nancy. Eu
1786, il construisit le manège de Lunéville, et
s'occupa des chemins publics. L'Académie de
Nancy l'admit parmi ses membres, et il lut devant
cette académie des mémoires sur les canaux, les
salines, les mines et les embellissements à exé-
cuter à Nancy. Il garda sa position pendant la
révolution. Nommé inspecteur général des ponts
et chaussées en 1801 et président du conseil de
ce corps en 1809, il prit une part importante à
la discussion des projets de travaux publics en-
trepris sous l'empire. On a de lui : Mémoire
sur la construction des chemins publics et les
moyens de les exécuter, couronné par la So-
ciété littéraire de Châlons; 1782, in-8° ; — Mé-
moire sur les avantages de la navigation des
canaux et rivières qui traversent les dépar-
tements de la Meurthe, des Vosges , de la
Meuse et de la Moselle, etc.; Nancy, 1793;
Paris, 1795 et 1800, in-4°; — Recherches sur
la formation et l'existence des ruisseaux, ri-
vières et torrents qui circulent sur le globe
terrestre; Paris, 1804, in-4°; — Examen cri-
tique de l'ouvrage de M. Dubuat sur les
principes de l'hydraulique ; Paris, 1809, in-8°.
J. V.
Quérard, La France Littér.
lect ou lectics (Jacques), homme d'É-
tat, jurisconsulte, théologien et érudit suisse,
né à Genève, en 1560, mort le 25 août 1611.
Élève de Cujas, il fut nommé en 1583 profes-
seur de droit à l'Académie de sa ville natale.
Élu membre du petit conseil l'année suivante, il
fut en 1589, lors de la guerre de la république;
contre le duc de Savoie, envoyé auprès d'Elisa-
beth, reine d'Angleterre, pour obtenir d'elle quel-
ques subsides; elle l'autorisa à faire une quête!
en faveur de ses compatriotes. Peu de temps;
après il alla solliciter l'aide des États généraux, i
qui lui remirent quatorze mille livres, sous la-
condition que cet argent servît au rétablisse-
ment de l'académie de Genève , dont les profes-
seurs avaient été renvoyés pendant la guerre. De
retour à 'Genève, Lect fut nommé dans les an-!
nées suivantes quatre fois syndic; il occupai
aussi pendant un an la charge de lieutenant de;
police; mais sa sévérité inexorable l'empêcha
d'être réélu à cet office. En revanche, la républi-
que lui confia encore plusieurs négociations diplo-
matiques. Au milieu de ses occupations, Lect
LECT — L'ÉCUY
2;>4
trouva le temps d'écrire un grand nombre d'ou-
vrages, devenus rares aujourd'hui, la plupart
remarquables par une érudition étendue et une
sagacité critique exercée. En voici les princi-
paux : Symmacki Epistolœ, cum notis ; Ge-
nève, 1587 et 1590, in-8° : à propos de cette
édition, qui contient des remarques deJuret,
Lect fut accusé de plagiat par Scioppius (voy.
Jac. Thomasen, Accessiones ad dissertationem
de plagio litterario, § 671, p. 14-18 ) ; — Ad
Modestinum : De Pœnis, liber unus ; Genève,
1592, in-80;— De Vita et Scriptis Ant. Sadee-
lis; Genève, 1593, in-8°; — De Vita Mmilti
Papiniani et Scriptis; Genève, 1594, in-8°;
j— Ad Mmilium Macrum, de publias Ju-
\diciis Liber; Lyon, 1597, in-8°; — De Vita
ÏDom. Vlpiani et Scriptis; Genève, 1601,
in-S°; — Poetx grseci veteres carminis he-
\roici scriptores, qui exstant ovines , grsece
\et latine; Genève, 1606, in-fol. ; — Adversiis
hodicis Fabriani to npôka xaxoôo£a pree-
\tcriptiomim theologicarum Libri II ; Genève,
1607, in-8° : ouvrage rempli d'injures contre le
pélèbre Antoine Fabre; — Claudiomastix, seu
hdversus scriptorem nuperum de vita et mi-
Vaculis Claudianis ; Genève, 1610, in-4°; —
\Poemata varia ; Genève , 1 609 , in-8» : ce re-
pueil contient diverses pièces, dont plusieurs
hvaient déjà paru précédemment ; telles sont :
bilvse, Elegise, Epigrammata; Lyon, 1595,
n-8°; — Ecclesiastes Salomonis heroico car-
mine expositus ; Genève, 1588, in-4°; — Jo-
\nah, seu poetica paraphrasis ad eum vatem ;
fîenève, 1597 et 1614', in-12; — Lacrymse Lec-
\fianx, seu de Friderici Mauricii, Anhaltini
mincipis, Vita; Genève, 1610, in-4° ; — Cer- j
faminis PygmseontmcumGruibus Descriptio ; !
Genève, 1613, in-4° : poème héroico-comique ; j
Vk Orationes quatuordecim ; Genève, 1615, j
n-1 2 ; — dans la Philologicarum Epistolarum :
yènturia de Goldast se trouvent quatre lettres :
le Lectius contenant des observations critiques
»ur des passages de Tacite, de Pline le jeune
>t du Digeste. On doit à Lect l'édition des Opéra
le Fr. Hotman, qui parut à Genève, en 1599,
S vol. in-fol. Ce qui dans les ouvrages de Lect a
•apport à la jurisprudence a été recueilli dans le
Thésaurus Juris Romani d'Éverard Otto. E. G.
NIcéron; Mémoires, t. XXX. — Jugler, Beytrsege zur
uristischen Biographie, t. IIF, p. 61. — Sénebler, Hiit.
'.iltér. de Genève, t. Il, p. 54.
* lecprieux [Jacques-Joseph), peintre
'rançais, né à Dijon, en 1801. Élève de Lethière
ît de Devosge, il a peint un grand nombre de
oiles pour les églises sur la demande du minis-
tre de l'intérieur. Ses principaux tableaux sont:
François Ier au tombeau de Jean sans Peur
ï Dijon; — Saint Louis à Damiette; — Jeune
Fille donnant ses cheveux auxpauvres; — La
\eune Fille de Jaïre ressuscitée ; — Derniers
Moments de Louis XI (1835); — Marie de
Bourgogne (1837); — Luther dans sa jeunesse
(1840); — V Amour des Fleurs (1841); — Xe
Petit Chaperon rouge (1843); — Saint Ber-
nard allant fonder l'abbaye de Glairvaux
I (1844); — Les Fiançailles de Rebecca; — Salo-
mon de Gaus à Bicètre, sujetemprunte à la fausse
lettre de Marion Delorme à Cinq iMars (1845); —
: Saint Firmin (1846); — Saint Guillaume
I (1847); — Glorification de sainte Geneviève
j (1849), pour l'église des Blancs-Manteaux; —
Saint Vincent de Paul prenant les fers d'un
■ forçat (1850) ; — Guillaume d'Aquitaine aux
pieds de saint Bernard (1852) ; — Saint Ber-
nard à Vezelay (1853). M. Lecurieux a obtenu
une médaille de troisième classe en 1844 et une
médaille de deuxième classe en 1846. L. L — t.
Ch. Gabet, Diet. des Artistes de l'école franc, au dix-
neuvième siècle. — Livrets des Salons, 1827-1853.
l'écuy (Jean- Baptiste), écrivain religieux
français, né à Yvoi-Carignan, le 3 juillet 1740,
mort à Paris, le 22 avril 1 834. Destiné à l'état
ecclésiastique, il entra en 1758 au séminaire du
Saint-Esprit , à Paris , prit l'habit de chanoine
régulier à l'abbaye de Prémontré, où il professa
successivement la philosophie et la théologie.
Il revint ensuite au collège de Paris, y professa
la théologie, devint prieur secrétaire du général
de l'ordre et maître des études en 1780. L'Écuy
fut élu abbé général de Prémontré. 11 introduisit
quelques réformes, tint quelques chapitres, amé-
liora les études, augmenta la bibliothèque con-
ventuelle , à laquelle il ajouta un cabinet de
physique, un herbier, etc. En 1787 L'Écuy
fut nommé membre de l'assemblée provinciale
du Soissonnais et président de l'assemblée du
district de Laon.En 1790, les couvents ayant été
supprimés, lesreligieux prémontrés durentquitter
leur retraite. Tous refusèrent le serment à la cons-
titution civile du clergé. L'Écuy se retira à Penan-
court, où l'on vint l'arrêter, en 1793, pour le con-
duire à Chauny. Après quelques jours de déten-
tion, il fut mis en liberté, et alla retrouver son
frère, qui était aussi religieux prémontré, dans
une maison des Grandes-Vallées, près de Melun.
L'année suivante, L'Écuy obtint la restitution de
ses livres. Privé detout revenu, il se chargea de
l'éducation de quelques jeunes gens. Une maison
lui avait été préparée en Allemagne , mais il ne
voulut pas quitter la France. En 1801 il se fixa
à Paris , et donna des articles de critique litté-
raire au Journal de l'Empire. Après le rétablis-
sement du culte, L'Écuy fut nommé, en 1 803, cha-
noine honoraire de Notre-Dame. Pie YII, à son
voyage à Paris, l'accueillit avec distinction, et
en 1806 L'Écuy devint aumônier de la femme de
Joseph Bonaparte, qui le chargea en même temps
de la conduite religieuse de ses deux jeunes
filles. En 1812, L'Écuy prononça à Notre-Dame
un discours pour l'anniversaire du couronnement
de l'empereur, et le 15 août 1813 il prêcha sur
le rétablissement du culte. En 1818 Louis XVIII
lui accorda une pension, et en 1824 l'arche-
vêque de Quélen le nomma chanoine titulaire de
255
Paris, l'admit dans son conseil, et le créa vicaire
général honoraire. Il était spécialement chargé
de l'examen des ouvrages soumis à l'approba-
tion archiépiscopale. En 1828 L'Ecuy fit une
chute dans la sacristie de l'église métropoli-
taine, et depuis lors il ne sortit plus de chez lui.
On a de lui , entre autres : Œuvres de Fran-
klin, traduites de l'anglais; Paris, 1773, 2 vol.
in-4°; — Nouveau Dictionnaire Historique,
biographique, et bibliographique , traduit de
l'anglais deWatkins; Paris, 1803, in-8°; —
Bible de la Jeunesse; 1810, 2 vol. in-8°; —
Manuel d'une Mère chrétienne, ou courtes ho-
mélies sur les Épitres et Évangiles des di-
manches et fêtes; Paris, 1822,2 vol. in-12; —
Recueil de pièces sur la prise de Cons-
tantinople, pour faire suite à V histoire byzan-
tine; Paris, 1823, in-fol., ouvrage tiré à soixante
exemplaires , aux frais du baron de Vincent et
de sir Charles Stuart, ambassadeurs d'Autriche
et d'Angleterre ; — Essai sur la vie de Gerson;
Paris, 1832,2 vol. in-8°; — Opuscula Norber-
tina; 1834, in-8°. L'Écuy a rédigé la partie ec-
clésiastique du supplément au Dictionnaire His-
toriquede Feller en 1818 et 1819, etle tome VIII
de l'Histoire sacrée de l'Ancien et du Nouveau
Testament de Bassinet. On lui doit en outre une
édition du Bréviaire des Prémontrés, Nancy,
1786, et du Manuel pour V Administration des
Sacrements ; Charleville, 1788,in-8°. 11 a laissé
de nombreux manuscrits, parmi lesquels on cite
des mélanges de théologie, de littérature et d'his-
toire, des traductions de l'anglais, une analyse
des ouvrages de Walter Scott , etc. L. L — t.
Martin , Notice sur M. L'Êcuy, rédigée sur ses notes.—
Notice en tète du Catalogue de sa bibliothèque, rédigé
par M. Blanc.
LECZINSKI. Voy. Stanislxs.
le o a in (Olivier ), favori de Louis XI, né à
ïhielt, village de Flandre , près de Courtrai,
pendu le 21 mai 1484. On n'a aucun détail sur
les faits qui précédèrent l'arrivée d'Olivier à la
cour de France; on sait seulement qu'il était fils
d'un paysan, et qu'il vint de bonne heure cher-
cher fortune à Paris. Louis XI se l'attacha en
qualité de barbier et de valet de chambre; il sut
gagner bientôt les faveurs du roi, qui, en octobre
1474, l'autorisa à changer le sobriquet d'O-
livier le Mauvais ou le Diable qu'il portait alors,
en celui d'Olivier le Dain (Langlet, I, 301). Plus
tard, il l'anoblit ainsi que sa postérité, par
lettres patentes du 19 novembre 1477 ; il lui donna,
« pour lui et ses hoirs, lesestangsde Meulant,
et les masures, terres, prez et bois qui furent
au feu comte de Meulant » (Godefroy, 479). Oli-
vier se fit dès lors appeler comte de Meulant.
En 1477 il fut envoyé à Gand, en qualité d'am-
bassadeur, auprès de la duchesse de Bourgogne.
Le but avoué de cette mission était de persua-
der à la duchesse « qu'elle se voulsist mettre
entre les mains du roy », son parrain; mais
comme il était peu probable que celte entreprise
L'ÉCUY — LEDAI^I
2.5(5
réussit ainsi, Olivier devait organiser un soulè-
vement dans la ville de Gand. Il était d'autant
mieux choisi pour cela, qu'ii parlait la langue du
pays, qu'il y avait conservé des relations, et
que l'exemple de sa fortune montrait assez que le
roi savait récompenser ceux qui se dévouaient à
lui. Olivier échoua; il ne put résister au désir
d'étaler dans son pays natal une magnificence
qui contrastait avec son obscure origine. Au lieu
de l'admirer, on se moqua de lui ; la duchesse
refusa de le recevoir en audience particulière,
le peuple ne le prit pas davantage au sérieux;
« luy furent faits aucuns tours de moquerie, et
puis soudainement s'enfuit de la dite ville, car
il fut adverty que s'il ne l'eust fait, il estoit en
péril d'estre jeté en la rivière » ( (Domines, XIV).
Mais Olivier n'était pas homme à accepter ainsi
une défaile : chassé de Gand, il se rendit à
Tonrnay, ville neutre. Moitié par ruse, moitié
par force , il parvint à y faire entrer les gens du
roi ; tous les environs furent livrés au pillage «et
reçurent les ennemis du roy un grand dom-
mage ». Cette preuve de zèle accrut encore pour
Olivier la faveur et la générosité de Louis XI ^
il fut nommé capitaine du château de Loches,
gouverneur de Saint-Quentin, et gentilhomme de
la chambre du roi. Son influence alla toujours
croissant; en 1480 un légat du pape était venu en
France : nous lisons dans la chronique de Jean
de Troyes que ce misérable fils de paysan « fes-
toya ledit légat et moult d'autres gens d'église
tant plantureusement que possible estoit. Et
après disner, les mena au bois de Vinciennes es-
batre et chasser aux dains dedans le parc du dit
bois ». Jusqu'à la mort du roi, Olivier vécut,
avec lui dans la plus grande intimité.
Louis XI, dit-on, souffrait tout de son barbier,
même les duretés et les offenses. Lors de la der-
nière maladie du roi, et quand tout espoir de le
sauverfut perdu, c'est Olivier qui, assisté du mé-
decin, accepta la tâche délicate de lui annoncer
cette triste nouvelle; Louis XI la reçut mieux qu'on
ne l'avait espéré, et n'en conçut aucune colère
contre son favori, qu'il recommanda en mourant !
à son fils Charles VIII. Mais cette recommanda-
tion lui servit peu ; les seigneurs qui s'étaient '■
révoltés contre Louis XI s'empressèrent de sa-
tisfaire leur vengeance contre ceux qui avaient :
été les instruments de la justice ou des cruautés
du roi. S'il faut s'arrêter au récit de quelques
historiens , cette vengeance à l'égard d'Olivier
trouva facilement un prétexte pour s'exercer; ils
prétendent qu'une femme lui aurait sacrifié son
honneur pour obtenir la vie de son mari arrêté
par ordre du roi , et qu'Olivier, après l'accom-
plissement du marché, n'en aurait pas moins fait
périr le mari. Le 20 mai 1484, Olivier Le Dain
fut condamné à être pendu , et le parlement re-
fusa de communiquer l'arrêt au jeune roi, qui,
en souvenir des recommandations de Louis XI,
eût peut-être sauvé le coupable. C'est le 2 1 mai
qu'eut lieu l'exécution. Charles VIII respecta au-
057
LEDAIN —
tant qu'il le put la promesse qu'il avait laite à son
père ; car le jour même il ordonna que le corps
du supplicié serait détaché du gibet et enterré
dans le cimetière de Saint-Laurent. Du temps de
Lenglet-Dufresnoy on voyait encore sur la porte
d'un corps de garde de Meulan les armes d'O-
livier Le Dain : elles étaient d'un chevron ac-
compagné en pointe d'un daim passant, l'écusson
au côté droit, et d'un rameau d'olive, et au côté
gauche une corne de daim ; l'écusson couronné
d'une couronne comtale. Alfred Franklin.
Jean de Troyes, Comines, P. Matthieu, Varillas, Du-
clos, Al. Dumesnil, Ch Liskenne, P. Ségur, Histoires de
Louis XI. — Mezeray, Daniel, Garnier, Dreux du Radier,
Anquetll, Millut, E. de Ponnechose, Sismondi, H. Mar-
tin, Michelet, Histoires de France.— Louis XI et Le. Pies-
sis-lès-Tonrs ; Tours, 1841,in-8°. —G. Nmidé, additions
à l'histoire de Louis XI ; Paris, Ki30. in-8°. — De Reif-
fenherg, Notice sur Olivier le Diable ou le Dain, barbier
et confident de Louis XI; Bruxelles, 1829, in-4°. —
T. L'Hermite de Soliers, Le Cabinet du roy Louis XI,
contenant plusieurs fragments, lettres missives, se-
crètes intrigues du règne de ce monarque, et autres
pièces curieuses recueillies de diverses archives ; Paris,
1661, in-12. — mémoires de V Académie des Inscriptions
et Belles- Lettres, t. XLIII.
le danois de la soisièsie ( André-Ba-
sile), homme politique et jurisconsulte français,
né le8 mars 1750, mort vers 1825. Il était lieute-
nant général du bailliage d'Orbec et Bernay
(Normandie) à l'époque de la révolution. Il en
accepta les principes, et fut nommé successive-
ment maire et commandant de la garde natio-
nale de sa commune. En 1791 il devint président
de l'administration du district de Bernay, et fut
élu, en octobre 1795, député par les électeurs de
l'Eure. Il siégea au Conseil des Anciens jusqu'en
mai 1799. Le 18 août 1797 il fut nommé secré-
taire de cette assemblée, et fit adopter plusieurs
résolutions concernant les rentes et les contri-
butions. En 1802 il fut appelé au Corps légis-
latif, qu'il ne quitta qu'en janvier 1812. Après
la première restauration (1814), anobli par
Louis XVIII, il fut porté à la chambre des re-
présentants (1815); mais il n'y joua aucun rôle.
On a de lui : Examen du livre intitulé : Ta-
bleau des désordres de l'administration de la jus-
tice (par Selves),et Réflexions sur les moyens
défaire cesser les abus dénoncés, etc.; Paris,
1813,in-8° ; — Des Vicesde la Législation sur la
Contrainlepar corps pour délits ; Paris, 1819,
in-8°. H. L.
Le Moniteur universel, an iv, n° 355; an v, nos 10,
276, 334 ; an VI, n°» 137, 330; an VII, 13, 67. — Arnanlt,
Jay, Jouy; etc., Biographie nouvelle des Contemporains.
— Biographie moderne (1806).
LE DÉA N (Jean - A imé- Louis-Nicolas- René),
ingénieur français, né àQuimper, le 27 juin 1776,
mort à Vicby, le 9 juin 1841. Son père était com-
missaire des états de Bretagne et ancien employé
de la Compagnie des Indes. Lui-même entra en
1794 à l'École Polytechnique. Le 1er frimaire
an v (21 novembre 1797) il fut nommé ingé-
nieur de la marine, d'abord à Brest, puis à Lo^
rient. On a de lui : Lettres sur la rareté tou-
jours croissante des bois de construction ; —
NO»JV. BIOO.l'.. GÉNFR. — T. XXX.
LEDEBUHR 268
| JXécessitéde s'abstenir detoute consommation
mal entendue des bois de grandes dimen-
sions; — Description des nouvelles étuves
propres à plier les bois, construites au port
de Lorient; — Notes sur les feuilles de cuivre
employées audoublagedes vaisseaux. A. deL.
Quérard , La France Littêr. — Biogr. moderne U806).
ledebour (Charles -Frédéric de), bota-
niste allemand, né à Stralsund, le 8 juillet 1785,
mort à Munich, le 4 juillet 1851. A l'âge de vingt
ans il fut nommé directeur du Jardin des Plantes
et professeur de botanique à Greifswald. En
1811 il fut appelé à l'université de Dorpat, où
il resta jusqu'en 1836. Il retourna alors en Al-
lemagne, et se fixa d'abord à Heidelberget plus
tard (1843) à Munich. Son ouvrage : Flora Ros-
sica, Stuttgard, 1842-1851, 3 vol., est le meilleur
travail que l'on possède actuellement sur la
Flore de la Bussie. Une œuvre non moins impor-
tante est sa Flora Altaica (Berlin, 1829-1834,
4 vol.). On lui doit en outre : Reise durcà das
Altaigebirge und die Dsongarische kirgisen-
steppe (Voyage à travers l'Altaï et les steppes des
Kirghiz delà Dsongarie); Berlin, 1829-1830,
2 vol.; — Icônes Plantarum novarum Floram
Rossicam, imprimis Altaicam, illustrantes ;
Biga, 1829-1834, 5 vol. in-fol. avec 500 plancles
coloriées. B. L.
Conv. Lex.
ledebchr (Gaspard), orientaliste alle-
mand, né à Côslin, en Poméranie , vers la fin
du seizième siècle, mort vers le milieu du dix-
septième. Après avoir étudié à Kœnigsberg et à
Bostock, il visita la plupart des universités d'Al-
lemagne et d'Italie. De retour dans sa patrie, il
se fixa à Kœnigsberg, où il fut chargé d'enseigner
la langue hébraïque. En 1647 il fit imprimer à
Leyde sa Catena Scripturse; pendant son séjour
dans cette ville , il apprit que sa mère venait de
mourir à Coslin. Il s'y rendit pour recueillir son
héritage; mais plusieurs membres influents du
sénat de Coslin s'étaient déjà partagé ses biens.
Cette iniquité troubla sa raison , et il mourut de
chagrin peu de temps après. Ses spoliateurs firent
brûler ses manuscrits, pour que son nom fût
effacé de la mémoire des hommes et que leur
crime tombât dans l'oubli. Ledebuhr a fait im-
primer à Kœnigsberg : Grammatica Hebraica;
— Disputationes VIII in Esaiam ; — Dispu-
tationes in Job, 11, 12 et 13; — De Oraculo
Jobi; — De septuaginta septimanis Danielis;
— Clara Delineatio Belli Assijriaco-Judaici
a Jesaia prœdicti ; exégèse biblique. Outre quel-
ques opuscules, on a encore de Ledebuhr : De
Accentuatione Ebraica metrica; Leyde, 1647,
in-8°; — Catena S. Scripturx, in qua ratio
accentuum Hebraicorum exponitur ; Leyde,
1647, in-8°; cet ouvrage, un des premiers essais
sur cette matière, fut d'une grande utilité à
Wachsmuth (voy. ce nom) pour sa théorie des
accents de la langue hébraïque. E. G.
Janicke, Gelehrtes Pommernland. — Jucher, AVnern.
Gel.Lexikon.
9
259
LEDEBUR —
lëdebfk ( Léopold-Charles-Guillaume-
Augus/c), historien allemand , né à Berlin, le
2 juillet 1799. Entré en 1816 dans un régiment
de la garde, il quitta le service en 1828 avec le
grade de capitaine. Il devint plus tard directeur
de trois divisions du musée de Berlin, des collec-
tions ethnographiques, du musée des antiquités
nationales, et de la Kunstkammer du roi. On a
de lui : Das Land und Volk der Brukterer
(Les Bructères et leur pays); Berlin, 1827;
— Krilische Beleuchtung einiger Punkte
in den Feldzugen Karls des Grossen gegen
die Sacksen und Slawrn ( Examen critique
de quelques questions concernant les cam-
pagnes de Charlemagne contre les Saxons et
les Slaves ) ; Berlin, 1 829 ; — Die fùnf mùns-
lerschen Gaueund die sieben Seelande Fries-
land ( Les cinq Cantons du pays de Munster etles
sept cantons maritimes de la Frise); Berlin,
1836; — Blicke auf die Literatur des letzten
Jahrzehnds zur Kenntniss Germaniens zwis-
chen dem Rhein und der- Weser ( Coup d'œil sur
les ouvrages publiés dans les dix dernières années
pour la connaissance des pays de l'ancienne
Germanie compris entre le Rhin et le Weser) ;
Berlin, 1837 ; — Ueber die in den baltischen
Làndern gefundene Zeugnisse eines Han-
delsverkehrs mit dem Orient (Sur les Témoi-
gnages de relations commerciales entre les pays
Baltiques et l'Orient); Berlin, 1840; — Nord-
thuringen und die Hermunduren (LaThu-
ringe septentrionale et les Hermundures ) ; Ber-
lin, 1842 et 1852 ; — Die heidnischcn Alter-
thûmer des Regierungsbezirks Potsdam ( Les
Antiquités païennes de la régence de Potsdam ) ;
Berlin, 1852; — Dynastische Forschungene
(Recherches sur divers seigneurs du moyen âge);
Berlin, 1853; — Preussens Adelslexikon ( Dic-
tionnaire de la Noblesse prussienne) ; Berlin, 1854
et suiv. Ledebur a publié plusieurs monographies
historiques sur diverses localités de l'Allemagne;
il à aussi fait paraître un très-grand nombre
d'articles dans le Allgemeines Archiv fur die
Geschichtskunde des preussischen Staats;
Berlin, 1830-1836, 2 vol. E. G.
ConversationsLexikon.
LEDEIST. Voy. KÉRIVA.LANT.
ledeist de botidocx, homme politique
et littérateur français , né vers 1750, à Uzel
(Bretagne), mort à Paris, en 1823. Il fut
membre des états généraux en 1789, où il entra
comme suppléant et prit plusieurs fois la pa-
role contre les plans financiers du ministre
Necker. Il entra ensuite dans l'armée comme
capitaine au 34e régiment d'infanterie, et servit
quelque temps sous La Fayette. Il quitta le ser-
vice actif pour l'administration , et devint com-
missaire aux revues, puis commissaire ordonna-
teur à l'armée des Alpes. 11 partagea la pros-
cription du parti girondin, et sechargea d'aider au
soulèvement de la Bretagne. Puisaye le reconnut
pour secrétaire du comité insurrecteur général ,
LEDERMULLER 260
séant à Locminé. Après les divers échecs du parti
royaliste, Ledeist lit sa soumission à La Mabi-
lais. Il vécut jusqu'à la restauration éloigné des
affaires publiques , et ne s'occupant que de litté-
rature. Au retour des Bourbons, il obtint l'em-
ploi de messager d'État près la chambre des
pairs. On a lui : Satires d'Horace, trad. en
vers français; Paris, 1804; — une traduction
des Commentaires de César; Paris, 1809,
5 vol.; — une traduction des Lettres de Cicéron
à son frère Quintus, avec Notes; Paris, 1813,
in-12 ; — Esquisse de la carrière militaire de
F.-Chr. de Kellermann, duc de Valmy,pair
et maréchal de France; Paris, 1817, in-8°;
— Des Celtes, antérieurement aux temps
historiques; Paris, 1818, in-8° ; — quelques
brochures de circonstance, aujourd'hui sans in-
térêt. H. Lesueur.
Mahul, annuaire Nécrologique, ann. 1823. — Quérard,
La France Littéraire.
lederlin {Jean-Henri), philologue fran-
çais, né à Strasbourg, le 18 juillet 1672, mort le
7 septembre 1737. Fils d'un tailleur, il dut à la
bienfaisance du bourgmestre Frôreisen les
moyens de faire ses études. Il enseigna plus
tard les langues grecque et hébraïque dans sa
ville natale, et devint chanoine à Saint -Thomas.
On a de lui une édition estimée de l'Onomas-
ticon de J. Pollux, grec et trad. latine avec des
commentaires; Amsterdam, 1706, in-fol.; —
des édilions de Viger, De prœcipuis grsecœ
Dictionis idiotismis; Strasbourg, 1708, in-8°;
de Brisson, De regio Persarum Principatu;
et Strasbourg, 1710, in-8°; d'Élien, Variée his-
toriée; Strasbourg, 1713. — Lederlin a aussi
publié une douzaine de dissertations philoso-
phiques et archéologiques. A la bibliothèque
de Strasbourg on conserve trois volumes in-4%
écrits de sa main , qui contiennent ses Collec-
tanea Philologica, ses Adversaria , et ses Hy-
pomneumaia. E. G.
Acta historico-ecclesiastica ; Leipzig et Weiraar, 1734-
1758, t. III, p. 90. — Harles, Vitee Pliilologorum. t. III,
p. 1-31. — Leclerc, Bibliothèque choisie, t. X, p. 276, et
t. XI, p 346. — Nova Acta Entditorum, ann. 1739, p. 428.
lederaivller ( Martin - Frobenius ) ,
physicien allemand, né à Nuremberg, le 20
août 1719, mort dans cette ville, le 16 mai
1769. Après avoir mené une vie assez aventu-
reuse, il commença en 1749 à s'occuper d'une
manière suivie des sciences naturelles. Ses tra-
vaux microscopiques eurent beaucoup de succès,
et engagèrent un grand nombre de savants à se
livrer à des recherches semblables. On a de lui :
Physikalische Beobachtungen der Saamen-
Thierchen durch die allerbesten Vergroesse-
rungsglaeser (Observations physiques des ani-
malcules spermatiques au moyen des meilleurs
microscopes); Nuremberg, 1756, in-4°, avec
8 planches; — Versuch zu einer gruendlichen
Vertheidigung der Saamen-Thierchen (Défense
des Animalcules spermatiques, etc.); ibid., 1758,
in-8°, avec 6 planches ; — Mikroskopische Bey-
261 LEDERMTJLLER — LEDIEU
*r«#e (Études microscopiques); ibid., 1759, in-8°;
— Mikroskopische Gemueths und Augener-
goetzungen (Amusements microscopiques, tant
pour l'esprit que pour les yeux) ; ibid., 1760-1764,
3 vol. in-4". Cet ouvrage, dont on a publié en
Allemagne plusieurs éditions, a été traduit aussi
en français; Nuremberg, 1768. Dr L.
Rotennund, Supplément à .lOchcr. — Meusel, Lexikon,
p. 10!. — NopUsch, IVilts Piurenbergisehes Ge-
262
lehrten Lexikon, M* Supplément, p. 282-290.
ledesma (Blas de), peintre espagnol, de la
fin du seizième siècle, et né en Andalousie, Il
adopta la manière italienne, et peignit de préfé-
rence des sujets grotesques; on a cependant de
lui quelques bonnes fresques, représentant des
saints ou des laits historiques. A. de L.
Quilliet, Dictionnaire des Peintres espagnols.
ledesma (José de ), peintre espagnol, né à
Burgos, en 1630, mort en 1670. Il fit ses premières
études artistiques dans sa patrie, et se perfec-
tionna à Madrid sous les leçons de Juan Carreno,
dont il acquit la belle couleur. Malgré sa courte
existence, Ledesma a laissé beaucoup de tableaux,
presque tous à Madrid. On cite parmi ces tableaux,
chez les récollets : Saint Jean-Baptiste;— La
Sainte Trinité; — V Incarnation ; — Saint.
François ; — chez les trinitaires : Saint Domi-
nique ; — au musée royal : Le Christ au tom-
beau. A. DE L.
Don Mariano-Lopez Aguado, El real Museo; Madrid,
183S.
ledesma ( Alonso de ), poète espagnol, né à
Ségovie, en 1552, mort en 1623. On n'a pas de
détails sur sa vie, et ses ouvrages sont peu lus
aujourd'hui; mais ils obtinrent beaucoup de
succès à leur apparition , et restent des témoi-
gnages curieux du goût littéraire en Espagne, au
commencement du dix-septième siècle. La poésie
lyrique en décadence tentait de se rajeunir en
imitant la naïveté des vieilles ballades , et cher-
chait un nouvel éclat dans les plus étranges com-
binaisons d'idées et de mots. De là deux ma-
nières, l'une estimable quoique un peu rude,
l'autre fausse, obscure et affectée jusqu'à l'extra-
vagance. Ledesma s'essayadans toutes deux, et ne
réussit que dans la seconde. Ses Conceptos espi-
rituales, dont les trois parties parurent succes-
sivement à Madrid, 1600, 1606, 1616, in-8°,
n'eurent pas moins de neuf éditions de son vi-
vant. Ce sont de petites pièces sur des sujets
religieux. On y trouve des indices d'un beau ta-
lent malheureusement gâté par la recherche et
enflure. Le succès des Conceptos espirituales
favorisa le développement de cette école des
onceplistas , composée de mystiques et de
îeaux esprits, qui portèrent si loin dans la poésie
ît dans l'éloquence sacrée l'abus des métaphores
it des pointes. L'influence des conceptistas s'é-
endit sur les premiers écrivains de cette époque.
l.ope de Vega, qui n'en fut pas exempt, a pro-
iigué à Ledesma des louanges fort exagérées,
t ses contemporains lui ont donné le surnom de
frw». Cependant, à part quelques sonnets et quel-
ques ballades toriques, insérés dans Jes Con-
ceptos espirituales, ses poésies sont aujourd'hui
justement oubliées. On a encore dé lui : Jnegos
de la Naçhe Buena; Barcelone, 161 1, in 8° : re-
cueil de pièces joyeuses et satiriques qui est sé-
vèrement interdit dans l'Index expurgatorius
de l'inquisition; — El Monstruo imaginado ;
Barcelone, ICf 5, in-8". Cet ouvrage commence
par des ballades, et finit par une courte fiction
en prose, qui a donné son nom au volume. C'est
une série d'allégories exprimées dans un langage
bizarrement métaphorique qui les rend inintelli-
gibles. Quelques-uns des poëmes contenus dans
le Monstruo imaginado ont pour sujet la mort
de Philippe II, et sont singulièrement irrévéren-
cieux, soit au point de vue politique, soit au point
de vue religieux ; — Epigramas y Geroglificos
a la vida de Christo,festividades de Nucstra
Senora, Excelencias de sanctos, y grandezas
de Segobia; Madrid, 1625; — Epitome de la
vida de Chris to en discursos metaforicos ;
Ségovie, 1629. On trouve six pièces de Ledesma
dans le Parnaso Espanol, t. V, p. XXXI. L. J.
Nicolas Antonio, Bibliotheca Hispananova. — Ticknor,
History of Spanish Literature, t. H, p. 482.
lediec ( François ), écrivain français , né à
Péronne, mort à Paris, le 7 octobre 1713. En-
gagé dans les ordres , il fut attaché depuis 1684
à Bossuet, en qualité de secrétaire particulier,
resta près de lui pendant les vingt dernières
années de la vie du grand évêque , et devint
chanoine et chancelier de l'église de Meaux.
Quatre ans avant la mort de Bossuet, l'abbé Ledieu
imagina de tenir un journal de ce qui se passait
près de lui , et il continua ce registre de 1699 à
1713, année de sa propre fin. Suivant M. Sainte-
Beuve, « l'abbé Ledieu n'a pas le dessein de dimi-
nuer Bossuet, mais il soumet son illustre maître
à une épreuve à laquelle pas une grandefigure ne
résisterait; il note jour par jour à l'époque de la
maladie dernière et du déclin tous les actes et
toutes les paroles de faiblesse qui lui échappent,
jusqu'aux plaintes et doléances auxquelles on
se laisse aller la nuit quand on se croit seul, et
dans cette observation il porte un esprit de pe-
titesse qui se prononce de plus en plus en avan-
çant , un esprit bas qui n'est pas moins dange-
reux que ne le serait une malignité subtile ». Sur
les premiers dehors et sur les commencements
du journal de l'abbé Ledieu , M. Sainte-Beuve
letraitaitd'ecclésiastique « estimable, laborieux;
ce n'était point un ami, ajoutait-il, mais un do-
mestique dévoué et fidèle ». En voyant la fin de
ce journal, le sagace critique se rétracte, et dit
de Ledieu : « Son caractère est dénué de toute
élévation, et le cœur n'y supplée pas. En parais-
sant attaché à Bossuet , il ne poursuivait que
son propre intérêt et celui des siens. » Le fait
est que Ledieu avoue qu'il cherchait surtout à
obtenir les faveurs de l'évêque de Meaux ;
mais l'abbé Bossuet, neveu du prélat, trouvait
toujours le moyen de l'empêcher d'arriver à
9.
263
LEDIEU
264
son but. Ledieu nous apprend que M. de Meaux
a « gobé tous les éloges qu'il a voulu lui don-
ner ». 11 n'en fut pourtant pas plus avancé pour
cela. « L'abbé Ledieu, malgré les longues an-
nées qu'il resta auprès de Bossuet, n'entra donc
jamais, ainsi que le remarque M. Sainte-Beuve,
dans son intime confiance, et ne reçut jamais de
lui aucune confidence proprement dite; il ne sut
les choses importantes qu'au fur et à mesure, à
force d'attention et après coup. 11 y avait l'œil,
comme il dit, il y mettait de la suite et arrivait
avec un peu de temps à tout savoir et à bonne
fin. » Exclu de la chambre de son maître aux ap-
proches de la mort, il ne fut pas inscrit sur le
testament du prélat, non plus que les autres
domestiques, que Bossuet recommande seule-
ment à la libéralité de son légataire. Ledieu
trouve que cet acte déshonore son auteur. Ce-
pendant, sur la demande de l'abbé Bossuet, il se
meta composer des Mémoires sur la vie et les ou-
vrages du grand évêque, mémoires destinés
à servir de matériaux pour une oraison funèbre.
<c Ces mémoires, composés peu après la mort de
Bossuet , et tout d'une haleine , sont un récit
large et animé, dit M. Sainte-Beuve, un tableau
de la vie, des talents et des vertus du grand
évêque. L'abbé Ledieu, dans cet ouvrage, se
soigne, et il écrit comme en vue du public; son
style a de la facilité, du développement, des
parties heureuses ; on sent l'homme qui a vécu
avec Bossuet, et qui en parle dignement , avec
admiration, avec émotion... Ces mémoires, d'une
lecture pleine et aisée, nous montrent Bossuet
dans sa généalogie et dans sa race, dans son
enfance et son éducation première, dans sa crois-
sance naturelle et continue. Toute la partie où
Ledieu parle de l'éloquence première de Bossuet
et des études par lesquelles il la nourrissait est
d'un grand charme. 11 n'avait pas été témoin,
mais il avait vu et interrogé des témoins, il avait
fait parler le prélat lui-même ; il écrit comme
quelqu'un qui porte un sentiment d'enthou-
siasme et de vie dans ces choses d'autrefois qu'il
veut rendre. On a par lui le mouvement et comme
le coloris de cette jeunesse de Bossuet. Dans cet
ouvrage, Ledieu justifie bien les expressions par
lesquelles il se définit lui-même à côté de Bos-
suet, « un homme tout à lui, passionné pour
sa gloire, et très-curieux de recueillir les moindres
circonstances qui peuvent orner une si belle
vie. Il rachète par là ce qu'il y a d'un peu petit et
d'un peu bas dans son journal. »
Ledieu lut le commencement de ces mémoires
aux amis de Bossuet, qui y applaudirent et lui
donnèrent Hes encouragements. Quelques-uns lui
dirent que c'était un trésor, et que ce serait rendre
un bon office à IVglise que de les publier. « Son
mobile, suivant M. Sainte-Beuve, n'est d'ailleurs
pas plus élevé en cette occasion que dans toutes
les autres ; il ne songe qu'à se rendre nécessaire,
à se faire un sort, comme on dit, du côté de
l'abbé Bossuet, en lui prouvant qu'il est l'homme
indispensable pour une édition des œuvres, et
surtout pour la publication des écrits posthu-
mes. » Quoi d'étonnant à cela : il n'y avait que
Ledieu qui pût bien lire les manuscrits de Bos-
suet et s'y reconnaître. Quelqnes-uns des amis
de Bossuet , comme l'abbé Fleury et le docteur
Pirot, désignaient positivement l'abbé Ledieu
pour cette lâche. Celui-ci ne demandait qu'une
pension et un logement à Paris. L'abbé Bossuet,
plus occupé de son avancement que de la gloire
de son oncle, n'alla pas jusque là avec l'ancien
secrétaire de Bossuet, que le grand homme a in-
dignement oublié. Il le reçoit, le défraye pen-
dant ses voyages à Paris ; mais il s'étonne que
Ledieu ne travaille pas davantage. Celui-ci avait
revu et mis au net les manuscrits de la Poli-
tique , des Élévations , des Méditations sur
les Évangiles; l'abbé Bossuet trouva les ca-
hiers bien petits. «■ Je suis bien résolu à ne m'en
pas hâter davantage, écrit Ledieu, et pour le
profit que j'en reçois, ce n'est pas la peine de
me tant fatiguer. » Ledieu fait toujours valoir
son importance ; l'abbé Bossuet ne se décide à
aucun sacrifice, et quelques ouvrages du prélat
paraissent sans Ledieu; celui-ci manifeste son
mécontentement en faisant entendre qu'il avait de
meilleures copies : rien n'ébranle l'abbé Bossuet,
et Ledieu, dégoûté, ne s'occupe plus de la gloire
de son maître. Heureusement le nouvel évêqne de
Meaux l'avait parfaitement accueilli; Ledieu a
joint un prieuré à son canonicat , et, comme il le
dit, il est « sur ses pieds et n'a que faire des Bos-
suet ». Il faut que Ledieu demande à plusieurs
reprises un petit calice de vermeil avec lequel
il disait la messe à Paris pour Bossuet et un
missel, avant de les obtenir ; il faut même qu'il
rende de nouveaux services à l'abbé Bossuet
pour que celui-ci s'exécute. Doit-on s'étonner
après cela si devant de pareilles villénies Le-
dieu oublie son ancien évêque ? « Ce n'est qu'un
valet de chambre mécontent, » s'écrie M. Sainte-
Beuve. Soit , mais cela excuse-t-il la conduite du
neveu de Bossuet à son égard ? Ledieu raconte
avec complaisance toutes ses affaires ; il donne des
détails sur des querelles de chœur qui rappellent
celles du Lutrin. Il achète une maison à Meaux,
sous un faux nom, la meuble gentiment, arrange
le jardin , et se trouve heureux. « Dieu soit
loué , écrit-il , me voici assez bien meublé et
nippé ! Il faut à présent faire bien aller la cui-
sine et tout assaisonner de bon vin. » Mais sa
santé s'affaiblit , et son bonheur est de courte
durée; des tumeurs lui vinrent au pied , et au
bout de quelques années il mourut. Il avait laissé
en manuscrit des Mémoires sur V Histoire et
les Antiquités du diocèse de Meaux, que le
père Lelong appelle des brouillons sans ordre,
sans méthode, sans suite, sans liaison, conservés
dans la bibliothèque de Saint-Faron. Ses mé-
moires sur Bossuet étaient aussi restés manus-
crits ; ils avaient été compulsés et cités par tous
ceux qui ont écrit avec autorité sur l'évêque de ;
265 LEDIEU — LEDROU
Meaux, comme le cardinal de Bausset et M. Flo-
quet. L'abbé Guettée les a fait paraître avec le
journal de l'abbé Ledieu sous ce litre : Mémoi-
res et journal de l'abbé Ledieu sur la vie et
les ouvrages de Bossue t, publies pour la pre-
mière fois d'après les manuscrits autogra-
phes, et accompagnés d'une introduction et
de notes; Paris, 1856-1857,4 vol. in-8°.
L. Locvet.
P. Lelong, Bibliotfi. Hist. de la France. — Ledieu,
Journal. — Sainte-Beuve, dans Le, Moniteur des 31
mars 1856, 14 avril 1856, et 30 mars 1857.
LE DIGNE (ISicolas ), sieur de L'Espine-Fon-
tenay, poète français, né en Champagne, vers le
milieu du seizième siècle, mort vers 1611. Il fut
d'abord militaire, et porta les armes en Italie; il
changea ensuite complètement de profession , et,
devenu ecclésiastique, il obtint les prieurés de
L'Enfourchure et de Condes. C'est en ce dernier
endroit qu'il acheva sa vie, cherchant des dis-
tractions dans la culture des lettres. Ami de Be-
roaldde Yerville, il lui adressa une jolie pièce de
vers insérée dans les Appréhensions spirituelles
de cet écrivain souvent bizarre (Paris, 1583) :
elle a pour titre : Contre ceux qui écrivent d'a-
mours ; il y a de la facilité, et le ridicule de ces
amoureux alors si nombreux sur le Parnasse et
chantant ennuyeusement des beautés imaginaires
est raillé avec une malice naïve. Un volume de
vers de Le Digne , Les Fleurettes du premier
Mélange, Paris, 1601, contient quelques mor-
ceaux où il y a du naturel et de l'aisance. La
plupart des compositions de cet auteur se rap-
portent à des sujets pieux : ses Premières Œu-
vres chrétiennes, Paris, 1600; sa Couronne
de la Vierge Marie, 1610; sa Madeleine et
autres petites œuvres , Paris, 1610, sont de-
Tenues la proie de l'oubli. Il laissa un grand
nombre d'écrits demeurés inédits : des traduc-
tions en vers des Psaumes, du Jephté de Bu-
chanan, de \' Hercule mourant de Sénèque, des
Pastorales, des sonnets intitulés Chastes Sou-
pirs. G. B.
Violet-Leduc, Bibliothèque Poétique, t. I, p. 362, et
Histoire de la Satire en France, en tête de son édition
de Régnier.
ledoyen (Guillaume), poète français, né
à Laval, mort dans la même ville, en 1537. Ce
qu'il nous apprend de sa vie est tout ce que nous
en savons. Jl était notaire, et dépensait en homme
de goût les profits de son étude : ainsi , grand
amateur des représentations scéniques, il faisait
jouer à ses frais des mystères sur la grande
y place de Laval. Il y a plus : un certain jour,
H abandonné par les compagnons entrepreneurs,
n avec lesquels il avait fait marché pour une re-
présentation du Bon et du Mauvais Pèlerin, il
| monta lui-même sur les tréteaux, et récita la
pièce. On a de Guillaume Ledoyen un poème
historique, dont quelques fragments ont seuls vu
le jour ; ce poème, intitulé : Annales et Chro-
niques du pays et comté de Laval et par-
ties circonvoisines , commence à l'année 1480
266
et finit à l'année 1537. Le Supplément français
de la Bibliothèque impériale en possède un
exemplaire. B. H.
Uesportes, Hiblinnr. du Vaine. — B. Hauréau, Hist.
Litt. du Maine, t. 111, p. 567.
ledkan (Henri-François) , chirurgien fran-
çais, né à Paris, en 1685, mort dans la même
ville, le 17 octobre 1770. Son père, Henri Le-
dran, mort en 1720, était un des premiers opé-
rateurs de son temps, et s'était acquis une grande
réputation dans les armées. Il dirigea l'éducation
de son fils.qui devint chirurgien major et démons-
trateurd'anatomieà La Charité, membre de l'Aca-
démie royale de Chirurgie, chirurgien consultant
des camps et armées du roi et associé de la So-
ciété royale de Londres. Il était surtout renom-
mé pour la lithotomie. Partisan du grand ap-
pareil, il voulait qu'on donnât assez d'étendue à
l'incision pour que l'extraction de la pierre ne
causât pas de dilacération à la vessie. Il n'ad-
mettait le haut appareil que dans le cas où la
vessie est saine et le calcul très-volumineux. II
inventa une nouvelle sonde pour remplacer la
sonde d'Albinus. Dans le traitement des plaies
d'armes à feu , il propagea la méthode des
grandes incisions , restreignit l'usage du séton et
proscrivit l'application de plumasseaux de char-
pie imbibés d'eau-de-vie. Il attribuait une grande
influence aux esprits animaux, et admettait une
foule d'hypothèses erronées. Du reste il ne dis-
simule pas ses fautes dans ses écrits, parle de
ses succès sans vanité, et n'indique jamais un
nouveau procédé sans en citer l'auteur. On a de
lui : Parallèle des différentes manières de
tirer la pierre hors de la vessie; Paris, 1730,
1740, in-8°; avec une suite, Paris, 1756, in-8°;
— Observations de Chirurgie, auxquelles on
a joint plusieurs réflexions en faveur des
étudiants; Paris, 1731, 1751, 2 vol. in-12; —
Traité des Opérations de Chirurgie ; Paris,
1731, 1742, in-8°; Bruxelles, 1745, in-8°;
Londres, 1749, in-8° : cette dernière édition
contient des additions de Cheselden; — Ré-
flexions pratiques sur les plaies d'armes à. feu ;
Paris, 1737,1740, 1759, in-12; Amsterdam,
1745, in-12; — Consultations sur la plupart
des maladies qui sont du ressort de la chi-
rurgie ; Paris, 1765, in-8° ; — Traité écono-
mique de l'Anatomie du corps humain; Pa-
ris, 1768, in-12 ; — Récit d'une guérison sin-
gulière de plomb fondit dans la vessie, et
Lettre sur la dissolution du plomb dans cet
organe ; Paris , 1749. Ledran a en outre con-
signé un grand nombre d'observations dans les
Mémoires de l'Académie de Chirurgie. J. V.
Chaudon et Delandine, Dict. vniv Histor., crit. et
Bibliographique.
ledrou (Pierre- Laurent), prélat, et con-
troversiste belge, né à H uy, en 1640, mortà Liège,
le 6 mai 1721. Il fit ses éludes à Louvain, où il
fut reçu docteur. Il prit l'habit religieux chez les
augustins de cette ville, où il professa la théo-
logie avec réputation. Le pape Innocent Xï l'ap
267
LEDROU
pela à Rome, et le nomma préfet de la Propa-
gande. Innocent XII le créa évêque in partibus
de Porphyre. Nommé consulteur dans l'affaire
des jansénistes, il prit parti pour le père Ques-
nel; ce qui lui valut sa disgrâce auprès de la cour
papale. Il termina ses jours, plus qu'octogénaire,
comme vicaire général du diocèse de Liège. On
a de lui quatre Dissertations sur la Contrition
et l'Attrition; Rome, 1707, et Munich, 1708.
A. L.
Moréri, Le Grand Dict. Hist. — Becdelièvre-Hamal ,
Biogr. Liégeoise.
leorc (André-Pierre), naturaliste et histo-
rien français, né à Chantenay ( Maine), le 22 jan-
vier 1761, mort au Mans, le 11 juillet 1825. Il
embrassa fort jeune la carrière ecclésiastique,
et se trouvait vicaire à la révolution , dont il
adopta les principes. Il prêta serment à la cons-
titution civile du clergé en 1791, et fut nommé
curé de la paroisse du Pré au Mans. En 1793 il
se retira d'abord dans sa famille, et vint ensuite
chercher un refuge à Paris. Il obtint du Directoire
l'autorisation d'accompagner comme botaniste le
capitaine Baudin dans son expédition aux Ca-
naries et aux Antilles. Ledru recueillit un grand
nombre de plantes, la plupart inconnues, dont
les échantillons, déposés au Muséum d'Histoire
Naturelle à Paris, ont été presque tous décrits
par Poiret dans l'Encyclopédie Méthodique.
Des collections de graines, de minéraux, de co-
quilles furent encore le résultat de ses recher-
ches. A son retour en France, en 1798, il fut
nommé professeur de législation à l'école centrale
de la Sarthe. Éloigné de l'enseignement public
lors de l'établissement de l'université , il ouvrit
dans sa maison , au Mans, un cours gratuit de
physique et d'histoire naturelle. Possesseur d'une
immense bibliothèque, d'un riche herbier, d'un
jardin botanique dont la création et l'entretien
occupèrent une partie de sa vie, il attirait chez
lui des jeunes gens avides d'instruction. A l'é-
poque de la restauration il vint à Paris, en 1816;
mais il resta sans emploi, et retourna au Mans.
Il a légué à cette ville un herbier de près de
6,000 espèces, composé en grande partie d'échan-
tillons rapportés de son voyage ; cet herbier a
été déposé au muséum de la ville. De Candole
lui a dédié un nouveau genre de la famille des
ombellifères , sous le nom de drusa. On a de
l'abbé Ledru : Discours contre le Célibat ec-
clésiastique;^ Mans, 1793, in8° ;— Histoire de
la Prise du Mansparles calvinistes en 1562,
dans Y Annuaire de la Sarthe, an x; — • Ob-
servations sur l'histoire du Maine, et Cata-
logue des meilleurs ouvrages imprimés ou
manuscrits à consulter pour écrire l'histoire
de cette province , dans le même Annuaire,
an xi et an xn ; — Mémoire sur les Cérémonies
religieuses et le vocabulaire des Guanches,
premiers habitants des îles Canaries; dans
les Mémoires de l'Académie Celtique, t. IV,
lë09j —- Voyage aux iles de Ténériffe, La
- LEDRU 268
Trinité, Saint-Thomas, Sainte-Croix et Porto-
Rico, exécuté par ordre du gouvernement
français de septembre 1796 à juin 1798;
Paris, 1810, 2 vol. in-8°, avec une carte ; — Re-
cherches sur les statues mérovingiennes et
sur quelques autres monuments de l'église
cathédrale du Mans; Paris, 1813, in-8°; —
Notices historiques sur la vie et les ouvrages
de quelques hommes célèbres de la province
du Maine; Le Mans, 1817, 1819, in-8°; —Ana-
lyse des travaux de la Société royale des
Arts du Mans, depuis sa fondation, en 1794,
jîisqu'à la fin de 18iy, lre partie : Sciences
physiques et mathématiques ; Le Mans, 1820,
in-8°. J. V.
N. Desportes, Bibliogr. du Maine. — Sarrut et Saint--
Edme, Biogr. des Hommes du Jour, t. V, Ire partie,
p. 262. — annales du Muséum d Hist. Nut., t. X.
ledru des essarts ( François - Bock,
comte), général français, frère du précédent,
né à Chantenay (Maine), le 17 août 1765, mort
à Champrosay, le 23 avril 1844. Il fit ses études
chez les oratoriens du Mans, et s'engagea comme
volontaire, en 1792, dans le T bataillon de la
Sarthe. Capitaine au bombardement de Lille,
chef de bataillon après la bataille de Wattignies
(16 octobre 1793), chef de brigade à la bataille
de La Trebia, général de brigade après la ba-
taille d'Austerlitz , et général de division le
31 juillet 1811, il prit part à toutes les cam-
pagnes de la révolution et de l'empire, de 1792 à
1815, et se distingua particulièrement au pas-
sage du Tagliamento, à Austerlitz, à ïéna, à
Eylau, à Heilsberg, à Ebersberg, à Wagram, à
Krassnoï, dont il s'empara, à la Moskowa, à
Smolensk, à la Berezina, qu'il passa le dernier,
à Bautzen , à Leipzig et à Hanau. Enfin, il com-
battait encore sous les murs de Paris. Ses ser-
vices lui avaient valu le titre de baron et de comte.
Sous la première restauration il fut chargé de la i
réorganisation de quatre régiments d'infanterie.
Pendant les Cent Jours en 1815 il commanda une
division à l'armée des Alpes sous les ordres du ma-
réchal Suchet. En 1817 il organisa les régiments
suisses quela France venait de prendre à sa solde.
L'année suivante, il fut nommé inspecteur gé-
néral, puis il reçut le commandement delà sep-
tième division militaire, dont le quartier général
était à Grenoble. Il parvint à calmer les esprits
dans cette ville, et en 1819 il fut remplacé par
le général Pamphile Lacroix (voy. ce nom).
Depuis il fut constamment employé dans les ins-
pections. En 1830 il accepta la mission difficile
de licencier les régiments dits de la Charte,
qui s'étaient créés spontanément en quelque
sorte après la révolution. Il en forma neuf ba-
taillons d'infanterie légère, qu'il dirigea successi-
vement sur les régiments auxquels ils étaient
destinés. Avec les militaires licenciés de l'ex-
garde royale, il forma les 65e et 66e régiments
de ligne, qui se distinguèrent à Anvers, à Ancône
et à Oran, Enfin, il organisa le quatrième bataillon
i69
LEDRU
270
de chacun des régiments qui vinrent successi-
vement en garnison à Paris et dans la première
division militaire. L'âge le fit passer dans la
deuxième section de l'état-major général, et le
Il septembre 1835 le roi l'éleva à la dignité de
pair de France. L. L— t.
Sarrut et Saint-Edme, Biogr. des Hommes du Jour,
t. V, Ire partie, p. 247. — Moniteur du 8 mai 1844.
ledru (Nicolas-Philippe), connu sons je
nom de Cornus, physicien français, né à Paris,
en 1731. mort dans la même ville, le 6 octobre
1807. Ses parents ayant perdu leur fortune, il
s'imagina de tirer parti de ses connaissances et
de son adresse en associant quelques tours de
dextérité à des expériences de physique qu'il
faisait et répétait avec Delori, professeur de
physique. En 1751 Ledru partit pour la province,
où il prit le nom de Cornus. Ce voyagé fut une
sorte d'apprentissage pour lui; lorsqu'il se crut
assezfort, il revint à Paris, où il donna des séances
publiques : il obtint les plus grands succès.
Louis XV, qui jusqu'à sa mort s'amusa des
expériences de Ledru, le fit appeler près du
jeune duc de Bourgogne, et lui donna le brevet
de professeur de physique des enfants de France.
Lorsque Ledru passa en Angleterre, en 1766, le
gouvernement français le chargea de remettre au
comte de Guerchy, ambassadeur à Londres, des
papiers importants que l'on craignait de lui
adresser par un simple agent. Les expériences
de Ledru sur l'aimant nécessitaient la cons-
truction d'instruments particuliers; mécontent
de ceux qu'il avait fait faire à Paris, il fit cons-
truire, pendant son séjour en Angleterre, d'après
ses procédés, par Kamsden et Nairn, plusieurs
appareils, notamment des boussoles horizontales
et verticales. C'est sur un modèle de lui que
fut faite l'aiguille d'inclinaison dont le capitaine
Philips se servit dans son voyage au pôle boréal
en 1773. Au retour de son voyage d'Angleterre,
Ledru obtint du roi un brevet pour aciérer le
fer à la manière de Knight et des Anglais, et
pour l'établissement d'une manufacture d'ins-
truments de physique en tous genres. Peu de
temps après , il reçut l'ordre de compulser au
dépôt des cartes de la marine les pièces qui y
étaient déposées et les différents cartons qui
contenaient des observations magnétiques, pour
en rendre compte au roi. Il recueillit près de
deux millions de pièces qui lui servirent à com-
poser des cartes magnétiques, dont il remit des
exemplaires manuscrits à Lapérouse, à qui il donna
aussi différents instruments en 1785.
Ses études avaient mis Ledru en état de faire
une infinité de tours et d'expériences plus amu-
santes les unes que lesautres. Dès 1772 il montra,
dans ses séances publiques, des effets de fantasma-
gorie ; mais au lieu de faire apparaître des spectres,
il ne faisait voir que des choses agréables. Lorsque
l'empereur Joseph II vint à Paris, en 1777, Ledru
exécuta devant lui quelques expériences nouvelles
sur la propagation du son, la lumière, l'ombre et
les couleurs , ainsi que la décomposition de la
lumière sans prisme ni verre. Ledru appliqua
avec succès l'électricité à différentes affections
nerveuses et à d'autres maladies; sept médecins
de la faculté de Paris furent nommés sur sa de-
mande pour examiner ses traitements. Cette
commission choisit, le 3 août 1782, à Bicêtre e!
à la Salpêtrière, treize épileptiques dont les accès
étaient fréquents et journaliers; ces malades
furent mis dans une maison particulière et
confiés aux soins de Philippe Ledru. Les mé-
decins suivirent le traitement de ces épileptiques,
et le 29 août 1783 ils firent un rapport favo-
rable , qui fut imprimé par ordre et aux frais
du gouvernement. Il porle pour titre : Rap-
port de MM. Cosnier, Maloet, Bar cet , Phi-
lip, Lépreux, Besessartz et Paulet, doc-
teurs régents de la faculté de médecine de
Paris, sur les avantages reconnus delà nou-
velle méthode d'administrer V électricité dans
les maladies nerveuses, particulièrement
dans Vépilepsie et dans la catalepsie, par
M. Ledru, connu sous le nom de Cornus ; pré-
cédé de V aperçu du système de l 'auteur sur
l'agent qu'il emploie et des avantages qu'il
en a retirés; Paris, 1783, in-8". Ce rapport
valût à Philippe Ledru, ainsi qu'à ses fils, le titre
de physicien du roi et de la faculté de méde-
cine de Paris. Un établissement considérable
fut formé dans l'ancien couvent des Célestins à
Paris, où Ledru exerçait publiquement son trai-
tement. Cet établissement, dirigé plus tard par
son fils et, transporté rue Neuve-Saint-Paul, exis-
tait encore en 1810; mais, depuis, ce système
tomba dans l'oubli. L'attachement que Ledru
portait au roi lui valut une réclusion sous le
régime révolutionnaire; en sortant de prison, il
alla se fixer à Fontenay-aux-Roses, où il se livrait
à la botanique, et s'appliquait à concilier la chi-
mie moderne avec l'alchimie et à donner une
suite à son système magnétique. « Né excessi-
vement laborieux, dit un biographe, il employait
tous les jours douze heures au travail ; doué
d'une grande sobriété, et vivant économique-
ment , sa fortune étoit partagée entre les pauvres
et l'étude. Ennemi de l'intrigue et de l'ambition,
Ledru ne sollicita jamais, ni pour lui ni pour
ses enfants, aucune faveur du gouvernement...
Ses expériences et ses observations magnétiques
sont innombrables; la majeure partie de son
système se trouve confirmée par le voyage de
LaPérouse, auquel il avoit donné des mémoires
très-détaillés à ce sujet. La plus grande décou-
verte qu'il ait faite en ce genre , et dont il avoit
donné, sous le secret, communication à Buffon
et Lemonnier, et à ses amis intimes Rouelle et
Darcet, c'est d'avoir à toute heure, par un pro-
cédé simple et peu dispendieux, sans boussole
et sans aimant, la direction magnétique et son
inclinaison avec plus de justesse et de certitude
que si l'on employoit les meilleurs instruments. »
Son talent d'observation était tel qu'il parais
271 LEDRU
sait, dit-on, deviner la pensée des individus en
les fixant. Il avait beaucoup d'adresse et de
dextérité comme prestidigitateur, et son élocu-
tion facile était pleine de charme. L. L — t.
Chaudon et Delandine, Dict. univ. Hist., Crit. et bi-
bliogr. — Orfila, dans la Uiogr. Médicale. — Biogr. univ.
et portât, des Contemp.
* ledrc-rollin (Alexandre - Augus te),
homme politique français, petit-fils du précé-
dent, né à Paris, le 2 février 1808. Son père,
Jacques-Philippe Ledru, membre de l'Académie
de Médecine et de la Société des Antiquaires, le
destina à la carrière du barreau. Alexandre Le-
dru fit de bonnes études, suivit les cours de l'é-
cole de droit, fut reçu licencié et docteur en
droit, et prêta le serment d'avocat en 1830.
C'est alors que pour se distinguer de son con-
frère, M. Charles Ledru, il ajouta à son nom
celui de Rollin, qui était le nom de sa bisaïeule
maternelle. Après l'insurrection de juin 1832,
M. Ledru-Rollin rédigea une consultation contre
l'état de siège, qui, au mépris de la charte constitu-
tionnelle, enlevait les citoyens à leurs juges natu-
rels et les soumettait à la juridiction des tribunaux
militaires. La cour de cassation, sur la plaidoirie
de M. O. Barrot, admit les principes de M. Le-
dru-Rollin, et cassa les jugements de la justice
exceptionnelle, pour renvoyer les accusés devant
lejury. Alasuite des journées d'avril 1834, M. Le-
dru-Rollin publia une brochure sur ces événe-
ments. Elle eut un grand succès, et depuis lors
M. Ledru-Rollin mit son talent à la disposition
de tous les républicains poursuivis par le gou-
vernement de Louis - Philippe. Défenseur de
M. Caussidière devant la cour des pairs pour
les affaires de 1834, il parla encore devant la
même cour en faveur de Lavaud , compromis
dans l'affaire du régicide Meunier, et plaida pour
M . Dupoty , rédacteur du Journal du Peuple, im-
pliqué comme complice dans l'affaire de Quénis-
set, à cause des articles de son journal. M. Le-
dru Rollin défendit aussi devant la cour d'assises
les journaux de son opinion; ainsi, en 1835,' il
plaida pour La Nouvelle Minerve; en 1838, il
défendit Le Charivari, qui avait mal parlé du
projet de loi de dotation du duc de Nemours; le
Journal du Peuple, accusé de provoquer conti-
nuellement à l'insurrection et au renversement
de la propriété ; en 1847, il défendît La Réforme,
pour un article où ce journal, à propos de l'as-
sassinat de la duchesse de Praslin, disait « qu'en
tournant les yeux vers les hautes régions, il n'é-
tait pas un crime , une bassesse , un opprobre
qui depuis six mois n'y eût laissé son empreinte, »
et ajoutait qu'on devait « y reconnaître la ven-
geance tardive, mais inévitable, de tous les sen-
timents d'honneur, de droit, de justice et de
morale qu'on s'était plu à fouler aux pieds ».
Ses plaidoiries politiques, dans lesquelles il était
trop vif pour obtenir beaucoup de succès , ne
l'empêchaient pas de s'occuper d'affaires ordi-
paires. En J837 il nvfut pris la. «lireçtion du
LEDRU-ROLLIN 272
Journal du Palais, dont il donna une nouvelle
édition, et fit faire la table générale, en tête de
laquelle il mit une introduction remarquable.
En 1838 il acheta une charge d'avocat à la cour
de cassation, qu'il revendit en 1841, et eut la
rédaction en chef du journal Le Droit. Plus
tard il fit paraître un ouvrage important sur le
droit administratif.
En 1839 M. Ledru-Rollin se présenta comme
candidat à la députation devant le collège de
Saint-Valéry ( Seine-Inférieure ). A cette époque
tous les partis de l'opposition, coalisés contre le
ministère Mole, se prêtaient appui dans les élec-
tions. M. O. Barrot patrona donc M. Ledru-Rol-
lin auprès des électeurs de Saint-Valéry ; mais
la profession de foi de M. Ledru-Rollin fut trou-
vée trop avancée par des électeurs influents, et
il échoua de onze voix. Deux ans après il fut
désigné aux électeurs du second collège du Mans
comme digne de succéder à Garnier-Pagès, qui
venait de mourir. Sa profession de foi était har-
diment républicaine, et il fut élu à l'unanimité
moins trois voix. Un discours qu'il avait pro-
noncé dans une réunion au Mans, et qui fut
imprimé dans Le Courrier de la Sarthe , fut
poursuivi. L'affaire fut renvoyée pour cause
de suspicion légitime devant la cour d'assises
de Maine-et-Loire. En plaidant devant la cour
de cassation contre l'arrêt de renvoi, M. Ledru-
Rollin adressa cette apostrophe virulente au
procureur général : « Procureur général , qui
vous donne l'investiture? Le ministère. Moi,
électeur, je ehasse les ministres. Au nom de qui
parlez-vous? Au nom du roi. Moi, électeur,
l'histoire est là pour le dire, je fais et défais les
rois. Procureur général, à genoux ! à genoux
donc devant ma souveraineté! Discuter mon
impartialité , c'est porter la main sur ma cou-
ronne électorale. » M. Ledru-Rollin comparut
devant lejury à Angers le 23 novembre; quoi-
que défendu par MM. O. Barrot, Berryer,
Marie et Arago, il fut condamné à quatre mois
de prison et 3,000 f. d'amende. La cour de
cassation cassa cet arrêt, pour vice de forme,
et renvoya M. Ledru-Rollin devant la cour d'as-
sises de la Mayenne, où il fut acquitté.
M. Ledru-Rollin était entrée la chambre « la
lance au poing et la visière baissée, » suivant son
expression : il avait prêté serment à la royauté
constitutionnelle et à la charte ; mais ce n'était
pas sans doute sans restriction. Il fut réélu au
Mans en 1842 et en 1846. Isolé avec l'opposi-
tion républicaine, il eut à lutter contre tous les
partis, et il n'avait pas assez de souplesse pour
se maintenir entre eux et« faire compter son ap-
point » ; aussi son influence fut-elle à peu près
nulle à la chambre; doué du moins d'une force
herculéenne, il parvenait à prendre et à garder la
parole de haute lutte, et ses discours avaient
un grand retentissement dans le pays, notam-
ment lorsqu'il pailasur le budget et sur les fonds,
secrets, sur les mauvais traitements infligés aux
273
LEDRU-ROLLW
274
prisonniers politiques, sur les chemins de fer,
contre les fortiiications de Paris , contre la loi
de régence, contre le projet de refonte des mon-
naies de cuivre et de billon, contre l'indem-
nité Pritchard, contre la flétrissure infligée aux
légitimistes qui étaient allés saluer M. le comte
de Chambord à Belgrave-Square : « leurs regrets
s'excusent, disait-il, par le dégoût du pré-
sent ». Il traita encore la question de l'escla-
vage , la question suisse et du Sonderbund , le
droit de réunion, et les questions sociales, dans
lesquelles il se constituait le défenseur des tra-
vailleurs. M. Ledru-Rollin ne rencontrait guère
de sympathie non plus dans la presse cautionnée.
Le National lui-même ne se gênait pas pour l'at-
taquer, et combattait surtout ses manifestations
en faveur des classes laborieuses. M. Ledru-
Rollin sentit la nécessité de s'appuyer sur un nou-
vel organe quotidien : il fonda La Réforme, dont
M. Flocon prit la direction. Cejournal, que M. Le-
dru-Rollin soutint à la fois de sa bourse, de sa
plume et de sa parole devant le jury, ne demandait
pas seulement des réformes politiques, il voulait
surtout des réformes sociales. Dans un manifeste
publié à la fin de la session de 1 845, M. Ledru-
Rollin posa la question sociale de la manière sui-
vante : « Les travailleurs ont été esclaves , ils ont
été serfs, ils sont aujourd'hui salariés ; il faut
tendre à les faire passer à l'état d'associés...
L'État, jusqu'à ce que les prolétaires soient éman-
cipés, doit se faire le banquier des pauvres... Au
citoyen vigoureux et bien portant l'État doit le
travail; au vieillard, à l'indigent, il doit aide et
protection. » C'est ainsi qu'en dehors de la po-
litique, et pendant qu'on le peignait dédaigneu-
sement comme un général sans soldats, M. Ledru-
Rollin devenait le chef d'un parti puissant dans
les masses. Son père lui avait laissé une certaine
fortune, et il avait fait en 1843 un riche mariage
avec la fille d'un Français et d'une Anglaise
élevée en Angleterre, qui s'était enthousiasmée de
son talent. Arago et M. de Lamartine avaient
été ses témoins. Mais il avait vendu à perte sa
charge d'avocat aux conseils du roi , et il
compromettait sa fortune par ses préoccupa-
tions politiques. Il ne négligeait aucune occasion
de prendre part aux manifestations républi-
caines : il suffira de citer son discours au ban-
quet organisé par Le National en l'honneur
d'O'Connell , l'allocution prononcée par lui sur
la tombe de Godefroy Cavaignac, et ses comptes-
rendus aux électeurs du Mans. En 1846, après sa
réélection , il leur adressa un manifeste que La
Réforme intitulait Appel aux Travailleurs,
dans lequel il faisait une vive peinture de la mi-
sère des classes ouvrières, et leur offrait pour
remède le suffrage universel.
Promoteur ardent de toutes les réunions
réformistes, M. Ledru-Rollin avait été invité en
1847 par le comité du banquet de Lille à se
rendre dans cette ville, où toutes les nuances de
l'opposition parlementaire avaient été convo-
quées. MM. O. Barrot, Lestiboudois et autres
membres de l'opposition dynastique voulaient
qu'on sebornâtà boire « à la vérité, à la sincérité
des institutions conquises en juillet!» Le comité
refusa de restreindre ainsi le champ de la dis-
cussion, et les députés du centre gauche se re-
tirèrent en protestant. M. Ledru-Rollin, resté
maître du terrain, porta ce toast : « A l'amé-
lioration des classes laborieuses ! » Et il déve-
loppa son idée dans une chaleureuse improvisa-
tion, qui se résumait par ces mots : « Liberté
pour tous, liberté de conscience, liberté de
pensée, liberté d'association ! «Quelques jours
après, il obtint un succès analogue à Dijon, en
proclamant l'indépendance pour tous par ces
mots: Liberté, Égalité, Fraternité, et signalait
dans son discours, « avec l'urgence des réformes,
la nécessité du vote direct et universel, comme
pouvant seul être l'expression véritable et sin-
cère des droits, des vœux, des intérêts de tous ».
Au banquet de Châlons, il lit un pompeux éloge
des actes de la Convention.
Le 24 février 1848 devait naturellement lui
donner le pouvoir. Il arriva à la chambre des
députés au moment où l'on discutait la régence
de la duchesse d'Orléans : s'emparant aussitôt
de la tribune, il y reprit lentement la proposition
d'un gouvernement provisoire déjà émise avant
lui, la laissa développer par M. de Lamartine,
jusqu'à ce qu'enfin l'invasion de la salle des
séances de la chambre par les masses popu-
laires assurât le succès de cette proposition.
M. Ledru-Rollin fut porté un des premiers sur
la lis te des membres du gouvernement provisoire
par les acclamations de la foule. Il ne tarda pas
à sentir le poids de cette lâche, si, comme on
l'assure, il dit à M. de Lamartine en montant
les marches de l'hôtel de ville : « Nous allons
au calvaire. » S'il avait pressenti le caractère so-
cial de la révolution nouvelle , il n'en avait sans
doute pas prévu toutes les conséquences : la
proclamation de la république et l'admission du
suffrage universel lui avaient semblé devoir
donner le remède à tous les maux de la société.
Mais d'un côté il avait à lutter contre ceux qui ,
satisfaits de la forme républicaine, ne voyaient
aucune nécessité de changer les formes de la
société, et de l'autre contre ceux qui, attachant
peu de valeur aux formes politiques, demandaient
le bouleversement des relations du travail avec le
capital. Chef de ceux-ci par ses tendances, M. Le-
dru-Rollin dut rester l'allié des premiers par sa
position; il voulut garder des ménagements avec
les uns comme avec les autres; il perdit sa po-
pularité, sans cesser d'être l'effroi des classes
bourgeoises. Dès l'origine les membres du
gouvernement provisoire , qui représentaient
des opinions fort diverses, s'étaient promis, pour
éviter tout bouleversement , de se faire toutes les
concessions nécessaires. M. Ledru-Rollin resta fi-
dèle à cet engagement, et prit sa part de responsa-
bilité des décrets signés par ses collègues. Il cop<
275 LEDRU
tribua donc à l'abolition de la peine de mort en
matière politique, à la reconnaissance du droit au
travail, à l'abolition de l'esclavage, à la création
de la commission des travailleurs , à la réduction
des heures de la journée detravail, à l'abolition de
l'exercice sur les boissons et d'une partie des
droits d'octroi, a l'abolition de la contrainte
par corps, et à l'établissement d'un impôt gêne-
rai de 4 5 centimes sur les contributions direc-
tes, à laplace duquel il avait demandé un impôt
particulier de 1 franc 20 centimes sur les ri-
ches, etc.
M. Ledru-Rollin s'était chargé tout d'abord du
ministère de l'intérieur, et s'y était installé. Il
nomma les commissaires chargés d'aller inau-
gurer le nouveau gouvernement dans les dé-
partements, et ses choix ne furent pas toujours
heureux. 11 prit une part active à l'organisation
du suffrage universel. Le 16 avril il fit battre le
rappel, et sauva le gouvernement provisoire 'il alla
lui-même protéger les presses de M. E. de Girardin,
qui avait fortement attaqué dans La Presse les
actes du gouvernement provisoire. M. Ledru-
Rollin assista à la plantation d'un grand nombre
d'arbres de la liberté; il y fit des discours, et y
plaida le retour des soldats dans la capitale.
Dans des circulaires adressées aux commissaires
de la république, et signées de son nom, quoi-
qu'elles paraissent rédigées par M. Jules Favre,
son secrétaire général, il donnait des pouvoirs
étendus à ces agents ; établissant des distinctions
entre les vainqueurs et les vaincus de Février,
entre les hommes de la veille et ceux du lende-
main , il semblait vouloir exclure les derniers
des élections et des emplois. Ces circulaires cau-
sèrent une vive émotion dans le pays. M. de La-
martine parvint à la calmer par quelques pa-
roles modératrices ; les effets ne répondirent pas
d'ailleurs aux menaces.
Les élections furent retardées ; les partis op-
posés à la république eurent le temps de se re-
connaître et de se coaliser, les influences eurent
le temps d'agir, et peu de républicains ardents
arrivèrent à la Constituante. Le ministère de l'in-
térieur publiait aussi, à l'usage du peuple des
campagnes, un petit journal placard, intitulé Bul-
letin de la République. Mme George Sand s'éiait
chargée de sa rédaction. Quelques-uns de ces
bulletins exagérèrent les doctrines proconsulaires
des circulaires de M. J. Favre, et l'effet en fut
désastreux pour M. Ledru-Rollin, qui ne trouva
qu'un appui précaire même dans le parti dont il
avait caressé les tendances. Poursuivi par les
attaques de la presse, chargé d'accusations con-
tradictoires , M. Ledru-Rollin fut élu à Paris
par 132,000 voix, et de plus en Algérie et dans
le département de Saône-et-Loire, sous la protec-
tion de M. de Lamartine, dont la popularité était
alors à son apogée.
Après la réunion de l'Assemblée constituante,
M. Ledru-Rollin, comme tous ses collègues, vint
rendre compte des travaux de son ministère et
ROLLIN 276
de la situation politique. Il reçut un accueil dés
plus froids. Néanmoins, il fut maintenu dans la
commission du pouvoir exécutif par l'interven-
tion de M. Lamartine; sur la liste de cinq noms,
le sien fut le dernier. La journée du 15 mai
acheva de ruiner sa popularité. Elle avait pour
but, comme la manifestation du 16 avril, de for-
tifier le parti de la violence, avec les chefs du-
quel il avait certainement des relations. M. Le-
dru-Rollin fit pourtant de grands efforts pour
calmer le peuple et prévenir l'invasion de l'As-
semblée; n'ayant pas réussi, il se rendit aussi
vite que M. de Lamartine à l'hôtel de ville
pour y représenter le gouvernement légal, dont
il faisait partie , malgré le conseil qui lui était,
dit-on , donné par quelques représentants de
prendre la présidence pour sauver la France
de l'anarchie. L'émeute ayant été repoussée, les
uns en voulaient à M. Ledru-Rollin de l'avoir
laissée échouer, les autres de l'avoir laissée s'or-
ganiser. M. Ledru-Rollin resta au pouvoir sous
le coup d'une grande suspicion. Il se fit remar-
quer à la tribune par un discours véhément
contre l'admission du prince Louis-Napoléon
Bonaparte dans l'Assemblée et par une défense
de MM. Louis Blanc et Caussidière, que le mi-
nistère public demandait l'autorisation de pour-
suivre à l'occasion de l'attentat du 15 mai. L'in-
surrection de juin renversa la commission du
pouvoir exécutif, et le 24 juin, le pouvoir tout en-
tier ayant été remis par l'Assemblée au général
Cavaignac, M. Ledru-Rollin ne garda plus que son
titre de simple représentant. II put se défendre
alors plus librement, ainsi que ses amis, et recon-
quérir quelque influence. Il prononça son apologie
à propos du rapport de la commission d'enquête,
défendit encore MM. Caussidière et Louis Blanc
contre une nouvelle demande en autorisation de
poursuites, qui cette fois fut accordée; il parla
contre le rétablissement du cautionnement des
journaux, contre l'état de siège, pour le droit au
travail ; il interpella le pouvoir sur l'entrée de
MM. Dufaure et Vivien au ministère, donna des
explications sur les journées de juin dans une
discussion élevée contre le général Cavaignac, et
enfin il protesta contre l'intervention de la France
dans les affaires de Rome. M. Ledru-Rollin de-
vait être un des candidats à la présidence de la
république. Il essaya de se rapprocher des chefs
socialistes dans un banquet des écoles ; mais
le parti avancé lui gardait rancune , et après
une vive querelle entre La Voix du Peuple de
M. Proudhon et La Révolution démocratique et
sociale, la candidature de M. Raspail fut posée
comme celle du parti socialiste. M. Ledru-Rollin
obtint seulement 370,119 suffrages.
Après l'élection présidentielle du 10 décembre
1848, M. Ledru-Rollin combattit avec une viva-
cité nouvelle la politique de la majorité de l'As-
semblée constituante. Il s'éleva à plusieurs re-
prises contre les pouvoirs donnés au général Chan-
garnier, attaqualapolitique extérieure du nouveau
277
LEDRU-R0LL1JN
278
gouvernement, et repoussa l'application rétroac-
tive de la juridiction de la haute cour de justice
aux Faits du lô mai, soutint la liberté d'associa-
tion, et défendit la légalité de la société dite la So-
lidarité républicaine , dont plusieurs membres
faisaient partie de l'assemblée; il reproduisit à la
tribune le discours qu'il avait prononcé au ban-
juet du Chalet contre la politique du ministère
Odilon Barrot, et, amené à justifier sa conduite
comme membre du gouvernement provisoire ,
contre M. Denjoy, il eut à terminer ces débats
par un duel avec son adversaire. La question de
Rome le fit plusieurs fois encore monter à la tri-
bune. En même temps il portait l'agitation élec-
torale sur différents points de la France. Aux
banquets du Mans, de Châteaurou\ et de Moulins,
sa parole parvint encore à émouvoir les masses
ouvrières. Comme il sortait de recevoir des ova-
tions populaires à Moulins , sa voiture fut atta-
quée par des gardes nationaux en armes, percée
de coups de baïonnette , de sabre ou d'épée , et
atteinte de projectiles de toutes sortes, auxquels
il n'échappa que par miracle, lui et ses amis. Le
récit de cet attentat, fait avec modération par
M. Ledru-Rollin lui-même, émut l'assemblée; des
poursuites furentordonnées : elles aboutirent à un
acquittement. Les élections à l'Assemblée législa-
tive attestèrent un retour de l'opinion publique
vers Ledru-Rollin. Il fut élu dans cinq dépar-
tements , le premier dans le département de
Saône-et-Loire , le deuxième dans le départe-
ment de la Seine, le quatrième dans le Var, le
cinquième dans l'Allier, et le huitième dans l'Hé-
rault ; mais, chose remarquable, la Sarthe, qu'il
représentait sous la monarchie, lui demeura infi-
dèle, comme en 1848. Le 28 mai 1849, le bureau
del'Assemblée constituante, resté en permanence,
céda le pouvoir législatif à l'Assemblée législative.
M. de Keratry présida provisoirement, comme
doyen d'âge. M. Dupin aîné fut élu président
par 336 voix, M. Ledru-Rollin en obtint 182. A
peine la nouvelle assemblée était-elle réunie que
de violents orages furent soulevés. Après une
vive sortie contre le général Changarnier, M. Le-
dru-Rollin interpella le gouvernement sur les évé-
nements de Rome , le 7 juin 1849. Ensuite il dé-
posa une protestation au nom de l'article 5 de la
constitution, qui défendait toute guerre contre les
nationalités étrangères, et terminait par ces mots :
« La constitution est violée : nous la défendrons
par tous les moyens, même par les armes. » En
même temps il demandait la mise en accusation
du président et des ministres. Le 1 1 juin, un
ordre du jour pur et simple, voté par 361 voix
contre 203, termina la discussion sur les affaires
de Rome. Le 12 la mise en accusation du gou-
vernement fut repoussée par 377 voix contre 8 :
la montagne s'était retirée. Le 13 une proclama-
tion de la montagne au peuple français fut ré-
digée : elle déclarait « hors de la constitution le
président de la république , les ministres et la
partie dq l'Assemblée qui s'était rendue leur com-
plice; » elle invitait la garde nationale à se lever,
les ateliers a se fermer, le peuple à rester debout.
Le même jour, M. Ledru-Rollin descendait dans
la rue avec d'autres représentants , et se rendait
au Palais-Royal, d'où il se dirigea vers le. Conserva-
toire des Arts et Métiers, accompagné de M. Gui-
nard ( voy. ce nom ) et de quelques centaines
d'artilleurs de la garde nationale de Paris. Au Con-
servatoire, les insurgés, qui manquaient de mu-
nitions, perdirent du temps à se faire ouvrir les
grilles, gardées par un simple poste de ligne. Ils
avaient, espéré trouver de l'appui dans la garde
nationale du quartier; cet appui leur manqua.
Enfin les troupes arrivèrent du boulevard, re-
poussèrent les premiers défenseurs de l'insur-
rection, et les représentants s'échappèrent à
travers les jardins en passant par un vasistas de
la salle où ils étaient réunis. Leur appel à l'insur-
rection avait à peine eu le temps d'être affiché.
Tous les représentants dont les noms figuraient
au bas furent renvoyés devant la haute cour, qui
se réunit à Versailles, à l'exception seulement de
ceux qui prouvèrent que leur nom avait été mis
sans leur autorisation. M. Ledru-Rollin resta
caché dans Paris, au vieux Louvre, dit-on,
puis dans la banlieue , à La Châtre, ajoute-t-on;
enfin, il gagna la frontière , et passa en Angle-
terre, d'où il adressa une protestation contre
l'arrêt qui le traduisait devant la haute cour.
Celle-ci le condamna par contumace à la dépor-
tation.
Depuis lors M. Ledru-Rollin vécut à Londres,
des restes de sa fortune et du produit de sa
plume : il est un des principaux rédacteurs
de La Voix du Proscrit. Uni à MM. Kossuth,
Mazzini et Ruge , il forma un comité révolution-
naire destiné à centraliser les efforts de la démo-
cratie européenne. Des dissensions ne tardèrent
pas cependant à se faire sentir entre les exilés, et
des discussions très-vives éclatèrent entre, les parti-
sans de M. Ledru-Rollin et ceux de M. Louis Blanc.
Dans une brochure publiée en 1 851 , à propos des
bruits de révision de la constitution, M. Ledru-
Rollin fit connaître ses nouvelles idéespolitiques.
Il proposait le gouvernement direct du peuple, en
ces termes : « Le peuple exerce sa souveraineté
sans entraves , dans les assemblées électorales ,
telles que la police en a été réglée par. la constitu-
tion de 1793; il a, dans les termes de cette même
constitution, l'initiative des lois qu'il juge utiles;
il vote expressément les lois , adoptant ou re-
jetant par oui ou par non les lois discutées
et préparées par son assemblée de délégués;
une assemblée de délégués ou commissaires,
nommés annuellement, prépare les lois, et pour-
voit par des décrets aux choses secondaires et
de grande administration; un président du pou-
voir exécutif, chargé de pourvoir à l'application
de la loi et des décrets , de choisir les agents
ministériels , est élu et révoqué par l'assemblée
des délégués. » M. Ledru-Rollin maintenait ainsi la
séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir lé-
279
gislatif , mais il soumettait incessamment le pre-
mier au second , et le second au peuple entier. Il
distinguait aussi les lois des décrets, et ne voulait
pas d'un peuple administrant, légiférant ou ju-
geant , mais seulement d'un peuple sanctionnant
et surveillant. « Il y aurait oppression et chaos,
ajoute-t-il, dans tout État où le peuple garderait
l'administration des affaires particulières et l'exé-
cution de ses propres lois. » En 1857 M. Ledru-
Rollin fut impliqué avec M. Mazzini dans un com-
plot contre la vie de l'empereur Napoléon III, et,
malgré ses protestations dans la presse anglaise ,
poursuivi devant la cour d'assises de la Seine , il
fut condamné de nouveau, par contumace, à la dé-
portation à perpétuité. Un des accusés avait dé-
claré que Mazzini lui avait dit, en l'envoyant à
Paris pour frapper l'empereur, que Ledru-Rollin
assurait que l'empereur ne sortait pas le soir. Cet
accusé disait en outre qu'un étranger assistait à
cette conférence ; mais il déclarait ne pas connaî-
tre M. Ledru-Rollin. Un autre individu avait dé-
posé que M. Ledru-Rollin lui avait fourni i'ar-
gent pour revenir en France, sur la déclaration qu'il
voulait tuer l'empereur. Les motifs de l'arrêt
admirent ces deux, déclarations. Cette accusation
de complicité de meurtre pouvait entraîner
l'extradition. L' Angleterre la refusa ; et sir G. Grey,
dans les explications qu'il dut donner au parle-
ment sur cette affaire, déclara que «après avoir
examiné les procédures, le gouvernement anglais
était arrivé à cette conclusion qu'il n'existait point
en Angleterre de preuves suffisantes pour justifier
l'arrestation des personnes accusées de conspira-
tion de meurtre. »
Les travaux de jurisprudence de M. Ledru-
Rollin ont pour titres : Journal du Palais, re-
cueil le plus ancien et le plus complet de la
Jurisprudence française, nouvelle et 3e édition,
revue par M. Ledru-Rollin, 1791 à 1837, 27 vol.
grand in-8° ; la suite, publiée sous la direction de
M. Ledru-Rollin, de 1837 à 1847, forme 17 vol.
m_8°; — Jurisprudence administrative en
matière content ieuse, de 1789 à 1831, 7 vol.
grand-in-8°; t. VIII, Paris, 1844; tome IX, 1846,
allant jusqu'en juin 1845; — Jurisprudence
française, répertoire général du Journal du
Palais. Introduction : De l'influence de l'é-
cole française sur le droit au dix -neuvième
siècle; Paris, 1844, in-4° : cet ouvrage est la
préface de la table générale du Journal du Pa-
lais, publiée sous ce titre : Répertoire général
contenant la Jurisprudence de 1791 à 1845,
l'histoire dit droit , la législation et la doc-
trine des auteurs , par M. Ledru-Rollin, puhlié
par E.-F. Patris; Paris, 1843-1848, 8 vol in-4°.
On a en outre de M. Ledru-Rollin : Consultation
contre l'état de siège ; Paris, 1832, in-4°; —
Mémoire sur les événements de la rue Trans-
nonain, dans les journées des 13 et 14 avril
1834; Paris, l«34,in-8°; — Profession de foi
de M. Ledru-Rollin, député, élu à l'unanimité
•moins trois voix successeur de Garnier-Pagès ;
LEDRU-ROLLIN — LEDUC 280 j
1841, in-8°; — Diseours prononcé devant les !
électeurs du deuxième collège du Mans, le
24 juillet 1841 ; 1841, in-80; — Cour des Pairs:
plaidoirie pour M. Dupoty, rédacteur en chef
du Journal du Peuple; Paris, 1841, in-8°;
— Lettre de M. Ledru-Rollin à M. de Lamar-
tine sur l'État, l'Église et V Enseignement;
réflexions du journal La Réforme et Ré-
ponse de M. Ledru-Rollin; 1844,in-8°; — Aux
Travailleurs ; adhésion à l'appel de La Ré-
forme; 1844, in-32 et in-18 ; — Allocution aux
Électeurs du deuxième Collège de la Sarthe;
1845, in-8°; — Du Paupérisme dans les cam-
pagnes, et des Réformes que nécessite l'extinc-
tion de la mendicité; 1847, in-8°; — Le.
peuple souverain au journal Le Constitu-i
tionnel; 1848, in-8°; — Discours prononcé au<
banquet du Chalet, le 22 septembre 1848,
suivi des remerciements de F.-V. Raspail;
1848, in-32 ; — Réponse à mes calomniateurs ;
1848, in-fol.; — : A la Révolution! toast pro->
nonce au banquet des écoles ; 1848, in-fol.; -^1
Le 13 juin 1849; 1849, in-18; — De la Déca-
dence de l'Angleterre; Paris, 1850, 2 vol.i
in-8°; — La Loi anglaise, 2 vol. in-8°; — -
Du Gouvernement direct du Peuple; Paris,.
1851, in-8°; — La nouvelle Alliance, libeller
clandestin. M. Ledru-Rollin a aussi donné des-
articles à YAlmanach démocratique, 1844,i.
1845 et 1846, et à YAlmanach républicain,.
1850. L. Louvet.
Ledru Rollin, sa vie politique dévoilée; 1848.— Biogr.
statistique de la Chambre des Députés. — Lesaiilnieiy.
Biogr. des 900 Députés à l'assemblée nationale.— lîiogr.
des 900 Représ, à la Constituante. — Biogr. des 7S0 Repr. \
à V Assemblée législative. — Pouillet, Note sur ce quii
s'est passé au Conservatoire des Arts et Métiers le 13 :
juin 1849. — Guinard, Lettre au Rédacteur du National':
sur les événements de juin 1819, dans l.e Nationalii
23 juin 1849. — Eug. de Mireconrt, Les Contemp., n° 84. -r—
Dirt. de la Conversation. — Vapereau, Dict. univ. des \
Contemp. — Moniteur, 1841-18S8.
ledvc (Jean), peintre et graveur hollan-
dais, né à La Haye, en 1639. Il appartenait à
une famille française, que la persécution contre
les partisans de la religion protestante avait for-
cée d'émigrer. Il apprit la peinture sous Paul i
Potter, dont il imita la manière d'une telle façon
que l'on confond encore les rares tableaux de
l'élève avec ceux du maître. C'est assez dire
que ses œuvres se distinguent par la facilité du
pinceau et la finesse du dessin. En 1671 l'Aca-
démie de La Haje le choisit pour président. Ce-
pendant Leduc, malgré ses succès, abandonna la
carrière artistique pour celle des armes. Il par-
vint au grade de capitaine, et sut acquérir le sur-
nom de Brave. Les principaux tableaux de Le-
duc sont à Dresde: c'est un portrait d'homme
à barbe ( on ignore le nom de l'original ) , et
une Scène de Pillage: un soldat tient par les
cheveux un paysan, une femme est agenouillée
près d'eux ; — au Louvre , à Paris , on voit ;
une Scène d' avant-garde et \in Corps-de-garde,
hollandais, Â. PP &•
281 LEDUC —
Descamps, La Vie des Peintres hollandais, etc. , t. II, •
.213. - Piiklngton, Dictionary of Painters.
LEDVC(Jean), poëte français, vivait à Paris au
nilieu du dix-septième siècle; il n'est connu que
iar un ouvrage qu'il publia en 1665 chez Gabriel
Juinet : Proverbes en Rimes, ou rimes en pro-
verbes, 2 vol. in-12; 6,000 proverbes sont mis
n mauvais distiques dans ce recueil et rangés
lar ordre alphabétique selon le premier mot qui
omnience chaque adage. Comme poésie, c'est
u-dessous du médiocre, et fort souvent l'auteur
modifié les proverbes, afin de les plier aux
xigences de son cadre. En cherchant bien , on
rouverait cependant dans cette compilation quel-
ues dictons vulgaires qui ne se rencontrent
as ailleurs. - G. B.
G. Duplessis, Bibliographie Parémiologique, p. 181.
LEDUC ( Gabriel) , architecte français, mort
I Paris, en 1704. Il a conduit sous Le Muet les
pvaux intérieurs du Val de Grâce, pendant
u'Anguier exécutait l'extérieur sur les dessins
je François Mansart, à qui on avait retiré ce
ravail lorsqu'il était arrivé à la hauteur du pre-
mier entablement. Gabriel Leduc donna les des-
tins du baldaquin du maître autel de l'église;
psuite il fut chargé des travaux de l'église des
Jetits-Pères, dont Pierre Le Muet avait fait les
lessins. Leduc n'en garda que le plan général, et
pute la décoration intérieure et extérieure lui
jppartient. Leduc continua aussi l'église de Saint-
|ouis-en-l'Ile , commencée par Louis Levau ; le
jortail principal est son ouvrage. Il a en outre
lût construire bon nombre de beaux hôtels dont
es plans ont été gravés par Marot. J. V.
I Germain Brlce, Description de Paris.
I LEDUC ( Nicolas ), écrivain religieux , mort
n 1744. D'abord curé à Trouville, il fat appelé à
'ans comme vicaire à l'église Saint-Paul. Son
pposition à la bulle Unigenitus, et notamment
ne lettre qu'il adressa au clergé en 1728, et
ans laquelle il prenait la défense de l'évêque
eSenez, condamné par le concile d'Embrun , le
t interdire par l'archevêque de Paris Vintr-
lille. On a de l'abbé Leduc : Année ecclésias-
ique, ou instructions sur le propre du temps,
t sur le propre et le commun des saints,
me une explication des Épîtres et des Évan-
iles ; Paris, 1734 et années suiv., 15 vol.
i-12 ; — L Imitation de Jésus-Christ, tra-
duction nouvelle, avec des réflexions, des
pratiques et des prières à la fin de chaque
hapitre, et une récapitulation ou analyse à
\a fin de chaque livre , pour en rendre la
lecture plus utile; Paris, 1737, in-12; traduc-
lion, souvent réimprimée; — Le Chemin du
«tel, suivi du plus court chemin pour aller à
Oieu, traduits du latin du cardinal Bona; Paris,
.738, in-8°. Leduc a coopéré à la traduction
rançaise de l'Histoire du président de Thou,
Jubliée en 1734. J. V.
Ladvocat, Dict. Hist., édlt. de 1789, suppl. — Barbier,
traductions franc, de l'Imit. de Jesus-Christ, p. 7*.
LE DUCHAT. Voy. DrDHAT.
LEDYARD
282
ledyard (John), voyageur américain, né
à Groton (Connecticut, États-Unis), en 1751,
mort en Egypte, novembre 1788. Fils d'un ca-
pitaine de navire, il étudia d'abord le droit,
s'en dégoûta promptement, et à dix-neuf ans se
fit admettre au collège de Dairnoutli , pour se
préparer aux fonctions de missionnaire parmi les
Indiens. Au bout de quelques mois, il disparut
sans prévenir personne. On apprit plus tard qu'il
était allé vivre parmi les Indiens sur les fron-
tières du Canada. Après une assez longue ab-
sence, il revint au collège, et reprit ses études.
Mais il ne put s'assujettir longtemps à la règle
et aux observations des professeurs. Il s'échappa
de nouveau, et cette fois pour toujours. Ayant
emprunté quelques outils à des piouniers qu'il
rencontra sur les bords de la rivière de Connec-
ticut, alors une solitude r il creusa un arbre en
canot, et se mit à descendre la rivière, voyage
qui n'était pas sans danger, car elle présentait
çà et là des rapides. On fut bien étonné de le
voir apparaître à Hartford, qui était à 140 milles
de Darmouth. Il avait là un oncle, qui l'accueil-
lit bien , mais lui conseilla de retourner au col-
lège. Le jeune homme montrait une répugnance
extrême. Ayant tenté en vain d'obtenir l'autori-
sation deprêcher, il tourna ses regards vers l'O-
céan, et s'engagea comme matelot à bord d'un na-
vire qui allait à Gibraltar. A son arrivée, il fut
témoin d'une revue militaire, et frappé de l'éclat
des armes, il s'enrôla dans une compagnie. Au
bout d'un an, le capitaine anglais lui donne son
congé, et le jeune aventurier revienten Amérique.
Peu après il s'embarque comme matelot pour
l'Angleterre dans l'espoir d'y obtenir l'appui d'un
riche parent. Malgré son titre de cousin d'Amé-
rique, l'accueil fut très-froid, et le jeune homme,
qui avait de la fierté, ne renouvela pas sa visite.
C'était l'époque où le capitaine Cook faisait les
préparatifs de son troisième voyage autour du
monde. L'idée de l'accompagner exalte l'imagi-
nation de Ledyard. Son extérieur et son langage
firent une bonne impression sur le célèbre navi-
gateur : il fut aussitôt admis avec le grade de ca-
poral. Ledyard accomplit tout le voyage autour
du monde, dont il publia plus tard un abrégé in-
téressant. A son retour, il resta encore deux ans
dans la marine d'Angleterre, et revint en Amé-
rique en 1782. lien était absent depuis huit ans,
et comme à sa rentrée dans la maison maternelle
il n'avait pas dit son nom, sa mère ne le reconnut
pas d'abord. Après avoir publié son récit
du troisième voyage de Cook , il se rendit à
Philadelphie pour exécuter un projet qu'il avait
conçu : c'était d'organiser une expédition com-
merciale à la côte nord-ouest d'Amérique sur
l'océan Pacifique. Il fut accueilli avec intérêt
par le sénateur Robert Morris, qui fit beaucoup
de démarches. Mais on sortait à peine de la
guerre de l'indépendance ; l'argent était rare ,
les obstacles se multiplièrent ; l'entreprise resta
en projet. Ledyard chercha à la réaliser d'une
283
LEDYARD — LEE
284
autre manière. Il savait qu'il se trouvait a Lo-
rient en France de riches armateurs qui s'occu-
paient d'expéditions dans l'océan Pacifique. Il
s'embarque pour Cadix , et de là se rend à Lo-
rient pour exposer son projet. Il fut bien ac-
cueilli par des armateurs ; un navire de cinq cents
tonneaux fut préparé, et il était sur le point de
partir quand, par suite d'une difficulté avec le
gouvernement , le voyage fut tout à fait aban-
donné par ses patrons. Plein de regrets, Le-
dyard se rendit à Paris, et exposa ses vues au
ministre américain Jefferson. Celui-ci y prit un
vif intérêt, et le mit en rapport avec le fameux
Paul Jones. Tous deux concertèrent divers plans
pour obtenir l'appui du gouvernement ou des
particuliers; mais leurs efforts restèrent sans
succès. Désespérant de pouvoir atteindre la
côte nord-ouest de l'Amérique par mer, Le-
dyard songea à le faire par terre, et à cet effet
il s'adressa, par l'intermédiaire de Jefferson, à
l'impératrice Catherine II , afin d'obtenir la per-
mission de traverser son territoire en Europe et
en Asie. Il comptait arriver ainsi au détroit de
Behring, passer sur la côte d'Amérique et en
explorer l'intérieur. Après de longs délais, il
traversa l'Allemagne, le Danemark, la Suède, la
Finlande, et arriva à Saint-Pétersbourg, où ses
lettres lui procurèrent l'appui du professeur
Pallas et du comte deSégur, ministre de France.
Il obtint enfin un passeport pour poursuivre son
voyage en Sibérie , en explora la partie nord , et
revint à Iakoutsk. Là il rencontra un capitaine,
JBillings, qu'il avait connu sur le navire de Cook,
et qui était chargé d'une expédition dans la mer
au nord de l'Asie. Cet officier l'emmena avec
lui jusqu'à Irkoutsk. Là, le commandant russe
fit défense à Ledyard d'aller plus loin, et le ren-
voya à Moscou comme espion français. La li-
berté ne lui fut rendue qu'à la frontière de Po-
logne , avec l'injonction que s'il rentrait dans
les domaines de l'impératrice il serait pendu.
Après quinze mois d'absence, il reparut à Lon-
dres , comme il le dit lui-même, cruellement
déçu , en haillons , et sans un sou , mais avec
toute son énergie. A peine eut-il renoué ses re-
lations, que sir Joseph Banks lui proposa, au
nom de la Société Africaine, une expédition dans
l'intérieur de l'Afrique. Il s'empressa de voir le
secrétaire de la Société pour en conférer avec
lui, et celui-ci lui ayant demandé quand il serait
disposé à partir; « demain matin » , répondit
Ledyard. Le plan tracé par la Société consistait
à se rendre à Alexandrie, de là à remonter le
Nil jusqu'au Caire, du Caire au Sennaar, et une
fois en ce pays à se dirigera l'ouest, en suivant
la latitude du cours supposé du Niger. L'année
précédente, il avait parcouru les déserts glacés
de la Sibérie; maintenant il allait braver la cha-
leur brûlante de l'Afrique. Il arriva heureuse-
ment au Caire, où il fut obligé d'attendre trois
mois pour les finances et ses autres préparatifs.
Il se disposait à repartir, quand il fut pris d'une
fièvre bilieuse, à laquelle il succomba, vers la fin
de novembre 1788. Jefferson en parle, dans
son autobiographie, comme d'un homme d'un
esprit très-inteiligent, de quelque instruction, et
plein d'ardeur, de courage et de persévérance. !
J. Chanut,
Life of Ledyard, parjared Sparks; Cambridge New-]
England. — Cyclopsedia Americana. — Cyclopœdia I
of American Lite rature.
ledwich (Edward^, antiquaire anglais, né j
en 1739, en Irlande, où il est mort, le 8 aoûtj
1823. Membre du collège de La Trinité à Dublin j
et docteur es lettres, il embrassa l'état ecelésias-j
tique, et fut pourvu du bénéfice d'Aghadoe. L'é-|
tude des antiquités irlandaises l'occupa toute saj
vie, et il déploya dans ses travaux autant d'érurj
dition que de goût et de méthode ; il s'attachaj
principalement à déblayer l'histoire des fables,!
des légendes et des miracles maintenus par]
certains écrivains catholiques. Ainsi ce fut lui
qui le premier mit en problème la fameuse lé—.
gende de saint Patrick. Cet auteur fut secrétaire
de la commission des antiquaires de la Société
royale de Dublin, et fit aussi partie de plusieurs
compagnies savantes du continent. On a de lui ;
Anttquities oj Ireland; 1794-1796,2 vol. in-4°;
— Statistique de la paroisse d'Agad.hoesi
1796, in-8° ; — etdes mémoires insérés dans l'é-
dition de la Britannïa de Camden (1789) el
dans l' Archeeologia. P* L — v.
Rose, New Biogr. Dict.
lee (Edouard), prélat anglais, né à Lee-Ma-
gna, dans le comté de Kent, en 1482, mort ei«
1544. Il fit ses études à Oxford, au collège d«,
La Madeleine, et passa ensuite à l'université d«,
Cambridge. Son savoir et ses talents le recom-i
mandèrent au roi Henri VIII, qui l'employa dansi
plusieurs ambassades, le nomma chancelier df
Salisbury, et l'éleva à la dignité d'archevêque
d'York. Lee fut un zélé catholique, écrivit con'
tre Luther et même contre Érasme ; mais il m
resta pas fidèle à la cause du pape, et reconnu
la suprématie religieuse d'Henri VIII. On a di
lui : Apologia adversus quorumdam calum
nias; Louvain , 1520; — Epistola nuncupà
toria ad Des. Erasmum; Louvain, 1520; -
Annotationum Libri duo in annotationes Nov
Test amen ti Erasmi; Bâle, 1520; — Epistoh
apologetica, qua respondet D. Erasmi épis
tolis; — des Commentaires sur le Penta
teuque, restés manuscrits. Z.
Wood, Athenae Oxonienses, vol. I. — Dodd, Churà
History.
lee (Nathaniel), poète dramatique anglais;
né vers 1655, mort en 1691 ou 1692. Il éti
fils du docteur Lee, ministre à Hatfield, dans
comté d'Hertford. 11 reçut sa première éduci
tion à l'école de Westminster, et entra ensuit
au collège de La Trinité à Cambridge. Ses pa
rents le destinaient a l'enseignement ou à l'él
ecclésiastique, mais ses goûts de dissipation l'<
traînèrent vers une autre carrière. Il débuta
théâtre en 1672, et ayant échoué comme acteur
85
LEE
280
tenta la fortune comme auteur, ce qui lui
jussit mieux. En 1684 il eut un dérangement
e cerveau, qui le fit enfermer à Bedlam pen-
ant quatre ans. Il parait qu'il n'avait pas com-
létement perdu la raison. Un jour un visiteur eut
i cruauté de faire allusion à son état, et lui dit
n'il est facile d'écrire comme un insensé. « Non,
'pondit Lee, il n'est pas facile d'écrire comme
i insensé, mais il est très-facile de parler comme
il imbécile. » Il sortit de Bedlam à demi guéri,
tais non corrigé de son intempérance. Une nuit
'hiver qu'il s'était enivré, il se laissa tomber
ms la rue en regagnant son logis, et fut trouvé
lort le lendemain matin. Voici les titres de ses
èces : Nero , emperor of Rome , tragédie ;
>75, in-4°; — Sophonisba-, or HannibaVs
verthrow, trag.; 1676, in-4°; — Gloriana, or
le court of Augustus Ca?«zr, tragédie ; 1676,
:-4° ; — The Rival Queens , or ihe death of
lexander the Great, tragédie; 1677, in-4°; —
Uthridates, king of Pontus, trag.; 1680, in-4°;
'heodosius, or the force of love, trag.; 1680,
t-4° ; — Csesar Borgïa, trag. ; 1680, in-4° ; —
ucius Junius Brutus, trag ; 1681, in-4°; —
pnstantine the Great, trag; 1684, in-4°; —
he Princess o/C/ei^tragicomédie; 1689,in-4°;
- The Massacre of Paris, trag.; 1690, in-4°.
ee a été le collaborateur de Dryden pour Le duc
t Guise et Œdipe. Les tragédies de Théodore
; d'Alexandre le Grand sont restées longtemps
i théâtre. « Parmi les poètes anglais modernes,
it Addison, aucun n'aurait été plus propre à la
agédie que Lee si , au lieu de s'abandonner à
impétuosité de son génie, il l'avait modéré et
înfermé dans de justes bornes. Ses pensées sont
ignés de la tragédie ; mais elles sont si souvent
syées dans une multitude de paroles qu'il est
ifficile d'en apercevoir la beauté. Il y a infini-
lent de feu dans ses ouvrages , mais si enve-
ppé de fumée, qu'il en perd la moitié de son
;lat. Lee réussit souvent dans les endroits pas-
onnés de la tragédie , surtout lorsqu'il ne s'a-
mdonne point à la violence de son imagination,
t qu'il débarrasse son style des épithètes et des
létaphoies , dont il abonde ordinairement. »
e jugement est trop indulgent. Lee montre
îns tous ses ouvrages plus d'enflure que d'i-
lagination, et il manque tout à fait d'invention.
L. J.
Ciber, Lives. — Addison, Spectator, n° 39. — Biogra-
*>ia Dramaticu.
lee (Charles), général anglo-américain, né
ans le pays de Galles, vers 1730, mort à Phila-
elpbie, le 2 octobre 1782. 11 entra jeune dans
armée. La première partie de sa vie est peu
innue, et paraît avoir été aventureuse. En 1756
n le trouve en Amérique au combat de Ticonde-
)ga, où Abercrombie fut défait. En 1762 il ser-
ait en Portugal, avec le titre de colonel sous le
énéral Burgoyne. Peu après , dans des lettres
atées de la Pologne , il défendit les droits des
aîonies anglaises, qui se prétendaient lésées par
l'acte du timbre. Dans les années 1771 et 1772 il
parcourut l'Europe. Jusque là il avait fait partie
de l'armée anglaise; mais en 1773 il rompit avec
son pays, et alla en Amérique prêcher la révolte
contre l'Angleterre. 11 reçut du congrès le titre
de major général , et servit avec distinction sous
Washington dans les campagnes de 1776 et
1777. Le 28 juin 1778 il commanda l'avant-garde
américaine à la bataille de Montmouth, et après
un combat assez court contre le général Clinton
il battit en retraite. Washington, irrité de ce
mouvement précipité, lui adressa de vifs repro-
ches. Lee ne put supporter cette injure, et en
demanda raison à Washington par une lettre. Il
fut arrêté, traduit devant une cour martiale, pré-
sidée par lord Stirling, et suspendu de ses fonc-
tions pour une année. Le congrès ayant confirmé
en 1780 la sentence de la cour martiale, Lee se
retira dans une ferme en Virginie, où il vécut en
simple particulier. Il s'ennuya bientôt de la vie
solitaire, et se rendit à Philadelphie. 11 y mourut
au bout de quelques jours. Il demanda par son
testament à n'être enterré ni dans une église, ni
dans un cimetière, ni à moins d'un mille d'aucune
maison de presbytérien ou d'anabaptiste. Des
mémoires sur sa vie avec des essais etdes lettres
de lui ont été publiés en 1792, in-12. Z.
Langworthy, Anecdotes of Ch. Lee, with his political
and militari/ essays ; Londrfes, 1792, in-8°.
lee (Richard- Henri), nomme politique amé-
ricain, né à Stratford (Virginie), le 20 janvier
1732, mort le 19 juin 1794. Envoyé de bonne
heure en Angleterre , il y fit d'excellentes études
classiques. A son retour, jouissant d'une grande
fortune , il consacra la plus grande partie de son
temps à la littérature, à l'histoire , aux ouvrages
de politique et de législation. A vingt-cinq ans,
il fut nommé juge de paix de son comté , place
qui n'était alors donnée qu'aux hommes distingués
par leur caractère et leur expérience. Peu après,
il fut choisi comme délégué à la législature de
la colonie , et brilla dans les détâés par son élo-
quence et sa fermeté à défendre les principes de
liberté. Lorsqu'on connut en 1764 i'acte du par-
lement qui déclarait le droit d'imposer des taxes
aux colonies, un comité spécial fut nommé pour
rédiger une adresse au roi, un mémoire à la
chambre des lords et une remontrance à celle des
communes. Lee fut chargé des deux premiers,
et, suivant l'expression de son petit-fils et de son
biographe , ces documents renferment les vrais
principes de la révolution, et sont remarquables
par uneéloquence à la fois respectueuse et ferme.
L'année suivante, Patrick Henry (voir ce nom )
ayant présenté ses fameuses résolutions contre
la loi du timbre, Lee les soutint avec beaucoup
de force, et contribua à les faire triompher. L'op-
position à cette loi devint si générale que le mi-
nistère jugea prudent de la rapporter, en 1766,
mais avec la réserve du droit de la métropole a
prononcer souverainement sur les intérêts des
colonies. Les actes suivirent bientôt. En 1767, ie
287
LEE
288
parlement imposa des droits sur le thé, et de-
manda à la législature de subvenir aux dépenses
d'une partie de l'armée régulière. Lee lit tous ses
efforts pour soulever les esprits contre ces deux
mesures, qui à ses yeux étaient le commence-
ment du despotisme. Au milieu des vicissitudes
de la lutte, tout s'acheminait vers une crise. En
1773, l'assemblée de Virginie adopta, sur la mo-
tion de Lee, le plan de comités à établir dans les
colonies pour concerter leurs efforts et organiser
partout la résistance. L'année suivante, le pre-
mier congrès général s'assembla à Philadelphie.
Lee en faisait partie comme délégué de la Vir-
ginie. Il s'y montra l'émule de P. Henri par l'é-
nergie de son éloquence et eut beaucoup d'in-
fluence dans les comités. Par suite, il fut chargé
de rédiger l'adresse du congrès au peuple de
la Grande-Bretagne. Ce genre de rédaction exige
un talent tout spécial. Son projet parut manquer
de vigueur et de raisons irréfutables. Un membre
du congrès, homme d'affaires distingué, Jay, fut
chargé secrètement d'en rédiger un autre, qui fut
présenté par un de ses collègues, dans le but de
ménager l'amour-propre de Lee, et adopté presque
sans changement. Peu après les hostilités écla-
tèrent, et le sang coula. Cependant, malgré
l'exaltation des esprits, le mot décisif de la si-
tuation n'avait pas encore été prononcé dans le
congrès. Ce fut Lee qui prit l'initiative. Le 7 juin
1776 il fit la motion de déclarer que les colonies
sont et doivent être des États libres et indépen-
dants ; qu'elles sont dégagées de tout serment
de fidélité à la couronne de la Grande-Bretagne;
et que tout lien politique entre elles et la mé-
tropole est et doit être entièrement rompu. II
soutint cette proposition hardie par un discours
des plus éloquents , qui produisit une vive im-
pression. Un débat animé suivit, et l'examen dé-
finitif de la résolution fut ajourné au premier lundi
de juillet. Cependantun comité fut nommé de suite
pour préparer une déclaration d'indépendance.
Lee en aurait été président, suivant l'usage, et
à ce titre chargé de la rédaction, s'il n'eût pas été
appelé en Virginie par une maladie grave d'un
membre de sa famille. Jefferson lui fut substitué,
et eut ainsi l'honneur de rédiger la déclaration.
Lee continua de siéger au congrès jusqu'en juin
1777, et demanda alors un congé pour se rendre
en Virginie. Ses travaux continuels avaient al-
téré sa santé ; mais son principal motif était de
répondre à de sourdes accusations que la jalousie
avait propagées contre lui. Il demanda une en-
quête à l'assemblée de son État. Non -seulement
les allégations furent détruites , mais la législa-
ture saisit cette occasion de lui voter des remer-
cîments publics pour la fidélité et le zèle qu'il
avait montrés dans ses fonctions politiques.
En 1780 il se retira du congrès, par suite de
l'altération de sa santé , et n'y revint que quatre
ans plus tard. Il en fut nommé président par
un vote unanime, et rentra dans ses foyers au
bout d'une aunée. Dans la convention qui adopta
la constitution , il appuya fortement le vote du
congrès qui soumettait le projet à des conven-
tions semblables dans les divers États. Comme
P. Henri, il voyait dans les pouvoirs accordés
au président un danger pour l'indépendance des
États et la liberté du peuple. L'expérience n'a
pas justifié ces craintes, mais elles montrent
quelle était alors la disposition d'esprit chez les
hommes qui avaient joué le principal rôle dans
la révolution. Lorsque la constitution eut été
adoptée, Lee fut choisi comme premier sénateur
de la Virginie au nouveau congrès (1789). Trois
ans plus tard, il se retira de la vie publique, et
fut honoré de nouveau d'un vote de remercî-
ments par la législature de son État. J. C.
Encyelopsedia Americana. — Hildreth, History ofthe
United States.
LEE {Arthur), homme politique américain,
né en Virginie, le 20 décembre 1740, mort en
décembre 1792. Il fut envoyé au collège d'E-
ton en Angleterre, et, après y avoir terminé
ses études, il entra à l'université d'Edimbourg,
où il étudia la médecine, et obtint son diplôme
avec distinction. Il voyagea ensuite en Allemagne,
en Italie et en France, et revint en Virginie, où il
commença l'exercice de sa profession. Mais ses
penchants l'entraînaient vers la politique. Il ré-
solut donc de retourner en Angleterre, pour s" y
familiariser avec la science du gouvernement.
Avant sou départ, il apprit la discussion célèbre
du parlement sur la loi du timbre, et lebill ayant
été adopté, il écrivit plusieurs brochures pour le
combattre. L'opposition populaire était fortement
prononcée à Londres. Lee se fit recevoir dans la
société des défenseurs du bill des droits, et
membre de la cité, ce qui lui donna un vote pour
les affaires municipales. Il prit une part très-ac-
tive à toutes les mesures, et publia beaucoup de
brochures pour la défense des droits des colonie»
sous le titre de Junius américain. Ses écrits lui
procurèrent la connaissance de Burke , du doc-
teur Price et autres chefs influents de l'opposi-
tion. En 1770 il entra au barreau, et y exerça
avec beaucoup de succès. Le Massachusetts let
nomma son agent pour aider Franklin et le rem-
placer en cas d'absence. Quelque temps après, le
comité secret du congrès le choisit comme son cor-
respondant à Londres. Le principal objet de cette
mission était de pénétrer ce qu'on pouvait es-
pérer des puissances européennes dans l'intérêt
des colonies. Lee fit des démarches auprès de
l'ambassadeur de France à la cour de Londres,
et par lui obtint l'assurance du comte de Ver-
gennes que le gouvernement fournirait secrète-
ment aux colonies des armes et des munitions
d'une valeur de cinq millions, qui seraient trans-
portées de la Hollande aux Antilles. Après la
déclaration d'indépendance, il fut nommé par le
congrès un des commissaires de l'Amérique à la
cour de France: les deux antres étaient SilasDean
et Franklin. Lee se distingua par une grande
activité dans ses démarches auprès des person-
289
LEE
290
nages puissants, et dans ses négociations à l'effet '^'assemblée pour prononcer l'éloge funèbre de
Washington. C'est là que se trouve la phrase
remarquable, si souvent citée depuis : « Le pre-
' mier dans la guerre, le premier dans la paix, et le
premier dans le oœur de ses concitoyens. » Lee
i resta au congrès jusqu'à l'avènement à la prési-
; dence de Jefferson ( 1801), rentra alors dans
la vie privée, et n'occupa plus aucune fonction
publique. Le reste de sa vie fut affligé par le
dérangement de sa fortune qu'avaient en partie
amené ses habitudes d'hospitalité fastueuse. Ce
fut pendant qu'il vivait comme prisonnier, à
cause de ses dettes , dans les limites du comté
! de Spottsylvania, qu'il écrivit en 1809 ses célè-
bres mémoires sur ses campagnes dans le sud
(Memoirs ofthe War in the. sont hem départ-
ment of the United-States ), publiés en deux
volumes. Le style manque d'élégance; mais
on y trouve un ton ferme et sincère, le talent
de peindre, et des renseignements pleins d'in-
; térêt. C'est un des meilleurs ouvrages qui ont
rapport à la guerre de l'indépendance. 11 a été
réimprimé avec quelques améliorations en 1827.
| Le général Lee se trouvait à Baltimore en 1812,
I lorsque la guerre fut déclarée à l'Angleterre.
L'opinion était divisée. Les uns avaient ap-
j plaudi avec enthousiasme à cette déclaration,
et les autres lui étaient très-hostiles Un de ses
amis , propriétaire d'un journal, y avait publié
des articles énergiques contre la guerre. La po-
pulace s'échauffa, et vint saccager l'imprimerie.
Le courageux journaliste ne tarda pas à reprendre
la publication de sa feuille, et prépara des armes
I pour repousser l'émeute. Plusieurs de ses amis
' vinrent se ranger auprès de lui. La maison fut
de nouveau attaquée par le peuple. Quelques
; personnes furent tuées, un plus grand nombre
i blessées. Ceux qui occupaient la maison étaient
menacés par des furieux. Ce fut avec peine qu'on
les conduisit à la prison de la ville pour les
mettre à l'abri des violenc s. Mais ia nuit sui-
vante, les portes en furent brisées. La populace
pénétra dans la prison. Un général qui avait
servi avec honneur dans la révolution fut tué;
dix ou douze autres personnes blessées et trai-
tées avec une extrême violence. Dans le nombre
était le général Lee. Sa santé en fut gravement
altérée, et depuis il ne fit que languir. Dans l'es-
poir de trouver un soulagement à ses souffran-
ces, il se rendit dans les Antilles, et y séjourna
quelque temps. Au printemps de 1818, il revint
aux États-Unis, et fut forcé de s'arrêter en Géor-
gie, où il mourut. J. Chanct.
d'obtenir de l'argent, des armes et des munitions
de guerre, les écrits qu'il publia pour défendre
la cause des colonies. Tl était chargé des missions
secrètes qui exigeaient le^ plus de dextérité.
Franklin ayant été nommé ministre plénipoten-
tiaire en France , Lee revint en Amérique en
1780. Par suite de mésintelligence avec Silar
Dean et des prévarications d'employés subal-
ternes pendant qu'il faisait partie de la commis-
sion , des insinuations injurieuses avaient été
propagées contre lui au sein du congrès. A son
arrivée , il prépara un mémoire justificatif de sa
mission, et quand il demanda à s'expliquer dans
le congrès même, les membres déclarèrent qu'ils
n'avaient point d'accusations à faire, qu'ils
avaient pleine confiance dans son patriotisme et
sa probité, et l'invitèrent à leur communiquer
les vues et renseignements qu'il avait recueillis
pendant sa résidence à l'étranger. En 1781 il fut
élu à l'assemblée de Virginie , et envoyé par elle
au congrès, où il continua à représenter l'État
jusqu'en 1785. 11 remplit avec deux autres mem-
bres les fonctions de commissaire du trésor de
1784 à 1789, et se retira ensuite daus sa planta-
tion, où il mourut. J. C
Encyclopxdia Americana. — Life of A. Lee, par
R. H. Lee, 1829. — Diplomatie Correspondence, publiée
par Sparks.
lee {Henri), général et homme politique amé-
ricain, né en Virginie, le 29 janvier 1756, mort
le 25 mars 1818. Sa famille occupait le premier
rang en Virginie. En 1776 il fut nommé capi-
taine d une des six compagnies de cavalerie que
leva l'État, lorsque l'indépendance eut été pro-
noncée. La Grande-Bretagne ayant envoyé des
renforts considérables en Amérique, les six
compagnies furent réunies en régiment et pré-
sentées au congrès par la Virginie. Le jeune Lee
se distingua prornptement, et attira l'attention
de Washington, qui choisit son escadron comme
corps d'élite. Peu après, en raison de sa bril-
lante conduite , Lee fut promu au rang de major,
et chargé du commandement d'un corps de ca-
valerie séparé, auquel fut adjoint plus tard de
l'infanterie. En 1780 il fut envoyé avec ses
troupes dans le sud à l'armée du général Greene,
et il y resta jusqu'à la fin de la guerre. Il s'y dis-
tingua dans plusieurs actions, et obtint de l'avan-
cement. En 1786 il fut envoyé au congrès, et y
siégea jusqu'à l'établissement de la constitution.
Dans la convention de Virginie en 1788 il se
montra le défenseur Ghaleureux et éloquent de
la constitution. En 1792 il fut nommé gouver-
neur de son État, et remplit ces fonctions trois
ans de suite. Dans la dernière année il fut chargé
par le président Washington du commandement
des troupes envoyées en Pensylvanie pour ré- j
primer une insurrection qui avait éclaté au sujet
de droits sur le whisky. Il remplit cette mission
avec habileté et succès. Envoyé de nouveau au
congrès en 1799, il fut choisi par le suffrage de '
NOUV. BIOGB. GÉNISK. — T. XX.X.
Encyclopsedia Americana. — Gyclopsedia of Ameri-
can Literature. — History of the United-States, par HU-
dreth.
lee (Sophie), romancière anglaise, née vers
1751, morte le 13 mars 1824. Elle était fille de
John Lee, acteur et auteur dramatique, connu
seulement pour avoir remanié plusieurs pièces
célèbres du théâtre anglais. John Lee mourut à
Bath, en 1781, et Sophie Lee, avec sa sœur Hen-
10
291 T<EE
riette, ouvrit une école dans cette ville. Les deux
sœur? amassèrent en quelques années une
honnête fortune, qui leur permit de se retirer à
Clifton, où elles passèrent le reste de leur vie.
S.e premier ouvrage de Sophie Lee est une co-
médie, The Chapter of Accidents, qui fut jouée
à Haymarket, en 1730, avec beaucoup de succès.
Klle publia ensuite The Recess (1785, 3 vol.), un
de ces romans mal à propos qualifiés d'histo-
riques, et qui ne sont que des falsifications de
l'histoire. Cet ouvrage a pour sujet les aventures
et les malheurs d'une prétendue fille de Marie
Stuart, née de son mariage avec le comte de
Leicester ; il dut un succès populaire à certaines
situations pathétiques qui firent oublier l'invrai-
semblance des incidents. Lemare le traduisit en
français sous ce titre : Le Souterrain, ou Ma-
thilde ; Paris, 1787, 3 vol. in-12. On a encore de
Sophie Lee : The hermite's Taie, poème, 1787 ;
— Almeyda , queen of Granada, tragédie qui
réussiten 1796, grâce aujeudemistressSiddons;
— The D je of a Lover ; 1804, 6 vol. : ce roman,
qu'elle avait, dit-on, composé dans sa jeunesse,
et qui est une de ses plus faibles productions,
a été traduit par Mme de Salaberry sous le titre
de Savinia Rivers , ou le danger d'aimer;
Paris, 1808, 5 vol. in-12; — The Assignation,
comédie, qui tomba à la première représentation
à Drury-Lane en 1804, et n'a jamais été impri-
mée. La réputation de Sophie Lee repose prin-
cipalement sur deux nouvelles : The young La-
dtfs Taie et The Clergyman's Taie, qui ont été
insérés dans les Canterbury Taies. Elle a aussi
écrit l'introduction de ce recueil, auquel sa sœur
eut la plus grande part.
Henriette Lee , sœur de la précédente , née
en 1756, morte le 1er août 1851. Son premier
ouvrage, The Errors of Innocence, roman en
3 vol. (1786), fut suivi d'une comédie, The new
Peerage, or our eyes may deceive us (1787),
de Clara Lennox (1797), roman traduit en fran-
çais par le général Lasalle; 1798, 2 vol. in-12, '
et du Mysterious Marrtage, orthe heirship oj I
Rosalva, pièce publiée en 1798. Toutes ces pro- j
ductions sont oubliées. Mais les Canterbury i
Taies, 1797-1805, 5' vol., contiennent d'elle plu- j
sieurs nouvelles intéressantes, dont l'une, The \
German's Tale-krui/zner, a fourni à lord j
Byron le sujet de sa tragédie de Werner. Z.
BXographia Dramatica. — English Cyclopsedia ( Bio- :
çraptiy ).
LEE (Georges-Auguste), célèbre industriel et j
mécanicien anglais, frère des précédentes , né en ;
1761, mort le 5 août 1826. Initié de bonne heure
à l'art de filer le coton, qui venait de recevoir
une forte impulsion des inventions de sir Richard ;
Arkwright, il appliqua tous les avantages de ces j
inventions aux machines construites sous sa di-
rection dans une manufacture qu'il conduisait à
Manchester. Quelque prédilection qu'il eut pour
l'emploi de l'eau comme principe moteur, il ne
tarda pas à comprendre l'utilité qu'on pouvait
292
tirer des perfectionnements que Watt avait ap-
portés à la machine à vapeur. Les machines â va-
peur construites par Philips et Lee purent être
regardées comme les plus parfaits modèles de cette
heureuse invention , réunissant les meilleures
conditions de régularité et de constance dans le
mouvement combinées avec une rigoureuse éco-
nomie. Lee fut un des premiers à perfectionner la
machine de W. Struth par l'adjonction de volants
en fonte. Il fut encore le premier à chauffer en
hiver les manufactures de cofon par la vapeur
circulant dans des tubes , ce qui augmenta la
sécurité des usines, et à rendre les filatures plus
salubres par une forte ventilation. A sa recom-
mandation, les ouvriers créèrent un fonds de se-
cours mutuels pour le cas de maladie , et ce
bienfait fut si grand que sur un millier d'ouvriers
que l'usine renfermait, il n'y eut pas plus de cinq
livres sterling distribuées dès lors sous la forme
détaxe des pauvres, ainsi que cela lut constaté
devant la chambre des communes. Lorsque les
essais de Murdoch sur le pouvoir éclairant du
gaz de charbon de terre fut connu de Lee, en
1802, il comprit de suite l'importance de cette
belle invention, et il fit aussitôt construire un
gazomètre. Les résultats de ses expériences fu-
rent réunis dans un mémoire inséré dans les
Transactions philosophiques de la Société
royale de Londres en 1808. Ses travaux eurent
une grande influence sur l'adoption de l'éclairage
au gaz dans les grandes manufactures. Lee se
distinguait par la netteté, la sagacité de ses
idées et parla bonne direction des établissements
auxquels il présidait. Il se retirades affaires à un
âge qui pouvait lui permettre d'espérer jouir en-
core longtemps de sa tranquillité d'esprit ; mais
il fut bientôt attaqué d'une maladie de langueur
qui finit par l'emporter. J. V.
Animal Register, 1826, p. S72.
lee ( Le révérend Samuel), orientaliste an-
glais, né le }4 mai 1783, à Longnor, village du
Shropshire, à dix-huit milles de Shrewsbury,
mort le 16 décembre 1852. Il reçut les éléments
de son éducation dans une éco|e de charité du
village, où à l'âge de douze ans il était apprenti
chez un charpentier. A dix -sept ans, il forma le
projet d'apprendre le latin , et sur les six ou sept
schillings qu'il recevait chaque semaine pour sa
subsistance, il s'acheta les livres élémentaires et
les écrivains classiques. A la lin de son appren-
tissage, il savait le latin. Il se mit alors au grec,
qu'il apprit aussi vite. Enhardi par le succès, il
aborda l'hébreu , le chaldaïque et le syriaque,
dont il se rendit maître. Il était encore employé
chez un entrepreneur de bâtiments. A l'âge de
vingt-cinq ans il perdit ses épargnes par l'in-
cendie d'une maison dont il surveillait les répa-
rations, et fut réduit à une extrême pauvreté.
Heureusement l'archidiacre Corbett, qui avait
entendu parler de ses habitudes studieuses, vint
à son secours, et lui donna des leçons. L'arabe
et le persan complétèrent son savoir dans les
293
langues orientales, et il y joignit une connaissance
suffisante du français , de l'allemand et de l'ita-
lien. Vers 1810 il devint professeur à l'école de
Shrewsbury, et en 1813 il entra au collège de
la Reine à Cambridge, où il prit les premiers
grades universitaires. Il reçut ensuite l'ordina-
tion. Le il mars 1819 il fut nommé professeur
d'arabe à l'université de Cambridge, par excep-
tion expresse, quoiqu'il n'eût pas le grade de
maître es arts. En 1831 il obtint la chaire de
professeur royal d'hébreu à Cambridge. Il était
chanoine de la cathédrale de Bristol et recteur
de Barley. Outre plusieurs pamphlets sur des
sujets de controverse religieuse, des sermons et
des articles dans les journaux périodiques, on a
du docteur Lee : A Grammar of the Persian
Languageby William Jones, ivith additions;
Londres, 1823, 1828, in-4°; — TravelsoJ Ibn
Batuta, translated from the abridged arabic
Mss, copies, preserved in the public hbrary
of Cambridge , with notes; Londres, 1829,
in-4°. Cette traduction est faite sur un extrait
persan; — Hebrew Grammar; 1830; — The
Book of Job, translatée from the original
hebrew ; 1837; — Hebrew, Chaldaic and En-
glish Lexicon; 1840; — An Inquiry into the
nature, progress, and end of prophecy ; Cam-
bridge, 1849, in-80; — The Events and Times
ofthe Visions of Daniel and S' John , inves-
tigaled, ident\fied, and determined; Londres,
1851,in-8°. Z.
English Cyclopsedia ( Biography ). — Zenker, Biblio-
theca Orientons.
* i.ee (Frédéric- Richard), peintre anglais ,
né à la fin du dernier siècle, à Barnstaple (comté
deDevon ). Il avait d'abord embrassé la carrière
militaire, et il fit comme officier d'infanterie
la campagne de Waterloo. A la paix il donna sa
démission pour se livrer tout à fait à son goût
pour la peinture. Ses paysages, surtout ceux où
il reproduit des vues de lacs ou de rivières,
rendus dans une touche ferme et pleine de poé-
tiques effets , attirèrent bientôt l'attention du pu-
blic; une société d'amateurs le jugea digne d'un
prix de cinquante livres. Peu de temps après, il
fut admis aux expositions annuelles de l'Acadé-
mie royale ( 1824 ) ; il fit partie de cette compa-
gnie depuis 1838 comme membre titulaire. On
place au premier rang de ses productions : Le
Moulin, L'Avenue du parc de Sherbrooke ,
VOrage stir un Lac, la Moisson, Brise de Mer,
La Cabane du Pêcheur, Le Braconnier, etc. K.
nien of the Time. — Th. Gautier, Les Beaux Arti à
Vexposil. univ., 18S5.
* lee (Hannah), femme de lettres améri-
caine, née vers 1805, à Newburyport (État de
Massachusetts). Elle est fille d'uu médecin, et
s'est depuis longtemps fixée à Boston. On a d'elle
un grand nombre d'ouvrages de recherches ou
d'imagination , parmi lesquels nous citerons :
Grâce Seymour; New-York, 1835, roman; —
The three Experiments of living ; ibid., 1838,
roman anonyme ; — Historical Sketches ofthe
LEE — LEECHMAN 294
old Pointers, esquisses biographiques sur Léo-
nard de Vinci, Michel-Ange, le Corrége et autres
peintres; — Luther and his times ; — Tho
Huguenots in France and America; — The
Contrast, or différent modes of éducation;
— Stories from life; 1849; — Bistory of
Sculpture and Sculptors; 1852. P. L — ^ .
Mme Haie, ff'oman's Hecord.
leeb (Jean), sculpteur allemand, né à Mew-
mingen, en 1790, mort vers 1856. Ayant appris
le métier de tailleur de pierre, il se rendit en
1809 eu Suisse; deux ans après,il eut à Genève
occasion d'exécuter quelques travaux d'orne-
mentation, qui éveillèrent en lui le désir de s'é-
lever à des sphères plus élevées de l'art. Il étudia
la statuaire à Paris et à Rome, fréquenta l'a-
telier de Thowaldsen à Naples, et vint se fixer
à Munich en 1826 Parmi ses œuvres nombreuses
on remarque : L'Evangéliste saint Matthieu,,
placé dans la chapelle sépulcrale de Rothenberg,
près de Stuttgard ; — V Amour endormi, fait pour
le comte deSchônborn ; — les Monuments funé-
raires du comte de Reising, de la comtesse de
Rechberg, et de Laurent Westenrieder, placés
dans l'église de Niederaschau , dans celle de
Douzdorf et au cimetière de Munich; — un bas-
relief, long de trente-cinq pieds, représentant des
sujets de l'Odyssée: il se trouve à Irlbach; les
bustes de Boërhaave (a la Walhalla), des dix
plus célèbres compositeurs (à l'Odéon), de Miau-
lïs, de Botzaris, de Paganini ; enfin la statue
équestre de Sipyle, fils de Niobé, au moment
où il est atteint par la flèche d'Apollon. E. G.
Nagler, 4llgem. KUnstler-Lexicon.
* leech (John), caricaturiste anglais, né
vers 1816, à Londres. Il suivit les cours de l'A-
cadémie royale des Beaux-Arts, et exposa quel-
ques toiles de genre ; mais il renonça bientôt à
la peinture pour s'adonner à l'illustration des
ouvrages périodiques. Emule de Cruiskshank, il
s'est fait connaître par les nombreuses séries de
caricatures qu'il a fournies au Punch, le Chari-
vari anglais , et qui décèlent autant de finesse
d'observation que de savoir-faire et de joyeuse
humeur Nous citerons de cet artiste : les des-
sins de la Comic His tory of England; -%, The
Rising Génération; 1848, in-folio, album de.
douze planches ; — Pictures of Life and Gha-
racter ; 1854, in-folio oblong , contenant 500
planches extraites de la collection du Punch.
P. L— y.
English Cyclop. ( Biography ).
leechm an ( William), théologien écossais,
né en 1706, à Dolphinston (comté de Lanark ),
mortle 3 décembre 1785, à Glasgow. Après avoir
étudié la théologie dans celte ville, il reçut l'or-
dination en 1 736, et administra pendant plusieurs
années la cure de Beith. Sa réputation comme
orateur sacré et la solidité de ses arguments
dans les controverses religieuses lui firent don-
ner la chaire de théologie à Glasgow, qu'il ne
cessa d'occuper avec beaucoup de distinction
10
295 LEECHMAN — LÉEPE
jusqu'à l'époque de sa mort. Eu 1761 il fut élu
principal de cette université. Ses Sermons furent
recueillis par Wodrow et publiés en 1789, 2 vol.
in-8° ; les principaux sont ceux qui traitent des
Mœurs et des Devoirs d'un ministre de l'É-
vangile (1741) et de V Efficacité de la Prière
(1743). P. L— y.
L'fe of TV. Leechman, en tête des Sermons.
leE >i ( Knud ou Canut), littérateur norvé-
gien , né le 13 janvier 1697, mort à Drontheim,
en 1774. Après un long séjour dans la Laponie
norvégienne, où il prêcha l'Évangile, il devint en
1752 professeur au séminaire de Drontheim. On
a de lui : Beskrivelse over Finnmarkens Lap-
per, deres Tungemaal, Levemaade, og for-
rige Afguclsdijrkelse, etc. (Description des
Lapons du Finmark , de leur langue , de leurs
mœurs et de leur ancienne idolâtrie); Copen-
hague, 1767. Cet ouvrage, qui parut en langues
latine et danoise, et qui fut traduit bientôt après
en allemand (Leipzig. 1771, in-8°), contient 101
estampes; — une Grammaire Laponne; ibid.,
1748; — un Dictionnaire Lapon- Danois- Latin ;
ibid., 1768-1781, 2 vol. in-4°; — plusieurs ou-
vrages de théologie en langue laponne. R. L.
Roterumnd , Supplément a Jœeher.
*LEFMk,KS(Conrad), archéologue hollandais,
né le 28 avril 1809, à Zalt-Bœmel dans la Guel-
dre. Il étudia à Leyde d'abord la théologie;
aiais, sur le conseil de Reuvens, il l'abandonna
quelque temps après, pour se consacrer à l'ar-
chéologie. Après avoir, en 1830 et en 1831, pris
part comme volontaire à la guerre contre les
Belges, il fut nommé en 1835 premier conserva-
teur et en 1839 directeur du musée de Leyde.
Il a fait plusieurs voyages en France et en An-
gleterre pour augmenter ses connaissances sur
les antiquités égyptiennes. On a de lui : /Egyp-
tische Monumenten van het Museumte Ley-
den ; Leyde, 1835-1852, 13 cahiers; — Monu-
ments égyptiens portant des légendes roya- j
les; LeyoV, 1838; — Description raisonnée
des Monuments égyptiens dumusée de Leyde;
Leyde, 1840, in-8°; — Ânimadversiones ad
musei Lugduni Batavensis inscriptiones
grsecas et latinas ; Leyde, 1842; — Romein-
sclie-Oudheden de Rosseon (Antiquités romaines
de Rosseon ) ; Leyde, 1842 ; — Romeinsche Ou-
dhededen Maastricht, (Antiquités romaines de
Maastrecht); Leyde, 1843; — Papyri graeci
musei Lugduni- Batavensis; Leyde, 1843; —
Mededreling over de Schilderkunst der Ou-
den (Mémoires sur la Peinture des auciens);
Leyde, 1850. E. G.
Conversations -Lexikon.
lééna (Asatva), courtisane athénienne, mise
à mort en 494 avant J.-C. Elle fut aimée par
Aristogiton, ou, selon Athénée, par Harmodius.
Après la mort d'Hipparque, Hippias croyant
qu'elle avait pris part à la conspiration , la fit
mettre à la torture. Elle mourut dans le-s tour-
ments sans rien révéler. On prétend même qu'elle
296
se coupa la langue avec les dents de peur que
quelque secret lui échappât. Los Athéniens ren-
dirent de grands honneurs à sa mémoire, et lui
consacrèrent une statue de lionne sans langue
dans le vestibule de l'Acropole. Ni Hérodote ni
Thucydide ne parlent de la mort de Lééna, dont
la mémoire, suivant Pausanias, fut conservée par
la tradition. Y.
Pausanias, I, 23. — Aihrnée, XIII, p. 596.— Plutarque,
De Carr.. 8. - Polyen, Vlll, 43.
i.eene ( Joseph van den), seigneur de Lo-
delinsart et de Castillion , héraldiste belge,
né à Bruxelles, le 12 août 1654, mort le 16 fé-
vrier 1742. Il succéda à son père comme coûlre
de Namur et trésorier de l'église de Walcourt,
et devint, comme lui, conseiller et premier roi
d'armes des Pays-Bas et de Bourgogne en vertu
de lettres patentes du roi Charles 11 ( 20 juin
1680}. On a de lui : Le Théâtre de la Noblesse
du Brabant, etc.; Liège, 1705, in 4°. Cet ou-
vrage ist d'une grande utilité et fait sur de
bonnes sources, mais il manque d'ordre et de
tables. L — z — e.
De Veslano, Nobiliaire des Pays-Bas , p. 390. — Pa-
quot, Mérn. pour servir à l'hist. litt. des Pays-Bas,
t. III, p. 99-101.
léepe (Jean-Antoine van der), peintre
belge, né à Bruxelles, en 1664, mort à Bruges,
en 1719 ou 1720. Son père était conseiller à la
cour des comptes de Bruxelles, et le jeune van
der Léepe fit ses études dans cette capitale. Il
manifesta de bonne heure beaucoup de goût
pour le dessin, et sans aucun maître arriva à
peindre en miniature avec une telle perfection
que sa famille ne crut pas devoir contrarier son
penchant ; cependant elle ne voulut pas que l'a-
mour de l'art lui fît négliger des intérêts plus po-
sitifs Van Léepe fut donc marié dès l'âge de dix-
neuf ans ; le roi d'Espagne le nomma contrôleur
général de ses fermps, et peu après capitaine gé-
néral des chasses de Flandre. Il occupa succes-
sivement d'autres charges dans la magistrature.
Son atelier était devenu le rendez-vous des hom-
mes les plus distingués en tous genres de la
Belgique; artistes, poètes, savants, hommes
d'Etat s'y rencontraient chaque jour. Malgré
l'exactitude qu'il apportait dans l'accomplisse-
ment de ses devoirs administratifs, il a pu laisser
un grand nombre de tableaux. Mais l'excès du
travail ruina sa santé, et il mourut d'une hy-
dropisie. Déjà la faiblesse de sa poitrine l'avait
forcé de renoncer à la miniature pour !e pay-
sage à l'huile. Il prit alors ses sujets dans les
campagnes, sur le bord de la mer, enfin d'après
la nature. Sa manière se rapproche quelquefois
de celle du Poussin. Son exécution est facile, sa
touche libre, ses arbres bien feuilles , sa couleur
bonne, quoiqu'un peu grise et plutôt propre à des
ciels orageux qu'à des effets de lumière (ce qui
fait préférer ses marines à ses autres œuvres). On
cite surtout de lui, à Bruges, dans l'église Sainte-
Anne : La Fuite, en Egypte, toile de 7 pieds sur
8 1/2 de haut; les personnages sont de Ramondt,
297 LÉEPE —
autre magistrat de Bruges et ami de van der
Léepe; — dans la galerie du Hummel, une suite
de quatorze tableaux de diverses dimensions
qui représentent des sujets de la Vie de Jésus-
Christ : les personnages sont de Marc van Du-
venede et de Joseph van den Kerkove ; — chez
divers particuliers, des marines, <\espanneaux
de salles, etc Le Louvre de Paris possède quatre
grands paysages de ce peintre. A. de Lacaze.
Descnrops, La Vie des Peintres flamands, etc., t. III,
p. 83 86.
* i.eesek (Isaac), hébraïsant américain,
né en 1806, à Neukirch ( Weslphalie). Élevé au
gymnase de Munster, il passa, en 1825, aux
États-Unis; depuis 1829 il exerce le ministère
de rabbin a la synagogue de Philadelphie. On a
de lui : The Jews and the Mosaic Lato; 1833;
— Discourses argumentative and devotional;
1836-1840, 2 vol.; — Portuguese form of
prayers ; 1837, 2 vol.; — Pentaleuch; 1846;
— A descriptive Geography of Palestine,
1852, trad. de l'allemand. Cet auteur dirige de-
puis 1843 un journal intitulé TheJewish Ad-
vocate et destiné à défendre les intérêts de ses
coreligionnaires. K.
Picrer, Univ. Lexikon ( supplém. ).
leec ou leeuw (Gérard), savant impri-
meur hollandais du quinzième siècle, mort à la
fin de 1492. Vers 1477 il établit à Goude une
imprimerie, qu'il transporta à Anvers vers la
fin de 1484. Parmi les trente ouvrages qu'on
sait être sortis de ses presses, nous citerons :
Die Cronike van Hollant ; Goude, 1478, in-8°;
Den Passionale ofte guide Legend; Goude,
1480 ; — Ex Gestis Romanorum Historiée
notabiles moralizatœ ; Goude, 1480, in-8°; —
Dialogus creaturarum moralizatus ; Goude,
1481, in fol., avec figures; — Fabulen van
Esopus ; Anvers , 1485 ; — Historiée de ca-
lumnia novercali; Anvers, 1490; — Dialogus
de sene et juvene de amore disputantïbus ;
Anvers, 1491 ; — Cronicles of the reame of
England ; Anvers, 1493, in-fol. E. G.
Paquot, iVém. pour servir à l'histoire litter. des dix-
sept provinces nés Pays-Bas, t. VIII, p. 212.
leecw (Guillaume van der), graveur
belge, né en 1600, à Anvers, mort vers 1665. 11
apprit l'art de graver dans l'atelier de Sout-
man. Mais au lieu d'adopter la manière pointée
de son maître , il se servit de hachures courtes
et larges, ce qui donne à ses œuvres de l'éner-
gie et beaucoup de couleur. On a de lui : Loth
avec ses Filles, d'après Rubens; — Daniel dans
la fosse aux lions, d'après le même; — Le
Martyre de sainte Catherine , d'après le même ;
— La Vierge, d'après le même ; — La Chasse au
Lion, La Chasse au Loup, La Chasse au San-
glier et La Chasse au Crocodile, toutes les qua-
tre d'après Rubens ; — Le Vieux Tohie et sa
femme, d'après Rembrandt; — David jouant
de la harpe, d'après le même ; — deux Por-
traits de femme, d'après le même; — Saint
LEEUWEN 298
François et Saint Antoine d'après Lievens;
— six Paysages d'après Nieulant. E. G.
Gorl Uandinelli, NoHzie denli Intagliatnri (seconde
édition ). — Nagler, AWiem. Kilnstler-Lexicon.
leetw (Gabriel van der;, peintre hollan-
dais, né à Dort, le 11 novembre 1643, mort dans
la même ville, le 3 juin 1688. Il était fils et élève
de Sébastien van der Leeuw, qui peignait assez
bien les animaux, mais qui abandonna la pein-
ture pour entrer dans l'octroi. Gabriel, déjà
habile, se rendit à Amsterdam, où il épousa la
sœur du peintre van der Plaats. Les contra-
riétés qu'il éprouva dès son mariage le déter-
minèrent à voyager, et, laissant sa jeune épouse,
il ne revint pies d'elle qu'après quaorze années
d'absence, passées quatre à Paris et à Lyon,
deux à Turin , sept a Naples et une à Rome.
Partout il fut employé, et ses ouvrages payés
cher, excepté dans sa patrie, où sa touche large
et décidée, sa manière ilalienne, digne de Cas-
tiglione, n'était pas appréciée. Ses tableaux, pleins
de chaleur et de naturel , réprésentent généra-
lement des troupeaux de moutons, de bœufs ou
d'autres animaux. A. de L.
leeuw (Pierre van ber), peintre hollan-
landais, frère du précédent et comme lui élève
de leur père; il ne quitta jamais sa patrie, où
ses ouvrages sont fort estimés à cause de leur
fini. Il peignait le paysage animé par des per-
sonnages et des animaux. Sa manière se rappro-
che beaucoup de celle de van de Velde; c'est la
même couleur naturelle et dorée, la même facilité
dans le pinceau , sans pourtant que les détails
soient négligés. Pierre van der Leeuw eût fait
une brillante fortune si la bizarrerie de son hu-
meur n'eût écarté de lui toute société. On ignore
l'époque exacte de sa mert A. de L.
J:>kob flampo Weyennan, Der SeMlderkonst des Ne-
dtrlanders, tom.lll, p. 20. — Nagler, AllgemeineKunst-
ler-Lexicon. — Oescamps La rie des teint- es hollan-
dais, t. Il, p. 279-280, 29S. — Pilkington, Dictionary of
Painters.
LEEiTWEf* (Simon v an), jurisconsulte hollan-
dais, né à Leyde, le 17 octobre 1625. mort à La
Haye, le 13 janvier 1 682. Après s'être fait recevoir
docteur en droit à l'université de Leyde, il exerça
pendant plusieurs années dans cette ville la profes-
sion d'avocat. Plus tard il devint membre de la
régence de Leyde, et il fut enfin nommé en 1681
greffier substitut au conseil souverain de Hol-
lande, de Zélande et de Westfrise. Ses principaux
ouvrages sont : Van het recht der edelen in
Holland (Sur le Droit des nobles en Hollande) ;
La Haye, 1659 et 1740, in-12; — Censura fo-
rensis theoretico-practica , id est tolius ju-
ris civilis romani , usuque recepti et prac-
tici, methodica Collatio, interjpctis constitu-
tionibus et statutis particularibus cujusque
fere christianorum gentis ; Leyde, 1662,in-4°;
Amsterdam, 1678 et 1685, 2 vol. in-fol. ; Leyde,
1741, 2 vol. in-fol.; cet ouvrage fut longtemps
d'un usage fréquent dans les universités et dans
les tribunaux des Pays-Bas et de l'Allemagne;
299
LEEUWEN — LE
— Het roomsch. Holland Regt (Le Droit romain
reçu en Hollande); Leyde et Rotterdam , 1664,
in-4°; Amsterdam, 1732, in-4° ; — Manier van
procedeeren in civile en crimineele saken
binnen de steden en ten plat (en lande van
Holland (Manière de procéder dans les causes,
tant civiles que criminelles , dans les villes et
villages de Hollande); Amsterdam et Leyde,
1666 ef 1721, in-12; — Handvesten en Pri-
vilegien van de Rhynland ; Costumen , Keu-
reh èride Ordonnantien van het bailjuschap
( Chartes et privilèges du pays de Rhynland ;
coutumes et ordonnances concernant ce bail-
liage); Leyde et Rotterdam, 1667, 2 vol. in 4°;
— Beschryving der Sladt ende Universiteydt
Van Leyden ( Description de la ville et de l'uni-
versité de Leyde) ; Leyde, 1672, in-12 ; — Groot
Placaat-boek van de hereen Staalen generaal
der veréenigde Nederlanden, van de heeren
Staaten vân Holland , Westfriesland, van
Zeeland etc. <' Recueil de placards et ordon-
nances des états généraux des Provinces-Unies,
ainsi que des États de Hollande, de West- Frise,
de Zélande, etc.); La Haye, 1682, in-fol.; ce
recueil, qui va jusqu'en 1682, a été continué plus
tard jusqu'en 1740 par Scheltus; — Batavia
illuslralà; La Haye, 1685, in-fol. : cet ouvrage,
écrit en hollandais, traite de l'histoire des an-
ciens Bataves, de leurs coutumes civiles et reli-
gieuses ; il contient aussi des recherches sur la
noblesse de la Hollande et sur les divers gou-
vernements auxquels elle a été soumise. Leeu-
wén à encore publié divers traités de jurispru-
dence hollandaise; il a aussi donné une édition
annotée, très-estimée du Corpus Juris civilis;
Amsterdam etLeyde, 1663, in-fol. ; elle est basée
sur l'édition de Godefroy ; enfin Leeuwen a fait
paraître un recueil qui, très-utile à l'époque où il
parut, n'a plus aujourd'hui une très^grande va-
leur ; il a pour titre : De Origine et progressif
Juris civilis Romani authores et fragmenta
veterum Jurisconsultorum cum notis Vinnii,
Cujàcil et vartorum ; Leyde, 1672, in-8°.
É.G.
Pàqùdt, Mémoirei, t. IV. — Six, Ononiasticori, t. IV,
p. 99*.
LEEUWENHOECSC. Voy. LeUWENBOECJL
leeves (William), compositeur anglais,
nlort en 1828. Il avait embrassé l'état ecclésias-
tique, et fut ministre de Wrington, dans le comté
de Somerset. Il est l'auteur d'une des ballades
les plus populaires de l'Ecosse, Robin Grey,
composée par lui en 1770, mais restée anonyme
jusqu'en 1812; Boïeldieu lui fit l'honneur de l'in-
tercaler en partie dans l'opéra comique de La
Dame blanche. Leeves a écrit aussi beaucoup
de musique sacrée, dans laquelle il a fait preuve
de goût et de sentiment. P. L— y.
Mannders, Biogr. trèasury.
ilëewîs (Denis), théologien mystique belge,
surnommé le Doctor exstaticus, né à Rickel, dans
jfô H5nr«r cie Liège; en 1394 < mort le 12 mars
AUCHEUR 300
1471. Après s'être fait recevoir maître es arts à
Cologne, il fit profession chez les Chartreux à
Ruremonde. Il consacra sa vie à la prière et à la
rédaction de plus de cent ouvrages et opuscules
dont une parlie traitent de philosophie, de théo-
logie morale exégétique, mais dont le plus grand
nombre sont inspirés par un mysticisme fer-
vent. Parmi ces traités nous citerons : De qua-
tuor Hominis novissimis et de particularl
judicio et obitu singulorum; Delft, 1487; Co-
logne, 1568 et 1591, in-12; —Spécula omnis
status humanae vitx ; Nuremberg, 1495, in-4" ;
— Enarraliones in Psalmos; Cologne, 1531 ;
— Contra Alcoranum et sectam mohameti-
cam; Cologne, 1533,in-8°; traduit en allemand,
Strasbourg, 1540, in-fol. ; — De Fide catholica
contra gentiles; Cologne, 1534, in-8°; — In
libros IV Sentent i arum ; Cologne, 1538 ; Ve-
nise, 1584; — In quatuor Évangelia; Colo-
gne, 1538 et 1543, et Venise, 1569; — In qua-
tuor Prophetas majores ; Cologne, 1548 ; — In
ovines Pauli Epistolas ; Cologne, 1545; —
InDionysii Areopagitx Opéra ; Cologne, 1546;
— In Peniateuchum ; Cologne, 1547, in-fol. ;
— In XII Prophetas minores; 1549; — Sum-
ma fidei orthodoxe ; Anvers, 1569, in-8° ;
Venise, 2 vol. in- 16 ; — Opusculâ minora; Co-
logne, 1559, in-fol., recueil de trente-et-un
traités, contenant des instructions morales pour
tous les états de la vie ; — Tractus mystici VII ;
Louvain? 1576, in-4°. Parmi les opuscules de
Leewis restés en manuscrit , on remarque :
Contra Artes magicas et Errores Walden-
iium; Contra Superstitiones ; Contra vitium
proprietatis monachorum ; Epistolas ad di-
versos. È. G.
Loerius, f^ita Dion. Leewis; Cologne, 1332, in-8°. —
Acta Sanctùrum , mars, t. II, p. 248. — Petrejus, Sibl.
Carthusiana. — Fabrlcius, Bibl. médias et infi.rn.se Lati-
nitatis, t II, p. 9S. — Foppens, Bibl. belyica.
LE Padcheuk (Michel), en latin Falca-
rius , prédicateur et théologien réformé , né à
Genève, vers la fin du seizième siècle, et mort
à Paris, le 1er avril 1657. Il fut, très-jeune en-
core, ministre à Annonay. En 1612 il fut appelé
à Montpellier, où il exerça le ministère évangé-
lique pendant vingt ans. Atteint en 1632 par un
arrêt du parlement dé Toulouse, qui interdisait
aux étrangers l'exercice du ministère, il se rendit
à Paris pour solliciter son rétablissement. A peu
près à cette époque, l'académie de Lausanne lui
offrit une chaire de théologie, qu'il refusa pour
poursuivre sa réintégration à Montpellier. Ce-
pendant l'Église réformée de Paris désirait s'at-
tacher ce ministre, qui passait pour un prédica-
teur distingué; mais on craignait une opposition
de la part du gouvernement. On raconte qu'en
1636 un cordelier, familier de Richelieu, ayant
par hasard rencontré Le Faucheur chez un
pharmacien de la rue Saint-Jacques, l'assura
qu'il pouvait prêcher sans crainte à Charenton.
C'est ce qu'il fit le dimanche suivant, et il fut
aussitôt nommé ministre de l'église de Paris j
30l LE FAUCHËUB
sans que le gouvernement fit aucune observa-
tion sur cette nominaiion. On a de Le Faucheur :
Traité de la Cène du Seigneur; Genève, 1635.
in-fol. contre le cardinal du Perron; — Sermons
sur divers textes de l'Écriture Sainte ; Ge-
nève, 1660, 2 vol. in-8°; — Sermons sur tes
onze premiers chapitres des Actes des apôlres ;
Genève, 1663, in-8°; — Sermons sur le pre-
mier chap. de TÉpître aux Thessaliens ; Ge-
nève, 1666, in-8°; — Vingt Sermons sur di-
vers psaumes ; Genève, f.è69, în-éio ; — tfaîû
de V Action de V Orateur, ou de la prononcia-
tion et du g este; Paris, 1657, in-8°. Cet ou- j
vrage, publié après la mort de Le Faucheur, par j
Courart qui était son ai ni , passa d'abord pour ;
une production de cet académicien. 11 a eu de j
nombreuses éditions, et il a été traduit en latin
par Mèlctiior Schmidt ; Helmstadt, 1690, in-8°.
Michel Nicolas.
Baylc. Dict. Hist.
leeebcre (Jean), écrivain français, de la lin ;
dû quatorzième siècle; né à Thérouanne. Où
. manque de détails sur sa vie : il traduisit en vers
fiançais îé ktifàëolùs, sàiirê contre les femmes,
écrite en latin par maître Mathieu; le titre de
cette composition en fait connaître le sujet :
Le Livre de Matheolus
Qui nous monstre sans varier
Les biens et aussy les vertus
Qui vieignent pour soy marier
Et a tous faietz considérer
Il dist que lomme n'est pas saige
S'y se tourne remarier
Quant prins a este au passaige.
Les premiers vers donnent aussi une idée du ton
qui règne dans l'œuvre :
Comment Matheolus bigame
Fist un livre disant sa gaine
De mariage tout a plain
Et en compensant se complaint :
Trislis est anima mea,
Jésucrist qui tant aymé a.
On connaît deux éditions imprimées à Paris chez
Antoine Vérard, 1492, in-folio; une autre in-4°,
ayant la même date, est, à ce qu'on croit, sortie
des mêmes presses : une quatrième édition, a sa
date énoncée de la façon suivante :
Retenez mil et cinq cens,
Je vous pry, ostez en liuyct.
Une cinquième édition fut exécutée a Lyon vers
1530. Toutes sont rares; et l'un des volumes
m folio imprimés chez Vérard s'est élevé à
460 fr. à la vente des livres du prince d'EssIing.
La naïveté de certains passages, la singularité des
idées, font rechercher les vers de l'ennemi des
femmes, que les Cent nouvelles désignent sous le
nom de Mutheolet. Il trouva un adversaire, qui
lui opposa le Rtbours de Matheolus ;il eut un
abréviateur qui en fit un extrait en latin, en y joi-
gnant des traits nouveaux. G. B.
Goujtt, Bibliothèque Française, t. X, p. 149. — I.-C.
Bruriet, Manuel du Libraire, t. 111, p. 319. — Bulletin
du Bibliophile, 1834, n° 12.
lefébure (Simon), ingénieur allemand ,
né en Prusse, vers 1720, mort en 1770. Il ap~
— LEFEBURE 302
parlenaità une famille de réfugiés français, en-
tra au service sous Frédéric II ,. et parvint au
grade de major dans le corps du génie. Il était
membre de l'Académie royale des Sciences et
Belles-Lettres de Berlin. On a de lui : Nouveau
Traité du Xivellenieht, dédié au roi de Prusse ;
Pôtsdam (Paris), 1753, in-4° avec fig.; — L'Art
d'attaquer et de défendre les places ; Berlin,
1757, in-4°, avec 13pl.;Breslau, 1774, in-4°, avec
fig.; — Essai Éiir les Mines; Neisse, 1764,
in-4" , avec fig.; — Essai sur la manière de
faire les cartes ; Breslàu, (772, in-8°, avec pi.;
Maestricht, 1777, in-4°,avec fig.; — Journal du
Siège de laville deScfiweidhitz, en l'an 1762;
Maestricht, 1778, in-4°, avec pi.;— Recueil
de quelques pièces et lettres relatives aux
épreuves du globe de compression , avec 2 pi.
Tous les écrits de Leféb'ure ont été réunis sous le
titre à'Œuvres complètes; Maestricht, 1778,
2 vol. in-4°, avec pi. ; nouvelle édition sous ce
titre : L'Art d'attaquer et de défendre les
places , suivi d'un Essai sur les Mines et
d'un nouveau Traité sur le Nivellement ; Pa-
ris, 1808, 2 vol. in-4°, avec pi. J. V.
Quérard, La France Littéraire.
lkfébire (Guillaume-René), baron de
Saint-Ildefont , médecin et littérateur fran-
çais, né le 25 septembre 1744, à Sainte-Croix-
sur-Orne, mort à Âugsbourg, le 27 juillet 1809.
Fils d'un gentilhomme, il entra en 1709 dans la
compagnie des chevau-légers de la maison du
roi ; mais son goût l'entraînant à l'étude des
sciences naturelles, il quitta le service militaire,
se fit recevoir docteur en médecine, et entreprit
des recherches sur la maladie vénérienne et sur
l'organe de la vue. A son retour de plusieurs
voyages enHollandeet en Allemagne,il fut nommé
médecin du comte de Provence, enl785. llémigra
à la révolution, parcourut la Hollande, l'Allemagne
et l'Italie, en pratiquant la médecine. Il rentra en
France en 1801, mais ses opinions le mirent en
opposition avec le gouvernement, et il s'expatria
de nouveau. Il se rendit à Munich , puis à Augs-
bourg et à Francfort-sur-Ie-Mein, où il exerça sa
profession. Le 8 mai 1809, il fut nommé méde-
cin en chef des hôpitaux d'Augsbourg Une foule
de blessés de l'armée française furent apportés
dans cette ville après les batailles de Ralisbonne
et d'Ess'ing; plein de zèle pour ses malheureux
Compatriotes, Lefébure fut atteint du typhus qui
l'emporta. On raconte qu'un prêtre s'étant pré-
senté pour l'assister dans ses derniers moments,
Lefébure lui répondit: «Mon cher abbé, dites à qui
vous voudrez que vous m'avez confessé, je vous
y autorise; mais, au nom de Dieu, laissez -moi
mourir en paix. » On a de lui ; Les Orphelins,
comédie en trois actes et en prose ; Genève, 1771,
in-8°; — Sophie, ou le triomphe de la vertu,
comédie en cinq actes et en prose; Stockholm,
1771, Avignon, 1791, in-8°; — Le Connais-
seur, comédie en trois actes et en vers, imitée
d'un conte de Marmontel; Genève et Paris,
303
LEFÉBURF
304
1773, réimprimée sous ce titre : M. de Fintac,
ou le/aux Connaisseur, comédie par l'aveugle
de Ferney ; Genève, 1774, in-8"; — L'Art de
régner, poëme présenté au concours des Jeux
floraux; Lausanne, 1773, in-8°; — Médecin de
soi-même, ou méthode simple pour guérir les
maladies vénériennes avec un chocolat aussi
utile qu'agréable ; Paris, 1775, 2 vol. in-8°;
— Méthode familière pour guérir les mala-
dies vénériennes ; Paris, 1775, 2 vol. in-8°;
— Remède éprouvé pour guérir radicalement
le cancer occulte, manifeste ou ulcéré; Paris,
1775,in-8°; — Étal delà Médecine, Chirurgie
et Pharmacie en Europe, et principalement en
France (avecL.-A. Cezan); Paris, 1777, in-12;
— Manuel des Femmes enceintes et de celles
qui sont en couches, et des mères qui veulent
nourrir ; Paris, 1777, in-12, 1782, 1799, in-8°;
— Éloge historique de Pierre le Grand; 1780,
in-4° ; — Mémoires cliniques sur les mala-
dies vénériennes ; Utrecht, 1781, in-12; — Ob-
servations pratiques, rares et curieuses sur
divers accidents vénériens; Utrecht, 1783, in-8°;
— Polixène, tragédie en cinq actes et en vers;
Utrecht, 1785, in-8°; — Description et Itiné-
raire historique, politique et géographique
des sept Provinces-Unies des Pays-Bas et de
leurs colonies; La Haye, 1782, 1790, in-8°; —
Macbeth, tragédie en cinq actes; Utrecht, 1783,
in-8°; — République fondée sur la nature
physique et morale de l'homme; Francfort,
1790, 1798, in-8°; — Le Roi voyageant inco-
gnito , ou l'école des voyageurs , comédie en
trois actes et en prose ; 1795, in-8° ; — Le Guide
des personnes de l'un elde l'autre sexequi sont
affligées de hernies ou descentes ; Francfort ,
1798, in-8°; — Traité sur la paralysie du
nerf optique, vulgairement nommée goutte
sereine; Paris, 1801, in-8°; — Recherches et
Découvertes sur la nature du fluide ner-
veux, ou de l'esprit vital, principe dévie, etc.;
Francfort, 1801, in-8°; — Histoire anato-
mique, physiologique et optique de l'Œil;
Francfort et Paris, 1803, in-8°. Lefébure a en
outre écrit quelques mémoires de médecine en
allemand, et des ouvrages politiques et polé-
miques sur les troubles de la Hollande.
Son fils, ancien officier d'infanterie, a publié :
Rapport sur la formation d'un corps de na-
geurs, arme nouvelle; Paris, 1818, in-8°; —
Réflexions critiques sur quelques parties du
règlement sur les manœuvres d'infanterie ;
Perpignan, 1824, in-8°; — Deux Lettres aux
Femmes sur la doctrine phrénologique, d'a-
près Gall, en prose mêlée de vers; Paris, 1836,
2 livr.; — Napoléon au dernier Bonaparte, en
vers; Paris, 1848, in-S°. J. V.
fliogr. univ. et port, des Contemp. — (}uérar<l, La
France Littéraire. — Bourquelot et Maury, La Liltër.
franc, cvntemp.
lkfÉbcre (Louis- Henri) , littérateur et
botaniste français, né à Paris, le 18 février 1754,
mort le 23 mai 1839. Il étudia d'abord la mu-
sique et les arts du dessin, et se mêla de cri-
tique artistique et musicale. Partisan des idées
nouvelles, il devint membre du conseil de la
commune de Paris en 1789, et servit autant qu'il
put la cause de l'humanité. Le 5 octobre il ar-
rêta un individu qui voulait mettre le feu à 1 hô-
tel de ville; vers le même temps, il arracha des
mains de la multitude un oratorien menacé de
perdre la vie. Le 3 février 1791 il présenta à
l'Assemblée constituante, présidée par Mirabeau,
une pétition qu'il avait rédigée, au nom des prin-
cipaux musiciens de cette époque, pour demander
une école de musique. En 1793, Lefébure fut
envoyé en qualité de commissaire pour les beaux-
arts dans le midi de la France. Il y resta dix
mois ; mais s' étant trouvé en opposition avec le
commissaire de la Convention, il fut arrêté à
Avignon, et après une détention de cinq mois,
envoyé à Paris. Il n'arriva dans la capitale que
cinq jours après le 9 thermidor, et fut mis en li-
berté. Il obtint successivement l'emploi d'admi-
nistrateur du département de Vaucluse , de se-
crétaire général de la préfecture du Var, et enfin
de sous-préfet de Verdun. La restauration lui ôta
ce poste. Rentré dans la vie privée, il s'occupa
avec ardeur de botanique, et imagina une nou-
velle méthode de classification, basée sur les dif-
férentes parties de la fleur : il développa son Sys-
tème, floral dans divers ouvrages et dans un
cours qu'il professa à l'Athénée. En 1820 il pré-
sida la Société linnéenne. La Société de la Mo-
rale chrétienne ayant mis au concours, en 1824, la
question de la suppression de la loterie, partagea
le prix entre deux mémoires qui avaient tous deux
été rédigés par Lefébure. Son système de clas-
sification des plantes n'ayant pas été adopté, il
s'occupa de l'élaboration d'un système musical
fondé sur ce principe que la voix humaine étant
le type de tous les sons, c'est à elle qu'on doit rap-
porter toutes les modulations ou intonations de
l'harmonie. Il n'eut pas plus de succès. Aubert
de Vitry montre Lefébure « toujours occupé de
trouver dans des méthodes plus simples, dans
des classifications plus conformes à l'état naturel
des choses, les moyens de rendre l'enseignement
de la botanique et de la musique plus facile : con-
tent de peu, ne cherchant de plaisir que dans l'é-
tude et l'affection de ses amis. » On a de Lefébure :
Coup de Patte sur le Salon de 1779, dialogue
précédé et suivi de Réflexions sur la Pein-
ture; Paris, 177^, in-8°; — Nouveau Soif ége ;
Paris, 1780, in-8° ; — La Patte de Velours,
pour faire suit eau Coup de Patte; Paris, 1781,
in-8° ; — Le Triumvirat des Arts , ou dialogue
entre un peintre, un musicien et un poète, sur
les tableaux exposés au Louvre en 1783; Pa-
ris, 1783, in-8°; — Rameau, ballet allégorique,
suivi de Réflexions sur la poésie allégorique ;
la Mort d' Abel, récitatif, etc.; Lausanne, 1773,
in-8" ; — Bévues, Erreurs et Méprises de dif-
férents Auteurs célèbres en matières musi-
305 LEFÉBURE
cales; Pans, 1789, in-8°; — Vérités agréables,
ou le salon vu en beau ; Paris, 1789, in-8°; —
Plan de Constitution par Louis Lefébure,
'lit Pot de Fer, de l'imprimerie des Aveugles
{travailleurs , rue Denis, 34 ; Paris, in-8°; —
{Observations sur le dernier massacre d'Avi-
gnon (le 26 pluviôse an V); — Justice contre
Maignet, député, à la Convention, destructeur
ie Bedoin ; in-8° ; — Étude analytique de
l'éloquence, ou manuel des orateurs; Paris,
p803, in-12; — Essai sur l'Organisation du
\monde physique et moral; Commercy, 180G,
;in-80; — Discours sur le principe essentiel
rie l'Ordre en Histoire naturelle, et particu-
lièrement en Botanique; Paris, 1812, in-8°; —
[Méthode signalementaire pour servir à l'é-
\tude des noms des plantes ; Paris, 1814-1815,
(trois cahiers in 8° ; — Concordance des trois
[Systèmes de Tournefort, Linneeus et Jussieu
\par le Système foliaire; Paris, 1816, m-8°; —
\Le vrai Système des Fleurs, poëme ; Paris, 1817,
i'n-8"; — Atlas Botanique, ou clef du jardin
«le l'univers, d'après les principes de Tour-
nefort et de Linné réxtnis; Paris, 1817, in-8°,
suivi d'une Lettre à M. de Jussieu; —Système
floral; Paris, 1820-1821 , in-8°; — Réflexions
importantes sur le Viceradical del' Enseigne-
ment mutuel adopté pour la botanique au Jar-
din du Roi; Paris, 1821, in 8°; — Les Chances
delà Loterie ; La Famille Bréval, ou la loterie
^dévoilée; Le Curé de Fresnes, ou la lo-
kerieen délibération ; Paris, 1824, in- 18 : ou-
jvrages couronnés par la Société de la Morale
(chrétienne; — Résumé de l'Histoire de la
^Franche- Comté; Paris, 1825, in-18; — Cours
[de promenades champêtres aux environs de
[Paris; Paris, 1826-1827, 2 cahiers in-8°; —
tPrécis des Découvertes les plus importantes
nouvellement faites en Histoire naturelle,
jt'oimantun volume supplémentaire d'une édition
des Œuvres complètes de Buffon d'Eymery ;
{Paris, 1828, in- 8°; — Album floral des
\Plantes indigènes de France, ou botanique
{élémentaire à l'usage des jeunes personnes
l(avec M. Ch. Leforestier ) ; Paris, 1829, in-8°.
JLefébure a donné quelques morceaux au recueil
jde la Société des Dix-neuf, dont il était membre;
Paris, 1829, in-16; on signale, entre autres : A
Ipropos du romantisme , et De la Plante ap-
pelée Rallesa. J. V.
306
Aubert de Vitry, Discours prononcé sur la tombe de
M. Louis Lefébure, dans le Moniteur dn 29 mai 1839. —
Quérard, La France Littéraire.
eefebcre ou le FEBVRE (Jean ou Jac-
ques), théologien belge, né à Gluson (Hainaut ),
mortà Valenciennes, en 1755. Il entra chez les jé-
suites, enseigna la philosophie à Douai, et devint
directeur-président du séminaire de Beuvrai,
près Valenciennes On a de lui : Bayleen petit,
ou analomie de ses ouvrages; Douai, 1737,
in-12; réimprimé sous le titre d'Examen cri-
tique des ouvrages de Bayle; Paris, 1747 ; —
La seule Religion véritable démontrée contre
les athées, les déistes, etc. ; Paris, 1744, in-8".
A. L.
Chaudon et Delandinr, Dict. Historique ( édil. 1811).
I leférike de fourcy ( Louis), mathé-
maticien français, né à Saint-Domingue, le
25 août 1785. 11 passa les premières années de
sa vie à Nantes, où sa famille vint s'établir. De
là il fut envoyé à Paris au Collège national des
Colonies, qui dépendait du ministère de la ma-
rine. Admis à l'École Polytechnique à seize ans,
il en sortit pour entrer dans le corps d'artillerie.
Peu après il renonça à la carrière militaire, se fit
recevoir docteur es sciences , et se livra à l'ensei-
gnement privé. Plu* tard il fui attaché au collège
Saint-Louis lorsde sa fondation, enqualitéde pro-
fesseur de mathématiques. Suppléant de Lacroix
en 1839, il lui succéda dans la chaire de calcul
différentiel et intégral à la Faculté des Sciences de
Paris. On a de M. Lefébure de Fourcy : Traité de
Géométrie descriptive, précédé d'une intro-
duction qui renferme la théorie des plans et
de la ligne droite considérée dans l'espace,
4e édit. ; Paris, 1843, in-8° et atlas; — Leçons
d'Algèbre, 5e édition; Paris, 1844, in-8°; —
Leçons de Géométrie analytique, comprenant
la trigonométrie rectiligne et sphérique, les
lignes et les surfaces des deux premiers or-
dres ; Paris, 1827, 1831, 1833, 1840 et 1847,
in-8° avec 11 pi.; — Eléments de Trigono-
métrie, 6* édit. ; 1847, in-8°, avec une planche;
— Théorie du plus grand commun diviseur
algébrique et de l'élimination entre deux
équations à deux inconnues; Paris, 1857,
in-8°. Les ouvrages de M Lefébure de Fourcy se
recommandent par l'ordre et la méthode. On es-
time beaucoup son Traité de Géométrie descrip-
tive et sa Géométrie analytique, dans lesquels il
procède par l'analyse plutôt que parla synthèse.
On y trouve effectivement pea de théories gé-
nérales ; l'auteur a pensé que l'esprit généralise
bien plus facilement lorsqu'il a étudié la plupart
des cas particuliers sur lesquels reposent les mé-
thodes générales. Jacob.
Documents partie.
*lefÉhpre-wÊly ( Louis- Alfred), com-
positeur français, né à Paris, le 13 novembre
1817. Fils d'un organiste de Saint-Roch, qui lui
donna de bonne heure des leçons , il joua sa
première messe à l'orgue de cette église dès
l'âge de huit ans. Quelque temps après, il sup-
pléa tout à fait son père, paralysé, et après îa
mort de celui-ci, en 1831, il le remplaça. En
même temps, il commença des études sérieuses
sous MM. Séjan, Merault et Rigel. Reçu en 1832
au Conservatoire, il suivit la classe d'orgue de
M. Benoist, les classes de piano de MM. Laurent
et Zimmermann, et les classes de composition de
Berton. Il remporta les deux seconds prix d'orgue
et de piano en 1833, et les deux premiers en
1835. M. Halévy lui donna aussi des leçons, et
dès lors M. Lefébure-Wély s'essaya dans la com-
307
LEFEBURE — LEFEBVRE
308
position. En 1847 il quitta l'orgue de Saint-Roch
pour ceiui de la Madeleine, où il s'est fait remar-
quer en exécutant de brillantes improvisations,
des morceaux classiques et ses propres composi-
tions. On a de lui plusieurs messes, dont une
à grand orchestre; — deux symphonies, un
quatuor et un quintette pour instruments à
cordes; — des Etudes pour orgue et piano ; —
des Cantiques et douze Offertoires. C'est à son
jeu doux et expressif qu'on doit pour ainsi dire
la révélation de Vorgue expressif, connu aussi
sous les noms de poïkilogue, melodium, har-
monium et harmonicorde, dont la vogue dure
encore. M. Lefébufe-Wély s'est aussi occupé de
photographie. J.,V.
Vapereau. Dict. univ. des Contemp.
lefebvre (Jean), historien et poète fran-
çais, né à Dreux, dans le seizième siècle. Il n'est
( -onnu que par un ouvrage en vers, aussi rare que
curieux : Les Fleurs et Antiquités des Gau-
les, où il est traité des anciens philosophes
gaulois appelés Druides ; avec la descrip-
tion des bois, forêts, vergers et autres lieux
de plaisir situés près de la ville de Dreux;
Paris, 1532, in-8°. L— z— E.
La Crois, du Maine, Bibliothèque Française, t. II. —
Dom Lironi , Bibliothèque Chartraine. — Bratnne, Les
Hommes illustres de l'Orléanais.
lefebvke (î) ( Tanneguy), en latin Ta-
naquit Faber, célèbre philologue français, né à
Caen, en 1615, mort à Saumur, le 12 septembre
1672. Né d'une bonne famille et non d'un fos-
soyeur, comme le prétend le Segraisiana, il fut
élevé jusqu'à l'âge de douze ans par son oncle,
ecclésiastique savant, qui, lui trouvant « la voix
juste et loreille merveilleuse , » le fit s'appli-
quer à la musique. A douze ans Lefebvre com-
mença l'étude du latin , et s'en serait rebuté bien
vite, grâce aux rudesses de son précepteur, si
son père ne se fût hâté de placer l'enfant à
plus douce école. Le jeune élève entreprit de lui-
même le grec, que ne savait pas son second
maître, et tout d'abord, après la lecture de quel-
ques chapitres de saint Luc, il s'attaqua de
haute lutte à Sophocle et à Homère. Un an et
demi après, il était en état d'entrer en seconde
au collège de La Flèche, où il acheva sa rhé-
torique et sa philosophie. Ses étude* terminées, j
résistant à toutes les instances des jésuites du
collège et même, suivant Nicéron , aux prières
de son père, il retourna à Caen pour se livrer à ;
l'amour des lettres, ou, suivant Huet, qui l'a
* mieux connu, pour se préparer à prendre les j
ordres. Pourtant, après quelques années passées
en Normandie, il vint à Paris, où Des Noyers ob-
tint pour lui du cardinal de Richelieu la sur-
veillance des ouvrages qui s'imprimaient au ,
Louvre, et 2,000 livres de pension. A l'avène-
ment de Mazarin , Lefebvre, oublié, délaissé,
quitta de lui-même son emploi, et se prépara par
des travaux silencieux à meilleure fortune. En
U) C'est ainsi qu'il signe et non Lefevre-
attendant, il était forcé de -vendre sa biblio-
thèque, comme il le dit lui-même, « pour avoir
du pain ». De Francières, gouverneur deLangres,
l'emmena dans son gouvernement. Il y était à |
peine , qu'il prit congé de son protecteur pour
aller embrasser le protestantisme à Is-sm -Thil
près Dijon. Après un court séjour à Paris , il
se retira à Preuilly en Touraine , et de là vint
s'établir à Saumur, et acquit à un quart de lieue
de la ville une jolie campagne nommée Terre-
fort, sur un coteau baigné par le Thouet. Quoi-
qu'il n'eût encore rien publié, sa réputation de
science et de travail était grande déjà, et l'éclat
de sa conversion n'avait fait qu'attirer davan-
tage encore les yeux sur lui (1).
Dans la séance du conseil de l'Académie de
Saumur du 19 avril 1651, Parisod, docteur en i.
médecine et régent de la classe de troisième, at-
tendu son grand âge et ses quarante-cinq ans de
service, offrit de se démettre entre les mains de
Lefebvre, « qui, estant en pleine liberté de sa per-
sonne et recherchéd'ailleurs, pourroitbien estre
induit à prendre cette charge , ce qui seroit en
grand ornement et en grande utilité à l'eschole ».
Lefebvre, appelé dans le conseil, ayant accepté j
et promis de servir fidèlement et avec affection la
troisième, la compagnie « l'a loué et remercié de
ce que, par le désir qu'il a de servir au bien pu-
blic, il se contente d'une charge qui est bien au-
dessous de sa capacité et encores avec si peu de
récompense et d'autant que la connaissance qu'il
a des bonnes lettres est assez cognue et que sans
parler des témoignages qui lui ont été rendus d'ail-
leurs, sa conversation en cette ville depuis un
temps considérable a été chrestienne et d'édifica-
tion, le conseil a résolu que, parce qu'en cette oc-
casion un examen serait absolument inutile, et
qu'il n'est pas nécessaire de lui faire produire
d'autres certificats, M. le principal l'instaliera
dans la troisième classe dès lundi prochain par
les formes accoustumées, après que selon la cous-
tume et les règlements des synodes nationaux, il
aura signé la confession de foi et la discipline de nos
églises ». Il n'en alla pourtant pas sans difficulté.
Les membres du consistoire de Loudun formè-
rent opposition, prétendant que Lefebvre s'était
engagé envers eux de promesse avant de traiter
avec Parisod. L'académie consentit à suspendre
l'installation ; mais, malgré toutes protestations
contraires , elle autorisa le nouveau professeur
à faire son cours jusqu'au prochain synode, et le
consistoire de Loudun s'étant enfin désisté, l'ins-
talla le 13 juillet 1651. D'après le traité fait volon-
tairement avec son prédécesseur, Lefebvre ne
devait toucher que les minervaux des écoliers
classiques , abandonnant à Parisod tout le traite-
(1) Tous les biographes s'interrompent à ce point de
la vie de Lefebvre, faute de renseignements. Nous pre- '
nons les nôtres dans les registres manuscrits authenti-
ques de l'Académie Protestante de Saumur, où nous avons
déjà puise. Voir sur ces registres une note à ,1'articif
Josué de Laplace.
>09
LEFEBVRE
310
ment fixe. Le conseil académique, « pour lui
donner meilleur courage », lui alloua, le 18 no-
vembre 1651, cette part de gages sur la masse
commune. En 1652 Lefebvre fut député au synode
ie Poitou, qui, la classe de seconde étant venue
i vaquer en 1655, demanda qu'elle fût confiée
i Lel'ebvre. Il s'en était défendu déjà , décla-
ant expressément >< qu'en sa conscience il jugeait
qu'il était plus à propos qu'il demeurât dans la
troisième et que, qui l'en ôterait , les études des
humanités en recevraient un notable détriment ».
L'académie, cette fois encore, admit ses raisons
n référant au prochain synode qui se devait tenir
; Loudun ; mais le synode persista dans sa de-
mande, et par un arrêté spécial déclara que Le-
l'ebvre passerait en seconde sans concurrence et
ans examen. L'académie s'y rendit le 28 oc-
robre 1655. Quand, dix ans plus tard, il s'agit de
rétablir l'enseignement du grec, c'est sur lui en-
core qu'on jeta les yeux. Depuis son installation
définitive à Saumur, ses nombreux travaux,
fruit de longues études, se succédaient rapide-
ment et le désignaient au choix des universités
et des étudiants. 11 accepta volontiers les propo-
sitions qui lui furent faites « déclarant qu'il
était prêt de servir le public en cette charge
sans en demander aucune récompense». Il céda
même une partie d'une rente qui lui avait été
constituée par la libéralité de M. de Villarnoul,
pour aider à l'établir le traitement d'une troi-
sième chaire de théologie. En réalité, son vrai
revenu, c'était la pension que lui payaient les
nombreux élèves qu'il enseignait à l'école et
qu'il répétait et logeait chez lui moyennant
finance, à la manière de tous lès professeurs de
l'académie. Cependant sa santé s'étant altérée,
il dut se faire suppléer pour la fin des cours de
l'année 1670. Au bout d'un mois à peine, on le
pria de reprendre sa classe en lui laissant libres
les .dimanches, les mercredis et les samedis. A
la vérité, d'autres dégoûts que la maladie étaient
venus relâcher son zèle. Ses mœurs assez lé-
gères, ses manières mondaines, certain liberti-
nage d'opinion trop hautement professé, no-
tamment quelques phrases risquées sur les
penchants plus ou moins poétiques de Saphô,
l'avaient depuis quelque temps surtout signalé
au rigorisme de la vieille Église, d'autant plus
sévère que la persécution semblait plus proche.
Le 6 octobre 1670, Lefebvre se présenta au con-
seil académique, et demanda son congé définitif.
« Puisqu'on lui donnait des observateurs, il voyait
bien, dit-il, qu'on lui voulait faire des affaires ; au
reste il était capable de se conduire de lui même,
sans avoir besoin d'inspecteu: ou de la part du
consistoire ou de la part du synode, et ne saurait
désormais se disposer à rendre service à des per-
sonnes qui le traitaient de la sorte. » Il renou-
vela sa déclaration le 25 du même mois, et l'aca-
démie fit droit à sa demande, tout en improuvant
les raisons sur lesquelles elle se fondait et en ex-
primant son vif déplaisir « de voir que le synode,
pour qui nous sommes obligés d'avoir grand res-
pect, est traité par M. Lefebvre avec un tel mé-
pris et outrage que celui qui paroit dans sa dé-
claration ». Dès lors Lefebvre n'avait plus
aucun intérêt qui le pût retenir à Saumur, n'e
tait l'éducation de sa jeune famille. Appelé par
diverses universités qui se disputaient l'hon-
neur de le posséder, il se déeidait à partir pour
Heidelberg, où des offres avantageuses lui pro-
mettaient une position brillante, quand une fièvre
maligne l'emporta, à l'âge de cinquante-sept ans.
Lefebvre n'avait rien dans la mine qui trahît le
pédagogue ou le savant à études austères. Tou-
jours recherché, affecté même dans sa toilette,
toujours en frais d'essences, de parfums, de gants,
d'épingles, qu'il faisait venir deRome, de Londres
ou de Paris, Son abord était brusque, mais sa con-
versation bienveillante , ses habitudes douces et
charitables. Vif et sensible, tout de feu pour l'a-
mitié comme pour la querelle, il avait trouvé au
moins une fois l'occasion de faire acte de cou-
rage, et ne l'avait pas perdue. Une pension de cent
écus que lui faisait parvenir Ménage, au nom
d'un inconnu, dut un jour brusquement s'inter-
rompre : le bienfaiteur anonyme venait d'être
mis à la Bastille : c'était Pellisson. A cette ré-
vélation, Lefebvre n'hésita pas à témoigner de
sa reconnaissance en dédiant un de ses livres à
cette victime politique. D'ailleurs, toujours au
travail , dormant peu , il ne se distrayait de
ses éludes que par l'éducation de ses fils et de
ses deux filles, dont une devait être madame
Dacier.
On a de Tanneguy Lefebvre : Luciani de Morte
Peregrini, grasc. etlat., cum notis; Paris, 1653-
1655, in-4° ; — Luciani Timon, seu Misanthro-
pos, graec. et lat., cum notis; Paris , 1655, in-4° :
dédié à Philippe Jaucourt, baron de Villarnoul.
Les notes deces éditions ont été réimprimées dans
l'édition d'Amsterdam, 1661 1687, in-8°,et dans la
collection Variorum, 1743, in-4o ; — Diatribe:
fl. Josephi de Jesu-Christo lestimonium sup-
position esse, ad Joanneni Chabrolium ; Sau-
mur, 1655. in-8° , réimprimé quatre fois, no-
tamment dans l'ouvrage qui suit. C'est la qua-
rante-quatrième épître. Huet et Charles d'Aubus
répondirent à la dissertation de Lefebvre, qui,
ainsi que Blondel dans sofa livre des Sibylles
( Paris, 1649 ), voit dans ce passage une in-
terpolation d'Eusèbe -, — Èpistolarum, pars I;
Saumur, 1659; pars II, cui accedunt Aris-
tophanis concionatrices , graec. etlat., cum
notis; Saumur, 1665, in-4°. Les deux parties
réunies parurent en 1674 , 2 vol. in-4°. La
première partie est dédiée à Fouquet, la seconde
à Lamoignon ; — Phaedri Fabulas, cum notis et
gallica versione ; Saumur, 1664, in-12 : c'est la
réimpression d'une édition précédente donnée
par Lefebvre (Saumur, 1657, in-4°) , à laquelle
il ajouta cette fois une traduction française par
de Sacy sous le pseudonyme de V. Aubin ; elle
d été souvent reproduite ; — Abrégé des Vies
311
LEFEBVRE
des Poètes grecs; — Le Mariage de Belphé-
gor, nouvelle italienne, traduite en français;
La Vie de Thésée, traduite du grec de Plu-
tarque; Saumur, 1665, in-12, et Paris, 1665,
in-16; — Premier Alcibiade de Platon, mis
en français; Saumur et Paris, 166G, in-12;
— Le Festin de Xénophon , traduit en fran-
çais ; Saumur et Paris. 1666, in-12 ; — Traité
de ta Superstition composé par Plutarque
et traduit en français avec un entrelien sur
la vie de Romulvs; Saumur, 1666, in-12; —
Eutropii Historia Romana, cum Viris illus-
tribus Aurelii Yictoris; Saumur, 1667, in-8°;
Londres, 1705; Leyde, 1726, in-12;— La
Vie d'Aristippe, traduite du grec de Diogène
Laerce; Paris, 1667, in-12; et t. Il des Mé-
moires de Littérature de Salengre; — Cl.
Mliani Varise Historiée, graec. et lat.; Saumur,
1667, in-8°; — Nolae in Hesycliii Lexicon;
Leyde et Roterdam, 1668, in-4° ; — Prima
Scaligerana nusquam antehac édita; Sau-
mur, 1669, in-12. La plupart de ces opus-
cules avaient été publiés séparément. L'abbé
Gallois rendit compte de cet ouvrage dans le
Journal des Savants de 1666. Lefebvre ré-
pondit à ses critiques sévères par le Journal du
Journal, ou censure de la censure; Saumur,
1666, in-4°; et à nouvelle reprise , par la Se-
conde Journaline , adressée à Baudry, pro-
fesseur à Utrecht, qui devait plus tard devenir
son gendre; Saumur, 1666, in-4°. On rechercbe
encore l'édition qu'a donnée de ces deux pièces
Pierre EIzevier; Utrecht, 1670, in-12; —
Apollodori Atheniensis Bibliotheces Libri III,
graec. et lat,, cum notis; Saumur, 1661, in-8° :
dédié à M le comte de Rochechouart , son
élève. Ce n'est que le résumé d'un très -volumi-
neux travail qu'avait préparé Lefebvre ; — Lu-
cretius, cum conjecturis , emendationibus et
notulis perpetuis; Saumur, 1662, in-4°; et Can-
torbery, 1686, in-12 : c'est l'ouvrage, qu'il dé-
dia à Pellisson ; — Dyonisii Longini De Su-
blimi libellus , graec. et lat.; Saumur, 1663,
in-12. Dédié au roi, cet opuscule valut à l'édi-
teur une pension de 500 écus, que supprima
Colbert. La Bibliothèque impériale en possède
un exemplaire chargé des notes de Dacier (U-
trecht, 1670, in-8°) ; il est appelé prima, parce
qu'il se rapporte à la première partie de la vie
de Scaliger. 11 a été réimprimé avec le second,
publié en 1666 par les frères Vassan; Cologne
[Amsterdam], 1695, in-12, sous ce titre: Sca-
ligerana, ou bons mots, rencontres agréa-
bles, etc., de J. Scaliger, avec des notes de
T. Lefebvre et de P. Colomiès ; — Jus tint Epi-
tome Historiarum univers. Trogi Pompeii
cum emendationibus et notis ; Saumur, 1671,
in-12 , dédié au duc de Montauzier; et le même
ouvrage traduit par Colomby, revu par Lefebvre,
Saumur, 1672, in-12; — Terenlii Comœdise;
Saumur, 1671, in-12, dédié au cardinal de
Bouillon. A la suite des notes se trouve une tra-
duction en vers latins de VEpitaphe d'Adonis,
par Bion de Smyrne; — Q. Horatii Flacci{
Opéra; Saumur, 1671, in-12 : dédié au Dau-j
phin; — Plinii Panegyricus ; Saumur, 1671 J
in-12; — Aurelnts Victor, cum notulis; Sau-
mur, 1671, in-12; — iVo/a? in T. Livii His-i
loriam, dans l'édition de Paris, 1672, in-12; et',
dans celle d'Amsterdam, 1738, in-4°; — Mé-\
thode pour commencer les humanités grec-,
gués et latines; Saumur, 1672, in-12; et t. IlJ
des Mémoires de Littérature de Salengre),]
plusieurs fois réimprimée; — Florus cum re-\
censione ; Saumur, 1672, in-12; — FabuleeexA
Locmanno arabica, lalinis versibus redditse,\
et alia poemata ; Saumur, 1673, in-12; réim-J
primé dans le livre premier de ses Lettres; — 1
Anacreonlis et Sa/ honis Carmina, graec. et]
lat., cum notis ; Saumur, 1660, in-12. Madamej
Dacier réimprima les notes avec sa traduction;]
Amsterdam, 1716, in-80;— Dionisii Alexan-i
drini de Situ orbis Liber, graec. et lat. ; Saumur,]
1676, in-8°. Outre ces publications, Lefebvre]
en avait préparé nombre d'autres, et les notes de]
lui que possède encore la Bibliothèque impériale]
sur les tragiques grecs, Lucien, Pindare, Hé-1
siode, Eustathe, Callimaque, Cicéron, OvideJ
Salluste, Lucilius, Plaute, Catulle, Properce elj
Tibulle, attestent l'universalité de ses travaux!
sur l'antiquité grecque et latine. Cel. Port. I
Nicéron.t. III, p. 103. — Mémoires de Littérature Ac |
Sallengre, t 11, p;irt. 2. — Hiiet, Histoire de ta ville di\
Caen. — Bulletin du Bibliophile, 3e série, t. I, p. 19-25 1
— Registres de l'Académie de Saumur, mss. à l'hôtel- 1
Dieu de Saumur.— Haag, France Protestante.
lefebvre (Tanneguy), mathématicien fran]
çais, fils du précédent, né à Saumur, le 23 jan-1
vier 1638, mort dans la même ville, en 1717. il
fut trente ans ministre en Suisse et en Angle-]
terre, et finit par abjurer, ainsi que madame]
Dacier, sa sœur, à son retour à Paris, en 1697.1
On a de lui un paradoxe contre la poésie, intil
tulé : De Futilitate Poetices, Amsterdam, 1697.1
pet. in-8°, et un traité : Des Communes MesureM
et Racines communes des quantités littéralesi
du partage d'autant de quarrés donnés qutm
l'on voudra, en d'autres qui soient des limitesm
prescrites, et de la Résolution des puissancesm
ou équations composées depuis le premietÛ
degré à l'infini; ouvrage nécessaire pouvl
perfectionner l'algèbre en général et en par m
ticulier celle de Diophante; Paris, 1714, in-8°.!j
L'auteur annonce avoir composé son petit traité]!
dans un voyage qu'il fit aux Indes occidentales, il
et promet, en cas de succès, d'en donner unell
continuation. Une attestation de Halley et l'ap-i fc
probation de Saurinle recommandent au public: s
C. Port.
Haag, La France Protestante — Bodia, Recherches \ 4
sur la ville de Saumur.
lefebvre (i) (Claude), peintre et graveur II
(1) C'est ainsi que nous trouvons son nom dans une il
note provenant de sa famille et portant len° 5 des manus-
crits conservés a l'École des Beaux-Arts. La plupart des
laçais, né à Fontainebleau, en 1633, mort à
[ndres, le 25 avril 1675. Il eut pour maître
Sueur et Le Brun. Ce fut ce dernier qui,
ut-être par jalousie, lui conseilla de quitter
istoire pour le portrait; en effet, Lefehvre,
]mme portraitiste , a donné des preuves d'un
ent supérieur. Il reproduisait parfaitement
^pression et le caractère des personnages qu'il
gnait. Sa touche était agréable, son coloris frais
brillant sans affectation. En 1663, il fut reçu
mbre de l'Académie de Peinture, et devint un
s artistes préférés par la cour, où il peignit suc-
isivement le roi Louis XIV, la reine Marie-
érèse, et leurs enfants ; Philippe d'Orléans,
re du roi et la duchesse sa femme; Mllc de
mtpensier; le duc d'Aumont et sa femme
Jlle de La Motthe-Houdancourt); Le Camus,
lieux musicien du temps; Couper in, l'habile
ganiste. Lefebvre représenta aussi sa fille aînée,
k de La Valette. Suivant la notice que nous
alysons, « elle est peinte peignant d'un pei-
p à peigner un de ses frères (sic) ; tout le su-
rèparaît dans un miroir qui se trouvederrière. »
lgré la vogue dont jouissait Claude Lefebvre
France, il crut gagner davantage en Angleterre,
bassa à Londres, où il mourut, jeune encore,
rmi ses compositions historiques, on citait :
\ Nativité, dans l'ermitage de Franchard,près
atainebleau; — Les quatre Évangélistes , à
ksy près Moret ; — L'Éducation des novices,
t Jacobins ( rue des Grez ), à Paris. Lefebvre
Ivait fort bien à l'eau-forte, et a laissé plu-
urs portraits en ce genre. Son meilleur élève
I François de Troyes. A. de L.
/«moires inédits sur les Membres de l'Académie de
\ntare, etc., t. I, p. 40î.
ï.efebvke (Nicolas), auteur dramatique du
[septième siècle. Né en Picardie, il était
é à Amiens , et n'est connu que par une tra-
jlie intitulée : Eugénie, ou le triomphe de la
nstete :; Amiens, 1678, in-12. E. D— s.
liaudon et Delandlne, Dict. hist. (1812).
lefebvp.e (Valenti n), connu sous le nom
j Valentino Le Febvre de Venise , peintre et
Weur belge, né à Bruxelles, en 1643. Sa vie
peu connue. Il habita longtemps Venise,et, mar-
int sur les traces du Véronèse, il réussit dans
■ œuvres à approcher de ce grand maître. Le-
j»vre peignit peu, aussi ses tableaux sont-ils re-
ferchés. Ses têtes n'ont rien dultramontain et
h coloris est exempt des défauts de son siècle.
(touche à de la force, sans exagération. Ses pe-
îs toiles sont bien finies, mais il a moins de
rite dans ses grandes toiles, oii il pèche quel-
efois par la composition. Lefebvre gravait fort
fl ses nombreuses gravures des plus beaux ta-
aux du Titien, de Paolo Véronèse et des plus
graphes l'ont donc écrit à tort Le Fèvre. Dans cette
e Lefebvre esl déclaré né de « parens illustres». Rien
is sa généalogie directe ne nous a semble justifier une
îblable qualification.
LEFEBVRE 314
habiles mattres vénitiens, ont été pai erreur at-
tribués par Orlandi à on autre Lefebvre.
A. de L.
Lami, Stnria délia Pittura, t. III, p 275-276. — Anton-
rnaria Zanetti, Délia Pittura veneziaiiu, etc.; Venise,
1771, ln-8°. — Orlandi, Jbecedario Pittorico ; Bologne,
1719, in-4».
LEFEBVRE DE LA BELLANDE ( Jean -
Louis), administrateur français, mort le 25 juillet
1762. Il était employé aux fermes générales.
Ona de lui : Traité général des Droits d'Aides ;
Paris, 1760, in-4°. J. V.
Quérard, La France Littéraire.
lefebvre ( Philippe), littérateur français,
né à Rouen, le 15 janvier 1705, mort dans la
même ville, en 1784. Il était président du bureau
des finances de la généralité de Rouen, et s'é-
tait fait connaître à l'âge de dix-neuf ans par un
travail critique remarquable. Il donna depuis,
d'autres ouvrages, sousle voile de l'anonyme. On
a de lui : Examen de la tragédie d'Inès de
Castro (de Lamotte Houdar); Paris, 1723,
in-8°; — Lettre d'un gentilhomme de pro-
vince au sujet de la tragédie d'Inès de Castro;
Paris, 1723, in- 8° ; — Lettres de deux Amis ;
1724, in-12; — Le songe de Phïlalètes, tra-
duit du grec de Parthénhis ; 1725, 1750,
in-12 ; c'est une traduction supposée-, — Le Pot-
pourri; 1727, 2 parties in-12; — Nanin et Na-
nine, fragment d'un conte traduit de l'a-
rabe ; 1749, in-8°; — Histoire de M1^ de
Cerni; Berlin, 1750, in-12; — L'Oracle de
Nostradamus, divertissement en un acte et en
vers; Paris, 1751 in-80;— L'enlèvement d'É~
ripe; 1751, in-8°; — Histoire de Ménocrate
et Zenothémis ; 1753, in-8°; — Le Loisir lit-
téraire de Philalètes ; 1756, in- 8°; — La Vé-
rité, ode, suivie de poésies; 1759; — Abrégé
de la vie d'Auguste, empereur romain ; 1760,
in-12; — Questions et réponses, ou défini-
tions nouvelles, en prose et en vers ; 1761, in-8° ;
— Récréations académiques, contenant la
mort de Cafon, ou le suicide, etc., 17fi2, in-8°;
— Histoire d'Henri Félix, archevêque de
Maijence; Paris, 1762, in-8°. J. V.
Sabaticr, Les trois Siècles Littéraires de la France. —
Quérard, La France Littér.
LEFEBVBE DE VILLEBRUNE (Jean-Bap-
tiste), philologue français, né à Senlis, en 1732,
mort à Angoulême, le 7 octobre 1809. Il était
docteur en médecine, et possédait quelque savoir
en histoire naturelle et dans les sciences exactes.
Il quitta la pratique de la médecine pour l'étude
des langues. On prétend qu'il en apprit treize,
tant anciennes que modernes, et se servit de cette
connaissance pour traduire toutes sortes de
livres de l'espagnol, de l'italien, du suédois, de
l'anglais, de l'allemand, du grec, du latin. Il de-
vint en 1792 professeur d'hébreu et de syriaque
au Collège de France, puis bibliothécaire en chef
de la Bibliothèque nationale à la fin de 1 793.
Cette place fut supprimée lors de l'organisation
d'un corps de conservateurs en 1795. Vnr lettre
315 LEFEBVRE
où Villebrune attaquait la constitution républi-
caine l'obligea, en 17 97 , à quitter Paris après
le 18 fructidor. Il séjourna dans plusieurs dé-
partements, et finit par se fixer à Angoulême, où
il obtint la chaire d'histoire naturelle à l'école
centrale. Il l'échangea ensuite contre celle d'hu-
majiités, et ne chercha point à revenir à Paris,
où il trouvait que. son mérite n'était pas appré-
cié. Les philologues contemporains estimaient
peu Lefebvre de Villebrune, qui avait beaucoup
plus de prétention que de mérite. Son œuvre la
plus importante est une traduction d'Athénée :
Le Banquet des Savants, traduit du grec, tant
sur les textes imprimés, que sur plusieurs ma-
nuscrits ; Paris, 1789-1791 , 5 vol. in-4°. Cette
traduction n'est ni élégante ni fidèle; mais
l'ouvrage d'Athénée offre tant de difficultés à
un traducteur, qu'il faut savoir gré à Lefebvre
de les avoir surmontées en partie. Son commen-
taire n'est pas non plus à dédaigner, bien qu'il
contienne beaucoup de légèretés et d'erreurs.
Schaefer a jugé la traduction et les notes di-
gnes d'être reproduites dans son édition des
Deipnosopliistst • ; Leipzig, 1796. — On a encore
de Lefebvre une édition de Silius Italicus : Cai
Silii ftalici de Bello punico secundo ad /idem
vet. monumentorum casligatum, fragm. auc-
t.um. Operis integri editio princeps ; Paris,
1781, in-8°. D'après ce titre pompeux, on croi-
rait que Lefebvre a donné la première édition
complète de Silius Italicus ; cependant il n'a fait
qu'insérer dans le seizième chant, après le
vingt-septième vers , trente-trois autres vers ?
qu'il prétend avoir trouvés dans un manuscrit
de Paris, et qui se trouvent, avec quelques
changements dans le sixième chant de YAfrica
de Pétrarque. Les meilleurs critiques ont rejeté
ce fragment, comme apocryphe. L'édition est du
reste médiocre. La traduction du même auteur
par Lefebvre de Villebrune ne vaut guère mieux;
elle parut en 1781, 3 voi. in- 12. — Parmi les au-
tres éditions de Lefebvre, on remarque : Hip-
pocratis Aphorismi , ad fidem veterum mo-
numentorum castigati, latine versi; Paris,
1779, in-12; le docteur Bosquijlon attaqua vi-
vement cette édition, que Lefebvre défendit dans
une Lettre très-honnête à M- Rosquillon en
réponse à la critique maladroite répandue en
son nom, concernant la, nouvelle édition des
Aphorismes d' Hïppocrate ; Paris, 1779, in-8°.
— On a de Lefebvre de nombreuses traductions ;
les principales sont, outre celles qui ont été ci-
tées plus haut : Les Nouvelles de Cervantes,
traduites de l'espagnol, avec des notes; Pa-
ris, 1775, 2 vol. grand in-8" ; — Les Mé-
moires de D. Ulloa , traduits de l'espagnol ;
Paris, 2 vol. in 8°; — Les Lettres améri-
caines de Carli , traduits de l'italien en fran-
çais; Boston (Paris), 1788, 2 vol. in-8". —
Lefebvre a publié aussi un Dictionnaire des
particules anglaises, précédé d'une Gram-
maire raisonnée; Paris, 1774, in-8°. N.
31fi;
Chaudon et Delandine, Dict. Histor. — Quérard, f,a
France littéraire.
LEFERVRE D'HELLANCOURT (N.... ), in-,
génieur français, né à Amiens (Picardie), en!
1759, mort à Paris, le 9 janvier 1813. 11 était
inspecteur général des mines et membre di
conseil des mines. On a de lui : Considérations
relatives à la législation et à Vadministm
tion des Mines , Paris, 1802, in-8°; — Aperçt
général des Mines de Houille, exploitées ei
France ; de leurs produits et des moyens d
circulation de ces produits; Paris, 1803
in-8°, avec une carte des mines de houille «
des canaux et rivières navigables : ces deux oii
vrages ont été aussi imprimés dans le Journa ■.
des Mines, où Ton trouve encore de Lefebvr !
d'Hellancourt : Description du Calvariberyi
en Hongrie (1795, tome II); — Observation
minéralogiques faites à Sainfe-Magnence ei
Bourgogne (ibid.); — Note sur les ricliessA
Minérales de la France (1801, tome X ). J. il
Gillet-Laumont, Notice nêcrol. sur la nie et les ovl
vranes de Lefebvre d'Hellancourt, dans le Journ^
des Mines, tome XXXV1U. — Quérard, La France Ltify
LEFEBVRE DE NANTES (t) ( Julien
homme politique français , né a Nantes , me
vers 1816. 11 était jurisconsulte dans sa villeii
taie lorsqu'en 1792 il fut député à la Conyï
tion nationale par le département de la Lqhj
Inférieure. Il signala les troubles que les prê{]
et les familles des émigrés entretenaient dans
province. Lors du procès de Louis XVI, il vi
contre l'appel au peuple, et pour la dépor
tion. A la suite du coup d'État du 31 mai 1793
fut un des soixante-treize députés mis en arre
tation comme partisans des fédéralistes. Apt
le 9 thermidor, il rentra à la Convention.
1795, il fut, avec son collègue Ramel, envoyé
mission dans la Belgique; il proclama la lîbe)
de la navigation de l'Escaut, et pressa beau©
la réunion des Pays-Bas avec la France. Deyp
membre du Conseil des Cinq Cents, il en spj
en 1798, et termina ses jours dans le repos
a de lui quelques opuscules ou discours pol
ques. H. L
Le Moniteur universel, an Ier (1793), n° 7'
n°» 85-348-354 ; an t, n° 14 ; an vi, n° 205. — Biogra%
Moderne (1806).
lefebvre (François- Joseph), dac de Da
zig, maréchal de France, né à Ruffach ( A'sap
le 25 octobre 1755, mort à Paris, le 14 septeny
1820. Fils d'un ancien hussard, il perdit son a.
à l'âge de dix-huit ans, et s'enrôla, le 10 S;
tembre 1773, dans les gardes françaises. Il y
tint le 9 avril 1788 le grade de premier seri
Le 12 juillet 1789, il sauva la vie à plusieurs
ficiers de sa compagnie , menacés par une f<
(1) C'est par erreur que dans les tables du Monbl
ce nom est écrit l.efèvre. Lefebvre (de Nantes) al
confondu par plusieurs biographes avec I.efebvreJ
CorbiNiÈre, procureur au Châtelet de Paris en 17»?
vice-président du tribunal d'appel de Paris de l'ar;'
L 1800-1801 ) à l'an XIII ( 1804-1806 ).
17
LEFEBVRE
3! 8
ritée. Après le licencieement rie son corps, Le-
bvre fut incorporé avec la moitié fie sa com-
jgnie d.ms le bataillon des Filles Saint-Thomas,
>nt l'instruction lui fut confiée. Deux fois il
t blessé à la tête d'un détachement de ce ha-
illon, d'abord en protégeant la rentrée de la
mille royale aux Tuileries le jour où elle tenta
linement de se rendre à Saint-Cloud, et plus
rd en assurant le départ pour Rome des tantes
; Louis XVI. En 1792, il préserva la caisse
escompte du pillage. Devenu capitaine au
Ie régiment d'infanterie légère, Lefebvre fut
»mmé adjudant général le 3 septembre 1793,
général de brigade le 2 décembre suivant,
ïiployé au commencement de la campagne à
irmée de la Moselle , il s'y trouva sous les or-
•es de Hoche, dont il avait été l'instructeur aux
rdes françaises. Sur la proposition de Hoche,
ïfebvre fut promu général de division, le tojan-
er 1794, à la suite des affaires de Lambach et
i Giesberg. Depuis lors Lefebvre commanda
esque continuellement les avant-gardes des
niées des Vosges, de la Sarre, de la Moselle,
i Rhin et Moselle , de Sambre et Meuse et du
inube. Chargé du siège du fort Vauban, dont
sAutrchiens s'étaient emparés, Lefebvre poussa
3 travaux avec tant d'activité que l'ennemi se
t forcé d'abandonner cette conquête. Ensuite
entra dans le Palatinat, et bloqua la tête de
mt de Manheim. Il battit l'ennemi à Apach, à
linte-Croix, à Nadelange; après avoir passé la
euse, il se trouva sons les murs de Charleroi,
i sa division forma la droite de l'armée de
serve. Il contribua puissamment au succès
i la journée de Fleurus, où il eut un cheval
é sous lui. La campagne se termina par les
mbats de Marmont, de Nivelles, de Florival et
i Frimont, auxquels Lefebvre prit une part
trieuse. L'année suivante, sa division com-
ttit seule à Epte et à Ochtrup. Elle concourut
I affaires de la Roer et du Welp. Le 6 sep-
mbre 1795, Lefebvre franchit le Rhin à Eichel-
mp, força Spick, Angersbach, et se porta sur
îgermonde. Ces succès furent suivis du combat
Henef , où la division de Lefebvre fut seule en-
gée. Il repoussa les Autrichiens jusque sur les
mteurs d'Anilschorn , d'où il les débusqua en-
rç. En novembre, il marcha sur la Sieg, com-
ttit à Nidda , à Oberdiefenbach , et se replia
suite pour tenir en échec le général Boroz. Un
rnistice vint suspendre les hostilités. Elles re-
mmencèrent au printemps de 1796 par l'at-
que de Siegsberg, qui fut exécutée avec un
ein succès par le général Lefebvre. 11 potir-
ivit l'ennemi jusqu'à Altenkirchen, où il sou-
it le combat le plus glorieux de la campagne.
prit part ensuite aux journées de Kaldeich,
: Friedberg, de Bamberg et de Salzbach ; enfin
division s'empara de Kœnigshofen. Pen-
int la campagne de 1798, Lefebvre prit, après
mort du général Hoche, le commandement
ovisoire de l'armée de Sambre et Meuse, et
fut désigné pour commander l'expédition pro-
jetée contre l'électorat de Hanovre. Cette expé-
dition n'eut pas lieu, et Lefebvre fut employé en
1799 à l'armée du Danube sous les ordres de
Jourdan. Le 20 mars, à la tête de huit mille
hommes, il opposa une vigoureuse résistance à
trente-six mille Autrichiens qui l'avaient attaqué
à Stockach. Grièvement blessé d'un coup de feu
au bras dans cette affaire, il quitta l'armée, et
revint à Paris, où il reçut du Directoire une ar-
mure d'honneur complète. Le 11 mai le Conseil
des Cinq Cents le désigna comme un des candi-
dats au Directoire, à la place de Treilhard, membre
sortant; mais le choix du Conseil des Anciens ne
s'arrêta pas sur lui. Le 13 août, il fut nommé
commandant de la dix-septième division mili-
taire, dont Paris était le quartier général. Le
18 brumaire (9 novembre) Lefebvre accompagna
le général Bonaparteà la barre du Conseil des An-
ciens. Mandé auprès du Directoire pour rendre
compte de sa conduite, Lefebvre répondit qu'il
avait donné sa démission. Lefebvre aida de tout
son pouvoir au succès du coup d'État en entrant
avec des grenadiers dans la salle du Conseil des
Cinq Cents,d'où il entraîna le général Bonaparte.
Celui-ci lui laissa le commandement de la divi-
sion de Paris. Il concourut ensuite à la pacification
des départements de l'Eure , de la Manche , du
Calvados et de l'Orne. Le 1er avril 1 800 il entra au
sénat sur la proposition du premier consul, et en
fut l'un des préteurs jusqu'à la dissolution de ce
corps en 1814. Compris, le 19 mai 1804, dans
la première promotion des maréchaux de l'em-
pire , il fut nommé successivement chef de la
cinquième cohorte, grand-officier et grand-aigle
de la Légion d'Honneur. Lors de la reprise
des hostilités contre l'Autriche en 1805, Le-
febvre fut chargé du commandement général
des cohortes des gardes nationales de la Roer,
de Rhin-et-Moselle et du Mont-Tonnerre. Il pa-
rut en 1806 à la grande armée , à la tête d'une
division dirigée contre les Prussiens. Il com-
mandait la garde à pied à la bataille de Iéna,
le 14 octobre, et protégea les derrières de
l'armée àThorn, sur la gauche de la Vistule jus-
qu'après la bataille d'Eylau (8 février 1807 ). A
cette époque, il reçut l'ordre d'aller faire le siège
de Dantzig avec l'armée polonaise, l'armée
saxonne et le contingent de Bade. La place fut
investie le 10 mars ; le bombardement commença
le 23 avril. La garnison prussienne, sous les or-
dres du général Kalckreuth, se rendit le 24 mai
après des sorties vigoureuses et multipliées, et
après cinquante-et-un jours de tranchée ouverte.
Elle obtint tous ies honneurs de la guerre. Pen-
dant ce long siège, Lefebvre ne cessait de dire
aux artilleurs : « Je n'entends rien à votre af-
faire; mais fichez-moi un trou, et j'y passerai. »
Dès qu'une brèche fut faite Lefebvre, à la tête d'un
bataillon, se jeta en effet dans une redoute, sur
les hauteurs du Holzenberg, au milieu de la mi-
traille et des balles. Le 28 mai il fut récompensé
319
de cette action d'éclat par le titre de duc de
Dantzig (1). En 1808, le maréchal Lefebvrc ac-
compagna Napoléon en Espagne. Le 31 octobre il
gagna la bataille de Durango, sur les généraux
BlackeetLa Romana. Au moins de novembre il
entra dans Bilbao et dans Santander, et con-
courut au gain delà bataille d'Espinosa. Rappelé
en Allemagne pour faire la campagne de 1809
contre l'Autriche, il y fut chargé du commande-
ment de l'armée bavaroise. Il combattit à Thann,
à Abersberg, à Eckmùhl et à Wagram. Lancé à
la poursuite des corps de Jellachich et de Chas-
teller, qui opéraient dans le Tyrol , il les battit et
entra à Inspruck. Cette campagne se termina par
le traité de Vienne, en octobre 1809. En 1812 le
maréchal Lefebvre commanda en chef la garde
impériale, et pendant la retraite il marcha à
pied à sa tête , sans la quitter. Dans la cam-
pagne de France en 1814, Lefebvre dirigea l'aile
gauche de l'armée, combattit à Monlmirail , à
Arcis-sur-Aube, à Champ-Aubert, où il eut un
cheval tué sous lui. Il se trouvait à Paris depuis
quelques jours lors de l'occupation delà capitale,
et participa aux divers actes du sénat qui si-
gnalèrent la lin de l'existence de ce corps. Après
la restauration, Lefebvre fut créé pair de France
le 4 juin 1814. Appelé pendant les Cent Jours à
la chambre des pairs impériale, il y siégea, et
tut compris, après la seconde rentrée du roi, dans
l'ordonnance d'élimination. Rappelé à la pairie
par une ordonnance du 5 mars 1819, il vota en
1820 pour le maintien de la loi du 5 février 1817
sur les élections. 11 mourut d'une hydropisiede
poitrine, et fut enterré, selon son désir, au ci-
metière du Père-Lachaise auprès du maréchal
Masséna.
Lefebvre passait pour un des meilleurs géné-
raux de l'armée française. Un coup d'œil juste, un
courage réfléchi, une expérience consommée lui
avaient mérité cette réputation. « Dès le com-
mencement de la guerre, a dit le maréchal Su-
chet, il s'était fait une tactique particulière. Son
génie militaire trouvait sur le terrain même, et
sans aucune combinaison préalable, des res-
sources extraordinaires pour fixer la victoire.
Dans les principales affaires où il s'est trouvé, il
en a décide le plus grand nombre d'une manière
éclatante par sa rare intrépidité, par la justesse
de son coup dYHI, et par sa grande habileté à
éiectriser les soldats, à se les attacher par la con-
fiance, à les porter aux plus grandes actions,
enfin à les maintenir dans une sévère discipline
aux époques les plus difficiles... Il sut profiter des
leçons de Turenne et du maréchal de Saxe.
Comme le premier, il fut sage et modeste ; comme
(1) Les lettres patentes qui le lui conféraient renfer-
ment ce passage : » Que le titre de duc, porté par ses des-
cendants, leur retrace les vertus de leur père, et qu'eui-
mécnes ils s'en reconnaissent indignes si pendant la guerre
Ils préféraient jamais un lâche repos et l'oisiveté de la
grande ville aux périls et à la noble poussière des camps,
si j. mais leurs premiers sentiments cessaient d'être pour
la patrie. »
LEFEBVRE 320
le second , il fut actif, audacieux et prudent. .
Quoique Lefebvre ne brillât pas par les qualité;
de l'esprit, on cite de lui un mot piquant. Ui
jeune fat l'impatientait en citant ses ancêtres
« Eh ! ne soyez pas si fier de vos ancêtres, lu
dit le maréchal ; moi, je suis un ancêtre ! »
Lefebvre s'était marié a l'époque où il n'étai
encore que sergent, et il avait épousé une femm
de basse condition, qui garda dans les grandeur
ses allures simples et sans façon. A diverses n
prises, des amis officieux s'entremirent, dit-on
pour conseiller le divorce au duc de Dantzig
mais Lefebvre refusa de prêter l'oreille à ces av
insidieux (t). Sa femme lui avait donné quator
enfants, dont douze fils; aucun ne survécut
maréchal. Les deux derniers de ses fils étaie
morts dans les combats.
L. L— T.
Maréchal Mortier, Discours prononcé aux funéraiUi
du maréchal duc de Dantziy. — Maréctinl Suclcet, Élw
funèbre du duc de Duntzig, prononce :i l.i chambre d
pairs, le 12 juin 1321. — Mahul, Annuaire Nécrolmjiqu
1820. — Thiers, Hist. de la Révolution, et Hist. du Co
suint et de l'Empire. — De OjurcHles, Dict. biogr. d
Généraux français. — C. Mullié, Célébrités désarme
de terre et. de mer. — Dict. de la Convers — Chatea
briaml, Mem. d' outre-tombe. - Marinont, Mém
dier, Hist. biogr. de la Chambre des Pairs. — Mo
1792-1820.
LEFEBVRE - DESNOCETTES ( Charte
comte), général français, né a Paris, le 14 se
tembre 1773, mort dans un naufrage sur 1
côtes d'Irlande, près de Kindsale, le 22 av
1822. Son père était marchand de drap. Le jeu
Lefebvre s'échappa du collège des Grassinspo
s'enrôler dans un régiment de ligne. Trois
son congé fut racheté par ses parents ; mais
la révolution il put enfin suivre librement s
goût, en s'engageant dans la légion allobrof
Sous-lieutenant de dragons en 1793, il assista
la bataille de Marengo comme capitaine aide
camp du premier consul. Colonel d'un régime
de dragons en 1804 , il se fit remarquer à
bataille d'Austerlitz. Promu au grade de gêné
de brigade, le 19 septembre 1806, il passa quelq
temps au service du prince Jérôme, roi
Westphalie, et rentra ensuite dans les cadi
de l'armée française. Général de. division
28 août 1808, il fut employé dans la guerre d'J
pagne. Blessé au mois de janvier 1809, en poi
suivant l'armée anglaise près de Benavente,
sa témérité l'entraîna avec les chasseurs de
garde au delà d'une rivière qu'ils ne purent
passer lorsqu'ils furent attaqués par des for
supérieures, il fut fait prisonnier et conduit
Angleterre. Il y obtint sur parole une ville p<
(1) On rapporte que la maréchale avait conservé d
une armoire de son château de Combault les diffère
costumes qu'elle et son mari avaient portés depuis I
union, rangés suivant leur ordre chronologique. « Vc
dit-elle un jour à Mme La Garde, en lui montrant ces
froques; voilà une galerie decostumes de condilionst
diverses. Nous avons été curieux de conserver tout c I
Il n'y a pas de mal â revoir ces sortes de choses de tel.»
en temps, comme nous le faisons: c'est le moyen de*
pas les oublier, v
321 LEFEBVRE
prison, s'échappa quelque temps après, revint
en France, et reçut de Napoléon, au commence-
ment de la campagne de 1809 contre l'Autriche,
le commandement des chasseurs de la garde.
En 1812 Lefebvre-Desnouettes accompagna
' l'empereur en Russie, resta constamment auprès
dé lui pendant la retraite , et partagea un des
traîneaux qui formaient son escorte. L'année
suivante , il fut employé dans la campagne de
Saxe; le 19 mai, il contribua au succès de la
bataille de Bautzen, et s'empara, le 19 août, des
montagnes de Georgenthal. Battu à Altenbourg,
Je 2 septembre, par Platof et le général saxon
Thielman , il remporta, le 30 octobre, un bril-
lant avantage sur un corps de cavalerie russe.
Rentré avec l'armée sur le territoire français, il
déploya un grand courage, le 6 février 1814, au
combat de Brienne, où il exécuta de belles charges
de cavalerie, et fut blessé de plusieurs coups
de lance et d'un coup de baïonnette. Après l'ab-
dication de Napoléon à Fontainebleau, le général
Lefebvre-Desnouettes commanda l'escorte qui le
conduisit jusqu'à Beaune. A son retour, il resta
à la tête des chasseurs de la garde, devenus chas-
seurs royaux. Dès qu'il eut connaissance du
débarquement de Napoléon au golfe Juan, Le-
febvre-Desnouettes souleva son régiment, et, se-
condé par les deux frères Lallemand ( voy. ce
nom), il se porta sur La Fère, dans le but de
se rendre maître de l'arsenal de cette ville et d'en
enlever la garnison. Il entra à La Fère le 1 0 mars.
Leur projet était de marcher de là sur Paris, en
entraînant les troupes qui se trouvaient sur la
route. La résistance du général d'Aboville à La
Fère fit échouer ce plan. Lefebvre-Desnouettes se
dirigea sur Compiègne, où il tenta vainement de
soulever les chasseurs de Berry . Les chasseurs
royaux ayant eux-mêmes montré de l'hésitation,
Lefebvre crut prudent de les abandonner, et se
sauva sur la route de Lyon avec les frères Lal-
lemand. Il échappa aux gendarmes et à la police,
et trouva un refuge chez le général Rigaud, qui
commandait le département de la Marne, et y
attendit l'arrivée de l'empereur. Napoléon le
nomma membre de la chambre des pairs. Le
13 juin 1815, Lefebvre-Desnouettes partit avec
Vapoléon pour l'armée du nord ; il combattit à
Fleurus et à Waterloo avec son intrépidité ordi-
naire. Compris, après le retour du roi, dans l'ar- j
iicle 1er de l'ordonnance du 24 juillet, il réussit j
i se soustraire aux poursuites dirigées contre
ui, et fut condamné à mort par contumace, au '
nois de mai 1816, par le 2e conseil de guerre j
permanent de la lre division militaire. Réfugié >
mx États-Unis d'Amérique, le général Lefebvre-
Desnouettes y vivait tranquillement lorsque
'espoir de pouvoir rentrer en France le poussa
322
i revenir en Europe. Il s'embarqua à bord de
l'Albion, qui faisait voile pour la Belgique ; mais
e bâtiment échoua en route, et Lefebvre-Des-
îouettes périt dans ce naufrage. Porté pour
150,000 fr. sur le testament de Napoléon, ses hé-
NOUV. BIOGU. GÉNlhï. — T. XXX.
ritiers reçurent 62,143 francs sur les fonds dépo-
sés chez Laffitte; 74,771 francs leur ont été
alloués sur les 4,000,000 décrétés par Napo-
léon III. L. L— t.
Mahul, jinnvaire Nécrologique ; 18S2. — Arnault, Jay,
Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Contemp. — Biogra-
phie uni», et portât, des Contemporains. — C. Mullié,
Biographie des Célébrités militaires.
lefebvre (Jacques), homme politique
français, né en 1773, mort à Paris, le 10 mai
1856. Banquier, régent de la Banque de France,
membre du conseil général du commerce, il fut
élu député en 1827 par le grand collège de la
Seine. En 1830 il compta parmi les deux cent-
vingt-et-un. Après la révolution de Juillet, il se
rallia à l'opinion conservatrice, et, constamment
réélu par le deuxième arrondissement de Paris,
il parla à la chambre sur des questions politiques
et financières. En 1835 il prononça un discours
remarquable sur une loi de douanes. En 1836,
il fit le rapport sur les budgets des recettes et
des dépenses pour 1838. En 1837 il combattit
la proposition du remboursement des rentes. En
1839, il prit la parole dans les discussions sur
l'organisation des tribunaux de commerce, sur
les sucres, la prorogation du privilège de la
Banque de France et sur plusieurs projets de
chemins de fer. A la session de 1842, il proposa,
dans la discussion de l'adresse, un amendement
relatif au droit de visite, demandant qu'il fût
ouvert des négociations pour replacer la marine
française sous la surveillance exclusive du pavil-
lon national. Cet amendement fut adopté, et le
ministère ne se retira pas ; mais il négocia pour
annuler un traité qu'avait signé M. de Broglie.
J. Lefebvre traita encore dans les sessions sui-
vantes les questions relatives aux patentes, aux
chemins de fer, aux crédits supplémentaires et
extraordinaires, au rachat des actions de jouis-
sance des canaux , aux caisses d'épargne , aux
douanes, à la conversion des rentes. Rapporteur
de la proposition Saint-Priest sur cette opéra-
tion financière en 1846, il se prononça contre ce
projet. Aux élections de 1846, Lefebvre échoua
contre M. Berger. Il avait à plusieurs reprises
refusé la pairie. Membre de la commission de
surveillance de la caisse d'amortissement, il
était vice-président du conseil de la caisse d'é-
pargne de Paris. Rentré dans la vie privée et les
affaires commerciales, il n'en sortit pas après la
révolution de Février. L. L — t.
Biour. statistique de la Chambre, des Députés; 18*6. —
Moniteur vniv., 1827-1856.
* LEFEBVKE-ouitCFLÉ ( Noël- Jacques), sé-
nateur français, ancien ministre, né à Rouen, le
19 février 1792. Après avoir fait de bonnes
études au lycée de sa ville natale, il vint en
1812 à Paris pour y suivre les cours de droit;
une brochure, qu'il écrivit sous le titre de
Lettre de Nicolas Boileau à. M. Etienne , le
mit en rapport avec ce dernier, qui , par la pro-
tection du duc de Rassano, le fit entrer au minis-
tère d'État. Sa carrière ayant été brisée par la
11
323
LEFEBVRE
324
chute de l'empire, il s'unit au parti libéral pour
combattre les tendances de la restauration, con- ■
courut à la fondation du Nain jaune , et tra-
vailla activement au Mercure de France, de-
venu plus célèbre sous le nom de la Minerve.
En 1822, il devint le gendre et l'associé de
M. Durullé, riche manufacturier d'Elbeuf; livré
dès lors entièrement à l'industrie, il introduisit
dans ses usines divers procédés de fabrication
éprouvés avec succès en Angleterre et en Amé-
rique. En 1847 il quitta les affaires. Après avoir
échoué aux élections de l'Assemblée consti-
tuante , il vint siéger pour le département de
l'Eure à la législative (1849); partageant les opi-
nions de la majorité, il présenta des rapports
sur des projets de loi relatifs aux associations
ouvrières et sur l'enquête agricole industrielle,
et contribua en 1850 à faire voter l'augmentation
du traitement présidentiel. Appelé le 23 novembre
1851, au ministère de l'agriculture et du com-
merce, il passa, le 23 janvier suivant, au dépar-
tement des travaux publics. Six mois plus tard il
résigna son portefeuille pour entrer au sénat
(28 juillet 1852). Parmi les travaux littéraires
de M. Lefebvre-Duruflé,on remarque : Tableau
historique de la Russie (1812), dont il a écrit le
second volume ; — Almanach des modes (1814
à 1817), qui renferme, entre autres articles de
lui , des esquisses de mœurs intitulées Crava-
tiana; — L'Hermiteen province (1824-1827,
t. VII et VIII) ; — Ports et Côtes de France de
Bunker que au Havre; 1831, in-4°, avec 40
vues; — Considérations sur la nécessité de
donner en France un nouvel essor au com-
merce d'exportation ; 1843; — Le Colon de
Van-Diemen, roman anglais, traduit de Row- ■
croft; 1848, 3 vol. in-12; — La Bourse de
Londres, trad. de J. -Francis; 1854, in-18. Il a
aussi donné au théâtre : Zirphile et Fleur-de-
Myrle, 1817, opéra comiqueen deux actes. S.
Documents particuliers.
* lefebvke (Armand-Edouard), diplo-
mate français, né en Hollande, en 1807. Fils d'un
ministre plénipotentiaire de France, il entra de
bonne heure au ministère des affaires étrangères,
où il devint employé supérieur sous la restaura-
tion. La révolution de Juillet lui lit perdre son
emploi. Au commencement de 1850, il fut envoyé
comme ministre plénipotentiaire de la répu-
blique française, à Munich, et le 18 novembre
de la même année il remplaça M. de Persigny à
Berlin. Au mois de janvier 1852, il fut compris
dans la première liste des membres du nou-
veau conseil d'État. Lors de la création de la
section dite de politique, administration et finan-
ces, à l'Académie des Sciences morales et po-
litiques, le 14 avril 1855, M. Armand Lefebvre
fut un des membres nommés par décret im-
périal pour la constituer. Le 9 mai suivant , il
devint directeur des affaires politiques et
du contentieux an ministère des affaires étran-
gères et conseiller d'Etat hors section; le 7 no-
vembre de la même année il remplaça M. Bre-
nier comme directeur des fonds et de la comp-
tabilité au même ministère. On a de M. Armand
Lefebvre : Histoire des Cabinets de V Europe,
pendant le Consulat et V Empire, écrite avec
les documents réunis aux archives des af-
faires étrangères, 1800-1815 ; Paris, 1845-
1847, 3 vol. in-8°; le tome III s'arrête aux af-
faires de Bayonne (mai 1808 ). — La Revue des
Deux Mondes a publié de M. Armand Le-
febvre : Histoire politique des Cours de l'Eu-
rope depuis la paix de Vienne jusqu'à la
guerre de Russie (numéro du 15 avril 1838),
— De la Politique de la France dans une
crise d'Orient (numéro du 1er août 1838) ; —
Mahmoud et Méhémet- Ali (15 mai 1839); —
Frédéric-Guillaume III ( 1er août 1840 ); —
Les Bourbons d'Espagne (15 avril, 1er et 15
mai 1847). L. L— t.
Vapereau, Dict. univ. desContemp. —Moniteur, 18s0-
1855.
I lefebvre ( Charlemagne- Théophile ),
voyageur français, né à Nantes, le 5 mars 1811.
Il fit ses études au collège d'Angoulême, se des-
tina à la marine, s'embarqua comme élève en
1827, à bord de/kz Bayadère, et parcourut sur
L'Atalante l'archipel grec, et sur La Vénus les
mers du Sud. De retour à Brest au mois déniai
1831, il fut nommé, l'année suivante, lieutenant
de frégate, il visita l'Algérie, le Brésil (1), les
côtes d'Afrique. En 1836 il fut chargé par le
gouvernement d'explorer l'intérieur de l'Abys-
sinie, que l'on ne connaissait guère que par les
voyages de Bruce et de Sait. II s'embarqua à Mar-
seille le 11 décembre 1838, accompagné de
M. Petit, médecin naturaliste : M. Dillon, égale-
ment naturaliste, devait les rejoindre au Caire.
Le 5 janvier les voyageurs atteignirent l'Egypte-;
ils se rendirent à Djeddah, et pénétrèrent dans
l'Abyssinie par Messoah. A Adoua , capitale diï
Tigré, Lefebvre sut gagner les bonnes grâces
du djeddaz Oubié, et réussit à conclure avec ce
souverain un traité de commerce : il emmena
avec lui deux envoyés pour faire ratifier ce
traité à Paris. M. Lefebvre partit en décembre
1839 avec ses nouveaux compagnons; pendant
qu'il se dirigeait vers la France, MM. Petit el
Dillon s'acheminaient vers Gondar en suivant ur
itinéraire à peu près inconnu avant eux. Les
richesses scientifiques qu'ils recueillirent furen
considérables; mais dans l'expédition du Mareb
l'infortuné Dillon devait succomber. Quelqui
temps après son arrivée à Paris, Lefebvre fu
nommé (le 30 septembre 1840) lieutenant di
vaisseau, et autorisé par le ministère de la Ma
rine à poursuivre ses explorations en Abyssinie
il repartit avec un dessinateur habile, M. Vî
gnaud, auquel on doit le bel atlas joint ai
(1) Lorsqu'il visita cette portion de l'Amérique di
Sud, M. Lefebvre Faisait partie d'une entreprise parti
cullère. Il explora surtout la province d<' IV rn nilnieo
dans la compagnie de M. d'Abadie.
325 LEFEBVRE
voyage. Dès le mois d'avril 1841 Petit eut la
joie île revoir son compagnon; mais il était dans
un état déplorable de santé, et il fallut le trans-
porter au couvent de Maye-Berasio pour l'y faire
soigner. Pendant ce temps, M. Lefebvre obtenait
une nouvelle entrevue d'Oubié, et demeurait cinq
jours auprès de ce chef, puis il se dirigeait vers
'Ouodjerate ; au mois d'octobre il avait rejoint
ses compagnons. A partir de ce moment, et tout
en expédiant de nouvelles collections en Europe
par Messoah , commença une série d'explo-
rations plus ou moins dangereuses, que l'état
agité du pays eut rendue presque impossible à
des gens moins courageux. En 1843 périt à
Mota l'infortuné Petit en traversant un fleuve (t).
Après ce douloureux événement, M. Lefebvre
e rendit à Gondar, qu'il avait visité plusieurs
bis; puis, il arriva à Adoua, d'où il s'embarqua
e 20 juillet pour la France. Sur le rapport de
'Académie des Sciences , la publication de ce
oyage lut faite aux frais du ministère de la
larine, sous le titre : Voyage en Abyssinie
xécuté pendant les années 1839, 1840, 1841,
842, 1843, par une commission scientifique
omposée de MM. Théophile Lefebvre, lieute-
ant de vaisseau, etc., A. Petit et Quartin
ïillon, docteurs médecins, naturalistes du
luseum,et Vignaud dessinateur, publié, etc.
aris, s. d., 6 vol. in-8° et atlas in-fol. Dans ce
"and ouvrage, M. Lefebvre s'est réservé la
irtie historique formant 2 volumes in-8° et dans
partie scientifique, le t, III, qui renferme
Miner aire; la Description géographique ; la
hysique et la Météorologie; la Statistique;
ethnologie; — la Linguistique et VAr-
éologie. Nul ouvrage écrit sur l'Abyssinie
répandu autant de lumières et surtout de
tions positives qu'on en rencontre dans ces
volumes ; l'ouvrage est resté néanmoins ina-
evé dans sa partie scientifique. L'Album pitto-
sque, ethnologique et archéologique, se compose
50 pi. in-fol. exécutées en lithographie , dont
isieurs sont colorées avec beaucoup de soin.
La publication de ce grand travail absorba
is les instants de M. Lefebvre durant plu-
ors années ; elle ne fut pas plus tôt terminée,
'une nouvelle mission pour l'Abyssinie lui fut
niée en 1347 ; elle le tint éloigné de la France
qu'en janvier 1854. De retour à Paris, il fut
»ché au dépôt des cartes et plans de la ma-
î pour la rédaction de son voyage; mais il
Jitait déjà une nouvelle excursion dans fin-
issant pays qu'il avait fait connaître; il
,ta définitivement le service, et se rendit de
veau dans le Tigré. C'est de ce pays qu'il a ;
ramené attaqué d'une maladie cruelle , qui ne j
se guère d'espoir que ses travaux scientili- '
s puissent être continués. F. D.
'Cwnenls particuliers.
On suppose qu'il fut saisi et dévoré par un cro-
326
* lefebvre DE recourt (Charles), diplo-
mate français, né à Abbeville (Somme), le,
25 septembre 1811. Après avoir fait ses études
classiques et son droit à Paris, il entra en 1834
dans les bureaux du ministère des affaires étran-
gères, et fut envoyé en 1840 à Buenos-Ayres,
où il resta comme chargé d'affaires jusqu'en
1842. Il fut ensuite et successivement consul à
Manille, à Macao et à Calcutta. Rentré en 1851
dans les bureaux du ministère comme sous-di-
recteur à la direction politique, il a échangé cet
emploi, en 1856, contre celui de ministre pléni-
potentiaire près la Confédération Argentine.
M. Lefebvre de Bécourt est très-versé dans la
connaissance des langues, et il écrit avec fa-
cilité. On a de lui : La Belgique et la Révo-
lution de Juillet; Paris, 1835, in-8°. — En so-
ciété avec M. L. Bellaguet, il a traduit de l'i-
talien du général Colette l'Histoire du royaume
de Naples depuis Charles VII jusqu à Ferai-
dinand IV, 1734 à 1825; Paris, 1835, 4 vol.
in-8°. Il a été collaborateur de la Revue des
Deux Mondes, du Constitutionnel, de L'Im-
partial et du Journal des Débats. Enfin, il a
travaillé depuis longtemps et très-sérieusement
à réunir les documents relatifs à l'histoire des
divers États de l'Amérique espagnole et portu-
gaise depuis le commencement de la guerre de
l'indépendance. E. Regnajrd.
Renseignements particuliers.
* lefebvre (Charles), littérateur français,
né à Cambrai, le 18 octobre 1811. D'abord rédac-
teur de la Feuille de Cambrai, il quitta le jour-
nalisme pour l'instruction publique. En 1835 il
fonda près de Bruxelles le collège de Saint-Josse-
ten-Noode, et fut nommé, en 1842, professeur au
collège de Cambrai. Outre un grand nombre
d'articles, publiés le plus souvent sous le pseudo-
nyme de Jean-Paul Faber dans différents
journaux ou recueils , on a de lui : Méthode
mutuelle simultanée ( Minéralogie) ; Bruxelles,
1837, in-8°; — Stylopraxie, suivie d'un abrégé
de V Histoire des Pays-Bas; Bruxelles,
1841, in- 12; — Scènes de la Vie privée des
Belges; 1833-1834; — Notes d'un Voyageur
sur la Hollande; 1842; — Le Capitaine Hé-
rauguière, gouverneur de Breda, in-8° et in-12;
Cambrai, 1850; — Vanderburck, archevêque de
Cambrai; 1851, in 8°; — Biographie du car-
dinal Giraud; Paris, 1851, in-8°; — Heures
de Loisir, Notes sur les corporations indus-
trielles du Cambrésis, et extraits divers des
Mémoires de la Société d'Émulation de Cam-
brai); Cambrai, 1857, 1 vol. in-8'; — Comptes-
rendus des Séances de la Société d'Émulation
de Cambrai , dont M. Lefebvre est secrétaire
général.
Docum. partie. — Revue des Sociétés savantes, août
1858.
* lefebvre (Constance-Caroline) , can-
tatrice française, née à Paris, en 1830. Elle se
destinait à l'enseignement , et donnait des leçons
11.
327
de musique dans unefamille, quand le hasard lafit
connaître de M. Auber. Entrée au Conservatoire
d'après les conseils de ce compositeur, elle y
obtint le prix du chant, et débuta à l'Opéra-Co-
mique. Elle doubla d'abord Mme Ugaldeoujoua
des rôles secondaires. La Chanteuse voilée ré-
véla son talent. Depuis ce premier succès elle a
repris ou créé les premiers rôles du Val d'An-
dore, de La Fée aux Roses, du Songe d'une
Nuit d'Été, du Toréador, celui de Catherine de
L'Étoile du Nord, de La Dame de Pique, de Psy-
ché, de Valentine d'Aubigny, de Joconde,
à'Haydée (1857) , de Fra Diavolo , du Muletier
(1858). Mlle Lefebvre joint une savante méthode
à une voix très-agréable. L. L — t.
Vapereau, Dict. univ. des Contemp.
LEFEBVRE DE CHEVERUS. Voy. CHEVERUS.
le febvre. Voy. Febvre, Le Fèvre et Le
FÉBURE.
leféron ( Pierre), magistrat français, mort
vers 1320. Il était en 1308 prévôt de Paris; en
entrant en charge, il ne se présenta pas de-
vant l'université pour prêter le serment accou-
tumé « de respecter tous les privilèges des éco-
liers ». Cité une seconde fois , il se rendit à l'as-
semblée, qui se tenait aux Bernardins, et là, après
une virulente admonition du recteur, qui l'ac-
cusait de contumace , fraude, fuite malicieuse, il
fut forcé, dit Sauvai, d'en venir «aux jurements»
pour faire recevoir ses excuses, après quoi il
prêta serment. Ch. L. Livet.
Sauvai, Histoire et Antiquités de la fille de Paris,
liv. XIV, p. 30. — Du Boulay, Historia Universitatis Pa-
riensis.
le féron (Jean), héraldiste et écrivain
français, né à Compiègne, en 1504, mort vers
1570. Il était avocat au parlement de Paris, et
pouvait dans sa propre famille et dans celle de
ses nombreux alliés (t) , recueillir une multitude
de faits piquants , de particularités intimes, vi-
vant commentaire de l'histoire. Etienne Pasquier,
qui l'avait connu, l'appelle Me Le Féron, « grand
rechercheur d'armoiries ». — « Il s'adonnoit
plus, dit Loysel, à escrire des généalogies et ar-
moiries, qu'à son estât d'avocat. » Le Féron
avait réuni une collection très-nombreuse de
chroniques et mémoires , et sa passion était de
compiler.
Ouvrages imprimés de Le Féron : De la
(1) Au quinzième siècle, la famille Le Féron, de même
que la famille Boucher ou Le Boucher, restait divisée en
plusieurs branches. Il y avait les Boucher de Compiègne,
ceux de Paris et ceux d'Orléans. En 1429, lors du fameux
siège d'Orléans, la Pucelle logeait chez Jacques Bou-
cher, parent de Marie Leboucher de Compiègne, et
trésorier du duc d'Orléans. L'historien nous apprend
qu'elle couchait à Orléans (selon son usage, de prendre
pour compagnes de ses nuits les bonnes et prudes
femmes des lieux où elle se trouvait ), avec la fille de son
hôte, j'dcques Boucher (voy. Chronique de Covsinot,
1859, in-18, p. 285). Au seizième siècle, la généalogie des
Le Féron était « peinte au logis desdits Féron à Com-
piègne ». Cette famille existe encore dans le pays, où elle
a pour représentant M. Le Féron de Guise , qui possède
do riches documents généalogiques.
LEFEBVRE — LE FÉRON 328
primitive Institution des roys, héraults et
poursuivons d'armes; Paris, Maur iMeisnier,
1555, in-4°. Personne, peut-être, mieux que
Le Féron ne pouvait traiter ce sujet inté-
ressant, d'une manière aussi curieuse qu'instruc-
tive. Ce traité n'est malheureusement qu'un
exorde, qui se termine avant que l'auteur entre
en matière; — Le Symbole armoriai des ar-
moiries de France, d'Ecosse et de Lorraine
( Ibidem, in-4"). Le meilleur livre imprimé de
Le Féron est son Catalogue des Connestables
de France, Chanceliers, et Prévôts de Pa-
ris; Paris, Vascosan, 1555, in-lolio. Souvent
réimprimé et amélioré depuis Le Féron , il est
devenu la base de l'Histoire généalogique de la
maison de France et des grands officiers de
la couronne.
Ouvrages manuscrits de Le Féron : à la Bi-
bliothèque impériale de Paris, rue de Richelieu :
Chroniques de France, etc., Manusc. du roi,
fonds français, 963t ; — Catalogue des Ducs ,
Connestables, etc., 9811 — Généalogie de la
Maison d'Harcourt, 9811; 3; — Armoriai
de Picardie , 10395, C, Baluze; — Armoriai
des Rois de France ; Saint Germain-des-Prés ,
2036 et 1392; — Armoriai universel en
3 volumes in-folio; Gaignières, 853, 1 à 3. A
la liste de ces ouvrages, qui paraissent tous
provenir de Le Féron , il faut ajouter encore
« l'Histoire armoriale ( 1 ) contenant douze vo-
lumes , » dont il se déclare l'auteur ( dans le
Symbole armoriai de France et d'Ecosse, déjà
cité, fol. 23).
Ouvrages possédés et annotés par Jean Le
Féron : Annales d'Aquitaine, par Jean Bou-
cher; Paris, 1524, in-folio gothique, au dépar-
tement des imprimés de la Bibliothèque impé-
riale, L 359 réserve; — La Chronique nor-
mande de Pierre Cochon de Bouen , ms. du
roi, 9859, 3, Colbert ; — La Geste des nobles
François de Cousinot le chancelier, ms. du ro
9656; — Etienne Pasquier déclare (2) avoiij
vu parmi les livres de Jean Le Féron : uij
Traité manuscrit de Robert Ciboule , sur Ici
Pucelle. — La Chronique de France par l<]
hérault Berry, ms. 8415, B, parait avoir apparj
tenu à Le Féron et porter de ses annotation/
marginales. Enfin, Jean Le Féron a certaine!]
ment possédé, sous le titre de Chronique rfi
Cousinot,' un corps d'annales d'un très-grami
intérêt. Cette chronique remontait au berceafl
de la monarchie, et s'étendait jusqu'au règne d
Louis XII. On ignore aujourd'hui ce qu'elle es
devenue. Vallet de Viriville.
(1) Une note marginale manuscrite, placée par un b
bliophlle du dix-septième siècle, mentionne comme oij
vrages de Le Féron Y Histoire armoriais et un Traité dt]
drmoiries.Cclle note se lit sur les feuilles de garde c|
livre ci-après indiqué : Philibert Monet, Origine
Pratique des armoiries àlaCauloise; Parij, 1631, in-4
exemplaire de la bibliothèque impériale '/. ancien, n° 9t;
( Note communiquée par M. Gulgard ).
(î) Recherches, livre VI, chapitre B.
329
LE FERON
I.a Cruii du Maine, Hibliotlièque Françoise, 1581,
In-folio, pages 221, 222. — Notes historiques manuscrites
tirées d'un ancien livre imprime dans le moniteur uni-
vei'sel des 1« avril et 28 novembre 1855. — Chronique
de la Pucelle ou Chronique de Cousinot, elc; Paris, 1859,
ln-18, à la table.
LE PERRON (Arnoul), magistrat et historien
■français, né à Bordeaux, en 1515, mort dans Ja
même ville, en !563. 11 devint à viugt-et-un ans
conseiller au parlement de Bordeaux , où il eut
pour collègue Estienne de La Boëlie, qui mourut,
la môme année que lui. Aux qualités de l'homme
de bieu Le Ferron joignait un profond savoir en
jurisprudence et en histoire. Il publia à l'Age de
Mngt-cinq ans : In consuetudines Burdigalen-
\siiim commentariorum Libri duo ; Lyon, 1 540
et 1546, in- 4°; ibid., 1565 et 1585, in-fol. Sa
[suite de l'histoire de Paul Emile, écrite avec
lélégance, obtint un grand succès, et parut sous
ce titre : De Rébus gestis Gallorum libri IX
lad historiam Pauli JEmilii addili, perducta
mstoria usque ad advenlum Henrici II,
\Francorum régis ; Paris, 1554, in-fol., et 1555,
in-8°. Elle fut traduite en français, avec l'ouvrage
de Paul Emile, par JeanRegnart, seigneur de La
Mictière ; Paris, 1581, in-fol. Le Ferron futaussi
l'un des continuateursdp.l'i/Mfoire<7éMera£e des
\Roys de France, par du Haillan; Paris, 1615 et
1627, 2 vol. in fol. E. R.
De Lurbe, Chronique Bourdeloise. — De Thou, Hist.
kniv., liv 35. — Moréri, Le grand Uict. Hist. — Taisand,
\Ces Fies des plus céléb. Jurisc. — Lelong, Eibl. Hist.,
5dit. de Kontette.
1 lefeuve ( Charles), littérateur français, né
à Paris, à la fin de 1818. Fils d'un directeur du
théâtre de la Porte-Saint-Martin, il fit ses études
au collège Bourbon, et fournit d'abord des ar-
ticles littéraires à divers journaux de Paris et
les départements sous le nom de Jean. On a de
fui : Histoire de sainte Geneviève, patronne
de Paris ; Paris, 1842, in-32; — Histoire de
saint Germain VAuxerrois, patron de la
paroisse du Louvre et de la ville d'Auxerre;
Paris, 1843, in-32; — Histoire du lycée Bona-
parte (collège Bourbon); Paris, 1852, in-32;
— Histoire du collège Rollin ; Paris, 1853,
in-32 ; — Les anciennes Maisons de Paris ;
Paris, 1857-1859, par cahiers in-12. L. L— t.
Lefeuve, Hist. du Lycée Bonaparte, p. 260. — Vape-
Ircau , Dict. univ. des Contemp.
t lefèvre, en latin Faber (Jean), chroni-
(queuc français du qualorzième siècle, mort à
[Avignon, le lt janvier 1390. Il était originaire,
|non de Douai, comme on l'a dit souvent, mais
[rie Paris, ainsi que l'attestent son épitaphe dans
[l'église de Saint-Martial d'Avignon (1) et la pré-
face de son livre De Planctu bonorum. Après
avoir terminé ses cours à l'université de Paris,
(1) Parisiis genitum niger excipit ordo tenellura :
Eximitis doctor canonis inde sacri,
Trinochii primo, Vedasti denique cœlus,
Moribus et vita splcndidus abba rexit.
Intrusum Rom;e delcstans rite .loannes
Clementcm l'elri sceptra teneredocet;
Undena tandem jam sub luce quievit
Carnutum prasul, Sis sibi, Curiste, pius.
- LEFÈVRE 330
il fut successivement abbé de Tournus, puis de
Saint-Vaast d'Arras, dont il avait d'abord été
prévôt. Charles V l'employa dans plusieurs né-
gociations auprès du pape Grégoire XL En 1380
Clément VU, en faveur duquel Lefèvre s'était
fortement prononcé contre Urbain VI, l'éieva
sur le siège épiscopal de Chartres. L'année sui-
vante, il fut chargé par Charles VI de négocier
la paix avec Jean IV, duc de Bretagne. Devenu
chancelier de Louis Ier d'Anjou, roi de Naples,
et plus tard de Marie de Blois, veuve de ce
prince, il fit conclure, en 1385, au nom de cette
princesse, d'abord une trêve puis un traité entre
la ville d'Arles et Raymond IV, prince d'Orange.
Les habitants d'Arles payèrent trois cents flo-
rins à Raymond, qui rendit les prisonniers. En
1388 il signa les pouvoirs donnés par la reine
Marie aux cardinaux d'Amiens et d'Embrun et
à Raymond Bernard, pour négocier et conclure
devant le pape, à Avignon, avec les députés de
Pierre IV, roi d'Aragon, le mariage de lolande,
fille de ce prince, avec Louis II, qui fut couronné
roi de Naples par Clément VU, le 1er no-
vembre 1389. On a de Lefèvre : Tractatus de
Schismate seu de Planctu bonorum sous forme
de dialogue entre un docteur de Paris et un
docteur de Bologne. Il composa cet ouvrage à
Paris, vers 1379, pour répondre au traité De
Planeta Ecclesiea de Jean de Lignac en faveur
d'Urbain VI(Baluze, in notis ad Vitas Papar.
Avenionens., pag. 1239, ex codic. 812, 814, 815,
Colbertinae bibliotheese); — Diarum Histori-
cum, quo res gestas omnes quibus auclor in-
terfuit singulis diebus, prout gestiv sunt, ab
anno 1381 ad 1388, ordine describit. Ce jour-
nal, dont Lefèvre a donné lui-même une traduc-
tion française et dont la Bibliothèque impériale
possède des copies en français et en latin, est
souvent cité par Baluze dans ses notes sur les
Vies des Papes d'Avignon, et par Casimir Ou-
din, dans ses Scriptores Ecclesiastici; — les
Grandes Chroniques de Hainaut, depuis Phi-
lippele Conquérant jusqu'à Charles VI, 3 vol.
in-fol. On les trouve à la Bibliothèque impériale
sous les n05 9658-9060 ; — Oratio habita ad
Gregorium XI, nomine Caroli V, dans son
journal, an 21 aoùt'1373. F.-X. Fessier.
Gallia Christiana, tom. VIII, 1178, 1179. — Casimir
Oudin, Scriptores ecclesiastici, tom III, 1197, 1198, 1199.
le fèvre de SAIST-REMY (Jean), chro-
niqueur et héraut d'armes français, né près rl'Ab-
beville (1), vers 1394, mort à Bruges, le H juin
1468. Il embrassa de bonne heure la carrière
héraldique (2), et fut d'abord poursuivant au
(1) Olivier de la Marche, son contemporain, dit :à.4ble-
ville. Mais, d'après des renseignements émané-! d'une
autorité respectable, celle de M. le marquis de Ver, bi-
bliophile et possesseur d'un manuscrit précieux de la
chronique écrite par Lefèvre de. Sain t-Remy, ce dernier se-
rait né près d'Abbcville, au village d'Avesnes en Ponthieu
(Louandre, Histoire d'Abbcville, t. I, p. 338)
(2! De son temps, nul ne pouvait être poursuivant
d'armes s'il n'était âgé de vingt ans et pourvu de cer-
331
LEFÈVRE
332
service de Jean sans Peur, duc de Bourgogne.
Le 25 octobre 1415, il assista à la célèbre ba-
taille d'Azincourt, et fut, en 1422, créé hérault
sous le nom de Çharolais. Lors de l'institution
de ia Toison d'Or, en 1429, il fut nommé, par Phi-
lippe le Bon, roi d'armes de cet ordre aveG le nom
de Toison d'Or. En 1433, il porta le collier de la
Toison d'Or au sire d'Anthoing. En 1435 il fut
élu par le collège entier des ofliciers d'armes de
Bourgogne pour juger un débat, survenu entre
Florimont de Brimeu et Daniel de Brimeu, son
oncle, qui revendiquaient l'un et l'autre les
armes de la bannière et seigneurie de Brimeu.
La môme année, après la paix d'Arras, le roi
d'armes Toison d'Or se rendit par ordre du duc
Philippe de Bourgogne auprès de Henri VI, roi
d'Angleterre, pour transmettre et appuyer les
offres et conditions de paix que proposait Char-
les Vil, roi de France. En 1437 nous le retrou-
vons parmi les officiers intimes et familiers de
Philippe le Bon (1). De 1449 à 1453 il accom-
pagua Jacques de Làlain , comme juge d'armes
et historiographe. Lui-même rédigea le récit au-
thentique des actions de ce personnage. Nous
devons à cette circonstance la Chronique de
Lalain, dans laquelle il se désigne en plusieurs
passages, comme l'auteur (2) de ce mémorial,
l'un des documents les plus instructifs de la litté-
rature et de l'histoire de cette époque. En 1453,
Lefèvre vint reprendre son service auprès du
taines connaissances en blason et en art militaire. De
plus, il fallait au moins sept ans d'exercice dans ce pre-
mier degré pour passer au grade supérieur de hérault
ou roi d'armes.
(1) Le 9 novembre 1437 le roi d'armes Toison d'Or re-
met pour le duc, à titre d'offrande, la somme de 23 sous
a la messe en l'église de Saint-Esprit, au village de Rue,
près Amiens (Archives du Nord, citées dans La Picardie,
1857, p. SI).
(2) Le général Renard, aide de camp du roi des Belges,
avait découvert, en 1812, dans le volume 16881 de la
bibliothèque royale de Bruxelles, un manuscrit, œuvre
de Georges Ghastellaln (voy. ce nom), qui contient la
Chronique de Lalain, ou un récit analogue. Or, comme
la narration manuscrite est plus étendue que la chro-
nique imprimée, le général Renard en conclut : 1° que
Chastelain est le véritable auteur de la Chronique de
Lalain, et 2» que le document imprimé sous ce titre
n'offre qu'une rédaction ou une imitation abrégée de
l'œuvre de Chastelain. ( Trésor national, p. 92 et s. ).
Mais cette double conclusion est évidemment erronée.
En effet, Lefèvre de Saint-Remy nous montre très-clai-
rement que lui, Saint-Remy dit Toison d'Or, assisté de
son successeur le hérault Çharolais, suivit Jacques de
Lalain, et rédigea, sur des procès-verbaux en quelque
sorle quotidiens, les faits et gestes de Lalain. Ce mémo-
rial, dit-il, fut envoyé au duc de Bourgogne, afin que ce
document (ùt mis « es cronicques qui en seront faites ».
(Édition Buchon (Panthéon), notice, p. xi], colonne 2.)
Dans le préambule de ses propres Mémoires ( même
édition, p. 319 I, Lefèvre tient un langage semblable. Il
en parle comme d'un simple abrégé, qu'il qualifie en
termes très-modestes. Puis il ajoute que Cet abrégé est
envoyé à Georges Chastelain pour qu il en fasse usage
dans sa chronique développée. Georges Chastelain, indi-
ciaire du duc, était en quelque sorte le rédacteur ou
«oordonnateur général de toutes les chroniques par-
tielles qui de\ aient composer la chronique officielle de
Bourgogne. Son rôle, comme l'y portait d'ailleurs la
pente de son talent, était non pas de résumer mais d'am-
plifier l'œuvre de ses subalternes.
duc de Bourgogne. Il assista notamment au
fameux banquet suivi des vœux relatifs à lu
Terre Sainte, qui se tint à Lille, le 17 février
1454. En 1456, il fut chargé de réconcilier le
comte de Çharolais avec le duc de Bourgogne,
qui avait à se plaindre de son fils. Peu après, il
s'entremit par voie de négociations , au nom de
Philippe le Bon, auprès du roi Charles VU, en
faveur du dauphin Louis, également révolté
contre son père. En 1460 il intervint dans la
mal-heureuse affaire des Vaudois, persécutés
pour leurs croyances religieuses. Lefèvre con-
tinua ses services sous Charles le Téméraire.
Atteint par l'âge et les infirmités , il résigna son
office , en faveur d'un hérault , Gilles Gobet,
nommé Fusil (1).
Le principal ouvrage de Lefèvre de Saint-
Bemy consiste dans ses Mémoires. D'après son
propre témoignage, il commença de les écrire
vers 1463. Ils s'étendaient, à ce qu'il dit, de
1407 à 1460, et furent transmis par lui à l'his-
toriographe ducal Georges Chastelain. L&Chro-
que de Monstrelet, mort longtemps avant Le-
fèvre de Saint-Bemy, servit de modèle à presque
tous les historiens bourguignons de cette épo-
que. Cependant l'imitation ne va pas chez lui
jusqu'à la simple copie. Beaucoup de particu-
larités que nous offrent ses Mémoires lui ap-
partiennent en propre, et ne se rencontrent pas
ailleurs. Nous ne connaissons aujourd'hui que
deux manuscrits de ces Mémoires. Le premier
porte à la Bibliothèque impériale le n" 9869 de
l'ancien fonds français. Le second est signalé
comme ayant appartenu à M. le marquis de Ver.
Les événements qu'ils racontent vont de 1407 à
1436. Le reste ne nous est point parvenu. En
1668, J. Le Laboureur mit le premier au jour la
chronique de Lefèvre de Saint-Bemy. Il en inséra
un fragment (de 1407àl422) dans le tome II de
son Histoire de Charles VI, après la Chronique
dite du religieux de Saint-Denis. Une seconde
édition, d'après le manuscrit 9869, fut donnée
par M. Buchon de 1826 à 1828, dans sa collec-
tion in- 8° des Chroniques nationales (vol. 32
et 33 de ce recueil). Enfin M. Buchon a pubtk
une dernière édition de ce chroniqueur, plus
étendue que la première, en 1838, dans l'un des!
volumes du Panthéon littéraire.
On a aussi de Lefèvre de Saint Bemy un petil[
traité, sans titre, qui roule sur des matières hé-
raldiques. Les curieux trouveront cet opuscult:
dans le manuscrit du roi 7905, 2. ayant appar-;
tenu à Baluze (du fol. 159 v° au feuillet 162) (2)..
VALLET DE VlRIVILLE.
(1) Le collier de la Toison d'Or se compose de pierrei
et àcjiisils ou briquets, qui, en frappant sur la pierre
en tirent des étincelles. De là le nom de ce. hérault.
(2| Ce manuscrit parait avoir été fait par les soins d(
notre roi d'armes et peut-être de sa propre main. In
dépendammentde l'opuscule indiqué, ce volume contiens
un abrégé de sa chronique et quelques autres petite!
pièces, dont Jean Lefèvre, seigneur de Saint-Remy, pa
rait être l'auteur.
333
Manuscrits de la Bibliothèque impériale n» 10819, 3 Ba-
luze, fol. 172 à 2î6, n°14S, du résidu de Saint-Germain -
des- Prés, fol. 80. — Plnedo y Salazar, Histoire de la
'/oison d'Or (en espagnol) ; Madrid, 1788, 3 vol. in-fol. —
Jfotice sur J. Le/èvre de Saint Hemy, par M"c Dupont ,
dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de France,
1836, t. Il, p. 1 et s. — Kotice sur le même par M. Bu-
ehon dans le Panthéon, 1838. — Dom Plancher, Histoire
de Bourgogne, In fol., tom. IV, p. 889, des Preuves. —
Louandre, Histoire d'Ahbeville; 18H, in-8°, t. I, p. 337
et 373. — La Picardie, revue périodique, publiée à
Amiens, in-8°, 1857, p. 51. — l.e fa.u national, recueil
périodique belge, publié à Bruxelles, 184S, in 8°, t. 1,
p. 92 et suiv.
lefèvre d'étaples ( Jacques ), appelé
aussi Fabrï , en latin Faber Slapulensis ou a
Stapula, célèbre polygraphe français, né à Éta-
ples, vers 1455, mort à Nérac, en 1537. Il vint
de bonne heure à Paris étudier les lettres. Reçu
maître es arts, il partit avant 1486 pour l'Italie,
où il se trouvait encore en 1492. Se préoccupant
peu de l'étude des auteurs classiques de l'anti-
quité, il dirigeait alors ses recherches principale-
ment vers les mathématiques et la philosophie.
Il suivit les leçons de Jean Àrgyrophile et d'Her-
molaus Barbarus, qui lui firent connaître les
véritables doctrines d'Aristote; de retour à Pa-
ris, il propagea cet enseiguement dans des cours
publics et par une série de traductions et de
paraphrases des écrits d'Aristote, entreprises
dans lesquelles il fut aidé par son ami Josse Clic-
ton, docteur de Sorbonne (1). De temps à autre
il faisait des voyages pour rechercher dans les
bibliothèques des manuscrits, qu'il remettait à
Josse Bade ou à Henri Etienne Ier, avec les-
quels il était lié. C'est ainsi qu'on le trouve
à Rome en 1500 à l'occasion du jubilé; en
1509 à Mayence, d'où il alla visiter les frères
de la Vie commune à Cologne. Quoiqu'on ait
peu de détails sur ses voyages, il est certain
que, contrairement à ce qu'on a prétendu , il n'a
jamais été en Orient. Son savoir lui valut la
protection de Louis XII et de plusieurs person-
nages de la cour, à la suite de laquelle il se
trouvait à Bourges en 1507. Il s'attacha particu-
lièrement à Guillaume Briçonnet, évêque de
Lodève, son ancien élève, qui, ayant reçu en
1507 l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à
Paris, y fit venir Lefèvre quelque temps après,
et lui procura les moyens de continuer ses
travaux. C'est vers cette époque que Lefèvre,
qui s'était toujours montré animé des senti-
ments religieux les plus fervents, s'adonna à
la lecture des ouvrages mystiques, dont il édita
plusieurs; cela le conduisit à faire une étude
approfondie de la Bible, occupation à laquelle il
consacra le reste de sa vie. Le premier, il
entreprit une révision critique du texte de la
Vulgate; malheureusement, ses connaissances
philologiques étaient insuffisantes pour cette
(1) « Non negabo nostros per multum Jacobo Fabro de-
bere, qurm ut inslauratorem vira dialecticae versque
iphilnsopliia?, pnesertim Aristotelicœ, fcliclora passion
apurt nos tngenta sanioraqne iiidlcia consectantur. »
Thoniae Mon Epistolaad M. Dorpium, dans les Epistolœ
I Erasmi.
LEFÈVRE 334
I œuvre difficile. Peu versé dans la langue hé-
braïque , il n'avait appris le grec que d'une
manière incomplète, et n'avait jamais cherché à
donner à son style latin une grande pureté.
Aussi ses corrections~ïïè" la Vulgate sont-elles
loin d'être toujours heureuses ; en rcvanclre, ses
commentaires sur les diverses parties du Nou-
veau Testament ont beaucoup plus de valeur ;
ils forment la partie vraiment originale de ses
œuvres. Il essayait surtout de découvrir le « sens
spirituel de l'Écriture , c'est-à-dire celui que le
Saint-Esprit a caché sous le sens littéral, et qui
n'est révélé qu'à ceux qui savent entendre les
choses divines d'une manière non charnelle ».
Pour déterminer ce sens spirituel , Lefèvre n'a
de confiance que dans le secours de l'inspiration
divine (l). Interprétant ainsi l'Écriture, sans
parti pris, suivant un sentiment intérieur, qu'il
croyait être dirigé par le Saint-Esprit, il arriva
bientôt à différer sur certains points avec la
théologie officielle de la Sorbonne. La disserta-
tion qu'il publia en 1517 pour prouver, contrai-
rement à l'opinion des docteurs de l'époque, que
Marie-Madeleine, Marie, sœur de Lazare, et la
femme pécheresse étaient trois personnes distinc-
tes, souleva contre lui une violente polémique :
en 1521 la dissertation fut condamnée par la
Sorbonne et son auteur déféré au parlement. Le-
fèvre se trouvait alors depuis un an à Meaux, où
Briçonnet, devenu évêque de cette ville, l'avait
appelé et venait de le nommer administrateur de
la Léproserie. François Ier, après avoir fait exa-
miner le livre de Lefèvre par son confesseur
G. Petit, qui déclara n'y avoir rien trouvé de
contraire à l'orthodoxie, défendit au parlement
d'inquiéter Lefèvre. Depuis son arrivée à Meaux,
ce dernier faisait tous ses efforts pour seconder
Briçonnet dans l'œuvre de réforme que cet
évêque avait entreprise dans son diocèse , avec
l'aide de Gérard Roussel, Martial Mazurier, Mi-
chel d'Arande, Guillaume Farel et autres adver-
saires des abus qui s'étaient introduits dans
l'Église. Quelques-uns de ces hommes, visant à
se séparer complètement de l'Église romaine,
entreprise que Lefèvre ainsi que Briçonnet dé-
sapprouvèrent constamment, avaient propagé
parmi la classe ouvrière de Meaux les principes
de Luther. Cet état de choses attira l'attention
du fougueux défenseur de l'Église catholique,
Béda, qui, croyant faussement que Lefèvre avait
aussi travaillé à l'extension de l'hérésie, obtint
de la Sorbonne en 1523 la condamnation d'un
grand nombre de propositions extraites du
Commentaire sur les Évangiles publié par
Lefèvre deux ans auparavant. Mais François 1er,
intercédant de nouveau, institua une commission,
(l)«Neque aliorum laboribus incnbuimns, ut lnopcs
magis a Deo penderemus. Elnim me non latebnt, dili-
gentlam, qure studio et evol'vendis libris prjeslalur, ho-
ruin sacrorum affcrre non posse intelligentiam ,sed eam
dono et gratia esse exspectandam. >> ( Lefèvre, Commen-
taria in IV Erangelia, préface.)
335
LEFÈVRE
336
composée de prélats et de docteurs de théolo-
gie , chargés de réviser le jugement de la Sor-
, bonne. Le rapport de la commission fut favo-
J rable à l'accusé ; le roi fit remettre à la Sor-
' bonne une lettre remplie des plus grands éloges
pour Lefèvre , et défendit de supprimer son
livre ou de le molester désormais. Mais, en oc-
tobre 1525, lors de la captivité du roi , le parle-
ment fit procéder contre Gérard Roussel, Mazu-
rier et Lefevre, tous accusés d'hérésie. Un mois
après, la Sorbonne prononçait la condamnation
d'une cinquantaine de propositions tirées des
Épitres et Évangiles pour les dimanches ,
publiées deux ans auparavant par Lefèvre. Celui-
ci prit la fuite en compagnie de Roussel, et se
retira à Strasbourg, où il passa quelques mois
dans la maison de Capiton.
En mars 1526 François 1er, de retour dans son
royaume , fit réprimander sévèrement le parle-
ment de n'avoir tenu aucun compte de la lettre
qu'il lui avait adressée de Madrid et dans la-
quelle il ordonnait de suspendre le procès com-
mencé contre Lefèvre. Ce dernier fut immédia-
, temeut rappelé et nommé précepteur de Charles,
! troisième fils du roi. Quelque temps après, il
accompagna Marguerite de Valois à Blois, où il
fut chargé du "soin de la bibliothèque du châ-
teau. Il y acheva sa traduction de la Bible, à
laquelle il travaillait depuis plusieurs années,
traduction encore aujourd'hui en usage dans les
églises protestantes françaises. Après avoir été
rémaniée par Calvin, Martin, Ostervald et au-
tres , elle ne peut en aucune façon être com-
parée à celle de Luther; mais il faut consi-
dérer que celui-ci avait eu de nombreux de-
vanciers , ce qui rendait sa tâche bien plus
facile que celle de Lefèvre, ayant lequel il n'exis-
tait pas en français une seule version complète
des Ecritures. En 1531, Marguerite, craignant de
nouvelles persécutions, pour Lefèvre, le fit partir
à Nérac, où il mourut, de vieillesse, six ans
plus tard , après avoir consacré avec le plus
noble désintéressement sa vie entière à propager
ce qu'il croyait sincèrement être la vérité (1). De
longs débats ont eu lieu sur la question de savoir
s'il était resté catholique ou s'il s'était rallié aux
protestants. Jamais il ne s'est séparé ostensible-
ment de l'Église romaine, dont il suivait les pra-
tiques même pendant son séjour à Strasbourg;
ce point est d'un grand poids, puisque, étant
d'un caractère franc et loyal , il soutenait tou-
jours avec persistance ses opinions, dussent-
elles entraîner pour lui les plus grands dangers.
Dans ses ouvrages il n'attaque nulle part la lé-
gitimité de la papauté ni la constitution de
l'Église catholique ; seulement il réclame avec
instance la réforme des abus. Quant au dogme,
(1) « Fabri ardentissiroum in rcstituendis bonis lite-
ris studium magnopere coinprobo , erudUioncm tam va-
riai!) mlnimeque viil^arcfn admiror, raram quaindam
morum comilatem ac facilitaiem adamo, porro sin^ula-
rem vitœ sanctimoniam vcneror utiaiii et exosoulor, »
Érasme, Annotalioncf
la prédestination, principe invoqué par toutes
les sectes protestantes du seizième siècle, lui
est odieuse; partisan déclaré du libre arbitre,
il ne fonde la justification exclusivement ni sur
la foi, comme les protestants, ni sur les oeuvres.
« Toi, qui as la sagesse de l'esprit, dit-il, n'aie
confiance ni dans la foi ni dans les œuvres, mais
en Dieu ; cherche d'abord à obtenir le salut de
Dieu par la foi d'après Paul, et ajoute les œuvres
à la foi d'après Jacques ; car eiles sont le signe
d'une foi vivante et féconde ». Acceptant les
couvents el le célibat, il ne repousse pas non
plus les abstinences et les macérations; mais il
n'y voit que les signes de la pénitence, et il de-
mande qu'elles soient accompagnées d'un chan-
gement intérieur du cœur. Il y a cependant un
point important , entre plusieurs qui le sont
beaucoup moins, par lequel Lefèvre se rap-
proche des réformateurs : il veut que la Bible
avant tout soit consultée en matière de dogme,
et il ne semble pas attacher grande importance
à la tradition. On a de lui : In Aristotelis VIII
physicos Ubros Paraphrasis ; Paris, 1492,
in-fol. ; — Artiftcialis Introductio moralis
in X Ubros Ethicorum Aristotelis; Paris,
1496, in-fol.; réimprimé plusieurs fois; — Elé-
ment a Musicœ; 1496; partisan exclusif de la
musique des anciens, Lefèvre improuvait forte-
ment dans ce livre l'invention récente des notes
brèves, noires, croches et double-croches; —
Dionysii Areopagitse Opéra, latine ex inter-
pretatione Ambrosii Camaldulensis ; Ignatii
epislolx undecim; Polycarpi epislola una;
Paris, 1498 et 1515, in-fol. ; loin de nier l'authen-
ticité des œuvres apocryphes de FAréopagite ,
Lefèvre y voit au contraire une des sources les
plus pures de la religion chrétienne, et les cite
souvent dans ses ouvrages; — Ars moralis ex
Arlstotele; Paris, 1499, in-4°; Vienne, 1513;
— ' Remundi Lullii Libri IV : De laudibus
B. Mariée ; De natali pueri parvuli ; défi-
cits; phantaslicus ; Paris, 1499 et 1505, in-fol.;
— Aristotelis iotius ■ phïlosophiso naturalis
Paraphrases et Introductio in sex primos
Ubros metaphysicos, cum Clictovei Commen-
tai' io ; Paris, 1501, in-fol. ; ibid., 1540, in-4°;
ibid., 1510 et 1521. in-fol.; ibid., 1528, in-8°
— Epitome compendiosague introductio in
Ubros arithmeticos Boetii, adjecto familiari
comment d'rio dilucidata. Astronomicon ,
aliaque opusculq ; Paris, 1503 et 1510, in-fol.;
Y Astronomicon fut publié à part; Paris, 1515 et
1517, in-fol.; — Aristotelis Libri Logicorum
recogniti , Boetio interprète, et paraphrases
in eosdem cum annotationibus ; Paris, 1503,
1510, 1520 et 1531, in-fol.; — Heraclidis ere-
mitx Paradisus ad Lausum; Epistola dé-
mentis; Recognitiones Pétri aposloli; Epis-i
tola Anacleti , latine; Paris, 1504, in-fol.; —,
Primum Volumen Contemplationum Remundi '
Lullii , et libellus Blaquerux De amico et \
amato; Paris, 1505, in-fol.; — In sex primos '•
337
metaphysicorum libros Aristotelis in'roduc-
tio; Paris, 1505, in-fol.; une seconde édition
parut à Paris, 1515, in-fol., sous le titre de :
Aristotelis Opus Melapfiysicam , Kessarione
interprète , cum Argyropyli in XII primos
interpretamento; item Theophrasti Meta-
physicorum Liber I ; item metaphysica in-
troduclio IV Dialogorum libris elucidata ; —
Aristotelis Politicorum Libri VIII; Econo-
micorum Libri II ; Hecatonomiarum publi-
carum unus, L. Aretino interprète, cum
commentants J. Fabri et L. Aretini in Eco-
nomica explanationibus ; Paris, 1506,1511,
1517, etc., in-fol.; — Joannis Damasceni
Tkeologia , sive Tractatus IV de orthodoxa
Fide, interprète J. Fabro; Paris, 1507, in-4°;
une nouvelle édition, augmentée d'un commen-
taire par J. Clictou, parut à Paris, 1512 et
1519, in-fol.; Bàle, 1539 et 1548, in-fol., avec
d'autres ouvrages de J. Damascène; — Textus
de sphxra Joannis de Sacrobosco, novo com-
mentario illustratus, cum compositione An-
nuli astronomici Boni Latensis et Geometria
Euclidis; Paris, 1507, 1511, 1526 et 1031,
in-fol.; — Jntroductiuncula in Politica
Aristotelis et Œconomica Xenophontis a
Raph. Volaterrano translatum; Paris, 1508,
in-fol.; ibid., 1516, in-fol. , avec un commentaire
de J. Clictou; — G. Trapezunlii Dialectica;
Paris, 1508, 1511 et 1532, in-S° ; — Bichardi
sive Ricoldi, ordinis Prsedicatorum,Confuta-
tio legis mahometanœ, et cujusdam diu cap-
tivi Turcarum de vita et moribus eorumdem
libellus; Paris, 1 509 et 1511, in-4°; — Quin-
cumplex Psalterium, gallicum, romanum,
hebraicum , vêtus, et conciliatum; Paris,
1509 et 1513, in-fol. ;Caen, 1515, in-fol.: ce livre
contient, outre les trois versions des Psaumes
données successivement par saint Jérôme, le
Psautier tel qu'il existait avant la révision de
saint Jérôme, et le Psautier gallican, soi-
gneusement collationné {conciliatum). On y
trouve aussi une paraphrase, des notes et une
indication du but et du sens de chaque psaume;
— Richardi cœnobitœ S. Victoris De Trinitate
opus, cum commentario; Paris, 1510, in-4°;
— S. Pauli Epislolae XIV, ex vulgata edi-
tione, adjecta intelligentia ex graeco, cum
comment ar Us ; precmittitur Apologia, quod
vêtus interpretatio Epistolarum S. Pauli,
qux passim legitur, non sit translatio Hie-
ronymi; canones Epistolarum S. Pauli; ac-
cedit Linus de passione Pétri et Pauli, in
latinum conversa; Paris, 1512, 1515, 1517 et
1531, in-fol.; Bâle, 1527, in-fol.; Cologne, 1531,
in-4r; Anvers, 1540 : ce livre et les Commen-
tarii in Evangelica, mentionnés plus loin,
font le mieux connaître les idées théologiques et
morales de Lefèvre; — Agones Martyrum
mensis januarii ; Paris, 1512 et 1524, in-fol.;
Rome, 1559, in-fol.; — Liber trium virorum
et trium spiritualium virginum ; Hermee
LEFÈVRE
338
Pastor ; Vguetini visio ; F. Roberti Sermo-
num et visionum Libri 111; Hildegardis Sci-
vias visionum Libri II ; Elisabethx Sconau-
giensis Sermonum et Visionum libri VI;
Mectildis Libri V Studiorum piorum ; Paris,
1513, in-fol.; — Arithmetica Jordani Nemo-
mriirX libris denionslrata ; Musica, IV libris
demonstrata ; Epitome in libros Arithmeticos
Boetii ; Rythmimachise ludus , qui et pugna
numerorum appellatur; Paris, 1514, in-fol.;
— Euclidis geometricorum Elementorum Li-
bri XV; Campani Galli transalpini in eos-
dem Commentarii; Theonis Alexandrini
in XIII priores et Hypsiclis Alexandrini in
duos posteriores Commentarii; Paris, 1517,
in-fol.; — De Maria Magdalena et triduo
Christi Disceptatio ; Paris, 1517, in-4°; ibid.,
1518 et 1519, in-4°, avec des additions; Hage-
nau, 1518, in-4° : cet opuscule, contre lequel
écrivirent entre autres Fisher, évêque de Ro-
chester, et Marc Grandval , fut défendu par
J. Clictou et H. Cornélius Agrippa; — Berno-
nis abbatis libellus de officio Missx ; Paris,
1518, in-4°; — Accurata Recognilio trium
voluminum Operum N. Cusae cardinalis;
Paris, 1514, 3 vol. in-fol.; — De tribus et
unica Magdalena Disceptatio secunda; Paris,
1519, in-8°; — Contemplationes idiotse de
amore divino, de Virgine Maria, de ver a
animi patientia, de continuo conflictu car-
nis et animx , de innocentia perdita , de
morte; Paris, 1519, in-4°; 1535, in-16; —
Commentarii initiatorii in IV Evangelia ;
Paris, 1521, in-fol.; Cologne, 1521; Meaux,
1522, in-fol.; Bàle, 1523, in-fol.; sans nom de
lieu, 1526, in-fol.; Cologne, 1541, in-fol.; — Le
Nouveau Testament nouvellement traduit eh
françoïs; Paris, 1524 et 1525, in-8°; sous l'a-
nonyme (1); Anvers, 1525, in-8°; Bàle, 1525,
2 vol. in-8°; Anvers, 1532, in-12 , souvent
réimprimé depuis ; — Les Épistres et Évan-
giles pour les LII dimanches de Van, à l'usage
du diocèse de Meaux; 1523, introuvable;
Lyon, 1542, in-16; — Les Psaumes de David
translatez en Jrançois ; Paris, 1523 et 1525,
in- 8°; ibid., 1530, in-12; sous le voile de l'ano-
nyme ; — Commentarii in Epistolas canoni-
cas; Meaux, 1525, in-fol. ; Anvers, 1540 et 1563,
in-8° ; — La sainte Bible en françoys, trans-
latée selon la pure et entière traduction de
S. Hiérome, conférée et entièrement revisitée
selon les plus anciens et plus corrects exem-
plaires; Anvers, 1530, in-fol. (2); ibid., 1534
et 1541, in-fol.; réimprimée très-souvent depuis,
avec des changements ; c'était, avons-nous dit, la
première version française de la Bible, qui fut
(1) Les diverses parties du Nouveau Testament avaient
été successivement publiées à part dans le courant de
l'année 1523.
(2) La traduction de VJncien Testament, moins les
psaumes, avait déjà paru à Anvers, 1528, 4 vol. in-8°;
cette édition est des plus rarca.
339
complète; tandis qu'il avait déjà paru avant
1500 six traductions allemandes de la Bible, trois
italiennes, une ilamande et une en langue bohé-
mienne ; nous ne possédions en France que la
traduction abrégée, écrite à la fin du treizième
siècle par Guyarddes Moulins, qui n'était qu'un
extrait paraphrasé, souvent inexact.
Le travail de Lefèvre , quoique loin d'être
exempt d'erreurs , quoique défectueux au point
de vue du style, mérite pourtant beaucoup d'é-
loges. A la bibliothèque impériale de Paris
se trouvent ( Ancien fonds latin, n° 5288 et
78 14 ) divers opuscules de Lefèvre en manuscrit ;
ce sont : Apologia pro sua sententia de çrea-
tione et statu Adami; De nornine Dei ; Ora-
ttones ; Carmina ; Dialogus de fortunamun-
di. Ernest Grégoire.
Sainte-Marthe, Elogia. — Bayle, Diction. — Lelons,
Biblic-theca Sacra, t. Il, p. 532. — Beischlag, Sciagra-
phia commentarii de vita J. Fabri Stapulensis ( dans
la Syliane npufculorum de Beischlag, p. 261 ). — Graf,
Essai sur la fie et les Écrits de J. Lefèvre d'Etaples ;
Strasbourg, 1842, in 8": ce travail, assez impartial, quoi-
que écrit au point de vue protestant, est la meilleure
biographie de Lefèvre. — Haas, /-<« France Protes-
tante.
lefèvre ( François), médecin français , né
à Bourges, mort en 1569.11 devint en 1545 docteur
régent à l'université de sa ville natale. On a de
lui quelques traductions du grec, telles que Les
trois premiers livres de la Chirurgie d'Hippo-
crate, traitant des ulcères, des fistules et des
blessures à la tête, accompagnés des commen-
taires de GuiVidio, médecin de Florence; Paris,
1555,in-8°; — Le Médecin-Chirurgien d'Hip-
pocrate, le Grand , avec le Commentaire de
Galien, où il est traité de l'institution du
chirurgien, autrement des choses qui se font
en la boutique du médecin -chirurgien;
Paris, 1560, in-16. Ce second litre parait être
celui d'une autre édition du premier ouvrage ,
seulement plus complet et mené à terme. Les
Annales Typographiques de Catherinot men-
tionnent pour cette année 1560 : L'Institution
de Médecine par François Lefèvre, médecin
de Bourges. 11 est possible que ce soit encore
le même ouvrage. En 1557, Lefèvre avait donné
sous le titre de Secret et Mystère des Juifs ,
un extrait des deux premiers livres de Suidas.
11 arriva pour cette publication ce qui était ar-
rivé pour la précédente, c'est qu'elle fut proba-
blement revue par l'auteur, et parut de nouveau
avec ce titre : Histoire de Théodose, pontife
de la loi judaïque, et de Philippe, chrétien,
par laquelle est révélé le secret mystère des
Juifs, jusqu'à présent à la confirmation de
notre foy catholique; Paris, 1561 ; deux autres
éditions en parurent encore à Paris et à Lyon.
H. Bover.
La Croix du Maine et du Verdier, Bibloth, française.
— La Thaumassière, Hist. du Berry. — Catherinot,
Opuscules.
lefèvre ou fabrichjs (François), philo-
logue allemand, né à Duren, vers 1525, mort le
LEFÈVRE 340
23 février 1574. Il commença ses études dans sa
ville natale, et vint les achever à Paris, au Col-
lège royal, où professaient alors Tu mène et
Pierre Ramus. De retour dans sa patrie, Fabri-
eius fut nommé recteur du collège de Dussel-
dorf, où pendant plus de vingt ans il professa
avec une réputation brillante. On a de lui
beaucoup d'éditions annotées des auteurs an-
ciens; les plus importantes sont : Lysias Oratio-
ncs duse, unupro Eratostltenis csede, altéra
funebris ; jam primum intégras grœce et la-
tine éditée; Cologne, 1554, in-12; — Pauli
Orosii, presbyteri hispani, adversus Hispa-
nos, historiarum Librï septem ; Cologne, 1561,
in-12 ; — Ciceronis Bistoria per consules des-
cripla, et In annos LXIV dislincta ; Cologne,
1564, in-12. Z.
Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire littéraire
des Pays Bas, t. XIV.
lefèvre ou fa bmcivs (André), philologue
belge, né vers 1520, à Hodeige, dans laHesbaie,
province de Liège, mort à Al-Œting, en 1581.
Après avoir fait ses études à l'université d'In-
golstadt, il professa la théologie à Louvain, et
séjourna ensuite à Rome, de 1560 à 1565, en
qualité d'orateur du cardinal Othon, évêque
d'Augsbourg, auprès du pape Paul IV. Sur la
fin de sa vie, il obtint la riche prévôté d'Alt-
Œting. On a de lui : Religio paliens, tragédie;
Cologne, 1566, in-12;— Samson, tragédie; Co-
logne, 1569, in-12; —Harmonise , qux nulla
est, confessionis Augustanœ , cum doctrina
evangelica consensum déclarons, liber ; Co-
logne, 1573, in-fol.; — Calechismus liomanus;
Anvers,1570, in-8"; — Jéroboam rebellans,
tragédie; Ingolstadt, 1585, in-12. Z.
Foppens, Bibhotheca Belgica. — Paquot, Mémoires
pour servir à l'histoire littéraire des Pays-Bas, t. VUI.
le fèvre de la Boa>ERiE ( Guy ), orien-
taliste et poète français, né le 9 août 1541, près
Falaise, au manoir de La Boderie, où il est
mort, en 1598. Il était l'aîné d'une famille nom-
breuse, qui depuis longtemps était connue dans
la Normandie, et s'adonna de bonne heure à l'é-
tude des langues orientales avec la pensée d'y
puiser des armes pour la défense de la religion
catholique. Après avoir parcouru la Bourgogne,
le Lyonnais et la Bretagne , il travailla quelque
temps avec son compatriote Guillaume Postel
et donna en latin la version syriaque du Nou-
veau Testament. Sa réputation était si bien ac-
quise, que bientôt après , sur les instances du
pape Pie IV et avec l'agrément du roi Char-
les IX, qui le laissa s'éloigner à regret , il se ren-
dit à Anvers, où l'appelait Arias Montanus pour
préparer l'édition de la Bible polyglotte,que venait
de lui confier Philippe II. Il ne se contenta pas de
collationner sur un manuscrit rapporté d'O-
rient le texte syriaque du Nouveau Testament,
il s'efforça d'en expliquer les locutions les plus
obscures, et publia, entre autres travaux, un
petit traité du patriarche Sévère, traité qui l'a-
vait frappé par une remarquable concordance
341
LEFEVRE
342
entre les rites usités dans l'administration des
sacrements dès les premiers temps du christia-
nisme par les églises d'Orient et d'Occident. Jl
n'eut;, au reste, à se louer ni de Philippe 11 ni
des Espagnols, et dut supporter les frais de ce
coûteux voyage; revenu à Paris, il devint, à la
demande de Marguerite de Valois, secrétaire du
duc d'Alençon et son interprète pour les langues
étrangères. Malgré les relations suivies qu'il en-
tretint avec Baïf, Dorât, Ronsard et surtout Vau-
clin de La Fresnaye, il ne subit l'influence d'au-
cun de ces écrivains , et resta le poète chrétien
par excellence, ne s'occupant que des intérêts
de la religion catholique, traduisant les hymnes
j de saint AmbroiseJ, de saint Grégoire et de saint
Thomas pour les opposer aux Psaumes deMarot,
et indiquant comme de véritables sources d'ins-
piration les légendes et les épopées du moyen
âge. Dans ses écrits en prose , aujourd'hui per-
dus, et qu'il accusait Duplessis-Mornay d'avoir
brûlés à dessein lors du sac de l'abbaye de
Saint- Jean-de- Falaise, Guy de La Boderie avait
entrepris de réfuter les hérésies de Calvin.
On a de lui : L'Encyclie des secrets de V Eter-
nité; Anvers, 1571, in-4°: espèce de poème di-
visé en huit cercles où chants qui forment le
premier livre de l'ouvrage; mais Fauteur n'en fit
pas paraître davantage ; — Novum Testamen-
tum syriace , cum versione latina ( dans la
Bible polyglotte d'Anvers, 1572, in-fol. , t. V,
et dans celle de Le Jay; Paris, 1645, in-fol.):
ce travail ne lui demanda pas inoins de trois
années à mener à fin ; — Grammatica Chaldaica
et Dictionarium Syro-Chaldaicum (ibid.,
t. VI); — D. Severi, Alexandrini.quondam
patriarchse , de Ritibus baptismi et sacrée
synaxis apud Syros ckristianos receptis Liber,
nunc primum in lucem editus ; Anvers, 1572,
in-4° ; — Syriacx Linguae prima Elementa ;
ibid., 1572, in-4°; — Confusion de la secte de
Muhamed , livre premièrement composé en
langue espagnole par Jehan André , jadis
More et Alfaqui, depuis jaict chrestien et
prestre,et tourné d'italien enfrançois; Paris,
1574, in-8° ; — Traité du nouveau Comète
et du lieu où ils se font, trad. de l'espagnol
de J. Mugnoz; plus un Cantique sur ladite
estoile en apparence lumineuse; ibid., 1574,
in-8° ; — Harangue de la Dignité de l'homme,
trad. de Jean Pic de La Mirandole ; ibid.,
1578, in-12; — Traité de la Religion chres-
tienne, trad.de Marsiie Ficin; ibid., 1578; —
Discours de l'honnête Amour sur le Ban-quel
de Platon, trad. du même; ibid., 1572 et 1588;
— La Galliade, ou de la révolution des arts
et sciences; Paris, 1578,in-4°; poème en cinq
cercles ou chants, ainsi nommé Galliade parce
que les arts et les sciences , après avoir été
bannis des Gaules, où ils avaient leur séjour, y
sont enfin revenus; — Hymnes ecclésiastiques,
Cantiques spirituels et autres mélanges poé-
tiques ; ibid., 1578 et 1582, in-16 : la plupart de
ces pièces sont traduites du latin; — L'Harmo-
nie du Monde, divisée en trois cantiques, trad.
de François Georges, Vénitien; ibid., 1578,
in-fol.; — Les trois Livres de la Vie, avec une
Apologie pour la Médecine et l'Astrologie, trad.
de Marsiie Ficin; ibid., 1581, in-8°; — De la
Nature des Dieux, trad. de Cicéron; ibid.,
1581, in-4°; — Divers Mélanges poétiques;
ibid., 1582, in-16; - Novum J.-C. Testamen-
tum, syriace litteris hebraicis, cum versione
latina inlerlineari ; ibid., 1584, in-4° : cette
traduction, dédiée à Henri 111, contient au bas
des pages la Vulgate et la version grecque. On
attribue encore à Guy de La Boderie la traduc-
tion du poème de Sannazar, V Enfantement de
la Vierge; — de plusieurs écrits de saint Gré-
goire de Naziauze; — ainsi qu'une pièce en vers
burlesques intitulée : L'Anti- Chopin.
H. de La F.
Nicéron, Mémoires, XXXVIII. - Gonjet. Biblioth.
Française, VI et .Mil — Hnet, De Claris Interpretibus.
— Colomiès, Gallia Orientons. — Baillel. Jugem. des
Savants, II,— A. Heret. Cosmographie, liv. XV, c. 23.—
Colletet, Fies des Poètes françois(ms). — Brunet, Ma-
nuel du Libraire.
LE FÈVRE DE LA BODERIE (Nicolas),
frère du précédent, s'appliqua également aux
langues orientales, travailla à l'édition de la
Bible polyglotte, et fut employé utilement en
Italie par Henri III sous le maréchal de Belle-
garde. Catherine de Médicis lui fit épouser la
fille de son premier maître d'hôtel. On a de lui :
L'Heptaple, ou histoire des sept jours de la
création, trad. de Pic de La Mirandole; Paris,
1578, in-fol.; impr. avec l'Harmonie du Monde
de son frère; — Ad nobiliores linguas com-
muni methodo componendas Isagoge; ibid.,
1588, in-4°; — Fantaisie sur le tombeau de
Pierre Le Fèvre de La Boderie, pièce de vers
insérée dans les Mélanges poétiques de son
frère. H. de La F.
Nicéron, Mémoire, XXXVIII. — Arias Montaus, Pré-
face de la Bible poli/glotte.
lefèvre (Nicolas ), chimiste français, mort
en 1674. Il fit ses études à l'université de Sedan,
et fut choisi par Vallot, premier médecin de
Louis XIV, pour remplir la place de démonstra-
teur de chimie au Jardin du Roi à Paris. Sa
réputation lui valut d'être appelé, en 1664, en
Angleterre par Charles n, qui lui confia la di-
rection d'un laboratoire établi dans le palais
Saint-James. Fixé à Londres, Lefèvre de-
vint membre de la Société royale. Lefèvre dé-
finissait la chimie « la science de la nature
même ». L'expérience seule avait pour lui del'au-
torité. Dumoustier considérait Lefèvre comme
un philosophe naturaliste, qui « pénètre jus-
ques dans la nature des estres, dont il sçait
développer toutes les propriétés par un rai-
sonnement juste et solide. On peut dire qu'on
lui a l'obligation d'avoir, un des premiers, ré-
formé, rectifié et mis dans un meilleur ordre
toute la pharmacie ». Selon M. Dumas, le traité
de chimie de Lefèvre « n'est pas, comme la plu-
343
part de ceux qu'on a publiés vers la même
époque, un ramassis confus de recettes ; l'auteur
cherche soigneusement, au contraire, à se rendre
compte des phénomènes qu'il décrit avec ordre,
méthode et clarté ». Lefèvre était un chimiste
habile, et dans son ouvrage il décrit les opéra-
tions avec exactitude, explique leurs résul-
tats, indique les moyens de reconnaître la
fraude dans les opérations pharmaceutiques. Ce
livre, intitulé : Chymie théorique et pratique,
Paris, 1C60, 1669, 1674, '2 vol. in-12, Leyde,
1699, 2 vol. in-12, a été traduit en anglais, en
allemand et en latin. Lenglet-Dufresnoy en a
donné une édition considérablement augmentée
par Dumoustier, sous ce titre : Cours de Chymie
pour servir d'introduction à cette science;
Paris, 1751, 5 vol. in-12, avec fig. Nicolas Le-
fèvre a en outre publié La Religion du Médecin;
La Haye, 1688, in-12 : traduction d'un ouvrage
anglais de T. Browne. L. L— t.
Oriila, dans la Biographie Médicale. — Dumas, Le-
çons sur la Philosophie chimique. — Haag, La France
Protestante. — F Hoefer. Hist. de la Chimie, t. II.
lefèvre (Roland), peintre français , né en
Anjou, vers 1605, mort en Angleterre, en 1677.
11 était bon portraitiste, et excellait à faire les
charges. Il séjourna longtemps à Venise et à
Paris, et mourut en Angleterre. A. de L.
Pilkington, Dictionary of Painters. — Chaudoo et De-
landine, Dictionnaire Historique.
lefèvbe de lézeau (Nicolas), historien
français, né vers 1580, mort en 1680. Il était
conseiller d'État. Il a laissé en manuscrit quel-
ques ouvrages historiques importants, dont plu-
sieurs se trouvent à la Bibliothèque impériale ou
à la bibliothèque Sainte- Geneviève; savoir:
Histoire de la naissance et du progrès de
l1 Hérésie en France ; — Le la Religion catho-
lique en France pendant la Ligue ; — Vie de
Jean de Morvillïers; — Histoire de Jean de
Marillac , garde des sceaux ; — Recueil de
diverses pièces concernant les conseils du
roi. J. V.
Lelong, Biblioth. Hist. de la France.
lefèvre (Jacques), historien français, vi-
vait dans la seconde moitié du dix-septième
siècle. Il était prévôt et théologal d'Arras. On a
de lui : Les plus curieux endroits de l'his-
toire, ou les sages et généreuses reparties;
1690, in-12; — Éloge de Louis le Grand, pro-
noncé le 5 septembre, jour ( anniversaire) de
sa naissance, dans laparoisse royale de Saint-
Germain-en- Laye ; Paris, 1692; — Anciens
Mémoires du quatorzième siècle, depuis peu
découverts, où l'on apprend les aventures les
plus surprenantes et les plus curieuses de
la vie de Bertrand JDuguesclin, traduits
nouvellement ; Douai, 1692, in-4° : ces mémoi-
res sont en grande partie les manuscrits dont
Claude Ménard et du Chastelet s'étaient servis
pour rédiger leur histoire de Duguesclin. Lefèvre
ne les a pas traduils, mais il en a rajeuni le style;
il y a ajouté des réflexions oiseuses et des anec-
LEFÈVRE 344
dotes peu authentiques. Le travail de Lefèvre
est devenu rare et recherché des curieux ; il a
été reproduit avec des retranchements et des
additions dans les tomes III, IV et V de la Col-
lection des Mémoires particuliers relatifs à
l'histoire de France, publiée par Boucher et
Dussieux. J. V.
Lelong, Biblioth. Hist. de la France.
lefèvre ( Jean ), astronome français, né à
Lisieux, vers le milieu du dix-septième siècle,
mort en 1706, était fils d'un tisserand. Il exerça
d'abord la profession paternelle ; mais la lecture
de quelques livres d'astronomie lui fit bientôt
abandonner la navette pour le calcul des éclipses.
Lefèvre fut recommandé à Picard , qui le fit ve-
nir à Paris pour l'aider dans le travail de la
Connaissance des Temps. En 1682, il accom-i
pagna La Hire dans son voyage de Provence,
et, l'année suivante, il l'aida dans la construction i
de sa méridienne. Ses protecteurs le firent en-
trer à l'Académie des Sciences. Lefèvre n'a publié
que des Éphémérides pour les années 1684 et
1685, et la Connaissance des Temps, de 1684
à 1701. Le privilège de ce dernier ouvrage lui i
fut retiré parce que, dans la préface du volumei
de 1701, il avait injurié les deux La Hire,
ses confrères à l'Académie. La même cause
faillit le faire exclure de ce corps savant ; niais;
Lefèvre déclara qu'il se soumettrait à tout plutôt
que de renoncer à l'Académie. Cependant on voit;
dans les registres que Lefèvre, ayant manqué;
plusieurs séances, fut rayé sous prétexte du rè-
glement, qui exige l'assiduité. « Ce fut, dit La-
lande, une perte pour l'astronomie. Il calculait:
mieux les éclipses que La Hire, parce qu'il em-i
ployait la période de dix-neuf ans, qu'il tenait;
peut-être de Rœmer. Cela donna de l'humeur
La Hire, qui causa du désagrément à Lefèvre.
Celui-ci s'en vengea maladroitement, et il fut
victime du crédit de La Hire. » E. M.
Delambre, Hist. de l'astronomie moderne, t. II, p. 6i
lefèvre (Jacques), controversiste français,
né à Lisieux, au milieu du dix-septième siècle,
mort à Paris, le 1er juillet 1716. Ayant embrassé
l'état ecclésiastique, il devint archidiacre de sa
ville natale, et grand-vicaire de l'archevêque dej
Bourges. Reçu docteur en Sorbonne en 1674, unei
vive polémique, qu'il soutint la mèmeannéecon-
tre le père Maimbourg, lui valut une détention à
la Bastille, ce qui l'a fait appeler Lefèvre de la
Bastille. Ses principaux ouvrages sont : Entre-
tiens d'Eudoxeet d"1 Euchariste sur les Histoi-
res de l'arianisme et des iconoclastes du père
Maimbourg ; Paris, 1674, in-4° ; Cologne, 1683,
in-12 : le premier de ces entretiens , condamné
par sentence du Chàtelet, fut lacéré et brûlé ; l'au-
teur fut emprisonné ; une autre édition , sans ,
date, in 12, est augmentée d'un Avertissement j
et d'une Lettre apologétique ; — Motifs invin-
cibles pour convaincre ceux de la religion'
prétendue réformée; Paris, 1682, in-12; cet'
ouvrage occasionna une polémique entre l'auteur j
345
>t Arnauld ; — Nouvelle conférence avec un
ninistre touchant les causes de la sépara-
ion des prolestants; Paris, 1685, in-12;
— Instructions pour confirmer les nouveaux
onvertts dans la foi de V Église; Paris, 1C86,
n.12; — Recueil de tout ce qui s'est fait
oour et contre les protestants en France;
3aris, 1686 ; — Lettres d'un docteur sur ce
jui se passe dans les assemblées de la faculté
le théologie de Paris; Cologne, 1700, in-12 :
es lettres parurent anonymes lorsque les Mé-
moires sur la Chine du jésuite Lecomte furent
léférés à la faculté de théologie. La dernière,
ntitulée Anti- Journal historique des assem-
blées ternies en Sorbonne, est une réplique à
in écrit anonyme publié par le jésuite Lallemant
pour la défense de son confrère et intitulé Jour-
nal historique des assemblées tenues en Sor-
ponne. Lefèvre composa encore des Animad-
wersions sur l'histoire ecclésiastique du père
fîoel Alexandre, dominicain; un premier vo-
lume était imprimé à Rouen , anonyme et sans
flàte (vers 1680), in-8°, lorsqu'il fut saisi et
létruit ; il n'en échappa quedeux exemplaires. Le-
fèvre a publié une édition augmentée de l'ou-
trage de Magri ayant pour titre : Antilogise ,
keu contradictiones apparentes Sacrée Scrip-
lurx; Paris, 1685, in-12, qu'il dédia à l'arche-
vêque de Paris, François de Harlay. On croit
|que Lefèvre coopéra à la rédaction des Hexa-
jples, ou les six colonnes sur la constitution
lUnigenitus, en faveur du père Quesnel; Ams-
terdam, 1714,in-4°. J. V.
; Archtrabaud, Pièces fugitives, t. 1er, p. 104, des Nou-
velles Littér. — Moréri. Grand Dict. Hist.
' lefèvre ou lefebvre (Le P. François-
\Antoine ), poète latin moderne, connu sous le
|nom latinisé de Faber, né vers 1670, mort en
J1737. Il entra dans la Compagnie de Jésus , et
iprofessa au collège Louis-le-Grand. On a de lui
(trois petits poèmes didactiques, où il exprime
'avec assez d'élégance et d'exactitude des part-
icularités de physique et d'histoire naturelle.
IVoici les titres de ses ouvrages : Commirhts in
\Parnassum recep/us ; Paris, 1703, in-12; —
\Aurum; Paris, 1703, in-12; — Terras Motus;
Paris, 1704, in-12; — Musica; Paris, 1704,
in-12. Les trois poèmes didactiques du P. Le-
fèvre ont été insérés dans le recueil des Poemata
didascalia de d'Olivet, t. I. Z.
i Qoérard , La France Littéraire.
j LEFÈVRE DE LA PLANCHE (N.), juriscon-
(suite français, né dans la seconde moitié du dix-
septième siècle, mort en 1738. En 1700 il de-
vint avocat du roi à la chambre du domaine
et conseiller au bureau des finances et à la
chambre des domaines. On a de lui : Mémoires
sur les Matières domaniales , ou traité du
domaine; Paris, 1764-1765, 3 vol. in-4°, avec
des notes de l'éditeur Lorri. E. G.
Chaudon, Dict. Hist.
lefèvre (*** ), architecte et ingénieur
français, né à Orléans, vers 1695. Il a bâti dans
LEFÈVRE 346
sa ville natale l'église des Petits-Cannes, et à
Paris l'hôtel de Senneterre. Il avait trouvé le
moyen de fabriquer des ancres avec plusieurs
verges de fer battues ensemble. Une ancre ainsi
confectionnée ne se casse, dit-on, jamais. A. deL.
Ch. Brainne, Les Hommes illustres de l'Orléanais,
t. I,p.l73.
lefèvre (Armand-François), prélat fran-
çais de Noélène , cinquième vicaire apostolique
de la Cochinchine, succéda en 1743 à Alexan-
dre de Alexandris, évêque de Nabuce, et mourut
au Camboge, le 27 mars 1760. Né à Calais, il partit
de France en 1737, et travailla d'abord dans la
mission de Siam. Sacréévêqueen 1743,il se rendit
l'année suivante en Cochinchine. En 1750, sous
le règne de Vo-Vuong, une violente persécution
contre la religion chrétienne éclata dans ce
royaume. Lefèvre et tous les missionnaires furent
chassés. Le prélat se retira à Macao, attendant
que la Providence lui ouvrît les portes de sa mis-
sion.En 1752,Éduce Bennetat, évêque d'Eucarpie,
son coadjuteur, rentra en Cochinchine avec des
présents que Dupleix, gouverneur de Pondichéry
et des colonies françaises de l'Inde , envoyait au
roi Vo-Vuong. Bien accueilli par ce prince, Ben-
netat eut la liberté de rester avec un mission-
naire. Une nouvelle persécution les contraignit de
partir l'année suivante. Lefèvre, désespérant de
rentrer jamais dans son vicariat, choisit un nou-
veau théâtre pour exercer son zèle apostolique.
Vers 1755 il passa dans le Camboge, où il mourut.
Il nous reste de ce prélat des lettres publiées
dans le recueil des Lettres édifiantes.
F.-X. Tessier.
Documents inédits. — Nouvelles Lettres édifiantes,
t. VI. — De Montezon et Estrée , Mission de la Co-
chinchine et du Tonkin ,- Paris, 1858, in-12.
lefèvre ( Antoine-Martial) , écrivain re-
ligieux, archéologue et historien français, vivait
au milieu du dix-huitième siècle. Il était ba-
chelier en théologie et prêtre du diocèse de Pa-
ris. On a de lui : Calendrier historique de
V Église, de Paris; 1747, in-12 : livre qui con-
tient l'origine des paroisses , abbayes , monas-
tères, etc.; les conciles tenus à Paris, la liste
des évêques, archevêques, doyens et abbés du
diocèse, etc.;— Calendrier historiquede l'Uni-
versité de Paris; 1755, in-24; — Calendrier
historique de lasainte Vierge; in-12.; — Des-
cription des Curiosités des Églises de Paris et
des environs ; Paris, 1759, in-12 ; — Les Mu-
ses en France, ou histoire chronologique de
l'origine, des progrès et de rétablissement des
belles-lettres, des sciences et des beaux-arts
dans la France, contenant la fondation des
universités, collèges, académies, etc., et les
personnes qui s'y sont le plus distinguées ;
Paris, 1750, in-16; réimprimé sous ce titre : La
nouvelle Athènes , Paris, le séjour des Mu-
ses, avec une seconde partie contenant la Bi-
bliographie des auteurs ecclésiastiques et
des livres les plus rares ; Paris, 1759, in-12.
J. V.
347
Lelon^', liiblioth. Hist. de la France,
Francs Lit ter.
lefèvre (André), littérateur français, né
à Troyes, en 1717, mort à Paris, le 25 février
1768. Il étudia d'abord la jurisprudence, et se
(it recevoir avocat. Il cultiva aussi la poésie.
Un de ses parents, Lefèvre, devenu aveugle,
l'appela près de lui, et en fit son secrétaire.
Enfin, il accepta l'emploi de précepteur auprès
de quelques fils de famille. « Sérieux, froid,
compassé des l'enfance, selon Grosley, il était
pénétré de tous les principes de droiture, de
probité, d'intégrité, de vertu, que l'on admire
chez les anciens philosophes : principes héré-
ditaires et fortifiés par la lecture et la médita-
tion. En un mot, il étoit tel qu'il s'est peint
lui-même, à son insçu dans l'article Gouverneur
qu'il a fourni à V Encyclopédie. » On a de lui :
Mémoires de l'Académie des Sciences nouvel-
lement établie à Troyes en Champagne; Liège,
1744, in-8°; Troyes, 1756, 2 parties in-12;
Paris, 1768, in-12 : qu'on attribue aussi à Gros-
ley, qui l'aida dans ce travail ingénieux mais
trivial; — Lettre sur les Mémoires de l'Aca-
démie de Troyes; Amsterdam (Paris), 1755
(1765), in-12 : suivant l'abbé Goujet, on n'a
tiré qu'une douzaine d'exemplaires de cette
lettre ; Grosley y répondit par sa Lettre à
M. Desm.*** I. D. M. D. L. (Desmarest, ins-
pecteur des manufactures de Lyon), datée de
Troyes, le 2 mai 1768, in-12; — Lettre à M***
(Trasse) pour servir de réponse à ses obser-
vations ; in-4°. On attribue à André Lefèvre :
Le Pot-Pourri, ouvrage nouveau de ces da-
mes et de ces messieurs; Amsterdam, 1748,
in-12, que quelques bibliographes donnent au
comte deCaylus;— Dialogue entre un curé et
son filleul; La Haye, 1767, in-12; satire diri-
gée contre Grosley, attribuée aussi à Montroger.
J. V.
Goujet, Suppl.. au Grand Dint. Histor. de Moréri. —
Chaudor. et Deland ne, Dictionnaire universel Histori-
que, Critique et Bibliogr.
lefèvre OE reauvray ( Pierre ), lit-
rateur français, né à Paris, le 14 novembre
1724, mort dans la môme ville, à la fin du dix-
huitième siècle. Devenu aveugle de bonne heure,
il chercha des consolations dans la culture des
lettres. Ou a de lui : Épltre à Fontenelle;
1743; — Ode sur la bataille de Laufeld et
la prise de Berg-op-Zoom; 1747 ; — Singu-
larités diverses en prose et en vers; 1753,
in-12 ; — Paradoxes métaphysiques sur les
principes des actions humaines , traduit de
l'anglais deCollins; 1754, in 12 : cette traduc-
tion a été insérée par Naigeon dans l'article Col-
lins du Dictionnaire de Philosophie de Y En-
cyclopédie méthodique ; — Éloge funèbre de
Montesquieu, en vers; 1755; inséré par extrait
dans le Journal de Verdun d'octobre 1755 ; —
Adresse à la nation anglaise sur la guerre
présente, par un citoyen ; 1757; — Vœux pa-
triotiques à la France; 1762;— Le Monde
LEFÈVRE 348
— Quérard, La pacifié, poème; 1763; — Histoire de miss
Honora, ou le vice dupe de lui-même, imité
de l'anglais, 1766, in-12 : Lefèvre avait dicté
ce roman à l'abbé Irailth, et lui avait donné le
manuscrit ; apprenant que l'abbé s'attribuait cet
ouvrage, Lefèvre écrivit au rédacteur de l'An-
née Littéraire, en 1766, pour déclarer qu'après
avoir abandonné le profit de ce travail à l'éditeur,
il lui en cède la gloire ; — Dictionnaire Social
et Patriotique, ou précis des connaissances
relatives à l'économie morale , civile et po-
litique; 1769, in-8° : ouvrage reproduit sous-
ce titre : Dictionnaire de recherches histo-
riques et philosophiques ; 1774; — Récréa-
tion philosophique d'un aveugle, in 8°. Le-
fèvre de Beauvray est en outre l'auteur de YÉ-
loge de Lefèvre de Saint-Marc , inséré an
sixième volume de l'Abrégé chronologique de
l'histoire d'Italie. J. V.
Quérard, La France Littéraire.
lefèvre ( Pierre - François -Alexandre ),
poète et auteur dramatique français, né à Pa-
ris, le 29 septembre 1741 , mort à La Flèche,
le 9 mars 1813. 11 se livra d'abord à la peinture,
qu'il abandonna bientôt pour se consacrer aux
lettres. Sa première production fut une tragédie
de Cosroès, sujet déjà traité par Rotrou : cette
pièce obtint douze représentations ; — Florinde,
qui la suivit, fut jouée le 10 novembre 1 770, et n'eut i
qu'une seule représentation; — Zuma, tragédie |
en cinq actes, représentée devant la cour, à Fon-
tainebleau, en octobre 1776, eut d'abord peu de
succès. Jouée à Paris, le 22 janvier 1777; elle y
réussit d'une manière éclatante, grâce à quelques
beautés de détails et surtout à la jeunesse de
l'auteur. Le duc d'Orléans, qui s'intéressait à
Lefèvre , lui donna à cette occasion une pen-
sion de douze cents livres, et comme son protégé
lui demandait si cette grâce l'engageait à remplir
quelques fonctions, il lui répondit avec bonté :
« Cela ne vous engage à rien qu'à travailler de
« plus en plus pour votre gloire. » — Elisabeth
de France, ou plutôt Don Carlos, tragédie re-'
çue en 1771, devait être jouée en 1783; lare-'
présentation, sur la demande du comte d'A-
randa, ambassadeur d'Espagne, fut défendue.
Le duc d'Orléans, toujours bienveillant pour
l'auteur, la fit représenter sur son théâtre de
la Chaussée-d'Antin, par les acteurs de la Comé-
die-Française, en présence d'une assemblée
brillante où avait été convoquée toute l'Acadé-
mie Française.
Lefèvre avait succédé à Saurin et à Collé
comme secrétaire ordinaire du duc d'Orléans.
Après la mort dece prince ( 1785 ), il ne voulut
pas faire partie de la maison de son fils, et pré-
féra vivre dans la retraite. Il y composa une ;
nouvelle tragédie : Hercule au mont Œta (non
imprimée), imitée des Trachiniennes de So-
phocle, et qui n'eut aucun succès. Ruiné par les
événements de la révolution, il traversa cette
période agitée dans une profonde obscurité,
!49
t
se livrant exclusivement à l'éducation de
on (ils. En 1804 il accepta une place de pro-
sseur de belles-lettres au Prytanée militaire
le La Flèche. Lefèvre, parvenu à la vieillesse, se
it un point d'honneur d'abjurer les erreurs qu'il
vait puisées dans la philosophie du dix-hui-
ième siècle, et manifesta les sentiment* les plus
eligieux.
Outre les ouvrages cités , Lefèvre a laissé
les poésies fugitives , la plupart inédites, parmi
lesquelles une des plus remarquables, dit Peti-
ot,à qui nous empruntons ce renseignement,
st une Êpitre à Mme de Maintenon. Il avait
ussi composé un poème intitulé : Stockholm dé-
ivrée, qui n'a jamais vu le jour. Enfin, il a pu-
ilié, sous le voile de l'anonyme : Boutade sur
'Ode; Paris, 1806, iu-8°. Ed. de Manne.
La Harpe, Correspondance Littéraire. — Voltaire,
'orresp. — Pel itot, Notice placée en tète du Répertoire
u théâtre- Français.
lefèvre-Gineau (Louis), physicien fran-
ais, né le 27 mars 1751, à Authe, village des
.rdennes, mort à Paris, le 3 février 1829. Ses
arents étant sans fortune, il fut élevé par un
ncle, curé d'Étrepigny (Ardennes), et il alla
irminer ses études à Reims. H vint ensuite à
'aris, où l'évêque de. Pamiers le recommanda
u baron de Breteuil , qui le plaça auprès de
es enfants comme professeur de mathémati-
ues. Cette position lui laissait assez de liberté
our qu'il pût suivre les cours du Collège royal
t de l'École des Ponts et Chaussées. Lefèvre-Gi-
eau fut d'abord attaché à la Bibliothèque royale,
t en 1788 son protecteur, le baron de Bre-
uil, lui lit obtenir la chaire de physique expé-
mentale, qui venait d'être créée au Collège de
rance. Le nouveau professeur ouvrit son cours,
: 10 novembre 1788, par une savante exposition
es principes de la physique et de la chimie
îodernes , et, afin qu'il n'y eût pas de réplique
ossible, il exécuta la synthèse de l'eau en opé-
Mit sur des volumes d'oxygène et d'hydrogène
ien plus considérables que ceux qu'avait em-
loyés Lavoisier; il forma ainsi expérimentale-
ment plus d'un kilogramme d'eau.
Lorsque la révolution éclata, Lefèvre-Gineau,
hargé d'une mission administrative, se livra à
(es spéculations commerciales qui assurèrent sa
prtune. Il fit ensuite partie de la commission
uternationale chargée de l'établissement du sys-
lème décimal. Peu de temps après la forma-
jion de l'Institut, il fut appelé par l'élection à
irire partie de la section de physique, et devint
ientot l'un des quatre inspecteurs généraux de
université. En 1807 il sollicita et obtint le
mandat démembre du corps législatif. Renommé
n 1813, il adhéra, en 1814, à la déchéance de Na-
oléon; réélu en 1820, il siégea à la chambre
es députés jusqu'en 1823, et il vota cons-
omment avec l'opposition. Aussi, en 1824, fut-il
ayé de la liste des professeurs du Collège de
rance, sans que cependant le ministère osât lui
LEFÈVRE 350
retirer son traitement. Lefèvre-Gineau n'a pu-
blié aucun ouvrage. Le tome XXXIII du Jour-
nal de Physique a reproduit la leçon d'ouver-
ture dont nous avons parlé. On trouve quelques
notes scientifiques dues à sa plume, à la suite
du poème de Delille, Les trois Règnes de la
Nature. E. Merlieux.
Ch Dupln , Discours prononcé aux funérailles de
tefèvre-Umeau (1829).
lefèvre (Robert), peintre français, né à
Bayeux (Normandie), en 1756, mort le 3 octobre
1830. Dès son enfance il montra du goût pour
le dessin. Son père le plaça néanmoins chez un
procureur, où il illustrait les rôles de plaideurs
suppliants ou désespérés. Aussi sobre qu'éco-
nome, il parvint à amasser une petite somme, et
à dix-huit ans il vint à pied à Paris, pour admirer
les chefs-d'œuvre d'art dont il avait lu quelque
description. Revenu à Caen, il reçut des leçons
de dessin d'un peintre médiocre, et parvint à se
suffire en faisant quelques portraits et des pein-
tures de décoration. C'est ainsi qu'il décora deux
appartements du château d'Airel, près de Saint-
Lô. Ce travail lui donna le moyen de revenir à
Paris en 1784. Regnault l'admit dans son atelier.
« Je vous apprendrai à dessiner, lui dit-il en re-
gardant ses études ; mais non pas à peindre , car
votre coloris est celui de la nature, dont vous pa-
raissez être l'élève. » Lefèvre produisit alors quel-
ques tableaux d'hisloire, qui manquent d'énergie,
mais dans lesquels on remarque un faire agréable.
Il exposa les Callypiges grecques, L'Amour
aiguisant ses flèches, et Vénus désarmant
l'Amour. Ayant obtenu peu d'éloges, il se livra
tout entier à la peinture du portrait, où il excella
bien vite. Quelques études d'après van Dyck
réussirent complètement, et Lefèvre eut un grand
nombre de portraits à faire. On remarqua sur-
tout ceux du peintre Guérin, en 1804, de Na-
poléon sur son trône, en 1806, de Madame Lae-
titia, en 1808, celui de la princesse Borghèse,
en pied, pour la galerie de Saint-Cloud , ceux
du général Le Brun, du sénateur Lecouteulx de
Canteleu, et du baron Denon. Ses portraits de
Napoléon et de Joséphine avaient eu une si
grande vogue que vingt-sept copies lui en furent
demandées par les corps constitués les princes,
les grands dignitaires, les cours impériales et les
villes. Lorsque Pie VII vint à Paris, en 1805,
pour sacrer l'empereur, Lefèvre fit son portrait
bien ressemblant en six heures. En 1812, il pei-
gnit en pied Marie-Louise. Sous la restauration,
la vogue de Robert Lefèvre ne diminua pas; il ex-
posa les portraits du marquis de Lescure et de la
comtesse d'Osmond. Un tableau d'Héloïse et
d'Abélard fut très goûté, et augmenta sa réputa-
tion. Il exposa encore le portrait en pied de
Malherbe, exécuté pour la ville de Caen. Ensuite
il fit le portrait de la duchesse d'Angoulème,
celui de Louis XVIII en pied, et Louis XVIII
assis sur son trône, pour la chambre des pairs,
ce qui lui valut le titre de peintre du cabinet du
351 LEFÈVRE
roi. Charles X se fit aussi peindre par Lefèvre.
Chargé d'exécuter un tahleau d'histoire pour la
galerie de Compiègne, Lefèvre fit Phocion prêt
à boire la ciguë; on trouva que ce tableau man-
quait d'élévation. Lefèvre peignit pour les mis-
sionnaires du Mont-Yalérienun Calvairequi fut
exposé en 1827; cette toile se faisait remarquer
par une couleur fraîche dans les carnations et
forte dans les autres parties ; mais la composi-
tion semblait empruntée à un tableau de Van
Dyck. Au lieu du prix convenu, Lefèvre dut ac-
cepter en payement une place dans le cimetière
de la mission, honneur alors très-recherché. Son
dernier ouvrage fut l' Apothéose de saint Louis,
pour la cathédrale de La Rochelle. La révolution
de Juillet ayant enlevé à Lefèvre les avantages
qu'il tenait du gouvernement de Charles X, il
mit fin à ses jours, dans un accès d'aliénation
mentale. L. L — t.
Alexandre Lenoir, dans le Dict. de la Convers.
lefèvre -deum 1ER ( Jules ) , littérateur
français, né vers 1804, mort à Paris, le 13 dé-
cembre 1857. Il débuta dans la littérature par
quelques volumes de poésies en 1823 : il s'appe-
lait alors seulement Jules Lefèvre. «11 se croyait
lui-même élève de Soumet, dit M. Edouard
Thierry ; et s'il l'était, c'était moins par affinité de
talent que par sympathie personnelle , car leurs
talents ne se rapprochaient guère qu'en un point,
celui qui les fait tous les deux poètes penseurs
et poètes philosophes. Même instinct des grandes
compositions didactiques, même tour épique
dans la pensée; mais à l'exécution le vers de
Jules Lefèvre est plus fort et moins brillant que
celui de Soumet, moins retentissant et plus ro-
buste. Soumet a l'éloquence de la terre natale ;
il est improvisateur, il s'amuse, il s'éblouit de
l'éclat de ses mots ; il a l'apparence de l'idée
plutôt que l'idée même. Jules Lefèvre est patient;
il n'improvise pas, il écrit. 11 fait son vers avec
sa plume comme avec un outil qui lime et qui
grave. Il ne le trouve jamais assez travaillé. Il
le reprend, il le remet sur le tour ; il ne se permet
pas d'être poète pour ne dire que des choses
simples et naturelles, il veut en dire d'ingé-
nieuses, de cherchées, de savantes. » Il avait
commencé de bonne heure un poème de L'Uni-
vers, dont il a publié des extraits. Son poème du
Clocher de. Saint-Marc fit quelque bruit, souleva
des rumeurs; puis l'auteur tomba dans l'oubli.
En revenant d'un voyage après la révolution de
Juillet, Jules Lefèvre voulut aller au secours de
la Pologne ; ses études avaient été rapides : en trois
mois il fut reçu officier de santé, et partit pour
Varsovie. En Pologne il se fit soldat, reçut deux
blessures, gagna la croix du mérite, et revint après
avoir été prisonnier en Autriche, où il avait con-
tracté le typhus. De retour il publia de nouveaux
ouvrages, qui ne fixèrent pas encore l'attention
sur lui. Un oncle lui avait laissé de la fortune; il
joignit le nom de son oncle au sien. Plusieurs de
seslivressontecritsenpro.se. Selon M. Edouard
352
Thierry, sa prose « est charmante et amenée à per-
fection, fine et piquante, avec untourde bonhomie
et de malice ». Après la révolution de Février, il
se rangea parmi les partisans les plus dévoués du
prince Louis-Napoléon. En 1849 il obtint la place
de bibliothécaire particulier du président de la
république et en 1852 le titre de bibliothécaire
de l'Elysée et des Tuileries. Membre du comité
de la langue, de l'histoire et des arts de la France
à sa réorganisation, il obtint la croix d'Honneur
en 1855. On a de lui : Le Parricide, poème,
suivi d'autres poésies; Paris, 1823, in- 8°; —
Le Clocher de Saint-Marc, poème, suivi d'une
ode sur la mort de Bonaparte et de divers
fragments; Paris, 1825, in-8°; — Sur la Mort
du général Foy, député français ; Paris, 1825,
in-8°; — Confidences, poésies; Paris, 1833,
in-8°; — Sir Lionel d'Arquenay ; Paris, 1834,
2 vol. in-8° ; — Les quatre-vingt-six Dépar-
tements de la France et ses colonies ; Reims,
1835, in-18; — La Résurrection de Versailles,
poème lyrique; Paris, 1837, in-8"; — Les Mar-
tyrs d'Arezzo; Paris, 1839, 2 vol. in-8°; —
Œuvres d'un désœuvré. Les Vespres de Vab
baye du Val; Paris, 1842, 2 vol. in-8»; 1844-
1845, 2 vol. grand in-8°; — Lettre à Louis-
Napoléon Bonaparte, 12 décembre 1848; Pa-
ris, 1848, in-8°; — Oui ou Non? Projet d'or-
ganisation morale et pratique du droit à
l'assistance par l'association fraternelle en-
tre tous les Français (avec M. Mansion);
Paris, 1849, in-8°; — Célébrités d'autrefois;
Paris, 1851, in-18; — Œhlenschleeger, le poète
national du Danemark; Paris, 1854, in-8°;
— Études biographiques et littéraires sur
quelques célébrités étrangères ; Paris, 1855
in-18 ; — Le Livredu Promeneur ; Paris, 1855
in-18; — Victoria Colonna; Paris, 1856, in-18
— A la reine Victoria '. Paris, 1850, in-88; —
Le Couvre- feu, dernières poésies; Paris, 1857;
in-8°. Jules Lefèvre a travaillé au texte de 1;
Galerie d'Orléans.
Sa femme, Marie-Louise Roclleaiix-Du
gage, est née à Argentan (Orne), vers 1820
Portée par goût vers la sculpture, elle exposa
en 1850, Jeune Pâtre de Vile de Procida
— en 1852, Le Prince président, buste; -
en 1853, M. Sibour ; — en 1855, Portrait d\
fils de l'auteur; — en 1857, Matrone ro
maine ; — Virgile enfan t; — Le général Paix
hans, bustes. Elle a obtenu une médaille d
troisième classe en 1853, et une mention honora
ble en 1855. Son ouvrage le plus remarquabl
est sa statue de L'Impératrice agenouillée:
M'ue Lefèvre-Deumier a coopéré à la fin de 185.
au journal intitulé Le Travail universel.
L. L— t.
Sainte-Beuve, Critiques et portraits littéraires, 1. 1
p. 339. — Quénird , La France Littéraire. — Iîourquelc
ot Manry, La Littér. Franc, cuntemp. — Anatole de U
forge. Notice dans Le Siècle du 16 décembre 1857. -
Ed. Thierry, dans Le Moniteur du 2 février 18K8. -
Journal de la Librairie, 1858, chronique, p. 27. — Vapf
353 LEFEVRE
reau, Dict. unit), des Contemp. — Livrets des Salons,
1850-1857.
lefkvre (Jean-Jacques), libraire français,
né à Neufchâteau, en 1779, mort d'apoplexie, le
5 janvier 1858. 11 entra en 1786 comme apprenti
dans l'imprimerie de Didot le jeune; en 1791
il quitta l'imprimerie pour entrer dans une
librairie. En 1795 il s'engagea dans l'artillerie
de marine , où il parvint au grade de sergent
major. Il employait les loisirs que lui laissait
son service à compléter son éducation, et plaçait
les économies qu'il pouvait faire sur sa solde en
achats de livres. Revenu à Paris après plusieurs
campagnes, en 1803, il se fit éditeur. « Il aimait
trop les bons et beaux livres, dit un de ses bio-
graphes., pour en publier d'autres que ceux dont
le temps a consacré le mérite, et qui, sous le nom
de classiques, sont la base et la gloire de toute
littérature. Dansle cours de sa carrière commer-
ciale, il a mis en circulation plusieurs millions
de volumes grecs, latins, italiens, espagnols, an-
glais et français, et il est aujourd'hui peu de ces
volumes qui n'aient tout au moins conservé leur
valeur primitive, lorsqu'elle n'a pas doublé. » En
collationnant et en étudiant les textes d'une édi-
tion nouvelle qu'il se proposait de donner du
Discours sur l'histoire xtniverselle de Bos-
suet, Lefèvre reconnut qu'il devait s'y trouver
une lacune : toutes les éditions depuis un siècle
se ressemblaient pourtant ; enfin il découvrit que
l'éditeur de 1721 avait supprimé un chapitre, le
vingt -neuvième. Depuis un demi-siècle, on réim-
primait servilement une édition du Gil Blas, de
Lesage, donnée en 1740 : on la croyait la dernière
revue par l'auteur, que Ladvocat faisait fausse-
ment mourir en 1741. Lefèvre reconnut que
Lesage avait encore revu avant sa mort l'édition
le 1747 ; qu'il l'avait modifiée et augmentée de
chapitres importants. Les grandes éditions de
[•efèvre se distinguent par la pureté et la cor-
■ection du texte, le soin de l'impression, toujours
ile bon goût et d'une belle simplicité. On cite
surtout ses éditions de Racine, de Corneille, de
Molière, de Massillon, de Cicéron. La collection
des classiques français en soixante-treize vo-
lumes, publiée par Lefèvre sous la restauration et
imprimée par Jules Didot, restera comme un mo-
mment de la librairie française. « Lefèvre n'était
)as seulement libraire, dit M. Daremberg, il ne
oubliait pas seulement des livres pour les vendre,
I les publiait par amour pour les livres eux-
Imêmes; il savait par cœur tous nos auteurs clas-
siques ; plus d'une, note anonyme de ses éditions
témoigne d'uneintelligence délicate des beautés et
(les difficultés de nos grands écrivains du dix-sep-
tième et du dix-huitième siècle. » L'état d'édi-
eur ne conduisit pas Lefèvre à la fortune d'une
panière permanente. Le flot toujours croissant
les livres à bon marché fit oublier ses splen-
lides volumes ; lui-même fit quelques petites édi-
ions moins pures, mais encore de bon goût. La
■évolution de 1830 dérangea sa position, celle
NOUY. B10C.R. CÉNÉR. — T. XXX.
354
de février 1848 acheva de le ruiner. Il n'aban-
donna pas cependant le travail : il préparait en
dernier lieu la copie d'une première édition com-
plète et exacte des Œuvres de P. Corneille,
et aussi une édition des Œuvres de Eoileau.
« Il ne me manque pour faire ces publications,
disait-il philosophiquement, que de l'argent et
des acheteurs. » Le jour même de sa mort, il
voulut revoir les notes de son Boileau. Comme
il se sentait malade, il se fit porter à son bureau ;
c'est là qu'il expira, au milieu de ses livres. Le
Cercle de la librairie, de l'imprimerie et de la pa-
peterie fit les frais de ses funérailles. L. L— t.
Duckett , dans le Bict. de la Convers. — Bouchard-
Huzard , Discours prononcé sur la tombe de M. J.-J.
Lefèvre, libraire, dans le Journal de la Librairie, du
23 janvier 1858, chronique, p. 13. — Daremberg, dans le
Journal des Débats, ru 7 janvier 18S8.
* lefkvre ( Charles Shaw), vicomte Ever-
sley, homme politique anglais, né en 1794. Fils
d'un membre du parlement, il fut élevé au col-
lège de La Trinité à Cambridge, et se maria en
1 8 1 7 , à la fille d 'un des propriétaires de la brasserie
Whitbread, de Londres. En 1819 il fut reçu
avocat, et se fit avantageusement connaître dans
la discussion d'affaires civiles. Envoyé à la
chambre des communes par Downton en 1830,
et par le comté d'Hampshire ( nord ) à partir de
1831, il fut nommé speaker (orateur président)
en 1839, à la retraite de M. Abercromby, et en
opposition à M. Goulburn. Il continua à présider
la chambre des communes dans les sessions de
1841 , 1847 et 1852. Membre du parti libéral,
il vota pour une enquête sur la liste des pen-
sions; il parla de la loi des céréales dans une
adresse à ses commettants, mais en évitant
d'émettre une opinion décidée. En quittant la
présidence delà chambre des communes, en 1857,
M. Shaw Lefèvre fut élevé à la pairie sous le
titre de vicomte d'Eversley d'Ereckfield dans le
comté de Southampton , et siège à la chambre
des lords. L. L — t.
The Parliamentary Companion. — Vapereau , Dict.
univ. des Contemp.
* lefèvre (Désiré-Achille),gravemfrànçais,
né à Paris, en 1798. Fils de Sébastien Lefèvre ,
il étudia sous lui la gravure d'histoire. Il a fourni
de nombreuses vignettes à des publications il-
lustrées, et s'est livré à la lithographie. On cite
de lui : Portrait du général Foy (1827) ; —
V Empereur Napoléon, d'après Steuben(1829);
— V Enfant endormi, d'après Prudhon ( 1831) ;
— /.-/. Rousseau dans sa jeunesse; — La
bataille d'Aboukir, d'après Gros; — La du-
chesse d'Orléans et le comte de Paris, d'après
M. Winterhalter (1843); — L'Annonciation,
d'après Murillo ( 1844); — La reine Marie-
Amélie (1845). Il a obtenu une première mé-
daille en 1831, une deuxième en 1843, et la croix
d'Honneur en mai 1851.
Vapereau, Dict. univ. des Contemp. —Livrets des
salons, 1827-1850.
LEFÈVRE [LOUIS). VOIJ. CaUMARTIN.
lefèvre. Voy. Chanterf.mj-Lefebvre.
12
355
LEFÈVRE
lefèyre (Anne). Voy. Dacier.
LEFEVRE DE SAINT-iMARC. Voy. SAINT-
SÎAÉC.
LEFÈvitE. Voy. Lefébure, Lefebvre, Fabre,
Kebvre et Fèvre.
lefèvre. Voy. Ormesson.
lefIot (Jean-Alban), conventionnel fran-
çais, né le 27 février 1755, à Lormes (Nivernais),
mort le 15 février 1839, à Paris. Après avoir été
successivement avocat au présidial et bailliage
royal de Saint-Pierre-le-Moutier, bailli du prieu-
ré, puis procureur syndic du district de la
même ville, il fut, en septembre 1792, député à
la Convention comme représentant de la Nièvre.
Il siégea à la montagne, et vota la mort de
Louis XVI. Envoyé en mission à l'armée des
Pyrénées occidentales, il y connut La Tour d'Au-
vergne, et se lia avec lui d'une étroite amitié ;
pendant les loisirs du camp, ils lisaient et expli-
quaient ensemble les Commentaires de César,
dont ce dernier portait toujours un exemplaire
avec lui. En l'an n, Lefiot fut chargé d'organi-
ser le gouvernement révolutionnaire dans les
départements du Cher, de la Nièvre et du Loi-
ret, et en même temps d'apaiser les troubles
qui avaient éclaté sur plusieurs points par suite
du défaut de subsistances. Muni de pouvoirs illi-
mités, il les employa avec discernement et dans
le sens des intérêts généraux. Au lieu de frap-
per les esprits de terreur, il cherchait à les ra-
mener par la persuasion et la justice-, plusieurs
personnes suspectes ou compromises durent la
vie à ses sentiments d'humanité (t). Plein de
courage et de sang-froid, il apaisa plusieurs
émeutes sans recourir à l'emploi des armes et
par ]a seule force de sa parole. Au mois de ger-
minal (an h), il préserva Nevers de la famine en
y faisant arriver des départements limitrophes
vingt mille quintaux de grains (2). A la Conven-
tion, il prit une part active aux discussions rela-
tives à l'instruction publique. Signalé par son op-
position à la marche que suivit la Convention après
le 9 thermidor an h, et surtout après le 1er prai-
rial an m, il fut mis en arrestation le 21 ther-
midor an m (6 août 1795), et resta près de trois
mois en prison. En l'an iv, Merlin (de Douai),
alors ministre de la justice, lui offrit une place de
(1) Ainsi fut sauvée Mme de Berny, mère d'un conseil-
ler à la cour royale de Paris', et qui était accusée d'avoir
correspondu secrètement avec sa famille, émigrée. Lefiot
pouvait l'envoyer à l'échafaud : il préféra détruire de-
vant elle les preuves de sa culpabilité.
(2) La conduite et les sentiments de Lefiot se trouvent
résumés avec énergie dans ce passage du rapport qu'il
fit à la Convention sur sa mission : « Après avoir com-
paré mes opérations avec les décrets existants , les
moyens que j'ai employés pour former l'esprit public
avec la direction que la Convention y donnait elle-même,
s'il se trouve quelqu'un qui dise : J'ai mieux fait que
cet homme-là, je le croirai sous le rapport des talents;
mais s'il entend parler des intentions louables, du saint
amour de la patrie, de l'enthousiasme pour la justice,
dts principes sévères de la probité, du désir de voir les
Français heureux, je juré que mon détracteur ment a sa
conscience! »
LE FLAMENC 356
chef de division dans ses bureaux ; Lefiot la ré-
signa bientôt, et vint habiter Nevers, où il reprit sa
profession d'avocat. Le 25 germinal an vi ( 1798 )
il fut élu juge au tribunal de cassation par une
des fractions dans lesquelles se divisa l'assem-
blée électorale de la Nièvre ; mais les opérations
de cette fraction furent annulées. Pendant les
Cent Jours, Lefiot accepta les fonctions gratuites
de conseiller de préfecture. Frappé en 1816 par
la loi de proscription contre les conventionnels
régicides , il se rendit d'abord dans la Prusse
rhénane, puis en Belgique (1818) ; il se fit ins-
crire au tableau des avocats de la cour de Liège,
j et rédigea pendant trois ans l'un des journaux
politiques de cette ville (1). La révolution do
Juillet lui permit de rentrer en France : il s'éta*
blit à Paris, reçut une pension viagère du gou-
vernement , et mourut peu de jours avant d'ac-
complir sa quatre-vingt-quatrième année. II.
conserva jusqu'à sa dernière heure la mémoire
sûre, l'intelligence vigoureuse, l'urbanité de
manières et la sérénité d'àmc qui l'avaient dis-
tingué pendant sa longue carrière. K.
Documents communiqués.
LE FLAMENC OU LE FLAMAND ( Aubert ),
sire de Cany, Varennes, etc., Français, mort
vers 1420. Il fut conseiller et chambellan du
roi Charles VI et du duc Louis d'Orléans. Com-
pagnon des débauches du duc d'Orléans, il en
devint aussi la victime. Le poëte Eustache Des-
champs nous a laissé sur ces orgies des détails
curieux. Parmi les acteurs de ces scènes, on
voit figurer Le Flamenc (2). En 1389, Aubert Le
Flamenc épousa Marie d'Enghien , fille de Jac-
ques, sire de Figueulles. Cette dame, d'une beauté
remarquable , excita la convoitise de Louis, duc
d'Orléans, qui la séduisit et l'enleva à son mari;
« On racontait que par une impudique raillerie!
il la lui avait montrée toute nue , ne lui cachant
que le visage et le faisant juge de la beauté de
sa maîtresse. Le récit en devint public ; le mari
quitta sa femme, dont le duc resta l'amant (3).»
Dix-sept ans après son mariage ( c'est-à-dire
en 1406), selon le père Anselme (4), Louis d'Or-
(lj U aurait pu, comme plusieurs de ses anciens col-
lègues, obtenir son rappel en France; mais il se refusa
à signer l'abjuration du passé. « Il avait toujours agi,
disait-il, selon sa conscience, et i! ne pouvait rien ré-
tracter de ce que sa conscience ne rétractait pas. »
(2) Dans un compte de dépenses arrêté par Louis d'Or-
léans, le 16 mars 1393 (1394 nouveau style), on trouve sous
la date du 15 janvier précédent : « A Monseigneur, comp-
tant la somme de 200 escus pour faire son plaisir et
voulonté en Vhostel du Flamenc, et dont autre décli.ra
tion ne veult cy estre faite. » (Aimé Cliampolion , Louii
et Charles d'Orléans; 1844, in-8°, p. 80, note 2.)
(3) Barante, Ducs de Bourgogne, ann. 1407.
(4) Tome VI, p. 637 ; ceci placerait vers 1407 la date
controversée de la naissance de Dunois [voy. ce nom )
car Louis d'Orléans mourut en 1407. Mais cette donnét
ne parait ni exacte ni admissible. En effet Valentine d(
Milan mourut en 1408, confiant, pour ainsi dire, entre tou:
ses enfants, au fils bâtard de son mari, le soin de vengei
la mort de leur père. Les circonstances de cette espèce d(
legs ne peuvent s'appliquer qu'à un adolescent, et non à ui
enfant du premier âge.
157
LE FLAMENC <- LE FORESTIER
358
léans la prit auprès rie lui, et en eut un fils qui
fut le fameux Dunois. Lorsque Louis, duc d'Or-
léans, périt assassiné, les premiers soupçons se
portèrent spontanément sur Le Flamenc : l'on
attribua ce meurtre au ressentiment de l'époux
outragé. Mais Le Flamenc était absent et les
circonstances du crime ne tardèrent pas à se ré-
▼éler sous leur vrai jour. En 1417, Le Flamenc
fut envoyé par la cour au-devant du duc de
Bourgogne pour s'opposer à ses entreprises.
Le chevalier picard rencontra Jean Sans-Peur à
Amiens, et lui signifia, au nom du roi, d'avoir
à congédier ses troupes et à ne point passer
outre. «Sire de Chauny (1), lui dit le duc, au
rapport de Monstrelet , vous estes de notre li-
gnage du costé de Flandres. Mais néantmoins ,
pour ceste légation que vous faites , en vérité à
peu tient que je ne vous fasse trancher la teste ! »
Aubert Le Flamenc, toutefois , remplit son am-
bassade. Il obtint de la part du duc une réponse
officielle et diplomatique à ses instructions. Mais
le négociateur se donna le tort de ne pas garder
secrète la matière de cette négociation. La ré-
ponse du duc divulguée par un secrétaire de Le
Flamenc arriva en copies à la cour, avant le re-
narde l'ambassadeur lui-même. S'étantmaljus-
ifié , celui-ci fut mis à la Bastille. L'année sui-
rante ( 1418), le duc de Bourgogne délivra Le
7lamenc de sa captivité ; et, de prisonnier, il le
it immédiatement gouverneur de la Bastille.
Vallet de Viriville.
Anselme, Histoire généalogique de la maison de
ranec, t. VI, p. 637.— Monstrelet, Chroniques, aux
nnées 140", 1417, 1418. — Histoire de Charles FI, de
odefroy.
leflo ( Adolphe-Charles-Emmanuel ),
énéral et homme politique français , né à Les-
e'ven (Finistère), en 1804. Entré à l'école mi-
itaire de Saint-Cyr, il en sortit sous-lieutenant
n 1825. Il n'était encore que lieutenant à la fin
e 1830, lorsqu'il passa en Afrique. Capitaine à
prise de Constantine, il fut remarqué par sa
elle conduite et proposé pour le grade de chef
e bataillon ; mais il préféra la croix d'Honneur :
avait été blessé sur la brèche par l'explosion
'une mine. Après l'enlèvement du téniah de
fouzaïa, le 12 mai 1840, M. Leflo fut cité par le
aréchal Vallée comme s'étant distingué parmi
s plus braves, et le 21 juin il fut promu chef
î bataillon. Il reçut le grade de lieutenant-
)lonel après une campagne incessante de dix-
lit mois avec les zouaves, et celui de colo-
il en octobre 1844. M. Leflo se trouvait en Al-
îrie à la tête de son régiment lorsque éclata
t révolution de février 1848. Le mois suivant, il
t promu général de brigade. Nommé bientôt
)rès envoyé extraordinaire et ministre pléuipo-
ntiaire en Russie , il y reçut un accueil distin-
lé. Élu représentant du Finistère à l'Assemblée
instituante, dans les élections supplémentaires
i 17 septembre 1848, il De prit part aux tra-
it) forme picarde pour Cany.
vaux de l'assemblée qu'à son retour de Russie,
au mois de mars 1849. Il y vola contre les clubs,
et défendit l'expédition de Rome. Réélu par le
même département à l'Assemblée législative, il y
fit partie de la majorité, et fut élu questeur.
Lorsque la majorité devint hostile à la politique
du président de la république, M. Leflo resta
fidèle à la majorité; le 17 novembre 1851, il dé-
fendit énergiquement la proposition qui avait été
faite par lui et ses collègues, MM. Panât et Baze,
pour donnerait président de l'Assemblée le droit
de requérir directement la force armée, proposi-
tion qui fut repoussée. Arrêté, le '). décembre
1851, à l'hôtel de la présidence de l'assemblée,
M. Leflo fut éloigué temporairement de France
par le décret du 9 janvier 1852. Une pension de
retraite de 4,000 fr. lui fut accordée en 1853.
Si l'on en croit un journal de Lyon , au mois de
septembre 1857, M. Leflo, « pauvre et père
d'une nombreuse famille, trouvant la vie trop
coûteuse en Angleterre, demanda au gouver-
nement belge l'autorisation de venir habiter
la Belgique. Ce gouvernement en référa au mi-
nistre français à Bruxelles, et quelques jours
après le général Leflo reçut un passe-port pour
rentrer en France. » L. L — t.
Biogr. des Sept cent cinquante Représ, à FAss. législa-
tive. — De Quincy, dans les Archives des Hommes du
Jour. — Vapereau, Dict. vniv. des Contemp. — Granier
de Cassagnac, Récit des Événements de Décembre 1851.
— Moniteur, 1881-1852. — Gazette de Lyon, 8 octobre
1857.
le forestier ( Jourdain ), mathématicien
du moyen âge, au sujet duquel on possède fort
peu de renseignements. On ne sait au juste ni
dans quel pays il avait vu le jour ( Tiraboschi
le croit Italien ), ni à quelle époque il vivait ; mais
on pense que c'était dans la première moitié du
treizième siècle. Quoi qu'il en soit, Jordanus Ne-
morarius ( ainsi que l'appellent les auteurs )
cultiva, autantqu'il était possible à cette époque,
toutes les branches des sciences mathématiques,
et laissa de nombreux ouvrages sur l'arithmé-
tique, la géométrie, l'astrolabe, etc. Il n'en a été
imprimé que Elementa Arithmeticse , Paris,
1496, in-fol., et De Ponderibus, Nuremberg,
1 533, in-4°. Tout cela n'a plus aujourd'hui qu'une
historique valeur. G. B.
Vossius, De Artium et Scientiarum Natura, 1. 111. —
Montucla, Histoire des Mathématiques, t. I, p. 506. —
Bossut, Histoire des Mathématiques, t. I, p. 242. —
Histoire Littéraire de la France, t. XVIII, p. 140.
LE forestier (Maihurin-Germain), re-
ligieux français, né à Paris, en 1697, mort en 1778.
11 entra dans la Société des Jésuites en 1717,
parvint aux premiers ordres de sa compagnie et
devint théologien du supérieur général. En 1766
on le chargea de traiter avec les créanciers an-
glais du P. Lavalette; il réussit dans cette diffi-
cile mission. 11 fit ensuite de vains efforts auprès
de divers souverains pour empêcher la dissolu-
tion de son ordre. On a de lui quelques écrits
théologiques sans intérêt. A. L
Richard et Giraud , biographie Sacrée.
12,
359
LE FORT
360
le FORT ( François ), général russe , né à
Genève, en 1656, mort à Moscou, le 1er mars
1699. Il appartenait à une famille d'origine écos-
saise , réfugiée d'abord en Piémont et depuis
1565 en Suisse; son père, Jacques Le Fort,
était membre du grand Conseil de Genève. Le
jeune François s'enrôla comme cadet dans le ré-
giment des gardes suisses au service de France.
A la suite d'un duel (1674), il passa dans l'ar-
mée du stathouder, et se distingua aux sièges de
Grave et d'Oudenarde. Mais bientôt son esprit
aventureux le poussa à accepter les offres du
colonel Verstin, qui recrutait à l'étranger pour
le tzar Alexis : Le Fort s'embarqua pour Arkhan-
gel, gagna Moscou, et parvint, grâce au résident
de Danemark , à obtenir un brevet de capitaine.
Après avoir combattu les Turcs et les Tatars
sous les ordres de Romadanofski, il épousa en
1678 la fille du colonel Souhay, Français égale-
ment au service de Russie, alla en 1681 passer six
mois de congé à Genève, et trouva à son retour le
trône occupé par deux adolescents. Il se mêla aux
intrigues du parti Narischkin, et prit une part ac-
tive au coup d'État qui investit le dernier des fils
d'Alexis de l'autorité souveraine. Pierre ne l'ou-
blia jamais, et en fit le premier personnage de son
gouvernement. Il lui confia le soin de former des
troupesà l'européenne; il suivit ses avis touchant
la formation d'une marine nationale, et le nomma
grand-amiral del'empireavantmême que l'empire
possédât un bâtiment en état de tenir la mer. Cette
armée et cette flotte, l'une et l'autre improvisées,
firent toutefois leurs preuves dès 1696, en s'em-
parant d'Azof. Ce premier succès remplit le tzar
d'une telle joie qu'il fit graver une médaille pour
en perpétuer le souvenir, et prépara à ses troupes
une magnifique entrée triomphale. Dans cette cé-
rémonie on vit, occupant la place d'honneur, Le
Fort debout sur un char en forme de conque
marine ; quant au tzar, il marchait à pied derrière
le triomphateur.
Le Fort améliora la situation des étrangers ,
qui une fois entrés en Russie n'avaient plus la
liberté d'en sortir et n'obtenaient que difficile-
ment le libre exercice de leur religion. Le Fort
porta le tzar à abolir des usages si pernicieux
au commerce et au bien de l'État (1). Cette
tolérance, limitée seulement pour les catholi-
ques, accrut considérablement les colonies étran-
gères. Jusqu'à cette époque il était défendu aux
Russes sous peine de mort de voyager ; à l'ins-
tigation de Le Fort, Pierre Ier les encouragea,
les contraignit même à sortir du pays, dans l'inté-
(1) « Eundi redeundlqne llbertas olim advenis cruda
lege negata, a moderno autem tzaro ipso suggerente
constituai , commerciorum commoda mire promovet, in
boni pnblici non contemnendum incrementum ; nec ml-
noris laudls est externos, quos annis praeterltis ad Ru-
thenam religionem amplectendara saepc famé, carcere,
roinis et tormentis adigebant, liberos nunc in sua rell-
gione rilinqui ; fides enim donum Dei est, quod Deus
largitiir, non arma incutiunt. » (Korb, Piarium itinerls
in Moscoviam, p. 215).
rêt de leur éducation (1). Enfin, il résolut d'en-
voyer une ambassade extraordinaire aux princi-
pales cours européennes, d'en remettre laconduite
à son favori, et d'en faire lui-même partie sons le
plus strict incognito. Ce projet, mis à exécu-
tion au mois de mars 1697, faillit être fatal à
celui qui l'avait inspiré. Un jour, près de Kre*
nigsberg, Pierre donnant un festin à l'occasion
de la fête de l'électeur de Brandebourg , exigea
que chacun de ses convives vidât un gros flacon
de vin ; l'honnête Allemand qui y représentait
l'électeur s'y étant refusé, le tzar, furieux, le jeta
à la porte, et se tourna , l'épée nue, contre Le
Fort, qui avait gardé le silence. Celui-ci se décou-
vrit la poitrine en lui disant de frapper, et que la
mort le débarrasserait des chagrins qu'il éprou-
vait à son service. Cet acte.de sang-froid, qui se
renouvela en des circonstances analogues, im-
posa au souverain, et lui sauva la vie.
L'ambassade fut arrêtée à Vienne par la
nouvelle de la révolte des strélitz. Accompagné
seulement de Le Fort, Pierre mit quatre semai-
nes , sans se reposer un moment, pour aller
comprimer cette révolte; il y réussit à force de
tortures et de sanglantes exécutions, auxquelles
il contraignit tous les seigneurs de sa cour de
participer avec lui; Le Fort seul se refusa à
remplir les fonctions de bourreau, et arrêta, as-
sure son panégyriste Basseville, l'effusion du sang ;
mais ce ne fut qu'après l'exécution de quinze
cents malheureux, pendus aux gibets dressés
autour des murs de Moscou (2). Cette sédition
obligea Pierre de renoncer à ses voyages et
de se contenter d'aller surveiller les travaux
maritimes entrepris à Voronèje. Souffrant de
blessures qui s'étaient rouvertes, Le Fort resta
cette fois à Moscou, et ne tarda pas à y succom
ber, au bout de quelques jours de maladie, i
cette nouvelle, Pierre s'écria : « Je perds k
meilleur de mes amis, et cela dans un temps que
j'en avais plus besoin que jamais. Il est mort ce
serviteur fidèle. A qui me confierai-je présen
tement ? »
Le tzar témoigna par des obsèques magnifi
ques les sentiments d'amitié et de gratitude qu'i
avait toujours portés à son favori.
Pce Augustin Gautzin.
Voltaire, Histgire de Pierre le Grand. — Basseville
Précis historique sur la vie et les exploits de Françoi
Le Fort; Genève, 1784. — Gollkof, Vie de Lefort ; Mos
cou, 1800. — Bantich Kamenski, Le Siècle de Pierre l
Grand , Moscou, 1822. — Halem, Leben Peter d. Gros
sen ; Munster, 1807. — Gagarin, Un Document inédit su
l'expulsion des Jésuites de Moscou en 1689. — Stchi
balsky, La Bègence de latzarevna Sophie, traduit p;
le Pce S. Galltzin. — Peter d. Grosse reize van Rusi
landin Holland, door Scheltema; Amsterdam, 1814,
(1) Tel est l'empire de l'éducation et du préjugé m
les Russes n'obéirent qu'avec la plus extrême répi
gnance à l'ordre que le tzar leur intima de voyager. (
en cite un exemple singulier : un grand seigneur fut for<!
d'aller à Venise; il y séjourna quatre ans et n'y visita pe
sonne. De retour dans sa patrie, il se fit gloire de n'ave
rien vu ni rien appris pendant son absence.
(2) Korb, Compendiosa Descriptio periculosse Rebi,
lionis Streliziorum in Moscovia.
361
LE FORT — LEFRANC
362
Meerman, Discottrs stir le premier voyaye de Pierre le
Grand; Paris, 1812.
lkfortier (Jean-François), littérateur fran-
çais, né à Paris, vers 1771, mort dans la même
ville, le 21 octobre 1823. Il fut d'abord officier
de sauté dans la marine militaire, et se livra en-
suite à l'enseignement. Nommé , en l'an vi
(1798), professeur de belles-lettres à l'école cen-
trale'du Morbihan, il obtint, Tannée suivante, la
chaire de littérature à l'école centrale de Seine-
et-Marne. Il collaborait dès 1795 à une revue in-
titulée : Correspondance politique et littéraire.
A la création de l'École spéciale militaire à Fon-
tainebleau, en 1803, il fut désigné pour y pro-
fesser la littérature, et lorsque cet établissement
fut transféré à Saint-Cyr, il y resta jusqu'en 1814.
Admis à la retraite en 1815, il fit partie de la ré-
daction du Journal général, et en dernier lieu
du Journal des Maires. Ses articles sont signés
L. F. R. On a de lui : Discours prononcé à
l'ouverture du cours de belles-lettres de l'É-
cole centrale de Vannes; an vi (1798), in-8°;
— Aperçu sur les causes des progrès et de la
décadence, de l'art dramatique en France;
an vu (1799), in-8°; — Manière d'apprendre
et d'enseigner, ouvrage traduit du latin du P.
Joseph de Jouvency; Paris, 1803, in-12; cette
traduction est estimée ; elle est précédée d'un Dis-
cours préliminaire assez remarquable ; l'original
est intitulé: DeKatione discendi et docendi ; —
Géographie dupremier âge;Pavh, 1803, in-18.
L — Z— E.
' Mahul, annuaire nécrologique, année 1823. — Qué-
rard, Im France Littéraire.
le! oru.MKR (André), médecin et chimiste
français du seizième siècle, né à Paris. Il fut
reçu docteur en médecine dans sa ville natale. Il
devint doyen de sa faculté en 1518. On a de
lui : La Décoration d'humaine nature, et Or-
nement des Dames, où est montré la manière
et receptes pour faire savons, pommades, pou-
dres et eaux délicieuses ; Paris , 1530, 1551,
in-8°; Lyon, 1582, in-12. « Cet ouvrage, dit
Éloi, est divisé en trois livres, dont lé premier
traite de plusieurs choses qui ont rapport à la
chirurgie. Le second s'étend sur tout ce qui peut
| contribuer à l'embellissement des femmes et le
troisième décrit divers onguents contre les mala-
dies cutanées, etc. » L — z — e.
; Éloi, Dict. Hist. de la Médecine.
le franc ou franc ( Martin ), poète fran-
çais, né à Aumale, ou plus vraisemblablement
à Arras , vers le commencement du quinzième
siècle, mort à Rome, vers 1460. Il embrassa
l'état ecclésiastique; pourvu de plusieurs bé-
néfices , il se mit à voyager, et devint chanoine
à Lausanne ; introduit à la cour d'Ame VIII,
duc de Savoie, il plut à ce prince, qui le choisit
pour son secrétaire, et cette circonstance de-
vint l'origine de la haute fortune de Martin Le
Franc, car en 1439 le concile de Bàle ayant con-
féré la papauté à Amé VIII, le nouveau pontife
emmena son serviteur à Rome, et le fit proto-
notaire apostolique, place importante que Le
Franc conserva sous le successeur de son pa-
tron. Pensant avec raison que les auteurs du
fameux Roman de la Rose avaient diffamé le
beau sexe , il voulut combattre l'ennemi des
femmes, et il écrivit le Champion des Dames,
livre plaisant , copieux et abondant en sen-
tences, contenant la Défense des Dames,
contre Malbouche et ses consorts et Victoires
d'icelles. L'édition originale, sans lieu ni date,
forme un in-folio, qu'on croit avoir été imprimé
vers 1485; Galliot du Pré le remit au jour en
1 530, en un joli volume in- 8°, dont les bibliophiles
font le plus grand cas, et qui, dans des enchères
faites à Paris, s'est vendu jusqu'au prix de 340
et même 455 francs. Suivant l'usage de l'é-
poque, l'auteur raconta ses fictions comme s'é-
tant offertes à lui durant un songe : les dames
sont renfermées dans le château d'Amours,
que Malebouche attaque et que Franc-Vou-
loir défend. Après échange de discours et d'in-
jures, les combattants se mettent d'accord pour
s'en remettre à la décision de Vérité; on la
trouve dans un coin obscur, sans chandelle
allumée. Franc-Vouloir, cherchant à montrer
le mérite de l'amour, fait le portrait de la haine,
à laquelle il attribue tous les malheurs de la
France ; Vilain-penser narre prolixement tous
les méfaits des femmes, en commençant par Eve;
Franc- Vouloir célèbre leurs vertus et leurs
services; après de longs et vifs débats, Vérité
décerne une couronne à Franc-Vouloir. Tout
cela forme plus de vingt-quatre mille vers
de huit syllabes divises en octaves. Il y a des
passages assez heureux ; mais la gravité et le
goût manquent dans cette production, dont
l'auteur s'abandonne à une facilité verbeuse. On
doit aussi à Martin Le Franc ; L'Estrif de for-
tune, ouvrage mêlé de prose et de vers, très-
moral , mais fort ennuyeux ; c'est un dialogue
entre la Fortune et la Vertu devant le tribunal
de la Raison : l'édition originale , sans lieu ni
date (Lyon, vers 1478) , in-folio, est tellement
rare qu'on n'en connaît que deux ou trois exem-
plaires ; un d'eux fut payé 1,500 francs en 1844
à la vente des livres du prince d'Essling. Une
réimpression, faite à Paris, chez Michel Lenoir,
en 1519, in-4°, est bien loin d'avoir la même va-
leur. Gustave Brunet.
Goujet, Bibliothèque française, t. iX, p. 187-230. —
Annales poétiques, t. 1, p. \1k. — Paulin Paris, Les Ma-
nuscrits français de la Bibliothèque royale, t. V, p. 123.
— Viollet-Leduc, Bibliothèque Poétique, t. I,p. 85.
LEFRANC (***), publiciste français, né vers
1720, en Normandie, massacré à Paris, le 2 sep-
tembre 1792. Il fit ses études dans son pays,
entra dans l'ordre des Eudistes, et fut nommé su-
périeur de leur maison de Caen. Il combattit vi-
vement les idées révolutionnaires par plusieurs
écrits, et vint à Paris en 1791 se concerter avec
l'abbé Barruel et quelques autres partisans de
la religion et de la monarchie. Incarcéré en août
1792 dans le couvent des Carmes, il fut l'une
863
des premières victimes des massacres de sep-
tembre. On a de lui : Conjuration contre ta
Religion catholique et les Souverains , dont
le projet , conçu en France, doit s'exécuter
dans /.'univers entier ; Paris, 1792, in-8°; — Le
Voile levé pour les curieux, ou Secret de la Ré-
volution révélé à l'aide de la Fr-Maç. ; Paris,
1791, 1792, in-8°; réimprimé sous ce titre :
Histoire de la Franc-Maçonnerie depuis son
origine jusqu'à nos jours ; Liège, 1827, in-8°.
Lefranc dénonce les francs-maçons comme la cause
de toutes les agitations populaires et les propa-
gateurs des idées d'affranchissement. H. L.
Louis Prudhomrae, Histoire générale des Crimes de
la Révolution. — Quérard. La France Littéraire.
lefranc (Jacques ), général français, né le
4 novembre 1750, à Mont -de- Marsan, mort le
5 novembre 1809, à Malaga. Après avoir servi
depuis 1769 dans les régiments de Béarn et de
Dauphiné, il venait de passer dans la gendar-
merie lorsque le choix de ses concitoyens l'ap-
pela an grade de chef du 3e bataillon des Landes
( 15 janvier 1793 ). Devenu, à quelques mois de
là, chef de la 40e demi-brigade, il se signala
dans la plupart des combats qui eurent lieu à
l'armée des Pyrénées orientales, fit partie de la
malheureuse expédition d'Irlande, et passa en
l'an vin sous les ordres du général Moreau; les
services qu'il rendit aux combats d'Erbach et
de Hohenlinden lui valurent un sabre d'honneur.
Élu député au Corps législatif (1802), il obtint le
grade de général de brigade lors de la promo-
tion du 24 mars 1803. Après avoir été blessé
dans la campagne de 1806, il fut envoyé en Es-
pagne; le 2 mai 1808, ce fut lui qui, à la tête des
grenadiers, emporta de vive force l'arsenal de Ma-
drid, trait de courage qui sauva la vie à des mil-
liers de Français que l'on mitraillait dans les rues.
Il passa ensuite sous les ordres du général Dupont,
fut compris dans la capitulation de Baylen, et
mourut dans les prisons de Malaga, par suite de la
lièvre pestilentielle qui s'y était déclarée. K.
Fastes de la Légion d'Honneur.
lefranc (Denis-François), mathématicien
français, né en 1760, mort le 30 mai 1793.
Prêtre de la doctrine chrétienne à Soissons , il
devint professeur de physique et de mathéma-
tiques à Chaumont, puis à Avallon et à Saint-
Omer. On a de lui : Essais sur la Théorie des
Atmosphères et sur l'accord qu'elle tend à
établir entre les sytèmes de Descartes et de
Neioton et les phénomènes décrits par La-
place et Berthollet, ouvrage commencé en
1788 par le Père Lefranc, continué et publié
par son frère et son élève, l'abbé Lefranc,
aumônier de l'hospice de mendicité de Vil-
lers-Cotterets, précédé d'une notice sur le père
Lefranc; Paris, 1819, in-8°. J. V.
Notice en tête des Essais sur la Théorie des Atmo-
sphères.
lefranc (J 'ean- Baptiste- Antoine) , cons-
pirateur français, mort en 1816. Il s'occupait
de l'étude et de la pratique de l'architecture
LEFRANC 364
lorsque la révolution éclata. Il se laissa entraî-
ner par les idées nouvelles, et les professa avec
enthousiasme jusqu'au 10 août 1792. A partir de
cette époque, il ne se mit plus en évidence, mais
il resta lié avec les démocrates avancés, parti-
culièrement avec Babeuf. Compromis en I79i>
dans la conspiration de ce révolutionnaire, il fut
envoyé devant la haute cour de Vendôme, qui
l'acquitta. Si on l'en croit, « rendu alors à ses
foyers , il s'éloigna des hommes et des choses,
et se renferma dans sa propre nullité ». Compris
pourtant dans la proscription qui suivitl'explosion
de la machine infernale de la rue Saint-Nicaise ,
le 24 décembre 1800 (3 nivôse an ix), il proteste
qu'il « n'avait appris cet événement que par la
voix publique lorsqu'on vint lui signifier son
arrêt de déportation ».
Lefranc parvint à s'échapperdes îles Séchelles,
et vit périr presque tousses compagnons d'infor-
tune. Après trois ans d'exil, il revint en France, et
fut aussitôt enfermé dans les prisons de Brest. Il
obtint la permission de rester quelque temps en
surveillance dans une petite ville du Languedoc;
mais, persécuté de nouveau, il fut enfermé au
fort deHâ à Bordeaux. Conduit mourant à Pierre-
Châtel sur les bords du Rhône, il fut enfin dé-
livré par les troupes alliées en 1814. Eu 1816, il
fit paraître un livre intitulé : Les Infortunes de
plusieurs victimes de la tyrannie de Bona-
parte, où il disait : « O mes concitoyens, vous
ne pouvez être heureux qu'en entourant votre roi
de votre respect et de votre amour ! Vous n'irez i
plus rougir de votre sang les plaines glacées du i
Nord, ni les eaux duPô, du Tageetdu Guadalqui-
vir... Pour moi, tranquille maintenant au sein de i
l'amitié, j'y coulerai le reste de mes jours, à l'abri
des écueils de l'océan Indien , des plages brû-
lantes de la zone torride et des hordes barbares •
de l'Afrique. Je suis enfin rentré au port après
de longs orages ; je n'ai plus à craindre l'obscure j
humidité des cachots. La mort ne m'appellera
plus avant le terme fixé par la nature. Il existe
un gouvernement protecteur, un roi qui est le i
père de tous ses sujets. » Deux mois à peine après
la publication de cet ouvrage, Lefranc se trouva
Compromis dans le procès dit des patriotes de ■•
1816, dont Pleignier était Je principal accusé.
Condamné à la déportation, Lefranc mourut en
prison. J. V.
Lefranc, Les Infortunes de plusieurs victimes de la
tyrannie de Bonaparte. — Arnault , Jay, Jouy et Nor-
•vius, liioq. nouv. des Contemp.
'lefranc (Victor), homme politique fran-
çais, né le 2 mars 1809, à Garsin (Basses-Py-
rénées). Il est neveu du conventionnel Jean-
Baptiste Lefranc, qui devint plus tard procureur
impérial à Mont-de-Marsan. Élevé à Aire, il vint
faire son droit à Paris , et alla s'établir comme
avocat à Mont-de-Marsan, où il se fit remarquer
par son opposition au gouvernement de Juillet. Il
défendit les Verger devant la cour d'assises des
Landes, les accusés de Toulouse dans l'affaire du
365 LEFRANC -
recensement, Achille Marrast contre les juges
d'Orthez devant la cour royale de Pau, etc.
Nommé commissaire de la république dans le
département des Landes, après la révolution de
Fé\ rier, il fut élu par ce département à l'Assem-
blée constituante, où il fit partie du comité des
travaux publics et de la réunion qui s'assemblait
à l'Institut. Il vota contre les deux chambres,
contre le vote électoral à la commune, contre le
droit au travail, pour la dissolution de l'assem-
blée, contre la diminution de l'impôt du sel,
pour la suppression des clubs et contre la mise
en accusation du ministère à propos de l'expé-
dition de Rome. 11 prit, du reste, une part active
aux travaux de l'assemblée, notamment dans les
discussions relatives aux questions de chemins
de fer et dans la discussion de la loi électorale.
Réélu à la législative, il vota pour l'état de siège,
et fit partie du cercle constitutionnel. Le coup
d'État du 2 décembre 1851 l'a rendu à la vie
privée. M. V. Lefranc s'est fait connaître aussi
par des mémoires spéciaux et'des rapports lu-
mineux sur diverses questions d'intérêt public.
On cite de lui un traité sur l'éducation agricole
présenté à la Société d'Agriculture des Landes,
dont il est membre , plusieurs productions en-
voyées à la Société littéraire de Pau, et deux
rapports fort étendus, l'un sur le recensement,
l'autre sur les chemins de fer, présentés au con-
seil municipal de Mont-de-Marsan. L. L— t.
Lesaulnier, Biog. des neuf cent Représentants à
l'Assemblée nationale. — biog. des Sept cent cinquante
Représ, à l'Ass. législative. — Moniteur, 1848-18d1.
* lefranc ( Pierre-Joseph), homme poli-
j tique français, né en 1815, à Montmirey-la- Ville
i(Jura). Fils d'un cultivateur qui était parti
j comme volontaire à la révolution, il conduisit
I d'abord la charrue, et commença lui-même son
| instruction. A seize ans il entra dans une étude
de notaire. Dans les loisirs que lui laissaient
! ses occupations, il étudiait les langues anciennes,
j Bientôt il se sentit capable de venir suivre les
| cours de droite Paris. Il débuta alors dans la
carrière littéraire par des lettres critiques si-
i gnées J. Bon homme dans la Revue indépendante
en 1844. Les Pyrénées-Orientales n'avaient pas
I de journal de l'opposition ; la famille Arago en-
gagea M. Pierre Lefranc à en établir un à Perpi-
I gnan, et l'aida dans cette tâche. Ce journal, qui
! prit le titre de L' Indépendant, eut une part im-
j portante aux élections de 1846, et sa polémique
I devint si vive que M. Lefranc eut à subir quatorze
i procès politiques qui lui valurent 25,000 fr. d'a-
mendes. Après la révolution de février, M. Le-
franc fut nommé membre de la commission dé-
partementale des Pyrénées-Orientales. Envoyé
comme représentant de ce département à l'Assem-
blée constituante, il y fit partie du comité des fi-
nances, et vota avec l'extrême gauche le droit au
travail et la réduction de l'impôt du sel. Après
l'élection du 10 décembre 1848, il fit une opposi-
tion très-viveau gouvernement du président de la
LEFRÈRE 366
république, et appuya la demande de mise eu ami-
sation des ministres à propos de l'expédition de
Rome. Réélu à la législative, M. Lefranc conti-
nua de voter avec le parti démocratique, protesta
contre la loi restrictive du suffrage universel,
et s'opposa à la révision de la constitution. A |a
suite du coup d'État du 2 décembre 1851, il fut
exilé de France par le décret du 9 janvier 1852;
mais il rentra peu de temps après, et s'est mis
à la tète d'une maison de commerce de commes-
tibles. L. L— t.
Lesaulnier. Biog. des Neuf cents Représ, à l'Assemblée
nationale. — Biog. des Sept cent cinquante Représ, à
l'Ass. législative. — Vapereau, Dict. univ. des Contemp.
— Moniteur, 1848-1852.
LE FRANC. Voy. POMPIGNA.N.
LE FRANÇAIS. Voy. LALAISOE.
le francq (Jean- Baptiste) , religieux de
l'ordre des Augustins et poète dramatiqpe, vivait
en Flandre dans la première moitié du dix-sep-
tième siècle ; on ne sajt rien sur son compte que
ce qu'il nous apprend lui-même; à l'âge de cinq
ans, il quitta la France, où il était né, et il se
nourrissait, à la desrobée , des muses fran-
çaises. Il a écrit une pièce qui ressemble aux
anciens mystères, et qui a pour titre : Antioche,
tragédie traitant le martyre des sept enfants
Macchabéens ; Anvers, J. Verdussen, 1625,
in-8°. On trouve dans cette œuvre singulière, et
devenue très rare, des chœurs , de la musique,
des ballets ; des êtres métaphysiques y sont per-
sonnifiés. Quant au style, de très-courtes cita-
tions en donneront une idée. Antioche, irrité de
ce que Ptolémée lui résiste, interroge les ambas-
sadeurs qu'il a envoyés auprès de ce prince :
L'outreeuirté paillard! Que pense ce faquin ?
Que punir je ne puis ua rebelle maslin?
Racontez-nous son port, les changements du tftin,
Les roullemens du chef el bransles de la main.
Au dénoûment, le monarque impie tombe sous
les roues de son char, Justice apparaît dans le
ciel et lui crie :
C'est assez enduré; meure, meure, raastin! G. B.
Bibliothèque du Théâtre-Français, 1768, t. I, p. 543-
S46. — Catalogue de la Bibl. dramatique de M. de So-
leinne, t. I, p. 216.
LE FRANQ VAN BERKHEY. Voy. BEKITOEY.
leFren ( Lars-Vlof), orientaliste suédois ,
né le 19 décembre 1722, dans un village de la
Vestrogothie , mort à Abo, le 15 janvier 1803.
Conservateur de la bibliothèque et professeur
de langues orientales à l'université d'Abo, il col-
labora à la nouvelle traduction suédoise de la
Bible, entreprise sous les auspices du roi Gus-
tave III. On lui doit, en outre, un assez grand
nombre de dissertations sur divers sujets de
philologie, de philosophie et dethéologie, et dont
la liste complète se trouve dans Rotermund, Sup-
plément au Lexikon de Jôcher. R. L.
lntelligmz-Blatt der Allgemeinèn Literatur Zeitung,
1803, p. 1159.
lefrère (Jean), polygraphe français, né à
Laval, dans les premières années du seizième
siècle, mort de la peste à Bayeux, le 12 ou le
13 juillet 1583. Parmi les ouvrages qui lui sontat-
367
LEFRÈRE
tribués par La Croix du Maine et par Du Verdier,
il y en a que nous avons vainement recherchés :
s'ils ont été réellement publiés, les exemplaires en
sont assurément très-rares. Lefrère paraît avoir
d'abord mis au jour : Recueil des Noms propres
modernes de la géographie, confrontés aux
anciens , imprimé à la suite du Dictionnaire
Français Latin de Henri Estienne , 1572, in-fol.
U a traduit ensuite en français, du latin de Marc-
Antoine de Muret : Oraison faite à Rome aux
obsèques du très-chrétien roi de France ; Pa-
ris, 1574, in-4°. On lui doit encore la traduction
d'une partie des légendes qui se trouvent dans
le troisième volume de ] \ Histoire de la Vie,
Mort, Passion et Miracles des Saints, 1579,
in-fol. Ses autres ouvrages sont : Charidème,
ou le épris de la mort, avec plusieurs vers
chrétiens; Paris, 1579,in-8°; — Noels et Canti-
ques sur l'avènement de Jésus-Christ; Ada-
gia, insérés parmi ceux d'Érasme dans l'édition
de 1579; — La vraie et entière Histoire des
Troubles et Guerres civiles advenues de notre
temps pour le fait de la Religion; 1573,in-8°;
— L'Histoire de France, contenant les plus
notables occurrences et choses mémorables
advenues en ce royaume de France et Pays-
Bas de Flandres, etc., etc.; 1681, in-fol. Ces
deux derniers ouvrages sont des compilations :
l'historien auquel Jean Lefrère a fait des em-
prunts si considérables, qu'ils peuvent passer
pour des larcins, est Lancelot Voisin de La Po-
pelinière. Ce dernier était protestant , et s'était
efforcé d'être impartial. Lefrère, catholique zélé,
retrancha tout ce qui le choquait dans le texte,
qu'il avait sous les yeux, et y ajouta quelques
détails nouveaux. B. H.
La Croix du Maine, Du Verdier, Bibliothèques fran-
çaises. — N. Oesportes, Bibliog. du Maine. — B. Hau-
réau , Mst. Littér. du Maine, t. IV, p. 132.
* lefuel (Martin-Hector ), architecte fran-
çais, né à Versailles, le 14 novembre 1810. 11
étudia l'architecture sous son père et sous la
direction de Huyot; entré à l'École des beaux-
arts en 1829, il y remporta le second grand prix
d'architecture en 1833, et le premier grand prix
en 1839, sur le projet d'un Hôtel de ville pour
une grande capitale. Parti pour Rome, il en-
voya, en 1841, des études de chapiteaux curieux,
et en 1842 des restaurations intéressantes des
temples de la Piété, de l'Espérance et de Junon
Matuta. A son retour, M. Lefuel ouvrit un atelier
d'élèves, dirigea plusieurs travaux particuliers, et
dessina pour le palais de Florence une cheminée
monumentale qui fut exécutée par M. Ottin en
1S48. Nommé à cette époque architecte du châ-
teau de Meudon, M. Lefuel remplaça Abcl Blouet
comme architecte du palais de Fontainebleau. A
la mort de Visconti, survenue le 29 décembre
1853, M. Lefuel fut appelé à lui succéder dans
la direction des travaux du Louvre pour re-
joindre ce palais aux Tuileries. Visconti avait
tracé toute la superficie et la direction des bàti-
— LEFUEL 368
ments; les largeurs, les contours, les formes des
cours et des édifices lui appartiennent; c'est lui
qui eut l'idée des arcades du rez-de-chaussée; il
voulait d'abord répéter autant que possible le
caractère de l'architecture des parties existantes
de l'enceinte de la place du Carrousel ; mais un
autre avis avait prévalu, et il avait cherché à allier
les styles différents des deux palais, qu'il laissait
en face l'un de l'autre, ne masquant que les galeries
latérales et ne cherchant à dissimuler que la dif-
férence de niveau entre la place et le quai. Dans
le dernier projet de Visconti, on voyait encore les .
toits apparents, les dômes, les gaines ornées
de bustes des Tuileries ; mais les ordres de co-
lonnes superposés, les fenêtres et plusieurs autres
motifs étaient empruntés à la cour du Louvre. Dans
le vide des arcades, il mettait des statues; et les
colonnes de ces arcades étaient couronnées au pre-
mier étage par des gaines supportant chacune un !
buste. M. Lefuel mit les statues à la place des
gaines, et laissa les arcades vides. Les colonnes
du premier étage des pavillons d'angle devaient
porter un fronton de la hauteur de l'attique; ce
fronton a été remplacé par des consoles, et
M. Lefuel ajouta au comble une lucarne colossale
richement sculptée. lia dissimulé le raccordement
du deuxième étage avec le comble de la galerie
du bord de l'eau en répétant sur la façade du quai
la décoration du pavillon qui renferme le grand-
salon carré. La riche décoration qui règne du
côté de la rue de Rivoli a été ajoutée par M. Le-
fuel au plan de Visconti, qui s'était contenté I
d'une superposition d'ordres. Enfin, il a distribué u
les intérieurs, dessiné les façades, dirigé et mis
d'accord le travail de cent cinquante-quatre sta-
tuaires, et de tout un peuple d'ornemanistes.
M. Lefuel a employé de préférence pour maté-.1
riaux la pierre et le fer : les armatures des com-
bles, les poutres des planchers et généralement:
toute la grosse charpente est en fer ; le bois n'a
servi qu'aux chevronages. Le plomb a fourni à
M. Lefuel des ornements pour le couronnement
des dômes. Le 14 août 1857 l'empereur fît solen-i
nellement l'inauguration des nouvelles construc-
tions du Louvre, et M. Lefuel, chevalier de la Lé-i
gion d'Honneur depuis 18â4, fut élevé au grade1
d'officier de cet ordre. Pendant qu'il s^occupait dei
la direction du travail du Louvre , il se chargea d'é-
lever un palais provisoire, en bois, pour l'exposi-
tion universelle des produits des beaux-arts en
1855. C'était une vaste salle de treize mille mè-
tres située entre l'avenue Montaigne et la rue
Marbeuf, divisée en un certain nombre de salons
en forme de parallélogrammes au milieu, et de
galeries latérales avec un étage au pourtour, le
tout recevant le jour d'en haut. Cette salle im-
provisée était presque sans ornements, mais d'une
grande commodité. Au mois de mai 1855, M. Le-
fuel quitta la direction des travaux du palais de,
Fontainebleau ; le 19 mai il fut nommé architecte
de l'empereur, et, le 28 juillet, il remplaça Gau- 1
thier à l'Académie des Beaux- Arts. En 1856, il,
369 LEFUEL —
commença pour M. Achille Fould , ministre
l'État, un grand hôtel dans le faubourg Saint-
Honoré. M. Lefuel est aujourd'hui architecte en
chef du Louvre et des palais impériaux et membre
jju jury d'architecture à l'École des Beaux-Arts.
L. Louvet.
Vapereau. Dict.vniv. des Contemp. — Delécluze, dans
Ile Journal des Débats du 7 avril 1855. — A Léo, dans le
\Journal des Débats du 6 août 1857. — Moniteur, du
||5 août 1857.
[ le gallois ( Pierre ), littérateur et biblio-
graphe français, naquit à Paris, dans la pre-
fmière moitié du dix-septième siècle, et mourut
(vraisemblablement avant la (in du même siècle.
|On a très-peu de renseignements sur sa per-
sonne, et il ne nous est pour ainsi dire connu
[que par deux ouvrages qui portent son nom.
(L'un a pour titre : Conversations Urées de VA-
ïcadémie de monsieur Vabbé Bourdelot, con-
tenant diverses recherches et observations
jphysiq ues; Paris, 1672,in-12. Ce recueil, en
norme d'entretiens, est divisé en deux parties ;
la première, et la plus intéressante , traite de
Korigine des académies , de leurs fonctions, de
leur utilité , avec un Discours particulier des
{académies de Paris. Sous le nom général d'a-
\cadcmies , l'auteur comprend toutes les assem-
blées particulières de savants qui se tenaient ,
là certains jours désignés, chez des personnes
éminentes par leurs dignités ou leur mérite.
C'est ainsi qu'il nous apprend que M. le pre-
mier président ( Lamoignon ) recevait chez lui
le lundi; M. Ménage le mercredi, ainsi que
M. Rohault; M. de Thon, M. Gustel et M. l'abbé
Bourdelot, plusieurs jours de la semaine, etc. Il
entre à cet égard dans quelques détails curieux
pour l'histoire littéraire du temps. La seconde
partie, divisée en deux livres, est destinée à faire
connaître le résultat des conférences sur diffé-
rentes questions d'histoire naturelle et de phy-
sique qui étaient agitées dans les assemblées de
l'abbé Bourdelot. 11 en est un certain nombre
d'oiseuses, et qui arracheraient plus d'un sou-
rire aux savants de nos jours. Au surplus le
livre est rare et mérite d'être recherché. On fait
encore quelque cas de sou Traité des plus belles
Bibliothèques de l'Europe; Paris, 1680, in-12,
qui a eu plusieurs éditions : on a cependant re-
proché à Le Gallois d'avoir traduit en partie
l'ouvrage de Lomeier De Bibliothecis , pour
composer le sien. 11 convient lui-même, dans un
avertissement, qu'il a mis à profil plusieurs
mémoires qui lui avaient été communiqués ; mais,
ajoute-t-il, « il doit peu vous importer, mon cher
lecteur, d'où j'ai pris tout ce que j'ai dit dans mon
livre, pourvu qu'il soit véritable et qu'il vous
instruise. » Au nombre des renseignements qu'il
contient, on lit, avec quelque intérêt, la récapi-
tulation de toutes les bibliothèques et cabinets
particuliers , renommés par leurs richesses et le
nom de leurs possesseurs , qui existaient alors
dans la capitale. Il y a lieu de croire que Le
Gallois avait composé d'autres ouvrages; car
LE GALLOIS
370
figurant dans les Entreliens, sous le nom d'O-
ronte, il se fait adresser ce compliment par l'un
des interlocuteurs : « Nous savons ce que vous
savez faire, et les excellentes pièces que nous
avons déjà vues de vous sont une suffisante
caution de la bonté de celle-ci » (pag. 74 ). Les
bibliographes ne nous ont pas transmis le titre
de ces excellentes pièces. J. L.
Nicerun, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes
illustres, tom. Vlll. — Bayle, Lettres publiées sur les
Originaux, tom. XUI. — l'eignot, Répertoire Bibliogra-
phique universel.
le gallois (Julïen-Jean-César), physiolo-
giste français, né à Cherrueix, près de Dol ( Bre-
tagne), le 1er février 1770, mort à Paris, en février
1814. Il était fils d'un fermier,qui lui fit donner
une bonne éducation. Après avoir remporté tous
les prix de rhétorique au collège de Dol, il alla
suivre les cours de médecine à la faculté de Caen.
Il était encore dans cette ville en 1793, lorsque,
à la suite de la proscription des Girondins, il prit
les armes en faveur du soulèvement des pro-
vinces contre la Convention. Obligé ensuite de
se cacher, il fut dénoncé, et vint chercher un
refuge à Paris parmi les élèves qui suivaient les
leçons des médecins des hôpitaux. Dénoncé une
seconde fois, il se présenta au comité des poudres
et salpêtres, subit des examens, et fut envoyé
dans son département pour y diriger la fabrica-
tion de la poudre. Un an après, l'école de santé
ayant été fondée, Le Gallois y fut envoyé comme
élève par son district. II se distingua parmi ses
condisciples, joignit l'étude des langues anciennes
et modernes à celle de la médecine, et en 1801
il fut reçu docteur. Dès lors ses recherches se
dirigèrent surtout vers la physiologie. Nommé
médecin de Bicêtre en 1813, il se rendait chaque
jour à pied de Paris à cet hospice. Suivant
M. Boisseau, il gagna dans une de ces courses
une péripneumonie, qui l'emporta, parce que,
comme tant d'autres, il refusa de se laisser sai-
gner, croyant sa maladie adynamique. Suivant
M. Isidore Bourdon, il « ne trouva rien de mieux
à faire, dans d'affreux mécomptes, que de ter-
miner brusquement sa vie en s'ouvrant l'artère
crurale d'un coup de bistouri , détermination qui
lui fut inspirée par des chagrins domestiques de
l'espèce la plus irrémédiable ; un de ses doigts fut
trouvé roidi et courbé dans la plaie qu'il s'était
faite , comme s'il eût appréhendé qu'un caillot de
sang ne vint arrêter la funeste hémorrhagie dont il
s'était promis la fin de ses souffrances morales. »
Suivant M. Boisseau « Le Gallois était un phy-
siologiste expérimentateur dans l'acception la
plus noble de ce mot, et ce qui le caractérise sur-
tout, c'est la réserve avec laquelle il tirait des
conclusions de ses expériences, toutes remar-
quables par leur variété, l'esprit inventif et l'es-
pèce de prescience qui présidait à leur accom-
plissement. Le Gallois était très-myope ; ses doigts
étaient gros et courts, et pourtant il déploya une
adresse singulière dans les expériences sur les
animaux vivants. » Ses recherches portèrent
371
LE GALLOIS
principalement sur les fonctions de la moelle
épinière. « Il n'a pas ignoré, dit M. Isidore
Bourdon, la participation de cet organe avec ce
qui regarde non seulement les mouvements ar-
bitraires, mais la respiration, la circulation du
sang, la chaleur vitale, etc. Il a prouvé que
chaque partie du corps a le principe de sa mo-
tricité dans la portion de la moelle épinière d'où
proviennent ses nerfs. Il prouva surtout très-
bien, pourtant moins précisément que M. Flou-
rens, mais beaucoup mieux que Galien et que
Lorry, à quel point de la moelle allongée voisin
du trou occipital correspond le pouvoir de re-
tirer, comme il le dit, le principe de la vie. Il
montra que la mort est instantanée aussitôt qu'on
attacme et qu'on détruit cette moelle vers l'ori-
gine des nerfs pneumo-gastriques. D'autres expé-
riences de lui ne sont pas moins célèbres, en
particulier celles qui ont pour objet de détermi-
ner le degré d'influence de la moelle épinière
sur les mouvements du cœur et sur la circula-
tion du sang. Suivant lui, c'est de toute la moelle
épinière, par l'entremise du nerf grand sympa-
thique, que le cœur tient le principe de ses bat-
tements, de son action... Le Gallois prouva par
d'autres expériences que la section des nerfs
récurrents produit la mort par asphyxie en oc-
casionnant l'occlusion de la glotte, etc. » On a de
Le Gallois : Le sang est il identique dans tous
les vaisseaux qu'il parcourt? Paris, an xm ;
in-8°; — Expériences sur le Principe de la
Vie, notamment sur celui des mouvements
du cœur et sur le siège de. ce principe; Paris,
1812, in 8°; réimprimées dans Y Encyclopédie
des Sciences Médicales : M. Boisseau appelle
l'ouvrage de Le Gallois « un des plus beaux mo-
numents physiologiques élevés par les Français
depuis que la science de la vie a reçu une di-
rection vraiment philosophique ». Le Gallois a
lu à l'Institut des mémoires qui ont été impri-
més dans différents recueils, et parmi lesquels
on cite : Sur les Dents des Lapins et des Ca-
biais; — Sur la Durée de la Gestation dans
ces animaux ; — Sur la Section de là Hui-
tième Paire de Nerfs; — Sur le Relâchement
des Symphyses et du Bassin dans les Cabiais
à V époque du part. Il a fait la partie anato-
mique et physiologique de l'article Cœur du Dic-
tionnaire des Sciences Médicales. Ses Œuvres
complètes ont été publiées par E. Pariset; Paris,
1824 et 1830, 2 vol. in-8°, avec des notes. L'A-
cadémie des Sciences a fait paraître de Le Gal-
lois : Fragments d'un mémoire sur le temps
durant lequel les jeunes animaux peuvent
être sans danger privés de la respiration ,
soit à l'époque de l'accouchement, lorsqu'ils
n'ont point encore respiré, soit à différents
âges après leur naissance ; Paris, 1834, in-4°,
ouvrage qui a été réimprimé sous le titre de Ex-
périences Physiologiques sur les animaux,
tendant à faire connaître, etc. D'après
M. Flourens, <i Le Gallois, que n'entouraient ni
— LÉGARÉ 372
le prestige de l'éloquence familière ni les facilités
de succès que vaut la camaraderie, précurseur
modeste des études modernes sur le système
nerveux, mourut à la tâche, n'obtenant de la
renommée qu'une bien stricte justice. »
Son fils, le docteur Eugène Le Gallois, mort
en Pologne, en 1831, victime du choléra qu'il
était allé étudier, a publié quelques ouvrages,
dont la plupart ont pour objet de défendre les
travaux, les découvertes et la réputation de son
père. L. L — t.
F.-G. Boisseau, dans la Biogr. Médicale. — Dr Isid.
Bourdon, dans leDict. de la Convers.— Flourens, Éloge
de Maijendic.
legangneur ( Guillaume ), célèbre calli-
graphie français, né en Anjou, en 1553, mort à
Paris, vers 1624. Il s'intitulait secrétaire ordi-
naire de la chambre du roi , en vertu de l'édit
de 1570 qui avait accordé ce droit au corps des
experts-jurésécrivains-vérificateurs. Il fut fêté
par tous les poètes , et son nom , même avant
qu'il eût rien publié, faisait autorité. Les exemple?
et alphabets de Legangneur ont pour titres :
La Technographie, ou briève méthode pour
parvenir à la parfaite connaissance de l'é-
criture française ; — La Rizographie, ou les
sources , éléments et Perfections de l'écri-
ture italienne; — La Calligraphie, ou belle
écriture de la lettre grecque. Ces trois par-
ties (in-4° oblong) se trouvent rarement réu-
nies. Le privilège est du 1er octobre 1599. La
première contient 45 planches gravées, la se-
conde 31, et la troisième 11. Chacune est pré-
cédée d'épîtres dédicatoires , d'avertissements
et de vers à la louange du livre. En tête de
l'ouvrage est le portrait de l'auteur, âgé de qua-
rante-six ans, d'après A. -P. Dumoustier, avec
un quatrain français par Jacques Dorât, Limou
sin, qui a composé aussi un sonnet français sur
l'anagramme de Guillaume Legangneur Anqt
vin : « Ung ange venu luy règle la main ». Le
P. Lelong indique parmi les portraits des illus-
tres d'autres portraits de Legangneur ( t. IV ).
La bibliothèque Mazarine possède un joli manuS'
crit oblong in-4°, écrit tout entier de la main de
ce calligraphe : Ex versibus Fabri Pibracii
galiicis latina et grxca Tetrasticha, authore
Florente christiano, a Guill- Legangneur,
Andegavensi, descripta, ordinario camerse
régis secretario ; suit une dédicace à Gobe-
lin , conseiller du roi en ses conseils d'État et
privé, et trésorier de son épargne. La signature
et le titre sont en encre d'or, ainsi que différents
traits d'écriture dans le corps du volume, qui a
appartenu aux carmes déchaussés de Paris. Une
partie du manuscrit est en encre bleue. Le carac-
tère grec surtout est admirable. C. Port.
La Croix du Maine, exemplaire de la Bib. irap. (ré-
serve) avec des annotations manuscrites de Mercier de
Saint Léger — Encyclopédie méthodique : Jrts et Mé-
tiers : Écriture, p. 3o9.
légaré IHugh Svnnton), célèbre juriscon-
sulte et littérateur des États-Unis, né à Char-
373
leston (Caroline du Sud), le 2 janvier 1797,
mort à Boston, le 20 juin 1843. Il descendait
d'uue famille française de protestants qui
après la révocation de l'édit de Nantes était
venue chercher un asile de liberté en Amé-
rique. La plupart de ces familles de huguenots
ont produit des hommes distingués par leurs
talents et les services qu'ils ont rendus au
pays. Du côté de sa mère, il appartenait aux
Swinton d'Ecosse , célèbres par leurs exploits
dans les traditions du Border. Dans son carac-
tère , on trouve réunies à un degré remarquable
les qualités caractéristiques des deux races. Il
perdit de bonne heure sou père; mais sa mère
[était une femme aussi éclairée que tendre, et qui
dirigea son éducation avec beaucoup de juge-
ment. Son enfance fut maladive, par suite d'une
inoculation mal faite , et sa constitution s'en
ressentit toute sa vie. La partie supérieure du
Corps prit un développement vigoureux, tandis
que les membres inférieurs restèrent grêles et
sujets à des douleurs. Après avoir reçu des le-
çons particulières dans la maison maternelle, il
entra à quatorze ans dans l'université de la Ca-
roline du Sud , à Columbia, pour suivre les cours
'études classiques. Il y montra un goût très-vif
our les auteurs grecs et latins , et plus tard
our la philosophie, sans négliger pourtant les
utres branches d'instruction. Il était au niveau
les bons élèves pour les mathématiques, la chi-
ie et la physique , et tout à fait supérieur dans
es classiques, vers lesquels son penchant l'en-
raînait. Quoique bien jeune encore, il y puisa
ne vigueur de pensée et une étendue d'instruc-
Ition qui donnèrent plus tard un relief remar-
quable à ses talents. Plein d'ardeur et de facilité
ipour le travail, il étudia les historiens, les ora-
teurs, les poètes anglais, apprit à bien parler et
là bien écrire le français , et rît des progrès mar-
Iqués dans l'italien. Il obtint son diplôme vers
la fin de 1314, après un examen de grande dis-
jonction, et comme il se destinait au barreau, il
fit ses études de droit sous la direction d'un des
(premiers avocats de Charleston. Trois ans en-
tiers furent consacrés à cette étude que variait et
tempérait la culture de branches littéraires. Il
aurait pu obtenir immédiatement son admission
au barreau. Mais, animé d'une noble ambition,
il résolut d'aller en Europe pour perfectionner
ses connaissances dans les écoles de Paris et les
universités d'Allemagne et d'Angleterre. Il s'em-
barqua donc à Charleston pour Bordeaux, et de
là se rendit à Paris (juin 1818). Il avait vingt-
et-un ans. Il passa plusieurs mois à Paris, visi-
tant les bibliothèques, la chambre des députés,
le Théâtre-Français, et livré à des études sérieu-
ses; il se perfectionna dans le français, de ma-
nière à le parler et à l'écrire avec facilité et élé-
gance. Il se rendit ensuite à l'université d'Edim-
bourg, et y suivit régulièrement les cours de loi
civile , de physique et de mathématiques. Mais
la meilleure partie de son temps était consacrée
LÉGARK 374
à la loi civile, et il se délassait de ces travaux
sérieux par un cours de littérature italienne. Les
troubles qui en 1 819 agitèrent plusieurs univer-
sités d'Allemagne l'empêchèrentde faire le voyage
qu'il y avait projeté. Il parcourut la Belgique, la
Hollande, les bords du Rhin et le nord de l'Italie,
et au printemps de 1820 il retourna aux États-
Unis, après une absence d'environ deux ans. Il
résida d'abord sur la plantation de sa mère.
L'estime dont jouissait sa famille et sa propre
réputation le firent nommer membre de la légis-
lature de l'État. Pour acquérir la pratique des
affaires , il s'attacha surtout aux travaux des
comités ; quelques discours, qu'il eutoccasion de
prononcer, le placèrent aussitôt parmi les meil-
leurs orateurs. Après avoir mis sa plantation en
bon état, il se fixa à Charleston avec sa famille,
et commença l'exercice de sa profession (1822).
Sou mérite même nuisit d'abord à son succès ,
sous le rapport de l'argent: les clients n'abon-
daient pas dans son cabinet; on le regardait
comme un avocat que l'amour des hautes études
rendait peu propre à la conduite des affaires or-
dinaires. La jalousie aussi avait exagéré son ins-
truction même, afin de le déprécier comme avocat.
Ces dispositions n'eurent qu'un temps. En 1824
il fut élu de nouveau à la législature , et ne la
quitta que lorsqu'il fut nommé attorney général
de son État. 11 y avait alors une grande agitation
dans les esprits au sujet du tarif. D'orageuses
discussions éclatèrent souvent. Légarése montra
le défenseur de la doctrine des States rights
(droits indépendants des États), mais fort op-
posé à celle de la nullification qui attaquait di-
rectement le gouvernement fédéral. Vers la fin
de 1827, une revue trimestrielle fut créée à
Charleston pour défendre les intérêts et les opi-
nions des États du sud en matière de politique
et de finances. Légaré en devint le principal
collaborateur, et contribua puissamment à son
succès. On y remarqua ses articles sur Y His-
toire de la Littérature romaine, sur une tra-
duction de la République de Cicéron, et sur
Y Économie publique d'Athènes. Il fut obligé
de les interrompre, lorsqu'en 1830 il eut été
nommé attorney général de l'État par la légis-
lature. Cette distinction était d'autant plus re-
marquable qu'il était encore jeune avocat et
qu'il avait combattu les opinions politiques de
la majorité de l'assemblée. Son instruction pro-
fonde et ses qualités d'esprit le rendaient émi-
nemment propre à ces fonctions. Il fit sensation
à Washington par la manière dont il plaida une
affaire importante devant la cour suprême , et
ce succès lui procura la connaissance et bientôt
l'amitié d'Edward Livingston, alors secrétaire
d'État, dont la réputation comme légiste était la
première des États-Unis. Le ministre mettait
une haute importance à l'étude et au perfec-
tionnement de la loi civile , et comme l'Europe
en était la source principale , il offrit à Légaié
le poste de chargé d'affaires en Belgique, afin
575 LÉGARE
de lui donner les moyens de s'y consacrer à des
études spéciales. Les devoirs de ce poste étaient
facile», et devaient lui laisser beaucoup de temps.
Légaré accepta, et se rendit à Bruxelles en 1833.
Placé près de la France, de l'Angleterre et de
l'Allemagne, il se trouvait en quelque sorte au
centre de la science légale et des plus riches bi-
bliothèques. Il apprit à fond l'allemand, pour
lire dans l'original les traités profonds publiés
sur l'ancienne jurisprudence , la loi romaine et
civile, et particulièrement les ouvrages de Sa-
vigny. Malgré ces études sérieuses , il fré-
quentait le grand monde, où sa société était très-
goûtée. On trouve dans ses œuvres l'extrait
d'un journal privé qui a rapport à la première
année de sa mission. Ces souvenirs, écrits sans
prétention, sont d'une lecture piquante et agréa-
ble par les anecdotes ou la finesse des observa-
tions. Avant de quitter la Belgique, il fit un
voyage dans le nord de l'Allemagne pour y con-
naître les universités et les hommes célèbres de
l'époque , et retourna en Amérique dans l'au-
tomne de 1836. Ces quatre années passées en
Europe lui avaient été extrêmement profitables.
Il en rapportait une instruction profonde, un
esprit mûri par l'expérience, une grande intel-
ligence des Etats européens. A son arrivée à
Charleston , il fut élu membre du congrès à
une majorité considérable. Quelques mois après,
une crise financière, causée à la fois par les
mesures du général Jackson et des spécula-
tions excessives , vint bouleverser l'Union toute
entière. Des débats orageux eurent lieu au con-
grès au sujet des meilleurs remèdes à y ap-
porter; Légaré s'y fit remarquer par un discours
plein de sagesse , de vues élevées et d'éloquence,
mais opposé aux vues de l'administration de Van
Buren. Il continua à parler et à voter avec une
forte minorité composée des whigs et d'une
partie des démocrates qui avaient abandonné la
politique financière du président Jackson. Aussi
à l'élection suivante il échoua dans sa nomina-
tion, par suite des efforts combinés des partis de
Calhoun et de van Buren. Il revint avec une
nouvelle ardeur à sa profession d'avocat , et fut
chargé de plusieurs affaires de grande impor-
tance, qui étendirent encore sa réputation. Il prit
une part brillante et active à la lutte présiden-
tielle de 1840, qui avait exalté au plus haut les
passions des deux partis. Les démocrates avaient
exercé le pouvoir depuis 1S29, et leurs adver-
saires leur attribuaient les désastres financiers
du pays. Légaré prononça à Richmond et à New-
York des discours qui firent sensation et furent
comparés à ceux de Webster et de Clay. Ce fut
aussi dans ce temps qu'il publia successivement
dans une revue de New-York trois articles
remarquables : Démostkène : l'homme, Vo-
rateur et le politique; — La Démocratie
athénienne; — Origine, Histoire et Influence
de la Loi romaine. En 1841 il fut appelé par
le président Tyler au poste d'attorney général
- LEGATI 376
des États-Unis, eten cette qualité devint membre
du cabinet. L'opinion générale applaudit à ce
choix: il y montra l'application la plus laborieuse
en même temps que l'esprit le plus éclairé et le
plus indépendant. Il avait à donner des opinions
raisonnées sur des questions constitutionnelles
qui sortaient de l'administration du gouverne-
ment, ou sur des affaires litigieuses portées
devant la cour suprême et dans lesquelles étaient
engagés des intérêts très-considérables. Il fallait
une profonde connaissance des lois et une grande
justesse de jugement. Il fut au niveau de ces
délicates fonctions , et bien que l'administration
du président Tyler ne fût pas populaire, Légaré
obtint par la droiture de son caractère et sa-
haute impartialité l'estime des partis qui atta-
quaient alors le président. A la retraite de Webs- '
ter, il fut chargé par un long intérim des fonc-t
tions de secrétaire d'État (affaires étrangères),
tout en conservant celles d'attorney général.i
C'était un lourd fardeau , car aux États-Unis ces
deux départements sont les plus importants et
les plus encombrés d'affaires. L'excès d'applica-
tion fut probablement une des causes de sa mort1
prématurée. Dans l'automne de 1842, il avait
été dangereusement malade, mais il avait
échappé, grâce à l'habileté des soins et au repos.
Il semblait avoir recouvré la santé et les forces ,
lorsque le président et le cabinet se rendirent à
Boston, en juin 1843, pour assister aux céré-
monies d'inauguration du monument de Bunker
Hill. A peine arrivé, Légaré fut attaqué par la!
même maladie dont il avait si cruellement souf-
fert, une gastrite aiguë. Malgré tous les soins
qui lui furent prodigués, il expira quelques joursi
après , avec calme et courage , bien qu'en proie
à de vives souffrances. Trois ans après sa mort,
ses principaux écrits ont été publiés en deux vo-i
lûmes qui contiennent son journal privé pendant
sa mission diplomatique, une partie de sa corres-
pondance privée et publique, ses principaux dis-
cours et les articles les plus importants fournis
à la Revue du Sud et à la Revue de New-York.
J. CUANUT.
Cyclopœdia of jmerican Literature. — Biographical
Notice, en tête du premier vol. de ses écrits.
LE gascon (N....), célèbre relieur français
du dix-septième siècle. Il relia presque tous les
livres des enfants de De Thou, et s'illustra par !
la reliure de la fameuse Guirlande de Julie. {
« Cet artiste véritable , dit M. Feydeau , atteignit
la perfection absolue de la dorure, et jamais son
secret ne fut retrouvé. C'est une netteté , une fi-
nesse qui décourage les mains les plus délicates
et les plus habiles. M. Pichon possède un exem-
plaire du Traité de la Physionomie d'Adaman-
tius habillé par cet homme unique ; c'est à ne
pas oser y toucher. » C'est pourtant seulement
à la dorure que Le Gascon sut donner tout son
éclat. L. L— t.
Feydeau, dans La Presse, du 26 novembre 1857.
legati (Laurent), médecin et philologue
77 LEGATI -
alien, né à Crémone, danslapremièremoitiédu
x-septième siècle, mort vers 1675. Il se fit
•cevoir- docteur en philosophie et en médecine,
it nommé professeur de grec à l'université de
ologne, et devint quelque temps après médecin
un prince de la maison de Gonzague. On a de
ii : Museo Cospiano annesso a quello del
wioso Ulisse Aldovrondi; Bologne, 1677,
fol.; — Agriomeleis, aut in silveslre pomo-
um genns métamorphoses; Bologne, 1677,
i_4°; — Chrysomrleis, sive aureorum malo-
uni JRistoria , mythice descripta ; Bologne ,
567, in-4". Legati a encore publié plusieurs
oëmes latins et grecs ; il a laissé en manuscrit:
thenxum Poetarum , et Lyceum Herculis ,
iivrage sur les littérateurs et les artistes de sa
ille natale. E. G.
Arisius , Cremona Literata, t. III.
legaitffrs ( Ambroise), canoniste fran-
lis, né au Grand-Lucé (Maine), en 1568, mort
Bayeux, le 23 novembre 1635. Il fut professeur
e droit canonique à l'université de Caen, vice-
îancelier de cette université, et trésorier de
église de Bayeux. Son mérite, partout reconnu,
! fit envoyer par la province de Normandie aux
fats généraux de 1614. Il n'a laissé qu'un livre
ititulé •• Synopsis Decretalium, seu ad sin-
ulos Decretalium titulos methodica juris
triusque mutationum distinctio; Paris,
656, in-fol. C'est le neveu d'Àmbroise, Hubert-
rançois Legauffre, maître des comptes à Paris,
ui surveilla l'impression de cet ouvrage. Huet
ous apprend qu'il était, de son temps, très-es-
imé. B. H.
Huet, Origines de Caen, ch. 24. — Hermant, Hist. du
Hocèse de Bayeux. — B. Hauréau , Hist. Liit. du Maine,
III, p. 34B.
le gay ( Louis-Pierre-Prudent ), littéra-
eur français , né à Paris, le 13 avril 1744, mort
lans la même ville, le 4 janvier 1826. Aprèsavoir
empli divers emplois en province , il entra, à
'époque de la révolution, dans l'administration
lies subsistances militaires, dont il devint direc-
teur. Il perdit sa place à la création de l'empire,
fet s'occupa de littérature; sous la restauration
ijl obtint un modeste emploi dans les bureaux
le l'université. Parmi ses ouvrages, on cite :
Pauline, ou les moyens de rendre les femmes
heureuses; Paris, 1802, in-8°; — Sainville
et Ledoux, ou sagesse et folie ; Paris, 1802,
B vol. in-12 ; — V Infidèle par circonstance ;
|Paris, 1803,2 vol. in-12; — Eglay, ou Va-
Imour et le plaisir; Paris, 1807, 2 vol.
in-12; — La Maison isolée; Paris, 1807,
4 vol. in-12; — Elisabeth Lange, ou le jouet
des événements ; Paris, 1808,3 vol. in-12; —
V Enfant de V Amour ; Paris, 1808, 3 vol.
in-12; — Le Marchand forain et ses fils;
Paris, 1808, 1819, 4 vol. in-12;— La Roche
du Diable; Paris, 1809, 5 vol. in-12; 1822,
4 vol. in-12; — Le Petit Savant de société,
recueil extrait des manuscrits d'Enfantin; Paris,
LEGAZPI 378
1.812, 4 vol. in-32;— Récréations de V En-
fance; Paris, 1816, 3 vol. in-18; — Le Conné-
table de Bourbon et la duchesse d'Angou-
lème; Paris, 1818, 2vol. in-12;— Le nou-
veau Magasin des Enfants; Paris, 1820, 3 vol.
in-18, etc., etc. Presque tous ces ouvrages ont
paru sous le voile de l'anonyme ou sous le nom
deLanglois, qui était celui de sa femme. J. V.
stimules biographiques ,- 1836, p. 484. — Arnault, Jay,
Joiiy et Norvins, Hiogr. nouv. des Contemp. — Quérard,
Iji France Littéraire.
LEfiAY (Louis- Joseph), poète français, né
à Arras, le 27 février 1759, mort vers 1830.
Beçu avocat au conseil d'Artois en 1783, il fut
nommé en 1790 commissaire du roi près du tri-
bunal de Sair.t-Poï, et exerça depuis les fonc-
tions de juge au même tribunal , et successive-
ment au tribunal d'Arras et au tribunal civil du
Pas-de-Calais séant à Saint-Omer. Il devint en-
suite commissaire du Directoire exécutif près les
tribunaux civil et criminel du même département.
A la suppression des tribunaux de département,
il fut nommé commissaire du gouvernement
près le tribunal de première instance de Béthune.
Lors de la réorganisation de ce tribunal, en 1810,
il n'y fut pas compris; mais il y fut rappelé en 1818.
Passionné pour la poésie, il avait fondé à l'âge
de vingt ans avec quelques amis de collège et
du barreau la Société anacréontique des Bosati
d'Arras. On a de lui : Mes Souvenirs ; Paris,
1786, in-8° ; — Du Célibat et du Divorce, dis-
cours prononcé à l'Académie d'Arras en 1787 ;
Douai, 1816, in-8°. J. V.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Con-
temp. — Quérard, La France Littéraire.
legazp! ( D. Miguel Lopez de ) , conqué-
rant des Philippines, né dans le bourg de Zu-
barraja, vers le commencement du seizième siècle
mort, au mois de mai 1572. Il appartenait à une
famille noble du Guipuscoa, et il commença à
naviguer de bonne heure. Il se rendit au Mexique
en 1545, et devint principal secrétaire (escri-
vano mayor)àn cabildo de Mexico. En 1563,
et sous l'administration de D. Luiz de Velasco,
vice-roi de la Nouvelle-Espagne, on se préoc-
cupait singulièrement d'utiliser les grandes dé-
couvertes de Magellan , et on décida de nouveau
qu'on ferait la conquête des Philippines. Legazpi
fut nommé chef de l'expédition, composée de
quatre navires et d'une frégate armés dans le port
de la Natividad. Après avoir obtenu de ses su-
périeurs les licences indispensables. Urdaneta,
qui devait l'accompagner, embarqua avec lui cinq
religieux de l'ordre auquel il appartenait, et dont
il devint le supérieur. Parmi ces missionnaires
il y en avait un d'un savoir peu commun en
mathématiques et en géographie; c'était frère
Martin de Bada , qui ne le cédait sous ce rapport
qu'à Urdaneta (1).
(1) Nous rappellerons que dix- neuf ans auparavant le
vice-roi du Mexique D. An'.onio de Mendoza, voulant
faire explorer plusieurs archipels très-vaguement connu»
379
LEGAZPI
Le 21 novembre 1563, la flottille commandée
par Legazpi mit à la voile, et fit sa première re-
lâche dans l'île des Larrons. On nommait ainsi
alors l'archipel des Mariannes, qui le 9 janvier
de l'année suivante devait être connue des
navigateurs sous une autre dénomination. Le-
gazpi en prit possession au nom de la cou-
ronne; puis il navigua à l'ouest, et le 13 fé-
vrier il aperçut l'archipel, but de l'expédition.
On jela l'ancre dans une grande baie abritée
par de hauts rochers, el le général ayant expédié
à terre son mestre de camp, Martin de Coyti ,
que le père Urdaneta voulut accompagner, il se
trouva, selon leur rapport, que tout était désert.
On ne resta pas longtemps dans cette croyance :
le lendemain, un canot, monté par plusieurs na-
turels, parut et se dirigea vers la capitane. Le
principal parmi ces insulaires apprit aux Espa-
gnols que l'île s'appelait Ybabao. Il n'hésita
pas, ainsi que ses compagnons, à montera bord,
et il reçut un si bon accueil qu'il décida ses com-
patriotes à visiter les étrangers ; les chefs de l'île
vinrent à leur tour ; des rapports affables s'éta-
blirent entre les naturels et les Européens. Des
présents même furent offerts à Legazpi et à ses
équipages ; mais l'on ne peut s'empêcher de re-
marquer que s'ils apportèrent des fruits en abon-
dance , ils se contentèrent d'offrir au chef des
étrangers un seul coq et un seul œuf.
Legazpi fit alors des tentatives pour trouver
un port qui offrît plus de commodités et surtout
des provisions d'une autre nature. Dans ce but,
il expédia, sur une barque armée, Juan de la Isla
accompagné de quelques soldats et de deux re-
ligieux. Malheureusement , ce fut à la suite de
cette recherche que les hostilités commencè-
rent; elles eurent lieu d'abord de la part des In-
diens, mais elles furent provoquées par l'ardeur
imprudente d'un seul. Un gentilhomme, nommé
Francisco Gomez , qui faisait partie de la maison
du général , apercevant quelques insulaires sur
le rivage, prétendit qu'il allait « se saigner avec
les Indiens » : c'était le mot dont les braves de
l'époque se servaient; le capitaine et les religieux
s'opposèrent vainement à cet acte de témérité
inutile. Notre homme ne se trouva pas plus tôt à
terre qu'un trait lancé d'une main vigoureuse lui
traversa la poitrine ; le malheureux Gomez eut
à peine la force de gagner le canot qui l'avait
amené; il alla mourir quelques instants après
entre les bras des religieux. Chose étrange, les
delà mer du Sud, avait confié une escadre d'explora-
tion à Ruy Lopez de Viiialobos. Cette expédition était
partie à la Toussaint de l'année 1542. Elle se composait
de deux bâtiments de haut bord , de deux pataches et
d'une galère; elle accomplit de notables découvertes;
sur lesquelles il nous reste fort peu de détails. Ruy l.opez
fit même explorer alors pour la première fois la grande
île de Mindanao, où il envoya Bernardo de la Torre. l.a
Torre fui repoussé par les insulaires, et l'un drs bâti-
ments de l'escadre ayant été expédié vers la Nouvelle-
Espagne, ce navire alla relâcher au groupe d'îles vu
naguère par Magellan et nommé cette fois les Philip-
pines.
380
Te, et
hilip-
actes de ee genre ne se renouvelèren; ;■;
le caractère distinctif de la conquête des
pines, c'est cette absence de combats lors du
contact des Espagnols avec l'une des races les
plus bellliqneuses de cet archipel; tout l'hon-
neur en revient certainement à Legazpi. Nous ne
suivrons pas ce général à travers plusieurs au-
tres incidents; partout il sut trouver un accueil
favorable auprès des naturels. Après de patientes
recherches, il rencontra, pour abriter sa Hotte,'
une petite baie , qu'on appela l'anse de San-Pedro.'
Sur la rive s'élevait une bourgade , que les na-».
lurels nommaient Cancongo : c'était la résidence*
d'un petit radjah. Nonobstant ce qu'on lui avajt
dit du péril qu'il y avait à faire alliance avec les
blancs, Tandaya accueillit les Espagnols; le gé-
néral prit solennellement possession du pays;
pour la première fois la messe y fut célébrée, et un
fort y fut bâti. A partir de ce moment, les explo-i
rations armées, ne discontinuèrent plus, et rien ne
surprit autant les Espagnols que la variété des>
races et la bizarrerie des usages qu'ils rencontrè-i
rent. L'immense archipel que l'on allait annexer
à l'Espagne était bien vaguement connu en 1565:
on savait quelque chose des richesses de son ter
ritoire , on ne savait rien de ses révolutions. Ce!
îles magnifiques étaient peuplées originairement
par deux variétés de noirs Océaniens , dont oi<
connaît encore aujourd'hui fort clairement la des
cendance ; ces îles, convoitées par l'Espagne e
par le Portugal , avaient déjà reçu des peuple
conquérants , d'une autre race : c'était l'immense
Kalementan, que nous avons nommé Bornéo
qui avait peuplé ces plages d'une variété d'hom
mes à la fois belliqueuse et rusée. Les Tagales
qui par plus d'un trait se rapprochaient des M»
lais purs, les Tagales , qui avaient une écriture
différente de celle des autres peuples orientaux
et qui par ce seul fait l'emportaient peut-être
en civilisation réelle sur les Aztèques , reçurent
comme ceux-ci le nom d' Indios ; c'était contre
eux surtout que la cour d'Espagne songeait l
se précautionner, c'était contre leur persévé-
rance dans la défense et leur astucieuse fera-
cité dans l'attaque, que Legazpi avait reçu l'ordre
de se prémunir. A force d'habileté, de prn
dence, de fermeté et d'esprit de justice , il sut
les dompter.
La première opération vraiment importante de
Legazpi fut la soumission de l'île où Magellat
avait trouvé la mort. Il entra dans la rade de
Cebu le 25 avril 1565, et cette fois les Bisayas,
se montrant infiniment plus pacifiques qu'ils ne
l'avaient été trente-cinq ans auparavant, ac-
ceptèrent la domination espagnole , reçurent des ;
missionnaires, et commencèrent à se laisser con-
vertir. Ce fut de' cette île que le savant Urdâ- \
neta fut envoyé en Europe , pour y faire con-
naître la véritable situation des choses; Legazpi
continua ses explorations, et découvrit l'île im-
portante de Panay ; des missionnaires furenf
laissés sur cette terre d'idolâtres, et tandis que
S! LEGAZPI —
ilirii liait à l'orée de patience toutes les
es Bîsàyas, le général, persistant dans son des-
ein d'atteindre la grande île considérée comme
métropole de l'archipel, arrivait à travers mille
angers dans Lousong (1), la terre dominée
ar ces fiers Tagales dont nous avons fait con-
aître l'origine Cette région magnifique, traversée
ar le fleuve Pasig, était dominée par plusieurs
jlêfs ; les deux principaux étaient le radjah
[atanda ( le vieux radjah ) , et radjah Soliman,
on neveu, dont le nom annonce une origine
lusulmane. Selon toute apparence, ce chef
vait fait alliance avec les Portugais et pos-
tait quelques pièces d'artillerie, servies par
d chrétien. Il attaqua Juan de Salcedo, mettre
e camp du général; mais il eut bientôt à s'en
îpentir, et fut contraint de demander la paix.
on oncle n'avait pas participé aux hostilités,
resque sans coup férir, les Espagnols se trou-
aient maîtres du fort, qui commandait l'entrée
a Pasig. Par suite de la direction des vents,
expédition fut obligée de se réfugier dans la baie
e. Cavité.
La mission donnée à Urdaneta n'avait pas
é inutile : le 25 juin 1569, Legazpi vit entrer
ans le port trois navires arrivant de Cadix;
l ordre de la cour lui enjoignait de prendre
ossession des Philippines : il fonda immé-
atement à Cebu la ville du saint nom de
ieu ( Ciudad del santo nombre de Bios),
se mit en mesure d'effectuer la conquête de
ousong. L'expédition, qui devait ranger sous
obéissance de Philippe II cette région opu-
nte, mit à la voile de Panay, le 15 avril
570. Quand le général passa en revue, dans
le de Lestaga, les forces dont il pouvait dis-
oser, il se trouva qu'elles ne dépassaient pas
eux cent quatre-vingts hommes. Ce fut avec
;tte petite armée qu'il mit à la raison le radjah
oliman, oublieux de ses engagements, et qu'il
mda la ville de Manille. Un acte d'humanité
i avait valu l'affection des Chinois, et le sauve-
ige d'une jonque prête à périr était devenu l'o-
gine d'un commerce florissant. En quelques
lois non seulement les Tagales étaient soumis,
îais les peuples reculés de l'île, qui ne parlaient
oint leur langage , reconnaissaient la domina-
on espagnole. Le 15 mai 1571, Legazpi avait
ris possession solennellement de Manille. Quel-
ues mois plus tard un chef, nommé Locandola,
sait se révolter; quatre-vingts hommes suffi-
ent pour l'abattre, et une amnistie générale ra-
lena la paix. La ville naissante de Manille, dé-
'uite accidentellement par un incendie, commen-
ait à être reconstruite sur les plans de l'architecte
ui avait bâti l'Escurial ; de nouveaux mission-
, (1) L'Ile de Luçon, fertile en riz, tirait son nom des pi-
>ns qu'on employait pour dccorliquer ce grain dans des
spèces de mortiers en bois dont l'usage s'est conserve,
haque habitation avait son lousong, son pilon, propre à
i préparation du riz, et cet instrument bien simple im-
osa son nom à l'île. Les Tagales s'appelaient dans leur
ingue Tagalog.
LEGENDRE 3S2
naires arrivaient en même temps d'Espagne;
! les auguslins, les franciscains et les domini-
cains allaient, loin delà capitale naissante, sou-
mettre au christianisme les villages indiens.
Au mois de mai 1572, les transactions avec la
' Chine présentaient un nouvel accroissement, et
! des bâtiments chargés de riches marchandises
entraient dans le port de Manille; h' P. Diego
de Bercera établissait par ordre du gouverneur
des bases solides pour continuer ce commerce,
lorsque Legazpi fut frappé d'apoplexie. Cet homme
de bien, dit ^historiographe de la colonie, avait
éprouvé une vive contrariété, et l'ut enlevé à la
colonie en quelques heures. Les ordres religieux
s'assemblèrent, et on lui fit des obsèques solen-
nelles dans l'église Saint-Augustin. « Tout le
monde pleurait à son enterrement, » dit le père
Juah de la Concepcion. Son unique ambition
avait été « de mériter les tilres de prudent et
de pacifique et non celui de conquistador ».
Ce peu de mots du vieil historien dit d'une façon
exacte la différence qui existait entre Cortez et
Legazpi. Ce fut le trésorier général des finances,
Guido deLabazarri, qui lui succéda.
Ferdinand Denis.
Fr. Juan de La Concepcion, flistoria gênerai de Phi-
lippinns, conquistas espirituales y temporales de estos
espano/es clominios, establicimientos, progressos, y
decadencias, etc. ; en Ma u il la, 1788 et ann. suiv., 14 vol.
in-i°. — Turqiiemada, Monarquia Indiana. — J. iUal-
lat, Les Philippines, histoire, géographie, mœurs-
Paris, 1846, 2 vol. in-8°.
legendee (Louis), historien français, né
à Rouen, en 1655, mort à Paris, le Ie'' février
1733. Ayant embrassé l'état ecclésiastique, il
s'attacha à François de Harlay, d'abord arche-
vêque de Rouen, puis de Paris, et qui lui
donna un des canonicats de Notre-Dame en 1690.
En 1724, Legendre obtint l'abbaye de Claire-
Fontaine, au diocèse de Chartres. Son testament
était rempli de fondations singulières qui exci-
tèrent des- contestations, et l'autorité les ap-
pliqua à l'université de Paris pour une dis-
tribution solennelle de prix entre les classes
supérieures des différents collèges. La première
distribution eut lieu en 1747. Il avait aussi laissé
des fonds pour contribuer à la fondation d'une
académie à Rouen , qui fut érigée en 1 744. On
doit à l'abbé Legendre : Eloge de François de
Harlay; Paris, 1695, in-8°; — Essai du règne
de Louis le Grand jusqu'à la paix générale
de 1697; Paris, 1697, in-4°; — Claudii
Joly, prsecentoris ac Canonici , nec non offi-
ciai is Parisiensis, Laudatto; Paris, 1700,in-8° ;
— Histoire de France, contenant le règne
des rois des deux premières races; Paris,
1700, 3 vol. in-12 ; — Les Mœurs et Coutumes
des Français dans les premiers temps de la
monarchie; Paris, 1712, in-12; 1740, in-12;
le même ouvrage précédé des Mœurs des an-
ciens Germains, etc., traduit de Tacite par
Fr. Bruys ; Paris, 1753, in-12;— Nouvelle His-
toire de France, depuis le commencement de
383
LEGENDRE
384
la monarchie jusqu'à la mort de Louis XIII;
Paris, 1718, 3 vol. in-fol. ou 8 vol. in- 12; —
Vita Francisa de Harlay ; Paris , 1720, in-4°;
Vie du cardinal d'Amboise, ministre de
Louis XII, avec un parallèle des cardinaux
célèbres qui ont gouverné des Etats; 1724,
2 vol. in-12; 1726, in-4°. On attribue aussi à
l'abbé Legendre : Réponse de M. le chevalier
de Vendôme, grand-prieur de France, à quel-
ques articles du mémoire des princes du
sang, 1717, in-8°, que d'autres attribuent à
l'abbé de Chaulieu. L. L— t.
Lenglet, Méthode pour étudier l'hist. — Morérl,
Grand Dictionnaire historique. — Gullbert, Mém.
Littér. et Biogr. - Quérard, La France Littéraire.
LEGENDRE ( Mme DOUBLET DE PERSAN ),
femme de lettres, née à Paris, en 1687, morte
en 1771. Elle manifesta de bonne heure beaucoup
de goût pour les belles-lettres, et, devenue la
femme de Doublet de Persan , intendant du Com-
merce, ses salons furent toujours ouverts aux sa-
vants et aux hommes d'esprit. Chacun y avait
sa place marquée et son fauteuil au-dessous
de son portrait. Deux registres étaient posés sur
deux pupitres : sur l'un on inscrivait les nou-
velles douteuses, sur l'autre les nouvelles vraies.
Ce double journal fut longtemps la source des
Nouvelles à la main, qui eurent tant d'impor-
tance jusqu'à la révolution. La société de
Mme Doublet de Persan était fort mélangée. On
y trouvait, après son frère l'abbé Legendre, vé-
nérable abbé
Qui siégeait à table
Mieux qu'au jubé » ;
Piron , Lacurne de Sainte-Palaye , l'abbé chau-
velin, l'abbé Xaupy, Mairan, Mirabaud, d'Ar-
gental, Falconet, Voisenon, etc., etc. Bachau-
mont, ami intime de la maîtresse de la maison,
présidait aux discussions académiques qui occu-
paient une partie de la soirée, puis aux soupers
altiques qui y succédaient. Après la mort de
son mari, elle se retira au couvent des Filles-
Saint-Tliomas, d'où elle ne sortit plus. Elle ne
cessa pas d'ouvrir sa retraite à tout ce que Paris
possédait d'hommes distingués. Pidansat de
Mairobert se prétendait son fils et celui de Ba-
chaumont ; mais rien ne justifiait une pareille
prétention. Mme Doublet mourut sourde et
nonagénaire , privée d'une partie de ses fa-
cultés intellectuelles. Jusque là Mme Legendre
avait vécu éloignée de l'Église : on introdui-
sit près d'elle un prêtre jésuite très-éloquent;
il parvint à convertir la vieille philosophe, qui
demanda même à embrasser son confesseur.
On a mis sous son nom des Mémoires secrets
où les contemporains ont largement puisé.
É. Desnues.
Bachauroont, Mémoires, passim.
legendre ( Gilbert-Charles) , marquis de
Saint-Aubin-sur-Loire, historien français , né à
Paris, en 1688, mort dans la même ville, le 8 mai
1746. Il reçut une éducation solide, et fut pourvu
de bonne heure d'une charge de conseiller au
parlement. En 1714 il fut nommé maître des
requêtes ordinaires de l'hôtel du roi; quelques
années après, il donna sa démission pour se li-
vrer entièrement à ses études. On a de lui ;
Traité de l'Opinion, ou mémoires pour servir
à l'histoire de l'esprit humain; Paris, 1735,
6 vol. in-12; 1741, 7 vol. in-12; 1758, 9 vol.
in-12; — Des Antiquités de la Maison de
Fiance et des Maisons Mérovingienne et Car-
lienne; Paris, 1739, in-4°; — Antiquités de
la Nation et de la Monarchie françoises ; Pa-
ris, 1741,in-4°; — Dissertation sur le Temps.
et l'Authenticité de Roricon, dans le Mercure
d'octobre 1741. J. V.
Lenglet, Suppl. à la Méthode pour étudier l'histoire.
— Morérl, Grand Dict. hist. — Chaudon et Delandtne'
Dict. univ. Hist., Crit. et Bibliog. — Quérard, La France
Littéraire.
legendre de la Nièvre, homme politique
français, né près de Nevers , mort vers 1822.
Il était maître de forges à l'époque de la révo-
lution, et se montra grand partisan des idées
libérales. Ses concitoyens le nommèrent, en sep-
tembre 1792, député à la Convention nationale.
Dans le procès du roi, il vota pour la mort. Il
fut un des commissaires chargés de faire exé-
cuter le décret du 23 août 1793, ordonnant la
levée en masse des Français capables de porter
les armes. Il ne prit point part aux sanglantes
luttes de la Convention , mais s'en fit l'historien
dans un écrit qu'il publia en 1795. Réélu pan
son département membre du Conseil des Cinqi
Cents, il y siégea jusqu'en mai 1799.11 fit unei
motion pour la création de six cents millions de!
billets de banque, et combattit le projet relatif à
concéder la propriété des halles publiques. Il
était rentré dans la vie privée lorsque la loi d'am-i
nistie (12 janvier 1816) le força d'émigrer en
Suisse. H. L.
Le Moniteur universel, an il (1793) , n° 25; an ni,.
n°» S et 338 ; an vi,n°» 152 et 261; an vu, nM 18 et 155.
— Biographie moderne ( 1806). — Petite Biog. Convent
(1815).— Arnault, Jay, J'ouy et Norvins, Biog.'nouvelh
desCnntemp. (1823).
legendre (Nicolas), sculpteur français,
né à Étampes, en 1619, mort à Paris, en 1671
Élève d'un artiste assez médiocre, il dut ses
progrès à ses dispositions naturelles, et devin>
rapidement maître juré de son corps. Il fu
reçu membre de l'Académie royale de Peintun
et de Sculpture, le 6 décembre 1664, et admi:
à professer dans cette assemblée, le 4 juillet 1665
Il excellait surtout à travailler le bois, maniai
fort bien le stuc, et fut souvent employé dans le
domaines royaux. On cite de lui : dans la char
treuse de Gaillon, plusieurs figures en pierre re
présentant Saint Bruno dans diverses attitu
des ; — à Senlis, dans l'abbaye de la Victoire
plusieurs statues de saints fort estimées ; —
Paris : la sculpture de la porte du collège à
La Marche (autrefois rue Sainte-Geneviève-de
la - Montagne ) ; on y remarquait des têtes d
Christ et de la Vierge d'un fort beau caractèi
385
— à l'église Saint-Paul toute la sculpture de
l'œuvre comprenant une Noire-Dame de Dou-
leur qui soutient stir ses genoux un Christ
mort; les statues de Saint Pierre et de Saint
Paul; la Conversion de ce dernier saint, ainsi
que son martyre; Saint Pierre sur le lac de
Tibériade; le même saint recevant les clefs du
Paradis ; huit anges dans diverses positions ado-
ratives, etc. ; La décoration de V hôtel de Beau-
vais, rue Saint-Antoine ( 1657, avec Hutinot); —
des sculptures considérables dans l'église Saint-
NicoIas-du-Chardonnet, entre autres les statues
de Saint Denis et de Sainte Geneviève; celle de
La Vierge tenant l'enfant Jésus; Dieu le Père,
en stuc, etc. ; — une Madeleine repentante,
en terre cuite (lfi64), aujourd'hui à l'École des
Beaux -Arts; — au collège des Quatre-Nations ,
e grand fronton dans la première cour à gauche
en entrant, et représentant La Tempérance et
La Prudence ; — aux Carmélites, Saint Élie et
Sainte Thérèse; — chez les Bénédictins d'Issy,
Saint Benoit et Sainte Scolaslique ; — de
lombreuses décorations au château de Meudon;
- une partie des figures et des ornements duma-
uifique château de Vaux (1659); — à Poitiers,
lans la cathédrale, Sainte Radegonde ; — dans
'église d'Étampes, Saint Leu et Saint Gilles,
:tde nombreuses autres œuvres, aujourd'hui per-
lues ou exécutées pour des édifices démolis.
parmi les meilleurs élèves de Legendre on re-
narque son fils aîné et Flamand. A. deLacaze.
Quilliet de Saint-Georges, manuscrit conservé à l'École
des Beaux-Arts. — Mémoires inéditssur lavie et les en-
rages de l'Académie royale de. Peinture et de Sculpt.,
. 1, p. 403-414.
legendre ( A drien- Marie) , mathémati-
cien français, né à Toulouse, en 1752, et mort à
Saris, le 10 janvier 1833. Il termina ses études
lu collège Mazarin , et eut de bonne heure un
;oût prononcé pour l'étude des mathématiques.
3n ne connaît rien de particulier sur sa vie pri-
vée. Legendre d'ailleurs a toujours gardé le plus
irofond silence sur sa première jeunesse^- il avait
même exprimé le désir que si on venait à écrire
sa vie, on ne parlât que de ses travaux. A peine
>orti du collège , il prit part à la rédaction du
Traité de Mécanique que son professeur, l'abbé
Marie, publia; on y trouve de Legendre quel-
jues théorèmes sur les forces accélératrices,
lui éveillèrent l'attention des savants. Peu de
emps après, grâce à D'Alembert, qui l'avait pu
ipprécier, il obtint une chaire de mathématiques
l'École Militaire de Paris. Dès ce moment
es mathématiques devinrent son unique occupa-
ion. Euler surtout fut médité d'une manière
ssidue, et l'on peut dire que Legendre savait par
:œur les ouvrages de cet analyste. Il entra à
'Académie en 1783, fut membre du Bureau des
ongitudes , et conseiller à vie de l'université.
On a de lui .Éléments de Géométrie; Paris,
1794, in-8°; 2e édit., 1823; et depuis un très-
?rand nombre de tirages. Les premières éditions
ne comprennent pas la trigonométrie ; les der-
NOCV. BIOfiR. CÉNÉR. — T. XXX.
LEGENDRE 386
nières au contraire contiennent une série de
notes dans lesquelles il démontre les principaux
théorèmes sur les parallèles et les figures pro-
portionnelles. C'est dans cet ouvrage, que tout
le monde connaît , qu'on a remarqué pour la
première fois un genre d'égalité dont la consi-
dération, négligée jusque là, était cependant né-
cessaire pour rendre complètes les démonstra-
tions qu'on suivait depuis Éuclide. On lui a tou-
jours reproché d'avoir gardé l'ancienne et vi-
cieuse définition de l'angle et de ne pas avoir
adopté la théorie des parallèles de Bertrand ; —
Exposé des opérations faites en France en
1787 pour la jonction des observations de Pa-
ris et de Greenwich par Cassini, Mechain et
Legendre, avec la description et l'usage d'un
nouvel instrument propre à donner la me-
sure des angles à la précision d'une seconde;
Paris, in-4° : c'est un recueil complet des ren-
seignements pour sa célèbre opération de 1787.
Il y a réuni deux mémoires qui en donnent la
théorie à côté de l'exposé historique ; — Exer-
cices de Calcul intégral sur divers ordres de
transcendantes et sur les quadratures ; Paris ,
1807, 3 vol. in-4° (y compris plusieurs supplé-
ments ). Ces exercices lui ont demandé vingt ans
d'un travail consciencieux et opiniâtre. On peut les
diviser en deux parties, l'une consacrée aux fonc-
tions elliptiques , l'autre aux intégrales eulé-
riennes , aux quadratures, etc. Son but était de
réunir en un corps d'ouvrage tout ce que la
théorie des transcendantes et surtout celle des
intégrales définies offrent de plus remarquable;
— Traité des fonctions elliptiques et des in-
tégrales eulériennes avec des tables pour
en faciliter le calcul numérique ; Paris, 1827,
2 vol. in-4° ( plus un 3e vol., composé de trois
suppléments, qui parurent successivement de
1827 à 1832. Dans ses Exercices de calcul inté-
gral, Legendre avait traité avec développement
en même temps qu'il y attachait beaucoup d'im-
portance, les fonctions elliptiques avec leurs
applications à différents problèmes de géométrie
et de mécanique , et la construction des tables
nécessaires pour l'usage de ces fonctions. Le
temps lui ayant permis de perfectionner la théo-
rie de ces transcendantes, et d'en étendre les ap-
plications, il crut devoir les reproduire dans
ce nouveau Traité des fonctions elliptiques :
Il avait toujours pensé qu'on pouvait ranger
dans un ordre méthodique les diverses trans-
cendantes qu'on connaissait et qu'on employait
sous le nom de quadratures. Il prétendait avec
raison que si, en étudiant leurs propriétés , on
trouvait le moyen de les réduire aux expressions
les plus simples dont elles sont susceplibles dans
l'état de généralité, et d'en calculer avec facilité
les valeurs approchées lorsqu'elles deviennenten-
tièrement déterminées, alors les transcendantes,
désignées chacune par un caractère particulier et
soumises à un algorithme convenable, pourraient
être employées dans l'analyse à peu près comme
13
387
LEGENDRE
388
le sont les arcs de cercle et les logarithmes, et
les applications du calcul intégral ne seraient
plus arrêtées par cette espèce de barrière qu'on
ne tente guère de franchir lorsque le problème
est ramené aux quadratures. Mais comme il sa-
vait qu'il serait presque impossible d'exécuter
un si vaste plan, il était du moins persuadé
qu'on pouvait le réaliser à l'égard des transcen-
dantes qui se rapprochent le plus des fonctions
circulaires et logarithmiques, telles que les arcs
d'ellipse et d'hyperbole et en général les trans-
cendantes auxquelles on donne le nom de fonc-
tions elliptiques. Après avoir examiné, dans le
premier volume, la théorie proprement dite des
fonctions elliptiques, il en fait l'application à la
géométrie et à la mécanique, considérant d'un
coté la surface du cône oblique, l'aire de l'ellip-
soïde, etc., de l'autre le mouvement de rotation
d'un corps solide autour d'un point fixe, et celui
d'un corps attiré vers deux centres fixes. Le
second volume contient la construction des ta-
bles elliptiques et un traité des intégrales eulé-
riennes. Le troisième n'est en quelque sorte
qu'un supplément aux fonctions elliptiques, dans
lequel sont exposés les travaux de même nature
d'Abel et de Jacobi.
La Théorie des Nombres; Paris, 1830, 2 vol.
in-4°, parut d'abord sous le titre d'Essai sui-
tes Nombres, 1798. Des savants tels qu'Eùler et
Fermât s'étaient déjà occupés de la théorie des
nombres, que Legendre essaya de perfectionner.
On a en outre de lui dix-neuf mémoires insérés
dans les divers recueils consacrés aux travaux
de l'Académie des Sciences : Recherches sur la
figure des planètes; 1784 et 1789 : l'auteur y
donne la première et la seule solution directe
connuejusque alors du problème de la figure d'une
planète homogène et supposée fluide, et étend
ensuite ses recherches au cas général d'une pla-
nète composée de couches hétérogènes; — Re-
cherches sur V altération des sphéroïdes ho-
mogènes, 1785. Lagrange avait soumis au calcul
la question importante de l'attraction des sphé-
roïdes, déjà traitée synthétiquement par Newton
et Maclaurin. Persuadé que ce grand analyste
n'avait pas épuisé la matière, Legendre choisit
cette même question pour le sujet de ses pre-
mières recherches ; elles furent heureuses, et la
réduction en séries dont il fit usage donna nais-
sance à des théorèmes qu'on a étendus ensuite,
et qui sont encore à présent la base de la théorie
générale à laquelle on s'est élevé ; — Sur les
Intégrales doubles; 1788; — L'Altération
des ellipses homogènes; 1810; — Nouvelle
Formule pour réduire en distances vraies
les distances apparentes de la Lune au
Soleil ou à une étoile ; — Sur l'es Opéra-
tions trigonométriques dont le résultat dé-
pend de la ligure de la Terre, et Suite du
Calcul des Triangles qui servent à déterminer
la différence des longitudes entre l'observa-
toire de Paris et celui de Greenwich, 1787; —
Analyse des triangles tracés sur la surface
d'un sphéroïde; 1806 ; — Sîir les Intégral ions
par arcs d'ellipse ; 1786 ; — Recherches d'a-
nalyse indéterminée ; 1784; — Sur l'intégra-
tion de quelques équations aux différences
partielles; 1787; —Sur les intégrales par-
tielles des équations différentielles ; 1790; —
Méthode des moindres carrés, pour trouver
le milieu le plus probable entre les résultats
de diverses observations ; 1 805 ; — Rechercha
sur le théorème de Fermât; 1785; — Nouvelle
Théorie des Parallèles , avec un appendice
contenant la manière de perfectionner le
théorie des parallèles; Paris, 1803, in-8°, etc
C'est ce qu'on appelle aujourd'hui l&mélhode di\
moindre carré des erreurs. La place a montre
tout l'avantage probable de cette méthode sous
le rapport de la précision des résultats. JacobI
Rabbe, etc., Biographie des Contemporains. — Mo]
niteur de 1833.
legendre ( Louis), homme politique fran
çais, né à Paris, en 1755, mort dans la mêm
ville, le 13 décembre 1797. Il exerçait à Pari
la profession de boucher lorsque la révolutio
éclata. Recherché par les Lameth en 1789, oi
le vit le 13 juillet à la tête du rassemblemen
qui promenait dans les rues les bustes de Neclte
et du duc d'Orléans ; et ce fut lui qui le 14, de
cidant le peuple à se rendre aux Invalides pou
y prendre des armes , le conduisit ensuite à 1
Bastille. Il fut un des principaux acteurs de 1
journée du 5 octobre , et s'agita beaucoup pouL.
empêcher le départ des tantes de Louis X\
pour Rome et celui de ce monarque pour Saint 'î
Cloud ; enfin , après la fuite et le retour de Va J
rennes , il fut , avec Danton , Camille Desmou
lins, Fabre d'Églantine et Marat, l'un des priri
cipaux instigateurs du mouvement dont le ré!
sultat devait être la signature par le peuple,
la présentation à l'Assemblée nationale d'un
pétition demandant la déchéance du roi. L(
pétitionnaires furent sommés de se disperser,
la loi martiale, proclamée par Bailly, fut exf
cutée par La Fayette. Ce fut vers cette époqi:
que Legendre devint un des fondateurs du clu
des Cordeliers ; il devint aussi l'un des principau
acteurs des journées du 20 juin et du 10 août
ce fut lui qui, dans la première de ces d eu
journées , présenta le bonnet rouge à Louis XV
Élu membre de la Convention par les électeui
de Paris , il pressa, avec de vives instances,
procès de Louis XVI; vota la mort du roi sar
appel ni sursis, en rappelant qu'il était un de ceu
qui avaient été l'attaquer dans son château d<
Tuileries. Il paraît constant que pendant le cou
du procès, soit à la tribune de la Conventioi
soit à celle de Jacobins, il demanda que le corj
de l'ex-roi fût divisé en quatre- vingt- quati
morceaux, afin qu'on pût en envoyer un à en?
cun des quatre-vingt-quatre départements
la république. Devenu membre du comité c
sûreté générale, il contribua puissamment
89
LEGEKDRË
i chute des girondins, dans les journées du
1 mai et du 2 juin, et on l'entendit, dans la
remière de ces journées, menacer Lanjuinais
e le jeter en bas de la tribune s'il persistait
vouloir défendre la commission des Douze.
censé d'hébertisme, et menacé d'exclusion
rs d'une épuration du club des Jacobins, en
nvier 1794, il se disculpa en s'appuyant de
imitié de Marat , et parvint ainsi à se faire
aintenir sur la liste des membres de la société.
)rs de l'arrestation de Danton , il essaya d'a-
[rd de le défendre; puis, voyant que la majo-
ré de la Convention lui était contraire, il se hâta
i se rétracter, et déclara qu'à l'avenir il ne re-
ndrait du patriotisme de personne et ne dé-
idrait plus aucun accusé. Lié avec Tallien et
'éron , il joua , comme eux , un rôle important
ns la révolution du 9 thermidor. Aussitôt que
décret d'arrestation eut été porté contre Robes-
;rre et ses amis, il s'élança à la tribune, dé-
ima contre les vaincus avec une extrême vio-
îce ; puis, courant à la salle des Jacobins , il en
expulser tous les membres, en ferma les portes,
en emporta les clefs, qu'il remit à la Conven-
n. A partir de cette époque, Legendre ne cessa
poursuivre les membres du parti dont il avait
t partie, en les traitant de terroristes, de bu-
\irs de sang ; il demanda surtout la proscription
à anciens membres du gouvernement, « de ces
înds coupables , disait-il, qui obscurcissaient
orizon des vapeurs du crime ». Nommé pré-
lent de la Convention, il prononça le décret
iccusation contre Carrier, et attaqua ensuite
jgnet ; mais en même temps , effrayé de la
relie de la réaction qui pouvait à la fin l'at-
adre aussi, il se prononça avec une grande
j îrgie contre les prêtres , les émigrés , et sur-
. it contre les députés proscrits , à la réintégra-
n desquels il s'opposa de toutes ses forces,
eut une grande part aux journées du 12 ger-
lal, du 1er prairial et du 1.3 vendémiaire;
. le vit plus d'une fois marcher à la tête
i ; troupes contre les insurgés ; et la Conven-
a lui fut en grande partie redevable de son
>mphe. Entré au Conseil des Anciens lors
la mise en vigueur de la constitution d.e
i m, il y joua un rôle moins important qu'à
onvention; cependant on l'y vit encore, le
février 1796, monter à la tribune pour se
indre de l'indulgence du gouvernement à l'é-
■d des émigrés et menacer Portalis de détruire
sophismes avec la hache de la raison. Il
nanda, lors de la conspiration de Babeuf, que
is les ex-conventionnels fussent expulsés de
ris : « Que les conspirateurs, dit-il, ne vantent
i les serviras qu'ils ont rendus en d'autres
ips : ce n'est point pour les service-s passés ,
is pour les crimes présents que Manlius fut
«ipité de la roche tarpéienne. » Ce fut sa
nièie motion. Malgré son élocu lion incorrecte,
cendre avait parfois une sorte d'éloquence sau-
;e et énergique qui lui avait fait vain, le surnom
- LEGE1NTIL 390
de Paysan du Danube. Il ne laissa pas de for-
tune, et légua son corps à la Faculté de Médecine,
« afin d'être encore utile aux hommes après sa
mort ». H. Lesueur.
Thiers, Histoire de la Révolution française, t. IV, V,
VI et Vil, passioi. — De Lamartine, Hist. des Girondins,
t. VII et VIII.
EEGENTIL DE EA GAEA1SIÈSSE (Cllil-
laume-J oseph-Hyacinlhe- Jean- Baptiste), as-
tronome et voyageur français , né à Coutances,
le 12 septembre 1725, mort le 22 octobre 1792.
Il fut d'abord destiné à l'état ecclésiastique, mais,
sous les leçons de J.-N. Delisle, il prit goût à
l'astronomie, et ce goût absorba ses autres étu-
des. 11 devint l'élève assidu de Cassini, et fit de
tels progrès qu'en 1753 il entra à l'Académie
des Sciences. Il s'y fit remarquer par de nom-
breux et utiles mémoires. L'Académie ayant dé-
cidé que le passage de Vénus sur le Soleil devait
être observé dans diverses parties du globe, Le-
gentil fut désigné, avec cette mission, pour Pon-
dichéry. Il s'embarqua le 26 mars 1760, et at-
territ à l'Ile-de-France le 10 juillet. Mais à raison
de la guerre entre la France et l'Angleterre,
Legentil dut attendre cinq mois qu'une frégate
française osât se risquer dans les mers indiennes,
et en arrivant devant Pondichéry (24 mai), il
trouva cette ville au pouvoir des Anglais. Il lui
fallut retourner aussitôt vers l'Ile-de-Frauce, et
il dut se borner à observer, le 6 juin 1761, en
pleine mer et sur le pont vacillant de sa frégate,
le phénomène céleste but de son voyage. Un
nouveau passage de Vénus sur le Soleil devait
avoir lieu le 3 juin 1769 ; Legentil se résigna à
passer huit années dans les parages où il se
trouvait. Il employa ce temps à faire de curieu-
ses observations dans les îles Mascareignes , à
Madagascar, aux îles Mariannes, aux Philip-
pines et sur les côtes de l'Inde. Il avait choisi
Manille pour son point d'observation, et s'y était
rendu dès août 1766 lorsqu'il reçut l'ordre de re-
tourner à Pondichéry. Par une nouvelle fatalité,
le ciel, qui avait été d'azur jusqu'au jour même
du passage , changea tout à coup ; des nuages
l'assombrirent, et toute observation devint im-
possible. Cependant Legentil avait prié deux
de ses amis, restés à Manille, de contrôler les
travaux qu'il espérait accomplir à Pondichéry,
et, plus heureux que lui, leurs remarques eurent
un plein succès, dont Legentil a donné le résul-
tat. 11 revint en 1771 en France, et eut à sou-
tenir quelques procès avec sa famille, qui refu-
sait de le reconnaître et de lui rendre les biens
qui lui étaient dévolus durant sa longue absence;
il triompha de cette mauvaise foi, et un riche
mariage lui permit de se consacrer tout à la
science. On a de lui : Mémoire sur le passage
de Vénus sur le disque du Soleil, inséré dans
le Journal des Sçavans, de mars 1760; —
Voyage dans les mers de l'Inde à Voccasion du
passagede Vénussur le disq ne du Soleil ; Paris,
1779-17R1, 2 vol. in-4°, fig., cartes et plans; Paris
i3.
39t LEGENTIL
et Heidelberg, 1782, 8 vol. in-8°, fig.; traduit
eu allemand, mais abrégé; Hambourg, 1780-
1782, 3 vol. in-8". L'ouvrage de Legentil con-
tient de précieuses observations sur les cou-
rants, les marées, les moussons, etc. Il a donné
la connaissance du zodiaque des Indous et de
l'astronomie desbrahmes, et a constaté la con-
formité de leur science avec celle des Chal-
déens. Le premier il a avancé que le nombre
prodigieux d'années dont certains peuples orien-
taux composent leur chronologie est fondé sur
les révolutions de l'équinoxe, et que les quatre
Jougams des brahmes se rattachent à des pé-
riodes du mouvement des étoiles qui s'accom-
plissent en longitude et que l'on peut faire re-
monter à l'infini. A. de L.
Cassinl, Éloge de Legentil de La Galaisière (Paris,
1810, in-8°). — Mémoires de V Académie des Sciences de
1755 3 1782.
legentil (Charles), industriel français ,
né à Rouen, le 5 mars 1788, mort à Saint-Ouen,
le 1er octobre 1855. Dès 1826 il commença de
faire partie de ces nombreuses commissions
dans lesquelles il mit pendant plus d'un quart
de siècle son expérience au service des intérêts
commerciaux. Délégué au conseil général du
commerce en 1833, Legentil fit partie de la
commission d'enquête chargée de la révision du
tarif des douanes, et rédigea sur la question des
laines un rapport qui fut imprimé aux frais du
gouvernement. 11 fut membre du jury central
en 1827, 1834, 1839, 1844, 1849; il présida
en 1855 la 22° classe du jury de l'Exposition
universelle. Il fut en outre délégué par le gou-
vernement français à plusieurs expositions étran-
gères, notamment à l'exposition allemande de
Berlin en 1844, à la suite de laquelle il publia
un rapport sur le développement de l'industrie
en Allemagne, qui se trouve imprimé dans les
Annales du Commerce extérieur. Député de-
puis 1839, il fut en 1846 élevé à la dignité de pair
de France.
Legentil avait coopéré à tous les travaux de
la chambre du commerce depuis 1832; c'est
principalement à son initiative que l'on doit ré-
tablissement de la condition des soies et des lai-
nes de Paris , le développement de la biblio-
thèque commerciale, la publication de la Sta-
tistique de Vindustrie parisienne et la créa-
lion d'un cours de teinture et d'impression au
Conservatoire des Arts et Métiers. E. Cottenet.
Journal des Débats, octobre 1855. — Discours pro-
noncé aux obsèques de M Legentil, par M. Germain-Thi-
baut, vlce-présiilenl de la chambre de commerce. - Do-
cuments particuliers.
LEGENTIL. Voy. L\ BARBINAIS.
LÉGEK ( Saint), en latin Leodegarhis, évêque
d'Autun, né vers l'année 616, mort le 2 octobre
678. Il appartenaitàune des plus illustres familles
de la Gaule. Si l'on ignore le nom de son père,
on lui donne pour mère Sigrada, sœur de Bers-
winde, femme d'Athicus, lequel Athicus est dé-
signé comme fils de Leutharius, duc des Alle-
— LÉGER 392
mands. Léger passa les premières années de sa
vie à la cour du roi Clotaire IL Son éducation fut
ensuite confiée aux soins de Didon , évêque de
Poitiers, qui le préposa, jeune encore, au gou-
vernement de l'abbaye de Saint-Maixent. Dix
ans après, en 659, il fut élevé au siège d'Au-
tun. On le voit en 661 présider un concile
dans sa ville épiscopale, et en 666 souscrire un
diplôme de Drausius, évêque de Soissons, en
faveur du monastère de Sainte-Marie. Il ne pa-
raît pas avoir été dans les meilleurs termes avec
Ebroïn, maire du palais. Aussi, après la mort de
Clotaire III, fut-il au nombre des prélats qui se
déclarèrent contre Thierry, protégé d'Ébroïn, et
appelèrent Childéric du fond delà Neustriepour
le saluer roi des Bourguignons. Saint Léger de-
vient alors un des personnages les plus consi-
dérables de ce royaume. Il réside à la cour, et
la gouverne sous le nom du roi. On ajoute
même qu'Ébroïn ayant été exilé dans le monas-
tère de Luxeuil , saint Léger prit son titre et
remplit sa charge. Mais Adrien de Valois, le P.
Lecointe et les auteurs du Gallia Christiana
ne consentent pas à voir la mairie du palais
entre les mains d'un évêque : cette dignité, di-
sent-ils, fut toujours confiée à des laïques; el,
si d'anciens annalistes ont nommé saint Légei
major domus de Childéric II, ils ont à cette
occasion fait emploi d'un terme impropre, vou-
lant dire simplement qu'il fut le principal con-
seiller du roi. On peut consulter à cet égard l<
Glossaire de Du Cange, au mot Major. Cepen-
dant la faveur de l'évêque d'Autun auprès di
Childéric ne dura pas longtemps. Ayant blùrm
les mœurs de ce prince , il fut contraint di
quitter la cour, et retourna dans son diocèse, i
quelque temps de là, Childéric se rend à Autun
pour y célébrer la fête de Pâques. Auprès d
Léger se trouvait alors Hector, patrice de Mar
seille, qui venait à la rencontre du roi, auque
il avait, dit-on, à demander la réparation d
quelque injustice. On persuade à Childéric qu
ces deux mécontents ne se sont pas réunis san
avoir de criminels desseins, et celui-ci, dans u
transport de colère, fait entendre contre Lége
de redoutables menaces. Léger, averti, par d'an
ciens amis, prend la fuite, sans attendre l'ar
rivée du roi. Mais des soldats envoyés à s
poursuite l'atteignent, et le conduisent captif a
monastère de Luxeuil, auprès d'Ébroïn, son an
cien rival. Childéric II meurt en 673 ou e
674. Aussitôt Ebroïn et Léger sortent à la foi
de leur prison, et se dirigent vers Autun. C
voyage ne fut pas sans péril pour notre préla
Ebroïn. qui abhorrait en lui l'auteur de sa dis
grâce, voulut, chemin faisant, l'égorger de s*
mains ; mais il fut retenu par Genesius, arch
vêque de Lyon. D'Autun Léger se rendit à
cour du nouveau roi, Thierry III, l'assis
quelque temps de ses conseils, et retourna dai
son diocèse. Il y vivait tranquille, quand tre
clients d'Ébroïn, Waymer, duc de Champagn
393
Didon, évêque de, Chàlons, et Bobon, évèque de
Valence, arrivent aux portes d'Autun à la tête
je forces considérables. Léger vit sa perte cer-
taine, et sans tenter une défense inutile, il se
rend. On le saisit, on lui crève les yeux, et on
'emmène prisonnier. La ville d'Autun fut elle-
même obligée de compter une somme considé-
rable aux farouches complices d'Ébroïn : elle
échappa de cette manière à la dévastation. Re-
tenu quelque temps sous le toit de Waymer, Léger
ut enfin la liberté d'aller cacher dans un mo-
nastère sa honte et sa douleur. Il y séjournait
lepuis deux ans, quand Ébroïn, encore avide de
vengeance, le fait mander avec son frère Gai-
rinus, et, après les avoir chargés l'un et l'autre
n'invectives, ordonne de massacrer Gairinus, et
ne faire subir à Léger de nouvelles et plus atro-
ces mutilations. Enfin, en 678, Léger esl appelé
par le roi, et s'entend accuser devant toute la
pour de la mort prématurée de Childéric IL On
énonça l'accusation, mais sans autoriser la dé-
fense, et Léger fut conduit dans une vaste
forêt, où des sicaires, aux gages d'Ébroïn, lui
portèrent enfin le coup mortel. Nous ne voulons
pas garantir tous les détails de cette tragique
légende. Ce sont les hagiographes qui nous les ont
racontés, et ces pieux narrateurs ont pour habi-
tude de trop viser aux grands effets. Cependant
les dissensions intestines de la cour de Bour-
gogne sont d'ailleurs connues, et d'autres té-
moins nous apprennent quelle était la férocité
pes mœurs au septième siècle.
On a coutume d'attribuer à saint Léger les
articles publiés dans le concile d'Autun, eu 670.
Nous possédons aussi son testament, inséré par
Etienne Pérard dans les preuves de son Histoire
ne Bourgogne, mais avec de fausses dates, qui
pnt fait quelquefois douter de l'authenticité de
bette pièce. Un autre monument de la piété de
baint Léger est une lettre à Sigrade, sa mère, pu-
bliée par le P. Labbedansle tomel de sa Biblio-
thèque des Manuscrits.
i Histoire Littéraire de la France, t. III, p. 618. — Gal-
\iu Christ., t. IV, coi. 349.
léger (Antoine Ier), théologien réformé sa-
voyard, né en 1594, à Villesèche, dans la valléede
Saint-Martin (Savoie), et mort en 1661,à Genève.
Kprès avoir fait ses études à Genève, il fut chargé,
fort jeune encore, de desservir une église de la
vallée où il était né. Il avait, pendant ses étu-
des, montré du goût pour les langues orientales;
1 y avait même fait des progrès remarquables
pour l'époque. Cette circonstance le fit nommer
chapelain de Corneille de Haga, envoyé en am-
bassade à Constantinople par les Provinces-
Unies. En Orient, Léger entra en relation avec
Cyrille Lucar ; il l'engagea à publier une confes-
sion de foi, qui devait, selon lui, mettre en évi-
dence les analogies des croyances protestantes
avec celles de l'Église grecque, et prouver par là
leur antiquité, chose à laquelle les protestants
attachaient un grand prix à une époque où leur
LEGER 394
nouveauté était une des plus graves accusations
qu'on leur adressait; En 1637 il était de retour
dans la vallée de Saint-Marlin. Mis à la tête de
l'église protestante de Saint-Jean-Val-Lucerne,
il eut de fréquentes altercations avec des mis-
sionnaires catholiques, envoyés dans sa paroisse
pour en convertir les membres. Il résulta de là
que, dénoncé au duc de Savoie comme un sédi-
tieux, et mal soutenu par ses confrères, jaloux
de ses talents , il fut obligé de se retirer à Ge-
nève. En 1645 il y fut nommé professeur de
théologie et de langues orientales. Il remplit ces
fonctions jusqu'à la fin de ses jours. On lui doit :
une édition du Nouveau Testament en grec an-
cien et en grec vulgaire, sous ce titre : JSovum
Testamentum idiomate grxco lilterali et
grseco vulgari ex versione Maximi; Genève,
1638, 2 part. in-8°; — Thèses iheologicse.de
sanctificattone hominis peccaloris; Genève,
1658, in-4°. La bibliothèque de Genève possède
sa correspondance avec Cyrille Lucar. J. Aymon
en a publié une partie , mais inexactement tra-
duite, dans Monumens authentiques de la re-
ligion des Grecs; La Haye, 1708, in-4°; ouvrage
assez mal fait et qui ne put s'écouler qu'au moyen
frauduleux de cet autre titre : Lettres anec-
dotes de Grille Lucar ; Amsterdam, 1718,in-4°.
Michel Nicolas.
Bibliothèque ancienne et moderne de J. Leclerc,
t. X vi, pag. 437. — Sénébier, Histoire Littéraire de Ge-
nève, t. II, p. 130. — Iiayle. OVmres diverses, édit.
in-fol., tom.IV, pag. 559 564, 569,571, 575, 689.
LÉGER (Antoine II), pasteur protestant, filsdu
précédent, né à Genève, en 1652, et mort dans la
même ville, en 1719. Il fut d'abord pasteur d'une
paroisse de la campagne aux environs de Ge-
nève, et en 1684 pasteur de la ville. En 1686 il
fut nommé professeur de philosophie, et rem-
plit ces fonctions avec succès pendant vingt-
quatre ans. En 1710 il passa à la chaire de
théologie, qu'il conserva jusqu'à la fin de sa vie.
On a de lui les huit dissertations suivantes,
imprimées à Genève , de 1705 à 1715 : De Sa-
poribus; — De Origine Fontium; — De Me-
teoris ignitis ; — De Calore et Frigore; — De
Igné; — De Felicitate; — De Deo; — De
Anathemate Maranata; — un discours inti-
tulé : Oratio academica de Valdensium situ
et progressu, et des Sermons sur divers textes
de l'Écriture Sainte; Genève, 1720, 5 vol.
in-8°; traduit en allemand, Bàle, 1722, in-8°.
Ces sermons, imprimés après la mort de l'au-
teur, n'avaient pas été destinés à l'impression;
il y eu a peu d'achevés , quelques-uns ne sont
même que des esquisses qu'il développait en
chaire. Il laissa plusieurs traités manuscrits,
mais tous plus ou moins imparfaits. Son fils
avait voulu d'abord les publier; mieux con-
seillé, il renonça à ce projet. M. N.
Sénébier, Hist. Littér. de Genève, t. II, p. 2*8; t III,
p. 301.
léger ( Michel ), pasteur protestant, fils du
précédent, né à Genève et mort dans cette ville,
395 LÉGER
en 1745. On a de lui un Sermon sur le Jubilé
de la réformation de l'illustre ville de Neu-
châtel; Bâle, 1731, in-4°.
Sénebier, Hist Littéraire de Genève, t. Ill.p. 299.
léger ( Jean ), écrivain protestant savoyard,
né à Villesèche, dans la vallée de Saint-Martin,
le 2 février 1615, et mort à Leyde, vers 1670. Son
père, Jacques Léger, frère de Léger ( Antoine Ier ),
chapelain de l'ambassadeur hollandais à Cons-
tantinople et plus tard professeur à Genève, fut,
de 1631 à 1640, époque de sa mort, syndic de
la commune de Faet et consul général de la
vallée de Saint -Martin. Jean Léger fit ses études
à Genève. Pendant qu'il était étudiant, il eut le
bonheur de sauver la vie (1638) au prince de
Deux-Ponts, depuis roi de Suède, qui se baignait
dans le lac. En 1643, son oncle, Antoine Léger,
ayant étéobligé d'abandonner son église deSaint-
Jean-Val-Lu cerne, il fut désigné pour son suc-
cesseur. Dès ce moment commença pour lui une
vie pleine d'épreuves et de périls. Les protes-
tants des vallées, comptant sur l'appui de Les-
diguières et entraînés par les idées d'indépen-
dance qui étaient communes à presque tous les
protestants français de cette époque, conçurent
le malheureux projet de profiter des embarras
dans lesquels se trouvait le Piémont, épuisé par
de longues guerres étrangères et des divisions
intestines, pour s'ériger en république indépen-
dante. Ils prirent les armes, détruisirent le fort
de La Tour, et se répandirent dans les vallées
de Suze et de Saluées. Le marquis de Pianazze ,
chargé de les réduire, déploya une excessive ri-
gueur. Des régiments hongrois et bavarois, ac-
coutumés, pendant les guerres précédentes, à la
plus grande licence, commirent des atrocités
inouïes. Les Vaudois se défendirent avec un
courage héroïque. Des tonneaux vides , mate-
lassés à l'intérieur, leur servaient de remparts
mobiles, qu'ils poussaient devant eux, en mar-
chant à l'attaque, et qu'ils traînaient à leur
suite, quand ils étaient forcés à la retraite. Vain-
cus et poursuivis, ils se retirèrent au sommet de
la vallée d'Angrogne. Cette position , leur der-
nier retranchement, fut enfin emportée d'assaut.
Léger, échappé au massacre, se sauva en France.
Là , il rédigea un manifeste qui, traduit et im-
primé en diverses langues , fut envoyé à tous
les princes protestants. Il écrivit directement à
Cromwell,qui s'intéressa au malheureux sortdes
Vaudois, et parla en leur faveur à Louis XIV et
auduc de Savoie. Ce ne fut que vers le milieu
de. juillet 1655 que l'on mit fin aux massacres
ordonnés par le marquis de Pianazze. Léger fut
alors autorisé à faire une collecte en France
pour le soulagement de ses coreligionnaires, et
cette même année il assista en qualité de repré-
sentant des communes protestantes de la vallée
de Saint-Martin, aux conférences de Pignerol,
où l'on régla les affaires protestantes. On accorda
aux Vaudois une amnistie générale et, sous cer-
taines conditions, le libre exercice de leur culte.
396
Quelque temps après , Léger se plaignit de di-
verses infractions commises à ce traité. Ses
réclamations ne furent pas écoutées. Il réclama
alors l'intervention de la France. Cette démarche
fut regardée comme un acte de rébellion. Cité,
en février 1658, devant un tribunal de Turin, il
demanda en vain de comparaître devant les.
juges ordinaires; sa requête fut rejetée. L'af-
faire traîna jusqu'en 1661. Enfin, le 17 septembre
de cette année il fut condamné à mort; ses
biens furent confisqués et sa maison rasée. Il se
sauva en Suisse. Il parcourut ensuite une partie
de l'Allemagne et la Hollande, pour intéresser
le gouvernement de ces pays à la cause des
protestants des vallées. De retour de ce voyage,!
il fit imprimer en français et en italien une apo-
logie de sa conduite, en réponse à la condam-
nation dont il avait été frappé. En 1663 il fut
nommé pasteur de l'église wallonne de Leyde,i
et continua jusqu'à sa dernière heure de solli-i
citer la protection des princes et des États pro->
testants pour ses frères des vallées. Outre les
divers écrits dont nous avons fait mention,!
on a de J. Léger une Histoire générale dei
Églises évangéliques des vallées du Piémont
ou vaudoises , divisée en deux livres , jus-
qu'à Van 1664; Leyde, 1669, in-fol. avec fig.;
trad . en allemand par F. Schweinitz, avec un«
préface de S.-J. Baumgarten; Breslau, 175u.>
2 vol. in-4% fig. Cet ouvrage est divisé en deusi
parties. Dans la première, l'auteur recherche l'ori-i
gine des Vaudois qui ne se rattachent pas, selon
lui, à Pierre Valdo, mais qui remontent plus
haut et sont déjà connus au huitième siècle ; i
expose ensuite leurs croyances et leur organisa-
tion ecclésiastique. Dans la seconde partie , il fai;
le récit des persécutions souffertes par eux à dîj
verses époques, et principalement de celles don'i
il avait été le témoin. Ce curieux ouvrage es\
devenu fort rare, parce qu'on prit soin en F ranci
et en Piémont de détruire tous les exemplaire!
qu'on avait pu saisir. Michel Nicolas. I
Bayle, OEuvres diverses, tom. El I de l'édition in-fol
pag. 730 et suiv. — Sénebier, Histoire Littéraire de G'i
nève, tom. Il, pag. 220-222. — abrégé de la vie de Jea
Léger, écrite par lui-même à la fin de son Histoire gé
nérale des églises vaudoises, IIe partie, p. 368 383.
léger (François-Pierre-Auguste), acteu
et littérateur français, né à Bernay (et non i
Paris), le 16 mars 1766 (et non en 1765), mor
à Paris, le 28 (et non le 27 ) mars 1823, étai
le fils d'un chirurgien estimé. A l'issue de se:
études, il prit le petit collet, et se plaça comrai
précepteur de fils de famille. Au début de 1<
révolution, il abandonna l'enseignement,
s'enrôla dans la troupe d'acteurs qui inaugura
en 1792, le théâtre du Vaudeville (1). Un ma
riage qu'il contracta à cette époque, contre le gri
(1) Ouvert dans la salle du Petit-Panthéon , située nu
de Chartres, le 12 janvier 1792, ce théâtre a été incendii
le 18 juillet 1838. L'emplacement qu'il occupait est re
couvert aujourd'hui par les nouvelles constructions di
Louvre.
397 LÉGER
de sa famille, avec une femme beaucoup plus
ngée que lui, et sans fortune, ne fut pas étranger
à cette bizarre détermination. Il resta sept ans à
ce théâtre. Piis, l'un des fondateurs , s'étant sé-
paré de Barré, son associé, pour établir une
scène rivale, il s'adjoignit Léger, et, le 15 floréal
an vu, l'ouverture du théâtre des Troubadours
eut lieu par un prologue intitulé : Nous ver-
rons, et par Le Billet de Logement, pièces dont
Léger était l'auteur. Cette entreprise n'ayant pas
prospéré, Léger voulut reprendre la carrière
ne l'enseignement ; mais, mieux avisé , et grâce à
la protection d'un ami d'enfance, M. Dubos ,
tous-préfet de Saint-Denis, il obtint l'emploi de
Greffier de la justice de paix de cette ville. Il ne
sut pas s'y maintenir, puisqu'on le retrouve dans
les dernières années de sa vie directeur du
théâtre de Nantes. Là encore il ne fit qu'un sé-
jour passager, à cause des tracasseries que lui
suscitèrent des adversaires de son administra-
tion, intéressés à la décrier pour lui substituer
nn des leurs. Léger réclama vainement contre la
nomination de son successeur, et l'inutilité de
les démarches pour faire révoquer cette me-
sure lui causa un chagrin qui abrégea ses jours.
On a de lui : Le Danger des Conseils, ou la
toile inconstance, comédie en un acte et en
Vers; Paris, 1793, in-8° ; — Henri IV à Bil-
liens , comédie en deux actes et en vers ; Caen,
|si6, in-8°; — L'homme sans façon, ou le
Vieux cousin , comédie en trois actes et en
rers; Paris, 1798, in-8°. Il existe des exem-
plaires où le titre est interverti ; — Maria, ou
la demoiselle de compagnie, comédie en un
[cte et en vers; Paris, 1818, in-8°; — L'Orphe-
lin et le Curé, fait historique en un acte; Paris,
1790, in-8°. C'est la première pièce où l'on vit
je costume ecclésiastique sur un théâtre; — Un
four de Jeune Homme, anecdote en un acte;
Paris, 1802, in-8°; — Alphonse, ou les suites
\'un second mariage, drame en trois actes;
1818; — Apothéose du jeune Barra, tableau
patriotique, en un acte, mêlé d'ariettes; 1794,
b-8°; — Charles Coypel, ou la vengeance
rien peintre, un acte mêlé d'ariettes; 1805; —
Oon Carlos, op. com., trois actes; 1800; —
ta folle Gageure, com. à ariettes, un acte, 1 790,
b-8°; — Henri de Bavière, op., trois actes;
Paris, 1814, in-8° ; —L'heureuse Ivresse, op.-c,
In acte; 1791; — Jean Bart, id.; 1795,—
Lisez Plutarque, id. ; 1801 ; — Mon Cousin de
Paris, id. ; 1804 ; — Le Corsaire comme il n'y
n a point, com., trois actes; 1790; — Le Ber-
\eau d'Henri IV, op.-c, deux actes; 1814; —
hes Épreuves de l'Amour, pastorale lyrique;
91 ; — Caroline de Lichtfield, com., trois ac-
es en vers; 1792. On peut ajouter à cette nomen-
lature une soixantaine de vaudevilles , composés
euls ou en société, parmi lesquels nous cite-
ons : Christophe Morin ; La Revue de l'an VI,
u il faut un état; Le 18 Brumaire, ou la
purnée de Saint-Cloud ; La papesse Jeanne;
LÉGIER
398
M. Partout, réimprimé en 1822, sous le titre
d'Un Dimanche à Passy ; et L'Auteur d'un
moment, comédie en un acte, envers et en
vaudevilles, jouée en 1792, pièce où Chénier
était désigné de manière à ce qu'on ne pût s'y
méprendre, ce qui excita la colère des fana-
tiques révolutionnaires. Léger y chantait un
couplet qui finissait par ces mots :
Il faut renvoyer à l'école
Celui qui régente les rois.
Un certain nombre de spectateurs demandèrent
bis, d'autres s'y opposèrent; on voulut forcer
l'auteur, acteur à faire amende honorable ; mais
il s'enfuit du théâtre. Le tumulte fut porté
à son comble; des pages de Louis XVI furent
blessés dans la bagarre, et peu s'en fallut que
le théâtre, ouvert sous le nom de Vaudeville,
ne fût livré aux flammes. Le lendemain un
exemplaire de la pièce fut brûlé sur la scène.
Outre ses productions dramatiques, Léger a
publié : Notice nécrologique sur M. Pierre-
Antoine-Romain Dubos; Paris, 1812, in-8°.
Sur cette brochure il accole, pour la première
fois, à son nom celui de Darance (1); —
Petite Réponse à la grande épitre de M.-J. Ché-
nier; Paris, 1797, in-8°. Cette réponse a été
insérée dans le Recueil de poésies satiriques
publié par Colnet, et réimprimée dans l'édition
des poésies de l'auteur;— Macédoine, ou Poé-
sies, Chansons, etc.; Paris, 1818, in-18; -
Chansons et autres poésies; 1822, in-18; —
Rhétorique épistolaire; Paris, 1804, 1 vol.
in-12. En. de Manne.
Brazier, Hist. des Petits Théâtres. — Arn^ult, Souve-
nirs d'un Sexagénaire. — Quérard, La France Litt.
légier (Pierre), littérateur français, né à
Jussey (Franche-Comté), en 1734, mort dans
la même ville, le 7 janvier 1791. Ses études ache-
vées, il embrassa l'état militaire et fil une cam-
pagne en Bohême. La faiblesse de sa santé
l'ayant forcé de renoncer à cette carrière, il vint
étudier le droit à Paris, où il se lia avec des
gens de lettres. Quelques vers agréables lui va-
lurent l'entrée de cercles recherchés. Il s'essaya
dans l'art dramatique, mais avec peu de succès.
Revenu dans son pays, il y remplit les fonctions
de maire et de lieutenant général de police. On
a de lui : Le Rendez-vous, comédie en un acte
mêlée d'ariettes , musique de Duni, représentée
en 1 763 ; 1763, in-8° ; — Les Protégés, comédie
en trois actes et en vers ; Paris, 1769, in-12; —
Amusements poétiques ; Londres (Paris), 1769,
in-8°; — Traité des différentes Procédures ob-
servées dans les différentes Juridictions de
l'enclos du Palais ; Paris, 1780, in-8° ; — Susky,
conte moral, dans les Affiches de Franche-
Comté; 1783 ; — L'Orateur, poëme ; 1784, in-8°.
J. V.
Weiss, Notice sur Légier, dans les Mémoires de la
Société d'agriculture de la Haute-Saône, t. III. — Ar-
(1) Et non Davance, ainsi que l'a dit M. Quérard. Ce
nom était celui de sa femme.
399
LÈGIER
nauit. Jay, Jouy et Norvlns, Biogr. nouv. des Contemp.
— Quérard', La France littéraire.
lkgillon (Jean- François), peintre belge,
né le 1er septembre 1739, à Bruges , mort le
23 novembre 1797, à Paris. Il étudia le dessiu
à l'Académie de Rouen sous J.-B. Descamps,
passa quatre années en Italie, parcourut ensuite
la Suisse, et se fixa en 1782 à Paris. Admis en
1789 à l'Académie de Peinture, il reçut bientôt
le titre de peintre du roi. La même année il
exposa au salon du Louvre six tableaux, remar-
quables par un fini précieux et une composition
savante; il brillait surtout dans la représenta-
tion de la nature, agreste et prit Berghem pour
modèle. P. L— y.
Hommes remarq. de la Flandre occid., I, 281-85.
legipont (Dom Olivier), bénédictin alle-
mand de la congrégation de Bursfeld, un des
plus érudits de son temps, naquit à Soiron, dans
le ducbé de Limbourg, le 1er décembre 1698,
et mourut dans l'abbaye de Saint-Maximin de
Trêves, le 16 juin 1758. Ayant acquis par de so-
lides études une instruction aussi étendue que
variée dans toutes les branches des connais-
sances qui se rattachent à ce qu'on appelait au-
trefois les humanités, il embrassa une profes-
sion qui lui permit de se livrer au penchant
qu'il manifestait surtout pour les recherches his-
toriques et philologiques. Dès l'année; 1720 il
fit profession dans l'abbaye des Bénédictins de
Saint-Martin de Cologne. Après avoir professé
la philosophie et le droit canonique il devint
prieur de cette maison, et publia plusieurs ou-
vrages élémentaires. Mais ses goûts de prédilec-
tion, fortifiés par la liaison qu'il avait contractée
avec le P. Bernard Pez, le déterminèrent sur-
tout à visiter les bibliothèques les plus renom-
mées de l'Allemagne et les archives des mo-
nastères, afin de fournir à son ami des matériaux
qui pussent l'aider dans la composition de l'his-
toire littéraire de l'ordre de Saint-Benoît, à la-
quelle le savant bénédictin travaillait. 11 donna
une si haute idée de son mérite dans ce genre
que plusieurs communautés religieuses le prièrent
d'écrire leur histoire ou d'arranger leurs archives.
Mais un projet plus vaste occupait sa pensée :
il avait conçu le dessein de créer pour l'Alle-
magne une société littéraire bénédictine à laquelle
on aurait associé des membres du même ordre
répandus dans les autres États de l'Europe. 11
avait communiqué ce projet au cardinal Quiiini,
qui, en sa qualité d'ancien bénédictin, s'intéres-
sant à la gloire de l'ordre, avait accepté le titre
de protecteur que domLegipont lui avait offert.
Mais le défaut de fonds nécessaires à une pa-
reille entreprise, et l'éloignement des maisons
de l'ordre de l'abbaye de Kempten, qui avait été
choisie pour être le centre de l'académie, rom-
pirent toutes les mesures de dom Legipont,
quoiqu'un grand nombre de diplômes d'affilia-
tion à la société eussent été délivrés et que les
avantages d'une semblable association eussent
LEGIPONT 400
été exposés méthodiquement par lui dans un
écrit imprimé à l'abbaye de Kempten, sous le
titre de Systema erïgendse Societatis littera-
riee Germano-Benedictinas ; Compidonae, 1752,
in-8° (1). De si utiles travaux ne préservèrent
pas dom Legipont des atteintes de l'envie, et de
l'espèce de sourde persécution qu'elle fait éprou-
ver aux hommes de mérite qui en sont l'objet.
Peut-être contribuèrent- elles , avec l'ardeur et
l'excès du travail, à avancer le terme de ses
jours, car il n'avait pas encore atteint l'âge de
soixante ans lorsqu'il mourut. On peut citer,
parmi les principaux ouvrages qu'il fit impri-
mer : Historia Monasterii Visibodibergensis in
Palatinalu ; Cologne, 1735, in-fol. ; — Disses
tationes philologico - bibliographies de or-
dinanda et ornanda bibliotheca ; Nuremberg,
1726, in-4°; — Monasticum Mogonliacum,
sive succincta monasteriorum in archiepis-
copatu Moguntino notifia ; Prague, 1746,
in-8°; — Sacrx metropolis Coloniensis An-
tiquitas et prserogativa advenus gloria œmu-
los asserta; Cologne, 1748, in-8°; — Intro-
ductio ad studium Numismatum romanarum; <
Wurtzbourg, 1757, in-4°. Après avoir coopéré
avec le père Ziegelbauer à l'histoire littéraire del
l'ordre de Saint-Benoît, que ce savant confrère
avait entreprise, il la publia à Augsbourg, après
la mort de celui-ci, en 1734, 4 vol. in-fol. (Mis-\
toria rei litterarix ordinis Sancti-Benedicli
in quatuor partes distributa...). On éprouve i
une espèce de stupéfaction en voyant la liste des;
ouvrages- inédits de dom Legipont, au nombre
de cinquante-et-un , dont les titres ont été don-i
nés par dom Jean-François. On ne conçoit pasi
que la vie d'un seul homme ait pu suffire aux
recherches infatigables du bénédictin de Bursfeldi
et aux immenses travaux qui en furent lai
suite. On remarque parmi ces ouvrages, restés*
manuscrits, la Chronique de l'abbaye de Saint-
Martin de Cologne en onze volume in-fol., YHis-,
toirede la Congrégation de Bursfeld, en onze!
volumes in-4°, le Spicilége des Antiquités ro-
maines découvertes à Mayence et dans les en-'
virons, in-fol., etc. Aussi presque tous les sa-i
vantscontemporains ont porté sur ses écrits le:
même jugement que le nonce apostolique Oddi,i
archevêque de Trajanopole, qui dans une lettre
écrite à l'abbé de Saint-Maximin de Trêves
s'exprime ainsi à son sujet : Supervacaneum !
sane foret de hujus Jwminis ingenio, doc- j
trina , probitate et humanitate plura sert-
it) Cet ouvrage a été réimprimé à Met/, par les soins
de dom Jean- François, bénédictin de la congrégation de |
Saint- Vanne. Sorti des presses de Joseph Antoine, c'est
un petit chef-d'œuvre d'impression, qui a pour titre : \
Corpus academicum almœSocietatis litterarix germano- \
benedictinse in suas classes à R. P. Olivario Legipont
distributum; Metz, 1758, in-8°, de vin 60ipag. M.Tels-
sier ne l'a pas connu, car il n'en parle pas dans son ou-
vrage sur la typographie messine. Le même dom Jean-
François l'a reproduit à la suite de sa Bibliothèque gé-
nérale des écrivains de l'ordre de Saint-Benoît /Bouillon,
1777, in-*° 4e volume.
401 LEGIPONT
bere, .... pluribus libris editissima erudi-
\tione prxlucentibus. J. Lamoureux.
Jeta Eruditontm Lipsise (passira). — Dora Jeaiv-
Françols, Bibliothèque générale des Écrivains de l'Ordre
de Saint- Benoit , toiue II. — Abbé de La Porle, L'Obser-
vateur Littéraire, 1760, tome II.
lkgi vue de richebourg (Mme), roman-
cière française du dix-huitième siècle, connue
seulement par des ouvrages qui ont paru ano-
nymes, et dont plusieurs eurent un grand succès.
Les principaux sont : La Veuve en puissance de
mari, nouvelle tragi-comique; Paris, 1732,
in- 12 ; — Aventures de Clamade et de Clar-
monde ; Paris, 1733, in-12; — Aventures de
I Flore et de Blanche/leur ; Paris, 1735, 2 vol.
in-12. Ces deux derniers romans font partie de
la Bibliothèque des Dames. E. D.
I Qaérard, La France Littéraire.
* le glay ( André-Joseph-Ghislain ), histo-
rien et bibliographe français, né à Arleux (Nord),
le 29 octobre 1785. Il commença à Douai des
études médicales, qu'il vint achever à Paris, où
il obtint en 1812 le grade de docteur; puis il
(alla exercer l'art de guérir à Cambrai, devint
en 1826 bibliothécaire de cette villa, et consacra
les moments dont il pouvait disposer à des re-
cherches sur l'histoire et les antiquités de sa
province. En 1835, M. Guizot, alors ministre de
l'Instruction publique, le détermina à prendre la
direction des archives du département du Nord,
dépôt très-riche , mais depuis longtemps délaissé.
M. Le Glay est correspondant de l'Institut, de
l'Académie royale de Belgique, et de celle de
Turin. Ses principaux ouvrages sont : Catalogue
descriptif et raisonné des manuscrits de la
bibliothèque de Cambrai; Cambrai, 1831,
in-8°; — Mélanges historiques et littéraires;
Cambrai, 1834,in-4° ; — Notice sur les archi-
ves de la Chambre des Comptes à Lille; Lille,
1836, in-8° ; — Nouveau Programme d'études
historiques et archéologiques sur le départe-
ment du Nord; Lille, 1836, in-12; — Ana-
lectes historiques, ou documents inédits pour
l'histoire des faits , des mœurs et de la lit-
térature; Lille, 1839, in-8°; — Mémoire sur
les bibliothèques publiques et les principales
bibliothèques particulières du, département
du Nord; Lille, 1841, in-8°; — Catalogue des-
criptif des manuscrits de la bibliothèque de
Lille ; Lille, 1848, in-8°;— Cameracum Chris-
tianum, ou histoire ecclésiastique du diocèse
de Cambrai, extraite du Gallia Christiana,
et d'autres ouvrages, avec des additions con-
sidérables et une continuation jusqu'à nos
jours; Lille, 1849, in-4° ; — Nouveaux Ana-
lectes, ou documents inédits pour l'histoire
des faits, des mœurs et de la littérature;
Lille, 1852, in-8°; — Revue critique des Opéra
diplomatica de Mirœus sur les titres repo-
sant aux archives départementales à Lille;
Bruxelles, 1856, in-8°. L'Académie royale de
Belgique a fait imprimer ce travail dans la
collection de ses Bulletins, en un volume à
LE GLAY
402
part, qui leur sert d'appendice; — Spicilége
d'Histoire Littéraire, ou documents pour ser-
vir à P histoire des sciences, des lettres et
des arts dans le nord de la France; Lille,
1858, fascicules 1-11, in-8°. M. Le Glay a publié
comme éditeur : Chronique d'Arras et de Cam-
brai, par Balderic, chantre de Térouane, au
onzième siècle, etc. ; Paris, 1834,in-8°; — Cor-
respondance de l'empereur Maximilien 1er
et de Marguerite d'Autriche; Paris, 1839,
2 vol. in-8°; — Négociations diplomatiques
entre la France et l'Autriche durant les
trente premières années du seizième siècle;
Paris, Impr. royale, 1845, 2 vol. in-4°, qui font
partie de la Collection des documents inédits
relatifs à l'histoire de France. Il a fourni
divers travaux aux Archives historiques et lit-
téraires du nord de la France et du midi
de la Belgique, aux Mémoires de la Société
d'Émulation de Cambrai, à la Revue nu-
mismatique et aux Mémoires de la Société
des Antiquaires de France. E. Begnard.
Quérard, La France Littéraire. — Bibliographie de
la France. — Documents particuliers.
* le glay {Edward-André-Joseph), ar-
chiviste paléographe français, fils du précédent,
né à Cambrai, le 6 mars 1814. Il lit ses études
de droit à Paris, et il fut nommé bibliothécaire
de la ville de Cambrai en 1835, puis conserva-
teur adjoint des archives du département du
Nord en 1837. Devenu conseiller de préfecture
de la Côte-d'Or en 1846, il est maintenant sous-
préfet à Libourne, après avoir rempli les mêmes
fonctions dans plusieurs villes. Suivant l'exemple
de son père, M. Le Glay s'est occupé de l'histoire
et de la littérature du moyen âge. Nous citerons
de lui : Histoire de Jeanne de Constanti-
nople, comtesse de Flandre et de Hainaul;
Lille, 1841, in-8°; — Histoire des Comtes de
Flandre jusqu'à l'avènement de la maison
de Bourgogne ; Paris, 1843-1844, 2 vol. in-8°;
— Illustrations de l'histoire de Belgique;
Tournai, 1852, in- 18. H a mis au jour comme
éditeur (en société avec M. Brunel) Fragments
d'Épopées romanes du douzième siècle, tra-
duits et annotés; Paris, 1838, in-8°; — Li
romans de Raoul de Cambrai et de Bernier,
publiés pour la première fois d'après le ma-
nuscrit unique de la bibliothèque du Roi;
Paris, 1840, in-12, qui forme le tome YII de la
Collection des romans des douze Pairs de
France; — Chronique rimée des Troubles de
Flandre à la fin du quatorzième siècle, sui-
vie de documents historiques relatifs à ces
troubles, etc.; Lille, 1842, in-8°. M. Le Glay a
donné des articles à l'Encyclopédie du Droit,
au Dictionnaire de la Conversation, à l'En-
cyclopédie du dix-neuvième Siècle, kl' Histoire
des villes de France, aux Mémoires de la So-
ciété d'Émulation de Cambrai, aux Archives
historiques et littéraires du nord de la
403 LE GLAY —
France et du midi de la Belgique, et à plu-
sieurs recueils français et étrangers. E. R.
Livret de l'École des Chartes; Paris, 1852, in-18. — Bi-
bliographie de la France. — Bibliographie de la BeU
(jique. — Documents particuliers.
legnani {Etienne), dit le Legnanino, pein-
tre de l'école milanaise, né à Milan, en 1660,
mort en 1715. Il fut à Bologne élève de Cignani,
et à Rome disciple de Carlo Maratta; mais mal-
heureusement il se laissa entraîner par le goût
de son siècle, et tomba parfois dans le manié-
risme. Ce défaut est surtout sensible dans ses
derniers ouvrages, tandis que les premiers se
ressentent encore de l'influence salutaire de ses
maîtres. Dans ceux-ci , on trouve une sobriété
de détails , une sagesse de composition et un
éclat de coloris dignes d'un grand artiste. Le-
gnani a beaucoup peint à fresque à Milan; ses
Quatre Vertus, pendentifs d'une coupole de cha-
pelle à Santa-Maria-del-Carmine, et son Cou-
ronnement de la Vierge à San-Angelo sont sur-
tout célèbres. On voit de lui à Saint-Ambroise
un tableau représentant La Vierge entre saint
Laurent, saint Benoît et saint Ambroise. lia
travaillé aussi dans les autres villes d'Italie,
principalement à Turin et à Gênes. Son portrait,
peint par lui-même, fait partie de la collection
iconographique du musée de Florence, et la cou-
pole de Santo-Gaudenzio de Novare, passe pour
son chef-d'œuvre.
On attribue quelquefois au Legnanino des
portraits assez faibles qui sont plutôt dus au
pinceau de son père , peintre médiocre nommé
Ambrogio par quelques auteurs , et par d'autres
Cristoforo. E. B— n.
Orlandi , Abbecedario. — Lanzi, Storia Pittorica. —
Ticozzi, Dizionario. — Pirovano, Guida di Milano.
eegnago. Voy. Barbieri {Francesco).
legobien (Charles), historien français,
né en 1653, à Saint-Malo, mort le 5 mars 1708,
à Paris. Son père , Jean Legobien , fut un des
hommes les plus distingués de sa province; il
avait été deux fois député aux états généraux
du royaume, et son portrait avait été placé par
ordre du conseil de la ville dans la cathédrale
de Saint-Malo. Le jeune Charles , destiné à l'É-
glise, entra en 1671 dans la Société de Jésus, et
professa d'abord à Tours ; appelé ensuite à Paris,
il y devint secrétaire et en 1706 procureur des
missions de la Chine. On a de lui : Lettre sui-
tes progrès de la religion à la Chine; Paris,
1697, in-8°; — Histoire de redit de l'empe-
reur de la Chine en faveur de la religion
chrétienne; ibid.,1693, in-12; trad. en italien
par Ch. Ferreri, Turin, 1699; et réimpr. dans
le tome III des Nouveaux Mémoires sur l'état
présent de la Chine (1701), du P. Leeomte; —
Éclaircissements sur les honneurs que les
Chinois rendent à Confucius et aux morts ;
ibid., 1698, in-12; — Histoire des îles Ma-
riannes, nouvellement converties àla religion
chrétienne ; ibid., 1700, 1701, in-12 avec car-
tes; — Lettre à un docteur de la Faculté de
LE GONIDEC
40.4
Paris sur les propositions déférées en Sor- j
bonne par M. Prioux ; ibid., 1700; — Lettres I
de quelques missionnaires de la Compagnie I
de Jésus, écrites de la Chine et des Indes
orientales ; ibid., 1702, in-12 : ce premier re-
cueil, ayant été bien accueilli du public, fut
suivi d'un second, intitulé : Lettres édifiantes I
et curieuses écrites des missions étrangères,
par quelques missionnaires de la Compagnie
de Jésus. Tel est le commencement de cette
collection , dont Legobien donna encore six vo-
lumes (1702-1708), et qui fut continuée après,
sa mort par Du Halde. P. L— y.
Miorcec de Kerdanet, Écrivains de la Bretagne.—
Manet, Biogr. des Malouins célèbres. — MOFéri , Dict.
Nistorique.
ee gonidec (Jean-François-Marie), philo-
logue français, né au Conquet, en Bretagne, le 4 ;
septembre 1775, mort à Paris, le 12 octobre 1838.
Fils d'un employé dans les Fermes, il reçut, par
les soins de son parrain, M. de Ker-Sauzon , une
éducation distinguée. Arrêté comme suspect. en
1793, il fut condamné à mort après plusieurs ■
mois de détention. Au moment où, sur la place
de Brest, il allait monter à l'échafaud, des
personnes armées , dont on n'a jamais su le
nom, se précipitent sur les soldats, les dis-
persent et délivrent Le Gonidec. Caché pen-
dant la journée par la femme d'un terroriste,
il partit la nuit, gagna un petit port de Léon,
et passa le détroit. A peine débarquait-il à
à Penn-Zauz en Cornouailles, qu'un domestique i
s'approche de lui et lui demande s'il ne s'appelle
pas Le Gonidec; sur sa réponse affirmative, il
fut conduit dans un château, où l'on attendait
un de ses parents, nommé comme lui Le Goni-
dec, ce qui avait amené la méprise du domesti-
que Reçu comme s'il était un ami de la maison,
le fugitif resta une année dans le château. Rentré
en France à la fin de 1794, il prit du service dans
l'armée vendéenne, et il y obtint le grade de lieu-
tenant-colonel. Forcé, après l'expédition de Qui- <
héron, d'errer de village en village dans le pays
de Léon , il apprit à fond l'idiome des paysans i
de cette contrée, qui parlent le plus pur dialecte I
de l'Armorique. Encouragé dans ses études sur
la langue bretonne par un vieil antiquaire, il
arriva bientôt à en connaître la structure et le
vocabulaire d'une manière bien plus complète
que ceux qui s'étaient avant lui occupés de cette
langue. Ayant fait en 1 800 sa soumission au gou-
vernement de l'empereur, il reçut quatre ans
plus tard un emploi dans l'administration fores-
tière, et fut en 1812 nommé chef de l'administra-
tion forestière au delà du Rhin. Il habitait alors
Hambourg; au moment de l'évacuation de cette
ville par les Français, il perdit ses meubles, ses
livres et ses manuscrits. Après la rentrée des
Bourbons, il continua d'être employé dans l'ad-
ministration forestière, et fut envoyé successive-
ment à Nantes, à Moulins et à Angoulême. Mis
à la retraite en 1834, son peu de fortune ne lui
405
permit pas de se livrer au repos, et il fut heureux
de trouver une place dans l'administration des
Assurances générales. Il n'avait pas cessé ces
patientes recherches qui ont fait de lui « le
régulateur du langage breton », comme le porte
avec raison l'épitaphe du monument qui lui fut
élevé en 1845 dans sa ville natale. Complé-
tant l'œuvre de dom Le Pelletier, il a le pre-
mier signalé les fautes et les omissions com-
mises dans les grammaires de Haunoir et de Gré-
goire; sa Grammaire Celto- Bretonne , «cette
charte littéraire des Bretons » , comme l'appelle
M. de La Villemarqué, a fait régner dans le lan-
gage écrit et parlé de l'Armorique la règle et la
méthode, au lieu du caprice et de l'anarchie qui
s'y étaient introduits. Par ses deux Dictionnai-
res, par ses excellentes traductions, il s'est op-
posé avec succès à la décadence qui semblait
avoir envahi pour toujours l'idiome de son pays.
C'est lui qui a arrêté la tendance , de plus en
plus marquée depuis le dix-septième siècle, d'é-
courter les mots sonores et harmonieux de la
langue primitive et d'en faire disparaître les dé-
sinences. Enfin, il a corrigé de la manière lap us
heureuse l'orthographe bretonne, et est parvenu
à ramener à une extrême pureté l'idiome de
ses pères, mélangé depuis des siècles de termes
empruntés an français et à d'autres langues (1).
« Grâce à lui, dit M. de La Villemarqué, les
Bretons peuvent désormais écrire et parler cor-
rectement et uniformément leur langue, plus
pure et mieux cultivée qu'elle ne le fut ja-
mais. » Voici la liste des travaux de Le Go-
nidec : Grammaire Celto-Bretonne ; Paris,
1807 et 1838, in-8° ; une troisième édition en a été
donnée par M. de La Villemarqué, en 1850 : « les
règles données par Le Gonidec ne laissent rien
à désirer sous le rapport de l'exactitude, de la
méthode, de l'ordre et de la clarté, dit un des
plus experts connaisseurs des idiomes celti-
ques » ; — Dictionnaire Breton-Français ; An-
goulême, 1821, in-8°; une nouvelle édition en a
été publiée par M. de La Villemarqué ; dans ce
glossaire, appelé avec raison par Brizeux un
chef-d'œuvre de méthodej, exécuté avec la cri-
tique la plus prudente et la plus sûre, Le Goni
dec a pris pour base le dialecte de Léon, sans né
gliger d'indiquer les différences qui se trouvent
dans les autres dialectes; — Buhe santez Nonn
(Viede sainte Nonne), mystère antérieur au dou-
zième siècle, avec traduction ; — Katekiz hïs-
torik ar Fleury (Catéchisme historique de
Fleury) ; 1826, format in-18; — Testamant Ne-
v es ( Nouveau -Testament); Angoulême, 1827,
in-8°; — Gweladennou d'ar Sakramant ar Li-
(1) « Défendre les avenues du langage, retenir les mots
fugitifs, repousser les étrangers, ne jamais les recevoir
au mépris des indigènes ou ne les admettre qu'avec dis-
cernement, après une longue épreuve lorsqu'ils suppléent
a une disette réelle , ou que le breton les a incorporés,
tel a été le but de Le Gonidec, en faisant l'inventaire des
mots de la langue bretonne. » La Villemarqué, Essai
sur l'histoire de la Langue Bretonne.
LE GONIDEC — iLEGOTE 106
gori (Visites au Saint- Sacrement de Liguoiï);
Saint-Brieuc, 1859; — H t ml pe Imitation Je-
sus-Christ (L'Imitation de Jésus-Christ), inédit.
Enfin, outre une traduction de Y Ancien Testa-
ment, qui va paraître à Saint-Brieuc avec la
traduction du Nouveau Testament, Le Gonidec
avait rédigé un Dictionnaire Français-Breton,
qui a été publié avec des additions par M. de
La Villemarqué; Paris, 1847, in-4°; plusieurs
articles de lui se trouvent dans les Mémoires
de V Académie Celtique et dans le Recueil de
la Société des Antiquaires de France.
E. G.
Brizeux, Notice sur Le Gonidec (à la suite des Fumez
Breizf. Proverbes bretons); Lorient, 1856). — Montglave,
Fie de Le Gonidec ( Institut historique, an. 1888 ).
le gonidec ( Joseph • Julien ), magistrat
français, parent du précédent, né à Lannion,
le 18 octobre 1763, mort à Paris, le 11 fé-
vrier 1844. Il fit ses études au collège Louis-le-
Grand, et prêta le serment d'avocat au parlement
de Paris. Au commencement de 1789, il passa à
Saint-Domingue, se fit recevoir avocat au con-
seil supérieur du Port-au-Prince, en 1791, et fut
chargé des fonctions de procureur général. En
1793 il quitta cette île. Proscrit par les commis-
saires civils du gouvernement , il dut chercher
un refuge aux États-Unis, où il arriva dans le plus
grand dénûment. Il apprit vite l'anglais, pro-
fessa dans les collèges, fit imprimer un journal,
et parvint à être nommé chancelier du consulat
français à Boston, où il resta jusqu'en 1797. A
cette époque , il revint en France , où il dut
pendant quelque temps se cacher pour se sous-
traire aux recherches de la police. Lambrechts
l'appela aux fonctions du ministère public près
le tribunal civil et criminel du département des
Landes. Membre du Tribunat, à la création de ce
corps, Le Gonidec y parla en faveur delà loi sur les
finances, vota pour le rejet du projet de loi relatif
au droit détester, et parla en faveur du projet de
loi relatif au traité avec les États-Unis. Compris
dans la première série sortante, il fut nommé
commissaire de justice aux lies de France et de
La Béunion. Il était sans emploi en 1810, lors-
qu'il fut envoyé à Borne comme procureur géné-
ral, fonctions qu'il exerça jusqu'à l'occupation de
cette ville par l'armée napolitaine en 1814.
Pie VII, en retournant dans ses États, rencontra
Le Gonidec à Savone , et le remercia de la ma-
nière dont il avait rempli ses fonctions. Le chan-
celier Dambray accueillit d'abord froidement Le
Gonidec ; il fallut une recommandation formelle
du cardinal Consalvi pour lever les scrupules du
chancelier. Le 28 août 1815 il fut nommé conseil-
ler à la cour de cassation, où il siégeait comme
doyen de la chambre civile à l'époque de sa mort.
L. L— t.
Biogr. univ. et portât, des Conlemp. — Journal des
Débats des 14 et 16 février 1844.
legote (Paulo), peintre espagnol, né vers
1600, mort à Cadix, vers 1670. La première par-
tie de sa vie s'écoula à Séville. En 1629, il décora
407
LEGOTE —
la grande chapelle de l'église Sainte-Marie à Le-
brixa, et y représenta La Nativité du Christ;
— L'Epiphanie; — Saint Jean-Baptiste ; —
Saint Jean V Êvangéliste et V Annonciation (1) :
ces divers travaux lui furent payés 35,373 réaux
(environ 8,843 francs). En 1647 le cardinal
Spinola, archevêque de Séville, le chargea de
peindre pour le salon de son archevêché Les
douze Apôtres en pied et de grandeur natu-
relle. Legote exécuta un autre Apostolat com-
plet, mais à mi-corps, pour l'église de la Miséri-
corde à Séville. Ce tableau fut longtemps attribué
à Francisco Herrera el Viejo. Legote s'établit
ensuite à Cadix, où l'on voit, dans les archives
générales des Indes, des crédits en sa faveur
et datés de 1662, pour solde de quelques éten-
dards peints par lui à V aquarelle pour la
marine royale. Le talent de Legote eût pu être
mieux employé et d'une manière plus durable.
Dans les œuvres qui nous restent de cet habile
artiste, on remarque beaucoup de naturel dans le
dessin et un beau coloris. A. oe L.
Francisco Pacheco, El Arte de la Pintura (Séville,
1649). — Antonio Pons, Viage artistiro a varins pve-
blos deEspaîla, etc. (Madrid, 1804). — Quilliet, Diction-
naire des peintres espagnols.
lé gouaz ( Yves-Marie), graveur français,
né le 15 février 1742, à Brest, mort le 12 jan-
vier 1S16, à Paris. Après avoir reçu d'Ozanne
les premiers éléments du dessin, il fut envoyé
à Paris en 1763, et perfectionna son éducation
artistique dans l'atelier de Jacques Aliamet. En
1770, il remplaça Ingram en qualité de graveur
de l'Académie des Sciences, et fut chargé jus-
qu'en 1790 des travaux de cette compagnie. On
cite parmi ses reproductions : Fin d'Orage,
marine de Peters, 1765; — et , d'après Joseph
Vernet, L'Embarquement de la jeune Grec-
que, La Pêche de Jour, La Pêche de Nuit et Le
Choix du Poisson. Il grava aussi, sur les des-
sins de Nicolas Ozanne , dont il avait épousé la
sœur, une suite de planches, au nombre de
soixante , ayant pour sujets les différents ports
de France. P. L — y.
Le Blanc , Man. de l'Amateur d'Estampes. — Miorcec
de Kerdanet, Écrio. de la. Bretagne.
LE GOULON ( Louis ), ingénieur français , né
vers 1640: Appartenant à une bonne famille de
Lorraine , il fut élève de Vauban, et parvint au
grade de capitaine général des mineurs ; forcé
de quitter la France à la suite de la révocation
de l'édit de Nantes , il offrit ses services aux états
de Hollande, qui lui donnèrent le rang de gé-
néral d'artillerie et le commandement du régi-
ment de. Horn. En 1688, il refusa de diriger les
fortifications de Genève, accompagna le prince
Guillaume en Angleterre, et concourut puissam-
ment à la soumission de l'Irlande. Plus tard , il
passa en Allemagne, et fit la campagne de 1696
(1) C'est à tort que Antonio Pons a attribué ces pein-
tures à AIodzo Cano ; mais l'erreur de Pons prouve hau-
tement le mérite de Legote.
LEGOUVÉ 408
en Italie avec le grade de général. On a de lui :
Mémoires pour l'attaque et pour la défense
d'une place; La Haye, 1706, in-8°, ouvrage es-
timé, dont il a paru de nombreuses éditions.
P. L— Y.
Adelung, Suoplém. à Jucher.
legouvé {Jean-Baptiste ), avocat et poète
français, né à Montbrison( Forez), vers 1730, mort
à Paris, le3 janvier 1782. Après avoir achevé ses
études, il embrassa la carrière du barreau, et se fit
recevoir avocat au parlement de Paris. Il plaida
pour les frères Lioncy contre la Société des Je--
suites, attaquée comme solidaire de la faillite du
père Lavalelte (voy. ce nom) , l'un d'eux. Le
succès de Legouvé dans cette affaire le fit appe-
ler dès lors à plaider les questions les plus im-
portantes. A cette époque les avocats étaient sur-,
tout préoccupés de faire parade de leur érudition.
Legouvé chercha, avec quelques-uns de ses con-
frères, à s'opposer à l'irruption du mauvais goût.i
« Son éloquence , dit Desessarts, avait acquis lai
force et la clarté qui ne peuvent naître que de lai
vraie science. Pour arrivera ce degré de perfec-
tion, il avait fait en tout temps le sacrifice du plai-i
siretmêmecelut de la santé. Ses vacances étaienti
employées à tracer les plans et les différentes
parties de plusieurs ouvrages de jurisprudence,
que la mort ne lui a pas permis d'achever, et
dans lesquels il ne se contentait pas de mettre
en ordre tout ce qui avait été publié de règle-
ments ou rendu de décisions sur l'objet qu'ili
traitait; ces opérations de mémoire et de rédac-
tion faisaient place à des vues de législation où'
il indiquait la réforme des vices de la législa-
tion française. Il se distingua surtout dans les'
questions abstraites. C'est là qu'il déploya deux-
qualités importantes dans un écrivain et surtouti
dans un avocat: la sagacité et la méthode. La,
plupart de ses mémoires et de ses consultations
sont des modèles de discussions bien faites et
bien écrites, sans autres ornements que ceux quii
naissent de son sujet même. » Legouvé acquit
une grande aisance sans recourir à des moyens:
qui répugnaient à sa délicatesse. « Ce qui con-
viendrait à un autre homme, disait-il, ne con-
viendrait pas à un avocat. » Sur le point de
mourir, il adressa ces paroles à son fils : « Je
vous souhaite une vie aussi pure et une mort
aussi douce que la mienne. » On a de lui des
mémoires imprimés et une tragédie intitulée Af-
filie, qu'il avait composée dans sa jeunesse et qui
n'a pas été représentée, mais qui fut réimprimée
par Lacroix en 1775. L. L— t.
Desessarts, Les Siècles Littéraires de la France. —
Chaudon et Delandine, Dict. wiiv. Hist., Crit.et Bibliogr.
• LEGOCVÉ ( Gabriel-Marie- Jean-Baptiste),
poète français, fils du précédent, né à Paris, le
23 juin 1 764 , mort à Montmartre, le 30 août 1812.
Son père lui transmit avec le goût de la poésie
dramatique une fortune assez considérable pour
que le jeune Legouvé pût se livrer à ce penchant
sans risquer de compromettre son avenir. A dix-
409
mit ans, maître, par la mort de son père, de
30,000 livres de rente, Legouvé préluda à ses
mccès futurs par des travaux pénibles et long-
emps infructueux, car il était dépourvu de toute
àcilité; mais, en même temps doué d'une per-
jévérance à toute épreuveetdu plus sincère amour
le l'art, il parvint à surmonter les obstacles dont,
i l'entrée delà carrière, tout autre eût peut-être
té rebuté. Une héroïde sur La Mort des fils de
Indus, publiée en 1786, in- 8°, avec deux pièces
|lu même genre, de Laya, sous le titre collectif
je Essais de Deux Amis , révéla au public le
aient naissant de Legouvé. Dès l'âge de vingt
Ins, il avait composé une tragédie en cinq actes,
yolyxène, qui a paru imprimée pour la pre-
mière fois dans le recueil complet de ses œuvres,
lublié treize ans après sa mort. Plusieurs frag-
ments traduits de La Pharsale de Lucain attes-
èrent les progrès que Legouvé avait faits de-
mis sa première héroïde, et le 6 mars 1792 la
représentation, au Théâtre-Français, de La Mort
ï'Abel, tragédie en trois actes (Paris, 1793,
p-8° ), éleva fort haut tout à coup la réputation
iu jeune et heureux imitateur de Gessner et de
tlopstock. Le talent dont Mlle Raucourt et Saint-
j'rix firent preuve dans les rôles d'Eve et de
Caïn ne contribua pas peu au succès de cette
louchante pastorale tragique, qui n'a disparu de
p scène que vers 1820, époque où Talma, ayant
loulu essayer le rôle de Caïn, y échoua complé-
Ement. La critique amère de La Harpe troubla
jeule, en 1"92, le triomphe de La Mort d'Abel,
j(ui, en lévrier 1793, fut suivie d1 Épicharis et
kéron (Paris, 1794, in-8°). Cette pièce fut, de
p part de Legouvé , un trait remarquable de
iourage patriotique, puisque la physionomie
iu tyran de Rome reproduisait d'une manière
jrappante celle de Robespierre, alors à l'apogée
jle son pouvoir. Cette heureuse hardiesse, des
Situations fortes, des traits énergiques, un cin-
ipiième acte d'un caractère neuf et d'un effet sai-
sissant, procurèrent un succès d'enthousiasme à
cette tragédie , le meilleur ouvrage de Legouvé.
falma fit une de ses plus belles créationsdu per-
sonnage de Néron, où, par un calcul bien en-
jendu , le dictateur français ne jugea pas à pro-
pos de se reconnaître , ce qui mit l'auteur à l'abri
du danger. Quintus Fabius, ou la discipline
romaine, tragédie en trois actes, jouée au
,nois d'août 1795 (Paris, 1796, in- 8°), n'offrit
p'une faible reproduction de la donnée princi-
bale de Brutus, moins le jeu des passions et les
uâles beautés du style : aussi la pièce n'eut-elle
me peu de représentations. Quatre ans plus
lard , Legouvé ne craignit pas d'engager une
lutte avec la muse tragique de Racine; mais s'il
fit ainsi acte de présomption, il fit en même
jtemps acte de prudence en s'attachant au pre-
mier essai de la jeunesse du grand poète, La
iThébaïde, ou les frères ennemis, dont il traita
Ile sujet, sous le titre d'Éléocle (Paris, 1800,
in-8° ). Dans cette, concurrence à demi posthume,
LEGOUYÉ 410
le poète vivant eut de son côté l'avantage de la
régularité du plan et d'un style moins inégal ;
mais il ne surpassa point son modèle dans la cou-
leur tragique de l'ensemble et la sombre énergie
de certains détails. Étéocle, joué à la fin de 1799,
avait été précédé, en 1798, de Laurence, tra-
gédie dont l'action transportée à Venise était
fondée sur l'anecdote apocryphe de la passion de
l'abbé de Châteauneuf pour sa mère, Ninon de
Lenclos. Quelques scènes empreintes de passion
ne purent sauver ce qu'une pareille donnée avait
d'invraisemblable et de révoltant. La parodie en
fit bonne justice sous le titre de Décence , et
cette prèce, qui disparut bientôt de l'affiche ,
n'obtint les honneurs de l'impression que dans
l'édition posthume des œuvres complètes de Le-
gouvé.
Ce fut de 1798 à 1800 que le poète , mariant
aux accents de sa muse tragique les accents les
plus suaves de la muse de l'élégie, fit paraître
successivement trois essais dans ce genre , La
Sépulture, Les Souvenirs, La Mélancolie. Une
douce sensibilité anime ces fragments élégiaques,
où l'expression poétique part du cœur : aussi
obtinrent-ils beaucoup de succès. Un succès en-
core plus prononcé accueillit à son apparition
Le Mérite des Femmes , poème publié à Paris
en 1800, in-12. L'heureux choix du sujet, l'inté-
rêt des scènes qu'offrait un pareil cadre, intérêt
qui s'accroissait par les impressions récentes du
grand drame révolutionnaire où tant de femmes
avaient fait preuve d'un si héroïque dévouement,
toutes ces causes donnèrent au poème de Le-
gouvé une vogue dont plus de quarante éditions
attestent assez la réalité et la durée; et cette
œuvre de quelques cents vers a plus fait pour la
renommée de l'auteur que tout son théâtre. Ad-
mis dès le mois d'octobre 1798 dans la seconde
classe de l'Institut ( langue et littérature, plus tard
Académie Française), successivement associé à
la publication des Veillées des Muses et de la
Bibliothèque des Bomans , Legouvé ne reparut
qu'en 1806 au Théâtre-Français, où, le 25 juin,
il fit représenter La Mort de Henri IV, sa der-
nière tragédie (Paris, 1806, in-8°). Le nom du
héros ayant fait craindre que la pièce ne fût pas
autorisée, l'auteur obtint de Napoléon la permis-
sion de la lui lire. Cette démarche eut un plein
succès : l'empereur offrit au poète une pension
que celui-ci refusa avec autant de dignité que
de convenance, en motivant son refus sur l'état
de sa fortune. De toutes les pièces de l'auteur,
La Mort de Henri IV est celle qui laisse le
moins à désirer quant au plan, au style et à
la grada'tion de l'intérêt. Elle réussit; mais de
nombreuses critiques s'élevèrent contre le choix
d'un sujet où, sans preuves historiques, le
meurtre de Henri IV était imputé à Marie de Mé-
dicis; où la physionomie populaire et tradition-
nelle du Béarnais était dénaturée et rendue mé-
connaissable par l'enluminure de la tragédie clas-
sique. Legouvé ne répondit que très-imparfaite-
411
ment au premier de ces reproches dans une bro-
chure intitulée Observations historiques sur
La Mort de Henri IV. Chargé, en 1807, de la di-
rection du Mercure de France, Legouvé ne la
conserva que jusqu'en 1810. Nommé antérieure-
ment suppléant de Delille, pour le cours de poésie
latine au Collège de France, il choisit pour su-
jet de ses leçons l'examen de la traduction de
L'Enéide parle professeur titulaire. Des extraits
étendus de ce travail très-distingué sont insérés
dans les Œuvres complètes. On y trouve aussi
des fragments de L'Enéide sauvée, poëme en
cinq chants, non achevé et resté inédit du vivant
de l'auteur. Legouvé s'était mépris en voulant
élever à la hauteur des formes de l'épopée un su-
jet qui n'offrait que la matière d'un discours; et
quelques détails très-brillants ne sauraient suf-
fire pour couvrir la nudité du fond et la faiblesse
de l'invention.
Vers la fin de 1810, des chagrins domestiques
trop fondés altérèrent rapidement la santé de
Legouvé, et même ses facultés intellectuelles.
Cette disposition fut encore accrue par un acci-
dent fâcheux qu'il éprouva, le 25 août 1811,
chez MUe Contât, à sa maison dTvry. Tombé
dans un saut de loup, il en fut retiré, au bout
de deux heures, dans un état de torpeur morale
qui ne fit qu'empirer jusqu'au moment de sa
mort, arrivée dans une maison de santé où on
l'avait transporté. Doué des qualités du cœur
au même degré que des dons de l'esprit , Le-
gouvé sut faire de sa fortune un généreux usage,
qui ne fut peut-être pas inutile à ses succès. Sa
maison était le rendez-vous des hommes de
lettres les plus distingués, et, outre ses amis,
sa table réunissait ses émules et ses rivaux. En
mentionnant les ouvrages qui ont fondé sa répu-
tation, nous avons omis quelques opuscules com-
posés en société et quelques morceaux sans im-
portance demeurés inédits. Écrivain rempli de
goût et de sensibilité , littérateur instruit et la-
borieux, Legouvé manqua de ce qui fait les
grands poètes, de l'inspiration; le dieu n'animait
pas ses strophes. Ce fut donc un imitateur
souvent heureux, mais qui ne doit point prendre
place parmi les modèles. Au talent de faire des
vers , Legouvé réunissait celui de les dire à mer-
veille. Mlle Duchesnois n'avait pas eu d'autre
maître que lui, lorsqu'elle parut avec tant d'é-
clat sur la scène française, en 1803. Une édition
complète des Œuvres de Legouvé a été publiée
en 1826, par les soins de MM Bouilly etCh. Malo,
3 vol. in-8° avec tig. [P.-A. Vieillard, dans
VEncycl. des G. du M.]
Bouilly et M Cta. Malo, Notice sur l'auteur, en tète
des OEuvres de Legouvé. — Alex. Duval, Discours de
réception à VAcad. française à la place de Legouvé, le
15 avril 1813 —Réponse de Regnault de Saint-.lean-d'An-
gély au discours d'Alex. Duval. — Geoffroy, Cours de
LiÛératurertramatiqiK, \omelV,p.lW.—B. Jullien, Hist.
delà Poésie franc, à l époque impériale. — Oenne-Ba-
ron, dans le Dict. de la Convers. — Quérard, La France
liitér.
* legouvé (Ernest-Wil/rid) , littérateur
LEGOUVÉ 412
français, fils du précédent, né à Paris, le 14 fé-
vrier 1807. Bouilly, chargé de sa tutelle, put lui
remettre à sa majorité une fortune considérable,
M. Legouvé fit ses études au collège Bourbon»
Tout jeune il s'était épris d'une jeune fille moins
riche que lui, mais qu'il ne put épouser qu'au re-
tour d'un voyage hors de France. 11 débuta dans
la carrière des lettres par un prix de poésie rem-
porté à l'Académie Française en 1829 sur la Dé-
couverte de l'imprimerie. Plus tard, il fit pa-
raître quelques poèmes dramatiques , s'essaya
ensuite dans la nouvelle et le roman; puis il
aborda le théâtre, souvent en collaboration. En
1848, il obtint l'autorisation d'ouvrir au Collège,
de France un cours public sur l'histoire morale1
des femmes. Il avait écrit pour MUe Rachel une;
tragédie de Médée, que la grande actrice finit par.
refuser de jouer, après avoir donné au poète
défe encouragements que celui-ci avait bien pu .j
prendre pour des promesses. Un procès s'ensuivit.;
MUe Rachel fut condamnée à jouer la Médée de:
M. Legouvé, et faute de le faire, elle dut paye*
5,000 fr. de dommages-intérêts que M. Legouvé.,
abandonna à la Société des Auteurs dramatiques,
et à la Société des Gens de Lettres. Cette piècti
de Médée fut traduite en italien par M. Mon-n
tanelli et représentée avec succès par Mme Risv
tori à Paris, en 1856. Élu membre de l'Acadé-i,
mie Française àlaplacedeM. Ancelot,le 1er marc,
1855, M. Legouvé fut reçu le 28 février 1856,i|
On remarqua dans son discours une défense,
spirituelle de la collaboration et un éloge délicat;,
de la femme, déjà famille et du mariage dénotai,
temps; aussi M.'Flourens put-il lui répondre : «L<i;
sanctuaire de la famille, empreint de suaves e-
poétiques inspirations , sut conserver pour voun,
le secret des accords qui avaient fait vibreii
la lyre du chantre du Mérite des femmes. » Où
a de M. Ernest Legouvé : La Découverte de
l'imprimerie , pièce qui a remporté le prix d<<
poésie à l'Académie Française en 1829; Parisï
1829, in-80; — Mon père, pièce de vers; Paris!
1832, 1846, in-8°; — Lés Morts bizarres:
poèmes dramatiques, suivis de poésies; Paris i
1832, in-18 : ce recueil contient : Le dernieH
Jour de Charles Quint. (1558); Lé Couy
de Dés; Phalère; La Mort du duc de Cla-
rence (1478); La Mort de Pompée; De l'in't
vention de l'Imprimerie; Maria Lucretia
fragment; — Max; Paris, 1833, in-8°; -
Les Vieillards ; Paris, 1834, in-8°; — Loai»
de Lignerolles, drame en cinq actes et Cl'
prose (avec M. Prosper Dinaux); Paris, 1838
in-8°;— Edith de Falsen; Paris, 1840, in-8°
1841, in-18; — Jean-Nicolas Bouilly. Aut
jeunes Lecteurs du Dimanche des enfants
Paris, 1842, in-8° ;—Guerrero, oit la trahison
tragédie en cinq actes et en vers , jouée ai
Théâtre-Français en 1845; Paris, 1845, in-8°;_-
Cours d'Histoire morale des Femmes; Paris
1848, in-8° : c'est le cours professé au Collég
de France; —Histoire morale des Femmes ; Pa
13 LEGOUVÉ
■ js, 1848, 1854,in-8°; — Advienne Lecouvreur,
jjmédie-drame en cinq actes, en prose, jouée
rec un grand succès par Mlle Rachel au Théâtre-
rançais, el écrit en collaboration avec M. Scribe;
aris, 1849, in-8°; — Les Contes de la reine
je Navarre, ou la revanche de Pavie, co-
lédie en cinq actes en prose ( avec M. Scribe) ,
(uée au Théâtre-Français en 1850; Paris, 1851,
[-8°; 1858, in-4° ; — Bataille de Dames, ou un
hel en amour, comédie en troi9 actes et en
rose, jouée au Théâtre Français en 1851 (en
lllaboration avec M. Scribe); Paris, 1851, m-8°;
«57, in-4°; 1858, in-18; — Médée, tragédie en
Lq actes; Paris, 1855, in-18; — Par droit
le conquête! comédie en trois actes en prose
avec M. Scribe ), jouée au Théâtre-Français en
B55; Paris, 1855 , in-8° ; — Les deux Hiron-
delles de cheminée, vers; Paris, 1857,in-8°; —
tes deux Misères, vers; Paris, 1857, in-8o; — Le
mmphlet, comédie en deux actes et en prose,
niée au Théâtre-Français en 1857; Paris, 1857,
1-18; — Les Doigts de Fée, comédie en cinq actes
I prose (avec M. Scribe), jouée au Théâtre-Fran-
lisen 1858; Paris, 1858, in-18; — Un Souve-
ïr de Manin, vers lus à la séancedes cinq acadé-
jies, 1858, in-S° ; — M"10 la duchesse d' Orléans,
lamen du livre portant ce titre; Paris, 1859,
1-8°. M. Legouvé a traduit Prométhée enchaî-
f, tragédie d'Eschyle. Il a été un des colla-
orateurs de la Galerie historique des Hommes
ïlèbres d'Italie , du Royal Keepsake, livre
les salons, de Paris- Londres, keepsake, où on
louve de lui : L'Armure des comtes Rottrick.
a Presse a imprimé de M. Legouvé Le Pou-
fir du Mari, nouvelle. Il travaille maintenant
L journal Le Siècle. L. L — t.
IFlourens, Réponse au discours de réception de M. Le-
yuvé à l'Académie Française. — Quérard, La France
littéraire. — Bonrquelot et Maury, La Littér. française
yntemp. — Lefeuve, Histoire du Lycée Bonaparte. —
ict. de la Convers.
! le GOWE.hLO (Regnauld), littérateur fran-
pis, né à Angers, le 1er septembre 1669, mort
pns la même ville,en octobre 1748. Élevé au
eminaire Saint-Sulpice à Paris, il fut reçu doc-
pur en Sorbonne, étudia ensuite le droit, et occupa
lenrlant deux ans une chaire de morale à Bour-
ses, et un an à Angers. L'évêquede cette dernière
ille , Michel Lepelletier, se l'attacha : Le Gou-
jello devint chanoine et trésorier de l'église
'Angers, grand-vicaire et bientôt officiai du
iocèse. Élu membre de l'Académie d'Angers,
p 22 décembre 1700, il y prononça l'éloge du
toi le 14 mai 1705, et le 3 juillet 1726, commu-
liqua à la compagnie celui de Claude Pocquet
le Livonnière , son meilleur ami. Les registres
le l'académie attestent qu'il « prenoit une part
ictive à ses séances par d'agréables communica-
ions, délassement d'études plus sérieuses, lisant
antôt des observations sur l'histoire littéraire,
antôt quelque ingénieux paradoxe ou une étude
critique sur les mœurs des gens de lettres ». Les
seules de ses œuvres qui aient été publiées sont :
- LE GOUZ 414
Vie de Guillaume Le Maire, évèque d'Angers;
Angers, 1730, in 4°; — Précis historique sur
Angers; 1730, in-4°; — Vie de René, roi de
Naples, duc d'Anjou; 1731,in-4°; — Oraison
funèbre de la comtesse d'Armagnac ; —Orai-
son funèbre de très-haut et très-puissant
prince monseigneur Louis, dauphin , pro-
noncée dans l'église d'Angers, le Mmars 1712;
1712, in-4°; — Eloge de M. Pocquet de Li-
vonnière; Paris, 1732, in-12. Il avait aussi ré-
sumé en un volume assez mince les dix à onze
immenses volumes des mémoires du clergé. Cet
abrégé, dont les copies s'étaient rapidement mul-
tipliées, eut un grand succès, mais n'a jamais été
imprimé. Célestin Port.
Manuscrits de ta Biblioth. d'Angers.
LE gouverneur ( Guillatime ) , prélat
français, né à Saint-Malo et mort dans la même
ville, le 25 juin 1630. Chanoine puis doyen de la
cathédrale de sa ville natale, il en devint évêque,
le 29 janvier 1610. En 1614, il assista comme
député du clergé aux états de Bretagne, fonda,
dans son diocèse, plusieurs établissements de
charité et de religion, et s'occupa de réunir les
règlements ecclésiastiques émanés de ses pré-
décesseurs. Il les publia sous le titre de : Statuts
synodaux pour le diocèse, de Saint-Malo;
Saint-Malo, 1612 et 1619, in-8°. A. L.
Moréri, Le Grand Dictionnaire Historique. — Richard
et Giraud, Bibliothèque sacrée.
le gouz de la BOULLAYE ( François ) ,
voyageur célèbre français, fils de Gabriel Le Gouz,
écuyer, sieur de Borde, et de Jeanne Le Bault,
né à Baugé en Anj-ou, vers 1610, mort à Ispahan,
vers 1669. Sa famille, comme il nous l'apprend
lui-même , était originaire d'Angleterre ; il faillit
même s'en mal trouver : dans son voyage en
Irlande, il fut, malgré son passeport, arrêté par
un magistrat qui, à sa physionomie, à sa taille,
à son parler, dit-il, l'accusait d'être Anglais et de
faire le métier d'espion, soutenant que son nom
était anglais. Le Gouz eut peine à s'en tirer;
Après le cours de ses études au collège de La
Flèche, poussé du désir de voir le monde et de
s'instruire, il quitta sa province pour aller
« rechercher dans les pays étrangers les plus
savants et les plus adroits hommes du monde ».
Il part de Paris en 1643 avec le capitaine Giron,
muni de lettres de recommandation de M. de La
Porte, grand-prieur de France; son compagnon
équipe un navire pour le service du roi d'An-
gleterre, et lui-même va s'engager comme vo-
lontaire dans les rangs des troupes françaises
au service de Charles 1er. Il y resta jusqu'à ce
qu'il eut appris la mort du capitaine Giron, as-
sassiné sur son bord , et du grand-prieur de La
Porte. Il passa en Irlande, visita Bristol, Dublin,
sortit à grand peine de cette île, poursuivi par un
vaisseaudes parlementaires, et franchit le détroit
après un combat de deux jours et de deux nuits ;
à peine à Brest, il s'embarque pour Amsterdam
gagne Copenhague, de là Riga, et revient par
415
LE GOUZ
416
Kœnigsberg, Thom, Dantzig, Lubeck et Ham-
bourg, et touche la France au Havre. De retour
à Paris, il n'a pas vu ses amis, qu'il fait projet
pour visiter l'Italie et autres lieux qu'il désirait
connaître. Mais de crainte qu'en passant par
l'Anjou ses parents ne s'opposent à ses des-
seins, il les instruit par lettres de son retour,
et en même temps en reçoit plusieurs de leur
part qui le conjurent de faire retraite « et de
suivre l'épée ou la plume». « Ma curiosité, dit-il,
n'étant pas satisfaite, je leur rendis grâce de leur
avis et leur fis savoir que je prenais mon chemin
pour le Levant. >• Il s'embarque à Marseille pour
Gênes, visite Livourne, Pise, Florence, sur
le chemin de Viterbe à Rome fait rencontre
de l'abbé Capponi, avec qui il se lia d'amitié,
séjourne deux mois à Rome et repart pour
Venise* Après avoir parcouru une partie de l'ar-
chipel grec et admiré les merveilles de Constan-
tinople,i! gagne Ispahan par la route d'Erzeroum,
rencontre au sortir de la Perse le père Alexandre
de Rhodes , et quelques lieues plus loin le sieur
Nicolas de Forest, joaillier sur le pont Saint-
Michel à Paris, dont il rapporta plus tard l'héri-
tage à sa veuve, prend la mer à Bender-Abbassi,
débarque àSouali près Surate, où un de ses com-
patriotes l'aborde, le père Zenon deBaugé, avec
qui il continue son voyage. Le 17 septembre,
muni de lettres de recommandation pour le vice-
roi de Goa, il s'embarque pour Damaon, arrive
à Goa, d'où un vaisseau anglais le conduit à
Rajapour. Là, à la descente du navire, il est ar-
rêté avec ses compagnons par le gouverneur
indien, à la requête des créanciers d'une com-
pagnie anglaise, récemment ruinée, qui veulent
rendre les voyageurs solidaires des dettes de
leurs compatriotes. Ils sont enfin relâchés, grâce
à leur fermeté, au bout de six jours. De retour à
Souali, le 1er mars 1649, Legouz monte sur un
vaisseau anglais, touche à Bassora, gagne, à tra-
vers le désert, Alep, Tripoli de Syrie, Damiette,
le Caire , visite les Pyramides , reprend la mer à
Rosette, s'arrête à Alexandrie, à Rhodes et dé-
barque enfin, le 15 février 1650, à Livourne. Il
apprend là la mort du P. Zenon, son ancien com-
pagnon de route , et en arrivant à Rome celle
de l'abbé Capponi. Son frère, le cardinal, l'ac-
cueille avec honneur, lui donne logement dans
son palais , bouche à cour, et deux officiers pour
le servir. Mais Le Gouz, à la nouvelle de la mort
de son père et sur les bruits qui couraient de la
sienne, se décide à prendre congé de son bien-
faiteur et accourt en toute hâte en Anjou pour re-
vendiquer son héritage; arrivé à Saumur, il
loue des chevaux pour gagner plus vite la mai-
son de sa mère, distante de six lieues. Le valet
de chambre lui refuse l'entrée; il décline son
nom et parvient enfin à se faire ouvrir ; mais
n'ayant point trouvé là celle qu'il cherchait, il
se dirige vers la maison qui lui revenait dans la
fortune paternelle; chemin faisant, il apprend
qu'un de ses beaux-frères s'en était emparé et en
! avait chassé sa mère, soutenant que notre voya-
j geur était mort depuis quatre ans. Le Gouz venait
j en personne rendre témoignage du contraire. 11
j lui envoya dire par un gentilhomme qu'il sortît
[ de la maison , ou s'attendît à bonne guerre. Le
lendemain le duc de Rohan, gouverneur de la
province , fit son entrée dans la ville de Baugé.
L'arrivée en Anjou d'un personnage persan (car
Le Gouz ne quittait plus le costume, dont il
avait pris l'habitude dans ses voyages ) fut un
événement. Leduc demanda à voir le nouveau
venu, et tout d'abord lui fit rendre sa mai-
son, confiant à Le Marié, conseiller au présidial
d'Angers, le soin d'arranger ses différends
avec la famille. Mais la partie adverse, con-
damnée par la décision de l'arbitre , puis par
les tribunaux du pays, en appelle au parlement
de Paris. Le Gouz s'y rend pour soutenir sa
cause. Madame de Lansac, gouvernante du roi,
lui procure la connaissance du comte de Nogent-
Baûtru. « Ce comte, dit-il, trouva à propos que je
saluasse leurs majestés et que je les informasse
des forces et façons des pays où j'avais été; il
en parla au roi. Sa majesté désira me voir dans u
l'habit et équipage persans, se donna la peine
de lire quelques mémoires de mes voyages, et
me commanda d'en faire part au public ». La
relation de Le Gouz a pour titre : Les Voyages
et Observations du siettr de La Boullaye Le
Gouz, gentilhomme angevin, où sont décrites
les religions, gouvernements et situations des"
Estais et royaumes d'Italie, Grèce, Natolie,!
Syrie, Perse, Palestine, Karaménie, Kaldée,>
Assyrie, Grand Mogol, Bijapour, Indes Orien-i
taies des Portugais, Arabie, Egypte, Hol-i
lande, Grande-Bretagne, Irlande, Danne-t
mark, Pologne , isles et autres lieux d'Eu-i
rope, Asie et Affrique où il a séjourné, le tout'i
enrichy de belles figures ; Paris, 1653, in-40;'
la seconde édition fut imprimée à Troyes,
1657. Quoique inférieure à la première pour
la qualité et la dimension du papier, on la
préfère, comme plus complète. Elle est dite
« augmentée de quantité de bons advis pour
ceux qui veulent voyager, avec un ordre pow
suivre les karavanes qui vont en diverses
parties du monde. » L'ouvrage est dédié au
cardinal Capponi, « cardinal et prince delà sainte
Église romaine, premier-prêtre, grand-biblio-
thécaire du Vatican et protecteur de la nation
maronite. » Après un avis, assez fièrement tourné,
au lecteur, suit une liste des voyageurs que l'au-
teur a pu consulter, sous ce titre : Sentiment
du sieur de La Boullaye Le Gouz sur les di-
verses relations qu'il a lues des pays étran-
gers. Chaque ouvrage cité est accompagné dt
quelques mots d'éloge ou de critique qui té-
moignent d'ordinaire d'une appréciation juste el
sensée. A la lin du livre, et comme preuve sans
doute que l'auteur a atteint. le but de tant d«
courses aventureuses, se trouvent énumérés.toul
au long les noms et qualités des amis et con
417
naissances que l'auteur s'est acquis dans ses
voyages ; le tout terminé par cet axiome : « Les
voyages font les hommes, et les hommes les
amis. » D'après la lecture de l'ouvrage, on peut
juger qu'on a affaire à un gentilhomme d'esprit
libre et curieux, assez instruit d'ailleurs pour
disserter au besoin de théologie avec des théo-
logiens <k pour l'honneur de son pays », voyant
peu d'ordinaire, mais voyant bien, et ne rappor-
tant que ce qu'il a vu, avec un air de sincérité
qui au moins intéresse. Il y a peu de remarques
profondes, mais souvent de l'esprit et un fonds
d'originalité dans le récit qui en fait pardonner
la brièveté. Les figures imprimées dans le texte
sont grossièrement dessinées et sans art ; on y
trouve le plan du sérail, les ruines de la tour de
Babel , le dessin d'une page d'hiéroglyphes tra-
cés sur un papyrus découvert pendant le séjour
de l'auteur en Egypte. En tête du livre, Le Gouz
est représenté avec cette inscription : « Portrait
du sieur La Boullaye Le Gouz en habit levan-
tin, connu en Asie et en Afrique sous le nom
l'Ibrahim-Bey, et en Europe sous celui devoya-
j'eur catholique. » Mais l'oisiveté devait pe-
ser à un esprit d'humeur si peu sédentaire. Le
Gouz revit à Paris le P. de Rhodes, qu'il avait
•encontre dans ses voyages. Ils projetèrent de
repartir ensemble pour une course nouvelle;
[projet qui ne fut pas mis à exécution. La Com-
ibagnie des Indes, alors en quête d'agents ha-
.piles pour représenter ses affaires à la cour
Bes princes du pays, fit appel à l'expérience
ne notre voyageur, et le roi l'accrédita. Avant de
[partir néanmoins, le 20 août 1662, devant Cres-
lon , notaire de Saint-Laurent-dcs-Mortiers, con-
Irai de mariage fut passé « entre messire Fran-
çois Le Gouz, sieur de La Boullaye et du Gœuvre,
ilhevalier de l'ordre du roi, ambassadeur pour sa
ijnajesté vers les rois de Perse et des Indes, avec
tamoiselle Elisabeth Gaultier, fille de messire
Jean Gaultier, écuyer, sieur de Bruslon, maître
■es requêtes de la reine et ancien procureur du
joi au siège présidial de Châteaugontier ». Au
pois d'octobre 1664, Le Gouz partit pour la
[Perse, où il mourut, et, par ordre du schah,
ut enterré magnifiquement. On accusa des gens
le sa suite de l'avoir assassiné pour s'approprier
es présents qu'il avait reçus du prince persan;
pais son chirurgien rendit témoignage , au re-
• pur, que Le Gouz était mort d'une fièvre chaude.
Célestin Port.
I Pocquet de Livonnière, Ias Illustres d'Anjou, ross. de
|i Bibl. d'Angers. — Archives de Maine-et-Loire.
;i.egoyt (Alfred), économiste et statisti-
ien français, nélel8novembrel815,àClermont-
errand ( Puy-de-Dôme ), se destina d'abord à
i carrière du barreau. Secrétaire de M. Tissot,
e l'Institut, il prit part à plusieurs de ses tra-
aux, entre autres à son Histoire de la Révolu-
ion française, et entra en 1839 dans l'admi-
istration.il provoqua successivement : en 1850,
i décret qui met au concours les fonctions d'ar-
NOUV. BlOCn. GÉNÉR.
LE GOUZ — LEGRAIN 418
chivistes dans les départements; en 1851, l'orga-
nisation nouvelle du dénombrement de la popula-
tion en France; et en 1852, celle dans chaque
canton d'une commission permanente chargée de
dresser tous les ans les statistiques des faits agri-
coles les plus usuels. M. Legoyt est chef de bu-
reau de la statistique générale et secrétaire de la
commission permanente des archives au mi-
nistère de l'intérieur. On a de lui: Territoire et
Population, tableaux du mouvement de la po-
pulation en France, de 1837 à 1851, d'après les
dénombrements généraux et les relevés de l'état
civil (1854, in-4°) ; — Mouvement de la Popu-
lation en 1853, précédé d'une introduction, où
sont expliquées pour la première fois les lois
mathématiques des progrès de la population en
France; 1856,in-4°; — Mouvement de la Popu-
lation française en 1854, avec introduction;
1857, in-4»; — Statistique agricole en 1852, re-
cueillie par les soins des commissions de sta-
tistique cantonale; lre partie, 1858 ; — Statis-
tique de l'Assistance publique en France, de
1842 à 1854, avec introduction ( hôpitaux, hos-
pices, bureaux de charité, monts-de-piété, asiles,
ouvroirs, crèches, sociétés maternelles, etc.;
1858, 4 vol. in-4° ; — Statistique des Asiles d'A-
liénésen France, de 18i2à 1854, avec introduc-
tion; 1859, in-4°; — Mouvement comparé de
la Population en France et dans les autres
États de l'Europe; 1859, in-4°. C'est le pre-
mier document officiel , et l'un des travaux
les plus importants qui aient paru jusqu'à ce
jour sur cette matière ; — Résultats généraux
du dénombrement de la population en France,
en 1856, avec une introduction où sont comparés
les résultats des divers recensements de 1790 à
1856; 1859. Outre ces travaux officiels, M. Le-
goyt a publié : La France statistique; 1843,
in-8° : ouvrage couronné par l'Académie des
Sciences en 1845; — Le Livre des Chemins de
Fer, ou essai historique sur les chemins fer
français et étrangers (in-12, 1845); — Re-
cherches sur la charité officielle et privée à
Londres; 1847, in-8° : c'est une étude sur le
paupérisme; — Essai sur la Centralisation
administrative; 1849, in-8° ; — Des Effets éco-
nomiques de la loi de Succession en France
(dans le Journal des Économistes, 1856); —
Étudesur les Chertés anciennes et modernes;
— Des Maladies de l'Intelligence chez les
nations modernes (dans la Revue Contempo-
raine, 1856-1858), etc. Il a collaboré à grand
nombre de revues et publications administratives
ou scientifiques. M. Legoyt s'occupe depuis
longtemps d'une Histoire de la Statistique.
J. F.
Docum. partie.
légua in ou LEGiiiN ( Jean- Baptiste ) ,
seigneur de Guyencourt et de la Laye, historien
français, né à Paris, le 25 juillet 1565, mort à
Montgeron, le 2 juillet 1642. Il appartenait à une
famille noble des Pays-Bas et n'avait que deux
T. xxx, 14
419
LEGRAIN — LEGRAND
420
ans lorsqu'il perdit son père , qui était conseiller
au Chàteiet. Ses études terminées , il fréquenta
la cour, fut attaché à la personne de Henri IV,
qui le choisit pour conseiller et maître des re-
quêtes ordinaire de l'hôtel de la reine Marie de
Médicis. 11 se démit de ses emplois pour écrire
l'histoire de son temps; mais sa franchise lui
attira des tribulations. Il avait tant d'éloignement
pour les jésuites qu'il défendit, par son testa-
ment, à ses descendants de leur confier l'éduca-
tion de leurs enfants. On a de lui : Décade
contenant i1 histoire de Henri le Grand, roi
de France et de Navarre, IVe du nom, en
laquelle est représenté létat de la France
depuis le traité de Cambrai, en làb9,jtisques
à la mort dudit seigneur, en 1610; Paris,
1614, in-fol. ; Rouen, 1633, in-4°; — Décade
commençant V histoire de Louis XIIIe du
nom, roi de France et de Navarre, depuis
Van 1610 jusqu'en 1617; Paris, 1618, in-fol.
Legrain a laissé en manuscrit : Troisième Dé-
cade, contenant l'histoire de France jusqu'à
l'année 1640; in-fol.; — Recueil des plus si-
gnalées Batailles, journées et rencontres qui
se sont données en France et ailleurs par les
armes des rois , depuis Mérouée jusqu'au roi
Louis XIII, 3 vol. in-fol.;— Discours sur les
Syrènes; — Discours sur le nombre Trois;
— Discours pour montrer que l'établisse-
ment d'un lieutenant général en un royaume
est la totale ruine du loi et de l'État ; — un
recueil contenant la chronologie des rois de
France, des remarques sur ces princes et sur
les enfants de France, les droits de ce royaume,
les usages, etc., sur les empereurs et les con-
suls romains ; — un journal contenant la généa-
logie de sa famille, avec un récit des principaux
événementsarrivés en France et dans les États voi-
sins depuis 1 597 jusqu'à la majorité de Louis XIII
inclusivement. « L'auteur, dit l'abbé Goujet, entre
dans ce journal dans un grand détail de la mort
de Henri IV, du supplice de Ravaillac, des vertus
du prince défunt, et de ce qui suivit cette mort;
il y rapporte aussi assez au long la conspiration
du maréchal de Biron, et les suites qu'elle eut,
quelques pièces de poésie qu'il composa en
1592, à la louange de ce maréchal, qui n'avoit
point encore conspiré contre ce prince, et une
épitaphe qu'il fit pour le môme après qu'il eut
été décapité. « Legrain laissa en manuscrit un
Brief Discours des Guerres civiles des Pays-
Bas, dits la Flandre, depuis 1559 jusqu'en
1582, distingués par les gouvernements ; et
une Consolation à M. le prince de Condé lors
qu'il fut arrêté après la mort du maréchal
d'Ancre. Tous ces manuscrits, acquis par l'abbé
Goujet, avaient passé dans la bibliothèque du
duc de Charost. J. V.
Abbé Goujet, dans le Grand Dici. Historique de Mo-
réri, édillon de 1759.
LEGRAND OU I.EGRANT (Jacques), JOr
çobus Magmjs, moraliste et prédicateur fiançais,
vivait au commencement du quinzième siècle.
Il était né à Toulouse et non à Tolède , eomms
l'ont prétendu certains biographes. 11 entra dans
l'ordre des Augustins, et professa, dit-on , quel-
que temps la philosophie et la théologie à Pa«
doue. Il était en 1405 à Paris, où il se signala
par la hardiesse "de ses prédications. Parlant
devant la cour, le jour de l'Ascension , il osa s'é-
lever contre la reine Isabeau de Bavière et 1«
duc d'Orléans, auxquels le peuple attribuait les
malheurs publics. Son audace resta impunie, et
fut même récompensée par le roi Charles VI, '
qui était alors dans un intervalle de bon sens (1).
Malgré ses attaques contre le duc d'Orléans,
Legrand n'appartenait pas au parti du duc de
Bourgogne, et après l'assassinat du duc d'Or-
léans , il s'attacha au jeune fils de ce prince. H
fut chargé déporter au roi d'Angleterre Henri rv .
les propositions des chefs du parti d'Orléans ou i
d'Armagnac. 11 s'embarqua à Boulogne avec i
tant de précipitation qu'il oublia ses papiers, qui
furent saisis et portés à Charles VI. A partir
de cette époque, Legrand disparaît de l'histoire.
On a prétendu, mais sans aucun fondement, j
qu'il devint le confesseur de Charles VU. On a
de Jacques Legrand : Le Livre des bonnes
Mœurs, dédié à très-noble prihee et redoubté
seigneur Jean , fils de roi de France, duc de
Berry et d'Auvergne; Chablis, 1478, in-fol. ,./
gothique; traduit en anglais par William Caxton,r
"Westminster, 1487, in-fol., gothique. Ces deux !
éditions sont très-rares; — Sophologium ex:\
antiquorum Poetarum, Oratorum atquePhi-
;
(1) Voici comment Juvénal des Ursins raconte cet in-r
cident : « En ce temps on parloit fort de la reyne et ded
monseigneur d'Orléans, et disoit-on que c'estoit par euxj
que les tailles se faisoient, et que les aides couroient et
levoient, sans ce que aucune chose en fust mise et em-i
ployée au faict de la chose publique, et assez hautement
par les rues on les maudissolt, et en disoit-on plusieurs
paroles. La reyne en un jour de teste voulut oiiyr un
sermon , et y eut un bien notable homme, lequel à ceiÇ
faire fut commis. Lequel commença à blasmer la reyne
en sa présence, en parlant des exactions qu'on laisoit:
sur le peuple , et des excessifs eslats qu'elle et ses femmes»
avoient et tenoient ; et connue le peuple en parloit en
diverses manières, et que c'estoit tuai fait, dont la reyne
fut très-mal contente. Et le dit prescheur, en s'en re-
tournant de la prédication , fut remontré d'aucuns
hommes et femmes de la cour, et luy dirent qu'ils es-
toient bien esbahis comme il avoit ozé ainsi parler. El
il respondit, qu'encures estoit-il plus esbahi comme on
ozolt faire les fautes et péchez qu'il avoit dit et déclaré '
Et en s'en allant outre, il rencontra encores un auir«
homme, qui luy dit en jurant le sang de Notre-Seigneur,
que qui le croiroit qu'on l'invoyerolt noyer. Et le bot
homme dit : il n'en faudroit qu'un autre de telle volont»1
que tu es, avec toy, pour hàre un grand mal Ladite
prédication vint à la cognolssaoce du roy, et luy rap
porla-on plus pour mettre à indignation le bon-homme
que autrement. Et dit le roy qu'il le vouloit oiiyr près
cher, et fut ordonné que le jour de la l'entecoste 11
presoheroit. Lequel prescha, et prit son thème : Spiri '
tus sanctus docebit vos omnem veritatem Et le déduisi
bien grandement et notablement. Et s'il avùrt parlé ei
la présence de la reyne des grands péchez qui couroient
encores en parla-il plus amplement et largement en I:
présence du roy, et fit tant que le roy fut content , et s
luy fit donner aucune légère somme d'argent. » (Histoir
de Charles VI, p. 435, édit. Micb»ud.)
421 LEGRAND
losophorum gravibus sententiis collectum;
Paris ( Crantz, Gering et Eriburger), 1475,
in-fol. ; 1477, in-4°. Legrand traduisit en fran-
çais une partie de son ouvrage, à la demande
du duc d'Orléans. Cette traduction, intitulée Ar-
chiloge- Sophie, est restée manuscrite. N.
Elssios, Encnmiasticon Aunustinianum. — lAibbé Sel-
lier, Mémoire sur quelques écrits d auteurs français
qui ont fleuri au quatorzième siècle, dans le recueil de
Y Académie des Inscriptions, t. X. — Mémoires de Tré-
voux , ni ût 1T46. — Morén, Grand Dut. Histor.
legrand {Mathieu ), jurisconsulte français,
né à Gaillardon, vers 1558, mort à Orléans, vers
1622 11 suivit à Bourges les coûts de Cujas, fut
reçu docteur à l'université d'Angers, et devint
professeur à Orléans. On a de lui : un Traité sur
le Droit civil , un autre Sur V Intérêt ; Paris,
422
605, in-12. La Bibliothèque d'Orléans possède
ui un commentaire latin manuscrit in-folio
de 200 pages ayant pour titre : Annotationes
i Jibram tertium Decrelalium. C. P.
Pocquet de I.ivonriière, Les Illustres A' Anjou, mss. à
Bib. d'Angers. — Ménage, Not. in vit. OErodii. —
'eleiis, Art tones foreuses , 1. III, art. I.
legrand (Louis), jurisconsulte français,
lé à Troyes, en 1588, mort le 10 janvier 1664.
1 exerça pendant quelques années à Troyes la
irofession d'avocat; en 1625 il succéda à un de
es oncles dans la charge de conseiller au bail-
iage et au présidial. On a de lui : Traité des
destitutions ; Troyes, 1655, in-8°; — Coutume
'u Bailliage de Troyes, avec commentaires;
aris, 1661, 1681, et 1737, in-fol. E. G.
Clmudou et Delandine, Dictionnaire Historique.
legrand (Pierre), fameux flibustier (l)
ctncais, né à Dieppe, vers 1632, mort dans la
lême ville, en 1670. 11 était déjà un des plus
abiles marins normands, et avait fait plusieurs
oyages au long cours , lorsque, pour faire ra-
rement fortune et entraîné aussi par la haine
ie les gens de mer français portaient alors aux
pagnols , il se rendit à l'île de la Tortue (2),
s'engagea parmi les frères de la Côte, dont
devint bientôt l'un des chefs. C'était au début
s cette redoutable association : les moyens
action ne répondaient pas encore à la volonté
;s flibustiers, et Pierre Legrand ne commandait
'un mauvais lougre portant quatre petits ca-
>ns et vingt-huit hommes d'équipage. Ce fut
rec cette frêle embarcation qu'en 1660, croisant
la hauteur du cap Tiburon, pointe occidentale
! Haïti, il rencontra un galion espagnol riche-
ent chargé, mais défendu par cinquante-quatre
1) Ce mot vient de Fly-boat (tlibot) qui signifie en an-
»ls un bâtiment léger. On a dunné ce nom de flibus-
:rs à des aventuriers de toutes les nations, mais pour
plupart anglais et français; ils ont mérité une place
lis l'histoire par les entreprises hardies qu'ils ont exé-
tées. Les Oieppois surtout se signalèrent dans la pêche
ix Espagnols; c'est ainsi qu'ils appelaient leurs croi-
ses.
;2) Petite île située à deux lieues de Saint-Domingue,
qui devint l'asile des boucaniers lorsque ceux-ci, pcr-
|cutés par les Espagnols, furent réduits à se faire flibus-
canons et deux cent cinquante hommes. Le pa-
villon d'un vice-amiral se déployait sur le gail-
lard d'arrière : il appartenait à une Hotte mar-
chande qui faisait voile vers l'Europe et en avait
été séparé. Legrand , après quelques semaines
d'une croisière stérile, proposa à ses hommes
d'attaquer ce redoutable ennemi. Cette proposi-
tion fut acceptée, et pour donner le courage du
désespoir on perça le lougre corsaire en divers
endroits, alin qu'il coulât au moment où on
aborderait le bâtiment espagnol. On se porta
alors sur l'ennemi : le soleil se couchait et les
Espagnols étaient à table ou à jouer. Les flibus-
tiers montent de toutes parts , tuent tout ce
qui fait résistance, et en peu d'instants sont maî-
tres du navire. Assaillis si inopinément et n'a-
percevant aucun bâtiment autour d'eux, les Cas-
tillans se rendirent, regardant les flibustiers
comme « des diables tombés du ciel », et depuis
I les surnommèrent los demonios de las mai es.
I Le capitaine Legrand fit en cette occasion une
j capture qui enrichit lui et son équipage. Plus
sage que beaucoup de ses confrères, il ne voulut
pas s'exposer au danger de perdre des richesses
si dangereusement acquises ; il mit à terre tous
ses prisonniers, et fit voile aussitôt pour la
France, où il finit ses jours, honoré de ses con-
citoyens. A. de L.
Raynal, Histoire Philosophique des deux Indes, \\\. X.
— Van Tènac, Histoire de la Marine, t. III, p. 25-.
legrand (Antoine), philosophe français,
né à Douai, au commencement du dix-septième
siècle, mort en Angleterre, à la fin du même siècle.
Ayant fait profession dans l'ordre de Saint-
François, il s'associa avec les membres du col-
lège anglais de sa ville natale, fut envoyé en
Angleterre en qualité de missionnaire, et se fixa
dans le comté d'Oxford. Il avait professé la phi-
losophie et la théologie à l'université de Douai,
et avait essayé de réduire la philosophie de
Descartes à la méthode scolastique. On l'a\ait
surnommé Y abréviateur de Descarter,. 11 eut
avec Jean Sergeant de vives querelles sur la na-
ture des idées et sur d'autres questions de méta-
physique. On a de Legrand : Le Sage des Stoï-
ques, ou V homme sans passions, selon les sen-
| timents de Sénèque, dédié à Charles II, roi
d'Angleterre; La Haye, 1662, in-12 : cet ouvrage
a reparu sous ce titre : Les Caractères de
l'homme sans passions; Paris, 1663, 1682,
in-12; Lyon, 1665, in-12; — Physica; Ams-
terdam, 1664, in-4°; — VÉpicure spirituel,
ou V empire de la volupté sur les vertus;
Douai, 1669, in-8°; — Philosophia Veterum,
e mente Menati Descartes more scholastico
breviter digesta; Londres, 1671, in-12 : cet
ouvrage, considérablement augmenté, reparut
sous ce titre : Institutio Philosophix secun-
dum principia Renati Descartes, nova mt-
thodo adornata et explicata ad usum ju-
ventutis academicœ; Londres, 1672, in-8°;
1678, 1683, in-4°, Nuremberg, 1695, in-4°; -—
14.
423
LEGRAND
424
Historia Matant, variis expérimentes et ra-
tiocinas elucidata ; Londres, 1673, in-8°;
1C80, in-4°; Nuremberg, 1678, in-8°; 1702,
in-4° ; — De Carentia Sensus et Cognitionis
in brutis ; Londres, 1675, in-8°; Nuremberg,
1679, in-8" : ouvrage attribué à tort quelque-
fois à Henri Jenkins ; — De Ratione cognos-
cendi et appendix de mutatione formait,
contra J. S. ( J. Sergeant) methodum sciendi;
Londres, in-8°; — Apologia pro Renato Des-
caries, contra Samuelem Parkerum; Londres,
1679, in-8°; 1682, in-12; Nuremberg, 1681,
in-12; — Scydromedia, seu sermo quem Al-
phonsus de La Vida habuit coram comité
de Falmouth , de monarchia libri II ; Nu-
remberg, 1680, in-8°; — Curiosus rerum
abdilarum naturseque arcanorum Perscru-
tator; Francfort et Nuremberg, 1681, in-12;
— Animadversiones ad Jacobi Rohaultii
Tractatum physicum; Londres, 1682, in-8°;
— Historia Sacra, a mundi exordio ad Cons-
tantini Magni imperium deducta; Londres,
1685, in-8°; — Missse Sacrijicium neomystis
succincte expos ilum; Londres, 1695, in-12.
J. V.
Chaudon et Dclandine, Dict. univ, Hitt., Crit. et BU
bliogr.
legrand ( Jean-Baptiste ) , philosophe
français, mort vers 1704, à Paris. Il était ar-
dent cartésien. A la fin de sa vie, il s'était re-
tiré au séminaire de Saint-Magloire. En mou-
rant, Clerselier lui avait laissé, en 1684, plusieurs
manuscrits de Descartes qu'il possédait et une
somme de 500 livres , à la charge de mettre ces
papiers en état d'être imprimés. L'abbé Legrand
s'occupa avec zèle de cette tâche; mais il mourut
sans avoir achevé son travail, qu'il confia par son
testament à Marmion , professeur de philosophie
au collège des Grassins. Ce dernier mourut un
an après, ordonnant de rendre à la mère de Le-
grand l'argent et les manuscrits qu'il avait reçus.
Depuis ces manuscrits disparurent. L'abbé Le-
grand les avait communiqués à Baillet. J. V.
Nouvelles de la République des Lettres , Juin 170S. —
Baillet, Préface de la Vie de Descartes.
legrand (Joachim ), historien français , né
à Saint-Lô (Normandie ), le 6 février 1653, mort
à Paris, le 1er mai 1733. Après ses premières
études, il alla à Caen faire sa philosophie. En
1671 il entra chez les Oratoriens , et y étudia les
belles-lettres et la théologie. Il en sortit en 1676,
et se rendit à Paris , où il se lia avec le père
Lecomte, qui travaillait aux Annales ecclé-
siastiques de France. Ce savant conseilla à
l'abbé Legrand de s'appliquer à l'étude de l'his-
toire, et lui enseigna la paléographie. En 1781
l'abbé Legrand perdit le père Lecomte; il en
fit l'éloge, ainsi que celui de Michel de Ma-
roles, abbé de . Villeloin. Ces deux éloges pa-
rurent dans le Journal des Savants, l'un au
mois de février 1781, l'autre au mois d'avril delà
même année. L'abbé Legrand se chargea succes-
sivement de l'éducation du marquis de Vins et
de celle du duc d'Estrées. S'étant rencontré avec
le docteur Burnet à Paris , il lui présenta quel-
ques objections sur son Histoire de la Réfor-
mation ; Burnet s'en prévalut pour appuyer ses
opinions sur les avis de l'abbé Legrand; celui-
ci crut devoir protester, et il s'ensuivit une po
lémique assez vive. L'abbé d'Estrées ayant été
nommé ambassadeuren Portugal en février 1792,
emmena labbé Legrand comme secrétaire d'am
bassade. Legrand demeura en Portugal jusqu'en
1697, ramassant des matériaux sur l'histoire des
colonies portugaises. De retour en France, il fit
un voyage en Bourgogne et en Dauphiné pour,
recueillir des mémoires relatifs à l'histoire de
Louis XI. En 1702 il suivit l'abbé d'Estrées en
Espagne, où il rempli! les fonctions de secrétaire
d'ambassade sous le cardinal d'Estrées jusqu'en
1703. L'abbé d'Estrées ayant pris la place de son
oncle, l'abbé Legrand continua sous celui-ci les
mêmes fonctions. Ils accompagnèrent en 1704
le roi d'Espagne aux frontières du Portugal, el
revinrent en France. A peine l'abbé Legrand j
fut-il arrivé que les ducs et pairs du royaume le
choisirent pour secrétaire général. Dès l'année
suivante le marquis de Torcy l'attacha aux af-
faires étrangères , et le chargea de rédiger cer-
tains mémoires qui parurent sur les relation!
extérieures. Le chancelier D'Aguesseau le charge;
en 1717 de dresser le plan d'une collection gé
nérale des historiens de France ; les événements
empêchèrent de donner suite à ce projet. Il li
nomma aussi censeur royal ; mais l'abbé Le
grand n'en remplit pas longtemps les fonctions
En 1720 il fut choisi pour travailler à l'inven
taire du trésor des chartes ; il y mit beaucoup
de zèle, ce qui ne l'empêcha pas de s'occupe
de son Histoire de Louis XI, lisant tous le
ouvrages qui avaient été écrits sur ce prince €
sur ses contemporains , fouillant dans toutes le
bibliothèques , dans les archives de la chambr
des comptes , du parlement, des hôtels de vilU
de châteaux, etc. Il intitula son livre Histoire t
vie de Louis XI, roi de France, avec les prev
ves. S'étant déterminé en 1726 à la faire in
primer, il l'avait soumise à l'examen du chai
celier; mais il changea d'avis deux ans après,
l'ouvrage est resté inédit. L'abbé Legrand pa;
sait une partie de l'année à Savigny, chez le ma
quis de Vins, dont il avait élevé le fils unique. I
marquis de Vins, étant mort en février 173
l'abbé Legrand rédigea son éloge, qui parut dai
le Mercure du mois de mars. Il ne lui survéc
pas longtemps , et mourut d'une attaque d'ap
plexié. 11 était prieur de Neuville-les-Dames et
Prévessin. « C'étoit un homme plein d'honneu
de probité et de religion , dit le père Bouger
et des plus habiles du royaume sur le droit p
blic; d'une vaste érudition, d'une sagacité a
mirable. Quelque embrouillée que fût une
faire, il en saisissoit les difficultés, et
esprit pénétrant et fécond lui suggéroit des exj
,H
425
LEGRAND
426
Jients pour les franchir. » On a de lui : Histoire
du Divorce d'Henry VIII, roi d'Angleterre ,
et de Catherine d'Aragon ; la défense de San-
derus; et la Réfutation des deux premiers
\livres de l'Histoire de la Réformation de
m. Burnet, et les preuves ; Paris, 1688, 3 vol.
En-12 ; — Lettre du docteur Burnet, où il
[fait une courte critique de l'Histoire du Di-
ïvorce d'Henry VIII, avec un avertisse-
ment et des remarques de l'abbé Legrand;
{Paris, 1688, in-12; — Lettres au docteur
'Burnet sur l'Histoire des Variations (deBos-
suet ) , sur l'Histoire de la Réformation ( de
Burnet), et sur l'Histoire du Divorce de
[Henry VIII, avec une préjace contenant des
[observations sur V Histoire des ÉgLses ré-
formées de Basnage; Paris, 1691, in-12; —
\n\sloire de l'isle de Ceylan, du capitaine
^ean de Ribeyro, traduite du portugais, aug-
mentée de nombreuses additions; Trévoux, 1701,
in-12: l'auteur pense que l'île de Ceylan est
la Taprobane des Grecs et des Romains; —
Mémoire touchant la succession à la cou-
ronne d'Espagne, prétendue traduction de l'es-
pagnol, anonyme; 1711, in-8°; — Réflexions
sur la lettre à un Milord sur la néces-
sité et la justice de l'entière restitution de
la monarchie d'Espagne; 1711, in-8°; —
Discours sur ce qui s'est passé dans l'Em-
pire au sujet de la succession d' Espagne ;
1711, in-4°; — L'Allemagne menacée d'être
bientôt réduite en monarchie absolue; 1711,
in-4°; — Lettre de M. D.... à M. le docteur
M. touchant le royaume de Bohême; in-4°;
— Relation historique d'Abyssinie du R. P. Jé-
rôme Lobo, de la Compagnie de Jésus, tra-
duite du portugais , continuée et augmentée
de plusieurs Dissertations , Lettres et Mé-
moires; Paris, 1728j in-4° ; — De la Succes-
sion à la couronne de France pour les agnats;
Paris, 1728, in-12. J. V.
P. Lelong, Biblioth. histor. de la France. — Bouçerel,
dans les Mémoires pour servir à l'hist. des Hommes
illustres, de Nicéron, tome XXVI, p;ige 123. — Moréri,
Grand Dictionnaire Historique. — Chaudon et Delao-
dine, Dict.univ. Hist., Crit. et Dibliogr. — Quérard, La
FranGe Littéraire.
legrand ( Marc- Antoine), auteur et artiste
dramatique, né à Paris, le 17 février 1673, mort
le 7 janvier 1728. Il était fils d'un chirurgien
major des Invalides. Petit de taille et d'une
figure repoussante, il excellait, dit-on, dans
les rôles de roi , de héros ou de paysan. On
raconte qu'une fois en annonçant au parterre
le spectacle du lendemain, et voyant l'effet
désagréable que produisait son visage, il finit
sa harangue par ces mots : « Messieurs, il vous
est plus aisé de vous accoutumer à ma figure
qu'à moi d'en changer. » Il réussit mieux d'ail-
leurs commeauteur. Son théâtre a de lagaîté, des
saillies, on y trouve l'entente de la scène ; mais Le-
grand sepermettrop delicence, et son comique est
souvent aussi bas que l'action est invraisemblable.
Il était habile à exploiter la circonstance et met-
tait promptement sur la seène toutes les aven-
tures qui se présentaient. C'est ainsi que lorsque
Cartouche reparut à Paris, et dévalisa jusqu'aux
chevaliers du guet, Legrand composa une pièce en
trois actes intitulée Cartouche, ou l'homme im-
prenable ; mais la police n'en permit pas la re-
présentation : il fallut attendre que Cartouche fût
arrêté et enfermé au Cuàtelet. Ce jour-là Le-
grand put songera mettre sa pièce sur la scène;
il remania naturellement son dernier acte, alla
voir Cartoucbe en prison pour l'étudier et fc'en-
tretenir avec lui. Enfin, la pièce fut représentée
le 21 octobre 1721, avec l'Ésope à la cour de
Boursault : le public était si impatient qu'il ne
laissa pas achever la pièce de Boursault qu'on
jouait la première. « La pièce de Legrand avait
presque le droit d'être mauvaise , dit M. Ed.
Thierry ; elle ne l'était pas, et réussit d'autant
mieux ; elle fit recette. L'auteur porta cent écus
au prisonnier qui lui avait effectivement fourni
le sujet et à qui le dénoùment coûta plus cher;
Cartouche prit l'argent. L'idée d'être le héros
d'une comédie n'avait pas déplu d'abord à sa
vanité ; puis il se ravisa en vue de son procès ,
et se plaignit de la mauvaise impression que
l'on donnait de lui à ses juges. » La pièce fut
arrêtée le 1 1 novembre, à la treizième représen-
tation. Legrand avait encore trouvé le moyen
de glisser dans cette pièce des gravelures, reflet
de ses mœurs , qui étaient bien loin d'ailleurs
d'être pures. On prétend qu'il allait assidûment
au catéchisme de la paroisse Saint-Su Ipice, pour
y recruter des comédiennes, des maîtresses*
On a de Legrand : La Femme fille et veuve,
comédie en un acte et en vers ; Paris , 1707,
in-12; — L'Amour diable, comédie en un
acte en vers; Paris, 1708, in-12; La Haye,
1710, in-12 ; — La Famille extravagante, co-
médie en un acte en vers; Paris, 1709, in-12 ;
— La Foire Saint- Laurent , comédie en un
acte en vers; Paris, 1709; La Haye, 1710, in-12;
— L'Épreuve réciproque, comédie en un acte
et en prose (publiée sous le nom d'Alain, mais
attribuée à Legrand); Paris, 1711, in-12; — La
Métamorphose amoureuse , comédie en un
acte et en prose ; Paris, 1712, in-12 ; — L'Usu-
rier gentilhomme, comédie en un acte et en
prose; Paris, 1713, in-12; — L'Aveugle clair-
voyant, comédie en un acte, en vers; Paris,
1716, 1718, in-12; Troyes, 1799,in-8°;— Cri-
tique de l'Œdipe de M. de Voltaire, en prose;
Paris, 1719, in-8° ; — Le Roi de Cocagne, co-
médie en trois actes en vers; Paris, 1719, 1780,
in-12; Reims, 1800, in-8°; — Plutus, comédie
en trois actes et en vers; Paris, 1720, in-12 ; —
Cartouche, ou les voleurs, comédie en trois
actes et en prose; Paris, 1721, in-12 ; La Haye,
1731, in-12; nouv. édition, en 1774, sous letître:
Les Fourberies de Cartouche , capitaine de
voleurs; in-12; — Le galant Coureur, ou
l'ouvrage d'un moment , comédie en un acte,
427
LEGRAND
428
en prose; Paris, 1722, in-12; — Le Ballet de
vingt-quatre heures, ambigu comique en quatre
parties et en prose, avec un prologue en vers
libres par M. D. L. F.***; Paris, 1722, in-4°;
1723, 1728, in-12; — Belphégor, comédie-ballet
en trois actes et en prose; Paris, 1723, 1732,
in- 1 2;— Le Fleuve d'oubli, comédie en un acte en
prose; Paris, 1723, in-12; — Le Philanthrope,
•ou l'ami de tout le inonde , comédie en un acte
en prose; Paris, 1724, in-12; — Les Aventures
du Voyageur aérien , histoire espagnole, avec
Les Paniers, ou la vieille précieuse, comédie;
îParis, 1724, in-12 : ces deux ouvrages sont ano-
nymes; Barbier attribue le second à Legrand,
et le censeur du livre les déclare du même au-
teur; — Le Triomphe du Temps, divertisse-
ment en trois parties avec un prologue, le tout
en prose; Paris, 1725, in-12; 1761, in-8° ; —
L'Impromptu de la Folie, ambigu comique,
composé d'un prologue en prose mêlé d'ariettes,
des Nouveaux Débarqués, comédie en un acte,
en prose, et de La Trançaise italienne, comédie
en un acte en prose; Paris, 1726, in-12; — La
Nouveauté, comédie en un acte et en prose;
Paris, 1727, in-12; — Le Luxurieux, co-
médie en un acte en vers; vers 1732, in-12;
réimprimé sous ce titre : Le Libertin puni;
réimprimé encore avec les Pièces libres de
M. Ferrand; Londres, 1738, 1744, 1747, in- 8";
et dans un volume intitulé : L'Abatteur de noi-
settes, ou recueil de pièces nouvelles des plus
gaillardes ; La Haye, 1741, in-12; — Théâtre
de Legrand; Paris, 1731, 1742, 4 vol. in-12;
autre édition, revue, corrigée et augmentée par
de Laporte, secrétaire de la Comédie-Française ;
Paris, 1770, 4 vol. in-12 : cette édition com-
prend, outre les pièces déjà citées : La Rue
Mercière , ou les maris dupés , en un acte et
en vers; Le mauvais Ménage; Agnès de
Chaillot, en un acte en vers, parodie d'Inès de
Castro; La Chasse du Cerf, comédie-ballet en
trois actes ; Les Amazones modernes, comédie
en trois actes et en prose , avec un divertisse-
ment par Fuzelier et Legrand. En 1824 on a
réimprimé à Paris les Chefs-d'œuvre drama-
tiques de Legrand, in-18, dans une édition du
Répertoire du Théâtre-Français. L. L — t.
Chaudon et IMidine, Dict. univ. Hist., Crit. et Bi-
bliogr. — Qu'érârd. La France Littéraire. — Barbier,
Dict. des Anonymes. — Ed Thierry, dans Le Moniteur,
du 13 janvier 1869.
legrand (Louis), théologien français , né
à Lusigny ( Bourgogne ), le 12 juin 1711, mort à
Issy, le 20 juillet i78(> II commença ses études à
Antun, les acheva à Paris, et fut envoyé, tout
jeune encore, pour professer la philosophie à
Clermont. Revenu à Paris pour suivre sa licence,
qu'il passa en 1740, il entra ensuite dans la con-
grégation des prêtres de Saint-Sulpice, et pro-
fessa successivement la théologie à Cambrai et
a Orléans. Rappelé à Paris, il y fut reçu docteur
en théologie et nommé maître des études au
séminaire de Saint-Sulpice. Il jouissait d'une
grande réputation comme théologien , et était
consulté de tous côtés, ce qui faisait rechercher
sa correspondance. Chargé, comme censeur
royal, en 1768, de l'examen d'une collection
de thèses soutenues en différents endroits et
favorables au jansénisme , il joignit à son avis
des notes pour rectifier quelques principes exa-
gérés,de ces thèses. Ces notes furent attaquées,
et Legrand les défendit par trois iettres écrites
en 1769 et 1770, dans lesquelles il montra la
différence qui se trouvait entre la doctrine des
augustiniens d'Italie et les appelants de France.
Il rédigea plusieurs censures portées par la fa»
culte de théologie de Paris contre différents li-
vres, notamment la censure lancée, en 1762 et
1763, contre la deuxième et la troisième partie
de Y Histoire du Peuple de Dieu, du père Ber-
ruyer ; la censure de Y Emile de J.-J. Rousseau
en 1762, censure qu'il soutint par six lettres en
1763 et par des observations en réponse aux
Nouvelles ecclésiastiques , qui l'avaient com-
battu. Il écrivit encore la censure du Bélisaire
de Marmontel, en même temps qu'il rendait de
bons offices à l'auteur. En 1779, il eut à exami-
ner les Époques de la Nature de Buffon, et pensa j
qu'on devait se contenter d'une déclaration de
l'auteur, qui fut publiée dans des actes adressés
aux évêques. Étant tombé malade vers cette
époque, l'abbé Legrand se fit transporter au sé-
minaire dissy, où il mourut. On a de lui : Trac-
tatus de incarnatione Verbi divini ; Paris,
1751, 2 vol. in-12; 1774, 3 vol. in-12; — Prec-
lectiones theologicx de Deo ac divinis attri-
ÔMfedeLafosse, nouvelle édition, corrigée et aug-
mentée par l'abbé Legrand ; Paris, 1751 , 2 vol.
in-12 ; — De Ecclesia Chrisli ; Paris, 1779, in-8° :
le premier volume seulement; — De Existent ta
Dei; Paris, 1812, in-8° : traité qui comprend
deux dissertations, l'une sur l'athéisme, l 'autre
sur les preuves de l'existence de Dieu. L'abbé
Legrand se proposait de faire un grand ouvrage
sur la religion ; mais il n'a pu le terminer, et a
laissé seulement quelques dissertations, ainsi
qu'une défense de Y Abrégé de la Théologie mo-
rale de Collet contre une dénonciation faite par
des curés à l'evêque de Troyes. J. V.
J. Montaigne, Notice sur l'auteur en tête du traité De
Existentia Dei. — Chaudon et Delandine , Dict. vnfta
Hist., Crit. et Bibliogr.
legrand ( Etienne - Antoine- Matthieu ),
orienlaliste français, né à Versailles , en 1724,
mort à Paris, au mois d'août 1784. Après avoir
séjourné longtemps en qualité d'interprète à
Constantinople, à La Canée, à Alexandrie, à Tri-
poli de Syrie, au Caire, à Alep , il revint en
France , et fut nommé secrétaire interprète du
roi. En 1768 la France fit un traité de paix
avec le Maroc. Legrand donna de ce traité une
rédaction arabe si pure et si élégante qu'elle ex-
cita l'admiration du roi de Maroc. Ses vertus
autant que son savoir le faisaient rechercher des
savants français et étrangers. Legrand était d'une
429
santé délicate et avait le travail difficile. Des
différents ouvrages qu'il a traduits , un seul a
vu le jour sous ce titre : Controverse sur la
Religion chrétienne et sur celle des mahomé-
tans ; Paris, 1767, in-12; c'est la traduction
d'un dialogue arabe entre un maronite et trois
musulmans, composé, l'an 612 de l'hégire ( 1215
de J.-C. ), par un maronite du monastère de
Mar-Simean-el-Bahri ( Saint-Siméon-le-Marin ).
Legrand a laissé cinq manuscrits orientaux très-
rares, conservés à la Bibliothèque impériale.
F.-X. T.
Journaldes Savants, mars 1767. — Quéravû, La France
Littéraire.
leghânu d'aussy (Pierre- Jean-Baptiste),
littérateur français, né à Amiens, le 3 juin 1737,
mort à Paris, le 6 décembre 1800. Fils d'un em-
ployé des fermes générales, il fit ses études chez
les jésuites , sollicita son admission dans leur
compagnie, et fut chargé de professer la rhéto-
rique à Caen. Après la suppression de la Société
de Jésus, il revint à Paris, où Lacurne de Sainte-
j. Palaye l'associa à ses recherches pour le Glos-
I saire Français, et le marquis de Paulmy à la ré-
daction des Mélanges tirés de sa bibliothèque..
! En 1770, Legrand fut nommé secrétaire de la
! direction des études à l'École Militaire. Quelque
j temps après, il fut chargé de l'éducation du fils
; d'un fermier général. Un de ses frères ayant été
nommé abbé de Saint-André de Clermont, Le-
! grand alla lui faire une visite, et parcourut l'Au-
! vergne comme naturaliste, en 1787 et 1788. En
I 1795, Legrand fut nommé conservateur des ma-
I nuscrits français à la Bibliothèque nationale. 11
| reprit alors le projet qu'il avait eu d'écrire l'his-
\ toire complète de la poésie française. Il agrandit
| son cadre; mais il n'avait terminé que quelques
jïarties de son ouvrage lorsqu'il mourut presque
; subitement. 11 était membre de l'Institut. On a
de Legrand d'Aussy : Fabliaux ou Contes des
j douzième et treizième siècles, traduits ou
J extraits d'après les manuscrits ; Paris, 1779,
I 3 vol. in-8° , auxquels on ajoute un 4e vol. sous
) ce titre : Contes dévots, Fables et Romans an-
i ciens ; 1781, in-8°; nouv. édit. du tout, Paris,
1781, 5 vol. in-12. En comparant les traductions
1 ou extraits de Legrand d'Aussy avec les origi-
I naux, on voit qu'il s'est donné beaucoup de li-
! berté : il indique les imitations qui ont été faites
de ces contes, et dans une dissertation qui pré-
j cède l'ouvrage, il soutient que les trouvères
l'emportent sur les troubadours par l'esprit, l'i-
magination et le talent, ce qui l'entraîna dans des
discussions avec Béranger, l'abbé Papon et d'au-
tres méridionaux qui cherchaient à venger leurs
compatriotes ; — Histoire de la vie privée des
Français depuis l'origine de la nation jusqu'à
nos jours ; Paris, 17S3, 3 vol. in-8o : le plan de
cet ouvrage lui avait été donné par le marquis
de Paulmy; il devait embrasser le logement, la
nuurriture, les vêtements et les divertissements.
L'auteur n'a publié que ce qui concerne la nour-
LEGRAND 430
riture; Roquefort en a donné une édition aug-
mentée, Paris, 1815, 3 vol. in-8° ; — Voyage
dans la haute et basse Auvergne; Paris, 1788,
in-8°; 1795, 3 vol. in-8°; — Vie d'Appollonius
de Thyane; Paris, 1807, 2 vol. in-8°. Legrand
d'Aussy a inséré dans les Mémoires de l'Institut
plusieurs morceaux intitulés : Notice sur l'état
de la Marine en France au commencement
du quatorzième siècle; — Mémoire sur les
anciennes Sépultures nationales ; — Mémoire
sur l'ancienne Législation de la France, com-
prenant la loi salique, la loi des Visigolhs, la
loi des Bourguignons. Enfin, il a publié un grand
nombre d'analyses de vieux poètes français dans
les Notices des Manuscrits de la Bibliothèque
du Bot. J. V.
Lévêque, Notice historique sur 31. Legrand d'Aussy,
dans le tome IV des Mémoires de l'Institut, classe des
sciences morales et politiques, et en tête de la fie d'A-
pollonius de Thyane. — Chaudon et Delandine, Dict. unit:
Hi.it., Crit., et Bibliogr. — Biogr. univ. et port, des
Contemp.
legr A.KD (Jacques-Guillaume ), architecte
français, né à Paris, en 1743, mort à Saint-Denis,
en 1807. Son nom est inséparable de celui de
Molinos , élève comme lui de Clérisseau : ils ne
se quittèrent jamais, et tous les importants tra-
vaux qu'on leur confia furent exécutés par eux
en commun. Depuis longtemps on avait reconnu
la nécessité d'agrandir la halle au blé de Paris,
construite en 1765 par Lecamus de Mezières et
devenue insuffisante, en couvrant la grande
cour circulaire. Lecamus lui-même avait pro-
posé une coupole qui n'avait pas été adoptée.
Legrand et Molinos offrirent d'exécuter cette
coupole en bois et de la composer de courbes en
planches de sapin de 0m,038 d'épaisseur, posées
de champ, d'après le système employé par Phi-
libert Delorme à l'ancien château de La Muette à
Saint-Germain-en-Laye; les courbes appareillées
deux à deux formaient les fermes espacées entre
elles de 0m,244. Ce procédé n'avait pas été ap-
pliqué depuis le milieu du seizième siècle. Les
travaux, commencés le 10 septembre 1782, fu-
rent terminés le 31 janvier 1783. Cette coupole ,
percée de vingt-cinq grandes fenêtres, ayant
122m,46 de circonférence et 32m,483 de hauteur
à partir du pavé, causa alors une admiration gé-
nérale; malheureusement ce chef-d'œuvre de
charpente n'était pas destiné à subsister long-
temps. Lecamus de Mezières avait eu soin d'évi-
ter dans son monument l'emploi de toute ma-
tière combustible; il n'en était pas de même
de la coupole ajoutée après coup ; elle prit feu
en 1802 par l'imprudence d'un plombier, et en
deux heures, tout fut détruit. On sait que cette
coupole a été refaite en fer en 181 1 par Bellan-
ger. En 1786 Legrand et Molinos furent, chargé»
de la construction de la halle aux draps et toiles,
bâtiment de I30m de longueur, fort simple, mais
bien appropriée sa destination ; la partie la plus
remarquable est l'escalier à double rampe qui se
voit à la principale entrée.
431 LEGRAND 432
La fameuse fontaine des Innocents était primi- | et sur l'usage de juyer les accusés par leurs
tivement située au coin delà rue Saint-Denis et de
la rue aux Fers (voy. Goujon); elle n'avait nulle-
ment la forme que nous lui voyons aujourd'hui :
engagée dans des constructions, elle présentaitsur
la rue Saint-Denis deux de ses faces, sur une même
ligne, et une seulement en retour sur la rue aux
Fers. On conçut le projet d'isoler le monument,
de le compléter par l'adjonction d'une quatrième
face, de bassins, etc., et de le transporterai! centre
du marché des Innocents. Cette belle restaura-
tion tut confiée en 1788 à Legrand et Molinos,
qui s'en acquittèrent avec le plus grand talent
et produisirent cette fontaine regardée à juste
titre comme une des merveilles de Paris, et qui,
commencée au seizième siècle, était destinée, par
un jeu bizarre du sort à survivre à tous les
autres monuments érigés trois siècles plus tard
par Legrand et Molinos.
Le théâtre Feydeau fut construit de 1789 à
1790 par les deux collaborateurs ; celte salle, que
nous avons vu démolir, faisait le plus grand
honneur à ses auteurs, qui, gênés par un espace
restreint et irrégulier, avaient trouvé le moyen,
par une heureuse distribution, de la rendre la
plus commode de tout Paris ; toutes les places
y étaient presque également bonnes. La façade,
quoique peu avantageusement située, avait un
caractère remarquable d'originalité. C'est encore
à l'associalion de ces deux habiles artistes que
l'on devait l'hôtel Marbeuf.
Legrand avait dessiné une restauration du
charmant monument choragique de Lysicrates,
dit la lanterne de Démosthène à Athènes, et
c'est d'après ce travail qu'il a été reproduit en
terre cuite par un Italien nommé Trabucchi et
placé sur une tour carrée dans le parc de Saint-
Cloud. Legrand a écrit plusieurs ouvrages utiles
et estimés. En 1799, il publia le Parallèle de
l'Architecture ancienne et moderne; in-4°; —
l'année suivante il fit paraître la traduction
des oeuvres de Piranesi sur l'architecture en
20 vol. in-fol. En 1804 il joignit un texte his-
torique et desci'iptif aux Antiquités de la
France de Clérisseau, 2 vol. in-fol. Après sa
mort parut, en 1809, son Essai sur V Histoire
générale de l'Architecture; in-fol. E. Breton.
Gabet, Dictionnaire des Artistes de l'école française
au dix-neuvième siècle. — Ernest Breton, Description
de la Halle au Vie de Paris ; dans les Monuments an-
ciens et modernes, publiés par S. Gailhabaud, Didot,
in-4°. — Dulaure, Histoire de Paris.
LEGRAND DE LALEU ( LouiS-AtigUStin) ,
jurisconsulte français, né à Nouvion, en Picardie,
le 18 mai 1755, mort à Laon, le 13 juin 1819.
Il fut professeur de législation à l'École centrale
du département de l'Aisne, et correspondant de
l'Institut. On a de lui : Philotas; 1780, in-8°,
roman anonyme; — Dissertation historique et
politique sur V Ostracisme et le Pétalismc;
Paris, 1 800, in-8° ; — Recherches sur l'Admi-
nistration de la Justice criminelle chez les
Français avant l'institution des parlements
pairs ou jurés tant en France qu'en Angle-
terre; cet ouvrage, couronné en 1789 par l'A-
cadémie des Inscriptions, en commun avec celui
deBernardi, ne fut imprimé qu'en 1823, à Paris,
in-8°. E. G.
Lesur, Notice sur Legrand de Laleu (en tête des
Recherches sur l'Administration de la Justice crimi-
nelle de Legrand ).
legrand ( Baptiste- Alexis-Victor), ingé-
nieur des ponts et chaussées, député, conseiller
d'État, directeur général, sous-secrétaire d'État
du ministère des travaux publics , était né à
Paris, le 20 janvier 1791. Privé de son père dès
la première enfance , il fut tendrement et habi-
lement élevé par sa mère, femme d'un esprit dis-
tingué, qui, remariée et chargée d'autres enfants,
ne cessa de lui prodiguer les soins les plus attentifs
et les plus éclairés. Son heureuse nature y ré-
pondait. Rarement on vit allier à tant de douceur
et de modestie tant de facilité d'esprit et d'ar-
dente application. Après les premières études de
grammaire, faites selon l'ancienne méthode, alors
heureusement rétablie, lejeune Le Grand, nommé,
sur examen et au concours , boursier du Lycée
impérial , y suivit avec distinction les clas-
ses d'humanités et de rhétorique. Il avait dans
ce dernier cours deux professeurs éminents par
des qualités diverses, Castel et Luce de Lan-
civaïjèt, parmi de nombreux camarades, il trou-
vait quelques émules , connus depuis dans le
monde et dans les lettres, mais nul de supé-
rieur à lui pour l'intelligence, la passion du tra-
vail et la pureté du caractère. Le jeune Le Grand
fut dès lors un incontestable exemple du meilleur
système d'enseignement et de la force, que don-
nent à l'esprit l'unité et la judicieuse succes-
sion des études. Souvent couronné dans les Con-
cours généraux de cette époque, et uniquement
occupé de l'objet classique de ces Concours ra-
menés aux formes de l'ancienne université, il fit
ensuite, en deux années, tout le cours prépa-
ratoire d'admission à l'École Polytechnique, où
il fut reçu , dans un bon rang, le 28 septembre
1809. Ce n'était pas cependant qu'il parût avoir
de vocation prédominante et absolue pour les
sciences ; mais l'excellente trempe de son esprit,
fortifiée et polie sur un point, s'était perfectionnée
sur tous ; et il portait avec avantage dans les
mathématiques cette justesse et cette puis-
sance de travail , qu'avaient développées , pen-
dant quelques années, des études exclusives et
bien faites de langues anciennes , de logique et
de goût.
Deux ans après , âgé de vingt ans , le jeune
Le Grand sortait avec distinction de l'École
Polytechnique, pour passer élève à l'École des
Ponts et Chaussées. Puis, envoyé, l'année sui-
vante, dans le département des Pyrénées-Orien-
tales , pour faire partie du service public , il
était, deux ans plus tard, appelé à remplacer
un ingénieur ordinaire , dans le département
33 LE GRAND
\eVOtnbrone, une des annexes transalpines de
i France d'alors. Il y prit rapidement l'intelli-
;ence et le goût de la littérature italienne , à la-
|uelle le préparaient ses premières et brillantes
tudes. Mais les travaux de sa profession occu-
pent, avant tout, cet esprit pénétrant et labo-
ieux : il en étudiait à la fois la théorie et les
noindres détails , les questions d'art et les pro-
;édés administratifs.
Cette variété d'aptitude et cette sûreté de
ravail le firent distinguer de bonne heure par
es chefs , et devaient être fort appréciées , dans
'activité croissante, que le retour de la paix
Hait donner à toutes les applications de la
[cience dirigeant l'industrie. Dès 1815 une fa-
reur méritée retint à Paris Le Grand comme
Iroxiliaire des savantes recherches qu'un ingé-
nieur en chef, M. de Bérigny, préparait, dans
{'intérêt de l'administration et du public. Bientôt
e jeune et habile collaborateur était appelé au
secrétariat du conseil des ponts et chaussées,
sous M. le comte Mole, qui dans les premiers
lemps de la seconde restauration (juillet même
année) conservait la Direction, qu'il avait cru
pouvoir accepter, durant la courte reprise de
J'empire. Nommé, en 1818, ingénieur de seconde
classe, Le Grand trouva dans un nouveau direc-
teur général, M. Becquey, le plus constant et le
plus bienveillant appui, en retour d'une capacité
toujours prête et d'un zèle infatigable. Parmi tous
les soins dont le jeune ingénieur était chargé parla
confiance, chaque jour mieux justifiée, de M. Bec-
nuey, il fut attaché, comme secrétaire à une ins-
titution nouvelle, la commission spéciale des
«anaux, utile encouragement donné alors à cette
jvoie de communication tant recommandée dans
ile siècle dernier, et que l'invention des chemins
[le fer devait seule dépasser.
j Le Grand avait, dans sa disposition d'es-
prit et son ardeur du bien , ce caractère parti-
culier d'être à la fois sage et novateur, scrupu-
leux et entreprenant. Personne ne contribua
plus que le jeune secrétaire à l'adoption et à la
mise en pratique du vaste plan alors conçu pour
accroître et multiplier, par la facilité du trans-
port, les richesses de notre France agricole et
commerciale. Sa part indirecte fut considérable
sous ce rapport,dans les lois de 18?.1 et de 1822,
et dans les résultats qui suivirent. En peu d'an-
nées le budget des ponts et chaussées fut qua-
druplé, et continua de s'accroître annuellement.
Mais cette dépense était féconde : l'État donnait
l'exemple et le premier mouvement ; les libres
associations venaient ensuite, avec timidité d'a-
bord, comme dans un pays instable et impatient,
où les lents travaux de l'industrie attirent moins
que les fortuites spéculations de la Bourse. Le
Grand était, en cette matière , fort partisan de
l'initiative du gouvernement éclairé par de libres
débats ; il la recommandait, à plusieurs titres ; et
sans méconnaître, ni surtout vouloir gêner la puis-
sance de l'esprit d'entreprise et de l'esprit d'as-
*34
sociation,' il croyait à la nécessité d'une grande
impulsion donnée par l'État et le trésor public.
Vrai modèle de l'administrateur habile et zélé,
supérieur à tout calcul intéressé, comme à toute
passion de parti , estimé de tous et ne blessant
personne, Le Grand, à travers les variations
politiques du gouvernement disputé de la Res-
tauration , suivit toujours, avec le même succès,
la carrière qu'il s'était ouverte , devint maître
des requêtes au conseil d'État, ingénieur en chef
de première classe , secrétaire général du Minis-
tère des travaux publics. La révolution de 1830
le surprit dans ce poste, et ne pouvait le dépla-
cer; il fut dès ce moment même désigné pour
diriger provisoirement l'administration des ponts
et chaussées. Bientôt l'intérêt du nouveau Pou-
voir, l'impulsion plus vive qu'il voulait donner
à tous les travaux d'utilité publique, firent
désigner Le Grand pour le titre de Conseiller
d'État, en même temps qu'il était adjoint à plu-
sieurs commissions , dont il devenait toujours
le membre le plus assidu et le plus habile inter-
prète.
Bientôt une autre occasion de travail et de
renommée s'offrit à Le Grand ; il fut attaché ,
avec le titre de commissaire devant les cham-
bres, à la défense du budget des ponts et chaus-
sées, compris dans celui du Ministère des tra-
vaux publics. Sa modestie et, jusqu'à certain
point , sa timidité politique résistaient à cet em-
ploi nouveau ; mais, dès qu'il en fit l'épreuve ,
il dut s'y plaire, le remplissant avec la supério-
rité la plus rare. La netteté facile, l'élégance de
sa parole s'appuyaient sur la plus complète étude
des principes généraux , des faits et de tous les
détails. Ses exposés, ses réponses étaient, pour les
contradicteurs et pour la chambre, des leçons
pleines de science et d'urbanité; et nous avons vu
souvent la passion politique elle-même désarmée
par un savoir si précis et une raison si fine et de
si bon goût. Le même talent le suivit dans la dis-
cussion de plusieurs projets de loi destinés à se-
conder le développement des travaux publics et
des libres entreprises. Il fut à cet égard un habile
promoteur du principe de l'expropriation sage-
ment appliqué et de l'introduction d'un Jury
spécial dans cette grave matière, où l'abus peut
facilement trouver place à côté de l'intérêt public.
Jusqu'ici , la considération de Le Grand s'é-
tait élevée graduellement par de modestes tra-
vaux et de sérieux succès. Le coup d'œil d'un
ministre non moins exercé, dans les affaires
qu'éminent à la tribune lui donna enfin la place
qui lui était due. M. Thiers, en passant du Mi-
nistère des travaux publics à celui de l'inté-
rieur ( avril 1834 ), fit nommer Le Grand com-
mandeur de la Légion-d'Honneur et quelques
semaines après Directeur général des ponts et
chaussées et des mines. A partir de cette épo-
que , et sous les différents ministres appelés au
tifulariat des travaux publics, la part de Le
Grand se retrouve parlout dans les importantes
435
améliorations et le mouvement de communi-
cation intérieure et d'industrie, dont s'enrichit
et s'anima la France. La situation d'un si ex-
pert Directeur de service, devenu lui-même Dé-
puté, pouvait parfois devenir difficile et délicate,
dans ses rapports avec un Conseil spécial qu'il
présidait et avec un Ministre, dont il dépendait
immédiatement. La parfaite loyauté de Le
Grand, la douceur et la dignité de son caractère,
sa modération d'esprit , égale à son amour du
bien et à ses lumières, triomphait de tous ces
obstacles. Plus le ministre était éclairé , plus
Le Grand avait de crédit ; et il jouit en particu-
lier de la plus flatteuse confiance sous le ministère
de l'émiiient jurisconsulte et orateur (1) qu'on
entendit, dans les premiers mois de 1840, discuter
les questions de travaux publics, avec autant de
force persuasive et de lumineuse clarté qu'il
mettait de scrupule et de sagacité persévérante
à les étudier.
Le zèle actif et habile , dont Le Grand avait se-
condé les travaux de canalisation intérieure, il
le porta non moins vivement, on peut le croire,
vers un autre ordre d'idées plus efficace encore.
Les premières applications de la vapeur sur les
voies ferrées l'avaient singulièrement frappé ; et,
après l'avoir entendu s'exprimer, on ne peut ou-
blier la vive préoccupation qu'il marquait un
jour, au sortir d'une séance publique de l'Institut
où Cuvier, dans un de ses Comptes-rendus de
l'état des sciences , avait raconté les merveilles
du principe de traction par la vapeur appliqué
dans quelques comtés d'Angleterre aux travaux
de l'agriculture, et décrit ces charrettes pesantes
qui revenaient toutes seules à la ferme , ces char-
rues qui labouraient d'elles-mêmes , toute cette
magie de la science, dont l'illustre secrétaire
éblouissait son auditoire : « C'est charmant, disait
Le Grand ; mais le côté admirahle du problème,
la communication vapide à longue distance, la
concentration illimitée de notre beau pays, si ri-
che et si divers dans ses produits ! voilà la vraie
merveille! Quel rôle pour l'État s'éclairant de
libres discussions et agissant dans les limites de
la loi, s'il sait se mettre à la tête de tout, par
la création et l'habile disposition des grandes
lignes ! » Et dès lors, l'habile administrateur n'eut
plus d'autre idée que de hâter les études, de mul-
tiplier et de choisir les plans et d'amener ia pré-
sentation réfléchie de quelque vaste projet de
loi , qui fît ressortir l'action de la puissance pu-
blique sur un point si capital pour tous.
Les difficultés qui naissent parfois de la liberté,
les luttesde talent et d'influence retardèrent quel-
que temps ce précieux résultat. Un premier pro-
jet, largement conçu sur le principe du con-
cours prédominant de l'État, trouva de graves
objections et beaucoup d'obstacles. Il fallut faire
de nouvelles études, autoriser d'abord de petits
essais et ajourner les grandes entreprises. C'est
(.1) Al. Dufaure, ministre des travaux publics.
LE GRAND 436
ainsi qu'on vit, en août 1837, l'inauguration du
chemin de fer de Paris à Saint-Germain, ee pre-
mier essai parmi nous d'une innovation quidevait,
vingt ans plus tard, traverser la France et ouvrir
tant de voies pour la paix et pour la guerre. Tout
entier à l'espérance de cet avenir, dont il hâta
l'essor sur plusieurs points, Le Grand ne surveil--
lait pas avec un zèle moins habile les autres
parties de la vaste administration qui lui était
confiée. D'utiles voyages d'inspection, au nord et
au midi de la France, de nombreuses créations
locales soutenues et dirigées, une égale sollicitude
pour les besoins les plus divers, le perfectionne-
ment des phares, comme l'amélioration de quel-
ques ports, marquaient son active influence , ai
profit du pouvoir qu'il servait.
Quant à lui-même, l'estime publique, la dépu
tation, cinq fois déférée dans l'arrondissemen
de Mortain , étaient sa suprême récompense. Ja
mais homme en effet ne porta plus loin et m
maintint pour soi avec plus de scrupule ce dé
sintéressement , qui sans doute est un devoir
mais qu'on peut , à cause des exemples contrai
res, nommer souvent une vertu. Contribuant ;■
la répartition de tant de secours et parfois àV
faveurs, consulté, à l'origine, pour la direction!
de tant d'entreprises, Le Grand, sous aucui1
prétexte, sous aucune forme, ne voulut jamai,
accepter, ni même acquérir, à titre direct ou in
direct, la moindre part dans les avantages, qu,
ces entreprises pouvaient offrir. Aussi, durant
une influence administrative de plus de vingt ansi
son modique patrimoine ne s'augmenta pas, daaii
la plus légère proportion. Un mariage hono1.
rable lui apporta, pour l'avenir surtout , unefon
tune assez considérable ; mais, après d'important
emplois si bien remplis, il ne laissa, en so:
nom, que ce qu'il avait reçu lui-même en héri1
tage , une somme de 60,000 francs. Quant à 1
fortune de sa femme et de ses enfants , bien plui
attentif à la conserver irréprochable qu'à l'aci
croître , il évita soigneusement d'en rien place
sur aucune des entreprises formées en France
et dont il aurait pu seconder, ou seulement pres;
sentir le succès.
En résumé , durant sa laborieuse carrière;;
sous la Monarchie constitutionnelle, il eut un
part d'influence très-active dans une des plu '
vastes gestions de travaux publics qu'ait dirigée
aucun gouvernement, dans aucun grand pays
De 1831, en effet, à 1846, on ne peut évalue ;
à moins de deux milliards cinquante-trois mil '■
lions la somme totale affectée par l'État à tout
espèce de travaux de communication inté
rieure, de défense sur quelques points, et d'as
sainissement ou d'embellissements, sur d'autres
Cette puissance de ressources comprenait le
routes royales, pour cinq cent quatre- vingt-seiz
millions , les voies de navigation intérieure pou
cinq cents millions , les chemins de fer, dan
une partie seulement de cette période, pour si
cent trente millions. C'est indiquer assez quel!
17 LE GRAND 438
plante attention se portait à la fois sur tous i toute sa vie, précéda de peu l'époque, où il allait
grands ressorts de ce service public, et quelle prendre moins de part à ces débats des chambres,
-me prévoyance s'attachait au plus puissant de < qu'il avait souvent éclairés, dans les questions
us , et malgré les difficultés incidentes et les dont il s'occupait. Un nouveau ministre des ha-
utes, en assurait déjà l'immense développe- vaux publics, M. Dumon, portait à la tribune le
ent. Bien des causes, et d'abord la forme gêné- plus rare talent d'exposition , même en matière
le du gouvernement, le bienfait du contrôle | technique; et d'autre part, à cette époque, un
blic, l'économie dans des dépenses très-surveil-
;s, et enfin le bonheur d'une paix prolongée,
bsence de ces charges de guerre, toujours
ormes, quand même la guerre est heureuse et
urte , contribuèrent à oe résultat, qui n'est
us qu'un exemple historique. Mais, après ces
andes causes, et, en leur laissant toute la
Irtée qui leur appartient, il est juste de noter
f chances de bonne administration dues au
érite individuel des hommes, à la promotion
i talent par des services constatés sans cesse,
us l'épreuve du libre débat, dans la lutte des
téréts opposés, et malgré l'effort des ambitions
aies. Ce sont les conditions , où se trouva
t Grand.
■Formé par notre savante institution des ponts
! chaussées, laborieux représentant de ce
brps, et sachant lui demander tout ce qu'il
lut faire au profit du bien public, s'appli-
Jant à tous les détails, avec une attention qui
f se lassait pas , accessible lui-même à toutes
p grandes vues, et capable d'en suggérer,
Grand fut, pendant cette longue période
vingt années, un des hommes les plus utiles
la prospérité croissante du pays; il le fut, avec
lelques variantes de position , quelques chan-
ments de titres, quelques restrictions d'in-
lence, directeur général, sous-secrétaire d'Étut,
même simplement président de la section
nsultative des travaux publics au conseil d'É-
Jt; mais toute question grave, toute difficulté
liuvelle ramenait toujours son expérience, et
isait sentir le prix de son avis et de sa main,
ila fut très- marqué dans une occasion, où le
inistre des travaux publics proposa Le Grand,
ors son subordonné, pour la croix de grand-
ficier, que ce ministre lui-même n'avait pas.
n y faisait quelques objections : « Que voulez-
>us, dit un membre du Conseil ? Le Grand
t un homme qu'il faut absolument récompen-
ïr, et qu'on ne peut récompenser qu'avec de
lonneur. »
Quelques années plus tard (1847), parmi les in-
dents d'un procès malheureux , qui mit en
Minière les tentations et les faiblesses, auxquelles
Mine lieu un grand mouvement d'entreprises in-
astrielles, avec le concours et les concessions de
État, sous l'impression des pénibles débats pro-
ngés devant la chambre des pairs d'alors, Le
rand fut entendu comme témoin : et ce témoin
vait l'air d'un juge, dont la modération discrète
calait la dignité, et près duquel il avait fallu se
acher, pourqu'aucune prévarication fût possible,
e sentiment universel, que rencontrait alors Le
rand , comme un hommage involontaire à
ordre de préoccupations tout différent agitait les
chambres , était un but pour les uns , pour les
autres une arme de guerre.
Le Grand, que sa loyauté scrupuleuse , que
son esprit pénétrant mais réservé, tenaient à dis-
tance des passions politiques, s'inquiétait de ces
dispositions nouvelles, sans s'y mêler, par goût
ni par calcul. Estimé de tous, mais ayant plus
de considération que d'ascendant , il adhérait
avec un fidèle scrupule au Pouvoir, qu'il avait
servi avec tant de capacité; il l'aurait suivi de
même, dans une voie un peu différente ; mais il ne
lui demandait ni changement, ni réforme. Lors-
qu'après un temps trop prolongé de tiraillements
et d'indécisions , une secousse illimitée surprit
tout le monde , et précipita toutes choses ,
Le Grand subit, comme tant d'autres, ce qu'on
appelait une nécessité et ce qu'on rendait tel ,
en y cédant si vite. Ce n'était pas ménagement
intéressé de sa part. Nul pouvoir nouveau, je
dirai presque nulle anarchie , si elle n'était tout
à fait aveugle et furieuse, ne pouvait repousser
un homme si éclairé, si digne dans sa conduite,
si prêta servir l'intérêt public, ou à se retirer. Le
Grand, conservé dans la vice-présidence d'un co-
mité du conseil d'État d'alors, porta péniblement
le poids des événements du jour et de ses pro-
pres inquiétudes. Sa santé , toujours délicate, qui
depuis bien des années se soutenait et se ranimait
dans l'excitatioudu travail, s'altéra sensiblement;
une mélancolie profonde domina ce caractère
bienveillant et cet esprit affable. Le Grand, qui
avait eu le bonheur de conserver sa mère jusqu'à
l'âge de quatre-vingt-quatre ans, était heureux
père de famille ; mais le coup delà douleur l'avait
atteint, dans son zèle du bien public, dans son
amour de l'ordre et de la paix, dans ses justes es-
pérances d'une vie paisible et honorée. Il ne pou-
vait vaincre cette maladie morale. Parti de Paris,
en juin 1848, pour se guérir ou se distraire et ar-
rivé près de Grenoble aux eaux d'Urriage, dont
l'emploi lui était prescrit médicalement, il fut saisi
d'une fièvre cérébrale, et enlevé, après quelques
jours d'accès, à l'âge de cinquante-sept ans. Jus-
que-là cet esprit si actif et si juste n'avait rien
perdu de sa force; et il aurait pu longtemps
encore servir l'Etat de son expérience et de ses
lumières, autant que des exemples de son irré-
prochable délicatesse. La retraite, s'il l'eût pré-
férée, n'eût pas été moins honorable et moins
féconde pour lui. Ses connaissances variées et
approfondies, son goût si juste dans les lettres,
son talent d'écrire lui auraient permis d'élever
un monument durable à la profession savante,
dont il avait si bien rempli tous les devoirs.
439 LEGRAND
Le Grand a laissé , avec une veuve justement
lièrede son nom, une fille mariée depuis plusieurs
années à M. Baillcux de Marisy, ancien préfet
( 1847 ), et deux fils qui sentent les obligations
de travail et d'honneur que leur impose un tel
père. Villemain.
Documents particuliers.
legrand (François-René- Frédéric), poëte
et littérateur français, né à Orléans, vers 1794,
mort à Paris, en 1832. On a de lui : L'Homme
tel qu'il doit être , ou pensées philosophiques
et morales d'un élève de la nature; Paris,
1828, in-12 ; — Le Portrait de ma Femme, ou
le moyen d'être heureux, en vers libres; Paris,
1828, in-18; — Stances à l'Éternel sur les
principaux devoirs de Vhommc, suivies de
quelques pensées , maximes et sentences phi-
losophiques et morales; Paris, 1829, in-12;
Le Troubadour volage, ou fart déplaire
aux femmes et de se venger des ingrates et
des infidèles; Paris, 1829, in-32; — Les Jour-
nalistes intrigants et calomniateurs dé-
masqués, suivis du Journaliste tel qu'il de-
vrait être; Paris, 1829, in-12; —La Philip-
piade, fragments en vers sur la vie de Louis-
Philippe Ier, roi des Français; Paris, 1830,
in-8° ; — Les Opinions politiques de la France
dévoilées, ou quel est le désir des républi-
cains, napoléonistes, carlistes et orléanistes?
Pourquoi le commerce ne va pas, et le moyen
de le faire refleurir; dialogue en prose; Paris,
1831, in-8°. J. V.
Quérard, La France Littéraire.' — Journal de la Li-
brairie, 1827-1831.
legrand (Pierre), législateur et littéra-
teur français, né à Lille, le 2 juin 1804, mort à
Lille, le 13 avril 1859. Après avoir étudié le droit
à Paris , il vint exercer la profession d'avocat
dans sa ville natale, où il fut aussi conseiller mu-
nicipal et conseiller de préfecture. Candidat de
l'opposition, après le coup d'État du 2 décembre
1851, il fut nommé par son département député
au corps législatif. 11 prit une part active aux
travaux de la législature, et fut réélu en 1857.
On a de lui : Le Bourgeois de Lille , tableaux
de mœurs flamandes ; 1831, m-8°; — Voyages
en Hollande, en Suisse et dans le-midi de la
France; 1833, in-8°; -— Essai sur la Législa-
tion militaire et sur la Jurisprudence des
conseils de guerre et de révision; etc., 1835,
in-8°; — Législation des portions ménagères,
où se traite la question des biens communaux
dans le nord de la France, etc.; 1850, in-8°;
— Essai d'un Code Criminel de l'Armée ; 1 857,
in-8°. 11 était un des collaborateurs des Annales
de Législation et de Jurisprudence. Membre de
la Société des Sciences de Lille, il a communiqué
à cette société, depuis 1847, divers rapports qui
ont été insérés dans ses mémoires. G. de F.
Journal de la Librairie. — Documents particuliers.
* legrand de l'Oise ( Victor), administra-
teur français, né à Saint-Just-en-Chaussée, le
- LEGRAS 440
20 janvier 1791. 11 appartient aune famille de cul-
tivateurs, à laquelle se rattachent l'abbé Haùy, le
général Legrand et le comte Dauchy. Après avoir
terminé ses études au lycée Impérial, M. Le-
grand entra dans l'administration des finances en
1809. Nommé inspecteur en 1811, il quitta cett6.
carrière en 1824, et se livra à la pratique de l'agri-
culture. En 1831 l'arrondissement de Clermont-
sur-Oise le choisit pour député. A l'avènement
du cabinet du 22 février 1836, il fut nommé se-
crétaire général du ministère du commerce, dont
M. Passy était titulaire, et directeur de l'agricul-
ture et des haras. D'Argout le plaça à la tète de
l'administration des forêts, le 8 juillet 1836. Il y
resta jusqu'au 1er octobre 1838, où il donna sa dé-
mission. A l'avénementdu cabinet du 12 mai 1839,
M. Legrand fut rappelé à l'administration des
forêts, qu'il quitta à la chute de ce ministère, le s
1er mars 1840. Le ministère du 29 octobre!
1840 nomma M. Legrand directeur général des
contributions directes, et le rappela en 1843 à la
direction générale des forêts. II. s'y est occupé
de la question du reboisement des terrains va-
gues et des terrains en pente, et contribua puis-
samment à la présentation de la loi sur la polies
de la chasse. Membre de l'opposition constitu-
tionnelle, il a voté à la chambre contre la loi de
disjonction , contre les lois de septembre, contre
les fortifications de Paris, etc. Réélu en 1846
il conserva sa place après la révolution de Té>
vrier. Au mois de mars 1852, il a été nommi
conseiller d'État. L. L— t.
V. Lacaine et Ch. Laurent, Biogr. et Ifécrol. des Homme,
marquants du dix-neuvième Siècle, tome III, p. 369. —
Biogr. statist. de la Chambre des Députés. — Moniteur
1831-1852.
le grand (Henri ). Voy. Turlupin.
legranzi (Giovanni), compositeur italien
né vers 1625, à Clusone, près Bergame, mor
vers 1690.11 fit à Bergame ses études musicales
et y tint l'orgue de Sainte-Marie- Majeure; il ail;
ensuite remplir à Ferrare les fonctions de maîtr
de chapelle du Saint-Esprit. Vers 1668, il fu
appelé à Venise, où il devint directeur du con
servatoire dei Mendicanti (Filles de Saint-La
zare). On croit qu'il avait embrassé l'état ecclé
siastique. Parmi ses élèves on remarque Loti
et Gasparini. Il fut un des plus habiles compo
siteurs de son temps, et fit représenter à Veuis
plusieurs opéras, qui obtinrent un succès d
vogue. On a de lui : Concerto di messe e salmi
Venise, 1654; — Suonate da chiesa e da ca
mera; 1655 à 1693, plusieurs vol. in-4°;
Sacri e festivi Concerti; 1667, in-4°; — Mo
telli sacri; 1692; — et parmi ses opéras
Achille in Sciro (1664); — Zenobia e Rada
misto (\66b);—Adone in Cipro (1676); — An
tioco il Grande (1681); — Jdue Cesari (1683)
— Pertinaee (1684). P. L— y.
Fétis , Biogr. univ. des Musiciens. — Le Mercure Gc
lant, mars 1683.
legras (Richard ), médecin français, né
Rouen, en 1526, mort le 28 novembre 1584. 1
141 LEGRAS
xerça sa profession dans sa ville natale, et tous
es poètes du temps célébrèrent son éloge en
rançais, en latin ou en grec. Son fils rassembla
;es différentes pièces sous ce titre : Le Tombeau
le feu noble homme maître Richard Legras ;
»aris, 1586, in- 12. J. V.
Abbé Goujet, Suppl. à Moréri, Grand Dict. Histor.
legras (Jacques), poète français, fils du
>récédent, mort à lafindu seizième siècle. Il était
lé à Rouen, et fut reçu avocat au parlement de
:ette ville. La Croix du Maine l'appelle «homme
ort docte es langues et poète françois très-excel-
ent ». Legras avait fait l'éloge de la Biblio-
hèquefrançoise de son ami dans deux sonnets
jui sont imprimés à la suite de la préface. On
ien outre de lui une traduction d'Hésiode en
rers, sous le titre : Les Besongnes et les Jours ,
Paris, 1586, in- 12 , que l'abbé Goujet trouve pré-
férable pour l'exactitude et le mérite du style
liux trois autres traductions de ce poète qui
i paient paru jusque alors. J. V.
j La Croix du Maine, BibUotfi.françoise. — Abbé Gou-
jet, SuppC. à Moréri, Grand Dict. Hist. — Chaudon et
Îelandine, Dict. vniv. Hist, Crit. et Bibliogr.
legras ( Louise de Marillac, Mme), fon-
atrice d'ordre religieux, née à Paris, le 12 août
(1591, morte dans la même ville, en 1662. Elle
Btait fille de Louis de Marillac, frère du célèbre
garde des Sceaux et du maréchal de ce nom. En
B613, elle épousa Antoine Legras, secrétaire des
commandements de la reine Marie de Médicis.
JRestée veuve de bonne heure, elle se consacra
Entièrement à la piété. Liée avec Vincent de Paul,
plie eut une part importante à la création des
Inombreux établissements de charité qui signa-
lèrent la vie de ce philanthrope. Us fondèrent en-
semble l'institution des sœurs de charité appelées
ISœurs grises à cause de la couleur de leur mo-
jrleste costume. Mise à la tête d'une communauté
(de cet ordre établie à Paris, madame Legras se
névoua, avec la plus grande abnégation, au soin
{des malades. L'œuvre de Vincent de Paul s'éten-
Idant, elle eut à répandre ses bienfaits sur les
enfants trouvés, les aliénés, les pestiférés et
même les galériens : son héroïque charité pour-
|vut à tout; partout où il y avait des misères à
[secourir, on remarquait sa main bienfaisante,
jdistribuant avec bonheur des revenus considé-
rables. L'institution des sœurs grises est aujour-
d'hui répandue dans toutes les parties du monde.
E. D.
I Gobillon et Collet, Fie et Pensées de Mme Legras ( l'a-
ris, 1769, in-is). — Moréri, Le Grand Dictionnaire His-
torique.
legras (Antoine), humaniste français, né
à Paris, vers 1680, mort le 11 mars 1751. Il
était entré dans la congrégation de l'Oratoire,
qu'il quitta pour vivre dans le monde. Presque
tous ses ouvrages ont paru anonymes. On cite :
Ouvrages des Saints Pères qui ont vécu du
temps des apôtres, contenant la Lettre
de saint Barnabe, le Pasteur de saint Her-
mus , les Lettres de saint Clément, de saint
442
Ignace et de saint Polycarpe, avec des notes ;
Paris, 1717, in-12; —Livres apocryphes de
l'Ancien et du Nouveau Testament en latin
et en français , avec des notes, pour servir
de suite à la Bible de M. de Sacy; Paris,
1717, in-fol., et 1742, 2 vol. in-12 : on y trouve le
troisième et le quatrième livre d'Esdras, le
troisième et le quatrième livre des Machabées,
Y É pitre aux Laodicéens de saint Paul; YEpître
catholique de saint Barnabe , le Pasteur
d'Hermas ; les Épîtres de saint Clément, de saint
Ignace, de saint Polycarpe, et VEpitre à Dio-
gnète; — E pitre à Diognète , dans laquelle
l'auteur sur les ruines de l'idolâtrie et du
judaïsme établit les plus solides fondements
de la religion chrétienne, ouvrage du premier
siècle, traduit du grec; Paris, 1725, in-12; —
Les Vies des grands Capitaines grecs et ro-
mains de Cornélius Nepos, avec les portraits
des grands hommes et des caractères des
siècles dans lesquels ils ont vécu, tirés de
Velleius Paterculus; Paris, 1729, in-12; —
Apologie de M. Nicole, écrite par lui-même,
sur le refus qu'il fil en 1679 de s'unir avec
M. Arnauld, publiée par les soins de M. Legras,
ci-devant confrère de l'Oratoire; Amsterdam
(Paris), 1734, in-12. J. V.
Chaudon et Delandine, Dict. univ. Hist., Crit. et Bi-
bliogr. — Quérard, La France Littéraire.
legras du villard (Pierre), littérateur
français, né vers 1700, mort en 1785. Il était
chanoine de l'église Saint-André de Grenoble et
supérieur de la maison de Parménie. On a de lui :
Sanctoral, ou légendes des saints du diocèse
de Grenoble; 1 730, in-8°; 1740, in-12 ;— Eloges
de quinze illustres Chanoines de Saint-André
de Grenoble ; 1733; — Discours sur la vie et
la mort de M. le cardinal Lecamus, évêque et
prince de Grenoble; Lausanne (Grenoble),
1748, in-12; — Lettre sur la Procession des
Fous et autres extravagances en diverses
églises; 1757; — Dissertation sur l'Origine
des Noms de famille; 1758, in-12;— Les
Agréments de la Solitude ; 1758, in-12; — Can-
tiques spirituels; 1759, in-12 ; — Le Voyage
spirituel des Sœurs de Parménie; 1760, in-12;
— Inscriptions latines, en style lapidaire,
avec des notes curietises et intéressantes ;
in-4°; — Lettres d'un Chanoine de Grenoble
à un de ses amis, sur la Comète ; in-8° ; —
Abrégé historique delà Maison de Parménie;
— Grassiana, ou Œuvres mêlées, in-4°. J. V.
Quérard, La France Littéraire.
legras (Philippe), jurisconsulte français,
né à Dijon, en 1752, mort dans la même ville, le
14 avril 1824. Il était procureur au parlement
de sa ville natale, et défendit par plusieurs écrits
la cause des émigrés pendant la république. En
1803 il fut appelé à faire partie de la commission
chargée de rédiger le projet de code de com-
merce qui depuis a été converti en loi. Le
8 juillet 1806, il fut admis comme avocat au con-
443 LEGRAS — LE
seil d'État, et reçut bientôt la croix de la Lé- l
giou d'Honneur. Après la chute de l'empire , il i
s'éloigna des affaires. On a de lui : Pressante \
Réclamation pour les pères et mères des émi-
grés ; Paris (anonyme) an ni (1795), in- 8° ; —
Le Citoyen français, ou mémoires historiques,
politiques, physiques, etc. ; Londres, 1785,
in-S" ; — Note sur la formule de procéder
devant les tribunaux de commerce; in-8°.
« Legras, dit M. Quérard, est en outre auteur
d'un ouvrage Sur les Faillites, qui pouvait être
intéressant, mais qui est entaché des vices dont
sont empreintes la plupart des lois de cette épo-
que , où l'on a sacrifié l'intérêt des particuliers à
celui du fisc. L — z— e.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biographie nouvelle
des Contemporains ; 1822. — Quérard, La France Litté-
raire. — Maliul, Annuaire Nécrologique , année 1824.
■ le graverknd (1) (Jean- Marie-Emma-
nuel), jurisconsulte français, l'un des plus sa-
vants criminalistesde nos jours, naquit à Rennes,
le 27 mai 1776, et mourut à Paris, le 23 dé-
cembre 1827. Il était bien jeune encore lorsqu'il
fut nommé secrétaire en chef de l'administra-
tion départementale d'Ille-et -Vilaine. Trois an-
nées après, il était appelé au ministère delà
justice, pour y remplir les fonctions de chef de
bureau de la justice criminelle. En 1813 il de-
vint chef de division, et sous la première restau-
ration il reçut le titre de directeur des affaires
criminelles et des grâces. Le chancelier Darnbray,
qui avait conçu pour lui beaucoup d'estime, y fit
joindre la croix de la Légion d'Honneur. Le
Graverendfut pourvu en 1819 du titre de maître
des requêtes en service extraordinaire. En 1822,
il résigna ses fonctions de directeur des affaires
criminelles, et se fit inscrire au nombre des avo-
cats à la cour royale de Paris. Quoique ayant
quitté le ministère de la justice où il remplissait
aussi les fonctions de directeur du Bulletin de la
Cour de Cassation, il prétendit continuer à diri-
ger la rédaction de ce bulletin; mais une ordon-
nance du roi repoussa cette prétention en éta-
blissant en principe que la direction de ce bulletin
devait appartenir au titulaire de l'emploi qu'il
venait de quitter, et dont M. Rives avait été
pourvu. Depuis son entrée au ministère, Le-
(1) Nous croyons utile de signaler ici des erreurs sur
la personne de cet éminent jurisconsulte, que l'on re-
marque dans des ouvrages accrédités, et qui pourraient
être répétées ailleurs. Les auteurs de la Biographie des
Contemporains , MM. Arnault, Jay, Jouy, etc., et
M. Quérard lui-même, ont confondu M. Legraverend
avec un de ses parents homonyme qui fut conseiller à la
cour royale de Rennes et membre de la chambre des dé-
putés de 181" à 1821. La table du Moniteur universel
pour L'annéB 1817 commet la même méprise, en classant
au nombre des députés du département d'Ille-et- Vilaine
M. Legraverend, directeur des affaires criminelles et des
grâces au ministère de la justice. La table pour l'année
1818 a ratifié cette erreur en portant M. Legraverend,
conseiller à la cour royale de Rennes, au nombre des
députés de ce département. La même observation s'ap-
plique a la qualité de membre de la chambre des repré-
sentatifs que les biographes mentionnés ci-dessus attri-
buent à M. Legraverend, (,I, L. )
GRAVEREND 444
graverend avait amassé les matériaux et médit(
le plan d'un grand ouvrage sur la législation cri-
minelle en France, et avait déjà préludé à. 1;
publication de cet important travail, en faisan
paraître un Traité de la Procédure crimiuelU
devant les tribunaux militaires et mari-\
times; Paris, 1808, 2 vol. in-8", lequel a ét<
refondu en partie dans le Traité de la Législa-
tion criminelle en France; Paris, 1816, 1823.
1830, 2 vol. in-4°. « Cet ouvrage, fruit de longues
recherches, embrasse sous un plan méthodiquee
raisonné toutes les notions éparses dans um
foule de lois et dans la jurisprudence des cour:]
souveraines (1). >< L'auteur suit, autant que soi
sujet le comporte, l'ordre des matières tel quv
le Code d'Instruction criminelle l'a établi; mai
il y a fait entrer, en forme de dispositions préli
minaires ou applicables aux chapitres les plu
essentiels, des considérations générales sur l'es
prit des lois criminelles, sur le système de l'aie
cusation en France, sur la compétence des tri
bunaux, etc. Legraverend préparait une nou
velle édition de son ouvrage lorsque la mof
le surprit. Un savant, jurisconsulte, bien dign
d'être son continuateur après avoir été son ami
M. J.-B. Duveigier, accepta la mission qui li
fut confiée de mettre en œuvre les matériau
laissés par l'auteur. L'éditeur révisa et corrige
le texte sur les notes manuscrites de celui-ci
et y ajouta toutes les observations que les chan
gements opérés dans la législation criminelle, d
1823 à 1830, devaient lui suggérer.
On doit encore à Legraverend des Obser
votions sur le jury en France; Paris, 1818
2<= édition, 1827, in-8°; — Des Lacunes et de
Besoins de la Législation française en malièr
politique et en matière criminelle, ou d\
défaut de sanction dans les lois d'ordre pu{
biie; Paris, 1824,2 vol. in-8°. Cet ouvragt
qui peut être considéré comme un corollaire d
grand traité, est rempli d'observations judicieuse
qui achèvent de prouver que le savant crimina1
liste avait mûrement approfondi son sujet ;
respire l'amour de l'humanité, sans que l'auteû
sacrifie à ce sentiment respectable les garantie
qu'exige le maintien de l'ordre public; — D.
Mot sur le projet de loi relatif au Sacrilège
Paris, 1825, in-8°; — Lettre écrite à 3/.J
comte de Montlosier ; Paris, 1826, in-8°. 0:
attribue à Legraverend un livre où, sous 1
voile de l'allégorie, on passe une revue ciïtiquj
des événements de la révolution depuis 178
jusqu'en 1825; il est intitulé : Les Coups de, Be
et les Coups de Patte, histoire abrégée, rapid'
et légère du peuple ornithien, traduit d'ih
manuscrit tombé de la Lune; Paris, 1825
2 vol. in-12. Notre jurisconsulte n'était pà
né plaisant, et donne ici un exemple de plu
des hommes, de mérite d'ailleurs, qui se me
(1) Epître dédicatoire àmonseigneur Darnbray, chai
celier de France.
445
prennent sur la nature de leur talent. Cette al-
llégorie est froide, trop longue, et par consé-
quent ennuyeuse. Aussi n'obtint-elle aucun suc-
cès. En vain l'éditeur chercha, par un changement
i!i- iitre, h lui assurer un autre sort : Le Manus-
crit tombé du ciel, histoire abrégée, rapide
et légère du peuple ornithien, 1829, 2 vol.
in- 12, ne fit pas meilleure fortune. M. Legrave-
rend fournit aussi pour Le Moniteur un certain
nombre d'articles où il rendit compte de quel-
ques ouvrages de jurisprudence. Ces articles, qui
furent toujours remarqués, portent le cachet d'un
savoir à la fois profond et lumineux.
J. L AMOUR EUX.
Moniteur universel de 18H à 1827. — Quérard , La
France Littéraire.
legris (Jacques), voy. Carrouges (Jean
de).
legris-dcvae ( Ren é- Mi chel), philanthrope
français, né à Landerneau (Bretagne), le 16 août
I7f>5, mort à Paris, le 18 janvier 1819. Neveu
lu père Querbeuf, jésuite, il obtint une bourse
iu collège Louis-le-Grand, passa ensuite au sé-
minaire Saint-Sulpice , et fut ordonné prêtre le
JO mars 1790. Il se retira alors à Versailles, où
1 exerçait son ministère lorsqu'il apprit la con-
lamnation de Louis XVI. Il vint aussitôt se pré-
senter à la commune de Paris, et demanda à
issister le roi à ses derniers moments. On lui
ipprit que Louis XVI avait choisi un confesseur;
»t comme Legris-Duval n'avait aucun papier, on
Ulait l'arrêter, quand le député Matthieu le re-
îonnut pour un de ses anciens condisciples et
■épondit de iui. En 1796 Legris-Duval fut chargé
le diriger l'éducation de M. Sosthène de La Ro-
îhefoucauld , pour l'instruction duquel il com-
>osa un petit livre. Lorsqu'en 1810 les cardi-
îaux qui avaient été appelés à Paris furent
ixilés pour avoir refusé de se trouver à la céré-
monie du second mariage de Napoléon, l'abbé
Legris-Duval sollicita en leur faveur des secours
lie personnes riches et pieuses. Après la restau-
ration, il obtint le titre de prédicateur ordinaire
pu roi, et prêcha plusieurs fois devant la cour
et dans des assemblées de charité. Il provoqua
et encouragea tous les établissements pieux et
litiles qui s'élevèrent à cette époque, comme
'association en faveur des pauvres savoyards,
l'association pour la visite des malades dans les
hôpitaux , l'association pour l'instruction des
jeunes prisonniers , qui lui durent en partie leur
succès. Il fonda aussi quelques établissements
religieux, comme une institution de religieuses
louées à l'instruction des filles de la campagne.
Legris-Duval refusa, en 1817, un évêché, ainsi
lue la place d'aumônier ordinaire de la chapelle
le Monsieur et le titre de grand-vicaire de Paris,
eu de temps avant de mourir, il obtint du roi
ine pension de 1,500 fr. On a de lui : Le Mentor
hrétien, ou catéchisme de Fénelon; Paris,
1797, in-12 ; — Discours en faveur des dé-
partements ravagés par la guerre,; Paris,
LE GRAVEREND — LEGROING 44G
1815, in-8p; — Sermons; Paris, 1820, 1831,
2 vol. in-12. J. V.
Notice sur la vie de l'abbé Legris-Duval ; 1819, in-s°.
— Cardinal de Bausset, Notice sur l'auteur, en tète des
Sermons d* l'abbé Legris-Duval. — Arnault, Jay, Jouy
et Norvins, Uiogr. nouv. des Contemp.
LEUROIIN'G DE LA MAISO.XNEUVE (Fran-
çoise-Thérèse- Antoinette, comtesse), femme
de lettres française, née à Bruyères (Lorraine),
le 11 juin 1764, morte le 12 mars 1837. Issue
d'une ancienne famille qui prétendait se ratta-
cher aux anciens souverains de Logrono en
Espagne, elle fut élevée dans l'Auvergne, et à
l'âge de seize ans elle fut admise au chapitre
noble et séculier de La Veine. Deux ans après
elle fut chargée de rédiger de nouvelles consti-
tutions pour sa communauté, et s'en acquitta par-
faitement. Dans sa retraite, elle se livrait à l'é-
tude de l'antiquité. Elle avait retracé dans une
composition romanesque les malheurs de Zéno-
bie, reine de Palmyre. Un indiscret fit paraître
cet ouvrage sans le consentement de l'auteur :
Zénobie , que quelques-uns comparèrent au
Tèlémaque de Fénelon, eut un grand succès.
Exilée par la révolution à Bâle, Mme Legroing
dessinait, peignait des fleurs et brodait même
pour vivre et pour soutenir sa mère, son frère
et ses deux sœurs. Rentrée en France sous le
consulat , elle trouva ses biens vendus ; forcée de
se créer une position, elle se voua à l'éducation,
et publia un ouvrage sur l'éducation desfemmes.
Napoléon lui proposa le titre de surintendante
des maisons qu'il se proposait de fonder pour
les jeunes filles de la Légion d'Honneur; mais
lorsqu'elle sut qu'un haut emploi serait confié à
Mme Campan, qu'elle accusait d'avoir livré le
secret du voyage de Varennes, elle refusa. Elle
établit un pensionnat à Paris, et son établissement
réussit. Mme Legroing fit imprimer pour ses élè-
ves un recueil de contes moraux, et donna des
articles de philosophie, de littérature, des pièces
de vers, des odes, des épîtres dans différents
journaux, comme Le Mercure, V Étoile , etc.
Après la restauration, Louis XVIIt lui accorda une
pension sur la liste civile. Mrae Legroing essaya
de rétablir son chapitre, mais elle ne put réussir.
L'indemnité aux émigrés ayant été votée, elle
put vivre dès lors dans une modeste aisance,
qui lui permit de se livrer à une grande compo-
sition historique dont la révolution de Juillet em-
pêcha l'achèvement. On a de Mme Legroing : Zé-
nobie; Paris, 1800,in-8°; — Essai sur le genre
d'instruction le plus analogue à la destina-
tion des femmes; Paris, 1801 , in-18; Tours,
1843, in-18; — Contes, in-18; — Clémence;
Paris, 1802, 3 vol. in-12; — Retraite pour la
première communion ; Paris, 1804, in-12; —
Histoire des Gaules et de la France, depuis
les temps les plus reculés jusqu'à la fin du
règne de Hugues Capet, les neuf premiers cha-
pitres seulement; Paris, 1830, in-8°. J. V.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Uiogr. nouv. des Con-
temp.
447
legros (Martial), historien français, né à
Limoges, le 26 avril 1744, mort le 20 juillet
1811.11 étudia au collège des jésuites , entra dans
les ordres, et consacra tous ses moments de loisir
à des recherches historiques particulièrement
sur le Limousin. A l'époque de la révolution, il
fut déporté pour refus de serment à la constitu-
tion civile du clergé. En 1808 il devint chanoine
de la cathédrale de Limoges et secrétaire de
l'évêque. On a de l'abbé Legros : Recherches
historiques sur l'église paroissiale de Saint-
Michel- des - Lions de la ville de Limoges;
Limoges, 1811. Les archives de la Société d'A-
griculture , des Sciences et des Arts de la
Haute-Vienne, dont il était membre, conservent
de lui, sans nom d'auteur, deux, mémoires, dont
l'un intitulé : Recherches sur l'antiquité et le
gisement desmines du Limousin ; l'autre: Dis-
sertation sur l'origine, les progrès et la dé-
cadence de la langue limousine. L'Annuaire
pour l'année 1837 ne donne qu'une liste incom-
plète des manuscrits de l'abbé Legros conservés
dans la bibliothèque du grand séminaire de Li-
moges. Parmi ces manuscrits on remarque :
Abrégé des Annales du Limousin , ou suite
chronologique des faits qui intéressent cette
province; 1776, in-4°. C'est un bon abrégé des
trois volumes indigestes du père Bonaventure
de Saint- Amable; — Continuation des An-
nales du Limousin depuis 1683 jusqu'au 3 no-
vembre 1790; in-4°. L'auteur a consigné dans ce
travail le résultat de ses recherches personnelles
et les Mémoires de l'abbé Nadaud; il s'arrêta le
3 novembre, pour ne blesser aucun des partis
qui divisaient le royaume; — Martyrologe du
diocèse de Limoges ; in-8°, 1790; — Essai his-
torique sur IAmoges et ses environs ; in-4° ;
— Le Limousin Ecclésiastique; in-fol.; —
Table chronologique Ecclésiastique, in-fol.
Ce sont des listes de dignitaires ecclésiastiques;
— Table chronologique civile; in-folio. Ce
volume, semblable au précédent, renferme deux
listes importantes : l'une des sénéchaux et des
gouverneurs du Limousin, l'autre des sénéchaux
et des gouverneurs de la Marche; — Mélanges,
ou recueil de pièces justificatives pour servir
à l'histoire du diocèse deLimoges, 3 volumes
in-fol. Le deuxième renferme un fragment pré-
cieux des Anciennes Chroniques de Limoges
— Dictionnaire historique des Grands Hom-
mes du Limousin; in-fol., 1774; — Vies des
Saints du Limousin; 6 vol., in-8°; — Mé-
moires pour servir à l'histoire des évêques de
Limoges; in-8°. R. P. (de Limoges).
Bulletins de la Société d' agriculture de la Haute-
Vienne, année 1812. — Calendriers du Limousin, feuille
hebdomadaire. — Annuaire historique pour l'année
1837, publié p.ir la Société de l'Histoire de France.—
Annuaire de la Haute- Vienne, 1854. — Manuscrits de
la bibliothèque du grand séminaire de Limoges.
le gros (Pierre), sculpteur français, né à
Paris, en 1666, mort àRome,en 1719. Il fut élève
de son père, artiste de talent, qui fut sculpteur
LEGROS 448
du roi et professa à l'Académie pendant trente
années. Louvois ayant reconnu dans le jeune
Le Gros des dispositions remarquables, l'envoya
à ses frais compléter ses études à Rome, où en
peu de temps il acquit une grande réputation.
Les jésuites lui demandèrent pour l'autel de 1a
chapelle Saint-Ignace à leur église du Giesù le
Triomphe de la religion sur V hérésie; ce
groupe, malgré l'exagération des mouvements,
valut à son auteur les plus vifs applaudissements,
même de la part des Italiens , si avares de
louanges pour les étrangers. Le Gros fit encore
pour la même Compagnie une Gloire de saint
Stanislas Kostka, placée dans l'église du Col-
lège Romain, et dans le noviciat des jésuites,
dans la chambre qu'il avait occupée, et qui a
été convertie en chapelle, Le jeune Saint expi-
rant sur son lit, figure exécutée en marbre
de couleur, dont l'effet saisissant ne peut ra-
cheter complètement le mauvais goût. Pour l'é-
glise Saint-Ignace, Le Gros fit le Tombeau de
Grégoire V, orné des statues de La Religion et
de L'Abondance, et un bas-relief de Saint Louis
de Gonzague, dont la figure principale se re-
commande par une expression à la fois noble et
modeste. Parmi les autres ouvrages de Le Gros
qui existent à Rome, on remarque encore le
Saint Dominique , figure colossale à Saint-
Pierre; Saint Thomas et Saint Barthélémy,
exécutés par ordre de Clément XI pour Saint-
Jean-de-Latran ; le Tobie de Santa-Trinità ; le
Saint Philippe Neri de Santo-Girolamo-della
Carita; le Saint François-Xavier de Saint-i
Apollinaire ; enfin, la Statue du cardinal Casa-
nata, placée dans la bibliothèque du couvent de
La Minerva.
Obligé par sa santé de rentrer dans sa patrie,
Le Gros y fit une Vestale pour le jardin des
Tuileries et quelques autres travaux de moindre
importance, et bientôt il retourna à Rome, qu'ii
ne devait plus quitter. C'est sans doute pendanl
cette dernière période de sa vie qu'il sculpta les
statues de Sainte Thérèse et Sainte Christint
qui furent placées dans la cathédrale de Turin
Le Gros sacrifia malheureusement trop ai
goût dépravé de son siècle, et presque toujours
il tomba dans le maniérisme et l'exagération er
recherchant le mouvement, qualité incompatible
avec la véritable sculpture, et dont les ancien.1
ne se sont jamais préoccupés; pourtant on n<
peut nier qu'il n'ait souvent fait preuve d'un vé'
ritable talent, qu'il n'ait fouillé les draperie
avec un rare bonheur, qu'il n'ait donné à se;
figures une expression vivante , et qu'il n'ai
surtout taillé le marbre avec une habileté e
une hardiesse dignes des plus grands maîtres di
siècle précédent. E. B— n.
Cicognara , Storia délia Scultura. — Fontenay, DU
tionnaire des Artistes. — Orlandl , Abbecedario. — Pis
tolesi, Descrizione di Roma. — Valéry, Voyages hiUn
riques et littéraires en Italie. — G. Slefaniet b. iWond(
Torino e suoi dintorni.
legros (Nicolas), théologien français, n
449 LEGROS -
à Reims, en décembre 1675, mort à Rhynwick,
le 4 décembre 1751 . Il refusa de signer l'acte
d'acceptation de la bulle Unigenitus, fut pour-
suivi, et se réfugia en Hollande. Après la mort
de Louis XIV, il revint à Reims, dont il avait
dirigé le séminaire. A la suite de quelques con-
troverses, il reprit le chemin de la Hollande, où
l'archevêque d'Utrecht lui confia la chaire de
théologie d Amersfort. Legros, s' étant élevé contre
les usuriers et les convulsionnaires, fut en 1736
obligé d'abandonner ses fonctions. Depuis lors
il habita Schœnau et Rhynwick, où il consacra
le reste de sa vie à des travaux théologiques. On
a de lui : Méditations sur l'Epitre aux Ro-
mains; 1735; — Dogma Ecclesiee circa Usu-
ram; 1730, in-4°; — La Sainte Bible, traduite
sur les textes originaux avec les différences de
la Vulgate; 1739, in- 8° : cette bible est très-
estimée pour sa fidélité ; — Lettres théologi-
ques contre le Traité des Prêts de commerce;
1740; — Manuel du Chrétien; 1740, in-18:
souvent reimprimé; — Méditations sur les six
'premières Epitres canoniques de saint Jac-
ques, saint Pierre et saint Jean; 1754, 6 vol.
in-12; — Lettres sur les Convulsionnaires;
1733, in-12. A. L.
Revue historique et litt. de la Champagne, n° 11, p. 59.
legros (iV.....), écrivain, coiffeur français, né
en 1710, mort étouffe aux fêtes données à l'occa-
sion du mariage du dauphin, depuis Louis XVI,
le 30 mai 1770. D'abord cuisinier, Legros avait
composé sur son art un livre resté manuscrit.
Devenu coiffeur, il eut à se plaindre de l'envie de
ses confrères. En 1763, il exposa une trentaine
de poupées parfaitement coiffées à la foire de
Saint-Germain. Deux ans après, il publia : Livre
d'Estampes deVart de la Coiffure des dames
françoises, gravé sur les dessins originaux,
avec un traité pour entretenir et conserver
les cheveux naturels ; Paris, 1765-1770, in-4°,
avec lig. coloriées donnant les coiffures du
temps. J. V.
Quérard, La France Littéraire.
legros (Sauveur), littérateur et graveur
français, né a Versailles, le 27 avril 1754, mort
à Enghien (Belgique), le 15 mars 1834. Après
avoir fait de bonnes études, il débuta, par suite
de circonstances demeurées inconnues, au
théâtre de Bruxelles , où il obtint des succès qui
jne l'empêchèrent pas de renoncer bientôt à la
Iscène. Le maréchal prince de Ligne le prit pour
secrétaire, l'emmena dans ses voyages en Italie,
en Allemagne, en Suisse, en France, et l'intro-
duisit dans la société des gens de lettres de Pa-
ris, où Le Gros se lia avec Chamfort, Morellet,
Tabbé Raynal et Palissot. En 1787 il accompagna
le prince dans sa mission en Russie, et fit partie
du cortège impérial dans le mémorable voyage
de Crimée. En 1793 il suivit le prince à Vienne,
[où Cléry lui confia la rédaction de son Journal
de la Captivité de Louis XVI. Il passa plusieurs
années dans cette ville, puis revint dans les
ROUT. BIOGR. CÉNÉR, — T. XXX.
LE GROUX 450
Pays-Bas, et sefixaà Bruxelles. Il contribua sans
doute à défendre les intérêts du maréchal , lors
de la levée du séquestre mis sur ses biens, car
l'album de Le Gros contenait ce témoignage de
sa reconnaissance :
Le Gros, toi vraiment mon sauveur.
Puisqu'à tes soins Je dois le peu que j'ai pour vivre,
Ces mots par l'amitié sont gravés dans ton livre:
Lis ton nom dans le mien: mon album c'est mon coeur.
Le Gros en mourant laissa ses manuscrits au
prince de Ligne, petit-fils du maréchal. Une co-
pie préparée pour l'impression, composée de neuf
cahiers, et contenant plusieurs livres de fables,
des poésies fugitives , des pensées et des œuvres
diverses, est conservée dans la Ibliothèque de
l'Académie royale de Belgique. M. Loumyer a
publié les Poésies choisies de Sauveur Le G7os ,
Bruxelles, 1857, in-18, qu'il a fait précéder
d'une notice sur l'auteur et du Catalogue de son
œuvre comme graveur (comprenant cent trente-
deux pièces), rédigé par M. F. Hillemacher. La
collection des gravures qui le composent se trouve
à la Bibliothèque impériale de Vienne E. R.
Notice en tète des Poésies choisies de Sauveur Le
Gros. — Bulletins de l'Académie royale des Sciences,
des Lettres et des Beaux-Artt de Belgique, tome XIV,
lre partie, p. 327.
legros ( Charles- François) , théologien et
critique français, né à Paris, mort dans la même
ville, le 21 janvier 1790. Une thèse qu'il soutint
le 4 septembre 1737 fut supprimée par arrêt du
parlement de Paris, parce qu'elle mettait l'aulorité
de l'Église au-dessus de la juridiction des magis-
trats. Professeur au collège de Navarre , princi-
pal de collège , chanoine de la Sainte-Chapelle,
enfin abbé de Saint-Acheul, il fil partie de l'assem-
blée du clergé en 1760. Successivement grand-
vicairedeReims,membredu bureau d'administra-
tion du collège Louis-le-Grand, et théologien delà
commission formée pour les ordres réguliers ,
l'abbé Legros permuta en 1776 son canonicatde
la Sainte-Chapelle contre ia prévôté de Saint-
Louis du Louvre. En 1789, il fut élu député du
clergé de Paris aux états généraux. L'abbé Legros
a publié, sous le nom d'un solitaire : Analyse des
ouvrages de J.-J. Rousseau et de Court de Gé-
belin ; Paris, 1785, in-8°; — Examen des sys-
tèmes de J.-J. Rousseau et de Court de Gé-
belm, pour servir de suite à l'Analyse; Paris,
1786,in-8°; — Analyseet Examen de l'Antiquité
dévoilée, du Despotisme oriental et du Chris-
tianisme dévoilé, ouvrages attribués à Boulan-
ger; Paris,1788, in-8°;— Analyse et Examen du
Système des Philosophes économistes ; Paris,
1787, in-8°; — Examen du système politique
de M. Necker, mémoire joint à la lettre écrite
au roi par de Calonne, le 9 février 1789; avril
1789, in-8°. J. V.
Desessarts, Les Siècles Littéraires de la France. :
LE groux (Jacques), historien français, né
en 1675, à Mons-en-Puelle, village près de Lille,
mort le 31 juillet 1754. Curé de Bûmes, dans
le diocèse de Tournay, puis de Marcq-ch-BarauU,
15
451 LE GROUX
paroisse voisine de Lille, il a publié : Summa
Sla/ulorum Synodalium, cumprasvia synopsi
vila episcoporum Tornacensium; Lille, 1726,
in-8°. On trouve des détails curieux puisés à des
sources souvent inédites; — La Flandre galli-
cane sacrée et prophane, ou description his-
torique, chronologique et naturelle des villes
et chatellenie de Lille, Douay et Orchies. Cet
ouvrage est resté manuscrit, et se trouve à la
bibliothèque de Lille. G, de F.
Paqnot , Mêm. pour l'hist. littér. des Pays-Bas,
t. XVII. — Archives hisl. et litt. du nord de la France,
nouv. série, t, IV..
LE guat (François), voyageur français, né
en Bresse, en 1637, mort en Angleterre, en 1735.
Il appartenait à la religion réformée : après la
révocation de l'édit de Nantes, il se réfugia en
Hollande ( 1689). Ayant appris que Duquesne,
avec le consentement des États-Généraux, armait
une expédition pour les lies Mascareignes, et que
cette expédition devait être composée surtout de
religionnaires français, il s'engagea un des pre-
miers, et partit d'Amsterdam, le 10 juillet 1690,
à bord de L'Hirondelle (cap. Antoine Valleau ).
Neuf autres Français partageaient le sort de
Le Guat, lorsque Duquesne leur fit savoir que
Louis XIV, qui avait fait prendre possession de
l'île Bourbon dès 1672, s'opposait formelle-
ment à toute tentative de colonisation protes-
tante. Le Guat et ses compagnons n'en conti-
nuèrent pas moins leur voyage. Ils passèrent la
ligne le 23 novembre, et le 26 jauvier 1691
mouillèrent au cap de Bonne-Espérance. Trois
semaines plus tard, ils reprirent la mer, fail-
lirent périr le 15 mars, et le 3 avril arrivèrent
en vue de l'île Mascareigne (depuis Bourbon,
aujourd'hui La Réunion); mais le capitaine
A. Valleau, que Le Guat dans sa relation traite de
« fourbe et de scélérat >-, refusa d'y descendre, et
atterrit sur l'île deDiego-Ruys ou Rodrigue, où il
laissa les émigranfs assez bien pourvus d'armes,
d'outilset d'ustensiles de ménage. Ils défrichèrent
lin petit terrain proche d'un gros ruisseau, trou-
vèrent de quoi faire d'excellentes boissons avec
le suc des palmiers et des lataniers : le poisson
et le gibier leur fournirent une nourriture aussi
saine que variée. Tout allait pour le mieux; mais
ils s'aperçurent bientôt qu'ils manquaient de
femmes, et le célibat n'étant point de leur goût ils
construisirent une barque sur laquelle ils s'a-
venturèrent le 9 avril 1693. A peine avaient-ils
quitté le rivage que l'esquif donna sur un écueil
et s'ent'rouvrit; les navigateurs durent rega-
gner la rive à la nage. Ce fâcheux contre-
temps les découragea d'abord; « mais, rapporte
Le Guat, à force de se redire les uns aux autres,
Foisonnez et multipliez, \\s reprirent leur pre-
mier dessein, radoubèrent leur petit bâtiment, et
abordèrent vers la fin de mai a Maurice, après
avoir échappé à une affreuse tourmente. » Le Ge-
nevois Rodolphe Diodati, qui commandait cette.,
lie pour les Hollandais, les reçut fort inhos-
— LE HARDY 453
pitalièrement : il leur enleva un gros morceau
d'ambre gris qu'ils avaient apporté de l'Ile Ro-
drigue, et pour qu'ils n'en portassent pas plainte,
il les fit jeter sur un rocher aride et brûlant situé à
deux lieues en mer. La nécessité suggéra aux
Français des expédients pour vivre. Diodati se
décida enlin à les expédier à Batavia, où ils arri-
vèrent le 15 décembre 1696. Le Guat repartit de
cette ville le 28 novembre 1697, pour venir de-
mander justice en Hollande. Il débarqua à Fles-
singue, le 18 juin 1698, et en 1707 alla s'établir
en Angleterre, où il mourut. On a de lui •
Voyages et Aventures de François Le Guat et
de ses compagnons en deuxisles désertes des
Indes orientales, avec la relation des choses
les. plus remarquables qu'ils ont observées
dans l'isle Maurice, à Batavia, aie cap de
Bonne- Espérance, dans l'isle de Sainte- Hé-
lène, et en d'autres endroits de leur route,
avec cartes et fig.; Londres et Amsterdam, 1708,
2 vol in-12. Cette relation contient des détails
curieux. A. de Lacaze.
Préface de la relation de Le Guat.
LEGUA Y. Voy. Prémont val.
leguenois (Pierre). Voy. Guénois.
le guerchois (Madeleine d'Aguesseau,
dame), moraliste française, née à Paris; en
1679, morte dans la même ville, le 9 décembre
1740. Elle était sœur de l'illustre chancelier
d'Aguesseau, et publia : Avis d'une Mère à son
Fils , suivis d'une Instruction pour les sacre-
ments de pénitence et d'eucharistie, et d'une-
Pratique pour se disposer à la mort; Paris,
1743, 2 vol. in-12; — Réflexions chrétiennes
sur les livres historiques de l'Ancien Testa-
ment; Paris, 1767, in-12 : seconde édition,
augmentée de Réflexions sur le Nouveau
Testament et de la Vie de l'Auteur; Paris,
1773, in-12. E. D— s.
L. Prudlioinme père, Biographie universelle des
femmes célèbres. — Quérard, tu France Littéraire.
LE haguais (Augustin) , jurisconsulte et
poète français, né à Caèn, en 1601, mort à Paris,
en 1666. 11 entra dans le barreau, et dès l'âge
de dix-huit ans plaida sa première cause avec
éclat. Il s'acquit une grande réputation, devint
avocat à la cour des aides de Caen ; cette cour
ayant été supprimée, Le Haguais obtint un brevet
de conseiller d'État. II cultivait avec succès la
littérature, et a laissé des vers latins et fiançais,
pleins d'esprit et de bon goût, suivant Moréri.
L — Z— E.
Huet, Origines de Caen, p. 380. — Moréri, Le grand
Dictionnaire historique.
LE HARDY UE CANAPVILLE (Philibert),
appartenait à une ancienne famille de Norman-
die qui subsiste encore dans la province. Jus-
ques en 1667 il occupa la place d'avocat du roi
à Vire. En 1639 il rendit de grands services à
cette ville, en la sauvant, par ses courageuses re-
présentations, du pillage et delà ruine dont elle
, était menacée par l'armée du roi sous les ordres
de Gassion, envoyé par Richelieu pour étouffer
453
LE HARDY — LE HEMNTJYEK
454
la sédition des nus-pieds en basse Normandie. On
conserve dans les archives de la maison de ville
de Vire l'acte qui fut dressé pour garder le sou-
venir de ce service ( Voy. Lachesnaye-Desbois).
G. Le H— y.
Documents inédits.
LE hardv (Pierre), homme politique fran-
çais, né à Dinan ( Bretagne), en 1758, guillotiné à
Paris, le 31 octobre 1793. Il était médecin lors-
qu'il fut nommé député du Morbihan à la Conven-
tion nationale. Il combattit Manuel, qui attaquait
la constitution du clergé, et déclara que «sans les
évêques la république serait perdue ». Plus tard il
dénonça le ministre de la guerre Pache, et lors du
procès de Louis XVI, il présenta une série de ques-
tions qui toutes furent écartées. Il vota pour l'appel
au peuple; lors du vote sur la peine encourue
par le monarque , il motiva ainsi son opinion :
« Je regarderais la liberté de mon pays comme
entièrement anéantie si nous étions à la fois ac-
cusateurs, jurés, juges et législateurs. Non, nous
ne sommes pas juges. Si je considérais la Con-
vention comme juge, je demanderais qu'elle ex-
clût au moins soixante de ses membres. La mai-
heureuse histoire de tous les peuples nous
apprend que là mort des rois n'a jamais été utile
à la liberté. Je demande que Louis soit mis en
état de détention tant que la république courra
quelques risques, ou jusqu'au moment où le
peuple aura accepté la constitution,- alors, et seu-
lement alors, vous décréterez le bannissement. »
Le 26 février 1793, il demanda vivement l'ac-
cusation de Marat, comme ayant prêché le pil-
lage; le 16 mars, il s'opposa à la suppression
de la maison de Saint-Cyr, et reprocha à la Con-
vention de toujours détruire au lieu de réformer
et de ne jamais édifier. Il fut bientôt en butte aux
attaques dirigées contre les Girondins et son ex-
pulsion futnominativementdemandée, le lôavril,
par trente-cinq sections de Paris , ce qui n'em-
pêcha pas l'assemblée de le choisir pour secré-
taire trois jours après. Le 19 mai il appuya avec
chaleur une pétition présentée par des dames
d'Orléans qui sollicitaient la mise en liberté de
leurs maris et de leurs fils , emprisonnés par
tordre de Léonard Bourdon, et s'écria « que l'on
;avait tellement prostitué les noms de royalistes
;et de contre révolutionnaires, qu'ils étaient de-
j venus synonymes de ceux d'amis de l'ordre et
ides lois ». Le 31 mai, à l'occasion de la suppres-
sion de la commission des Douze, il demanda un
(appel aux bons citoyens de Paris. Il fut décrété
id'arrestation et incarcéré le 2 juin. Décrété d'ac-
jcusation le 3 octobre, il fut le 30 traduit de-
vant le tribunal révolutionnaire, et condamné; il
subit la mort avec courage. Le Hardy a laissé
(quelques opuscules sur la médecine et la politique.
H. Lesueur.
ie Moniteur général, an. 1792, n°« 279, 894; an
1er, n°» 15, 141, 15G; an ir, n°« 277, 43; an ni, n° 259. —
[Biographie moderne ( 180fi). — Petite Biographie con-
ventionnelle ■ isi a .
le hayEr-duperron (Pierre), poëte
français, né à Alençon, en 1603, mort après 1678.
Fils d'un procureur du roi au présidial d'Alençon.
il fut pourvu de cette charge après la mort de
son père. Ses poésies acquirent quelque répu-
tation , et son poëme sur Louis XIII, qu'il pré-
senta an roi lorsque ce prince passa à Alençon
pour aller en Bretagne, lui valut la protection du
cardinal de Richelieu, dont il n'avait pas oublié de
faire l'éloge. Le roi donna des lettres de noblesse
à son père , et il obtint pour lui le cordon de
Saint-Michel et un brevet de conseiller d'État. Le
Hayer fut un des premiers membres de l'Aca-
démie de Caen. On a de lui : Les Palmes de
Louis le Juste , poëme historique, divisé en
neuf livres, où, par Vordre, des années, sont
contenues les immortelles actions du roi
très-chrétien et très-victorieux monarque
Louis XIII; Paris, 1635, in-4°; réimprimé sous
le titre de Muses royales; Paris, 1637, in-4°.
On a en outre de Le Hayer : Les heureuses
Âdventures, tragi-comédie en cinq actes et en
vers ; Paris, 1633, in-8° ; — Poésies morales et
chrétiennes; Paris, 1660, in-4°. Il a traduit de
l'espagnol : ['Histoire de l'empereur Charles
Quint, de J.-Ant. de Verra ; Paris, 1662, in-4° ;
Bruxelles, 1663, 1667, in-12; — La Connais-
sance de la Bonté et de la Miséricorde de
Dieu , de Jean de Palafox de Mendoza ; Paris ,
1688, in-12. J. V.
Desessarts, Les Siècles Littéraires de la France. —
Chaudon et Delandine, Diet.imiv. Hist., Crit. et Hibl.
LE H ennuyer ( Jean ), prélat français , né
en 1497, à Saint-Quentin, et mort en 1578, fut
successivement premier aumônier de Henri H,
François If, Charles IX et Henri III. Nommé
à l'évêché de Lodève en 1557 et ensuite à celui
de Lisieux , il fut. le directeur des consciences
de Catherine de Médicis et de Diane de Poitiers.
Dans cette position, il se montra toujours le per-
sécuteur des protestants ; aussi est-ce bien à tort
qu'Hémeré, historien de la ville de Saint-Quentin,
lui attribue l'initiative de la résolution généreuse
par suite de laquelle furent sauvés lors des mas-
sacres de la Saint-Barthélémy les protestants
de Lisieux, dévoués à la mort par Charles IX.
Son épitaphe, placée sur le tombeau qui lui a été
élevé dans la cathédrale de Lisieux, enregistre ,
ainsi qu'on eût pu le faire d'un titre glorieux
acquis à sa mémoire, l'opposition violente que
fit ce prélat à l'édit de tolérance rendu en leur
faveur à la date de janvier 1562. La seule version
vraie sur cet événement fait remonter à Du
Longchamp de Furnichon, gouverneur de Li-
sieux en 1572, l'acte d'humanité faussement
attribué à Jean Le Hennuyer : d'accord avec
les autorités de la ville , il fit enfermer tous les
protestants qu'on put découvrir, dans les pri-
sons qui leur servirent de refuge jusqu'à ce que
la rage des égorgeurs fût calmée.
La fausse version qui se trouve dans Hémeré
a guidé la plume de L.-Sébastien Mercier, membre
15.
455 LE HENNUYER
fie l'Institut, lorsqu'il a fait de Jean Le Hennuyer
le héros d'un drame en trois actes et en prose
publié en 1772 et 1775, in-8°. Th. M.
De Thou , Hist. sut temp. — D'Aublgné , Hitt.
lkhecrt ( Matthieu ), théologien français,
né au Mans, en 1561, mort le 31 janvier 1620.
Il était d'une famille plébéienne : ce qu'expriment
ces mots de son apologie « supplevit doctrina
genus ». Ayant embrassé l'institut de Saint-Fran-
çois, il habita tour à tour divers couvents de
son ordre. Il était en 1594-1595 gardien des
Cordeliers de Paris , et remplissait la même
charge au Mans en 1602, à Poitiers en 1613.
L'opinion commune est qu'il mourut à Angers.
Quelques notes manuscrites de dom Liron, que
possède la Bibliothèque impériale , le font mourir
au Mans. Pierre Levenier a fait un poëme latin
en l'honneur de Leheurt. Ses œuvres sont : Di-
rectorium fratrum Minorum; Paris, 1618; —
Officium S. Juliani, Cenomanorum episcopi,
accœterorum sanctorum qui in conventu Ce-
nomanensi celebrari consueverunt ; Le Mans,
1620, in-8D. Il édita La Philosophie des Es-
prits de René du Pont B. H.
Luc. Waddin?, Script. Fratr. Minorum. — B. Hau-
réau, JJist. Litt. du Maine, t. I, p. 14, 451; et t. IV,
p. 3j8.
* LE HiR (Jean- Louis) , économiste français,
né à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), le 9 dé-
cembre 1806. Docteur en droit, il a fait pendant
douze aus partie du barreau et rédigé le Recueil
des Arrêts de la Cour de Bennes. Inscrit depuis
1837 sur le tableau des avocats de Paris, il a
publié : Annales de la Science et du Droit corn-
viercial, ou mémorial du commerce et de l'in-
dustrie , recueil mensuel de législation , de doc-
trine , d'économie , de statistique et de jurispru-
dence industrielles et commerciales, 2 volumes
in-s° par an; — Harmonies Sociales; 1847,
in-8° ; — Crédit foncier, guide manuel des
fondateurs, directeurs, administrateurs des so-
ciétés de crédit foncier; commentaire du dé-
cret du 28 février 1852, grand in-8°, 1852; —
Traité de la Prisée et de ta Vente aux enchères
des meubles et des marchandises ; 1855, 2 vol.
in-8"; — Manuel d'Assurance, in-32, 1857;
— De l'Assurance par l'État, fondation des
Baisses d'assurance mutuelle contre la grêle et
les gelées, contre les inondations , contre la mor-
talité «les bestiaux; 1857, in-8°.
Archives des Hommes du Jour.
lkumânn (vhristop/ie), historien allemand,
né en 1568, à Finsterwald, dans la Lusace, mort
en janvier 1638. Secrétaire de la ville de Spire,
il remplit plusieurs missions auprès de l'empe-
reur et de la diète. Il passa en 1629 au service
de l'électeur de Trêves, et fut nommé huit ans
après syndic de Heilbronn. On a de lui : Chro-
nika der freien Reichsstadt Speier ( Chroni-
que de Spire, ville libre impériale); Franc-
fort, 1612, et 1662,in-4°; ibid., 1698 et 1711,
in-fol.; — Collegium Poiiticum; Francfort,
1630, in-8o; ibid., 1643; in-12; — Florile-
— LEHMANN
456
gium Poiiticum; Francfort, 1630-1642, trois
parties in-8° ; ibid., 1662, quatre parties in-12;
— De pace religionis Acta publica et origina-
lia; Francfort, 1631, et 1640, in-4°; une nouvelle
édition, très-augmentée, parut à Francfort, 1707,
2 vol. in-fol., et fut suivie de deux autres vo-
lumes in-fol., publiés en 1709 et en 1710, qui,
sous le titre de Lehmunnus suppletus, relatent
les documents du dix-septième siècle relatifs à
l'exercice des cultes catholique et protestant dans
l'Empire. E. G.
Baur, Leben T.ehmanus; Francfort, 1756, in 8». — Ro-
termund, Supplément a JOcher.
lehmamv ( Pierre- Ambroi se), érudit al-
lemand, né à Dôbeln en Misnie, dans la seconde
moitié du dix-septième siècle, mort en 1729.
Reçu maître en philosophie en 1690, il se fixa
à Hambourg, et devint agent diplomatique du roi
de Pologne. On a de lui : De Archidiaconis ve-
teris Ecclesiae ; Leipzig, 1687, in-4°; — Ham-
burgum Literatum; Hambourg, 1698, 1701,
1704, 1705, in-8°; — Nova Literataria Ger-
mantas ; Hambourg, 1703, 1709, in-4°; — Tha-
ler-Collection (Collection de médailles) ; Ham-
bourg, 1709, in-4°. E. G.
Moller, Cimbria Literata. t. If, p. 466. — JOclier,
Allyemeines delehrten-Lexikon. — Rotennund , Suppli-
aient à Jucher.
i.eiimaxs (Jean-Gottlob ), minéralogiste al-
lemand , lié au commencement du dix-huitième
siècle, mort le 20 février 1767, à Saint-Péters-
bourg. D'abord membre de l'Académie de Berlin,
il vint en 1761 s'établir à Saint-Pétersbourg, où
il fut nommé professeur de chimie et directeur
du cabinet d'histoire naturelle. Il mourut par
accident, à la suite, d'une expérience de chimie.
Il renouvela l'idée desanciens du soulèvement des
montagnes à des époques différentes. On a de
lui : Einleitung in emige Theile der Berg-
werkwissenschnft ( Introduction dans quelques
parties de la science des mines ); Berlin, 1751,
in-8°; — Von den Metall-mùtlern und der
Erzeugung der Metalîe ( Des Matrices des mé-
taux et de la production de ces derniers ) ; Ber-
lin, 1753, in-8°; — De Aère sub terra latente,
causa movente vulcanorum ; Berlin, 1753 ; —
Verzeic/miss und Beschreilning der Mùnzen,
welche der Bûrgermeister Liebeherr zu Alts-
tettin gesammelt hat (Catalogue et Description
des monnaies recueillies par le bourgmestre
d'Altslettin, Liebeherr ); Berlin, 1752, in-8°;
une nouvelle édition a été donnée par Osten ; —
Versuch ciner Geschichte von Floetzgebirgen,
deren Entslchung , Lage, darin befmdlichen
Metallen , Mineralien und Fossilien ( Essai
d'une histoire des Roches stratiformes , traitant
de leur origine, de leur gisement et des mé-
taux, minéraux et fossiles qu'elles contien-
nent); Berlin, 1756, in-8°, avec planches; —
Phgsikalische Gedanken von Erdbeben
( Idées sur les tremblements de terre au point
de vue de la physique ) ; Berlin, 1757, in-8° ; —
Enttvurf einer Minéralogie ( Essai d'une Mi-
| 457
j néralogie); Berlin, 1759 et 1760, in-8°; Franc-
fort et Leipzig, 1769; traduit en russe, Saint-Pé-
tersbourg, 1771; — Cadmiologie oder Ges-
chichte des Farben-Kobolds ( Cadmiologie, ou
i Histoire du Cobalt); Koenigsberg, 1761-1766,
j. 2 vol., in-s*; — Spécimen Orographiœ gene-
rafi-i y tracta tus montium primarios glnbum
I îiostrum terraqueum pervnganles ; Péters-
| bourg, 1762, in-4°; — Prob'ierkunst ( L'Art de
l'essayeur); Berlin, 1775, in-8°; — une grande
partie des ouvrages précités ont été traduits
en français par le baron d'Holbach, sous le titre
de : Traités de Physique, de Chimie, d'His-
toire Naturelle, de Minéralogie et de Métal-
lurgie : Paris, 1759, 3 vol. in-12. — Parmi les
Mémoires publiés par Lehmann dans les 3/e-
moires de l'Académie de Berlin (1), de l'Aca-
démie de Saint-Pétersbourg, de la Société éco-
j nomique de cette ville et dans ceux de l'Aca-
I demie des Sdences de Harlem , nous citerons sa
Dissertation sur un passage difficile de. Pline
j l'Ancien ( XXXVII, 47 ) relatif à la pierre
précieuse connue des anciens sous le nom
d'Asteria (Mém. de Berlin, année 1754). E. G.
Deukicûrdigkeiten ans dem Leben ausijezeichueter
Teutschen nus dem 18 Jahrhundcrt , p. 163. — Roter-
mund, Supplément à .Nicher.
* lehmann ( Charles - Ernest-Bodolphe-
Henri), peintre français d'origine allemande,
né à Kiel (duché de Holstein), le 14 avril 1814.
Fils d'un peintre distingué, il reçut les premières
leçons de peinture de son père, et vint à Paris
se perfectionner dans l'atelier de M. Ingres. Il
débuta au salon de 1835, par un tableau em-
prunté à la Bible. Plus tard ses portraits furent
remarqués, et depuis il a été chargé de décorer
les murs de grands édifices publics. Il a ob-
tenu une médaille de deuxième classe en 1835,
une médaille de première classe en 1840 et en
1848 ; chevalier de la Légion d'Honneur en 1840,
il a été promu officier du même ordre en 1853,
et a reçu une médaille de première classe à la
suite de l'exposition universelle de 1S55. A une
connaissance habile de la pratique de son art,
M. Lehmann joint une sentimentalité toute germa-
nique. Sa couleur est un peu froide, mais il pose
bien ses personnages , el leur donne une grande
expression. Le dessin de ses portraits est pur, son
modelé parfait et les mains sont traitées avec
une grande délicatesse. M. Lehmann a exposé
à Paris en 1835 : Départ du jeune Tobie em-
mené par l'ange Raphaël ; — en 1836 : La
fille de Jephté, toile achetée par le duc d'Or-
léans; — Don Diego, père du Cid, maintenant
au musée de Lyon ; — en 1837 : Le jeune Tobie
obtenant de, Raguel la main de sa fille Sarah;
— Le Pécheur, d'après la ballade de Gœthe ; —
en 1840 : Sainte Catherine d'Alexandrie
portée au tombeau par les anges; — La
(1) Les cinq mémoires insérés par Lehmann dans ce
recueil ont éie traduits en français dans le tome X de
la Collection académique.
LEHMANN 458
Vierge et r enfant Jésus; — Portrait de
M. Liszt ; — en 1842 : La Flagellation de Jésus-
Christ, qui appartient à l'église Saint-Nicolas
de Boulogne-sur-mer; — Portrait de Hugues
de Payens, grand-maitre des Templiers; —
Femmes près de l'eau; — Mariuccia; — en
1843 : Jérémie, prophète, à présent au musée
d'Angers; — Fa us tin e ; — en 1844 : Portrait
de M'»e la princesse de Belgiojoso ; — en 1 846 :
Hamlet; — Ophélia; — Océanides; — Por-
trait de M. le comte de Nieuwerkerke; — en
1S47 : Portraits de M. Franlz Liszt el de
Mme Léon Lehmann, mère de l'auteur; — en
1848 : Au pied de la Croix ; — Syrènes ; —
Léonide, à présent au musée de Nantes ; —
— Portrait de Mme Arsène Houssaye; en
1851 : Désolation des Océanides au pied du
roc, où Prométhée est enchaîné, pour le musée
du Luxembourg; — Consolatrice des affligés;
— Assomption, qui fait partie de la décoration
de la chapelle de la Vierge à l'église Saint-Louis
en l'île; — Portrait de M. F. Ponsard ; —
en 1852 : Rêve; — en 1855 : L'Enfant Jésus
et les Mages ; — Adoration ; — Vénus ana-
dyomène; — Ondine; — Rêve d'Érigone,
vision bachique, projet de plafond ; — Le Lai
à? Aristote; — en 1859 : Sainte Agnès; — Le
Pêcheur ; — L' Éducation de Tobie ; — Por-
trait de M. l'abbé Deguerry ; — Esquisses
en grisaille, des grandes compositions exécu-
tées par l'auteur au palais du Luxembourg. En
outre , M. Lehmann a peint sur les murs de cha-
pelles de l'église Sa:nt-Merry : L'Annonciation;
Le Baptême de Jésus-C/uist ; La Pentecôte
et la Confession : il a décoré aussi la chapelle de
l'Institution des Jeunes Aveugles. Chargé en 1852
de la décoration de la galerie des fêtes à l'hôtel
de ville de Paris, il y a représenté l'histoire de
l'humanité dans une suite de grandes composi-
tions; il a exécuté dans les hémicycles de la
salle du Trône au palais du Luxembourg : la
France soas le règne des Mérovingiens et des
Carlovingiens , et la France sous les Capétiens,
les Valois et les Bourbons ; enfin son pinceau
couvre de ses produits les transepts de l'église
Sainte-Clotilde. L. L— t.
V. Lacaine etCb. Laurent, Bionr. et Nécrol. des Hom-
mes marquants du dix -neuvième siècle, tome 111, p. 2S3.
— Dict. de la Conversation. — Vapere.iu, Dict. univ. des
Contemp. — Livrets des Salons, 1833-1859.
* lehmann (Rodolphe), peintre français
d'origine allemande, frère du précéd nt, né à
Hambourg, le 19 août 1819. Élèvede son père et
de M. Henri Lehmann, il a fait quelques voyages
en Allemagne et en Angleterre et réside à Borne.
Il a exposé à Paris, en 1842 : Chiaruccia,
fileuse; — en 1843: Grazia, vendangeuse de
Capri; — en 1845 : Mater amabilis; — Van-
neuse des marais Pantins ; — Pèlerine dans
la campagne de Rome; — en 1847 : La Vierge
et l'enfant Jésus; — Sixte-Quint bénissant
les marais Ponlins ; — Rebina, chevrière
des Abruzzes; — Portrait du chevalier
459
LEHMAN N
Landsberg; — en 1848 : Zuleyka; — Portrait
de M. Léon Lehmann, père de l'artiste; — en
1853 : Giacinta; — Mendiants romains; — en
1855 : Graziella, et plusieurs des toiles déjà
citées; — en 1859 : Les Marais Pontins. A
la suite de l'exposition universelle de 1855,
M. Rodophe Lehmann a obtenu une mention ho-
norable. Il avait reçu une médaille de troisième
classe en 1843, et une médaille de deuxième
classe en 1845 et en 1848. L. L— t.
Vapereau , Dict. univ. des Contemp. — Livrets des
Salons rte 1842 à 1859.
LEHAis (Georges-Chrétien), littérateur alle-
mand, né à Liegnitz, en 1684, mort en 1715. Il
était bibliothécaire du prince de Hesse-Darm-
stadt, et publia : Beschreibung der Universitàt
Leipzig ( Description de l'Université de.Leipzig) ;
Leipzig, 1710, in-8°; — Teutschland gâtante
Poetinnen (Les Femmes poètes de l'Allemagne);
Francfort, 1715, in-S° ; — Historié des heutigen
Sàkuli (Histoire du présent siècle ); 1716-1717,
in-8°. Lelims a aussi écrit sous le pseudonyme de
Pallidor plusieurs romans , dont les sujets
sont pour la plupart tirés de la Bible. E. G.
Rotennund, Supplément à Jôcher.
lehoc (Louis-Grégoire), administrateur et
littérateur français, né à Paris, le 28 octobre
1743, mort dans la même ville, le 15 octobre
1810. Il fit ses études à Paris, et débuta dans la
littérature par le Testament de ma liaison. Le
Mercure publia de lui, en 1773, des sonnets
imités de Pétrarque. Enfin Lehoc s'essaya dans un
genre plus sérieux en composant un Étoge du
chancelier de V Hospilal. Entré dans la carrière
administrative, il fut nommé en 1778 commissaire
généra! de la marine pour procéder à l'échange des
prisonniers faits réciproquement par la France et
l'Angleterre pendant la guerre d'Amérique : le
mode qu'il proposa fut reconnu si satisfaisant que
toutes les nations l'adoptèrent depuis. Le gou-
vernement lui accorda alors une pension qu'il
perdit à la révolution. Lehoc accompagna le comte
de Choiseul-Gouffier dans son ambassade à Cons-
tantinople, en qualité de premier secrétaire d'am-
bassade. Il profita de cette position pour par-
courir la Grèce et il visita les ruines d'Athènes
avec Delille. Revenu en France en 1787, Lehoc
concourut aux travaux préparatoires de l'as-
semblée des notables. Necker le cite avec éloge
dans son Compte rendu. Lehoc fut ensuite in-
tendant des finances du duc d'Orléans, de 1788
à 1789. Après la prise de la Bastille, il fut nommé
chef de bataillon de la garde nationale de sa sec-
tion, grade qu'il remplissait encore à l'époque
de la fuite du roi : il fut à ce moment chargé par
l'Assemblée constituante de la garde du dauphin.
Lehoc commandait au château des Tuileries le
21 février 1791, dans lajournéeditedes poignards,
etsa prudenceempêchabiendes malheurs. Nommé
ministre plénipotentiaire à Hambourg, il fut rap-
pelé peu de temps après la mort du roi. Incar-
céré à cause d'un mémoire qu'il avait adressé à
- LEHODEY 460
Louis XVI, et qui avait été trouvé dans l'armoire
de fer, il resta en prison jusque après le 9 ther-
midor. Plus tard, il fut envoyé à Stockholm
comme ambassadeur par le Directoire, et il re-
vint en France après le 18 brumaire. Dès lors il
se livra entièrement à la culture des lettres. Re-
tiré dans une propriété qu'il possédait aux en-
virons de Paris , il devint membre du conseil
général de l'Oise, et président de ce conseil. On
a de lui : Mémoire aie roi sur le ministère et
l'administration ; 1791, in- 8°; — Aux Anglais,
fragment d'un ouvrage sur la situation po-
litique de l'Europe; Paris, 1798, in-8°; —
Pyrrhus, ou les JEacides, tragédie en cinq
actes, représentée sur le Théâtre-Français en 1 807 ;
Paris, 1807, in-8° : cette pièce obtint du succès;
mais la police en interdit la représentation à
cause des allusions qui sortaient du sujet; il ob-
tint une mention honorable du jury des prix dé-
cennaux. On fit encore parai tre de Lehoc. Hippo-
mène et Atalante, opéra en un acte et en vers
libres; Paris, 1810, in-4°. J. V.
Biotjr. univ. et portât, des Contemp. — Quérard, La
France Littéraire.
LEHODEY OESAUETCHEVREPIL (N ),
littérateur et journaliste français, mort à Paris, le
4 avril. 1830. A l'ouverture des états généraux
en 1789, il fit paraître le Journal des États
généraux, qui devint ensuite le Journal de,
l' Assemblée nationale, et dont Rabaut Saint-
Étienne était le principal rédacteur. L'exactitude
des comptes-rendus de l'assemblée valut un
grand succès à cette feuille, à laquelle le Moni-
teur fit plus tard beaucoup de tort. En 1791
Lehodey entreprit un autre journal, qu'il intitula
Le Logographe. Il avait obtenu par la protec-
tion du roi une loge à l'Assemblée législative dans
laquelle quatorze personnes recueillaient les dis-
cours. Louis XVI faisait les frais de ce journal,
qu'il lisait à ce qu'on assure très-attentivement.
Le Logographe fut supprimé le 10 août 1792,
et, sur la dénonciation de Thuriot, Lehodey fut
traduit devant le comité de surveillance. Lehodey
parvint à se justifier; il échappa aux persécu-
tions de 1793; mais en 1795 Louvet l'accusa à
la tribune de la Convention d'avoir tenu des
propos contre-révolutionnaires au sujet des dé-
putés proscrits le 31 mai. Cette accusation n'eut
pas de suite. En 1799 Lehodey fut nommé chef
du bureau des journaux et de l'esprit public au
ministère de la Police sous Touché. Après le
18 brumaire, Lehodey passa en Belgique comme
secrétaire général d'une préfecture, place qu'il ne
garda pas longtemps. Il revint ensuite dans lacapi-
tale, où il ne s'occupa plus guère que de travaux
littéraires. On a de lui : De la Conduite du Sé-
nat sous Bonaparte, ou les causes de la jour-
née du 31 mars 1814, avec des détails cir-
constanciés sur cette journée mémorable ;
Paris, 1814, in-8° ; — Histoire de la Régence
de l'impératrice Marie-Louise et des deux
gouvernements provisoires ; Paris, 1814, in-8°;
461
LEHGDEY — LEHRBACH
462
— Parallèle et Critique impartiale des tra-
ductions des Bucoliques en vers français de
MM. Tissot et H. de Villodon; Paris, 1820,
iu-8°. J. V.
Ilioor.univ et portât, des Contemp. — Querard, La
France Liltér.
* lkhon ( Charles-Aimé- Joseph, comte),
diplomate et homme politique belge, né à Tour-
na}, en 1792. Il étudia le droit, et se lit recevoir
avocat au barreau de Liège Eu 1825 il fut élu
député de cette ville à la seconde chambre des
états généraux du royaume des Pays-Bas. Ad-
versaire de l'administration hollandaise, il tigura
parmi les membres de l'opposition; il ne prit
cependant aucune part directe à la révolution
belge en 1830. Nommé aussitôt membre du con-
grès national, il concourut à l'élection du duc de
Nemours comme- roi des Belges, et fit partie de
la imputation chargée de venir à Paris lui offrir
la couronne. Le roi Louis-Philippe la refusa,
mais M. Lehon lui plut, et au mois de mais
1831 Ierégent Surlet de Chokier nomma M. Lehon
ministre plénipotentiaire de Belgique auprès
de la cour des Tuileries. M. Lehon eut ainsi une
grande part aux négociations qui amenèrent le
mariage delà princesse Louise d'Orléans a«c le
roi Léopold et à toutes les questions débattues
entre la Belgique et la France, pour laquelle l'op-
position belge l'accusait d'avoir trop de déférence.
Le roi des Belges, qui l'avait maintenu à son
poste, lui accorda le titre de comte. En 1842
M. Lehon donna sa démission à la suite du dé-
sagréable retentissement qu'avait eu la déconfi-
ture de son frère, notaire à Paris, qui s'était
trouvé entraîné dans un déficit énorme à la suite
d'opérations malheureuses où il avait engagé les
dépôts de ses clients, ce qui lui avait valu une
condamnation eu police correctionnelle. M. le
comte Lehon se retira alors dans son pays, et
en 1847 il revint siéger à la chambre des repré-
sentants de Belgique, oiiil resta jusqu'en 1857 et
où il vota avec le parti modéré. M. le comte Lehon
a épousé une demoiselle Mosselmann, fille d'un
des plus riches propriétaires de mines en Bel-
gique. Cette dame, qui a brillé, par ses grâces el
son esprit, dans les salons de Paris , s'est fait
construire une riche habitation aux Champs-
Elysées.
Son fils aîné, Louis- Xavier -Léopold Lehon,
né en 1828, maître des requêtes au conseil d'État
français, était lors du coup d'État du 2 dé-
cembre 1851 chef du cabinet de M. de Morny ;
démissionnaire en 1856, il a été élu député au
Corps législatif dans la première circonscription
du département de l'Ain, en mars 1857, à la place
de M. Benoît Champy, et réélu aux. élections
générales du mois de juin de la même année.
L. L— t.
Dict. de la Convers. — Vapereau , Dict. univ. des
Conlemp.
LE hongre (Etienne), sculpteur français,
néàParis,enl628,mort en 1690. Cetartiste tient
un rang distingué parmi les sculpteurs employés
aux grands travaux exécutés sous le règne de
Louis XIV. Sesouvrages sont nombreux dans le
parc de Versailles, où l'on remarque surtout des
tritons , des syrènes , une statue de VAir, et
deux termes représentant Vertumne et Po-
mone. On lui doit l'un des bas-reliefs de la porte
Saint- Martin de Paris et la statue équestre de
Louis XIV à Dijon. En 1608, Le Hongre avait
été reçu membre de l'Académie royale de Pein-
ture et Sculpture. E. B— n.
Kontenay, Dictionnaire des Artistes. — OrlantJi, A'o-
becedario.
le houx (Jean), dit Je Romain, poète fran-
çais, naquit à Vire, vers le milieu du quinzième
siècle, et mourut en 1616, dans la même ville;
il embrassa la carrière du barreau, et se fit un
nom comme avocat; mais c'est à ses chansons
bacchiques qu'il dut surtout sa réputation. 11 fît
imprimer les Vaux-de-Vire de son compatriote
Olivier Basselin , dont il rajeunit le style, et il y
joignit un bon nombre de pièces du même genre.
Quoiqu'il n'y ait rien dans ces joyeuses composi-
tions qui blessent la morale, elles scandalisèrent
le clergé; Le Houx, poussé sans doute un peu
par l'envie de. voir du pays, résolut d'aller en pè-
lerinage à Borne, demander le pardon de la faute
qu'on lui reprochait; ce voyage lui fit donner le
surnom de Romain. Les poésies de cet ami de
la purée septembrale parurent dans une édi-
tion donnée à Vire des chansons de Basselin, vers
le commencement du dix-septième siècle, et de-
venue tellement rare qu'on n'en connaît plus que
deux ou trois exemplaires. Une édition antérieure,
qui paraît avoir été mise au jour vers 1576, est
devenu rarissime. Des éditions plus récentes
parurent à Vire en 1811, à Paris en 1821, à
Avranches en 1833; de nos jours M. Paul La-
croix (bibliophile Jacob) a fait paraître (Pa-
ris, A. Delahays, 1858) un recueil de Vaux-
de- Vire; cinquante trois portent le nom de Jean
Le Houx. Us se recommandent par la facilité de
la versification et possèdent les qualités que ré-
clame le genre bacchique. G. B.
Notice sur J. Le Houx par M. A. Asselin. imprimée
en tête de l'édition de 18U et reproduite dans celle de
1858. — Mémoire sur les faux-de-Kire, normands par
M. Vanllicr, dans les Mémoires de l'Académie de Caen,
1833-1835.
LEHUBSACii (Le comte de), diplomate autri-
chien , né vers 1750, mort en 1805. Entré de
bonne heure dans la carrière diplomatique, il fut
envoyé en 1789 dans les Pays-Bas avec M. de
Metternich ; nommé ministre d'Autriche à Mu-
nich, il déploya beaucoup de zèle pour armer
contre la république française les petits États de
l'Empire. Après la paix de Baie, il représenta
l'empereur successivement à Berlin, à Batis-
bonne et à Baie. Étant parvenu à empêcher la
conclusion d'un traité d'alliance entre la Prusse
et la France, il revint à Vienne, pour y prendre
une ample part à la direction des affaires. Par-
tisan acharné de la guerre contre la France, il
463
LEHRBACH
fut envoyé en 1796 dans le Tyrol pour y activer
la résistance contre les armées françaises. Dé-
puté deux ans après au congrès de Rastadt, il
devint un des principaux instigateurs du com-
plot, qui ayant pour but d'enlever de force les
papiers de la chancellerie française, finit par l'as-
sassinat des envoyés du Directoire, Bonnier et
Roberjot. De retour à Vienne, il continua d'être
le bras droit du ministre des affaires étrangères
Thugut; lors de la chute de ce dernier, après
la paix de Lunéville, il fut, sur la demande du
Napoléon, relégué en Suisse, où il mourut. E. G.
Arnault et Jouy, Biographie nouvelle des Contempo-
rains. — Thiers, Histoire de la Révotutionfrançaise.
lehrberg (Aaron- Christian), historien
russe, né à Dorpat, le 7 août 1770, mort à Saint-
Pétersbourg, le 24 juillet 1813. Il étudia aux uni-
versités d'Iéna et de Gœttingue, visita l'Angle-
terre, et obtint à son retour en 1807 la place de
professeur-adjoint à l'Académie des Sciences à
Saint-Pétersbourg. Outre un grand nombre de
mémoires et notices insérées dans les Dorpatsche
Beytrxge, Lehrberg est auteur de savantes
Recherches pour éclaircir l'ancienne histoire
de Russie; Saint-Pétersbourg, 1814,in-4° (en
allemand); les Annales encyclopédiques (1817 ,
v. 127) en ont donné un extrait et le comte Ni-
colas Roumiantzof en a publié une traduction en
russe en 1818. Les livres rares que Lehrberg s'é-
tait procurés dans ses voyages ont été achetés
à sa mort par le comte Roumiantzof, et se con-
servent à Saint-Pétersbourg, dans le musée qui
porte le nom de ce Mécène. Pce A. G— n.
Gretsrh, Essai sur l'histoire de la littérature russe.
le HUEN (Nicole ), voyageur et mission-
naire français, né à Lisieux, vivait dans le
quinzième siècle. Il fit ses vœux chez les carmes
déchaussés de Pont-Audemer, et professa la
théologie dans quelques couvents de son ordre.
En 1487, il fit le voyage de la Terre Sainte, et
entra le 6 août à Jérusalem, qu'il quitta le 20. A
son retour, il aborda à Chypre, à Rhodes,
débarqua à Bari ; et il regagna la France , où
Charlotte de Savoie, épouse du roi Louis XI,
le prit pour chapelain. Il fit alors paraître : Le
grand Voyage de Hiérusalem, en deux par-
lies; Lyon, 1488, in-fol. (très-rare); Paris,
1517, 1522, in-4°. Il a donné quelques détails
vrais sur les habitants de Jérusalem; mais la
plus grande partie de l'œuvre de Le Huen ne
contient que des extraits de Breydenbach, de
Faber et d'autres écrivains monastiques qui
avaient fait de longs voyages en Palestine. Sa
seconde partie commence par les guerres de
Charles Martel ; elle comprend aussi le commen-
cement des conquêtes des Portugais dans les
Indes. A. de L.
Biblioth. carmclit.
le huérou (Julien-Marie), historien fran-
çais, né à Prat (Côtes-du-Nord), le 23 février
1807, mort par suicide à Nantes, le 9 octobre
1843. Après avoir fait ses premières études à j
— LEIBNIZ 464
Rennes, il fut admis à l'École Normale, qu'il
quitta à la fin de 1828 pour être attaché aux col-
lèges de Bourbon et Saint-Louis à Paris, puis à
ceux deNantesetde Rennes. 11 devinlagrégé pour
l'histoire, et ensuite suppléant de la chaire de
littérature étrangère de la facu lé des lettres de
cette dernière ville. Il devait être nommé profes-
seur titulaire, lorsqu'on le trouva su-pendu à
un saule, sur le bord de la Loire. Les motifs
de sa funeste résolution sont demeurés inconnus.
On a de lui : De l' Établissement des Francs
dans la Gaule, et du Gouvernement des pre-
miers Mérovingiens jusqu'à Brunehaut ,Caen,
1838, in-8°, thèse qui lui obtint le grade de doc-
teur ès-lettres; — Histoire des Institutions
mérovingiennes et du gouvernement des Mé-
rovingiens jusqu'à Védit de 615; Paris, 1841,
in-8° , travail placé au premier rang parmi ceux
qui traitent de nos origines et de la fondation
de la monarchie; — Histoire des institutions
carlovingiennes et du gouvernement des Car-
lovingiens ; Paris, 1843, in-8°; — Recherches
sur les origines celtiques et sur la première
colonisation de la Gaule, de la Bretagne, de
l'Irlande et de l'Ecosse; sans nom de lieu ni
date, in-4° de 37 pag., très-rare; imprimé aussi
en tête de la nouvelle édition du Dictionnaire
historique et géographique de la Bretagne,
par Ogée ; Rennes, 1843-1853, 2 vol in-4°,dont
il forme une sorte d'introduction historique. Le
Huérou a joint de savantes notes à l'ouvrage
d'Ogée, et il a fourni divers articles au Journal
de l'Instruction publique. E. Regnard.
Lafcrrière, IVotice sur J.-ilf. Le Huérou; Paris, 1844,
in-8o.
eeib (Kilian), théologien et philologue alle-
mand, né le 23 février 1471, à Ochsenfurt
(Franconie), mort le 16 juillet 1553. Il fut prieur
du monastère de Rebdorf en 1503, se posa en
adversaire décidé de Luther, et publia: De'
sacrée Scripturse dissonis Translationibus;
1542, in-4°; cet opuscule, devenu très rare, a
été reproduit dans le Liber historiens decodi-
cibus Veteris et Novi Testamenti, quibus Lu-
ther us in conficienda interpretatione ger-
manica usus est de Palm ; — Resolutio
qusestionis an S. Paulus Apostolus conjuga-
tusfuerit; Ingolstadt, 1545, in-4°; — De Cœ-
libatu atque castimonia; 1547, in-8"; —
Grûndliche Anzaygung, aus was Ursachen
so mancherlay Ketzereyen erwachsen sind
(Exposé approfondi des causes qui ont fait naître
des hérésies si diverses) ; Ingolstadt, 1557, in-4";
— Epistolx Leibii ad Bilib. Pirkheimerum
datx annis; 1519, 1520 et 1530, dans les Do-
cumenta lileraria de J. Heumann, p. 266.
Leib a encore laissé onze ouvrages,restés en ma-
nuscrit. E. G.
Literarisches Ifochenblait Nurnberp, 1770, t. II,
p. 81. — lîotermund. Supplément à Joclier.
Leibniz (i) ( Jean-Jacqties), théologien
(1) On l'a plusieurs fols confondu avec son père. Juste-
465 LEIBNÏTZ
allemand, né à Nuremberg, le 29 mai 1653, mort
à Stockholm, le 28 octobre 1705. Il étudia à
Altorf, Leipzig et Wittemberg, et fut nommé, en
1 679, diacre à l'église de Saint-Gilles à Nuremberg.
Plus tard il devint pasteur à Eslingue, et fut
enfin appelé, en lf>94, à diriger l'église allemande
de Stockholm. On a de lui : De bibliothecae
Iforimbergensis memorabilibus natures ad-
mirandis, ingénu humant artificvs et anti-
guiïoti.i monumentis ; Nuremberg, 1674, in-4°;
Altorf, 1705, in-4°; — De Republiea Platonis;
Altorf, 1676, in-4°. Le.ibnitz a encore publié en
allemand des sermons et quelques ouvrages de
piété. E. G.
| Wi'l. Nurnbergisches Lexikon, t. II. — Zeltner, fitx
theoloQornm slttdorTlanonim, p. 593. — Rotermunct ,
Kupplcmcnt a JOcher.
| leibniz (1) (Godefroi-Guillaiime), l'un
!les plus grands génies des temps modernes, na-
Uit à Leipzig, le 3 juillet 1646, et mourut à Ha-
novre, le 14 novembre 1716. Son père, Frédéric
Leibniz, mort le 5 septembre 1652, occupait la
pbaire de morale à l'université de Leipzig, et sa
bière, Catherine, était fille de Guillaume Schmuck,
professeur en droit à la même université. A six
jtns il apprit le latin et le grec au gymnase de
Eaint-Nicolas, où il eut pour maîtres Herschuch
pt Tileman Bachusius. S'affrancbissant bientôt de
■ étroite méthode des scolastiques, lejeune Leib-
niz se mit, malgré les remontrances de ses
maîtres , à lire en particulier les auteurs classi-
ques; Tite Live et Virgile surtout avaient pour lui
jin puissant attrait (2). Ces lectures se gravèrent
à profondément dans sa mémoire , que dans sa
lieillesse il pouvait encore réciter des livres
entiers de VÉnéide. On raconte qu'il était le
premier de sa classe pour la poésie latine, et
iru'un jour il avait fait un poëme en trois cents
Fers , où il ne s'était pas permis une seule éli-
^ion (3). A quinze ans il quitta les bancs du col-
lège pour suivre, à l'université de sa ville natale,
les cours de Jacques Thomasius (voy. ce nom),
brofesseur de philosophie, et de Jean Kuhnius,
professeur de mathématiques. Leibniz conçut
iiour le premier une grande estime, et on l'enten-
i'acques l.elbnitz, qui, né en 1610, et mort en 1683, fut pas-
eur de Saint-Sébald à Nuremberg et bibliothécaire de
!:etle ville. Il a publié : Fiyurx pœnitentiœ biblicas ; Nu-
jeroberg, 1683, et 1719, in-12.
' (1) Les lettres autographes qui nous restent de ce génie
incomparable sont toutes signées Leibniz; c'est donc la
j'éritable orthographe de son nom, et non Leibnitz, comme
''ont écrit à tort beaucoup d'auteurs.
' (2) Leibniz a donné lui-même sur ses premières étu-
jies les détails suivants : « Avant de faire mes classes,
'étais déjà versé dans l'histoire et les poëtes; mais dès
jiue Je me mis à étudier la logique, je fus frappé de la
jllstributlon et coordination des pensées, et, autant qu'un
infant de treize ans en peut juger, je soupçonnai bientôt
jiu'il devait y avoir là dessous quelque chose de grand
\dass ein Grosses darin stecktn miisle ). » Dans la lettre
^allemande ) à Wagner Sur l'utilité de la logique, écrite
|:n 169s et Imprimée dans Guhraucr, Lcibniz's Deutsche
bchriften , t. I , p. 374 ( Berlin, 1838 ). — Dans cette
'même lettre, Leibniz définit la logique l'arf (le se servir
de l'intelligence.
(S) Jeta Erudit., année 1717, p. 353.
LEIBNIZ
466
dait depuis souvent répéter que si Thoma-
sius (mort en 1682) eût vécu encore trente ans,
il aurait sans doute profité des découvertes
faites dans cet intervalle, et porté la philoso-
phie plus loin qu'aucun de ses contemporains.
C'est du reste ce célèbre professeur qui donna
à Leibniz le conseil , conforme au précepte de
Platon , de s'initier d'abord aux mathématiques.
Malheureusement Kuhnius les enseignait mal:
ses leçons étaient si obscures que Leibniz ne les
entendait guère, et que les autres étudiants ne
les entendaient point du tout. Quand le jeune
homme demandait des explications, il recevait
pour toute réponse : « C'est la règle. » Ainsi
réduit à raisonner et à méditer ce qu'il venait
d'entendre , il essaya lui-même de débrouiller,
pour lui et ses condisciples, les logogriphes d'un
vieux pédant. Ce fut là une bonne initiation.
En 1663, Leibniz continua ses études à l'uni-
versité de léna, où il eut pour professeur le ma-
thématicien Weigel, l'historien et archéologue
Bosius, et le jurisconsulte Falkner. Au bout d'un
an , il revint à Leipzig, qu'il quitta bientôt pour
I voir à Brunswick un oncle maternel, Jean Strau-
I chius, greffier de la ville et jurisconsulte re-
nommé. De retour à Leipzig, dans les premiers
j mois de 1664, il reprit avec ardeur l'étude du
droit et de la philosophie,où il s'était proposé de
concilier Aristote et Platon, et soutint successi-
vement trois thèses (t ) pour obtenir les grades de
bachelier et de licencié en droit. Vers la même
époque, il s'occupait beaucoup d'histoire litté-
raire, et s'était proposé d'écrire contre les par-
tisans de la latinité de Lipsius ; cet ouvrage, qui
devait avoir pour titre : De Scriptoribus Lip-
sianizantibus, seu laconicum scribendi genus
imitantibus , est resté manuscrit, si toutefois
il fut jamais rédigé. Pour couronner ses études
de jurisprudence, Leibniz voulut prendre le
grade de docteur ; mais , comme il était trop
jeune, il lui fallait une dispense d'âge. Cette fa-
veur lui fut durement refusée par le doyen de la
faculté (2). Leibniz en fut vivement affecté :
c'est à ce refus qu'il faut, dit-on, attribuer l'espèce
d'éloignement qu'il paraissait éprouver depuis
pour sa ville natale. Quoi qu'il en soit, il alla sou-
tenir sa thèse de doctorat ( De Caslbus perplexis
in Jure) à l'université d'Altorf; l'épreuve fut si
brillante , que le recteur proposa au jeune doc-
teur une chaire de suppléant. Leibniz déclina
cette offre , et vint séjourner quelque, temps à
Nuremberg. Là il se mit en rapport avec une
(1) Les trois thèses forment un recueil in-12 , Leipzig,
Intitulé : Spccimina Juris ; elles ont chacune pour litre :
I. Spécimen Dijftndtatis in Jure, seu dissertatio in casi-
bus perplexis ; il. Spécimen Encijclopiedix in Jure, seu
gusestiones philosophicse amœniores ex jure, collectée ;
III. Spécimen Certitudinis , seu demonstrationum in
jure, exhibitum in doctrina conditionum.
(2) Ce refus venait, selon quelques-uns, de ce que Leib-
niz s'était fait beaucoup d'ennemis en attaquant les par-
tisans exclusifs d'Aristote et des scolastiques; selon
d'autres, il aurait eu pour cause la mauvaise humeur de
la femme du doyen coatre lejeune étudiant.
467
société d'alchimistes, qui le choisit bientôt pour
secrétaire, en le chargeant de tenir un registre
exact de toutes leurs expériences et d'extraire
des écrivains hermétiques ce qui lui paraîtrait le
plus propre à découvrir la pierre philosophale.
Ce fut à Nuremberg qu'il lit, à une table, d'hôte,
connaissance avec le chancelier de l'électeur
de Mayence, le baron de Boinebourg; ce diplo-
mate l'attira à Francfort, en lui promettant un
LEIBNIZ 468
opuscule.de mathématiques (Ars combinatoria;
Leipzig, 1668, in-12), où il exposait des idées
neuves sur les combinaisons des nombres (l). H
y développait ee qu'il avait indiqué sommaire-
ment dans une thèse ( Disputatio arithmetica
decomplexionibus), soutenue à l'université de
Leipzig le 7 mars 1666 (2). Les groupements de
nombres dans un ordre déterminé y sont repré-
sentés sous forme de tableaux, semblables à
emploi lucratif à la cour de l'électeur. Au milieu du j ceux qu'on voit dans certains livres d'arithmé-
tumulte de l'auberge où il était descendu à Franc-
fort, Leibniz composa un livre aussi rare que cu-
rieux sur l'enseignement de la jurisprudence :
Nova Methodus discendse docendxque Juris-
prudentiee; Francfort, t667, in-t2. L'auteur y
propose de marquer par ordre chronologique les
lois du peuple, les décrets du sénat, les édits
des préteurs et les constitutions des empereurs,
afin de saisir d'un coup d'œil l'origine des lois
romaines, les changements qu'elles ont subis et
le degré d'autorité dont elles jouissent encore au-
jourd'hui. A ce code il ajoutait une Antinomique
mineure, c'est-à-dire une simple énumération des
lois qui paraissent se contredire, et dont les con-
tradictions auraient pu être résolues par les sen-
tences ou les suffrages des plus habiles légistes;
quant aux solutions moins importantes, les
preuves devaient en être examinées dans un ou-
vrage moins étendu , qui aurait eu pour titre :
Antinomique majeure. Il voulait enfin ramener
à des principes plus généraux les règles de droit
contenues dans le Digeste. Cet ouvrage fut bien
accueilli de tous les jurisconsultes d'Allemagne,
à l'exception de Lyncker, professeur à Giessen ,
qui entreprit de le réfuter dans une diatribe
intitulée I'rotribunalia. Une année après ,
Leibniz proposa le plan d'un nouveau corps de
droit : Corporis Juris reconcinnandi Ratio
(Mayence, 1668, in-12). D'après ce plan , d'une
simplicité extrême, tout le droit devait se ré-
duire à neuf chefs : 1° principes généraux du
droit et des actions; 2° droit des personnes;
3° jugements; 4° droit réel; 5° contrats;
6o successions; 7° crimes; 8° droit public;
9" droit sacré. Toutes ces matières devaient
être discutées suivant la méthode des Pandectes,
et non d'après celle des Institutes. Un auteur
pseudonyme (Veridicus a Jusliniano) signala
les défauts du plan de Leibniz, en montrant qu il
serait impossible que tous les peuples fussent
régis par les mêmes lois, à moins qu'on ne
parle de celles qui passent pourlespremiers prin-
cipes du droit naturel ; et que les lois qui règlent
les transactions particulières doivent autant dif-
férer entre elles chez les différentes nations que
les climats de leurs pays (1).
Dans la même année, tandis que tout le
monde aurait pu le croire absorbé par ses plans
de réformes judiciaires , Leibniz fit paraître un
(1) Ratio corporis Juris reconcinnandi, etc. Autore
feridico a Justiniano ; 1669, in-12.
tique , traitant des nombres polygones.
Du droit et des mathématiques le jeune au-
tour (il n'avait que vingt-deux ans ) passa sans
transition à la politique. Le hasard en fut la
cause. Jean Casimir, roi de Pologne, avait abdi-J
que en 1668 : les prétendants à cette couronne 1
étaient nombreux. Le baron de Boinebourg, qui»!
jouait dans ces intrigues d'ambition un rôlel
très-actif, chargea Leibniz d'écrire un mémoire!
en faveur du prince Guillaume de Neubourg,
l'un des prétendants. Leibniz se mit à l'œuvré;;
bien que son Spécimen Demonstrationum pt>-
liticarumpro eligendo rege Polonorum, novù
scribendi génère ad certitudinem exactum;
(Francf., 1669, in-12), publié sous le pseudo-
nyme de Georges Ulicovius, lithuanien, n'eût'»'
pas le succès qu'on s'en était promis , l'auteur ob-
tint, par l'entremise de son protecteur, la place d<
conseiller de la chambre de révision a la cour di
l'électeur de Mayence. Cette place, qu'il occupe
en 1672, lui laissa le loisir de composer plusieurs
mémoires sur des matières très diverses. Dans
la préface et les notes dont il accompagna sot
édition del' Antibarbarus philosophas de iNizo-
lius (Francf., 1670, in-4°), il revenait à ses ten-4
tatives de concilier Platon avec Aristote, qu'i
mettait , comme philosophe, fort au-dessus de
Descaites. H se révélait comme théologien dam
sa Sacrosancta Trinitas, per nova argu<
menta logica defensa (1671, in-12), opuscnU
qu'il avait dirigé contre les luthériens, et parti-
culièrement contre le Polonais Wissowatius, pouii
défendre le baron de Boinebourg, nouvellement
converti au catholicisme. Dans la même année
(1671), il adressa deux mémoires, l'un à l'A-
cadémie des Sciences de Paris , Sur la théo-,
rie du mouvement abstrait, l'autre à la Sck
ciété royale de Londres, sur une Théorie du
mouvement concret. Dans ces deux mémoires.!
il admettait le vide et regardait la matière, comtn^
une simple étendue, indifférente au repos et au
mouvement. Dans la suite, il rejeta lui-même1!
ces théories, comme des « essais d'un jeunti
homme, encore inexpérimenté en mathéma-
tiques ». Vers la même époque, Leibniz se mi
en rapport avec Spinoza, en lui envoyant un
notice sur les progrès de l'optique (Notifia ûp
(1) Ce petit traité fut réimprimé, à l'insu de l'auteur
en 1690; Trancf., in-4°. Voy. Morhof, foli/hist., t. 1,
p. 352, et Acta Erudit. Lips., année 1691, p. 63.
(2) Cette thèse se trouve reproduite dans Leibniz,
Opéra, édit. Dutens, t. III, p. 3.
59
LEIBNIZ
470
sepromotse; Francf., 167t,in>12) (1). 11 y
rie de lentilles de son invention, qu'il appelle
ndoqites , et qui devaient remédier en partie à
ïaiblissement de la lumière, dû à de trop forts
>ssissements.
jËn 1672, Leibniz vint à Paris pour des af-
l lires privées dont l'avait chargé son protec-
îlr Boinebourg. La capitale de la France était
■1rs le rendez-vous des plus grands savants
I l'époque, presque tous pensionnaires de
luis XIV. C'est là qu'il se lia, entre autres,
liée Huygens.dont le livre De Horologio oscil-
torio, jointe à la lecture des lettres de Pascal
■des œuvres de Grégoire de Saint- Vincent, lui
■vrit, comme il le raconte lui-même, un horizon
niveau par létude approfondie des malhémati-
les. C'est vers cette époque que paraissent aussi
monter ses premières idées du calcul différentiel.
Kbniz profita de son séjour à Paris pour pré-
Ëiter à Colbert une nouvelle machine arithmé-
lue, invention qui reçut les suffrages de l'Aca-
■nie des Sciences. Quelques membres de cette
ladémie, assurés des intentions du ministre de
luis XIV, donnèrent à entendre au savant alle-
llnd qu'il ne tiendrait qu'à lui d'être admis dans
Kr corps à titre de pensionnaire, s'il voulait em-
psser la religion catholique. Leibniz rejeta cette
lidition, et se mit à travailler à une édition de
Irtianus Capella, dont l'avait chargé Huet
lur la collection des classiques du Dauphin;
«heureusement ce travail paraît avoir été perdu,
fce baron de Boinebourg mourut en 1673. N'é-
nt plus dès lors retenu à Paris.Leibniz alla visiter
Ingleterre, où il fit connaissance avec Newton,
lallis, Boyle, Gregory, Burnet, Collins, Olden-
Irg, etc. A Londres, il apprit (1674) la mort de
lecteur de May ence en même temps que la perte
Js appointements que lui faisait ce prince. Cette
Juvelle le détermina à retourner en Allemagne, en
Issant par Paris. Avant son départ, il avait été reçu
fembre de la Société royale de Londres. Son nou-
lau séjour à Paris, d'une quinzaine de mois, fut
Insacré à l'étude de la géométrie et au perfec-
innement de sa machine arithmétique. De Paris,
[ibniz écrivit au duc de Brunswick- Lunebourg,
Bar-Frédéric, pour lui faire part de la position
lécaire où il se trouvait. Le duc lui répondit en
li offrant à sa cour une place de conseiller, avec
[faculté de résider à l'étranger autant que cela
•i plairait. Cette offre généreuse, que Leibniz ac-
tpta avec reconnaissance, fut pour lui un bonne
rtune. Libre des soucis du primum vivere,
!>ucis qui étouffent souvent le génie, il put dé-
rmais se livrer entièrement à ses goûts pour les
Itres et les sciences.
En quittant la France, il repassa, en 1676, par
Angleterre et la Hollande. A Amsterdam, il noua
îs relations avec le bourgmestre Hudde, fort
îrsé dans les mathématiques , et à qui cette
(1) Reproduit dans Leibniz, Oper., édit. Dutens, t. III,
1*.
opulente cité doit l'assainissement de ses canaux.
Dès son arrivée à Hanovre, où résidait le duc
de Brunswick-Lunebourg, Leibniz mit d'abord
tous ses soins à organiser la bibliothèqne du
prince, grand amateur d'expériences de physique
et de chimie : il l'enrichit de manuscrits rares
et de nombreux livres d'histoire et de sciences.
En 1677 s'ouvrit le congrès de Nimègue. Les
princes électeurs avaient la prérogative d'y en-
voyer chacun deux ministres, mais dont un seule-
ment devait avoir le caractère d'ambassadeur avec
le titre d'Excellence. Les autres princes de l'Em-
pire, non électeurs (le duc de Brunswick-Lune-
bourg était de ce nombre ), prétendaient user de la
même prérogative. De là un grave conflit d'éti-
quette. Ce fut à l'appui de leurs prétentions que
Leibniz écrivit son opuscule De Jure suprema-
tus et legationis principum Germanise ; 1677,
in-12; l'auteur avait pris le pseudonyme de
Cœsarinus Furstnerius pour montrer qu'il
était à la fois favorable à l'empereur et aux
princes (1). Il essaya d'établir que tous les États
de la chrétienté, du moins ceux de l'Occident,
ne devraient former qu'un seul corps ayant le
pape pour chef spirituel et l'empereur pour
chef temporel. A cette maxime ultramontaine
qui reconnaîtrait un protestant? Partant de là,
il voulait que pour ce qui concernait le droit des
ambassadeurs il n'y eût aucune distinction entre
les princes électeurs et les autres princes sou-
verains, non électeurs.
Le duc Jean-Frédéric mourut en 1692; son suc-
cesseur, Ernest-Auguste, eut pour Leibniz la même
bienveillance. En 1679, Leibniz fonda avec Menc-
kenius et quelques autres savants les Acta Eru-
ditorum de Leipzig, recueil important, auquel il
fournit un grand nombre d'articles, la plupart
anonymes ou signés des initiales G. G. L. Mais
le travail qui l'occupa une grande partie de sa
vie, travail cependant peu digne d'un tel génie,
c'était l' Histoire de la Maison de Brunswick,
dont l'avait chargé le duc Ernest-Auguste. Pour
s'acquitter de sa tâche , il explora pendant près
de quatre ans les principales bibliothèques et
archives de l'Allemagne et de l'Italie : il ne fut
de retour à Hanovre qu'en 1690. Outre les ma-
tériaux pour son Histoire, il avait rapporté de
ses voyages beaucoup de pièces diplomatiques,
qu'il publia, eu 1693, sous le titre de Codex
Juris Gentium Diplomaticus ; Hanovre, 1693,
in-fol. C'est une collection de manifestes, dedé-
clarationsde guerre, de traités de paix, de bulles,
de contrats , etc. Elle devait, comme l'indique
son nom, servir à l'éclaircissement du droit des
gens. Il n'y a de remarquable que la préface,
l'un des chefs-d'œuvre de Leibniz : il y montre
que dans le labyrinthe des actes qu'enregistre
l'histoire, le vrai fil souvent échappe; que ce
qui met les hommes en mouvement, c'est une
inimité de petits ressorts cachés, mais très-
(1) Furstnerius vient de fiirst, prince.
(1) Vou. Dutens, OEuvres de Leibniz, t. II, et M. Fou-
cher de CareW, Jfourelles Lettres et Opuscules inédits de
Leibnitz, p. 167 ( Paris, 1857 ).
(2) La table qui accompagne la solution du problème
des complexions ( data numéro etexponente complexio-
nés ineenire) se rapproche singulièrement de ce qu'on
a depuis appelé le binôme de Newton; car cette table
n° n.n — 1 n.n — 1. n— 2
se réduit à — -f- -\ — — , dont les som-
1 ^ 1.2 1. â. 3 '
mes égalent les termes de la progression géométrique
1 s », etc..
471 LEIBNIZ
puissants, quelquefois inconnus à ceux-là même
qu'ils font agir, et presque toujours dispropor-
tionnés à leurs effets, tl reconnaît que tant de
traités de paix, si souvent renouvelés entre les
mêmes souverains, font leur honte, et il rappelle
avec douleur cette enseigne d'un marchand hol-
landais où l'on voyait peint un cimetière avec ces
motsau-dessous: A la paix perpétuelle. En 1700
il joignit au Code Diplomatique un supplément sous
le tilre de M an lissa Codicis Gentium Diploma-
tici; il donne dans la préface les noms de tous
ceux qui lui ont fourni des pièces rares ou inté-
ressantes. Dans la même année, Leibniz fut élu
membre associé de l'Académie des Sciences de
Paris. Cette distinction lui était surtout agréable,
parce que (comme il ledit lui-même dans sa lettre
de remercîment), il voyait « dans une association
desavants plus de facilité pour un échange d'idées
et d'observations, profitable à l'avancement des
sciences ».Fort de cette pensée, il soumit à l'élec-
teur de Brandebourg le plan et les statuts d'une
académie semblable. C'est ainsi que fut créée,
en 1701, l'Académie des Sciences de Berlin, sur
la proposition de Leibniz, qui en fut nommé pré-
sident perpétuel.
Le premier travail qu'il communiqua comme
membre à l'Académie des Sciences de Paris a
pour objet un nouveau système de numération,
une Arithmétiq ne binaire. Au lieu de la progres-
sion ordinaire de dix en dix, l'auteur proposait
comme base du système de numération la pro-
gression de deux en deux , en n'employant que
deux caractères 0+1(1). Ainsi, 1 =. t ; 10=2;
11 = 3; 100=4; 101 =5; 110=6; 111 =7;
1000 = 8; 1001=9; 1010 = 10 etc. (2). Mais ce
système fut bientôt abandonné par l'auteur lui-
même, comme trop incommode, à cause de l'é-
norme quantité de chiffres qu'il faudrait pour
désigner des nombres un peu élevés.
Une lettre du P. Bouvet sur les caractères
chinois parait avoir suggéré à Leibniz le projet
d'une caractéristique universelle. Ce projet,
conçu vers 1703, consistait dans l'emploi d'un
alphabet universel, composé de signes très-
simples, comme ceux de l'algèbre, et qui, au
lieu de syllabes et de mots, devaient exprimer
des idées. A la même époque il sollicitait de
Frédéric- Auguste, roi de Pologne et électeur de
Saxe, la création d'une académie à Dresde, sem-
blable à celle de Berlin ;il proposait aussi à ce prince
de faire planter des mûriers dans tous les en-
droits de la Saxe qu'il jugerait propres à cette cul-
472
ture pour l'entretien des vers à soie, et donnait
des Préceptes pour l'avancement des Sciences.
Ces préceptes, publiés récemment et pour la
. première fois d'après un manuscrit autographe
de Leibniz, appartenant, à la bibliothèque de Ha-
novre (1), sont précédés du préambule suivant,
extrêmement remarquable :
« .... Quand je vois, dit-il, le peu de concert des
desseins, les routes opposées qu'on tient, l'animosité
que les uns font paraître contre les autres , et qu'on
songe plutôt à détruire qu'à bâtir, à arrêter son
compagnon qu'à avancer de compagnie; enfin, quand
je considère que la pratique ne profite pas des h>
mièresde la théorie, qu'on ne travaille point à di-
minuer le nombre des disputes, mais à les augmen- 1
ter, qu'on se contente de discours spécieux au lieu'
d'une méthode sérieuse et décisive, j'appréhende1
que nous ne soyons pour demeurer longtemps dans (
la confusion et dans l'indigence où nous sommes '
par notre faute. Je crains même qu'après avoir
inutilement épuisé la curiosité sans tirer de nos
recherches aucun profit considérable pour notre fé
licite, on ne se dégoûte des sciences et que, par un
désespoir fatal, les hommes ne retombent dans 1;
barbarie, à quoi cette horrible masse de livres, qu;
va toujours en augmentant, pourrait contribuer
beaucoup. Car enfin le désordre se rendra presque;
insurmontable ; la multitude des auteurs , qui de>
viendra infinie en peu de temps, les exposera toui
ensemble au danger d'un oubli général ; l'espérance
de la gloire qui anime bien des gens dans le travail .'
cessera tout d'un coup, et il sera peut-être aussi
honteux d'être auteur qu'il étoit honorable autreii
fois ; ou tout au plus on s'amusera à de petits livre;
éphémères , qui auront peut-être quelques anné
de cours et serviront à divertir quelques moment'
un lecteur qui veut se désennuyer, mais qu'on aur;
fait sans aucun dessein d'avancer nos connoissance:.
ou de servir la postérité.... Je ne désapprouve pas*
je l'avoue, entièrement ces petits livres à la mode-
qui sont comme les fleurs d'un printemps ou comini
les fruits d'un automne, qui ont de la peine à passe*
l'année. S'ils sont bien faits, ils font l'effet d'uni
conversation utile; ils n'empêchent pas seulemen
les oisifs de mal faire , mais encore ils servent à for
mer l'esprit et le langage... Cependant il me sembli
qu'il vaut mieux pour lé public de bâtir une maison ;
de défricher un champ et au moins planter quelqui
arbre fruitier, que de cueillir quelques fleurs ot
quelques fruits. Ces divertissements sont louables
bien loin d'être défendus; mais il ne faut pas né,:
gliger ce qui est plus important. On est responsable
de son talent à Dieu et à la république : il y a tan
d'habiles gens , dont on pourrait attendre beaucoup
s'ils vouloient joindre le sérieux à l'agréable. Il m
s'agit pas toujours de faire de grands ouvrages :
chacun ne donnoit qu'une petite découverte , non
y gagnerions beaucoup en peu de temps — S
chaque médecin nous laissoit quelques aphorisme
nouveaux, bien solides, lires de ses observation
comme les fruits de sa pratique ; si les chimistes, le
botanistes , les droguistes et bien d'autres qui ma
nient les corps naturels, en faisoient autant, soi
d'eux-mêmes, soit par le soin de eeux qui sauroien
les interroger, que de conquêtes ne ferions-nou
pas sur la nature ? On voit par là que si les hommes n'i
(1) J.-E. Erdmann, G.
i phica, t. I, p. 16S.
I.eibnitii Opéra philoso
Ji
LEIBNIZ
474
ncent pas considérablement, c'est le plus souvent
île <!e volonté et de bonne intelligence entre eux.
ii Or, quoique je craigne un retour de barbarie
i- bien des raisons, je ne laisse pas d'espérer le
Eitraire pour d'autres raisons, très-fortes ; car à
pins d'une inondation générale de toute l'Europe
t des barbares, dont, grâce à Dieu, on ne voit
k grande apparence, la facilité admirable qu'il y
bans l'imprimerie de multiplier les livres servira
tonserver la plupart des connoissances qui s'y
fuvent, et pour faire négliger les études il fau-
Lit que toute l'autorité tombât un jour entre les
lins des militaires, qui fussent barbares, ennemis
■ toute science, semblables à l'empereur Décius,
i haïssoit les études, et à cet empereur de Chine
i avoit pris à tâche de détruire les gens de lettres,
noie des perturbateurs du repos public. Mais ce
ingénient n'est guère vraisemblable....; il fau-
)it quelque chose de semblable à un tremblement
inondation qui abîmât tout d'un coup l'Europe,
nme la grande ile Atlantide ilont parle Platon, pour
errompre le cours des sciences et des lettres parmi
;tnre humain. Cela étant, il y a de l'apparence que
livres aliant toujours croitre, on s'ennuyera de
r confusion, et qu'un jour un grand prince, dé-
;é d'embarras et curieux ou amateur de gloire , ou
itôt éciairé lui-même (et on peut être éclairé
savoir élé aux pays de l'école), .... fera tirer
luintessence des meilleurs livres et y fera joindre
meilleures observations, encore inédites, des plus
>erts de chaque profession , pour faire bâtir des
tèmes d une connoissance solide et propre à
meer le bonheur de l'homme, fondés sur des
lériences et démonstrations, et accommodés à l'u-
e par des répertoires, ce qui seroit un monument
; plus durables de sa gloire Peut-être encore
; ce gvand prince, dont je nie fais l'idée, fera
•poser des prix à ceux qui feront des décou-
rtes ou qui déterreront des connoissances im-
itantes, cachées dans la confusion des hommes
Ides auteurs. »
Passant ensuite aux règles propres à faire
fcneer les sciences , Leibniz recommande d'a-
rd de ne pas croire témérairement ce que l'on
pporte , mais de se demander toujours à soi-
tme les preuves de ce qu'on soutient. Ainsi ,
[exemple du célèbre mathématicien Roberval,
roulait qu'en géométrie même on démontrât
I axiomes. « Ce soin de démontrer les axiomes
l chez moi, ajoute-t-il, l'un des points les plus
Iportantsde l'art d'inventer. C'est surtout dans
I philosophie qu'il faut raisonner avec rigueur;
r c'est la que l'on se donne le plus de liberté en
jfionnement. » Il recommande ensuite de con-
férer que chaque science repose sur un petit
linbre de principes, qui suffiraient à la reti ouver
plie était perdue, ou à l'apprendre sans maître si
i voulait s'y appliquer assez.
lAux préceptes pour l'avancement des sciences
rattache un mémoire, extrêmement curieux,
je M. Foucher de Careil, le savant éditeur
(s Œuvres de Leibniz , a le premier mis au
tr. Ce mémoire est adressé aux personnes
fairées et de bonne intention. Nous en
trayons les passages suivants (1) :
i) Ce mémoire , écrit en entier de la main de Leibniz,
« Je soutiens que les hommes pourroient être
incomparablement plus heureux qu'ils ne sont et
qu'ils pourroient faire en peu de temps de grands
progrès pour augmenter leur bonheur, s'ils vou-
loient s'y prendre comme il faut. Nous avons en
mains des moyens excellents pour faire en dix ans
plus qu'on ne feroit sans cela en plusieurs siècles,
si nous nous appliquions à les faire valoir et ne
faisions pas toute autre chose que ce qu'il faut
faire — On parle assez souvent de nos maux ou
manquements de moyens qu'il faudrait pour y re-
médier, mais ce n'est ordinairement que par ma-
nière de discours et comme par divertissement ou
par coutume, et sans la moindre intention de
prendre des mesures pour y remédier, et c'est pour-
tant ce qui devrait être l'objet de tous nos soins,
pour ne point perdre le temps précieux de nostre
vie en souhaits impuissants et en plaintes inutiles. Je
trouve que la principale cause de cette négligence,
outre la légèreté naturelle et Inconstante de l'es-
prit humain, est le désespoir de réussir.. . A force
de penser aux difficultés et à la vanité des choses
humaines, la plupart des hommes commencent à
désespérer de la découverte de la vérité et de l'ac-
quisition d'un bonheur solide. Se contentant alors
de mener un train de vie aisée, ils se moquent de
tout, et laissent aller les choses... Pour rendre la
volonté des hommes meilleure, on peut donner de
bons préceptes ; mais il n'y a que sous l'autorité
publique qu'on les peut mettre en pratique. Le grand
point est le redressement de l'éducation, qui doit con-
sister à rendre la vertu agréable et à la faire tourner
comme en nature ;. . il faut avoir recours à des ré-
flexions fréquentes , en se disant souvent à soi-
même : die cur hic, hoc âge, respice flnem... Les
obstacles de nostre bonheur qui sont horsde nostre
esprit viennent du corps ou de la fortune, et pour
rendre les hommes les plus heureux qu'il est pos-
sible, il faut chercher encore les moyens de con-
server leur santé et de leur donner les commodités
de la vie... Enfin, il ne faut point s'étonner que les
hommes font si peu de besogne; ils sont comme
les différents ingénieurs d'une même fortification :
ils s'entre-empêchent et se décréditent, et l'un ren-
verse les travaux de l'autre, seulement parce que ce
ne sont pasles siens ; et lorsque les ouvrages de l'un
et de l'autre subsistent , ils ne nous satisfont pas
assez. Mais si tous ces habiles hommes avoient tra-
vaillé sur un même plan, bien arrêté, disperlitis
operibits, on aurait gagné bien du temps et bien
des dépenses , et on aurait quelque chose de bien
plus parfait. »
De 1704 à 1707, Leibniz s'était presque exclu-
sivement occupé de son recueil des historiens
de Brunswick. 11 eut cependant encore assez de
loisir pour publier une brochure politique à l'ap-
pui des prétentions du roi de Prusse sur la prin-
cipauté de Neiîfchàtel. Le recueil des historiens
de Brunswick, intitulé : Scrip/ores Sérum
Brunsvicensium illustrationi inserviente.s ,
parut à Hanovre en trois volumes in- fol., 1707,
1710 et 1711 (l).Ce travail devait être suivi de
a été tiré par M. Foucher de Careil de la bibliothèque
royale du Hanovre et publié pour la première fols dans ses
Lettres et Opuscules inédits de Leibniz, précédés d'une
Introduction (Paris, i8S4, in-8», p. 274-ï9ï).
(1) Voici quelques détails fournis à ce sujet par Lelb-
475
LEIBNIZ
l'histoire même de la maison de Brunswick;
mais i! n'eut le temps que d'en écrire le préam-
bule sous le titre de Protogxa, où l'auteur re-
montait jusqu'au delà du déluge. Un extrait de
ce préambule parut d'abord dans les Acta Eru-
di forum de Leipzig, année 1693; ce n'est
qu'en 1749 qu'il fut publié en entier à Gœttingue
par les soins de L. Scheidt. Enfin, cette intro-
duction remarquable, où Leibniz se révèle en
quelque sorte comme le créateur de la géologie
moderne, vient d'être traduite en français par
M. Bertrand de Saint- Germain, sous le titre de
Prologée, ou de la formation et des révolu-
tions du globe, avec un introd. et des notes;
Paris, 1S59, in-8\ C'est là surtout que l'on ad-
mire la multiplicité extraordinaire du génie de
Leibniz, qui, sans prédilection pour aucune spé-
cialité, s'applique à tout avec une égale profon-
deur. L'auteur commence par attribuer au feu
le rôle qui lui appartient dans la création. « Si,
dit-il, les grands ossements de la terre, ces roches
nues, ces impérissables silex, sont presque en-
tièrement vitrifiés, cela ne prouve-t-il pas qu'ils
proviennent de la fusion des corps, opérée par
la puissante action du feu de la nature sur la
matière encore tendre? » Rien de plus exact
que l'explication suivante de la salure des mers:
« A l'orgine des choses , avant la séparation de
iiatière opaque et de la lumière, alors que
'obe étoit incandescent, le feu chassa dans
^'dité, qui se comporta comme dans
n, c'est-à-dire qu'elle se convertit
i\Î8 de l'abaissement de la tem-
\ aqueuses; ces vapeurs, se
trou la surface refroidie de
laterre, ïet l'eau, délayant les
débris de c>- * en elle les sels
fixes, d'où est le lessive, qui
bientôt a formé la i Leibniz
sur l'origine des mon u c -.■'■■ r>u\
géologues denos jours, coi.
de formuler des systèmes, de ^
d'autres ont pu dire avant eux. c
voici textuellement : « Par suite du
nlz lui-même : « Je fais imprimer in-folio une co. :
tion des écrivains servant à l'histoire de Brunswlo.
tirés des manuscrits ou rétablis par les manuscrits. J'y
Joins quelques pièces qui ont déjà été imprimées. Il y
aura entre autres Ditmur, évoque de Mcrseliourg, où j'ai
suppléé quelques feuilles qui y manquoient par le moyen
d'un exemplaire que les RR. PP. Papebrock et Jannin
m'ont communiqué. J'ai conféré aussi Domiiison, auteur
de la célèbre comtesse Mathitde, et son contemporain,
avec le manuscrit du Vatican, qui est de ce temps-là, et
Je l'ai rendu intelligible, ce qu'il n'est point dans l'édi-
tion de Gretser. Il y aura la vie de Théodoric, évêque
de Metz, contemporain d'Othon le Grand, qui n'a point
encore élé publiée, quoiqu'on ie traite de saint; je l'y
mets parce que cet évêque était Saxon , de la race de
Witiklnd. On y trouvera la vie de saint Conrad, évê-
que de Constance, de la race des guelphes, qui n'a
point paru jusque ici, les anciennes Chroniques de Hal-
berstadt, de Ilildesheim, de Minden et autres qui n'ont
jamais vu le jour. » ( Considérations sur le Principe de
fie, dans Ofimres de Jjeibnlz , édition Rutens, t. il,
p. 89.)
ment du globe, les masses se sont inégalem
raffermies , et ont éclaté çà et là, de sorte <
certaines portions en s'affaissant ont formé
creux des vallons, tandis que d'autres, plus
lides , sont restées debout, comme des colonr
et ont par cela même constitué les montagneil
Dans l'opinion de Leibniz , les roches ne pi
viennent pas toutes de la fusion ignée. C'j
seulement pour « les premières masses de.
terre » qu'il admettait ce mode de formati:
Les traces des bouleversements par l'eau, et I
séjour des mers sur le continent, il les chercl
surtout dans les coquillages que l'on trouve'
pandus dans la plupart des terrains. Ces glos\
pètres (langues pétrifiées), ces empreintes]
poisson, de plantes,etc, que l'on avait trait
jusque alors de « jeux de la nature », il les c|
sidère comme des traces d'êtres vivants tf
réels, mais dont les espèces ont été détrur
C'est ainsi que Leibniz jette en peu de mots
bases d'une science nouvelle, qui a depuis reç<
nom de géologie, et qu'il proposait de nom:
géographie naturelle, : L'histoire, dont la /
togée n'est que l'introduction, devait for
plusieurs volumes in-fol. L'auteur s'était
posé d'y établir les origines de la mai; on gnjj
ou de Brunswick, de rectifier la chronologie]
moyen âge et de réduire à néant l'histoire'
la papesse Jeanne.
En 1710 l'Académie de Berlin publia leprer
volume de ses transactions sous le titre de Miâ
lanea Berolinensia. Son fondateur y app?<
tout à la fois comme chimiste , mathématici
physicien, poète et archéologue. Il y exposa 1
toire du phosphore, dont la propriété merveillfl
de luire dans l'obscurité excita sa verve poétici*
les vers latins qu'il fit sur ce sujet sont la pluJ
très-bien tournés; il donna dans ce même<l
lume la solution de deux énigmes alchimiqij
des remarques sur le rapport du calcul algébrf
avec le calcul différentiel , des observations*
'e frottement des machines, enfin unenoticel
""use sur l'origine des peuples éclaircie p e:
= des langues. Leibniz y cherche à I
existence d'une langue primitive d<l
continent ancien, enrapprocl
s mot kônig,king, etc., qui
s les langues germaniques, des 1 1
kka h igan , etc., qui ont la même sis ï-
cation v ^z les Sarmates, les Huns, les Pers I
les Turcs, les Tartares et même les Chinois I
A ce travail se rattachait une disserlation I
X Origine des François, ou plutôtdes Francs, I
l'auteur fait venir des bords de la mer Balti I
Il avait d'abord envoyé cette dissertation (: I
(1) Leibniz s'était proposé de publier sur ce suj D
ouvrage détaillé ; la mort l'empêcha de l'achever : c« H
en avait rédige fut publié, en 1717, par Eccard, se II
titre de Collectanea Etymologica illustrationi lu fi
rum veteris Celtieœ, Germanicx, Gallicœ, aliaru m
inservientia ; 171", in-18.
(2) Elle se trouve pour la première fois imprimé M
477 LEIBNIZ
manuscrit à Rémond, en le priant de la faire
émettre an marquis de Torcy, qui devait, si ce
ninistre le jugeait convenable , la présenter à
jouis XIV. C'est à cette occasion que Leibniz
lit ces quatre vers, placés au frontispice de la
jupie :
Exlguts egressa locis, gens Francica tandem
f.omplexa est sceptris solis utramque domum.
Maçne, tibi, Lodoix, débet fastigia tanta,
I Et capit ex uno natio fata viro.
Vers la fin de 1710 parut, rédigée en français,
h Théodicée, c'est-à-dire la Justification de
pieu dans ses onivres. Cet ouvrage, de théologie
llutôt que de philosophie, dont on a tant parlé,
purent sans l'avoir lu, ne mérite pas aujour-
l'hui la réputation qu'on lui a faite; mais elle
'explique : l'apparition de la Théodicée était un
Tellement dams un siècle d'incrédulité. Voici ce
,ui y donna lieu : Bayle, dans son Dictionnaire,
va'.t proposé sur la bonté de Dieu, sur la li-
erté de l'homme, sur l'origine du bien et du mal ,
I ne série de difficultés et d'objections fort em-
] arrassantes pour les théologiens et les croyants,
i'est pour y répondre que Leibniz entreprit la
ustijicalion de Dieu, xriv toO 6so0 Sî)«iv (d'où
! titre de Théodicée). Bayle était déjà mort,
eibniz commence par placer son adversaire
11 ciel, en lui appliquant ces vers de Virgile :
Candidus insuetl miratur limen Olympi,
Sub pedibusque videt nubes et sidéra Daphnis.
uis il ajoute que celui dont il veut réfuter les
jangereux raisonnements voit maintenant le vrai
sa source, « charité rare, observe ici spirituel-
[ment Fontenelle, parmi les théologiens, à qui il
i5l fort familier de damner leurs adversaires ».
L'idée mère de l'auteur est celle-ci. Dieu em-
rasse une infinité de mondes qui tous pour-
pient exister. Mais de cette infinité de mondes
pssihles le meilleur seul, optimus ( de là Yopti-
Visme dont Voltaire s'est moqué dans Candide )
été préféré ; c'est celui où le bien physique et
noral se trouve le mieux combiné avec ses con-
•aires. Ce monde, où le mal est permis, non pas
mtlu, contient à la fois les misères et les mauvaises
ptions des hommes, mais dans la moindre pro-
prtion toutefois et avec le moins d'inconvénients.
La préface de la Théodicée est un des mor-
paux les plus remarquables : il s'écarte un peu
je Ja théologie pure. Rien de plus vrai que ce
(eau début :
| « On a vu de tout temps que le commun des
bmmes a mis la dévotion dans les formalités : la so-
lde piété, c'est-à-dire la lumière et la vertu, n'a
troais été le partage du grand nombre. Il ne faut
pgralement dans le t. II, p. Î17 et suiv. du Rectieil de
\lverses pièces sur la philosophie, la religion, etc.;
jmslerd., 17*0. Le journal de Trévoux en avait, en 1716,
bnné un extrait, suivi d'observations critiques du
'• Tournemine. Leibnltz répliqua à ces observations;
ais sa réplique ne parut point dans le Journal de Tré-
uux : elle ne fut donnée qu'après la mort de Lelbniz,dans
Eccard, Leges Francorum ac Jiipuariorum ; Fraucf.,
r*o, in-foL
478
point s'en étonner : rien n'est plus conforme a la
faiblesse humaine; nous sommes frappés par l'ex-
térieur, et l'interne demande une discussion dont
peu de gens se rendent capables — Les cérémonies
ressemblent seulement aux actions vertueuses , et
les formulaires sont comme des ombres de la vérité.
Toutes ces formalités seroient louables si ceux qui
les ont inventées les avaient rendues propres à main-
tenir et à exprimer ce qu'elles imitent... . Mais il n'ar-
rive que trop souvent que la dévotion est étouffée
par des façons, et que la lumière divine est obscurcie
par les opinions des hommes. »
La même pensée revient souvent; l'auteur
semble y attacher, avec raison, une extrême im-
portance. Dans le chapitre Sur la conformité
de la foi avec la raison, il pense « qu'il seroit
aisé de terminer ces disputes sur les droits de la
foi et de la raison si les hommes vouloient rai-
sonner avec tant soit peu d'attention. Au lieu
de cela, ils s'embrouillent par des expressions
obliques et ambiguës , qui leur donnent un beau
champ de déclamer, pour faire valoir leur esprit
et leur doctrine; de sorte qu'il semble qu'ils
n'ont point envie de voir la vérité toute nue,
peut-être parce qu'ils craignent qu'elle ne soit
plus désagréable que l'erreur (1). »
Suivant J. Leclerc etPfaff(2), professeur de
théologie à Tubingue, la Théodicée n'était, aux
yeux mêmes de son auteur, « qu'un jeu d'es-
prit ». Cette opinion est sans doute exagérée,
sinon inexacte. Car, dans une lettre à Rémond
( lOjanvier 1715), Leibniz avoue lui même» qu'il
a eu soin d'y tout diriger à l'édification ». Puis
il ajoute, en résumant sa carrière de philosophe
et de mathématicien:
« J'ai tâché de déterrer et de réunir la vérité en-
sevelie sous les opinions des différentes sectes des
philosophes, et je crois y avoir ajouté quelque chose
du mien pour faire quelques pas en avant. Les occa-
sions de tues études dès ma première jeunesse m'y
ont donné delà facilité. Étant enfant, j'appris Aiis-
tote,et même les seholastiques ne me rebutèrent point,
et je n'en suis point fâché présentement. Mais Pla-
ton aussi avec Plotin me donnèrent quelque con-
tentement, sans parler d'autres anciens que je con-
sultai. Peu après, étant émancipé des écoles triviales,
je tombai sur tes modernes , et je me souviens que
je mepromenois seul dansun bocage prèsde Leipsik,
appelé le Hosendal, à l'âge de quinze ans, pour dé-
libérer si je garderois les formes substantielles. Enfin,
le mécanisme (la mécanique) prévalut, et me porta
à m'appliquer aux mathématiques. Il est vrai que
je n'entrai dans les plus profondes q«'après avoir
conversé avec M. Huygens à Paris. Mais quand je
cherchai les dernières raisons du mécanisme et des
lois même du mouvement , je fus tout surpris de
voir qu'il étoit impossible de les trouver dans les ma-
thématiques et qu'il faltoit retourner à la métaphy-
sique. C'est ce qui me ramena aux entéléchies, et du
matériel au formel, et me fit enfin comprendre, après
plusieurs corrections et avancements de mes notions,
que les monades, ou substances simples, sont les
(1) Essai de Théodicée; Lausanne, 1760, 1. 1, p. *09.
(î) Pfaff. Dissertât. Anti -Hselianse ,■ Tub., 1720, in-4°,
et Le clerc , Bibtioth. ancienne et mod., t. XV, part. I,
p. 179.
479
seules véritables substancos , et que les choses maté-
rielles ne sont que des phénomènes, mais bien fon-
dés et bien liés. C'est de quoi Platon et même les
académiciens postérieurs et encore les sceptiques
ont entrevu quelque chose; mais ces messieurs,
après Platon, n'en ont pas si bien usé que lui. J'ai
trouvé que la plupart des sectes ont raison dans une
bonne partie de cequ'elles avancent, mais non pas
en tout ce qu'elles nient. Les formalistes comme les
platoniciens et les aristotéliciens ont raison de cher-
cher la source des choses dans les causes finales et
formelles. Mais ils ont tort de négliger les efficientes
et les matérielles , et d'en inférer, comme faisoit
M. Henri Morus en Angleterre et quelques autres
platoniciens , qu'il y a des phénomènes qui ne peu-
vent être expliqués mécaniquement. Mais, de l'autre
côté, les matérialistes, ou ceux qui s'attachent uni-
quement à la philosophie mécanique, ont tort de
rejeter les considérations métaphysiques et de vou-
loir tout expliquer par ce qui dépend de l'imagina-
tion. Je me flatte d'avoir pénétré l'harmonie des
différents règnes et d'avoir vu que les deux partis
ont raison, pourvu qu'ils ne se choquent point, que
tout se fait mécaniquement et métaphysiquement en
même temps dans les phénomènes de la nature. Il
n'était pas aisé de découvrir ce mystère,parce qu'il y
a peu de gens qui se donnent la peine de joindre ces
deux sortes d'études. M. Descartes l'avoit fait, mais
pas assez. 11 étoit allé trop vite dans la plupart de ses
dogmes : et l'on peut dire que sa philosophie n'est que
l'antichambre de la vérité. Et ce qui l'a arrêté le plus,
c'est qu'il a ignoré les véritables lo s de la mécanique ou
du mouvement, qui auraient pu le ramener. M. Huy-
gens s'en est aperçu le premier, quoiqu'imparfaite-
ment ; mais iln'avoit point de goût pour la métaphy-
sique. J'ai marqué dans mon livre que si M. Descartes
s'étoit aperçu que la nature ne conserve pas seule-
ment la même force, mais encore la même direction
totale dans les lois du mouvement, iln'auroit pas cru
que l'âme peut changer plus aisément la direction
que la force des corps , et il seroit allé tout droit au
système de l'harmonie préétablie, qui estime suite
nécessaire de la conservation de la force et de la di-
rection tout ensemble (1).»
Leibniz avait peu de sympathie pour Descartes,
tout en lui rendant justice -, cela tenait surtout à
la différence des caractères : l'un , ami de la
discussion, était avide de connaître tout ce que
ses contemporains et les anciens avaient produit;
l'autre, impatient de contradiction, faisait table
rase du passé, pour reconstruire l'édifice des
connaissances humaines. — Dans une lettre à
l'abbé Nicaise , Leibniz avait ainsi apprécié les
cartésiens et leur maître : « Les cartésiens n'ont
presque rien fait de nouveau, et presque toutes
les découvertes ont été faites par des gens qui
ne le sont point.... Je suis sûr que si M. Des-
cartes avoit vécu plus longtemps , il nous auroit
donné une infinité de choses importantes, ce qui
fait voir que c'étoit plutôt son génie que sa mé-
thode, ou bien qu'il n'a pas publié sa méthode.
En effet, je me souviens d'avoir lu dans une de
ses lettres qu'il avoit voulu seulement écrire un
Discours de sa méthode et en donner des échan-
tillons', mais que son intention n'a pas été de la
LEIBNIZ 480
publier. Ainsi les cartésiens qui croient avoir la
méthode de leur maître se trompent bien fort
Cependant je m'imagine que cette méthode n'était
pas aussi parfaite qu'o.n tâche de le faire croire.
Je le juge par sa géométrie : c'étoit son fort sans
doute ; cependant nous savons aujourd'hui qu'il
s'en faut infiniment qu'elle n'aille aussi loin
qu'elle devroit aller et qu'il disoit qu'elle alloit.
Les plus importants problèmes ont besoin d'une
nouvelle façon d'analyse , toute différente de la
sienne, dont j'ai donné moi-même des échantil-
lons. Il me semble que M. Descartes n'avoit pas
assez pénétré les importantes vérités de Keplei
sur l'astronomie, que la suite des temps a vé
rifiées. Son homme est extrêmement différent di
l'homme véritable, comme M. Stenon et d'autret
l'ont montré. La connoissance qu'il avoit de li
chimie est bien maigre.... En un mot, j'estim*
infiniment M. Descartes; mais bien souvent il
ne m'est pas permis de le suivre (1). » Cett
lettre provoqua la réponse violente d'un carU
sien zélé : sous le voile de l'anonyme, il repro
chait à Leibniz de vouloir établir sa répututio
sur celle de Descartes. Leibnitz fut très-affect
de ce reproche, et s'en plaignit dans le Journc
des Savants ( 19 et 26 août 1697 ). « Bien loir
dit-il, de vouloir ruiner la réputation de t
grand homme, je trouve que son véritaDle m<
rite n'est pas assez connu, parce qu'on ne cons.
dère et qu'on n'imite pas assez ce qu'il a c
d'excellent. On s'attache ordinairement aux pli
foibles endroits , parce qu'ils sont le plus à .
portée de ceux qui ne veulent point se donner,
peine de méditer profondément. C'est ce qui fa
qu'à mon grand regret ses sectateurs n'ajoutes
presque rien à ses découvertes, et c'est l'eff
ordinaire de l'esprit de secte en philosophii
Comme toutes mes vues ne tendent qu'au bit
du public, j'en ai dit quelque chose de temps f
temps pour les réveiller J'ai toujours décla
que j'estime infiniment M. Descartes : il y api
de génies qui approchent du sien ; je ne conm
qu'Archimède, Kopernik, Galilée, Keple
Jungius, MM. Huygens et Newton, et queiqi
peu d'autres de cette force, auxquels on pourre
ajouler Pythagore, Démocrite , Platon, Aristol
Cardan, Gilbert, Verulamius, Campanell
Harvseus, M. Pascal et quelques autres, lit
vrai cependant que M. Descartes a usé d'à
tifices pour profiter des découvertes des aut«
sans leur en vouloir paroitre redevable. 11 tri
toit d'excellents hommes d'une manière injus
et indigue, lorsqu'ils lui faisoient ombrage, et
avoit une ambition démesurée pour s'ériger
chef de parti ; mais cela ne diminue point la bor
de ses pensées. » — Le même cartésien av
ajouté « que les amis de Leibniz publioient ha
tement qu'il feroit bien mieux de s'occuper
mathématiques, où il excelle , que de se môl
de philosophie, où il n'a pas le même avantage
(1) Recueil de diverses Pièces, t. 1!, p. 133 et suiv.
(1) Journal des Savants, 18 avril 1698.
481
— « Le peu de réputation, répliqua Leibniz,
qu'on me fait l'honneur dcm'accorder, je ne l'ai
point acquis en réfutant M. Descartes, et je n'ai
point besoin de ce moyen : le droit, l'histoire ,
les lettres y ont contribué avant que j'aie songé
aux mathématiques. Et si notre nouvelle ana-
lyse, dont j'ai proposé le calcul, passe celle de
M. Descartes , autant et plus que la sienne pas-
soit les méthodes précédentes, la sienne ne laisse
pas de demeurer très-estimable, quoiqu'il ait
été nécessaire, pour le progrès des sciences, de
désabuser ceux qui lacroyoient suffire à tout....
Quant à l'avis que mes amis m'auroient donné ,
'en aurois, je l'avoue, profité, si je l'a vois sçu. Et
si l'auteur anonyme, qui paroît très-capable de
me donner de bons conseils , en vouloit prendre
a peine, soit en public, ou plutôt en particulier
[afin qu'il ne pense point que je cherche tant, à
aire du bruit), il seroit en cela comme le meil-
eur de mes amis, et il éprouveroit toute ma do-
àlité. » Ces lignes peignent toute la noblesse du
:aractère de Leibniz.
C'est dans la Théodicée et dans les Nou-
lèaux Essais sur l'Entendement humain (1),
unsi que dans certaines parties de sa correspon-
lance qu'il faut chercher les éléments de la phi-
osophie de ce grand homme. Une de ses princi-
pes maximes, bien souvent vérifiée depuis, c'est
|ue la nature ne fait jamais de sauts (in natura
ion datur saltus). C'est ce qu'il appelait la
oi de la continuité, déjà connue des philosophes
;recs. « Cette loi porte, dit-il, qu'on passetoujours
lu petit au grand et à rebours , dans les degrés
:omme dans les parties, et quejamais un mouve-
nentne naît immédiatement du repos ni ne s'y ré-
luit que par un mouvement plus petit, comme on
l'achève jamais de parcourir aucune ligne ou
ongueur avant d'avoir achevé une ligne plus pe-
ite, quoique jusque ici ceux qui ont donné les
ois du mouvement n'aient point observé cette
oi , croyant qu'un corps peut recevoir en un
noment un mouvement contraire au précédent.
Tout cela fait bien juger que les perceptions re-
marquables viennent par degrés de celles qui
>ont trop petites pour être remarquées. En
uger autrement, c'est peu connoître l'immense
subtilité des choses, qui enveloppe toujours et
partout un infini actuel (2). » Appliquée aux
mathématiques, la loi de la continuité conduisit
Leibniz à l'invention du calcul différentiel. Ap-
pliquée à la philosophie, elle lui donnait toute
une méthode psychologique... « Ce sont, dit-il,
iles petites perceptions qui forment ce je ne sais
(quoi, ces goûts, ces images des sens, claires
Idans l'assemblage mais confuses dans les par-
ties , ces impressions que les corps qui nous en-
LEIBMZ 482
vironnent font sur- nous et qui enveloppent l'in-
fini, cette liaison que chaque être a àVec l'uni-
vers. On peut même dire qu'en conséquence de
ces petites perceptions , le présent est plein de
l'avenir et chargé du passé, que tout est cons-
pirant ( <7Ûp.irvoia tkxvtoc, comme disait Hippo-
crate), et que dans la moindre des substances
des yeux aussi perçants que ceux de Dieu pour-
roient lire toute la suite des choses de l'univers :
quse sint, quxfuerint, quse morsfutura tra-
hantur. C'est aussi par les petites perceptions
que j'explique cette admirable harmonie pré-
établie de l'âme et du corps et même de toutes
les monades, ce qui détruit les tablettes vides de
l'âme, une âme sans pensée , une substance sans
action... Pour moi, je suis du sentiment des
cartésiens, en ce qu'ils disent que l'âme pense
toujours. Je tiens même qu'il se passe quelque
chose dans l'âme qui répond à la circulation du
sang et à tous les mouvements internes des vis-
cères, dont on ne s'aperçoit pourtant point (1) ».
Appliquée à l'espace, la loi de la continuité lui fit
rejeter toute idée de vide. Il essaya même de l'in-
troduire dans la série des êtres vivants , quand il
disait : « Il est malaisé de voir où le sensible et le
raisonnable commencent... Il y a une différence
excessive entre certains hommes et certains ani-
maux brutes ; mais si nous voulons comparer l'en-
tendement et la capacité de certains hommes et
de certaines bêtes, nous y trouverons si peu de
différence, qu'il sera bien malaisé d'assurer que
l'entendement de ces hommes soit plus net et
plus étendu que celui des hêtes (?.). » Cependant
Leibniz s'empresse d'aj outer lui-même que « le
plus stupide des hommes est incomparablement
plus raisonnable et plus docile que la plus spiri-
tuelle de toutes les bêtes » . Et pour expliquer cette
espèce d'hiatus, il suppose <•■ dans quelque autre
monde des espèces moyennes entre l'homme et
la bête » ; de même qu'il suppose quelque part
des « animaux raisonnables qui nous passent (3) ».
C'est pour expliquer l'union de l'âme avec le
corps que Leibniz imagina {'harmonie prééta-
blie. Voici son raisonnement. : « Figurez-vous
deux horloges qui s'accordent parfaitement. Cet
accord peut s'obtenir de trois façons différentes :
1° par l'influence réciproque d'une horloge sur
l'autre, 2° par les soins d'un homme chargé de
la besogne, 3° par une harmonie préexistante».
Après avoir discuté la valeur des deux pre-
miers moyens, il s'arrête au dernier, comme
seul raisonnable : « Il ne reste que la voie de
l'harmonie préétablie par un artifice divin , le-
quel dès le commencement a formé chacune de
ces substances d'une manière si parfaite et ré-
glée, avec tant d'exactitude qu'en ne suivant que
(1) Ce traité, composé en 1704, devait être mis en tête
d'uoe nouvelle édition de Lo«ke, Essai sur l'Entende-
ment humain. Il ne parut qu'après la mort de l'auteur,
dans les OEuvres Philosophiques de Leibniz, édité par
Raspc, et a cté réimprimé dans Opéra Philosoph. de
I-eibniz, édit. d'F.nlmann (Berlin, 1840).
(i) Nouveaux Essais, p. 198 (édit. Krdmann).
MOUT. B10€K, CÉNBR. — T. XXX.
(1) Nouveaux Essais, édit. Erdmam, p. 196 et suiv,
Comp. Sur la Loi de la Continuité une excellente note de
M. Foucher de Careil, dans Nouvelles Lettres et Opus-
cules inédits de Leibniz ( Paris, 1857), p. 41» et suiv.
(S)Ibid.
(S) Comparez M. Flourens, De l'Instruction et l'hilolli-
çence dm Animaux, p. a («dit. it«l).
16
483 LEIBNIZ
ses propres lois, qu'elle a reçues avec son être,
elle s'accorde partout avec l'autre , tout comme
s'il y avoit une influence mutuelle, ou comme si
Dieu y mettoil toujours la main au delà de son
concours général (i). „
Ce système rencontra de nombreux adver-
saires, parmi lesquels il suffit de citer Bayle et
Clarke. Le, premier, à l'article Rorarius de son
excellent Dictionnaire, compare Yharmonie
préétablie à un vaisseau qui, sans être dirigé de
personne, va se rendre de soi-même au port
désiré. Dans sa réplique à Bayle, Leibniz ne
veut pas que l'on compare son hypothèse « avec
un vaisseau qui se mène soi-même au port,
mais avec ces bateaux de trajet, attachés à une
corde, qui traversent la rivière ». — « C'est,
ajoute-il, comme dans les machines de théâtre
et dans les feux d'artifice, dont on ne trouve
plus la justesse étrange quand on sait comment
tout est conduit (2). » Quant à l'objection de
Bayle, concernant l'âme qui serait comme un
atome d'Épicure, environné de vide, Leibniz ré-
pond qu'il « considère en effet les âmes ou
plutôt les monades comme des atomes de
substance, et qu'il nie l'existence des atomes
matériels dans la nature , la moindre parcelle
de matière ayant encore des parties... Les âmes
ou monades imitent autant que possible Dieu,
leur créateur : il les a faites sources de leurs
phénomènes , qui contiennent des rapports à
tout, mais plus ou moins distincts, selon les
degrés de perfection de chacune d'elles (3). »
Mais que devient, dans tout cela le libre ar-
bitre? C'est là l'écueil contre lequel ont échoué
tous les philosophes , y compris Leibniz. Cette
difficulté, il essaye le plus souvent de la tour-
ner par des subtilités scolastiques , et quand
il veut l'aborder franchement , il est plein de
contradictions. En voici la preuve : « Pour ce
qui est, dit-il, du franc arbitre, je suis du sen-
timent des thomistes et autres philosophes, qui
croient que tout est prédéterminé, et je ne vois
pas lieu d'en douter. » Puis, il ajoute aussitôt, en
se reprenant : « Cela n'empêche pourtant pas
que nous n'ayons une liberté exempte non-seule-
ment de sa contrainte, mais encore de la néces-
sité. » — Or, comment concilier la négation du
franc arbitre, la prédestination, avec la liberté
« sans contrainte et sans nécessité » ? Pour sortir
d'embarras, Leibniz imagina, comme le firent plus
tard Schelling et Hegel, d'identifier l'homme
avec Dieu lui-même, quand il dit : « Il en est
de nous comme de Dieu lui-même, qui est aussi
toujours déterminé dans ses actions, car il ne
(1) Journal des Savants, 19 nov. 1696.
(î) Recueil de pièces diverses sur la philosophie, la
religion, etc., par MM. Leibniz, Clarke, etc., t. II,
p. 433.
(3) Ibid., p. 435 et 4M. Les monades de Leibniz étaient
les substances simples là ôvxwç Ôvtoc de l'iaton. Voy.
M. Foucher de Careil, Jntrod. à Lettres et opus. inédit,
de Leibniz, p. XII et suiv.
484
peut manquer de choisir le meilleur; mais s'il
n'avoit pas de quoi choisir, et si ce qu'il fait étoit
seul possible, il seroit soumis à la nécessité (1). »
Et ailleurs : « L'âme, à l'égard de la variété de
ses modifications, doit être comparée avec l'u-
nivers qu'elle représente, selon son point de
vue, et même en quelque façon avec Dieu, dont
elle représente finiment l'infini (2). On voit
que Leibniz était le précurseur du système de
Yidentité de l'homme avec Dieu , le comble de
l'orgueil humain.
Dans ses répliques à Clarke, partisan des idées
de Newton, Leibniz s'attaquait directement à la
loi de l'attraction : Newton, ignorant encore la
généralité de cette loi, avait avancé que le sys-
tème du monde avait besoin d'être de temps en
temps retouché par le Créateur pour en rétablir
l'harmonie. C'est pourquoi Leibniz rejetait l'hypo-
thèse de l'attraction parce que pour en obtenir
l'exécution il faudrait « un miracle perpétuel ». —
« En bonne philosophie et en saine théologie, il
faut, ajoute-t-il, distinguer entre ce qui est expli-
cable par les natures et les forces des créatures,
et ce qui n'est explicable que par les forces de la
substance infinie... C'est par là que tombent les
attractions proprement dites et autres opérations 1
inexplicables par les natures des créatures,,!?
qu'il faut faire effectuer par miracle ou recourir
aux absurdités, c'est-à-dire aux qualités occultes
scolastiques , qu'on commence à nous débiter
sous le nom spécieux de forces, mais qui nous
ramènent dans le royaume des ténèbres : c'est 1|
inventa fruge, glandibus vesci. » Ce trait était |j
à l'adresse de Newton. Pour ne laisser subsister
aucun doute, Leibniz disait plus loin : « J'avois
objecté qu'une attraction proprement dite ou à la
scholastique seroit une opération à distance,! j|
sans moyen. On répond ici qu'une attraction j
sans moyen seroit une contradiction. Fort bien ; , .
mais comment l'entend-on donc, quand on veut
que le Soleil à travers d'un espace vide attire le
globe de la Terre ; est-ce Dieu qui sert de
moyen?... Si ce moyen , qui fait une véritable
attraction, est constant et en même temps inex-
plicable par les forces des créatures, et s'il est
véritable avec cela, c'est un miracle perpétuel, et
s'il n'est pas miraculeux, il est faux : c'est une
chose chimérique , une qualité occulte scholas-
tique : il seroit comme le cas d'un corps allant
en rond, sans s'écarter par la tangente, quoique
rien d'explicable ne l'empêchât de le faire (3). »
Newton, que les hommages de ses contem-
porains et surtout de ses compatriotes avaient
enflé d'orgueil, ne put jamais pardonner à Leib-
niz d'avoir dit tant de mal de Yattraction.
La raison suffisante est un des principes fa-
voris de Leibniz. Il y insiste dans tous ses écrits.
(1) Lettre àM.Bayle,da(\s ("ommercium Epist. Leibni-
tianum, éd. Feder, 1805, p. lo2.
(2) Recueil de diverses Pièces, etc., p. 437.
(3) Réplique à Clarke, dans Recueil des Pièces, etc.,
1. 1, p. 1*7.
485
Pour qu'une chose existe, il faut qu'elle ait «ne
raison d'être. « J'ose dire, ajoute l'auteur, que
98ns ce grand principe on ne sauroit venir à la
preuve de l'existence de Dieu ni rendre rai-
«on de plusieurs autres vérités importantes.
Tout le monde ne s'en est-il point servi en mille
Hîcasions ? Il est vrai qu'on l'a oublié par négli-
;ence en beaucoup d'autres ; mais c'est là jus-
ement l'origine des chimères, comme, par
xernple , d'un temps ou d'un espace absolu
■éel, du vide, des atomes, d'une attraction à la
cholastique, etc. (1). »
Les observateurs n'aiment guère les théories,
t réciproquement. Leibniz le savait fort bien :
Ceux qui aiment, dit-il , à entrer dans le dé-
ail des sciences méprisent les recherches abs-
raites, et ceux qui approfondissent les prin-
ipes entrent rarement dans les particularités,
our moi, j'estime également l'un et l'autre (2) ».
C'est par la Théodicêe que Leibniz termina en
uelque sorte sa carrière de polygraphe. Des
oyages fréquents, une correspondance éten-
ue, la dispute sur la priorité de la décou-
erte du calcul différentiel l'empêchaient, de-
uis 1710 jusqu'à sa mort, d'entreprendre de
ouveaux ouvrages et. d'achever ceux qu'il
ait commencés. En 1711 Leibniz eut à Torgau
ie entrevue avec Pierre le Grand, qui était
snu conclure le mariage du prince Alexis, son
s, avec Christine Sophie de Wolfenbùtlel ;
tzar profita de l'occasion pour consulter le cé-
bre philosophe sur la législation dont il vou-
it doter son empire ; il en fut si satisfait qu'il
i donna une pension annuelle de mille roubles
rec le titre de conseiller privé de justice. A son
tour à Hanovre, en passant par le duché de
Dlstein, Leibniz acquit pour la bibliothèque de
rolfenbùttel un grand nombre de manuscrits et
pièces rares. En 1713 on le trouve à Vienne,
llicitant de l'empereur la création d'une Aca-
mie des Sciences, sur le modèle de celle de Ber-
S'il échoua dans sa démarche, il reçut, en re-
nche, une pension de deux mille florins, avec
s offres avantageuses s'il voulait rester attaché
la cour impériale, qui lui avait déjà accordé le
re de conseiller aulique, bien qu'on n'en trouve
s la trace officielle, il était encore à Vienne
and mourut (en 1714) la reine Anne : la cou-
nne d'Angleterre passa à l'électeur de Hanovre,
sorges 1er, qui, selon l'expression de Fontenelle,
réunissoit sous sa domination un électorat, les
is royaumes de la Grande-Bretagne, M. Leibniz
M. Newton ». Leibniz se hâta de retourner
ïanovre. Les accès de goutte , auxquels il était
jet , étaient devenus depuis un an de plus en
s fréquents : comme Descartes et d'autres
ilosophes, il ne voulait se traiter qu'à sa ma-
ire ou d'après les conseils de quelques amis
angers à la médecine. On raconte qu'il avança
) lbi(l.,p. 153.
i) Lettre a l'ablip Fotn-her, Journ. des Savants,^ juin
)
LEIBNIZ 486
sa fin en avalant un remède que lni avait con-
seillé un jésuite d'Ingolstadt, et qui lui causa
d'intolérables douleurs néphrétiques ; le mal
remonta rapidement aux parties supérieures
du corps, et le fit succomber, en une heure,
au milieu de violentes convulsions , à l'âge de
soixante-et-dix ans quatre mois et onze jours.
Un ami, le savant Eckard, bibliothécaire à Ha-
novre, lui fit faire des funérailles convenables :
toute la cour y avait été invitée; mais, à l'extrême
surprise d'Eckard, qui le rapporte lui-même,
personne ne vint accompagner le grand homme
à sa dernière demeure.
Voici le portrait qu'a tracé de Leibniz un de
ses illustres collègues, secrétaire perpétuel de
l'Académie des Sciences de Paris. « M. Leibniz
étoit d'une forte complexion : il n'avoit guère
eu de maladies, excepté quelques vertiges dont
il étoit quelquefois incommodé et la goutte. Il
mangeoit beaucoup et buvoit peu, quand on ne
le forçoit pas, et jamais de vin sans eau. Chez
lui il étoit absolumentle maître, car il y mangeoit
toujours seul. Il ne régloit pas ses repas à de
certaines heures, mais selon ses études. Il n'avoit
point de ménage , et envoyoit quérir chez un
traiteur la première chose trouvée. Depuis qu'il
avoit la goutte , il ne dînoit que d'un peu de
lait; mais il faisoit un grand souper, sur lequel
il se couchoit à une heure ou deux heures après
minuit. Souvent il ne dormoit qu'assis sur une
chaise, et ne s'en réveilloit pas moins frais à sept
ou huit heures du malin. Il étudioit de suite, et
il a été des mois entiers sans quitter le siège,
pratique fort propre à avancer beaucoup un tra-
vail, mais fort mal saine. Aussi croit- on qu'elle
lui attira une fluxion sur la jambe droite, avec
un ulcère ouvert. Il y voulut remédier à sa ma-
nière, car il consulloit peu les médecins ; il vint
à ne pouvoir plus marcher, ni quitter le lit. Il
faisoit des extraits de tout ce qu'il lisoit et y
ajoutoit ses réflexions ; puis il mettoit tout cela
à part, et ne le regardoit plus. Sa mémoire, qui
étoit admirable, ne se déchargeoit point, comme
à l'ordinaire, des choses écrites; mais seulement
l'écriture avoit été nécessaire pour les y graver
à jamais. Il étoit toujours prêt à répondre sur
toutes sortes de matières, et le roi d'Angleterre
l'appeloit son dictionnaire vivant. Il s'entre-
tenoit volontiers avec toutes sortes de per-
sonnes, gens de cour, artisans, laboureurs, sol-
dats. Il s'entretenoit même souvent avec les
dames, et ne comptoit point pour perdu le
temps qu'il donnoit à leur conversation. M.Leib-
niz avoit un commerce de lettres prodigieux. II
se plaisoit à entrer dans tes travaux ou dans
les projets de tous les savants de l'Europe; il
leur fournissoit des vues; il les animoit, et cer-
tainement il prêchoit d'exemple. On "toit sûr
d'une réponse dès qu'on lui écrivoit, ne se fût-
on proposé que l'honneur de lui écrire. Il étoit
toujours d'une humeur gaie... Il se mettoit ai-
sément en colère, mais il en revenoit aussitôt.
16.
487
LEIBNIZ
488
Ses premiers mouvements n'étoient pas d'aimer
la contradiction snr quoi que ce fût, mais il ne
falloit qu'attendre les seconds ; et en effet ses
seconds mouvements, qui sont les seuls dont il
reste des marques, lui feront éternellement hon-
neur. On l'accuse de n'avoir été qu'un grand et ri-
gide observateur du droit naturel : ses pasteurs
lui en ont fait des réprimandes publiques et inu-
tiles. On l'accuse aussi d'avoir aimé l'argent. Il
avoit un revenu très-considérable en pensions du
duc de Wolfenbùttel, du roi d'Angleterre, de l'em-
pereur, du czar, et vivoit toujours assez grossiè-
rement... Mais il laissoit aller le détail de sa
maison comme il plaisoit à ses domestiques.
Cependant la recette étoit toujours la plus forte,
et on lui trouva après sa mort une grosse
somme d'argent comptant qu'il avoit cachée :
c'étoit deux années de son revenu. Ce trésor
lui avoit causé pendant sa vie de grandes in-
quiétudes qu'il avoit confiées à un ami ; mais il
fut encore plus funeste à la femme de son seul
héritier, fils de sa sœur, qui étoit curé d'une
paroisse près de Leipzig : cette femme, à la vue
du riche héritage fut si saisie de joie qu'elle en
mourut subitement. (1) »
Ajoutons à ce portrait qu'à l'exemple de Des-
cartes, de Newton et de la plupart des grands
hommes, Leibniz ne s'était jamais marié. Il y
avait, rapporte Fontenelle, pensé à l'âge de cin-
quante ans. Mais la personne qu'il avait en vue
voulut avoir le temps de faire ses réflexions;
cela donna à Leibniz le loisir de faire aussi les
siennes, et il ne se maria point (2).
Les dernières années de Leibniz avaient été
empoisonnées par une querelle fameuse dans l'his-
toire de la science : il s'agissait de la priorité de la
découverte du calcul différentiel, fondement de
l'analyse supérieure (analysis promota). Voici
l'historique de cette découverte. Avec la règle et
le compas les anciens géomètres étaient arrivés à
des théorèmes que l'on admire encore aujour-
d'hui. Le rapport qui existe entre les figures li-
mitées par des lignes brisées et celles qui ont
pour limites des lignes courbes avaient de bonne
heure fixé leur attention. La figure qu'ils es-
timaient la plus parfaite, et qui joue un si grand
rôle dans les spéculations philosophiques et as-
tronomiques de l'antiquité, c'était la figure plane
terminée par une courbe dont tous les points
sont également distants d'un point intérieur; en
un mot, c'était le cercle. La quadrature du cer-
cle, de la parabole, et en général de toutes les
figures produites par les différentes sections du
cône, stimulèrent à l'envi la sagacité des géo-
mètres grecs. La proposition d'Archimède, « que
le contour d'un polygone inscrit et le contour
d'un polygone circonscrit à un cercle est le
premier plus petit et le second plus grand que
ce cercle, » fut reprise et développée par ses
il) Fontenelle, Éloge de f^ibnit,
<S) Ibtd.
successeurs , qui tous -purent se convaincre
qu'en multipliant le nombre des côtés du poly-
gone on approche de plus en plus de cette éga-
lité, mais sans jamais l'atteindre.
Dans un petit traité, trop peu connu, sur la ca-
pacité des tonneaux, que Kepler composa à l'oc-
casion d'une querelle avec un marchand de via
fraudeur, le grand astronome supposa ( Nova
Stereometria Doliorum vinariorum, etc.;
Linz, 1605), pour trouver le rapport de la péri-
phérie au diamètre, que la circonférence du
cercle se compose d'une infinité de points, « ba-
ses d'autant de triangles, dont les sommets se
réunissent au centre ». Dans un supplément à
la Stéréométrie d'Archimède, il examina les
rapports de quatre-vingt-sept figures solides, la:
plupart désignées sous les noms des fiuits aux-
quelles elles ressemblent, et qu'il faisait naître
par le mouvement de surfaces sphériques et co-
niques autour des diamètres, axes, ordon-
nées, etc. ; enfin, par des propositions comme^
celles-ci : Décrémenta perpendicularium sunt
maxima apud A, minora igitur erunt apud
B ; — ubi décrémenta allitudinum prsecipù-
tantur per omnes proportiones in infinitum*
crescentibus proportionum augmentis, ibi
incrementaquadratorum magis magisque dé-
crémenta et incrementa proportionum des~
crescunl. Il semait ainsi des idées fécondes qui
paraissent avoir servi à Descartes pour sa nou-
velle géométrie des courbes.
L'auteur de la méthode des indivisibles, Cava-
lieri, avait aussi fait intervenir l'idée de continuité
et de mouvement dans la génération des plans el
des solides ; il se servait même du mot fluens,
repris plus tard par Newton. Pascal employa;
la méthode du géomètre italien dans la solution
des problèmes sur la roulette. « Je ne ferai, di-
sait-il, aucune difficulté d'user de ce langage det
indivisibles, la somme des lignes, la somnu
des plans, la somme des ordonnées, qui sembl*
être inintelligible à ceux qui n'entendent pas 1<
doctrine des indivisibles et qui s'imaginent qiif
c'est pécher contre la géométrie que d'exprimé
un plan par un nombre indéfini de lignes, ci
qui ne vient que de leur manque d'intelligence
puisqu'on n'entend autre chose par là sinon li
somme d'un nombre indéfini de rectangles fait
de chaque ordonnée avec chacune des petite
portions égales du diamètre, dont la somme es
certainement un plan, qui ne diffère de l'espao
du dernier cercle que d'une quantité raoindr
qu'aucune donnée (1). » Fermât, contemporain è
Pascal, dans sa méthode De Maximis et Mini
mis, égale l'expression de la quantité dont oi
cherche le maximum et le minimum à l'ex
pression de la même quantité dans laquelle l'in
connue est augmentée d'une quantité indéter
minée. Il fait disparaître dans cette équation le
(1) Lettre à Carcavi, dans les OEuvrtt Ai Pascal, t. *
p. US ( édit, La Haye, 177»).
489
LEIBNIZ
480
radicaux et les fractions, s'il y en a, et après
avoir effacé les termes communs dans les mem-
bres , il divise tous les autres par la quantité
indéterminée par laquelle ils se trouvent multi-
pliés; ensuite il fait cette quantité nulle, et il a
une équation qui sert à déterminer l'inconnue de
]a question. Dans l'équation entre l'abscisse et
l'ordonnée, que Fermât appelle la propriété spé-
cifique delà courbe.il augmente ou diminue l'abs-
cisse d'une quantité indéterminée, et il regarde la
nouvelle ordonnée comme appartenant à la fois
à la courbe et à la tangente , ce qui fournit une
équation qu'il traite comme celle de la méthode
De Maximis et Minimis (1). Pour résoudre les
problèmes que Fermât avait proposés sur la
quadrature de la parabole et de l'hyperbole, Ro-
berval (né en 1602, mort en 1675 ) eut aussi re-
cours à la méthode des indivisibles. « Pour
tirer des conclusions par le moyen des indivi-
sibles, il faut, dit-il, supposer que toute ligne,
soit droite ou courbe, se peut diviser en une in-
finité de parties ou petites lignes toutes égales
entre elles, ou qui suivent entre elles telle pro-
gression que l'on voudra, comme de carré à
carré , de cube à cube , de carré carré à carré
carré ou selon quelque autre puissance. Or,
d'autant que toute ligne se termine par des
points, au lieu de lignes on se servira de points ;
et puis au lieu de dire que toutes les petites li-
gnes sont à telle chose en certaine raison, on dira
que tous ces points sont à telle chose en la dite
raison... Par tout ce discours, on peut comprendre
que la multitude infinie de points se prend pour
une infinité de petites lignes et compose la ligne
entière ; l'infinité de lignes représente l'infinité de
petites superficies qui composent la superficie
totale; l'infinité de superficies représente l'infi-
nité de petits solides qui composent ensemble le
solide total (2). » — Ce que les mathématiciens
avaient tenté relativement aux quadratures et
aux cubatures, par voie géométrique, Wallisl'en-
treprit dans son Arithmetica Jnfinitorum (Ox-
ford, 1655), par voie arithmétique : il cher-
cha le rapport qui existe entre la somme d'une
série de nombres donnée et le plus grand de ces
nombres, et appliqua le résultat à des grandeurs
géométriques. C'est lui qui trouva les expres-
sions de — , s/~â = a—m, ci. — A ces travaux il
(1) Ainsi x étant l'abscisse et y l'ordonnée, si t est la
soustangente au point de la courbe qui répond à x et y,
il est facile de voir que les triangles semblables don-
II (t -f e)
lient : pour l'ordonnée à la tangente, relative-
ment a l'abscisse x + e. On aura donc l'équation dont il
s'agit en mettant dans l'équation de la courbe x -f- e à
ye
la place de s, et y + — a la place de y. Cette équation,
après les réductions, sera divisée par e, et on supprimera
ensuite comme nuls tous ceux où l'indéterminée e se
trouvera, parce qu'on doit supposer cette indéterminée
nulle. I, 'équation restante donnera la valeur de t en x
etj/.
!îj Robervil, Traité des Indivisibles,
faut ajouter ceux de Grégoire de Saint- Vincent,
deHudde,deMerc*tor,deSluseetsurtoutd'Isaac
Barrow. Enfin, l'analyse infinitésimale était pour
ainsi dire dans l'air quand apparurent Newton et
Leibniz.
Deux voies bien différentes peuvent conduire à
l'idée de l'infini : l'arithmétique et la géo-
métrie. C'est la première que choisit Leibniz.
Ainsi, la moitié successivement ajoutée au quart,
au huitième, au seizième, c'est-à dire aux termes
de la progression décroissante de ^, continuée à
l'infini, donne une somme qui n'est pas l'unité
absolue , mais qui en approche tellement qu'on
peut l'identifier avec elle sans erreur sen-
sible : l=j + i + i + r6 Laissons Leibniz
raconter lui-même comment ce genre de cal-
cul, la sommation des séries, le conduisit à la
découverte du calcul différentiel : « J'avois pris,
écrivit-il au marquis deL'Hospital, depuis long-
temps plaisir de chercher les sommes des séries
des nombres , et je m'élois servi pour cela des
différences sur un théorème assez connu, qu'une
série décroissant à l'infini, son premier terme
est égal à la somme de toutes ses différences.
Cela m'avoit donné ce que j'appelois le triangle
harmonique, opposé au triangle arithmé-
tique de Pascal. Car Pascal avoit montré com-
ment on peut donner les sommes des nombres
figurés, qui proviennent en cherchant les sommes
et les sommes des sommes de la progression
arithmétique naturelle; et moi je trouvai que les
fractions des nombres figurés sont les différences
et les différences des différences de la progres-
sion harmonique naturelle (c'est-à-dire des
fractions ;, i, i, i) et qu'ainsi on peut donner
les sommes des séries des fractions figurées,
commet + f + î + rs> etc-j et î + ï + rj +
~, etc. Reconnoissant donc cette grande diffé-
rence et voyant que par le calcul de M. Des-
cartes l'ordonnée de la courbe peut être exprimée,
je vis que trouver les quadratures ou les sommes
des ordonnées n'est autre chose que trouver une
ordonnée (de la quadratice) dont la différence
est proportionnelle à l'ordonnée donnée. Je re-
connus aussi bientôt que trouver les tangentes
n'est autre chose que différenlier, et trouver les
quadratures n'est autre chose que sommer,
pourvu qu'on suppose les différences incompa-
rablement petites. Je vis aussi que nécessaire-
ment les grandeurs différentielles se trouvent
hors de la fraction et hors du vinculum, et
qu'ainsi on peut donner les tangentes sans se
mettre en peine des irrationnelles et des frac-
tions. Et voilà l'histoire de l'origine de ma mé-
thode (1). »
Pour bien comprendre les derniers passages
de cette lettre , il faut se rappeler qu'une ligne
courbe peut être considérée comme l'assemblage
(t) Extrait d'une lettre de Leibniz au marquis de l'Hos-
l,ildl, en date du 27 décembre 1694. (Gerhardt. Corres~
pondance de Leibniz, t. II, p. 259 )
491
LEIBNIZ
492
d'une infinité de ligne» droites, chacune infini-
metii petite, et le point de contact d'une tangente
comme une de ces ligne.; , dont l'étendue (infini-
ment petite ) est mesurée par la droite (ordonnée),
infiniment proche de l'axe ou du diamètre qui
aboutit à la tangente, et par l'intervalle infini-
ment petit (abscisse) compris entre ces deux
droites. Si d désigne une quantité infiniment pe-
tite, dont une quantité variable x augmente,
l'accroissemont infiniment petit de celle-ci ou sa
différent telle sera dx. D'après l'idée de Leib-
niz, on peut prendre l'une pour l'autre des quan-
tités qni ne diffèrent entre elles que d'une quan-
tité infiniment petite. Cela n'est pas, il est vrai,
rigoureusement exact; mais lorsqu'un géomètre
mesure la hauteur d'une montagne, tient-il
compte d'un grain de sable que le vent enlève du
sommet; ou lorsque l'astronome cherche à éva-
luer la distance des étoiles, le diamètre de la Terre
ne se réduit-il pas à rien? Leibniz ne s'arrêtait
pas là dans son hypothèse ; il admettait des infini-
ment petits d'infiniment petits ou de second ordre ;
puis des infiniment petits de troisième ordre, etc.
qui sont également négligeables par rapport
aux infiniment petits du premier ordre. Ainsi,
en prenant dans une courbe trois ordonnées
infiniment proches, la différence de chacune
avec sa voisine est un infiniment petit de son
ordre , ce qui forme deux différences infiniment
petites et successives; or, ces deux infiniment
petits diffèrent entre eux d'une quantité infini-
ment petite à leur égard ; voilà , selon Leibniz,
un infiniment petit du second ordre; de là le nom
d'infinitésimal qu'on adonné aussi au calcul diffé-
rentiel (1). Enfin, pour caractériser à la fois l'im-
portance et la nature de ce calcul, on peut dire
qu'il est pour le mathématicien ce que le mi-
croscope est pour le naturaliste. Il valait donc
la peine de se disputer la gloire de son inven-
tion.
Voici les titres qui plaident en faveur de Leibniz.
Dans un manuscrit , qui porte la date du mois
d'août 1673, et a pour titre : Methodus nova in-
vestigandi. tangentes linearum curvarum ex
datis applicalis, vel contra applicatas ex datis
productis, reductis, tangentibus, perpendicu-
laribus, secantibus, Leibniz fait usage d'une
méthode générale pour la détermination des
tangentes applicable à toutes les courbes. A cet
effet, il considère la courbe comme un polygone
d'une infinité de côtés, et il y construit ce qu'il
appelle le triangle caractéristique entre un arc
infiniment petit de la courbe et la différence des
(1) Leibniz avait transporté aussi dans la mécanique
l'idée des quantités infinitésimales. Ainsi dans sa lettre
à Bayle il dit : « Le repos peut être considéré comme
une vitesse infiniment petite ou comme une tardité In-
finie, tellement que « la rè«le du repos doit être consi-
dérée cemme un cas particulier de la règle du mouve-
ment;.... de même l'égalité peut être considérée comme
une inégalité infiniment petite, et on peut faire approcher
l'inégalité de l'égalité autant que l'on veut. » (Rayle, Pfou-
velfesdela République âïès Lettres; Amstcr., juillet 1687.) I (S|
ordonnées et des abscisses (1). Dans un autre ma-
nuscrit (octobre et novembre 1675) l'auteur dé-
signe les lignes infiniment petites du triangle ca-
ractéristique par des expressions telles que omn .
(pour omne) x etomn. y ; puis, au lieu de omn.
(somme), il propose le signe d'intégration, de-
puis lors généralement adopté; enfin, la diffè-
re
rentielle -, il la représente par dx : idem est,
dit-il, dx et -, id est differentia inter duas x
d
proximas (2). Dans un manuscrit du 21 no-
vembre 1675, il indique l'expression d (xy)
comme applicable à toutes les courbes; il par-
vient à éliminer la différentielle dx, et dy qui
reste donne la solution du problème proposé.
Ecce, s'écrie-t-il, elegantissimum spécimen ,
quo problemata methodi tangentium inversa:
solvuntur aut saitem reducuhtur ad quadra-
tures ! C'est sans doute à la méthode inverse
des tangentes que Leibniz faisait allusion lorqu'il
écrivit à Oldenburg, secrétaire de la Société
royale de Londres : « Je suis arrivé à la solution
d'un autre problème géométrique, d'une diffi-
culté jusque ici désespérante (3) ». Dans un
manuscrit du 26 juin 1676, il mentionne la mé-
thode directe des tangentes , et donne la solu-
tion du problème de F|orimond de Beaume.
Voilà ce que Leibniz fit pour l'analyse supé-
rieure pendant son séjour à Paris (depuis mars
1672 jusqu'en octobre 1676). Cependant ce n'est
qu'au mois d'octobre 1684, qu'il publia le som-
maire des principes du calcul différentiel dans ies
Acta Erudït. Lips.; la notice, qui est fort courte,
a pour titre : Nova Methodus pro Maximis et
Minimis, itemque tangentibus , quse nec frac-
tas nec irrationales quantitates moratur et
singulare pro illis calculi genus. En 1687,
Newton fit paraître ses Principes mathéma-
tiques de la Nature , où il dit pag. 253-254 :
« Dans le commerce de. lettres que j'ai eu il y v.
dix ans (par l'entremise de M. Oldenburg) avec
M. Leibniz, très-habile géomètre , lorsque je lui
fis savoir que j'avois une méthode de déterminer
les quantités les plus grandes et les plus petites ,
de mener des tangentes, et d'effectuer d'autres
choses semblables en termes sourds aussi bien
qu'en termes rationnels, et je la cachai sous
des lettres transposées, qui renfermaient ce sens:
une équation donnée, qui contient des quan-
tités ftuentes, trouver les fluxions et récipro-
quement : ce célèbre personnage me répondit
qu'il étoit tombé sur uneméthode qui faisoit aussi
cet effet, et la communiqua: elle ne différait
guère de la mienne que dans les termes et dans
les caractères ».
Si l'on admet que les documents imprimés
(1) .F. Gerhardt, Die EnldecHung der hôher en Ana-
lyses, Halle, 1835, p. 86.
(2) Ibid., p. 60 et suiv.
Lettre en date du 28 dcc. 1675.
(1) Commercium Epistolicum J. Colliris etaliorum, etc.,
edtt. par Biot et Lefjrt, Paris, 1836, p. 242.
(2) On remarque avec surprise l'absence de toute si-
gnature à la suite de ce rapport. Les commissaires nom-
més turent, le 6 mars 1712, Artuithnot, Hill, Halley, Jones,
Machin et liurnet. tous Anglais; le 20 mars, Roberts, An-
glais; le 27, Bonet, ministre de Prusse; le 17 avril, de
Moivre, réfugié français ; Aston et Brook Taylor, An-
glais. Le rapport a été écrit de la main de Halley. Ainsi,
sur les onze comuiissaires, 11 n'y avait que deux étrangers,
Bonet et Moivre : ce dernier seul était géomètre. La
Muparl des commissaires n'avalent d'autres titres scien-
Sques que d'être les amis de Newton.
493 LEIBNIZ
doivent seuls décider une question de priorité,
c'est incontestablement à Leibniz que revient
l'honneur de l'invention du calcul différentiel;
ce qui n'empêche pas que Newton ne puisse être
de son côté l'inventeur du calcul des fluxions,
qui , malgré d'étroites analogies avec la méthode
de Leibniz, ne part pas du même principe que le
calcul différentiel. D'ailleurs, Newton nous ap-
prend lui-même qu'il avait caché sa méthode
sous des lettres transposées. Quant à la lettre
d'Oldenburg, dont la Bibliothèque royale de Ha-
novre possède l'autographe, « il aurait fallu,
disent MM. Biot et Lefort, qui la citent, l'habileté
fabuleuse d'Œdipe pour découvrir la méthode des
fluxions sous une pareille enveloppe (1) ».
Pendant plus de vingt ans personne n'avait
contesté à Leibniz son invention, que le marquis
L'Hôpital et les Bernoulli s'attachaient à répan-
dre et à développer. « Mais il y eut ( c'est Leib-
niz lui-même qui parle) des gens en Angleterre
qui, poussés, ce me semble, par des mouvements
d'envie, s'avisèrent de me la contester. On prit
pour prétexte certaines paroles du journal de
Leipzig de l'an 1705, qu'on expliquoit maligne-
ment, comme si elles disoient que M. Newton
l'avoit prise de moi quoiqu'il n'y ait pas un mot
qui le dise. On porta la Société royale de Lon-
dres à donner commission à certaines personnes
d'examiner les vieux papiers sans m'en donner
aucune part, et sans savoir si je ne récuserais
point quelques commissaires comme partiaux.
Et sous prétexte du rapport de cette commis-
sion (2), on publia un livre contre moi en 1711,
sous le titre de Commerce Épistolique, où l'on
inséra des vieux papiers, et des anciennes lettres,
mais en partie tronquées, et on supprima celles
qui pouvoient faire contre M. Newton. Et ce qui
est le pis, on y ajouta des remarques pleines de
faussetez malignes, pour donner un mauvais
sens à ce qui n'en avoit point. Mais la Société
royale n'a point voulu prononcer là-dessus,
comme j'ai appris par un extrait de ses registres :
et plusieurs personnes de mérite en Angleterre
(même des membres de la Société royale) n'ont
point voulu prendre aucune part à ce qui s'est
fait contre moi. » Cefactum parut sous le titre
de Commercium Epistolicum de varia Re
Mathematica inter celeberrimos prsesentis se-
culi mathematicos , vir. Isac. Newtonium, Is.
Barra, Jac. Gregorium, Is. Wallisium, J. Keil-
lium, J. Collinsium, G. Leibnitium, etc., Lon-
494
dres , 1712, et fut réimprimé avec des change-
ments et additions, en 1722. La dispute avait
été tellement envenimée de part et d'autre par le
zèle inconsidéré des disciples de Newton et de
Leibniz, qu'il fut durant plus de cent cinquante
ans impossible de saisir la vérité. Ce n'est que
de nos jours, après l'exhumation de nombreuses
pièces inédites, impartialement confrontées avec
les deux éditions du Commercium Epistoli-
cum, que la lumière, longtemps obscurcie par
les passions de l'amour-propre et de l'orgueil, a
pu se faire jour. Il est hors de doute que New-
ton a inspiré et dirigé la publication du Com-
mercium Epistolicum, si même il n'y a pris une
part plus immédiate. Quant aux variantes , la
Recensio et l'avis Ad lectorem, introduits dans
l'édition de 1722, c'est Newton seul qui en est
l'auteur. Leibniz s'était proposé de publier aussi
un Commercium Epistolicum; car il écrivait
le 25 août 1714 àChamberlayne : « Puis il semble
qu'on a encore des lettres qui me regardent parmi
celles de M. Oldenburg et de M. Collins, qui
n'ont pas été publiées , je souhaiterois que la So-
ciété royale voulût donner ordre de me les
communiquer. Lorsque je serai de retour à
Hanovre (il était alors a Vienne), je pourrai
publier aussi un Commercium Epistolicum qui
pourra servir à l'histoire littéraire. Je serai
disposé à ne pas moins publier les lettres qu'on
peut alléguer contre moi, que celles qui me fa-
vorisent, et j'en laisserai le jugement au pu-
blic. »
Une vie agitée et une mort prématurée ne per-
mirent pas à Leibniz d'accomplir son projet.
MM. Biot et Lefort ont donné récemment (en
1856) une nouvelle édition du Commercium
Epistolicum, en y joignant toutes les pièces né-
cessaires à une appréciation impartiale de la
question. Or, voici les conclusions auxquelles
sont arrivés ces deux juges, parfaitement com-
pétents : « Pour les commissaires (chargés
du choix et de la transcription des pièces in-
sérées dans le Com. Episi.), il ne s'agissait pas
seulement de faire triompher les droits de New-
ton comme inventeur de la méthode des fluxions,
il fallait encore effacer les titres de Leibniz à
l'invention analogue et indépendante du calcul
différentiel. On ne peut dire que pour assurer
le résultat les transcriptions soient infidèles ;
mais les citations sont souvent incomplètes,
tronquées, faites uniquement pour le besoin de
la cause, et les textes sont quelquefois détour-
nés de leur sens propre par les notes anonymes
qui les accompagnent. D'ailleurs tous les maté-
riaux sont mis en œuvre avec tant d'art, avec
tant d'habileté , qu'on devine sans beaucoup de
peine le génie supérieur qui conduisait l'action
sans vouloir paraître personnellement sur la
scène. Si la publication du Commercium Epis-
tolicum en 1712 fut une œuvre départi, que
dire de sa réimpression en 1722, six ans après
la mort de Leibniz? Dans cette prétendue
495
LtLlBNIZ
496
réimpression, le nouvel éditeur corrige, ajoute,
retranche, interpole, commente; et la passion
l'aveugle au point qu'il écrit , sans l'y voir, sa
propre condamnation dans l'étonnante pièce de
polémique qui résume le livre auquel elle sert
de préface. Rien n'établit que les membres sur-
vivants de 1712 aient pris part à cette publica-
tion déloyale : les documents nouvellement mis
au jour ne dénoncent que la main de Newton, et
la main de Keill conduite par Newton. C'est
assez pour la mémoire des commissaires d'avoir
à porter le poids d'un rapport qu'ils n'ont pas
osé signer publiquement Si ces commissaires
avaient apprécié à leur juste valeur la puissance
de l'abstraction, le secours de l'algorithme, la
force des équations différentielles, ils auraient
vu qu'il ne pouvait y avoir là ni premier ni se-
cond iuventeur. Ils auraient déclaré que New-
ton était maître de la méthode des fluxions avant
que Leibniz fût en possession du calcul diffé-
rentiel ; ils auraient reconnu hautement que
l'invention de Leibniz était indépendante de
celle de Newton, et l'avait précédée comme pu-
blication. Telle était la conséquence logique des
documents mis sous leurs yeux : il eût été loyal
de la proclamer. » — Un fait qui frappe dans
l'histoire de la science, c'est la stérilité des ana-
listes anglais au dix-huitième siècle. « Newton,
ajoute M. Lefort, n'a pas fait de disciples : l'ins-
trument qui avait été si puissant entre ses mains
n'eut pins de vertu dans les mains de ses flat-
teurs les plus ardents. Fatio et Keill , comme
Cotes, Moivre, Taylor et même Maclaurin, ne
peuvent balancer les Bernoulli et Euler, en Alle-
magne, les D'Alembert, Clairaut, Lagrange et La-
place, en France. An contact de Leibniz, on voit
naître une génération puissante de mathémati-
ciens habiles en Allemagne et en France, comme
étaient nés en Italie Torricelli, Viviani, Cavalieri
et Ricci, sous l'inspiration de Galilée; et en Hol-
lande, Schooten, Huygens, Hudde et Sluse,
sous le souffle de Descartés.» Bien plus , les
grandes découvertes de Newton lui-même ne se
propagent et ne se développent sur le continent
que grâce aux efforts des géomètres pour les
traduire dans la langue de Leibniz. N'est-ce pas
là un grand titre de gloire pour l'inventeur du
calcul différentiel , et une preuve irrécusable de
la force et de la fécondité toute spéciale de l'in-
vention ?» — Enfin M. Lefort termine ainsi sa
conclusion : « Inférieur à Newton quant au
sentiment des réalités physiques et à l'esprit
d'intuition des lois qui régissent les phénomènes
naturels, peut-être au moins son égal dans les
spéculations abstraites de l'analyse mathéma-
tique, Leibniz lui était certainement supérieur
par le caractère. Newton inspire l'admiration ;
Leibniz attire davantage. Pour moi , il y a tout
un monde de passions et de préjugés entre l'es-
prit généreux qui correspondaitavecBossuet et
rêvait la réunion de toutes les communions
chrétiennes, et le sectaire ardent qui commen-
tait l'Apocalypse et signalait l'Église de Rome
dans la onzième corne du quatrième, animal
de Daniel (1). » Ce jugement sera ratifié par la
postérité.
Peu d'hommes ont été aussi richement dotes
par la nature que Leibniz : son activité tenait du
prodige. Les pensions dont il jouissait lui ren-
daient sans doute l'existence facile, et il n'avait
pas besoin de travailler pour vivre; mais com-
bien y en a-t-il qui placés dans les mêmes
conditions en feraient autant? Tout l'intéressait
également, et à tout ce qu'il touchait il laissa
l'empreinte de son génie. Persuadé qu'il y a^peu de
livres où l'on ne trouve quelque chose à apprendre,
il ne laissait rien échapper à son insatiable cu-
riosité; jamais publiciste ne s'est aussi bien tenu
au courant des productions de ses contempo-
rains. « J'y cherche , écrivait-il à soixante-neuf;
ans , non pas ce que j'y pourrais reprendre , mais1
ce qui y mérite d'être approuvé et dont je pour-i
rois profiter.» Puis, il ajoute, comme un avis aux
critiques : « Cette méthode n'est point le plus à
la mode ; mais elle est la plus équitable et la plus
utile (1). » Quand un auteur lui envoyait son
ouvrage , le grand homme avait toujours soim
d'accompagner sa réponse d'une infinité de ré*
flexions précieuses. Ainsi , peu de temps avant'
sa mort , il écrivait à M. de Montmort , qui
lui avait fait hommage de son Essai sur les
jeux de hasard : «.... Les hommes ne sont ja-
mais plus ingénieux que dans l'invention des
jeux; l'esprit s'y trouve à son aise... Un évêquei
de Tournai, nommé Balderic, qui vivoit au on^i
zième siècle, a laissé une chronique de Cambrai
où il parle d'un jeu d'évêque, inventé par l'éi'
vêque Wicbaldus ; les vertus et les passions y
entrent, mais on a de la peine à le déchiffrer.)
On trouve aussi certaines rhythmomachies dans)
les vieux manuscrits... Vous avez extrêmement
bien traité les sommes des séries des nombres.
On pourroit venir à bout des
1 1
;, etc., parce
qu'on peut les faire dépendre des quadratures,1
et les quadratures peuvent se donner assez près*
de la vérité ; mais sur — , série la plus simple!
x
de toutes, je ne me satisfais pas encore... Après
les jeux qui dépendent uniquement des nombres,
viennent les jeux où entre la situation , comme
dans le trictrac , dans les dames , et surtout dans
les échecs. Le jeu nommé le solitaire m'a plu
assez.... Mais à quoi bon cela? dira-t-on. Je ré'
ponds : A perfectionner l'art d'inventer; car il
faudroit avoir des méthodes pour venir à boul
de tout ce qui se peut trouver par raison. Après
les jeux où n'entrent que le nombre et la situa'
tion , viendraient les jeux où entre le mouve-
ment, comme dans le jeu de billard, dans le jet)
(l) Commercium Epistol., etc. publié, par J.-B. Blot el
F. Lefort; Paris, 1858, in- 4°, p. î8B etsulv.
(I) Lettre à M. Bémond, Hanovre, î« Juillet PIS,
497
de paume,etc. Enlin, il serait à souhaiter qu'on
eût un cours entier des jeux traités mathémati-
quement.... Je crois, Monsieur, que vous aurez
été en Angleterre au beau spectacle de l'éclipsé;
mais je m'imagine que vous aurez encore pro-
fité du voyage en bien d'autres manières. Les
Anglois sont profonds, mais ils sont un peu gâtez
depuis quelque temps en s'appliquant trop aux
j controverses politiques et théologiques (1)... »
i Quelle éblouissante union du génie avec le savoir,
Ide l'érudition avec le bon sens! Toute sa corres-
pondance, aussi vaste que variée, est dans le même
genre. Il écrivait également bien en latin , en al-
lemand et en français. Mais c'est la dernière
langue qu'il préférait ; l'allemand paraissait avoir
;pour lui le moins d'attrait. Leibniz n'eut jamais
aucune vanité d'auteur : il avait l'esprit trop
(large pour cela. Au reste, il a déclaré lui-même
j« qu'écrire pour écrire n'est qu'une mauvaise
coutume, et écrire seulement pour faire parler
Ide nous est une vanité qui fait même du tort
(aux autres en leur faisant perdre leur temps (2) ».
Leibniz n'écrivait donc que pour être utile à ses
semblables; c'est ce qui explique les innombra-
bles projets qu'il avait mis en avant pour le pro-
jgrès et le bonheur du genre humain. Le plus
connu de ces projets, parce qu'il s'est réalisé
Iprès de cent ans après la mort de Leibniz, c'est
(celui de l'expédition d'Egypte.
Leibniz était encore un tout jeune homme,
(quand, en 1672, pendant son séjour à Paris, il
Isoumit à Louis XIV son projet dont M. de Pom-
Iponne lui accusa réception le 12 février. C'est
ice qui l'engageait à rédiger un mémoire plus dé-
faille (3) , à l'effet « de diriger vers l'Orient cette
lactivité que les puissances de l'Europe n'em-
jployaient qu'à s'entre-déchirer ». Il propose au
roi la conquête de l'Egypte, « cette Hollande de
(l'Orient, infiniment plus aisée que celle des Pro-
jvinces-Unies. Il faut à la France, ajoute-t-il, lapaix
en Occident, la guerre an loin.... La France perd
itoute son influence si elle n'obtient pas contre les
IBatâves une victoire complète, et compromet
(cette influence même par une victoire. En Egypte,
' (J) Lettre datée de Hanovre le 17 Janvier 1716, dans
\Recueil de diverses Pièces, etc., t. II, p. 194 et sulv.
I (J) Mémoire pour les personnes éclairées et de bonne
\intention ; dans M. Foucher de Carell , Lettres et Opus-
\cules inédits de Leibniz, p. Î85.
I (3) Sur le projet d'expédition en Egypte , présenté en
167s à Louis XIV par Leibniz. Voy. fi. F. Guhraaer
l( dans les Méro. de l'Acad. des Sciences morales et poli-
itiqurs, Recueil des savants étrangers, 1841, p. 679-767, et
Rapport de M. Mlgnet ,Mém.Ae la même Acad.,îe série,
t. II. Ce mémoire a été publié en 1840 à Paris par M. de
Iloffmanns. Les notes latines trouvées à la Bibliothèque
de Hanovre, déposées en 181S par Monge à la Biblio-
thèque de l'Institut de France, et publiées par M. Guhrauer
en 1839 à Hambourg, et en 1841 à Paris , partissent avoir
été les matériaux de ce mémoire. Ces notes latines ont
été traduites par M. Vallet de Vlriville et Insérées dans la
Hevue Indépendante , 1er mars i842. On y trouve, entre
autres, que Leibniz regardait la politique de la maison
de Habsbourg comme < une conspiration perpétuelle
contre les droits et les libertés des peuples •. Cornu.
H. Martin, Hist. de France, t. XV, p. sso et suiv. 1_-t
LEIBNIZ 498
au contraire , un échec , d'ailleurs presque im-
possible, n'aura pas grande conséquence, et la
victoire donnera la domination des mers , le
commerce de l'Orient et de l'Inde, la prépondé-
rance dans la chrétienté, et même l'empire d'O-
rient sur les ruines de la puissance ottomane.
La possession de l'Egypte ouvre le chemin à des
conquêtes dignes d'Alexandre : Y extrême fai-
blesse des Orientaux n'est plus un secret....
Il n'y aura donc point à hésiter, si le roi veut
devenir et l'admiration et l'arbitre de l'univers :
il faut feindre de menacer la Turquie ou Cons-
tantinople, et tomber comme la foudre sur
l'Egypte. » Le projet de Leibniz ne fut, comme
on sait, réalisé que par l'oncle de Napoléon III.
Convaincu que les hommes ne réussissent à
employer utilement leurs forces que par la vo-
lonté d'un seul, Leibniz continuait d'adresser ses
projets au plus grand prince de son siècle, à
Louis XIV. C'est ainsi qu'il l'engageait, dans
l'intérêt de la civilisation, à chasser de l'Europe
les Ottomans. « Peut-être, ajoute-t-il, qu'on
pourra retirer une partie de leurs peuples des
ténèbres et de la barbarie , pour les faire jouir
avec nous des douceurs d'une vie honnête et de
la connoissance du souverain bien , en rendant
à la Grèce , mère des sciences , et à l'Asie, mère
de la religion , ces biens dont nous leur sommes
redevables (1). » Il suggérait au même souverain
l'idée de publier, sous forme d'un grand Dic-
tionnaire, l'inventaire général de toutes les con-
naissances humaines, et de faire avancer les
sciences par la réunion des efforts partiels en
un seul faisceau : « la seule volonté d'un tel
monarque ferait ainsi plus d'effet que toutes
nos méthodes et tout notre savoir (2) ». Il vou-
lait aussi , ce qui a été exécuté de nos jours,
que les connaissances d'histoire naturelle, d'ar-
chéologie, etc., fussent exposées dans des Dic-
tionnaires illustrés : «. Il serait bon, dit-il, d'ac-
compagner les mots de petites tailles-douces
à l'égard des choses qu'on connaît par leur figure
extérieure ;... de petites figures comme de l'ache,
d'un bouquetin, etc., vaudraient mieux que de
longues descriptions de cette plante ou de cet
animal. Et pour connoltre ce que les Latins ap-
pellent strigiles, sistrum , tunica , pallium,
des figures à la marge vaudraient incomparable-
ment mieux que les prétendus synonymes,
Étrille, cymbale, robe, manteau (3). » II
avoua aussi, en passant, que, s'il avait eu le
choix, il aurait préféré l'étude de l'histoire natu-
relle, c'est-à-dire des lois que Dieu a établies dans
la nature à l'étude des lois et des coutumes que
les hommes se sont faites eux-mêmes (4). Enfin,
(1) Discours touchant la méthode de la certitude, dan*
les OEuvres phil. de Leib., édlt. par Raspe, p, 511.
(S) lbid., et dans Erdmann, Opéra Phil., L., 1. 1, p. 173.
(S) Nouveaux Essais sur l'Entendement humain, dans
Commer. Epist. L., Opéra phil., édlt. Erdmann, p. 335.
(4) Lettre à Rayle, dans Feder, p. 182. Leibniz ét.ilt
loin d'avoir été aussi étranger à l'histoire naturelle que sa
modestie l'insinue ici. Car ses réflexions mr la botanique
499 LEIBNIZ —
le rétablissement de l'Église par la réconciliation
des protestants avec les catholiques était au
nombre des projets favoris de Leibniz, ainsi que
l'atteste sa correspondance avec Pellisson , Bos-
suet etSpinola (1). Cette grave question est traitée
avec cette élévation et cette indépendance d'es-
prit qui le caractérisaient à un si haut degré (2).
En résumé , Leibniz est peut-être de tous les
penseurs celui qui a remué le plus d'idées, et
médité le plus profondément (3) sur le travail,
la mission et la destinée du genre humain.
Les écrits de Leibniz, aussi variés que nom-
breux , se trouvent dispersés dans les princi-
pales bibliothèques publiques et privées de l'Eu-
rope. La bibliothèque de Yienne et celle de
Hanovre surtout en contiennent beaucoup qui
pourraient le faire considérer comme le précurseur de
L. de Jussieu; le passage suivant eu est la preuve,: « Les
botanistes modernes croyent que les distinctions prises
des formes des fleurs ( système de Tournefort ) appro-
chent le plus de l'ordre naturel; mais Ils y trouvent
encore bien de la difficulté, et il seroit à propos de faire
des comparaisons et arrangements non-seulement d'a-
près le fondement des fleurs, mais encore suivant les
autres fondements pris des autres parties et circons-
tances des planies. » {Nouveaux Essais, p. 313, OEuvres
Phil., édit. Erdmann.)
(1) Cette correspondance a été publiée pour la pre-
mière fois, d'après les manuscrits originaux de la Biblio-
thèque de Hanovre, par M. le comte Foucher de Carell,
dans son édition des OEuvres de Leibniz (t. 1 ).
(2) On a souvent répété que Leibniz tenait surtout à
passer pour un grand théologien. La manière spirituelle
dont il se moque quelquefois des théologiens semble
prouver le contraire. A cet appui nous citerons de lui
le passage suivant : « Si quelqu'un venoit de la lune par
le moyen de quelque machine extraordinaire comme
Gonzalez, et nous racontoit des choses croyables de son
pays natal, il passeroit pour lunaire, et cependant on
pourroit lui accorder l'indigénat avec le titre d'homme,
tout étranger qu'il seroit à notre globe. Mais s'il deman-
doit le baptême et vouloit être reçu prosélyte de notre
loi, je crois qu'on verroit de grandes disputes s'élever
parmi les théologiens. Et si le commerce avec ces hom-
mes planétaires, assez approchants des nôtres, selon
M. Huygens, étoit ouvert, la question mériteroit un con-
cile universel , pour savoir si nous devrions étendre le
soin de la propagation de la foi jusqu'au dehors de notre
globe. Plusieurs y soutiendroient sans doute que les ani-
maux raisonnables de ce pays n'étant pas de la race
d'Adam, n'ont point de part à la rédemption de Jésus-
Christ; mais d'autres diront peut-être que nous ne sa-
vons pas aller ni où Adam a toujours été, ni ce qui a
été fait de toute sa postérité, puisqu'il y a eu même des
théologiens qui ont cru que la Lune a été le lieu du
paradis, et peut-être que par la pluralité on conclurolt
pour le plus sûr, qui seroit de baptiser ces hommes
douteux sous condition , s'ils en sont susceptibles. Mais
je doute qu'on voulût jamais les faire prêtres dans l'É-
glise romaine , parce que leurs consécrations seroient
toujours douteuses, et on exposeroit les gens au danger
d'une idolâtrie matérielle dans l'hypothèse de cette
Église. » (Nouveaux Essais, p. 315, édlt. Erdmann.)
(S) Dans une très-belle note intitulée : De l'usage de la
méditation, et publiée pour la première fois par M. le
comte Foucher de Careil (Lettres et Opuscules inédits de
Ijeibniz, p. 236) Leibniz donna lui-même de ce mot la
définition suivante : « Méditer c'est faire des réflexions
générales sur ce qui estetsur ce qu'on deviendra ;. . cal-
culer souvent la recette et la dépense de nos talents et
tmtter un marchand sage, qui rapporte toute la substance
de tous ses journaux dans un livre secret, afin d'y voir
d'un coup d'oeil tout Testai de son négoce... Je vois
que peu de gens méditent, soit parce qu'ils sont plongés
dans les plaisirs des sens, ou parce qu'ils se trouvent
embarrassés dans les affaires. »
LEICESTER
500
n'ont été mis au jour qu'assez récemment. Les
réunir en une édition complète est une tache
digne de tous les encouragements. Elle fut d'a-
bord tentée par L. Duteus : G. G. Leibnilii
Opéra omnia, nunc primum collecta, in clas-
ses distributa, etc., 6 vol. in-4°, 1768 et suiv.;j
Genève ( frères de Tournai ). Malgré son titre,
ce recueil est encore bien incomplet. Depuis
lors plusieurs savants se sont partagé la tâche:
J.-E. Erdmann publia les œuvres philosophiques
(G.-G. Leibnilii Opéra Philosophica qust\
exstanl ,latina , gallica, germanica; Berlin',
1840, in-4°); Perz, les OEuvres Historique
(Hanovre, 1843,in-fol. ); Gerhardt, les Œuvra
Mathématiques (Berlin, 18491850, in-8° ),
Parmi les éditeurs d'autres recueils partiels oi>
de pièces inédites de Leibniz, il faul citer Raspe
Desmaizeaux,Kortholt [Lettres), Feller (Otiun
Hannoverianum), Feller (Commercium Epis*
tolicum), Gruber ( Anecdola Boincburgica)
Guhrauer ( Leib. deutsche SchriJIen ), V. Cou^
sin, Firmin Didot ( Commerce Epistolaire d<
Leibniz avec Malebranche et le P. Lelong), An
chimbaud (Recueil de Pièces fugitives ); Gro
tefend, etc. Espérons que, grâce aux effort*
aussi persévérants que judicieux de M. le comte
Foucher de Careil, qui a consacré plusieurs an
nées à l'exploration des principales bibliothè
ques de l'Allemagne, la France aura la gloin
de donner une édition des Œuvres complète*
de Leibniz. Le 1er volume, sorti des presses
de MM. Firmin Didot, doit paraître prochaine*
ment (1). F. Hoefer.
Les OEuvres de Leibniz. — Fontenclle, Éloge d<
Leibniz. — De Jaucourt. Fie de Leibniz, en tète de fc|
Théodicée , édit. de Lausanne, 1760, suivi d'un catalogue
des écrits de Leibniz. — Recueil de diverses Pièces surit,
philosophie, etc.; Amsterd., 174Ô — Guhrauer, Biogra-
phie de Leibniz , 1846.— Pour plus de sources, voy
M. Foucher de Careil, préface aux Lettres et Opusculell
inédxtsde Leibniz, et OEttinger, Bio-Bibliotiraphie.
LEICESTER. VOIJ. COXE, DtJDLEY et MONT*
FORT.
leicester (Pierre), historien anglais, né
dans le Cheshire, le 3 mars 1638, mort le 1 1 oc*
tobre 1678. Il passa sa vie dans ses terres,
s'occupant de recherches historiques. On a de'
lui : Hislorical Antiquities in two books :■
the first treatingin gênerai o/Great Britain
and lreland; the second containing parti-
cular remarks concerning Cheshire; Londres,
1666, in-fol. Th. Maynwaring ayant atlaqué
quelques-unes des opinions émises dans cet ou-
vrage, Leicester lui répondit par deux brochures
publiées à Londres, l'une en 1660, l'autre en
1674. E. G.
Wood, Athense Oxonienscs.
(1) M. le comte Foucher de Careil a déjà publié
comme essais préparatoires à sa grande entreprise : Let-
tres et Opuscules, etc., 1854, précédés d'une préface bi-
bliographique et d'une excellente introduction, qui fait
parfaitement connaître les doctrines philosophiques de
Leibniz; Réfutation inédite de Spinoza par Leibniz,
1854; et Nouvelles Lettres et Opuscules inédits, etc.,
1857.
,01
LEICH — LEICHNER
502
leicb (Jean-Henri), érndit allemand, ué à
,eipzig, le 6 mars 1720, mort le 10 mai 1750. Il
tudia a l'université de sa ville natale les belles-
ettres, les langues orientales, l'histoire, la théo-
ogie et la philosophie, science qu'il fut appelé,
n 1748, à enseigner dans cetle même univer-
ité. Il était membre de l'Académie de Bologne,
t entretenait une correspondance suivie avec
ss cardinaux Passionei et Quirini, ainsi qu'avec
lori, Brucker et divers autres savants distin-
ués. On a de lui : De Origine et Incrementis
"ypographise Lipsiensis; Leipzig, 1740; —
pecimcn notarumet emendalionum ad grse-
as inscripttones a Muratorio éditas, dans
^s Nova Mïscellanea Lipsiensia, année 1742.
agenbuch ayant attaqué quelques-unes des
pinions exprimées dans cette dissertation par
,eich, celui-ci répondit par un mémoire inséré
la suite de ses Sepulcralia; — De diptychis
eterum et de diptycho, card. Quirini dia-
ribe; Leipzig, 1743, in-4°; — Sepulcralia
'arniina ex Anthologia grseca, cum versione
itina et notis; Leipzig, 1745, in-4°; — De
ita et Rébus gestïs Constantini Porphyro-
eniti; Leipzig, 1746, in-4° ; réimprimé à la
rite de l'édition des Constantini Porphyroge-
iti libri duode Caerimoniis Aulse Byzantinse,
ui, commencée par Leich, fut achevée par
eiske , Lepzig, 1751, in-fol. ; — Diatribe in
'hotii Bibliotkecam ; Leipzig, 1748, in-4\
eich a donnée une édition estimée du The-
iurus Eruditionis scholasticx de B. Faber;
rancfort, 1749, 2 vol. in-fol. , et publié de
jmbreux articles sur diverses matières d'éru-
ition dans les Acta Eraditorum. E. G.
Memoria Leichii (Leipzig, 1751, in-fol.; réimprimé
ins les Beytràge zu den actis historico-ecelesiasticis ;
Telmar, 1750). — Elogivm Leichii ( dans les Nova Acta
ruditorum, année 1752. — JOcher, Allgem. — Sax,
nomnsticon, t. VIÎ, p. 20.
leichner (Eccard), naturaliste et péda-
jgue allemand, né le 15 janvier 1612, à Salt-
mgen en Thuringe , mort à Erfurt, le 29 août
S90. Destiné par ses parents à l'état ecclésias-
que, il commença en 1631 l'étude de la théo-
rie à Strasbourg ; mais deux ans après il se
lit à suivre des cours de médecine, science à
quelle il résolut de se consacrer. Après avoir
îivi de 1636 à 1638 à léna les leçons du célèbre
ollfincken, il se mit à pratiquer la médecine
îccessivement à Weimar, Nordhausen et à Or-
ruff. En 1643 il se fit recevoir docteur à léna;
cois ans après, il fut appelé à enseigner la mé-
ecineà l'université d'Erfurt, fonctions auxquelles
joignit eu 1 659 celles de médecin pensionné
e cette ville. Leichner possédait des connais-
ses étendues; mais, obstiné dans ses opinions,
se donna le tort de combattre avec aigreur
s idées de Descartes et nier les découvertes
;ientifiques de Van Helmont et de Harvey. En
syancheil s'appliquait avec zèle à faire réformer
:s méthodes d'enseignement usitées dans les
olléges et dans les universités. Parmi ses nom-
breux ouvrages nous citerons : De Motu San-
guinis, exercilatio anti-harveiana; Arnstadt,
1645 et 1665, in-12; léna, 1653, in-12; — De
Generatione Animalium , Plantarum et Mi-
neralium multiplicatione,exercitationes an-
Hperipaîeticae ; Erfurt, 1649, in-4°; — De.
indivisibili et totaii cujusque animée in tolo
suo corpore et singuiis ejus partibus exis-
tentia; Erfurt, 1650, in-12; — Isagogicum de
philosophica seu apodictica scholarum emen-
datione; Erfurt, 1652, in-4°; — Hypomne-
mata Vil de cordis et sanguinis motu; léna,
1653, in-12; — De tempore magorum gui
Christum adorarunt Commentatio; Arnstadt,
1655, in-12; — De apodictica philosophica
scholarum Emendatione, liber primus; Er-
furt, 1662, et Francfort, 1688, in-4° : cet ouvrage
fut suivi de huit opuscules sur le même sujet,
parmi lesquels nous mentionnerons : Gymna-
sium gemens sub tralatitias logices perindi-
gno pariter ac sontico seu antanalytico
onere; Erfurt, 1688, in-12, et Prosphonesis
analylica ad cordatiores gymnasii anlistiles
de probatione signorum hujus temporis ;
Erfurt, 16S9, in-12; — Tyronicium analyli-
cum, seu vene logices prima queeque ele-
menta; Erfurt, 1666, in-8°; Francfort, 1688,
in-8°; — Anticorollarium Kippingianum, seu
animadversiones in Corrotario de Sanguinis
Motu H. Kippingii; Erfurt, 1672, in-4°; —
Epicrisis super undecim disputationibus rae-
dicis Fr. de Le Boë Sylvii; Erfurt, 1676, in-12;
— Anticartesius, seu de natura rediviva per
vindicationemabinternecinis Cartesii; Erfurt,
1686, in-4°. Leichner a encore publié une ving-
taine de dissertations sur divers sujets de mé-
decine. E. G.
Harteufels, Programma funèbre in l.eicfmeri obitum.
— Biuntes P'itse Eraditorum Erfurtensium (continua-
tio I, p. 157). — Motschmann, Erfordia Litteruta, t. I.
— Zedler, Universal Lexihon.
leichner (Jean - Georges- Henri- Théo-
dore), peintre allemand, fils du précédent, né
le 26 janvier 1684, à Erfurth, mort le 26 octobre
1769, à Leipzig. Destiné à la peinture, pour la-
quelle il montrait de l'inclination, il eut pour
maître Hildebrand, et se rendit à seize ans
à Leipzig pour se perfectionner sous la direc-
tion du portraitiste Leschner, dont il épousa
la fille. Le premier ouvrage qui le fit connaître
avantageusement fut un portrait de Charles XII.
Pahlmann, qui jouissait alors d'une grande ré-
putation à Leipzig, s'attacha Leichner et le fit
travailler plusieurs années dans son atelier, où
il copia beaucoup de tableaux de van der Werf,
de Mieris , de van Huysum , de Kuysch ; il y en
eut plusieurs dans le nombre qui furent vendus
pour des originaux. On n'a guère vu de copistes
saisir aussi bien que lui la manière et le coloris.
Ce. talent le rendit cher aux amateurs, qui l'em-
ployèrent à enrichir ou à restaurer leurs gale-
ries. N'ayant jamais eu le temps d'étudier la
nature, il réussissait beaucoup moins quand il
503
LEICHNER — LEIGH
504
la prenait pour modèle. Vers la fin de sa vie il
devint aveugle, et serait tombé dans le dénûment
si quelques personnes aisées n'étaient venues à
son secours.
Il eut. un fils, Henri, mort en 1768, qui
manifesta de belles dispositions ; mais des excès
abrégèrent sa carrière. K.
Nette Sibliothek der Sch. Ifissensch., II, 342. — Ga-
zettevniv. de Littér. de Deux- Ponts, 1772.
lëidradk, prélat français, mort à Saint-
Médard de Soissons, vers le milieu du neuvième
siècle. On ne sait pas s'il était d'une famille,
humble ou illustre, bien qu'il paraisse avoir
occupé quelque emploi considérable à la cour
de Charlemagne avant d'être envoyé gouverner
l'église de Lyon. Adon devienne, son contem-
porain , l'appelle, en effet, vir sasculari digni-
tati intentissimus tthonori reipublicx utilis.
Mais il était dans les habitudes de Charlemagne
d'accorder les plus hautes marques de sa con-
fiance à des gens de la plus basse condition :
ce prince honorait avant tout le mérite person-
nel. On suppose, d'ailleurs, que la charge au-
lique de Leidrade était celle de bibliothécaire.
Il fut nommé archevêque de Lyon en l'année
798 par Charlemagne lui-même, suivant la cou-
tume de ce temps-là : les évêchés étaient deve-
nus des préfectures ecclésiastiques. Aussitôt
après sa nomination, Leidrade fut envoyé dans
la Gaule Narbonnaise, avec le titre de missus
dominicus. Le roi l'avait associé dans cette
mission à Théodulfe, évoque d'Orléans, un des
plus beaux esprits de la cour, qui nous a laissé
une relation poétique de leur voyage. De retour
à Lyon, Leidrade fut consacré en 799. Il se ren-
dit ensuite à Urgel, en Espagne, dans la compa-
gnie de Nebridius , archevêque de Narbonne et
de Benoît, abbé d'Aniane. Ils allaient combattre
l'évêque Félix en présence de son clergé, au
sein même de son église. On ne sait trop com-
ment ils procédèrent contre cet hérétique cé-
lèbre ; ils réussirent toutefois à le convaincre
que sa cause était fort compromise, et, par
leurs conseils, il traversa la Gaule, se rendit à
la cour d'Aix-la-Chapelle, et abjura ses senti-
ments hétérodoxes. Le succès de cette négocia-
tion fit beaucoup d'honneur à Leidrade : aussi
fut-il chargé l'année isuivante d'une nouvelle
mission en Espagne. Il importait cependant qu'il
revint au plus tôt se consacrer au gouvernement
de son diocèse, où n'avaient pas encore été in-
troduites les réformes ordonnées par Charle-
magne. Le premier soin de Leidrade, dès qu'il
fut définitivement établi sur son siège, fut d'ins-
tituer des écoles de lecteurs et de chantres. Les
lecteurs devaient enseigner à la jeunesse les
lettres sacrées, et lui faireaussi connaître quelque
chose des lettres profanes, en exposant les prin-
cipes de la grammaire , de la poésie, de l'art
oratoire , et de la philosophie : nous avons lieu
de croire en effet que Leidrade, après avoir
vécu dans le palais , eut à cœur d'observer à
Lyou la méthode de l'école palatine, et de faire
apprendre à ses clercs tout ce que pouvaient
leur transmettre les meilleurs maîtres. Quant
aux écoles de chantres, ils devaient, suivant les
prescriptions impériales, former leurs élèves au
chant grégorien. Les historiens de l'église de
Lyon ajoutent que Leidrade enrichit de précieux
manuscrits la bibliothèque métropolitaine, et
qu'il releva les ruines des édifices religieux. En
outre, il contribua très-efficacement à la restau-
ration du monastère de File Barbe , qu'avaient
détruit les Sarrasins, et fonda deux nouveaux-
monastères de filles , celui de Saint-Georges et
celui de Saint-Pierre. Leidrade était devenu un
des personnages les plus considérables de l'em-
pire, lorsqu'il fut appelé, vers l'année 811, à Aix-
la-Chapelle, et eut l'honneur de souscrire le tes
tament de Charlemagne. On peut supposer qu'il
avait été consulté sur les dispositions principales
de. cet acte. Nous savons en effet que. Charle
magne, si jaloux qu'il fût de son autorité, nei
s'arrêtait jamais à une grande résolution sans;
avoir auparavant pris l'avis de son conseil. A
la mort de Charlemagne, Leidrade résolut d'abdi
quer le gouvernement de son église. Ayant donc
recommandé pour son successeur le docte Ago-;
bard, qu'il avait eu pour chorévêque, il se retira
dans l'abbaye de Saint-Médard de Soissons, où
il mourut. L'année de sa mort est incertaine.,
Le nécrologe de l'église de Lyon la mentionne
au 24 décembre.
11 nous reste de Leidrade quatre lettres : deux
publiées par Baluze dans le recueil des Œuvres
d'Agobard , et deux autres insérées par MabilloE.
dans ses Analecta. L'Histoire Littéraire de
la France en a fait connaître le contenu. B. H.1
Ilist. Littér., t. IV, p. 433. — Gallia Christiana, t. IVi
col. 62.
leigh (Edouard), théologien anglais, né 1(
23 mars 1602, à Shawell, comté de Leicester
et mort le 2 juin 1671, dans son domaine d<
Bashall, comté de Stafford. Il commença pai
prendre part aux agitations politiques de soi
temps. Nommé, en 1640, par le bourg de Staf-
ford, membre du parlement, il fit d'abord partii
de l'opposition ; plus tard la crainte des malheur;
de la guerre civile lui fit adopter des idées d<
conciliation. Il fut un des membres du long par
lement qui allèrent trouver le roi à Oxfon
(1643). Enfin, il fut compris dans l'épuration qui
les indépendants firent subir à cette assemblé»
en 1648, et fut retenu en prison jusqu'en 1660
Quoiqu'il ne fît pas partie du clergé, il s'occup;
constamment de l'étude de la théologie, vers la
quelle un goût naturel l'entraînait. De ses nom
breux écrits , on cite principalement les sui
vants : Select and choice Observations concer
ning the first twelve Csesars; Oxford, 1635
in-8°;2e édit, avec des additions de l'auteu
et quelques-unes de son fils Henri, sous le titre
Analecta Cscsarum romanorum ; 1657, in-8°
deux autres édit., avec de nouvelles additions
505
LEIGH — LEIGHTON
506
— Treatise of divins Promises; Londres, 1633,
m-8°; — Critica sacra, or the hebrew words
of the old and of the greek oj the New Tes-
'ament; Londres, 1639, in-4° ; Ie édit. augmentée,
1650, in-fol. à laquelle il faut joindre un sup-
plément imprimé en 1662. Henri Middoch tra-
jiuisit cet ouvrage en latin, et lui donna une nou-
velle disposition; Gotha, 1735, in-'i°; plusieurs
liutres éditions. Louis de Wolzogue, professeur à
proningue, en traduisit en français une partie
bubliée sous ce titre : Dictionnaire de la langue
jointe, contenant ses origines, avec des obser-
vations ; Amsterdam, 1703, in-4° ; et réimprimée
î la suite du Diction, universel de philologie
\acrée de Ch. Huré. Malgré son grand succès ,
la Critica sacra de Leigh n'a pas une grande
Valeur; son principal mérite est d'indiquer un
lissez grand nombre A'usus loquendi de la
langue hébraïque et de rapprocher des expres-
sions et des tournures de phrases employées
Jlans le Nouveau Testament de tours et d'expres-
jions semblables de la version des Septante ; —
il Réalise of Divinity in 3 books ; Londr.,
1646, in-4°; — A System or body of divinity
m 10 books; Londres, 1654, in-fol.; — Anno-
tations on ail the Nev> Testament ; Londres,
(650, in-fol.; trad. en latin par Théod. Arnold,
feipz, 1732, in-8°; — Annotations on the five
Voetical books ofthe Old Testament; Londres,
]687, in-fol. M. Nicolas.
j Chalmers, General Biography.
j leigh {Michel), poète et théologien norvé-
gien, vivait dans la seconde moitié du dix-sep-
tème siècle. Il fut recteur à Stavangern en Nor-
jège, et devint en 1701 professeur de théologie
I Christiansand. On a de lui : De Donariis ; Co-
penhague, 1677 ; — De Astrologia ; ibid., 1678 ;
I- De Anima separata; ibid., 1679; — Epi-
irammatum Libri III; ibid., 1680; — Men-
keskens Dag og Nat, Liv og Dœd (Jour et
Suit: Vie et Mort de l'homme); ibid., 1682; —
$thica Christiana; ibid., 1684; — Anàlysis
kibliorum; Amsterdam, 1696; — Epigram-
kata sacra; ibid., 16.96; — Commentarium
fn prophetam Obadiam; Copenhague, 1696,
jb-4°; — Conspectus erudilorum qui publica
H ecclesiis Norvégiens officia a reformatione
\rnarunt; 1701. K.
I Danske Magazin.
I leigh {Charles), naturaliste anglais, né dans
je Lancashire, vers 1660. Il passade l'université
jl'Oxford à celle de Cambridge, y prit ses grades
fn médecine, et alla exercer à Londres, où il ac-
quit une réputation considérable. On ignore l'é-
Iroque de sa mort. Il avait été admis en 1685 à
a Société royale. On a de lui : The Natural
iistory of the counties of Lancashire, Che-
hire and the peak in Derbyshire ; Londres ,
700, in-fol., fig.; — Phthisiologia Lancastrien-
is; Londres, 1682, in-4";— Tentamen phïlo-
ophicum de Mineralibus Aquis; Oxford, 1682,
it Leipzig, 1684 : ce* deux opuscules ont été
réimprimés dans les Œuvres de Richard Mor-
ton; Venise, 1733, in-4'; — Exercitationes
quinque de Aquis Mineralibus, ihermis cali-
dis , morbis acutis , tnorbis intermittentibus ,
hydrope, etc.; Londres, 1697 ; — « History of Vir-
ginia; ibid., 1705, in-12, faite d'après les obser-
vations recueillies par l'auteur durant un voyage
en ce pays ; — Observations about the natron
of Egypt and the nitrian water, dans les
Philosophical Transactions. P. L — t.
Athense Oxonienses, II. — Gough, Topography. —
Pultney , Sketchet nf Bolany.
leighton ( Alexandre ), controversiste
écossais, né à Edimbourg, en 1568, mort vers
1649. II fut élevé à l'université d'Edimbourg, et
devint, en 1603, professeur de philosophie mo-
rale. Il quitta cette place en 1613, et se rendit
à Londres, où il fut pendant une quinzaine d'an-
nées prédicateur d'une assemblée de calvinistes.
II pratiqua en même temps la médecine; mais le
collège des médecins lui interdit l'exercice de
cette profession, bien qu'il se prétendît docteur
de l'université de Leyde. En 1629 il publia deux
libelles, Zion's Plea et The looking-glass of
the holy vmr, dans lesquels il s'élevait avec
violence contre les persécutions dont les non-
conformistes étaient l'objet. Il appelait les évo-
ques des hommes de sang, et déclarait qu'en
aucun temps, chez aucun peuple, les hommes de
Dieu n'avaient souffert de plus cruelles persécu-
tions qu'en Angleterre depuis la mort d'Elisa-
beth. Leighton, traduit pour ces deux libelles de-
vant la chambre étoilée, fut l'objet d'une des plus
barbares sentences prononcées par cette commis-
sion. Il s'échappa, mais il fut bientôt repris, et
la sentence reçut son exécution. En voici le récit
d'après les historiens contemporains. Leighton
fut rigoureusement fouetté avant d'être mis au
pilori. Attaché au pilori, il eut une oreille coupée
et une aile du nez fendue ; on lui marqua sur la
joue avec un fer rouge les deux lettres S. S. (se-
meur de sédition). Huit jours plus tard il fut
fouetté de nouveau , et remis au pilori où le
bourreau lui coupa l'autre oreille, lui fendit
l'autre aile du nez, et lui marqua l'autre joue.
Leighton resta onze ans en prison. Le parle-
ment l'en fit sortir, lui accorda une indemnité
de 6,000 1. s. et le nomma gouverneur du palais
Lambeth,qui était alors une prison d'État. Cer-
tains récits le font mourir fou en 1644 ; d'autres
le font vivre jusqu'en 1649. Z.
Broolc, Lives 0/ the Puritains. — Chalmers, General
Biographical Dictionary.
leighton {Robert), prélat écossais, fils du
précédent, né en 1613, mort en février 1684. Il
n'eut rien du violent esprit de secte qui avait
conduit son père devant la chambre étoilée et
au pilori. Il s'efforça au contraire de se dérober
aux passions religieuses du temps, et tandis que
ses confrères prêchaient sur les événements du
jour, il ne voulut, suivant son expression, parler
qu« de l'éternité. Cette modération n« pouvait
507
LEIGHTON
plaire aux covenantaires, qui dominaient alors en
Ecosse, et Leigliton, quittant sa petite paroisse
de Newbottle près d'Edimbourg, alla vivre dans
la retraite. Les magistrats d'Edimbourg l'en ti-
rèrent en le nommant principal de l'université.
Leigliton remplit ces fonctions pendant dix ans
avec beaucoup d'honneur. Lorsque Charles II
songea à rétablir Pépiscopat en Ecosse, il s'a-
dressa à Leigliton, qui ne voulut accepter que le
plus obscur des évêchés écossais , celui de Dun-
blane. Jl espérait qu'à force de patience et de
concessions il parviendrait à réconcilier les
presbytériens et les épiscopaux, ou du moins
qu'il les amènerait à se tolérer mutuellement.
Déçu dans cet espoir, il porta sa démission à
Charles II, qui, au lieu de l'accepter, le nomma
archevêque de Glasgow, en 1670. Leighton céda
aux instances de Charles II; mais en 1673, trou-
vant que le fardeau devenait chaque jour plus
pesant, il alla encore à Londres solliciter la per-
mission de se démettre de son archevêché. Le
roi, sans y consentir, lui promit que si après
une nouvelle année d'épreuves, il persistait dans
sa résolution, il pourrait l'exécuter. L'année se
passa, et Leighton, libre enfin, quitta son arche-
vêché pour aller vivre près de sa sœur à Bread-
hurst, dans le comté de Sussex. H passa les
dernières années dans une stricte retraite, parta-
geant son temps entre l'étude , les exercices de
piété et les actes de bienfaisance. Il mourut pen-
dant un voyage à Londres. Leighton fut un des
premiers prédicateurs de son temps. Son beau
Commentaire sur la première É pitre de
saint Paul a été souvent réimprimé; ses autres
ouvrages théologiques sont encore lus et estimés.
La meilleure édition de ses Œuvres complètes
a été publiée à Londres, 1808, 8 vol. in-8°;
avec la vie de l'auteur par G. Jerment. Z.
Burnet, History of his own Urnes. — Laing, History
of Scotland. — Chalraers, General Biographical Dictio-
nary.
EE1MNGEN. Voy. LlNANGE.
LEiNSTiEti (William-Bobert Fitz-Gerald,
duc df. ), homme politique anglais, né en 1749,
mort le 20 octobre 1805. Il appartenait à l'une
des familles les plus illustres d'Irlande et était
allié, du chef de sa mère, fille du duc de Rich-
mond, aux races royales des Brunswick et des
Stuart. Après avoir terminé ses études à Eton
et à Cambridge, il visita plusieurs cours de
l'Europe, et se trouvait en Italie lorsqu'il fut, en
1768, nommé député parles francs-tenanciers de
Dublin, malgré la concurrence du riche banquier
John Latouche. On prétend que chacun des deux
candidats dépensa dans cette élection plus de
cinq cent mille francs. Il siégea pendant huit
ans à la chambre des communes, et passa, à la
mort de son père (1776), à la chambre haute en
même temps qu'il échangeait le nom de Kildare
contre celui de duc deLeinster. Dévoué au parti
tory, il devint en 1779 inspecteur général des
milices de Dublin , et plus tard maître des rôles
— LEISMANN 508
et clerc de la couronne en Irlande. Ce fut lui
qui, en 1795, fit bâtir dans le comté de Kildare
la petite ville de Maynooth, à laquelle, quoique
protestant, il concéda un vaste terrain pour l'é- u
tablissement d'un collège destiné à l'éducation
des jeunes catholiques. K.
Burke, Peerage. — Genlleman's Magazine, 180S.
leisewitz (Jean- Antoine), poète tragique
allemand, né à Hanovre, le 1er mai 1752, mort à
Brunswick, le 10 septembre 1806. Il étudia la
jurisprudence àGœttingue, où il se lia avec Hôlty,
Bùrger et plusieurs autres poètes, qui unissaient,
à cette époque leurs efforts pour l'épuration
du goût littéraire en Allemagne. Entré en 1777,
à Brunswick, dans les bureaux de l'administra-
tion, il fut placé en 1790 à la chancellerie se-
crète avec le titre de conseiller aulique. En
1801 il devint conseiller de justice, et enfin en
1805 président du comité de salubrité. Lei-
sewitz s'est fait connaître par sa tragédie Jules
de Tarent e, qu'il présenta en 1774 au concours
institué par Schrœder pour la meilleure pièce
ayant pour sujet un fratricide. Il n'obtint pas le
prix , qui fut décerné à Klinger ; mais en re-
vanche son drame fut hautement apprécié par
Schiller et par Lessing , qui d'abord l'avait at-
tribué à Gœthe. Leisewitz n'en resta pas moins
découragé par l'échec qu'il venait de subir, et
il cessa presque entièrement de s'occuper de
travaux littéraires. Dans son testament il ordonna
la destruction de tous ces papiers. On a de lui :
Juliusvon Tarent, -Leipzig, 1776, et 1828, in-S°;
traduit en français dans le Nouveau Théàtrk
allemand. — Leisewitz a aussi publié quelques
pièces de poésie et deux nouvelles dans le Gôt-
tinger Musen-Almanach. — Ses Œuvres ont
paru à Vienne en 1817, in-12, et à Brunswick,1
1838, in-12, avec une biographie del'auteur écrite
par Schweigger. E. G.
Jûrdens, Jœxikon dentsrher Dichter, t. III et VI.—
Wleland, JVeuer dcutscher Mercur (année 1806, t. III).
— Schiller, Braunschiceigische schône l.iteratvr, p. 113.
leismainn (l) ( Jean- Antoine), peintre aller
mand, né en 1604, à Salzbourg, mort en 1698, à,
Venise. Après avoir pendant quelques années,
étudié les mathématiques et s'être appliqué au
dessin, il s'adonna à la peinture de paysage.;
Ayant échangé le séjour de Salzbourg pour celui
de Munich, il y peignit divers tableaux pour h
cour de l'électeur, notamment deux paysagei
conservés aujourd'hui dans la galerie de Schleis-
heim. Il s'établit ensuite à Venise, où il se "
avec un certain Mathia Brisighella, dont il adopta!
le fils, nommé Charles (2). Avec ce dernier il
(1) Son véritable nom était Eismann; on le fit précédei
d'un L pour l'italianiser.
(S) Ce Charles Brisighella prit le nom de son pèr<
adoptif, auprès duquel il spprit l'art de la peinture. Il
habita quelque temps Vérone, publia à Ferrare, en 1706,
une Description des tableaux conservés dans les éolise:
de cette ville. Il a laissé des paysages , des batailles ei
de» marines; comme tl a suivi la manière de son péri
adoptif.il est quelquefois très- difficile , quand on ren
contre des toiles signées Leismann, sans désignation df
509
LEISMANN
alla passer plusieurs années à Vérone, où il
exécuta des tableaux remarquables , dont quel-
ques-uns ont été décrits dans les Vite dei Pit-
torl Veronesi de Pozzo ( p. 298 ). Les oeuvres
de Leismann, parmi lesquelles on compte plu-
sieurs batailles, se trouvent en partie en Italie,
en partie à Salzbourg et dans les châteaux des
environs; elles se distinguent par une touche
spirituelle, une grande hardiesse de pinceau et
beaucoup de mouvement, qualités qui permet-
tent de leur assigner un rang honorable immé-
diatement après les toiles de SalvatorRosa, dont
elles rappellent la manière. E. G.
Nagler, Mlgem. Kûnstler-Lexikon.
leissègues ( Corentin- Urbain- Jacques-
Jlertrand de), amiral français, né à Hanvec
(Bretagne), le 29 août 1758, mort à Paris, le 26
mars 1832. II entra dans la marine militaire en
1778, et sur la frégate La Nymphe ht une cam-
pagne sur les côtes dé l'Afrique occidentale. En
1780 il était lieutenant à bord de la frégate La
Magicienne, en croisière dans la Manche, où elle
lit beaucoup de mal aux Anglais. De 1781 à
1784, passé sur Le Sphinx, de Leissègues com-
battit sous les ordres du bailli de Suffren, as-
sista à six actions importantes, et reçut une bles-
iure à la tête. En 1792, au lieu d'émigrer comme
a plupart des officiers de la marine française, il
iccepta le commandement du brick Le Furet
:t rendit sur les côtes de Terre-Neuve de grands
iervices à sa patrie. En 1793 il fut nommé ca-
>itainede vaisseau, convoya les commissaires de
a Convention envoyés aux Antilles, et reprit la
Guadeloupe sur les Anglais. Ce fait d'armes lui
alut le grade de contre-amiral (16 novembre)
t le commandement supérieur des îles du Vent,
ommandement qu'il occupa jusqu'en 1798,
Ipoque de son retour en France. En 1802, il fut
thargé d'une mission moitié pacifique , moitié
lelliqueuse sur les côtes des États barbaresques ;
il sut obtenir satisfaction partout où il se pré-
jenta ; il transporta ensuite à Constantinople
e maréchal Brune, envoyé en ambassade au-
près du sultan Sélim III. Il revint ensuite dans
1 Manche, où il rallia les vaisseaux desti-
jés à grossir la flotte de l'amiral Gantheaume.
I s'agissait alors d'une descente en Angleterre.
Sïe projet abandonné, Leissègues sortit du port
le Rochefort (décembre 1805) avec cinq vais-
rleaux, deux frégates et une corvette pour por-
ter des renforts à l'île Saint-Domingue. Une
i jiolente tempête dont il fut assailli à la hau-
I pur des Açores endommagea la plupart de ses
avires, et avant d'avoir pu les réparer, il fut at-
iqué le 6 février 1806 dans la baie de Santo-Do-
lingo par l'amiral Duckworth, qui commandait
îpt vaisseaux , deux frégates et deux sloops ;
soutint le combat pendant deux heures et pér-
it trois vaisseaux ; il fit échouer les deux au-
*énom, de déterminer si elles sont dues à Charles ou à
sain- Antoine.
— LE1TAO 510
très, qu'il incendia; les frégates et la corvette
s'échappèrent. De retour à Bordeaux (septembre
1800), Leissègues fut chargé, de 1809 à 1811, de
la défense de Venise ; il y réussit et passa aux
Iles Ioniennes, qu'il ne quitta qu'en 1814. Mis
à la retraite en 1816, il se tint éloigné de toute
fonction publique. A. de L.
Girard, fie des Marins français les plus célèbres. —
Histoire générale de la Marine.
leitao de anmrame ( Miguel ), écrivain
portugais, né en 1555, à Pedro^âo, bourgade du
diocèse de Coïmbre , mort après 1629. Il était
encore à l'université de Coïmbre lorsqu'il eut
connaissance de l'expédition de D. Sébastien;
il s'engagea comme volontaire , se battit bra-
vement à la journée de Alcaçar-Kebir, fut fait
prisonnier et conduit à Fez. Il parvint à s'en-
fuir, et gagna Melilla, où il put s'embarquer
pour le Portugal. Attaché au service du pré-
tendant, D. Antonio, en qualité de gentilhomme,
il suivit la fortune de ce prince, qui fut roi tout
juste, assez de temps pour faire frapper quel-
ques monnaies de cuivre à son effigie et suc-
comber dans sa lutte contre Philippe II. Saisi
par ordre de Manoel da Sylva, garde de la
frontière, de Santarem, Leitâo fut mis en prison,
d'où il réussit à s'évader. La dernière partie de
sa vie fut moins agitée que la première : il épousa
à un âge déjà avancé une de ses parentes, dont
il n'eut pas d'enfants, et mourut commandeur
de l'ordre du Christ sous le gouvernement de
Philippe.
Sous le titre de Misce.llanée , il nous a laissé
des espèces de mémoires contemporains, qui
touchent à beaucoup de traditions locales. Ils ont
pour titres : Miscellanea do Sitio de Nossa,
senhora da Luz do Pedrogâo grande, apare-
cimento da sua santa imagr.m , Jundaçâo do
seu convenlo e da Se Lisboa, expugnaçào
délia. Perda del Rey D. Sebastido. E que
foi noboeza, Senhor, Senhora vassallo del
Rey, Rico homem , Infançon , corle, cortezia,
Misura, Reverencia, e lirar o chapeo , e
prodigios, com tmiitas curiosidades epoesias
diverses; Lisbonne, 1629, in-4". L'auteur a
laissé entrevoir dans ce titre, étrangement dé-
taillé, ce qu'on doit chercher dans son livre, une
série de curiosités historiques. F. D.
Barbosa Machado, Hibliotheca lusitana. — Catalogo
dos autores, dans le Grand Dictionnaire de la langue
portugaise. — Mapa de Portugal.
leitao ferreira ( Le P. Francisco),
écrivain portugais, né à Lisbonne, en 1667, mort
en 1735. Il embrassa la vie ecclésiastique, et se
fit remarquer par son amour pour l'étude.
Nommé curé de l'une des paroisses de Lisbonne,
il s'occupa surtout de l'histoire ecclésiastique et
de l'histoire universitaire. On a de lui : Nova
Arte de Conceitos ; Lisbonne, 1718 et 1721,
2 vol. in-8° ; — Catalogo dos Bispos de Coim-
bra; Lisbonne, 1724 , in-fol. ; — Noticias chro-
nologicas da universidade de Coimbra; Parte
primeira, que comprehende os annos que
511
LEITAO — LE JAY
&12
discorrem desde 1288 atè principios de 1537 ;
LisboDne, 1729, ia-fol.
Barbota Machado , Bibl. lusit.
LÉITH-ES-SOFFAR OU ES-SAFFAR, fonda-
teur de la dynastie persane des Soffarides , mort
vers 860, dans la province de Sistan ou Séges-
tan. Soffar, en langue arabe, signifie chaudron-
nier ou fondeur de laiton). C'était la profession
de Léith, qui, d'après quelques ;uiteurs, serait
resté paisiblement dans sa boutique, et aurait
exercé son métier jusqu'à sa mort. Selon ces
mêmes auteurs, les faits que nous allons raconter
de Léith , ainsi que la fondation de la dynastie
des Soffarides, ne doivent être attribués qu'à
l'aîné de ses fils, Yakoub-ben Léith. Ceux qui
les attribuent au contraire au père racontent
que, dégoûté d'un métier sédentaire et grossier,
peu conforme à son génie actif et élevé, Léith
préféra à l'honneur d'exercer une profession
utile l'espèce de gloire qu'il espérait retirer des
exploits hardis de chef de brigands. La bande
de Léith devint bientôt la plus redoutée de tout
le pays ; mais son chef sut acquérir en même
temps une grande réputation de générosité par
la manière humaine dont il traitait les personnes
qui tombaient entre ses mains. Mais la princi-
pale cause de sa fortune fut l'exploit suivant.
Léith était entré de nuit dans le palais de Dargam,
prince ou gouverneur de la province de Sistan.
Il eu emportait un butin assez considérable
lorsqu'en se retirant il mit le pied sur une petite
pierre : soupçonnant que c'était quelque bijou
qu'il avait laissé tomber, il le ramassa. Mais il
fut bien surpris de voir que cette pierre était
du sel gemme. Comme le sel est chez les Orien-
taux l'emblème le plus saint de l'hospitalité, il
jeta aussitôt tout son fardeau, et, regardant
cette maison comme sacrée , il s'en éloigna au
plus vite. Le lendemain la surprise fut extrême
dans le palais. On voyait clairement tout le
danger qu'on avait couru, et l'on ne pouvait
deviner comment des voleurs, assez hardis
pour entrer dans les appartements , assez adroits
pour s'emparer sans aucun bruit de tout ce qu'il
y avait de plus précieux , avaient manqué de
temps ou de courage pour emporter tant de
bien, qui était déjà à leur disposition. Léith
raconta son aventure; le bruit en parvint aux
oreilles du prince, qui conçut de ce chef de vo-
leurs une idée assez favorable. Attaché dès lors
au service de Dargam, il fut chargé de plusieurs
entreprises militaires, qui toutes lui réussirent
également bien. Il repoussa les attaques du
gouverneur de Khorasan, et aida son maître,
Dargam, et après lui Salih, à se rendre indé-
pendants du khalife. Devenu commandant en
chef de toutes les troupes du Sistan , il conçut
bientôt le projet de supplanter ses maîtres dans
le gouvernement de cette vaste province. Après
la mort de Salih, son ambition prenant un
libre essor, il dépouilla les fils de ce prince de
l'héritage de leur père , et s'empara de la sou-
veraine puissance. Pour gagner les faveurs du
khalife, il lui envoya le prince destitué, de-
mandant en récompense le gouvernement de
Sistan. Le calife alors régnant agréa cette de-
mande en même temps que l'hommage que lui
fit Léith. Ce dernier cependant ne jouit pas
longtemps de son bonheur; car il mourut peu
après, vers 860, laissant à son fils un royaume
assez étendu, qui quelques années plus tard em-
brassait toutes les provinces jusque alors con-
quises dans l'Iram , l'Afghanistan et le Belout-
chistan.
Cet empire n'eut qu'une durée de cinquante à
quatre-vingts ans. Ch. Rumelin.
D'Herbeldt, Bibliothèque Orientale. — Deguignes,
Histoire généalogique des Huns. — Falaristancmes
Annales, trad. par Dubens.
leitz. Voy. Yacoub.
lejars (Louis), poète dramatique français,
vivait au seizième siècle. D'après La Croix du
Maine, ce poëte était secrétaire de la chambre
du roi Henri III; c'est tout ce que l'on sait de
lui. Quelques vers placés en tête de sa pièce nous I
apprennent qu'il était ami de Ronsard et de!
Daurat. Il a composé une tragi-comédie en prose,!'
intitulée Lucelle ; Paris, 1576, in-8°. Cette pièce,?
qui ne brille ni par le style ni par l'imagina-*
tion, a cependant de l'intérêt. Elle fut mise enti
vers par Jacques Du Hamel. Z. *'
La Croix du Maine , Bibliothèque française. — Lew
Fr. Parfaict , Histoire du Théâtre français. M
lEjay ( Claude ), en latin Laius, l'un déifia
propagateurs de l'ordre des Jésuites, né à Aise, eijèi
Faucigny (diocèse de Genève), vers 1505, moririi
le 6 août 1552, à Vienne ( Autriche). Il comia
mença ses études au collège de La Roche, et le k
termina à Paris. Il se lia d'une étroite amititjim
avec son compatriote Pierre Favre, qui le déterjc,
mina en 1535 à entrer dans l'ordre que venait dfe
fonder Ignace de Loyola (voy. ce nom ). Lejajç
en fut le dixième membre et l'un de ceux quijign
par leur caractère et leurs lumières , contribua juin
rent le plus à propager la congrégation nais em
santé. En 1 545 il assista au concile de Trentt h
II gouverna ensuite le collège de Bologne, où am
se fit recevoir docteur en théologie. Il se rend ]M[
alors en Allemagne, professa à Ingolstadt, pu fe
à Vienne (juin 1551 ), où il mourut, dans un à$ ais
peu avancé. Il avait composé de nombreux écri ^
dont on n'a publié que le Spéculum prœsuli ^
ex sacrse Scripturx, canonum et docloru ps
verbis /Ingolstadt, 1625, in-4% et dans le t. XV ^
des Œuvres du P. Gretser; Ratisbonne, 174 fc ,
A. L.
Le l\ Canlslus, Orat.fun. de Cl. Jaius, à la suite
ses V ira? Sanctorum ( trad. de l'espagnol du P. Rtbad
neira ); 1630, In-fol. — Sotwell, Biblioth. Societ. Je.
— Alegambe, Bibliotheca Scriptorum Societatis Jesu,
le jay ( Gui-Michel ) , connu par la Bit
polyglotte qui porte son nom, naquit à Par
d'une famille noble, en 1588, et mourut lelOjuil
1674. Il étudia les langues anciennes et étn
gères, et commença en 1628 l'édition de la Pc
glotte projetée dès l'année 1615, comme on
1! ;„■
'ih|„
«Ni-
* j
513
LE
▼oit par une lettre de Jacques de Thou à Sé-
bastien Tengnagel (3 mai 1615) : « Nos libraires
préparent une nouvelle édition de la Bible, où les
paraphrases chaldaïques seront plus exactes que
dans celle d'Alcala et celle d'Anvers. Ils y ajou-
teront les versions syriaque et arabe de l'An-
cien et du Nouveau Testament , avec des tra-
ductions latines. Le cardinal Duperron pressa
l'ouvrage. Il m'a môme engagé dans cette en-
treprise. » En effet le cardinal Duperron, qui avait
eu à Rome des relations avec J.-B. Raimondi, au-
teur de la Polyglotte en dix langues, François de
Brèves, qui avait en outre séjourné longtemps à
Constantinople et voyagé en Syrie , avaient ré-
solu, de concert avec Jacques de Thou, de
lonner une Polyglotte. De Brèves recueillit des
manuscrits originaux, et fit venir à Paris deux
savants maronites, Gabriel Sionite et Jean Her-
■onite. Tous ces efforts demeurèrent alors sans
•ésnltats. Le projet paraissait même sinon
ibandonné , au moins ajourné indéfiniment ,
orsque Michel Le Jay, alors avocat au parlement
le Paris , entreprit à lui seul ce que plusieurs
l'avaient pu faire. Il avait ce qu'il fallait pour
éussir, de la fortune, de l'activité, une volonté
nergique. On se mit à l'œuvre. Vitré, impri-
meur du roi, fut chargé de l'impression. Le Bé,
ls du célèbre fondeur, qui avait travaillé pour
i Bible du roi d'Espagne, grava les caractères
ébreux, chaldéens, grecs, latins et les lettres
aliques; Jacques Sanlecque grava les carac-
ires samaritains et syriaques , poinçons , ma-
•ices et lettres, et frappa les matrices arabes,
irtie sur les poinçons de François de Brèves,
irtie sur les poinçons de Gabriel Sionite. On
venta une fabrique particulière de papier, qui
cause de sa supériorité a retenu le nom de
arta imperialis. D'un autre côté Le Jay s'ad-
ignit des hommes capables, Valérien de Fla-
gny, le père Morbide l'Oratoire, Philippe d'A-
n'n , Godefroi Hermant , chanoine de Beauvais,
an Aubert, Jean Tarin et trois Maronites du
ban , Gabriel Sionite , Jean Hesronite et Abra-
im Ecchellensis. Le Jay poursuivait le plan
nçu en 1615. Il ne voulait pas seulement pu-
ier une nouvelle édition de la Bible d'Amiens,
ais il y ajoutait la version arabe de tous les
Tes sacrés et la version syriaque de l'Ancien
istament , avec celle des quatre Épîtres cano-
ques et de l'Apocalypse qui manquait dans la
écédente. A l'instigation du cardinal de Be-
lle, chargé par le pape Urbain VIII d'examiner
disposition de cette grande entreprise , Lejay
fit entrer le Pentateuque hébreu samaritain,
père Morin, qui venait d'achever l'édition grec-
e de la Bible, y joignit la version samaritaine,
mpression commença au mois de mars 1628.
s difficultés que Rome, cédant aux sollicita-
ns jalouses des savants étrangers, opposa
rfois à cette entreprise, les tracasseries et
lenteurs affectées de Gabriel Sionite arrê-
ent souvent la marche des travaux. Il fallut
KOl'V. BiOGR. GENER, — T. XXX,
JAY 514
tout l'ascendant du cardinal de Bérule sur l'es-
prit d'Urbain VIII et sur les cardinaux pour
lever les obstacles venus de la cour romaine ,
et toute l'autorité du cardinal Richelieu pour
triompher du mauvais vouloir du Sionite. La
Bible polyglotte ne fut terminée qu'en 1645.
Elle est intitulée : Biblia hebraica, samari-
tana, chaldaica, grœca, syriaca, latina,
arabica, qiiibus textus originales totiusScrip-
turse sacrsa quorum pars in editione Corn-
plutensi , deinde in Antuerpiensi regiis sump-
tibus exstat , mine integri ex manuscriptis
toto /ère orbe qasesitis exemplaribus exhl-
bcntùr. Le nom de Le Jay et la part qu'il a prise
à cette œuvre se voient dans l'inscription en
style lapidaire qui suit le titre : Régnante Lu-
dovico XIV, felici , triumphatore, etc..., au-
giistos régis sseculorum immortalis co-
dices , sacras paginas septeno idiomate ré-
sonantes Viennent ensuite deux préfaces ;
dans la première, datée du 1er octobre 1645,
Le Jay rend compte de l'ouvrage , mai» il garde
le silence sur plusieurs points importants; dans
la seconde , Jean Morin soutient la supériorité
du texte samaritain sur le texte des Juifs,
opinion contre laquelle Hottinger avait déjà pu-
blié en 1642 ses Exercitationes anti-Mor mien-
nes. Comme le porte son titre, la Bible de
Le Jay est heptaglotte. Elle a de plus que celle
de Ximénès le syriaque et l'arabe. Elle se di-
vise en neuf tomes, distribués en dix volumes
grand in-fol., et forme deux corps* Le premier,
qui comprend cinq tomes ( six volumes ), n'est
qu'une copie ou une seconde édition de la Bible
d'Arias Montanus , avec quelques additions dans
le cinquième tome; c'est-à-dire que les quatre
premiers tomes contiennent l'Ancien Testament,
en hébreu , en chaldéen , en grec et en latin ,
de la même manière et dans la même disposition
que les quatre premiers volumes de la Poly-
glotte de Philippe II. Le cinquième tome est par-
tagé en deux volumes ; il contient le Nouveau
Testament grec , latin et syriaque, qui compose
le cinquième tome de la Bible d'Anvers , et de
plus le Nouveau Testament en arabe, les quatre
Épîtres canoniques et l'Apocalypse en syriaque.
Seulement, à la place du texte syriaque, qui est
au bas des pages , en caractères hébreux, dans
l'édition précédente, on a mis dans celle-ci la
version arabe avec son interprétation latine. Le
second corps l'enferme dans les quatre derniers
tomes l'Ancien Testament en syriaque et en
arabe avec les traductions latines. Les quatre
Évangiles en arabe ont été imprimés sur l'exem-
plaire de Rome de l'an 1191, avec la version la-
tine de Jean-Baptiste Raimondi. Pour la se-
conde partie du Nouveau Testament, on a suivi
la Bible de Plantin pour le grec, le latin et le
syriaque ; on a seulement ajouté en cette der-
nière langue les épîtres canoniques publiées en
1630 par Pocock. On a suivi également le Pen-
tateuque arabe édité' à Constantinople en 1540,
17
SU
LE JAY
516
le Psautier publié en arabe à Gênes (1506), en
syriaque au mont Liban (1610) et à Paris (1625).
Nous ne comprenons donc pas comment les édi-
teurs ont pu dire, dans le titre de cette Polyglotte,
qu'elle est faite ex manuscriptis toto fere
orbe quœsilis exemplaribus , lorsqu'en exa-
minant on ne voit qu'une douzaine de manus-
crits, dont la plupart se trouvaient à Paris à l'é-
poque où cette édition fut entreprise. La Bible
de Le Jay est un chef-d'œuvre typographique;
elle l'emporte incontestablement sous ce rapport
sur la Polyglotte anglaise de 1657 ; mais elle est
remplie de fautes, et la grosseur des volumes,
la mauvaise disposition des textes et des ver-
sions en rendent l'usage incommode. A l'exemple
de Ximenès , Richelieu voulut avoir la gloire
d'une Polyglotte ; il fit offrir à Le Jay le rembour-
sement de sa dépense et 20,000 écus de profit s'il
voulait ôter son nom et mettre en tête de l'ou-
vrage celui du cardinal. Le Jay refusa de sous-
crire à ce marché. Les libraires d'Angleterre lui
offrirent la même indemnité s'il voulait seule-
ment leur en céder toute l'impression. L'auteur
préféra la gloire à ses propres intérêts. Pour
immortaliser son nom, pour doter la France
d'un monument national , il sacrifia sa fortune
et dix-sépt années de travaux. L'impression lui
avait coûté 300,000 francs. Les cadeaux et les
reliures achevèrent de le ruiner. Il eut encore
l'imprudence de mettre, sa Polyglotte à un prix
trop élevé , et refusa d'en laisser six cents exem-
plaires aux Anglais, qui n'en voulaient donner
que la moitié de la somme exigée. Ceux-ci char-
gèrent Walton de l'édition d'une Polyglotte beau-
coup plus commode, et firent tomber celle de
Le Jay, au point, dit Ménage, que la reliure coû-
tait plus que l'ouvrage. En récompense des ser-
vices qu'il avait rendus au public « ayant cou-
rageusement entrepris et fait l'édition de la
grande Bible, ouvrage majestueux consacré à la
gloire du règne du roi et de la régence de la
reine sa mère, et à l'honneur et à la réputation
particulière de la France», Le Jay obtint la con-
firmation de ses titres de noblesse et le brevet
de conseiller d'État. Il prêta serment de fidélité
au mois de janvier 1646, et jouit de toutes les
prérogatives et appointements attachés à sa di-
gnité. Il embrassa l'état ecclésiastique, et fut
l'année suivante pourvu du doyenné de Sainte-
Marie-Madeleine de Vezelay en Bourgogne. Le
Jay ne put cependant jamais s'acquitter entière-
ment des dettes qu'il avait contractées. Lorsqu'en
1657 le conseil d'État fut réduit à vingt quatre
membres, il se trouva du nombre des conseil-
lers réformés. C'est alors, dit-on, que Mazarin
lui fit accorder une somme de 19,000 livres.
Le Jay mourut avec la qualité de doyen de Veze-
lay, à l'âge de quatre-vingts ans. Lelong , La-
caille, Ménage et d'autres l'ont accusé d'avoir
détruit les caractères orientaux qui avaient
servi à l'impression de la Polyglotte, afin
qu'on ne pût rien imprimer d'aussi beau en ce
genre. Ce fait ne nous semble pas suffisamment
prouvé. Des libraires hollandais présentèrent au
pape Alexandre VII une Polyglotte sous ce
titre : Biblia alexandrina Polyglotta , aus-
piciis S. D. Alexandri VII, anno ejus ses-
sionis XII, féliciter inchoata, Lutetix Pa-
risiorum prostant apnd Janssonium a Vaes-
berge, Joannem lacobi Chipper, Elizœum
Weirstract (1666). C'est la Polyglotte même
de Le Jay, dont on a retranché tout ce qui pré-
cède les titres. F. Tessier.
Lelong, Discours historique sur Us principales Édi-
tions des Bibles polyglottes ; Paris, 1713, in-12, p. 104-
204, 379,399, 400, 545, 546, 547. — Colomiès, Gallia orien-
talis, p. 263. — Ménage, Menagiana, tom. H, 71. — Chc-
villicr, De l'Origine de la Typographie , part. I, p. 58,
298. — Baîllet , Jugements des Savants, lom. II, 3. —
Lambecius, lliblioth. Vindobon., tom. I, p. 160. — La-~
caille, Histoire de l'Imprimerie, liv. Il, pag. 240. —
Wolfius , Hibliothcca hebraica , tnm . I.
lejay {Gabriel- François), érudit français,
né à Paris, en 1657, mort dans la même ville,
le 21 février 1734. 11 était neveu de Nicolas Lejay,
baron deTilly, garde des Sceaux et premier pré-
sident du parlement de Paris. Gabriel-François
Lejay fit ses études chez les jésuites, y prononça
ses vœux, et devint l'un de leurs plus éloquents
professeurs. Durant plus de trente années il oc-
cupa les chaires de rhétorique et d'éloquence
dans divers collèges de Paris, surtout au collège
Louis-le-Grand, où il eut Voltaire pour élève.
Lejay semblait avoir deviné la destinée de son
jeune disciple, avec lequel il avait souvent de
vives discussions et auquel il disait : « Va,
malheureux, tu lèveras un jour l'étendard
du déisme en France. » Lejay mourut préfet
du collège Louis-le-Grand. On a de lui : Le
Triomphe de la Religion sous Louis le Grand,
représenté par des inscriptions et des de-
vises; Paris, 1687, in-12; — Gallos tam/alli
ab hoste nescios quam vinci , Oratio; 1694;
— Régi ob détection regix urbi novum prx-
sulem, solemnis gratiarum Actio ; 1696; —
— Josephus fratres agnoscens ; Josephui
venditus; Josephus M gypto prxfectus ; tra-
gédies, 1696, 1699, in-12; — Gloria sxeuh
Gallis vindicata; 1699, in-12; — Daniel,
Damocles; Abdolonymus ; drames, 1703; —
Timandre, pastorale en l'honneur de Philippe V
1703 ; — Ludovïco Magno pacifico victori Gra
tulatio; 1703; —Jacobi secundi, Magnx-Bri
tannix régis, Laudatio funebris ; 1703 ; — Le
véritable Sagesse et Considérations pour tom
les jours de la semaine, trad. de l'italien d\
P. Segneri; 1703; — Les Devoirs du chrétiei
sur ce qui regarde la foi et les mœurs, tiré
de VÊcriture et des Pères; 1703; — In na
talibus serenissimi ducis Brilannix Orati
extemporalis ; 1704, in-12; — Les Antiquité,
romaines de Denys d'Halicarnasse , trad. d
grec et annotées ; 1723, 2 vol. in-4° ; — Biblio
theca Rhetorum, prxcepta et exempta com
plectens quas tam ad oratoriam facullater
quam ad poeticam pertinent; Paris, 172.'
517 LE JAY -
2 vol. iu-4°; Venise, 1747, 2 vol. in-4°; Jngol-
stadt, 1765, 5 vol. in-8°; nou-v. édit., plus com-
plète, Paris, 1809-1813, 3 vol. in-8°. On y
trouve, outre les ouvrages précités, l'indication
de beaucoup d'écrits inédits ou dont l'impres-
sion était restée ignorée. A. L.
Dreux du Radier, Journal de Verdun, t. V, p. 162
( tables ). — Duvernet, Vie de Voltaire, p. 16; — Mé-
moires de Trévoux, juin 1716 et mars 1722.— L'abbé
Bellenger, cinq Lettres dans le Mercure de France,
mars-mai 1723.
lejeune {Claude), célèbre musicien du
seizième siècle, plus connu sous le nom de
Claude Lejeune, ou simplement sous celui de
Claudin (1) , naquit à Valenciennes, vers 1540 ;
on ignore la date précise de sa mort, mais elle
paraît devoir être fixée entre les années 1598 et
1603. Claude Lejeune , qui était en grande laveur
à la cour de Henri III, fut chargé, avec Salmon
et Beaulieu , de composer la musique des fêtes
splendiiies qui furent données au Louvre, en
1581, à l'occasion du mariage duduc de Joyeuse
avec mademoiselle de Vatidemont, belle-sœur
du roi. Un auteur contemporain, Thomas d'Em-
bry ou d'Ambry, ami de Claude Lejeune, parle
des merveilleux effets que produisit sa musique;
ses éloges, malgré son exagération, n'en at-
testent pas moins la réputation dont l'artiste
jouissait alors en France. Après la mort de Hen-
ri III, Claude Lejeune passa au service de Hen-
ri IV, ainsi que le prouvent les titres de ses ou-
vrages imprimés à La Rochelle, en 1598, et à
Paris pendant les années suivantes ; il remplis-
sait alors à la cour les fonctions de composi-
teur de la chambre du roi, tandis que Du
Caurroy y occupait la place de maître de cha-
pelle. Une ode de Thomas d'Embry ou d'Ambry,
placée en tête d'un recueil de morceaux de
Claude Lejeune, intitulé : Le Printemps, et
imprimé à Paris en 1603, témoigne qu'à cette
époque ce compositeur n'existait déjà plus ; cette
ode a pour titre : Ode sur la Musique de dé-
funct sieur Claudin Lejeune. On doit en con-
clure que cet artiste mourut, comme nous l'a-
vons dit plus haut, entre les années 1598 et
H603. Il avait embrassé la religion réformée ;
néanmoins on trouva dans ses papiers , après sa
Niort, une messe à cinq et à six voix, qui fut
publiée, en 1607, par Pierre Ballard.
j Bien que Claude Lejeune ait conservé dans la
plupart de ses compositions les formes du style
l'ugué des maîtres du seizième siècle , son mé-
l'ite comme musicien savant a été exagéré par
! (1) Le véritable nom de famille de ce musicien était
\.e)eune ; on en trouve la preuve évidente dans la pre-
mière édition de ses psaumes, publiée en 1608, après sa
Inort, et dédiée parla sœur de l'artiste au duc de Bouil-
pn, prince de Sedan : l'épitre dédicatoire de l'ouvrage
•st signée Cécile Lejeune.
\ Le pronom de Claude ou Claudin a fait confondre ce
pusicien, par quelques auteurs, avec Claude de Ser-
pizy, maître de chapelle de François 1er, qu'on appelait
ussi Claudin, *t dont les compositions sont indiquées
|oo« ce nom dans les recueils de chansons et de motets
lubliés, en 1529 et 133j, par Pierre .Wtaignant.
LEJEUNE 518
ses contemporains. Ses ouvrages, souvent in-
corrects, ne peuvent soutenir la comparaison
avec ceux des bons maîtres de l'école romaine ;
mais ils se font remarquer, principalement ses
chansons françaises , par un tour élégant et
facile. Cependant ils sont inférieurs sous le
rapport de l'invention aux compositions de
Rolâtid de Lassus, d'Arcadet et surtout de
Clément Jannequin.
On connaît de ce musicien : Livre demeslanges
de C. Lejeune, à quatre, cinq, six et huit
voix; Anvers, Christophe Plantin, 1585, 6 vol.
On y trouve des motets latins , des madrigaux
italiens , des chansons françaises , et un Écho à
dix parties; — Dodécacorde contenant douze
psaumes de David mis en musique selon les
douze modes approuvez par les meilleurs
aut heur s anciens et modernes, à deux, (rois,
quatre, -cinq , six et sept voix; La Rochelle,
J598, 6 vol. in-4°. Les paroles sont celles de la
traduction française de Clément Marot. — Le
Printemps , à deux, trois, quatre, cinq, six,
sept et huit parties ; Paris , 1603 , 6 vol. in-4u ;
— Missa ad placitum, cum quinque et septem
voc ibus; Paris, 1607, in-fol. ; — Premier livre
contenant cinquante psaumes de David mis
en musique à trois parties ; Paris , P. Ballard,
1607, 3 vol. L'année suivante le même impri-
meur publia le second et le troisième livre de
ces psaumes; — Les Psaumes de Marot et de
Théodore de Bèze, mis en musique à quatre
et cinq parties ,• LaRochelle, in-4°; ces psaumes
ont eu beaucoup de succès; — Octonaires de
la Vanité et Inconstance du Monde, mis en
musique à trois et quatre parties; Paris,
1610, 4 vol. ; cet ouvrage contient trente-six
chansons françaises ; — Second livre de Mes-
langes; Paris, 1612,4 vol. Ce recueil, composé
de morceaux à quatre, cinq, six, sept, huit et dix
voix, renferme des chansons françaises , des ma-
drigaux italiens, des psaumes, des motets, un
Magnificat, etc. D. Denne-Baron.
Le V. Mersenne , Harmonie universelle.— Bourdelot,
Histoire delà Musique, etc.— Burney,/* gênerai History
of Mutic. ,-Fétis, biographie universelle des Mtisiciens.
—Le même, Mémoire sur les Musiciens néerlandais. —
Patria, Hist. de l'Art Musical en France.
lejeune {Paul), missionnaire français , né
en 1592, mort le 7 août 1664. Il entra dans
la Société de Jésus, et fut envoyé propager la
foi catholique au Canada. Durant dix-sept
années qu'il demeura dans cette contrée, il dé-
ploya beaucoup de zèle; mais le succès ne ré-
pondit pas à ses espérances , et il compta peu de
prosélytes parmi les Indiens. Il revint en France
vers 1632, et publia aussitôt saBrieve Relation
du Voyage de la Nouvelle- France ; Paris, 1632,
in-8°. Le P. Lejeune retourna au Canada en 1634,
et n'en revint que cinq ans plus tard ; il fit pa-
raître alors Relation de ce qui s'est passé en la
Nouvelle-France depuis l'an 1634 jusqiCen
Van 1639; Paris, 1640, 7 vol. in-12. Les ou-
vrages du P. Lejeune sont les premiers et les
17.
519
LEJEUNE
520
plus complets qui apprirent aux. Européens les
mœurs (les sauvages de l'Amérique du Nord.
Ils sont encore fort intéressants; une grande
partie des peuplades dont il parle ayant disparu
et le reste diminuant chaque jour. A. de L.
De bâcla, Bibliothèque de la Société de Jésus.— Lettres
édifiantes. ,
lejeune (Jean- Nicolas), antiquaire fran-
çais, né en 1750, mort à Metz, le Ier février 1826.
Après avoir été attaché pendant de longues an-
nées à la famille Tschudy en qualité d'homme
d'affaires, il fut employé comme ingénieur expert
au cadastre depuis 1806. 11 a publié dans les
Mémoires de la Société des Antiquaires de
France , société dont il était correspondant :
Notice sur les Voies romaines du départe-
ment de la Moselle, avec une carte, 1826 :
Lejeune y décrit le trajet de six voies, dont deux
n'avaient pas encore été signalées. Il en avait
omis une septième, que M. Bégin a indiquée
dans son Histoire littéraire du Pays Messin ;
— Notice sur les Antiquités du département
de la Meurthe; 1826. Il avait aussi envoyé à
l'Académie royale de Metz une Notice sur un
camp romain découvert près de Boulay. 3. V.
Bégin, Bioijr. de la Moselle. — Quérard, La France
Littér.
lejeune (Louis-François baron), général et
peintre français, né à Strasbourg, en 1775, mort en
1 850. Enrôlé volontaire en 1 792,dans la compagnie
des Arts de Paris, il fut fait peu de temps après ser-
gent au 1er bataillonde l'Arsenal, et passa en 1793
dans l'artillerie à La Fère. Il se trouva aux sièges
de Landrecies, du Quesnoy et de Valenciennes, où
le général Jacob le choisit pour aide de camp. A la
fin delà même année, il fut nommé lieutenant ad-
joint du génie; il fit en cette qualité la campagne
de 1794 en Hollande et une partie de cellede 1795.
Appelé en 1798 au dépôt de la guerre, il passa de
brillants examens, à la suite desquels il obtint le
grade de capitaine adjoint au corps du génie, et
fut attaché au général Berthier, ministre de la
guerre, comme aide de camp. Après la bataille
de Marengo, il fut nommé capitaine en titre. La
journée d'Austerlitz lui valut le grade de chef de
bataillon. Il prit encore part à une foule de sièges et
de combats, fut fait colonel au siège de Sara-
gosse et général de brigade à la bataille de la
Moskowa, le 23 septembre 1812. Pendant la
retraite de Russie et dans la campagne de Saxe,
il fut chef d'état-major général du 1er corps d'ar-
mée, puis des trois corps réunis sous les ordres
du maréchal Oudinot. Il assista à la bataille de
Lutzen, au passage de la Sprée, à Bautzen et à
d'autres affaires. Au combat de Hoyerswerda,
il sauva l'armée du maréchal Oudinot en dé-
truisant l'artillerie prussienne. Dans sa longue
carrière militaire, Lejeune s'était particulière-
ment fait remarquer au passage de l'Ourthe,
à la prise de Lintz et au siège de Kolberg.
Après la bataille d'Essling, ce fut Lejeune,
alors aide de camp du maréchal Berthier, qui se
i ehargea de procurer à Napoléon la barque sur
laquelle il s'échappa de l'île Lobau. Il porta
ensuite aux maréchaux Bessières et Masséna
l'ordre de la retraite. Sous la restauration, il
entra dans le corps d'état-major. Sous Louis-
Philippe, il passa dans la section de réserve de
l'état-rnajor général, et se retira à Toulouse. Le
général Lejeuue, qui avait été blessé plusieurs
fois sur les champs de bataille, reçut dans ses
foyers un coup de feu dans le bras tiré à bout
portant par un braconnier. En assistant aux
grandes batailles de la révolution et de l'empire,
l'idée lui était venue de les représenter. Il reçut des
leçons du peintre Valenciennes, et exposa succes-
sivement , d'après ses souvenirs personnels , en
1800 : Incendie de Charter oï ; — en 1801 : La
Bataille de Marengo, toile qui fut achetée par le
premier consul; — en 1802 : Bataille terrestre
d'Aboukir; — Bataille du mont Thabor; -
en 1804 : Bataille de Lodi; — en 1806 : Ba-
taille des Pyramides ; — en 1808 : Bivouac en
Moravie; — en 1810 : Bataille de Somo-
Sierra : — en 1819 : Attaque d'un convoi près
de Satinas en Biscaye; — en 1824 : Passage
du Rhin par Jourdan; — Bataille de la
Moskowa; — Bataille de la Chiclana; — en
1827 : Une Scène du siège de Saragosse ; —
en 1835 : Edgard Lejeune faisant la guerre à
Polichinelle ; — Promenade aux châteaux
de Crac ; — La Cascade du lac d'Oo, près
Bagnères de Luchon ; — Le Jardin du Mu-
sée de Toulouse par le vent d'autan; — en;
1842 : Vues de Tarascon; — en 1843 : Merida
en Estramadure ; — en 1845 : Vue de Carrare
et de sa carrière de marbre blanc. En 1803,
Lejeune obtint la grande médaille d'or. L. L— t.
Sarnit et Saint-Edme, Bionr. des Nommes du Jour,
tome IV, 2e partie, p. 286. — Bioqr. univ. et portât. des<
Contemp.— ■Ch.('.at>et,Z)tcf. des artistes de l'école franc,
au dix-neuvième siècle. — Livrets des Salons, 1800-1845.
lejeune-dïiuchlet (Gustave) , mathé-
maticien allemand, né à Diiren (Prusse rhé-
nane), le 11 février 1805, mort a Gœttingue,
le 8 mai 1859. Après avoir fini ses études, il
se rendit, en 1822, à Paris, et devint précepteur;
des enfants du général Foy, où il eut l'occasion
de se lier avec plusieurs mathématiciens célèbres,
entre autres Fourier. En 1825 il composa un
mémoire remarquable sur l'impossibilité de
quelques équations indéterminées du cinquième
degré. En 1827 il se fixa à Breslau, en qualité
de répétiteur à l'université; l'année suivante il
fut appelé à Berlin pour y occuper unechairedf
mathématiques. Après la mort de Gauss (voy.
ce nom ), il fut jugé digne de remplacer, à l'u
niversité de Gœttingue, ce savant illustre. De-
puis 1832 il fit partie de l'Académie des Science.1
de Berlin , et en 1854 il fut nommé associé étran
ger de l'Institut de France. M . Lejeune-Dirichlet
à l'enseignement duquel se sont formés la plupar
des jeunes géomètres de l'Allemagne, s'est occupi
spécialement de deux branches de matliéma
tiques : 1° de la théorie des équations aux diffé-i
521 LEJEUNE •
rences partielles, des séries périodiques et des
| intégrales définies, théorie qui est d'une si grande
importance pour les questions de physique ma-
) thématique ; 2° de la théorie des nomhres, par-
j tie la plus élevée et la plus abstraite des sciences
(• exactes. Il a enrichi la science d'un grand nombre
de découvertes précieuses , contenues dans une
série de mémoires qui ont été publiés, dans les
Mémoires de l'Académie des Sciences de Ber-
lin , et dans le Journal de Mathématiques de
Crelle, et qui sont presque tous écrits en fran-
çais. Nous en indiquerons les suivants : Re-
cherches sur les diviseurs premiers d'une
classe de formules du quatrième degré ( Crelle,
Journal de Mathématiques, t. III); — Mé-
moire sur l'impossibilité de quelques équa-
tions indéterminées du cinquième degré (t. III);
— Démonstration nouvelle de quelques théo-
rèmes relatifs aux nombres (t. III); — Ques-
tion d'analyse indéterminée (t. III); —Notes
sur les intégrales définies (t. IV); — Sur la
convergence des séries trigonométriques qui
servent à représenter unefonction arbitraire
entre des limites données (t. IV) ; — Solution
d'une question relative à la théorie mathé-
matique de la chaleur (t. V) ; — Démonstra-
tion d'une propriété analogue à la loi de
réciprocité qui existe entre deux nombres
premiers quelconques (t. IX) ; — Démonstra-
tion du théorème de Fermât (1) jusqu'à la
quatorzième puissance (t. IX ) ; — Sur les
intégrales eulériennes ( t. XV ) ; — Sur les
séries dont le terme général dépend de deux
angles et qui servent à exprimer des fonc-
tions arbitraires entre des limites données
(t. XVII); — Sur l'usage des intégrales défi-
nies dans la sommation des séries finies ou
ou infinies (t. XVII);-— Sur la manière deré-
soudre l'équation t2 — pu2=l, au moyen
des fonctions circulaires (t. XVII); — Sur
l'usage des séries infinies dans la théorie
des nombres (t. XVIII); — Recherches sur
diverses applications de l'analyse infinitési-
male à la théorie des nombres (t. XIX et XXI) ;
—Recherches sur la théorie des nombres com-
plexes (t. XXII) ; — Recherches sur les formes
quadratiques à coefficients et à indétermi-
nées complexes ( t. XXIV) ; — Sur un moyen
général de vérifier l'expression du potentiel
relatif à une masse quelconque , homogène ou
(1) M. Kummer, membre de l'Académie des Sciences de
Berlin, qui a succédé à M. Lcjeune-Dirichet dans la
chaire de mathématiques à l'université de cette ville, a
depuis donné une démonstration de l'impossibilité de
l'équation m -{■ yn = pour tous les nombres premiers
impairs qui ne se trouvent pas dans les numérateurs
des -j (n— 3) nombres premiers bernoullicns ; par
exemple pour n = S, 7, il, 13, 17, 19, 23, 29, SI, 41, 43, etc.
I.e mémoire de M. Kummer a été couronné par l'Aca-
démie des Sciences de Paris, et se trouve dans le XI.e tome
du journal de Crelle; la démonstration, quoiqu'elle s'ap-
plique à un très-grand nombre de cas, n'a cependant pas
toute la généralité requise , et il faut encore attendre la
solution complète de ce célèbre problème.
■ LE JUSTE 522
hétérogène (t. XXXII); — Sur la stabilité de
l'équilibre (t. XXXII); — Sur la réduction
des formes quadratiques positives à trois
nombres entiers indéterminés (t. XL); — Sur
un problème relatif à la division (t. XLVII);
— De formarum binariarum secundi gradus
compositione (t. XLVII) ; — Éloge du mathé-
maticien Charles-Gustave-Jacob Jacobi, lu à
l'Académie des Sciences de Berlin, le 1er juillet
1852 (t. LU). R. Meyer.
Conversations-Lekicon. "Journal de Crelle.
LE joixe (Pierre de), écrivain du dix-
septième siècle, dont la vie, nous le croyons du
moins, est restée inconnue. C'était un de ces ri-
meurs français qui, brouillés pour motifs quel-
conques avec le gouvernement de Louis XIV, se re-
tiraient en Hollande. Celui-ci séjourna sans cloute
longtemps à Amsterdam, et connaissait fort bien
cette ville ainsi que le prouve la description qu'il en
a donnée en vers burlesques, et qui, imprimée en
1666 chez Jacques Le Curieux, forme un petit
volume que les amateurs placent dans la collec-
tion elzevirienne, et qui s'est quelquefois payé
jusqu'à cinquante francs. Les vers de Le Jolie
révèlent un imitateur de Scarron; il y a une
grande facilité , mais la série d'images tri-
viales qu'il se plaît à tracer finit par devenir
singulièrement rebutante. Il jugea à propos de
mettre en tête de son livre une dédicace à très-
vilains , très-sales, très-lourds et très-igno-
rants Messieurs les boueurs et cureurs de
canaux d'Amsterdanu Observons aussi que des
bibliographes avaient supposé que le nom de Le
Jolie pouvait être un pseudonyme; et comme la
Description d'Amsterdam offre quelques pas-
sages presque identiques avec la Relation bur-
lesque d'un Voyage de Copenhague à Brème
(Leyde, 1676), on avait supposé que Clément,
auteur très-peu connu de ce second ouvrage ,
pouvait aussi avoir composé le premier; cette
opinion est d'ailleurs abandonnée par les elze-
viriographes les plus experts, et Le Jolie est re-
gardé comme un personnage nullement imagi-
naire. G. Brunet.
Pieters , annales de l'Imprimerie des Elzevier.
LE juge (G.), peintre-graveur français, vivait,
à Paris au milieu du dix-septième siècle. On n'a
point de renseignements sur la vie et les études
de cet artiste; à en juger par son style, il appar-
tenait à l'école de Simon Vouet ou de quelqu'un
de ses élèves. Il a gravé à l'eau-forte plusieurs
de ses compositions, telles que : La Sainte Fa-
mille, Apparition de Jésus à Madeleine,
Hécube reconnaissant le corps de Polydorc,
Les Images des Dieux païens , suite de treize
pièces, in-4°. D'après Augustin Carrache, il a
donné La Dernière communion de saint Jé-
rôme ; mais ce dernier morceau est d'une touche
maigre et froide. P. L— y.
R. Duraesnil, Z,a Peintre-Graveur, IV, 26-31.
le juste ou JUST (Jean et Juste), sculp-
teurs, nés à Tours, vers la fin du quinzième
523
LE JUSTE
siècle, vivaient dans la première moitié du
seizième. Ces deux frères travaillèrent toujours
en commun, et ont laissé en France plusieurs
monuments , qui sont au nombre des plus pré-
cieuses sculptures de la renaissance. Celui qui
sans doute commença leur réputation fut le tom-
beau des enfants de Charles VIII et d'Anne de
Bretagne, qu'on admire dans une chapelle de la
cathédrale de Tours. Les deux jeunes enfants
sont couchés, la tête reposant sur des coussins;
deux anges prient auprès, tandis que deux autres
à leurs pieds tiennent leurs écussons. Le cou-
vercle du sarcophage est orné d'arabesques et
de bas-reliefs représentant les travaux de Sam-
son. En 1527, les frères Le Juste furent chargés
par François Ier du mausolée de Louis XII et
d'Anne de Bretagne,Aestiné à l'abbaye de Saint-
Denis; mais comme on sait que l'Italien Paul
Ponce Trebati y travailla également, on est
réduit aux conjectures pour attribuer à cha-
cun de ces artistes ce qui lui appartient; toute-
fois, l'opinion la plus générale est que les figu-
res sont de Paul Ponce et que tout le reste est
l'œuvre des deux frères. On leur attribue encore,
mais sans preuve,le monument de Louis de Poh-
cher et de sa femme qui était à Saint-Germain-
l'Auxerrois , et un Christ au tombeau entouré
des saintes femmes, de saint Jean, de saint Ni-
codème et de Joseph d'Arimathie. Ces figures
colossales en terre cuite, placées dans l'église
Saint-Florentin à Amboise, représentent toute
une génération de cette famille Babou de La Bour-
daisière, qui semble avoir eu le triste privilège
de fournir des maîtresses aux rois de France.
Les quatre femmes offrent les portraits fort
ressemblants, dit-on, de Marie Gaudin, femme
de Philibert Babou, et de ses trois filles, qui suc-
cessivement devinrent les maîtresses de Fran-
çois Ier ; ce prince se reconnaît dans le saint
Jean , et Babou père dans la figure du Christ.
E. B-n.
Alex. Lenoir, Hist. des Arts en France prouvée par les
monuments. — Cicognara, Storia delta Scultura. —
Fontenay, Dict. des Artistes.
fc.EK.Aix (Henri-Louis Cain, dit), célèbre
tragédien français, né à Paris, le 14 avril 1728 ,
mort dans la même ville, le 8 février 1778.
Son père, fabricant d'orfèvrerie, le destinait à
lui succéder dans sa profession ; et tenant à en
faire un ouvrier instruit, il le fit étudier au col-
lège Mazarin. C'est là qu'il prit le goût de la
déclamation. Il était alors d'usage de faire pré-
céder la distribution des prix parla représenla-
tion d'une pièce de théâtre. Le jeune Lekain ,
dont le père n'était pas assez riche pour faire
ies frais de ses costumes, ne prenait part à cette
solennité dramatique que comme souffleur;
mais déjà l'instinct tragique, qui se révélait à son
insu, lui inspirait des réflexions et des conseils
sur la manière de sentir et d'interpréter les di-
vers rôles que ses condisciples recherchaient et
s'appropriaient avec avidité. Revenu à l'ate-
- LEKAIN 524
lier de son père, qu'il secondait dans la mesure
de ses forces, avec autant d'intelligence que de
zèle , l'apprenti orfèvre n'ambitionnait pas de
plus douce récompense, au bout de la semaine,
que d'aller au parterre de la Comédie-Française,
applaudir aux chefs-d'œuvre de la scène. Bien-
tôt cette distraction lui devint insuffisante , et
jaloux de donner l'essor à ce penchant impé-
rieux qui l'entraînait vers la déclamation, il s'as-
socia pour jouer la comédie « en bourgeoisie »,
selon sa propre expression, à plusieurs jeunes
gens de son âge. Cette société s'établit à l'hôtel
Jabach, cloître Saint-Merry. Le succès de cette
petite troupe d'amateurs prit de telles propor-
tions , que la Comédie-Française en fut trou-
blée et qu'elle sollicita et obtint la suppression
de ces représentations. Voltaire ayant eu occa-
sion d'y entendre Lekain devina son talent futur.
11 se le fit présenter, et à partir de ce jour se
déclara son protecteur. 11 voulut d'abord le dé-
tourner du dessein de se faire comédien ; mais
Lekain, devenu, par la mort de son père,
maître de ses actions, s'y montrant bien résolu,
Voltaire se chargea de le défrayer de tout , et
l'aida de ses conseils pendant plus de six mois :
en sorte qu'on peut dire que c'est de ce grand
homme lui-même que Lekain reçut les premières
leçons de l'art qu'il devait illustrer. En attendant
que son protégé lut en état de paraître sur la
scène française , il le fit jouer sur un petit théâtre
qu'il avait fait construire dans sa maison et sur
celui de la duchesse du Maine à Sceaux. Enfin,
le 14 septembre 1750, Lekain fut admis à débu-
ter dans la tragédie de Brutus par le rôle de
Titus. On sait que ses commencements furent
aussi pénibles que brillants. Ses débuts se pro-
longèrent pendant dix-sept mois , le laissant
ainsi dans l'incertitude la plus cruelle; car ja-
mais acteur n'excita plus de dissentiments. Ses
adversaires, presque toute la Comédie en tête,
qui, mettant tout en œuvre pour le décourager,
avaient faitvenirexprèsdeBordeauxl'acteur Bel-
lecourt, afin de le lui opposer, lui refusaient la
chaleur, la verve et jusqu'à l'intelligence. Ses
partisans, faisant la part de l'inexpérience, excu-
saient ses défauts et proclamaient en lui l'homme
de génie qui ferait oublier les Baron, les Du-
fresne, ses prédécesseurs. Fatigué de tant de
persécutions, Lekain renonça à l'espérance d'être
reçu, et il était au moment décédera l'invitation
du roi de Prusse et de se rendre à Berlin, quand
la princesse de Bobecq, qui l'aimait et le proté-
geait ainsi que Voltaire s'opposèrent à son des-
sein. C'est seulement après avoir obtenu, non
sans peine, de Grand val, son chef d'emploi, de
jouer le rôle à'Orosmane à la cour, qu'il em-
porta enfin son ordre de réception. Il en fut re-
devable au suffrage de Louis XV. On s'était
efforcé de prévenir contre lui ce prince, qui avait
ungoût juste et naturel. Après la représentation,
le roi parut étonné qu'on parlât si mal de l'ac-
teur qu'il venait d'entendre.. « Il m'a fait pleurer,
525
dit-il, moi, qui ne pleure guère; je le reçois. »
Lekain fut admis le 24 février 1752, à quart et
demi de part; il n'avait reçu jusque là que
douze cents livres par an. Tous les ennuis ,
tous les obstacles qu'il avait rencontrés sur sa
route n'avaient fait qu'irriter son ardeur, et il
appliqua désormais tous ses soins , toute sa vi-
gilance à se corriger de ses défauts. On lui re-
prochait dès le principe les imperfections de
son visage et de sa voi\ ; il vouiut que le travail
et l'art vinssent à son secours pour les réformer.
11 s'accoutuma à donner à sa physionomie une
expression vive et marquée qui en fît disparaître
les désagréments; il sut dompter son organe et
l'assouplir si heureusement, que les critiques les
plus éclairés de son temps déclarent n'avoir ja-
mais entendu aucune voix humaine dont les in-
flexions fussent plus sûres et plus variées , d'un
pathétique plus touchant et plus terrible. Enfin,
il atteignit au point de produire une illusion
telle, que dans les moments de passion il n'é-
tait pas rare d'entendre les femmes s'écrier aus-
sitôt qu'il avait parlé : Qu'il est bemi!
Idolâtre de son art, soucieux de ses progrès,
Lekain y consacrait tout son temps , tous ses
instants , toutes ses dépenses. Non moins fami-
liarisé avec le dessin qu'avec l'étude de l'histoire,
il entreprit, de concert avec Mlle Clairon, de ré-
former le costume , qui jusqu'à eux offrait l'i-
mage d'une friperie burlesque. S'il n'y réussit
pas complètement, il ne faut pas moins lui tenir
compte de ses efforts et des améliorations qu'il
introduisit. C'est lui encore qui provoqua avec
beaucoup d'insistance la suppression des ban-
quettes qui encombraient la scène; il est vrai
que la libéralité du comte de Lauraguais contri-
bua àtrancherfavorablement la question ( 1759 ).
D'un autre côté, on peut reprocher à Lekain
d'avoir été le premier qui ait offert l'exemple de
cette déplorable manie, si fort usitée depuis parmi
les comédiens, de donner des représentations
en province. Sa fortune y gagna, sans doute;
mais les jouissances du public se ressentirent de
ses absences, trop fréquentes dans les dernières
années de sa vie , que ne justifiait pas d'ailleurs
suffisamment l'état de sa santé.
Citer les rôles dans lesquels Lekain a brillé, ce
serait vouloir citer tous ceux qu'il a joués. Ceux
de Tancrède, de Mahomet , de Gengis fondè-
rent sa réputation. Zamore , Bhadamiste, Ni-
comède, Oreste et surtout Orosmane ne lui
firent pas moins d'honneur. N'oublions pas Né-
ron, qui jusqu'à lui n'avait été qu'un rôle secon-
daire, et dans lequel, grâce à sa pantomime, aussi
puissante que sa déclamation , il sut présenter
« la vive et frappante image de la jeunesse d'un
tyran échappant pour la première fois aux liens
de la contrainte et de l'habitude ». L'anecdote
qui suit en fournit la preuve : dans la grande
scène de son fauteuil Mme Dumesnil jouait
Agrippine ; elle arriva au vers fameux.
Vous êtes un ingrat, vous le fûtes toujours !
LEKAIN 526
En prononçant ces paroles , la célèbre tragé-
dienne s'oublia au point de frapper sur l'épaule
de Néron; mais Lekain, toujours maître de
lui-même, se leva et lança sur Agrippine un re-
gard indigné et hautain qui la pétrifia. Le pu-
blic saisit avec intelligence l'intention du tragé-
dien, et manifesta son enthousiasme par les
plus vifs transports. C'est dans le rôle de Ven-
dôme, qu'il affectionnait , que Lekain se montra
pour la dernière fois. Il y fut généralement
trouvé supérieur à lui-même. Une violente in-
flammation d'entrailles se déclara à la suite de
cette représentation ; bientôt elle se compliqua
de la gangrène , et dès lors toute la science de
Tronchin fut impuissante à combattre le mal.
Depuis le 24 janvier, début de sa maladie jus-
qu'au jour de sa mort, le parterre ne cessa de
demander de ses nouvelles , au commencement
du spectacle ; et lorsque , le 8 février, il lui fut
répondu par Monvel ces seuls mots : « Il est
mort », une stupeur générale succéda, et tous
les spectateurs sortirent de la salle à l'instant
même , en répétant : « 11 est mort ! »
Lekain ne manquait pas d'instruction ; il avait
beaucoup étudié sur son art, et n'avait rien né-
gligé pour acquérir toutes les connaissances utiles
au but qu'il poursuivait. Son jugement, était droit
et sain ;* mais il avait besoin de méditer longue-
ment et profondément. Sa conversation, qui
n'offrait rien de saillânt,annonçait un esprit sage
et réfléchi; cependant il avait l'esprit d'à-propos,
et sans reproduire ici sa réponse , si connue, à
certain chevalier de Saint-Louis, nous citerons
une repartie qui l'est moins. Un auteur qui avait
éprouvé des revers quelque temps avant les re-
présentations du Siège de Calais, critiquait
vivement cette pièce au foyer des comédiens,
et soutenait qu'il n'y avait pas un vers à citer.
Lekain lui représenta modestement son injustice,
en lui disant que cette tragédie renfermait de
très-beaux vers. « Citez-m'en un seul, reprit
l'auteur tombé , et je passe condamnation. »
Alors, indigné , Lekain s'avance, et lui recite ce
vers :
Vous fûtes malheureux, et vous êtes cruel!
[ Acte V, se. X .]
Ce vers, qui rappelait à cet auteur envieux sa
tragédie tombée, le força de se retirer, et la
présence d'esprit de Lekain lui valut les applau-
dissements des personnes présentes. On connaît
le bon tour qu'il joua à Marmontel, qui, fort de
la protection de la marquise de Pompadour,
avait mutilé le Venceslas original de Rotrou,
lorsque cette tragédie fut reprise pour la cour.
Lekain eut dans le cours de sa carrière quel-
ques contrariétés à subir, dont son incontestable
supériorité ne le préserva pas. Une de ses mor-
tifications la plus sensible fut son emprisonne-
ment pendant vingt-cinq jours au For-1'Evêque, à
la suite de l'incident orageux qui signala (16 avril
1765) une des représentations de la pièce de
de Belloy. Lekain avait été marié. Il avait
527 LEKAIN — LE
épousé , par inclination, une jeune actrice du
même théâtre. Reçue à l'essai, en 1757, elle, de-
vint sociétaire en 1761, grâce à l'influence de
son mari , se retira en 1767, et mourut en 1775.
Deux fils naquirent de cette union. Par une fa-
talité bien étrange, Voltaire, qui fut, pour ainsi
dire, son maître, ne le vit jamais jouer depuis
ses premiers essais. Ce fut le jour même qu'on
inhuma Lekain, que son illustre Mécène revint à
Paris, après tant d'années d'absence.
Les Mémoires de Lekain ont été publiés par
son fils aîné ; ils sont suivis d'une Correspon-
dance (inédite) de Voltaire, Garrick, Colar-
deait, etc.; Paris, an ix, 1 vol. in-8°; une autre
édition, précédée de réflexions sur cet acteur
et sur l'art théâtral, par F. Talma, a paru chez
Ponthieu; Paris, 1825, in-8°. Elle fait partie de
la Collection des Mémoires sur l'Art drama-
tique. Ces mêmes Mémoires ont été repro-
duits , mais tronqués, dans la Bibliothèque des
Mémoires relatifs à l'histoire de France,
t. VI, par E. Barrière; Paris, Didot, 1846-1849,
in- 12. On a publié, en 1816, une brochure
intitulée : Lekain dans sa jeunesse, ou Dé-
tails historiques sur ses premières années,
écrits par lui-même, in-8°. Les mémoires de
l'acleur Mole contiennent sur ceux de Lekain
une notice assez bien faite.
Là Bibliothèque impériale possède le Journal
manuscrit des représentations de Lekain , et
une copie certifiée authentique par son fils aîné
d'une Description de toutes les villes qu'il
avait parcourues dans ses voyages, soit en France,
soit à l'étranger, in-4° de 355 pages. Lekain fut
l'éditeur de la première édition de la tragédie
à' Adélaïde du Guesclin; Paris, 1766, in-8°.
Elle était précédée d'une préface de l'éditeur.
E. de Manne.
Correspondance de Voltaire — Idem de Grimm. —
Idem de La Harpe.— Mercure de France, mars 1773.
— Mémoires de Mole. — Mémoires de Lekain. — Ga-
lerie du Théâtre-Français, par Lemazutïer.
le reux ( John ) , graveur anglais , né en
1784, à Londres, où il est mort, le 2 avril 1846.
Élève de James Basire , il s'attacha surtout à
reproduire les dessins d'architecture, et fut un
des artistes qui, par leurs efforts persévérants,
contribuèrent à ramener le goût au culte de
l'art gothique. Il grava la plupart des planches
des ouvrages suivants : Architectural Antiqui-
ties de Britton; — Anliquities of Normandy ,
Gothic Examples et Gothic Spécimens, de
Pugin; — Westminster Abbey et Churches,
de Neale ; — Memorials of Oxford and Cam-
bridge, etc. Son fils, J.-H. Le lieux, suit la
même profession.. P. L — y.
Enqlish Cyclop. ( Biography ).
le laboureur (Claude), généalogiste
français, vivait au dix-septième siècle II était
prévôt de l'abbaye de risle-Sainte-Barbe-lès-Lyon ;
mais ayant parlé d'une manière indiscrète du cha-
pitre de son église à l'archevêque de Lyon en
lui présentant son premier ouvrage, il se trouva
LABOUREUR 528
en butte aux persécutions de ses collègue?, et fut
forcé de résigner sa prévôté. On a de lui : Ao-
tes et Corrections faites sur le Bréviaire de
l'abbaye de Lyon; Lyon, 1643, in-8°; — Les
Mazuresde l'abbayede V Isle-Barbe-lès-Lyon,
avec le catalogue de ses abbez; Lyon, 1665-
1682, in-4°; — Discours de l'origine des armes,
et des tenues usilez pour l'explication de la
science héraldique; Lyon, 1658, in-4°; —
Épître apologétique contre le père Menestrier,
in-4° ; — Histoire généalogique de la Maison
de Sainte-Colombe et autres maisons alliées;'
Lyon, 1673, in-8°. J. V.
Nicéron, Mém., t. XIV, p. 127. — Lelong, Bibl. hist. de
la France.
le laboureur ( Louis) , poète français,
neveu du précédent, mort le 21 juin 1679, à Mont-
morency. Il était bailli de cette ville, poste qu'a-
vaient occupé son père , son grand-père et son
trisaïeul. On a de lui : Les ■ Victoires du duc
d'Anguien, en trois divers poèmes ; Paris ,
1647, in-4° ; — Charlemagne,poëme héroïque,
Paris, 1664, 1666, 1687, in-12; — La Pro-
menade de Saint-Germain ; Paris, 1669, in-12 ;
—Avantages delà langue françoise sur la la-
tine; Paris, 1669, in-12. J. V.
Nicéron, Mém., t. XIV, p. 126. — Lelong, Bibl. Hist. de
la France.
le laboureur [Jean ) , historien français,
frère du précédent, né à Montmorency, en 1623,
mort au mois de juin 1675. Il commença de
bonne heure à écrire, et il avait à peine dix-
huit ans lorsqu'il fit paraître son premier ou-
vrage. Il était à la cour en 1644, en qualité de
gentilhomme servant du roi, lorsqu'il fut choisi
pour accompagner la maréchale de Guébriant
\voy. ce nom) en Pologne, où elle allait con-
duire Marie de Gonzague, mariée au roi Ladis-
las IV. Le Laboureur fit le voyage avec cette
princesse, et revint un an après avec la maré-
chale. Dès qu'il fut de retour en France, il entra
dans l'état ecclésiastique, et fut fait aumônier du
roi. Ayant obtenu le prieuré de Juvigné, il en
prit le titre, sous lequel il est aussi connu. Ses ou-
vrages lui valurent en 1664 la dignité de com-
mandeur de l'ordre de Saint-Michel. Il laissa ses
papiers à Clairembaud, généalogiste de l'ordre
du Saint-Esprit. On a de Jean Le Laboureur :
Recueil des Tombeaux des personnes illus-
tres dont les sépultures sont dans l'église
des Céleslins de Paris, avec leurs éloges, gé-
néalogies, armes, blasons et devises; Paris,
1641, in-4°; 1642, in-fol. ; — Relation du
Voyage de la royne de Pologne et du retour
de madame la maréchale de Guébriant, am-
bassadrice extraordinaire et surintendante,
de sa conduite par la Hongrie, l'Autriche, la
Styrie, la Carinthie, le Frioulet l'Italie; Paris,
1647, in-4° : cet ouvrage contient un discours
historique sur toutes les villes et États par où a
passé l'ambassadrice et un traité particulier du
royaume de Pologne, de son gouvernement an-
529 LE LABOUREUR — LELAKD
> L-icn et moderne, de ses provinces et de ses prin-
| pes, avec plusieurs tables généalogiques de sou-
erains; — Histoire du Comte de Guébriant,
maréchal de France; Paris, 1656, in-fol. :
cette histoire est composée sur les mémoires
jju maréchal, sur les instructions de la cour,
i les lettres du roi et des ministres, et d'autres
bapiers d'État; l'auteur y a joint l'histoiregénéalo-
gique de la maison de Budes et d'autres familles
pe Bretagne qui en sont issues; — Les Mé-
moires de Michel de Castelnau, seigneur de
mtauvissière ; Paris, 1659, 2 vol. in-fol. : ces
'mémoires avaient déjà été imprimés en 1621 ;
iLe Laboureur les augmenta de plusieurs com-
ipnentaires manuscrits, de lettres, négociations et
jiutres pièces secrètes et originales ; il y joignit
|es éloges des rois, princes et personnes illus-
tres du temps et l'histoire généalogique de la
i(naison de Castelnau; il entreprit ce travail à la
[prière de Jacques de Castelnau, maréchal de
France; — Histoire de Charles VI, roy de
f'rancc, écrite par les ordres et sur les mé-
moires et les avis de Guy de Monceaux et
ne Philippe de Villette, abbés de Saint-
pen y s, par un auteur conterriporain, reli-
gieux de leur abbaye, traduite sur le ma-
nuscrit latin tiré de la bibliothèque de M. le
président de Thon; Paris, 1663, 2 vol. in-fol. Le
Laboureur devait joindre à sa traduction des
Commentaires qu'il n'a pas publiés; il a seulement
jplacé en tête du premier volume des Mémoires
pour servir d'introduction à V Histoire du
fègne de Charles VI et une Histoire parti-
culière des quatre princes gouverneurs du
hroyaume pendant la minorité de Charles VI,
iivec des tables généalogiques de tous les descen-
dants de ce roi; comme l'histoire du religieux
anonyme de Saint-Denys, que Le Laboureur
Icroitètre Benoit Gentien, finit à 1416, il y a
jjoint l'histoire du même prince par Jean Lefè-
hrre, sieur de Saint-Remy, lequel, passe lé-
gèrement sur les premières années de ce règne
[et ne commence à s'étendre qu'à partir de 141 1 ;
— Tableaux généalogiques des seize quar-
tiers de nos rois depuis saint Louis jusqu'à
présent, des princes et princesses qui vivent
et de plusieurs seigneurs du royaume ; Paris,
1683, in-fol. Cet ouvrage, qui contient le nom et
les armes de près de huit cents familles, a été
publié par le père Menestrier ; — Discours de
V origine des Armoiries ; Paris, 1684, in-4°. Le
père Lelong pense que les deux derniers tomes
des Mémoires de Sully, qui furent imprimés en
1662 à Paris, in-fol., l'ont été par les soins de
Le Laboureur. Brunet lui attribue l'édition des
Économies royales; Paris, 1064, avec une suite
qui renferme les événements depuis 1610 jusques
I en 1628. On lui attribue Réponse au libelle inti-
I tulé : Bons avis sur plusieurs mauvais; 1650,
in-4°. Le Laboureur avaitlaissé en manuscrit une
Histoire de la Pairie de France, qui se con-
serve à la Bibliothèque impériale, J. V.
530
Lelons, Bibliothèque Historique de la France. — Nl-
cér'on, mémoires pour servir à l'histoire des hommes
illustres, tome XIV, p. 111. — Barbier, Dictionnaire
des Anonymes- — Brunet, Manuel du Libraire, p. 392.
lelaé (Claude-Marie), poëte breton, né le
8 avril 1745, à Gorrequear-coum, près Lannilis,
moitié 11 juin 1791, àLanderneau. Il était avocat,
et fut à la révolution nommé juge au tribunal
du district de Landerneau. On a de lui, en pa-
tois bas-breton, divers morceaux de poésie,
deux poèmes, des chansons , des satires et des
épigrammes, qui ont joui longtemps d'une cer-
taine popularité. « Ses vers ont encore la faculté,
disait Cambry en 1799, de faire rire aux éclats,
d'un rire inextinguible, les hommes de la cam-
pagne les moins instruits, les gens de la ville les
plus éclairés, les femmes, les enfants, tous ceux
qui les entendent. Il serait impossible d'en
donner une idée ; leur esprit tient presque tou-
jours à l'originalité, à la poésie, au mordant du
langage. » Le poème intitulé Michel Morin
(imprimé àMorlaix, vers 1775) est cité comme
un chef-d'œuvre de style et de gaîté ; c'est au
reste une paraphrase ingénieuse de la pièce ma-
caronique qui porte le même titre. K.
Miorcec de Kerdanet, Les Écrivains de la Bretagne,
387. — Carabry, Voyage dans le Finistère, II, 177.
I.ELAM) ou latlonde, archéologue an-
glais, né à Londres, au commencement du sei-
zième siècle, mort le 18 avril 1552. Il commença
ses études à l'école de Saint-Paul sous "William
Lely, et les acheva au collège du Christ à Cam-
bridge. On prétend qu'il fut agrégé à cet établis-
sement. Cependant il ne tarda pas à le quitter, et
passa plusieurs années dans le collège de All-
Souls à Oxford. A la connaissance, alors rare,
de l'ancien allemand et du welche ( gallois ), il
joignait celle du grec et du latin. Il se fortifia
dans les langues classiques par un voyage à
Paris, où il connut Guillaume Budée, Lefèvred'É-
tapies, Paul Emile, Jean Ruel, François Silvius,
et apprit en même temps le français, l'italien et
l'espagnol. A son retour en Angleterre, il entra
dans les ordres sacrés, et devint chapelain de
Henri VIII, qui Je nomma recteur de Popeling
dans le territoire de Calais, le choisit pour bi-
bliothécaire, et le nomma, en 1533, son anti-
quaire. La commission qui lui conférait ce titre
le chargeait de rechercher les antiquités d'An-
gleterre, de visiter les bibliothèques de toutes les
cathédrales, des abbayes, des prieurés, des col-
lèges et en général tous les lieux où se conser-
vaient des manuscrits, des archives et autres
documents antiques. Leland consacra six ans à
parcourir l'Angleterre et le pays de Galles, et à
recueillir les matériaux d'une histoire de sa pa-
trie. Il apporta tant de zèle dans l'exécution de
ce dessein que, non content des renseignements
que lui fournissaient les bibliothèques, les vi-
traux et les sculptures des cathédrales et des
monastères, il examina les débris des construc-
tions romaines, saxonnes ou danoises, et nota
531 LELAND
les tumulus, les médailles et les inscriptions. Le
roi le récompensa de son infatigable activité en
le nommant en 1542 recteur d'Hasely dans le
comté d'Oxford et en 1543 chanoine du collège
du Roi (maintenant Christ-Church ) à Oxford.
Leland obtint un peu plus tard une prébende
dans la cathédrale deSalisbury. En 1545, ayant
arrangé en quatre livres la partie de ses recher-
ches qui se rapporte aux illustres écrivains de
la Grande-Bretagne, il la présenta au roi sous le
titre de A newe year's Gif te , avec le plan du
grand ouvrage qu'il projetait. Pour le composer,
il se retira dans une maison qui lui appartenait,
et pendant six ans il travailla sans relâche.
L'excès du travail troubla sa raison, et ses
grands travaux sur les antiquités de l'Angleterre
ne furent jamais achevés. Les papiers de Leland
passèrent entre les mains du précepteur d'E-
douard VI, sir John Cheke, qui n'en put tirer
parti, à cause des persécutions religieuses qui
suivirent la mort de ce prince. Forcé de quitter
l'Angleterre, il laissa quatre volumes in-folio des
collections de Leland à Humphrey Purefoy. Ces
volumes passèrent à Burton, auteur d'une His-
toire du comté de Leicester, lequel se procura
huit autres volumes des manuscrits de Leland
appelés son Itinéraire , et déposa le tout en
1632 dans la bibliothèque Bodléienne. Quelques
manuscrits de Leland font partie de la collection
Coltonienne dans le British Muséum. Ho-
linshed , Drayton , Camden , Dugdale , Stowe ,
Lambard , Battely, Wood ont fait un fréquent
usage des matériaux laissés par Leland. Ce sa-
vant composa avec Nicolas TJdall les vers anglais
et latins qui furent prononcés au couronnement
d'Anne Boleyn. On a de Leland : ISsenix in
mortem Thorax Viati; Londres, 1542, in-4°;
— Genethliacon illust. Edwardi, principis
Cambrix ; Londres, 1543, in-4°. Comme l'au-
teur avait employé dans ce poème de vieux
mots, il y joignit un Syllabus et Interpretatio
antïquarum Dictionum; — Asserlio incly-
tissimi Arturii, régis Britannix; Londres,
1544, in-4°, avec un Elenchus antiquorum
Nominum; cet ouvrage a été traduit en anglais
par Robinson, sous ce titre : Ancient Order, So-
ciety and Unitie laudable of prince Arthur
and (lis Knightly armory of the round Ta-
ble ; 1583; — Cygnea Cantio, avec des Com-
mentant in cygneam cantionem, indices Bri-
tannix antiquilalis locupletissimi ; Londres,
1545, in-4°; — Laudatio Pacis ; Londres, 1546,
in-4°; — Aneuje year's Gif te ; Londres , 1549,
in-S° ; — Principum ac illustrium aliquot et
eruditorum in Anglia virorum Encomia,
Trophxa, Genelhliaca et Epithalamia; Lon-
dres, 1549, in-4°; — Commentarii de Scrip-
loribus britannicis , publiés par Anthony
Hall; Oxford, 1709, 2 vol. in-8°; — Itinerary,
publié par Thomas Hearne ; Oxford, 1710-1712,
9 vol. in-8°, a eu plusieurs éditions; — De ré-
bus britannicis Colleclanea, publié par Tho-
53
mas Hearne; Oxford, 1715,6vol. in-&°,réimprim
à Londres, 1770. Z.
Wood, Athenœ Oxonienses. — Huddesford, Lires flj
Leland, Hearne and Wood ; 1772, 2 vol. in-8°. — lîayliJ
Dictionnaire Historique et critique. — Chaufepiéi
Dictionnaire historique. — Nicéron, Mémoires pou
servir à l'histoire des Hommes illustres, t. XXVIII. -1
Chaliuers, General Biographical Dictionary.
leland (Jean), célèbre controversiste ar
glais, né à Wigau, dans le Lancashire, le 18 oej
tobre 1691, mort le 16 janvier 1766. A l'âge d]
six ans il eut la petite vérole, et perdit à la suit!
de cette maladie toutes ses facultés intellec]
tuelles ; il les recouvra un an après, mais il n'
put jamais se souvenir de ce qu'il avait vu et oh
serve avant d'être tombé malade, et il dut d
nouveau apprendre à parler et à lire. Son pèrc,
commerçant à Dublin, le destina à l'état cccU,
siastique. En 1716 Leland devint pasleur ac
joint de la congrégation des dissidents qui sV
tait formée dans le New-Row à Dublin. Dans j
suite il se fit remarquer par une série d'ouvrage
où il défendit avec éloquence la religion dm
tienne contre les attaques des athées et de
déistes. En reconnaissance de son savoir étendt
qui lui valut le surnom de Bibliothèque am.
butante, l'université d'Aberdeen lui envoya e
1739 le titre de docteur. On a de lui : An ans
wer lo a late book entitled : Christianit
as old as the Création; Dublin, 1733, 2 vo.
in-8°, ouvrage dirigé contre Tindal; — The d\
vine Authority of the Old and Nev> Tcstamen
asserted, with a parlicutar vindication
the characters of Moses and Prophets, Jésus
Christ and his Apostles , against the in jus
aspersions and f aise reasoning of a book in
titled : « The moral Philosopher » ; Londres
1739, in-8° : cet ouvrage, écrit en réfutatioi
d'un livre de Morgan, provoqua une réponse à
ceiui-ci. Leland répliqua par un second volume
qui parut en 1740. Son ouvrage fut traduit ei
allemand par Marsch; Rostock, 1756, in-8°; -
An Answer to a pamphlet entitled : Chris;
tianity not founded on argument, 1742, opusculi
dirigé contre un pamphlet de- Henri Dodweil
— Re/lections on the late lord Boling
broke's Letters on the study and use of his-
tory; Dublin, 1752, in-8°; — A View of th
principal deistical writers that hâve ap-
pearecl in England in the last and présent
cenlury, with observations uponthem; 1754
2 vol. in-8° : cet ouvrage, dont une traduction
allemande parut à Hanovre, 1755, en 2 vol.
in-8°, eut plusieurs éditions; celle de 1798,
donnée par le docteur Brown, est une des plus
estimées; l'ouvrage de Leland a servi de base à
l' Histoire critique du Philosophisme anglais
de Tabaraud ; — The Advantage and Neces-
sity of the Christian Révélation , shoum from
the state of religion in the ancient heathen
world; 1762, 2 vol. in-4° ; une nouvelle édition
fut donnée en 2 vol. in-8°; une traduction fran-
çaise de cet ouvrage parut à Liège, 1768, 4 vol.
b3 LELAND —
n-12, sous le titre de Nouvelle démonstration
wangélique ; — Sermons; 4 vol. in-8% pu-
«liés après la mort de Leland et précédés de sa
Liographie par le docteur Isaac Weld. E. G.
CtKilmers , Biographical Diction. — Rose, New Biogr.
Wçtion.
j leland (Thomas), théologien, érudit et
lislorien anglais, né à Dublin , en 1722, mort en
[785. 11 fit ses études à l'université de Dublin,
ù il fut reçu felloio en 1746, et entra dans les
jrïlres en 1748. Devenu bientôt après un des pré-
licateurs les plus renommés de Dublin, il fut
hargé en 1763 d'enseigner les préceptes de l'é-
pquence à l'université de cette ville, et fut
ominé, cinq ans après, chapelain du lord lieute-
lant d'Irlande. On a de lui : Historyof the Life
\nd Reign of Philip, fiing of Macedon, the
iat fier of Alexander ; Londres, 1758, 1761 et
769, in-4°; ibid., 1775, 2 vol. in-8°; Dublin,
806, 2 vol. in-8° ; — A Dissertation on the
tyinciples of human Eloquence, with parti-
ular regard to the style and composition of
fie New Testament ; Londres, 1764, in-4° ;cet
puscule, où l'auteur contestait les conclusions
ue Warburton avait tirées des défauts de style
ui se trouvent dans le Nouveau Testament, fut
iolemment attaqué par Hurd; Leland publia
me réplique écrite avec mesure et politesse;
- History of Ireland, from the invasion of
ïenry II with a preliminary discourse of
he ancient state oj that Kingdom; Londres,
773, 3 vol. in-4°, ouvrage superficiel, mais
l'une lecture agréable ; une traduction française
n fut donnée par Eidous, Maestricht, 1779,
vol. in- 12. On attribue à Leland le roman
îistorique : Longsword , earl of Salisbury ;
,ondres, 1762. Enfin Leland, qui avait donné
:n 1754 en commun avec Stokes, une édition
le Démosthène (2 vol. in-12), a publié une tra-
luction anglaise de cet orateur, avec notes
îistoriques et critiques; ce travail, estimé parut
i Londres, 1756-1770, 3 vol. in-4°. E. G.
Chai mers, Biographical Dictionary. — Rose, New
Biog. Dict.
*leleux [Adolphe), peintre français, né à
5aris, le 15 novembre 1812. 11 s'occupa pendant
ongtemps de gravure, et débuta au salon de
1835 par une aquarelle. Bientôt il se fit remar-
quer par des toiles d'une énergie originale, avec
le la simplicité, de la hardiesse, une couleur
brillante, des attitudes pleines de caractère ; on re-
marque surtout les tableaux où il retrace des scè-
nes d'émeute. En 1842 il obtint une médaille de
troisième classe, en 1843 et 1848 une médaille de
deuxièmeclasse, etlacroixd'Honneurenl855.0n
cite parmi les tableaux qu'il a exposés en 1836 :
Chasseur de Picardie; — en 1837 : Un Por-
cher; — en 1838 •• Bas-Bretons ; — Men-
diant; — en 1840 : Jeunes filles bas-breton-
nes; — Bûcherons bas-bretons ; — en 1841 :
i Rendez-vous des chasseurs; — en 1842 : Le
! Paralytique; — La Korolle, danse breton-
LELEUX 534
ne; — en 1843 : Chansons à la porte d'une
Posada; — en 1844 : Cantonniers de la Na-
varre; — Pécheurs de la Picardie; — en
1845 : Pâtres bas-bretons ; — Départ poxir le
Marché; — en 1846 : Contrebandiers espa-
gnols; — Faneuses ; — en 1847 : Jeunes Pâ-
tres espagnols ; — Bergers des Landes; — Le
retour du Marché; — Portrait de l'auteur;
— en 1848 : Improvisateur arabe; — Fem-
mes arabes du Désert ; — en 1849 : Danse
des Djinns; — Le mot d'ordre; — Portraits
d'enfants; — en 1851 : Famille de Bédouins
attaqués par des chiens; — Patrouille de
nuit en février 1848 à Paris; — La sortie,
Paris 1848; — Promenade publique; —
Chemin creux ;— La Forge ;— L'établi ; — En
1852 : lelkjuin 1848 à Paris; — Une place
du Marché à Dieppe; — en 1853 : Dépicage
des blés en Algérie; — Terrassiers après
le repas ; — Arrivée au champ de foire ; —
en 1855 : Champ de foire de Saint-Far geau;
— Enfants conduisant des oies; — Poules et
coqs : basse-cour ; — Jeunes Pâtres condui-
sant leurs bêtes aux champs; — en 1857 :
La petite Provence aux Tuileries ; — Une
Cour de cabaret en Basse-Bretagne; — En-
fants effrayés par un chien; — Une jeune
femme et une jeune fdle tricotant ( Basse-
Bretagne); — Pécheurs à l'étang et machine
à battre (Bourgogne). L. L— t.
P. Mantz, dans le Dictionnaire de la Conversation. —
Vapereau.Dict. univ. des Contemp.— Livrets des Salons,
1835-1857.
* leleux ( Armand), peintre français, frère
du précédent, né à Paris en 1818. En 1832 il
entradans l'atelier de M. Ingres ; il suivit ce maître
à Rome en 1834. Son séjour en Italie ne changea
pas son goût pour le genre, et de retour en
France il imita la manière de son frère et de
M.Eugène Delacroix. Il retourna depuis en Italie,
fit un voyage en Allemagne, et, en 1846, le gou-
vernement français lui confia une mission artis-
tique en Espagne. Il a obtenu une médaille de
troisième classe en 1844 , et une médaille de
deuxième classe en 1847 et 1848. Parmi ses ta-
bleaux exposés on cite, en 1839 : Intérieur bas-
breton ; — en 1840 : Paysans bas-bretons ; — en
1841 : Intérieur d' É table du Jura; — en 1842:
— Intérieur d'Atelier ; — Intérieur d'Étable;
— en 1843 : Repos sous les arbres dans la
forêt Noire;— en 1844 -.Laveuses à la fon-
taine; — en 1845, Zingari; — Baigneuses ; —
Forgeron; — en 1846 : Danse suisse; — In-
térieur d'Atelier; — Le Matin; — Le Bou-
quet ; — en 1847 : Mendiants espagnols; —
Guitarero; — Arrero andaloux ; — en 1848 :
La Fenaison; — Cazador andaluz; — Hila-
dora Pasiega; — Mozo de mutas ; — en 1851 :
Lavandières de Suisse; — Fripière d'Es-
pagne;— Le Matin, intérieur de cuisine;
— en 1852 : Guide du Saint-Gothard; — en
1853 : Manola; — Arrieros; — en 1855 : Dans
535 LELEUX
les bois;' — Récréation maternelle; — L'En-
tretien; — en 1857 : Le Bouquet de la Mois-
son. L.L— t.
Vapereau, Dict. univ. des Contemp. — Livrets dessa-
lons, 1839-1857.
lelien. Voy. LjElianus.
le lièvre (Jean), historien français de la
première partie du dix -septième siècle. Il avait
embrassé l'état ecclésiastique, et était devenu
chanoine de Vienne ( Dauphiné ) et abbé de Saint-
Ferréol. On a de lui : Histoire de V Antiquité
et sainctelé de la cité de Vienne en la Gaule
celtique; Vienne, 1625, in-8°. L— z— e.
Lelong, Bibliothèque historique delà France, n° 1, 1. 1,
n° E074, iOfiSV j t. IV, n" 37996. — Rochas, Biographie du
Dauphiné.
lelièvre ( Claude. -Hugues ) , chimiste
français, né à Paris, le 28 juin 1752, mort dans
la même ville, le 9 octobre 1835. 11 apprit la
chimie chez un apothicaire; en 1793, il fut em-
ployé à la fabrication de la poudre et du sal-
pêtre dans les ateliers de la république. Membre
du conseil des mines à sa création, il fut appelé
à la classe des sciences mathématiques et phy-
siques de l'Institut lors de son organisation en
1795. Plus tard il devint inspecteur général des
mines. L'inconduite de sa famille le mit dans la
gêne; simple daus ses goûts, il s'imposa toutes
sortes de privations pour payer des dettes qui ne
lui appartenaient pas. 11 a publié avec Pelletier,
Darcet et Alex. Giroud : Description de divers
Procèdes pour extraire la Soude du sel ma-
rin ; Paris , an m, in-4°. Il a donné au Jour-
nal des Mines : Note sur l'emploi du schorl
rouge pour colorer la porcelaine de Sèvres
( tome III, 1795 ) ; — Note sur le Feldspath
vert de Sibérie et l'existence de la Potasse
dans cette pierre (tome IX, 1799); — Mé-
moire sur la Lépidolite (ibid).; — Descrip-
tion et analyse du cuivre arséniaté en lames
(lomeX, 1801); — Découverte de V Émeraude
en France (ibid.); — Sur un minerai de
plomb suroxygéné contenant du fer et de
l'arsenic oxydés (tome XI, 1802); — Note sur
le Pechstein de Planitz en Saxe ( tome XVI,
1803) ; —Gisement de l'Herzolite trouvé par
M. Lelièvre (tome XXXVI, 1814); — Dans les
Mémoires de l'Institut : Notice surl'Uranite
et sur sa découverte en France (1804) ; — Mé-
moire sur un Manganèse carbonate perri-
fère; — De la Yénite , nouvelle substance mi-
nérale;— Rapport sur un ouvrage manuscrit
de M. André, ci-devant connu soîis le nom de
P. Chrysologue de Gy, lequel ouvrage est
intitulé Théorie de la sur/ace actuelle de la
Terre (avec Haùy et Cu vier, 1 807) ;— Notice sui-
te gisement du Corindon (1810). J. V.
Quérard, La France Lifter.. — Bourquelot et Maury,
La Litlcr. Franc, contemp.
lelièvre (Pierre-Étienne-Gabriel), dit
Chevallier, fameux empoisonneur espagnol, né
en 1785, à Madrid, guillotiné à Lyon, le29janvier
J821. Venu à Paris en 1803, il entra à la Banque.
— LELIÈVRE
530
Son éducation, des protections, la fortune de sor.
père, tout semblait lui promettre un avance-
ment rapide, lorsqu'on découvrit de faux billets !
de banque sur lesquels la signature du direc-i
teur était parfaitement imitée. Les soupçons su
portèrent sur Lelièvre, qui fut arrêté porteur d(jj
papiers attestant son crime. Sa famille offrit de
payer les 60,000 fr. de billets émis par Lelièvre
pour le sauver d'une mort ignominieuse. Tou-
cher consentit à laisser étouffer l'affaire, à la
condition que le coupable s'engagerait dans un
bataillon colonial. Dans cette position, Lelièvre fi.1
à Anvers la connaissance delà veuve d'un officiel
hollandais, nommé Debira. Après quelques mois
passés avec elle dans la plus étroite intimité, Le-
lièvre déserta les drapeaux français, et se rendil
à Lyon, muni des papiers d'un nommé Pierre-
Claude Chevallier, que le hasard avait mis danfi
ses mains et dont il s'appropria l'état civil. Il ré-
gularisa sa position par un faux congé et uw
feuille de route falsifiée. Le préfet du Rhône,
de Bondy, l'accueillit, avec bonté et l'admit dan<>
les bureaux de la préfecture, à la division des.
finances. La veuve Debira vint le rejoindre ; bien-'
tôt sa santé déclina, et elle expira au milieu d'à-,
troces douleurs d'intestins. Huit mois après, le
5 mai 1813, le prétendu Chevallier épousa unede-
moiselle Desgranges : au bout de quelque temps.-.
il en eut une fille, qui périt presque aussitôt dans'
des convulsions; la mère ne survécut que vingt-:
trois jours. Le lendemain, le veuf lisait en pieu-;
rant auprès de la morte {'Imitation de Jésus-,
Christ. Au bout d'un an, Lelièvre épousa Mar-i
guérite Pizard. Treize mois après cette jeune,
femme périt dans des convulsions en laissant uni
fils. Lelièvre contracta un nouveau mariage avec;,
une demoiselle Marie Riquet, qui ne tarda pas à
devenir mère : son accouchement fut pénible;
mais elle semblait se remettre lorsqu'elle expira-
dans une crise violente. Cette fois des chargea
graves s'élevèrent contre Lelièvre. Peu de'
temps avant que sa- femme mourût, il s'était
présenté chez un pharmacien pour obtenir dul
sulfure de potasse. Il avait amené à la mori-
bonde un ecclésiastique à qui il avait suggéré dei
la disposer à lui faire donation de tous ses biens.
Il affecta un grand désespoir lorsque cette femme
eut rendu le dernier soupir, et pâlit quand on le
menaça de faire ouvrir le corps de la défunte.
Bientôt il convola à un quatrième mariage avec
une demoiselle Rose Besson. Le fils qui lui était
resté de Marguerite Pizard avait été placé en
nourrice; Lelièvre alla le chercher Je 2 août
1819, et l'enfant disparut. Il écrivit pourtant en-
core que cet enfant se portait bien. Mais la fa-
mille voulait le voir, et le 17 juin 1820 Lelièvre
se rendit à Saint-Rambert, près l'île Barbe, passa
la journée à jouer avec des enfants, à qui il donna
des bonbons. 11 emporta un de ces enfants ; mais
atteint par le père il fut arrêté : Lelièvre s'excusa
en disant qu'on lui avait volé un enfant, et qu'il
en avait pris un autre. Tous ses crimes se rêvé-
M
LEL1EVRE
reul alors, et le faux Chevallier comparut devant
cour d'assises du Rhône les 11, 12 et 13dé-
îtnbre 1820. Ses réponses, remplies de contra-
ctions choquantes et de protestations hypocrites,
e laissèrent aucun doute sur sa culpabilité. 11 .
itendit avec sang-froid sa condamnation à la
eine capitale , et ne cessa jusqu'au dernier mo-
ient de protester de son innocence, disant que
à l'exemple de notre Seigneur, il souffrait sans
tre coupable ». En apprenant le rejet de son
ouivoi par la cour de cassation, il s'abandonna
un violent emportement, qui ne céda qu'aux
insolations de la religion. 11 parut fléchir à la
|ie de l'échafaud, et on fut obligé de le soute-
nir. On ne s'expliquait guère pourtant l'inté-
!t qu'avait eu Lelièvre à commettre tous ces
taies. Comme bien d'autres criminels, il cou-
ait sa perversité sous les dehors de la religion,
était même obligeant et poli. L. L— t.
Boullée, Relation complète du procès de Lelièvre, dit
bevaltier; Lyon, 1820, in-8°, et article Lelièvre dans
Ùnnuaire Nécrologique de Mahul, 1821.— Biogr. univ.
[portât, des Contcmp.
Jlelibîvre (Hilaire), officier français, cé-
Ibrepar la défense de Mazagran, né vers 1800,
ort en 1851. Il était sous-officier au 15e de
une avant la révolution de Juillet, et fit la cam-
fgne d'Alger avec son corps. Nommé sous-
fcutenant en décembre 1830, il revint en
fance avec son régiment au mois de janvier
bî. Une ordonnance du 3 juin 1832 ayant or-
tanné la création de bataillons d'infanterie lé-
|ie d'Afrique, Lelièvre y obtint un emploi; en
ta ô il y fut nommé lieutenant. 11 prit part à tous
k combats qui eurent lieu contre les Kabyles
■x environs de Bougie, et se distingua surtout
I 10 novembre 1835 à l'attaque de Darnassar,
p, à la tête d'un détachement, il enleva ce village
px nombreux Kabyles qui l'occupaient. En mai
B39, il fut nommé capitaine au 1er bataillon
[infanterie légère d'Afrique, et chargé du com-
landement de la 10e compagnie de ce bataillon,
h mois de novembre il fut envoyé avec cent
Ingt-trois hommes au secours de Mazagran, petit
lllage à trois kilomètresde Mostaganem, qui crai-
pait les razzias de l'émir Abd-el-Kader. Ce petit dé-
Ichement s'était retranché dans un chélif réduit
Irtifié. Le 15 décembre les crêtes des mamelons
Hués entre Mostaganem et Mazagran se couron-
prent de plus de trois mille Arabes , qui com-
jencèrent le feu contre Mazagran. La garnison
Is reçut avec vigueur, et leur fit éprouver de
randes pertes. Ils se retirèrent alors ; mais le
[février 1840, un lieutenant d'Abd-e!-Kader,
uistapha-ben-Tami, parut devant Mazagran à la
ite des contingents de quatre-vingt-deux tribus,
>rmant ensemble de douze à quinze mille com-
îttants. Un bataillon d'infanterie régulière
rabeetdeux pièces de canon accompagnaient
jette masse confuse. Le capitaine Lelièvre avait
our tout matériel de guerre une pièce de quatre,
uarante mille cartouches et un baril de poudre,
'ans la matinée du 1er février, un poste avancé
— LELLI 533
avait signalé les éclaireurs ennemis. Le 2 les
Arabes commencèrent l'attaque. Trois cents de
leurs fantassins se logèrent dans le bas de la
ville, en crénelèrent les maisons, et dirigèrent
une fusillade très-vive contre le fortin, tandis
que des cavaliers l'attaquaient du côté de la
plaine et que leur artillerie, placée sur un plateau
à cinq ou six cents mètres, en battait les murailles.
Encouragés par le nombre, les plus braves vinrent
planter des étendards jusque sous les murs de
la casbah , et tous se précipitèrent à l'assaut
avec fureur. Pendant quatre jours et quatre nuits,
l'attaque demeura acharnée, et la défense se
soutint héroïquement. La moitié des munitions
de guerre ayant été épuisée dès le premier jour,
le capitaine Lelièvre commanda à ses soldats de
ne plus repousser l'ennemi qu'à la baïonnette.
Plusieurs fois le drapeau tricolore arboré sur la
redoute fut renversé par les projectiles arabes;
chaque fois il était relevé avecenthousiasme. Dans
la soirée du 4, le capitaine Lelièvre dit aux
soldats qui l'entouraient : « Nous avons encore
un tonneau de poudre presque entier et douze
mille cartouches; nous nous défendrons juqu'à ce
qu'il ne nous en reste que douze ou quinze ; puis
nous entrerons dans les poudrières pour y mettre
le feu, heureux de mourir pour notre pays. »
Aussitôt que les Arabes avaient paru, le lieute-
nant-colonel Dubarail, qui commandait à Mosta-
ganem, avait ordonné plusieurs sorties contre
eux; malheureusement sa garnison était trop
faible pour qu'il pût tenter de dégager Mazagran.
Un dernier assaut ayant été donné sans plus de
succès contre cette place , le 6 au matin, par
plus de deux mille Arabes , l'ennemi se retira
dans la nuit, emportant cinq à six cents morts
ou blessés. Le 7 au matin la plaine était rede-
venue déserte, la garnison de Mostaganem put
délivrer la compagnie enfermée dans Mazagran ;
elle la ramena en triomphe. Les défenseurs de
Mazagran avaient eu trois hommes tués et seize
blessés. La petite colonne de Mostaganem avait
perdu vingt-trois hommes. Ce beau fait d'armes
valut au capitaine Lelièvre le grade de chef de
bataillon au 1er régiment de ligne en garnison
à Cran. Une médaille fut frappée en mémoire de
cette glorieuse défense et un monument fut élevé
par souscription en l'honneur des cent vingt-
trois héros de Mazagran. Cependant le comman-
dant Lelièvre quitta bientôt l'armée, et son nom
rentra dans l'oubli. L. L— t.
Moniteur, 1840.
LELIÈVRE. Voy. L/VGRANGE.
lelli ( Saint Camille de), fondateur d'ordre
religieux, né à Bucchianico(Abruzzecitériesire),
le 25 mai 1550, mort à Rome, le 14 juillet 1614.
Fils d'un officier, son éducation fut peu religieuse.
Ilétaitlibertinetjoueur. Un ulcère, qui lui vintàla
jambe, lui fit désirer d'entrer dans un couvent;
les Franciscains le rejetèrent; il se rendit à Rome,
où il fut reçu à l'hôpital Saint-Jacques-des-ln -
curables : il y fut guéri momentanément, mais
539 LELLI —
ensuite chassé pour inconduite. En 15G9, il
s'enrôla dans les troupes de Venise, y servit quel-
que temps, et ayant été congédié api es la guerre, il
alla servir comme manœuvre chez les Capu-
cins de Manfrenonio. Ce fut alors qu'il reprit la
volonté de se faire moine, mais son infirmité le
faisait repousser de toutes parts. Il retourna à
l'hôpital Saint-Jacques, où cette fois sa bonne
conduite lui procura l'emploi d'économe; il s'y
fit quelques amis, et jugeant que jusque alors le
service des malades avait été trop négligé dans
les maisons hospitalières , il fit ses études chez
les jésuites , reçut la prêtrise , et fonda , en
1584, la congrégation des Clercs réguliers spé-
cialement destinés au service des malades. Ces
religieux sont vêtus de noir comme les jé-
suites, mais ils portent une grande croix tannée
sur le côté gauche de leur soutane et de leur
manteau. La congrégation des Clercs réguliers,
approuvée par Sixte V le 8 mars 1 586, fut érigée
en ordre religieux par Grégoire XIV, le 15 oc-
tobre 1591. Saint Camille de Lelli se démit de sa
supériorité en 1607, et fut béatifié par Benoît XVI
en 1742. A. L.
Cicatello , Vita Camilli de Lellis. — J.-B. Rossi , Pita
Camilli de Lellis. — Paquot , Mémoires pour l'histoire
des Pays-Bas, t. XI, p. 24.
lelli (Jean- Aloysius), savant italien, né à
Palerme,au seizième siècle, mort en 1594. Il fut
secrétaire du cardinal Louis Torres, archevêque
de Montréal, et publia : Descrittione del real
tempio e monasterio di S.-Maria-Nuova di
Monreale; Rome, 1588, in-4°; la seconde édi-
tion parut sous le titre de : Vite deqli arcives-
covi, abbati e signori di Monreale; historia
délia chiesa di Monreale; Rome, 1596.,in-40;
et Palerme, 1702, in-fol. E. G.
Mongitore, Bibl. sicula, t. I, p. 315.
lelli ( Giovanni-Antonio), peintre de l'é-
cole romaine, né à Rome, en 1591 , mort en 1640.
Élève du Cigoli , il a laissé à Rome quelques
peintures à l'huile et à fresque qui ne manqueut
pas de mérite, telles que ]a.voûte de l'église de
Santa-Lucia-in-Selce et surtout la Visitation,
fresque du cloître de la Minerva. Il peignit aussi
le paysage. Il consacrait ses loisirs à l'étude de
la botanique dans un jardin qu'il cultivait de ses
propres mains.
On trouve dans les ouvrages de Lelli une pu-
reté de dessin qu'il devait à l'étude de l'antique,
une bonne entente de la perspective et une
exécution soignée. Malheureusement un amour-
propre excessif lui devint doublement funeste,
en l'aveuglant sur ses défauts et en lui faisant de
nombreux ennemis. E. B— n.
Orlandi, Abbecedario. — Lanzi, Storia Pitlorica. —
Ticozzi, Dizionario. — l'istolesi, Descrizione di Roma.
— Siret, Dictionnaire historique des Peintres.
lelli (Ercole), peintre et sculpteur de l'é-
cole bolonaise , né en 1702, mort en 1766. Fils
d'un habile armurier, il travailla d'abord dans
l'atelier de son père ; puis, après avoir appris le
dessin sous Giov.-Pietro Zanotti, il fit à Bologne
LELONG 541
et à Plaisance quelques tableaux qui ne s'élèî
vent pas au-dessus- du médiocre. Désespérai)
de réussir en ce genre, il quitta le pinceau pou
s'adonner à l'art des préparations anatomiquej
encore en compagnie de Manzolini. Bientôt il
excella , et ses travaux en ce genre sont encorj
justement célèbres ; ceux qu'il exécuta par ordrj
de Benoît XIV pour l'université de Bologne n
le cèdent pas même à ceux dont le fameux Sic
lien Michèle Zummo a enrichi le cabinet de Fk
rence. On voit encore de Lelli, à la bibliothèqji
de Bologne, l'ancien archigymnase, Deux sw
tues écorchées soutenant une chaire; ellt
ont été sculptées en 1734. Lelli ne mérita pa
moins bien des arts et des sciences par les si
vantes leçons de dessin etd'anatomie qu'il doni
à la jeunesse de Bologne. E. B— n.
Malvasia, Pitture di Bologna. — Lanzi, Storia Pitti
rica. — Ticozzi , Dizionario. — Gu.ilandi, Memorie or'
ginali di Belle Arti — Gualandi, Tre Giorni in Bologn'
lellis ( Charles), historien italien, né
Chieti, mort vers 1660. Après avoir étudié .
droit, il s'établit à Naples, et il se consacra
des recherches historiques. On a de lui : Di
corsi délie familic nobili del regno di Ni
poli; Naples, 1654-1671, 3 vol. in-fol. : ouvra;
estimé, qui contient beaucoup de documei)
inédits tirés des archives publiques et privé*
Lellis a aussi publié à Naples, en 1654, in-4
un volume de supplément à la Napoli sac;
de Caracciolo, et a donné en 1645 une nouve
édition des ouvrages historiques de Michel Rie
avec une Vie de l'auteur. E. G.
Toppi , Bibl. napolitana. — Hubner, Bibl. genea*
gica, t. IX, p. 298.
lelong (Jean), moine flamand, né à Ypr<|
entra dans l'abbaye de Saint-Bertin, et vivait
milieu du quatorzième siècle; on ne sait ri
sur son compte, si ce n'est qu'il traduisit en frs
çais, non sans y faire quelques changements,
écrit composé par l'Arménien Haitlon, qui s'étj
fait prémontré et que le pape Clément V av.)
envoyé en Tartarie. Écrit d'abord en françi
par Nicolas de Salcon, puis traduit en latin so
le titre de Flos ystoriarum terre Orienlï
cette description d'une partie de l'Asie repas
en français sous la plume de Lelong avec un til
fort développé : Y Histoire merveilleuse , pli
santé et récréative du grand empereur
Tartarie-; il y est question « du pays de Suri
des sainetz lieux, du sophy, roi de Perse,
prince Tamburlan, etc. ». Le tout est entrerai
d'un grand nombre de récits merveilleux In
propres à charmer des lecteurs crédules; aus
le succès de l'ouvrage fut-il complet; il en |
rut deux éditions à Paris, 1529, in-folio,
sans date, in-4°; le texte latin fut imprimé plj
sieurs fois et une traduction anglaise vit le je
vers 1525. G. B.
Bergeron, Recueil de Voyages en Asie ; 1735, t. H.
J. Ch. Brunet, Manuel du Libraire, t. II, p. 827.
lelong (Jacques), historien français, m
Paris, le 19 avril 1665, mort dans la même vil
41
k 13 août 1721. Son père se nommait René Le-
Lng, sa mère Jeanne Binet. Très-jeune encore,
perdit sa mère ; et son père, ayant contracté
'autres liens, l'envoya chez un de ses parents,
ui était directeur des religieuses de Sainte-
larie, à Étampes. A l'âge de dix ans environ, il
ht admis au nombre des chapelains de l'ordre
e Malte , et transporté dans cette île. Mais il y
ut de tristes aventures. Comme il avait un jour
Livi le convoi d'un homme mort de la peste, il
ht tenu pour atteint du fléau , retranché du
ponde , et emprisonné dans une chambre dont
k porte futmurée. C'était une précaution inutile,
tendu bientôt à la lumière, le jeune Lelong
lonserva néanmoins une forte rancune contre le
eu malsain où on lui avait fait subir cet affreux
•aitement , et, ayant obtenu la permission de
pntrer en France, il se rendit en toute hûte à
'aris. Il y acheva d'abord ses éludes. Puis,
yant formé le dessein d'entrer dans une con-
régation religieuse , il choisit la congrégation de
Oratoire, où il fut reçu novice en 1686, à l'âge
evingt-et-un ans. Quelque temps après, il était
hargé du cours de mathématiques au collège
e Juilly. Il revint ensuite à Paris, entra au
éminaire de Notre-Dame des Vertus , dans le
illage d'Aubervilliers , près Paris, et devint
ibliothécaire de cette maison. C'est là qu'il put
nfin suivre librement sa vocation, étudier à
oîsir les lettres, les mathématiques, la théolo-
;ie, l'histoire, et acquérir l'érudition la plus
irofonde et la plus variée. Préposé au gouverne-
lentde la bibliothèque de l'Oratoire à Paris, après
mort du P. Rainssant, il l'administra pendant
ingt-deux ans, lui consacrant avc« une assiduité
emarquable la meilleure part de toutes ses jour-
ées. Mais c'était un homme si passionné pour le
ravail, qu'après avoir rempli ses fonctions de bi-
liothécaire avec une rare conscience , il trouvait
ncore du loisir pour entreprendre et pour
chever les ouvrages les plus considérables, et
ont l'exécution offrait les plus grandes difficul-
es. Cependant il n'y a pas d'organisation assez vi-
oureuse pour résister aux fatigues que prétend
ui imposer une volonté toujours tendue vers le
nème objet. Le P. Lelong avait pu parvenir, en
Jomptant les besoins de la nature , à travailler
sans interruption pendant les plus longues jour-
îées, et même à continuer cet assidu labeur
Jurant une suite de nuits sans sommeil : mais
)ar cette lutte violente contre les exigences du
:orps, il abrégea le cours de sa vie, et, affecté
l'une maladie de poitrine, qui l'épuisa lentement,
1 atteignit à cinquante-six ans la limite fatale.
Le premier écrit du P. Lelong est son Sup-
plément à VHistoire des Dictionnaires hé-
breux de Wolfius, inséré dans le Journal des
Savayits du 1*7 janvier 1707. Il publia ensuite :
Bibliotheca Sacra, seu syllabus omnium ferme
Saerx Scripturœ editionum et versionum,
cum notis criticis; Paris, 1709, 2 vol. in-8°.
Une seconde édition de cet ouvrage a vu le jour
LELONG 542
en 1723, en 2 vol; in-fol. C'est de beaucoup la
meilleure. Il en existe encore une édition de
Leipzig , avec des notes de Chrétien-Frédéric
Bœrner. Les érudits ne recherchent pas l'admi-
ration de la foule ; il leur suffit d'être estimés
par d'autres érudits. Il y en a qui, plus désinté-
ressés ou plus modestes encore , ne prétendent
qu'être utiles à leurs confrères. De ce nombre
était le P. Lelong. Quels ouvrages ont été plus
souvent consultés que les siens ? En quel arse-
nal d'érudition manque sa Bibliothèque Sacrée,
et qui peut s'aventurer dans le vaste domaine
de la science théologique sans ce guide éclairé?
En 1713 le P. Lelong publiait un livre plus origi-
nal, son Discours historique sur les princi-
pales éditions des Bibles polyglottes; in-12.
En 1717 il faisait imprimer ['Histoire des Dé-
mêlés de Boniface VIII et de Philippe le Bel,
par Ad. Baillet, et joignait lui-même à cette
histoire un grand nombre de preuves que Dupuy
n'avait pas recueillies. Quelque temps après pa-
rut sa Bibliothèque Historique de la France,
contenant le catalogue de tous les ouvrages
qui traitent de Vhisloire de ce royaume, ou
qui y ont i apport, avec des notes critiques et
historiques ; 1719, in-fol. C'est l'ouvrage qui a
contribué le plus à la réputation du P. Lelong,
et c'est en effet celui qui s'adresse au plus grand
nombrede savants. FevretdeFontette, conseiller
au parlement de Dijon, en a donné une édition
considérablement augmentée, en 5 vol. in-folio.
C'est l'édition usuelle.
Croirait-on que ce catalogue annoté ait pu
passer pour un livre dangereux , et que dans
l'intérêt des lois , des mœurs, de la société me-
nacée, la publication en ait été un instant sus-
pendue ? Nous allons raconter, d'après les pièces
officielles , les principaux détails de cette étrange
persécution. Les deux premiers volumes de l'é-
dition de Fontette étaient livrés au public, et le
troisième allait l'être, quand , le 12 mars 1772,
un censeur royal résidant à Dijon, le sieur Joly,
écrivit à M. de Sartine , directeur général de
l'imprimerie et de la librairie, lui dénonçant la
Bibliothèque Historique comme infectée du
venin des plus perverses doctrines. Quoi? Le roi
n'a-t-il pas contribué de son épargne à l'impres-
sion des volumes déjà publiés? Eh bien! on a
trahi le roi, on s'est servi de son argent pour
attaquer le principe même de la monarchie
française. En effet , le censeur Joly joint à sa
lettre un exposé des circonstances du crime,
et il signale particulièrement à l'attention de
M. de Sartine la page 544 du tome II, où il
trouve une apologie factieuse de l'autorité des
parlements. « Si cet éloge est juste, ajoute-t-il
avec l'emphase d'un dénonciateur, il faut que le
roi descende de son trône, ou du moins qu'il y
fasse asseoir avec lui le parlement ! » Voilà le
mal. Voici maintenant le remède. Le sieur Joly
propose de placer en tète du tome III un aver-
tissement au public, qui contiendra le désaveu
643
LELONG —
des doctrines précédemment émises. Et il ajoute :
« Peut-être ne seroit-ce pas à moi une trop
grande présomption d'oser me flatter que je
n'en serois pas tout à fait incapable, en gardant
toute la modération possible. Il y a plus de
trente-cinq ans que j'étudie notre droit public
et notre histoire , sans laquelle on ne peut y
faire des progrès considérables. Si vous jugiez
à propos, Monseigneur, de faire l'essai de mes
faibles talents, il me paroitroit aussi juste que
nécessaire de m'envoyer les deux premiers vo-
lumes, que je ne pourrois emprunter ici pour
un temps considérable sans me rendre suspect ;
car je désire de rester inconnu, et je n'ai point
d'autre ambition que de servirl 'État. » Les gens
qui font le métier du sieur Joly se disent toujours
les plus zélés serviteurs de l'État. Voici, toute-
fois , le post-scriptum de son épître. « P. S. 11
y a longtemps que je travaille à un ouvrage qui
aura pour titre La Vie, l'Esprit et les Maximes
du cardinal de Retz. Il y en a d'excellentes,
et je réfute de mon mieux celles qui m'ont paru
dangereuses. Cet ouvrage seroit terminé si j'a-
vois trouvé ici les secours qu'on ne .rencontre
que dans la capitale. Oserai-je, Monseigneur,
rappeler à votre grandeur qu'il y a vingt-quatre
ans que je suis honoré du titre infructueux qui
est après ma signature. Joly, censeur royal. »
Ce qui signifie, qu'après avoir sauvé l'État, sans
avoir eu d'autre ambition que d'en être le sau-
veur, le sieur Joly profite simplement de l'occa-
sion pour demander à Paris un emploi bien ré-
tribue. Dès le 21 mars, M. de Sartiue trans-
met au chancelier l'avis qu'il a reçu de Dijon.
Le chancelier fait suspendre l'impression du
troisième volume, et ordonne que ce volume
et les suivants seront soumis à l'inspection du
censeur Joly. Le libraire Hérissant ayant reçu
la visite des gens du roi , est frappé de conster-
nation. Dans un mémoire qu'il adresse au chan-
celier, il invoque les meilleurs arguments contre
une suspension qui va lui causer un notable
préjudice, rappelant d'ailleurs que les deux vo-
lumes déjà publiés ont été censurés par Cappe-
ronnier. Le chancelier est intraitable. Alors Bar-
beau de La Bruyère, collaborateur de Fevret de
Fontette, et chargé depuis sa mort de continuer
seul le travail entrepris en commun, envole un
avertissement qui doit, pense-t-il, satisfaire le
ministre. Mais non, le ministre n'est pas encore
satisfait, tant le crime est énorme, et au désaveu
proposé il fait substituer celui qui a été publié
en tête du tome III. Les différents papiers qui
sont relatifs à cette affaire ont été réunis autre-
fois par nos soins, et placés dans le Supplément
Français de la Bibliothèque impériale.
Il nous reste à mentionner le dernier écrit du
P. Lelong. Le 12 avril 1720, il publiait, dans le
Journal des Savants, une Lettre à M. Martin,
ministre d'Utrecht, concernant un passage de
l'Évangile de Saint-Jean. Lorsque la maladie vint
interrompre le cours d'une vie si laborieuse, il
LE LORRAIN 544
I travaillait à réunir, à coordonner les matériau*
d'une immense collection des Historiens de
France : ce sont les Bénédictins qui ont eu k
| gloire de construire ce monument. Enfin, Fevret de
[ Fontette lui attribue une Vie de Malebrunche,
qui n'a pas été imprimée. B. Haoréau.
Fie du P. Lelong. par le P. Desmolets, en tête de |
seconde êdit. de la Bibliothèque Sacrée. — Abrège de 11
même vie, en tète de la liiblioth. Histor. de Fevret dt
Fontette. — Documents inédits.
lelong (Paul), architecte français, né ei
1801, mort des suites d'une chute de cheval dan
une partie de chasse au château de Sainl-Martii
d'Ablois, appartenant au comte Boy, en sepi
tembre 1846. Chargé du percement de la rue di
la Banque à Paris , il y avait commencé les cons
tructions del'hôtel du timbre, delà mairiedutroi
sième arrondissement et de la caserne dite de
Petits-Pères, qui ont été terminés sur ses plans
On a donné son nom à une rue percée à la mêm
époque que la rue de la Banque, et qui va |j
celle-ci à la rue Notre-Dame des Victoires. J. \\
Moniteur, du 18 sept. 1846.
LELORGNE DESAVIGNY. Voy. SWIGHY.
le lorrain (Robert), sculpteur français, n>,
à Paris, en 1666, mort en 1743. Dès son enfance!
il s'était livré à l'étude du dessin, et il y avait fai,
de tels progrès qu'à dix-huit ans Girardon s'en,
reposait sur lui du soin d'enseigner cet art à sa
fils et à ses élèves. Sous la direction de cet habil(
artiste, il ne réussit pas moins bien lorsqu'
s'adonna à la sculpture, et à l'âge de vingt an^
son maître confiait à lui et à Nonrisson l'exécutiO]
du tombeau du cardinal de Richelieu destinij
à l'église de la Sorbonne. Plus tard il fit pou,
Saint-Landry le tombeau de Girardon lui-mêm]
et de sa femme. Il alla ensuite à Borne, où mal
heureusement il paraît avoir étudié les œuvre,
du dix-septième siècle plutôt que les beaux mo]
dèles de l'antiquité. A son retour en France,
termina à Marseille plusieurs morceaux resté,
inachevés à la mort du Puget. En 1701, un,
Galatée de grandeur naturelle lui ouvrit k
portes de l'Académie royale de Peinture et Sculp
ture. Il fit encore un Bacchus pour les jardin
de Versailles, un Faune pour ceux de Marlji
une Andromède, et divers autres ouvrages d
marbre et de bronze. En 1717, il fut nomm
professeur par l'académie. On remarque dan
ses ouvrages un dessin pur et d'assez bon goC
une expression gracieuse et élégante et surtoi
des têtes pleines de charme. E. B— n.
Fontenay, Dictionnaire des Artistes. Orlandi,^
becedario. — Ticozzi, Dizionecrio. — Dulaure, Histoii
de Paris.
le lorrain ( Louis-Joseph ), peintre (
graveur français, né à Paris, en 1715, mort
Saint-Pétersbourg en 1760. Élève de Jean Du
mont dit le Romain , il alla se perfectionner e
Italie et, à son retour, fut reçu membre d
l'Académie de Peinture et de Sculpture. Cepen
dant il quitta la France pour la Bussie, où il s
fixa. C'était un peintre d'histoire assez médiocr
545 LE LORRAIN
i (quoiqu'il comprit fort bien l'architecture et la
! perspective. Sa touche était d'ailleurs vigoureuse
et ses compositions ordonnées avec goût. La
presque totalité de ses toiles est restée en Rus-
sie. Le principal mérite de Le Lorrain se révéla i
pans la gravure à l'eau-forte. Parmi ses meil- j
Heures estampes on cite : Le Jugement de Sulo- \
mon; — Salomon sacrifiant aux idoles; — !
wstker devant Assuérus; — La Mort de !
Ctéopâtre; ces quatre sujets sont gravés d'après i
ie Troy. Le Lorrain lui-môme a vu graver sur i
ses dessins L'Anneau d'Uans Carvel, par Ave- [
line, et Lu Choseimpossible, par Sornique, sujets
irés des Contes de La Fontaine ; — Vue d'un Feu
l'artifice tiré à Rome par ordre du prince
olonna , gravé par Cannu; — Projet d'une
olace royale , par le même ; — des estampes
jour le poëme de Roland furieux , par Bac-
|uoy, etc. A. de L.
Le Ca-, , Dictionnaire encyclopédique de la France.
leloyer (Pierre), fameux démonographe
rançais, né à Huillé, près Durtal, en Anjou, le
4 novembre 1550 (1), mort à Angers, le 29 jan-
ier 1634. Le peu qu'on sait de sa vie se trouve
ans ses ouvrages. Ses études classiques ache-
ées à Paris, où il resta cinq ans , il se rendit à
bulouse pour faire son droit. Il s'y accoutuma
es lors à négliger quelque peu « les loix, comme
dit, de la saincte ïhémis, » au profit « des
)ix de la Muse gentille », et eut la bonne for-
jne de remporter en 1572 l'églantine aux Jeux
loraux du Capilole. De retour dans sa province,
se fit pourvoir d'une charge de conseiller au
irésidial d'Angers, qu'il occupa tout le reste de
la vie. Il se prit alors à « donner de la tête un
eu ilans toutes les sciences », et petit à petit l'y
erdit, ou ne s'en faut guère. Du droit, il en fit
; moins possible; ses contemporains disent qu'il
'y entendait pas giand chose; pour lui, il as-
Bure qu'il menait de front, comme autrefois,
beau sçavoir des lois et des neuf sœurs :
L'un me retient fie ses gayes douceurs;
L'autre j'exerce à celle fin d'en vivre;
insi parlant , il faut le croire. Le grec au moins
le latin n'avaient point trop déroulé sa verve
*evine ; l'hébreu , le chaldéen , l'arabe , s'ajou-
»nt à ses visions, vinrent nuancer d'une om-
re de folie son imaginative étrange. Ses premiers
ers, d'inspiration facile et gracieuse, étaient d'un
sune homme bien né qui fêtait la vie ; plus tard
i muse devint quelque peu gaillarde et semblait
urins que jamais d'humeur à se délasser de la
ratique du droit dans l'étude du grimoire des
écromanciens ou les rêveries anticipées des
Ihno'ogues. Il était parvenu pourtant à d'é-
'anjjes résultats dans l'histoire des migrations
es peuples. L'hébreu lui révélait toute une face
;norée des chroniques de l'Anjou. Comme
'autres dans le bas-breton, il trouvait dans
! <A) Le manuscrit de Thonraille à la bibl. d'Angers dit
51- Bayle, et Ménage avant lui, 1S40 par erreur, le fai-
mt mourir ù quatre-vingt quatre ans, en 1634.
NOUV. KiOUii. CÉNËR. — - T. XXX.
— LELOYER 546
l'hébreu tout à sa guise , et un beau jour s'y
trouva lui-même avec sa mission précieuse. Son
nom traduit lui donnait Issachav, et par consé-
quent c'est à lui que s'adressait la bénédiction
de Moïse et le mandat spécial d'expliquer au
monde l'origine des nations. Homère venait bien
mieux encore à son aide : un vers de VOdyssde
(1. V, v. 185 ), gardait depuis trois mille ans
le nom, le prénom, le pays, la province, le
village de Leloyer :
nixpo; Aws'pio; AvSéxao; DxXXo; ûXsîyj ,
c'est-à-dire « Pierre Leloyer, Angevin , Gaulois
d'Huillé. Il n'y a ni plus ni moins.... il y a trois
lettres qui restent de tout ce vers qu'on pour-
rait à l'aventure dire superflues et ne le seroient
pourtant. Ce sont les lettres numérales a, %, %,
qui dénotent le temps que seroit révélé le nom ,
qui est l'an de Christ 1620.... Je ne me vante
pas pour cela savoir plus que les autres. Mais
qui voudra impugner la grâce de Dieu coopé-
rante en moy ?... » Avec ces divagations, Leloyer
se fit ù n nom à l'étranger plus encore qu'en France.
Le loi Jacques d'Angleterre lui écrivit pour le
remercier de la dédicace de son livre le plus bi-
zarre, et les chroniqueurs d'Anjou le mention-
nent parmi les merveilles du pays. Il faillit avoir
une fin dont le populaire se serait ému et qui eût
bien couronné son œuvre. 11 était « gisant malade
de sa maladie dernière en son logis de la rue
de la Parcheminerie à Angers quand le feu prit
à l'hôtellerie voisine de Saint-Julien » . On eut toute
les peines du monde à l'en tirer vivant : une partie
de sa fortune y périt. Deux mois plus tard, mes-
sieurs du présidial en corps assistaient à l'enterre-
ment de leur confrère « tenu par les hommes
doctes et savants pour estre l'un des plus sa-
vants hommes du royaume de France et grande-
ment aymé, honoré et respecté par les estran-
gers pour sa grande doctrne et des livres qu'il
a faicts et mis en lumière et des manuscripts
qui ont été trouvés en son estude ». Son por-
trait fait partie du Peplus de Claude Ménard,
dont les cuivres sont conservés au musée d'An-
gers.
Pierre Leloyer a publié : Idylle sur le Loir;
Toulouse, 1572. C'est la pièce qui lui valut l'é-
glantine; — deux odes françaises adressées à
Henri 1TI, dans un recueil de poésies latines : De
Obilu Caroli Noni, Francorum régis, acadé-
mie Tolosanœ maestissimee Carmina ccenota-
phioûppensa (1574, in-4°) ; —Erotopegnie (1),
(l) Ce titre bizarre a servi plus d'une fois avant et de-
puis Leloyer. Ou peut citer Hieron. Avgeriani JVeapo-
litiini EpCùTùTtO'.iYvi.ov ( Paris, Th. Charron, tn-8°, sans
date); la v crtit. est de Naples, 1520, ln-8°. Cet ouvrage
a été reimprimé avec les poésies de Marcelle et de Jean
Second i Paris, Denis Duval, 1682, in-12 ). Gaspar Ba; thaïs
a fait aussi un Erotnpavjnion inséré dans ses poésies la-
tines ( in-8°, 1623, Francfort ), L'édition du poème de
Musneus sur Hero et Lcnndre (Francfort, 1627, 111-4°)
l'intitule Erotopœgnion. Enfin Marie-Ange Accursc, dans
son dialogue contre les mots latins surannés , parle d'un
poëme qu'il nomme Erotopaignion.
18
547
LELOYER — LE LUT
548
ou Passetemps d'amour, ensembleunecomédie
du Muet insensé; Paris, 1576, in-12. La dé-
dicace, datée d'Angers (5 mars 1575), s'adresse à
M. Minut, sieur de Pradères en Languedoc, et
le volume débute par une ode à Ronsard ; —
Œuvres et Mélanges poétiques; Paris, 1579.
C'est une nouvelle édition que l'auteur, par une
singulière inadvertance, donne comme la pre-
mière de ses poésies. L'épître dédicatoire (Paris,
9 septembre 1578) est suivie de vers latins,
grecs ou français, signés des noms de Margue-
rite Leloyer, sœur du poëte, de Ronsard, de
Belleforest , de Marin Boylesve , de Palcal Robin
du Faux , et de nombre d'autres amis plus ou
moins oubliés aujourd'hui. Le livre contient les
Amours de Flore en 102 sonnets, 9 chansons,
une élégie, 5 odes, 6 idylles, dont l'idylle im-
primée déjà à part sur le Loir; Les Boccages,
premier et sicond de l'Art d'aimer, et les Mé-
langes poétique*, Foldtries et ébats de jeu-
nesse, sonnets, épigrammes, le tout suivi du
Muet insensé avec un long prologue et une
épître en vers adressée à M. Chalvet, président
aux enquêtes du parlement de Toulouse, et de la
Néphrlococugie, que précède une épître à l'au-
teur par Jacques Legras et un avis du poëte. Il
ne faut parler ni d'actes ni de scènes. C'est un
dialogue quelquefois très-plaisant, mêlé d'odes,
époies, strophes, antistrophes à là manière an-
ti;;ue; d'ailleurs une grossière bouffonnerie,
qu'on a attribuée longtemps à P. Larivey. Quant
au reste du volume , il y a certainement des
pièces bien laites, des pages bien venues qui
se font lire encore avec plaisir, et quelque chose
partout qui n'est pas vulgaire ; — Quatre Livres
des Spectres ou Apparitions et Visions d'es-
prits, anges et démons se montrant sensibles
aux hommes; Angers, 1586, et Paris, 1605
et encore 1608, in-4°. Cette dernière édition a
pour titre : Discours et Histoire des Spectres.
Les docteurs de Paris approuvèrent l'ouvrage
« pour l'instruction des bons catholiques contre
les pernicieuses et erronées opinions des an-
ciens et modernes athéistes, naturalistes, li-
bertins, sorciers et hérétiques , et pour se pré-
server de leurs prestiges et illusions diabo-
liques et convaincre leur imposture ». On a
remarqué que Leloyer n'y fait qu'une seule fois,
et par voie indirecte , allusion à la Démono-
mgnie de J. Bodin; — Méditations théologi-
ques et Recréations spirituelles sur le canti-
que de la Vierge Marie; Paris, 1614, in-12;
— Edom ou les Colonies iduméanes en l'Asie
et en l'Europe, suivies des colonies d'Her-
cules Phénicien et de Tyr; Paris, 1620,
in-8°. C'était son livre favori, celui qu'il dédia
au roi Jacques d'Angleterre , un simple extrait
pourtant de dix gros volumes qu'il avait à peu
près terminés, et qu'il allait mettre au jour,
lorsque la mort le surprit. Il avait encore dans
son cabinet divers travaux de tous genres , des
versions de psaumes, et une traduction française
de la Cité de Dieu de saint Augustin. La Croix
du Maine parle aussi d'un grand pocme sur
Thierry d'Anjou dans le genre de La Franciade
de Ronsard ou deL'Angiade de Robin du Faux.
Ces pièces sont perdues. Célestin Port.
Nicéron, t. XXVI, p. 323. — Bayle, Journal de Lou-
vet dans la Revue de V Anjou, 1856. t. 2, p. 363, 365. —
Thouraillc, fjist. d'Anjou, njss. fui. 68 et 429. — GouJeÈ
Bibl française, t. 15 p. 35". — Ménage, Not. sur la uiç
de Pierre Àyrhùlt, p. 168. — Mémoires de la Soc. d'A~
gric, Sciences et Arts d'Angers, t. 4, p. 294.
* lélut ( Louis- François ), médecin et phi-
losophe français , né à Gy ( Haute-Saône ) , le'
15 avril 1804. Appartenant à une famille où la
profession de médecin est en quelque sorte hé-
réditaire, il fut reçu docteur à Paris en 1827.
Bien qu'il soit depuis 1840 médecin en chef de la
troisième section des aliénés à l'hospice de laSal-
pétrière, et depuis 1847 membre du conseil de sa-
lubrité, M. Lélut se livre peu à l'exercice de la
médecine ; pour lui cette science n'a été que le
point de départ et la base d'études anthropolo-
giques générales applicables à la psychologie et
surtout à l'économie politique. H est membre de
l'Académie des Sciences morales et politiques
depuis 1844. Le premier il fit une applicationi
bien hardie de la physiologie à l'histoire , ap-
plication qui lui fit dire, entre autres de deux
génies des plus respectés , Socrate et Pascal
« On ne peut en vérité rien voir, rien entendre
de plus extravagant , de plus caractéristique de!
la folie.... (1) »
Ce ne fut pas seulement par l'étrangeté de se*
conclusions que M. Lélut attira vivement l'atten-i
tion ; ses écrits témoignaient d'une remarquable
clarté d'exposition dans ces études délicates et
abstraites. Aujourd'hui encore il poursuit avec
ardeur la solution des problèmes ardus que pré-
sentent les rapports de l'intelligence avec le
cerveau, et ses dernières publications laissent
voir qu'il a entrepris de systématiser le fruit de
ses méditations en écrivant la Physiologie de la
pensée. En 1848, M. Lélut fut envoyé à l'Assem-;j
blée constituante, où il vota constamment avec le <
parti modéré. Lorsqu'il était question de nommer'
un président de la république, M. Lélut soutint le
général Cavaignac ; mais aussitôt que le résultai
de l'élection fut connu , il se rangea au vœu de
la majorité, et fit dès lors adhésion complète à'
la politique du prince président; tous ses voj
tes à l'Assemblée législative, de 184.9 à 1852,
furent dans le sens du pouvoir nouveau, éî;
lorsque cette assemblée eut été dispersée park
coup d'État du 2 décembre, M. Lélut persista
à soutenir Napoléon, qui le nomma membre de
la commission consultative. Peu après, soi
département l'élut membre du corps législatil
comme candidat du gouvernement, et il lut réélu
en 1857. C'est pendant cette période politiqut
que M. Lélut a été nommé membre du consei
impérial de l'Instruction publique (1852) et offi
(1) Démon de Socrate , p. 111.
549 LELUT —
cier de la Légion d'Honneur (1854). A ces diffé-
rentes phases de ces événements correspondent
des publications et des travaux de M. Lélut. Ce
fut d'abord un Traité de i Égalité; puis d'im-
portants mémoires sur la Déportation et svr le
Régime cellulaire; pour éclairer cette question
et plusieurs autres relatives aux systèmes péniten-
tiaires, M. Lélut n'hésita pas à aller visiter les
établissements pénitentiaires de presque toute
l'Europe. Plus tard il présenta le rapport sur le
projet de loi concernant la taxe des chiens, loi
actuellement en vigueur; le rapport sur le projet
de loi concernant la conservation et l'aménage-
ment des sources d'eaux minérales; enfin, trois
rapports d'une extrême importance ont été tout
récemment élaborés et lus par lui au corps
législatif; ces rapports ont pour objet la Ré-
forme du Code Forestier. Après deux jours
de discussion , la loi qui consacre les réformes
étudiées par M. Lélut a été adoptée. Voici les
titres de ses principaux écrits : Manie chez
un auteur de mélodrame et Note sur les hal-
ucinations au début de la manie ( Journ.
kebd. de Méd., 1830) ; — Recherche des analo-
lies de la Folie et de la Raison (ibid., 1834) ; —
Inductions sur la valeur des altérations de
'encéphale dans ledélireaigu et dans la folie;
aris, 1836, in-8°; — Qu'est-ce que la Phré-
Jo/"#;e?ibid.,in-8°; — Du Démon de Sociale:
pécimen d'une application de la science,
isycliologique à celle de l'histoire; ibid., 1836,
n-S° ; — Sur un des points de vue de la ps'y-
hologie de l'histoire ( Gaz. méd. de Paris,
838 ) ; — Un Mol sur la valeur intellectuelle
e la Femme (ibid., 1840) ; — De la Spécialité
•rganique considérée dans les fonctions in-
eltectuelles (ibid., 1834); — Du Poids du
erveau dans ses rapports avec le développe-
ment de l'intelligence (ibid., 1837); — Fa-
ultés instinctives communes aux animaux
l à l'homme et nécessaires à la conserva-
\on de l'espèce (ibid., 1834); — Examen
omparatif de la longueur et de la largeur
u crâne chez les voleurs homicides ( Journ.
niv. ethebd. de Méd., 1831); — De l'Organe
hrénologique de la destruction chez les ani-
maux; Paris, 1836, in-8°; — Recherches pour
1 jervirà la détermination de la taille moyenne
> Je l'homme en France ( Gaz. méd. de Paris,
(B41) ; — L'Amulette de Pascal, pour servir à
^histoire des hallucinations ; Paris, 1846, in-8° ;
Ër Rejet de l'Organologie phrénologique de
llall et de son successeur; Paris, 1843, in-8° ;
ïf édition, 1858, sous ce titre : De la Phréno-
}\gïe: son histoire, ses systèmes et sa con-
amnation; — Formule des rapports du
rveau à la pensée; 1842 ; — Mémoire sur
'■siège de l'âme suivant les anciens; 1842 :
eux Mémoires sur la physiologie de lapen-
fe;lS55 et 1857; — Traité de l'Egalité;
édit., 1858; — Traité de la Santé du peuple
dans les traités publiés par l'Académie des
LE MAÇON 550
Sciences morales et politiques); — Mémoires
sur la déportation et l'emprisonnement cel-
lulaire. Pour le détail des nombreux écrits que
M. Lelut a publiés sur ees deux sujets, voyez.
sa Lettre sur l'emprisonnement cellulaire;
Paris, 1855, in-8°. D'' Dlch.vussoy.
Dictionnaire des Contemporains. — Journal de la
Librairie. — Moniteur, de 1S4S 1859.
lely, peintre vvestphalien. J'oj/.Faes (Pierre
VAN DKR ).
le iMÀciiox ( Jean ) , fondeur français, natif
de Chartres, mort le 28 août 1501. Georges d'Am-
boise, qui fit les frais des belles grilles du chœur
de la cathédrale de Rouen, donna 4,000 liv. pour
la cloche qu'il destinait à la même église : il vou-
lait qu'elle fut la plus belle du royaume. Jean
Le Màchon fut chargé de ce travail. La cloche
fut fondue le 2 août 1501 ; elle pesait 30,000 livre*
selon les uns, 35,000 selon d'autres; elle avait
par le bas 9 m. 745 m. détour; sa hauteur, com-
pris les anses, étaitde3 m. 248 m. Sur la cloche
on lisait :
Je fus nommé Georges d'Amboise.
Qui bien 36,000 livres poise
lit cil qui bien me poiser.i,
Quarante mille y trouvera.
Jean Le Mâchon , demeurant à Chartres, m'a
faite. »
On prétend que la joie de la réussite de l'en-
freprjse causa la mort de Le Mâchon. Il fut in-
humé an bas de la nef de la cathédrale de Rouen.
On plaça sur sa tombe cette inscription :
Cy dessoubz gist Jehan Le Mâchon,
De Chartres homme de facuon,
Lequel fondit Georges d'Aniboise,
Qui trente-six mil livres poise,
Mil Vco ung un Jour d'août deuxiesme,
Puis mourut le vingt- et-huitiesme. »
D. DE B — T.
Langlois, Tombeaux de la cathédrale de Rouen, p. 198.
LE maçon ou le mâsson, en latin Latho-
mus ( Robert ), chancelier de France , naquit
vers 1365, à Château-du-Loir, petite ville d'An-
jou, et mourut le 28 janvier 1443 (1). Il devint
bailli de sa ville natale, et fut anobli par lettres
données en mars 1401. Depuis 1407, conseil-
ler de Louis II, duc d'Anjou et roi de Sicile,
son nom figure au bas d'une ordonnance im-
portante, rendue, le 6 avril 1408, sous l'ins-
piration de Louis duc d'Anjou, pour assurer le
maintien de la tranquillité publique.
Dans la lutte entre la maison d'Orléans et celle
de Bourgogne , il assista le roi Louis, qui était
pour la maison d'Orléans, et prit part, le 21 oc-
tobre 1413, à l'acte royal qui rétablit Jean , duc
de Berry, comme gouverneur en Languedoc et
en Guyenne. Devenu, le 29 janvier 1414, chan-
celier d'Isabeau de Bavière, il souscrivit au
traité d'alliance de celte reine avec Charles, duc
d'Orléans , traité demeuré inconnu aux histo-
(1! Son père s'appelait probablement Hervé Lemaçon ;
il était secrétaire et conseiller de Louis I, duc d'Anjou et
roi de Sicile, en 1388. (Ms. 9660 Colbcrt, dernier feuillet).
18.
551
rien?. Par lettres du 20 juillet même année, il
l'ut nommé commissaire des monnaies. Le
8 avril 1415, il fut envoyé à Angers, où le
comte de Vendôme avait convoqué les états de
la province, pour fairejurer la paix aux Anglais.
En juin de l'année suivante, il devint chancelier
du comle de Ponthieu (depuis Charles VII),
acheta , le 1 6 août , la terre et haronnie de Trêves
en Anjou, et porta désormais le nom de seigneur
de Trêves. Il se trouvait auprès du dauphin lors-
que, dans la nuit du 29 au 30 mai 14(8, Paris tut
surpris par les Bourguignons. Ils auraient saisi ce
jeune prince endormi ( à l'hôtel de Sainl-Paul) si
Tanguy Duchâtel ne l'eût enlevé dans ses bras à
peine velu : Robert Le Masson lui prêta son che-
val (1). Charles VII n'oublia jamais cette scène de
terreur. En récompense du service que lui avait
rendu son chancelier, il lui concéda en 1420 les
produits du péage royal de Trêves en Anjou.
Le duc de Bourgogne voyait avec un extrême
déplaisir le crédit du chancelier qui avait fait por-
ter défense, le 30 octobre 1418, au nom du dau-
phin, d'obtempérer aux ordres du roi Charles VI.
Aussi, par un acte spécial, en datedu 1 3 novembre
suivant, le chancelier fut-il nommément exclu,
avec Louvet et Raimond Baguier, de l'amnistie
politique conclue le même jour et connue sous
le nom de paix de Saint- Maur des- Fossés. Jean
sans Peur, qui en ce moment était maître du
roi et de la situation, exigea du même coup
que les sceaux fussent retirés au seigneur de
Trêves. Mais cette restitution ne fut qu'appa-
rente. Pendant l'année 1419, Le Maçon prenait
part à la convention de Pouilly et assistait, près
du dauphin, au meurtre de Jean sans Peur sur
le pont de Monlereau.
Le 22 février 1422, Robert Le Maçon résigna
la garde des sceaux de France entre les mains
de Gouge de Charpaignes. Toutefois il continua
de recevoir, à titre de pension , les gages de cette
charge (4 000 livres tournois ) , et de participer
activement aux délibérations du grand conseil.
Un de ses actes politiques à celte époque fut la
réconciliation qu'il opéra entre le duc de Brelagne
et le roi en 1426. Au mois d'août de la même
année 142R, comme il se rendait à cheval de Trê-
ves à Thouarcé, escorté de quelques serviteurs, il
fut assailli par une troupe de gens apostés qui
avaient à leur tête les chevaliers Jean de, Langeac
et Bobert André, et emmené en Auvergne, au
château d Usson (arrond. d'Issoire). Quoique
d'un âge avan< é.dlt le texte original (et inédit) (2),
Robert fut obligé de franchir pendant la nuit,
tout d'une traite, une distance de dix-sept lieues.
(1) I,e« Bourguignons avalent pénétré dan- la demeure
du chancelier, et s'étaient empares des sceaux du
dauphiu. I.e 31 mai H18, Robert écrivit aux autorités
du D.inphiaé, pour leur notifier relte soustraction et
pour leur dicter les instructions qu'elles avaient à suivre
en con-équence. Cette lettre nous a été conservée (Ké-
nin, édition Dupont, p. 268).
(S) ,1e dois la connaissance de ce curieux document à
une obligeante communication de M. Crouzct.
LE MAÇON 552
Dès qu'il fut arrivé, il tomba malade, et rendit
le sang perom nés sni corporis vieatus. Jean de
Langeac, châtelain d'Usson pour le roi , son sé-
néchal d'Auvergne, chambellan de Charles VII,
était un des familiers de la cour. Au sein de
l'anarchie et des divisions qui régnaient dans le
palais même du roi, il avait reçu, pour en agir
ainsi, non-seulement l'autorisation, mais ries
ordres réitérés , contenus en des lettres au-
thentiques : ces lettres avaient ete surprises à
l'insouciance du roi, qui se gouvernait aveuglé-
ment par ses favoris. Robert était la victime de
quelque influence plus puissante que la sienne (1).
Il recourut au roi pour être délivré. Le roi s'em-
pressa de contremander les ordres antérieurs, et
écrivit par un écuyer chevaucheur, à Langeac,
que celui-ci eût à relâcher son ministre et con-
seiller. Sur le refus du sénéchal, le roi lui en
voya un ordre plus formel par le ministère dei
Pierre Botherel , prévôt des maréchaux ( plus
tard grand-prévôt de farinée ). Même refus.
Le roi et la reine écrivirent de nouveau, sans
être davantage obéis. Enfin, après trois mois
d'une scandaleuse captivité, Robert Le Maçon
souscrivit à la condition que lui avait , dès le
principe, imposée Jean de Langeac : il paya
une forte rançon, et retourna siéger parmi les
conseillers de la couronne. Treize ans plus
tard, en 1439, il poursuivit, de concert avec h
procureur général, Jean de Langeac, et Rober
André, par devant le parlement de Paris, qui
les condamna l'un et l'autre à des réparations
civiles. Les condamnés se pourvurent, arguan
des ordres qu'ils avaient reçus au nom du roi
Les conditions de l'arrêt furent au reste moi
dérées par un accord survenu en 1441 entre Ici
parties.
Bobert Le Maçon, veuf en premières noces d
Jeanne Cochon, prit alliance une seconde fois
avec une Mortemart , Jeanne de Mortemer,
du seigneur de Couhé- Ces deux époux se tirer,
donation mutuelle en 1424. A cette époque Ro
bert Le Maçon ne pouvait pas compter moin
d'une cinquantaine d'années. Sa nouvelle épouse
en se mariant, était âgée de quinze ans : la pc
litique et l'intérêt présidèrent évidemment l
cette union. Quoi qu'il en soit, la jeune baroni)
de Trêves suivit le ministre à la cour. Elle
était lorsque Jeanne Darc vint trouver le r<
à Chinon, au mois de mars 1429. On sait qi
cette héroïne fut soumise alors à des épreuve
physiques plus que bizarres. Madame de Gai
court, femme du gouverneur d'Orléans, et Mi
dame de Trêves , femme de Robert Le Maçoi
furent chargées deux fois de la visiter et (
constater : 1° si elle était homme ou femme,
2° en ce dernier cas, si elle était vierge; ca
dans les opinions du temps, le diable ou mal
esprit ne pouvait avoir d'action sur une vierg
Jeanne sortit, comme on sait, avec avantage <
(1) Probablement celle du «ire de Glac.
553 LE MAÇON
jçs (preuves, que nous estimons aujourd'hui fort
bilieuses et très-ridicules.
A cette même époque Jeanne la Pucelle , en
présence de Robert Le Maçon et d'un très-pelit
nombre de témoins choisis, révéla au roi le se-
jcret de l'oratoire de Loches (I). Elle triompha
jainsi, du moins momentanément, de la méfiance
Ijet du scepticisme de Chartes VII. Au mois de
jmai suivant, après la délivrance d'Oriéans ,
jjeanne alla trouver le roi à Loches, et le supplia
de marcher sur Reims, pour y être sacré. Le
ijroi, peu convaincu encore, l'interrogea sur son
Inspiration, sur ses visions, sur ses voix. L'hé-
iroïne réussit encore une fois à satisfaire son iu-
jcrélalité. Robert Le Maçon l'ut un des témoins de
Icette nouvelle épreuve. Le roi partit pour
■Reims. Le 5 juillet, accompagné de la Pucelle,
(il vint mettre le siège devant Troyes. Le 8
■'armée assiégeait vainement la place depuis
jtrois jours; le conseil mit en délibération s'il
«allait décamper. Comme on allait aux voix
boiir voter sur ce dernier parti, Robert LeMa-
fcon émit l'avis que l'on mandât Jeanne la Pu-
pelle pour la consulter. Celle-ci arriva, et rassura
Bes timides; elle fit décider que le siège serait
[maintenu, et sortil de l'assemblée pour le pousser
[avec vigueur. Trois jours après ( le 1 1 juillet),
[la Pucelle introduisait Charles Vil victorieux
[dans les murs de Troyes, capitale de la Cham-
pagne. Au mois de décembre 1429 , Robert Le
plaçon signa, comme ministre, les lettres pa-
tentes qui anoblissaient la famille de la Pu-
celle.
On voit par ces détails que Robert Le Maçon
«tait particulièrement éclairé sur le compte de
l'héroïne el que ses sentiments personnels n'é-
rcaient que favorables envers elle. Cependant, le
gouvernement dont il faisait partie se montra
Nris-à-vis de cette femme immortelle d'une
pngratitude et d'une lâcheté impolitique, pour
lesquelles l'histoire ne saurait employer de pa-
Toles trop sévères. Robert Le Maçon, en effet,
tout à la dévotion de LaTrimouille(w»/. ce nom),
élait de ces hommes faibles et bons qu'on ren-
contre parfois dans le camp des pervers ; inca-
pables de faire le mal par eux mêmes, mais très-
capables de le tolérer, et incapables de l'empêcher
avec une active énergie.
Le 6 décembre 1430, le seigneur de Trêves
fut chargé d'une nouvelle ambassade en Bre-
tagne. 11 assista, comme témoin, le 16 août
1436, au traité de mariage qui fut passé àTours,
par ordre du roi, entre sa fille, Yolande de
France, et le prince Amédée de Savoie. Le 8 fé-
vrier 1437, il paya une somme de deniers, ré-
duite par composition, pour l'acquit des droits
seigneuriaux dus à la duchesse d'Anjou à Yolande,
reine de Sicile, d'Aragon, à raison de la terre de
Trêves.
(1) Voy. l'article Darc ( Jeanne ) , t. XIII , col. 84
et ss.
- LEMAIRE 554
Roberl Le Maçon ne reparaît plus sur la scène
politique après 1436. Ce fut probablement l'é-
poque où le vieux serviteur de Charles VII prit
volontairement sa retraite. Les actes authenti-
ques, étudiés de près, montrent le seigneur de
Trêves exerçant ses fonctions au sein du conseil,
année par année et presque jour par joitr, depuis
1416 jusqu'en 1436. Cette assiduité à travers
une époque aussi troublée, celte continuité de
services, qui le faisait survivre à tant de favoris,
à tant d'élévations et de disgrâces de cour, méri-
tent toute l'attention de l'historien. Nous croyons
pouvoir signaler dans ce fait remarquable la
main d'Yolande d'Aragon, belle-mère de Char-
les VII. Robert mourut à peu de temps de là.
Il fut inhumé dans l'église paroi>siale de Trê-
ves, à côté de l'autel d'une chapelle qu'il y avait
fondée. Ce tombeau subsiste encore avec son
épitaphe, et il est surmonté d'une slatue cou-
chée qui reproduit son etfigie.
Vali.et de VmrvîMjE.
Areh'ves du Palais Sonblse : K carions 57. pèce n° 34 ,
et 59, n» ?0. M 3e",. KK registre, i.° 47. folio 12 verso et
15, KK 53. folios 9 *° et 119. KK BU, folio n. Manus-
crits de la Bibliothèque impériale, rue de R'Chelieu: ne-
c:imp«, volume 48, pièce 139. Ms Brienne 2*5. — Du TilVt,
Traites de la, Primée, etc., ibo>, in-4°, p. 193. 215.
— Godefroy, Charles FI et Charles Fil, éditions du
Louvre, 1653, 1661, In-fol. — Besse, Recueil de Pièces
sur Char/es VI, 166». in -4°, p. 80, 291, 30fi. - Lanbe,
Alliante chronologique , etc.. 1B61 , in-4° , tume II ,
p. 279, etc. — Anselme, Histoire génèatoginue , aux
Chanceliers, — Bouche, Histoire de Provence, 1661,
in-folio, t. Il, p. 435 6 — Ordonnances d/>s Rois de
France, tomes IX et suiv-inls, aux tables. — nom Morlce,
Histoire de hrrtayne, 1~44, tome II des preuves. — Hom
Vais--éte, Histoire de Languedoc, t. IV. — I). Plancher,
Histoire de Bourgogne, tomes III et IV. — Chronique.
du Religieux de Saint. Denis, in-folio et in-4°: an» ta-
bles. — Bodin , Recherches historiques sur Sanmur,
1812, in-8°, t. I, p. 379 et sntv. — I. hroniqtie de bénin,
édition de M11" huponl, 1837, in 8". — Quichcrat, Pro-
cès de la Pucelle, 1841 t849, in-8° , aux tables. — A/irr-
çus nouveaux , etc., 1850, page 29. — Chroniques de
Jean Ch.arii.er ; 1858. — De f.ouslnot, 1859, ln-16. —
Charles Fil el ses conseillers, 1859, in-8», aiw tables. —
Isabelle de Bavière ; Paris , 1859, in-88, p. 23 et sui-
vantes.
LE maçon ( Antoine-Jean), littérateur fran-
çais, né en Dauphiné, vivait dans le seizième
siècle. Il était conseiller du roi et trésorier des
guerres. Il quitta ses charges pour suivre Mar-
guerite de Valois, reine de France et de Navarre,
lorsqu'elle se retira en Béarn. Pour plaire à celte
princesse, il traduisit de l'italien le Décaméron
de Boccace, Paris et Lyon, 1 569. D'autres édi-
tions suivirent avec des retranchements portant
sur les passages irréligieux ou licencieux. Sui-
vant Pasquier « la langue françoise n'est pas
peu redevable à Le Maçon ». Suivant d'autres
critiques, « son style est plus suranné que celui
d'Amyot ». — On a aussi de Le Maçon : Les
Amours de Phydie et Gelasine; Lyon, 1550,
in-8°. Il a édité les Œuvres de Jean Le Maire,
in-fol., et celles de Clément Marot. E. D-s.
Pasquier, Recherches, etc., liv. Vil, chap. VI. — La
Croix du Maine et Du Verdler, Biblioth. françaises,
édit. de Rlgolcy de Juvlgny, t. I, p. 4J.
I.EM&1RE {Jacques célèbre navigateur
555 LEM
hollandais, né à Egmont, mort sur l'océan Atlan-
tique, le 31 décembre 1616. Il était fils d'Isaac
Lemaire, riche marchand d'Amsterdam, dont
la famille, d'origine française, avait été obligée
de quitter sa patrie, à la suite des guerres de
religion. Isaac Lemaire habitait Egmont lorsqu'il
fit la rencontre de Willem-Cornelisz Schouten,
marin expérimeuté, qui avait visité presque toutes
les contrées alors connues. Les lettres patentes
accordées par les états généraux de Hollande à
la Compagnie des Indes orientales défendaient à
tous les sujets des Provinces-Unies de doubler
le cap de Bonne-Espérance et de passer par le
détroit de Magellan pour aller aux Indes. Schou-
ten proposa à Isaac Lemaire d'éluder cette inter-
diction en cherchant un autre chemin dans la
partie australe de l'Amérique et au sud de la
Patagonie. Isaac Lemaire consentit à faire la
moitié des frais de l'expédition à la condition
que Schouten fournirait l'autte (1). Ils équipèrent
à Hoorn un vaisseau de trois cent soixante
tonneaux et un yacbt. Schouten fut acclamé
maître (capitaine ) et Jaques Lemaire commis;
son frère l'accompagnait comme second com-
mis (2) ; soixante-cinq hommes composaient
l'équipage, et quarante-et-un canons ou pierriers
l'armement. C'était peu pour une aussi dange-
reuse entreprise ; mais tous les marins étaient
gens expérimentés et de cœur et les bâtiments
bien fournis de vivres et de manœuvres. Us
partirent du Texel le 14 juin 1615, et arrivèrent
le 18 janvier 1616 aux îles méridionales de Da-
vis ou de Sebald de Weert. De là ils se rendirent
à la pointe la plus méridionale de la Terre de
Feu, entre laquelle est une autre île, par 55° 36'
de latitude; ils découvrirent un canal qu'ils mi-
rent moins de vingt-quatre heures à parcourir (du
24 au 25 janvier) et se trouvèrent dans la mer
du Sud. Ce passage, plus facile que celui de Ma-
gellan et du cap de Horn, reçut le nom de dé-
troit de Lemaire. On appella la terre située à
l'est Staten-Island en l'honneur des États de
Hollande, et celle de l'ouest, qui formait la
pointe orientale de la terre de Feu ( Terra de
Fuoco) , terre de Maurice de Nassau. Le
29 janvier 1616, les navigateurs dépassèrent
plusieurs petites îles rocailleuses qui furent ap-
pelées Barnevelt. Au nord -nord -ouest et à
l'ouest la Terre de Feu paraissait haute, mon-
tueuse et couverte de neige; elle se terminait
au sud en une pointe qui fut nommée cap Horn.
La latitude de ce cap est par 55° 58' sud. Il
forme l'extrémité méridionale de l'Amérique.
Lemaire et Schouten, continuant leur route
(1) Picrre-Clemensz 'Brouwer, bourgmestre; Jenn
Jansr. Molenswerf, échevin ; Jean Clemensz Kies, secré-
taire; Curnelisz Serger, Ions de la ville de lleern, lurent,
avec Schouten et Isaac et Jacques Lemaire, les fonda-
teurs directeurs de cette Société.
(2) Ou subrecargue : c'était l'officier chargé de repré-
senter les intérêts des armateurs. Son rôle, à la fois mi-
litaire et commercial, effaçait souvent celui du chef de
l'expédition,
AIRE 556
par la mer du Sud , arrivèrent en novembre
1556, à Batavia, où leurs navires furent saisis
par le gouverneur de. la compagnie des Indes
hollandaise. Arrêtés eux-mêmes , ils furent
embarqués pour la Hollande afin d'y être jugés.
Lemaire mourut de chagrin à la hauteur de l'île
Maurice. A. de L.
Vies des Gouverneurs hollandais aux Indes orien-
tales, p. 30. — Raynal, H istoire philosophique des deux
Indes (Londres, 1792), t. Il, p. 121. — Dumont ri'Orville
Voi/ages autour du Monde. — Ferdinand Denis, Le Génie
de la Navigation, p. 49 50. — Frédéric Lacroix, Pata-
gonie : Terre de Feu, dans VVnivers pittoresque, p. 19'
et 37. — Ternaux-Compans, archives des Voyages , pns-
sim. — William Smith , Collection choisie des Voyuqes
autour du Monde : Introduction par Duponchel, t. I,
p. 69 ; Voyage de Cook, t. Il, p. 230.
b.e maiiie [Guillaume), prélat français,
mort le 13 mai 1.314. A la mort de Nicolas Gel-
lent, évêque d'Angers, il y eut de grands débats
entre les candidats qui prétendaient à sa succes-
sion. Enfin, dès qu'il fut trop prouvé qu'on ne
pouvait s'entendre, on eut recours, suivant l'u-
sage, à un compromis. Les mandataires des
électeurs choisirent alors pour évêque Guillaume
Le Maire, premier chapelain et pénitencier de la
cathédrale. Le 16 mai 1291 le nouvel élu était ;
rendu à Vincennes, et prêtait serment au roi
Philippe. Quelques années après, nous le voyons
excommunier David de Sesmaisons, bailli d'An-
gers, et son sous-bailli Darien Bidoyn. La cause
de leur différend doit être rapportée : il s'agit i
des immunités ecclésiastiques. Dans l'état fâ-1
cheux de son trésor, le roi réclamait partout des
subsides, et ses officiers imposaient les biens de
l'Église comme les autres. C'est ce que ne sup-
portaient pas un grand nombre d'évêques, parmi
lesquels Guillaume Le Maire se montra consy-
tamment un des plus intraitables défenseurs du
vieux privilège ; il plaida même sur cette ques-
tion contre le comte d'Anjou. Enfin, vers la fin
de sa vie, il eut une contestation semblable avec
les collecteurs du pape, leur refusant le droit de
gîte dans les monastères de son diocèse. L'ad-
ministration de Guillaume Le Maire fut tout à
la fois très-laborieuse et très-agitée. On en trouve
l'histoire dans un écrit publié dans le tome X
du Spicilegium de dom Luc d'Achery, lmhis le
titre de : Gesta Guill.elmi Majoris. B. H.
Gallia Christiana, t. XIV, col. 576.
lemaire ( Jean ) de Bavai, prosateur,
poète, historien belge, né à Bavai ,enHainaut,
en 1473, mort vers 1548. Il était neveu du
célèbre Molinet, chroniqueur qui lui servit à la
fois de précepteur et de premier prolecteur. Son
éducation fut aussi distinguée qu'elle pouvait
l'être de son temps. On voit dans la première
épître d'un de sesouvrages, V Amant vert, qu'il
savait le latin, le français, le flamand et le cas-
tillan ; il apprit plus tard l'italien. En 1498 il entra
au service du duc Pierre de Bourbon ; il accepta
ensuite la place de précepteur des enPants d'un
gentilhomme bourguignon, M. de Bolleur, et
fut, vers 1503, attaché en qualité de secré-
«57
LEMAIRE
558
taire à Ja personne de Louis de Luxembourg,
jcomte de Lugny. Un an après, Jean Leraaire
| passa au service de Marguerite d'Autriche, gou-
vernante des Pays-Bas. Ce fut alors qu'il pu-
Iblia, à la louange de Marguerite, ses livres des
\ Regrets et de L'Amant vert, l'un pour déplorer
île* pertes douloureuses que cette princesse avait
faites de ses divers époux et de son frère Phi-
lippe le Beau; l'autre pour conter les peines
causées par le départ de la princesse pour l'Al-
lemagne à un cher perroquet qu'elle avait laissé
Jau\ Pays-Bas, et qui, ne pouvant supporter
(l'absence d'une aussi bonne maîtresse, en mourut
de douleur.
Quelque temps après Jean Lemaire succéda,
Mans la charge de bibliothécaire de la princesse,
à son oncle. A ce titre il joignit bientôt celui
id'indiciaire et d'historiographe, c'est-à-dire
d'écrivain d'histoire et de faiseur de remarques,
et c'est comme tel qu'il signa, en 1509, le
tome Ier de ses Illustrations de Gaule Bel-
gique ; Nantes, 1509-1512. Il commença la pu-
blication de ce livre après un séjour de quel-
ques années en Italie, séjour qui lui avait permis
d'écrire un ouvrage de linguistique intitulé : La
\Concorde des deux Languages français et
\toscan ; — La Légende des Vénitiens, histoire
et pamphlet politique, publié au temps de la li-
eue de Cambrai ; — Le Promptuaire des Con-
ciles de l'Église catholique avec les schismes
\et la différence d'iceux, ouvrage dirigé contre
la politique du pape Jules II, avec qui Louis XII
|t trouvait alors en guerre. Ces derniers ouvrâ-
tes le firent nommer historiographe de la cour
me France. Il perdit cette charge lors de la mort
Wu roi Louis XII ( 1515) ; n'ayant plus de protec-
teur et en proie à la misère , il voulut noyer ses
souris dans le vin ; il en perdit latète, et alla mourir
à l'hôpital, d'une manière si obscure qu'on n'est
mas certain de l'année de sa mort. Quelques au-
fteurs cependant placent la date de son décès à
D'année 1548.
Outre les ouvrages indiqués ci-dessus, on
connaît de Jean Lemaire : Les trois Contes
singuliers de Cupido et d'Atropos, publiée en
1520; — Le Temple d'Honneur et de Vertus,
composé en l'honneur du duc de Bourbon. Cet
ouvrage est mêlé de prose et de vers. « On y
reconnaît, a dit un de ses biographes, que l'au-
teur ne manquait ni de facilité pour se faire un
plan, ni de justesse pour arranger les parties
d'un sujet » ; — La Plainte du désiré, dialogue
entre les deux nymphes Bhétorique et Peinture,
pour déplorer la perte de Louis de Luxembourg,
dont Lemaire fut le secrétaire; — Epitre du roi
à Hector de Troie, pièce de vers écrite au nom
de Louis XII, en réponse à celle que Jean d'Au-
thon, abbé de l'Angle en Poitou, avait envoyée
au roi de France. Dans cette épitre, l'auteur met
dans la bouche de Louis XII le récit de la bataille
d'Agnadel ; le monarque parle de la violence et
de la perfidie du pape Jules II , et fait part à
Hector de la croyance, alors répandue, que les
rois de France descendent du sang troyen ; —
La Couronne marguaritique, pièce d'une assez
grande étendue, que la mort de Jean Lemaire
l'empêcha de mettre lui-même au jour, et où se
trouvent l'éloge de Marguerite de Savoie, des
détails curieux sur tout ce que l'auteur avait
recueilli de l'esprit et des réponses de la prin-
cesse.
De tous les ouvrages de Jean Lemaire, le plus
important est les Illustrations de Gaule. Bel-
gique : il y considère Bavai comme la princi-
pale ville des Gaules, et, accueillant les asser-
tions fabuleuses de Jacques de- Guyse, des Gran-
des Chroniques de Saint-Denis, tirées pour la
plupart du faux Berose et d'Annius de Viterbe,
il attribue la fondation de la Belgique à une
émigration dirigée par Bavo, roi de Bifhynie,
contemporain de la guerre de Troie, et les rois
de France comme descendant de Francus, fils
d'Hector, opinions, du reste, généralement ad-
mises au moyen âge, et qui ne doivent point en-
lever à l'ouvrage de Jean Lemaire le mérite de
certains faits curieux pour l'histoire du nord de
la France.
Jean Lemaire « fut , dit Pasquier dans ses
Recherches de la France (liv. VIII), le pre-
mier qui à bonnes enseignes donna vogue à no-
Ire poésie, et nous lui sommes infiniment rede-
vables pour avoir grandement enrichi notre lan-
gue d'une infinité de beaux traits, tant en prose
qu'en vers, dont les meilleurs écrivains de notre
temps se sont sceu quelquefois bien aider. »
M. Moke, dans son Histoire de la Littérature
française, caractérise ainsi notre auteur : « Des
allégories parfois ingénieuses et surtout une
bonne facture du vers assignent à Jean Lemaire
la première place parmi ses contemporains. Ce
fut lui qui signala le mauvais effet des césures
qui tombaient sur des syllabes muettes, et Marot,
qui tenait de lui l'habitude de s'interdire les chu-
tes, en fit une loi que l'usage vint consacrer. »
Ces éloges ont été repétés par MM. Nizard
et Sainte-Beuve. Z. Pierart.
Saint-Julien, Origines Bourguignonnes. — Paquot-,
Mém. littéraires. — I.aserna .Semainier, Mémoire his-
torique sur la Bibliothèque de Bourgoane de llru.relles.
— ne Reiffenberg, Mémoires de lu Société d'Emulation
de Cambrai, année 1S33. — L'.ibbi,' Massieu, Histoire de
la Poésie française. — Z. Pierart, Guide du Touriste et
de V archéologue dans l'arrondissemont d' Avcsnes , etc.
(Maubeiige, 1859, in-8° ).
lemaire ( François), historien français, né
à Orléans, en 1575, mort dans la même ville, le
17 août 1C58. 11 fit ses études à Orléans, et de-
vint conseiller au présidial de cette ville, puis
échevin en 16?2. Il fut, après Charles de la
Saussaye, le second historien d'Orléans. Son ou-
vrage est connu sous le titre de : Antiquités
de la Ville et du Duché d'Orléans; 1645,
in-4°; 1648, in-folio. Dom Gerou et Lenglet-Du-
fresnoy critiquent sévèrement le style, la pro-
lixité et la crédulité de l'auteur. Cependant, Le-
maire a laissé une quantité de renseignements
55!)
qu'on ignorerait aujourd'hui sans ses recherches.
On a en outre de lui : Recueil de Poèmes et
Panégyriques de la ville d'Orléans, d'après
Léon Trippault, Pyrrhus d'Anglebermes, Ray-
mond de Massac, Raoul Bouthrais, etc., en-
semble V Hercule Guépin, ou louange du vin
d'Orléans; 1646, in-4° ; — Origine de la Ville
d'Orléans, etc. Ces deux derniers ouvrages,
dédiés à M. de Beauharnais, sont fort rares.
L — Z — E.
Dom Gerou,'dans Les Hommes illustres de l'Orléanais,
t. I, p. 806.
LE maire (Pierre), peintre et graveur fran-
çais, né en 1597, à Dammarlin (Brie), mort
en 1659, à Gaillon. Issu de parents pauvres, il
entra, par la protection du marquis de Chan-
vallon, dans l'atelier de Claude Vignon, et se
rendit ensuite à Rome, où il résida près de vingt
années. A son retour en Franc e, il peignit, entre
autres compositions , les célèbres perspectives de
Bagnolet et de Rueil, détruites il y a longtemps.
S'étant lié étroitement avec Poussin, dont le
nom fut même quelquefois accolé au sien, il re-
tourna avec lui a Rome en 1642, y lit un séjour
de peu de durée, et obtint un logement au palais
des Tuileries. On lui doit encore, d'après Claude
Vigneron, quatorze estampes gravées à Feau-
fortc représentant ['Histoire de Paris , et d'a-
près le Dominiquin, David dansant devant
l'arche.
Il ne faut pas confondre Pierre Le Maire,
comme l'ont fait quelques auteurs, avec un ar-
tiste du même nom, François Le Maire, né en
1620, à Maison-Rouge, près Fontainebleau, et
mort en 1688; ce dernier peignait le portrait et
fut reçu en 1688 à l'Académie royale. Poussin,
qui l'employa à Rome à faire des copies, l'appe-
lait le petit Le Maire pour le distinguer de son
ami. P. L— y.
Robert Dumrsnil, Ije Peintre graveur, VI, 204-211. —
Félibien, Entretiens sur les plus excellents Peintres, IV,
415. — Lettres de N. Poussin ; 1824, ln-8°.
LE maire, inventeur français, né vers la
fin du seizième siècle. On n*a point de rensei-
gnements sur ce personnage , qui avait le titre,
probablement honoraire, de gentilhomme de la
chambre du roi Louis XIII. On sait seulement
que des lettres patentes du 27 août 1644, con-
firmatives d'un brevet délivré l'année précédente,
lui accordaient le droit de publier et d'imprimer
ses secrets et inventions en même temps que de
construire plusieurs machines et instruments
avec privilège. Le sieur Le Maire y est dit
« avoir acquis une longue et curieuse connais-
sance, » non-seulement des sciences qui servent
de secours et d'ornement à la vie civile , mais
aussi des langues qui entretiennent le commerce
public des princes et des États , et qu'il en a
fait connaître les résultats par de grands et
judicieux mémoires. Il prétendait avoir des
recettes infaillibles pour accélérer l'éducation
de l'esprit humain; mais soit qu'il n'ait point
trouvé d'encouragement chez ses contemporains,
LEMA1RE
soit qu'il ait renoncé à les mettre cri
560
ratique, j
Je secret a été perdu avec lui. Ses découvertes
sont du genre le plus opposé ; en voici quelques- !
unes : Méthode universelle pour traduire les
langues; — L'Art de Mémoire pour se sou-\
venir de plusieurs choses; — Méthode nou-\
velle pour apprendre en fort peu de temps ■
la musique, tant pour la spéculative que pour
la pratique; le P. Mcrsenne, dans son traité
d'Harmonie universelle, cile Le Maire comme
l'inventeur de la syllabe zn, qu'il voulait intro-
duire dans la solmisation pour la septième note,
et il ajoute même qu'il avait imaginé de nou-
veaux signes pour la notation; ce qui pourrait:
faire supposer avec quelque apparence de vérité
que notre inventeur était le même personnage
qu'un musicien de la grande bande des violonsi
du roi, nommé Guillaume Le Maire; — unei>
Nouvelle Méthode d'imprimer; — une Ma-
chine pour élever les eaux ; — Manière de
faire le fer blanc et le fer noir en feuilles et
de le vernir de toutes couleurs ; — une Ma-
chine à bâtir en moellons et en bois toute
sortes d'édifices à deux étages, avec toutes'
sorte d' architecture ou enrichissement d'une*
même matière, comme si te tout était dè\
pierre de taille , laquelle matière résiste à
l'eau et au feu et diminue la dépense dé
moitié. K.
Extrait communiqué des Archives riu château de La>
Grange. — Mersenne, Harmonie universelle : Traité des
Consonnances, liv. VI, p. 342.— Itrossard, Diclwnn. de.<
musique.
lemaibe, voyageur français, vivait aun
dix-septième siècle. Il était chirurgien à l'hotel-l
Dieu de Paris, lorsqu'il résolut de s'embarquer
à Brest, le 9 avril 1682, avec Oancourt, direc-i
teur général de la Compagnie d'Afrique II abordai
à Ténérife, fit un court séjour au cap Vert, et
débarqua au Sénégal, où il fit une suite d'obser-
vations qui furent envoyées à Snviard; elles ont
été publiées sous ce titre: Les Voyages du sieur
Lemaire aux islrs Canaries, cap Verd, Sénégal:
et Gambie, sotts M. Dancourl, directeur géné-
ral de la Compagnie rc'iale dHJJfrique ; Paris,
(Jacques Collombat), 1695, in- 12, avec fig.;,
c'est un livre intéressant et fort peu connu. F. D.
Documents particicliers.
le.\iaire (Henry), romancier et journa-
liste français, né à Nancy, en 1756, et mort à
Francfort, le 3 mai J808. Son véritable nom de
famille était Jeartmaire. Né sans fortune, ii dut
aux dispositions généreuses d'un de ses parents,
négociant, les bienfaits d'une éducation distinguée.
Desiiné à la carrière du commerce, il fut envoyé à
Wurtzbourg, où il resta quelques années. Il les
mit à profit pour se perfectionner dans l'étude
delà langue allemande. Revenu à Nantes, il mon-
trait peu de goût pour le commerce , et cultivait
en secret la littérature. Pour suivre son pen-
chant avec plus de liberté, il se rendit à Paris,
et ensuite à Cologne, où il prit part à la rédac-
tion du journal français qui s'imprimait dans
•ette ville. 11 obtint par la suite le privilège de la
gazette de Francfort, à laquelle il sut impri-
mer une direction qui exerça sur l'esprit pu-
blic en Allemagne une influence favorable à la
iiolitique française. Le succès de ce journal ré-
concilia le rédacteur avec la fortune. Il put dès
[fors satisfaire son penchant à la bienfaisance.
i Plus d'un de ses compatriotes émigrés trouva
, près de lui un asile et des secours. 11 avait
} Ipousé la fille d'un conseiller aulique, qu'une
jmort prématurée vint enlever peu d'années
| iiprès son mariage. Il ne se consola jamais de
cette perte, qui jeta l'amertume sur ses der-
niers jours , et qui en avança peut être le terme.
JOn connaît de lui un cerlain nombre de romans,
jharmi lesquels on distingue : Le Gil-Blas fran-
çais, ou aventures de Henry Lançon, écrites
par lui-même; Paris, 1792, 3 vol. in I2;réim-
iprimé plusieurs fois en France et à l'étranger,
}|:t traduit en allemand, en anglais et en suédois.
jJLa vogue qu'obtint ce roman tient sans doute à
lia complication d'aventures extraordinaires dont
Il est rempli. Son héros , à l'imitation du Gil
JJBIas espagnol, fait le premier apprentissage du
•Inonde dans une caverne de voleurs, et parcourt
jfensuite les deux hémisphères. Jeté par la tera-
flpête dans une île déserte, il finit , comme Ro-
Ijbinson Crusoé, par trouver son salut et sa for-
utune dans les ressources de sa propre industrie.
«L'auteur a su rajeunir par l'intérêt delà narration
Ices réminiscences de situations déjà connues. Les
[autres romans de Lemaire n'ont pas eu le même
({succès : Virginie Belmont; Paris, an vu, in- 12 ;
||— Rosine, ou le pas dangereux ; Paris, an vu,
|jin-l2; — Mélanie et Félicité, ou ladifférence
\\des caractères ; Paris , an vu, in-12; — Hor-
mense de Séticourt; Paris, an vu, in-12 ; — La
mauvre Rentière ; Paris , an vu, in-12;— Le
\\Conscrit, ou le billet de logement; Paris,
Iran vm, in-12. Tous les bibliographes modernes,
ilet M. Quérard lui-même, confondent avec Henry
(ternaire un homonyme, auteur d'un grand
Ijnombre d'ouvrages destinés à l'éducalion de la
«jeunesse; mais la date seule de ces publications
(.suffit pour faire reconnaître le peu de fondement de
r (cette indication. Un certain nombre de produc-
tions dramatiques et quelques écrits politiques
i iqu'on lui attribue aussi sont l'ouvrage d'autres
personnes portant le même nom. J. Lamoukeux.
| Ersch , France Littéraire. — Quèrard, La France
llÂttéraire. — Pigoreau, Petite Bibliographie bwyraphi-
\ro-romaiuière. — Documents particuliers.
lrmairr (Nicolas É loi), philologue fran-
Içais, né à Triaucourt ( Meuse), le 1er décembre
1767, mort le 3 octobre 1832. Il fit ses études à
Sainte-Barbe, el après de brillants succès sco-
laires, il devint professeur de rhétorique au col-
lège du Cardinal-Lemoine, en 1790. Bientôt la ré-
volution bouleversa l'université, et Lemaire, qui
se jeta avec ardeur dans les opinions les plus
avancées, fut nommé en 1793 juge suppléant au
tribunal du sixième arrondissement. Du reste,
AIRE 562
dans son exaltation, il n'alla pas au delà des pa-
roles , et il procura des certificats de civisme à
plusieurs anciens professeurs, Lhomond, l'abbé
Haiiy, Daubenton. Après le 9 thermidor, il perdit
sa placedejuge; mai^ en 1798 il obtint, par la pro-
tection de Baudin des Ardennes.la place de commis-
saire du gouvernement près le bureau central de
police à Paris, et fut chargé en cette qualité de
fermer la Société du Manège. Révoque de ses
fonctions après le 18 brumaire, et n'ayant pu
vaincre les préventions du premier consul , il
crut prudent de faire un voyage en Italie, et
donna à Milan, à Parme, à Turin le spectacle de
brillantes improvisations latines. De retour d'I-
talie, il continua de cultiver la poésie latine, et
se fit de son talent en ce genre un titre à la faveur
impériale. Une pièce de vers sur la grossesse de
l'impératrice contribua à sa nomination à la
chaire de poésie latine de la Faculté des Lettres
en 181 1. Il paya sa dette de reconnaissance pat-
un centon virgilien rempli de llatteries. Sous
la restauration , il entreprit une collection des
classiques latins : Bibliotheca classica la-
tina, qu'il dédia à Louis XVIII, et pour laquelle
il obtint de fortes souscriptions ministérielles.
En 1825 il fut nommé doyen de la Faculté des
Lettres, et mourut avant d'avoir terminé son utile
collection, que le public avait accueillie avec
faveur. Lemaire possédait bien le latin classique,
et maniait avec une extrême facilité la versifica-
tion latine. Mais il n'avait ni le savoir précis d'un
philologue ni la sagacité d'un critique. Son véri-
table titre est d'avoir conçu le projet et surveillé
l'exécution de la Bibliotheca classica lalina ,
qui comprend dix-huit poètes : Virgile, Ovide,
Lucain, Valerius Flaccus, Stace, Silius Italicus,
Claudien, Catulle, Horace, Properce, Tibulle,
Perse, Juvénal, Martial, Phèdre, Plaute, Té-
rence, Lucrèce , les petits poètes latins ( Poète
latini minores) et seize prosateurs : César,
Salluste, Tite-Live, Suétone, Cornélius Nepos,
Justin, Florus, Velleius Paterculus, Valère
Maxime (avec Julius Obsequeus), Quinte-Curce,
Cicéron,Sénèque,Quintilien, Pline le Naturaliste,
Pline le jeune. On reproche à ces éditions d'être
en général compilées sans discrétion et sans choix
sur les commentaires des philologues allemands;
celles dont Lemaire s'est particulièrement oc-
cupé : César, Cicéron ( Discours et Lettres ) ,
Horace, Juvénal, Quinte Curce, Stace, Tite
Live et Virgile, ont surtout ce caractère de com-
pilation. Le reste de la collection contient des
commentaires plus originaux ou exécutés avec
plus de goût. On remarque les éditions de Pline,
de Salluste, de Valère Maxime, de Properce,
d'Ovide, de Martial, de Valprius Flaccus. En
somme cette collection des classiques latins, mal-
gré tous ses défauts, est la meilleure qui existe;
mais on regrette qu'elle soit très- incomplète et en
même temps trop volumineuse ; elle forme cent
cinquante-quatre volumes grand in-8°. On a en-
core de Lemaire : Carmen in proximum et
563
LEMA1RE
564
auspicatissimum aùgustae et prseynantis
partum;Par'\s, 1811, in-4°; — Premier Anni-
versaire de la naissance de S. M. le roi de Rome,
ou Virgile expliqué par le siècle de Napoléon ;
Paris, 1812, in-4° ; — Ludovico XVIIF, optato
Galliarum régi , augusto litterarumpatrono,
perito veterumjudici, Latïni Scriptores clas-
sici; Paris, 1819, iri-4°. C'est un tirage à part de
ja dédicace de la Bibliolheca classïca latina.
N.
r Notice sur Nic.-Êloi ternaire; Paris, 184Î, in-8°. —
Arnault, Jay, Jouy, Biographie nouvelle des Contemp.
* lemaire (Pierre- Auguste), humaniste
français, neveu de JNicoIas-Eloi Lemaire, né à
Triaucourt (Meuse), le 11 janvier 1802. Agrégé
de l'université, il a été professeur au collège Saint-
Louis ; il professe actuellement la rhétorique au
lycée Bonaparte. On a de lui : Athenarum Pa-
norama, seu Grivcix veteris Encomium ; Pa-
ris. 1822, in-8° ; — Carmen de Bello Hispanico;
Paris, 1823, in-8°; — f)e l'Histoire, et de Tite
Live en particulier ; Paris, 1823, in-4°, thèse
pour le doctorat; — De Certitudine Histo-
rica; Paris, 1823, in-4° , thèse pour le doc-
torat; — V Affranchissement des Grecs,
pièce qui a remporté le prix dé poésie dé-
cerné par l'Académie française en 1827 ; Paris,
1827, in-4°. Quelques poésies latines de M. P. -A.
Lemaire ont été publiées dans la Bibliotheca
classica latina, appendix; Paris, F. Didot,
1833, in-8°. M. P.-A. Lemaire succéda à son
oncle dans la direction de la Bibliolheca clas-
sica latina ; il a donné les éditions avec com-
mentaires de La Pharsale de Lucain (1830);
des Comédies de Terence, 3 vol.; de C. Vell.
Paterculus, de Silius ïtalicus, 2 vol.; de Pline
le jeune (Epislolarum Lib. X et Panegyricus),
2 vol. ; De Rerum Natura de Lucrèce (1838),
2 vol.; quant à l'édition de Properce, dont il a
fait la préface, elle avait été préparée par un sa-
vant qui n'a pas voulu être nommé. M. P.-A. Le-
maire a revu, corrigé et augmenté, d'après les
principes du nouveau Dictionnaire de l'Académie
la Grammaire des Grammaires, ou analyse
raisonnée des meilleurs traités sur la langue
française, par Girault-Duvivier. J. V.
Quérard, La France LÏÎtér. — Bourquelot et Manry, La
JAttér. Franc, contemp. — Vapereau, Dict. imiv. des
Contemp.
* lemaire (Philippe-Henri), sculpteur fran-
çais, né à Valenciennes, en 1798. Élève de Cartel-
lier, il remporta le deuxième grand prix de sculp-
ture à l'ÉcoledesBeaux-Arls en 1 81 9, et le premier
grand prix en 1821 sur ce sujet: Alexandre chez
les Oxydraques. A son retour de Rome, une
Jeune fille tenant un papillon, charmante statue
en marbre exposée en 1827 et achetée par la du-
chesse de Berry, attira l'attention sur lui. La
même année, il exposa un Laboureur trouvant
des armes et des ossements humains, statue en
marbre dont le sujet est tiré de Virgile et qui
vint orner le jardin des Tuileries. A la même
exposition, on voyait encore de M. Lemaire m j
groupe en plâtre représentant La Vierge, l'EM
fant Jésus et saint Jean, qui se trouve mainte j
nant à l'église Saihte-Élisabèth, rue du Temple i
à Paris. Tous ces ouvrages valurent à leur au!
teur une médaille d'or de première classe. Plu,'!
tard, M. Lemaire fit une statue en marbre di
duc de Bordeaux, le Tombeau de Mile j)u.
chesnois au cimetière du Père- Lâchai se
une statue de Thémistocle pour le jardin des
Tuileries, et la statue de L'Espérance, uni
de celles qui couronnent le fronton de l'é!
glise Notre-Dame de Lorette. Au salon de 1831 I
on voyait de M. Lemaire une Jeune fille ef<
frayée par une vipère , statue en marbre qu
fut achetée pour le musée du Luxembourg. Êil
1835, il exposa le buste en plâtre de M. Rœhni'
L'année suivante , lé fronton de l'église de 1;
Madeleine ayant été mis au concours, M. Lemain
présenta un dessin, qui fut préféré. Dans cett<i
vaste composition de trente-huit mètres de déve>
loppement, l'artiste a représenté le Christ ad
cordant àla Madeleine agenouillée devant lu
le pardon de ses fautes. A la droite du Christ
l'ange des miséricordes contemple avec honheun
la pécheresse convertie , et laisse approcher l'In-i
nocerice, l'Espérance et la Foi. A gauche l'angi
des vengeances célestes repousse les Vices : l'En
vie, l'Hypocrisie , l'Impudicité s'enfuient devant
sa flamboyante épée. M. Lemaire a en outn
exécuté pour le pourtour de la même église tinii
statue de saint Marc. M. Lemaire a aussi exë-
cutéle bas-relief représentant les Funérailles dï
général Marceau sur l'arc de triomphe de l'É-i
toile ; — Henri IV achevai, bas-relief en bronzt
pour la façade de l'hôtel de ville de Paris ; — «
fronton du palais de justice à Lille, représen-i
tant La Religion consolant les prisonniers;
deux statues en marbre, Louis XIV et Kleber.
pour lemuséede Versailles, — lebuetede Racine^
pour le même musée; — la statue colossale de
Hoche, en bronze, pour la place Hoche à Ver-
sailles; — la statue de Chevert, pour Verdun ; -
et les deux frontons de l'église Saint Isaac, à Saint-i
Pétersbourg, représentant La Résurrection du
Christ et L'Empereur Valens allant conïj
battre les Goths, bas-reliefs immenses fondus
en bronze. En 1843 M; Lemaire exposa un 1
relief en bronze, représentant la Distribution
des Croix au camp de Boulogne, pour la colonne
de la grande armée à Boulogne. Le 12 sep-
tembre 1845, il fut élu à l'Académie des Beaux-
Arts, section de sculpture, àla place de Bosio.
L'année suivante il exposa une tête de Vierge, et
en 1847 le buste d'Apollodore Callet, et la sta-
tue à'Archidamas se préparant à lancer le
disque, qui décore le jardin du Luxembourg.
En 1854 il exécuta pour la ville de Lille une sta-
tue de Napoléon placée à la Bourse, et en 1856
il lit pour sa ville natale la statue de Froissart.
En 1852 M. Lemaire fut élu député au corps lé-
gislatif par la circonscription de Valenciennes,
65 LEMAIRE -
|ans le département du Nord, comme candidat du
wuverneraent. 11 a été réélu en 1857.
L. L— t.
Ch Gabcl Dict. des artistes de l'École franc, au dix-
lenviéme siècle. — V. l.acainc et Ch. Laurent, Uiogr. et
ftcrol. des Hommes marquants du dix-neuvième siècle,
Lue I, p. 368. — Les grands Corps politiques de l État.—
. Mgntz, dans le Dict. de la Convers.
lemaistre ( Martin ) , philosophe et mora-
ste français, né à Tours, en 1432, mort enjuil-
i't 1-182. S'étant t'ait recevoir docteur en théologie
h 1473, il devint principal du collège de Sainte-
!;irbe , et fut ensuite chargé par Louis XI dedé-
'udre les intérêts de la couronne de France contre
ï pape; en 1480 il devint aumônier et confes-
eui'du roi. On a de lui : Qiicts/iones morales
'e Cerlititdine; Paris, 1489, in-lbl. ; — De Tem-
erantia ingenerali; Paris, 1490, in-fol.; — De
ihetorica; Paris, 1491, in-fol.; — Quxstio de
•a>o, sans date; — Consequenlitc ex Nomina-
itim Doc/ritia; Paris, 1 50 1 , in-fol.; — Por-
'hr/rii un'iversal'mm Explicatio; Paris, 1499.
E. G.
Dupin, Bibliothèque des Juteurs ecclésiastiques.
lemaistre (Gilles), jurisconsulte et ma-
istrat français , né à Montlhéry, vers 1499, mort
5 décembre 1562. Il était petit-fils de Jears Le-
jaiftre, avocat général au parlement de Paris,
t fils de Geoffroi Lemaistre, prévôt de Monlhléry.
yant embrassé la carrière du barreau , il se dis-
ngua par sa connaissance approfondie des lois
t coutumes, si nombreuses, qui régissaient alors
France. Nommé avocat général au parlement
e Paris en 1540, il y devint en 1550 président
Mortier et en 1551 premier président; il se lit
emarquer par sa sévérité contre les protestants.
)n a de lui : Décisions notables; Paris, 15(56,
j-4°; ibid., 1583,in-8°; et 1601, in-12; Lyon,
b9à,in-\H;— Œuvres; Paris, 1653, 1675 et 1680,
i-4°; dans ce recueil, publié par les soins de Claude
Sernard, se trouvent les cinq traités suivants :
¥ès Criées et Saisies réelles; — Des Amortisse-
ments et des francs fief s ; — Des Régales, des
'<ïefs, Hommages et Vassaux ; — Des Appella-
ions comme d'abus. E. G.
Talsni'l, f'ie-s des Jurisconsultes. — Moréri, Diction.—
ilanch.-ird. Éloges des premiers Présidents du Parle-
ment de l'eiris.
le maistre (Jean), jurisconsulte et homme
l'État français, neveu du précédent, mort à Paris,
e 22 février 1601. Il entra au barreau du parle-
nent de Paris, et il s'y distingua par sa pro-
bnde connaissance des lois (1). Nommé pendant
a Ligue d'abord avocat général et ensuite prési-
dent du parlement après la mort de Brisson, il
lit partie des états tenus en cette année à Paris ;
il y fut chargé avec Du Vair de faire le rapport
sur l'opportunité de la publication sans réserve
desdécrets du concile de Trente; ses conclusions,
tendant à repoussercette mesure, furent sanction-
(1) « C'estoit de vérité , dit de lui l.oyscl,un fort et
puissant advocat, résolu en points de droict, de coutumes
et de pratique, fort prudent et avisé en ses causes. >>
LEMAISTRE 566
nées par l'assemblée. Le 28 juin il parvint avec
l'aidede Du Vair, de Mole et quelques autres mem-
bres du parti politique, à réunir, sans éveiller les
soupçons de Mayenne, toutes les chambres du
parlement, et à leur faire rendre le fameux arrêt
qui porte son nom et qui empêcha la France de
tomber entre les mains de Philippe. II ou des
Guise. Cet arrêt, formulé sous forme de remon-
trances, défendait de transférer la couronne à un
prince étranger, maintenait dans toute sa ri-
gueur la loi salique, et enfin déclarait nul et de
nul effet tous les actes faits pour l'établissement
d'un souverain étrapger. Par cela le parlement
infirmait directement la décision prise huit jours
auparavant par les états , qui avaient ordonné
l'élection d'un roi, écartait d'autorité du trône
l'infante, l'archiduc Ernest, ainsi que les Guise,
et sauvegardait entièrement les droits de la mai-
son de Bourbon. Or, comme toul récemment
les états, aussi bien que Mayenne, avaient re-
connu au parlement le droit d'accorder ou de
refuser aux actes législatifs sa sanction définitive,
l'arrêt était donc, comme l'a établi M. Poirson ,
un empêchement politique et légal à ce que
l'ordre de la succession au trône fût troublé. Le
lendemain vingt conseillers allèrent signifier l'ar-
rêt à Mayenne ; Le Maistre, qui portait la parole,
prononça un discours hardi et vigoureux contre
l'Espagne,et pressa May ennedeconclure une trêve
avec Henri IV". Leduc ayant répondu avecbeau-
coupdemécontentement, Le Maistre fit le rapport
de ce qui s'était passé dans cette entrevue ; les ma-
gistrats jurèrent de mourir pour le maintien de
leur arrêt, auquel Mayenne, voyant la bourgeoisie
de Paris prête à les soutenir, n'osa pas s'opposer.
L'arrêt devint le point de départ de la reconnais-
sance de Henri IV par le parti appelé la ligue
française, et arrêta les efforts de l'usurpation,
qu'elle démasqua et déconcerta. Après la réduc-
tion de Paris, Le Maistre dut abandonner la
place de premier président, qui fut restituée à
Achille de Harlay ; mais Henri IV créa pour lui
l'office de septième président à mortier. Le
Maistre se démit de cet emploi sur latin de 1596,
et se retira dans la vie privée. 11 a publié : Ex-
trait des registres de f Assemblée tenue à Pa-
ris sous le nom d'États , en 1593, sur la ré-
ception du concile de Trente; Paris, 1593,
in-8° ; — dans le Recueil de Lannel on trouve
la Proposition de M. le président Le Maistre
à la cour du Parlement du mardi 29 juin
1593. E. G.
L'Estoile, Journal. — De Thon, Histoire, liv. XXXHI.
— Blanchard. Éloges des Premiers Présidents du Parle-
ment de Paris. — - Miralmont, De l'Origine et de l Éta-
blissement du Parlement. — Poirson, Histo'we du règne
d'Henri If, t. 1.
le maistre ( Guillaume) ou Guill. Ma-
gister, médecin llamand, mort à Lille, en 1585.
On a de lui : Isagoge therapeutica de satvï-
tia, curatione, et prsevenlione Pestis; Venise,
et Francfort, 1572, in-12. L— z— e.
Valère André, Bibliotheca Belgica, p. 3'27. — Mangel,
567
Mbliolinca Scriploram Midicorum, t. 111, p
Élut, Dutionnatre Histcriquv de la Médecine.
lemaistre ( Antoine), célèbre avocat et
«cri vain français, né à Paris, le 2 mai 1608, mort
le 4 novembre 1658, à Port-Royal. Il était fils
d'Isaac Lemaistre, maître des comptes, et de
Catherine Arnauld, fille d'Antoine Aruauld,
avocat au parlement de Paris, et sœur d'Amauld
d'Aiidilly. Des dissentiments s'étant élevés entre
ses père et mère, à raison du changement de
religion de Lemaistre, qui embrassa le culte ré-
formé, Antoine Lemaistre fut élevé par son grond-
père Antoine Arnauld, qui s'appliqua à préparer
en lui son successeur au barreau. Nourri de fortes
études, et imbu surtout de l'éloquence des Pères
de l'Église , il débuta à vingt ans, et se plaça dès
l'abord au premier rang, à côte de Patru (1). Son
mérite, si incontestablement reconnu par ses
contemporains, a été beaucoup trop déprécié par
Voltaire (Siècle de Louis XIV), par Marmontel
(Principes oV É loq uence) et par M. Sainte-lieu ve.
La Harpe lui rend plus de justice , et reconnaît
qu'eu égard à la jeunesse de Lemaistre et à l'état
de la langue française, qui commençait à peine
à se former, il était véritablement orateur. S'il
a péclie souvent contre le bon goût, s'il a singu-
lièrement abusé des citations profanes et sacrées,
c'est qu'il cédait à l'engouement de ses contem-
porains. Marmontel cite d'ailleurs les échantil-
lons de ses métaphores de mauvais goût qui ne
sont pas exacts ; parce que, après la retraite de
Lemaistre du palais , deux éditions furent suc-
cessivement faites de ses plaidoyers à son insu,
et comprenant non-seulement des passages dé-
figures , mais même des plaidoyers , qui n'avaient
jamais été prononcés : un domestique infidèle
avait livré aux contrefacteurs des notes tronquées,
qui servirent de base à ces deux éditions de
1651 et 1653 La seule édition authentique est
celle faite avec l'autorisation de Lemaistre un
an seulement avant sa mort, en 1657 par M. Is-
sali , avocat au parlement de Paris ( Paris,
in-4°) et dédié à M. de llellièvre, premier pré-
sident. Le chancelier Seguier, frappé du mérite
lu jeune avocat, l'avait fait nommer conseiller
d'État et lui avait offert les fonctions d'avocat
général au parlement de Metz, honneur que Le-
maistre ne voulut pas accepter. C'était lui qui
avait été chargé par Seguier de prononcer le
discours de présentation de ses lettres de chan-
celier au parlement (1636). Tout récemment, deux
magistrats distingués, MM. La Vallée et Sapey,
ont publié des études sur la vie et les ouvrages
de Lenitistre. Le premier, qui pousse peut-être
un peu trop loin l'admiration pour ses plai-
doyers, nous paraît cependant plus près de la
vérité que le second , qui les déprécie outre me-
sure pour n'admirer en Lemaistre que sa retraite
à Port-Royal et sa vie mystique.
(1) C'est à tort que M. Foumcl, dans son Histoire des
Avocats (tome II, p. 407 ), fixe l'inscription de Lemaistre
au tableau de 1 ordre a l'année 1642 ; car il ne plaida que
pendant dix ans, de 1628 à 1638.
LEMAISTRE
127. -
568
Ce qu'il y a d'incontestable, c'est qu'au mi-
lieu de défauts réels, la lecture de ses plai-
doyers, si on se reporte à l'époque où ils ont étt
prononcés, c'est-à-dire antérieurement à l'appari-
tion des chefs-d'œuvre de Corneille et des Provin
ciales, présente un langage noble, éievé, et sou-
vent éloquent, qui faisait contraste avec le!
déclamations des avocats antérieurs, tels que Gau-
thier. Un bon juge en pareille matière, d'Agnes-
seau , recommande à son fils de lire les dis-
cours de Lemaistre. En 1637 il songeait à si
marier, lorsqu'il en fut détourné et déterminé à si
retirer du monde par Saint tyran et les sœurs Ar
nau!d, ses tantes. Il quitta donc le palais, pour si
consacrer entièrement aux pratiques d'une piéU
sévère dans la retraite de Port-Royal, et son his
foire se confond dès lors avec celle des membres
de cette illustre congrégation. Il y composa desi
ouvrages religieux et des traductions, que noui'
énumérons ci-après , et eut la gloire de fournir
des matériaux à Pascal pour la composition deii
Provinciales, et de collaborer à la traduction di
Nouveau Testament de son frère Lemaistre di
Sacy. li y mourut, à cinquante ans. Après la des-
truction du monastère, ses restes furent traus
portés à Saint-Étienne-du-Mont etensevelis àcôti
de ceux de Pascal et de Racine.
On a de Lemaistre , outre les plaidoyers déjf
cités : la traduction du Traité du Sacerdou
de saint Jean Chrysostome, avec une belli
préface, in-12, 1699; — une Vie de saint Ber
nard, in-4° et in-8°, sous le nom de Lamy
Paris, 1648, iu-4°; la traduction de trois trailéil
de ce père : 1° De la Conversion des mœurs
2° Delà Vie solitaire; 3° Des Commandements
et Dispenses; Paris, 1656, in-12; — la Vie du'
don Barthélémy des Martyrs (cet ouvrage es^
attribué par quelques auteurs à Lemaistre de
Sacy); — L'Aumône chrétienne, vu la tradi-
tion de V Église louchant la charité envers let
pauvres, recueillie de V Écriture Sainte et deii
saints Pères ; Paris, 1658, in-12, 2 vol.; - frar
duction du Traité de la Mortalité de saint Cy)
prien ; — Psautier, avec notes tirées de sain
Augustin; Paris, 1674, in-12; — Relations di
Port-Royal par la mère Marie- Angélique Ar-
nauld ; in- 12. M. Sapey lui attribue en outre l'o-
puscule suivant, publié à la fin du tome 1er d'uni
édition des Provinciales (Paris, Lelèvre, 1819
in 8° ) : Lettre d'un avocat au Parlement di
Paris à ses amis, touchant l'inquisition, qu'or,
veut rétablir en France, à l'occasion de le
nouvellebulle d' Alexandre VII, 1" juin 1657.
Ant. Isxmbert.
Voltaire, Siècle de Louis XI V. — Fnurnel, i/isloirt
des Avocats, — Laharpç, Cours de Littérature. — Mar-
iiionti-l, Principes d'Êloquem e, — Les plaidoyers et ha-
rangues de M. Lemaistre, etc., par M. issati advocalac
parli nient de Paris. —M. Sapey, Études pour servir c
l'IUstoii c de l'ancienne Magistrature française ; l8Bs. -
M. de Vallée, De l'Éloquence judiciaire au dix-septième
*lécfe;1856.
lemaistre (Tsaac-Louis) de Saci(1), théo-
(1) Saci est l'anagramme i'haac.
19
LKMAISTRE
570
I tien français, frère du précédent, né à Paris, le
• mars 1613, mort le 4 janvier 1684. 11 fit ses
, lides au collège de Beauvais avec Antoine Ar-
Juld, son oncle, qui n'avait qu'un an de plus que
r i 11 réussit mieux dans les lettres que dans la
I lilosophie, et dès le collège il composa des vers
■i promettaient, sinon un poêle, du moins un bon
Irivain. Placé jeune sous la direction de Saint-
j Iran, il se trouvait à Port-Royal-des-Champs
1rs de la première dispersion des solitaires, en
[J38. Pendant la captivité deSaint-Cyran, il resta
II liaison étroite avec de Barcos, neveu de cet il-
j|stre abbé, et avec les autres membres du jan-
k jnisme naissant. Bien qu'il ne fut pas étranger
[leurs passions, il tempérait leur ardeur impru-
[Inte; car à beaucoup de force morale il joi-
Hait une réserve scrupuleuse et de la timidité,
longtemps il hésista à entrer dans les ordres, ne
Il jugeant pas digne des fonctions sacrées. Il fai-
lli que Singlin, une des plus grandes auto-
■és du jansénisme, lui imposât la prêtrise. Il
Sait trente-sept ans lorsqu'il franchit les der-
Hers degrés de l'autel, le 25 janvier 1650, et dé-
fis cette époque il fut le principal directeur de
|s personnes si distinguées que le dégoût du
Jonde avait conduites dans la solitude , et qui
Malheureusement y contractèrent des habitudes
i secte. Une polémique violente avait éclaté
Jtre les jésuites et les disciples de Jansenius.
(es jésuites tirent paraître en décembre 1653 un
■nanach intitulé La Déroule et la Confession
ks Jansénistes. On voyait eu tête une estampe
lotesque où figurait entre autres personnages
jt Jansenius en habit d'évêque et avec des ailes
e diable. Lemaistre répondit à celte grossière
jcétie par un pamphlet en vers intitulé : Les
\nluminures de VAlmanach des Jésuites.
£t écrit, d'un goût détestable, eut du succès
jins le parti. Les autres ouvrages poétiques
p Lemaistre de Saci ne valent guère mieux.
\ peine parmi des milliers de vers en trouve-
on quelques-uns de supportables. La persécu-
pn suspendue depuis plusieurs années sur Port-
joyal éclata en 1661 avec une telle violence que
lemaistre de Saci dut s'y soustraire par la fuite.
I quitta Port-Royal-des-Champs en 1661, et se
£cha avec trois ou quatre amis dans quelque
'111 bourg de Paris. Malgré le danger d'être dé-
Ouvert, il continua ses visites aux personnes
jlacées sous sa direction , entre autres à la du-
jhesse de Longueville. Il fut arrêté le 13 mai
J666, et enfermé à la Bastille, où il resta plus de
eux ans. Libre, il avait eu la principale part à
\ traduction du Nouveau Testament entre-
irisé par les docteurs de Port-Royal; prison-
ier, il se mit à traduire V Ancien Testament, et
ette pieuse occupation lui rendit moins lourd
poids de la captivité : « Les barrières qu'on a
posées aux avenues de ma chambre, disait-il,
ont pour empêcher de venir à moi le monde
||ui me dissiperait, plutôt que pour m'empêcher
Ile l'aller voir, moi qui ne le cherche point. »
Il fut mis en liberté le 31 octobre (668. Il avait
achevé la veille sa traduction de l'Ancien Testa-
ment. Rendu à ses pénitents, qui, grâce à la con-
ciliation religieuse appelée la paix de l'Église,
pouvaient se grouper autour des deux maisons
de Port-Royal, il se donna tout à la direction
des consciences et à l'impression de sa Bible.
La persécution recommença en 1679. Suri'ordre
de l'archevêque de Paris , de Harlay, il dut
quitter Port-Royal-des-Champs. Il se retira dans
la maison de campagne de M. de Pomponne, et
consacra les dernières années de sa vie à pu-
blier des éclaircissements sur la Bible. II mou-
rut à l'âge de soixante-et-onze ans , et fut en-
terré à Port-Royal-des-Champs. On a de Le-
maistre de Saci : Le poème de saint Prosper
contre les Ingrats, traduit en vers françois ,
Paris, 1646, et en prose, ibid., 1650, sous le
nom de Saint-Aubin : Les Fables de Phèdre
traduites en françois ; Paris, 1647, in-12; —
Les Comédies de Térence, traduites en fran-
çois, et rendues très-honnêtes en y changeant
fort peu de chose; Paris, 1647, in-12. Le-
maistre n'a traduit que L'Andrienne, Les Adel-
phès et le Phoi mion ; — sous le nom de Jean
Dumont : L'Office de l'Église, trad. en fran-
çois; Paris, 1650, in-12; — Les Enluminures
du fameux Almanach des Jésuites intitulé La
Déroute et la Confusion des Jansénistes ; Paris,
1654, in-8°; — L'Imitation de Jésus-Christ
trad. en françois, sons le nom de Beuil, prieur
de Saint- Val; 1662, in-8°. D'après Barbier, cette
traduction a eu cent cinquante éditions ; — Trad.
des quatrième et sixième livres de L'Enéide
de Virgile (sous le nom de Bonlieu); 1666,
in-4°; — Le Nouveau Testament, traduit en
françois, 1667, 2 vol. in-8°. Cette traduction,
si connue sous le nom de Nouveau Testament
de AJons, parce que les premières éditions, im-
primées à Atnsterdam parles Elzevier, portent la
rubrique de Mons, fut l'ouvrage de cinq personnes,
Saci, Arnauld, Antoine Lemaistre, Nicole et le
duc de Luynes : Saci tint la plume, et les autres
se chargèrent de la révision. On raconte que,
dans les conférences tenues à ce sujet, les pre-
miers essais de de Saci parurent d'un style
trop élevé. Il ne se corrigea de ce défaut que
pour tomber dans le contraire. Son second essai
sembla trop familier, et il dutdanssa troisième et
définitive tentative prendre une moyenne. Cette
traduction, suspecte de jansénisme, ne put être
imprimée à Paris. Aussitôt qu'elle eut paru, elle
fut atta ;uée en chaire par les jésuites. Des évo-
ques lancèrent contre elle des mandements ; elle
fut même l'objet d'un bref du pape Clément IX.
Lors de la paix de l'Église, les docteurs de Port-
Royal soumirent leur traduction à Bossuet, qui
y blâma un tour trop recherché, trop d'industrie
de paroles , une affectation de politesse et d'a-
grément que le Saint-Ksprit avait dédaignée dans
l'original; mais au point de vue dogmatique, il
ne la condamna pas. Des conférences pour la
571 LEMATSTRE
révision de cet ouvrage eurent lieu à l'hôtel de
Longueville enire Bossuet, Arnauld, Nicole, La-
lane, Saci ; mais elles restèrent sans résultat.
Les réimpressions de cette traduction soit avec
celle de Y Ancien Testament, soit séparément,
sont innombrables;— La Sainte Bible, en latin
et en français, avec des explications du sens lit-
téral et du sens spirituel; Paris, 1672 et années
suivantes, 32 vol. in-8J. Lemaistre de Saci n'ob-
tint la permission de publier cet ouvrage qu'à la
condition de joindre des explications à la suite
de chaque partie traduite. Ses explications com-
prennent La Genèse, V Exode, Le Létiitique,elc,
jusqu'aux douze petits prophètes inclusivement.
Du Fossé continua jusqu'aux Actes des Apôtres
ce commentaire.que Huré et Beaubrun terminè-
rent. Cette traduction n'est pas strictement con-
forme à la lettre et au génie de l'original. Saci
n'avait ni érudition ni critique, et savait très-
peu l'hébreu et le grec. Il s'est contenté en gé-
néral de traduire la Vulgate en s'aidant des noies
de Vatable. Il s'est efforcé de rendre avec clarté
et avec suite le sens traditionnel en effaçant ce
que le texte offre de rude et d'étrange. Lui-môme
se rendait bien compte de cette espèce d'infidé-
lité, et il en sentait l'inconvénient, non au point
de vue littéraire, dont il se préoccupait peu, mais
au point de vue religieux. >< Une des principales
raisons, disait-il, qui portentles gens à rechercher
ces livres, est qu'ils n'y voient plus les difficultés
qu'ils trouvaient auparavant dans l'Écriture. Us
supportent bien de n'en pas comprendre les vé-
rités et les mj stères; mais ils ne peuvent souffrir
le langage obscur et embarrassé dont le Saint-
Esprit se sert pour les leur proposer... Que sais-
je si je ne fais rien en cela contre les desseins
de Dieu? J'ai tâché d'ôter de l'Écriture Sainte
l'obscurité et la rudesse ; et Dieu jusqu'ici a voulu
que sa parole fût enveloppée d'obscurités. N'ai-je
donc pas sujet de craindre que ce ne soit ré-
sister aux desseins du Saint-Esprit que de don-
ner, comme j'ai tâché de faire, une version claire,
et peut-être assez exacte par rapport à la pureté
du langage ? Je sais bien que je n'ai affecté ni
les agréments ni les curiosités qu'on aime dans
le monde, et qu'on pourrait rechercher dans l'A-
cadémie Française. Dieu m'est témoin combien
ces ajustements m'ont toujours été en horreur;
mais je ne puis me dissimuler à moi-même que
j'ai tâché de rendre le langage de l'Écriture clair,
pur et conforme aux règles de la grammaire; et
qui peut m'assurer que ce ne soit pas là une
méthode différente de celle qu'il a plu au Saint-
Esprit de choisir... Je vois dans l'Ecriture que
le feu qui ne venait point du sanctuaire était
profane et étranger, quoiqu'il put être plus clair
et plus beau que celui du sanctuaire. » La plus
belle édition est celle de Paris; 1789-1804,
12 vol. gr. in-8° ; — Lettres chrétiennes et
spirituelles; Paris, 1690, 2 vol. in-8°; — Les
Psaumes de David traduits en français, sui-
vant l'hébreu et la Vulgate avec une expli-
■ LEMA1TRE 67jj
cation tirée des saints Pères; Paris, 1696
3 vol. in-12. L- J-
Fontaine, Mémoires sur Port-Royal. — Du Kossé, Mé
moires pour sertir à l'histoire de Port- Hoy al-des
Champs — Le P. Lelong, BibUliothèquc sacrée. — Sainte
Beuve, Port-Royal, t II. 1.2.
lemaistre (Pierre), jurisconsulte fran
çais, né à Paris, en 1638, moitié 17 octobr
1728. A l'âge de trente ans, il se fit reçeypj
avocat au parlement de Paris. On a de lui : ^
Coutume de Paris rédigée dans l'ordre natii
rel de la disposition de ses articles ; Paris
1700, in-4°; une nouvelle édition a été donné
par Guyot; Paris, 1741, in-l'ol.; l'ouvrage de f.|
maistre est un de ceu\ dont le chancelier d'A
guesseau recommande la lecture à son fils. E. 0
Dcsessarts, Les Siècles littéraires.
lemaître de claville (Charles-Fray
çois-Nicolas), moraliste français, né à Rotiei
vers 1670, mort dans la même ville, en 1740. lift!
président au bureau des finances de Rouen, oceuf
ses loisirs à la composition de l'ouvrage intitnlt
Traité du vrai Mérite de l'homme considé\
dans tous les âges et dans toutes les cond
lions, avec des principes d'éducation propn
à former les jeunes gens à la vertu. Ce livi
fut imprimé en 1734, 1735, 1742; 2 vol. in-11
1783 en 2 vol. petit in-12. Cet ouvrage, aujou
d'hui oublié, eut beaucoup de succès à son aj
parition. A. J.
Quérard, La France Littéraire.
lemaître ( Pierre- Jacques), conspiratej
français, né à Magny, en 1750, fusillé à Parj
en 1795. Il appartenait à une famille honorabl
et occupait à la révolution le poste de sécrétai
du conseil des finances. Il perdit cette place»
1790, passa auprès des princes émigrés en All<:
magne, et se chargea de leur correspond
avec l'intérieur. 11 s'établit pour cela vers 17J'
à Bâle en Suisse, d'où il se mit en relation ay«
les agents Brottier, Rattel et Lavillebeurnoj.
En 1795 il vint à Paris, et prit part à la tent
tive d'insurrection du 13 vendémiaire. Arrê:
avec d'autres agents, Lemaître fut traduit à
vant un conseil de guerre et condamné à mo»
le 17 brumaire an iv ( 7 novembre 179.51
comme agent de l'étranger, et pour avoir entii
tenu avec les émigrés et les ennemis de la H
publique des correspondances tendant à rétabli
la royauté. Ses coaccusés furent condamné^
la déportation ou à la détention. Lemaître mp
rut avec courage, et ne fit aucune révélation. S
papiers soulevèrent une vive discussion à laCp
vention, parce que plusieurs députés y étaie
désignés comme prêts à servir son parti. On]
prit cependant aucune mesure contre eux ; m?
cela empêcha Cambacérès d'être élu directeur.
J. V.
Ainault, Jay, Jouyet Norvins, Biogr.nouv. des Co
temp. — Moniteur universel, an iv, n°» 26, 28,80,:
38, 44, 45, 49 et 68. * '
«lemaître (Augustin -François), gravei
français , né à Paris, en 1797. Élève de Miclii
(73
In et de Fortier, il se fit connaître en 1S24 par
Us paysages gravés d'après Claude Lorrain;
fie vue des Ruines de Taormine, gravée
[après M. le comte Turpin de Crissé, lui valut
Jie médaille de 2e classe au salon de 1824, et
| Mort de Roland, d'après Michallon, lui lit
btenir la médaille de première classe au salon de
•::îl. Ses principales gravures sont : L'Enlève-
lentde Proserpine, d'après Rémond;Zo Cha-
elle des Feuillants, d'après Daguerre; une
ternie de Napoléon et un Bivouac, d'après
I. Bellangé; Le port d'Alger, d'après Ra-
bisié, etc. Il a gravé des planches pour pill-
eurs ouvrages importants, tels que les Souve-
irs du golfe de Naples , de M. le comte Tur-
in de Crissé; Y Expédition scientifique en
forée, etVVnivers pittoresque, etc. G. de F.
l^miMaire statistique des artistes, 1836. - Documents
arliculiers.
I ? lemaÎtke (Frederick), artiste dramatique
lançais, né au Havre, en juillet 1798. Son grand-
ère était musicien, son père architecte. Tout
lune il déclamait des vers; on l'habillait en
[agédien, et ses parents s'amusaient à lui faire
eciter La Veuve du Malabar. Venu à Paris ,
jrédérick se présenta, en 1820, au Conservatoire,
jt sur une audition où Michelot, président du
Jry, l'arrê.ta au quatrième vers , il fut admis à
•école de déclamation, où il eut Lafont pour maî-
}e. Deux ans plus tard, un concours fut ouvert à
bdéon pour les élèves du Conservatoire ; Frédé-
jck y échoua : Il n'avait eu qu'une voix; il est
Irai q.ue c'était celle de Talma; mais Frederick
[ignorait, et il se retira découragé. Grand, beau,
Ben fait, intelligent, il débuta pourtant au théâtre
les Variétés Amusantes dans le rôle du lion, de
lyrame et Thisbé , il passa ensuite aux Funam-
bules, puis au Cirque deFranconi, enfin en qua-
[té de confident tragique à l'Odéon, où il ne resta
ue quelques mois. Le 2 juillet 1823, il débuta à
iAmliigu-Comique dans L'Auberge des Adrets.
a pièce, prise au sérieux , fut sifïlée le premier
)ur; Frederick Lemaître la releva à la seconde
«présentation par la façon originale et effrontée
,ont il composa le rôle de Robert Macaire. En-
ragé ensuite au théâtre de la Porte-Saint-Martin,
l y trouva des rôles plus dignes de lui dans les
productions du drame moderne. On le vit, sui-
rant l'expression de Ourry, prêter une sombre et
effrayante énergie au joueur de Trente ans, ou
\a vie d'un joueur, de Victor Ducange ; une caus-
jique et infernale malignité, au Méphistophélès de
aust ; une noblesse sans emphase et une sen-
sibilité vraie à Leicester et à l'Edgar de La Fiancée
ie Lanunermoor. Il reparut ensuite au théâtre
le l'Odéon dans La Maréchale d'Ancre , Les
Vêpres siciliennes , Othello , La mère et la
îlle, etc. Quelque temps après, il revint à la
Porte-Saint-Martin, où il créa le rôle de Richard
i'Arlington, dans la pièce de ce nom, deM. Alex.
Dumas. Ayant eu des différends avec son di-
recteur, Frederick Lemaître s'en alla donner des
LEMAÎTRE 5?4f
représentations en province. A son retour, il
porta au petit théâtre des Folies-Dramatiques le
rôle de Robert Macaii e, dans la pièce de ce nom,
dont il était un des auteurs. La première repré-
sentation eut lieu le 14 juin 1834 avec un succès
incroyable. Frederick animait cette extravagante
conception d'une verve frondeuse et désordonnée,
pleine de génie; il en fit un type de son temps.
Il alla ensuite jouer cette pièce en province; puis
il revint à Paris, et entra au théâtre des Variétés,
qui se jetait alors dans le drame. Le marquis de
Brunoy ne lui fournit pas un de ces rôles aux-
quels il savait mettre son cachet; mais il fut
plus heureux dans Kean, ou désordre et génie,
de M. Alexandre Dumas, « personnage qu'il de-
vait saisir et comprendre mieux », selon Ourry.
Frederick Lemaître ne tarda pas toutefois à se
sentir à l'étroit dans ce théâtre. Le théâtre de la
Renaissance allait s'ouvrir. M. Victor Hugo le fit
engager pour jouer son Ruy Bios, en 1836. Fre-
derick jeta un vif éclat dans ce rôle aventureux.
La manière large et hardie dont il joua L'A vare de
Florence ne put sauver ce drame. L'arliste avait
d'ailleurs indisposé le public par des discussions
d'intérêt avec l'administration du théâtre , refu-
sant de jouer au moment même de la représen-
tation. Forcé par les tribunaux de paraître sur
la scène, il brava cavalièrement la colère du
parterre, et ne parvint pas à se faire pardonner.
Un autre malheur l'attendait en 1 840, à la Porte-
Saint-Martin, dans la pièce de Vautrin, composée
par Balzac. Frederick y fut splendide, éclatant;
suivant M. Edouard Thierry, il lança des notes qui
étincelaient comme des flammes vives, des éclairs
d'un sublime bouffon. La pièce choqua; les tra-
vestissements de Frederick Lemaître, qui éfait
allé jusqu'à singer la silhouette de Louis-Philippe
et à déguiser Napoléon en bourgeois , devaient
déplaire. La pièce fut défendue le lendemain.
En 1842 Frederick Lemaître parut au Théâtre-
Français dans , Brunehaut et Frédégonde et dans
Othello , mais il ne fut pas goûté. Revenu à a
Porte-Saint-Martin, il y parut dans Don César
de Bazan, La Dame de Saint-Tropez, Les
Mystères de Paris, Le Chiffonnier de M. Félix
Pyat, Michel Brémond, Le Docteur noir,
Mlle de La Vallière, Tragaldabas , etc. En
1845, il alla en Angleterre, où il fit réussir Ro-
bert Macaire. En 1848 il refusa un engagement
que lui offrait M. Bocage à l'Odéon. Depuis il
a encore joué Paillasse, à la Gaité, en 1850;
Toussaint Louverlure, à la Porte-Saint-Martin,
en 1851; le Roi des Drôles , aux Variétés, en
1852 ; Levieux Caporal, à la Porte-Saint-Martin,
en 1853; La bonne Aventure, à la Gaité, en
1854; Henri II'I, à la Gaité, en 1856; André
Gérard, à l'Odéon, en 1 856 ; Le Maître d'École,
à l'Ambigu, en 1859. Artiste éminent, Frederick
Lemaître a été le plus grand, interprète du drame
moderne , aussi puissant dans les pleurs que dans
le rire, dans le bouffon que dans le tragique, aussi
naturel que profond dans la douleur ou dans la
57S
LEMAITRE — T.
joie, et ce n'est pas sans raison qu'on l'a sur-
nommé le Tahna des boulevards.
On lui attribue une part dans la composition
des pièces suivantes : Le Prisonnier amateur,
comédie en un acte et en prose , mêlée de cou-
plets, avec Uarlois, Alex. Comberousse et Fer-
dinand Laloue; Paris, 1826, iu-8'*;— Le Vieil Ar-
tiste ou la Séduction , mélodrame en trois
actes, avec de Cliavanges, Alex de Combe-
rousse et Maillard-, Paris, 1820. in 8°; — Le
Chasseur noir, mélodrame, avec M. Antier;
Paris, 1828, in-8° ; — Robert Macaire, pièce en
quatre actes et six tableaux, avec MM. Amand
Lacoste et Antier; Paris, 1836, in-8°.
Le tils de M. Frederick Lemaître, Charles-
Frédérick LeiiaÎtiie, suit la carrière de son père.
Il a joué le vaudeville et le drame, et a obtenu
du succès dans La Tour de Londres , à l'Am-
bigu. On lui doit quelques productions dra-
matiques, telles que : Fais la cour à ma femme,
joué à la Gatté en 1851 ; — La Maruière des
Saules, drame en cinq actes et six tableaux
joué à la Gaîté eu 1858 (avec M. Alphonse Brot);
— Le Marin de Cherbourg , vaudeville en un
acte, joué à la Gaîté en 1858 (avec M. Dulertre).
II a aussi écrit des biographies d'artistes drama-
tiques. L. L — t.
Adolphe Dumas , Fréâérick-LcmuUrc, dans la Galerie
des .artistes dramatiques de Pans. — Ourry, dans Y En-
cyclopédie des Cens du Monde. — W.-A. Duckctt, dans
le Dictionnaire de la Conversation. — Eug. de Mire
court, Les Contemporains. — Quérard, l.a France
Littéraire, — Bourquelot et Matiry, la Littérature
Française contemp. — Vapereau, Dict. unio des Con-
temp. — Ed. Thierry, Moniteur du 3 juin 1856.
le man ( Maur ) , surnommé en religion
Maur de V Enfant-Jésus , carme de l'étroite
observance, né au Mans, suivant le P. Cosme
de Villiers, mort à Bordeaux, le 19 avril 1690.
Nous le voyons maître des novices au couvent
de Bordeaux , ensuite prieur de ce couvent , et
enfin provincial de Gascogne. Trois fois les suf-
frages de ses confrères l'appelèrent à cette der-
nière dignité. C'était un homme d'une austérité
rare, même chez les carmes, que la pratique
régulière des macérations jeta plus d'une fois
dans cet état violent que l'on peut appeler le
délire de l'extase : il recevait alors , nous dit un
de ses biographes, le don de prophétie : pro-
phétise gralia donatus, plurimos eventus
longeanteprœdixit ; ainsis'expvimeleP. Cosme
de Villiers. On a de lui : La Crèche de V En-
fant-Jésus ; Bordeaux, in-12 ; — Entrée à la
divine Sagesse, comprise en plusieurs traités
spirituels, qui contiennent les secrets de la
théologie mystique; 1652, in-12; — Le Royaume
de Jésus-Christ dans les âmes; Paris, 1664,
in-12. Nous trouvons, en outre, parmi les ma-
nuscrits français de Saint-Germain-des-Prés,
num. 1744, un ouvrage du même auteur qui pa-
raît inédit. Il a pour titre : Traité de la Vie
intérieure. Nous signalons ces ouvrages comme
burlesques. Quand la piété fait usage d'un style
aussi étrangement emphatique, elle ne tourbe
E MARCHANT 576
plus , elle fait sourire. Les mystiques du moyen
âge, que l'on accuse à bon droit d'avoir péché
contre le goût, emploj aient avec modération l'an-
tithèse et la métliaphore en comparaison de cer-
tains mystiques du dix-septième siècle. B. H.
Cosme de Villiers , Bibliotheca Carmelitana. — Spe- .
etilum Carmetitanum. — R. Hanréau, Hist. Lut. du
Maine, t. III, p. 238, et t. IV, p. 401.
* LEMAOUT (Emmanuel), naturaliste fran-
çais, né à Gningamp, vers 1806, exerça d'abord
la pharmacie, et fut reçu docteur en 1842. Nommé
démonstrateur à la faculté de médecine de Pa-.
ris, il y devint professeur agrégé. Il s'est fait
connaître par des ouvrages fort estimés : Le
Règne végétal dans le Jardin des Plantes de
M. Curmer; 1840, in-8"; — Cahiers de Phy-
sique, de. Chimie et d'Histoire naturelle;
ls41, in-4°; — Leçons analytiques de Lecturt
à haute voix; 1848, in-8°; 2e édit. en "
— Leçons élément aires de Botanique;
2 parties in-8", avec 500 gravures; —
élémentaire de Botanique ; 1848;— Ls Troi
règnes de la nature : Règne végétal; 1852;
— La Flore des jardins et des champs, avec
M. Decaisne; 1854. G. de F.
Documents particuliers.
le marchas i> ( Françoise Duché de,
Vancy, Mme ), femme de lettres française , fuit
de Duché, membre de l'Académie des Inscrip-
tions, née à Paris, morte vers 1754. File aidait:.
dit-on, souvent son père dans la composifioi
de ses ouvrages. Elle avait épousé un receveu»
général des domaines et bois de la généralité d<,
Soissons, et recevait chez elle les personnage;
célèbres de son temps ; Coy pel venait y ré< iter se;
comédies. Elle publia, sous le voile de l'anonyme
Nouveaux Contes des Fées allégoriques; Paris
1736, in 12 ; cet ouvrage contenait quatre contes
Le Phénix, delà présidente DreullM, Lisandre
Carline et Boca. En 1756, Mm<= Husson fit pa
raître sous son propre nom le roman de Boca,
ou la vertu récompensée; Paris, in-12. O
larcin fut rc'v élé par la lettre d un anonyme in;
sérée dans l'Année littéraire pour 1757
Mme Husson, qui au dire de l'abbé de Laporte
était une jeune et très-jolie femme, convint d
bonne foi du larcin qu'elle avait fait, et par un
lettre très-spirituelle, insérée dans le journal o
avait paru la dénonciation , elle fit une sorte d'ex
cuse à ses lecteurs. JSoca a été reproduit en 1776;
dans la Bibliothèque universelle des Romans
ainsi que l'analyse de deux comédies de Mme L
Marchand , intitulées : Le Mystérieux et L
Défiant. 3. V.
Abbé rie I.aporte, Hist, littér. des Femmes française.
tome IV, paje 182. -- Chnmlon et Delandine, Dict. unit
Histor. crit. et bibliogr. — Quérard , La France Li,
téraire.
le marchant (Jacques), en latin Mar
chantius, historien flamand , né à Furnes, e
1537, mort à Bruxelles, en 1609. Il appartena
à une< famille noble originaire de Nieuport. En
voyé à Louvain pour y étudier les lettres et I
J577 LE MARCHANT
'droit, il écrivit de bonne heure le latin avec la
iplus grande facilité , et fut chargé, comme pré-
cepteur, de diriger l'éducation des enfants de
Jean de Melun. Ayant par la suite embrassé le
'parti des états contre la domination espagnole,
H remplit divers emplois politiques, et siégea au
conseil d'amirauté institué en 1580. Après la
Soumission de toute la Flandre au roi d'Espagne ,
I se retira à la campagne et reprit , jusqu'à l'é-
poque de sa mort, la culture des lettres, qu'il
hvait trop longtemps sacrifiée aux charges de la
lie publique. Le Marchant s'adonna surtout à
'étude de l'histoire nationale, et marcha digne-
ment dans la voie que venait de tracer Jacques
ae Mégère, le père des historiens flamands. Nous
[itérons de lui : De Rébus gestis a Flandrix
lomitibus Elegiarum Liber; Louvain, 1557,
pi-8° ; — De Rébus Flandrix memorabilibus
liber singularis ; Anvers , 1567, in-8°, dont la
lédicace, datée de Bruges, porte le nom de l'in-
prtuné comte d'Egmont; — Principes Flan-
ïrix carminé descripti ; Anvers , 1567, in-S°:
lèdiés au môme personnage ; l'un et l'autre de
■es ouvrages ont été réimprimés à Francfort,
!58o, dans la collection des Scripiores Bel-
\ici de Feirabent ; — Flandria commentario-
mm lib. IV descripta , in quibus de Flandrix
\rigine , commoditatibus , oppidis, ordinibus,
\iagistratibus indigenisque tractatur ; An-
ers, 1596, in-8° : par un singulier revirement
[opinion chez un homme qui avait lutté contre
Espagne , ce livre est dédié à l'archiduc Albert;
hais les passages qui avaient trait aux troubles
Svils sous le règne de Philippe II en ont été
etranchés par ordre de la censure. P. L — y.
iFoppens, Bibliot/i. Belgica, 526. — Biogr. des Hom-
les remarq. de la Flandre occid., 1, 305-308.
Ile marchant (Pierre), en latin Mar-
nantius, casuiste flamand , né en 1585, mort
1 11 novembre 1661, à Gand. Admis à seize ans
ans l'ordre de Saint-François, il remplit di-
prses missions, et s'occupa de la réformation
ps couvents du Limbourg. On a de lui : Expo-
\tio litteralis in regulam S. Francisci ; An-
fers, 1631, in-8°; — Sanctificatio S. Josephi,
bonsi Virginis , nutritii Jesu , in utero;
pnd, 1631, in-8°, livre qui fut interdit en 1633
»r la congrégation de l'index ; — Eaculus pas-
traits , sive potestas episcopalis in regulares
vn exemptos; Bruges, 1638, in-S°; — Tri-
\tnal sacramentale et visibile animarum in
jac vita mortali; Gand, 1643-1650, 3 vol.
fol. ; — Fundamenta XII ordinis FF. Mi-
wumS. Francisci; Bruxelles, 1657, in-fol. ;
Resolutiones notabiles variorum casuum
quxstionum practicarum ; Anvers, 1656,
Cologne, 1672, in-fol., etc. Cet auteur était
ère de Jacques Le Marchant, qui , entre au-
es écrits sur la théologie, a publié celui qui a
é connu sous le titre de Hortus pastorum
concionatorum. K.
Foppens, Biblioth. Belgica, 989-981.
KOUV. BIOCR. GÊNER. — T. XXX,
LEMARE
578
lemarcis (Pierre-Marie ), homme politique
et littérateur français, né à Kouen, en 1 762, mort
à Paris, le 8 mars 1826. Son père, négociant à
Bolbec, dépensa sa fortune pour venir au secours
des victimes d'un incendie qui avait dévoré cette
ville en 1765. A vingt-deux ans Lemarcis fut
nommé secrétaire général de l'intendance d'Or-
léans. En 1789, Cypierre, son supérieur, l'en-
voya vers Necker pour offrir à ce ministre un
plan d'approvisionnement de Paris ; Necker re-
çut favorablement Lemarcis, et le présenta au roi.
Quelque temps après , Lemarcis fut appelé aux
fonctions de procureur syndic du district d'Or-
léans. Il rédigea une pétition qui lui valut d'être
traduit devant le tribunal révolutionnaire. Un bon
mot le sauva. Menacé une seconde fois, il se
réfugia à Bolbec, et obtint d'avoir sa maison
pour prison. De l'an iv à l'an vu ( 1795 à 1799 )
Lemarcis siégea au Conseil des Cinq Cents ; il y
vota avec le parti modéré et même avec la frac-
tion qui fut atteinte par le coup d'État du 18
fructidor. En 1804 Lemarcis obtint la place "de
directeur des contributions directes du départe-
ment de la Seine, qu'il a remplie jusqu'à sa
mort. On a de lui , sous le voile de l'anonyme :
Conseils à une jeune femme, ou lettres d' Au-
gustin? L. M. (Le Marcis ) à Pauline D. N.
(de Noailles ); Paris, an v (1797), in-8°; 1826,
in-8° : tirés à petit nombre; — Les Amours
d'Ovide, traduction libre en vers français,
suivie du Remède d'Amour, poème en deux
chants, imité d'Ovide; Paris, an vu (1799),
in-12. J. V.
annales biographiques, 1826, p. 48î. — Eeuehot,
Journal de la Librairie, 1826.
i.emare ( Pierre-Alexandre ), grammairien
français, né en 1766, dans le canton de Saint-
Laurent, en Franche-Comté, mort à Paris, en
1835, était le fils d'un pauvre laboureur. Dès
son enfance, il montra une volonté énergique et
une persévérance opiniâtre. Il fit presque seul
son éducation , et se mit en mesure à dix-neuf
ans de professer la rhétorique au collège de
Saint-Claude. Il était principal de ce collège,
lorsque éclata la révolution de 89. Il se montra
dès lors , et continua d'être toute sa vie sincère
ami d'une liberté réglée et légale. Devenu après
le 31 mai membre de l'administration du dépar-
tement du Jura, il s'opposa, autant qu'il put,
aux excès de zèle du comité de surveillance. La
Convention le proscrivit deux fois , et deux fois
le réintégra : on le savait honnête homme. Au
moment du 18 brumaire, Lemare présidait le
département du Jura. Il proclama Bonaparte
traître à la patrie, et reçut de l'administration
centrale le commandement de la force armée
destinée à marcher contre'lui. Un jugement par
lequel il était condamné par contumace à dix
années de fers fut la récompense de cette har-
diesse. Lemare n'hésita pas à se constituer pri-
sonnier à Chàlons-sur-Saône, fit casser son arrêt,
et vint afficher lui-même son jugement à Lons*
19
579
LEMARE —
ie-Saulnier; mais il renonça, ostensiblement du
moins, à la politique, professa le latin pendant
plusieurs années à Paris , au collège des colo-
nies, et fonda Y Athénée de la Jeunesse, qui
obtint une grande vogue. En 1808, dès qu'il vit
arrêter le général Mallet et plusieurs autres per-
sonnes avec lesquelles il avait eu quelques re-
lations compromettantes, il quitta Paris, et par-
courut l'Europe sous différents noms. Arrêté en
Autriche, et reconduit à la frontière, il alla
incognito suivre les cours de médecine de la fa-
culté de Montpellier, et, sous le nom de Jaoquet,
se fit donner une commission de chirurgien aide-
major des armées. 11 fit même en qualité de chi-
rurgien major la campagne de Russie, et, à son
retour, en 1814, il se fit recevoir docteur en mé-
decine de la faculté de Paris. A la première en-
trée des alliés , il fit afficher dans Paris une pro-
clamation violente contre Napoléon, accepta,
en mars 1815, une mission dans les départe-
ments de l'est, et se montra quelque temps zélé
partisan du gouvernement des Bourbons , dans
lesquels il voyait les représentants des idées li-
bérales. Mais il paraît qu'il ne trouva pas ses
espérances suffisamment réalisées ; car, dès la
seconde restauration, il quitta pour jamais la vie
politique.
On a de Lemare : Panorama des Verbes
français; 1801, in-8° ou grand in-folio; —
Panorama latin; 1802, in-8°, ou grand in-fol. ;
— Abréviateur latin, oumanuel latin; 1802,
in-8° ; cet ouvrage et le précédent ont été re-
fondus sous le titre de Cours théorique et pra-
tique de la langue latine, ou abréviateur et
amplialcur latin, suivi du Novitius, ou diction-
naire, etc.; Paris, 1804, deux v. in-8° oblong;
3e édition, entièrement refondue, 1817, in-8°. Le
Lycée des Arts, présidé par Fourcroy, proclama
pour les premières éditions l'auteur digne du
maximum d'encouragement décerné aux décou-
vertes utiles-, — Le Rudiment ou Grammaire
latine de Lhomond, augmentée décent quatre-
vingt-dix-sept Notes et d'une Table; 1805,
in-8° ; — Le De Viris de Lhomond prototypé,
c'est-à-dire indiquant à côté du texte la
forme sous laquelle chaque mot se trouve
dans les dictionnaires ; 1805, in-24, procédé
ingénieux, mais un peu superflu, et abandonné
d'ailleurs aujourd'hui, à cause de la difficulté de
son exécution typographique; — Cours théo-
rique et pratique de la Langue Française;
1807, in-4° oblong; 2e édition, entièrement re-
fondue sous ce titre . Cours de Langue Fran-
çaise, etc.; 1817, in-8° ; 1819, deux v. in-8°;
dans cet ouvrage comme dans son cours de langue
latine, l'auteur, sur les pas de Oondillac, soumet
à un examen philosophique les règles de la gram-
maire, et cherche dans la nature même des
idées les éléments du langage, leurs dénomina-
tions, leur classification méthodique, leurs di-
verses combinaisons; ces cours, aujourd'hui
encore justement estimés, n'ont pu cependant
i
LEMARQUANT 580
devenir classiques, à cause de la complexité dessj
matières et aussi d'un excès de formules d'éru-
dition : moins savants, ils auraient pu être plus
utiles; — Racines latines, mises en phrases
et mnémonisées d'après laméthode de M. Fi-
naigle, etc.; 1810, in-18; — Le Chevalier d(
la Vérité, traduit de l'allemand de Langhein:
1814, 3 in-12; — Système naturel de Lec-
ture, etc. : ouvrage refondu sous le titre suivant
Cours de Lecture, où, procédant du composa
au simple, on apprend à lire des phrases j
puis des mots, sans connaître ni syllabes n
lettres, composé de quarante et une figures'
4e édition, 1818, in-8° et in-folio; — Manier*
d'apprendre les Langues, suivie de V Analyse
et de l'Examen des Méthodes ou Projets d
Méthode de Despautère, Comenius , Pon
Royal, etc. : et d'un mot sur le procédé
Lancastre; 1817, in-8°: c'est surtout à cet o
vrage qu'on peut adresser le reproche général fa
à Lemare par Chénier sur l'impolitesse de se
attaques et la lourdeur de ses plaisanteries
« lorsqu'il croit devoir combattre ou des gran
mairiens accrédités ou des corps littéraires, q«
ne sont pas infaillibles, mais qui sont au moii
respectables » ; — Supplément au Cours thén
rique et pratique de la Langue Françaist
1818, in-4°; — Dictionnaire français, par oi
dre d'analogie, etc.; 1820;in-8°; et quelqm
brochures moins importantes.
Lemare s'est aussi occupé des applicatioi
de la chaleur à l'industrie. On lui doit l'inve
tion des Marmites autoclaves, que des conti
façons mal- faites et dangereuses firent abandoi
ner, et une sorte de fourneau économique, le C
lèf acteur Lemare, approuvé par l'Académie di
Sciences. Il a écrit sur ce sujet une Notice s
le Caléfacteur Lemare ;8e édition, 1825, in-i
Charles Defodon
Rabbe, Vieilh de Boisjolin et Sainte-Preuve, Diogi
phie universelle et portative des Contemporains.
Bouillet, Dictionnaire Historique et Géographique,
Chénier, Tableau de la Littérature.
* LE MAîiOiS (Napoléon- Jules -Polydoi
comte), sénateur français, né à Paris, le 15
cembre 1802. Il débuta, fort jeune encore, dans
carrière diplomatique comme secrétaire d'à
bassade. Membre de la chambre des dépu
(centre gauche) sous le règne de Louis-Philipj
il fit des essais agricoles sur des terres incult*
et siégea à l'assemblée législative. Le 26 janv
1852, il fut élevé à la dignité de sénateur.
S— D.
Biographie des sept cent cinquante Représentant
l'Assemblée législative; Paris, 1849. — Les grandsCt
politiques de l'État, etc. ; Paris, 1862. — Biographie
Membres du sénat; Paris, 1852.
lemarqitant (Louis-François-Augu.
fils de Jean Lemarquant, lieutenant des chas
du duc et de la duchesse du Maine, en la pii*
cipauté d'Anet, né à Anet ( Eure-et-Loir |1
2 octobre 1734, mort le 30 juin 1807. 11 fut r j»
avocat au parlement de Paris, et occupa H
1581 LEMARQUANT — LEMENE
sieurs charges importantes dans le comté de
Dreux et la principauté d-'Anet. Il sut se conci-
ier l'estime et labienveillanc.edu comte d'Eu,
îjiii lui légua son grand télescope, instrument
les plus puissants de l'époque. Le duc de Pen-
[hws re le nomma membre de son conseil. Après la
jnort du duc (le 4 mars 1 793), Lemarquant rentra
|ians la vie privée, s'occupantdes sciences et des
ettres. Il a laissé quatre volumes manuscrits de
lûtes et observations, et il publia en 1777 la
peseription du château d'Anet, réimprimée
■n 1789. A. V— ï.
i Documents particuliers.
I le masson (Innocent), écrivain religieux,
té à Noyon, le 10 mars 162S, mort le 8 mai
70.:. A l'âge de dix-neuf ans, il entra dans
tordre des Chartreux, devint vicaire, prieur et
jisiteur de la province de Picardie. Élu général
es Chartreux en 1675, il fit rebâtir la grande
lhartreuse, qui avait été presque entièrement
fcduite en cendres. N'étant encore que prieur
le la chartreuse de Noyon, il lit imprimer une
Théologie morale. Plus tard il s'appliqua à une
réduction française de l'office de la Vierge, de
lufticf des morts, des psaumes de la pénitence,
wec une paraphrase très-instructive et des mé-
|u»tions. 11 fit ensuite imprimer une traduction
lu Cantique des Cantiques avec des notes fort
pcherchées. Ennemi des jansénistes, il avait
rit une lettre au père de La Chaise pour le
pplier de lui procurer le pouvoir de punir
suxde son ordre qui seraient soupçonnés d'être
ce parti : cette lettre ne parut qu'après sa
ort, et fit beaucoup de bruit. Le Masson avait
it imprimer à Lyon, en T700,le livre du père
e Porq, de l'Oratoire, contre Jansenius, et il
donnait en présent. Il avait écrit contre le
stème de la grâce de Nicole. Son meilleur ou-
•age est sa nouvelle collection des Statuts des
hartreux, avec des notes savantes; Paris,
'03, in-fol. Il avait donné, en 1683, VExplica-
on de quelques endroits des anciens statuts
l'ordre des Chartreux ; in-4°. On a en outre
! Le Masson : Vie de Jean d'Aranthon d'A-
x, évéque et prince de Genève, général des
hartreux; Lyon, 1697, in- 8°; — Annales
■dinis Carthusiensis; Coire, 1687, in-fol. Il a
it aussi paraître anonyme : Introduction à la
e religieuse et parfaite, distribuée en tin-
tante - trois leçons, tirées de l'Écriture
inte, de V Introduction à la vie dévote de
•int François de Sales et de l'Imitation
'■Jésus-Christ; Lyon, 1677, in-8° : Suivant
rbier, « L'Imitation se trouve presque en en-
!r dans ce volume, avec des notes marginales
(les explications. » En 1692, Le Masson donna
!i appendice à cet ouvrage; il y réunit tous les
issages de l'Imitation relatifs à la grâce, pour
ouver la conformité des principes de ce livre
j'ec ceux de l'Église. J. V.
poujct, suppl, au Grand Dict. Histor. -de Morëri. —
puulon et Dclanfline, Dict. unir. Histor , Crit. et Bi-
582
blioyr. — Bjrbier, Dissertation sur soixante trad. de
l'Jmit. de J.-C, p. 105.
tEMAzntiER (Pierre-David), littérateur
français, né à Gisors, le 30 mars 1775, mort à
Versailles, le 7 août 1836. Il obtint dans l'ad-
ministration des contributions directes une place
qu'il perdit peu de temps après pour avoir élevé
sa voix en faveur des victimes de la révolution.
Il se livra alors aux lettres sous les auspices de
La Harpe, et débuta par des poésies fugitives
insérées dans les recueils du temps, et dont un
certain nombre ne sont pas signées. Lemazurier
fut nommé, en 1808, secrétaire du comité d'ad-
ministration de la Comédie-Française, et c'est
alors qu'il entreprit de mettre en œuvre les
nombreux et curieux matériaux contenus dans
les archives de ce théâtre et de publier des no-
tices historiques sur les anciens acteurs, qui
parurent en 1810, précédées d'un excellent dis-
cours préliminaire, sous le titre de Galerie
historique. Lemazurier conserva ses fonctions,
où son urbanité et son obligeance extrêmes
furent appréciées de tous les gens de lettres
qui recouraient à son érudition, jusqu'en 1830,
époque où il perdit tout à fait la vue, affaiblie
depuis longtemps par des travaux multipliés et
fatigants. On a de lui : Galerie historique des
Acteurs du Théâtre-Français , depuis 1600
jusqu'à nos jours; Paris, 1810, 2 vol. in-8°.
Une seconde édition devait être publiée en 1826;
elle n'a pas paru; — L'Opinion du Parterre,
ou revue des Théâtres français, de l'Acadé-
mie impériale de Musique, etc.; Paris, 1803-
1813, 10 vol. in-8°. Le premier volumea été pu-
blié sous le nom de Courtois ; le deuxième et le
troisième sous celui de Valleran. Les autres
sont anonymes; — La Récolle de l'Hermite,
ou choix de morceaux d'histoire peu con-
nus, d'anecdotes, etc., anonyme; Paris, 1813,
in-8°. Lemazurier a été le collaborateur
d'Auger dans le commentaire des œuvres de
Molière par cet académicien. Il a laissé en
portefeuille des contes, des épUres , des
stances, etc., et autres poésies qu'il a lues soit
à l'Athénée, où il professait un cours en 1817,
soit à la société Philotechnique, dont il était
membre. Il a aussi laissé inédite une Histoire
de la troupe de Molière, dont on doit regretter
la perte. E. de M.
Annuaire Nécrologique. — Quérard , La France Lit-
téraire.
LE MEINGRE. Voy. BOCCICAUT.
lemene (François, comte de), poète
italien, né à Lodi, en 1634, mort à Milan, le
24 juillet 1704. Sa vie ne contient pas d'événe-
ments remarquables ; mais le P. Ceva, son bio-
graphe, assure que pour l'amabilité des manières,
la probité des mœurs et le bonheur du talent
il eut peu d'égaux dans son temps. Lemene cul-
tiva la poésie en amateur, et se refusa longtemps
à publier ses vers; enfin, dans sa vieillesse, il se
décida à donner un recueil de poésies diverses
qui, sans être exemptes du mauvais goût du
19.
683
LEMEISE — LEMERCIER
temps, offrent des beautés nombreuses. « Le
comte de Lemene, dit Tiraboschi, osa le pre-
mier exposer en sonnets et en canzones les plus
augustes, les plus profonds mystères de la reli-
gion révélée ; mais quoique le style ne soit pas
toujours très-cultivé, et qu'on y puisse désirer
une inspiration plus vive, cependant les mérites
de ses vers ne sont pas peu nombreux, surtout
si l'on tient compte de la difficulté du sujet.
Mais quelques-uns de ses madrigaux et d'autres
pièces légères, où il décrit les jeux des enfants,
des pasteurs, des nymphes sont d'une telle
grâce et d'une élégance si véritablement grecque,
que je ne sais si la poésie latine a rien en ce
genre qui puisse leur être comparé. » On a de
Lemene : Délia discendenza e nobiltà de' mac-
caroni,poemaeroica ; 1675, in-8° ; —Poésie di-
verse; 1698,2 vol. ia-n; — LaSposafrancesca,
comédie, 1709, in-8° Z.
Ceva, Memorie d'alcune virtù del sig. conte Franc,
de Lemene con alcune riflessioni salle sue poésie. —
Tiraboschi, Storia délia Letteratura italiana, t. VIII
p. 376.
lemercier {Timothée), sieur de La Hé-
rodière, poète français, né vers 1570. Conseiller
et secrétaire d'Henri IV, il publia en 1616 un
poème de plus de deux mille vers sous le titre :
Deuil sur la mort de Henri le Grand, qui
n'est, de l'aveu de l'auteur, que la traduction en
vers de La Navarre en deuil , de Pierre de
l'Hostal. Au jugement de Goujet , c'est un ou-
vrage fastidieux qui dégoûte par son mauvais
style et rebute par sa longueur. K.
Goujet, Biblioth. française.
lemercier (Jacques), architecteet graveur,
français, né à Pontoise, vers la fin du seizième
siècle, mort à Paris, en 1660. Il fit dans sa jeu-
nesse un long séjour à Rome; car on possède de
lui deux eaux-fortes gravées dans cette ville, en
1607 et 1620; la première reproduit le projet de
Michel-Ange pour l'église Saint-Jean des Floren-
tins ; la seconde le tombeau de Henri III, dont
Lemercier avait envoyé en France le dessin.
C'est pendant cette période de sa vie qu'il puisa
dans l'étude des chefs-d'œuvre de l'antiquité un
sentiment du beau qui l'abandonna rarement.
Lorsqu'il revint en France, le cardinal de Riche-
lieu, qui sut l'apprécier, lui confia un travail bien
important, auquel son séjour dans la patrie des
arts avait dû le préparer merveilleusement. Il
s'agissait de l'achèvement du Louvre, dont il
n'existait encore que les deux ailes en équerre
élevées par Pierre Lescot au coté sud-ouest de la
cour actuelle. Sincère admirateur de ces mer-
veilles de la renaissance, Lemercier eût aimé à
ne pas s'écarter des proportions primitives adop-
tées par le grand architecte de Henri II ; mais les
temps avaient marché, et ce projet modeste ne
pouvait plus être agréé. Lemercier proposa,
sans toucher aux deux ravissantes façades, de
bâtir un palais quatre fois plus grand, en con-
tinuant les deux corps de logis déjà bâtis, pn les
conduisant jusqu'au double de leur longueur, en
584
reproduisant exactement sur la partie prolongée
l'architecture de la partie existante, puis de
faire du coté de l'est et du coté du nord, pour
compléter le quadrangle, deux autres corps de
logis égaux aux premiers. Par ce moyen on
doublait l'étendue des bâtiments et on quadru-
plait la superficie de la cour. La seule innova-
tion que se permit Lemercier fut d'ajouter aux
quatre grands pavillons du plan primitif, dont un
seul s'élevait déjà à l'angle sud-ouest, quatre au-
tres pavillons, placés au centre de chaque façade
et destinés à rompre l'uniformité de ces longues
lignes. Ces pavillons avaient en outre l'avantage
de fournir le motif naturel de quatre grands ves-
tibules donnant des accès faciles et commodes
à la cour du palais. Un seul de ces pavillons,
un seul de ces vestibules furent élevés par Le-
mercier; ce sont ceux de l'ouest, regardant les
Tuileries. Le vestibule qui a servi de modèle
aux antres est une heureuse réminiscence de
celui dont Antonio da San-Gallo avait orné le
palais Farnèse. Le pavillon central fut surmonté
d'un dôme et enrichi des belles cariatides dues
au ciseau de Pierre Sarrazin. La première pierre
de cet achèvement du Louvre fut posée par
Louis XIII, le 28 juin 1624; mais les travaux
furent poussés avec lenteur, et interrompus à
la mort du roi en 1643, et Lemercier n'acheva
que les deux demi-cicles en équerre de l'ouest
et du nord faisant pendant à celles de Pierre
Lescot ; ce ne fut que sous le règne de Louis XIV
que l'enceinte de la cour fut complétée par
Levau.
Cinq ans après le commencement des travaux
du Louvre, Richelieu demandait à la fois à Le-
mercier deux édifices importants, son propre
palais et la Sorbonne. Du palais Cardinal , plus
tard palais Royal, commencé par Lemercier en
1629, il reste bien peu de chose, grâce aux ad-
ditions et aux changements faits dans les siècles
suivants ; il n'y a plus en vue que la galerie des
proues située au coté occidental de la cour; on
sait que ces proues faisaient allusion à la charge
de surintendant de la marine et du commerce
dont le ministre était revêtu.
La première pierre de la Sorbonne fut égale-
ment posée en 1629. L'ensemble se compose de
deux édifices distincts, les bâtiments destinés
aux écoles, et l'église, qui a deux façades, la
principale sur la place, l'autre au nord sur la
cour de la Sorbonne. L'extérieur de cette église
n'a rien de bien remarquable ; mais l'intérieur,
est d'une rare élégance, d'une pureté de style
et d'une sobriété d'ornementation plus rares
encore à cette époque.
Lemercier succéda à Mansard dans la direc-
tion des travaux du Val-de- Grâce; l'église ne
s'élevait encore qu'à trois mètres du sol ; il la
continua tant au dedans qu'au dehors jusqu'à l«
hauteur de la corniche. 11 succéda également l<
Metézeau dans la construction de l'église de.<
prêtres de l'Oratoire , de la rue Saint-Honoré,
585
Obligé de terminer une composition dont il n'a-
vait pas donné la première idée, et qui semblé
n'avoir pas été très-heureusement conçue, il s'ef-
força d'en corriger les défauts, et il allongea l'é-
glise de toute la partie circulaire qui lui sert de
chœur. Il reste cependant dans cet édifice un
grand nombre d'irrégularités et d'imperfections ;
mais les autres œuvres de Lemercier prouvent
qu'il ne doit point en être accusé. Sa dernière
grande entreprise fut l'église Saint-Roch, com-
mencée en 1653 ; il ne put l'achever, et à sa mort
il n'avait encore élevé que le chœur et une partie
de la nef.
On doit encore à Lemercier quelques cons-
tructions de moindre importance, telles que les
portails des églises de Ruel et de Bagnolet,
l'église de l'Annonciade à Tours, l'église parois-
siale et le château de Richelieu. Une mention
toute spéciale doit être faite du fameux escalier
en fer à cheval que Louis XI II rit élever par
Lemercier au fond de la cour du Cheval-Blanc,
au palais de Fontainebleau. Cet escalier célèbre
ne coûta pas moins de 100,000 écus, somme
énorme pour le temps. C'est un des morceaux
d'architecture les plus majestueux du palais, et
il s'harmonise parfaitement avec la vaste cour
qui le renferme et dont il est le plus bel orne-
ment.
Malgré tant et de si glorieux travaux, malgré
son titre d'architecte du roi, Lemercier mourut
sans fortune ; mais il a laissé une renommée qui
le place au premier rang parmi les architectes
français du dix-septième siècle. E. B — n.
Quatremère de Quincy, Histoire de la Vie et des Ou-
vrages des plus célèbres Architectes. — Fontenay, Dic-
tionnaire des Artistes. — Vitet.Ze Louvre. — E. Jamin,
Fontainebleau ou notice historique et descriptive sur
cette résidence royale.
lemercier {Louis- Nicolas, comte), homme
(politique français, né à Saintes, le 23 décembre
1755, mort en janvier 1849, à Paris. A l'âge de
vingt ans, il succéda à son père dans la charge
de lieutenant général criminel au présidial de
Saintes. Élu député du tiers état de sa province
aux états généraux, il s'y fit peu remarquer,
et vota l'abolition de l'hérédité des fonctions
judiciaires. Après la clôture de l'Assemblée cons-
tituante, il fut élu par ses compatriotes juge au
tribunal du district de Montlieu, puis président
du tribunal criminel du département. En 1798,
il fut élu membre du Conseil des Anciens. Mem-
bre de plusieurs commissions, il rédigea dos rap-
ports importants sur les droits de bacs et sur
l'établissement des conseils de guerre. Il de-
manda qu'une retenue fût faite sur les appointe-
ments des fonctionnaires publics pour subvenir
aux frais de la guerre et combattit le projet
d'un impôt sur le sel. Au 18 brumaire, Lemer-
cier, qui était président du Conseil des Anciens,
se prononça en faveur de Bonaparte. La part
quCil prit au succès de cette journée , tant au
fauteuil qu'à la tribune, le fit comprendre dans
les commissions législatives qui remplacèrent
LEMERCIER 586
les deux Conseils. Le 24 décembre il fut admis
parmi les premiers membres du sénat conserva-
teur. 11 devint président de ce corps politique
après Sieyès et Roger Ducos. En 1804 l'empe-
reur lui conféra la sénatorerie d'Angers, et en
1808 il le créa comte. En 1814 Lemercier
adhéra à la déchéance de Napoléon et au rappel
des Bourbons , ce qui lui valut d'être porté dès
l'origine dans la chambre des pairs. Napoléon
ne l'ayant pas compris dans la chambre des pairs
des Cent Jours , Lemercier reprit son siège
au retour du roi. Il parla sur la liberté de la
presse, sur la contrainte par corps, sur les attri-
butions judiciaires de la cour des pairs, sur la
liberté individuelle, sur le serment des fonction-
naires publics, etc. Lors du procès du maréchal
Ney, il vota contre la peine de mort; après la ré-
volution de Juillet, il se prononça avec la même
fermeté dans le procès des ex-ministres de
Charles X, déclarant qu'il ne voterait jamais la
mort en matières politiques. Il ne siégea pas non
plus dans le procès des accusés d'avril 1834;
mais il reparut sur son fauteuil lors de l'attentat
de Fieschi. La révolution de Février 1 848 le rendit
au repos de la vie privée.
Sarrut et Salnt-Edme, Biog. des, Hommes du Jour,
tome II, 2e partie, p. 291. — V. Lacalne et Charles Lau-
rent, Biog. et Nécrol. des Hommes Marquants du dix-
neuvième siècle, t. I, p. 428.
lemercier (Jules-César-*Suzanne), baron
d'Equevilley, général français, né à Faverney,
près Vesoul , en 1765, mort à Montpellier, le
1er novembre 1828. 11 entra au service en qua-
lité de cadet-gentilhomme dans l'infanterie de
marine. Il était lieutenant lors de la révolution,
et émigra dès 1791. Il joignit l'armée des princes,
et figura dans les rangs des chasseurs nobles ,
puis des chevaliers de la Couronne. En 1805 il
rentra en France, et sollicita du service. Napo-
léon le nomma capitaine dans le régiment de
La Tour-d'Auvergne, alors en Calabre. Le baron
Lemercier se distingua en Portugal sous les
ordres de Massena : il fut grièvement blessé au
combat du pont de Callegar, et était chef d'es-
cadron et aide de camp du général Sainte-Croix
en 1814. Il se rallia aux Bourbons, qui le créèrent
colonel de la légion de Vendée. En 1822, il fut
nommé maréchal de camp et commandant de
Perpignan. En 182-3 il commandait la première
subdivision de la neuvième division militaire à
Perpignan. H. L.
Le Moniteur universel, 1S novembre 1828.
lemercier ( Louis- Jean-Népomucène), de
l'Académie Française , littérateur, né à Paris,
le 21 avril 1771, mort le 7 juin 1840. Son aïeul
était avocat au parlement de Bourgogne ; son
père devint successivement secrétaire du duc
de Penthièvre, du comte de Toulouse et de ma-
dame de Lamballe. Cette infortunée princesse
fut la marraine de Lemercier. La violence d'une
chute qu'il fit dans son enfance lui ôta l'usage
d'une partie de ses membres; il ne marcha
plus qu'avec peine , et ne put écrire que de la
587 LEMERCIER.
main gauche. Une jeunesse maladive ne retarda
point le développement de sa rare intelligence,
et l'ardeur de l'étude l'entraîna de bonne heure
dans la carrière où la gloire l'attendait. A peine
âgé de quinze ans, il eomposa , sous le titre
da iVéléagre , une tragédie, dont le style, di-
sait-on alors, paraissait aussi juvénile que l'au-
teur. Cependant sa puissante marraine, soutenue
par Marie-Antoinette, obtint un ordre de faire
jouer la pièce. Le public l'entendit avec indul-
gence; mais Lemercier la retira à la seconde re-
présentation : sacrifice d'amonr-propre qui dans
un si jeune poète ressemblait à la pudeur d'un
talent près d'éclore. De nouveau il s'essaya dans
un drame en vers , imité de l'anglais , Clarisse
Harlowe. Ce second effort attira l'attention sur
l'auteur adolescent. Déjà il avait acquis une es-
pèce de célébrité, qui chagrina son homonyme,
le dramaturge Mercier. Cet homme bizarre,
craignant une méprise de noms , publia une
lettre dans laquelle il recommandait de ne pas
le confondre avec Lemercier Méléagre, ou
tout autre Le Mercier. « Qu'on se souvienne,
ajoutait-il, que je suis Mercier sans article. »
Ainsi se répandit le nom du poète naissant, qui
entrait alors dans le grand monde. Son mérite ,
la grâce de son esprit et de ses manières lui va-
lurent de nombreux amis , parmi lesquels on
remarque Florian ; il se lia avec une foule de
grands seigneurs et de lettrés célèbres; il leur
communiquait ses vers, facilement faits , et tou-
jours applaudis. Habitué aux délices de cette
noble sphère, il semblait plus flatté d'y figurer
en homme du monde qu'en littérateur. Hélas !
ce monde brillant se livrait à une joyeuse insou-
ciance sur le gouffre où déjà la révolution fer-
mentait. L'orage éclate avec violence, les lois
sont foulées aux pieds , le trône est ensanglanté,
l'édifice social s'écroule : tout se couvre de
ruines ; les plus illustres protecteurs de Lemercier
tombent immolés; il voit jeter en proie aux
cannibales révolutionnaires les membres palpi-
tants de son auguste marraine. Frappé dans ses
entours , menacé lui-même , il se réfugie à la
campagne, où bientôt les illusions de son âge, le
calme des champs et l'amour de l'étude adoucis-
sent ses regrets.
Trois ans de malheurs écoulés, il sort de sa
retraite et apporte au théâtre une spirituelle pa-
rodie : Le Tartufe révolutionnaire , dont les
traits mordants frappaient les démagogues, en-
core puissants. Le succès fut complet; on applau-
dissait surtout avec chaleur une scène où le
nouvel Orgon dit à son trompeur :
Faut-il fuir et sauver ma tête?
Tartufe répond :
Il faut, en homme libre, attendre qu'on t'arrête.
L'année suivante , Lemercier donna Le Lévite
d'Éphraïm, ingénieux essai d'un nouveau genre
dramatique, qui accrut la réputation de l'auteur,
mais ne présageait pas encore l'un des triomphes
les plus rares du théâtre français.
583
Studieux admirateur de l'antiquité, Lemercier
s'empara des beautés éparses dans Eschyle,
dans Sophocle et dans Sénèque ; et s'aidant,
même des inspirations d'Alfieri, il composa
Agamernnon , ingénieuse imitation, où le poète
brille de sa propre originalité et devient créateur
à force d'art, il prépare et développe les évé-
nements avec un tact exquis, en accroît pro-
gressivement l'intérêt, prête à chaque caractère
le langage qui lui convient , et s'enflamme de
cette éloquence touchante dont tous les cœurs
sont émus. Les principaux personnages de ce
magnifique drame apparaissent comme ces
grandes figures que le génie antique anime d'une
vie réelle et impérissable.
L'attention publique se porta avidement vers
le poète qui à vingt-six ans promettait un con-
tinuateur de nos maîtres. L'enthousiasme fut uni-
versel ; l'autorité d'alors décerna au jeune poète
une palme dans une solennité nationale du Champ
de Mars.
Fatigué de cet essor, le jeune poète ne sou-
tint pas son vol d'aigle , et ne tenta plus que ra-
rement de s'élever dans cette haute région. D'ail-
leurs, enclin à se frayer des routes nouvelles,
il abandonna ses guides. Et puis, dans le champ
dramatique où il avait fait une si belle récolte,
chacun avaitsapart, la moisson paraissait termi-
née. Le public, lassé des formes antiques, deman-
dait qu'on le délivrât des Grecs et des Romains.
Lemercier se livra au courant de l'opinion, qui,
exerçant une influence souveraine sur les esprits
les plus fermes , devient une espèce de fatalité :
elle dirige celui qui cède, et contraint celui qui
résiste.
La littérature avait subi ses révolutions ; on
avait délaissé les formes mythologiques ; les as-
pirations religieuses se perdaient avec les
croyances; le sentiment moral demeurait sans di-
rection. Toute fiction se dépouillait de sa puis-
sance; le public d'élite se complaisait dans le
scepticisme; le matériel remplaçait l'idéal. On
examinait, on raisonnait sèchement; et les arts
mêmes avaient perdu leur prestige; l'ima-
gination ne déployait plus ses ailes magiques.
Ainsi, les philosophes, les écrivains , les poètes
qui entourèrent le déclin de Voltaire furent, à
différents degrés, frondeurs, sentencieux, didac-
tiques ou descriptifs. Lemercier, entraîné par son
époque , se détourna de la route de son premier
succès. Il délaissa pour un moment la tragédie,
et reparut à la scène avec une comédie, La
Prude, fille inattendue du père à'Agameinnon.
On y trouva bien l'empreinte de sa verve et
son allure originale; mais l'absence d'intérêt,
la négligence du style ne permirent à celte piè
qu'un succès de circonstance. Le Directoire
demanda des suppressions ; et l'auteur, qui.ne
transigeait pas même avec la nécessité, retira
l'œuvre eu pleine réussite ; elle ne fut pas im-
primée.
A la stupeur du régime terroriste, que le plus
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brave des peuples venait de subir si docilement,
succéda dans toute la population parisienne un
enivrement joyeux; à peine délivrée des écha-
fauds, elle s'abandonnait à l'imprévoyante étour-
derie, aux plaisirs effrénés de la régence. Celte
société, bouleversée par la tempête, subissait
encore le système de l'égalité. Ainsi les per-
sonnages marquants , hommes et femmes, op-
posés par les opinions , les goûts , la naissance ,
se rapprochaient dans un pêle-mêle étrange ; les
dames les plus distinguées, les plus opulentes,
étaient les plus abandonnées. Ces femmes libres,
émancipées parla révolution, regardaient la mo-
destie comme un préjugé détruit : maîtresses des
modes, elles en inventaient chaque jour, aux dé-
pens de la pudeur; leurs vêtements devinrent
d'une élégance si diaphane, qu'ils ne laissaient
rien à deviner aux regards les moins indis-
crets (1). La gaieté folle avait banni la bien-
séance de ces réunions , véritables bals masqués,
où sans se connaître on s'aborde familière-
ment , où chacun provoque avec malice l'esprit
de ses voisins afin d'en montrer soi-même à des
gens qu'on oublie en sortant.
Lemercier était l'ornement de ces cercles
joyeux. Son agréable et fine causerie attirait
l'attention de tout le monde, et surtout des
femmes. Il avait une petite taille et les formes
grêles ; mais son corps fluet , quoique gêné
par la paralysie, conservait de la grâce et de
la distinction. Son regard pénétrant et vif dé-
celait sa pensée, et semblait lire dans celle des
autres ; la malignité de son sourire n'avait rien
de blessant. Affable avec dignité , simple sans
être familier, il ne s'éloignait de personne, et se
prêtait volontiers aux goûts du moment ; il de-
vint absolument à la mode, et vivait dans un
monde de plaisirs. Le goût des lettres le tenait
aussi rapproché de plusieurs hommes célèbres,
noble reste de l'ancien régime. Il était lié avec
l'abbé Delille, Marie-Joseph Chénier, Bernardin
de Saint- Pierre. Il fréquentait indistinctement
les hommes les plus opposés d'opinions, le peintre
David , l'incorruptible royaliste duc de Fitz-
James , le respectable Daunou , l'évêque d'Au-
tun , cet apostat de toutes les causes , Asmodée
révolutionnaire, qui n'apparut que dans les jours
sinistres et ne servit que les heureux.
Ces personnages remarquables à des titres si
divers , lancés hors de leur place par le cata-
clysme politique , se rencontraient sur les ruines
de l'État, confondus comme les débris d'un édi-
fice renversé.
(1) Un riiueur afficha ces vers à la porte de M"
lien , surnommée Thermidorine :
La gaze est encore un outrage
Aux doux contours de votre sein,
Vénus se voilait d'un nuage:
C'en est trop pour un corps divin.
De plus près suivez la nature;
Pourquoi s'arrêlcr en chemin?
Belles , reprenez la parure
De la mère du genre humain.
LEMERCIER 590
Un certain ordre commençait à renaître. La
fleur de la population revenait à la littérature
et aux arts. Le vainqueur de l'Italie en avait ra-
nimé le goût par la conquête des chefs-d'œuvre
dont il ornait la capitale. Des poètes, des ro-
manciers , des compositeurs, des peintres, se dis-
tinguaient avec éclat; et l'Institut, cette grande
création préparée par des hommes éminents
dans les lettres et les sciences, acquérait de la
considération en représentant nos anciennes aca-
démies ; le plus illustre de nos généraux se
glorifiait d'en devenir membre. En ce temps
Lemercier composa une nouvelle tragédie,
Ophis, sujet égyptien et purement d'invention :
elle eut un singulier rapport avec les événements
qui se préparaient. Bonaparte, revenu triom-
phant, méditait une expédition , qu'il voulait
rendre à la fois militaire, politique et scientifi-
que. Un soir, chez le jeune conquérant, Lemer-
cier fut invité à lire sa tragédie. Parmi les audi-
teurs se trouvaient Desaix, Kleher, Monge,
Bertholet, Laplace , Fourrier. Après la lecture,
Bonaparte dit à l'auteur, en lui serrant la main :
« Vous avez créé un magnifique sujet, qui
peut-être est plus de circonstance que vous
ne le pensez. » Le général lui confia ses projets
sur l'Orient, et l'invita à l'accompagner. Mais le
père de Lemercier s'opposa au départ de son
fils. Bonaparte suivit bientôt sa route victorieuse,
et la pièce fut jouée re jour même où l'on ap-
prenait à Paris la conquête prodigieuse de l'em-
pire des Pharaons. Le public crut voir une allu-
sion à l'immortel guerrier, dans ces vers :
Il court pour son pays de victoire en victoire;
Son génie accomplit tous ses rêves de gloire.
Cet heureux à-propos du hasard fut saisi avec
transport. Le général apprit cette circonstance
aux bords du Nil, et sut gré au poëte d'avoir
donné aux Français l'occasion de manifester un
enthousiasme approbateur de son héroïque en-
treprise.
La littérature se ranimait. Lemercier, que les
plus mauvais jours n'avaient pu contraindre au
silence, sentit sa verve s'échauffer d'une sève
nouvelle; toujours avide de tentatives hardies,
il affirma, en présence de gens de lettres, que
dans le langage poétique les sujets les plus
voluptueux pouvaient être peints avec décence.
Lucrèce, disait-il, en offre d'admirables exem-
ples. Lemercier n'était pas un Lucrèce; mais,
pour soutenir sa thèse, il composa les Quatre
Métamorphoses , assemblable de tableaux que
la bienséance n'a point assez voilés. Cette œuvre,
presque oubliée aujourd'hui, se ressent de l'époque
où elle fut conçue. L'auteur regretta toujours de
l'avoir publié (1).
Lemercier ne voulut reparaître au théâtre
que riche de quelque nouveauté. Le célèbre au-
teur du Barbier de Séville , dans sa verte et
(1) Ce poëme eut deux éditions. 11 est difficile aujour-
d'hui d'en trouver un exemplaire.
591
LEMERCIER
>92
spirituelle vieillesse, lui avait voué une juste
affection ; c'est sous les regards , et peut-être
avec les conseils de Beaumarchais, que Pinlo
lut composé; entre ce personnage et Figaro
perce en effet un air de parenté. L'adroit mé-
lange du noble et du vulgaire, le ton du dia-
logue, hardi et vif, surtout l'apologie de certains
principes, sympathiques à la foule, donnèrent
une grande vogue à ce drame, dont le gouver-
nement directorial interdit la représentation.
Après le Dix-huit Brumaire, Pinto reparut
accueilli par des applaudissements renouvelés
pendant vingt représentations. Cependant, il se
forma contre la pièce une ligue que le jeu de
Talma et de MUe Devienne avait peine à maî-
triser. Les représentations cessèrent tout à coup,
et l'interdiction fut attribuée au chef de l'État.
Le fait est contestable ; cependant il prit de la
vraisemblance, par la rupture qui se manifesta
entre l'auteur et le premier consul. On ne se
doutait pas , et peu de gens savent aujourd'hui
que leur inimitié subite avait une cause plus futile
encore que la suspension d'un drame. Si les
hommes de talent , de savoir, de génie , sont
doués d'une force d'âme qui résiste aux grandes
secousses , l'exquise finesse de leur perception ,
leur ardente vivacité, leur fébrile amour-propre,
en font des espèces de sensitives. Difficiles pour
l'éloge, ils s'offensent d'un mot, d'un geste, et
même d'un oubli; ils passent donc rapide-
ment de la vigueur de l'esprit à la faiblesse du
cœur.
Voici le fait , tel qu'on le tient de la bouche
même de Lemercier. Vers l'automne de 1803, il
lut à la Malmaison un de ses ouvrages inédits.
Après la lecture, le premier consul le félicita, et
s'entretint longtemps avec lui. L'heure de la re-
traite, sonna , aucun appartement n'était préparé
pour Lemercier. Soit encombrement du château
(très-petit), soit oubli de l'officier chargé des
logements , le célèbre écrivain fut obligé de che*
miner péniblement la nuit jusqu'au village voi-
sin ; il s'offensa de ce manque d'égards , et ne
reparut plus chez le consul. L'excellente José-
phine et son aimable fille parvinrent à l'y ra-
mener ; mais le commerce entre le consul et le
poëte n'avait plus ce libre épanchement d'une
amitié qui n'a pas encore subi d'altération. Leur
causerie avait souvent de l'aigreur. Les desseins
du chef de l'État ne se cachaient plus, et Lemer-
cier les combattait. Quoique victime de la révo-
lution , l'écrivain avait caressé une vague image
de liberté politique; l'expérience ne faisait pas
évanouir son rêve.
Bonaparte permettait la controverse à un es-
prit si distingué et si opiniâtre. Les malheurs
de la révolution, le sang, les sacrifices qu'elle
avait exigés, étaient pour le poëte des motifs de
s'attacher à ses résultats. « Conservons, disait-il,
ce qui nous a coûté si cher. » Ce raisonnement
spécieux blessait le consul. Leur discussion
s'envenima au point que Lemercier osa dire :
« Vous vous amusez à refaire le lit des Bourbons ;
je vous le prédis , vous n'y coucherez pas dix '
ans. » Le consul fut justement offensé de ce mot;
mais il semblait, par un caprice de vanité, vou- j
loir triompher d'un caractère si inflexible et
d'un esprit si éminent. Dans sesbadinages aigres- j
doux, il appelait Lemercier mon petit Romain,
mon crédule fanatique ; les fanatiques ne ména-
gent guère leurs expressions. « Vous rougissez,
lui dit un jour le consul, de votre propre raison-
nement. « — «Vous, répliqua le petit Romain,
vous en pâlissez. » Discussion inouïe entre deui
hommes dont l'un osait tout, quand l'autre pou-
vait tout.
L'éclat des triomphes couvrait les désastres
de la révolution. La France, désabusée aspirait
au rétablissement d'un ordre de choses respecté
par quatorze siècles. Mais l'amour-propre des
novateurs se plaisait dans les illusions. L'auda-
cieux Lemercier dit au consul, prêt à ceindre la ;
couronne : « Moderne César, ne suivez pas la route
du premier, vous avez son génie et sa gloire;
faites plus que lui, respectez la liberté. >< Napoléon
ne dédaignait pas de répondre : « Prise d'une ma-
nière absolue, la liberté n'est qu'un mot vide de
sens. Jusque ici ce mot a été le cri de ralliement
des factions, le signal du meurtre et de l'incen-
die ; c'est à ce cri qu'une populace, esclave des
intrigants, envahit les palais souverains , en 89
et au 10 août ; c'est à ce cri qu'on égorgea tant
de nobles martyrs. La liberté réelle n'est que le
droit de faire tout ce qui ne nuit à personne. »
L'évidence ne ramenait pas Lemercier. L'oppo-
sition d'ailleurs lui était tellement naturelle que
si, par impossible, l'état républicain se fût main-
tenu, Lemercier serait devenu monarchiste.
II avait depuis quelque temps composé une
tragédie de Charlemagne. Napoléon affectait d'y
trouver un rare mérite; le style en était , disait-
il, cornélien. Cet éloge peut paraître intéressé;
le consul désirait que le poëte ajoutât , vers le
dénoûment, une scène où les envoyés d'un grand
nombre de peuples offrissent à Charlemagne
l'empire d'Orient. Si l'effet scénique avait ré-
pondu à l'espoir de Napoléon , une haute récom-
pense attendait Lemercier. Il se refusa obstiné-
ment à la demande du maître, et ne fit jouer
cette tragédie qu'au commencement de la Res-
tauration ; elle obtint du succès.
Les rapports continuaient entre Napoléon et le
poëte; mais des tracasseries mutuelles troublaient
sans cesse leur reste d'amitié. Dès que l'empire
fut proclamé , Lemercier ne garda plus de me-
sure; il renvoya le brevet et l'insigne de la Lé-
gion d'Honneur. Il y joignit une lettre où il dé-
clarait ne pouvoir se soumettre au nouveau
serment exigé des membres de l'ordre. Quand
la guerre se déclare entre des esprits ailiers, tous
les moyens servent à la colère , et l'égarement
de la rancune rapetisse souvent les hommes les
plus éminents ; on va le voir.
On disposait alors le terrain de la place des
|»93
\Pyramides. Il fallait exproprier Lemercier de
l'hôtel de son père. L'indemnité se faisait attendre ;
fct ce retard insolite le contraignait à des em-
prunts onéreux. L'empereur, à qui l'on parlait
souvent de la gêne du poète , semblait se plaire
k la prolonger. Un jour qu'on lui présentait
lune pressante requête du propriétaire dépouillé,
l'empereur éluda la question, et dit avec impa-
tience au haut fonctionnaire qui insistait : >c Ne
-Voyez-vous pas que Talma est ici ; il attend , il
ra me lire une pièce qu'on jouera après-demain. »
ffalma connaissait la détresse de Lemercier; il
Rapproche, et dit avec le ton libre que le prince
^permettait à l'artiste : « Sire, quand on a faim,
Jôn n'attend pas. Lemercier a été dépouillé de son
«unique bien , il souffre : il faut lui rendre ce qui
ilui appartient. Voilà le plus pressé. » Napoléon
Oui lance un regard sévère ; et , souriant tout à
jcoup , dit au comte Daru : « Vous entendez la sen-
tence arbitrale de Talma? Présentez-moi donc
jce rapport. » L'homme d'État, dont le caractère
jgénéreux se manifestait dans tousses actes, se
jliâta de faire régler l'indemnité de Lemercier,
iqui reçut 450,000. fr.
j Dans l'espace de quelques années, il publia,
(sans intervalle , un grand nombre d'ouvrages de
genres divers, qu'on nementionne ici que comme
des faits , parce qu'ils n'ajoutent presque rien à
Isa réputation : Homère et Alexandre, poème;
'Les Trois Fanatiques ; Un de mes Songes; Les
\ Ages français, autre poème en quinze chants,
|espèce de fastes nationaux, très-louables par
U'intention , et manquant leur effet par la négli-
jgence du style ; I-sule et Orovèse, tragédie, qui à
la représentation souleva une violente rumeur
i par sa nouveauté bizarre et que le talent ne sou-
l tenait pas. L'auteur, impatienté, s'élance vçrsle
(souffleur, et lui arrache des mains le manuscrit.
! Ce mouvement du poète en courroux fut pour
j le public une comédie qui le dédommagea de la
I privation de la pièce. Il composa aussi à cette
| époque des épîtres, des traductions, des poésies
i diverses et des opuscules, dont la bibliographie
; rappellera les titres.
Lemercier semblait distraire ses contrariétés
. politiques par des travaux incessants ; il composa
i latragédie de Beaudoin.Le Corrupteur, comédie
i de caractère , lui fut inspiré par un excellent
I sentiment de morale ; mais la précipitation de
i Lemercier ne lui laissait pas donner à ses œuvres
une forme durable; il savait pourtantquele plus
j beau sentiment n'a de puissance qu'avec la jus-
i tesse et le charme de l'expression, et que ce n'est
qu'à force de travail que l'ait s'élève jusqu'au
naturel.
Lemercier, de nouveau, invoqua l'antiquité. Il
composa sa Comédie romaine, et mit en scène
Plaute lui-même , faisant agir des personnages
réels, afin de les peindre à mesure qu'ils agis-
saient. Boursault eut la même invention quand
il fit composer des tables à Esope dans le même
LEMERCIER 594
Dans la pièce de Lemercier, le dialogue est vif et
spirituel , et les mœurs romaines sont peintes
avec une vérité comique et instructive. La pièce
est écrite en vers libres, rhithme difficile, avec le-
quel de bons écrivains n'ont pas toujours réussi.
Après cette comédie, qui obtint un grand succès,
l'auteur tenta une autre hardiesse, Christophe
Colomb. La nouveauté de la mise en scène sou-
leva des orages au parterre; cependant ce drame,
dont le style est facile et le dénoûment trop
prévu , n'offrait d'extraordinaire qu'une intrigue
commencée en Espagne , continuée sur l'Océan
dans l'intérieur d'un vaisseau , et dénouée au
rivage de l'Amérique.
A l'occasion du mariage de l'empereur, Le-
mercier composa un hymne à V Hymen. Au lieu
d'envisager le côté moral dans la critique du di-
vorce, il ne songea qu'à rimer des banalités
rancunières. Vers 1810, Lemercier épousa une
femme de son choix, remarquable par la distinc-
tion de l'esprit et du caractère ; elle ne lui donna
qu'une fille, seule héritière du beau nom qu'elle
porte dignement. A cette époque, un fauteuil
devint vacant à l'Académie Française ; la voix
publique y appelait Lemercier. Chénier s'honora
en contribuant puissamment à l'élection de l'au-
teur d'Agamenmon. L'empereur s'empressa de
confirmer cet acte de justice littéraire. Le nou-
vel académicien publia bientôt VAtlantiade,ou
la théogonie newtonienne. Le poète étale ses
connaissances scientifiques dans ce singulier ou-
vrage ; il y développe aussi les effets de la poé-
sie, de la législation et de la guerre. Son imagi-
nation capricieuse s'élève souvent à un idéal
source de nobles images et de sentiments géné-
reux. Les descriptions, quoique amenées par le
sujet et colorées avec talent, sont multipliées à
l'excès, et le poème manque d'intérêt.
Lemercier vit tomber le grand empire, dont
il ne comprit jamais l'influence sur les destinées
de la France; au milieu du deuil public, il se donna
le tort de jeter des insultes au héros dont il avait
admiré le génie. A son retour miraculeux, en
1815 , l'empereur, recevant aux Tuileries une
foule d'hommes considérables , remarqua l'ab-
sence de Lemercier. Un indiscret prétendit que
sa dernière diatribe l'empêchait sans doute, de
paraître : « Que fait cela? répondit Napoléon,
il a bien pu écrire ce qu'il osa me dire en
face. ».
Sous la seconde restauration , notre inépui-
sable écrivain produisit en peu de temps plu-
sieurs ouvrages : Le Frère et la Sœurjumeatix;
Le Faux Bonhomme ; Hérologues, ou les chants
du poète roi; l'Homme renouvelé; puis une
Mérovéide, poëme en quatorze chants. Un si vaste
sujet, traité par un tel homme, renferme néces-
sairement des beautés ; mais elles s'ensevelissent
dans un entassement de vers que le temps n'a
pas mnris ; il le fit suivre du petit poëme d'A-
gar et Ismael. Puis, en J 818, il donna Saint
but. Goldoni essaya un Térence de cettemanière. Louis, tragédie remarquable par de beaux sen-
,r>95
LEMERCIER
596
timents et des scènes où le courage pieux du
héros est exprimé avec une touclianle éloquence.
Cette œuvre, qui parut être un hommage rendu
au nouveau gouvernement, manque du souffle
poétique qui anime Agametnnon.
Le théâtre ne répondant qu'imparfaitement à
sou attente, Lemercier résolut de terminer un
grand poëme commencé vers la fin du consulat
et publié en 1819. Cet ouvrage, qu'il appela
Panhijpocrnïade, ou la comédie infernale du
seizième siècle, offre un amas de scènes sans
liaisons , que l'on joue aux enfers devant un par-
terre de démons; les hôtes infernaux des deux
sexes remplissent la salle. Une discussion scien-
tifique entre la Terre et Copernic forme le prolo-
gue. Puis se succèdent des diables, des dia-
blesses, des princes, des princesses, des prélats,
des femmes de mauvaise vie, des écrivains, des
bandits, des guerriers, des fous et des saints.
Enfin des personnifications abstraites , ou plutôt
absurdes , se mêlent à la foule des interlocuteurs.
Les rois dialoguent avec les maladies honteuses ,
le bonheur avec la peine, les moines avec la
luxure. De vifs débats s'élèvent entre l'hypocrisie
et Michel Ange, puis entrent en lutte la ville de
Paris et le parlement, la veille et le lendemain,
les brigands et la justice, la belle Féronnière
et son triste mari ; François 1er et le chagrin,
Charles- Quint et saint Jérôme, la création et
la destruction, la Vie et la Mort. Les personnages
abstraits et réels sont innombrables dans ce
chaos où s'entassent tant de faits incohérents,
tant de parleurs et tant de vers étonnés d'être
ensemble ; on y cherche vainement un poëme ;
aucun fil ne vous guide à travers un vaste mé-
lange de récits curieux, d'images grandioses , de
peintures grotesques, de détails trop libres , et de
traits d'une haute morale. Seize chants ainsi
composés, écrits d'un style inégal, ont armé la
critique, qui souvent a frappé juste; mais ce
qu'elle n'a point assez hautement proclamé,
c'est qu'on trouve dans cette surprenante com-
position des scènes touchantes , des pensées
profondes, des études du cœur humain, des sen-
timents généreux, exprimés avec la force et l'éclat
d'un talent hors ligne. On reconnaît même dans
les caprices du poëteun mérite d'observation, une
haine des vices, qui révèlent en lui l'homme de
bien. En le suivant à travers ses longues digres-
sions, on sent ce qu'il vaut, et l'on reconnaît le
pas du maître. Le sage artifice de la composi-
tion , l'ordre des idées , enfin le goût sévère ,
cette fleur délicate de la raison , l'ont souvent
abandonné; il s'égare et tombe , mais de haut.
Ses débris même attestent sa supériorité.
Comme les écrivains qui ont tenté de l'imiter,
dominé par la passion de la nouveauté , il prit
la fantaisie pour un type original. Mais la fan-
taisie naît d'une imagination incomplète et ca-
pricieuse ; l'originalité, au contraire, n'est due
qu'à la vigueur d'une haute intelligence qui dé-
couvre et féconde ce que la foule n'a point encore
aperçu. Le vrai talent ne cherche pas l'originalité n
il la porte en lui-même.
Après avoir éparpillé ses richesses, et n'aspi- <
rant plus à remonter vers la sphère de son pie- jl
mier succès, Lemercier ne garda plus la craintt 1
salutaire des reproches publics; il se présent
tait au combat avec toutes espèces d'armes el' <*
comme préparé à la défaite; il publia en peu à\ I
temps des épîtres, des discours, des odes, S
lut à l'Académie des scènes de drames inachevés,!
et fit paraître un poëme en quatre chants, Moïse,]
sujet qui en France ne porta jamais bonheur'
qu'aux compositeurs de musique. Clovis, tra-1
gédie en cinq actes, vint échouer au Théâtre-*]
Français, et fut suiviedeLaZtéme«ce de Char*
les VI, tragédie, où le rôle du roi était hà-r
bilement tracé. La censure interdit la représen-1
tation de cette pièce dont le sujet peu de temps'
après fut traité avec succès par un auteur de
mérite, M. Delaville
Notre poète, qui avait introduit à la scène le*!
plus singulières bizarreries, se vit bientôt primé
par des imitateurs inférieurs à lui. Dans le fracas
des nouveautés grotesques, Lemercier n'était plus
même remarqué , lorsque sa tragédie de Frédé-1
gonde et Brunehaut lui ramena un moment
l'attention publique ; un vers de situation avail
fait à l'Odéon le succès de cette pièce , qui ne
se soutint pas à la reprise qu'on essaya en 1845.
Le prodigieux talent de Rachel ne put faire
goûter au public la dureté d'un style vraiment
mérovingien.
Le désir de tout tenter avait porté Lemercier
à se faire professeur de littérature. Pendant
quatre ans iî donna à l'Athénée des leçons de
l'art qu'il avait cultivé avec une si haute dis-»
tinction. Une grande justesse de vues, des prin-i
cipes excellents , une profonde connaissance de
l'antiquité, et même une finesse de goût dont il
avait peu profité lui-même, une manière neuve
et persuasive d'exciter au respect et à la culture
des lettres, une élocution gracieuse, facile et pi-
quante , donnèrent la vogue à ses leçons, qui, >
malgré quelques jugements trop absolus , res-;
feront comme un ensemble d'enseignements
utiles. Ces cours ont été publiés en quatre vo-
lumes.
A aucune époque de son existence, Lemercier
ne resta oisif: le travail était sa vie. Les sujets
étrangers étaient alors en vogue; il composa
Jeanne Shore , imitation de l'anglais : elle obtint
un assez grand nombre de représentations ; puis
il voulut mettre au théâtre Les Martyrs de
Souly : la représentation ne fut point autorisée;
dans ce drame brillent de véritables beautés.
Il publia Le Chant héroïque des matelots grecs
au moment où la France soutenait ardemment
les Hellènes , qu'elle ne connaissait pas. Ca-
mille, ou Rome sauvée, succomba sous les sif-
flets. Une autre pièce, Richelieu, ou la Journée
des Dupes, passa à peu près inaperçue; Caïnt
ouïe premier meurtre, production burlesque,
97
iorte en naissant. Lemercier, qui essaya tous
s genres, avait aussi publié à peu près dans
même temps un roman , Almanty, ou le
ariage sacrilège; enfin V Héroïne de Mont-
ellier, drame où l'on remarqua une admirable
ène, termina la carrière littéraire du labo-
eux écrivain.
Son triomphe si précoce et si complet , ses
intatives hardies, ses travaux multipliés dans
es genres différents , le firent considérer comme
n de ces rares esprits que l'abondance des pen-
ses , la hardiesse inventive, l'originalité et la
lagie de l'expression élèvent dans cette sphère
il la sublimité delà raison se nomme-génie. Le
femps révoque ou confirme les arrêts de la foule,
lemercier sentit lui-même qu'en débutant par
jn chef-d'œuvre, ou du moins par unecomposi-
on de premier ordre, l'écrivain contracte une
Jette qui trop souvent le rend insolvable.
I On reconnaîtra que Lemercier possédait une
jartie des éminentes qualités du grand écrivain ,
nais qu'il lui manquait le sentiment exquis, le
tout qui en dirige l'emploi ; il méconnut trop
jouvent la précision harmonieuse du langage ,
«beauté des formes qui "donnent la vie et la
«irée aux créations idéales. Sa verve facile, sa
iapricieuse fécondité n'ont produit que peu de
■hits durables ; dispersant ses ressources, il a
perdu en valeur ce qu'il gagnait en étendue.
Ouoi qu'il en soit , il a conquis sa place parmi
jes hommes considérables d'une époque de dé-
sordre et de transition littéraire.
La noblesse de son caractère ajoutait à l'éclat
ne sa renommée. Quand les partis et les écoles,
avec non moins de turbulence, tendaient en-
semble à l'anarchie, Lemercier, opposé à leurs
Bxcès, ne craignit pas de se rendre l'ennemi de
pus les ennemis de l'ordre et de la raison publi-
que. Recherché dans la haute société , il en était
^'ornement. Causeur aimable et piquant, il con-
servait dans la discussion un calme malicieux ,
controversait avec aménité , mais ne cédait
pas un pouce de terrain. Adversaire adroit et poli,
tout en triomphant de ses interlocuteurs , il sa-
vait leur plaire ; la foule, avide de l'entendre , se
pressait autour de lui ; loin d'affecter la supério-
rité , noblement simple , il prêtait son attention
au moindre causeur comme au plus considérable ;
il unissait la grâce de l'homme du monde à l'as-
cendant d'une juste célébrité. Toujours disposé
à encourager les jeunes écrivains, il tentait de
les détourner des routes incertaines où lui-même
les avait devancés. Comme tous les novateurs,
il se voyait dépassé ; il en gémissait, mais il n'é-
tait plus temps de fermer la barrière.
La force de son esprit compensait la faiblesse
de sa complexion. Ni la souffrance ni l'âge n'a-
moindrirent son ardeur laborieuse. Assidu aux
séances de l'Académie , il y apportait le tribut
de ses connaissances profondes et variées; il
arriva au terme dé sa vie sans avoir subi la
vieillesse ; aussi disait-on de cet homme célèbre :
LEMERCIER — LÉMERY
598
Juin senior, sed cruda deo viridisque senectus.
De Poncerville. ( de l'Acad. Franc. )
* lemercier ( Augustin-Louis, comte), sé-
nateur français , fils du comte Louis-Nicolas Le-
mercier, né le 22 février 1787, à Saintes (Charente-
Inférieure }. Admis très-jeune à l'École militaire
de Fontainebleau en 1803, il en sortit pour entrer
dans les pages de l'empereur, et passa peu de
temps après au 9e régiment de chasseurs à cheval.
Il était capitaine dans le 8e de hussards lorsqu'il
fut admis, en 1813, avec le même grade, dans les
chasseurs à cheval de la garde impériale. Chef
d'escadron en 1814, il combattit à Waterloo, fut
nommé lieutenant-colonel, et donna sa démission
après la seconde abdication de Napoléon. Député
du centre gauche, depuis 1827, il devint en 1831
colonel de la 10* légion de la garde nationale, et
fut appelé à la chambre des pairs le 9 juillet
1845. Il fit partie de la commission consultative
créée après le coup d'État du 2 décembre 1851,
et fut nommé sénateur par décret présidentiel
du 26 janvier 1852. S.
liiogruphie des Députés; Paris, 1828 et 1829. — Les
Grands corps politiques de l'État; Paris, 18S2. — Bio-
graphie des Sénateurs; Paris, 1852 —l'Album delà
Semaine; Paris, 1853.
lemerre (Pierre), jurisconsulte français,
né à Coutances, en 1 644, mort à Paris, le 7 octobre
1728. Il étudia les Pères de l'Église , l'histoire
ecclésiastique et le droit canon. Reçu avocat au
parlement de Paris, et chargé des affaires du
clergé, il fut nommé en 1691 lecteur royal en
droit canon au Collège de France. Il se démit
plus tard en faveur de son fils, Pierre Lemerre,
aussi avocat, mort en 1763, qui lui fut adjoint
dans les affaires du clergé en 1715 et qui lui
succéda en 1730. Les deux Pierre Lemerre ont
souvent travaillé ensemble. Leurs principaux ou-
vrages sont : Recueil des actes , titres et mé-
moires concernant les Affaires du Clergé de
France, augmenté et mis en nouvel ordre;
Paris, 1716-1750, 13vol. in-fol.; Avignon, 1771,
14 vol. in-4°; l'abbé Marc du Saulzet en a
donné une table sous ce titre : Abrégé du Re-
cueil, etc., ou table raisonnée en forme de
précis des matières contenues dans ce Re-
cueil; Paris, 1752 et 1764, in-fol.; — De l'é-
tendue de la puissance ecclésiastique et de
la temporelle, et de leur subordination, sui-
vant Vordre que Dieu a établi dans le inonde
pour le gouvernement des hommes; Paris,
1754, in-12. Les Lemerre avaient laissé des
manuscrits qui ont été imprimés en partie dans
la Collection des procès-verbaux des assem-
blées générales du clergé; Paris, 1767 et an-
nées suivantes. J. V.
Moréri, Grand Oict. Historique. — Desessarls, Siècles
Litler. de la France.
lémery (Nicolas), célèbre chimiste français,
né à Rouen, le 17 novembre 1645, mort à Paris,
le 19 juin 1715. Son père, Julien Lémery, pro-
cureur au parlement de Normandie, professait
la religion reformée, et le fit élever dans les
599
LÉMERY
coo
mômes croyances. Nicolas Lémery fit ses études
dans sa ville natale; il entra ensuite chez un de
ses parents, apothicaire de Rouen, pour appren-
dre la pharmacie. Comme les explications qu'il
entendait donner des phénomènes chimiques
ne satisfaisaient pas son esprit, il partit pour
Paris en 1666. Il s'adressa à Glazer, démons-
trateur de la chimie au Jardin du Roi, etse mit en
pension chez lui; mais Glazer était alchimiste,
ses idées étaient obscures, et il ne les commu-
niquait pas facilement : il était en outre peu so-
ciable. Lémery le quitta au bout de deux mois,
et résolut de voyager pour se composer une
science à lui. Il séjourna trois ans à Montpellier,
pensionnaire chez un apothicaire du nom de
Verchant, qui le laissait disposer de son labora-
toire. Il y donna des leçons de chimie à de jeu-
nes étudiants, et ses leçons acquirent une telle
réputation, que tous les professeurs de la faculté
de Montpellier et les curieux de la ville voulu-
rent y assister. Quoiqu'il ne fût point docteur,
Lémery exerçait la médecine à Montpellier même
sans qu'il s'élevât aucune réclamation. Après
avoir fait le tour entier de la France , Lémery
revint à Paris en 1672. Il y avait alors dans
cette ville des réunions de savants auxquelles
Lémery se fit admettre et où il brilla. Il se lia
avec l'apothicaire du prince de Condé, et, profi-
tant du laboratoire qu'avait son ami à l'hôtel
de Condé, il y fit un cours de chimie: le prince
apprit à le connaître, et l'appela souvent à Chan-
tilly. Lémery voulut enfin avoir un laboratoire
à lui. Il se fit recevoir maître apothicaire, et
aussitôt il ouvrit des cours publics dans la rue
Galande, où il se logea. L'affluence fut grande
dans son officine ; Rohaut, Bernier, Auzout, Ré-
gis, Tournefort vinrent suivre ses leçons. Des
dames même se laissèrent entraîner à ces réu-
nions savantes; quarante Écossais vinrent à
Paris pour l'entendre. Lémery recevait des
pensionnaires ; sa maison fut bientôt trop petite,
et le quartier se remplit de ses auditeurs. Sa
réputation d'apothicaire s'accroissait encore de
ses succès de professeur. « Les préparations
qui sortoient de ses mains étoient en vogue, nous
apprend Fontenelle; il s'en faisoit un débit pro-
digieux dans Paris et dans les provinces, et le
seul magistère de bismuth suffisait pour toute
la dépense de la maison. Ce magistère n'est pour-
tant pas un remède ; c'est ce qu'on appelle du
blanc d'Espagne. Il étoit le seul alors dans Paris
qui possédât ce trésor. »
La chimie avait été jusque là une science où,
pour parler comme Lémery, un peu de vrai était
tellement dissous dans une grande quantité de
faux, qu'il en était devenu invisible et tous deux
presque inséparables. « Au peu de propriétés
naturelles que l'on connaissoit dans ses mixtes,
dit Fontenelle, on en avoit ajouté tant qu'on avoit
voulu d'imaginaires, qui brilloient beaucoup da-
vantage ; les métaux sympathisoient avec les
planètes et avec les principales parties du corps
humain ; un alcahest que l'on n'avoit jamais yn
dissolvoittout;les plus grandes absurditésétoient
révérées à la faveur d'une obscurité mystérieuse
dont elles s'enveloppoient et où elles se retran-
choient contre la raison. On se faisoit honneur
de ne parler qu'une langue barbare semblable à
la langue sacrée de l'ancienne théologie d'E-
gypte, entenduedes seuls prêtres et apparemment
assez vide de sens. Les opérations chimiques
étoient décrites dans les livres , d'une manière I
si énigmatique , et souvent chargées à dessein |
de tant de circonstances impossibles ou inu-
tiles qu'on voyoit que les auteurs n'avoient
voulu que s'assurer la gloire de les savoir et
jeter les autres dans le désespoir d'y réussir...
Lémery fut le premier qui dissipa les ténèbres
naturelles ou affectées de la chimie, qui la rédui-
sit à des idées plus nettes et plus simples, qui
abolit la barbarie inutile de son langage, qui ne
promit de sa part que ce qu'elle pouvoit et cejf
qu'il la connoissoit capable d'exécuter, et de là |
vint le grand succès. » On avait lieu d'être sur
pris, dans les leçons de Lémery, de contempler1
des merveilles dont on comprenait la cause, et
« le public, selon l'expression de Voltaire, fut1
étonné de voir une chimie dans laquelle on ne
cherchait ni le grand œuvre ni l'art de prolon-
ger la vie au delà des bornes de la nature ».
Pour rendre sa science plus populaire, Lémery
publia sou Cours de Chimie en 1675. Le succès
en fut immense ; les éditions , les contrefaçons!'
et les traductions se succédèrent avec une rapiJi
dite surprenante. « Malgré les imperfections qu'il'
renferme, dit M. Cap, et qui tiennent à l'époque
où il vit le jour, ce livre a fait autorité en chimie}1
pendant une période de plus de cent ans. Réim
primé vingt fois en France, traduit dans la plu
part des langues modernes , il a été le guide, le
pode, le manuel obligé des chimistes du dix
huitième siècle, et même après le renouvelle
ment de la science, après l'admirable réforme
qui marqua la fin de cette période, on cherclw
longtemps encore dans le livre de Lémery def
procédés, des détails pratiques que l'on ne trou-
vait point ailleurs, et qui sont aussi précieu:
par leur clarté que par leur précision et leur certi
tude. » Ce n'est pourtant qu'un cours de chimii
médicale et non un traité complet des science!1
chimiques. Dans ce livre, qu'il destinait surtou'f
aux étudiants en médecine et en pharmacie
Lémery décrit spécialement les préparations d'ur
usage médicinal et un petit nombre seulement di1
celles qui pouvaient s'appliquer aux arts. Il ni
cherche à créer aucun système général ni à établi I
aucune théorie. Il ne s'occupe que de la pratique j
Ses principes sont ceux de van Helmont modifié;
par Lefebvre et par lui-même , sans qu'il y at
tache d'ailleurs beaucoup d'importance. Il trouv
le principe universel de Paracelse bien métaphy
sique, et lui reproche de ne pas tomber sous le
sens. 11 plaisante des cinq autres principes ad
mis par la même école : il trouve qu'on pour
LÉMERY
602
t se passer de l'esprit, qu'il regarde comme
e « chimère propre seulement à embrouiller
esprits et à rendre la chimie difficile à com-
jndre ». 11 convient que Y huile existe; mais
{ en a de tant d'espèces que ce principe pour-
t bien être complexe. Quant au phlegme, que
uns plaçaient au nombre des principes actifs,
autres parmi les principes passifs , Lémery
uve cette question problématique etsansimpor-
ce. Enfin pour la terre ou caput mortuum,
'on appelait aussi terre damnée , il est loin
la regarder comme morte et inutile, et il
Mite : « On pouvoit être plus charitable envers
tte pauvre terre et ne la damner pas si facile-
snt ; mais sans doute l'origine de cette dénomi-
tion vient de quelque alchimiste de mauvaise
imeur qui, n'ayant pas trouvé ce qu'il cher-
oit dans la terre des mixtes, lui donna sa malé-
ction. » La physique de Lémery était celle de son
oque. Il n'y croyait guère sans doute, et trou-
it ses principes « capables d'élever l'esprit par
grandes idées, mais ne prouvant rien dé-
onstrativement ». Il donne parfois des explica-
>ns hypothétiques et étranges ; ainsi, pour faire
mprendre l'action réciproque des alcalis et des
ides, il imaginait ceux-ci formés de pointes
us ou moins aiguës , et ceux-là de pores plus
i moins ouverts, dans lesquels les premiers
Jengagent, s'émoussent ou se brisent. « Ce
l'il faut admirer sans restriction dans le Cours
i Chimie, dit M. Cap, c'est la route que l'au-
ur a su choisir pour l'enseignement d'une
;ience jusque là tout empreinte d'inexactitudes
d'idées erronées ; c'est son langage simple ,
écis, jamais diffus, toujours intelligible; le
>in qu'il met à décrire les opérations de la ma-
ère la plus claire, la plus exacte, à donner les
éritables procédés pratiques , sans obscurité,
ins réticences, à les entourer de tous les détails
ui peuvent en éclairer l'exécution ; c'est là cri-
que adroite et spirituelle dont il frappe les
rreurs ou les supercheries des alchimistes ; ce
Dnt les réflexions judicieuses à l'aide desquelles
fait justice de certains médicaments alors fort
n usage et dont l'emploi lui semblait inutile,
inon funeste. » Quoiqu'il eût divulgué par son
vre les secrets de la chimie , Lémery s'en était
éservé quelques-uns, suivant Fontenelle; par
xemple un émétique fort doux et plus sûr que
émétique ordinaire, ainsi qu'un opiat mé-
entérique avec lequel il faisait des cures ex-
raordinaires.
En 1681, sa vie commença à être troublée
mur cause de religion. Il reçut l'ordre de se
léfaire de sa charge dans un temps donné,
'électeur de Brandebourg s'empressa de lui
aire offrir par son envoyé à Paris, une charge
le chimiste à Berlin. Lémery refusa. Le temps
narqué étant expiré, il donna encore quelques
eçons de chimie à un grand nombre d'écoliers
qui se pressaient d'en profiter ; enfin les rigueurs
se firent sentir, et Lémery passa en Angleterre
en 1683. Il présenta la cinquième édition de son
Cours de Chimie au roi Charles II. Ce prince
accueillit Lémery avec distinction; mais, celui-ci
prévoyant des troubles en Angleterre, se décida à
revenir en France. A la fin de 1633, il prit le
grade de docteur en médecine à la facultéde Caen.
De retour à Paris , il se livra à la pratique , et
se fit bientôt une immense clientèle ; la révoca-
tion de l'éditde Nantes, en 1685, interdit l'exercice
de la médecine aux réformés ; Lémery resta sans
profession et sans ressources. 11 fit encore deux
cours de chimie, l'un pour les deux plus jeunes
frères du marquis de Seignelay, secrétaire d'État,
l'autre pour lord Salisbury, qui était venu exprès
d'Angleterre. Fatigué de toutes ces persécutions,
Lémery abjura le protestantisme au commence-
ment de 1686. Il reprit de plein droit l'exercice de
la médecine ; mais pour les cours de chimie et la
vente de ses préparations, il eut besoin de lettres
patentes du roi, parce qu'il n'était plus apothi-
caire. Il les obtint facilement, mais le lieutenant
général de police , la faculté de médecine et les
maîtres et gardes apothicaires s'opposèrent à leur
enregistrement en parlement; les apothicaires se
désistèrent en faveur du mérite personnel de Lé-
mery, qui vit enfin revenir les jours tranquilles
avec les écoliers, les malades et le grand débit des
préparations. Dans sa Pharmacopée et et son
Traité des Drogues simples , il avait fait con-
naître les remèdes employés chez toutes des na-
tions et toutes les substances qui entrent dans les
remèdes reçus.
Quand l'Académie des Sciences se renouvela
en 1699. Lémery y fut admis comme nssocié
chimiste; à la fin de l'année, il en devint pen-
sionnaire à la place de Bourdelin. H s'occupa
alors d'un traité de l'antimoine, qu'il mit long-
temps à faire paraître. Après l'impression de cet
ouvrage, il fut plusieurs fois frappé d'apoplexie; il
dut enfin rester chez lui, et succomba à une at-
taque de cette maladie. Il s'était démis de sa
place de pensionnaire, qui avait été donnée à son
fils aîné. « Presque toute l'Europe a appris de
lui la chimie, disait Fontenelle. C'étoitun homme
d'un travail continu; il ne connoissoit que la
chambre de ses malades, son cabinet, son labo-
ratoire, l'Académie, et il a bien fait voir que qui
ne perd pas de temps en a beaucoup. » Selon
M. Dumas, Lémery, « comparé à Lefèvre , est
l'homme positif succédant à l'homme d'imagina-
tion. Ce qui caractérise le cours de Lefèvre, c'est
l'étendue des idées ; ce que l'on remarque dans
celui de Lémery, c'est la clarté de ses descrip-
tions. »
Les ouvrages de Lémery ont pour titres : Cours
de Chimie, contenant la manière de faire les
opérations qui sont en usage dans la médecine,
par une méthode facile,avec desraisonnements
sur chaque opération, pour l 'instruction de
ceux qui veulent s'appliquer à cette science ;
Paris, 1675, in-8° : cet ouvrageaeu trente-et-une
éditions; la meilleure est celle donnée par Baron
603 LÈMERY
en 175G, in-4°; — Pharmacopée universelle,
comprenant toutes les compositions de phar-
macie qui sont en usage dans la médecine,
tant en France que par toute l'Europe ;
leurs vertus, leurs doses, les manières d'o-
pérer les plus simples et les meilleures;
Paris, 1097, in-4° : on en compte huit éditions;
la dernière parut à Paris en 1763; — Traité
universel des Drogues simples , mis en ordre
alphabétique; Paris, 1698, in-4°, réimprimé
plusieurs fois; — Traité de V Antimoine, con-
tenant l'analyse chimiquede ce minéral, etc.;
Paris, 1707, in-12; —Nouveau Recueil des Se-
crets et Curiosités les plus rares; Amster-
dam, 1709, 2 vol. in-8°. Lerrery a donné dans
les Mémoires de l'Académie des Sciences :
Observations sur une extinction de voix
guérie par les herbes vulnéraires (1700); —
Note sur une fontaine pétrifiante des en-
virons de Clermont en Auvergne (1700) ; —
Explication physique et chimique des feux
souterrains, des tremblements de terre, des
ouragans, des éclairs et du tonnerre ( 1700);
— Examen chimique des Eaux de Passy
( 1701 ) ; — Observations sur le Camphre et
sa purification ( 1701 ) ; — Sur un Sel ammo-
niac naturel trouvé près du Vésuve(i70l ); —
Examen de l'Eau minérale de Vezelay en
Bourgogne (1701 ); — Examen de l'Eau de
Carensac dans le bas Rouergue (1701); —
Observation sur le miel et son analyse
( 1706 ) ; — Examen d'une eau minérale dé-
couverte dans le faubourg Saint-Antoine à
Paris (1706); —De l'Urine de vache, de
son analyse et de ses effets en médecine
( 1707) ; — Mémoire sur l'Hydromel vineux
( 1707) ; — Observations sur la Cire ( 1708 ) ;
— Observations sur la Manne (1708); —
Observations et Expériences sur le Sublimé
corrosif ( 1709); — Notice sur les Cloportes
( 1709); — Observations sur l'Odeur déve-
loppée pendant la précipitation de l'or dis-
sous dans l'eau régale, par l'esprit de sel
ammoniac et par l'huile de tartre (1712).
L. Louvet.
Fonlcnelle, Éloge de HT. Nicolas Lémcry; 1715. —
P.-A. Cap, Éloge de JV. Lëméry , qui a remporté le prix de
l'Académie des Sciences, arts et belles-lettres de Rouen, le
9aoùtl838, imprimé dans les Études Biographiques pour
servir à l'histoire des sciences. — F. Hœfer, fjist. de la
Chimie. — MM. Huag, La France Protestante.
LÉmery ( Louis ), chimiste français, fils du
précédent, né à Paris, le 25 janvier 1677, mort
dans la même ville, le 9 juin 1743. Élève de son
père, il fut reçu docteur en médecine à la faculté
de Paris en 1698. En 1708 il fit an Jardin du
Roi un cours de chimie, qu'il avait à peine eu le
temps de préparer et qui eut néanmoins un im-
mense succès. En 1731 il fut nommé démonstra-
teur royal. Médecin de l'hôtel-Dieu pendant
trente-trois ans, il acheta une charge de méde-
cin du roi. L'Académie des Sciences le reçut
comme élève chimiste en 1702, comme associé
fi04 j|
en 1712, et il succéda à son père comme pen-;i
sionnairc en 1715. Comme médecin, il jugeait.
toutes les maladies d'après l'état du pouls, et il .i
passait pour émettre un pronostic sûr dans les
maladies. On a de lui : Traité des Aliments, où
l'on trouve par ordre et séparément la dif-
férence et le choix qu'on doit faire de cha-\
cun d'eux en particulier, les bons et les
mauvais effets qu'ils peuvent produire, les]
principes en quoi ils abondent, etc. ; Paris,)
1702, 1705, in-12; 3e édition, augmentée pari
Bruhier d'Ablaincourt ; Paris, 1755, in-12; —
Dissertation sur la nature des O-, où l'on
explique la nature et l'usage de la moelle,,
avec trois Lettres sur le livre De la Généra-
lion des Vers dans le corps de l'homme (d'An-
dery); Paris, 1704, in-12. Louis Lémcry a fourni)
un grand nombre de mémoires à la collection;
de l'Académie des Sciences ; nous citerons seule!
ment : Analysede Plantes fer mentées (1702);—
Diverses Expériences et Observations chimi-
ques et physiques sur le Fer et sur l'Aimam
( 1706); — Que les plantes contiennent réel,
lement du fer ( 1706) ; — Expériences nou-
velles sur les Huiles ( 1707 ) ; — Réflexions e\
Observations diverses sur une végétation chl
mique du fer ( 1707); — Conjectures et Ré-
flexions sur la matière du Feu ou de le
Lumière (1709); — Sur les Précipitatiom
chimiques (1711 ); — Conjectures sur les
couleurs différentes des Précipités de Mer-
cure (1712); — Examen de la manièn
dont le Fer opère sur les liqueurs de notn
corps, et dont il doit être préparé pour servit
utilement dans la pratique de la médecim
( 1713 ) ; — Explication mécanique de quel
ques différences assez curieuses qui résul
tent de la dissolution de différents sels dan:
l'eau commune (1716); — Sur le Nitre e\
sur la Volatilisation vraie ou apparente des
Sels fixes (1717); — Réflexions physique;
sur le défaut et le peu d'utilité des Analyse:
ordinaires des Plantes et des Animaux (17 19)
— Sur un Fœtus monstrueux (1725); —
Sur le Borax (1728,1729 ) ; — Sur le Sublima
corrosif (1734); — Nouveaux Éclaircisse-
ments sur l'Alun, sur les vitriols, etc. (1735).
— Mémoires sur les Monstres ( 17381740)
— Mémoires sur le Trou ovale (1739);
Mémoire sur un nouveau Monstre don..
M. Winslow a donné la description (1740)!
L. L— t.
Mairan, Éloge de M. Louis Lémcry jlls, dans VHis-\
toire de l'Académie des Sciences, 1743. — Quérard, H\
France Littér.
lemery jeune (Jacques), chimiste fran-
çais, frère cadet du précédent, baptisé le 6 jan-
vier 1678, mort en 1721. Il suivit la même car-
rière que son père, et fut nommé associé de l'A-
cadémie des Sciences en 1715. Il a donné au>
Mémoires de ce corps savant : De l'Action de.1
Sels sur différentes matières inflammable;
05
LÉMERY — LEMIERRE
1713); — Expériences sur la diversité des
udières qui sont propres à faire un Phos-
kore avec VAlun (1714 ) ; — Réflexions phy-
ques sur un nouveau phosphore et sur un
\iandnombre d'expériences qui ont été faites
, son occasion ( 1715 ). L. L— t.
I Quérard , La France Littéraire.
\ LEMESSJER. VolJ. BELLEROSE.
le métel, sieur o'ouville (Antoine), lit-
trateur français , vivait en 1650. Il était frère
je François Le Métel, si connu sous le nom de
labbë de Bois-Robert ; ses contemporains ont
[retendu que la moitié de son esprit apparte-
ait à son frère. Il est au moins très-supposable
Le Bois-Robert a largement aidé d'Ouville,
urtout dans ses contes, dont les sujets, un peu
f «ers, n'auraient pu être avoués par un prêtre,
félon Parfaict, « d'Ouville versifiait encore plus
Jnal que son frère l'abbé; mais il entendait
Liieux la marche du théâtre, et répandait plus de
fornique dans son dialogue ». On a de Le Métel :
les Trahisons d'Arbiran, tragi-comédie, 1637.
Cette pièce , dédiée à M. Bouthilier, surintendant
Mes finances, eut beaucoup de succès ; l'intrigue,
Lssez bien imaginée, faisait excuser la faiblesse
Besvers; — L' Esprit-follet; — Les Fausses
Wérités, ou croire, ce qu'on ne voit pas et ne
pas croire ce qu'on voit, comédie; 1642; —
y] Absent de chez soij, comédie; 1643; — La
\Dame suivante, comédie; 1645; — Aimer
kans savoir qui, comédie; 1645; — Les Morts
Rivants, tragi-comédie; 1645; — La Coiffeuse
à la mode, comédie; 1646; — Jodelet astro-
logxie, comédie; 1 64/> ; — Les Soupçons sur les
apparences, héroï-comédie ; 1650. A. J.
Parfaict frères, Histoire du Théâtre-Français, tora.v,
353. — Titon du Tillet, Le Parnasse Français,
p. 280.— L'abbé de Marolles, Dénombrement des Auteurs,
p. 408.
lemettay (Pierre-Charles), peintre fran-
çais, né à Fécamp, en 1726, mort à Paris, en
1760. Il était élève de Boucher, gagna le pre-
mier prix de peinture, et fut envoyé à Rome;
mais il y resta peu de temps. Son goût l'entraî-
nant vers la peinture des scènes maritimes,
il se dirigea successivement vers les principaux
ports de l'Adriatique, et y peignit des vues fort
exactes , animées par des groupes de matelots
de différentes nations et des débarquequements
de barbaresques. Lemettay vint ensuite à Turin,
où il eut beaucoup de commandes. De retour
en France , il fut admis à l'Académie de Pein-
ture, et le roi Louis XV l'attacha à sa personne.
Parmi les principales toiles que Lemettay a pro-
duit, on cite des Bergers romains ( gravé par
Leveau) ; — Vue du Golfe de Naples (gravé par
Zingg), etc. A. de L.
Mémoires de V Académie de Peinture, ann. 1760.
lemierre ( Antoine-Marin ) , poète fran-
çais, né à Paris, le 12 janvier 1723, mort le
4 juillet 1793, à Saint-Germain-en-Laye. Son
père, simple artisan, s'imposa les plus grands
sacrifices pour lui procurer le bienfait de l'édu-
600
cation, et ses progrès récompensèrent les soins
de la tendresse paternelle. Couronne plusieurs
fois dans les concours universitaires, après avoir
fini ses études, Lemierre entra en qualité de se-
crétaire chez Dupin, riche fermier général, qui
à l'intelligence des affaires unissait l'amour des
lettres. De 175-3 à 1757 son jeune protégé rem-
porta quatre fois le prix de poésie décerné par
l'Académie Française. Les pièces auxquelles il
dut des succès si remarquables étaient intitu-
lées : La Tendresse de Louis XIV pour sa fa-
mille , L'Empire de la Mode , Le Com-
merce (1), Les Hommes unis par les talents.
Nous devons mentionner encore le poème sur
L'Utilité des découver les faites dans les arts
et dans les sciences sous le règne de Louis XV.
Cet ouvrage, couronné par l'Académie de Pau ,
commence par ces deux vers , où une haute
pensée philosophique revêt l'expression de la
plus magnifique poésie :
Croire tout découvert est une erreur profonde;
C'est prendre l'horizon pour les bornes du monde.
Ces succès académiques ne furent pour Le-
mierre que le prélude de ceux qui l'attendaient
au théâtre. Il y débuta dès 1758, par Hyper-
mneslre, et, malgré la bizarrerie et l'invraisem-
blance de la donnée fabuleuse, la pièce réussit
complètement, grâce au pathétique entraînant
des situations, à l'art qui présidait aux dévelop-
pements de l'action , et enfin au mérite du style,
où quelques incorrections et une recherche am-
bitieuse de vers à effet étaient bien rachetées
par la vivacité, la couleur tragique et la coupe
heureuse du dialogue. Jouée en 1761, la tragédie
de Térée ne réussit point. L'aspect d'une prin-
cesse à qui son séducteur a arraché la langue
devait révolter la délicatesse des spectateurs, et
l'atroce vengeance de Progné, qui punit sur son
fils innocent le crime de son époux incestueux,
excita autant d'horreur que la muette Philomèle
inspirait de dégoût. En 1764, Idoménée fut
beaucoup mieux accueilli ; cette pièce, conçue
d'une tout autre manière que celle de Crébillon
sur le même sujet, beaucoup plus touchante et
beaucoup mieux écrite, se serait sans doute
maintenue avec avantage sur la scène sans l'iné-
vitable et écrasante rivalité à'Iphigénie, ce chef-
d'œuvre de Racine. Lemierre avait plus beau
jeu à lutter contre Crébillon, surtout en l'atta-
quant par ses côtés faibles, et sa tragédie d'Ar-
taxerce, donnée 1766, parut fort supérieure au
Xerxès de l'auteur de Rhadamiste. Ce sujet,
déjà mis au théâtre par Th. Corneille, sous le
titre de Stilicon, venait d'être traité avec le plus
grand bonheur par Métastase, quand Lemierre s'en
empara; — Guillaume Tell, en 1766, La Veuve
du Malabar, en 1770,présentèrentuntraitd'assez
(1) C'est dans cette pièce que se trouve le fameux vers
tant de fois cité :
Le trident de Neptune est le sceptre du monde.
607 LEMIERRE
fâcheuse analogie, dans le froid accueil que le
public fit à ces deux tragédies, dont le genre s'é-
carlait de celui des autres compositions drama-
tiques de Lemierre. Une âpreté affectée dans le
style de la première fit dire à Voltaire « que
la pièce était écrite en langue du pays, » et l'on
ne tint compte que de ce qu'il y avait de défec-
tueux à cet égard dans Guillaume Tell. On
blâma aussi les disparates choquantes que la
donnée principale de La Veuve du Malabar
offrait avec nos mœurs. L'auteur, cependant, ne
se tint pas pour battu. 11 obtint, en 1780, une
reprise de cette pièce, et il suffit d'un simple chan-
gement dans la mise en scène du cinquième acte
pour procurer un succès d'enthousiasme, cons-
taté par trente représentations avec affluence du
public, à l'ouvrage délaissé dix ans auparavant.
A la reprise, en 1786, le succès de Guillaume
Tell surpassa encore celui de La Veuve du Ma-
labar. A la veille de la révolution, le libérateur
de la Suisse fut accueilli comme le précurseur
de la liberté en France. Nous ne mentionnons que
pour mémoire Céramis, tragédie jouée en 1785,
qui n'eut que trois représentations et n'a point
été imprimée. Ce fut par Barnevelt, représenté
en 1790, qu'eut lieu la clôture de la carrière
dramatique de Lemierre. Cette tragédie politique,
ouvrage froidement régulier, passa presque in-
aperçue à côté du succès frénétique de Char-
les IX. On n'a retenu de Barnevelt qu'un seul
trait; mais il est sublime : à la fin du quatrième
acte, le fils de ce grand citoyen l'engagea se dé-
rober au supplice par un trépas volontaire :
Libre au moins dans la mort.— Mon fils, qu'avez-vous dit?
— Caton se la donna. — Socrate l'attendit.
Lemierre avait encore composé une tragédie de
Virginie , qu'il ne voulut jamais mettre au
théâtre, dans la crainte de donner une nouvelle
excitation aux passions révolutionnaires; le
même sentiment lui dictait cette réponse aux re-
proches fréquents dont son silence était l'objet :
« Que voulez-vous? maintenant, la tragédie court
les rues. »
Aux lauriers de la scène tragique Lemierre
unit les palmes de la poésie didactique. La
Peinture, poëme en trois chants, parut en 1769.
11 y a beaucoup de mérite dans cet ouvrage,
imité en partie d'un poëme latin de l'abbé de
Marsy sur le même sujet. Le poète y traite suc-
cessivement du dessin , du coloris et de Vin-
vention. Plusieurs fragments, et entre autres
l'Invocation au Soleil et l'Origine de la Chi-
mie, peuvent être placés parmi les morceaux
d'élite dans le genre didactique et descriptif. Les
Fastes, ou les usages de l'année, autre poëme
en seize chants , publié en 1779, n'obtint pas
autant de succès et ne jouit pas de la même es-
time que La Peinture : un sujet vague, un plan
bizarre et une exécution peu soignée attirèrent
de nombreuses critiques à ce dernier ouvrage,
que recommandent cependant de très-heureux
détails, tels que Le Clair de Lune, Le Prin-
608
temps, Les Jardins anglais; mais un trop
grand nombre de vers négligés ou de mauvais
goût firent méconnaître ces beautés clairsemées,
et aujourd'hui encore on accole constamment au
nom de Lemierre l'épithète de poëte rocailleux.
Avec le talent de la composition, il eut cepen-
dant à un haut degré le don de la pensée, et il y
joignit souvent le mérite de l'exécution. Quand
Voltaire eut disparu de la double scène du
théâtre et du monde, aucun auteur dramatique
de l'époque, si ce n'est Ducis, ne se montra su-
périeur à Lemierre, très-supérieur lui-même à
La Harpe et à Dubelloy. Admis, en 1781, à
l'Académie Française, comme successeur de
l'abbé Le Batteux, son discours de réception fit
reconnaître en lui un prosateur distingué. Es-
sentiellement homme de bien, la dignité réelle
de son caractère voilait les petits ridicules d'un
amour-propre tout en dehors, dont les saillies
burlesques sont dans la mémoire de tout le
monde, et qu'il expliquait en disant : « Je n'ai
point de prôneurs, il faut bien que je fasse mes
affaires tout seul. »
Les catastrophes sanglantes de la révolution
jetèrent Lemierre dans un état de stupeur et d'a-
tonie physique auquel il succomba. Ses œuvres
ontétépubliéesen 1810,3 vol. in-8°. [P.-A. Vieil-
lard, dans YEncyclop. des G. du M.].
R. Perrin, Notice en tête de Fédition de Paris ; 1810,
3 vol. in-8°. — Geoffroy, Cours de Littérature drama-
tique, t. III, p. 348. — La Harpe, Cours de Littérature.
LEMiEURE- d'akgy {Auguste - Jacques )\
littérateur français, neveu du précédent (l), né
à Paris, le 1er mars 1762, mort dans la même
ville, le 12 décembre 1815. Il était interprète
assermenté près du tribunal des prises mari-
times, et devint plus tard co-directeur du bu-
reau de la législation étrangère. Son penchant à
l'ivrognerie le força de résigner ses fonctions. II
fut alors réduit pour vivre à faire un petit com-
merce de librairie; mais, n'ayant en rien changé
ses habitudes crapuleuses, il tomba bientôt dans
une profonde misère , et, atteint d'infirmités, il
alla mourir à l'hospice de La Charité. C'est seu-
lement après son décès que son identité fut cons-
tatée; car il s'était fait inscrire sous un nom
supposé. On a de cet écrivain : Calas, ou le
fanatisme, drame en quatre actes et en prose,
représenté sur le théâtre du Palais-Royal (au-
jourd'hui Théâtre-Français), le 17 décembre
1790, et qu'il ne faut pas confondre avec le Ca-
las de Laya, ni avec celui de Chénier, repré-
senté sur la même scène, le 7 janvier 1791; —
Les Cent Pensées d'une jeune Anglaise, etc.;
Paris, 1798, in-1 8 ; plusieurs fois réimprimées ; —
Les Heureux Modèles, ou l'école du bonheur;
Paris, 2 vol. in-18, anonyme. Il avait commencé
une traduction de Martial, et il a laissé en porte-
feuille une tragédie intitulée : Mazaniello. On
fl) C'est pour se distinguer sans doute de son parent
qu'il ajouta à son nom patronymique celui A'.lrgy,
doit 11 n'existe aucune mention dans ses actes civils.
609 LEMIÈRE
loi a faussement attribué un roman qui est de
Révérony-Saint-Cyr, et qui a pour titre : Nos
Folies, ou mémoires d'un musulman; 1799,
2 vol. in-12; — Ladouski et Floriska; 1801 :
roman qui est l'œuvre de Lacroix , père de
l'homme de lettres qui s'est popularisé sous le
pseudonyme du Bibliophile Jacob; — Dus-
seldorf, roman traduit de Anne Mackenzie, par
Marquant, 1799, 3 vol. in 12. C'est égale-
ment à tort qu'on lui a attribué une part au ro-
man de Dorvo intitulé : Mon histoire ou la
tienne. Ce dernier eut pour collaborateur Le-
mierre de Corvey, et c'est cette analogie dans
le nom qui explique la confusion des biblio-
graphes. E. de Manne.
Quérard , ta France Littéraire. — Journal de la Li-
brairie.
lemière i»e corvey (Jean-Frédéric- Au-
guste), musicien compositeur français, né à
Rennes (Bretagne), en 1770, et mort à Paris,
le 19 avril 1832. Admis dès l'enfance à la
maîtrise de la cathédrale de Rennes, il y ap-
prit la musique. Fort jeune encore et sans avoir
étudié l'harmonie, il fit quelques essais en com-
position, et lit représenter dans sa ville natale
un petit opéra en un acte intitulé Constance. A
l'époque de la révolution , il s'engagea comme
volontaire dans un bataillon républicain de la
Vendée, et fut nommé sous-lieutenant. Après le
10 août 1792, il vint à Paris, s'y lia avec Ber-
ton,qui lui donna des leçons de composition, et
écrivit pour le théâtre Montansier Les Cheva-
liers errants, opéra en un acte ; mais ce qui
fixa plus particulièrement sur lui l'attention pu-
blique ce fut la singularité d'une de ses produc-
tions : il avait mis en musique un article du
journal du soir sur la sommation faite à Cus-
tines de rendre Mayence et sur la réponse de ce
général ; ce morceau eut un succès de vogue.
Bientôt après Lemière partit pour la Belgique, où il
servit en qualité d'aide-de-camp du général Thié-
Daud. Son retour à Paris, en 1794, fut marqué
par plusieurs opéras qu'il fit représenter, no-
tamment par celui d'Andros et Almona, en
trois actes , qui passe pour être son meilleur
ouvrage en ce genre. En 1796 il suivit son gé-
néral en Allemagne, revint à Paris après le
traité de Campo-Formio, et y travailla de nou-
veau pour le théâtre. Mais en 1806 il reprit
du service actif, fit successivement les campa-
gnes de Prusse," de Pologne et d'Espagne, et se
retira après la bataille de Waterloo, avec le
grade et la pension de lieutenant-colonel. Il vou-
lut alors reprendre ses travaux de composition
dramatique; mais il n'obtint pas de succès, et
mourut du choléra à l'âge de soixante-deux ans.
Malgré l'activité qu'il déploya dans sa carrière
militaire, Lemière a beaucoup écrit pour le théâtre
et pour la chambre. Voici l'indication des opéras
qu'il a fait représenter : Constance, en un acte,
à Rennes ( 1790 ); — Les Chevaliers errants,
un acte, au théâtre Montansier (1792); —
KOUY. BlOClt. GÉNÉR. — T, X\X.
- LEMIRE 610
Crispin rival de son maître, un acte, id m
(1793); — Le Poème volé, un acte, en pro-
vince ( 1793 ); — Scène patriotique, jouée au
théâtre Favart ( 1793) ; — La frise de Tou-
lon, un acte, au même théâtre (1794) ; — Andros
et Almona, trois actes, idem (1794) ; — Le Con-
grès des Rois ; en collaboration avec plusieurs
autres compositeurs ; — Babouc, quatre actes,
au théâtre Feydcau (1795) ; — L'Ecolier en va-
cances, un acte; au théâtre Favart ( 1 795 ) ; —
Les Suspects, un acte, au théâtre Louvois
( 1795 ) ; — La Blonde et la Brune, un acte,
idem ( 1795) ; — La Moitié du Chemin, trois
actes, idem (1796) ; — Lesdeux Orphelines, un
acte, au théâtre Molière ( 1798) ; — Les deux
Crispins (paroles et musique), un acte, idem
( 1798 ) ; — La Maison changée, un acte, idem
( 1798); — La Paix et l'Amour, un acte, en
province ( 1798 ) ; — Le Porteur d'eau, un acte,
idem ( 1801); — Henri et Félicie, trois actes
(1808) ; — La Cruche cassée, ou les rivaux de
village, deux actes, au théâtre Feydeau (1819);
— La Fausse Croisade, deux actes, idem (1825);
— La Dame du Lac, en quatre actes, arrangée
sur la musique de Rossini, pour le théâtre de l'O-
déon ( 1825); — Le Testament, deux actes, au
même théâtre (1827) ; — Tancrède, trois actes,
arrangé sur la musique de Rossini, idem ( 1 827) ; —
Les Rencontres, trois actes, au théâtre Feydeau
( 1828 ) ; — une cantate exécutée à l'Opéra, en
1792. On a publié aussi du même composi-
teur : La Bataille d'Iéna, symphonie militaire
à grand orchestre; — Pot-pourri militaire, pour
harmonie; — Des œuvres de sonates pour
piano et violon, et pour piano seul ; — Un trio
pour harpe, cor et basson; un duo pour harpe
et piano ; plusieurs cahiers de contredanses ,
des recueils de romances, etc., etc. Lemière
de Corvey a laissé en manuscrit un ouvrage sur
la défense des places fortes.
Dieudonné Denne-Bakon.
Gabet, Dictionnaire des artistes de l'École française
au dix-neuvième siècle. — Fetis, Bioijrapluc universelle
des Musiciens.
lemire (Jean), en latin Mirseus, prélat et
érudit belge, né à Bruxelles, le 6 janvier 1560,
mort dans la même ville, le 12 janvier 1611. 11
appartenait à une ancienne et noble famille de
Cambrai (1). Il était évêque d'Anvers et publia :
Décréta synodi diœcesanx Anlverpiensis ,
mense maio anno 1610 celebratx,e\c. ; Anvers,
1610, in-8"; réimprimé dans les Concilia du
P. Labbe. A. L.
Jean del Rio , Oraison funèbre de J. Le Mire (Anvers).
lemire (Aubert), plus connu sous le nom
de Miraeus, historien belge, neveu du précé-
dent, né à Bruxelles, le 30 novembre 1573, mort
à Anvers, le 19 octobre 1640. Il fit ses humanités
et sa philosophie à Douai,et vint étudier la théo-
(1) Leur écussnn était d'azur chevronné d'argent, por-
tant sur champ trois miroirs du même métal, avec la
devise Futura prospice.
20
611
LEMIRE
612
logic à Louvain, où il enseigna ensuite pendant
qui : ie temps les belles-lettres et fut aidé des
conseils de Juste Lipse. Devenu prêtre , il fut
nommé chapelain des archiducs Albert et Isa-
belle, et Jean Lemire, son oncle, ayant été ap-
pelé à l'évèché d'Anvers, Aubert Lemire fut
pourvu d'un canonicat du chapitre de cette ville,
puis chargé par son oncle d'une mission sé-
crète relative à la trêve conclue, le 9 avril l 609,
entre l'Espagne et les Provinces-Unies. Cette
mission le mit en relation avec les personnages
les plus distingués de la cour de Henri IV et les
principaux savants de France, et il profita de
son séjour à Paris pour suivre à la Sorbonne un
cours de droit canonique. Jean Le Mire étant
mort en 1611, Aubert Lemire se rendit à Douai
pour y établir six bourses, trois pour la philo-
sophie et trois pour la théologie, que ce prélat
avait fondées par son testament; il s'y fit en
même temps recevoir docteur en théologie. Il
fut nommé en 1617 bibliothécaire de l'archiduc
Albert. En 1624 il devint doyen de la cathé-
drale d'Anvers et vicaire général de l'évèché de
cette ville. Doué d'une extrême activité, il con-
sacrait tous les moments que lui laissaient ses
devoirs à des recherebes sur l'histoire politique
et littéraire des Pays-Bas, et il a laissé des tra-
vaux nombreux et importants , mais dans les-
quels on lui reproche de s'être en général montré
inexact et peu judicieux.
Voici les principaux de ses écrits : Elogia
illus/rium Belgii Scriptorum, qui vel eccle-
siam Dei propugnarunt , vel disciplinam il-
lustrarunt, centuria decadibus distincta;
Anvers, 1602, in-8°; ibid., 1609, in-4"; — Elen-
chus Historicorum Belgii nondum iypis edi-
toriun; Anvers, 1606, in-12; Bruxelles, 1622,
in-8° : cet opuscule, où l'auteur traite principa-
lement des histoires manuscrites conservées
dans les bibliothèques des Pays-Bas, est réim-
primé dans la Bibliotheca Belgica manuscripta
de Sanderus; — Vita Justi Lipsii, sapientix
et litterarum antistilis, etc.; Anvers, 1606,
et 1609, in-8°; — Origïmtm monasticarum
libri IV, in quibus ordinum omnium reli-
giosorum initia ac progressus breviter de-
scribuntur, etc.; Cologne, 1620, in-12; —
Fasti Belgici ac Burgundici, seu historia
rerum belgicarum juxta dies in quibus eve-
nerunt; Bruxelles, 1622, in-8°; cet ouvrage
contient les vies des saints des Pays-Bas et de
quelques pays voisins, selon l'ordre du calen-
drier; — Rerum Belgicarum Annales, in qui-
bus christianae religionis, et variorum apud
Belgas principatuum, origines ex vetuslis ta-
bulis principumque diplomatibus haustœ,
explicantur; Bruxelles, 1624, in-8° ;nouv. édit.,
augmentée de plus de moitié par l'auteur, sous
le titre de Rerum Belgicarum Chronicon, ab
Julii Csesaris in Galliam adventu usque ad
vulgarem Chrtsti annum 1636, etc. ; Anvers,'
1636, in-fol. J.-F. Foppens a réuni et publié
sous ce titre : A. Mirée'), Opéra, diplomatica ei
hislorica, etc.; Bruxelles, 1723-1748, 4 vol.
in-fol.; les divers ouvrages de Lemire relatifs a
l'histoire civile et ecclésiastique des Pays-Bas,
L'Académie royale de Belgique a inséré dans la
collection de ses Bulletins, mais en un volumt
à part, qui leur sert d'appendice, une Revue
critique des Opéra diplomatica de Mirxuf.
sur les titres reposant aux archives dépar-
tementales à Lille, par M. A. LeGlay; Bruxel-
les, 1856, in-8°.
Lemire a fait paraître comme éditeur: Rerum
toto orbe gestarum a Christo nato ad noslrc
usque tempora, auctoribus Eusebio Cxsa-
riensi, episcopo, B. Hieronymo, presbytero.
Sigcberto Gemblacensi, monactio , Anselme
Gemblacense, abbate, Auberto Mirxo, uliis-
que, omnia ad antiquos codices manuscriptoi
partim comparata, partim nunc primun
in lucem édita, opéra et studio ejusdem Au-
bert i Mirai ; Anvers, 1 608, gr. in-4 ° ; — Rerun
Brabanticarum LibriXIX, auctore Petro Di-
vxo, Lovaniensi; Anvers, 1610, in-4° : le!
quatre dernières pages sont de l'éditeur ; — Bi-
bliotheca Ecclesiastica, sive nomenclatoret
septem veteres F. Hieronymus, presbyter ei
doctor Ecclesix , Gennadius Massiliensis.
S. lldefonsus Toletanus, Sigebertus- Gem
blacensis, S. Isidorus Hispalensis, Honoriu:
Augustodunensis, Henricus Gandavensis, Au-
bertus Mirxus auctarïis ac scholiis illustra-
bat; Anvers, 1639, in-fol. Une suHe de cet ou-
vrage, par Lemire, a paru après sa mort sou;
ce titre : Bibliotheca ecclesiastica , sive dt
scriptoribusecclesiasticis qui abanno Christ
1494, quo Johannes Trifhemius desinit, ac
usque tempora nostra Jloruerunt , pars al-
téra; Anvers, 1649, in-fol. Ces deux volumes
sont réimprimés dans la Bibliotheca ecclesias-
tica, etc.; Hambourg, 1718, in-fol.
Lemire avait laissé divers ouvrages manus-
crits qui, devenus la propriété de 1 i'imprimeui
E. Friex , de Bruxelles, allaient être mis sous
presse quand ils furent détruits dans l'incendie
de sa maison , lors du bombardement de cett<
ville par les Français en 1695. M. Léon de Bur
bure a inséré des Lettres inédites d'Auber
Lemire, dans le Messager des Sciences histo-
riques de Belgique, année 1859, pag. 318 ei
433. On trouve une Lettre d" Aubert Lemin
aux Bollandisies dans le Bibliophile Belge,
tom. II, pag. 155. Enfin, le baron de Reilfen-
berg a donné dans le même recueil , tom. II.
pag. 134, et tom. III, pag. 253, le Catalogut
des ouvrages d' Aubert Lemire; ils sont au
nombre de cinquante-sept. Le portrait de Le-
mire, peint par Antoine van Dyek, a été gravé
par P. Pontius. E. Regnard.
Foppens, Bibliotheca Belgica. — Paqnot, Mémoire*,
pour servir à l'histoire littéraire des dix-sept pro-
vinces des Pays-Bas. — Nicénm, Mémoires pour servir
à l'histoire des hommes illustres de la répuolique dei
lettres. — De Reiffenberg, Chronique rimée de Philippe
613
LEMÎ11E —
mouskes, introduction, p. XVI. — Messuqer des Sciences
historiques de Belgique, année 1849, pas. SIS.
lemike (Noël), graveur français, né à
Rouen, en 1724, mort à Paris, en 1801. Élève
de Le Bas, il a excellé dans la vignette. Ses
paysages et ses marines sont également estimés.
Il a aussi reproduit avec succès les tableaux de
'Téniers. On cite de lui : le portrait de Piron,
d'après Lépicié, 1773 ; — le portrait de Mlle Clai-
ron, d'après Gravelot; — le portrait en pied
de Washington, d'après Lepaon; — le portrait
de La Fayette, d'après le même; — Le Partage
de la Pologne, ou le gâteau des rois, signé de
l'anagramme Erimel, pièce rare, dessinée et
gravée par Lemire; la planche fut brisée par
ordre de l'autorité, mais l'auteur en put impri-
mer quelques exemplaires ; — Jupiter et Da-
naé, d'après Carrache; — La Mort de Lucrèce,
d'après André del Sarte; — Latone vengée; —
Les Nouvellistes flamands; et L'Étang du châ-
teau, d'après Téniers; — La Curiosité, ou la
lanterne magique, d'après Reynier Brakelen-
bourg; — Vue du mont Vésuve en 1757; —
Restes d'un Temple de Vénus dans Vile de
Nisida; — les portraits du grand Frédéric,
de Henri IV, de Louis XV et de Joseph II;
— Vignettes pour les Contes de La Fontaine,
pour les Métamorphoses d'Ovide et pour des
éditions de Voltaire, de Rousseau, de Bocace et
de T. Corneille. J. V.
Ba«an, Dict. des Graveurs anc. et modernes. — Chau-
tlon et Delandine, Dict. unw., Histor. Crit. et Bibliogr.
;~Ch. GabeL, Dict. des Artistes de l'École française au
dix-neuvième siècle.
lemsiege (Jean van) ou Joannes a Lem-
migo, chroniqueur hollandais, vivait en 1500.
îl n'est connu que par une Chronique de Gro-
ningue,(\m commence à l'an 1100 et s'arrête à
l'année 1436. Elle a été publiée par Antoine Mat-
thseus dans ses Vêler is JEvi Analecta ; Leyde,
1698, in-8°, 1. 1, p. 102-129. Cet ouvrage, quoi-
que d'un style inculte , donne de curieux ren-
seignements sur les troubles qui désolèrent la
'Frise dans le quinzième siècle. L — i. — e.
Suff. Pétri, De Scriptorihus Fris., p. 121. — Paquot,
\Mém. pour servir d l'hist. litt. des Pays-Bas, tom. III,
p. 402 403.
lejimens (1) ou lemnius (Livin), philo-
sophe hollandais, né à Ziriczée (Zélande), le
20 mai 1505, mort dans la même ville, le 1er juil-
let 1568. 11 commença ses études à Ziriczée, les
continua à Gand, et les acheva à Louvain, où
il prit ses degrés en médecine sous l'enseigne-
ment d'André Vesale, de Rembert Dodonée, de
Jason Pratensis, de Conrad Gesner, etc. De
retour à Ziriczée, en 1527, il y pratiqua son art
durant quarante années avec autant de succès
que de réputation. Il avait fait sculpter sur la
porte de sa maison : « Rerum irrecuperabilium
summa félicitas oblivio. » Après la mort de sa
femme , il entra dans l'état ecclésiastique, et de-
vint chanoine de Saint-Livin de Ziriczée, où il
(15 Ce nom signifie en ilanianil : fils de Guillaume.
LEMMENS 614
fut enterré. Pâquier Oens a fait son éloge fu-
nèbre en vers latins ; cet éloge se trouve eu tête
des réimpressions de plusieurs des ouvrages de
Lemnius. On a de lui : De Astrologia Liber
unus, in quo obiter indicatur quid illa veri,
quidjicti falsique habeat, etc.* guatenus arti
sit habenda fides, précédé d'une Épître dé-
dicatoire en vers, adressée à Corneille à Wel-
dam, conseiller de l'empereur Charles V ; An-
vers, 1554, in-8°; Iéna, 1587, in-S°; Francfort,
1608 et 1626, in 16; Leyde, 1638, in- 16; — De
Termino Vitœ, ou De pr se fi.ro cuique Vital Ter-
mino ; cet ouvrage, dans lequel l'auteur soutient
« que le moment de la mort de chaque homme
est fixe et invariable », a été imprimé avec le
précédent; dans les éditions de Anvers, 1554,
in-89; léna, 1587, in-8°;. et Leyde, 1038, in-16.
Cette dernière a élé augmentée d'une préface de
Marc Zuerius Boxhorn; — De honeslo anïmi
et corporis Oblectamento, et quee e.xercilatio
homini libero potissimum conveniat, etc.;
Leyde, 1638, in-16; — De occultis naturx
Miraculis, Libri II; Anvers, 1559, in-12; —
quatre autres livres dédiés à Éric XIV, roi de
Suède, parurent ensuite; Anvers, Plantin, 1564,
in-12; Gand, 1571, in-12; Cologne, 1573, in-12;
Heidelberg, Bibliopolium Commelianum, sans
date, in-12; trad. en allemand, avec des notes
de Jacques Horstius, ibid.; le même ouvrage
suivi de : De Vita cum animi et corporis in-
columitate recte insliluenda; Anvers, 1581,
in-8°; et Cologne, 1581, in-12; ce second ou-
vrage fut imprimé suivi de Parœnesis , sive
Exhortatio ad vitam optime instituendam;
Francfort, 1591 et 1655, in-16; 1593, in-8° ; —
De Habitu et Constitutione corporis, quant
Grseci Kpàonv triviales complexionem vocant,
lib. Il; Anvers, 1561, in-12; Erfurt, 158i,in 8°,
avec corrections et table; Francfort, 1596, 1604;
— Similitudinum ac Parabolarum quge in
Biblis ex herbis atque arboribus desumuntur
dilucida Explvcatio; Anvers, 1569, in-8°;
Erfurt, 1581, in-8° ; Lyon, 1588 et 1595, in-12,
Francfort, 1591 et 1596, in-12; avec le De As-
trologia, Francfort, 1608 et 1626, in-16; avec
le De Gemmis de François Rueus, Francfort,
1596, in-12. Lemnius est le premier qui ait traité
des plantes sacrées; mais, comme il n'entendait
pas les langues originales de l'Écriture et qu'il
lui manquait en outre les connaissances néces-
saires sur la Terre-Sainte et les contrées voi-
sines, il était impossible qu'l réussit dans son
œuvre. Ses descriptions sont d'ailleurs trop
courtes et manquent d'exactitude; — De Zetan-
dis, etc.; Leyde , Plantin , 1611, in-4°; et dans
la Batavia illustrata de Pierre Scriverius,
Harlem, 1609 et 1 650. Lemmens avait commencé
Descriptio Algie, etc., et Compendium de Pis-
cium trivialium nomenclaturis ; mais la mort
l'empêcha d'achever ces ouvrages. Le latin de
Lemnius se fait remarquer par sa pureté et son
élégance. L— z— e.
30.
615
LRMMENS — LEM01JNE
G16
Le Mire, Elog. êely. Serlptor., p. lis, 114. — Melchior
Adam , De Fith Medicorum Germanorum, p. 4». — Va-
lérc André, Bibliotfiec/t Ile/oit a, p. SI, 322, 608, 609. —
Vaquât, Mémoires pour servir à l'histoire littéraire
des Pays- fias, t. 1er, p. 361-369.
lemmus (Simon), poète latin suisse, né
vers 1510, à Margadant (canton des Grisons) ,mort
à Goire, le 24 novembre 1550. Il fut reçu maître
en philosophie à l'université de Wittemberg,
où, grâce à la protection de Mélanchthon, il es-
pérait obtenir une chaire; mais, compromis déjà
par son genre de vie assez dissipé, il acheva de
se perdre en publiant en 1538 un volume d'épi-
grammes, où il mit quelques vers à l'éloge d'Al-
bert, archevêque de Mayence. Luther, qui détes-
tait l'archevêque, fut trè3-irrité contre Lemnius ;
sur ses instances, tous les exemplaires du livre
furent saisis, l'imprimeur jeté en prison, et l'au-
teur décrété d'arrestation. Pour justifier ces me-
sures violentes, on prétendait que, dans plusieurs
de ses épigrammes, Lemnius avait voulu dési-
gner l'électeur de Saxe, le chancelier Pontanus
et d'autres personnes de distinction. Cette accu-
sation, comme Lessing l'a établi, était entière-
ment fausse : Lemnius s'était borné à persifler
en termes généraux les vices et les sottises com-
munes à tous les temps. Mais, effrayé de ia co-
lère de Luther, abandonné par Mélanchthon,
Lemnius s'enfuit à Worms. Après une procédure
sommaire, où toutes les formes judiciaires étaient
violées (1), il fut condamné, en juillet 1538, au
bannissement perpétuel; quelques jours aupa-
ravant, Luther avait prononcé contre lui en
chaire un décret infamant, inséré dans le t. XIV,
p. 1334 de ses Œuvres (éd. Walch). Exas-
péré par tant d'injustices, Lemnius attaqua ses
persécuteurs dans des écrits satyriques, où
il employait tour à tour l'ironie fine et mordante
et la plus grossière plaisanterie. Il séjourna
quelque temps à Francfort, puis à Halle, et se
rendit ensuite à Bàle, où il devint correcteur
dans l'imprimerie d'Oporinus. En 1540 enfin, il
se retira à Coire, et fut nommé professeur au
gymnase de celte ville. On a de lui : Epigram-
inaton Libri duo; Wittemberg, 1538, in-8°; des
extraits en ont été donnés dans le tome IV de
la Nachtese der Reformations-TJrkunden de
Kapp. Luther lança contre ces épigrammes un
écrit virulent, qui se trouve dans le t. VI de
ses Œuvres (éd. d'Altembourg). Vers la fin de
1538, Lemnius publia une nouvelle édition de
ses Epigràmmata ( sans lieu, in 8°), augmentée
d'un troisième livre, où il stygmatise l'esprit
d'intolérance de Luther, de Jonas et des autres
réformateurs par des traits acérés, auxquels
Camerarius essaya en vain d'opposer ses Elé-
gie ôSontopixat; — Apologia Simonis Lem-
nii contra decretum quod lyranni de Lutheri
et Justi Jonœ Wilembergensis universïtas
coacta iniquissime et mendacissime evulga-
(1) Les diverses pièces de cette procédure se trouvent
dans la Nachlese der Reformations- Urhunden de Kapp,
t. III, p. 376-351.
vit; Cologne, in-8°. ( Voy. Schellhorn, Amœni-
tates historiée ecclesiasticas , t. I, p. 850, et
Seckendorf, Historia Luther anismi, tom. H,
lib. III, p. 197); — Lucii Pisœi Monochopor-
nomachia, dation ex Achaja olympiade nona,
comédie obscène, où Luther, Jonas, Spalatin,
leurs femmes et les amants que Lemnius prêtait
à celles-ci, jouent les principaux rôles: l'ou-
vrage est devenu extrêmement rare; Voy. Frey-
tag, Adparalus Lïtlerarius, t. III, p. 366 et
382, et Analecta litteraria, p. 523; — Amo-
rum Libri IV; 1542, in-8"; — JEylogx quin-
que; Bàle, 1551; une de ses églogues, intitulée
lier JJelveticum, se trouve clans les JJodœ-
porica de Reusner. On doit encore à Lemnius
une traduction latine en vers de l'Odyssée;
elle parut à Bàle, 1549, in-8°, et à Paris, 1581,
in-8°. E. G.
Der Biograph; Halle, 1803, t. II. — Lessing, Briffe \
aus Uem zueiten T/ietle der Schiften (n° 2-8). — Stro-
i>el, Neue lleylrœge zur Litterulur, t. III. — Riederer
Nachricliten zur Kirchengeschichte, t. IV, p. 348. —
Roteïmunu, Supplément à Jucher.
lemoike (Jean), prélat français, né à
Cressy (Ponthieu), dans le treizième siècle,
mort à Avignon, le 22 août 1313. Après avoir
terminé ses études, il prit le degré de docteur
en théologie à l'université de Paris, et fit un
voyage à Rome, où il fut honorablement accueilli
et nommé auditeur de rote. Son commentaire
sur le 6e livre des Décrétâtes, qu'il écrivit à
Rome, lui valut le titre de cardinal. Boniface VIII
le nomma son légat en France en 1302, et dans
cette positiou il lit tous ses efforts pour rétablir
la paix entre Philippe le Bel et le saint-siége.
Il agit avec tant de prudence qu'il se concilia
l'estime du roi sans perdre son crédit auprès
du pape. Il assista en 1305 au conclave qui se
tint à Pérouse pour l'élection de Clément V, et
il suivit ce pontife à Avignon. Après sa mort,
son corps fut transporté à Paris et inhumé dans
l'église du collège qu'il avait fondé, en 1303, dans
cette ville, rue Saint-Victor, sur l'emplacement
de maisons, chapelle et cimetière qui avaient ap-
partenu aux religieux augustins (1).
Son frère, André Lemoine, mort en 1315,
évêque de Noyon, l'aida de ses deniers dans
la fondation du collège qui portait le nom du
cardinal Lemoine. Les deux frères furent réunis
dans le même tombeau. J. V.
Moréri, Grand Dut. Hlst. — Cliaudon et Delandiue,
Dict. univ , hist., crit. et bibliogr.
lemoine { Pasquier), littérateur français,
vivait dans la première moitié du seizième siècle. Il
se qualifie lui-même de portier ordinaire du roi
François Ier, emploi analogue à celui d'huissier
de la chambre, et c'est sous le pseudonyme bi-
zarre de Moine sans froc qu'il obtint le privilège
de faire imprimer ses ouvrages. On a de lui : une
Description , faite en 1515, du sacre et du cou-
ronnement de François Itr, et insérée dans Le
(1) Une rue du nom du Cardinal Iœmoine a été percée
dans ces derniers temps sur remplacement de ce collège.
617 ' LEMOINE
Cérémonial /rançois ; — Voyage et Conquête
du duché de Milan en 1515 par François Ier,
rédigé en vers et en prose ; Paris, 1520, in-4°.
Le P. de Colonia, qui rapporte quelques vers de
cet ouvrage , accuse le style d'être d'un burles-
que souvent plat et rampant ; mais cette relation
est curieuse à cause de certaines particularités
618
.omises par les écrivains du temps. P. L — y.
De Colonia , Histoire littér. de Lyon, 11, 493 et suiv.
uîkïim; ( Le P. Pierre ), jésuite et poète
français, né en 1602, à Chaumont en Bassigny,
mort à Paris, le 22 avril 1C72. A dix-sept ans
il entra dans l'ordre des Jésuites, à Nancy, et y
occupa différents postes. Il cultiva la poésie, et
obtint une grande renommée avec son poème en
huit chants de Saint Louis, ou la couronne
reconquise (sur les infidèles), qui parut en
1658. Une imagination vive et des vers pom-
peux firent d'abord mettre ce poème au rang
des chefs-d'œuvre. Lamotte lui-même le dé-
clara préférable à VIliade. Mais bientôt on re-
connut, à côté des qualités réelles de certains
passages , le mauvais goût , l'extravagance et
l'enflure de beaucoup d'autres. Boileau a dit du
P. Lemoine : « 11' est trop poète pour que j'en
dise du mal; il est trop fou pour que j'en dise
du bien. » L'abbé Goujet (Biblioth. françoise),
avoue que la lecture du poème de Saint Louis
« J'a ennuyé jusqu'à la fatigue ».
Le P. Lemoine est aussi l'auteur d'Epîtres,
qui ont paru d'abord séparément et qui furent
réunies en 1665, sous le titre d' Entretiens et
Lettres poétiques; une deuxième édition en fut
donnée en 1672. Enfin, il a publié un Mémoire
apologétique sur la Doctrine des Jésuites,
1644,in-8°, et La Dévotion aisée, 1652, in-8°.
Mme d'Aiguillon, nièce du cardinal de Riche-
lieu , qui faisait au P. Lemoine une pension de
1,400 livres, l'avait chargé d'écrire une histoire
de cet homme d'État, d'après les manuscrits
laissés par lui. L'impression allait en commencer,
lorsque, en 1667, Mme d'Aiguillon changea d'a-
vis. L'ouvrage est resté manuscrit.
G— t de F — e .
Le P. Lelong, Bibliothèque Histor. de la France. —
Goujet, Bibliothèque des Écrivains franeois, l. XVII.
lemoine (François), peintre français, né
à Paris, en 1688, mort par suicide le 4 juin
1737. Élève de Galloche, il obtint, en 1711, le
grand prix de peinture à l'Académie; mais la
guerre ne lui permit pas de se rendre en Italie
aux frais du roi. En 1718 il fut reçu membre
de l'Académie de Peinture sur son tableau d'Her-
cule et Cacus. Quelque temps après, il peignit
Persée délivrant Andromède. En 1723 il ac-
compagna Bergier, riche amateur, en Italie;
il n'y resta que six mois, et en rapporta un
excellent tableau représentant une Femme en-
trant au bain. A son retour, Lemoine termina
la peinture du cliœur de l'église des Jacobins
de la rue Saint-Dominique, qu'il avait ébauché
avant de partir pour l'Italie. II fut ensuite nommé
professeur de l'Académie. Chargé de peindre le
plafond de la chapelle de la Vierge à Saint-Sul-
pice, il y représenta une Assomption , qui fut
restaurée par Callet en 1780, et disparut à peu
près sous le travail du réparateur. On avait
trouvé de grandes qualités dans la peinture de
Lemoine. , une certaine vigueur, de la fermeté,
de la fratcheur dans le coloris; mais les groupes
étaient mal disposés et les figures n'étaient pas
en perspective. Pour décorer le plafond du salon
d'Hercule au palais de Versailles, il y représenta
une espèce d'allégorie serni païenne et semi-
chrétienne en l'honneur du cardinal de Fleury,
son protecteur. Celte composition, de 64 pieds
de long, sur 54 de large , et contenant 142 figures
peintes à l'huile sur toile, entièrement de la main
de Lemoine, lui coûta quatre années de travail.
Sur le point de la terminer, il s'aperçut que le
groupe principal était mal placé; il n'h;sita pas
à l'effacer et à le repeindre, ce qui l'obl'gpa de
retoucher aux groupes voisins et lui donna un
an de travail de plus. Ce plafond valut à Lemoine
le titre de premier peintre du roi et une pension
de 4,000 livres. Ces honneurs ne le satisfin nt pas.
La perte de sa femme augmenta sa mélancolie ;
il avait excité la jalousie de quelques-uns de
ses émules par la haine qu'il leur portait; sa tête
s'affaiblit. Un jour, en entendant frapper à sa
porte , il s'imagina qu'on venait l'arrêter, et se
frappa de neuf coups d'épée; il ouvrit pourtant
et tomba aux pieds de son ami Bergier, qui ve-
nait le chercher pour l'emmener à la campagne.
On citait encore six tableaux que Lemoine avait
peints pour le réfectoire des Cordeliers d'Amiens.
Il disposait bien ses groupes, variait les mou-
vements de ses figures, savait parfaitement dé-
grader les lumières; son coloris séduisait par sa
fraîcheur; il mettait de l'âme dans ses composi-
tions; son pinceau était doux et gracieux, sa
touche fine, mais son dessin était mou , incor-
rect; ses formes étaient maniérées; ses têtes
avaient de l'affectation ou manquaient de carac-
tère. Il avait un amour- propre excessif, qui le
rendait jaloux et satirique. Comme il déchirait
surtout ses confrères, l'un d'eux lui dit un jour :
« Vous qui peignez si bien, comment ignorez -vous
que ce sont les ombres qui font valoir les clairs ? »
Il se plaignait au duc d'Ayen qu'on n'avait pas
assez payé son plafond de Y Apothéose d'Her-
cule à Versailles : « Voudriez-vous, lui répondit
le duc, qu'on payât vos ouvrages comme si vous
étiez mort? » L. L— t.
Cliandon et IMnndinc, Dict. vniv. Hist., Crit. et Bi-
blioyr. — L -C. Soyer, dans ÏEncycl. des Cens du Monde.
lemoine (Pierre-Camille), littérateur
français, né le 21 décembre 1723, à Paris. Il fut
archiviste de l'église de Saint-Martin de Tours,
de Toul et des chanoines-comtes de Lyon , et fit
partie des académies de Rouen et de Metz. On
a de lui : Dissertation sur la Fierté ou Châsse
de Saint-Romain de Rouen; — Essai surf an-
cien état du royaume d'Austrasie ; 1760; —
619
LEMOUNE
Dissertation sur les anciennes lois de Metz;
17i;3 ; — Mémoire sur VÈchiquier de Rouen ;
1766; ces quatre pièces ont remporté chacune
nn prix dans les académies de Rouen , de Nancy
et de Metz; — Diplomatie pratique, ou fraifé
de l'arrangement des archives et trésor des
chartes; Metz, 1765, in-4°, avec planches;
réimpr. par les soins de Battheney de Bouvou-
loir, Paris, 1772, 2 vol. in-4°, et augmentée d'un
supplément considérable pour les planches; —
Nouvelle Méthode raisonnée des Blasons, ou
de l'art héraldique , du P. Menestrier, mise
dans un meilleur ordre et augmentée, etc.,
par L*** ; Lyon, 1770, in-8°; l'auteur a com-
plètement refondu l'ouvrage du P. Menestrier ;
-r Observations sur le nouvel Abrège chro-
nologique de l'Histoire de Lyon ( de Poullin
de Lumina ); s. 1. n. d., in-4°; — Idées préli-
minaires ou Prospectus d'un ouvrage sur les
pêches maritimes de France; 1777, in-8o. K.
La France Littér. de 1769. — Desessarts, Les Siècles
Littéraires. — Breghot du I,ut et Perieaud aîné, Catal.
des Lyonnais dignes de mémoire, p. 168.
lemoine d'essoies ( £rfme-i»/arie-/o-
seph), mathématicien et géographe français, né
à Essoies (Champagne ), en 1751, mort à Paris,
le 17 août 1816. 11 fit de bonnes études, prit
ses degrés en droit , et suivit le barreau ; puis
il renonça à cette carrière pour se livrer à l'é-
ducation de jeunes nobles. Il publia quelques
ouvrages élémentaires, fut nommé professeur de
mathématiques et de physique, et devint membre
du jury d'instruction publique de Paris. 11 fonda
une école connue sous le nom d'institution poly-
technique. On a de lui : Traité élémentaire
de Mathématiques, ou principes d'Arithmé-
tique, de géométrie, de trigonométrie avec
les sections coniques ; Paris, 1778, 1790, 1793,
fn-8° ; 1797, 2 vol. in-8°; à lasuite se trouve une
histoire abrégée des mathématiques; — Prin-
cipes de Géographie ; Paris, 1780, 1784, in-12;
— Traité du Globe, rédigé d'une manière nou-
velle; Paris, 1780, in-12 ; — Principes d'Arith-
métique décimale ; Paris , 1801, 1804, in-12.
J.V.
Notice dans le Moniteur du Ie' sept. 1816. — Biogr.
univ. et portât, des Contemp. — Quérard, La France
Littér.
* lemoine ( Jacques-Joseph ) , littérateur
français , né à Paris, le 12 janvier 1770. Il a été
chef de division au ministère du commerce et
secrétaire du conseil supérieur d'agriculture au
ministère de l'intérieur. On a de lui : Quelle a
été l'influence des croisades sur la liberté ci-
vile des peuples de l'Europe, sur leur civili-
sation et sur les progrès des lumières, du
commerce et de l'industrie, discours qui ob
tint la première mention honorable de l'Institut;
Paris, 1808, in-8° ; — Les Français justifiés
du reproche de légèreté, ouvrage couronné par
l'Académie de Dijon; Paris, 1809, 1815, in-8°;
— Les trois Voyageurs, essai philosophique;
Paris, 1819, 2 vol. in-8°; — Loisirs de M. de
LE MONMER 620
I Villeneuve, ou voyage d'un habitant de Paru
à Fest de la France en Savoie, et en Suisse;
Paris, 1827, in- 8°. J. V.
Biogr. unlv. et portât, des Contemp. — (Jucrard , Lç
France Littéraire.
* lemoine ( Gustave ) , compositeur de mu-
sique français, né à Paris, le 29 octobre 1786.
Il obtint plusieurs prix au Conservatoire, entre
autres , en 1809, celui de piano. En 1817, il suc-
céda à son père dans le fonds d'éditeur de mu-
sique qu'il possédait. On a de lui : Méthode
pratique pour le Piano, très-estimée , quia eu
depuis 1827 un grand nombre d'éditions; —
Solfège élémentaire (avec Carulli ), 1829, sou-
vent rééditée; — Traité d' Harmonie pratique ;
1836, in 8°; — Tablettes du Pianiste; 1844,
in-8°. G. de F.
Documents particuliers.
LEMOINE-MONTIGNY. Voy. MONTIGNY.
le MONNiEB (Pierre de L'É.nauderie ) ,
moraliste français, né à Saint Germain-d'Auvil-
lers ( pajs d'Auge), vers 1450, mort en 1515. Il
fit ses études à Caen, et y devint successivement
maître es arts, greffier de la cour des privilèges
apostoliques, et recteur de l'université, à laquelle
il fit de riches legs. On a de lui : Des Droits et
Privilèges des Docteurs ; — louange du Ma-
riage et des Femmes vertueuses ; — Sur la
Vie contemplative; — Exhortation à la Vie
active; — Historique de l'Université de Caen.
Ces ouvrages, qui ont eu plusieurs éditions, ont
paru en latin et en français presque simulta-
nément. L — z — E.
Huet, Traité des Origines de Caen. 2e édit. p. 413. —
Moréri, ie Grand Dictionnaire Historique.
le monnier ( Pierre), voyageur flamand,
né dans la Pévèle, près Lille, en 1552, mort après
1615. Il posséda longtemps la charge de notaire
à Lille. Le 10 mars 1G09, il partit pour l'Italie,
traversa la France, s'arrêta à Rome, à Naples, et
revint par l'Allemagne. De retour en juin 1610, il
quitta le notariat pour se faire maître d'école. On
a de lui une relation de son voyage intitulée :
Mémoires et Observations remarquables d'é-
pitaphes, tombeaux , colosses , obélisques,
arcs triomphaux, dictiers,etinscriptions,etc,
tant du royaume de France, duché et comté
de Bourgogne, Savoye, Piedmont, que d'I-
talie et d'Allemagne; Lille, 1614, in-12. Le
Monnier a donné dans son livre des particula-
rités assez curieuses et un grand nombre d'ins-
criptions aujourd'hui perdues. A. de L.
Piquot, Mém. pour servira Vhist. des Pays-Bas,
t. III, p. 300-302.
LE monnier (Pierre), astronome français,
né à Saint-Sever, près de Vire (Normandie), en
1675, et mort le 27 novembre 1757. Professeur
de philosophie au collège d'Harcourt, il devint
en 1725 membre de l'Académie des Sciences, et
observa à Paris, le 1er août 1736, l'immersion
d'Aldebaran à 3h 41' 42". C'est cette observa-
tion qui servit à déterminer la longitude deTor-
néo. On a de lui : Cursus Philosophie; Paris,
621
1750, 6 vol in-12. On y trouve plus de géo-
métrie que n'en comprenait alors l'enseigne-
ment pratiqué dans les écoles; — Premières
observations faites par ordre du roi pour
reconnaître la distance terrestre entre Pa-
ns et Amiens; Paris, 1757, in-8u; — Traités
élémentaires de Mathématiques, dictés en
. l'université de Paris, 1758, in-8°, ouvrage pos-
thume et anonyme. J — b.
Lalande, Bibliographie Astronomique.
le monnier {Pierre-Charles), célèbre as-
tronome français, fils du précédent, né à Paris,
le 23 novembre 1715, et mort àHéricprès Bayeux,
le 31 mai 1799. A seize ans il observait déjà
l'opposition de Saturne, et fut reçu à vingt-et-un
ans à peine à l'Académie des Sciences, à la-
quelle il avait présenté, en 1735, une nouvelle
figure de la lune avec la description de ses ta-
ches. Il accompagna Maupertuis dans son ex-
pédition scientifique vers le cercle polaire. Dans
les Mémoires de 1738, il remit en honneur la
méthode de Flamsteed, méthode ingénieuse , à
laquelle on doit toute la précision qu'il y a
dans les tables du Soleil et dans les positions
des étoiles. Les premières observations, en
1740, fuient faites dans la tour de Pascal au
nord du collège d'Harcourt. Deux ans après, le
roi lui donna un logement aux Capucins de la
rue Saint-Honoré, qu'il a occupé jusqu'à la révo-
lution. En 1741 il l'ut à la séance publique de
rentrée le projet d'un nouveau catalogue d'étoiles
zodiacales, et il présenta une nouvelle carte du
zodiaque. Il n'a publié que 565 étoiles ; mais on
en a trouvé beaucoup dans ses manuscrits. Ce
fut encore lui qui détermina le premier les chan-
gements des réfractions en hiver et en été ; il en-
treprit aussi de corriger les catalogues des étoiles
et de bien déterminer la hauteur du pôle de
Paris. En 1741 il introduisit en France l'instru-
ment des passages, dont on n'avait point encore
fait usage à l'Observatoire, et que Graham , cé-
lèbre horloger de Londres, avait exécuté. Quel-
que temps après , il essaya de dissiper le pré-
jugé qui régnait encore en France sur les co-
mètes; il annonça, dans une séance publique de
l'Académie, que la comète qui paraissait alors
avait un mouvement rétrograde. En 1743 il fit
à Saint-Su lpice une grande et belle méridienne
où il plaça un objectif de 80 pieds de foyer.
On savait que Saturne devait avoir des inégalités
considérables causées par l'attraction de Jupiter;
Le Monnier les détermina par un grand travail
l'ait sur les observations de Saturne , calculées
avec un soin et une habileté rares. L'Académie
proposa ces inégalités pour le sujet du prix de
1748. La pièce d'Euler, qui remporta le prix,
justifia le travail de Le Monnier. En 1748 Le
Monnier visita l'Angleterre : il alla jusqu'en
Ecosse avec Short et lord Maclesfied pour ob-
server l'éclipsé du 25 juillet, qui devait y être
presque annulaire; il eut la satisfaction de me-
surer le diamèfre de la Lune sur le disque même
LE MONNIER 622
du Soleil. Professeur au Collège de France , Le
Monnier expliqua le premier la théorie analy-
tique de l'attraction. La Lune était le principal
objet des travaux de Le Monnier. Il fallait tout
le zèle dont il était animé pour s'assujettir à se
lever toutes les nuits à quelque heure qu'arrivât
le passage de la Lune au méridien. Il est le pre-
mier qui ait fait des boussoles propres à bien dé-
terminer la déclinaison de l'aiguille au moyen
d'une lunette. Les observations météorologiques
l'occupèrent aussi; il reconnut le premier l'in-
fluence de la Lune sur l'atmosphère. Louis XV l'ai-
mait beaucoup, et lui faisùt un accueil distingué.
Plus d'une lois on vit le roi sortir de son cabinet
pour appeler Le Monnier. Il fut nommé membre
de l'Institut lors de la formation de ce corps sa-
vant. On a de lui : Histoire céleste; 1741, in-4°;
— La Théorie des Comètes , où l'on traite du
progrès clé cette partie de V astronomie; 1743,
in-8°; — Institutions astronomiques; 1746,
in-4°. C'est un des meilleurs ouvrages, a dit La-
lande, qu'on ait faits en français sur l'astronomie
élémentaire ; en réalité c'est une traduction de
Keill, mais améliorée; — Observations de la
Lune, du Soleil et des É toiles fixes ; 1751,
in-fol. :liv.II, 1754, liv. III, 1759, liv. IV, 1775;
— Lettre sur la Théorie des Vents, spéciale-
ment sur le vent de l'équinoxe ; 1754, iii-8";
— Nouveau Zodiaque réduit à l'année 1755;
Paris, in-8°; — Premières Observations faites
par ordre du roi pour la mesure du Degré
entre Paris et Amiens; 1757, in-8°; — As-
tronomie nautique lunaire, où l'on traite de
la latitude et de la longitude en mer ; 1771,
in-8° ; — Exposition des moyens les plus fa-
ciles de résoudre plusieurs questions dans
l'art de la navigation ; 1772, in-8°; — Essai-
sur les Marées et leurs effets aux grèves du
Mont Saint- Michel; 1774, in-8°; — Descrip-
tion et Usage des principaux Instruments
d'asti onomie; 1774, in-fol.; — Lois du Ma-
gnétisme, 1776, in-8°; 2e partie, 1778, in-8»;
— Traité de la construction des vaisseaux
par Chapmanjtrad. du suédois, 1779, in-fol.; —
Mémoires concernant diverses questions d'As-
tronomie; 1781, 1784, in-4°, etc. Jacob.
Lalande , Bibliographie.
le JMOftiMEU {Louis- Guillaume), médecin et
naturaliste français, frère du précédent, né à Paris,
le 27 juin 1717, et mort à Monlreuil( faubourg de
Versailles), le 7 septembre 1799. A vingt-deux ans,
il accompagna Cassini de Thury et Lacaille, qui
allèrent en 1739 dans le midi de la France pour y
prolonger ia méridienne de l'Observatoire, il re-
cueillit les observations de physique qui se présen-
tèrent sur leur route. Il décrivit les mines d'o-
cre,de houille, de fer, d'antimoine et d'amé-
thyste de l'Auvergne et les eaux minérales du
mont Dore. Reçu médecin, il fut attaché en 1738
à l'infirmerie de Saint- Germain -en- Laye. Un
jardinier fleuriste, nommé Richard , avait ras-
semblé, par goût et par spéculation, un grand
623
LEMOJNNIER
624
nombre 'de plantes étrangères; Le Monnier se
plut à disposer ces plantes suivant le système
de Linné. Le duc d'Aven, qui visitait quelquefois
le jardin de Richard , y rencontra Le Monnier.
Les entretiens du jeune savant inspirèrent bientôt
le goût de la botanique au grand seigneur et
par suite à Louis XV, dont le duc était le favori.
Le roi voulut lui-même voir et entendre Le Mon-
nier. Dès ce moment, ce dernier obtint du mo-
narque des marques d'une affection qui se chan-
gea en véritable faveur. Appelé à la cour, il fut
nommé à la chaire de botanique du Jardin du Roi,
que la mort de Jussieu l'atné laissait vacante; il ob-
tiut aussi la survivance de la charge de premier
médecin ordinaire du roi, dont il devint titulaire
après Quesnay,et qu'il conserva sous Louis XVI.
Ce fut lui qui présenta à LouisXVRernardde Jus-
sieu pour avoir soin du jardin de Trianon. Plus
tard il choisit le neveu de Bernard, le célèbre Lau-
rent de Jussieu , pour suppléant au Jardin des
Plantes, et finit par lui céder sa place. Le Monnier
sut profiter du goût de Louis XV pour la botanique
et de son crédit à la cour, et à l'Académie pour
faire envoyer dans toutes les parties du monde
des voyageurs éclairés chargés d'en rapporter
des plantes. Lui-même parcourut l'intérieur de
la France. En 1775 il fit quelques herborisations
avec J.-J. Rousseau. Le Monnier aurait pu se
placer au rang des plus célèbres botanistes; mais,
comme son ami Bernard de Jussieu, il n'écrivit
point sur cet objet de ses études. On lui doit l'in-
troduction de la belle-de-nuit à longues fleurs {Mi-
rabilis longiflora ), et du faux acacia à fleurs
couleur de rose ( Robïnia hispida).
Premier médecin de Louis XVI depuis 1782,
Le Monnier n'accepta aucun honoraire pour les
soins qu'il donnait aux particuliers. Ce fut à son
extérieurimposant et aux services qu'il avaitren-
dus à des hommes du peuple qu'il dut la vie dans
la journée du 10 août 1792. Il se trouvait au
château , dans sa chambre, lorsque la foule se
précipita dans les appartements en proférant des
cris de mort. Déjà il se préparait à une triste
fin, lorsqu'un inconnu sans arme l'apostrophe
d'une voix dure et lui ordonnede le suivre. « Mais
lecombat dure encore, ditLeMonnier. — Ce n'est
pas le moment de craindre les balles », répond
l'inconnu , et il l'entraîne au milieu des morts.
Son conducteur, sans dire mot, le conduit jus-
qu'à son logement au Luxembourg. Chemin fai-
sant, il lui apprit qu'il était un ancien militaire
engagé par ses opinions politiques à diriger une
partie de l'attaque, et que, frappé de son air vé-
nérable, il s'était intéressé à lui. C'est à la suite
de ces événements qu'on vit ce vieillard presque
sans fortune établir une boutique d'herboriste à
Montrcuil et y recevoir gaîment un modique sa-
laire des hommes auxquels il avait si souvent
prodigué ses soins et son or; cependant ses
arftis, il faut le dire, ne l'abandonnèrent pas.
Deux de ses nièces faisaient tour à tour le
charme de cette société. Aussi répctait-il sou-
vent : « Mes dernières années ont été les plus heu-
reuses. » La plus jeune' voulut l'épouser : dès
lors elle ne le quitta plus pendant dix mois d'une
maladie douloureuse. Lors de la formation de
l'Institut, il tut nommé seulement associé parce
que son séjour hors de Paris ne permettait pas
de le déclarer membre résidant. On a de Lc-
monnier : Ergo cancer ulceratus cicutam élu-
dit? 1763, in-4°; —Leçons de Physique expé-
rimentale sur Véquilibre des liquides, etc.,
traduit de l'anglais, 1742; — Lettre sur la Cul-
ture du Café; Amsterdam et Paris, 1773, in-12;
et plusieurs Mémoires, dans le Recueil de l'Aca-
démie des Sciences de 1744 à 1752. Jacob.
Éloge de Le Monnier, dans les Mémoires de l'Institut,
an ix, tome lit.
lkmox m eu (Guillaume- Antoine), fabuliste
et traducteur français, né à Saint-Sauveur-Ie-Vi-
comte, en 1721,mortàParis,le 4 avril 1797. 11 fit
ses études au collège de Coutances et au collège
d'Harcourt à Paris. Chapelain de la Sainte-Cha-
pelle en 1743, il obtint plus tard une cure en
Normandie. Pendant la révolution, il fut arrêté,
conduit à la prison de Sainte-Marie-duMont, et
amené à la prison de Sainte-Pélagie à Paris.
Rendu à la liberté après le 9 thermidor, il était
sans ressource lorsque la Convention le mit sur
la liste des gens de lettres à qui elle accorda des
secours. Letonrneur de la Manche le fit nommer
bibliothécaire du Panthéon. On a de lui : Le Bon
Fils, ou Antoine Masson, pièce dont Philidor fit la
musique et qui fut représentée au Théâtre-Italien,
en 1773, sous le nom de Devaux; Paris, 1773;
— Comédies de Térence , traduites enfrançais,
avec le texte en regard; Paris, 1770, 3 vol.
in-8° avec fig.; — Satires de Perse, traduites
en français, Paris, 1771,in-8°; — Fables, Contes
et Épltres; Paris, 1773, in-S". Ses Fables ont
joui d'un succès mérité. J. V.
Mulot, Notice sur la vie de Lemonnier ; 1797, ln-8". —
— Descssarls, Les Siècles Littér. de la France. — Qué-
rard, La France JAttér.
lkmoxsîkr (Pierre- René), auteur dra-
matique français, né à Paris, en 1731, mort à
Metz, le 8 janvier 1796. Il fut secrétaire du ma-
réchal de Maillebois, puis commissaire des
guerres. On a de lui : Les Pèlerins de la Cour-
tille, parodie jouée à l'ancien Opéra-Comique;
1760; — Le Maître en Droit, opéra comique
en deux actes, joué à l'Opéra-Comique ; 1760,
in-8° ; — Le Cad) dupé , opéra comique en un
acte, joué à l'Opéra-Comique; 1761, in-8°; —
La Matrone chinoise, comédie en deux actes
mêlée d'ariettes, jouée au Théâtre-Italien;
1764, in 8°; — Renaud d'Ast, comédie en
deux actes, mêlée d'ariettes, tirée d'un conte de
La Fontaine, jouée au Théâtre-Italien ; 1765,
in-8°; — La Meunière de Gentilly , opéra
comique en un acte, joué au Théâtre-Italien;
1768, in 8°; — Le Mariage clandestin, comé-
die en trois actes et en vers libres , imitée de
Garrick, représentée au Théâtre-Français; Ams-
terdam et Paris, 1768, in-8° ; — V Union de VA*
j J625 LEM0NN1ER
| \tnour et des Arts, ballet héroïque à trois entrées,
I ijoué à l'Académie royale de Musique; 1773, in-4°;
\ L* Azolan, ou le serment indiscret, ballet hé-
| j roïque en trois actes, tiré d'un conte en vers de
I I Voltaire et joué à l'Opéra; 1774, in-4°. J. V.
I Biogr. vniv. et port, des Contemp. — Quérard, La
M France Litter.
lemowier (Ancinet- Charles-Gabriel) ,
I peintre français, né à Rouen, le 0 juin 1743,
j mort à Paris, le 17 août 1824. Il fit ses études au
I collège des jésuites de sa ville natale. Ses parents
I le destinaient au commerce; mais, cédant à une
j vocation marquée, il vint à Paris étudier la pein-
ture à l'école de Vien. Il s'y trouva condisciple
de David et de Vincent, à côté desquels il fit
I de rapides progrès. Dans sa jeunesse, il fut admis
I chez, MmeGeoffrin, qui l'avait pris en affection jus-
qu'à le tutoyer. En 1770, Lemonnier remporta le
grand prix de peinture sur le sujet As Molière et
sa famille. Il composa ensuite, d'après les ordres
du gouvernement, la Résurrection de Tabithe ,
tableau qui orne l'ancienne cathédrale deLisieux.
II se rendit à Rome, en 1774, en qualitéde pension-
naire de l'Académie de France. Il parcourut l'I-
talie, et setrouvaità Naplesen 1779, époqued'une
fameuse éruption du Vésuve , dont il reproduisit
plusieurs épisodes. Plus tard il fit un second voyage
à Rome, et fut bien accueilli par le cardinal de Ber-
nis, ambassadeur de France. De retour à Paris,
Lemonnier exposa au salon de 1785 son tableau de
Saint Charles Borromée, portant les secours
de lareligion aux pestiférés de Milan. «Toutes
les expressions de ce tableau, dit Landon, sont
pleines de sentiment, et les différentes parties de
l'art répondent à l'intérêt du sujet. » Le tableau de
Cléombrote fut exposé au salon de 1787. « Cet ou-
vrage, ajoute Landon, l'un des plus capitaux de
Lemonnier, est recommandable par le goût de la
composition, l'expression des personnages et la
fermeté du pinceau. « Deux fois exécuté en tapis-
serie , il est maintenant placé dans le château de
Versailles. David dit, en voyant le Cléombrote :
« Voilà un tableau d'excellent professeur. » En
1786, Louis XVI passa par Rouen, à son retour
de Cherbourg, où il était allé visiter les construc-
tions de ce port. Les notables commerçants de
la ville de Rouen furent présentés au roi , qui
leur fit un gracieux accueil. La chambre du
commerce, voulant perpétuer la mémoire de cet
événement , invita Lemonnier à le retracer sur la
toile. Ce grand tableau, composé de vingt-deux
figures, la plupart vêtues de noir, fut exposé au
salon du Louvre, en 1789; il fut ensuite placé
dans la salle des séances de la chambre du com-
merce de Rouen, où on le voit aujourd'hui. Les
traits de Louis XVI ont été fidèlement rendus
par l'artiste, qui avait obtenu une séance du roi.
Autour de ce prince sont placés, le duc d'Har-
court, gouverneur de la Normandie, le maré-
chal de Castries, ministre de la Marine, M. de
Villedeuil , intendant de la province , et plusieurs
autres personnes de la cour. Seize membres de
«26
la chambre du commerce, habilement groupés,
sont peints avec vérité. Sous le rapport de l'art,
pour l'entente du clair-obscur, l'harmonie des
lignes et des plans, ce sujet présentait de
grandes difficultés, qui ont été heureusement
surmontées. Le Génie du Commerce, allégorie,
ligure en face de la présentation de la chambre
du commerce à Louis XVI, et dans la môme
salle. Cette grande toile, de vingt-six pieds de
longueur, sur quatorze pieds de hauteur, ne
fut terminée qu'en 1791. Lemonnier était membre
de l'Académie royale de Peinture depuis 1789.
La Mort d'Antoine lui fournit le sujet de
son morceau de réception. Logé au Louvre du-
rant la révolution, il fit partie de la commis-
sion des monuments, ce qui le mit à même de
conserver une foule d'objets précieux. En 1794
le comité d'instruction publique ayant organisé
l'École de Médecine de Paris , Lemonnier fut
choisi pour remplir l'emploi de peintre-dessina-
teur de cette école : elle lui doit quatre beaux
portraits et beaucoup de dessins où des bizar-
reries de la nature sont fidèlement retracées. Les
Ambassadeurs romains venant demander à
l'Aréopage communication des loisdeSolon :
tel est le sujet d'un des bons tableaux de Lemon-
nier, qui fut exposé au salon de 1808. L'année
suivante, la place de directeur de l'académie
française de Rome se trouvant vacante, Lemon-
nier se mit sur les rangs. II obtint la majorité des
voix, dans la classe des Beaux-Arts de l'Institut;
mais un autre fut choisi par le chef de l'État.
Pour dédommager Lemonnier, on le nomma, en
1810, administrateur de la Manufacture des Ta-
pisseries de la couronne. Pendant les six années
qu'il dirigea cet établissement, il fit faire des
progrès à l'art de la tapisserie, et c'est durant
son administration que les Gobelins ont fourni
quelques-uns de leurs plus beaux ouvrages,
notamment, La Peste de Jaffa, d'après Gros.
Lemonnier avait reçu en 1814 la croix de
la Légion d'Honneur. Il fut destitué au mois
de mai 1816, sans motif connu, sans égard
pour son âge avancé et ses longs travaux. Peu
d'années après, la ville de Rouen protesta contre
cette inj ustice en lui votant une somme de 3,000 fr.
de rente. L'artiste ne voulut pas se laisser vaincre
en générosité , et fit hommage au muséum de
cette cité d'un de ses tableaux de grande dimen-
sion, représentant Les Adieux d'Ulysse et de
Pénélope à Icarius, qui avait figuré avec dis-
tinction à l'exposition de 1811. Le muséum de
Rouen, qui a été organisé par Lemonnier, contient
douze de ses ouvrages, dont les plus remarqua-
bles sont : La Peste de Milan, une Mission des
Apôtres, Jésus-Christ dans la Synagogue,
un Sinite parvulos venire ad me, etc. Tous ces
tableaux se distinguent par de beaux caractères
de tète, par la noblesse des expressions et par
une grande manière de draper. Quelque temps
avant la chute de l'empire, Lemonnier avait
exécuté pour l'impératrice Joséohine son tableau
627
LE MONNIER
d'Une Soirée chez madame Geoffrin ( gravé par
Jazet). Il entreprit fie lui donner deux pendants :
D'une nain octogénaire, mais guidée encore par
un génie plein de verdeur, il peignit Fran-
çois Ier recevant à Fontainebleau, clans la
galerie (le Diane, La Sainte Famille de Ra-
phaël (gravé par Debucourt), et Louis XIV
assistant, dans le parc de Versailles, à l'in-
auguration de la statue de Milon de Cro-
tone, du Puget. Ces trois sujets avaient pour
principale donnée de rassembler les personnages
qui ont illustré le siècle où les arts et les
lettres ont jeté te plus grand éclat en France. Le
prince Eugène acquit ces tableaux pour sa gale-
rie de Munich, et une médaille d'or, à son ef-
figie, exprima sa satisfaction à l'auteur. La Lec-
ture chez Mm0 Geojfiin offre un intérêt tout
particulier. Le peintre avait, connu la plupart
des personnages célèbres qu'on y voit figurés,
et les avait encore si bien présents à la mémoire
qu'on peut dire qu'il les peignit d'après nature.
Non-seulement il a copié les traits de leur phy-
sionomie, mais encore il a pu exprimer les ha-
bitudes de leur corps et ces riens qui sont tout
pour la ressemblance. Près de soixante figures,
groupées autour de Le Kain et de Mlle Clairon,
qui lisent une tragédie de Voltaire, remplissent
sans confusion un cadre assez étroit.
A. de Lacaze.
Landon, Annales du Minée, t. X, p 41 et i3;î. — Mer-
cure de France, 25 juin 1791. — Lemo:inier fils, Notice
historique sur la vie et les ovvrwjes de A.-C. G, Lemon-
nier; Pari>, I824.in-S°.
lemontey ( Pierre-Edouard), historien et
publiciste français, né à Lyon, le 14 janvier 1762,
mort à Paris, le 26 juin 1826. Ses parents, qui
étaient des commerçants, lui firent faire de bonnes
études, et le destinèrent au barreau. Il l'ut reçu
avocat à Lyon, en 1782, et exerça cette profession
jusqu'au moment de la révolution. Il se livra
en même temps à son goût naturel pour les let-
tres., et obtintdeux prix à l'Académie de Marseille,
l'un pour Y Éloge de Peiresc, l'autre pour VÉ-
loge de Coo/t, en 1789. Vers la même époque, il
mit sa plume au service des protestants, qui ré-
clamaient contre les restrictions de l'édit de
1787. Cet acte royal leur accordait l'état civil,
mais les excluait des fonctions publiques. Le-
montey combattit cette exclusion , et demanda
que les protestants pussent être électeurs et éli-
gibles aux états généraux. La question fut en
effet résolue en ce sens par l'administration
qu'inspirait Necker. Le jeune avocat était grand
admirateur du ministre , et il eut lapins grande
part à la rédaction de l'adresse que la ville de
Lyon envoya à Louis XVI pour demander le
rappel de Necker. ■< Nous avons un Henri IV, y
était-il dit, il nous faut un Sully. » Ce langage
était sincère dans la bouche de Lemontey, qui
avait toutes les idées de son temps , qui détestait
les abus de l'ancien régime, mais qui ne s'aban-
donnait pas aux passions révolutionnaires. Son
talent et ses opinions modérées le désignaient aux
— LEMONTEY 628
suffrages de ses concitoyens. D'abord nommé
membre du comité qui remplaça en 1789 les an-
ciennes autorités de Lyon , il fut appelé quelques
mois après à la place de procureur de la com-
mune, qu'il conserva jusqu'à son élection à l'As-
semblée législative comme député de Rhône-et-
Loire. Il fit partie de la minorité modérée de
cette assemblée, dont il fut élu président en dé-
cembre 1791; mais ses efforts et ceux de ses
collègues pour défendre la monarchie constitu-
tionnelle de 1790 furent inutiles, et après l'insur-
rection du 10 Août, il crut prudent de se sous-
traire par l'exil à la colère des vainqueurs. Il
passa en Suisse tout le temps de la terreur, et ne
revint à Lyon qu'en 1795. Nommé administra-
teur du district, il usa de son influence en faveur
des Lyonnais qui s'étaient dérobés par la fuite
aux vengeances révolutionnaires de 1793, et
obtint pour beaucoup d'entre eux leur radiation
de la liste des émigrés et la restitution de leurs
biens. En 1797 il vint s'établir à Paris, et se con-
sacra aux lettres. Un petit opéra, intitulé Palma,
ou le voyage en Grèce, qu'il fit jouer sur le
théâtre Feydeau, au mois d'août 1798, eut beau-
coup de succès, grâce à la musique de Plantade
et à des allusions contre le vandalisme de la ter-
reur. Son second opéra, Romagnesi, réussit
moins, et l'auteur abandonna un genre qui ne lui
convenait pas. En 1801 il publia Raison et Folie,
piquant recueil de mélanges qui contient des
morceaux remarquables, entre autres Les Cour-
tisans; Quelle Journée ! ou les sept Femmes;
Les Poulets sacrés ; Influence morale de la di-
vision du travail. On trouve dans ces divers
essais des idées, de l'observation, de l'esprit, de
la verve satirique; il ne leur manque, pour rap-
peler les mélanges de Voltaire, qu'un style plus
léger, une gaité plus facile, plus d'imprévu et de
grâce dans la plaisanterie. Lemontey était un
écrivain de beaucoup de sens et de savoir, un
moraliste caustique ; il n'était pas dénué d'ima-
gination, mais il eut toujours, surtout dans les
sujets légers, quelque chose de lourd et de vul-
gaire. Ces défauts sont sensibles dans une suite
de Raison et Folie, qu'il publia sous le titre des
Observateurs de la Femme, opusculequi abonde
d'ailleurs en traits piquants et en réflexions
fines. On trouve les mêmes défauts, mais sans
aucune qualité, dans trois ouvrages de circons-
tances qu'il écrivit pour reconnaître les faveurs
de l'empereur Napoléon. Malgré sa fortune, qui
lui permettait de vivre indépendant, malgré des
habitudes d'économie qui lui rendaient superflue
une augmentation de fortune, il plia son humeur
chagrine à solliciter les bienfaits du pouvoir.
Nommé, lors de la création des droits réunis,
membre du conseil de cette administration, il
joignit à cette sinécure la place de chef d'un
bureau de poiiee littéraire. Enfin il fut chargé,
moyennant une pension de 6,000 f., d'écrire une,
histoire delà France au dix-huitième siècle. Les
archives de. l'État lui furent ouvertes, et il en
629
tira les matériaux d'un ouvrage qui ne répond
pas aux intentions du princequi l'avait demandé,
et que l'auteur s'abstint prudemment de publier.
Lemontey, sans aucune indépendance dans le ca
Iractère, avait un certain courage d'esprit, et
I s'il se montra très-attaché à ses places, il ne fut
pas ouvertement infidèle à ses opinions politi-
ques. La première restauration lui donna la
croix de la Légion d'Honneur et lui laissa ses
places et sa pension , moins le traitement aux
Broits-Réunis. Pendant les Cent-Jours Fouché le
rappela au bureau de la librairie. Il perdit cette
place à la seconde restauration , et fut nommé.
un des examinateurs des ouvrages dramatiques.
Cet emploi ne l'empêcha pas d'écrire daus les
journaux de l'opposition, Le Constitutionnel,
La Minerve , mais toujours avec assez de ré-
serve pour ne pas se brouiller avec le pouvoir.
Le* régime libéral de la restauration lui permit
de publier divers ouvrages préparés sous l'em-
pire, entre autres son Essai sur l'établissement
monarchique de Louis XI V. Ce livre, fondé sur
des documents alors peu connus ou même iné-
dits, contient beaucoup de vues neuves et des
.aperçus d'une grande portée. Lemontey a si-
gnalé le premier que la véritable originalité du
règne de Louis XIV consiste dans l'adminis-
tration intérieure; il a montré aussi que la cen-
tralisation excessive inaugurée par Louis XIV,
ce roi « novateur et révolutionnaire », prépara
la ruine d'un pouvoir qu'elle avait rendu d'abord
plus éclatant et plus facile. Son portrait du
grand roi a paru sévère; ses réflexions sur le
caractère français ne sont pas moins amères ;
mais si l'on fait la part d'une certaine rudesse
d'expression qui conviendrait mieux à un mo-
raliste satirique qu'à un historien , on reconnaît
que Lemontey a presque toujours rencontré
juste dans ses jugements. Cet Essai formait
l'introduction d'une Histoire de la Régence qui
parut après la mort de l'auteur. On retrouve
dans cet ouvrage le même esprit pénétrant et
sarcastique, les mêmes recherches solides et
neuves. Lemontey fut élu membre de l'Acadé-
mie Française au mois de mars 1819. 11 y succéda
à son compatriote Morellet. 11 lut dans les
séances particulières de cette compagnie plusieurs
notices sur des personnages célèbres du dix-
septième siècle et une curieuse Étude sur les
origines historiques de Paul et Virginie. Dans
la séance du 25 août ! 825, il prononça Y Éloge de
Vicq-d'Azyr. Ce fut son dernier ouvrage. Sa
santé s'altéra gravement dès le commencement
de 1826, et au mois de mai, à la suite d'une
longue marche faite par un temps chaud , il
tomba malade, et s'alita pour ne plus se relever.
On attribua sa mort à son avarice, qui l'avait
empêché de prendre une voiture (I). Malgré des
(1) C'est ce que prétend la Biographie des frères Mi-
ohaud. La notice imprimée en tête des OEuvres de lemon-
tey donne sur sa dernière maladie des détails différents
et curieux, « Dés le commencement de 182G, dit-elle, il
LEMONTEY 630
habitudes parcimonieuses qui se trahissaient
jusque dans ses habits, il aimait le monde et il
en était recherché ; on a même prétendu qu'il
s'était assuré trois cent soixante invitations par
an. Du reste, cet homme si avare pour lui-même
était obligeant pour les autres, et on trouva dans
ses papiers la preuve qu'il avait rendu à des
amis de nombreux services pécuniaires. Sa for-
tune considérable passa à des collatéraux. On
a de lui : Du Droit des non-catholiques aux
états généraux, ou examen impartial d'un
écrit intitulé : Réflexions sur la question
de savoir si les protestants peuvent être élec-
lecteurs et éligibles pour les états généraux ;
(Lyon), 1789, in-8°; — Eloge de Jacques Cook,
avec des notes , discours qui a remporté le
prix au jugement de l'Académie de Marseille,
le 25 août 1789; Paris, 1792, in-8° ; — Palma,
ou le voyage en Grèce , opéra en deux actes
(prose et vers); Paris, 1799, in-8° ; —Raison,
Folie, chacun son mot , ou petit cours de mo-
rale mis à la portée des vieux enfants; Paris,
1801, m-80; — Récit exact de ce quis'est passé
à la Société des Observateurs de la Femme,
le mardi 2 novembre 1802; Paris, 1803,
in-18. Cet opuscule, dirigé contre une société
qui s'intitulait les Observateurs de l'Homme,
a été joint à Raison et Folie dans la troisième édi-
tion, augmentée de quelques dissertations à peu
près philosophiques et de quatre contes iné-
dits : La Nourriture d'un Prince, ou le danger
des coutumes étrangères; Le Pécheur du Da-
nube; Le Jardinier de Samos, ou le père du sé-
nat; L'Enfant de l'Europe, ou le dîner des
libéraux à Paris, en 1814; Paris, 1816, 2 vol.
in-8"; _ irons-nous à Paris? ou la famille
du Jura, roman plein de vérité; Paris,
1805, in-12; — La Vie du Soldat français, en
trois dialogues, composée par un conscrit du
déparlement de l'Ardèche, et dédiée à son
colonel; Paris, 1805, in-8°; — Thibaut, ou la
naissance d'un comte de Champagne; poème
en quatre chants, sans préface et sans no-
tes, trad. de la langue romane sur l'origi-
nal composé en 1200 par Robert de Sor-
bomie, clerc du diocèse de Reims; Paris,
éprouva divers symptômes fâcheux. Cne légère blessure
au pied eut des suites plus graves qu'on ne devait le sup-
poser, et le força de garder longtemps la chambre. Accou-
tumé à une vie actlve.il se plaignnit souvent du repos
auquel il était condamné, l'eu de temps après il eut une
ophthaluiie accompagnée de phénomènes singuliers. Un
soir, en rentrant chez lui, il crut voir la neige tomber à
gros flocons, quoique nous fussions au mois de mars; l'il-
lusion était si complète, qu'il ne cessait de secouer la pré-
tendue neige de ses habits. Arrivé dans son appartement,
sitôt que ses yeux furent frappes par la lumière, les flo-
cons de neige se changèrent en une multitude de papillons
noirs dont sa chambre lui parut remplie.... Depuis ce
moment il fut obligé à de grands ménagements et à un
régime suivi.... Vers la fin de mai, Il se rendit à Sceaux,
chez l'amiral russe Tzitztakoff ; il y était depuis quelque
temps, lorsqu'il tomba dangereusement malade. Il fut ra-
mené à Parlsdans un état déplorable, et mourut après une
courte maladie. »
631
LEMONTEY
1811, in-8" : ouvrage composé à l'occasion de la
naissance du fils de Napoléon ; — Essai sw l'é-
tablissement monarchique de Louis XIV, et
sur les altérations qu'il éprouva pendant la
vie de ce prince, morceau servant d' 'intro-
duction à une histoire critique de la France
depuis la mort de Louis XIV, précédé de
nouveaux Mémoires de Dangeau, contenant
environ mille articles inédits sur les événe-
ments, les personnes, les usages, les mœurs
de son temps, avec des notes autographes,
curieuses, anecdotiques ajoutées à ces mé-
moires par un courtisan de la même époque;
Paris, 1818, in-80;— Des bons Effets de la
Caisse d'Épargne et de Prévoyance, ou trois
visites de M. Brune; Paris, 1819, in-12; Lille,
1821, in-12;— Élude littéraire sur la partie
historique de Paul et Virginie , accompagnée
de pièces officielles relatives au naufrage du
vaisseau Le Saint-Géran ; Paris, 1 823, in-8° ; —
De la Précision considérée dans le style, les
langues et la pantomime; Paris, 1824, in-8°;
— De la Peste de Marseille et de la Provence
pendant les années 1720-21. Chapitre extrait
d'un ouvrage inédit intitulé : Histoire criti-
que de la France depuis la mort de Louis XIV;
Paris, 1821, in-8° ; — Notices sur Mme de La
Fayette, M™ et W^ Deshoulières, lues à l'A-
cadémie française ; Paris, l822,in-8°; —Notice
sur Claude-Adrien Helvélius; Paris, 1823,
in-8°;— Notice sur M"* Clairon; Paris, 1823,
in-8° ; — Histoire de la Régence et de la Mi-
norité de Louis XV jusqu'au ministère du
cardinal de Fleury; Paris, 1832, 2 vol. in-8°.
Lemontey avait préparé une édition de ses Œu-
vres, d'où il avait exclu son petit écrit en faveur
des protestants, et ses trois ouvrages de circons-
tance sous l'empire; elle parut après sa mort;
Paris, 1829, 5 vol. in-8° : elle contient, outre la
plupart des ouvrages cités plus haut, un certain
nombre de notices que Lemontey destinait à la
galerie française savoir : Marguerite de Valois,
reine de Navarre ; François de Guise, le Ba-
lafré; Jeanne d1 Albret ; Gaspard de Coligny;
J.-A. de Thou. J.-Fr.-Paul de Gondi , car-
dinal de Retz; Anne-Geneviève dît Bourbon,
princesse de Condé, duchesse de Longueville ;
Chaulieu; Adrienne Découvreur. L. J.
Villetuain, Ditcours prononcé aux funérailles de Le-
montey. — Btgnan , Notice sur Lemontey ; dans la Revue
encyclopédique, vol. XXXI, p. Î82. — Dugas-Monlbel, lans
Y Annuaire nécrologique de Mahul, année 1826. — notice
en têle àcsOEuvres de Lemontey. — Revue Française,
n° XIV, mars 1830.
1 LEMORT (Jacques), chimiste hollandais, né
à Harlem, le 13 octobre 1650, mortà Utrecht, le
1er mars 1718. Destiné par son père à l'état
ecclésiastique, il étudia d'abord la tbéologie ; plus
lard il s'adonnaaux sciences naturelles, et ouvrit
à Leyde un cours public de pharmacie et de
chimie. La jalousie des professeurs de la faculté,
qui le firent interdire et condamner à une
amende, le décida à aller s'établir à Utrecht, où
— LEMOS 632
il obtint, eu 1702, la chaire de chimie, qu'il oc-
cupa jusqu'à sa mort. On a de lui : Chymia
medico-physica , rationibus et experimentis
superstructa ; Leyde, 1676, in-4°; ibid., 1684,
in-8°; — Compendium Chymicum; Leyde,
1682, in-12; — Pharmacia medico-Pliysica,
rationibus et experimentis instructa, neenon
observationibus medicis illustrata; Leyde,
1684, in-8°; ibid., 1685 et 1688, in-8°; —Chy-
mia rationibus et experimentis auctoribus ,
iisque demonstrativis superstructa , in qua
malevolorum cotumniœ modeste simul di-
luuntur; Leyde, 1688, in-8°; — Idea aclionis
corporum, molum inteslinum, preescrlimfer-
mentationem, delineans ; Leyde, 1693, in-12 ;
— Chymix veree Nobilitas et militas in phy-
sica corpusculari, theoria medica, ejusque
materie et signis ; Leyde, 1696, in-4°; — De
Concordantia Operationum Naturee, chymix
et medicinx; Leyde, 1702, in-12; — Théorise
medicinx fundamenta novanliqua; Leyde,
1700 et 1718, in-8°; — Faciès et Pulchri-
tudo Chymix ab adficlis maculis purificata
et ad veras naturx et sut artis leges exor-
nata; Londres, 1700, in-8°;Leyde, 1712, in-8".
Dr L.
Biographie médicale. — Hoefer, IJistoirede la Chimie.
lemos (Thomas de), tbéologien espagnol,
né à Rivadavia, en Calice, vers 1560, mort
le 23 août 1629. 11 entra jeune dans l'ordre de
Saint-Dominique, devint professeur de théologie
à Valladolid en 1594, et se signala par son zèle
contre le molinisme naissant. Son ordre le
chargea d'aller soutenir à Rome les doctrines
de saint Augustin et de saint Thomas. La con-
troverse entamée devant Clément VIII continua
sous Paul V, et n'eut pas de résultat décisif.
Les papes s'abstinrent de donner une décision
sur cet obscur sujet de la grâce. Lemos , qui
dans plus de quarante disputes publiques avait
défendu, avec du savoir et de l'éloquence, les
doctrines dominicaines, fut nommé en 1607 con-
sulteur de la sainte et universelle inquisition
romaine. Il passa les dernières années de sa vie
au couvent delà Minerva . Ses principaux ouvrages
sont : Panoplia Grattas, seu de rationaliscrea-
turx infinem supernaturalem gratuita , di-
vina, suavipotente ordinatione, ductu, me-
diis, liberoque progressu, dissertationes
theologicx ; Beziers (avec la fausse indication
de Liège), 1676, 4 t. in- fol ; — Acta omnium
Congregationumacdisputalionum qux coram
SS. Clémente VIII et Paulo V summ'ts ponli-
ficibus sunt celebratx in causa et conlroversia
illa magna de auxiliis divinx gratise, quas
dispulationes ego F. Thomas de Lemos eadem
gratta adjutus sustinui contra plures ex So-
cietate; Louvain, 1702, in-fol. Z.
J. H. Serry, fie de Th. de Lemos, en têle des Jeta
omnia. — Nie Antonio, Ribliotheca Hispana nova. —
Quétif et Échard. Scriptores Ordinis Prœdicutorum.
lemos (Don Pedro-Fernandez de Castro
marquis de Sarria, comte de), homme d'État
633 LEMOS -
L né à Madrid, vers 1576, mort dans la même ville,
bien 1G22. Destiné par sa naissance aux grandes
[charges militaires, il entra de bonne heure au
■service, et se distingua dans les campagnes de
■Flandre. (I se rit aussi remarquer par la protec-
[jtion qu'il accordait aux littérateurs. Il n'était
Meneore que marquis de Sarria lorsqu'il eut Lope
jde Vega pour secrétaire. Ce poëte lui écrivait
i\ dans la suite : « Vous savez combien je vous
naime et vous vénère, et que bien des nuits j'ai
)| dormi à vos pieds comme un chien. » Plus tard
m le marquis de Sarria, devenu comte de Lemos, fut
(le patron de Cervantes et des Argensolas. Il
I épousa une fille du comte de Lerme, et grâce à la
U faveur du tout-puissant ministre, il s'éleva aux
il plus hautes dignités. Président du conseil des
| Indes en 1603, capitaine général en 1604, il devint
! vice-roi de Naples en 1610. Ce fut la plus brillante
I période de sa vie. Il tenait à Naples un cours litté-
j raire dont les frères Argensolas étaient les prin-
| cipaux ornements, et déployait une magnificence
j royale. La chute du comte de Lerme en 1618
i amena celle du comte de Lemos, qui passa dans
Ila disgrâce les dernières années de sa vie. Z.
J. "ïafiez, JHemorias para la historia de don Fe-
lippe III, rey de Espafta. — Watson, History ofthe
i Hiegn of Philippe III. — Ticknor, History of Spanish
Literature, t. II. p. 1J3.
lemos mesa ( Manoel de ) , jurisconsulte
i portugais, né à Estremoz, en 1670, mort en 1744.
Il a laissé sur les premiers temps delà colonisa-
tion du Brésil un opuscule fort curieux, et quia
pour titre : Doaçao da Capitania de Porto se-
guro em favor de Pedro Tourinho, etc. Cette
pièce précieuse, imprimée à Madrid, sans date,
est devenue introuvable ; elle renferme les con-
ditions auxquelles fut vendue la province la plus
anciennement connue d'un vaste empire, lorsque
Leonor de Campo Tourinho la céda après la mort
de son père. F. D.
Documents particuliers.
LEMOS DE FARIA E CASTRO ( Damiào-
Anlonio de ), géographe et historien portugais,
né en 1715, à Villanova de Portimâo, dans le
royaume des Algarves, mort en 1789. On lui doit
Historia gérai de Portugal et suas conquis-
tas; Lisbonne, 1786,1804, 20 vol. in-8°. Cette
histoire, dépourvue de critique, commence au
mariage du comte don Henrique avec Dona
Theresa, et va jusqu'au règne de Philippe II ; on l'a
réimprimée partiellement en 1830 et 1831 ; — Po-
litica moral e civil, in-4°. Ce grand traité fait
partie de l'histoire générale. F. D.
J. R. da Sylva Lop^s, Chorographia ou memoria eco-
nomica estatisticue topographica do Iieino do Jlyarve;
Llsb., 18*1, 111-8". — César de Figaniere, Hibliographia
historica Portugueza.
lemot {François-Frédéric) , sculpteur, né
à Lyon, en 1773, mortà Paris, en 1827. Fils d'un
simple menuisier, il apprit à Besançon les pre-
miers principes du dessin ; puis étant venu à
Paris compléter ses études, il y devint le meil-
leur élève de Dejoux. Il remporta à dix-sept ans
le premier grand prix ; le sujet du bas-relief de
LEMOYNE
634
concours était le jugement de Salomon. Il était
à Rome comme pensionnaire de l'académie,
quand la révolution vint l'arracher à ses études
pour le jeter dans les rangs de l'armée du Rhin,
avec laquelle il fit plusieurs campagnes. Rappelé
à Paris en 1795 pour coopérer à l'érection d'une
statue colossale du peuple français imaginée par
David et décrétée par la Convention , il fut chargé
dès lors de nombreux travaux ; on lui demanda
un Numa Pompilius pour le conseil des Cinq
Cents, un Cicéron pour le tribunal, un Léonidas
aux Thermopyles pour le sénat, un Brutus.uu
Lycurgue et un bas-relief allégorique pour le
Corps législatif. En 1801 il exposa une bac-
chante en marbre, qui fut acquise par le premier
consul, et en 1804 un buste de Jean Bart, qui fut
envoyé par Napoléon à la ville de Dunkerque. En
1808 il fit le char et les deux figures de plomb
doré destinés à accompagner sur l'arc du Car-
rousel les fameux chevaux de Venise, et qui fu-
rent enlevés ainsi qu'eux en 1815. En 1808 Le-
mot sculpta le grand bas-relief du fronton du
Louvre, dont la figure principale, changée par la
restauration, représentait Napoléon sur un char
de triomphe. Ce vaste travail fut jugé digne du
prix décennal ; il le méritait, ne fût-ce que par la
difficulté vaincue. Lemot mit au salon en 1810
la statue de Murât et un dessin du fronton du
Louvre; en 1812, La Rêverie, figure couchée,
et Hébé versant le nectar à l'aigle de Jupiter.
Lorsque les Bourbons rentrèrent en France en
1814, un de leurs premiers soins fut de charger
Lemot de refaire la statue équestre d'Henri IV,
placée autrefois su rie terre-plein du Pont-Neuf et
renversée à la révolution. Cette nouvelle statue
ne fut érigéee qu'en 1817. On lui demanda aussi
la belle statue équestre de Louis XIV, également
en bronze, qui fut inaugurée à Lyon sur la place
Bellecour, le 4 novembre 1826.
On doit encore à Lemot une Renommée, bas-
relief placé sous le vestibuledu palais du Luxem-
bourg, un modèle en plâtre de la statue du gé-
néral Corbineau, enfin un Apollon, figure colos-
sale, que la mort ne lui permit pas d'achever.
Depuis 1805, Lemot était membre de l'Ins-
titut , et professeur à l'Académie des Beaux-
Arts ; à ce titre il a formé plusieurs de nos plus
habiles sculpteurs , et entre autres Denis Foya-
tier. La restauration lui décerna le titre de ba-
ron. Dans les dernières années de sa vie, il
était devenu propriétaire des précieuses et pit-
toresques ruines du château de Clisson , et il
a bien mérité des archéologues et des artistes
en les conservant avec le plus grand soin et en
publiant en 1817 un vol. in-4" intitulé : Notice
historique sur la ville et le château de Clis-
son. E. B— n.
Gabct , Dictionnaire des artistes de l'école française
au dix-neuvième siècle. — Dulaure, Histoire de Paris.
— C. J. Cl) t, Panorama de la ville de Lyon.
lemoyne d'iberville, navigateur cana-
dien , né à Montréal, en 1642, mort à la Ha-
635
LEMOYNE
636
vane, le 9 juillet 1706, était le second des huit
fils de Charles Lemoyne de Longueil , gentil-
homme normand établi depuis 1640 au Canada,
où il semble avoir joui d'une certaine influence,
puisque trois cantons de la colonie le choisirent
en 1684 pour ménager la paix entre eux et les
Français. Les sept frères d'iberville, qui tous
prirent part, ou avec lui ou séparément, aux
événements dont le Canada fut le théâtre pen-
dant les dernières années du dix-septième siècle
et les premières du dix-huitième, se nommaient:
Lemoyne de Longueil , Lemoyne de Sainte-Hé-
lène, Lemoyne de Maricourt, Lemoyne de Séri-
gny et Lemoyne de Châteauguay; les deux der-
niers paraissent avoir porté l'un et l'autre le
nom de Lemoyne de Bienville. D'iberville, qui se
livrait à la navigation dès son plus jeune âge,
s'était fait une. grande réputation de bravoure et
de capacité lorsqu'en 1686 le gouverneur d'É-
nouville jeta les yeux sur lui et ses deux frères
Sainte-Hélène et Maricourt pour expulser les
Anglais des forts Monsipi, Ripert et Kichi-
chouanne, qu'ils avaient construits dans la baie
d'Hudson, où ils s'étaient en outre emparés du
fort Bourbon , dont ils avaient changé le nom en
celui de Nelson. Partie de Montréal, au mois de
mars, sous le commandement supérieur du
chevalier de Troyes, capitaine d'infanterie à
Québec, l'expédition eut à surmonter tant de
fatigues et de privations dans sa route à travers
des marais et des chemins non frayés qu'à son
arrivée, le 20 juin, devant Monsipi, elle était ré-
duite à quatre-vingt-deux hommes. Quoi qu'il en
soit, le fort fut immédiatement attaqué, d'un côté
par d'iberville et Sainte-Hélène, de l'autre par
de Troyes et Maricourt; et bien que sa position
sur une éminence concourût, avec les ouvrages
dont il se composait , à en rendre la conquête
difficile et périlleuse, il lui fallut céder devant
l'impétuosité des Français, devant celle surtout
d'iberville et de Maricourt qui payèrent brave-
ment de leur personne. Tous deux, accompa-
gnés de neuf hommes seulement, surprirent et
enlevèrent, le 1er juillet suivant, un bâtiment de
guerre anglais mouillé devant le fort Ripert, que
Sainte- Hélène venait de reconnaître, et ils
firent plusieurs prisonniers, au nombre desquels
était le gouverneur général de la baie d'Hudson,
pendant que de Troyes prenait et détruisait le
fort. Peu après, le fort Kichichouanne se rendit
à Sainte-Hélène et à d'iberville, auquel Frontenac
en confia la garde, quand la rupture de la paix
de Nimègue étendit à l'Amérique la guerre re-
commencée en Europe. Les Anglais vinrent
bientôt l'attaquer, mais sans succès. Au com-
mencement de l'année 1690, accompagné de
Maricourt, il les contraignit à incendier eux-
mêmes le fort de Newsavanne dont il se serait
infailliblement rendu maître, et après avoir hi-
verné à Sainte- Anne (c'était le nom qu'il avait
donné au fort de Kichichouanne), il résolut de
passer en Fiance pour y vendre les pelleteries
fruit de sa conquête, mais plus encore pour se
concerter sur les moyens de reprendre le fort
Nelson ou Bourbon avec le gouvernement fran-
çais et la compagnie de la baie d'Hudson qui
avaient également à cœur de le recouvrer.
Pendant son absence, ses frères continuèrent
de se montrer les intrépides défenseurs du .
Canada, alors en butte aux attaques non-
seulement des Anglais, mais encore des Iro-
quois et de quelques autres tribus indiennes
dont ils avaient su nous faire des ennemis. Le
gouverneur français, de Frontenac, s'élant dé-
cidé à attaquer les Anglais dans leurs propres'
possessions, avait arrêté une expédition contre
Corlav , grosse bourgade de la Nouvelle-York.
Suinte-Hélène partagea avec M. d'Aillebout le
commandement des troupes, qui s'emparèrent
des fortifications établies sur ce point. Quand peu
après l'amiral Phips fut venu prendre position,
avec trente-quatre bâtiments de guerre, du côté
de Beauport, dans le grand bassin que forme le
Saint-Laurent au-dessous de Québec, et eut
adressé au comte de Frontenac une sommation
insolente de se rendre sous une heure, Sainte-
Hélène prouva combien le gouverneur avait été
fondé à compter sur le courage de ses officiers
en motivant son énergique refus sur le concours
qu'il attendait d'eux. Pointant lui-même les
pièces dirigées contre le vaisseau amiral, il lui
tua un si grand nombre d'hommes et lui fit
éprouver de telles avaries que , pour ne pas
couler, il dut aller se cacher et se radouber
derrière le Cap aux Diamants, où les autres
vaisseaux le suivirent. A quelques jours de là
l'intrépide Sainte-Hélène mourait blessé par une
arme qu'on soupçonna empoisonnée, dans une
affaire sur le bord de la rivière Saint-Charles,
affaire où, avec son frère de Longueil, il avait
empêché les Anglais de franchir cette rivière.
Les Canadiens, qui l'adoraient, furent tellement
exaspérés de sa mort qu'ils redoublèrent d'é-
nergie pour la venger, et y parvinrent promp-
tement. Ceux des ennemis qui avaient débar-
qué abandonnèrent leurs canons et regagnèrent
leurs vaisseaux, qui eux-mêmes s'éloignèrent
au plus vite, à l'exception de neuf, désemparés
au point de ne pouvoir mettre à la voile. Reve-
nons à d'iberville. A son arrivée en France, il
avait été nommé capitaine de frégate Reparti
de La Rochelle, sur L 'Envieux, commandé par
M. Bonaventure , il avait l'ordre de prendre à
Québec le commandement de la frégate Le Poli,
qui attaquerait le fort Nelson avec deux autres
bâtiments fournis par la compagnie. Mais,
n'ayant pu appareiller aussi promptement qu'il
le désirait, contrarié d'ailleurs par les vents,
pendant sa traversée, il n'arriva à Québec que
le 18 octobre 1692, trop tard pour que l'expé-
dition pût être entreprise avec succès. En at-
tendant , il obtint que Le Poli et L'Envieux
iraient attaquer par mer le fort dePemkuit, en
Acadie, que le chevalier de Villebon investirait
637
LEMOYNË
638
simultanément par terre. Ce projet n'eut pas les
suites qu'on s'en était promises, d'Iberville, à
son arrivée devant le fort, ayant reconnu qu'il
était trop bien défendu pour qu'on pût, sans une
folle témérité, hasarder une attaque. Enfin, au
mois de septembre de l'année suivante, il put
satisfaire son impatient désir de restituer à la
France le fort Nelson, contre lequel avaient été
envoyées les deux frégates Le Poli et La Sala-
mandre, cette dernière commandée parSérigny,
comme lui l'un des chefs de l'expédition. Le
succès couronna l'entreprise après quinze jours
de siège, mais non sans' douleur pour les deux
Chefs, qui y perdirent leur frère de Chateau-
guay.
Repassé en France, où il arriva le 9 octobre
1G95, d'Iberville en ramena les navires L'En-
vieux et Le Profond, avec lesquels lui et le ca-
pitaine Bonaventure prirent et détruisirent cette
fois (juillet 1696) le fort de Pemkuit, après avoir,
chemin faisant, capturé un vaisseau anglais.
D'Iberville se rendit ensuite dans la baie de Plai-
sance, où il s'attendait à trouver M. de Brouillan,
qui devait l'attendre avec le vaisseau de guerre
Le Pélican et huit bâtiments malouins pour qu'ils
s'emparassent ensemble de Saint- Jean, le prin-
cipal des établissements anglais à Terre-Neuve.
Mais, à son arrivée, le 12 septembre, il ne vit
point M. de Brouillan; depuis trois jours il s'é-
tait éloigné avec ses neuf bâtiments pour atta-
quer seul Saint-Jean , contrairement à leurs
conventions. Ce dernier, homme violent, cupide
et jaloux, n'ayant pas réussi, revint au mouil-
lage de Plaisance, mais se refusa longtemps à
seconder d'Iberville dans une opération contre la
partie nord de l'Ile, mal gardée par les Anglais.
11 finit bien par adhérer au projet d'Iberville, à
la condition que le commandement supérieur
lui serait personnellement dévolu ; mais il lui
suscita une foule d'obstacles et de mauvais pro-
cédés auxquels ce dernier opposa une constante
modération. Toutefois, la crainte de pousser
trop loin le mécontentement des Canadiens, ir-
rités de sa conduite peu loyale, le décida à mar-
cher sur Saint-Jean, dont la conquête fournit à
d'Iberville plus d'une occasion de signaler sa ca-
pacité et sa bravoure réfléchie. Pendant les
deux mois qui suivirent, d'Iberville, agissant
sans le concours de Brouillan, remporta sur les
Anglais de si nombreux succès qu'il ne leur resta
plus dans toute l'île que deux quartiers , qu'il
aurait soumis s'il avait reçu de France les se-
cours qu'il y avait demandés. Quand Sérigny ar-
riva de France avec une division, le 18 mai
1697, il lui fallut, d'après les ordres du gouver-
nement, renoncer à achever la conquête de Terre-
Neuve pour entreprendre celle du fort Nelson,
que les Anglais avaient repris au mois de sep-
tembre 1696. D'Iberville mit à la voile le 8 juillet
1697 avec cinq navires, dont un fut brisé parles
glaces le 3 août. Trois autres s'étant séparés de
lui par suite de l'épaisseur des brumes et des
rudes secousses que leur avaient fait essuyer les
glaces charriées par de violents courants, Le
Pélican, de cinquante canons qu'il montait, se
présenta seul devant le fort Nelson, le 4 sep-
tembre. Le lendemain, de grand matin, il re-
connut, à trois lieues sous le vent, trois vais-
seaux anglais qui manœuvraient pour entrer
dans la baie. Certain d'être attaqué au mouil-
lage, où il aurait alors été placé entre deux feux
également redoutables, d'Iberville préféra aller
au-devant de l'ennemi. Cette détermination eut
un succès qu'on ne devait pas espérer. Par une
série de manœuvres habilement calculées, il
réussit à prendre un des navires ennemis, à en
couler un autre et à faire s'éloigner le troisième.
Chassé le lendemain par une violente tempête de
son mouillage, qu'il avait regagné , Le Pélican
sombra à l'entrée de la rivière Sainte-Thérèse;
mais fort heureusement pour d'Iberville, qui avait
pu se sauver avec son équipage, il y retrouva les
trois navires qui s'éiaient séparés de lui et qui
l'aidèrent à prendre le fort après quatre jours de
bombardement.
Le but de l'expédition ainsi atteint, d'Iberville
revint en France, où son premier soin fut de sug-
gérer à M. de Pontchartrain l'idée de profiter de
la paix, récemment signée à Kiswick, pour tenter
de nouveau la reconnaissance de l'embouchure
du Mississipi, reconnaissance que l'intrépide
La Sale avait été si fatalement empêché d'ac-
complir onze ans auparavant. A ce projet se
joignait celui d'élever un fort à l'embouchure du
fleuve. L'un et l'autre obtinrent l'assentiment
du gouvernement français. Avec La Renommée,
qu'il commandait, et Le Français, sous les or-
dres du marquis Châteaumorand , il appareilla
deRochefort, et relâcha à Saint-Domingue, où il
eut avec Ducasse un entretien dans lequel il lui
développa ses plans, dont ce grand homme fut si
impressionné qu'il en témoigna son admiration
à M. de Pontchartrain. Arrivé, le 27 janvier
1699, dans la baie de Pensacola, et quatre jours
après, se hâtant de prendre les devants sur les
Espagnols qui venaient de s'établir en cet en-
droit, dans le même but que lui, il jeta l'ancre
au sud sud-est de la pointe orientale de la Mo-
bile, rivière parallèle au Mississipi, et débarqua,
le 2 février, dans une île voisine, de quatre
lieues de circuit, à laquelle il donna le nom d'île
du Massacre, parce que, vers la pointe sud-
ouest, il trouva les têtes et les ossements d'en-
viron soixante personnes, qu'il présuma y avoir
été tuées. Ayant ensuite gagné la terre ferme, il
découvrit la rivière du Pascagoulas, et, accom-
pagné de son frère Bienville, le jeune, d'un re-
ligieux etde quarante-huithommes, tous montés
sur des barques longues, et emportant pour quinze
jours de vivres, il se mit à la recherche du
Mississipi, que les Indiens appelaient Malbou-
chia, et les Espagnols la Palissade. Entré
enfin dans ce fleuve, le 2 mars, il trouva que ce
dernier nom convenait assez à l'embouchure
639
I.EMOYJNE
640
cherchée, hérissée qu'elle était d'arbres inces-
samment charriés par les courants. Sa recon-
naissance terminée, il revint sur ses pas, pour
faire part de sa découverte à M. de Château-
morand, qui reprit aussitôt la route de France
afin d'y apporter sans retard cette importante
nouvelle. Quant à d'Iberville, poursuivant ses
explorations, il rentra dans le fleuve, constata
plusieurs erreurs dans la relation attribuée à
Tonti (1) et dans la description de la Louisiane
du P. Hennepin, qu'il avait déjà trouvé en défaut
sur plusieurs points du Canada et de la baie
d'Hudson , arriva au village du Bayagoulas ,
composé de sept cents cabanes, et monta ensuite
jusqu'aux Oumas, où il trouva une lettre écrite
au mois d'avril 1685 à La Sale par Tonti, et dé-
posée par ce dernier dans le creux d'un arbre,
lorsqu'il s'était décidé à descendre le Mississipi
pour venir au-devant de son infortuné compa-
gnon , après l'avoir longtemps attendu au point
de rencontre convenu entre eux. Rassuré par
cette lettre sur l'appréhension qu'il avait conçue
de ne plus être dans le fleuve, il revint dans la
baie du Biloxi, entre la Mobile et le Mississipi;
et, après y avoir construit, à trois lieues de la
rivière du Pascagoulas, un fort dont il nomma
M. de Sauf oie commandant, et Bienville lieute-
nant, il repassa en France. Il n'y séjourna pas
longtemps, car le 8 janvier 1700 il était de re-
tour au Biloxi. 11 se hâta , à son arrivé* , de
renouveler la prise de possession faite plus de
vingt ans auparavant par La Sale, et de cons-
truire sur le bord du fleuve un petit fort armé
de quatre canons , dont il confia le commande-
ment à Bienville, résolu, comme lui, à repousser
les Anglais , qui pendant son absence avaient
hautement annoncé leur projet de venir en for-
ces le chasser de sa position. On devait d'autant
plus craindre de les voir exécuter leurs menaces
que le cabinet britannique s'apprêtait à jeter
dans la nouvelle colonie les protestants ex-
pulsés de France et forcément conduits à faire
cause commune avec les Anglais , repoussés
qu'ils étaient par Louis XIV, à qui ils avaient
fait la proposition d'assurer à leur mère-patrie
la possession de ce beau pays, proposition re-
jetée par ce monarque, qui ne voulait à aucun
prix tolérer soit en France, soit dans ses pos-
sessions d'outre-mer, d'autre religion que la re-
ligion catholique. Sentant la nécessité d'étendre
au plus tôt ses moyens d'action et de défense,
afin de pouvoir repousser plus sûrement les at-
taques qu'il pressentait, d'Iberville, le fort du
Biloxi terminé , remonta le Mississipi jusqu'au
(1) Tonti, que d'Iberville eut occasion de voir en 1700,
pendant qu'il construisait le fort du Bilox , désavoua
énerglquement cette relation, composée, lui dit-Il, sur
de mauvais mémoires, p?r un aventurier parisien qui
avait spéculé sur son nom. Ce désaveu de Tonti est
confirmé par sa déclaration au P. Marest ( Lettres édi-
fiantes , t. VI, p. 323, cdit. Qucrbeuf ), de n'avoir eu au-
cune part à cet ouvrage, tissu d'inexactitudes et d'asser-
Uons exagérées.
pays des Natchez, y traça le plan d'une ville qui
devait s'appeler Rosalie, du nom de Mme de
Pontchartrain, fit reconnaître une mine de cui-
vre sur les bords de la rivière Verte, qui sedé-*
charge dans la rivière Saint-Pierre, éleva un
fort sur là Mobile, et construisit des magasins,
des casernes, des fortifications sur l'île du Mas*
sacre, dont il changea alors le nom en celui de
Dauphine. La population se porta sur ce der-
nier point, qui devint promptement le centre de
la colonie. Ces résultats , quelque satisfaisants
qu'ils fussent , lui semblaient néanmoins bien
incomplets. Rien ne se faisait pour assurer le
développement agricole du pays, dont le sol
conviait pourtant, par sa fécondité, à des ex-
ploitations qui eussent assuré une prospérité ra-
pide et durable. La colonie produisait des bœufs
fournissant de la laine et des cuirs susceptibles
de faire l'objet d'un commerce avantageux avec
la France,où ces quadrupèdes auraient pu d'ail-
leurs être naturalisés ; mais, comme il n'est que
trop souvent arrivé dans nos tentatives de colo-
nisation, l'incurie locale et l'insouciance de la
métropole contrarièrent ses projets. Le grade
de capitaine de vaisseau, qu'ilobtint en 1702, fut
la seule récompense de ses longs services.
Quatre ans plus tard , à la tête de trois vais-
seaux qu'il avait armés à la Martinique, il fit
une descente dans l'île anglaise de Névis, dont il
s'empara, et mourut à la Havane, sur le vais-
seau Le Juste, qu'il commandait, à la veille de
faire une expédition contre la Jamaïque. Sa
mort causa de longs regrets au Canada, où il
était si aimé et si considéré qu'avec lui, disaient
les colons, ils seraient allés au bout du monde.
Il justifiait cette affection par sa bravoure, sa
mansuétude, sa droiture et son équité. Son nom
avait été précédemment donné à une passe qu'il
avait heureusement franchie au sud de l'île aux
Coudres, située à quinze lieues de Québec et de
Tadoussac.
Deux de ses frères, Sainte-Hélène et de Châ-
teauguay, nous l'avons vu, étaient morts avant
lui ; il en avait été de même de Bienville, l'aîné,
tué à l'attaque d'un fort,et de Maricourt, que les
Iroquois avaient brûlé avec quarante Français
dans une maison en 1704. Sérigny et Bienville,
le jeune, qui lui survécurent, parvinrent au
grade de capitaine de vaisseau. Lemoyne de
Longueil, l'aîné des frères, était gouverneur de
Montréal, à sa mort en 1716. Lemoyne de Châ-
teauji,uay, fils de celui qui avait succombé à
l'attaque du fort Nelson, en 1693, fut nommé
commandant en second de la Louisiane en 1722,
et plus tard gouverneur de la Guyane, après
avoir, dans l'intervalle, été employé à la Marti-
nique. De 1745 à 1747, année de sa mort, il fut
chargé de la défense de Louisbourg, et s'en ac-
quitta avec succès. P. Levot.
Archives de. la marine. — Histoire de la Nouvelle-
France, par le P. Ciiarlevoix. — Histoire de Sa>nl*Do-
mingue, par le même. — Les dernières Découvertes de
La Sale dans V Amérique septentrionale, par le ebeva-
641
LEMOYNE — L'EMPEREUR
642
lier Tûntl; Paris, 1697, in-lî. — Lettres édifiantes. —
Histoire générale des Voyages. — Léon Guérin, Les
Navigateurs français.
lemoyne (Jean-Louis ), sculpteur, né en
1665, mort en 1755. Il fut reçu membre de l'A-
cadémie royale de Peinture et Sculpture le
30 juin 1703. Le musée du Louvre possède de
lui un buste de Mansart avec cette inscription :
Ardouin Mansart coin. sac. reg. œd. pr.
1705. Lemoyne fut le maître de son (ils Jean-
Baptiste (voy. ci-après). E. B— n.
H. Barbet de Jouy , Description des Sculptures mo-
dernes dtt Musée du Louvre. — Lenolr, Musée des mo-
numents français.
lemoyne ( Jean- Baptiste) , sculpteur, né
à Paris, en 1704, mort en 1778. 11 fut élève de
son père Jean-Louis Lemoyne et de Robert Le
Lorrain. I! fut reçu à l'Académie royale de
Peinture et Sculpture en 1 73S, sur la présentation
d'un joli groupe, aujourd'hui au Musée du Lou-
vre, représentant la mort d'Hippolyte. Les prin-
cipaux ouvrages de cet artiste furent la statue
équestre de Louis XV érigée à Bordeaux , une
statue du même prince pour Rennes, le mau-
solée du cardinal de Fleury, enfin, le tombeau de
Mignard, que nous voyons encore à Paris dans
l'église Saint-Roch. E . B — n.
Mémoires inédits de V Académie de Peinture etSculp-
ture. — H. Barbet de Jouy, Description des Sculptures
modernes du Louvre.
le movne (Jean-Baptiste Moyne, dit),
[compositeur français, né à Eymet (Périgord),
le 3 avril 1751, mort à Paris, le 30 décembre
1796. Il était fils de Louis Moyne, ancien consul.
Son oncle, maître de chapelle de la cathédrale de
Périgueux, lui apprit la musique. A quatorze ans
| il parcourut la France, et visita l'Allemagne, où
[il reçut des leçons de composition de Graun
et de Kirnberger. A Berlin, il composa un Chant
d'orage, qui, intercalé dans l'opéra de Toinon et
Toinette, eut un grand succès et lui valut la
place de second maître de musique au théâtre
du prince royal. Il donna à Varsovie Le Bouquet
de Colette, opéra en un acte, pour les débuts de
lMme Saint-Huberti. De retour en France, en
j 1782, Le Moyne fit jouer à l'Académie royale de
[Musique Electre, dont les paroles élaient de
i Guillard. On y trouvait des morceaux remar-
quables , mais trop de bruit, et Gluck désavoua
j Le Moyne, qui se disait son élève. Le Moyne étu-
i dia alors Paccini et Sacchini, et fit représenter,
en 17S6, Phèdre, dont le poëme était de Hoff-
mann. Cet opéra eut du succès. Le Moyne fit
i ensuite un voyage en Italie ; à son retour, en
1789, il donna Les Prétendus, opéra bouffe,
paroles de Bochon de Chabannes, et Nephté,
tragédie lyrique, de Hoffmann. Ces deux ou-
vrages réussirent. En 1790 Le Moyne fit avec
Forgeot Les Pommiers et le Moulin , et avec
Guillard et Andrieux Louis IX en Egypte. En
1792 il donna au théâtre Favart Elfrida, pa-
roles de Guillard. L'année suivante, l'Opéra joua
de lui Miltiade à Marathon, et en 1794
NOUV. BIOGR. GÊNER. — T. XXX.
Toute la Grèce, pièces de circonstances. Enfin
il donna au théâtre Feydeau Le Petit Batelier,
ou les vrais Sans-Culottes ; 1794 ; — Le'
compère Luc, 1794, et Le Mensonge officieux,
1795. Le Moyne a laissé trois opéras inédits :
Nadir, ou le dormeur éveillé, paroles de Pa-
trat; Sylvhts Nerva, ou la malédiction pa-
ternelle , paroles de Befroy de Begny ; et
L'Ile des Femmes, paroles de Rochon de Cha-
bannes. J. V.
Grimra, Correspondance. — Fétis, Biogr. univ. des Mu-
siciens. — Choron, Dict. histor. des Musiciens — Biogr.
univ. et portative des Contemp.
le moyne ( Gabriel), compositeur français,
fils aîné du précédent, né à Berlin, le 14 octobre
1772, mort à Paris, le 2 juillet 1815. A l'âge de
neuf ans, il suivit son père à Paris, et reçut de
Clémenti des leçons de clavecin et d'harmonie. II
devint ensuite élève d'Edelmann. Et fit avec le
violoniste Lafont un voyage en France et dans
les Pays-Bas, vers 1800. De retour à Paris, Le-
moyne se livra à l'enseignement, et publia des
œuvres pour le piano. Bon pianiste, il a laissé
des sonates, des romances et l'opéra comique
de V Entresol , composé avec Piccini fils, pa-
roles deDesaugiers, et joué au théâtre Montansier
en 1802. J. V.
Biog. univ. et portât, des Contemp. — Fétis, Biogr.
univ. des Music.
l'empereur (Constantin ), célèbre orien-
taliste hollandais, né à Oppyck, vers 1570, et
mort à Leyde, en 1648. A la connaissance du
droit et de la théologie il joignit celle des lan-
gues orientales, qu'il étudia sous Erpenius. 11
professa d'abord pendant huit ans la théologie
à Harderwick ; en 1627 il fut appelé à la chaire
d'hébreu à Leyde, et une vingtaine d'années
après à celle de théologie, qu'il n'occupa que
quelques mois. L'empereur ne fut pas au-des-
sous de sa tâche dans cette célèbre université
dans laquelle enseignèrent et où se formèrent
les plus habiles orientalistes du dix-septième
siècle. On compte parmi ses élèves plusieurs
hommes distingués qui consacrèrent, à leur
tour, leurs travaux aux langues orientales. La
plupart de ses ouvrages sont des traductions,
avec des notes, de divers écrits talmudiques et
rabbiniques et des livres destinés à faciliter l'é-
tude de la langue et de la littérature du peuple
juif. On peut regarder les suivants comme les
plus remarquables : De Dignitate et Utilitate
Linguds Hebraicse; 1627, in-8°. C'est le discours
d'ouverture de son cours d'hébreu à Leyde; —
Talmudis babylonïci Codex Middoth, sive de
mensuris templi, hebr. cum versione et com-
ment.; Lugd.-Bat., 1630, in-4°; — Mosis Kim-
chi Introductio ad scientiam; Lugd.-Bat.,
1631, in-8°; — Itinerarium Benjamini Tu-
delensis, hebr. lat. cum notis; Lugd.-Bat.,
1633, in-12; — Clavis talmudica, hebr. lat.;
Iugd.-Bat., 1634, in-4°; — Liber halicoth
clam, E. Josuse Levitx et lib. Mare Hagge-
maza R. Samuelis hannagide hebr. lat.;
21
643
Lugd.-Bat., 1634 , in-4° ; — Bisputationes
theologicx; Lugd.-Bat., 1648,in-8°.
Michel Nicolas.
Paquot, Mémoires. — Rolermmid, Supplément à Adc-
lempriere (John), biographe anglais, né
dans l'île de Jersey, mort le 1er lévrier 1824, à
Londres. Après avoir l'ait ses études à Oxford,
oîi il prit tous ses degrés en théologie, il fut
chargé de la direction du collège d'Abingdon,
passa ensuite à celui d'Exeter, et renonça, vers
1810, à la carrière de l'enseignement à la suite
de quelques démêlés avec ses collègues. L'année
suivante il obtint deux bénéfices dans le Devon-
shire, sinécures d'un revenu médiocre, mais qui
lui procurèrent l'indépendance nécessaire à ses
travaux. Lempriere avait une instruction éten-
due; il connaissait fort bien l'antiquité, et sa
Bibliolheca classica, 1788, in-8°, revue et
augmentée par lui, est encore d'un usage géné-
ral dans les universités. On a encore de lui :
une traduction d'Hérodote avec notes, 1792,
dont il n'a paru que le tome Ier ; — Universal
Bîography; 1808, in-4° et 111-8" : cette compi-
lation, faite avec soin, a été aussi l'objet de fré-
quentes réimpressions. P. L — y.
Annttat Biography, 1824.
LE muet (Pierre), architecte français, né à
Dijon, en 1591, mort à Paris, en 1669. Non moins
bon ingénieur qu'habile architecte, il fut chargé
par Mazarin de créer ou de réparer les fortifica-
tions de plusieurs villes de Picardie. Il cons-
truisit à Paris un grand nombre de maisons et
d'hôtels, et plusieurs châteaux en province;
mais il est surtout connu pour avoir achevé l'é-
glise du Val de Grâce, commencée en 1645 sur les
dessins de Mansard et continuée sur ceux de
Lemercier jusqu'à la hauteur de l'entablement.
On doit donc à Le Muet la coupole et les voûtes,
et il est également auteur de la façade, composée
de deux ordres corinthiens superposés et cou-
ronnés d'un fronton. Le Muet avait donné en
1656 les dessins de l'église Notre-Dame des-Vic-
toires pour les Augustins déchaussés, dits les
Petits-l'ères; mais les travaux à peine commen-
cés furent suspendus faute de fonds, et ne furent
repris qu'en 1737, par Libéral Bruant, et achevés
plus tard par Gabriel Leduc. Le Muet a laissé
trois ouvrages didactiques : Traité des Cinq
Ordres, traduit de Palladio ; Paris, 1626; —
Les Règles des Cinq Ordres d'Architecture de
Vignole augmentées, et réduites de grand en
petit ; Paris, 1632, in-4° ; — La manière de bien
bdtir pour toutes sortes de personnes; 1665,
infol. E- B— N
Quatremère de Quincy, Histoire de la Vie et des Ou-
vrages des plus célèbres Architectes. — Dulaure, Histoire
de Paris.
LESAiiv(Dom Pierre), écrivain ecclésias-
tique, néàParis,en 1640, mort à La Trappe, près
Soligny (Perche), en 1713. Il était frère du sa-
vant Sébastien Lenain de Tillemont, et fit pro-
fession chez lesVictorins de Paris. Plus tard, en
L'EMPEREUR — LENAU 644
1662, lorsque Armand Le Bouthillier de Rancé
eut réformé les cisterciens du monastère de La
Trappe, dom Lenain s'y retira, et en devint
sous-prieur. On a de lui entre autres : Essai
de V histoire de l'Ordre de Cîteaux; Paris,
1696, 9 vol. in-12. Le style de cet ouvrage est
négligé, la critique y manque; l'auteur a déployé
plus de piété que de savoir ; — Homélies sur
Jérémie; 1705, 2 vol. in-8°; — une Traduc-
tion de saint Dorothée, Père de l'Église grec-
que; in-8°; — Vie de J. Le Bouthillier de
Rancé, abbé et réformateur de La Trappe;
Rouen, 1715, 3 vol. in-12. Revu par Bossuet,
cet ouvrage a eu de nombreuses éditions ; —
Relation de la Vie et de la mort de plusieurs
Religieux de La Trappe, 6 vol. in-12. A. L
Richard et Giraud, Bibliothèque Sacrée. — Moréri, Le
grand Dictionnaire Historique.
LENAIN DE TILLEMONT. Voy. TlLLEMONT.
lenau ( Nicolas ), poète allemand , né à '
Csatad, en Hongrie, le 15 août 1802, mort à'1
Oberdoebling, près Vienne, le 22 août 1850. Son]'
véritable nom était JSiembsch de Strahlenau ;f
mais il est beaucoup plus connu sous celui dejj
Lenau. Quoique, par sa naissance, il appartînt àf
la Hongrie, l'allemand lui était devenu familier!11
dès son enfance. Après avoir achevé son cours jj
de philosophie à l'université de Vienne, il s'ap-J
pliqua d'abord, pendant trois ans, à l'étude delà"
jurisprudence, qu'il abandonna ensuite pour se0
livrer à celle de la médecine et des sciences na-f
turelles. Son génie poétique se montra pour lap
première fois dans une excursion qu'il fit aux|"
Alpes autrichiennes. Non content d'errer dans?1
les steppes de la Hongrie et de courir la post€|u.
sur la grande route de l'Europe, en 1832, if
franchit même l'Océan, et fit son tour du NoujJ1
veau Monde. Après son retour d'Amérique, if1
habita alternativement Vienne, Ischl et StuttJJ
gard. Ce fut dans cette dernière ville, qu'ai10'
mois d'octobre 1844, il fut atteint d'une maladif
mentale, au moment où il allait se rendre i
Francfort-sur-le-Mein pour s'y marier. On h
conduisit dans la maison de santé de Winne
thaï, et de là, en 1847, à Oberdoebling, prè
Vienne , où se termina sa carrière. Ce fut ei
1832, l'année même où Lenau partit pour l'Ame
rique, que Gustave Schwab publia le premier re
cueil de poésies de notre poëte, qui eut tout d'à
bord un grand succès, et qui déjà, en 1 838 , époqm
où parurent également ses Neuere Gedïch0
(Poésies nouvelles), eut une 2e édition. Ces deu? "
recueils furent plus tard réunis sous le titre di
Gedkhte ( Poésies)., tome I, 14e édit.; Stuttgard
1852; t. II, 12e édit; ibid., 1852. C'est dans ce
pièces que se manifestent avec le plus de bon
heur les énergies natives et les délicatesses di
son âme. Toutes ses poésies justifient amplemen
la sympathie dont il est l'objet de la par
de ses compatriotes, et l'on peut, sans hésiter'
le placer au rang des premiers poètes lyrique «
de l'Allemagne. Ses meilleures pièces de ver jtr
ii,
îltr
645 LENATT —
réunissent toutes les qualités auxquelles les
poésies fugitives de Goethe doivent leur excel-
lence. Le premier recueil de poésies de Lenau
fut suivi de Faust, qui parut d'abord par frag-
ments, en 1836, dans YAlmanach du Prin-
temps (Fruehlings Almanach), que publiait alors
e poëte à Stuttgard. On en a donné une qua-
trième édition dans la même ville, en 1852. —
^ai/sf. est un poëme épico-dramatique, entre-
nèlé de dialogues, de scènes dramatiques, de
issertations, de ballades et de morceaux des-
riptifs. On y retrouve quelques-unes des ligures
e Gœthe, mais tellement dénaturées, qu'elles
int supposer le poëte frappé de cécité par son
ueil. Après Faust parut Savonarole ; Stutt-
anl , 1837 ; 2e édit.; ibid., 1844. On n'y trouve
en de ce qui doit caractériser un poëme épique,
enau nous montre dans le fameux dominicain
e Florence le visionnaire extatique, le prophète
bstiné, le croyant réformateur et le prédicateur
ustère ; mais il ne nous montre pas l'homme
vec ses oscillations et ses contradictions , ses
pirationsdésintéresséesetses passions. Le troi-
ème grand poëme de Lenau est intitulé : Die
Ibinenscr (Les Albigeois), et a paru pour la
"emière fois à Stuttgard, en 1841 ; 3e édit., ib.,
352. Dans ce poème, Lenau nous propose les
forts tentés par les hérétiques du douzième
I, îcle comme une grande et glorieuse consolation
! >ur les contemporains qui travaillent à pré-
j, irer un avenir plus digne , selon lui, de l'hu-
|anité. Après la mort de Lenau, son ami
lastasius Gruen publia de lui, sous le titre :
1 le h (e risc lier Nachlass ( Succession poéti-
le) une série de petites poésies, dont la
incipale est Don Juan (Stuttgard, 1851), que
uteur lui-même regardait comme ce qu'il avait
t de mieux. Le nom de Lenau eut de l'écho
sqifen Angleterre même, où il était estimé et
noré. Le Foreign Monthly Review and con-
^hental literary journal du mois de sep-
jjiibre 1839 a publié une critique remarquable
|e ît en faveur de son Faust et de ses Poésies ,
John Brydges a traduit un assez grand nombre
ses poésies sous le titre de Poem ofN. Lenau;
ndon, 1838. Les écrits suivants prouvent
ubien devait être vif l'intérêt qu'on prenait
îéralement aux grands poèmes de Lenau , et
nbien en même temps on devait avoir de
f ficultés pour les comprendre: Ueber Lenau's
■^ust ( Sur le Faust de Lenau), par J. M — r;
ieB ittgard , 1836; — Nikolaus Lenau, seine
fcSichsten und Tendenzen, etc. (Nicolas Le-
■ î, ses vues et ses tendances), par Uffo Horn;
; | mbourg, 1 838 ; — Nikolaus Lenau. Fine Aus-
ï •hrl.iche Characteristik des Dichters (Nico-
, if Lenau, Charactéristique complète de ce poëte),
Jj Opiiz; Leipzig, 1850; — Lenau in Schwa-
i (Lenau en Souabe), par Niendorf; Leipzig,
isllg >3; — N. Lenau's Briefe an einen Freund
îttres de N. Lenau à un ami ) , publiées par
ï(Jver; Stuttgard, 1853. Henri Wilmès.
LENCLOS
646
Conrersations-T,exikon. — Revue de Paris, 1er février
1854, article de M. Henri Seufferl. — Documents divers.
le nautonnier (Guillaume), sieur dk
Castelfranc, astronome français, né le 15 juillet
1560, près de Vénès (Languedoc), mort le
10 août 1620, à Castres. Destiné à la carrière ec-
clésiastique , il fit violence à ses goûts, qui le por-
taient vers l'étude des mathématiques, et entre-
prit un voyage pour vérifier l'exactitude de ses
calculs sur la déviation de l'aiguille aimantée
avant d'accepter la direction, en qualité de pas-
teur, de la paroisse protestante de Montredon
(159i). Plus tard, il fut député par les églises du
haut Languedoc à l'assemblée politique de Chà-
tellerault etausynode.national deSaint-Maixent.
Ses devoirs religieux ne le détournèrent pas ce-
pendant des sciences exactes, et il puWia les ou-
vrages suivants, dont le premier sortit d'une
presse qu'il avait établie dans son château de
1 Ourmarié : Mécométrie de V aymant, c est-à-
dire de la manière de mesurer les longitudes
par le moyen de Vaymant, par laquelle est
enseigné un très-certain moyen, auparavant
inconnu, de trouver les longitudes géogra-
phiques de tous lieux, aussy facilement que
la latitude. Davantage y est montré la dé-
clinaison de la guide aymant pour tous les
lieux ; 1604, in-folio avec cartes et gravures. Ce
livre, fruit de plusieurs années de recherches,
rendit d'utiles services à la navigation et valut à
l'auteur une pension de 1,200 livres de la part
de Henri IV; il est suivi de la Mécométrie
arithmétique deV aymant , dédié à Jacques 1er;
— De Artificiosa Memoria; Castres, 1607,
in-4°; résumé des moyens mnémotechniques re-
commandés par les anciens et les modernes. Il
laissa en manuscrit un Diaire astrologique et
une Cosmographie. P. L — y.
Delambre, bibl. Astronom.— La France Prot.
lenclos (Anne dite Ninon de), femme cé-
lèbre du dix-septième siècle. Elle naquit à Paris
en 1615, et mourut en cette même ville, le 17 oc-
tobre 1705- M. de Lenclos, son père, n'était pas
un joueur de luth , comme l'ont supposé, d'après
Voltaire, quelques biographes, mais un gentil-
homme tourangeau, qui avait beaucoup de goût
pour la musique. Madame de Lenclos appartenait
à une bonne famille ; elle s'efforça en vain d'in-
culquer à sa fille ses propres principes de morale
et de religion. M. de Lenclos, de son côté, s'appli-
quait à lui inspirer le goût de la philosophie, non
de celle qui incite l'esprit humain à rechercher
en tout la souveraine vérité et a élargir les voies
du perfectionnement moral, mais de celte philo-
sophie qui conduit seulement au sensualisme et
que l'on qualifie d'épicurienne. Dans cette lutte
de principes entre les deux instituteurs naturels
de Ninon, le père demeura victorieux; ses en-
seignements s'accordaient a\cc les instincts de
son élève. Tout enfant , Ninon était belle , « et
elle le fut toujours », dit Guyon de Sardière, qui
décrit minutieusement sa beauté, suivant lui,
21.
647
LENCLOS
648
parfaite. Selon d'autres écrivains, le eharme
irrésistible de Mlle de Lenclos consistait princi-
palement dans la mobilité de sa physionomie et
dans la grâce de sa personne. L'éducation de
Ninon fut très -soignée; son père lui fit apprendre
plusieurs langues étrangères ; elle excellait dans
l'art de la musique et dans celui de la danse; de
plus, elle avait, comme on disait alors, beaucoup
de lecture, ce qui ne la rendait pourtant pas
pédante. Son caractère était égal et facile , son
esprit vif et mordant. Mlle de Lenclos avait
seize ou dix-sept ans lorsqu'elle entra dans la
carrière de la galanterie , et elle n en sortit pas
d'un demi-siècle tout entier, assure-t-on. Sa
première liaison d'amour fut cependant enve-
loppée de quelque mystère ; à l'époque où elle
eut lieu, Ninon vivait sous le toit maternel, qu'elle
abandonna dans la suite pour se livrer, sans au-
cune retenue, au plaisir. Les apologistes de
M,le de Lenclos veulent que son excentricité
ait été le résultat de la profondeur de sa raison.
« Le penchant qu'elle avait à réfléchir, dit
Sardière, lui lit porter bientôt ses regards sur
le partage inégal des qualités qu'on est con-
venu d'exiger dans les deux sexes. Elle en
vit l'injustice, et ne put la soutenir. — « Je vois,
dit- elle à ses amis, qu'on nous a chargées de
ce qu'il y a de plus frivole, et que les hommes
se sont réservé le droit aux qualités essen-
tielles ; de ce moment je me fais homme. » Le
mépris de l'hypocrisie et l'indifférence pour les
richesses furent les deux seules règles de con-
duite que se posa Ninon ; elles lui assuraient
l'indépendance dans l'amour. Il y a divergence
d'opinions, parmi les biographes de mademoi-
selle de Lenclos, quant à l'objet de sa pre-
mière inclination de cœur. Voltaire prétend que
Ninon fut passagèrement la maîtresse du cardi-
nal de Richelieu ; il ajoute que cette intrigue
amoureuse dut être la première de l'une et lader-
nière de l'autre. Il semble qu'en écrivant ceci,
Voltaire ait confondu Ninon de Lenclos avec
Marion Délorme. Richelieu aurait donné à Ninon
(toujours d'après le même auteur) une rente
viagère de deux mille francs. Ce choix d'un
amant qui, selon toutes probabilités, ne pouvait
pas personnellement plaire à une belle tille de
dix-sept ans, et le don qui s'en serait suivi, se
trouvent démentis par le désintéressement de
Ninon dans toutes ses relalions intimes. Voltaire
se contredit lui-même lorsque ensuite il dit « qu'il
fallait beaucoup d'art et être fort aimé d'elle,
pour lui faire accepter des présents ». Au reste,
la notice sur mademoiselle de Lenclos, pu-
bliée dans les Œuvres de Voltaire sous le
titre de Lettre, fourmille d'erreurs. On lit dans
la Segraisiana que Ninon eut pour premier
amant un M. de Saint-Étienne. Le fait est que
celui qui assujettit le cœur encore tout neuf de
Ninon fut un beau et valeureux jeune homme (1),
(1) Celte assertion de Guyon de Sardière est corroborée
p.'tr leu vers suivants deSalnt-Évreroond :
Gaspard de Coligny, comte, pnis duc de Châ-
tillon. Ces liens, tout charmants qu'ils étaient, se
rompirent vite. De cette époque datent les ré-
flexions de Ninon sur l'instabilité de l'amour. Elle
regarda ce sentiment « comme un mouvement
aveugle et machinal . qui ne suppose aucun mé-
rite dans l'objet qui le fait naître ». Parmi les
successeurs presque innombrables que Ninon don-
na au comte de Chàtillon , il y en eut un , — un
seul, — dont elle récompensa l'attachement par
une fidélité qui ne dura pas moins de trois ans.
Ce privilégié fut le marquis de Villarceaux ; Ni-
non l'avait enlevé à son amie, Mme Scarron, sans
se brouiller pour cela avec elle. Ils passèrent tout
le temps de leurs amours dans la retraite à la
campagne. Une telle infraction aux coutumes
de Mlle de Lenclos ne pouvait manquer d'émou-
voir ceux de ses adorateurs qui avaient subi les
conséquences de son humeur volage. Saint-
Évremond lui adressa V Élégie dont nous venons
de citer un fragment, et qui commence ainsi :
Chère Philis, qu'êtes-vous devenue?
Cet enchanteur qui vous a retenue
Depuis trois ans par un charme nouveau
Vous retient-il en quelque vieux château?
Un peu plus loin le poète mentionne outre Chà-
tillon , « un maréchal (d'Albret), l'ornement de
la France, » et « ce jeune duc (d'Enghien) qui
gagnait des batailles, » comme ayant obtenu les
faveurs de Philis.
On a donné à Ninon la qualification d'honnétt
homme, parce qu'elle n'avait jamais plusieurs
amants à la fois. A la vérité, celui qu'elle congé
diait était si promptement remplacé par un autre
que le marquis d'Estrées et l'abbé d'Effiat ( quel
ques auteurs ont substitué à ce dernier Vil-
larceaux) s'en rapportèrent au hasard d'une par
tie de dés pour trancher une question de pa-
ternité au sujet de laquelle Ninon elle-même res
tait indécise. D'Estrées ayant gagné la partie s
chargea du sort de l'enfant, qu'il regarda de
lors comme sou fils.... Ce fils, le chevalier de L
Boissière, se distingua dans la marine. On
loué Mile de Lenclos outre -mesure, selon nou;
pour un simple trait de probité, auquel donn
du relief le contraste de la conduite d'un indi
vidu que Voltaire désigne par l'épithète de dévol
et l'auteur de la Vie de Ninon par le titre d
grand-pénitencier. Lors de l'arrestation de Fou
quet en 1661, Gourville s'étant enfui de France
laissa deux cassettes renfermant chacune di
mille écus d'or, en dépôt, l'une chez le persoo
nage ci-dessus, l'autre à M1Ie de Lenclos, dont
Ce beau garçon dont vous fûtes éprise
Mit en vos mains son aimable franchise;
II était jeune, il n'avait point senti
Ce que ressent un cœur assujetti;
Et, jeune encor, vous ignoriez l'usage
Des mouvements qu'excite un beau visage ;
Vous Ignoriez la peine et le plaisir
Qu'ont su donner l'amour et le désir.
Dans les transports d'une première flamme
vous voos nommiez et mon cœur et mon âme.
649
avait été l'amant. A son retour, le dévot préten-
dit avoir employé le dépôt en oeuvres pies;
d'autres ont écrit qu'il le nia. Ninon, à qui Gour-
ville ne redemandait pas l'autre cassette, la lui
remit, en disant : « J'ai perdu le goût que j'avais
pour vous; mais je n'ai pas perdu la mémoire. »
Malgré son libertinage, qu'elle prolongea fort au-
delà des limites de l'âge mûr, mademoiselle de
Lenclos jouit dans sa vieillesse d'une considéra-
tion qui toutefois était un peu factice. Son esprit
fin, vif, original, soutint la célébrité que lui avait
faite la licence de ses mœurs ; et sa maison ,
après avoir été une école de matérialisme, devint
un petit hôtel Rambouillet. Le cercle de ses ad-
mirateurs s'augmenta d'une société de femmes
du monde etde la cour, au nombre desquelles se
trouvaient mesdames de La Sablière, de Bouillon,
de Coulanges, de Castelnau, Cornuel, d'Olonne...
'Ce dernier nom, honni par tous les chroniqueurs
du temps, prouve que la société des femmes y
était un peu mêlée. Quelques auteurs ont mis
sur cette liste Mme de Grignan ; la fière et sage
gouvernante de Provence n'alla jamais chez Ni-
non. Le jeune marquis de Grignan avait seize
ans lorsqu'il fut présenté à « cette vieille célèbre »,
comme l'appelle Voltaire. A propos de la
présentation du marquis de Grignan à SP'e de
Lenclos, nous allons citer ce passage de la no-
tice sur monsieur de Sévigné, par Grouville.
«A cinquante-six ans, dit cet écrivain, elle
(Ninon) séduisit celui (Charles de Sévigné)
dont elle avait enflammé le père (Henri de Sé-
vigné) à trente-quatre, et c'est le moment de
remarquer qu'on vit encore vingt ans après,
son amitié recherchée par le jeune marquis de
Grignan ; elle captiva ainsi les trois générations
dans la même famille. »
On regardait Ninon comme un modèle de poli-
tesse. En 1679, MmedeMaintenon écrivait à made-
moiselle de Lenclos : «Continuez à donner de bons
conseils à mon frère, il a bien besoin des le-
çons de Léontium. » Les leçons de Léontium
n'empêchèrent pas d'Aubigné d'être jusqu'à sa
mort un homme de mauvaise compagnie. Ce
parallèle entre Ninon et Léontium , parallèle si
souvent reproduit et établi par Saint-Évremond,
n'était pas très-flatteur pour M"e de Lenclos :
même chez les anciens la maîtresse d'Épicure
n'a pas joui de l'estime publique. Au reste,
les adulateurs de Mi'e de Lenclos ont souvent
commis à son sujet des inconséquences ana-
logues : Voltaire, après s'être attaché à marquer
la différence qui existe entre la femme qui cède
aux caprices de son cœur ou de son imagination
et la femme dont on achète les faveurs, s'écrie à
propos de l'anecdote si connue du bon billet
qu'a la Châtre, que les Thaïs et les Laïs n'ont
jamais rien fait de plus plaisant. D'autres,
comme Châteauneuf et Saint-Évremond , sont
tombés dans une exagération ridicule en décla-
rant, le premier, que Ninon s'était mise au rang
des hommes illustres ; le second, que son âme
LENCLOS 650
était formée « de la volupté d'Epieure et de la
vertu de Caton ». La position que Ninon se fit
dans le grand monde au déclin de sa vie carac-
térise d'ailleurs son époque; et l'on peut dire
avec quelque fondement que l'irréligion et le bi-
gotisme, le libertinage et la pruderie, qui se
partageaient, pour ainsi dire, la société, étaient
représentées par ces deux anciennes amies,
Mlle de Lenclos et Mme de Maintenon.
Quelques soins qu'aient pris en général les
panégyristes de Ninon de Lenclos pour dissimu-
ler ses peines morales, elles sont rendues évi-
dentes par les efforts même de ses amis pour
fortifier sa vieillesse contre l'envahissement de
regrets inutiles. La détresse de son esprit
perce dans l'intimité de sa correspondance avec
Saint-Évremond. On ne trouve même pas dans
aucune de ces pages un léger reflet de l'esprit
railleur qui s'était souvent manifesté dans sa
conversation par des plaisanteries fort libres,
que Mme de Sévigné appelait par antithèse des
gentillesses, et aussi par des reparties pleines de
sel. Ainsi le grand-prieur de Vendôme, dont Ni-
non avait repoussé les hommages , ayant voulu
se venger de ses dédains par l'épigramme sui-
vante :
Indigne de mes feux, indigne de mes larmes,
Je renonce sans peine à tes faibles appas.
Mon amour te prêtait des charmes,
Ingrate, que tu n'avais pas.
Elle lui répondit :
Insensible à tes feux, Insensible <* tes larmes,
Je te vois renoncer à mes faibles appas.
Mais si l'amour prête des charmas,
Pourquoi n'en empruntais-tu pas?»
Vainement, pour l'étourdir sur la perte de sa
jeunesse, Saint-Évremond lui répète, sur tous
lestons, qu'il n'y aura point de vieillesse pour
elle. « Votre vie, ma très-chère, a été trop il-
lustre pour n'être pas continuée de la même ma-
nière jusqu'à la fin. Que l'enfer de M. de La Ro-
chefoucault ne vous épouvante pas... » ( Ou sait
que La Rochefoucault dit un jour à Ninon avec
une arrière-pensée malicieuse : « L'enfer des
femmes, c'est la vieillesse. ») « ...Vous êtes
née pour aimer toute votre vie... Vous pouvez
toujours prononcer hardiment le mot d'amour...
Quelle ingratitude d'avoir honte de nommer l'a-
mour, à qui vous devez votre mérite et vos plai-
sirs ! » Puis, voyant sans doute l'impuissance de
ces consolations, Saint-Évremond recourt à un
autre genre d'éloges. « Vous êtes, écrit-il à sa
vieille amie, plus spirituelle que n'était la jeune
Ninon. » Et dans une autre occasion : « J'ai reçu
la seconde lettre que vous m'avez écrite, obli-
geante, agréable, spirituelle, où je reconnais
les enjouements de Ninon et le bon sens de ma-
demoiselle de Lenclos. » ( Il est à remarquer que
ce fut seulement vers le déclin de sa vie que les
amis de M!le de Lenclos s'accoutumèrent à la dé-
signer par son nom de famille; pendant cette
longue période de son existence qu'elle consacra
à la galanterie, on ne l'appelait que « Ninon » ).
651 LENCLOS
Enfin. Saiut-Évrémond, se trouvant à bout d'ar-
guments, lui conseille « d'avouer toutes ses
passions pour faire valoir toutes ses vertus »,
ajoutant : « 11 n'y a rien de mieux que la part
qui regarde vos amis, rien de plus sec que ce
qui regarde vos amants. » Vains efforls d'une
amitié compatissante ! « Vous disiez autrefois que
je ne mourrais que de réflexion, — écrit Ninon à
Saint- Évremond ; — je tâche à n'en plus faire et
à oublier le lendemain le jour que je vis àujbur-
d'iiui. Tout le monde me dit que j'ai moins à me
plaindre du temps qu'une autre. De quelque
sorte que cela soit, qui m'aurait proposé une
telle vie, je me saurais pendue. » Les lettres im-
primées de Ninon de Lenclos à M. de Sévigné ,
publiées au dix-huitième siècle par un avocat
nommé Damours, sont écrites moins incorrecte-
ment et moins sèchement que celles qui sont
adressées à Saint-Évremor.d. Il y rènue un ton
enjoué qui s'accorderait bien avec le caractère
qu'avait Ninon au temps où elle partageait, avec
une célèbre comédienne, le cœur du marquis.
Mais ces lettres sont apocryphes ; il en est de
même de la Correspondance secrète entre
Ninon de Lenclos, M. de Vïllarceaux et
Mme de Maïntenon (1). Par des motifs divers,
indulgence naturelle des hommes pour la cour-
tisane qui se voue à leurs plaisirs, timidité des
femmes à critiquer celles d'entre elles qui se sont
assuré les suffrages des hommes , propension du
public à adopter sans examen un jugement tout
fait , il est arrivé que, sauf de rares exceptions,
les contemporains de Ninon de Lenclos ont uni
leurs voix dans un concert de louanges à sou
adresse. Néanmoins quelques-unes de ces voix
protestaient en secret contre un enthousiasme
qu'elles approuvaient tout haut. Ainsi , Mme de
Coulanges,qui , suivant Grouvelle , fut liée jus-
qu'à sa mort d'une très-étroite amitié avec Ni-
non, écrivait en 1695, à Mme de Sévigné : « Les
652
(1) Puisque nous venons de mentionner la Champmêlé,
c'est ici le lieu de rapporter un trait de Ninon qui nous
semble d'autant plus injustifiable que la moderne Lëiffi-
tivm ne se montrait pas jalouse de ses amants en gé-
néral, et au peu de cas qu'elle l'aisiit en particulier du se-
cond marquis de Sévigné, il est évident qu'elle ne se sou-
ciait nullement de sa fidélité. Même elle l'avait quitté,
lorsqu elle usa de l'ascendant qu'elle exerçait encore sur-
lui pour l'entrainer à commettre «une trahison basse et
indigne d'un homme de qualité ». Laissons Mme de Sé-
vigné raconter cette aventure de son fils à Mme de Gri-
gnan. « Elle I Ninon ) voulut l'autre jour lui faire donner
des lettres de la comédienne; il les lui donna: elle en
a été jalouse; elle voulait les donner à un amant rie la
princesse , afin de lui faire donner quelques coups de
baudrier. Il me le vint dire : je lui fis voir que c'était
nne infamie de couper ainsi la gorge à une petite créa-
ture pour l'avoir aimée; je représentai qu'elle n'avait
point sacrifié ses lettres (de M. de Séoinné), cnmine
on voulait le lui faire croire pour l'animer. Il entra
dans mes raisons; il courut chez Ninon, et moitié par
adresse , et moitié par force , il retira les lettres de
eette pauvre diablesse. » Les biographes de Ninon pas-
sent volontiers sous silence cette petite noirceur. Ce-
pcu'l a ni, pour donner une Juste idée du caractère d'un
individu, il faut présenter son portrait moral sous toutes
ses faces.
femmes courent après M1,e de Lenclos comme
d'autres gens y couraient autrefois; le moyeu
de ne pas haïr la vieillesse après un tel exemple. »
On s'émerveilla fort d'une visite de la reine Chris-
tine à Ninon, en 1656. Voici comment cette vi-
site eut lieu. « Passant à un certain bourg proche
de Senlis, raconte Mme de Motteville, elle ( Chris-
tine ) voulut voir une demoiselle qu'on appe-
lait Ninon , célèbre par son vice, par son liber-
tinage et par la beauté de son esprit. Ce fut à
elle seule, de toutes les femmes qu'elle vit ert
France , à qui elle donna quelques marques d'es-
time. Le maréchal d'Albret et quelques autres ■
en furent cause. , par les louanges qu'ils donnè-
rent à cette courtisane de notre siècle. »
De tous les points de vue sous lesquels on peut
considérer Ninon, le plus désavantageux à son
caractère, c'est celui du sentiment maternel; ce
sentiment resta inconnu à son cœur. M1'1-' de
Lenclos avait eu deux fils ; nous avons déjà
parlé de celui qui s'appelait La Boissière; si
sa mère ne lui fut pas toujours absolument
étrangère, du moins ne s'occupa- t- elle ja-
mais de lui. Quant au second des enfants de
Ninon, il reçut de son père, le marquis d.e
Gersay, fameux par la témérité de sa passion
pour la reine Anne d'Autriche, le nom de Vil-
liers. Il fut élevé loin des yeux de sa mère, et
on lui fit un secret de sa naissance. Ce secret
qui ne pouvait être motivé par la crainte de
nuire à la réputation de Ninon , devenait une in-
jure pour la mère. Mlle de Lenclos ne la res-
sentit pas, à ce qu'il semble; car on ne voit pas
qu'elle ait fait aucune tentative pour avoir une
entrevue, un entretien avec ce fils, jusqu'au
jour où on le lui présenta, sans laisser soup-
çonner au jeune homme le lien sacré qui les
unissait. Villiers avait alors dix-neuf ans. Déjà,
à cette époque, il était du bel air de mener
chez M'ie rie Lenclos Us jeunes gens qu'on vou-
lait façonner aux manières du grand monde ; et
ces manières-là, nous l'avons dit, M"e de Len-
clos les avait au suprême degré. Villiers , sur
l'imagination duquel devait puissamment agir
la renommée extraordinaire des charmes de
Ninon , éprouva pour elle , dès qu'il la vit , une
admiration sur les mouvemenls de laquelle il
se méprit; il crut être à son tour amoureux de
cette femme si séduisante. Un jour, comme il
se promenait avec Mlle de Lenclos dans le jardin
d'une petite maison qu'elle avait à Picpus, et où
elle passait ordinairement l'automne , il lui dé-
clâfa ses sentiments avec une impétuosité qui !
épouvanta Ninon et lui ôta sa présence d'esprit.
D'ailleurs , elle n'était pas à la hauteur de sa po- !
sition de mère; les inspirations de cette sainte |
tendresse lui firent défaut en ce moment cri-
tique. Au lieu de préparer graduellement son fils '
à la connaissance de l'affinité qui existait entre i
elle et lui , Ninon déchira brusquement le voile !
qui couvrait ce mystère ; elle livra ainsi le mal-
heureux jeune homme à toute l'horreur que de- :
653 LENCLOS —
vait lui causer', un entraînement dont le trouble
de ses sens ne lui permit pas de définir d'abord
la véritable nature. Bouleversé par cette révé-
lation, il alla prendre un de ses pistolets d'arçon,
et se brûla instantanément la cervelle. Cette
catastrophe, le coup le plus terrible qui puisse
être porté au cœur d'une mère, ne modifia au-
cunement le caractère de Ninon ; elle en fut pas-
sagèrement affligée; elle n'en devint pas plus
sérieuse. Au reste, les voluptés de i'épicurisme,
dont M"1' de Lenclos s'était fait une doctrine,
furent pour elle mélangées d'amertumes. Une
querelle qui eut lieu entre deux de ses amants et
qui fit du bruit dans ie monde , ayant porté le
scandale de sa conduite jusqu'aux oreilles d'Anne
d'Autriche, alors régente, quelques rigides con-
seillers engagèrent cette princesse à la faire ren-
fermer dans un couvent. Ninon , ayant appris
cela, dit qu'elle le voulait bien, pourvu que ce
fût dans le couvent des Cordeliers. On lui ré-
pliqua qu'elle pourrait être mise aux Filles
repenli-es. Elle répondit qu'elle n'était ni fille,
ni repentie. Elle aurait pu ajouter que ses amis
étaient trop nombreux, trop haut placés pour
que l'on osât la traiter avec tant de sévérité.
Effectivement , la reine ne donna point de suite
à cette menace, déjà fort blessante pour MU<= de
Lenclos, qui était plus sensible aux affronts
qu'elle ne voulait le paraître. Elle fut très-
affectée de l'indiscrétion du jeune seigneur pour
i'amour duquel elle manqua à la parole que
La Châtre, au moment de s'absenter pour peu
de temps, lui avait fait donner par écrit de lui
rester fidèle jusqu'à son retour. Le nouvel
amant, favorisé par Ninon, avait répété à ses
amis la plaisante exclamation de la belle infi-
dèle : « Ah ! le bon billet qu'a La Châtre ! » Et
il eut quelque peine à obtenir son pardon. M"e de
Lenclos avait exclu Chapelle de sa société ,
parce qu'il était enclin à l'ivrognerie. La rancune
de cet auteur le poussa à faire contre elle de
grossières chansons, dont elle eut beaucoup de
chagrin.
Ninon ne se montra pas non plus aussi inva-
riable qu'on le croit généralement sur le cha-
pitre du matérialisme. A la date du 15 février
1690, et à propos de la conversion de la maré-
chale de La Ferté , Mme dé Sévigné dit : « Ninon
en est étonnée , ébranlée. » Ces mots choquent
le commentateur et biographe de notre célèbre
épistolaire. « Il n'était pas juste, s'écrie Grou-
velle, de mettre à côté d'une telle femme ( la
maréchale) Ninon, qui n'avait jamais trompé
un mari , qui même resta toujours fidèle à l'a-
mant qu'elle aimait, qui surtout était trop sa-
vante en volupté pour la faire dégénérer en dé-
bauche. » Avant cette époque, et alors que
Ninon était encore dans la splendeur de sa
beauté, elle alla se jeter dans un couvent de
Feuillantines à Paris. Cette fantaisie de retraite
lui était venue dans les premiers moments qui
avaient suivi la mort de sa mère. Pendant la
LEND1NARA
654
maladie qui termina l'existence de Mrae de Len-
clos, Ninon l'avait soignée, et veillée avec beau-
coup de sollicitude. La mère avait profité de ce
retour de tendresse pour tenter encore une fois
d'arracher sa fille à « la vie libertine » qu'elle
menait. Ninon s'était laissé émouvoir par les
remontrances et les prières de la mourante;
mais cette impression de tristesse ne dura pas
longtemps ; Marion Delorme et Saint-Évremond
allèrent voir leur amie aux Feuillantines , et ils
la décidèrent, probablement sans beaucoup de
difficulté, à rentrer dans le monde. Nous avons
dit que dans sa vieillesse Mlle de Lenclos vit sa
société recherchée par les beaux esprits aussi
bien que par les dames de haut rang et par les
jeunes gens que, suivant l'expression usitée alors,
on voulait mettre dans le monde; et n'étaient
pas admis chez elle tous ceux qui le désiraient.
Quelques mois avant sa mort , Ninon se lit
amener le jeune Arouet, alors âgé de moins de
treize ans, et dont on lui avait vanté le talent poé-
tique; l'esprit pétillant de l'enfant lui plut; elle
lui légua dans son testament une somme de deux
mille francs pour acheter des livres. Voltaire
avait conservé un agréable souvenir de cette
femme singulière; mais comme elle était très-
vieille et lui fort jeune lorsqu'ils se connurent ,
l'illustre écrivain n'a composé sa notice sur
M11*-" de Lenclos que d'après des renseignements
dont la plupart sont controuvés. 11 aurait dû
pourtant se tenir en garde contre l'inexactitude,
lui qui, en 1752, écrivait de Postdam : «La plupart
des anecdotes sur M"8 de Lenclos sont vraies ;
mais plusieurs sont fausses Les lettres qui cou-
rent ou plutôt qui ne courent plus sous son nom
sont au rang des mensonges imprimés. » 11 faut
mettre au rang de ces mensonges l'extravagante
et honteuse assertion que Ninon avait quatre-
vingts ans lorsqu'elle eut sa dernière aventure
amoureuse avec l'abbé Gedoyn. D'autres biogra-
phes ont prétendu qu'elle était âgée de soixante-
dix ans quand elle renonça à ia galanterie, et
que ce fut Châteauneuf qui ferma la liste de ses
amants. Quelques auteurs ont attribué à Ninon
de Lenclos un opuscule qui fut publié , de son
vivant, sous le titre de La Coquette vengée,
en réponse à un petit livre intitulé : Le Por-
trait de la Coquette. Camille Lebrun.
Guyon de Sardièrc , Vie de Ninon de Lenclos. —
SaiiH-Évremond, OEuvres. — Tallemant des Réaux ,
Historiettes. —Saint-Simon, Mém. — I5ret . Mémoire
sur Ninon de Lenclos. — Dauxmesnil , idem. — lettres
de Mlle de Lenclos. — Molteville, Mémoires. — Sevigné,
Lettres. — Grouvclle, Notice sur le marquis de Sëvigne.
— Voltaire., Lettre sur Mlle de Lenclos.
leivdinara ( Cristoforo Genesini de' Ca-
nozzi da ) , peintre de l'école de Modène , né
dans cette ville, vivait dans la seconde moitié
du quinzième siècle. Les auteurs contemporains
parlent de lui avec les plus grands éloges. Il
eut pour frère Lorenzo, qu'il aida dans ses tra-
vaux de marqueterie.
lëndiivara ( Lorenzo Genesini de' Canozzi
655
LENDINAKA — LEWEUS
656
da ), peintre et sculpteur de l'école de Modène,
né dans cette ville, mort vers 1477. Nous ne
possédons aucune peinture qui puisse lui être
attribuée avec certitude ; mais nous tenons par
les historiens de l'art qu'il égala souvent les plus
illustres de ses contemporains. Il excella dans
l'art de la marqueterie, et orna de travaux en ce
genre, en 1465, le chœur de la cathédrale de Mo-
dène, et plus tard le chœur, quelques confes-
sionnaux et la sacristie de Saint-Antoine de Ga-
doue. Il fut aidé par Cristqforo, son frère et
Pierantonio, son gendre. Vasari parle aussi de
quelques figures en terre que Lorenzo aurait
exécutées également pour la basilique de Pa-
doue. On connaît encore les noms de plusieurs
autres artistes , de la même famille, Daniello ,
Giovanni Maria, Bernardino, etc., qui se
distinguèrent également dans l'art de la marque-
terie. E. B— n.
Vasari, Vite. — ' TiraboscM, Notizie deqli Artiflci
Modenesi. — Vidriani. rite de' Pittori, Scuttori ed Ar-
cfiitetti Modenesi. — Orlandi, Abbecedario. — Lanzi,
Storia Pittorica. — Ticozzi, Dizionario. — Campori ,
Gli urtisti negli Stati Estensi.
lenet ( Pierre ) , diplomate et historien
français, né à Dijon, mort en 1671. Conseiller
au parlement de Dijon, procureur général (1641),
et conseiller d'État, il se jeta dans le parti de la
Fronde, et remplit les fonctions d'intendant de
justice, de police et des finances pendant le siège
de Paris. Il suivit le prince de Condé à Bor-
deaux ; mais il ne put empêcher la soumission
de cette ville à l'armée royale (1653). Lenet re-
présenta le prince de Condé à la conférence des
Pyrénées, et défendit fort bien les intérêts de
son patron. Après la paix , il revint à Paris ,
fut accueilli par la cour et envoyé en mission
en Suisse. « Lenet, dit madame de Sévigné, avait
de l'esprit comme douze. » On a de lui : Mé-
moires contenant V histoire des guerres civiles
des années 1649 et suivantes, principalement
celles de Guienne en 1650; Paris, 1729, 2 vol.
in-12. Quoique mal écrits et diffus , ces Mé-
moires offrent de bons documents pour l'histoire
de France ; car l'auteur n'y relate que des faits
dont il a été témoin. Une nouvelle édition beau-
coup plus complète,publiée sur des manuscrits
inédits, a été donnée en 1838 dans la collection
des mémoires de Michaud et Poujoulat. Elle
se compose de trois parties : la première contient
beaucoup d'additions et corrections, comprend
l'histoire du prince de Condé pendant la fin de
1649 et toute l'année 1650. La deuxième, publiée
pour la première fois , donne tous les faits qui se
rapportent à la jeunesse du prince depuis 1627
jusqu'à la fin de 1643. La troisième partie, dont
tous les matériaux avaient été rassemblés par Le-
net, a été rédigée sur les notes et le plan manuscrits
de Lenet; notes indiquant les faits dont il voulut
parler, et les documents déposés à la bibliothèque
royale. Cette troisième partie comprend l'histoire
du prince de Condé depuis 1644 jusqu'au milieu
de 1649; les événements de la fin de cette année
et de la suivante sont racontés dans la première
partie. Cette sorte de nouveaux mémoires, dont
l'ensemble forme une Histoire complète du
grand Condé depuis sa naissance (1627) jusqu'en
1659, c'est-à-dire pendant tout le temps des
troubles politiques de la France, ajoute un grand
intérêt à ce qui avait paru jusque alors. Ces évé-
nements nous sont racontés par un témoin ocu-
laire , l'un des conseillers les plus influents , les
plus intimes du prince et le seul qui connût
bien toutes ses affaires, les dirigeant presque
toujours à lui tout seul. Personne ne pouvait
donc mieux nous initier aux secrètes pensées et
aux actions en partie ignorées du prince de
Condé. On y voit, entre autres, que c'est la haine
et la jalousie de Mazarin qui déterminèrent en
grande partie le prince à faire la guerre à la
couronne, du moment où il n'avait plus au-
près de la reine ni la sécurité ni les garanties
nécessaires à son rang et à sa dignité. L'ordre
chronologique est tellement interverti dans ces
mémoires qu'il est à désirer qu'un nouvel éditeur
ait le courage de refondre le tout, ce qui en fa-
ciliterait la lecture. M. Aimé Champollion-Figeac
a publié : Mémoires inédits de Pierre Lenet
sur le grand Condé d'après le manuscrit au-
tographe ; Paris, 1840, in-8°.
Un des frères de Lenet, connu sous le nom
d'Abbé de la Victoire, est souvent cité par ma-
dame de Sévigné pour son esprit et ses mots
heureux. A. n'E — p — c.
Moréri, Le Grand Dictionnaire Historique — Papillon,
Hutoir» des Écrivains de la Bounjoqne. — Petitot, Mé-
moires — Mémoires sur l'hist. de France, par Michaud
et Poujoulat. — V. Cousin, La Jeunesse de Mme de Lon-
gueville et la fronde à Bordeaux.
L.ENÈUS (Pompeius) , grammairien latin, vi-
vait dans le premier siècle avant J.-C. Natif d'A-
thènes, il possédait une grande connaissance de
l'histoire naturelle, et savait plusieurs langues. Il
devint, on ne sait dans quelle circonstance, esclave
de Pompée, qui lui donna la liberté. L'affranchi,
reconnaissant, l'accompagna dans toutes ses ex-
péditions (1), et traduisit par son ordre en latin
l'ouvrage de Mithridate sur les poisons. Après
la mort de Pompée et de ses fils, Leneus, qui
ne s'était pas enrichi à leur service et qui gar-
dait un grand attachement pour la mémoire de
son ancien maître, ouvrit une école près du
temple de Tellus dans le quartier des Carines où
était située la maison de Pompée. Salluste ayant
attaqué dans son histoire cet illustre général,
Léueus lui répondit avec une extrême virulence,
et le traita de débauché, de glouton , de fripon,
d'ivrogne, de corrompu dans sa vie et dans ses
écrits, de voleur très-ignorant des vieux mots
de Caton (lastaurum, lurconem, nebulonem,
(1)« On raconte, dit Suétone, que dans son enfance,
ayant été enlevé d'Athènes, il s'enfuit dans sa patrie, et
qu'après avoir acquis dans les lettres une grande instruc-
tion , il rapporta à son maître le prix de sa liberté , mais
que celui-ci, émerveillé de son esprit et de son savoir,
l'affranchit sans vouloir rien accepter, »
G57 LENEUS -
juopinonem, vita scriptisque monstruosum , pris-
[sorum Catonisque verborum ineruditissimum
furem ). Y.
| Suétone, De illustr. Crammat., 2, 15. — Pline, XV,
MO, 39; XXIV, 9. 41; XXV, G, 7. — Millier, ffistor. Krit.
IDarsleltnng der Nachricht. vom l.eben des Saltust.,
|p. 10 — Drninann , <Jcsch. Roms., vol. IV, p. 556.
lenfant (Jacques), célèbre théologien pro-
testant, né à Bazoche, dans la Beauce, le 13 avril
1661, et mort à Berlin, le 7 août 1728, d'une at-
taque d'apoplexie. Il commença ses études à
Saumuret les acheva à Genève. En 1683 il se
rendit à Heidelberg, où il reçut l'imposition des
mains en août 1684, et où il resta, en qualité de
chapelain de l'électrice palatine douairière et de
pasteur de l'Église française, jusqu'en 1688. Il se
retira alors devant l'armée française , dans la
crainte des suites fâcheuses que pouvait avoir
pour lui la publication récente d'un livre de con-
| traverse, dans lequel il avait vivement attaqué
les jésuites. A Berlin, où il chercha un refuge, il
fut nommé pasteur de l'Église française. Il rem-
plit ces fonctions pendant près de quarante ans.
En 1707, dans un voyage qu'il fit en Angleterre,
il prêcha devant la reine Anne, qui lui fit pro-
poser de rester auprès d'elle en qualité de cha-
pelain. Il refusa , ne voulant pas quitter Berlin,
où il avait été accueilli avec la plus grande bien-
veillance et où il jouissait d'une grande consi-
dération. Il réussissait dans la prédication , au-
tant par ses qualités physiques que par les qua-
lités, plus solides, de penseur et d'écrivain. Son
érudition était étendue, et s'alliait chez lui à un
esprit fin et délicat , et à un caractère doux et
conciliant.
Lenfant a beaucoup écrit dans la Bibliothèque
choisie de Leclerc, dans les Nouvelles de la
République des Lettres , journal fondé par
Bayle, et continué par La Roque, puis par Ber-
nard, et enfin par Leclerc, dans V Histoire cri-
tique de la République des Lettres de J. Mas-
son , et surtout dans la Bibliothèque Germa-
nique, dont il fut un des fondateurs et à la ré-
daction de laquelle il prit une part très-active ,
principalement à partir du 4e vol. Outre quel-
ques ouvrages de controverse, on a encore de
lui : Histoire du Concile de Constance, ti-
rée principalement d'auteurs qui ont assisté
au concile, enrichie de portraits ; Amsterd.,
1714, 2 vol. in-4°; nouv. édit., corrigée et aug-
mentée; Amsterd., 1727, 2 vol. in-4°;trad. angl.
Londr., 1730, 2 vol., in-4°. C'est un ouvrage
exact, impartial et intéressant; — Poggiana, ou
la vie, le caractère, les sentences et les bons
mots dePogge Florentin, avec son Histoire de
la République de Florence, et un supplément
de diverses pièces importantes ; Amsterdam,
1720, 2 vol. in-12. Recanati a relevé plusieurs
erreurs commises par Lenfant, dans la vie qu'il
a publiée de Poggio, entête de l'édit. de 1715
de l'Histoire de Florence de cet auteur, imprimée
alors en latin pour la première fois ; — Histoire
du Concile de Pise et de ce qui s'est passé de
LENFANT
658
' plus mémorable depuis ce concile jusqu'à
celui de Constance , enrichie de portraits;
j Amsterd., 1724, 2 vol. in-4° ; — Histoire de la
; Guerre des Hussilrs et du Concile de Bdle ;
; Amsterd., 17-31, 2 vol. in-4°; contref. la même
année à Utrecht (Paris); trad. allem., Vienne,
> 1783-1784, 4 vol. in-8". La mort ne permit pas
à l'auteur de mettre la dernière main à cet ou-
vrage ; — Le Nouveau Testament, trad. en
franc, sur l'original grec; Amsterd., 1718,
j 2 vol. in-4°, en collaboration avec Beausobre.
; Les notes sont des deux écrivains; la préface
| générale, qui forme une véritable introduction à
la lecture du Nouveau Testament, est tout en-
tière de Lenfant ; — Seize Sermonssur divers
textes de V Écriture Sainte; Amsterd., 1 728,
in-8°; trad. en allem. par Rambach , Halle,
1742, in-8°. Lenfant a traduit en latin la Recher-
che de la Vérité de Malebranche, sous le titre
De inquirenda Veritate; Genève, 1691,in-4°.
Michel Nicolas.
Son éloge dans la Biblioth. Germaniq., t. XVI, p. 115
et suiv. — Nicéron, Mémoires.— Chaufepié, Diction.
Hisl. — MM. Haag, La France Protest.
lenfant (Alexandre-Charles-Anne), pré-
dicateur français, né à Lyon, le 6 septembre
1726, massacré à Paris, le 3 septembre 1793. Sa
famille était originaire du Maine. 11 étudia chez
les jésuites de Lyon , et demanda son admission
dans leur ordre. Reçu en 1741 au noviciat d'A-
vignon, il fut envoyé deux ans après à Marseille
comme professeur de rhétorique. Il avait du
talent pour la prédication , et y obtint du suc-
cès. Il prêcha dans les principales villes de
France, et à Marines il convertit un ministre
anglican. Après la suppression de sa société, en
1773, il vécut dans le monde, et prêcha plusieurs
stations à Lunéville, à Vienne et à Versailles.
Il se plaisait à combattre les schismatiques et
les philosophes. Diderot et D'Alembert suivirent
un carême qu'il prêcha à l'église Saint-Sulpice,
et on raconte que le premier dit un jour à son
ami après avoir entendu un sermon du Père
Lenfant sur la foi : « Quand on a entendu un pa-
reil discours, il est difficile de rester incrédule. »
Sans doute le débit de l'orateur était pour beau-
coup dans ses succès , car à la lecture les ser-
mons du père Lenfant ne paraissent pas à la -
hauteur de sa réputation. Il électrisait surtout
son auditoire par l'harmonie de sa voix et par
son air de conviction. Il prêchait le Carême à la
cour en 1791 lorsque son refus de prêter serment
à la constitution civile du clergé le força de s'in-
terrompre. Le 30 août 1792 il fut arrêté et con-
duit à la prison de l'abbaye. « Le 3 septembre,
à dix heures du matin, raconte Jourgniac .de
Saint-Méard , l'abbé Lenfant et l'abbé Rastignac
parurent à la tribune de la chapelle qui nous
servait de prison; ils annoncèrent que notre
dernière heure arrivait, et nous invitèrentà nous
recueillir pour recevoir leur bénédiction. Un
mouvement électrique, qu'on ne peut définir
659
LENFANT — LENGLET
6b0
nous précipita tous à geuoux , et les mains
jointes, nous la reçûmes. » Après le massacre de
quelques victimes, Lenfant fut appelé devant
l'espèce de tribunal que les meurtriers avaient
institué. On assure que les administrateurs de
police et de surveillance consultés par Maillard
sur ce qu'il fallait faire de l'abbé Lenfant avaient
répondu : « Nous déclarons au peuple qu'il im-
porte beaucoup à l'intérêt public que l'abbé Len-
fant soit conservé; mais qu'il ne soit pas mis
en liberté, au contraire très-étroitement gardé. »
Le peuple demanda sa grâce. Elle lui fut accor-
dée. De tous côtés on lui criait : Sauvez-vous !
Il était hors de la foule lorsqu'une femme s'é-
cria : « C'est le confesseur du roi. » Et en effet
Louis XVI l'avait choisi pour confesseur lorsque
le curé de Saint-Eustache eut prêté le serment
constitutionnel. Saisi de nouveau, le père Len-
fant fut ramené à l'abbaye. 11 se mit à genoux,
et périt en disant fout haut cette prière : « Mon
Dieu, je vous remercie de pouvoir vous offrir
ma vie comme vous avez offert la vôtre pour
moi !» On a de lui : Oraison funèbre de M. de
Belzunce, évéque de Marseille, prononcée en
latin, et imprimée avec une traduction française;
1756, in-8"; — Oraison funèbre du Dauphin
père de Louis XVI ; Nancy, 1766, — Sermons
pour l'Avenu et pour le Carême; Paris, 1818,
8 vol. in- 12. J. V.
Jourgniac de Saint-Méard, Mon Agonie de trente-huit
heures. — lliogf. vniv. et portât, des Contemp. — Ar-
nault, Jay, Jouy et Nojvins, Biogr. nouv. des Contemp.
leng (John), érudit anglais, né en 1665, à
Norwich, mort le 26 octobre 1727. Après avoir
prisses degrés à Cambridge, il devint chapelain
du roi Georges 1er, qui l'éleva en 1723 au siège
épiscopal de Norwicb. Au jugement de Richard-
son , c'était un savant du premier mérite. On
a de lui : une édition de Térence, Cambridge,
1701 et 1723, in-4°, qui passe pour une des plus
correctes que l'Angleterre ait produites et qu'il
enrichit de remarques critiques et d'une disser-
tation De Ralione et licentia metri Teren-
tiani; — P tutus et Les Nuées, d'Aristophane ;
1695, in-8° , en grec et en latin ; — la 6e édition
de la version anglaise du traité DeOfJictis, assez
mauvais ouvrage de Roger L'Estrange; — et
quelques écrits religieux. P. L — y.
.Nichnls et Bowycr, Literarg Anecdotes,
lenuard (Samson)., littérateur anglais,
mort en 1633. Dans sa jeunesse il suivit la car-
rière des armes, et se trouva, sous les ordres de
Philippe Sydney, à la bataille de Zutphen. Il
s'occupa ensuite de faire passer dans sa langue
plusieurs ouvrages latins et français, entre autres
Y Histoire des Vaudois de Perrin , V Histoire
de la Papauté de du Plessis-Mornay, et La Sa-
gesse de Charroi). Il était aussi très-versé dans
la connaissance du blason et des armes, et l'on
a conservé de lui au British Muséum plusieurs
compilations héraldiques justement estimées.
P. L— Y.
Oranger, Biog, Dict. — Noble, Collège of Arms.
lengelE ( Martin ), peintre hollandais, vi-
vait à La Haye en 1656, et était l'un des trois
recteurs de l'Académie de Peinture de cette
ville. On cite surtout de lui un tort beau tableau,
représentant une revue de la milice bourgeoise.
Les officiers de grandeur naturelle sont des por-
traits ; celte toile ligure dans les salles de la mai-
son de ville de La Haye. A. de L.
Descamps, Jm Vie des Peintres hollandais, 1. 11, p. 26.
lengerke (Alexandre de ) , agronome al-
lemand , né à Hambourg, le 30 mars 1 802, mort
le 23 décembre 1853. Après avoir fait un voyage
dans l'Amérique du Nord, et aux Indes, il s'a-
donna à l'agriculture, et fit valoir successivement
plusieurs domaines dans le nord de l'Allema-
gne. 11 fut nommé en 1842 professeur d'agro-
nomie à Berlin et secrétaire général de la com-
mission pour l'économie rurale de la Prusse.
Parmi ses ouvrages, qui sont très-estimés , on
remarque : DarsleUuny der Schleswig-Hol-
steinischen Landvnrthschafl (Exposé de mo-
des de culture en usage dans le Sleswig-Hol-
stein); Berlin, 1826, 2 vol.; — Beise durch
Deutschland in besonderer Beziehung auf
Ackerbau und Industrie (Voyage à travers
l'Allemagne, faisant surtout connaître l'agricul-
ture et l'industrie de ce pays) ; Prague, 1839; —
Landwirt fis chafl lie fies Conversations - Lexi-
kon ( Dictionnaire d'Agronomie); Prague, 1835-
1838, 4 vol.; un volume de supplément parut
à Brunswick en 1842 ; — Anleitung zum prak-
tischen Wiesenbau (Méthode pour la Culture
des Prairies ); Prague, 1836 et 1844; — Land-
voirthschaflliche Statistik der deutschen
Bundestaaten (Statistique rurale de la Confédé-
ration Germanique) ; Brunswick, 1840, 2 vol.;
— Beitràge zur Kenntniss der Laudvnrlhs-
chaft in den Preussischen Slaaten ( Docu-
ments pour servir à la connaissance de l'état de
l'Agriculture en Prusse); Berlin, 1846-1852,
4 vol.; — Die làndliche Arbeiterfrage (La
question des Travailleurs); Berlin, 1849 ; — Der
Ackerbau im Landgebiet der Steedte (L'Agri-
culture aux environs des villes); Berlin, 1850;
Der Gardenbau im Preussischen Slaale
(l'Horticulture en Prusse); Berlin, 1852; —
Landwirthschafliiche Jahreschrift (Revue
Agronomique); Berlin, 1852. Pendant les onze
dernières années de sa vie, Lengerke a été le
rédacteur en chef des Annalen der Land-
wirlhschaj't in den Preussischen Staaleii
(Annales agronomiques de la Prusse), pu-
bliées à Berlin par le gouvernement prussien.
E. G.
Conv.-Lex.
le.\glet (Étienne-Géry), homme politique
français, né à Arras, en 1757, mort à Douai, en
octobre 1834. 11 exerçait la profession d'avocat
dans sa ville natale à la révolution. Partisan
des idées nouvelles, il fut appelé par ses conci-
toyens à diverses fonctions publiques. Ami des
Girondins, il refusa de signer une adnes^ de la
: 661 LENGLET •
I Société populaire d'Arras à la Convention dans
I laquelle on se félicitait de la chute des députés
fédéralistes. Après la dissolution de la Conven-
| tion, Lenglet fut envoyé au Conseil des Anciens
par le département du Pas-de-Calais. 11 parut
| plusieurs (ois à la tribune, et parla pour la li-
berté de la presse et la liberté individuelle. Au
18 brumaire, il osa demander à la tribune, en
face de Bonaparte, le maiutien de la constitu-
tion. 11 refusa ensuite son adhésion à la consti-
tution de l'an vhi. Bonaparte le nomma néan-
moins président du tribunal d'appel de Douai,
qui devint successivement cour impériale et
cour royale. On a de Lenglet : Essai ou Obser-
vations sur Montesquieu; Paris, 1792,
in-8°; — Rêveries diplomatiques après la
prise de la Hollande; in-S°; — Essai sur
la Législation du Mariage , suivi d'observa-
tions sur les dernières discussions du Conseil
des Cinq Cents concernant le divorce; 1797,
in-8° ; — De la Propriété, et de ses rapports
avec les droits et avec la dette du citoyen ;
Paris, 1793, in-8u; — Introduction de l'his-
toire, ou recherches sur les dernières révo-
lutions du globe et sur les plus anciens peu-
ples connus; 1812. J. V.
Arnault. .lay, Jouy et Norvins, Biographie nouv. des
Contemporains. — Biogr. univ. et portât, des Contemp.
lenglet- DUFRESNOY (Nicolas, abbé),
célèbre érudit français, né à Beauvais (Oise),
le 5 octobre 1674, mort le 16 janvier 1755. Il
fit ses études à Paris , et se livra d'abord à la
théologie, qu'il quitta bientôt pour la diplomatie,
et dès lors la politique, l'histoire et la littérature
se disputèrent l'emploi de son temps. En 1705
il fut envoyé par M. de Torcy auprès de l'élec-
teur de Cologne, qui résidait alors à Lille; il eut
l'occasion de rendre un service important à ce
prince par la découverte d'un complot tramé
contre lui. Lors delà prise de Lille parle prince
Eugène, il obtint un sauf-conduit pour tout ce
qui appartenait à l'électeur. En 1718, il servit
dïnslrument au régent pour découvrir ceux qui
avaient pris part à la conspiration du prince de
Cellamare. Les moyens dont il usa en cette oc-
casion ne témoignent pas d'une excessive délica-
tesse : il se lit mettre à la Bastille ( où il devait
retourner si souvent ) , comme auteur d'un pré-
tendu mémoire du parlement en faveur du duc
du Maine. 11 n'eut pas de peine à s'attirer ainsi
la confiance de ceux que la même cause avait
fait arrêter. Toutefois Lenglet ne se chargea de
cette commission déshonorante que sur la pro-
messe qu'il exigea qu'aucun des coupables qu'il
découvrirait ne subirait la peine capitale. Len-
glet essaya d'effacer cette tache par de nom-
breux travaux d'érudition. Son amour de l'indé-
pendance, un des traits les plus distinctifs de son
caractère, lui valut des emprisonnements plus
sérieux que le premier. On a porté jusqu'à dix et
douze le nombredeses séjours à la Bastille. C'est
une exagération, qu'expliqua la franchise si connue
DUFRESNOY
662
de Lenglet. La vérité est qu'il y fut enfermé pour
la deuxième fois en 1725; pour la troisième en
1743; pour la quatrième en 1750, à cause de son
calendrier historique, et pour la cinquième et der-
nière fois en 1751, pour une lettre qu'il écrivit au
contrôleur général et qu'on prétendit insolente.
Aussi aurait-on pu dire de lui en l'allant voir
à la Bastille ce que disait à Boufflers un plai-
sant qui le rencontra sur une grande route : « Je
suis bien aise de vous trouver chez vous. »
Un séjour qu'il lit en Autriche, où il vit
J.-B. Bousseau, et le prince Eugène, ayant of-
fusqué la cour de France, il fut arrêté à son
retour, en 1723, et détenu six mois dans la cita-
delle de Strasbourg. L'année suivante il fut en-
fermé pendant quelque temps à Vincennes.
Toutes ces contrariétés ne ralentirent ni son ar-
deur pour la liberté ni son zèle pour le travail.
Elles ne portèrent même pas la moindre atteinte
à sa gaieté. Il eût pu, grâce à un heureux con-
cours de circonstances et aux nombreuses et
importantes relations que lui valurent les ser-
vices qu'il rendit et le talent qu'on lui connais-
sait, se laisser entraîner par l'ambition et parve-
nir à une position très élevée dans Ja diplomatie.
Il refusa toujours les offres brillantes que lui
faisaient pour se l'attacher, le prince Eugène, le
cardinal Passionei et le secrétaire d'État, ministre
delà guerre, M. le Blanc. Il préférait penser,
écrire et vivre librement. Ainsi , même dans ses
vieux jours , à cet âge où l'on aime ordinaire-
ment les jouissances du confortable et les dou-
ceurs du far niente, il refusa d'aller demeurer
à Paris, avec une sœur opulente qui l'aimait et
qui lui faisait les offres les plus séduisantes. Ce
refus nous valut près de quarante ouvrages, qui
tous témoignent de vastes connaissances scien-
tifiques et littéraires. L'histoire des temps passés
semble avoir été son étude de prédilection : « Je
veux, disait-il, être franc Gaulois dans mon
style comme dans mes actions. ■>
L'abbé Lenglet est le véritable modèle de
l'homme de lettres indépendant : sa vaste érudi-
tion lui fît quelquefois défaut. 11 est tombé dans
des erreurs grossières, que certains critiques at-
tribuent plutôt à une mauvaise foi intéressée
qu'à l'ignorance. Ses notes et ses écrits respirent
la malignité et la mordante causticité de Guy Pa-
tin. Il appartient par ses sarcasmes à la famille
de Babelais. Sur ses derniers jours, il se livra à
la chimie ; on prétend même qu'il cherchait la
pierre philosophale. Un instant il eut l'idée d'é-
crire ses mémoires.
Lenglet-Dufresnoy mourut d'une manière tra-
gique^ l'âge de quatre-vingt-deux ans. Un soir,
qu'il s'était endormi au coin de son feu, en li-
sant un livre nouveau qu'on venait de lui en-
voyer : Considérations sur les révolutions
des Arts, par le chevalier de Mehegen, il se
laissa tomber au milieu des flammes. Ses voisins
arrivèrent trop tard pour le secourir; l'infortuné
vieillard avail déjà la tète presque toute brûlée.
663
On a «le lui : Lettre à MM. les doyen, syn-
dics et docteurs en théologie de la faculté de
Paris, 1696, signée E. Ë. T. S. M. M. D. L.
et P. c'est-à-dire : étudiant en théologie sous
MM. de Lestocq et Pirot , et relative à la
dénonciation faite à la faculté de théologie de
Paris, du premier volume de la Vie de la mainte
Vierge, traduit de l'espagnol, attribué à la mère
Marie de Jésus; la Sorbonne ayant censuré cette
lettre, à laquelle le P. Clouseil avait répondu ,
Lenglet répliqua par uu nouveau mémoire sur
le môme sujet, et écrivit, le 30juin 1697, une
lettre latine au P. Matthieu, prieur des Carmes
déchaussés de Madrid ; — Traité historique et
dogmatique du secret inviolable de la con-
fession, 1708, in-12; augmenté en 1713 Réim-
primé en 1733; — Mémoires sur la collation
des canonicats de l'église de Tournay ; 1711,
1712, 1713, in-8°; — Méthode pour étudier
l'histoire^ avec un catalogue des principaux
historiens; 1713, 2 vol. in-12; 5e édition, 1729,
4 vol. in-4°; 1735, 1737; supplément en 1740,
2 vol. in-4°. La meilleure édition est celle en
15 vol. in-12; Paris, 1772, dont le catalogue
des historiens, augmenté par Drouet, est encore
le plus complet que nous ayons eu en français;
— Méthode pour étudier la géographie, avec
un catalogue des cartes géographiques, des
relations de voyages, et des descriptions les
plus yiécessaires pour la géographie ; 1716,
4 vol. in-12, 1718, etc. L'édition la plus estimée
est celle de 1768, 10 vol. in-12, dont le cata-
logue a été augmenté par Drouet et Barbeau-La-
bruyère; — Tables chronologiques de l'histoire
universelle; 1729; réimprimées en 1733; — De
l'Usage des Romans, avec une bibliothèque des
romans; 1734, 2 vol. in-12 : publié sous le nom
de Gordon de Percel, contenant une violente satire
contre J.-B. Rousseau, et "dont les états géné-
raux ordonnèrent la suppression ; — L'Histoire
justifiée, contre les Romans ; 1735, in-12 : réfu-
tation de l'ouvrage précédent, qui avait été cen-
suré par la police ; ces deux ouvrages ont été
réimprimés en Hollande; — Histoire de la
Philosophie Hermétique , accompagnée d'un
catalogue raisonné des écrivains de cette science,
avec le véritable Philalète, revu sur les origi-
naux ; 1742, 3 vol. : ouvrage très-critiqué; —
Tablettes chronologiques de l'histoire uni-
verselle, sacrée et profane; 1744, 2 vol. in-8°;
réimprimées plusieurs fois et revues par M. Pi-
cot; — Calendrier historique pour l'année
1750, avec l'origine de toutes les maisons
souveraines ; 1750, in-12 : ouvrage qui fit em-
prisonner l'auteur, parce qu'il traitait le roi
Georges d'usurpateur du royaume d'Angleterre
aux dépens du prince Edouard; — Traité his-
torique et dogmatique sur les Apparitions ,
les visions, et les révélations particulières,
avec des observations du R. P. dom Calmet
sur les apparitions et les revenants; 1751,
2 vol. in-12 : la préface de cet ouvrage est une
LEiN'GLET-DUFRESNOY — LENNEP 664
de ses meilleures; — Recueil de Dissertations
anciennes et nouvelles, sur les Apparitions, les
visions et les songes, avec une préface histo-
rique et un catalogue des auteurs qui, ont
écrit sur les esprits, les visions, les appari-
tions, les songes et les sortilèges; 1752, 4 vol.;
— Histoire de Jeanne d'Arc, vierge, héroïne
et martyre d'État, suscitée par la Providence
pour rétablir la monarchie française, tirée
des procès et autres pièces originales du
temps; 1753, in-12, divisée en deux parties; —
Plan de l'Histoire générale et particulière de
la Monarchie française; 1754, 3 vol. in-12 :
ouvrage non terminé; — Lettres d'un cha- '
noine de Lille à un docteur de Sorbonne, au
sujet d'une prière hérétique; 1707, in-12.
L'abbé Lenglet-Dufresnoy a en outre édité
un très-grand nombre d'ouvrages, qu'il a enri-
chis de notes et de préfaces. On lui a attribué
plusieurs livres dont il n'est pas l'auteur. P.
Michault, Mém. pour servir à l'hist. de la vie et des
ouvrages de l'abbé Lenglet- Dujfresnoy ; Paris , 1761. —
Quérard , La France Littér.
lenker [Jean), opticien allemand, mort le
28 novembre 1585. Il séjourna presque constam-
ment à Nuremberg, sa ville natale, y exerça
l'art de l'orfèvrerie, et se fit aussi remarquer par
son habileté dans la construction d'instruments
d'optique. On a de lui : Perspectiva Hier aria;
Nuremberg, 1567 et l595,in-fol. -—Perspectiva
mit exemplen; Nuremberg, 1571, in-fol. ; Ulm, .
1617, in-fol.
Son fils , Jean Leuker, bourgmestre de Ratis-
bonne, exécuta de nombreux ouvrages ciselés, .
très-estimés ; quelques-uns sont encore conser- •
vés dans les collections de Vienne et de Munich. ,
Lenker était aussi habile graveur.
Nagler, Allgem. Kûnstlcr-Lcxikon. — Doppelmayer,
Von Nurnbergischen Mathematikern, p. S9.
lennep (Jean-Daniel), philologue hollan-
dais, né à Leuwarden, en 1724, mort en juillet
1771. Élève de Valkenaër, il devint, en 1752,
professeur de grec et de latin à Groningue;
quinze ans après il fut appelé àFraneker pouri
y enseigner le grec. On a de lui : Coluthi Rap-
tus Helensc, cum animadversionibus ; Leu-
warden, 1747, in-8°; — De Linguarum Ana-
logia exanalogis mentis actionibus probata;
Groningue, 1753, in-4°; — Ce Altitudine Dic-
tionis sacrée Novi Testamenti ad excelsam
Longini disciplinant exacla; Groningue, 1763,
in-4°. — Lennep avait aussi traduit en latin et
annoté les Lettres de Phalaris; son travail fut
publié après sa mort par Valckenaër (Grœnin-
gue, 1777, in-4°). Le principal ouvrage de
Lennep est son Etymologicum LingueeGrxcse;
Utrecht, 1790 1808, 2 vol. in-8°, publié par les
soins de Scheid : l'auteur a pris pour point de
départ les idées judicieuses exprimées par Hems-
terhuis au sujet des étymologies grecques; il
a donc évité les comparaisons arbitraires, si
:665 LENNEP — LENNOX
fréquentes autrefois, entre la langue grecque et
les idiomes orientaux.
666
Strodtraann, Neues gelehrtes Europa. t. IX, p. 219. —
Sax , Onomasticon, t. VII, p. 117.
lennep (David -Jacob), philologue hollan-
dais, de la même famille que le précédent, né à
Amsterdam, le 15 juillet 1774, mort le 10 février
1853. Appelé, en 1799, à enseigner les langues
anciennes à l'Athénée d'Amsterdam, en rempla-
cement de Wyttenbach, il devint plus tard pro-
fesseur d'éloquence à l'université de Leyde. Re-
gardé comme un des premiers latinistes de notre
époque, il se fit en outre remarquer par les dis-
cours qu'il prononça aux états généraux, dont il
faisait partie depuis 1838; les pièces de poésie
qu'il composa dans sa langue maternelle sont
des modèles de pureté et d'élégance. On a de lui :
Carmina juvenilia; Amsterdam, 1791; —
Exercitationes Juris ; Leyde, 1796, in-4°; —
De prseclaris vitse prsesidiis contra adversam
fortunam, quibus veterum auctorum scripta
abundant ; Amsterdam, 1800, in-4°; — Ovidii
Heroides et Sabini epistolœ cum animadver-
sionibus; Amsterdam, 1809 et 1812, in-12; —
Hesiodi Theogonia et Scutum Herculis, cum
comment ario ; Amsterdam, 1843, in-S°. Len-
nep, qui a aussi publié le cinquième volume de
l'édition de Y Anthologia Grscca, commencée par
Bosch , a encore fait paraître de nombreuses dis-
sertations sur divers sujets de philologie et de
littérature; on lui doit enfin une traduction en
vers hollandais des Opéra et Dies d'Hésiode;
Amsterdam, 1823. E. G.
I Conversations Lexikon.
lennox {Charlotte), romancière et auteur
dramatique anglaise, née en 1720, morte en
1804. Son père, te colonel Ramsay, lieutenant-
gouverneur de New-York, la renvoya en Angle-
terre à l'âge de quinze ans, et mourut peu après.
Laissée sans fortune, elle se soutint par ses tra-
vaux littéraires. On ne sait presque rien de son
histoire personnelle, et on ignore même l'époque
de sa mort. Elle publia en 1747, lorsqu'elle n'é-
tait encore que miss Ramsay, des Poems on
several occasions; en 1751, les Memoirs of
HarrietStuart, eten 1752, Thefemale Quixote,
roman dont Johnson écrivit la dédicace au comte
de Middlesex. Son Shakspeare illustrated pa-
rut en 1753, 2 vol. in-12, et fut augmenté bientôt
après d'un troisième volume. C'est un recueil
des nouvelles et des histoires sur lesquelles les
pièces de Shakspeare sont fondées. Miss Lennox
les a recueillies et traduites d'après les auteurs
originaux, et y a joint des notes destinées à
prouver que Shakspeare a gâté les sujets de ses
pièces en les surchargeant de basses inventions,
d'absurdes intrigues et d'incidents improbables.
On a encore de Charlotte Lennox : The Me-
moirs of the coun/ess of Bercy, traduits du
français; 1756, 2 vol. in-12 ; — Suily's Memoirs,
traduits du français; 1756, 3 vol. in-4°; — Hen-
riette, roman; 1758, 2 vol. in-12; — une tra-
duction du Théâtre grec du père Bruinoy;
1 760, 3 vol. in-4°, avec le comte Orrcry et le
docteur Johnson; — Sophia, roman; 1762,
2 vol. in-12; — The Sister, comédie ; 1769,
in-8°; — Old city Manners, comédie; 1775,
in-8°; — Euphemia, roman; 1790, 4 vol. in-12.
Johnson avait une haute opinion de miss Len-
nox, et il la plaçait comme romancière au-dessus
de miss Hannah More et de miss Burney ; mais
le talent et les travaux de cette dame ne pu-
rent mettre ses dernières années à l'abri de la
pauvreté. Z.
Cbalmers, General Biographical Dictionary. — Bi'o-
graphia Dramatica.
lennox (N.... comte), aéronaute français,
né à Philadelphie, en 1795, mort à Paris, en
1836. Sa famille était originaire d'Ecosse. Il vint
très-jeune en France, où il fit ses études. En
1813, le comte de Montlosier l'emmena avec lui
dans un voyage en Italie , et lui servit de guide.
Le comte Lennox entra dans les gardes d'hon-
neur de Napoléon. Après les désastres de 1815,
il devint aide-de-camp du général Damas , puis
entra comme instructeur à l'École militaire de
Saint-Cyr ; de là il passa comme capitaine ins-
tructeur à l'école de cavalerie de Saumur. Il se
trouvait à Paris en juillet 1830, et se mêla aux
insurgés. Peu de jours après il accompagnait le
lieutenant général du royaume à l'hôtel de ville.
Le général Gérard le chargea de la formation d'un
régiment de lanciers, et lui donna le grade de chef
d'escadron. S'étant mis à la tête d'une association
nationale de l'armée, Lennox encourut la disgrâce
du gouvernement, et dut donner sa démission.
Actionnaire du journal La Révolution de 1830,
il s'en rendit bientôt propriétaire, et lui donna
une couleur bonapartiste prononcée ; ce journal
succomba bientôt sous le poids des saisies et des
amendes. A chaque crise Lennox était arrêté et
emprisonné. Lors de l'insurrection de Pologne
il voulut former un régiment à ses frais ; mais le
gouvernement, l'en empêcha. Il acheva de se
ruiner en venant en aide aux proscrits et aux
prisonniers politiques. Ses idées se tournèrent
alors vers la navigation aérienne. Il fit construire
un énorme ballon, à qui il donna le nom de
L'Aigle, et qui avait dix mètres de long sur onze
de large; la nacelle avait vingt-deux mètres de
long ; l'enveloppe de ce ballon était d'une toile
imperméable capable de contenir, disait-on, le
gaz pendant plus de quinze jours. Il y avait un
gouvernail en avant et un en arrière de la na-
celle, et de chaque côté des roues en toile cons-
truites à l'imitation des roues des bateaux à va-
peur. Chaque gouvernail et chaque roue devait
frapper l'air tantôt d'une manière permanente
aux dépens de la vitesse, tantôt dans le but de
l'accélérer; les roues étaient disposées de ma-
nière à aller successivement ou simultanément
en sefls contraire. Pour faire monter ou des-
cendre l'aérostat, Lennox avait eu l'idée d'intro-
duire dans son ballon un sac imité de la vessie
667 LENNOX
natatoii'e des poissons qu'on pouvait remplir d'air
plus ou moins comprimé, el qui devait ajouter
jusqu'à quinze kilogrammes au poids du navire
aérien. Lennox et ses associés pensaient se
servir en l'air des courants atmosphériques; lou-
voyer, monter, descendre dans les différentes
couches, et réussir ainsi à aller où ils voudraient.
La première ascension de L'Aigle devait emporter
Lennox, Orsi, Guibert, Ajasson de Grandsagne,
Laurent, Edan, Mraes Lennox et Edan ; l'aérostat
ne put s'enlever, et il fut mis en pièce par la foule.
L. L— t.
Sarrut et Saint-Edme, Iiiogr. des Hommes du Jour,
tome 111, lre partie, p. 133. — Duckett, dans le Dict. de
la Convers. — Turgan , Les Ballons.
lenoble (Eustarhe) , baron de St-Georges
etDK Tenelière, litlérateurfrançais, né à Troyes,
en 1643, mort à Paris, le 31 janvier 1711. 1| ap-
partenait à une famille de robe, et jeune encore
il obtint la charge de procureur général au par-
lement de Metz. Adonné aux plaisirs, il dut vendre
sa charge pour payer ses dettes; cette ressource
ne lui suffit pas ; accusé d'avoir fabriqué des actes
faux , il fut enfermé au Châtelet et condamné
à un bannissement de neuf années. Sur son appel,
il fut enfermé à la Conciergerie, où il rencontra
Gabrielle Perreau, connue sous le nom de la
Belle Épicière, que son mari avait fait enfermer.
Lenoble devint l'amant de cette femme. Tous
deux parvinrent à s'évader, et se cachèrent.
Repris enfin, il composa en prison un grand
nombre d'ouvrages Bayle lui trouvait « infiniment
d'esprit et beaucoup de lecture; il sait traiter,
ajoutait-il, une matière galamment, cavalière-
ment; il connaît l'ancienne et la nouvelle philo-
sophie ; cependant il se vante d'avoir fait beau-
coup d'horoscopes qui ont réussi, et il s'attache
avec soin à maintenir le crédit de l'astrologie
judiciaire. » Les Œuvres complètes de Lenoble
ont été réunies en 20 vol. in-12 ; Paris, 171S.
Vignaoourt a réuni plusieurs des nouvelles de Le-
noble dans ses Amusements de la Campagne;
Paris, 1743, 8 vol. in-12; un autre recueil, dont
les pièces lui sont également empruntées, est in-
titulé : Le Gage touché, histoires galantes et
comiques^ Liège, 1771, 2 vol. in-12. L. L— t.
Bayle, i'ensèes diverses sur la Comète. — Barbier,
Dict. des anonymes.
lenoble ( Pierre-Madelaine), économiste
et physicien français, né à Autun, en 1772, mort à
Paris, le 28 mai 1824. En 1792, il fut nommé com-
missaire des guerres à l'armée de Belgique , et
depuis lors ne cessa d'être employé en cette qua-
lité dans les contrées qu'envahirent les armées
françaises. Parmi ses écrits on remarque : Es-
sais sur l "administration militaire; 1797 et
181 1 ; — Mémoires sur la panification ; 1798 ;
— Découverte sur le galvanisme, comme
cause des sensations de l'organe de l'ouïe et
des effets de la voix; suivi de Quelques Idées
philosophiques sur nos sens; Milan et Paris,
1803, in-4°; — Considérations générales sur
l'état actuel de l'administration militaire en
LENOIR
668
France au 1er janvier 1816; Paris, 1816,
in-4°; — Mémoires sur les opérations mili-
taires des Français en Galice, en Portugal et
dans la vallée du Tage, en 1809, sous le com
mandement du maréchal Soult ; avec un Atlas
militaire; Paris, 1821, in-8°, et Atlas; — Exa
men général et détaillé des récolles et des
consommations de. blé en France, etc. ; Paris,
1822, in-8°. H. L.
Moniteur universel, n°" 36 et 38, ann. 1821. — Manu),
Annuaire. Nécrologique, année 1824.
le nobletz (Michel), missionnaire fran-
çais, né le 29 septembre 1577, au cbàteau de
Kerodren près Plouguerneau, mort au Conquet.
le 5 mai 1652. Il commença ses études à Bor-
deaux, et les acheva a Agen, chez les jésuites.
Le 30 septembre 1598, il fit profession à Quim-
per dans la Compagnie de Jésus, et dès lors se
livra à la prédication ; il apprit les langues grec-
que et hébraïque, afin de pouvoir expliquer les
écritures dans leurs textes primitifs. Le iNobletz
possédait surtout un grand penchant vers le
mysticisme. Il se fit bâtir une petite cellule sur
le bord de la mer à Tremenach, et là il s'imposa
toutes les privations et les austérités qu'un corps
humain peut endurer. Toujours revêtu d'un ci-
lice, chaque nuit, dit son biographe, il ne cessait
de se frapper qu'inondé de sang. Ces excentri-
cités religieuses le firent facilement passer pour
un prédestiné parmi les populations ignorantes
et dévotes de la Bretagne ; mais les dominicains
de Morlaix crurent devoir le chasser de leur mo-
nastère, à la suite d'un scandale qui attira à Le
Nobletz « une peine bien crueile et bien honteuse,
puisque son biographe (M. Levot) ajoute que
plusieurs criminels lui préféreraient la mort ».
Le Nobletz n'en continua pas moins à prêcher
la foi catholique dans la basse Bretagne et dans
les îles d'Ouessant, de Molène, de Batz, etc. Il
fut souvent expulsé par le clergé régulier, qui ne
demeurait .pas convaincu des conversions écla-
tantes, des miracles, des prophéties que la cré-
dulité publique attribuait à ce nouvel apôtre,
resté au surplus en très-grande vénération dans
son pays. On a de Le Nobletz : un Journal de
ses Missions; Paris, 1666, 1668, in-8°, et Lyon,
1836, 2 vol. in-12; — De l'Union de la volonté
humaine avec la volonté divine, etc., publié
par Dan.-Louis Miorcec de Kerdanet ; Brest, 184 1 ,
in-18. A. L.
Le P. Antoine de Verjus . La vie. de Michel Le Nobletz,
prêtre et missionnaire en Bretagne.
lenoir (Nicolas), dit le Romain , architecte
français, né à Paris, en 1726, mort en 1810. Elève
de Blondel, il obtint le grand prix de l'Acadé-
mie, séjourna quelque temps à Rome, et devint
l'architecte de Voltaire, qui l'employa à Ferney.
En 1779, il bâtit le marché Beauvan, entre
les rues du faubourg Saint-Antoine et de Cha-
renton. Bientôt il dut sa réputation à un vé-
ritable tour de force. Le théâtre de l'Opéra, con-
tigu au Palais-Royal , ayant été détruit par un
ÎC9
LENOIR
670
ncendie, le 8 avril 1781, Lenoir s'engagea par
in dédit de 24,000 livres à reconstruire une
aile qui pût être ouverte au public le 5 octobre
uivant. 11 lit travailler les ouvriers nuit et jour,
;t dans l'espace de soixante-quinze jours, le
héàlre fut construit et entièrement décoré. Cette
aile, l'une des plus vastes et des plus commodes
le Paris, quoique pour ainsi dire improvisée,
l'a jamais eu besoin de réparation; l'opéra l'a
iccupée jusqu'en 1793; c'est aujourd'hui le
médire de la Porte Saint-Martin. En 1790,
Lenoîr éleva sur la place du Palais-de-Justice,
t sur l'emplacement de l'ancienne église Saint-
Barthélémy une autre salle de spectacle, qui prit
e nom de Théâtre de la Cité, et qui, abandonnée
n 1807, est devenue le bal du Prado. E. B— n.
Diilaure, Histoire de Paris.
lenoir (Etienne), mathématicien et ingé-
lieur français, né à Mer, en 1744, mort à Paris,
în 1832. On n'a guère de détails sur sa première
jeunesse : il est même vraisemblable qu'il n'ar-
riva qu'assez tard à la renommée, dans un art
où l'inspiration n'est que secondaire et dont le
mérite principal consiste dans une longue pra-
tique, mûrie par de continuelles études. Chez
Lenoir la main devint aussi habile que la tête
était savante. En 1772, il fut chargé d'exécuter
le cercle, de réflexion inventé par Borda pour
la détermination des longitudes en mer. La per-
fection qu'il apporta dans ce travail lui mérita le
brevet d'ingénieur du roi Louis XVI. La cons-
truction du cercle astronomique répétiteur
attira de nouveau sur Lenoir l'attention du gou-
vernement, qui le chargea d'établir tous les ins-
truments nécessaires à La Pérouse, d'Entrecas-
teaux et Baudin pour leurs voyages autour du
monde. C'est dans les ateliers de Lenoir que fut
construit, en 1788, le premier fanal à miroir
parabolique, placé sur la tour de Cordouan près
de Bordeaux. Depuis cette époque il s'appliqua
à perfectionner les fanaux, et découvrit que
plus on diminue la mèche placée au foyer d'une
parabole et plus la lumière devient intense; ré-
sultat précieux, puisqu'il augmente les produits
en diminuant les dépenses. En 1792, il confec-
tionna les instruments que Méchain et Delambre
employèrent pour mesurer un arc du méridien
terrestre. On sait que la longueur de cet arc a
servi de base à la détermination du mètre : Le-
noir exécuta le mètre- étalon en pla1ine,qui est
déposé aux Archives, dans l'armoire dite à trois
clefs, et tous les autres étalons commandés par
te gouvernement lors de l'établissement du nou-
veau système de poids et mesures. Ce fut à Le-
noir que M. Pictet confia l'exécution de son
comparateur, qui a servi à déterminer avec pré-
cision le rapport exact entre les mesures anglaises
et françaises. C'est à lui aussi que s'adressèrent
les savants qui prirent part à l'expédition d'E-
gypte. Lenoir s'est fait remarquer à presque
toutes les expositions de l'Industrie, et a obtenu
quatre médailles d'or. 11 reçut la croix d'Honneur
sous la restauration, et fut appelé à faire partie
du bureau des longitudes.
Son fils, Paul-Étienne-Marie Leixoik, mort
en 1827, avait suivi la même carrière que son
père, qu'il aidait dans ses travaux. Il avait été
membre de l'Institut d'Egypte. A. de L.
Le Ras. Dictionnaire encyclopédique de la France. —
C. l'.raiano, dans Les Hommes illustres rfe l' Orléanais,
t. I, p. 311-312.
lenoir (Jean- Charles-Pierre), adminis-
trateur français, né en 1732, mort le 17 no-
vembre 1807. Conseiller au Châtelet en 1752,
il fut appelé le 10 juin 1776 à l'administration
de la police. Parmi les progrès dont il fut plus
spécialement le promoteur, il faut citer l'orga-
nisation d'une école de boulangerie où deux pro-
fesseurs devaient donner des cours théoriques
et pratiques; l'institution du mont-de-piété et la
suppression des vaisseaux de cuivTe dont se ser-
vaient les laitières. Il provoqua aussi la destruc-
tion du cimetière des Innocents. On se plaignait
beaucoup alors de la malpropreté des rues de
Paris; au mois de janvier 1780, il proposa un
prix de 600 livres pour l'auteur d'un mémoire
qui renfermerait les meilleures vues sur cette
partie importante de la salubrité publique; il
en résulta un ordre de choses qui diminua un
peu l'excès du mal. Enfin, on lui doit l'éclairage
non interrompu des rues de Paris. Avant lui, on
faisait à l'entrepreneur de l'éclairage des retenues
pour les moments d'interruption où la lune de-
vait éclairer suffisamment, ce qui n'arrivait pas
toujours; de ces retenues, on formait un fonds
de gratification qu'on nommait les pensions sur
le clair de lune ; ce fonds fut supprimé, et la ville,
éclairée en tout temps. Pour bien apprécier l'en-
semble des perfectionnements apportés par Le-
noir dans toutes les branches de son adminis-
tration , il faut consulter un volume de 64 pages
in-fol., rédigé sous ses yeux, et qui a pour titre :
Détail de quelques établissements de la ville
de Paris, demandé par sa majesté impériale
Ja reine de Hongrie à M. Lenoir, conseiller
d'État, lieutenant général de police ; Paris,
1780. Le 11 août 1785 Lenoir quitta la Police, et
fut nommé simultanément président de la com-
mission des finances et bibliothécaire du Boi. Il
fut un moment compromis dans le scandaleux
procès de Beaumarchais contre Kornmann ; mais
sa justification fut rapide et complète. Sa place
de bibliothécaire lui suscita aussi de nombreux
ennemis ; il était traité de la manière la plus ou-
trageante dans un misérable pamphlet, intitulé :
L'An 1787, précis de ^administration de la
Bibliothèque du Roi sous M. Lenoir, in-12 de
18 pages, sans lieu ni date. La révolution ne lui
fut pas plus favorable : il existe un autre pam-
phlet virulent, publié en 1789 et accompagné de
gravures très-singulières, sous le titre : Apologie
de M. Lenoir. En 1790, il donna sa démission
de bibliothécaire, et quitta la France ; il gagna la
Suisse, puis l'Autriche , où il épousa une veuve
671 LENOIR
française; il refusa toutes les offres qui lui furent
faites alors par les souverains de l'Angleterre et
de la Russie, qui l'appelaient dans leurs conseils.
Il revit la France en 1802 ; sa fortune était com-
plètement anéantie. Le gouvernement autorisa le
mont-de-piété à lui faire une pension de 4,000 fi\,
qu'il toucha jusqu'à sa mort. Lenoir a laissé une
réputation incontestée d'honnêteté et détalent;
ses conseils eurent une grande part dans l'aboli-
tion de la torture en France. Alfred Fkanklin.
Frégier, Histoire de l'Administration de la Police de
Paris depuis Philippe- Auguste jusqu'aux états géné-
raux de 1789; Paris, 1850, S vol. in-8°. — P. Manuel, Jjx,
Police.de Paris dévoilée ; Paris, an n,2vol. in-8°. —
H. Raisson , Histoire de la Police de Paris; Paris, 1843,
iu-8° ; — B. Satnt-Edme , Biographies des Lieutenants
généraux, ininistres, directeurs généraux et préfets de
police en France; Paris, 1829, in-8°. — L. Lurine, His-
toire secrète et publique de la Police ancienne et mo-
derne; Paris , 1847, 2 vol. in-8". — Moniteur universel;
1789, p. 34; an III, p. 186.
672
lenoiu {Marie -Alexandre), archéologue
français, né à Paris, le 26 décembre 1761, mort
dans la même ville, le 1 1 juin 1839. Il fit ses pre-
mières études sous la direction de l'abbé Lenoir,
et les termina au collège des Quatre-Nations.
Il fut placé ensuite chez Doyen, peintre du roi
et professeur de l'Académie de Peinture ; il s'y,
lia avec une foule d'artistes qui devinrent célè-
bres. Lenoir fréquenta aussi les cours de l'É-
cole dramatique, où il connut Talma, avec qui
il joua la tragédie au château de Saint-Ger-
main. Admis à copier les tableaux de la galerie
d'Orléans, il composa une petite comédie en un
acte intitulée : Les Amis du temps passé, ou les
ressources de l'amitié, qu'il lut devant la du-
chesse d'Orléans ; cette pièce fut jouée en société
et imprimée en 1786. Lenoir fitaussi paraître des
Critiques raisonnées sur les tableaux successi-
vement exposés au Louvre. En 1790 il conçut
le projet d'enlever à la vente des domaines na-
tionaux tous les objets d'art qui pouvaient s'y
trouver; Bailly approuva ce projet; Lenoir vint
avec Doyen, son maître, exposer ses vues à l'As-
semblée nationale. Cette assemblée rendit un dé-,
cret qui chargeait Lenoir de réunir les objets
d'art dignes d'être conservés par la nation ; une
commission des monuments fut créée et des
commissaires furent institués pour faire des in-
ventaires. Sur la proposition du duc de La Ro-
chefoucauld, le couventdes Petits-Augustins fut
désigné pour servir de dépôt aux objets d'art.
Leur enlèvement se fit d'abord avec ordre; au
nom de la nation, Lenoir forçait les moines ré-
calcitrants à lui livrer leurs richesses artistiques,
en même temps qu'il arrêtait la vente des objets
précieux et se les faisait délivrer. En 1793, il eut
à lutter contre les dévastateurs qui voulaient
tout briser; il se décida alors à faire apporter
précipitamment et pêle-mêle à son musée la tota-
lité des tableaux , statues et autres monuments
qu'il rencontrait dans les couvents et les églises.
Les bronzes et les cuivres peu importants, portés
aux Bavnabites et mêlés au métal des cloches,
servaient à la fabrication de la monnaie, sous la
direction de l'abbé Rochon ; d'autres monuments
de bronze étaient portés à l'Arsenal pour être
convertis en canons. Cependant, à la suite d'ob-
servations faites au procureur de la commune,
Chaumette , Lenoir parvint à sauver des pièces
très-importantes, comme les statues en bronze
de Germain Pilon, qui ornaient le tombeau de
Henri II, les quatre esclaves qui accompagnaient
le piédestal de la statue de Henri IV, les bas-
reliefs de la statue de Louis XIV, un bas-relief
du tombeau de De Thou , etc. Il sauva ainsi plus
de cinq cents monuments précieux, et fut blessé .
à la main droite d'un coup de baïonnette en vou-
lant préserver de la destruction le mausolée du
cardinal de Richelieu à la Sorbonne. Un décret
du comité de salut public, du 17 septembre 1793,
ordonna le transport à l'Arsenal et à la Monnaie
des cuivres dorés, bronzes et autres matières
métalliques qui se trouvaient au dépôt et ailleurs.
Lenoir en sauva quelques-uns en les couvrant
d'un badigeon. Le 25 juillet 1792, Lenoir avait
sollicité l'autorisation de livrer au public le dépôt
des Petits-Augustins; il ouvrit ce musée le
12 vendémiaire an ni: Lenoir avait fait impri-
mer un catalogue des monuments qu'il renfer-
mait, et les artistes furent admis à copier ces
monuments. Roland, directeur général des beaux-
arts, ayant établi au Louvre un Musée central,
nomma une commission chargée de ramasser
les objets nécessaires à la formation de ce mu-
séum, auquel l'ancienne collection de tableaux de
la galerie du Luxembourg servit de noyau. Le-
noir dut faire la part de ce nouvel établissement,
il proposa, dans un mémoire détaillé, d'enri-
chir le musée du Louvre de tous les tableaux,
de toutes les statues antiques, ainsi que des co-
lonnes en marbre précieux qu'il avait recueillis,
et de former aux Petits-Augustins un Musée
des Monuments français. Le Comité d'Instruc-
tion publique de la Convention approuva ce pro-
jet, et le 29 germinal an iv un arrêté de la Con-
vention le rendit exécutoire. Lenoir disposa les
monuments qui lui restaient dans un ordre chro-
nologique et par siècles dans des salles particu-
lières , construites avec des fragments mêmes
de l'architecture appartenant à chaque époque :
il voulait en faire une sorte « d'histoire monu-
mentale de la monarchie française ».
Lucien Bonaparte, ministre de l'intérieur,
nomma Lenoir administrateur du Musée des Mo>
numents français, le 28 vendémiaire an ix. Le
même ministre, voulant établir un musée pitto-
resque de monuments dans le jardin de Mon-
ceaux, nomma quelques jours après Lenoir
administrateur de ce domaine national. Le pre-
mier consul vint visiter le Musée des Monuments
français avec Joséphine. Il félicita Lenoir, et
empêcha le démembrement de son musée. José-
phine connaissait depuis longtemps Lenoir,
dont elle appréciait le zèle et le talent : elle le
chargea des embellissements artistiques de la
073
Malmaison, résidence sur laquelle il a publié
un travail très-curieux dans le Dictionnaire de
la Conversation. Lenoir fit transporter à la
Malmaison des copies de l'antique provenant de
Marly, et aida l'impératrice Joséphine dans le
choix de ses tableaux et autres objets d'art. Elle
le nomma conservateur de son musée privé;
mais il ne voulut jamais accepter de traitement.
Lenoir fut aussi chargé d'orner le parc de ce châ-
teau, que Joséphine fit dessiner suivant les pré-
ceptes de l'art anglais et orner des morceaux les
plus rares de la sculptureet de l'architecture. Le-
noir acquit la façade du château d'Anet, d ue à Phi-
libert Delorme et à Jean Goujon (voy. ces noms),
que les propriétaires mettaient en démolition , et
la fit transporter à Paris, où elle fut placée et res-
taurée par les soins de Percier. Le succès de cette
restauration fit entreprendre à Lenoir celle de l'arc
le Gaillon et des façades gothiques. 11 orna ainsi
trois cours du musée, représentant à la suite l'ar-
chitecture des seizième, quinzième et treizième
siècles. Au bout de ces cours, on arrivait à un
ardin, planté avec goût, où se trouvaient réunies
lans des sarcophages de sa composition les dé-
rouilles de Turenne, de Descartes, de Molière,
le La Fontaine, de Mabillon, de Montfaucon,
l'Héloïse et d'Abélard ; pour ces deux derniers
1 fit construire une chapelle avec les débris
lu Paraclet. Fourcroy demanda une augmen-
ation pour le Musée des monuments fran-
çais ; Napoléon répondit que cela était inutile :
M. Lenoir est le meilleur administrateur de
'empire, ajouta-t-il : avec rien il fait de grandes
it belles choses. » Lenoir termina plusieurs
salles, fit restaurer les mausolées de Louis XII,
le François 1er et de Henri II, enlevés à Saint-
Denis. En 1806, il se transporta au château de
Richelieu, en Poitou, pour y faire le relevé des
objets d'art qui étaient à vendre. 11 y fit des
Itcquisitions pour l'impératrice Joséphine, et di-
rigea la restauration et le placement des objets
lichetés. En 1807, les ministres de l'intérieur etde
la guerre l'autorisèrent à enlever de Metz le fond
lu maître autel de l'église des Grands Carmes,
monument gothique d'une légèreté extraordinaire,
jjui, donné à l'impératrice, fut transporté à la Mal-
inaison. 11 devait être relevé par Lenoir, mais il
resta dans des caisses jusqu'à la mort de Jo-
(îéphine ; et on ne sait ce qu'il est devenu. La
jRestauration ne respecta pas les collections du
Musée des Monuments français. Sans doute beau-
coup de monuments, comme les tombeaux de
isaint-Denis et quelques autres, semblaient de-
voir être rendus aux églises d'où ils avaient été
3nlevés, mais bien des morceaux pouvaient
ester à leurs places, et le Musée eût pu re-
cueillir bien des pièces rares que les démolitions
illaient détruire. Sa fermeture fut ordonnée.
Louis XVIII, en voyant les dessins des salles du
Musée, dit plus tard à Lenoir : «Ce n'est certai-
lement pas moi qui ai donné l'ordre de détruire
:ela. » Le duc. d'Angoulême était venu admirer
NO'JV. BIOCR. CÉÎVPK. — T. XXX.
LENOIR 674
le Musée des Monuments français; mais il ne
voulut rien faire pour sa conservation, ne s'oc-
cupant, disait-il, que des affaires de la guerre. Il
paraît qu'on avait d'abord pensé pouvoir rendre
au clergé le domaine des Petits-Augustins, qui
n'avait pas été aliéné, et que c'était pour cela qu'on
lui avait ôté sa destination d'établissement pu-
blic. Le ministre Laine s'opposa à cette mesure,
et donna le local à l'École des Beaux- Arts. En
1816, Lenoir fut chargé avec d'autres commis-
saires de la réintégration dans l'église de Saint-
Denis des ossements des rois, des reines et des
princes jetés hors de leurs sépulcres en 1793, et
de la restauration de leurs monuments. En 1820
il fut nommé un des commissaires chargés de
la restauration du Palais des Thermes. Sous la
Restauration , il fit quelques cours à l'Athénée
royal ; puis il se renferma dans l'étude, et tra-
vailla à différents recueils. Ses principaux ou-
vragessont : Notice historique des Monuments
des Arts réunis au Dépôt national, rue des
Petits-Augustins ; Paris, 1793, in-8°; — Col-
lection des Monuments de Sculpture réunis
au Musée; Paris, 1798, in-fol.; — Rapport
historique sur le Château d'Anet; Paris, 1800,
in-fol.; — Musée des Monuments français;
Paris, 1804, 8 vol. in-8"; — Histoire de la
Peinture sur Verre, et description des vi-
traux anciens et modernes pour servir à
l'histoire de l'art relativement à la France;
Paris, 1804, in-8° : c'est un volume séparé de
l'ouvrage précédent; — Nouveaux Essais sui-
tes Hiéroglyphes ; Paris, 1 809-1822, 4 vol. in-8° :
l'auteur alla en Egypte pour étudier l'écriture
hiéroglyphique; — Nouvelle Collection d'Ara-
besques; Paris, 1810, in-4°; — Histoire des
Arts en France, prouvée par les monuments;
Paris, 1810, in-4° ; — La Franc-maçonnerie
rendue à sa véritable origine; Paris, 1814,
5 vol. in-8° ; — Mémoire sur la Sépulture
d'Héloïse et d'Abélard; Paris, 1815, in-8°; —
Considérations générales sur les Sciences et
les Arts; Paris, 1816, in-8°; — Description
historique des statues, bas-reliefs, etc., du
Musée Royal ; Paris, 1820, in-8°; — Allas des
Monuments des Arts libéraux, mécaniques
et industriels de la France , depuis les Gau-
lois, etc.; Paris, 1820-1821, 1840, 1848, in-fol.;
— Observations scientifiques et critiques sur
le génie et les principales productions des
peintres et autres artistes les plus célèbres
de l'antiquité, du moyen âge et des temps
modernes; Paris, 1821, in-8"; — Disserta-
tions, Recherches et Observations critiques
sur les statues dites Vénus de Médecis , du
Capitule, Callipyge et autres, ^'Apollon du
Belvédère, et la statue découverte à Milo, etc.;
Paris, 1822, in-8°; — Essai sur le zodiaque
circulaire de Denderah; Paris, 1822, în-s°;
— La vraie Science des artistes ; Paris, 1823,
2 vol. in-8°; — Observations sur les Comé-
diens et sur les Masques à l'usage du thcd-
22
«75 LEN01R —
tre des anciens ; Paris, 1825, in-8° ; — Examen
des nouvelles salles du Louvre contenant les
antiquités égyptiennes de Palenque et de
Milla; Paris, 1833, in-8°; — Description des
Tableaux de la galerie de Freinays; Paris,
1835, in-S". Lenoiradonné des articles à Y Ency-
clopédie moderne, au Dictionnaire Historique
de Prudhomme et au Dictionnaire de la Con-
versation. L. L — t.
Allou, Notice biographique sur M. Alex. Lenoir,
dans les.Vem. de la Sociélédes Antiquaires de France,
t. VI. — Sarrut et Saint Edme , Biogr. des Hommes du
Jour, tome I, 2e partie, p. 8S5. — Aubenas, Hist. de
l'imper. Joséphine.
* lexoik ( Alexandre-Albert ). architecte et
archéologue français, fils du précédent, né à
Paris, le 21 octobre 1801. Élève de Debret, il
parcourut en 1830 et 1831 l'Italie, où il fit sur-
tout des recherches sur l'architecture étrusque.
Il voyagea ensuite dans diverses contrées, entre
autres en Orient, où il étudia les monuments
grecs et byzantins. A son retour en France, un
travail historique sur le Palais des Thermes et
un projet de Musée municipal à y établir lui lit
donner une première médaille, en 1833, par
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Il
fut chargé, en outre, de diriger l'établissement de
ce Musée dans le Palais des Thermes réuni à
l'hôtel de Cluny, dont la restauration et l'agran-
dissement furent confiés à ses soins. Ses prin-
cipaux écrits sont : Statistique monumentale
de Paris depuis les Romains; 1839, in-fol.;
— Architecture et Archéologie : instruction
pour le peuple ; 1839, in-8° ; — Architecture
monastique -.documents inédits ; 1852, in-4° ;
— des notices dans Monuments anciens et
modernes , de M. Gailhabaut et dans beaucoup
d'autres recueils. G. de F.
Documents particuliers.
lknoiii. Voy. La. Thorillière.
LEXONCOUKT. Voy. COURCF.LLES.
lesormaxd ( Marie-Anne Adélaïde), fa-
meuse devineresse française, née à Alençon, le
27 mai 1772 (et non en septembre 1768), d'une
honnête famille de commerçants, morte à Paris, le
25 juin 1843. Elle perdit son père de bonne heure,
et sa mère s'étant remariée, elle ne reçut qu'une
éducation fort incomplète. Ne recevant qu'un mé-
diocre appui de sa famille, elle fut réduite, pour
vivre, à travailler chez une couturière. Lasse de
cette existence , elle quitta sa ville natale, à vingt-
et-un ans, et partit pour Paris, sans avoir de projet
arrêté. Elle se plaça d'abord dans un magasin de
lingerie comme demoiselle de comptoir. En
l'an h de la république, MUe Lenormand s'étant
rencontrée avec une femme Gilbert, tireuse de
cartes réputée de l'époque, sentit se développer
en elle le goût de la nécromancie, qui allait de-
venir l'occupation de toute sa vie. Ces deux
personnes résolurent alors, en s'adjoignant un
garçon boulanger, nommé Flammermont , de
former une association dont le but, il faut bien
le dire, était d'exploiter la crédulité publique.
LENORMAND 676
Ayant été dénoncée à la police, Mlle Lenormand
fut condamnée comme diseuse de bonne
aventure (ce sont les termes propres du juge-
ment). Lorsqu'elle fut redevenue libre, elle ou-
vrit, rue Honoré-Chevalier, un cabinet de di-
vination qu'elle transporta, plus tard, rue de
Tournon, dans un logement qu'elle a habité
jusqu'à sa mort. C'est là que, depuis l'humble
bourgeoise jusqu'à la plus grande dame, depuis
l'artisan le plus obscur jusqu'aux hommes le
plus haut placés, la moderne sibylle vit passer
devant elle, pendant l'espace de quarante années,
le cortège de tous ceux que dévore la fièvre
de l'inconnu. On n'ignore pas que l'impéra-
trice Joséphine contribua beaucoup à cette
vogue. Après la chule de l'empire, qu'elle n'avait
pourtant pas prédite, Mlle Lenormand entreprit
le voyage d'Aix-la-Chapelle, où se tenait le con-
grès des souverains alliés, et elle y recul un ac-
cueil bienveillant, surtout de la part de l'em*
pereur Alexandre. Son crédit se soutint dans le
public pendant la restauration. Les événements
de 1830 la firent rentrer dans l'obscurité, quel-
ques efforts qu'elle fît pour rappeler l'attentioo
sur elle , et elle s'éteignit comme une simplel
mortelle, à l'âge de soixante-onze ans, bien
qu'elle eût prédit dans un de ses livres qu'elle)
vivrait un siècle et quart. L'opinion la plus fa-
vorable que l'on puisse se former sur M"e Le-*
normand, c'est qu'elle a fini par être elle-même
de bonne foi dans le métier qu'elle a exercé, et
qui, du reste, lui fut très-lucratif. On a d'elle :
Anniversaire de la mort de VimpératriÀ
Joséphine; Paris, 1815, in-8°; — Souvenirs
prophétiques d'une sibylle ; Paris, 1815, in-8° :
— La Sibylle au tombeau de Louis XV 1 ; 1816/
in-8°; — Les Oracles sibyllins; 1817, in-8° :il
— La Sibylle au congrès d' Aix-la-Chapelle ,-n
1819, in-8°; — Souvenirs de la Belgique; 1822.
in-8°; — L'Ombre immortelle de Cathe-
rine Il au tombeau d'Alexandre Ier ; Paris
1826, in-8°; — L'Ange protecteur de la Franct
au tombeau de Louis XVI ; — Mémoires his-i
toriqueset secrets sur l'impératrice Joséphine j !
1829, 3 vol. in-8°; — L'Ombre d'Henri I}'
au palais d'Orléans; 1830, in-8c ; — Mani-
feste des dieux sur les affaires de France,
1832, in-8°; — Le Petit Homme rouge av
palais des Tuileries; 1830, in-8°; — Arrèi
suprême des dieux en faveur de madame U
duchesse de Berry ; — Révélations , etc.
1833, in-8°. M,le Lenormand avait publié, et
1825, le prospectus d'un ouvrage intitulé : Al-
bum de Mlle Lenormand, mis en ordre et en
richi de manuscrits autographes, de comme»
taires, de notes biographiques sur la révolutioi
française et sur les auteurs de ce drame po-
litique. Cet album devait former 5 vol in-4°
Il n'a jamais paru. Après sa mort, ses papier.'
se sont trouvés en la possession d'Alboize di
Pujal, qui était allié à Mlle Lenormand par soi
mariage avec une de ses nièces. Cet homme d<
677 LENORMAJND
lettres avait l'intention d'en extraire les faits les
plus remarquables et de les publier sous le
titre de : Mémorial de Mlte Lenormund. La
mort a empêché l'exécution de ce projet.
Ed. de Manne.
Documents particuliers. — Quérard, La France Lit-
téraire.
* LEN'omiAXT (Charles), savant archéo-
logue et historien français, né à Paris, le 1er juin
1802. Après avoir étudié la jurisprudence , il se
préparait à l'enseignement du droit romain,
lorsqu'un voyage en Italie lui inspira le goût des
études archéologiques. A son retour en Fiance,
ï la fin de 1825, il fut attaché à la maison du
"oi, comme inspecteur des beaux-arts. En 1828
il partit pour l'Egypte avec son ami Champollion
e jeune , parcourut ce pays dans toute son éten-
due, et alla ensuite prendre une part active aux
ravaux de la commission de Morée. Après la ré-
solution de Juillet, il devint chef de la section des
)eaux-arlsau ministère de l'intérieur, fut nommé
;n octobre 1830 conservateur à la bibliothèque
le l'Arsenal, et en 1832 conservateur adjoint
lu cabinet des antiques à la Bibliothèque royale.
In 1837 il succéda à M. van Praet, comme
onservateur des imprimés, et fut appelé quatre
:us après aux fonctions de conservateur du ca-
tinet des antiques. Dès 1835 il avait été chargé
e suppléer M. Guizot à la Sorbonne : son en-
eignement fut troublé, en 1846, par quelques
uditeurs, qui trouvaient les opinions du profes-
eurtrop favorables à l'Église catholique ; M. Le-
ormant se vit forcé de donner sa démission,
n 1848 il fut nommé professeur d'archéologie
gyptienne au Collège de France. 11 est membre
e l'Académie des Inscriptions depuis 1839. On
de lui : Des Artistes contemporains; Paris,
833, 2 vol. in 8° ; — Trésor de iSumismalï-
ue et de Glyptique; Paris, 1836-1850, 5 vol.
î-fol. , publié avec le concours de Paul Dela-
jche et d'Henriquel Dupont; — Introduction
l'histoire orientale; Paris, 1838, in-8°; —
fusée des Antiquités égyptiennes; Paris,
842, in-fol., en collaboration avec Lhote; —
'dite des monuments céramographiques;
arîs, 1844-1857, 3 vol. in-4° , en collaboration
?ec M. de Witte; — Questions historiques ;
aris, 1845, 2 vol. in-8". M. Lenormant a aussi
ublié beaucoup de mémoires, dont plusieurs
ès-importants, dans les Annales de l'Ins-
tut Archéologique de Rome, dans la Revue de
Numismatique et dans le Recueil de VAca-
\émie des Inscriptions , ainsi qu'un grand
ombre d'articles sur des sujets de religion, d'his-
■>ire et d'art dans divers recueils, notamment
■ans Le Correspondant , revue qu'il a dirigée
iepuis sa fondation jusqu'en 1855.
Il Son fils, FhAHçois Lenormaht, né en 1835, a
Itablié un Essai sur la classification des
i Monnaies des Lagides, plusieurs articles dans
| |i Revue de Numismatique , dans le R'heinis-
— LE NOTRE 678
ches Muséum fur Philologie, et dans Le Cor-
respondant.
Le Bas, Dict. L'neyc— Diction, des Contemporains.
le nôtre (André), célèbre dessinateur de
jardins, né à Paris, en 1013, mort dans la même
ville, en 1700. Son père était intendant des jar-
dins des Tuileries. Placé chez Simon Vouel, le
jeune Le Nôtre y étudia la peinture, et s'y lia
d'amilié avec Le Brun. Le Nôtre succéda à son
père dans son emploi , et devint contrôleur des
bâtiments du roi , dessinateur de ses jardins,
chevalier de son ordre, etc. Il dut à Fouquet
l'occasion de faire connaître ses talents. Ce mi-
nistre voulant orner de jardins son château de
Vaux- le- Vicomte, chargea Le Nôtre de les exé-
cuter. Le Nôtre y déploya une grande habileté.
Il fit des portiques, des treillages, des berceaux,
des grottes, des cabinets, des labyrinthes et d'au-
tres embellissements d'une grande nouveauté.
Louis XIV ayant vu ces magnificences confia à
Le Nôtre la direction de tous les jardins de ses
résidences, et le chargea de la distribution du
parc de Versailles. Malgré les obstacles que pré-
sentait le terrain, Le Nôtre se surpassa dans
les plans des jardius de cette résidence. Un
jour il en soumettait au roi les principales par-
ties; Louis XIV, à chaque pièce qu'il lui expli-
quait, l'interrompait en lui disant : « Le Nôtre,
je vous donne vingt mille livres. » A la qua-
trième interruption, LeNôtrearrêta le monarque
par cette boutade : « Sire, Votre Majesté n'en
saura pas davantage : je la ruinerais. » Ce fut Le
Nôtre qui eut l'heureuse idée de rassembler dans
le canal qui termine le parc les eaux d'un ma-
rais que l'on proposait de dessécher. Le Nôtre
créa encore le jardin de Trianon ; on lui doit aussi
la superbe terrasse de Saint-Germain. Le Nôtre
fit ensuite les délicieux jardins de Clagny, et le
beau parterre du Tibre à Fontainebleau. Il fut
choisi par le duc d'Orléans, frère du roi , pour
arranger le parc de Saint-Cloud, et il fit pour
le prince de Condé les jardins de Chantilly.
Il travailla encore à Villers-Cotterets , à Meu-
don, à Chaillot, à Livry, à Sceaux et aux Tui-
leries. Ce dernier jardin a été bien changé de-
puis : on a fait disparaître les treillages de ver-
dure qui servaient de fond aux statues du côté
du fera cheval; les parterres, dont les des-
sins figuraient des croix de Malte autour des
pièces d'eau, ont été peu à peu supprimés et
remplacés dans ces derniers temps par des pe-
louses de verdure masquées d'un jardinet à l'an-
glaise qui contraste avec les masses du jardin ; la
grande allée a été élargie ; les statues ont été
multipliées sans être en accord avec l'ensemble
général; enfin, les terrasses ont été chargées -dé
constructions; néanmoins rien n'est plus majes-
tueux et plus grandiose encore que les deux
groupes de marronniers qui composent le jar-
din des Tuileries alignés par Le Nôtre. Amiens
lui doit sa promenade de YAutoi, si chère à
Gresset. En Angleterre même, Le Nôtre: des-
22.
679
LE NOTRE
sina les parcs de Greenwich et île Saint-Ja-
mes. Curieux de connaître les jardins de l'I-
talie, il obtint la permission de visiter ce pays
en 1678. Arrivé à Rome, il se lia d'une étroite
amitié avec Bernin. Reçu d'une manière distin-
guée par le pape Innocent XI, à qui il montra
les plans de Versailles, il lui dit à la fin d'une
audience particulière : « Non, je n'ai plus rien
à désirer ; j'ai vu les deux plus grands hommes
du monde, Votre Sainteté et le roi mon maître.
— 11 y a une grande différence, reprit le pape; le
roi est un grand prince victorieux , et moi je
suis un pauvre prêtre, serviteur des serviteurs
de Dieu ! » Le Nôtre, enchanté de cette réponse,
frappa familièrement sur l'épaule du souverain
pontife, et lui répondit : « Mon révérend père,
vous vous portez bien, et vous enterrerez tout
le sacré collège. » Innocent XI ne put s'empêcher
de rire. Le Nôtre, de plus en plus ravi, se jeta
au cou du pape, et l'embrassa. Rentré chez lui,
il écrivit l'aventure à Bontemps, premier valet de
chambre de Louis XIV. La lettre fut lue au petit
lever du roi. Le duc de Créqui ne voulait pas
croire aux détails qu'elle contenait, et offrait de
parier que l'enthousiasme de Le Nôtre n'était pas
allé jusqu'aux embrassements : « Ne gagez pas,
interrompit Louis XIV; quand je reviens d'une
campagne, Le Nôtre m'embrasse; il a bien pu
embrasser le pape. » A son retour en France, Le
Nôlre embellit encore les jardins royaux de su-
perbes ouvrages. 11 fit entre autres le magnifique
bosquet dit la salle de bal, à Versailles, et aug-
menta considérablement les jardins de Trianon.
Agé de près de quatre-vingts ans, Le Nôtre de-
manda au roi la permission de se retirer de son
service. Louis XIV y consentit à la condition qu'il
viendrait de temps en temps le voir. Dans une
des dernières visites qu'il fit au roi , il le trouva
dans les jardins de Marly. Louis XIV monta
dans sa chaise couverte traînée par des Suisses,
et voulut que Le Nôtre prît place dans une
autre chaise à peu près semblable, pendant que
Mansart, surintendant des bâtiments, marchait à
côté d'eux. Le Nôtre, pénétré de reconnaissance,
s'écria, les larmes aux yeux : «Sire, en vérité,
mon bonhomme de père ouvrirait de grands
yeux s'il me voyait dans un char auprès du
plus grand roi de la terre. Il faut avouer que
Votre Majesté traite bien son maçon et son jar-
dinier. » En 1675, Louis XIV lui ayant accordé
des lettres de noblesse et l'ordre de Saint-Mi-
chel, voulait lui donner des armoiries. Le Nôtre
répondit qu'il avait les siennes, qui étaient trois
limaçons couronnés d'une pomme de chou: « Sire,
ajouta-til, pourrais-je oublier ma bêche -.combien
doit-elle m'ôtre chère! n'est-ce pas à elle que je
dois les bontés dont Votre Majesté m'honore? »
Le Nôtre fut enterré à Saint- Roch, dans une
chapelle qu'il y avait fondée. Il avait un talent
particulier pour la peinture, et il a laissé de
bonnes toiles. Il n'était pas étranger aux sciences,
et dans un rapport à Colbert, dont on possède en-
— LENS 680
core le manuscrit, il recommande l'usage de la
brouette, qui venait d'être inventée par Pascal.
On possède le buste de Le Nôtre exécuté par
Coysevox. L. L — t.
Abbé Lambert , Histoire littéraire du règne, de
Louis Xir, tome III, livre X, page 144. — Moréri, Crand
Diet^ tlist. - Chaiidonet Delandine. Dictionnaire univer-
sel Hisl , Crit et Hibliogr.
le nocirry (Denis -Nicolas), latiniste fran-
çais, né à Dieppe, en 1647, mort à Paris, le
24 mars 1724 11 fit ses premières études dansi
le collège de l'Oratoire de sa ville natale, et entra
dans la congrégation des Bénédictins de Ju-
miéges, le 8 juillet 1665. Sa vie, tout entière
consacrée au travail, se passa dans les abbayes
de Bonne-Nouvelle el de Saint-Onen de Rouen.
On a de lui : une édition des Œuvres de Cas-
siodore, dont il fit la Préface (avec dom Jean'
Garet); 1679; — une édition des Œuvres dt
saint Ambroise (avec doms Jean du Chesne,'
Julien Bellœise, et Jacques du Friche ), Paris,
1686-1690, 2 vol. infol. Le P. Le Nourry a pu-
blié seul : Apparatus ad Bibliothecam maxi-
mum Patrum veterum el sciiptomm eccle
siaslicorwn ; c'est un supplément à l'édition d<
Lyon. Il en fit successivement paraître des vo-
lûmes in- fol., 1694, 1697, 1703 et 1715. On f
joint ce travail à la Bibliothèque des Pères d»
Marguerin de La Bigue ; Lyon, 1677, 27 vol
in-fol. ; et avec 17 ndex de Siméon de Sainte>
Croix; Gênes, 1707, 30 vol. in-fol.; — Luci:
Cœcilii Liber ad Donatum confessorwn dt
mortibus persecutorum, hactenus Lactantil
adscriptus ad Colbertinum codicem, denut
emendatus,e\c; Paris, 1710, in-8°. Le P. H
Nourry prétend que cet ouvrage n'est pas de Lac
tance. L— z— e.
Journal Littéraire, t. VII, p. I. — Journal des Sça
vans, juin 1716 r l août 1724. — Bibliotheca Mauriuna. -
bibliothèque des auteurs delà Congrégation de Saint
Main: — Kicéron, mémoires pour servir à l'/iistoirt
des hommes illustres, t. I, p. 275-278.
lens (Jean de), théologien français, né
Bailleul, en 1541, mortàLouvain,en 1593. Jlétai
chanoine de l'église de Tournai et professeur d
théologie àLouvain, où il mourut. Il a compos
un grand nombre d'ouvrages, dont voici les prim
cipaux : De una Christi in terris Ecclesia*
Louvain, 1577 et 1588, in-8°; — De unicu Reli
gione conservanda ; Cologne , 1579, in-80;-
De admirabili Ecclesiœ Concordia ; Louvain
1582, in-8°; — De Liberlate Chris/iana;
Anvers, 1590, in-8°; — De Offtcio homim
christiani constitua in perseculione; Lou
vain, 1578, — De Doctrina Facullalis thec
logicx Lovaniensis,etc; Louvain, 1581,in-12
et des controverses contre les principaux théolc
giens dissidents de son époque. A. L.
Valcre André et Koppens, Bibliotliecas Belgicœ Pa\
secunda, p. 674-676.
lens ( Arnoul de), en latin Lensseus, mathi
maticien belge, né à Bailleul, près d'Ath (Ha
naut), brûlé dansMoscow, en 1575. Après u
voyage dans les Pays-Bas, il passa en Moscovii
581
)ù il devint médecin du czar. Lens périt à Mos-
ou lorsque cette ville fut inoendiée par les
Irartares. On a de lui : Isagogc in Geometrica
ûementa Euclidis; Anvers (Plantin), 1565,
n-8° (très-rare). L— z— e.
' Valèrc André, llibliothecse Belgicx Pars prima, p. 98.
lens (André-Côrneille), peintre belge, né
V Anvers, en 1739, mort à Bruxelles, en 1822.
Il ouvrit une école à Anvers, où il fit de nombreux
Élèves, et vint en 1781 se fixer à Bruxelles , où
fempereur Joseph II vint le visiter. Ses princi-
pales toiles sont : à Gand , une Annonciation;
[-diverses peintures pour l'église des Alexiens,
L Liège; — à Lille, divers sujets empruntés à
F Histoire de la Madeleine ;— Hélène et Paris ;
I— V Ange conduisant Tobie; — Coriolan; —
Présentation de Jésus au Temple ; — Curius
refusant l'or des Samnites, etc. On a aussi de
Lens deux ouvrages estimés : Du bon Goïit
\t de la Beauté de la Peinture considérée
plans toutes ses parties; 1811, in-8°; — Le
vCostume, ou essai sur les habillements et les
Usages de plusieurs peuples de l'antiquité,
prouvés par les monuments ; Liège, 1776, in-4°.
fralma se servait beaucoup de cet ouvrage pour
réformer les costumes usités jusque alors sur la
scène française. A. de L.
Biographie générale des Belges.
lens (Bernard), peintre et graveur belge,
mort en 1741. Il fut attaché à la cour d'Angle-
terre sous le titre de peintre en émail. Il excellait
surtout dans la miniature, et a laissé de nom-
preux ouvrages en ce genre, portra its, paysages,
marines, fleurs, etc. Il gravait aussi fort cor-
rectement, et a publié des Recueils de vues et des
«aicres de dessins pour faciliter l'étude de son
art. Le style de ses ouvrages est simple et clair.
A. de L.
I Biographie générale des Belges.
\ * lens si; oem (Charles- Jules) , littérateur
Suédois, né à Gèfle, en 181 1. Après avoir étudié
la théologie à Upsal, il enseigna l'histoire littéraire
tet plus tard l'esthétique. Il parcourut ensuite le
Danemark et l'Allemagne, devint en 1843 pro-
fesseur de philosophie au gymnase de sa ville na-
tale, et fut nommé trois ans après pasteur dans
la province de Westmanland. On a de lui : Si-
tgurdah Brynhilda; Upsal, 1836, poème en
vingt quatre chants; — Lyrisha Fôrstlingar
[(premiers lyriques ); Gèfle, 1837; — Konstheo-
fiernas historia (Histoire des Théories de l'Art);
Upsal, 1839, 2 vol. ; — Svenska Poesiens His-
toria ( Histoire de la Poésie suédoise) ; Œrebro,
18391840, 2 vol.; — Bidragtill den Svenska
Aestetihens historia (Document pour servira
l'histoire de l'esthétique en Suède) ; Upsal, 1840 ;
— Svensk Anthotogi; Œrebro, 1840-1841,
3 parties; — Sveriges Lilleratur och Konst-
Historia (Histoire de la Littérature et de l'Art en
Suède); Upsal, 1841;— Allmàn Konst-His-
toria (Histoire générale de l'Art); Stockholm,
1848. E. G.
Conversations- Lexilton.
LENS — LENTULUS 682
lentulus , nom d'une des plus célèbres fa-
milles de la gens Cornelia (maison des Cor-
nélius). L'histoire romaine et les Fastes consu-
laires font mention de quarante-trois person-
nages du nom de Lentulus. ( Voy. Smith , Dic-
tionary of Greek and Roman Biography ). Les
principaux sont :
lehtclus (Publius- Cornélius), surnommé
Sura, le principal complice de Catilina , mis à
mort en 63 avant J.-C. Il fut questeur de Sylla
en 8t. Devant lui et devant L. Triarius, Verres
eut à rendre compte de l'argent qu'il avait reçu
des Gaulois Cisalpins. Appelé à son tour à rendre
des comptes pour un fait analogue, Lentulus fut
acquitté. En 75 il devint prêteur, et, se mon-
trant aussi indulgent pour les autres qu'on l'a-
vait été pour lui, il acquitta Terentius Varron,
accusé d'extorsion. En 71 il obtint le consulat.
Ce fut le terme de sa fortune politique. L'année
suivante, lui et soixante-trois autres furentexclus
du sénat, à cause de l'infamie de leurs mœurs.
Cette mesure jeta Lentulus dans le parti qui mé-
ditait le bouleversement de la république et se
groupait autour de Catilina. Fier de sa haute nais-
sance et de son titre de consulaire, il espérait de-
venir le chef de la conspiration, et s'appliquait
un oracle sibyllin qui promettait à trois Cornélius
l'autorité souveraine. Deux Cornélius, Sylla et
Cinna, avaient déjà occupé le rang suprême, et
il se croyait le troisième que désignaient les des-
tins. Quoique consulaire, il sollicita de nouveau
la préture, afin de rentrer au sénat, et l'obtint en
63, l'année même où éclata le complot. Besté
chef de l'entreprise par le départ de Catilina, il
se montra indiscret et irrésolu, incapable de ca-
cher ses projets et de les mettre à exécution. 11
eut l'imprudence de divulguer la conspiration et
les noms des conjurés aux députés allobroges,
qui allèrent tout révéler à Cicéron. Celui-ci les
décida à lui servir d'instruments. Il fut convenu
qu'ils exigeraient de Lentulus des lettres pour
leur nation. Lentulus, donnant dans le piège, re-
mit la lettre demandée, et chargea les Allobroges
d'une lettre pour Catilina. Les deux missives
passèrent bientôt des mains des Allobroges dans
celles de Cicéron, qui ordonna l'arrestation des
chefs du complot. Lentulus, après avoir été dé-
posé de la préture, fut étranglé avec ses com-
plices dans la prison du Capitule, le 5 décembre
( Voy. Catilina et Cicéron). Lentulus était lent
d'esprit et de parote; mais il déguisait ce défaut
par la dignité de sa personne , la grâce expres-
sive de son action , et la puissance de sa voix.
Les désordres de sa vie le jetèrent dans la cons-
piration de Catilina, et son manque de résolution
fut une des causes de la ruine de ce parti. Y.
Cicéron, In Fer. I, 14; Catilin., III, 4, S. 7; IV, 1,(3;
Pro Svlla, 25. — Plutarque, Cicer. 17. — Salluste, Catil.,
17, 32, 43,46 '>7, So, 53. — Mérimée, Conjuration de Cati-
j lina.
lentulus (Publius- Cornélius), surnommé
I Spinlher,\iva\t dans le premier siècleavant J.-C.
i II dut son surnom à sa ressemblance avec l'ac-
683 LENTULUS
teur Spinther. Édile curule en 63 dans l'armée du
consulat de Ciceron, il garda prisonnier P. Len-
tulus Sura, un des complices de Catilina. II donna
des jeux qui restèrent longtemps célèbres pour
leur splendeur ; mais il offensa les spectateurs
en portant une toge bordée de pourpre, lyrienne.
Préteur en 60, il obtint l'Espagne pour province
par la protection de César. Ce fut encore à la
protection de César qu'il dut son éleclion au con-
sulat eu 58. Dès le premier jour de son entrée en
charge, 1er janvier 57, il proposa le rappel im-
médiat de Cicéron. H ne tarda pas à se séparer de
César pour prendre parti avec l'aristocratie, et il
demanda,en compétition avec Pompée, la mission
d'aller rétablir, sur la terre d'Egypte, Ptolémée
Aulitès. 11 échoua dans ses prétentions, et se con-
tenta de la province proconsulaire de Cilicie. 11 y
resta trois ans (56-53), et sollicita, au retour,
les honneurs du triomphe, qu'il n'obtint qu'en 3t.
Quand la guerre civile éclata en 49, Lentulus se
déclara contre César, et eut le commandement de
dix cohortes dans le Pieenum. A l'approche de
l'ennemi, il s'enfuit, et s'enferma dansCorfmum.
Après la capitulation, il alla rejoindre Pompée,
qu'il accompagna jusqu'en Egypte, et se relira
ensuite à Rhodes. On ne connaît pas les der-
niers moments de sa vie. Lentulus fut un homme
médiocre, et dut son importance politique à sa
haute naissance, et à sa liaison avec Cicéron. Y.
César, Bellum Civile, I, 15-23; II, 83. 102. - Cicéron,
ad Atticum,;ad Fam., etc.— Orelli, Unomasticum Tût-
Uunum.
lentulus (P. Cornélius), fils du précé-
dent, né en 74 avant J.-C, mort vers 20 avant
J.-C. Il prit la toge virile en 57, et fut admis la
même année dans le collège des augures. Il suivit
son père dans le parti de Pompée, fut amnistié
par le vainqueur, et retourna en Italie, où on le
voit étroitement lié avec Cicéron et Mardis Bru-
tus. Après le meurtre de César, il se joignit aux
conspirateurs, et alla en Asie comme proques-
teur du proconsul C. Trebonius. Il rendit en
cette qualité des services à la cause de Bru-
tus et de Cassius, assista l'un dans l'expédition
de Rhodes, l'autre dans l'expédition de Lycie.ll
survécut à la bataille.de Philippes,et rentra sans
doute en grâce auprès d'Auguste, puisque son
nom figure avec les insignes d'augure sur des
deniers de ce prince. Y.
Cicéron, Ad, Famil., XII, 14, 15; Ad Alt, XI, 13, 15,
S; XII, 52; XIII, 7. - Appien, Bel. Civ. IV, 72, 82.
lentulus ( Cossus- Cornélius ) , surnommé
Gelulicus , né vers 50 avant J.-C, mort en 25
après J.-C. Consul avec L. Calpurnius Pison en 6
après J.-C, il futenvoyéen Afrique, où il défit les
Gétules, qui avaient envahi le royaume de Juba.
Ce succès lui valut le surnom de Gelulicus et les
ornements du triomphe. A l'avènement de Tibère
en 14 après J.-C, il accompagna Drusus, qui était
envoyé pour apaiser la révolte des légions de Pan-
nonie. Les rebelles, qui redoutaient sa sévérité,
tournèrent leur colère contre lui, et furent sur le
point de le massacrer. Plus tard Lentulus cou-
684
rut un égal danger dans le sénat, par suite d'une
accusation de haute trahison qui lui fut intentée.;
mais Tibère ne permit pas qu'elle fût soutenue.
Lentulus mourut à un âge avancé, laissant une
honorable réputation. « Il avait supporté la pau-
vreté avec patience, dit Tacite, acquis une,
grande fortune par d'honnêtes moyens , et il en
avait joui avec modération. » Y.
Dion C.issius, l.v, 28; LVII. 24. — Velleius Paterculus.
II. 116 — Fionis, IV, 12.— Oro<e, vi, 21. - Tacite, Ann.,
I, .27; II, 32; III, 68; IV, 29,44.
lentulus (Cneius Cornélius Gelulicus),
historien latin, fils du précédent, né vers
20 avant J.-C, mort en 39 après J.-C. Il fut'
consul en 26 après J.-C, et eut ensuite le com-
mandement des légions de la haute Germanie
pour dix ans. Il se fit aimer de ses soldats par
sa douceur, et exerça en même temps une grande
influence sur l'armée de basse Germanie, com-
mandée par son beau père, L. Apronius. Sonj
crédit sur les soldats lui sauva la vie à l'époque :
de. la chute de Séjan. Il avait promis sa fille au
fils du ministre, et seul de tous ceux qui étaient
liés avec lui, il échappa à la mort. On prétend
que Lentulus écrivit à l'empereur qu'il serait
fidèle tant qu'on le laisserait à la tête de son
armée ; mais que si sa province lui était retirée,
il lèverait l'étendard de la révolte. Tibère, vieilli,
crut prudent de ménager un sujet si redoutable;
mais Caligula, plus hardi, le fit tuer, sans que
cette exécution excitât aucun trouble parmi les
soldats de Germanie.
Lentulus Getulicus était historien et poète. Il
ne reste rien de ses écrits historiques, qui sont
mentionnés par Suétone, et on n'a de ses poèmes
que trois vers, qui semblent appartenir à un
poème astronomique, et qui ont été conservés
par Probus dans ses Scholies sur les Géorgi-
ques de Virgile. Meyer les a insérés dans son
Anthologïa latina {Ep. 113). Les poèmes de
Lentulus consistaient principalement en épi-
grammes, remarquables par leur caractère licen-
cieux. V Anthologie grecque contient neuf épi-
grammes d'un Getulicus ( rairovXiou , TaiTou-
Àtxou , Y<uto\Aiypv , raitoù).Xou , raixouXiKi'ou ,
PetouXtou), que plusieurs critiques ont identifiés
avec Lentulus Getulicus. Cette hypothèse est
probable. Cependant les neuf épigrammes grec-
ques n'ont pas le caractère licencieux qui distin-
guait, suivant Martial, les poésies de Getulicus (1).
Y.
Velleius Paterculus, II, 116. — Tacite, Annales, IV,
4-2, 46; VI, 30. — Dion Cassius, t. LXX, 22. — Suétone,
Galba, 6; Claud., 9. — 0. Vossius, De Historicis latinis,:
c. xxv. - Martial, Pnsèf., I. — Pline, Epist., V, 3. -;
Sidoine Apollinaire, Epist., II, 10, p 148; Carm., IX,
p. 256. — Brunck, Anal., vol. Il, p 166. — Jacobs, .
thnl. Grœca, vol. II, p. 151, vol. XIII, p. 896.
(1) Un autre poète, du nom de Lentulus, acquit de la
réputation comme acteur et auteur de mimes , dans le
premier siècle avant l'ère chrétienne. Il était, dit-on,
de haute naissance, mais on n'a pas de deuils sur sa vie.
Scoliaste de Juvénal, Sut, VIII, 187. - Tertullien, Apo-
to?.,15;de Pallio, 4. — Bothe, Poetx latiniscenic./rag.,
vol. Il, p. 279, 260.
685 LENTULTJS
lextctlus (Scipion), grammairien napoli-
taiu, vivait dans le seizième siècle. Forcé de quit-
ter Naples pour avoir embrassé les doctrines pro-
testantes, il prêcha à Ferrare devant la duchesse
Renée de France, fut ensuite ministre de l'église
de Saint-Jean dans la vallée de Luzerne, et finit
par se retirer à Chiavenne dans le pays des Gri-
sons. Il était zélé pour sa secte, mais il ne pra-
tiquait pas à l'égard des autres la tolérance qu'il
réclamait des catholiques. On a de lui : une
Grammaire Italienne; Genève, 1568; — Res-
ponsio orthodoxa pro edicto ill. D. D. trium
fœderum Rhetiœ adverstts hxreticos,el alios
ecclesiarum rheticarum perlurbatores pro-
mulgalo; in qua de magistrat us autoritate
et officio in coercendis heereticis, ex verbo
disputatur ; Genève, 1592, in-8°. Z.
Gesner, Bibliotheca. — Bayle, Diction. Historique et
Critique.
lentclus (Cyriaque), pubiiciste et phi- |
losophe allemand, né à Elbingen, vers 1620, !
mort le 18 mai 1678. En 1650 il devint profes- !
scur de politique et d'archéologie à Herborn ; i
six ans après, il fut appelé à enseigner à Mar- I
bourg la langue grecque et l'histoire ecclésias-
tique ; il se fit surtout remarquer par ses attaques j
violentes contre Grotius et Descartes. Ses prin-
cipaux écrits sont : Cartesius triumphatus et
nova sapientia ineptiarum et blasphemiœ
convicta ; Francfort, 1653, in-4°;— Arcana
regnorum et reritm publicarum e Taciti
penu eruta et spatioso veteris et nostratis
xvi scriptorum hausta, longo peregrinatio-
'riiiin et aularum usu corroborala ; Herborn,
1655 et 1666, in-8°; — Politicorum, seu de
republica novameditatio; Cassel, 1661, in-12;
— Princeps absolutus ; Politicus in sex pos-
teriores Annalium Taciti libros; Herborn,
1663, in-8°; — Imperator, seu de jure circa
belta ; ibid., 1664, in-8°; — Prudenlia mili-
taris prisa, et recenlioris sévi ; Marbourg, 1 664,
in-8°; — Janus politicus , in Taciti Historias
comment arius ; ibid., 1665, in-4°; — Ger-
mania cum, vita Agricole : Politicorum
in Tacitum comment ariorum complemen-
tum; ibid., 1666, in-8°; — Quid consilii seu
perplexorum , in rébus publicis casuum et
circum eos heesitaiiones expeditio, CCCCX
dubia ex omni temporum memoria collecta
et decisa; Marbourg, 1671, in-8°. Schurtz-
fleisch ayant attaqué, sous le pseudonyme de
Sarckmasius , les opinions politiques de Lentu-
lus, celui-ci répondit par son XTZEcxx.amay.6z
proscriptis C. Lentuli ; Marbourg, 1669, in-4°.
E. G.
S" Wiltc, Diarium Biographicum. — Stricder, Hess. Gel.
Geschichte. — Rotcrmiind, Supplément à Jôcher.
lexz (Jean-Michel- Reinhold) , poète alle-
mand, né le 14 janvier 1750, à Sessweyen en
Livonie, mort à Moscou, le 24 mai 1792. Après
avoirétudié à Kônigsberg, il parcourutune grande
partie de l'Allemagne, et séjourna quelque temps
à Strasbourg. 11 y fit connaissance avec Gœthe,
LENZ 686
qu'il alla pins tard rejoindre à Weimar. S'étant
livré de bonne heure a la littérature, il se fit re-
marquer parmi ceux qui voulaient secouer le joug
du goût classique et français. Doué d'un grand
talent pour le théâtre, il y réussissait surtout dans
les pièces comiques, mais il ne sut pas éviter la
licence et la bizarrerie, défauts de l'école litté-
raire à laquelle il appartenait, et il les rechercha
même souvent avec intention. Atteint d'une affec-
tion hypocondriaque, à laquelle se joignit une pas-
sion malheureuse pour Frédéiïque Brion, célèbre
parsesrelationsavecGœthe,iltombaen 1777 dans
un état de frénésie dont il ne se remit jamais com-
plètement. On a de lui : — Der Hojmeïster
( Le Précepteur); Leipzig, 1774, in-8", comédie;
— Anmerkungen uber das Théater (Remar-
ques sur le Théâtre); Leipzig, 1774, in-8°; —
Eloge de Wieland (en français); Hanau ,
1775, in-8°; — Die Hôllenrichter ( Les Juges
des Enfers ); Zurich, 1776, in-S"; — Die Solda-
ten (Les Soldats ), comédie. Ses Œuvres com-
plètes ont été recueillies par L. Tieck ; Berlin,
1828, 3 vol. in-8°. On lui doit aussi une tra-
duction allemande de cinq pièces de Plaute, ar-
rangées pour le théâtre moderne; il fut secondé
dans ce travail par Gœthe. E. G.
A. Stôber, hertz uud Frideriké Sesenheim ,- Mâle, 1812,
in-8°. — Schlcliti'groll , JVecrolog (année i"a2, t, li).
— Jorrtei.s, texthon deutsc/ter Dichter, t. VI, p. 482 —
Dorer-E^lolf, Lenz, und seine SchriJtiM ; Bade, 1857.
lenz (Charles-Gotthold), archéologue al-
lemand , né à Géra, le 6 juillet 1763, mort à
Gotha, le 27 mars 1809. Il eut quelque temps
une place de professeur au collège de Zelle, et
vint en 1796 à Gotha, où il rédigea pendant
trois ans la Gazette nationale (Nattonalzei-
tung). On a de lui : une édition de Catulle,
avec traduct. allemande; Altenbourg, 1787; —
Geschichte der Weiber im heroischeh Zeit-
aller (Histoire des Femmes aux temps héroï-
ques); Hanovre, 1790, gr. in-8°; — Erklae-
rende Anmerkungen zu der Encyklopxdie
der lateinischen Klassiker ( Notes explicatives
pour l'Encyclopédie des classiques latins;;
Brunswick, 1792, in-8°. Le catalogue complet
de ses ouvrages se trouve dans Rotermund ;
supplément au Gel. Lcxicon de Jôcher. R. L.
Méusel, Gelehrtes Teutschland, t. IV, p. 411 et suiv.;
t. X, p. 198 et suiv.
lenz (Samuel), historien allemand, né à
Stendal, en 1686, mort vers 1760. Il exerça de-
puis 1723 la profession d'avocat à Zerbst,
hérita en 1739 d'une fortune considérable, se
retira des affaires, et alla vivre à Halle en
simple particulier. Ses principaux écrits sont :
Chronik der Stadt Stendal (Chronique de la
ville de Stendal); Halle, 1747-1748,2 vol. in 8";
— Diplomatische Sti/les-und Landeshïstorie
von Halberstadt (Histoire diplomatique de l'é-
vèché et du pays d'Halberstadl ; Halle, 1749,
in-4°; — Diplomatische Stif/s- Historié von
Brandenburg (Histoire diplomatique de l'evê-
ché de Brandebourg); Halle, 1750, in-4°; —
687
LENZ — LEO
688
Dïplomatische Stifts Historié von Havelsberg
(Histoire diplomatiquede l'évêchéde Havelberg);
Halle, 1750, in-4° ; — Dïplomatische Sti/tes-
und Lalideshtstorie von Magdeburg ( Histoire
diplomatique de l'évéché et du pays de Magde-
bourg) Kôthen et Dessau, 1756, in-4\ — Lenz
a aussi publié des éditions augmentées du Gra-
fensaal de Fr. Lucae , et de la Historische-
ijenealogische Fiïrstellung des Hanses An-
hall de Beckmann. E. G.
Gunriting, Historié der Gelahrtkeit, p. 496 (antibio-
graphie , allant Jusqu'à l'an 1745). — Huch, S. Leuzens
£fte»;Kotlien et Uessau, 1758, in-4°.
leo (Léonard), célèbre compositeur italien,
né à Naples, en 1694. Les biographes ne s'ac-
cordent point sur l'époque de sa mort ; selon
les uns, il aurait cessé de vivre en 1742, selon
d'autres en 1743 ou 1745, et même en 1756,
ainsi que tendrait à le prouver l'inscription mise
au Iras d'un portrait de cet artiste, qui était
autrefois au conservatoire de la Pieta, et que
l'on voit maintenant au Collège royal de Mu-
sique, à Naples. On trouva Leo la tête appuyée
sur son clavecin, dans l'attitude d'un homme
qui dort, mais il avait été frappé d'apoplexie.
L'abbé Bertini assure, cependant que cet évé-
nement arriva en 1745. Quoi qu'il en soit, Leo,
après avoir appris dès son enfance les éléments
de la musique, se rendit à Rome, où il termina
ses études sous la direction de Pitoni; il re-
tourna ensuite à Naples, et y fut nommé, en
1717, maître de chapelle de l'église Santa-Maria-
della-Solitaria. Jusque là il n'avait travaillé que
pour l'Eglise; mais en 1718 il écrivit pour le
théâtre son opéra de Sofosnibe , dans lequel
on apercevait déjà le sentiment et l'expression
qui caractérisent particulièrement le talent de ce
compositeur, et à ce début succédèrent rapide-
ment d'autres ouvrages. Nommé professeur au
conservatoire de la Pieta, Leo alla ensuite rem-
plir les mêmes fonctions à celui de Santo Ono-
frio, où il eut pour élèves Jomelli et Piccini , et
partagea avec son prédécesseur Scarlatti, et ses
contemporains Durante et Fio , la gloire d'avoir
fondé la belle école napolitaine du dix-huitième
siècle, qui a produit tant de célèbres compositeurs
dramatiques.
Leo occupe, comme professeur et comme
compositeur, une des premières places parmi
les artistes de son temps. Sa musique religieuse
est empreinte d'un sentiment d'élévation et d'une
pureté de style qu'il avait puisés dans les tradi-
tions de l'école romaine; son Miserere à deux,
ehœurs est un chef-d'œuvre en ce genre. Son
style n'a pas moins de majesté que celui de Du-
rante; mais Leo touche davantage le cœur par le
charme qu il a répandu dans ses œuvres, notam-
ment dans son Ave, maris slella, pour voix de
soprano, et dans son Credo à quatre voix. On
cite encore, comme un de ses meilleurs ouvrages,
son oratorio de Santa Elena al Calvario.
Dans la musique de théâtre, Leo est également
remarquable par la noblesse delà pensée; sou-
vent pathétique et passionné, c'est par les moyens
les plus simples qu'il produit les plus grands
effets. L'air Misero Pargolelto, de son Démo-
foonte ; le duo Nei gïorni tuoi felici, de son
Olimpiade, et l'air Non so donde vienne, du
même opéra , sont des modèles d'expression
dramatique.
Voici la liste des principales productions de
Leo : Musique d'église : Miserere à deux chœurs,
sans orchestre ; — motet pour voix de soprano,
avec accompagnement d'orgue ; — motet ( Heu !
nos miseros, etc. ) à cinq voix et orgue ; — trois
Messes, dont une à quatre voix et les deux autres
à cinq , avec accompagnement d'orchestre ; —
deux Dixit, le premier à quatre voix et orgue,
l'autre à deux chœurs et deux orchestres; — ;
Credo, à quatre voix et orchestre ; — Te Deunt,
à quatre voix et orchestre ; — deux Magnificat,
l'un à quatre voix , avec accompagnement de deux
violons et orgue , l'autre à cinq voix et orchestre;
— Cxintata per il miracolo delglorioso S. Gen-
naro, à cinq voix et orchestre ; — Cantata per
il gloriosoS. Vincenzo Feirari, o sia moletto
à cinqne voci conslromenti ; — motet : Jam
surrexit dies gloriosa, à cinq voix et orchestre ;
— Miserere mei, à quatre voix, et orgue; — Ave,
maris Stella, pour voix de soprano, deux violons,
viole et orgue; —Santa Elena al calvario, ora-
torio; — Cain et Abel, idem; — Musique de
théâtre : Sofonisbe, opéra, à Naples (1718) ; —
Lucio Papirio, id., à Naples ( 1720 ) ; — Cajo
Gracco, Idem (1720) ; — Artaserce; — Tamer-
lano , Rome ( 1722 ) ; — Arianna e Teseo , can-
tate à deux voix ; — Timocrate, à Venise (1723);
— L'Olimpiade ; — Demofoonte ; — Andro-
macca ; — Catone in Vtica ( 1726) ; — Ciro
riconosciuto ( 1727 ) ; — Argene ( 1728 ) ; —
Achille in Sciro ; — Le Aozze de Psiche con
Amore; — La Zingarella, intermède ( 1731);
— La Clemenza di Tito (1735) ; — Bajazetto;
— Cioè , opéra bouffe ; — Siface (1737) ; —
Coponimento pastorale, en deux parties ; —
Serenata per le Spagna , idem ; — Festa
théâtrale ( 1739) ; — La Contessa dell amore
e délia virtù ( 1740); — Vologeso (1744).
Leo a écrit aussi , comme ouvrages d'étude :
Partimenti, basses chiffrées pour servir à l'é-
tude de l'accompagnement ; un solfège pour
voix de basse ; et un ouvrage intitulé Principi
di Musica, qui est resté en manuscrit.
Dieudonné Denne- Baron.
Gerbcrt, Historisch Bionraphisc/tes Lerikon der Ton-
Jcunstler. — Arteaga, /,e Revoluzioni del Teatro-ita-
liano, etc. — Bertini, Dizzion. stor. crit. degli scrittori
di musica. — Choron et Fayolle, Dictionnaire historique
des Musiciens. — Fétis, Biographie universelle des Mu-
siciens.
* leo ( Henri), célèbre historien allemand,
né à Rudolstadt, le 19 mai 1799. Après avoir étu-
dié à Breslau et à Iéna, où il devint en 1 820 doc-
teur en philosophie, il se rendit, en 1822, à Berlin,
et y suivit assidûment les leçons de Hegel.
689
L'année suivante il fit un voyage en Italie, avec
les moyens que lui procura sa protectrice, la
princesse douairière de Schwartzbourg-Rudol-
stadt, et fut en 1828 appelé à l'université de
Halle comme professeur d'histoire, place qu'il
occupe encore aujourd'hui. Ayant rompu avec
lies démagogues et avec les sectateurs de Hegel,
fil se distingua bientôt parmi les adversaires les
plus résolus du radicalisme moderne. Après 1848
il se prononça de plus en plus dans le sens réac-
tionnaire; on peut improuver ses opinions, mais
Ion ne saurait contester son talent de polémiste,
(d'historien et surtout de narrateur. Ses princi-
paux travaux sont: De Johanne grammatico;
|léna, 1819, in-4°; — Ueberdie Verfassung der
I lombardïschen Staedte ( Sur la Constitution
des cités lombardes); Radolstadt, 1820;—
Ueber Odins Verehrung in Deutschland ( Sur
l'adoration d'Odin chez les Germains) ; Erlangen,
1822; — Entwickelung der Verfassung der
lombardïschen Staedte ( Développement de la
constitution des cités lombardes ) ; Hambourg,
1824, ouvrage remarquable, où l'auteur établit
Tidée, alors nouvelle, que les cités lombardes ne
sont pas filles des municipalités de l'empire ro-
main , mais qu'elles sont le résultat des institu-
tions germaniques ; — Vbrlesungen iiber die
Geschichte des judischen Staals (Cours d'his-
toire du peuple juif); Berlin, 1828, in-8°; —
Handbuch der Geschichte des Mittelalters
(Manuel de l'histoire du moyen âge); Halle,
1830, in-8°; — Geschichte der italisenischen
Staaten (Histoire des États Italiens); Ham-
bourg, 1829-1830, 5 vol. in-8" : cet ouvrage,
traduit en français (Paris, 1844, 3 vol. grand
in-8° ), fait partie de la collection d'histoires de
Heeren et Ukert ; — Zwôlf Bûcher nieder-
lecndischer Geschichte ( Douze livres d'his-
toire des Pays Bas); Halle, 1832-1835, 2 vol.
in-8° ; — Studien und Skizzen zur Naturges-
chichle des Slaats ( Études et Esquisses pour
une histoire naturelle de l'État); Halle, 1833; —
Lehrbuch der Vniversal- Geschichte (Manuel
d'Histoire universelle ) ; Halle, 1835-1844 ; ibid.,
1839-1845, 6 vol. in-8°; ouvrage très-remar-
quable,mais où l'auteur juge souvent les personnes
et les événements du passé avec les préoccirpa-
tions politiques d'aujourd'hui ; — Leitfaden der
Vniversal- Geschichte (Guide d'histoire univer-
selle); Halle, 1838-1840, 4 vol. in-8° ; — Send-
schreiben an Gôrres (Lettre à Gôrres); Halle,
1838, écrit à l'occasion de l'arrestation de l'ar-
chevêque de Cologne ; — Die Hegelinge ( Les
Hégéliens); Halle, 1838 et 1839; — Altssech-
sische und angelsœchsische Sprachproben
( Documents de l'ancienne langue saxonne et de
l'idiome anglo-saxon); Halle, 1838; — Beo-
wulf, dasœlteste deutsche, in angelssechsis-
cher Mundart erhaltene Beldengedicht, nach
seinen kistorischen und mythologischen Be-
ziehungen betrachtet ( Béowulfe, poëme anglo-
«axon, la plus ancienne épopée germanique con-
LEO — LÉOCHARÈS
690
sidéré au point de vue de l'histoire et de la mytho-
logie); Halle, 1839; — Eectitudines singula-
rum persvnarum ; Halle , 1 842, in-8° ; cette édi-
tion des coutumes des Anglo-Saxons contient aussi
des détails sur l'agriculture et sur lacondition des
paysans chez ce peuple; — Die Malbergische
Glosse (La Glose Malbergique ) ; Halle, 1842-
1845, 2livraisonsin-8°: dans ce livre l'auteur Léo
cherchée prouver que la glose malbergique. ainsi
qu'on désigne les notes ajoutées à la loi salique
dans quelques manuscrits, n'est pas écrite dans un
idiome germanique, mais en celtique ; cette opi-
nion, assez hasardée, a été combattue entre au-
tres par Jacob Grimm dans sa Geschichte der
deutschen Sprache; — Ferien-Schri/'.en (Mé-
langes de vacance) ; Halle, 1847-1852, 2 vol.in-8" ;
eet ouvrage se compose principalement d'études
sur la langue et les antiquités celtiques ; — Si-
gna/ura temporis ; Halle, 1849 : ouvrage sur la
politique de l'époque. Léo a aussi publié un
grand nombre d'articles dans le Berliner Wo-
chenblatt dans la Evangelische Kirchenzei-
tung et dans le Halle'sches Volksblatt, dont
il est un des principaux rédacteurs. E. G.
Conv.-Lex.
léocharès ( b.ztùyâ.wz ), sculpteur athé-
nien, vivait dans le quatrième siècle avant J.-C.
II fut un des principaux artistes de la seconde
école athénienne, dont les chefs étaient Scopas et
Praxitèle. Pline le place avec Polyclès, Céphi-
sodote et Hypatadore dans la 102e olymp. (372
avant J.-C. ). Dans la 106e olymp. et les années
suivantes, il travailla au tombeau de Mausole.
Il fut un des artistes que Philippe employa pour
consacrer le souvenir de la bataille de Chéronée
(338 av. J.-C). Pline, à qui nous devons pres-
que tous ces renseignements, rapporte aussi que
Léocharès fit une statue d'Autolycus, vainqueur
au pancrace des enfants dans les Panathénées de
l'olympiade 89 ou 90, et dont la victoire donna
lieu au Symposium de Xénophon. Ce témoi-
gnage ne semble pas concorder avec les pré-
cédents , puisque la victoire d'Autolycus et la ba-
taille de Chéronée sont séparées par un inter-
valle de quatre-vingts ans : la carrière active
d'un artiste ne peut pas avoir rempli un aussi
long espace de temps. Mais il n'est pas néces-
saire que la statue d'Autolycus ait suivi immé-
diatement la victoire du jeune athlète; elle a pu
être exécutée beaucoup plus tard comme un mo-
nument comroémoratif.
Le chef-d'œuvre de Léocharès était un groupe
représentant V enlèvement de Ganymède.Suixant
la vive description de Pline, l'aigle semblait com-
prendre le trésor qu'il portait, et se gardait de
déchirer de ses serres une proie destinée au
maître des dieux. L'ouvrage original était cer-
tainement en bronze, mais il fut souvent repro-
duit en marbre et sur des pierres précieuses. Des
copies en marbre qui existent la meilleure est
un groupe de demi-grandeur dans le musée Pio-
Clemerrtino. Un autre groupe de la bibliothèque
691 LÈOCHARÈS — LtfON
Saint-Marc à Venise est plus grand et peut-être
mieux exécuté , mais beaucoup moins bien con-
servé. Ces copie», quoique très-imparfaites, don-
nent une idée de ce mélange de dignité , de grâce
et d'élégance sensuelle qui caractérise la seconde
école athénienne. Parmi les autres ouvrages my-
thologiques de Léocharès, Pausanias mentionne
un Jupiter et une personnification du Peuple
( Zeùç y.cd Ayj(xoç ) dans le long portique du Pirée
et un autre Jupiter dans l'Acropole d'Athènes ,
ainsi qu'un Apollon dans le Céramique. Pline
parle de son Jupiter tonnant du Capitole,
« œuvre louable entre toutes », et de son Apollon
avec un diadème , et Vitruve mentionne sa statue
de Mars dans l'Acropole d'Halicarnasse. Léo-
charès fit aussi des statues d'hommes vivants,
entre autres celles de Philippe, d'Alexandre,
tfAmintas , d'Olympias et à' Eurydice, qui
étaient en ivoire et en or et placées dans lePhi-
lippeion, bâtiment circulaire, que Philippe avait
fait construire dans l'Altis d'Olynipie , en mé-
moire de la bataille de Chéronée. On cite encore
de Léocharès une statue d'Isocrale, que Timo-
thée, fils de Conon, consacra à Eleusis.
Un autre sculpteur athénien du même nom
et probablement de la même famille vivait à l'é-
poque romaine. On a découvert à Athènes un
bloc de marbre qui , d'après l'inscription, avait
servi de piédestal à une statue de Marcus Anto-
nius (sans doute le triumvir) par Léocharès. Y.
Pline, Hist. nàt., XXXIV, 8 ; XXXVI, 5. - Pausanias ,
V, 20. — Vitruve, VII, Prwf., 13. — Viscnnti, HJuseo
Clément., vol. 111, pi. 49. — Millier, Denkmaler (1er allen
Kunst, vol. I, pi. 36. - Zanetti ; Statue, vol. Il, t. 7.
— Meyer, Kunstgesçhivhte , vol. 11,97, 98. — SchOll,
Arcliâologische illltthcilitngen aus Griechenland, nacti
C.-O. Miiiler's hihterlassêheti Papieren, p. I, p. 127, etc.
— R. Rochcttc, Lettre à M. Schorn , 341, etc.
léodamas ( AEU)3âu.a; ) , orateur athénien ,
vivait dans la première moitié du quatrième siècle
■ avant J.-C. 11 étudia l'éloquence à l'école d'Jso-
crate, et fut , dit-on, le maître d'Eschine. Celui-
ci , qui , il est vrai , n'était pas impartial , parle
de Léodamas avec beaucoup d'éloges, et le place
au-dessus de Démosthène pour les grâces de la
diction. On ne possède aucun des discours de
Léodamas; mais on sait qu'il en prononça un
contre Callistrate, un autre contre Chabrias, et
qu'il se défendit lui-même contre une accusation
qui lui avait été intentée par Thrasybule. Y.
l'lutarque, V Use decem. Orat. — Eschine, Cont. Ctesi-
phnntem, 138. — Uéiuosthèoe, In Lept., p. SOI. — Aris-
tote, K/tetor., 1, 7, 13; II, 23, 23. — Photius, ISibliolkeca,
cod. 264. — Ruhulihen, Hislorta crit. Orat. Grse-
corum.
LÉodius (Hubert-Thomas), historien belge,
né à Liège, vers la fin du quinzième siècle, mort
vers le milieu du seizième. Après avoir étudié
le droit, il fut nommé assesseur auprès de la
chambre impériale. En 1622 il devint secrétaire
de l'électeur-palatin FrédéricII, et reçut plus tard
de ce prince le titre de conseiller. Il fut chargé
par son maître de diverses négociations diplo-
matiques. On a de lui : Annalium de vita et
rébus gestis Friderici II, comitis palatini,
692
libri XIV; Francfort, 1624 et 1665, in-4°;
traduit en allemand , Scheusingen , 1628, in-4°-
— Hislorta Belli Ruslicani in Germania, dans
le tome III des Scriptores de Freher ; — His-
toriola de Francisa a Sickingen rébus gestis;
ibid ; — De Palalinorum origine et Heidel-
bergec antiquïtatibus , à la suite des Origines
Palatines de Freher ; — De Tungris et Ebu-
ronibus; Strasbourg, 1641, in 8°; reproduit
dans le tome I des Scriptores de Schard ; — Epis-
tola de monte Tauno, dans les Monumenta de
Miegius. e. G.
André, Bibl. Belgica. — Roterraund, Supplément à
Jucher.
Empereurs d'Orient.
léon 1er, Flavius, surnommé le Thraceet le
Grand, né vers 400, dans la contrée des Lcsses,
en Thrace, mort en janvier 474. A la mort de
Marcien, il n'était qu'un obscur tribun militaire
et commandait Selymbrie. Aspar, qui avait été
toul-puissant sous le dernier prince, pouvait pré-
tendre à l'empire; mais, Alain de naissance et
arien de religion , il craignit que son avènement
ne fût le signal d'une guerre civile et religieuse, et
espéra qu'en abandonnant l'apparence du pou-
voir suprême, il en conserverait mieux la réalité.
Il jeta les yeux sur Léon, qui avait été son inten-
dant et qui s'était élevé par sa protection Son
choix entraîna le sénat et l'armée. Léon Ier fut
proclamé empereur, le 7 février 457, et reçut la
couronne des mains du patriarche Anatolius.
C'est le premier exemple d'un prince chrétien
couronné par un prêtre. Cette cérémonie fut dans
la suite adoptée par tous les autres princes chré-
tiens, et, selon la remarque de Gibbon, elle de-
vint pour le clergé un formidable moyen d'à tion.
Le nouveau prince n'entendait pas être un ins-
trument complaisant de son ministre. D'ailleurs, ,
à défaut de son caractère, sa ferveur catholique
l'eût porté à secouer l'influence d'un arien. Les
événements lui fournirent bientôt une occasion
de montrer sa fermeté. Des troubles religieux
éclatèrent en Egypte. Les eutychiens d'Alexan-
drie tuèrent l'évêque orthodoxe Protérius, et le
remplacèrent par un évêque de leur secte Ti-
mothée Elurus, que protégeait Aspar. Malgré l'in-
tervention du ministre, Elurus fut déposé et exilé
dans la Chersonèse Taurique par l'ordre de Léon.
Voyant que dans cette circonstance, et dans plu-
sieurs autres l'empereur tenait peu compte de
ses avis, Aspar lui reprocha d'oublier ses pro-
messes. Le prenant un jour par le pan de son
manteau, il lui dit : « Convient-il à celui qui porte
cette pourpre de manquer à sa parole? — Il lui
convient encore moins, répondit Léon, de souf-
frir qu'on lui fasse la loi comme à un esclave. »
Les chroniqueurs byzantins rapportent que la
première année du règne de Léon fut signalée
par un éclatant succès des armes romaines; mais
on ignore jusqu'au nom de la peuplade barbare
qui fut vaincue. Pendant ce temps l'empire d'Oc-
cident, ravagé par les Vandales de Genséric,
693
LÉON
694
menacé par ses propres défenseurs, les Suèves de
Ricimer, approchait de sa ruine. Léon s'inquié-
tait peu de ce démembrement de l'empire. Les
exercices de piété l'occupaient plus que les af-
faires de l'État. 11 faisait de fréquentes visites au
solitaire Daniel Stylite, qui passait sa vie sur
une colonne , et écoutait ses conseils. « Si Da-
niel, dit Le Beau, s'était permis de se mêler des
affaires de l'État, il lui eût sans doute conseillé
de ne pas le visiter si souvent, et de s'occuper
davantage de l'honneur et de l'intérêt de l'em-
pire, qui périssait en Occident. » Un péril pres-
sant tira Léon de son apathie. En 466 une bande
de Huns, commandée par Hormidas, traversa le
Danube sur la glace, et pénétra dans la Mésie.
Léon envoya contre ces barbares Anthémius,
qui les battit à Sardique. Une seconde horde de
Huns, sous les ordres de Dengisic, fils d'Attila,
éprouva le même sort. Dengisic périt deux ou
trois ans plus tard dans une rencontre avec le
général romain Anagaste, et sa tête, apportée à
Constantinople pendant qu'on y célébrait les jeux
du cirque, et plantée au bout d'une lance, servit
de spectacle pendant plusieurs jours. Délivré des
Huns, Léon s'occupa sérieusement de rendre la
paix à l'empire d'Occident. Il négocia avec Ri-
cimer et l'amena à reconnaître pour empereur
d'Occident le général byzantin Anthémius, en
467. Les deux princes concertèrent aussitôt une
grande expédition contre Genséric. Un arme-
ment formidable, sous les ordres de Basilique,
frère de l'impératrice, fit voile pour Cari liage;
mais le général romain, soit trahison, soit lâ-
cheté, n'osa pas attaquer cette ville. Tandis
qu'il perdait le temps en pourparlers, les Van-
dales lancèrent des brûlots sur la flotte romaine,
qui fut la proie des flammes, en 468. Basilique
revint en Sicile avec quelques vaisseaux et un
petit nombre de soldats. L'indignation excitée
par cet ignominieux désastre retomba moins sur
Basilique que sur Aspar. On prétendit que le
ministre arien avait lait échouer une expédition
dirigée contre les Vandales ses coreligionnaires.
Léon augmenta encore le déchaînement de l'o-
pinion en faisant courir le bruit que Aspar exi-
geait pour son fils lamaind'Ariadne, fille de l'em-
pereur. A la nouvelle du mariage projeté, les ha-
bitants de Constantinople coururent aux armes,
et assaillirent la maison d'Aspar, qui fut forcé de
se réfugier avec ses trois fils Ardaburius, Pa-
tricius et Ermenaric, dans l'église de Sainte-
Euphémie à Chalcédoine. Le patriarche vint les
assurer, de la part de l'empereur, qu'ils n'avaient
rien à craindre. Léon lui-même se rendit à Chal-
cédoine sous prétexte de veiller à leur sûreté.
Aspar et ses fils eurent l'imprudence de quitter
leur asile; mais à peine avaient-ils pénétré dans
l'enceinte du palais, que Trascalisseus ( depuis
l'empereur Zenon ) se précipita sur eux avec
une bande de gardes, et massacra Aspar et Ar-
daburius (471). Léon avait ordonné le meurtre.
Cette violation de la foi promise fut pour l'em-
pire une source de malheurs. Les ariens et les
barbares, que l'influence d'Aspar avait contenus,
se soulevèrent. Ricimer recommença ses intri-
gues en Occident, et les Goths envahirent la
Thrace, et ravagèrent pendant deux ans les en-
virons de Constantinople. Les fléaux naturels
s'ajoutèrent aux malheurs de la guerre pour at-
trister les dernières années de Léon. En 465 un
incendie éclata à Constantinople, et détruisit les
édifices publics et privés dans un espace de 1,750
pieds de long de l'est à l'ouest, sur 500 de
large du nord au sud. En 469 des inondations
dévastèrent diverses parties de l'empire. En 472
eut lieu une des plus terribles éruptions du Vé-
suve. On rapporte que les cendres furent pous-
sées par le vent jusqu'à Constantinople. Le 1 1 no-
vembre, tandis qu'on célébrait les jeux du cir-
que, à l'heure de midi, le ciel s'obscurcit fout à
coup, et les ténèbres couvrirent la ville. Le
peuple crut voir une pluie de feu , et même lors-
que la cause du phénomène eut été reconnue, il
continua de croire que c'était un véritable feu
que la miséricorde divine avait changé en cen-
dres. En mémoire de cet événement, on institua
des processions et des actions de grâce annuelles.
Tous les chroniqueurs byzantins s'accordent sur
ce phénomène extraordinaire; mais comme ils
vivaient longtemps après cet événement, leurs té-
moignages ne sont pas indubitables. Les actions
de grâces commémoratives seraient plus dignes
de foi si l'origine en était bien avérée.
Léon Ie" reçut des orthodoxes le surnom de
Grand, qu'il ne justifia point par ses actions.
Les ariens lui donnèrent le surnom de Macela
ou Macellarius (le Boucher ou le Meurtrier),
sans doute à cause de la mort violente d'Aspar,
car aucun autre acte de Léon ne mérite une
pareille épilhète. On lui reprocherait plutôt d'a-
voir manqué de fermeté. Sa piété était vive.
Quoique sans instruction, il aimait les lettres et
les sciences. Un jour qu'un de ses ministres lui
reprochait d'avoir donné une pension au philo-
sophe Eulogius, « Plut à Dieu, répondit-il, que
je n'eusse à payer que les gens de lettres ! »
Léon eut de sa femme Verina un fils, qui
mourut jeune, et deux filles : Aiiadne, qui épousa
Trascalisseus ( Zenon ), et Léontia, qui épousa
Marcien, fils d'Anthémius. Sentant sa fin appro-
cher, il choisit pour successeur et proclama au-
guste son petit-fils, Léon, fils de Zenon et ,d'A-
riadne. 11 mourut moins d'un an après, et fut
enseveli dans le mausolée de Constantin.
LÉON il succéda à son grand-père, à l'âge de
quatre ans (janvier 474), et mourut an mois de
novembre suivant ( voy. Zenon). L. J.
Cedrenus, p. 346. — Zonaras, vol. II, p. 49, etc. —
j Théophanes, p. 95, etc. — Suidas, aux mots AÉtoV et
Z'/jvwv. — Le Beau, Histoire du lias-Empire , 1, XXXIV,
XXXV, t. VI et VU, édit. de Saint -Martin.
lëox m flwics, surnommé Vlsaurien
( Isaurus), né vers 680, mort le 18 juin 741. Il
naquit en Isaurie, de parents pauvres qui aban-
695
donnèrent ce pays pour s'établir en Thrace. Le
futur empereur, qui se nommait alors Conon, en-
tra comme spathaire dans l'armée de Justinien II
Rhinotmète, arriva en peu de temps aux pre-
miers grades militaires, et changea son nom en
celui de Léon. L'empereur Anastase lui confia en
713 le commandement général des troupes d'O-
rient. Lorsque ce prince fut détrôné et exilé, en
716, Léon refusa de reconnaître l'usurpateur
Théorlose III, et prit les armes, sous prétexte de
rétablir Anastase , mais en réalité pour s'élever
lui même à l'empire, dont il était digne par ses
grandes qualités. Artabaze, commandant des
troupes d'Arménie, le seconda dans ce dessein,
et les soldats le proclamèrent sous les murs d'A-
morium en Galatie. 11 était alors occupé à dé-
fendre contre les Sarrasins les provinces grecques
d'Orient. Entouré par des forces supérieures, il
parvint à échapper au général arabe Moslemah
en lui faisant des propositions de paix, et gagna
la Cappadoce. Molesmah l'y suivit de près;
mais la mauvaise saison l'obligea de s'arrê-
ter. Léon profita de ce moment de répit, et se
porta rapidement sur les troupes impériales ,
qu'il battit et dispersa à Nicomédie. Il marcha
ensuite sur Constantinople. A son approche, le
faible usurpateur déposa la couronne, et se retira
dans un cloître. Léon fut couronné, le 27 mars
718, au milieu des acclamations du peuple, qui
attendait beaucoup de son courage. Bientôt les
Sarrasins, qu'il avait devancés par la rapidité de
sa marche , arrivèrent en face de Constantinople,
et leur flotte couvrit le Bosphore. Le khalife So-
liman, regardant la feinte négociation de Léon
avec Moslemah comme une injure personnelle,
avait juré d'en tirer vengeance, et il voulutcom-
mander lui-môme l'expédition. Ce siège, le troi-
sième que Constantinople eût eu à soutenir contre
les Arabes, dura deux ans, du 15 août 718 au
15 août 720. Il n'en vitquele commencement;
mais son successeur Omar renouvela son ser-
ment, et poursuivit le siège avec une ténacité
que les plus rudes échecs ne rebutèrent pas.
L'empereur Léon, sortant de la Corne d'Or avec
une escadre précédée de nombreux brûlots rem-
plis de feu grégeois, porta le désordre et l'incen-
die dans la flotte ennemie. Dans deux autres
rencontres navales, les Arabes éprouvèrent des
pertes encore plus sensibles, et au commencement
du mois d'août 720 leurs forces de terre furent
mises en déroute avec une perte de vingt-huit
mille hommes. Cette défaite força les Arabes à
lever le siège. De trois flottes qui avaient été
successivement équipées pour la conquête de
Constantinople, quelques vaisseaux seulement
rentrèrent dans les ports de Syrie. Jusque là la
capitale, malgré les sorties victorieuses des as-
siégés, avait été si étroitement bloquée que les
rapports entre le gouvernement et les provinces
avaient cessé. Le bruit courut même en occident
que le khalife était monté sur le trône de Cons-
tantinople. Cette rumeur enhardit Sergius à se
LÉON 696
rendre indépendant; mais, n'osant pas encore
prendre la couronne pour lui , il fit proclamer
son lieutenant Basile roi de Sicile et de Calabre.
Léon, après la levée du siège, envoya en Sicile
quelques vétérans sous un général énergique
nommé Paulus. La révolte fut promptement ré-
primée. Basile, fait prisonnier, paya ses préten-
tions de sa têle. Sergius se réfugia en Italie au-
près des Lombards, et finit par rentrer en grâce
auprès de l'empereur, qui lui rendit son gouver-
nement d'Italie. Anastase fut moins heureux.
Dans cette crise, il laissa mettre en avant ses
droits à l'empire, et recruta de nombreux parti-
sans. Léon réprima avec célérité cette nouvelle
conspiration, et en punit sévèrement les auteurs.
Il n'épargna pas son ancien bienfaiteur Anastase,
qui eut la tête tranchée.
Le khalife Omar, malgré sa défaite, continua
la guerre contre les Grecs, et en 721 il s'empara
de Césarée en Cappadoce et de Néo-Césarée dans
le Pont. Léon ne s'inquiéta guère de ces succès,
et dirigea toute son attention sur l'administration
intérieure. Comme beaucoup de princes byzan-
tins, il eut le tort de trop s'immiscer dans les af-
faires religieuses. En 722, il ordonna sous peine
de morl aux juifs répandus dans l'empire de se
faire baptiser, et obtint une soumission apparente.
Des sectaires, que Théophane appelle des mon-
tanistes, reçurentlemêmeordre, et résolurentde
mourir plutôt que de s'y conformer. D'un accord
général, ils se brûlèrent tous à jour nommé dans
leurs églises. Cet affreux événement n'eut pas
d'effet sur la volonté inflexible de Léon. Il pro-
mulgua en 726 un édit qui est un des actes légis-
latifs les plus importants de l'histoire byzantine.
Cet édit abolissait le culte des images. Des mo-
tifs religieux et politiques le poussèrent à cette
résolution. Chrétien sincère, il voyait dans le
culte des images une profanation païenne. De
plus il était touché du reproche d'idolâtrie que
les musulmans et les juifs adressaient aux chré-
tiens, et espérait peut-être que les diverses
croyances des populations de l'empire se ral-
lieraient à une religion réformée. Ces motifs
étaient sérieux sans doute ; mais, avec plus de
prévoyance, Léon aurait vu que le douteux es-
poir de rattacher les mahométans à l'empire ne
compensait pas l'inconvénient de mécontenter les
catholiques et peut-être de les pousser à la ré-
volte. Il méconnut ou brava ce danger, et les
suites de son imprudence furent la perte de Ra-
venne, de Rome, de toutes les possessions
grecques en Italie, et enfin la séparation de l'É-
glise grecque et de l'Église latine. Les plus hauts
dignitaires ecclésiastiques donnèrent le signal de
la résistance. Le patriarche Germanus, Jean Da-
mascène, Jean Chrysorrhoas en Orient et le pape
Grégoire H en Occident furent les chefs de l'op-
position. Grégoire II condamna l'édit dans un
synode et en demanda énergiquement la révoca-
tion. Léon répondit à ses représentalions en or-
donnant à Paulus, évoque de Ravenne, de se saisir
G97
LEON
698
du pape. Paulus fit marcher des troupes sur
Rome. Les Lombards de Spolète et de la Tos-
cane accoururent au secours du pape, et les
troupes grecques rentrèrent dans Ravenne, où
Paulus eut bien de la peine à se maintenir contre
le mécontentement de la population. En Orient la
révolte éclata dans le Péloponnèse et dans les Cy-
clades,etConstantinople fut encore assiégée, mais
cette fois par des Grecs. Dans Constantinople
même plusieurs émeutes firent couler des flots
de sang. Léon triompha de tous ces soulèvements.
Il déposa et bannit le patriarche Germanus, et le
remplaça par l'iconoclaste Anastase, en 730. La
majorité des professeurs des nombreuses écoles et
académies de Constantinople se déclara contre
l'édit. Léon en fut sans doute fort irrité; mais
il est absurde de supposer que l'incendie qui dé-
vora la bibliothèque de Sainte-Sophie et coûta
la vie à plusieurs professeurs fut allumé par
son ordre. Cette étrange imputation, inventée par
quelque moine, fut perpétuée par les ennemis re-
ligieux de Léon. Ce prince envoya en 734 une
puissante expédition contre l'Italie, avec mission
de réduire Ravenne La flotte grecque fut dis-
persée par la tempête et les troupes qui dé-
barquèrent essuyèrent une défaite. L'exarchat fut
perdu pour l'empire. Désespérant de ramener
l'Italie sous son obéissance, Léon détacha la
Grèce, l'Illyrie, la Macédoine de l'autorité spiri-
tuelle des papes, et les soumit à celle des pa-
triarches de Constantinople; ce fut la cause réelle
du schisme des deux églises. Pendant que l'im-
prudente politique de Léon hâtait le démembre-
ment de l'empire en Occident, les Sarrasins le
dévastaient en Orient. Le khalife Hesham sou-
tint en 734 les prétentions d'un aventurier qui
se faisait passer pour Tibère, fils de Justinien II.
L'imposteur fit son entrée à Jérusalem avec les
ornements impériaux, et parcourut ensuite la
Syrie. Cet appareil ne produisit aucun effet sur
la multitude. Les événements de 739 furent plus
graves. Le général Soliman envahit le territoire
romain avec une armée de quatre-vingt dix
mille hommes divisée en trois corps. Le premier
entra dans la Cappadoce, qu'il dévasta ; le se-
cond, commandé par Melick et Batal, envahit la
Phrygie. Soliman resta avec le troisième près
de Tyane. Léon rassembla à la hâte des troupes
qui, sous les ordres du général Acroninus,
défirent complètement les troupes de Melick
et Batal. Ces deux chefs furent tués dans l'ac-
tion , et Soliman, découragé, se retira en Syrie.
L'anné 740 fut marquée par un des plus affreux
tremblements de terre dont il soit fait mention
dans les chroniques byzantines. « Le 26 octobre,
sur les trois heures après midi, la terre se souleva
par des secousses redoublées, détruisit quantité
de maisons, de portiques, d'égiises, de monas-
tères, et fit tomber les statues de Constantin, de
Théodose le Grand et d'Arcadius. Les murs de
Constantinople s'écroulèrent du côté du conti-
nent; la plus grande partie du peuple s'enfuit
de la ville , et se logea dans des baraques au mi-
lieu de la campagne. La Thrace fut couverte de
ruines; Nicomédie et Prénète en Bithynie furent
renversées; de toute la ville de Nicée, il ne resta
d'entier qu'une église." Ce tremblement se fit
sentir à diverses reprises pendant le cours d'une
année, et s'étendit jusqu'aux extrémités de l'O-
rient. En Egypte, des villes entières furent abî-
mées avec leurs habitants, et la mer, perpétuel-
lement agitée, engloutit un grand nombre de
vaisseaux. Ce terrihle fléau fit périr des multi-
tudes d'hommes et d'animaux (1).» Léon ne sur-
vécut que de quelques mois à ces désastres. Il
fut enseveli dans l'église des Apôtres. Son fils
Constantin V fut surnommé Copronyme.
LÉON m fut le fondateur de la dynastie isau-
rienne. C'est un des princes les plus remar-
quables de l'histoire byzantine. Sa grande erreur
fut de croire qu'il pouvait régler les choses re-
ligieuses et imposer une réforme par un édit. Ce
tort l'entraîna à des actes violents et odieux,que
les écrivains orthodoxes ont relevés en les exa-
gérant, mais qui ne peuvent faire oublier/ que Léon
fut un administrateur actif, énergique, équitable,
un prince enfin tel qu'il convenait aux Grecs dégé-
nérés. L. J.
Théophane, p. 327, etc. — Cedrenus, p. 450, etc. — Ni-
céphore, p. 34. etc. — Glycas, P- 189, etc. — Zonaras,
vo!. H, p. 101, etc. — Paul Di;icre, De Geitis Longol/bard.
VI, 47 — Gibbon, History of Déclina and l'ail of Ro-
man Empire, i
léon iv flavius, surnommé Chazarus,
petit-fils du précédent, et fils aîné de Constan-
tin V Copronyme , né le 25 janvier 750, mort le
8 septembre 780. 11 fut surnommé Chazare à
cause de sa mère, qui était une princesse de cette
nation. Il succéda à son père, le 14 septembre
775. Il était d'une si faible santé que, prévoyant
sa fin prochaine, il fit dans l'année qui suivit
son avènement, couronner son fils Constantin,
âgé de cinq ans. Il obtint de ses cinq frères, Nicé-
phore, Christophe, Nicétas, Anthemeus et Eu-
doxas le serment qu'ils reconnaîtraient le jeune
auguste comme leur maître futur. Les princes
ne l'observèrent pas, et furent bientôt convaincus
de conspiration. Léon les fit raser et battre de
verges, et les relégua dans la Chersonèse. Après
quelques vaines tentatives pour recouvrer la
liberté, ils allèrent finir leurs jours à Athènes.
En 777 Téléric, roi des Bulgares, qui s'était traî-
treusement conduit à l'égard de Constantin, se
voyant en danger à la tête de sa horde barbare ,
se réfugia auprès de Léon, reçut le baptême et
fut créé patrice. En 778 les Arabes envahirent
l'empire. Léon leur opposa une armée nombreuse
commandée par Lachano Draco. Le général ro-
main remporta sur le? Arabes une victoire com-
plète dans laquelle Othman, fils du khalife Ma-
hadi ou Modi, fut tué. Quand les nouvelles de
cet éclatant succès arrivèrent à Constantinople,
l'empereur n'était plus. Léon n'eut ni les vices
(i)l.e Beau, Histoire du Bas-Empirt, I. I.XI1I.
699
de son père , ni l'énergie de son aïeul ; il fut
comme eux iconoclaste zélé, mais il n'imita pas
leur intolérance. L. J.
Théophane, p. 378. etc. — Cédrène, p. 468, etc. —Cons-
tantin Manassès. p. 89.-Zonaras, vol. II, p. 113.— Glycas,
p. 285 ( de la Collection byzantine du Louvre).
léon v, Flavius Armenius, régna de
813 à 820. 11 était Arménien d'origine et fils du
célèbre Bardas. Il s'acquit dès sa jeunesse une
grande réputation d'habileté et de courage, et
obtint la confiance de Nicéphore I" ( 802-81 1 ).
Il la justifia fort mal, et, soit imprévoyance, soit
trahison, il se laissa surprendre par les Arabes
dans son gouvernement d'Hélénopont , perdit
presque tous ses soldats et la caisse de son ar-
mée. L'empereur, indigné, le fit battre de verges,
et l'envoya en exil. Cet événement eut lieu au
mois de mars 811, et en juillet Nicéphore périt
dans un combat contre les Bulgares. Son fils
Staurace ne lui survécut que peu de mois, et eut
pour successeur Michel l"r Rhangabe. Le premier
acte du nouvel empereur fut de rappeler Léon.
Il lui donna ensuite le titre de patrice et le
nomma commandant en chef des troupes d'Asie.
Léon ne fut pas plus fidèle à Michel qu'à Nicé-
phore. Il suborna les troupes tandis que ses
partisans agissaient sur la superstition populaire.
Il y avait à Constantinople une vieille femme
qui passait pour pythonisse. Toutes les fois
qu'elle voyait passer l'empereur, elle lui criait :
« Descends, prince, descends ; cède la place à un
autre. » Michel se contenta de faire enfermer
cette folle. Mais sa prédiction, commentée, exa-
gérée eut de l'inlluence sur le public et sur Léon
lui-même, qui se regarda comme prédestiné au
trône. Ce général remporta de grands avantages
sur les Arabes en 812, et accourut au secour-s
de Constantinople menacé par les Bulgares. Au
mois de mai 813, Michel et Léon quittèrent la
capitale à la tête d'une nombreuse armée. L'em-
pereur n'aurait voulu que harceler les Bulgares.
Léon représenta cette prudence comme de la
timidité , et demanda la bataille. Elle se livra
près d'Andrinople, ie 22 juin 813, et tournait en
faveur des Grecs, lorsque Léon prit la fuite avec
ses Orientaux et entraîna le reste de l'armée. Les
fugitifs se retirèrent à Andrinople, et Michel, les
laissant sous les ordres du général dont il
ignorait la trahison , rentra à Constantinople.
Aussitôt après son départ, Léon se fit proclamer,
et marcha sur la capitale. A cette nouvelle Mi-
chel quitta les insignes du pouvoir suprême, et
entra dans un cloître. Léon fut couronné le
11 juillet. A peine avait-il pris possession du
trône que Crum, roi des Bulgares, arriva devant
Constantinople et dévasta les environs de la
ville. Léon n'avait pas d'armée à leur opposer;
mais la mort le délivra de Crum, en avril 814,
et les Bulgares, privés de leur chef, essuyèrent
une défaite complète. Léon ne fut pas moins
heureux l'année suivante, et imposa aux Bul-
gares une trêve de trente ans. Délivré de ces
LÉON 700
redoutables ennemis, l'empereur renouvela les
projets de réforme religieuse qui sous la dy-
nastie isaurienne avaient excité tant de troubles.
Il fil une guerre acharnée au culte des images,
exila le patriarche Nicéphore, lui substitua Théo-
dole Cassitéras, commandant d'une des compa-
gnies de la garde, et fit confirmer par un concile
d'iconoclastes les actes du concile tenu sous
Constautin Copronyme. Son activité se déploya
d'une manière plus méritoire dans la réforme
du système administratif. Avant lui toutes les
charges civiles et militaires étaient vendues au
plus offrant. Il abolit ce honteux trafic, donna,
l'exemple du désintéressement, et n'avança que
le mérite. Il ne connaissait ni le repos ni les
plaisirs. Il consacrait l'hiver à exercer ses troupes,
l'été à parcourir les provinces , punissant les
vexations et les injustices, rétablissait les villes
et les forteresses minées par la guerre ; sou-
vent il présidait les tribunaux, et réprimait avec
une égale inflexibilité les crimes et les abus
de pouvoir. Sa justice n'observait pas les for-
mes légales, et déployait trop souvent une ri-
gueur barbare. L'exil, la mutilation, la décapi-
tation étaient infligés pour des fautes légères.
Un prince si violent ne pouvait manquer d'avoir;
beaucoup d'ennemis. Léon V en trouva même
parmi ses anciens partisans. Michel le Bègue,
qui avait beaucoup contribué à le mettre sur le
trône, ne lui épargnait pas les reproches. Léon,
pour se débarrasser de ce censeur importun,
lui ordonna d'aller inspecter les troupes d'Asie.
Michel refusa, et se mêla à une conspiration
contre l'empereur. Elle fut découverte, et Michel
fut condamné à être brillé vif dans la fournaise
des bains du palais. C'était la veille de Noël.
On conduisait Michel au supplice, et l'empereur
avait voulu lui-même assister à cette horrible
punition; mais l'impératrice, invoquant la so- I
lennité du jour, obtint une remise. Léon l'ac-
corda , bien que de sombres pressentiments lui
fissent croire qu'elle serait funeste. En effet, il
suffit aux conjurés de. quelques heures pour re-
nouer leurs trames et s'entendre sur les moyens
de tuer l'empereur. Le lendemain Léon se rendit
à l'église avec ses courtisans, parmi lesquels se
trouvaient les conspirateurs, et suivant sa cou-
tume il entonna le premier les chants sacrés. Ce
fut le signal de sa mort. Il se défendit quelque
temps avec une croix qu'il avait saisie sur l'au-
tel. Voyant un des meurtriers, d'une taille gigan-
tesque, lever sur lui son cimeterre, il demanda
grâce. «■ Ce n'est pas le moment de la pitié,
répondit l'assassin , c'est le moment de la ven-
geance » ; et il l'abattit sur le sol; un autre lui
coupa la tête. Les conspirateurs conrurent en-
suite à la prison, et en tirèrent Michel, qui fut
couronné le jour même.
Léon laissa quatre fils, qui furent mutilés par
l'ordre de Michel et enfermés dans un couvent.
L'aîné, SarbatiusouSymba(ius,mourni des sui-
tes de cette mutilation. Léon eut les qualités d'un
70 î LÉON
grand souverain ; mais il les ternit par ses perfi-
dies, ses violences et son intolérance. Nicéphore,
apprenant dans son exil la mort de l'empereur,
s'écria : « La religion est délivrée d'un grand en-
nemi, mais l'État perd un prince utile. » L. J.
702
Théoptiane, p. 412, etc.
p. 428, etc. — Cedrenus
t. II, p. 124. — Léon le Grammairien,
Constantin Manassès, p. 94. — JoBl, p
p. 287, ete. — Genesius, p. 2, etc.
Continuation de Théophane,
t. II, p. 481, etc. — Zonaras,
p. 445, etc. —
287. — Glycas,
Historia 1/ iscet-
lanea, dans Muratori, t. I. — Gibbon, Hîstory oj Décline
and l'ail of lioman Empire.
b-î':o.\ VI Flavius, surnommé le Sage et
le Philosophe, (ils de Basile 1er, le Macédonien,
et de sa seconde femme, Eudoxie, né en 805,
mort en 911. Dans sa jeunesse il faillit périr
victime des intrigues de Santabaren, favori de son
père. Santabaren l'accusa d'avoir projeté un
parricide, et l'empereur, trop crédule, le ht en-
fermer en prison. 11 l'en tira sur les instances
de toute sa cour, lui rendit tous ses honneurs ,
et le créa auguste. Les chroniqueurs byzantins
rapportent cette histoire avec d'étranges détails,
qui rappellent les contes des Mille et une, Auits,
mais qui, malgré leur invraisemblance , sont
peut-être vrais. Le palais de Constantinople of-
frait les intrigues tortueuses , les révolutions
soudaines , les caprices sanguinaires d'une cour
orientale. Le 1er mars 886 Léon VI succéda à
son père. Sa première idée fut de se venger de
Santabaren. Il commença par écarter le fameux
patriarche Photius, qui était le principal soutten
de l'ancien favori. Photius fut déclaré déchu de
sa dignité et enfermé dans un monastère de
Constantinople. Santabaren eut un soit encore
plus trisje : Léon lui fit crever les yeux, et le re-
légua dans un coin de l'Asie Mineure. Ces ri-
gueurs préludèrent à un règne qui fut une suite
continuelle de guerres et de conspirations. En
887 et 888 les Arabes envahirent l'Asie Mineure,
débarquèrent en lialie et en Sicile, et pillèrent
Samos et d'autres îles de l'Archipel. En 889,
Stylianus, beau-père de Léon et son premier mi-
nistre, fut cause d'une guerre terrible avec les
Bulgares. Ce peuple commençait à se civiliser,
et entretenait un commerce considérable avec
l'empire byzantin. Ils avaient leurs principaux
comptoirs a Thessalonique, où ils jouissaient de
grands privilèges. Stylianus méconnut ces pri-
vilèges , et gêna le commerce des Bulgares.
Ceux-ci, désespérant d'obtenir justice du premier
ministre, recoururent aux armes. Leurroi Siméon
ravagea la Macédoine, et mit en dérouie l'armée
grecque commandée par Léon Cataealou et
Théodose. Ce dernier périt dans l'action, au
grand regret de la nation et de l'empereur.
Léon détourna l'invasion qui menaçait Cons-
tantinople en poussant les Hongrois à attaquer
les Bulgares. Vers le même temps Stylianus
perdit son crédit par la mort de l'impératrice
Zoé, et ne tarda pas à mourir lui-même du cha-
grin de sa disgrâce en 894. La fin de ce ministre
ouvrait une carrière aux ambitieux. Basile, ne-
veu de Stylianus, osa même aspirer au trône. Il
(it part de son projet à un Sarrasin nommé Sa-
monas. qui s'était converti au christianisme, et
jouissait de quelque crédit à la cour. Samonas
révéla tout à l'empereur. Basile fut fouetté en
place publique, et relégué en Grèce, où il mourut
misérablement; Samonas devint premier mi-
nistre, et fit regretter Stylianus. Le mécontente-
ment se traduisait par des conspirations. En 902,
comme l'empereur entrait dans l'église de Saint-
Maure à la suite d'une procession, un homme,
sautant en bas du jubé, lui déchargea sur la tête
un coup de bâton qui le renversa. Le sang qui
sortait abondamment de sa blessure effraya tel-
lement ceux qui l'accompagnaient qu'ils s'en-
fuirent en s'écrasant les uns les autres. Cepen-
dant la blessure n'était pas mortelle, et l'assassin
fut arrêté. Il périt dans les tortures sans révé-
ler les noms de ses complices. L'inaction de Léon
favorisait les invasions des barbares voisins de
l'empire. Pendant qu'il s'occupait de ses plai-
sirs et employait ses soldats à construite des
églises, les Arabes firent une descente en Sicile,
et s'emparèrent de Taormine. D'autres Arabes,
conduits par un renégat nommé Damien, prirent
Séleucie, l'ile de Lemnos et Démétriade en Thes-
salie (902). En 904, ils firent une entreprise plus
considérable sur Thessalonique, la première ville
de l'empire après Constantinople. Leur flotte,
conduite par Léon le Tripolitain, renégat et pi-
rate fameux, arriva le 29 juillet devant Thessa-
lonique, qui n'avait ni bonnes fortifications ni
garnison. Malgré la vaillanle résistance des ha-
bilants, les Arabes pénétrèrent dans la ville, la
saccagèrent pendant dix jours, et s'en retournèrent
avec leurs vaisseaux chargés de butin et de
captifs. Jean Cameniata, témoin du pillage et un
des prisonniers que les Arabes emmenèrent à
Tarse, a laissé un intéressant et pathétique récit
de la prise de Thessalonique (t) En 910 Samo-
nas fut condamné à une prison perpétuelle pour
avoir abusé de la confiance de l'empereur. En
91 1 les Arabes défirent la Hotte grecque de Samos,
commandée par Romain Lecapène, depuis em-
pereur. Ce malheur fut le dernier événement
du règne de Léon, qui mourut dans la même
année, le 11 mai ou le 11 juillet. Il s'était marié
quatre fois, ce qui l'avait fait exclure de la com-
munion des fidèles par le patriarche Nicolas ;
car l'Église grecque ne tolère qu'un second ma-
riage. La première femme de Léon était Théo-
pbano, fillede Constantinus Martinacius ; il épousa
ensuite Zoé, veuve de Théodore Guniatzita et
fille du ministre Stylianus , qui, après le mariage
de Zoé avec l'empereur, reçut le titre de ba.si'
(1) Cet ouvrage est intitulé : Twdtvvou xXsoihoO xat
y.oupûuy.AEKji'ou toù Kajj.£vidreou 'H àXwffi? ttjç
GîiJaa/.ovÎKriç ; il est plus connu sous le titre de De
Excidio Tliessalnnicensi ; il a été inséré dans les Historix
Byzantines Scriptores post Theophanem ; Parte, 1686,
in-fol. qui forme une partie de la collection byzantine du
Louvre; il se trouve aussi dans la collection de Bonn,
703
leopator (père d'empereur); la troisième était
Eudoxie, uue Phrygienne d'une rare beauté ; la
quatrième s'appelait Zoé Carbonopsina, et survé-
cut à son mari. Léon eut pour successeur son
fils encore enfant, Constantin Porphyrogénète,
qu'il avait eu de sa quatrième femme.
Les historiens byzantins donnent à Léon les
épilhètes peu méritées de sage et àephilosophe.
Cette flatterie a été relevée par Gibbon en quel-
ques lignes spirituelles. « Léon Vf, dit-il, a été
honoré du titre de philosophe; l'union du
prince et du sage , des vertus actives et des
vertus spéculatives constitueraient la perfection
de la nature humaine. Mais il s'en faut que
Léon ait des droits à cette excellence idéale . A-
t-il soumis ses passions et ses appétits au joug
de la raison ? Sa vie se passa dans la pompe du
palais, dans la société de ses femmes et de ses
concubines; même la clémence qu il montra et
son amour de la paix doivent être attribués à
la mollesse et à l'indolence de son caractère.
Triompha-t-il de ses préjugés et de ceux du peu-
ple? Son esprit était teint des plus puériles su-
perstitions ; ses lois consacrèrent l'influence du
clergé et les erreurs populaires; les oracles où
il révèle en style prophétique les destins de l'em-
pire sont fondés sur l'astrologie et la divination.
Si l'on s'informe encore du motif de cette épi-
thète de Sage, on peut seulement répondre que
le fils de Basile était moius ignorant que la plu-
part de ses contemporains ecclésiastiques et
laïques; que son éducation avait été dirigée par
le savant Photius, et que plusieurs ouvrages de
science profane et ecclésiastique ont été com-
posés par la plume ou au nom du philosophe
impérial. » Les ouvrages écrits par Léon ou qui
lui ont été attribués sont : Tûv èv roùéu-oi;
Tay.Tixwv cûvtofio; TcapâSoffi; ( Exposition som-
maire de l'art militaire). Cet important ouvrage
est en grande partie compilé sur d'anciens écri-
vains ; mais l'auteur y a joint des observations
et des réllexions qui ne manquent pas de prix.
Joannes Checus ( John CheUe ), de Cambridge,
en fit une traduction latine, qui est dédiée au roi
Henri VI11 et fut publiée à Bâle, 1554, in-8°. Le
texte grec avec la traduction de Cheke, revue
par Jo. Meursius, parut à Leyde, 1612, in-4°;
il fut réimprimé avec les Taclica d'Élien,
Leyde, 1613, in-4°, et inséré dans les Opéra de
Meursius publiés par Lami , Florence, 1745,
in-fol. ; il a été traduit dans plusieurs langues
modernes. La meilleure traduction est en fran-
çais; elle est intitulée : Institutions militaires
de l'empereur Léon le Philosophe , traduites
du grec par M. Joly de Mezeray ; Paris, 1771,
2 vol. in-8% avec des gravures; la traduction
allemande, publiée à Vienne, 1771-1781, 5 vol.
in-8°, asec des notes et des gravures, paraît
faite sur le français plutôt que sur le grec, mais
les notes sont excellentes ; — Leonis Nauma-
clda, sive poilus supplementum capitis XIX
Tacticorum, e cod. Gudiano, dans la Biblio-
LËON 70.4
theca Grœca de Fabiïcius, t. V, p. 372 (t. VU,
p. 707, éd. de Har. ) ; — XVII Oracula, écrits
en vers iambiques, sur la destinée des futurs
empereurs et patriarches de Constantinople. Le
dix-septième oracle fut publié en grec et en
latin par Jean Leunclavius à la fin de son
Constantin Manasses; Bàle, 1573, in-8°. Janus
Rutgersius publia les seize autres oracles avec
une traduction latine par Georges Dousa ; Leyde,
1618, in-4°. La meilleure édition est celle de
Pierre Lambecius, à la suite de Codinus ; Paris,
1655, in-fol., dans la collection byzantine du
Louvre ; — Orationes XXXIII, principalement .
sur des sujets théologiques. Ces discours sont
dispersés dans les Annales de Baronius, dans
les Opéra de Gretser , Ingolstadt, 1600, in-4°;
dans l'Auctarium novumet dans la Bibliotheca
concionatoria ae Combéfis; dans la Biblio-
theca Patrum de Lyon. Scipion Maffei a publié
l'homélie consacrée à la réfutation de Photius ;
Padoue, 1751, in-8°; — Epistola ad Omarum
Saracenum de fidei christianx veritate et
Saracenorum erroribus ; Lyon, 1509 traduc-
tion latine de Champier faite sur une version
chaldaïque. L'original grec paraît perdu. On
trouve cette Épitre dans les différentes Bi-
bliothèques des Pères ; — Canticum compunc-
tionis et meditationes extremi judicii , pu-
blié en grec et en latin, par Jac. Pontanus ; In-
golstadt, 1603, in-4° ; — Carmen iambicum
de misero Grseciee statu, publié par Léo Al-
latius, dans son traité De Consensu utriusque
Ecclesix ;— Versus retrogradt (Kocpxivoî), pu-
bliés par Léo Allatius dans les Excerpta Grsec. ,
Rhetor.; 1641 , in-8"; — Dispositio facta per
imperatorem Leonem, par J. Goar, à la suite de :
Codinus; Paris, 1648, in-fol.; — des Èpigram--
mes , dans Y Anthologia de Jacobs, t. IV, p. 97.
Léon a réuni en un seul code, appelé BauOixâ <■
vofuu.à ), les prescriptions de la législation de
Justinien encore en vigueur et les ordonnances i
des empereurs postérieurs. Les meilleures édi- 1
lions de recueil, si important pour le droit ro-
main , sont celles de Fabrot et Heimbach ( voy.
MONTREUIL ET ZaGHARLE). L. J.
Zonaras, vol. II, p. 174, etc. — Côdrène , p. 139, etc. — •
Joël, p. 179. — Manasses, p. 108, etc. — Glycas, p. 296. etc.
— Genesius, p. 61. — Codinus, p. 68, etc. — Le Beau, His-
toire du Bas-Empire, I. lxxh, t. XIII, édit. de Saint-
Martin. — Gibbon, History of Décline and Fall of Koman
Empire. — Fabricliis , Bibliotheca Crœca , vol. VII,
p. 693, etc. — Hamberger, Nachrichten von Gelehrten
Mànnern. — Cave, Htst. Lit. — Hawkins, Script. Byzunt.
— Oudin, Comment, de SS. Eccles., vol. II. — Smith,
Dictionary of Greeh and Roman Bioyi-aphy.
III. LÉON papes.
léon Ier (Saint), dit le Grand, quarante-sep-
tième pape, né à Rome, vers 390, successeur de
Sixte I II, élu le 29 septembre 440, mort le 1 1 avril
461. La jeunesse de Léon Ie'" est à peu près incon-
nue ; on sait seulement que son père se nommait
Quintien et était originaire de la Toscane. Léon
fut choisi pour porter aux évoques d'Afrique
705
LÉON
706
les lettres de Zozime qui condamnaient Pelage
et Célestius; il fit pendant ce voyage connais-
sance avec saint Augustin , et revint à Rome
vers 419. Célestinler le fit diacre, et, ayant eu
occasion d'apprécier son mérite et son habileté,
l'employa dans toutes les affaires importantes ;
c'est à lui , comme premier ministre , que s'a-
dressa saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie,
pour prévenir le pape des desseins ambitieux de
Juvénal de Jérusalem.
Une femme et un enfant, Placidie et Valenti-
nien 111. gouvernaient alors l'empire d'Occident,
qui n'avait pour soutien réel qu'Aétius ; ce grand
capitaine était dans les Gaules, occupé avec Albin
à conserver le territoire que les Goths, les Huns
et les Bourguignons avaient laissé aux Romains.
La division se mit entre les deux chefs ; en un
pareil moment le péril était immense, car les
frontières étaient couvertes de barbares qui
l'attendaient qu'une occasion pour fondre sur
l'empire. Léon fut dépêché dans les Gaules,
ivec mission de réconcilier les deux généraux;
1 montra dans cette négociation délicate autant
3e prudence que de courage, et elle venait d'être
îouronnée de succès quand Sixte III mourut.
Léon, quoique simple diacre, fut élu à sa place,
;t une députation alla lui porter cette nouvelle
m camp d'Aétius. Quarante jours après, le nou-
veau pontife entrait à Rome ; il connaissait bien
a situation de l'Église et ses besoins ; nul n'é-
iait alors plus capable de la diriger. On avait ra-
•ement vu jusque là un pape monter en chaire :
Léon sut se faire admirer et aimer par ses pré-
lications; enfin, voulant être aussi utile aux
idèles éloignés, il prit la plume, et écrivit pour
eux. Une première lettre (édit. du P. Quesnel)
lulla rétablir la discipline en Afrique, où le dé-
sordre était à son comble; une seconde (sans
jlate, mais rapportée à l'année 442 ), adressée à
iRusticus, évêque de Narbonne, vint annuler des
(élections frauduleuses et poser des règles pour
iravenir. Léon défend aux prêtres les pénitences
publiques, étend le célibat jusqu'aux sous-dia-
j:res, et ordonne de châtier les moines qui se
(marient. Ce fut contre les hérésies qu'il tourna
ensuite son zèle et son énergie. Les manichéens
étaient devenus très-nombreux à Rome; Léon
i exhorta les fidèles à dénoncer ceux qu'ils con-
naîtraient; il put ainsi découvrir leurs assem-
blées secrètes et faire brûler les livres qui con-
tenaient leur doctrine; il obtint même de Va-
ientinien III un édit qui confirmait toutes les
ordonnances rendues contre eux par ses prédé-
cesseurs, les déclarait infâmes, incapables de
toutes charges civiles, de porter les armes, de
lontracter et de tester. Le manichéisme ren-
versé, Léon attaqua le pélagianisme, et enfin le
wiscillianisme, qui avait acquis une grande in-
luence en Espagne depuis le supplice de Pris-
îillien. La longue querelle de saint Léon contre
Eutychès s'ouvrit alors. Eutychès était prêtre
ît abbé d'un monastère près de Constantinople ;
KOOV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXX.
il reconnaissait bien les deux natures du Christ;
mais il soutenait que la divinité et V humanité
s'étaient confondues en lui depuis l'incarnation,
ce qui laissait supposer que la divinité avait pu
souffrir. Eusèbe, évêque de Dorilée, se présenta
comme accusateur d 'Eutychès dans un concilede
trente évêques, tenu à Constantinople et présidé
par saint Flavien (8 novembre 448). Eutychès y
avoua sa doctrine, fut condamné, déposé et
excommunié. Il en appela au pape ; l'empereur
Théodose II prit le parti de l'hérésiarque, et écrivit
en sa faveur à Léon Ier ; en même temps il or-
donna (8 avril 449) la révision des actes du
concilede Constantinople et la convocation d'un
concile universel. Ce concile s'ouvrit à Éphèse le
8 août ; Léon refusa d'y assister, et s'y fit représen-
ter par Jules, évêque de Pouzzoles ; René, prêtre,
qui mourut en route ; et Hilaire, diacre ( voyez
t. XXIV, p. 659). Dioscore, évêque d'Alexan-
drie, présida, et la sentence de déposition pro-
noncée contre Eutychès par le concile de Cons-
tantinople fut annulée. Vainement Hilaire pro-
testa au nom de Léon , vainement Flavien en ap-
pela à lui , le pape fut excommunié et Flavien
envoyé en exil. Théodose, par un édit, approuva
le concile, qui fut formellement condamné par un
autre concile tenu à Rome, au mois d'octobre ; et
Léon écrivit à Théodose pour obtenir la convo-
cation d'un concile universel en Italie.
Théodose mourut sur ces entrefaites ( 29 juillet
450), et Marcien lui succéda. Sous ce catholique
zélé, les affaires de l'Église changèrent de face ; un
premier concile, assemblé par Anatolius, évêque
de Constantinople, prononça l'anathème contre
Eutychès, et le 8 octobre ( 451 ) un concile œcu-
némique, composé de trois cent soixante évê-
ques, s'ouvrit à Chalcédoine par l'ordre de Mar-
cien. Les quatre légats de Léon Ier présidèrent ;
on lut une lettre du pape contenant l'exposition
de la doctrine catholique sur l'incarnation ; la
déposition de Flavien fut déclarée irrégulière.
Anatolius rédigea une définition de la foi, qui
(ut approuvée par le concile et que l'empereur
vint en personne faire souscrire aux évêques.
Avant de se dissoudre, le concile décida, sous
l'influence d' Anatolius, que l'évêque de Cons-
tantinople aurait le second rang après celui de
Rome et le droit d'ordonner les métropoli-
tains des provinces de Pont, de Thrace et
d'Asie. Léon protesta énergiquement contre cette
décision; il écrivit ( 22 mai 452) à Marcien et
à Pulchérie, et menaça, mais en vain, d'excom-
munier Anatolius. En 457 , après la mort de
Marcien, le parti d'Eutychès fit un dernier effort,
et supplia le nouvel empereur d'assembler un
concile pour faire condamner les doctrines émises
à Chalcédoine ; grâce aux lettres du pape, l'em-
pereur refusa de céder.
Dans l'intervalle, de graves événements s'é-
taient passés à Rome. En 452, Attila, le ter-
rible roi des Huns, envahit l'Italie; déjà il avait
pris et pillé Aquilée, Pavie et Milan; il allait
23
707
LÉON
70S
fondre sur Rome. Valentinien restait lâchement
enfermé dans Kavenne. Aélius lui-même ne
voyait de salul que flans la fuite. Le sénat ro-
main s'assembla pour délibérer sur les moyens
de défendre Rome contre ce déluge de barbares,
qui semblaient avoir inondé l'empire. Employer
la force était impossible; le pape fut choisi
comme médiateur. Léon, accompagné des séna-
teurs et des consuls , alla se prosterner aux
pieds d'Attila; le roi des Huns fut ébranlé par
l'éloquence du pontife ; il céda , et s'engagea ,
moyennant un tribut, à se retirer au delà du Da-
nube. Cette concession parut si étrange de la
part d'Attila, qu'on n'a cru pouvoir l'expliquer
que par un miracle. Suivant la légende , le roi
des Huns aurait avoué à ses officiers que pen-
dant le discours de Léon il avait vu paraître un
vieillard vénérable, qui, tenant une épée nue,
menaçait de l'en frapper s'il ne cédait à la voix
de Dieu. L'éloquence de Léon eut moins de suc-
cès auprès de Genséric, qui, profitant des trou-
bles occasionnés par la mort de Valentinien,
débarqua en Italie à la tête des Vandales. Rome,
incapable de résister, ouvrit ses portes. Léon
alla au-devant de Genséric, et tenta de l'adoucir
par ses prières; tout ce qu'il obtint, ce fut que
la ville ne serait pas livrée aux flammes et qu'il
n'y aurait pas de sang répandu; en revanche,
les Vandales se jetèrent sur Rome, et la pillèrent
pendant quatorze jours , après lesquels ils se
rembarquèrent. Le reste du pontificat de
Léon Ier s'écoula sans troubles et n'est marqué
que par des reforme; dans la discipline ecclé-
siastique ; ce fut, dit-on, à la sollicitation du pape
que l'empereur Majorien rendit une loi (458)
contre les parents qui forçaient leurs filles à vivre
dans le célibat. C'est encore au pontificat de
Léon Ier qu'on a fait remonter l'origine des
jeûnes du carême et de la Pentecôte. On ne peut
passer sous silence une vieille légende qui est
rapportée par tous les anciens auteurs, et qui
raconte que vers la fin de sa vie Léon se serait
coupé la main; les uns, comme Th. Raynaud,
disent qu'une femme d'une très-grande beauté
ayant été admise, le jour de Pâques, à lui baiser
la main, le pontife sentit la rébellion de la chair,
et voulut s'en punir; c'est de cette époque, ajou-
tent-ils, que date la coutume de baiser les pieds
du pape ; les autres , comme Sabellicus , pré-
tendent que Léon se reprochait seulement d'a-
voir conféré les ordres à un homme indigne.
Tous d'ailleurs s'accordent à dire qu'un miracle
rendit la main au pontife. Léon, après le ravage
des Vandales, renouvela l'argenterie dans toutes
les églises de Rome; il répara la basilique
de Saint-Pierre , et rebâtit celle de Saint-Paul,
qui avait été détruite par la foudre. Léon a beau-
coup écrit , et ses ouvrages ont été souvent
réimprimés. On trouve cent onze lettres écrites
par lui, dans la collection des Conciles de
Labbe, t. III, p. 1293 à 1445; elles ont été pu-
bliées sous différents titres : Epislolœ ad fa-
miliarps omnes ; Cologne, 1548, in-8° ; — j
Epislolœ contra Eutychem ; Bàle, 1578.1
in-8u ; — Epist. ad Flavianum; Hambourg,
1614, in-8°. Ses sermons ont eu également plu-
sieurs éditions : Sermones et Opuscula quee
dam, ex recensione J. Andrew, episcopi Aie-
riensis ; 1742, in-fol. ; réimprimé en 1474 e
1485 ; ils ont été traduits en iialien par Barth'
Corsini, Florence, 1485, in-fol,, et en françai;
par l'abbé de Bellegarde, Paris, 1701, in-8"; -
Sancti Leonis Magni, papse primi, Opéra om
nia, notis et observationibus adornata, stu
dio Pétri Thomee Cacciari, carmelitx ;Rom«
1753-1755, 3 vol. in-fol. ; on cite encore l'édi
tion de ses œuvres complètes donnée à Venise
1753-1757, 3 vol. in-fol. parles frères Ballerini
etcelleduP Quesnel, Lyon, 1700, 3 vol. in-fol.
— des extraits assez étendus des ouvrages d
Léon Ier ont été reproduits dans la Bibliothèqu
des Pères de M. de La Bigne , tomes V, VII <
XV; on a enfin publié d'après lui Passio D.
Jesu-Christi, ex variis D. Leonis Magni si
monibus collecta; Anvers, 1614, in-8°; et Je
Bapt. Lauri Leonidos, sive de Victoria ai
versus Athilam libri II I ; Pérouse, 1606, in-8
Alfred Fbanklin.
Ph/de Mornay, Histoire Pontificale, 1612, in-12, p. 1
— Bruys , Histoire des Papes; La Haye, 1732, 5 jf
in-4° ; t Ier, p. 218. — Baronius, Annales ecclesiastic
Lucques, 1738, 19 vol. in-fol.; t. Vil, p. 535 à 63:
t. VIII, p. 1 à 240. — G. Bertazzolo, Brève Descrittio:
délia Vita di san Leone primo et di Attila Flagella
Dio; Mantoue, 1614, in-4°.
. L.ÉOK il, quatre-vingt-deuxième pape, su
cesseur d'Agathon, né à Cedelle, dans l'Abruzz ,
élu en 682, mort le 23 mai 684. Le père «
Léon H se nommait Paul, et exerçait la méd
cine; il destina son fils à l'état ecclésiastiqu
Léon dès son enfance se livra à l'étude d-
auteurs sacrés; la nature l'avait doué d'ui
grande facilité de parole, et sa vive intelligent
lui permit de devenir réellement instruit poim
son temps ; tous les historiens s'accordent de pli|
à louer sa grande piété. Dès qu'il fut installé &\\
le saint-siége, il assembla un synode pour ai
prouver les actes du concile qui venait d'êj
tenu à Constantinople. Il envoya l'année suivant
à l'empereur Constantin Pogonat un légat char»
d'une lettre qui anathématisait les partisans i
l'hérésie, entre autres le pape Honorius ( pa|
de 625 à 638. Voy. t. XXV, p. 88), « qui, au II
de purifier l'Église apostolique par la doctri
des apôtres, a pensé renverser la foi par u
trahison profane ■». (Conciles de Labbe, t. \
p. 1246.) Léon s'efforça de faire accepter p
toutes les églises les décisions de ce concil
c'est ce but qu'il se propose dans les lettres
lui qui nous ont été conservées; dans celle qi
adressa aux évêques d'Espagne, il condam
encore Honorius en ces termes : « Honorïi
qui a laissé fausser la règle inviolable de
tradition apostolique, qu'il avait reçue de s
prédécesseurs. » Enfin, il traduisit lui-même
709
grec les actes du concile de Constantinople, afin
de les répandre dans tout l'occident. Léon mourut
après un court pontificat, et fut très-regretté. Il
avait bâti une église consacrée à saint Paul, il y
fit déposer les corps de Simplicius , de Faustin,
de Béatrix et de quelques autres martyrs; on
croit, enfin, qu'il institua la coutume de jeter de
l'eau bénite sur le peuple. Benoît II lui succéda.
On trouve cinq lettres de Léon II dans la Col-
lection des Conciles de Labbe et Cossart, t. VI,
p. 1245 à 1254; le cardinal Baronius, qui vou-
lait réhabiliter la mémoire d'Honorius, a con-
testé leur authenticité : on peut consulter à cet
égard la Bibliothèque des Auteurs ecclésias-
tiques de Dupin, t. V, p. 105. A. F.
Plalina , Histnria délie File déi Sommi Pnnleftci. —
iatonins, f'itœ et fies gestae Bontifiçum Romanorum ;
orne, 1677, 4 vol. in-fol., t. I, p. 478.
i,Éo:v ni, centième pape, successeur d'A-
ien Ier, né à Borne, élu le 26 décembre 795,
mort le 1 1 juin 8 1 6. Léon III fut élu le jour des
unérailles d'Adrien Ier; il avait été élevé dans
palais de Latran, était prêtre du titre de
ainte- Suzanne, et s'était concilié l'affection gé-
îérale par sa douceur et son instruction. Aus-
tot après son élection , il envoya à Charlemagne
es légats chargés de lui offrir les clefs de la ba-
lique de Saint-Pierre et de riches présents; ils
evaient en outre le prier de désigner un seigneur
e sa cour qui viendrait recevoir le serment de
délité des Romains: Charlemagne envoya An-
Ibert, abbé de Saint-Biquier, qui emporta une
ttre pour le pape : Alcuin nous a conservé ce
ocument. Dans une autre lettre, qui renfer-
ait des instructions pour Angilbert, l'empereur
exprimait ainsi : « Représentez souvent à Léon
ue la dignité de pontife se conserve peu d'an-
ées ; mais que la gloire de celui qui la conserve
"gnement est éternelle ». Angilbert apportait
core au pape, une partie des trésors que Henri,
uc de Frioul, avait pris en Pannonie après
foir pillé la capitale des Huns. Les deux an-
ées qui suivirent cetteambassade n'offrentaucun
vénement important; mais au commencement
e 799 une conspiration, dont on ignore les vé-
tables motifs, se forma contre le pape ; le 25 avril,
éon, étant sorti à cheval pour assister à une
«cession solennelle, fut tout à coup assailli
ir les conjurés, qui le renversèrent, et s'effor-
irent de lui arracher la langue et les yeux ; ils
traînèrent ensuite devant l'autel de l'église
int-Étienne, où ils voulurent l'achever; de là
fut transporté et enfermé dans le monastère de
ïint-Érasme. Albin, camérier du pape, et quel-
les serviteurs fidèles parvinrent à l'en arracher;
, ne se croyant plus en sûreté à Borne, il s'en-
it, et gagna la France , où Charlemagne, alors
Paderborn en Saxe , lui fit le plus brillant ac-
leil, et lui donna une escorte pour retourner
Rome. Il y rentra le 29 novembre au milieu
>s acclamations du peuple. Charles avait promis
pape qu'il irait bientôt lui faire justice; il
LÉON 710
tint parole, et, le 25 décembre 800, il vint re-
cevoir la couronne impérialeà Saint-Pierre (vo/j.
Charlemagne ). On instruisit alors le procès des
conjurés, qui s'accusèrent réciproquement, sans
pouvoir alléguer contre le pape aucun fait réel.
Léon intercéda pour eux , et fit commuer en
exil la sentence de mort qui avait été prononcée.
Trois ans après, le pape se rendit de nouveau en
France, et vint passer les fêtes de Noël à Quiercy,
auprès de Charlemagne; on ignore les véritables
motifs de ce voyage, qui eut pour prétexte des
miracles que l'on disait avoir été opérés à Mantoue
par quelques gouttes du sang de Jésus-Christ.
En 809, Charlemagne assembla à Aix-la-Chapelle
un concile qui devait prononcer sur la question
de savoir si le Saint-Esprit procède du Fils comme
du Père, et s'il fallait retrancher du symbole le
Filioque. Ces deux mots, que les Français te-
naient à conserver, étaient une source de divi-
sions entre les Grecs et les Latins. Deux évè-
ques furent envoyés à Borne pour avoir l'avis du
pape. Après de longs pourparlers, Léon, qui te-
nait à ménager l'empereur, déclara qu'il recon-
naissait la vérité exprimée parle Filioque, mais
qu'il engageait vivement le concile à retrancher
ces deux mots, puisqu'ils fournissaient aux Grecs
de continuels sujets de discussions avec les La-
tins et pourraient devenir l'occasion d'un schisme
complet. Quelque sages que fussent ces con-
clusions, l'empereur ne crut pas devoir les adopter,
et le Filioque fut maintenu en France comme en
Espagne. La mort de Charlemagne réveilla à
Borne les idées de révolte; une nouvelle cons-
piration se forma contre le pape en 815; mais
elle fut découverte avant d'avoir éclaté, et Léon
fit exécuter tous les conjurés. Louis le Débon-
naire se plaignit qu'on eût sans le consulter
infligé un châtiment si sévère ; il envoya auprès
du pape Bernard, roi d'Italie, pour examiner l'af-
faire; le pape, de son côté, dépêcha vers l'em-
pereur deux légats qui terminèrent ce différend.
Léon mourut l'année suivante; on s'accorde à
louer son éloquence , sa sagesse et la pureté de
ses meeurs; grâce aux libéralités de Charle-
magne, il put faire d'importantes réparations aux
églises de Borne. Son successeur fut Etienne IV.
La collection des Conciles de Labbe contient treize
lettres de Léon ni, tome VII, p. 1111 à 1127.
On a publié du même pape : Epistolee ad Ca-
rolum Magnum imp., ex editione et cum notis
Hermanni Conringii ;HelmstEedt, 1647, in-4°.
On a faussement attribué à Léon III VEnchiri-
dion Leonis papse, qui contient les sept psaumes
de la pénitence, quelques oraisons énigmatiques,
et qui a été très-recherché autrefois. La première
édition est de 1525, et a pour titre : Hoc in en-
chiridio manualive, pie lector, proxime se-
que.nti habentur septem psalmi penitentia-
les , oratio devota Leonis papse, oratio beati
Axigustini; aliquot item orationes adversus
omnia mundi pericula. V Enchiridion a été
réimprimé à Lyon, en 1601, 1007, 1633, et à
23.
711 LÉON
Mayence en 1637. Il a été traduit en français
sous le titre : Manuel ou lnchiridion ( sic) de
prières , contenant les sept psaumes péniten-
tiaux, diverses oraisons de Léon pape, etc. ;
cette traduction, attribuée par du Verdier à Fran-
çois de Taboet, a été publiée à Lyon, 1 584, in-12.
Alfred Franklin.
Ph. Ja(fè,Regesta Pontiflcum; Berlin* 1851, in-4°, p. 215.
— K. Pagi, Breviarinm historico-chronologico-critieum
illustriora pontif., in-4°, t. Il, p. 1. — .1. G. Faber, Dis-
serlatio de Leone III, paparomano; Tubingue, 1748,
in-4°.
LÉON iv, cent septième pape, successeur de
Sergius II, né à Rome , élu en février 847, mort
le 17 juillet 855. Léon IV, dont le père se nom-
mait Rodoalde, avait été fait sous-diacre par
Grégoire rv et prêtre du titre des quatre cou-
ronnes par Sergius II ; il fut élu pape avant
même que l'on eût procédé aux obsèques de
Sergius, car on craignait les Sarrasins, qui me-
naçaient Rome. Son ordination fut pourtant re-
tardée jusqu'au 1 2 avril ; on n'osait procéder à
cette cérémonie sans le consentement de l'em-
pereur ; on s'y décida enfin , mais en protestant
que l'on ne prétendait point par là déroger à
la soumission qui lui était due. Le premier soin
du nouveau pape fut de mettre Rome à l'abri
d'une invasion ; il leva des troupes, et engagea
les habitants de Naples et de Gaète à venir dé-
fendre les côtes et le port d'Ostie ; en même
temps, il fit entOHrer de murailles l'église Saint-
Pierre, et entreprit auprès de cette église la cons-
truction d'un nouveau quartier. Lothaire ap-
prouva ce projet, et y concourut par de nombreux
envois d'argent; le pape fit appel à tous les ou-
vriers d'Italie ; on en tira même des monastères.
Léon IV employait à la surveillance de ces tra-
vaux tout le temps que lui laissaient ses exercices
religieux. Au bout de quatre ans, le nouveau
quartier était achevé; le 27 juin 852 le pape le bap-
tisa solennellement et de son nom, en l'appelant
la Cité Léonine. Vers la même époque, il fit
réparer les murs et les portes de Rome, qui tom-
baient en ruines, et rebâtir quinze tours de fond
en comble. Il tint l'année suivante ( 8 décembre
853) un concile où assistèrent soixante-sept évo-
ques ; Anastase, prêtre cardinal de Saint-Marcel,
fut déposé, comme coupable d'avoir quitté Rome
depuis cinq ans, et d'avoir refusé d'y rentrer
malgré les quatre citations qui lui avaient été
faites. Léon IV mourut, vivement regretté.. des
Romains, pour lesquels il avait un peu oublié le
reste de la chrétienté. C'est entre son pontificat
et celui de Benoît III qu'on pince l'élection de la
papesse Jeanne. On trouve deux lettres de Léon IV
dans les Conciles deLabbe, t. VIII, p. 30. A. F.
Baronius, Annal., t.. XIV, p. 340.;— Platina. — Cia-
conius, t. Ier, p. 614.
léon v, cent dix-septième pape selon les
auteurs de l'Art de vérifier les dates, cent
vingtième selon Artaud de Montor, était né à
Priapi près d'Ardea, et mourut à Rome, le 0 dé-
712
cembre 503. Il fit profession chez les Bénédic-
tins de Brandallo. Devenu cardinal, il fut élu
pontife, le 28 octobre 903, à la place de Benoît IV.
Peu de jours après, Christophe, prêtre -cardinal
de Saint Laurent-in-Damaso, suscita une émeute,
s'empara du pontife, l'obligea de renoncer au
pontificat, et se fit proclamer à sa place. Léon V
mourut en prison un mois et neuf jours après
sa déposition, « de chagrin » suivant Sigonius.
Christophe avait été constamment le protégé de
Léon V ; aussi Platina s'écrie-t-il, à cause de son
ingratitude :
Enutrito lupos qui te comedant.
A. de L.
Platina, Hystoria de Fitis Pontiflcum, etc , in-fol. exil).
— Artaud de Montor, Histoire des souverains Pontifes
romains , t. Il, p. 62. — Du Chêne , Histoire des Papes.
— Genébrard , Ckron.
léon vi , cent vingt-sixième pape suivant:
Artaud de Montor, cent vingt-tmisième selon
Y Art de vérifier les dates, né à Rome, mort
dans cette même ville, le 3 février 929. Il était
de la famille Gemina, succéda le 6 juillet 928 au
pape Jean X, et gouverna l'église sept mois et
cinq jours. Suivant Platina , « il régna avec au-
tant de sagesse qu'en permettaient ces temps,
où les mœurs étaient si corrompues, et n'exerçai
aucune tyrannie ». Albret Krang « s'étonne du
peu de durée de la vie des papes à cette époque,
et il suppose qu'alors on faisait fréquemment
usage du poison ». Léon VI n'a laissé aucune
trace historique de son court pontificat. Quel
ques auteurs prétendent que c'était un intrnsi
placé sur le saint-siége par les ennemis dd
Jean X, à la tête desquels étaient Gui et la fa-i
meuse Marozie, sa femme. 11 eut pour successeui
Etienne VIL A. de L.
Novaes, Hist., notes du t. II, p. 167. — Albert Kranff
Metropolis, liv. V, cap. I, p. 117. — Platina, Fitii
Pontiflcum romanorum , p. 282. — Artaud de Monton
Histoire des souverains Pontifes romains, t. II, p
— Baronius, Annales, dixième siècle. — Flodoard
Chron. Rom. — Liutprand, 1. III. — Le P. Papebroct
Conatus chronologico-historicus ad cataloguai roma>
norum Pontiflcum. — Le P. Pagi, Critica historiée
chronologica in Annales ecclesiasticos card. Baronii
Anvers, 1705, 4. vol. in-fol.
léon vu, appeléaussi léon vi dans plusieuri
catalogues, cent vingt-sixième pape suivant VAr
de vérifier les dates, cent vingt-neuvième selo:
Artaud de Montor, né à Rome, mort dans 1
même ville, le 18 juillet 939. Il succéda, I
8 janvier 936, à Jean XI, réforma la disciplin
des Bénédictins, et lit paraître, disent tous se
biographes , autant de charité que de zèle chre
tien dans sa conduite. Dès le commencement d
son pontilicat il réussit par l'entremise de sait
Odon, abbé de Cluny, à rétablir la paix entr
Ugo, roi deLombardie,et Albéric, duc de Spoletl
et gendre de ce monarque. On a de Léon VI
auquel Etienne VIII succéda, une Epistola
Hugues, duc des Français et abbé de Sain;
Martin de Tours; cette lettre, par laquelle
pontife défend l'entrée des femmes dans les nu
nastères d'hommes , se trouve dans le Veterui
71:
LÉON
714
aliquot Scriptorum quiin Gallix bibliothecis,
maxime Benedictorum, latuerant Spicilegium
de dom Jean-Luc d'Achery (Paris, 1655-1677,
13 vol. in-4°) ; — une seconde Lettre de Léon VII
est adressée à Gérard, archevêque de Lorch,
auquel il accorde le pallium ; — une troisième,
aux évêques de France et d'Allemagne, est une
réponse à plusieurs réponses que lui avait faites
I Gérard de Lorch touchant les devins , les en-
chanteurs, les malfaiteurs, les mariages, les
|co-évêques, etc. Frodoard termine sa Chro-
\nica roinan. Pont, par l'éloge de Léon VII :
ce sont des vers d'un latin barbare. A. de L.
Mabillon , Annales Ordinis Sancti Benedicti, t. II
et IV. — Miiratori , Rerum Italicarum Scriptores, t. III.
— Fleury, Histoire Ecclésiastique. — Artaud de Montor,
\ Histoire des Souverains Pontifes romains, t. Il, p. 76.
— Platlna, Vilse Pontiflcum romanorum, fol. 165 166. —
Baronius , annales, dixième siècle.
Léon vin, cent trente- cinquième pape, suc-
cesseur de Jean XII , né à Rome , élu le 4 dé-
cembre 963, chassé en février 964, rétabli le
23 juin 964, mort en avril 965. Albéric, fils in-
cestueux de Marozie, conserva après la mort
de Jean XI toute l'autorité dans Rome; l'élec-
tion des papes se faisait conformément à ses or-
dres : aussi Léon VII, Etienne VIII, Martin III
et Agapet II, qui se succédèrent sur le trône
pontifical, n'eurent-ils jamais aucun pouvoir réel.
Albéric mourut en 954 ; mais son fils Octavien
hérita de ses dignités et de son influence , et
réussit à se faire élire lui-même en remplace-
ment d'Agapet II, et prit le nom de Jean XII.
Ses débauches exaspérèrent bientôt les Romains,
qui portèrent plainte à l'empereur : « Le palais
de Latran , disaient-ils, jadis l'habitation des
saints, est devenu un lieu infâme, où le pape loge
sa concubine , sœur de celle de son père. Il n'y
a plus de femmes qui osent venir visiter l'église
des Apôtres , sachant que depuis quelques jours
il a abusé de plusieurs d'entre elles. Mariées,
veuves ou vierges , belles ou non , riches ou
pauvres , tout lui est bon » ( Bruys , II, 242 ).
Othon crut devoir se rendre à Rome ; Jean XII
s'enfuit à son approche, emportant la plus grande
partie des trésors de l'Église. L'empereur fut
reçu comme un libérateur, et trois jours après
son arrivée il assembla un concile dans l'église
Saint-Pierre. Jean XII, convaincu d'homicide,
d'adultère, de viol, d'inceste et de sacrilège, n'osa
venir se défendre; il fut déposé, et le proto-
scriniaire Léon élu à sa place. Débarrassés de
Jean XII, les Romains comprirent la faute qu'ils
avaient commise en intronisant l'influence al-
lemande en Italie; une conspiration se forma
pour renverser le nouveau pape et chasser l'em-
pereur. Othon battit les Romains , et Léon VIII
intercéda pour les coupables. Mais à peine l'em-
pereur avait-il quitté l'Italie qu'un second sou-
lèvement eut lieu. Jean XII parvint à rentrer
dans Rome, et Léon se sauva au camp d'Othon
( février 964 ), qui fit aussitôt de grands prépa-
ratifs pour retourner à Rome. Il y arriva au mois
de juin. Dans l'intervalle, Jean XII avait été
tué dans les bras d'une femme adultère , et Be-
noît V lui avait succédé. Rome ouvrit ses portes
à l'empereur, le 23 juin 964. Benoît fut exilé, et
Léon VIII remonta sur le trône pontifical. II
jouit peu de temps de la tranquillité qui suivit
ces désordres, car il mourut à un âge peu avancé,
quelques mois après son rétablissement. Son suc-
cesseur, élu encore par l'inlluence d'Othon , fut
Jean XIII. A. F.
Baronius, t. XVI, p. 129. — Platlna , p. 14. — Claco-
niiis, t. I, p. 715. — F. Pagi, t. il, p. Î57.
léon ix ( Brunon ),cent cinquante-cinquième
pape, successeur de Damase II, né le 21 juin
1002, élu le 11 février 1049, mort le 19 avril
1054. A la mort de Damase II, Conrad le Salique
convoqua une diète à Worms pour nommer un
nouveau pontife; depuis Othon le Grand les
empereurs d'Allemagne présidaient à l'élection
des papes. L'assemblée désigna à l'unanimité
Brunon, évêque de ïoul ; ce prélat, de l'illustre
maison d'Alsace et de Lorraine, et parent de
l'empereur, remplissait depuis vingt-deux ans
les fonctions épiscopales. Son instruction et sa
piété lui avaient conquis le respect des fidèles :
il était dévoué aux intérêts des pauvres, plein
de zèle pour la réforme des monastères , et avait
une telle dévotion pour saint Pierre que tous les
ans il faisait à Rome un pèlerinage auquel s'as-
sociaient parfois plus de cinq cents personnes.
Brunon fut surpris de son élection, non qu'il
crût illégale une nomination provoquée par l'em-
pereur; mais les maux dont gémissait l'Église
effrayaient sa responsabilité. Il déclina longtemps
cet honneur; pressé plus vivement, il demanda
trois jours pour réfléchir, les passa dans la prière
et l'abstinence, et finit par se rendre aux ins-
tances de la diète. Il prit le nom de Léon IX, et
partit pour Rome. En traversant la Bourgogne,
il voulut visiter l'abbaye de Cluny ; Hildebrand,
si célèbre depuis sous le nom de Grégoire VII, en
était prieur; il gémissait de l'autorité que l'Em-
pire exerçait sur l'Église, et déjà méditait son
affranchissement. Hildebrand s'empara de l'esprit
de Léon IX, lui démontra que son élévation sur
le saint-siége était contraire aux canons, qui exi-
geaient une élection librement consentie par le
peuple et le clergé, et l'émut par le tableau de
l'abaissement que préparaient à l'Église les pré-
tentions de l'empereur. Le nouveau pape, con-
vaincu, se dépouilla des ornements pontificaux,
et se rendit à Rome en habit de pèlerin; puis,
assemblant le clergé et le peuple , il leur déclara
qu'il ne voulait, conformément aux règles cano-
niques, tenir son élection que de leurs suffrages.
Nommé par acclamation , il fut intronisé le
22 février 1049. Son premier soin fut de réunir
un concile à Rome pour remédier aux abus qui
déshonoraient la chrétienté. On y déclara nulles
un grand nombre d'ordinations simoniaques, et
un second concile, tenu à Pavie deux mois après,
réprima les mêmes abus. Léon IX passa ensuite
715
LÉON
716
les Alpes, revint à Toul visiter son ancienne
église, et se rendit à Reims, malgré les répu-
gnances du roi de France Henri 1er, pour faire
ia dédicace d'une nouvelle basilique et tenir un
concile. Il l'ouvrit solennellement au milieu d'un
immense concours de fidèles, et provoqua l'an-
nulation de plusieurs promotions simoniaques;
l'assemblée promulgua aussi de nouveaux ca-
nons , et fulmina des excommunications contre
quelques seigneurs incestueux ou adultères. En
regagnant l'Italie, le pape passa par Mayence, et
y tint, en présence de l'empereur, un concile
où furent anathématisés la simonie ainsi que le
mariage des prêtres. Une interprétation erronée
de l'eucharistie réclama bientôt son intervention,
et nécessita la convocation d'un concile à Rome.
Bérenger, chanoine de Tours, reprenant l'opinion
de Jean Scott Érigène, soutenait que dans la
communion le pain et le vin, tout en subissant
la présence réelle du corps et du sang de Jésus-
Christ, ne changeaient cependant pas de nature,
et conservaient leur substance physique. Cette
proposition fut déclarée hérétique , et condamnée
de nouveau au concile qui se tint à Verceil
quelques mois après.
La situation de l'Italie méridionale, ravagée par
les Normands, était devenue intolérable. Léon IX
se rendit en Allemagne pour solliciter contre eux
des secours. L'empereur lui en accorda, et le pape,
par reconnaissance , tenta, mais sans succès, de
le réconcilier avec André, roi de Hongrie, qui re-
fusait de payer le tribut accoutumé. De retour en
Italie, Léon marcha contre les Normands ; ceux-ci
demandèrent la paix, offrant de soumettre à la
suzeraineté du saint-siége tout ce qu'ils avaient
usurpé sur l'Église ; le pape réclama une restitu-
tion sans réserves; les Normands refusèrent, et
remportèrent une victoire complète. Léon atten-
dait l'issue du combat dans une petite ville voi-
sine; il y fut assiégé et pris, mais traité avec
respect et conduit à Bénévent. Vers cette époque,
Léon IX tenta de réprimer les déclamations de
Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople,
qui s'était élevé contre certaines pratiques de
l'Église romaine, et surtout contre l'usage de
célébrer l'eucharistie avec des azymes, coutume
empruntée aux juifs, disait-il, et abolie par Jé-
sus-Christ. Le pape envoya auprès de l'empe-
reur d'Orient des nonces chargés de faire triom-
pher l'opinion du saint-siége. Constantin Mono-
maque les accueillit avec bienveillance, et facilita
l'accomplissement de leur mission; mais ils ne
purent vaincre la fermeté de Michel Cérulaire.
Léon IX était toujours à Bénévent; il cherchait à
tromper les ennuis de la captivité par les
abstinences et les macérations de toutes sortes;
couché sur une planche garnie d'un seul tapis,
la tête appuyée sur une pierre, et couvert d'un
cilice, il passait les nuits à réciter des psaumes.
Ces austérités ne tardèrent pas à altérer sa
santé; il obtint l'autorisation de quitter Bénévent,
et se rendit à Rome. Sentant sa fin approcher, il
se fit transporter à Saint-Pierre, où il reçut
l'evtiême-onction, et mourut âgé de cinquante-
deux ans, après avoir occupé le saint-siége cinq
ans, deux mois et neuf jours. Cette fin couronna
dignement sa vie pieuse, modeste et dévouée;
la légende s'en empara , fit de son tombeau le
théâtre de plusieurs miracles, et l'Église le mit
au nombre des saints.
On a de Léon IX dix-neuf lettres dans la Col-
lection des conciles de Labbe et Cossart, t. IX,
p. 949 à 1001. Alfred Franklin.
Baronius, t. XVII, p. 19 à 107. — Ciacoilius, tom. I",
p. 789. — F. Pagi, t. Il, p. 327. — A. du Chesne, Hist.
des Papes, 1653, 2 vol. in-fol. ; t. Il, p. 1. — Vila Leo-
nis IX papx, a Nicolas Aragonix cardinali, dans Mu-
ratori, Rerum Itatlcarum Scriptores ; Milan, 1733, 27 v.
in-fol.; t. 111, p. 277. — f tta S. Leonis IX papx, Len-
coruyi anlea episcopi, ff-'iberts archidiacono auctove;
Paris, 1615, in-12. Reproduite dans Muratori, tom. III,
p. 278. — F.-X. Hunkler, Léon IX et son temps; 1851,
in-fol.
léon x (Jean de Méoicis), pape, né à Flo-
rence, le 11 décembre 1475, mort à Rome, le
1er décembre 1521. Il était fils de Laurent le
Magnifique. Dans cette maison protectrice des
arts et amie des lettres, le jeune Médicis ne
pouvait manquer de recevoir une brillante
éducation, et le soin de former son cœur et
son esprit fut confié aux plus célèbres littéra-
teurs de l'époque de la Renaissance, au nombre
desquels on comptait Chalcondyle et Ange Po-
litien. L'élève était digne des maîtres; quoi-
que bercé dans l'orgueil des honneurs sou-
verains et nourri parmi toutes les voluptés de
la fortune , le jeune Médicis ne tarda pas à pro-
fiter des leçons qu il recevait; il montra de
bonne heure des inclinations studieuses , un es-
prit étendu et un caractère aimable. Il avait à
peine douze ans, lorsqu'il fut créé cardinal; il
ne reçut les ordres que quatre ans après. L'in-
vasion de Charles VIII en Italie (1494) commença
pour cette contrée une série de calamités qui
n'épargnèrent pas la famille de Médicis. Alexan-
dre VI occupait alors la chaire de Saint-Pierre.
Le cardinal de Médicis se retira d'abord dans la
retraite que les Vitelli lui ouvrirent à Caslello;
et puis il visita une partie de l'Europe, mettant
à profit, pour son instruction et son plaisir,
cette espèce d'exil auquel il était condamné. De
retour à Rome, il trouva sur le trône pontifical
une famille ennemie de la sienne, celle de la
Rovère; il comprit que son avenir dépendait
d'une réconciliation, et il ne tarda pas à dévenir
l'ami de Jules II, qui lui donna le gouvernement
de Pérouse. Pris à la bataille de Ravenne, le
cardinal ne recouvra sa liberté que lorsque le
sort des armes eut enlevé le Milanez à la France.
Jules II mourut bientôt, et le cardinal de Mé-
dicis lui succéda (11 mars 1513). Un des pre-
miers actes de son pontificat fut un trait" de clé-
mence; il accorda leur grâce aux auteurs d'une
conjuration tramée à. Florence, quelque temps
auparavant, et dont il avait failli être victime.
C'est le complot dans lequel Machiavel fut im-
717
pliqué. A peine élu, le pape voulut gouverner
par lui-môme et traiter sans intermédiaire les
affaires de l'Église, qui se mêlaient alors à celles
du monde. Vettori, l'ambassadeur de Florence
à Rome, écrivait à Machiavel ces paroles dignes
de souvenir : « Autrefois il fallait voir et entre-
tenir une foule de cardinaux ; aujourd'hui cela
n'est plus nécessaire, c'est de la bouche du pape
lui-même que l'on apprend ce qu'il veut dire. »
Ce pape, dont le règne devait être celui des arts
jet des lettres, mais qui succédait à un pontife à
moitié soldat, et dont l'humeur belliqueuse avait
mis l'Italie en feu, fut d'abord tout occupé lui-
f même de soins guerriers. Les conjonctures étaient
pleines d'embarras et de périls. Louis XII pré-
parait une nouvelle invasion; Léon X suscita
contre lui les Suisses, en Italie; en France,
Henri VIII d'Angleterre. La conduite de Léon
à l'égard de Louis fut conforme à la politique
du temps, cauteleuse et perfide; il sollicitait son
alliance ou lui cherchait des ennemis, selon l'in-
térêt variable de son ambition ; et les affaires du
| roi de France furent bientôt ruinées dans la pé-
ninsule. Un nouveau traité se négocia entre la
France, l'Autriche et l'Espagne; le pape eut l'a-
dresse d'en empêcher la conclusion, menaçante
pour l'Italie. Il portait sur cette contrée des
regards avides; il songeait à placer la couronne
de Naples sur la tète de Julien, son frère; à
joindre, pour son neveu Laurent, les duchés de
Ferrare et d'Urbin à la Toscane; tamlis que
lui-même était maître des États de l'Église,
auxquels il avait secrètement résolu d'ajouter
Parme et Plaisance, conquis par Jules II, mais
qu'avait repris le duc de Milan. Dans cette com-
binaison, la famille des Médicis aurait réuni sous
un triple sceptre une grande portion de l'Italie.
Les événements ne secondèrent point cette
politique; Julien de Médicis devait bientôt mou-
rir, et Léon fut obligé de concentrer ses vues
ambitieuses sur son neveu Laurent, bien peu
digne d'en être l'objet, et qui d'ailleurs mourut
aussi avant Léon X. François Ier ayant succédé
à Louis XII, au commencement de l'année 1515,
ne tarda pas à rétablir la fortune de la France en
Italie. Vainqueur à Marignan de la ligue formée
sous les auspices du pape , entre les Suisses, la
république de Florence, l'empereur Maximilien,
Sforza, duc de Milan, et Ferdinand V, roi d'Espa-
gne et de Naples , mais dans laquelle le pape resta
inactif, François Ier redevint maître de Parme
et de Plaisance, et se ht céder le Milanais par
François Sforza. Machiavel considère comme
une faute capitale, dans la politique de Léon X,
la neutralité que le pontife garda dans cette cir-
constance, et il explique avec sa lucidité accou-
tumée les raisons sur lesquelles il fonde son
opinion ( Discours sur Tïte-Live, livr. II,
ch. 22). Après la victoire de François Ier, le
pape se rapprocha de la France, et la célèbre
entrevue de Léon X et de François Ier eut lieu
à Bologne (9 novembre 1515;. Dans cette con-
LÉON 7l8
férence la paix fut signée, et on prépara le con-
cordat qui fut conclu en 1516.
Le concordat fut un acte à peu près imposé
à François 1er. Malgré ses victoires, ce prince
se trouvait dans une position difficile; il était
cité, avec toute l'Église gallicane, pour voir abo-
lir la pragmatique devant le concile de Latran,
dont le pape réglait les décisions.; et de plus il
avait besoin de Léon X pour l'accomplissement
de ses desseins politiques. Le concordat lui sem-
bla un moyen de diminuer ses embarras ; mais
il suffit de lire le préambule de cet acte pour se
convaincre de la violence que subissait Fran-
çois Ier et du triomphe de LéonX. Ce concordat,
qui en détruisant quelques abus changeait la
condition de l'Église de France et donnait au
pape une influence et des droits que ne lui re-
connaissait pas la pragmatique, fut repoussé à
la fois par l'Église, par la magistrature, par l'u-
niversité. Le roi et le pape le maintinrent vigou-
reusement. Quant à la paix , elle ne fut qu'une
trêve, et ne mit le frein à aucune ambition. Fran-
çois Ier médita la conquête de Naples ; Léon X
provoqua l'invasion de l'empereur Maximilien
dans le Milanais, afin d'en expulser les Français;
et en même temps, renouvelant auprès de Fran-
çois Ier la politique dont il avait usé envers
Louis XII, il affectait les démonstrations de
l'allié le pins fidèle. De son côté, le roi chevalier
n'épargnait point au pape les faux semblants.
Deux points surtout sont saillants dans la po-
litique de Léon X : l'ambition d'agrandir les
domaines de l'Église ainsi que les possessions de
la famille des Médicis, et le désir d'affranchir
l'Italie de la domination étrangère; mais dans
la pensée du pape ce second dessein était évi-
demment subordonné au premier. Il dépouilla
violemment La Rovère du duché d'Urbin, pour
en donner l'investiture à son neveu (1516). Les
historiens les plus modérés n'ont trouvé aucune
excuse pour cette inique entreprise, qui coûta à
l'Église des sacrifices énormes et jeta le pape
dans un embarras dont il résulta des mesures
désastreuses. Après la mort de Laurent (1590),
Léon X réunit le duché d'Urbin ainsi que ses
dépendances, Pesaro et Sinigaglia, au domaine
de l'Église. Il s'empara successivement de Pé-
rouse, de Fermo, de la plupart des villes et des
forteresses de la marche d'Ancône. Les souve-
rains de ces petits États, quand Léon X les fai-
sait prisonniers, ou quand il pouvait les attirer
à Rome, étaient livrés au bourreau. L'Italie était
alors accoutumée à ce code sanglant de la con-
quête, et en était d'autant moins émue, que
tous ces petits tyrans étaient odieux, et que si
le supplice était infligé sans droit par le vain-
queur, il n'était que trop bien mérité par le
vaincu. Léon convoitait aussi le duché de Fer-
rare, et la conquête de ce duché se liait, dans
ses projets, à son autre grand dessein , l'expul-
sion des étrangers.
Depuis l'invasion de Charles VIII, l'esprit de
719 LÉON
nationalité avait été cruellement froissé en Italie;
les papes semblaient vouloir se constituer les
représentants de cette nationalité, et se procla-
maient les restaurateurs de l'indépendance ita-
lienne; mais pour arriver à ce but ils prenaient
une voie funeste, où, du reste, les jetait fatale-
ment la faiblesse de leur puissance matérielle.
L'Italie était devenue le champ de bataille des
étrangers, et les papes ne pouvaient espérer de
chasser un prince qu'en s'unissant à un autre.
Léon X essaya d'abord de faire de François Ier
l'instrument de la ruine des Espagnols; mais
François Ier, qui ne se fiait point au pape, n'ac-
cepta pas l'alliance que celui-ci lui offrait. Alors
ce furent les Français dont Léon X entreprit
l'expulsion. Il conclut un traité avec l'empereur
Charles-Qnint (8 mai 1521), et la lutte s'enga-
gea bientôt dans toute la haute Italie. Les succès
et les revers se balancèrent d'abord; mais la
prise de Milan commençait à donner l'avantage
aux alliés du pape, quand la mort enleva Léon X,
le 1er jour de décembre 1521, à quarante-six
ans, et après huit ans et huit mois de règne. La
maladie à laquelle succomba LéonX dura quatre
jours à peine , et ne semblait qu'une indisposi-
tion sans gravité, lorsque la mort le frappa pres-
que soudainement. Les médecins déclarèrent
que la cause de cette mort était un rhume, dont
le pape avait été saisi à Malliana, villa où il avait
passé quelques jours; mais personne ne crut
aux médecins, et le secret de cette fin si prompte
n'a pas été dévoilé, quoiqu'il ait été l'objet de
beaucoup de conjectures. Les uns ont fait mourir
Léon X de la joie qu'il ressentit en apprenant le
triomphe des coalisés, dans le Milanais; d'autres
soupçonnèrent une cause moins innocente, et
supposèrent un empoisonnement, imputé au duc
d'Urbin ou au duc de Ferrare. S'il faut en croire
le journal du majordome du pape, Paris de Gras-
sis, les médecins l'auraient ouvert et auraient
déclaré qu'ils avaient trouvé des traces de poi-
son. Cette opinion a prévalu chez les historiens
les plus dignes de foi ; cependant , le fait n'est
pas suffisamment démontré. L'échanson du pape,
arrêté dans le premier moment , fut rendu à la
liberté, rien ne prouvant qu'il fût coupable; et
le cardinal de Médicis, parent de Léon X, qui
devait bientôt porter la tiare sous le nom de
Clément VII, mit fin à toutes les poursuites.
Léon, dont le nom est resté illustre, ne doit
cette célébrité ni à la politique ni à la religion.
Pontife, il ne siégea point sans éclat dans la
chaire apostolique; mais il commit des fautes
assez graves dans le gouvernement de l'Église;
prince, il ne manqua pas de cette habileté qui
met à profit quelques chances heureuses ; mais
il ne déploya dans les grandes affaires où il fut
mêlé aucun talent supérieur, et ue mit en œuvre
aucune de ces ressources qui révèlent le génie.
On le voit en toute occasion obéir assez servi-
lement aux règles de la politique de ce temps-là,
prenant son intérêt pour mesure de sa loyauté,
720
et professant la morale du succès. User de ruse,
se croire habile parce que l'on est perfide, si-
gner une alliance d'une main et de l'autre une
trahison, c'est ce qu'on voyait presque partout
à cette époque, et en Italie plus qu'ailleurs. A
cet égard Léon X fut de son temps et de son
pays.
Toutefois, quelque sévérité qu'on puisse ap-
porter dans le jugement de la politique de Léon X,
il est juste de reconnaître que cette politique fut
quelquefois généreuse et véritablement digne du
chef de la chrétienté. La découverte récente de
l'Amérique avait été l'occasion de bien des cri-
mes, commis au nom de la religion : Léon X '
prit en main la cause des malheureux indigènes
contre les conquérants catholiques. 11 condamna
les persécutions atroces, dont on faisait contre les
Indiens un moyen de conversion. Malheureuse-
ment la décision du pape eut peu d'influence sur
le sort des Américains ; il était trop loin, et son
règne fut trop court. Comme les prédécesseurs
de Léon X avaient fait concession aux princes
européens des terres découvertes dans le Nou-
veau Monde par Christophe Colomb et Améric
Yespuce , une ambassade solennelle d'Emma-
nuel le Grand vint demander à Léon X la dona-
tion des pays découverts depuis plusieurs années
dans les Indes orientales par Vasco de Gama et
les navigateurs portugais. Ce fut là un de ces
événements qui flattaient l'orgueil du pontife, et
qu'il ne manquait jamais de célébrer par quel-
qu'une de ces fêtes dont il aimait la magnifi-
cence.
Une des affaires les plus considérables du
pontificat de Léon X, et qui eut sur les desti-
nées du monde les plus graves conséquences ,
c'est l'affaire des indulgences. Lorsque Léon X
publia sa bulle, en 1517, il y avait déjà longtemps
que les abus de l'Église avaient rencontré des
adversaires redoutables, soit par la grandeur de
leur nom, soit par l'adresse de leurs attaques.
La pointe effilée du sarcasme, la raillerie aux al-
lures légères avaient, plus que la gravité des cen-
sures , plus que les paroles ardentes de l'indigna-
tion , blessé profondément les prétentions injustes
de l'Église romaine; Léon X ne vit point qu'il ne
pouvait pas oser impunément ce qu'avaient osé
ses prédécesseurs. H\ ne .vit point que s'il y
avait encore possibilité de recueillir des indul-
gences en Europe, le seul moyen d'y réussir
c'était de dissimuler l'exaction sous un prétexte
qui frappât l'imagination des populations, ou qui
intéressât leur charité. On l'avait pu avec l'en-
thousiasme des croisades , on le pouvait encore
peut-être avec la pensée de quelque grande fon-
dation pieuse et utile à l'humanité. Léon X fit
publier que le produit des indulgences servirait à
achever de bâtir Saint-Pierre de Rome; de fa-
natiques prédicateurs, entraînés par leur zèle,
inventèrent une échelle des peines du purgatoire,
et un tarif proportionnel pour le rachat des âmes.
Léon X ne songea pas à congédier ces ouvriers
721
malhabiles , à brider ce zèle fougueux. Et puis
il eut le hasard de rencontrer en face de lui un
de ces hommes comme on en rencontre rarement,
et le malheur de ne pas soupçonner la puissance
de te redoutable adversaire. Léon X traita Luther
eE pédant bavard, en argumentateur de collège,
ce* >™e dit Roscoë, et commença par le dédai-
i»tt, r, à une époque où peut-être il eut été pos-
sible de s'entendre avec lui. Ensuite il procéda
contre Luther avec une lenteur remarquable. Par
une lettre du 7 août 1518, il le fait citer à Rome,
et consent ensuite qu'il n'y comparaisse pas. Le
9 décembre de la même année , une bulle est
lancée contenant menace d'excommunication,
mais sans même que le nom de Luther y fût pro-
noncé. Enfin, le 15 juillet 1520, furent condamnés
les 95 articles de la doctrine de Luther; lui-même
fut excommunié, ainsi que ses adhérents. Tan-
dis qu'on brûlait les écrits de Luther, celui-ci
faisait brûleries bulles du pape, et les anathèmes
pu moine répondaient aux anathèmes du pontife,
cependant on conseillait à Léon X de ne point
s'en tenir à ces innocentes escarmouches, et
d'employer contre l'hérésie du réformateur des
armes plus efficaces que les armes spirituelles ;
l'inquisiteur Hoogstraten sollicitait le pape de
Confondre Luther avec le feu, la flamme et le fer.
Si Luther n'est pas monté sur un bûcher, faut-il
[en faire honneur à la modération de Léon X?
Nous ne savons. Toujours est-il que le pape
^'adressa tour à tour pour le faire arrêter à l'é-
lecteur de Saxe, qui éluda la sommation, et à
Charles Quint, qui s'y refusa tout net, pour mé-
nager l'électeur de Saxe, protecteur de Luther.
Mais si Léon X est couronné d'une auréole qui
ne pâlira jamais, si son pontificat conserve, à
Iquelque distance qu'on s'en éloigne , l'éclatante
Renommée qui le place au nombre des plus mer-
veilleuses époques de l'histoire de l'esprit hu-
main , c'est à la renaissance que ce pape doit
'cette gloire. La renaissance , qui succédait en
fltalie au moyen âge, était apparue avec Dante,
jdeux siècles auparavant ; mais la réunion , au
itemps de LéonX, des plus éminents génies, et
'la protection savante, affectueuse, passionnée
ique le pape leur accorda , ont fait de son règne
|le point culminant de cette éblouissante période
ides destinées du monde; Léon se montra digne
.d'une telle époque, et mérita d'en partager la
igloire en lui donnant son nom. La renaissance se
j propageait peu à peu. Parmi les populations qui
i l'entretenaient le plus religieusement en France,
'en Espagne, aussi bien qu'en Italie, la population
de Florence tenait le premier rang, et, parmi
les familles florentines, la famille des Médicis.
! Amateur passionné des lettres, doué du plus' vif
sentiment des arts, Léon X mit son bonheur et
son orgueil à leur accorder de magnifiques en-
couragements. Les plus grands artistes, d'admi-
| râbles poètes, de profonds pnblicistes, des sa-
] vants du premier ordre, se pressaient en foule
j dans ce siècle privilégié; et partout les largesses
LÉON 722
de Léon X les allaient chercher. Il n'était pas
moins sensible aux charmes de l'art musical
qu'à celui des lettres et des arts du dessin ; la
musique aussi fit de rapides progrès à cette
époque. Quand on a nommé Michel-Ange, Ra-
phaël, Arioste, Machiavel, Bembo, il faut placer
après ces grands noms une foule de noms illus-
tres,dont la simple liste atteindrait les bornes
d'uu article. Il faut également renoncer à indi-
quer, même sommairement, tout ce que ce pon-
tife a fait pour protéger la science , pour enrichir
et honorer les savants, pour glorifier les arts
et les lettres, et pour doter de cet éclatant héri-
tage non pas seulement Rome , mais Florence ,
sa patrie, la ville de ses affections, mais l'Italie
elle-même, mais le monde entier. Un volume
suffirait à peine à cette tâche immense. Léon X
enrichit la bibliothèque du Vatican et fonda la
Laurentienne à Florence', dont il confia l'exé-
cution à Michel-Ange. Ces grands dépôts de li-
vres , ainsi que les vastes collections d'objets
d'arts , qui devaient être le témoignage de l'an-
tique civilisation et l'enseignement de la civilisa-
tion nouvelle, furent remis par lui à la garde
des hommes les plus dignes de conserver de
telles richesses. Les bibliothèques fondées, rien
n'était épargné pour les remplir des manuscrits
les plus rares , des plus magnifiques imprimés.
Léon X envoyait de savants explorateurs à la
recherche de ces précieux restes de l'antiquité;
il payait cinq cents sequins un manuscrit des
cinq premiers livres de Tacite, qui passèrent de
l'abbaye de Corvey au Vatican ; il encourageait
de ses largesses les Alde-Manuce, les Calliergi,
savants imprimeurs dont les belles éditions grec-
ques et latines sont encore aujourd'hui des mo-
numents remarquables de l'art typographique. Il
créait d'illustres écoles, où l'on apprenait à lire
ces ouvrages rendus si prodigieusement difficiles
par l'ignorance ou l'incurie des copistes , ainsi
que par l'absence de tout commentaire. L'uni-
versité de la Sapience, richement dotée par
Léon , recouvra les biens qui lui avaient été en-
levés par d'autres papes, et prit dès ce moment
l'importance qui convenait à une école fondée
pour l'enseignement du monde. Léon X y réu-
nit des savants choisis dans toute l'Europe et
célèbres dans toutes les sciences; les maîtres
étaient récompensés par de riches bénéfices et
de hautes dignités ecclésiastiques; les étudiants
étaient protégés par des privilèges. Tout ce
qu'on savait alors était enseigné au collège de la
Sapience : à l'étude de la théologie et du droit
canon on joignait l'étude du droit civil,
des mathématiques et de la médecine ; le pro-
grès de l'astronomie accompagnait celui des
sciences naturelles , et déjà le système de Ko-
pernik fut presque deviné. La philosophie, la
logique, la rhétorique, toutes les lettres hu-
maines y trouvaient un enseignement nouveau ,
et les immortels chefs-d'œuvre de la Grèce et
de Rome, dont on recherchait, dont on décou-
723
vrait les manuscrits, étaient révélés à une jeu-
nesse avide et charmée. La langue grecque, qui
était pour cette jeunesse une révélation plus
complète, était aussi l'objet d'un plus vif en-
thousiasme ; Jean Lascaris, appelé par Léon X
à Rome, y vint accompagné d'un grand nombre
de jeunes gens, qui donnèrent à la littérature
d'Athènes un nouveau droit de cité dans cette
même ville de Rome où elle avait déjà reçu un
si bel accueil tant de siècles auparavant, au
temps de Térence et de Virgile. La langue ma-
ternelle du christianisme , l'hébreu , était aussi
enseignée par un savant traducteur des livres
saints, Santé Pagnini ,• et en même temps les
autres idiomes de l'Orient se propageaient à
Rome, où paraissait la traduction d'un manuscrit
arabe, intitulé : Philosophie mystique d'A-
ristote. Platon était imprimé, commenté, et sa
philosophie, déjà ressuscitée jadis dans l'école
d'Alexandrie, ressuscitait pour la seconde fois à
Rome et à Florence. Les élèves, qui se ren-
daient en foule à la grande école de la Sapience,
puisaient à cet universel foyer de lumières des
clartés qui se réfléchissaient ensuite sur l'univers
catholique. Une foule de poètes latins, à la tête
desquels se présentent Bembo, Sannazar et Vida,
rendaient une nouvelle voix aux muses de Ca-
tulle, de Virgile et d'Horace. Cette universelle
prédilection pour les lettres antiques s'alliait
avec l'amour et le culte des lettres modernes.
Déjà brillait d'un vif éclat l'aurore du second
âge de la poésie italienne ; d'admirables génies
faisaient entrer les faits et les sentiments mo-
dernes dans le domaine de l'imagination : Arioste
donnait à la chevalerie une vie poétique, et
bientôt le Tasse allait chanter les croisades;
Machiavel créait la comédie nouvelle en dessi-
nant, dans son chef-d'œuvre de La Mandragore,
le premier tableau de mœurs , la première pein-
ture de caractères qu'on ait mise au théâtre dans
les temps modernes. Léon X protégeait YOr-
lando en donnant au poète un privilège portant
excommunication, non, comme on l'a dit, contre
ceux qui critiqueraient ce poème, mais bien
contre le pillage des contrefacteurs; il proté-
geait La Mandragore , cette comédie si remar-
quable par le mélange des mauvaises mœurs et
des pratiques dévotes, en la faisant souvent re-
présenter devant lui. A cette époque il n'y
avait pas encore de théâtres permanents en
Italie et parmi ce peuple , si sensible aux plai-
sirs de la scène, les productions dramatiques,
qui commençaient à naître, étaient représen-
tées par les lettrés et les académiciens. Léon X
fit venir à Rome ceux qui avaient joué La Man-
dragore à Florence , ainsi que les décorations
dont on s'était servi pour cette représentation ;
et lorsque le pape fit, en 1515, un voyage en
Toscane, il voulut revoir encore cette comédie.
Le plaisir que prenait LéonX à cette licencieuse
satire des moines doit aussi être considéré
comme un trait du caractère de ce pontife.
LÉON 724
Léon X avait l'humeur enjouée , l'esprit enclin
à la bouffonnerie ; il passait, avec une extrême
facilité et un plaisir assez visible, des entretiens
les plus sérieux aux plaisanteries les plus fri-
voles, et faisait contraster avec la dignité de ses
hautes fonctions les légèretés d'un caractère
tout mondain. Il se plaisait aux festins splen-
dides , mais il savait être sobre parmi les délices
des tables plantureuses. Il avait montré de bonne
heure un goût si violent pour la chasse, que les
vicissitudes de ce divertissement finirent par
influer sur son humeur, et le pape était moins
aimable les jours où le chasseur avait été moins
adroit ou moins heureux. Aimant avec passion'
la société des hommes d'élite, dont il s'entourait,
il encourageait les lettres et les arts autant par
l'affectueuse familiarité avec laquelle il accueillait
les savants et les artistes , que par les largesses j
dont il les comblait. Si Léon X était loin d'avoir h
les vertus nécessaires au chef de la chrétienté, il
était doué à un degré éminent du goût et des il
penchants qui font d'un prince le protecteur ac-
compli des lumières et le puissant propagateur
de tout ce qui peut contribuer à civiliser et em-i
bellir les sociétés. Les magnificences de som
luxe enrichissaient l'industrie; le commerce de-
vint florissant par la liberté, et le bien-être des
populations produisit une telle prospérité que
sous le pontificat de ce pape le nombre des ha-
bitants de Rome fut presque doublé.
Parmi les beaux ouvrages de Raphaël , o»i
compte un portrait de LéonX. Une tête un peu
grosse, des yeux saillants, un teint fortement)
coloré , donnaient peu de distinction à cette phy-
sionomie ; mais les proportions et les habitudes-
du corps ne manquaient pas d'élégance. Léon X'
a été décrié outre mesure par les uns , d'autres
en ont parlé avec une indulgence qui semblel
plus impartiale; W. Roscoë, qui a résumé et ba-?
lancé ces divers jugements, nous semble avoin
exprimé une opinion à laquelle on peut croire,
lorsqu'en blâmant dans Léon X des passe-
temps peu conformes à la sainte dignité d'uni
pontife, il affirme qu'on n'en peut rien conclure
contre la décence et la pureté des mœurs de
Léon. La haine a d'ailleurs été si passionnée dans
ses accusations, qu'il faudrait pour y croire être
aussi aveugle qu'elle. La politique de Léon X
fut perfide envers les autres souverains. Elle fut
d'une sévérité quelquefois cruelle dans son gou-
vernement intérieur; mais les mœurs et les
exemples de son temps ont sans doute fait vio-
lence à son naturel'; car, dans les relations ordi-
naires de la vie, Léon X était rempli de douceui
et d'aménité. Souverain politique assez médiocre,
il fut un admirable souverain littéraire. Son es-
prit, son caractère et ses penchants se trouvè-
rent merveilleusement en harmonie avec les cir-
constances spéciales de cette grande époque; son
règne, qui dura moins de neuf années, fut asseï
fécond en prodiges pour rester à jamais l'une de;
grandes périodes de l'histoire du monde , et ce'
r25
ieuls mots : le siècle de Léon X, seront un
ternel honneur pour sa mémoire. [àvenel, dans
'Enc. des G. du M.]
Paul Jnve, De Vita Leonis X Lib. If; Florence, 1651,
n-fol. — Pallavicini, Istoria del Concilio di Trento, llv. I.
- Cglielli, llaliu Sacra — Sponde, Annules Ecclesiast.
UVarillas, Anecdotes de Florence, liv. VI.— Tractattis
jConctrdatorum inti r Leonem et Franciscum I. Golliœ
b-euem ; Lyon, 1620, in-fol. — Muratorl, Jlerum Italica-
Vum Scriptores. — Gnichardin , Histoire d'Italie. —
L. Jacob, biblioth. Pontificale. — Bayle, DUtionn. Hist.
I— Fabbroni, f'itci Leonis X ; Pise , 179", in-4°. —
|W. RoscoP, Life and l'ontiflcate of Léo X,-3eedit.
(Londres, 1840 G vol. in-«°; trad.cn français par P F. Henry,
B808, 1813, 4 vol.; et en italien par le comte Bossi, 1818. —
Urtmd de Montur, Hist. des Souverains Pontifes, t. IV.
f-Audin, Hist. de Léon X; 1844, 1846, 2 vol. in-8". —
llRanke, Hist. de la Papauté au seizième siècle.
LÉON 726
184S, î vol. in-8°. — Wlseman, Hist. des quatre derniers
Papes.
LÉON rois d'Arménie. Yoij. Livon.
Savants, écrivains, artistes, etc.
Léon l'Académique, philosophe grec, vivait
dans le quatrième siècle avant J.-C. On croit
qu'il était né à Héraclée dans le Pont , et qu'il
avait étudié la philosophie sous Platon. Il tut
un des complices de Chion pour le meurtre de
Cléarque, tyran d'Héraclée, en 353. On ne sait
s'il périt avec les autres conjurés. Plusieurs
écrivains anciens lui attribuent un dialogue sur
la puissance de Dieu se déployant dans ses œu-
vres. Ce dialogue, intitulé Alcyon, a été aussi
attribué à Platon, et on l'a inséré parmi les ou-
vrages de Lucien , quoiqu'il ne soit pas dans la
manière, de cet écrivain. Justin et Suidas don-
nent au meurtrier de Cléarque le nom de Léo-
nldès. Y.
Meinnon, dans la Bibliothèque de Photius, cod. 224. —
Justin, XVI, 5. — Suidas,au mot KXéocpyo;. — Athénée,
XI, S06. — Diogène Laeree, III, 37. — Fabricius, Biblioth.
Graeca, vol. III, p. 108, 173, 178.
LÉONc/'iîg'î/p^mythographe grec, vivait, sui-
vant la tradition, dans le quatrième siècle avant
J.-C. Saint Augustin fait mention d'une pré-
tendue lettre d'Alexandre à Olympias, dans la-
quelle le conquérant macédonien prétend avoir
appris d'un grand-prêtre égyptien que les dieux
avaient d'abord été des hommes. Cette doctrine,
LÉON xi ( Alexandre-Octavien de Médi-
cis), deux cent trente- sixième pape, né en 1535,
Florence , mort le 29 avril 1605, à Rome. Il
était (ils d'Octavien de Médicis et de Françoise
Salviati, nièce de Léon X. Après avoir pendant
plusieurs années représenté la cour de Tos-
cane près de Pie V, il fut nommé en 1573
évêque de Pistoie et transféré en 1574 à l'ar-
Ghevêché de Florence. Créé cardinal en 1583,
il fut envoyé en 1596 comme légat a latere en
France , où il demeura deux ans, à la grande
satisfaction de Henri IV. Le let avril 1605 le
choix unanime du conclave donna pour succes-
seur à Clément VIII le cardinal Alexandre, qui
prit possession de la tiare sous le nom de | qui flattait les prétentions d'Alexandre à la di
Léon XI. Il mourut après vingt-six jours de règne.
Ce fut Paul V qui lui succéda. K.
Artaud de Montor, Hist. des Souverains Pontifes.
LÉON xil (Annibal della Genga), pape,
né le 2 août 1"60, au château de la Genga, sur
le territoire de Spolète, mort le 10 février 1829.
Après avoir rempli les fonctions de nonce du
saint-siége près de plusieurs cours de l'Alle-
magne , il fut chargé par Pie VII d'une mission
particulière auprès de Louis XVIII. De retour
à Rome, il fut nommé évêque de Sinigaglia et car-
dinal (8 mars 181 6), puis vicaire général. Pie VII
étant mort, le cardinal della Genga lui succéda,
le 27 septembre 1823, sous le nom de Léon XII.
Il s'occupa de la répression du brigandage et de
la mendicité ; il releva quelques monuments de sa
capitale, protégea les lettres, et encouragea l'ins-
truction publique. Il avait à cœur la conservation
des droits et prérogatives du saint-siége, et la
manière ferme dont il les soutint lui attira quel-
ques démêlés avec la France et l'Autriche, en
lS2i. Dans la même année, il annonça solennel-
lement le jubilé de 1825. Ennemi du fanatisme,
Léon XII blâma certaines menées du jésuitisme,
et approuva les ordonnances que rendit le gou-
vernement français, en 1828, contre les Pères de
la Foi. Ses concordats avec les Pays-Bas et les
États-Unis attestent son esprit conciliant. Il eut
pour successeur Pie VIII.
P. Rudoni, Leone XII e Pio fUV; Milan, 1829. in- s». -
Chr. Schmid, Trauerrede au/ Léo XII,- Augsb., 1829,
in-8». — Artaud de Montor, Hist. du pape Léon Xli ;
vinité, n'a rien d'invraisemblable chez un prêtre
égyptien ; mais il est singulier qu'un prêtre de
cette nation ait porté le nom de Léon. Arnobe,
Hygin, Clément d'Alexandrie, Tertullien parlent
aussi de Léon, mais ne sont guère plus explicites
sur sa personne et ses écrits. On n'en peut rien
affirmer sinon que dans les premiers siècles de
l'ère chrétienne des ouvrages qui exposaient
des doctrines analogues à celle de Évémère
(voy. ce nom) circulaient sous le nom de
Léon l'Égyptien ou Léon de Pella. 11 est peu dou-
teux que ces écrits fussent apocryphes. Y.
Hygin, Poeticon Aslronomicon. — Tertullien, De Co-
rona, 7. — Augustin, De Consensu Kvangel., I, 33 ; De
Ciiit. Dei , VIII, 5. — Clément d'Alexandrie, Stromata,
vol. II, p. 75, éd. Klotz. — Fabricius, ISibliotheca Créera,
vol. VII, p. 713, 719 ; vol. XI, p. 664. — Vossius, De His-
torien Grxcis, I. III. — C. Multer, Historié. Grsec. Frag-
menta, t. II, p. 331, Pseudo-Calisthène, p. XIX, n. —
Lobeck, Aglaophamtis, p. 1000. — Smith, Dictionary of
Grcek and Rnman Biography.
LÉON de Byzance, rhéteur et historien grec,
vivait dans le quatrième siècle avant J.-C. Selon
Philostrate, il était disciple de Platon. Suidas et
Eudocie le rangent avec plus de vraisemblance
parmi les disciples d'Aristote et les philosophes
péripatéticiens. 11 occupait une place distinguée
dans le gouvernement de Byzance lorsque cette
ville fut attaquée par Philippe de Macédoine.
Hésychius de Milet prétend même qu'il était
straléye ou général en chef. Byzance fut sauvée
par l'intervention des Athéniens. Soit pendant
le siège, soit à toute autre époque, Léon eut
une mission à Athènes. On raconte qu'il es-
727 LEON
saya de rétablir la concorde parmi les habitants.
Mais lorsqu'il parut à la tribune, sa corpulence
excita les éclats de rire de l'assemblée. « Pour-
quoi riez-vous, Athéniens ? s'écria-t-il. Est-ce
parce que je suis gras et grand? J'ai une femme
encore plus grasse que moi. Quand nous som-
mes d'accord, nous tenons dans un seul lit;
quand nous sommes en querelle nous n'avons
pas assez de toute la maison. » Cette anecdote
est rapportée par Plutarque avec une variante
qui fait douter qu'elle soit vraie (1). On a aussi
plusieurs versions de la mort de Léon. D'après
Hésycbius, il mourut pendant le siège de By-
zance. Selon Suidas, au contraire, Philippe, après
son échec, accusa Léon d'avoir offert de lui li-
vrer la ville pour une forte somme d'argent. Les
Byzantins,trompés par cette calomnie,assaillirent
la maison de Léon. Celui-ci, craignant d'être
lapidé, se pendit. Suidas se contredit lui-même
en affirmant que Léon écrivit une histoire d'A-
lexandre. Voici d'après Suidas et Eudocia les
titres des ouvrages de Léon : Ta xaxà 3>iXi7:Ttov
xat BvÇâvTiov fkê. Ç. (De l'Expédition de Phi-
lippe contre Byzance, en sept livres ) ; — Teu-
ôpavixôv ou ïeu^pavTtxôv, sans doute une his-
toire de Teuthrania ou de Teuthras, roi de My-
sie ; — Oepi BirçffàXov ou Bri;atov ( Sur Besalus ou
Beséùs), probablement sur l'oracle de Besa; —
'O îepôç nôXê^o; (La Guerre sacrée) ; — Ikpî
atâaswv, sur les séditions, selon les uns; sur
les bases des questions ou propositions d'a-
près les autres, qui voient dans cet ouvrage un
traité de rhétorique; — Ta xcct' 'AXsgavSpov
(Histoire d'Alexandre). Tous ces ouvrages sont
perdus, et ne nous sont connus que par des in-
dications contradictoires. La Guerre sacrée et
le flepi cTàffewv sont aussi attribués par Suidas
à un Léon d'Alabanda, rhéteur et historien d'une
époque incertaine. Y.
Suidas et Eudocia, aux mots Aéwv et Aétûv AXa6av-
ûéu;. — PJutarque, Moralia , p. 804. — Hésychius de
Mllet, Origines. — Philostrate, Vitse Sophistarum. —
Vossius, De Historicis Grxcis , édit. de Westermann. —
C. Millier, Fragmenta Historicorum Grxcorum, t. II,
p. 328.
léon ( Saint), archevêque de Sens, mort vers
l'année 547. Son prédécesseur sur le siège de
Sens, saint Paul, avait achevé sa carrière en 525 :
cependant, on n'a pas conservé d'actes anté-
rieurs à l'année 533, où se rencontre le nom de
saint Léon : il se fait alors représenter par le
prêtre Orbatus au second concile d'Orléans. Jl
assiste lui-même au troisième concile tenu dans
cette ville , en l'année 538. Ses débats avec le
roi Childebert l'ont principalement rendu cé-
lèbre. La ville de Sens appartenait à Théode-
bert, et comprenait dans sa circonscription
(i) Plutarque prétend que Léon était petit, et rapporte
ainsi ses paroles aux Athéniens qui riaient de son humble
stature. « Que serait-ce, Athéniens, si vous voyiez ma
femme , qui me vient a peine au genou? » Et comme on
riait davantage. « Eh bien, ajouta-t-ll, si petits que nous
■oyons, quand nous sommes en querelle, la ville de
Byzance nous contient à peine. »
728
diocésaine la ville très-importante de Melun ,
qui obéissait à Childebert. Celui-ci, trouvant
que saint Léon négligeait l'église de Melun, forma
le dessein de l'ériger en évêché. 11 reçut alors du
métropolitain outragé une lettre pleine de se-
vères remontrances, qui a tour à tour été publiée
par le P. Sirmond , dom Ruinait, Labbe, les
Sainte-Marthe et les auteurs du nouveau Gal-
lia Chrisliana. Childebert abandonna son pro-
jet. L'anniversaire de saint Léon était célébré
le 22 avril dans le diocèse de Sens.
Gallia Christ., t. XII, col. 6. - Hist. Litt. de la France,
t. III, p. 244.
léon de Thessalonique, philosophe et pré-
lat byzantin, vivait dans le neuvième siècle.
Les historiens byzantins mentionnent souvent
Léon ; mais ils n'indiquent ni le lieu ni la date de
sa naissance. Malgré l'étendue et la profondeur
de ses connaissances, il resta longtemps dans une
position obscure. Enfin l'empereur Théophile,
informé que le khalife Al-Mamoun cherchait à
attirer Léon près de lui , le retint à Constanti-
nople, en le nommant professeur public en 839.
Il lui donna ensuite l'archevêché de Thessalo-
nique. Après la mort de Théophile, en 842, sous
le gouvernement de sa veuve Théodora, le parti
orthodoxe l'emporta, et Léon, qui était iconoclaste,
fut déposé de son siège. Le césar Bardas le mit
à la tête de l'école de mathématiques établie
dans le palais de Magnaura à Constantinople :
Léon vivait encore en 869. On ignore la date de
sa mort. L'historien Syméon décrit un remar-
quable système de télégraphie inventé par Léon
et pratiqué sous l'empereur Théophile et son
fils Michel. Des feux allumés à certaines heures
transmettaient à Constantinople. les nouvelles
des incursions hostiles, des batailles et des au-
tres incidents de guerre qui se passaient sur la
frontière de Syrie. L'heure où le feu était allumé
indiquait la nature de l'événement suivant cer-
taines conventions inscrites sur le cadran d'une
horloge placée dans le château deLulus, près
de Tarse et sur une horloge correspondante dans
le palais de Constantinople. 11 n'existe pas d'ou-
vrage que l'on puisse rapporter avec certitude à
Léon de Thessalonique. On lui attribue des vers
carcini, ou rétrogades, publiés par Léo Allatius
dans ses Excerpta varia Grsecorum Sophis-
tarum. Le nom de Léon de Thessalonique figure
sur divers traités d'astrologie manuscrits. Y.
Théophane, Contin., IV, 26, 29. — Syméon Magister,
de Miohaele et Théodora, î, 18-20, 40, 46. — Cedrenus,
Compendium , p. 547, édit. de Paris, vol., p. 165. — Zo-
naras, XV, 21. — Fabricius, Bibliotkeca Grœca, vol. IV,
p. 148. 158; VII, p. 697 ; XI, p. 665. — Allatius, De Psel-
lis, 3 6. — Labbe, De fiyzant. hist. Scriploribus, pars II,
p. 45v
leon Diacre ou le Diacre, historien byzan-
tin, vivait au dixième siècle. Le peu que l'on
sait de lui se trouve dans son principal ouvrage.
Il naquit à Caloé, ville d'Asie située au pied du
Tmolus près des sources du Caïstre. 11 était
fils d'an certain Basile, dont on ignore la pro-
fession. , et fut envoyé jeune à Constantinople
'29
lour y achever ses éludes. Il assista en 966 à
une émeute populaire, et admira le courage de
l'empereur Nicéphorell Phocas. Il nous apprend
Epa'il était alors tout jeune ( peipdtxiov ), ce qui
place sa naissance vers 950. Plus tard, on le
Jetrouve en Asie à l'époque de la déposition de
Basile 1er, patriarche de Constantinople, et de l'é-
lection de son successeur Antoine III, en 973 ou
JB74. Après avoir été ordonné diacre, il accom-
pagna l'empereur Basile II dans la malheureuse
Expédition contre les Bulgares en 981, et échappa
ijlifrtcilement à la mort ou à la captivité dans la
ijiésastreuse retraite qui suivit la levée du siège
me Tralitza ou Triaditza (l'ancienne Sardica). On
lie sait rien de plus sur sa vie, et on ignore la date
ne sa mort. Mais comme il fait mention de la
chute de la coupole de Sainte-Sophie, accident
pause par le tremblement de terre de 987,etqu'il
«aile de la restauration de cet édifice , laquelle
pura six ans, il vécut au moins jusqu'en 993.
loutre un Discours à l'empereur Basile, et une
Womélie sur V archange Michel (deux opus-
cules inédits et dont le second est peut-être
l'ouvrage d'un autre Léon Diacre)» on a de lui,
i(7Too£a; piëÀîot u'. Cette histoire s'étend depuis
l'expédition de Nicéphore Phocas en Crète,
sous le règne de Bomain II , en 959 , jusqu'à la
mort de Jean Ier Tzimiscès, en 975. Elle com-
prend les victoires des empereurs Nicéphore et
Tzimiscès sur les mahométans en Cilicie et en
Syrie, et les guerres de ces deux empereurs
contre les Bulgares et les Busses. M. Hase, qui
a fait une étude approfondie de cet historien,
regarde son style comme vicieux et surchargé de
locutions impropres , d'expressions maladroite-
ment empruntées à Homère, à l'historien Aga-
thias, aux Septante. Ses connaissances en géo-
graphie et en histoire ancienne sont légères.
Malgré ces défauts, ses écrits, venant d'un con-
temporain honnête et bien informé, sont fort im-
portants. Scylitzès et, après lui,Cedrenus en ont
fait un fréquent usage. Combéfis avait préparé
une édition de Léon Diacre pour la collection
byzantine, mais sa mort, en 1679, l'empêcha de
la publier. La traduction latine qu'il en avait faite
fut communiquée par Montfaucon à Pagi, qui en
inséra quelques portions dans sa Critice in lia-
ronium. Les papiers de Combétis passèrent en-
suite entre les mains de Michel Lequien, qui
avait entrepris et qui commença même l'impres-
sion de Y Histoire de Léon. Les événements mi-
rent encore une fois obstacle à cette publication,
et pendant les troubles de la révolution les pa-
piers de Combéfis disparurent. M. C.-B. Hase
publia enfin Y Histoire de Léon, aux frais du
comte Nicolas Bomanzof, chancelier de Bussie :
Leonis, diaconi Caloensis, Hisloria scriptores-
gue alii ad res byzantinas pertinentes. E
bibliotheca re.gia nunc primum in lucem
ediclit , versione latina et notis illustravit;
Paris, 1819, in-fol. Cette édition est devenue
rare, parce que la plus grande partie des exem-
LÉON 730
plaires furent engloutis dans un naufrage. Mais le
texte, la traduction, la préface et les notes ont
été reproduits dans le Corpus Histoiiœ Byzan-
tinas de Bonn ; 1828, in-8". L. J.
Fabrlclus, Bibliotheca Grœca, vol. VII. p. 684. —
J.-C.-l!. Hase, dans les Notices et Extraits des manus-
crits, t. VIII, et dans la Préface de son édition.
LÉON le Grammairien, historien byzantin,
vivait vers le commencement du onzième siècle.
Il est un des continuateurs de Théophane. D'a-
près une note relevée par Combéfis sur le ma-
nuscrit parisien de Georges Syncelle, Théophane
et Léon le Grammairien, la Chronographie des
récents empereurs, complétée par Léon le Gram-
mairien, fut terminée le 8 du mois de juillet, à la
fête du saint martyr Procope, en l'an 6521 de l'ère
du monde byzantine ( 1013 de l'ère commune).
Mais cette date paraît se rapporter à l'achève-
ment non de l'ouvrage original, mais de la trans-
cription. Un post-script um du même manuscrit
donne à Léon le surnomde TÇixàvSaXo;, et rap-
porte qu'il était gouverneur civil et militait e des Ci-
byréens, et un des familiers de l'empereur ( pro-
bablement Constantin VII Porphyrogénète). Sur
cette indication Combéfis pense qu'on peut iden-
tifier le continuateur de Théophane avec Léon
de Carie mentionné par Cedrenus, puisque le
département des Cibyréens (8éjj.a KiëuppaiwTûv)
comprenait la Carie. Léon le Grammairien est
peut-être le même que Léon Asinus (ô Asivoç),
mentionné par Jean Scylitza. L'ouvrage de Léon
le Grammairien est intitulé : Xpavo-ypain'a, t6c
tûv vemv potfftXéwv ■KEçtiéyovaa. ( Chronographie,
comprenant les faits des récents empereurs),
et s'étend depuis l'avènement de Léon V l'Armé-
nien, en 813, jusqu'à la mort de Bomain Leca-
pène, en 948 ou 949. Il fut publié par Combéfis,
Paris, 1655, in-fol. dans la collection byzantine
du Louvre, et réimprimé dans la collection de
Venise, 1729. Y.
Fabriclus, Bibliotheca Grœca, t. VII, p. 451; t. VIII,
p. 318, éd. de Harles.— Cave, Scriptorum ecclesiasticorum
Historia, t. Il, p. 94. — Schœll, Hist. de la Littérature
Grecque, t. VI, p. 369. — Hankius, De Byzant. Hcrum
Scriptonbus, p. II, c. VII. — Smith, Dictionary ofGreek
and Roman Biography.
LÉON, abbé de Laubes , né à Fumes, dans la
Flandre occidentale, mort en 1163. Sa famille
étant d'une haute noblesse, Léon fut élevé à la
cour des comtes de Flandre. A l'âge de vingt-
deux ans, il la quittait pour aller prendre l'habit
de religieux au monastère d'Anchin. Nous le
voyons ensuite abbé de Laubes en 1 1 31 , puis abbé
de Saint-Bertin en 1137. L'abbaye de Saint-Ber-
lin avait alors de grands débats avec l'ab-
baye de Cluny, que gouvernait Pierre le Véné-
rable. Léon pria le saint-siége de terminer cette
querelle, qui s'envenimait chaque jour, et mal-
gré l'autorité de l'abbé de Cluny, Saint-Bertin
gagna sa cause devant le pape. Il s'agissait de sa-
voir si les moines de cette abbaye étaient sous
la juridiction de ceux de Cluny, ou s'ils avaient
droit à une pleine indépendance. Us furent pro-
clamés indépendants. Léon est le premier auteur
731 LEON
de la coutume de Poperingue, bourg voisin de
Fumes qui dépendait de Saint-Bertin. L'ancien
texte de celte coutume ne subsiste plus; mais
on croit qu'il a passé avec des modifications sans
importance dans la charte de confirmation qui
porte la date de l'année 1G20. B. H.
Hist.fJtler.de la France, t. XIII, p. 317. — Gall.
Christ., t. 111, coi. 197.— Chronicon Sancti-Bertini, dans
le 3e vol. des Anecdota&c. I). Marieur.
Léon, géomètre de l'école de Platon, élève de
Néoclès. Il composa des éléments de géométrie.
On prétend qu'il fut le premier qui donna la dis-
cussion des problèmes qu'il traitait.
Montucla, Histoire des Mathématiques, t. I.
LÉON , nécrologue hollandais du douzième
siècle, était moine dans la fameuse abbaye des
Bénédictins d'Egmond. On a de lui : forma
majorum Breviculorum, cum Epitaphiis co-
mitum et comitissarum in monasterio Hœc-
mundensi quiescentium. Ce sont les Éloges
des comtes de Hollande en prose, avec leurs epi-
taphes en vers, depuis Thierri Ier, mort le 6 oc-
tobre 900, jusqu'à Thierri VII, mort le 4 no-
vembre 1203. Ce travail, qui se trouve dans le
Chronicon Egmundanum d'Antoine Matthœus,
p. 146-156, est différent de celui sur le même
sujet entrepris par un autre bénédictin, Thierri
de Leyde, et qui se trouve à la suite du Chronicon
Egmundanum du carme Jean Gerberants de
Leyde, p. 145-146. L— z— e.
Paquot, Mém. pour servir à l'kist. Utt. des Pays-Bas,
t. VU, p. 374-375.
LÉON d'Orviète, en latin Léo Urbevetanus,
chroniqueur italien du commencement du qua-
torzième siècle, et dont le surnom indique la pa-
trie. Les Dominicains et les Franciscains le re-
vendiquent également comme ayant appartenu à
leur ordre. On a de lui une Chronique des
Empereurs, qui s'arrête à 1308, et une Chro-
nique des Papes, terminée à 1314. Ces deux
ouvrages ont été publiés par Jean Lami, 1737,
2 vol.in-8°. Quoique sans critique et écritsdans
un latin presque barbare, ces chroniques four-
nissent quelques faits ignorés et intéressants,
surtout lorsque l'auteur parle de son temps.
L — z — E.
Échard , Scriptores Ordinis Prœdicatorum, t. II. —
Richard et Glraud, Bibliothèque Sucrée. — Moréri ,
Le grand Dictionnaire His'orique.
LÉON Magentenus ( MayevTr;vo<; ) , commen-
tateur d'Aristote, vivait dans la première moitié
du quatorzième siècle. H fut moine puis arche-
vêque de Mitylène. On a de lui un commentaire
sur le traité d'Aristote De V Interprétation
(îlspi lpp.r,vcia:), publié par Aide; Venise, 1503,
in-fol., avec le commentaire d'Ammonius; Ra-
sarius en a donné une traduction latine plusieurs
fois réimprimée; — un commentaire sur les
Premières analytiques d'Aristote (xà ^pÔTepa
'AvaXuTixa), imprimé avec le commentaire de
Jean Philoponus sur lemême ouvrage par Trin-
cavellus ; Venise, 1536, in-fol., traduit par Rasa-
rius. On a encore de Léon Magentenus des com-
73:
mentaires, restés manuscrits, sur divers traité
d'Aristote. Y.
Fabricius, Bibt. Grseca, vol. III, p. 210,213, 215,211
49S; VII, 717; VIII, 143; XI], 208. - lîuhle, Opéra Àrit
totelis, vol. 1, édit. de Deux-Ponts. — Catalogus Manus
crit. Bibl. Heoix; Paris , 1740. — Smith, Dictionary a
Greeh and Roman Biography .
LÉON {Jean), surnommé V Africain, géo
graphe arabe, né à Grenade, vers 1483, mort
Tunis, en 1552. Suivant Casiri, il se nomma
Al Hassan ben Mohammed Alvazas Alfas\
Après la prise de Grenade, en 1491, Léonencot
enfant fut emmené en Afrique, et fit ses études
Fez. En 1500, son oncle fut envoyé par le 9
de Fez vers le roi deTombut. Le jeune Léon l'ai
compagna, et ne revint que quatre ans après. '
lit ensuite plusieurs voyages dans la partie occ
dentale du nord de l'Afrique et en Barbarie;
traversa l'Atlas, le grand désert, visita Constan
tinople, l'Arabie, la Perse, la Tartarie, l'Armé
nie, la Syrie et l'Egypte. Il revenait de ce der
nier pays pour la seconde fois, lorsqu'il fut pri
aux environs de Zerbi , sur la côte de Tripoli
par des corsaires chrétiens (1517), et conduit
Rome. Il portait avec lui le manuscrit arabe d
sa description de l'Afrique. Le pape Léon X 1
fit instruire dans la religion chrétienne. L'es
clave arabe quitta son nom de Ai-Hassan pou
ceux de Jean Léon , qui étaient les deux nom
du pontife. Léon se fixa à Rome, et fréquent
aussi Bologne. Il apprit l'italien et le latin, <
ouvrit un cours d'arabe. Il compta parmi ses dis
ciples Gille Antonini , cardinal, évêque de Vi
terbe et général des Augustins. On ignore c
qu'il devint après la mort de Léon X, son pre
tecteur (1). Les ouvrages connus de Léon l'A
fricain sont : Description de l'Afrique, d'abor
composée en arabe et traduite en italien pa>
l'auteur lui-même, à la demande du pape Léon X
La traduction italienne est remplie de fautes di
grammaire. Terminée en 1526, elle fut égarée, <
resta inconnue jusqu'en 1550. Ramusio, qui I
trouva par hasard, la publia en tête de son Recum
de Voyages et de Navigations . Marmol, Dappei
Hartmann, Bruns, et tous les auteurs qui oc
écrit sur l'Afrique, ont profité du livre de Léon
« Léon, dit Bruns, connaît parfaitement la languei
les mœurs, l'histoire, la géographie, rhiston
naturelle des pays qu'il décrit.... 11 annonc
plus d'instruction , et bien moins de penchant .
la superstition et à la crédulité que la plupar
des écrivains de son temps. » Son livre cepen
jdant manque d'enchaînement dans le récit de
faits et de précision dans l'indication des lieux e
(1) On lit dans la quatrième édition de Ramusio (1588
que Jean Léon resta à Rome, et qu'il y mourut. Dans l.
seconde édition, qui avait paru en 1554, du vivant de l'au
tenr, il est dit si ulement qu'il resla longtemps à Rome
Widmanstadt, savant orienta.liste allemand du seizièrui
siècle, affirme, avec plusieurs autres, que Jean l.éon, ne
gllgc sous les successeurs de Léon X, retourna en Afrique |
et se fixa à Tunis, où il fit de nouveau profession d'isla
raisme. « J'ai eu deux fois l'intention, ajoute le mém(
auteur, d'entreprendre le voyage d'Afrique pour profitci
de l'entretien et des lumières d'un homme si docte... »
ps
|es distances. V Afrique de Léon a été traduite
|n latin par Jean Flavius, recteur à Anvers, sous
Je titre : Joannis Leonis Africain De lotius
ifricx Descriptione Lib. IX; Anvers, 1556,
Ji-I2;ibid., 1558, in-12 ; Zurich, 1559, in-12;
yde, Elzevier, 1632. On trouva en lête d'un
ecueil de voyages traduits de l'italien par Jean
'emporal, une traduction française de la Des-
ripiion de V Afrique. Elle est intitulée : Des-
ription de l'Afrique, tierce partie du monde,
erite de notre temps, par Jean Léon Afri-
ain, premièrement en langue arabe, puis en
oscane et à présent mise en frcoiçois; An-
ers, 1556, in-12; La Description de l'Afrique
le Jean Léon a été aussi traduite en anglais;
,ondres, 1600, in-4°; en hollandais , Rotterdam,
605, in-4°; en allemand, par Lorsbach ; Her-
jorn, 1805, in-8°. On attribue à Jean Léon un
jelit livre en trente chapitres sur les Savants
rélèbres ( les médecins et les philosophes ) qui
ont écrit en arabe ; nous n'en possédons qu'une
traduction en mauvais latin dans le Biblio-
thecarium quadripartitum de Hottinger et
lans le tome XIII de la Bibliothèque Grecque
JeFabricius; — un Vocabulaire Arabe et Espa-
gnol , écrit à Bologne, pour un médecin juif,
dans les manuscrits de l'Escurial, n° 59 ; — des
joésies arabes, et un recueil d'épitapbes arabes.
F.-X. Tessier.
Casiri, Biblioth. Arab. Hispan., I, 35, 172 et seq.; Hj*ï
— Bruns, Notice sur Jean Léon, dans les Éphémérides
Géograpk. de Zach, t, I, 309 et seq. — Lorsbach , dans la
Préface de sa traduction de l'Afrique de Léon.
LÉON de Modène, dont le vrai nom était
Juda Arièh, fils d'Isaac, célèbre rabbin, né à
Venise, en 1571 (1), et mort dans la même ville,
en 1654 ou 1648, selon Wolf. Il composa fort
jeune, en l'honneurdesonmaître,lerabbinMoïse,
un poëme disposé de telle manière qu'au rapport
de Plantavit, il pouvaitètre rendu avec les mêmes
lettres en italien et en hébreu, A vingt-deux ans,
il prononça son premier discours à la synagogue
de Venise dont il eut longtemps la direction. Ses
principaux ouvrages sont : Biblia Hebrsea Rab-
binica; Venise, 1610, 4 vol. in-fol. Cette édition
renferme le Targum, la Grande et la Petite
Massore, et les commentaires des rabbins. L'au-
teur avait entrepris de donner une traduction
italienne de l'Ancien Testament à l'usage des
juifs et des chrétiens ; mais les inquisiteurs
s'opposèrent à ce dessein. Il essaya alors d'y
suppléer par un nouveau dictionnaire hébreu-
italien imprimé à Venise sous ce titre : Novo
Dittionario Hebraico et Italiano, cioè dichia-
ratione di tutte le voci hebraiche piu difft-
cili délie scritture hebree nellavolgar lingiia
italiana; Venise, 1612, in-4% réimprimé à Pa-
doueen 1640 ; — Historiu degli Biti Hcbraïci,
dovesi ha brève e total relatione di lutta
la vita, costumi, riti e osservanze hebrei di
(i) Dans la préface de son livre, intitulé Désert de
Juda, Léon dit lui-même qu'il naquit à Venise , en 1 511.
LÉON 734
quesli tempi. Cette histoire a été écrite en ita-
lien ; dom Calmet a dit par erreur qu'elle lut
publiée en hébreu, à Mantoue, en 1612 : il la
confond avec un ouvrage plus considérable d'A-
braham, fils de David Arie. Elle fut éditée à
Paris, 1637, par les soins de Gaffarelli. L'édition
de Venise 1638 est plus correcte. Cet ouvrage a
été traduit en anglais par Okley, et en français
par B. Simon. F.-X. T.
Wolf, Bibliotheca Hebraica, tomell, pag. 41V; ton). III,
pag. 296 ; tom. IV, pag. 828. — Bartolur.ci, Bibliotheca
Habbinica.— l'Iantavit, Dictionnaire Hébreu. — lias-
nage, Histoire des Juifs, tom. IX, pag. 898.— Halle-
vorld, Bibliothèque curieuse. — Selilen, llxor Hebraica,
liv. I, Ghap. V. — Dom Calmet, Dictionnaire de la bi-
ble, tom. IV, p.ag. 175.
LÉON, nom commun à plusieurs peintres es-
pagnols, dont les principaux sont par ordre chro-
nologique :
léon ( André de ), qui vivait à Séville, au
commencement du seizième siècle. Il peignait
l'histoire, et exécuta pour la cathédrale de Sé-
ville, entre autres, cinq grands tableaux qui ont
disparu. On les attribue probablement aujour-
d'hui à quelque autremaître.
léon léal (Don Simon de), né à Madrid!,
en 1610, mort dans la même ville, en 1687. Il
fut élève de Pedro de Las Cuevas, et devint
peintre de la reine. Son chef-d'œuvre est le
grand tableau du maître autel des Jésuites à
Madrid. Ses autres ouvrages, jadis aux Pré-
montrés, aux Capucins del Prado, aux Enfants-
Trouvés, à l'église du Sauveur, etc. , ont été tous
transportés au Rosaire. Les principales qualités
de Léon Léal sont une grande perfection de dessin
et un coloris naturel.
LÉos ( Felipe de), mort à Séville, en 1728,
se rapprocha beaucoup du style de Murillo.
Parmi ses meilleurs tableaux, la plupart à Séville,
on cite Élie montant au ciel sur un char de
feu. Felipe de Léon a laissé aussi quelques co-
pies d'après Murillo, dont les amateurs doivent se
défier, tant elles se rapprochent des originaux.
léon ( Christophe de), frère du précédent,
mort à Séville, en 1729. Il était l'un des meil-
leurs élèves de Juan de Valdes Léal. II a décoré
à fresque Saint-Philippe-de-Neri à Séville, et a
exécuté à l'hui'e pour la même congrégation une
collection de dix-huit de ses plus vénérables
membres. Ces tableaux sont remarquables par
un dessin large et une grande hardiesse d'exé-
cution. A. de L.
Francisco Pacheco, El Arte de la Pintura. — Antonio
Pons, Viuge artistico à varios puebtos de Espana. —
Quilliet , Dictionnaire des Peintres Espagnols.
léon ( Luis- Ponce de), poète et théologien
espagnol, né en 1528, mort en 1591. 1! reçut
une éducation qui à cette époque était presque
uniquement réservée aux enlants des familles
nobles et riches. Il fut envoyé de bonne heure
à l'université de Salamanque, et à l'âge de seize
ans il entra dans l'ordre de Saint-Augustin. Dès
ce moment sa carrière fut décidée; il ne quitta
plus la profession monastique ni l'université, où
735
il avait été élevé. Licencié en théologie en 1560
et reçu docteur immédiatement après, il obtint
l'année suivante la chaire de Saint-Thomas-
d'Aquin. A cette place il ajouta, dix ans plus
tard, la chaire de littérature sacrée. Sa réputa-
tion et le succès de son enseignement excitèrent
l'envie, et ses ennemis saisirent avidement la
première occasion de le persécuter. Un ami, qui
ne comprenait pas les langues .meiennes , lui
avait demandé une traduction du Cantique des
Cantiques de Salomon. Le père Louis de Léon
y consentit, et dans sa version il conserva fidè-
lement le caractère de l'original, c'est-à-dire
qu'il traduisit tout le poëme comme une églogne
dont les différents acteurs parlent le langage
des pasteurs. Cette interprétation n'est pas celle
que l'Église catholique a adoptée. Mais le pro-
fesseur de Salamanque avait bien entendu que
sa traduction ne sortirait pas des mains de l'ami
à qui elle était destinée. Un domestique infidèle
en fit circuler quelques copies dans le public, et
un ennemi en remit une copie à l'inquisition de
Valladolid. Louis de Léon comparut; en 1572
devant ce redoutable tribunal sous l'inculpation
d'être luthérien et d'avoir traduit des livres
saints contrairement aux décrets du concile de
Trente. Il répondit sans peine à la première ac-
cusation. Quant à la seconde, il ne put que faire
valoir des circonstances qui, jointes aux iecom-
mandations de puissants amis, lui procurèrent
sa liberté après cinq années d'emprisonnement.
L'université lui resta fidèle : il fut réinstallé dans
ses fonctions avec les plus grandes marques de
respect, le 30 décembre 1576. La foule nom-
breuse pressée autour de sa chaire attendait
sans doute quelques allusions à cette longue cap-
tivité; Louis de Léon surprit son auditoire en
reprenant son cours, par ces simples paroles :
« Comme nous l'avons remarqué dans notre der-
nière conférence... » Il semblait ne garder aucun
souvenir de son emprisonnement. Il n'oubliait
pas cependant la version qui en avait été la cause,
et pour se laver du reproche d'hérésie il publia
en latin ( 1580) un commentaire étendu sur le
Cantique des Cantiques, qu'il interpréta direc-
tement, symboliquement et mystiquement ; « le
tout , dit M. Ticknor, d'une manière aussi théo-
logique et aussi obscure que le plus ortho-
doxe pouvait le désirer, mais sans cacher son
opinion que ce poëme dans l'intention première
de l'auteur avait été une églogue pastorale. » Il
composa encore un autre ouvrage du même
genre, en espagnol, et par conséquent interdit
par les décrets du concile de Trente. Aussi eut-il
la prudence de ne pas le publier. Ce traité ne
fut imprimé qu'en 1798, et sans qu'on osât y
joindre la belle traduction en octaves espagnoles
qui devait l'accompagner. Cette version fort re-
marquable ne parut qu'en 1806. Louis de Léon
composa dans sa prison un ouvrage qu'il ne de-
vait pas achever et dont trois livres parurent
sous ce titre : De los Nombres de Christo; Sa-
LÉON 736
lamanque, 1583-1585, in-4°, sous prétexte d'ex-
pliquer les divers noms ou épithètes données au
Christ : fils, prince, berger, roi, etc., l'éloquent
théologien donna une série de brillants et quelque-
fois admirables discours sur le caractère du
Christ. Deux autres traités religieux de Louis
de Léon : La per/ecta Casada ; Salamanque ,
1583, in-4°, et la paraphrase de Job, publiée en
1631, offrent, comme le précédent, un style plein
d'images, une éloquence abondante et de beaux
élans d'enthousiasme.
Louis de Léon survécut quatorze ans à sa mise
en liberté ; mais il ne se remit jamais complè-
tement des prisons de l'inquisition , et il n'eut
pas la force de terminer plusieurs ouvrages
qu'il avait commencés avant sa captivité. II
avait des habitudes austères et vivait par goût
dans la retraite. Cependant il exerça une grande
influence sur son ordre, et il venait d'en être (|
nommé prieur lorsqu'il mourut. Il laissa, entre
autres ouvrages, des poésies qui attestent un
grand talent poétique. Elles consistent en tra-
ductions de toutes les Églogues et de deux li-
vres des Géorgiques de Virgile , de trente odes
d'Horace , de quarante psaumes et de quelques
passages des poètes grecs et latins. Ses poèmes
originaux sont peu nombreux. « Ils ne remplis-
sent pas plus de cent pages, dit Ticknor; mais
ils ne contiennent presque pas un vers qui
n'ait du prix , et leur ensemble occupe la pre-
mière place dans la poésie lyrique espagnole. Ils
sont généralement consacrés à des sujets reli-i
gieux, et on ne peut se méprendre sur leur source'
d'inspiration. Louis de Léon a l'âme hébraïque i
et son enthousiasme s'enflamme presque tou-
jours dans la lecture de l'Ancien Testament. Il
conserve cependant sans altération le caractère
national. Ses meilleures compositions sont des:
odes écrites dans la vieille versification castillane, j
avec une pureté classique et un fini vigoureux
que la poésie espagnole n'avait jamais connu jus-
que là et qu'elle a difficilement atteint depuis. »
Parmi ses odes , qui sont toutes remarquables
par l'élévation des idées et la beauté sévère de la
forme , on cite : La Prophétie du Tage (l),
La Vie dans la retraite, V Immortalité, Les
deux étoiles, L'Hymne sur l'Ascension. Ces
poésies, qui font aujourd'hui la gloire de Louis de
Léon, lui auraient nui plutôt dans l'esprit de ses
contemporains, qui regardaient le travail de la
versification comme peu digne d'un illustre
théologien. Louis de Léon partageait peut-être
cette opinion ; car il ne publia pas ses poèmes
composés dès sa jeunesse, et s'il les rassembla,
ce fut à la fin de sa vie, et pour plaire à un ami.
Quevedo les publia (Obr as proprias, y traduc-
ciones latinas, griegas y italianas : con la
paraphrasi de algunos salmos y capitulos de
(1) La Prophétie du Tage sur la chute de là monarchie
des Golhs en Espagne, est imitée de la prophétie de Né-
rée sur la prise de Troie dans Horace ; elle a été traduite
en vers français par M. Flnuin Dldot.
i
i
«
737
LEON
Jcb); Madrid, 1631, în-16. Elle?, ont été sou-
vent réimprimées depuis , et elles forment le
dernier volume de ses œuvres : Obras del
M. Fr. Luis de Léon; Madrid, 1804-1816,
S vol. in-8°. N.
Nicolas Antonio, Bibliotheca Hispuna nova. — Mayans
Siscar, Cartas de varios autores. — Sedano, Parnnso
fcspanol, t. V — Semanario Pintoresco ; 1844, p. 374.
-Tirknor, History of Spanish Literature, t. H, c. ix. —
Lillemnln , Essais svr la Poésie lyrique. — Laboulaye,
La Liberté religieuse.
LEON (Diego), général espagnol, né en 1804,
fusillé à Madrid, le 15 octobre 1841. Il appar-
enait à une bonne famille, fut élevé dans les
Ecoles militaires, et entra comme officier dans la
tavalerie. Il était colonel à la mort de Ferdi-
nand VII, et ne tarda pas à recevoir le grade de
brigadier général. Renommé par sa bravoure et
pillant par sa riche tenue, il se distingua dans
plusieurs rencontres , fut promu lieutenant gè-
lerai et revêtu du titre de comte de Belascoain
ur le champ de bataille. Il comptait dix-huit
hevaux tués sous lui. En 1840 il couvrit la
Houvelle-Castille contre les incursions des car-
istes, et contribua à repousser le général Balsa-
peda. Au mois de juillet il fit connaître son dé-
joueraient à la reine régente, sans se séparer
putefois d'Espartero. Marie-Christine le nomma
u mois d'octobre capitaine général de Madrid.
>eon ne put prendre possession de sa place ; il
[rriva dans la capitale pour assister à la défec-
lon des troupes, et l'abdication de la régente
pnula sa nomination. Diego Léon fit un mou-
lement vers Aranjuez dans le but, dit-on, d'en-
pver la jeune reine Isabelle II. Ce projet échoua,
|t Espartero mit Léon en inactivité. Le 2 octobre
1841 , O'Donnel paraissait à Pampelime pour in-
[urger l'Espagne contre Espartero. Léon , aidé
les généraux Pezuela et Concha, devait soulever
■adrid. Espartero, averti le 3 du complot prémé-
lité pour le lendemain, ordonna d'arrêter les gé-
[éraux et officiers compromis; aucun ne fut décou-
lert. Pezuela, déguisé, renoua tous les fils de la
bnspiration. L'insurrection devait éclater le 8.
le ? le général Concha, trompé par un faux signal,
jiarcha sur le palais après avoir enlevé un ré-
liment : il éprouva de la résistance. Diego Léon
h Pezuela réussirent à le rejoindre, et à la suite
l'un combat acharné contre les hallebardiers de
h reine, tous les trois se retirèrent. Diego Léon
lit arrêté quelques jours après et mis en juge-
ment. Le 13 il comparut devant un conseil de
lierre. On avait trouvé sur lui une lettre dans
«quelle il engageait Espartero, au nom de Marie-
Ihristine, à renoncer à la régence pour éviter
jeffusion du sang, et une proclamation aux Es-
agnols pour les engager à reconnaître l'autorité
je la régente. Accusé de complicité dans le corn-
Ilot qui venait d'échouer à Madrid, Léon, dé-
rndu par le général Roncali, fut condamné à
liort par quatre voix contre trois, le lendemain.
p grâce était demandée avec insistance ; la reine
;abelle voulait écrire elle-même pour la solli-
NOCV. BIOGR. GÉNÉR, — T. XXX.
LEONARD 738
! citer du régent. Son tuteur, Arguelles,s'y opposa,
' et promit de faire connaître son vœu au conseil.
Léon fut exécuté le 15, à deux heures de l'après-
midi, à la porte de Tolède, au milieu d'un grand
déploiement de forces militaires. Il montra beau-
i coup de sang-froid à sa dernière heure, et s'était
revêtu de son brillant costume de colonel de
hussards; il embrassa le général Roncali, et com-
manda lui-même le feu. Il laissait trois enfants
en bas âge. L. L — t.
Journal des Débats des 21 et S2 ort. 1841.
Léon de saint-jean, théologien et con-
troversiste français, né à Rennes, le 9 juillet
1600, mort au couvent des Billettes de Paris, le
30 décembre 1671. Il occupa successivement
presque toutes les charges de l'ordre des Car-
mps, et publia, entre autres, Carmelus res-
titutus ; Paris, 1634, in-4°. C'est l'histoire de
la destruction du monastère du Mont-Carmel
par les Sarrasins, en 1291, et, de son rétablisse-
ment en 1633 parle P. Prosperdu Saint-Esprit;
— Encyclopediœ Prsemissum, seu sapientix
universalis Delineatio, etc. ; Paris, 1 635, in-4° ;
— Historia Carmelitarum provincise Turo-
nensis; Paris, 1640, in-4°. Les sermons du
P. Léon ont été réunis dans un recueil intitulé :
La Somme des sermons parénétiques et pané-
gyriques; Paris, 1671-1675,4 vol. in-fol.
F.-X. T.
Côme de Saint-Étienne de Villiers, Bibliotheca Car-
melitana. — Louis de Suinte-Thérèse, Annales des Car-
mes déchaussés de France, liv. 1. — Bayle, Jugements
des Érudits, tom. III, p. 2*24.
léon Y gama (Antonio de), archéologue
mexicain, né à Mexico, en 1735, mort en 1802.
Il étudia avec un soin minutieux les bas-reliefs
extraits du sol de Mexico, à la suite du nouveau
pavage qui avait été exécuté sur l'emplacement de
l'ancien Teocali : il crut y retrouver le véritable
calendrier des Aztèques. Il publia le résultat de
ses recherches dans un mémoire intitulé : Des-
cription historica y chronologica de las dos-
piedras que con ocasion del nuevo empedrado
que se esta formando se hallaron en ella cl
ano de 1790; Mexico, 1790, pet. in-4°; réim-
primée Mexico en 1832, in-8°, et traduit en italien :
Saggio dell Astronomia dell antichi Messï-
cani; Rome, 1804, in- 8° avec planches. F. D.
Renseignements particuliers.
leon ( Pierre Cieça de). Voy. CiezadeLeon.
LEON DE JCDA. Voy. JUDA.
LÉONARD DE PISE, OU LÉONARD BONACCI (1),
mathématicien italien, né à Pise, vers 1 170 ou
1180. On ignore l'année de sa mort, et nous ne
connaissons guère de sa vie que ce qu'il nous en
(l) Léonard Bonacci est aussi connu sous le nom de
Fibonacci, par contraction de ftlius Bonacci. « Les
hommes supérieurs, dit M. Terquem, passent souvent
pour des niais chez les hommes inférieurs. C'est ainsi
que les négociants de Pise, compatriotes de Léonanl, lui
ont donné le sobriquet de Bighelone. >■> Bighelone est
peut-être le synonyme de Bonacci, qui revient au bonasse
français.
24
739
dit lui-même au commencement de son Liber
Abaci, dont on possède heureusement plusieurs
exemplaires manuscrits. Voici la traduction de
ce passage, que M. Libri reproduit en entier dans
son Histoire des Sciences mathématiques en
Italie : « ici commence le livre de YAbacus
composé par Léonard , fils de Bonacci de Pise,
dans l'année 1202, et corrigé par le même en
1228.... Mon père ayant été constitué par les
marchands de Pise, qui affluaient continuellement
chez lui, comme pubiicus scriba (1) à la douane
de Bougie , il me fit venir dès mon enfance , et
voulut que je restasse pendant quelque temps
pour m'appliquer à l'étude de l'abaque (2), en vue
d'un avantage , d'une utilité à venir. Un admi-
rable maître m'ayant initié dans l'art des figures
indiennes.je pris tant de plaisir à l'esprit de cet art,
que je voulus savoir tout ce qu'on enseignait là-
dessus en Egypte, en Syrie, dans la Grèce, en Si-
cile et dans la Provence avec les diverses variétés.
Ayant parcouru ces contrées, je m'y instruisis par
beaucoup d'études etdediscussionsjmaisjeconsi-
dérai tout ceci et même l'4/yorisj?iedePythagore
comme défectueux en comparaison de la méthode
indienne. C'est pourquoi ayant serrédeplus près
cette méthode et étudié plus attentivement, y
ajoutant quelque chose de mon propre fonds et y
appliquant quelques artifices géométriques d'Eu-
clide, j'ai travaillé à la composition de cet ou-
vrage, et pour être le plus intelligible qu'il m'est
possible, je l'ai divisé en quinze chapitres dis-
tincts. J'ai tout donné avec des raisonnements
démonstratifs , afin que ceux qui aspirent à cette
science seulement parce qu'elle est plus parfaite
que les autres, puissent s'instruire etqu'àl'a-
yenir la gente latine ne s'en trouve pas dépour-
vue comme jusqu'à présent »
Léonard de Pise a donc propagé en Occident
la numération et l'algèbre des Arabes. Plusieurs
savants ont prétendu que le premier il avait
enseigné l'arithmétique arabe en Europe ; cepen-
dant l'opinion la plus générale attribue cette im-
portation à Gerhert,.et elle s'appuie sur un ou-
Trage du pontife géomètre qui porte dans les
manuscrits la suscription Constantino suo Ger-
bertus scolasticus (3), ouvrage dont fait mention
Guillaume de Malmesbury, chroniqueur du
douzième siècle, qui ajoute : Abacum cerie
primus a Saracenis capiens , régulas dédit
quaR a sudanlibus Abacistis vix intelligun-
tur. Pour tout concilier, Colebrooke suppose
que les règles de Gerbert étaient tellement
abstruses et inintelligibles , qu'elles sont restées
stériles et qu'il a fallu que Léonard réimportât de
nouveau l'arithmétique arabe, en 1202. Guillaume
de Malmesbury, en signalant lui-même l'obscu-
(i) Doit-on traduire ces mots par notaire, greffier?
ÎJe serait-ce pas plutôt une espèce de consul commercial?
(2)yi/6acMS ne désigne pas ici la machine à calculer
dont se servaient les Romains. Bu temps de Léonard de
Pise ce terme signifiait arithmétique.
(8) Gette pièce est ainsi intitulée parce qu'elle est
adressée k Constantin, moine de l'abbaye de Fleury.
LÉONARD 740
rite de ces règles , qux a sudanlibus Abacistis
vixintelliguntur, a paru favoriser cette inter-
prétation. M. Charles a émis à ce sujet une opi-
nion très-différente, et il a établi que le traité de
Gerbert n'était pas d'origine arabe, mais se rap-
portait au système de numératiou de Boèce.
Quoi qu'il en soit , il y a quelques années on
ignorait que Léonard de Pise eût rendu à la
science des services bien plus importants que
ceux qu'on lui conteste. « On ne se doutait
guère, dit M. Terquem, qu'un géomètre du
treizième siècle eût dépassé beaucoup Diophante
et les Arabes, et qu'il n'a été dépassé que par
Fermât au dix-septième siècle, découverte his-
torique que nous devons aux persévérantes in-
vestigations du célèbre prince Boncompagni, dé-
couverte infiniment supérieure à ces travaux sui-
des écrivains obscurs qu'on se plaît à tirer des
ténèbres du moyen âge et qui, pour être publiés
et illustrés , n'en restent pas moins obscurs. »
Il résulte des savantes recherches de M. B. Bon-
compagni que Léonard de Pise a composé les
ouvrages suivants : un traité d'arithmétique et
d'algèbre intitulé : Liber Abacï. M. Libri en a
ipublié le quinzième chapitre , qui concerne l'al-
gèbre, dans son Histoire des Sciences matJié-
maliques en Italie (tome II, p. 307 etsuiv.);
— un traité de géométrie théorique et pratique,
composé vers 1220, et intitulé : Practica Geo-
smetricas; — Liber Quadratorum. C'est l'œuvre*
principale. Réunie aux "deux traités suivants,
elle a été publiée par le prince Boncompagni.
sous ce titre : Tre Scritti inédite di Leonardo,
Pisano, pubblicati da Baldassarc Boncom-
pagni, secondo la lezione di un codice délia.
Biblioteca Ambrosiana di Milano ; Florence,
1854, in-8° de 122 pages et 1 planche; 2e édi-
tion, 1856; — Flos super solutionibus qua-
rundam queestionum ad numerum et ad
geometriam, vel adutrumque pertinentimn;,
— un opuscule intitulé : De Modo solvendi
questiones avium et simiiium; — un com-
mentaire sur le dixième livre des Éléments
d'Euclide; — un ouvrage intitulé : Libro di
merchatanti dettodi minor guisa, qui traitait
des règles d'alliage , mais qui paraît être perdu..
En 1225, Léonard était à Pise lors du pas-
sage de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen
dans cette ville. Ce souverain , qui cultivait les
lettres et les sciences, engagea deux géomètres i
de sa suite, nommés Jean de Palerme et Théo-
dore, à adresser en sa présence des questions à
Léonard. C'est ce tournoi scientifique qui donna
naissance aux trois traités publiés en 1854 pai
M. Balth. Boncompagni : Léonard ayant écrit
ses réponses, les adressa à l'empereur. Le cardi-
nal Raniero Capocci de Viterbe en demanda uni
copie, que Léonard lui dédia sous le titre de Flot
sxtper solutionibus, etc. « Il l'a intitulée Flos
dit-il, en l'honneur de Son Éminence, rayonnan
d'une éloquence fleurie parmi les savants (flo
rida clericorum eleganlia radiantibus), &
741
LÉONARD
742
(-
V12
aussi parce que plusieurs questions, quoique
épineuses, sont exposées d'une manière fleurie;
et de même que les plantes ayant des racines en
terre surgissent et montrent des fleurs, ainsi de
ces questions on en déduit une foule d'autres. »
Jean de Païenne avait posé pour première
question : Trouver un nombre carré qui
augmente et diminue de 5 reste toujours un
nombre, carré. Léonard donne pour solution
41 /4l\2 A9\2 /41\2
3l\2
— ) . En réfléchissant sur la solution de
cette question, Léonard fut amené à examiner
certaines propriétés générales des nombres car-
rés, ce qui lui donna occasion de composer le
Liber Quadraiorum.
La seconde question que traite le Flos est
celle ci : Trouver, au moyen d'une des quinze
espèces de longueurs du dixième livre d'Eu-
clide, une longueur x qui satisfasse à la con-
dition x3-f-2x2-f- tOx = 20. Par des considé-
rations géométriques très-rigoureuses, dont
M. Wœpcke a donné la traduction analytique
ians le Journal de M. Liouville (t. XX, 1855),
[iéonard démontre qu'aucune des quinze lon-
çueurs euclidiennes ne peut satisfaire. Il fait
)lus, il donne une valeur approchée de la racine
>ositive de l'équation. On ne sait par quelle mé-
uode il obtint cette valeur, d'une surprenante
ixactitude.
En employant le langage algébrique , la troi-
ième question du Flos peut s'énoncer ainsi :
Vrois hommes ont en commun une somme in-
onnue t; la part du premier est ~ t; celle
lu second jt, et par conséquent celledu troi-
sième 1 1. Voulant déposer cette somme en lieu
Mus sûr, ils prennent au hasard, le premier
Let n'en dépose que ~ x, le second y et n'en
repose que ^ y, le troisième z, et n'en dépose
lue \ z ; de sorte que la somme déposée se monte
I ix +iv -f--J z,et lorsqu'ils retirent ce dépôt,
tkacun en prend le tiers; il s'agit de trouver
ks valeurs de x, y, z. Léonard montre que le
jroblème est indéterminé. En prenant 7 pour ce
Bue chacun retire du dépôt, il trouve t— 47, x=
bwy=13, z= 1 . Il dit qu'il y a trois modes de
Blutions, qu'il a donnés dans son Liber Abaci.
le Flos est terminé par d'autres questions d'a-
fialyse indéterminée du même genre que la pré-
sente.
H Le petit traité, : De Avibus commence par
[pe lettre adressée ad magistrum Theo-
lèrMm, philosophum Domini Imperatoris.
l'auteur dit avoir composé ce livre à la prière
l'un ami qui voulait connaître le moyen de ré-
r j)udre les questions su?; les oiseaux et autres
ijimblables, et il ajoute avoir trouvé ainsi les
i bgles relatives aux alliages des métaux. Pour
Dmprendre l'analogie que Léonard aperçoitentre
les questions, il suffit de lire l'énoncé du premier
problème -. Quelqu'un achette des moineaux,
des tourterelles et des colombes , en tout
30 oiseaux pour trente deniers; 3 moineaux
coûtent 1 denier, de même 2 tourterelles ,
et l colombe coûte 2 deniers. On demande
combien il y avait d'oiseaux de chacune de
ces trois espèces? Léonard traite ces sortes de
questions par un procédé analogue à celui qu'em-
ploie la règle dite de fausse position.
Le Liber Quadratorum, dont nous avons in-
diqué plus haut l'origine, est, de l'avis de
M. Terquem, le monument arithmologique le
plus précieux que nous ait transmis le moyen
âge. Par des procédés graphiques, Léonard y dé-
montre de belles propriétés des carrés des
nombres. U trouve l'expression de la somme des
carrés de leur suite naturelle, et aussi de la
suite des nombres impairs. Enfin il résout ce
problème : Trouver trois carrés et un nombre
tel, qu'en ajoutant ce nombre au plus petit
de ces carrés , on trouve le carré moyen , et
qu'en ajoutant ce nombre au carré moyen ,
on trouve le plus grand carré- C'est la géné-
ralisation de la question posée par Jean de Pa-
lerme.
M. Balthasar Boncompagni a entrepris, avec
un zèle digne des plus grands éloges, une édition
des Œuvres complètes de Léonard de Pise,
dont le premier volume, contenant Liber Abaci,
a paru à Rome, 1857, splendidement imprimé.
Le savant éditeur a suivi pour le texte le ma-
nuscrit le plus correct (C. d. 2616 de la Biblio-
thèque Magliabechiana de Florence). Les cha-
pitres IXIV sont, sauf un petit nombre de pas-
sages, tous inédits. E. Merliecx.
Memorie istoriche di più uomini illustri Pisani ; Pise,
4 vol. in-4°; 1790-1792. — Guglielmini, Eloyio di Lio-
nardo Pisano ; Bologne, in-8° , 1813. —G. Libri, Histoire
des Sciences mathématiques en Italie ; Paris, 4vol. in-8°;
1838-1841. — B. Boncompagni, Aiti dell' Accademia de
Lincei 1851-1852. — Le même, lntorno ad nuovi a/cvne
opère di Leonardo Pisano, mutematico del serolo de-
cimoterzo ; Rome, in-8°, 1854. —Terquem, Nouvelles
Annales de ■mathématiques; Bulletin de Bibliographie,
d'Histoire et de Biographie mathématiques ( Paris,
in-80 ; années 1835 et 1856). — Doc. partie.
LÉONARD de Pistoye , dominicain , qui
écrivit, vers 1280, un traité de géométrie et d'a-
rithmétique. Il s'occupa aussi d'astronomie ou
plutôt d'astrologie. La bibliothèque de Florence
possède do lui deux manuscrits, le Tractatus de
Arithmetica et de Practica Geometrise et De
Gomputo Lunée.
Tiraboschi, Storia délia Litteratura Haliana. —
J. Quetif et J. Échard, Scriptores Ordinis Prœdicato-
rum, 1. 1.
Léonard de Chio (ainsi surnommé à cause de
sa patrie), né vers la fin du quatorzième siècle,
se rendit fort jeune en Italie , et étudia à Gênes
et à Padoue ; après être entré dans l'ordre des
Dominicains, il devint en 1446évêque catholique
de Mitylène; en 1452, il se rendit à Constanti-
nople pour travailler à la réunion des églises
grecque et latine; sa mission ne réussit pas;
24.
743
l'empire grée, au moment de succomber sous les
coups des Turcs s'agitait dans les convulsions de
l'agonie, et le prélat revint à Chio, où il mourut,
en 1458, au dire de quelques auteurs; d'autres
prétendent qu'il périt en 1462, lors de la con-
quête de Lesbos par les Turcs. Il a laissé une
lettre latine adressée au pape Nicolas V, et con-
tenant une relation de la prise de Constanti-
nople par Mahomet II, en 1453. Publiée Nurem-
berg en 1553, cet écrit fut plusieurs fois réim-
primé ; M. Lécuy en a donné à Paris, en 1 823, une
édition accompagnée de notes et de diverses
pièces sur le même sujet, et il se trouve dans
divers recueils, tels que les Annales ecclesias-
ticiàe Bzovius (adannum 1453) et le Ckroni-
con Turcicum de Lonicer. On connaît aussi de
Léonard un Tractatus de veraNobilitate, qui
a été imprimé en 1657, in-4°. G. B.
Quétlf, Scriptores Ordinis Prxdicutorum, 1. 1, p. 816.
— Fabriclus, Bibliotheca Lallna médise eetatis, t IV,
p. 781. — Cave, Script, eccles. Historia, t. Il, p 110. —
Oudln, Comment, de Script eccles., t. III, p. 2422.
Léonard dit Limousin, peintre français, natif
de Limoges, appelé par Thevet le plus excellent
ouvrier dn monde, naquit vers 1505, et mourut
vers 1580 (1). François Ier le mit à la tète de la
manufacture d'émaux fondée à Limoges, et lui
commanda divers ouvrages, d'après les dessins de
Léonard de Vinci, de Jules Romain, de Prima-
tice et de Jean Cousin. Alors sortirent de la ma-
nufacture de Limoges ces vases , ces aiguières,
ces candélabres et ces cadres qui ont fait l'ad-
miration de tous. La peinture sur émail fut
portée à son apogée et mise au niveau des ta-
bleaux sur toile des grands maîtres de la Re-
naissance. Léonard Limousin peignit en pied le
portrait de François Ier, de la reine Claude,
à' Henri II et de Diane de Poitiers. M. Dussome-
rard a reproduit dans son album la plupart des
principaux émaux de cet artiste, et Alexandre
Lenoir a décrit ceux qui ornaient le tombeau de
Diane de Poitiers. On y voyait François 1er vêtu
en saint Paul, et l'amiral Chabot en saint Pierre,
idée assez commune au seizième siècle, où le
peuple vénérait dans le saint le roi ou le guerrier.
De magnifiques. scènes de la Passion étaient en-
core représentées au même tombeau. C'est en
parlant de ces cadres que Lenoir a dit que
Léonard se surpassa et qu'il réunit « deux choses
extrêmement rares à allier dans les arts dépen-
dant du dessin : l'art d'unir à une conception
vraiment sentimentale un dessin gracieux et
expressif, un travail correct et soigné ». Le mu-
sée du Louvre possède aujourd'hui ces émaux.
Le musée de Limoges n'a de Léonard qu'un ta-
bleau sur bois : Y Apparition de Jésus-Christ
à saint Thomas. Il est signé Léonard Limosin
Esmalievr, peintre valet de chambre du roy,
1551 (2). « Léonard conserva, ajoute M. de La-
LÉONARD 744
borde, le caractère français dans ses peintures,
et tout en imitant, mêlant, assimilant et con-
fondant avec goût les compositions italiennes et
allemandes, il créa comme un style particulier à
Limoges. La souplesse de son talent donna à l'é-
maillerie un caractère et un essor tout nouveaux.
Ses mérites appréciés par le roi, père des lettres !
et des arts, ont été reconnus et sanctionnés pari
la postérité. »
Martial Audoin (de Limoges).
Thevet, Cosmographie. — Archives du Limousin. — I
Lenoir, Musée des Monuments français, t. IV. — De La-
borde. Notice des Émaux du Ixtuvre. — Tcxier, Essai
sur les Émailleurs. — Maurice Ardant, Émailleurs et
Émaillerio de Limoges. — Bulletin de la Société royale
d' agriculture , des Sciences et des Arts de Limoges,
n°2,t. XX.
Léonard (Nicolas- Germain), poète et
romancier français, né à La Guadeloupe, en 1744,
mort à Nantes, le 6 janvier 1793. Il fut conduit
très-jeune en France, où il fit ses études, entra
dans la carrière diplomatique, et obtint en 1773,
par la protection du marquis de Chauvelin, la
place déchargé d'affaires à Liège. Quelques an-
nées avant, il avait publié (1766) des Idylles
morales, où il mêlait avec agrément la sentimen-
talité de Gessner et des traits de passion em-
pruntés aux élégiaques latins. Ce petit recueil,
qui reparut avec des additions en 1775 et en
1787, était trop dans le goût du temps pour ne
pas obtenir du succès; aujourd'hui encore on
distingue au milieu de beaucoup de pièces faibles,
fades et monotones, plusieurs passages et même
une ou deux idylles qui se lisent avec plaisir.
Léonard était poète par le cœur plus que par le
talent, et il ne se faisait pas un jeu des senti-
ments qu'il chantait avec trop peu de force et
de nouveauté. On raconte que des chagrins
d'amour ne furent pas étrangers au besoin de
changement qui agita la seconde partie de sa vie,
et à la maladie de langueur qui le conduisit au
tombeau. Il quitta Liège et la diplomatie, revint
à Paris, qu'il abandonna bientôt pour La Guade-
loupe, où il resta peu de temps. De retour à Paris,
il ne tarda pasà repartir pour La Guadeloupe avec
le titre de lieutenant général de l'amirauté. Les
troubles qui éclatèrent dans cette île en 1791 lui
en rendirent le séjour insupportable. Il traversa
encore une fois l'Océan ; mais, à peine arrivé en
France, il fut de nouveau atteint de nostalgie.
La mort le surprit à Nantes, le jour même où i
devait se rembarquer pour La Guadeloupe. Outr<
les Idylles déjà citées , et qui sont le véritabfc
titre de Léonard, on a de lui : une imitalion er
vers du Temple de Gnide de Montesquieu;
1772, in-8°; — deux romans : La nouvelle
Clémentine, ou lettres d'Henriette de Berville.
1774, in-8° ; — Lettres de deux Amants, ha-
bitants de Lyon, contenant Vhistoire ira-
(1) Etnon en 1480, comme l'ont dit quelques biographes.
(î) Vingt tableaux d'une dimension extraordinaire,
commandés par Trançois I". pour décorer le château
de Madrid, près Paris ( dans le bols de Boulogne), m
furent pas livrés au roi. Ils restèrent chez les héritier:
de Léonard, et ont passé en 1803 en Angleterre. Us re
présentaient des sujets mythologiques.
J745 LÉONARD —
Igiqitede Thérèse et de Faldoni, 1783, 3 vol.
lin-12, et quelques autres petits ouvrages sans
«importance. Campenon, neveu et exécuteur tes-
itamentaire de Léonard, publia ses œuvres com-
plètes; Paris, 1798, 3 vol. in-8°. N.
Campenon, Notice sur Léonard. — Desessarts, Siècles
Littéraires. — Sainle-Beuve, Portraits Littéraires.
LÉONARD ARÉTIN. YoiJ. BbUNI.
LÉONARD DE VINCI. VoiJ. VlNCI.
leonakdi {Jean ), instituteur des Clercs de
la Mère de Dieu, né à Decimo, près Lucques, en
1541, mort à Rome, le 8 octobre 1609. Après
avoir fait ses études comme apothicaire, il em-
brassa l'état ecclésiastique, et reçut la prêtrise en
décembre 1571. Il appartenait à l'ordre des Do-
minicains, et s'occupait beaucoup de la réfor-
mation de sou ordre. 11 voulut constituer une
congrégation destinée à l'instruction de la jeu-
nesse; mais il rencontra une grande opposition
dans les Lucquois, qui ne voulaient pas confier
l'éducation de leurs enfants à des ecclésiastiques.
Cependant, protégé par la cour de Rome, il
réussit à former une congrégation qui, sous le
litre de Clercs de la B. Vierge, fut confirmée
canoniquement le 8 mars 1583. Leonardi en fut
îommé recteur; le sénat lucquois lui interdit
alors l'entrée de Lucques. Clément VIII, comme
dédommagement, lui accorda un établissement à
Rome, et l'employa en 1596 à la réforme des
moines du Mont-Vierge et en 1601 à celle du mo-
nastère de Vallombreuse. Le grand-duc de Tos-
cane le commit aussi à la surveillance des Ser-
vîtes du Mont-Senaire. Jean Leonardi mourut de
la peste ou d'une autre maladie contagieuse. Il a
laissé plusieurs écrits traitant de matières reli-
gieuses. A. L.
Lodovlco Macacci, Pita del vener. P. Giovanni Leo-
nardi. — Richard et Giraud, Bibliothèque Sacrée.
leonardi ou LEONARDONi ( Francesco),
peintre de l'école vénitienne, né à Venise, en 1654,
mort à Madrid, en 1711. Ayant quitté sa patrie
par suite de quelques contrariétés, il parcourut
une partie de l'Europe, semant sur son passage
des portraits pleins de grâce, de finesse et de
relief. Quoiqu'il ait moins bien réussi dans le
genre historique , on reconnaît un mérite réel
dans les Funérailles de saint Joseph et Vin-
carnation du musée de Madrid , ville dans la-
quelle il vint se fixer en 1680. Il travailla aussi
pour le palais du Buen-Retiro. E. B— n.
Pa loin no, Las Vidas de los Pintores y Statuarios
mminenies espaiïoles. — Siret, Dictionnaire historique
mes Peintres.
I leonardo (Fra Augustin), peintre espa-
gnol, né à Valence, vers 1590, mort dans la
même ville (1), dans un ûge peu avancé. Il
fit profession dans le couvent de Saint-Phi-
lippe à Valence, et s'adonna à la peinture. Le
P. Francisco Martinez cite les œuvres de Leo-
nardo comme « sorties du plus brillant pinceau
que virent les royaumes de Valence et d'Ara-
(1) Suivant Palomino, Leonardo mourut à Madrid.
LEONARDUCCI 746
gon ». Fra Augustin exécuta pour le couvent de
Notre-Dame -del-Puig: la Découverte de Notre-
Dame del-Puig ; le Blocus de Valence par
te roi don Jayme; la Reddition de cette ville
et la Bataille du Puig, gagnée sur les Maîtres.
En 1738 ces quatre grands morceaux furent
transportés à Valence, dans le couvent de la
Merced. En 1623, Leonardo peignit à Séville La
Samaritaine et le Christ; la même année il fut
appelé à Madrid pour y décorer le couvent de
son ordre. Les tableaux qu'il exécuta dans le
grand escalier portent les dates de 1624 et 1625.
Il dessinait parfaitement, entendait très-bien la
perspective et la composition, et ne s'est montré
faible que dans le portrait. On voit à Paris ce
qu'il fit de mieux dans ce genre le Portrait du
chroniqueur don Gabriel. Ses principaux ou-
vrages sont à Notre-Damedel-Puig, à Madrid, à
Tolède et à Cordoue. A. de L.
Palomino Velasco, Museo de la Pintura. — Qullliet,'
Dictionnaire des Peintres espagnols. — Francisco Pa-
clieco, El Jrte de la Pintura.
leonardo (José), peintre espagnol , né à Ma-
drid (l),en 1616,mortàSaragosse, en 1656. Il fut
l'un des élèves les plus distingués de Pedro de Las
Cuevas, et devint fort jeune peintre du roi. Cette
faveur et son mérite lui suscitèrent des jaloux,
qui dans un guet apens le forcèrent à avaler un
breuvage qui eut pour effet immédiat de le priver
delà raison : il languit ainsi jusqu'à quarante ans.
On voit au Retiro plusieurs tableaux de Leonardo,
dignes des grands maîtres, tels sont les Por-
traits des marquis de Spinola et de Leganes
assiégeant Bréda; celui du duc de Frias con-
duisant une colonne de soldats; le portrait
en pied du roi goth Alaric ; etc. A. de L.
José Martinez , Discursos practicables del nobilisimo
arte de la Pintura. — Palomino, Museo de las Pintura.
LEONARDO DA PISTOJA. Voy. GrAZIA.
(Leonardo).
leonardoni. Voy. Leonardi (Francesco).
leonardiïcci (Gaspare), poète italien, né
en 1685, à Venise, mort le 8 juin 1752, àCividale
(Frioul). Admis tout jeune dans la congrégation
des pères Somasques, il enseigna, de 1706 à 1718,
les belles lettres à Cividale, passa de là au col-
lège Clementino à Rome, et fut recteur de l'Aca-
démie des Nobles à Venise. Deux ans avant de
mourir, il avait repris sa chaire à Cividale. Il se
mit fort tard à cultiver la poésie, et ce fut la lec-
ture du Dante qui l'y décida ; il unit ses efforts
à ceux de Maffei et de Maufredi pour tirer ses
œuvres de l'injuste oubli où elles étaient tombées.
Admirateur enthousiaste de ce poète, il se péné-
tra si bien de son style qu'il lui arriva à plusieurs
reprises de lui emprunter jusqu'à ses locutions
inusitées ; aussi on peut dire qu'il est le parfait
imitateur d'un modèle accompli. On a de Leo-
narducci : la Provvidenza ; Venise, 1739, in-4*.
Ce poème, réduit d'abord à trois chants, prit
une extension considérable, grâce au nouveau
(1) Martinez te fait naître en Catalogne.
747 LEONARDUCCI — I
plan adopté par l'auteur; il est divisé en deux
parties, dont l'une a quarante-cinq chants, et
l'autre seize; celle-ci parut pour la première fois
à Venise, 1827-1828, 2 vol. in-8°; — La Ma-
niera di ben communicarsi ; Venise, 1732; —
et quelques opuscules religieux. P. L — y.
Hoschini, Letteratura Veneiiana, III.
leonbruno (Lorenzo), peintre de l'école
de Mantoue, né dans cette ville, en 1489, mort
vers 1537. Il était encore inconnu quand, en
1825, l'abbé Prandi découvrit et fit graver trois
peintures qui n'ont entre elles aucun rapport de
manière ni de sujet, la Métamorphose de Mi-
das, Saint Jérôme et le Christ mort, et que,
malgré cette différence de style, il n'hésita pas
•à attribuer à un seul et même maître, par la
raison qu'elles portaient toutes trois en lettres
d'or le nom de Leonbruno ; mais ces tableaux
sortaient des mains d'un certain brocanteur de
Mantoue nommé Belluti, connu par une foule de
supercheries de ce genre, qui faisaient plus
d'honneur à son adresse qu'à sa bonne foi, et il
est probable que des trois peintures , deux au
moins ne sont pas de Leonbruno. Un document
plus authentique nous a fait depuis connaître
d'autres ouvrages qui peuvent avec certitude lui
être attribués. Il résulte d'un compte conservé
dans les archives des Gonzague, et publié par
Gualandi, qu'une somme de 1053 livres fut payée
à cet artiste pour avoir, du 9 septembre 1521
au 10 novembre 1522, travaillé à la décoration
de deux chambres du palais des ducs de Man-
toue, et y avoir peint des arabesques , divers
sujets dans des lunettes, un Apollon et une
Renommée aux plafonds. E. B — n.
Prandi, Notizie Uoriclie spettanti la Vita e le Opère
di Loreuzo leonbruno ; Mantoue 182S. — M. A. Gua-
landi , Memorie orujiuali di Belle-Arti.
LÉONCE (Saint), prélat français, né à Nîmes,
mort vers 4 10. Eluévêque de Fréjusen 361, il se
lia avec saint Hilaire, évêque d'Arles; avec saint
Honorât, qui fonda, à sa prière, le célèbre mo-
nastère de Lérins ; et avec Jean Cassien , fonda-
teur de Saint- Victor de Marseille, qui lui dédia
les dix premiers livres de ses Collations. L'Église
honore saint Léonce le 13 janvier. A. L.
El lies Du Pin, Bibliothèque des /tuteurs ecclésiastiques.
— Baillet, Vies des Saints. — Godescard, Fie des prin-
cipaux Saints, etc.
LÉONCE, usurpateur byzantin, mis à morten
488 de J.-C. Il était Syrien d'origine, et avait de la
réputation comme général. Illns l'entraîna dans
sa révolte et le fit proclamer empereur, en 484.
Cette tentative échoua, et eut pour résultat le
supplice de Léonce et d'Illus. Pour les détails de
cette révolte , voy. Jvlvs, et Zenon. Y.
LÉONCE, empereur byzantin, régna de 695 à
698, et fut mis à mort en 705. Jl parait pour la
première fois dans l'histoire comme général des
troupes impériales contre les Maronites. Ses
succès excitèrent la jalousie de l'empereur Justi-
nien II, qui le fit arrêter, et le laissa languir en
prison pendant plusieurs années, sans oser le
OiNCE 748
faire mourir. Il finit par lui offrir la liberté, à
condition qu'il quitterait sur-le-champ ConsT
tantinople pour aller prendre le gouvernement
de la Grèce. Léonce y consentit; mais au mo-
ment de mettre à la voile, il se laissa entraîner
à l'église de Sainte-Sophie par ses amis, qui le
proclamèrent empereur. La révolution s'acheva \
rapidement. Léonce maître du sort de son pré- j
décesseur ne lui ôta pas la vie, comme le deman-
dait la foule furieuse ; il lui fit couper le nez, et
le relégua à Cherson. La première année de son
règne ne fut troublée que par une émeute de
Ravenne, où une querelle de quelques jeunes
gens, pour un motif futile, causa une affreuse ef-
fusionde sang. En 697 s'accomplit un événement
qui, d'abord presque inaperçu, eut de grandes
conséquences. Venise avait jusque là appartenu
à l'empire byzantin, et formé une partie du1
gouvernement de l'Istrie. Sa position avanta-
geuse , l'esprit indépendant et entreprenant de
ses habitants augmentèrent sa fortune et son
importance à un tel point qu'une plus longue
sujétion au pouvoir mobile des empereurs by-
zantins lui devint insupportable. De plus les fré-
quentes querelles des îles vénitiennes avec les
Lombards, leurs voisins, décidèrent ces petites
républiques à s'unir contre l'ennemi commun
Christophe, patriarche de Grado, le clergé , les
tribuns, les nobles et le peuple s'étant assem
blés dans la ville d'Héraclée, créèrent leur prc
mier duc ou doge Paulus Lucas Anafestus , vul
gairement nommé Paoluccio. Ce changement, qu
donnait naissance à un nouvel État, fut accepté i
Byzance, et des relations amicales continuerai
entre la métropole et la ville émancipée. Vers 1<
même temps l'empire fit en Afrique une perti
bien plus sensible. En 697 les Arabes, sous Iei
ordres d'Hasan, envahirent pour la cinquièmi
fois la province romaine, et s'emparèrent d<
Carthage. A la première nouvelle de l'invasion
Léonce envoya en Afrique une flotte chargé
de soldats et commandée par le patrice Jean. G
général n'eut pas de peine à reprendre Carthage
mais l'année suivante il perdit une bataille na
vale, et s'enfuit avec les débris de sa flotte. Ha1
san, redevenu maître de Carthage, en rasa le;
fortifications et les édifices. C'est ainsi que, qua
torze ou quinze siècles après sa fondation , l'an
tique colonie de Tyr, la superbe rivale de Rome
disparut de la surface du monde.
Jean faisait voile vers Constantinople ave>
l'intention de demander à l'empereur des ren
forts, et de tenter une seconde fois la fortune
mais ses officiers, honteux et indignés de lett
défaite dont ils rejetaient la responsabilité su
leur général, n'étaient pas disposés à lui obéir
Absimarus, un des princ'pau\ chefs, fomenta 1
mécontentement des soldats et des officiers , e
les poussa à une révolte ouverte. Les insurgé
massacrèrent Jean, et proclamèrent Absimaru
empereur, sous le nom de Tibère II. Le nouveau
prince fit voile pour Constantinople, et jeta l'ancr
749
LÉONCE
750
dans le golfe de Céras. Léonce, soutenu par
l'affection des habitants, résista quelques jours;
mais les troupes étrangères, chargées de garder
le faubourg des Blaquernes, en livrèrent l-'entrée
aux rebelles. Une plus longue défense était im-
possible. Léonce, devenu prisonnier de Tibère If,
reçut le même traitement qu'il avait infligé à
Justinien. Il eut le nez coupé, et fut enfermé dans
un monastère. Justinien , rétabli sur le trône en
705, le tira de sa prison, et, après l'avoir exposé
aux insultes de la foule, lui lit trancher la tête.
L. J.
Théophane, p. 309, etc. — Cedrènes, p. 443, etc. — Nicé-
phore, p. 26. — Constantin Manassès, p. 80. — Zonaras,
II, 94, 95. — Glycas, p. 279. — Paul Diacre, VI, 10-14. —
André Dandolo, Chronique. 1. VII, c. 1. — Le Beau, His-
toire du Bas-Empire, t. XII, édit. de Saint-Martin. —
Gibbon, Htstory of Décline and Fall of Roman Empire.
léonce-pilate, un des premiers philolo-
gues qui répandirent en occident la connaissance
du grec, mort en 1364. Boccace et, d'après lui,
l'abbé de Sade le font naître à Thessalonique ; mais
Pétrarque prétend qu'il était Calabrais, et que s'il
se faisait passer pour Grec, c'était par vanité (1).
Il avait longtemps vécu en Grèce. Pétrarque le
rencontra à Padoue, et lui fit traduire en latin
quelques vers d'Homère. Émerveillé des beautés
du poète, il souhaita en avoir une traduction
complète, et fit part de son désira Boccace, qu'il
vit à Milan quelque temps après. Boccace, en-
trant avec ardeur dans ce projet, se rendit aus-
sitôt à Florence, et obtint du sénat la création
d'une chaire de grec, la première chaire de ce
genre qui ait été ouverte en Italie et même en Oc-
cident. Léonce-Pilate était alors (1360) à Venise,
d'où il comptait se rendre à Avignon. Boccace
alla le chercher lui-même, l'emmena à Florence
comme en triomphe, et le logea dans sa maison.
Ce n'était pas un hôte commode que le philo-
logue calabrais. Boccace nous le représente
comme un homme d'un aspect effrayant, d'un
Visage hideux, portant une longue barbe, des
cheveux noirs, mal peignés, toujours plongé dans
une méditation profonde, avec des manières in-
cultes, très-versé dans la littérature grecque,
mais moins instruit en latin. Léonce resta pen-
dant trois ans à Florence. Il expliqua en entier
à Boccace les deux poèmes d'Homère et en ré-
digea une traduction latine. Il expliqua et tra-
duisit de même seize dialogues de Platon. Quant
aux leçons publiques, la rareté ou plutôt le manque
presque total de livres grecs en retarda le succès.
Léonce, mélancolique et sauvage de sa nature, se
dégoûta de Florence, et ayant suivi à Venise
Boccace, qui allait visiter Pétrarque, en 1363, il
refusa de revenir occuper sa chaire. Pétrarque
le garda quelque temps près de lui, et « en tira ,
dit Ginguené, les deux seules choses qu'il pût
(1)« Notre Léon est réellement de Calabre; mais lui-
même se donne pour Thessalien , comme s'il était plus
noble d'être Grec qu'Italien. Cependant, de même qu'il
est Grec chez nous, il est, je pense, Italien chez eux, afin
de s'ennoblir de part et d'autre par une origine. » Pé-
trarque, Epist., III, 6.
I gagner dans un commerce de cette espèce, une
I connaissance un peu plus approfondie du grec,
I et quelques livres grées entièrementinconnusjus-
! qu'alors en Italie, entre autres un beau manus-
j cri t de Sophocle ». Il ne put pas le retenir au-
j delà de quelques mois ; Léonce partit pour Cons-
I tantinople, et il n'y fut pas plus tôt arrivé qu'il
demanda à revenir. Pétrarque, qui le connais-
j sait bien (1), fut sourd à ses prières. « Non, écri-
vait-il à Boccace, combien qu'il m'en prie, il
n"aura pas de moi de lettre qui le rappelle. Qu'il
reste où il a voulu être. Qu'il habite misérable-
ment là où insolemment il est allé. » Le mal-
heureu\Léonce,ne recevant pas de réponse à ses
lettres, se détermina cependant à retourner eu
Italie, bien sûr d'être accueilli par ses deux pro-
tecteurs. 11 s'embarqua sur un vaisseau qui fai-
sait voile pour Venise. Il était entré heureusement
dans la mer Adriatique, lorsque s'éleva un ter-
rible ouragan. Pendant que l'équipage du vais-
seau s'occupait à la manœuvre, le Grec, épou-
vanté, se fit attacher à un mât, sur lequel tomba
la foudre. Léonce périt instantanément et son
cadavre, à demi consumé, fut jeté à la mer. Pé-
trarque donne ces détails dans une lettre à Boc-
cace (janvier 1365). La traduction latine de
l'Iliade et de l'Odyssée, la première qui eût
été faite, resta entre les mains de Boccace, qui
en envoya une copie à Pétrarque. La copie ne
contenait pas tonte l'Odyssée, et on a supposé
que Léonce n'avait pas traduit tout ce poème.
C'est une erreur. La traduction complète des
deux poèmes existait dans la bibliothèque de
l'abbaye Florentine du temps de l'abbé Méhus
qui en parle dans sa Vie d'4mboise le Camal-
dule. Baldelli, dans sa Vie de Boccace, cite un
passage de la traduction de l'Odyssée d'après un
manuscrit de la bibliothèque desMédicis. L. J.
Pétrarque, Epistolm, I. V et VI. — Boccace, Geneal.
Deorum, 1. XV, c. VI. — Humpbred Hodi, De Grœcis iltus-
tribus, linguse grseese, Uterarumque humaniorum ins-
(l) Il écrivait à Boccace le 5 mars 1364 {Epist., 1. III, 6i:
« Ce Léon , qui vraiment à tous égards est une grande
bête, bien que je ne le voulusse pas , et que je cherchasse
à l'en dissuader, plus sourd néanmoins que les rochers
auxquels il voulait s'exposer, est parti depuis ton départ.
Tu nous connais bien lui et moi, et tu ne saurais décider
s'il est plus mélancolique que je ne suis joyeux. Crai-
gnant donc, si je continuais de vivre avec lui.de contracter
sa mauvaise humeur, je lui ai permis de s'en aller, et je
lui ai donné pour compagnon de voyage le comique Té-
rence; car j'avais remarqué qu'il se plaisait infiniment
dans cette lecture, bien que je ne comprisse pas ce que ce
Grec mélancolique avait affaire avec cet Africain si ai-
mable, tant il est vrai qu'il n'y a pas d'êtres si dissem-
blables qui par quelque côté ne s'appareillent. Il s'est
donc en allé sur la fin de l'été après avoir prononcé en
ma présence mille invectives amères contre l'Italie et
contre le nom latin. A peine pouvait-il être arrivé en
Grèce que voilà qu'à l'improviste m'arrlve une lettre de
lui plus longue et plus hérissée que sa barbe et ses che-
veux; dans cette missive, entre autres choses, 11 loue et
exalte comme une terre céleste l'Italie, qu'il maudissait
naguère, et il maudit Constantinople, naguère si loué de
lui, et il me prie de lui commander de revenir près de
moi en Italie; il m'en pile plus instamment que Pierre au
moment du naufrage ne demandait à être sauvé de
l'onde. »
751
LÉONCE — LEONHARD
752
tauratoribus. — Tiraboschl, Sloria délia Lttleratura ita-
liana, t. V, p. 401. — Ginguené, Histoire Littéraire d'I-
talie,t. II, p. 436; t. 111, p. 1S.
LÉONCE. Voy* Leontius.
LEONCLAV1CS. Voy. LOEWENTEAU.
LEONE (Gitglielmo da), peintre, dessinateur
et graveur italien, né à Parme, en 1664, mort
vers 1 740, a été confondu avec plusieurs de ses ho-
monymes. Onle suppose élève deGiulioRomano,
dont il prit le genre. Mais il abandonna bientôt
cette branche de l'art pour la gravure. Deux
recueils d'animaux qu'il publia eurent un grand
succès; — on cite encore de lui : Un Paysage
montagneux, animé par divers animaux ; —
Vénus mettant un bandeau sur les yeux de
V Amour; — et divers paysages. A. de L.
Giovanni Gori Gandellini, Notizie degl' lngliatori
(Slena, 1813), t. XII.
leone (Evasio), littérateur italien , né le
16 avril 1765, à Casai, mort vers 1821. 11 prit de
bonne heure l'habit religieux, enseigna quelque
temps la théologie morale à Rome et occupa, de
1809 à 1814, une chaire au lycée de Fermo. Il
s'établit ensuite à Corfou , d'où il s'embarqua en
1821 pour parcourir la Grèce et l'ancienne Asie
Mineure. On ignore s'il a péri dans un naufrage
ou s'il a été tué aux environs de Smyrne , la
dernière ville qu'il ait visitée. On a de lui : Il
Cantica dei Cantici ; Turin , 1796, in-8°, tra-
duction en vers plusieurs fois réimprimée; des
Variazioni furent ajoutées par l'auteur en 1823;
— Le Lùmentazioni di Geremia; Bassano,
1807; 2e édit., augmentée, Plaisance, 1812,
3 vol. in-8°; — Pianlo di Maria; Florence,
1823; — Pigmalione et la Vittoria di Mosca,
petites poèmes. K.
Tipaldo, Biogr. degli Italiani illustri, V.
leonelli (Zecchini), savant architecte et
mathématicien italien, né à Crémone, en 1776,
mort à Corfou, le 12 octobre 1847. 11 étudia l'ar-
chitecture à Rome en 1792. En 1800, il se rendit
à Bordeaux,où il donna pendant quelques années
des leçons de mathématiques et d'architecture.
Il publia un petit ouvrage qui révéla un analyste
distingué , et dont voici le titre complet : Sup-
plément logarithmique contenant la décom-
position des grandeurs numériques quelcon-
ques en facteurs finis, reconnue très-propre
et incomparablement plus courte que toute
autre méthode pour calculer directement les
logarithmes et leurs valeurs naturelles à
l'aide des logarithmes de ces facteurs, et munis
de trois Tables de logarithmes fadeurs : les
deux premières pour les logarithmes vul-
gaires et hyperboliques à vingt décimales, et
la troisième pour les logarithmes vulgaires à
quinze décimales, dont l'application est en-
core plus simple et plus utile ; et La Théorie
des logarithmes additionnels et déductifs ou
de certains logarithmes qui donnent direc-
tement les loganithiries des sommes et des
différences des valeurs naturelles, dont on
ne connaît que les logarithmes ; Bordeaux,
an XI, in-8°. Présenté à l'Institut, le Supplé-
ment logarithmique fut l'objet d'un rapport
favorable de Delambre. « Cet opuscule, aussi
remarquable qu'ignoré , dit M. Terquem , con-
tient deux parties. La première partie donne un
moyen de calculer rapidement les logarithmes
des nombres et les nombres correspondant aux
logarithmes à l'aide d'une décomposition des
nombres en facteurs , décomposition très-ingé-
nieuse et d'une extrême simplicité La se-
conde partie contient une table au moyen de
laquelle, connaissant log m et log n, on trouve
immédiatement log ( m -f- n ) sans connaître ni
m ni n. C'est cette table que M. Gauss a perfec-
tionnée et mise en vogue, et il dit, en effet, en
devoir l'idée à Leonelli, dont elle devra porter
le nom (1). » Une traduction allemande de l'ou-
vrage de Leonelli avait paru à Dresde en 1806.
Leonelli habita successivement Milan, Venise,
Strasbourg, où il fit paraître sa Démonstration
des Phénomènes Électriques , ou théorie de
l'électricité prouvée par l'expérience (1813,
in-8°). Il alla ensuite à Carlsruhe au service du
grand-duc de Bade, puis à Vienne, à Trieste, et
enfin à Corfou, où il fut nommé directeur du
Cabinet de Physique. Leonelli a communiqué à
l'Académie des Sciences de Paris plusieurs mé-
moires : Sur la Chute des Graves; — Sur la
trajectoire des projectiles terrestres ; — Sur
la cause de la cessation des oscillations du
pendille; — Sur la Force vive; — Modifica-
tions à la méthode d'extraction des racines
numériques (voyez Comptes rendus de l'A-
cadémie des Sciences, t. IV, p. 961, et t. VII,
p. 653); — Invention et Tables de logari-
thmes additionnels et déductifs (t. XIII,
p. 807 ) ; — Note sur la comète de mars 1843
(t. XVII, p. 179), etc. E. M.
Terquem, Nouvelles Annales de Mathématiques ( mal
1853 et novembre 1858).
leonello {Antonio), peintre de l'école bo-
lonaise , né près de Bologne, vivait à la fin du
quinzième siècle. Il fut très-habile dans l'art de
peindre les tleurs, les fruits et les animaux. Il a
fait aussi quelques portraits. E. B — n.
Ticozzi, Dizionario. — Winckelmann, Neues M&hler-
lexikon.
* leonharo (Charles-César de ), géologue
allemand, né le 12 septembre 1779, à Rum-
pelheim près Hanau , étudia aux universités de
Marbourg et de Gôttingue , où il fut l'élève de
Blumembach. De 1800 à 1814 il remplit diverses
charges dans l'administration du duché de Ha-
nau et du grand-duché de Francfort, fit plusieurs
voyages en Saxe, en Bavière et en Autriche , se
retira en 1815 du service de l'État, et fut
nommé en 1818 professeur de minéralogie à
(1) Dans la Correspondance de Zach , Gauss s'exprime
ainsi : Die Idée dazu hat Leonelli so viel ich weis
zuerst angegeben; alleinseine Meinungwar, eine solc/ie
Ta/elfùr Hechnunaen, mit 14 decimalen zu construiren
(Gotha, 181Î, t. XXVI, p. 499).
753
LEONHARD — LEONI
754
l'université de Heidelberg. Parmi ses nombreux
icrits on remarque : Ckaracteristik der Fel-
sarten (Caractères des espèces rocheuses);
Heidelberg, 1824, 3 vol. in-8°; — Die Ba-
«altgebilde(Les Formations basaltiques) ; Stutt-
nard, 1832; — Agenda geognostica ; Heidel-
berg, 2e édit., 1837; — Topographische Mine-
yalngie (Minéralogie topographique); Franc-
fort, 1805-1809, 3 vol.; — Grundziige der
iOryck/ngnosie ( Éléments d'Oryctognosie); Hei-
Helberg, 2e édit., 1833 ; — Handbuch der Oryk-
Uognosie (Manuel d'Oryctognosie); Heidelberg,
bc édit., 1826 ; — Grundziïge der Geognosie
\und Géologie (Éléments de Geognosie et de Géo-
Bogie) ; Heidelberg, 3e édit., 1839 ; — Lehrbuch
mer Geognosie und Géologie ( Traité de Geo-
gnosie et de Géologie); Stuttgard , 2e édit.,
1849. Ses leçons publiques populaires ont été
publiées sous le titre de : Géologie oder Natur-
geschichte der Erde ( Géologie ou Histoire
naturelle de la Terre); Stuttgard, 1836-1845,
8 vol. in-s° , traduite en français, en anglais et
en hollandais ; — Naturgeschichte des Stein-
reichs (Histoire naturelle du Règne Minéral);
Stuttgard, nouvelle édit., 1853. Depuis 1830
M. Léonhard rédige aussi l' Annuaire de Miné-
ralogie, de Géologie, de Geognosie et de la
science des Pétrifications (Jahrbiicher fur Mi-
néralogie, Géologie, Geognosie und Petrefac-
tenkunde).
Son fils, Gustave Léonhard, né à Munich, le
22 novembre 1S16, a publié : Handwôrterbuch
der topographischen Minéralogie (Diction-
naire de Minéralogie topographique ) ; Heidel-
berg, 1843; — Geognostische Skizze des Gross-
herzogthums Badin (Esquisse géognostique
du grand-duché de Bade); Stuttgard, 1846; —
Die Mineralien Badens ( Les Minéraux de
Bade) ; Stuttgard, 2e édition, 1854. R. Meyer.
Conv.-Lex.
leonhardi (Jean-Godefroy), chimiste
allemand, né à Leipzig, le 18 juin 1746, mort à
Dresde, le 11 janvier 1823. 11 enseigna la méde-
cine successivement à Leipzig et à Svittemberg,
et devint en 1791 médecin particulier de l'élec-
teur de Saxe. Ses principaux travaux sont : Ob-
servationes Chemicx; Leipzig, 1775; — De
Salibus Sutcineis; ibid., 1775, in-4°; — De
Chemicorum Instrumentis mechanicis erro-
rum et dissensus fontibus; ibid., 1783, in-4°;
— De succorum humanorum Salibus dulci-
bus; ibid., 1790, in-4° ; — Pharmacopoea
Saxonica; Dresde, 1820, grand in-8°. Dr L.
Biographie Médicale.
LEONI ( Lttigi ), sculpteur, graveur et peintre
de l'école vénitienne, né à Padoue, en 1531,
mort à Rome, en 1606. Il passa dans cette der-
nière ville la plus grande partie de sa vie, et s'y
fit connaître sous le nom du Padovano. Il exé-
cutait en cire, et souvent de mémoire, des por-
traits de la plus parfaite ressemblance, et parfois
après n'avoir vu qu'une seule fois l'original. Il
ne se montra pas moin3 habile dans l'art de
graver des estampes, des sceaux ou des mé-
dailles, et dans celui de modeler des figures ;
il peignit avec talent à l'huile et à fresque l'his-
toire et le paysage ; en un mot, il peut être consi
déré comme un artiste universel. Honorable par
son caractère, recoramandable par son instruc-
tion, il fréquentait tous les hommes distingués
de son temps , et en était justement apprécié.
Plein de sentiments religieux, afin de s'entre-
tenir dans la pensée continuelle de la mort et
de l'autre vie , on dit qu'il avait toujours sous
son lit deux caisses , l'une vide destinée à lui
servir de cercueil, l'autre pleine de cierges ré-
servée à ses funérailles, et qu'il ne passait pas
un jour sans donner un coup d'œil à ce perpé-
tuel mémento mori. Il fut enterré en grande
pompe dans l'église de Sancta-Maria-del-Po-
polo. E. B— n.
Orlandi, Abbecedario. — Ticozzi, Dizionario.
leom (Cav. Ottavio), graveur et peintre
de l'école vénitienne, fils du précédent, né en 1 578,
mort en 1630. Élève de son père, il fut comme lui
surnommé le Padovano, bien que, selon toute
apparence, il fût né à Rome , où Luigi se fixa de
bonne heure. Son coloris est satisfaisant, son des-
sin correct et facile , sa touche fine et délicate. Il a
laissé à Rome quelques tableaux et quelques
fresques, et on voit de lui une Cornélie au musée
deLondres ; mais il s'adonna surtout aux portraits,
qu'il rendait avec une rare perfection. Il a gravé
d'après ses propres dessins une précieuse collec-
tion de portraits de peintres. Cet artiste, dont
malheureusement un travail excessif avait ruiné
la santé , avait été nommé par Grégoire XV che-
valier de l'ordre du Christ, et il fut membre de
l'Académie de Saint-Luc. E. B — n.
Baglione, Vile de' Pittori, Scultori ed ArchUelti del
1573 al 1642. — Lanzi, Storia Pïttorieu.
leom (Leone), architecte, orfèvre, graveur
de médailles et sculpteur italien, mort en 1592.
Le surnom de Cav. Aretino, qu'il prenait lui-
même, ne permet pas dé douter qu'Arezzo n'ait
été sa patrie, bien que quelques auteurs le fas-
sent naître à Menaggio, dans le diocèse de Côme.
Le long séjour qu'il fit à Milan ne contribua pas
peu à y naturaliser le bon goût de l'école flo-
rentine qui y avait été introduit par Léonard de
Vinci. La protection de D.| Ferrante Gonzaga,
gouverneur de la Lombardie, fut l'origine et la
principale cause de la renommée, des richesses
et des honneurs dont il devait étrs comblé plus
tard, et il la dut sans doute à une médaille qu'il
grava d'après Ippolita Gonzaga, fille de D. Fer-
rante, alors âgée de seize ans ; cette médaille est
signée en caractères grecs du surnom à' Aretino.
L'année suivante, Leoni fournit le dessin d'une
autre médaille de la même princesse, que Ja-
copo da Trezzo exécuta vers 1552; enfin, en
1556, il fit la médaille de D. Ferrante lui-
même.
, Après la mort de celui-ci, César, son fils, vou-
755 LEONI — LEONICENUS
lant honorer la mémoire de son père tout en
contribuant à l'embellissement de sa ville de
Guastalla, demanda à Leoni une statue en bronze
de D. Ferrante, vainqueur de l'Envie, destinée à
la place principale de cette ville. Ce travail, sans
cesse interrompu par d'autres commandes et
par les voyages de l'artiste, traîna tellement en
longueur, que le groupe ne fut érigé qu'en 1594,
après la mort de César Gonzaga et de Leoni lui-
même, sur la place de Guastalla, qu'elle orne en-
core aujourd'hui.
Charles Quint, appréciant les rares talents de
Leoni, voulut qu'il lit sa statue en bronze et qu'il
gravât plusieurs médailles à son effigie. Pour
s'assurer ses services, il lui assigna une pension
de 150 ducats, l'anoblit, et lui donna à Milan
un logement sur la place Belgiojoso, dans le
palais Pozzi , aujourd'hui encore reconnaissable
à des cariatides dont le décora Leoni. Philippe II
continua à employer cet habile artiste , et l'Es-
pagne admire les grandes figures de bronze
que Leoni fit pour l'Escurial avec l'aide de
son fils Pompeo. Le chef-d'œuvre de Leoni se
trouve dans la cathédrale de Milan; c'est le
tombeau de Jacques de Médicis, marquis de Ma-
rignan, monument exécuté d'après un dessin
donné par Michel-Ange. La statue du guerrier
n'est pas la plus heureuse comme ajustement;
mais les figures de La Paix, La Vertu militaire,
La ProAïdence et La Renommée, placées dans les
entrecolonnements, ont fourni à Leoni l'occa-
sion de déployer tout son talent de fondeur.
Quoique dans ces statues on trouve un peu de
manière et une grâce un peu étudiée, on y re-
connaît cependant une grande élégance de style
et une certaine hardiesse sagement modérée sur
la corniche. Leoni a signé son œuvre : Léo. Are-
tin, equesfecit. E. B n.
Goselini, P'ita di D. Ferràndo Gonzaga. — Affo,
Storia di Guastalla. — Cicognara , Storia délia Scul-
tura. — Cainpori, Gïi artisti negliStati Estensi.
leoniceno ( Nicolas ), médecin et philo-
logue italien, né en 1428, à Lonigo (Leoniaim),
château du Vicentin, mort en 1524. Il fit ses
études à Vicence sous le grammairien Ognibene
de Lonigo , et acquit une connaissance appro-
fondie des auteurs grecs et latins. Il se rendit en-
suite à Padoue pour y suivre les cours de philo-
sophie et de médecine. Brasavola, son disciple et
son biographe, prétend qu'après avoir reçu le
grade de docteur, il fit un voyage en Angleterre.
A son retour il professa successivement à Pa-
doue, à Ferrare, à Bologne les diverses sciences
qui composaient alors la philosophie. On ne pos-
sède sur sa vie que des détails peu nombreux et
douteux ; mais il paraît certain qu'il renonça à
l'enseignement, et qu'il passa le reste de ses
jours à Ferrare. « Ce médeein, dit la Biogra-
phie Médicale , fut un des premiers qui s'éloi-
gnèrent de la barbarie des scolastiques, et qui re-
mirent en honneur les principes et surtout la mé-
thode des anciens Grecs. Hippocrate, Paul d'É-
756
gine et Rhazès étaient ses auteurs favoris, ce qui
témoigne assez de la pureté de son goût. Son
estime pour les anciens ne l'aveuglait cependant
pas jusqu'à l'empêcher de reconnaître leurs er-
reurs, et il fut assez sage pour se préserver de
cette admiration servile, de cet enthousiasme
irréfléchi, qui plus tard exerça une si perni-
cieuse intluence sur la médecine. C'est ainsi, par
exemple, qu'il consacra un ouvrage tout entier à
relever les erreurs de Pline et d'autres anciens
écrivains, et qu'en plusieurs occasions il blâme
assez vertement Celse de s'être écarté des au-
teurs originaux, dont son élégant traité n'est
qu'une compilation... Celui qui se propose de
lire les ouvrages des médecins du moyen âge
doit s'y préparer en méditant ceux de Leoni-
ceno, qui sont remplis d'excellentes vues et de
remarques, dont plus d'un écrivain moderne se
ferait honneur. >» On a de Leoniceno : De Pli-
nii et aliorum mediçorum in medicina Erro-
ribus; Ferrare, 1492, in-4°; deux philologues,-
Ermolao Barbaro et Ange Politien, moins versés
dans les sciences naturelles que Leoniceno,
mais connaissant mieux l'antiquité', relevèrent
les nombreuses fautes qu'il avait commises dans:
cette critique, d'ailleurs pleine de sens et de pé-
nétration; — Liber de Epidemia quatn Itali
morhutn gallicum vocant , vulgo brossulas;
Venise, 1497, in-4°; — De Dipsade et pluribus
aliis serpenlibus ; Bâle, 1529, in-4°; — Opus-
cula Medica; Bâle, 1532, in-fol. Leoniceno a
traduit en latin plusieurs ouvrages de Galien; le
traité De Partibus Animalium d'Aristote,
l'Histoire de Dion Cassius et les Dialogues de
Lucien. Z.
Angiolgabriello, Bibliotheea degli Scriltori Vicentini,
t. II, p. 138. — Paul Jove, Elogia, n. LXX. p. 162, 183. — -
— Papadopoli, H istoria Gymnasii Patavini, vol. I, p. 297.'
— Fabricius, bibliotheea Lat. med. et inf. œt. — Tirabus-i
cbi, Storia délia Letterat. Italiana, t. VI, part. I, p. 414.:
— liiog. Méd.
leonicénus ( Omnibonus) , nom latinisé
de Ognibuono de Lonigo , grammairien italien
du quinzième siècle. Leonicenus était né dans le
Vicentin et de la même famille que Nicolas Leo-
nicenus. Il fut l'élève de Victorin de Feltre et
d'Emmanuel Chrysoloras, et devint professeur
de belles-lettres à Venise. On croit qu'il dirigea
l'imprimerie de Nicolas Jenson à Venise. II a du
moins présidé à quelques-unes des meilleures
éditions données par cet imprimeur. On a de lui :
Liber de octo partibus orationis ad Frédéric,
de Gonzaga; Venise, 1473, in-4°; réimprimé à
Ferrare en 1474, par Aug. Carnerio : c'est le
premier livre imprimé à Ferrare; — De Fersu
heroico Liber; Milan, 1473, in-4°; — Trac-
tatus ad Scandendum (sans date), in-4° : ces
trois opuscules ont été réunis sous le titre de
Grammatices Rudimenta, cum libello de. Arte
Metrica; Vicence, 1506; — Commêntarii in
Lucani Pharsalia; Venise, 1475, in-fol.; —
In Tullii dial. De Oratore; Venise, 1476,
in-fol.;— In Valerium Maximum; Venise,
757 LEONICEISUS
1482, in-fol.; — In Sallustii Catilinam; Ve-
nise, 1500, in-fol.; — une édition des deux
traités de Cicéron : Rhetoricorum ad Hcren-
nium Libri IV ; De Inventione Rhetorica, Li-
bri II; Venise (Nie. Jenson), 1470, in-4° ; —
une édit. des Institutiones Oratorix de Qnin-
tilien; Venise, 1471, in-fol. Leonicenus a traduit
en latin quelques fables d'Ésope, le traité de
Xénophon Sur la Chasse et les deux traités de
saint Atlianase Contre les Gentils et les Héré-
tiques. Z.
Fabrlcius , Bibliotkeca Latina medix et inflmx xtatis
(édit. de Mansl ). — Ant. Orlandi, Origine e Proqrcssi
délia Stampa. — Le P. Laire, Spécimen Typ. romunœ,
p. 225. — Index libr. ab invent, ti/pogr. — Quirini,
Brixiana Literatura, part. 1, p. 114, 123.
LEOKlco ( Angelo ), poëte italien, qui vivait
au milieu du seizième siècle ; il était Génois, et
composa un ouvrage intitulé : L'Amorc di
Troilo et Griseida, ove si traita in buona
parte la guerra di Troia. Ce volume , im-
primé à Venise en 1553, est devenu fort raie;
les bibliographes italiens ne l'ont pas signalé ou
à peine en ont-ils fait mention , et ils ne four-
nissent pas de renseignements sur la vie de l'au-
teur. Il parait avoir écrit d'autres productions
en vers; mais une seule a été imprimée, c'est
une tragédie en versi sciolti, intitulée II Sol-
dato; Venise, 1550. G. B.
Quadrio, Storia d'ogni Poesia, t. IV.
léonidas ( AEwvi'ôaç ), roi de Sparte, le
dix-septième de la famille des Agides , tué àïix
Thermopyles, en 480 avant J.-C. Il était l'un des J
fils d'Anaxandride ( voy. ce nom ) par sa pre-
mière femme, et selon certains récits le frère
jumeau de Cléombrote. Il épousa Gorgo, fille de
son demi-frère Cléomène, et succéda à ce prince
vers 490 ( son frère aîné Dorieus était mort du
vivant de Cléomène). Lorsque Xerxès envahit
la péninsule hellénique et occupa la Macédoine,
au printemps de 480, les Grecs songèrent d'a-
bord à défendre le cours du Pénée; mais à l'ap-
proche des Perses , ne se croyant pas en force
pour résister, ils évacuèrent la vallée de Tempe,
et allèrent prendre position avec leur flotte à
l'entrée de l'Euripe. Cependant, le conseil fédéral
rassemblé sur l'isthme de Corinthe , ne voulant
pas sacrifier sans combat des provinces aussi
importantes que la Béotie et l'Attique, décida
qu'on défendrait les Thermopyles, la seule route
par où l'ennemi pût passer de la Thessalie dans
la Béotie. Le défilé des Thermopyles compris
entre les derniers escarpements du mont Œta
et le rivage marécageux du golfe Maliaque (au
nord de l'Euripe) était à ses deux extrémités,
Anthéla et Alpéni,à peine assez large pour laisser
passer un char. L'espace situé entre ces deux
points était peu praticable, à cause de l'abondance
des sources thermales, qui formaient des marais.
Ce défilé étroit, protégé d'un côté par des mon-
tagnes inaccessibles, de l'autre par la mer, dont
la Hotte grecque était maîtresse , fermé de plus
par un mur à demi ruiné, qu'on pouvait relever
— LÉONIDAS 758
facilement, se prêtait très-bien à la défense. Le
conseil fédéral résolut d'y envoyer des forces
capables d'arrêter les Perses. Malheureusement
il n'avait que très-peu de troupes à sa disposi-
tion. Les Athéniens étaient à bord de la (lotte,
et à la veille d'une bataille navale il n'eût pas
été prudent de dégarnir les vaisseau* grecs. La
plus grande partie des forces du Péloponnèse ne
devaient être disponibles qu'après la célébration
des jeux Olympiques et des Carnéennes, deux
fêtes nationales qu'il eût semblé impie de négliger
au moment où l'invasion étrangère mettait en
péril la nationalité hellénique. Dans cet embarras,
les Spartiates, qui avaient le commandement en
chef de l'armée fédérale ( hégémonie ) résolurent
d'envoyer un corps d'élite qui gardât les Ther-
mopyles en attendant que des forces suffisantes
se réunissent sur ce point. Léonidas fut chargé
de cette mission dangereuse. Il rassembla à la
hâte les contingents disponibles du Péloponnèse :
trois cents Spartiates, tous hommes faits et lais-
sant dès enfants pour réparer leur perte , des hi-
lotes et des troupes légères, et un certain nombre
d'hoplites lacédémoniens , cinq cents hoplites
de Tégée , cinq cents de Mantinée , cent vingt de
l'Orchomène arcadienne, mille du reste de l'Ar-
cadie , quatre cents de Corinthe , deux cents de
Phlius, et quatre-vingts de Mycènes, en tout
quatre mille hommes au moins (1). Avec ces
troupes il marcha vers les Thermopyles à la fia
de juin, et recueillit sur la route sept cents hopli-
tes de Thespie, d'un dévouement à toute épreuve,
et quatre cents Thébains, beaucoup moins fidèles à
la cause hellénique. Aussitôt arrivé aux Thermo-
pyles, il invita les Phocidiens et les Locriens à se
joindre à lui en leur annonçant qu'il formait seu-
lement l'avant-garde d'une puissante armée. Les
Locriens et les Phocidiens , enhardis par cette
déclaration, envoyèrent un contingent de trois à
quatre mille hommes. Jusque là tout se présen-
tait d'une manière favorable ; mais bientôt deux
nouvelles fâcheuses vinrent révéler à Léonidas
les dangers de sa situation. La flotte grecque, à
la suite d'un engagement malheureux avec les
Perses, avait abandonné le golfe Maliaque. Un
passage peu connu, mais praticable, traversait
la chaîne de l'CEta et aboutissait un peu au-des-
sous de l'extrémité sud-est des Thermopyles.
Ainsi la position des Grecs pouvait être tournée
des deux côtés. Les troupes du Péloponnèse de-
mandèrent instamment à se retirer sur l'isthme
de Corinthe. Léonidas refusa de livrer ses alliés
à la merci des Perses. Il confia aux Phocidiens
la défense du passage de PŒta, et resta avec le
gros de ses troupes aux Thermopyles. En même
temps il pressa l'arrivée des renforts.
(1) L'inscription placée sur le tombeau des Grecs tués
aux Thermopyles porte à quatre mille le nombre des
I'éioponnésiens qui défendirent le défilé; elle est ainsi
conçue :
Ici contre trois millions d'hommes combattirent
Quatre mille I'éioponnésiens.
759
LÉONIDAS
7G0
Xerxès, parvenu à l'entrée du défilé, attendait
pour commencer l'attaque que sa Hotte, fort
maltraitée par la tempête, fût en état d'agir. Le
quatrième jour, quoique privé de l'appui de ses
vaisseaux, il ordonna aux troupes mèdes d'en-
lever le passage. Les Mèdes étaient braves, mais
mal armés et mal exercés. Leurs petites piques,
leurs légers boucliers d'osier ne pouvaient rien
contre les longues piques, les larges boucliers
de métal des Grecs. Leurs attaques confuses se
brisèrent contre la ligne serrée et mobile des
hoplites helléniques , et ils furent forcés de se
retirer après avoir fait des pertes énormes. L'at-
taque du lendemain, exécutée par les soldats de
la garde ( les immortels ), ne réussit pas mieux,
et Xerxès désespérait de forcer ce défilé, si vail-
lamment défendu, lorsqu'il apprit d'un Malien
nommé Éphialtès, l'existencedu passage de l'Œta.
Il chargea aussitôt le général perse Hydarnès de
s'en emparer pendant la nuit de manière à enve-
lopper le lendemain les troupes grecques. Hydar-
nès exécuta sa mission avec peu de difficultés.
Léonidas en fut averti au point du jour avant que
!e mouvement fût achevé, mais lorsqu'il était déjà
trop tard pour s'y opposer. La retraite restait ou-
verte, et les officiers aussi bien que les soldats
étaient d'avis de décamper immédiatement. Léo-
nidas repoussa énergiquement leurs conseils. Ne
supportant pas l'idée d'avoir perdu le poste qui
lui était confié, pensant avec désespoir aux cris
d'indignation qui allaient s'élever dans la Grèce ,
contre lui et contre l'hégémonie Spartiate, il
résolut de réparer sa faute (c'en était une de n'a-
voir pas mieux surveillé le passage de l'Œta )
par un acte éclatant d'héroïsme. 11 fut encouragé
dans sa résolution par l'oracle de Delphes, qui
avait déclaré que Sparte elle-même ou un roi
de Sparte devait tomber sous les coups des
Perses. Il permit aux contingents de se retirer,
ne gardant avec lui que les trois cents Spartiates
avec leurs hilotes, les Thespiens, qui demandèrent
à rester, et les Thébains, qui furent retenus malgré
eux. Avec cette petite troupe il prit hardiment l'of-
fensive.et avant qu'Hydarnès eût débouché vers
Alpéni, il enfonça les premières lignes des Perses.
Il tomba mort dans la mêlée , et ses soldats, ar-
rachant son cadavre aux Perses et rétrogradant
lentement vers Alpéni , s'arrêtèrent à la sortie
du défilé , et exposés d'un côté à l'attaque du
corps principal des Perses, de l'autre à celle du
détachement d'Hydarnès, ils se firent tuer jus-
qu'au dernier (1). Les Thébains seuls désertèrent
au milieu du combat, et se rendirent aux Perses.
Dans les trois journées des Thermopyles les
(1) Hérodote raconte que deux Spartiates, Eurylus et
Aristodèmc, atteints d'une ophlhalmie très-grave, étaient
restés à Alpéni. Enrytus, en apprenant la résolution de
Léonidas, ne voulut pas séparer son sort de celui de ses
camarades, lise fit conduire par son hilote dans la mêlée,
et périt eu combattant. Aristodème au contraire revint
& Sparte. Il y fut l'objet du mépris général, et ne re-
couvra l'honneur qu'en se faisant tuer a la bataille de
Platée.
Grecs perdirent quatre mille hommes, les Perses |
eurent vingt mille morts suivant l'évaluation |
assez vraisemblable d'Hérodote. La légende et la ]
poésie s'emparèrent très-vite de l'action héroïque ]
de Léonidas, et la surchargèrent de détails fabu-
leux (1). Le récit d'Hérodote, quoique venant d'un
contemporain, n'est pas exempt d'exagération et
d'un certain arrangement poétique; mais dans son
ensemble il est incontestablement vrai. Les dé-
tails qu'y ajoutèrent des historiens postérieurs
sont indignes de confiance. Pausanias dit que les I
restes des héros des Thermopyles furent rap- I
portés à Sparte par Pausanias quarante ans après j
la bataille. Si ce Pausanias est le même que le
vainqueur de Platée, il faut lire quatre ans. L. J. |
Hérodote, V, 39-41; VII, 175, 202.-225. — Pausanias, III,
3, 4, 14; VU, 15.— Diodore, XI, 4-11. - Plutarque, De
Herodotis Malignitate , 32 ; Apoph. Lac. — Strabon , I,
p. 10; IX, p. 429. — Élien, Var. Hist.. 111,25. — Justin,
II, U. — C. Népos, Themis. 3. — Valerius Maximus, III,
2. — Cicéron, De Fin., II, 19, 30; Tuscul. Disput., I, 42,
49. — Simonide , Epigram. dans VAnthologia Grseca
de Jacobs, vol. 1, p. 61. — Grote, History of Greece ,
t. V. .
léonidas il, roi de Sparte, fils de Cléo-
nyme et vingt-huitième prince de la famille des
Agides, né vers 315 avant J.-C., mort en 236.
Il sucoéda en 256 à son parent Aréus II, à un
âge déjà avancé. 11 avait passé une grande partie
de sa jeunesse à la cour de Séleucus Nicator, et
épousé une femme asiatique, dont il avait eu deux
enfants. Ses rapports avec la Syrie le décidèrent
à abandonner la politique de ses prédécesseurs,
qui avaient cultivé avec soin l'alliance de l'Egypte,
et ses mœurs, fort opposées à la vieille austérité
Spartiate, le rendirent l'adversaire déclaré des ré-
formes d'Agis II. Il les fit rejeter par le sénat.
Agis et les autres réformateurs se trouvant alors
dans la nécessité de se débarrasser de lui, l'é-
phore Ly sandre renouvela l'ancienne loi qui dé-
fendait à un Héraclide d'épouser une étrangère,
et lui interdisait, sous peine de mort, de séjourner
en pays étranger. A cette accusation le parti
d'Agis en ajouta d'autres , moins fondées, mais
qui ne produisirent pas moins d'effet sur le
peuple. On prétendit que l'inspection des as-
tres attestait que les dieux étaient irrités contre
Léonidas. On l'accusa d'avoir fait à son père, le
traître Cléonyme, le serment solennel de tra-
vailler à la ruine de Sparte. Léonidas, n'osant
pas attendre son jugement, se réfugia dans le
temple d'Athéné Chalcièque, où sa fille Chilonis
vint le rejoindre. Il fut déposé et remplacé par
son gendre Cléombrote. Ses intrigues pour re-
(t)On sait que d'après la légende de Léonidas et ses
Spartiates, après s'être préparés à la mort par un ban-
quet, pénétrèrent au milieu de la nuit dans le camp des
Perses, et jusque dans la tente du grand roi, et firent un
affreux massacre des barbares, surpris ; Xerxès lui-même
n'échappa à la mort que par sa fuite précipitée En réalité,
le combat commença un peu avant midi , et si les Spar-
tiates prirent l'offensive, ils trouvèrent les Perses sous
les armes depuis le point du jour et n'attendant pour at-
taquer que le signal de l'arrivée de Hydarnès sur le*
derrières de la petite armée grecque.
7G!
LÉON IDA S — LÉONNAT
7&2
prendre le trône échouèrent, et il dut se retirer
à Tégée. Quelques années plus tard, en 240, les
Spartiates, fatigués de la mauvaise administration
d'Agésilas, ODcle d'Agis , rappelèrent Léonidas,
qui usa cruellement du pouvoir et fit périr Agis.
Son règne, qui dura encore quatre ans, n'offre
plus rien de remarquable ; il laissa en mourant
le trône à son fils , CléomènelH. L. J.
Plutarque, Jgis, 3, 7, 10-lî, 16, 21 ; Cleomenes, 1-8. —
Vausanlas, III, 6. —Clinton, Fasti Hellenici, vol. Il,
p. sn. — Droysen , Hellenlsmus , vol. II.
léoxidas de Tarente, poète grec, vivait
dans le troisième siècle avant l'ère chrétienne.
On a sous son nom une centaine d'épigrammes ;
recueillies dans la Guirlande de Méléagre , elles
passèrent de là dans les diverses anthologies
anciennes. Brunck les a rassemblées dans ses
Analecta, en y ajoutant des épigrammes qui
appartiennent à Léonidas d'Alexandrie , tandis
qu'il en a omis d'autres, qui sont réellement
l'œuvre du poëte de Tarente. Jacobs a signalé
ces erreurs dans son Anthologia Grœca,
vol. XIII, p. 909, et Aug. Meineke les a réparées
dans son Delectus Poetarum Anthol. Grsecœ,
p. 24-52. Dans cette dernière collection les épi-
grammes de Léonidas sont au nombre de cent
huit; elles consistent principalement en inscrip-
tions pour des offrandes pieuses et des objets
d'art; le style en est un peu sec, mais ingé-
nieux et de bon goût. On n'a sur Léonidas que
des détails peu nombreux, dispersés dans ses
épigrammes. Il semble qu'il vivait du temps de
Pyrrhus. D'après son épitaphe, il naquit à Ta-
rente, et à la suite de longs voyages, pendant
lesquels les Muses furent sa principale conso-
lation , il mourut et fut enseveli loin de sa terre
natale.
léonidas d'Alexandrie, dont les épigram-
mes ont été quelquefois confondues avec celles
du précédent, était né, comme il nous l'apprend,
sur les bordsduNil. Il quitta l'Egypte pourRome,
où il enseigna longtemps la grammaire sans atti-
rer l'attention, mais où il finit par obtenir le
patronage de la famille impériale. Il vivait sous
Néron. Ses épigrammes sont fort médiocres;
quelques-unes se distinguent par un singulier ar-
tifice, qui consiste à renfermer dans chaque disti-
que le même nombre de lettres. Ces poésies se
nommaient épigrammes d'une valeur numéri-
que égale ( "aoty^a. èirtYpàjijxaTa). Les poésies
des deux Léonidas ont été publiées séparément
par Ch. Meineke: Utriusque Leonidœ Carmina,
cum argumentis ,varietate lectionis , scholiis
et commenlario ; Leipzig, 1791, in-8°. L. J.
Fabrlcius, Bibliotheca Grxca, vol. IV, p. 479-480. —
llgen , Poeseos Iœonidee Tarentini Spécimen , dans ses
Opimcula varia Phi/ologica. t. I. — Clinton, fasti
Hellenici. t. II, p. 503. — Bernhardy, Grundriss. d.
Griech. LÏtt., vol. Il, p. 101S.
léonidès, médecin grec, vivait pendant le
second siècle de l'ère chrétienne. Ses ouvrages
sont perdus; il est cité dans un des écrils qui
portent le nom de Gallien. mais que la critique
moderne regarde comme supposés ; il avait adopté
les principes de l'école dite méthodique, non
sans les modifier. jG. B.
Fabrlcius. Bibliotheca Grxca, t. IV, p. 408. - Sprcn-
gel, Hist. de la Médecine ( en allemand ) , t. II, p. 130.
léonio ( Vincent), poëte italien, né'à Spo-
lète, en 1650, mort le 26 juin 1720. Il était avocat
à Rome. Il fut un des fondateurs de l'Académie
des Arcades, en 1 690, et contribua par ses exem-
ples et ses préceptes à réformer la poésie ita-
lienne. Ses poésies ont été insérées dans le re-
cueil Délie Rime e délie Prose degli Arcadi , et
dans les Arcadum Carmina , pars prior. On
a encore de lui un éloge de Justin Ciampini, dans
les Vite degli Arcadi illustri, t. If. Z.
Vite degli Arcadi illustri.
leonics , poète latin moderne , vivait vers le
milieu du douzième siècle. Les critiques l'ont di-
versement supposé chanoine de Saint-Victor, de
Saint-Benoît, et de Notre-Dame de Paris. M. Gin-
guené s'efforce d'établir que Léonins ne fut jamais
chanoine régulier de Saint-Victor, mais qu'il fut
successivement chanoine séculier de Saint-Be-
noît et de Notre-Dame. Ses poèmes n'ont pas
été imprimés. Le principal est une traduction
de l'Ancien Testament en vers latins. Il faut y
joindre quelques épîtres. Le volume 97 du fonds
de Saint- Victor nous offre le recueil le plus com-
plet de ses œuvres. Suivant la mode de son
temps, Leonius a composé quelques vers rimes ;
mais rien ne prouve qu'il ait jamais fait usage
de la rime léonine. On l'a donc mal à propos
considéré comme l'inventeur de ce rhythme. On
a des vers léonins du sixième, et même du
cinquième siècle. B. H.
Lebeuf, Hist. du Diocèse de Paris, t. I. — Hist.
Littér. de la France , t. XIII, p. 434.
léonîvat ( AeowaTo; ) , général macédonien
de Pella , un des lieutenants les plus distingués
d'Alexandre, mort en 322 avant J.-C. Suivant
Quinte-Curce il descendait de la famille royale,
ce qui explique pourquoi il occupait une des
premières places à la cour de Philippe. Il ac-
compagna Alexandre en Asie comme officier des
gardes (âTaTpoi), et pendant l'expédition d'Egypte,
en 331, il devint un des sept gardes du corps
( ffwfxaToqjûXaxeç ) ou plutôt aides de camp du
roi. Il partagea en cette qualité l'intime con-
fiance d'Alexandre avec Héphestion , Perdiccas
et Ptolémée. Ainsi il fit partie du conseil secret
qui informa sur la culpabilité de Philotas, et
assista au meurtre de Clitus, qu'il tenta vaine-
ment d'empêcher. En 327 il fut blessé à côté
d'Alexandre dans la première attaque contre les
tribus barbares de la vallée du Choès, et avec
Peucestès, il sauva la vie à ce prince dans l'as-
saut de la ville des Malliens. Il commanda en-
suite la cavalerie légère qui protégea la flottille en
suivant la rive droite de lTndus. Lorsque les
Macédoniens revinrent en Perse , Léonnat resta
avec un corps de troupes dans le pays des Oiiles,
nour soumettre cette tribu et maintenir les com-
763 LÉONNAT -
munications entre la Hotte de Néarque et l'année
d'Alexandre. Il s'acquitta de cette double mis-
sion avec un succès qui lui mérita une des cou-
ronnes d'or décernées par Alexandre pendant son
séjour à Suse, en 325. Il tenait une place si dis-
tinguée parmi les généraux macédoniens que
dans les premières délibérations après la mort
d'Alexandre, il fut question de l'associer à Per-
diccas pour la tutelle du jeune roi. Cependant
les derniers arrangements ne lui concédèrent que
la satrapie de la Phrygie mineure. Fort mécon-
tent de sa part, il attendit avec impatience l'oc-
casion de s'agrandir aux dépens de ses collègues,
et crut la trouver dans le double appel que lui
adressèrent Antipater, attaqué par les Grecs in-
surgés, et Cléopâtre, sœur d'Alexandre, laquelle
voulait se défaire d' Antipater lui-même. Il se
hâta donc de passer en Europe, avec l'intention
de repousser d'abord les Grecs qui bloquaient
Antipater dans Lamia, de chasser ensuite An-
tipater et d'épouser Cléopâtre, qui lui apporte-
rait en dot la couronne de Macédoine. Mais dès
sa première rencontre avec les Grecs confé-
dérés, en 322, il fut vaincu et tué. On ne cite
d'autres traits particuliers de son caractère que
son excessive passion pour la chasse, et son
. amour de la magnificence. Y.
Arrien, Anabasis, II, 12; 111, S; IV, 12,21, 23, 24; VI,
10, 18, 20, 22, 28; VU, S; Indica, 18, 23, 42. — Quinte-
Curce, III, 12; VI, 8; Vlll, 1; IX, 10; X, 7, 9. — Diodore
de Sicile, XVI, 94; XVII, 3, 37 ; XVIII. 12, 14, 16. -
Plutarque, Alexand., 21, 40; Eumenes, 3; Phocion, 25.
— Élien, Var. Hist., IX, 3. — Justin, XIII, 2, 4, S.
leonori ( Pietro- Giovanni) , peintre de
l'école bolonaise, avait vers 1400 peint dans le
bureau de l'impôt du sel une Madone et quatre
saints , et décoré d'autres fresques quelques
édifices publics de Bologne. E. B— n.
Masini {Antonio), Bologna perlttstrata, 1666.
■„ léontief (Alexis-Léontiévitch), sinologue
russe, mort à Saint-Pétersbourg, le 12 mai 1786,
fit partie de l'ambassade que l'impératrice Eli-
sabeth envoya en 1742 auprès de l'empereur de
Chine à l'occasion de son avènement au trône ,
séjourna dix ans à Pékin, fut nommé à son re-
tour à Saint-Pétersbourg traducteur au collège
des affaires étrangères , fit partie une! seconde
fois d'une mission en Chine en 1767, et de-
vint membre de l'Académie des Sciences et
conseiller de chancellerie. Voici la liste de ses
traductions du chinois en russe : les Œuvres
du philosophe chinois Depej ; Saint-Péters-
bourg, 1771, in-80.; — Instruction sur la Cul-
ture du Thé et de la Soie, traduction en vers
du Wang-pou - Kouang ; Saint-Pétersbourg,
1775, in-8° ; — Fables chinoises ; Saint-Pé-
tersbourg, 1776 ; — Relation de la guerre des
Chinois contre les Songaris ; Saint-Péters-
bourg, 1777, in-8°; — les Préceptes du khan
Yung-Cliing ; Saint-Pétersbourg, 1778; —
Pensées chinoises; Saint-Pétersbourg, 1772,
in-8°; — le Code chinois; Saint-Pétersbourg,
1778, 2 vol. in- 8°; ---- Statistique de la Chine; |
LÉONTIUS 764
Saint-Pétersbourg, 1778, in-8°; —le Si-chou-
gey de Confucius; Saint-Pétersbourg, 1780,
in-8°; — un Alphabet chinois ; Saint-Péters-
bourg, 1780, in-8°; — un recueil des lois chi-
noises; Saint-Pétersbourg, 1781,3vol.;— Tian-
chinko, ou Entretien angélique; Saint-Péters-
bourg, 1781; — Voyage d'un ambassadeur
chinois chez les Kalmouks ; Saint-Pétersbourg,
1782; — Prophétie chinoise touchant N. S.
J. -Christ; Saint-Pétersbourg, 1784; — Des-
cription des huit bannières qui composent
la nation mandchoue ; Saint - Pétersbonrg,
1784, 16 vol. in-8°; — Notice sur le Jeu des.
Échecs. A. G.
Bantich - Kamenskt, Rapports diplomatiques de la
Russie avec la Chine. — Dictionnaires Historiques de
liantieh-Karoenski et du métropolite Eugène.
léontium (Aéovxiov), courtisane grecque,
vivait dans le troisième siècle avant J.-C. Elle
fut l'élève et la maîtresse d'Épicure. Si on ne tient ;
pas compte d'une prétendue lettre de Léontium
à Lamia insérée dans les Lettres d'Alciphron ,
tout ce que l'on sait de cette courtisane se ré-
duit à quelques lignes de Diogène Laerce , et à
de brèves mentions de Pline et de Cicéron. Dio-
gène Laerce rapporte quelques mots d'une lettre
qu'Épicure écrivit à cette courtisane : « Pan
Apollon, ma chère Léontium, de quel enthou-
siasme nous avons été remplis en lisant ta petite
lettre. » Il semble que l'attachement du philo-
sophe fut vif et durable et que Léontium n'en
était pas indigne, du moins par son intelligence. ,
Elle s'occupa elle-même de philosophie, et sui-
vant Cicéron elle écrivit en style élégant .et at-
tique un traité contre Théophraste . Pline ajoute
que cette audace donna lieu au proverbe « choi-
sir un arbre pour se pendre » ( suspendio ar- •
borem eligere). Ce proverbe énigmatique signifie
sans doute qu'après un tel excès d'audace il ne
restait plus qu'à se pendre. Pline cite un portrait
d'elle par Théodore , qui l'avait représentée dans
une attitude méditative. Entre ses nombreux
amants on trouve mentionnés Métrodore , dis-
ciple d'Épicure, et le poète Hermésianax de Co-
lopbon. Léontium eut une fille nommée Danaé, \
qui fut aussi une hétaire célèbre. Y.
Diogène I.aerce, X, 4. - Athénée, XIII, 588, 693, 697.
— Cieéron, De Nat. Deorum, I, 33; — Pline, Hist. Nat ,
XXXV, il.
léontius , philosophe et mathématicien du
sixième siècle. Il nous a laissé un ouvrage de
peu d'importance, intitulé De la Construction
de la sphère d'Aratus, dans Astron. veterum
Scripta; Venise, 1499. 11 y explique la cons-
truction et les usages d'une sphère céleste où il
avait disposé les constellations, comme les dé-
crit ce poëte, qu'il contredit plus d'une fois :
c'est une sorte de commentaire de l'œuvre d'A-
ratus. E. M.
Fabricius, Biblïoth. Grseca, t. IV.
léontius de Byzance (1), historien byzantin
(t) On connaît encore un Léontius de Byzance ou de
Constantxnople, écrivain ecclésiastique, qui vivait au com-
65 LÉ0NT1US -
ivait dans !a première moitié du dixième siècle.
m nom de Léontins a été donné peut-être à tort
,u continuateur anonyme de la Chronographie
le Théophane. Cet écrivain, quel que fut son nom,
lisait sous le règne et dans l'intimité de Cons- •
Jantin Porphyrogénète, qui lui demanda d'entre-
Irendre cette continuation , et lui en fournit les
matériaux. Cet ouvrage, dans sa forme actuelle,
a jusqu'à la seconde année du règne de Romain,
ils et successeur de Constantin Porphyrogénète,
it finit si brusquement que l'on suppose qu'il n'a
las <Hé achevé ou qu'il ne nous est pas parvenu
jout entier. Dans la rédaction actuelle de la
'Chronographie, on distingue l'œuvre de trois
auteurs : 1° L'histoire des empereurs Léon V
l'Arménien, Michel II d'Amorium, Théophile, fils
te Michel , et Michel III et Théodora , fils et
mive de Théophile, par Léonce, sur les maté-
riaux fournis par Constantin Porphyrogénète;
1° la Vie de Basile le Macédonien , par Cons-
antin Porphyrogénète lui-même, bien .que Labbe
;t Cave l'assignent aussi à Léontius; 3° les Vies
te Léon VI et d'Alexandre, fils de Basile, celle
te Constantin Porphyrogénète et le commence-
ment du règne de Romain H par un auteur in-
;onnu. Cette troisième partie est plus succincte
Epie les deux premières, et est en grande partie em-
pruntée à des sources connues. La première édi-
tion de la Chronographie fait partie de la collec-
tion byzantine de Bonn ; elle avait étépréparée par
Combefis, et parut après sa mort, en 1685 , dans
te volume intitulé Oî (ieto QeoçdcvYiv, Scriptores
\post Theophanem. Cet ouvrage a été réim-
primé dans la collection de Venise, 1729, et dan6
celle de Bonn, par les soins de Bekker, 1838,
in-8°. La Vie de Basile par Constantin Porphy-
rogénète avait été imprimée séparément dès 1653,
dans les Su[i[AixTâ d'Allatius. :Y.
Labbe, De Byzantinœ historiée Scriptoribus Protrep-
ticon; Catttlogus Scriptorum, c. 28 ; Delineatio Appa-
ratus, pars II. — Vossius, De Historicis Grxcis, 1. IV,
c. 81. — Fabricius, Bibl. Crœca, vol. Vil, p. 681; vol.
VIII, p. 318. — Cave, Hist. Lit., vol. II, p. 90.
LEONTORICS. Voy. CONRAD DE LEONBERG.
léopard (Paul), érudit flamand, né à
Isambergprès Fumes, en 1510, mort à Bergues-
Saint-Winoc, le 3 juin 1565. Il fit ses études à
Louvain, et apprit la langue grecque sous Nicolas
Clénard et Rutger Rescius. 11 ouvrit ensuite à
Hondscot une école d'humanités qu'il transporta
plus tard à Bergues-Saint-Winoc, où il mourut.
Son érudition a été hautement appréciée par
Juste-Lipse, Scaliger, Casaubon, etc. On a de
Léopard : Vila et Chrise, sive Apophtegmata,
Aristippi, Diogenis, Demonactis , Stratonis,
mencement du septième siècle et sur lequel on peut con-
sulter Canisius, Vita Leontii, dans la Bibliolheca Patrum
de Lyon, vol. IX, et Lectiones antiqux, vol. I, p. 527.
— Cave, Hist. Lit., vol. I, p. 543. — Vossius, De Histo-
ricis Grxcis, 1. IV, c. xvm. — Fabricius , Bibliotheca
Grxca, vol. VIII, p. 309, etc. vol. XII, p. G48. - Oudin, De
Scriptoribus et Scriptiseccles., vol. I, col. 1462. — Mansi,
Concilia, vol. vu, col. 79". — Galland, Bibliotheca Pa-
trum, vol. XII, Prolegom., c. 80.
LEOPARDl 766
Demosthenis et Aspasix ; Anvers, 1 556, in- 1 2 ;
— Emendationum et Mtscellaneorum Li-
bri XX (posthumes); Anvers, Plantin, 1568,
in-4". Suivant Colomiez « le savoir, le bon goût
et le bon sens brillent de toutes parts dans cet
ouvrage ». L — z— e.
De Tliou, Histor., lib. XXXIX (Paris, 1606), p. 353. -
Valère André, bibliotheca Belgica, p. 714-715. — Colo-
miez, Bibliothèque choisie, p. 65.
lecpardi (Le comte Giacomo), célèbre
poète italien, né à Recanati, entre Loreto et Ma-
cerata, dans la marche d'Ancône, le 29 juin 1798,
mort à Naples, le 14 juin 1837.11 était fils aîné
du comte Monaldo Leopardi et de la marquise
Adélaïde Antici , et fut élevé dans la maison pa-
ternelle. Deux ecclésiastiques, Torres et San-
chini, lui enseignèrent le latin et les éléments de
la philosophie. A partir de quatorze ans il n'eut
plus pour ses études ni maîtres ni guides d'au-
cune sorte, et depuis plusieurs années déjà il sa-
vait s'en passer. Selon M. de Sinner « dès l'âge
de huit ans, Leopardi essaya seul d'apprendre le
grec, et trouvant la grammaire classique de Pa-
doue au-dessous de ce qu'il désirait, il se mit
à lire, dans un ordre chronologique, les auteurs
que contenait la riche bibliothèque de son père ».
Lui-même dit qu'à l'âge de dix ans il se lança
dans cette entreprise folle et désespérée ( matto
e disperatissimo ) , sans maître, sans la moindre
indication qui pût le guider, sans rencontrer
autour de lui des encouragements et de la sym-
pathie. A l'âge de seize ans il possédait toute
la littérature ancienne classique, une grande
partie des auteurs grecs et latins de la décadence,
une partie des Pères de l'Église. Il avait acquis
en même temps une connaissance exquise et
profonde de sa propre langue; il savait aussi
le français, l'anglais, l'espagnol, l'allemand et
l'hébreu, et on trouve dans ses œuvres la preuve
qu'il écrivait facilement au moins les deux pre-
mières de ces langues. Ce précoce amas de sa-
voir n'encombrait pas sa jeune tête, et laissait à
ses riches facultés intellectuelles , à sa raison, à
son imagination leur libre et puissant essor.
La carrière de Leopardi se divise en trois pé-
riodes non pas nettement tranchées, mais cepen-
dant distinctes. La première partie appartient à
la philologie, la deuxième à la poésie, la troi-
sième à la philosophie. En lui , le génie critique,
soutenu et excité par une immense lecture, se
développa d'abord. En 1814 l'érudit adolescent
prépara une édition de la Vie de Plotin par
Porphyre avec la traduction de Marsile Ficùi
corrigée. Ce travail,resté inédit, fut communiqué
plus tard à Creuzer, qui en tira les matériaux de
plusieurs pages des Addenda et Corrigenda qui
terminent son édition de Plotin (t. III, p. 499).
A cette même année 1814 se rapportent une
grande dissertation sur la vie et les écrits des
principaux rhéteurs du deuxième siècle de l'ère
chrétienne , et un recueil des fragments des pre-
miers Pères de l'Église. La lecture des écrivains
767
LEOPARD!
768
grecs et latins de la décadence et des premiers
historiens ecclésiasliqueslui suggéra l'idée et lui
fournit la matière d'un Essai sur les Erreurs
populaires des Anciens, qu'il composa en 1815,
dans l'espace de deux ou trois mois. Il y dé-
termine par des textes précis les opinions répan-
dues parmi les anciens au sujet des dieux , des
oracles, de la magie, des songes, des géants,
des pygmées. Ce n'est pas une simple compila-
tion. Le jeune auteur manie en maître les in-
nombrables renseignements que ses lectures lui
ont fournis, et il les juge avec une critique ferme
et fine, bien qu'un peu arriérée; ce qui n'a rien
d'étonnant puisque Leopardi ne connaissait pas
alors les travaux de la critique allemande mo-
derne. Tout ce qu'il savait il le devait à lui-
même , à son application au travail. La cons-
cience de son génie, le pressentiment de la gloire
le stimulaient dans ces années d'immenses
labeurs et de grandes espérances. En septembre
1817 il écrivait à son ami Giordani : « Je suis
bien certain que je n'ai pas de disposition à vivre
dans la foule : la médiocrité m'ennuie à mourir,
mon désir est de prendre l'essor, de devenir
grand et immortel par le génie et par l'étude ,
entreprise ardue et peut-être chimérique ; mais
l'homme ne doit pas être pusillanime et déses-
pérer de lui-même. » Pour apprécier tout le
mérite des efforts de Leopardi, il faut tenir
compte du triste état des études philologiques
eu Italie et du peu de ressources que le jeune
auteur trouvait dans sa ville natale. Il sentait
vivement les inconvénients d'un plus long sé-
jour à Recanati, et il aspirait à quitter cette ville.
Mais son père , catholique zélé , soupçonnant
peut-être chez l'érudit de dix-neuf ans des ten-
dances contraires, voulait le garder à la mai-
son, afin de mieux le contenir dans l'orthodoxie.
Forcé de rester à Recanati, Leopardi multipliait
les œuvres qui pouvaient signaler son nom à ses
compatriotes. Il fut en 1816 et 1817 un des
collaborateurs du Spettatore de Milan, auquel
il adressa des dissertations critiques et des tra-
ductions de poètes grecs et latins. 11 attachait
une grande importance aux traductions, et com-
prenait parfaitement les conditions de ce genre
littéraire, bien qu'il ne parvînt pas toujours à en
surmonter les difficultés. Ses versions en vers
de Moschus (1815), du premier livre de Y Odys-
sée (1816), du second livre AeYÉnéide (1817),
sont remarquables, quoique très -inférieures à
ses excellentes traductions en prose d'opuscules
de Xénophon, d'Épictète, d'Isocrate, composées
beaucoup plus tard et publiées après sa mort.
Sans s'asservir à la lettre des auteurs anciens ,
ces libres et exquises traductions en reproduisent
fidèlement l'esprit , et sont aussi fraîches, aussi
vives que des ouvrages originaux. En 1817 il fit
paraître deux petites odes grecques anacréon-
tiques, qu'il attribuait à quelque ancien et qui
sont de bons exercices d'écolier, et un hymne
à Neptune, qu'il prétendait traduit sur un texte
grec récemment découvert. Cette dernière com-
position est tout à fait dans le goût de l'anti-
quité hellénique, et prouve combien Leopardi di-
sait vrai en assurant qu'il concevait plus nette-
ment et plus vivement la manière de penser
des Grecs que celle des Latins et même des
Italiens. Vraiment antique dans ses traductions,
il ne le fut pas moins dans ses œuvres poétiques .
originales. En 1818 il adressa à l'illustre poète
V. Monti et fit imprimer à Rome ses deux pre-
mières canzones, l'une sur V Italie, l'autre sur le
monument de Dante que l'on préparait à Flo-
rence. En 1820 il publia à Bologne une troisième
canzone adressée à AngeloMaï, au sujet de la Ré-
publique de Cicéron que ce savant venait de ;
découvrir. Un sentiment amer et triste , tour à .
tour morne et impétueux, anime ces trois can-
zones , le sentiment de la déchéance de l'Italie.
C'est surtout dans la cmzom sur le monument de
Dante que la douleur patriotique du poète éclate ■
avec majesté : « O père illustre du mètre tos-
can, s'écrie-t-il, si des choses de la terre , si de
ce pays que tu as placé si haut , quelque nou-
velle parvient à vos rivages, je sais bien que ce
n'est pas pour toi que tu ressens de la joie. Car
moins solides que la cire et moins que le sable,
au prix du renom que tu as laissé , sont les bron-
zes et les marbres , et si jamais de nos esprits •
tu déchus , si jamais tu pouvais déchoir, que
croisse , s'il peut croître, notre malheur, et que <
dans un deuil éternel se lamente ta nation oubliée ■
du monde entier ! » A ces fiers accents auxquels •
Dante aurait reconnu un poète de sa race, les1
Italiens saluèrent l'espoir de leur poésie lyrique.
Encouragé par sa réputation naissante, Leopardi i
se décida, malgré la pénurie de ses ressources, .
à quitter Recanati, dont le climat, un peu rude,
ne convenait pas à sa santé ruinée par l'excès j
du travail. Il se rendit en septembre 1822 M
Rome, où il fut chargé de dresser le catalogue ti
des manuscrits grecs de la bibliothèque Barbe-
rine. Pendant ce premier séjour à Rome, il fit'
paraître dans les Effemeridi letterarie Romane
deux savants articles sur le Philon arménien!
d'Aucher et sur l'édition de la République de
Cicéron par A. Mai, et un travail critique très-
remarquable sur la Chronique d'Eusèbe nou-
vellement donnée par Mai et Zohrab. Ce dernier
article procura à Leopardi la connaissance de i
Niebuhr, alors ministre de Prusse à la cour pon-
tificale. Legrand historien, apprenant que l'auteur
des articles sur Eusèbe était à Rome, se mit à sa
recherche, et eut beaucoup de peine à le trou-
ver. « Imaginez mon étonnement, dit-il à Bun-
sen , quand je vis devant moi, dans une pauvre
petite chambre, un tout jeune homme, pâle et
gauche , et dont la figure amaigrie annonçait
une mauvaise santé. Ce jeune homme est de
beaucoup le premier, ou plutôt le seul véritable
helléniste de l'Italie , et l'auteur d'observations
critiques qui feraient honneur au premier phi-
lologue de l'Allemagne, et il n'a que vingt-deux
769
LEOPARDI
770
ans (1). Il a atteint ce profond savoir, sans école,
sans maître, sans secours, sans encouragement,
séquestré daus la maison de son père ! J'apprends
aussi qu'il est un des premiers poètes italiens
contemporains. Quel peuple noblement doué ! »
Niebuhr ne se contenta pas de confier son ad-
miration à un ami, il la consigna dans la préface
de son édition de Mérobaude (2). Désolé de voir
le jeune et grand écrivain dans une position si
précaire, il aurait voulu l'attirer en Allemagne,
et lui fit entrevoir une chaire de philosophie
grecque à l'université de Berlin. La faible santé
île Léopardi ne lui permit pas d'accepter cette
proposi tion . Niebuhr essaya alors de lui faire don-
ler un emploi par le cardinal Consalvi ; mais le
jrélat exigeait que le poète entrât dans les ordres :
'était une condition que Léopardi ne pouvait ac-
septer. Les convictions catholiques de son en-
ance avaient disparu, sans être remplacées par
es doctrines d'une philosophie religieuse. Une
bis sur la pente du doute, il dépassa les extrêmes
mites du déisme, et arriva jusqu'à la négation
adicale des idées théologiques et métaphysiques,
ion séiour à Rome ne le ramena pas à des sen-
iments orthodoxes. Dans cette disposition d'es-
rit, ne pouvant pas prétendre à la prêtrise, la
eule carrière qui lui offrît quelque perspective
e fortune , et à bout de ressources, il dut re-
aurner à Recanati (3), en mai 1823. Là solitaire,
n désaccord avec son père, forcé par la maladie
e renoncer à l'étude, qui avait été jusque là sa
rincipale consolation, il se réfugia dans une
lélancolie hautaine , dans une sorte de stoï-
sme sans repos et sans espérance. Il composa
lors sa canzone de Marcus Brutus ( Brato mi-
ore). Dans les suprêmes paroles qu'il prête au
ernier des Romains il est facile de reconnaître ses
'opres sentiments. « O hasards, s'écrie Brutus !
frêle humanité ! Nous sommes une abjecte
irtie des choses ; et ni les glèbes ensanglantées,
'. les cavernes pleines de hurlements ne s'é-
euvent de notre malheur, et l'humaine sotif-
1(1) Léopardi en avait alors vingf-quatre; mais il avait
llunposé son article à l'âge de vingt ans.
B(2) Voici les paroles de Niebuhr : « Cornes Jacobus
| 'opardius, Recanatensis, Picens, quem ltaliœ suae jam
( me conspiouum ornamentum esse populnribus tneis
IJintio; in diesque eum ad majorera claritalem perven-
I jrum esse spondeo : ego vero. qui candidissimum pras-
liiri adolescentis ingenium, non secns quaio egregiam
lictrinaru, valde diligam , omne ejus honore et incre-
Hento lœtabor. » ( Prsef. ad Flavii Merobaudis Car*
I ma, cd. 2, p. 13 ).
| l!3J Léopardi détestait le séjour de Recanati. Il appelle
fcjlte ville un désert, une cage, une caverne, une prison,
II trou noir, un Tartare, une tomb<\ « La Marelle, dit-il,
Kt la plus sombre partie de l'Italie, et Recanati la plus
I ]ire partie de la Marche ; sa littérature consiste dans
■ jlphabct, ni plus ni moins. » La mauvaise humeur du
Bête allait sans doute trop loin ; RecanaHi offrait plus
II ressources littéraires. Le père du poète était lui-même
■ | archéologue instruit, et on cite de lui un ouvrage in-
\ julé : La santa Casa di l.oreto ; discussioni istoriche
Slxriticke. Ce traité, remarquable par la bonne fol et la
Jtité de l'auteur, n'était pas un de ces ouvrages que
I opardi pût apprécier et qui pussent le consoler dans
h désert de Recanati.
NOUV, B10GR. GÊNER,
T. XXX.
frante ne fait point pâlir les étoiles. Je n'in-
voque en mourant ni les rois sourds de l'O-
lympe et du Cocyte, ni l'indigne terre, ni la
nuit, ni toi suprême rayon de la mort noire,
ô souvenir de l'âge futur! Que peuvent pour l'a-
paisement et pour l'honneur d'un fier tombeau
les sanglots, les paroles et les dons d'une vile
multitude? Les temps se précipitent vers le
pire, et c'est à tort que l'on confierait à la pos-
térité corrompue l'honneur des nobles âmes et
la[suprême vengeance des vaincus. Qu'autour de
moi le fauve oiseau de proie agite ses ailes ; que
la bête féroce serre mon corps dans ses griffes,
que l'orage entraîne ma dépouille inconnue,
et que le vent recueille mon nom et ma mé-
moire ! » Cette admirable élégie de Brutus te
jeune parut dans l'édition des Canzoni; Bo-
logne, 1824, avec une préface intitulée : Compa-
raison des paroles de Brutus et de Théo-
phraste à l'article de la mort. On sait que
Théophraste près de mourir déclara à ses dis-
ciples que rien n'est plus vain que la gloire, et
Brutus, au moment de se jeter sur son épée, s'é-
cria que la vertu n'est qu'un nom. Léopardi, ap-
profondissant le sens de ces paroles, leur at-
tribue une portée peut-être excessive. Il y voit
comme le dernier mot de l'antiquité reconnais-
sant la vanité des deux puissants mobiles, la
gloire et la vertu, qui jusque là l'avaient excitée
aux grandes actions. A partir de ce moment,
selon lui, l'humanité, dépouillée de ses illusions
terrestres, se réfugia dans la suprême illusion
d'une autre vie. Mais la gloire a de la douceur
même pour ceux qui en proclament la vanité, et
Léopardi tiouva quelques consolations dans le
succès de ses poésies. Il quitta une seconde fois
le toit paternel, et partagea les années 1825 et
1826 entre Milan et Bologne. De 1827 à 1829 il
vécut à Florence. Il passa à Recanati le rude hiver
de 1829-1830, puis revint à, Florence, où il de-
meura jusqu'en 1831. Obligé, par la sévérité de
son père, de demander des ressources au travail
littéraire, si faiblement rétribué en Italie, il pu-
blia une édition des Poésies de Pétrarque avec
un excellent commentaire, puis deux Chresto-
mathies italiennes, l'une en prose et l'autre en
vers. Il participa activement à la rédaction de
YAnthologia de Florence. Ces années de 1825 à
1830 furent la période la plus brillante de sa vie
littéraire. En 1826 il traduisit dans le langage
italien des trécentistes des actes des martyrs
tirés du recueil de Combéfis, lllustiium Mar-
tyrum lecti Triumphi, et ce pastiche érudit
trompa les juges les plus exercés. En 1826 il fit
paraître, sous le simple titre de Versi, un se-
cond recueil de poésies composé d'idylles, d'élé-
gies, de traductions en vers de la Batracho-
myomachie et des ïambes de Simonide d'A-
morgos contre les femmes. Ce petit volume
complète heureusement les Canzoni, et par
les teintes gracieuses et tendres des élégies, par
la gaieté satirique des deux traductions, il cor-
25
771
LEOPARD!
772
rige les couleurs dures et sombres du premier
recueil. En 1827 Leopardi publia ses opuscules
moraux ( Opérette morali ) presque tous sous
forme de dialogues, et dont quelques-uns avaient -
déjà paru dans Nuovo Ricoglitore de- Milan.
Pour le style, ce recueil est, suivant Manzoni, ce
que la prose italienne a produit de plus parfait
au dix-huitième siècle; pour le fond, c'est un chef-
d'œuvre d'observation morale. Jamais les illu-
sions et les sottises humaines n'avaient été péné-
trées avec plus de finesse, ni raillées avec une
ironie plus impitoyable (1).
Dans ces années si bien remplies, au milieu
d'amis éprouvés, tels que Capponi, Niccoîini,
Pucci, Leopardi aurait trouvé quelque bonheur
si ses infirmités n'avaient augmenté de jour en
jour. Dès l'âge de vingt ans il avait dû inter-
rompre en partie ses études philologiques, et
plus tard le progrès du mal le contraignit d'y
renoncer tout à fait. La maladie de Leopardi
était des plus compliquées : par suite d'un ra-
mollissement et d'une déformation des os, tous
les viscères de la poitrine, comprimés d'une ma-
nière anormale, éprouvèrent des altérations pro-
fondes ; la circulation et la digestion se faisaient
mal, la respiration était haletante et difficile; des
symptômes de phthisie pulmonaire et d'hydro-
pisie se manifestèrent. Cet état maladif remon-
tait à la jeunesse de Leopardi, et c'est à peine si
dans les vingt dernières années il eut quelques
mois de répit. Depuis Pascal on n'avait pas
d'exemple d'une aussi grande intelligence si
cruellement opprimée par les infirmités du corps.
Désespérant de pouvoir jamais reprendre ses tra-
vaux, il remit en octobre 1830 tous ses manus-
crits philologiques à M. de Sinner, qui devait les
publier (2). Vers la même époque ( décembre
1830), il publia à Florence une édition de ses poé-
sies avec une belle et touchante dédicace à ses
amis. 11 se rendit ensuite à Rome, revint en 1832
à Florence, où il donna une édition nouvelle des
Opérette morali, avec des additions, et alla
en octobre 1833 s'établir à Naples avec son ami
dévoué Ranieri, qui entoura de soins ses der-
nières années. Là il commença une édition
(1) Dans les Opérette morali on distingue les Dits mé-
morables de Philippe Ottonieri, lictiun piquante où
l'auteur s'est peint lui-même et c,ui se termine par cette
épitaphe ironique •-
Les os
De Philippe Ottonieri,
né pour les oeuvres devertu
Et pour la gloire.
Il a vécu ojsie et inutile ; .
Il est mort sans renommée,
Non sans avoir connu sa nature
Et sa fortune.
On y remarque encore le Dialogue de l'anatnmiste
Ruysch et do ses momies , celui de la iVature et d'un
Islandais, et la Gageure de Prométhée. Ces trois essais
ont été traduits en fiançais par M. Sinner, et insérés dans
Le Siècle, recueil périodique en 1833.
(2)« Egli , se piacerà a Dlo, li rédigera e complétera,
et li farà piibblicnre In Gennania, c me ne promette da-
pari e un gran nome. » { Leopardi, Oper., VI, p. 152).
complète de ses œuvres italiennes. Les Canti
reparurent corrigés et augmentés de onze pièces
nouvelles ; mais la réimpression des Opérette
morali fut arrêtée par la censure napolitaine.
Le climat de Naples produisit une amélioration
sensible dans sa santé. Le poète commença à es.
pérer de longues années, et lui qui jusque ià
avait si souvent appelé la mort comme une li-
bératrice, s'attacha à la vie comme à un bien
d'autant plus précieux qu'il était moins espéré.
Mais le mieux n'était qu'apparent. La maladie
poursuivait sourdement ses ravages, et le mer-
credi 14 juin 1837, à cinq heures de l'après-midi, -
au moment où il allait monter en voiture pour
se rendre à sa petite habitation de campagne, il
mourut subitement d'un épanchement dans la
poitrine. Il venait d'achever une épopée satirique
en huit chants, sous le titre de Continuation
(Paralipomeni) de la Batrachomijomaclde
d'Homère. La versification de ce poème est ex-
cellente , mais la gaieté en est singulièrement
amère et forcée. Les sentiments .que Leopardi
y exprime sont d'autant plus tristes qu'ils se
présentent sous une forme sarcastique. Les
mêmes sentiments se reproduisent, mais d'une
manière sérieuse et plus propre à exciter la'
sympathie dans sa Correspondance. C'est làl
que ce grand esprit, si misérablement tourmenté
par les circonstances extérieures, se révèle dansj
sa fierté simple, dans l'étonnante fertilité de son
talent etaussi dans l'irrémédiable angoisse de sa-
pensée. Une de ses lettres les plus remarquables!
est celle que M. Sainte-Beuve a publiée, et qui'
est adressée à M. de Sinner. « Leopardi, M
beau milieu d'une lettre écrite en italien, s'ex-<
prime tout d'un coup en français, comme poun|
rendre plus nettement sa pensée et pour adresse)
sa profession de foi à plus de monde (1). » il
poète venait de lire dans Yftesperus de Stutti
gard un article, d'ailleurs bienveillant, où l'oi
attribuait ses sentiments philosophiques à ses
souffrances personnelles. « Quels que soient
écrit-il, mes malheurs, qu'on a jugé à propo
d'étaler et que peut-être on a un peu exagéré
dans ce journal, j'ai eu assez de courage pou>
ne pas chercher à en diminuer le poids, ni pa
de frivoles espérances d'une prétendue félicit
future et inconnue, ni par une lâche résigna
tiou. Mes sentiments envers la destinée ont et
et sont toujours ceux que j'ai exprimés dan
Bruto minore. C'a été par suite de ce mêm
courage, qu'étant amené par mes recherches
une philosophie désespérante, je n'ai pas hésii
à l'embrasser tout entière ; tandis que, de l'auti
côté, ce n'a été que par effet de la lâcheté d(
hommes , qui ont besoin d'être persuadés d
mérite de l'existence , que l'on a voulu cons
dérer mes opinions philosophiques comme
résultat de mes souffrances particulières, et qi
l'on s'obstine à attribuer à mes circonstanci
(1) Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. III,
773
LEOPARD!
774
matérielles ce qu'on ne doit qu'à, mon entende-
ment. Avant de mourir, je vais protester contre
cette invention de la faiblesse et de la vulgarité,
et prier mes lecteurs de s'attacher à détruire
mes observations et mes raisonnements plutôt
que d'accuser mes maladies. » Noble protesta-
tion et digne de sympathie bien qu'elle ait pour
objet des doctrines désolantes ! Quelque chose
de celte fierle et de cette résignation hautaine,
mais avec plus d'attendrissement et une admi-
rable suavité d'expression, se retrouve dans le
>lus beau de ses chants lyriques, dans sa can-
ione Sur l'Amour et la Mort. Nous en tradui-
ras les derniers vers : « Et toi que depuis
nés premiers ans j'invoque comme une déesse
lonorée , belle Mort, qui seule compatis aux
ouffrances du monde, si jamais je t'ai célébrée,
j'ai tenté de venger ton divin pouvoir des af-
ronts d'un vulgaire ingrat , ne tarde plus ,
xauce des prières comme tu en entends rare-
lent, ferme pour jamais à la lumière ces tristes
eux , ô souveraine du temps ! Mais certes ,
uelle que soit l'heure où pour moi tu déploies
ailes, tu me trouveras fier, armé contre le
ort et ne lui cédant pas. La main qui en me fla-
ellant se rougit de mon sang innocent, je ne la
omblerai pas d'éloges et de bénédictions comme
fait l'antique bassesse de la race humaine,
outes ces vaines espérances avec lesquelles se
onsole le monde, pareil aux petits enfants, tous
s soutiens illusoires , je les repousserai loin de
ioi. Je n'espérerai jamais qu'en toi seule. Le
ml jour serein que j'attends est celui où je re-
oserai mon visage endormi sur ton sein vir-
nal. » Leopardi est tout entier dans ces paroles
npreintes d'une fière et gracieuse tristesse,
hez lui l'agitation de la pensée ne trouble ja-
ais la pureté du style. Si ses idées semblent
un contemporain de Pline l'ancien et de Lu-
en, si son érudition grammaticale rappelle les
)ëles d'Alexandrie, la sobriété, la finesse, l'é-
:rgie et l'éclat de son style sont dignes d'un
)ëteattique.
Depuis la mort de Leopardi, sa renommée a
wtucoup grandi en Italie. En France elle s'est
ipandue lentement, bien que le génie du poète
it été signalé dans des vers brillants d'Alfred
; Musset (1), et sa vie racontée dans une très-
ille notice de M. Sainte-Beuve; mais enfin elle
surmonté l'indifférence publique. Tout récem-
(1) O toi qu'appelle encor ta patrie abaissée,
Dans ta tombe précoce à peine refroidi,
I Sombre amant de la mort, pauvre Leopardi,
Si pour faire une phrase un peu mieux cadencée,
j II t'eût jamais fallu toucher à ta pensée,
. Qu'aurait-il répondu, ton cœur simple etbardi?
: Telle fut ia vigueur de ton sobre génie,
i Tel fut ton chaste amour pour l'àprc vérité,
| Qu'au milieu des langueurs du parler d'Ausonie,
[il Tu dédaignas la rime et sa molle harmonie,
| Pour ne laisser vibrer sur ton luth irrite
t| Que l'accent du malheur et de la liberté.
1 1 ( Alfred de Musset, dans la Rente des Deux Mondes,
du 15 nov. 1S42.)
ment un critique (1) français n'a pas craint d'ap-
peler Leopardi le plus grand des poètes italiens
depuis Dante (2). Sans pousser l'admiration jus-
que là, sans mettre sa jeune gloire au-dessus des
gloires séculaires de Pétrarque, de l'Arioste, du
Tasse, sans même lui décerner prématurément
une supériorité si marquée sur ces autres illus-
tres Italiens modernes, Allieri, Menti, Man/oni,
nous croyons qu'il est impossible de mécon-
naître dans ses œuvres les qualités variées, fortes
et exquises qui constituent un penseur original
et un grand poète.
La grande réputation de Giacomo Leopardi
donne du prix à ses moindres ouvrages; nous
indiquerons ici tous ceux qu'il a composés,
bien que plusieurs aient déjà été mentionnés
dans cet article ou soient restés inédits. Nous
noterons en même temps la date de la compo-
sition de ces écrits : 1813-1814 : Por/irio, Vita
di Plolino volgarizzata, inédit; — Esichio
Milésio. Degli uomini per dottrina chiari,
tolgar., in.; — Porphyrii de vita Plotird et
ordine librorum ejus Commentarius, grâce et
latine, ex versione Marsilii Ficini emendata.
Grœce emendavit, in.; — Commentant de
vita et scriptis rhetorum quorumdam {JElii
Aristidis, Hermogenis, Frontonis, Dionis
Chrysostomi),qui secundo post C/iristum sœ-
culo vel primo déclinante vixerunt : ad cal-
cem adjectis et observât, illustratis vet. ali-
quot opuscul. , inéd.; — Collectio fragmen-
torum SS. Patrum, in.; — 1815 : Saggio
sopra gli errori popolari degli antichi; pu-
blié plus de trente ans après avoir été composé ,
Florence, 1846, in-12; M. Berger de Xivrey en
a inséré un chapitre dans ses Traditions téra-
tologiques ; — Commen. in Julvi A/ricani
Cestos, inachevé et inédit.; — Discorso sopra
Mosco ; Idilii di Mosco volgar. ; dans le Spet-
tatore italiano e straniero de Milan, t. VI, et
dans les Sludi filologici de Leopardi; — Dis-
corso sopra la Batracomiomachia ; LaGuerra
clei Topi e délie Rane, volgar. dans le Spett.
iial., t. VII, et dans les St. fil. ; — 18 1 6 : Sag-
gio di traduzione delV Odissea; dans le Spet.
ilal. ; et dans les St. fil. ; — Notizie isloriche
e geografiche sulla citta e chiesa arcivesco-
vile di Damiata; Loreto, 1816; et dans les St.
fil.; — Dellafama avuta da Orazio pressa gli
Antichi; dans le Spet., t. VII, et dans les Stud.
fil. ; — Discorso sopra la vita e le opère di
M. Cornelio Frontone, in.; — Lellere di
Frontone a M. Aurelio tradotte, in.';— 1817 :
La Torla (Moretum), poemetlo tradotlo dal
(1) M. Brisset, dans la Revue des Deux Mondes, 1er mai
1859.
(2) Le nom de Dante se présente naturellement aux ad-
mirateurs de Leopardi comme le terme de comparaison
le plus éclatant. Giord'ani dit dans .son proemio du troi-
sième volume des œuvres du poète : « le contemplo e
adoro Dante corne astro dcl mattinu alla gloria délia sa-
piente poesia in Italia; e Leopardi comme stella dell' uc-
caso. »
25.
775
LE0PARD1
Ual., t. VII, et dans les : Pepoli ( 1S26);
latino, dans le Spet
Slud. l'ilol.;— Iidio a Aettuno ;— Odx ades-
potse, dans la Spet., t. VII, et dans les Stud.
'jilol. ; — Titanomachia di Eslodo volgar.;
dans le Spett., t. VIII; — Sonetti in persona
di Ser. Pecora Fiorenlino Beccaio; dans les
versi del C. G. Leopardi et dans les Stud.
filol. ; — Libro secondo delV Enéide, volg. ;
Milan, 1817, in-8", et dans les Stud. Jilol. ; —
Lellera a Pietro Giordani sopra il Dionigi
d'Alicamasso publicato da Mai , in. ; — Can-
zoni : P ail' Italta, lla sopra il monumento
di Dante che si prépara a Firenze; Rome,
1818 ; — 1819 : Annotazioni sopra la cronica
d'Eusebio pubblicata l'anno MDCCCXVill
in Milano dai dottori Angelo Mat e Giovanni
Zohrab, scritte l'anno appresso dal C. G.
Leopardi a un amico suo; dans les Effeme-
ridi letterarie di Roma; 1823, vol. 10, 11,
12; — 1820 : Canzone ad Angelo Maiquand'
ebbe trovato i libri di Cicérone délia Repu-
blica; Bologne, 1820, et dans toutes les édi-
tions des Canti de Leopardi; — 1822 : Philo-
nisJudaei Sennones très hactenus inédit i, etc.
nunc primum in latinum fideliler trans-
lati per J.-B. Aucher, article sur cette tra-
duction dans les Effemeredi letterarie , 1822,
t. IX, et dans les Stud. pli.; — article sur la
République de Cicéron publiée par Mai dans les
Ejfem. lett. , 1822, t. IX; — 181b-1822 : In-
torno al participio reso ed al verbo sortire ,
in. ; — Storia delV Astronomia, dalla sua
origine fino alU anno 1811, in.; —Sopra
Celso, De Arte dicendi, in. ; — Sopra il pre-
teso Longino, in.; — Sopra Vlmpresa e le
Cose greche di Seno/onte, in.; — Sopra le
Arpie , in. ; — Osservazioni filologiche , in.
M. Sinner en a donné dans le Rheinisches Mu-
séum de Bonn, 1834, un extrait de quatorze
pages; — Canzoni; Bologne 1824 : outre les
trois canzones déjà citées, cette édition contient
les suivantes : JSelle nozze délia sorella Pao-
lina ; A un vincitore nel pallone ; Bruto
minore; Alla primaver a e délie Favole an-
tiche; Vltimo can/o di Saffo; lnno ai Pa-
triarchi, o dei principii del génère umano ;
Alla sua donna; on y trouve aussi une dis-
sertation morale intitulée Comparazione délie
sentenze di Bruto minore e di Teofrasto
vicini a morte, et des Annotazioni aile Can-
zoni; — 18'/5 : Frammento di una tradu-
zione in volgare délia Impresa di Ciro ; dans
le Nuovo Ricoglitore, an. i, et dans les Opère
de Leopardi, vol. II; — 1826 : Martirio de
santi Padri ; Milan , 182Ô, et dans les Op.,
t. 11; — Interprelazione délie Rime del Pe-
trarca , imprimées dans les éditions de Pé-
trarque; Milan, 1820; Florence, 1837-1840; —
Versi; Bologne, 1826. Cette petite collection de
vers se compose des pièces suivantes avec les
datesde composition: idilii (1819); — Elégie
1817); — Sonetti (1817); —Epistolao.Carlo
776
La Guerra dei Topi e délie
Rane (1815) ; — La Eatracomiomachiarifatta
(1826) ; — Volgarizzamento deda salira di
Simoniae (1823); — 1827 : Discorso in pro-
posilo di una orazione greca di Giorgio Ce-
mislo Pletone, e volgarizzamento délia me-
desima; dans le Nuovo Ricogl., an. 1827, et
dans les Op., vol. II ; — Crestomazia ita-
liana raccol. degli scritti italiani in prosa;
Milan, 1827; — Opérette morali, contenant
vingt dialogues; Milan, 1827; Florence, 1834;
— Crestomazia italiana poelica ; Miian, 1828;
— Canti; Florence, 1839 : cette édition con-..
tient quelques pièces nouvelles et une très-belle
dédicace Agli amici di Toscana; — secondei
édition des Opérette avec deux dialogues nou-
veaux; — Canti, édition revue et corrigée avec
onze chants nouveaux; Florence, 1836; les
corrections faites dans cette édition sont nom-
breuses, et on peut la regarder comme la der-|
nière leçon adoptée par l'auteur. Depuis la mort
de Leopardi, on a publié de lui : Paralipomeni
delta Batracomiomachia, pr emetto in otlaca
rima e in otlo canti; Paris, 1842; — Opère
de G. L. edizione accresciula, ordinata, e
corret ta, secondo Cullimo intendimento delV
au tore da Antonio Ranieri ; Florence, 1845
2 vol. in-12. Cette édition contient plusieurs!
morceaux inédits d'un grand mérite, savoir deux;
pièces de vers : Il Tramonta délia Luna ; La
Ginestra, o il fiore del deserto; des opuscules
moraux : Frammento apocri/odi Stra/one dai
Lampsaco; — Il Copernico ; — Diatogo dv
Plolino edi Porfirio; — Centundici pensien
morali; des traductions : Manuale d' Epitlelo^
con preambolo; — Ercolejavoladi Prodico ,
— Opérette morali d'Isocrate ; — Studi filolo-i
gici raccolti e ordinali da Pietro Pellegr,nit
Pietro Giordani; Florence, 1845, in-12. Le m
cueil composé d'opuscules, de préfaces, de no-
tes, etc., déjà publiés, et en général d'une impor-
tance secondaire, ne contient pas les papiers con-i
liés à M. de Sinner. Pellegrini et Giordani rap-i
portent dans leur préface que « M. de Sinner, prk
de favoriser leur pieuse entreprise, s'en est excusi
( se n'è scusato) ; et que ce refus les a empêché!
de donner les nombreux manuscrits de Léopard
qui sont sortis de l'Italie. » Un des principaux
ouvrages remis à M. de Sinner, le Saggio soprt
gli Errori popolari degli Antichi, a été publiil
par Prosper Viani; Florence, 1846, in-12. Li
même éditeur a donné un recueil des lettres di
Leopardi ( Epistolario); Florence, 1849, 2 vol.
in-12. Les œuvres de Leopardi forment actuelle
ment six volumes in-12, et ne comprennent pa
plusieurs de ses plus importants travaux philo
logiques. Ses poésies ont été traduites en aile
mand par M. Charles Kannegiesser. L. J.
Montanari, Bioç/rafta del conte Leopardi; Home!
1838, in-8°. — Louis de Sinner, dans YEncycl. des C'en
du Monde. — Sainte-Beuve, Portraits comte mporatoti
t. 111. — Schulz, Notice sur Leopardi; dans l'Italie
Rome, 1840. — Gazette d'Jagsbourg, septembre, lS'.l
J777 LE0PARD1 •
L_ Ranieri, Notice sur G. Leopardi, en tête des Opère.
_ Olordani, Proemio des Studj ftlologici. — Pellegrini,
//îtfire délie scritture di G. L. édite ed inédite ; à la fin
des Stwli filoloçici. — Gioberti , Il Gesuita moderno,
\preface. — Quarterly Reviciv, mars 1S50.
leopakdo (Alessandro), architecte, sculp-
teur et fondeur italien, né à Venise, vers 1450,
mort en 1515. Toute sa vie fut consacrée au
service de la république de Venise, pour laquelle
en 1505 il exécuta les magnifiques piédestaux de
bronze des trois mats ou pili qui sur la place
Saint-Marc portaient le» étendards de Chypre,
de Candie et de Morée, ouvrages qui ne le eè-
dent en rien à ce que l'antiquité a produit de
plus élégant et de plus parfait en ce genre. En
1495 . Leopardo avait élevé sur la place de
Saint-Jean-et-Paul la statue équestre du général
Bartolommeo Calleoni de Bergame , groupe
dont le modèle avait été exécuté dix ans aupara-
vant par Andrea'da Verocchio, que la mort avait
empêché de compléter son œuvre. Yasari a re-
proché injustement à Leopardo d'avoir voulu
s'approprier la gloire du sculpteur florentin en
gravant sur la sangle du cheval cette inscrip-
tion : Alexander Leopardus h. opusf.; mais
Cicognara fait remarquer avec raison qu'il faut
lire l'abbréviation /, fudit et non pas fecit.
C'est en effet Leopardo qui fondit et répara ce
beau groupe, opération qui eût suffi à l'immor-
taliser quand même le piédestal, dont il donna
seul le dessin, ne serait pas le plus élégant et le
plus magnifique que possède l'Italie. Du reste
sur le tombeau de Leopardo au cloître de Santa-
Maria dell' Orto, il n'était désigné que comme
auteur de ce piédestal, Bartholomsei Colei sta-
tuas basis opïfex. On doit encore à Leopardo
l'autel et la statue de saint Jacqxies de la cha-
pelle Zeno à Saint-Marc, et trois beaux candé-
labres en bronze, conservés à l'Académie des
Beaux-arts. On croit aussi, qu'à l'exception des
statues d'Adam et Eve, qui étaient dues au ci-
seau de Tullio Lombardo, le splendide mausolée
du doge Andréa Vendramini à Saint-Jean-et-
Paul est l'œuvre de Leopardo ; si le fait n'est pas
certain , tous les historiens sont d'accord pour
reconnaître que ce monument, le plus considé-
rable de Venise, appartient au moins à son école.
E. B— s.
Temenza. File degli Architettx. — Cicognara. Storia
délia Sculptura. — Ticozzi, Dizionariu. — Quadri, Otto
Giorni in Venezia.
léophanès (Aeoç<xvy]ç), médecin et phy-
siologiste grec, d'une époque incertaine.il n'est
pas plus récent que le quatrième siècle avant
J.-C. , puisqu'il est cité par Aristote et Théo-
phraste. Aristole mentionne de lui une opinion
particulière sur la génération, opinion qui se
retrouve dans le traité De Superfœtatione at-
tribué à Hippocrate. M. Littré pense que ce traité
appartient à Léophanès. Y.
Aristote, De Générât, animal., IV, i. — Theophraste,
De Cousis Plant., II, 4. — Plntarque, De Placitis l'hi-
losoph, V, 7. — Littré, OEuures d'Hippocrate, vol. I,
p. 879.
- LÉOPOLD 778
I. Léopold empereurs d'Allemagne,
léopold i (Ignace), empereur d'Allemagne,
né le 9 juin. 1640, à Vienne, mort dans cette
ville, le 5 mai 1705. Second hls de l'empereur
Ferdinand III, il fut d'abord destiné à l'état ec-
clésiastique, et reçut, sous la direction du jésuite
Neidhart, une instruction littéraire et scientifi-
que. Après la mort de son frère aîné, il fut ap-
pelé en 1655 à la couronne de Hongrie et l'année
suivante à celle de Bohême. Son père étant dé-
cédé en avril 1657, l'archiduc Léopold-Guillaume
prit la régence des États autrichiens au nom du
jeune Léopold ; il conclut en mai contre Charles-
Gustave de Suède un traité avec la Pologne, que
ce prince avait déjà conquise en partie. Peu de
temps après s'ouvrit à Francfort la diète con-
voquée à l'effet de pourvoir à la vacance du
trône impérial. Par suite du refus du duc de
Bavière de se porter candidat, les envoyés fran-
çais, Grammont et Lionne, ne purent empêcher
l'élection de Léopold ; mais ils parvinrent à faire
insérer dans la capitulation , jurée par le jeune
empereur en juillet 1658, qu'il nepourrait donner
aucun secours à l'Espagne dans la guerre qu'elle
faisait actuellement à la France. Le vicariat de
l'Empire en Italie fut rendu au duc de Savoie, et
il fut défendu en même temps à Léopold de rien
entreprendre contre le duc de Modène. Les am-
bassadeurs français conclurent aussi, malgré les
efforts des ministres de l'empereur, avec plu-
sieurs princes puissants, tant catholiques que
protestants, un traité garantissant à tous, et parti-
culièrement à la France , la possession paisible
de ce que leur assurait la paix de Westphalie ;
cette ligue prit le nom de Confédération du
Rhin. Sur ces entrefaites, les seize mille Impé-
riaux envoyés au secours de la Pologne avaient
forcé Rakoczy, prince de Transylvanie, l'allié de
Charles-Gustave , à demander la paix. &j
En 1658, le général impérial Montecuculi s'em-
para du Holstein, et pénétra en Jutland ; il aida
l'année suivante l'électeur de Brandebourg à con-
quérir une grande partie de la Poméranie sué-
doise. La paix d'Oliva, conclue en 1660 entre la
Pologne et la Suède, permit à Léopold de renforcer
ses troupes en Hongrie, afin de pouvoir à temps
iptervenir en Transylvanie, pays que les Turcs
dévastaient depuis deux ans sous le prétexte d'y
établir Achaz Barcsay, désigné comme prince par
le sultan, mais non reconnu par les états, qui
avaient choisi comme souverain Jean Kemény.
Jean, pressé par le beglerbey de Bude , invoqua
l'aide de Léopold , qui ordonna à Montecuculi de
se porter en Transylvanie (1). S'étant joint à
(1) Montecuculi aurait préféré marcher sur Budc, dé-
nué de moyens de défense; « mais, dit il dans ses Mé-
moires, les ministres n'entendent rien à la guerre, et ne
veulent accepter d'avis de personne; au contraire, ils
mettent leur amour-propre à rejeter tous les conseils
qu'on leur donne. » Ceci donne la clef des nombreuses
maladresses commises par le gouvernement impérial sous
le règne de Léopold.
779
LEOPOLD
■SÙ
Kemény sur la fin de 1661 , le général autrichien
prend possession de Klausenbourg, y met une
garnison , et se retire à Kaschau , pour des
raisons qui n'ont jamais été éclaircies. Les Turcs
quittèrent, aussi le pays, après y avoir laissé
comme prince Michel Apafy, presque malgré lui.
Kemény ayant été tué en janvier 1662, dans une
bataille contre son compétiteur, celui-ci réclama
secrètement le concours de Léopold , contre l'in-
solence croissante des Turcs. Sommé par eux
pendant ces pourparlers d'assiéger Klausenbourg,
il n'y mit que très-peu de diligence, et se retira
à l'approche du général impérial Schneidau.
A la diète de Hongrie, tenue à Presbourg par
Léopold depuis le mois de mai 1662, les protes-
tants se plaignirent des vexations illégales dont
ils étaient l'objet depuis plusieurs années. L'em-
pereur leur fit répondre qu'ils devaient réclamer
par les voies de droit ordinaires ; mais comme ils
y avaient déjàeu souvent recours sans obtenir jus-
tice, ils regardèrent ce conseil comme dérisoire,
et quittèrent la diète après trois mois de vaines
discussions. Les affaires les plus pressantes fu-
rent expédiées et des subsides extraordinaires
votés; mais ils refusèrent de reconnaître force
obligatoire aux décisions prises en leur absence,
ce qui devint une des principales causes des
troubles qui éclatèrent dans la suite.
Au printemps de 1663 le grand- vizir Koprili-
Ogli s'avança avec plus de cent millehommes sur
Neuhausei, dont il s'empara ainsi que de Neutra,
Neograd, Leva et d'autres places, pendant que
vingt mille Tartares ravageaient la Moravie.
Montecuculi, ne disposant que de trente mille
hommes de troupes médiocres , se replia sur
Presbourg. En Croatie seulement les Turcs ne
Tirent aucun progrès ; ils y furent plusieurs fois
battus par les frères Zrinyi. Malgré les demandes
de secours adressées par Léopold à la diète,
cette assemblée, plus lente que jamais à prendre
une résolution, exigeait avant tout le règlement
des points laissés indécis par la paix de West-
phalie. Cène fut qu'en février 1664 que Léopold,
étant venu en personne supplier les membres
les plus influents , obtint une levée de soixante
mille hommes aux frais de l'Empire. Louis XIV
offrit d'envoyer autant de Français sur le Da-
nube; mais Léopold, pour ne pas devoir son sa-
lut à l'ennemi de sa maison , n'en demanda que
six mille , qui , placés sous les ordres de Coli-
gny, arrivèrent en Hongrie en juillet 1664. A
cette époque Léopold , qui avait reçu du pape
sept cent mille florins d'or et quatre cent mille
des Génois, avait rassemblé une armée presque
aussi forte que celle des Turcs. Les quelques
succès obtenus au commencement de la campagne
par Niklas Zrinyi et Hohenlohe au sud et par
Souches au 'nord avaient été suivis de revers,
dent le plus grave était la prise de Neu-Zrin
sur la Mur. Montecuculi , qui s'était avancé jus-
qu'à ce fleuve avec le gros de l'armée , ne fit
rien pour sauver cette forteresse, par jalousie
contre Zrinyi, auquel elle appartenait, et alla se
retrancher derrière la Raab, près de Saint-Go-
thard. C'est là que le vizir vint l'attaquer, le
1er août , après avoir été empêché, huit jours au-
paravant, parles Français dépasser la rivière à
Kerment. Les troupes allemandes ne purent
soutenir le clioc des janissaires et des spabis;
elles commençaient à se débander, lorsque les
Français, que le vizir avait traités de jeunes
filles à cause de leurs perruques et de leurs
rubans, s'étant précipités au-devant des janis-
saires, les arrêtèrent par une charge impétueuse.
Les Impériaux, ranimés par cet exemple, s'élan- .
cèrent sur les Turcs, les culbutèrent dans la ri-
vière et en tuèrent un grand nombre. Trois jours
auparavant le beglerbey de Bude avait été com-
plciement battu à Leventz par le général Sou-
ches. Tout le monde s'attendait à voir sous peu
les Turcs chassés de Hongrie , lorsque Léopold
conclut, à l'étonnement général, le 10 août, une
trêve de vingt ans : il fut convenu que les parties
belligérantes garderaient leurs conquêtes, que la
Transylvanie resterait à Apafy sous la suzerai-
neté de la Porte , et que Léopold ferait au sul-
tan un présent de deux cent mille florins. Deux
considérations portèrent Léopold à ne pas mieux
profiter de ses succès : la crainte de voir les se-
cours de l'Empire lui être retirés, après la dis-
parition du danger, et le désir d'avoir la main
libre, pour peser efficacement sur la politique
des États de l'Europe. Pendant ce temps la diète,
au lieu de se dissoudre comme d'ordinaire, avait
continué de siéger pour élaborer la capitulation
perpétuelle, dont la rédaction était prescrite par
le traité de Westphalie. Les discussions traî-
nèrent en longueur, et bientôt après une diète
permanente, à laquelle les membres de l'Empire
ne se présentaient plus que par délégués, fut éta-
blie à Ratisbonne (1).
Quoiqu'il eût recouvré en 1665, par la mort de
l'archiduc Sigismond, le Tyrol et l'Autriche an-
térieure , Léopold ne se crut cependant pas as-
sez fort, en 1667, pour soutenir, contre les atta-
ques de Louis XIV son neveu le roi d'Espagne,
dont il avait épousé la sœur l'année précédente ;
il n'osa même pas augmenter ses troupes (2), de
crainte de mettre obstacle aux négociations se-
crètes qu'il avait entamées avec Louis XIV au
(1) Loin de donner plus de force et d'unité au gouver-
nement central, ce changement dans la constitution de
l'Empire contribua à rendre les princes plus indiférents
encore au bien général de l'Allemagne et à cmpêclier
toute entente dans les grandes afia.res, qui ne se trai-
taient plus à la dièle. Auparavant l'Empire, quelque mal
organisé qu'il fût, formait un seul corps ; maintenant
ilestdevenu une agrégation d'États presque indépendants,
unis par un lien de confédération assez lâche.
(2) « Le roi, écrivait Lionne a l'ambassadeur Grémon-
ville, le roi vous trouve le ministre de la terre le plus
effronté (et en cela Sa Majesté vous donne la plus grande
louange que vous puissiez désirer) de vous être mis cri
tète d'empêcher, par vos persuasions et par vos menaces,
qu'un empereur, successeur de tous les césars, n'ose pas
faire des recrues à ses troupes. »
\781
| sujet du partage de la succession d'Espagne. Le
mécontentement croissant en Hongrie lui causait
aussi de grandes appréhensions. La diète, qui
selon la constitution devait être convoquée
tous les trois ans , ne l'était plus que dans les
cas extraordinaires; les troupes allemandes,
qui auraient dû être congédiées , commet-
taient toutes sortes d'excès ; les protestants, enfin,
continuaient d'être persécutes. Irrités de cet
état de choses, plusieurs magnats puissants
conspuèrent en 1668 pour secouer le joug de
l'Autriche. Pierre Zrinyi, ban de Croatie, le
jeune prince Rakoczy, les comtes Frangipani,
Nadasdy et Tattenbach envoyèrent un émissaire
auprès du grand-vizir pour l'engager à leur prê-
ter main-forte contre Léopold. Le vizir refusa
son concours, sur les conseils d'un Grec Pana-
jolti, un de ses confidents, qui dévoila toute
l'affaire au cabinet de Vienne. Repoussés de ce
côté, les conjurés s'adressèrent à Apafy ; long-
temps indécis , Apafy ne voulut pas non plus les
seconder, lorsqu'il eut appris que, loin de lui
destiner la souveraineté en Hongrie, Zrinyi pré-
tendait l'acquérir pour lui-même. Les conjurés ,
se voyant découverts, s'apprêtèrent à lutter avec
leurs propres forces; mais, surpris en 1670 an
milieu de leurs armements, Zrinyi et Frangipani
durent se retirer avec deux mille bommes seu-
lement dans la forteresse de Csaktornya , qui fut
assiégée immédiatement par le général Spankau ;
ils se rendirent après avoir reçu des ministres de
Léopold l'assurance qu'on les traiterait avec
douceur. Rakoczy marcha avec huit mille hom-
mes sur Munkacs , fort appartenant à sa mère ;
mais elle lui en refusa l'entrée. Obligé de se
soumettre, il obtint que sa peine fût réduite à
une amende de quatre cent mille florins. Quant
aux autres conjurés, ils furent jugés à Vienne
par une commission , condamnés à mort et exé-
cutés (1). Ce jugement était inique quant au fond,
puisque la constitution hongroise permettait à
tout noble d'attaquer même à main armée le sou-
verain qui violait les lois du pays; il était illégal
quant à la forme , car les accusés ne pouvaient
être traduits que devant des magistrats hongrois.
Aussi souleva-t-il une indignation générale, que
Léopold s'efforça de comprimer par des exécu-
tions et des confiscations sans nombre, par des
taxes écrasantes et par de nouvelles persécutions
de protestants. Plusieurs milliers de fugitifs se
réfugièrent en Transylvanie; fournis d'armes, en
secret par Apafy, ils entrèrent en Hongrie en
septembre 1672, et y obtinrent quelques succès
sur les troupes impériales; mais, battus le 26 oc-
tobre à Gyorkô, ils repassèrent la frontière.
Le 22 juin de la même année, Léopold signa
avec l'électeur de Brandebourg un traité, par
lequel ils s'engageaient à secourir la Hollande
menacée dans son existence par les armées de
(1) Toute la famille des Nadasdy Tut contrainte de
changer de nom ; chacun de se» membres dut doréna-
vant porter un ruban rouge autour du cou.
LÉOPOLD 782
Louis XIV. Le 12 septembre, l'électeur et Mon-
tecuculi, général en chef des Impériaux, se réu-
nirent à Halberstadt; leur armée était de qua-
rante mille hommes, le double à peu près de
celle que Turenne avait à leur opposer. Mais
Léopold, de nouveau inquiété parles troubles en
Hongrie et par les entreprises des Turcs en Po-
logne, ne leur permit pas de prendre l'offensive.
Ils cherchèrent à joindre le prince d'Orange;
Turenne les en empêcha, et les repoussa même,
en mars 1673 au delà du Weser. Mais en octobre
Montecuculi, ayant reçu des renforts, parvint à
atteindre l'arméejlu stathouder, campée près de
Bonn, dont il s'empara. Poussé par le chance-
lier Hacker et le comte de Schwartzenberg, en-
nemis du ministre Lobkowïtz , partisan de la
paix , Léopold s'était enfin décidé à rompre avec
Louis XIV, contre lequel il avait signé le 30 août
un traité avec la Hollande, l'Espagne et le duc de
Lorraine. Pour rendre impossible tout accom-
modement avec la France, il fit, contre le droit
des gens, enlever en février 1674 Guillaume de
Furstenberg, ministre plénipotentiaire de l'arche-
vêque de Cologne au congrès ouvert depuis quel-
ques mois dans cette ville. Étant ensuite parvenu
à détacher de la France la plupart de ses alliés,
tels que le roi de Danemark , les électeurs de
Trêves, de Mayence et le Palatin , il amena la
diète à déclarer, le 28 mai, la guerre à Louis XIV.
Mais ce prince, beaucoup plus actif que les mem-
bres de la coalition , neutralisa leurs efforts, qui
manquaient d'une direction forte et unique.
D'un côté il s'empara de la Franche Comté ; de
l'autre, Condé livra contre le prince d'Orange et
Souches, qui avait remplacé Montecuculi, la
sanglante bataille de Seneff, et les empêcha de
pénétrer en France. Sur le Rhin, Turenne, après
avoir battu à Sintzheim le duc de Lorraine et à
Entzheim les troupes impériales et les contin-
gents de plusieurs princes de l'Empire, chassa
au commencement de l'année 1675, dans une
campagne à jamais célèbre, tous les alliés de
l'Alsace. En cette année Louis XIV reprit sur les
Impériaux les places de la moyenne Meuse;
Turenne arrêta en Souabe tous les mouvements
de Montecuculi , jusqu'au 27 jnillet, jour où il
fut tué ; son armée alors repassa le Rhin, et
i empêcha, dirigée par Condé, l'ennemi de s éta-
blir en Alsace. En revanche les ducs de Lorraine
, et de Brunswick défirent à Consarbruck le ma-
, réchal de Gréqui et s'emparèrent de Trêves. En
1676 les alliés, malheureux dans les Pays-Bas,
prirent sur le Rhin l'importante place de Phi-
lippsbourg. L'année suivanle les Français se
i rendirent maîtres de Valenciennes, de Cambrai
i et de Saint-Omer, et défirent le prince d'Orange
| à Cassel ; l'armée impériale, forte de soixante
mille hommes , commandée par le duc de Lor-
I raine, essaya de pénétrer en Lorraine; mais elle
j fut partout repoussée grâce à l'habileté de Cré-
qui, qui, après avoir empêché le duc d'aller re-
I joindre le prince d'Orange, s'empara de Fribourg.
783
Malgré ces échecs , Léopold regagna dans cette
guerre l'influence que sa maison avait eue autrefois
sur l'Allemagne, où la France n'avait plus pour
alliés que l'électeur de Bavière et le duc de Ha-
novre. Se promettant des avantages encore plus
grands de la continuation de la lutte, il con-
tribua au rejet des propositions de paix, faites par
Louis XIV au congrès deNimègue, ouvert depuis
mars 1 677. Quant au\ États généraux, qui payaient
d'énormes subsides aux alliés, ils n'étaient pas
éloignés de traiter ; cependant, lorsque l'Angle-
terre vint se joindre à la coalition , ils recouru-
rent de nouveau aux armes. Mais après la prise
de Gand et d'Ypres, voyant qu'ils ne pouvaient
eompter sur Charles II, ils signèrent, le 10 août
1678, à Nimègue, un traité de paix, auquel l'Es-
pagne accéda, quatre mois après, en cédant à
Louis XIV la Franche -Comté. Bien que le duc
de Lorraine eût été en Souabe tenu en échec par
le maréchal de Créqui, Léopold et les princes
allemands voulaient la continuation de la guerre.
Mais l'insurrection de Hongrie força l'empereur de
conclure, le 5 février 1679, un traité qui ramenait
les choses à peu près aux termes du traité de
Westphalie. La Lorraine devait être rendue au
duc Charles, à la condition que la France y
garderait quatre grandes routes stratégiques,
condition que le duc rejeta. La paix signée par
Léopold sans le concours de la diète, contraire-
ment au traité de Westphalie, fut ratifiée par l'Em-
pire , trop épuisé pour se formaliser de cette vio-
lation de la constitution.
Il était temps que Léopold pût diriger ses
forces vers la Hongrie, où depuis 1672 son au-
torité avait été fortement ébranlée. En 1673 et
en 1674, les Hongrois, réfugiés en Transylvanie,
appelés Kouroutzes, avaient fait plusieurs in-
cursions en Hongrie; et quoiqu'ils eussent été
battus en plusieurs rencontres, leur nombre aug-
mentait de jour en jour, à cause de l'exaspéra-
tion produite par les traitements barbares infligés
aux ministres protestants ainsi que par les bru-
talités de la soldatesque. Béthune, ambassadeur
français à la cour de Pologne, leur lit remettre
des secours d'argent, et engagea beaucoup de Po-
lonais à se joindre à eux ; ayant mis à leur tête
le comte Emerik Tekely ( voy. ce nom), ils bat-
tirent à leur tour les troupes impériales. Les Turcs
profitèrent de ces troubles pour dévaster une
partie de la Hongrie et de la Croatie autrichienne.
En 1678 une diète fut convoquée à Presbourg pour
aviser aux moyens de pacifier les esprits; mais
le délégué impérial Hacker ayant traité avec in-
solence cette assemblée, qui conseillait le rétablis-
sement de la constitution et la tolérance envers
les protestants, on se sépara sans rien décider.
Tékely, qui avait pris plusieurs places impor-
tantes telles qu'Eperiès , Neusohl et Leva, fai-
sait d'un côté ravager l'Autriche et la Moravie
par des corps francs, et s'avançait de l'autre ,
avec le gros de son armée sur Presbourg, lors-
que les généraux de Léopold lui proposèrent, sur
LÉOPOLD 784
la fin de 1678, la conclusion d'une trêve, à la-
quelle il consentit. On entra en négociations
mais Léopold les fit échouer par ses intrigues
et par son refus à faire franchement des con-
cessions. Les hostilités furent reprises avec un
acharnement redoublé. En novembre 1680
une nouvelle trêve fut conclue, et en mai 1681
l'empereur réunit à Œdenbourg une diète char-
gée d'examiner les griefs des révoltés. Pres-
que toutes leurs réclamations furent reconnues
fondées; la diète y fit droit, révoqua toutes les
mesures par lesquelles Léopold avait peu à peu
entièrement détruit la constitution et l'indépen-
dance du pays , et accorda aux protestants la
tolérance; une amnistie complète fut promise
aux insurgés. Pour engager Tékely à se soumettre
à ces conditions , Léopold autorisa le mariage
du comte avec la belle et riche Hélène, veuve
du prince Bakoczy. Tékely était prêt à poser
les armes ; mais ses lieutenants , avides de pil-
lage, l'en dissuadèrent en lui représentant la
déloyauté proverbiale du cabinet de Vienne, et
le poussèrent à conclure avec la Porte, en mai
1682, un traité offensif et défensif , par lequel il
fut déclaré prince souverain de Hongrie. Le sul-
tan s'engagea à garantir l'indépendance du pays,
stipulant toutefois un tribut annuel de quarante
mille écus ; il déclara ensuite la guerre à l'Au-
triche, et fit avancer contre elle une armée de
deux cent mille hommes, commandée par le
grand-vizir Kara-Moustapha, qui, chassant de-
vant lui les trente mille hommes du duc de Lor-
raine, vint, le 12 juillet 1683, mettre le siège de-
vant Vienne , dont la garnison n'était que de
dix mille hommes. Léopold se réfugia à Passau,
d'où il adressa des demandes de secours à Jean
Sobieski , roi de Pologne , avec lequel il était
parvenu à conclure, le 31 mai, un traité d'alliance
contre les Turcs, malgré les efforts de Louis XIV,
qui désirait voir l'empereur implorer l'aide de la
France Dansles premiers jours de septembre So-
bieski arriva près devienne avec vingt-sept mille
hommes ; il y trouva douze mille Saxons , autant
de Bavarois , et les huit mille hommes que la
diète, après des longueurs infinies, s'était enfin
décidée à mettre sur pied. L'armée chrétienne ,.
bientôt rejointe par le corps du duc de Loiraine,
qui dans l'intervalle avait empêché Tékely de
pénétrer au delà de la Taja, descendit le 12 sep-
tembre des hauteurs du Kahlenberg, et vint at-
taquer le vizir. Celui-ci, incapable de diriger des
opérations militaires, n'avait pas pressé le siège,
afin que la ville, forcée de capituler par la famine,
ne fût pas livrée au pillage, et qu'il pût s'empa-
rer seul des trésors qu'il croyait enfermés dans
le palais impérial. Cependant , malgré tout le
courage de la garnison , secondée par le dévoue-
ment des habitants , la place allait se rendre
lorsque l'arrivée de Sobieski-chungea la face des
affaires. Les Turcs , encore au nombre de cent
cinquante mille, furent entièrement défaits et re-
jetés bientôt au-delà de Strigonie. Loin de té-
r8b
LÉOPOLD
786
moigner au roi de Pologne la reconnaissance due
ce fait glorieux, qui sauvait la capitale et l'Em-
Ipire, Léopold évita d'allord de se rencontrer avec
(lui, et dans une courte entrevue ne lui montra
que de la froideur (voij. Sobieski).
j_Après avoir, en 1684, remporté plusieurs suc-
(cèssur iès troupes du sultan et celles de Tékely,
Iles Impériaux prirent en 1685 Neuhausel et
(beaucoup de places de la haute Hongrie. Dispo-
sant d'une armée de cent mille hommes, dont
pente mille fournis par l'Empire (1), ils battirent
ues armées turques à plusieurs reprises, notam-
ment à Mohacs , eu cent soixante-six ans aupa-
ravant l'indépendance hongroise avait succombe
sous les coups de Soliman ; ils repoussèrent
(aussi toutes les attaques de Tékely et s'empa-
nrèrentde Bude, Eilau, Essek et Peterwardein. A
la fin de 1 6S7 les 1 uros étaient chassés de presque
toute la Hongrie. En cette même année, le duc de
Lorraine entra en Transylvanie, et força Apafy
I remettre entre les mains de Léopold la direc-
tion militaire du pays. Sur ces entrefaites le gé-
néral Caraffa institua à Eperiès un tribunal, qui,
en dehors de toutes les lois, fit exécuter, par
trente bourreaux, toutes les personnes soup-
çonnées d'avoir favorisé les entreprises de Tékely;
cette boucherie, qui dura plusieurs semaines,
avait lieu sur une estrade célèbre sous le nom
du théâtre sanglant d'Eperiès. A la diète de
Presbourg, tenue en octobre 1687, Léopold fit dé-
créter la renonciation des Hongrois à leur droit
de choisir leur souverain parmi tous les princes
delà maison de Habsbourg; dorénavant la cou-
ronne devait appartenir à l'aîné de cette famille.
Après avoir encore fait retrancher de la consti-
tution l'article qui autorisait tout gentilhomme à
prendre les armes contre le souverain qui ne res-
pecterait pas les lois du pays, Léopold fit cou-
ronner roi de Hongrie son fils Joseph.
A dater de ce moment, Léopold donna toute son
attention aux affaires de l'Europe, où son autorité
avait été singulièrement amoindrie par suite des
embarras que lui avait causés la guerre avec les
Turcs. Ainsi, lorsque Louis XIV avait occupé les
territoires de l'Empire que les fameuses chambres
de réunion lui avaient adjugés comme ayant au-
trefois dépendu des trois évêchés lorrains et de
l'Alsace, Léopold n'avait pu que protester, et il
s'était même vu forcé de signer, le 1 5 août 1 684 à
Ratisbonne, une trêve de vingt ans, qui permettait
à Louis de garder tout ce que les chambres de
réunion lui avaient attribué avant le 1er août
1681. Mais lorsqu'en 1685 Louis XIV vint ré-
clamer, après la mort de Charles, dernier rejeton
de la brandie aînée des électeurs palatins , tous
les biens meubles et allodiaux de cette maison
pour la duchesse d'Orléans, sœur de l'électeur,
Léopold, enhardi par ses victoires sur les Turcs,
conclut, le 9 juillet 1686, contre la France la fa-
ut 11 faut encore ajouter à ce chiffre un nombre con-
sidérable de volontaires venus de toutes les parties rie
l'Europe pour prendre part à cette dernière croisade.
meuse ligue d'Augsbourg avec les rois d'Espagne
et de Suède, l'électeur de Bavière et les cercles
de Bavière, de Franconie et du Haut-Rhin. Le
traité n'était que défensif; Louis XIV pensait
qu'il engageait les coalisés à venir l'attaquer im-
médiatement. Cette pensée, jointe à l'irritation
que lui causait l'insuccès de Guillaume de Furs-
tenberg, son protégé, dans la candidature à l'élec-
torat de Cologne, le décida à déclarer la guerre à
Léopold et au nouvel électeur palatin. Il fit occuper
par son armée les trois électorats ecclésiastiques
presque en entier ainsi que le Palatinat, qu'il fit
complétementdévaster, parce que le nombre crois-
sant de ses ennemis l'empêcha de le garder. Léo-
pold profita de l'exaspération que cette mesure
barbare excita non-seulement en Allemagne, où la
diète mit les Français au ban de l'Empire et inter-
dit tout rapport avec eux, mais encore dans toute
l'Europe, pour conclure, dans le courant des an-
nées 1689 et 1690, successivement avec la Hol-
lande, avec l'Angleterre, qui venait de prendre
pour roi le prince d'Orange, avec l'Espagne, la
Savoie et les principaux membres de l'Empire,
les traités connus sous le nom de Grande Al-
liance.
Sur le Rhin, les campagnes de la guerre ne
furent pas heureuses pour les alliés : ils ne par-
vinrent pas à pénétrer en France. Dans les Pays-
Bas, les Français sous Luxembourg remportèrent,
de 1690 à 1693, les victoiresde Fleurus, deStein-
kerque et de Neerwinde, et s'emparèrent de
Mons , de Namur et de Charleroi. Mais ces succès
ne furent pas suivis de résultats décisifs, et
LouisXIV, se voyant bientôt réduitàla défensive,
traita en 1696 avec le duc de Savoie en lui aban-
donnant Casai et Pignerol ; il obtint par là de
Léopold et du roi d'Espagne la reconnaissance de
la neutralité de l'Italie (1). Le mauvais état
financier de l'Angleterre, les pertes énormes que
les corsaires français faisaient éprouver au com-
merce anglais et hollandais , décidèrent peu de
temps après le roi Guillaume à entrer en négocia-
tion avec Louis XIV, malgré les représentations
de Léopold, désireux d'abattre la puissance de la
France, pour ne plus avoir à la craindre dans le
débat sur la succession d'Espagne , qui ne devait
pas tarder à s'ouvrir. Le 20 septembre 1697 un
traité de paix fut signé à Ryswick, entre la
France, l'Angleterre , l'Espagne et la Hollande.
Léopold et l'Empire se virent forcés d'accéder
bientôt après à ce traité , par lequel la France
gardait Strasbourg et la pleine suzeraineté en
Alsace, restituait la Lorraine , en y conservant
toutefois le libre passage pour ses troupes , et
rendait les parties de l'Empire qu'elle s'était
appropriées d'après les décisions des chambres
de réunion.
Si Léopold n'avait pas atteint son but dans sa
(1) Léopold venait de renouer en Italie la chaîne qui
attachait autrefois ce pays à l'Allemagne, en es'ïennt
des contributions de tout ce qui n'appartenait pus à 1 15s-
pagp.r.
787
lutte contre la France, il avait en revanche ob-
tenu, dans l'intervalle, de nombreux succès sur
les Turcs, avec lesquels la guerre n'avait pas
discontinué depuis 16S8. En cette année le gé-
néral Carat'fa, après avoir forcé la Transylvanie
à reconnaître la suzeraineté de l'Autriche, s'était
emparé de Lippa, tandis que l'armée principale,
commandée par l'électeur de Bavière, prenait
Stuhl, Weissenbourget Belgrade, et que le mar-
grave de Bade pénétrait en Bosnie. En 1689,
malgré la retraite des troupes de l'Empire, em-
ployéees contre les Français, le margrave,
chargé du commandement en chef, envahit la
Servie et la Bulgarie, et prit Szigeth, Nissa et
Widdin , grâce à la triple diversion des Véni-
tiens en Grèce, des Polonais en Podolie, et des
Russes dans la petite Tartaric. Le sultan de-
manda la paix; l'Angleterre, la Hollande et la
diète germanique intercédèrent pour lui; mais
Léopold, à qui on avait prédit que l'impératrice
accoucherait de deux fils jumeaux, dont l'un de-
viendrait empereur d'Occident, l'autre empereur
d'Orient, voulait conquérir toutes les provinces
turques d'Europe, en même temps qu'il se pré-
parait à recueillir seul toute la succession d'Es-
pagne.. Il proposa donc aux Othomans des con-
ditions humiliantes, et les hostilités recommen-
cèrent. En 1690 les Turcs reprirent JNissa et
Widdin, et Tékely, nommé par le sultan prince
de Transylvanie, occupa une grande partie de
ce pays; mais il fut forcé de se retirer à l'ap-
proche du margrave de Bade. De leur côté, les
troupes impériales durent évacuer la Servie et ne
purent empêcher le vizir Kuprili-Moustapha de
reprendre Belgrade. En 1691 l'armée de Kuprili,
forte decentmiliehommes,fut entièrement défaite
par le margrave à Szalankemen; le vizir se jeta
au plus fort de la mêlée, et se fit tuer par désespoir,
Plusieurs places de l'Esclavonie tombèrent entre
les mains des Impériaux à la suite de cette victoire.
Dans la même année Léopold octroya une nou-
velle constitution à la Transylvanie, dont il avait
confié le gouvernement à Georges Banfy jusqu'à
la majorité du jeune Apafy II, fils d'Apafy Ier,
mort en 1690; contre son habitude, il consentit
deux ans après à modifier, sur la demande des
états, quelques points de cette constitution. Les
succès des Impériaux furent arrrêtés parle dé-
part de leur habile général en chef, le margrave
de Bade, remplacé par le duc de Croy, le gé-
néral Caprara et enfin par l'électeur Auguste de
Saxe. Pour compenser les quelques échecs
qu'il éprouva de la part des Turcs , Léopold fit
amener à Vienne, en 1696, le prince Apafy, qui,
devenu majeur, avait pris en main le gouverne-
ment de la Transylvanie, et il le contraignit à
céder s in pays à l'Autriche pour une pension mi-
nime. L'année suivante le jeune et courageux
sultan Moustapha II conduisit en personne en
Hongrie une armée de plus décent millehommes,
et marcha sur Szegedin ; trompé par un faux
rapport, qui lui fit croire que la prise de cette
LÉOPOLD 788
place exigerait un long siège, il se rendit à Zenta
pour y passer sur la rive gauche de la Theiss;le
11 septembre il venait de traverser la rivière
avec sa cavalerie et une partie de son infanterie,
torque le prince Eugène de Savoie, qui, nommé
généralissime impérial depuis deux mois, suivait
en secret tous les mouvements du sultan, arriva
sur la rive droite vers la fin de la journée. Il fit
rompre les ponts par son artillerie, et jeta dans
le fleuve la moitié de l'armée turque, séparée du
sultan. Bien que cette brillante victoire, api es la-
quelle Eugène pénétra en Bosnie, pût faire espé-
rer à Léopold de chasser les Turcs de l'Europe, .
l'épuisement de ses finances lui fit écouter les
propositions de paix du sultan, d'autant plus fa-
cilement qu'il désirait pouvoir disposer de toutes
ses forces pour les différends prêts à s'élever
sur la succession d'Espagne. Il conclut donc avec
Moustapha en janvier 1699, àCarlowitz, une trêve
de vingt-cinq ans; les Turcs abandonnèrent la
Transylvanie, une grande partie de la Croatie et
toute la Hongrie , sauf le Banat. L'ambition de
Léopold avait au moins eu pour résultat de rendre
impossible une invasion musulmane dans les
autres pays de l'Europe.
Ébloui par le bonheur de ses armes , Léopold
voulait absolument ne rien céder de ses droits à la
succession d'Espagne ; il refusa d'accepter le traité
de partage concertéen mars 1700 entre la France,
l'Angleterre et la Hollande, qui donnait à l'archi-
duc Charles, fils de Léopold, l'Espagne, les Indes
et la Belgique, au dauphin les deux Siciles et les
présides de Toscane, et au duc de Lorraine le Mi-
lanais, à la condition que ce prince abandonnerait
son pays à la France. Ce traitéexcita la plus grande
agitation chez les Espagnols, qui ne voulaient pas
le démembrement de la monarchie : ils éprou-
vaient un grand éloignement pour l'Autriche, par
suitedediversescauses,dont les principales étaient
l'insolence de l'ambassadeur autrichien à Madrid,
l'arrogance de la reine, belle-sœur de Léopold,
enfin le peu d'avantages que l'Espagne avait re-
tirés depuis longues années de son alliance avec
l'Autriche. Enfin ils croyaient Louis XIV seul
assez puissant pour maintenir en un faisceau
toutes leurs vastes possessions. Dans cette dispo-
sition des esprits, Charles II, pressé parle cardi-
nal Portocarrero, institua pour son héritier, sur
les conseils du pape, Philippe d'Anjou, petit-
fils de Louis. Dans les premiers mois de 1701
le jeune prince arriva à Madrid , et les troupes
françaises occupèrent sans difficulté le Milanais
et la Belgique, dont le gouverneur, Maximilien,
électeur de Bavière, s'était entièrement rallié
à la France ainsi que son frère, l'électeur de Co-
logne. Léopold protesta immédiatement contre
le testament de Charles IT, revendiqua toute la
monarchie espagnole pour son fils, l'archiduc
Charles, et s'apprêta à faire valoir ses prétentions
par les armes. Pouvant compter sur l'aide du
duc de Hanovre , pour lequel il avait créé en
1691 uu nouvel électorat, il s'assura de l'appui
789
He l'électeur de Brandebourg en lui donnant le
titre de roi de Prusse. En revanche, les cercles
de Franconie, de Bavière, du Rhin et deSouabe
pe déclarèrent neutres; les ducs de Brunswick-
ïiUnebourg et Wolfenbuttel avaient fait alliance
avec Louis XIV, niais ils furent bientôt contraints
Ipar les troupes hanovriennes d'envoyer sept ré-
feiments à l'armée impériale. Tout dépendait de
«'attitude que prendraient l'Angleterre et la Hol-
lande. Dans le premier de ces pays, les torys, alors
|au ponvoir, ne voyaient pas une nouvelle guerre
H'un meilleur œil que le peuple marchand; mais
[Louis XIV ayant blessé le sentiment national des
Unglais en donnant au fils de Jacques II le titre
de roi d'Angleterre, Guillaume III parvint à faire
élire un nouveau parlement whig et tout à fait
hostile à la France. La Hollande, effrayée de voir
la Belgique entre les mains de Louis XIV, ne
'voulait pas non plus admettre que l'équilibre euro-
péen fut rompu par l'avènement au trône espa-
gnol d'un prince français, soumis à la volonté
de sortaient. Enfin, les deux pays voyaient avec
envie les immenses avantages commerciaux que
les Français allaient retirer de leur alliance
intime avec l'Espagne. En présence de l'opinion
publique ainsi manifestée, Guillaume III et
le grand-pensionnaire Heinsius conclurent, le
septembre 1701, avec Léopold, un traité
par lequel ils partagèrent la monarchie espa-
gnole à leur profit respectif. En mars 1702 les
cercles de Franconie, du Rhin, de Souabe
et d'Autriche se prononcèrent aussi contre la
France , et quelques mois après la diète se dé-
clara dans le même sens.
La guerre commença dans le Milanais, où
le prince Eugène pénétra, en juin 1701, avec
vingt-cinq mille hommes, par des chemins re-
gardés comme impraticables pour une armée. II
s'avança rapidement jusqu'à l'Oglio, malgré les
efforts de Catinat, qui, gêné par les ordres mal-
entendus du ministre Cbamillart et de Vaude-
mont, gouverneur du Milanais, ne put profiter du
nombre supérieur de. ses soldats. Tirant habile-
ment parti des fautes commises par Villeroy, qui
remplaça bientôt après Catinat , Eugène vint as-
siéger Mantoue; mais il fut rejeté au delà du
Mincio par Vendôme, en 1702. En cette année
la lutte devint générale. Dans les Pays-Bas, les
alliés, commandés par Marlborough, emportèrent
une grande partie des places de la Meuse , et ils
prirent les autres, sauf Namur, en 1703, année
où ils achevèrent la conquête de l'électorat de
Cologne. En Allemagne l'électeur de Bavière,
fallié de la France , obtint plusieurs avantages,
ainsi qneVillars, qui, envoyé pour le soutenir,
battit le margrave de Bade à Friedlingen. Lors-
qu'ils se furent joints, en mai 1703, Villars con-
seilla à l'électeur de marcher sur Vienne, entre-
prise dont le succès était immanquable et qui,
comme le dit plus tard le prince Eugène, aurait
forcé Léopold à demander la paix, d'autant plus
que le roi de Prusse, et rélecteur de Saxe étaient
LÉOPOLD 790
alors exclusivement occupés à se défendre contre
Charles Xll de Suède , et que la Hongrie était
de nouveau soulevée. L'électeur préféra envahir
le Tyrol, où il pénétra fort en avant; mais au
moment où il s'apprêtait à donner la main à
Vendôme, qui, venu d'Italie, était déjà arrivé à
Arco, il dut rétrograder devant l'insurrection
spontanée du peuple tyrolien, irrité par le poids
des contributions de guerre. Réuni de nouveau à
Villars, l'électeur défit à Hochstedt le général
impérial Styrum; mais léger, inconséquent, en-
touré de courtisans vendus à Léopold, il se re-
fusa de nouveau, malgré les instances de Villars,
à entrer en Autriche. Vers la fin de l'année,
pressé par Louis XIV, il marcha enfin sur
Vienne. Comme toutes les troupes préposées à
la garde de cette capitale avaient été envoyées
contre les insurgés hongrois, les Bavarois et
les Français s'avancèrent sans encombre jusqu'à
l'Ens, après avoir pris Passau en deux jours.
Léopold était dans la consternation ; mais, pré-
textant la saison avancée, l'électeur refusa de
pousser en avant, et laissa ainsi échapper pour
la troisième fois l'occasion de frapper l'Autriche
au cœur. Sur le Rhin l'armée française prit
Brisach et Landau, dont les alliés s'étaient em-
parés en 1702, et battit près de Spire le corps
du prince de Hesse-Cassel. En Italie Starem-
berg, qui commandait les Impériaux à la place
du prince Eugène, appelé à Vienne pour diriger
l'ensemble des opérations, résista aux attaques
de Vendôme, qui montra une indécision et une
lenteur inaccoutumées , et parvint, en janvier
1704, à joindre avec quinze mille hommes sur
le Tanaro le duc de Savoie, gagné par Léo-
pold , qui lui promit le Montferrat, la Lommel-
line, le Val de Sesia, Alexandrie et Valenza. En
170i la guerre prit une tout autre tournure. Le
prince Eugène s'entendit avec Marlborough pour
frapper un grand coup en Bavière , et ils par-
vinrent à décider la Hollande à y envoyer
des troupes au secours de l'Autriche, qui de ce
côté pouvait être écrasée d'un moment à l'autre
par une action combinée des Bavarois, des Fran-
çais et des Hongrois. Marlborough et le mar-
grave de Bade se réunirent le 22 juin prèsd'UIm,
culbutèrent avec soixante mille hommes les
trente-cinq mille que leur opposèrent l'électeur
et iMarsin , retranchés derrière le Schellenberg,
et devinrent bientôt maîtres de presque toute la
ligne du Danube. Le margrave, qui ne pouvait
s'entendre avec Marlborough, alla ensuite faire le
siège d'Ingolstadt, tandis que le général anglais
était rejoint à Donauwerth par Eugène, ac-
couru du bas Neckar. L'électeur, qui avait reçu
des renforts amenés par Tallard, résolut d'aller à
la rencontre des alliés malgré les représentations
du maréchal, qui préférait les affamer. Le 13 juil-
let eut lieu la fameuse bataille de Hochstedt,
qui se termina par la déroute complète du corps
deTallard. Les suites de cette bataille furent plus
funestes aux Français que leur défaite même.-
701 LÉOPOLU
l'électeur, qui était encore en force pour dé-
fendre son pays, l'évacua à l'instant. Toute
la Bavière fut occupée par les Impériaux;
Léopold la fit dévaster avec une barbarie au
moins égale à celle qu'il avait tant reprochée à
Louis XIV lors de l'incendie du Palatinat. En
Italie les Impériaux furent repousses jusqu'au
Tyiol , et le duc de Savoie ne. put empêcher
que la plus grande partie de ses États ne fût
occupée par Vendôme. Au moment où les alliés
se disposaient à rouvrir la campagne avec deux
cent vingt -cinq mille hommes, chiffre alors
formidable, Léopold mourut dans l'espoir que
la puissance de son glorieux rival serait bientôt
renversée.
D'un autre côté, il était très-inquiet de la tour-
nure des événements en Hongrie. Les habitants
de ce malheureux pays n'avaient pas cessé un
instant d'être soumis à des exactions révol-
tantes ; aucune, propriété n'y était assurée devant
la rapacité des autorités, qui, choisies presque
exclusivement parmi les Allemands , faisaient
ratifier leurs extorsions par des commissaires
nommés arbitrairement. Aussi fut-il facile à deux
simples déserteurs, Kiss et Esza, de rassembler,
au commencement de 1703, une troupe de mé-
contents et de courir impunément le pays. Us
mirent à leur tête le jeune François Rakoczy,
fils de Georges Rakoczy , prince de Transylvanie
et de l'héroïque Hélène Zvinyi, qui avait épousé
en secondes noces Emerik Tékely. Il avait été
jeté en prison en 1701, par ordre de Léopold,
sous le prétexte qu'un de ses amis intimes avait
eu des pourparlers avec plusieurs magnats hon-
grois; parvenu à se sauver, il s'était réfugié à
Varsovie, où il fut accueilli par l'ambassadeur
de France. Brûlant de se venger du despote
qui le persécutait, il alla prendre le commande-
ment des insurgés, et s'empara, dans le courant
de l'année 1703 , d'un grand nombre de forte-
resses, alors dégarnies de troupes à cause de la
guerre avec la France. Secondé par les deux
magnats Berczényi et Karolyi, il était en no-
vembre maître du pays plat en Transylvanie, de
la haute Hongrie, et de plusieurs villes impor-
tantes sur la droite du Danube ; ses bandes
vinrent même brûleries villages des environs de
Vienne , quïl n'aurait pas hésité d'investir si,
comme il s'y attendait, l'électeur de Bavière s'é-
tait approché pour le soutenir. Pendant l'année
1704, l'insurrection fit des progrès si alarmants,
que Léopold, voyant le général Heister forcé de
se replier sur la capitale, fit des propositions
d'accommodement ; elles n'aboutirent pas, parce
que les Hongrois, habitués à voir l'empereur
manquer à la foi jurée, exigèrent que l'arrange-
ment fût garanti par l'Angleterre et la Hollande.
Les hostilités furent reprises avec une nouvelle
fureur, et bien que Rakoczy fût battu à Tyrnau
par Heister au commencement de 1705, Léopold
n'en éprouva pas moins, en mourant, les craintes
les plus sérieuses sur le rétablissement de l'au-
792
torité impériale en Hongrie. Ce n'est qu'en aban-
donnant franchement le système de cruautés et
de spoliations suivi par Léopold, que son fils
Joseph Ier, qui lui succéda dans l'Empire et en
Autriche, parvint à recouvrer la Hongrie pour
la maison de Habsbourg.
Tout en flétrissant les excès du règne de Léo-
pold, l'historien ne doit pas oublier qu'ils doivent
être en grande partie attribués à ses conseillers.
Us lui firent cependant prendre plusieurs mesures
utiles au commerce et des réformes nécessaires
dans la législation. Doué de beaucoup de vertus
privées, Léopold eut encore le mérite de protéger
avecsollicitude les sciences etlesarts;ilfonda les
universités de Breslau et d'Inspruck, et patronna
l'Académie Léopoldine des naturalistes et autres
institutions propres à hâter le progrès des lu-
mières. Regardé comme le prince le plus savant
de son époque, il était versé en théolog'e, en
philosophie, en mathématiques et en jurispru-
dence; il parlait toutes les langues de l'Europe,
et s'amusait souvent à écrire des épigrammes ou
des fables latines, ou bien à composer des airs
de musique, art qu'il aimait avec passion. Con-
trairement à Louis XIV, il détestait le faste et
aimait à vivre au sein de sa famille, qu'il chéris-
sait tendrement. Ernest Grégoire.
Comnzzi, Isloria di Lenpoldo I; Vienne, 1697, in-8°.
— Life nf l.eopold J ; Londres, 1706, in 8°. — Meucke,
Leben Leopolds I ; Leipzig, 1707, et 1710, in-8°. — Rick;
l£bcn Lenpolds des Crossen ; Cologne, 1708; Leipzig,
1713, 9 vol. in-8°. — Wagner, Historia Leopoldi Hlagni,-
Angsbourg, 1719-1731, 2 vol., in-fol. — Hauff, Denkiviir-
digkeiten aus dem Leben Leopolds I; Tublngue, 1818,
ln-8°v
léopuld il, empereur d'Allemagne, né le
5 mai 1747, mort le 1er mars 1792. Fils de
l'empereur François Ier et de l'impératrice Marie-
Thérèse, il succéda à son père comme grand-
duc de Toscane en 1765; il se signala par son
zèle pour la réforme de toutes les parties de
l'administration. « Il pensa, dit Cantu dans
son Histoire de Cent Ans, que le luxe de
soldats, de police, de cachots, d'entraves à
la liberté, que l'on regardait comme le cortège
obligé de tout gouvernement, n'était pas indis-
pensable au bien des peuples et à la sûreté des
princes. L'ancienne république, formée par l'a-
grégation successive de petits corps, chacun
avec ses privilèges et sa juridiction particulière,
avait laissé un ordre de justice civile très- vicieux,
et des lois qui variaient de la ville à la cam-
pagne, d'une province à l'autre. Léopold rendit
les lois uniformes: les magistrats inutiles furent
supprimés; il réduisit le nombre des juges, et fit
un choix sévère parmi eux. 11 promulgua un
nouveau règlement de procédure, et chargea Ver-
naccini et ensuite Michel Ciani de rédiger un
code, qui fut continué par Lampredi,mais inter-
rompu par la révolution. Convaincu que l'extrême
rigueur empêchait moins les crimes que les châ-
timents modérés, mais prompts et certains, ac-
compagnés d'une surveillance exacte, il sup-
prima la peine de mort, et y substitua les travaux
793 LEOPOLD
forcés. 11 abolit toute immunité, tout privilège
personnel ou droit d'asile, la torture, la confis-
jcation, les procès de haute trahison, le serment
Ides prévenus, les dénonciations secrètes, les ac-
jcusations contre les parents, les procès de
\chambre, où les accusés n'étaient pas admis à
jse défendre, les dépositions de témoins officiels,
lia condamnation par contumace. Les amendes
{devaient former un fonds destiné à indemniser
iceuxqui auraient élé emprisonnés injustement. »
(Abandonnant l'ancien système de douanes , qui
jisolait les unes des autres les villes du grand-
Iduché, Léopold affranchit le commerce de toutes
[les denrées; détruisant les privilèges des cor-
porations, il accorda des encouragements à l'in-
|dustrie, et construisit des routes et des canaux
pour le transport des produits. Il abolit les cor-
vées des paysans, donna l'administration des
communes aux habitants, fonda des collèges et
autres maisons d'éducation, et des hospices pour
les indigents. Il lit avec succès dessécher et en-
suite cultiver beaucoup de maremmes. « Léopold,
ajoute M. Cantu, abolit aussi les fermes pour
l'impôt qui pesaient lourdement sur le peuple et
rapportaient peu au trésor; il renonça à cer-
tains monopoles onéreux et à l'obligation su-
posée à chaque famille d'acheter une quantité
déterminée de sel. 11 laissa libre la culture du
tabac, ainsi que le débit des eaux-de-vie et les
fonderies de fer. Non-seulement, il combla les
vides causés par ces réformes au moyen d'une
perception plus économique, mais il accrut les
revenus de 1,238,000 livres par an; et dans l'es-
pace de trente- sept ans il réduisit la dette pu-
blique de quatre-vingt-sept millions et demi à
vingt-quatre , en y employant sa fortune propre
et la dot de sa femme. Il dépensa trente millions
en améliorations, et en laissa cinq dans le trésor
de son successeur, après avoir embelli la capi-
tale et les villes impériales. » Il lit publier l'exposé
complet de l'état des finances et des mesures
prises par lui pour les augmenter. » Mais son
tort fut de tout faire par lui-même; le peuple
était étranger à ces réformes auxquelles il ne
comprenait rien, et les citoyens s'embarrassèrent
peu d'étudier la chose publique, qui semblait ré-
servée au gouvernement. Il put donc faire et dé-
faire à sou gré, heurter les opinions, léser les
intérêls, et être tout à son aise un despote phi-
losophe. 11 fit tort à tant de belles qualités par
un espionnage frivole ettracassier de même que
par son défaut de modération dans les matières
religieuses. » Il eut, comme son frère Joseph 11,
la malheureuse idée de vouloir réglementer de
vive force depuis les questions les plus ardues
du dogme jusqu'aux moindres cérémonies du
culte. Appuyant de toute son autorité les ré-
formes, les unes utiles, les autres ridicules, que
lui proposa l'évêque de Pistoie, Scipion Ricci
(voy. ce nom), il se mil à imposer les doctrines
jansénistes sur la grâce, et à contrarier par
toutes espèces de vexations les manifestations de
794
la piété populaire, telles que processions, expo-
sitions d'images, pèlerinages, etc. Ricci, ayant fait
sanctionner ses idées par le fameux synode de
Pistoie, ne trouva pas tous les évêques disposés
à les accepter; ce qui, joint à la révolte des ha.
bitants de Prato, excités par l'enlèvement d'un
autel ordonné par Ricci, et à plusieurs autres
émeutes, donna à réfléchir à Léopold sur l'op-
portunité de faire intervenir l'État dans des
questions purement religieuses. Cependant, par
entêtement, il fit, avant de révoquer en défi-
nitive les changements arbitraires introduits
dans la discipline de l'Église, envoyer aux ga-
lères plus de six cents personnes , qui ne vou-
laient pas accepter le joug des doctrines jan-
sénistes. Telle fut avec tes bons comme avec
ses mauvais côtés le règne de Léopold en Tos-
cane.
Lorsqu'il succéda, en février 1790, à son frère
Joseph II sur le trône d'Autriche, il se trouva
au milieu des plus grands embarras. Partout
les peuples s'étaient révoltés contre les inno-
vations imprudentes de Joseph; et ils avaient
trouvé un soutien dans Frédéric-Guillaume de
Prusse, qui encourageait la Porte à pousser
vivement la guerre commencée depuis deux ans
avec l'Autriche, contre laquelle il excitait en-
core les Polonais. Léopold, pour couper court
à cette hostilité latente de la Prusse, l'appela
au congrès de Reichenbach, qui s'ouvrit le
27 juin avec le concours de l'Angleterre et de
la Hollande; en séduisant la mobile imagina-
tion de Frédéric- Guillaume parle double ta-
bleau des délices de la paix et des dangers de
la révolution française, il déjoua les entreprises
du ministre prussien Hertzberg (votj. ce nom),
et accepia ensuite comme base de ses négo-
ciations avec le sultan le statu quo avant
la guerre, moyennant l'engagement pris par les
autres puissances de l'aider à recouvrer la Bel-
j gique. Le 10 septembre il signa à Giurgewo
avec la Porte un armistice qui fut converti en
paix à Sistova, le 4 août 1791. Ensuite il s'oc-
cupa de calmer les esprits de ses sujets par une
grande condescendance, et par la révocation des
mesures de Joseph II, qui avaient excité le plus
d'animosité. Il rétablit les anciens impôts, sup-
prima les séminaires généraux, l'absolutisme de
la police et de l'administration, les entraves ap-
portées au commerce au nom de la liberté, et les
améliorations du système judiciaire qui avaient
entraîné tant d'abus. Il ne laissa guère subsis-
ter des innovations de Joseph que l'édit de
tolérance. En même temps il s'attachait à dé-
ployer dans l'occasion une grande fermeté pour
écarter de lui le soupçon que ce retour aux ins-
titutions du temps de Marie-Thérèse lui fut im-
posé par la peur; ainsi, malgré les réclamations
menaçantes des Hongrois , il ne céda pas à leurs
demandes pour le rétablissement de leurs an-
ciens privilèges; et étant entré en Hongrie avec
une armée considérable , il déclara à la diète ,
795
réunie à Bude, qu'il leur promettait, de son
propre mouvement, que l'indépendance de leur
pays serait sauvegardée et qu'il aurait égard aux
vœux des populations. En Belgique, de même, il
rétablit la joyeuse entrée et les privilèges pro-
vinciaux ; mais lorsque les patriotes eurent re-
fusé de se soumettre à ces conditions, il lit
occuper le pays par trente mille hommes, con-
duits par Bender, et ressaisit ainsi la domination
de ces provinces.
Mais bientôt après, Léopold, élu empereur en
septembre 1790, se trouva en face delà confla-
gration produite par la révolution française. Il
avait déjà eu à appuyer auprès de l'Assemblée
constituante les réclamations des princes de
l'Empire médiatisés en Alsace et lésés par les
lois nouvelles de la France; il n'avait pu obte-
nir que des promesses d'indemnités en argent,
et non pas des compensations en biens-fonds ,
comme le voulaient les princes. En mai 1791
Léopold fit avertir Marie-Antoinette, sa sœur,
qu'il ferait bientôt marcher trente-cinq mille
hommes en Flandre, quinze mille en Alsace,
et qu'aidé de soixante mille Suisses, Piémon-
tais et Espagnols, il s'efforcerait de rendre à
Louis XVI tout son ancien pouvoir; il recom-
mandait surtout, pour la réussite de ce plan, que
le roi ne s'éloignât pas de Paris. Affligé mais non
supris du triste résultat du voyage de Varennes,
Léopold envoya une circulaire aux diverses puis-
sances de l'Europe, les engageant à intervenir en
commun pour faire rendre à Louis XVI toute
sa liberté. Frédéric-Guillaume répondit le pre-
mier à cette demande, conclut le 25 juillet avec
l'empereur un traité d'alliance provisoire, et
s'apprêta à faire avancer des troupes sur le Rhin.
Mais lorsque les deux souverains se réunirent le
24 août à Pilnitz, Léopold se montra entièrement
opposé à laguerre. Marie-Antoinette lui avait écrit
qu'elle avait confiance dans les efforts des cons-
titutionnels ; ceux-ci avaient fait assurer à l'em-
pereur que leur intention était non d'amoindrir
mais de sauvegarder l'autorité du roi; enfin le
maréchal Lascy avait persuadé, à l'empereur
qu'une guerre contre les Français était des plus
périlleuses et entraînerait en tous cas la perte
immédiate des Pays-Bas. Aussi, malgré les ins-
tances du comte d'Artois, accouru à Pilnitz dans
l'espoir d'y voir décréter une croisade contre la
révolution , Léopold ne voulut s'engager à au-
cune entreprise décisive ; il se borna à signer la
fameuse déclaration de Pilnitz, manifeste vague,
où les deux souverains annonçaient que dans
le cas où ils seraient approuvés par toutes les
autres puissances, ils aviseraient à aiderLouis XVI
dans l'établissement «d'un gouvernement monar-
chique également convenable aux droits des sou-
verains et au bien-être des Français ». Cette pru-
dence et cette réserve exaspérèrent les émigrés,
d'autant plus que Léopold donna quelque temps
après l'ordre de faire disperser leurs rassemble-
ments qu'ils fussent armés ou non. Mais plusieurs
LÉOPOLD
796
princes allemands voisins de la France, l'électeur
de Trêves entre autres , se montraient tout dis-
posés à la guerre, et encourageaient ouvertement
tes préparatifs militaires des émigrés. Certains
des intentions pacifiques de Léopold, les cons-
titutionnels, désirant former une armée, pour
arrêter la révolution, sommèrent ces princes
d'empêcher les armements de la noblesse fran-
çaise, et les menacèrent d'une invasion immédiate
dans le cas contraire. Mais l'esprit belliqueux,
une fois excité, prit bientôt des proportions bien
plus étendues que ne le voulaient les constitu-
tionnels. Les girondins adoptèrent l'opinion, d'à- '
bord isolée, de Robespierre, que la France avait
pour mission de délivrer de leurs rois tous les
peuples de la terre. Aussi lorsque Léopold envoya
en le ratifiant le conclusum de la diète, où elle
refusait de reconnaître les décrets du 4 août 1 789
quant aux princes de l'Empire médiatisés en Al-
sace ou en Lorraine, lorsqu'il annonça le 21 dé-
cembre qu'il ferait marcher le maréchal Bender
au secours de l'électeur de Trêves, si ce prince
était attaqué sans motifs plausibles, l'Assemblée
législative décréta, le 25 janvier 1792, que Léo-
pold serait mis en demeure de déclarer s'il re-
nonçait à tout traité dirigé contre la pleine sou-
veraineté de la nation française, et que si l'em-
pereur ne répondait pas avant le 1er mars ou
le faisait d'une manière évasive, la guerre lui se-
rait déclarée sans délai. Léopold , reconnaissant
l'impossibilité du maintien de la paix, fit rassem-
bler ses troupes, et envoya six mille hommes en
Brisgau. Le 19 février il fit connaître sa réponse,
où, tout en prétendant que ses pourparlers avec
les autres puissances n'avaient qu'un caractère
défensif, il rejetait tout le mal sur les jacobins,
qu'il qualifiait de secte pernicieuse et d'ennemis
du repos public. Ces expressions imprudentes,
suggérées à Léopold peut-être par la cour de
France, excitèrent une tempête générale. C'est
au milieu de ces complications que Léopold
mourut, subitement, à la suite, dit-on, d'excès
de femmes. E. Grégoire.
Skizze de?' Lesbensbeschreibtmq Leopolds II ; Prague,
1790, in-8°. — Leben Leopolds II; Prague, 1791, in-8°. —
Foucault, Histoire de Léopold II; Bruxelles, 1791, in-8'°.
— Sartoii , Leopoldinische Anualen ; Augsuourg, i'792,
2 vol., in-8°. — Alxinger, Ueber Léopold 11; lierlin,
1792, in-8°. — Milbiller, Ceschichte der Deutschen tinter
Joseph I and Léopold II ; XJIm, 180S. — Beitràue zur
Charakterishik Josephs I, Leopolds II itnd Franz I;
Paris, 1797, réimprimé sous le titre de -, Die Jakobiner
in /lieu ; Stuttgard, 1841, in-8°. — Cliarakteristik Leo-
polds II; Vienne, 1792, in-8°.
IL Léopold margraves et ducs d'Autriche.
léopold, dit V Illustre, margrave. d'Au-
triche, mort le 10 juillet 994. C'est de lui que
descendent les margraves et ducs d'Autriche de
la maison de BabenbergouBamberg qui gouverna
ce pays jusqu'en 1246. Son grand-père, Henri duc
de Thuringe et de Saxe, mourut en S8-6, au siège
de Paris par les Normands. Après avoir été
ehargé de l'administration des comtés du Donau-
797
du Sundergau, Léopold fut nommé mar-
d'Autriehe en 983 par l'empereur Olhon II.
i il défit en plusieurs rencontres les Hon-
, qui dévastaient le margraviat, et les re-
J;: au delà de la March et de la Thaya. Il prit
la ville de Moelk, en fit sa résidence, et
la en 985 une abbaye de bénédictins, de-
lèbre. Ayant fait venir de Bavière et
.ie un grand nombre de colons, pour
ilei l'Autriche, il rebâtit plusieurs villes
ar les Hongrois, et éleva pour ar.
urs invasions beaucoup de châteaux forts.
- oérité qu'il fit régner dans son pays ex-
ousie de ses voisins , et trois d'entre
. de Bavière, celui de Carinthie, et l'é-
i'assau, s'unirent pour imposer à l'Au-
diverses obligations en leur faveur. En
lans un tournoi à Wurtzbourg , Léopold
. blessé mortellement par une flèche destinée
à son neveu Henri, comte de Schweinfurt.
E. G.
Pez , Scriptores Rerum Austrïdcarwm, t 1.— Eccard,
(tenealoyia Principum Saxoniœ, t. 1, Préface. — Rauch,
Ceschictitt! Oestreichs.
léopold, dit le Beau, margrave d'Au-
Iriche, mort le 12 octobre 1096, Ayant succédé
en 1075 à son père Ernest le Vaillant, il sou-
tint par les armes le parti de Rodolphe de
Souabe contre l'empereur Henri IV; mais ce
dernier dévasta en 1079 les pays de Léopold , et
les réduisit à se soumettre. Deux ans après, le
margrave se joignit de nouveau aux ennemis
de Henri , qui le déclara déchu de ses possessions
et en investit son allié Vratislas, duc de Bohême.
Celui-ci pénétra en Autriche, et battit en 1082 les
troupes de Léopold à Malberg; mais il fut lui-
même défait en 1085 par Léopold , qui, s'étant
lallié à Ladislas , roi de Hongrie , chassa en cette
■année tous les Bohémiens de ses États, qu'il gou-
verna ensuite paisiblement jusqu'à sa mort.
E. G.
Pez, Scriptores Rerum Austriacarum , t. I, passim.
— Rauch. Geschichle Oestreichs.
léopold (Saint), dit le Pieux, mar-
grave d'Autriche, mort le 15 novembre 1136.
Quoique encore jeune à l'époque de son avène-
ment, il gouverna dès le début avec une sa-
gesse rare chez les princes de son époque.
(Améliorer le sort de ses sujets , les faire ins-
truire et adoucir leurs mœurs , tel fut le bat de
son règne. Évitant les guerres , il ménagea les
ressources de son pays, et put tout en diminuant
les impôts fonder un grand nombre de monastères
etpropagerainsi la civilisation. IlsoutintHenrilV,
auquel il envoya en 1105 des troupes auxiliaires,
et fut entraîné bientôt après par son beau-frère
Borzywoy II, duc de Bohême, dans le parti de
Henri V, dont il épousa en 1106 la sœur, Agnès,
veuve de Frédéric de Souabe. Les chroniqueurs
nous ont laissé peu de détails sur le reste de son
règne, tranquille et heureux, mais dépourvu de
hauts faits; ils nous apprennent cependant qu'à
plusieurs reprises, notamment en 1118, Léopold
LÉOPOLD 798
repoussa les Hongrois. En 1 125, après la mort de
Henri V, beaucoup de princes désiraient porter le
margrave au trône impérial ; mais il les pria de
réunir leurs voix sur Lotuaire, duc de Saxe, qui
fut élu. De sa femme Agnès , Léopold eut dix-
huit enfants, parmi lesquels on remarque Henri
Jochsamirgott, et Ollon de freisingue, le cé-
lèbre historien de Frédéric Barbe-Rousse. Il fut
canonisé en 1485. E. G.
Pez, V ila sancti Leopoldi. — Pez, Scriptores Rerum
Austriacaritm, t. I, p. 575. — Poltzinanii, Compendium
vitœ S. Leopoldi.
léopold, duc d'Autriche, né en 1157,
mort le 21 décembre 1194. 11 succéda en 1177
à son père, Henri Jochsamirgott, et fit la paix
avec Bêla, roi de Hongrie, en lui livrant le prince
Geyssa, frère de Bêla et prétendant à la couronne
de Hongrie, qui avait été accueilli et soutenu
par Henri Jochsamirgott. Il contribua ensuite à
chasser de Bohême le roi Sobieslav il et à y
faire monter sur le trône Frédéric 1er. En 1186
le duc de Styrie Ottocare Ier, n'ayant pas d'hé-
ritier, le choisit pour lui succéder, et le fit recon-
naître comme souverain futur par les états. Bêla,
roi de Hongrie, qui réclamait depuis longtemps
quelques parties de la Styrie, les fit alors oc-
cuper par ses troupes, ce qui le mit en lutte
avec Léopold. Le différend ayant été arrangé
en 1190 par l'empereur, Léopold partit pour
la croisade, et alla rejoindre l'armée chré-
tienne, qui faisait le siège de Saint-Jean-d'Acre.
Lors de la prise de cette ville, il montra la plus
grande bravoure; ilfut, dit-on, tellement couvert
de sang, qu'il ne restait de blanc sur sou vêtement
que ce qui était couvert par son baudrier; c'est
pour cela que les armes de l'Autriche furent rem-
placées par un écu de gueulesàla fasce d'argent.
I Léopold s'établit dans une maison de la ville, et y
fit arborersa bannière; Richard Cœurde Lion la
I fit arracher et traîner dans la boue. Léopold, ir-
rité de cet outrage, alla camper hors de la ville, et
retourna bientôt en Autriche. Lorsqu'en 1192 Ri-
chard, ayant fait naufrage à Pola, cherchait sous
un déguisement à gagner l'Angleterre, il arriva
à Erdsberg, près de Vienne; reconnu par un
croisé, il fut arrêté par ordre de Léopold, qui le
livra à l'empereur Henri VI. Malgré les représen-
tations du pape CélestinlII, Richard ne put re-
couvrersaliberté qu'en donnant à Henri cent cin-
quante mille marcs d'argent, et vingt mille à
Léopold. Excommunié par le pape pour avoir
arrêté un croisé, Léopold mourut bientôt, après
d'une chute de cheval , après avoir ordonné à
son fils Frédéric de remettre à Richard l'argent
qu'il lui avait extorqué, ordre que Frédéric
n'exécuta jamais. E. G.
Otlion de Saint-Biaise, Ctironicon. — Gulllelmus Neu-
brigensis, De Rébus anglicis. — Richardus Divie'nsls,
Gesta Richurdi I. — Heroingford, Chronicon. — Mat-
thieu Paris. — Rauch, Geschichte Oestreichs, t. II.
léopold, dit le Glorieux, duc d'Autriche,
petit-fils de l'empereur Rodolphe de Habsbourg,
né en 1292, mort à Strasbourg, le 28 février
799 LÉOPOLD
132G. Se trouvant en Souabe en 1308, lors de
l'assassinat de son père, l'empereur Albert , il
arrêta par son énergie les entreprises des nom-
breux partisans des meurtriers. Au lieu de par-
tager avec ses frères les possessions de sa mai-
son, il consentit à ce qu'elles restassent indivises,
et il en prit en main l'administration en commun
avec son frère aîné Frédéric le Beau ( voy. ce
nom), ses autres frètes étant enrore mineurs.
Cette union leur permit d'établir solidement
leur autorité malgré le mauvais vouloir de l'em-
pereur Henri Vil, malgré l'inimitié des ducs de
Bavière et l'insubordination de la noblesse d'Au-
triche. En 1310 Léopold alla rejoindre à Lau-
sanne, avec deux cents chevaliers et autant d'ar-
chers, l'empereur Henri Vil , et pénétra avec lui
en Italie. Après avoir puissamment contribué à
étouffer l'émeute suscitée à Milan contre Henri
par les délia Torre, il accompagna l'empereur
au siège de Brescia; mais, tombé malade, il
retourna bientôt en Souabe. Après la mort de
l'empereur Henri, il fit beaucoup de démarches
auprès des électeurs pour les décider à choisir
son frère Frédéric, et acheta, entre autres, la
voix de l'archevêque de Cologne pour quarante
mille marcs d'argent. En octobre 1314 une double
élection eut lieu à Francfort : les archevêques de
Mayence et de Trêves , le roi Jean de Bohême et
le margrave de Brandebourg se prononcèrent
pour Louis de Bavière ; Frédéric fut élu par l'ar-
chevêque de Cologne , par le comte palatin , par
le duc de Saxe et le duc de Carinthie : ce dernier
votait comme prétendantau royaume de Bohême.
Louis fut sacré à Aix-la-Chapelle, Frédéric à Co-
logne ; la guerre civile éclata. L'égoïsme des prin-
ces et l'indifférence des villes laissèrent les deux
compétiteurs réduits à leurs propres forces. Plein
d'activité et de courage, Léopold fut prêt le pre-
mier, et envahit la Bavière dès la fin de l'été de
1315. Louis ne voulut pas accepter la bataille,
et s'enferma dans Augsbourg. Forcé à la retraite
par des pluies torrentielles, Léopold se borna à dé-
vaster le pays plat. De retour en Souabe, il apprit
le rejet des offres d'accommodement faites par
lui aux habitants de Schwitz, d'Uri et d'Unter-
wald, qui, appuyés par l'empereur Louis, avaient
refusé de reconnatre son autorité. Pou r les châtier,
il se transporta à Zug avec plusieurs milliers de
soldats. Les confédérés, avertis par Henri de Hu-
nenberg de l'endroit où le duc devait passer, se
portèrent à Hasslern. Le 1 5 novembre l'armée au-
trichienne, composée principalement de cavalerie
pesamment armée, arriva près du lac d'yEgri ;
la route où elle s'engagea est bordée d'un côté
par le lac , de l'autre par des rochers taillés à
pic, appelés le Margasten. Lorsque les troupes
de Léopold approchèrent du Mattligiitsch, lieu où
le chemin n'a plus que quelques pieds de largeur,
elles se virent tout à coup assaillies par des blocs
de pierre et des troncs d'arbres lancés du haut
des rochers par une cinquantaine de Suisses exilés
de leurs cantons et qui voulaient participer à la dé-
S00
fense de leur patrie pour être admis a y rentrera
Ces blocs tombant sur les rangs serrés de;
chiens en écrasèrent un grand nombre, et bar-
rèrent entièrement la route ; les confédérée
dant le bruit de cette lutte, accoururent à I
et joignant leurs efforts à ceux des exilés ,
rouler de nouveaux quartiers de roche sur ei
ennemis, qui se retirèrent en désordre. C'esUors
que les confédérés, légèrement équipés, fon<irent "
sur les Autrichiens et massacrèrent tous le traî-
nards. Léopold perdit quinze cents homi.es, et
parmi eux beaucoup de nobles de SouaL. Re- I
nonçant à combattre ces montagnards, qu pro- 1
tégés par la nature de leur pays, l'emportai ù sur 1
les chevaliers bardés de fer, quelque val
qu'ils fussent, il conclut avec eux, troi
après, une trêve. Il reprit avec plus d';
jamais sa lutte contre Louis ; ayant, un des , .•
miers, reconnu que la force des armées ailair-,
consister dorénavant dans uneinlanterie biendii
ciplinée, il en forma principalement les troupes >
avec lesquelles il défitcomplétement, en 1 320, sur
le Bruch les quatre mille cavaliers que Louis lui
opposa. Mais, comme la science des mouvements
stratégiques lui manquait ainsi qu'aux autres ca-
pitaines de sou temps, qui ne faisaient la guerre
qu'en chefs de partisans , il ne tira d'autre ré-
sultat de cette victoire que de dévaster l'année
suivante toute la Bavière; après quoi il reprit
ses positions de Souabe.
En 1322 il résolut d'exécuter un plan qui de-
vait amener la ruine entière de Louis. II passa le
Lech en septembre , se proposant de tomber sur
les derrières de l'armée bavaroise que Frédéric,
venu d'Autriche, devait attaquer de front : pour
initier son frère à ce plan, il lui expédia un mes-
sage, l'engageant à refuser le combat jusqu'à j
l'approche de l'armée de Souabe. Mais les por-
teurs de cette dépêche, dépouillés en route de
leurs chevaux, n'arrivèrent pas à temps pour em-
pêcher Frédéric de livrer bataille. La rencontre
eut lieu à Muhldorf sur l'Inu. Malgré l'avis de ses
lieutenants, Frédéric, attaqua avec une dizaine
de mille hommes trente-deux mille Bavarois et
Bohémiens. Il était sur le point de remporter la
victoire, lorsque le burgrave de Nuremberg s'a-
vança avec la réserve de l'ennemi; les Autri-
chiens, prenant cette troupe pour l'armée de
Léopold, allèrent au-devant d'elle en amis, et
se débandèrent, ce qui causa leur défaite. Fré-
déric et son frère Henri furent au nombre des pri-
sonniers. Cette nouvelle causa tant de chagrin à
Léopold, que « oncques, dit-on, on ne le vit rire
depuis. » Après quelques tentatives d'accommo-
dement , que Louis fit échouer par ses préten-
tions, le duc alla s'aboucher en juillet 1324 i
Bar-sur-Aube avec le roi de France Charles 1(
Bel afin de concerter les moyens défaire élire c<
roi à l'Empire. En cela il agit d'après les conseils
du pape Jean XXII, qui venait d'excomrnuniei
Louis, et du roi de Bohême, devenu l'adversain
de Louis, Un traité fut conclu entre le duc et 1<
801
roi ; mais leur projet ne réussit pas. Léopold con-
tinua néanmoins à miner par les armes et par
îles négociations l'autorité, déjà assez faible, de
Louis, qui se décida enfin, en septembre 1325, à
partager le pouvoir avec Frédéric ( voy. Louis
de Bavière, empereur). Léopold ne souscrivit
pas sans réserve à cet arrangement , et con-
tinua de négocier secrètement avec le pape, avec
le roi de France et avec le roi de Naples , pour
renverser la puissance de Louis. Ce dernier
remit enfin tout le pouvoir entre les mains de
Frédéric, ne gardant pour lui que le titre de
roi. Léopold triomphait de son ennemi, lorsque,
quelques semaines, après il mourut, à la suite
d'une courte maladie. On vit alors clairement
qu'il avait été le principal appui de Frédéric;
car, revenant sur sa renonciation à l'Empire,
Louis s'empara sans résistance de la direction
souveraine des affaires. De sa femme Catherine
de Savoie , Léopold eut deux filles, dont l'une,
Catherine, fut la mère du célèbre Enguerrand de
Coucy. É. G.
Anonymus Leobiensis. — Volcmarus, Chronicon. —
Albertns Argentinensis. — Vitoduranus, Chronicon. —
Chronicon Èœnigsfeldense- — Kurz, Geschichte Frie-
drichs des Schonen. — Lichnowsky, Geschichte des
Hanses Habsbury, t. III.
léopold m, dit le Preux, duc d'Autriche,
né en avril 1351, tuéà Sempach, le 9 juillet 1386.
En 1365, à la mort de son frère Rodolphe IV, il
fut appelé par son autre frère Albert III à venir,
selon la tradition de la maison de Habsbourg,
diriger en commun le gouvernement de leurs
possessions héréditaires. Les deux frères s'atta-
chèrent d'abord à conjurer les dangers que la hau-
teur et l'étourderie de Rodolphe avaient attirés
sur l'Autriche, et s'allièrent à cet effet avec
l'empereur Charles IV. En 1369 ils obtinrent
moyennant cent seize mille florins la renoncia-
tion des princes de Bavière au comté de Tyrol,
pays qui, cédé en 1363 aux Habsbourg par la du-
chesse Marguerite de Bavière, était spécialement
réservé, avec l'Autriche antérieure, à l'adminis-
tration de Léopold. En novembre de cette même
année, Léopold marcha avec dix mille hommes
au secours de Trieste, qui, assiégée par les Vé-
nitiens , s'était donnée à l'Autriche ; mais il dut
bientôt retourner chez lui, sans avoir pu faire'
lever le siège. Voyant que leurs finances souf-
fraient beaucoup depuis que les marchandises de
Venise n'étaient plus introduites en Allemagne
par l'Autriche, les ducs se hâtèrent de conclure
l'année suivante la paix avec Venise. Pour se pro-
curer de l'argent, ils recoururent, en 1370, à la
confiscation des biens de tous les juifs de leurs
États. En novembre de la même année, Léo-
gold se rendit en Lithuanie pour prendre part
avec les chevaliers teutoniques à une de ces tristes
expéditions contre les malheureux et inoffensifs
païens du nord; après bien des massacres et des
pillages, Léopold fut créé chevalier. En 1372 il
commença la série de ses tentatives pour faire
modifier le pacte de famille, qui statuait l'indi-
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXX.
LÉOPOLD 802
visibilité des États de Habsbourg; sans en venir
encore à un partage définitif, il exigea l'adminis-
tration séparée et indépendante de la Souabe ,
du Tyrol et de la Carinthie. En janvier 1573 il
envoya une armée à Trévise pour combattre le
vicaire impérial François de Carrare, contre
lequel il venait de conclure un traité avec la ré-
publique de Venise, qui lui avait payé ce service
avec des sommes considérables; mais s'étant
arrangé plus tard avec François de Carrare, qui
lui abandonna Feltre, Bellune et le val de Su-
gana, il tourna ses armes contre la république;
mais il cessa bientôt les hostilités, lorsque Ve-
nise eut triomphé des armées réunies de Carrare
et du roi de Hongrie. En 1375 il attira de grands
malheurs sur la Souabe et l'Alsace, par son
refus opiniâtre de remettre à son cousin, En-
guerrand de Coucy, les biens de Catherine, fille
de Léopold II et mère d'Enguerrand. Ce der-
nier pénétra en Allemagne avec quarante mille
routiers , et mit tout le pays plat à feu et à sang;
mais, faute de machines de siège, il se retira en
janvier 1376, et transigea avec Léopold , qui lui
céda les seigneuries de Buren et de Nidau. En
mai delà même année, Léopold prit de nou-
veau les armes contre Venise ; après une guerre
de quelques mois, où les Autrichiens se servirent
pour la première fois de canons , on conclut une
trêve , qui fut convertie deux ans après en une
paix, qui donna à Léopold Rochetta et San-Vit-
tore. En 1379 le duc reçut de l'empereur Vences-
las , auprès duquel il était en faveur, l'adminis-
tration des prévôtés impériales en Souabe ; l'année
précédente, il avait conclu un traité avecle roi de.
France pour engager ce prince à secourir Léopold,
s'il était attaqué comme partisan de l'antipape
Clément VIL En septembre 1379, il força enfin
son frère à partager leurs États. Albert reçutl'Au-
triche , la Styrie et quelques seigneuries situées
hors de ces pays ; le reste fut adjugé à Léopold, qui
s'attacha pendant les années suivantes à arrondir
ses possessions en Souabe par l'acquisition des sei-
gneuries de Hohenberg et de Lauffenberg, ainsi
que des villes de Feldkircb et de Petit-Bàle. En
1382 la ville de Trieste se soumit de nouveau au
duc, parce qu'il gouvernait, dit un historien con-
temporain, ses sujets avec justice. En avril 1381
il était descendu en Italie avec une armée consi-
dérable pour prendre possession de la marche
Trévisane et du comté de Ceneda, que la ré-
publique de Venise lui avait cédés pour être se-
courue par lui contre François de Carrare; mais
craignant d'indisposer le roi Louis de Hongrie,
l'allié de François , il n'osa pas attaquer ce der-
nier ; quoique ayant ainsi manqué de parole pour
la seconde fois aux Vénitiens , ceux-ci ne lui en
abandonnèrent pas moins, à la paix conclue en août
1381, Trévise et Ceneda, avec leurs territoires,
préférant les voir entre ses mains qu'entre celles de
François. Celui-ci,qui convoitait depuis longtemps
ces contrées , déclara en avril 1382 la guerre à
Léopold , qui , faute d'argent , ne put envoyer
26
803
qu'à la fin d'octobre du secours à ïrévise, dont
François allait s'emparer. François abandonna
pour le moment le siège de cette ville ; il le re-
prit l'année suivante , mais il dut se retirer de
nouveau , lorsque Léopold vint au mois de mai
l'attaquer avec des forces supérieures. Léopold
ayant dû repasser les Alpes peu de temps après,
François dévasta encore une fois tout le pays
autour de Trévise. Enfin Léopold, impuissant à
secourir cette ville efficacement, la vendit, en
janvier l3S3,à François pour cent dix-huit mille
florins d'or, quoiqu'il eût juré de ne jamais la
céder à François.
De graves complications survenues en Alle-
magne forcèrent Léopold à abandonner ainsi ses
projets d'agrandissement en Italie. L'affaiblisse-
ment du pouvoir impérial avait eu pour résultat
un manque général de sécurité ; il se forma plu-
sieurs associations entre les princes , les nobles
et les villes , dont les membres s'engageaient à se
secourir réciproquement en cas d'attaque par des
bandes de brigands organisées.
Ces associations se méfiaient les unes des autres ;
et il régnait particulièrement en Souabe, malgré
les efforts louables de l'empereur pour établir
la concorde , une sourde fermentation , qui me-
naçait de se transformer en lutte ouverte. Les
villes de Souabe liguées, mécontentes d'avoir
été soumises par l'empereur à l'autorité de Léo-
pold, et craignant d'être opprimées par lui,
conclurent en février 1385 un traité d'alliance
défensive avec Zurich, Berne, Soleure, Lucerne
et Zug. Ces cantons, qui cherchaient depuis
quelque temps à rompre avec Léopold , enhardis
par cette alliance, attaquèrent sans déclaration
de guerre, en décembre 1385, le fort de Rotem-
bourg, appartenant à Léopold, s'en emparèrent
et le rasèrent. Léopold , furieux de cet acte de
violence, rassembla une armée considérable , et
arriva, le 7 juillet 1386, à Zotingue. Les Suisses,
qui venaient de saccager le pays de Thurgovie ,
se replièrent en toute hâte, au nombre de deux
mille, sur Lucerne, ville qui avait le plus excité
la colère de Léopold; Ce prince détacha une
partie de ses troupes pour pénétrer dans les can-
tons par l'Albis , et marcha avec le reste vers
Rotembourg. Le 9 juillet il arriva à Sempach,
qu'il venait de dépasser lorsque tout à coup, vers
l'heure de midi, il se trouva, au tournant d'une
pente de montagne, en face des deux mille Suisses
qui revenaient de Thurgovie. La surprise fut
grande des deux côtés. Léopold avait laissé toute
son infanterie en arrière et n'avait avec lui que
sa cavalerie- il n'en accepta pas moins immé-
diatement le combat. Comme le terrain oppo-
sait beaucoup d'obstacles aux mouvements des
chevaux, les cavaliers mirent pied à terre,
et quoique gênés par leurs pesantes armures ,
et accablés de chaleur, ils attaquèrent résolu-
ment les Suisses. Ceux-ci se formèrent en coin,
et se ruèrent sur leurs adversaires. Ils rompi-
rent facilement les rangs des chevaliers inaccou-
LÊOPOLD 804
tumés à ce genre de combat, et en tuèrent en-
viron trois cents , entre autres Léopold , qui mou-
rut en défendant la bannière d'Autriche (1). E. G.
Konigshoven , Chronieon. — Gataro , Chronicon Pa-
duensc. — .Tustinger, Chronïk von liern. — Kurz, Ocs-
trcich unter Albreclit III. — l'aster, Geschichtc von
Schwaben. — Sucheuwirtli , Werkc (passim). — LiGh-
nowsky, Geschichte des Hanses Ilabsburg, t. IV.
III. Belgique.
* léopold Ier ( Georges-Christian-Fré-
déric), roi des Belges, prince de Saxe-Cobourg-
Saalfeld, né le 16 décembre i790. Après avoir
reçu une excellente éducation , il entra dans
l'armée russe avec le grade de général, faveur
qu'il dut au mariage de sa sœur Anne-Fœdorovna
avec le grand-duc Constantin. Pendant le voyage
que son frère fit en Russie en 1808, Léopold
resta chargé des affaires du gouvernement, et il
accompagna l'empereur Alexandre au congrès
d'Erfurt. En 1810, il quitta le service de la
Russie. En 1811, il conclut à Munich, avec le
roi de Bavière, un traité relatif à la délimitation
de la Bavière et du duché de Saxe-Cobourg. En
1813, Léopold alla en Pologne rendre compte à
l'empereur Alexandre des dispositions hostiles
de l'Allemagne à l'égard de la France. Il suivit
l'armée russe jusqu'à Paris, et eut plus d'une
occasion pendant la campagne de montrer sa va-
leur personnelle. Il passa en Angleterre avec les!
souverains alliés en 1814, et au commencement!'
de l'année suivante il assista au congrès de'^
Vienne. Rappelé à l'armée du Rhin par le retour ;
de Napoléon, il rentra dans Paris avec elle; il'
en repartit au bout de quelque temps pour se
rendre à Berlin. Pendant son séjour dans cette
ville, Léopold reçut l'invitation de revenir en
Angleterre. Il avait su plaire à l'héritière pré-
somptive de la couronne , Auguste-Charlotte ,
née le 7 janvier 1796, et le 16 mars 1816 le
prince régent annonçait par un message au
parlement le mariage de cette princesse, sa fille,
avec le prince Léopold. Le 27 mars, Léopold fut
naturalisé par acte du parlement, décoré du
titre de duc de Kendal, ayant le pas sur tous
les ducs et les grands fonctionnaires publics, et il
reçut la dignité de feld-maréchal avec entrée
au conseil privé. Le mariage se célébra le 2 mai ;
la princesse mourut en couches, le 5 novembre
1817. Une pension annuelle de cinquante mille
livres sterling fut assignée au prince Léopold, qui
continua de résider en Angleterre, au château de
Claremont. Le 3 février 1830, un protocole de
la conférence de Londres lui offrit le trône de la
(1) La plupart des historiens modernes attribuent la
victoire des Suisses au dévouement d'Arnold de Winkel-
ried, qui, saisissant plusieurs lances des Autrichiens,
aurait en tombant permis à ses compatriotes de péné-
trer par dessus son cadavre dans les lignes de l'ennemi;
mais les auteurs les plus anciens qui parlent de la ba-
taille, notamment Russ et Justinger, ne mentionnent au-
cunement ce fait) qu'on peut reléguer parmi les anec-
dotes inventées après coup, sans porter tort à la valeur
des Suisses ( F oy. Schweizer GescMchls -Forsc/ier,
t. IX).
805
Grèce. Léopold accepta, mais sous certaines con-
ditions, telles que. l'extension des frontières , la
garantie de l'indépendance du nouvel État, et des
secours financiers. Les trois cours protectrices
ne répondirent pas complètement aux demandes
du prince, et d'un autre côté le président Ka-
podistrias semblait multiplier les difficultés. Il
regrettait que le choix du souverain n'eût pas
été soumis à l'adhésion des représentants de la
nation, et faisait des réserves en faveur des
droits du peuple grec, dont la conférence n'avait
pas parlé. Un manifeste du sénat hellénique,
conforme aux observations du président, voté le
10 avril, appuya fortement sur le maintien des
libertés publiques de la Grèce, et s'éleva contre
la délimitation fixée par la conférence. Il expri-
mait en outre formellement le vœu que la re-
bgion grecque fût la religion dominante de TÉtat
et que le prince appelé à régner en Grèce con-
sentit à l'embrasser. Ces observations, les lettres
du président, qui devaient lui donner une idée
fâcheuse del'état du pays, d'autres raisons encore
peut-être, déterminèrent Léopold à refuser la cou-
ronne qu'on lui avait proposée; le 21 mai il écrivit
la conférence pour lui remettre son abdication.
Le 4 juin 1831, Léopold fut élu roi des Belges.
Le prince n'accepta qu'à la condition que les
dernières propositions émanées de la conférence
le Londres fussent sanctionnées. Le congrès belge
idopta ces propositions; Léopold quitta l'An-
;leterre et débarqua en Belgique. Le 21 juillet
1 jura solennellement, entre les mains du re-
lent Surlet de Chokier, d'observer la constitu-
ion et la loi du peuple belge, de maintenir l'in-
lépendance nationale et l'intégrité du territoire,
t fut proclamé roi des Belges sous le nom de
léopold Ie*. « Fier d'être Belge par votre adop-
ion, dit-il dans son discours, je me ferai aussi
ne loi de l'être toujours par ma politique. » La
uei re avec les Hollandais ne tarda pas à écla-
ir. Les Belges furent défaits. Léopold, qui avait
ris le commandement d'une partie de l'armée,
ut sa position tournée à Louvain. Il se décida
lors à appeler les troupes que le gouvernement
•ançais avait mises à sa disposition. Le maréchal
érard franchit la frontière à la tête de cinquante
lille hommes , le 9 août. Le roi des Pays-Bas
ippela aussitôt ses troupes ; les Français se re-
lièrent , en laissant seulement un corps de
Buze mille hommes en Belgique pour donner
î roi le temps de réorganiser l'armée. Le
septembre Léopold ouvrit pour la première fois
s chambres belges, élues en vertu de la cons-
ution du pays. Il leur demanda bientôt l'au-
|>risation d'adhérer au traité dit des vingt-
Utre articles, qae la conférence de Londres
posait aux parties belligérantes. Il l'obtint,
m sans difficulté, car les Belges, qui perdaient
Limbourg et le Luxembourg allemand, pro-
staient contre ce traité autant que le roi des
ays-Bas. Néanmoins le traité fut signé à Lon-
es le 15 novembre. Longtemps encore la Hol-
LÉOPOLD SOG
lande refusa de le ratifier, et se tint en élat
d'hostilité contre la Belgique. La France et l'An-
gleterre restèrent unies pour en assurer l'exé-
cution. Le 3 août 1832 Léopold épousa la fille
aînée du roi des Français, Louise-Marie-Thé-
rèse-Caroline-Isabelle, princesse d'Orléans , née
àPalerme, le 3 avril 1812. Ce mariage fut célébré
au château de Compiègne avec une grande sim-
plicité, sous la double consécration de l'évêque
de Meaux et d'un pasteur protestant. Peu de
temps après, à la suite de nouvelles négocia-
tions infructueuses, la France entreprit le siège
d'Anvers, pendant que l'Angleterre bloquait les
côtes de la Hollande. Le 24 juillet 1833, la reine
des Belges accoucha d'un prince. Léopold an-
nonça qu'il ferait élever son fils dans la reli-
gion catholique, qui est celle de l'immense ma-
jorité de la nation belge , et le baptême fut cé-
lébré le 8 août. Cet enfant mourut le 1C mai
1834. Les mesures énergiques de la France et
de l'Angleterre avaient amené le roi des Pays-
Bas à signer avec ces puissances, le 2t mai
1833, nn traité en vertu duquel il s'engageait à
ne point recommencer les hostilités contre la Bel-
gique en- attendant un traité définitif. Dès lors
la Belgique s'occupa du développement de ses
institutions et des intérêts matériels. Une loi du
1er mai 1834 établit les bases d'un vaste réseau
de chemins de fer dont le gouvernement pour-
suivit l'exécution avec persévérance : « C'est la
grande affaire nationale, disait M. Nothomb, ce
sera le monument du règne du premier de nos
rois. C'est le premier essai que la Belgique fait de
ses forces comme nation indépendante. » Une
banquenationalefutinstituéeen 1835. L'industrie
prit une grande extension ; des traités furent
conclus avec les nations étrangères; le roi Léo-
pold s'attacha à maintenir l'équilibre entre les
partis par des mesures conciliatrices, et, sage
interprète des principes constitutionnels, il
laissa arriver au pouvoir tous ceux que l'opi-
nion y portait, sans faire acception de personnes.
Des troubles intérieurs , suscités par la faction
orangiste ou par les partis avancés, furent faci-
lement réprimés. Le 9 avril 1835, la reine était
accouchée d'un second prince, qui reçut les noms
de Léopold-Louis-Philippe- Marie-Victor et le
titre de duc de Brabant ; un second fils naquit le
24 mars 1837, et fut appelé Philippe- Eugène-
Ferdinand - Marie-Clément - Becmdouin- Léo-
pold- Georges, comte de Flandres. Le 7 juin
1840, la reine donna le jour à une princesse,
Marie-Charlolte -Amélie - Auguste - Victoire-
Clémentine- Léopoldine.
A la fin de 1838,1e roi des Pays-Bas, renonçant
à cette politique belliqueuse qui ruinait les deux
pays, consentit à donner son adhésion au traité
des vingt-quatre articles. Cette décision fut mal
accueillie en Belgique, le statu quo ayant laissé
ce royaume en possession des portions du Luxem-
bourg et du Limbourg adjugées aux Pays-Bas
parce traité. De nouvelles démonstrations eurent
26.
807
LÉOPOLD
808
lieu ; le gouvernement belge engagea le général
polonais Skrzynecki: la cour de Russie, non en-
core représentée à Bruxelles, se plaignit haute-
ment, et les cours d'Autriche et de Prusse rap-
pelèrent leurs envoyés. Néanmoins, après une
vive discussion au congrès belge, le traité qui
consommait la séparation de la Hollande et de la
Belgique fut conclu , entre ces deux États, le
19 avril 1839, et en second lieu avec les cinq
puissances. Les questions de nationalité épui-
sées, la Belgique reprit avec activité le cours de
ses travaux d'organisation intérieure et com-
merciale. L'industrie multiplia ses produits. Il
fut un moment question d'une union douanière
avec la France; mais les producteurs français s'é-
murent: on se contenta de certaines concessions,
et la Belgique dut chercher d'autres marchés.
La révolution de février 1848 n'eut qu'un faible
contre-coup en Belgique, quoique l'émotion fût
grande à Bruxelles lorsqu'on y apprit les événe-
ments de Paris. Léopold, par sa décision et sa
franchise , prévint tout conflit; il réunit autour
de lui les chefs des différentes fractions parle-
mentaires , leur rappela dans quelles circons-
tances il avait accepté la couronne, leur déclara
qu'il était prêt à en faire le sacrifice si la nation
pensait devoir être plus heureuse en adoptant
le gouvernement républicain; il ajouta que s'il
en était ainsi il était inutile de recourir à la vio-
lence, puisqu'il ne demandait pas mieux que
d'aller vivre philosophiquement dans sa retraite
de Claremont. Cette déclaration du roi, digne
d'admiration, mit fin à toutes les hésitations. La
Belgique comprit que la république compromet-
trait sa nationalité; tous les partis se groupèrent
autour de Léopold Ier, et lorsque des bandes in-
surrectionnelles échappées de France apparu-
rent àRisquons-Tout, il suffit de quelques troupes
pour leur faire rebrousser chemin. Franchement
lié à la constitution la plus libre qui existe, Léo-
pold épousa loyalement les intérêts de la nation
qui l'avait appelé au trône; encore en 1857 il
sut se séparer à temps d'un ministère qui avait
la majorité dans les chambres, à propos d'une
loi sur les établissements de bienfaisance trop
favorable à l'influence du clergé et qui pouvait
compromettre la tranquillité du pays. Três-po-
pulaire en Belgique, Léopold a su maintenir de
bonnes relations avec toutes les puissances de
l'Europe. De nouveaux liens de parenté l'ont
rattaché à l'Angleterre par le mariage du prince
Albert avec la reine de la Grande-Bretagne. Les
États du Nord ont fini par reconnaître la sagesse
de son gouvernement et ont accrédité des agents
près de lui; la Hollande a négocié un traité de
commerce avec la Belgique, et depuis le réta-
blissement de l'empire en France Léopold a
trouvé des alliances en Autriche pour ses en-
fants. La reine Louise d'Orléans est morte au
mois d'octobre 1850. Le prince royal ayant été
déclaré majeur, le 9 avril 1853, le roi son père
entreprit un voyage avec lui en Allemagne , et
à son retour le duc de Brabant épousa l'archi-
duchesse Maria-Henrica-Anna d'Autriche , fille
de l'archiduc Joseph-Antoine, née le 23 août 1836.
En 1857, le roi Léopold maria sa fille à l'archi-
duc Ferdinand-Maximilien, frère de l'empereur
d'Autriche, et alors chargé de la vice-royauté de
Lombardie.
Simple dans sa vie privée, le roi Léopold n'a
qu'une liste civile de 2,751,322 fr., qu'il emploie
en grande partie en actes de bienfaisance et en
encouragement aux lettres, aux arts et aux
sciences. Tous les actes de l'état civil de sa fa-
mille sont simplement transcrits avec ceux des ,
autres citoyens à la mairie de Laeken, village
voisin de Bruxelles, où il possède un charmant
domaine et où il aime à passer sa vie. L. L — t.
Sarnit et Saint Edme, Biogr. des Hommes du Jour;
tome VI, lre partie, p. 25. — La Guéronnière, Étudesqft
Portraits politiques. — Capefigue, Diplomates et Hommes
d'État européens, tome IV. — Dict. de la. Convers. —
M en of the Time. — Convers. Lexikon,
IV. TOSCANE.
* léopold ïi ( Jean-Joseph-François-Fer'
dinand-Charles), grand-duc de Toscane, né à
Florence, le 3 octobre 1797. Il est le second
fils du grand-duc Ferdinand III, qui fut chassé
de ses États par les Français en 1799 et obtint
en dédommagement, par la paix de Lunéville,
l'archevêché de Salzbourg, qu'on sécularisa à cet
effet, et qu'il échangea plus tard, aux termes de
la paix de Presbourg , contre l'évêchédeWurtz-
bourg, érigé en grand-duché. Le prince Léopold
reçut une éducation distinguée. En 1814 il revint
à Florence avec son père, épousa en 1817 la prin-
cesse Anne, fille du prince Maximilien de Saxe, et
succéda le 17 juin 1824 à Ferdinand III. A la tête:
d'un État florissant, Léopold II continua la poli-
tique conciliante de son prédécesseur. Pendant
longtemps son gouvernement fut le moins op-
pressif de toute l'Italie. Un jour même il conquit
une grande popularité en refusant de livrer des
réfugiés à un gouvernement voisin. En 1847,
lorsqu'une grande agitation politique éclata en
Italie, Léopold 11 fut un des premiers à concé-
der une constitution à son pays. La même année
il acheta l'abdication du duc de Lucques, moyen-
nant une rente de 1,200,000 fr.; qu'il lui paya
jusqu'à la mort de la duchesse de Parme,
Marie-Louise, à qui le duc de Lucques succéda
aux termes du traité de Vienne. La Toscane s'é-
tait agrandie de ces États, si agités jusque alors
Plus tard , le triomphe du parti démocratique
le força d'aller plus loin : il dut laisser son ar
mée prendre part aux opérations militaires
contre l'Autriche , et subir un ministère repu
blicain. Léopold prit la fuite , et fut ramené dan.1
ses États par les troupes autrichiennes, qui avaieh
battu les soldats italiens et refoulé la Sardaigne
Rentré, le 28 juillet 1849, à Florence, Léopol(
abolit la constitution, oublia ses principes d<
tolérance , s'inféoda de plus en plus à la poli
tique de l'Autriche, et persécuta les protestants
En 1852, il rétablit la peine de mort pour lei
[
809 LÉOPOLD -
attentats contre le gouvernement et contre la
religion. Le 27 avril 1859, en apprenant le pas-
sage du Tessin par les Autrichiens, les troupes
toscanes se prononcèrent pour la cause dé l'in-
dépendance italienne, et demandèrent leur union
avec les troupes sardes pour combattre l'étran-
ger. Le grand-duc chargea, dit-on, le marquis
'de Lajatico de former un ministère qui aurait dé-
claré la guerre à l'Autriche. Mais le marquis ne
put taire adopter cette combinaison, et l'abdi-
cation de Léopold II fut exigée. Le grand -duc
abandonna de nouveau Florence, et se retira à
Bologne. La Toscane se mit alors, après avoir
protesté auprès du corps diplomatique , sous la
direction de la Sardaigne, qui y nomma un com-
missaire royal extraordinaire, et bientôt le prince
Napoléon s'y rendit avec un corps d'armée fran-
çais. Arrivé à Ferrare, le grand-duc adressa au
pape et à tous les souverains une nouvelle protes-
tation contre tout ce qui s'était fait à Florence et
contre l'occupation de la Toscane. L'empereur
d'Autriche, adhéra à cette protestation, comme
chef de la famille.
L'édition des Opère di Lorenzo de Medici
(Florence, 1825, 4 vol. in-folio), préparée par
Léopold II, lorsqu'il était encore prince hérédi-
taire, témoigne de la variété de ses connaissances.
Après la mort de sa première femme, arrivée
le 24 mars 1832, Léopold se remaria, le 7 juin
1833, avec la princesse Antoinette de Naples, née
le 19 décembre 1814. Le seul de ses enfants du
premier lit qui ait survécu est la princesse Au-
usta,née en 1825, mariée en 1845 au prince
Luitpold de Bavière. De sa seconde femme Léo-
pold a eu le prince Ferdinand, né le 10 juin 1835;
e prince Charles, né en 1839 ; la princesse Isa-
belle, née en 1834; et la princesse Marie , née
8n 1838. L. L— t.
Conversât ions-Lexikon.
léopold. Voy. Anhalt.
léopold Ier grand-duc de Bade. Voy. Bade.
léopold. Voy. Brunswick.
léopold. Voy. Lorraine.
léopold (Jean-Frédéric), naturaliste al-
lemand, né à Lubeck, le 2 février 1576, mort le
i mai 1711. Il étudia à Altorf, Strasbourg, Zu-
rich et Bàle, où il se fit recevoir docteur en
médecine, parcourut l'Italie, l'Angleterre, la
France, la Hollande, le Danemark, la Suède, et
se fixa en 1706 dans sa ville natale pour y exer-
cer la médecine. On a de lui : Relatio de iti-
nere sno Suecico, publiée Londres, 1720,
in-8°, par les soins du docteur Woodward.
E. G.
Seelcn, Athenœ Lubecenses, pars III, p. 290.
léopold (Achille- Daniel), littérateur al-
lemand, né à Lubeck, le 11 juin 1691, mort le
11 mars 1753. Aveugle de naissance, mais doué
l'une mémoire extraordinaire, il apprit rapide-
ment la philologie , la philosophie, la théologie,
la jurisprudence , et publia plusieurs ouvrages,
ctont voici les principaux : Commentatio de
■ LÉORIER 81.0
cœcis ita natis , varia theologico-juridico-
moralia exhibons ; Lubeck, 1726; _ Ver-
schiedene Gedichte ( Poésies diverses ) ; Hams-
bourg, 1732, in-8°.
Il ne faut pas confondre le précédent avec
son père, qui s'appelait aussi Achille- Daniel- Léo-
pold (1651-1722) et qui a publié, entre autres :
Nova literaria Septentrionis et maris Bal-
thici Lubecencia, ab Leopoldo et collegis
1698 ad 17 08 collecta ; Lubeck, 1698-1708. R. L.
J. H. v. Seelen, Prseclarissimum Cseci eruditi exem-
plum, etc.; Lubeck, 1753, in-4°. — Strodtiriaun, Jetztle-
bendes Gelehrtes Earopa, t. IX, p. 175. — Moller, Cimbr.
Utt., t. 1, p. 341.
léopold ( Jean - Dielrich ) , naturaliste et
biographe allemand, né à Ulm, en 1702, mort en
1736.11 étudia la médecine à Strasbourg et à
Tubingue, et exerça depuis 1728 son art dans
sa ville natale. On a de lui : Deliciœ sylvestres
florae Ulmensis; Ulm, 1728, in-8°; — Dequi-
busdam Médias Vlmensibus de republica
înicrocosmica bene meritis ; Ulm, 1731, in-4°.
— Léopold a laissé en manuscrit : Memoria Phy-
sicorum Ulmanorum , seu biographie medi-
corum Ulmensium , ab anno 1377 usque ad
annum 1733; l'original a été détruit en 1785,
lors de l'incendie de la bibliothèque d'Ulm ; mais
on en a conservé des copies. E. G.
Wegermann, Nachricht von Gelehrten, aus Ulm,
p. 377.
léopold (Charles-Gustave) , poète suédois,
né en 1756, à Stockholm, mort en novembre
1829. Il vécut quelque temps en Allemagne, et
devint en 1784 conservateur de la bibliothèque
de l'université d'Upsala. En 1789 Gustave III
l'appela auprès de lui, et le nomma son secré-
taire particulier. Après l'assassinat de ce roi,
Léopold se retira à Linkceping; mais Gustave rV
le rappela dans sa capitale, et le créa conseiller
de chancellerie. En 1822 Léopold perdit la
vue. Ce malheur troubla son esprit : il devint
mélancolique, et passa les dernières années de sa
vie dans One apathie complète. Léopold était
le principal représentant du goût français en
Suède , et fut par cette raison souvent attaqué
par la critique, qui demandait aux poètes suédois
un théâtre national. Ses tragédie Odin (1760) et
Virginia ( 1799 ) ont été traduites en français
( Chefs-d' Œuvre des théâtres étrangers pu-
bliés par Vincent Saint-Laurent). Un recueil de
ses écrits a paru à Stockholm, 1814,3 vol.;
nouvelle édition, plus complète; ibid., 1731-1833.
R. L.
Conv.-I.ex.
léorïer-delïsle ( Pierre- Alexandre),
célèbre manufacturier français , né à Valence
(Dauphiné), en 1744, mort à Montargis, le 25 août
1826. Il suivit d'abord la carrière des armes,
et il était officier de dragons lorsqu'une affaire
d'honneur avec un de ses chefs le força de quitter
le corps. Presque sans fortune, il accepta la
direction de la papeterie de Langlée, près de
Montargis, qu'il trouva dans un état déplorable.
311
LÉORIER — LÉOSTHÈNE
11 ramena bien vite la prospérité dans cet éta-
blissement, et rechercha des procédés nouveaux.
Il essaya de fabriquer du papier avec des plantes
et des écorces de végétaux communs. Léorier
annonça ses découvertes dans YÉpîfre déclica-
tôire des Œuvres du marquis de Villette; Lon-
dres, 1786, in-16, très-rare. Celte dédicace est
adressée au marquis Ducrest, surintendantdu duc
d'Orléans. Les cent cinquante-six premières pages
de ce livre sont imprimées sur papier d'écorce de
tilleul, et les vingt et-un feuillets suivants sont
faits de diverses substances , guimauve, orties ,
houblon, mousse, roseaux, conferve (mousse
d'eau ), 'écorces d'osier, de saule, de peuplier,
d'orme, de chêne, de racine de chiendent, de
bo'is de fusain, de coudrier, de feuilles de bar-
dane , de pas-d'âne , et de chardons. Ayant eu
des discussions avec les intéressés de la ma-
nufacture de Langlée, Léorier-Delisle quitta
cet établissement, et fonda la papeterie de
Buges, moins considérable, mais parfaitement
agencée. Quelques années plus tard, il devint
propriétaire de l'usine de Langlée, qui n'avait
pu se soutenir après son départ. Ce fut dans
ces deux papeteries, où huit cents ouvriers
étaient occupés, que Léorier fit fabriquer les
papiers du gouvernement destinés aux assignats.
Ensuite Léorier obtint la fourniture des papiers
nécessaires à l'administration du timbre. Il avait
établi un moulin à vent d'un modèle particulier
au moyen duquel il faisait subir aux vieilles
étoffes de laine une préparation qui permettait
de les filer et tisser de nouveau. Léorier tenait
un grand état de maison, et finit par tomber
dans la gêne; il fit des emprunts que la crise de
1806 l'empêcha de rembourser, il s'ensuivit un
long procès, qui se termina par une expropriation
forcée ; Léorier se retira ruiné à Monfargis, où il
mourut. J. V.
liiotjraphie universelle et portative des Contemp.
iL,É©STHÈKE(Aew<j6Évr]ç), général athénien,
tué vers la fin de l'année 323 avant J.-C. Sa
carrière fut aussi courte qu'éclatante. On ne sait
rien de sa vie avant l'époque où il prit le com-
mandement des Grecs confédérés contre la puis-
sance macédonienne en 323. Pour obtenir une di-
gnité si importante, il devait avoir quelque répu-
tation militaire, et il n'en était pas sans doute à
ses premières armes. On a généralement sup-
posé, d'après un passage de Strabon (IX, 443)
qu'il avait servi en Asie, sous Alexandre, mais
c'est probablement une erreur, et il faut lire
sans doute Léonnat dans le texte de Strabon.
Léosthène paraît pour la première fois dans l'his-
toire en 323. Alexandre, revenu triomphant de
l'expédition de l'Inde, était au plus haut point de
puissance, et ne gardait plus aucun ménagement
pour les villes grecques. En 324 il leur ordonna
de rappeler tous les exilés politiques. Cette
sommation, sous l'apparence de l'équité, cachait
une grave atteinte à l'indépendance des villes.
Les Athéniens et les Étoliens protestèrent éner-
312
giquement, et se préparèrent à soutenir leur
droit par les armes. Les mercenaires qui avaient
suivi Harpalos en- Grèce, d'autres mercenaires,
licenciés par les satrapes d'Asie, étaient campés à
Tsenare. Léosthène aila en prendre le commande*
meut au printemps de 323, et il s'efforça d'atti-
rer de nouveaux mercenaires d'Asie en même
temps qu'il pressait la formation des contingents
athénien et étolien. Pendant ces préparatifs,
Alexandre mourut (juin 323), et la nouvelle de
sa mort précipita le mouvement insurrectionnel
des Grecs. Léosthène, accourant à Athènes et
soutenu par Hypéride, fit, malgré l'opposition de
Phoeion, déclarer la guerre à la Macédoine. 11 se
mit ensuite à la tête des mercenaires de Tsenare,
traversa le golfe de Corinthe, recueillit les con-
tingents des Étoliens et des Acarnaniens, et,
devançant les Macédoniens au défilé des Ther-
mopyles, il pénétra dans la Thessalie, dont les
tribus se soulevèrent à son approche et lui four-
nirent des renforts, tandis que les villes du Pé-
loponnèse, excepté Sparte, se coalisaient contre
l'ennemi commun à la voix de Démosthène et
d'Hypéride. La confédération formée contre la.
Macédoine était plus nombreuse que celle qui
avait repoussé l'invasion de Xerxès, et il sembla
d'abord qu'elle n'aurait pas moins de succès. Le
principal appui de la Macédoine en Grèce était
la ligue béotienne, enrichie par la ruine de Thè-
bes, et qui avait tout à perdre d'une renaissance
de cette ville. Les Béotiens, campés sur le mont
Cithéron, empêchaient la jonction du contingent
athénien et de l'armée principale. Léosthène
fondit sur eux, les mit en pleine déroute, et avec
ses forces réunies marcha à la rencontre d'Auti-
pater, qui arrivait de Macédoine. Antipater fut
complètement vaincu, coupé de laMacédoine , et'
se réfugia dans la ville forte de Lamia,au sud
de la Thessalie. Léosthène commença aussitôt
le siège, et tenta d'enlever la ville d'assaut ; mais
les fortifications étaient redoutables , la garnison
nombreuse, et l'armée grecque n'avait pas les
machines nécessaires pour un siège. Le général
athénien fut forcé de convertir l'attaque en blo-
cus. Malgré ce contre-temps , les affaires des
confédérés étaient en bon état , lorsque Léos-
thène, en visitant les tranchées, fut blessé mor-
tellement à la tête par une large pierre lancée
des remparts. Il mourut deux jours après. Pm>
cion en apprenant ses premiers succès s'était
écrié : « Il a fait brillamment le stade ( petite
course), mais je crains qu'il n'ait pas assez de
force pour fournir la longue course. » Léosthène
aurait probablement démenti cette prédiction si
la mort ne l'avait arrêté au début de sa carrière
Avec lui périt l'espoir de la Grèce. La ruine ne
fut pas cependant immédiate, et dans l'intervalle
qui s'écoula entre la mort de Léosthène et la
défaite des confédérés à Cranon, Hypéride pro-
uonça l'oraison funèbre du général tué au mo-
ment où il allait affranchir la Grèce. Quoique
mort très-jeune, Léosthène laissa des enfants,
813 LÉ0STHÈ1SE
dont les statues du temps de Pausanias se
voyaient au Pirée à côté de la sienne. L. J.
Hypéridc, Oraison funèbre de Léosthène et de ses com-
pagnons d'armes , édit. de Babington; Londres, 1858,
In-fol. - Strabon, IX, p. 433, avec la note de Groskurd.
— Pausanias, I, 1, 25, 29. — Diodorc, X VHI, 8 -13. - Plu-
tarque, Pliocion, 23; De- Hep. ycrend., 6. — Justin, Mil.
— Thirlwall, Greece, vol. VU, p. 164. — Grotc, History
ofGrcece, p. XCV.
leotaud ( Vincent), géomètre français , né
en 1595, à La Val-Louise, dans le diocèse d'Em-
brun, mort en 1672. Il se fit jésuite aussitôt qu'il
eut terminé ses études, et professa pendant qua-
torze ans les mathématiques au collège de Dôle.
De là il fut envoyé au collège de Lyon, et vers
la fin de sa vie il se retira dans la maison de son
ordre à Embrun. On a de lui : Geometrias
practiese Elementa, Ubi de sectionibus coni-
cis habet quxdam insignia; Dole, 1631, in-16 ;
cet ouvrage est dédié à Jean Boy vin , conseiller
au parlement; — Examen circuli quadraturee
haclenus editarum celeberrim.se quam Apol-
lonius aller, magno illo Pergaco non minor
geometra R. P. Gregorius a Sanclo-Vincentio
Societatis Jesu, exposuit, etc. C'est sans doute
l'ouvrage que Sotwel cite sous ce titre : Etymon
quadratures circuit haclenus editorum ce-
leberrimse , quam Gregorius a S.-Vincentio,
exposuit ; Lyon, 1653, in-4°; c'est une réfu-
tation de l'ouvrage publié quelques années au-
paravant par le père Grégoire de Saint- Vincent,
qui se flattait d'avoir trouvé la quadrature
du cercle. Quelques-uns des disciples du P. de
Saint-Vincent répondirent au P. Léotaud, qui leur
répliqua par l'ouvrage suivant : Cyclomathia,
seu de multiplici contemplatione libri III;
Lyon, 1663, in-4°. Cet écrit est suivi d'un traité
sur la quadratice de Dinostrate, où l'auteur dé-
veloppe quelques propriétés non encore aperçues
de cette courbe. Ses autres ouvrages sont : lns-
tilutionum Arithmeticarum Libri IV; Lyon,
1660, in-4°; — Magnetologia , sive nova de
magneticis philosophia ; Lyon, 1668, in-4°.
J-B.
Lalande, Bibliograpk. Astronomique. — Backer, Bi-
bliothèque des Écrivains de ta Compagnie de Jésus.
téoTROPHiDE ( AEtoTpotp£ôï]ç ), poète di-
thyrambique athénien , vivait dans le cinquième
siècle avant J.-C. On n'a rien de lui, et il n'est
connu que par une plaisanterie d'Aristophane.
La maigreur de sa personne et la médiocrité de
sa poésie l'exposaient également aux railleries
des poètes comiques. Y.
Aristophane, Aves, U05, 140U, avec les scholies. — Sui-
das, au mot AeoJTpoçîSr);. — Athénée, XII, p. 551.
léotychiioe ( AewTuy.iSïiç), roi Spartiate,
fils de Ménarès et le seizième de la famille des
Eurypontides , mort en 469 avant J.-C. De-
venu roi en 491, au détriment de Démarate et
avec la connivence de Cléomène, il s'associa aux
projets de celui-ci contre l'ile d'Égine. Après la
mort de Cléomène , les Éginètes réclamèrent la
mise en liberté des otages que les deux rois leur
avaient enlevés et qu'ils avaient confiés à la garde
- LEOW1TZ 814
des Athéniens. Les détenteurs des otages refu-
sèrent de les rendre même aux instances de
Léotychide. En 479, après la fuite de Xerxès, le
roi Spartiate eut le commandement de la flotte
grecque. Il était peu capable d'en faire un vi-
goureux usage , et il fallut une ambassade des
Samiens pour le décidera faire voile vers la côte
d'Asie. La flotte perse s'enfuit à son approche,
et se réfugia à Mycale. Les équipages descendi-
rent à terre et tirèrent leurs vaisseaux sur le rivage.
Les Grecs débarquèrent à leur tour, et rempor-
tèrent une victoire complète sur les Perses, flus
tard Léotychide fut envoyé en Thessalie avec
une aimée pour châtier les tribus qui s'étaient
rangées du côté des barbares. Il fut heureux
dans les combats ; mais il se laissa gagner par
les présents des Alévades, et revint à Sparte sans
avoir rempli sa mission. Mis en jugement et con-
damné à l'exil, il alla mourir à Tégée. Sa maison
de Sparte fut rasée jusqu'au sol. Il eut pour suc-
cesseur son petit-fils Archidamus.
Un autre Léotychide , descendant du précé-
dent au quatrième degré, petit-fils d'Archidamus
et fils d'Agis II, fut exclu du trône par l'in-
fluence de Lysandre et d'Agésilas, sous prétexte
que sa naissance était illégitime et qu'il était le
fruit d'un adultère entre Alcibiade et Timeea ,
femme d'Agis. Y.
Hérodote, VI, 65,71, 72; VIII, 131, 132; IX, 90-92, 96-
106. — Pausanias, 11, 4; 111, 7. — Aristote, Pol., Il, 9. --
Diodore, XI, 34, 48. — Clinton, Fastt Hellenici, vol. II,
p. 209, 210. — Pausanias, III, 8. — Plutarque, Ages., 3;
Alcib., 23; Lysand., 22. — Xénophon, Ages., I; HelL,
III, 3. — Justin, V, 2.
leovigiede. Voy. Leuwigïld.
I léouzon-jleduc (N.), littérateur français,
né vers 1820. Après avoir fait plusieurs voyages
dans le nord de l'Europe, il fut en envoyé à la fin
de 1848 en Finlande pour choisir le marbredestiné
au tombeau deNapoléonIer, et reçut la croix de la
Légion d'Honneur. Sesprincipauxouvrages sont :
Une Saison de bains au Caucase, extrait de
Lermontoff ; 1845, in-8°; — La Finlande, son
histoire primitive, sa mythologie , sa poé-
sie, etc.; 1845,2 vol. in-8°; 1848, in-8°; — His-
toire Littéraire du Nord; 1850-1852, 2 vol.
in-8° ; — Essai biographique et critique sur le
comte Ouvaroff (en tête des Esquisses de cet
écrivain) ; — La Russie contemporaine; 1853,
in-8° et in-16; — L'Écho de la Guerre; 1854,
in-8"; — L'empereur Alexandre; 1855, iu-s°.
M.Léouzon-Leducacrééenl856Z,'0£sert'a£eMr,
journal financier. G. de F.
Documents particuliers.
leowitz (Cyprien), astrologue bohémien,
né en 1 524, à Leonicia, près de Hradisch, mort en
1574, à Lawingen en Souabe. Il devint mathéma-
ticien de l'électeur palatin, Otton-Henri, et reçut
en 1569 la visite deTycho-Brahé. De ses prédic-
tions astrologiques, qui lui acquirent de la re-
nommée, aucune ne se réalisa. Ainsi il avaitassuré
que l'empereur JVIaximilien II régnerait un jour
sur le monde entier. Il avait prédit aussi l'arrivée
815
LEOWITZ — LE PAIGE
816
de la fin du monde pour l'année 1584, ce qui trou-
bla la conscience de tous les gens crédules (1).
On a de Leowitz : Tabulée Ascensionum om-
nium obliquarum ad plures altitudinis gra-
dus productse ; Augsbourg, 1551, in-4°; —
Eclipsium abanno 1554 usque ad annum 1606
Descriplio ; Augsbourg , 1554 et 1556, in-fol.;
— Ephemeridum novum atque insigne Opus,
ab anno 155C ad annum 1606 supputatum;
accesserunt : 1° Eclipsium Typi elegantis-
simi; 2° Expedita Ralio constituendi cœlestis
thematis, cum tabulis e quibus motus pla-
netarum tain in nativitate quam in révolu-
tionibus , citra laborem haberi possunt;
3° Brevis Ratio genesis judicandi ; 4° Loca stel-
larum ftxarum ab anno 1349 usque in an-
num 2029 diligenter annotata; 5° Themata
quatuor temporum ; Augsbourg, 1557, in-fol.;
— De conjonctionibus magnis insigniorum
superiorum planetarum , Solis De/ectionibus
et Cometis. Prognosticon ab anno 1564 in 20
sequentes annos ; Lauingen, 1564, in-4°;
Londres, 1573, in-49; Wittemberg, 1586, in-8°;
Marbourg, 1618, in-4°, avec YAcroteleution de
Gorlenius; traduit en français, 1568, in-12: c'est
dans cet ouvrage que Leowitz prédit la fin du
monde pour 1584. Une de ses principales raisons
était que « la conjonction de Jupiter et de Sa-
turne devait en 1583 avoir lieu dans la constel-
lation des Poissons , et que le monde ayant com-
mencé par la conjonction dans le trigone de feu,
devait finir par cette conjonction dans le trigone
d'eau. » E. G.
Bayle, Diction. — Weidler, Historia Jslronomiae. —
Kàstner, (Jesckiclite der Mathematik, t. II, p. 344 et 538.
* lelpage {Henry), littérateur et paléo-
graphe français, naquit à Amiens, le 3 septembre
1814. Simple compositeur d'imprimerie, il con-
sacra une partie de ses nuits à écrire pour le
journal de la Meurthe une série d'articles, réim-
primés sous le titre de Fleurs Lorraines; 1842,
2 vol. in- 18. Le succès de cette publication dé-
cida de sa carrière. En 1843 il quitta l'im-
primerie, pour s'occuper de la rédaction d'une
Statistique du département de la Meurthe, qui
parut en 1843, 2 vol. gr. in-8°, et qui lui valut
la place d'archiviste du département. Parmi les
travaux qu'il inséra dans les Mémoires de l'A-
cadémie de Stanislas, et dans les Bulletins de
la Société d'Archéologie lorraine, dont il est le
président, on remarque les notices sur l'exploi-
tation des mines en Lorraine; sur l'origine
de diverses industi'ies importantes, telles
que les verreries, les papeteries, la fabri-
(1) « L'an 1584, raconte Guyon dans ses leçons diverses,
il courut un bruit par toute la chrétienté , que sans
doute la On du monde aviendroit ceste année, dont il prit
telle frayeur à plusieurs qu'ils prindrent le saint sacre-
ment ayant jeusné et s'estant confessez avant. Mesmes
en aucuns bourgs de ce pays et de la Marche, que je
neveux nommer, ils firent leur testament; et mVstant
trouve la, je leur remonstroy que si toutes personnes
périssoient qu'ils ne pourroyent trouver d'héritiers,
ine&mes aussi que tous les biens périroyent. »
cation des cartes à jouer, etc., Sur le droit
d'asijle, le Roi des Ribaucls, etc. On a de lui en-
core : la Statistique historique et administra-
tive dudéparlement des Vosges; 1843,gr. in-8°
(en collaboration avec M. Charton) ; — Recherche
sur l'Origine et les premiers temps de JSancy;
1856, in-8°; — Le trésor des Chartes de Lor-
raine ; 1858, in-8°; — Les Communes du dé-
partement de la Meurthe, journal historique
des villes, bourgs, villages, hameaux, etc., de
ce département; 1855, 2 vol. grand in-8°. C'est
à lui qu'on doit en grande partie la création à
Nancy d'un Musée Lorrain, établi dans l'ancien
Palais des ducs de Lorraine. M. Lepage est
depuis 1845 correspondant du ministère de l'Ins-
truction publique pour les travaux historiques.
J. L.
Documents particuliers.
lepaige ( Jean), biographe et théologien
français, né vers 1575, mort vers 1650. S'étant
fait recevoir docteur en Sorbonne en 1604, il
devint bientôt prieur du collège de Prémontré,
dans l'université de Paris et procureur général
de l'ordre, et fut chargé de faire revenir à l'an-
cienne règle de l'ordre les maisons de France.
En 1635 il fit tous ses efforts pour faire élire le
cardinal de Richelieu abbé général des Prémon-
trés; mais, loin d'amener le chapitre à se rendre
aux vœux du cardinal, Lepaige s'attira par ses
démarches le ressentiment des membres influents
de l'ordre, qui lui firent retirer son office de pro-
cureur général. Il s'établit alors à Nantouillet, en
Brie, village dont il fut nommé curé. On a de
lui : Sanctorum Confessorum Prœmonstra-
tensis Ordinis Vitae; Paris, 1620, in-80; — Bï-
bliotheca Prsemonstratensis Ordinis; Paris,
1633, in-fol. Cet ouvrage, publié sans l'autorisa-
tion des supérieurs de l'ordre, manque de cri-
tique; il est divisé en cinq livres : le premier
est un commentaire de la Vie de saint Notbert,
écrite par le cardinal Jacques de Vitry ; le se-
cond renferme les vies des saints et saintes de
l'ordre de Prémontré ; dans le troisième se trou-
vent les privilèges qui lui furent accordés par
les papes et les princes; le quatrième contient les
anciens statuts de l'ordre, et le cinquième une
suite chronologique des abbés de Prémontré,
avec leurs biographies. E. G.
Moréri, Diction.
le paige (Thomas), auteur ascétique fran-
çais, né le 25 novembre 1597, en Lorraine; mort i
le 14 mars 1658,àChàteauvillain (Champagne).
Il entra dans l'ordre des Dominicains, et y fit
profession en 1618. Il avait toutes les qualités
d'un bon prédicateur, la composition facile, la
voix sonore, l'action véhémente; il possédait
fort bien les Écritures et les Pères , saint Au-
gustin surtout, et savait en tirer parti dans ses
discours. L'oraison funèbre de M. de Verdun,
premier président du parlement de Paris, qu'il
prouonçaen 1627, commença sa réputation; il
fut dès lors recherché avec empressement pour
817
prêcher dans les villes épiscopales. Le eardinal
de Richelieu, qui l'avait entendu plusieurs fois
avec plaisir, lui avait, dit-on, promis un evêché.
On a de ce religieux. : Manuel des Confrères du
saint Rosaire ; Nancy , 1625, in-12; — V Homme
content, œuvre pleine de graves sentences,
d'heureuses reparties et de bonnes pensées;
Paris, 1629-1633, 2 vol. in-8", plusieurs Ibis
réimprimé; - Oraison funèbre du maréchal
de Vitry ; Paris, 1649; — Harangue funèbre
du duc de Chaulnes ; Paris, 1651. K.
Échard, Script, ord. frscdicat., Il, 590. — Dom Calmet,
Biblioth. Lorraine.
le paige (Jean), érudit français, né en
1651 , en Lorraine, mort en 1713. Il exerça les
fonctions de conseiller et d'auditeur en la
chambre du conseil de Bar-le-Duc. On a de lui :
Nouveau Commentaire sur la Coutume de
Bar-le-Duc, conférée avec celle de Saint-
Michel; la seconde édition a été revue, corrigée
et augmentée de nouvelles notes ; — Chrono-
logie historique des Comtes et Ducs de Bar , de
leur origine et antiquité, en manuscrit. K.
. Dom Calmet, Biblioth. Lorraine.
le paige (Guillaume), physicien belge, né
à Humbeke-Saint-Lambert, le 10 juillet 1688,
mort à Louvain, le 17 juin 1765. Il professa suc-
cessivement les mathématiques et la philosophie
à Louvain. 11 devint recteur de l'université de
cette ville, et publia : Méthode générale pour
trouver le vuide, et le reste de iouter sortes
de tonneaux entamés; très-utile pour ceux
qui font profession de jauger les tonneaux
à vin et autres liqueurs; Louvain, 1749, in-8°.
L— z — E.
Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire des Pays-
Bas, t. VI U, p. 404-407.
le paige (André-René) , géographe fran-
çais, né vers 1699, à La Suze (Maine), mort le
2 juillet 1781, au Mans. Après avoir été pendant
vingt-cinq ans curé de Chemiré-le-Gaudin, il fut
nommé, en 1756, chanoine de l'église du Mans.
On a de lui : Dictionnaire Topographique, his-
torique , généalogique et bibliograghique
de la province et du diocèse du Maine; Le
Mans, 1777, 2 vol. in-8°; cet excellent ouvrage
renferme des notions sur l'histoire, l'industrie et
les productions de chaque commune, ainsi qu'une
description sommaire des provinces de Touraine
et d'Anjou , tirée des mémoires manuscrits de
M. de Miroménil. K.
Hauréau, Hist. Litt. du Maine, III.
LE paige ( Louis- Adrien ), littérateur fran-
çais, né en 1712, à Paris, où il est mort, en 1802.
11 était avocat et bailli du Temple. Parmi ses
nombreux écrits, qui ont presque tous paru sans
nom d'auteur, nous citerons : Annales pour
servir d'élrennes aux amis de la vérité;
(1733), in-24 : contenant les faits qui ont pré-
cédé la bulle Unigenitus ; — Recueil des Let-
tres pacifiques ; Paris, 1752, in-12; 1753, in-4°;
—Lettres historiques sur les fonctions essen-
LE PAIGE — LEPAULMIER 818
tielles du Parlement, le droit des pairs, etc.;
Amsterdam, 1753-1754, 2 part, in-12; — Mé-
moire au sujet d'un écrit ( de l'abbé Capmartin
de Chaupy) contre le Parlement; 1754, in-12;
attribué à dom La Taste par Goujet; — Histoire
de la Détention du cardinal de Retz et de ses
suites; 1755, in-12 : en sociélé avec le président
de Menières; — Histoire abrégée du Parle-
ment durant les troubles du commencement
du règne de Louis XIV; 1754, in-12 ; — Lettre
sur les lits de justice; 1756 et 1765, in-12; —
La Théologie suppliante aux pieds du sou-
verain pontife; 1756 : trad. du latin de
Serry, etc. Le Paige est encore auteur de la se-
conde partie de V Histoire générale de la nais-
sance et des progrès de la Compagnie de Jé-
sus, de l'abbé Coudrette. K.
Quérard, La France Littéraire.
LEPAULMIER DE GRENTEMESNIL (Ju-
lien ), en latin Palmerius, médecin français né
en 1520, dans le Cotentin, mort en décembre
1598, àCaen. D'une famille noble et ancienne, il
fit ses études de médecine et de philosophie à
Paris, où, selon le témoignage de Huet, « il de-
meura onze ans avec Fernel, et profita si bien
sous son savant maître qu'il fut estimé un des
plus savants médecins de son siècle ». Après
avoir été reçu docteur à Caen, il obtint le même
grade à la faculté de Paris, y devint professeur,
et subit deux fois le sort de ses collègues pro-
testants ; mais sa réputation d'excellent praticien
était telle qu'il fut deux fois rétabli dans sa place.
Après la Saint-Barthélémy, il se retira à la cam-
pagne, et y continua ses observations médicales,
afin, disait-il, de ne pas perdre son temps. Appelé
auprès de Charles IX, il le guérit d'une insomnie
cruelle,causée par des veilles immodérées. Il suivit
le duc d'Anjou dans les Pays-Bas, puis le maré-
chal de Matignon, et déploya tant de prudence,
de valeur même à plusieurs sièges que Henri III
le combla de présents et le déclara par lettres pa-
tentes très-digne de la noblesse. Sur ses vieux
jours il s'établit à Caen pour y vivre dans l'exer-
cice de la religion réformée ainsi que sa femme,
Marguerite de Chaumont, qu'il avait épousée en
1574. On a de lui : Traité de la nature et
curation des Plaies de pistolle, arquebuse et
autres bastons àfeu; Paris, 1568, in-8°; Caen,
1569, in-4°; l'auteur, dans ce rare opuscule, ne
partage pas l'erreur générale qui faisait alors re-
garder comme brûlé le trajet des plaies d'armes
à feu; — De Morbis contagiosis Lib. VII; Pa-
ris, 1578, in-4° ; réimp. à Francfort et à La Haye
en 1601 et en 1664, in-8°; il y est question de
la maladie vénérienne (partie qui a dû paraître
séparément et que Jacques de Cahaignes a tra-
duite en français), du mercure,de l'élépbantiasis,
de l'hydrophobie et de la peste ; — De Vino
Pomaceo Lib. II; Paris, 1588, in-8°:trad. en
français par Jacques de Cahaignes, 1589; in-8° :
c'est une apologie du cidre, à l'usage duquel il
croyait devoir la guérison des palpitations de
819 El PAULMIER
cœur qui lui étaient restées à la suite des mas-
sacres de la Saint-Barthélémy, P. L— y.
feloy, Dict. de Médecine, III, soi. — Moréri, Dict. His-
torique. — Bibliotti. Mgronomigue, «o.
le paclmîer (Jacques), érudit français, fils
du précédent, né le 5 décembre 1587, dans le
pays d'Auge, mort le 1er octobre 1670, à Caen.
Resté orphelin à l'âge de douze ans, il fut confié,
par son frère aîné, aux soins du fameux ministre
protestant Pierre du Moulin, étudia la philosophie
et le droit, et s'appliqua particulièrement à la
langue grecque, sans négliger les littératures mo-
dernes. Il termina son éducation en visitant les
principales villes de France, et telle était la consi-
dération qu'il s'était acquise de bonne heure chez
ses coreligionnaires qu'il fut député par eux à
la cour afin de se plaindre de certaines infractions
aux édits. En 1620 il passa, en Hollande, et ser-
vit pendant huit ans sous les ordres des princes
Maurice et Frédéric-Henri de Nassau. A peine re-
venu dans son pays, il eut le malheur de tuer un
gentilhomme qui l'avait brutalement attaqué dans
la rue; obligé de venir se justifier devant le conseil
du roi, il futabsous après bien des procédures (1).
Lorsque M. de Longueville entreprit son expé-
dition de Lorraine (1635), Le Paulmier alla le
rejoindre, et obtint une compagnie de cavalerie, à
la tête de laquelle il rendit des services signalés.
Vers 1650, il s'établit définitivement à Caen, con-
tribua beaucoup, avecMoisant. à la fondation de
l'Académie, et la soutint avec énergie contre les
gens qui voulaient la ruiner. 11 mourut à l'âge de
quatre-vingt-trois ans, après avoir, dans sa vieil-
lesse, subi deux fois la douloureuse opération de
la taille. «C'était, dit son biographe Etienne Morin,
un homme d'un esprit excellent et d'un jugement
exquis, dont les mœurs étaient irrépréhensibles,
et qui était l'ennemi déclaré du mensongeet de la
dissimulation. » On a de lui : Exercitationes in
optimos autores grœcos ; Leyde, 1668, in-4°;
cet ouvrage, où un grand nombre d'endroits dif-
ficiles sont expliqués avec beaucoup de netteté
et d'érudition , fut publié d'après le conseil de
Huet ; Maittaire et Gronovius en ont tiré les re-
marques les plus intéressantes ; — Grsecias an-
tiquai Descriptio ; Leyde, 1678, pet. in-4° : tra-
vail inachevé et publié par Etienne Morin, qui l'a
fait précéder d'une "vie frès-dëtaillée de l'auteur;
— Kpixixôv £7uxeîpï)[Jia, sivepro Lucano [contra
Virgilium ] apologia e scriniis Jani Ber-
kelii édita ; inséré dans les Dissertationes se-
lectx crilicse de J. Rerkel; Leyde, 1704, in-8°,
et dans le Lucain d'Oudendorp, ibid., 1728,
in-4° ; dans cette étude, composée dès 1 629, Le
Paulmier s'efforce de venger Lucain des injustes
(1) « II parait, dit Cbaufeplé, que M. Le Paulmier étoit
au poil et à la plume, et qu'il n'était pas moins adroit à
manier les armes qu'habile à traiter les sciences. » Il
conserva jusque dans un âge avancé celle humeur bouil-
lante. On raconte qu'à snixnnte-dix ans il se bSttità l'épée
et au poignard contre un jeune homme, et qu'il parvint à
le désarmer. Tous les savants ne sont pas aussi coura-
geux..
— LEPAUTE 820
attaques de Scaliger; — un Éloge de Claude
Sarrau, en tète du recueil des lettres de ce
dernier; Orange, 1654, in-8°; — Notas in Scy-
lacis Periplum (1700), in Slrabonem (1707) et
in Polybium (1716); — des Poésies grecques,
latines, italiennes et françaises, en partie inédites.
P. L— Y.
Et Morin , Vie de J. Le Paulmier, dans la Crxcise
Descriptio — Huet, Origines de Caen. — Moysant, lii-
bliolli. des Écrivains français. — Burmann, Syllotje Epis-
tolarum, V. — Journ. des Savants, 170i. — Nictron,
Hommes illustres, VIII. — Moreri, Dict. Hist. — Chats
iepié, Nouveau Dict. Hist. et crit., 111. — Haag frères,
La France Protestante.
lepaute (Jean-André), horloger et méca-
nicien français, né à Montmedi, en 1709, mort à :
Saint-Cloud, le 11 avril 1789. Il vint fort jeune
à Paris, et ne tarda pas à se faire connaître par
la bonne composition et la belle exécution des
grandes horloges publiques, qu'il porta à la der-
nière perfection ; celles qu'il fit pour le palais du
Luxembourg, les châteaux de Bellevue, des Ter-
nes, etc. sont des modèles en ce genre. C'est dans
le Traité d'Horlogerie qu'il publia en 1755
qu'il a exposé les descriptions des inventions et
des perfectionnements dont il était l'auteur. Ce"
livre contient en outre l'histoire très-abrégée des
machines propres à mesurer le temps, la des-
cription de toutes sortes de montres et de pen-
dules, un traité des échappements, un autre sur
les engrenages. L'ouvrage, dédié au marquis de
Marigny, frère de la fameuse marquise de Pom-
padour, est divisé en deux parties : la première
est spécialement consacrée aux montres et la
seconde aux pendules. Comme inventeur, Le-
paute se présente avec l'échappement à chevil-
les, qu'il a perfectionné ; on peut voir une ap-
plication de cet échappement à l'horloge du ca-
binet d'histoire naturelle (Jardin des Plantes).
Une autre invention ou plutôt un autre perfec-
tionnement, dont il a fait usage le premier, c'est
de faire tourner les pivots des roues dans des
entailles demi-circulaires pratiquées sur les côtés
des cages des horloges et couvertes de cha-
peaux fixés par des vis; ce qui permet d'enlever
une roue sans démonter toute la machine. Voici
les inventions auxquelles il parait ajouter de
l'importance : une pendule qui est entretenue
en mouvement par un courant d'air. On sait
qu'un moulinet, placé dans le tuyau d'une
cheminée ou dans une ouverture pratiquée dans
un carreau de vitre, tourne sans cesse tantôt
dans un sens, tantôt dans un sens contraire sui-
vant que le courant d'air entre dans la pièce
dans laquelle se trouve l'horloge ou en sort. Ce
mouvement alternatif du courant d'air est inces-
sant. Si donc un moulinet d'une force quelque
peu considérable portait sur son axe un pi-
gnon qui engrènerait dans les dents d'une roue
qui remontrerait le poids , l'horloge marcherait
sans interruption pendant un temps indéfini. Il
est bon de savoir qu'il existe des moyens méca-
niques pour faire que le moulinet fasse tourner,
S2i
toujours dans le même sens , la roue du remon-
toir. — Pendule à une seule roue faite en 1751,
présentée au roi en mai, môme année. Cette
machine n'est qu'un tour de force sans résultat
utile, Il est fort singulier que l'auteur la présente
comme un modèle de simplicité. — Les mêmes
observations s'appliquent à la pendule sans
roues de mouvement qu'il exécuta l'année sui-
vante. Ici ce sont les queues des marteaux des
quarts et des heures de la sonnerie qui impri-
ment des impulsions au pendule et l'entretien-
nent en mouvement, c'est-à-dire que le pendule
doit marcher seul et comme isolé pendant un
quart d'heure ; mais, comme dit l'auteur, ce chef-
d'œuvre de simplicité a. l'inconvénient de mar-
cher irrégulièrement, par la raison que le pen-
dule reçoit des degrés variables de force, suivant
les heures : douze fois autant, par exemple , à
midi qu'à une heure. A la suite de cette des-
cription, qui remplit plus de trois pages in-4°,
en vient une autre d'une pendule à une roue
avec une sonnerie sans rouage, inventée par
son frère. C'est encore un tour de force , à
•la description duquel l'auteur a consacré une
planche et sept pages in-4°. Ce serait perdre son
temps et sa peine que d'entreprendre de débrouil-
ler ce galimathias; les jeunes horlogers n'y trou-
veraient aucun profit, pas même le germe d'une
idée neuve et raisonnable. — On fait à Lepaute
l'honneur d'avoir construit la première horloge
horizontale qu'on ait vue à Paris (1); il con-
vient lui-même que les avantages de cette dispo-
sition avaient été connus et signalés avant lui. Le-
paute enseigna aussi divers procédés pour
s'assurer de la bonté d'une montre; le plus sim-
ple de tous, dont chacun peut facilement faire
l'épreuve, consiste dans les diverses positions
qu'il faut faire prendre successivement à la
montre et la laisser dans chacune de ces positions
pendant des espaces de temps égaux (2). — Hor-
(1) Une horloge est dite horizontale quand ses roue3
sont placées les unes à lî suite des autres, au lieu que le
plus souvent elles tournent les unes au-dessus des au-
tres.
Au premier abord on croirait que la disposition des
roues d'engrenage est indifférente, ce qui n'est pas, du
moins'à quelque chose près. Quand les roues sont les
unes au-dessus des autres, si les trous des pivots s'a-
grandissent du haut en bas, il arrive nécessairement que
les dents des roues se rapprochent ou s'éloignent plus ou
moins de celles des pignons avec lesquels elles engrènent,
d'où résultent des variations dans la marche de tout le
système dont le rouage se compose.
Dans le cas, au contraire, de la disposition horizontale
des roues, l'élargissement des trous des pivots se faisant
parallèlement de haut en bas, les roues et les pignons
conservent respectivement une position Invariable et
l'engrenage n'est plus sujet à des irrégularités, du
moins par cette cause.
(2) Ainsi, on placera la montre horizontalement sur
le fond, puis sur le verre, après quoi on la dressera
verticalement le chiffre XII en haut et successivement
les chif Ires toujours en h;iut, I, II. La montre sera ré-
putée bonne, excellente même, si la régularité de sa
marche reste invariable pendant toute la durée de
l'épreuve. Pour qu'une montre soit bonne, il n'est pas
nécessaire qu'elle soit d'accord avec les astres, il suffit
que ses aiguilles reviennent au même point en des temps
LEPAUTE 822
loge de la ville de Paris composée et exécutée
par Lepaute, oncle et neveu (17SO-1781). Cette
magnifique machine, la plus parfaite et la plus
intéressante peut-être de toutes celles du même
genre qui existent en Europe, marche six mois
sans s'écarter de l'heure vraie du soleil.
Tesseydre.
I-epaute, OEuvres.
LEPAUTE ( Nicole - Reine Ét\ble de la
Brière, Mme), mathématicienne française,
femme du précédent, née le 5 janvier 1723, à
Paris, morte le 6 décembre 1788. Son père
avait été attaché à la reine d'Espagne, Elisa-
beth d'Orléans. A vingt-cinq ans elle épousa
le célèbre horloger dont elle porte le nom. Amie
de Clairaut et de Lalande, qui se plaisaient à en-
courager ses observations et ses essais, elle les
servit habilement par la justesse de ses calculs
sur une comète dont le retour avait été an-
noncé pour 1757, mais qui ne parut que sur la
fin de 1758, à cause du retard apporté à sa
marche par l'action troublante des planètes
Jupiter et Saturne. « Au mois de juin 1757, dit
Lalande, j'engageai Clairaut à appliquer sa so-
lution du problème des trois corps à la comète
qu'on attendait, et à calculer l'attraction de Jupi-
ter et de Saturne sur la comète, pour avoir exac-
tement son retour. Mme Lepaute nous fut d'un
si grand secours , que nous n'aurions point osé
sans elle entreprendre cet énorme travail, où il
fallait calculer pour tous les degrés et pour cent
cinquante ans les distances et les forces de
chacune des deux planètes par rappoit à la co-
mète. Je lui ai rendu justice à cet égard , dans
ma Théorie des Comètes. » En 1759, Clairaut
avait également cité Mœe Lepaute dans son livre
sur la comète, où il profitait de cet immense
travail; mais il supprima cet article, par com-
plaisance pour une femme jalouse du mérite de
Mme Lepaute, et qui avait des prétentions sans
aucune espèce de connaissance. Mme Lepaute
publia une carte pour l'éclipsé du 1er avril
1764 : on y voit la trace de l'ombre, qui formait
sur la terre une courbe ovale. Le naturaliste
Commerson dédia à Mme Lepaute, sous le nom
de Lepautia, la rose du Japon, que de Jussieu
appela depuis Hortensia. On a de cette femme
savaqte : Table des Longueurs des Pendules,
insérée dans le Traité d'Horlogerie de son mari;
— Observations imprimées dans la Connais-
sance des Temps de 1759 à 1774 : les volumes
de 1763 et de 1764 renferment la Table des
Angles parallactiques nécessaire aux marins,
et les Calculs de V Éclipse annulaire du Soleil
annoncée pour le 1er \avril 1764, avec une
carte où est tracée la marche de cette éclipse et
ses différentes phases pour tous les pays de
l'Europe; — Tables du Soleil, de la Lune et
des autres planètes, publiées dans les Ëphé-
égaux; c'est-à-dire que si la petite aiguille fait le tour
du cadran en il heures, elle doit le faire six fols en
soixante-six heures.
823
LEPAUTE — LEPAUTRE
824
mérides des mouvements célestes, tomes.VII
et VIII; — Mémoires d' 'Astronomie, lus à l'A-
cadémie de Béziers, dont l'auteur était membre,
imprimés dans le Mercure. J. V.
Lalande, Histoire de V Astronomie ; 1788. — Arnault,
Jay, Jouy et Norvins, Oiog. nouv. des Contemp.
lepaute (Jean-Baptiste), horloger fran-
çais, frère de Jean-André Lepaute, néàThon-
nelalong (Lorraine), en 1727, mort à Paris, le
18 mars 1802. Il allait embrasser l'état ecclé-
siastique lorsque son frère aîné l'appela en 1748
à Paris, où il exerçait avec succès l'horlogerie.
Le jeune Lepaute avait de telles dispositions pour
cet art qu'au bout de quelques mois de pratique
il fut en état de construire une horloge horizon-
tale pour le château royal de La Muette. Il aida
son frère dans la fabrication de l'horloge du pa-
lais de Luxembourg, qui passa au Palais-Royal.
En 1754, il conçut une pendule analogue à celle
que son frère avait dotée d'un nouvel échappe-
ment à repos. Eu 1760 et 1763, les deux frères
firent venir de leur pays leurs neveux, Pierre
Henri et Pierre-Basile. En 1774, Jean-André
abandonna à son frère sa part dans l'établisse-
ment commun, et Jean-Baptiste s'adjoignit ses
deux neveux. Il construisit avec eux, en 1780,
pour l'hôtel de ville de Paris la plus belle et
la plus importante horloge qui existât alors dans
cette capitale : cette machine, d'un grand volume,
est à équation, et indique jour par jour le retour
du soleil au méridien. En 1784 ils firent pour
l'hôtel des Invalides une horloge qui égalait en
perfection celle de l'hôtel de ville , mais d'un
moindre volume. En 1789 Lepaute se retira des
affaires, et laissa sa maison à ses neveux. Pierre-
Henri, né en 1743, mourut au mois de juillet
1806, à la suite d'une longue et douloureuse
maladie provenant d'une blessure qu'il avait re-
çue lors de l'explosion de la machine infer-
nale du 3 nivôse. Pierre-Basile exposa en 1806
un remontoir d'égalité d'une disposition très-
simple, se remontant douze fois par minute,
et appliqué à une pendule. En 1812, il employa
ce mécanisme pour la pendule astronomique
qu'il construisit pour le Bureau des Longitudes,
et qui fut placée à l'Observatoire de Paris. En
août 1813, il fit encore entrer ce mécanisme dans
la construction de l'horloge qu'il plaça , avec son
fils aîné, au château de Compiègne, et qui figura à
l'exposition de 1819. Pierre-Basile Lepaute, né
à Thonnelalong, en 1749, mourut au mois d'août
1843. — Son fils, mort en 1849, a construit la
belle horloge de la Bourse de Paris, qui est regar-
dée comme le chef-d'œuvre de la haute horlogerie
de précision. On lui doit aussi celles de la Poste
et de beaucoup d'autres monuments. Il avait été
membre du conseil des prudhommes. L. L — t.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Con-
tenu). — Rapport du Jury de l'exposition des produits de
l'industrie, 1806. 1819, 1834.
lepaute ( Joseph) . Voy. Agelet.
lepautre (Antoine), architecte français,
né à Paris, en 1614, mort en 1691. Il avait le
titre d'architecte du roi et de Monsieur, lorsqu'il
construisit pour le duc d'Orléans les deux ailes
du château de Saint-Gloud. Ce fut lui qui donna
le dessin des cascades du château de Saint-Cloud.
En 1625, il éleva aussi l'église de Port-Royal,
au faubourg Saint-Jacques. Il publia en 1652 ses
Œuvres d'Architecture, qui contiennent un
grand nombre de dessins très-estimés, surtout
pour la décoration. Mme de Montespan avait
désigné Lepautre pour bâtir le château de Clagny ;
maisMansard, poussé par Le Nôtre, le supplanta.
Il avait été nommé membre de l'Académie de
Sculpture lors de son institution, en 1671. [Le
Bas, Dict. encycl. de la France. ]
Ladvocat, Dict. Hist. portât. — Moréri, Grand Dict.
hist.
lepautre (Pierre), sculpteur français , fils
du précédent, né à Paris, le 4 mars 1659, mort
dans la même ville, le 22 janvier 1744. Son père
l'avait d'abord destiné à l'architecture ; mais son
goût l'entraîna vers la sculpture. Il remporta le
grand prix, se rendit à Rome, et y demeura pen-
dant quinze ans. Ce fut là qu'il exécuta en 1716 le
groupe d'Énée et Anchise que l'on voit dans le
jardin des Tuileries. Le groupe d'Aria et Pêlus,
qui fait pendant à celui-ci, est aussi de lui. Tout
en regrettant de ne pas trouver dans ces deux
sujets un peu plus de simplicité, on y recon-
naît de grandes qualités et la connaissance de
l'antique. Peut-être n'est-ce pas une preuve de
bon goût que d'avoir placé dans le groupe d'Aria
et Petus la figure allégoriqne de l'Amour qui se
couvre les yeux ; mais on comprend que cette
idée ingénieuse ait pu séduire l'artiste, et on
pardonne à l'imagination du poëte de s'être fait
sentir dans l'œuvre sévère du sculpteur. On a
encore au jardin des Tuileries deux statues de
cet artiste, une Atalante et un Faune à la
biche, toutes deux copiées de l'antique. Lepautre
a aussi exécuté les sculptures en bois de l'œuvre
de Saint-Eustache, sculptures bien composées
et finement exécutées. La modestie de Lepautre
l'empêcha, dit-on, de se. présenter à l'Académie,
et il mourut sans y avoir été admis. Lepautre a
fait plusieurs gravures à l'eau -forte; celle qu'on
cite comme la plus remarquable représente la
statue de Louis XIV exécutée par Coysevox, et
que la ville de Paris fit ériger en 1089. [ Le Bas,
Dict. encycl. de la France. ]
Ladvocat, Dict. Histor. portât. — Moréri, Le Grand,
Dictionnaire Historique.
lepautre (Jean), graveur français , oncle
du précédent, né à Paris, en 1617, mort dans la
même ville, le 2 février 1682. Placé chez un me-
nuisier, qui lui donna les premiers éléments du
dessin, il devint bientôt un excellent dessinateur
et un habile graveur. Il publia presque exclusi-
vement des dessins d'architecture et d'orne-
ments , qu'il entendait parfaitement. Lepautre. a
aussi gravé plusieurs portraits, entre autres celui
de Louis XIV, habilié à la romaine, et assis dans
son cabinet ; quelques paysages , avee des vues
de grottes, de jardins, de jets d'eau,, etc., et des
S25
LEPAUTRE — L'ÉPÉE
326
vues perspectives de Fontainebleau, avec les fêtes
du baptême du dauphin. Il avait été reçu à
l'Académie en 1677. Son œuvre comprend plus
de mille planches, dont le chevalier Bernin faisait
grand cas. J. V.
Ladv'ocat, Dict. Hist. portatif. — Morèri, Grand Dict.
hisl.
le payen (Charles - Bruno), agronome
français, né à .Metz, en 1715, mort dans la même
ville, le 11 novembre 1782. Il était procureur du
ro; au bureau des finances de la généralité
de Metz et d'Alsace, et publia : Essais sur les
moulins à soie, et description d'un moulin
propre à servir seul à Vorgansinage et à toutes
les opérations du tord de la soie ; Metz, 1767,
in-4° et in-12; — Description de la constnic-
tion qui s'est faite à Metz de Vaisseaux en
maçonnerie propres à loger et à conserver
le vin; Metz, 1780, in-4° et in-12; — Obser-
vations nouvelles sur les vignes en treilles
et sur les moyens de perfectionner cette nou-
velle méthode de culture , mémoire lu à l'A-
cadémie de Metz et inséré presque en entier
dans les Affiches de Metz, pour 1781 et 1782.
J. V.
Bégln, Biogr. de la Moselle.
F le pays (René), sieur du Plessis-Villenecve,
poète français, né à Nantes, en 1636, mort à
Paris, le 30 avril 1690. Allard le met dans le ca-
talogue des écrivains du Dauphiné, parce que,
dit-il, « la plus grande partie de ses ouvrages
sont dauphinois, conçus dans Grenoble et dans
Valence >;. Le Pays fut nommé directeur général
des gabelles du Dauphiné et de Provence , et
publia en 1664 ses Amitiés, Amours et Amou-
rettes , recueil de lettres et de poésies qui ob-
tint du succès en province et même à Paris. «Il
y eut des dames de la première qualité qui les
lurent avec beaucoup de plaisir, dit Bayle, et qui
s'informèrent du libraire comment l'auteur était
fait. Dès qu'il eut su que la duchesse de Nemours
avait eu cette obligeante curiosité , il lui envoya
«ne description de sa personne. Cet écrit est
intitulé, Portrait de Vauteur des Amitiés,
Amours et Amourettes ; il est mêlé de vers et
de prose. » Le livre de Le Pays est curieux à
consulter comme témoignage du goût du temps.
C'est une imitation de Balzac et de Voiture ,
imitation lourde, sans esprit, sans tact, qui exa-
gère tous les défauts des deux auteurs originaux
et ne reproduit pas une seule de leurs qualités.
Cependant, au milieu d'un fatras insupportable,
on reconnaît quelque imagination dans les dé-
tails et un certain talent d'expression. Ces mé-
rites assez minces ne justifient pas un succès qui
fut surtout une vogue provinciale à une époque
où les rapports moins fréquents entre la capitale
et le reste de la France laissaient toujours la
province fort en retard sur le goût parisien.
Boileau a fait dire à son campagnard ridicule :
Le Pays sans mentir est un bouffon plaisant.,
Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture.
Le Pays ne se fâcha pas de cette mention peu
flatteuse, et de Grenoble il écrivit sur ce sujet
une lettre badine à un de ses amis de Paris. Son
second ouvrage, un roman de Zélotide, n'ayant
pas réussi, il revint à son premier genre, et
donna encore un recueil de lettres et de pièces
mêlées. « Il paraît, par quelques-unes de ses
lettres, dit Bayle, qu'il avait été en Hollande et
en Angleterre. Les relations qu'il a faites de ces
pays-là sont trop folâtres et bien injustes; et il
y a mêlé des réflexions sérieuses qui sont très-
fausses. » Le Pays était membre de l'Académie
d'Arles ; le duc de Savoie le fit chevalier de
Saint-Maurice. Ces distractions et ces succès
littéraires l'empêchèrent de remplir ses devoirs
d'administrateur. Appelé à rendre compte pour
un de ses employés qui avait « dissipé les deniers
de sa majesté « , il allégua entre autres raisons
en sa faveur : « 1° qu'il ne s'est point enrichi
depuis trente ans qu'il est dans les fermes du roi ;
2° qu'il est trop bel esprit (1) pour s'engager
dans des comptes et dans des calculs de finan-
ces. « Ces raisons ne parurent sans doute pas
suffisantes, et le directeur des gabelles fut l'objet
d'un arrêt « qui l'écrasa » selon son expression,
mais sur lequel on n'a pas de détails. Le Pays
ne survécut que peu d'années à cette condam-
nation. On a de lui : Amitiés , Amours et
Amourettes ; Grenoble, 1664, in-12; — Zélotide,
histoire galante ; Paris, 1665, in-12; — Nou-
velles Œuvres contenant des lettres et des pièces
de poésie , églogues , sonnets , élégies, stances ;
Paris, 1672, 2 vol. m-12; Leipzig, 1738, 2 vol.
in-8°; — Pièces choisies des Œuvres de Le
Pays; La Haye, 1680, 2 vol. in-12 ; — Le Dé-
mêlé de V Esprit et du Cœur ; Paris, 168S,
in-12. • N.
Eayle, Dictionnaire historique et critique. — Bros-
sette, Commentaire sur Boileau, sat., III. — Titon du
Tillet, Parnasse français. — Moréri, Grand Diction-
naire Historique. — ÀUard, Bibliothèque du Dauphiné.
L'Épée (Charles-Michel, abbé de), célèbre
philanthrope français, né à Versailles, le 25 no-
vembre 1712, mort à Paris, le 23 décembre 1789.
Son père était architectedu roi. De bonneheure de
L'Épée tourna ses vues vers le sacerdoce, dans le-
quel il espérait trouver le moyen de satisfaire son
ardente charité. Il avait achevé ses études théo-
logiques , et allait recevoir la prêtrise lorsqu'une
difficulté sembla devoir arrêter sa carrière. La
querelle du jansénisme était alors fort animée;
on demandait qu'il signât le formulaire , sorte
de déclaration moliniste dressée dans le diocèse de
(1) Pour mieux prouver sans doute qu'il était un bel
esprit, Le Pays présenta à Louis XIV un placet emei:;
qui finissait ainsi :
Mon petit bien n'est pas un fief impérial;
N'attaquez jamais de bicoque
Indigne d'un siège royal.
Subjuguez tout le Rbin. la gloire en sera grande.
La justice le veut ; voire droit le demande :
Ce sont des coups dignes d'un roi.
Prenez sur l'empereur, prenez sur la Hollande.
Mais, sire, au nom de Dieu, ne prenez rien sur mot.
827
L'ÉPÉE
828
Paris. De L'Épée, qui inclinait peut-être vers les
opinions opposées, s'y refusa : il lui fallut renoncer
aux ordres. Il voulut alors se consacrer au bar-
reau , et se fit recevoir avocat au parlement de
Paris. Cependant, l'état ecclésiastique lui sem-
blait toujours sa vocation; l'évêque de Troyes,
neveu du grand Bossuet, dont il portait le nom,
lui offrit un canonicat dans son diocèse, et de
L'Épée put enfin recevoir l'ordination. La mort
lui ayant enlevé ce protecteur, il revint à Paris,
où sa liaison avec Soanen fit prononcer l'inter-
diction contre lui par l'archevêque deBeaumont.
Forcé de quitter les fonctions de son état, le
jeune abbé se créa un autre ministère : il se dé-
voua tout enti'er à l'instruction des sourds-muets.
Le hasard lui avait fait rencontrer deux jeunes
sœurs sourdes-muettes , qu'un prêtre de la doc-
trine chrétienne, le P. Vanin, avait essayé de
tirer de l'ignorance où les plongeait la nature, au
moyen d'estampes combinées pour l'instruction :
de L'Épée s'offrit à remplacer ce bon religieux,
qui venait de mourir. Ce fut là le commencement
de cette belle carrière qu'il parcourut si glorieu-
sement. A cette époque, un nommé Pereira était
en grand renom à Paris pour des succès obtenus
par des procédas dont il faisait mystère , et parmi
lesquels on place l'invention de X alphabet ma-
nuel. L'abbé de L'Épée a déclaré dans la préface
de son livre n'avoir rien su de la méthode de
son compétiteur, non plus que de ses devan-
ciers : ce serait donc uniquement par lui-même
qu'il serait arrivé à ses résultats. « L'instruc-
tion des sourds muets , dit-il , consiste à faire
entrer, par les yeux, dans leur esprit, ce qui
est entré dans le nôtre par les oreilles. » A
l'aide du dessin et de l'alphabet manuel, il par-
vint à fixer dans l'esprit de l'élève la nomen-
clature grammaticale et à exprimer par des si-
gnes naturels les relations simples des objets ;
mais il restait à créer une grammaire par signes
conventionnels qui pût servir à rendre la di-
versité des opérations de l'esprit et le nombre
infini de relations dont la combinaison des idées
rend les objets susceptibles ; cette dernière partie
de la tâche devait appartenir à l'abbé Sicard
(voy. ce nom ). « La méthode de l'abbé de L'É-
pée, dit M. Dufau, consiste à s'emparer des
signes dont la nature a enseigné l'usage aux
sourds-muets , et qui leur servent pour com-
muniquer avec leurs proches ; à les perfectionner,
à en faire une langue véritable , langue expres-
sive et féconde : et cette langue des signes mé-
thodiques , depuis perfectionnée par l'abbé Si-
card, est bien véritablement la création de l'abbé
de L'Épée. L'Anglais Wallis l'avait pressentie;
mais ici, comme en tout, à celui qui applique et
systématise l'honneur de l'invention ! »
L'abbé de L'Épée élaborait doucement sa mé-
thode, à mesure qu'il la mettait en pratique. Il
parvint en peu de temps à instruire quelques
sourds-muets. Ses succès l'enhardirent : il les
prit chez lui à ses frais pour pouvoir suivre leur
éducation. Il avait 7,000 livres de revenus, qui
bientôt ne furent plus suffisants : il s'adressa à
quelques personnes bienfaisantes, notamment
au duc de Penlhièvre, et il put continuer et
agrandir son établissement, qu'il ne réussit-pour-
tant pas à placer sous le patronage du gouver-
nement. Dévoué corps et âme à ses élèves, il
se privait de tout pour leur entretien , et l'on ne
peut raconter sans attendrissement cette scène
touchante où les sourds-muets vinrent le sup-
plier, au milieu d'un dur hiver, d'acheter du bois
pour se chauffer. Il réfusa les offres brillantes
de l'étranger. Rejetant les présents de l'impéra-
trice Catherine II, il lui demanda, comme preuve
de bienveillance, un sourd-muet à instruire; et
il répondit à l'empereur Joseph II, qui était venu
lui-même le visiter pendant son séjour en France,
que s'il voulait du bien aux sourds-muets c'était
sur l'œuvre même qu'il fallait le placer. Pour
satisfaire ce vœu, l'empereur lui envoya un ec-
clésiastique qui , après avoir reçu ses leçons ,
devint à Vienne le directeur du premier établis-
sement national de cette ville en faveur de ces
infortunés. L'excès de son zèle suscita à l'abbé
de L'Épée quelques tracasseries : ayant cru re-
connaître l'héritier dépouillé de la riche et puis-
sante famille des comtes de Solar dans un mal-
heureux muet, nommé Joseph, qu'on avait trouvé
couvert de haillons sur la route de Péronne,
en 1773, il mit toute son ardeur à faire triom-
pher les droits de son protégé. Un long et dis-
pendieux procès s'ensuivit : l'abbé de L'Épée
n'en vit pas la fin. Une sentence du Châtelet
avait admis les prétentions de Joseph en 1781;
mais on fit traîner l'affaire en longueur, et en
J792, après la mort de l'abbé de L'Épée, et dans
les derniers mois de la vie du duc de Penthièvre,
les seuls protecteurs du sourd muet, un juge-
ment d'un des nouveaux tribunaux de Paris in-
firma la sentence du Châtelet, et défendit à Jo-
seph de porter à l'avenir le nom de Solar. Le
malheureux, se voyant abandonné de tout le
monde, s'enrôla dans un régiment de cuirassiers,
et mourut au bout de quelque temps dans un
hôpital (t).
L'abbé de L'Épée , après avoir vu s'élever de
tous côtés des institutions analogues à la sienne ,
d'après ses vues, et à la tête desquelles se trou-
vaient placés des hommes à qui il avait appris
lui-même son art ingénieux, mourut au milieu
de ses élèves, en recevant la consolante assu-
rance que le gouvernement ne laisserait pas périr
après lui l'établissement auquel il s'était voué.
Le roi le prit en effet sous sa protection , et
l'Assemblée conlituante fonda en 1 791 l'Institu-
tion nationale des Sourds-Muets à Paris. Des
honneurs publics furent rendus à la mémoire de
l'abbé de L'Épée : l'Assemblée nationale déclara
(1) M. Bouilly a mis en scène cet épisode de la vie de
l'abbé de L'Épée, dans une comédie en prose et en cinq
actes qui porte le nom du charitable abb-'-, et qui a tu
du succès.
829 L'ÉPÉE —
qu'il avait bien mérité de la patrie et de l'hu-
manité. Son oraison funèbre fut prononcée à
Saint-Étienne-du-Mont , le 23 février 1790, par
l'abbé Fauchet. On a de l'abbé de. L'Épée :
Institution des Sotirds et Muets; 1774, in-12 :
c'est un recueil des exercices soutenus par ses
élèves depuis 1771, avec quatre lettres où il
traite les points principaux de sa méthode; —
Institution des Sourds et Muets par la voie
des signes méthodiques; 1776, in-12; c'est le
même ouvrage que le précédent avec des déve-
loppements nouveaux, tels que le projet d'une
langue universelle par l'entremise des signes
naturels assujettis à une méthode artificielle; —
La véritable manière d'instruire les Sourds
et Muets, confirmée par une longue expé-
rience; 1784, in-12; c'est encore le même ou-
vrage que le précédent avec les pièces d'une
polémique que l'auteur eut à soutenir avec Hei-
nicke, qui avait attaqué la méthode des signes
méthodiques. L'abbé de L'Épée s'occupa long-
temps de la composition d'un Dictionnaire
général des Signes employés dans la langue
des Sourds-Muets ; mais ce travail n'a pu être
achevé que par son successeur, l'abbé Sicard. En
1820, on publia VArt d'enseigner à parler
aux Sourds-Muets de naissance, par l'abbé
de L'Épée, augmenté de notes explicatives et
d'un avant-propos par l'abbé Sicard , précédé
de Y Éloge historique de l'abbé de L'Épée,
par M. Bebian , couronné par l'Académie des
Sciences, 1 vol. in-8°. En 1838, on retrouva dans
une fouille, sous les dalles d'une chapelle de l'é-
glise Saint-Roch, les ossements de l'abbé de L'É-
pée. Une souscription s'ouvrit , et un monument
lui fut élevé dans cette église; il se compose du
buste en bronze de ce bienfaiteur de l'humanité
par M. Préault. L. Louvet.
Cl. Fauchet , Oraison funèbre de l'abbé de L'Épée. —
Bebian, Éloge de Ch.-M. de L'Épée. — Aléa, Eloge de
l'abbé de L'Épée. — Et.-Morel, Notice biogr. sur l'abbé
de L'Épée. — Dufau, dans le Dict. de la Conversation.
— Le Bas, Dict. Encyclopédique de la France. — J. Va-
lette , Vie de l'abbé de L'Épée ; 1837, in-18.
lepeintre [Charles-Emmanuel), ac-
teur français, né à Paris, le 5 septembre 1782,
mort le 5 avril 1854. 11 fit d'abord partie de la
troupe enfantine des Jeunes Artistes (1), et
après la mort de son père , qui était peintre, il
s'engagea pour le théâtre de Bordeaux, où il
resta pendant plus de sept ans. Après avoir figuré
quelque temps sur la scène de Lyon, il vint, le
11 novembre 1817, à Paris, où il entra dans la
troupe des Variétés. En 1827 il quitta ce théâtre
pour celui du Vaudeville, où l'avait appelé Des-
augiers. On le vit plus tard sur la scène du
(1) Ce théâtre, fondé le 12 avril 1779, s'appelait dans
['origine le Théâtre lyriqite et comique de la rue de
Bond y. II prit plus tard le titre de Variétés amusâmes.
Déruoli en 1784, il fut remplacé par une manufacture de
papiers peints. Plus tard on y construisit la salle dont
nous parlons, et qui fut supprimée, en vertu du décret
de 1807.
LEPEKHIN 830
Palais-Royal (1). Puis, il retourna au Vaude-
ville, et y resta jusqu'à l'incendie de ce théâtre.
A partir de cette époque, Lepeintre ne fut
plus qu'un comédien nomade. Dans les dernières
années de sa vie, il avait adjoint à l'exercice de
sa profession l'exploitation d'un des hôtels les
mieux achalandés du quartier des Tuileries. Cette
entreprise prospérait , lorsque la révolution de
184s porta un coup fatal à son industrie. Il dut
alors demander au théâtre des ressources qui
lui faisaient souvent défaut, et depuis long-
temps, en butte à des chagrins domestiques , il
perdit la tête, et mil un terme à ses jours en
se jetant dans le caual Saint-Martin. Lepeintre
était un comédien habile, vif, entraînant, mais
manquant de naturel. E. de M.
annuaire dramatique de Bruxelles. — Renseigne-
ments inédits.
lepeîwtre ( Emmanuel- Augustin) , frère
du précédent, né à Paris, en 1788, mort dans la
même ville, le 24 janvier 1847, fut de 1823à 1845
attaché au théâtre du Vaudeville et entra plus
tard aux Variétés, où il resta jusqu'à la fin de ses
jours. Il mourut à la suite d'une chute, occa-
sionnée par un embonpoint excessif. A l'inverse
de son frère , le jeu de Lepeintre le jeune était
l'expression même de la nature, et pour citer les
rôles dans lesquels il a excellé, il faudrait les
citer tous. Il était doué d'un esprit très-vif, de
beaucoup de gaîté et tournait très-facilement le
couplet. 11 a composé un certain nombre de
pièces pour les scènes secondaires, et qui toutes
ont eu du succès. Il est aussi auteur de la
Physiologie du Parrain; Paris, 1843, in-24.
E. de Manne.
Courrier des Spectacles. — Annuaire dramatique de
Bruxelles.
lepekhia' ( Ivan-Ivanovitch ) , naturaliste
russe, né vers 1739, mort le 6 avril 1802. Il
étudia à l'université de Strasbourg, et devint mem-
bre de l'Académie des Sciences de Saint-Pé-
tersbourg, dont il fut en 1783 nommé secrétaire
perpétuel. Chargé par Catherine II d'explorer
son vaste empire au point de vue des sciences
naturelles , Lepekhin a renfermé le fruit de ses
explorations dans un Journal de Voyages en
diverses provinces de l'empire russe ; Saint-Pé-
tersbourg, 3 v. in-4°, 1771-1780; traduit en alle-
mand par Hase, Altenburg, 1774, avec fig. On a
encore de lui : Discours sur la nécessité de se
rendre compte de la valeur médicale des plan-
tes indigènes; Saint-Pétersbourg, 1785 ; — Dis-
sertation sur la culture des vers à soie; Saint-
Pétersbourg, 1798 ; — Sur les Moyens de pré-
server et de guérir les bestiaux de l'épizootie ;
Saint-Pétersbourg, 1790; — latraduction«n rosse
(1) Ancien théâtre de la Montansier, fermé également
depuis 1807. C'est dans son local que fut établi depuis le
fameux Café de la Paix. Un nouveau privilège, accordé
en 1830 au comédien Dormeuil, autorisa sa réouverture,
qui eut lieu, le 6 juin 1831, sous la dénomination de
Théâtre du Palais- Roy al.
831
fie la moitié du 1er tome et les t. 5, 6, 7, 8, 9 et
10 de VHistoire naturelle de Buffon. A. G.
Grelcli, Opit Kratkoi istoriirouskài Literatouri (Es-
sai sur l'histoire de lu littérature russe ).
le peletier ( Pierre), poëte français, né
à Paris, où il est mort, en 1680. Il était avocat;
mais sa principale occupation était de composer
des sonnets à la louange de toutes sortes de gens.
« Dès qu'il savait qu'on imprimait un livre, dit
Moréri, il ne manquait pas d'aller porter un
sonnet à l'auteur pour avoir un exemplaire de
l'ouvrage. Il gagnait sa vie à aller en ville ensei-
gner la langue française aux étrangers. » Boileau
parle plusieurs fois de lui dans ses satires de
même que dans son discours au roi et dans Y Art
"poétique; il le dépeint comme un flatteur et un
parasite (1) :
Cependant l'abbé de Marolles cite Le Peletier
avec estime , et Richelet , dans son traité de la
versification française, prétend que « jamais
personne ne fut moins parasite que le bonbomme
du Peletier; hors qu'il alloit montrer en ville,
c'étoit un vrai reclus. » On prétend que ce mau-
vais rimeur appartenait à la même famille que
les précédents. On a de lui plusieurs pièces in-
sérées dans les recueils poétiques du temps , et
une série de lettres qu'il a intitulées Nouvelles.
P. L— Y.
Moréri, Grand Dict. Hist. — Boileau , Notes de Bros-
sette. — Mchelet, Les plus' belles Lettres françoises, 1.
— Marolles, Dénombrement des Auteurs.
le peletier. (Dom Laurent), archéologue
français , vivait à la fin du seizième et au com-
mencement du dix-septième siècle. Il était moine
et prieur de l'abbaye Saint-Nicolas d'Angers , et
embrassa la réforme introduite à Angers par-
Guillaume Ayrault. Une de ses sœurs épousa le
frère de l'historien Claude Ménard. On a de lui :
Légende de Robert d'Arbrissel avec le cata-
logue des abbesses de Fontevrauld ; Angers,
1586, in-4°, sans nom d'auteur; — Brevicu-
lumfundationis et séries abbatum Sancti-Ni-
colai Andegavensis ; Angers, 1616, in-4° ; —
Histoire ou Briefve description des Ordres re-
ligieux et congrégations ecclésiastiques ; An-
gers, 1626, in-8°. Elle est dédiée à Henri Ar-
nauld, et précédée de pièces de poésie à la louange
de l'auteur ; — La Chasteté, et combien l'in-
continence est dommageable, et de la di-
gnité et excellence du mariage et de la sain-
teté de plusieurs femmes et filles illustres ;
Angers, 1634, in-8°. L'ouvrage est dédié à Si-
monne de Maillé Brézé , abbesse du Ronceray.
La bibliothèque d'Angers possède encore de Le
(15 Dans la satire II, il ajoute en se moquant :
J'envie, en écrivant, le sort de Peletier.
S'il faut en croire les commentateurs de Boileau, Pe-
letier prit ce vers pour une louange; et, dans cette
pensée, il lit imprimer cette satire dans un recueil de
poésies, où il avait inséré quelques pièces. Boileau s'e>
tant plaint au libraire de ce qu'il avait imprimé cette
satire sans son aveu, le libraire lui répondit que c'était
Peletier qui l'avait donnée, parce qu'elle était à sa
louange.
LEPEKHIN — LE PELLETIEPv 832
Peletier un manuscrit très-important : Le second
Cartulaire de Saint- Nicolas, où parmi les
pièces authentiques se trouvent insérées . de cu-
rieuses notes sur l'histoire provinciale.
C. Port.
Pocquet de Livonnière , Les Illustres d'Anjou; mss. à
la Bib. d'Angers. — Rente de l'Anjou, lie année, t. II, p. 3.
LE peletier (Claude), magistrat français,
né à Paris, en 1630, mort dans la même ville,
le 10 août 1711. Il remplit d'abord plusieurs
charges dans la magistrature, et se distingua sur-
tout comme prévôt des marchands en 1668. Il fit
construire à cette époque le quai de Paris que
l'on appelle encore quai Le Peletier. Il était con-
seiller d'État , lorsque le roi l'appela à la difficile
mission de remplacer Colbert dans sa charge de
contrôleur général des finances. Le Peletier était
un homme circonspect, complaisant, et comme
il était parent deLeTellier et de Louvois et leur
devait sa place, il ne s'appliqua qu'à leur plaire
et à déprécier l'administration de son illustre et
habile prédécesseur. Il ne possédait pas les ta-
lents qu'exigeait la situation malheureuse du
royaume, et quand il désespéra d'arriver au
port, il abandonna la conduite du vaisseau. Il
se démit en effet de sa charge au bout de six
ans; mais il resta membre du conseil, comme
ministre d'état, devint surintendant des postes à
la mort de Louvois, en 1691, et renonça à ces
deux emplois en 1697, malgré le désir du roi,
qui lui conserva toujours sa bienveillance. Il
passa le reste de sa vie dans la retraite. On
lui doit : Le Corps de Droit canon, Y An-
cien Code ecclésiastique, et des Observations
sur le Code et les Novelles (d'après les manus-
crits de P. Pithou ) ; — Cornes Rusticus; Paris,
1692, in-12; 1708, petit in-8°; — Cornes Senec-
tutis; ibid., 1709, in-12. Il avait aussi donné des
éditions nouvelles du Cornes Juridicus et du
Cornes Theologus de P. Pithou. [Le Bas, Dict.
Encijcl. de la France. ]
Boivin, Fie de Claude Le Peletier. — Moréri, Grand
Dict. Histor. — Bresson, Hist. fin. de la France.
LE PELLETIER DE SAINT-FARGEAU (Loilis-
Michel), magistrat et homme politique français,
arrière-petit-tilsde Michel-Robert LePelletier-des-
Forts, comte de Saint-Fargeau, contrôleur général
des finances en 1726-1730, naquit à Paris, le
29 mai 1780, et fut assassiné dans la même ville, le
20 janvier 1793. 11 était à l'époque de la révolution
président à mortier au parlement de Paris, et jouis-
sait d'une fortune de six cent mille livres de rente.
En mai 1789, la noblesse de la capitale le choisit
pour son représentant aux états généraux. Il
parut d'abord hésiter sur le parti qu'il adopterait.
Des dix députés de la noblesse de Paris, lui et
le comte de Mirepoix furent les seuls qui ne
se réunirent au tiers état que le 27 juin 1789,
lorsque le roi eut invité les deux premiers
ordres à cette réunion ; il protesta même , les 3,
9 et 1 1 juillet , contre cette réunion et ses con-
séquences ; mais il changea tout à coup decondaite
833
LE PELETIER
834
politique,et redoutant l'avenir, il proposa,lel'3 juil-
let, « qu'on invitât Louis XVI à rappeler M. Nec-
ker et ses collègues » ; et il ajoutait : «. Représen-
tons le peuple, de peur qu'il ne se représente lui-
même. » Il se rangea dès lors parmi les députés
les plus connus par leurs principes démo-
cratiques. Ce ne fut pas sans réflexion; car
on l'entendit répondre à plusieurs de ses amis
qui lui reprochaient son changement de parti :
« Que voulez-vous, quand on a six cent mille
livres de rente , il faut être à Coblentz ou au
faîte de la Montagne! » Nommé, en janvier
1790, membre du comité de jurisprudence crimi-
nelle, il en fut le rapporteur habituel en 1790 et
1791 ; d'un caractère naturellement doux, il vota
constamment pour l'abolition de la peine de
mort, de celle des galères et de toute flétrissure
indélébile. Le 1er juin 1790 il fit décréter que
la décapitation serait substituée au supplice de
la corde, et soutint avec talent la discussion
établie sur le nouveau code pénal. Le 19 du
même mois, il demanda « qu'il fût défendu de
prendre d'autre nom que les noms patronimiques
et celui de famille; cette motion fut adoptée.
Le surlendemain, Le Peletier fut élu président
de l'assemblée. Le conseil général de l'Yonne,
dont il était membre, le choisit pendant la ses-
sion de l'Assemblée législative pour son prési-
dent, et en septembre 1792 le même département
le députa à la Convention nationale. Le 30 oc-
tobre, dans un discours fort éloquent, il défendit
la liberté de la presse, et fit rejeter une proposi-
tion de Buzot amendée par Bailleul. Dans le
procès de Louis XVI, il soutint que ce monarque
pouvait et devait être jugé par la Convention; toute-
fois, fidèle à son aversion pour la peine de mort, il
hésitait à l'appliquer en cette circonstance, et pro-
posait la réclusion. On n'a jamais bien connu les
causes qui le firent changer d'avis ; quelques
historiens affirment que la question politique
l'emporta dans son esprit sur la question de lé-
galité et d'humanité ; selon d'autres il céda aux
suggestions du duc d'Orléans, avec lequel il était
très-lié; toujours est-il que Le Peletier se pro-
nonça pour la mort. « S'il arrivait , s'écria-t-il,
que nous vinssions à prononcer sur le sort de
Louis d'une manière évidemment contraire à la
conscience intime de tout le peuple français, se-
rait-ce contre Louis au Temple que ce même
peuple devrait exercer sa vengeance? Non; car
là est la trahison désarmée. Ce serait contre les
mandataires infidèles de la nation que l'insurrec-
tion deviendrait légitime, parce que là seraient
réunies la trahison et la puissance. » Ces paroles
menaçantes entraînèrent un certain nombre de
membres et décidèrent de la majorité.
Nous empruntons à M. Thiers le récit du
drame qui termina les jours de Le Peletier.
« Un garde du corps , nommé Paris , avait ré-
solu de venger la mort de Louis XVI sur l'un
de ses juges. Le Peletier-Saint-Fargeau avait,
comme beaucoup d'hommes de son rang , voté
NOUV. BIOGR. GENER. — T. XXX.
la mort, pour faire oublier sa naissance et sa
fortune. Il avait excité plus d'indignation chez
les royalistes, à cause même de la classe à la-
quelle il appartenait. Le 20 au soir, chez Février,
restaurateur au Palais-Royal, on le montra au
garde du corps Paris, tandis qu'il se mettait à
table. Le jeune homme, revêtu d'une grande
houppelande, sous laquelle il cachait un sabre
se présente, et lui dit : « C'est toi , scélérat de
Le Peletier, qui as voté la mort du roi? —
Oui , répond celui-ci , mais je ne suis pas un
scélérat, j'ai voté selon ma conscience. —
Tiens, reprend Paris, voilà pour ta récompense 1 »
Et il lui enfonça son arme dans le flanc. Le Pe-
letier tombe, et Paris disparaît sans qu'on ait le
temps de s'emparer de sa personne (1) . Le Pele-
tier, blessé à mort, ne proféra que ces seules pa-
roles : « J'ai froid ! » Transporté aussitôt dans
son hôtel, situé au Marais, il expira peu de
temps après. Ses obsèques, qui eurent lieu le
24 janvier, devinrent l'objet d'une fête funèbre.
La convention lui décerna les honneurs du Pan-
théon (2), et adopta sa fille, âgée de huit ans (3).
La mort de Le Peletier avait fourni à David le
sujet d'un de ses plus beaux tableaux ; il ornait la
salle des séances de la Convention , d'où il fut
retiré après le 9 thermidor (24 juillet 1794). On
a de Le Peletier de Saint-Fargeau un Plan d'É-
ducation publique; des Discours et des Rap-
porta, qui ont été publiés par "son frère; Bruxelles,
1826, in-8°.
Son frère (le comte Félix), né en 1769, mort
près Paris, en 1837, fut d'abord aide-de-camp du
prince de Lambesc, devint un fougueux jacobin
après l'assassinat de son frère, et adopta le fils
de Babeuf après le supplice de ce démagogue. Le
Peletier fut transféré à l'île de Ré, à la suite de
l'affaire de la machine infernale (3 nivôse an ix).
Envoyé en surveillance en Suisse (1803), il fut
autorisé à rentrer en France en 1805. En mai
1815 le collège électoral de Dieppe le nomma
membre de la chambre des représentants. Félix
Le Peletier fut exilé par les Bourbons en vertu
de la loi du 12 janvier 1816; de retour dans sa
patrie, il y mourut, dans la retraite. On a de lui
plusieurs brochures politiques, aujourd'hui sans
intérêt. H. Lesueur.
Le Moniteur général, année 1789, n°» 13, 46, 77 ; ami.
1791, n°» 20, 151; ann. 1792, 306; an Ier (1793), n° 6; an il,
(1794). — Thiers, Histoire de laRévolution franc., t. III,
(1) Paris, sur le point d'être arrêté, se brûla la cervelle,
dix jours après, à Korges-les-Eaux (Seine-Inférieure).
On a prétendu que son Intention avait d'abord été de
frapper le duc d'Orléans.
(2) Ce décret fut rapporté,sur la proposition d'André
Dumont, le 8 février 1795; mais la famille de Le Peletier
alla retirer le corps de son parent avant la notification
du décret.
(3) Mlle Le Peletier épousa en 1798 M. de Witt, riche
Hollandais, dont elle se sépara au bout de deux années.
Elle se remaria avec son cousin, M. Le Peletier de Morte-
Fontaine. « On sait, dit Le Bas, que cetle dame fit ache-
ter aux héritiers de David le tableau représentant îa
mort de son père, afin de le détruire. » La gravure a sou-
vent reproduit le meurtre de Le Peletier,
27
835 LEPELLETIER
p. 220. — A. de Lamartine, Histoire des Girondins, t. V,
livre XXXVI, p. 130-136.
i,i pelletier (Jean), archéologue et al-
chimiste français , né à Rouen , le 29 décembre
1633, mort clans la même -ville, le 31 août 1711.
Parmi ses principaux écrits, on remarque : Dis-
sertations sur l'Arche de Mé et sur V Her-
mine et Le Livre de saint Benoit; Rouen, 1704,
1710, in-12; — VAlkaest, ou le dissolvant
universel de van Helmont, révélé dans plu-
sieurs traités qui en découvrent le secret;
Rouen, 1704, in-12 ; — Suite du traité de VAl-
kaest, où Von rapporte plusieurs endroits des
ouvrages de Georges Starkey qui découvrent
la manière de, volatiliser les alcalis, etc.;
Rouen, 1706, in-12; — Tableau des Monnoles,
des Poids et des Mesures des Hébreux réduites
à celles de France, imprimé entête du Com-
mentaire sur la Genèse de Dom Calmet. Le-
pelletier a publié Fragmenta regalia, ou vé-
ritable-caractère de la reine Elisabeth, tra-
duitde l'anglais de Robert Nuanton; Rouen, 1683,
in-12; Lyon, 1695, in-12; Amsterdam, 1703;
La Haye, 1741, 1753, 2 vol. in-12;— des no-
tices dans les Mém. de Trévoux. J. V.
Moréri, Grand Dict. Histor. — Chaudon cl Delandine,
Dict. univ. Hist.i Crit. et Bibliogr.
le père (Jean-Baptiste), architecte fran-
çais, né à Paris, en 1761, mort dans la même
ville, le 16 juillet 1844. En 1787, le goût des
voyages le lit partir pour Saint-Domingue, où il
construisit plusieurs grandes habitations. De re-
tour à Paris en 1790, il y continua ses études, et
en 1796 il partit avec d'autres artistes et arti-
sans pour établir une fonderie de canons à Cons-
tantinople. Après deux ans de séjour en Turquie,
Le Père revint en France, et fut presque aussitôt
appelé à faire partie de l'expédition d'Egypte.
Membre de l'Institut d'Egypte, il prit part aux
importants travaux dont le résultat est consigné
dans l'ouvrage publié par ce corps savant. Ses
collègues trouvèrent plus d'une fois dans son
portefeuille les moyens de compléter ou rectifier
leurs dessins , et lui-même y puisa des maté-
riaux de planches importantes représentant les
plans, élévations géométrales et vues perspectives
des édifices de l'Egypte ancienne. Chargé par
le général Bonaparte de relever sur le terrain
l'ancien canal des Pharaons à travers l'isthme de
Suez et de présenter un plan de restauration de
ce canal remplissant la double condition d'unir
directement SuezàThineh (ancienne Peluse), et
de déboucher dans le Nil auprès du Caire, Le
Père s'acquitta de cette tâche avec zèle. Le mé-
moire, très développé, qu'il rédigea à cette occa-
sion a été inséré dans la publication de l'Institut
d'Egypte, et Prony présenta au conseil général
des ponts et chaussées un rapport sur ce mé-
moire. Le Père regardait l'établissement de ce
canal comme très-facile, le sol étant à peu près
de niveau, et le terrain sablonneux d'une extrac-
tion aisée. 11 en évaluait la dépense à dix-sept
millions. Après son retour en France, Le Père fut
— LE PETIT 8iG
nommé, en 1802, architecte delà Malmaison, qu'il
agrandit et orna. En 1805 il fut chargé par Napo-
léon d?ériger avec Gondouin une colonne en bronze
à la grande armée sur la place Vendôme. Il venait
de terminer cet immense travail lorsque l'em-
pereur lui confia la construction d'un obélisque ,
destiné à décorer le terre-plein du Pont-Neuf. Le
soubassement seul en fut commencé, et sous la
restauration Le Père compléta ce soubassement
en pierres de taille et y éleva le piédestal de la
statue équestre de Henri IV. Nommé architecte
de l'empereur à la résidence de Saint-Cloud, puis
sous la restauration architecte du roi à Fontai-
nebleau, il perdit cette dernière place en 1830.
En 1824 Le Père avait donné les plans de l'égliso
Saint-Vincent-de-Paul , qu'il acheva avec son
gendre M. Hittorf. Indépendamment de ces tra
vaux, Le Père a donné les dessins de la plupart
des médailles exécutées sous la direction àv
Denon pour perpétuer le souvenir des grand;
événements de l'empire; il a trouvé un moyen
ingénieux pour sculpter le granit. On lui doit
aussi l'érection de la nouvelle statue de Napo-
léon au sommet de la colonne Vendôme, en
1S33. Enfin, il avait imaginé un mécanisme pour
accorder les pianos à l'aide de la vue seulement,
invention qui suivant un rapport à l'Institut
pouvait être considérée comme un des plus grands
perfectionnements que cet instrument eût reçus
de nos jours. L. L — t.
Le Bas, Dict. Encyclop. de la France. — Moniteur et
Journal des Débats, 1844.
le pessier (Jean), jésuite belge, né en
1596, à Tournay, où il est mort, en 1646. Il pro-
fessa longtemps les belles-lettres et la philoso-
phie à Douai, et dirigea le collège de Cambrai.
On a de lui : trois dissertations en latin sur la
Lune, dans lesquelles il examine si la Lune estha-
bi table, s'il y a des montagnes et des vallées, et
quelle est la nature du pays; — Incitatlo ad
amplexum Crucis, et quelques autres écrits
religieux. K.
Alegambe, Bibl. Scriptor. Soc. Jesu, 263.
le petjt (Jean- François), historien belge,
né à Béthune, en 1546, mort en Hollande, après
1615. Quoique de famille noble, il exerçait les
modestes fonctions de greffier de sa ville natale ;
plus tard il abjura le catholicisme , et se réfugia
à Aix-la-Chapelle. On a de lui : La grande
Chronique ancienne et modems de Hollande,
Zélande, West- Frise, Utrecht, Frise, Over-
Ysselet Grœningen jusques à la fin de Van
1600; Dordrecht, 1601, 2 vol. in-fol. avec por-
trait (1). Cette chronique , écrite en mauvais
français , est fort curieuse pour les nombreux
faits qu'elle relate, et que l'auteur a puisés aux
sources originales. Elle a été réimprimée deux
fois en France et trad. en anglais; — Neder-
tandis ghemeene beste, bestaende in staelen ;
(1) Ce portrait est bien gravé, par Christ van Sichem.
On lit au haut : Mt. LVI. Anag. « Jaten ci la fin et re-
pos, petit à petit. »
S37
LE PETIT —
soo Alghenieene uls bysondere vanH Her-
toghdom ghelre grxffchap van Hollandt,
West-Vrieslandt, etc. (La République, de Hol-
lande, contenant une ample description des
états, tant généraux que particuliers , du duché
de Gueldre, des comtés de Hollande, et de
Zflandeetdes provinces d'Utrecht, de Frise, d'O-
vei -Yssel, et de Groningue, avec toutes leurs
villes et places remarquables), comparés avec
ceux des cantons suisses. On y a joint les motifs
qui ont porté ces deux républiques à secouer le
joug de la maison d'Autriche, et les moyens par
lesquels elles ont recouvré leur liberté; Arn-
heim, 1615, in-4° oblong. Le Petit dédia cet ou-
vrage aux états généraux : il dit dans son
épître dédicatoire qu'il a décrit les choses après
les avoir vues sur les lieux,et promet d'être beau-
coup plus exact que Guichardin qu'il contredit
souvent. L — z — e.
Préliminaires de la grande Chronique de Le Petit.
— Ferry de Locre, Ckronicon belgicum (Arras, 1616,
in-4°), p. m et 689. — l'aquot, ;)/ émoires pour servir à
l'/iisloire littéraire des Pays-Bas, t. II, p. 869-371.
LE petit (Chaînes), poëte français du
dix-septième siècle. Il était avocat au parlement
de Paris, et s'est fait une célébrité par ses poé-
sies satiriques. Outre celles qui ont été imprimées
dans le recueil ayant pour titre : Tableau de la
vie et du gouvernement de MM. les cardi-
naux Richelieu et Mazarin et de M. Col-
bert (Cologne, 1094, in-12 ), telles que sa Chro-
nique scandaleuse, ou Paris ridicule ( Cologne,
1668, in-12), il avait publié un poëme ordurier
et. impie, qui lui attira le sort de ses livres : il fut
brûlé vif, en place de Grève. Le Paris ridicule,
ouvrage qui est devenu aujourd'hui une rareté
bibliographique, peut être consulté, même par
des lecteurs sérieux , pour les allusions histo-
riques et les détails topographiques et descriptifs
qui s'y trouvent.
Le Bas, Dict. Encycl- de la France.
le picard ou picart {Jean), trésorier de
France, né vers 1380, mort en 1456. Nommé,
le 19 octobre 1407, notaire et secrétaire du roi en
Ja chancellerie de France, il recevait pour gages,
suivant la taxe d'alors, six sous par jour, plus
un manteau par an. En 1408, il devint secrétaire
de la reine Isabeau de Bavière, avec cent livres
de pension. Lors de la révolte des cabo-
chiens ( 12 mai 1413), il fut pris par les in-
surgés, en présence d'Isabean de Bavière et
du duc de Guyenne, dans la demeure royale,
et emmené captif au Louvre avec Louis de
Bavière, frère de la reine, avec le confesseur et
plusieursdames etdemoiselles de cette princesse.
Sa captivité ne fut pas de longue durée; cardes
le 6 août 1413 on le retrouve au service de la
reine. Le Picard figure dans le secret traité d'al-
liance qu'Isaheau de Bavière conclut, le 29 jan-
vier 1414, avec Charles duc d'Orléans, ainsi
que dans plusieurs négociations de cette reine.
Mais lorsque, après la mort du dauphin, le con-
nétable d'Armagnac devint tout-puissant, Le
LE PICARD 838
Picard la trahit. Vers le mois de juin 1417, la
reine fut arrêtée et conduite à Tours en capth ité.
On lui donna pour gardiens son propre chance-
lier, son premier secrétaire Jean Le Picard , et
un troisième personnage, tous trois à la dévo-
tion du connétable. Mais la reine ourdit, bientôt
un plan d'évasion, à i'insu de ses satellites. Le
2 novembre 1417, jour des Morts, elle se rendit
à l'office, accompagnée de ses trois gardiens, en
l'église de Marmoutiers, près de Tours. Tout à
coup l'église est cernée par Hector de Saveuse,
lieutenant de Jean sans Peur, et par soixante
hommes d'armes. Bientôt le duc de Bourgogne
apparaît lui-même en libérateur de la reine. Isa-
belle se fait enlever et conduire à Chartres, où
elle reprit les rênes du gouvernement. Au fort
du tumulte, Le Picard avait embrassé un cru-
cifix, en invoquant le droit d'asile. Mais il fut ar-
rêté avec ses compagnons, et racheta sa liberté
par une forte rançon. Cependant, dès 1421 il
était premier secrétaire du dauphin , lieutenant
général du royaume (plus tard Charles VII).
En 1424 il devint général et gouverneur des
finances du roi en Languedoc et en Guyenne, tout
en gardant sa charge de secrétaire (1). En 1430
il y joignit les fonctions de maître des comptes,
et en 1445 celles de trésorier de France, qu'il
résigna sept ans après, en faveur d'Etienne Che-
valier (voy. ce nom). Il figura en 1453, comme
magistrat, dans le procès de Jacques Cœur : les
enfants de cet infortuné financier réclamaient la
moitié des biens de leur père , provenant de la
succession de leur mère. Courtisan jusqu'au der-
nier jour, Jean Le Picard repoussa, d'accord
avec tous ses collègues, moins un seul, les
conclusions de cette requête.
La famille Le Picard, alliée aux Budé, aux
Chevalier et autres familles parisiennes de robe,
se perpétua, jusqu'à la fin du seizième siècle,
dans les charges de la chancellerie de France.
Pierre Le Picakd, frère de Jean, selon toute
apparence, ou son collatéral, élait notaire au
trésor des chartes en 1443 et 1445. Jean Le
Picard, fils ou descendant du premier Jean,
était à la date du 25 avril 1477 notaire secré-
taire du roi et receveur du collège ou commu-
nauté de ces notaires et secrétaires. Jacques
Le Picard, en 1489, était secrétaire du roi et
clerc des comptes; il compila, sous cette date,
une Chronique de France, qui subsiste, ma-
nuscrite et inédite, sous le n° 812, à la biblio-
thèque deTroyes. Cet ouvrage, qui a appartenu
à l'un des frères Pithou , paraît avoir été en
grande partie extrait de la Chronique de
Charles VII, composée par Gilles Le Bouvier,
ditBerry. Elle contient quelques particularités,
que l'auteur avait recueillies de tradition de sa
propre famille. Vallet de Viriville.
archives de l'empire (JJ Registre, 177, folio 53,
JJ. 180, folios 8 et 9 ; K, carton 59, pièce 30, K 62, n° 23 ;
(1) Les actes permettent de le suivre auprès du roi de
lien en lieu et d'année en année, de 14U à 1451.
27.
839
LE PICARD — LEPIDUS
840
K. 64, n° 8; KK Registre 31 folios 11 et 15 et suivants).
— Manuscrits de la Bibliothèque impériale ( Cabinet des
titres : Dossiers Duchatel, Montlaur, Picard; Manus-
crits noat, n° 814, p. 30T, 347; Dupuy, n° 1, folios
819, 222 , n° 657, folio 288; Ms. Legrand, tome 6, p. 10 ). —
Bibliothèque de l'École des Chartes, p. 143. — Leroux de
Llncy, Femmes célèbres, tome I, page 625. — P. Clément,
Charles y II et Jacques Cœur, p. 280. — Quicherat ,
Procès de la. Pucelte. - Chroniques de Jean Chartier,
1858, in-16; de Cousinot, 1859, in-16;— Charles Vil et
ses conseillers, 1859, in 8°.
le picard (Philippe), conteur français, né
en Normandie, au seizième siècle. On n'a sur lui
d'autre renseignement que cette épigramme,
assez inintelligible, dont il est l'auteur :
Bon Philip, ton puz et ton pic et ton art,
Tous sont picquiers, harquebusiers, gendarmes,
Fouster, tirer, bransler de toutes parts,
Sans larme à l'œil avoir, n'au coste d'armes.
On y peut retrouver le nom de Le Picard ainsi
que dans l'anagramme sous lequel il se cache
au titre de son ouvrage que voici : « La nou-
velle Fabrique des excellens traits de vérité,
livre pour inciter les resveurs tristes et
mérancoiiques à vivre de plaisir, par Phi-
lippe d'Alcripe, sieur de Neri en Verbos, » ce
qui veut dire Seigneur de rien en paroles.
Philippe Le Picard était doué d'une heureuse ima-
gination ; son style est naturel et réussit assez
bien à provoquer le rire. Il y a eu quatre éditions
de la Nouvelle Fabrique : on ne connaît plus
d'exemplaires de la première (Paris, J. de
Lastre, 1579, in-16), la dernière (Bibliothèque
Elzevirienne de P. Jannet, 1853, in-12) est
la meilleure. Louis Lacour.
Nodier, Mélanges tirés d'une petite bibliothèque, —
Du Vcrdier, Bibliothèque française. — Brunet, Man. du
Libraire, t. Ier, au mot Alcripe.
le picart (François), prédicateur fran-
çais, né en 1504, à Paris, où il est mort, le
17 septembre 1556. Il appartenait à une famille
noble, et se rendit savant dans les lettres et la
théologie. Il se signala surtout, par son zèle pour
arrêter la propagation des doctrines de Luther;
aussi fut-il fort maltraité par Calvin, de Bèze et
leurs adhérents. Sa piété, sa douceur et son dé-
sintéressement le rendirent si cher au peuple
de Paris que plus de vingt mille personnes assis-
tèrent à son enterrement. En 1548 il avait été
nommé doyen de Saint- Germain-l'Auxerrois. On
a de lui : Sermons de François Le Picart, excel-
lent zélateur de l'honneur de Dieu; Reims,
1557 ou 1559, in-16; et Paris, 1574. Le P. Hi-
larion de Coste a écrit sa vie sous ce titre : Le
parfait Ecclésiastique ; Paris, 1658, iu-8°. K.
Dupin, Juteurs ecclés. au seizième siècle , col. 1078.
lépicié (Bernard), peintre et graveur fran-
çais, né à Paris, en 1698, mort dans la même
ville, en 1755. Il cultivait à la fois la peinture, la
gravure et les lettres. Il fit fort jeune un voyage
en Angleterre, et grava les cartons de JRaphael
qui ornent le palais de Hamptoncourt. Admis à
l'Académie de Peinture et de Sculpture en 1737,
il en fut, en 1740, nommé secrétaire perpétuel
et historiographe, et publia le Catalogue rai-
sonné des tableaux du roi, avec un Abrégé de
la vie des Peintres ; Paris, 1744 et 1752, 2 vol.,
in-4°. Il composa à la même époque (1752) un
Recueil des vies des Peintres du Roi. Lépicié
était alors professeur des élèves protégés par
le roi pour l'histoire, la fable et la géogra-
phie. Le burin de Lépicié est sage et correct,
mais sans roideur. On cite parmi ses estampes :
Jupiter et Io, d'après Jules Romain; — La
Circoncision, d'après le même ; — Jupiter et
Junon, d'après le même; — Vertumne et
Pomone, d après Rembrandt; — Le Philosophe
flamand, d'après Teniers ; — Le Jeu de Piquet,
d'après Netscher; — L'Amour précepteur,
d'après Coypel; — Charles 1er embrassant ses
enfants pour la dernière fois; d'après Raoux;
— La Prédication de saint Jean, d'après le
Baciccio; — Les Francs- Maçons, d'après
Teniers; — Thalie chassée par la Peinture,
d'après Coypel.
lépicié (Nicolas - Bertrand), peintre et
graveur français, fils du précédent, né à Pa-
ris, en 1735, mort à Paris, en 1784. Élève de
son père, il fut d'abord destiné à la gravure;
mais la faiblesse de sa vue ne lui permit pas de
suivre cette branche de l'art. Carie Van Loo
l'aida de ses conseils dans la peinture, et il pro-
duisit beaucoup, peut-être trop. Son dessin est
généralement incorrect, ses compositions ma-
niérées, et sa couleur trop uniforme. Son meil-
leur ouvrage est le Suicide de Porcia ( exposé
au salon de 1773); — Adonis changé en ané-
mone (1768) ; — Narcisse changé en fleur
(1770); — Le Martyre de saint André; —
Le Martyre de saint Denis ; — Saint Louis
rendant la justice sous un chêne; — une
Descente de croix (dans la cathédrale de Cha-
lons-sur-Saône). On a encore de lui quelques
scènes familières et un assez grand nombre de
dessins d'animaux. A. de L.
F. Basan, Dictionnaire des Graveurs. — Le Bas, Dict.
Encyclopédique de la France.
lepidus, nom d'une famille illustre de la
gens jEmilia, une des plus anciennes maisons
patriciennes. Cette famille paraît pour la pre-
mière fois dans l'histoire romaine au commen-
cement du troisième siècle avant J.-C. Elle at-
teignit vite à une haute distinction, s'allia par le
mariage à la famille impériale des César, et dis-
parut vers la fin du premier siècle de l'ère chré-
tienne. Y.
Perlzonius, Animadversiones lit., p. 131. — Eckhel ,
Doctrina Num., vol. V, p. 123. — Clément, Memorie
romane di Aniichità, vol, I, p. 182. — Orelli, Onom.
TnlL, vol. Il, p. 15. — Drumann, Rom. Gesch., vol. I,
p. 1, etc. — Smitl), Dictionary o/Greek and Roman Bio-
graphy.
lepidds (M. Mmïlius), homme d'État et
orateur romain, vivait dans le deuxième siècle
avant J.-C. Consul en 137, il alla remplacer en
Espagne son collègue C. Hostilius Mancinus, qui
avait été défait par les Numantins. Eu attendant
des renforts qui lui permissent d'attaquer ce
peuple , il employa ses soldats contre les Vac-
841
LEPIDUS
842
céens, sous prétexte qu'ils avaient fourni des se-
cours aux ennemis de Rome. Le sénat, qui ne
voulait pas étendre en Espagne le cercle des
hostilités, interdit au consul d'entreprendre cette
expédition. Lorsque la défense arriva, Lepidus
était trop avancé pour reculer. Accompagné de
son parent D. Brutus, général habile et expé-
rimenté, il mitle siège devant Pallantia, capitale
des Vaccéens. Les deux généraux eurent tant à
souffrir du manque de provisions qu'ils levèrent
le siège. Pendant leur retraite ils perdirent une
partie de leur armée. Lepidus fut immédiate-
ment rappelé et condamné à une amende. Au-
gure en 125, il eut à rendre compte devant les
censeurs de la magnificence excessive qu'il avait
déployée dans la construction de sa maison.
Lepidus était un homme de savoir et de goût
et le plus grand orateur de son temps, si l'on
en croit Cicéron, qui avait lu ses discours. Le
premier il introduisit dans les harangues du
Forum l'élégance et l'art des Grecs, et par ses
exemples il contribua beaucoup à former l'élo-
quence de Tiberius Gracchus et de C. Carbon. Y.
Appien, flisp., 80-83.— Tite-Live, Epit., 56. — Orose,
V, 5. — Vclleius Paterculus, II, 10. — Valère Maxime,
VIII, 1. — Cicéron, Brutus, 25, 86, 97 ; De Orat., I, 10;
Tuscul., I, 3 ; Ail Herenu., IV, 5. — Meyer, Orator. ro-
man, fragmenta.
lepidus ( Marcus- Mmilius ), neveu du
précédent et père du triumvir, mort en 77 avant
J.-C. Préteur en Sicile en 81, il se signala par
des actes d'oppression que Verres devait à
peine surpasser. Dans les guerres civiles de
Marius et de Sylla, il embrassa d'abord le parti
aristocratique, et s'enrichit en achetant à vil prix
des propriétés de proscrits. L'ambition l'entraîna
bientôt vers le parti populaire, dont il espérait
devenir le chef, rôle auquel l'avait préparé son
mariage avec Appuleia , fille du célèbre tribun
Appuleius Saturninus. Il se porta candidat aux
élections consulaires de 79, contrairement aux
vues de Sylla. Le vieux général, qui cette année
même avait abdiqué la dictature, se sentait trop
solidement appuyé sur ses colonies militaires
pour avoir quelque chose à craindre de l'oppo-
sition étourdie de Lepidus, personnage médiocre
et peu estimé. Il n'usa donc pas de son influence
contre une élection que Pompée soutenait avec
ardeur. Lepidus fut élu consul, et obtint même
plus de voix que son collègue Q. Lutatius, qui
appartenait au parti dominant. Sylla, bien certain
que son pouvoir durerait autant que sa vie, ne
témoigna aucune colère de cette manœuvre, et se
contenta d'avertir Pompée qu'il fortifiait un ri-
val. La mort de Sylla, arrivée l'année suivante,
peu après l'entrée en charge des deux consuls,
enhardit Lepidus à s'atlaquer ouvertement au
parti aristocratique en provoquant l'abrogation
des lois du dictateur. Bien que ces lois fussent
odieuses au peuple et qu'il existât de nombreux
éléments de révolte, le moment de renverser la
constitution de Sylla n'était pas venu . Le sou venir
du grand adversaire des plébéiens, vivant dans le
cœur de ses anciens soldats, protégeait sa poli-
tique contre des attaques prématurées. Lepidus
commença par s'opposer à ce que les funérailles
de Sylla fussent célébrées au champ de Mars.
L'intervention de Pompée, sur lequel il avait
compté, et qui au contraire resta fidèle au parti
aristocratique, le força de renoncer à cette pre-
mière mesure. 11 n'en persista pas moins dans
ses projets, et proposa une série de lois dont le
but général était l'abolition des réformes légis-
latives de Sylla, mais dont les dispositions par-
ticulières sont inconnues. Entre autres choses il
demanda le rappel de tous les proscrits et la
restitution des biens confisqués. Ces mesures,
quoique fort équitables, auraient tout bouleversé
dans l'État. Catulus les repoussa obstinément, et
décida un des tribuns à y opposer son veto. Les
deux partis, exaspérés, étaient sur le point d'en
venir aux mains lorsque le sénat obtint des
deux consuls l'engagement de ne pas recourir
aux armes. Le sénat, pour se débarrasser du
turbulent consul, l'envoya dans la Gaule Nar-
bonnaise sous prétexte que cette province était
en danger. Lepidus quitta Rome, et n'alla pas
au delà de l'Étrurie, où il rassembla une armée.
Le sénat, alarmé, lui ordonna de revenir à Rome
pour y tenir les comices. Lepidus s'y refusa, et
fut déclaré ennemi public au commencement de
77. Sans attendre les forces de Brutus, qui com-
mandait dans la Gaule Cisalpine et qui s'était
déclaré pour la cause démocratique, il marcha
droit sur Rome. Il comptait sur un mouvement
populaire, qui n'eut pas lieu. Pompée s'unit à
Catulus, et les deux généraux allèrent à la ren-
contre des rebelles. La bataille se livra sous les
murs de Rome, en face du champ de Mars, à la
vue d'une foule innombrable accourue pour voir
un combat dont elle n'était séparée que par le
Tibre. Les soldats de Lepidus ne purent sou-
tenir le choc et s'enfuirent. Catulus les pour-
suivit, tandis que Pompée marchait contre Brutus,
qui fut vaincu et mis à mort. Lepidus, déses-
pérant de tenir plus longtemps en Etrurie, passa
avec le reste de ses troupes en Sardaigne. Re-
poussé par le préteur de l'île , il mourut ■ peu
après, de chagrin. Les débris de son armée
allèrent, sous les ordres de Perpenna, rejoindre
Sertorius en Espagne. Le parti aristocratique
usa de sa victoire avec modération. Y.
Salluste, Hist., 1. 1, Fragm. — Appien, Bel. Civ., I,
105, 107. — Plutarque, Sulla, 3», 38; Pomp., 15, 16. —
Tite Live, Epit., 90. — Florus, III, 23. — Orose, V, 22.'—
Eutrope, VI, 5. - Tacite, Annal., III, 27. — Suétone,
Cses., 3, B. — Cicéron, In Cat., III, 10 ; In Ferr., III, 91.
— Pline, Hist. Nat., vu, 36, 54. - Drumann, Rom.
Geseh., vol. IV, p. 339-346.
lepidcs (Paullus-jEmilius), fils du pré-
cédent et frère du triumvir, mourut vers 40 avant
J.-C. Il ne se laissa pas entraîner par son père
dans le parti populaire , et débuta dans la car-
rière politique en soutenant chaudement la
cause de l'aristocratie. Son premier acte public
fut une accusation contre Catilina, en 63. Trois
843 LEPIDUS
ans plus tard, il fut questeur en Macédoine, et
en 57 il travailla activement au rappel de Ci-
céron. Pendant son édilité en 55, il restaura une
des anciennes basiliques placées au milieu du Fo-
rum, et en commença une d'une grandeur et
d'une magnificence extraordinaires. Il obtint
la préture en 53, et fut élu consul pour l'année
50, avec M. Clandius Marcellus. Le parti aris-
tocratique en le portant à cette charge suprême
croyait choisir un ennemi déterminé de César.
Lepidus trompa l'espoir de son parti, et se laissa
gagner par César. Il en reçut quinze cents talents
(9,000,000 de francs), qu'il employa, dit-on, à
l'achèvement de sa basilique. Sa vénalité lui fit
perdre la confiance du sénat sans lui concilier
celle du peuple, et il ne joua aucun rôle dans la
lutte entre Pompée et César. Après le meurtre
du dictateur, en 44, il se rattacha au parti aris-
tocratique, et prit part au vote du 30 juin 43 qui
déclara ennemi public son propre frère Marcus
Lepidus, coupable de s'être joint à Antoine.
Quelque temps après eut lieu la formation du
triumvirat, et le nom de Paullus Lepidus figura le
premier sur la liste de proscription dressée par
son frère. Les soldats envoyés pour le tuer le
laissèrent fuir, probablement avec l'assentiment
du triumvir. Il alla rejoindre Brutus en Asie, et
après la mort de ce général il se fixa à Milet. Il
y resta, bien qu'il eût été amnistié par les trium-
virs. A partir de cette époque, il ne paraît plus
dans l'histoire , et l'on pense qu'il mourut peu
après.
La basilique que Paullus iEmilius Lepidus
construisit avec l'argent de Jules César semble
avoir reçu dans la suite le nom de Basilica Ju-
lïa. Quant à celle qu'il releva à ses frais, c'était
sans doute la Basilica sÈmilïa dans le Forum. Y.
Salluste, Catil.y 31. — Scoliaste de Bobbio, In Patin.,
p. 320, éd. Oielli. — Cicéron, In Patin-, 10; Ad Ait., II,
24; V|, i, 3; Ad Famil., VIII, 4,8, 10, 11; XV, 12, 13;
Ad Quintum frat., Il, 4; Pro MU., 9. — Appien, Bel.
CiV., II, 26: IV, 12, 37. — Dion Cassius, XL, 43, 63;
XLVII, 6. — Suétone, Cxsar, 29. — Plutarque, Cœsar,
29; Pom peins, 68. — Tile Uxe, Epit., 120. — Becker,
Handb. der Hâm. Alterthilmer, vol. I, p. 301-306. —
Smith, Dictionary of Greeh and Roman Biography.
lepjdus ( Marcus- Mmilius) , le triumvir,
frère du précédent, mort en 13 avant J.-C. Le-
pidus grandit au milieu des troubles qui ame-
nèrent la ruine de la république, et il semble
avoir hésité quelque temps entre les deux
grands partis qui se disputèrent le pouvoir.
Nommé interrex en 52, pour la tenue des co-
mices consulaires, après le meurtre de Clodius,
il refusa cette mission , et vit sa maison pillée
par la foule, qui prétendait venger la mort de
Clodius. Sa vie fut même en danger. Cependant
il se rapprocha bientôt du parti populaire, et
lorsque la guerre civile éclata en 49 il adhéra à
la cause de César. Il était alors préteur; et
comme les deux consuls avaient suivi Pompée,
il se trouvait le plus haut magistrat resté en
Italie. César, en partant pour l'expédition d'Es-
pagne, lui laissa le gouvernement nominal de
844
Rome. Mais la puissance réelle fut confiée à
Antoine. Lepidus tint ensuite les comices qui
décernèrent à César le titre de dictateur. C'était
une pure formalité pour procéder régulièrement
aux élections des consuls; et après les comices
consulaires, César déposa sa nouvelle dignité.
L'année suivante, en 48, Lepidusreçutle gouver-
nement de l'Espagne Citérieure avec le titre de
proconsul. Ses exploits se bornèrent à rétablir
l'ordre entre Quintus Cassius Longinus, pro-
consul de l'Espagne Ultérieure, et son questeur
Marcellus. Il n'en prit pas moins le titre d'im-
peralor, et César, flattant sa vanité, lui accorda
en 47 les honneurs du triomphe. « Les seuls tro-
phées qu'il pouvait déployer, dit Dion Cassius,
étaient l'argent qu'il avait volé dans sa pro-
vince. » Vaniteux, avide, sans aucune qualité
supérieure, Lepidus devint cependant sous César
le second personnage de l'État. Il fut, dans les
années 46, 45, 44, maître des chevaliers du dic-
tateur, et son collègue dans le consulat.
En 44 Lepidus reçut de César le gouvernement
de la Gaule Narbonnaise et de l'Espagne Ci-
térieure. Il se disposait à quitter Rome, il avait
même rassemblé les troupes qui devaient l'ac-
compagner en Gaule lorsque le dictateur fut as-
sassiné. Il avait dîné avec lui la veille du jour
fatal, et l'on pense qu'il assista à la séance du
sénat où César fut tué. 11 apprit du moins im-
médiatement la nouvelle du meurtre ( 1 5 mars
44 ), et alla se mettre à la tête de ses troupes. Il
disposait de la seule force armée présente dans
le voisinage de Rome, et avait entre les mains
le sort de la république. Les meurtriers es-
sayèrent d'entrer en négociation avec lui ; il ne
repoussa pas leurs ouvertures , et après s'être
entendu au préalable avec le consul Marc An-
toine, principal chef du parti césaiïen, il promit
une réponse pour le lendemain. Dans la nuit il
occupa le Forum avec ses troupes, et provoqua
un mouvement populaire contre les meurtriers
qui avaient la majorité dans le sénat. Antoine,
qui ne voulait pas que ce mouvement s'accom-
plit sous les auspices de Lepidus, ménagea un
arrangement entre le parti aristocratique et les
amis de César ; Lepidus s'y prêta, et reçut pour
prix de son adhésion la dignité de souverain
pontife. Il partit ensuite pour ses provinces de
Gaule et d'Espagne avec mission de négocier un
accommodement entre Sextus Pompée et le
nouveau gouvernement romain. Il y parvint, et
en fut publiquement remercié par le sénat sur
la proposition d'Antoine (28 novembre). Cette
fausse réconciliation générale cachait la guerre
civile. L'accord d'Antoine et du sénat se rompit
brusquement, et des deux côtés on rechercha
l'appui de Lepidus. Le sénat flatta sa vanité en
lui décernant une statue équestre et le titre
d'imperator. Lepidus ne se rendit pas à ces
avances, et dans l'incertitude des événements,
il ne voulut pas prendre d'engagement irré-
vocable. Il ne remercia pas même le sénat du
845
LEPIDUS
décret rendu en son honneur, et quand on lui
prescrivit de venir en Italie et de se joindre
aux consuls Hirtius et Pansa contre Antoine, il
se contenta d'envoyer un petit corps de troupes
avec l'ordre que Silvanus, qui le commandait,
se joignît à Antoine. Celui-ci, battu devant Mo-
dène, passa les Alpes avec les débris de ses
troupes, et se réfugia auprès de Lepidus, qui, re-
nonçant à garder plus longtemps la neutralité,
réunit son armée au\ débris de celle d'Antoine
(28 mai 43). A cette nouvelle le sénat le proclama
ennemi public (50 juin). Pour faire exécuter
ce décret, il aurait fallu des forces, et les troupes
du sénat étaient entre les mains d'Octave. Le
jeune général agissait encore au nom du sénat;
mais, prévoyant que le parti aristocratique ne
pouvait pas résister à l'attaque de Lepidus et
d'Antoine, auxquels venaient de se joindre les
deux gouverneurs de la Gaule et de l'Espagne,
Munatius Plancuset Asinius Pollion, il se détacha
d'une cause perdue. Il força le sénat de lui ac-
corder le consulat (août 43) et de révoquer les
décrets rendus contre Antoine et Lepidus. Ces
deux mesures jetèrent les bases du célèbre ac-
cord qui, vers la fin d'octobre, fut conclu entre le
neveu de César et les deux chefs du parti cé-
sarien (voy. Auguste). Dans la distribution des
provinces entre les triumvirs, Lepidus obtint
l'Espagne, la Gaule Narbonnaise avec la mission
de gouverner l'Italie en qualité de consul, tandis
que ses collègues allaient combattre en Orient
Brutus et Cassius. De toute son armée on ne lui
laissa que trois légions. 11 se résigna facilement
à ne jouer qu'un rôle secondaire et s'autorisa du
décret rendu, l'année précédente, pour se décerner
un triomphe (31 décembre).
Dans le nouveau partage qui eut lieu en 42,
Octave et Antoine, vainqueurs à Philippes, re-
tirèrent à Lépide ses deux provinces, sous pré-
texte qu'il avait eu des intelligences avec
Sextus Pompée. On convint cependant que s'il
pouvait se justifier de cette accusation il rece-
vrait l'Afrique comme dédommagement. II ne
fut mis en possession de cette province qu'en
l'année 40, par Octave, qui, en prévision d'une
rupture avec Antoine, essaya de rendre Lepidus
favorable à ses intérêts. Celui-ci resta en Afrique
jusqu'en 36, et lorsque ses deux collègues re-
nouvelèrent, en 37, leur triumvirat pour cinq ans,
il n'en fut pas exclu. En 36 Octave lui demanda
secours contre Sextus Pompée. Il obéit; mais,
ennuyé d'un rôle subalterne, il résolut de faire la
guerre pour son compte. Il s'empara deLilybée,
de Messine.dont la garnison, composée de huit
légions, se joignit à lui. Se trouvant dès lors à la
tête de vingt légions, il crut pouvoir faire ses
conditions,et demanda à Octave la Sicile et une
part égale dans le pouvoir triumviral. La guerre
civile était imminente; mais Lepidus ne possé-
dait pas la confiance de ses soldats. Octave, qui
connaissait leurs dispositions, se présenta har-
diment devant eux, et leur demanda, au nom de
LEPILEUR 846
la patrie commune, de ne pas exciter une nou-
velle guerre. Les soldats l'écoutèrent avec fa-
veur, et Lepidus, se voyant abandonné, fut réduit
à se jeter aux pieds de son rival. Octave lui laissa
la vie, sa fortune particulière et la dignité de
souverain pontife; mais il lui retira le titre de
triumvir et la province d'Afrique. Lepidus vécut
à Circei , dans une condition privée. Son fils ,
M. ^Emilius Lepidus, forma en 30 le projet d'as-
sassiner Auguste à son retour d'Actium. Mé-
cène découvrit le complot, se saisit du jeune
Lepidus et l'envoya à Auguste, qui le fit mourir»
L'ancien triumvir n'avait eu aucune part à ce
dessein ; cependant l'empereur le manda à Rome,
et le traita avec le dernier mépris. Ces insultes
n'abrégèrent pas les jours de Lepidus, qui vécut
encore dix-sept ans. Auguste lui succéda comme
souverain pontife. Velleius Paterculus, toujours
sévère pour les adversaires d'Octave, prétend que
Lepidus n'avait mérité par aucune vertu la
longue faveur de la fortune à son égard. Mon-
tesquieu n'est pas plus indulgent : « C'était, dit-il,
le plus méchant citoyen qui fût dans la répu-
blique, et l'on est bien aise de voir son humilia-
tion. Il manquait de fermeté et de talent; et il
dut uniquement aux circonstances la pface im-
portante où la fortune ne semble l'avoir élevé
un instant que pour rendre sa chute plus écla-
tante. » La vie publique de Lepidus justifie ces
jugements rigoureux. Élevé par César aux plus
hauts emplois , malgré sa médiocrité, peut-être
à cause de sa médiocrité, il se trouva à la mort
du dictateur l'arbitre suprême de la situation. Il
n'usa de son influence que dans un but d'intérêt
personnel, qu'il n'atteignit même pas. Car, après
avoir plus que personne contribué à la chute de
la république, il n'eut dans les dépouilles du
pouvoir tombé qu'une faible part, qui lui fut bien-
tôt enlevée ; après avoir trompé le sénat, il se
laissa duper par ses complices, et ne s'étant pas
contenté d'être un des premiers citoyens de la
république, il mourut le sujet méprisable et
méprisé d'Auguste. L. J.
Clcéron (pour les nombreux passages de Cicéron rela-
tifs à Lepidus), voy. Orelli, Onomasticon Tulliamim,
vol. Il, p. 14-lS. — Appien, Bellum civ., 1. II, V. — Dion
Cassius, 1. XL1-XLIX, UV , 15. — Veileius Paterculus,
11, 64, 80. — Florus, IV, 6, 7. - Tite Live, 119, 120, 129,
133. — Suétone, Octav., 1619, 31. — Sénèque, De Clem.,
1, 9, 10. — Merivale, The Romans under the Emperors.
LEPiLEcn ( Henri- Avgustin ), linguiste fran-
çais, né à Paris, le 3 août 1763, mort à Charen-
ton, le 16 décembre 1828. Capitaine de frégate
avant la révolution, il se fit recevoir plus tard
docteur en droit, philosophie et belles-lettres, et
résida quelque temps à Leyde. Atteint d'aliéna-
tion mentale, il fut conduit à l'hospice de Cha-
renton, où il termina sa vie. On lui doit : Elé-
ments de la Langue Hollandaise ; Leyde, 1 807,
in-8°; — Mélanges d'histoire, de littérature,
de géographie, de morale, etc.; Leyde et Pa-
ris, 1808-1809, 3 vol. in-8°; les deux derniers
volumes traitent de l'histoire de France et du
847 LEPILEUR
droit public; — Tableaux synoptiques des
mots similaires gui se trouvent dans les
langues persane, sanskrite, grecque, latine,
mœso-gothique, islandaise, etc., précédés de
V abrégé d'une grammaire analytique du per-
san, et d'un Essai sur Vanalogie des mots
persans entre eux et avec ceux de plusieurs
idiomes; Paris, 1812, in-8°. J. V.
Quêrard, La France Littër.
lépine (Guillaume- Joseph de), médecin
français, né à Paris, vivait au dix-huitième
siècle. Reçu docteur à Paris, en 1724, il fut élu
doyen de sa compagnie en 1744 , et continué
dans ces fonctions en 1745. Il n'était point par-
tisan de l'inoculation de la petite vérole, et écri-
vit contre cette méthode : Rapport sur le fait
de l'inoculation ; Paris, 1765, in-4°; — Sup-
plément au rapport précédent; Paris, 1767,
in-4°. J. V.
Éloy , Dict. Mstor. de la Médecine anc. et moderne.
L.EPITPRE (Louis). Voy. Bassée.
lepitre (Jacques-François), littérateur
français, né le 6 janvier 1764, mort à Versailles,
le 18 janvier 1821. Avant la révolution il ap-
partenait à l'université, et tenait un pensionnat
à Paris. Partisan des idées nouvelles, il fut
nommé, après le 14 juillet 1789, un des trois
cents représentants de la première commune
de Paris. Il donna sa démission en 1790. Le
2 décembre 1792, il fut réélu dans la section
de l'Observatoire comme membre de la munici-
palité provisoire. Désigné par le sort pour être
un des commissaires chargés de la surveillance
de la famille royale au Temple, il eut des égards
pour ces infortunés , et tâcha d'adoucir les ri-
gueurs des mesures dont ils étaient l'objet.
Lepitre s'entendit avec son collègue Toulan
pour procurer aux prisonniers des livres, des
journaux, et s'acquitta de leurs commissions au
dehors. Étant de garde un jour auprès de
Louis XVI avec un collègue maussade qui ne
répondait guère que par des signes de tête, Le-
pitre demanda au roi la permission de prendre
les œuvres de Virgile qui étaient sur la chemi-
née: «Vous savez donc le latin, lui dit Louis XVI.
— Oui, Sire, répondit Lepitre, et il ajouta :
Non ego, cum Oanais, trojaoaiu excidere gentem
Aullde juravi...
Un regard expressif du roi lui prouva qu'il avait
été compris. Lorsque Lepitre reparut au Temple
après la mort de Louis XVI, il offrit à la reine
une romance qu'il avait composée sur ce triste
sujet; quelques jours plus tard, il vit que Marie-
Antoinette la faisait apprendre à ses deuxenfants.
Si l'on en croit Lepitre, il aurait conçu le projet
de faire évader la famille royale, en s'associant
Toulan et le chevalier de Jarjayes. Tout était
prêt pour l'exécution de ce projet, qui fut fixée
au 2 mars 1793. Les relais, les postillons étaient
disposés ; un mouvement populaire qui eut lieu
dans Paris ce jour-là fit manquer l'occasion. Il
parait pourtant que ce plan avait été conçu par
— LEPITRE
848
Toulan, soumis à Jarjayes, qui l'avait approuvé ,
et que Lepitre n'en avait été instruit que parce
qu'il était ulile à sa réussite. Président de la
commission des passeports, il devait procurer
ceux qui étaient nécessaires. Lepitre se montra
pusillanime : il remit de jour en jour, malgré les
instances de Toulan et les impatiences de Jarjayes.
La reine, dit-on, lui donna une mèche de ses
cheveux et de ceux de ses enfants avec cette
devise : Poco ama ch' il morir terne. Rien ne
put vaincre ses craintes. Toulan et Jarjayes
combinèrent alors un autre plan pour sauver la
reine; mais elle devait s'échapper seule : la
veille du jour convenu elle refusa. Vers la fin
de mars, Toulan et Lepitre furent dénoncés au
conseil de la commune, à cause de leur con-
duite auprès des prisonniers du Temple; Hébert
demanda le scrutin épuratoire contre eux, et ils
cessèrent de faire partie des commissaires sur-
veillants à la tour du Temple. Lepitre fut bientôt
réélu par sa section à la municipalité définitive;
sa nomination fut annulée. Arrêté avant le
jugement de Marie-Antoinette, Lepitre fut con-
duit à Sainte-Pélagie avec d'autres commissaires
accusés d'avoir été corrompus par les promesses
de l'ex-reine et d'avoir conspiré avec elle con-
tre la sûreté de l'État. Il comparut comme té-
moin devant le tribunal révolutionnaire dans le
procès de la reine; interrogé sur les conférences
secrètes qu'il avait eues avec cette princesse, il
nia tout, et fut ramené en prison. Le 23 no-
vembre Lepitre reparut avec d'autres comme
inculpé devant le tribunal révolutionnaire; le
concierge de la tour du Temple le signala comme
un de ceux qui montaient vite auprès de la fa-
mille royale sans attendre ses collègues; il fut
pourtant acquitté. Après le 9 thermidor, la fille
de Louis XVI eut la permission de se promener
dans le jardin du Temple; Mme Cléry loua dans
une maison voisine deux chambres qui avaient
vue sur le jardin. Lepitre composa quelques ro-
mances, dont cette dame fit la musique; elle les
chantait avec une de ses amies, et la princesse
venait les écouter. La police fit cesser ces con-
certs. A l'époque du 13 vendémiaire, Lepitre
était président d'une des sections qui se soule-
vèrent contre la Convention. Les présidents et
secrétaires de ces sections furent renvoyés de-
vant une commission militaire. Lepitre parvint
à se soustraire à cet ordre d'arrestation, que ses
amis réussirent à faire révoquer. En 1797 il
accepta les fonctions d'électeur; il fut encore
nommé au conseil municipal, mais le Directoire
annula son élection. Il reprit alors son institution.
A la restauration , la duchesse d'Angoulême le
reçut avec bienveillance. En 1816 il fut nommé
professeur de rhétorique au collège de Rouen,
et passa quelque temps après au collège de Ver-
sailles. On a de Lepitre : La première réquisi-
tion, pièoe républicaine en un acte (en société
avec Picard), représentée en 1793, sur le théâtre
de la Cité ; — Annan d, ou le bienfait des per-
849
LEPITRE — LEPLAT
850
ruques, pièce anecdotique en prose mêlée de
vaudevilles (avec Mme Dufrénoy), donnée aux
Troubadours; 1799, in-8°; — L'Aveugle sup-
posé, comédie en un acte, en prose et en vau-
devilles; 1809, in-8°; — Histoire des dieux,
des demi-dieux et des héros adorés à Rome
et dans la Grèce, nouvelle édition, revue, corri-
gée et augmentée ; Paris, 1814, 1819, in-12; —
Quelques Souvenir s, ou notes fidèles sur mon
service au Temple, depuis le 8 décembre
1792 jusqu'au 20 mars 1793; Paris, 1814, 1817,
in-8°; — Cinq Romances composées en 1793
et 1795, pour les illustres prisonniers du
Temple, musique de Mme Cléry; Paris, 1814,
in-4°. L. L— t.
Lepitre , Quelques Souvenirs, etc. — Mahul, Annuaire
Alécrol., 1821. — Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Bioyr.
nouv. des Conlemp. — Biogr. univ. et portât, des Con-
temp.
le plaisant ( Jean ), ou Joannes Léo
Placentius, poète et chroniqueur liégeois, né à
Saint Trond, vers 1485, mort à Maestricht, en
1548. II fit ses études à Liège, chez les Frères
de la Vie commune ( ou de Saint-Jérôme), prit
i'habit des dominicains à Maestricht, vers 1502,
et professa jusqu'en 1519 la théologie à Louvain.
On lui reproche une certaine crédulité , mais son
style ne manque pas d'élégance. On connaît de
lui : Catalogus omnium Anlistilum Tunga-
rorum, Trajectensium, ac Leodiorum, et re-
rum domi, bellique gestarum Compendium ;
Anvers, in-12 ; et dans la Respublica Leodiensis
de Boxhornices; Amsterdam, Elzevier, 1633,
in-32 : cet ouvrage est suivi de plusieurs pièces
de poésie latine; — Pugna Porcorum, per Pla-
centiam porcium poëtam; Bâle, 1546, in-12 :
avec l'ouvrage du moine Hucbaud, De Laude
Calvorum; Louvain, 1546, in-12, etc. Ce poème
commence par ces vers :
Plaudite, Porcelli; porcorum pigra propago
Progreditur; porci plures, etc.
— Chronicon a temporibus Apostolorum ad
annum 1408 : cette chronique est en vers ; elle
est restée manuscrite. L — z — e.
Nicéron, Mémoires, t. XXIV, p. 67-68. — Échard,
Scriptores Ordinls Prœdicalorum , t. II, p. 134. — Pa-
quot, Mém. pour servir à l'hist. litt. des Pays-Bas,
t. III, p. 262-Ï65.
leplat (Josse), jurisconsulte belge, né
àMalines, le 18 novembre 1732, mort à Coblentz,
le 6 août 1810. Il étudia le droit à l'université de
Louvain , où il obtint en 1768 une chaire de droit
romain, qu'il quitta en 1776 pour une chaire de
droit canonique. Ayant fait soutenir en 1771 une
thèse ( Dissertation hislorico-canonique sur
l'indissolubilité du mariage de l'infidèle con-
verti), le P. Maugis, professeur de théologie,
essaya de réfuter Leplat, qui lui répondit d'une
manière victorieuse. En 1782, ce dernier fit sou-
tenir une nouvelle thèse ( Dissertatio canonica
de sponsalibus et matrimoniorum impedi-
mentis). Deux ans après, Van de Velde, pro-
fesseur de théologie , attaqua avec violence, dans
une thèse De impedimentis matrimonii , Le-
plat, qu'il accusait d'imposture et d'hérésie. Non-
senlement celui-ci repoussa avec succès les at-
taques de son adversaire, dans un écrit intitulé :
Vindiciae Dissertationis canonicœ de sponsa-
libus et matrimoniorumimpedimenlis, etc. (1);
mais le gouvernement de l'empereur Joseph II,
alors sur le point de publier l'édit du 23 sep-
tembre 1784, relatif au mariage, suspendit le
cours de van de Velde. Lors de la création en
1786 d'un séminaire général à Louvain, Leplat,
partisan des réformes libérales introduites par
l'empereur, fut l'un des professeurs conservés
pour le nouvel établissement; mais le clergé ex-
cita une révolte parmi les étudiants, qui refu-
sèrent de suivre les cours de théologie du sémi-
naire; il ameuta même la foule contre Leplat,
qui , contraint de s'éloigner de Louvain, se ré-
fugia à Maestricht, où il résida quelque temps.
Il revint ensuite à Louvain pour reprendre son
enseignement; mais les nouvelles manœuvres du
clergé l'en empêchèrent. Dépourvu de moyens
d'existence, il se retira en Allemagne, puis en
Hollande, auprès de l'abbé Mouton, son ami,
qu'il aida dans la rédaction des Nouvelles ec-
clésiastiques, recueil périodique imprimé à
Utrecht. Nommé en 1806 professeur de droit
romain et directeur de la faculté de droit de
Coblentz, il occupa ces fonctions jusqu'à sa mort.
Outre les écrits mentionnés, on a de Leplat :
Claudii Fleurit in Historiam Ecclesiasticam
Dissertationes, etc.; Louvain, 1780, 2 vol.
in-8° ; ouvrage anonyme. Leplat a publié comme
éditeur divers recueils , parmi lesques nous ci-
terons : Monumentorum ad historiam con-
cilii Tridentini potissimum illustrandam
spectantium amplissima Collectio; Louvain,
1781-1787, 7 vol, in-4°. L. Stockmans , Opéra
omnia; 1783, 4 vol. in-8°. Leplat fit paraître au
commencement de 1792 le Conspectus d'un nou-
veau supplément aux œuvres de Van Espen,
qui devait en former le sixième volume, et qui
n'a pas été imprimé, à cause de l'invasion des
armées françaises. Ce Conspectus, dont un exem-
plaire est joint à celui du Jus ecclesiaslicum
universum (Louvain , 1753-1768, 5 vol. in-fol.) ,
que possède la bibliothèque royale de Bruxelles,
mérite, dit le bibliophile van Hulthem, d'être
conservé, parce qu'il fait connaître les intrigues
du P. Amyot, jésuite français, confesseur de
Marie-Elisabeth , sœur de Charles Vf, et gou-
vernante des Pays-Bas. Ce jésuite voulait intro-
duire en Belgique une espèce d'inquisition litté-
raire. E. Regnard.
Relation fidèle de la dispute élevée entre les docteurs
(1) Nous avons inutilement cherché dans les bibliothè-
ques publiques de Paris les éditions originales de ces
divers opuscules, tous devenus rares. La thèse de Leplat
de 1782, celle de van de Velde de 1784, et la réponse de
Leplat, sont reproduites dans un recueil que possède la
Bibliothèque impériale, et dont voici le titre : Collectio
variarurn elucubrationum, quibus potissimum discu-
titur qusestio an et quo jure Ecclesia fruatur in indu-
cendis impedimentis contractum matrimonii dirimen-
tibus ; s'aa nom de lieu, 1"84, ln-8\
851
LEPLAT — LEPORIUS
de théologie de Louvain , à F occasion d'une thèse : De
impcdiraentts matrimonil; Lille, 1786, 2 vol. in-8°. —
B. Vlguerle, La Justice en llel lique avant 89. — lliblio-
theea Ilulthemiana, t. I, n° :iuô3. — Barbier, Diction-
naire des Ouvrages anonymes. — Documents particu-
liers.
*le play (Pierre-GuWaume-Frédéric) ,
ingénieur et statisticien fiançais, né au Havre,
en 1806. Élève de l'École Polytechnique de 1825
à 1S27, il entra dans le corps des mines, où il
est parvenu au grade d'ingénieur en chef de
première classe. Professeur de métallurgie et
inspecteur des études à l'école des mines de
Paris, il fut commissaire général de l'exposition
universelle de Paris en 1855 et nommé conseiller
d'État à la fin de la même année. On a de lui :
Observations sur l'histoire naturelle et sur
la richesse minérale de l'Espagne; Paris,
1834, in-8° ; — Vues générales sur la statis-
tique, suivies d'un aperçu d'une statistique
générale de la France; Paris, 1840, in-8°;
— Description des procédés métallurgiques
employés dans le pays de Galles pour la
fabrication du cuivre, et recherches sur
l'état actuel et sur l'avenir probable de la
production et du commerce de ce métal;
Paris, 1848, in-8° ; — Les Ouvriers européens,
études sur les travaux, la vie domestique
et la condition morale des populations ou-
vrières de l'Europe, précédées d'un exposé
de la méthode d'observation; Paris, Impr.
impér., 1855, gr. in-fol., ouvrage couronné
du grand prix de statistique par l'Académie des
Sciences, en 1856; — des notices dans l'Ency-
clopédie nouvelle et dans les Annales des
Mines. M. Le Play a été un des collaborateurs
du Voyage dans la Russie méridionale et la
Crimée, par la Hongrie, la Valachie et la
Moldavie, exécuté en 1837 sous la direction du
comte Anatole Demidoff. L. L — t.
Bourquelot et Maury, La Lillèr. Franc, contemp. —
Vapereau, Dict. Univ. des Contemp.
le pojs (Antoine), numismate français, né
en 1525, à Nancy, mort en 1578. Appartenant à
une famille lorraine qui a produit plusieurs
hommes de mérite , il était fils d'un apothicaire
qui reçut de son souverain des lettres de no-
blesse, et vint à Paris faire ses études sous la di-
rection du célèbre Jacques Dubois (Sylvius).
Après avoir complété son éducation littéraire et
médicale, il retourna dans sa ville natale, et ne
tarda pas à obtenir la place d£ premier médecin
du due Charles III et de sa femme, la princesse
Claude. Dès lors il se livra à son goût pour l'é-
tude des médailles et des pierres gravées , en
réunit une précieuse collection , et écrivit un
livre estimé, qui fut publié par les soins de
son frère puîné ; ce livre a pour titre : Discours
sur les Medalles (sic) et Graveures antiques,
principalement romaines : plus une exposi-
tion particulière de quelques planches ou
tables; Paris, 1579, in-4°, avec vingt figures
gravées par Pierre Woeriot, fameux orfèvre et
graveur de Bar-le-Duc. P. L— y.
852
Renauldin, Les Médecins numismates, 71-75. — Cal-
met, Biblioth. Lorraine.
lepois ( Charles), Carolus Piso, célèbre
médecin lorrain, né à Nancy, en 1563, mort eu
_ 1633. Il était fils de Nicolas Lepois, auleur d'un
ouvrage resté classique jusque dans le siècle der-
nier (1). Après de brillantes études au collège
de Navarre, il vint étudier la médecine à Paris,
voyagea en Italie, devint médecin consultant de
Charles III, duc de Lorraine, et doyen de la fa-
culté que ce prince avait créée à Pont-à-Mousson.
On a de Lepois : Selectiorum Observatlonum et
corisùiorum de prselervisis hactenus viorbis
ajfeclibusque 'prseter naturam ab aqua seu
serosa colluvieet diluvie ortis, 1 vol. in-4°;
Pont-à - Mousson , 1618. Boerhaave, qui pro-
fessait une grande estime pour Lepois, a publié
une édition enrichie d'une préface de sa main
( Lugduni-Batavorum, 1733, in 4° ) ; un abrégé
parut sous le titre de Piso enucleatus ( Elze-
vier ), in-8°, 1639. Ce qui donnait à cet ou-
vrage une valeur réelle , c'étaient les excellentes
descriptions , les faits intéressants dont il abon-
dait. Un siècle avant Willis, Lepois professa l'o-
pinion que l'hystérie devait être rangée parmi
les affections convulsives, et que comme telle
son siège est dans l'encéphale. La thérapeutique
de Lepois n'eut de remarquable que sa simplicité,
à une époque où une absurde polypharmacie
avait fait de l'art de guérir un assemblage de re-
cettes bizarres. Lepois mourut, noble victime de
la science et de l'humanité , d'un typhus épidé-
mique qui ravageait sa ville natale, au secours
de laquelle il avait voulu, malgré son âge, ap-
porter ses talents et son expérience.
Dr C. Saucerotte.
Notice sur Le Pois, par C. S. dans les Mèm. de l'Acad.
de Nancy, ann. 1853. — Sprengel, Histoire de la Mé-
decine.
le poivre, géomètre de Mons , vivait à la
fin du dix-septième siècle et au commencement
du dix-huilième. M. Chastes, dans son Aperçu
historique, donne une excellente analyse d'un
ouvrage de Le Poivre, intitulé Traité des Sec-
tions du Cylindre et dû Cône, considérées
dans le solide et dans le plan , avec des dé-
monstrations simples et nouvelles ( Paris ,
1704, in-8° de 60 pages). La méthode de Le
Poivre offre une grande analogie avec celle de
La Hire ; mais ce qui donne à l'ouvrage du pre-
mier de ces géomètres un mérite particulier,
c'est qu'il contient un second mode de descrip-
tion des figures, basé sur leurs relations métri-
ques. E. M.
Journal des Savants, 1704. — Jeta Eruditorum, J70T.
— Chastes , Aperçu, historique sur l'origine et le déve-
loppement des Méthodes en Géométrie ,■ Bruxelles, 1 vol.
in-4% 1837.
leporïus, écrivain ecclésiastique latin,
Gaulois de naissance, vivait au commencement
(1) Cet ouvrage a pour titre : De cognoscendis et cu-
randis prœcipue internis humant corporis morbis,
Libri III; Francf., 1680, in-fol.
853
LEPORIUS — LE PRÉDOU'R
854
du cinquième siècle. 11 embrassa la vie monas-
tique sous les auspices de Cassien à Marseille.
Il jouissait d'une grande réputation de sainteté,
lorsqu'il tomba dans l'hérésie de Pelage. Il en
exagéra même les erreurs, et soutint à la l'ois
que l'homme n'a pas besoin de la grâce divine,
et que le Christ était né avec une nature humaine
seulement. Ayant été excommunié par suite de
ces doctrines, il se rendit en Afrique auprès de
saint Augustin , dont il écouta les leçons avec
tant de prolit qu'il renonça bientôt à ses er-
reurs. Il adressa une rétractation solennelle à
Proculus, évêque de Marseille et à Cyllinius, évo-
que d'Aix , tandis que quatre évoques africains
garantissaient la sincérité de sa conversion et
intercédaient en sa faveur. Bien que réintégré
dans ses droits ecclésiastiques, Leporius ne
semble pas être revenu dans sa contrée natale.
11 quitta la profession monastique, et fut ordonné
prêtre par saint Augustin, vers 425. On ne sait
rien, du reste, de sa carrière, sinon qu'il vivait
encore en 430.
La rétractation de Leporius forme un traité in-
titulé : Libelius emendationis sive satisjac-
tionis ad episcopos Gallise , quelquefois avec
cette addition, confessionem ftdei cathnlicse
continens de mysterio incarnationis Christi,
cum erroris pristini detestatione. Cet ouvrage
fut tenu en haute estime par les anciens théo-
logiens, qui regardaient l'auteur comme un des
plus fermes défenseurs de l'orthodoxie contre
les attaques des nestoriens. Quelques critiques
modernes, entre autres Quesnel, ont supposé que
le Libellas de Leporius appartient moins à cet
écrivain qu'à saint Augustin. Cette opinion, qui
est peu fondée, a été réfutée par les bénédictins.
Après avoir repoussé les objections de Quesnel,
ils ajoutent : « La rétractation de Leporius est
le langage d'un cœur pénitent et humiiié, et il
faut avoir senti ce qui y est dit pour l'exprimer
de la sorte. Si elle était d'une autre plume que
la sienne , ce serait l'esprit et non le cœur qui y
parlerait. Elle serait peut être mieux raisonnée ;
mais elle serait moins touchante. On y trouve-
rait peut-être de plus grandes beautés , mais il y
aurait moins d'onction , de simplicité et de can-
deur. »
Des fragments du Libelius furent recueillis
pour la première fois par Sirmond , et insérés
dans sa collection des conciles des Gaules ; Paris,
vol. I, p. 52. Le même éditeur découvrit bientôt
après et publia l'ouvrage entier dans ses Opus-
cula Dogmatica veterum quinque Scripto-
rura; Paris, 1630, in-8° , avec la lettre des évo-
ques africains en faveur de Leporius. Le Li-
belius se trouve aussi dans la collection des con-
ciles de Labbe ; Paris, 1671, in-fol., dans l'édition
de Marius Mercator par Garnier; Paris, 1673,
in-fol., 1. 1, p. 224; dans la Bibliot/ieca Patrum
maxima de Lyon, t. VII, p. 14 ; dans la Biblio-
theca Patrum de Galland, t. IX, p. 396. Y.
* Gennadius, De y iris illust., p. 59. — Cassien, De In-
carnat., I, *. — Quesnel, Dissert., dans son édition des
œuvres de saint Léon le Grand . 1. II, p. 90G. — Jlistoire
littéraire de la France, vol. Il, p. 167. — Garnier, Dis-
sert., dans son édition de Mar. Mercator, vol. I, p. 230.
— Sihœnemann, Biblintlieca Patrum Latinoriim, t. Il,
p. 883. — Baulir, Vie c/<riMich-rôinische T/ieotogie,
p. 323.
LE poïtlchre ( Français ), seigneur de La
Motte Messemé, né à Mont-dc-Marsan, en 1546,
mort vers 1597. Son père était surintendant de
Marguerite de Navarre. Il suivit de bonne heure
la carrière des armes, assista à la bataille de
Dreux, en 1562, et devint gentilhomme de la
chambre de Charles IX. On a de lui : Les Sept
livres des honnestes loisirs de M. de la
Motte-Messemé ; Paris, 1587, in-12; — Passe-
temps de messire Fr. Le Poulchre, seigneur
de la Motte-Messemé, chevalier des ordres
du roi; Paris, 1597, in-12. On trouve dans ces
deux ouvrages des détails curieux sur les chan-
gements introduits dans la manière de combattre
depuis François Ier jusqu'à Charles IX. Le Poul-
chre prétendait descendre en droite ligne du
consul Appius-Claudius Pulcher.
I.e Bas, Dict. Encyclop. de la France. — Chaudon et
Delandine, Dict. univ. Hist., Crit. et Hibliogr.
le PRÉsoca ( Louis- Joseph- Marie) , ad-
ministrateur français, né le 2 juillet 1758, à Pléy-
ben ( Bretagne ), guillotiné à Brest, le 3 prairial
an ii ( 22 mai 1794). 11 fit ses études à Quimper
et son droit à Rennes, où il fut reçu avocat au
parlement en 1779. Il se montra partisan des
réformes libérales, et devint successivement pro-
cureur de la commune de Chàteaulin, juge au tri-
bunal de cette ville, membre de l'administration
du département duFinistère, et organisa en 1792
la garde nationale de cette contrée. Il prit parti
pour les girondins, et essaya de les soutenir par
des moyens militaires; cette tentative échoua, et
le 9 juillet 1793 Le Prédour fut décrété d'accusa-
tion. Ilseconstituaprisonnierà Brest. Ayant été
mis en jugement avec vingt-cinq de ses collègues,
une condamnation capitale s'en suivit. Le Pré-
dour mourut avec courage. H. L.
Galerie des Contemporains (1819).
* le prédour ( Fortuné-Joseph-Hyacin-
the ), amiral français, fils du précédent, né le
16 février 1793. Entré à l'âge de onze ans dons
la marine , il prit part aux guerres maritimes
de l'empire, et fut nommé successivement
enseigne en 1812, lieutenant de vaisseau eu
1822, capitaine de vaisseau en 1838. Promu
contre-amiral le 27 mars 1847, il fut mis à la
tête de la station navale du Brésil. Chargé de?
intérêts de la France dans la Plata, il eut à sur-
veiller le blocus de cette rivière, et négocia en
1849 avec Rosas un traité stipulant la libre na-
vigation du Parana, le rétablissement de l'état
de choses existant avant la guerre et l'indépen-
dance de la République Orientale. En 1851 il
résigna son commandement, et revint en France.
Nommé vice-amiral le 3 février 1852, et membre
titulaire du conseil d'amirauté, il a été élevé à la
dignité de sénateur le 8 février 1858, et admis
855 LE PRÉDOUR
dans la section de réserve de l'armée navale à la
môme époque. On a de lui : Instructions nau-
tiques sur la mer de Chine, traduites de l'an-
glais de James Horsburgh ; Paris, 1824, in-4°;
— Résumé des Opérations hydrographiques
faites sur la côte occidentale d'Afrique dans
les années 1826 et 1827, à bord de la frégate
La Flore et de la goélette La Dorade; Paris,
1828, in-8° ; — Instructions nautiques sur
les mers de l'Inde, tirées et traduites de l'an-
glais de J. Horsburgh; Paris, 1837-1839, 5 vol.
in-8°; 1851, 3 vol. in-4°. L. L— t.
État de la Marine. — Vapereau, Dict. univ. des Con-
temp.
* leprévost (Auguste) y historien et ar-
chéologue français, né à Dernay, en Normandie,
le 3 juin 1787. 11 fut nommé sous-préfet de
Rouen en 1814, et remplacé vers la fin de 1815.
Rentré dans la vie privée, il s'adonna à des
travaux sur l'histoire et l'archéologie de la Nor-
mandie, et s'attacha surtout à l'étude attentive
des sources. Il fit partie, de 1834 à 1848, pour
le département de l'Eure, de la chambre des
députés, où il votait ordinairement avec la ma-
jorité. Membre libre de l'Académie des Inscrip-
tions et belles-lettres depuis 1838, il est corres-
pondant du ministère de l'instruction publique
pour les travaux relatifs à l'histoire de France.
Ses principaux travaux sont : Notice historique
et archéologique sur le département de
l'Eure; in-12, 1832 ; — Dictionnaire des an-
ciens noms de lieu du département de l'Eure;
Évreux, 1840, in-12 et in-8°; — une édition
d'Orderic "Vital, avec les notes; Paris, 1838-
1855, 5 vol. gr. in-8°; — Ancienne division
territoriale de la Normandie ; Caen, in-4°,
1840 ; — Monuments de l'arrondissement de
Bernay et du département de l'Eure, ins-
truction pour le Comité des Arts (extérieur
des églises ); — Histoire de Saint-Martin-
de-Tilleul ; in-4°, 1840; — plusieurs notices
dans les Mémoires de la Société des Anti-
quaires de Normandie, et dans l'Annuaire his-
torique. M. Leprévost fut d'avis que le cœur
trouvé dans la Sainte-Chapelle de Paris était ce-
lui de saint Louis, et il fit une Réponse à l'écrit
de M. Letronne intitulé : Examen du pré-
tendu cœur de saint Louis ; Paris, 1844,in-8°.
Cet opuscule, reproduit dans les Preuves de la
découverte du cœur de saint Louis, Paris,
1846, in-8°, contient aussi les lettres adres-
sées par M. Leprévost au Moniteur univer-
sel, au moment de la découverte du cœur de ce
saint monarque. E. Regnard.
Bibliographie de la France.— Documents particuliers.
LE Prévost d'ira y (Chrélien-Siméon ,
vicomte), poëte et archéologue français , né au
château d'Iray, près de Mortagne (Normandie),
le 13 juin 1768, mort au même endroit, le 15 sep-
tembre 1849. Il suivit la carrière de l'enseigne-
ment, professa l'histoire aux écoles centrales de
Fontainebleau et de Paris, devint censeur des
— LEPRINCE
856
études au lycée Impérial , et inspecteur général
de l'université. Nommé inspecteur général ho-
noraire sous la restauration , il fut créé à la
même époque gentilhomme ordinaire de la
chambre du roi. En 1818, il remplaça Clavier
à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
On a de lui : Tableaux comparatifs de l'his-
toire ancienne et de l'histoire moderne; 1802,
1804, 1805, in-fol. ;— Histoire de l'Égyptesous
le gouvernement des Romains , ouvrage cou-
ronné par la troisième classe de l'Institut, le
3 juillet 1807; Paris, 1816, in-8°; —L'Hercule
Thébain; Paris, 1817, in-8° : il n'existe que
trois ou quatre exemplaires de cet ouvrage eu
épreuves; — Essai sur les Prophéties dlsaïe;
Paris, 1835, in-8° ; — Influence de la Grèce
en général, et de Corinlhe en particulier, sur
les arts de UÉtrurie et de Rome; Paris, 1838,
in-8°; — La Pierre de Rosette, ou succès et
revers de l'expédition d'Egypte , ode dédiée à
la France, toujours glorieuse quand même!..
Paris, 1838, in-8°; — Êpltre à M. Flourens;
1842; — Vertu et Repentir, poëme, 1843; —
Boileau mis à l'index, ou le nouvel Art poé-
tique; 1844, in-8°. Le prévost d'Iray a composé
aussi en collaboration un certain nombre de
Vaudevilles, et seul une tragédie de Manlius
Torquatus, jouée à l'Odéon en 1798. L. L — t.
Sarrut et Saint-Ednoe, Biogr. des Hommes du Jour,
t. V, i" partie, p. 387. — V. Lucaine et Ch. Laurent,
biogr. et nécrol. des Hommes Marquants du dix-neu-
vième siècle, tome I, p. 380.
le prince (Jean), peintre français, né à
Metz ( Lorraine), en 1733, mort à Saint-Denis-du
Port, près de Lagny, le 30 septembre 1781.
Protégé par le maréchal de Belle-Isle, il vint à
à Paris, et entra dans l'atelier de Boucher, où il
s'appliqua surtout au paysage, gravant en même
temps à la pointe ses compositions. Par suite
d'embarras domestiques, il alla chercher fortune
en Russie. Parfaitement accueilli à Saint-Péters-
bourg , il peignit quelques plafonds dans le palais
impérial, ainsi qu'une vue de Saint-Pétersbourg,
qui a été gravée par Lebas. L dessina d'après na-
ture des costumes, des maisons, des voitures,
des traîneaux en usage chez les différentspeuples
de l'empire russe. Le climat de la Russie lui étant
contraire, il revint en France, et fut agréé à l'A-
cadémie de Peinture en 1764, et reçu académi-
cien en 1765 sur son tableau représentant un
Baptême dans le rit grec. Il se fit remarquer
depuis à toutes les expositions de peinture par
une quantité de tableaux d'une touche légère et
d'un coloris transparent , mais d'une pratique
trop facile. En 1772, il fut nommé conseiller de
l'Académie. Il mourut en terminant un tableau
des Frères questeurs distribuant des agnus
à la porte d'un cabaret. Dans les derniers
temps de sa vie, il se>faisait apporter son chevalet
sur son lit et travaillait couché. Leprince avait
un certain talent pour les dessins lavés à l'encre
de Chine et essaya de rendre cette manière de
dessin sur le cuivre à l'aide du pinceau. En 1769
857 LE PRINCE
il montra ses essais de lavis gravé à l'Académie,
qui les approuva. L. L — t.
Chaudon et Delandine, Dict. \miv-. Histor., crit, et
Bibtiog.
le prince (Nicolas-Thomas), bibliographe
et littérateur français, né à Paris, en 1750, mort
àLagny (Seine-et-Marne), le 31 décembre 1818.
D'abord employé à la Bibliothèque du Roi, il de-
vint inspecteur delà librairie près de la chambre
syndicale de Paris, chargé de veiller au recou-
vrement des exemplaires dus à cette bibliothèque,
dont plus tard il fut nommé secrétaire adjoint;
mais il fut privé de cet emploi lorsque Cham-
fort et Carra remplacèrent d'Ormesson de Noy-
seau, bibliothécaire du roi, destitué sous le mi-
nistère de Roland. On a de Le Prince (en so-
ciété avec Nougaret ) : Anecdotes des Beaux-
Arts , contenant tout ce que la peinture, la
sculpture, la gravure, l'architecture, la
littérature. , la musique, etc., offrent de plus
curieux et de plus piquant chez tous les
peuples du monde , depuis Vorigine de ces dif-
férents arts jusqu'à nos jours, etc.; Paris,
1776-1781, 3 vol. in-8°; — Catalogue raisonné
ides livres de la bibliothèque de M. Hue de
Miroménil; Paris, 1781, in-4°, tiré à douze
exemplaires; — Essai historique sur la Biblio-
thèque du Roi, et sur chacun des dépôts qui
la composent, avec la description des bâti-
ments, et des objets les plus curieux à voir
dans ces dijférents dépôts; Paris, 1782, petit
in-12; nouv. édit., Paris, 1856, in-8° : l'éditeur,
M. Louis Paris, s'estefforcé de continuer l'œuvre
de Le Prince dans des notes réunies sous le titre
d'Annales de la Bibliothèque ; — (en société
avec Baudrais) : Petite Bibliothèque des
Théâtres , contenant un recueil des meil-
leures pièces du Théâtre-Français, tragique,
comique, lyrique et bouffon, depuis l'ori-
gine des spectacles en France jusqu'à nos
jours ; Paris, 1784-1789, 80 vol. in-18, jolie col-
lection , dont font partie les trois premiers vo-
lumes des Essais historiques sur l'Origine et
les Progrès de l'Art dramatique en France,
ouvrage des éditeurs, mais malheureusement
inachevé; on y trouve aussi , outre de bonnes
notices, seize pièces imprimées pour la première
fois. Tous ces travaux sont anonymes ; pourtant
quelques exemplaires de l'Essai historique sur
la Bibliothèque du Roi portent le nom de Fau-
teur (1).
Son frère puîné, René, né à Paris, en 1753,
que les biographes confondent quelquefois avec
lui, était aussi attaché à la bibliothèque du Roi;
il a inséré dans le Journal des Savants (juillet
(1) D'après les informations que nous avons prises au
département des manuscrits delà Bibliothèque impériale,
la Biographie universelle de Miohaud dit par erreur
que Le Prince y déposa, lors de sa retraile, une Biblio-
thèque pittoresque , ou catalogue raisonné des livres
qui traitent de la peinture , sculpture, architecture,
gravure, perspective, etc. On y conserve seulement de
Le Prince de nombreuses notes bibliographiques qui
peuvent être utilement consultées. ( E. R. ).
— LEPS1US 858
et octobre 1782) :des Remarques sur l'état des
Arts dans le moyen dgre , tirées à part; Paris,
1732, in-12. Fr. Fayolle en a reproduit un extrait:
Sur l'Origine du Violon, dans les préliminaires
de ses Notices sur Correlli,Tartini, Gaviniès
et Viotti; Paris, 1810, in-8°. Le Prince a
édité : Traité du choix et de la méthode
des Études, par l'abbé Fleury; Nîmes et Pa-
ris, 1784, in-12, édition corrigée , et augmentée
de plus d'un tiers d'après un manuscrit de l'au-
teur. E. Regnard.
Arnault, Jay, Jouy et de ÎSorvlns, Biographie nouvelle
des Contemporains. — Almanach royal de 179t. —
Barbier. Dictionnaire des ouvrages anonymes.- Wblioth.
dramatique de M. de Soleinne, t. III, p. 38.
le prince de beacmont (Marie). Voy.
Beaumont.
*lepsius ( Charles- Richard), célèbre égyp-
tologue allemand, fils de Charles-Pierre, l'his-
torien de la ville de Naumbourg , est né à
Naumbourg, le 20 décembre 1813. 11 étudia la
philologie à Leipzig, Gœttingue et Berlin, et vint
en 1833 à Paris, où il se fit connaître par son
travail : Paléographie als Mit tel der Sprach-
forschung (La Paléographie considérée comme
un moyen d'études linguistiques) ; Berlin, 1834;
2e édition, Leipzig, 1842 : ouvrage qui lui valut
le prix Volney. Protégé par Alexandre de Hum-
boldt, il fut chargé d'une expédition scientifique
en Egypte, et partit de Londres en septembre
1842 : les résultats en sont consignés dans Benk-
mseler aus JUgypten und ^Ethiopien ( Monu-
ments d'Egypte et d'Ethiopie); Berlin, 1855,
62 livraisons avec 460 planches grand -in-
folio, etc. De retour à Berlin, en 1846, M. Lep-
sius fut nommé professeur d'archéologie égyp-
tienne. Outre les ouvrages déjà cités, on a de lui :
Ueber den Vrsprung und die Verwandtschaft
der Zahlwœrter in der indogermanischen ,
semitischen und koptischen Sprache (De l'O-
rigine et de la Parenté des mots qui servent à
désigner les nombres dans les langues indo-ger-
manique, sémitique et copte); Berlin, 1836; —
Lettre à M. Rosellini sur l'alphabet hiéro-
glyphique; Rome, 1837 ; —Auswahl der wich-
tigsten Vrkunden des eegyptischen Al-
terthums ( Choix des principaux Documents de
l'antiquité égyptienne); Leipzig, 1842, avec
23 planches;— Todtenbuch der Mgypter nach
dem hierogliphischen Papyrus in Turin
(Livre des Morts des Égyptiens d'après le Pa-
pyrus hiéroglyphique de Turin); Leipzig, 1842,
avec 79 planches; — Inscriptiones Umbricse
et Oscse; ibid., 1841; — Veber die tijrrheni-
schen Pelasger in Etrurien (Les Pelasges
tyrrhéniens en Étrurie); ibid., 1842; — Ueber
die Verbreilung des italienischen Mùnzsy-
stems von Etrurien (De l'Origine étrusque
du système monétaire de l'Italie); ibid., 1842;
— Chronologie des JEgypter ( Chronologie des
Égyptiens); Berlin, 1849; — Veber den ersten
segyptischen Gôtterkreis (Les premiers Dieux
de l'Egypte); Berlin, 1851; — Briefe aus
859 LEPSIUS — LE QUIJNIO
mgyptcn , JElhiopien und der Halbinscl des
S60
Sinai ( Letires sur l'Egypte, l'Ethiopie et Ja
presqu'île du Sinaï); ïbid., 1852; — Das allge-
rneine linguislische Alphabet (L'Alphabet lin-
guistique général); Berlin, 1855; — Ueber eine
hieroglyphische inschrift am Tcmpel von
Edfa ( D'une Inscription hiéroglyphique sur le
temple d'Edfu); Berlin, 1855 ; — Ueber die 12te
œgyptische Kœnigsdynastie (De la douzième
Dynastie royale de l'Egypte); Berlin, 1853; —
plusieurs Mémoires, insérés dans le recueil de
l'Académie des Sciences de Berlin. B. L— d— u.
Conv.-Ler.
lept t M E ( Aetctivïk) , général sy racusain , frère
de Denys l'ancien, mort en 383 avant J.-C. Son
frère, engagé dans une lutte contre les Carthagi-
nois, lui donna le commandement d'une flotte en
397, et le chargea peu après de diriger le siège de
Motya. Après la prise de cette ville, Leptine con-
tinua d'y séjourner avec cent vingt vaisseaux
pour intercepter la Hotte de Himilcon. Le géné-
ral carthaginois se déroba à la surveillance de
Leptine, et parvint à gagner Panorme. Cette ma-
nœuvre changea la face des affaires. Les Car-
thaginois , considérablement renforcés, prirent
l'offensive sur terre et sur mer, et s'avancèrent
contre Syracuse. Leptine livra bataille à leur
flotte, et se conduisit avec beaucoup de courage;
mais il se laissa entraîner par son ardeur au
milieu des ennemis, y perdit l'élite de ses
vaisseaux, et n'échappa à la captivité qu'en se
jetant à la mer. Il essaya vainement de rétablir
le combat, et se retira dans le port de Syra-
cuse avec les débris de sa flotte. Pendant le
siège qui suivit, il rendit de grands services, et
il commanda, avec le Lacédémonien Pharacidas
l'attaque finale, qui eut pour résultat la complète
destruction de la flotte carthaginoise et la déli-
vrance de la ville. En 390, Denys lui confia
une flotte avec mission d'assister les Lucaniens
contre les Grecs d'Italie. II arriva au moment où
les Lucaniens avaient remporté une grande vic-
toire sur la ville de Thurium. Au lieu de les
aider à accabler leurs ennemis, il offrit un refuge
aux vaincus, et ménagea un accommodement
entre les parties belligérantes. Cette conduite si
contraire aux vues de Denys valut à Leptine une
disgrâce immédiate, et quelque temps après il
fut banni pour avoir donné une de ses filles en
mariage à Philastus sans la permission de Denys.
Il se retira à Thurium, dont les habitants l'ac-
cueillirent avec faveur, et bientôt il acquit une
telle influence sur les Grecs d'Italie, que Denys,
craignant de le -voir former unÉtat indépendant,
le rappela à Syracuse. La guerre contre les Car-
thaginois recommença en 383. Leptine com-
manda l'aile droite de l'armée syracusaine à la
bataille de Cronium. Il tomba dans l'action , et
sa mort fut pour ses troupes le signal de la dé-
route (1). Y.
(1) On connaît plusieurs personnages anciens du nom
de Leptine, savoir : trois syracusains qui vivaient l'un
Diodore de Sicile, XIV, 48, S3-S5, 59, 60, G4, 72, 102;
XV, 7, 17. — Plutarqne, Dion., 11.
lequien ( Michel), érudit français, né à
Boulogne-sur-Mer, le 8 octobre 1661, mort à
Paris, le 12 mars 1733. 11 entra à vingt ans en-
viron chez les dominicains , et passa la plus
grande partie de sa vie dans la maison que son
ordre possédait à Paris dans la rue Saint-Honoré.
Ses principaux ouvrages sont : Défense du texte
hébreu et de la version vulgale; Paris, 1690,
in-12, ouvrage dirigé contre le livre du P. Per-
zon intitulé : V Antiquité des temps rétablie,
où cet érudit soutenait la chronologie des Sep-
tante contre celle du texte hébreu et de la Vul-
gale; — P-anoplia contra schisma Grsecorum;
Paris, 1718, in-4<>: publié sous le pseudonyme
de Stephanus de Altimura ; — Oriens Christia-
nus , in quatuor patriarchatas digeslus;
Paris, 1740, 3 vol. in-fol., faisant partie de la
Collection byzantine du Louvre; cet excellent
ouvrage, rédigé sur le modèle de la Gallia
Chrisliana, donne la description géographique
de chaque diocèse, l'origine et l'établissement
des églises , leurs droits , leurs prétentions , la
succession et la suite de leurs évoques. Lequien
donna une édition des Œuvres de Jean Damas-
cène; Paris, 1712, 2 vol. in-fol., réimprimés à
Venise en 1748; le troisième volume, qui devait
contenir les écrits apocryphes de Jean Damas-
cène, resta inachevé. E. G.
Échard, Scri/itores Ordinis Prxdicaiorum, t. 11. —
Journal des Savants, années 1730, 1733 et 1742.
leqîjjen de la. neufville. voy. la
Neufville.
le QUiNio ( Joseph-Marie), homme poli-
tique et publiciste français , né à Sarzeau , près
de Vannes, en 1740, mort vers 1813. Il accepta
les idées révolutionnaires, et fut successivement
nommé maire de Rennes (1790), juge au tribu-
nal de Vannes (1791) et député du Morbihan à
l'Assemblée législative, où il combattit d'abord
les mesures proposées contre les émigrés
(20 octobre 1791). Mais il changea bientôt d'o-
pinion , et le 1er janvier suivant demanda que le
séquestre fût apposé sur les biens « des déser-
teurs de la France ». Il vota le même jour pour
la mise en accusation des princes, et appela la
I sévérité de l'assemblée sur les prêtres inser-
j mentes. En février suivant, il fit une motion en
faveur du divorce. Réélu à la Convention, il y
vota la mort de Louis XVI sans appel et sans
sursis, « regrettant toutefois que la sûreté de l'É-
tat ne permît pas de le condamner aux galères
perpétuelles ». Le Quinio fut envoyé en avril
1793 à l'armée du nord, puis dans les départe-
sons Denys le jeune, l'autre sous Agathocle, le troisième
sous Hieron , un Athénien connu pour avoir proposé
une loi que Démostliène combattit et fit probablement
rejeter ( Voy. Wolf , Prolegom. ad Démosth. orat.
adver.Leptinem) , un grec de Syrie qui, sous le règne
d'AntiochusEupator,en 162 avant J.-C., assassina Cn. Oe-
tavius, chef d'une ambassade romaine (l'olybe, XXXII,
19; XXXll, 4,6,7; Appien, Syriœ. 46,47.).
861 LE QUINIO
ments de l'Aisne et de l'Oise, et le 9 septembre
àRochofort. Ses concussions et sa cruauté soule-
vèrent dans ces diverses contrées l'indignation
générale. A Rochcfort il taisait manger le bour-
reau à sa table (1). Peu de temps après il de-
mandait qu'on fusillât sans pitié et sur l'heure
tous les prisonniers vendéens, et se vantait d'a-
voir brûlé la cervelle h deux de ces malheureux.
Le Quinio, de l'aveu de tous les historiens,
contribua beaucoup à faire de la guerre de
l'ouest une guerre d'extermination. De retour à
la Convention, il s'y montra tour à tour athée et
flatteur de Robespierre, qui , dans la séance du
22 floréal an u (il mai 1794), venait de pro-
clamer l'existence de l'Être suprême et l'immor-
talité de l'âme. Robespierre repoussa avec mé-
pris ses éloges, et le lit exclure du club des Ja-
cobins « comme fourbe et hypocrite ».
Le Quinio, qui s'était associé après le 9 ther-
midor avec les dames de Saint-Chamand et de
Vassy, qui tenaient alors un espèce de bureau
d'esprit public, voulant s'effacer du monde po-
litique et faire oublier ses excès, donna sa dé-
mission de représentant en mai 1795 ; sa démis-
sion ne fut pas acceptée ; il essaya alors de faire
décréter « qu'aucun législateur ne pourrait être
en même temps membre d'une assemblée pri-
maire » ; cette motion fut rejetée, et il dut se ré-
signer à reprendre sa place dans l'assemblée,
où il attaqua avec véhémence le royalisme et
l'anarchie. 11 demanda, le 30 décembre, en dési-
gnant le fils de Louis XVI « que l'on purgeât le
sol de la liberté du dernier rejeton de la race
impure du tyran». Dénoncé comme terroriste,
il déclara <•- qu'il abhorait également les buveurs
de sang, les ambitieux et les terroristes ». Ce
double langage ne le sauva pas longtemps, et le
21 thermidor an m ( 8 août 1795 ) il fut décrété
d'accusation (2) ; mais l'amnistie du 4 brumaire
an iv ( 26 octobre 1795 ) le rendit à la liberté.
Élu en 1798, par le département du Nord, dé-
puté au Conseil des Cinq Cents , il en fut exclu
par la loi du 22 floréal ( 12 mai 1798). Après le
18 brumaire (9 novembre 1799), il obtint un
emploi d'inspecteur forestier, et fut ensuite en-
voyé à New-Port (États-Unis) comme sous-
commissaire des relations commerciales. Il revint
en France vers 1804, et ne s'occupa plus que d'a-
griculture, science dans laquelle il était très-
(1) Voici le passage de la lettre dans laquelle il se vante
de ce lait : cette lettre est en date du 17 novembre 1793,
et adressées la Convention : « J'ai eu l'avantage de
trouver à Rochcfort plus de guillotineurs que je n'en
voulais; après en avoir choisi un, Je l'ai fait manger avec
moi et mes collègues Guezno et Topsent. »
(2) Le rapporteur de la commission chargée d'examiner
sa conduite conclut en demandant qu'il fût traduit de-
vant un tribunal criminel pour :1° avoir mangé habituel-
lement avec les bourreaux; 2° avoir dufruit de ses rapi-
nes pavé douze raille francs de dettes, acheté des pro-
priétés et envoyé à son frère des sommes considérables;
S° avoir fait servir la guillotine de Iribuneaux harangues;
4° avoir forcé des enfants à tremper leurs pieds dans le
sang de leur père; enfin, d'avoir lui-même brûlé la cer-
velle à des détenus.
— LERAY 862
versé. On a de lui : VÉcole des Laboureurs,
journal d'abord imprimé à Rennes, puis à Paris;
— Les Préjugés détruits; 1792, 1793, 1798,
in-8° : dans cet ouvrage, qui eut du succès, Le
Quinio se qualifiait de Citoyen du globe; —
De la Nécessité du Divorcerais, 1792; —
La Richesse de la République; 1792, in-8°; —
La Guerre de la Vendée et des Chouans;
1795, in-8°; — Philosophie du peuple, ou
éléments depMlosophie politique et morale,
à la portée des habitants des campagnes ;
179fi, in- 12; — ■ Voyage pittoresque et physico-
économique dans le Jura; 1801, 2 vol. in-8°.
Le Quinio avait d'abord dédié cet ouvrage au
premier consul Bonaparte, qui refusa cet hom-
mage assez durement; l'auteur le dédia alors
Au tonnerre : cette flatterie adroite eut son
effet. H. Lesueur.
Le Moniteur universel, an 1791, nos 67, 293, 312; an.
1792, n°» 3, 48, 99, 127 ; an Ie' (1793), n°" 97, 106, 257 ; an II,
n°» 45, 66. —Bertrand de Molleville, Histoire de la Ré-
volution. — Paierie historique des Contemporains, 1817.
— Thiers, Histoire de La Révolution française, t. IV et
V.— A. de Lamartine, Histoire des Girondins, t. Vil et
VIII. — Théodore Muret, Histoire des Guerres de l'Ouest.
leraîibekt (Louis), sculpteur français ,
né à Paris, en 1614, mort en 1670. Élève de
Vouet, il forma lui-même de bons élèves, et fut,
en 1663, nommé membre de l'Académie royale
de Peinture et Sculpture. Sa manière ne manque
pas de vérité, et généralement on trouve dans
ses ouvrages un goût assez rare à son époque.
Il a beaucoup travaillé pour le parc de Versailles,
où il a laissé une bacchante avec un enfant
jouant des castagnettes, deux sphinx de mar-
bre portant des enfants de bronze, une nymphe
dansant, plusieurs satyres en marbre et divers
groupes d'enfants en bronze. Non moins recom-
mandable par son esprit et son caractère que
par son talent, Lerambert sut mériter la pro-
tection du cardinal Mazarin, et l'amitié cons-
tante de Vouet, de Le Brun et de Le Nostre.
E. B— n.
Fontenay, Dictionnaire des Artistes.
leray {Théodore- Constant), amiral fran-
çais, né à Brest, le 13 novembre 1795, mort le
23 avril 1849. A l'âge de neuf ans, il entra au
service en qualité de mousse , sur la prame La
Ville de Mayence, faisant partie de la flottille de
Boulogne, en 1804. Un an après, il entra au col-
lège de Rennes pour faire ses études, et en sor-
tit aspirant de marine de deuxième classe, le 28
janvier 1812. Embarqué sur la frégate Le Rubis,
le 14 novembre 1812, il fit naufrage aux lies de
Los, le 9 février 1813, étant en croisière contre
les Anglais Le 29 janvier 1814 il fut nommé as-
pirant de première classe, et enseigne de vais-
seau le 8 janvier 1817. A cette époque il com-
manda pendant plusieurs mois la gabare V In-
fatigable, dont l'état-major et l'équipage avaient
été décimés par la fièvre jaune. Leray fut nommé
lieutenant do vaisseau an choix, le 25 août 1823,
et s'embarqua sur la frégate La S y rêne, le 3 fé-
863
LERAY — LERCARI
864
vrier 1825, comme chef d'état-major de l'escadre
du Levant. Le 1er août 1327 il fut décoré de la
Légion d'Honneur, pour s'être distingué lors de
la reddition de la citadelle d'Athènes. Après la
bataille de Navarin, à laquelle il assista, il fut,
en récompense de sa belle conduite, promu au
grade de capitaine de frégate. Nommé comman-
dant du brick de 20 canons Le Grenadier ,1e 27
mai 1830, il fit partie de la station du Levant, et
pendant les années 1829, 1830 et 1831, chargé
de plusieurs missions importantes dans ces
mers. En 1832 il prit le commandement de la
corvette L' Ariane, et. fit pendant le siège d'An-
vers la campagne des mers du nord pour blo-
quer les ports de la Belgique et de la Hollande.
L'armée française ayant emporté cette place, Le-
ray fut désigné pour faire partie de la division
navale chargée de s'emparer de la place de
Bougie sur les côtes d'Afrique. Quelques jours
après l'occupation de cette place, les Arabes
ayant tenté de la reprendre, Leray débarqua
à la tête de son équipage, et soutint la garnison.
Rentré en France en mars 1834, il fut promu au
grade de capitaine de vaisseau, le 17 mai. Le 4
mai 1838, le gouvernement lui confia le comman-
dement de la frégate La Médée et d'une division
envoyée sur les côtes occidentales de l'Espagne.
Dans le mois de septembre de la même année il
rallia la division navale commandée par le contre-
amiral Baudin, et destinée à agir contre le Mexi-
que. Arrivé sur la rade de Sacrificios, à la fin
d'octohre, Leray fut envoyé à Mexico avec les
pleins pouvoirs de l'amiral Baudin pour exposer
au gouvernement mexicain les griefs du gouver-
nement français et en demander satisfaction. Il
débarqua à la tête de son équipage, le 5 novembre,
et se distingua à la prise d'assaut de la ville de
Vera-Cruz en montant un des premiers sur les
murailles. De retour en France avec La Médée,
en mai 1839, Leray contribua au transport, de
France en Algérie , des.troupes destinées à s'op-
poser aux nouvelles levées d'Abd-el-Kader;
puis il rejoignit l'escadre de l'amiral Lalande
dans les mers du Levant au printemps de 1840.
L'escadre étant rentrée à Toulon en novembre,
il continua à en faire partie jusqu'en juin 1841 ,
époque à laquelle il fut envoyé devant Tunis,
ayant sous son commandement une division na-
vale composée du Mo ntebello, du Neptune ,
et de la frégate L'Alcmène. Le but de sa mission
était de s'opposer, même par la foFce, à une ex-
pédition envoyée par la Porte Ottomane contre
Tunis. Peu après il fut rallié successivement par
les vaisseaux L'Hercule, Le Diadème et Le
Trident. La présence de cette force imposante
ayant fait renoncer la Porte à ses desseins, Le-
ray rentra à Toulon à la fin d'octobre avec la
division sous ses ordres. Ce fut en récompense
des services qu'il avait rendus dans l'exercice
de ce dernier commandement que, le 10 décem-
bre , il fut élevé au grade de contre-amiral. Le
24 mars 1842, il fut appelé à faire partie du con-
seil d'amirauté, et au mois d'août 1843 il obtint
le commandement de la station du Levant. Au
mois de novembre de la même année, Leray
reçut une notification de l'amiral Mackau, alors
ministre de la marine , qui portait que , sur sa
proposition , il avait été décidé en conseil des
ministres qu'à l'avenir les agents diplomatiques
auraient autorité, en ce qui concernait la poli-
tique, sur les commandants des stations navales
à l'étranger ; qu'en conséquence il se trouvait
placé sous l'autorité de l'ambassadeur à Cons-
tantinople et sous celle du ministre de France
en Grèce. Convaincu qu'une pareille atteinte
portée à la liberté d'action et de commandement
d'un amiral était dangereuse pour les intérêts
du pays et fâcheuse pour la discipline, Leray
fit de respectueuses observations au ministre,
et ajouta : « que , dans le cas où une pareille
décision serait maintenue, il le priait de lui dé-
signer un successeur. » Deux mois après, il était
rappelé en France. A partir de cette époque, il
reprit sa place à la chambre des députés, rentra
au conseil d'amirauté, où il remplaça l'amiral
Lalande , et dont il fut un des membres les plus
zélés et les plus laborieux. Le choléra emporta,
jeune encore, ce marin distingué. A. Jadin.
Documents particuliers.
lerbeke (Hermandoon) , dominicain, né à
Minden , vivait dans la seconde moitié du qua-
torzième siècle; il jouit d'une grande faveur au-
près du comte Othon de Schaumburg, mort en
1404, et il laissa deux ouvrages historiques, pas-
sablement arides et écrits en assez mauvais la-
tin, mais qui renferment quelques renseigne-
ments utiles : Chronicon Episcoporum Minden-
sium (inséré dans le recueil de Leibnitz , Scrip-
tores Brunsvicenses, t. H, p. 157-211); —
Chronicon Comitum Schawenburgensium, ab
anno 1030-1404 (édité par H. Meibom; Helm-
stadt, 1620,in-4°,et réimprimé dans les Scripto-
res Rerum Germanicarum , publiés par la
même savant, t. I, p. 491 ). G. B.
Fabricius, Bibliotheca latina medii xvi, t. III, p. 713.
— Bibliotheca Scriptorum Ordinis Priedicatorum, t. I,
p. 7S0.
lerber ( Sigismond- Louis ), littérateur
suisse, né en 1723, à Berne, où il est mort, le
20 avril 1783. Après avoir siégé au conseil des
Deux Cents et exercé les fonctions de bailli à
Trachselwaldt , il fut appelé en 1748 à la chaire
de droit de l'académie de Berne. On a de lui :
Defontibus Juris patrii ; Berne, 1748, in-4°;
bonne dissertation, plusieurs fois réimprimée;
— Essai de Poésie; Cologne, 1746, et Zurich,
1747; — De legis naturalis summa Liber
singularis; Zurich, 1752; — Essais sur l'É-
tude de la Morale; Berne, 1773, 1776, in-8°;
— La Vue d'Anet; Ma., 1776, in-8°, poëme
descriptif inséré d'abord dans le Journal hel-
vétique; — Poésies et opuscules philosophi-
ques; ibid., 1798, in-8°. K.
Quérard , La France Littéraire.
lerca&i (Nicolas-Marie), cardinal italien,
865 LERCARI —
né à Tabia.dans l'État de Gênes,le 19 novembre
1675, mort le 20 mars 1757. Il occapa divers
emplois à la cour pontificale , et devint ensuite
successivement gouverneur de Todi, de Béné-
vent, de Camerino, d'Ancùne, de Civita-Vec-
chia et de Pérouse. Appelé à Rome en 1724 par
le pape Benoît XIII, avec lequel il s'était lié à
Bénévent , il fut sacré archevêque in partibus ,
et nommé deux ans après premier ministre.
Les ambassadeurs des cours étrangères ayant
refusé de traiter d'affaires avec lui, sous le pré-
texte que sa dignité n'était pas assez élevée , il
reçut le chapeau de cardinal en décembre 1726.
Dans son emploi de secrétaire d'État, Lercari se
montra habile négociateur; il résista plusieurs
fois avec succès aux entreprises de la cour impé-
riale. En 1730, à la mort de Benoît XIII, il fut
dépouillé de tous ses emplois et cité devant une
congrégation de cardinaux pour rendre compte
de sa gestion. Son intégrité y fut reconnue;
mais il n'en perdit pas moins toute influence
sur la conduite des affaires. E. G.
Hirsching, Histor. litter. Handbuch.
lerche [Jean- Jacques), naturaliste alle-
mand, né à Potsdam,le 27 décembre 1703, mort
à Saint-Pétersbourg, le 23 mars 1780. Après
avoir étudié la médecine à Halle , il parcou-
rut la Hollande, l'Autriche et la Hongrie, et se
rendit en 1731 en Russie. Il fut envoyé l'année
suivante à Astrakan comme médecin de régi-
ment, et explora à deux reprises différentes une
grande partie de la Perse. On a de lui : Orycto-
graphia Halensis; Halle, 1730; — Extraits
d'Observations météorologiques faites àAstra-
canpendant l'hiver de 1745, dans les Mémoires
de l'Académie de Berlin , année 1746. Les
relations de ses voyages sur les côtes de la mer
Caspienne et en Perse se trouvent dans le Ma-
gasin de Biisching, tomes III et X. Lerch a
aussi publié divers Mémoires dans les Nova
Acta Naturx Curiosorum. E. G.
Biisching, Lercks Lebens-und Reisegeschichte ; Halle,
1761, in-8°. — Roteruiund, Supplément à JOcher.
lerebours (Noël-Jean), ingénieur opti-
cien français , né à Mortain ( Normandie ), le 25
décembre 1762, mort le 13 février 1840. Lors-
que Lerebours commença de s'occuper de la
construction des instruments d'optique, on allait
chercher en Angleterre les meilleurs instruments
de ce genre. Il parvint à égaler les instruments
anglais , et leur appliqua des perfectionnements
précieux. Dès 1810 il présenta à l'Observa-
toire deux lunettes « fort supérieures, dit le
Rapport du jury sur les prix décennaux, aux
lunettes de Dollond ; » elles étaient encore cons-
truites avecdescristaux étrangers. Lerebours était
convaincu que les cristaux français donneraient
un résultat aussi satisfaisant. A l'exposition de
l'an x, il avait obtenu une mention honorable
pour ses instruments d'optique; en 1806 une
mention honorable pour ses lunettes astronomi-
ques; en 1819, il reçut une médaille d'or pour
KOOV. BIOGR. GENER. — T. XXX.
LEREBOURS
866
ses lunettes achromatiques ayant environ quatre
pouees d'ouverture et des distances focales com-
prises entre trois pieds et einq pieds et demi. Il
présentait en outre trois objectifs de six pouces,
également achromatiques, de huit pieds de dis-
tance focale , une lunette de sept pouces et demi
d'ouverture et de dix-huit pieds de foyer, un ins-
trument nouveau qu'il désignait sous le nom de
micro-télescope ; une lentille de crown-glassde
quatorze pouces de diamètre, des verres plans,
et une grande variété d'instruments de moindres
dimensions. Trois de ces lunettes avaient été
achetées par le gouvernement pour l'observatoire
de Paris, une pour l'observatoire de l'École mili-
taire et une pour l'observatoire de Marseille. A la
suite de cette exposition, Louis XVIII nomma
Lerebours chevalier de' la Légion d Honneur.
Son micro-télescope pouvait servir, comme
microscope , à l'étude de l'histoire naturelle :
il permettait de voir les objels transparents et
les objets opaques à la distance de un à dix
pieds ; comme lunette , on pouvait l'employer
pour les petites et les grandes distances, et même
pour les observations astronomiques. Cet ins-
trument fut acheté pour Constantinople. En
1823, Lerebours exposa plusieurs instruments
d'optique, entre autres deux lunettes qui lui va-
lurent une nouvelle médaille d'or. Une de ces
lunettes, de neuf pouces et demi d'ouverture et
de dix pieds de foyer, avait été commandée par
Louis XVIII pour l'observatoire de Paris. En
1834, Lerebours obtint une nouvelle médaille
d'or pour une lunette de 324 millimètres d'ou-
verture placée encore à l'observatoire de Paris.
Il avait aussi composé un microscope sui-
vant le système du docteur Amici , pouvant
supporter un grossissement de deux mille trois
cents fois ; jusque alors on n'était arrivé qu'à un
pouvoir amplifiant de mille trois cents fois.
Opticien de l'Observatoire royal et de la marine,
Lerebours devint membre du Bureau des Longi-
tudes, du conseil général des manufactures et de
la Société d'Encouragement.
Son fils, Noël-Paymal Lerebours, associé de
bonne heure à ses travaux , également opticien
de l'Observatoire et de la marine, adjoint comme
artiste au Bureau des Longitudes, obtint des
rappels de médaille d'or en 1839 et 1844, et une
médaille d'honneur en 1855 pour un objectif
d'une très-grande dimension. On lui doit :
Traité de Photographie ; Paris, 1843, in-8°;
5e édition, Paris, 1846, in-8° ; — Traité de Gal-
vanoplastie ; Paris, 1843, in-8°; — Gâterie
Microscopiqzie, traduite de l'anglais de Pritchard,
augmentée de notes et de douze planches ; Paris,
1843, in-8°; — Instruction pratique sur les
Microscopes ; Paris, M46, in-8o; — Excur-
sions daguerriennes ; Paris, 1844, in-4o.
L. L— t.
Arnault, Jay, Jouy e' JNorvins, Bto.gr. nouv. des Con-
temp. — Biogr, uniu et portât, des Conlemp. — Rap-
ports des jurys sur es expos, des prod. de l'industrie
de 1819 à 1858.
28
867
LE RICHE
868
LE RICHE DE LA POPELINIERE OU LA
poppllmère ( Alexandre-Jean-Joseph ),
financier français, né à Paris, en 1692, et mort
le 5 décembre 1 762, célèbre par son faste, ses
dépenses, et par la protection qu'il accorda aux
lettres et aux arts. Fils d'un receveur général
des finances, il obtint en 1718 la place de fer-
mier général. Son esprit, ses manières aimables,
ses prodigalités lui valaient de nombreux succès
auprès des femmes. Il se prit de belle passion
pour la demoiselle Desbayes, fille de la comé-
dienne de ce nom, plus connue sous celui de
Mimi Dancourt, et en fit sa maîtresse en titre;
mais au bout de quelques années celle-ci, se
posant comme une victime de la séduction ,
parvint, à l'aide de Mme de Tencin, à intéresser
le cardinal Fleury, qui lors du renouvellement
du bail des fermes signifia à La Popelinière
qu'il eût à régulariser sa position par un ma-
riage, s'il voulait être maintenu dans ses fonc-
tions de fermier général. MLlc Deshayes devint
Mme de La Popelinière. Sa beauté, son esprit,
ses talents tant vantés par Vollaire , attirèrent
bientôt dans ses salons, dont elle faisait les
honneurs avec une grâce charmante , tout ce
que la cour et la ville offraient alors de plus
distingué. Concerts, bals, spectacles, soupers,
tout concourait à faire de la maison que le
financier possédait à Passy un séjour enchan-
teur de plaisirs continuels. Au milieu du tour-
billon du monde, Mme de La Popelinière resta
longtemps fidèle à son mari ; mais , dans le
courant de 1748, des lettres anonymes aver-
tirent celui-ci que sa femme le trompait ; il vou-
lut s'en assurer, et un jour que Mme de La
Popelinière était allée en grande compagnie à
la revue des hussards du maréchal de Saxe,
dans la plaine des Sablons, il profita de son
absence pour faire une visite minutieuse de son
appartement. En entrant dans le boudoir de sa
femme, il remarqua qu'il n'y avait aucune
trace de feu dans la clieminée , quoique cepen-
dant la saison fût déjà rigoureuse, et machinale-
ment il heurta de la pomme de sa canne l'âtre
du foyer; la plaque rendit un son creux. L'ha-
bile mécanicien Vaucanson, qui accompagnait
le fermier général dans sa visite, s'approcha, et
reconnut que la plaque était montée à charnière
et qu'elle cachait une large ouverture servant
de communication avec un appartement de la
maison voisine. On sut que cet appartement
avait été loué secrètement par le duc, depuis
maréchal, de Richelieu. La Popelinière n'en de-
manda pas davantage ; il envoya aussitôt cher-
cher un commissaire, exigea que sa découverte
et sa disgrâce fussent constatées par un procès-
verbal, et lorsque sa femme, à son retour, se
présenta à la porte de l'hôtel, il lui en fit défendre
l'entrée. Mmc de La Popelinière jugea qu'il n'y
avait plus de ressources; elle se retira avec une
pension alimentaire de 20,000 livres dans un
quartier obscur de Paris, où elle mourut de
chagrin, en 1752, délaissée de ce peuple d'adora-
teurs qui l'avaient divinisée, et négligée du duc
de Richelieu lui-même, qui avait été la cause de
son malheur.
Blessé au cœur, le fermier général parut
prendre en horreur le monde et ses plaisirs : il
ferma son hôtel au public; mais peu à peu les
portes s'entrouvrirent : les ris, les jeux, les
amours s'y introduisirent d'abord à petit hruit ;
les girandolles et les lustres se rallumèrent; les
festins , les danses et les chants recommen-
cèrent, et bientôt La Popelinière ne songea plus
qu'à vivre en homme libre, prodiguant ses ri-
chesses pour satisfaire ses goûts. — Quoiqu'il
ne fût pas le plus opulent des fermiers géné-
raux, nul de ses confrères ne possédait mieux
que lui l'art si rare de dépenser son or aussi
bien à l'avantage d'autrui qu'au profit de ses
propres plaisirs. Tous les jeunes talents qui dé-
butaient dans la carrière des lettres et des arts
trouvaient en lui un chaleureux protecteur. Les
virtuoses étrangers, chanteurs, cantatrices vio-
lonistes, qui arrivaient à Paris étaient reçus, lo-
gés, entretenus dans sa maison de Passy, et
chacun s'empressait de contribuer à l'ornement
de ses concerts ; la célèbre cantatrice Mme Van-
loo, femme du peintre de ce nom, y mettait à
la mode le chant italien. Marmontel, Vaucan-
son, Rameau, les peintres Latour et Vanloo, et
bien d'autres hommes de talent en tous genres,
que le généreux mécène admettait dans sa plus
intime familiarité, venaient tlatter sa vanité.
Rameau, qui habitait chez le financier, tenait le
clavecin dans les concerts, touchait l'orgue, les
jours de fête, à la chapelle domestique, et com-
posait ses opéras dans cette harmonieuse re-
traite où il avait à sa disposition un théâtre spa-
cieux, les meilleurs sujets de l'Opéra, et un or-
chestre excellent. Ce spectacle était le premier
degré qui conduisit plus d'un compositeur à
notre grande scène lyrique. Un débutant pou-
vait y faire entendre ses œuvres avec tous les
avantages désirables ; La Popelinière faisait tous
les frais ; si l'épreuve était favorable au jeune
musicien, le bruit de son succès retentissait à
Versailles et à Paris, et l'artiste était bientôt
appelé à se produire sur un plus grand théâtre.
On n'essayait toutefois sur celui de Passy que
des fragments de drame lyrique; la raison en est
simple, le maître de la maison écrivait des co-
médies , des opéras comiques et des ballets dont
lui-même ou Rameau composaient la musique.
Des acteurs pris dans la société jouaient ces ou-
vrages,qui, quoique médiocres,étaient d'assez bon
goût et assez bien écrits pour mériter, sans trop
de complaisance, les applaudissements d'un audi-
toire disposé d'ailleurs à les accueillir. On bri-
guait avec lureur les invitations à ces spectacles,
qui étaient suivis d'un somptueux souper, dans
lequel se trouvaient réunis des princes, des am-
bassadeurs, des hommes de lettres, des ar-
tistes, et les plus jolies femmes de la capitale.
869 LE RICHE — LERIS
Dans ces nuits asiatiques, au milieu de tout ce
que le luxe peut offrir de plus magnifique et de
pius délicat, après que de belles voix avaient
charmé l'oreille, lorsque Jéliotte et M"e Fel
avaient chanté les délices de l'amour heureux,
et que Chassé avait frappé de sa voix éclatante
et sonore la dernière cadence d'une chanson
bachique, en était agréablement surpris de voir
la divine Salle, la vive Lany, la jeune Pluvigné
quitter la table et former mille pas voluptueux
sur les airs que l'orchestre exécutait.
En 1760, La Popelinière, quoique âgé alors
de soixante-huit ans, eut l'idée de se remarier;
il épousa MUe de Mondran de Toulouse, dont l'es-
prit, les grâces et surtout le talent pour le
théâtre rendirent encore plus brillantes les fêtes
de Passy. Les dépenses excessives du financier
attirèrent l'attention du contrôleur général, qui
se décida, au mois de janvier 1762, à le sup-
primer de la liste des fermiers généraux. Les
fêtes n'en continuèrent pas moins et ne ces-
sèrent qu'à la mort de la belle-mère de La Po-
pelinière, et quelques jours plus tard l'ex-fer-
mier général expirait lui - même, à l'âge de
soixante-dix ans. Un mois après sa mort, sa
veuve mit au monde un fils, dont on lui con-
testa la paternité; cette circonstance donna lieu
à un procès fameux, à la suite duquel les droits
du fils furent reconnus (1).
Poète, musicien et dessinateur lui-même, La
Popelinière a vécu au milieu d'un concert de
louanges. Comme il aimait l'encens, chacun lui
en donnait pour son argent. Voltaire l'appelait
Mecenas La Popelinière, ou Pollion tout court;
dans la bouche de Marmontel, c'était le Médi-
as, le Périclès de la finance ; c'était Apollon,
Plutus dans celle de Rameau, le plus cher de
ses favoris. On lit dans les Mémoires de Bachau-
mont, à la date du 2 janvier 1763, l'épitaphe sui-
vante :
Sous ce tombeau repose un financier.
Il fui de son état l'honneur et la critique :
Généreux, bienfaisaut, mais toujours singulier,
Il soulagea la misère publique.
Passant priez pour lui, car il fut le premier.
Il faut certainement en rabattre de ces éloges;
mais il n'en est pas moins vrai qu'il fit beau-
coup de bien, et l'on doit lui en savoir gré sans
examiner s'il y fut porté par la vanité ou par
une véritable générosité; il eut d'ailleurs beau-
coup d'envieux, et obligea souvent des ingrats.
Ses 'manières étaient nobles; il avait, au plus
haut degré le sentiment de la bienséance et une
politesse simple et naturelle, qui convenait aux
différentes classes de gens qu'il recevait. Per-
sonne n'était plus aimable que lui lorsqu'il vou-
lait plaire. 11 écrivait facilement en vers et en
(1) La femme de ce fils , M"»<= de La Popelinière, vi-
vait encore en 1823. Son fils, qui avait embrassé la car-
rière des armes, figurait à cette époque sur les cadres
de l'année en qualité de maréchal-decamp et de com-
mandant d'une subdivision militaire.
870
prose, faisait de fort jolies chansons, et assai-
sonnait la conversation de bons mots qui au-
raient suffi pour faire la réputation d'un bel-es-
prit. L'anonyme a dérobé la plupart de ses nom-
breuses productions; à peine s'est-on occupé
d'imprimer ses romances et ses chansons, qui
ont cependant beaucoup de grâce et de facilité;
elles n'ont pas dépassé le cercle des fidèles
qui en avaient la primeur aux soupers intimes.
Ce qui a couru de sa musique dans le public
n'est même pas connu sous son nom. Les Bru-
nettes, qui ont été si répandues; Aimable Cli-
mène; Petits Oiseaux sous le feuillage, sont
de La Popelinière ainsi que l'air Charmante
Prairie, publié dans le Mercure en 1731, et qui
est attribué à tort à Du Buisson. « La villageoise
ingénue : 0 ma tendre Musette, qui eut tant
de vogue sans qu'on en sache l'auteur, est
pourtant bien certainement , dit un écrivain
contemporain, de La Popelinière, qui a produit
cette charmante musique et vingt autres mor-
ceaux qu'il faisait avec une singulière facilité en
s'accompagnant de la vielle ou d'une guitare.
Tout ce qu'il savait en musique, ajoute le
même auteur, lui avait été appris par Rameau,
qui n'a pas dédaigné d'introduire dans ses bal-
lets quelques airs de La Popelinière, comme le
menuet des Talents lyriques, la seconde chan-
son oVHébé, dans Castor et Pollux, et le joli
récit du Temple de la Gloire : Un Roi qui veut
être heureux. » On cite aussi comme étant de
La Popelinière, Haïra, histoire orientale, Paris,
1760, in-8", et les Mœurs du siècle, en dialo-
gues; ces deux ouvrages, qui sont loin, dit-on,
de briller par le côté moral, n'ont été imprimés
qu'àuntrès-petit nombre d'exemplaires. LaPope-
linièrefut lepremierprotecteur deMmedeGenlis.
Dieudonné Denne-Baron.
Bachaumont, Mémoires secrets. — Grimro, Correspon-
dance. — Voltaire, Correspondance. — Le Mercure,
années 1741 et 1763. — Souvenirs d'un octogénaire, dans
la Revue et. Gazette musicale, du S août 1845. — Castil-
Blaze, L'Académie impériale de Musique, histoirelil -
téraire, musicale, etc. ; Paris, 1853.
lekidant ( Pierre ), jurisconsulte français,
né en Bretagne, vers le commencement du dix-
huitième siècle, mort le 28 novembre 1768. Il
était avocat au parlement de Paris, et publia:
Examen de deux questions importantes sur
le mariage; Paris, 1753, in-4°; — Disserta-
tion théologique et historique sur la Con-
ception de la Vierge; Paris, 1756, in-12; —
Institutiones philosophiez in novam metho-
dum digestœ; Paris, 1761, 3 vol. in-12; — Le
code matrimonial; Paris, 1766, in-12; ibid.,
1770, 2 vol. in-4°, augmenté et annoté par Ca-
mus. On attribue à Léridant : V Antifinancier ;
Paris, 1764, ln-12.
Cbaudon et Delandine, Dict.
LER1GBT. Voy. Lafaye.
leris (Antoine de ), littérateur français, né
à Montlouis, le 28 février 1723, mort en 1795.
Il était premier huissier de la chambre des
28.
87! LERIS -
comptes de Paris. On a de lui : La Géogra-
phie rendue aisée, ou traité méthodique pour
apprendre la géographie; Pans, 1753, in-8°;
— Sentiment d'un Harmonophile sur dif-
érents ouvrages de Musique ( avec l'abbé
Moramberl); Amsterdam, 1756, in-12; — Les
Après-Soupers de la Campagne , ou recueil
d'histoires courtes, amusantes et intéres-
santes (avec le chevalier Bruix); Amsterdam
et Paris, 1759-1764, 4 vol. in-12; — Diction-
naire portatif historique et littéraire des
théâtres, contenant V origine des différents
théâtres de Paris; Paris, 1754, 1763, in-8°, sou-
vent réimprimé. C'est, suivant M. Quérard, une
compilation assez bien faite , d'après l' Histoire
du Théâtre- Français des frères Parfaict.
L— Z— E.
Quérard, La France Littéraire.
le km ( Gabriel de ), poète latin moderne,
mort à la fin du seizième siècle. Gentilhomme
protestant du Languedoc, il fut maître des re-
quêtes de la reine de Navarre* et se fit con-
naître par la traduction de plusieurs ouvrages
italiens ainsi que par un certain nombre de
poèmes , épîtres et discours dont il n'a publié
qu'une partie. Selon La Croix du Maine, c'était
un « très-docte poète latin et français ». Nous
citerons de lui : La Première Semaine; Paris,
1584, 1585, in-12; Londres, 1591 ; traduction
en vers latins du poème de Du Firtas, dédiée à
la reine Elisabeth et réimprimée dans les Deli-
ciee Poetarum Gallorum; elle a été jadis fort
estimée; — Introductio in artem jesuiticam,
suivie du poème de Locusta (Genève), 1599,
in-8°. K.
Haag frères, La France Protestante. — La Croix du
Maine , Bibliothèque Française.
lerme ( François de Roxas de Sandoval,
marquis de Dénia, duc de), homme d'État
espagnol, né vers le milieu du seizième siècle,
mort en 1625. 11 n'était encore que marquis de
Dénia lorsqu'il fut nommé premier écuyer de
l'infant Philippe III. Ce prince en montant sur
le trône le créa duc de Lerme et le choisit pour
premier ministre. Bien que le duc de Lerme,
suivant l'expression de l'historien Juan Vitrian,
fût le plus modéré et le meilleur des favoris, il était
ïoin d'être à la hauteur de sa situation. 11 eut à
son tour des favoris, et partagea le gouvernement
de l'Espagne avec Rodrigo Calderon, qui avait
été son page. Ces deux hommes d'État médio-
cres continuèrent la politique de Philippe II, et
malgré l'épuisement de l'Espagne, ils main-
tinrent des prétentions hautaines, qui n'avaient
jamais eu de chances de succès. Le duc de
Lerme, voulant signaler le commencement de
son administration, fit équiper cinquante vais-
seaux pour porter la guerre en Angleterre
( 1599) ; mais cette flotte fut dispersée par la
tempête avant d'avoir rencontré l'ennemi. Une
seconde expédition, destinée à soutenir les Ir-
landais insurgés, ne fut pas plus heureuse.(l602),
LERME
872
et le ministre fut obligé de conclure la paix
avec l'Angleterre en 1604. Il ne réussit pas
mieux contre les Hollandais , et, fatigué d'une
lutte à laquelle il attribuait les plus graves em-
barras de l'Espagne, il consentit à reconnaître
l'indépendance des Provinces-Unies, en 1608.
Ces concessions révoltèrent l'amour-propre na-
tional ; mais comme elles étaient nécessaires,
elles ne feraient aucun tort à la mémoire du duc
de Lerme, s'il eût mis la paix à profit pour ré-
parer les maux de la guerre et rétablir les
finances de l'Espagne, qui, malgré les énormes
envois métalliques du Pérou et du Mexique,
étaient dans un état déplorable. Mais il montra
autant d'incapacité à l'intérieur qu'au dehors, et
son administration fut une suite d'actes de vio-
lence et de faiblesse. En 1601 il voulut mettre
un impôt sur la seigneurie de la Biscaye sans
consulter ses fueros, et recula presque aus-
sitôt devant le mécontentement de cette pro-
vince. Plus ferme contre ceux qui étaient inca-
pables de résister, il dépassa la cruauté de
Philippe II à l'égard des Morisques, et fit rendre,
le 11 septembre 1609, une ordonnance qui pres-
crivait à cette malheureuse population de quitter
immédiatement l'Espagne. Cette expulsion en
masse fut encore aggravée par d'odieuses con-
fiscations. Dans l'Andalousie, dans les deux
Castilles, dans les royaumes de Grenade et de
Murcie, il leur fut défendu, sous peine de mort,
de faire sortir du royaume ni or ni argent. En
Catalogne on déclara leurs biens confisqués.
Rien n'égala l'horreur de cette proscription,
dont la responsabilité retombe sur le duc de
Lerme, qui aurait pu l'empêcher, et qui en profita
largement. Sur les dépouilles des Morisques, il
se fit donner 250,000 ducats ; son fils en reçut
100,000, le comte deLemos,son gendre, 100,000,
la comtesse de Lemos, sa fille, 50,000 : en tout
500,000 ducats, près de cinq millions de francs.
Les résultats d'une pareille administration ne
pouvaient être douteux. « Le gouvernement
d'Espagne, a dit un historien, se montrait tous
les jours plus incapable et plus oppressif; le
commerce , l'industrie et l'agriculture étaient
ruinés dans les pays soumis aux gouverneurs
espagnols; il n'y avait de sécurité devant la jus-
tice ni pour les biens ni pour les personnes;
la population décroissait rapidement. » L'Es-
pagne ne souffrait pas moins que ses dépen-
dances (1). « Une tranquillité apparente cou-
vrait ses misères, ajoute le même historien; mais
l'agriculture et l'industrie avaient reçu un échec
fatal par l'expulsion des Maures; des impôts acca-
blants étaient perçus de la manière la plus oppres-
sive, et la population comme la richesse décrois-
saient rapidement. »LeducdeLerme,quisesavait
haï du peuple et de la noblesse, crut se mettre à
l'abri des coups de la fortune en demandant après
la mort de sa femme et en obtenant du pape
(1) Sisraondi, Hitt. des Français, t. XXII, p. 420, 466.
oJJ LERME —
Paul V, en 1618, le chapeau de cardinal. Ce fut
la cause immédiate de sa chute. Le roi, habitué à
traiter familièrement son vieux serviteur, se
sentit gêné et mécontent devant un grand digni-
taire de l'Église , et le confesseur du roi et le
duc d'Uceda profilèrent de cette disposition du
roi pour perdre le premier ministre. Uceda ne
craignit pas de noircir son père par d'odieuses
accusations, et le 20 octobre 1618 le duc de
Lerme reçut l'ordre de quitter la cour. Son fils
le remplaça comme premier ministre. A la mort
de Philippe 111 l'animosité publique contre l'ancien
ministre éclata avec tant de violence que le
nouveau roi Philippe IV ordonna une enquête
judiciaire sur la conduite du duc de Lerme. Ro-
drigue Calderon, son confident, fut condamné à
mort, et le duc de Lerme dut restituer au trésor
une somme considérable. Il ne survécut que
quelques années à sa disgrâce. N.
J. Yanez, Memorias para la historia de D. Fe-
lippe III, rey de Espafia. — Wulson, History of the
reign of Phiiipp III. — Fonseca, Relacion de la Expul-
sion de los Morïscos.
lerminier (Jean- Louis - Eugène) , publi-
ante français , né à Paris , le 29 mars 1803, et
mort le 25 août 1857. Il étudia le droit, et se
fit d'abord connaître par une analyse des idées
de M. de Savigny sur la possession en droit
romain (1827). Un cours volontaire, accueilli
pendant deux ans par un vif succès , le signala
aupouvoir( 1828-1830) : Lerminier fut nommé à
la chaire des Législations comparées, l'une des
troischaires créées en 1831 au Collège de France,
et devint bientôt l'interprète éloquent des préoc-
cupations ardentes de l'époque. Ce fut pendant
quelques années un des plus beaux triomphes ora-
toires. L'enthousiasme excité par le professeur
ne se renfermait pas dans l'enceinte du Collège de
France : ses leçons, reproduites par la presse,
provoquaient partout une attention passion-
née. Toute cette gloire devait avoir un brusque
retour. Dès l'année 1836 Lerminier, dans son
enseignement, laissa entrevoir de notables mo-
difications; il fut surtout explicite en s'adres-
sant au public comme écrivain (voir, dans la
Revue des Deux Mondes , les articles inti-
tulés : Bu nouveau Ministère, t. VI, année
1 836 ; — De l' Assassinat politique, t. VII, même
année; — Six Ans, même tome, même année;
— Des Rapports de la France avec le monde,
t. VIII, 1836, etc.; — Politique d'Aristote, t. XI,
1837, etc.; — LeLivredu Peuple,etla. polémique
avec George Sand, t. XIII, 1838, etc.). Ainsi
que le constatent les écrits cités, dès 1836 Ler-
minier s'était rallié au centre gauche, que M. Odi-
lon Barrot proclamait plus tard « le parti de la
France entière, » et il s'était surtout prononcé pour
cette conciliation libérale de toutes les opinions,
dont, un an après, le ministère du 15 avril
1837 devait prendre l'initiative. Conformément
à la tendance qui pendant deux ans l'avait rap-
proché du pouvoir, il accepta, en 1838, du mi-
nistère du 15 avril, deux titres honorifiques,
LERMINIER 874
ceux de chevalier de la Légion d'Honneur et
de maîtrecies requêtesen service extraordinaire.
Rien n'était plus évident que la conversion
opérée dans les idées de Lerminier ; cependant le
public ne s'en était pas encore ému. Au milieu
de la coalition des partis que le ministère du
15 avril 1837 avait voulu concilier, et qu'il n'é-
tait parvenu qu'à rapprocher pour une ligue
contre lui-même, vers la fin de 1838, la Revue
des Deux Mondes publia une Lettre sur la
Presse politique (t. XVI ), dans laquelle Lermi-
nier s'indignait contre les alliances et surtout
contre la polémique des adversaires du cabinet.
Cette Lettre n'ajoutait rien à la position de Ler-
minier; elle ne faisait que le montrer servant
avec talent dans le camp où il s'était établi de-
puis plus de deux années. Mais l'opinion pu-
blique, habilement excitée par la vengeance des
organes de la coalition et par les vieilles ran-
cunes, l'envie et la crainte d'un rival de plus
des membres du gouvernement, amoncela sur
la tête du professeur un orage terrible : deux
fois il voulut aborder sa chaire; deux fois il en
fut arraché par une des émeutes les plus fu-
rieuses qui depuis Ramus aient troublé la paix
du Collège de France. En 1849, sous le minis-
tère de M. de Falloux, il voulut reprendre
son cours de droit international et de législation
comparée; mais les mêmes troubles se renouve-
lèrent, et il donna sa démission pour reprendre
la plume de publiciste. En 1850 il fonda un re-
cueil bimensuel, les Tablettes Européennes , et
fut attaché depuis 1852 à la rédaction de l'As-
semblée nationale. Lerminier est remarquable
comme orateur et écrivain par le mouvement du
style, la vigueur et l'éclat des images, la noblesse
de l'expression , et par la puissance singulière
de l'ironie sérieuse et de la passion contenue.
On lui a reproché le vague dans les idées, la
prétention dans la forme, le néologisme ger-
manique dans le langage; mais on convient
généralement que dans ses derniers écrits
ces défauts font place à des qualités contraires.
On a de lui : De Possessione analytica
Savignianees doclrinse , in-8°; — Introduc-
tion générale à l'histoire du Droit; deux
éditions, in-8°; — Philosophie du Droit; deux
éditions, 2 vol. in-8°; — Lettres philoso-
phiques à un Berlinois; in-8°; — Histoire
des Législateurs et des Constitutions de la
Grèce antique; 1852, 2 roi. in-8°; — De
l'Influence de la philosophie du dix-hui-
tième siècle sur la législation et la sociabi-
lité du dix-neuvième ; 1 vol. in-8° ; — Au delà
du Rhin, ou de l'Allemagne depuis madame
de Staël; 2 vol. in-8° ; — Études d' Histoire et
de Philosophie; 2 vol. in-8° ; — Cours d'histoire
romaine, depuis Auguste jusqu'à Commode;
in-8°; — Dix Ans d'Enseignement; in-8°; —
des articles dans la Revue des Deux Mondes,
dans Le Droi t, Le Bon-Sens, la Revue de Paris,
la Revue Contemporaine, etc. L'article Guizot
875 LERMINIER
dans la Biographie générale est le dernier
morceau littéraire de cel éminent écrivain.
Le Bis, Dict. de la France, avec addlt.
LEKMiNiER ( Théodortc-Nelamond), méde-
cin français, né à Saint- Valery-sur-Somme , en
1770, mort à Paris, le 8 juin 1836. Orphelin de
bonne heure , il fut recueilli par une tante qui
demeurait à Reims, et qui prit soin de lui. Après
avoir fait ses études à Abbeville, il vint étudier
la médecine à Paris, et suivit la clinique de Cor-
visart, qui l'adopta pour élève et pour ami. Il
composa pour le doctorat , qui lui fut conféré
après 1800, une thèse estimée sur les crises.
En 1806 Leriiiinier fut envoyé avec Desgenettes
en Bourgogne, où la présence des prisonniers
austro-russes avait fait déclarer une fièvre épi-
démique. A son retour, Lerminier fut nommé
médecin de l'hôtel-Dieu de Paris et membre de
la Société de Médecine. En 1808, il remplaça
Leclerc comme médecin par quartier de la
maison de l'empereur. Il suivit Napoléon en
Espagne et en Russie, où il montra beaucoup
de courage pendant l'incendie de Moscou. En
1813, il se consacra au traitement des soldats
malades du typhus, à l'hôpital de la Pitié. Extrê-
mement désintéressé, on a dit de lui « qu'il
avait le cœur ouvert à l'humanité et les mains
fermées à l'or ». Nommé médecin de La Charité
en 1815, il remplit ses fonctions jusqu'à sa mort.
11 avait été appelé à l'Académie de Médecine dès
les premières nominations. J. V.
Panset, Discours prononcé aux funérailles rie T. N.
Lerminier. — Dr Isid. Bourdon, dans le Dict. de la Con-
vers., Suppl.
l'ermite (Daniel), en latin Erepiita, la-
tiniste belge, né à Anvers, en 1584, mort à Li-
vonrne, en 16 1 3. 11 appartenait à une famille
protestante, réfugiée dans les Pays-Bas; mais
par les conseils de Vie, ambassadeur de France
en Suisse, qui Pavait attaché à sa personne, il
changea de religion, et suivit de Vie en Italie.
Là, il devint secrétaire particulier de Côme de
Médicis, duc de Toscane , qui le chargea de plu-
sieurs missions politiques. Daniel L'Ermite mou-
rut à la fleur de l'âge. On a de lui : lier Ger-
manicum; Leyde, 1637, in-16; c'est Je récit de
ses ambassades en Allemagne; — De Helvetio-
rum, Rkastorum, Sedunensium Situ,republica
et moribus; Leyde, 1627, in-24 ; — Aulicse
vitee ac civilis Librï IV, suivis cYOpuscula varia
et publiés avec annotations par Grœvius ; Utrecht,
1701, in-8". L— z— e.
Coupé Soirées Littéraires, t. VU, pag. 124. - Chaudon
et i)e)andlne Dict. Hist.
lekmoxt ( Thomas), poète anglais. Voy.
Thomas le Rimecr.
lebjiostof (3Hchel), poète russe, né en
1811, tué en duel, au Caucase, en 1841. Il appar-
tenait à une famille originaire d'Ecosse, entra
dans le corps des pages, et passa de là dans les
gardes. La fin tragique de Pouchkin lui inspira
ses premiers vers : il y demandait au tzar de ne
pas laisser impuni celui qui avait enlevé à la
— LERNOUT
87G
Russie le plus glorieux de ses enfants. Mais
l'empereur Nicolas fit pendre seulement en effigie
le meurtrier de Pouchkin, M. d'Anthès, et en-
voya Lermontof au Caucase. C'est durant son
séjour de quatre ans dans ce pays que Lermon-
tof composa les belles poésies qui lui valurent
le surnom de poète du Caucase, et parurent
à Saint-Pétersbourg, 1840,3 vol. in-8°, souvent
réimprimées depuis,mais jamais sans de nombreux
retranchements. Il y composa aussi un roman :
Le Héros de notre temps, où l'un de ses ca-
marades ayant cru se reconnaître , lui en de-
manda raison. « Il avait décrit dans ce roman,
rapporte M. Saint-René Taillandier, un duel
terrible, qui a lieu sur la plate-forme d'un ro-
cher, si bien qu'à la moindre blessure les adver-
saires, placés au bord même de l'abîme, sont
condamnés à une mort inévitable. C'est ainsi que
Lermontof voulut se battre. Il tomba frappé
d'une balle, plus malheureux que Pouchkin, puis-
que c'est une main russe qui l'avait dirigée, et
disparut au fond du gouffre, montrant encore à
ce dernier moment son double caractère : d'une
part la soumission du gentilhomme aux pré-
jugés de son pays et de sa caste, de l'autre l'im-
pétuosité d'une âme loyale qui préfère l'état de
nature aux mensonges d'une civilisation factice,
le Tcherktsseet le Cosaque du Caucase aux élé-
gants Tartares de Saint-Pétersbourg, et une
lutte à mort à un combat de parade. « Le Héros
de notre temps a été trad. en allemand par
A. Boltz; Berlin, 1852. Les principales poésies
de Lermontof, traduites en allemand par M. Bo-
denstedt; Berlin, 1852, 2 vol. in-8°, sont :
Le Novice, ou le jeune Tcherkesse , qui peint
cet amour invincible qui enchaîne le Caucasien
au sol de ses montagnes. « C'est bien là , dit le
même critique, de la poésie primitive, non pas de
cette grande poésie homérique à laquelle il ne faut
rien comparer pour l'union de la sérénité et de la
force,mais de cette poésie particulière à l'héroïque
enfance des nations modernes; on dirait un frag-
ment du Poëme du Cid.ou de la Chanson de Ro-
land; » — Valérik, toile pleine de mouvement
et de bruit; — Hadschi-Abrek, drame compa-
rable pour la précision , pour la rapidité , pour
l'effrayante logique des sentiments , au Mateo
Falcoe de M. Prosper Mérimée; — Ismail-
Bey, longue histoire de guerre et d'amour;
— Le Démon, poëme récemment publié à Ber-
lin, 1857; — Le Vaisseau Fantôme et Us Cen-
dres de Napoléon à Paris, où le poêle cé-
lèbre non le Napoléon conquérant, mais le Napo-
léon vaincu. Enfin, le (hnnt du tzar Ivan
Dasiliéntch, que M. Saint-René Taillandier a
si bien rendu en français. Pce A. Galitzin.
Lakier, Ronsslcaia Gucraldiha. — Cyi>. Roberf, La
Poésie slave au dix -neuvième siècle. — Revue des Deux
Mtmdes, avril 1854. — Saint-René Taillandier, Le l'cëte
du Caucase; ibid., 1er février 1885. — Les Poètes russes
parle prince Elain Macher>ki.
lkknoitt (Jean) ou ,/flm<sLERNtjTnjs, poète
latin belge, né à Bruges, le 13 novembre 1545,
877 LERNOUT -
mort dans la même Tille, le 29 septembre 1619.
En 1567, il se joignit à Juste Lipsc et à Victor
Giselin pour visiter les principales académies
de l'Europe, et fut de retour à Bruges au com-
mencement de 1577. Il était échevin de sa ville,
en 1587, lorsque des soldats de la garnison
d'Ostende l'enlevèrent aux portes de Bruges et
le conduisirent à leur gouverneur. Cet officier
jela l'inoffensif Lernout dans un cachot infect.
Les souffrances ébranlèrent la raison du mal-
heureux prisonnier. Il fut alors transporté en
Angleterre, d'où il ne revint que cinq mois plus
tard, après avoir payé une rançon. Une vie calme
et retirée lui rendit peu à peu la santé ; il vécut
encore trente-deux années , qu'il consacra aux
lettres. Lernout tient un rang distingué parmi
les poètes latins de sa patrie. L'empereur Ro-
dolphe II l'avait anobli dés 1581. On a de ce
poète -.Basia, Ocelliet alla poemata ; Anvers,
Plantin, 1579. in-12; Lignitz, 1603 etLeyde,
Elzevier, 1614, in-12; cette dernier* édition est
considérablement augmentée; plusieursdes poé-
sies de Lernout ont été publiées séparément; —
Commen/arius de natura et cultu Caroli Flan-
drix comitis, nec non deesede ipsius, et vin-
dicta in percussores mox secuta (posthume);
Bruges, 1621, in-8°; c'est à tort qu«Valère André
dit que cet ouvrage fut publié à Paris durant le
séjour que Lernout fit dans cette capitale; com-
posé en effet vers cette époque, il ne fut publié
qu'après la mort de l'auteur et par les soins de
sou iils Jacques, qui lui-même cultiva avec goût
la poésie latine et a donné : Preces metriese a
Salomone Macrino, Petro Aurato, Petro
Bacherio, Victor e Giselino, et ahis poetis,
exerciiiis christianse pieiatis aptatx ; Bruges,
1616, in-12; — quelques poésies latines de
lui-même, 1623; — une édition des Poésies de
Maximilien de Vriendt. L — z — e.
Juste Lipse, EpUt. Cent, prlm., n° 3. — Valcre André,
Bibliotheca Belyica, p. 440. — Acta SS., 2 mars, t. I,
p. 1S4, 185. — Paquot, Mémoires pour servira l'histoire
littéraire des Pays-Bas, t. VI, p 363-369.
le rocquez ( Robert ), poète français, né à
Carentan,morten 1586. Un poème qu'il laissa iné-
dit à l'époque de sa mort fut imprimé vingt-neuf
ans plus tard sous le titre : Le Miroir de l'É-
ternité, comprenant les sept âges du monde,
les quatre monarchies et diversité des règnes
d'iceluy ; Caen, 1585 Cette composition est de-
venue très-rare; elle renferme quelques passages
en dialecte provincial. Il lit imprimer à Cou-
tancesen 1605 ses Premières Œuvres,contenant
diverses amours (59 sonnets) et plusieurs
belles figures et anagrammes. On trouve
eu effet dans ce volume des vers figurés , re-
présentant des pyramides, des colonnes, des
ailes, etc. On sait que ce n'est pas le talent
poét;que qu'il faut chercher dans ces nugse dif-
ficiles. G. B.
Viollet-Lediic, Bibliothèque poétique, I, 33S.
leroi (Charles - François), controversiste
français, né à Orléans, en 1698, mort à Paris, le
LEROUILLÉ 878
13 juin 1787. Il fit ses études chez les jésuites à
Saumur et à Juilly. En 1716, il entra chez les
Oratoriens, mais ne lit point profession, et prit
part aux grandes disputes soulevées par la bulle
Unigenitus, contre laquelle il se prononça.
Parmi ses travaux on remarque : Examen
du Figurisme moderne , 7 juillet 1736 ; — Dé-
fense de la Déclaration du Clergé de France en
1662; traduction d'un ouvrage latin de Bossuet,
faite d'après les manuscrits que lui avait remis
l'évêquedeTroyes, neveu de l'auteur; 1745,5 vol.
iu-4" ; réimprimée plus tard par les soins de Bos-
suet, évéque de Troyes, avec tables et notes ;
— une édition des Œuvres posthumes de i.os-
suet, 3 vol. in-4°.
Richard et Giraud, Bibliothèque Sacrée.
leroi. Voy. Leroy.
leroi (Marin). Voy. Gombervtixe.
lerouge (Georges-Louis), géographe fran-
çais, né à Hanovre, mort vers la fin du dernier
siècle. Il était ingénieur, et eut le titre de géo-
graphe du roi Louis XV. Parmi ses nombreuses
publications , nous citerons : Théâtre de la
guerre en Allemagne , contenant les opéra-
tions militaires des campagnes de 1733, 1734
et 1735; Paris, 1741, in-4°, contenant 65 plan-
ches; — Nouvel atlas portatif, suivi de V In-
troduction à la géographie ; Paris, 1748, 1756,
2 vol. in-4°, contenant 192 pi.; — Descrip-
tion du château de Chambord ; 1750, in-fol. ;
— Recueil des côtes maritimes de la France;
1757, in-4°; — Atlas prussien ; Paris, 1758,
25 feuillets in-fol., — Topographie des chemins
de l'Angleterre, en 101 cartes; 1760, in-8°;
— Curiosités de Londres; Bordeaux, 1765,
in-12 ; — Curiosités de Paris et de ses envi-
rons ; Paris, 1778, 3 vol. in-12 ; cette troisième
édition est la plus complète. K.
Quérard, La France Littéraire.
lerouge (André- Joseph-Etienne), littéra-
teur français, né en 1766, à Commercy,mort en
1833, à Paris. Ancien sous-chef de bureau au
ministère des finances, il lit partie de plusieurs
sociétés savantes, et fournit un grand nombre de
notices aux Mémoires de l'Académie celtique
et de la Société des Antiquaires de France , au
Dictionnaire historique de Chaudon et De-
landine ( édit. Prudhomme),à l'Hermès, h la
Revue encyclopédique et à la France Litté-
raire de Quérard. K.
Quérani, La France Littéraire.
lerouillÉ (Guillaume) , jurisconsulte
français, né en 1494, à Alençon.ou, suivant \'Al-
manach Manceau, à Beaumont- le- Vicomte
(Maine), mort après l'année I5ô0. Il fut lieu-
tenant général de Beaumont et de Fresuay,
ainsi que conseiller à l'échiquier d'Alençon. Les
ouvrages qu'il a laissés sont: Le grand Cous-
Minier du pays et comté du Maine, avec
la glose , addition, allégations, etc.; Pa-
ris, 1509, in-4u; et 1535, in fol. ; — Le grand
Couslumier du pays et duché de JSorniundie ;
879
Paris, 1534, in-fol., et Rouen, 1539, in-fol. ; —
Justitiae atque injustifiée descriptionum Com-
pendium; Lyon, 1530, in-4% et 1531, in-8°,
dissertation réimprimée dans le Tractatus
Vniversi Juris publié à Venise en 1584; — Le
Recueil de l'antique préexcellence de Gaule
et des Gauloys ; Poitiers, 1546, in-8°, et Paris,
1551, in-8° ; — Épîlre des Rossignols du paix
d'Alençon à la très-illustre royne de Navarre,
dans le même volume. Lerouillé passe pour un
jurisconsulte éclairé ; c'était certainement un
poète très-médiocre. B. H.
B. Hauréan , Hist. Litt. du Maine, t. IV, p, 1Î0. —
N. Desportes, Bibliographie du Maine.
leroulx or chÀtelet (Louis -Onuphre),
législateur et publiciste français, né à Arras,
mort le 19 novembre 1834. Député du Pas-de-
Calais depuis 1815, jusqu'en 1827, il siégeait
au côté droit , combattit le cumul des em-
plois et des traitements, et fut le seul qui
soutint, avec M. Janbowski, le projet d'éloigner
de la chambre tous les fonctionnaires du gouver-
nement. Lors de la mise en vente des biens com-
munaux, il fit opposition pour ceux des vallées
de la Scarpe et de la Sensée, et réussit à con-
server aux habitants cette source de prospérité.
Plus tard, il obtint la formation d'un syndicat de
dessèchement dont on le nomma président, et
qui rendit à la culture une immense étendue de
terrain. Commissaire voyer, il rendit praticable
la plupart des voies abandonnées, et présenta de
nouveaux projets de communication, dont l'exé-
cution a depuis démontré l'utilité. Enfin, il créa
le Conseil d'Agriculture de son département,
dont il fut longtemps président, et dota de di-
verses fondations la commune qu'il habita. 11 a
publié beaucoup de brochures , de mémoires
et d'ouvrages dont les principaux sont : Les
Finances d'après le système de Sully, adap-
té à la situation de la France; 1818, in-8°;
— Traité de Morale et de Politique , 1 834,
5 vol. in-8°. G. de F.
Le Biographe et Le Nécrologe, année 1885.
LEROUX (Philibert-Joseph), lexicographe
français, dont on ignore la vie et la mort. 11
s'était réfugié à Amsterdam, où il mourut, vers
1790, et y publia un Dictionnaire Comique, sa-
tirique, burlesque, libre et proverbial ; Ams-
terdam, 1718, 1750, in-8°; Lyon, 1735 (très-
rare), 1750, in-8°; Pampelune, 1786, 2 vol. in-8°;
Paris, 1808, 2 vol. in-8°. Suivant Chaudon cet
ouvrage est très-mal fait et le style en est in-
correct. D'autres biographes , moins sévères ,
déclarent que le Dictionnaire Comique a été
l'objet de sérieuses recherches, dont il faut tenir
compte à l'auteur, et qu'il est fort utile aux per-
sonnes qui font de la langue française et de ses
étymologies une étude particulière. G. de F.
Dictionnaire historique (1822). — Quérard, La France
Littéraire.
lerocx (Claude- Pierre), chirurgien fran-
çais, né à Dijon, en 1730, mort le 23 novembre
LEROUILLÉ — LEROUX
880
1792. Il était chirurgien de l'hôpital de Dijon et
membre de l'académie de cette ville. Une trop
forte dose d'opium qu'il prit pour calmer les
douleurs de la gravelle causa sa mort. Ses prin-
cipaux écrits sont : Observations sur les pertes
de sang des femmes en couches; Dijon, 1776,
in-8°; Dijon et Paris, 1810, in-8°; — Mémoire
sur la Taille; in-8° ; — des Observations sur
la Rage, couronnées par l'Académie de Dijon;
Dijon, 1780, in-4°; — une Discussion sur la
rage, qui a remporté le premier prix de la Société
royale de Médecine de Paris, 1783, in-8u ; un Mé-
moire sur le Traitement local de la Rage et
de la Morsure de la vipère , Edimbourg et Pa-
ris, 1785, in-8°. G. de F.
Dezelmeris, Biographie Médicale.
leroux des tillets (Jean-Jacques),
médecin et homme politique français, né à Sè-
vres près Paris, le 17 avril 1749, mort à Paris, le
9 avril 1832. Reçu docteur en 1778, il exerçait
sa profession lorsque la révolution éclata. Nommé
en 1790 officier municipal et administrateur
des établissements publics, il contribua à main-
tenir l'ordre. Le 17 juillet 1791, au Champ de
Mars, ce fut Leroux qui, porteur d'un drapeau
rouge, et après avoir parlementé avec les chefs
des émeutiers , proclama la loi martiale. On
sait les terribles résultats qu'eurent cette pro-
clamation et la fusillade qu'elle amena. Leroux
protesta plus tard contre les mesures prises par
le conseil municipal; mais cette protestation
semblait tardive. Le 10 août 1791 il fit quelques
efforts pour préserver la famille royale de toute
insulte. Sous le règne de la terreur, il se cacha à
sa campagne de Senteny près Brie-Comtc-Robert,
et ne reparut qu'après le 18 brumaire. Plus tard
il devint professeur et doyen de l'École de
Santé, depuis Faculté de Médecine, et fut mis à la
retraite. Ses principaux écrits sont : Instruction
sur le Typhus, fièvre des camps, etc. ; Paris,
1814, in-8° ; — Essais de Littérature ; Par.is,
1820, 2 vol. in-8°; — Cours sur les Généralités
de la Médecine pratique; Paris, Didot jeune,
1325, 1826, 8 vol. in-8°. Leroux des Tillets a
rédigé pendant dix ans le Journal de Médecine
de Backer. L— z— e.
Mémoires de l'Académie royale de Médecine de Pa-
ris, t, II, lre partie ( 1833 ). — Diclionnaire historique
de Médecine, t. III, p. 437.
leroux ( Adrien ), littérateur français, né
vers 1770. Il fit les campagnes de la république
et de l'empiredans le corps du génie, et se retira
après 1815 avec le grade de capitaine. On a de
lui : Voyage sur les frontières et à Paris;
Paris, 1792, in- 1 8 ; — Azélie et Montalban,
comédie en trois actes, 1796; — Les Charmes
de la Solitude, rêveries et contes en vers; Pa-
ris, 1799, in-18; — Contes et Historiettes ero-
tiques, philosophiques, berniesques (sic) et
moraux , en vers; Paris, nouvelle édition aug-
mentée, 1801, in-18; — Les Adriennes, nouvelles
en vers; Paris, 1805, in-18; — L'Ausoniadeou
8SI
LEROUX
882
la Bataille deMarengo, poëme en dix chants;
Paris, 1807,in-12. K.
Quérard, La France Littéraire.
* lerocx (Jean-Marie), graveur français,
né à Paris, le 6 janvier 1788. Élève de David,
il grava d'abord des vignettes et des portraits
d'après le Titien, Horace Vernet, Desenne et
divers maîtres, et en exposa plusieurs au sa-
lon de 1819: Ses principales planches depuis
sont. : François 1er, d'après le Titien ; une Ma-
deleine , d'après Gennari ( exposées au salon
de 1822); — Une Dame de charité, d'après
madame Haudebourt-Lescot ( salon de 1824);
— Jeanne d'Aragon, d'après Raphaël (ibid.) ;
— Portraits du roi et de la reine de Na-
ples, d'après Dun ( salon de 1S27 ); — La Re-
ligieuse défendue, d'après Deveria (ibid.); —
Rendez-vous de Bianca Capello; — Fuite de
Bianca Capello : ces deux gravures d'après De-
nis , exposées au salon de 1831 ; — La Vierge
à V auréole, d'après le tableau de Murillo qui
fait partie du musée du Louvre ( salon de
1848), etc. M. A. Leroux a gravé un grand
nombre de vignettes et de portraits pour divers
ouvrages, entre autres pour les œuvres de Mo-
lière, de Boileau, de Voltaire, de J.-J. Rousseau.
G. DE F.
Annuaire statistique des Artistes.— Livrets des Ex-
positions.
*lerocx (Pierre), philosophe et écono-
miste français, naquit à Paris, en 1798. Fils d'un
artisan, il commença ses études au collège
Charlemagne, et les continua à Rennes. Reçu à
l'École Polytechnique, il renonça au bénéfice de
son admission pour se consacrer au soutien de
sa famille : son père venait de mourir, et sa
mère, réduite à une extrême pauvreté, ne pou-
vait suffire à élever les trois jeunes enfants qui
restaient à sa charge. Demandant au travail ma-
nuel des moyens d'existence, il se fit d'abord
maçon. Peu de temps après, il entra comme
compositeur dans une imprimerie de son cousin,
et devint ensuite prote dans l'imprimerie Pane-
koucke , où il inventa un appareil mécanique
destiné à faciliter le travail des ouvriers compo-
siteurs, et qu'il appela pianotype; mais, faute
d'être pratique , cette invention dut être aban-
donnée. En 1824, Pierre Leroux fonda avec
MM. de La Chevardière et Dubois Le Globe,
qui en 1831 se fit l'organe du saint-simonisme.
Il se sépara de M. Enfantin, apôtre de la doc-
trine nouvelle, au sujet de l'affranchissement de
la femme et des fonctions du oouple-prêtre.
Leroux s'essaya, à son tour, au rôle de novateur
dans quelques articles de Y Encyclopédie nou-
velle, mais surtout dans trois ouvrages, publiés
de 1838 à 1840, sous les titres :De V Égalité;
Réfutation de V Éclectisme ; et V Humanité.
Le système qu'il y développe n'est que la re-
production confuse des théories pythagoriciennes
et bouddhistes, mêlées d'idées saint-simonien-
nes. « M. Pierre Leroux, dit M. L. Rey-
baud (1), croità la métempsycose ; il croit à la ca-
bale, à la puissance des nombres, à l'efficacité des
formules géométriques, au cône, au cylindre et à
la sphère : il veut couvrir la France de peupliers
symboles d'un gouvernement sans défaut. »
C'est surtout au nombre trois (triade) que
Pierre Leroux attache de remarquables et mysté-
rieuses propriétés. Suivant M.Leroux, «l'homme,
créé en vue de cette terre, n'est pas destiné à
avoir un autre séjour : il y a déjà vécu et il y
vivra; il y recommencera dix, vingt, trente exis-
tences , sous des noms et en des pays divers
tantôt insecte comme la chrysalide, tantôt bril-
lant comme le papillon , allant chercher l'oubli
dans la mort, afin d'y puiser les conditions né-
cessaires pour une renaissance. Dès lors , plus
de vie future, mais des vies successives; plus
de paradis, ni d'enfer, mais simplement la
terre, en vue de laquelle l'homme a été créé. »
Ce système d'une rénovation terrestre se repro-
duisant à l'infini dans un cercle uniforme , s'il
n'est pas très-neuf, n'a pas non plus le mérite
d'être très-consolant pour l'humanité. Ajoutons
que, pour compléter sa thèse, Pierre Leroux nie
la distinction de l'âme et du corps et l'indivi-
dualité de la personne humaine.
Quant à son système d'économie sociale,
M. Leroux est beaucoup moins net et facila à
saisir : il entend conserver la propriété, la famille
et la patrie; mais il trouve à ce triple élément de
la société actuelle le grave inconvénient de créer
un despotisme universel, la famille, en recon-
naissant des pères et des enfants, la propriété en
reconnaissant des pauvres et des riches, la patrie
des chefs et des sujets. Pour obvier à ces vices
de l'organisation sociale, M. Leroux imagine des
combinaisons spéculatives , dont l'application
pratique échappe complètement, et d'après les-
quelles la propriété, la famille et la patrie de-
vraient être maintenues, mais ne créeraient plus
ni héritiers, ni propriétaires, ni sujets : partout
devrait régner l'égalité la plus absolue, et l'homme
se développerait au sein de la société rénovée,
sans être soumis à aucune autorité. Il y a, on
le voit, dans ces théories , autant de ténèbres
que d'erreurs : le style de M. Leroux ne brille
pas non plus par la clarté, et il est peu fait pour
élucider la pensée. Il est difficile d'imaginer une
manière d'écrire à la fois plus abstraite et plus
tourmentée. Pour montrer jusqu'à quel point
l'auteur a pu porter l'exagération de ces défauts,
il suffit de rappeler la définition qu'il a prétendu
donner de l'amour. « L'amour, dit-il, est l'idéa-
lité de la réalité d'une partie de la totalité de
l'Être infini , réuni à l'objection du moi et du
non-wioi ; car le moi et non-moi , c'est lui. » Si
M. Leroux n'avait eu pour disciples que ceux
qui pouvaient comprendre de semblables dé-
finitions , c'eût été un réformateur peu dange-
(1) Dictionnaire de l'Économie politique, article So-
eialisme.
883
reux ; malheureusement, il fit partager ses idées
à un écrivain doué d'une grande puissance de
stvle,et possédant un talent singulièrement propre
à charmer et à impressionner les masses : l'union
philosophique de M. Leroux avec Mm0 George
Sând fut cimentée par la création de la Revue
Indépendante , qu'ils fondèrent ensemble, et
dans laquelle ils firent paraître de nombreux
articles, et vers le même temps Mme George Sand
(Scrivit plusieurs romans destinés à populariser
les doctrines humanitaires ; tels sont Consuelo,
Spiridion, Le Péché de M. Antoine, Le Com-
pagnon du tour de France.
En 1846, M. Leroux, ayant obtenu.de M. Du-
châtel, alors ministre de l'intérieur, un brevet
d'imprimeur, résolut de mettre en pratique ses
doctrines sociales, et il fonda à Boussac ( dépar-
tement de la Creuse), pour l'exploitation de
son imprimerie, une association organisée d'après
le système humanitaire. Deux journaux périodi-
ques , L'Éclaireur et la Revue sociale , et une
foule de brochures sortant des presses de Boussac,
furent répandus dans la Creuse et les départe-
ments voisins. Illusionné par quelques manifes-
tations populaires, notamment à Limoges, il crut
son règne arrivé : il fit son entrée à Paris sous
le costume pittoresque du paysan de la Creuse.
Le 'gouvernement ne le prit pas au sérieux ; mais
les attaques du National troublèrent M. Leroux
au point qu'il se hâta de regagner sa province.
Il arriva juste à temps pour proclamer la ré-
publique à Boussac, et le 25 février il fut nommé
maire de sa commune. Revenu à Paris peu de
temps après , il reçut un chaleureux accueil de
la part des ultra-républicains. Compromis dans
l'affaire du 15 mai, il fut condamné à l'emprison-
nement; après une détention de trois jours, il
fut rendu à la liberté par M. Caussidière. Le
4 juin 1848, M. Leroux fut envoyé à l'Assem-
blée constituante par quatre-vingt-dix mille suf-
frages. Il parla dans cette assemblée sur l'orga-
nisation du travail, sur la colonisation de l'Al-
gérie, etc., mais, sans aucun talent d'orateur j
il ne réussit guère qu'à divertir l'assemblée par
des propositions théoriques irréalisables et qui
devaient paraître assez excentriques à tous ceux
qui n'étaient pas initiés à ses doctrines : telle
était, par exemple, la proposition relative à l'ins-
cription du principe de la triade, dans le préam-
bule de là constitution. M. Leroux fut réélu à
l'Assemblée législative. Après le coup d'État du
2 décembre 1851 , il dut quitter la France, et se
réfugia à Londres, n'emportant, pour toute for-
tune, que quelques secours dus à la générosité
de MM. Pereire et de M'"c la comtesse d'Agout
( Daniel Stern ); plus tard il se relira à Jersey.
M. Pierre Leroux s'est marié deux fois, et il
a eu neuf enfants rie son doubie mariage : toute
la famille est aujourd'hui établie dans une ferme
près de Saint Hélier, où M. Leroux se livre à la
culture et s'occupe surtout d'expérimenter une
nouvelle espèce de guano, dont les maraîchers
LEROUX 884
de l'Ile auraient , paraîtrait-il , retiré des résul-
tats assez avantageux. On a de M. Leroux : De
V 'Humanité, de son principe, etc.; son avenir,
où se trouve exposée la vraie définition de la
religion, et où l'on explique le. sens, la suite
et l'enchaînement du tnosaïsme et du chris-
tianisme; 1840 et 1845, 2 vol. in-8°; — De
l'Égalité; 1838 et 1848, in-8° ; —Réfutation
de l'Éclectisme ; 1 839, in-8° ; — Revue sociale,
ou solution pacifique du problème du pro-
létariat; 1845-1847, 3vol.; — D'une Religion
nationale; Boussac, 1846, in-18; — Sur la
Situation actuelle de la société et de l'esprit
humain ; 1847, 2 vol. in-16; — Le Carrosse de
M. Aguado, ou si ce sont les riches qui payent
les pauvres ? in-8° ; — Sur la Fixation des
heures de travail; 1848, in-4°; — Projet
d'une constitution démocratique et sociale...
donnant le moyen infaillible d'organiser le
travail national sans blesser la liberté, etc.;
1848, in-8°; — De la Ploutocratie, ou du gou-
vernement des riches; 1848, Boussac, in-16;
— Du Christianisme et de son origine démo-
cratique; 1848, Boussac, in-16; — Malthus
et les Économistes, ou y aura-t-il toujours
des pauvres? 1848, Boussac, in-16; Paris, 1849.
J. Robert de Masst.
Études sur les Réformateurs ou Socialistes modernes,
par Louis Reybaud, 6e édit., i85«, 2 vol. in-18. — Dict.
des Économistes ; Paris, ( Guillaumin ), 1853. — Biogr.
de Pierre Leroux, par Eugène de Mirecourt; in-32,
1836.
* LEROtrxDELiNCY( Adrien- Jean-Victor),
archéologue français, né à Paris, le 22 août 1806.
Ancien élève de l'École des Chartes, secrétaire de
la société des Bibliophiles français, il est biblio-
thécaire à la Bibliothèque de l'Arsenal de Paris.
On lui doit : Analyse critique et littéraire
du roman de Garin le Loherain; Paris, 1835,
in-12; — Le Livre des Légendes; Paris, 1836,
in-8°; — Analyse critique et littéraire du
roman de Brut, de Wace; Rouen, 1838, in-8°;
— Les quatre Livres des Rois traduits en
français du douzième siècle, suivis d'un
fragment de Moralités sur Job et d'un choix
de Sermons de saint Bernard ; Paris, 1842,
in-4° : cet ouvrage, qui fait partie de la Collec-
tion de documents inédits sur l'histoire de France
publiée par le ministère de l'instruction publi-
que, a obtenu une médaille d'or de l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres; — Recueil de
Chants historiques français du douzième au
diXrhuilième siècle, Paris, 1841, in 12; — Le
Livre des Proverbes français; Paris, 1842,
18.">9, 2 vol. in-18 ; — Recherches sur la grande
confrérie iSolre- Dame- aux Prêtres-et- Bour-
geois delà ville de Paris; Paris, 1844, in-8°;
— La Bibliothèque de Charles d'Orléans à son
château de Biais en 1427; Paris, 1843, in-8°;
— Uôlel de Ville de Paris , histoire de ce
monument et recherches sur le gouvernement
municipal de Pans; Paris, 1844-184G, in-4°;
— Les Femmes célèbres de l'ancienne France;
885
LEROUX — LE ROY
886
Paris, 1846-1847, 2 vol. in-12; ~ Registres de
l'Hôtel de ville de Paris pendant la Fronde;
Paris, 1846-1849, 2 vol. in-8° (avec M. Douët
d'Arcq); — Chants historiques et populaires du
temps de Charles VII et de Louis XI ; Paris,
1857, in-8°; tiré à 352 exemplaires. Comme
éditeur, M. Leroux de Lincy a donné les Cent
Nouvelles nouvelles, revues sur les textes ori-
ginaux, Paris, 1841, 2 vol. in-12; et la Descrip-
tion de Paris deGuillabertdeMetz, Paris, 1855.
11 a fourni de nombreux articles à la Biblio-
thèque de l'Ecole des Chartes , aux Mémoires
de la Société des Antiquaires de France, à
la Revue de Pétris, etc. L. L— t.
Revue des Contemp., 10e livr., p. 252. — Bonrquelot et
Maiir.v, 1m, Utter. Franc, contemp. — Vapereau, Dlct.
tthiv. des Contemp.
LEROCX DES HACTERAYES. VOIJ. DES
Hatjterates.
le roy ( Louis ), en latin Regius, humaniste
et publiciste français , né à Coutances, au com-
mencement du seizième siècle, mort à Pans,
le 2 juillet 1577. Après avoir étudié les belles-
lettres, il visita l'Italie , l'Angleterre et l'Alle-
magne, pour augmenter ses connaissances et
pour s'instruire sur les mœurs et coutumes de
ces contrées. De retour dans son pays, il se fit
remarquer pardes traductionsde divers ouvrages
grecs. Il reçut un emploi auprès du chancelier;
mais son caractère hautain et sarcastique lui at-
tira beaucoup d'ennemis, parmi lesquels on re-
marque Joachim du Bellay. En 1572 Le Roy
devint professeur de grec au Collège royal, en
remplacement de Lambin. L'excès de sa vanité
ne doit pas faire oublier qu'il a beaucoup con-
tribué à donner à la prose française de l'élé-
gance et de l'harmonie. On a de lui : G. Budeei
Vi/a ; Paris, 1540, 1575 et 1577, in-4° , biogra-
phie écrite en excellent latin ; — Ad prxstantes
hujus setatis viros Epistolœ ; Paris, 1 559, in-4° ;
Considérations sur l'hisloir'e françoise et
universelle de ce temps; 1562, in-8°; — De
l'Origine et Excellence de l'Art politique et des
auteurs qui en ont écrit, spécialement de
Platon et cVAristote; Paris, 1567, in-8°; —
Des Troubles et Différends advenant entre
les hommes par la diversité des religions; Pa-
ris, 1567, in-8"; — Projet ou Dessein du
royaume de France , pour en représenter en
dix livres l'état entier ; Paris, 1569, in-8°;
une nouvelle édition parut en 1570, avec une
Exhortation aux François pour vivre en
concorde ; — Les Monarchiques de Louis Le
Roi, ou de la monarchie, et des choses re-
quises à son establissement et conservation ;
Paris, 1570, in-8°; — Prolegomena politica;
Paris, 1575, in-4° ; — De l'Excellence du gou-
vernement royal, avec exhortation aux Fran-
çois de persévérer, étant plus utile qu'il soit
héréditaire qu'électif, et administre par l'au-
torité du roi et de son conseil, que par
l'avis du peuple; Paris, 1576, in-4°; — Douze
livres de la Vicissitude ou. Variété des Choses
de l'univers; Paris, 1576, in-fol.; ibid., 1583,
in-8° : ouvrage eurieux. Outre quelques dis-
cours latins el français, Le Roy a publié des
traductions françaises de plusieurs écrits et
morceaux d'ouvrages d'auteurs grecs, parmi
lesquels nous citerons : Le Tintée de Platon et
les trois Olynthiaques de Démosthène ; Paris,
1551, in-4° ; — Le Phédon de Plalon et le
dixième livre de la République ; Paris, 1553,
in-4°; — Les premier, second et dixième livres
de la République de Platon; Paris, 1555,
in-4°; — LeSympnse de Plalon, avec trois li-
vres de commentaires; Paris, 1559 et 1581,
in-4° ; — Traité d'Aristole sur les change-
ments des états avec commentaires ; Paris,
1566, in-8°; — Les Politiques d'Aristote avec
expositions prises des meilleurs auteurs,
éclaircies par innumérables exemples des
plus illustres royaumes; Paris, 1568, in-4°;
ibid., 1576 et 1600, in-fol.; — Trois Olyn-
thiaques et quatre Philippiques de Démos-
thène; Paris, 1575,in-4°. E. G.
Scévole de Sainle-Marthe, Eloaia. — Teissler, Eloqes,
t. II. — Du Verdier et La Croix du Maine, Bibliothèques
Françaises. — Nicéron, Mémoires, t. XXIX.
LE ROY (Adrien), luthiste et compositeur
français du seizième siècle, créa à Paris, vers
1550, une des plus célèbres imprimeries de mu-
sique de cette époque, et dans laquelle il employa
les premiers caractères gravés et fondus, en 1540,
par Guillaume Le Bé (1). Ayant épousé, en
1551, la sœur de Robert Ballard, il s'associa à
son beau-frère, qui, à l'aide de ses protecteurs à la
cour, obtint pour la nouvelle société des lettres
patentes de Henri II, datées du 16 février 1552,
qui lui conféraient le privilège de seul imprimeur
de musique de la chambre, chapelle et menus
plaisirs du roi. Excellent musicien , Adrien Le
Roy, justement estimé de ses confrères , était en
relation avec les plus célèbres artistes étrangers
de son temps ; ce fut chez lui que Roland de Las-
sus demeura pendant son séjour à Paris, en 1571.
Parmi les nombreux ouvrages publiés par Adrien
Le Roy et Robert Ballard, on trouve vingt livres
de Chansons nouvellement composées en mu-
sique à quatre parties par bons et excellents
musiciens; ces recueils contiennent plusieurs
morceaux d'Adrien Le Roy; on cite comme un
des meilleurs sa chanson En un chasteau , que
renferme le septième livre. On connaît aussi de
ce musicien deux ouvrages ayant pour titre , le
premier, Instruction de partir toute musique
des huit divers tons en tnbla/ure de luth;
Paris, 1557; le second, Briefve et facile Ins-
truc/ion pour apprendre la tablature, à bien
accorder, conduire el disposer la main sur
(1) Adrien Le Roy ne fut pas, pomme le dit De La
Borde, dans son Essai sur la Musique, le premier qui
eut une imprimerie de musique en France. Plus de vingt-
cinq ans auparavant, Pierre Altaisnant avait déjà formé
un établissement de ce genre à Paris. —
887
LE
la guiterne; Paris, 1578. Depuis 1551 jusqu'en
1588, toutes les publications faites par la maison
Adrien Le Roy et Robert Ballard portent sur
leurs titres les noms de ces deux éditeurs ; mais
à partir de cette dernière époque le nom de Ro-
bert Ballard figure seul, ce qui fait supposer
que Adrien Le Roy serait mort à la fin de 1588
ou au commencement de l'année suivante.
Dieudonné Denne-Baron.
De La Borde, Essai stir la Musique. — Anders, Revue
Musicale de Paris , numéro du 17 septembre 1831.—
Fétis, Biographie universelle des Musiciens.
leroy ( Toussaint), poète français, né au
Mans , vers le milieu du seizième siècle, mort
vers 1612. Il était chanoine à la cathédrale du
Mans. C'est un de ces féconds auteurs de noëls,
que La Croix du Maine a pris soin de recom-
mander à la postérité. On a de lui : Noels et
Cantiques sur la Nativité de Jésus-Christ ;
Le Mans, 1579, in-8° ; — Cantiques et Noëls
nouveaux; Le Mans, 1605,in-8° ; — Noëls nou-
veaux pour cette présente année, 1608; Le
Mans, in-8°; — Noëls nouveaux pour cette
présente année, 161 1 ; Le Mans , in-8° ; — Noëls
nouveaux; Le Mans, 1615 et 1624. Nous avons
lu quelques recueils de Toussaint Leroy. Ce n'é-
tait pas assurément un des plus méchants poètes
de son temps. B. H.
N. Desportes, Bibliog. du Maine. — „B. Hauréau, His-
toire Lttt. du Maine , t. I , p. 157.
le roy (Jacques, baron), historien belge , né
à Bruxelles, le 29 octobre 1633, mort à Lierre en
Bnbant, le 7 octobre 1719. Sa famille, d'origine
française, avait suivi Philippe le Bon, duc de Bour-
gogne, lorsque ce prince fixa sa résidence dans
tes Pays-Bas, au quinzième siècle. Le Roy fit ses
études aux plus célèbres universités de l'Europe,
et, de retour dans sa patrie, il succéda à son père
dans la place de membre du conseil des finances,
à laquelle il réunit bientôt celle de surintendant
du commerce. Il fut envoyé en Espagne par le
marquis de Caraceue , gouverneur des Pays-Bas,
pour rendre compte au roi Philippe IV de la si-
tuation de ces provinces. Dans la suite , croyant
avoir à se plaindre du nouveau gouverneur, le
marquis de Castel-Rodrigo , il se démit de ses
emplois, et se retira près d'Anvers, dans une de
ses terres , où il consacra tous ses moments à
l'étude de l'histoire de la Belgique. Il réunit de
nombreux documents , qu'il utilisa dans diverses
publication? , et se ruina en faisant imprimer
des livres en grand format et remplis de superbes
gravures.
Ses principaux ouvrages sont : Notitia mar-
chionatus Sacri Romani imperii, hoc est, ur-
bis et agri Antverpiensis , oppidorum, etc.;
Amsterdam, 1678, in-fol. : les tables alphabé-
tiques de ce livre, l'un des plus rares et des plus
recherchés de Le Roy, ont été publiées à La
Haye et à Bruxelles ; 1781, in-fol.; — Topogra-
phia historica Gallo- Brabantùc ; Amsterdam,
1692, in-fol. ; — Castella et Prœtoria nobilium
£rabantke,elc; Anvers, 1694, in-fol., rare;
ROY 888
ibid., 1697, in-fol. ; — L'Érection de toutes les
terres , seigneuries et familles titrées du Bra-
bant, prouvée par des extraits des lettres pa-
tentes, tirés des originaux ; Leyde, 1 699, in-fol. ;
Amsterdam, 1706, in-fol. ; — Institution de la
Chambre des Comptes du Roi en Brabant à
Bruxelles, etc.; Bruxelles, 1716, petit in-8°;
— Le grand Théâtre profane du duchéde Bra-
bant... à quoi Von a ajouté la Description topo-
graphique et historique du Brabant wallon ;
La Haye, 1730, in-fol. Le Roy a édité : Chro-
nicon Balduini Avennensis; Anvers, 1693,
in-fol., très-rare. Dom Luc d'Achery avait déjà,
d'après un manuscrit de Du Cange , inséré au
tome VII de son Spicilége , des généalogies ex-
traites de la Chronique de Baudouin d'Avesnes,
qui commence à Charles de Lorraine , frère du
roi Lothaire, et finit à l'an 1289. E. R.
Nicéron, Mémoires. — De Reiffenberg, Chronique
rimée de Philippe Moushes, introduction, pag. 32. —
Catalogue des livres de M. de la Sema Santander.
leroy (Antoine), littérateur français, né
à La Ferté- Bernard, mort durant le dix-septième
siècle , à une date incertaine. Il fut tour à tour
curé de La Chapelle du Bois , près de La Ferté ,
chanoine de l'église du Mans, licencié en droit,
et régent de philosophie au collège d'Harcourt.
On a de lui : Romanx S- Pétri, apostolorum
principis, in Vaticano basilicse panegyricus ;
Le Mans, 1621, in-4°; — Discours funèbre sur
le trépas de Charlotte -Anne de Bourbon;
Le Mans, 1623, in-8°; — Floretum Philoso-
phicum, seu ludus Meudonianus in termi-
nas totius philosophiœ ; Paris, 1649, in-4°;
bizarre apologie de Rabelais. Rabelais était l'é-
crivain préféré, presque l'idole d'Antoine Leroy.
Il a écrit encore en son honneur Elogia Rabe-
Isesiana, en six livres, ouvrage inédit, dont le
manuscrit se trouve à la Bibliothèque impé-
riale , num. 8704 de l'anc. fonds. B. H.
N. Desportes, liibliogr.du Maine. — B. Hauréau,
Hist. Littér. du Maine, t. III, p. 17*.
leroy d'égcilly ( Jérôme ). poète fran-
çais, né à Orléans, mort en 1760. Il fit ses étu-
des chez les jésuites, et devint précepteur des en-
fants de l'intendant du Bourbonnais. On a de
lui : Les Anglais vaincus, poème à l'occasion
de la bataille de Fontenoy; Paris, 1744; —
Augustin , poème en cinq chants ; 1746 ; — des
Odes, des traductions, des pièces fugitives, etc.
E. D— s.
C. Brainne, dans Les Hommes illustres de l'Orléanais,
t. I»"-, p. 175.
le roy ( Daniel ) , prédicateur protestant et
hébraïsant hollandais, né à Middelbourg, le
8 octobre 1661, mort à Rotterdam, le 11 mai
1722. Il exerça le ministère évangélique succes-
sivement à Kœgh, à Nimègue, puis à Rot-
terdam. Parmi ses nombreux écrits, composés
tous en hollandais, on remarque : Antiquités
judaïques, ou abrégé de la croyance et de la
religion des juifs, tiré de leur loi orale et de
leur Talmud; Rotterdam, 1720, in-12; - Oor-
889
LEROY
890
deelkundige Aanmerkingen, etc. ( Remarques
critiques sur les Danses des anciens et des mo-
dernes); Rotterdam, 1722, in-12; — beaucoup
de sermons. A. L.
La Rue, Geletterd Zeeland, p. 87-89. — Paquot, Mém.
pour servir a l'hist. lit t. des Pays-Bas, t. VU, p. 316-
320. — Haag frères, La France Protestante.
leroy (Julien), célèbre horloger français, né
à Tours, en 1686, et mort à Paris, en 1759. Il vint
fort jeune à Paris, pour apprendre l'état où il de-
vait bientôt se distinguer. Les Anglais avaient
alors une supériorité incontestable dans l'horlo-
gerie ; Leroy voulut lutter avec eux, et ce ne fut
pas sans peine qu'il parvint à les surpasser.
Guidé par les expériences de Newton sur les
fluides , il imagina de fixer l'huile sur les pivots
des roues ou sur le balancier des montres; par
cette idée ingénieuse , il diminua beaucoup l'u-
sure et le frottement des pièces. D'un autre
côté, il trouva le moyen de réduire le volume
des montres à répétition en augmentant la solidité
des ressorts, sans cependant nuire à la précision
de leur marche. En 1720 il présenta à l'Académie
des Sciences une pendule garnie d'un cadran mo-
bile qui indiquait le temps vTai, le lever du soleil et
la déclinaison. Ces travaux fixèrent l'attention de
toute l'Europe sur lui. Cependant personne n'était
plus modeste que Leroy ; il savait rendre justice
au mérite de ses rivaux. Graham, un des fameux
horlogers d'Angleterre, avait toute son estime. En
1728 il fit venir une de ses montres à cylindre,
la première qu'on ait vue en France. Graham
n'appréciait pas moins bien l'extrême habileté de
l'artiste. On rapporte qu'un jour ayant eu sous
la main une des montres de Leroy, il s'écria ,
après l'avoir examinée : « Je voudrais être plus
jeune, je pourrais en faire sur ce modèle. »
Les perfectionnements que Leroy apporta dans
l'horlogerie furent adoptés partout, et son nom
remplaça sur les montres de Genève ceux des
artistes anglais. C'e^t à cette occasion que Vol-
taire disait à l'un des fils de cet habile horloger,
quelque temps après la bataille de Fontenoy :
« Le maréchal de Saxe et votre père ont battu
les Anglais ». Depuis 1739 Leroy était l'hor-
loger du roi, et à ce titre il était logé au Louvre.
On a de lui : Nouvelle Manière de construire
les grosses horloges ; dans le Mercure de juin
1732; — Mémoire sur un moyen de faire
marquer et sonner le temps vrai aux hor-
loges publiques ; ibid., septembre 1734; —
Usage d'un nouveau cadran universel à bous-
sole et propre à tracer des méridiennes ; Paris,
1734. Ce cadran présente plusieurs avantages sur
ceux de Butlerfield ; — Règle artificielle des
temps par H. Sully avec notes de Leroy; 1737,
in-12; — Lettre en réponse à la critique que
Thiout avait jaite d'une horloge établie sur
les ordres de Leroy pour les missions étran-
gères; dans les Mém. de Trévoux, mars 1742.
Jacob.
Éloge de J. Leroy ; dans les Étrennes chronomëtriques
publiées parsonflls, en 1760. — Encyclopédie dudix-lnii-
tième siècle.
leroy (Pierre), fils aîné du précédent, hor-
loger, né à Paris, en 1717, et mort en 1785, à
Vitry près Paris. En 1763 il présenta à l'Académie
des Scienocs une montre marine, dont le marquis
de Courtanvaux, accompagné de Peingre et
Messier, fit l'essai sur une frégate légère qu'il
avait fait construire à ses frais , et qui navigua
pendant quarante-cinq jours dans les eaux de
la Manche et la mer de Hollande. Par cette
épreuve on constata qu'une des montres ne s'é-
tait écartée que de sept minutes et l'autre de
trente-huit minutes du mouvement à terre.
L'année suivante Cassini répéta l'expérience, et
dans un trajet de quarante jours il remarqua
qu'une de ces montres n'avait donné qu'une er-
reur d'un l/8e de degré sur la longitude. L'A-
cadémie récompensa Leroy en lui décernant le
double prix proposé pour la meilleure manière de
mesurer le temps sur la mer. Peu après Leroy
trouva l'isochronisme du ressort spiral, que
lui disputa, il est vrai, Berthoud. D'autres in-
ventions non moins importantes publiées dans le
tome VII du Recueil des Machines de l'Acadé-
mie avaient déjà attiré sur lui l'attention , telles
que la pendule à sonnerie à une seule roue, un
échappement à détente, etc. Ses écrits sont :
Mémoire pour les Horlogers de Paris; 1750,
in-4°. L'auteur attaque le privilège accordé à de
Rivaz pour les pendules de son invention ; il
cherche à prouver qu'elles ne sont pas supé-
rieures aux ouvrages du même genre exécutés
par les ouvriers de Paris. Rivaz répondit à son
tour à cette critique ; on en trouve même un
extrait dans les Mém. de Trévoux, juin 1752 ; —
Lettre sur la construction d'une montre pré-
sentée, le 18 août 1751, à VAcad. des Se; dans
les Mém. de Trévoux, juin 1752; — Etrennes
chronométriques pour l'année 1760; Paris,
in-12. Cet ouvrage, publié sous la forme d'un
almanach, est partagé en huit parties , dans les-
quelles il traite des divisions naturelles du lemps,
de ses divisions artificielles et du calendrier, des
instruments propres à mesurer le temps et de
leurs usages, etc., enfin des progrès de l'Iiorlogerie
au dix-huitième siècle. On trouve dans cette se-
conde partie l'éloge de Julien Leroy. Cet ouvrage
est rare; il a été réédité avec des additions in-
dispensables en 1811, par Antide Janvier ; — Ex-
posé succinct des travaux de Harrison et de
Leroy dans la recherche des longitudes en
mer, et des épreuves faites de leurs ouvrages;
Paris, 1767, in-4°. C'est contre cet ouvrage que
Fleurieu s'est élevé dans un écrit intitulé :
Examen critique d'un mémoire publié par
M. Leroy sur l'épreuve des horloges propres
à déterminer les longitudes en mer et sur
le principe de leur construction ; — Mémoire
sur la meilleure manière de mesurer le
temps en mer, imprimé à la suite du Voyage
de Cassini; — Précis des recherches faites en
891
LEROY
France depuis 1730, pour la détermination
des longitudes en mer par la mesure artifi-
cielle du temps; Paris, 1773 et 1776, in-4° ; —
Lettre à M. de Marivets sur la nature, la
propriété et la propagation de la lumière,
sur la cause de la rotation des planètes , sur
la durée du jour, etc.; Paris, 1785, in-8°.
Jacob.
Recueil des Machines de l'Acad. — Mém. de Trévoux.
leroy {Jean-Baptiste), physicien français,
né à Paris , frère du précédent, mort le 20 jan-
vier 1800. Membre de l'Académie des Sciences
depuis 1751, il s'est occupé principalement d'é-
lectricité. C'est lui qui inventa la première ma
chine électrique positive et négative dont on ait
fait usage. Il a perfectionné les paratonnerres
et les aréomètres. Il travailla aussi à Y Histoire
de V Académie des Sciences pour les années
1757, 1758, 1759 et 1760. De 1751 jusqu'à sa fin
il n'a cessé d'écrire des mémoires qui ont été pu-
bliés dans les recueils de l'Académie et dans le
Journal de Physique.
Parmi les principaux mémoires de Leroy on
remarque : Mémoire sur l'Électricité; 1753 :
l'auteur démontre qu'il y a deux espèces d'électri-
cités, l'une produite par la condensation du fluide
électrique , et l'autre par sa raréfaction ; —
Mémoire oit l'on rend compte des tentatives
faites pour guérir plusieurs maladies par
l'électricité; — Sur l'Électricité résineuse, où
l'on montre qu'elle est réellement distincte de
l'électricité vitrée (Sav. étrang.,t. 111,1760);
— Sur la Différence des Distances auxquelles
partent les étincelles entre deux corps mé-
talliques de figures différentes ( Mém. de
l'Acad. des Se, 1766); — Sur les Verges ou
Barres métalliques destinées à garantir les
édifices des effets de la foudre; — Réflexions
sur les Aréomètres, avec la Description d'aréo-
mètres d'argent, destinés à déterminer les
densités de l'alcool et des eaux-de-vie, etc.
(ibid., 1770); — Sur une Machine électrique
d'une espèce nouvelle ( ib., 1772 ) ; — Sur la
Forme des Barres métalliques destinées à
préserver les édifices des effets de la foudre
(1773); — Sur les Prisons; 17S0; — Sur
quelques Moyens de renouveler l'air, et sur
leur application ( 1780) ; — Sur une Machine
électrique qu'on peut regarder comme une
pompe à feu électrique, etc.; 1783; — Précis
d'un ouvrage sur les hôpitaux sous le rap-
port hygiénique; 1787; — Sur un Voyage fait
dans les ports de guerre de l'Océan, pour y
établir des paratonnerres ; 1787; — Sur la
Nécessité et les Moyens d'armer les édifices
de paratonnerres ( 1790). J — b.
Lefèvre de Gineau, Éloge de Jean-Baptiste Leroy,
an ix.
Leroy (Charles), frère du précédent, méde-
cin et physiologiste français, néà Paris, en 1 726, et
mort dans cette même ville, le 12 décembre 1779.
Après avoir pris ses grades en médecine, il fit un
voyage en Italie , où il observa les phénomènes
d'asphyxie dus au dégagagement de l'acide car-
bonique qui s'échappe de lagrottedu Chien, près
de Naples. Il chercha aussi à expliquer la phos-
phorescence des eaux de la Méditerranée. De
retour à Paris, il communiqua à l'Académie un
grand nombre de ses observations, et devint pro-
fesseur à Montpellier. Il traita le premier dans
ses cours de la suspension de l'eau dans l'atmos-
phère, de l'analyse de plusieurs eaux minérales
naturelles et des procédés propres à la fabrica-
tion des eaux sulfureuses artificielles. Il s'occupa
aussi de la respiration des tortues , de la struc-
ture de l'organe de l'ouïe, etc. Sa connaissance
profonde des doctrines des anciens lui permettait
de discerner ce qui pouvait être accepté ou rejeté :
il s'opposa un des premiers à la propagation de
la théorie des jours critiques. En 1777 il vint se
fixer à Paris, où il acquit une grande renommée
comme physicien. Parmi sesécritson remarque:
Mémoires et Observations de Médecine : pre-
mière partie, sur les fièvres aiguës; Paris, 1766,
1784, in-8°. Seconde partie : Du Prognosfic des
maladies aiguës; Paris, 1776, in-8°; — Mé-
langes de Physique, de Chimie et de Médecine ;
Paris, 1771, in-8°; — Questioncs Chimicaepro
cathedra vacante per obitum D. Serane ; 1759,
in-4°; — Tentamen medicum de Purgantibus ;
Montpellier, 1762. J— b.
Éloges de Ch. Leroy par De Ratte à Montpellier, par
Vic-d Azir à Paris et par Casiilhon dans le Nécrologe de
1781.
leroy (Julien- David), frère des précédents,
architecte français, né à Paris, en 1728, et mort le
28 janvier 1803. lise livra de bonne heure à l'ar-
chitecture, et pour en étudier avec facilité les plus
beaux modèles, il se rendit en Grèce. En 1758,
sous le titre de Ruines des plus beaux Monw
ments de la Grèce (in fol. avec fig. ), il publia
le résultat de ses recherches. Les principes sages
et sévères qu'il développa, après quelques légères
modifications dans la forme, firent disparaître
des écoles le mauvais goût introduit par les
Daviler et les Oppenord. On ne parla plus que
des modèles de la Grèce Pendant quarante ans
il donna comme professeur attaché à l'Académie
d'Architecture des leçons qui achevèrent la révo-
lution dans l'architecture, que son livre avaitcom-
mencée. Sans jamais renoncera l'étude des beaux-
arts, il fit aussi quelques tentatives, quoique in-
fructueuses, pour construire sur la Seine des ba-
teaux insubmersibles. Il avait été membre de
l'Académie des Inscriptions et de celle des
Beaux-Arts. A sa mort une médaille en son
honneur fut frappée par ses élèves : elle portait
d'un côté son effigie et de l'autre une colonne
dorique surmontée de l'oiseau de Minerve.
Outre l'ouvrage cité, on a de lui : Histoire de
la disposition et des formes différentes que
les chrétiens ont données à leurs Temples;
1764, in-8°; traduite en allemand, avec les re-
marques de l'abbé Laugier sur l'architecture,
893
1778, in-8°; — Observations stir les Edifices
des anciens peuples; Amsterdam et Paris,
1767, in-8°; — La Marine des anciens peu-
ples expliquée et considérée par rapport, aux
lumières qu'on peut en tirer pour perfec-
tionner la Marine moderne; in-8°, fig.,
1777; — Les Navires des anciens considérés
par rapport à leurs voiles et à l'usage qu'on
pourrait en faire dans notre marine; 1783,
in-8°; — Recherches sur le Vaisseau long
des anciens, sur les voiles latines, et sur
les moyens de diminuer les dangers que cou-
rent les navigateurs; 1785, in-8°; — Mé-
moire sur les travaux qui ont rapport à
l'exploitation de la mâture dans les Pyré-
nées; in-4°, 1773 et 1776; — Canaux delà
Manche à Paris, pour ouvrir deux débou-
chés à la mer, et faire de la capitale une
ville maritime, etc.; in-8°; — Nouvelle Voi-
lure proposée pour les vaisseaux de toutes
grandeurs, et pai'ticulièrvment pour ceux
qui seraient employés au commerce, etc.;
1800, in-8°. Jacob.
Gabet, Dict. des Artistes.
leroy {Charles-François-Antoine), ma-
thématicien français, né vers 1780, mort à
Paris, le 23 février 1854. Chargé en 1810 des
fonctions de maître de conférences de mathé-
matiques à l'école Normale, il fut plusieurs fois
chargé des cours de mécanique et d'astronomie
à la faculté des sciences , et pendant trente-cinq
ans il professa à l'École Polytechnique le cours
de géométrie descriptive et de ses principales
applications. On a de lui : Analyse appliquée à
la géométrie des trois dimensions, compre-
nant les surfaces du second degré, avec la
théorie générale des surfaces courbes et des
lignes à double courbure; Paris, 1829, 1834,
1843, in-8°; — Traité de Géométrie descrip-
tive; Paris, 1842, 2 vol. in-4°; — Traité de
Stéréotomie ; Paris, 1844, in-4°, avec atlas. ; —
des articles dans les Annales de Mathéma-
tiques et le Journal de l'École Polytech-
nique. J. V.
S. de Sacy, Journal des Débuts du 17 mars 1854. —
Bouiquelot et Maury, La Littér. Franc, contemp.
leroy (Louis- Joseph), graveur et peintre
français, né à Paris, en 1812. Il entra à l'âge de
seize ans au dépôt de la guerre, comme gra-
veur attaché à la carte de France. Resté orphe-
lin à di\-huit ans , et entraîné par son goût
pour la gravure et la peinture de paysage, il se
livra avec ardeur au travail, et exposa au salon
de 1 839 plusieurs eaux-fortes dont l'une, La Cas-
cade de la Vernière (Mont-Dore), lui valut la
médaille d'or; il ex posa au même salon Un ser-
mon sur la Tempérance, tableau qui s'est fait
remarquer par l'originalité et l'esprit de la com-
position, et dont l'auteur fit lui-même la gravure.
Depuis lors son nom a figuré, comme peintre
ou comme graveur, au livret de toutes les expo-
positions. On cite notamment, parmi ses pro-
LEROY 894
ductions, plusieurs grandes eaux-fortes, telles
que : Un Ravin dans le Cuntal, Une Avalure
dans la baie des Trépassés, La Grotte de la
Mer sauvage ( Belle-Isle); cette dernière, qui
est trôs-estimée, a valu à l'artiste une mention
honorable en 1854. M. Leroy s'est fait con-
naître aussi, dans le monde littéraire, par une
comédie en trois acles et en prose, La Conquête
de ma femme, représentée, au mois d'avril 1854,
sur le théâtre de l'Odéon, et par des proverbes
de société qui ont eu du succès. Il a travaillé au
journal L'Ai tiste,\>om lequel il aécritune critique
d'art et gravé plusieurs eaux-fortes. D. D. B.
Renseignements particuliers.
LEROY ( Pierre ), écrivain français, vivait à
la fin du seizième siècle. Il fut chanoine de la
cathédrale de Rouen, et remplit plus tard auprès
du jeune cardinal de Bourbon les fonctions d'au-
mônier. Il est l'auteur de la première partie de
la Satyre Ménippée, comprenant la Vertu du
catholicon d'Espagne, la Procession de la
Ligue, et les Pièces de tapisseries dont la
salle des états fut tendue. Personne avant lui
n'avait encore usé de l'ironie pour démasquer
les projets d'usurpation de Philippe II et de
Mayenne ; il le fit avec courage et esprit. Mais
son pamphlet, qui parut au mois de février ou
de mars 1593, ne pouvait avoir d'effet sur les
masses , parce qu'il se composait principale-
ment d'allusions aux événements de la Ligue,
souvent inconnus du peuple. « Presque rien
n'était en action, dit M. Poirson, rien en dis-
cours; on ne trouvait dans l'écrit ni peintures
animées , ni discussions vigoureuses sur les
questions de droit public ; l'ouvrage manquait
donc à la fois de ce qui frappe et entraîne les
esprits et de ce que produit les convictions ar-
rêtées, les résolutions graves et fortes. Mais
l'ingénieux ouvrage était un excellent prologue
à un drame dont l'idée première était donnée;
de plus l'auteur, par la description de sa salledes
états , avait, comme le dit de Thon , dressé le
théâtre. Il s'agissait maintenant de remplir la
scène, d'y attirer comme personnages devant y
jouer un rôle les chefs et les peuples de la Ligue,
et par l'instructif spectacle de leurs actes, d'é-
clairer la nation et de la conduire à des résolu-
tions d'accord avec l'intérêt et le salut publics.
C'est ce qu'entreprit Pierre Pithou, en asso-
ciant à son travail Gillot, Rapin, Chrétien et
Passerat. » ( Pour de plus amples détails sur la
Satyre Ménippée, ses éditions, etc. Voy. Pierre
PlTlIOU).
De Thon, Historia, liv. CV, § 18. — Lnbitte, Us Au-
teurs de la Ménippée ( en tète de l'édition de la Mé-
nippre, d nnée en 1845, par Libitle). — Poirson, Histoire
du règne d'Henri 1F~, t. Il, p. 693.
le roy (Jean-Jacques-Sébastien), ingénieur
français, d'origine suisse, né à Paris, le 15 sep-
tembre 1747, mort dans la même ville, le 17 février
1825.D'abordingénieurdesconstruclions navales,
H fut chargé en 1765 de former aux Pyrénées un
établissement pour l'explortàtiofl des Pins des-
895
tinés aux mâtures des vaisseaux ; il passa ensuite
en Corse, dirigea de nombreuses constructions
à Lorient, et fit deux campagnes en 1778 et 1779.
En 1784 il l'ut envoyé par le gouvernement à
Constantinople pour y diriger les constructions
navales de l'Empire Otloman. Il rentra en
France six ans après, et fut nommé en 1792
sous-chef d'administration pour les constructions
navales. Arrêté pendant la terreur, il fut chargé
des constructions maritimes à Toulon, après la
prise de cette ville : il changea alors son nom
en celui d'Abauzir. Inspecteur en 1795, com-
missaire principal de la marine au Havre l'année
suivante, ordonnateur des côtes de la Méditer-
ranée en 1798, il fit partie de l'expédition d'E-
gypte, où il remplit les fonctions de préfet mari-
time. Rentré en France en 1801, il passa au mi-
nistère des affaires étrangères, devint commis-
saire à Cadix, puis consul général à Hambourg. Il
quitta cette ville en 1813, et reçut la mission d'aller
acheter des bois de marine à Copenhague. Ad-
mis à la retraite en 1814, il ne fut pas rem-
boursé des énormes avances qu'il avait faites,
et quoique réduit à sa pension, il se livra à une
foule d'actes de bienfaisance. J. V.
De Gerando, Notice biographique sur M. Le Roy ;
dans le Bulletin de la Société d'Encouragement, n° CCL.
— Documents particuliers.
leroy (Aimé- Nicolas), littérateur français,
né à Valenciennes, le 1 1 février 1 793, mort dans la
même ville, le 21 mars 1848. Il étudia le droit, et
sefit le 30 juillet 1815 recevoir avocat au barreau
de Douai. Grand amateur de livres, il forma une
Bibliothèque riche en curiosités (1). En décembre
1821, il fonda l'^c/to de laFrontière, et en 1829
un ouvrage périodique, sous le titre d'Archives
historiques et littéraires du nord de la France
et du midi de la Belgique, et fut nommé, en
1831, conservateur de la bibliothèque de Valen-
ciennes, qu'il augmenta considérablement. On a de
lui : Molière et les deux Thalie; 1811, in-8°;
— Promenades au cimetière de Valenciennes ;
1828, in-12; — La Légende de sainte Aidé-
gonde, patronne de Maubeuge ; 1830, in-8° ; —
Le Barbet et le Dogue (en vers); 1831, in 8°.
G. de F.
Archives du nord de la France, t. VI, nouvelle
série.
«leroy (Jean-Baptiste-Onésime), littéra-
teur français, frère aîné du précédent, né à Va-
lenciennes, en 1788. Il était si maladif qu'on dut
le laisser jusqu'à douze ans à la campagne. 11
n'en revint que pour commencer des études so-
lides, qu'il acheva à Paris , où il fit son droit.
Forcé par raison de santé de revenir dans sa
famille; il y traduisit ÏAululaire de Plaute.d'où
il tira Le Méfiant, comédie en cinq actes et en
(1) On rapporte que présent à l'embaumement du
corps de Delille, il parvint à détacher deux fragments
de l'épiderme qu'il fit mettre dans la reliure d'un
exemplaire des Géorgiques de Virgile, traduit es par De-
mie .
LEROY 89C
vers, qu'il fit jouer à l'Odéon à la tin de 1S13,
et qu'il dédia à son maître Gueroult. M. O. Le-
roy, abordant alors un des premiers la eomé-
die. politique. , fit, avec Bert, L'Esprit de Parti,
qui fut battu par tous les partis à l'Odéon, en
1817. Deux ans après, M. O. Leroy donna au
Théâtre-Français V Irrésolu, petite comédie qui
eut un grand succès, et a été citée comme
un modèle de dialogue. Là l'auteur paraît
s'être inspiré de quelques vers d'Horace et de
Froissart. Les deux Candidats parurent en
1821 à l'Odéon; mais la pièee fut défendue à la
27e représentation, par suite d'une indiscrète
allusion d'un acteur qui avait pris le costume
et les ailes de pigeon d'un grand personnage.
On offrit une indemnité à l'auteur, qui la re-
fusa, disant qu'il n'y avait dans son affaire
« qu'une maladresse de coiffeur et quelques
coups de peigne impolitiquement donnés ».
La même année, M. O. Leroy refit, d'après
Montfieury, La Femme juge et partie; sa pièce
obtint un brillant succès, qui s'est soutenu jus-
qu'à nos jours. Il la retira pourtant du réper-
toire en 1856, ce qui déplut et l'empêcha de
faire jouer son Caton le Censeur, comédie en
cinq actes et en vers avec un prologue. Les
mystères et l'origine de notre théâtre ont aussi
vivement occupé M. O. Leroy, qui a fait pa-
raître : Les Époques de l'histoire de France
en rapport avec le théâtre Jrançais, ou-
vrage reproduit et complété sous le titre d'His-
toire comparée du théâtre et des mœurs en
France dès la jormalion du langage ; Paris,
1844, in- 8°. Ses Études sur les Mystères,
monuments historiques et religieux, la
plupart inconnus, et sur les manuscrits de
Gerson, Paris, 1838, in-8°, obtinrent de l'A-
cadémie des Inscriptions et Belles-Lettres un
des prix destinés aux ouvrages relatifs aux
antiquités nationales. Déjà les Études de
M. O. Leroy sur la personne et les divers
écrits de Ducis, avaient été couronnées par l'A-
cadémie Française. La découverte d'un manuscrit
de L'internelle Consolation mêlé à des sermons
de Gerson provenant des ducs de Bourgogne, et
trouvé à Valenciennes, dans la bibliothèque
qu'administrait son frère, parut à M. O. Leroy un
titre si puissant en faveur du fameux chancelier
de Paris comme auteur de {'Imitation de Jé-
sus-Christ, qu'il devint un des plus ardents
champions de cette cause ; il a fait paraître sur
cette question : Corneille et Gerson dans l'I-
mitation de Jésus- Christ; Valenciennes et
Paris, 1841, in-S°; et Gerson, auteur de l'I-
mitation de Jésus-Christ, monument à
Lyon; étrange découverte de M. T... ; Paris,
1845, in-8°. M. O. Leroy a en outre donné dans
le Livre des Cent et un : Un Parisien à quinze
cents pieds sous terre , description pittoresque
des mines d'Anzin et des mœurs des mineurs.
L'Encyclopédie des Gens du Monde lui doit
plusieurs article». Grâce au prix décerné par l'A-
897
cadémie Française à son volume mrYrmitalion
de Corneille et les manuscrits de Gerson,
M. O. Leroy a fondé dans l'arrondissement de
Valenciennes une bibliothèque de prêt gratuit qui
depuis 1842 fonctionne d'une manière utile. En
1849, il obtint plus de 50,000 voix dans le dé-
partement du Nord, comme candidat à l'Assem-
blée nationale. Il a demandé à plusieurs reprises
dans les journaux de son pays l'établissement
dans les mines des lampes de Davy, qui dans
certaines circonstances peuvent préserver la vie
des mineurs , l'augmentation du salaire des ou-
vriers, et la récompense qui lui semble due à
un courageux éclusier méconnu. Un Anglais
qu'ii ne connaissait pas, Spencer Smith, s'engoua
si bien du livre de M. O. Leroy sur Corneille et
Gerson, qu'il fit imprimer, sous le titre de Col-
lectanea Gersoniana { Caen, 1842, 1848), la
collection de tous les articles publiés en France
et à l'étranger sur cet ouvrage. L. L — t.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Con-
temp. — Biogr. uni», et portât, des Contemp. — Qué-
rard, La France Littéraire. — Raynouard, dans le Jour-
nal des Savants, mars 1834. — Daunou, dan-; le même
recueil, juin 1837. — Viliemain, dans le même recueil,
avril 1838. — Patin, dans le même recueil, septembre 1842.
— Oinaux, Archives du Nord. — Feylaud, biogr. f'a-
lenciennoise, 18B9. — Th. Louise et Grar, Revue du
Nord, 1859.
LEROY DE SAINT-ARXAUD (Amaud-JaC-
ques ), maréchal de France, né à Paris, le
20 août 1801, mort le 29 septembre 1854, à
hord du Berthollet. Il entra au service le ^dé-
cembre 1816, dans la 2e compagnie des gardes
du corps, commandée par le duc de Grammont,
passa sous-lieutenant dans la légion Corse, et ser-
vit ensuite dans celle des Bouches-du-Rhône et
dans le 49e de ligne. Il avait quitté le service depuis
quelques années lorsqu'il le reprit, le 22 février
1831; il fut nommé lieutenant dans le 64e de
ligne, le 9 décembre suivant, prit une part active
à la guerre de la Vendée, et devint officier d'or-
donnance du général Bugeaud , qu'il suivit à
Blaye. Là, ses bonnes manières lui conquirent
l'estime affectueuse de la duchesse de Berry,
pendant toute la durée de la mission délicate et
difficile qu'il eut à remplir auprès d'elle. Entré
dans la légion étrangère, il devint capitaine le 15
août 1837, et gagna à l'assaut de Constantine
la croix de la Légion d'Honneur. Dès cette épo-
que le nom de Saint-Arnaud se trouve lié à tous
les faits d'armes de l'armée d'Afrique. Chef de
bataillon au 18e léger le 25 août 1840, il passa
peu de temps après, avec le même grade, dans
le régiment des zouaves, se signala dans les
deux expéditions de 1840 et 1841 , fut promu
lieutenant-colonel du 53e de ligne le 25 mars
1842, et se distingua au blocus de Milianah.
Élevé au grade de colonel du 53e, le 1er octobre
1844, il fut appelé au commandement de la sub-
division d'Orléansville. Pendant la levée de bou-
cliers dirigée par Bou-Maza, le colonel Saint- Ar-
naud se signala à la tête de la colonne placée
sous ses ordres, soumit le Dahra, fit Bou-Maza
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXX.
LEROY 898
prisonnier, prit une part glorieuse à la guerre
dans l'Ouarensenis, et fut promu commandeur
de la Légion d'Honneur après cette brillante
campagne. Nommé au gradedemaréchal de camp
le 3 novembre 1847, et mis à la disposition du
gouverneur général de l'Algérie, il passa au
commandement de la subdivision de Mostaga-
nem, puis de la subdivision d'Alger en 1849.
En 1851 il eut le commandement en chef des
nouvelles opérations militaires dirigées contre les
Kabyles, tribus qui entretenaient dans leurs mon-
tagnes, presque inaccessibles, un état perpétuel
de guerre. Après une série de combats sanglants,
la colonne expéditionnaire parvint à vaincre les
tribus insoumises. Ce succès valut à Leroy de
Saint-Arnaud, le 10 juillet 1851, le brevet de gé-
néral de division. Appelé le 26 du même mois
au commandement de la 2e division de l'armée
de Paris , il reçut le portefeuille de la guerre
le 26 octobre suivant , et prêta son concours
énergique au prince- président dans l'acte du
2 décembre 1851, et fut nommé maréchal de
France par décret du 2 décembre 1852 et grand-
écuyer le 31 décembre de la même année. Au
début delà guerre d'Orient, le maréchal de Saint-
Arnaud , investi du commandement en chef de
l'armée française, mit à la voile les 24 et 29 avril
1854, franchit les Dardanelles, et vint planter les
aigles françaises à Varna et à Gallipoli ; il fait en-
suite voile sur les côtes de Crimée , où l'armée
aborde le 14 septembre. Le 20, le maréchal, déjà
atteint d'une maladie mortelle, remporte la vic-
toire de l'Aima, qui couronne si glorieusement
sa vie militaire. Le maréchal Leroy de Saint-
Arnaud ne fut pas moins bon administrateur
qu'habile général. Les principaux actes de son
ministère peuvent se résumer ainsi : reconsti-
tution du cadre de l'état-major général de l'ar-
mée; augmentation de la solde des sous-officiers
de toutes armes; amélioration du pain du sol-
dat; réorganisation de la gendarmerie, de l'ar-
tillerie, du corps de santé de l'armée de terre,
de l'École Polytechnique, du Prytanée impérial,
de La Flèche et de l'école de cavalerie. On a du
maréchal Leroy de Saint-Arnaud des Lettres,
remarquables par l'originalité des aperçus et des
jugements qu'elles contiennent sur plusieurs su-
jets de l'histoire contemporaine. Sicard.
Biographie des Membres du Sénat; Paris, 18S2. —
L'Expédition de Crimée, baron de Ba/.ancourt.
* leroy d'étiolles (Jean-Jacques-Jo-
seph), chirurgien français, né à Paris, le 5 avril
1798. Fils d'un ancien officier vendéen, il fit ses
études au lycée Impérial, et embrassa la car-
rière médicale. Déjà, en 1822, deux ans avant
d'être reçu docteur, il présenta à l'Académie de
Chirurgie les premiers instruments à l'aide des-
quels on pouvait parvenir à détruire les calculs
urinaires dans la vessie sans avoir recours à la
taille. Cette invention lui fut disputée par
MM. Amussat et Civiale. En 1825 la commis-
sion du prix Montyon de l'Académie des Scien-
29
899 LEROY
ees fixa ainsi les droits des trois inventeurs :
« M. Civiale comme ayant pratiqué avec succès
quelques-unes de ces opérations sur le vivant;
Amussat pour avoir mieux l'ait connaître la
structure de l'urètre, qui permit l'action libre
des instruments; M. Leroy d'Étiolles pour les
avoir imaginés, les avoir l'ait exécuter, et pour
avoir fait connaître successivement les perfec-
tionnements que ses essais lui ont suggérés. »
L'année suivante la même commission lui ac-
corda une récompense de 2,000 fr. pour « avoir
publié en 1825 un ouvrage de lithotritie et
avoir le premier, en 1822, fait connaître les ins-
truments qu'il avait inventés ». En 1831 l'Aca-
démie lui décerna un prix de 6,000 fr. pour
l'application qu'il a faite à la lithotritie de la
pince à trois branches, instrument tellement
essentiel que sans lui cette opération ne se
serait jamais élevée au degré de perfection
qu'elle a atteint. » M. Leroy d'Étiolles a aussi
démontré le premier que l'insufflation du pou-
mon, considérée comme moyen de secours à
donner aux noyés et asphyxiés, était non-seule-
ment inefficace, mais souvent nuisible et parfois
mortelle. 11 s'est en outre occupé du traitement
des anévrysmes par oblitération de l'artère sans
incision sous une double compression ; de la dis-
solution des calculs urinaires dans la vessie; du
traitement des hernies étranglées par l'électro-
puncture et la rotation rapide; de la résorption
par l'électro-puncture des épanchements séreux
dans les cavités du corps; du polype des fosses
nasales ; de la cure radicale des hernies par in-
vagination de la peau sans suture. Il a inventé
un nouveau tonsillotome, pour opérer la résec-
tion des amygdales, une curette articulée pour
extraire les corps étrangers de l'oreille, un nou-
veau système de pessaire, un spéculum appli-
cable aux déviations de l'utérus, un nouveau
tire- balle, etc., etc. Ses inventions du bourrelet
à réseau élastique pour les enfants et du clysoir
eurent beaucoup de succès; en 1830, il proposa
au comité d'artillerie un obus à mitraille ,
une bombe éclatant au moment du choc contre
le but par un système intérieur d'amorce à per-
cussion ; un canon cannelé se chargeant par la
culasse, et tirant à boulets forcés au moyen
d'une couche de plomb dont le boulet est re
vêtu, etc. En 1830 comme en 1848, M. Leroy
d'Etiolles donna tous ses soins aux blessés; en
1832, il se consacra au service des cholériques, et
remplaça Récamier à l 'hôtel-Dieu. Il a fait gra-
tuitement un grand nombre d'opérations litho-
triptiques dans les hôpitaux, et a offert 60,000 fr.
pour la création d'un service descalculeux si on
voulait le confier à son fils. On a de M. Leroy
d'Étiolles : Dictionnaire de Chirurgie , traduit
de l'anglais de Cooper; Paris, 1825,in-8°; — Sur
la Taille hypogaslrique ; Paris, 1828, in-8°; —
De la Lithotripsie ; Paris, 1836, in-8°; — Hï$<
toire de la Lithotritie, précédée de réflexions
sur la dissolution des calculs urinaires;
- LERY 9Û0
Paris, 1839, in-8°; — Considérations anato-
miques et chirurgicales sur la Prostate;
Paris, 1S40, in-8°; — Mémoire sur des
moyens nouveaux de traitement des fistules
véiico-vaginales ; Paris, 1842, in-8° ; — Re-
cueil de lettres et de mémoires adressés à
V Académie des Sciences pendant les aimées
1842 et 1843; Paris, 1.844, in-8° ; — Urologie.
Des angusties ou rétrécissements de Vur'è-
tre, etc.; Paris, 1845, in-8°.
Son fils, M. Raoul Leroy d'Étiolles, a publié :
Des Paralysies des Membres inférieurs et
Paraplégies ; Paris, 1855, in-8°. L. L— t.
Sarrut et Saint-Edme, Biogr. des Hommes du Jour,
tome III, lre partie, p. 293. — V. Lacaine et Ch. Laurent,
Biographies et Nêcrol. des Hommes Marquants du dix-
neuvième siècle, tome 1, p. 90. — Pascallet, Le Biogra-
phe universel, llvr. de juillet 1842. — Sachaile, Les
Médecins de Paris. — Isid. Bourdon, dans le Dict. de la
Convers., supp.
LE KOTER DE LA SAUVAGÈRE. Voy. La
Sauvagère.
le ruite, hagiographe liégeois, du seizième
siècle. Il était vicaire de la communauté des Au-
gustines de Mont-Cornillon, et a publié Y His-
toire mémorable de sainte Juliéne (1), vierge,
jadis prieure de la maison de Cornillonez la
cité de Liège, à laquelle fut divinement ré-
vélée et par elle première annoncée et intro-
duite dans VÉglise de Dieu, la haute solen-
nité du saint-sacrement de V autel, etc.; avril
1598, in-12. A. L.
Paquot, itlèm. pour servir a l'hist. litt, des Pays-Bas,
t. III, p. 212 214.
lery ou leri (Jean de), voyageur fran-
çais, né en 1534, à Lery, près de La Margelle
(Rourgogne), mort à Rerne, en 1611. D'après
Senebier, Lery aurait rempli les fonctions de mi-
nistre de l'église de Genève dès 1555, et 11 aurait
été envoyé, en 1556, par cette église, à Villega-
gnon, qui lui avait demandé un ecclésiastique
pour établir la religion réformée au Rrésil. D'a-
près Poupard, Lery faisait seulement ses études à
l'époque où Villegagnon l'emmena avec lui dans
son expédition. Lery révint en France avec le
ministre Pierre Richer. Aussitôt débarqué, il re-
tourna à Genève, où il fut reçu bourgeois en
1560. Quelque temps après il fut envoyé comme
pasteur à Rellevillê. Lorsque cette ville fut prise
par les huguenots, en 1562, il fit tous ses efforts
pour préserver les églises catholiques ; mais il
n'y put réussir. Lery retourna à Genève, sans
doute après la conclusion de la paix. Au mois
de novembre 1564, il fut chargé de desservir l'é-
glise de Nevers. En 1572 il était à La Charité,
assista au synode de Nîmes, et se trouvait lors de
la Saint-Rarthélemy près de son troupeau , qui
perdit vingt-deux personnes. Lery se retira en-
suite à Sancerre , et vit le second siège de cette
ville, dont il a laissé une relation. Suivant Pou-
pard, Lery sortit de Sancerre le 25 août, et se
(l)« Voltaire la nomme, dit Paquot, Moncornillon ;
. c'est prendre une montagne pour une religieuse. ».
901
LERY —
retira à Blet,sousla protection d'une escorte que
lui donna le chef des assiégeants ; de là il ga-
gna-Berne. On a de lui : Histoire d'un voyage
fait en la terre du Brésil, autrement dite
Amérique, contenant la navigation et choses
remarquables vues sur mer par l'auteur, le
comportement de Villegaignon en ce pays-là,
les mœurs et façons de vivre étranges des
sauvages brésiliens, avec un colloque de leur
langage; ensemble la description de plu-
sieurs animaux, arbres, herbes et autres
choses singulières et du tout inconnues par
deçà, le tout recueilli sur les lieux; La
Rochelle, 1578,in-8°; Genève, 1580, 1585, 1593,
1600, 1611, in-8°; — Histoire mémorable de
la ville de Sancerre, contenant les entre-
prîmes, siège, approches, bateries, assaux
et autres efforts des assiégeants; les résis-
tances, faits magnanimes, la famine extrême
et délivrance notable des assiégez. Le nombre
des coups de canons par journées distinguées.
Les catalogues des morts et blessez à la guerre
sont à la fin du livre; 1574, in-8° ; réimprimée
dans les Arcfdves curieuses, tome VIII; —
Barbier attribue à Lery le Discours du siège
tenu devant La Char UéV an 1577, par J. D. L.,
gentilhomme français; Paris, Orléans, 1577,
in-8°. L. L— t.
0ayle, DM. Critique. — La Croix du Maine , Blbtioth.
française. — Papillon, Bibiiotfi. des Àvteurs de linur-
goyne. — P. L<long, biblioth. Histor. de la France. —
Sénebier, Hist. littét. de Genève, tome 11, p. 28. — Pou-
pard , Histoire de Sancerre. — Barbier, Dict. des ano-
nymes. — Haag, La France Protestante.
le sage (Alain-René), célèbre romancier
et poète dramatique français, né le 8 mai 1668, à
Sarzeau, petite ville de la presqu'île de Rhuys, à
quelques lieues de Vannes, mort à Boulogne, le
17 novembre 1747. Il était fils unique de Claude
Le Sage, notaire royal, et de Jeanne Brenugat.
Privé de sa mère en 1677, de son père en 1682,
il hérita d'une petite fortune, qu'un oncle tuteur
infidèle dissipa, dit-on, presque entièrement. Le
rutur auteur de Gil Blas fit de bonnes études
chez les jésuites de Vannes. On le perd de vue
ïu sortir du collège ( vers 1686 ), et on ne le re-
trouve que six ou sept ans plus tard. On sup-
pose que dans l'intervalle il occupa une place
3ans les fermes en Bretagne, qu'il en fut dépos-
édé à tort, et qu'il conserva de cette injustice
an vif ressentiment, qui lui inspira Turcaret;
rcais tout est ici incertain : l'emploi et la disgrâce.
En général les détails recueillis sur les premières
innées de Le Sage sont incertains et confus. Il
paraît qu'il acheva ses études à Paris, où il con-
tracta avec Danchet une amitié qui ne se dé-
ïientit jamais. Vers cette époque (1693) on place
'anecdote douteuse d'une femme de qualité qui
ui aurait offert sa fortune et sa main. Le Sage
efusa, et quelque temps après, 17 août 1694, il
5pousa Marie-Elisabeth Huyard, fille d'un bour-
geois de la cité, fort jolie personne qui n'avait de
ortune que sa beauté. Marié à vingt-six ans ,
LESA 902
n'exerçant pas de profession lucrative (il était
reçu avocat), il chercha des ressources dans la
littérature, et sur le conseil de son ami Danchet,
il traduisit les Lettres du sophiste grec Aristé-
nète. C'était un singulier début pour un auteur
si naturel. Les Lettres d'Aristénète sont de pures
compositions de rhétorique froides, affectées
et dépourvues de goût, de sentiment et d'in-
vention; leur seul mérite consiste dans une dic-
tion curieusement imitée des auteurs attiques.
Cette qualité unique disparaît tout à fait dans la
paraphrase languissante de Le Sage. Le peu de
succès de ce premier ouvrage le décida à laisser
pour un temps les lettres de côté. Mais comme
il ne réussit pas mieux au barreau, il le quitta
également, et l'on voit qu'en 1698, sur l'acte de
baptême de son second fils, il ne prend plus le
titre d'avocat, et se qualifie simplement de bour-
geois. Dans ces années d'obscurité et de gêne,
Le Sage dut recueillir bien des observations qui
enrichirent plus tard ses ouvrages, et il dut aussi
pour vivre recourir à bien des expédients ; mais
sa vie d'alors n'a laissé que de faibles traces. Il
eut le bonheur de trouver dans l'abbé de Lyonne
un protecteur qui lui assura une pension de
600 livres, et, service plus essentiel, lui apprit à
connaître et à goûter les beautés de la littérature
espagnole. Comme essai il traduisit Le Traître
puni de D. Francesco de Roxas, Dom Félix de
Mendocede Lope de Vega, et les fit paraître sans
se nommer, en 1700. Plus hardi deux ans après,
il donna au théâtre Le Point d'Honneur, tra-
duit de Roxas. Le travers attaqué dans cette
pièce était depuis longtemps passé de mode, et
le public comprit à peine et ne goûta pas cette
satire rétrospective des ridicules du siècle pré-
cédent. Les Nouvelles Aventures de don Qui-
chotte, traduites d'Avellaneda, passèrent aussi
inaperçues, et Don César Ursin, comédie tra-
duite de Calderon, tomba au Théâtre-Français, le
15 mars 1707; mais le public dédommagea le
traducteur malheureux en applaudissant sa pe-
tite comédie de Crispin rival de son maître.
Les deux pièces, déjà jouées à Versailles, avaient
eu un sort bien différent. Crispin avait déplu
aux courtisans, que charmait Don César Ursin>
Le temps a confirmé le jugement du public pa-
risien. Crispin est une pièce fort agréable, qui
annonce que Le Sage sera bientôt, ou plutôt
qu'il était déjà un des observateurs les plus vifs
et des écrivains les plus naturels de la littéra-
ture française. On y remarque beaucoup de ces
traits d'esprit, à la fois simples et imprévus, qui
surprennent un peu, mais dont on reconnaît aus-
sitôt la vérité. Après cette jolie pièce, Le Sage
( alors âgé de près de quarante ans) était en pos-
session de son talent. 11 le prouva cette année
même par son roman du Diable boiteux. C'est
encore une imitation de l'espagnol ( voy. Gcje-
vara), mais une imitation de génie. Le Sage
n'emprunta à Guevara qu'un cadre heureux. 11
s'appropria le6 personnages en les perfectionnant
29-
903
LE
et peignit les mœurs françaises. Le diable de
Guevara est vulgaire, celui de Le Sage est excel-
lent : « C'est un diable bonhomme, a dit M. Vil-
lemain, une nature fine et déliée, malicieuse
plutôt que méchante. » Les autres figures offrent
moins de relief; ce sont des esquisses légères,
qui passent rapidement devant le lecteur et qui
fatigueraient si le romancier moraliste n'excellait
à rendre les plus fines nuances, et s'il ne faisait
circuler à travers les détails si multipliés une
gaieté facile. Le Diable boiteux eut un grand
succès. Il s'en fit deux éditions en un an. « On
travaille à une troisième, annonçait le Journal
de Verdun (décembre 1707 ) ; deax seigneurs de
la cour mirent l'épée à la main dans la boutique
de Barbin, pour avoir le dernier exemplaire de
la seconde édition. » On raconte que Boileau
ayant surpris Le Diable boiteux entre les mains
de son petit laquais menaça de le chasser si le
livre couchait dans la maison. Walter Scott a vu
dans cette anecdote un exemple des jugements
rigoureux que les hommes de génie sont trop
disposés à porter sur leurs contemporains. La
menace de Boileau contre son petit laquais n'é-
tait qu'une boutade ; mais il est certain que lui,
l'ami et l'admirateur de Molière, ne rendait pas
justice au plus digne héritier du grand comique
français. Il est vrai que Le Sage n'avait pas
encore montré tout son talent. Il le manifesta
dans son Turcaret avec une vigueur satirique
et une âpreté que l'on n'attendait pas de l'in-
dulgent et aimable auteur du Diable boiteux.
Le Sage avait vu de près ce monde des finan-
ciers où les brusques alternatives de la fortune
développent les plus laides passions de l'huma-
nité, la plate insolence, les folles prodigalités,
les débauches grossières et par-dessus tout la
bassesse et la friponnerie. Il eut la hardiesse de
produire sur la scène ces vices ignobles et puis-
sants. On raconte que les traitants menacés
firent offrir à l'auteur cent mille livres à la con-
dition de retirer sa pièce, et que Le Sage refusa.
Voici une anecdote plus authentique, et qui té-
moigne chez lui d'une noble fierté. Il devait lire
son Turcaret chez la duchesse de Bouillon;
mais, retenu par une affaire au palais, il arriva un
peu tard. En entrant au salon, où se trouvait une
nombreuse société, il voulut s'excuser. La du-
chesse, le recevant froidement, lui reprocha d'a-
voir fait perdre plus d'une heure à la compa-
gnie. «Eh bien, madame, répondit Le Sage,
puisque je vous ai fait perdre une heure, je vais
vous en faire gagner deux. » Et tirant sa révé-
rence , il sortit sans qu'on pût le retenir. Collé,
qui raconte cette anecdote , la tenait de bonne
source. On voit que, comme Tartufe, Turcaret
s'essayait dans le monde avant de se produire
sur le théâtre. La représentation rencontra natu-
rellement de graves difficultés ; Monseigneur, fils
de Louis XIV, les leva par un ordre formel du
13 octobre 1708, conçu en ces termes : « Mon-
seigneur étant informé que les comédiens du roi
SAGE 904
font difficulté pour jouer une pièce intitulée Tur-
caret , ou le financier, ordonne aux dits co-
médiens de l'apprendre et de la jouer incessam-
ment. » Turcaret parut enfin sur la scène, le
14 février 1709, et malgré les efforts d'une ca-
bale puissante, obtint un succès éclatant, qui se
maintint en dépit d'un hiver rigoureux et de la
misère publique. Turcaret méritait cet accueil
favorable; c'était depuis les chefs-d'œuvre de
Molière la meilleure comédie de mœurs. Le
Sage sans doute n'a ni la profondeur comique ,
ni le génie de style, ni l'élévation morale de Mo-
lière ; mais il est aussi vrai et atteint avec au-
tant de précision les vices et les ridicules. Un
critique anglais (Quarterly jReview, juillet 1823)
a reproché à Le Sage d'avoir peint des mœurs
et non des caractères, d'avoir fait de sa comédie
une thèse générale et non un tableau individuel.
Ce défaut, si c'en est un, est commun à toutes
les comédies françaises; on reprocherait plus
justement à Le Sage une intrigue sans intérêt
et le peu de liaison des scènes , excellentes prises
séparément, mais qui ne forment pas un en-
semble. De Turcaret même on peut conclure
que l'auteur n'était pas né pour le théâtre. Ce
qui est médiocre dans sa pièce , c'est l'arrange-
ment dramatique; ce qui est admirable, c'est la
peinture de mœurs.
C'est encore un tableau de mœurs, mais plus
large, plus aisé, plus aimable, que Gil Blas,
le chef-d'œuvre du roman de mœurs en France
et peut-être chez tous les peuples. Tout a été
dit sur Gil Blas, et après les jugements de La
Harpe, de Walter Scott, de M. Patin, de M: Vil-
lemain, de M. Sainte-Beuve, on ne peut guère
espérer de rien trouver de neuf. « Peu de per-
sonnes ont jamais lu ce charmant ouvrage sans
se rappeler comme une des plus délicieuses oc-
cupations de leur vie le temps qu'ils employèrent
pour la première fois à cette lecture; et il y en
a peu aussi qui ne retournent de temps en temps
à ces pages avec toute la vivacité qui s'attache
au ressouvenir d'un premier amour. II n'importe
en rien à quelle époque nous avons d'abord
éprouvé la fascination; soit dans l'enfance, où
nous fûmes principalement captivés par la ca-
verne des voleurs et d'autres scènes de roman;
soit dans un âge plus avancé, mais quand notre
ignorance du monde nous empêchait de voir la
satire subtile et poignante qui se cache dans tant
de passages de l'œuvre; soit que nous fussions
assez instruits pour saisir les diverses allusions
à l'histoire et aux affaires publiques dont il
abonde, ou assez ignorants pour nous contenter
de suivre directement le cours de la narration.
Le pouvoir de l'enchanteur sur nous est absolu,
dans toutes ces circonstances. S'il y a quelque
chose de vrai dans l'opinion de Cray qu'être cou-
ché sur un canapé et lire des romans nouveaux
donne une assez bonne idée du paradis, com-
bien cette béatitude s'augmenterait-elle encore
si le génie humain nous fournissait un autre
905
LE
Gil Blas. Le principal caractère et le narrateur
supposé de l'histoire est une conception qui n'a
jamais été égalée dans une composition fictive,
et qui cependant nous paraît si réelle que nous
ne pouvons nous ôter de l'idée que nous écou-
tons le récit d'un acteur des scènes qu'il nous
raconte. Gil Blas a toutes les faiblesses et toutes
les inégalités propres à la nature humaine, et
que nous reconnaissons journellement en nous-
mêmes et chez les personnes de notre inti-
mité (1). » — « C'estun homme d'esprit, né pour
le bien , mais facilement entraîné vers le mal,
profitant de l'expérience qu'il acquiert à ses dé-
pens pour tromper à son tour les hommes qui
l'ont trompé; se livrant sans trop de scrupule à
cette représaille, et quittant volontiers le parti
des dupes pour celui des fripons ; capable ce-
pendant de repentir et de retour ; conservant
jusqu'au bout le goût de la probité, et se pro-
mettant bien de redevenir honnête homme à la
première occasion (2). » — « Il passe tour à tour
par toutes les conditions, par les plus vulgaires
et les plus basses : il ne se déplaît trop dans au-
cune,bien qu'il cherche toujours à se pousser et
à s'avancer. Il est la dupe de ses défauts et
quelquefois de ses qualités ; il fait ses écoles en
tous sens, et nous faisons notre apprentissage
avec lui. Excellent sujet de morale pratique , on
peut dire de Gil-Blas qu'il se laisse faire par les
choses; il ne devance pas l'expérience: il la re-
çoit. Ce n'est pas un homme de génie ni d'un
grand talent , ni qui ait en lui rien de bien par-
ticulier : c'est un esprit sain et fin, facile, actif,
essentiellement éducable, ayant toutes les apti-
tudes. 11 ne s'agit que de les bien appliquer; ce
qu'il finit par faire : il devient propre à tout, et
il riiérite en définitive cet éloge que lui donne
son ami Fabrice : « Vous avez Toutil universel. »
Mais il ne mérite cet éloge que tout à la fin, et
cela nous encourage ; nous sentons, en le lisant,
que nous pouvons sans trop d'effort et de pré-
somption arriver un jour comme lui. Toutes les
formes de la vie et de l'humaine nature se ren-
contrent dans Gil Blas, toutes excepté une cer-
taine élévation idéale et morale, qui est rare sans
doute, qui est jouée souvent, mais qui se trouve
assez réelle en quelques rencontres pour ne de-
voir pas être tout à fait omise dans un tableau
complet de l'humanité. Le Sage, si honnête
homme d'ailleurs, n'avait pas cet idéal en lui. Il
était d'avis que <-. les productions de l'esprit les
plus parfaites sont celles où il n'y a que de lé-
gers défauts, comme les plus honnêtes gens sont
ceux qui ont les moindres vices ». Rien de plus
vrai qu'une telle remarque, et dans Gil Blas il
a amplement usé de cette façon de voir qui dis-
tribue quelques petits vices aux plus honnêtes
gens. Gil Blas tout le premier, s'il n'a pas de
(1) Walter Scott, Miscellaneous prose TPorKs, vol. III,
édit. Baudry.
(2) Patin, Éloge de Le Sage.
SAGE 906
vice inné bien caractérisé, est très-capable de
les recevoir presque tous à la rencontre.... Les
scènes de comédie sont sans nombre chez Gil
Blas, et elles ne laissent pas trop le temps de s'a-
percevoir de ce que peuvent avoir de comqaun ou
d'ennuyeux certains épisodes, certaines nouvelles
sentimentales que l'auteur a insérées çà et là
pour grossir ses volumes, et qu'il a imitées on
ne sait d'où. Les deux premiers volumes de
l'ouvrage, après avoir fait passer sous les yeux
toutes sortes de classes et deconditions, voleurs,
chanoines, médecins, auteurs, comédiens, lais-
saient Gil Blas intendant de don Alphonse, et
chargé de faire en son nom une restitution.
« C'était commencer le métier d'intendant par
où l'on devrait finir. » Le troisième volume, pu-
blié en 1724, et qui est le plus distingué de
tous, nous montre Gil Blas montant par degrés
d'étage en étage ; et à mesure que la sphère s'é-
lève, les leçons peuvent sembler plus vives et
plus hardies... Ce troisième volume abonde en
récits excellents. Gil Blas, devenu secrétaire et
favori de l'archevêque de Grenade, se perd ici,
comme il s'était perdu près du vieux fat amou-
reux , en disant la vérité. — Toutes ces scènes
chez l'archevêque sont admirables de naturel, et
respirent une douce comédie insensiblement mê-
lée à toutes les actions de la vie. L'amour-propre
d'auteur est peint chez le bon vieillard dans tout
son relief et toute sa naïveté béate, et avec un
reste de mansuétude. Les scènes chez la comé-
dienne Laure qui succèdent aussitôt après sont
incomparables de vérité. Le Sage connaissait à
fond la gent comique... Quand il est passé à la
cour, et qu'il se voit secrétaire et favori du duc
de Lerme, on croit un moment que Gil Blas va
s'élever et devenir honnête homme à certains
égards; mais non, il a affaire à des dangers d'une
autre sorte, et il y succombe. Nous n'avons fait
que changer d'étage; mais les mobiles, les inté-
rêts, les passions de la coulisse sont toujours
les mêmes. Loin de s'améliorer, il arrive, en ce
moment d'ivresse, au pire degré de faute où il
soit tombé, à l'insensibilité du cœur, à la mécon-
naissance de sa famille et de ses premiers amis.
Le plus haut point de sa prospérité est juste le
moment où va commencer, s'il n'y prend garde,
sa dépravation véritable. Il lui faut la disgrâce
pour se reconnaître, et pour rentrer dans le
vrai de son habitude et de sa nature (1). » Ce
délicieux ouvrage est-il une œuvre originale, ou
n'est-il qu'une imitation de l'espagnol ? Voltaire
le premier a osé dire avec une inconcevable légè-
reté que Gil Blas est entièrement pris du Mar-
cos de Obregon d'Espinel. Cette assertion, dont
le moindre recours au roman d'Espinel (voy.ce.
nom) démontre la fausseté, fut cependant repro-
duite dans deux ou trois compilations sans au-
torité, et donna au jésuite espagnol Isla l'idée de
revendiquer pour son pays l'origine de Gil Blas,
(1) Sainte-Beuve , Causeries du lundi, t. II.
907
LE SAGE
908
La liction qu'il imagina dans ce but ressemble
plutôt à une plaisanterie qu'à une fraude
sérieuse et mérite à peine une réfutation (1).
Sans répéter ce qui a été dit aux articles Espi-
nel et Isla, ajoutons que si Le Sage pour beau-
coup de détails de Gil Blas s'est inspiré des
romanciers espagnols Juan de Luna, Quevedo,
Cervantes, Espinel, etc. (.2), il doit à lui seul
le plan général, les meilleures scènes , presque
tous les personnages et surtout le caractère de
son héros. Gil Blas n'a d'espagnol que le cos-
tume; pour la vivacité et l'esprit, la manière de
sentir, de penser et d'agir, il est français.
Il semble qu'après ce chef-d'œuvre de Gil
Blas Le Sage n'avait plus rien à dire de nou-
veau sur la vie humaine, qu'il ne pouvait que se
répéter. Mais, forcé de travailler pour vivre, il
continua de produire sans efforts de nombreux
ouvrages, où l'on trouve encore d'excellents pas-
(i) Cependant cette thèse a été reprise par Llorente à
un point de vue un peu différent dans deux ouvrages
l'un en français, l'aulre en espagnol; il prétend, en se
fondant sur l'évidence intérieure i les preuves extérieures
manquent tout à fait) que Gil Blas est certainement d'o-
rigine espagnole, et probablement l'œuvre non de l'avo-
cat andalou du père Isla, mais de l'historien Solis. La
seule raison que Llorente donne à l'appui de cette hypo-
thèse, c'est qu'à l'époque où le Gil Blas espagnol a dû être
composé, personne excepté Solis n'était en état d'écrire
un tel roman. Cet argument n'est guère plus sérieux que
les inventions du P. Isla. Du reste, un juge compétent et
impartial, M. Ticknor, a prononcé sur ce point. <c II y a,
dit-il, une réponse facile à cette critique purement con-
jecturale. Le Sage procéda comme auteur de roman
juste comme il l'avait fait quand il écrivait pour le théâtre,
et dans les deux cas il aboutit à des résultats remarqua-
blement semblables. Dans le drame il commença par des
traductions et imitations de lespagnol, telles que Le
Point, d'Honneur pris de Roxas, Dnn César Ursin pris
dedlderon; mais ensuite quand il comprit mieux son
talent et que le succès lui eut dominé de la confiance, il
produisit Turcaret, comédie entièrement originale, qui
surpassait de beaucoup tout ce qu'il avait tenté aupara-
vant et montrait combien il avait perdu de sa force en
se réduisant à être imitateur. Il fit exactement de même
en écrivant des romans. 11 commença par traduire le
Bon Quichotte d'Avellaneda , et remania et étendit le
Diablo Cajuelo de Guevara. Mais Gil Bla*, le plus impor-
tant de ses romans, est le résultat de l'affermissement
de ses forces, et pour toutes les qualités caractéristiques
cet ouvrage lui appartient en propre aussi bien que
Turcaret »
(2) Voici, d'après M. Ticknor, l'indication de quelques
sources espagnoles où Le Sage a puisé pour Gil Blas et
pour d'aulres ouvrages : Le Point d Honneur est tiré de
No huy amigo para amigo de Roxas; Don César Ursin
de Peor esta que estaba de Calderon. Voir à l'article
KspiNel ce que Le Sage doit à IHarcos de Obregon; il a
pris en outre les aventures de don Raphaël avec le sei-
gneur de Moyadas (G. B.,V, l) dans Los Empeilos del
Mentir de Mendoza ; l'histoire du mariage de vengeance
(G. B.,IV. 4; dans la pièce de Roxas, Cosarse por ven-
garse; l'histoire de Aurora de Guzman (IV, B, 6) dans
Todo es enredos Amor par Diego de Cordoba y Figue-
roa, elc. Sur cette question d'imitation : »oy. Tieck,
préface de sa traduction àeMarcos de Obregon; Adolfo
de Castro, Poesias de Calderon y Plagias de Le Sage ,
Cadix, 1846, in-8°, et dans le quatrième livre de son
Conde Duque de Olivarez, Cadix, .1846. Dans son Ba-
chelier de Salamanque,l,e Sage, quoiqu'il donne cet ou-
vrage comme « traduit d'un manuscrit espagnol », a In-
séré une histoire de Dona Cintia de la Carrera qui est
prise de la comédie si connue de Moreto, Desden con
Desden.
sages, malheureusement de plus en plus clair-
semés. Malgré le succès de Turcaret, il ne re-
parut au Théâtre-Français que par une petite co-
médie assez gaie, La Tontine, reçue en 1708 et
jouée seulement en 1732. Les comédiens du
Théâtre-Français, on le voit, traitaient sans façon
l'auteur de Turcaret, qui, trouvant plus de faci-
lité sur les scènes secondaires, s'abandonna à son
penchant pour les farces légères, pour les paro-
dies, les opéras comiques, enfin pour tout le ré-
pertoire des spectacles forains. Il composa seul
ou en société avec Fuzelier, d'Orneval, Autreau,
Lafont, Piron et Fromaget une centaine d'opéras
comiques, dont la plupart eurent beaucoup de
vogue. Ces petites pièces, que La Harpe traite
trop dédaigneusement, peuvent encore se par-
courir sans ennui ; quelques-unes même, La Foire
des Fées, Le Monde renversé, sont d'une lecture
fort agréable. Comme le remarque spirituelle-
ment M. Sainte-Beuve, « Le Sage sema son sel à
pleines mains sur les tréteaux. Ce n'étaient pas
seulement les besoins de la vie qui le jetaient
là, c'étaient aussi chez lui attrait et vocation.
En faisant parler Arlequin, il ne croyait pas si
fort déroger; il passa même un instant d'Arle-
quin aux marionnettes. Arlequin, marionnettes,
acteurs pour acteurs, il était d'avis que tout
cela revient au même et que ce sont toujours
les mêmes ficelles. »
Ces spirituelles bluettes qui échappaient si fa-
cilement à la verve de Le Sage ne l'empêchaient
pas de se livrer à d'autres travaux littéraires. Il
aimait surtout à emprunter aux nations étran-
gères des œuvres qu'il remaniait et qu'il embel-
lissait presque toujours. Ainsi il donna une
agréable imitation de YOrlando inamorato du
Boïardo, une traduction fort abrégée des Aven-
tures de Guzman d'Alfarache, le plus célèbre
des romans picaresques (voy. Aleman), trop
long dans l'original et que l'auteur français sut
rendre amusant. Il rédigea encore les Aven-
tures de Robert Chevalier, dit de Beauchêne,
d'après des papiers fournis par la veuve de
Beauchêne. On lit à ce sujet dans un journal
tenu par un curieux du temps ; « Le Sage, auteur
de Gil Blas, vient de donner (janvier, 1733) la
vie de M. de Beauchêne , capitaine de flibus-
tiers. Ce livre ne saurait être mal écrit, étant
de Le Sage ; mais il est aisé de s'apercevoir, par
les matières que cet auteur traite depuis quelque
temps, qu'il ne travaille que pour vivre, et qu'il
n'est plus le maître, par conséquent, de donner
à ses ouvrages du temps et de l'application. Il y
a six à sept ans que laRibou ( veuve du libraire)
lui a avancé cent pistoles sur son quatrième vo-
lume de Gil Blas, qui n'est point encore fini et
qui ne le sera pas de si tôt. » Le Sage en effet
travaillait pour vivre, et si cette nécessité lui fit
produire des œuvres peu dignes de lui, ne re-
grettons pas qu'elle l'ait forcé d'achever Gil Blas.
Le quatrième volume de cet ouvrage n'offre pas
la vivacité et l'intérêt des trois premiers; mais
909
LE SAGE
910
on y trouve la même observation fine, la même
philosophie indulgente. On aime à voir Gil Blas
revenir avec une ironie sans amertume sur les
traces de son passé, retrouver un peu changes,
mais non corrigés, quelques amis de sa jeunesse
vagabonde, le docteur Sangrado, qui mêle un
peu de vin à son eau, et le poète Fabrice qui fait
encore des vers à l'hôpital, et enfin après s'être
mêlé une fois encore aux vices, aux ridicules,
aux folies du monde, aller se reposer au sein du
bonheur domestique, au milieu de ses enfants
qui jouent sur les vertes pelouses du château de
Lirias, et s'égayer par la lecture d'un de ses au-
teurs favoris, Horace, Lucien, Érasme. Les
teintes plus douces, un peu tristes même, du qua-
trième volume de Gil Blas ne déparent donc
pas les vives couleurs des trois premiers, et
achèvent de faire de ce roman un tableau com-
plet de la vie humaine.
Après Gil Blas on ose à peine parler des
dernières productions de l'auteur : l'Histoire
d' Estevanille Gonzalès , imitée de l'espagnol (1);
— Le Bachelier de Salamanque, qui rappelle
■de temps en temps Gil Blas; — Une Journée
des Parques, dialogue philosophique, où l'on
trouve de l'esprit et des idées hardies; — La
Valise trouvée et Le Mélange amusant, qui ne
méritent aucun souvenir. L'année même de la
publication de ce dernier ouvrage, Le Sage per-
dit son fils, Montménil, qui était la consolation et
l'appui de sa vieillesse. «Trop vieux pour travail-
ler; trop haut pour demander, et trop honnête
pour emprunter, dit Voisenon, » il se retira avec
sa femme et sa fille chez un autre de ses fils, qui
était chanoine à Boulogne-sur-Mer. C'est là, dans
une petite maison , qu'il passa ses dernières an-
nées. Il était sourd. Cette infirmité, qui remontait
à sa jeunesse, devint complète avec l'âge ; mais si
elle l'éloigna du monde, elle ne le priva pas d'un
petit cercle d'amis. Il y portait une gaieté qu'il
conserva même lorsque son corps et son esprit
s'affaiblissaient sous le poids des années. C'est
Voisenon et le comte deTressan,deux amis bien-
veillants de sa vieillesse, qui l'attestent. Tressan
rapporte aussi une singulière particularité sur le
déclin intellectuel de l'illustre romancier. « M. Le
Sage, dit-il, se réveillant le matin dès que le
soleil paraissait élevé de quelques degrés sur
l'horizon, s'animait et prenait du sentiment et de
la force , à mesure que cet astre approchait du
méridien ; mais lorsqu'il commençait à pencher
vers son déclin, la sensibilité du vieillard, la lu-
mière de son esprit et la sensibilité de ses sens
diminuaient en proportion ; et dès que le soleil
était plongé sur l'horizon, M. Le Sage tombait
(1) L'ouvrage original est intitulé : Vida y Heckos de
Eslevanillo Gonzalez, hombre debuen hwnor, compuesta
por il mismo ; Anvers, 1646; Madrid, 1652 : c'est l'auto-
biographie d'un bouffon qui avait été longtemps au ser-
vice d'Ottavio Piccolomini, le grand général delà guerre
de Trente Ans, mais une auto-biographie si pleine de
fictions que Le Sage eut peu de peine à la transformer
en roman.
dans une sorfc de léthargie, dont on n'essayait
pas même de le tirer. » L'auteur de Gil Blas et
de Turcaret s'éteignit dans sa quatre-ving-
tième année, et le comte de Tressan, alors com-
mandant en Boulonais et en Picardie , se fit un
honneur d'assister aux obsèques avec tout son
état-major. Le Sage de son vivant n'avait
pas été mis à s;) place. L'obscurité de sa vie pri-
vée, la vulgarité de la plupart de ses pièces dra-
matiques et de plusieurs de ses romans , l'ex-
posèrent aux dédains d'auteurs contemporains,
qui ne le valaient pas; mais la postérité l'a bien
vengé, en le mettant au rang des inventeurs les
plus ingénieux et des plus habiles peintres de
mœurs , au-dessous du seul Molière. Ses écrits
sont intitulés : Lettres gâtantes d'Aristénè'c,
traduites du grec ; Paris (sous l'indication de
Rotterdam), 1695, 2 vol. in-12; —des quarante-
deux lettres que contient cette traduction, vingt-
quatre furent insérées par l'auteur dans sa Va-
lise trouvée; — Théâtre espagnol contenant: Le
Traître puni, comédie en cinq actes et en prose
(de Franc, de Roxas) et Dom Félix de Men-
doce, comédie en cinq actes et en prose (de
Lope de Vega); traduit de l'espagnol, 1700,
in-12; — Nouvelles Aventures de l'admirable
don Quichotte , traduit de l'espagnol d'Avella-
neda; Paris, 1704, 2 vol. in-12; — Crispin ri-
val de son maître , comédie en un acte et en
prose; Paris, 1707, in-12; — Le Diable boi-
teux; Paris, 1707, in-12; nouvelle édition, cor-
rigée, refondue et augmentée des Entretiens
des Cheminées de Madrid; Paris, 1726, 2 vol.
in-12; — Turcaret , comédie en cinq actes et
en prose, avec la critique de Turcaret par
le Diable boiteux, dialogue en prose, servant
de prologue et d'épilogue; Paris, 1709, in-12;
— Histoire de Gil Blas de Santillane; Paris,
1715, 2 vol. in-12; nouv. édit., augmentée
d'un troisième volume, Paris, 1724, 3 vol,
in-12 ; nouv. édit. , augmentée d'un quatrième
vol.; 1735, 4 vol. in-12. Gil Blas .à eu de
très - nombreuses éditions et a été traduit
dans toutes les langues de l'Europe ; parmi ces
éditions nous citerons celle de P. Didot, Paris,
1819, 3 vol. in-8°, avec un Examen de la ques-
tion de savoir si Le Sage est l'auteur de Gil
Blas, ou s'il l'a pris de l'espagnol, par Fran-
çois de Neufchàteau; et celle de Lefèvre, Paris,
1820, 3 vol. in-8°, avec un Examen préli-
minaire, de nouveaux sommaires des cha-
pitres et des notes historiques et littéraires,
par François de Neufchàteau ; parmi les traduc-
tions on distingue celle de Smollett en anglais, et
celle du P. Isla en espagnol ; — Le Thédire de
la Foire, ou l'Opéra-Comique, contenant les
meilleures pièces qui ont été représentées aux
foires de Saint-Germain et de Saint- Laurent ;
enrichi d'estampes en taille douce, avec une
table de tous les vaudevilles et autres airs
gravés, notés à la fin de chaque volume;
Paris, 1721-1737, 10 vol. in-12. Les neuf pre-
911
miers volumes de ce recueil sont composés
presque entièrement de pièces de Le Sage et de
ses collaborateurs ; le dixième volume contient
des pièces deCarol et. Les piècesdeLe Sage, seul
ou en société, sont au nombre de soixante-qua-
tre, dont on trouvera la liste dans Quérard;
mais il faut remarquer que ce recueil ne com-
prend pas toutes les pièces de ce genre de Le
Sage ; — la Petite Bibliothèque des Théâtres
lui en attribue cent une; — Le Théâtre de la
Foire, moins les pièces de Carolet, a été réim-
primé; Paris, 1737,8 vol. in-12; — Roland
l'amoureux, poème, traduction libre de l'i-
talien; Paris, 1717-1721, 2 vol. in-12;— -His-
toire de Guzman d'Alfarache, nouvellement
traduite et purgée des moralités superflues;
Paris, 1732, 2 vol. in-12; — Aventures de
M. Robert Chevalier, dit de Beauchesnc, ca-
pitaine de flibustiers dans la Nouvelle-
France; Paris, 1732, 2 vol. in-12; — Histoire
d'Eslevanille Gonza lès, surnommé le Garçon
de bonne Humeur, tirée de l'espagnol; Paris,
1734, 2 vol. in-12 ;—TJne Journée des Parques;
1735, in-12; — Le Bachelier de Salamanque,
ou les mémoires del). Chérubin de la Ronda;
Paris, 1736,2 vol.in-l2; — La Valise trou-
vée; Paris, 1740, 2 part, in-12; — Mélange
amusant de saillies d'esprit et de traits his-
toriques des plus frappants; Paris, 1743,
in-12. Selon Lenglet-Dufresnoy (Bibliothèque
des Romans), Le Sage a retouché le style des
Mille et un Jours, contes persans trad. par
Petis delà Croix (1710). Il n'existe qu'une édi-
tion des Œuvres complètes de Le Sage ; Paris,
1828, 12 vol. in-8°; mais on a plusieurs éditions
de ses œuvres choisies; entre autres celle de
Mayer, Paris, 1810, 16 vol. (moins les pièces
de la Foire), in-8°, etcellede Buchot, Paris,1818-
1821, 14 vol. in-12. Le Théâtre compléta été
publié à Paris, 1774, 2 vol. in-12. On a
plusieurs éditions du Théâtre choisi. L. J;
Beuchot, Notice sur Le Sage, en tête de l'édit. de 1818-
1821. — Audiffret, Notice historique sur A.-R. Lesage,-
Paris, 1822.— Pdtin, Éloge de Le Sage; l'aris, 1822. — Ma-
litourne, Éloge de Le Sage; 1822. — Spence, Anecdotes;
Londres, 1820,- Walter Scott, Biographical Notice; dans
les Miscellaneous JVorks, vol. 111 (édit. Baudry, 1887).—
Vlllemain, Littérature française du dix-huitieme siècle,
t. I. — Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t 11. — Bio-
graphie Bretonne,— Ticknor, History of Spanish Litè-
rature , édit. de Londres, 1849;, t. I, 66 ; II, 103, 879; 111,
60, 65, 103, 249.
LESAGE DE montménil (René-André),
comédien français , fils aîné du précédent, né
à Paris, le 31 juillet 1695, mort à La Villette
(près Paris), le 8 septembre 1743. Son père le
destinait à l'état ecclésiastique (ou au barreau,
suivant certains biographes), et le jeune Le Sage
porta quelque temps le costume d'abbé; mais sa
vocation l'entraîna vers une autre carrière : il dé-
buta au Théâtre-Français le 28 mai 1726. Il n'y
fut pas d'abord bien accueilli, et dut aller se for-
mer en courant la province. De retour à Paris,
il obtint le plus grand succès dans les rôles co-
LE SAGE 912
miques. Il jouait d'une manière inimitable
Turcaret , l'avocat Patelin , et en général les
valets et les paysans. Le Sage, qui avait eu à se
plaindre des acteurs et qui détestait en particulier
les comédiens du Théâtre-Français, fut longtemps
à pardonner à son fils d'avoir pris cette profes-
sion. Mais, un jour, des amis le menèrent à une
représentation de Turcaret. Il y vit sa plus vi-
goureuse création comique admirablement inter-
prétée par son fils , et sentit renaître son affec-
tion paternelle. Il se réconcilia si bien avec
Montménil que la mort subite de ce fils fut la
plus grande douleur de sa vieillesse (1).
Audiffret, Notice sur Le Sage.
le sage (Georges- Louis ), littérateur fran-
çais, né le 9 janvier 1676, à La Colombière, près
de Conches, en Bourgogne, moitié 5 février
1759, à Genève. En 1684, il fut emmené en An-
gleterre par sa famille, qui était protestante ; une
sentence du bailliage de Montcenis, en date d'août
1687, condamna le cadavre de son père, comme
mort sans sacrements, à être exhumé et jeté à la
voirie, sentence cassée du reste par le parle-
lement de Dijon. Il fit ses études à Genève, re-
nonça, par indépendance de caractère, à embras-
ser la carrière ecclésiastique , ce qui donna oc-
casion de décrier ses mœurs , et retourna en
1700 en Angleterre, où il se voua à l'instruction
de la jeunesse. En 1711 il alla rejoindre ses pa-
rents à Genève, et y passa le reste de sa vie, à
l'exception d'un voyage qu'il fit à Paris sous la
régence. D'une nature douce et tranquille, il avait
plus d'esprit que de science et plus d'originalité
que de profondeur. On lui doit un grand nombre
de publications , dont la plupart ont trait à la
philosophie; nous citerons : Le Mécanisme de
l'Esprit, ou la morale naturelle dans ses
sources, discours qui explique les divers
mouvements de V amour-propre; Genève,
1699, 1700; 4e édit., 1718; — LaReligiondu
Philosophe , ou sentiments raisonnables sur
diverses matières de religion et de morale;
Londres, 1702-1709, 2 part.; — Essai sur les
caractères d'une vocation divine; Amsterdam,
1708 ; — Aphorismata philosophica, sive spéci-
men philosophise ecclecticee /Londres, lrepart.,
1711 ; Genève, 2e part., 1714-1715, sorte de ré-
sumé des leçons que l'auteur donnait à l'école
libre de Westmoreland ; — Court Abrégé de
Philosophie par aphorismes ; Genève, 1711,
in-12; — Remarques sur l'Angleterre /dites
par un voyageur dans les années 1710 e^ 1711;
\'l)Le Sage eut encore deux fils : Le Sage ( Julien- Fran-
çois),nêà Paris, lc24avrlll698,mortà Boulogne, le 25 avril
1762; pourvu d'un petit canonient à Boulogne, il donna
un asile à ses parents. — Le Sage de Pittënec, né à Pa-
ris, le 22 février 1700, mort vers 1765. II se fit aeteur,
comme son frère Montménil, dont il était loin d'avoir le
talent, courut la province et l'Allemagne sous le nom de
Pltténec, et se retira ensuite à Boulogne, où il mourut
dans l'obscurité et, à ce que l'on croit, dans la misère;
Le Sage eut aussi une fille, Marie-Elisabeth, née à Paris,
le 9 août 1702 ; elle survécut à toute sa famille, et mou-
rut à l'IiOpital de Boulogne.
913
LESAGE
914
Amsterdam (Rouen), 1713, 1715; —Pensées
détachées stir la Grammaire, la Rhétorique
et la Poétique; Genève, 1721 ; — Des Études;
ibid., 1726; — Des Corps terrestres et des Mé-
téores ; 1730; — Court Abrégé de Physique;
Genève, 2e édit., augmentée, 1732; — De l'É-
conomie; ibid., 1747, in-12; — Les Principes
naturels des actions des hommes; ibid., 1747,
in-12; — L'Esprit des lois ; ibid., 1752, in-12;
—LaChaîne des Études ; ibid. , 1755,in-12,etc;
P. L— Y.
Papillon, Bibloth. des Auteurs de Bourgogne. — Sé-
nebier, Hist. littér. de Genève. — Prévost, Notice de la
Vie et des écrits de Le Sage; Genève, 1802. — Mémoires
de Trévoux.
lesage ( Georges-Louis ), physicien suisse,
d'origine française, fils du précédent, né à Ge-
nève, le lojuin 1724, mort dans la même ville,
le 9 novembre 1803. 11 commença ses études
avec son père, qu'il fatiguait de ses questions,
« voulant toujours savoir le comment du com-
ment, et le pourquoi du pourquoi, » selon l'ex-
pression de son père. Le jeune Lesage apprit la
physique sous Calandrini, les mathématiques
sous Cramer, et se lia avec de Luc. Lorsqu'il fut
d'âge à embrasser une profession , il hésita entre
la théologie et la médecine, et se décida pour la
dernière, qu'il étudia sous Daniel Bernoulli, à
Bâle. Il vint ensuite à Paris, où il suivit les cours
des plus célèbres professeurs. Pour subvenir à
ses dépenses , il donnait des leçons particulières.
En même temps , il s'occupait de physique. Le
15 janvier 1747, il écrivait à son père : « Eû-
py\Y.a , Eîipr,xa ! Jamais je n'ai eu tant de satis-
faction que dans ce moment, où je viens d'expli-
quer rigoureusement par les simples lois du
simple rectiligne celles de la gravitation uni-
verselle, qui décroît dans la même proportion que
les carrés des distances augmentent... Peut-être
cela me procurera-t-il le prix proposé par l'Aca-
démie des Sciences de Paris sur la théorie de
Jupiter et de Saturne. » Cette espérance ne se
réalisa pas. C'était en lisant les Leçons élémen-
taires d' Astronomie de Lalande que Lesage
s'était jeté dans ces sortes de recherches, con-
vaincu de la vérité de ce principe que le physi-
cien peut expliquer mécaniquement toute l'as-
tronomie. Son père aurait voulu qu'il pratiquât la
médecine à Genève; mais l'obstination qu'il avait
mise lui-même à réclamer la bourgeoisie comme
un droit et non comme une faveur l'avait empêché
de l'obtenir, et sans cette qualité on ne pouvait
exercer la médecine à Genève. Lesage y renonça
donc, et se voua à l'enseignement. Il composa
pour le prix académique un Essai sur les forces
mortes ; le succès ne couronna point encore sa
tentative. En 1750 il devint professeur de ma-
thématiques, ce qui lui assura enfin une exis-
tence indépendante. En 1756 il fit insérer dans
le Mercure de France une Lettre à un Acadé-
micien de Dijon, dans laquelle il s'élevait avec
force contre la manière alors en usage d'expli-
quer la pesanteur. En 1758 il partagea le prix
proposé par l'académie de Rouen sur les affini-
tés chimiques. Son mémoire a été imprimé sous
ce titre : Essai de Chimie mécanique ; 1758,
in-4°. Ses nombreux travaux lui causèrent des
insomnies qui le privaient de la raison par inter-
valles; en outre, il devint presque aveugle en
1762. Lesage a beaucoup écrit ; mais il a fait peu
imprimer. Dès 1753 il annonçait à D'Alembert
qu'il avait d;ms sa bibliothèque trente-huit mé-
moires, fruits de ses méditations, sur les ma-
thématiques, la géométrie et la physique. «Il
prenait plaisir, disent MM. Haag, à entasser ma-
tériaux sur matériaux, et le temps lui manquait
pour les mettre en œuvre. Il s'exprimait et ré-
digeait avec difficulté. » Reçu bourgeois de Ge-
nève en 1770, il devint correspondant de l'Aca-
démie des Sciences de Paris et associé de la
Société royale de Londres. On connaît de lui :
Loi qui contient, malgré sa simplicité, toutes
les attractions et répulsions, chacune entre
les limites conformes aux phénomènes (dans
le Journal des Savants d'avril 1764 ) ; — Suf-
frages britanniques relatifs à la Physique
spéculative ( dans la Bibliothèque Britanni-
que, vol. VIII et IX ) ; — Réflexions sur la
manière d'estimer la pesanteur à deux dis-
tances différentes de la surface de la terre
pour servir de réponse aux démonstrations
proposées par le père Bertier ( dans le Jour-
nal des Beaux-Arts de novembre 1772 et fé-
vrier 1773); — Réflexion sur une nouvelle
expérience du père Bertier qui prouveroit
que la pesanteur atigmente à mesure qu'on
s'éloigne de la terre ( dans le Journal de Phy-
sique de novembre 1773);— Expériences et
Vues sur l'intensité de la pesanteur dans
l'intérieur de la terre (ibid., tome VII); —
Lettre sur le rapport du vuide au plein dans
un espace occupé par des sphères égales
( dans le Journal Encyclopédique de mars
1782 ) ; — Réflexions sur la loi de continuité,
soit dans la physique en général, soit à l'é-
gard de la pesanteur en particulier et à l'é-
gard de sa cause ( dans les Opuscoli scelti ,
1784, p. 3). On trouve des articles de Lesage
dans un grand nombre de recueils scientifiques. Il
a donné l'article Inverse à la grande Encyclopé-
die , et a publié Lucrèce Newtonien dans les
Mémoires de l'Académie de Berlin pour 1784
réimprimé à la suite de la notice sur la vie et
les écrits de l'auteur, rédigée d'après ses notes,
par Pierre Prévost, et suivie d'un opuscule de
Lesage Sur les Causes finales , publié déjà à
part par Reverdil , d'extraits de sa correspon-
dance avec divers savants et personnages illus-
tres, etc.; Genève, 1805, in- 8°. Lesage a ajouté
des notes à un ouvrage de l'abbé Mann Sur les
différentes méthodes de préserver les édifices
des incendies ; 1778, in-8°. Après sa mort, plu-
sieurs articles trouvés dans ses papiers ont été
publiés dans les Annales de Chimie et dans les
Archives Littéraires, par M. Prévost, qui en
915
1818 mit au jour un Traité de Physique méca-
nique, rédigé d'après Jes notes de Lesage. Parmi
les papiers de Lesage qui se trouvent à la biblio-
thèque de Genève , M. Prévost cite un Traité
sur les corpuscules ultramondains , une His-
toire de la Pesanteur, des écrits sur la Cohé-
sion, sur l'Élasticité, sur la Lumière, sur la
Logique , sur la Morale , une Téléologie, enfin
une Étude de lui-même- L. L — t.
P. Prévost , Notice sur la vie et les écrits de Lesage,
1803. — Sénebier, Hist. Litter. de Genève, t. III , p. 200.
— Arnault, Jiiy, Jnuy et Norvins, ISiogr. nouv. des Con-
temp. — Haag, La France Protestante,
lesage-sesaitlt (/.-//.), homme poli-
tique français, né à Lille, mort en 1823. Il fut élu
député du département du Nord à la Convention
nationale , où il vota la mort de Louis XVI , sans
appel et sans sursis , et se signala constamment
par l'exaltation de ses opinions démocratiques.
Envoyé en mission à l'armée du nord , en avril
1793, il rendit compte de la défection deDumou-
riez , et plus tard destitua le général Lavalette ,
protégé par Robespierre, ce qui le brouilla avec
ce dernier, contre lequel il se prononça vivement
le 9 thermidor. Il fut en conséquence placé au
nouveau comité de sûreté générale ; mais il ne
tarda pas d'être attaqué lui-même comme ter-
roriste. Il se distingua par sa fougue et ses em-
portements , au milieu de la lutte entre les restes
de la montagne et les thermidoriens. Dans les
séances des 27 et 29 décembre 1794, il fut rap-
pelé deux fois à l'ordre , pour avoir apostrophé
le président , en criant : « Assassine-nous ! » et
avoir dit à Girod-Pouzol, qui était à la tribune :
« Tu en as menti ». Accusé, en avril 1795, dans
un rapport de Pémartin sur les événements du
12 germinal, il repoussa ces inculpations , et fut
justifié par Riou et Legendre, qui firent écarter
la demande de son arrestation. A la fin de la
session , il réclama la liberté de Duhem , Choy-
dieu, Chaylus et autres démocrates exaltés.
Violent, passionné, hors de toute mesure dans
ses discours comme dans ses actions, Lesage-
Senault tint dans le Conseil des Cinq Cents la
même ligne que dans la Convention. Le 12 avril
1796, au milieu d'une discussion très-vive qui
s'éleva sur l'impunité dont jouissaient les égor-
geursdes terroristes dans le midi ,il s'élança sur
leurs défenseurs, en vint aux mains avec eux, et
fut reporté à sa place tout meurtri et couvert de
contusions. Le 8 octobre, il excita un nouveau
tumulte dans le Conseil , par une sortie violente
contre les royalistes , qu'il dit se multiplier par-
tout, dans les autorités constituées, dans le
Directoire même et dans les Conseils. Sorti du
corps législatif en mai 1797, il devint quelques
mois après président de l'administration cen-
trale du départementdu Nord, etfuten 1798 réélu
député de ce même département, au Conseil
des Cinq Cents. Lesage-Senault rentra au corps
législatif avec la même exaltation de ses senti-
ments démocratiques ; il s'opposa au rétablis-
sement des impôts indirects et des maisons
LESAGE — LE SAIGE 91 6
1 de prêts sur gages, désignées sous le nom de
J monts-de-piélé ; pendant l'été de 1799, il se joi-
; gnit au parti démocratique, qui reprenait le des-
! sus, concourut à faire supprimer dans le serment
! civique la formule de haine à l'anarchie , dont
les royalistes abusaient, disait-il -, il vota pour la
j déclaration de la patrie en danger, qui était aussi
une formule pour réinstituer en partie le gou-
vernement révolutionnaire. Dans la séance du
19 brumaire à Saint-Cloud, il fut un des repré-
sentants qui se prononcèrent avec le plus d'é-
nergie contre le coup d'État qui s'accomplissait.
Il fut exilé du corps législatif avec environ
soixante autres membres des deux Conseils ;
puis déporté quelque temps aux îles de la Cha-
rente-Inférieure. Après avoir vécu dans la re-
traite sous le gouvernement impérial, il se vit
obligé de quitter la France, par suite de la loi
d'amnistie du 12 janvier 181 G. Lesage-Se-
nault se retira dans les Pays-Bas, et mourut à
Tournay. H. Lesueur.
Moniteur universel, années 1789-1793, passim. — La-
martlne, Histoire des Girondins — Thlers , Histoire de
la Révolution française, l. 111 et IV, passim.— MahuI,
Annuaire Nécrologique, année 1823.
lesage (Hervé-Julien), littérateur fran-
çais, né à Alzel, en 1757, mort à Paris, le 4 sep-
tembre 1832. 11 entra en 1777 dans l'abbayedes
Prémontrés de Beau-Port, et fut nommé en 1779
prieur du couvent de Boqueho. Il se montra fort
hostile aux idées révolutionnaires, refusa le ser-
ment, et émigra. Il ne rentra dans sa patrie qu'en
1802, et reprit son ancienne cure. On a de lui :
Opinion sur le Prêt du Commerce; 1805. Cet
ouvrage fut attaqué par l'abbé E. Pages dans sa
Dissertation sur le Prêt à intérêt, etc. (Avi-
gnon, 1819, in-8°; Lyon et Paris, 1826, in-8°).
Lesage répondit par une Lettre à M. Pages,
ou Observations modestes; Saint-Brieuc, in-18,
et dans L'Ami de la Religion ; — Notice sur
l'abbé Lecbech, curé de Plouha; 1830; —
Exposition de la Morale chrétienne, trad. du
P. Hammer, 1817, 2 vol. in-12. Le P. Lesage a
laissé inachevés : Manuel du Catholique; —
Mémoires sur le diocèse de Saint-Brieuc ; —
Lettres sur les causes de la Révolution et de
l'Émigration, etc. L— z— e.
L'Ami de la Religion, 1832. — Quërard , La France
Littéraire,
le saige (Jacques), voyageur français, mort
à Douai, le 11 février 1549. Il était marchand de
draps de soie dans cette ville, où il avait pour
enseigne, en 1525, d'un côté les armes du pa-
triarcat de Jérusalem, et de l'autre celles du
royaume de Jérusalem , avec cette devise : Laie
soit Dieu. J'en suis revenu. Il entreprit le
voyage de Rome et de Jérusalem, et parait avoir
fait précédemment celui de Saint-Jacques de
Compostelle, en Galice. 11 était chevalier de
Saint-Jean-de-Jérusalem, et joignait à la dévotion
un amour prononcé pour le vin et la bonne
chère. On a de lui un ouvrage intitulé : Chy
sens uy vent les gistes , repaistres et despens,
LE SAIGE — LESCALLIER
918
nie moij Jasques Le Saige, marchant de draps
de soye, demourant à Douay, ay faict, de
Bouay a Hierusalem, Venise, Rhodes, Rome,
Notre-Dame de Lorete. Avec la description
des lieux, portz, cites, villes et aultres pas-
saiges, que moy Jasqttes Le Saige a y /aie t la
mil chincq cens XVI II, avec mon retour ;
Cambrai, sans date, in-4°, gothique, de cent
sept feuillets. Une autre édition plus récente est
un petit in-4°, gothique, de soixante-dix-huit
feuillets. On ne connaissait que cinq exemplaires
de ces deux éditions lorsque M. Duthillœul en
a donné une nouvelle, sous ce titre : Voyage de
Jacques Le Saige de Douai à Rome, Notre-
Dame de Lorette, Venise, Jérusalem et au-
tres saints lieux ; Douai, 1851, in-4°. Le Saige
nous apprend, au dernier feuillet de son livre,
qu'il a fini de l'écrire le 11 juillet 1523.
E. Regnard.
Foppens, Bibliotheca Belgica.— Du l h ill ceu 1, Jacques
Le Saige et les éditions de son livre, en tête de l'édition
de 1851.
LE SATLX. FOT/.ESPANAY.
lesîîoxax (AecrêùvaE ), philosophe et rhé-
teur grec , fils de Potamon de Mytilène, vivait
sous Auguste, vers la fin du premier siècle avant
J.-C. Il fut l'élève de Timocrate et le père de
Polémon, précepteur et ami de Tibère. Suidas
prétend qu'il composa plusieurs ouvrages de
philosophie , mais il ne le mentionne ni comme
orateur ni comme rhéteur. Malgré le silence de
Suidas, on ne peut guère douter que le philosophe
de Mytilène ne soit le même que le Lesbonax
auteur des MeXetocI prJToptxat et des 'Ept«mxat
imaxola.'. mentionnés par le scoliaste de Lucien,
et que le Lesbonax dont il existait du temps de
Photius seize discours politiques. II ne nous
reste que deux de ces discours; l'un est intitulé
Tlepï toù tioXsu,ov> KoptvSîcov (Sur la guerre des
Corinthiens) et l'autre npoxpETmxoç Xôyoç (Exhor-
tation aux Athéniens). Ce sont de pures com-
positions de rhétorique , mais dont le style rap-
pelle assez heureusement les orateurs attiques
de la meilleure époque. Ces discours ont été in-
sérés dans les collections des orateurs grecs
d'Aide, de Henri Estienne, de Reiske, de Bek-
ker, de Dobson. C. Orelli eu a publié une édi-
tion séparée; Leipzig, 1820, in-8° (1). Y.
Suidas, au mot AecëwvaÇ. — Scoliaste de Lucien , De
Saltat., 69. — Photius, Bibl., cod. 74.
lesbothémis ( Aeffë68eu.i<; ), statuaire grec,
d'une époque incertaine. D'après son nom, on
pense qu'il était natif de Lesbos. C'est le seul
artiste grec qui appartienne à cette île. Eupho-
rion, dans son traité Hepl 'Io-8fiîwv-, mentionnait
de Lesbothémis la statue d'une muse tenant à
la main une lyre ( ca\i£\r/.-i) ) d'une forme anti-
que. Y.
(1) Un grammairien du même nom/mais d'une époque
plus récente, a composé un traité sur les figures, publié
par Walckenaër, à la suite de son édition d'Aromonius,
et inséré dans le Thésaurus de H, Estienrle ( édit. de
Londres).
Athénée, IV, p. 182; XIV, p. 635. — Meinekc , Evpho-
rion, ii. Si, et dans ses Anal. Alex., p. 67.
LESUitoiTSSAiiT ( Jean- Baptiste), littéra-
teur belge, d'origine française, né à Tilly-Saint-
Georges (Picardie), le 21 janvier 1747, mort à
Bruxelles, le 10 décembre 1818. Il fut professeur
au lycée de Bruxelles et membre de l'Institut
des Pays-Bas. Ses principaux écrits sont : Éloge
historique du prince Charles de Lorraine,
couronné par l'Académie de Bruxelles; Bruxelles,
1781, in-8° ; — Éloge de VigiUus de Zuichem ,
accompagné de notes historiques sur les
troubles des Pays-Bas; Gand, 1781, in-8°; —
Éloge de Jeari de Carondelet , suivi de notes
historiques ; Bruxelles, 1786, in-4°; — Annales
de Flandre, du père d' Oudegherst , enrichies
de notes; Gand, 1789, 2 vol. in-8"; — Galerie
historique des Contemporains; Bruxelles,
1817-1819, 8 vol. in-8° : il était spécialement
chargé de la partie littéraire de cet ouvrage :
Julien était chargé de la partie politique, et
Gérard van Lenneps des littérateurs et savants
hollandais. J. Y.
Arnault, Jay, Jouy, Biogr. nouv. des Contemp.
lescails.e (Jacques), poëte flamand, né en
lC10,morten 1677. Il était d'une famille gene-
voise qui s'était réfugiée en Hollande pour cause
de religion. Lui-même était imprimeur-libraire,
et les éditions des ouvrages qu'il publia sont
remarquables par la netteté des caractères et
l'exactitude du texte. La plus grande partie de
ses œuvres fut consumée en 1671, lors de l'in-
cendie de l'imprimerie de Blaeu : il ne reste de
Lescaille qu'un recueil de vers flamands « qui
montrent, dit Paquot , qu'il avoit porté sa muse
à un haut degré d'élévation et de politesse ».
Paquot, Mém.
lescaille ( Catherine ), surnommée la
Sapho hollandaise, poétesse flamande, seconde
fille du précédent, née en 1649, morte le 8 juin
1711. Elle consacra sa vie à la littérature, et
mourut de la gravelle sans avoir été mariée.
Parmi ses principales productions on cite les
tragédies Genseric; — Wenceslas ; — Hérode
et Mariamne; — Hercule et Déjanire; —
Nicomède; — Ariadne; — Cassandra. Le
recueil des Poésies de Catherine Lescaille a
été publié par son beau-frère, le libraire Rank,
en 1728. E. D— s.
Moréri, Le grand Dictionnaire historique. — Paquot,
Mémoires pour servir à l'histoire littéraire des Pays-
Bas, t. V, p. 71-73.
L'ESC A LE. Voy. SCALIGER.
lescallier ( Daniel), écrivain maritime
français, né à Lyon, le 4 novembre 1743, mort
au mois de mai 1822. Après avoir fait un séjour
de cinq années en Angleterre, il partit pour
Saint-Domingue avec le comted'Estaing, en 1764.
Çhargéd'une mission dans l'intérieurdecepays.il
dressa une carte ainsi que le plan de la ville de
Santo-Domingo. De retour en France en 1766, il
entradans l'administration de la marine, etdevint
commissaire de la marine en 1776. En 1780 il
919 LESC ALLIER —
partit pour l'île de Grenade (Antilles), en qualité
de commissaire des colonies. Deux ans après,
il fut nommé ordonnateur des colonies de la
Guyane hollandaise, Démérary, Berbice et Esse-
quebo, que les Français venaient de reprendre
aux Anglais. En 1784 il remit ce pays aux Hol-
landais, et à son retour il reçut une pension
pour les services qu'il avait rendus. En 1785 il
devint ordonnateur de la Guyane française,
avec le rang de commissaire général. Revenu en
1788, il s'occupa du gréement des vaisseaux. Au
commencement de 1790, il fut adjoint au comité
de marine de l'Assemblée constituante. En 1792
il partit pour l'Ile de France en qualité de com-
missaire civil des établissements français au delà
du cap de Bonne -Espérance. Il fit un traité avec
Madagascar, et posa des bases législatives et
d'administration en plusieurs endroits. A son
retour en France, en 1797, Lescallier géra le bu-
reau des colonies , fut nommé ordonnateur de
marine de première classe, et chargé de former
un grand établissement maritime à Corfou ;
mais il ne put parvenir à destination, les îles
Ioniennes étant tombées aux mains d'une flotte
turco-russe. Après le 18 brumaire, Bonaparte
appela Lescallier au conseil d'État , où il fut
chargé des colonies. Il reçut plusieurs missions,
et fut envoyé à la Guadeloupe comme préfet co-
lonial. Il y rétablit la tranquillité , et revint en
France par les États-Unis. En février 1806 il fut
nommé à la préfecture maritime de Gênes, d'où il
passa en 1808 à celle du Havre. En 1811 il par-
tit comme consul général pour les États-Unis;
le bâtiment qui le portait fut pris par un vaisseau
anglais. Ramené en Angleterre, Lescallier trouva
le moyen de s'échapper, et garda son titre decon-
sul général jusqu'en 1815. 11 fut alors éloigné
des fonctions publiques , et eut à discuter des
comptes avec l'administration. Il avait été nommé
correspondant de l'Institut lors la formation de
ce corps. On a de Lescallier : Vocabulaire
des termes de marine, anglais français et
français-anglais; Paris, 1777, in-4°; 1797,
3 vol. in-4°; — Enlèvement du navire
Bounty, commandé par le capitaine Bligh,
trad. de l'anglais; 1790, 1792, in-8°; — Traité
pratique des Vaisseaux et Bâtiments de i
mer; Paris, 1791, 2 vol. in-4°; — Exposé
des moyens de mettre en valeur et d'admi-
nistrer la Guyane ; 1791, 1798, in-8°; — No-
tions sur la culture des terres basses dans
la Guyane; in-8° ; — Essai méthodique et
historique sur la tactique navale, trad. de
l'anglais de Jean Clerk; Paris, 1792, in-4°; —
Voyage en Angleterre, en Russie et en Suède,
fait en 1775; Paris, 1800, 2 vol. in-8°; —
Description botanique du Chirantodendron,
arbre du Mexique, traduit de l'espagnol ; 1805,
in-4° ; — Bakhtiar Nameh, ou le favori de
la fortune, contes traduits du persan; 1805,
in-8°; — Le Trône enchanté , contes indiens,
traduits du persan; New- York, 1808, 2 vol.
LESCALOPIER
920
in-8" ; — Contes indiens, traduits du persan,
en français et en italien; — Neh-Manzer, ou
les neuf loges, conte oriental, traduit du per-
san; — Dissertation sur Vorigïne de la
Boussole; — Bases de l'administration ma-
ritime, ou projet pour V amélioration de cette
partie , proposé au gouvernement; Paris,
1819, in-8° ; — Mémoire au roi et aux cham-
bres par le baron Lescallier; Paris, 1820,
in-8°. J. V.
Notice sur la vie et les travaux de M. le baron Les-
callier, par lui-même 3 Paris, 1820, in-8». — annales ma-
ritimes et coloniales; 1822, 2e partie, pages 415-497. —
Mahul, Annuaire Nécrologique, 1822.
lescalopier (Pierre), philologue français,
né à Paris, en 1608, mort à Dijon, le 6 août
1673. Il entra dans l'ordre des Jésuites, et en-
seigna la rhétorique à Reims pendant douze ans.
Il devint ensuite professeur d'Écriture Sainte à
Dijon, où il mourut. On a de lui : Humanitas
theologica, in qua M. T. Cicero, De INatura
Deoram, argumentis , expositionibus , illus-
trationibus, nunc primum insignis in lucem
prodit, eademque opéra quidquid homo solo
rationis lumine de Deo percipere potuit,
ex omni antiquitate in apertum proferlur;
Paris, 1660, in-fol. On trouve dans ce com-
mentaire diverses dissertations sur la théologie
d'Aristote, sur celle d'Homère et sur'celle des
anciens Gaulois. D'Oli vet prétend queLescalopier
a beaucoup emprunté à deux commentateurs de
Cicéron, Pietro Marso et Sextus Betuleius, et
que son travail propre, si on en retranchait les
choses superflues et puériles, foi nierait un petit
volume; — Scholia, seu brèves elucidationes
in librum Psalmorum , ad usum et commo-
dum omnium qui psalmos cantant vel ré-
citant. Adduntur Scholia in cantica Bre-
viarii romani; Lyon, 1727, in-8°, ouvrage
posthume publié par le P. Thiroux. Z.
Moréri, Grand Dictionnaire Historique.— D'OIivet,
préface de sa traduction du traité de Cicéron De Ifatura
Deorum.
lescalopier de nourar ( Charles- Ar-
mand ), traducteur français , né à Paris, le
24 juillet 1709, mort dans la même ville, le
7 mars 1779. Il était maître des requêtes. On a
de lui : L'Aminte du Tasse, pastorale, traduite
en prose; 1735, in-12; — Traité du Pouvoir,
du Magistrat politique sur les choses sacrées,
traduit du latin de Grotius ; 1751, in-12; — His-
toire des capitulaires des rois françois sous
la première et la seconde race , traduite du
latin deBaluze; La Haye (Paris), 1755, in-12;
— De la République , traité de Jean Bodin,
ou traité du gouvernement ; Londres et Paris,
1756,2 vol. in-12;— Les Écueils du Sentiment ;
1756, in-12; — Le Ministère du Négociateur ;
Amsterdam, 1763, in-8° ; — Recherches sur l'o-
rigine du Conseil du roi; Paris, 1765, in-12.
Il a donné une édition des Œuvres diverses
de l'abbé Cliva, qu'il a fait précéder d'un éloge
historique de cet auteur; 1758, in-8°. J. V.
921
LESCALOPÏER —
Desessarts, Les ^Siècles Littéraires de la France. —
Quérard, La France Littéraire.
lescan (Agnès- François ), navigateur fran-
çais, né à Brest, en 1728, mort en 1794. Il entra
fort jeune dans la marine marchande, et mérita,
par la manière distinguée dont il se comporta
dans plusieurs occasions, l'honneur, très-rare
alors, d'être employé comme officier auxiliaire
dans la marine royale. Ce fut en cette qualité
qu'il fit, sous les ordres de Laclus, la campagne
du Canada, et qu'il se trouva au siège de Québec.
Rentré dans la marine marchande, il dut à son
courage, à ses talents et à sa probité, différentes
expéditions qu'il termina avec succès. En 1778,
il fut nommé lieutenant de frégate, commandant
la flûte du roi La Baleine, armée de vingt-quatre
pièces de canons. En 1781, faisant partie de l'es-
cadre du comte de Guichen, chargé de l'escorte
d'un convoi considérable, il s'aperçut, malgré
une brume épaisse, que la queue de ce convoi
se trouvait presque entre les mains de l'ennemi,
sans qu'on pût lui porter secours. N'écoutant
que son devoir, le brave Lescan coupa la ligne
anglaise, fit feu de toutes ses pièces, et fut
criblé de boulets et de mousqueterie. Cette vi-
goureuse résistance donna le temps à l'escadre
de se réunir, et il fut secouru au moment où il
était près de couler à fond. Il fut nommé, en ré-
compense, chevalier de Saint-Louis et capitaine
de vaisseau. A. de L.
Gérard , Fies et Campagnes des plus célèbres Marins
français, p. 235 ; Paris 1825, in-12.
lescakbot (Marc ), voyageur français, né à
Ver vins, vers 1590, mort vers 1630. Il était avocat
au parlement de Paris, nouvellement marié, et
pourvu d'une bonne clientèle , lorsque l'idée de
fonder une colonie française protestante l'en-
traîna à suivre René de Laudonnière , gentil-
homme poitevin et bon officier de marine, qui
allait, sous les auspices de l'amiral de Coligny,
porter des secours aux colons français débar-
qués dans la Floride. Un grand nombre d'ou-
vriers et plusieurs gentilshommes, la plupart
protestants , voulurent faire partie de l'expédilion
et s'embarquèrent au Havre ( Franciscopole) ; ils
firent voile de ce port le 22 avril 1564, et arri-
vèrent le 22 juin dans la rivière des Dauphins, où
le capitaine Laudonnière apprit des naturels le
départ des colons. Alors il renvoya trois de ses
navires en France et Marc Lescarbot, qui ne
voyait aucune condition de réussite dans un pays
neuf, profita de cette occasion pour se rapatrier.
PJus tard il était secrétaire de l'ambassade de
France en Suisse. On a de lui : Tableau des
treize Cantons; 1618,in-4°, envers; — Voyages
de Champlain annotés ; — La Chasse aux An-
glais dans l'île de Rhé et au siège de La Ro-
chelle; Paris, 1629, in-8°. A. deL.
Basanier, Voyage des Français en la Floride. —
Champlain; Voyages, Uv. I, chap. 111.
lescène des maisons (Jacques ), littéra-
teur français, né à Granville, en 1750, mort le
LESCHASSIER 922
10 octobre 1808. Fils d'un officier de marine,
il fit ses étude9 au collège d'Harcourt à Paris,
se chargea de l'éducation d'un jeune lord, passa
plusieurs années en Angleterre, et visita l'Italie
avec son élève. Il fut ensuite attaché aux léga-
tions françaises dans quelques cours du Nord.
Revenu en France avant la révolution, dont il
embrassa les principes, il fut élu en 1789 un des
officiers municipaux de Paris, et eut la police
dans ses attributions. Nommé en 1790 juge de
paix du faubourg Montmartre, ce fut sur une
adresse qu'il rédigea que l'Assemblée consti-
tuante supprima l'octroi de Paris, en février 1791.
Au mois de mai, Louis XVI le choisit pour un
des trois commissaires médiateurs qu'il envoya
rétablir la paix dans lecomtat Venaissin. Forcé
de se cacher pendant la Terreur, Lescène fut
nommé secrétaire général de l'intendance de la
liste civile en 1804, et c'est en cette qualité qu'il
fit l'inventaire des diamants de la couronne. On
a de lui : Histoire de la dernière révolution
de Suède, précédée d'une analyse de V histoire
de ce pays; Paris, 1781 ; Amsterdam, 1782,
in-12; — Le Contrat conjugal, ou lois du ma-
riage, delà répudiation et du divorce; Neu-
châtel, 1785, in- 8°; — Essai sur les travaux
publics ; Paris, 1786, in-8°; — Histoire se-
crète des amours d'Elisabeth et du comte
d'Essex; Paris, 1787, in-8°; — Qu'est-ce que
les parlements en France? La Haye, 1788,
in-8° ; — Histoire politique de la révolution
de France, ou Correspondance entre lord
D*** et lord T*k* ; Londres (Paris), 1789, 2 vol.
in-8°; — Compte rendu aux assemblées na-
tionales au nom des commissaires civils du
comtat Venaissin; Paris, 1791-1792, in-8°; —
L'île des Amis , ou le retour du capitaine
Cook, opéra en deux actes en vers, arrangé sur
diverses musiques italiennes et représenté au
théâtre de Monsieur en 1790. J. V.
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des
Contemp. — Quérard, La France Littér.
leschassier (Jacques ), jurisconsulte fran-
çais, né à Paris, en 1550, mort le 28 avril 1625.
Avocat au parlement de Paris, et ensuite substitut
du procureur général, ilsuivitlacausede Henri IV,
et publia entre autres : De la Représentation
aux lignes supérieures ; Paris, 1598, in-8° ; —
Du Droit de. Nature en général. De la Loy sa-
lique, etc.; Paris, l601,in-8°; — Observation
de la Digamie; Paris, 1601 , in-8°; — De la
Liberté ancienne et canonique de l'Église
gallicane; Paris, 1606, in-8° ; — Consullatio
Parisini cujusdam de controversiis inter
sanctitatem Pauli V et Republicam Venetam;
1 607, in-8° ; cet écrit, dirigé contre le pape, valut
à son auteur une magnifique chaîne d'or, qui lui
fut remise par la république de Venise ; — La
Maladie de la France; Paris, 1618, in-8°; —
De Vocabulis ad geographiam juris Romani
pertînentibus ; 1619. Ces ouvrages ont. été re-
cueillis avec d'autres écrits dans ses Œuvres ;
923
LESCHASSIER
Paris, 1649, in-4°; nouvelle édit., augmentée,
Paris, 1652, in4°. E. G.
Taisand, Fies des plus célèbres Jurisconsultes, éditions
de 1721 et 1737.
LESCHENAULT DE LA TOUR [Jean-Bap-
iiste- Louis-Claude-Théodore), voyageur et na-
turaliste français, né à Châlons-sur-Saône , le
13 novembre 1773, mort à Paris, le 14 mars 1826.
Il était le second fils de Théodore Leschenault,
conseiller procureur du roi au siège présidial
de Châlons-sur-Saône.' Incarcéré avec sa famille
en 1793, d'après la loi sur les suspects, puis re-
lâché en septembre 1 794 après le 9 thermidor,
il entra comme employé dans l'administration
des transports militaires. Son père étant mort à
Paris, à la fin de 1798, le jeune Leschenault obtint
un congé en juin 1799 pour se rendre dans cette
capitale, où l'appelaient des affaires de famille.
On préparait alors l'expédition du capitaine
Baudin: l'histoire naturelle avait été l'objet spé-
cial des études de Leschenault pendant tous ses
moments de loisir ; son séjour à Paris l'avait mis
en rapport avec plusieurs savants distingués. Le
23 fructidor an vin (10 septembre 1800), il fut,
sur la présentation d'une commission de l'Ins-
titut, nommé botaniste en chef, et quitta le Havre,
dans le mois d'octobre de la même année, à bord
de la corvette Le Géographe. Il prit part jusqu'en
1803 aux travaux de l'expédition; mais, étant
tombé malade à Timor, il dut, d'après l'avis
des médecins , rester dans cette île , pour s'y
rétablir. De Timor il se rendit à Batavia , dans
le mois de juin de la même année. Toujours
souffrant et privé par la guerre de tout moyen
de retour dans sa patrie, Leschenault profita d'un
séjour forcé de trois années à Java , pour étudier
cette île , qu'aucun naturaliste n'avait encore
bien explorée. Grâce à la protection du gouver-
neur hollandais de Samarang , il se procura
les moyens de pénétrer dans l'intérieur de Java,
dont il parcourut presque toute l'étendue, « n'é-
pargnant ni soins ni dépenses pour rassembler
et conserver tout ce qu'il rencontrait de re-
marquable ». C'est pendant ce long séjour qu'il
lui fut possible d'étudier à fond la langue malaise
et de réunir les matériaux d'un dictionnaire
qu'il espérait publier plus tard. Parli de Java à
la fin de 1806, Leschenault s'arrêta quelques
mois à Philadelphie ; il revint en France au
mois de juillet 1807, rapportant une riche collec-
tion et des observations intéressantes. La collec-
tion avait été déposée au Muséum d'Histoire
naturelle. Il résulte du rapport présenté, le 14 oc-
tobre 1807, par G. Cuvier, au nom de la commis-
sion chargée de l'examiner, que « le séjour que
M. Leschenault a été contraint de faire à Java a
considérablement augmenté l'utilité de la dernière
expédition (celle du capitaine Baudin), en nous fai-
sant connaître les productions intéressantes de
cette grande île, où les autres naturalistes n'avaient
pas abordé ». Le rapporteur concluait en propo-
sant de solliciter du gouvernement pour Les-
LESCHENATJLT 924
chenault une récompense ou pension analogue à
celle qui avait été accordée à MM. Péron et Le-
sueur. Conformément à cette proposition, un dé-
cret du 3 novembre 1807 accorda à Leschenault
une pension de 1,800 fr. à titre de récompense;
le 28 août 1808, un autre décret lui allouait une
somme de 10,000 fr. à titre d'indemnité des frais
« que lui avait occasionnés la maladie qu'il a es-
suyée dans le cours de ses voyages et pour la
collection qu'il a rapportée au Muséum du Jar-
din des Plantes ». De retour à Paris, Lesche-
nault s'occupa de mettre en ordre les observa-
tions recueillies pendant les six années de ses
voyages; trois mémoires furent publiés dans les
Annales du Muséum d'histoire naturelle, an-
nées 1810 et 1811 (tomes XVI, XVII et XVI 11) :1e
premier, Sur le Strychnos tieute et l'Anliaris
toxicaria, plantes vénéneuses de l'île de Java,
avec lesquelles les indigènes empoisonnent
leurs flèches, et sur l'Andira Harsfieldii,
plantemédicinaledumêmepays ;le deuxième est
une Notice sur un lac d'acide sulfurique qui se
trouve au fond d'un volcan du mont Idienne,
dans la province de Bagnia-Vangni (cote
orientale del'îlede Java); le troisième et le plus
important traite De la Végétation de la Nou-
velle-Hollande; il a été imprimé dans le deuxième
volume du Voyage aux Terres australes de
MM. Péron et Freycinet. Enfin, il fournit au mi-
nistère de la marine un grand nombre de notes
et mémoires sur Java , lorsque par suite de la
réunion de la Hollande cette colonie devint pos-
session française. Le manuscrit de son Diction-
naire malais étant terminé, M. de Montalivet en
autorisa l'impression à l'Imprimerie impériale
sous la direction de M. Langlès. Les événements
de 1814 et 1815 puis la mort de Langlès en
suspendirent la publication commencée. Le
22 juin 1811, Leschenault fut nommé inspec-
teur particulier des dépôts de brebis mérinos,
organisés par le décret du 8 mars précédent.
Sur l'ordre du ministre de l'intérieur, il rédigea
une Notice sur l'Epizootie (la pourriture)
qui a régné en 1812 sur les troupeaux de
bêtes à laine des départements méridionaux
de l'empire ( Paris, de l'Imprimerie impériale,
1813, in-8°de 20 pages). Mais ces travaux ne
suffirent pas à son activité.
Leschenault avait bien souvent rêvé un voyage
dans l'Inde; la chute del'ompire, en rétablissant
la paix des mers et les relations avec l'Angleterre,
lui permettait de réaliser son projet. Après avoir
obtenu, parle patronagedu célèbre Joseph Banks,
toutes les recommandations dont il avait besoin
pour visiter l'Indoustan britannique et Ceylan,
il s'embarqua, le 17 mai 1816, porteur d'une, com-
mission qui le nommait naturaliste dans les éta-
blissements français de l'Inde. Son voyage dura
six. ans. Après avoir étudié à Pondichéiy l'état
physique de la colonie, le système de culture et
d'industrie des Indiens de la côté et les ressources
que pouvaient offrir le climat et le sol, il visita
925
LESCHENAULT
92(5
successivement Karikal et Trinquebaf. En 1818
il se porte à l'ouest au milieu des terres, pour
se rendre à Salem ; de là il expédie à l'île Bour-
bon des plantes et des graines utiles à cette co-
lonie, et qui s'y sont multipliées depuis. Au mois
d'octobre, il se dirige vers le centre des mon-
tagnes des Gates; le choléra sévissait alors
dans cette partie de l'Inde, et frappa de mort
plusieurs des Indiens de sa suite. Leschenault
tombe lui-même dangereusement malade à Coim-
betore, où l'on désespère de sa vie; une crise
heureuse le sauve, mais, trop faible pour conti-
nuer sa roule, il quitte cette ville, et reprend la
route de Pondichéry. Des collections considé-
rables et la possession de plusieurs animaux vi-
vants, au nombre desquels était l'éléphant que
pendant de longues années le public a pu voir
au Jardin des Plantes, furent les résultats de
cette excursion, opérée dans de si fâcheuses cir-
constances. A peine rétabli, Leschenault.retourne
à Coimbetore, parcourt de nouveau la chaîne
des Gates, et rentre à Pondichéry avec une col-
lection plus nombreuse encore d'animaux et de
plantes; une partie de ces dernières fut expédiée
pour l'ile Bourbon. Toujours infatigable, il entre-
prend, en septembre 1819, le voyage du Ben-
gale, d'où il adresse directement à Bourbon plu-
sieurs plantes économiques, en joignant à son
envoi des instructions sur la manière de les cul-
tiver. Au mois d'avril suivant, il dirige ses re-
cherches vers le sud , dans le royaume de Tan-
jaor, dont le riz forme la principale culture. Il
voit, non sans étonnement, chez le souverain de
cet État une bibliothèque nombreuse, contenant
au milieu d'autres livres français une Encyclo-
pédie méthodique. 11 visite ensuite le district de
Madura, intéressant par ses beaux monuments
d'antiquité indienne et par ses cultures de co-
tonniers, traverse les montagnes de Cotlalam , à
dix lieues du cap Comorin, et s'embarque enfin à
Tutti-Corrin pour se rendre à Colombo dans
l'île deCeylan; six mois entiers furent employés
par lui à visiter cette île. Après un court sé-
jour à Colombo, il s'enfonça dans l'intérieur des
terres, « vaste forêt, écrivait-il à son frère, où
l'on ne peut pénétrer que par de rares sentiers;
les chemins sont affreux, mais l'on est dédom-
magé de ses fatigues par la beauté de la végé-
tation qui couvre le sol jusqu'au sommet des plus
hautes montagnes ».
Atteint de la dyssenterie , Leschenault trouva
néanmoins l'énergie nécessaire pour continuer
le cours de ses travaux. C'est dans une des explo-
rations aux environs de Kandy qu'il découvrit, à
quelques lieues de cetteancienne capitale, dans une
belle pegmatite, le feldspath nacré de Ceylan,
recherché des lapidaires sous le nom de pierre
de lune, que personne jusque alors n'avait trouvé
dans sa gangue, et il put étudier la culture du
cannellier, et faire parvenir à Pondichéry plus
de cent, pieds de cet arbre précieux, malgré les
difficultés que présentait son exportation, inter-
dite sous les peines tes plus sévères. L'intro-
duction du cannellier de Ceylan dans les colonies
françaises était un des buts de son voyage. Il
quitta Ceylan en février 1821, revint à Pondi-
chéry, passa à Bourbon pour y présider à l'ac-
climatation de ses envois, et partit en février
1822 pour la France, qu'il avait enrichie de ses
envois successifs (1). Le 27 août 1822, Lesche-
nault reçut la croix de la Légion d'Honneur, et
huit mois plus tard il partait pour l'Amérique,
et visitait le Brésil , Cayenne et la Guyanne hol-
landaise. L'introduction de l'arbre à thé à
Cayenne, plusieurs envois précieux au Muséum
et des rapports remarquables sur l'établissement
de la Maria et la colonie de Surinam furent les
résultats de ce voyage. Mais cette vie active avait
usé la santé, si robuste, de l'intrépide voyageur.
Revenu malade, le 9 novembre 1824, après dix-
huit mois d'absence , Leschenault sentit le be-
soin de mettre un terme à sa vie errante ; il avait
clans ses trois voyages, et pendant l'espace de
quinze années, parcouru plus de trente mille
lieues. Il jouissait enfin du repos au milieu de sa
famille et de ses nombreux amis , lorsqu'il mourut
d-'apoplexie, à l'âge de cinquante-deux ans.
Un des principaux titres de gloire de cet infati-
gable voyageur, c'est d'avoir doté les colonies
françaises des végétaiïx les plus utiles à leur pros-
périté. Des listes imprimées en 1821 à Bourbon
par ordre du gouverneur portent à plus de cent
espèces le nombre de ceux dont l'acclimatation
est due à Leschenault, et parmi lesquels on peut
citer le cannellier de Ceylan, l'herbe de Guinée,
deux espèces de canne à sucre, six de coton-
nier, qui ont contribué à relever cette culture
dans la colonie, le nerium tinctorium, dont on
retire une espèce d'indigo, le bois de Santal, le
caféier du Bengale , l'hibiscus populeus, qui
réussit dans les terrains sablonneux du Sénégal,
et beaucoup d'autres arbres employés pour l'a-
limentation ou la construction. L'introduction
des moutons de l'Inde à Bourbon est encore
due à Leschenault.
(1) « La collection d'objets de zoologie envoyée par
St. Leschenault , dit le rapport au ministre, est certaine-
ment, après celle faite par les naturalistes qui ont ac-
compagné le capitaine Baudin idu nombre desquels était
M. Leschenault ) la plus belle que nous ayons reçue. »
Et plus loin: «Ce que nous avons dit de l'envoi de M. Les-
chenault suffit pour montrer combien il enrichit lecibinet
du Roi; mais nous n'avons pas parlé de ce qui donne un
prix extraordinaire à sa collection : c'est le manuscrit
qui l'accompagne ».... « Tous les animaux qui n'étaient
pas bien connus sont décrits; il indique avec soin les
lieux où l'animal se trouve , la manière dont il se nour-
rit, ses habitudes autant qu'il a pu les connaître , les
opinions populaires ou superstitieuses dont il est l'objet.
S'il est question d'animaux venimeux, il examine la na-
ture et les effets de leur poison; il rend compte des
expériences qu'il a faites, pour avoir à ce sujet des no-
tions positives; il fait connaître les moyens qu'on em-
ploie pour se guérir de leurs blessures »>.,.. « Enfin, on
peut affirmer que le manuscrit de M. Leschenault four-
nira aux professeurs du Muséum les renseignements
nécessaires pour remplir plusieurs'lacunes dans l'histoire
des animaux, même de ceux déjà connus. »
927
LESCHENAULT — LESGONVEL
928
Outre les mémoires et notices déjà indiqués,
Lesclienault de Latour a publié dans les tomes
VI, VIII, IX et XI des Mémoires du Muséum
d'Histoire naturelle, années 1820, 1822 et
1824 : — Mémoire sur les cultures des envi-
rons de Pondichéry ; — Relation d'un voyage
à Karïkal et à Salem; — Lettre à M. de Jus-
sieu , contenant quelques observations sur
diverses espèces d'Orties; — Notice sur le
Cannellier de l'île de Geylan, sur sa culture,
et sur ses produits, imprimée également à Bour-
bon ( Saint-Denis ) ; 1821, in-4°; — Relation
abrégée d'un voyage aux Indes orientales;
— Notice sur une nouvelle espèce de Vine-
iier (Berberis) des monts Nelly-Gerry dans
la péninsule de Vlnde; — Extrait d'une
lettre à MM. les professeurs du Muséum
royal d'Histoire Naturelle sur la nature des
terres qui environnent la rade de Rio-Janeiro ;
— Notice sur la roue du lapidaire dont on
se sert dans les Indes orientales pour tailler
les pierres fines; — Notice sur le Cocotier
et ses produits, et principalement sur ce qui
est relatif à l'extraction de l'huile.
J. Eugène Deschamps.
Vieilh de Boisjolin, Biogr. univ. et portât, des Con-
temp. — annales Commerciales et Maritimes, 1823. —
— Documents inédits.
LESCHÈS OU LESCHECS ( Ac'ffXYl? OU Aéa-
Xevç ), un des poètes cycliques grecs, fils d'iEs-
chylinus , né à Pyrrha, dans le voisinage de My-
tilène, vivait vers la 18e olympiade (704 avant
J.-C. ). On lui donne quelquefois le surnom de
Lesbien ou de Mytilénien, à cause du lieu de sa
naissance. Il composa un poëme en quatre chants
intitulé La Petite Iliade ( 'IXiàç yj EXocautov ou
'IXiàç [nxpâ ), qui, comme tous les autres poèmes
cycliques, a été attribué à différents auteurs, à
Homère lui-même, à Thestorides de Phocée, au
LacédémonienCynéthonet à Diodore d'Erythrée»
La Petite Iliade était une continuation de VI-
liade d'Homère ; elle rapportait les événements
qui suivirent la mort d'Hector, c'est-à-dire la
fin tragique d'Ajax, les exploits de Philoctète ,
de Néoptolème et d'Ulysse, la prise et la des-
truction de Troie. Cette dernière partie de l'é-
popée s'appelait la Destruction de Troie (IXiou
Tre'pdiç ). Il n'y avait aucune unité dans ce poëme,
dont les divers épisodes étaient simplement vat-
tachés par l'ordre chronologique. Aussi, d'après
Aristote, La Petite Iliade avait fourni des su-
jets pour huit tragédies, tandis qu'on ne pouvait
fonder qu'une seule tragédie sur L'Iliade et sur
Y Odyssée. Le poème de Leschès ne nous est
connu que par l'analyse de Proclus ; il compre-
nait des événements déjà célébrés dans YsE-
thiopis d'Arctinus-, ce qui a fait supposer entre
les deux poètes une lutte directe, un combat
poétique, qui ne s'accorde pas avec la chrono-
logie : Arctinus vivait soixante-dix ans environ
avant Leschès. Y.
Proclus , Chrest., dans la Bibl. de Photius. — Pausa-
nias, X, 25. — Pseudo-Hérodote, Vit. Hom., 16.—
Arist., Poet, 23 — Welcker, Der Epische Cyclus,v. 272,
358, 368 — O. Millier, Hist. of Greeh, llb. V|,3.
leschevin de pkécour (Philippe-Xa-
vier ), chimistefrançais , né à Versailles, le 16 no-
vembre 1771, mort à Dijonrle 6 juin 1814. Fils
d'un premier commis du contrôle de la maison
du roi , il avait du goût pour la physique et la
chimie, et suivit avec ardeur les cours de chimie
de Sage, de Darcet et de Fourcroy, les leçons
de physique de Brisson et celles de minéralogie
de Daubenton. Nommé, en 1794, contrôleur des
poudres et salpêtres à Colmar, il passa succes-
sivement en qualité de commissaire à Vincennes,
à Luxembourg , à Trêves , puis à Dijon, où il
mourut avec le titre de commissaire en chef des
poudres et salpêtres. On cite parmi ses ouvrages :
Instruction sur les nouveaux poids et me-
sures; 1798, in-s° ; — Mémoire sur le Chrome
oxyde natif du département de Saône-et-
Loire; 1810; — Notice sur la présence du
Zinc et du Plomb dans quelques mines de fer
en grain de la Bourgogne et de la Franche-
Comté; 1812; — Voyage à Genève, en Sa-
voie, etc.; 1812, in-8°; — des traductions de
l'allemand ( ouvrages du chimiste Trommsdorf) ;
— -une nouvelle édition du Chef-d'œuvre d'un
inconnu, avec des notes et une notice sur l'au-
teur; 1807. Leschevin avait été un des principaux
rédacteurs des Annales de la République pu-
bliées par Laveaux; 1799, 6 vol. in-8°. J. V.
Amanthon, Notice sur la vie et les ouvrages de Les-
chevinde Préeoar,- dans le Mag.Encyclop., 1814, tome IV,
et dans le Journal de la Côte d'Or, même année.
lesclache ( Louis de ), grammairien fran-
çais, né vers 1620, près de Clermont ( Auvergne),
mort à Lyon, le 17 août 1761. Il était institu-
teur ; mais sa vie est inconnue. On a de lui :
Cours de Philosophie expliquée en tables,
gravées par Richer;1650, 1652; — L'Ordre
des principales choses dont il est parlé dans
la philosophie , qui est divisée en cinq par-
ties; in-16; — Des Avantages que les femmes
peuvent retirer de la philosophie, qui est di-
visée en cinq parties ; in-16; et Paris, 1667,
in-12; — Les Fondements de la Religion
chrétienne ; ib., 1663, in-4°; — Les véritables
Règles de l'Ortografe franceze, ou l'art d'ap-
prendre en peu de temps à écrire correcte-
ment; ib., 1668, in-12. L— z— e.
Quérard, La France Littéraire.
lesconvel ( Pierre de), historien et ro-
mancier français , né dans son château ( dn>
cèse de Saint-Pol-de-Léon ), vers 1650, mort à
Paris, en 1722. Sa vie est restée obscure ; il
n'est connu que par ses œuvres. On a de lui
Abrégé de THistoire de Bretagne de Ber-
trand d'Argentré; Paris, 1685, in-12;
Aventures de Jules César et de Murcie dans
les Gaules; Paris, 1695, in-12; — La Com-
tesse de Chateaubriand , ou les effets de la
jalousie; Paris, 1695, in-12; 4e édit., Paris,
1724, in-12. « Ce roman, dit Barbier, a été faus
sèment attribué à la comtesse de Murât.
929
LESCONVEL — LESCOT
930
« Rien, ditLenglet-Dufresnoy, n'était plus propre
que cette héroïne, maîtresse de François 1er,
roi de France, pour en faire un bon morceau;
mais elle n'est pas tombée dans des mains assez
délicates et intelligentes. » — Nouvelle His-
toire de France depuis Pharamond jusqu'à
présent; Paris, 1G98, 2 vol. in-12. Elle fut
supprimée par arrêt du parlement, et ce fut, sui-
vant l'abbé Lenglet, un vrai service rendu à
Fauteur; — Anecdotes secrètes des règnes de
Charles VI II et de Louis XII. etc.; La Haye,
1741, in-12 : la première partie contient les
amours supposés de Charles VIII en Italie, et
la seconde celles de Louis XII, alors duc d'Or-
léans, avec Anne de Bretagne ; — Junte, ou les
sentiments romains; Paris, 1695, in-12; —
Anne de Montmorency, connétable de France,
nouvelle historique; Paris, 1696, in-12; — Le
prince de Longueville et Anne de Bretagne ;
Paris, 1697, in-12 ; — Recueil de Contes ; 1698,
in-12; — Observations critiques sur /'His-
toire de François-Eudes de Mézeray ; Paris ,
1700 et 1720, in-12; — Le Sire d'Aubigny,
nouvelle historique; Paris, 1698,et Amsterdam,
1700, in-12; — Idée d'un Voyage doux et
heureux, ou relation du Voyage du prince
de Montberaud dans Vile de Naudely ; Paris,
1703, in-12, avec fig. L — z — e.
Le!on<r, Bibliothèque Historique de la France, t. H,
II0' 15759, 15834, 17460, 25545; t. III, n°s 31440, 35396;
suppl., t. I et IV, n°» 48040. — Quérard, La France Litté-
raire.
EESCO. Voy. Lesko.
lescot [Pierre), architecte français, né à
Paris, en 1510, mort en 1571. Les documents
biographiques manquent sur ce personnage. Tout
ce qu'on sait par une vague tradition, c'est qu'il
appartenait à la famille d'Alissy, si ce n'est plu-
tôt la famille d'Alessi , connue dans les arts en
Italie , au commencement du seizième siècle.
François Ier avait pensé plusieurs fois à rebâtir
le Louvre, qui tombait en ruines. Il avait été
fort contrarié des réparations considérables qu'il
avait fallu exécuter au château de Philippe-Au-
guste , pour le simple passage de l'empereur
Charles-Quint. Doter Paris d'un monument
digne de cette capitale était aussi une idée qui
lui souriait. 11 en avait été question entre lui et
Serlio , son architecte à Fontainebleau ; peut-
être même Serlio avait-il été appelé en France
pour substituer aux constructions gothiques un
projet d'architecture régulière. Quoi qu'il en
soit , des plans lui furent demandés , et furent
remis par lui : Lescot étudiait alors en Italie.
Mais l'artiste bolonais , peu satisfait de son tra-
vail, l'avait retiré. D'un autre côté, les suites
onéreuses du traité de Madrid, les complica-
tions de la politique au dehors et les premiers
ferments des guerres religieuses au dedans ,
avaient fait ajourner les brillantes préoccupa-
tions des beaux-arts. La disgrâce du connétable
Anne de Montmorency fut l'occasion qui ramena
à l'ordre du jour la réédification du Louvre.
NOUV. BIOGB. CÉNÉR. — T. XXX.
Exilé de la cour, le guerrier avait abandonné
Chantilly pour habiter son château d'Écouen, et
il y faisait une grande figure. Comme cette de-
meure, ouvrage de Jean Bullant, surpassait en
magnificence les résidences royales, le monarque
en fut jaloux, et, ne pouvant consentir à se voir
éclipsé par un sujet, il revint à son projet fa-
vori. Lescot était de retour; désormais fixé dans
sa patrie, il lui était réservé de l'illustrer par ses
talents. Il présenta des dessins. Serlio les vit,
les déclara préférables aux siens, et en conseilla
l'exécution ; rare exemple de modestie dans un
artiste et de justice rendue par un émule. Les-
cot était né Français ; sa conception se recom-
mandait par de bautes qualités ; la réalisation
en devait être honorable pour le pays et pour le
souverain : ses plans furent adoptés. Dès le
principe, il s'était assuré la coopération du
sculpteur Jean Goujon, cet autre lui-même pour
la manière de sentir et de rendre, avec qui,
vraisemblablement en Italie, il avait contracté
la plus étroite amitié. La portion du palais dont
il s'agit est celle qu'on nomme encore aujour-
d'hui le vieux Louvre, par opposition aux
constructions érigées à diverses époques pos-
térieures. Elle consiste dans le corps de bâti-
ment qui se dirige perpendiculairement au
cours de la Seine, depuis le pavillon dit de
V Horloge jusqu'à l'angle sud-ouest de la cour,
et dans le corps en retour, parallèle au lit du
fleuve, depuis le même angle jusqu'à l'entrée
méridionale. Commencée sous François Ier, en
1540, continuée sans interruption par son fils,
elle ne fut terminée qu'en 1548, un an après la
mort du premier. Ainsi dès l'origine le bâti-
ment dut se développer sur un quadrilatère,
soit celui dont la disposition primitive eût formé
deux côtés et qui n'aurait eu en surface que le
quart de la cour actuelle, soit celui qu'occupe
la totalité de cette cour. Mais, pour peu qu on
réfléchisse au* convenances de la destination et
aux exigences de l'art, on se convaincra que le
quadrilatère actuel dut être la pensée première.
L'achèvement de l'édifice ayant fait sacrifier
l'attique dans l'aile du midi, la composition ne
peut plus être jugée que sur celle du couchant,
c'est-à-dire sur un fragment dépourvu de ces di-
mensions qui ajoutent à l'effet artistique le pres-
tige de la grandeur matérielle. Néanmoins, tel
est le caractère de l'ordonnance architecturale
et des éléments décoratifs, que ce fragment
suffit pour faire apprécier tout le génie de l'ar-
tiste. Au rez-de-chaussée , une large disposition
de portiques, soutenant, sur des faisceaux de
colonnes d'un dorique ingénieusement composé,
l'immense voûte de la salle des gardes ; cette
salle, monumentalement terminée, d'un côté,
par une cheminée colossale en marbre blanc
couverte de sculptures, de l'autre, par la tri-
bune aux caryatides, chef-d'œuvre de Jean Gou-
jon, que surmonte le célèbre bas-relief de Ben-
; venuto Cellini, en bronze, et sous laquelle s'ou-
30
831
LESCOT
vrent les admirables portes, aussi en bronze ,
ciselées par Riccio ; au premier, une suite de salles
et de chambres spacieuses , formant le logement
du monarque et se distinguant principalement par
leurs boiseries sculptées ; au-dessus, un attique
desservant cet ensemble d'apparat ; les trois
étages liés entre eux par un escalier, où la sculp-
ture tient aussi une place dominante, tant sur
les berceaux de son cintre que sur les plafonds
de ses paliers; partout, entre les plans et les
élévations , une harmonie qui saisit le specta-
teur, des profils purs et fins, la sévérité unie à
l'élégance, des détails naïfs et grandioses, un
parti pris avec décision et en même temps avec
sagesse : voilà pour l'ordonnance architectoni-
que, comparable à ce que l'art classique nous a
transmis de plus parfait. Une rare précision
dans l'appareil des matériaux ; une attention
scrupuleuse à tirer parti des vieilles fondations,
des anciennes murailles et même des petites
distributions locales, quand elles s'adaptent à la
nouvelle reuvre, afin d'économiser des dépenses
et du temps ; les raccordements exécutés avec la
plus intelligente adresse : telles sont les qualités
qui complètent le talent et qui montrent dans
l'habile architecte un constructeur qui ne l'est
pas moins. Quant aux éléments décoratifs, si le
goût peut en être aussi excellent, l'emploi n'en
est pas réglé dans une mesure aussi heureuse :
la richesse y va jusqu'à la prodigalité, surtout
dans l'attique. Ce luxe n'est pas seulement con-
traire à la subordination des étages, le dernier
n'étant qu'une dépendance de nécessité , il nuit
encore aux apparences de la solidité, en plaçant
au haut de l'édifice les masses les plus pesantes.
On conçoit d'ailleurs comment l'artiste a été
entraîné à cet excès, et par la transition de la
surabondance gothique à la simplicité grecque,
et par le prétendu principe d'une progression
croissante d'un étage à l'autre. Lescot, qui
avait employé le corinthien à son rez de-chaussée
et appliqué à son premier un somptueux com-
posite, ne pouvant plus enchérir par l'architec-
ture, eut recours à la sculpture pour son attique.
C'est un défaut réel , mais compensé par de
telles beautés, que plus d'un maître a pu dire à
cet égard qu'on serait aux regrets de ne pas l'y
trouver. Nous n'avons pas à parler du mérite
de ces sculptures, attribuées à Jean Goujon;
rappelons seulement que dans nul édifice connu
le concours des deux arts ne produit un effet
plus un. Toutefois, nous ne voulons pas dire
que certains détails n'aient pas été confiés à
d'autres mains, ni même que cette coopération
auxiliaire ait été sans influence sur l'ensemble :
les bas-reliefs des frontons doivent sans doute
à Paul-Ponce Trebatti, sculpteur florentin et
disciple de Michel-Ange, quelque chose de la
fierté et de la résolution qui les distinguent;
mais l'adjonction de cet artiste appartient à
Jean Goujon, qui , chargé d'énormes travaux,
fut bien obligé d'emprunter l'aide de quelques
collaborateurs, conservant d'ailleurs la haute-
main sur le tout. Lescot dut être étranger à ces
choix accessoires. Dans les dispositions défini-
tivement adoptées pour l'achèvement du Louvre,
le troisième ordre à colonnes a prévalu sur l'at-
tique sculpté. Ce dernier système n'a été con-
servé qu'à la façade occidentale interne , par
respect pour l'œuvre primitive. Quant à la partie
externe, Lescot lui avait laissé la physionomie du
château -fort par les murs lisses, les fenêtres rares
et les angles flanqués.
Les talents et les services de Lescot lui va-
lurent les récompenses dont on honorait à cette
époque le mérite civil, et qui consistaient prin-
cipalement en bénéfices ecclésiastiques. 11 fut
nommé chanoine de l'église métropolitaine de
Paris, et abbé de Clermont. Dans la plupart des
livres écrits en France sur les arts depuis la Re-
naissance, il est désigné par la qualification à' abbé
de Claynij, nom qui lui Venait de ce qu'il pos-
sédait la seigneurie de Clagny près de Versailles.
Il reçut, en outre, le titre de conseiller des quatre
rois successifs François 1er, Henri II, François IF,
et Charles IX. [Miel, dans VEncycl. des G.
du M.]
J. Félibien, Rectfeil histor. de la Vie et des Ouvrages
des plus célèbres architectes —M Félibien, Hist. de la
Ville de Paris.— Quatremère de Qnino.y, Vies des plus
illustres architectes — Dulaure, Hist. de Paris. — L. Vi-
tet, Le Louvre. — Pingeron, Vies des Architectes mo-
dernes.
lescot (Simon ), chirurgien français, né à
Paris, mort le 7 septembre 1690. Il introduisit
en France l'art des injections avec les liqueurs
et la cire colorée dont Swammerdam s'était déjà
servi avec succès. Il démontra ainsi la distribu-
tion des artères, des veines et des autres vais-
seaux du Corps humain. Il était chirurgien de
Saint-Côme, et ses talents dans l'anatomie le
rendirent un des meilleurs opérateurs de son
temps. Il était chargé de la direction du grand
hôpital de Gênes, lors du bombardement de
cette ville par les Français, en 1684. On a de Les-
cot une dissertation sur la myologie,qu'on trouve
dans le Regnum Animale d'Emmanuel Kônig,
imprimé àBâle, en 1682 et 1698, in-4°. J. V.
Portai, Histoire de V Anatomie et de la Chirurgie. —
Éloy, Dictionnaire Histor. de la Médecine.
lescot ( -Charles ), ingénieur français , né
le 6 novembre 1759, à Pont-Sainte-Maxence,
mort en 1801. Sorti de l'École des Ponts et
Chaussées, il travailla d'abord au dessèchement
des marais de Rochefort. Le 27 ventôse en vm
il fut nommé ingénieur en chef et attaché à
l'armée d'Italie. Après la bataille de Marengo,
il fut désigné pour diriger la moitié de la route
du Simplon , sous l'inspection de Céard et du
général Turreau. Les difficultés presque insur-
montables du terrain, les neiges qui couvrent
la terre huil mois de l'année dans ces monta-
gnes, l'empêchèrent longtemps d'arrêter un tracé
définitif ( entre Brigg et Algaby). Les besoins
de son service l'ayant appelé à Milan, il partit
933 LESCOT -
sans s'arrêter aux dangers du passage, et dans j
la plus mauvaise saison de l'année, en nivôse.
Il fut atteint à sou retour d'une pleurésie qui
mit fin à ses jours. Houdouart fut chargé de la
continuation des travaux.
Documents particuliers.
lesccn ( Thomas de), connu aussi sous le
nom de maréchal de Foix, capitaine français,
né en Béarn, mort à Milan, en 1525. 11 était frère
d'André de L'Esparre et d'Odet de Lautrec, et
gouvernait la Lombardie pour ce dernier en
1521. Le 24 juin de cette année, il tenta de sur-
prendre Reggio, ville où commandait Guicciar-
dini l'historien; mais son projet échoua, et lui-
même fut fait prisonnier. Mis en liberté quelque
temps après, ses exactions contribuèrent autant
que les violences d'Odet de Foix (Lautrec) à
soulever le Milanais. Après la perte de la ba-
taille de La Bicoque, livrée le 29 avril 1522,
contre les Impériaux, Lescun se vit assiégé
dans Crémone; il signa le 21 mai une convention
par laquelle il s'engagea à évacuer toute la
Lombardie, s'il n'était pas secouru avant qua-
rante jours. Cette conduite généralement blâ-
mée, car Lescun avait encore des forces redou-
tables, fit perdre toute l'Italie aux Français.
Lescun se conduisit mieux dans la malheureuse
campagne qui se termina par la défaite de Pa-
vie. Il conseilla d'abord à François Ier de ne pas
se mettre en marche dans la saison l'hiver; plus
tard il lui conseilla d'éviter une bataille générale
contre les Impériaux, cette armée, formée de
nouvelles recrues, devant se dissoudre d'elle-
même et en peu de temps. Son avis fut rejeté ;
il ne lui resta plus qu'à combattre, et il reçut aux
côtés du roi une balle de mousquet dans le bas-
ventre. Fait prisonnier par les Espagnols, il
mourut cinq jours plus tard.
A. d'E— p— c.
F. Guiccianlini , Istoria d'italia, liv. XIV. p. 184-230.
— Sismondi, Fiist. des Républiques italiennes, c. cxm,
p. 473. — Histoire des Français, t. XVI, p. 129, 151,
156, ISS, 169, 220, 230,236. — Martin du Bellay, Mémoires,
liv. II, p. 318. — Belcarius, Comment., lib. XVII, p. 507.
— Paolo Paruta, .Storia venez.., 1. IV, p. 298. — Ta-
vanncs, Mémoires, t, XXVI, p 13.
'LESCUN [Jean-Paul de), jurisconsulte fran-
çais et un des chefs du parti protestant au
commencement du dix-septième siècle, né dans
le Béarn, et décapité à Bordeaux, le 18 mai
1622. Ses connaissances en jurisprudence, son
zèle pour les intérêts de ses concitoyens et de
ses coreligionnaires et l'énergie de son caractère
le firent nommer d'abord conseiller à la cour
souveraine du Béarn et plus tard conseiller d'É-
tat du royaume de Navarre. En 1616, il assista
aux conférences de Loudun, et l'année suivante
il fut chargé de présenter à Louis XIII les ré-
clamations des élats généraux du Béarn, qui,
dans une assemblée extraordinaire tenue à Or-
thez, avaient protesté contre l'arrêt du conseil
d'État du 15 juin 1617, ordonnant le rétablis-
sement de l'exercice du culte catholique dans le
Béarn et donnant main-levée des biens ecclé-
LESCURE 934
siastiques saisis autrefois par Jeanne d'Albret.
Ces protestations n'eurent aucun effet. Le 20 oc-
tobre 1620 un nouvel édit réunit la Navarre et
le Béarn à la couronne de France. Cependant
Lescun , sous le coup d'une sentence rendue
contre lui par le parlement de Pau, avait été
obligé de chercher un asile à Montauban.
Bientôt après, il assista à l'assemblée de Mil-
hau , et l'année suivante il fut député par les
églises réformées du Béarn à celle de La Ro-
chelle, qu'il présida du 25 décembre 1621 au
25 janvier 1622. Il se joignit alors à l'expédi-
tion conduite par Favas dans le Médoc, es-
pérant réussir à pénétrer dans le Béarn. Mais
Favas fut battu, et Lescun, obligé d'abandonner
son premier projet, prit la route de Clairac, où
il comptait trouver La Force. Tombé près de
Cozes dans un parti ennemi, il fut fait prison-
nier, après une vigoureuse défense, et conduit
à Bordeaux , où il fut condamné , comme cri-
minel de lèse-majesté, à avoir la tête tranchée.
On a de lui : Requête contre te livre intitulé :
Le Moine surveillant endormi; Paris, 1616,
in-8°. Le Moine était une satire violente contre
les protestants, publiée par un prêtre catho-
lique, sous le nom d'un fou de Pau, appelé Ba-
nere; _ Généalogie des Seigneurs souverains
de Béarn , empereurs , rois et autres princes
qui en sont descendus , avec les preuves ;
Paris, 1616, in-4°; — Avis d'un gentilhomme
de Gascogne à MM. des élats généraux du
royaume de Navarre et de la souveraineté
de Béarn, sur la main-levée des Mens ec-
clésiastiques obtenue par les évéques d'O-
léron et de Lescar ; Paris, 1617, in-8°; — Mé-
moires sur les oppositions aux poursuites
des évéques d'Oléron et de Lescar et les de-
mandes faites par les églises réformées du
Béarn depuis le 1er juin 1616 jusqu'au
13 avril 1617; Paris, 1617, in-8° ; — Deman-
des des églises réformées du royaume de Na-
varre présentées au roy ; Paris, 1618, in-8°;
— Défense contre les impostures, faussetés
et calomnies publiées contre le service du
roy et la souveraineté de Béarn ; contre l'au-
teur de deux libelles intitulés : Le Moine et
La Mouche; Orthez, 1618, in-8°; — La Persé-
cution des églises réformées de Béarn ; Mon-
tauban , 1620, in-8°; — Calamité des églises
de la souveraineté de Béarn ; La Rochelle ,
1621, in-8°. M. N.
MM-. Haas, La France Protest.
lesccke {Louis-Marie, marquis de) (1), gé-
néral vendéen, né dans le Poitou, le 13 octobre
1766, mort entre Ernée et Fougères, le 3 no-
vembre 1793. Sorti à seize ans de l'École Mili-
taire, il entra en 1791 dans la coalition des
(1) La famille de Lescure, dont le nom primitif était
Salgues, était originaire de l'Albigeois, et avait depuis
trois cents ans pris le nom de I.escure par suite d'un
mariage.
30.
935
gentilshommes du Poitou, coalition dont le but
était de s'emparer de la route de Lyon, et d'at-
tendre là les princes émigrés qui étaient en
Savoie. Cette entreprise ayant échoué, par
l'arrestation de Louis XVI à Varennes, Lescure
retourna dans ses terres. Bien qu'il n'approuvât
pas l'émigration , il fut entraîné par l'exemple
que lui donnait toute la noblesse, et, cédant aux
reproches qu'on lui adressait, il se rendit à
Tournay. Mais bientôt il revint en France pour
soigner son aïeule, qui touchait à son dernier
moment. Ce fut alors qu'il épousa mademoiselle
de Donnissant, fille unique du marquis de Don-
nissant, gentilhomme d'honneur de Monsieur.
Il se fixa à Paris afin d'être toujours à portée
de défendre le roi ; mais après avoir assisté aux
journées du 26 juin et du 10 août 1792, il fut
obligé de se retirer dans son château deClisson,
près Bressuire. La levée de trois cent mille
hommes ayant fait soulever la Vendée, Lescure
fut arrêté ainsi que toute sa famille et enfermé
dans les prisons de Bressuire, d'où il fut délivré
par les royalistes. De retour à Clisson, il de-
vint un des principaux chefs de l'armée ven-
déene. Le général républicain Quétineau étant
venu s'établir à Thouars, Lescure l'attaqua le
5 mai, mit en fuite les républicains et occupa la
ville de Thouars , entra dans Fontenay , le
25 mai, et le 10 juin s'empara de Saumur, où il
fut blessé au bras. Sur la proposition de Lescure,
Cathelineau (voir ce nom) fut nommé généralis-
sime des armées royales. Après une attaque infruc-
tueuse sur Nantes, le 29 juin, l'armée royaliste fut
dissoute, et Lescure se rendit clans le Bocage. Lors-
que les républicains eurent brûlé ses châteaux
d'Armaillou et de Clisson, Lescure se retira à
Bussière, fit sonner le tocsin, et parvint à réunir
quatre mille paysans et quatre pièces de ca-
non. La Rochejacquelein lui amena de Saumur
un nombre à peu près égal de combattants;
mais Westermann, à la tête de cinq mille
hommes, les força à évacuer Bussière pour dé-
fendre Châtillon ; le 16 juillet, l'armée républi-
caine s'avançant rapidement dans la basse
Vendée, les chefs royalistes réunirent toutes
leurs forces, s'élevant à quarante mille hommes.
Les deux armées se trouvèrent en présence le
19 septembre entre Tiffauges et Chollet. Les
Vendéens forcèrent les républicains à une re-
traite qui eût été désastrueuse sans une savante
mesure prise par Kleber, qui commandait les
troupes mayençaises. Lescure fit preuve de
courage aux affaires de Montaigu, de Clisson et
de Saint-Fulgens , les 21 et 23 septembre. Le
8 octobre il campait sur les hauteurs du Moulin-
aux-Chèvres, lorsqu'il fut attaqué par les généraux
Chabot et Westermann ; il commença par re-
pousser les républicains, mais l'aile gauche des
Vendéens fut mise en déroute, et la ville de Châ-
tillon fut enlevée par l'ennemi. Lescure se dis-
tingua encore à la reprise de cette ville qui eut
Jieu deux jours après. Le 15 octobre il marchait
LESCURE — LESCUREL 936
avec sa division sur la route de Mortagne pour !
se diriger sur Chollet, lorsqu'il rencontra l'avant-
garde des républicains dans les avenues du
château de La Tremblaye; s'étant porté en avant
pour reconnaître la route, il monta sur un
tertre, et découvrant tout près un poste des pa-
triotes, il cria à ses soldats : Mes amis, eu
avant! A peine eut- il prononcé ces mots, qu'il
fut atteint par une balle qui, entrant près du
sourcil gauche, sortit derrière l'oreille. Envoyant
tomber leur général, les Vendéens perdirent
courage ; ramassé par quelques-uns des siens et
par un domestique fidèle, qui s'aperçut qu'il
respirait encore, Lescure, malgré ses soulfrances,
fut porté à la suite de l'armée vendéenne, qui,
pressée de toutes parts, était obligée de passer la
Loire. Il trouva encore la force de diriger par
ses conseils ses compagnons d'armes , et leur
donna l'exemple de la résignation jusqu'à sa
mort, qui eut lieu à la suite d'une douloureuse
agonie, pendant une marche de l'armée.
Le marquis de Lescure avait sur les Vendéens
un grand empire, qu'il devait à son courage et à sa
piété; même dans les moments les plus critiques,
s'il rencontrait une croix sur sa route , il s'age-
nouillait, priait quelques instants ainsi que toute
sa troupe, qui se relevait à sa voix et s'élançait
au combat avec une nouvelle énergie.
M. de L. et A. J.
Mémoires de Mme la marquise de la Rochejaque-
leln; Paris, 1817. — Théodore Muret, Histoire des
Guerres de l'Ouest; Paris, 1848. — Crétineau-Joly,
Guerres de la Vendée. — De Courcelles, Dict kistor.
et bioqraph des Généraux français.
lescurel (Jehannot de), poète français
du quatorzième siècle. On ne sait rien de sa
vie, et ses œuvres ont été exhumées récemment.
C'est même par hasard que l'on connaît son
nom. Ses poésies se trouvent à la suite du ro-
man de Fauvel (n° 6812 des manuscrits fran-
çois de la Bibliothèque impériale ). Elles occu-
pent six feuillets, et sont écrites à trois colonnes.
Le premier couplet de chaque chanson est ac-
compagné de la musique, et les autres sont
écrits ccmme de la prose sans distinction de
vers (1). Dans la table générale du manuscrit on
lit l'indication suivante : « Item balades, ron-
deaux et diz entez sur refroiz de rondeaux, les-
quiex fist Jehannot de Lescurel, dont les com-
mencements s'ensuivent. » Cette courte mention
ne nous apprend rien sur l'époque où vivait
Lescurel ; mais il ne peut pas être postérieur au
milieu du quatorzième siècle, puisque le ma-
nuscrit est de cette époque. D'après un vers d'une
des chansons, M. de Montaiglon pense qu'il était
de l'Ile-de-France : ses poésies, peu nombreuses
(1) « ÎJans les deux dernières pièces, beaucoup plus
longues, dit M. de Montaiglon, et qui sont des espèces
de fatrasies, sans avoir l'obscénité de celles publiées par
Méon et par Jubinal, les vers sont distingués, et il n'y a
de musique qu'aux refrains, qui sont prisa d'autres poé-
sies, quelquefois même à celles de l'auteur, et qui sont
le cadre et l'échafaudage de ces pièces, comme les rimes
dans les bouts riinés. »
037
et assez futiles, offrent quelque intérêt : d'a-
fiord elles montrent des formes de versification
variées, et sont une preuve nouvelle que la
langue du quatorzième siècle était plus claire,
plus nette et plus souple que celle des deux
siècles suivants ; ensuite elles ne manquent ni
d'élégance ni de naturel. Les Chansons, Bal-
lades et Rondeaux de Jehannot de Lescurel ont
été publiés pour la première fois par M. de
Montaiglon; Paris (Bibliot. Elzev.), 1855, in-16.
N.
A. de Montaislon, Préjace de l'édition de Lescurel.
lesccyer de V Isle, troubadour du treizième
siècle; on ne connaît de lui qu'une pièce de vers,
où il déclare qu'il renonce à celle qu'il aimait,
puisqu'elle a abandonné l'honneur. G. B.
Ravnouard, Choix de Poésies des Troubadours, t. V,
p. 18 et 139.
lesdiguières (François de Bonne, duc
de), maréchal de France , né à Saint-Bonnet de
Champsaur, le 1er avril 1543, mort à Valence, le
2S septembre 1626. Sa famille était ancienne,
mais pauvre. Il perdit son père de bonne heure.
Un oncle se chargea des frais de son éducation.
Sa mère le destinait au barreau, et l'envoya au
collège d'Avignon, sous la conduite d'un précep-
teur, qui, lui voyant de l'inclination pour l'état mi-
litaire, se garda de contrarier ses goûts. Lorsqu'il
eut achevé ses humanités, le jeune Lesdiguières
vint à Paris, où il devait suivre les cours de
droit. La mort de son oncle lui ayant rendutoute
liberté, il retourna aussitôt dans le Dauphiné, et
s'engagea comme simple archer. Son précepteur
lui avait inculqué les opinions réformées, et Les-
diguières les avait embrassées avec tant d'ar-
deur qu'il parvint à son tour à convertir sa mère.
Quand la première guerre de religion éclata, il
entra dans une bande de protestants comme en-
seigne, et se fit remarquer au siège de Sisteron
et à la bataille livrée sur les bords du Drac, qui
délivra Grenoble. Il reçut alors le grade de gui-
don d'une compagnie de gendarmes. Il contri-
bua encore à la prise de Gap. A la paix, il se
retira auprès de samère, et épousa quelque temps
après, en 1566, Claudine de Béranger. Sachant
que les Gapençois marchaient pour le surprendre,
il leur tendit une embuscade, les battit, se saisit
de plusieurs places, traversa le Bhône, revint
dans le Dauphiné, et assista à la bataille de Mon-
contour, sous les ordres de Montbrun. Après
cette défaite, Lesdiguières se retira à Corps, où il
se maintint jusqu'à ce que Montbrun pût le dé-
gager. La paix conclue, Lesdiguières vint assister
au mariage du roi de Navarre. Son ancien précep-
teur l'avertit du piège tendu aux protestants; il
en fît part au roi de Navarre, qui le rassura. Par
bonheur une maladie de sa femme le rappela
dans le Dauphiné, et il échappa ainsi au mas-
sacre de la Saint-Barthélémy. Dès le printemps
suivant, il reprit les armes, et enleva plusieurs
places aux catholiques. En 1574, il fit lever le
siège de Livron au maréchal de Bellegarde. Il
LESCUREL — LESDIGUIÈRES
938
succéda à Montbrun, après la mort de ce chef
des huguenots, et en 1576 il surprit Gap et
d'autres places. Il refusa de se soumettre aux
conditions de la pai\. de Poitiers, qui ne laissait
que Serres et Nions aux protestants. Henri III
envoya Mayenne dans le Dauphiné. Lesdiguières
perdit quelques places, et battit une division de
l'armée catholique. L'année suivante il se mit à
la tête d'un soulèvement de paysans , soulève-
ment plutôt politique que religieux. Ne voyant
pas arriver les secours que le princedeCondé avait
promis de lui envoyer d'Allemagne, Lesdiguières
renoua des négociations avec la cour, et il posa les
armes après avoir obtenu , par un traité signé
au Monestier de Clermont, que les huguenots
garderaient, outre Nions et Serres, Gap, La
Mure, Livron, Die, Pont-de-Royan, Pontaix et
Châteauneuf. La guerre s'étant rallumée en 1 585,
Lesdiguières assembla une petite troupe, s'em-
para de Montélimar, Chàtillon, Embrun, etc.,
entra en Provence, où il fit éprouver des pertes
aux ligueurs, et en délivra le château d'Allemagne.
Revenu de Provence, il se tint d'abord sur la dé-
fensive; mais en 1587 et 1588 il remporta de
nouveaux avantages. Le 14 août 1588, il conclut
une ligue offensive et défensive avec La Valette.
Bientôt il courut à la défense de Bourg d'Oy-
sans, et attaqua vainement Maugiron, qui
en faisait le siège. 11 retourna dans le Va-
lentinois, échoua devant Marsanne, et emporta
une foule d'autres places. Le vice-légat, effrayé,
se hâta de signer une trêve. Après la mort de
Henri III, Alphonse d'Ornano, que les ligueurs
avaient chassé de Grenoble, s'allia à Lesdiguières,
le 13 septembre 1589. Tous deux entreprirent le
siège de Grenoble, qu'ils durent ensuite aban-
donner. Lesdiguières resta l'hiver à Gap, et per-
dit Montbonnot et le fort de Gière; en revanche
il s'empara de Briançon, passa en Savoie, où il
emporta Barcelonnette et prit les forts Saint-
Paul de Barles et d'Exilles. S'étant rapproché de
Grenoble, il s'empara de cette ville par trahison
pendant une nuit obscure; la lutte s'engagea dans
les rues, et les catholiques restèrent maîtres du
pont de l'Isère et de la moitié de la ville; ils ne
capitulèrent qu'au bout de trois semaines , le
1er mai 1591, à la condition que le culte catho-
lique serait maintenu à Grenoble, et que le par-
lement et la chambre des comptes y seraient ré-
tablis. Un envoyé de Lesdiguières vint annoncer
à la cour cette victoire, et demanda pour son
maître le gouvernement de Grenoble. Le conseil
du roi repoussa cette demande, s'étonnant qu'un
huguenot osât prétendre à un emploi aussi im-
portant : « Avisez alors au moyen de le lui ôter, »
répondit fièrement l'envoyé. Le commandement
resta à Lesdiguières. Celui-ci retourna en Sa-
voie, prit Les Échelles, et accourut en Provence
au secours de La Valette, menacé par une inva-
sion de Savoisiens. L'armée du duc de Savoie
fut battue à Esparron. Lesdiguières retourna en-
suite dans le Dauphiné, battit les Savoisiens au
939
LESDIGUIÈRES
940
pont de Beauvoisin, pénétra dans le Lyonnais, et
vint jusqu'à la Guillotine, qu'il garda quelques
instants. Il prit Givors, courut en Provence, re-
vint en Dauphiné, et, à la tête de huit mille
hommes, il battit une armée de quinze mille Sa-
voisiens, Maliens et Espagnols à Pontcharra , le
19 septembre 1590. Le lendemain il rentrait à
Grenoble ; puis, s'emparant de Barcelonnette et
de Gaubert, il força bientôt Digne de capituler.
La mort de La Valette le rappela en Provence ,
où il prit nombre de places et défit les ennemis
sur les bords du Var. Lesdiguières triomphait
de la Ligue en Provence lorsque l'irruption du duc
de Nemours le rappela en Daupbiné. Bientôt
Lesdiguières reçut du roi l'ordre d'envahir le Pié-
mont. Il avait à peine trois mille cinq cents fan-
tassins et six cents cavaliers. Il divisa son armée
en deux corps ; Le Poet, à la tête de l'un, marcha
contre Suse;à la tête de l'autre, Lesdiguières
prit le chemin de Pignerol. Le château de La
Pérouse se rendit le 26 septembre 1592. Les Sa-
voisiens furent battus à Vignon le 4 octobre, et
Lesdiguières se fortifia à Briqueras en attendant
les renforts qui devaient lui venir du Dauphiné
et de la Provence. Les ayant reçus, il mit le
siège devant Cavour. Une diversion du duc de
Savoie sur Briqueras échoua. Lesdiguières atta-
qua les Savoisiens àGresillane, et après plusieurs
assauts Cavour tomba en son pouvoir, le 5 ou
6 décembre. Lesdiguières revint alors à. Gre-
noble. En 1593 le duc de Savoie reprit le fort
d'Exilles; le 7 juin Lesdiguières battit près de
SabertranRoderic de Tolède, général des troupes
milanaises; plusieurs places se rendirent, et le
duc demanda une trêve de trois mois. A l'expira-
tion de cette trêve, Lesdiguières reçut l'ordre
de s'opposer aux entreprises d'Épernon, qui es-
sayait de se rendre indépendant en Provence. Il
le défit, et rentra en Dauphiné en apprenant que
le duc de Savoie assiégeait Briqueras. Lesdiguières
n'arriva pas à temps pour sauver cette place ;
pour se venger, il s'empara d'Exilles. Il revint
encore en Provence, passa en Dauphiné, d'où il
apprit que Cavour était menacé par Charles-Em-
manuel. Lesdiguières y courut; il ne put attirer
l'ennemi hors de ses lignes, et le commandant
de Cavour, pressé par la famine, se rendit. Lesdi-
guières battit en retraite, s'emparant de Mirabel,
des Échelles et de Morestel, et une nouvelle
trêve suspendit les hostilités. Lesdiguières vint
faire une visite au roi, qui était arrivé à Lyon.
Henri IV le reçut d'une manière gracieuse, et le
nomma conseiller d'État; mais il avait de la mé-
fiance contre ce chef, que l'on accusait d'avoir
trop de puissance dans le Dauphiné et de viser
à l'indépendance. Pour l'éloigner de cette pro-
vince, le roi le nomma lieutenant général en
Provence sous le duc de Guise. Lesdiguières
accepta, leva une armée, et le t5 novembre
1595 il entra en Provence. 11 soumit plusieurs
villes; mais, contrarié par le duc de Guise, qui
l'aimait peu , il licencia ses troupes, et se retira
dans ses terres. Le roi le rappela à Paris pour le
consulter sur une nouvelle expédition contre le
duc de Savoie, et le nomma lieutenant général
de l'armée de Piémont. Il leva des troupes ,
et à la tète de six mille hommes et de six cents
chevaux, qui furent rejoints plus tard par deux
régiments languedociens , il entra en Savoie
par Saint-Jean de Maurienne. Il prit plusieurs
places, et battit le duc de Savoie aux Molettes, le
14 août 1597. Cette campagne lui valut le brevet
de lieutenant général du roi en Dauphiné. Pen-
dant l'hiver le duc de Savoie reprit Aiguebelle et
la Tour de Carbonnière; Lesdiguières s'empara
du fort de Barreaux le 15 mars 1598, et la paix
fut signée le 2 mai. La guerre ayant recom-
mencé en 1600, Lesdiguières rentra en Savoie,
occupa Chambéry le 20 août, força les châteaux
de Conflans, de Miolans et de la Tour Car-
bonnière à se rendre , soumit la Maurienne , re-
vint dans la Tarentaise, emporta Briançonnet,
et mit le siège devant Montmélian , qui capitula
le 16 octobre. Le 17 janvier 1601 la paix fut con-
clue.
Quoique protestant, Lesdiguières pensait qu'on
devait tout sacrifier au bien de l'État, et jamais
il n'hésita à marcher sans condition contre l'é-
tranger. En 1604, lorsque Blacons refusa de
rendre Orange au prince Philippe, parce qu'il
était catholique, le roi chargea Lesdiguières de
faire rentrer dans le devoir son ancien lieute-
nant. « L'empressement qu'il mit à obéir dissipa
pour un instant seulement, disent MM. Haag,
les craintes du roi ; car elles se réveillèrent lors-
qu'il apprit que Lesdiguières avait signé l'Union à
l'assemblée politique de Chàtellerault en 1605.
Cependant Henri IV sentait qu'il ne pourrait se
passer des services du plus heureux de ses géné-
raux pour l'exécution du vaste projet qu'il médi-
tait d'un remaniement territorial de l'Europe.
Aussi lorsque le moment d'y donner suite ap-
procha, manda-til à Paris Lesdiguières pour le
consulter sur son grand dessein et lui accorda-t-il
le bâton de maréchal de France en 1608, ainsi que
le titre de conseiller d'honneur au parlement de
Paris. Muni de ses dernières instructions, Les-
diguières retourna dans le Dauphiné, et eut, le
21 avril 1610, avec le duc de Savoie, une entre-
vue où furent jetées les bases d'un traité que l'as-
sassinat du roi rendit inutile. »
La régente chercha à s'attacher Lesdiguières.
Dévouéà l'auto rite royale, il promit son concours
à la veuve, de Henri IV. Il reçut d'elle le brevet
de duc et pair, mais il ne put obtenir la vérifica-
tion de ces titres qu'en 1620. Il donna des con-
seils de modération aux assemblées protestantes.
En 1612 il s'employa à arranger le différend
d'Aigues-Mortes, et la même année il fut nommé
administrateur du Dauphiné. Il mit tous ses ef-
forts à maintenir la paix dans cette province,
ainsi que l'alliance du duc de Savoie avec la
France , et à réconcilier le prince de Condé avec
la régente. Ce premier prince du sang ayant levé
941
LESDIGUIÈRES
942
l'étendard de la révolte contre lareiue mère,Les-
diguières conseilla à ses coreligionnaires de ne pas
se mêler decette affaire ; il engageala régente à ac-
corder ce qu'ils demanderaient aux protestants,
qui devaient se réunir à Grenoble, promettant de
les empêcher de rien e\iger qui pût nuire au pou-
voir royal. Apprenant que l'assemblée persistait
à négocier avec Condé, Lesdiguières se rendit
auprès d'elle, et lui représenta les dangers de son
entreprise. L'assemblée se transporta à Nîmes, et
envoya bientôt des excuses à Lesdiguières, en
lui demandant son adhésion ; il la refusa. L'année
suivante, il traversa les Alpes pour porter se-
coursau duede Savoie, attaqué par les Espagnols.
Le traité d'Asti faisait un devoir à la France de
secourir le duc; mais la cour voulait l'abandon-
ner. Lesdiguières ne tint aucun compte des dé-
fenses de la reine mère ; il entra en Piémont ,
joignit ses troupes à celles du duc, et remporta
quelques avantages dans le Montferrat. La mort
du maréchal d'Ancre le fit revenir dans le Dau-
phiné. Bientôt il put retourner dans le Piémont
avec l'agrément du roi. Il accéléra les négocia-
tions, et la paix fut conclue. Il détourna encore
les protestants de se soulever avec le duc de
Bouillon; il fut moins heureux dans le Béarn,
mais il contribua à la dissolution de l'assemblée
de Loudun. L'assemblée de La Rochelle lui of-
frit le commandement d'une armée de vingt
mille hommes avec 100,000 écus d'appointements;
il repoussa ces propositions, et se déclara contre
cette assemblée. On a attribué cette conduite
de Lesdiguières à l'offre de l'épée de conné-
table. MM. Haag pensent que ses principes po-
litiques suffisent pour expliquer le refus de Les-
diguières. Cependant ils avouent qu'un grand
changement s'était opéré dès lors dans l'esprit du
vieux maréchal; mais ce revirement ils l'attri-
buent moins aux séductions de la cour qu'à l'in-
fluence de Marie Vignon , femme qu'il avait
épousée en 1617, et avec laquelle il avait vécu
longtemps dans un double adultère, et dont il
avait deux filles. «Circonvenue par les jésuites,
gagnée par les faveurs de la cour, suivant
MM. Haag, Marie Vignon s'employait avec ar-
deur à convertir Lesdiguières, et l'amoureux
vieillard, qui avait encore voulu se soumettre à
la censure des ministres, parce que son mariage
avait été célébré selon le rite catholique, prêtait
une oreille de plus en plus favorable aux inces-
santes obsessions de cette femme. Il finit par
succomber. » D'autres ont fait honneur de la
conversion de Lesdiguières à Deageant. Ce qui
est sûr, c'est qu'il promit, à cet agent de rentrer
un jour dans l'Église romaine. Videl affirme que
Lesdiguières changea secrètement de religion dès
1621. A l'entrée de la campagne, Lesdiguières
fut nommé maréchal général par provisions du
30 mars 1621. Il en remplit les fonctions aux
sièges de Saint-Jean-d'Angely et de Clairac. De
Luynes ne lui laissa pas la gloire d'enlever
Monlauban. Montbrun et Blacons avaient sou-
levé le Dauphiné; Lesdiguières reçut l'ordre
d'aller réduire cette province. Montbrun se sou-
mit aussitôt. Blacons résista, etRohan se fit re-
mettre les places que Blacons occupait. Lesdi-
guières eut avec Rohan une entrevue où l'on pré-
para un accommodement qui n'eut pas de suite.
De Luynes étant mort, Louis XIII offrit à Lesdi-
guières l'epée de connétable sous la condition
qu'il abjurerait le protestantisme. Les provisions
furent expédiées le 6 juillet 1622 , enregistrées
aussitôt, et le 26 du même mois Lesdiguières
recevait le collier de l'ordre du Saint-Esprit.
Lesdiguières rejoignit le roi , qui allait mettre
le siège devant Montpellier. Il signa un arran-
gement avec Rohan à Saint-Privat ; mais le peu-
ple de Montpellier refusa de ratifier ce traité,
et le siège commmença. Lesdiguières ne voulut
pas y prendre part, revînt dans le Dauphiné,
et ne reparut dans le camp du roi que lorsque
les négociations furent renouées. La paix fut
conclue, au grand désappointement de Condé et
du parti clérical. Nommé gouverneur de Picar-
die, le M mai 1623, Lesdiguières fit un voyage
dans cette province. De retour à Paris en 1624,
il assista à plusieurs conseils , et (it prendre une
décision pour l'expulsion des Espagnols de la Val-
teline et l'occupation de Gênes. Chargé de cette
dernière opération , il joignit avec dix mille
hommes le duc de Savoie le 2 février 1625.
Pendant que ce prince attaquait les Génois d'un
côté, Lesdiguières assiégea Gavy, qui se rendit,
et battit le duc de Feria. Des dissentiments écla-
tèrent entre les deux généraux , et Lesdiguières
dut opérer une retraite qui lui fit honneur. Ren-
tré en Dauphiné, il préparait une opération
contre Le Pouzin, quand il fut atteint d'une fièvre
qui l'emporta.
Lesdiguières fut un des grands capitaines de
son temps. 11 avait autant de prudence que
de talents et de générosité. Pressé un jour par
ses officiers de hâter sa marche : « Je vais à
la guerre , et non à la chasse , » répondit-il
froidement. L'archevêque d'Embrun avait dé-
terminé Platel , domestique de Lesdiguières, à
assassiner son maître ; Lesdiguières , l'ayant
su, ordonna à Platet de s'armer d'une épée;
il en prit une autre, et lui dit : « Puisque tu
as projeté de me tuer, essaye maintenant de
le faire , ne perds point par une lâcheté la répu-
tation de valeur que tu as acqu;se. » Platel se
jeta à ses pieds, et obtint son pardon. On blâmait
Lesdiguières de cet acte de générosité. « Ce va-
let a été retenu par la grandeur du crime, répondit
Lesdiguières, il le sera encore plus par la gran-
deur du bienfait. » Comme il s'exposait encore
à la tin de sa vie autant qu'un soldat, on l'enga-
geait à prendre garde. « Ne vous en mettez pas
en peine, répliqua-t-il , il y a soixante ans que
les mousquets et moi nous nous connaissons. »
On raconte que le duc de Savoie faisait cons-
truire le fort Barreaux sur la terre de France ,
à la vue de Lesdiguières et de son armée, 6ans
943 LESDIGUIÈRES
que celui-ci y mit aueune opposition, ee qui
mécontentait les officiers et lui valut des re-
proches de la cour : « Votre Majesté, écrivit
Lesdiguières au roi, a besoin d'une bonne for-
teresse pour tenir en bride celle de Montmélian.
Puisque le duc de Savoie en veut faire la dé-
pense, il faut le laisser; dès que la place sera
suffisamment garnie, je me charge de vous la
donner. » Il tint parole, et l'enleva en deux heures.
Elisabeth d'Angleterre faisait grand cas de cegé-
néral : «S'il y avait en France deux Lesdiguières,
disait-elle un jour, j'en demanderais un au roi ! »
Pinard fait de lui ce portrait : « Brave, mais
plus éclairé et plus prudent encore, il sçut tou-
jours choisir le lieu et le moment de combattre,
où, sans exposer ses soldats, il étoit sûr de
vaincre. Jamais il ne fut ni blessé ni battu;
soixante ans de succès et de victoires non in-
terrompues forment l'éloge d'un grand , d'un
heureux capitaine , et qu'aucun héros ancien ne
partage avec lui. » Les écrivains protestants le
traitent sévèrement; une note secrète le peint
comme « vaillant et heureux, grand capitaine ,
père des soldats, puissant en sa personne, mais
libertin, ami de son plaisir plus que de la cause. »
Il avait eu de sa première femme deux fils, qui
moururent en bas âge , et une fille, Madeleine
de Bonne, qui épousa Charles de Créquy; Fran-
çoise de Bonne, fille de Lesdiguières et de Marie
Vignon, fut fiancée à l'âge de huit ans à Mont-
brun. Créquy fit rompre ce mariage et épousa
Françoise , après la mort de sa première femme,
en 1623.
Lesdiguières avait composé, à la demande de
Henri IV, un Traité de la Guerre, que l'on con-
serve en manuscrit à la Bibliothèque impériale.
La même bibliothèque possède plusieurs lettres
de Lesdiguières. D'autres ont été imprimées dans
divers recueils. L. L — t.
LESKE
944
Louis Videl, Vie du maréchal de Lesdiguières , 1638,
in-fol. — De Thou, Hist. suitemp. — Brantôme, Vies
des grands capitaines. — Pinard , Chronologie militaire.
— Le Vassor, Hist, de Louis XIII- — Sully, OEconomies
royales. — De La Force, Mémoires. — Anselme, Hist.
aéneal. de la maison de France et des grands offlc. de
la couronne. — Hénault. Abrégé cnronol. de l Hist, de
France. — Daniel, Hist. de France. — De Courcelles,
Dict. biogr. des généraux français.— Haag, La France
protestante.
lèse (Benozzo de). Voy. Gozzoli.
* le senne (Napoléon-Magdelaine), juris-
consulte français, né à Sanzeusemare , près de
Fécamp (Seine-Inférieure), le 4 mars 1811. Beçu
docteur à la Faculté de Droit de Paris en 1844,
il devint avocat à la Cour d'Appel. Depuis cette
époque il a, comme jurisconsulte, publié divers
ouvrages : en 1845, Le Livre de tous les Ci-
toyens, ou éléments de législation usuelle; —
en 1846, un Traitédes Droits d' Auteur et d'in-
venteur et des Brevets d'Invention;— en 1847,
un traité de la Condition civile et politique des
Prêtres, in-8°; — en 1852, Le Conseiller de la
Jeunesse^ ou entretiens familiers (ouvrage il-
lustré) ; — 1855, le Code de la Mère de famille;
— en 1856, un Commentaire de la loi du
23 mars 1855 sur la Transcription en matière
hypothécaire ; — en 1857, le Code des Brevets
d'Invention, dessins et marques de fabriqueou de
commerce, en France et à l'étranger; — en 1858,
un traité De la Propriété, avec ses démembre-
ments (usufruit, usage, habitation et servitude)
suivant le droit naturel , le droit romain et le
droit français, in-8°.
Archives générales des hommes du jour, t. XXVIU.
LE SESNE DE JHÉNILLE D'ETEARE. Voy.
Etemare.
lesecr (Le P.), mathématicien français, vivait
au milieu du dix-huitième siècle. Il est auteur
d'un Mémoire sur le Calcul intégral (Rome,
1748), renfermant des recherches sur la résolu-
tion générale des équations. L'auteur fait voir que
si l'on cherche à décomposer en facteurs le pre-
mier nombre d'une équation d'un degré supérieur
au quatrième, on est amené à des équations dont
le degré est au moins égal. Leseur est l'un des
auteurs du Commentaire sur Newton.
Montuola, Histoire des Mathématiques , t. III.
lesfabgues (Bernard), imprimeur et tra-
ducteur français, né à Toulouse, vers 1600. On
ignore la date de sa mort. Il a publié : His-
toire d'Alexandre le Grand,\milée de Quinte-
Curce et d'autres auteurs; 1639, in-8°; —
traduction Des oraisons de Cicéron contre Ver-
res ; 1640, h>4°; — David, poëme héroïque,
1660, et 1685, in- 12 : cet ouvrage n'est guère
connu que par ce vers de Boileau : A. J. (i)
Le David imprimé n'a point vu la lumière.
Goujet, Bibliothèque française, t. XVII. — Mémoires
pour servir a l'histoire des hommes illustres en France.
leske (Nathanael-Gode.froi), naturaliste
allemand, né le 22 octobre 1757, à Muskau, dans
la haute Lusace. mort à Marbourg, le 25 no-
vembre 1786. Professeur à Leipzig et à Mar-
bourg, il publia entre autres : De Generatione
vegetabilium ; Leipzig, 1773,in-4°; — Ichthyo-
logix Lipsiensis Spécimen ; MA., 1774, in-8°;
— Physiologiee animalium Commentatio;
Leipzig, 1775, in-4°; — Anfangsgruende der
Naturgeschichte ( Éléments d'Histoire Natu-
relle); Leipzig, 1779, et 1784, in-8°, trad. en
plusieurs langues ; — Magasin zur Naturkunde,
Mathematik und Œkonomie (Magasin de
Sciences physiques , mathématiques et écono-
miques); Leipzig, 1786-1788, 7 vol. in-8°; —
lieise durch Sachsen in Rûcksicht der Natur-
geschichte und Œkonomie unternommen und
dargestellt (Voyage à travers la Saxe au point de
vue d'histoire naturelle et d'économie) ; Leipzig,
1785, in-4°. Dr L.
Loeper, Vie de Leske ; 1787. — Meusel, Lexikon, VIII,
p. 161.
(1) Quelques critiques (entre autres l'abbé Goujet)
disent que Boileau avait en vue en faisant cette critique
le David de Céras publié en 1665; mais Brossetle, dans
ses Éclaircissements historiques , assure qu'il tenait de
Boileau lui-même que le satirique voulait parler, non
de l'ouvrage de Céras, mais bien de celui de Lesfargues,
945 LESKÔ -
lesko ou leszko , nom de plusieurs ducs
de Pologne, dont le plus connu est :
lesko V (l), dit le Blanc, duc de Pologne,
né vers 1185, assassiné le 11 novembre 1227.
Il était encore mineur lorsqu'il l'ut appelé en
1194 à succéder à son père,Casimir II; les grands
du royaume instituèrent un conseil de régence
composé d'évêques et de palatins et dirigés par
Hélène , mère du jeune duc. Mais l'oncle de
celui-ci , Miéczyslas le Vieux, qui , après avoir
régné de 1173 à 1177, avait été déposé, comme
indigne du trône, éleva des prétentions à la cou-
ronne, et les fit valoir par les armes, avec l'aide
du duc de Silésie et du staroste de la Poméra-
nie : il fut battu en 1196 par Nicolas, palatin de
Cracovie. Mais le duc de Silésie ayant vaincu
peu de temps après Goworek, palatin de San-
domir, commandant des troupes de Lesko, la
duchesse Hélène entra en négociations avec
Miéczyslas, et lui abandonna le gouvernement
sous la condition qu'il adopterait Lesko, qui
lui succéderait après sa mort. Miéczyslas n'exé-
cuta pas cette convention , qu'il avait acceptée,
et fut de nouveau chassé du trône ; mais il y
remonta bientôt après , étant parvenu à gagner
le palatin Nicolas, et régna jusqu'à sa mort, qui
eut lieu en 1202. Le palatin Nicolas, devenu
tout-puissant , exigea alors de Lesko , comme
condition de son avènement à la couronne, qu'il
exilât le palatin Goworek, qui, ayant été le gou-
verneur du jeune duc, avait conservé sur son
esprit une grande influence. Lesko refusa de
congédier son vieil et fidèle ami ; Nicolas fit alors
proclamer duc Wladislas , fils de Miéczyslas.
Mais après trois ans de règne, Wladislas s'é-
tant attiré 1 inimitié du clergé , abdiqua en fa-
veur de Lesko, qui venait de remporter la bril-
lante victoire de Zawichost, sur Roman, duc de
Gallicia. Lesko , d'un caractère doux et conci-
liant, ne tira aucun profit de ses succès en Gal-
licie, pays qu'il consentit , en 1214, à laisser à
Coloman, fils du roi de Hongrie, auquel il donna
sa fille Salomée. Pendant les années suivantes
il soutint son gendre contre les attaques des
Russes ; Coloman ayant été fait prisonnier par
eux en 1220, Lesko négocia un accord ; Colo-
man fut mis en liberté, mais il dut renoncer à
la Gallicie. En 1225, Conrad , frère de Lesko,
auquel celui-ci avait cédé en 1207 la Mazovieet
la Kuiavie, ne pouvant mettre fin aux invasions
continuelles des Prussiens idolâtres, appela à
son aide les chevaliers teutoniques, qui une fois
établis dans le Nord , devinrent les ennemis
déclarés de la Pologne. En 1227 Swientopelk,
gouverneur de la Poméranie, se mit en rébellion
contre Lesko , lorsque celui-ci lui eut refusé le
titre de duc héréditaire de Poméranie ; une as-
semblée générale fut convoquée à Gonsawa, pour
le juger.
(1) Les trois premiers Lesko appartiennent à l'histoire
fabuleuse de la Pologne. Lesko IV, petit-fils de Piast ,
gouverna ce pays de 892 à 913. Son règne fut insignifiant;
LESLEY 946
Swientopelk entra secrètement dans la ville,
pénétra auprès de Lesko, le surprit au bain,- et le
tua de sa propre main. Ainsi périt ce prince, dont
tous les historiens s'accordent à vanter les vertus.
Il eut pour successeur son fils Boleslas le Chaste.
E. G.
Dlugoss, Historia Polona. — Kadlubek, Historia Po-
lonica. — Boguphatus, Chronlcon Polonorum. —Jean
deGuesne, Cracoviœ Clironicon.
lesley (John), prélat catholique écossais, né
le 29 septembre 1527, mort près de Bruxelles, le
31 mai 1596. 11 appartenait aune très-ancienne fa-
mille. Élevé à l'université d'Aberdeen,et pourvu
d'un canonicat dès l'âge de vingt ans, il alla com-
pléter ses études à Toulouse, à Poitiers et à Pa-
ris. 11 fut rappelé en Ecosse en 1 554 par la reine
régente, entra dans les ordres, et devint vicaire
général d'Aberdeen. Pendant les troubles qui
suivirent la mort de la régente et l'introduction
du protestantisme en Ecosse, Lesley, catholique
zélé,reçut de son parti la mission d'aller chercher
en France Marie Stuart, qui venait de perdre son
mari, le roi François II. Il rencontra cette prin-
cesse à Vitry, et revint avec elle en Ecosse en
1561. La jeune reine le nomma peu après con-
seiller de justice, membre du conseil privé et
évêque de Ross. Il s'occupa activement avec
quinze autres commissaires de réunir les lois
de l'Ecosse en un code, qui fut publié à Edim-
bourg en 1566, sous le titre de Black Acts of
Parliament (Actes noirs du Parlement), pat ce
qu'il était imprimé en lettres noires. Après la
fuite de Marie Stuart en Angleterre, Lesley se
rendit à York, en 1568, défendit habilement la
cause de cette reine contre ses accusateurs, et
alla ensuite à Londres comme son ambassadeur.
Ses démarches pour obtenir la liberté de Marie
Stuart n'ayant eu aucun succès, il essaya d'ar-
river au même but en ménageant un mariage
entre la reine d'Ecosse et le duc de Norfolk. Cette
intrigue irrita Elisabeth, qui le fit emprisonner
d'abord dans l'île d'Ély, puis à la Tour. 11 obtint
sa mise en liberté en 1573, et se retira dans les
Bays-Bas, d'où il continua àintercéderauprèsdes
rois d'Espagne et de France, des princes d'Alle-
magne et du pape en faveur de la royale captive.
Ln 1579 il fut nommé suffragant du siège de
Rouen. Dans une de ses visites épiscopales, il
fut enlevé par des huguenots, qui, en le mena-
çant de le livrer aux Anglais, lui extorquèrent
une rançon de trois mille pistoles. En 1593 il
obtint l'évêché de Constance jusqu'au moment
où il serait réintégré dans celui de Ross. Mais,
reconnaissant peu après l'impossibilité de rentrer
eu Ecosse , il se retira dans le monastère de
Guirtenbourg, où il mourut. On a de Lesley : Af~
flicli animi Consolationes, et tranquilli animï
Conservatio duo-bus libris ; Paris , 1574, in-8° ;
— De Origine, Moribus et Rébus gestis Sco-
torum, a primordio gentis ad annum 1562;
Rome, 1578. Cet ouvrage eu dix livres est pour
la partie ancienne un abrégé de l' Histoire d'Hec-
947 LESLEY
tor ooëthius ; les trois derniers seulement appar-
tiennent en propre à l'évêque de Ross, qui y fait
l'apologie de Marie Stuart. Lesley publia avec
son Histoire une Parœnesis ad nobilitatem
populumque Scotorum et une Regionum et
insularum Scoïtx Description — Defence of
the honnour of Mary, queen of Scotland,
with a déclaration of fier right, tille and
interest to the croivn of England; Liège,
1571, iu-8°; — A Treatise shewing Huit
the regimen of Woman is conformable to
the law ofGod and nature ;Liége, 1571, in-S°;
et trois ouvrages restés manuscrits, savoir : De
Titulo et Jure Mariœ, Scotorum reginss, quo
Anglise successionem jure sibi vindicat ; — An
Account of his embassage in England, front
1568 to 1572 ; — An Apology jor the bishop
of Ross, as to vohai is laid to his charge
concerning the duke of Norfolk. Z.
Macknnzie, Lives and Characters of the most, emi-
nent IFriters of the Scottish nation, t. II. — Anderson,
Collections retatiwj to the history of Mary, queen of
Scotland, t. 1. — Spotswood, History of the Church and
State of Scotlnnd, 1. VI. — Nicholson, Scot. historical
Library. — Laing. History of Scotland. — Chaufepié,
Dictionnaire Historique. — Chalmers, General Biogra-
phical Dictionary.
lesley ( Alexandre), orientaliste écossais, né
dans le comté d'Aberdeen, en lG94,mortà Rome,
le 27 mars 1758. Il appartenait à une famille ca-
tholique, et fit ses études à Douai. Il entra en-
suite dans la Société de Jésus, et professa en
Italie dans plusieurs collèges de son ordre. Après
avoir rempli plusieurs missions dans sa patrie,
il fut nommé en 1744 préfet des études au col-
lège des Écossais à Rome. Il passa au collège
des Anglais comme professeur de théologie mo-
rale , et fut associé en 1749 au jésuite Émanuel
de Azevedo pour la publication du Trésor li-
turgique. Ce grand travail l'occupa pendant le
reste de sa vie. On a de lui : Missale mixtum
secundum regulam beati Isidori dictum,
Mozarabes ; prsefatione , notis et appendice
ornatum; Rome, 1755, deux parties in-4°. C'est
une réimpression du Missel mozarabique publié
à Tolède en 1500 par l'ordre du cardinal Ximé-
nès : Lesley y a joint un bon commentaire, et
l'a fait précéder d'une préface sur l'origine et les
variations du rite mozarabique. Z.
Annali Litterarj d'ltalia,t. III, par. 2, p. 494.
leslie ( John ), prélat protestant écossais, né
vers 1570, à Balquhaiue,mort en 1671,àClogher.
En sortant d'Oxford , il se mit à voyager, et par-
courut l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la France;
il parlait les langues de ces diverses contrées
avec une remarquable facilité, et possédait à un
tel point la langue latine qu'en Espagne on
disait de lui, en matière de proverbe : solus
Lesleius latine loquitur. Il resta vingt-deux
ans de suite à l'étranger, et se trouva au siège
de La Rochelle ainsi qu'à l'expédition de l'île
de Rhé avec le duc de Buckingham. Homme
affable et de façons accomplies, il fut bien ac-
cueilli dans toutes les cours qu'il visita, et jouit
— LESLIE
948
d'une faveur particulière auprès de Charles Ier,
qui le fit entrer au conseil privé. Ce ne fut
qu'assez tard (il avait près de cinquante ans)
qu'il consentit à revêtir les honneurs ecclésias-
tiques ; entré de bonne heure dans les ordres, il
avait laissé la robe de côté pour courir le monde.
Il fut d'abord évêque des Orcades, puis de Ra-
phoe (1633). Lorsque éclata la rébellion de 1641,
il prit parti pour le roi, et soutint même un long
siège dans sa résidence épiscopale , sorte de
château fortifié qu'il avait bâti récemment, et
qui fut le dernier de l'Irlande à se soumettre aux.
soldats de Cromwell. En 1661 il fut transféré à
Ciogher. Lorsqu'il mourut , il avait plus de cent
ans ; c'était probablement le plus ancien des
évêques du monde chrétien. P. L — y,
Chalmers, Biog. Dictionary.
leslie (Charles), controversiste anglais,
fils du précédent, né en Irlande, où il est mort,
le i3 avril 1722. Il quitta l'étude du droit pour
celle de la théologie, reçut les ordres en 1680, et
devint chancelier du diocèse de Connor. Sous
le règne de Jacques H, il lutta, par ses conseils
et dans des discussions publiques, contre l'in-
fluence croissante du parti catholique, et pour-
tant, obéissant à un point d'honneur exagéré,
il crut de son devoir de rester fidèle à un prince
qu'il n'aimait pas. Ayant obstinément refusé de
prêter de nouveaux serments à Guillaume et à
Marie, il fut dépouillé de tous ses bénéfices, ce
qui le fit regarder comme le principal chef des
non-jureurs. Forcé bientôt de quitter le royaume,
il rejoignit le prétendant à l'étranger, et fit tout
ce qu'il put pour le persuader d'embrasser le
protestantisme; voyant ses tentatives inutiles et
las d'errer si longtemps hors de son pays, il y
retourna, en 1721, et mourut quelques mois plus
tard. Les écrits théologiques et politiques de
Leslie sont en très-grand nombre, « Il les com-
posait, dit Moréri, selon les occasions que lui
en fournissaient ses adversaires ou la nécessité
de se défendre. Comme il s'était trouvé tantôt
avec des juifs , tantôt avec des presbytériens ,
quakers, sociniens, etc., le zèle de les convaincre
lui arrachait les traités qu'on a de lui contre
ces sectarres. Il ménageait encore moins les
déistes. » Nous citerons de lui parmi ses écrits
politiques, presque tous anonymes : Answer to
the State of the protestants of Ireland;
Londres, 1692, in-4°; — Cassandra; 1703,
in-4"; — Rehearsals; c'est un recueil de
feuilles, publiées d'abord une fois la semaine,
ensuite deux fois, en deux pages in-folio, en
forme de dialogue sur les affaires du temps ; il
le commença en 1704 et le continua pendant six
à sept ans ; — Principles of dissenters con-
cerning toleration and occasional confor-
mity ; 1705, in-4°; — The good old Cause, or
Lying in trufh ; 1710, pièce qui attira contre
lui un ordre d'arrestation; — Analomy of a
Jacobite; — plusieurs brochures en réponse
aux attaques de Higden et de Hoadly. Ses prjn-
949
cipaux traités de controverse religieuse sont :
The Snake in the graas (Le Serpent dans
l'herbe , ou Satan transformé en ange de lu-
mière); Londres, 1697, in-8°; — History of
Sin and Heresy ; 1698, in-8°, contre les pres-
bytériens ; — À S/tort, and easy me/hod ivith
the Deists ; 1699, in-8°; la plupart des argu-
ments de cet écrit se trouvent reproduits dans
la Méthode courte et aisée pour combattre
les déistes de l'abbé de Saint Real; — Essay
concerning the divine rùjht of tythes ; 1700,
in-8° ; — The présent State of Quaherism in
England; 1701, in-8°; — The Case of the
régal and pontificale ; 1702, in-8°; — The
Truth of Christiani ty démons tr a ted; 17 11, etc.
Tous les écrits théologiques de Leslie ont été
réimprimés à Londres, en 1721, 2 vol. in fol.
P. L— ï.
Burnet, Own Times. —Encyclop. Britannica (suppl. ).
— Moréri, Dict. Hist.
leslie (Sir John), physicien, chimiste et
mathématicien anglais , né le 16 avril 1766, à
Largo, dans le comté de Fife ( Ecosse), mort
le 3 novembre 1832, dans sa résidence du même
comté. Son enfance, débile et maladive, oc-
casionna de fréquentes interruptions dans sa pre-
mière éducation. Il montra néanmoins de bonne
heure un goût décidé pour les sciences exactes,
et un véritable éloignement pour l'étude des lan-
gues, plus particulièrement du latin, étude dans
laquelle il réussit pourtant plus tard d'une ma-
nière remarquable. Avec l'assistance de son frère
aîné, Alexandre, il fit bien vite d'assez grands
progrès en arithmétique et en géométrie pour
attirer attention du ministre de la paroisse,
par l'intermédiaire duquel il fut probablement
présenté aux professeurs Robison et Stuart , et à
leur instigation il fut envoyé en 1779 à l'univer-
sité de Saint-André. Là ses talents lui valurent
le patronage du comte de Kinnoul, alors chan-
celier de l'université, qui offrit de faire les frais de
l'éducation du jeune Leslie, si son père consentait
à le destiner à l'Église. Après six ans passés dans
cette université, il alla avec James Ivory à Edim-
bourg, où il suivit les cours de divers professeurs
pendant trois années. Dans le même temps il fut
engagé par Adam Smith pour l'aider dans l'é-
ducation de son neveu, Douglas , depuis lord
Reston. En 1788 il devint le précepteur de deux
Américains du nom de Randolph, jeunes étu-
diants de l'université d'Edimbourg, avec lesquels
il partit à la Virginie. Après une absence d'environ
un an, pendant laquelle il visita New- York, Phi-
ladelphie , etc., Leslie revint en Ecosse. Au com-
mencement de 1790, il se fixa près de Londres,
sans doute dans l'intention d'ouvrir des cours
sur la philosophie naturelle; mais, craignant de
ne pas réussir, il se décida à écrire dans des ou-
vrages périodiques pour assurer son existence.
Il commença par donner des articles au Mon-
tai y Revievj, et vers le même temps il fut em-
ployé par \Y. Thomson à fournir des notes pour
LESLIE . 950
une Bible qu'il devait publier. Leslie traduisit de
Buffon Saturai History of Birds , Londres,
1793, 9 vol. in-8°, et cette publication lui pro-
cura une certaine indépendance. En 1794, il vi-
sita la Hollande, et en 1796 il parcourut l'Al-
lemagne et la Suisse, en compagnie de Thomas
Wedgwood. A son retour, il fut porté candi-
dat pour une chaire de l'université de Saint-
André, et peu de temps après pour celle de
philosophie naturelle à Glasgow; ces deux ten-
tatives furent infructueuses. En 1799 Leslie re-
tourna sur le continent, et visita le Danemark,
la Norvège et la Suède avec Robert Gordon.
En 1805 il se présenta comme candidat à la
chaire de mathématiques à l'université d'Édim»
bourg , devenue vacante par ia promotion du
professeur Playfair à la chaire de philosophie
naturelle. Cette nomination appartenait bien
aux magistrats d'Edimbourg; mais, aux termes
de la charte de constitution de l'université ,
ces magistrats devaient demander l'avis du
clergé pour le choix des professeurs. Le clergé,
qui désirait la nomination de Thomas Macknight,
fit une vive opposition à l'élection de Leslie, qu'il
accusait de partager les idées de Hume. Leslie
obtint néanmoins cette chaire, qu'il remplit avec
autant de zèle que de talent pendant quatorze
ans. En 1819, à la mort de Playfair. il fut appelé
à lui succéder à la chaire de philosophie natu-
relle. Nommé baronet le 27 juin 1832, il mourut
peu de temps après.
Vers 1794, Leslie s'était occupé d'expériences
hygrométriques. Avant 1800, reprenant les es-
sais de Sturmius, de Dalton et de Rumford, il
avait inventé son thermomètre différentiel ,
destiné à indiquer les moindres variations de
température. Avec cet instrument, Leslie vé-
rifia et développa les résultats déjà obtenus par
Rumford au moyen de non thermoscope; i! con-
firma la doctrine de ce savant et de Dalton, et
prouva que la nature des surfaces influe sur la
facilité avec laquelle les corps reçoivent et émet-
tent le calorique, et q-ue plusieurs enduits ou
enveloppes , comme celles en terres poreuses,
accélèrent le refroidissement au lieu de le re-
tarder. Leslie suppose que le rayonnement ca-
lorique a lieu au moyen de pulsations aériennes
ou de vibrations de l'air, supposition qui paraît
inconciliable avec le fait du rayonnement dans
le vide. Il se laisse parfois aller à la fantaisie
de son imagination, comme lorsqu'il pense que
la lune est phosphorescente et qu'elle doit un
jour s'obscurcir ; que ia terre renferme une con-
cavité pleine de lumière concentrée brillant du
plus vif éclat, etc. En mélangeant l'eau avec dif-
férentes substances, Leslie trouva en 1810 un
procédé de congélation artificielle dont l'industrie
s'empara pour répandre l'usage des glaces dans
les pays chauds. En 1817, il montra que les
substances volcaniques en général, particulière-
ment la pierre ponce , réduites en poudre et dans
un état complet de dessiccation, ont une puissance
951
LESL1E
952
d'absorption de l'eau aussi forte que celle de l'a-
cide sulfurique, et qu'avec ces substances et
d'autres ayant la même propriété on peut opérer
des congélations artificielles très- promptes. Enfin
.Leslie fit exécuter des appareils pour obtenir de
la glace au moyen du vide produit par une ma-
chine pneumatique. Ces appareils excitèrent l'é-
tonnement et la curiosité. On s'en servit pour
faire des glaces à Rio-Janeiro, à Babia, au Sé-
négal, et en Egypte le pacha voulut en faire
l'essai le premier.
Leslie plaçait la faculté d'invention bien au-
dessus de la faculté d'induction. Gomme au-
teur, son style est faible et manque de sim-
plicité; comme professeur, il supposait souvent
une capacité trop grande ou des études trop
fortes chez ses auditeurs , et s'exposait à n'être
pas compris. D'un autre côté, son active cu-
riosité, ses lectures variées et sa puissante mé-
moire le menèrent à de vastes connaissances,
qu'il appliqua avec succès en plusieurs occasions
à l'avancement de la science. Ses curieux ins-
truments et ses expériences intéressantes attes-
tent à la fois l'utilité et l'originalité de ses travaux.
On a de Leslie : Essay on the resolution of
indelerminate équations, dans les Edinburgh
Philosophical Transactions pour 1788 ; — Ex-
périmental inquiry into the nature and pro-
perties of heat ; ,1804, in-8° : travail qui lui
valut la médaille de Rumford de la Société
royale de Londres; — Eléments ofGeometry,
geometrical analysis and plane trigonometry;
1809, in-8°; — Account of experiments and
instruments depending on the relations of
air to Heat and Moisture; 1813, in-12; —
Philosophy of Arithmetic ; 18t7 ; — Geometry
of curve Lines; 1821, in-8°; — Eléments
of natural Philosophy, volume Ier, contenant
la mécanique et l'hydrostatique; 1823, in-8°.
Leslie a donné dans les Edinburgh Philoso-
phical Transactions : On certain impressions
of cold transmilted from the higher atmos-
phères , with a description of an instrument
adapted to measure them; 1818; — Obser-
vations on Electrical Théories; 1824 ; — dans
Y Encyclopxdia Britannica , les articles Achro-
rnatic Glasses; — Acoustics ; — Aeronaulics ;
— Andes ; — Angle ; — Angle ( trisection of) ;
— Arithmetic ; — Atmometer ; — Barometer ;
— Barometrical Measurements ; — Climale;
— Cold and Congélation; — Beiv; — Inter-
polation; — Meleorology ; — Progress ofthe
malhematical and physical Sciences during
the eighteenth century; — dans l' Edinburgh
Review : des articles sur les Mémoires de la
Société d'Arcueil ; — sur ï'History of the Baro-
meter ; — suri' Arithmétique des Grecs , de De-
lambre; — ■ sur les Voyages géologiques deL. de
Buch; — sur Vue physique des régions équato-
riales et les Voyages de Humboldt; — et sur
Attemps to discover a North- West passage ; —
dans le Philosophical Journal de Nicholson •.
Description of an Hygrometer and Photome-
ter; — On the Absorbent Powers of différent
Earths; — Observations on Light and Heat,
with Remarks on the Enquiries of Dr Hers-
chel. Quelques mémoires de Leslie sur des sujets
de physique ont aussi été imprimés dans les
Transactions de la Société royale de Londres.
L. L— T.
Macvey Napier, Memoir of sir J. Leslie, 1838. — En-
glisli Cyclopœdia ( Biography ). — Rose, New Général
Biogr. Dict.
leslie (Ernest), littérateur français, né
en 1743, en Ecosse, mort en 1779, à Nancy. Il
entra dans l'ordre des Jésuites , fut mis par le
roi Stanislas à la tête du séminaire de Nancy, et
appartint dès sa création à l'Académie de cette
ville. Il connut Voltaire à la cour de Lunéville, etc.:
dans sa correspondance avec les amis qu'il y
avait laissés, l'auteur de La Henriadc ne man-
quait jamais de faire assurer le P. Leslie de ses
tendres rapports. On a de ce dernier : Abrégé
de VHisloire généalogique de la Maison de
Lorraine; Commercy, 1740, in-8° : excellent
travail, qui parut sous le nom d'un de ses élèves,
le marquis de Ligniville; — trois Odes au roi
de Pologne, Stanislas. J. L.
3Iém. d la Soc. roy. des Se. et, Belles Lettres de Nancy,
1754, t. I. — Fréron , Lettres sur quelques écrits de ce
temps, t. III.
* leslie ( Éliza), femme de lettres améri-
caine, née le 15 novembre 1787, à Philadel-
phie. Bien qu'elle eût de bonne heure mani-
festé un penchant décidé pour les lettres , elle
ne fit paraître aucune production de sa plume
avant l'âge de quarante ans ; elle se mit alors à
écrire des livres d'économie domestique, qui ob-
tinrent une grande circulation. Dans un genre
plus relevé, elle a publié : The Mirror, recueil
d'historiettes; — The Wonderful Traveller;
— Amelia, or a young ladifs vicissitudes,
roman inséré dans un annuaire qu'elle édita sous
le titre The Gifl ; — Pencil Sketches; 3 vol. : re-
cueil de contes et nouvelles; — The Behaviour
Book; 1853; — beaucoup de livres à l'usage
de la jeunesse. P. L — y.
Cyclop.of American Literature , II.
* leslie (Charles-Robert) , peintre an-
glais, frère de la précédente , naquit à Londres,
en 1794. Il avait cinq ans lorsque ses pa-
rents quittèrent Londres pour aller s'établir
à Philadelphie. Ses premiers essais attirèrent
l'attention de plusieurs personnes, qui le dé-
cidèrent a se rendre en Angleterre pour y pour-
suivre ses études, et lui remirent à son dé-
part des lettres de recommandation pour les
chefs d'une maison américaine établie à Lon-
dres. C'était en 1811 ; quatorze ans plus tard,
M. Leslie était membre de l'Académie royale.
Ses maîtres avaient été deux Américains, Ben-
jamin West et AVashington Allston ; ses tableaux
de Sir Roger de Coveiiey allant à l'église,
Anne Page et Slender, et Le premier Mai au
temps de la reine Elisabeth avaient commencé
953
LESLIE —
sa réputation. Au milieu de ses nombreux tra-
vaux M. Leslie trouva le temps d'écrire une
vie de son ami Constable, et de publier en 1854
un Manuel à l'usage des jeunes peintres. Des
raisons de santé l'obligèrent à se démettre en
1851 des fonctions de professeur à l'Académie
royale, qu'il exerçait depuis 1848. Dans tous ses
tableaux , cet artiste se montre intelligent et fi-
dèle traducteur des écrivains qui l'inspirèrent.
Jamais Shakespeare, Cervantes, Molière, Sterne,
Walter Scott ne furent aussi intimement com-
pris par les peintres qui ont tenté d'illustrer leurs
œuvres. Le caractère des différents personnages
est toujours parfaitement saisi , l'expression en
est juste et le sentiment vrai ; « ce sont les por-
traits vivants des êtres que le poète a rêvés », dit
un de ses biographes. Nous mentionnerons parmi
sesœuvresles plus remarquables : Sancho Pança
et la Duchesse ( 1824), sujet favori du peintre,
qui en a fait plusieurs répétitions avec change-
ments; — Don Quichotte renonçant à ses
projets de retraite dans la Sierra Morena
(1826); — Le Chapelain reprochant au duc
d'encourager les folies du chevalier de la
Manche (1849) ; — Sancho et le docteur Pedro
i?esm(1855), etc.; — plusieurs toiles traduisant
Molière; — Le Bourgeois gentilhomme faisant
des armes avec sa servante (1841); — une
scène du Malade imaginaire (1843) ; — Trisso-
tin lisant son sonnet aux dames ( 1845 ); —
Charles II et ladij Bellenden déjeunant dans
la tour de Tillietudlem (1837) ;— plusieurs scè-
nes tirées de l'histoire d'Henri VIII : — La
reine Catherine priant ses femmes défaire de
la musique pour chasser ses tristes pensées
(1842); — Wolsey découvrant le Roi dans
La Reine donnant son dernier message pour
le bal (1849) ; et Le Roi ( 1850) ; — Slender
courtisant Anne Page (1825); — Le Dîner
chez M. Page (1831 ) ; scène des Joyeuses Com-
mères de Windsor (1838); la scène du tail-
leur dans La méchante Femme mise à la rai-
son (1832); — Autolycus (1836) et Florizel et
Perdita ( 1837 ) ; — scènes du Conte d'hyver;
— une scène de La douzième Nuit (1842 ); —
V Oncle Toby et la veuve Wadman (1831), ta-
bleau bien connu enFrance ; — Tristram Shandy
retrouvant ses manuscrits; 1833; — La Lec-
ture du testament de Roder ick Random
(1846); — Roger de Coverley et les Gypsies
(1829) ; — scènes du vicaire de Wakefield (1843) ;
— De Tom Jones (1850); etc.
Outre ses tableaux littéraires, M. Leslie a
produit quelques tableaux de genre et deux
toiles officielles qui ont eu beaucoup de succès
en Angleterre: Là Reine recevant le sacrement
à son couronnement ( 1843 ) , et Le Baptême
de la princesse royale (1855). Parmi les por-
traits qu'il a peints, les plus estimés sont ceux
de M. Anyelo, de C. Dickens et du chirurgien
Travers; la plupart de ses ouvrages ont été
gravés. E. Oottenet.
LESPINASSE 954
The art Journal (1886). — M en ofthe Time. - Tuckrr-
man, Sketc/iesof American Painter s; — New-York, 1847.
— Arnold, Magazine of the Fine Arts , 1834. — Waa-
gen, Kvnstwerke vnd liiinsteler in /ingland, ■ Berlin.
l'espagnandel (Matthieu). Voy. Espa-
GNANDEL.
l'esparre ( André de Foix, seigneur de ),
capitaine français, mort en 1547. Frère cadet de
Lautrecet de Lescun, maréchal de Foix,« il fut, dit
Brantôme, très-vaillant comme ses deux frères »;
suivant d'autres écrivains, « c'était un jeune
homme sans talent et sans expérience ». Il com-
mandait en Guyenne, et fut chargé en 1521 de
chasser les Espagnols de la Navarre. Fran-
çois 1er s'était , par le traité de Noyon , réservé
le droit de secourir le roi de Navarre. C'était
d'ailleurs un moyen pour lui de plaire à la com-
tesse de Château briant, parente de ce roi. Il
permit à André de L'Esparre de lever cinq ou
six mille Gascons , de les joindre à trois cents
lances de Lautrec et d'entrer avec cette petite
armée en Navarre. L'Esparre accomplit en quinze
jours la conquête de cette province. Pampelune
même ne lui opposa qu'une faible résistance, et
Ignace de Loyola, son défenseur, y tomba blessé
grièvement. L'Esparre vint ensuite mettre le
siège devant Logrono , ville frontière de la VieilJe-
Castille; mais il affaiblit imprudemment son
armée par de nombreux congés qu'il donna à
ses soldats afin de profiter de leur solde. Atta-
qué le 30 juin par les Castillans, il reçut dans le
combat tant de coups de masse sur son casque
qu'il en perdit la vue. Ses troupes furent tail-
lées en pièces, et la Navarre fut reperdue aussi
rapidement qu'elle avait été conquise. Dès lors
la vie de L'Esparre n'offre plus d'intérêt histo-
rique. A. d'E— p — c.
Du Bellay, Mémoires, liv. 1, p. 89-92. — Belcorius,
Comment., liv. XVI, p. 481. — Arnold Kerron, De Rébus
Gallicar.. liv. V, p. 95 — Brantôme, Fies des Capitaines.
— Sisnooniii, Hist. des Français, t. XVI, p. 123 125,131.
l'espÉe ( Jacques ) , chroniqueur belge , né
enHainaut, en 1516, mort à Liessies, le 24 no-
vembre 1546. Ses étudesterminées, il entra chez
les Bénédictins de Liessies, et y termina sa courte
existence. On a de lui : Chronicon Monasterii
Lxtiensis, ab initio ( 751) usque ad sua tem-
pora (1544); Liessies et Anvers, in-4". A. L.
Brasseur, lit. Hannoniœ Sidéra, p. 37. - Les Bollan-
distes, Acta Sanctornm, t. VII, septembre, p. 489.
lespinasse ( Claire-Françoise (1) Mlle ),
femme célèbre par son esprit, naquit à Lyon, en
1731 ou 33, et mourut à Paris, le 23 mai 1776 (2).
Elle était fille naturelle d'une grande dame qui
vivait séparée de son mari (3). Quant au père, il
ne se fit jamais connaître par aucune marque
(1) Prénoms donnés par l'éditeur de ses lettres, publiées
en 1806. M. Jules Janin, dans sa préface à une nouvelle
édition des Lettres de Mlle Lespinasse , la nomme Julie-
Jeanne-Étèonore.
(2) Dates données par M. Jules Janin.
(3) Guibert citait discrètement le nom de cette dame
dans un opuscule dont i\llle Lespinasse est le sujet;
Grimm, dans sa Correspondance littéraire, l'appelle net-
tement la comtesse d'Albon.
955 LESPINASSE
d'affection ou d'intérêt pour elle; on nommait
tout bas le cardinal de ïencin : Lespinasse était
un nom d'emprunt. Après la mort du comte
d'Albon, la comtesse, qui avait confié à des
étrangers cette enfant qu'elle ne pouvait pas re-
connaître pour sa fille, la prit chez elle, en appa-
rence , par un sentiment de charité. Elle lui
donna une éducation distinguée; mais elle lui fit
un mystère de sa naissance. Mlle Lespinasse
entrait à peine dans sa dix-huitième année, lors-
qu'elle perdit presque subitement sa protectrice.
« Elle resta abandonnée à des parents, qui bien-
tôt ne furent plus que ses persécuteurs » dit
Guibert, dans son Éloge d'Éliza, nom fictif sous
lequel il désigne Mlle Lespinasse. M. Janin ra-
conte que Mme d'Albon, se voyant près de mou-
rir, avait remis à sa fille « une cassette de papiers
et une somme considérable en bons louis d'or ».
11 ajoute que Mlle Lespinasse se laissa voler la
cassette et donna l'argent aux héritiers légitimes
de sa mère. La jeune fille se trouvant alors
dans le dénûment, une de ses sœurs, qui vivait
dans ses terres , se décida à la prendre chez elle
pour faire l'éducation de ses enfants. Quelques
années plus tard, IVHle Lespinasse renonça à cette
place d'institutrice, pour aller vivre à Paris chez
la marquise du Deffand , en qualité de demoiselle
de compagnie. Ces deux dames furent d'abord
très satisfaites l'une de l'autre; leur bonne en-
tente ne pouvait pas durer longtemps. La mar-
quise , femme spirituelle , mais bizarre et mé-
chante, avait perdu presque entièrement la vue;
et ce n'était pas une tâche facile que celle de la
distraire de ses ennuis. Bien que la modicité de
son revenu l'eût obligée de se retirer dans un
couvent, elle voyait toujours le grand monde
au milieu duquel elle avait passé la phase bril-
lante de sa vie; ce monde fut bientôt la seule
compensation que Mlle Lespinasse trouva aux
désagréments de sa place. Mme du Deffand fai-
sait « du jour la nuit, et de la nuit le jour ».
Ce renversement de la distribution naturelle du
temps était nuisible à la constitution délicate de
M'le Lespinasse; les lectures à voix haute par
lesquelles il lui fallait endormir la marquise à
l'issue de ses longues veillées épuisaient la poi-
trine, de la jeune fille. L'amitié d'un homme
célèbre, que peut-être un lien secret de parenté
attacha doublement à la pauvre orpheline, con-
solait celle-ci de son état de dépendance ; le fils
si longtemps désavoué de Mme de Tencin, dont il
punit l'indifférence en la désavouant ensuite à
son tour, le savant géomètre D'Alembert, était
un des habitués du salon de Mmc du Deffand,
où la présence de Mlle Lespinasse l'attira plus
fréquemment qu'auparavant. Il ne fut pas seul
parmi les amis de la marquise à apprécier le
mérite de sa demoiselle de compagnie; Turgot,
Chastellux, et beaucoup d'autres hommes émi-
nents , partagèrent sa sympathie pour elle. Afin
de jouir plus librement de la conversation at-
trayante de MUc Lespinasse, ils s'avisèrent d'ar-
956
river le soir chez Mme du Deffand un peu» plus
tôt que l'heure à laquelle cette dame était vi-
sible; ces moments d'attente, ils les passaient
dans le petit appartement de MUe Lespinasse. On
fit d'abord un seeret de ces réunions à la mar-
quise; mais elle en eut connaissance, et alors
elle éclata en reproches à l'adresse de ses amis
aussi bien que de M1|e Lespinasse. Il y eut entre
les deux femmes une brusque, et violente rup-
ture; la fille de la comtesse d'Albon se serait
trouvée sans moyens d'existence si la société
presque tout entière, de la marquise ne l'avait
prise sous sa protection. On obtint pour elle,
par l'entremise du duc de Choiseul, une gratifi-
cation annuelle sur la cassette du roi ; Mme de
Luxembourg lui meubla complètement un ap-
partement, rue Bellechasse ; enfin Mme Geoffrin,
cette bienfaitrice déclarée des gens d'esprit, lui
fit une. pension de 3,000 francs. Ce fut alors que,
dans l'aimable liberté du chez soi, Mlle Lespi-
nasse révéla à ses amis toute l'étendue et toute
l'originalité de sa rare intelligence. Cette intelli-
gence embellissait son visage au point que l'on
oubliait sa laideur dès qu'elle parlait. Mlle Les-
pinasse était grande et bien faite; mais la petite
vérole avait entièrement gâté ses traits. C'était
une chose merveilleuse que la manière dont cette
remarquable personne tenait son salon , qui ne
devint pas une coterie comme presque toutes
les sociétés exclusives auxquelles s'appropriait la
dénomination de bureau d'esprit. A l'exception
de quelques amis de d'Alembert, son cercle n'é-
tait pas composé de gens qui fussent liés les uns
avec les autres. « Elle les avait pris, dit Mar-
montel, çà et là dans le monde, mais si bien as-
sortis que lorsqu'ils étaient dans son salon, ils s'y
trouvaient en harmonie comme les cordes d'un
instrument monté par une main habile. Nulle
part la conversation n'était plus vive, ni plus bril-
lante, ni mieux réglée que chez elle ». Plus loin,
il compare M'ie Lespinasse à « une fée qui, d'un
coup de baguette, change à son gré la scène de ses
enchantements ». Ce n'est pas un médiocre ta-
lent que celui de savoir animer et rendre intéres-
sante et agréable pour tous, durant plusieurs
heures de suite, une conversation à laquelle on
doit faire participer, sinon à la fois, du moins tour
à tour, trente à quarante personnes ; c'était le
nombre moyen des amis qui se réunissaient le
soir chez Mu> Lespinasse, seulement pour causer ;
car la modicité de son revenu ne lui permettait
pas de donner à souper. L'esprit le plus vif et
l'instruction la plus variée ne suffisent pas à pro-
curer celaient; pour l'acquérir, pour l'exercer, il
faut avoir un fonds de cette véritable sociabilité
qui dérive de la bienveillance du caractère.
M"e Lespinasse, qui était « toujours exempte de
personnalité et toujours naturelle » , poussait
cette bienveillance et cette sociabilité jusqu'à la
philanthropie, qualité peu commune à cette
époque et qui valut à Turgot lui-même les sar-
casmes des grandes dames, Mais Mlle Lespinasse
857
LESPINASSE
958
n'était pas une femme frivole; tout ce qui se rap-
portait au bien public et au progrès de l'huma-
nité touchait fortement son âme; la joie qu'elle
laissa éclater lors de l'édit d'abolition des cor-
vées en est une preuve. Compatissante et gé-
néreuse, elle regrettait surtout de n'avoir point
de fortune, parce qu'elle ne pouvait pas soulager
les malheureux. Cependant, l'aménité de ma-
nières de M"e Lespinasse était plutôt raisonnée
que spontanée. Profondément blessée par les
durs procèdes d'une famille égoïste, elle avait
dans son coeur un levain de chagrin qui lui fai-
sait rechercher avec une sorte d'ardeur, comme
un adoucissement à d'amers souvenirs, les dis-
tractions du grand monde. D'Alembert lui disait
que « l'envie d'avoir une cour et ce qu'on appelle
dans le monde des amis , la portait quelquefois à
sacrifier sa fierté à son amour- propre, en faisant
les avances lorsqu'on n'allait pas au-devant
d'elle ». Sa santé s'affaiblit par la fatigue de cette
agitation incessante. Suivant Marrnontel , un des
charmes de Mlle Lespinasse était ce naturel brû-
lant qui passionnait son langage et communiquait
à ses opinions la chaleur, l'intérêt, l'éloquence du
sentiment. ». Mais cette exaltation de sentiment,
ce feu de l'imagination, en donnant à Mllc Lespi-
nasse un éblouissant prestige, devint aussi
pour elle une source de tourments cachés qui,
sur la fin de sa vie, ne laissèrent pas à son esprit
un seul jour de trêve. Grimm, après avoir dit
qu'elle mourut d'une passion malheureuse, ajoute
que ce fut sa cinquième ou sixième. Ceci est Une
exagération. Il était assez naturel que Mi|e Les-
pinasse désirât sortir de la situation isolée et
précaire dans laquelle elle se trouvait, puis-
qu'elle n'avait pas d'autres ressources que les
libéralités du roi et de quelques particuliers. Si
elle n'eût pas porté ses vues sur des hommes
dont la haute position, la grande fortune, l'am-
bition de leur famille ou la leur propre , met-
taient en quelque sorte une barrière entre elle et
eux, elle aurait pu s'établir très-convenablement.
Mais , se voyant l'objet de l'admiration et de
l'adoration déjeunes gens d'un rang élevé, elle
présuma qu'un de ceux-là pourrait s'éprendre
assez fortement d'elle pour l'épouser. « Cette
ambitieuse espérance, plus d'une fois trompée, re-
marque encore Marrnontel , ne se rebutait pas ;
elle changeait d'objet, toujours plus exaltée, et si
vive, qu'on l'aurait prise pour l'enivrement de
l'amour ». C'était bien de l'amour que ressentait
M"e Lespinasse, lorsqu'elle se trouvait sous le
charme d'une de ces illusions. Dans ses lettres,
il y a des expressions qui, pour nous servir de
la métaphore employée par leur premier éditeur,
brûlent le papier.
Vers 1772, Mlle Lespinasse fit la conquête du
marquis de Mora , fils du comte de Fuentès, am-
bassadeur d'Espagne en France. Bien qu'elle
fût plus âgée que lui de dix ans, il conçut pour
elle, un attachement si profond, que sa famille en
prit de l'inquiétude, et le fit rappeler à Madrid
par le ministre. Le départ du jeune Espagnol
mit au désespoir Mlle Lespinasse; néanmoins,
ayant fait, peu de temps après , la rencontre de
M. de Guibert , un cadet de famille , chez
Mme Lebrun, la célèbre artiste peintre, elle se
laissa distraire de son chagrin par une nouvelle
inclination de cœur, qui ne fut pas plus heureuse
que la précédente; elle donna lieu à un com-
merce de lettres dont celles seulement qui ont
été écrites par Mlle Lespinasse furent publiées
trente ans après sa mort; on les avait trouvées
dans ses papiers parce qu'elle se les était fait
rendre par Guibert, lors du mariage de ce der-
nier. Tout imprégnées d'amour et de jalousie
que sont ces lettres, on n'y rencontre pas une
phrase , pas un mot qui puisse être interprété
autrement que comme l'expression d'un amour
romanesque. Ce qu'il y a de très-curieux, c'est
le partage presque égal que Mllc Lespinasse fait
de son cœur entre Guibert et Mora, avec une
ingénuité dont on trouverait difficilement un
autre exemple. Comme Guibert n'était pas une
nature désintéressée jusqu'à faire abnégation de
son amour-propre , la première ardeur de ses
sentiments pour Mlle Lespinasse dut être fort
refroidie par l'incohérence de ceux qu'elle lui
exprimait. Ainsi elle lui écrit, en parlant de
Mora absent, dont la santé l'inquiète : « J'ai
reçu beaucoup de détails ; ils ont calmé mon dé-
sespoir... Mais concevez s'il est possible d'avoir
un moment de repos en tremblant sans cesse
pour la vie de quelqu'un à qui l'on sacrifierait
la sienne à tous les instants?... Oh! si vous
saviez combien il est aimable, combien il est
digne d'être aimé?... Qu'êtes-vous donc pour
m'avoir détournée un instant de la plus char-
mante et de la plus parfaite de toutes les créa-
tures?... Je ne sais par quelle fatalité ou par
quel bonheur j'ai été susceptible d'une affection
nouvelle. »... A ces lignes détachées de billets
de dates différentes , il faut , pour donner une
idée de la variabilité de l'imagination de
Mlle Lespinasse, opposer des passages d'autres
lettres où son amour pour Guibert s'exhale en
ces termes : « Je cède au besoin de mon cœur,
mon ami , je vous aime ; je sens autant de plaisir
et de déchirement que si c'était la première et la
dernière fois de ma vie que je prononcerais ces
mots! « — Mora mourut; son souvenir venait
toujours se placer entre elle et Guibert chaque
fois que ce dernier lui donnait quelque sujet de
jalousie. « Oh ! que vous avez bien vengé M. de
Mora ! » lui écrit-elle un jour.
Vers le milieu de l'année 1774, on proposa à
Guibert un mariage qui lui convenait fort, et
qui se fit effectivement l'année suivante. Il cacha
aussi longtemps que cela lui fut possible ce pro-
jet à son amie ; quoique celle-ci lui eût elle-même
proposé de riches partis, il pressentait que son
mariage lui causerait une peine mortelle.
Mlle Lespinasse, devinant peut-être ce qu'on lui
cachait, se montre inquiète, tourmentée ; elle se
959 LESPINASSE
reprend à vanter Mora ; elle rapporta à Guibert
les derniers mots que lui avait adressés le jeune
Espagnol ; elle n'avait reçu le billet qui les con-
tenait que longtemps après qu'il le lui avait
écrit. « J'allais vous revoir, lui disait-il, et il
faut mourir!... Quelle affreuse destinée ! Mais
vous m'avez aimé, et vous me faites encore
éprouver un sentiment doux,... je meurs pour
vous ». Ce dernier adieu était attendrissant ;
aussi Mlle Lespinasse ajoute-t-elle qu'en le re-
traçant sur le papier, elle ne peut s'empêcher
de fondre en larmes; et il semble qu'à l'âge
de quarante-deux ans qu'elle venait d'atteindre ,
le souvenir d'un tel amour aurait dû satisfaire
son cœur et sa tête; mais on eût dit que chaque
année qui s'écoulait augmentait la vivacité de ses
passions. Elle proclamait son culte de la mémoire
de Mora par les lignes suivantes : « Savez-vous
le premier besoin de mon âme lorsqu'elle a été
violemment agitée parle plaisir ou la douleur?
C'est d'écrire à M. de Mora , je le ranime , je le
rappelle à la vie, mon cœur se repose sur le sien,
mon âme se verse dans la sienne »... Ensuite elle
s'écriait, désolée du mariage de Guibert. « J'ai
cru mourir, j'ai voulu mourir, et cela me parais-
sait plus aisé que de renoncer à vous aimer. »
Marmontel définit ainsi cette organisation de feu :
«Etonnant composé de bienséance, de raison, de
sagesse, avec la tête la plus vive, l'âme la plus
ardente et l'imagination la plus inflammable qui
ait existé depuis Sapho. » Pourtant, ce fut seule-
ment à la mort de M1Ic Lespinasse, qui arriva un
an après le mariage de Guibert, que l'on sut à
quel point son imagination était inflammable;
jusques là on avait cru généralement que son
cœur était consumé par le chagrin d'avoir perdu
le marquis de Mora. Les accès de désespoir
que lui causaient la froideur et l'inconstance de
Guibert , D'Alembert les attribuait à ses regrets
de la mort du jeune Espagnol. Elle avait des
instants d'égarement qui arrachaient des larmes
à ce naïf savant, dont le caractère, plein d'abné-
gation, ne s'était pas démenti un instant à l'égard
de Mlle Lespinasse, quoique cette dernière fût
devenue froide et aigre pour lui. Lorsque Mora
avait été obligé de quitter Paris, D'Alembert
avait mis en usage tous les moyens imaginables
pour adoucir la douleur de son amie et ramener
auprès d'elle celui qu'elle aimait d'amour. Les
jours de courrier, il allait lui-même, le matin,
chercher à la poste les lettres que Mora adres-
sait à Mile Lespinasse , afin que celle-ci les reçût
plus tôt. La santé du jeune Espagnol ayant donné
de l'inquiétude à sa famille, D'Alembert obtint
du médecin Lorry une consultation qui pres-
crivait l'air de la France au malade. Malheureu-
sement , ce dernier, en revenant d'Espagne , fut
attaqué d'une fièvre maligne, qui le força de
s'arrêter à Bordeaux, où il mourut. Depuis lors
Mlle Lespinasse se détacha toujours de plus en
plus de D'Alembert; il ne se plaignit pas d'un
changement dont il souffrait cependant beaucoup.
960
C'est à la constance de son attachemeni pour
elle que l'on doit attribuer le bruit auquel Vol-
taire faisait allusion, lorsqu'il écrivait en 1766 à
son ami Damilaville: « Est-il vrai queProtago-
ras( ainsi appelait-il D'Alembert) épouse Mlle de
Lespinasse? » Mais M"e Lespinasse voulait faire
un mariage d'amour, et il ne paraît pas qu'elle
ait jamais éprouvé pour D'Alembert un senti-
ment plus vif que celui d'une amitié frater-
nelle. Ce sentiment-là justifie un acte de dévoue-
ment que des esprits secs pourraient seuls blâ-
mer, en le discutant au point de vue des bien-
séances de convention. Quelque temps après la
brouillerie de Mme du Deffand et de MIle Lespi-
nasse, D'Alembert tomba gravement malade
dans l'insalubre logement qu'il occupait encore
chez la vitrière, sa nourrice. On le transporta
chez un de ses amis qui demeurait au boule-
vard du Temple , et M"e Lespinasse « s'établit
chez lui garde-malade, quoi qu'on en pût penser
et dire. Personne n'en pensa et n'en dit que du
bien ». Lorsque D'Alembert eutrecouvréla santé,
il voulut consacrer ses jours à l'amie qui avait
pris soin des siens. Il se loge après d'elle. « Rien
de plus innocent que leur intimité ; aussi fut-elle
respectée; la malignité même ne l'attaqua jamais,
et la considération dont jouissait Mlle Lespinasse,
loin d'en souffrir aucune atteinte, n'en fut que
plus hautement établie. Mais cette liaison si pure,
et du côté de D'Alembert toujours tendre et inal-
térable , ne fut pas pour lui aussi douce , aussi
heureuse qu'elle aurait dû l'être. » Ainsi parle
Marmontel, et il est facile de juger par la préci-
sion de ses paroles qu'elles étaient l'écho de l'o-
pinion publique. Cependant, plus d'un demi-
siècle après que cette femme remarquable eut
cessé de vivre, nous avons vu sa mémoire
exposée au mépris de la postérité, par des im-
putations et des invectives également outra-
geantes; et cela parce que dans un opuscule,
résultat d'une de ces débauches de l'esprit qui
souillent quelquefois la plume d'écrivains d'ail-
leurs éminents , Diderot eut la fantaisie de mettre
en scène M1|e Lespinasse. Cet opuscule, intitulé :
Le Rêve de D'Alembert, à peu près inconnu du
public contemporain de l'auteur, ainsi quedu pu-
blic de nos jours, a été tiré de l'oubli où il res-
tait par M. Jules Janin, qui y trouve des témoi-
gnages irréfragables de l'immoralité de M"e Les-
pinasse. « Diderot, dit M. Janin, suppose
dans ce Rêve que l'amie de D'Alembert a copié
un dialogue, lequel dialogue contient des dé-
tails incroyables dont il serait impossible même
aux plumes les moins timorées de donner une
juste idée.... Il faut en effet que M'Ie Lespinasse
ait été reconnue depuis longtemps la reine et Je
modèle des femmes qui ont jeté leur bonnet par-
dessus les moulins ».
Après avoir qualifié M"e Lespinasse d'an,'
tienne servante de Mmc du Deffand, et sa liai-
son avec D'Alembert de demi-mariage , le mor-
dant critique littéraire, devenant un rigide cen-
961
LESPINASSE — LESSART
962
seur des mœurs privées, s'écrie, indigné que i
Mlle Lespinasse ait osé prononcer le nom de Cla- ;
risse Harlowe : « Clarisse Harlowe, l'ange de la
chaste vertu, à propos de la maîtresse publique
de D'Alembert! Clarisse. , invoquée par M"e de
Lespinasse , voilà de ces étonnements dont il est
difficile de revenir ! » En regard de cette dia-
tribe, il est juste d'insérer ici l'appréciation que
Voltaire lit de Mlle Lespinasse, d'après la voix
publique, dans une de ses lettres familières :
« Je n'ai jamais vu M"e Lespinasse, écrivait-il à
M. Devaisme, le 17avrill776; mais tout ce qu'on
m'en a dit me la fait bien aimer ; je serais bien
affligé de sa perte. »
Mlle Lespinasse nous paraît avoir été digne de
l'estime générale dont elle jouit de son vivant et
longtemps aussi après sa mort. Les chagrins que
les erreurs de son imagination lui occasionnèrent
pendant la dernière période de son existence
atténuent même beaucoup ses torts envers, le
fidèle ami qui ne lui demandait en retour de son
dévouement que la continuation de sa confiance.
MUe Lespinasse, par ses dispositions dernières,
avait chargé Mrae Geoffrin d'acquitter ses dettes,
et elle avait en même temps nommé D'Alembert
son exécuteur testamentaire. Mme Geoffrin n'é-
tait pas capable de manquer à un appel fait à sa
libéralité. D'Alembert en remplissant la mission
qui lui était imposée fut douloureusement sur-
pris de découvrir dans les papiers de M1(e Les-
pinasse ses lettres à Guibert, qui révélaient
toute la folie d'une passion insurmontable; il
fut encore plus affligé de reconnaître combien
ce cœur égaré s'était détourné du sien, puisqu'il
ne retrouva pas une seule de ses propres lettres
parmi tant d'autres qu'elle avait conservées. Au
reste , elle et lui s'étaient déjà trahis quant à la
conscience qu'ils avaient du changement effec-
tué dans leur situation vis-à-vis l'un de l'autre,
Mlle Lespinasse par ce passage d'une de ses let-
tres à Guibert : « Si je ne vous paraissais pas
trop ingrate,, Je vous dirais que je verrais partir
avec une sorte de plaisir M. D'Alembert. Sa pré-
sence pèse sur mon ame et me met mal avec moi-
même ; je me sens trop indigne de son amitié et de
ses vertus » ; D'Alembert par ces deux lignes qu'il
avait inscrites au-dessous de son portrait lors-
qu'il le donna à Mlle Lespinasse , en 1775 :
Et dites quelquefois en voyant cette image :
De tous ceux que j'aimai, qui m'aima comme lui?
Mlle Lespinasse avait écrit plusieurs petits ou-
vrages de littérature, dont quelques-uns ont été
perdus. On a de MUe Lespinasse : Lettres ( pu-
bliées par Mœe de Guibert, avec une préface par
M. Barrère); Paris, 1809, 2 vol. in-s°; —
Nouvelles Lettres ( elles ne sont pas authenti-
ques) suivies du portrait de M. de Mora, et
d'autres opuscules ; 1820, in-8°.
Camille Lebrun.
Marmontel, mémoires. — Grimm, Correspondance lit-
téraire. — Guibert, Éloge d'Éliza- — D'Alembert, Aux
mânes de Mlle Lespinasse, et Discours sur sa tombe. —
Lettres de Lespinasse. — Préface a la première édition
KOUV. BIOGR. GENER.
T. XXX.
des Lettres de Mlle Lespinasse. — Voltaire, Correspon-
dance. — M. Jules Janin, Introduction a une édition des
Lettres de Lespinasse. — Sainte-Beuve , Causeries du
lundi , loin. II.
lespinasse (Augustin, comte de). Voy»
ESPINASSE.
l'es pin e (Jean de), Joannes de Spina,
théologien français, né à Daon, en Anjou, mort
à Saumur, en 1504. 11 fut d'abord religieux au-
gustin, ensuite ministre protestant. On a de lui :
Traité pour ôter la crainte de la mort et la
faire désirer à l'homme fidèle; Lyon, 1558,
in-8°; — Discours du vrai sacrifice et du
vrai sacrificateur, œuvre montrant à l'œil,
par les témoignages de la Sainte Écriture,
les rêveries et les abus de la messe; 1563,
in-8°, et Lyon, 1564, in 8°; — Traité conso-
la toire et fort utile contre toutes les afflic-
tions ; Lyon, 1565, in-8° -. appel énergique aux
armes protestantes contre les armes catholiques;
— Traité des Tentations, et moyen d'y résis-
ter; Lyon, 1566, in-8°; — Défense et Confir-
mation du Traité du vrai Sacrifice; Genève,
1567. B. H.
La Croix du Maine et Du Verdler, Biblioth. Franc. —
B. Hauréau, Hist. Litt. du Maine, t. III, p. K6.
l'espine (Charles de). Voy. Espine.
LES PIN E DE GKAINVILLE. Voy. GRAIN-
VILLE.
LEsezYNSKi. Voy. Stanislas.
lespinœil (Charles oe), pseudonyme sous
lequel le P. François Garasse fit paraître un li-
belle dilfamatoire contre l'avocat général Louis
Servin et en faveur des Jésuites, sous le titre de
Le Banquet des Sept Sages ; 1617, in-3°. Cet
ouvrage est devenu fort rare, parce qu'il fut sup-
primé peu après sa publication. ( Voy. Garasse. )
A. L.
lessabé (Jacques), latiniste belge, né à
Marchiennes, mort à Tournai, le 1er juillet 1557.
Il était moine dans un couvent de sa ville natale,
et a laissé : Hannoniœ urbium et nomina-
tiorum locorum ac eœnobiorum, adjectis
aliquot limitaneis, ex Annalibus, Anacepha-
Iseosis : c'est une description chorographique du
Hainaut; — Penias Declamatiuncula ; An-
vers, 1534, in-12; discours dans lequel l'auteur
fait parler la Pauvreté en vers qui n'ont rien de
remarquable; — Carminum tumultuaria Far-
rago; Anvers, 1534, in-12 : pièce médiocre.
Sweert attribue à Lessabé une Chronicon uni-
versale. L — z — e.
Sweert, Atli. Belg., p. 366. — Valère André, Bibliotheca
Belgica, p. 417 et 862.— Paquot, Mémoires pour servir
à l'histoire des Pays-Bas, t. II, p. 852.
lessart (Antoine de Valdec de), homme
d'État français, né en Guienne, en 1742, massacré
le 9 septembre 1792, à Versailles. Il obtint en
1768 une charge de maître des requêtes. Il se lia
avecNecker, partagea ses vues politiques et admi-
nistratives, et sous son second ministère, en 1789,
fut chargé de la direction d'une partie de l'ad-
ministration des tinances. Nommé, en décembre
1790, contrôleur général deslinances en rempla-
31
963
LESSART
cernent de Lambert, il passa le mois suivant au
ministère de l'intérieur, et le 30 novembre 1791
fut appelé aux affaires étrangères. Les cir-
constances changèrent; son dévouement au roi
Louis XVI devint un motif d'accusation, et le
9 mars 1792 fJiïssot demanda sa mise en juge-
ment « pour avoir, par sa lâcheté et sa faiblesse,
trahi les intérêts de la nation ». L'assemblée vola
ce décret, et de Lessart fut conduit à Orléans
pour être traduit devant la haute cour nationale,
qui siégeait en cette ville. Ramené vers Paris,
sur un ordre spécial signé Danton, le convoi
dont il faisait partie fut assailli dans les rues de
Versailles. De Lessart tomba l'un des premiers
sous les coups d'assassins apostés, suivant
quelques historiens, ou d'une populace égarée,
suivant d'autres écrivains. H. L.
Thiers, Histoire de la Révolution française, t. III. —
A. de Lamartine, Hist. des Girondins, t. II. — Dulaure,
Esquisses de la ftévolution, t. II.
lesseps (Jean- Baptiste-Barthélémy, ba-
ron de), voyageur et homme d'État français,
né à Cette, le 27 janvier 1766, mort le 6 avril
1834, à Lisbonne. Son père, Martin de Lesseps,
était commissaire de marine et agent consulaire;
il emmena son fils dans ses diverses résidences,
principalement à Hambourg et à Saint-Péters-
bourg. Ce fut ainsi que le jeune Lesseps se fami-
liarisa avec la plupart des langues européennes.
Il n'avait encore quedix-septanslorsqu'en 1783 il
fut nommé consul de France à Cronstadt. En
1784 il se trouvait à Versailles lorsque s'organisa
l'expédition de La Pérouse. Il demanda à servir
sous les ordres de ce navigateur, et prit place à
bord de La Boussole; plus tard, il passa sur
V Astrolabe (voyez pour les détails du voyage
les articles. La Pérouse et de Lancle). Parti de
Brest le 1er août 1785, La Pérouse lui confia, le
29 septembre 1787, le soin de porter en France
les dernières nouvelles de l'expédition. Lesseps se
mit en route le 7 octobre, et dut, à cause de la
mauvaise saison, séjourner dans le Kamtschatka.
Le 27 janvier il s'aventura par la voie de terre, et,
partant d'Avvatscha, arriva en traîneau le 1 8 mars
à Poustaresk. Il était alors en pleine Sibérie, et
voyageait traîné. tantôt par des chiens, tantôt par
des rennes II traversa Ingiga, Yamsk et Okostk.
Le dégel le retint dans cette dernière ville jus-
qu'au 8 juin. SI put alors continuer son voyage,
tantôt par eau, tantôt par terre. II. vit successi-
vement Itkoutsk, Tomsk, Tobolsk, Kasan, Nijni-
Novogorod , Moscou, et entrait à Saint-Péters-
bourg le 22 septembre. Il ne demeura que trois
jours dans cette capitale, où d'ailleurs il fut fort
bien accueilli. Lesseps reprit sa course à travers
l'Allemagne, et le 1 7 octobre rendait compte de son
voyage à M. de La Luzerne, ministre de la marine,
auquel il remettait les relations que lui avait
confiées La Pérouse. Lesseps fut alors nommé
consul à Cronstadt, et le 7 janvier 1793 consul
général à Saint-Pétersbourg. En septembre 1794
il accompagna Aubert du Bayet, ambassadeur à
- LESSEPS 964
Constantinople. Les Français étant débarqués en
Egypte, la Porte vit dans ce fait une violation des
traités, et fit emprisonner les agents diplomati-
ques français. Lesseps fut incarcéré au château des
SeptTours, et ne recouvra la liberté que le 9 oc-
tobre 1801. Le 8 mars 1802, il fut nommé com-
missaire général des relations commerciales à
Saint-Pétersbourg, poste qu'il remplit jusqu'au
6 janvier 1807, et dans des circonstances fort
difficiles. 11 reprit ses fonctions le 2 août suivant,
après le traité de Tilsitt; mais le 8 juin 1812
il dut encore une fois, devant la guerre, rega-
gner sa patrie. En juillet 1815 il fut nommé
consul général de France à Lisbonne, et y resta
accrédité jusqu'au 17 novembre 1833, malgré
les changements de gouvernement qui affligèrent
ce pays. Il revenait en France lorsqu'il mourut.
On a de lui : Journal historique du voyage
de Lesseps, depuis l'instant oii il a quitté les
frégates françaises de La Pérouse, au port
Saint -. Pierre-et-Saint-Paul, au Kamtchatka,
jusqu'à son arrivée en France; Paris, 1790,
2 vol. in-8°, fig. ; — Voyage de La Pérouse, par
M. Lesseps, seul débris vivant de l'expédi-
tion; Paris, 1831, in-8°, avec carte, port. etc.
A. de L.
Le Moniteur vniversel, ann. 1802-1817. — Quérard, La
France Littéraire.
lesseps. ( MaUMeu-Maximilien- Prosper ',
comte de), diplomate' français, frère du précé-
dent, né à Hambourg, le 4 mars 1774, mort à
Tunis, le 28 décembre 1832. Il avait à peine
seize ans lorsqu'il fut nommé secrétaire de lé-
gation auprès du général Durocher, ambassa-
deur extraordinaire près l'empereur de Maroc.
Lesseps demeura dans cette contrée en qualité
de consul général jusqu'au 25 août 1797. Il
remplit ensuite les mômes fonctions à Tripoli,
revint dans le Maroc ( 23 mai 1799 ), passa en
Espagne (4 janvier 1800 ), et suivit l'armée fran-
çaise en Egypte. D'abord sous-commissaire des
relations commerciales à Damiette, il demeura
chargé de représenter la France après l'évacua-
tion des troupes expéditionnaires. Napoléon
l'appela à Livournele 1er août 1805, et en 1808
le nomma commissaire généra! des Iles Ionien-
nes. Lesseps occupa ce poste important jusqu'à
la chute de l'empire. Dans les Cent Jours il fut.
nommé préfet du Cantal. Destitué à la seconde
restauration, il reçut en 1817 une commission
extraordinaire pour obtenir de l'empereur du
Maroc la permission d'acheter des blés dans
ses États. Il réussit dans sa mission ; mais lors-
qu'il voulut faire enlever les blés achetés , le
peuple s'ameuta, et dans le conflit Lesseps fut
blessé dangereusement d'un coup de pierre à la
poitrine. Le 16 septembre 1819 il fut investi
du consulat de Philadelphie, et le 1er mai 1821
nommé consul général de Syrie; le 8 août 1827
il passa à Tunis, où il mourut. Il avait épousé à
Malaga, le 22 mai 1801, M,le de Grivegnée, fiHe
d'un des premiers négociants de cette ville. A. L.
965
LESSEPS
Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Kouv. Biog. des Con-
temporains.
* lesseps (Ferdinand de), diplomate
français, né eu 1805, à Versailles. Dès l'âge de
vingt, ans il suivit la carrière diplomatique, et
fut envoyé à Lisbonne, d'où il passa, le 19 oc-
tobre 1828, à Tunis en qualité d'élève consul.
A la suite de la conquête d'Alger, il eut auprès
du maréchal Clausel une mission relative à la
soumission du bey de Constantine. En 1831 il se
rendit en Egypte, et y fut chargé, à trois re-
prises différentes, de la gestion du consulat gé-
néral d'Alexandrie; pendant la durée de ces
fonctions intérimaires, il sut maintenir l'in-
fluence française au milieu des circonstances les
plus difficiles, obtint d'Ibrahim-Pacha une pro-
tection efficace pour nos coreligionnaires de
Syrie, et s'employa activement, après la guerre,
dans le rétablissement des rapports administra-
is entre la Porte et Méhémet-Ali. Le dévoue-
ment qu'il montra à propos de la peste qui dé-
sola en 1835 la ville d'Alexandrie lui lit donner
la croix de la Légion d'Honneur. Nommé consul
à Rotterdam ( 17 juillet 1838), puis à Malaga
(8 juillet 1839), il fut désigné, le 24 mai 1842,
pour occuper le même poste à Barcelone. A
quelques mois de là, lors du bombardement de
cette ville par Espartero, M. de Lesseps agit
avec autant de courage que de sang- froid pour
sauvegarder les intérêts de ses compatriotes :
on le vit courir au milieu des bombes et des
boulets tantôt pour arracher des victimes à la
mort , tantôt pour porter aux combattants des
paroles de paix. Pendant plusieurs jours ses
énergiques protestations suspendirent le bombar-
dement, et quand ce dernier malheur lui parut
inévitable, il fréta pour le compte du gouver-
nement les navires nécessaires pour mettre ses
nationaux à couvert , et veilla lui-même jus-
qu'au dernier moment aux moindres détails de
l'embarquement. Les honneurs ne firent pas dé-
faut à cette courageuse conduite, qui excita les
applaudissements de toute l'Europe. M. de Les-
seps fut promu officier de la Légion d'Honneur
(20 décembre 1842.) et reçut des gouvernements
de Sardaigne, des Deux-Siciles, de Suède, des
Pays-Bas , d'Espagne même, les insignes de
leurs ordres; la chambre de commerce de Bar-
celone lui adressa des remercîments publics, et
décida que son buste en marbre décorerait la
salle de ses séances ; la colonie française de
cette ville lit frapper en son honneur une mé-
daille d'or. Enfin, par ordonnance du 26 janvier
1847, il fut maintenu à son poste avec le grade
supérieur de consul général. Accrédité à Ma-
drid comme ministre de la république ( 10 avril
1848 ), il céda sa place au prince Napoléon
(10 février 1849;, et allait prendre possession
de la légation de Berne lorsque , le 8 mai sui-
vant, il fut envoyé en Italie. Sa mission avait un
double but : soustraire les États de l'Église à
l'anarchie qui les désolait, et empêcher que le
• LESSER 966
rétablissement d'un pouvoir régulier à Rome y
fût compromis dans l'avenir par une réaction
aveugle. Pour atteindre ces résultats il lui était
prescrit de se concerter avec MM. d Harcourt et
de Rayvenal sur tout ce qui n'exigerait pas une
solution absolument immédiate. Malheureuse-
ment ces instructions , quoique formelles , n'é-
taient pas assez explicites pour donner à l'en-
voyé les moyens d'agir, de côté ou d'autre,
avec la moindre autorité. Aussi dès que l'As-
semblée constituante eut fait place à la législa-
tive , M. de Lesseps, qui avait dès le 16 mai
suspendu les hostilités, qui avait dans di-
verses propositions d'arrangement stipulé qu'on
laisserait au peuple romain le droit de se pro-
noncer sur la forme de son gouvernement, qui
avait, enfin, rédigé le texte des conventions du
31 mai, M. de Lesseps fut sacrifié à un change-
ment de politique et rappelé dans les premiers
jours de juin. On déféra l'examen des actes de sa
mission au conseil d'État, qui, dans un rapport
en date du 8 août, lui infligea un blâme sévère
fondé sur ces deux points : l'opposition absolue
entre les instructions de l'envoyé et l'applica-
tion qu'il en avait faite, et la signature d'une con-
vention dont les stipulations étaient contraires
aux intérêts de la France et à sa dignité. Le
fonctionnaire réprimandé justifia sa conduite
avec autant de force que de ménagement dans
son Mémoire au conseil d'État, et sa Réponse
à l'examen de ses actes.
Depuis cette époque M. de Lesseps a tout à
fait renoncé à la carrière diplomatique, et parait
vouloir consacrer le reste de sa vie à la direc-
tion d'une vaste entreprise, le percement de
l'isthme de Suez, à laquelle il a su intéresser la
plupart des gouvernements et des capitalistes
de l'Europe. « D-es difficultés diplomatiques, les
ombrages de la Porte, les rivalités de l'adminis-
tration anglaise, interprétées par les ministres
eux-mêmes et soutenues ouvertement par le
parlement, ont suspendu jusqu'en 1859 l'exécution
de ce projet grandiose. » Mais cette année même
les travaux ont été commencés, et si, contraire-
ment à l'opinion d'un grand nombre d'ingénieurs,
il est possible de les mener à bonne fin, on peut
affirmer que cette route nouvelle, ouverte entre
l'Europe et l'extrême Orient, sera une des plus
glorieuses conquêtes de notre siècle.
Le Moniteur, 1842,1849. — Vapereaa, Dict. dei Con~
temp.
lesser ( Frédéric-Chrétien), naturaliste et
théologien allemand, né à Nordhaosen, le 29 mai
1692, mort dans cette même ville, le 17 sep-
tembre 1754. Il étudia la médecine et plus tard:
la théologie, et fut longtemps pasteur à Nord-
hausen. Parmi ses ouvrages on remarque :
Lithotheologie das ist die naluerliehe His-
torié der Steine (Lithothéologie ou Histoire na-
turelle des pierres); Hambourg, 1735 et 1751,
in-8'J ; — De Sapientia, Omnipotentia et Pro-
videntia divina, ex partibus insectomm co-
31.
967
LESSER — LESSING
968
(juosce7ida, Disquinitio ; Nordhausen, 1735,
in-4° ; — Insectotheologia ( Démonstration des
perfections de Dieu dans tout ce qui concerne
les insectes); Francfort et Leipzig, 1738, 1740,
1757, in-8°; trad. en ital. , Venise, 1751, in-8°;
trad. en franc avec des notes par Lyounet, La
Haye. 1744, et Paris, 1745; — Testaceolheologia;
Leipzig, 1747, 1759, 1770, in-8°; trad. en français,
avec des notes par Lyonnet, Paris, 1748, in-8°;
— Versueh einer Heltotheologie ; Nordhausen,
1753, in-8°. V— u.
Schmersahl, Geschichte jetzt lebcnder Gottesgelehr-
ten. — Meusel, Gelehrte* Deutschland.
lessek ( Augustin Creczé de). Voy. Creuzé.
lessing (Gotthold-Ephraïm), poète et cri-
tique allemand, et l'un de ceux qui ont le plus
contribué à donner l'essor à la littérature de son
pays, naquit à Kamenz, petite ville de la haute
Lusace, le 22 janvier 1729, et mourut le 15 fé-
vrier 1781. Fils d'un pasteur, il fut de bonne
heure destiné lui-même aux études théologiques,
et à l'âge de dix-sept ans, après avoir quitté
l'école de Meissen, il se rendit à l'université de
Leipzig. Mais son esprit inquiet et chercheur le
fit passer bien vite des cours de théologie à
ceux de la faculté de médecine , et plus vite en-
core il quitta cette dernière pour s'adonner aux
études littéraires et à celle de la philosophie de
Wolf. Il fit sa société habituelle des acteurs du
théâtre de Leipzig, et de quelques esprits origi-
naux qu'il avait découverts parmi les habitants
de cette ville. Le départ pour Berlin de Mylius,
avec lequel, de même qu'avec Weisse, il s'é-
tait étroitement lié et dont les opinions peu or-
thodoxes eurent une grande influence sur les
siennes, décida Lessing à se rendre également
dans cette capilale, où il avait l'espoir de se li-
vrer fructueusement à des travaux littéraires.
Cependant il n'y fit d'abord qu'un court séjour
(1750) : pour obéir à son père, il essaya encore
une fois d'étudier l'exégèse et le dogme à Wit-
temberg, mais décidément sa nature y répugnait.
Il retourna à Berlin, après avoir pris le degré de
magister, et y gagna sa vie par les articles lit-
téraires qu'il rédigeait pour la Gazette de Voss
(1753), et en publiant quelques volumes de mé-
langes ( des fables concises, pleines d'esprit, des
épigrammes, des chansons, etc., fort goûtées du
public et des éditeurs de recueils littéraires).
Auparavant déjà il avait composé quelques co-
médies, Le Jeune Savtint, satire de l'érudit
ridicule; L'Athée; Le Mysogijne, ou l'ennemi
des femmes; Les Juifs, prélude de Nathan ; Le
Trésor. Son premier drame bourgeois, Miss
Sara Sampson, fut composé en 1755, et ouvrit
la série de ses succès dramatiques.
En 1760, Lessing, qui, s'étant associé à Men-
delssohn et à Nicolaï (voy. ces noms) pour la
publication de la Bibliothèque des Belles-
Lettres et des Lettres sur la Littérature, avait
montré son talent de critique, fut nommé membre
de l'Académie de Berlin. Bientôt après, il se
rendit, en qualité de secrétaire du général Tauen-
zien, à Breslau, dans le seul but de voir un
monde nouveau pour lui. C'est pendant son sé-
jour en Silésie qu'il composa le beau drame de
Minna Barnhelm, et qu'il conçut le plan du
Laocoon. Mais il quitta cette position en 1765,
bien décidé à ne plus accepter de place qui ne
fût en rapport direct avec ses occupaiions favo-
rites. Il retourna donc à Berlin, et publia le Lao-
coon, ce célèbre fragment d'esthétique, et se
rendit ensuite (1767) à Hambourg, où il essaya
en vain de créer un théâtre national. La Dra-
maturgie de Hambourg, journal périodique,
publié par lui pendant son séjour dans la ville
anséatique (1768, 2 vol. in-8°), lui valut du
moins un surcroît de renommée littéraire. En
1769, il passa comme bibliothécaire à Wolfen-
bùttel, où il déploya une activité étonnante. Son
chef-d'œuvre, la tragédie à'Emilia Galotti, le
drame iambique de Nathan le Sage, puis une
longue série d'ouvrages de polémique, de cri-
tique littéraire et artistique, datent de son sé-
jour à Wolfenbuttel. Les Fragments d'un in-
connu, œuvre mal famée, et dirigée contre les
dogmes de la révélation, lui valurent de formi-
dables inimitiés, qui remplirent de déboires les
dernières années de sa vie.
Lessing avait épousé, en 1778, une veuve qui
lui fut bientôt enlevée à la suite de ses couches,
ainsi que l'enfant qu'elle avait mis au monde.
Après cette perte, Lessing pressentit sa fin pro-
chaine; il était fatigué de vivre. Ses controverses
théologiques lui donnaient seules quelque dis-
traction : c'est dans cette lutte avec l'intolérance
qu'il développa sa plus grande énergie et les
plus belles ressources de son esprit. Son anta-
goniste le plus acharné fut le pasteur Gœtze de
Hambourg, contre lequel il lança un pamphlet
(l'Anti-Gœtze), qui encourut la censure ducale
et lui attira la défense d'imprimer dorénavant
quoi que ce fût à Wolfenbuttel. Lessing lutta
d'opiniâtreté avec ses persécuteurs; mais ses
forces étaient épuisées. 11 mourut à Brunswick,
à l'âge de cinquante-deux ans. C'était un carac-
tère antique ; en lui rien de sentimental ; sou
esprit viril lui faisait dédaigner les mystères des
religions révélées ; le besoin de croire ne le
tourmentait pas au même degré que les âmes
tendres; il était sceptique, pas précisément à la
façon de Voltaire ou de Bayle, car il était tour-
menté du désir d'arriver à la vérité; mais il ne
put ou ne voulut point franchir l'abîme que la
foi seule aide à passer.
Miss Sara Sampson, tragédie composée, vers
1755, à Potsdam, inaugura ce qu'on a appelé le
drame larmoyant. La tragédie de Philotas,
malgré sa monotonie, intéresse par la peinture
d'un caractère vraiment antique. Minna de
Barnhelm, écrite vers la fin de la guerre de
Sept Ans, porte tout à fait l'empreinte de cette
époque : l'armée victorieuse du roi de Prusse
est mise en relief, et l'intérêt des spectateurs se
969
LESSING
&70
porte sur le sort des officiers que la paix réduit
à une existence gênée. Cette œuvre de bon pa-
triote fit une profonde sensation, et donna nais-
sance à une foule de drames militaires. Ernilia
Galotti (1772), tragédie inspirée par le sujet de
Virginie, est le produit d'un goût de plus en plus
épuré. On y trouve une grande vérité de carac-
tères, jointe à la véhémence des passions. La
dernière œuvre dramatique de Lessing est Na-
than le Sage (1780), pièce dont ses discussions
théologiques lui avaient donné l'idée : l'auteur y
prêche la tolérance ; il cherche à faire pénétrer
dans l'esprit du spectateur ou du lecteur la con-
viction que devant Dieu toutes les religions
sont égales et que l'homme est jugé d'après ses
œuvres, non d'après sa croyance. Le christia-
nisme, le judaïsme, le mahométisme mis en pré-
sence dans ce drame, et représentés par des ca-
ractères qui luttent de grandeur et de générosité,
montrent jusqu'à l'évidence l'indifférence de Les-
sing pour le dogme, en même temps que son
respect pour la morale universelle. Saladin, Na-
than et le Templier se donnent la main comme
représentants des trois grandes tendances reli-
gieuses, et comme frères devant Dieu. Le plan
de cette pièce est admirablement conçu : les
événements en apparence les plus fortuits coïn-
cident à la fin d'une manière toute providentielle.
Mais la versification de Nathan le Sage est
flasque; la dernière consécration, celle du rhythme
et du style poétique, lui manque.
Toutes les pièces de Lessing étaient écrites
pour la scène. A Hambourg, il avait trouvé un
digne interprète dans l'acteur Eckhoff. Comme
auteur dramatique et comme critique, Lessing
renversa l'école de Gottsched et de Weisse, et
fut le digne précurseur de Gœthe et de Schiller,
en combattant la fausse imitation du théâtre
français et en ramenant l'art guindé à la repro-
duction du monde réel et à l'étude de Shaks-
peare. La Dramaturgie de Hambourg est écrite
avec esprit et verve; mais le paradoxe y abonde.
On y reconnaît l'influence de Diderot, dont Les-
sing avait traduit quelques ouvrages. Déjà, quel-
ques années avant la publication de La Drama-
turgie, Lessing avait attaqué l'école de Gott-
sched dansla Bibliothèque Thâtrale (1754-1758)
et dans les Lettres sur la Littérature ( 1759 ).
Son Laocoon (17C6 ), qui a eu un retentisse-
ment pour le moins égal à celui de La Drama-
turgie, n'est point, ainsi que son titre pourrait
le faire croire, le résultat de longues études sur
les monuments de la statuaire antique : c'est
Fouvrage fort peu méthodique d'un penseur,
d'un érudit plein de sagacité, qui cherche à fixer
les bornes au dedans desquelles la poésie doit
se mouvoir. Il y fait de la polémique comme
dans la plupart de ses écrits. Ici, ce sont les
poètes amateurs de la description et de l'allégo-
rie contre lesquels il s'escrime en prêchant la
simplification de l'art, la séparation rigoureuse des
genres. Lessing établit en principe que dans l'art
antique la première loi était la beauté , et que
l'idéal de la poésie, c'était l'action. Aussi se rat-
tache-t-il aux préceptes d'Aristote, qui n'admet,
en fait de poésie, que l'épopée et le drame,
c'est-à-dire des genres qui ont l'action pour base.
11 existe de Lessing deux autres ouvrages de
la même espèce que le Laocoon ; l'un est inti-
tulé : Des Images de la mort chez les an-
ciens : c'est une apologie des études archéolo-
giques lorsqu'elles sont faites avec goût. L'aulre
ouvrage était dirigé contre l'antiquaire KIotz, qui
avait attaqué Laocoon ; il porte le titre de Let-
tres d'un Antiquaire, et renferme une foule de
notices historiques pleines d'intérêt et de remar-
ques esthétiques d'une grande finesse.
Quoique Lessing ne se soit point occupé spé-
cialement de philosophie spéculative, il a laissé
plusieurs écrits sur des sujets philosophiques.
Tel est celui Sur les Rapports de Leibnitz
avec Spinoza, dont la doctrine lui répugnait;
un autre Sur la Réalité des objets en dehors
de la divinité; puisse Christianisme ration-
nel, dans lequel Lessing essaye d'expliquer phi-
losophiquement les dogmes de notre religion;
V Éducation du genre humain, où il développe
la théorie de la perfectibilité indéfinie; Ernest
et Falk, dialogues sur la franc- maçonnerie; le
traité Sur les Peines éternelles ; enfin l'ouvrage
si fameux qui le fit mettre au rang des alhées
par les théologiens, les Fragments d'un in-
connti, ou Fragments de Wol/enbuttel, dont
il ne fut, à vrai dire, que l'éditeur ( voy. Rei-
marus ). Les principaux de ces fragments trai-
tent De V Impossibilité d'une révélation ; Du
véritable Caractère du livre de V Ancien Tes-
tament; Des Contradictions que renferme
l'histoire de la résurrection de Jésus-Christ.
Nous avons parlé plus haut de la polémique oc-
casionnée par cette publication. La brochure
que Lessing lança contre son antagoniste ham-
bourgeors , le pasteur Gœtze, est écrite dans un
style piquant et incisif. Le premier il a su donner
à la prose allemande une allure dégagée; son
style atteste une rare lucidité. C'est même là un
de ses principaux titres à l'estime des littéra-
teurs : Winckelmann et Lessing ont, à vrai dire,
créé la prose allemande.
La vie de Lessing ne fut qu'une longue lutte
avec les théologiens, les antiquaires, les litté-
rateurs de son époque. Frondeur de sa nature ,
il cherchait à renverser les idoles du jour et à
saper les préjugés. Mais, ainsi qu'il arrive sou-
vent dans ce genre de combats , il se laissa en-
traîner par l'ardeur de la lutte; ses coups por-
tèrent plus avant qu'il ne voulait lui-même. Dans
cette polémique de tous les instants, Lessing
apportait une érudition immense, un jugement
sûr, une raison saine, un bon sens exquis, de
l'esprit à défrayei une centaine de critiques or-
dinaires. Lessing toutefois ne fut point un homme
de génie : il aurait lui-même récusé cette qua-
lification ; mais il est le père spirituel de tous
971 LESSING
les hommes de génie qui ont illustré l'Allemagne
vers la fin du dix-huitième siècle. Toutes les
productions de Lessing ont quelque chose de
fragmentaire; il excitait les autres à produire,
il donnait une impulsion à l'ensemble de la lit-
térature , son activité se répandait dans toutes
les directions; mais sa carrière morcelée, bri-
sée, peut-être la nature de son esprit, l'empê-
chèrent d'arriver lui-même à une grande créa-
tion. De tous ses ouvrages, Emilia Galottl
seule approche de la perfection ; mais cette
pièce est écrite en prose, et il lui manque ce
parfum d'idéalisme que les Allemands aiment dans
Schiller ou Goethe.
Le nom de Lessing n'en vivra pas moins comme
celui du critique le pins éminent, du prosateur
le plus distingué de l'Allemagne; il vivra, parce
qu'à lui se rattache la crise féconde qui a doté
ce pays de ses grands poètes, de ses savants
théologiens , de ses philologues , de ses philoso-
phes et de ses artistes mimiques. L'édition la
plus complète des œuvres de Lessing est celle
qu'a publiée M. Lachmann, Berlin, 1838-1840,
13 vol. in-8°. Les Fables de Lessing ont été
traduites en français par d'Antelmy ( Paris, 1764,
in-12) et par le chevalier Du Coudray (1770);
Grétry neveu les a mises en français (1 8 il,in-8°).
La Dramaturgie, ou observations critiques
sur plusieurs pièces de théâtre, tant anciennes
que modernes, a été traduite par Cacault
(Paris, 1785,2 vol. in-8°). Ch. Vanderbourg a
traduit le livre du Laocoon , ou des limites
respectives de la poésie et de la peinture
pour ce qui concerne les descriptions et ima-
ges (1802, in-8°). V Éducation du genre hu-
main a été insérée à la suite des Lettres sur la
Religion et sur la Politique d'Eug. Rodrigues
(1829, in-8°). On trouve les pièces de Lessing
dans différents recueils. Minna de Barnhelm
a été traduite par M. Merville, et Nathan le
Sage par M. de Barante, pour les Chefs-d'œuvre
des Théâtres étrangers. MM. Junker et Liébault
ont traduit pour le théâtre allemand publié par
eux: Minna de Barnhelm; V 'Esprit /o?^, tra-
gédie bourgeoise en cinq actes ; Le Mysogyne ,
corn, en trois actes ; Miss Sara Sampson, trag.
bourgeoise en cinq actes ; Le Trésor. MM. Friedel
et Bonneville ont également publié Emilie Ga-
lotti, trag. en cinq actes; — Philotas, trag. en
un acte, etc. Le Maître de pension, corn, en un
acte, traduite par Cacault, se trouve à la suite de
La Dramaturgie. Enfin, Minna de Barnhelm a
été imitée par Rochon de Chabannes sous le titre
de Les Amants généreux, et Nathan le Sage,
par Chénier et par Cubières-Palmezaux. Plu-
sieurs traités ou mémoires de Lessing sur les
antiquités et l'art chez les anciens ont également
été traduits en français. [L. Spach, dans YEn-
cyciop. des G. du M. ]
Gervinus, National- Literat. der Deutschen. — Grave,
F ie de Lessing ( en allemand ;; Leipzig, 1829.- K -G. Les-
sing, Fie de G. E. Lessing d'après ses écrits inédits ; Ber-
lin, 1793, 3 vol. in-8°. — F. von Scblegel, Sitr Lessing et
— LESSON
912
l'etprit de ses écrits ( Caractères et Critiques, 1, 370) —
C.-G Sehiitz Sur le Génie et les Écrits de Lessing; Le4pzig,
1804, in-S° , et dans le Panthéon des Allemands, t. II. —
E.-A. Diller, Souvenirs de Lessing ;Meissen, l841,ln-8°. —
G. Mohnike, Lessitiçiana; Leipzig, 1843, in-8°. — JOrdens,
III, 23V , VI, 487.— Tli.-W. Dàuzeil, J.cssing, tavie et ses
œuvres; Leipzig, 1847 -53, 2 vol.in-8". — Schwarz, Lessing
comme théologien; Halle, 1834, in-8<>. — La Littérature
de Lessing Allemagne del7S0 à 1851; Cassel, l852,in-8°.
(f-'oti. pour plus de sources, OliUinger, Bio-Bibtiogr. )
* le-;ssi.\<; (Charles-Frédéric), peintre d'his-
toire et paysagiste allemand, arrière- petit-ne-
veu du précédent, né le 15 février 1808, à War-
temberg en Silésie. Après avoir passé quelque
temps à l'Académied'Archilecture à Berlin, il s'a-
donna à la peinture. En 1827 il suivit son maître
Schadowà Dusseldorf, et devint un des principaux
fondateurs de l'école de peinture qui se forma
dans cette ville en rivalité avec l'école de Munich.
Il est membre de l'Académie de Berlin depuis
1 832, et depuis 1837 chevalier de la Légion d'Hon-
neur. Ses principaux tableaux, remarquables par
une poésie émouvante jointe à une exécution pure
et correcte sont -. La Bataille d'iconium, fresque
peinte à Haltorf , dans le pavillon du comte de
Spee; — Le Couple royal en deuil ( sujet tiré
d'une ballade d'Uhland): appartient à l'impératrice
de Russie ; — Lenore : appartient au roi de Prusse
ainsi que Le Prédicateur hussite; — Le Retour
du Croisé ; — Le Brigand et son enfant, — Ez-
zelinodi Romano en prison : estau musée Staëdel
à Francfort, de même que Jean Huss devant le
concile de Constance; — VArrestion du pape
Pascal II; — Huss marchant au bûcher; —
Bataille contre les Mongols à Liegnitz; —
Luther brûlant la bulle papale. Lessing a
aussi peint plusieurs paysages du plus grand
mérite. E. G.
Raczinki, Gesckichte der neueren deutschen Kunst. —
Nagler, Allgemeines Kùnstler-Lexicon.—Conversations-
Lexihon.
lkssox ( René-Primevère), voyageur et na-
turaliste français, né à Rochefort, le 20 mars
1794, mort en 1849. Fils d'un commis de ma-
rine, il fit de médiocres études ; mais il y sup-
pléa à force de travail et de courage. Son goût
pour l'histoire naturelle se manifesta de bonne
heure : dès l'âge de huit ans, il avait formé une
collection de bois et de plantes indigènes. En
1809 il entra à l'école de médecine navale du
port deRochefort, où il obtint bientôt le grade d'en-
tretenu à la suite d'un concours. Il s'embarqua
sur différents vaisseaux, et se trouvait, en 1814, à
Bordeaux, sur Le Régulus, qui fut brûlé en rivière
par les Anglais, et qu'il quitta un des derniers.
En 1820 il fut reçu pharmacien de la marine. Il
était chargé delà direction du jardin botanique de
Rochefort, lorsqu'il fût désigné pour faire partie
de l'équipagede La Coquille, destinée à un voyage
autour du monde sous les ordres du lieutenant
de vaisseau Duperrey. Dès le début de la cam-
pagne, le chirurgien major Garnol ayant été at-
teint dedyssenterie fut débarqué, et Lesson resta
seul chargé du soin de la santé de l'équipage et
de réunir des objets d'histoire naturelle pow
973
LESSON
974
le Muséum. Il eut le bonheur de ne pas perdre
un seul de ses compagnons, et son zèle comme
naturaliste fut dignement apprécié dans un rap-
port de Cuvier à l'Académie des Sciences, le
22 août 1825. Son activité enrichit le Muséum
d'Histoire Naturelle d'une foule d'animaux qui y
manquaient, parmi lesquels on peut citer qua-
rante-six espèces d'oiseaux, vingt espèces de
reptiles, quatre-vingts espèces de poissons ; il y
déposa en outre plusieurs crânes appartenant à
des peuplades inconnues. Il s'était appliqué à re-
produire par la peinture beaucoup de poissons et
de mollusques dont les procédés de conservation
employés jusque alors avaient dénaturé les cou-
leurs. Il s'acquitta également de recherches géo-
logiques qui ont fourni des notions nouvelles sur
la constitution des côtes du Pérou et du Chili,
sur celles des îles Malouineset du grand Océan,
et surtout sur celles des montagnes Bleues de la
Nouvelle-Hollande. Au mois de novembre 1825,
Lesson reçut la croix d'Honneur.
La publication du voyage de La Coquille
ayant été ordonnée, Lesson dut se livrer à des
travaux d'autant plus pénibles qu'il eut à com-
pléter sou éducation première. Il travailla aussi
à différentes publications périodiques , notam-
ment au Bulletin des Sciences de Férussac,
dont il dirigeait la partie zoologique. La ré-
volution de Juillet vint bouleverser son exis-
tence : il jouissait d'une modique solde d'officier
de santé à Paris; il dut rejoindre sans retard le
port de Rochefort, où il devint premier pharma-
cien en chef de la marine, et professeur de
chimie à l'école de médecine. En 1S33, l'Aca-
démie des Sciences l'élut correspondant. On
a de Lesson : Manuel de Mammalogie ; Pa-
ris, 1827, in-18; — Manuel d'Ornithologie;
Paris, 1828, 2 vol. in-18; — Complément des
Œuvres de Buffon; Paris, 1828 et ann. suiv.,
10 vol. in-8°; 1835-1841, 10 vol. in-8°; le
tome Ier renferme les cétacés; les tomes II,
III, IV et V les races humaines et les mam-
mifères; les tomes VI à X les oiseaux et
mammifères ; le tome X a été publié sépa-
rément sous ce titre : Histoire naturelle
ou générale et particulière des mammifères
et des oiseaux découverts depuis la mort
de Buffon ; — Voyage médical autour du
monde exécuté sur la corvette La Coquille
pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825;
Paris, 1829, in-8°; — Histoire naturelle des
Oiseaux- Mouches ; Paris, 1829, in-8°; —
Voyage autour du monde sur la corvette La
Coquille. Zoologie, publié par ordre du gou-
vernement; Paris, 1830, 2 vol. in-4° (avec
MM. Garnot et Guérin); — Centurie zoologi-
que, ou choix d'animaux rares ou impar-
faits; Paris, 1830, in-4° et in- 8°; — Histoire
naturelle des Colibris, suivie d'un supplément
à l'Histoire naturelle des Oiseaux- Mouches ;
Paris, 1830, in-8°; — Traité d'Ornithologie,
ou tableau méthodique des ordres, sous-or-
dres, familles, tribus, genres et snns-genres
d'oiseaux; Paris, 1831,in-8°; — Illustrations
de Zoologie, ourecueil d'animaux peints d'a-
près nature; Paris, 1831,in-4° et in-»"; — Les
Trochilidees ou les Colibris et les Oiseaux-
Mouches nouveaux, suivis d'un index; Pa-
ris, 1S32, in-8°; — Manuel d'Histoire natu-
relle médicale ou de pharmacog rapine ; Pa-
ris, 1833, in-18; - Manuel d'Ornithologie do-
mestique, ou guide de l'amateur des oi-
seaux de volière ; Paris, 1834, in-18; — His-
toire naturelle des Oiseaux de Paradis, des
Si ricules et des Épimaques ; Paris, 1835, in-4°
et in-8°; — Flore roche/or Une, ou description
des plantes qui croissent spontanément ou
qui sont naturalisées aux environs de Ro-
chefort ; Rochefort, 1835, in-8°; — Prodrome
d'une monographie, des Méduses; Rochefort,
1835, in-4°, autographié; — Histoire naturelle
de l'expédition de la frégate La Thétis; Paris,
1837, 1 livr. in-4° ; — Mélanges littéraires et
d'histoire naturelle ; Rochefort, 1838, in-fol.;
— Voyage autour du monde entrepris par
ordre du gouvernement sur la corvette La
Coquille; Paris, 1838, 2 vol. in 8° ; — Species
des Mammifères bimanes et quadrumanes,
suivi d'un Mémoire sur les Oryctéropes ; Pa-
ris, 1840, in-8° ; — Fastes historiques, archéo-
logiques, biographiques, etc., du département
de la Charen le- Inférieure ; Rochefort, j 842-
1846, 2 vol. in-8°; — Mœurs, Instinct et Sin-
gularités delà vie des animaux Mammifères ;
Paris, 1842, in-12; — Nouveau Tableau du
Règne Animal: Mammifères; Paris, 1842,
in-8°; — Lettres historiques et archéolog ques
sur la Saintonge et sur l'Aunis; La Rochelle,
1842, in-8° ; — Histoire naturelle des Zoo-
phytes acalèphes; Paris, 1843, in-8° : pour les
SuHes à Buffon; — Histoire archéologique
et Légendes des Marches de la Saintonge; Ro-
chefort, 1846, in-8°; — Description de Mam-
mifères et d'Oiseaux récemment découverts,
précédée d'un tableau sur les races humai-
nes; Paris, 1847, in-18. Presque tous ces ou-
vrages sont ornés défigures. Lesson a coopéré à
la Zoologie du Voyage aux Indes de M. Bel-
langer, dont il a fait les oiseaux, les reptiles et
les zoophytes; au Dictionnaire des Sciences
naturelles en 6 vol. in-8° ; au Dictionnaire-
classique d' Histoire naturelle, en 16 vol.; etc.
L. L— t.
Sarrut et Saint-Edme, Biogr. des Hommes du Jour,
tome V, lre partie, p. 197. — liourquelot et Maury, La
Littcr. Franc, contemp.
* lesson (Pierre-Adolphe), voyageur fran-
çais , frère du précédent , né à Rochefort, le
24 mai 1805. Chirurgien de la marine, il est chi-
rurgien en chef des établissements français dans
l'Océan ie. On a de lui : Voyage aux i/es Man-
gareva (Océanie), publié avec des annotations
parR.-P. Lesson; Rochefort, 1846, in-8°, avec
pi. M. P.-A. Lesson a en outre rédigé avec
975 LESSON —
M. A. Richard la partie botanique du Voyage
de la corvette L'Astrolabe, exécuté en 1826,
1827, 1828 et 1829, sous les ordres de Dumont
d'Urville; 1832. T- v-
Bourquclot et Maury, La Littér. franc, contemp.
lesta m. {Antoine de), sire de Belestang,
érudit et magistrat français, né en Limousin, en
1538, mortà Toulouse, le 9 décembre 1617. llétait
fils d'Etienne Guilhon, sieur de Lestang etduVia-
lar, président au présidial de Brives, etde Louise
de Juyé. Protégé par le chancelier de Birague, il
occupa le siège présidial de Brives, après la dé-
mission de son père. Député aux états de Blois,
en 1576, il eut la confiance du duc de Mayenne,
devint intendant de justice dans l'armée de la
Ligue, président à mortier au parlement de Tou-
louse et premier président à la chambre de l'é-
dit, établie à Castres par Henri IV, en 1595. Il
fonda à Brives la maison des Pères de la Doc-
trine chrétienne et du monastère de Sainte-
Ursule. Aux environs de Toulouse, il fit cons-
truire le château de Belestang, et contribua à
l'établissement des jésuites dans cette ville. Il a
laissé : Traité de la réalité du Saint-Sa-
crement de V autel;— Traité de l'Orthogra-
phe françoise ;— Arrêts et Discours pronon-
cés en robe rouge; Toulouse, 1612, in-8D; —
Histoire des Gaules et conquêtes des Gaulois
en Italie, Grèce et Asie, avec un abrégé de
tout ce qui est arrivé de plus remarquable
esdites Gaules dès le temps que les Romains
commencèrent à les assujettir à leur empire,
jusques au roi Jean; Bordeaux, 1618, in-4°,
avec portrait de l'auteur. « Ce livre, est-il dit
dans la Bibliothèque Historique de la France,
est écrit assez nettement et d'assez bon sens,
comme il convient à un homme de condition. On
y trouve même quelques remarques assez cu-
rieuses ; mais comme ce n'est qu'un simple abrégé,
et que î'auteur s'y est attaché particulièrement à
ce qui regardait l'Aquitaine ou le Languedoc, il
ne peut être d'une utilité bien grande pour l'his-
toire générale de France.»Les armes d'Antoine
de Lestang étaient d'azur à carpes d'argent.
Martial Acdoin.
Gérard de Vie, Chronique. — Dom Vaissette, Histoire
de Lannuedoc, t. V, preuves, p. 339, 854, 466. - Buluze,
Notes sur les ries des Papes d'Avignon. - Lelong,
Bibl Hist, édit. Fontette, p. 243, n« 3907 - Moreri, Dict.
Hist (il l'appelle François, contrairement à la Chronique
de Gérard de Vie et à l'inscription qui se lit autour du
portrait). ......j
lestang {Christophe), frère du précédent,
prélat français, né à Brives, en 1560, mort le
il août 1621. 11 n'avait que vingt ans lorsque,
par dispense du pape, il fut promu à l'évêché de
Lodève. A peine installé dans ses fonctions, il
s'attacha à détruire le calvinisme, très-puis-
sant dans le Languedoc , et il reçut pour cela
d'Henri III une pension de 12,000 écus par mois.
La Ligue le compta parmi ses plus chauds parti-
sans. 11 eut à lutter contre le duc de Montmo-
rency, qui avait mis le siège devant Lodève,
qui capitula en 1585. Lestang en sortit avec les
LESTANG 976
siens ; mais il perdit tous les revenus de son
évêché et le palais qu'il avait fait construire fut
rasé. Pour le dédommager, Henri III lui donna
la maison épiscopale et les revenus de l'évêché
de Carcassonne, dont Montmorency avait la jouis-
sance. En 1586 et 1587 il présida aux états tenus
à Carcassonne et à Castelnaudary ; en 1589, à
ceux de Lavaur, après avoir été nommé abbé de
Montolieu. En 1591 il se rendit en Espagne pour
remercier Philippe II des secours que ce roi
avait envoyés à la Ligue et pour l'engager à con-
tinuer. De retour dans sa patrie, il présida aux
états tenus à Toulouse, et fit partie du conseil dés
finances du duc de Joyeuse. Il accompagna ce
duc au siège de Villemur, et gagna son amitié
la plus intime. Joyeuse voulut même le faire
nommer conseiller d'État; mais le roi se fit la
réserve de s'informer « des bonnes intentions
de Lestang». Le 25 janvier 1596, Lestang pré-
sida aux états tenus à Toulouse , et déclara que
la paix étant conclue on pouvait en sûreté de
conscience reconnaître Henri IV; qu'il n'y
avait plus de difficulté, le pape ayant donné
son absolution. Le 13 mars de la même année,
il alluma, au nom du clergé, le bûcher d'un feu
de joie, et fut député des états pour féliciter le
nouveau roi et l'assurer de la fidélité de tout le
Languedoc. 11 présida encore plusieurs états te-
nus dans diverses villes du midi, de 1596 à
1604, date de son entrée à l'évêché de Car-
cassonne. Henri IV l'estimait, et lui emprunta
18,060 livres en lui donnant pour gage des pa-
piers et son épée enrichie de pierreries. La
somme fut remboursée par ordre royal du
19 septembre 1607. En 1608 Lestang assista à
l'assemblée du clergé de France, et fut député, le
29 septembre , par les états de Pézenas pour
rendre hommage à Louis XIII et l'assurer d'o-
béissance. Louis XIII le fit commandeur de ses
ordres, grand-maître de sa chapelle, membre de
son conseil privé et directeur des finances , aux
appointements de 16,000 livres. « Lestang , re-
marque Moréri,ne contribua pas peu à la faveur
du connétable de Luynes auprès du prince, et
on prétend que le favori manqua de reconnais-
sance , lorsque l'évoque de Carcassonne fut mis
sur les rangs pour être fait chancelier, après la
mort de M. du Vair, garde des Sceaux ( 1621). »
Quoi qu'il en soit, Lestang n'en continua pas
moins à remplir des missions importantes jus-
qu'à la fin de ses jours. Tombé malade au siège
de Montauban, il se fit transporter à Carcas-
sonne, où il mourut. On rapporte qu'il voulut,
comme Vespasien, mourir debout, et qu'il s'écria,
à l'exemple de cet empereur, en substituant
episcopumàimperatorem: Oportet episcopum
stantem mori. Son tombeau de marbre orné de
sa statue portait entre autres inscriptions, celle-
ci : Exspecto donec veniat immutalio mea.
Ami de d'Ossat , de Duperron et de Richelieu,
des pères Cotton et Arnoux, Lestang ne cessa
de favoriser les Jésuites. Martial Audoin.
977
LESTANG
Nadaud, tnss. limousins. — Callia Christiana, t. VI; —
Baluze, fit. Pap. Aven., t. I. — Valasselte, Hist. du
Languedoc, t. V. — I afnillc, Ann. de I oulouse. — Catel,
Mémoires sur l'histoire du Languedoc, p. 1009. — FiWi-
blen , Hist. de l'abbaye de Saint-Denis, p. SS7.
lesterp-beacvais (/?.), homme politique
français, né à Florac, en 1750, guillotiné à Paris,
le 30 octobre 1793. 11 était avocat au Dorât
lorsque la révolution commença, et fut député
aux états généraux par l'assemblée bailliagère
de ce pays. Réélu en septembre 1792 par le
département de la Haute-Vienne à la Conven-
tion nationale , il vota la mort de Louis XVI.
Ami intime de Gensonné et de Lacaze, bientôt
il se rallia au parti girondin, et se conduisit d'a-
près leurs principes dans les départements de
l'est, où il fut envoyé en mission. Dénoncé le
21 août 1793, pour avoir permis aux Lyon-
nais insurgés d'enlever un grand nombre de
fusils de la manufacture d'armes de Saint-
Étienne et pour avoir fait imprimer qu'après les
événements du 31 mai les décrets de la Con-
vention décimée ne devaient plus être reconnus,
il fut décrété d'accusation comme fédéraliste,
envoyé à Paris, traduit au tribunal révolution-
naire, condamné à mort et exécuté avec les
autres chefs de la Gironde. H. L.
A. de Lamartine. Histoire des Girondins, t. VII,
liv. XLVII, p. 4 et 32. — Arnault, Jay, Jouy et Norvins,
Biogr. nouv. des Contemp. — Thlers, Histoire de la Ré-
volution française, t. IV, liv, XVII, p. 382.
lestiboudois (Jean- Baptiste), botaniste
français, né à Douai, en 1715, mort à Lille, le
20 mars 1804. En 1739 il était pharmacien de
l'armée française en Allemagne; il profita de son
séjour dans le duché de Brunswick et aux en-
virons de Cologne pour recueillir et décrire les
plantes qui y croissent spontanément. Long-
temps avant Parmentier, il indiqua les avan-
tages qu'on pouvait tirer de la pomme de terre,
et dans un mémoire qu'il publia en 1737 il ré-
futa tout ce qui avait été dit sur la prétendue
insalubrité de ce précieux végétal. S'étant fixé à
Lille, Lestiboudois donna l'idée de la formation
d'un jardin botanique dans cette ville, et y fut
nommé professeur en 1770. En 1772 il concou-
rut à la rédaction de la Pharmacopxa Insulen-
sis. Deux ans après il publia une carte bota-
nique, dans laquelle se trouvent réunis, d'une ma-
nière ingénieuse et neuve, les systèmes de clas-
sification de Linné et de Tournefort. On doit en
outre à Lestiboudois un Abrégé élémentaire
de Botanique.
Son fils, François-Joseph Lestiboudois, né à
Lille, mort en 1815, succéda à son père dans la
chaire de botanique fondée au jardin de Lille, et
publia la Botanographiebelgique;L\\\e, 1781,
in-8°; 1796, 4 vol. in-8°; — Abrégé élémen-
taire de i histoire naturelle des Animaux;
Lille, 1782, in-8°. J. V.
Biographie médicale. — Arnault, Jay, Jouy et Nor-
vins, Biog. nouvelle des Contemp.— Biog. univ. et port,
des Contemp.
*lestibocdois (Thémistocle) , médecin
et homme politique français, fils de François-
■ LESTOCQ 978
Joseph Lestiboudois, né à Lille, en 1797. Reçu en
1818 docteur en médecineà Paris, il alla exercer
à Lille , et professa la botanique à l'école secon-
daire de cette ville. Élu député par le deuxième
collège de Lille en 1839, il siégea à la chambre
jusqu'à la révolution de février, et votait avec
la gauche. Le 8 juillet 1846, il tomba dans
les marais de Fampoux avec le convoi du che-
min de fer ; presque asphyxié, il parvint à bri-
ser une glace et à sortir du compartiment où
il se trouvait. Parvenu à la surface, il lut re-
cueilli par un bateau : il était presque sans
connaissance ; dès qu'il reprit ses sens, il s'em-
pressa de porter des secours aux autres victimes
de la catastrophe. Correspondant de l'Acadé-
mie des Sciences, il fut nommé suppléant à la
faculté des sciences de Paris en 1849. Élu re-
présentant du département du Nord à l'Assemblée
législative en 1849, il y vota avec la majorité, et
fit une proposition pour la création d'une caisse
de retraite en faveur des ouvriers. En 1850 il
fut nommé membre du conseil central d'agri-
culture pour l'Algérie. Au commencement de
1851, lorsque le général Changarnier eut perdu
son commandement, Lestiboudois proposa avec
MM. Lebeufet Mimerel, comme amenderoentà la
proposition de M. de Rémusat de voter des re-
merciements au général et de passer à l'ordre du
jour, pour conserver l'harmonie entre les pou-
voirs. Quelque temps après il défendit les inté-
rêts du sucre indigène. Quoique grand partisan
de la loi du 31 mai , qui restreignait le suffrage
universel, loi qu'il appelait « la dernière forte-
ressedans laquelle pussent s'enfermer les amis de
l'ordre , « il fut compris, après le coup d'État du
2 décembre 1851, dans la commission consulta-
tive. II passa ensuite comme maître des requêtes
de première classe au conseil d'État, et fut
nommé conseiller d'État le 25 juillet 1855. Pro-
priétaire à Oued-el-Amar en Algérie, il a été
nommé en 1858 conseiller général de la province
de Constantine. On a de lui : Rapport général
sur V Épidémie du Choléra qui a régné à Lille
en 1832 -, Lille, 1833, in-8° ; — Des Colonies su-
crières et des Sucreries indigènes; Lille, 1839,
in-86; — Etudes sur l'Anatomie et la Phy-
siologie des Végétaux; Lille, 1840, in-8°, avec
planches; — Économie pratique des Nations ,
ou -système économique applicable aux dif-
férentes contrées et spécialement à la France;
Paris, 1847, in-8°; — Thèse de Botanique pré-
sentée à la faculté des sciences de Paris, le
28 août 1848; Paris, 1848, in-4° ; — Voyage
en Algérie; Paris, 1853,in-8°. M. Lestiboudois
a réédité la Botanographie belgique et Y Abrégé
élémentaire de Botanique de son père. L. L — t*
Biogr. statistique de la Chambre des Députés, 18'»6. —
Biog. des sept cent cinquante Représ, à l'Ass. législative.
— Profils crit. et biogr. des Sénateurs, Conseillers d'État
et Députés. — Bourquelot et Maury, Lu, Littér. franc,
contemp.
LESTOCARD. Voy. ESTOCARD.
lestocq (Jean-Herman, comte), favori
979 LESTOCQ — L'ESTOILE
de l'impératrice Elisabeth de Russie, né à Zelle
(Hanovre), le 29 avril 1092, mort en Livonie, le
12 juin 1767. Fils d'un chirurgien français pro-
testant, qui abandonna son pays à la suite de la
révocation de l'édit de Nantes, il étudia la mé-
decine, et alla en 17 13 chercher fortune en Russie.
Pierre le Grand le prit à son service comme
chirurgien; mais ses mœurs, relâchées au point
de scandaliser le moins scrupuleux, des monar-
ques , lui attirèrent sa disgrâce, et le firent exi-
ler, en 1718, à Kazan. Catherine Ire le rappela
à son avènement au trône (1725), et l'attacha
à la personne de sa seconde fille, Elisabeth. D'un
esprit fertile en intrigues, Lestocq sut prendre
une si grande influence sur cette princesse que
c'est sans aucun doute à ce favori de basse
extraction que la Russie est redevable de l'a-
voir eue pour impératrice durant vingt ans, en
quoi il fut puissamment aidé non-seulement
par les conseils, mais encore par les secours
pécuniers et considérables du cabinet de Ver-
sailles, représenté à cette époque à Saint-Pé-
tersbourg par le marquis de La Chétardie ( voy.
ce nom). Légère, voluptueuse, craintive à
l'excès, mais ne manquant pas complètement
de cœur, Elisabeth hésitait à dérober la couronne
à un enfant auquel elle avait juré fidélité. Les-
tocq l'y décida en lui présentant une image al-
légorique où il l'avait représentée d'un côté
assise sur un trône de fleurs, soutenu par des
amours, de l'autre habillée en religieuse, entourée
de divers instruments de supplice. «■ Choisissez ,
lui dit-il; demain la pourpre ou la torture. »
Elisabeth choisit la pourpre, pour laquelle elle
n'était pas née. Accompagnée seulement d'un de
ses chambellans, Michel Voronzof , de son secré-
taire Schwarz et de Lestocq, elle se rendit, dans
la nuit du 25 novembre 1741, à la caserne du
régiment de Préobrajenski, se mit à la tête de
trois cents grenadiers, alla au palais enlever le
jeune tzar ave« ses parents endormis, et le len-
demain matin des salves d'artillerie annonçaient
que l'empire de Russie était de nouveau retombé
en quenouille. Celui qui pouvait se vanter de
cette révolution reçut les titres de conseiller
privé, ce qui lui donnait le rang de général en
chef, de médecin ordinaire de Sa Majesté, de
président du collège médical, une pension de
7,000 roubles, le portrait de l'impératrice en-
touré de diamants, et l'empereur Charles VII se
hâta de lui envoyer le diplôme de comte du
Saint- Empire. Riche et puissant, il se fit aisé-
ment grand seigneur ; mais toutes ces faveurs
avaient été trop bassement acquises pour être
durables : coupable d'avoir restauré un régime
où les plus grands étaient mal assurés de leur
état, il en fut une des premières victimes. Accusé
par le vice-chancelier Bestoujef d'entretenir des
relations secrètes avec le jeune héritier du trône
et certaines cours étrangères, ce qui était pos-
sible, Lestocq fut jeté avec sa femme innocente
dans la citadelle de Saint-Pétersbourg, soumis
980
à la torture, puis exilé à Ouglitch, dans le gou>
vernement d'Iaroslaf, d'où il fût transporté, en
1753, à Ousticug, dans le gouvernement d'Ar-
changel. Pierre III, le jour même de son avè-
nement au trône (25 décembre 176t), donna
l'ordre de faire revenir Lestocq; mais ses biens,
qui avaient été confisqués , ne lui furent pas
restitués ; Catherine 11 pourvut à l'existence de
ce favori tombé, en le gratifiant d'une petite pro-
priété en Livonie, où il termina ses jours dans
une médiocrité qui ne lui fit pas perdre la
gaieté de son caractère. Pcc A. G — n.
Manstein, /Mémoires historiques sur la Russie. —
Mémoires du prince Chakliavskoi. — Biographie de Ban-
tich-Karaenski et Histoire du Règne d'Elisabeth par
Weydemer (en russe). — La cour de Russie il y a
cent ans; Berlin, 1858.
l'estoile (Pierre m), chroniqueur fran-
çais , né à Paris, en 1 546 , mort en cette ville,
en 1611. Son grand-père et son père avaient été
présidents aux enquêtes du parlement de Paris,
et sa mère était fille de François de Monthalon,
président au parlement, puis garde des Sceaux.
Il étudia à Bourges , où il eut pour précepteur
le savant Arbuthnot, et ne revint à Paris que
vers 1569; ce fut à cette époque qu'il épousa
la fille de Jean Bâillon, baron de Bruyère, tré-
sorier de l'épargne, et qu'il acheta une charge
d'audiencier à la chancellerie. D'un caractère
prudent, il ne se déclara pendant la Ligue
pour aucun parti ; cependant sa liberté fut plu-
sieurs fois menacée, et il allait être proscrit
lorsque Henri IV fit son entrée à Paris et ré-
tablit la paix. L'Estoile se défit de sa charge, es-
pérant vivre tranquille au milieu de ses livres
et de sa nombreuse famille, composée de douze
enfants; quatre de son premier mariage et huit
de son second ; mais il eut à soutenir un long
procès pour toucher le prix de sa charge , qu'il
perdit en partie; puis son fils aîné Louis périt
devant Dourlans, où il fut « vendangé des pre-
miers », dit son père. La perte de son procès
contraria vivement son amour pour les livres
rares et précieux , pour les placards curieux ,
pour les gravures de toutes sortes, dont il faisait
collection , souvent au prix de dangers assez
grands, puisqu'il était défendu, sous des peines
sévères, de garder les nombreux dessins satiri-
ques faits du temps de la Ligue; aussi pour se les
procurer fut-il forcé de vendre peu à peu ses
propriétés et d'aliéner ses contrats de rente,
ce qui rendit sa vieillesse chagrine. Pour
bien connaître L'Estoile, il faut l'étudier dans
son Journal, car son nom n'est pas même cité
dans les mémoires de l'époque, tant il avait eu
soin de se faire obscur et petit. On n'a donc
sur lui d'autres détails que ceux; qu'il nous a
laissés ; mais il se met si peu en scène qu'on ne
sait presque rien de son rôle dans les affaires
auxquelles il a dû se trouver mêlé; quant à ses
goûts, ses principes, ses habitudes, son carac-
tère, voici comment il se peint lui-même : « Mon
âme est libre et toute mienne, accoutumée à se
98! .L'ESTOILE — LESTONAC
conduire à sa mode, non toutefois méchante et
982
maligne, mais trop portée à une vaine curiosité
et liberté dont je suis marry, et à laquelle toute-
fois qui me voudrait retrancher ferait tort à ma
santé et à ma vie, parce que si je suis contraint,
je ne vaux rien, estant extrêmement libre et
par nature et par art; et me suis logé là avec le
seigneur de Montagne ( mon vade mecum), que,
sauf la santé et la vie, il n'est chose pour quoy
je veuille me ronger les ongles , et que je veuille
acheter au prix du tourment de l'esprit et de la
contrainte. » Ce Journal, ainsi que son titre l'in-
dique d'ailleurs, a été écrit au jour le jour;
c'est le récit de tout ce qu'il voit, de tout ce
qu'il entend ; on y trouve de précieux détails sur
les mœurs, les usages et la vie intérieure des ha-
bitants de Paris; les affaires de l'État sont mêlées
à celles de la famille du chroniqueur; les faits
curieux, les faits divers, comme on dit aujour-
d'hui, le prix des denrées, les anecdotes, la nais-
sance de monstres , les accidents , les procès ,
les jugements sur les ouvrages remarquables,
les bons mots, les crimes, les exécutions, tout
cela est ensemble, sans ordre, sans méthode,
mais toujours dans un style mouvementé, fa-
cile, plein de malice cachée sous une fausse
bonhomie ; suivant le Journal de Trévoux, « c'est
une relation hardie, vraie, n'ayant ni l'enthou-
siasme de la passion ni l'emportement de la sa-
tyre». SahanUe Journal des Savants, l'auteur y
peint son caractère : « son style est libre, naturel,
annonçant la probité et la candeur de l'écrivain,
son zèle pour le bien public, son amour et sa
fidélité pour le souverain. » Ces jugements ont
été souvent confirmés, et aucun ouvrage ne fait
mieux connaître le Paris des seizième et dix-
septième siècles que le journal de Henri III et
Henri IV. La première partie de ce journal a été
d'abord publiée seule en 1621, sous le titre de
Journal des choses advenues durant le règne
de Henri III, roi de France et de Pologne,
par Louis Servin; Paris, in-4°. Le Journal de
Henri IV n'a paru qu'en 1719; c'est Denis Go-
defroy, docteur de la chambre des comptes de
Lille, qui le premier l'a fait connaître en réim-
primant le Journal de Henri 111 sous ce titre:
Mémoires pour servir à l'histoire de France,
contenant ce qui s'est passé de plus remar-
quable dans ce royaume depuis 1574 jus-
qu'en 1611 ; Cologne, 2 vol. in-8°. Dans l'édi-
tion donnée à La Haye en 1744, 5 vol. in-8°, par
Lenglet-Dufresnoy, on trouve plusieurs pièces
historiques assez curieuses, mais qui ne sont pas
de L'Estoile, telles que Gaspard de Coligny,
de Chantelouve le Discours merveilleux de la
vie de Catherine deMédicis, violente satire,
attribuée à Henri Estienne; etc. L'édition la plus
complète est celle qui a été donnée par M. de
Montmerqué dans la collection des mémoires sur
l'histoire de France de Petitot. H. Malot.
Lelong, Bibl. Historique de la France. — Denis Go-
defroy, Préface de l'éditiou de Cologne. — Moréri, Dict.
Historique. — Montmerqué, Préface de l'édiUon du
1828. — OEttinger, Dibliobiographie.
l'estoile (Claude de), littérateur français,
né à Paris, en 1597, mort en 1651. Fils du
précédent, il était assez riche pour ne pas avoir
besoin de quelque emploi, et se livra à son goût
pour les lettres. Il fut un des premiers mem-
bres de l'Académie Française ; mais il n'avait
guère de titres à figurer dans cette illustre
compagnie. Pellisson, qui en parle avec détail ,
dit qu'il avait beaucoup de vertu et d'hon-
neur et qu'il travaillait avec un soin extraor-
dinaire, repassant cent fois sur les mêmes
choses ; de là vient qu'il a laissé si peu d'ou-
vrages. Il fut l'un des cinq auteurs employés
par le cardinal de Richelieu pour composer les
pièces de son théâtre. La belle Esclave, tragé-
die, 1643, et L'Intrigue des Filoux, comédie,
1648; cette dernière pièce est dédiée à messire
Charles Testes, chevalier et capitaine du guet
de Paris ; l'auteur dit qu'en s'entre! enant avec
les filoux de leurs tours de souplesse, ils feront
passer quelques heures assez agréablement. La
tragédie est imprimée avec des caractères nou-
veaux inventés par P. Moreau. Au moment de
sa mort, L'Estoile venait d'achever une co-
médie: Le Secrétaire de saint Innocent; elle
ne fut ni jouée ni imprimée. Diverses pièces de
vers de cet auteur sont disséminées dans les
recueils du temps ; personne ne sera tenté d'aller
les en retirer. Tallemant des Réaux nous ap-
prend dans une de ses Historiettes, si indis-
crètes, d'étranges particularités au sujet de cet
académicien, « qui ne savoit presque rien et qui
étoit extravagant ». Après avoir aimé une co-
quette « qui prenoit son argent et se moquoit
de lui », il épousa la fille d'un procureur sans
fortune ; elle mourut du chagrin « que luy don-
nèrent les bizarreries de son mary ». Il était
très-maigre et très-laid ; il avait la manie de
ne travailler qu'après avoir fait fermer les vo-
lets et allumé la chandelle, fût-on en plein midi;
et « quand il avoit composé un ouvrage, il le li-
soit à sa servante pour connoistre s'il avoit bien
réussi ». On en a dit autant de Molière, et peut-
être avec peu de fondement. G. B.
Pellisson et d'Olivet , Histoire de l'Académie fran-
çaise, édit. de 1 853, 1. 1, p. 2iS. — Tallemant des Reaux,
Historiettes, t. V, p. 88, édlt. de 1855.
lî-stoile (Éon de). Voy. Éon de Lestoile.
lestonac (Jeanne de), fondatrice d'ordre
religieux, née à Bordeaux, en 1556, morte dans
la même ville, le 2 avril 1640. Elle était fille
d'un conseiller au parlement de Bordeaux et de
Jeanne d'Eyquem de Montagne, sœur du cé-
lèbre philosophe Michel de Montagne. Quoique
sa mère fût protestante, son père et son oncle
firent entrer Jeanne de Lestonac dans la reli-
gion catholique. On la maria en 1573 au mar-
quis Gaston de Montierrand , soudan de La-
tran, sire de Landnas, de La Motte, etc., dont
elle eut sept enfants. Après la mort de son mari,
elle se consacra à la Vierge, et entra en 1603
983
L'ESTONAC — L'ESTRANGE
9S4
chez les feuillantines de Toulouse. Malgré l'op-
position de sa famille, « deux pieux jésuites, dit
Moréri, la préparèrent à la pratique des vertus
chrétiennes ». L'un d'eux, le P. La Borde, lui
dressa des constitutions tirées de celles de saint
Ignace de Lovola, et bientôt Jeanne de Lestonac
se vit à la tête d'une communauté de jeunes
filles, la plupart arrachées aux familles calvi-
nistes. Les nouvelles religieuses prirent le nom
àejésuitines. Le cardinal de Sourdis, archevê-
que de Bordeaux, s'éleva contre cette fondation;
mais le pape lui ordonna de consacrer ce nouvel
institut, ce qui fut exécuté le 25 mars 1606 et
confirmé par un bref de Paul V ( 7 avril 1607 ).
Cet ordre prit une importance rapide. Lorsque
Jeanne de Lestonac mourut, elle gouvernait
vingt-neuf maisons de jésuitines. Après sa mort
on détacha une partie de ses os pour les en-
voyer dans les principaux couvents de l'ordre,
où , suivant quelques hagiographes, ils opérè-
rent divers miracles. A. deL.
Jean Bouzonie, Histoire de l'Ordre des Filles de No-
tre-Dame. — Moréri, Le grand Dictionn Historique.
lestra (François), voyageur français, vi-
vait de 1650 à 1697. Il s'engagea en 1671 au
service de la Compagnie royale des Indes fran-
çaises, et partit de Lorient le 4 mars 1671. Il
débarqua à Surate, le 26 octobre. Lestra na-
vigua quelque temps sur TescadrededeLaHaye;
mais, s'en étant séparé, il fut pris près de Tran-
quebar par les Hollandais. Sa captivité fut très-
pénible ; et il eut beaucoup à se plaindre de la
façon brutale dont les Néerlandais traitaient
leurs prisonniers. Transporté de Negapatnam à
Batavia, où il fut descendu le 6 janvier 1 673, il
avait échappé à un naufrage aux embouchures
du Hongly dans le golfe de Bengale. En décembre
1674, il fut rendu à la liberté, et revit la France
le 1er août suivant. Il a publié la relation de ses
aventures sous le titre de : Relation ou Jour-
nal d'un voyage fait aux Indes orientales,
contenant l'état des affaires du pays et les
établissements de plusieurs nations qui s'y
sont faits depuis plusieurs années, avec la
description des villes, des mœurs, coutumes
et religions des Indiens; Paris, 1677, in-12.
La position de Lestra et le peu de temps qu'il
eut à consacrer à l'étude rendent naturellement
ses observations fort incomplètes; cependant,
dit Locke, on trouve chez ce voyageur plusieurs
remarques intéressantes sur les établissements
des Européens dans l'Inde. Son style, s'il n'est
pas élégant, est du moins fort concis.
A. DE L.
Vrevost, Histoiregénéraledes Voyages, t. IX. — Locke,
History of the Navigation, etc.
l'estrajjge ( Sir Roger ) , publiciste an-
glais, né à Norfolk, en 1616, mort en 1704. Fils
de sir Hammond L'Estrange, royaliste zélé , il
adopta les principes politiques de son père, et
suivit le roi Charles Ier en Ecosse en 1639. En
1644 il essaya de reprendre par surprise, sur les
parlementaires, la ville de Lyn, où son père
avait lui-même des amis. Il échoua danscette en-
treprise, et tomba entre les mains des ennemis.
Conduit à Londres et traduit devant une cour
martiale.qui le condamna à mort comme espion,
il passa quatre ans à Newgate dans la crainte
du supplice, il s'échappa de prison en 1648,
tenta d'exciter une insurrection dans le comté
de Kent, échoua encore, et s'enfuit sur le conti-
nent, où il resta jusqu'en 1653. Quoique non
compris dans l'acte d'amnistie, il eutla hardiesse
de revenir en Angleterre , et, voyant sa première
demande rejetée par le conseil de Whitehall, il
recourut directement à Cromwell, qui lui accorda
sa grâce. Cette démarche lui fut beaucoup re-
prochée après la restauration. Il finit cependant
par triompher des soupçons du parti royaliste, et
fut nommé en 1663 censeur de la presse. Cette
place lui concédait le privilège de publier des
journaux politiques. Il commença en 1663 le
Public Intelligencer, qui cessa de paraître en
1665 pour faire place à la Gazette de Londres,
sorte de journal officiel qui paraissait le lundi et
le jeudi de chaque semaine. En 1679, après la
dissolution du parlement d'Oxford, au plus fort
de la lutte de la royauté contre les whigs, le
parti royaliste ou tory , ne se trouvant pas assez
défendu par la Gazette, qui ne donnait que des
nouvelles sans commentaires, favorisa la pu-
blication d'un nouveau journal , que L'Estrange
fit paraître sous le titre de L'Observateur. Ce
journal, vivement patronné par la cour, devint
l'oracle du parti tory et du clergé anglican ; c'é-
tait une attaque virulente contre toute les idées
de liberté et de tolérance. L'Estrange redoubla
de violence sous Jacques II, qui le récompensa
de son zèle royaliste par le titre de baronet.
« Il s'en fallait de beaucoup , dit lord Macau-
lay, que L'Estrange fut dépourvu de facilité et
de finesse ; son style, quoique souvent grossier
et défiguré par un bavardage de bas étage,
alors de mode dans les cafés et les foyers de
théâtre , ne manquait ni de vigueur ni de mor-
dant; mais sa nature, à la fois ignoble et fé-
roce, se montrait dans chaque ligne qu'il écri-
vait. Quand les premiers numéros de L'Obser-
vateur parurent, son acrimonie avait quelque
excuse ; car les whigs étaient tout-puissants, et
il avait à se défendre contre de nombreux ad-
versaires, dont les violences sans bornes pou-
vaient expliquer d'impitoyables représailles. En
1685 l'opposition était écrasée : une âme gé-
néreuse eût dédaigné d'insulter un parti qui ne
pouvait répondre , d'aggraver le malheur de
prisonniers, d'exilés et de familles éplorées;
mais contre la haine de L'Estrange la tombe n'é-
tait pas un abri, la maison désolée n'était pas
un sanctuaire. » Le vieux pamphlétaire tory
poussa le zèle jusqu'à soutenir le pouvoir que
Jacques II s'attribuait de dispenser les fonc-
tionnaires du serment exigé par les lois. Ce-
pendant il recula devant l'acte de tolérance , et
cessa son journal en 1687 plutôt que de dé-
985 L'ESTRANGE
fendre cette grande mesure, qui souleva parmi
les anglicans une si violente opposition. La ré-
volution de 1688 le surprit dans cet état de mé-
contentement, et en lui enlevant sa place de cen-
seur ranima son ardeur royaliste. Il subit une
courte détention sous le règne de Guillaume III,
et mourut dans un âge très-avancé. Outre son
Public Inlelligencer, son Observator, qui forme
trois volumes , et une douzaine de pamphlets
dont on trouve les titres dans Chalmers, on a de
L'Estrange des traductions des Œuvres de Jo-
sèphe ( d'après Chalmers , c'est son meilleur
ouvrage ), des Offices de Cicéroh, des Œuvres
morales de Sénèque, des Colloques d'Érasme,
des Fables d'Ésope, des Visions de Quevedo.
Cette dernière traduction fut publiée en 1G68,
avec un tel succès qu'elle était déjà à sa dixième
édition en 1708, et qu'elle a servi de base aux
traductions des Visions insérées dans les Œu-
vres de Quevedo; Edimbourg, 1798, t. 1, et
dans les Novelists de Roscoë, 1832, vol. II.
« Toutes les traductions que j'ai vues , dit
Ticknor, sont mauvaises ; la meilleure est celle
de L'Estrange, c'est du moins la plus animée.
Mais L'Estrange n'est pas fidèle même lorsqu'il
comprend, et il est souvent infidèle par ignorance.
La grande, popularité de ses traductions fut
probablement due en partie aux additions qu'il
fit hardiment au texte et à sa manière d'accom-
moder les plaisanteries de l'original au goût de
son temps par des allusions entièrement an-
glaises et locales. » L. J.
Biouraphia Britannica. — Cibber, Lives. — Échard,
Historyof England. - Literary Magazine for 1758. —
Chalmers. General Biographical Dictionary. — Macau-
lay. History of England, c. in. — Ticknor, History ef
Spanish Literature, t. II, p. Sol.
lesueur (Nicolas), plus connu sous le
nom latinisé de Sudorius, philologue et juris-
consulte français, né vers 1545, mort le 2 mai
1594. Il appartenait à une famille parlemen-
taire, et fut destiné par ses parents à la magis-
trature. Conseiller, puis président à la chambre
des enquêtes du parlement de Paris, il concilia
l'étude et la pratique du droit avec la culture
des lettres anciennes. L'Estoilc raconte qu'il fut
assassiné près de Paris par des voleurs, et il
ajoute : « C'était un des plus doctes du parle-
ment, mais assez mal famé. » On a de lui une
traduction de Pindare en vers latins, avec un
commentaire sur les Néméennes; Paris, 1575,
1582, in-8°; 1592, in-12. Cette traduction, élé-
gante et assez exacte, a été insérée dans l'édi-
tion de Pindare , Oxford, 1697, in-fol. On a en-
core de Lesueur un ouvrage de jurisprudence
intitulé : Dispulalionum civilium Liber, in
guo juris cïvilis quœsliones complures , diffi-
ciles algue obscurse, accurate tractantur;
Paris, 1578, in-4°; réimprimé dans le tome II
du Thésaurus Juris de Ever. Otto. Z.
Kver. Otto, Préface du t. II du Thésaurus Juris,
p. 32-33. — Freytag, Adparatus Litterarius , t. III,
n° CLIII, p. 570-B7J. — L'Estoilc, Journal de Henri iy,
année 1594.
— LESUEUR 986
LE sueur (Eustache), célèbre peintre
français, l'un des fondateurs de l'Académie de
Peinture, né à Paris, en 1617, mort dans la
même ville, en 1655. Sa famille était originaire
de Montdidier (1), peu fortunée , mais alliée
aux meilleures familles de Picardie. Le père
d'Eustache Le Sueur, appréciant de bonne
heure les dispositions de son fils, le fit entrer
dans l'atelier de Simon Vouet, premier peintre
du roi et qui était alors à la tête de la peinture.
Là Le Sueur rencontra pour émule Le Brun, qui
plus tard devait être son rival, et dont la ja-
lousie ne contribua pas peu à abréger ses jours.
Tous deux reçurent des conseils du Poussin,
mais avec cette différence que Le Brun, puis-
samment protégé, suivit le grand artiste en
Italie , tandis que Le Sueur, resté en France,
dut se résigner à entretenir avec le maître
une correspondance accompagnée d'envois de
croquis. Le Sueur méditait sur ces entretiens
épistolaires. Il étudiait en même temps les
meilleurs peintres italiens d'après quelques re-
productions chalcographiques et sur un petit
nombre d'originaux. « Son goût, dit Charles
Perrault, lui avait fait prendre dans l'étude des
figures et des bas-reliefs antiques ce qu'ils ont
de grand, de noble et de majestueux, sans en
imiter ce qu'ils peuvent avoir de sec, de dur et
d'immobile, et lui faisait tirer des ouvrages mo-
dernes ce qu'ils ont de gracieux, de naturel,
d'aisé, sans tomber dans le faible et le mesquin
qu'on leur reproche. » Son style resta donc ori-
ginal. On se sent même porté à le féliciter de ne
pas avoir vu l'Italie; car son talent demeura tou-
jours vierge et naïf. Il ne dut rien qu'à lui, et
dans ses œuvres, si nombreuses, on chercherait
vainement une réminiscence d'un peintre ancien
ou moderne. « Ce ne fut , dit un bon critique,
ce ne fut certainement ni dans les leçons de
Vouet, ni dans les œuvres de Le Brun, ni même
dans celle du Poussin, que Le Sueur puisa cette
sensibilité de pinceau qui remue l'âme d'une
manière si touchante et fait presque couler les
larmes à la vue de ses tableaux, comme pour-
raient le faire la poésie la plus mélancolique,
la musique la plus attendrissante. » Malgré ces
éloges mérités, on peut reprocher à Le Sueur
un coloris par trop égal, sans recherches, pres-
que monotone et une entente insuffisante du
clair-obscur. Voilà pourquoi il fut plutôt le
peintre de l'âme que celui de la matière.
Le Sueur avait rapidement surpassé son
maître. Vouet le prit alors pour aide, et le dis-
ciple dut se conformer encore à la méthode du
professeur, bien qu'il en sentît les défauts.
(1) Son père, Cathelln Le Sueur, était venu à Paris
pour apprendre la profession de tourneur ; mais il s'at-
tacha a celle de sculpteur en bois; il ne laissa aucune
réputation , et mourut âgé de quatre-vingt-seize ans, en
1666. Il avait épousé Antoinette Touroude (Fie de Le
Sueur, par Lépicié, manuscrit de l'École imp. des Beaux-
Arts, n°5).
987
D'ailleurs, marié de bonne heure (1), aimant la
vie de famille et les émotions intimes, sans for-
tune et sans ambition, il dut, pour subvenir aux
besoins journaliers du ménage, consacrer son
crayon et ses pinceaux à des œuvres indignes
de son talent , et pendant plusieurs années
l'auteur de tant de tableaux dont la France est
aujourd'hui justement hère dessina et grava des
thèses de théologie , des frontispices de livres,
une Annonciation pour un Office à l'usage des
Chartreux, etc. Jl peignit des médaillons pour
des religieuses, des portraits de saints, etc. Ce-
pendant son talent perça, comme malgré lui, cette
enceinte bornée. Vouet y contribua beaucoup :
une des plus importantes entreprises de l'é-
poque, la décoration de l'hôtel Bullion (rue Pla-
trière), lui avait été confiée; il s'associa Le Sueur.
L'élève devint alors de moitié dans les com-
mandes du cardinal de Richelieu. Une de celles-
ci consistait en huit sujets tirés du Songe de
Poliphile , ouvrage bizarre, mais inspirateur,
dont le mysticisme erotique sympathisait avec
l'âme aimante du jeune peintre. Vers ce temps
aussi Le Sueur produisit son chef-d'œuvre :
Saint Paul guérissant les malades par l'im-
position des mains. Ce fut alors qu'il mérita
le surnom du Raphaël français. Au dix-sep-
tième siècle, on récompensait les savants et les
artistes par des emplois. Le Sueur fut nommé
inspecteur des recettes à la barrière de l'Our-
cine. Dans l'exercice de cet emploi, il eut une
discussion avec un gentilhomme qui ne voulait
pas se soumettre aux exigences légales. Un
duel s'en suivit. Il fut vidé sous les murs des
Chartreux du Luxembourg : Le Sueur ayant tué
son adversaire se réfugia dans le couvent, et at-
tendit que sa famille calmât celle de sa victime.
Ce fut là que, pour occuper ses loisirs et récom-
penser l'hospitalité des frères, il peignit cette
belle série de tableaux, la Vie de saint Bruno
en vingt-deux sujets (2). Plus tard, lorsque Le
Sueur eut perdu sa femme, et que, décou-
ragé, il lui sembla que sa vie était accomplie,
il vint mourir aux Chartreux. 11 n'avait que
trente-huit ans, et fut enterré dans l'église Saint-
Étienne-du-Mont. Il nous est impossible de
donner la liste des tableaux produits par Le
Sueur, nous citerons seulement les principaux :
La Salutation angéiique; — L'Enlèvement de
Ganymède ; — Saint Gervais et saint Pro-
(1)11 épousa, en 1642, Geneviève Gousse, fille d'un
marchand cirier; il en eut un garçon et une fille. Le
garçon reprit le commerce de son grand-père maternel
( même manuscrit).
(2) Peints à fresque en 13B0, ces vingt-deux tableaux
furent repeints à l'huile à deux reprises différentes, d'a-
bord sur toile, en 1508, par un artiste inconnu, ensuite
sur bois par Le Sueur, en 1648. Chaque cadre était ac-
compagné d'une inscription explicative en vers latins
et français. Ces inscriptions furent composées pour la
seconde suite par don Jarry, prieur de la chartreuse de
Troyes; elles ont été recueillies par Chauveau, qui a
gravé, en un volume in-fol., le Cloître entier de Le
Sueur. En 1776, sur la demande du comte de Maurepas,
LESUEUR 9SS
tais traînés devant les idoles (1); — Phaéton
demandant à Apollon la conduite de son
char; — La Messe de saint Martin ; — La
Vision de saint Benoit ; — Phèbé traversant
les airs sur son char nocturne; — Diane
et Actéon ; — Diane et Calisto; — Jésus chez
Marthe et Marie; — Le Martyre de saint
Laurent ; — Résurrection de Tabithe à la
voix de saint Pierre ; — Alexandre prenant
une coupe prétendue empoisonnée du mé-
decin Philippe; — Le Portement de croix ;
— La Descente de croix ; — L'Apparition
du Christ à la Madeleine dans le jardin des
Oliviers, et surtout la reproduction de cette
belle suite de vingt-deux tableaux représentant
la Vie de saint Bruno, et exécutés pour le
couvent des Chartreux du Luxembourg. La
majeure partie de ces tableaux sont aujour-
d'hui au Louvre. Le Sueur n'ouvrit jamais d'é-
cole, mais il eut quelques disciples isolés, tels
que Thomas Goulai, son beau-frère, Laurent
Lefebvre, Nicolas Colombel et le paysagiste
Patel, qui lui fut d'un grand secours dans ses
fonds. A. DE LACA.ZE.
De Piles, Vie des Peintres, p. 689. — Charles Blanc,
Vie des Peintres françai s , ni 42-43.— Mémoires de
l'Académie des Peintres, t. 1, p. 147 et suivantes.
lesiteur {Pierre), graveur français, né en
1636, à Rouen, mort en 1716. Il fut un des meil-
leurs graveurs en bois du dix-septième siècle, et
se fit remarquer par la hardiesse de sa manière.
Il eut deux fils, qui cultivèrent le même art, sous
sa direction : l'un, Pierre, né en 1663, montra
de grandes dispositions, et laissa quelques bon-
nes planches; il mourut à l'âge de trente-cinq
ans; l'autre, Vincent, mort en 1743, se perfec-
tionna à Paris, et profita si bien des leçons de
Papillon qu'il ne tarda pas à surpasser son
maître. K.
Ch. Le Blanc, Manuel de l'Amateur d'Estampes.
lesceur (Nicolas), graveur français, ne-
veu du précédent, né en 1690, à Paris, où il est
mort, en 1764. Il s'appliqua au genre de gra-
vure dit en camaïeu, et le poussa jusqu'à la
perfection ; comme ses œuvres étaient , de son
vivant même, très -recherchées , il en donna un
nombre considérable. Il y en avait plusieurs
dans le cabinet du roi ; elles imitent les dessins
au lavis rehaussés de blanc. Cet artiste a égale-
ment gravé au burin. Nous citerons de lui : La
Chute de Phaéton, du Josépin; — L'Inven-
tion de la Croix, du Pinturicchio ; — Des Pê-
cheurs retirant leurs filets, de Jules Romain;
— La Moisson, de P. Caravage ; — L'Homme
et le Lion , de Peruzzi ; — Henri IV aux
le prieur du couvent de Paris, dom Robinet, fit hom-
mage des tableaux à Louis XVI, pour la galerie du Lou-
vre. Enlevées de leurs panneaux et appliquées sur
toile, ces peintures ont été réparées partiellement dans
les endroits où elles avaient le plus souffert, puis in-
tégralement restaurées. On ne saurait trop regretter la
dispersion des ébauches primitives, qui décoraient
autrefois la chartreuse de Montlouis, dans les Vosges.
(1) Achevé par Goulai.
LE SUEUR
990
pieds du pape Grégoire Vil, de Zucchero ; —
et l'édition in- fol. des Fables de Lu Fontaine,
dessins de Bachelier.
Il avait une sœur, Elisabeth, qui tint le burin
avec un égal succès. Chargée de graver les es-
tampilles ou marques des toiles pour les halles
de Rouen, elle s'acquitla si bien de ce travail
que les échevins de la ville lui assignèrent une
pension de 2,000 liv. K.
Basan, Dut. des Graveurs. — Hubert! et Rost, M an.
des Jmateurs. — Ch. Le Blanc, Man. du C Amateur
d'Estampes.
LE SCEUK {Jean -François ), célèbre compo-
siteur français, né à Drucat-Plessiel , près d'Ab-
beville, le 15 février 1760 (I), et mort à Paris, le
6 octobre 1837. D'une ancienne famille origi-
naire du comté de Pontbieu , il était arrière-pe-
tit-neveu du célèbre peintre Eustache Le Sueur.
Son père, peu favorisé par la fortune, l'envoya,
à l'âge de sept ans, à l'école de la maîtrise d'Ab-
beville, et le plaça bientôt après, comme enfant
de chœur, à la cathédrale d'Amiens, où le jeune
Le Sueur apprit les premiers éléments de la
langue latine; il en sortit à quatorze ans, et entra
au collège de cette ville pour y achever ses
études et y faire sa philosophie. En 1778, la
place de maître de musique de la cathédrale de
Séez, en Normandie, lui ayant été offerte, il
l'accepta, et alla en prendre possession. Le Sueur
avait alors dix huit ans. Six mois après il quitta
cet emploi pour celui de sous-maître à l'église
des Saints-Innocents, à Paris , et reçut à cette
époque des leçons de composition de l'abbé
Roze; mais au bout d'une année d'exercice il
abandonna sa nouvelle position pour celle de
maître de musique de la cathédrale de Dijon,
puis passa successivement en la même qualité
à la maîtrise du Mans, en 1782 , et à celle de
Saint-Martin de Tours, en 1783. Appelé l'année
suivante dans la capitale pour y faire exécuter
quelques-unes de ses compositions au concert
spirituel, il y obtint, sur la recommandation de
Grétry, de Philidor et de Gossec, la direction
de la maîtrise des Saints-Innocents. Sacchini,
qui se trouvait alors à Paris, ayant eu occasion
de voir le jeune maître de chapelle, s'intéressa
vivement à lui, revit avec soin plusieurs de ses
ouvrages, lui donna de précieux conseils, et
l'engagea à travailler pour le théâtre.
En 1786, la place de maître de musique à l'é-
glise cathédrale de Notre-Dame de Paris, étant
devenue vacante , fut mise au concours ; Le
Sueur se présenta, et l'emporta sur tous ses ri-
vaux, quoiqu'il n'eût encore que vingt-six ans.
Jusque là il avait été à peine connu du public ;
mais à partir de ce moment la direction qu'il
imprima à ses travaux et qu'il a toujours suivie
depuis lors , fixa sur lui l'attention , et jeta les
(1) Plusieurs biographes indiquent le 13 janvier 1763
comme étant la date de la naissance de Le Sueur.
Nous avons rectifié cette date d'après les renseignements
qui nous ont été fournis dernièrement par la veuve du
célèbre compositeur.
premiers fondements de sa réputation. Il pensait
que la musique était susceptible de perfection-
nements et de combinaisons nouvelles, et qu'elle
produirait encore plus d'effet si elle unissait aux
imposantes et sévères beautés de l'art ancien les
vives inspirations, les formes saisissantes et
dramatiques de l'art moderne. Sur sesinstances,
l'archevêque de Paris et le chapitre métropolitain
consentirent, à ce qu'une musique à grand or-
chestre fût établie à Notre-Dame pour les gran-
des solennités. Ces moyens d'exécution per-
mirent au compositeur de réaliser ses vues et de
faire entendre des motets qui produisirent une
vive sensation dans le monde musical. Dans le
cours des années 1786 et 1787, la foule se porta
à l'église Notre-Dame. Les journaux du temps
exprimèrent des opinions diverses sur le mérite
des œuvres de Le Sueur, notamment sur un
Regina cozli, sur un Gloria in excelsis, et sur
une ouverture servant d'introduction à sa messe
de Pâques. Les uns approuvaient les innova-
tions du compositeur, les autres les blâmaient,
comme peu convenables au recueillement de la
prière. Il s'en suivit une vive polémique, à la-
quelle Le Sueur lui-même prit part en indiquant
ses idées sur la réforme de la musique d'é-
glise, dans une brochure publiée en 1787, sous
le titre de : Exposé d'une musique imita-
tive, et particulière à chaque solennité, où
Von donne les principes généraux sur les-
quels on rétablit et le plan d'une musique
propre à la Jeté de Noël.
Au milieu des nombreuses occupations que
lui créaient ses fonctions de maître de musique
à Notre-Dame et de ses travaux de composi-
tions religieuses, Le Sueur, entraîné par son
goût pour la musique, avait écrit un grand
opéra en trois actes, intitulé Télémaque, qui
fut reçu par le comité de l'Académie royale
de Musique, mais dont il ne put, malgré ses
sollicitations, obtenir la mise à l'étude. Son pen-
chant pour le théâtre, sa résistance à l'arche-
vêque et au chapitre métropolitain qui l'enga-
geaient à entrer dans les ordres, indisposèrent
contre lui les chanoines, dont la plupart trou-
vaient d'ailleurs le nouveau genre de musique
trop mondain et trop dispendieux, et pendant
une absence que fit Le Sueur, on supprima l'or-
chestre dans l'exécution des messes en musique
et on rétablit l'ancien usage d'accompagner les
voix par les violoncelles et les contrebasses. Le
Sueur, irrité de ce procédé et en butte à une
foule de tracasseries de tous genres, se décida à
quitter la maîtrise, et se retira, vers la fin de
1788, à la campagne chez M. Bochart de Cham-
pigny,où pendant quatre années il se livra paisi-
blement à ses travaux de composition. Les évé-
nements de la révolution le ramenèrent à Paris
en 1792, et Tannée suivante il fit représenter au
théâtre Feydeau La Caverne, opéra en trois
actes, qni obtint un succès éclatant, et dont les
chœurs, en harmonie avec les tendances de lé-
991
LE SUEUR
992
poque, sont restés des modèles d'originalité et
de sombre énergie. Il donna ensuite au même
théâtre, en 1794, Paul et Virginie, ouvrage
dans lequel on remarquait surtout un bel
Hymne au Soleil, qu'on a pendant longtemps
exécuté dans les concerts publics, puis, en 1796,
son Télêmaque, écrit d'abord, comme on l'a
dit plus haut, pour le grand Opéra, et dont les
récitatifs furent transformés en dialogues parlés.
En 1795, lors de la formation du Conservatoire
de Musique, Le Sueur fut nommé l'un des ins-
pecteurs des études conjointement avec Gré-
try, Gossec , Cberubini et Méhul , et coopéra à
la rédaction des ouvrages élémentaires destinés
à l'enseignement. Sa réputation comme compo-
siteur, sa position au Conservatoire semblaient
avoir désormais assuré son sort; de nouvelles
tribulations devaient cependant abreuver encore
son existence. Deux de ses ouvrages, Les Bar-
des et La Mort d'Adam , avaient été reçus à
l'Opéra , et , malgré leur rang de réception , il
ne pouvait parvenir à les faire représenter. D'un
autre côté, les musiciens de l'Opéra et les par-
tisans des anciennes écoles des maîtrises de ca-
thédrale avaient formé une ligue contre le Con-
servatoire, dont ils voyaient avec regret les bril-
lants débuts, qui annonçaient une génération
nouvelle d'artistes distingués ; ils s'étaient grou-
pés autour de Le Sueur, qui , oubliant sa posi-
tion dans cet établissement, avait critiqué le
mode d'enseignement qui y était suivi, et au-
quel on attribuait à tort une brochure anonyme
publiée en l'an ix (1801) sous le titre de Projet
d'un plan général de l'instruction musicale
en France. Une rupture s'en suivit entre Sa-
rette, directeur du Conservatoire, et Le Sueur.
Plusieurs collègues de ce dernier, se croyant at-
taqués, se tournèrent également contre lui. Di-
vers écrits publiés dans l'intérêt de Le Sueur,
mais empreints d'un caractère passionné, lui
furent plus nuisibles qu'utiles, et bientôt il se
trouva dans une situation difficile, dont une cir-
constance imprévue vint heureusement le re-
tirer. Au mois de mars 1804, Paisiello, qui
depuis deux ans était maître de chapelle du pre-
mier consul Bonaparte , demanda sa retraite,
pour raison de sa santé. Napoléon, n'ayant pu le
déterminer à rester auprès de lui , l'invita à dé-
signer lui-même son successeur. Paisiello pro-
posa Le Sueur, qui fut accepté. Le Sueur profita
de sa nouvelle position pour faire représenter
son opéra des Bardes. Ce grand ouvrage en
cinq actes , auquel l'étrangeté des mélodies du
compositeur, le coloris antique et rêveur de son
harmonie, se trouvaient parfaitement appropriés,
eut un immense succès. La première représen-
tation eut lieu le 10 juillet 1804. Napoléon, qui
venait d'être proclamé empereur, y assista avec
l'impératrice Joséphine; à la fin du troisième
acte, il fit appeler Le Sueur, et lorsque l'artiste
se présenta , l'empereur se leva en lui disant :
« Je vous salue, monsieur Le Sueur : venez jouir
« de votre triomphe » ; puis, le prenant par la
main , il le fit asseoir entre lui et l'impératrice,
tandis que le public faisait retentir la salle de
bruyants transports d'enthousiasme. Quelques
jours après cette représentation, le général Du-
roc se rendit chez le compositeur, et lui remit,
de la part de l'empereur, le brevet de cheva-
lier de la Légion d'Honneur ainsi qu'une taba-
tière d'or portant cette inscription : L'empe-
reur des Français à l'auteur des Bardes,
pt dans laquelle se trouvait une somme de six.
mille francs en billets de banque. La messe et
le Te Deum, qu'il écrivit immédiatement après
pour le couronnement de l'empereur acheva de
le mettre en faveur auprès de Napoléon. Le
Sueur organisa les divers services de la mu-
sique impériale ; les symphonistes de la chapelle
faisaient également partie des services du théâtre
et des concerts de la cour. Le Sueur était chargé
de toutes les dépenses, et il en fut encore de
même lorsque ensuite Paër devint directeur de
la musique de la chambre; les virtuoses italiens
et français qui y étaient attachés n'étaient payés
que sur la signature du maître de chapelle (1).
Un jour l'empereur, ayant entendu l'oratorio de
Débora , demanda à Le Sueur combien il avait
déjà composé de messes et d'oratorios : « Sire,
vingt-deux, réponditeelui-ci. — Vous devez avoir
barbouillé bien du papier, reprit Napoléon. C'est
encore une dépense, et je veux qu'elle soit à ma
charge. Monsieur Le Sueur, je vous accorde
2,400 francs de pension pour le papier que vous
avez si bien employé : c'est pour le papier, en-
tendez-vous , car pour un artiste de votre mé-
rite , le mot de gratification ne doit pas être pro-
noncé. ■»
Tout en consacrant la plus grande partie de
son temps aux devoirs de sa place, Le Sueur
ne perdait pas de vue le théâtre. 11 donna à
l'Opéra, en 1807, en collaboration avec Per-
suis , L' Inauguration du Temple de la Vic-
toire, et Le Triomphe de Trajan. Deux ans
après, en 1809, il fit représenter sur le même
théâtre son grand opéra biblique de La Mort
d'.ldam, ouvrage rempli de beautés de l'ordre
le plus élevé , mais au succès duquel nuisit le
défaut d'action du drame. En 1814, après la
Restauration, Le Sueur fut nommé surinten-
dant de la musique du roi, et eut pour collè-
gue d'abord Martini , et ensuite Cherubini. Il
continua d'écrire, et se soutint à la hauteur où
son talent l'avait depuis longtemps placé. Le Te
Deum et les autres morceaux de musique qui
furent exécutés à Reims, le 29 mai 1825, pen-
dant la cérémonie du sacre de Charles X, sont
tous de Le Sueur, à l'exception toutefois de la
messe, qui fut composée par Cherubini. Membre
de l'Institut depuis 1815, comblé d'honneurs et
de témoignages de distinction. Le Sueur a exercé
(1) La musique de l'empereur, tous les services com-
pris, coûtait 360,000 francs environ par an.
993
LE SUEUR
994
les fonctions de surintendant de la chapelle du
roi jusqu'en 1830, époque à laquelle, par suite
de la révolution , cette chapelle lut supprimée.
Il cessa de vivre à l'âge de soixante-dix-sept
ans, avec le regret de n'avoir pu faire représenter
son opéra héroïque d'Alexandre à Babylone,
ouvrage qui avait été reçu en 1823 par le co-
mité de l'Académie royale de Musique , et dont
on connaît plusieurs morceaux , entre autres un
chœur de Mages, d'une splendeur tout orien-
tale. Les obsèques de Le Sueur eurent lieu à
l'église Saint-Roch, et le 10 août 1852 une sta-
tue, due au ciseau de l'habile sculpteur Rochet,
fut érigée à la mémoire du célèbre compositeur,
sur la place Saint-Pierre, à Abbeville, voisine
du lieu de sa naissance.
Le Sueur, dont le caractère était d'une can-
deur et d'une bonté parfaites, eut cependant
des ennemis acharnés parmi ses rivaux. Marié,
en 1806, à M"e Adeline Jamartde Courchamps,
il trouva heureusement le calme et le bonheur
dans cette union, et fut constamment soutenu
par le dévouement et les hautes qualités de sa
femme dans toutes les phases de sa longue et
laborieuse carrière. Il chérissait ses élèves, leur
prodiguait ses soins , et ne comptait pour rien
le temps et l'argent; aussi recherchait-on avec
empressement la faveur d'être admis dans la
classe de composition qu'il faisait depuis sa ren-
trée au Conservatoire, en 1818, et qu'il a con-
servée jusqu'à l'époque de sa mort. Au nombre
des élèves qui sont sortis de cette classe, on
compte MM. Berlioz, Ambroise Thomas, Elwart,
Gounod, Reber, Dietsch, et M. Boisselot, qui a
épousé une des filles du célèbre artiste.
La musique de Le Sueur a un cachet qui lui
est propre. Tout chez lui procédait d'un corps
de doctrines musicales , philosophiques et reli-
gieuses, puisées aux sources de l'antiquité. Dans
sa musique d'église , l'âme , en s'élevant vers
Dieu , ne cherche pas à se dégager des passions
humaines, comme dans les œuvres de Pales-
trina et des autres grands maîtres de l'école ro-
maine; Le Sueur y admet, on l'a vu, l'expres-
sion imitative et dramatique. Guidé par ce prin-
cipe , il a subordonné toutes ses pensées, et en
a développé les conséquences avec une incon-
testable originalité , soit par les formes mélo-
diques, soit par le rhythroe, soit par la singula-
rité des successions harmoniques , dans son ora-
torio de Noël et dans ses autres ouvrages. Son
style se distingue par une tendance incessante
vers la simplicité, et par l'emploi presque cons-
tant des harmonies consonnantes. Sa modula-
tion semble souvent étrange , parce qu'il met en
contact des tons qui n'ont entre eux aucun rap-
port d'analogie, persuadé qu'il était de faire
revivre ainsi les formes de la musique antique.
La lenteur qu'il apporte dans la succession des
accords, sa sobriété d'ornementation mélo-
dique, attestent une grande préoccupation des
phénomènes de la résonnance, et font de Le
NOUV. BIOCR. GENER. — T. XXX.
Sueur bien moins un maître de chapelle qu'un
maître de cathédrale; e'est un musicien qui parle
de loin à la foule sous les voûtes sonores d'im-
menses basiliques et qui ne lui dit que de ces
grands mots qu'elle puisse comprendre. Dans la
musique de théâtre, il a souvent saisi avec un
rare bonheur le sentiment dramatique; son opéra
de La Caverne, celui des Bardes offrent des
scènes entières de la plus grande beauté , prin-
cipalement dans l'expression des sentiments
énergiques. Son drame lyrique de La Mort d'A-
dam , qui peut être plutôt considéré comme un
oratorio, est un monument unique dans l'his-
toire de l'art , en ce que chaque page de cette
partition est surchargée de notes dans lesquelles
le compositeur expose ses idées sur la manière
d'exécuter cette musique toute patriarcale.
Voici l'indication des principales productions
de Le Sueur : Opéras : La Caverne , trois ac-
tes, au théâtre Feydeau (1793) ; — Paul et Vir-
ginie, trois actes, au même théâtre (1794 ); —
Télémaque, trois actes, au même théâtre
(1790) ; — Ossian, ou les Bardes, en cinq actes,
à l'Opéra (1804); — L'Inauguration du
Temple de la Victoire, un acte, à l'Opéra
(1807), en collaboration avec Persuis; — Le
Triomphe de Trajan, trois actes, à l'Opéra
(1807), en société avec Persuis; — La Mort
d'Adam et son apothéose, trois actes, à l'Opéra
(1809); — Tyrthée, en trois actes, reçu à l'Opéra
en 1794, mais non représenté; — Ar taxer ce,
trois actes, reçu à l'Opéra en 1801, non repré-
senté; — Alexandre à Babylone , trois actes,
reçu à l'Opéra en 1823, non représenté. — Mu-
sique religieuse : Lesueur a écrit trente-trois
messes, motets ou oratorios ; il a fait graver :
Messe ou Oratorio de Noël; Paris (1826). Cet
ouvrage , l'un des plus originaux du composi-
teur, a été arrangé pour deux soprani et con-
tralto, par M. Verschneider, maître de chapelle
du couvent des Oiseaux, musicien instruit et de
talent, qui s'est tiré avec un rare bonheur des
difficultés que présentait cet arrangement; —
Première messe solennelle, à quatre voix, chœur
et orchestre (1827 ) ; — Débora, oratorio (1828) ;
— Trois Te Deum (1829); — Deux oratorios
pour la Passion ( 1 829) ; — Deux oratorios pour
la Passion (1829); — Deuxième messe solennelle
(1831) ; — un Super flumina, et un oratorio
pour le carême (1833); — Racket, oratorio; —
Ruth et Booz, oratorio ; — Trois oratorios pour
le sacre des princes souverains, contenant toutes
les cérémonies de cette époque ; — Cantates re-
ligieuses, et Veni, sponsa; — Deux psaumes,
Credidi et Cœli enarrant; — Une messe basse,
et un motet, Joannes baptizat in deserto; —
un recueil de quelques morceaux sacrés. Toutes
ces œuvres forment dix-sept livraisons. On doit
ajouter à cette nomenclature la Marche du
couronnement de V Empereur, à grand or-
chestre, et qui a été gravée pour le piano,
et la musique pour la fête du 1er vendémiaire
32
995
LESUEUR tt. LESUIRE
9rJP>
an îx, exécutée aux Invalides, par quatre or-
chestres, non publiée Outre les ouvrages que
nous venons de citer, Le Sueur a écrit une No-
lice sur (a Mclopce, la Rhythmopée et les
grands caractères de la n\usique ancienne;
on a aussi de lui une Notice sur Paësiello ;
Paris, 1810, in-8°, et des articles qu'il avait ré-
diges pour le Dictionnaire Technique et Histo-
rique dunt s'occupe depuis longtemps l'Académie
des Beaux-Arts de l'Institut de Fiance. Mais
]V'iivre quj semble avoir été la préoccupation
de t< ute la vie de Le Sueur, celle qui lui a coûté
le plus de travauN de toutes espèces, est un traité
sur la musique des Grecs, dans lequel Le Sueur
s'efforce de prouver que ces maîtres dans tous
les arts avaient de la musique, dans le sens que
nous attachons à ce mot, une connaissance com-
plète, approfondie, et qu'ils employaient l'harmo-
nie, ou la science des sons simultanés, aussi bien
que nous le faisons aujourd'hui. Cegrand ouvrage
n'a pas été publié.
Dieudonné Denne-Barqi>|.
Caslil-ninze, Chapelle- Musique des rois de France.—
Fétis, Biographie universelle des Musiciens. — R3onl
Rochettc, ,\olite sti> Lr Sueur, lue en 1839, à l'Ins-
titut. — Pattïa, Histoire de l'Art Musical en France.
lesueur (Jean-Baptiste- Denis), publiciste
français, né au Havre, le29novembre 1750, mort
à Paris, le 5 juillet (819. Après avoir servj dans la
marine, il devjnt officier d'amirauté, puis il s'éta-
blit au Havre comme armateur. On a de lui :
Mémoire sur les moyens de procurer en peu
d'années au trésor public un revenu çlç quatre
cents millions et plus, de favoriser l'agricul-
ture, le commerce, les sciences et les arts;
Paris, 1801, in-80;— Notice sur l'expédition
françqise. aux terres austrqles ordonnée en
Van VIII, et exécutée par les deux corvettes
de l'Etat Le Géographe et Le Naturaliste, par-
ties du port du Havre le 27 brim\airean IX;
in-s°; — Mémoire sur le cqnal de Vauban,
creusé en 1667 entre le Havre et ffqrfteur,
pendant le règne, de Louis XIV, sous le mi-
nistère de Calbert ; 1802, in-8u. J. V.
Qnérard, La France Litter.
lesueur (Charlçs-Alexandre), voyageur,
naturaliste et dessinateur fiançais, fils du, précé-
dent, né au Havre, le 1er janvier 1778, mort à
Sainte-Adresse, en décembre 18^p. embarqué en
1800 comme aide canonnier sur la corvette Le
Géographe, qui partait pour faire un voyage de
circumnavigation sous les ordres du capitaine
Bandin , il fit preuve d'un talent si remarquai le
de dessinateur peqdant. la traversée du Havre
à d'île c|e France, que le chef de l'expédition le
dégagea de son service militaire et lui donna ie
titre de dessinateur pour la zoologie. Lesueur
se lia avec Péron; tous deux travaillèrent en
commun, et à leur retour, en 1804, ils déposèrent
au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris plus de
cent mille échantillons d'animaux, parmi les-
quels il y avait beaqcqup de genres nouveaux et
près de deux mille cinq cents espèces différentes.
Lesueur avait en outre dans ses portefeuilles
plqs de mille dessins d'animaux invertébrés, la
plupart nouveaux, et que Péron avait décrits
avec soin. Les deux naturalistes avaient exploré
les côtes de la Nouvelle-Hollande, la terre de
Napoléon, nouvellement découverte, les îles
Van-piémen et de Timor, et le cap de Bonne-Es-
pérance. Péron rédigea une relation de ce voyage,
que Lesueur illustra d'un grand nombre de
figures. Ils publièrent aussi dans les A)inales
du Muséum une Monographie complète des
Radiaires de la classe des Méduses, et une
autre des Mollusques ptéropodes. Lesueur avait
appris la gravure, et gravait lui-même ses des-
sins. Il sculpta aussi le buste de son ami Péron.
En 1815 Lesueur partit pour les États-Unis,
avec le géologue anglais Maclaure. Ils parcou-
rurent ensemble tous les grands lacs de la vallée
du Saint Laurent, et en recueillirent des pois-
sons. Lesueur se fixa à Philadelphie, d'où il fitdes
envois intéressants au Muséum d'Histoire Natu-
relle de Paris. De retour en France, il devint con-
servateur du musée du Havre : ses collections
doivent être installées dans cet établissement
public. Ha publié un grand nombre de mémoires
sur les mollusques et les reptiles dans le Jour-
nal de Physique, dans le Bulletin de la Société
Philomatique, dans le Journal de l'Académie
des Sciences naturelles de Philadelphie et dans
les Mémoires de la Société Philosophique, etc.
J. V.
Notice biogr. syr M. Ch. Alex. Lesueur, natura-
liste ; Le Havre, 1858, in-80.
5J lesueur (Çicéron-Jean-Baptiste), ar-
chitecte français, né à Clairefontaine, près de
Rambouillet, le 5 octobre 1794. Élève de Percier
et de Famin , i\ suivit les cours de l'École des
Beaux-Arts, et remporta le premier grand prix
d'architecture en t8i9. En 1828, il construisit
l'église de Vincennes ; il exéputa ensuite, avec
M,. Godde, les travaux d'agrandissement de
l'hôtel de ville de Paris. De 1854 à 1857 il a
construit à Genève un conservatoire de mu-
sique. Membre de l'Académie des Beaux-Arts
depuis !846, il est depuis 1852 professeur de
théorie à l'École impériale des Beaux-Arts. Il est
aussi commissaire voyer du sixième arrondisse-
ment de Paris. M. Lesueur a publié : Vues
choisies des Monuments qntiqws de Rome
(avec P. Alaux) ; 1 827, in-folio.; — Architecture
italienne, ou palais, maisons et autres édi-
fices de l'Italie moderne (avec F. Callet); 1829,
in-folio; — Chronologie des Rois d'Egypte;
1848-1850, in-4° avec 3 planches : ouvrage cou-
ronné par l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres et imprimé par ordre du gouvernement.
G. de F.
Annuaire statistique des Beaux-Arts. — Documents
particuliers.
lesuire (Robert-Martin), littérateur fran-
çais, néà Rouen, en 1737,mortà Paris,lel7avrjl
1815. Venu dans la capitale après avoir achevé ses
997 LESUIRE —
études, il obtint la place de lecteur du ducde Parme,
suivit ce prince en Italie, et lit plusieurs voyages
en Angleterre. De retour i\ Paris, il s'occupa de
littérature. A la tin de la révolution, il fut nommé
professeur de législation à l'école centrale de Mou-
lins; mais il perdit cette place à l'organisation
des lycées. Parmi ses nombreux ouvrages nous
citerons: Éloge du maréchal de Câlinât; 1775,
in-8°; — Isaacel Rebecca, ou les noces patriar-
cales, poëme en prose et en cinq cbants; 1777,
1780, in- 12; — Histoire de la Héputi/iqur des
Lettres et Arts en France pour les années 1779,
1780, 1781 et 1782, quatre parties in-12 ; — Les
Amants français à Londres, ou les délices de
V Angleterre; 1780, in-12 ;— Le Nouveau Monde,
ou la découverte de l'Amérique, poëme en
vingt-six chants; 17S2, 2 vol. in-12; 1800,
2 vol. in-8°; — L'Aventurier français, ou mé-
moires de Grégoire Merveil ; 1782-1788,
8 vol. in-12; — Le Philosophe parvenu, ou
lettres et pièces originales contenant les
aventures d'Eugène Sans-Peur ; Paris, 1788,
6 vol. in-12;— Le Crime, ou lettres originales
de César de Parlencourt ; 1789, 4 vol. in-12;
— Les Confessions de Rabelais, de Marot, de
Michel de Montaigne; 1796-1798,8 vol. in-18;
— Le Secret d'être heureux, ou mémoires d'un
philosophe; 1797, 2 vol. in-18; — Charman-
sage, ou mémoires a'un jeune citoyen faisant
l'éducation d'un ci-devant noble; 1792, 4 vol.
in-12 ; — Le Législateur des Chrétiens, ou l'É-
vangiledes Déicoles ; 1798, in-18; — LaPaméla
française, ou lettre d'une jeune paysanne ;
1803, 4 vol. in-12. J. V.
Bioar. univ et portât, des Contemp. — Quérard, la
France Littér.
LES.rït (Charles-Louis), littérateur et pu-
bliciste français, né à, Guise (Picardie ) en 1770,
mort en 1849. Venu à Paris au commencement
de la révolution, il se livra à la poésie, et com-
posa pour le Théâtre-Français plusieurs ouvrages
dramatiques, entre autres V Apothéose de Beau-
repaire, représenté en novembre 1792, et La
Veuve du Républicain, jouée l'année suivante.
Appelé aux frontières par la réqiiisilion, il obtint
de rester à Paris comme homme de lettres, et
fut employé dans un comité du gouvernement.
Sous le Directoire, il fut attaché par Talleyrand
au ministère des affaires étrangères, et eut la
plus grande part à la rédaction des articles poli-
tiques de L'Argus, journal dont l'objet était de
combattre l 'influence anli-française de la presse
britannique. En 1807 il fit paraître, mais sans y
melttre son nom, un volume intitulé Progrès
de la Puissance russe, depuis son origine
jusqu'au commencement du dix -neuvième
siècle, écrit qui lui valut l'approbation de Na-
poléon et d'A'exandre. En 18 14 il donna en
deux volumes l'Histoire des Cosaques , et en
1817 La France et les Français, tableau mo-
ral et politique; mais sa publication la pins
importante fut celle d'un Annuaire Historique
LESURQUES 998
et Politique dans le genre de V.Annual Register
anglais. A partir de 1818 il publia tous les ans
sous ce titre un gros volume où étaient exposés
et résumés avec un esprit sagement indépendant
les faits politiques, littéraires et scientifiques de
la France et des États de l'Europe et des autres
parties du inonde. Cette collection est devenue
une source précieuse pour l'histoire contempo-
raine; car, outre les principaux faits, elle ren-
ferme beaucoup de documents officiels qu'il se-
rait difficile de se procurer ailleurs. Vers 1830,
Lesur se retira dans sa ville natale, et laissa à
un de ses collaborateurs, M. Ulysse Tcnce, l'en-
tière direction de l'Annuaire. Devenu maire de
Guise, il ne s'occupa plus que des intérêts de
cette ville. Dans ces dernières années, l'An-
nuaire a passé en d'autres mains, qui n'y ont
pas apporté les soins qui distinguent les volumes
antérieurs. Il est aujourd'hui interrompu. J. C.
Moniteur, octobre 18+9. — Biographie universelle des
Contemporains.
LESiHiouES (Joseph), célèbre victime d'une
erreur judiciaire, naquit à Douai, en 1763, et fut
supplicié à Paris, le 30 octobre 1796. Après avoir
servi dans le régiment d'Auvergne, il revint à
Douai, où il obtint dans l'administration du dis-
trict un emploi qu'il ne tarda pas à résigner pour
aller se fixer à Paris, afin d'y surveiller l'éduca-
tion de son fils. Il jouissait d'une fortune de plus
de 10,000 livres de rente en biens-fonds, ce qui
le mettait lui et sa famille au-dessus des besoins.
Il était depuis très-peu de temps à Paris lors-
qu'eut lieu, le 27 avril 1796, près de Lieusaint,
sur la route de Melun , l'assassinat du coureier
de Lyon, crime dont l'unique mobile fut le vol.
La fatalité voulut qu'à quelque temps de là Le-
surques accompagnât son ami Guenot (1) au
bureau central de la police, précisément au mo-
ment où M. Daubenton procédait à l'information
sur ce crime. Deux femmes, appelées en témoi-
gnage et qui les voyaient passer, déclarèrent les
reconnaître comme deux des individus que la
clameur publique accusait de cet odieux attentat.
Elles firent part de leurs soupçons au juge, et
comme, par une autre fatalité, le signalement de
l'un des auteurs présumés du meurtre se rap-
portait parfaitement à celui de Lesurqnes , le juge
d'instruction crut devoir en ordonner l'arres-
tation ainsi que celle de son ami Guenot. Le-
surqnes n'eut aucune peine à démontrer sa par-
faite honorabilité, qu'attestaient plus de quatre-
vingts témoins, presque tous venus de Douai à
Paris à leurs frais. Le vol consistait en 14,000 fr.
en numéraire et 7 millions en assignats, valeur
dépréciée qui pouvait représenter 5 à 6,000 livres
argent. Par la déposition de plusieurs personnes
11) Guenot et Lesurqnes étnient en relations avec Riehard
(l'un des vrais complices). Ils ignoraient ce qn ctait
Courriol, l'un des vrais coupa blés, avec lequel ils avaient
déj'ûné une fois par hasard. Ce furent ces rapports, pu-
rement fortuits, qui éveillèrent les soupçons des magis-
trats chargés de l'information, et donnèrent une sorte tic
base à l'accusation.
32.
999 LESURQUES
dignes de foi, parla représentation des registres
de service de la garde nationale parisienne, Lesur-
ques établissait son alibi d'une manière péremp-
toire; à cela il faut ajouter que la déclaration des
deux femmes, cause première de la mise en pré-
vention de Lesurques, fut mise à néant par l'élar-
gissement de Guenot qu'elles avaient cru aussi re-
connaître et qui néanmoins prouva matériellement
sa non-culpabilité. Malheureusement au nombre
des personnes que Lesurques avait fait assigner
pour établir sa présence à Paris dans la journée
du 27 avril ( 8 floréal ) se trouvait un bijoutier
dont les registres étaient mal tenus. Lesurques
avait acheté chez ce bijoutier un bol d'argent : le
fait était exact ; mais le carnetde vente portait une
date surchargée, 9 floréal, au lieu de 8. Les ac-
cusés furent jugés par le tribunal criminel de la
Seine. Le président de ce tribunal eut le grave
tort d'attacher une importance extrême à un
indice qui dans une cause ordinaire eût paru in-
signifiant, etil parvint à faire partager ses préven-
tions au jury. La déclaration des deux femmes
sur l'identité de Lesurques et de l'un des assas-
sins, jointe à quelques autres circonstances peu
importantes, toutes dues au hasard, ajoutèrent
encore aux présomptions de culpabilité que l'ac-
cusation groupa et développa avec une habileté
funeste. L'irritation où l'on était alors contre le
gouvernement directorial de réussir si mal à
rendre aux routes la sûreté qu'elles avaient au-
trefois pesa peut-être aussi sur les détermina-
tions du jury : on voulait faire un exemple. Le
18 thermidor an iv, Lesurques, Courriol et Ber-
nard furent condamnés, les deux premiers à la
peine de mort, et Richard, qui avait prêté en con-
naissance de cause des chevaux aux assassins,
aux travaux forcés à perpétuité. Quant à Guenot
et à Bruer, autres inculpés, ils furent renvoyés
absous. Les condamnés se pourvurent en cas-
sation ; leur pourvoi fut rejeté. Le jour de l'exé-
cution approchait, quand, vaincu par ses remords,
Courriol nomma les véritables coupables, au
nombre de cinq lui compris, proclamant ainsi
l'innocence de celui qu'on lui donnait pour com-
plice. Une pétition fut en conséquence adressée
au Directoire, qui, après l'examen des pièces
de la procédure, adressa un message au Conseil
des Cinq Cents pour réclamer en faveur de Le-
surques, par dérogation aux usages judiciaires,
nne révision du procès. Le conseil accorda d'a-
bord un sursis, et nomma une commission pour
lui rendre compte de l'affaire. Préoccupé de la
crainte de voir s'affaiblir l'autorité morale du jury
si on annulait un jugement sur des considérants
en dehors des vices de formes; convaincu, il faut
le croire, que les déclarations si explicites de
Courriol étaient un roman concerté avec l'ac-
cusé, le rapporteur conclut à l'ordre du jour, qui
fut prononcé. Ce fut le second arrêt de mort, irré-
vocable cette fois, seconde erreur judiciaire, plus
atroce que la première, parce qu'elle repose sur
le respect des formes, qui devraient toujours être
1000
subordonnées au fond; surtout quand il s'agit
de lavie d'un homme. Lesurques monta sur l'é-
chafaud le 30 octobre 1 796, ne cessant de protester
de son innocence devant Dieu et les hommes jus-
qu'au moment où la hache fatale lui trancha la
tête.
Peu de temps après, la vérité tout entière
fut connue par l'arrestation d'un certain Dubosq,
l'un des assassins du courrier de Lyon, celui-là
même dont la ressemblance avec Lesurques
avait occasionné un irréparable malheur. Les
femmes dont la déclaration formelle avait tant
contribué à envoyer un innocent à l'échafaud
reconnurent leur erreur, en en demandant pardon
à Dieu. Dès ce moment Lesurques fut justifié
dans l'opinion publique. Mais cette réparation
ne pouvait suffire à sa famille, réduite à la plus
affreuse misèr-e par suite de la confiscation des
biens de son chef (1). Il fallait une réhabilita-
tion; mais comment l'obtenir? Moins humaine
que celle de l'ancien régime, la législation actuelle
ne laisse l'espoir de faire réviser son procès qu'à
celui qui, victime d'une erreur judiciaire, peut
venir lui-même protester contre l'arrêt qui l'a
condamné : la loi criminelle se fait donc de l'acte
du bourreau un argument invincible contre le con-
damné !
Pendant cinquante ans, sous les divers régimes
qui se sont succédé de 1796 à 1848, la famille
Lesurques a multiplié les démarches avec une
héroïque persévérance pour obtenir cette réha-
bilitation tant désirée. Elles n'ont jamais pu
aboutir (2). Pour qu'il en fût autrement, il eût
fallu combler des lacunes laissées à dessein
peut-être par le législateur dans le Code d'Ins-
truction criminelle, parce qu'elles impliquent l'in-
faillibilité des dépositaires de la justice humaine
et le respect absolu de la chose jugée (3).
Jean-Paul Faber.
(1) Une seule de ses propriétés, vendue en>1810, produi-
sit 183,000 fr. au domaine.
(S) En 1821, une pétition a été présentée par la veuve
Lesurques à la chambre des pairs et a celle des députés
pour obtenir la révision du jugement de son mari. Cette
pétition a été l'objet de trois rapports, l'un à la chambre
des pairs par M. le comte de Valence et les deux autres
à la chambre des députés par le comte de Floirac et par
M. Bazire, tous trois concluant au renvoi a M. le garde
des sceaux. Nousignoronspourquolil y a eu à la chambre
des députés deux rapports sur un même objet. Celui
de M. de Floirac est imprimé à la suite du Mémoire de
M. Saignes. Le travail de M. Bazire a été réproduit par
les journaux qui ont rendu compte de la séance du
1S décembre 1821.
(3) Lesurques n'a pas été, suivant l'opinion de plusieurs
magistrats et jurisconsultes, la victime d'une erreur judi-
ciaire, comme l'afflrme l'auteur de cet article; ou du
moins la chose n'est pas aussi claire qu'il le pense. M. le
président Zangiacoml, l'un des magistrats les plus éclai-
rés et les plus consciencieux de la cour de la cassation,
a fait un rapport au conseil d'État sur cette affaire, le
30 juillet 1822; ce rapport a été publié dans Le Moniteur
du 7 août suivant. On y voit qu'en l'an ix, lors du pro-
cès de Dubosq, qui prétendait, en avouant sa participa-
tion à l'assassinat du courrier de Lyon, que Lesurques
avait été pris pour lui et condamné quoique innocent, que
huit témoins sur neuf persistèrent à dire qu'ils ne s'é-
taient pas trompés; que ce n'était pas Dubosq, mais bien
1001 LESURQUES
Mémoire au roi pour le sieur Lesurques, par J. B.
Salgues; Paris, 1822. — C— A. Lcfebvre, Une Erreur
judiciaire ; in 8°, 185S.
LKTANDUÈliE DES HERBIERS ( Henri-
François, marquis de), marin français, né à
Angers, en 1682, mort en 1750. Il servit sous
Ducasse et Duguay-Trouin , et commandait au
mois d'octobre 1747 une escadre de huit vais-
seaux, avec laquelle il devait escorter aux colo-
nies d'Amérique un convoi de deux cent cin-
quante bâtiments chargés de vivres. Attaqué à
la hauteur de Belle-Isle par une flotte anglaise
de dix-neuf vaisseaux, aux ordres de l'amiral
Hawke, il n'hésita pas à soutenir le combat
pour sauver son convoi; l'engagement dura huit
heures, et L'Étanduère parvint, par l'habileté de
ses manœuvres, à sauver le convoi, en ne per-
dant que six vaisseaux. On doit à ce brave of-
ficier plusieurs plans des côtes, ports et rades
des Indes orientales et des côtes du Labrador
et d'excellents relèvements de la côte du Saint-
Laurent.
Le Bas, Dict. Encgcl. de la France.
* létang ( Georges-Nicolas - Marc, baron
de), général et sénateur français, né à Meulan,
le 2 mai 1788. Sorti en 1807 de l'École Mili-
taire de Fontainebleau, il entra comme sous-
Lesurques qu'ils avaient vu dans la compagnie des as-
sassins. Or ces témoins avaient été confrontés deux fois à
Dubosq, et ils assignaient entre lui et Lesurques toutes
les différences de taille et de figure qui motivaient leur
persévérance. Suivant M. Zangiacomi, la voix de ces huit
témoins, non reprochés et irréprochables, doit l'emporter
sur la déclaration d'hommes qui confessaient avoir tué
le courrier de Lyon et disaient que Lesurques n'était pas
leur complice:
Mais, ajoute-t-on , la justice a condamné à la peine ca-
pitale sept individus, et les auteurs du crime avouent
qu'ils n'étaient qu'au nombre de cinq ou six. D'abord,
cette variation du nombre des assassins est déjà fort sin-
gulière dans la bouche des accusés. Puis l'honorable rap-
porteur fait observer qu'il résulte de la déclaration de
deux témoins que les assassins étaient très-vraisembla-
blement au nombre de sept. Enfin, ce qui put déterminer
le jury dans sa conviction, indépendamment des faits qui
viennent d'être rappelés, c'est que Lesurques avait eu des
relations avec plusieurs des accusés, notamment avec
Couriol, l'un des assassins, et avec Richard, receleur des
effets volés.
Ce qu'aurait pu ajouter M. Zangiacomi, c'est que sous
l'empire du code criminel du 3 brumaire an iv, en vi-
gueur lors du procès de Lesurques, les garanties favo-
rables aux accusés étalent beaucoup plus fortes qu'elles
ne l'ont été depuis ; ainsi, le jury d'accusation existait
alors, et il fallait que huit membres sur douze de ce jury
fussent d'avis qu'il y avait lieu à accusation pour que
l'affaire fût renvoyée devant le jury de jugement; et ee
dernier jury ne pouvait déclarer un accusé coupable qu'à
la majorité de dix voix sur douze. Alors, comme aujour-
d'hui, la loi ne demandait pas compte aux jurés de la ma-
nière dont la conviction pénétrait dans leur esprit; elle
leur prescrivait seulement « de s'interroger eux-mêmes
dans le silence et le recueillement, et de chercher dans
la sincérité de leur conscience quelle Impression ont faite
sur leur esprit les preuves rapportées contre l'accusé et
les moyens de sa défense ».
Ce sont ces principes sur le débat oral qui s'opposent
à la révision des procès juges par jurés , lorsque les con-
damnes n'existent plus, à moins qu'en matière d'homicide
la personne précédemment tenue pour homicldée ne
vienne à être représentée, cas qui n'existait pas dans l'af-
faire Lesurques. T— r.
- LETELLIER 1002
lieutenant dans le 10e régiment de chasseurs
à cheval, fit la campagne de Prusse de 1807 et
celles de 1808 à 1812 à l'armée d'Espagne, se si-
gnala à la bataille de Talavera. à celle d'Ocana,
où il fut mis à l'ordre de l'armée, et à Rio-Secco.
Nommé capitaine dans le 21e régiment de chas-
seurs le 28 janvier 1813, il passa le 27 février
suivant dans les chasseurs à cheval de la garde
impériale, fitavec ce corps les campagnes de Saxe
et de France, se signala aux batailles de Dresde
et de Leipzig, et reçut le 15 mars 1814 le grade
de chef d'escadron dans le 7e régiment de dra-
gons. Lieutenant-colonel du 3e de la môme arme
le 14 octobre 1821, colonel du 12° de chasseurs
le 27 novembre 1829, il fit la campagne de Bel-
gique de 1831, se distingua dans les guerres
d'Afrique de 1832 et 1833, à la tête du 2e régi-
ment de chasseurs, et fut nommé maréchal de
camp le 31 décembre 1835. 11 prit une part glo-
rieuse aux expéditions dirigées contre les Arabes
et les Kabyles en 1836 et 1837, devint lieute-
nant général en 1845, et inspecteur général de
cavalerie, commandant les 10e et 17e divisions
militaires (Toulouse et Bastia). Appelé en 1849
à faire partie du comité de la cavalerie , il fut
élu l'année suivante membre du comité consultatif
de l'Algérie. Élevé à la dignité de sénateur par
décret du 31 décembre 1852, il fut placé en 1853
dans le cadre de réserve. En 1854 il fut envoyé
en mission auprès de l'empereur d'Autriche, pour
des affaires relatives à la guerre d'Orient.
SlCARD.
archives de la Guerre. — Notes communiquées. '
letbert, abbé de Saint-Ruf, mort vers l'an-
née 1112. Quelques auteurs lui ont donné l'An-
gleterre pour patrie, mais par simple conjecture :
on ignore son pays natal. Dans sa jeunesse, il
fut chanoine; chanoine séculier ou régulier?
C'est une question débattue. L'abbé Lebeuf le
fait chanoine séculier dans l'abbaye de l'île de
Médoc, insula de Medulio, au diocèse de Bor-
deaux ; les auteurs de Y Histoire Littéraire s'effor-
cent d'établir qu'il fut chanoine séculier dans l'é-
glise collégiale de Lille, en Flandre. Il ne paraît
pas dans les titres de l'abbaye de Saint-Ruf, dio-
cèse de Valence, avant l'année 1110.
On a de Letbert : Flores Psalmorum, ouvrage
inédit, qui a été plus d'une fois attribué à Gau-
tier, évêque de Maguelone. Les manuscrits en
sont nombreux. Deux lettres de Letbert ont, en
outre, été publiées par D. Martène, Anecd., t. I,
p. 329. B. H.
Hist. Litt. de la France, t. IX, p. 570. — Lebeuf,
Dissert, sur l'Hist. eccl. et civ. de Paris, t. II, p. 129, 803.
letellier ( Jean - Baptiste ) , industriel
français, né à Tours, dans la seconde moitié du
seizième siècle, mort à une époque inconnue. Il
exerçait la profession de fabricant de soie
dans sa ville natale lorsqu'un édit de Henri IV,
du 21 juillet 1602, prescrivit de planter des mû-
riers dans les campagnes auprès des grandes
villes, afin de favoriser l'éducation des vers à
1003 LE TELLIER
soie. Letellier fit planter un grand nombre de.
mûriers aux environs de Tours, et l'industrie de
la soie prit une grande extension dans cette ville.
Les plantations disparurent après la révocation
de redît de Nantes, qui amena la décadence de
l'industrie de la soie à Tours. Letellier a laissé un
livre intitulé : Mémoires et instructions pour
l'établissement des mûriers en France, et Art
défaire la Soie en France ; Paris, 1603, in 4°,
avec fig. J. V.
Lelong, Bibliotk. Hist. de la France. — L.-A. Héris-
sant, Bibl. Phijs. de la France. — Mercier-Saint-Léger,
Note manuscrite.
le tellier (Michel), chancelier de France,
né le 19 avril 1603, mort en octobre 1685. Fils
d'un conseiller à la cour des aides, il fut lui;même
d'abord conseiller au grand conseil, puis procu-
reur du roi au Châtelet de Paris, en 1 63 1 . Nommé
plus tard maître des requêtes, il accompagna en
cette qualité le chancelier Seguier; lorsque ce-
lui-ci alla* par ordre de Richelieu, instruire
contre les révoltés de Normandie connus soits
le nom de Va-nu-pieds , et dut, en 1640 j an
zèle qu'il avait montré à seconder en cette
circonstance les rigueurs et là cruauté du chan-
celier, la place d'intendant de Piémont. Ce
fut alors qu'il se fit connaître de Mazarin ; qui
le présenta à Louis XIV; et le fit, lors de l'é-
loignement de Desnoyers, nommer secrétaire
d'État au département de ht guerre. Il devint en-
suite conseiller d'État et commandant de l'ordre
du Saint-Esprit. Le Tellier partagea la bonne et la
mauvaise fortune du cardinal pendant les troubles
delà Fronde; il eut la plus grande part au traité
de Ruel; Anne d'Autriche le retint auprès d'elle,
lorsque Mazarih fut forcé de se retirer pour la se-
conde fois et de sortir du royaume. 11 contribua
puissamment à pacifier le royaume.
Chargé des pleins pouvoirs de la reine, Le
Tellier empêcha, en 1654, la ville de Péronne de
tomber entre les mains des ennemis; il prit en-
suite une part très-active aux négociations re-
latives au mariage du roi, et conserva après la
mort de Mazarin la charge de secrétaire d'État;
il devint même membre du conseil ; sous le titre
de ministre d'état. En 1666 il céda à son fils
Louvois la secrétairerie d'État de la guerre. «Son
esprit, dit M. Sismortdi, était doux, facile, in-
sinuant; ii était modeste sans affectation, et
il cachait la faveur dont il jouissait avec autant
de soin que sa fortune. Toujours maître de ses
passions, il était civil et bienveillant de propos;
mais c'était là tout le bien qu'il faisait à ses
amis, en même temps qu'il ne laissait jamais
échapper une occasion de nuire à ses ennemis.
Jamais il ne les croyait assez petits ou assez
faibles pour se permettre de les mépriser. Il
avait rétabli dans le ministère de la guérie un
'ordre et une vigueur qui avaient contribué aux
succès de la régence. »
Après la mort ded'Aligre. en 1677, LeTellier fut
nommé par Louis XIV chancelier et garde des
1004
sceaux, et il déploya dans ces hautes fonctions ,
contre les protestants , un fanatisme qui fit
plus de mal à la France que les guerres san-
glantes soutenues par elle contre l'Europe en-
tière. On sait qu'en 1685, âgé de quatre-vingt-
deux ans, malade et se sentant près de mourir,
il demanda au roi de lui accorder la consolation
de signer avant de rendre le dernier soupir un
édit qui porterait révocation de l'édit de Nantes.
Il signa en effet cet édit le 2 octobre 1685, en
récitant le cantique de Siméon, et en appliquant
à cet acte impolitiqtie les paroles de joie qui
dans la bouché du vieillard hébreu se rappor-
taient au salut du genre humain. Il mourut avant
la fin du mois, et on lui érigea un fastueux mau-
solée dans l'église Saint-Gervais à Paris,
« Michel Le Tellier avoit reçu, dit l'abbé Choisy,
toutes les grâces de l'extérieur : un visage
agréable, les yeux brillants, les couleurs du
teint vives, un sourire spirituel, qui prévenoit
en sa faveur, il avoit tous les dehors d'un hon-
nête homme, l'esprit doux, facile, insinuant; il
parloit avec tant de circonspection qu'on le croyoit
toujours plus habile qu'il n'étoit , et souvent on
attribuoit à sa sagesse ce qui ne venoit que d'i-
gnorance; modeste sans affeclation, et cachant
sa faveur avec autant de soin que son bien, il
promettoit beaucoup, et tenoit peu; timide dans
les affaires de sa famille , codrageux et même en-
treprenant dans celles de l'État ; génie médiocre
et borné, peu propre à tenir les premières places,
où il bàyoit souvent de discrétion , mais assez
ferme à suivre un plan quand une fois il avoit
été aidé aie former ; incapable d'en être détourné
par ses passions, dont il étoit toujours le maître;
régulier et civil dans le commerce de la vie, où
il ne jetoit jamais que des fleurs : c'étoit aussi
tout ce qu'on pouvoit espérer de son amitié;
mais ennemi dangereux, cherchant l'occasion de
frapper sur celui qui l'avoit offensé, et frappant
toujours en secret, par là peur de se faire des
ennemis, qu'il ne méprisoit pas, quelque petits
qu'ils fussent. Il ne laissoit pas de sentir les
obligations de soh emploi et les devoirs de sa
religion , à laquelle il a toujours été fidèle. ■»
L'abbé de Saint- Pierre ajoute que c'était un très-
habile courtisan, « qui avoit instruit son fils à tou-
jours louer le roi par quelque endroit, et à lui
faire croire qu'il étoit le plus sage et le plus ha-
bile homme de l'Europe, et que c'étoit par cette
raison que le roi se plaisott plus à travailler avec
Le Tellier et avec son fils qu'avec les autres se-
crétaires d'État. » [Le Bas, Dict. Hist. de là
France. ]
Bossnet, Oraison funèbre de Le Tellier. — Choisy,
Mémoires. — Voltaire, Siècle de Louis XIV. — Mme de
Motteville< Mémoires. — Bazin, Histoire du cardinal
de Mazarin.
le TKVLiFM (Charles-Maurice) , prélat fran-
çais, fils du chancelier, né à Turin, en 1642, mort
le 22 février 17 10. Destiné de bonne heure à l'état
ecclésiastique , il parcourut , après avoir pris les
ordres , l'Italie, la Hollande et l'Angleterre , et il
1005
LETELLIER
IG e
en rapporta un grand nombre de livres précieux.
Nommé en 1668 coadjuteur de François Barbe-
rini , archevêque de Reims , il lui succéda en
167 t. Il joua dès lors un rôle important dans les
affaires du clergé, et se fit surtout remarquer par
la violence avec laquelle il se prononça contre
les doctrines ultramontaines. Il rendit plusieurs
ordonnances contre les jésuites. Du reste, les mé-
moires du temps le représentent sous un jourpeii
favorable. On prétend qu'il disait cju'il ne con-
cevait pas comment « on pouvoit vivre sans avoir
cent mille écus de rente ». On rapporte aussi,
comme variante, qu'il « disoit qu'on ne pouvoit
être honnête homme si on n'avoit dix mille
écris de rente ». Despréaux questionné par lui
sur la probité dé quelqu'un répondit, dit-on :
« Monseigneur, il s'en Faut de quatre mille livrés dé
rente qu'il soit honnête homme. » Ces anecdotes,
si elles sont bien authentiques, peignent l'homme.
La correspondance de Mme de Sevigné contient
sur l'archevêque de Reims plusieurs traits ana-
logues. II mourut d'uneattaqued'apOplexie, après
avoir légué à l'abbaye de Sainte Gehëviève sa bi-
bliothèque, composée de cinquante mille volu-
mes, et riche en manuscrits précieux. II en avait
fait dresser, par Nicolas-Clément, le catalogue,
qui fut imprimé sous le titre de Bibliotheca tel-
leriana; Paris, imprimerie royale, 1693, in- fol.
La préface du catalogue , rédigée par Letellier
lui-même, renferme de curieux renseignements
sur la formation de sa bibliothèque. [Le Bas,
Dict. Hist. de la France, avec addit. ]
Mme de Sévigné, Mémoires. — Bolœna. — Fleury,
Opuscules. — P. d'Avrigny, Mémoires chronologiques
et dogmatiques. — Baussi-t, Histoire de llossuet, t. IV.
— D'Aguessenu. Mémoires sur les affaires de l'Église.
letellier ( Michel) , théologien français,
né près de Vire (Basse-Normandie), le 16 dé-
cembre 1643, mort à La Flèche, le 2 septembre
1719. Fils d'un procureur de Vire, il fit ses
études au collège dès jésuites de Caen, et entra
dans la Société de Jésus en 1661. Il fut ensuite
envoyé au collège Louis-le-Grand à Paris. Après
avoir occupé les chaires d'humanités et de phi-
losophie, il publia, en 1678, une édition de
Quinte- Curce à l'usage du dauphin. Il fut alors
choisi avec d'autres jésuites pour former au
collège Louis-le-Grand une société qui rappelât
la mémoire des Sirmond et des Petau. Letellier
préféra se jeter dans la controverse. II publia
plusieurs écrits contre la version du Nouveau
Testament dite de Mons, et prit une vive part k
la discussion sur les cérémonies chinoises. Les
jésuites permettaient à leurs néophytes en Chine
les cérémonies de Confucius, qu'ils regardaient
comme purement civiles : les missions étran-
gères les prohibaient comme superstitieuses et
entachées d'idolâtrie. Les pères Letellier et Le-
comte publièrent plusieurs mértioires à ce sujet.
Un livre de Letellier fut attaqué par Arnauld et
Duvaucel et déféré à Rome. Letellier y donna
une suite, et répondit à ceux qui l'attaquaient. Il
contribua avec le père Besnier à la traduction
du Nouveau Testament du père Bonhours. Ed
même temps il acheva le traité de la Pénitence du
pèle l'etau pour les dogmes théotogiqnes. Il
publia aussi quelques écrits pour la justification
des jésuites à propos de ce qu'on appela le pé-
ché philosophique. 11 s'associa un des premiers
à la rédaction des Mémoires de Trévoux\ pu-
bliés par sa compagnie. Enfin il lit paraître plu-
sieurs ouvrages violents contre les jansénistes. A
la mort du père de La Chaise ( voy . ce nom ) Le-
tellier était provincial de son ordre. Le roi avait
promis à son confesseur de choisir, lorqu'il l'au-
rait perdu , pour directeur de sa conscience un
autre jésuite. Voici comment l'auteur de la Vie
de M. de Cayhis, évêque d'Atixerre., raconte
le choix qui fut fait de Letellier : « M. de Cay-
lus tenoit de madame 'de Maintenon qu'après la
mort du père de La Chaise les jésuites pré-
sentèrent trois des leurs. Ils parurent en même
temps devant le roi. Deux tinrent la meilleure
contenance qu'ils purent ; et dirent ce qu'ils
ciurent de mieux pour parvenir au poste émi-
nent qui faisoit tant de jaloux ; le père Letellier se
tint derrière eux, les yeux baissés ) portant son
grand chapeau sur deux mains jointes et ne di-
sant mot. Ce faux air de modestie réussit ; le père
Letellier fut choisi. Il avait raison de baisser les
yeux; car il avait quelque chose de louche ou de
travers dans son regard. »
C'était d'ailleurs un homme de mœurs pures
et sévères; mais ardent, inflexible, couvrant la
violence de ses idées soUs un grand flegme ; il
s'était acquis une haute considération dans son
ordre par ses connaissances et par son zèle
pour la discipline: Duclos a peint Letellier
comme un homme dur, orgueilleux, violent, qui
dirigeait tout :j et dont les évêques suivaient
aveuglément les ordres. Le même écrivain ra-
conte que Louis XIV ayant demandé à Letellier
s'il était parent des Letellier de Louvois, le ré-
vérend père répondit en se prosternant : «Moi j
sire , je ne suis que le fils d'un paysan, qui n'ai
ni parents ni anvs. » Il fut tout d'abord chargé
de la feuille des bénéfices, et son zèle intolérant
se fit sentir dans ses choix ; mais le roi n'aimait
pas ceux du parti contraire. Son caractère âpre,
dominateur, implacable, se révéla bien vite. 11 af-
fectait une vie retirée et presque farouche; le
roi lui ayant demandé une fois pourquoi il ne se
servait pas pour ses voyages, comme son pré-
décesseur, d'un carrosse à six chevaux, il ré-
pondit que cela ne convenait pus à un homme
de son état. Letellier signala son crédit par la
destruction de Port-Royal. Il représenta au roi
cette maison comme le foyer dti jansénisme,
que Louis XIV détestait. Le roi hésitait pour-
tant à frapper cette maison, à cause du grand
nombre d'hommes illustres qui en étaient sortis.
On vantait beaucoup aussi la vie régulière de
ces pieux solitaires. Letellier revint plusieurs fois
à la charge, et obtint enfin l'ordre qu'il désira:!.
Le lieutenant de police d'Argenson , chargé de
1011
LÈTHALD
fragments de cette riehe épave. Aux premiers
coups portés contre l'animal, une voix humaine
est entendue sortant de ses entrailles : c'est la
voix de Within , qui conjure ses anciens com-
pagnons de respecter sa vie. Tout le peuple re-
cule aussitôt saisi d'effroi. On va chercher l'é-
vêque de Iiovicastra, qui^ suivi de tout son
clergé, se rond au rivage , et exorcise le démon
caché dans les flancs de la baleine. Aux exor-
cismes le pêcheur répond qu'il est Within, et ra-
conte son étrange aventure. On le dégage alors
de sa prison, et il est rendu à sa femme, à ses
enfants, qui après quelque hésitation finissent par
le reconnaître. Voilà le poëme deLéthald. Sous
le rapport de l'invention, il nemériteaucun éloge,
nous le reconnaissons volontiers ; mais pour des
vers du dixième ou du onzième siècle, ceux de
Léthald nous paraissent très-recommandables.
On y trouve des développements poétiques, des
réminiscences de Virgile et quelque recherche
du beau style. Comme poëte et comme prosa-
teur Lélhald mérite également cet éloge de dom
Ceillier : « On ne connaît guère d'auteurs dans
le dixième siècle qui aient écrit avec plus de po-
litesse. » B. Hauréau.
D. Ceillier, Hist. générale des Juteurs sacrés, t. XIX,
p. 717. — Hist. liti. de la fiance, t. VI, p. 528. — Apo-
logeticus Abbonis, apud. Pithoœum., Cod. Canon Fet,
Eccl. Rom., p. 400. —6. Hâuréau, Hist. Litt. du Maine,
t. II, pi.— Bulletin des Comités, t. I. p. 178.
lkthièke (Gtiillaume Guillon), peintre
français, né à Sainte-Anne ( Guadeloupe), le
lGjanvier 1760, mort à Paris, le 22 avril 1832.
Il était fiis naturel de Pierre Guillon, qui le re-
connut, à Paris, le 18 germinal an vu. Il reçut,
d'après Marchangy , le nom de Letiers, qu'il
changea plus tard en Lethiers, puis en Le-
thière, parce qu'il était le troisième enfant. Les
dispositions qu'il annonça dès l'enfance pour
la peinture décidèrent son père à l'envoyer en
France en 1774. Placé d'abord chez Descamps,
professeur à l'académie de Rouen, il y resta trois
ans, et fit des progrès rapides. Il vint ensuite
à Paris, et entra chez Doyen, peintre du roi, chez
qui il resta jusqu'en 1786. Ayant remporté le
grand prix à cette époque, il partit pour Rome
Il avait été témoin des efforts tentés par d'é-
minents artistes pour ramener la peinture à l'é-
tude de l'antique, et il était décidé à suivre cette
voie. Ses succès furent, grands à Rome et ses
études très-remarquées en France. On distingua
surtout son Junius Brutus. De retour à Paris
en 1792, il consolida sa réputation par de grands
ouvrages, qui lui valurent en 1811 d'être choisi
par la quatrième classe de l'Institut comme di-
recteur de l'Académie de Rome. Son ' mandat
lui ayant été renouvelé à l'expiration de son exer-
cice, il y resta dix ans. 11 s'y trouvait en 1815
lorsqu'il fut nommé membre de l'Académie des
Beaux-Arts; le roi refusa d'abord son approba-
tion , mais il finit par l'accorder. Revenu en
France, Lethière ouvrit un atelier d'où sortit
nombre de bons élèves, et il devint professeur de
— LETI 1012
l'École des Beaux- Arts en 1819. 11 fit quatre fois
le voyage d'Italie, d'Angleterre et d'Espagne. Ses
talents étaient variés; il traita l'histoire et le (
paysage avec supériorité; il peignait aussi l'ar-
chitecture en artiste habile. Ses personnages ont
du mouvement ; mais il exagère parfois le sen-
timent, soit par la violence, soit par une naïveté
cherchée; son dessin est correct, sans avoir as-
sez de caractère, et sa couleur est trop souvent
sans éclat. Ses principaux tableaux sont : Ju-
nius Brutus faisant exécuter ses fils ( 1801) ;
— Le Traité de Léoben (1806); — Vue de
la villa Médicis , palais de l Académie de
France à Rome (1817) ; — Énée et Didon sur-
pris par un orage, paysage historique ; — Vénus
sur les ondes ( 1819) ; — Saint Louis visitant
et touchant un pestiféré dans les plaines de
Carthage; — Esculape allaité par une chè-
vre ; — Rémus et Romulus allaités par une
louve; — Fondation du Collège royal de
France par François /«'"(1824) ; — L'héroïque
Fermeté de saint Louis à Damiette ( 1827);
— Virginius poignardant sa fille; — Philoc-
tète gravissant les rochers de Lemnos; — La
Madeleine aux pieds de Jésus-Christ, pour
l'église Saiht-Roch; — Homère chantant ses
poésies; — Le Jugement de Paris; — Her~
minie chez les bergers ; — Phorbas déta-
chant Œdipe enfant; — La Messe dans les
Catacombes ; — Le Départ d'Adonis; — La
mort d'Adonis; — Archimède ; — Sainte
Hélène découvrant la Vraie croix; — Le Pas-
sage du pont de Vienne ( 1830 ) ; — La Mort
de César; — La Défaite de Maxime par
Constantin, etc. L. L— t.
Ch. Gabet, Dict. des Artistes de l'École française au
dix-neuvième siècle. — L.-C. Soyer, àansVEncyclop. des
Gens du Monde. — P. Mantz, dans le Dict. de la Con-
vers , siippl.
Leti ( Gregorio ), fécond historien et libel-
liste protestant italien, né à Milan, le 29 mai
1630, mort à Amsterdam, le 9 juin 1701. Il entra
à dix où onze ans chez les jésuites de Cosenza,
et y fit ses études jusqu'en 1644, où son oncle
Agostino Francesco, évêqued'Aquapendente, l'ap-
pela à Rome pour lui faire suivre la carrière ec-
clésiastique. Leti raconte lui-même « que sa vie
n'était pas fort réglée, qu'il était quelque peu
scapestrato, qu'à force de vouloir lui inspirer
la dévotion et l'engager dans l'état ecclésiastique,
on l'avait dégoûté de l'une et de l'autre; que
s'étant accusé en confession de quelques galan-
teries, son confesseur n'avait rien trouvé de
mieux à lui ordonner, comme pénitence, que de
mâcher sept brins de paille d'un pied de long;
qu'enfin* la Providence a tellement disposé les
choses qu'il se trouve calviniste ». Voilà les ré-
ponses qu'il fait à sa maîtresse et à son oncle,
qu'il avait laissés à Aquapendente sans en
prendre congé. Son changement de religion fit
grand bruit en Italie; le célèbre Malpighi, le car-
dinal Delfino, le P. Noris et plusieurs autres pré-
lats ou savants cherchèrent à le ramener dans
1013
LETI — LETOUUNOIS
1014
le giron de l'Église. Leti vint s'établir à Genève
(mais 1661) ; plus tard on le retrouve en Angle-
terre historiographe de Charles 11 , mais son ca-
ractère d'indépendancedéplut tellement qu'il dut
bientôt quitter ce pays, et vint linir ses jours à
Amslerdain. Parmi ses nombreux écrits on cite :
Dialoghi historici, overo compendio histo-
rien delV Ilalia, e ilello stato présente de'
principi e republichc italiane; Genève,
1665, in-12; — Dialoghi Politiei, overo la
politica che usano in questi tempi i principi
e republiche italiane per conservare i loro
Stati e signoriè; Genève, 1666, 2 vol. in-12;
— Il IVipotismo di Roma; 1667 (Amsterdam);
trad. en français et en hollandais, (669,2 vol.
in-12; — Vita de Sislo V, poMijice romuno;
Lausanne, 1669, iri-1 2 ; réédité con un o.ggntnta
di due terzi depiu, etc.; Amsterdahi, 1686,
2 vol. in-S°,avec grav.; trad. en français : La
Vie du pape Sixte V, etc., Paris, 1093, 2 vol;
in-12; — Eur'opa gelosa, à gelosia de' prin-
cipi d'Europa; Colonid (Genève), 1672, in-121;
— L'italia régnante, overo descrittione dello
stato présente di tutti Principali e Repu-
bliched'lialia; Genève, 1675, 4 vol. in-12; —
Itinerario délia Cor te di Roma, overo teatro
délia sede apostolica, dataria e caneellaria
roman a ; Valenza (Genève), 1675, 3 vol.
in-12; — Vita del calolico rè Filippo II, mo-
narcha délie Spagne ; Coligny (Genève), 1679,
2 vol. in-4° ; — Historia Genevrina ,• Amster-
dam, 1686, 5 vol. in-12. La première partie avait
paru en anglais à Londres ett 1681. L'auteur n'y
ménage pas les Genevois; — Ritratti historici,
politiei, chronologici délia Casa sereMsshna
eelettorale de Brandeburg, deux parties ; Ams-
terdam, 1687; trad. en français par l'auteur,
Amsterdam, 1687, in-12; — La Monarchia
universale del re Luigi XIV, en deux parties;
Amsterdam, 1689, in-12. Ici l'auteur, qui avait
fait le panégyrique de Louis XIV, attaque vive-
ment ce monarque, contre lequel il appelle l'Eu-
rope entière : il est vrai qu'alors Louis XIV ve-
nait de révoquer l'édit de Nantes ; — Historia,
overo vita di Elizabetta, regina de Inghil-
terru, Amsterdam, 1693, 2 parties, in-12; trad.
en français, Amsterdam, 1694, 2 vol. in-12; —
Vita delV invWissimo imperadore Carlo V ;
Amsterdam, 1700, quatre parties, avec gravures
in-12. L— z— e.
Lelong, Bibliothèque Historiques (supplément), p. 387.
— Des Maizeaux, Notes sur 1rs Lettres de Bayle. — Ki-
céron , Mémoires pour servir à l'histoire de ta litté-
rature françoise, t. Il, p. 359-379, et t. X, p. 101-102. —
Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire des Pays-
Bas, t. 11, p. 371-391.
leto (Giulio Pomponio). Voy. Pomponics.
l'étoile. Voy. Lestoile.
le toïtrivecr ( Charles- Lou\ s-François •
Honoré ), homme politique et administrateur
français, né à Granville, en 1751, mort àLacken, le .
4 octobre 18t7. Il était capitaine dng<;nieenl789.
Il accepta les principes révolutionnaires, et fut dé-
puté de la Manche à l'Assemblée législative et à la
Convention. Il aida souvent Carnot dans ses com-
binaisons militaires, et devint un des membres les
plus actifs du comité de la guerre. Lors du
procès de Louis XVI, il vota pour l'appel au peu-
ple , puis pour la mort et contre le sursis. En oc-
tobre 1796, il fut élu membre du Directoire exé-
cutif, et en sortit en mai 1797 (prairial an v),par
suite de tirage au sort. Plus tard il devint ins-
pecteur général de l'artillerie et l'un des pléni-
potentiaires chargés de négocier la paix avec
l'Angleterre. En 1800 il fut nommé préfet de la
Loire-Inférieure, et passa à la cour des comptes
en 1810. Il fut banni en 1816, comme régicide,
et mourut dans 1 exil. H. L.
Le Moniteur général, an. 1792, n°»39, 210. 261, 290, 317,
343; an 1er 11, m, iv, v, vi passirn.— IM.Thiers, Histoire
de la Révolution française, t. V et VI, passim. — Mlgri'et,
Histoire de la Révolution, l. IV. — Arnault, Jay, Jouy,
Biographie des Contemporains.
letourneux (Nicolas), prédicateur et
théologien français, né à Rouen, le 30 avril
1640, mortàParis,le 28 novembre 1686. Fils de
parents sans fortune, il fut envoyé chez les jé-
suites à Paris. Après avoir fait sa philosophie au
collège des Grassins, il devint vicaire d'une pa-
roisse de Rouen , où il se distingua par la prédi-
cation. En 1675 il remporta un prix à l'Académie
française. Venu à Paris, il obtint un bénéfice à la
Sainte-Chapelle et une pension du roi. Louis XIV
demandait un jour à Boileau qui était ce prédi-
cateur qu'on nommait Letourneux et auquel
tout le monde courait? — «Sire, réponditle poète,
Votre Majesté, sait qu'on court toujours à la nou-
veauté : c'est un prédicateur qui prêche l'Évan-
gile. Quand il monte en chaire, il fait si peur par
sa laideur qu'on voudrait l'en voir sortir; et
quand il a commencé à parler, on craint qu'il
n'en sorte. » Nommé prieur de Villiers-sur-Fère,
en Tardinois, Letourneux se retira dans son
prieuré, et y vécut dans la retraite. 11 mourut
subitement, à Paris. Attaché aux sentiments des
solitaires de Port-Royal, il avait eu à subir quel-
ques désagréments. On cite de lui : Le Caté-
chisme de la Pénitence; 1676, in-12 ; — Prin-
cipes et Régies de la vie chrétienne ; 1688,
in-12; — Explication littéraire et morale de
l'Épttre de saint Paul aux Romains; 1695,
in-12;— Vie de Jésus-Christ, etc. Sa tra-
duction du Bréviaire fut censurée par l'official
de Paris en 1688 * et Arnauld prit sa défense.
L'Année chrétienne, que Letourneux faisait im-
primer à sa mort, et que Ruth d'Ans continua,
fut condamnée à Rome sous Innocent XI, en
•1691. L'Explication des Cérémonies de la
Messe, de Letourneux , mise en tête d'une tra-
duction de l' Imitation de Jésus-Christ, l'a fait
prendre à tort pour l'auteur de cette traduction,
que Goujet attribue à Nicolas Fontaine. J. V.
iflorérl) Grand Oirt. Histor. — Chaudon et Delandine,
Dict.nniv. Hislor., Crit. et Bibliogr.— Barbier, Dissert.
sur soixante Trad. de J'imit. de Jesus-Christ.
letournois (Nicolas), savant bénédictin
français, né au Havre, le 22 février 1677, mort à
1015 LETOURNOIS
l'abbaye de Saint-Denis près Paris, le 31 décem-
bre 1741. Après avoir été marin pendant quel-
ques années , il entra dans la congrégation de
Saint-Maur, et s'adonna principalement à l'étude
des langues orientales, et fut chargé par ses supé-
rieurs de terminer le Lexicon Hebraicum et
Chaldseo-Biblïcum , que Dom Guarin (voy. ce
nom) avait conduit jusqu'à la syllabe Mem. Le-
tournois acheva ce travail , sauf les deux der-
nières lettres de l'alphabet ; l'ouvrage complet
parut à Paris, en 1746, 2 vol. in-4°. E. G.
Histoire de la Congrégation de Saint-Maur.
letronne (Jean- Antoine), célèbre critique
et archéologue français , né à Paris, le 2 janvier
1787, mort dans la même ville, le 14 décembre
1848. Son père, artiste graveur, sans fortune, le
destina à la carrière des beaux-arts, et le fit en-
trer dans l'atelier de David. Le jeune Letronne,
alors âgé d'une dizaine d'années, n'avait reçu
qu'une éducation première très-élémentaire;
mais, doué d'un très-vif désir d'apprendre, d'une
intelligence singulièrement nette et d'une mé-
moire tenace, il savait déjà beaucoup de choses,
et tout en fréquentant l'atelier de David il trouva
moyen de s'instruire dans le latin et les mathé-
matiques. Ses progrès dans ce dernier genre
d'études changèrent à son égard les projets de
son père, qui résolut de le faire entrer à l'École
Polytechnique, dont l'accès était alors gratuit.
Letronne se préparait à passer ses examens
quand un malheur de famille le força de renon-
cer à l'École Polytechnique. Son père mourut en
1801, laissant sans ressources une veuve et
deux fils. Letronne, l'aîné, qui n'avait pas encore
quinze ans, dut chercher les moyens de soutenir
sa mère et son frère. Mentelle , professeur de
géographie, dont il suivait le cours à l'école cen-
trale, frappé de son intelligence et de son ardeur
au travail , s'intéressa à sa position, et le prit
pour collaborateur dans diverses compilations
(Dictionnaire de Géographie moderne, Géo-
graphie de toutes les Parties du Monde (1) ),
et lui procura des leçons de latin et de mathéma-
tiques. Avec ce qu'il gagnait chez Mentelle et le
produit de ses leçons, il mit sa mère à l'abri
du besoin et aida son frère à poursuivre l'étude
de la peinture. Libre d'inquiétude de ce côté,
il put « réaliser un projet qu'il avait conçu, dit
M. Walckenaër, aussitôt après avoir terminé
ses études; c'était de les recommencer ». Il
réapprit donc seul le latin , l'anglais , les ma-
thématiques, et se livra surtout avec ardeur à
i'étude du grec, en suivant au Collège de France
le cours de Gail, helléniste médiocre, mais qui
avait la passion du grec, et qui contribua à en
ranimer le goût. Il montrait dès lors ce qui de-
vait être sa qualité dominante , une étonnante
promptitude à deviner ce qu'il ne savait pas.
Ainsi, à une époque où il ne possédait que des
(1) Lelronne publia plus tard sous son nom un Cours
élémentaire de Géographie ancienne et moderne, qui a
eu un grand nombre d'éditions.
— LETRONNE
tOlG
notions grammaticales fort incomplètes sur là
langue grecque, il s'exerçait déjà à la correction
des textes. « Il achetait à vil prix les éditions
les plus incorrectes des auteurs grecs, celles qui
dans les premiers temps du renouvellement des
études étaient souvent imprimées d'après un
seul manuscrit exécuté par un copiste ignorant.
Il faisait, en lisant, toutes les corrections qui lui
paraissaient nécessaires pour rétablir le sens des
phrases et l'orthographe des mots ; quand il
avait terminé de cette manière la lecture d'un
auteur, il la recommençait dans l'édition la plus
estimée , la plus correcte , la plus riche par ses
commentaires , et il comparait ensuite son tra-
vail improvisé avec le travail accumulé des éru-
dits qui l'avaient précédé depuis deux siècles et
demi. » Le jeune étudiant abordait donc presque
sans préparation une des parties les plus diffi-
ciles de la critique , et sans doute il y réussis-
sait souvent plus par instinct que par savoir. On
assure même qu'il ne connut jamais parfaite-
ment la grammaire grecque, ce qui faisait dire
au grand helléniste allemand Godefroy Her-
mann : « Il ne sait rien , mais il a de la saga-
cité. » Letronne avait mieux que de la sagacité,
il avait le génie critique. Un passage difficile de
Thucydide lui fournit la première occasion de
montrer ce genre de mérite. Gail dans sa tra-
duction n'avait pas même aperçu la difficulté.
Letronne la signala, et la fit disparaître par une
heureuse correction. La petite dissertation qu'il
publia à ce sujet dans les Annales des Voyages
(1808) fut remarquée ; Gail y donna son assenti-
ment, et proposa au jeune érudit de nouvelles
difficultés à résoudre. Mais la santé de Letronne,
affaiblie par l'excès du travail, ne lui permit pas
de répondre à cet appel. 11 accepta une offre
qui lui fut faite de suivre un riche étranger dans
ses voyages. D'octobre 1810 à juin 1812, il par-
courut le midi de la France, l'Italie et la Suisse.
De retour à Paris, il s'annonça aux érudits par
une lettre où il corrigeait plusieurs passages
d'Eunape, de Thucydide, de Plutarque, de
Pausanias et d'autres auteurs; par une disserta-
tion où il déterminait la topographie de Syra-
cuse pour servir à l'intelligence du siège de cette
ville dans Thucydide, et surtout par une édi-
tion du livre Sur la Mesure de la Terre, com-
posé en Irlande au commencement du neuvième
siècle par le moine Dicuil. Walckenaër, qui l'avait
publié pour la première fois d'après deux manus-
crits fautifs, promettait d'en donner une seconde
édition avec des corrections et un commentaire.
Letronne prit les devants, et il soumit son tra-
vail au premier éditeur, qui l'approuva de très-
bonne grâce, et engagea M. Firmin Didot à le
publier. Cet ouvrage (1814) et un excellent ar-
ticle sur le Pausanias de Clavier valurent au
jeune géographe l'honneur d'être choisi par le
gouvernement en 1815 pour terminer la traduc-
tion de Strabon commencée par Laporte-Dutheil.
En même temps l'Académie des Inscriptions,qui
1017
désirait le compter parmi ses membres, mit au
concours une question qui rentrait dans l'ordre
de ses études, Le Système métrique des Égyp-
tiens , et couronna le mémoire, d'ailleurs bien
imparfait, qu'il composa à ce sujet. Mais, dans
l'intervalle , il entra à l'Académie des Inscrip-
tions par l'ordonnance du 22 mars 1816, et l'o-
pinion publique , sévère pour d'autres membres
de l'Institut qui devaient leur titre à la môme me-
sure , n'en voulut pas à Letronne de tenir de la
faveur royale ce qu'il aurait certainement ob-
tenu de l'élection académique. Il était de ceux à
qui tout réussit. Agé de vingt-neuf ans, et n'en
paraissant guère plus de vingt, il aimait le
monde et y était recherché. Il y portait « l'ala-
crité d'esprit et de corps d'un artiste ou d'un
écolier qui, pour se délasser, s'est échappé de
son atelier ou de sa classe. Ses manières, libres
et faciles , sa parole, prompte et brève, qui au-
raient déplu dans un autre, plaisaient en lui,
parce qu'elles ajoutaient à cet air d'adolescence
qui réjouissait en le voyant. 11 chantait agréa-
blement. Ii parlait gaiement de choses sérieuses,
et sérieusement de peinture , de musique et de
romans (1) ». Cet heureux érudit obtint la bien-
veillance des ministres et des gouvernements qui
de son vivant se succédèrent en France. Direc-
teur de l'École des Chartes en 1817, il fut nommé
en 1819 inspecteur général de l'université et ap-
pelé en 1831 à la chaire d'histoire du Collège de
France. Il échangea l'année suivante sa place
d'inspecteur général des études contre celle de
conservateur des antiques de la Bibliothèque
royale, et devint le 12 novembre 1832 direc-
teur-président du conservatoire de cette biblio-
thèque. Il fut nommé en 1838 administrateur
du Collège de France, et quitta la chaire d'histoire
pour celle d'archéologie. Enfin , il succéda en
1840 à Daunou comme garde général des archives
du royaume. A toutes ces places il ajoutait de
nombreuses distinctions académiques, car la
plupart des corps savants et littéraires de l'Eu-
rope tinrent à se l'attacher. Il porta légèrement
le poids de tant d'occupations, et trouva du
temps pour les devoirs de famille. Quoique ri-
chement marié, il voulut faire lui-même l'édu-
cation de ses enfants.
L'énumération des travaux de Letronne peut
seule donner une idée de son activité intellec-
tuelle; mais avant de citer ses ouvrages il im-
porte de bien caractériser son talent et d'indi-
quer les principales questions auxquelles il
l'appliqua. Letronne était , dans toute la force du
terme, un esprit critique, c'est-à-dire qu'il
excellait à discerner dans une agrégation de faits
les éléments positifs des éléments fictifs , et une
fois le partage accompli avec une sûreté de coup
d'oeil qui n'était presque jamais en défaut , il
excellait à reformer avec les seuls éléments po-
sitifs une agrégation nouvelle. Ce pouvoir de dé-
fi) Walckenaër, Éloge delLetronne.
LETRONNE 1018
truire et de reconstruire était porté chez lui à
un degré de précision extraordinaire; mais Le-
ttonne s'enfermait dans des limites relativement
étroites. Sans beaucoup d'élévation ni grande
initiative, il avait presque toujours besoin d'un
point de départ extérieur ; il lui fallait quelque
préjugé bien accrédité à détruire, quelque il-
lustre confrère à convaincre d'erreur ou de sot-
tise. La polémique était essentiellement dans ses
goûts , et bien qu'elle lui ait inspiré quelques-uns
de ses meilleurs ouvrages, et qu'il y ait déployé
les plus rares qualités, la sûreté des vues, la
variété du savoir, la finesse du jugement, la
netteté du style, la vivacité ironique de l'argu-
mentation, on peut regretter qu'il se soit trop
complu dans ces discussions , surtout si elles
l'ont empêché d'achever ses travaux sur l'Egypte,
l'étude favorite de sa vie et son principal titre de
gloire.
L'expédition d'Egypte et le grand ouvrage
qui exposa les résultats scientifiques et littéraires
de l'occupation française avaient mis ce pays à
la mode. Les érudits de cette époque aimaient à
chercher dans le voisinage des pyramides le ber-
ceau de la civilisation grecque, comme d'autres
savants le cherchent aujourd'hui dans l'Inde et
dans l'Assyrie. Ils attribuaient à la civilisation de
l'Egypte une antiquité prodigieuse, qui leur pa-
raissait attestée par des planisphères célestes ou
zodiaques découverts à Esneh et à Denderah.
Dupuis s'était servi des mêmes planisphères
comme d'un témoignage irrécusable de l'origine
astronomique de toutes les religions y compris
le christianisme; de sorte que ces zodiaques
fournissaient à la fois des arguments contre l'o-
riginalité de la civilisation grecque et la divinité
du christianisme. Letronne démontra que, loin
de remonter à une haute antiquité , ils datent du
temps des empereurs romains. Cette belle dé-
couverte, que toutes les recherches subséquentes
sur l'Egypte ont pleinement confirmée , fit éva-
nouir le système de Dupuis et bien d'autres hy-
pothèses ; elle faisait prévoir de nouvelles dé-
couvertes. En effet, en étudiant avec soin les
nombreuses inscriptions rapportées d'Egypte,
Letronne parvint à déterminer avec une préci-
sion jusque là inconnue la chronologie des Pto-
lémées, et cette fois encore il eut le plaisir de
voir ses conjectures confirmées par les investi-
gations postérieures. Ces découvertes donnèrent
à Letronne une sorte d'autorité supérieure dans
tout ce qui concernait l'Egypte, et il vit af-
fluer dans son cabinet toutes les inscriptions
grecques et latines que les voyageurs rappor-
taient de ce pays. Il s'occupa de les restituer,
de les interpréter, de les commenter, et se ré-
serva d'en faire un recueil complet, qui devait
être le couronnement de sa carrière. Comme
spécimen de son habileté dans ce genre de tra-
vaux, il publia un mémoire instructif et pi-
quant sur la statue de Memnon. On sait que les
Grecs avaient donné le nom de leur poétique
1019
LETRONNE
1020
Memnon, fils de Tithon et de l'Aurore, à une sta-
tue colossale trouvée dans le Memnonium
( quartier des tombeaux) de Thébes. Ce colosse,
fendu à moitié par suite d'un tremblement de
terre, faisait entendre au lever du soleil des sons
harmonieux ( à ce que prétendent poétiquement
les touristes grecs ou romains dans les nom-
breuses inscriptions) ou plutôt une vibration
reiii,;issante. Les beaux esprits d'Alexandrie et
de Rome trouvaient assez naturel que le fils de
l'Aurore saluât sa mère par un chant matinal ;
mais cette explication ne pouvait suffire aux
modernes, qui en imaginèrent plusieurs, entre
autres celle-ci : qu'un prêtre caché dans le co-
losse faisait entendre les sons merveilleux (1).
Letronne, en interprétant avec sa sagacité ordi-
naire les inscriptions recueillies par Sait (2),
prouva que les sons plus ou moins harmonieux
de la statue étaient un effet de la dilatation pro-
duite par les rayons du soleil sur le colosse à
moitié fendu. En effet la statue n'avait com-
mence à chanter qu'après le tremblement de
terre de l'an 27 avant J.-C, et quand on eut
réparé le colosse les chants cessèrent.
Sur d'autres questions qui étaient moins de
sa compétence, la peinture murale chez les an-
ciens , les antiquités du moyen âge , à propos du
prétendu cœur de saint Louis trouvé derrière le
maître-autel de la Sainte Chapelle de Paris,
Letronne montra autant de perspicacité et d'as-
surance ; mais s'il releva avec une finesse impi-
toyable les erreurs de ses adversaires , il en
commit lui-même de nombreuses. On voyait
bien qu'il n'était pas là sur son terrain. Cepen-
dant, même en archéologie , il atteignit vite une
véritable supériorité (3), qu'il déploya un peu
trop souvent aux dépens de ses confrères.
Mais ces travaux, si variés et en général ex-
cellents, n'étaient que des épisodes de sa carrière,
et il revenait toujours à son recueil des inscrip-
tions de l'Egypte. Il en avait réuni sept cents
grecques et latines. Il les divisa en trois classes :
Inscriptions relatives à la religion; inscrip-
(1) Strabon chez les anciens inclinait déjà vers cette
hypothèse.
(2) La Société littéraire royale de Londres, formée en
1821 sur le pl;in de l'Académie des Inscriptions, fit rele-
ver par le consul anglais en Egypte, Sait, les inscriptions
du colosse de Memnon données déjà, mais moins parfai-
tement, par Pockoke. La Société transmit ces copies à
Letronne, qu'elle avait inscrit parmi ses membres hono-
raires.
(3) M. Maury en c\te un curieux exemple. «Il s'agissait
d'expliquer < dans une inscription apportée de Beyrout )
les deux derniers mots qui suivaient une ligne effacée et
qui avaient été eux-mêmes incorrectement transcrits.
Les lignes précédentes, également incomplètes, sem-
blaient n'avoir aucune liaison avec ces derniers mots
problématiques. A force de les méditer et de rechercher
tout ce qui pouvait se rapporter au pays dans lequel
l'inscription avait été trouvée, à l'époque qu'elle indiquait
par sa forme et sa teneur, Letronne arriva à conclure
l'existence d'un aqueduc romain, élevé sur des arcades,
et dont il donna pour ainsi dire les dimensions et dé-
termina la place. Un habile voyageur alla sur les lieux,
et l'aqueduc, inconnu jusque alors, fut retrouve : il était
encore en partie debout, a
tlons relatives au gouvernement et à l'intérêt
privé et administratif; inscriptions chré-
tiennes. La première partie a seule paru, et forme
deux volumes avec un atlas. Letronne avait l'in-
tention de joindre à ce grand ouvrage un recueil
plus intéressant et peut-être plus neuf; c'est le
texte des papyrus trouvés dans les tombeaux de
l'Egypte, et qui, interprétés, commentés avec le
savoir et la sagacité de l'habile critique, avaient
révélé les particularités les plus essentielles de
l'administration et les détails les plus intimes de
la vie domestique des Égyptiens. Malheureuse-
ment une mort que la robuste santé de Letronne
ne faisait pas prévoir l'enleva avant qu'il eftt
terminé son œuvre.
On a de lui : Essai critique sur la topogra-
phie de Syracuse au commencement du cin-
quième siècle pour faire suite aux éditions et
traductions de Thucydide; Paris, 1812, in-8°;
— Recherches géographiqttes et critiques sur
le livre De Mensura orbis Terrae, composé en Ir-
lande, au commencement du neuvième siècle,
par Dicuil, suivi du texte restitué; Paris,
1814, in-8°; — Recherches sur les fragments
d'Héron d'Alexandrie, on histoire du sys-
tème métrique des Égyptiens depuis le règne
des Pharaons jusqu'à l'invasion des Ara-
bes, mémoire couronné par l'Académie des Ins-
criptions en 18 j 6, et publié après la mort de
Fauteur; — Considérations générales sur
l'évaluation des monnaies grecques et ro-
maines et sur la valeur de Vor et de l'argent
avant la découverte de l'Amérique; Paris,
1817, in-4°; — Recherches pour servir à l' his-
toire d'Egypte pendant la domination des
Grecs et des Romains; Paris, 1823, in-8p; —
Observations critiques et archéologiques sur
l'objet des représentations zodiacales qui
nous restent de l'antiquité; Paris, 1824,
in-8° ; — Lettre à M. Joseph Passalacqua sur
un papyrus grec et sur quelques fragments
de plusieurs papyrus appartenant à sa col-
lection d'antiquités égyptiennes ; 1826, in-8°;
— Analyse critique du recueil d'inscriptions
grecques et latines de M. le comte de Vidua ;
1828, in-8°; — Essai sur les idées cosmo logi-
ques qui se rattachent au nom d'Atlns , con-
sidérées dans leurs rapports avec les repré-
sentations antiques de ce personnage fabu-
leux; dans le Bulletin de Férussac, février
1831 ; — Matériaux pour servir à l'histoire
du christianisme; Paris, 1833, in 4°; — La
Statue vocale de Memnon considérée dans ses
rapports avec l'Egypte et la Grèce; Paris, 1833,
in-4° ; — Lettres d'un Antiquaire à un Artiste
sur l'emploi de la peinture historique murale
dans la décoration des temples et des autres
édifices particuliers chez les Grecs et les Ro-
mains; Paris, 1835, in 8° ; — Appendice aux
Lettres d'un Antiquaire à un Artiste sur l'em-
ploi de la peinture murale; Paris, 1837,
in-8°; — Sur l'Origine grecque des Zodiaques
1031
LETRONNE
prétendus égyptiens; Paris, 1837, in-8°; —
Sur l'Origine du zodiaque grec et sur plu-
sieurs points de l'uranographie et. de la
chronologie des Chaldéens; Paris, 1840, in-4°;
— Fragments des poëmes géographiques de
Srymnus de Chio et du faux Dicéarque res-
titués principalement d'après un manuscrit
de la Bibliothèque royale, précédés d'obser-
vations littéraires et critiques sur ces frag-
ments , sur Scylax, Marcien d'Héraclée, Isi-
dore de Charac , et le Stadiasme de la Mé-
diterranée, pour servir de suppl. à toutes
les éditions des Petits Géographes grecs ;
Paris. 1840, in-8°; — Examen critique de la
découverte du cœur de saint Louis faite à la
Saintc-C/utpeUc, le iâmai 1843; Paris, 1844,
in-8°; — Addition à ^'Examen critique de la
découverte du prétendu cœur de saint Louis ;
sur l'authenticité d'une lettre de Thibaud,
roi de Navarre, relative à la mort de saint
Louis ; — Recueil des inscriptions grecques et
latines de l'Egypte, étudiées dans leur rap-
port avec l'histoire politique , l'administra-
tion intérieure, les institutions civiles et
religieuses de ce pays, depuis la conquête.
d'Alexandre jusqu'à celle des Arabes ; Paris,
1842, 1848, 2 vol. in-4°. Ces ouvrages ne con-
tiennent qu'une partie des productions de Le-
tronne; il a inséré dans le Magasin encyclopé-
dique, le Bulletin universel de Ferussac, les
Mémoires de l'Académie des Inscriptions, la
Biographie universelle, la Revue des Deux
Mondes, la Revue archéologique , et surlout
dans le Journal des Savants, dont il fut depuis
1817 le collaborateur assidu, une foule d'articles
d'un grand mérite. 11 est à désirer qu'un éditeur
réunisse ces opuscules qui formeraient un tré-
sor d'érudition classique et de discussion cri-
tique. L. J.
Burnouf et Quatremère, Discours prononcés aux
lunérailles de Letrorine ; Paris, 1848. — Egger, Notice
sur Letronne ; dans le Journal de l'Instruction publique,
30 décembre 1848. — Maury , Notice, dans la Revue Ar-
chéologique. 1849, t. V, et dans I.e Moniteur, mai, 4 et S,
1853. — Walk enàfir, kloue de Letronne; dans son Re-
cueil de A'ntices historiques ; Paris, 1850.— Bourquelot et
Maury, La Littérature Française contemporaine.
letrosse (Guillaume-François) , publi-
ciste et économiste français, né à Orléans, le
13 octobre 1728, mort à Paris , le 26 mai 1780.
Son père était conseiller au bailliage et présidial
d'Orléans. Installé en 1753, comme avocat du
roi à la même cour, Letrosne conserva cet office
pendant vingt-deux ans. Ses principaux ouvrages
sont : Methodica Juris naturalis cum jure
civiii collatio; 1750, in-4°; — Discours sur
le droit des gens et sur l'état politique de
l'Europe ; Amsterdam (Paris), 1762, in-12; —
La Liberté du commerce des Grains toujours
utile et jamais nuisible; Paris, 1764, 1765,
in-12; — Éloge historique de M. Polhier,
1773, in-12 ; — De l'Ordre et de l'Intérêt so-
cial; Paris, 1777, in-8°; — Vues sur la Jus-
tice criminelle; Paris, 1777, in-8°; — De
— LETTSOM 1022
l'Administration provinciale, et delà Réforme
de l'impôt , suivi d'une Dissertation sur la
Féodalité; Bâle, 1779, in-4° : ouvrage couronné
par l'Académie de Toulouse; — Mémoires, Con-
sultations, Actes de notoriété et Délibérations
sur la question du jeu de fief et le sens de
l'article 7 de la Coutume d'Orléans ; Orléans,
1780, in- i". Les œuvres économiques de Le-
trosne ont été réimprimées dans la Collection
des principaux Économistes de Guillaumin.
J. V.
Eug. Daire, Notice dans la Collection des principaux
Économistes .- Physiocrates. — . Dict. de l'Économie po-
litique.
*!.etteris (Maximilien), orientaliste al-
lemand, d'origine hollandaise, naquit à Lem-
berg, en 1801. Versé dans la science rabbinique,
cjocteur en philosophie et membre de plusieurs
sociétés savantes, il a publié : des recueils de
poésies hébraïques, imitées d'Homère, de Vir-
gile, deSchiller, de Byron, etc.; 1S29 et 1834;
— Imitation hébraïque A'Esther et d'Athalie de
Racine; — Poésies, du moyen âge en hébreu,
avec des commentaires, et trad. allem. ; Prague,
1845-1847, in-8°; — des Commentaires de
l'Ancien Testament, et un grand nombre d'ar-
ticles dans des journaux ou recueils périodiques
qu'il a fondés à Vienne.
Docum. part.
lettice (Jean), théologien et poète anglais,
né à Rushden,dansle comté deNorthampton, en
1737, mort à Peasemarsh, le 18 octobre 1832.
Fils d'un ministre anglican, parent du docteur
William Cleaver, évêque de Saint-Asaph et du
docteur Eusèbe Cleaver, archevêque de Dublin.
Il fut élevé à l'école d'Oakham et admis en
1756 au Sidney-Sussex-collége à Cambridge. A
la mort de son père, il put poursuivre ses études
académiques. Agrégé, puis professeur public et
prédicateur de l'université, il remporta en 1764 le
prix Seatonien pour un poème Sur la Conversion
de saint Paul, et il traduisit en vers blancs le
poëmelatin deHawkins BrowneSî<r l'Immorta-
lité de rdme.Ilaccompagna sir Robert Grunning
comme chapelain et secrétaire de l'ambassade
anglaise à Copenhague, et assista à la révolution
de palais qui, en 1772, coûta la vie à Struensée
et la couronne à la reine Caroline-Mathilde.
Lettice visita diverses contrées de l'Europe , et
obtint au retour la cure de Peasemarsh-, dans le
Sussex, et une prébende de la cathédrale de
Chichester. On a de lui : The Antiquities of
Herculanum ; 1773; — Tour through various
parts oj Scotland; 1792; — Fables for the
fire side; 1812, 2 vol. in-8°; — Structures on
Elocution ; 1821 ; — Miscellaneous Pièces on
sacrcd subjects in prose and verse; 1821. Z.
Annual Bioyraphy. — Gorton, General Hiographical
Dictionary.
lettsoih (John Coakley), mé-decin anglais,
né en 1744, dans l'île de Little-van-Dyke, près
de Tortola, dans les Indes occidentales, mort à
Londres, le 1er novembre 1815. Sa famille, origi-
1023 LETTSOM
naire du' comté de Chester, avait embrassé les
doctrines des quakers. A six ans Lettsom fut
envoyé en Angleterre et placé à une école près
de Warrington , où le docteur Fothergill sur-
veilla ses études. Après avoir appris les belles-
lettres, la physique, l'histoire naturelle et les
éléments de la médecine, il passa quelque temps
dans une pharmacie de Settle, dans le Yorkshire,
selon un usage habituel alors en Angleterre ,
afin de se familiariser avec la matière médicale.
Il entra ensuite à l'hôpital de Saint-Thomas.
Obligé de retourner aux Indes occidentales pour
recueillir la succession de son père, il y donna
la liberté à ses esclaves, et réduisit ainsi sa for-
tune; il lui resta seulement les moyens de
revenir en Europe achever ses études. Il visita
la France, la Hollande et l'Ecosse, fut reçu doc-
teur à Leyde, et vint se fixer à Londres. On a de
lui : The natural History of the Thea-Tree ,
and effects of thea-drinking ; Londres, 1772,
1784, 1800, in-4°; traduit en français, 1773,
in-12; — The Naturalist's and Traveller's
Companion, containing instructions for col-
lecting and preserving objects of natural
history; Londres, 1772, 1774, 1800, in-8° ; tra-
duit en français par le marquis] de Lezay-Mar-
nesia; Paris, 1775, in-12; — Reflections on
the gênerai Treatement and Cure of Fevers ;
Londres, 1772, in-8" ; — Médical Memoirs of
ihe gênerai Dispensary o/London; Londres,
1024
1774, in-4o; traduit en français, Paris/; 1787,
in-8o ; — Improvement o/Medecinein London,
on the basis of public good ; Londres, 1775,
in-8° ; — History of the Origine of Médecine
and Oralion delivered at the anniversary
meeting o) the Médical Society of London,
january 19, 1778, to which are since added
varions historical illustrations; Londres,
1778, in-8°; — Hortus Uptonensis ; 1780,
in-8° ; — Some Account of the Life of the late
John Fothergill; Londres, 1783, in-8°; —
Hints designed to promole beneficence, tem-
pérance and médical science; Londres, 1797,
3 vol. in-8° ; — Observations on religions
persécutions; Londres, 1800, in-8°; — Obser-
vations on the Cowpox't Londres, 1801,in-8°;
— An Address to Parents and Guardians of
Children and others on variolous and vac-
cine inoculation ; Londres, 1803, in-8°. Lettsom
a été l'éditeur de Travels through the interior
part of North America, in the years 1766,
1767 and 1768, byJ. Carver ,-1774, 1778,1780,
in-8°; etde/l/owHo/o/a Voyage lo the South
Sea in his majestifs ship the Endeavourer,
faithfully transcribed from the papers of
the late Sydney Parkinson; Londres, 1784,
in-8°. L. L— t.
Pettlgrew , Memoirs of the Life and Jfritings of the
late Dr IMtsom: Londres, 1817, 3 vol. in-8°. — Rose, A
new gen. Biog. Dictionary. — Desgenettes, dans la Bio-
graphie Médicale.
FIN BU TRENTIEME VOLUME.